Mobilites Du Lignage Anglo-normand De Briouze Mi-xie Siecle-1326 (Histoires De Famille. La Parente Au Moyen Age, 22) (French Edition) 9782503592480, 2503592481

La famille de Briouze se désigne elle-même, depuis le milieu du xie siècle, par un toponyme, en référence au centre orig

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Remerciements
Table des matières
Abréviations
Préface
Introduction. Sur les traces des Briouze
Un lignage hybride et mouvant : de la topolignée à la « supra-lignée »
Corpus documentaire et structure lignagère
Méthodologie de la monographie, entre modèles et particularismes
Mobilités et lignage
La capacité d’adaptation des Briouze aux mobilités
Première partie: 1066-1175
Des seigneurs pionniers
Briouze, du toponyme à la topolignée
Gunnor, l’aïeule du lignage
Un père volontairement oublié
La seigneurie nouvelle de Briouze aux confins du duché
Réseaux locaux d’influence
Briouze dans le dispositif défensif frontalier de la Normandie avant 1066
Guillaume Ier de Briouze (c. 1030-c. 1095), de Briouze à Bramber, gardien des frontières du monde anglo-normand
Briouze, contrepouvoir à la puissance des Bellême
Guillaume Ier de Briouze et la conquête de l’Angleterre
La fidélité des Briouze face à l’instabilité du pouvoir (1087-1154)
Philippe (c. 1060 – 1126)
Guillaume II de Briouze (c. 1110 – c. 1175) dans la guerre civile
Conclusion : Distance entre les Briouze et le pouvoir royal
Tripolarité castrale
Briouze, en bordure du marais du Grand Hazé
Bramber, dans l’estuaire de l’Adur
Radnor, sur un éperon rocheux de la Radnor Forest
Conclusion : À la conquête de l’ouest
Fondations bénédictines
Le fief de Briouze, entre idéal aristocratique et réalité monastique
L’abbaye de Lonlay et Briouze : le regret d’une donation délaissée
Une alliance prolifique avec l’abbaye Saint-Florent de Saumur
La seigneurie de Bramber, un nouvel enjeu très attractif
Rivalité entre la famille de Briouze et l’abbaye de Fécamp
Le prieuré Saint-Pierre de Sele : un contrepoids local autonome
Conclusion : Décentrement du dominium
Polarisation des affinités
Une topolignée mobile au gré des stratégies matrimoniales
Formation du lignage : une première dame inconnue ?
La deuxième dame de Briouze : Aénor de Totnes et la terre de Barnstaple
La troisième dame de Briouze : Berthe de Hereford et la consolidation de la marche galloise
La parenté de Briouze, un réseau égocentré
Lignage ou « supra-lignée » ? Le cas des descendants de Robert Ier de Briouze
Marier les filles pour élargir la parentèle masculine
L’avunculat, un lien d’affinité puissant
Éloigner les frères pour créer de nouveaux pôles
Identifier les réseaux de fidélité dans l’entourage seigneurial
Listes de témoins et récurrences des patronymes
Listes de témoins et Domesday Book
La formation de lignées vassaliques
Témoins et bénéficiaires
Conclusion : Typologie de la polarisation des affinités
Gérer les richesses foncières dispersées
Le capital : les terres recensées par les enquêtes royales
Les modes de faire-valoir selon le Domesday Book
Les terres domaniales anglaises au xie siècle
L’évolution domaniale au milieu du xiie siècle
Les ressources : profits complémentaires issus du domaine
Les ressources de la terre selon le Domesday Book
Les ressources complémentaires selon les clauses diplomatiques
Le personnel : délégation de la gestion des terres éparses
Les deux sphères attachées à la maisonnée seigneuriale
Déléguer la gestion territoriale
Les charges : indices d’une stratégie d’extension territoriale
Les charges dues dans le Domesday Book
Les charges dues dans les pipe rolls
Conclusion : Gérer le polycentrisme territorial
Deuxième partie: 1175-1211
De pionnier à occupant : expansion castrale dans la marche de Galles
Densification de l’implantation galloise
Un ensemble territorial compact
La mobilité maritime, outil de gestion domaniale
Les Briouze, gardiens et protecteurs de châteaux de la marche
Mathilde de Briouze et la défense du castrum Matildis (1198)
Guillaume III de Briouze, protecteur de la frontière au nom du roi
Conclusion : Être seigneur dans une région frontalière hybride
Portrait historiographique de Guillaume III, seigneur de la marche
Un guerrier cruel
L’affaire Seisyll ap Dyfnwal (1175-1176)
L’affaire Trahaearn Fychan (1197)
Un chevalier pieux, protecteur de l’Église galloise
Défenseur de l’évêque de Saint David’s (1197)
Patron du prieuré Saint-Jean de Brecon
Bienfaiteur d’églises galloises
Conclusion : Portrait ambivalent d’un seigneur de la marche
Guillaume III de Briouze, « favori » du roi Jean (1199-1207)
Les étapes de la faveur royale
Guillaume III a-t-il les moyens de ses ambitions ?
Conclusion : Les prémices de la disgrâce
Prévalence de la parentèle
Importance des Saint-Valéry
Bernard, Thomas et Henri de Saint-Valéry
Mathilde de Saint-Valéry
Placer ses parents
Les alliances issues de la parentèle féminine
Le statut des frères de Guillaume III
La situation des fils de Guillaume III
Les unions de ses filles
Les conflits d’héritage
Conclusion : Un réseau familial en clair-obscur
L’obsession irlandaise
La mémoire d’un échec familial (1177)
Guillaume III de Briouze obnubilé par Limerick
Les absents ont toujours tort
Conclusion : « Risquer les périls de la Fortune »
La Fortune destructrice : récits d’un déclin
Les motifs narratifs de la chute
Les récits de la chute, critiques voilées du pouvoir royal
Mathilde de Briouze, cible de la disgrâce
Guillaume IV le Jeune, l’oublié des récits
Dualité des contestations de Gilles de Briouze, évêque rebelle
Conclusion : Une vérité insaisissable
Troisième partie: 1211-1326
Altérités (1211-1232)
Quand le parent devient Autre
Lente reconstruction patrimoniale par Renaud (1217-1228)
Transmission linéale-agnatique et éclatement du lignage
Altération de l’autorité familiale divisée
Contestations et fragilisation
Conflit entre l’abbaye de Fécamp et Jean de Briouze : la reprise d’anciens litiges
Quand l’Autre devient parent
Alliances galloises croisées et enjeux politiques des mariages mixtes
La minorité d’un Anglo-gallois, Guillaume VI de Briouze
Conclusion : Un patronyme, deux sous-lignées
Ève de Briouze et ses filles (1230-1246)
Ève, épouse de Guillaume V de Briouze et dame de la Marche
Les quatre filles d’Ève, objets de convoitise
Ève, une jeune veuve dynamique et autonome
Conclusion : Extinction de la sous-lignée cadette
Chevaliers au lion (mi-XIIIe siècle – 1326)
La figure du chef : expression de la domination seigneuriale
Titulatures : signes d’une double identité
Changer de sceau : un geste d’accommodation
La chasse, un loisir noble
Guillaume VI, un loyal partisan du roi
Le lion combattant pour la lutte du Bien contre le Mal
Emblème du chevalier chrétien
Conclusion : Identité et mémoire familiale
L’attachement des vassaux
Implantation des lignées vassaliques
Bramber, épicentre des lignées permanentes
Une implantation plus diffuse dans la marche de Galles
L’entourage des derniers seigneurs de Briouze
Servir les seigneurs de Briouze
Les officiers seigneuriaux
Les mariages vassaliques
Conclusion : Des liens d’affection durables
Dislocation de la puissance seigneuriale
Jean de Montbray, le substitut
Le Gower et la remise en cause de l’autorité des Briouze
Le discours des actes : l’absence de licence royale
La légitime possession du Gower par les Briouze
Discordances entre les discours des sources narratives
La réaction des Briouze
La révolte de Jean de Montbray
Le dépérissement de Guillaume VII
Aline, veuve, mère et représentante de la branche aînée
Conclusion : Collision de trajectoires
Conclusion. Adaptabilité du lignage de Briouze
Annexe 1 : Actes émis par les seigneurs de Briouze
Annexe 2 : Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book
Annexe 3 : Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207)
Annexe 4 : Enquête menée en 1319 sur les terres de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower
Sources et bibliographie
Identification des membres du lignage de Briouze
Sources
Sources archivistiques non éditées (transcrites)
Sceaux
Sources archivistiques éditées
Sources narratives éditées (Historiographie médiévale)
Bibliographie
Index
Table des figures
Figures
Tableaux
Cartes
Graphiques
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 9782503592480, 2503592481

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Mobilités du lignage anglo-normand de Briouze (mi-xie siècle – 1326)

Histoires de famille. La parenté au Moyen Âge Volume 22 Collection dirigée par Martin Aurell

Mobilités du lignage anglo-normand de Briouze (mi-xie siècle – 1326)

Amélie Rigollet

F

© 2021, Brepols Publishers n. v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2021/0095/30 ISBN 978-2-503-59248-0 eISBN 978-2-503-59249-7 DOI 10.1484/M.HIFA-EB.5.121749 ISSN 1782-6136 eISSN 2294-8465 Printed in the EU on acid-free paper.

Remerciements

Depuis dix années, la famille de Briouze occupe mes pensées. Nombreux sont ceux qui ont nourri mes réflexions, enrichi mon savoir, encouragé mon projet. Tous ne sont pas nommés, mais tous ont ma profonde reconnaissance. Cet ouvrage s’inscrit dans le prolongement de ma thèse, améliorée grâce aux conseils des membres de mon jury, Frédérique Lachaud, Maïté Billoré, Mathieu Arnoux, Nicholas Vincent, Daniel Power et Martin Aurell, que je remercie vivement. La famille anglo-normande de Briouze fut choisie entre toutes sur les conseils simultanés de Marie Therese Flanagan et de Nicholas Vincent. Je sais gré à Nicholas Vincent d’avoir placé les Briouze sur mon chemin et d’avoir régulièrement étoffé mon catalogue d’actes. Les mots me manquent pour remercier à sa juste valeur Martin Aurell. Sa bienveillance, sa confiance, ses conseils et ses encouragements constants ont permis l’épanouissement de la médiéviste que je suis devenue. Je suis profondément reconnaissante envers Daniel Power, qui a généreusement accepté de codiriger cette thèse et qui m’a faite bénéficier de ses connaissances inépuisables. Je remercie Stephen Church pour son sens du partage. L’Université de Poitiers a été le cadre propice à la réalisation de cette thèse. L’École doctorale LPAH, la Fondation de l’Université et le CESCM ont contribué financièrement à mes déplacements sur les traces des Briouze. Je remercie Jean-Marie Pincemin pour son aide dans l’élaboration de ces dossiers. Je remercie le personnel de l’Université de Poitiers, les étudiants et l’association Janua. Les membres du CESCM qui ont accompagné ces années de thèse – personnels, enseignants et doctorants – ont toute ma gratitude. J’adresse une pensée particulière à Claire Lamy. Je remercie également le personnel de l’Université de Swansea pour avoir simplifié mes séjours, ainsi que les membres du projet City Witness de Swansea. Au cours de mes pérégrinations, j’ai eu le privilège de croiser de nombreuses personnes qui ont soutenu mes recherches. Je remercie les propriétaires des lieux pour m’avoir ouvert leurs portes. Je remercie Monsieur et Madame Roussel, membres de l’association Les Amis du Houlme, pour m’avoir transmis leur documentation. Je remercie les archivistes qui ont facilité mes recherches : Archives départementales de l’Orne (Alençon), Archives départementales du Calvados (Caen), Bibliothèque Municipale de Flers (Médiathèques de Flers Agglo), Archives départementales de Seine-Maritime (Rouen), Archives départementales du Maine-et-Loire (Angers), National Library of Wales (Aberystwyth), College of Arms (Londres), Bodleian Library (Oxford), Magdalen College (Oxford), British Library (Londres), Herefordshire Archives (Hereford), Gloucestershire Archives (Gloucester), Glamorgan Archives

6

r e m e rc i e m e n t s

(Cardiff), West Glamorgan Archives (Swansea), The National Archives (Kew), Nottinghamshire Archives, Bibliothèque Nationale de France (Paris) et la DRAC Normandie. Je remercie les éditions Brepols pour avoir permis à cet ouvrage de voir le jour. Je remercie tout particulièrement Jirki Thibaut, pour m’avoir guidée avec prévenance et compétence ces derniers mois. Je remercie chaleureusement mes proches amis et ma famille – de sang ou par alliance –, pour le réconfort qu’ils m’ont apporté. Je remercie ma teammate, Élodie Papin, dont l’amitié est le beau cadeau offert par cette thèse. Je pense aux Evans, June, Stuart, Sheryl et Michael, ma Welsh family de cœur, qui ont embelli mes séjours gallois et qui ont accompagné mes pérégrinations sur les traces des Briouze. Je remercie Marjorie Alaphilippe, mon amie de longue date et compagne de thèse. Je remercie Florent, mon grand ami, pour avoir toujours cru en moi. Je remercie Pauline et Vincent, Céline et Matthieu, pour avoir été présents malgré la distance. Je remercie Aurélie, Élodie et Ange, dont la bonne humeur a été une bouffée d’oxygène. À la mémoire de June, ma Mam-gu. À la mémoire de mes grands-parents, Denise et Émile, Lucienne et André, dont les récits ont bercé mon enfance et m’ont donné goût à l’histoire. À mes parents À Jean-Philippe, my guiding light.

Table des matières

Remerciements

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Table des matières

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Abréviations

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Préface

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Introduction. Sur les traces des Briouze Un lignage hybride et mouvant : de la topolignée à la « supra-lignée » Corpus documentaire et structure lignagère Méthodologie de la monographie, entre modèles et particularismes Mobilités et lignage La capacité d’adaptation des Briouze aux mobilités

19 22 28 35 39 43

Première partie 1066-1175 Des seigneurs pionniers Briouze, du toponyme à la topolignée Gunnor, l’aïeule du lignage Un père volontairement oublié La seigneurie nouvelle de Briouze aux confins du duché Réseaux locaux d’influence Briouze dans le dispositif défensif frontalier de la Normandie avant 1066 Guillaume Ier de Briouze (c. 1030-c. 1095), de Briouze à Bramber, gardien des frontières du monde anglo-normand Briouze, contrepouvoir à la puissance des Bellême Guillaume Ier de Briouze et la conquête de l’Angleterre La fidélité des Briouze face à l’instabilité du pouvoir (1087-1154) Philippe (c. 1060 – 1126) Guillaume II de Briouze (c. 1110 – c. 1175) dans la guerre civile Conclusion : Distance entre les Briouze et le pouvoir royal

53 53 53 54 55 55 57 59 59 60 63 63 73 75

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ta bl e d e s m at i è r e s

Tripolarité castrale Briouze, en bordure du marais du Grand Hazé Bramber, dans l’estuaire de l’Adur Radnor, sur un éperon rocheux de la Radnor Forest Conclusion : À la conquête de l’ouest Fondations bénédictines Le fief de Briouze, entre idéal aristocratique et réalité monastique L’abbaye de Lonlay et Briouze : le regret d’une donation délaissée Une alliance prolifique avec l’abbaye Saint-Florent de Saumur La seigneurie de Bramber, un nouvel enjeu très attractif Rivalité entre la famille de Briouze et l’abbaye de Fécamp Le prieuré Saint-Pierre de Sele : un contrepoids local autonome Conclusion : Décentrement du dominium

77 77 81 83 86 89 92 92 97 102 102 109 111

Polarisation des affinités 113 Une topolignée mobile au gré des stratégies matrimoniales 114 Formation du lignage : une première dame inconnue ? 114 La deuxième dame de Briouze : Aénor de Totnes et la terre de Barnstaple116 La troisième dame de Briouze : Berthe de Hereford et la consolidation de la marche galloise 117 La parenté de Briouze, un réseau égocentré 118 Lignage ou « supra-lignée » ? Le cas des descendants de Robert Ier de Briouze 118 Marier les filles pour élargir la parentèle masculine 121 L’avunculat, un lien d’affinité puissant 123 Éloigner les frères pour créer de nouveaux pôles 126 Identifier les réseaux de fidélité dans l’entourage seigneurial 130 Listes de témoins et récurrences des patronymes 130 Listes de témoins et Domesday Book 130 La formation de lignées vassaliques 133 Témoins et bénéficiaires 136 Conclusion : Typologie de la polarisation des affinités 138 Gérer les richesses foncières dispersées Le capital : les terres recensées par les enquêtes royales Les modes de faire-valoir selon le Domesday Book Les terres domaniales anglaises au xie siècle L’évolution domaniale au milieu du xiie siècle Les ressources : profits complémentaires issus du domaine Les ressources de la terre selon le Domesday Book Les ressources complémentaires selon les clauses diplomatiques Le personnel : délégation de la gestion des terres éparses Les deux sphères attachées à la maisonnée seigneuriale Déléguer la gestion territoriale

143 144 144 147 149 149 150 151 154 154 157

tab le d e s mat i è re s

Les charges : indices d’une stratégie d’extension territoriale Les charges dues dans le Domesday Book Les charges dues dans les pipe rolls Conclusion : Gérer le polycentrisme territorial

158 159 160 163

Deuxième partie 1175-1211 De pionnier à occupant : expansion castrale dans la marche de Galles Densification de l’implantation galloise Un ensemble territorial compact La mobilité maritime, outil de gestion domaniale Les Briouze, gardiens et protecteurs de châteaux de la marche Mathilde de Briouze et la défense du castrum Matildis (1198) Guillaume III de Briouze, protecteur de la frontière au nom du roi Conclusion : Être seigneur dans une région frontalière hybride

171 172 172 174 177 177 179 185

Portrait historiographique de Guillaume III, seigneur de la marche Un guerrier cruel L’affaire Seisyll ap Dyfnwal (1175-1176) L’affaire Trahaearn Fychan (1197) Un chevalier pieux, protecteur de l’Église galloise Défenseur de l’évêque de Saint David’s (1197) Patron du prieuré Saint-Jean de Brecon Bienfaiteur d’églises galloises Conclusion : Portrait ambivalent d’un seigneur de la marche

189 189 190 196 199 200 201 203 205

Guillaume III de Briouze, « favori » du roi Jean (1199-1207) Les étapes de la faveur royale Guillaume III a-t-il les moyens de ses ambitions ? Conclusion : Les prémices de la disgrâce

207 209 214 217

Prévalence de la parentèle Importance des Saint-Valéry Bernard, Thomas et Henri de Saint-Valéry Mathilde de Saint-Valéry Placer ses parents Les alliances issues de la parentèle féminine Le statut des frères de Guillaume III La situation des fils de Guillaume III Les unions de ses filles Les conflits d’héritage Conclusion : Un réseau familial en clair-obscur

221 221 221 222 223 223 226 227 228 229 230

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ta bl e d e s m at i è r e s

L’obsession irlandaise La mémoire d’un échec familial (1177) Guillaume III de Briouze obnubilé par Limerick Les absents ont toujours tort Conclusion : « Risquer les périls de la Fortune »

231 231 234 240 249

La Fortune destructrice : récits d’un déclin Les motifs narratifs de la chute Les récits de la chute, critiques voilées du pouvoir royal Mathilde de Briouze, cible de la disgrâce Guillaume IV le Jeune, l’oublié des récits Dualité des contestations de Gilles de Briouze, évêque rebelle Conclusion : Une vérité insaisissable

251 252 254 257 260 263 267

Troisième partie 1211-1326 Altérités (1211-1232) Quand le parent devient Autre Lente reconstruction patrimoniale par Renaud (1217-1228) Transmission linéale-agnatique et éclatement du lignage Altération de l’autorité familiale divisée Contestations et fragilisation Conflit entre l’abbaye de Fécamp et Jean de Briouze : la reprise d’anciens litiges Quand l’Autre devient parent Alliances galloises croisées et enjeux politiques des mariages mixtes La minorité d’un Anglo-gallois, Guillaume VI de Briouze Conclusion : Un patronyme, deux sous-lignées

275 279 279 282 288 289

Ève de Briouze et ses filles (1230-1246) Ève, épouse de Guillaume V de Briouze et dame de la Marche Les quatre filles d’Ève, objets de convoitise Ève, une jeune veuve dynamique et autonome Conclusion : Extinction de la sous-lignée cadette

305 307 310 315 319

Chevaliers au lion (mi-XIIIe siècle – 1326) La figure du chef : expression de la domination seigneuriale Titulatures : signes d’une double identité Changer de sceau : un geste d’accommodation La chasse, un loisir noble Guillaume VI, un loyal partisan du roi Le lion combattant pour la lutte du Bien contre le Mal Emblème du chevalier chrétien Conclusion : Identité et mémoire familiale

323 328 328 334 338 343 347 352 357

291 293 293 299 301

tab le d e s mat i è re s

L’attachement des vassaux Implantation des lignées vassaliques Bramber, épicentre des lignées permanentes Une implantation plus diffuse dans la marche de Galles L’entourage des derniers seigneurs de Briouze Servir les seigneurs de Briouze Les officiers seigneuriaux Les mariages vassaliques Conclusion : Des liens d’affection durables

361 363 363 368 371 376 376 379 380

Dislocation de la puissance seigneuriale Jean de Montbray, le substitut Le Gower et la remise en cause de l’autorité des Briouze Le discours des actes : l’absence de licence royale La légitime possession du Gower par les Briouze Discordances entre les discours des sources narratives La réaction des Briouze La révolte de Jean de Montbray Le dépérissement de Guillaume VII Aline, veuve, mère et représentante de la branche aînée Conclusion : Collision de trajectoires

381 385 387 387 389 390 393 393 395 397 398

Conclusion. Adaptabilité du lignage de Briouze

401

Annexe 1 : Actes émis par les seigneurs de Briouze

407

Annexe 2 : Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book

413

Annexe 3 : Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207)

423

Annexe 4 : Enquête menée en 1319 sur les terres de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower

431

Sources et bibliographie 437 Identification des membres du lignage de Briouze 437 Sources437 Sources archivistiques non éditées (transcrites) 437 Sceaux439 Sources archivistiques éditées 439 Sources narratives éditées (Historiographie médiévale) 457 Bibliographie460

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ta bl e d e s m at i è r e s

Index

497

Table des figures 515 Figures515 Tableaux517 Cartes518 Graphiques519

Abréviations

A. D.  Angl.  BL  B. M.  BnF  BBCS  BCM  BHRS  CCM  CChR  CChW  CCR  CFR  ChR  CIM  CIPM  CLR  CPR  CR  CRR  CoA  DCAD  EHR  Fol.  Fr.  FR  Gall.  GR  GRO GRP  HCL  HMSO  Lat.  LF 

Archives Départementales. Anglais. British Library. Bibliothèque Municipale. Bibliothèque nationale de France. Bulletin of the Board of Celtic Studies. Berkeley Castle Muniments. Bedfordshire Historical Records Society. Cahiers de Civilisation Médiévale, xe-xiie siècle. Calendar of Charter Rolls. Calendar of Chancery Warrants. Calendar of Close Rolls. Calendar of Fine Rolls. Charter Roll. Calendar of Inquisitions Miscellaneous. Calendar of Inquisitions Post Mortem. Calendar of Liberate Rolls. Calendar of Patent Rolls. Close Roll. Curia Regis Roll. College of Arms. Descriptive Catalogue of Ancient Deeds. English Historical Review. folio. Français. Fine Roll. Gallois. Great Roll. Gloucestershire Record Office. Great Roll of the Pipe. Hereford Cathedral Library. Her/His Majesty’s Stationery Office. Latin. Liber Feodorum.

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a br é v iati o n s

MCA  MSAN  ms.  MS  n. a.  N. d.  NLI NLW  NRO  PR  PRO  TNA  WGA

Magdalen College Archives. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie. manuscrit dans les bibliothèques françaises. manuscrit dans les bibliothèques britanniques. nouvelle acquisition. non daté. National Library of Ireland. The National Library of Wales. Northampton Record Office. Patent Roll. Public Record Office. The National Archives. West Glamorgan Archives.

Préface

L’image de la roue de la fortune est familière des hommes et femmes des années 1200. Ils ont dû se la remémorer en entendant parler de l’irrésistible ascension et de la chute inexorable de Guillaume III de Briouze. Le conteur inégalable qu’est son contemporain Gautier Map brosse de lui un portrait schizophrénique où la cruauté à la guerre se mêle inextricablement à la piété à la chapelle. Guillaume est l’un des favoris du roi Jean Sans Terre (1199-1216) auquel il doit largement sa réussite. Au vaste domaine ancestral de son conseiller et ami, s’étendant de la Basse-Normandie au sud de l’Angleterre jusqu’aux marches galloises, le roi avait ajouté la garde du château de Limerick et d’autres fiefs d’Irlande méridionale. À partir de 1208, la confiance entre Jean et son vassal se brise. La disgrâce qui s’ensuit est terrible à en croire les chroniques de Roger de Wendover et de l’anonyme de Béthune. Le roi enferme la trop indiscrète Mathilde de Saint-Valéry, épouse de Guillaume III en exil, et leur fils dans un cachot misérable et les laisse mourir d’inanition. À l’ouverture de la cellule, on trouve leurs cadavres entrelacés, la joue de Mathilde ayant été dévorée par son propre fils. Et Wendover de commenter qu’un tel sort « tirerait des larmes aux pires des tyrans », parmi lesquels il est bien obligé d’exclure l’impitoyable Jean Sans Terre, coupable de la pathétique scène, universellement détesté pour son autocratie. Presque aussi terrible apparaît, en 1230, la destinée du petit-fils Guillaume V, pendu haut et court devant la foule par le prince du Gwynedd Llywelyn ap Iorwerth pour avoir commis l’adultère avec sa femme. La veuve du condamné, Ève, fille du célèbre Guillaume le Maréchal et descendante par sa mère des rois de Leinster, maintient le patrimoine à flot. Sa famille connaît même une certaine prospérité. Si les faits divers et anecdotes, issues de la riche historiographie de l’Angleterre des xiie et xiiie siècles, émaillent le beau livre d’Amélie Rigollet, la richesse des problématiques n’est jamais en reste. Sa réflexion se fonde certes sur la lecture attentive des médiévistes qui ont visité avant elle les thèmes de la parenté, de l’exercice du pouvoir, de la seigneurie castrale ou du patronage monastique. Elle n’en est pas moins attentive aux progrès de la sociologie, de l’anthropologie et de la psychologie qui jalonnent ses questionnements. Il en va de même avec la géographie, partie intégrante de la formation des historiens dans l’université française. Une fine perception de l’espace, dont témoigne la cartographie soignée du présent volume, permet à l’auteur de doubler sa quête sur la mobilité sociale, qu’incarne si bien Guillaume III, de celle sur la mobilité géographique. Partis de l’arrière-pays de Caen, les Briouze ou Braose s’installent dans le Sussex au lendemain de la conquête de Guillaume le Bâtard. Ils poursuivent leur expansion territoriale vers l’ouest, intégrant le prestigieux groupe des seigneurs normands des marches galloises dans le Herefordshire. Leur installation en Irlande autour de 1200 marque le paroxysme de leur expansion territoriale, mais

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aussi le début de leur fin qui se concrétise dans l’extinction de la branche aînée de la famille en 1326. La famille aime le voyage jusqu’en Terre sainte ou en Sicile. Bel exemple de la diaspora aristocratique du Moyen Âge, qui façonne l’Europe telle que nous la vivons de nos jours. Elle est étudiée ici en termes de « polycentralité ». Sur neuf générations entre le milieu du xie et le début du xive siècles, les Briouze parviennent à conserver l’essentiel de leurs domaines et leurs liens familiaux sur un large espace de part et d’autre de la Manche. La clef de cette réussite se trouve sans doute dans la façon dont ils jouent sur deux niveaux de parenté : le « supra-lignage » et le « sous-lignage ». Une vague soumission à la branche aînée assure la cohésion de la famille, mais aussi la délégation du pouvoir à l’échelle locale. Les stratégies matrimoniales contribuent de beaucoup au succès du lignage, dont elles augmentent le capital matériel et symbolique. Elles sont souvent de nature hypergamique, le statut social de l’épouse étant supérieur à celui du mari. Même fugaces à cause de l’imprécision de la documentation sur leur compte, les figures féminines sont au cœur de ce livre. Aux portraits de Mathilde de Saint-Valéry, dont le verbe haut lui vaut d’être condamnée à mourir de faim, ou d’Ève Maréchal, prétendument trompée par son mari et insatiable épistolière, on ajoutera ceux de Gunnor, sorte de fondatrice de la famille, dont le nom aux résonnances guerrières rappelle les origines vikings, mais aussi Sybille, Aénor ou Berthe. Comme souvent pour une monographie familiale, l’angle de vision s’élargit, dépassant les questions de la parenté au sens strict. Preuve en sont les pages novatrices sur les redevances en guirlandes de roses, sujet auquel l’auteure vient de publier un excellent article dans les Cahiers de Civilisation Médiévale, sur la chasse, sa réserve parfois braconnée et son gibier provenant du domaine royal ou sur le fret de bateaux et la marine. Il est vrai que la documentation anglaise, et notamment la comptabilité royale, ouvre souvent des champs d’érudition inconnus ailleurs en Occident. L’une des forces de l’ouvrage d’Amélie Rigollet est d’être parvenu à « interconnecter les parcours individuels et les stratégies lignagères ». Chaque Briouze devient ainsi l’élément d’un vaste système qui le dépasse. Il préserve toutefois sa personnalité grâce à deux points forts de la méthode de l’auteure. D’une part, claire et précise, son écriture témoigne de l’expérience pédagogique qu’elle a acquise dans les collèges et lycées en difficulté où l’Éducation nationale envoie les plus brillants de nos jeunes collègues. D’autre part, une érudition sans faille fonde cette histoire des Briouze. Amélie Rigollet a déniché jusqu’à 1627 documents, qu’elle a analysés ou transcrits dans un volume inédit de sa thèse de doctorat, ainsi que dix-sept sceaux qu’elle a dessinés de sa main. Ces chartes proviennent de fonds aussi divers que les archives départementales du Calvados ou du Maine-et-Loire, Magdalen College d’Oxford, la bibliothèque nationale du Pays de Galles à Aberystwyth ou les inévitables National Archives de Kew. Des dessins de constructions aujourd’hui perdues du berceau familial ont été également découverts à la bibliothèque municipale de Flers (Orne). Les professeurs Daniel Power, qui proposa à Amélie Rigollet de travailler sur les Briouze et qui l’accueillit à l’Université de Swansea, et Nicholas Vincent, découvreur insatiable de chartes inédites, ont parfois guidé ces trouvailles documentaires de leur expérience exceptionnelle. Même si l’essentiel provient de la recherche de l’auteure elle-même, nos deux collègues méritent tous nos remerciements. Enfin, rien ne

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remplace la prospection sur place des vestiges monumentaux de la présence des Briouze, qui sont à l’origine de plusieurs des clichés et dessins publiés ici pour la première fois. De la Normandie au Gower en passant par le Sussex, Amélie Rigollet pratique elle-même la mobilité géographique, qui est au cœur de son analyse de l’histoire des Briouze. Nous lui devons cette superbe monographie, dont les ouvertures thématiques et épistémologiques intéresseront, au-delà des spécialistes du monde anglo-normand, tous les médiévistes. Martin Aurell Professeur d’histoire médiévale à l’Université de Poitiers Directeur du Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale

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Introduction. Sur les traces des Briouze

La figure de Guillaume III de Briouze se détache dans l’histoire de son lignage. Ce « processus d’individuation1 » résulte de la place particulière que lui accorde l’historiographie médiévale en tant qu’acteur social évoluant dans l’entourage royal, tandis que sa singularité est peu évoquée. L’un des rares portraits narratifs de Guillaume III, seigneur de 1175 à 1211, est élaboré par l’un de ses contemporains, Gautier Map, un ecclésiastique probablement originaire de la marche de Galles qui l’a côtoyé2 : Il est d’ailleurs dit que « dans toute nation, celui qui craint Dieu est accepté par lui3 ». On rapporte que la peur du Seigneur était rare parmi nos Gallois. Le seigneur Guillaume [III] de Briouze était un homme d’armes très habile, un Gallois de noble race, d’une grande loyauté, qui, comme il me le confia lui-même, se levait chaque nuit du lit, nu, au premier chant du coq et s’agenouillait en prière sur la terre nue jusqu’au lever du jour. Il pratiquait l’abstinence avec bienséance et il observait les convenances avec tant de rigueur que si tu le connaissais, tu l’estimerais être au-dessus d’un homme, près des anges. Mais si tu le voyais lors des combats, insensible, sanguinaire, négligeant sa propre sécurité, avide de la mort d’autrui, accomplissant homicide et crime, tu ne douterais pas qu’il était pleinement voué à l’iniquité. D’ailleurs la bonté était si fermement et naturellement émoussée chez les Gallois, que si l’un d’entre eux montrait de la modération, tous les autres apparaissaient difficiles et sauvages4. Ce portrait « hybride5 » reprend les stéréotypes du genre, conforme au regard porté par les ecclésiastiques sur les chevaliers. Depuis le mouvement de réforme de l’Église lancé au xie siècle, la violence chevaleresque est bridée par le discours ecclésiastique qui tend à contrôler et à orienter la force guerrière à travers le modèle

1 Br. M. Bedos-Rezak, D. Iogna-Prat, « L’individu au Moyen Âge », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, no 9, 2005. 2 Gautier est candidat malheureux à la succession de Guillaume de Vere à la tête de l’évêché de Hereford en 1199, dont le siège échoit à Gilles de Briouze, fils de Guillaume III, grâce à la faveur royale. Son insuccès à Hereford, causé par l’intervention de Guillaume III, provoque certainement son ressentiment et expliquerait l’ambiguïté de sa description, mêlant éléments mélioratifs et dépréciatifs. 3 Adaptation de la formule biblique : « Celui qui le craint et qui pratique la justice est accepté par Lui » (Actes, 10 : 35). 4 Gautier Map, De Nugis curialium, Courtiers’ Trifles, éd. C. N. L. Brooke et R. A. B. Mynors, Oxford, 1983, p. 144-147. 5 M. Aurell, Le Chevalier lettré. Savoir et conduite de l’aristocratie aux xiie et xiiie siècles, Paris, 2011, p. 30.

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idéal du chevalier du Christ (miles Christi)6. L’ambivalence de la figure de Guillaume III de Briouze esquissée par Gautier Map semble issue des descriptions conventionnelles des chevaliers établies depuis la Renaissance culturelle du xiie siècle. Sous l’influence de la réforme religieuse, la chevalerie tend vers une plus grande modération et régule la violence de son comportement en se donnant pour mission de défendre la foi7. Toutefois, la violence reste la raison d’être de la chevalerie, qui continue à valoriser la force et la férocité au combat comme expression de son identité8. Le personnage de Guillaume III de Briouze semble ainsi combiner piété et violence, ferveur religieuse et ardeur guerrière9. Ce paradoxe identitaire ne résulte pas d’un effet de source. Il révèle la spécificité de la fonction militaire attribuée aux seigneurs de Briouze par le pouvoir souverain depuis la fondation du lignage au milieu du xie siècle. Les Briouze sont des seigneurs pionniers, des conquérants et des colonisateurs, implantés dans des zones de marche qu’ils soumettent à l’influence anglo-normande. Le terme alienus utilisé par Gautier Map – traduit par « autrui » au sens large – renvoie à l’idée d’étranger10, adversaire dont les territoires sont progressivement annexés par la force. Les Briouze contribuent à combattre et à repousser les limites du monde anglo-normand auxquels ils appartiennent. Gautier Map désigne Guillaume III comme un Gallois et non comme un Anglais ou un Normand, alors que Guillaume III est issu d’une lignée anglo-normande sans lien de parenté galloise – du moins à cette date. L’emploi du terme « Gallois » serait-il une référence d’ordre culturel, suggérant le multiculturalisme du lignage ? Ou s’agirait-il d’une indication spatiale attestant de l’implantation galloise des Briouze ? Le degré d’adaptation identitaire aux changements d’ancrage territorial découle de stratégies lignagères et royales. Les origines du lignage de Briouze sont obscures, bien qu’une lointaine ascendance viking soit probable. L’identité géographique protéiforme de la famille de Briouze se façonne au fil du temps et au gré des déplacements de la parentèle, implantée à la fois en Normandie, en Angleterre et au pays de Galles ainsi qu’en Irlande au tournant du xiiie siècle. Le qualificatif d’« anglo-normand » employé pour désigner le lignage de Briouze – bien que provenant d’une terminologie créée au xixe-xxe siècle actuellement objet de débat historiographique11 – permet d’évoquer cette double appartenance culturelle du lignage de Briouze. Leur attachement à leur origine normande – visible à travers la préservation du patronyme toponymique – subsiste après la perte de la 6 Th. Deswarte, « Entre historiographie et histoire : aux origines de la guerre sainte », in D. Baloup et Ph. Josserand (dir.), Regards croisés sur la guerre sainte. Guerre, idéologie et religion dans l’espace méditerranéen latin (xie-xiiie siècles), Toulouse, 2006, p. 67-90. 7 Aurell, Le Chevalier…, p. 25. 8 La valorisation de la violence chevaleresque s’exprime notamment dans les sirventes, poèmes à caractère satirique dont Bertran de Born († c. 1215), contemporain de Guillaume III de Briouze, est un représentant célèbre. G. Gouiran, Le Seigneur-troubadour d’Hautefort. L’œuvre de Bertran de Born, 1987. 9 J. Batany, « Collision de stéréotypes et formation d’un néo-discours dans la littérature médiévale », in A. Goulet (dir.), Le Stéréotype : crise et transformations, Caen, 1994. 10 « Alienus », Dictionnaire Latin-Français, éd. F. Gaffiot, Paris, 1934, p. 99. 11 J.-Ph. Genet, « Identité, espace, langue », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, no 19, 2010, p. 1-10.

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Normandie en 120412, notamment à travers l’essor d’émission de chartes en ancien français par les seigneurs de Briouze et par la pratique constante du monolinguisme en français13. Le lignage de Briouze dépasse cette acception binaire en s’implantant dans les régions annexées par la couronne anglaise, dans la marche de Galles puis en Irlande. Leur identité ne saurait se réduire à cette double désignation. Le statut particulier des seigneurs frontaliers invite à analyser le rapport entre la force de l’implantation territoriale et le processus d’acculturation14. Les adjectifs « transnational », « transrégional » ou « supralocal » sont utilisés par l’historiographie récente pour désigner un type de mobilité sur de grandes distances, à une échelle intermédiaire entre aires locales et globales15. Plus spécifiquement, les médiévistes ont adopté cette terminologie pour distinguer certains lignages aristocratiques16. Colin Veach, dans sa monographie de la famille de Lacy, applique ces orientations historiographiques actuelles17. Le cas des Lacy est comparable à celui des Briouze. La famille de Briouze est « transnationale », dans la mesure où elle contribue à étendre l’influence des ducs de Normandie et des rois d’Angleterre au-delà des limites de leurs territoires. Les Briouze sont également des seigneurs « transrégionaux », puisqu’au gré des conquêtes, ils construisent un vaste patrimoine transmaritime, morcelé à l’intérieur du monde anglo-normand, entre la Normandie et les îles britanniques. La capacité à la mobilité des seigneurs de Briouze, animés par la soif de conquêtes, est perceptible dès le milieu du xie siècle, à travers les choix du premier seigneur de Briouze. En suivant le duc Guillaume de Normandie outre-Manche après la conquête de 1066, Guillaume Ier de Briouze acquiert de nouvelles terres (mobilité géographique) et accroît son prestige (mobilité socio-économique). Cette dynamique du mouvement, amorcée par le premier seigneur de Briouze au milieu du xie siècle, suit les changements de stratégies territoriales voulues par le pouvoir royal. Elle perdure jusqu’en 1326, date à laquelle la branche aînée de Briouze s’éteint. 12 D. Trotter, « L’anglo-normand : variété insulaire, ou variété isolée ? », Médiévales, no 45, 2003, p. 43-54. 13 Ex. : le 12 mai 1316, à Knepp, Guillaume VII de Briouze fait rédiger un acte en ancien français (Oxford, MCA, Bidlington & Bramber 11). 14 Robert Bartlett propose la notion d’« européanisation » pour caractériser le lent procédé d’uniformisation de l’Europe chrétienne, du centre vers ses périphéries. R. Bartlett, « Heartland and Border : The Mental and Physical Geography of Medieval Europe », in Power and Identity in the Middle Ages. Essays in memory of Rees Davies, Oxford, 2007, p. 23-36. 15 Chr. H. Johnson et al. (dir.), Transregional and Transnational Families in Europe and Beyond : Experiences since the Middle Ages, New York & Oxford, 2011, 362 p. J.-P. Zúñiga, « Introduction », in S. Baciocchi et al. (dir.), Pratiques du transnational. Terrains, preuves, limites, 2011, p. 9-19. Gw. Sebaux (dir.), Identités, migrations et mobilités transnationales. Europe (xixe-xxie siècle), Villeneuve d’Ascq, 2017, 234 p. Transregional History, Crossing Borders in Early Modern Times, KU Leuven Research [en ligne], disponible sur (consulté le 21 juin 2020). 16 R. Bartlett, The Making of Europe : Conquest, Colonization and Cultural Change, 950-1350, Princeton, 1994, p. 57. 17 En introduction de son ouvrage, Colin Veach amorce sa réflexion par la notion de « transnational aristocracy » et par la synthèse de l’historiographie britannique. Il consacre un chapitre à Hugues de Lacy, seigneur transnational. C. Veach, « A transnational magnate : 1166-1174 », in Lordship in Four Realms. The Lacy family, 1166-1241, Manchester, 2014, p. 21-46.

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Un lignage hybride et mouvant : de la topolignée à la « supra-lignée » La famille de Briouze se qualifie elle-même, depuis le milieu du xie siècle, par un toponyme, en référence au centre originel de sa puissance territoriale. Elle conserve ce marqueur identitaire qui désigne un fief modeste de la marche normande, malgré l’acquisition croissante de riches domaines au-delà de la Manche au fil du premier siècle de son existence. À titre indicatif, la terre de Briouze est tenue du roi en chef contre le service de 3 chevaliers18, tandis que 28 chevaliers sont inféodés dans l’honneur de Barnstaple dans le Devon19, et 60 pour l’honneur irlandais de Limerick20. Cela révèle à la fois l’importance de la notion de lieu dans l’élaboration d’une identité lignagère et l’attachement mémoriel aux origines normandes, perçues comme prestigieuses. Guillaume Ier, en choisissant le patronyme de Briouze, crée une identité nouvelle, indépendante de ses propres racines familiales, et marque le point de départ d’une nouvelle lignée21. Le concept de topolignée a été conçu par Anita Guerreau-Jalabert pour spécifier le processus de transformation de l’anthroponymie survenu entre le xe et le xiie siècle, caractérisé par l’apparition d’une désignation insistant sur l’ancrage territorial22. L’appartenance foncière prime sur l’identification parentélaire23. Le terme de topolignée, façonné par Anita Guerreau-Jalabert, est-il applicable aux Briouze ? Cette notion estelle trop restrictive, inadaptée à un lignage « mobile », puisqu’étroitement associée à l’idée d’un enracinement spatial de l’aristocratie24 ? Ou au contraire, intègre-t-elle les possibles migrations familiales25 ? Une hypothèse de travail proposée par Didier Méhu est reprise et poursuivie26. Dans une réflexion historiographique sur l’usage du concept d’espace en histoire médiévale, il décentre son analyse pour proposer une étude sémantique du mot locus

18 Guillaume II de Briouze détient 3 fiefs de chevaliers dans son honneur de Briouze en Normandie, ainsi qu’un fief de chevalier à Couvert dans le Bessin vers 1172. H. Hall (éd.), The Red Book the Exchequer, Londres, 1965, vol. 2, p. 631. 19 B. Lees (éd.), Records of the Templars in the England in the Twelfth century, Londres, 1935, no 4. 20 H. S. Sweetman (éd.), Calendar of Documents relating to Ireland, 1171-1251, Londres, 1875, p. 24, no 147. 21 Chr. Ghasarian, Introduction à l’étude de la parenté, Paris, 1996, p. 49. 22 A. Guerreau-Jalabert, « Le système de parenté médiéval : ses formes (réel/spirituel) et sa dépendance par rapport à l’organisation de l’espace », in R. Pastor (dir.), Relaciones de poder, de producción y parentesco en la edad media y moderna, Madrid, 1990, p. 85-105. 23 A. Guerreau, « Quelques caractères spécifiques de l’espace féodal européen », in N. Bulst, R. Descimon, A. Guerreau (dir.), L’État ou le Roi : les fondements de la modernité monarchique en France (xive-xviie siècles), Paris, 1996, p. 89-90. 24 J. Morsel, « Introduction » [en ligne], disponible sur (consulté le 21 juin 2020), p. 10. 25 M. Bourin et P. Chareille, « Introduction », in M. Bourin et P. Martinez Sopena (dir.), Anthroponymie et migrations dans la Chrétienté médiévale, Madrid, 2010, p. 1. 26 D. Méhu, « Locus, transitus, peregrinatio. Remarques sur la spatialité des rapports sociaux dans l’Occident médiéval (xie-xiiie siècle) », in Construction de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations, SHMESP, Paris, 2007, p. 275.

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et il théorise cette notion de « lieu27 ». Il constate que l’emploi de ce mot n’est pas neutre entre le ixe et le xiie siècle, puisqu’il est pensé comme un point de repère et qu’il sert de plus en plus à désigner l’espace habité28. Le lignage de Briouze assure une mainmise spatiale grâce à son réseau d’alliances. L’appropriation territoriale structure les liens sociaux, polarisés notamment par la sphère castrale29. Cette focalisation sur un lieu donné imprègne les documents de la pratique. Les chartes énumèrent des lieux précis, tandis que l’espace de domination afférent reste flou, généralement désigné par la formule diplomatique « et leurs dépendances30 ». Le symbolisme du lieu, important dans l’élaboration d’une identité familiale, transparaît dans la construction du lignage de Briouze. La période où s’établit cette famille, comprise entre le milieu du xie siècle et 1175, est une période transitoire au cours de laquelle les lignages normands se forment, délaissant le traditionnel cousinage31. Le décentrement territorial du dominium est contrebalancé par la permanence d’un ancrage normand symbolique à travers l’attachement à la désignation topolignagère « de Briouze ». Par exemple, l’alternance entre l’usage des termes latins de Braiosa32 ou Braiosensis33, souligne la confusion entre l’anthroponymie et la référence à l’habitat, puisque les suffixes latins –ensis, associés à un toponyme, désignent ce qui concerne le lieu34. La pérennité du nom de Briouze, même après la privation du fief éponyme à la suite de la perte de la Normandie en 1204, confirme la solidité du lien affectif entre le lieu, le nom propre et la mémoire lignagère. Acquis dans des conditions obscures par le père fondateur du lignage, Briouze est le point de départ d’une immense construction territoriale, morcelée à travers les îles anglo-normandes. Le nom familial est un rappel constant des origines normandes modestes. Le rôle fondateur du premier père est ainsi renforcé. La suite du processus d’acquisitions territoriales oscille entre conquêtes, faveurs royales et dotations par les femmes. Les épouses des seigneurs de Briouze apportent de généreuses dots et des héritages conséquents lors de leurs mariages. Les dames de Briouze jouent un rôle considérable dans la construction lignagère et territoriale. Focalisée sur la parenté de Briouze, cet ouvrage offre l’opportunité de tenter de satisfaire un souhait formulé par Martin Aurell dans un article dévolu à la parenté autour de l’an mil. Il appelait à la constitution de monographies familiales afin de

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Méhu, « Locus… », p. 279. Méhu, « Locus… », p. 280. Méhu, « Locus… », p. 292-293. ex. : la formule « et alias terras » apparaît dans la charte de Philippe Ier de Briouze, émise vers 1095 (Charte Artem/CMJS n°3476). 31 D. Lett, « Les règles du jeu matrimonial : regards pragmatiques sur les stratégies des aristocraties des ixe-xiiie siècle », in M. Aurell (dir.), Les Stratégies matrimoniales (ixe-xiiie siècle), Turnhout, 2013, p. 354. 32 « Willelmus de Braiosa » (Berkeley, BCM, Select Charter 9). 33 « […] de hominibus Guillelmi Braiosensis » (D. Bates (éd.), Regesta Regum Anglo-Normannorum. The Acta of William I, 1066-1087, Oxford, 1998, p. 805-809, no 267). 34 Grammaire latine, Supplément, Gand, 1843, no 121, p. 80.

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multiplier les exemples et de discerner les structures profondes du système social médiéval de la parenté35. Une démarche inductive permet de prendre du recul sur le cas longuement analysé de la parentèle de Briouze en le comparant aux évolutions générales du système de parenté observées autour de l’an mil36. Plusieurs fils principaux peuvent être tirés pour démontrer à la fois la « normalité » et la spécificité du modèle familial élaboré par la parenté de Briouze. Bien qu’à peine visible dans les actes conservés, les femmes sont déterminantes dans la formation de liens particuliers entre parents masculins du lignage. Un système cognatique perdure et coexiste parallèlement à la transmission agnatique valorisée lors de l’émergence du système lignager après l’an mil37. Cette idée est corroborée par deux « flottements sémantiques38 » présents dans les actes de la famille de Briouze. La confusion entre patruus et avunculus aboutit à la valorisation de l’avunculat, qui établit des liens privilégiés entre l’oncle maternel et ses neveux. De plus, le terme de frater est utilisé pour désigner certains membres des « sous-lignages » – notamment suite au mariage de Guillaume Ier avec une veuve déjà mère –, dans un sens élargi plus proche de celui de cousin. Ces éléments prouvent la permanence d’un système cognatique, bilatéral, au-delà de la rupture symbolique de l’an mil, qui marquerait le passage du cousinage au lignage39. Est-il possible d’emprunter l’expression de « sous-lignage », formulée par José Enrique Ruiz-Doménec pour désigner les branches cadettes dans le système de parenté de la société catalane entre le xie et le xiiie siècle40 ? Ce concept désigne la scission en deux du groupe familial dont se détache une branche autonome. Celle-ci conserve cependant des liens étroits avec le lignage principal. Le terme de « sous-lignage » peut être utilisé pour désigner la lignée issue de Robert Ier, le beau-fils de Guillaume Ier de Briouze, continuellement assimilée au lignage de Briouze. Point notable, ce sous-lignage utilise le patronyme de Briouze alors qu’il ne partage pas le sang du premier seigneur de Briouze, Guillaume Ier, mais de son épouse. Cela prouve la préservation sur deux siècles d’un système cognatique, bilatéral, par la parenté de Briouze. Les délimitations entre famille « nucléaire » et famille « élargie » sont caduques aux xie et xiie siècles41. Ce phénomène réapparaît au xiiie siècle, lorsque le lignage se reconstruit en deux branches indépendantes mais réunies par un patronyme commun après la disgrâce de Guillaume III, mort en 1211.

35 M. Aurell, « La parenté en l’an mil », CCM, no 153, 2000, p. 142. 36 Aurell, « La parenté… », p. 125. 37 Aurell, « La parenté… », p. 142. 38 Aurell, « La parenté… », p. 129. 39 Si la structuration de la parenté de Briouze correspond, par de nombreux points, à l’organisation lignagère qui prédomine en Occident après l’an mil, sa désignation par le terme de « lignage » doit être nuancée. Le cas des Briouze permet de démontrer que les caractéristiques du lignage que sont la primogéniture et l’agnatisme ne s’appliquent pas toujours nettement. Aurell, « La parenté… », p. 132. 40 J. E. Ruiz-Doménec, « Système de parenté et théorie de l’alliance dans la société catalane (env. 1000-env. 1240) », Revue historique, 532, 1979, p. 314. 41 Aurell, « La parenté… », p. 128.

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Oscillant entre « cousinage » et « lignage », la parenté de Briouze correspond à un système hybride, sorte de « supra-lignée42 » regroupant plusieurs « sous-lignages », à l’implantation territoriale différenciée, aux contacts ponctuels. Le caractère hybride du « supra-lignage » de Briouze transparaît également dans la survivance d’une importante mobilité des hommes et des terres qui côtoie le processus d’enracinement territorial des lignages sur des domaines et des châteaux43. La transmission patrilinéaire des terres est progressivement mise en place entre le xie et le xiie siècle, notamment dans le nord-ouest du territoire franc marqué par une structure agnatique forte. Ce type de succession linéaleagnatique44, de mâle en mâle par ordre de primogéniture, se développe parallèlement à la transformation du système de dénomination45. La stabilité du lignage, vecteur d’une emprise foncière durable, est l’une des préoccupations essentielles de la société aristocratique dite « féodale46 ». L’homme, seigneur et père de famille, apparaît visiblement dans les actes de la pratique comme transmetteur de biens fonciers. En revanche, l’épouse est généralement invisible, bien qu’elle soit indispensable à l’élaboration du lignage. Dans les sources diplomatiques, elle n’est citée qu’à de rares reprises, dans les actes évoquant les dots ou les douaires. Elle intervient dans la gestion des domaines en cas de veuvage ou en l’absence de son époux47. Une généalogie familiale, rédigée sur papier vers 1450 et conservée à Oxford, aux archives de Magdalen College sous la côte Sele A, synthétise un point essentiel : la reconstitution de la structure lignagère des Briouze est influencée par le parti-pris des sources (Fig. 1). Les seigneurs de Briouze n’ont pas fait rédiger leur propre version de leur histoire. Cette généalogie, depuis le premier seigneur de Briouze, Guillaume Ier, fondateur du prieuré de Sele, jusqu’à Jean de Montbray, fils de Jean, duc de Norfolk, sous le règne du roi Henri VI, est biaisée : elle ne s’intéresse qu’aux seigneurs de Briouze et à leurs héritiers bienfaiteurs du prieuré, oubliant de nombreux membres du lignage. Malgré l’oubli ou la mise à l’écart volontaire de certains membres de la parentèle, la structure particulière du lignage de Briouze ressort visuellement. Dans un premier temps la filiation agnatique prime, consolidant la puissance du lignage. La nombreuse descendance de Guillaume III et de Mathilde, bien que partiellement indiquée, met en évidence la rupture survenue au xiiie siècle. Le lignage éclate en deux sous-lignées. 42 Le préfixe « supra- » est choisi pour évoquer à la fois l’idée de supériorité (au-dessus de) et d’ancienneté (précédemment à). Il permet de désigner la forme du lignage de Briouze, incluant la lignée principale et les sous-lignées, apparue à une période charnière entre le cousinage et le lignage agnatique. 43 Aurell, « La parenté… », p. 130. 44 Un agnat est un membre d’une famille issue d’un ancêtre commun, descendant par les mâles. 45 M. Bourin, « Du nom propre au nom de famille : itinéraires anthroponymiques du Moyen Âge », Conférence de la Maison du Moyen Âge, Poitiers, CESCM, 8 décembre 2015. M. Bourin et P. Chareille, « Introduction », p. 4. 46 A. Guerreau, « Féodalité », in J. Le Goff, J.-Cl. Schmitt (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, 1999, p. 387-406. 47 Les figures d’Ève, veuve de Guillaume V, au milieu du xiiie siècle et de Marie, veuve de Guillaume VI, au tournant du xive siècle, ressortent nettement de la documentation.

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48 Remarque : La structure, sous forme de cercles d’égale dimension, est identique à la version latine. L’extrait sélectionné représente une vision partielle de la famille de Briouze en se focalisant sur les seigneurs de Bramber, donateurs du prieuré. Guillaume VIII est mal identifié (Tableau de filiation 1). Selon cette généalogie, il serait le fils de Guillaume VI et de Marie de Ros, et Aline serait sa fille.

Fig. 1 : Extrait traduit d’une généalogie de la famille de Briouze (Oxford, MCA, Sele A, sur papier, c. 1450)48. Dessin © Amélie Rigollet

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Les mots choisis par ce document du xve siècle pour y présenter les membres du lignage et établir les liens familiaux synthétisent ce qui a été conservé par la mémoire collective quatre siècles après le début de la lignée. La place accordée aux épouses, bien que réduite, peut être interprétée comme un indice du statut symbolique qui leur est reconnu. Ces femmes, présentées différemment dans ce tableau de filiation du xve siècle, contribuent chacune à former l’identité du lignage49. Les sources conservées ne permettent pas de distinguer précisément la chronologie des apports patrimoniaux. Le flou persiste quant à la part de stratégie matrimoniale (qu’espèrent obtenir les seigneurs de Briouze lors de l’union ?) ou de profits successoraux (les épouses sont-elles des héritières au moment de l’union ?). Seul le résultat est perceptible : grâce à leurs épouses, les seigneurs de Briouze maximisent à la fois le profit et le symbolique50. Ils acquièrent de vastes domaines épars et gravissent les échelons de la société aristocratique.

Corpus documentaire et structure lignagère Éteinte, la famille de Briouze n’a pas de fonds archivistique propre51. Son histoire est écrite par le recoupement d’actes principalement collectés dans les fonds ecclésiastiques et les archives du pouvoir souverain, croisés aux discours produits par l’historiographie médiévale. Le travail de sélection a été réalisé par la recherche et la compilation systématique des occurrences du patronyme de Briouze – et ses variantes, dont la plus fréquente est Braose –, dans les catalogues d’archives de tous les lieux où les seigneurs de Briouze ont été possessionnés, en Normandie et dans les îles britanniques. La documentation éparse a parfois été transférée dans des fonds

49 La première dame a été oubliée, son identité perdue au cours des siècles, signe probable d’un mariage hypogamique où l’épouse est issue d’un milieu social inférieur à celui de son époux. Jugée peu digne d’être revendiquée comme parente, son nom est perdu. De même, quelques décennies plus tard, le nom de l’épouse de Renaud disparaît et les femmes des derniers seigneurs de Briouze ne sont même pas évoquées. La seconde dame de Briouze, identifiée par son prénom Aénor, n’est pas reliée à ses origines paternelles pourtant connues par les sources diplomatiques. Est-ce l’indicateur d’une union isogamique, entre deux familles ayant des statuts sociaux équivalents ? Probablement, puisque les pères des mariés étaient deux seigneurs importants, solidement installés en Angleterre après la conquête. Au contraire, Berthe, épouse de Guillaume II de Briouze, est plus amplement décrite comme fille et héritière du comte Milon de Hereford. La volonté d’indiquer le titre prestigieux du père de l’épousée, ainsi que son statut d’héritière, confirme l’hypergamie : la femme provient d’un cercle familial puissant. Ce choix est identique à celui opéré pour Ève, fille de Guillaume Le Maréchal. Le cas de Mathilde de Saint-Valéry est particulier : elle est la seule à être présentée par son propre patronyme et dont la mort soit indiquée. Par contre, les héritières de chaque sous-lignée sont clairement identifiées et reliées à leurs époux. 50 Lett, « Les règles… », p. 354. 51 Le cas du manuscrit conservé à Kew, aux archives nationales, sous la cote E 164/1 est discuté par D. J. Power, « The Briouze Family in the Thirteenth and Early Fourteenth Centuries : Inheritance Strategies, Lordship and Identity », Journal of Medieval History, 41 :3, 2015, p. 356. Ce recueil d’actes et de prophéties s’intéresse particulièrement à la famille de Briouze et à la situation du Gower, et a probablement été rédigé par le scriptorium de l’abbaye de Neath.

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nationaux, à Paris, Londres, Aberystwyth, Dublin et Kew52. Ce procédé de collecte présente des limites, puisque toutes les occurrences ne sont pas répertoriées dans les catalogues d’archives, dans leurs versions papier ou numérique53. En complément, les recueils d’édition d’actes ont été dépouillés, par recoupements successifs. Cette compilation qui tend à l’exhaustivité pourrait être complétée à l’avenir par de nouvelles découvertes archivistiques ou par l’ajout d’actes déjà édités et malencontreusement oubliés. Toutefois, le panel ainsi rassemblé de 1627 actes et 17 sceaux offre une vision suffisamment dense du lignage de Briouze pour proposer des hypothèses quant aux stratégies familiales et aux choix individuels. Une analyse statistique des actes catalogués projette une double perspective. La reconstitution du parcours familial est nécessairement orientée par la fonction et l’origine des actes répertoriés. Toutefois, des transformations propres au lignage transparaissent. Les actes émis par les seigneurs de Briouze ont principalement été conservés dans des fonds monastiques, notamment ceux dont ils étaient les patrons54 (Graphique 1 ; Annexe 1). Les cartulaires révèlent les stratégies d’appropriation d’un lieu par les seigneurs de Briouze par la fréquence et la durée de leurs bienfaits. Les donations évoluent au fil du temps. Celles accordées à l’abbaye Saint-Florent de Saumur au tournant des xie et xiie siècle sont enregistrées au xiie siècle par les moines dans le Livre Blanc55 – 11 actes principalement émis à la fin du xie siècle –, et dans le Livre d’Argent56 – 7 occurrences entre le début du xiie siècle et 1175. Les actes collectés dans ces cartulaires recoupent ceux rassemblés dans les petits cartulaires locaux des établissements dépendants de Saint-Florent, telle la cure d’Écouché (2 actes) et le prieuré Saint-Gervais de Briouze (4 actes)57. Cette logique apparaît également pour

52 Les archives suivantes ont été visitées : Archives départementales de l’Orne (Alençon) ; Archives départementales du Calvados (Caen) ; Bibliothèque Municipale de Flers (Médiathèques de Flers Agglo) ; Archives départementales de Seine-Maritime (Rouen) ; Archives départementales du Maine-et-Loire (Angers) ; National Library of Wales (Aberystwyth) ; College of Arms (Londres) ; Bodleian Library (Oxford) ; Magdalen College (Oxford) ; Herefordshire Archives (Hereford) ; Gloucestershire Archives (Gloucester) ; Glamorgan Archives (Cardiff) ; West Glamorgan Archives (Swansea) ; The National Archives (Kew) ; British Library (Londres) ; Bibliothèque Nationale de France (Paris). 53 Je remercie le Professeur Nicholas Vincent de m’avoir signalé que 60% de la collection médiévale des archives nationales d’Angleterre à Kew (The National Archives) n’est pas consultable par le catalogue en ligne. 54 Les archives d’Hereford dont le siège épiscopal est occupé par Gilles de Briouze au début du xiiie siècle ont été triées. Les actes de Gilles en tant qu’évêque, édités par Julia Barrow, n’ont pas été référencés, puisqu’ils relevaient de sa charge et non de la gestion des domaines familiaux. Seules exceptions, les actes mentionnant son parent Hugues, chanoine d’Hereford, et les actes émis par Gilles en tant que seigneur de Briouze. 55 Copie du xiie siècle, Angers, A.D. Maine-et-Loire, H 3713, Livre Blanc, 130 folios. 56 Copie du xiie siècle, Angers, A.D. Maine-et-Loire, H 3714, Livre d’Argent, 167 actes. 57 Copie du xve siècle, Angers, A.D. Maine-et-Loire, H 3669, no 2, petit cartulaire relatif à la cure d’Écouché, composé de 8 folios, dont 4 blancs. Copie du xve siècle, Angers, A.D. Maine-et-Loire, H 3654, no 2, recueil de titres concernant le prieuré Saint-Gervais de Briouze, dépendant de l’abbaye de Saint-Florent-lèsSaumur, 166 folios.

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Décennies

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1321-1326 1311-1320 1301-1310 1291-1300 1281-1290 1271-1280 1261-1270 1251-1260 1241-1250 1231-1240 1121-1230 1211-1220 1201-1210 1191-1200 1181-1190 1171-1180 1161-1170 1151-1160 1141-1150 1131-1140 1121-1130 1111-1120 1101-1110 1091-1100 1081-1090 1073-1080 0

100

200

300

400

500

Actes de la famille de Briouze Archives des pouvoirs religieux

Archives du pouvoir souverain

Divers

Graphique 1 : Fonds archivistiques et proportion des actes de la famille de Briouze par décennie

les 12 actes réunis dans le cartulaire de l’abbaye Notre-Dame d’Ardenne entre les années 1170 et 130658, similaires à ceux assemblés dans les petits cartulaires du prieuré de « Briouse59 », du prieuré de Lonlay-le-Tesson et du prieuré de Ménil-de-Briouze60. 58 Copie du xive siècle, Caen, A.D. du Calvados, H 0117, Cartulaire de l’abbaye d’Ardenne. Alençon, A.D. Orne, microfilm 2MI521, Cartulaire de l’abbaye Notre-Dame d’Ardenne. 59 Copie du xviie siècle, Angers, A.D. Maine-et-Loire, H 3654, Prieuré de Briouse – Cartulaire. 60 Copie du xixe siècle, Flers, B.M., MAN 6, Abbaye d’Ardennes, Cartulaire du prieuré de Lonlay-le-Tesson. Copie du xvie siècle, Alençon, A.D. Orne, H 6, no 24, fragment d’un cartulaire de l’abbaye d’Ardennes, contenant les copies de 28 chartes relatives au prieuré du Ménil-de-Briouze.

S ur le s t race s d e Bri o uze 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2

Individus

Abbaye Saint-Florent de Saumur

Prieuré Saint-Jean de Brecon

Autres établissements religieux

Guillaume VII

Guillaume VI

Jean

Guillaume V

Renaud

Guillaume III

Guillaume II

Philippe I

Guillaume I

0

Prieuré Saint-Pierre de Sele

Graphique 2 : Bénéficiaires des actes émis par chacun des seigneurs de Briouze

Ces actes émis lors de la période de fondation du lignage de Briouze témoignent d’un ancrage initialement normand (Annexe 1). À partir du milieu du xiie siècle, l’influence des Briouze s’étend à travers le monde anglo-normand (Graphique 2). Le cartulaire de l’abbaye de Dureford illustre les variations dans les donations seigneuriales61. Les Briouze deviennent bienfaiteurs de l’abbaye au milieu du xiie siècle, mais Guillaume III de Briouze densifie les dons au tournant du xiiie siècle. Les donations disparaissent pendant plusieurs décennies avant que son descendant, Guillaume VI, multiplie les offrandes jusqu’à sa mort en 1290. De même, les dons enregistrés par les moines-chevaliers témoignent de l’engouement temporaire des Briouze pour l’ordre du Temple, 8 actes de dons s’échelonnant entre les années 1130 et 121362. Nouvellement seigneur de Brecon, les Briouze dotent généreusement le prieuré Saint-Jean de Brecon entre les années 1175 et 1270, comme le prouve les 21 actes rassemblés dans le cartulaire63. Les donations, réparties entre les années 1175 et 1270, sont principalement réalisées sous Guillaume III, conjointement avec son épouse

61 Copie de la fin du xiiie-xve siècle, Londres, BL, Cotton MS Vespasian E XXIII. J. H. Stevenson (éd.), The Durford Cartulary, Sussex Record Society, vol. 90, 2006. 62 Copie du xve siècle, Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ cartulary. 63 Copie du xviiie siècle, Oxford, Bodleian Library, MS Carte 108, Cartulaire du prieuré Saint-Jean de Brecon. R. W. Banks (éd.), Cartularium St. Johannis Evangelistae de Brecon, Londres, 1884.

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24%

29%

Individus Abbaye Saint-Florent de Saumur 12%

7% 28%

Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Jean de Brecon Autres établissements religieux

Graphique 3 : Bénéficiaires de l’ensemble des actes émis par les seigneurs de Briouze

Mathilde, puis sous son fils Renaud. Ces concessions sont symptomatiques d’une stratégie d’emprise territoriale dans une zone galloise instable et récemment acquise. Le fonds du prieuré de Sele, préservé dans la tour de Magdalen College à Oxford se distingue par l’abondance des actes relatifs aux Briouze, pour l’ensemble de la période étudiée (Graphique 3). Ce fonds est particulièrement riche, de par la qualité de préservation des chartes seigneuriales, doublées d’un cartulaire64. Ainsi 44 chartes – émise entre la fin du xie siècle et 1317 – et 28 actes réunis dans le cartulaire – copies d’actes de la fin du xie siècle à 1298 – témoignent de la gestion par les Briouze de leur fondation sur la longue durée. Plusieurs chartes inédites ont été transcrites. Un travail de comparaison systématique des chartes et du cartulaire latin serait un projet de recherche ultérieure, complémentaire des pistes formulées dans cet ouvrage. Du fait de l’évolution archivistique médiévale du monde anglo-normand, la proportion des actes provenant des fonds ecclésiastiques et souverains tend à s’inverser65. L’impact de la conservation écrite influence la perception des évènements. La « révolution documentaire66 » du xiie siècle, organisée par la royauté anglo-normande dans la seconde moitié du xie siècle67, influence la structure du corpus documentaire propre aux Briouze. Le cas des Briouze n’échappe pas à ce phénomène englobant. Néanmoins, plusieurs pics de productions d’actes émis en faveur des fondations religieuses peuvent être repérés. Ils correspondent aux périodes où un nouveau

64 L. Fr. Salzman (éd.), The Chartulary of the Priory of St. Peter at Sele, Cambridge, 1923. 65 Ce phénomène est encouragé par le dynamisme du système administratif ducal en Normandie, repris et développé par la Couronne anglaise au xiie siècle. 66 J.-Cl. Maire-Vigeur, « Révolution documentaire et révolution scriptuaire : le cas de l’Italie médiévale », Bibliothèque de l’École des chartes, no 153, 1995, p. 177-185. P. Chastang, « L’archéologie du texte médiévale. Autour de travaux récents sur l’écrit au Moyen Âge », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2008/2, p. 263. 67 J. Morsel, « Communautés d’installés » [en ligne], EspacesTemps.net, 2014, disponible sur (consulté le 21 juin 2020).

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seigneur de Briouze prend la tête du lignage. Il confirme alors les dons de ses ancêtres et ajoute de nouveaux dons personnels. Malgré le prisme déformant créé par les aléas de la conservation et les transformations de la chancellerie royale, les affaires traitées par le lignage évoluent (Annexe 1 ; Graphique 4). Ces temps sont spécifiques à la famille de Briouze. Trois périodes principales peuvent être mises en évidence, au cours desquelles les Briouze gèrent différents types de situation. Au cours du premier siècle de son existence, la famille semble focalisée sur la gestion de ses terres et de ses fondations religieuses : son aire d’influence est restreinte à l’échelle locale malgré un patrimoine transrégional. La situation bascule au tournant des années 1175, avec l’arrivée de Guillaume III de Briouze. Sous le règne du roi Jean, le service royal à l’échelle du monde anglo-normand prend le pas sur le règlement des affaires familiales. Guillaume III n’émet qu’une quarantaine d’actes en faveur des fondations familiales et de ses tenants, alors qu’il est témoin des rois successifs à 239 reprises. Il bénéficie en retour d’une quarantaine d’actes royaux, faveur qui accroît considérablement son emprise territoriale et sa puissance. Ce changement n’est pas le simple reflet de l’essor de la chancellerie royale : par la suite, les seigneurs de Briouze n’apparaissent plus systématiquement dans l’entourage royal. Au cours de la troisième période, le nombre d’actes diminue et le type d’affaires traitées change. Au milieu du xiiie siècle, les affaires judiciaires s’enchaînent. Ce temps correspond à la mise en concurrence des systèmes judicaires royaux et seigneuriaux. À l’échelle du lignage, la multiplication des procès est symptomatique de sa fragilité. Les Briouze sont sujets aux attaques, phénomène qui s’estompe par la suite, sans disparaître. La famille se replie sur la gestion de ses domaines, délaissant peu à peu le service royal pourtant dynamique au tournant du xive siècle. Ces oscillations statistiques sont à la fois le produit d’un contexte et résultent de l’adaptation des stratégies familiales aux contingences. Le corpus documentaire de la famille de Briouze n’est pas linéaire et uniforme (Graphique 4). Les discontinuités coïncident avec l’évolution de la structure du lignage et des rapports entre la famille et le pouvoir. L’alternance des rythmes, visible dans la pratique diplomatique, s’accorde à celle de l’historiographie médiévale. La famille de Briouze apparaît par à-coups dans la production historique de son temps. Ces mentions correspondent aux moments où les seigneurs de Briouze sont aux prises avec les évènements du royaume et sont décrits dans leurs rapports aux rois d’Angleterre et aux princes de Galles. À l’exception de quelques mentions relatives à Philippe Ier de Briouze au début du xiie siècle, à Guillaume VII au tournant des années 1320, l’essentiel des mentions historiographiques relatives à la famille sont concentrées entre les années 1175 et 1245. Les faits rapportés s’orientent dans deux directions principales68 : d’une part, la complexité des relations entre les Briouze et les Gallois, liée à leur statut de seigneur de la marche ; d’autre part, les liens particuliers

68 L’intervention des Briouze en Irlande est également mentionnée, dans une moindre mesure.

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1073-1080 1081-1090 1091-1100 1101-1110 1111-1120 1121-1130 1131-1140 1141-1150 1151-1160 1161-1170 1171-1180 1181-1190 1191-1200 1201-1210 1211-1220 1121-1230 1231-1240 1241-1250 1251-1260 1261-1270 1271-1280 1281-1290 1291-1300 1301-1310 1311-1320 1321-1326

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Affaires religieuses Affaires judiciaires

Affaires familiales et seigneuriales Service du roi

Graphique 4 : Catégories des affaires traitées par les actes de la famille de Briouze

unissant Guillaume III de Briouze au roi Jean et leurs conséquences sur le lignage. Ces variations dans l’abondance des actes et des récits influencent la structuration de cette thèse. Le plan choisi suit ces trois phases, l’évolution du lignage correspondant aux changements de sources69. La voix du lignage est absente. Son propos, entre loquacité et silences, ne peut être reconstitué qu’à travers le filtre de ce corpus documentaire, à la fois dense et lacunaire, dont les fragments sont parvenus jusqu’à nous. Le principe de la reliance, développé par le sociologue Édgar Morin70, peut permettre de relier ces données disjointes71. Par une « pensée qui relie », par une pensée historique enrichie des apports théoriques des sciences humaines, ces pièces historiques éparses peuvent être corrélées ou opposées72. En choisissant de reconstituer l’histoire d’un lignage sur neuf générations, il convient de confronter les sources, diplomatiques et narratives, pour percevoir leur divergence, leur complémentarité et leurs limites.

69 L. Kuchenbuch, « Sources ou documents ? Contribution à l’histoire d’une évidence méthodologique », Hypothèses, no 7, 2004/1, p. 306. 70 É. Morin, La Méthode, vol. 6, « Éthique », Paris, 2004, p. 113-120. M. Maffesoli, Le Réenchantement du monde. Une éthique pour notre temps, Paris, 2007, 206 p. M. Bolle De Bal, « Éthique de reliance, éthique de la reliance : une vision duelle illustrée par Édgar Morin et Michel Maffesoli », Nouvelle revue de psychosociologie, no 8, 2009/2, p. 187-198. 71 M. Bolle De Bal, « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques », Sociétés, no 80, 2003/2, p. 99-131. 72 A. A. Abdelmalek, « Édgar Morin, sociologue et théoricien de la complexité : des cultures nationales à la civilisation européenne », Sociétés, no 86, 2004/4, p. 99-117.

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Méthodologie de la monographie, entre modèles et particularismes Intact, détaché de sa charte d’origine, le sceau conservé à la National Library of Wales d’Aberystwyth, dont la légende précise « Sceau de Guillaume de Briouze, seigneur des honneurs de Bramber et du Gower », peut être attribué au dernier seigneur de Briouze par recoupement de données73 (Fig. 2). Il a été imprimé sur cire par la même matrice que celui utilisé pour corroborer un acte du roi Édouard Ier le 12 février 1300, dont Guillaume VII de Briouze est l’un des nombreux témoins. Ce deuxième sceau est conservé aux archives nationales britanniques de Kew dans un état plus dégradé, fortement endommagé sur son pourtour à la légende partiellement disparue74. Le croisement des informations permet, grâce à la complémentarité des éléments préservés, de pallier la fragmentation des sources médiévales et de reconstituer une portion d’histoire individuelle.

Fig. 2 : Sceaux de Guillaume VII de Briouze. Dessins © Amélie Rigollet

Ce cas exemplifie la mission de l’historien, collectant, identifiant et croisant la documentation, matérielle ou écrite, qui a pu traverser le temps. Les sources médiévales conservées sont parcellaires. Elles n’offrent l’accès qu’à une fraction des trajectoires personnelles, principalement celle d’une représentation sociale de « soi », produite par les « personnages » publics qui ont intériorisé les normes de socialisation imposées par leur environnement culturel75. En revanche, une partie essentielle de la conduite individuelle échappe généralement au travail de reconstitution : la part

73 Aberystwyth, NWL, Penrice & Margam 391c. Fig. 36. 74 Kew, TNA, E 26/1, box 1 G. 75 P. Tap et Fl. Sordes-Ader, « Soi, identités et adaptation », in C. Tarquinio, E. Spitz (dir.), Psychologie de l’adaptation, Bruxelles, 2012, p. 150-151.

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psychologique des comportements qui inclut la motivation et l’intention, plus ou moins consciente76. La trace, suite d’empreintes laissées par le passage de quelqu’un, est, par extension, une preuve matérielle, une marque de ce qui subsiste. Suivre à la trace, retrouver la piste puis se laisser guider par elle, est-ce le travail de l’historien ? Doit-il simplement relever les indices, « à la loupe » ? Ou doit-il également se décaler, prendre de la hauteur, se décentrer, pour mieux appréhender les sinuosités du parcours ? Au-delà de l’assemblage méthodique des témoignages du passé, l’historien doit faire sens en reconstituant les silences ou les vides entre les fragments d’histoire. Ces interprétations, ces hypothèses doivent néanmoins respecter la rigueur scientifique de l’analyse des preuves. La trace est à la fois un vestige et un sillage : Probare, c’est éprouver, et plus tard : jeter en avant la preuve. La trace, elle, est l’habitante négligeable du présent. Elle ne cherche pas à développer un plaidoyer mais reste un souvenir vite reconnu, un gué de hasard. Et le plus aromatisé étant généralement un raccourci, elle est une avance sur l’ouvrage humain. Elle ne peut être entièrement reconstituée qu’à partir de cette évidence. Mais toutes deux, la trace et la preuve, nous sont essentielles. Ce qu’on peut rechercher, c’est le langage de ces objets qui sont à la fois l’un et l’autre – ils sont preuves, mais ne veulent rien prouver que l’inégalité des degrés et des forces dans les grands écarts du provenant77. En réfléchissant à son travail d’écriture poétique, René Char évoque la « transcription78 », qui est une « dissension79 » entre impression vécue et mise par écrit. Ce décalage, perceptible au moment où « la main raconte80 », se répercute sur l’analyse historique. La vérité ne peut être pleinement saisie puisqu’elle est entravée par la charge des mots et le poids des silences. Les traces médiévales parvenues jusqu’à nous doivent être appréhendées dans leur globalité, saisissant comme un tout, leurs contenus, leurs intentions et leurs lacunes. René Char met en valeur la dichotomie entre trace et preuve : « la preuve pro-vient tandis que la trace se laisse81 ». Autrement dit, contrairement à la trace, la preuve doit surgir, jaillir, être révélée par l’historien82. Si la trace est une marque témoignant du passage d’un être, la preuve établit de manière irréfutable la vérité ou la réalité d’un phénomène. La trace est ce que laisse le passé tandis que la preuve est ce que reçoit le présent.

76 Tap et Sordes-Ader, « Soi… », p. 152. 77 R. Char, « Un feu dans un bocage aride », Sous ma casquette amarante, in En trente-trois morceaux, Paris, 1995 [1983], p. 115. 78 Char, « Un feu… », p. 117. 79 Char, « Un feu… », p. 123. 80 Char, « Un feu… », p. 117. 81 R. Char, Œuvres complètes, Paris, 1983, p. 382. 82 Fr. Roussille, « Effets de double et traces graphiques. La souveraineté retrouvée de René Char », Post-scriptum, no 20, Dédoublements littéraires, 2016.

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Considérer les traces, porter attention aux détails pour saisir une réalité disparue : cette démarche imprègne l’œuvre de Carlo Ginzburg83. En privilégiant la micro-histoire et l’histoire des mentalités, il s’interroge sur la portée des sources, sur leur transcription du passé, qu’il éclaire par des questionnements actuels, en dépassant les frontières disciplinaires. Ses analyses croisent les supports historiques, matériels et textuels pour « approcher le vrai » en apportant la preuve84. La notion d’équilibre est centrale : équilibre entre interprétation humaine et rigueur scientifique, entre méthode heuristique et analyse des sources. Carlo Ginzburg nomme cette lecture des traces le « paradigme indiciaire » : sa conception théorique scientifique repose sur l’analyse de l’ensemble des formes que peut prendre un indice. Il constate que la posture d’impartialité de l’historien pose question, que le travail de reconstitution du passé, subjectif, est une sorte de « fiction probable85 », qui doit être cadré par une démarche méticuleuse et scientifique. L’historien recompose la cohérence historique grâce à des suppositions fondées sur des preuves. Il s’agit d’osciller entre une focale macroscopique portée sur les traces du passé et une vue générale, élargie. L’essentiel est la posture de l’historien, sa technique d’observation, inspirée par le modèle du chasseur ou du détective, à l’affut des indices86. L’attention portée aux détails permet de relever les incongruités des sources, les irrégularités signifiantes. La micro-histoire qu’il propose est cette étude des détails, le travail de l’historien consistant alors à établir des liens entre ces fragments épars pour retrouver le phénomène global87. La méthode historique proposée par Carlo Ginzburg a influencé l’historiographie de la famille et de la parenté qui connaît un élan nouveau au tournant des années 198088. Deux éléments sont adoptés et adaptés lors de l’écriture de cette monographie familiale. Tout d’abord, la démarche scientifique proposée, mêle récit historique et démonstration au lecteur de la fiabilité probable du raisonnement grâce aux preuves collectées89. Ce procédé d’écriture, pédagogique et didactique, mêle l’analyse des preuves et des propositions d’interprétation comme pistes possibles de relecture des sources. Un autre point semble essentiel à retenir : les trajectoires individuelles sont au cœur de la micro-histoire. La réalisation d’une monographie familiale induit d’observer les parcours singuliers des membres du lignage. La place de chacun, le rôle dévolu aux hommes et aux femmes qui constituent la famille est une étape indispensable pour distinguer ce qui relève des choix individuels des stratégies globales. Cette première

83 C. Ginzburg, Traces. Racines d’un paradigme indiciaire, ESAD, 2014 [1979], p. 1-52. 84 P. Lombardo et M. Rueff, « Sur les traces de Carlo Ginzburg », Critique, 2011/6, no 769-770, p. 452. 85 A. Collovald, « Ginzburg (Carlo), Mythes, emblèmes et traces », Politix, vol. 2, no 7-8, 1989, p. 168. 86 W. L. Warren, « The Historian as ‘Private Eye’ », in J. G. Barry (dir.), Historical Studies IX: Papers read before the Irish Conference of Historians, Cork, 29-31 May 1971, Belfast, 1974, p. 3. 87 S. Settis, L’Invention du tableau. La Tempête de Giorgione, Paris, 1987, p. 85. A. Collovald, « Ginzburg (Carlo), Mythes, emblèmes et traces », Politix, vol. 2, no 7-8, 1989, p. 168. 88 M. Aurell, « Introduction », in M. Aurell (dir.), Le Médiéviste et la monographie familiale : sources, méthodes et problématiques, Turnhout, 2004, p. 8. 89 Collovald, « Ginzburg… », p. 168.

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facette de la monographie familiale glisse hors du champ de la micro-histoire pour envisager d’autres méthodes historiques, permettant de cerner les logiques d’ensemble formant des systèmes spécifiques. Un va-et-vient constant entre l’échelle individuelle, l’échelle familiale et l’échelle globale est une composante méthodologique évidente de cette monographie. La conception globalisante de l’histoire sociale qui imprègne l’étude de la parenté découle des travaux de Georges Duby90. Les questionnements qu’il formule à partir des années 1970 influencent encore l’élaboration des monographies familiales, qui confirment ou infirment ses hypothèses initiales. La formation du lignage, la primogéniture et la transmission héréditaire, l’agnatisme, la place des femmes, la mémoire généalogique et les représentations sociales sont autant de thématiques liées à l’histoire qu’il a initiées. Le schéma général qu’il proposait à partir de ses études restreintes sur la haute aristocratie de la France capétienne du nord aux xie et xiie siècles peut être nuancé localement puisque des divergences sociales et spatiales furent rapidement constatées par d’autres historiens, notamment dans l’espace méridional91. Poursuivre ces problématiques mais modérer les généralisations en intégrant une démarche issue de la micro-histoire, telle est la nouvelle orientation méthodologique choisie par les historiens à partir des années 200092. L’historiographie des structures de parenté s’oriente alors dans deux directions, la filiation et l’alliance, en prenant en considération la place accordée à l’individu dans la sphère familiale93. Cette nouvelle démarche combine l’analyse des sources à des propositions de conceptualisation prenant en compte les paramètres que sont l’espace géographique, la période et le groupe social étudié. Ces théorisations dépendent de la compilation puis de l’interprétation des sources recueillies. Interconnecter les parcours individuels et les stratégies lignagères aux évolutions du monde anglo-normand : cette démarche permet de saisir la complémentarité des phénomènes à des échelles variées pour discerner les particularismes propres aux Briouze. Les choix familiaux sont influencés par les changements impulsés par la royauté, processus qui se répercute sur la structuration du lignage. La figure du chef de famille est centrale dans cette dynamique évolutive : à la fois chevalier, seigneur, aristocrate et sujet du roi, ses différentes responsabilités lui permettent de multiplier les manœuvres afin de faire progresser le statut familial, procédé qui transforme la condition socio-économique des Briouze, au gré des ascensions et des descensions. Le lien fondamental entre le lignage et la terre impose une double réflexion sur la transmission du patrimoine et sur le sentiment d’appartenance, prenant en considération le rapport entre les mobilités individuelles et la circulation

90 Cl. Duhamel-Amado, « Le thème de la parenté », in P. Boucheron et J. Dalarun (dir.), Georges Duby, portrait de l’historien en ses archives, Paris, 2015, p. 205. 91 Duhamel-Amado, « Le thème… », p. 213-214. 92 Aurell, « Introduction », p. 15. 93 Aurell, « Introduction », p. 14.

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des biens. L’acquisition de nouvelles terres est à la fois le résultat de stratégies matrimoniales propres au lignage de Briouze ainsi que la conséquence de la faveur royale. L’interconnexion entre expansion territoriale, ascension sociale et loyauté envers la royauté semble être l’une des composantes caractéristiques de l’histoire familiale des Briouze. Les phases de conquêtes territoriales et d’obtention de nouveaux territoires aboutissent à un processus d’appropriation du sol, d’enracinement local et d’exploitation des ressources disponibles, selon les opportunités ou les contraintes, individuelles ou collectives, qui confronte la mobilité à la territorialité94. Désirs de mouvement et projections propres à la micro-histoire de la famille de Briouze rejoignent et/ou s’opposent à la politique impulsée par le pouvoir souverain. Les notions de choix et de stratégies, individuelles ou globales, ainsi que leurs recoupements, forment l’un des principaux fils directeurs de cette monographie familiale.

Mobilités et lignage Sur le plan méthodologique, l’histoire de la famille et de la parenté s’est inspirée de pistes ouvertes par d’autres sciences humaines, telles l’ethnologie, l’anthropologie, la sociologie et la géographie. Ces emprunts transdisciplinaires peuvent également s’étendre aux thématiques de recherche. Le thème de la mobilité, choisi comme colonne vertébrale de cette monographie, offre l’opportunité de croiser les perspectives. Dans son acception première, la mobilité est le « caractère de ce qui peut être déplacé ou de ce qui se déplace », « par rapport à un lieu » (mobilité géographique) ou « par rapport à un ensemble d’objets de même nature95 » (mobilité socio-économique). Les notions de mouvement, de changement et d’instabilité, ou a contrario d’immobilité, peuvent permettre d’analyser de nombreux phénomènes humains. La notion de mobilité doit être appréhendée dans l’espace-temps96. En observant les dynamiques de déplacement, le sociologue Bertrand Montulet constate que l’espace social découle de l’appropriation d’un lieu par un individu97. Il appréhende la mobilité géographique dans une perspective sociologique qui évoque la notion de « front pionnier »98. Bien que créée pour désigner des phénomènes perceptibles dans les déplacements contemporains, la notion d’« opportunité spatiale » offre une clé de lecture intéressante pour réfléchir à la mobilité médiévale de la famille de Briouze.

94 L. Vodoz, « Introduction. Les mobiles d’une approche territoriale », in L. Vodoz, B. Pfister Giauque, Chr. Jemelin (dir.), Les Territoires de la mobilité. L’Aire du temps, Lausanne, 2004, p. 6. 95 « Mobilité », Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales [en ligne], disponible sur (consulté le 21 juin 2020). 96 M. Augé, Pour une anthropologie de la mobilité, Paris, 2009, p. 85-86. 97 Montulet, « Au-delà… », p. 145, p. 152, tableau : « Les quatre formes de mobilité », p. 158. 98 Montulet, « Au-delà… », p. 146.

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Le processus de conquête territoriale qui conduit Guillaume Ier à gérer conjointement un patrimoine dispersé de part et d’autre de la Manche invite à considérer les objets géographiques de « polycentralité99 », d’« interterritorialité100 » ou de « multiterritorialité101 » qui peuvent qualifier ce phénomène de morcellement territorial à travers différentes régions du monde anglo-normand aboutissant à une structuration patrimoniale polycentrique. L’angle d’approche géographique de la mobilité enrichit l’analyse du cas des Briouze en superposant à l’idée de déplacement celles de sentiment d’appartenance et d’appropriation de l’espace. Selon Hélène Vélasco-Graciet, le processus d’identification et de formation d’un sentiment d’appartenance peut exister malgré le polycentrisme102. Sa conception rejoint l’analyse précédemment résumée de Didier Méhu à propos du processus d’appropriation des lieux à travers les sources médiévales103. La transdisciplinarité de la notion de mobilité, liée à son sens polysémique, peut néanmoins faire l’objet de critique, puisqu’elle aboutit à des définitions fractionnées104. Le sociologue Vincent Kaufmann constate que, traditionnellement, les différentes sciences humaines ont focalisé leur recherche sur l’une des quatre formes différentes de mobilité, réparties selon une temporalité courte ou longue et un espace spécifique, interne ou externe au bassin de vie105. Dans une perspective transversale, il souhaite intégrer l’idée de « potentiel de mobilité » en proposant une nouvelle notion, la motilité, composée de trois facteurs qui définissent la potentialité à être mobile dans l’espace, à savoir l’accessibilité, les compétences et l’appropriation106. Les idées de projection humaine et de potentialité peuvent être comparées à la notion de stratégie fréquemment employée en histoire de la parenté. Elle invite à croiser les thématiques des recherches en sciences humaines. Cette proposition d’une vision d’ensemble à travers le cas particulier des Briouze s’appuie sur différentes réflexions historiographiques formulées récemment par des historiens français ou anglo-saxons. Une piste d’interprétation des formes de mobilités du lignage de Briouze émerge, à l’intersection de plusieurs théories historiographiques. Robert Bartlett a théorisé le concept de « diaspora aristocratique107 » pour décrire le processus de poussée expansionniste de la noblesse guerrière occidentale à partir des xe-xie siècles.

99 Vodoz, « Introduction », p. 5. 100 M. Vanier, Le Pouvoir des territoires. Essai sur l’interterritorialité, Paris, 2008, p. 2-3. 101 S. Allemand, Fr. Ascher, J. Levy, Les Sens du mouvement. Modernité et mobilités dans les sociétés urbaines contemporaines, Paris, 2004, p. 77. 102 H. Velasco-Graciet, Territoires, mobilités et sociétés. Contradictions géographiques et enjeux pour la géographie, Pessac, 2009, p. 215. 103 Méhu, « Locus… », p. 293. 104 V. Kaufmann et Chr. Jemelin, « La motilité, une forme de capital permettant d’éviter les irréversibilités socio-spatiales ? », Espaces en transactions, Rennes, 2008, p. 83-91. 105 Kaufmann et Jemelin, « La motilité… », p. 87-88. 106 Kaufmann et Jemelin, « La motilité… », p. 89. 107 Bartlett, The Making…, p. 44.

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Les premiers seigneurs de Briouze mènent plusieurs avancées pionnières depuis la Normandie à travers les îles britanniques, devenant une famille aristocratique « transrégionale108 ». Progressivement implantés en Normandie, puis dans plusieurs régions – en Angleterre, au pays de Galles et même en Irlande au début du xiiie siècle –, les Briouze ont participé à la dilatation du monde anglo-normand entre les xie et xive siècles. Robert Bartlett constate la fragilité de ces modèles d’assemblages territoriaux qui résistent mal à l’absentéisme seigneurial109. La théorie de Robert Bartlett forme le point de départ d’une réflexion sur le parcours des Briouze : elle invite à approfondir cette vision construite à l’échelle de l’Occident en s’intéressant aux détails d’un cas particulier d’entreprise familiale. En complément, il convient de réfléchir au-delà de ce mouvement originel pour considérer les étapes qui suivent ce processus expansionniste, au moment de l’éclatement du système « transrégional » familial au début du xiiie siècle. Les idées de Joseph Morsel complètent cette vision d’une extension des territoires sous domination aristocratique par l’analyse du processus d’appropriation du sol, à travers la notion d’« enracinement seigneurial », corollaire d’un processus d’installation des populations, caractérisé par une « polarisation du mouvement de ces personnes110 ». Les seigneurs de Briouze s’enracinent localement : ils détiennent l’honneur de Bramber depuis la conquête de l’Angleterre jusqu’au xive siècle, temps long au cours duquel ils approfondissent leur implantation, leur contrôle et leur gestion par l’intermédiaire de dynasties de tenanciers et grâce à leurs fondations religieuses. Entre les deux extrêmes de la mobilité que sont l’expansionnisme et l’enracinement, une gradation de mobilités intermédiaires peut être établie (Tableau 1). Le phénomène d’itinérance quasi-quotidienne de l’aristocratie, parfois nommé « nomadisme châtelain111 », désigne l’extrême mobilité des seigneurs parcourant leurs domaines épars pour les gérer et subsister. Cette forme de mobilité se traduit à l’échelle locale par des déplacements seigneuriaux sur un territoire propre, compact ou morcelé. En tant que vassal du roi, les seigneurs de Briouze se déplacent également en suivant la cour royale, itinérance perceptible à travers leur statut de témoin du souverain. Le tableau suivant, inspiré par celui proposé par le sociologue Vincent Kaufmann, réunit ces quatre formes de mobilité spatiale de l’aristocratie médiévale selon leur rapport à l’espace-temps112 :

108 Bartlett, The Making…, p. 57. 109 Bartlett, The Making…, p. 58. 110 Morsel, « Communautés… ». Il considère que « la connotation carcérale de l’‘encellulement’ s’avère inadéquate. » Cette notion a été formulée par R. Fossier, L’Enfance de l’Europe (xe-xiie siècles), vol. 1, L’homme et son espace, Chapitre 2, « L’encellulement », p. 288 : L’encellulement désigne le double encadrement des hommes, entre domination seigneuriale et ecclésiastique. 111 N. Faucherre, D. Gautier et H. Mouillebouche (dir.), Le Nomadisme châtelain (ixe-xviie siècle). Actes du 6e colloque international au château de Bellecroix, 14 au 16 octobre 2016, Chagny, 2017, 374 p. 112 Kaufmann et Jemelin, « La motilité… », p. 87.

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I n tro ducti o n Tableau : Les quatre formes principales de la mobilité géographique aristocratique

Temporalité courte

Temporalité longue

Interne à un bassin de vie

Nomadisme châtelain

Enracinement seigneurial

Vers l’extérieur d’un bassin de vie

Itinérance curiale

Diaspora aristocratique (expansionnisme)

Une forme complémentaire de mobilité, matérielle cette fois, correspond à la circulation des biens patrimoniaux au gré des alliances et des héritages113. Au Moyen Âge central, sous l’impulsion de la structuration du lignage, se développe le principe de la transmission patrilinéaire. Les « centres » sont conservés par les aînés tandis que les « périphéries » circulent parmi la parentèle, entre dots et douaires ou terres dévolues aux « cadets ». Une distinction s’opère entre les centres seigneuriaux d’un ensemble territorial polycentré et les terres éparpillées, stratégiquement secondaires, en périphérie de ces noyaux patrimoniaux114. Ces différents regards sur la mobilité aristocratique, à travers le parcours des Briouze sur la longue durée, peuvent être appréhendés comme un tout, facette d’une stratégie d’ensemble plus ou moins planifiée, au coup par coup, par les seigneurs successifs. Pour reprendre la formule-titre de l’ouvrage de Jérôme Luther Viret, « le sol et le sang115 » sont étroitement liés. Cette réflexion complète dans une perspective aristocratique la théorie formulée par Joseph Morsel, adaptée au phénomène d’installation à l’échelle des villages, selon laquelle « l’organisation spatiale tend à l’emporter sur l’organisation parentale116. » Comment l’organisation spatiale et l’organisation parentale des Briouze sont-elles complémentaires et réciproques, s’ajustant mutuellement au gré des mobilités ? Le cas du rapport du lignage de Briouze à son patrimoine invite à reconsidérer l’idée selon laquelle, au cours du Moyen Âge central, le rapport des hommes – ici des seigneurs – à la terre s’inverse progressivement dans le cadre de la féodalité, « l’appartenance aux lieux devenant structurante117 ». Bien que les Briouze revendiquent leur appartenance à un fief précis – notamment à travers les titulatures – le lignage n’est pas uniquement structuré par son implantation au sol : il ne s’agit que d’une facette de leur identité. Membres d’une aristocratie transnationale, les Briouze font preuve d’une grande mobilité qui donne parfois une impression de détachement vis-à-vis de leurs possessions territoriales. La circulation de leurs biens incite à relativiser 113 Cl. Amado, « Circulation des biens à l’intérieur de la famille aristocratique de la Gothie au xe siècle », Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, t. 111, no 2, 1999, p. 907. 114 M. Aurell, Les Noces du comte : mariage et pouvoir en Catalogne (785-1213), Paris, 1995, p. 396. 115 J. L. Viret, Le Sol et le Sang. La famille et la reproduction sociale en France du Moyen Âge au xixe siècle, Paris, 2014, 491 p. 116 Morsel, « Communautés… », note 33. 117 A. Destemberg, « Joseph Morsel (avec la collaboration de Christine Ducourtieux), L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat… Réflexions sur les finalités de l’Histoire du Moyen Âge destinées à une société dans laquelle même les étudiants d’histoire s’interrogent », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 104, 2008.

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la profondeur de leur enracinement local, même si celui-ci est réel. Au fil de cette monographie se dessine une voie intermédiaire, conséquence des mouvements d’expansions ou de replis territoriaux provoqués à diverses échelles par les politiques royales ou les partages successoraux. Le terme de mobilités enveloppe cette monographie car il implique l’analyse des déplacements réels et projetés, géographiquement et socialement. Vincent Kaufmann propose une définition de cette notion qui correspond aux phénomènes observés à l’échelle du lignage de Briouze : « un déplacement dans l’espace devient mobilité lorsqu’il implique aussi un changement social. […] La mobilité recoupe trois dimensions qui correspondent respectivement à des conditions (« champs du possible »), des aptitudes (« motilité ») et des mouvements (« déplacements »)118. » La mobilité sociale, construite a posteriori par l’analyse scientifique, est différente de la mobilité perçue par les individus119. Des décalages peuvent exister, résultant soit d’un certain manque de sources éclairant la perception médiévale des faits, soit d’un effet de sources pouvant orienter les interprétations.

La capacité d’adaptation des Briouze aux mobilités Afin de combiner les différentes acceptions de la notion de mobilité, à la fois géographique, économique, sociale, politique et culturelle, il convient de mettre en évidence un lien transversal les réunissant par-delà les évolutions à différentes échelles, spatiales et temporelles. En complément de cette conception polysémique qu’est la mobilité, la notion d’adaptation trace un trait d’union permettant d’observer et d’expliquer le comportement des membres de la famille de Briouze. Il s’agit d’un autre terme fréquemment employé par les sciences de l’homme, notamment en biologie, en philosophie ou en psychologie120. Toutefois, la capacité d’adaptation n’est pas infinie : les limites, les résistances, les permanences doivent également être considérées comme corollaires du potentiel humain à se plier aux normes comportementales socioculturelles qui lui sont imposées121. C’est pourquoi il convient de considérer la complexité de la notion d’adaptation, à la fois comme résultat et comme processus, en mettant en évidence le « caractère disruptif de l’évènement122 » qui contraint l’individu au changement. Les membres du lignage de Briouze s’adaptent aux modifications de leur environnement du fait de leur mobilité, soit en faisant preuve de capacité

118 J. Maisons, « Vincent Kaufmann (2008), Les paradoxes de la mobilité, bouger, s’enraciner », Méditerranée, no 113, 2009. 119 D. Merllié, « Comment confronter mobilité subjective et mobilité objective ? », Sociologie du Travail, no 48, 2006, p. 474. 120 D. Dalle Mese et C. Tarquinio, « Questions d’adaptation : réflexions et ouvertures. L’adaptation entre psychologie, philosophie et neurosciences », in C. Tarquinio et E. Spitz (dir.), Psychologie de l’adaptation, Bruxelles, 2012, p. 33. 121 Dalle Mese et Tarquinio, « Questions… », p. 35. 122 Dalle Mese et Tarquinio, « Questions… », p. 43-44.

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de réorganisation – en modifiant leur fonctionnement propre et en transformant leur environnement –, soit en conservant certains usages qu’ils imposent, faisant face à la situation par la reproduction de méthodes connues et maîtrisées, ou par la défense armée123. Ces schémas propres à la psychologie individuelle doivent bien entendu être replacés dans leur dimension historique, prenant en considération l’ensemble des faits, des changements et des évolutions humaines. La notion d’adaptation fait le lien entre l’échelle microhistorique de l’individu ou de la famille et l’échelle plus globale de la société anglo-normande et de ses marges, à travers la « dynamique de socialisation124 ». Les Briouze sont des seigneurs pionniers devenus des seigneurs de la marche, confrontés à l’hostilité des populations précédemment implantées dont ils annexent les territoires. Le processus d’adaptation sociale est alors lié à une dynamique de (re)construction identitaire. Le degré de correspondance entre cette notion d’adaptation sociale et la situation des seigneurs de Briouze dans la marche de Galles, notamment à partir de la fin du xiie siècle jusqu’au début du xive siècle, pourra être testé à travers les situations de mariages mixtes et leurs conséquences dans la formation de nouveaux réseaux de solidarité. L’influence de cette adaptation sur la structuration et le fonctionnement du lignage met en évidence les transformations familiales sur la longue durée, au cours des deux siècles et demi d’existence de la branche aînée. La famille s’ajuste au contexte en combinant différentes stratégies, lignagères et territoriales. Dans quelle mesure le lignage s’est-il adapté aux dynamiques de mobilités entre le milieu du xie siècle et 1326 ? Comprendre les dynamiques et les limites des différentes formes de mobilités familiales, cerner la portée des choix individuels et des stratégies de la parentèle afin d’établir la manière dont le lignage s’adapte ou résiste à l’impulsion de ces mobilités, tel est l’objectif de cette monographie. Il convient d’insister sur le fait que la lecture historique de ces phénomènes spatiaux dépend de deux paramètres : il s’agit d’un exemple isolé de lignage transrégional, ce champ de perception étroit ne pouvant avoir prétention à l’universalité ; cette interprétation dépend d’un corpus documentaire particulier, fragmenté, dont le discours lignager est absent. La démarche choisie pour structurer cette monographie familiale, établie sur neuf générations, considère les changements territoriaux et familiaux plus ou moins lents. Cette monographie familiale suit le parcours des Briouze depuis le milieu du xie siècle jusqu’en 1326, date à laquelle la branche aînée du lignage s’éteint. Trois périodes peuvent être distinguées, correspondant à des « effets de seuil125 ». La combinaison de trois facteurs permet de distinguer trois temps de l’histoire familiale qui coïncident avec les dynamiques de la mobilité géographique expansionniste : l’évolution de la

123 H. Chabrol, N. Séjourné et St. Callahan, « Coping, mécanismes de défense et adaptation », in C. Tarquinio et E. Spitz (dir.), Psychologie de l’adaptation, Bruxelles, 2012, p. 129. 124 Tap et Sordes-Ader, « Soi… », p. 145. 125 Morsel, « Communautés… ».

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masse documentaire oriente la compréhension des transformations d’ensemble ; la structuration du lignage se modifie du fait des aléas biologiques et des stratégies matrimoniales ; le rapport contextuel entre la famille et le pouvoir royal varie. Les fluctuations de la faveur accordée aux Briouze par les rois successifs marquent avec éclat ces temps de rupture. La première époque, entre le milieu du xie siècle et 1175, est le temps de structuration du lignage, processus reconstitué à partir d’un échantillon réduit de sources. Les trois premiers seigneurs de Briouze s’établissent de part et d’autre de la Manche en suivant le mouvement d’expansion enclenché par le pouvoir souverain. Les actes de la pratique mettent en évidence un phénomène de polarisation des membres de la parentèle autour de la figure centrale du chef de famille, corollaire d’une gestion domaniale polycentrée, signalée par une tripolarité castrale. Pour cette période, les sources conservées sont majoritairement issues de fonds monastiques, prisme qui accentue le rôle joué par les fondations dans la consolidation de l’emprise foncière. La deuxième époque, entre 1175 et 1211, est caractérisée par une abondance documentaire, à la fois diplomatique et historiographique, mettant en évidence les rapports particuliers unissant les Briouze au pouvoir royal. Le parcours ascensionnel de Guillaume III de Briouze prend son impulsion dans la marche de Galles avant d’atteindre son paroxysme grâce à la faveur royale qui rejaillit sur l’ensemble du lignage. Mais la puissance familiale est affaiblie par cette quête d’expansion permanente, notamment en Irlande, par la perte de la Normandie et par sa position particulière, qui provoque finalement la colère du roi et la chute du lignage. La troisième époque, entre 1211 et 1326, met en évidence les faiblesses structurelles du lignage de Briouze qui tente de se rétablir après la disgrâce. L’éclatement en deux branches distinctes favorise le développement de nouvelles stratégies d’alliances. La mort concomitante des chefs des deux sous-lignées entraîne une nouvelle période d’instabilité, liée à la minorité des héritiers. Le sort de la veuve de Guillaume V et de ses héritières met en lumière le rôle des femmes dans la préservation des intérêts lignagers. Ne conservant qu’un patrimoine réduit, les seigneurs de Briouze issus de la branche aînée cherchent à entretenir le prestige familial, mais l’endettement, la convoitise de puissances rivales et les hasards biologiques entraînent la fin de la sous-lignée aînée (Tableau de filiation 1).

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Tableau de filiation 1 : Les seigneurs de Briouze et leurs épouses (mi-xie siècle – 1326)

46 I n tro ducti o n

Première partie

1066-1175

P re mi è re part i e  : 10 66-1175

EMETTEURS D'ACTES

3

3

TÉMOINS D'ACTES ROYAUX Guillaume I

0

0

1

3

3

5

6

6

11

19

La lignée de Briouze surgit dans les sources diplomatiques au tournant de l’année 1073 (Graphique 5). Son apparition s’inscrit dans un processus global expansionniste qui agite l’aristocratie occidentale entre le xe et le xiiie siècle. La première phase de ce mouvement est définie par Robert Bartlett comme le moment où certains membres de l’aristocratie quittent leur terre natale pour s’implanter dans de nouvelles régions afin d’augmenter leur fortune1. Le parcours des trois premiers seigneurs de Briouze exemplifie ce phénomène qui aboutit à une gestion territoriale polycentrique, de part et d’autre de la Manche (Tableaux de filiation 2 et 3). La reconstitution de leurs cheminements et de leurs motivations repose sur un corpus documentaire restreint. Une centaine d’actes familiaux s’échelonnent au cours du premier siècle de leur installation dans les îles britanniques, partiellement complétés par de rares mentions dans l’historiographie médiévale.

CONFIRMATEURS D'ACTES

Philippe I

INTERVENTION DU POUVOIR SOUVERAIN

Guillaume II

Graphique 5 : L’activité diplomatique des premiers seigneurs de Briouze

1 Bartlett, The Making…, p. 24.

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Tableau de filiation 2 : Les trois premiers seigneurs de Briouze (mi-xie siècle – 1175)

50 P r e m i è r e pa rt i e  : 1 0 6 6 - 1 17 5

Tableau de filiation 3 : La sous-lignée issue de Robert de Briouze

P re mi è re part i e  : 10 66-1175 51

Des seigneurs pionniers

Le premier seigneur de Briouze, Guillaume, apparaît pour la première fois dans une charte datant du début des années 1070, alors qu’il est déjà l’un des plus grands propriétaires fonciers d’Angleterre. L’ascension de ce lignage pionnier dans la seconde moitié du xie siècle est fulgurante, depuis la fondation d’une petite seigneurie normande jusqu’à l’obtention de vastes terres anglaises récemment conquises. L’usage de l’adjectif « pionnier » est inspiré par une formule de Gérard Louise, qui désigne le fief de Briouze comme une « seigneurie pionnière1 ». Ce terme évoque la notion de front pionnier, utilisée en géographie pour caractériser un processus d’appropriation du sol au moyen de défrichements. L’anthropisation modifie l’environnement et provoque l’altération des occupations humaines antérieures2. L’aristocratie implantée par les ducs normands le long des frontières du duché est ensuite déléguée outre-Manche après 1066 pour remplir des fonctions défensives similaires, au pays de Galles et en Irlande3.

Briouze, du toponyme à la topolignée Gunnor, l’aïeule du lignage

Gunnor, mère de Guillaume, est la plus ancienne ancêtre attestée du lignage de Briouze. D’origine scandinave, son prénom se réfère au lexique du combat et de la prudence, allusion aux fonctions militaires de sa parenté4. Seulement trois occurrences sont établies en Normandie avant 1066, inspirées par le nom de l’épouse du duc Richard Ier5. Selon Katharine Keats-Rohan, la noblesse normande du milieu du xie siècle est dominée par un cercle étroit d’hommes formé autour du duc Guillaume,

1 G. Louise, La Seigneurie de Bellême, xe-xiie siècle. Dévolution des pouvoirs territoriaux et construction d’une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine à la charnière de l’an Mil, Flers, 1993, vol. 1, p. 380. 2 M. Le Derout, « L’étendue d’un front pionnier : la région du Mato Grosso », L’Information géographique, 2006/2, vol. 70, p. 104-109. 3 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 385. 4 Ce nom est composé du substantif gunnr, la guerre, et de l’adjectif varr, vor au féminin, qui signifie « prudent, avisé ». J. Adigard de Gautries, Les Noms de personnes scandinaves en Normandie de 911 à 1066, Paris, 1954, p. 101-103. 5 Adigard de Gautries, Les Noms…, p. 306-308.

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unis par des liens de sang6. Pourtant, contrairement aux familles Giffard, Varenne ou Montgomery qu’elle cite en exemple, les seigneurs de Briouze ne revendiquent pas explicitement une parenté avec le duc7. Compte tenu de la rareté du prénom Gunnor, la mère du lignage de Briouze pourrait être une parente de la famille ducale, consanguinité qui expliquerait le parcours ascensionnel de ses descendants8. Un père volontairement oublié

L’époux de Gunnor, père de Guillaume Ier de Briouze, n’est pas identifié. Les chartes des premiers seigneurs de Briouze désignent toujours Guillaume Ier comme l’ancêtre de la lignée, occultant ses propres aïeux. Par exemple, Guillaume II de Briouze se présente en ces termes : « Moi, Guillaume [II], seigneur de Briouze, fils de Philippe [Ier], lui-même fils de mon ancêtre Guillaume [Ier]9 ». L’énumération des ancêtres met en évidence le processus de transmission des terres plutôt que la filiation. La possession du sol délivre l’autorité et prime sur les liens familiaux10. Guillaume Ier est le premier seigneur à posséder la seigneurie de Briouze qui donne son nom au nouveau lignage11. Cette « spatialisation de l’anthroponymie aristocratique12 », définie par Joseph Morsel, correspond à l’émergence, à partir du xie siècle, de noms indiquant une localisation, signalée par l’usage de la particule noble « de ». Guillaume de Briouze est probablement un cadet, ce qui expliquerait pourquoi il n’utilise ni ne revendique le nom de son père. Kathleen Thompson, à travers le cas d’Arnoul de Montgomery, démontre que le manque de sources relatives aux fils cadets de l’aristocratie normande aux xie et xiie siècles est une lacune qui rend difficile la reconstitution de leurs carrières13. Tel Arnoul, Guillaume Ier de Briouze pourrait avoir réussi à acquérir des terres en répondant aux attentes ducales, et non grâce à ses liens filiaux. Ne devant rien à son père, il n’en revendique pas le nom14. L’ascension sociale de Guillaume Ier de Briouze dépendrait uniquement des relations familiales maternelles, qui le lient, plus ou moins directement, au duc Guillaume de Normandie. Le lignage de Briouze apparaît probablement au cours de la décennie 1050. En clôturant la frontière normanno-mancelle, l’implantation d’une seigneurie à Briouze parachève le mouvement d’affermissement du pouvoir ducal dans la région caennaise. 6 K. S. B. Keats-Rohan, « Le rôle des élites dans la colonisation de l’Angleterre (vers 1066-1135) », in P. Bouet et V. Gazeau (dir.), La Normandie et l’Angleterre au Moyen Âge, Caen, 2003, p. 45. 7 Keats-Rohan, « Le rôle… », p. 45. 8 G. H. White, « The Sisters and Nieces of Gunnor, Duchess of Normandy », The Genealogist, vol. 37, 1921, p. 57-65, 128-132. 9 Oxford, MCA, Sele 60. Monasticon Anglicanum, éd. W. Dugdale, Londres, 1846, vol. 4, p. 668-669. 10 M. Mousnier, in D. Panfili, Aristocraties méridionales, Toulousain-Quercy, xie-xiie siècles, Rennes, 2010, p. 12. 11 Panfili, Aristocraties…, p. 106. 12 J. Morsel et Chr. Ducourtieux, L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, Paris, 2007, p. 143-145. 13 K. Thompson, « Note de recherche : Arnoul de Montgomery », Annales de Normandie, no 1, 1995, p. 49. 14 M. Bourin et P. Martinez Sopena (dir.), Anthroponymie et migrations dans la chrétienté médiévale, Madrid, 2010, p. 262.

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La seule forme de filiation reconnue par Guillaume Ier de Briouze apparaît dans la charte émise au tournant de l’année 1073. En préambule de l’acte, la clause pro anima, rédigée pour le salut de l’âme des proches du lignage, énumère trois hommes dont l’origine et les liens avec Guillaume sont inconnus : « Moi, Guillaume [Ier] de Briouze, pour les âmes de Radulf fils de Waldulf, de son fils Radulf et pour celle de Gaufrid le Roux15 ». Ces trois hommes ne sont associés par ailleurs à aucun acte connu. L’hypothèse de liens de parenté devient plausible à la lecture de Didier Panfili16. Les clauses pro anima qu’il répertorie pour le Toulousain et le Querçy concernent des donations aristocratiques adressées à des établissements bénédictins, démarche comparable à celle de Guillaume Ier de Briouze. Didier Panfili remarque qu’entre 1030 et 1150 environ, les formules pro anima sont progressivement restreinte à la parenté. L’acte de 1073 précise « pour l’âme des géniteurs de mes géniteurs », termes insistant sur les liens de sang, ainsi que « pour [l’âme de] mes parents », au sens plus large de parenté17. Radulf fils de Waldulf serait-il le père de Guillaume, Radulf fils de Radulf son frère aîné, Gaufrid un autre frère ? Ces trois hommes n’apparaissent jamais dans les listes de témoins de Guillaume de Briouze. Les liens les unissant n’ont plus d’application concrète. Pour Guillaume, la possession de terres est davantage source de pouvoir que son réseau familial paternel, jamais revendiqué.

La seigneurie nouvelle de Briouze aux confins du duché Réseaux locaux d’influence

Une charte royale datée de 1082 permet de reconstituer une partie du patrimoine familial tenu en Normandie au milieu du xie siècle18. Il s’agit d’une confirmation royale des divers biens offerts à l’abbaye Sainte-Trinité de Caen, fondée en 1059 par le couple ducal, parallèlement à la fondation du monastère Saint-Étienne de Caen19. En devenant moniale à l’abbaye aux Dames de Caen, Gunnor, mère de Guillaume Ier de Briouze, offre au monastère sa terre de Bavent, avec l’accord de Hugues Pincerna et de Roger de Quilly, ainsi que ses terres de Rouvres, Cesny-aux-Vignes, Croissanville et Quatre-Puits, avec le consentement de Maurice et de son épouse Aubrée20, dont

15 Charte Artem/CMJS no 3474. 16 Panfili, Aristocraties…, p. 231-240. 17 P. Bauduin, « Désigner les parents : le champ de la parenté dans l’œuvre des premiers chroniqueurs normands », ANS 24, 2002, p. 73-76. 18 Bates, Regesta…, p. 271-286, no 59. 19 E. Van Houts, « Matilda (d. 1083) », ODNB, 2004. P. Bouet, « Le patronage architectural des ducs de Normandie », in M. Bayle (dir.), L’architecture normande au Moyen Âge, Caen, 1997, p. 349-367. 20 P. Bauduin, La première Normandie (xe-xie siècles). Sur les frontières de la haute Normandie : identité et construction d’une principauté, Caen, 2004, p. 198.

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Carte 1 : Le patrimoine de Gunnor et de Guillaume Ier de Briouze offert à la SainteTrinité de Caen

elle tenait ces biens en fief (Carte 1). Elle ne mentionne pas l’approbation de son époux, ce qui confirme la probabilité qu’elle soit veuve lors de son entrée au couvent21. 21 E. Santinelli, Des Femmes éplorées ? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Lille, 2003, p. 137-138.

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Gunnor tient ces cinq terres en fiefs et leurs possesseurs s’insèrent dans le réseau de la famille de Briouze22. Gunnor offre des terres appartenant à Hugues Pincerna. Ce dernier, également connu sous le nom d’Hugues d’Ivry, détient avec son neveu Roger la fonction d’échanson (lat. pincerna) du duc Guillaume. Leur autorité est reconnue à la cour. Hugues est sollicité par le duc pour participer à la conquête de l’Angleterre en 1066, grâce à laquelle il obtient des terres dans l’Oxfordshire et le Bedfordshire23. Roger d’Ivry est identifié par David Étienne comme l’un des hommes de Guillaume fitz Osbern. Il l’accompagne au pays de Galles à la fin des années 106024. Jean Mesqui établit les possessions d’Hugues en Basse-Normandie, dans le Calvados et la Manche, ainsi qu’à Fréneuse en Seine-Maritime. Hugues détient, avec son neveu Roger, des terres dans le vignoble de Longueville, près de Vernon, en lien avec leur fonction d’échanson25. La famille de Briouze évolue dans le cercle restreint des proches de la maison ducale. Par contraste, Roger de Quilly, possesseur de la terre de Bavent, n’est pas connu, puisqu’il apparaît uniquement dans cette charte. Les informations concernant la seigneurie de Quilly sont rares, restreintes à une ancienne exploitation de carrières de pierres, reconnues pour leur excellente qualité26. De même, Aubrée, épouse de Maurice, n’apparaît pas dans les actes de cette période27. Briouze dans le dispositif défensif frontalier de la Normandie avant 1066

Reconstituer le patrimoine normand de la famille de Briouze au milieu du xie siècle s’avère être un défi illusoire, du fait de la rareté des sources conservées. Les terres de Gunnor, mentionnées par la confirmation royale de 1082, sont des terres cédées aux moniales28. Seules les églises de Falaise et de Guibray sont présentées

22 C. Letouzet, « L’organisation seigneuriale dans les possessions anglaises et normandes de l’abbaye de la Trinité de Caen au xiie siècle : étude comparée [1ère partie] », Annales de Normandie, no 3, 2005, p. 221. L. Musset, « La Reine Mathilde et la fondation de la Trinité de Caen », Mémoires de l’Académie de Caen, vol. 21, 1984, p. 198. 23 Bauduin, La première…, p. 212. K. S. B. Keats-Rohan, Domesday Descendants, vol. 2, Pipe Rolls to Cartae baronum, Woodbridge, 2002, p. 1073. 24 D. Étienne, « Les châteaux de Guillaume fils Osbern dans le sud des Marches Galloises », Annales de Normandie, no 1, 2006, p. 33. 25 J. Mesqui, « Les seigneurs d’Ivry, Bréval et Anet aux xie et xiie siècles et leurs fortifications aux marches, entre France et Normandie », MSAN, vol. 46, 2011, p. 11. 26 Fr. Vaultier, « Recherches historiques sur l’ancien doyenné de Vaucelles », MSAN, vol. 12, 1841, p. 44-46. 27 L’hypothèse retenue par le Révérend Perfect puis Pierre Descroix, qui définit Aubrée comme mère d’Hugues d’Ivry et sœur de Gunnor, filles naturelles de l’évêque Hugues de Bayeux, s’appuie sur les suppositions de Thomas Stapleton, Historical Memoirs of the House of Vernon (1856), p. 33, qui ne justifie pas les liens entre Gunnor et Aubrée. Rév. Perfect, The de Braose Family in the Eleventh and Twelfth Century and their Connection with the Conquest of the Middle March of Wales, Oxford, non publié, p. 3-4. P. Descroix, Les Seigneurs de Briouze dans la conquête de l’Angleterre et du pays de Galles par les Normands, Briouze, 1991, p. 1. Une Aubrée apparaît bien comme descendante d’Hugues de Bayeux mais il s’agit de l’épouse d’Albert de Cravent. Bauduin, La première…, p. 189, 198-199, 214. 28 Bates, Regesta…, p. 271-286, no 59.

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comme possessions de Guillaume Ier de Briouze avant 1066, qu’il tenait directement du duc et qu’il avait confié à Stigand de Mézidon29. Cet ensemble cohérent forme une étroite bande de terre, située entre Caen et la rive gauche de la Dives. Terre la plus au nord, Bavent est isolée par rapport au groupe compact formé par les fiefs de Rouvres, Cesny-aux-Vignes, Croissanville et Quatre-Puits, plus au sud. Les deux villages contigus de Mézidon et Canon, situés à proximité de Quatre-Puits, sont le point nodal des possessions de Stigand de Mézidon, attestés en 105830. Les fiefs qu’il tient à Falaise et Guibray prolongent cet alignement et renforcent les liens l’unissant à Guillaume de Briouze. Vers 1060, Guillaume fitz Osbern fonde l’abbaye Notre-Dame de Cormeilles31, à laquelle il offre la terre de Guibray et deux moulins à Falaise32. Ces liens de voisinage entre Guillaume de Briouze et Guillaume fitz Osbern se superposent aux connexions attestées entre Gunnor, Hugues et Roger d’Ivry, formant un réseau relationnel restreint. Guillaume fitz Osbern est le fils d’Osbern le Sénéchal et d’Emma, fille de Raoul d’Ivry, lui-même fils de Sprote, mariée à Esperleng. Sprote fut la concubine de Guillaume Longue Épée, duc de Normandie jusqu’en 942, fils de Rollon et père du duc Richard Ier33. Ces individus sont reliés entre eux par des degrés de parenté plus ou moins éloignés. Le duc s’organise pour étendre et consolider son autorité aux confins de sa principauté normande en s’appuyant sur l’enracinement aristocratique34. La seigneurie de Briouze est mentionnée dans les actes pour la première fois vers 108035. Le château de Briouze apparaît dans une charte du 24 mai 109736. Un bourg castral est créé peu après. Selon Gérard Louise, la création de cette seigneurie est voulue par le pouvoir ducal. Elle a pour mission de discipliner un territoire hors de contrôle, le long de la grande frontière militaire normanno-mancelle dont le dessin se met en place entre 1050 et 110037. L’établissement d’une seigneurie nouvelle à Briouze s’insère dans un processus plus global, puisque deux autres seigneuries, celles d’Annebecq et de Patry38, sont développées à la même période le long de cette frontière en cours de 29 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 375. 30 L. Delisle et É. Berger (éd.), Recueil des actes d’Henri II, tome I, no 169, p. 298. Fr. Piletta, « Les bourgs du sud du Pays d’Auge du milieu du xie au milieu du xive siècle », Annales de Normandie, no 3, 1980, p. 216. Kr. N. Ciggaar, Western Travellers to Constantinople. The West and Byzantium. 962-1204: Cultural and Political Relations, Leyde-New York-Cologne, 1996, p. 332. J.-Cl. Cheynet, « L’Implantation des Latins en Asie Mineure avant la Première Croisade », in M. Balard et A. Ducellier (dir.), Migrations et diasporas méditerranéennes (xe-xvie siècles), Paris, 2002, p. 118. E. Amsellem, « Les Stigand : Des Nomands à Constantinople », Revue des études byzantines, vol. 5, 1999, p. 287-288. 31 V. Gazeau, Normannia monastica, vol. 2 : Prosopographie des abbés bénédictins, Caen, 2007, p. 79, note 3. 32 Bauduin, La première…, p. 221 et note 236. 33 Bauduin, La première…, p. 198, p. 212-213. 34 Bauduin, La première…, p. 245. 35 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1. 36 P. Marchegay, « Chartes normandes de l’abbaye de Saint-Florent, près de Saumur, 710 à 1200 environ », MSAN, vol. 10, t. XXX, 1880, p. 690-691, no 21. 37 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 383. 38 F. Lot, Études critiques sur l’abbaye de Saint-Wandrille, Paris, 1913, p. 96-97, no 42. D. Crouch, Beaumont Twins. The Roots and Branches of Power in the Twelfth Century, Cambridge, 1986, p. 33.

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stabilisation39 (carte 2). Trois topolignées contrôlent trois secteurs contigus du Houlme, sur un même axe inséré dans un maillage territorial conçu par le pouvoir ducal40. Cette zone de marche était jusqu’alors délaissée puisque constituée de sols pauvres difficilement exploitables. L’implantation du lignage celto-scandinave des Patry de La Lande dans le bocage normand est comparable41. Gérard Louise indique que la famille de Patry possède un bloc de terres au sud de la Normandie, à proximité de l’ancien honneur de Grimoult du Plessis, confisqué par le duc en 1047, à la suite d’une révolte42. Les terres des Patry jouxtent l’ancienne seigneurie de Bellême, à proximité du diocèse du Mans43. Cette structure compacte en position frontalière contraste avec l’habituel morcellement domanial planifié par les ducs normands. Le cas de la seigneurie de Patry est similaire à celle de Briouze, puisque le duc Guillaume de Normandie a volontairement établi des seigneuries compactes afin de renforcer et stabiliser le sud du duché en contact avec le Maine au milieu du xie siècle44. Formée dans les années 1050-1060, la seigneurie de Briouze peut être qualifiée de « pionnière ». Elle résulte de défrichements et elle attire une population croissante grâce à une stabilisation castrale et une implantation monastique planifiées par Guillaume Ier de Briouze. Ce nouveau territoire issu d’un processus de conquête frontalière sur les espaces forestiers produit un nouveau lignage, portant le nom toponymique de Briouze. Ces seigneurs poursuivent cette démarche pionnière en acquérant de nouvelles terres dans les territoires insulaires annexés. La base territoriale de la puissance familiale est étendue par le service guerrier du pouvoir45.

Guillaume Ier de Briouze (c. 1030-c. 1095), de Briouze à Bramber, gardien des frontières du monde anglo-normand Briouze, contrepouvoir à la puissance des Bellême

La fragilité des frontières normandes au xie siècle, fluides et vagues, favorise la contestation de seigneurs frontaliers. Le sud de la Normandie est perturbé par les seigneurs de Bellême46. La dangerosité de la contestation des Bellême est accentuée par la force de leur influence territoriale à l’intersection de la Normandie et le Maine. Ils réunissent sous leur contrôle le plus grand bloc territorial ayant existé en Normandie47.

39 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 377. G. Louise, « Les Patry de La Lande (xie-xiiie siècle) », Études sur La Lande-Patry, Le Pays Bas-Normand, no 222-223, no 3-4, 1996, p. 11. 40 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 377. L. Musset, « Recherches sur les bourgs et les bourgs ruraux du Bocage normand », Pays bas-normand, no 2, 1960, p. 88, p. 93. 41 Louise, « Les Patry… », p. 5-27. 42 Fr. Neveux, La Normandie des ducs aux rois, xe-xiie siècle, Rennes, 1998, p. 112-120. 43 Louise, « Les Patry… », p. 10. 44 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 11. D. Bates, William the Conqueror, Stroud, 2012, p. 22. 45 Aurell, Le Médiéviste…, p. 19. 46 Bates, William…, p. 22. 47 Neveux, La Normandie…, p. 110.

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Dans les années 1050, Yves, seigneur de Bellême et évêque de Sées, vassal du duc de Normandie, s’allie à Geoffroy Martel, comte d’Anjou, contre son seigneur48. Au début de l’année 1052, Geoffroy se joint au roi de France Henri Ier pour attaquer la Normandie, mais la défaite de Mortemer en février 1054 marque l’arrêt temporaire de leur tentative. Ils organisent une nouvelle invasion en 1057, au cours de laquelle les terres de Bellême sont traversées, indice de la trahison d’Yves envers son duc. La seigneurie de Briouze est formée dans ce contexte. Elle résulte de la prise de conscience ducale de la fragilité de cette zone. Elle est conçue pour fermer la voie de communication vers le Maine. La bataille de Varaville en 1057 et la prise du château de Tillières en 1058 mettent un terme définitif à cette agitation, suivies en 1060 des décès d’Henri Ier et de Geoffroy Martel49. Pour manifester sa soumission, Yves de Bellême désigne comme son successeur un proche du duc, son neveu par alliance, Roger II de Montgomery, époux de Mabille de Bellême50. La seigneurie de Briouze, au nord-ouest de la terre de Bellême51, complète les seigneurs d’Asnebec (Annebecq), de La Lande-Patry, de La Ferté-Macé, des Sept-Forges et de La Ferrière (Carte 2)52, qui avoisinent les domaines de la famille de Bellême, puissante et turbulente, selon un schéma planifié par le pouvoir ducal53. Ces fiefs deviennent de véritables « verrous militaires de la frontière normande54 », établis soit aux frontières intérieures de l’ancienne seigneurie de Bellême, soit aux confins de l’ensemble forestier qui délimite la marche normanno-mancelle55. Ce contexte explique leur apparition tardive puisque leur création répond à un besoin spécifique, entre agitation seigneuriale et guerres aux marches de la Normandie. L’intervention constante du pouvoir ducal favorise l’ascension sociale d’une aristocratie fidèle et malléable56. Guillaume Ier de Briouze et la conquête de l’Angleterre

Petit seigneur normand, membre de l’entourage restreint du duc, Guillaume Ier de Briouze prospère considérablement après la conquête de l’Angleterre en 1066. Toutefois, aucune source narrative ou diplomatique n’établit l’implication directe de Guillaume dans l’expédition de 106657. Bien que séduisante, l’insertion par Léopold

48 Bates, William…, p. 57-59. 49 Bates, William…, p. 63-64. 50 Guillaume de Jumièges, Gesta Normannorum ducum, éd. Fr. Guizot, Paris, 1826, p. 168. Bates, William…, p. 62-63. 51 S. Legros, Prieurés bénédictins, aristocratie et seigneuries : une géopolitique du Bas-Maine féodal et grégorien (fin xe – début xiiie siècle), Université Rennes 2, Thèse de Doctorat, 2007, p. 89-90. 52 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 376. 53 Neveux, La Normandie…, p. 474. 54 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 377, p. 383. 55 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 373. 56 J.-M. Maillefer, « Une famille aristocratique aux confins de la Normandie : Les Géré au xie siècle », Cahier des Annales de Normandie, no 17, 1985, p. 175-206. 57 À la fin du xixe siècle, l’historien local Anatole Duval affirme que Guillaume de Briouze « se distingua surtout à la bataille d’Hastings et faillit être fait prisonnier près de Senlac » (Flers, B.M., MAN 433). Cette assertion n’est pas étayée par la mention d’une source.

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Delisle du nom de Guillaume de Briouse parmi la liste des compagnons de Guillaume le Conquérant ayant participé à la conquête ne repose sur aucune preuve58. La plus ancienne source mentionnant les terres anglaises de Guillaume Ier de Briouze est une charte rédigée au début de l’année 107359. En 1066, Guillaume est sans doute resté sur le sol normand. Compte-tenu de son implantation récente dans le fief de Briouze, au cours de la décennie 1050, en périphérie de la Normandie, Guillaume de Briouze doit tenir son poste et défendre les frontières méridionales, le duché étant plus vulnérable en l’absence de son souverain. Peut-être a-t-il assisté Roger II de Montgomery, resté sur le continent pour protéger la Normandie60, et l’a-t-il suivi lors de sa venue à la cour d’Angleterre, en décembre 106761. Guillaume semble présent sur le sol anglais lors de la répression des mouvements contestataires entre 1070 et 1072, survenus après une incursion danoise. À partir de cette date, le nouveau roi d’Angleterre choisit exclusivement ses compagnons français comme grands seigneurs de son royaume62. L’implication de Guillaume Ier de Briouze dans la défense du duché normand en 1066 peut être corrélée à sa participation à la répression de la révolte du Maine en début d’année 107363. Entre 1067 et 1072, Guillaume a pu séjourner en Angleterre et suivre Guillaume fitz Osbern. Il est alors récompensé par l’obtention de terres en Angleterre et au pays de Galles. John Bryan Williams étudie la première intervention normande au pays de Galles, en 1067, à partir de l’œuvre d’Orderic Vital. Il constate que l’intervention de Guillaume fitz Osbern, effectuée à la demande du roi Guillaume Ier, a davantage pour but de préserver la sécurité des domaines anglais du Herefordshire que de conquérir le pays de Galles64. Guillaume fitz Osbern est le plus ancien et le plus loyal ami du duc Guillaume. Après la conquête, il devient le « bras droit » du roi en Angleterre65. Plusieurs historiens britanniques du xxe siècle ont émis l’hypothèse selon laquelle Guillaume de Briouze aurait obtenu des domaines dans le sud de l’Angleterre plusieurs années après la conquête, au début de la décennie 1070, lors de « l’échange

58 L. Delisle, « Liste des compagnons de Guillaume le Conquérant à la conquête de l’Angleterre en 1066 », Bulletin monumental, vol. 28, Paris, 1862, p. 476. Guillaume Ier de Briouze n’est pas l’un des quatorze grands seigneurs ayant mené la campagne militaire cités par E. Van Houts, « The Ship list of William the Conqueror », Anglo-Norman Studies, vol. 10, 1987, p. 169. Il ne fait pas non plus partie des différents cercles de compagnons de Guillaume le Conquérant distingués par Chr. P. Lewis, « Companions of the Conqueror (act. 1066-1071) », ODNB, 2004. 59 Charte Artem/CMJS no 3490. 60 J. F. A. Mason, « Roger de Montgomery and His Sons (1067-1102) », TRHS, vol. 13, 1963, p. 2-3. Louise, La seigneurie…, vol. 1, p. 364. 61 Mason, « Roger… », p. 2. 62 Bates, William…, p. 128-129. 63 Charte Artem/CMJS no 3490. Bates, William…, p. 131-132. 64 J. Br. Williams, « Norman Lordship in South-East Wales during the reign of William I », The Welsh History Review, vol. 16, 1992, p. 445. 65 Chr. P. Lewis, « William fitz Osbern, earl (d. 1071) », ODNB, 2004.

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de Lewes66 ». Quatre zones de juridiction, nommés rapes, auraient été initialement créés, juste après la conquête, sur le territoire correspondant à l’actuel Sussex. Ces rapes forment de longues bandes rectangulaires de terres, offrant un accès à la mer au sud et remontant profondément dans les terres au nord. Un cinquième rape aurait été créé après-coup et remis à Guillaume Ier de Briouze. Ce rape aurait été formé à partir de terres prélevées sur le rape d’Arundel à l’ouest, et le rape de Lewes à l’est67. Mais les sources détaillant cet échange supposé sont inexistantes. Au début de l’année 1073, avant son départ pour la campagne du Maine, Guillaume de Briouze détient une longue bande de terre située de part et d’autre de la rivière Adur, dans le Sussex. L’acquisition de terres en Angleterre modifie considérablement son statut social et économique. Il devient l’un des vingt seigneurs les plus richement dotés d’Angleterre68. La région autour de Steyning est extrêmement prospère, grâce à un haut rendement des charruées et une forte densité de sa population. John Mason constate que le roi ne place que des Normands à la tête des cinq rapes. La plupart d’entre eux occupent des positions stratégiques et défensives en Normandie, reproduites dans le sud de l’Angleterre. Excepté Guillaume de Briouze, tous sont des parents officiellement reconnus du duc, soit en tant que descendants de Gunnor, soit en tant que demi-frères de Guillaume, la parenté étant alors perçue comme un gage de loyauté69. Cette théorie rejoint les constats précédents. Guillaume de Briouze serait un parent du nouveau roi Guillaume Ier, sans que son degré de parenté puisse être établi. Les relations entre les seigneurs de Briouze et les rois d’Angleterre ne peuvent être qu’entraperçues à travers les rares confirmations réciproques, établies entre 1080 et 1087. Guillaume le Conquérant juge deux affaires opposant Guillaume de Briouze aux moines de Lonlay puis de Fécamp70, et confirme les donations accordées par son vassal à l’abbaye Saint-Florent de Saumur71. Guillaume de Briouze confirme les chartes royales accordées en 1082 à la Sainte-Trinité de Caen et à l’évêque de Durham, ainsi que celle, douteuse, de la fondation de l’abbaye Saint-Martin de Battle72. Cet acte, établi comme faux par David Bates, associe entre autres, dans la liste des témoins, les noms de Guillaume Ier de Briouze, Bernard de Neufmarché, Guillaume de Warenne, Roger de Montgomery et Guillaume fitz Osbern. L’association de ces noms devait sembler plausible lors de sa forgerie puisque conçue comme un outil de légitimation du document73. Au-delà de liens familiaux entre le souverain et son vassal, le choix d’établir Guillaume de Briouze

66 L. Fr. Salzman, « The Rapes of Sussex », SAC, 72, 1931, p. 25-26. J. F. A. Mason, « The Rapes of Sussex and the Norman Conquest », SAC, 102, 1964, p. 80-87. J. F. A. Mason, William the First and the Sussex Rapes, Hastings, 1966, p. 15. J. Cl. Holt, « 1086 », in J. C. Holt (dir.), Domesday Studies, Woodbridge, 1987, p. 59. 67 Mason, William…, p. 16. 68 Mason, William…, p. 12. 69 Mason, William…, p. 23. 70 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1 ; p. 482-484, no 146. 71 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2. 72 Bates, Regesta…, p. 287-288, no 60 ; p. 765-766, no 253 ; p. 161-165, no 22. 73 Bates, Regesta…, p. 161-165, no 22.

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dans le sud de l’Angleterre est sûrement corrélé à ses compétences militaires, développées en tant que défenseur de la marche normande méridionale. Chaînon d’une vaste stratégie menée par Guillaume de Normandie, à la fois conquérante et défensive, Guillaume de Briouze gagne la confiance du duc puis la faveur du roi. Eleanor Searle utilise l’expression de « parenté prédatrice74 » pour désigner l’entourage de Guillaume le Conquérant. Bien que son ouvrage ait fait l’objet de débats75, ce concept présente l’intérêt de souligner la cohésion existant parmi l’élite dirigeante, garantissant soutien et ressources à ces membres76. Un processus constant d’accaparement de terres et de biens par les membres de la lignée ducale caractériserait la période. Le réseau formé par la parenté élargie constitue un pilier de consolidation de l’implantation territoriale sur des régions récemment conquises. Cette unité est étroitement liée au contexte et à la stabilité d’un pouvoir fermement tenu par Guillaume le Conquérant. Après son décès, la Normandie et l’Angleterre endurent plusieurs décennies d’effervescence, liée aux rivalités opposant les héritiers du duché et du royaume. Les fluctuations gouvernementales, subies par Philippe de Briouze, fils de Guillaume Ier, influencent considérablement son attitude diplomatique et orientent sa gestion domaniale.

La fidélité des Briouze face à l’instabilité du pouvoir (1087-1154) Philippe (c. 1060 – 1126)

Inemployé par l’aristocratie occidentale jusqu’au milieu du xie siècle, le prénom Philippe connaît un succès soudain. Le roi capétien Henri Ier, influencé par son union avec Anne de Kiev, choisit de rompre avec sa tradition onomastique familiale et de donner à son fils, né en 1052, un nom prestigieux issu de la dynastie impériale byzantine77. Guillaume Ier de Briouze nomme son fils unique en hommage à Philippe Ier, roi des Francs à partir du 23 mai 1059 et souverain du duc de Normandie. Philippe de Briouze pourrait être né lors de la courte période d’apaisement entre le pouvoir ducal normand et la couronne capétienne, après le couronnement du roi de France en 1059, et avant 1066, lorsque le duc de Normandie s’empare de l’Angleterre et que les tensions resurgissent entre le duc et son souverain.

74 E. Searle, Predatory Kinship and the Creation of Norman Power, 840-1066, Berkeley, 1988, 356 p. 75 M. H. Gelting, « Predatory Kinship Revisited », ANS 25, 2003, p. 107. D. Bates, compte-rendu de l’ouvrage d’E. Searle, Predatory…, Speculum, vol. 65, no 4, 1990, p. 1046. P. Bauduin, « La parentèle de Guillaume le Conquérant : l’aperçu des sources diplomatiques », in P. Bouet, V. Gazeau (dir.), La Normandie et l’Angleterre au Moyen Âge, Caen, 2003, p. 23. 76 St. D. White, compte-rendu de l’ouvrage d’E. Searle, Predatory…, The American Historical Review, vol. 95, no 4, 1990, p. 1180. 77 Chr. Settipani, « Stratégies matrimoniales en question : quelques unions atypiques dans les royaumes carolingiens aux ixe-xie siècles », in M. Aurell (dir.), Les Stratégies matrimoniales (ixe-xie siècles), Turnhout, 2013, p. 55-67. D. C. Jackman, « Greco-Roman onomastics and the princes of Rus’ », Comparative Accuracy, Historicity, t. I, 2008, p. 74. J. Dunbabin, « What’s in a Name ? Philip, King of France », Speculum, no 68, 1993, p. 949-968.

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Philippe, soutien discret du roi Guillaume II

Philippe prend la tête du lignage vers 1095. Les relations de Philippe avec le pouvoir ducal et royal éclairent à la fois l’essor du lignage et la précarité de sa progression. L’Histoire ecclésiastique d’Orderic Vital, rédigée entre 1114 et 1141, établit une connexion, non datée, entre le nouveau roi Guillaume II et Philippe de Briouze78 : Quant à l’autre frère qui portait la couronne d’Angleterre [Guillaume le Roux], il était en Normandie, à ce que je crois, maître de plus de vingt places fortes, et il s’était attaché les grands et les citadins puissants, soit par des présents, soit par la crainte. En effet, Robert comte d’Eu, Étienne d’Aumale, Girard de Gournay, Raoul de Conches, Robert comte de Meulan, Gautier Giffard, Philippe de Briouze, Richard de Courcy et plusieurs autres seigneurs obéissaient au roi, ainsi que les places et les garnisons de leur dépendance ; et comme il était redoutable, ils le secondaient de tous leurs efforts. Sur son lit de mort, en 1087, le roi Guillaume Ier décide de confier le royaume d’Angleterre à son troisième fils, Guillaume « le Roux », avec lequel il entretenait des liens privilégiés, tandis que son fils aîné Robert « Courteheuse », rebelle, reçoit le duché de Normandie79. Son quatrième fils, Henri, obtient une somme d’argent évaluée à cinq mille livres80. Cette division de l’espace transmanche81, précédemment vécu comme un tout coordonné, met à mal la loyauté de l’aristocratie anglo-normande82. Philippe de Briouze choisit le parti du roi Guillaume II, les domaines de la famille de Briouze étant beaucoup plus conséquents en Angleterre qu’en Normandie. Après une attaque orchestrée par son frère, le roi Guillaume II décide en 1089 de riposter et d’envahir à son tour la Normandie. Au début de la décennie 1090, le « traité de Rouen », aujourd’hui perdu, établit un compromis entre les deux frères83. Il stipule que Robert et Guillaume se reconnaissent mutuellement comme héritiers, en l’absence de descendance. Leur frère cadet Henri, pourtant impliqué dans le conflit, est exclu du partage. La rivalité persistante entre les héritiers du roi Guillaume Ier attise la convoitise de puissances concurrentes. Le sud-ouest de la Normandie est perturbé par l’agitation de Robert de Bellême depuis 108784. En 1094, la mort de son père Roger II de Montgomery accroît les tensions, puisque le roi Guillaume II remet les terres anglaises de Robert 78 M. Guizot (éd.), Histoire de Normandie par Orderic Vital, moine de Saint-Évroul, Caen, 1826, vol. 3, livre ix, p. 419-420. Orderic Vital, The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, éd. M. Chibnall, Oxford, 1990, vol. 2, livre iv, p. 92-95. 79 M. de Boüard, « L’histoire locale à l’école : La Normandie après la mort de Guillaume », Supplément aux Annales de Normandie, 10e année, no 4, 1960, p. 3. 80 E. Mason, King Rufus: The Life and Mysterious Death of William II of England, Stroud, 2008. 81 Le terme « transmanche » traduit la formule « cross-Channel » de D. Bates, The Normans and Empire, Oxford, 2013, p. 106. 82 W. Aird, Robert Curthose, Duke of Normandy, Woodbridge, 2007, p. 109-111. Orderic Vital, The Ecclesiastical…, vol. 2, livre iv, p. 120-125. R. Sharpe, « 1088: William II and the Rebels », ANS 26, p. 145-146. Boüard, « L’histoire… », p. 4. 83 Fr. Barlow, William Rufus, New Haven, 2000, p. 281-282, 415-416. 84 Barlow, William…, p. 332. Boüard, « L’histoire… », p. 3.

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de Bellême à son jeune frère Hugues, défenseur de la frontière galloise jusqu’à son décès en 1098. Afin d’affaiblir un puissant allié de son frère Robert Courteheuse, Guillaume II soutient les ambitions normandes d’un autre frère de Robert de Bellême, Roger de Poitou. Profitant de ces troubles territoriaux et dynastiques, le roi de France Philippe Ier intervient dans le conflit. La vallée de l’Orne est attaquée par les troupes du duc Robert et par celles de Philippe Ier85. Le roi de France saisit Alençon en 1094. Un évènement, qui survient peu après, décrit par la Chronique de Jean de Worcester, fait l’objet d’un débat d’interprétation entre historiens86 : Le duc Robert assiégea le château appelé Houlme jusqu’à ce que Guillaume Peverel87 et les huit cents hommes qui le défendaient le lui livrent. Le terme latin, Holm, est parfois confondu avec le toponyme « Le Homme », situé dans le Cotentin, au nord de Saint-Lô et au sud de Valognes88. Pourtant, le Houlme est une région normande bien définie dans les textes médiévaux, notamment par Jean de Worcester, auteur de l’extrait. Le Houlme (lat. Holm) s’étend entre Domfront et Argentan (Carte 2). Frank Barlow identifie par contigüité Houlme à Briouze89. Son argument repose sur le fait que Briouze est l’une des plus grandes villes de la région. Briouze n’est pas l’unique toponyme pouvant correspondre à la dénomination de « château du Houlme90 ». Ceux de La Lande-Patry, de La Ferrière, des Sept-Forges, de La Ferté et d’Asnebec correspondent à cette définition, sans compter les places fortifiées tenues par les vassaux de ces seigneurs locaux ou par le duc lui-même91. Les seigneuries de La Ferté-Macé, de Patry et d’Asnebec sont bien identifiées dans les sources92. Au contraire, les textes relatifs aux seigneuries de La Ferrière et des Sept-Forges, ou encore de Lucé, sont rares avant le xiie siècle. Gérard Louise note que le castellum de Sept-Forges est probablement construit par décision du duc Guillaume en 1049. Possession ducale, ce château pourrait faire partie des vingt places fortes saisies par Guillaume II lors de sa venue en Normandie. La situation s’apaise grâce au retour du roi Guillaume II en Angleterre à la fin de l’année 1094, puis grâce au départ du duc Robert pour Jérusalem en 1096. Robert délègue l’autorité ducale à son frère. Parallèlement, les actions de Philippe de Briouze se concentrent sur la gestion de ses domaines. C’est à ce moment-là qu’il prend la tête du lignage et confirme à l’abbaye de Saumur les donations paternelles. Après avoir effectué une première confirmation à Radnor, Philippe de Briouze « traverse la mer et se rend à Poitiers93 ». Cette formule, imprécise, ne permet pas

85 The Anglo-Saxon Chronicle, Londres, 1912, p. 147-148. 86 P. McGurk (éd.), The Chronicle of John of Worcester, Oxford, 1998, vol. 3, p. 72-73. 87 E. King, « Peverel, William (b. c. 1090, d. after 1155) », ODNB, 2004. 88 Th. Stapleton (éd.), Magni Rotuli Scaccarii Normanniae sub Regibus Angliae, 1844, vol. 2, p. xxx. E. A. Freeman, The Reign of William Rufus and the Accession of Henry the First, Oxford, 1882, vol. 1, p. 462. 89 Barlow, William…, p. 333. McGurk, The Chronicle…, p. 72, note 5. 90 Carte de Normandie, G. Delisle, 1716, Paris, BnF (domaine public). 91 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, carte p. 383. 92 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 375-378. 93 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 687-688, no 19.

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Carte 2 : Carte du pays d’Houlme, extraite de la Carte de Normandie de Guillaume Delisle, 1716. © Domaine public : Paris, BnF, Département Cartes et plans, Collection d’Anville, 00448 B

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de dater ni d’expliquer la venue de Philippe à Poitiers. L’hypothèse, soutenue par Paul Marchegay, selon laquelle Philippe aurait séjourné à Poitiers à l’occasion de la visite d’Urbain II, au début de l’année 1096, ne peut être confirmée94. Philippe n’a pas participé à la première croisade à la suite du duc Robert, dont il était un opposant. Il vient à Poitiers quelques années plus tard. En conflit contre le roi de France Philippe Ier, entre l’automne 1098 et le printemps 1099, Guillaume II d’Angleterre reçoit une assistance militaire de son cousin par alliance Guillaume IX, comte de Poitiers95. Un échange d’aide militaire et financière s’en suit96. Philippe de Briouze a pu participer à cette ambassade poitevine et profiter du voyage pour s’arrêter en Anjou afin de confirmer les donations familiales à Saint-Florent de Saumur. L’exil inexpliqué de Philippe en 1110

Le 2 août 1100, le roi Guillaume II décède d’un accident de chasse, dans la New Forest du Hampshire. Son jeune frère Henri s’empare du trône en l’absence de Robert, parti à Jérusalem. À son retour de croisade à l’automne 1100, le duc Robert planifie l’invasion de l’Angleterre97. S’en suit une nouvelle période de crise pour l’aristocratie anglo-normande, divisée entre le duc Robert et le nouveau roi Henri Ier « Beauclerc ». De nombreux seigneurs rejoignent la cause ducale, tel Robert de Bellême. Ces épisodes se concluent en 1106 à la bataille de Tinchebray, au cours de laquelle Robert est capturé. Grâce à l’emprisonnement de son frère, Henri Ier affirme son autorité sur la Normandie et exige l’hommage des barons normands lors de l’hiver 1106-1107. Cet équilibre est bouleversé par l’arrivée au pouvoir de deux nouveaux souverains voisins de la Normandie : en 1108, le roi de France Louis VI et en 1109 Foulques V, à la fois comte d’Anjou puis, au nom de son épouse, comte du Maine en 1110 98. Ils s’allient au comte de Flandres Robert II, qui souhaite remplacer Henri Ier d’Angleterre par son neveu Guillaume « Cliton », fils de Robert « Courteheuse »99. À cette situation diplomatique instable s’ajoute la levée massive de taxes par le roi Henri, afin de réunir la somme de dix mille marcs d’argent promise pour la dot de sa fille Mathilde lors de son mariage avec l’empereur germanique Henri V.

94 Fr. Villard (éd.), Recueil des documents relatifs à l’abbaye de Montierneuf de Poitiers (1076-1319), Poitiers, 1973. R. Crozet, « Le voyage d’Urbain II en France (1095-1096) et son importance du point de vue archéologique », Annales du Midi, tome 49, no 193, 1937, p. 48-50, p. 57. 95 M. Aurell, « Guillaume IX et l’Islam », Guilhem de Peitieus, duc d’Aquitaine, prince du trobar, Cahiers de Carrefour Ventadour, 2015, p. 22. 96 Guillaume de Malmesbury, Gesta Regum Anglorum: the History of the English Kings, éd. et trad. R. A. B. Mynors, R. M. Thomson et M. Winterbottom, Oxford, 1998, tome I, p. 576, IV, 333. 97 C. W. Hollister, « Henry I (1068/9-1135), king of England and lord of Normandy », ODNB, 2004. 98 Hollister, « Henry I… ». 99 D. J. Power, The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, New York, 2004, p. 374-376.

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Henri Ier maintient son autorité en saisissant les biens de plusieurs nobles suspectés de collusion100. Philippe de Briouze soutenait le roi d’Angleterre contre le duc de Normandie à la fin du xie siècle, son allégeance s’est transférée de Guillaume II à Henri Ier au tournant du xiie siècle. Pourtant, en 1110, Philippe de Briouze est exilé par le roi101 : Cette année-là [1110], Philippe de Briouze, Guillaume Malet et Guillaume Bainard furent privés de leurs terres. Cette même année, le comte Élie, qui tenait le Maine du roi Henri, décéda. Après sa mort, le comte d’Anjou lui succéda et tint ce fief contre le roi. Cette année avait été calamiteuse pour le Maine, du fait de la levée de contributions par le roi pour la dot de sa fille et à cause du mauvais temps qui abîma les fruits de la terre et qui détruisit presque tous les produits des arbres. Le réseau d’alliance de Philippe de Briouze pourrait être la cause de sa disgrâce102. Guillaume II Malet, exilé au côté de Philippe en 1110, a pour frère aîné Robert Malet, important soutien de Robert Courteheuse en 1101 et lui-même exilé en 1102103. La Chronique anglo-saxonne indique que l’année de l’exil de Philippe, Élie, comte du Maine, décède. Foulques V, comte d’Anjou et gendre d’Élie, acquiert le comté grâce à l’héritage de sa femme, fille unique d’Élie104. La coalition formée par Foulques, le roi de France et le comte de Flandres a pu contacter Philippe de Briouze et ses compagnons, Guillaume II Malet et Guillaume Bainard. Si le parcours de Guillaume Bainard est obscur105, la famille Malet est proche de celle des Briouze, puisque ses membres sont témoins de leurs actes. Les Malet entretiennent des liens avec le comté de Flandres, pour le commerce et par mariage. Emma, petite-fille de Guillaume Ier Malet, père de Guillaume II, épouse entre 1106 et 1110 le comte Manasses de Guînes, dont les terres se situent sur la côte de Flandres106. Ce mariage a pu éveillé la suspicion d’Henri Ier107. Le bannissement est une sanction puissante qui, au-delà de l’exclusion du groupe d’appartenance, menace la survie de l’individu qui perd sa personnalité sociale108. Elisabeth Van Houts, en étudiant le bannissement médiéval comme punition politique, note que l’exil punitif est temporaire, pour une durée maximale de 3 ans, selon un système codifié qui régule le départ et le retour du condamné109. Lors de leur exil, les terres de Guillaume Malet, Guillaume Bainard et Philippe

100 Hollister, « Henry I… ». 101 H. R. Luard (éd.), Annales Monastici, vol. 3: Annales de Wintonia, Annales de Waverleia, Londres, 1865, p. 214. The Anglo-Saxon Chronicle, p. 157. 102 J. A. Green, Henry I: King of England and Duke of Normandy, Cambridge, 2006, p. 121-122. 103 C. Hart, « William Malet and His Family », ANS 19, 1997, p. 159. 104 Green, Henry I…, p. 122. 105 K. S. B. Keats-Rohan, Domesday People, vol. 1, Domesday Book, Woodbridge, 1999, p. 467. 106 E. Oksanen, Flanders and the Anglo-Norman World, 1066-1216, Cambridge, 2012, p. 174. Hart, « William… », p. 162. 107 C. W. Hollister, « War and Diplomacy in the Anglo-Norman World : the reign of Henry I », ANS 6, 1984, p. 80-81. 108 Ghasarian, Introduction…, p. 15. 109 E. Van Houts, « L’exil dans l’espace anglo-normand » in P. Bouet et V. Gazeau (dir.), La Normandie et l’Angleterre au Moyen Âge, Caen, 2003, p. 118-119.

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de Briouze sont saisies. Les domaines de Guillaume Bainard situés à Londres, dans l’Essex et l’East Anglia sont confiés à Robert, fils de Richard de Clare110. Celles de Philippe de Briouze sont probablement conservées par le roi, du fait de leur importance stratégique, mais aucune source n’en témoigne. La Chronique anglo-saxonne précise la date du retour de Philippe de Briouze, mais pas celles de Guillaume Malet et de Guillaume Bainard. Philippe rentre en grâce dès 1112, soit 2 ans après son bannissement111 : Le roi Henri Ier rend à Philippe de Briouze sa terre, dont il l’avait précédemment privé ; tandis que Robert de Bellême est condamné à être dessaisi de ses terres et placé en détention. Elisabeth Van Houts explique que les bannis dont les compétences militaires sont considérées comme indispensables à la royauté peuvent bénéficier de réduction de temps d’exil. Le risque que les exilés soient utilisés par un autre souverain justifie une réconciliation rapide112. Philippe est le seul exilé à rentrer en grâce dès 1112, au moment où Robert de Bellême est arrêté113. Il a pu contribuer à l’arrestation de son voisin normand, qui avait rejoint très tôt la coalition ennemie. Philippe rentre en grâce avant le mariage de Guillaume, fils du roi Henri, avec Mathilde, fille de Foulques V, en 1113. Par cette union, le comte du Maine rend hommage au roi d’Angleterre pour ses terres, assurant la sécurité de la frontière méridionale de la Normandie. Par la suite, Philippe de Briouze disparaît presque totalement de l’entourage royal. Il n’apparaît qu’à une brève occasion, en octobre 1125, lorsqu’il souscrit une charte de confirmation royale adressée à l’abbaye Saint-Martin de Battle, à propos de domaines au pays de Galles114. Le séjour de Philippe en Terre Sainte : réécritures et manipulations mémorielles

Contraint à l’exil, Philippe a pu faire pénitence et partir en Terre sainte. Dans le cas d’un départ précoce, ce séjour a pu avoir lieu entre 1110 et 1112, pendant son exil. Lors de son départ pour Jérusalem (lat. dum Jerosolimam pergeret), à une date inconnue, il confirme les dons faits par son père à l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Sa femme Aénor et son fils Guillaume approuvent sa confirmation115. Philippe part donc après la naissance de son fils, survenue vers 1110. Cependant, la date de son pèlerinage reste incertaine, les sources étant contradictoires.

110 R. Mortimer, « Clare, Richard de (1030x35-1087x90) », ODNB, 2004. K. S. B. Keats-Rohan, « Domesday Book and the Malets: Patrimony and the Private Histories of Public Lives », Nottingham Medieval Studies 41, 1997, p. 13-56. D. Dymond et P. Northeast, A History of Suffolk, Phillimore, 1985, p. 35-36. 111 The Anglo-Saxon Chronicle, p. 157. 112 Van Houts, « L’exil… », p. 123. 113 Hollister, « War… », p. 81. 114 Ch. Johnson et H. A. Cronne (éd.), Regesta Regum Anglo-Normannorum, 1066-1154, vol. 2 : Regesta Henrici Primi, 1100-1135, Oxford, 1961, p. 288, no 1896. 115 Oxford, MCA, Sele 69. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20.

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Une confirmation, non datée, récapitule l’ensemble des dons familiaux adressés aux moines de Saumur. Philippe aurait confirmé aux religieux la possession de l’église du port de Shoreham « en revenant de Jérusalem116 ». Mais la tradition de l’acte fragilise la véracité de cet hapax. La phrase latine qui stipule son retour, contenue dans la confirmation, ne fait pas partie de l’acte original. Un important passage est modifié117. La singularité de la formule latine Jerosolimis autem predictus Philippus rediens […] diligenter concessit et confirmavit requiert une analyse sémantique. Participe présent de redeo, rediens pourrait être compris non pas au sens premier de « en revenant de », mais selon sa deuxième acception, « en allant à un autre endroit118 ». La modification de l’acte original et l’ambiguïté de la traduction ne permettent pas de lever avec certitude le doute sur l’historicité de son retour de Terre sainte. La mémoire familiale semble avoir entretenu l’image d’une mort glorieuse de Philippe en Terre sainte, par le biais d’une source proche de la famille119. Giraud de Barri évolue dans l’entourage de Guillaume III de Briouze, petit-fils de Philippe Ier. Il a été appointé archidiacre de Brecon en 1174, fief que possèdent les Briouze120. À plusieurs reprises à travers son œuvre, Giraud de Barri rapporte le soutien que lui accordent Guillaume III de Briouze, seigneur de Brecon, et son épouse Mathilde de Saint-Valéry121. Une certaine familiarité unit le lignage et Giraud. Cette intimité laisse à penser que l’auteur, afin de plaire à ses patrons, rapporte la légende familiale, mettant en scène la fin épique de l’ancêtre Philippe122. Un extrait de L’Itinéraire du pays de Galles, écrit par Giraud de Barri en 1192, véhicule le récit de la mort glorieuse de Philippe123 : Il convient ici d’évoquer ce qu’il survint, au cours du règne du roi d’Angleterre Henri Ier, au seigneur du château de Radnor, terre limitrophe de celle de Builth qu’il avait conquise. Il était entré dans l’église de Saint Afan, appelée Llanafan en Gallois124, et sans précaution ni vénération suffisantes, il y avait passé la nuit avec sa meute de chiens de chasse. Lorsqu’il se réveilla tôt le lendemain matin, suivant en cela les us des chasseurs, il trouva sa meute enragée et il fut frappé de cécité. Il avait complètement perdu la vue et il dut retrouver son chemin à la main. Après une longue, sombre et pénible existence, il fut transporté à Jérusalem, veillant heureusement à ce que sa vue intérieure ne s’éteigne pas de la même manière.

116 Oxford, MCA, Sele 60. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. 117 La concession d’une prébende à Geoffroi de Bramber par Guillaume Ier de Briouze, confirmée par son fils Philippe (Oxford, MCA, Sele 69), se transforme en une permutation d’églises (Oxford, MCA, Sele 60). R. Gem, « An Early Church of the Knights Templars à Shipley, Sussex », ANS 6, p. 238. 118 « Redeo, ii, itum, ire », Dictionnaire Latin-Français, éd. F. Gaffiot, p. 1325-1326. 119 Keats-Rohan, Domesday Descendants…, p. 346. 120 D. Walker, « Gerald of Wales », Brycheiniog, vol. 18, 1978-1979, p. 62. 121 Giraud de Barri, Opera, vol. 1, p. 142-143 ; vol. 3, p. 91-93. 122 Giraud de Barri, Opera, vol. 1, p. 161-162. 123 Giraud de Barri, Opera, vol. 6, Itinerarium Kambriae et Descriptio Kambriae, éd. J. F. Dimock, Londres, 1868, p. 16-17 ; éd. E. Rhys, Londres, 1908, p. 14. Giraud de Barri, Itinerary Through Wales and the description of Wales, éd. L. Thorpe, Londres, 2004, p. 77-78. 124 L’église Saint Afan est située à Llanafan-Fawr, au pays de Galles.

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Entouré de ses amis, il fut cuirassé, armé et conduit sur le champ de bataille à cheval, où il mena une fougueuse attaque contre les ennemis de la foi. Immédiatement frappé d’un coup d’épée, il fut mortellement blessé et il acheva sa vie avec honneur. Ce passage n’inclut pas le nom de celui que Giraud de Barri désigne comme le « seigneur du château de Radnor », mais il s’agit de Philippe Ier de Briouze. La famille de Briouze détient cette terre depuis le dernier quart du xie siècle125, et elle en conserve la garde jusqu’au milieu du xiiie siècle126. L’auteur situe ces évènements sous le règne d’Henri Ier, entre 1100 et le premier décembre 1135. Plusieurs entrées des pipe rolls, datant de l’année 1130, mentionnent Philippe de Briouze127. Ces mentions ne confirment pas la présence charnelle de Philippe sur le sol britannique, simplement qu’il était encore considéré comme le chef du lignage, et en vie, par le pouvoir royal. Sophie Macheda, dans une thèse consacrée aux pèlerinages en Terre sainte du xie au xiiie siècle, note que l’Église imposait une durée légale avant d’admettre le décès du pèlerin, afin que ses biens ne soient pas dispersés avant son éventuel retour, par remariage de la veuve notamment128. Les exemptions accordées à Philippe en 1130 suggèrent qu’il n’effectuait plus lui-même les paiements et qu’il en avait délégué la charge129. Cette délégation pourrait coïncider avec la date de son pèlerinage. Dans le cas d’un départ tardif, son départ pour Jérusalem pourrait avoir eu lieu au printemps 1126, alors qu’il est âgé d’une soixantaine d’années. Il souscrit un dernier acte royal en octobre 1125130. Un document daté de 1127 mentionne un certain Herbert de Briouze comme chanoine d’Agrigente, en Sicile131. Le lignage de Briouze ne semble pas avoir participé aux activités normandes en Italie, puisqu’aucun acte collecté n’en fait mention. Herbert a pu suivre le seigneur de Briouze sur la route de Jérusalem, comme membre de l’escorte de proches évoquée par Giraud de Barri, pour finalement décider de s’installer parmi cette communauté sicilienne. Le récit idéalisé de Giraud de Barri soulève quelques questionnements. La cécité supposée de Philippe de Briouze dans ce récit d’un « miracle de punition132 » n’est nullement attestée par les sources diplomatiques. Il pourrait s’agir d’un aveuglement symbolique liée à une accusation d’impiété133. La modicité des dons aux établissements religieux effectués par Philippe de Briouze contraste fortement avec les largesses de

125 Charte Artem/CMJS no 3476. 126 LF, partie 2, p. 800. 127 The Great Roll of the Pipe (GRP) for the Thirty First Year of the Reign of King Henry I, Michaelmas 1130, éd. J. A. Green, Londres, 2012, NS 57, p. 56, 99, 124. 128 S. Macheda, Les Pèlerinages en Terre Sainte d’après les récits de voyage (xie-xiiie siècles), Thèse, Université Paris IV – Sorbonne, 2009, p. 72. 129 K. Norris, « Demesne Exemption from Royal Taxation in Anglo-Saxon and Anglo-Norman England », EHR, vol. 128, 2013. 130 Johnson et Cronne, Regesta…, vol. 2, p. 288, no 1896. 131 C. H. Haskins, « England and Sicily in the Twelfth Century », EHR, vol. 26, 1911, p. 436. 132 O. Bruand, « Accusations d’impiété et miracles de punition dans l’hagiographie carolingienne », in L. Mary, M. Sot (dir.), Impies et Païens entre Antiquité et Moyen Âge, Paris, 2002, p. 155-173. 133 Les paraboles évoquant l’aveuglement sont récurrentes dans les Évangiles : Matthieu (9.27-31 ; 20.29-34 ; 15.14), Marc (8.22-26), Luc (18.35-43 ; 6.39).

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son père134. Cette « avarice » pourrait lui avoir été reprochée par les moines, et peut être mise en parallèle avec l’image irrévérencieuse de sa nuit de sommeil dans une église galloise en compagnie de ses chiens135. La suite du récit précise ce symbolisme, puisque Philippe prit garde que sa « vue intérieure » ne s’éteigne : la concordance entre lumière et salut est un évident emprunt psalmique136. Jérusalem est considérée comme une voie de salut. Les clercs assurent aux nobles laïcs la garantie d’accéder au Ciel s’ils décèdent lors de ces pèlerinages armés. Pour cela, précédemment à leur départ, ils doivent avoir préparé leur âme par des actes pieux137. Selon Xavier Storelli, , le pèlerinage en Terre sainte est « une sorte de rattrapage138 ». Cela permet à Philippe de Briouze de racheter ses actions impies. Cette démarche est conforme aux attentes religieuses de l’homme d’Église qu’est Giraud de Barri. Ce voyage sanctifiant, hors des temps spécifiques de « croisade », est une pratique courante attestée par de nombreuses sources139. Ce cas individuel s’insère dans un mouvement général et continu de pèlerins normands allant vers la Terre sainte depuis la fin du xe siècle140. La description de la mort de Philippe de Briouze exalte sa bravoure chevaleresque puisqu’il serait mort à cheval et l’épée à la main, aveugle, combattant les ennemis de sa foi, guidé par sa ferveur religieuse141 (Fig. 3). Son séjour en Terre sainte est honoré par sa famille au travers de donations pieuses. Guillaume II de Briouze confirme le don de sa mère Aénor aux frères-chevaliers du Temple de Salomon, qui leur offre quinze acres de terre à Bramber pour l’âme de son époux Philippe142. À la même période, Guillaume reconnaît avoir donné l’église de Sompting aux frères du Temple, conjointement avec Philippe de Harcourt, évêque de Bayeux, et Guillaume de Harcourt143. Ces dons effectués par les proches de Philippe pourraient être une forme d’hommage posthume, puisque l’Ordre du Temple reçoit une règle de la papauté lors du concile de Troyes, le 13 janvier 1129. Après cette date, les aumônes abondent, affluant de tout l’Occident144. La datation du départ de Philippe pour la Terre sainte illustre la position délicate de l’historien face aux réécritures, narratives ou diplomatiques. La famille de Briouze 134 Charte Artem/CMJS n°3476. Br. Lemesle, « La raison des moines [Règlement en justice des conflits ruraux dans le Haut-Maine au xie siècle] », Études rurales, no 149-150, 1999, p. 32. 135 C. Treffort, « Le comte de Poitiers, duc d’Aquitaine, et l’Église aux alentours de l’an mil (970-1030), CCM, no 172, 2000, p. 405. 136 « Le Seigneur est ma lumière et mon salut », Ps 26.1. G. Bührer-Thierry, « Just Anger or Vengeful Anger? The Punishment of Blinding in the Early Medieval West », in B. H. Rosenwein (dir.), Anger’s Past. The Social Uses of an Emotion in the Middle Ages, 1998, p. 91. 137 X. Storelli, Le Chevalier et la Mort dans l’historiographie anglo-normande, xie siècle – début du xiiie siècle, Thèse, Université de Poitiers, 2009, p. 562. 138 Storelli, Le Chevalier…, p. 356. 139 Tables des manuscrits de D. Fonteneau, conservés à la Bibliothèque de Poitiers, vol. 1, Poitiers, 1839, p. 117. 140 M. Aurell, Des Chrétiens contre les croisades, xiie-xiiie siècle, Paris, 2013, p. 10. Chr. Tyerman, God’s War, A New History of the Crusades, Cambridge, 2006, p. 267. 141 Z. Weygand, « Les aveugles dans la société française », Revue d’éthique et de théologie morale, Hors-Série, no 256, 2009, p. 67, § 9. 142 Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro : N. Vincent, charte non éditée. 143 Delisle et Berger, Recueil…, tome I, p. 89-90, no 84. 144 A. Demurger, « Ordre du Temple », Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2004, p. 1023-1024.

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Fig. 3 : Sceau de Philippe Ier de Briouze145. Oxford, MCA, Shoreham 41. Dessin © Amélie Rigollet, à partir de H. E. Salter (éd.), Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, no 2

a certainement enjolivé le récit du séjour de Philippe en Terre sainte, manipulant l’histoire pour renforcer le prestige lignager, tandis que les moines instrumentalisent la référence à ce séjour pour accaparer des terres. La datation est obscurcie par les enjeux matériels et symboliques de la réécriture mémorielle.145 Guillaume II de Briouze (c. 1110 – c. 1175) dans la guerre civile

Guillaume II prend la tête du lignage au début des années 1130. Son implication dans le conflit royal de succession dynastique qui éclate ouvertement en 1138 n’apparaît que très peu dans la documentation146. L’assertion du Révérend Salter, qui affirme que Guillaume II de Briouze fait partie de l’escorte chargée d’assurer la sécurité de Mathilde lors de son trajet entre Arundel et Bristol, en septembre 1139, afin de lui permettre de rejoindre son demi-frère Robert de Gloucester, n’est confirmée par aucune source connue147. Au début de la décennie 1150, Guillaume II est témoin de

145 N. d. [c. 1125]. Sceau aujourd’hui perdu, dont subsiste une photographie en noir et blanc. Sceau rond, mutilé sur les côtés, 64 mm de diamètre, en cire blanche, sur double queue de parchemin. Droit : équestre à gauche. Un cheval au galop, portant un cavalier coiffé d’un casque conique à nasal, de type normand, tenant un écu de la main gauche et une lance de la main droite. – Revers : aucun. Légende au droit : † [SIG]IL[LUM PHILIP]PI DE BRAOSA. – Légende au revers : aucune. Remarque : La même matrice a été utilisée pour sceller un acte conservé à sous la côte Sele 69. Ce sceau a disparu. Il est décrit par le Révérend Salter en ces termes : « Un sceau de cire rouge, identique à celui de l’acte précédent (no 2) ». H. E. Salter (éd.), Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, no 3. 146 Hollister, « War… », p. 49. 147 Rév. H. E. Salter (éd.), Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment Rooms, Oxford, 1929, no 5.

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chartes du roi Étienne en faveur des moines de Saint-Pancrace de Lewes148. S’il n’est pas l’un des partisans les plus dynamiques d’Étienne, il lui est resté fidèle, la loyauté envers le roi d’Angleterre étant une tradition familiale. Guillaume II de Briouze a pour épouse Berthe, fille de Milon de Gloucester149. Bien qu’il accepte dans un premier temps l’autorité nouvelle du roi Étienne, entre 1136 et 1139, Milon transfère sa loyauté lors de l’arrivée de Mathilde sur l’île, en septembre 1139. Il est fortement impliqué dans la guerre civile au côté de l’impératrice Mathilde, qui lui remet le 25 juillet 1141 le comté du Herefordshire. Roger, fils de Milon, partisan dévoué de l’impératrice au côté de son père, lui succède en décembre 1143150. Ambitieux, il accroît son influence sur la marche galloise après 1147, suite au décès de Robert, comte de Gloucester et principal soutien de l’impératrice. Un acte non daté, probablement émis peu après le traité de Wallingford, vers 1154, évoque la restitution de terres par Roger de Hereford à Guillaume II de Briouze, possessions qu’il lui avait confisquées à une date inconnue151. Roger, comte de Hereford, restitue à son beau-frère Guillaume de Briouze son château de Dymock dans le Gloucestershire, une tenure ayant appartenu à Radulf de Muchegros, quinze livres de terre près de Sabin, une maison à Chingesdene, une terre à Upledene, et la terre de Langesfort. Si Roger ne conclut pas de trêve avec Gilbert de Lacy, Guillaume de Briouze recevra sa terre de Malvern (lat. Malveshulle) (Carte 7). Le traité fixe le délai maximal de restitution à l’année 1155. Il fractionne la rétrocession, dont une partie sera remise l’année suivante, puisque Roger conserve le château de Briouze et sa terre de Normandie, qui seront restitués à Guillaume dans un délai d’un an. Cette confiscation s’inscrit dans un conflit opposant plusieurs seigneurs de la marche galloise. En 1147-1149, Roger, comte de Hereford, et Guillaume, comte de Gloucester, s’associent lors d’un traité de non-agression mutuelle afin de s’opposer conjointement à Gilbert de Lacy152. Neutraliser Guillaume II de Briouze en contrôlant ses terres est pour Roger de Hereford une manière d’assurer la loyauté d’un membre de sa famille élargie, voisin des terres des Lacy. Lorsque Roger se retire au sein de la communauté monastique de Gloucester en 1155, sans descendant, ses biens sont successivement transmis à ses trois frères, Gautier, Henri puis Mahel, qui décèdent à leur tour sans enfant. Finalement, en 1165, les terres familiales sont partagées entre les trois filles de Milon : Marguerite de Bohun, Lucie fitz Herbert et Berthe de Briouze. Guillaume II de Briouze exprime sa loyauté envers Étienne par sa présence lors de la rédaction de plusieurs chartes royales. Mais le roi n’a jamais émis d’actes en sa faveur. Guillaume est régulièrement présent à la cour royale au début de la décennie

148 Johnson et Cronne, Regesta…, vol. 3, p. 169, no 448 ; p. 169-170, no 450. 149 D. Walker, « Gloucester, Miles of, earl of Hereford (d. 1143) », ODNB, 2004. 150 D. Crouch, « Roger, earl of Hereford (d. 1155) », ODNB, 2004. 151 Z. N. Brooke et C. N. L. Brooke, « 1. Hereford Cathedral Dignitaries in the Twelfth Century – Supplement », Cambridge Historical Journal, 8, 1946, p. 185. 152 W. E. Wightman, The Lacy Family in England and Normandy, 1066-1194, Oxford, 1966, p. 186.

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1160153. Guillaume II corrobore les Constitutions de Clarendon rédigées en 1164154. Au cours des années suivantes, Guillaume II bascule à nouveau dans l’ombre. Il ne réapparaît dans l’entourage royal qu’au début de l’année 1172, lorsqu’il témoigne de la rédaction d’une charte royale à Dublin155. Il associe peu à peu son fils Guillaume III à la gestion des domaines familiaux. Lorsque Guillaume II de Briouze disparaît en 1175, son décès ne provoque pas de rupture dans la chaîne du pouvoir. L’effet de continuité, renforcé par l’usage commun du prénom Guillaume, brouille les pistes et renforce l’illusion d’un pouvoir stable.

Conclusion : Distance entre les Briouze et le pouvoir royal Entre la conquête normande de l’Angleterre et la charte royale ratifiée à Dublin au début de l’année 1172, les liens entre les Briouze et les rois anglo-normands n’apparaissent que dans 26 actes, dont seulement 11 documents décrivent l’intervention du pouvoir royal dans les affaires du lignage(Graphique 5). Malgré cette apparente distance, la famille de Briouze devient l’une des plus puissantes lignées normandes implantées dans les îles britanniques à la fin du xiie siècle. Puisque les sources conservées sont principalement d’origine monastique, les fonctions guerrières des premiers seigneurs de Briouze ne sont pas mises en évidence. Soutenu par une lointaine bienveillance royale, leur parcours ascensionnel résulte de leur mobilité spatiale et de leur adaptabilité aux circonstances. Ils acceptent de s’implanter dans des territoires inhospitaliers et hostiles, de les soumettre au nom de l’autorité souveraine et de les acculturer en s’opposant aux sociétés préétablies.

153 Delisle et Berger, Recueil…, tome I, p. 292-293, no 163 ; p. 367-368, no 227 ; p. 394-395, no 247. D. M. Stenton (éd.), Pleas before the King of his Justices, 1198-1212, vol. 2, p. lii. J. Conway Davies (éd.), The Cartae Antiquae Rolls 11-20, PRS NS 33, p. 152-153, no 546 ; p. 174-175, no 579. W. Stubbs (éd.), Select Charters and other illustrations of English Constitutional History, Oxford, 1921, p. 161-167. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 697-698, no 29. 154  M. Aurell, L’Empire des Plantagenêt, Paris, 2004, p. 42. Cl. Gauvard, « La violence commanditée », Annales. Histoire, Sciences Sociales, no 5, 2007, p. 1011. 155 J. T. Gilbert (éd.), Chartularies of St. Mary’s Abbey, Dublin, Londres, 1884, vol. 1, p. 140-141, no 118g.

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Tripolarité castrale

Avant 1175, les seigneurs de Briouze ont exercé leur autorité depuis trois sites castraux – Briouze, Bramber et Radnor – seuls castri référencés par les actes de la pratique dès la fin du xie siècle1. Les trois lieux présentent des similarités topographiques. Ce sont des sites marécageux, comme l’indique la toponymie des lieux. Briouze serait issu du terme gaulois braia, la boue2, tandis que Radnor viendrait du gallois Maes y fed, qui signifie « la prairie qui avale3 », alors que Bramber se situe en fond d’estuaire. Ceux sont trois pôles de fronts pionniers, établis en périphérie du monde anglo-normand pour en assurer la défense : Briouze à la frontière normanno-mancelle, Bramber en bordure de la Manche et Radnor au contact du peuple gallois. Ces châteaux occupent des situations stratégiques, contrôlant des axes de communication. Les fonctions de contrôle des voies de circulation ou de défense des frontières sont les raisons d’être des fortifications4. L’occupation d’un carrefour fréquenté ou d’un franchissement de rivière permet le prélèvement de péages, ressources convoitées5. Dans le cas des Briouze, les sources émises lors du premier siècle de développement du lignage n’apportent que très peu d’informations relatives aux sites castraux. Les liens de parenté, probables, entre Guillaume Ier de Briouze et le duc de Normandie ne sont jamais mis en évidence par le lignage pour justifier l’obtention de terres. Si la parenté joue un rôle secondaire, l’aide et le conseil militaires sont une autre voie de succès.

Briouze, en bordure du marais du Grand Hazé Briouze est implantée dans l’ancien massif granitique d’Athis, au centre de l’une des nombreuses dépressions géologiques qui le constituent6. Cette configuration du lieu,

1 Le château de Bramber est connu en 1086 (Domesday Book, i. 28a), celui de Radnor vers 1095 (Charte Artem/CMJS no 3476) et celui de Briouze en 1097 (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21). 2 Flers, B. M., MAN 160, p. 1. 3 Descroix, Les Seigneurs…, p. 11. 4 G. Fournier, Le Château dans la France médiévale. Essai de sociologie monumentale, Paris, 1978, p. 161. 5 A. Debord, Aristocratie et pouvoir. Le rôle du château dans la France médiévale, Paris, 2000, p. 75. 6 A. Fremont et Fr. Solignac-Lecomte, Briouze et sa région : présentation géographique d’une région du bocage normand, Caen, 1963, p. 1-26.

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marquée par l’alternance de faibles dénivelés, de marécages et d’une forte couverture forestière, justifie la pauvreté du sol et la difficulté de l’exploitation agricole7. Cette combinaison de marais et de forêts a probablement donnée son nom à la région. Le terme pays du Houlme, qui apparaît sous la forme Ulmensis dans un acte émis le 8 février 1212 au château de Briouze8, se réfère à sa géographie. Son étymologie est difficilement identifiable selon Gérard Louise, dérivée du latin ulmus, qui désigne l’orme, et des langues germaniques, « holmr qui décrit un îlot, une terre au milieu des marécages9 ». Briouze forme, à la fin du xie siècle, un bourg castral établit entre le château, la chapelle castrale, l’église et le prieuré. Le site est mal connu puisqu’aucune mission archéologique n’y a été menée. Dans un rapport de prospection établit en 1994, Yvon Davy suppose qu’à cette période la motte castrale est de forme tronconique. Il établit que le site est abandonné au cours du Moyen Âge. Une enquête de 1451 affirme10 : [Il n’y a] aucun chastel ni fortification et pour toute demeure et logis pour le baron du lieu n’a qu’une maison couverte de thuille qui est dedans une motte audit lieu de Briouze, laquelle n’est aucunement fortifiée, sinon seulement de fossez, esquelz fossez en la plus grande partie n’a eaux, clôture ni autre chose qui peut empescher personne d’y entrer et issir. Cette demeure fortifiée est finalement détruite lors de la Révolution en 1796. Selon une supposition formulée par Anatole Duval à la fin du xixe siècle, le château est localisé en bordure du marais de Briouze, au pied de la colline sur laquelle est construit le bourg castral, et à proximité de la chapelle11 (Fig. 4). De nos jours l’emplacement du site est indéterminé, aucun vestige visible n’en indique la position. Dans le même rapport, Yvon Davy identifie la chapelle castrale de Briouze, localisée dans le lieu-dit Le Bourg, dans la Grande rue, section AH n o 332 (Fig. 5). La description qu’il donne des vestiges est la suivante : « Le bâtiment a été converti en grange pendant la Révolution. Il est aujourd’hui une maison d’habitation et, en ce sens, a subi quelques modifications. Trace de son ancienne fonction, une baie en ogive et quelques autres marques courantes : fenêtres et portes chanfreinées12. »

7 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 26, p. 29. 8 Flers, B. M., MAN 160, « Charte de don des dixmes du Mesnil par Guillaume de Briouze 8 février 1212 », p. 99-100. 9 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 34. 10 Y. Davy, Rapport de prospection diachronique, ancienne baronnie de Briouze (RAP 829 – DRAC Normandie), 1994. J. Decaens, Fortifications et châteaux d’origine médiévale dans le Département de l’Orne (Rapport 448), 1989-1990, non paginé : « Briouze, motte arasée ». 11 A. Duval, « Le château de Briouze et la courageuse défense des bleus », Bulletin mensuel de la Société scientifique Flammarion, tome IV, 1886, p. 461-463. 12 Davy, Rapport….

t ri po lari t é cast rale

Fig. 4 : Dessin des ruines du château de Briouze au xixe siècle par Anatole Duval1 © Amélie Rigollet, photographie prise le 4 octobre 2012, reproduite avec l’autorisation des Médiathèques de Flers Agglo, cote MAN 433 13

Le site de Briouze contrôle un territoire plus vaste. Rapidement, et grâce à un intense défrichement, les territoires vides situés le long de la frontière normande sont peuplés de très nombreux petits villages. La région du Houlme valorise l’élevage, notamment celui de porcs nourris en forêt. Le choix de cette activité prédominante est contraint, puisque la pauvreté des sols impose l’assolement et encourage l’exploitation forestière. Les terres sont laissées en pâture pendant de longues périodes. Le cas du don de la dîme de Briouze par Guillaume aux moines de Saint-Florent de Saumur vers 1080 en est l’exemple14. Cette donation exclut les dîmes des moulins et le panage, signe d’une activité lucrative pour le seigneur de Briouze15. Outre ses fonctions défensives, la seigneurie de Briouze assure le défrichement d’une portion du vaste espace forestier situé à la frontière normanno-mancelle. Cette mise en valeur paysagère est accentuée par la formation d’une petite

13 Légende de A. Duval : « Ruines du vieux château de Briouze brûlé par les Chouans en 1796 et entièrement […] le 10 septembre 1892. Pavillon […] et façade ouest. » 14 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1. 15 M. Arnoux, Chr. Maneuvrier, « Le pays normand. Paysages et peuplement (ixe-xiiie siècles) », Tabularia « Études », no 3, 2003, p. 17-18.

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Fig. 5 : Vestiges de l’ancienne chapelle castrale Saint-Jean de Briouze. © Amélie Rigollet, photographie prise le 5 octobre 2012

aristocratie au service des seigneurs de Briouze. Gérard Louise remarque, à la fin du xie siècle, l’émergence de petites lignées dont le patronyme révèle leur rôle dans le processus de défrichement et de défense militaire, tels les Taillebois ou les Pointel16. La gestion du site castral et de leurs domaines normands par les seigneurs de Briouze est mal connue, peu d’actes ayant été conservés, hormis les donations faites aux établissements religieux. Le développement du bourg castral n’est jamais mentionné, l’établissement des sépultures familiales n’est jamais précisé. Seule l’aire d’influence familiale peut être supposée en recoupant les noms de villages, d’églises et de témoins cités dans les actes. La position de carrefour occupée par Briouze à l’échelle du Houlme, sa fonction de défrichement et son insertion dans un maillage dense de petites seigneuries sont les seules données pouvant être établies. Ce manque d’information pourrait s’expliquer par le désintérêt progressif des seigneurs de Briouze pour la Normandie, accaparés par leurs domaines insulaires.

16 Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 380.

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Bramber, dans l’estuaire de l’Adur La carte des possessions anglaises de Guillaume de Briouze, établie à partir de la liste de ses terres définie par l’enquête de 1086, révèle que les deux principaux points d’ancrage de ce seigneur se situent dans le Sussex et le Dorset, complétés de quelques fiefs dans le Wiltshire, Berkshire, Hampshire et Surrey (Carte 5). Il surveille deux voies d’accès maritimes au sud de l’Angleterre et protège en partie la circulation vers la Normandie. Cette localisation rappelle la position de la seigneurie de Briouze, petite et compacte17, qui contrôle l’accès et les communications entre le Maine et la Normandie, et qui limite l’influence de la seigneurie de Bellême. Il s’agit d’un site de défrichement, établi par la conquête normande18. Le manoir de Bramber est situé entre les deux seigneuries puissantes d’Arundel et de Lewes, qui appartiennent respectivement au comte Roger II de Montgomery et à Guillaume de Warenne19. Symbole de l’implantation anglaise de Guillaume de Briouze, le château de Bramber20 est situé sur l’une des 59 charruées de terres du manoir de Washington21. Ce château, établi à proximité du village de Steyning22, est mentionné pour la première fois dans la plus ancienne charte conservée pour la famille de Briouze, rédigée au début de l’année 107323 (Fig. 6). Le château est en retrait de la côte, à plus de 6 kilomètres au nord de Shoreham. Toutefois, il est à proximité de la rivière Adur, à un demi-kilomètre de ce cours d’eau alors nommé Bremre24. De nombreux navires de commerce y circulent pour vendre leurs marchandises au château et au marché de Steyning. Le seigneur de Briouze fait édifier un pont pour traverser l’Adur, sur lequel est prélevé une taxe, le tonlieu25. Cet emplacement, sur un site défensif en retrait de la côte, permet la protection et le contrôle de la navigation sur le fleuve. De nombreux établissements urbains anciens se sont développés dans les grands estuaires du nord-ouest européen26. Les sites choisis sont généralement des zones de confluence, dont la topographie est plus favorable à l’installation humaine. Pour des raisons de sécurité, la ville s’installe en hauteur par rapport au cours du fleuve. La

17 D. Bates, compte-rendu de l’ouvrage d’Eleanor Searle, Predatory…, Speculum, vol. 65, no 4, octobre 1990, p. 1047. 18 Le toponyme Bramber dérive de l’ancien anglais Brēmer, évoquant les ronces, les fourrés. R. B. Harris, Bramber. Historic Character Assessment Report, Sussex Extensive Urban Survey (EUS), 2004, p. 12. 19 Chr. P. Lewis, « Warenne, William (I) de, first earl of Surrey (d. 1088) », ODNB, 2004. J. F. A. Mason, « Roger de Montgomery and His Sons (1067-1102) », TRHS, vol. 13, 1963, p. 1-28. K. Thompson, « The Norman Aristocracy before 1066: the Example of the Montgomerys », Historical Research, vol. 60, 1987, p. 251-263. 20 K. J. Barton, E. W. Holden, « Excavations at Bramber Castle, Sussex, 1966-1967 », Archaeological Journal, no 134, 1977, p. 14. 21 Annexe 2 – Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book. 22 D. Hill, An Atlas of Anglo-Saxon England, Oxford, 1992, p. 136, carte 228. 23 Charte Artem/CMJS no 3490. 24 Barton et Holden, « Excavations… », p. 13. 25 Charte Artem/CMJS n°2739. 26 Br. Lecoquierre, « Les estuaires européens : une organisation en constante évolution », L’Information géographique, vol. 62, 1998, p. 3-5.

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Fig. 6 : Panorama de la Tour du corps de garde du château de Bramber, vue vers l’Est. © Amélie Rigollet, photographie prise le 26 juillet 2011

situation-type de localisation d’une ville de fond d’estuaire répond à un équilibre entre l’éloignement maximal de la mer et la présence du courant de marée. Cela impose de gérer en retour des problèmes d’envasement ou d’ensablement du lit du fleuve. Les fouilles menées en 1966 et 1967 par Barton et Holden éclairent l’installation de Guillaume de Briouze dans cette région. Ils émettent plusieurs hypothèses intéressantes concernant l’élévation de la motte castrale. En considérant que la motte est une construction humaine sur un plateau naturel peu élevé, ils démontrent que seuls les deux tiers de la motte ont pu être constitués à partir de la terre environnante, issue du creusement du fossé défensif. La terre manquante dut être importée. Ils proposent une estimation du temps nécessaire à la construction du fossé et de la motte, en supposant un travail quotidien de dix heures, par cent personnes. En tenant compte des jours chômés et des conditions climatiques variables, ils présument que ce travail de fondation dura près de neuf mois27. S’ajoutent à cette durée les périodes indispensables au transport des matériaux et à la construction du château proprement dit, ainsi qu’à la réalisation du mur défensif28. Guillaume Ier de Briouze a fait réaliser différents aménagements pour fortifier le site. Une charte de 1086 mentionne l’existence d’un fossé autour du château (lat. fossatus quod factum fuerat ad conductum aque castelli). Un cour d’eau a été détourné 27 Barton et Holden, « Excavations… », p. 69-70. 28 Barton et Holden, « Excavations… », p. 19-20.

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pour remplir les douves. Un jugement royal impose à Guillaume de Briouze de combler ce fossé, sans que l’application de cette peine soit attestée29. La terre extraite de ce décaissement est destinée à l’élévation de la motte. Pour répondre à l’urgence de l’implantation territoriale, les bâtiments sont probablement édifiés en bois. Le délai de réalisation de l’ensemble peut être estimé à deux années environ. Pour que la charte, datée du début de l’année 1073, mentionne l’existence du château et de la chapelle castrale Saint-Nicolas, Guillaume de Briouze a dû prendre possession de ces terres à la fin de la décennie 1060. Le fait que Guillaume ne prenne pas immédiatement possession de ces terres anglaises après la conquête pourrait s’expliquer par son éventuelle intervention défensive le long de la frontière galloise à la suite de Guillaume fitz Osbern, à partir de 1067, et aussi par les troubles des années 1070-1072, causés par la révolte de seigneurs saxons.

Radnor, sur un éperon rocheux de la Radnor Forest Philippe de Briouze préserve et accroît les domaines transmis par son père. C’est à Radnor, où il se trouve vers 1095, qu’il apprend le décès de Guillaume Ier de Briouze (Fig. 7). Wihenoc et Gilbert, moines de Saint-Florent de Saumur, viennent à Radnor afin d’obtenir confirmation des donations octroyées par Guillaume, tant en Normandie qu’en Angleterre30. Parmi les témoins présents, Guillaume fitz Baldwin occupe une place particulière, puisqu’il est chargé d’empêcher Philippe de se rétracter. Guillaume fitz Baldwin, qui participe à l’avancée dans la principauté de Dyfed et fonde le château de Rhyd-y-Gors, décède en 109631.

Fig. 7 : Panorama de la motte castrale de Radnor. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011

La date de l’arrivée de la famille de Briouze au pays de Galles est inconnue. Philippe est sans doute chargé par son père, plusieurs années auparavant, de participer aux

29 Bates, Regesta…, p. 482-484, no 146. 30 Charte Artem/CMJS no 3476. 31 J. C. Ward, « Royal Service and Reward: The Clare family and the Crown, 1066-1154 », ANS 11, 1988, p. 265-266.

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actions normandes dans cette région. La confirmation datée de 1095-1096, rédigée à Radnor, mentionne une petite donation personnelle de Philippe, qui complète les dons paternels. Il offre aux moines de Saumur une vigne située à Hereford32. Les Briouze possèdent des terres dans le Herefordshire, point de départ des attaques normandes en territoires gallois. Selon Lynn Nelson, les conquérants du sud du pays de Galles lançaient leurs attaques à partir de possessions sécurisées précédemment conquises33. Philippe défend les terres familiales de la frontière galloise, à partir de la deuxième vague d’intervention normande au pays de Galles, au début de la décennie 1090. S’il est à Radnor en 1095, sa présence en Normandie est attestée lors de la consécration de l’église de Briouze en décembre 1093 et lors des attaques royales menées par Guillaume II l’année suivante. Il suit peut-être l’itinéraire de Guillaume le Roux entre mars 1094 et février 1095, de la Normandie au pays de Galles34. Mais son intervention galloise semble plus ancienne. La confiance accordée à la famille de Briouze par le nouveau roi Guillaume ainsi que les connexions territoriales et familiales entre les Briouze et Guillaume fitz Osbern, favori du duc normand, permettent d’envisager la participation des Briouze à la campagne militaire défensive de Guillaume fitz Osbern, en 1067 le long des frontières galloises. Puisque Radnor se situe à l’ouest du Herefordshire et au nord du Breconshire, le château y est probablement édifié plus tardivement, après les premières implantations normandes au sud du pays de Galles. La formation de la marche sud s’étend sur plusieurs années35. Les Briouze contribuent à protéger les nouvelles acquisitions normandes en Angleterre contre les incursions des voisins gallois hostiles, rôle identique à celui qu’ils occupent dans leur fief originel de Briouze. En constatant les similitudes entre les stratégies militaires et castrales au sud de la frontière normande et à la frontière anglo-galloise, Daniel Étienne suppose que cette « importation » pourrait révéler la précocité du projet royal de protection de la frontière occidentale de son nouveau royaume par la soumission du pays de Galles36. En s’intéressant aux châteaux de Guillaume fitz Osbern établis dans le sud des Marches galloises, il reconstitue l’histoire du manoir de Radnor avant son acquisition par Philippe de Briouze. Propriété de Harold Godwinson, il aurait été remis à Hugues Lasne – également détenteur du manoir de Knighton, « verrou stratégique bloquant la haute vallée de la Teme » – par Guillaume fitz Osbern37. Le château est sans doute établi plus tardivement par Philippe, à New Radnor (gall. Maesyfed), sur un éperon rocheux de la Radnor Forest (gall. Fforest Clud), une chaîne de montagne située au nord de la marche de Galles (Fig. 8).

32 Charte Artem/CMJS no 3476. 33 L. H. Nelson, The Normans in South Wales, 1070-1171, Austin & Londres, 1966, p. 105. A. G. Williams, « Norman Lordship in South-East Wales during the reign of William I », The Welsh History Review, vol. 16, 1992-1193, p. 450. 34 Barlow, William…, p. 450. 35 Chr. P. Lewis, « William fitz Osbern, earl (d. 1071) », ODNB, 2004. 36 Étienne, « Les châteaux… », p. 33-36. 37 Étienne, « Les châteaux… », p. 45-46.

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Fig. 8 : Panorama des environs depuis le château de Radnor. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011

La stratégie de consolidation des terres familiales à l’ouest, adoptée par Philippe, apparaît lors de son union avec Aénor, fille de Johel de Totnes. Ce dernier est un tenant-en-chef du comté de Devon, où il détient la majorité de ses terres38. Ce mariage est planifié par Guillaume Ier de Briouze afin de valoriser les domaines familiaux du Dorset qu’il semble délaisser, les sources familiales relatives à cette région pour la fin du xie et le début du xiie étant inexistantes, à l’exception de l’enquête de 108639. Ce mariage offre un accès au comté contigu du Devon. La première mention de terres ayant appartenu à Johel de Totnes, devenues par la suite possessions de la famille de Briouze, est plus tardive, lors de la quatrième année du règne d’Henri II, en 1158, lorsque Guillaume II de Briouze, fils d’Aénor et de Philippe, remet mille marcs d’argent à l’Échiquier pour sa part de l’honneur de Barnstaple. Philippe de Briouze reçoit le fief de Barnstaple au nom de son épouse Aénor, suite au décès sans héritier d’Alfred de Barnstaple et de Totnes, vers 1138-113940. L’arrivée de Philippe de Briouze au pays de Galles fait partie d’une stratégie royale plus vaste, consolidant progressivement les acquis territoriaux anglo-normands de part et d’autre de la rivière Severn. Guillaume fitz Baldwin, témoin de l’acte de Philippe de Briouze rédigé à Radnor vers 109541, est commissionné par le roi Guillaume II en 1094 afin de construire une forteresse près de Carmarthen. Pour cela, il quitte le Devon où il est possessionné42. Ce mouvement de balancier entre le Devon et le pays de Galles est parallèle à celui de Philippe de Briouze. Ce processus d’incursions en territoire gallois est accentué sous le règne de Guillaume II, qui marque le passage d’une stratégie de protection frontalière à une implantation conquérante et à l’annexion de terres. C’est dans ce contexte, entre 1090 et 1095, que Philippe de Briouze obtient des terres au pays de Galles43, à New Radnor et à Builth (Fig. 9). Seulement deux autres documents évoquent l’implication de Philippe de Briouze dans les affaires galloises au début du xiie siècle. Vers 1100-1102, Anselme, archevêque

38 J. Br. Williams, « Judhael de Totnes: The Life and Times of a Post-Conquest Baron », ANS 16, 1994, p. 271. 39 Annexe 2 – Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book. 40 Williams, « Judhael… », p. 288, note 72. 41 Charte Artem/CMJS no 3476. 42 R. A. Griffiths, Conquerors and Conquered in Medieval Wales, Stroud, 1994, p. 5. 43 W. H. Howse, Radnor, Old and New, Hereford, 1944, p. 12.

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Fig. 9 : Château de Builth. © Amélie Rigollet, photographie prise le 29 juillet 2011

de Cantorbéry, adresse une lettre à plusieurs seigneurs de la marche galloise, dont Philippe de Briouze. Anselme demande à Robert comte de Shrewsbury, à son frère le comte Arnoul de Montgomery, à Raoul de Mortemer, à Bernard de Neufmarché, et à Philippe, d’obéir à l’évêque Griffith de Saint-David’s. Cette lettre inclut Philippe de Briouze parmi les grands seigneurs possessionnés dans le sud du pays de Galles, sous influence de l’évêché de Saint-David’s. Surtout, ce texte évoque l’agitation de ces seigneurs de la marche galloise, dont l’indépendance de fait, face aux périls militaires, tend à se transformer en désir d’autonomie. Avant 1115, Philippe de Briouze apparaît à nouveau en tant que témoin d’un acte de donation de Roger, évêque de Salisbury, qui confie à Turstin, prieur de Sherborne, des terres et dépendances à Kidwelly, au pays de Galles44. L’acte, rédigé au château de Kidwelly le 19 juillet, permet d’attester la présence de Philippe au pays de Galles.

Conclusion : À la conquête de l’ouest L’aspect défensif de ces lieux n’apparaît que tardivement dans les sources, mais la nature ambivalente des sites choisis, parfois inhospitaliers ou au contraire fertiles,

44 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 64-65, no 1.

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révèlent en partie la capacité des seigneurs de Briouze à s’adapter et à valoriser les terres sous leur contrôle. Les sites de Briouze, en zone marécageuse, et de Bramber, en fond d’estuaire45, sont peu propices à l’agriculture céréalière intensive. Les seigneurs de Briouze ont joué de la spécificité des sols où ils se sont implantés. En complément des espaces cultivés formés par l’ager, ils ont valorisé les espaces incultes du saltus. Ils ont favorisé le développement de l’élevage dans les pâturages et des marais salants. La forêt (lat. foresta) se distingue du saltus et désigne dans le droit médiéval une zone mise hors (lat. foris) du domaine commun, accaparée par le pouvoir seigneurial. L’exploitation forestière est l’une des principales ressources complémentaires valorisée par les seigneurs de Briouze, parallèlement à une démarche de déboisement et de construction pour consolider l’implantation locale.

45 Lecoquierre, « Les estuaires… », p. 3-5.

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Fondations bénédictines

Au cours du premier siècle de leur implantation seigneuriale, les Briouze favorisent des établissements bénédictins. Les moines noirs, reconnus pour leur implication dans la vie sociale, reçoivent de nombreux dons des nobles protecteurs laïcs1. En quête de salut, ces derniers leur offrent des biens matériels. Les prières, bienfaits spirituels, sont obtenues en retour des dons en franche-aumône. Divers enjeux motivent ces échanges. Rivalités et alliances jaillissent lors des fondations monastiques, déstabilisant les équilibres préalables. Imbriquées, les seigneuries aristocratiques et ecclésiastiques forment une réalité territoriale complexe. En acquérant de nouvelles terres, les Briouze développent de nouveaux centres de pouvoir plus ou moins importants, processus qui modifie leur rapport affectif et culturel au lieu d’autorité. En s’installant dans des zones frontalières instables, les Briouze accentuent pour un temps leur attention sur un lieu donné. L’émergence du lignage de Briouze au milieu du xie siècle modifie la situation précédente en introduisant une autorité concurrente. Individus au sein d’une « élite transmanche2 », les seigneurs de Briouze défendent leurs intérêts familiaux simultanément à l’édification d’une civilisation anglo-normande. Les premiers seigneurs veulent établir leur domination sur leurs nouvelles seigneuries normandes et anglaises en cours de développement, face aux pouvoirs locaux déjà implantés. Les trois premiers seigneurs de Briouze doivent affronter des structures préétablies pour imposer leurs donations. Sur les deux sites de Briouze et Bramber, les seigneurs de Briouze sont pris en tenaille entre les intérêts rivaux de puissances monastiques (Cartes 3a et 3b). Au cœur de la seigneurie de Briouze, l’influence de l’abbaye normande de Lonlay est supplantée par celle, angevine, de Saint-Florent de Saumur. Dans le fief de Bramber, les intérêts de la Sainte-Trinité de Fécamp, dotée en Angleterre avant la conquête de 1066, divergent de ceux du lignage et affaiblissent leur emprise foncière. Au tournant du xiie siècle, le prieuré castral Saint-Pierre de Sele est établi à proximité de Bramber par les moines de Saint-Florent, à la demande de la famille de Briouze. Leurs intérêts économiques et sociaux se rejoignent. Les rares sources relatives à l’émergence et l’implantation de la famille de Briouze ont été conservées par les archives monastiques (Graphique 1).

1 Règles des moines, éd. J.-P. Lapierre, Paris, 1982, « Règle de Saint Benoît », Chapitre 48, p. 112, versets 7-8. 2 Traduction de l’expression « the cross-Channel elite », Bates, The Normans…, p. 106.

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Carte 3a : L’attribution des établissements religieux en Normandie sous les trois premiers seigneurs de Briouze

Carte 3b : L’attribution des établissements religieux en Angleterre sous les trois premiers seigneurs de Briouze

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Le fief de Briouze, entre idéal aristocratique et réalité monastique La possession de cette seigneurie normande par la famille de Briouze est évoquée par des sources postérieures à la conquête de l’Angleterre en 1066. Ce fief fait partie d’un ensemble territorial dispersé de part et d’autre de la Manche. Les donations monastiques sont influencées par cette situation géopolitique, économique et sociale. L’abbaye de Lonlay et Briouze : le regret d’une donation délaissée

Par deux fois, Guillaume de Briouze doit plaider sa cause face aux accusations de l’abbaye de Lonlay. Pour cela, il doit justifier ses décisions en présence de l’autorité ducale. Deux notices, compilées par les moines de Saint-Florent de Saumur, conservent le récit de ces plaids3. À la fin du xie siècle, Guillaume Ier de Briouze souhaite fonder une abbaye dans le fief éponyme de son lignage. Il doit choisir une maison-mère chargée de faire prospérer sa donation. Dans une donation initiale aujourd’hui perdue, il offre divers biens, indéterminés, à l’abbaye voisine de Lonlay. Guillaume n’impose qu’une seule condition aux moines. En contrepartie du don, ces derniers doivent établir une abbaye à Briouze, lorsqu’ils auront fait fructifier les terres qu’ils viennent de recevoir4. Malgré cette disposition, l’abbaye de Lonlay n’établit pas de monastère. À la suite de la défection des moines de Lonlay, Guillaume Ier de Briouze confie la gestion de l’église de Briouze à sa mère, Gunnor, puis à des clercs5. Quelques temps après, Guillaume en retire la garde aux clercs en raison de leur immoralité. Finalement, il confie son projet à l’abbaye Saint-Florent de Saumur qui encourage l’édification de l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais, à Briouze6. Les moines de Lonlay regrettent alors leur négligence. Ils déposent une requête à la cour du roi Guillaume, affirmant l’ancienneté de leurs droits. Ayant entendu les arguments des deux partis, le roi tranche en faveur de Guillaume Ier de Briouze7. La querelle resurgit après la consécration de l’église de Briouze en décembre 10938. Les moines de l’abbaye de Lonlay, sur le conseil de leur abbé Hugues, présentent une nouvelle supplique à la cour du duc Robert, fils du roi Guillaume Ier. À nouveau, Guillaume Ier de Briouze expose les faits et ses décisions sont légitimées par la cour9. Ces évènements sont décrits par une seule source, le Cartulaire Blanc de l’abbaye Saint-Florent de Saumur10. Du fait de la disparition des sources, les relations qui unissent le lignage de Briouze au monastère de Lonlay, avant cette crise, ne sont pas connues.

3 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1 et version 2. 4 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 2. 5 Bates, Regesta…, p. 271-286, no 59. 6 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 2. 7 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1. 8 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 685-687, no 17 et no 18. 9 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 2. 10 Th. Roche, « Les notices de conflit dans la Normandie ducale (milieu du xie-milieu du xiie siècle) », Tabularia, « Études », no 7, 2007, p. 51-73.

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Seul ce mince corpus composé de deux notices, rédigées à l’abbaye Saint-Florent de Saumur, évoque leur lien. La perception du conflit en est biaisée. Les notices sont un type de preuve juridique particulier, qui raconte les étapes du conflit à partir de documents antérieurs, modifiant les temporalités. Les documents antérieurs ayant aujourd’hui disparu, seule cette « mise en récit » permet de reconstituer les faits. Une courte anecdote incluse dans la première notice détaille les péripéties de la procédure judiciaire. Le roi Guillaume souhaite apposer son seing sur la charte originelle en signe d’approbation, mais le seigneur de Briouze ne l’a pas apportée lors du jugement11. Un moine nommé Alban est chargé de récupérer le document demandé. Pour cela, il doit quitter Caen en toute hâte afin de rejoindre le château de Briouze où est préservé le parchemin. Entre temps le roi a quitté Caen. Le moine doit poursuivre son périple avant de l’intercepter à Boscherville12. L’aventure mouvementée subie par le moine Alban contraste avec l’idéal de quiétude monastique13. Elle relance le récit et donne vie aux faits décrits14. La rédaction des notices émane du parti vainqueur qui entérine son triomphe15. La mémoire du conflit opposant Guillaume Ier de Briouze à l’abbaye de Lonlay est préservée par la troisième faction impliquée, l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Récits subjectifs, ces notices sont copiées dans le Cartulaire Blanc, établi au xiie siècle par l’abbaye, dans un ordre contraire à la chronologie des faits16. Le récit des moines de Saumur déprécie les bénédictins de Lonlay. La donation de Guillaume de Briouze aux religieux de Saint-Florent est présentée comme « juste et légale », tandis que les moines de Lonlay déposent une « fausse et injuste réclamation17 ». La première version, plus courte, ne mentionne que les faits relatifs au premier plaid. La seconde version développe le récit de ces mêmes évènements, inclut la corroboration royale, puis décrit le second plaid tenu en présence du duc Robert. Cette version s’ouvre par un préambule porteur d’une morale universelle, qui légitime la rédaction de cette notice et célèbre la victoire de la vérité18.

11 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1. 12 Le parcours total suivi par le moine Alban représente environ 300 kilomètres, puisque la distance Caen – Briouze est de 70 kilomètres, et qu’environ 140 kilomètres séparent Caen de Boscherville. La distance parcourut quotidiennement à cheval varie entre 30 et 40 kilomètres, soit une moyenne de 35 kilomètres. Le voyage d’Alban dura près de 8 jours, sans compter son retour de Boscherville à Briouze. D. Lecoq, « Mathieu Paris : de l’itinéraire à la représentation du monde », in C. Bousquet-Bressolier (dir.), L’Œil du cartographe et la représentation géographique du Moyen Âge à nos jours, Paris, 1995, p. 25. 13 G. Pon et S. Kumaoka, « L’historiographie poitevine au xie siècle et au début du xiie siècle », Quaestiones Medii Aevi Novae, vol. 12, Varsovie, 2007, p. 31-32. 14 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1 ; p. 805-809, no 267, version 1. 15 Roche, « Les notices… », p. 53. 16 Ces deux notices, écrites aux folios 116 vo-118 vo et 118 vo-119 ro du Livre Blanc, daté du xiie siècle et conservé aux Archives Départementales du Maine-et-Loire sous la côte H 3713, ont été éditées dans l’ordre chronologique, l’ordre de leur inscription étant ainsi inversé (Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1 et version 2). 17 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1. 18 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 2.

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Fig. 10 : L’abbaye de Lonlay. © Amélie Rigollet, photographie prise le 5 octobre 2012

La suite du récit insiste sur l’injustice de la plainte calomnieuse de Lonlay. L’abbé Ranulf et les moines de Lonlay sont tournés en dérision, puisqu’ils fuient secrètement la cour de Caen pour échapper à l’humiliation d’un procès défavorable. Cette description partiale rédigée par les moines de Saumur masque le caractère stratégique de la fuite des moines de Lonlay. Par cette dérobade, ils esquivent le jugement comtal. Leur droit n’est pas officiellement récusé, ce qui autorise de possibles relances ultérieures. La souplesse diplomatique de la notice accentue sa portée narrative. Plus qu’un simple compte-rendu d’évènements, elle dévoile la perception d’un conflit par certains de ses contemporains. Cette subjectivité, riche de sens, occulte simultanément certains aspects des faits. Ces non-dits doivent être interprétés avec précaution, afin de reconstituer le contexte ayant abouti à ces procédures juridiques. Plusieurs interrogations surgissent. Pourquoi les moines de Lonlay n’ont-ils pas mis en valeur la donation de Guillaume de Briouze ? Pourquoi ont-ils ensuite regretté leur négligence19 ? Et pourquoi Guillaume Ier de Briouze a-t-il dans un premier temps choisi de doter l’abbaye de Lonlay, avant de lui préférer celle de Saumur20 ? 19 M. Renault, « Notice historique sur l’abbaye de Lonlai, arrondissement de Domfront, département de l’Orne », Bulletin monumental, tome 7, 1841, p. 163-171. G. Hubert, « Les prieurés anglais de l’abbaye de Lonlay », Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, tome 41, no 3, 1922, p. 190-207. 20 Pon et Kumaoka, « L’historiographie... », p. 5-57. Fl. Mazel, « Seigneurs, moines et chanoines. Pouvoir local et enjeux ecclésiaux à Fougères à l’époque grégorienne (xie-xiie siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 113, no 33, 2006, p. 124-128.

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La seigneurie de Briouze est située aux confins septentrionaux du Maine et aux marges australes de la Normandie. Dotée d’un sol pauvre jusqu’alors délaissé, elle est progressivement dynamisée par un peuplement continu, au point de regrouper une trentaine de paroisses au début du xve siècle21. Récemment établi au milieu du xie siècle, le jeune seigneur de Briouze choisit de doter une abbaye proche géographiquement22. À cette proximité spatiale se superpose l’influence d’un grand lignage voisin. L’abbaye de Lonlay a été fondée par la famille de Bellême dans les années 102023 (Fig. 10). Conçue par le duc de Normandie pour limiter l’influence de cette puissante et turbulente lignée, la seigneurie de Briouze a sans doute tenté de gagner l’attachement des moines de Lonlay. Peine perdue. Déjà bien pourvue par son riche fondateur, cette abbaye ne perçoit pas l’intérêt de développer la donation de Guillaume Ier de Briouze. Ce dernier a chargé les moines de mettre en valeur les terres offertes afin d’édifier une abbaye à Briouze, grâce aux profits de leur travail24. Ceci représente une lourde condition pour une tâche difficile dans cette seigneurie nouvelle. En cours de défrichement et de drainage, le village de Briouze se situe dans une zone marécageuse entourée de forêts25. La seigneurie de Briouze, pauvre, récente, tenue par un jeune seigneur sans renom ni influence, ne présente que peu d’avantages et beaucoup d’efforts pour les moines de Lonlay. Les deux notices ne datent pas le désengagement des bénédictins de Lonlay26, qui a lieu avant l’enrichissement de Guillaume Ier de Briouze lors de la conquête de l’Angleterre, après 1066. Cette période de refus passif se déroule au tournant de la décennie 1060. La complexité de l’exploitation agricole à Briouze et le peu d’influence de son jeune seigneur expliqueraient l’abandon de cette donation par les bénédictins. Lorsque celui-ci devient riche et influent, sa donation est soudain digne d’attention. Déçu par l’abbaye de Lonlay, Guillaume de Briouze adopte une stratégie similaire à celle de la famille de Bellême27. Il oriente son attention au sud de la marche normande, vers l’abbaye ligérienne de Saumur. Pourtant, Guillaume de Briouze est opposé aux Bellême. Lors du conflit qui oppose les deux fils et héritiers du roi Guillaume Ier pour le contrôle de la Normandie et de l’Angleterre, Philippe de Briouze, fils de Guillaume, soutient Guillaume le Roux, roi d’Angleterre de 1087 à 1100, tandis que Robert II de Bellême rallie la cause de Robert Courteheuse, duc de Normandie de 1087 à 110628. La piété compte pour beaucoup dans le choix de Saint-Florent de Saumur. En faisant appel à cette abbaye éloignée, Guillaume de Briouze affiche son attrait pour

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Louise, La seigneurie…, vol. 1, p. 379-380 ; vol. 2, p. 196. L’abbaye de Lonlay se situe au sud-ouest du village de Briouze, à une trentaine de kilomètres. Le village de Bellême se situe à près de 90 kilomètres au sud-est de celui de Briouze. Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 2. Frémont et Solignac-Lecomte, Briouze…, p. 13. Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1 et version 2. Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 161. Orderic Vital, The Ecclesiastical…, vol. 3, livre iv. Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 379.

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Fig. 11 : Absidiole de l’église médiévale Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze, consacrée en 1093, transformée en chapelle au xixe siècle. © Amélie Rigollet, photographie prise le 5 octobre 2012

une abbaye engagée dans la réforme grégorienne29. La piété s’entremêle à la quête de prestige30. Guillaume de Briouze rêve d’établir une puissante abbaye dans le fief d’origine de la topolignée31. Il importe même de la pierre de Caen, fameuse et coûteuse, pour ériger l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze32 (Fig. 11). Ce choix matériel renforce l’éclat de sa dévotion tout en exprimant sa richesse et sa puissance. L’effervescence soudaine de l’abbaye de Lonlay qui réclame à plusieurs reprises cette donation délaissée indique l’essor de la seigneurie de Briouze. Devenue prospère grâce aux richesses acquises par le défrichement local et les conquêtes lointaines, cette terre est maintenant attrayante. L’apparente attractivité de cette seigneurie est façonnée par

29 C. Jeanneau, « Une famille aristocratique et son réseau d’influence en Deux-Sèvres : les vicomtes de Thouars », communication donnée lors des Rencontres Historiques de Parthenay, le 13 octobre 2012. 30 Pon et Kumaoka, « L’historiographie… », p. 32-33. 31 L’importante dimension de l’église médiévale de Briouze, détruite au xixe siècle, est suggérée par la taille de l’actuelle chapelle présente dans le cimetière, qui est une absidiole de l’ancienne église. Guillaume Ier de Briouze a conçu cette édification comme part d’un plus vaste complexe abbatial, jamais réalisé. 32 Je remercie Claude Roussel, membre de l’association Les Amis du Houlme, pour m’avoir communiqué cette précision. L. Dujardin, « Le commerce de la pierre de Caen (xie-xviiie siècle) », in M. Arnoux et A.-M. Flambard-Hericher (dir.), La Normandie dans l’économie européenne (xiie-xviie siècle), Caen, 2010, p. 139-152.

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la bataille juridique pour son obtention, décrite par les deux notices33. Les moines de Saumur ne métamorphosent pas la fondation de Briouze en une abbaye glorieuse. Une alliance prolifique avec l’abbaye Saint-Florent de Saumur

Ayant acquis de nombreuses terres de part et d’autre de la Manche depuis la conquête de 1066, Guillaume Ier de Briouze se préoccupe de leur affiliation religieuse. L’attraction particulière exercée par l’abbaye ligérienne de Saint-Florent de Saumur est stimulée par le pouvoir royal. Imitant le roi Guillaume Ier et son épouse, la noblesse normande dote profusément cette abbaye34. Vingt et une maisons monastiques situées hors des frontières de la Normandie bénéficient de dons de seigneurs normands. La nouvelle abbaye Saint-Florent de Saumur, consacrée en 1040, s’insère dans l’ample mouvement de réforme monastique débuté au xe siècle. Son rayonnement se diffuse au-delà des frontières de l’Anjou35. Jérôme Beaumon, dans un article consacré au réseau de cette abbaye dans le diocèse de Rennes, démontre la puissance du monastère de Saint-Florent qui contrôle plus de deux cent dépendances, dont une centaine de prieurés36. Le roi Guillaume Ier et son épouse Mathilde confirment une donation attribuée à l’abbaye par le seigneur de Briouze37. En 1080, Guillaume Ier de Briouze concède à l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze, en cours d’édification, les églises de Courteilles, Écouché et Sevrai, proches de Briouze, ainsi que plusieurs églises du Sussex, celles de Shipley, Saint-Nicolas de Bramber, Annington et Washington38. Incluses dans une même donation, ces églises continentales et insulaires sont perçues comme parts égales d’un même domaine morcelé. L’éloignement n’est pas considéré comme un obstacle. Guillaume complète ce don par l’octroi de diverses libertés, terres et moulins, ainsi que d’un charpentier et sa terre39. Il confie ensuite l’ensemble de ces biens à l’abbaye Saint-Florent de Saumur, à condition que plusieurs moines résident à Briouze et que leur nombre augmente grâce aux bénéfices issus de cette donation. Si cette abbaye s’accroît, l’abbé sera élu par les moines40. Son projet initial d’amplification de l’église de Briouze en monastère est toujours au cœur de ses préoccupations.

33 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1 et version 2. 34 G. Beech, Was the Bayeux Tapestry Made in France? The Case for St. Florent of Saumur, New York, 2005, p. 20-21, p. 35. 35 J. Beaumon, « Implantation et expansion d’un réseau de prieurés à l’époque féodale : l’exemple des prieurés de l’abbaye Saint-Florent de Saumur dans le diocèse de Rennes et la seigneurie de Dol-Combourg (xe-xiiie siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 113, no 3, 2006, p. 73. 36 Beaumon, « Implantation… », p. 75. M. Chibnall « Monastic Foundations in England and Normandy, 1066-1189 », in D. Bates et A. Curry (éd.), England and Normandy in the Middle Ages, Londres, 1994, p. 41. 37 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1 ; p. 805-809, no 267, version 1. 38 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, versions 1 à 3. 39 Chibnall, « Monastic… », p. 49. 40 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2.

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Fig. 12 : L’église castrale Saint-Nicolas de Bramber, vue du flanc sud. © Amélie Rigollet, photographie prise le 26 juillet 2011

Peu de temps auparavant, vers 1073, Guillaume Ier de Briouze dote généreusement l’église Saint-Nicolas de Bramber, dépendant de son château anglais du Sussex (Fig. 12). Guillaume offre à cette église 6 charruées de terre et la moitié de la dîme prélevée à Bramber, complétées par 23 églises et leurs dîmes41. Ce don est confirmé par Philippe, fils de Guillaume de Briouze, et par l’évêque Stigand de Chichester42. Cette abondante donation confirme une assertion de Marjorie Chibnall : les grandes maisons bénédictines du continent n’acceptèrent l’envoi et l’installation de moines sur des terres récemment conquises, instables, que contre de généreuses donations43. Les dîmes sont prélevées sur les récoltes de l’année, le sel, les fromages, les veaux, les porcelets et les porcs, les gavènes, le panage, les agneaux et la laine. La prédominance de ressources liées à l’élevage, complétées par le conservateur qu’est le sel, offre un aperçu des activités agricoles prépondérantes dans les environs de Bramber. Ces donations sont toutefois limitées par un ancien droit de l’abbaye Sainte-Trinité de Fécamp qui détenait des dîmes prélevées sur le château et le tonlieu de Steyning, sur les pêcheries et les chasses, sur les porcs, sur le bois de chauffe et de construction44. L’église Saint-Nicolas de Bramber est affiliée à l’église de Briouze, elle-même placée sous l’autorité de l’abbaye Saint-Florent de Saumur45. Ce don est considéré par George Beech comme la plus ancienne implantation anglaise de l’abbaye ligérienne46. Guillaume Ier de Briouze conçoit l’ensemble de ses conquêtes territoriales comme

41 Les églises de Beeding, Erringham, Horton, Southwick, Shoreham, Lydhurst, Annington, Washington, Bidlington, Sakeham (Sicumba), Apsley in Thakeham, Shipley, Tottington, Boddington, Findon, Ashington, Thakeham, Clayton, [North] Mundham, Clapham, une grange à Wickham, Coombes, Albourne. Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1. 42 D. Whitelock et al. (éd.), Concils and Synods, with Other Documents Relating to the English Church, vol. 1, partie 2 (a.d. 1066-1204), p. 613. 43 Chibnall, « Monastic… », p. 39. 44 Bates, Regesta…, p. 482-484, no 146. 45 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, versions 1 à 3. 46 Beech, Was the Bayeux Tapestry…, p. 28-29. L’un des arguments avancé par George Beech pour désigner l’abbaye de Saumur comme productrice de la tapisserie de Bayeux est la récurrence d’un motif identique de queues de lions, présent sur la tapisserie et dans l’église de Bramber (p. 48 et note 31 p. 121).

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des outils au service de sa quête de prestige. En offrant de nombreuses églises, il escompte s’assurer l’appui de l’abbaye de Saumur, un soutien que les moines de Lonlay lui avaient retiré faute d’une dotation suffisante. Par ailleurs, en établissant une seigneurie ecclésiastique puissante dans sa nouvelle seigneurie de Bramber, il consolide son autorité. Il garantit la prise en charge spirituelle de la population et il délègue une partie de la mise en valeur agricole. De la sorte, les profits issus de cette exploitation contribuent à la valorisation de son fief normand puisque devant être réinvestis par les moines dans la fondation monastique de Briouze. L’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze est consacrée par l’évêque Serlon de Sées le dimanche 11 décembre 109347. En présence de son fils Philippe et de ses vassaux, Guillaume Ier de Briouze confirme à l’abbaye Saint-Florent de Saumur toutes les donations faites au cours du temps, tant en Angleterre qu’en Normandie48. Le choix de dédicacer l’église aux saints Gervais et Protais s’insère dans une démarche d’enracinement rapide d’une nouvelle autorité seigneuriale. Ces reliques furent apportées en Normandie par l’évêque Victrice de Rouen en 396. Elles furent par la suite dispersées à travers la Normandie. Le diocèse de Sées leur accorde une place prépondérante. Plusieurs siècles après l’émergence des premières paroisses dédiées aux saints Gervais et Protais, la nouvelle église de Briouze est rattachée à cette tradition ancienne, légitimante49. Afin d’assurer la pérennité de cette confirmation, Guillaume impose à son fils Philippe et à son neveu Guillaume de La Carneille de déposer conjointement avec lui le couteau du moine Armellus sur l’autel de Saint-Gervais-et-Saint-Protais, en présence des clercs et du peuple50. Cette investiture per cultellum, fréquemment utilisée à cette période dans l’ouest et notamment dans le Poitou51, transforme un objet banal en un symbole de mise en possession d’un fief. Jacques Le Goff examine le rituel symbolique de la vassalité à travers les significations de divers objets, dont le couteau. Cet outil du quotidien change de sens dans un cadre consacré et révèle aux yeux de tous un transfert de propriété juridiquement reconnu52. En tant qu’objet ordinaire, le couteau renvoie aussi bien à la catégorie socioprofessionnelle de la chevalerie qu’au monde paysan. Au cours de la cérémonie de 1093, Philippe de Briouze et Guillaume de La Carneille sont désignés comme héritiers de leur seigneur Guillaume Ier. Ces deux jeunes gens doivent accepter publiquement de concéder au

47 P. Bouet et M. Dosdat, « Les évêques normands de 985 à 1150 », in P. Bouet et Fr. Neveux (dir.), Les Évêques normands du xie siècle, Caen, 1995, p. 34-35. 48 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 685-687, no 17 et no 18. 49 M. de Boüard, Histoire de la Normandie, 1970, p. 85. É. Deniaux et al. (dir.), La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l’arrivée des Vikings, Rennes, 2002, p. 349-350. S. Richer, « Saint Gervais du Perron, un vicus gallo-romain ? », 2003, p. 2. 50 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 685-687, no 17. 51 J. Duguet, « Gestes symboliques d’investiture aux xie, xiie, et xiiie siècles d’après les chartes », Société d’Études Folkloriques du Centre-Ouest, tome 24, no 2, mars-avril 1992, p. 97-108. « Documents pour l’histoire de l’église de St-Hilaire de Poitiers », éd. L. Redet, vol. 1, Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1847, p. 107. Archives Historiques du Poitou, tome 16, p. 170. Cartulaire de l’abbaye de Saint-Père de Chartres, éd. B. Guerard, tome I, Paris, 1840, p. ccxxiii-ccxxv. 52 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », Pour un autre Moyen Âge. Temps, travail et culture en Occident : 18 essais, Paris, 1977, p. 360-362.

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monastère de Saumur de vastes portions du patrimoine familial. En complément de ce don, Guillaume Ier de Briouze et son fils Philippe confirment l’acte par lequel les prêtres Onfroi et Hugues renoncent à leurs réclamations concernant l’église Saint-Gervais de Briouze, au profit de Saumur53. Le généreux don de Guillaume Ier de Briouze est accepté. Ayant pris la tête du lignage, Philippe de Briouze confirme l’ensemble des dons concédés par son père Guillaume à l’abbaye Saint-Florent de Saumur, tant en Normandie qu’en Angleterre54. Depuis Radnor au pays de Galles, il accroît cette confirmation d’une vigne et de terres jouxtant le prieuré de Saint-Pierre de Sele, dans le Sussex55. La petitesse de ce don contraste avec les généreuses dotations de son père. Toutefois, la symbolique liturgique de la vigne est forte56. Peu après, Philippe fait halte à l’abbaye de Saumur lors d’un voyage vers Poitiers, entre l’automne 1098 et le printemps 1099. À cette occasion, il confirme les précédentes donations de terres anglaises octroyées par son père et lui-même à l’abbaye. Pour cela, il dépose un couteau sur l’autel de Saint-Florent, geste symbolique similaire à celui effectué à Briouze quelques années plus tôt57. Le lignage adhère à la réforme de l’Église, dite réforme grégorienne, qui émerge au milieu du xie siècle et s’étend jusqu’au milieu du xiie siècle58. La conduite des religieux est réformée, selon un idéal de pureté et d’ascèse. L’église de Sevrai, à proximité de Briouze59, est restituée au prêtre Roger Charpit par le moine Goscelin, délégué de l’abbaye de Saumur, qui est en charge de l’église de Briouze. Signe de l’application de la réforme, elle ne lui est rendue qu’après réparation de ses torts60. Les seigneurs de Briouze ont autorisé les moines réformistes, envoyés par l’abbaye de Saumur à Briouze, à gérer les biens confisqués le temps nécessaire aux transformations. De même, le 14 mai 1097, les moines de Saumur confient au prêtre Olivier la charge de l’église du château de Briouze, sous condition d’une conduite « chaste et honnête », ce que garantit Princaud, sénéchal de Philippe de Briouze61. Cet acte indique qu’Olivier, fils du prêtre Herbert, est le prêtre de la chapelle castrale Saint-Jean de Briouze62.

53 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 687, no 18. 54 Charte Artem/CMJS no 3476. 55 L. Ripart, « Moines ou seigneurs : qui sont les fondateurs ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 113, no 3, 2006, p. 189. 56 J. Morsel, « Construire l’espace sans la notion d’espace. Le cas du Salzforst (Franconie) au xive siècle », Construction de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations, Paris, 2007, p. 300-301. A. Guerreau, L’Avenir d’un passé incertain. Quelle histoire du Moyen Âge au xxie siècle ?, Paris, 2001, p. 195-202. 57 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 687-688, no 19. 58 A. Fliche, La Réforme grégorienne, Louvain, 1924-1937, 3 vol. P. Toubert « Réforme grégorienne », in Ph. Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, 1994, p. 1432-1440. J.-H. Foulon, Église et Réforme au Moyen Âge. Papauté, milieux réformateurs et ecclésiologie dans les Pays de la Loire au tournant des xie-xiie siècles, Bruxelles, 2008, 698 p. 59 Le village de Sevrai se situe à 19 kilomètres de Briouze. 60 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 691-692, no 22. Beaumon, « Implantation… », p. 84. 61 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21. 62 Fig. 4.

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Philippe de Briouze effectue une nouvelle confirmation lors de son départ pour Jérusalem63. Il corrobore les donations remises par son père Guillaume à l’abbaye de Saumur, incluant les églises Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze, Saint-Pierre de Sele et Saint-Nicolas de Bramber, ainsi que leurs dîmes et dépendances. Cet acte est attesté par Aénor, épouse de Philippe, et par leur fils Guillaume. Philippe de Briouze concède à l’abbaye de Saumur la chapelle du port de Shoreham, ainsi que les dîmes du port. Shoreham est à nouveau mentionnée vers 1130, dans un acte de Guillaume II de Briouze, fils de Philippe64. Guillaume atteste ce don en déposant un missel sur l’autel de Saint-Pierre de Sele, conjointement avec son frère Philippe [II]65. Guillaume II confirme les dons de ses ancêtres qu’il complète par des donations personnelles. Il offre à l’église Saint-Gervais de Briouze et à l’abbaye Saint-Florent de Saumur sa demeure (lat. mansium) d’Annington, qui leur sera transmise après son décès66. Il offre également à l’abbaye de Saumur la chapelle Saint-Jean de Briouze, avec l’intégralité de ses dépendances. Et il confirme un don d’anguilles et de bois cédé par son père67. Par ailleurs, Guillaume II octroie à l’abbaye Saint-Florent de Saumur l’élection et l’établissement du prêtre de l’église Sainte-Marie d’Écouché. Ces droits sont identiques à ceux précédemment obtenus par le monastère pour les prêtres des églises Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze, Saint-Pierre de Courteilles et Sainte-Marie de Sevrai68. Cette concession complète la précédente dotation de 1080 et concède la liberté de nommer le ministre du culte, auparavant désigné par les seigneurs de Briouze. Chaque membre du lignage de Briouze, au fil du temps, confirme et accroît les donations précédentes. Ces ajouts, concédés comme marques de piété, révèlent également les transformations domaniales. Les terres de Shoreham garantissent à l’abbaye de Saumur un accès maritime, l’autonomie de la nomination des prêtres normands accroît son autorité, et les échanges de terres lui sont profitables. Le patrimoine religieux de cette abbaye est augmenté sous l’influence locale de la famille de Briouze. Les tenanciers de leurs seigneuries deviennent bienfaiteurs du monastère. Par exemple, le seigneur Guillaume II de Briouze confirme une donation effectuée par Thomas Taillebois, qui offre une dîme détenue par sa famille à Saint-Aubin du Pointel69, village situé à proximité de Briouze70. Thomas et ses quatre fils déposent un bréviaire appartenant à l’église de Briouze sur l’autel de Saint-Gervais-et-SaintProtais pour symboliser leur don. Reflet des actions de leurs seigneurs, les dons des tenanciers fortifient les donations seigneuriales.

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Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20. Salter, Facsimiles…, no 6. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20. Salter, Facsimiles…, no 6. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23. Beech, Was the Bayeux Tapestry…, p. 28-29. L’acte établissant ce précédent don paternel est aujourd’hui disparu. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 694, no 25. Louise, La Seigneurie…, vol. 1, p. 380. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 695, no 27.

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Bien que bénéficiant de ressources plus riches et abondantes, les maisons religieuses anglaises sont volontairement placées par Guillaume Ier de Briouze sous dépendance d’églises continentales. Ses descendants perpétuent sa démarche. Les confirmations du pape Calixte II ou du roi Henri II entérinent ce choix familial71. Résultat d’une conquête récente, l’implantation anglaise a dû, dans un premier temps, sembler précaire aux yeux des seigneurs normands et être perçue comme un moyen d’enrichir leur patrimoine continental. Selon une stratégie de valorisation familiale, l’ensemble de ces dons a pour finalité l’épanouissement d’une abbaye au cœur du fief de Briouze, dont la lignée est originaire. Les dotations pieuses sont vectrices de prestige pour le nom de la famille. Mais les espérances de Guillaume Ier de Briouze n’ont jamais été pleinement accomplies. Un lent glissement s’opère : les motivations seigneuriales et les enjeux territoriaux évoluent. La prépondérance accordée par Guillaume Ier au fief de Briouze se déplace, sous le gouvernement de son fils Philippe, vers les intérêts insulaires de la famille. Bien que les sources conservées pour la période se focalisent sur les fiefs de Briouze et de Bramber, l’implantation de Philippe au pays de Galles est attestée72. Une progressive distanciation envers le fief d’origine du lignage apparaît au début du xiie siècle. Les successeurs de Guillaume Ier de Briouze doivent veiller à la solidification des récentes acquisitions territoriales dans les îles britanniques, fragilisées par les rivalités locales. L’alliance avec l’abbaye de Saumur est mise à profit pour contrebalancer le pouvoir de l’abbaye de Fécamp au sein de la seigneurie de Bramber, afin d’affirmer la nouvelle autorité des Briouze dans le Sussex.

La seigneurie de Bramber, un nouvel enjeu très attractif Riche, attractive, stratégique, la nouvelle seigneurie de Bramber est le premier point d’ancrage insulaire du lignage. Mais les Briouze ne s’installent pas sur un territoire vierge : l’abbaye de Fécamp affirme s’être précédemment implantée en Angleterre sous le règne d’Édouard le Confesseur, avant 1066. Les seigneurs conquérants de Briouze sont contraints de composer avec les pouvoirs existants. Rivalité entre la famille de Briouze et l’abbaye de Fécamp

La relation tumultueuse entre la famille de Briouze et l’abbaye de Fécamp est faite de querelles et de conciliations. La famille subit une perte d’influence territoriale au profit du monastère. Pour contrecarrer ce processus, les Briouze ignorent délibérément les sentences royales rendues en leur défaveur.

71 J. H. Round (éd.), Calendar of documents preserved in France, Londres, 1899, vol. 1 (a.d. 918-1206), p. 402, no 1124. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 697-698, no 29. 72 Charte Artem/CMJS no 3476.

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L’implantation de la famille de Briouze dans le Sussex, une menace pour l’abbaye de Fécamp

L’enquête de 1086, surnommée tardivement Domesday Book, est l’un des plus anciens témoignages d’une connexion entre la famille et l’abbaye, coexistant sur le même territoire73. Cette procédure administrative et fiscale, diligentée par le pouvoir royal, prouve que ces deux puissances disposent d’une autorité conjointe sur un petit village du Sussex du nom de Steyning74. La répartition des terres découle d’un précédent découpage, fait au « temps du roi Édouard ». L’abbaye détient les possessions de Harold75, tandis que Guillaume de Briouze reçoit les terres ayant appartenu au roi Édouard76 à Steyning77. Vers 1086, un premier conflit éclate. L’abbaye de Fécamp affirme qu’elle détenait les terres de Steyning avant la conquête. En 1054, l’abbé Jean aurait obtenu Steyning et ses dépendances du roi Édouard lors d’un voyage en Angleterre78. Ce que l’enquête de 1086 ne mentionne pas. Selon le Domesday Book, l’abbaye reçoit des terres ayant appartenu à Harold Goldwinson, et non au roi Édouard. Les moines tentent de légitimer l’ancienneté de leur autorité sur le village de Steyning face aux revendications de la famille de Briouze79. Le monastère obtient l’appui du roi Guillaume Ier qui confirme cette revendication80, probablement pour récompenser l’abbaye du soutien matériel – vingt chevaux et un bateau – apporté en 1066 lors de la conquête81. Au cours des décennies suivantes, l’abbaye de Fécamp se réfère constamment au prétendu don initial82. Cette progressive affirmation de l’abbaye de Fécamp ne se fait pas sans heurts ni réticences de la part de la famille de Briouze, peu à peu privée de son emprise foncière reconnue en 1086. Entre la fin du xie siècle et le milieu du xiie siècle, huit actes ponctuent différentes étapes du conflit. La querelle perdure, mais les enjeux du conflit évoluent. Dans un premier temps, l’abbaye de Fécamp revendique des droits sur la paroisse de Steyning. Jouxtant l’estuaire de la rivière Adur, dans le Sussex, le village saxon de

73 Charte Artem/CMJS no 3490. 74 A. Williams et G. H. Martin (éd.), Domesday Book : A Complete Translation, Londres, 2003, p. 40. 75 R. Fleming, « Harold II (11022/3? – 1066) », ODNB, 2004. 76 Fr. Barlow, « Edward [St Edward; known as Edward the Confessor] (1003x5-1066) », ODNB, 2004. 77 G. Garnett, « The invention of the time of King Edward », in G. Garnett (dir.), Conquered England. Kingship, Succession and Tenure, 1066-1166, Oxford, 2007, p. 9-18. 78 A. Le Roux de Lincy, Essai historique et littéraire sur l’abbaye de Fécamp, Rouen, 1840, p. 16. A. du Monstier, Neustria pia, seu de omnibus et singulis abbatiis et prioratibus totius Normaniæ, Rouen, 1663, p. 223. Gazeau, Normannia…, vol. 2, p. 105-110. 79 T. P. Hudson, « The Origins of Steyning and Bramber, Sussex », Southern History, vol. 2, 1980, p. 13. F. E. Harmer, Anglo-Saxon Writs, 1952, p. 16, n. 1. D. Matthew, The Norman Monasteries and their English Possessions, Oxford, 1962, p. 38. 80 P. Chaplais, « Une charte originale de Guillaume le Conquérant pour l’abbaye de Fécamp : la donation de Steyning et de Bury (1085) », L’Abbaye bénédictine de Fécamp, tome I, Fécamp, 1959, p. 93-104. Bates, Regesta…, p. 469-471, no 141. 81 Gazeau, Normannia…, vol. 2, p. 108. 82 R. Ch. Van Caenegem, English Lawsuits from William I to Richard I, vol. 1, Londres, 1990, p. 132, no 163 C.

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Steyning est étroitement lié à la légende de saint Cuthman83. Une église y aurait été fondée par le saint à la fin du viiie siècle ou au début du ixe siècle84. Lorsque Guillaume Ier de Briouze s’implante en Angleterre, il établit le centre du pouvoir familial à Bramber, à proximité de Steyning, dans un nouveau château et un nouveau village. Cette localisation bénéficie d’une situation stratégique, carrefour entre voies fluviales et anciennes routes terrestres85. Vers 1086, le roi Guillaume Ier réunit sa cour à Lacock afin de rétablir les droits de la Sainte-Trinité de Fécamp suite aux usurpations (lat. pervasiones) que Guillaume Ier de Briouze aurait commises juste après son installation86. Le roi prend plusieurs décisions en faveur de l’abbaye. Guillaume de Briouze et le diacre Herbert sont accusés d’annexer les droits d’inhumation relevant de l’église Saint-Cuthman. Le roi ordonne aux hommes de Guillaume de Briouze de déplacer les restes humains de l’église appartenant à Guillaume, supposément Saint-Nicolas de Bramber, pour les inhumer à nouveau près de l’église Saint-Cuthman de Steyning87. Le déplacement des corps après inhumation est une pratique médiévale reconnue qui correspondait à une planification rationnelle des espaces funéraires88. De plus, le diacre Herbert doit renoncer aux bénéfices correspondants et rendre à l’abbaye les revenus des offrandes pour les morts. Ce cas de transfert patrimonial s’insère dans un processus plus global émergeant au milieu du xie siècle, sous influence de la réforme grégorienne, qui encourage la cession de biens considérés comme religieux à l’Église89. Le roi ordonne la destruction de tous les changements effectués par Guillaume Ier de Briouze au détriment de Steyning et de l’abbaye. L’ensemble de ces modifications est énuméré. L’objectif royal, et donc abbatial, est le rétablissement d’une situation originelle perçue comme idéale, telle qu’elle était « avant que Guillaume de Briouze ne reçoive le château de Bramber90 ». Guillaume Ier de Briouze doit remettre un gage de soumission aux mains du roi, puis se placer à sa merci en signe de contrition91. Ce point coïncide avec celui de l’enquête de 1086 précédemment évoqué, puisque

83 G. R. Stephens et W. D. Stephens, « Cuthman: A Neglected Saint », Speculum, Cambridge, vol. 13, no 4, 1938, p. 448-453. Les auteurs y mentionnent un récit du xixe siècle, inventant un personnage du nom de sœur Ursala, une moniale qui serait issue de la famille de Briouze, p. 449. 84 J. Bollandus, « De S. Cuthmano Confessore, Stenningæ in Normannia », Acta Sanctorum, vol. 3, part 2, p. 197-199. P. M. Johnston, « Steyning Church », Sussex Archæological Collections, vol. 57, Lewes, 1915, p. 149. 85 Hudson, « The Origins… », p. 11. 86 Bates, Regesta…, p. 482-484, no 146. 87 M.-Th. Lorcin, « Choisir un lieu de sépulture », in D. Alexandre-Bidon et C. Treffort (dir.), À réveiller les morts. La mort au quotidien dans l’Occident médiéval, Lyon, 1993, p. 245. 88 D. Boyer-Gardner et M. Vivas, Déplacer les morts. Voyages, funérailles, manipulations, exhumations et réinhumations de corps au Moyen Âge, Bordeaux, 2014, p. 10. M. Lauwers, Naissance du cimetière : lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, 2005, 394 p. 89 D. Pichot, « Prieurés et société dans l’Ouest, xie-xiiie siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 113, no 3, 2006, p. 17-19. 90 Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 130, no 163 B. 91 Bates, Regesta…, p. 482-484, no 146.

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dans les deux cas, Guillaume de Briouze est toujours tenant-en-chef pour ses terres de Steyning. Ce règlement de conflit restaure la répartition territoriale établie par l’enquête et annule les divers empiètements religieux commis par Guillaume de Briouze. En s’attaquant à Guillaume Ier de Briouze, l’abbaye de Fécamp cherche à restreindre l’influence de la nouvelle église Saint-Nicolas de Bramber. Les enjeux de la querelle sont à la fois économiques, pour la défense des droits paroissiaux, et sociaux, pour le contrôle des fidèles. En 1103, un nouvel accord est conclu entre la famille de Briouze et l’abbaye de Fécamp, sous forme de chirographe92. Suite au décès du roi Guillaume Ier et de Guillaume Ier de Briouze, Philippe de Briouze, fils de Guillaume, s’empare de biens monastiques restitués par son père dans l’acte précédent93. À nouveau, une charte énumère les dommages causés par la famille. Une fois de plus, le chef du lignage est condamné à la soumission. Les termes mêmes de l’acte expriment clairement la partialité du récit : « Enfin, contraint par les revendications de l’abbé et par les assertions de vérité, [Philippe] confessa tenir [ces terres et ces droits] injustement et coupablement (lat. injuste et cum peccato) ». Le point de vue de Philippe de Briouze est totalement occulté, ses motivations réduites aux violentes actions d’un pécheur. Seule la mémoire de sa soumission face aux intérêts monastiques a été préservée par les sources diplomatiques. Philippe s’estime probablement lésé par les riches donations de son père. Il annexe les terres qu’il pense lui revenir par droit d’héritage94. Philippe de Briouze doit se repentir de ses fautes et se placer sous l’autorité de l’abbé. En 1103, Philippe devient l’homme de l’abbé, lui jurant fidélité pour la possession de dix-huit bourgeois de Steyning95. Vers 1130, Guillaume II de Briouze confirme les concordes ratifiées par son père et son grand-père. Certains passages de l’acte reprennent mot pour mot le chirographe de 1103, dans un ordre différent96. Guillaume renouvelle l’hommage dû pour les dix-huit bourgeois. Un passage original est inclus, par lequel Guillaume II reconnaît les droits du monastère. L’abbé Henri et les moines de Fécamp lui concèdent en contrepartie une part des profits de l’abbaye. Les moines s’engagent à célébrer la mémoire des membres de la famille de Briouze après leur décès. Vers 1163, le roi Henri II aurait ratifié un accord conclu entre l’abbé Henri de Fécamp et « son homme », Guillaume II de Briouze97. Guillaume reconnaîtrait les donations, libertés et droits de l’abbaye, concédés par ses prédécesseurs. Nulle mention d’avantages financiers ou mémoriels cédés par l’abbaye à la famille, ce qui suppose l’arrêt de la réciprocité. Or, Nicholas Vincent met en doute l’authenticité de

92 D. J. Power, « En quête de sécurité juridique dans la Normandie Angevine : Concorde finale et inscription au rouleau », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 168, 2010, p. 330-331. 93 Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 131, no 163 C. 94 Br. Lemesle, « La raison des moines. [Règlement en justice des conflits ruraux dans le Haut-Maine au xie siècle] », Études rurales, no 149-150, 1999, p. 32. 95 Charte Artem/CMJS no 2739. 96 Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. 97 Conway Davies, The Cartae…, p. 151-153, no 546.

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cet acte98. Les multiples anachronismes dans la formulation des clauses, la titulature des témoins et la procédure de scellement contrastent avec la reprise de passages de précédentes chartes royales reconnues comme authentiques. Dans cet acte, le choix des clauses occulte volontairement les précédentes cessions monastiques de 1130 et insistent uniquement sur les dons faits par les Briouze. Le besoin de forger une confirmation royale laisse supposer que le climat de paix et de conciliation ayant abouti à la rédaction de l’acte de 1130 est rompu99. L’hommage prêté par les Briouze aux abbés de Fécamp à partir de 1103 est révélateur d’un basculement des forces à l’échelle locale. Toutefois, la concession des seigneurs de Briouze est modeste et leur soumission relative, limitée à un village. L’abbaye affirme progressivement son autorité sur Steyning, mais ce processus est restreint. La famille de Briouze met en place des stratégies pour « contourner » le monopole abbatial. L’abbaye Saint-Florent de Saumur s’insère dans la querelle

La famille de Briouze confie ses terres anglaises nouvellement acquises à l’abbaye angevine Saint-Florent de Saumur100. Cette abbaye reçoit des terres en Angleterre peu après la conquête de 1066 : à Monmouth, grâce à la donation de Wihenoc101, ancien seigneur de Monmouth et moine de Saint-Florent, et à Andover, par don du roi Guillaume Ier102. Les donations de la famille de Briouze représentent l’une des trois acquisitions de terres anglaises par l’abbaye ligérienne à la fin du xie siècle. Selon Jane Martindale, les moines de Saint-Florent sont capables de s’installer dans des régions troublées et instables. Ils acceptent des fondations de tailles réduites, situées à proximité de châteaux, proches de l’influence seigneuriale103. Les Briouze érigent un prieuré prospère, Saint-Pierre de Sele, à distance réduite du château de Bramber. Ils en confient la gestion matérielle et spirituelle aux bénédictins de Saint-Florent

98 N. Vincent, Actes d’Henri II, no 908, Fecamp Abbey (1341H), ouvrage en cours de préparation. 99 S. Wood, English Monasteries and their Patrons in the Thirteenth Century, Oxford, 1955, p. 162-163. 100 Charte Artem/CMJS no 3490. 101 Le prieuré de Monmouth est fondé par le moine Guihenoc, seigneur de Monmouth, qui le rattache à l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Wihenoc de Dol-de-Bretagne, seigneur breton, prend contrôle de la région du Glamorgan, dans le sud du pays de Galles, en 1075. M. Aurell, « Geoffrey of Monmouth’s History of the Kings of Britain and the Twelfth-Century Renaissance », Haskins Society Journal, vol. 18, 2006, p. 3. M. Aurell, La Légende du roi Arthur (550-1250), Paris, 2007, p. 68. K. Hugues, « British Museum MS Cotton Vespasian A. XIV (Vitæ Sanctorum Walensium): Its Purpose and Provenance », in N. Kershaw Chadwick (dir.), Studies in Early British Church, Cambridge, 1958, p. 185. K. S. B. Keats-Rohan, « The Bretons and Normans of England 1066-1154: the family, the fief and the feudal monarchy », Nottingham Medieval Studies, vol. 36, 1992, p. 45. 102 Saint-Florent de Saumur détenait 4 prieurés en Angleterre et 17 en Normandie. P. Marchegay, Chartes anciennes du prieuré de Monmouth en Angleterre au diocèse d’Hereford, 1879, p. 9-10. P. Marchegay, « Les prieurés anglais de Saint-Florent près Saumur, notice et documents inédits tirés des archives du Maineet-Loire », Bibliothèque de l’École des chartes, tome XL, 1879, p. 158-159. Chibnall « Monastic… », p. 41. 103 J. Martindale, « Monasteries and Castles: the Priories of St-Florent de Saumur in England after 1066 », England in the Eleventh Century, Stamford, 1992, p. 155-156. Chibnall « Monastic… », p. 42.

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de Saumur. Ils complètent cette donation par de riches dotations en églises, terres et dîmes104. L’abbaye de Saumur intervient dans le conflit qui oppose Philippe de Briouze aux moines de Fécamp à la fin du xie siècle. Cette intervention est révélatrice des motifs territoriaux sous-jacents à cette discorde105. Le texte du règlement du conflit, résolu à Foucarmont vers 1094-1099, présente les causes de l’abbaye de Saumur et de Philippe de Briouze comme entremêlées. Philippe et ce monastère doivent restituer divers biens et droits aux religieux de Fécamp106. Philippe de Briouze a rompu l’accord conclu par son père et a doté l’abbaye de Saumur en biens appartenant à la SainteTrinité de Fécamp. L’abbaye réclame les paroisses de Saint-Cuthman, de Beeding et de Bidlington promises par Philippe, mais détenues par l’abbaye de Fécamp. Afin de stabiliser cette situation, les moines de Fécamp concluent vers 1100 un accord indépendant avec le monastère de Saumur, sans intervention de Philippe de Briouze107. Guillaume de Ros, troisième abbé de Fécamp, et Guillaume de Dol, abbé de Saumur, résolvent le problème des sépultures et des dîmes dépendant de la paroisse de Steyning. L’église Saint-Nicolas de Bramber, les inhumations, les offrandes et certaines dîmes de Steyning et de Bidlington sont assignées à l’abbaye de Fécamp. Geste conciliatoire, Guillaume de Ros reconnaît les dîmes de Portslade, Southwick et Beeding comme appartenant à l’abbaye de Saumur. Saint-Florent de Saumur se détache alors du conflit opposant la famille de Briouze à la Sainte-Trinité de Fécamp. Finalement, en 1103, Philippe de Briouze est seul à défendre ses droits face à l’abbaye de Fécamp. Le basculement des forces en faveur de l’abbaye de Fécamp est progressif et limité à quelques tenures de la paroisse de Steyning. Cette épine placée au cœur même de la seigneurie familiale de Bramber pourrait fragiliser la puissance seigneuriale développée par le lignage depuis son implantation. Contourner le monopole bénédictin sur Steyning

Le texte de la conciliation de 1086 faite à La Coche indique que l’abbaye de Fécamp est exemptée du paiement d’un tonlieu, selon les termes du prétendu privilège datant du règne du roi Édouard. En 1086, Guillaume de Briouze prélève un péage sur son pont, au détriment des hommes de la Sainte-Trinité de Fécamp108. À la fin du xie siècle, une taxe aurait été annexée par les hommes de Philippe de Briouze, qui la prélèvent sur les hommes de Steyning109. Le chirographe de 1103 consacre une longue session au règlement de ce litige, tandis que les actes ultérieurs n’y dédient que de brefs passages.

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Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 164, no 198. Matthew, The Norman Monasteries…, p. 38. Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 130, no 163 B ; p. 131, no 163 C. Marchegay, « Les prieurés anglais… », p. 166-167, no 4. Bates, Regesta…, p. 482-484, no 146. Charte Artem/CMJS no 2739.

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Cette taxation est liée à l’existence d’une circulation commerciale dense sur le fleuve Adur. Vers 1086, la conciliation établit une taxe de deux deniers pour la circulation des navires jusqu’au port de Saint-Cuthman, à Steyning, et accorde une exemption en cas de participation au marché du château de Guillaume Ier de Briouze, à Bramber110. Des travaux de construction sont entrepris pour élargir l’ancien pont qui obstruait le passage de navires111. Au milieu du xiie siècle, les clauses de deux actes concernent les étals des marchands112, ce qui indique une activité commerciale dynamique. Ces progressifs ajouts suggèrent l’existence d’un trafic fluvial intense, favorisé par l’implantation d’un marché attractif à Bramber. Alliances et concurrences économiques alternent entre les deux pouvoirs locaux. Les revendications de l’abbaye semblent de courte durée face à l’exercice quotidien du pouvoir par la famille de Briouze. En 1229, l’abbé Richard accuse Jean de Briouze d’empêcher ses hommes de prélever la moitié des taxes sur le pont de Bramber113. Or, Jean affirme que les taxes prélevées sur le pont ou les bateaux ont toujours été reçues par ses prédécesseurs114. L’agrément originel de 1086 prouve la méprise de 1229, lors de laquelle l’abbé amalgame exemption et perception. La transformation paysagère des environs de Steyning est intelligible dans les clauses relatives à l’église Saint-Cuthman. L’église de Steyning disparaît des sources diplomatiques après 1103. Cet effacement des sources est lié à la transformation matérielle de l’église. Une église en pierres remplace l’église originelle en bois. Ce type de construction durable, procédé issu de l’implantation normande, entraîne la création d’une nouvelle église dédiée à saint André (angl. St-Andrew of Steyning). Les colons abandonnent la nomenclature saxonne. Ils changent de matériaux pour le nouvel édifice et adoptent d’un nouveau saint patron. Ils s’approprient un nouveau lieu de culte entièrement normand, délaissant l’ancien site saxon115. L’attribution d’un péage est mentionnée uniquement dans l’acte de 1103, sans que la nature du prélèvement, le lieu et la fréquence ne soient spécifiés. L’absence ultérieure de référence au péage s’explique sans doute par le fait que cette taxe, « prélevée au cours de la semaine », fut adjugée à saint Cuthman, sous-entendu à l’église de Steyning, tandis que Guillaume de Briouze recevait la moitié de la somme collectée le samedi116. Ce péage disparaît vraisemblablement en même temps que l’église, puisque son existence est étroitement associée au culte du saint. Particularité issue de la conservation des sources, le lien qui unit la famille de Briouze à l’abbaye de Fécamp est uniquement perçu à travers leurs querelles, entre revendications juridiques et conciliations. La famille de Briouze lutte pour s’affranchir de la présence de plus en plus forte de l’abbaye. Elle abandonne progressivement le contrôle de l’aire géographique de Steyning. Après 1229, il n’y a plus de confrontation 110 111 112 113 114 115 116

Bates, Regesta…, p. 482-484, no 146. Charte Artem/CMJS no 2739. Hudson, « The Origins… », p. 20-21. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545 ; p. 151-153, no 546. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. Hudson, « The Origins… », p. 22. GRP 1210, 1951, p. 61. Stephens et Stephens, « Cuthman… », p. 452. Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 128-129, no 163 A.

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directe entre l’abbaye et la famille. En 1316, l’abbaye de Fécamp partage les faubourgs de Steyning et de Bramber avec Guillaume VII de Briouze, tandis que Guillaume détient Shoreham117. Le développement de la ville de Shoreham est conçu par la famille comme une expression d’autonomie et un contrepoids face à l’influence de l’abbaye. Shoreham se situe à l’embouchure de la rivière Adur, et cette localisation stratégique en amont mine progressivement l’influence de Steyning. Peu à peu, Shoreham supplante Steyning comme principal port de la région118. La défaite des Briouze est relative, biaisée par un effet de sources : la stratégie économique des seigneurs de Briouze contrebalance l’emprise juridique de l’abbaye de Fécamp. Le prieuré Saint-Pierre de Sele : un contrepoids local autonome

Dix actes conservés correspondent au premier siècle d’existence du prieuré de Sele, jusqu’en 1175. La date inconnue de fondation du prieuré par la famille de Briouze peut être estimée à la fin du xie siècle. Selon une liste de témoins, cette communauté rassemblait une dizaine de membres119. Le prieuré castral de Sele est généreusement doté. Issu de la collaboration entre la famille de Briouze et l’abbaye Saint-Florent de Saumur, le développement du prieuré bénéficie de la structuration et l’organisation de la seigneurie de Bramber. Rapidement, le prieuré de Sele, rattaché à l’abbaye de Saumur, est autonome : cette forme prématurée de « décentralisation » est la conséquence de l’éloignement de l’abbaye-mère120. Vers 1130, le prieuré de Sele agit au nom des bénédictins ligériens121. Guillaume II effectue un don destiné au monastère de Saint-Florent, symbolisé par le dépôt d’un missel sur l’autel de Saint-Pierre, à Sele, par Guillaume II et son frère Philippe [II]. En complément, la cession d’une maison située au nord de l’église Saint-Marie de Shoreham est faite en présence de plusieurs moines de Saumur. Au cours de la même période, Guillaume II de Briouze donne Annington à l’abbaye de Saint-Florent. Daniel, moine du prieuré de Sele, confirme alors ces deux donations parmi plusieurs témoins122. Le prieuré de Sele et Guillaume II de Briouze, fils de Philippe, concluent la plupart de leurs accords sans intervention de l’abbaye de Saumur. Par exemple, au milieu du xiie siècle, le tenancier Guillaume Bernehus offre aux moines une terre située dans le manoir de Beeding appartenant à la famille de Briouze. Cette terre est tenue en fief héréditaire par Guillaume fitz Philip contre un service annuel de 5 sous. À cette occasion, Guillaume II de Briouze cède au prieuré 3 sous et 10 deniers de terre dans sa réserve de chasse de Knepp. Il dépose également 14 deniers sur

117 Fr. Palgrave (éd.), The Parliamentary Writs and Writs of Military Summons, Londres, 1230, vol. 2, 3e partie, p. 316, 333. 118 Hudson, « The Origins… », p. 23. 119 Salter, Facsimiles…, no 9. 120 Pichot, « Prieurés… », p. 25. 121 Salter, Facsimiles…, no 6. 122 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23.

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l’autel de Saint-Pierre pour son salut, celui de sa femme et des siens123. Les deux maisons offertes par Guillaume de Briouze dans le port de Shoreham permettent au prieuré d’acquérir un accès à la mer, facilitant ses communications avec le continent et l’abbaye-mère124. L’influence locale du prieuré de Sele est perceptible à travers la localisation des parcelles concédées en donation par les seigneurs de Briouze et les tenants locaux, terres situées dans une aire géographique restreinte125. Les vassaux de la famille de Briouze apparaissent en tant que bienfaiteurs du prieuré. En 1153, au château de Bramber, Guillaume II de Briouze corrobore de son sceau l’acte de donation de Raoul de Saint-Ouen126, offrant au prieuré de Sele une saline située à Annington127. Raoul précise que cette donation est faite pour l’âme de ses ancêtres, mais aussi pour l’âme de son seigneur, Guillaume II de Briouze, et de ses fils. Katharine Keats-Rohan établit l’ancienneté du lien de clientèle de la famille de Saint-Ouen envers les seigneurs de Briouze. Gislebert de Sancto Audoeno apparaît dans l’enquête de 1086 comme tenant de Guillaume Ier de Briouze pour des terres du Sussex et il est témoin de plusieurs de ses chartes128. L’implantation anglaise de cette famille, dont le fief originel se situe à l’est de Briouze, en Normandie, atteste de la fidélité durable entre ce lignage et celui des Briouze. À la même période, Guillaume II confirme le don de Guillaume de Lancing129, qui offre au prieuré de Sele la terre du port de Shoreham ayant appartenu à Grimaud fitz Bonard. Guillaume de Lancing fait ce don avec l’accord de son fils Robert, qu’il confie comme oblat au prieur Thomas pour qu’il soit formé à la vie religieuse. Leur patronyme fait référence au village de Lancing situé à l’embouchure du fleuve Adur, dans l’honneur de Bramber130. Une nouvelle aire de recrutement de l’entourage de la lignée de Briouze, insulaire, se développe parallèlement à leur extension territoriale. Cette emprise locale s’entrelace avec celle du prieuré de Sele, dont les recrues peuvent provenir des familles de tenants du seigneur de Bramber. Les mêmes acteurs et témoins apparaissent dans une notification contemporaine131. Le prieuré de Sele reçoit une terre située dans les environs de Horsham, offerte par Guillaume Bernehus132. L’ancrage local du prieuré de Sele, perçu à travers les dons des tenants locaux de la famille de Briouze, est corroboré par une confirmation ultérieure datant du milieu du xiiie siècle133. Robert de Thornle, fils de Guillaume de Thornle, dont l’origine est inconnue, offre au prieuré de Sele toute sa terre d’Annington, qu’il avait reçue par droit d’héritage, suite au décès de son oncle Guillaume Ier de Mandeville134. Le don 123 Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. 124 Salzman, The Chartulary…, p. 10-11, no 16. 125 Pichot, « Prieurés… », p. 17. 126 Commune actuelle de Saint-Ouen-sur-Maire, dans l’Orne, jouxtant Briouze à l’est. 127 Salter, Facsimiles…, no 9. 128 Keats-Rohan, Domesday People…, p. 211. 129  Marchegay, « Les prieurés anglais… », p. 167-168, no 5. Beech, Was the Bayeux Tapestry…, p. 98. 130 « Lancing », A History of the County of Sussex, 1980, vol. 6, partie 1, p. 34-53. 131 Salter, Facsimiles…, no 10. 132 Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. 133 Oxford, MCA, Annington 5 : transcription personnelle. 134 G. E. Cokayne, The Complete Peerage, Londres, 1926, vol. 5, p. 113.

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de cette terre, tenure rurale incluant une demeure et un jardin, située à Annington, rappelle le don d’une saline dans la même localité par Raoul de Saint-Ouen. L’acquisition de diverses terres à Annington par le prieuré se superpose aux terres et manoir d’Annington offerts par la famille de Briouze à l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Il est plausible que le prieuré Saint-Pierre de Sele, représentant l’abbaye de Saumur, ait encouragé les dons de terres situées à proximité du prieuré, dans un souci d’efficacité de gestion et d’exploitation, tout en agrandissant le groupement de terres acquises auparavant135. Le prieuré de Sele mime à l’échelle locale une démarche adoptée par l’abbaye-mère de Saumur : les établissements religieux captent les bienfaits émanant des diverses strates de l’aristocratie136. L’émergence de ce domaine monastique, encouragée par la famille fondatrice de Briouze, entremêle les formes de dominations seigneuriales, tant religieuses que laïques. Le rayonnement local du prieuré rejaillit sur le lignage, symbolisant leur hégémonie naissante137. Les chartes octroyées au prieuré reflètent l’organisation sociale de l’aristocratie locale autour du pouvoir seigneurial exercé par les Briouze. Les actes du prieuré de Sele, bien conservés, restent muets sur deux points caractéristiques des relations entre une fondation et ses patrons : le choix du prieuré comme lieu de sépulture du lignage et la prise de l’habit religieux par certains de ces membres138.

Conclusion : Décentrement du dominium Choisir l’abbaye bénéficiaire des donations s’avère être une décision stratégique, mêlant pratiques dévotionnelles et enjeux de puissance. L’interdépendance des stratégies territoriales nobiliaires et monastiques naît de l’entrecroisement des propriétés, des droits et des influences familiales. Au milieu du xie siècle, la famille de Briouze émerge, prenant le contrôle de territoires sous influence de pouvoirs précédemment implantés. La conquête normande de l’Angleterre, en 1066, modifie l’équilibre des forces en accroissant considérablement les possessions et l’autorité du lignage de Briouze. Les bénédictins de Saumur reçoivent des seigneurs de Briouze un monopole sur l’ensemble des affaires religieuses relatives au domaine bicéphale transmaritime de Briouze-Bramber. Si, dans un premier temps, le développement du fief de Briouze semble être la principale préoccupation du lignage, la seigneurie de Bramber reçoit peu à peu une considération supérieure. Le pouvoir seigneurial se décentre vers l’ouest. La création du prieuré de Sele, à proximité de la nouvelle implantation castrale de Bramber, matérialise la puissance seigneuriale139. Symboles d’autorité et d’influence 135 Pichot, « Prieurés… », p. 23. 136 Beaumon, « Implantation… », p. 76. 137 Ripart, « Moines… », p. 191. Pichot, « Prieurés… », p. 16. 138 J.-L. Lemaître, « La mort et la commémoration des défunts dans les prieurés », in J.-L. Lemaître (dir.), Prieurs et Prieurés dans l’Occident médiéval, Genève, 1987, p. 181-190. 139 Mazel, « Seigneurs… », p. 106.

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à diverses échelles, expressions prestigieuses de la fortune du bienfaiteur, vectrices de structuration socio-économique, les fondations religieuses sont primordiales dans le processus d’implantation durable des seigneuries. La réciprocité des bienfaits entre moines et nobles laïcs s’exprime ostensiblement140. Les dotations monastiques renforcent les effets du décentrement du dominium familial141. Le principe du décentrement culturel consiste à changer de perspective en se distanciant de ses acquis. Par la suite, Guillaume III de Briouze concentre ses donations pieuses au pays de Galles, plus particulièrement en faveur du prieuré Saint-Jean de Brecon.

140 Pichot, « Prieurés… », p. 13-14. 141 M. Augé, Pour une anthropologie de la mobilité, Paris, 2009, p. 78. M. Agier, « Anthropologie, philosophie, ethnographie. Contre-point et décentrement », Rue Descartes, 2012, p. 1.

Polarisation des affinités

Les seigneurs de Briouze ne peuvent gérer seuls les domaines immenses acquis au cours du premier siècle d’apparition du lignage. Ils utilisent leur réseau de parenté et d’affinité pour contrôler leurs terres éparses1. Ils polarisent les relations avec les individus qui gravitent autour d’eux. La figure seigneuriale centrale correspond à la notion d’Ego élaborée par les études anthropologiques. Les relations de parenté se définissent par rapport à un individu déterminé, le « sujet », à partir duquel se tissent les liens familiaux2. Cet Ego est connecté à d’autres individus par des degrés variés de parenté3. Cette notion anthropologique rejoint la valeur du mot ego en diplomatique : il s’agit de la figure d’autorité qui émet les décisions4. L’aspect affectif des liens de sang, peu perceptible dans les actes de la pratique, se double d’enjeux matériels, exprimés diplomatiquement à travers la transmission patrimoniale. Les individus circulent au milieu de réseaux d’alliance variés, planifiés par le père et seigneur, pour servir les intérêts terrestres du lignage. Les seigneurs de Briouze sont au centre d’un système d’alliance composé de plusieurs cercles concentriques formés par les parents, les amis et les vassaux. Ces cercles se distinguent ou se recoupent selon les aires locales d’influence. Ils contribuent à solidifier l’emprise familiale sur des territoires morcelés. Ces différents groupes d’affins – proches, parents, amis – sont tous reliés au seigneur de Briouze, centre d’un vaste réseau en étoile. Trois cercles peuvent être distingués. Le réseau gagné grâce aux femmes, épouses, filles ou sœurs, permet l’obtention et l’échange de territoires lors des mariages. Il crée des liens durables avec des hommes d’autres lignages, qui deviennent des pères et des frères par alliance. Ces hommes représentent, pour les générations suivantes, des grands-parents, des oncles ou des neveux, pouvant être étroitement associés à la gestion domaniale. Le deuxième cercle est celui des relations adelphiques, connexions entre frères5. Les

1 K. S. B. Keats-Rohan, « Le rôle des élites dans la colonisation de l’Angleterre (vers 1066-1135) », in P. Bouet, V. Gazeau (dir.), La Normandie et l’Angleterre, Caen, 2003, p. 45. 2 Ghasarian, Introduction…, p. 72. 3 A. Testart, « La question du sujet dans la parenté », L’Homme, no 179, 2006, p. 165 et p. 182. 4 E. Magnani, « Le genre d’Ego ou les ‘stratégies de la différence’. Esquisse de champ sémantique (ixe-xie siècle) », in L. Jégou et al. (dir.), Splendor Reginae. Passions, genre et famille. Mélanges en l’honneur de Régine Le Jan, Turnhout, 2015, p. 179-195. 5 D. Alexandre-Bidon et D. Lett, Les Enfants au Moyen Âge, ve-xve siècles, Paris, 1997, p. 118. L. Macé, « Les frères au sein du lignage : la logique du lien adelphique chez les seigneurs de Montpellier (xiie siècle) », in S. Cassagnes-Brouquet et M. Yvernault (dir.), Frères et Sœurs : les liens adelphiques dans l’Occident antique et médiéval, Turnhout, 2007, p. 127.

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cadets sont envoyés par leurs aînés participer aux implantations anglo-normandes dans les territoires jouxtant le royaume d’Angleterre. Enfin, le cercle des amis et des vassaux forme un groupe aux attaches plus imprécises, dépassant les liens de sang, bien que ces interconnexions recoupent parfois les degrés de parenté. Les réseaux de clientèle et de fidélité forment un système complexe de réciprocité, d’obligation et d’amitié. Les interrelations sont perceptibles à travers les actes de la pratique dans les clauses pro anima, dans les obligations de donation et de confirmation, dans les listes de témoins6. Les liens horizontaux, de domination, de fidélité et de dépendance, se distinguent des liens verticaux, d’égalité, d’assistance mutuelle ou d’autonomie. Les médiévistes accordent une place essentielle à la notion de « réseau » dans les études des relations de parenté. La métaphore du « réseau », du « maillage », renvoie à l’idée d’entrecroisement, plus ou moins régulier, des « fils » que sont les communications entre individus. L’organisation des liens représente le « tissu » de sociabilité qui relie les membres du groupe entre eux. La forme de la trame varie en fonction de l’utilité, de l’intensité, de la périodicité et de la nécessité du lien. Les degrés de hiérarchisation et de multipolarisation de ces réseaux sont à évaluer, afin de déterminer à quel point ces liens sont contraignants ou avantageux7.

Une topolignée mobile au gré des stratégies matrimoniales Les dames de Briouze contribuent à la structuration du lignage, par leur rôle de mère et par leur fonction d’épouse du seigneur, en souscrivant certains actes de leur mari et en apportant en dot des domaines considérables (Tableau de filiation 2). Jean-Luc Chassel constate qu’au Moyen Âge, les lignées maternelles jouent encore un rôle essentiel qui concurrence la transmission patrilinéaire, tant matérielle que symbolique8. Formation du lignage : une première dame inconnue ?

Une charte, non éditée, conservée aux archives de Madgalen College à Oxford, permet d’établir l’identité de la première dame de Briouze. Un certain Robert de Thornle, fils de Guillaume de Thornle et tenant de Guillaume VI de Briouze, émet une charte de donation au milieu du xiiie siècle9. Il remet au prieuré Saint-Pierre de Sele

6 A. Polden, « The Social Networks of the Buckinghamshire Gentry in the Thirteenth Century », Journal of Medieval History, vol. 32, 2006, p. 375. 7 Cl. Lemercier, « Analyse des réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2005/2, no 52-52, p. 88. 8 J.-L. Chassel, « Le nom et les armes : la matrilinéarité dans la parenté aristocratique du second Moyen Âge », Droit et cultures, no 64, 2012, p. 117. 9 Oxford, MCA, Annington 5.

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son fief d’Annington, tel que lui avait légué son ancêtre Guillaume de Mandeville10. Cette charte indique le mode et l’origine de la tenure. Robert précise qu’il transmet aux moines de Sele son droit sur ce fief tel que le tenait en douaire dame Sybille (lat. Domina Bibilis tenuit in eadem villa in dote de eodem feodo). Le titre de « dame » indique qu’il s’agit de la femme du seigneur, propriétaire de ce domaine. Elle détenait cette terre en douaire (lat. dos), don nuptial du marié à son épouse. La terre d’Annington fait partie de la réserve seigneuriale de Guillaume Ier de Briouze depuis le xie siècle11. Annington appartient toujours au seigneur de Briouze au milieu du xiiie siècle. La charte de Robert de Thornle précise que son seigneur, Guillaume VI de Briouze (lat. Dominus Willelmus de Breus[e] dominus meus), est témoin de la donation. Cette terre a donc été, dans le passé, remise en douaire par l’un des seigneurs de Briouze à son épouse. Or, les épouses des seigneurs de Briouze sont identifiées. La seule inconnue est la femme du premier seigneur de Briouze, Guillaume. Dame Sybille, dont le douaire a fixé le mode ultérieur de tenure, serait son épouse. Si cet acte permet de la nommer, il ne permet pas de la rattacher à sa propre ascendance. Cette première dame de Briouze est directement à l’origine de la structuration du lignage en deux branches parallèles. Dans la version originale A1 d’une concorde, établie le 13 janvier 1103 entre Guillaume, troisième abbé de Fécamp, et Philippe de Briouze, la liste des témoins, complète, répertorie les garants en faveur du parti de Philippe de Briouze. Son premier témoin est désigné comme « son frère Robert, fils d’Anchetil12 ». Or, Philippe est qualifié de fils unique (lat. unigenitus) par son père Guillaume Ier de Briouze13. Robert serait donc son demi-frère, issu d’un premier mariage de Sybille avec un certain Anchetil. Jean Adigard des Gautries a relevé 36 hommes portant ce prénom pour la période allant de 911 à 1066, et par la suite, plusieurs centaines. Anchetil (ou Ansketil) est le prénom normand le plus fréquemment référencé14. Il répertorie deux Anchetil, pères d’un Robert15, qui appartiennent aux familles de Beaumont-Meulan et de Perrières. Mais l’identité d’Anchetil, père de Robert, demi-frère de Philippe de Briouze, ne peut être établie16. Robert apparait comme tenant de Guillaume Ier de Briouze, mentionné à plusieurs reprises dans l’enquête de 1086 sous le nom de « Robert17 ». Il est solidement rattaché

10 C. W. Hollister, « Mandeville, Geoffrey de, first earl of Essex (d. 1144) », ODNB, 2004. R. V. Turner, « The Mandevilles Inheritance, 1189-1236: Its Legal, Political and Social Context », The Haskins Society Journal, Studies in Medieval History, no 1, 1989, p. 147. C. W. Hollister, « The Misfortunes of the Mandevilles », History, vol. 58, 1973, p. 18-28. 11 Williams et Martin, Domesday…, p. 66-70 [fol. 28]. 12 Charte Artem/CMJS no 2739. 13 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1. 14 Adigard de Gautries, Les Noms…, p. 83-84. 15 Adigard de Gautries, Les Noms…, p. 293, no 30, no 32. M. Chibnall, Select Documents of the English Lands of the Abbey of Bec, Londres, 1951, p. 9, no xvi ; p. 11, no xx. 16 Une théorie circule, selon laquelle Guillaume Ier de Briouze aurait épousé la veuve d’Anchetil de Harcourt, veuve nommée Ève de Boissey. Cette théorie est formulée pour la première fois par G. de La Roque, Histoire généalogique de la maison de Harcourt, vol. 1, Paris, 1662, p. iv. 17 Keats-Rohan, Domesday People…, p. 375, « de Braose, Robert ».

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à la lignée de Briouze puisque son fils, Pagan18, et son petit-fils, Robert, sont désignés dans les actes sous le nom de Briouze. La deuxième dame de Briouze : Aénor de Totnes et la terre de Barnstaple

Aénor apparaît pour la première fois dans un acte émis à l’occasion du départ de Philippe pour la Terre sainte, lorsqu’il confirme les dons faits par son père Guillaume à l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Sa confirmation est approuvée par sa femme Aénor et son fils Guillaume, né vers 111019. Aénor a dû jouer un rôle actif dans le gouvernement seigneurial en l’absence de son époux, pendant la minorité de son fils. Aénor est à nouveau mentionnée quelques années plus tard. Ayant pris pleine possession de son héritage, vers 1130, Guillaume II de Briouze fait savoir à tous les hommes de sa châtellenie de Bramber qu’il confirme un don de sa mère Aénor. Celle-ci avait offert aux frères chevaliers du Temple de Salomon, pour l’âme de son époux Philippe, quinze acres d’une terre située dans le port de Bramber, prélevées sur son douaire20. De nouvelles terres détenues par son fils Guillaume II de Briouze relèvent de sa dot. À partir de l’année 1158, Guillaume est redevable à l’Échiquier de mille marcs pour sa part de l’honneur de Barnstaple21. Peu avant la mort du roi Guillaume II, en 1100, cette terre avait été confiée à Johel, seigneur de Totnes22. Au début du xiie siècle, Johel y fonde un prieuré, dédié à Sainte-Marie-Madeleine, qu’il place sous la tutelle de l’abbaye de Cluny23. Une confirmation de Guillaume II de Briouze, rédigée vers 1157-1160, garantit aux moines de Cluny le don de Johel, grand-père de Guillaume. Cette donation inclut les églises de Barnstaple et de Tawstock24. Plus tard, vers 1189-1196, Guillaume III de Briouze, fils de Guillaume II, confirme aux moines clunisiens de Sainte-Marie-Madeleine, à Barnstaple, la possession de l’église Saint-Pierre de Barnstaple. Elle leur avait été offerte par Johel de Totnes fondateur de leur monastère, ancêtre de Guillaume III.

18 G. W. S. Barrow (éd.), The Charters of King David I: the Written Acts of David I King of Scots, 1124-1153 and of his son Henry Earl of Northumberland, 1139-1152, Rochester, 1999, p. 58-59, no 14 ; p. 60-61, no 15 ; p. 68-69, no 30 ; p. 69-70, no 31-32 ; p. 80, no 41. G. W. S. Barrow, The Acts of Malcolm IV, King of Scots, 1153-1165, Regesta Regum Scottorum I, Édimbourg, 1960, p. 222, no 180. Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 2, p. 560-561, no 509. 19 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20. 20 Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. 21 J. Hunter (éd.), The Great Rolls of the Pipe, a.d. 1155, 1156, 1157, 1158, vol. 0, p. 183. 22 Williams, « Judhael… », p. 284-285. 23 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 197, no I. 24 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no IV. John H. Round (Calendar…, vol. 1, p. 460, no 1272) commet une erreur dans le référencement de l’acte. Il renvoie à un original avec fragment de sceau, BnF, Paris, Trésor des Chartes, Prieuré de Saint-Martin des Champs, Paris, K 21, no 1 (anciennement L. 1440 – Trans. 28). Cette erreur provient d’une confusion dans la lecture des actes édités par William Dugdale. John H. Round a recopié la référence de l’acte no II, un acte du roi Guillaume, au lieu de celle de l’acte no IV, émis par Guillaume de Briouze.

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Johel meurt sans héritier mâle survivant. Ses domaines sont partagés entre ses deux filles, Aénor, l’aînée, mariée à Philippe de Briouze, et une seconde fille, épouse inconnue du seigneur de Tracy25. En 1195, Guillaume III de Briouze verse quarante sous pour l’enregistrement de la concorde qu’il conclut avec Olivier de Tracy. Olivier reconnaît à Guillaume la possession de l’honneur de Barnstaple. Olivier devient le tenant de Guillaume pour ses terres de Barnstaple. Il reçoit de la famille de Briouze vingt livres sterling par an26. Plus tard, au début du xiiie siècle, les Briouze revendiquent la possession du domaine de Totnes, détenu par la famille de Nonant27. La troisième dame de Briouze : Berthe de Hereford et la consolidation de la marche galloise

Berthe assiste à l’établissement d’un acte de confirmation par son époux, au côté de son beau-frère Philippe [II] de Briouze28. Elle est témoin d’une lettre de son époux, adressée à son fils Philippe [III] et à ses hommes liges. Berthe garantit ensuite le consentement de son fils, de même que Philippe [II] de Briouze et Daniel, prieur de Sele29. Lorsque Guillaume II offre aux moines de Waverley une exemption de charge, il effectue cette donation pour l’âme de son épouse Berthe et de ses héritiers. Philippe et Roger de Briouze, Eudes et Philippe de Dammartin, souscrivent cet acte30. La terre de Brecon est transmise au lignage de Briouze par les femmes. Sybille, épouse de Milon de Gloucester, mère de Berthe, était l’unique héritière de Bernard de Neufmarché, décédé avant 1125. Son mariage avec Nest, ou Agnès, fille et héritière d’Osbern fitz Richard, petite-fille du prince gallois Gruffuth ap Llywelyn, lui permet d’accroître ses domaines dans cette région. Participant activement à la défense de la frontière galloise, il contribue à la conquête de la principauté de Brecon [gall. Brycheiniog] avant 1088. Bernard édifie le château de Brecon à la fin du xie siècle, et en 1100, il y établit l’église Saint-Jean-l’Évangéliste, dont le prieuré est attaché à l’abbaye de Battle31. À la fin du xiie siècle, ces possessions sont détenues par l’arrière-petit-fils de Bernard, Guillaume III de Briouze32. Les mariages sont l’un des principaux outils de structuration du lignage, grâce au rôle central joué par les épouses. Ils permettent d’apporter des alliés mâles aux 25 Pierre Descroix identifie la sœur de Guillaume II de Briouze sous le nom de Mathilde, bénéficiaire en 1167 d’une dot constituée de Tavistock (Tawstock) et Fremington dans le Devon. Descroix, Les Seigneurs…, p. 18. 26 GRP, Michaelmas 1195 (Pipe Roll 41), Londres, 1929, PRS NS 6, p. 111-112. 27 Williams, « Judhael… », p. 288 et note 72. Th. D. Hardy (éd.), Rotuli de Oblatis et Finibus (1199-1216), Londres, 1835, p. 46. 28 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. 29 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23. 30 Original scellé, Northampton, NRO, Archives of the Spencer family, 1414, William de Braose : N. Vincent, charte non éditée. 31 K. L. Maund, « Neufmarché, Bernard de (d. 1121x5?) », ODNB, 2004. 32 Guillaume III de Briouze, fils de Berthe, utilise le titre de seigneur de Brecon (Banks, Cartularium…, p. 88-90).

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seigneurs de Briouze, qui s’entourent ainsi de beaux-frères, beaux-pères ou neveux par alliance. Ces alliés sont utilisés pour gérer le patrimoine dispersé de la topolignée.

La parenté de Briouze, un réseau égocentré La perception asymétrique du lien est amplifiée par la nature de l’acte diplomatique, où l’ego correspond au seigneur-donateur, entouré de sa parenté qui atteste la validité de la concession. Trois informations relatives au lien social peuvent être établies, de façon plus ou moins explicite : la nature du lien (degré de parenté, amitié, vassalité), l’utilité du lien (confirmation, témoignage) et la fréquence ou durée du lien. Isabelle Rosé distingue trois types d’espaces relationnels33. Les réseaux en activité correspondent aux liens perceptibles à travers les actes diplomatiques, mais ils sont éphémères, ponctuels, exprimés uniquement lors de leur rédaction. Ces réseaux se distinguent de ceux, bien réels, qui découlent de la parenté mais ne sont pas toujours visibles dans les chartes ; et ceux, potentiels, également peu visibles, qui résultent d’un lien de parenté plus ou moins clairement établi. Lignage ou « supra-lignée » ? Le cas des descendants de Robert Ier de Briouze

De Robert [Ier], demi-frère de Philippe de Briouze, sont issus deux parents utilisant le patronyme de Briouze, son fils Pagan et son petit-fils Robert [II] (Tableau de filiation 3). Pagan apparaît dans les sources écossaises entre 1113 et 1124. Son fils est nommé Robert (lat. Robertus filius Pagani de Brausea) dans un acte daté de 1160-116134. Le roi d’Écosse Malcolm IV confirme toutes les donations accordées par Samson Fort et Robert, fils de Pagan de Briouze, à l’église Saint-Pierre de Harrold, dépendante de l’église Saint-Nicolas d’Arrouaise. En choisissant le prénom de son fils, Pagan établit une continuité onomastique volontaire entre Robert [Ier], fils d’Anchetil, et Robert [II], fils de Pagan. Ces hommes sont intégrés ponctuellement à la vie de cour des Briouze. Leurs intérêts financiers et patrimoniaux s’entremêlent à diverses reprises. L’usage élargi du terme de « frère » pour définir les liens unissant les descendants de Robert [Ier], fils d’Anchetil, et ceux de Philippe [Ier] de Briouze, apparaît dans une lettre émise par Guillaume II de Briouze vers 1153 et adressée à son fils Philippe [III]35. Guillaume II donne le manoir d’Annington à l’église Saint-Gervais de Briouze, et souhaite que son fils garantisse ce don aux moines de Saint-Florent de Saumur. Robert, frère de Guillaume II (lat. Rotbertus frater meus) est le premier témoin mentionné. Il pourrait s’agir de son cousin, Robert [II], fils de Pagan. En effet, à l’exception de

33 I. Rosé, « D’un réseau à l’autre ? Itinéraire de la reine Emma († 934) à travers les actes diplomatiques de son entourage familial », in L. Jegou et al. (dir.), Faire lien : aristocratie, réseaux et échanges compétitifs. Mélanges en l’honneur de Régine Le Jan, Paris, 2015, p. 133-134. 34 Barrow, The Acts of Malcolm IV…, I, p. 222, no 180. 35 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23.

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cette occurrence, le seul Robert de Briouze apparaissant dans les actes du lignage est toujours clairement identifié comme fils de Pagan. La présence de Robert [II] à la cour de Guillaume II et l’usage d’un vocable chargé d’un sens affectif fort confirment la pérennité d’un lien de parenté reconnu, bien que ténu et ponctuel. Entre 1113 et 1136, Pagan de Briouze est à cinq reprises le témoin d’actes émis par David, prince de Cumbria (1113-1124) puis roi d’Écosse (1124-1153). Il est témoin d’une importante donation accordée par David à l’abbaye de Selkirk vers 111336. Il est présent lors de l’émission d’actes adressés à la cathédrale Saint-Kentigern de Glasgow37, à l’abbaye Saint-Cuthbert de Durham38 et à l’église de Coldingham39. Il est un membre récurrent de la cour du souverain d’Écosse. La présence de Pagan à la cour écossaise s’inscrit dans un processus plus vaste d’« anglo-normandisation » des institutions sous le règne de David Ier. Ces changements opérés sous le gouvernement de David Ier sont parfois désignés par l’historiographie sous le terme de « révolution davidienne40 » (angl. Davidian Revolution)41. Après la conquête normande de l’Angleterre en 1066, l’Écosse subit progressivement l’influence culturelle normande, dès le règne de Malcolm III (1058-1093). David séjourne, dès l’enfance, à la cour d’Angleterre, à partir de 109342. Sous le règne de David, plusieurs éléments structurels de l’Occident et du monde anglo-normand s’implantent en Écosse : le renforcement de l’Église, une chancellerie royale dynamique, un réseau urbain et marchand plus développé, les prémices d’un système féodo-vassalique et l’introduction de techniques militaires propres à la chevalerie normande. Pagan est un exemple parmi d’autres de chevaliers normands venus « tenter leur chance » à la cour d’un souverain étranger bienveillant à leur égard. Deux actes permettent de retracer une infime portion de l’histoire de Robert [II] de Briouze. Le premier est émis par le roi d’Écosse Malcolm IV vers 1160. Ce dernier confirme toutes les donations accordées par Samson Fort et Robert [II], fils de Pagan de Briouze, à l’église Saint-Pierre de Harrold, dépendante de l’église Saint-Nicolas d’Arrouaise43. Le second, plus tardif, date de la décennie 1170. À la suite d’une enquête mandée par le roi Henri II, Robert [II] de Briouze, fils de Pagan, confirme la donation de l’église du prieuré de Harrold à l’abbaye d’Arrouaise44. Le prieuré est une maison double, dépendant de l’abbaye augustinienne de Saint-Nicolas

36 Barrow, The Charters…, p. 58-59, no 14. 37 Barrow, The Charters…, p. 60-61, no 15. 38 People of Medieval Scotland, 1093-1314 [en ligne], PoMS place, no 59, disponible sur (consulté le 21 juin 2020). Barrow, The Charters…, p. 69-70, no 31-32. 39 Barrow, The Charters…, p. 68-69, no 30 ; p. 80, no 41. 40 G. W. S. Barrow, « David I of Scotland: The Balance of New and Old », Scotland and Its Neighbours in the Middle Ages, Londres, 1992, p. 45-65. R. Oram, David: The King Who Made Scotland, Gloucester, 2004. M. Lynch, Scotland: A New History, Édimbourg, 1991. 41 Bartlett, The Making…. R. I. Moore, The First European Revolution, c. 970-1215, Oxford, 2000. 42 G. W. S. Barrow, « David I (c. 1085-1153) », ODNB, 2004. 43 Barrow, The Acts of Malcolm IV…, I, p. 222, no 180. 44 Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 2, p. 560-561, no 509.

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d’Arrouaise, fondée à la fin du xie siècle et située dans le diocèse d’Arras45. Le prieuré de Harrold est localisé dans le Bedfordshire, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Cambridge. Il est fondé dans le second quart du xiie siècle sur une terre dépendant de l’honneur de Huntingdon. Cet honneur est lié au trône d’Écosse lorsqu’en 1113, le roi d’Angleterre Henri Ier autorise le mariage de David, héritier du royaume d’Écosse, et de Maude, fille de Waltheof et comtesse de Huntingdon. Ce mariage apporte à David les comtés de Northampton, Huntingdon et Bedford, réunis dans l’honneur de Huntingdon46. Robert confirme la donation de Samson Fort en faveur de l’église Saint-Pierre de Harrold, dépendante de l’église Saint-Nicolas d’Arrouaise. Herbert Fowler démontre que Robert [II] est le fils de Pagan et d’Aubrée, héritière de Blosseville et Niweton (lat. Newton Blossomville)47. Il explique qu’un plaid daté de 1195, aujourd’hui perdu, mentionnait le précédent mariage d’Aubrée avec Samson Fort48. Ce précédent mariage justifie la confirmation par Robert [II], fils d’Aubrée et de Pagan, de la fondation religieuse faite par le premier mari de sa mère, fondateur du prieuré et décédé sans héritier. Un acte de 1176 identifie Robert [II] sous le nom de « Robert de Briouze de Niweton49 ». Trois actes du xiiie siècle établissent l’intégration des possessions de Robert [II] dans le patrimoine de la famille de Briouze. Le 5 décembre 1234, à Reading, Geoffroy de Lacy prête fidélité pour un demi fief de chevalier situé à Niweton, que son père tenait de Guillaume Briwere, et dont le service revenait aux héritières de Guillaume V de Briouze, alors à la garde du roi50. La pérennité de la descendance de Robert [II] de Briouze et de son épouse Aline est établie dans deux documents, datés de 1227 et 1237. Le 26 mai 1227, à Westminster, le roi Henri III confirme de nombreuses donations faites à l’abbaye de Lavendon, dans le Buckinghamshire. Une terre située dans un champ de Harewood est offerte par Gontrand (lat. Guncodus), fils de Robert [II] de Briouze51. Une enquête est menée en 1237 dans le Bedfordshire, afin de déterminer si Gontrane de Briouze détient une pâture communale de 80 acres à Harewood, issue d’une partition de terre conclue entre Gontrane (lat. Gunteuda) et sa sœur Aubrée, suite au décès de leur mère Aline. L’enquête conclut que Gontrane de Briouze ne détient pas de pâture à Harewood52. Ces actes plus tardifs révèlent l’insertion durable du cousinage dans les stratégies patrimoniales familiales des Briouze.

45 G. H. Fowler, « Bedfordshire Charters in the Missenden Cartulary », Bedfordshire Historical Record Society, vol. 2, 1914, p. 127. 46 G. W. S. Barrow, « David I (c. 1085-1153) », ODNB, 2004. 47 Fowler, « Bedfordshire… », p. 132. G. H. Fowler, « Early Records of Turvey and its Neighbourhood, part 1. A. The Drayton Charters, B. The Halstead Charters », Bedfordshire Historical Record Society, vol. 11, 1927, p. 47-109. 48 Barrow, The Charters…, p. 70-71. 49 GRP, a.d. 1175-1176, Londres, 1904, vol. 25, p. 23. 50 CR, Hen. III, vol. 3 (1234-1237), p. 23. 51 Dugdale, Monasticon…, vol. 6, partie 2, p. 888-889. 52 CRR, vol. 16, 21-26 Henry III (1237-1242), p. 458, no 2293. Fowler, « Early… », p. 71.

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Marier les filles pour élargir la parentèle masculine

Deux parcours de filles du lignage de Briouze peuvent être retenus pour leur singularité. Ils illustrent à la fois la variabilité du statut de la femme dans la transmission patrimoniale et la répercussion des alliances sur la longue durée. Gillian de Merle, fille de Philippe de Briouze

Membre de la troisième génération, une fille de Philippe de Briouze est identifiable sous le nom de Gillian de Merle (Tableau de filiation 2). À une date indéterminée, au milieu du xiie siècle, elle offre en franche aumône à l’église Sainte-Marie-et-SaintJean-Baptiste de Dureford une terre nommée La Burghe, située à Annington, où se trouvait un marais salant53. La franche aumône désigne en Angleterre une tenure à charge de prière. Cette donation est le seul exemple, pour la période comprise entre le milieu du xie siècle et 1175, de donation émise par une femme issue du lignage de Briouze. Gillian agit de manière autonome et émet une charte en son nom. Il s’agit vraisemblablement d’une terre donnée en dot par Philippe à sa fille, puisque selon l’enquête de 1086, le Domesday Book, Annington faisait partie des terres tenues du roi en chef par le seigneur de Briouze54. Les seigneurs de Briouze y prélevaient les dots, comme ce fut le cas pour la grand-mère de Gillian, Sybille. Les seigneurs de Briouze sont des bienfaiteurs récurrents de l’abbaye de Dureford. L’abbaye est fondée en 1160 par Henri Hussey55 sur la terre de Rogate et elle est confiée à des chanoines prémontrés56. Dès mars 1161, Guillaume II de Briouze est témoin de la confirmation faite par le roi Henri II aux chanoines réguliers de Harting de la terre offerte par Henri Hussey57. Probablement la même année, Guillaume II confirme aux chanoines la donation d’Hugues de Buci et de son épouse Maude d’une saline située dans les marais de Bramber58. Vers 1161, le seigneur de Briouze fait don d’une saline et d’une terre nommée Herdsperrer59. Cette donation est confirmée par son fils Guillaume III au tournant du xiiie siècle, qui échange la saline offerte par son père contre une autre saline située près de son château de Bramber60. À la fin du xiiie siècle, de nouvelles chartes sont conclues entre les seigneurs de Briouze et les chanoines de Dureford61. Ces liens de patronage confirment le fait que Gillian de Merle agit, par ce don, comme membre de son lignage paternel et non comme affiliée à la parenté de son époux62. 53 Stevenson, The Durford…, p. 23, no 65 ; p. 44-45, no 65. 54 Williams et Martin, Domesday…, p. 66-70 [fol. 28]. 55 Plusieurs variantes de ce patronyme existent : Hoes, Hoese, Hosat ou Hussey (Stevenson, The Durford…, p. 22-23, no 61). 56 « Houses of Premonstratensian canons: Abbey of Dureford », in W. Page (dir.), A History of the County of Sussex, Londres, 1973, vol. 2, p. 89-92. 57 Stevenson, The Durford…, p. 2, no 2. 58 Stevenson, The Durford…, p. 23, no 63 et no 64. 59 Stevenson, The Durford…, p. 22-23, no 61. 60 Stevenson, The Durford…, p. 23, no 62. 61 Stevenson, The Durford…, p. 21-22, no 55 et no 56. 62 Rosé, « D’un réseau… », p. 143.

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Hamon63 et Foulques64 de Merle sont respectivement cités comme témoins de deux actes émis par Guillaume II de Briouze. L’un d’eux est-il l’époux de Gillian ? L’histoire de la famille de Merle n’ayant pas été établie, la question reste entière. Un prieuré, situé à Le Merlerault, dans l’Orne actuelle, est fondé vers 1160 par Foulques de Merle et les bénédictins de l’abbaye d’Hambye65. L’implantation de la famille de Merle dans cette localité daterait du début du xie siècle, lorsque Richard de Sainte-Scolasse cède cette terre à Roger contre le service de dix chevaliers66. Bien que les liens entre les familles de Briouze et de Merle semblent ténus au milieu du xiie siècle, limités à quelques souscriptions d’actes, cette union prend par la suite une importance considérable67. Au début du xiiie siècle, conséquence de la perte de la Normandie par le roi Jean, l’aristocratie anglo-normande est contrainte de renoncer à ses terres sur le continent. Comme de nombreuses familles nobles, les seigneurs de Briouze doivent abandonner leurs domaines normands au profit d’un fils cadet. L’implantation d’une branche cadette de Briouze dans le fief originel du lignage est de courte durée, puisqu’elle disparaît de la documentation après 127668. En 1306, le fief de Briouze est attribué à Foulques de Merle, maréchal de France depuis 1302 et seigneur de Merlerault, Briouze, Messei, Gacé et Bellou-en-Houlme69. Le seigneur de Merle a pu réclamer les terres des Briouze en tant que descendant de Gillian. Sybille de Ferrières, fille de Guillaume II de Briouze

La famille de Ferrières est durablement présente au côté du chef du lignage70. Entre 1139 et 1160 environ, Robert II, comte de Ferrières, deuxième comte de Derby, donne en fief à l’abbaye Sainte-Marie de Dore sa terre d’Oxmead71 (Tableau de filiation 5). Les clauses pro anima mentionnent son épouse, Sybille [II] de Briouze, mère de son fils Guillaume Ier. Elles incluent également Berthe, fille de Milon de Hereford et mère de Sybille de Briouze. Robert II précise que cette terre lui avait été transmise par la mère de son épouse72. 63 Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. I. H. Jeayes, Descriptive Catalogue of the Charters and Muniments in the possession of the Rt. Hon. Lord Fitzhardinge, at Berkeley Castle, Bristol, 1892, p. 7, no 9. 64 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. 65 « Prieuré de Bénédictins Notre-Dame », chapelle du troisième quart du xiie siècle, Le Merlerault, lieu-dit Le Prieuré, Basse-Normandie, Inventaire général du patrimoine culturel, POP : la plateforme ouverte du patrimoine [en ligne], disponible sur (consulté le 21 juin 2020). 66 L. Gaillard, La Normandie bénédictine au temps de Guillaume le Conquérant (xie siècle), Lille, 1967, p. 266. Bauduin, La première…, p. 219. Fr. A. A. de la Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse, t. 10, p. 6. 67 Maillefer, « Une famille… », p. 182. 68 L.-P. d’Hozier, Armorial général de la France ou registre de la noblesse de France, 2e reg., 2e part., Paris, 1742, p. 749-751. 69 de la Chesnaye-Desbois, Dictionnaire…, tome X, p. 69. Hozier, Armorial…, vol. 2, p. 749-751. 70 Ferrières-Saint-Hilaire, département de l’Eure. 71 M. Jones, « Ferrers, Robert de, first Earl Ferrers (d. 1139) », ODNB, 2004. 72 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 553, Num. I.

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À une date indéterminée, entre 1165 et 1172, Guillaume II de Briouze est le témoin d’un acte de son petit-fils, Guillaume Ier de Ferrières, seigneur de 1160 à 119073. Ce dernier confirme aux Hospitaliers de Jérusalem le don de l’église de Thurrock74. Guillaume Ier de Ferrières effectue cette donation pro anima pour le salut de ses parents, de ses descendants et de son épouse75. Par la suite, Guillaume de Ferrières est cité parmi les témoins de Guillaume III de Briouze, pour le don de sa terre d’Équeurdreville accordé à l’église Notre-Dame du Vœu de Cherbourg en 117976. Les liens étroits entre les lignages de Briouze et de Ferrières perdurent au xiiie siècle. L’importance de la solidarité du groupe familial élargi s’exprime pleinement lorsque Guillaume II de Ferrières, petit-neveu de Guillaume III de Briouze, défend la cause de son grand-oncle auprès du roi Jean, entre 1208 et 121077. Marier ses parentes est une décision déterminante pour le seigneur, puisque les unions lui apportent des liens solides avec des hommes d’autres lignées. Le positionnement central des femmes, intermédiaires entre deux familles, est d’autant plus fort que les premiers seigneurs de Briouze privilégient les stratégies hypergamiques : ils épousent des femmes issues de cercles aristocratiques puissants et ils offrent leurs filles ou sœurs à des membres de l’aristocratie inférieure, ce qui consolide les liens de fidélité et de dépendance. La puissance du statut seigneurial à l’intérieur de la parenté immédiate en est renforcée. L’avunculat, un lien d’affinité puissant

Selon Martin Aurell, l’avunculat est la conséquence de l’hypergamie78. L’avunculat désigne le lien particulier formé entre l’oncle maternel (lat. avunculus) et son neveu. Lors d’une union hypergamique, la sœur du seigneur épouse un chevalier de statut inférieur, souvent vassal et fidèle de ce même seigneur. L’enfant né de leur union est placé auprès de son oncle maternel, plus puissant que son propre père, pour recevoir une éducation militaire et devenir par la suite son vassal. Le lien éducatif affermit la profondeur des sentiments entre le neveu et l’oncle, devenu un substitut de la figure paternelle. Le sentiment de parenté et de filiation renforce l’hommage féodo-vassalique.

73 J. Delaville Le Roux, Cartulaire général de l’ordre des Hospitaliers de S. Jean de Jérusalem (1100-1310), tome I (1100-1200), Paris, 1894, p. 236, no 337. La généalogie élaborée par K. Keats-Rohan est erronée puisqu’elle suppose que Sybille de Briouze est l’épouse du Guillaume Ier de Ferrières. Keats-Rohan, Domesday Descendants…, p. 459-460 ; Domesday People…, p. 346. 74 M. Gervers (éd.), The Cartulary of the Knights of St. John of Jerusalem in England, Part 2, Prima Camera, Essex, Oxford, 1996, p. 122, no 109. 75 Delaville Le Roux, Cartulaire…, p. 237, no 338. 76 Original détruit en 1944, Saint-Lô, A.D. Manche, H 2584 : Fr. Dolbet (éd.), Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Manche, Archives ecclésiastiques, Série H, Saint-Lô, 1912, vol. 1, p. 413. Je remercie le Professeur Daniel Power pour m’avoir communiqué cette référence. 77 D. Crouch, « The Complaint of King John against William de Briouze (c. September 1210). The Black Book of the Exchequer Text », in J. S. Loengard (dir.), Magna Carta and the England of King John, Woodbridge, 2010, p. 168-179. 78 Aurell, « La parenté… », p. 136-139.

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Les seigneurs de Briouze favorisent certains de leurs neveux. L’attraction d’un parent mâle issu d’une alliance dans la sphère d’influence du seigneur révèle l’existence d’un phénomène de polarisation des affinités, qui contribue à la gestion du patrimoine familial. Guillaume de La Carneille, neveu de Guillaume Ier de Briouze

En décembre 1093, Guillaume de La Carneille est incité par son oncle, Guillaume Ier de Briouze, à consentir aux diverses donations que ce dernier accorde à l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Pour cela, Guillaume de La Carneille doit, conjointement avec son cousin Philippe, fils de Guillaume Ier, déposer le couteau du moine Armellus sur l’autel de l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze, le jour de la dédicace, afin de sacraliser leur consentement79. La force du lien avunculaire est renforcée par la fragilité du lignage récent. Guillaume Ier de Briouze est le premier de sa lignée et il n’a pour successeur qu’un unique héritier mâle, Philippe de Briouze. Afin d’assurer la pérennité de la transmission patrimoniale, Guillaume de La Carneille, neveu maternel, est associé à son cousin Philippe de Briouze pour garantir la confirmation. Sa participation redouble l’accord de l’héritier légitime et garantit le don face aux aléas de la succession. Guillaume de La Carneille est l’héritier présomptif en cas de décès du fils unique de Guillaume Ier de Briouze. Ce système de l’association, qui implique les futurs héritiers au gouvernement seigneurial, est un mode de planification successorale fréquemment utilisé par l’aristocratie jusqu’à la fin du xiie siècle. En cette fin de xie siècle, temps de formation du lignage, inclure le neveu maternel à la gestion domaniale est une forme de réminiscence du système cognatique, mode de filiation « horizontal », non linéaire, indifférencié entre les branches masculines et féminines, qui disparaît progressivement après l’an mil80. Les frères de Harcourt et leur oncle Philippe

Philippe de Briouze cède à son neveu, Robert de Harcourt, une terre à Shipley81. Robert de Harcourt est le fils de la sœur, au prénom inconnu, de Philippe de Briouze, épouse de Robert Ier de Harcourt82 (Tableau de filiation 2). Les liens de sang ainsi créés transparaissent à la génération suivante, puisque plusieurs actes établissent des

79 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 685-687, no 17 ; p. 687, no 18. À Guillaume succède Adam de La Carneille (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20). 80 Au xiie siècle, Roger de La Kernelle et son fils Gautier sont bénéficiaires du roi Guillaume d’Écosse, qui leur offre la terre de Guthrie en Angus contre le service d’un chevalier. La branche anglaise, nommée Carnail, est établie dans l’honneur de Huntingdon. La famille était originaire de La Carneille, près d’Argentan, dans le département de l’Orne. G. W. S. Barrow, The Kingdom of the Scots, Édimbourg, 2003, p. 293-294. Il s’agit de la même famille, dont une branche est au côté des seigneurs de Briouze. Cette branche a peut-être suivie la sous-lignée issue de Robert de Briouze. 81 Marquis d’Albon, Cartulaire général de l’Ordre du Temple, 1119-1150, Paris, 1913, p. 149, no 217. 82 Keats-Rohan, Domesday People…, p. 503, « de Harcourt, Ricardus ».

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Fig. 13 : Sceau de Guillaume II de Briouze83. Oxford, MCA, Shoreham 38. Dessin © Amélie Rigollet

échanges patrimoniaux entre oncle et neveux. Philippe de Harcourt donne la terre Shipley, héritée de Philippe de Briouze, aux chevaliers du Temple de Salomon 84. Une donation conjointe de l’église Sainte-Marie de Sompting, accordée aux frères du Temple de Salomon par Guillaume II de Briouze, Philippe de Harcourt, évêque de Bayeux, et son frère Guillaume de Harcourt, confirme l’existence d’intérêts territoriaux communs85. Des liens profonds de confiance et de réciprocité s’établissent entre les deux familles, caractérisés par une implication dans la gestion domaniale. Guillaume de Harcourt, fils cadet d’une fille de Briouze et de Robert Ier de Harcourt, est nommé sénéchal par son cousin maternel, Guillaume II de Briouze. Ce Guillaume de Harcourt, sénéchal de Guillaume de Briouze, est témoin d’une confirmation de son seigneur, qui approuve le don d’une terre située dans le port de Shoreham, offerte par Guillaume de Lancing à l’église Saint-Pierre de Sele86 (Fig. 13). La fonction de sénéchal est une charge de confiance, puisque le détenteur de cet office veille à l’intendance de la maisonnée seigneuriale. Il exerce des responsabilités financières, judiciaires et militaires, en l’absence du seigneur. Les terres évoquées dans cette donation se situent dans le Sussex. Guillaume de Harcourt 83

83 N. d. [c. 1153]. Demeuré appendu à la charte originale, dans un étui de lin. Sceau rond, au pourtour peu endommagé, mais au relief estompé, de 60 mm de diamètre, de cire blanche, sur double queue en parchemin. Droit : Équestre à droite. Un cheval au galop portant un cavalier coiffé d’un casque conique, levant la main droite, mais dont le bras gauche n’est plus visible. – Revers : aucun. Légende au droit : † [SI] GILLUM . WILLEL[MI . DE . BRAOSA]. – Légende au revers : aucune. Photographie publiée : H. E. Salter, Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, no 11. 84 d’Albon, Cartulaire…, p. 149, no 217 et no 218. 85 Delisle et Berger, Recueil…, tome I, p. 89-90, no 84 ; p. 91, no 86. 86 Salter, Facsimiles…, no 11.

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occupait vraisemblablement cette fonction pour les domaines dépendants du château de Bramber, siège du pouvoir de la famille de Briouze dans le sud de l’Angleterre. Eudes de Dammartin, neveu de Guillaume II

Guillaume II de Briouze offre aux moines de Saint-Pierre de Sele des compensations en échange de la terre prise pour l’agrandissement de son parc de Knepp. Eudes de Dammartin est identifié dans la liste des témoins comme le neveu de Guillaume II, au côté de son oncle Philippe [II]87 (Tableau de filiation 2). Le terme nepos est identique à celui utilisé pour désigner Guillaume de La Carneille en 1093. Expression résurgente du cognatisme, l’avunculat est adapté à la formation autocentrée du lignage. Il regroupe les neveux issus des différentes lignées familiales autour de l’oncle, dans le château familial, polarisant. Le neveu maternel est pleinement impliqué dans la gestion domaniale, il contribue à consolider la lignée en réduisant les risques de rupture successorale, et il renforce l’entourage de son seigneur par la confiance que lui témoigne son oncle. La figure du neveu maternel, dépendant, qui doit son ascension au bon vouloir de son oncle, contraste avec la figure du frère cadet, « déclassé » par l’essor du lignage fondé sur la patrilinéarité et l’agnatisme88. Éloigner les frères pour créer de nouveaux pôles

L’instauration progressive de la règle de primogéniture masculine impose de redéfinir la place dévolue aux frères puînés dans les questions d’héritage. Ceux-ci dépendent de la générosité de leur aîné pour assurer leur subsistance. Les relations entre aînés et puînés prennent la forme de relations féodo-vassaliques. Le plus jeune frère reçoit terres et protection de son aîné et seigneur en échange de sa fidélité et de son aide89. L’instauration d’un équilibre et d’une satisfaction mutuelle est indispensable à la stabilité du patrimoine familial. Peu d’hommes partagent des liens de sang direct avec les seigneurs de Briouze pour la période comprise entre 1066 et 1175. La reconstitution de ces parcours individuels est inscrite dans la perspective plus large de l’utilisation des réseaux d’affinités par les seigneurs de Briouze. Les cas de tentatives d’implantation en Écosse et en Irlande peuvent être comparées afin d’étudier la polarisation des figures fraternelles. Paul-André Rosental questionne la mobilité des populations rurales dans la France contemporaine à partir d’un fond généalogique large qui regroupe plus de 97 lignées90. Ses déductions peuvent être comparées au cas des Briouze. Il établit que les migrations sont planifiées sur le long terme, au sein des familles, et que

87 Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. Northampton, NRO, Archives of the Spencer family, 1414. 88 Aurell, « La parenté… », p. 138-139. 89 Macé, « Les frères… », p. 129. 90 P.-A. Rosental, Les Sentiers invisibles. Espaces, familles et migrations dans la France du xixe siècle, Paris, 1999, 256 p.

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leur réalisation concrétise les projets familiaux91. En analysant les configurations inter-personnelles, son objectif est de considérer les fratries comme des ensembles de parcours individuels92. Les migrations révèlent l’existence de stratégies adelphiques, séries d’actions coordonnées entre frères en vue d’atteindre un objectif visant à contenter les différents membres de la parenté. Afin de définir le degré de coordination adelphique, l’importance du lien fraternel dans les trajectoires individuelles des cadets, une série de critères permettent de comparer les deux migrations essentielles des cadets de Briouze, celles des implantations écossaises et irlandaises. Le premier critère est celui de l’opportunité. La migration la plus ancienne d’un membre de la famille de Briouze est celle de Pagan, qui apparaît dans les sources écossaises93. À cinq reprises, entre 1113 et 1136, Pagan de Briouze est témoin de David, prince de Cumbria (1113-1124) puis roi d’Écosse (1124-1153). Pagan est vassal de David pour ses terres de l’honneur de Huntington. La mobilité de Pagan et de son fils Robert s’effectue pacifiquement, en lien avec un processus de fond, celui de l’acculturation du gouvernement écossais au xiie siècle. En revanche la migration de Philippe [II] de Briouze, frère de Guillaume II, en Irlande en 1177 s’effectue dans un contexte différent, plus agressif. La seconde vague de conquête militaire de l’Irlande par la chevalerie de la marche de Galles a lieu sous la surveillance étroite du roi d’Angleterre, Henri II. Le deuxième critère, celui des motivations ayant incité à la migration, est différent. Les contacts écossais de Pagan puis Robert [II] de Briouze découlent de leur présence à la cour d’Écosse, liée à leur possession de terres dans le Bedfordshire, consolidée par un mariage endogame. Cela se répercute sur le troisième critère, celui de la durée de la migration. Les liens avec le royaume d’Écosse sont nettement visibles sur deux générations, puis s’étiolent du fait d’une succession uniquement féminine. À l’inverse, la tentative d’implantation militaire irlandaise par Philippe [II] de Briouze en 1177 est brève, puisqu’elle se solde par l’échec du projet de s’emparer de la ville de Limerick par la force. La nature de la migration dépend des objectifs initiaux d’implantation, ce qui en influence la durée. Ces trois premiers critères permettent de définir la forme de la migration, facilitant la compréhension du quatrième critère, celui de l’implication du frère aîné, seigneur de Briouze, dans les projets migratoires de ses cadets. La force du lien adelphique est révélée brièvement par les sources, à travers la présence ou non du frère aîné dans les listes de témoins, dans les confirmations des donations ou dans les sources narratives. Le rattachement de Pagan et de son fils Robert [II] au lignage principal de Briouze est ténu. Seul Robert [II] est témoin d’un acte de Guillaume II de Briouze, dans lequel il est désigné comme son frère94. À l’inverse, le seigneur de Briouze n’est pas témoin des actes conservés de la sous-lignée. Leur connexion n’est identifiable que par le

91 P.-A. Rosental, « Une fratrie ou deux fratries ? La migration des frères et la migration des sœurs en France au xixe siècle », Cahiers d’économie et sociologie rurales, vol. 34, 1995, p. 125-126. 92 Rosental, « Une fratrie… », p. 134-135. 93 Barrow, The Charters…, p. 58-59, no 14 ; p. 60-61, no 15. 94 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23.

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patronyme et la récurrence onomastique, qui indique leur appartenance commune à une même grande famille. La migration de la sous-lignée vers le nord de l’Angleterre, dans le Bedfordshire, et indirectement vers l’Écosse, est un processus autonome, hors de contrôle du seigneur de Briouze95. La disparition de l’acte ayant entériné le mariage entre Pagan de Briouze et Aubrée, qui apporte les terres de Blosseville et Niweton à son époux, ne permet pas d’établir le degré de consentement du seigneur de Briouze96. Seule la grande autonomie de la sous-lignée est perceptible. Inversement, le lien entre le seigneur Guillaume II de Briouze et son frère Philippe [II] est nettement visible. Philippe est fortement impliqué dans la gestion des domaines familiaux après le départ de son père pour la Terre sainte, puisqu’il corrobore les donations de son frère à diverses reprises97. Son père s’adresse même à lui distinctement, lui envoyant une lettre l’informant d’une donation98. À l’occasion d’une offrande remise au monastère de Saint-Florent de Saumur, faite en hommage à leur père Philippe Ier de Briouze, Philippe [II] dépose conjointement avec son frère Guillaume II un missel sur l’autel de l’église Saint-Pierre de Sele99 (Fig. 14). Cette double confirmation exprime symboliquement l’importance accordée à Philippe [II] dans la gestion territoriale et dans la transmission patrimoniale. Cette association étroite disparaît soudainement, sans doute lorsque Guillaume II prend pleinement en main la gestion de l’héritage familial et après la naissance de son fils héritier. La trace de Philippe [II] se perd et il n’apparaît plus dans les actes émis par son frère. Une enquête de 1133, commanditée par le roi d’Angleterre Henri Ier suite au décès de l’évêque de Bayeux, indique que Philippe [II] de Briouze détenait deux fiefs de chevalier de l’évêque de Bayeux, à Montrabot et à Ronfeugerai100. Il ne peut s’agir de Philippe Ier de Briouze, comme le suggère le commandant Navel, puisque Philippe meurt avant 1130. Ces deux fiefs sont le chasement du fils cadet, Philippe [II], tenant de l’évêque de Bayeux. Philippe [II] réapparaît en Irlande en 1172, au côté de son frère101. Il y intervient seul en 1177, puisque Guillaume II décède en 1175. 102Le type de mobilité varie en fonction du type de lien adelphique. Pagan et Robert

[II] de Briouze s’installent durablement dans un territoire géré indépendamment

95 Barrow, The Kingdom…, p. 293-294. 96 Fowler, « Early… », p. 47-109. 97 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. 98 Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. 99 Salter, Facsimiles…, no 6. 100 M. le Cdt H. Navel, « L’enquête de 1133 sur les fiefs de l’évêché de Bayeux », Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, tome XLII, Caen, 1934, p. 18, p. 32. Montrabot se situe dans le canton actuel de Torigny-sur-Vire (Manche), et Ronfeugerai dans le canton d’Athis (Orne) jouxte La Lande-Patry (Carte 2). 101 Gilbert, Chartularies…, vol. 1, p. 140-141, no 118g. 102 N. d. [c. 1130]. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, au pourtour effrité, de 64 mm de diamètre, de cire rouge brunâtre, sur double queue de parchemin. Droit : Équestre à droite. Un cheval au galop portant un cavalier tenant un écu de la main gauche et une arme non identifiable dans sa main

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Fig. 14 : Sceau de Guillaume II de Briouze102. Oxford, MCA, Shoreham 34. Dessin © Amélie Rigollet

jusqu’à une progressive reprise en main par le chef du lignage au xiiie siècle, en lien avec la minorité des descendantes. Cette migration correspond à l’établissement d’une sous-lignée autonome, la branche « cadette » fondant elle-même un lignage seigneurial distinct, par mariage avec l’héritière d’une famille déjà implantée. À l’inverse, la tentative avortée d’implantation irlandaise est menée par Philippe [II] comme « substitut » de son frère aîné, qui le premier avait suivi le roi Henri II en Irlande. Il s’agit d’une migration de conquête, Philippe devant obtenir les territoires qu’il parviendrait à conquérir sur les populations locales. L’acquisition territoriale se fait brutalement, et Philippe ne dispose d’aucun appui familial sur place pour étayer son installation. La solidité et le succès de la migration dépendent des liens d’interconnaissance noués localement avec d’autres lignages. L’ensemble de la parenté est mobilisée pour renforcer l’autorité centrale du seigneur de Briouze, dans une dynamique de réciprocité, puisque le renforcement de la puissance seigneuriale rejaillit à la fois socialement et économiquement sur le reste de la parenté. La structure de la famille de Briouze correspond à la notion de famille « autocentrée », définie par Claire Lemercier comme sédentaire et densément reliée entre ses membres par l’accumulation de ressources103. En revanche, la sous-lignée implantée dans le Bedfordshire à la suite de Pagan de Briouze s’apparenterait plutôt à une branche exocentrée, puisqu’ayant son propre entourage104.

droite levée et tendue. – Revers : aucun. Légende au droit : [+ SIGILLUM + WILLE]L[M]US + [DE + BRAIOSA]. – Légende au revers : aucune. Photographie publiée : H. E. Salter, Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, no 6 : [SIGI]LLVM WILLE[…]. 103 Lemercier, « Analyse des réseaux et histoire ». 104 Rosental, « Une fratrie… », p. 152.

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Identifier les réseaux de fidélité dans l’entourage seigneurial Listes de témoins et récurrences des patronymes

Les listes de témoins des actes de la pratique contiennent souvent les noms de parents ou de proches de l’émetteur. Les témoins ont pour fonction juridique de certifier la véracité de ce qu’ils ont vu et entendu et de prouver la teneur d’un accord conclu. Les sources diplomatiques sont ratifiées lors de temps spécifiques, moments où se rencontrent les sphères privées et publiques de l’émetteur105. L’étude prosopographique effectuée par David Bates, à partir des chartes royales anglo-normandes, éclaire l’évolution de la fonction de témoin. Il perçoit un changement sous le règne du roi Guillaume Ier d’Angleterre : la construction diplomatique varie selon le type d’acte et influence l’élaboration des listes de témoins. Au xie siècle, les témoins sont souvent des individus ayant des intérêts propres à la ratification du document. Puis, entre la fin du xie et la fin du xiie siècle, un glissement s’opère. Les témoins ne sont plus nécessairement des parties intéressées, mais plutôt des personnes reconnues comme importantes dans l’entourage royal106. La liste de témoins signale l’apparition d’un petit groupe d’hommes aux fonctions plus administratives, formant une cour royale restreinte et permanente, distincte mais parallèle à la cour temporaire constituée des grands nobles du royaume, réunis épisodiquement sur décision du roi. Les listes de témoins offrent un aperçu des individus ayant côtoyé les seigneurs de Briouze, mais la nature des liens les unissant n’est que très rarement précisée. Les témoins peuvent être les représentants de pouvoirs locaux impliqués dans l’affaire conclue ou de l’autorité souveraine ; des personnes venues à la cour seigneuriale pour des raisons propres et inconnues, sans doute d’ordre légal ; des vassaux, venus conseiller leur seigneur ; ou des parents du seigneur, bien que ce type de lien soit généralement précisé par l’onomastique ou par l’indication du degré de parenté revendiqué. Les listes de témoins constituent un prisme déformant et incomplet de l’entourage seigneurial, puisque conçues pour répondre à des fonctions juridiques, et non pour servir d’inventaire rigoureux des personnes présentes. Listes de témoins et Domesday Book

La comparaison des listes de témoins avec l’enquête royale de 1086, connue sous le nom de Domesday Book, permet d’identifier les tenants de Guillaume Ier de Briouze parmi ses témoins107. Le prénom Robert apparaît à onze reprises parmi 105 D. Bates, « The Prosopographical Study of Anglo-Norman Royal Charters », in K. S. B. Keats-Rohan (dir.), Family Trees and the Roots of Politics. The Prosopography of Britain and France from the Tenth to the Twelfth Century, Woodbridge, 1997, p. 90-94. 106 Bates, « The Prosopographical… », p. 100-101. 107 Williams et Martin, Domesday…, p. 64 (fol. 26 v) ; p. 59 (fol. 24) ; p. 63 (fol. 25 v) ; p. 66-70 (fol. 28-29) ; p. 84 (fol. 35 v) ; p. 114 (fol. 47) ; p. 151 (fol. 61) ; p. 185 (fol. 72) ; p. 218 (fol. 82).

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les tenants de Guillaume listés dans l’enquête de 1086. Pour la centaine de Selkley, Robert de Briouze tient deux hides de Guillaume de Briouze108. Le texte original indique que le manoir de Shaw, dans la paroisse de Overton, située dans le Wiltshire, est tenue du roi en chef par Guillaume Ier de Briouze, dont le tenant est un certain Robert. Colin Flight explique que l’ajout du patronyme de Braiosa est inclus dans l’une des différentes copies de l’enquête de 1086109. Il s’agit de Robert de Briouze, beau-fils de Guillaume Ier de Briouze. Le prénom Robert est associé aux centaines de Brightford (manoirs de Broadwater, Durrington, Worthing, Lancing), et Easwrith (manoir d’Ashington) et Steyning (manoir de Buncton) dans le Sussex, aux manoirs de Hethfelton, Smedmore et à la centaine de Purbeck dans le Dorset. Ces terres ont une bonne valeur, oscillant entre des dizaines de sous et plusieurs livres, et elles se situent à proximité des terres directement gérées par Guillaume Ier de Briouze. La valeur foncière et la proximité géographique suggèrent que le chef du lignage a veillé à chaser son beau-fils. Un tenant prénommé Gilbert exploite le manoir de Clapham dans la centaine de Steyning, dans le comté du Sussex. Cet individu réapparaît sous le nom de Gilbert de Clapham dans la liste de témoins de l’acte émis par Philippe de Briouze vers 1095 à Radnor, par lequel il confirme à l’abbaye Saint-Florent de Saumur les donations de son père110. Un cas équivalent est celui de Morin, tenant de terres dans les manoirs de Thakeham, de Muntham et de Washington. Ce prénom, rare, réapparaît dans une charte normande. Morin de Saint-André est témoin de la soumission des prêtres Onfroi et Hugues à l’abbaye Saint-Florent de Saumur, le lundi 12 décembre 1093 en l’église Saint-Gervais de Briouze111. Ce patronyme évoque le toponyme SaintAndré-de-Briouze. Morin de Saint-André serait un vassal normand de Guillaume Ier de Briouze, qui l’a suivi en Angleterre après la conquête et a ainsi obtenu des terres dans la centaine d’Easwrith, dans le comté du Sussex. D’autres cas sont plus incertains. En 1086, un certain Guillaume fitz Norman détient les manoirs de Coombes, Applesham et Offington dans la centaine de Steyning, dans le comté du Sussex. Guillaume fitz Norman est témoin d’une lettre de Guillaume II de Briouze adressée à son fils, l’informant qu’il offre le manoir d’Annington aux moines de Saint-Florent de Saumur, vers 1130112. Peut-il s’agir du même homme, près de 45 ans après l’enquête royale de 1086 ? Guillaume fitz Norman serait alors âgé de près de 70 ans. Le cas d’un ancien tenant de Guillaume Ier de Briouze ayant vécu jusqu’à un âge avancé est possible, mais invite également à envisager l’hypothèse d’une éponymie : le Guillaume fitz Norman témoin de la lettre serait l’un de ses descendants confirmant les décisions de son seigneur, petit-fils de Guillaume Ier.

108 W. H. Jones, Wiltshire Domesday, Bath, 1865, p. 168, no 13. 109 C. Flight, The Survey of the Whole of England. Studies of the Documentation Resulting from the Survey Conducted in 1086, Oxford, 2006, p. 68. 110 Charte Artem/CMJS no 3476. 111 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 685-687, no 17 ; p. 687, no 18. 112 Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro.

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Cette incertitude liée au réemploi de prénoms identiques comme indication d’un lien de filiation est similaire à celle soulevée par la récurrence onomastique du nom Halsart. En 1086, un certain Halsart est tenant des manoirs de Tadworth et Little Bookham, dans la centaine de Copthorne, dans le comté du Surrey. Ce nom, particulier, apparaît dans les actes de la famille de Briouze sous le patronyme Guillaume Halsart. Il est témoin d’une notice de procès conclu à Washington, à la cour de Philippe de Briouze, au tournant du xiie siècle113. S’agit-il du même homme ? Halsart est tenant de terres situées dans le Surrey, tandis que le procès se déroule à la cour de Washington, dans le Sussex. Par la suite, Guillaume Halsart est témoin d’actes de Guillaume II de Briouze, dans la première moitié du xiie siècle114. Des doutes subsistent quant à la correspondance entre le tenant et le témoin. Néanmoins, l’originalité et la rareté du nom laisse supposer une corrélation. Huit noms de tenures du Domesday Book réapparaissent sous forme de patronymes dans des chartes du milieu du xiie siècle. Des lignées vassaliques suivent la lignée seigneuriale. Par exemple, en 1086, Guillaume Ier de Briouze exploite le manoir de Sullington, situé dans la centaine de Steyning, dans le comté du Sussex. Vers 1130, un certain Buceus de Sellintune (angl. Sullington) est témoin d’un acte de Guillaume II de Briouze115. Il est également le témoin de deux autres actes de ce même seigneur, au cours des décennies 1130-1140116. Lorsqu’il atteste pour la dernière fois un acte de Guillaume II, son fils Guillaume de Sullington est à son côté117. De même, Guillaume de Broadwater, témoin d’un acte de Guillaume II pour le prieuré Saint-Pierre de Sele, émis vers 1130118, est sans doute apparenté à Robert, tenant Broadwater en 1086. Geoffroi de Beeding, témoin du même acte, serait le descendant de l’un des exploitants de la réserve d’Upper Beeding, que Guillaume Ier de Briouze gérait directement en 1086. Élie de Ashington serait lié à Robert qui exploitait le manoir d’Ashington au nom de Guillaume Ier de Briouze en 1086119. Les cas de Robert de Shoreham et d’Olivier de Washington sont similaires120. Parmi ces témoins dont le patronyme correspond à une terre tenue par le seigneur de Briouze du roi en chef, deux noms se distinguent par leur présence fréquente dans l’entourage seigneurial. Guillaume de Lancing apparaît en 1103. En 1086, le manoir de Lancing était tenu par Robert, peut-être Robert de Briouze. Guillaume de Lancing réapparaît à cinq reprises au côté de Guillaume II de Briouze. Un rapport de vassalité peut être établi entre les deux hommes, puisque Guillaume II de Briouze confirme, au milieu du xiie siècle, le don d’une terre située dans le port de Shoreham, offerte

113 Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 164, no 198. 114 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Salter, Facsimiles…, no 11. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. 115 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. 116 Jeayes, Descriptive…, p. 7, no 9. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. 117 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. 118 Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. 119 Salter, Facsimiles…, no 6. 120 Salter, Facsimiles…, p. no 9.

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par Guillaume de Lancing à l’église Saint-Pierre de Sele, dans le comté du Sussex121. De plus, Guillaume de Lancing est témoin d’actes destinés à des bénéficiaires variés, qu’il s’agisse de l’abbaye de Fécamp122, de l’abbaye Saint-Florent de Saumur123, le prieuré Saint-Pierre de Sele124, et l’abbaye de Cluny125. Il intervient à la fois en tant que bienfaiteur pieux et comme vassal assidu. La famille de Coombes, dont le patronyme évoque le manoir que tenait en 1086 Guillaume fitz Norman au nom de Guillaume Ier de Briouze, apparaît à douze reprises comme témoin des décisions prises par les seigneurs de Briouze. Hugues de Coombes est cité parmi les témoins de Philippe de Briouze126, puis de son fils Guillaume II à sept reprises127, jusqu’au milieu du xiie siècle. Dans deux listes, le nom de Norman de Coombes, son frère, lui est associé128. Un troisième membre de leur famille, Michel de Coombes, apparaît dans la seconde moitié du xiie siècle, sans que les liens de filiation l’unissant à Hugues ou Norman soient définis. Les seigneurs de Briouze invitent à leur cour des hommes d’origines obscures et locales, qui sont aussi leurs tenants. La formation de lignées vassaliques

Certains témoins récurrents des actes des seigneurs de Briouze sont également leurs vassaux. Une autre source, émise en 1166 par l’Échiquier, confirme cette hypothèse : une liste de 17 chevaliers inféodés à Guillaume II de Briouze pour son honneur de Barnstaple, dans le comté du Devon129. Par exemple, Richard de Chartrai, tenant de Philippe de Chartrai lui-même tenant de Guillaume II de Briouze, apparaît dans un acte de Guillaume II de Briouze adressé à l’abbaye de Cluny, confirmant

121 Salter, Facsimiles…, no 11. 122 Charte Artem/CMJS no 2739. 123 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. 124 Salter, Facsimiles…, no 11. 125 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no iv. 126 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. 127 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Salter, Facsimiles…, no 6. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149ro. d’Albon, Cartulaire…, p. 149, no 217. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. Salter, Facsimiles…, no 9. 128 Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. d’Albon, Cartulaire…, p. 149, no 217. 129 Cette liste annonce 28 fiefs de chevaliers et elle distingue les inféodations des sous-inféodations. Elle indique 17 noms. Philippe de Chartrai tient 12 fiefs de chevaliers de Guillaume II de Briouze, dont 8 chevaliers sont nommés : Richard de Chartrai ; Roger de Toussaint ; Philippe, fils de Roger de Toussaint ; R. de Plaistow ; Archambault de Pilland ; Henri de Siccaville ; Richard fitz Bernard ; Hugues de Dinham. Ranulf Le Poher tient 3 fiefs de chevaliers de Guillaume II de Briouze, dont 2 noms sont cités : Guillaume Le Poher et Guillaume de Culbone. Guillaume fitz John, Gautier fitz Raoul et Hugues de Raleigh tiennent respectivement 3 fiefs de chevaliers de Guillaume II de Briouze. Guillaume de Roborough tient 1 fief de chevalier d’Archambaut des Flandres, et Archambault tient de Guillaume II de Briouze. TNA, Liber Rubeus de Scaccario, PRO E 164/2. TNA, Liber Niger Scaccarii, PRO E 36/266. W. et J. Richardson (éd.), Liber Niger Scaccarii, Londres, 1771-1774, p. 127-128. H. Hall (éd.), The Red Book of the Exchequer, Londres, 1965, vol. 1, p. 258-259.

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vers 1157-1160 les donations de son grand-père Johel de Totnes. Les biens concédés et confirmés inclus notamment l’église et le moulin de Barnstaple130. Richard de Chartrai tient un fief de chevalier dans l’honneur de Barnstaple de Guillaume II de Briouze en 1166, il est donc certain qu’il s’agisse du même homme ayant confirmé vers 1160 une donation de son seigneur concernant le même honneur. Hughes de Dinham et Hugues de Raleigh suivent une trajectoire identique : ils témoignent pour la même charte vers 1160 et réapparaissent dans la liste des chevaliers inféodés en 1166. Leurs témoignages concernent principalement des cas relatifs aux affaires locales, relevant de l’honneur pour lequel ils sont inféodés. Guillaume II hérite des vassaux de son grand-père, transmis par droit de succession suite au mariage de sa mère Aénor de Totnes avec Philippe de Briouze. L’attachement vassalique est récent, ce qui explique pourquoi ces individus ne réapparaissent pas dans d’autres situations. Au contraire, le cas de la famille Le Poher présente un parcours différent. Ils témoignent pour les seigneurs de Briouze depuis la fin du xie siècle, preuve de liens anciens entre les deux lignées. Le 30 janvier 1080, Roger Le Poher est présent lors de la donation par Guillaume Ier de diverses églises en Normandie et en Angleterre à l’abbaye Saint-Florent de Saumur131. Un certain Raoul Le Poher (lat. Radulfus le Pohier) est au côté de Guillaume II de Briouze au milieu du xiie siècle132. Ranulf Le Poher est témoin et vassal de Guillaume II de Briouze pour ses terres de Barnstaple. Son inclusion dans la liste des chevaliers inféodés en 1166 pourrait suggérer que Ranulf Le Poher ait été installé dans l’honneur de Barnstaple par Guillaume II de Briouze pour affermir son implantation nouvelle133. Le seigneur plaçait vraisemblablement des vassaux fidèles lors de l’acquisition de nouvelles terres, pour renforcer l’appropriation du lieu et consolider son autorité seigneuriale. Une double démarche apparaît : utiliser ponctuellement les vassaux locaux comme témoins pour entériner des décisions locales afin de veiller à leur acceptation, et s’entourer durablement de familles vassaliques dont la fidélité est reconnue, pour les aider à gérer les terres nouvellement acquises et les vastes domaines sous contrôle, en apportant un regard neuf qui contraste avec celui des anciens tenants déjà installés. À travers l’étude des listes de témoins, un phénomène est perceptible. Plusieurs familles sont régulièrement présentes dans l’entourage des seigneurs de Briouze lorsque ceux-ci prennent des décisions concernant la gestion de leurs domaines. Certaines familles apparaissent dès la fin du xie siècle, tandis que d’autres émergent dans les sources avec l’arrivée d’un nouveau seigneur à la tête du lignage. Plusieurs lignées vassaliques se distinguent au côté de Guillaume Ier de Briouze et perdurent sous le gouvernement de ses descendants. Certains patronymes se singularisent,

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Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no iv. Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 693-694, no 24. La famille Le Poher est déjà implantée dans le Devon depuis 1066 au côté d’Alured de Mayenne, le père de Johel de Totnes.

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en se répétant au fil du temps, pour un minimum de trois occurrences. Les Bonet, Boissey, Cocus, Sauvage, Pointel, Taillebois et Le Poher suivent la famille de Briouze depuis les origines. Parmi ces différentes lignées, la famille Sauvage (lat. Salvagius et sa variante Silvaticus) est remarquable par sa permanence et sa fréquente dans l’entourage des Briouze. Le prénom Robert est majoritaire, avec 11 occurrences134, auquel s’ajoute ceux de Geoffroy135 et Thomas136, avec respectivement une seule mention, sur un total de 34 actes émis par les seigneurs de Briouze entre 1073 et 1175 (Annexe 1 ; Graphique 1). Plusieurs individus sont désignés par le prénom Robert, sans doute le père et le fils, puisque la première inclusion dans une liste de témoins est attestée vers 1081137, et la dernière (pour la période étudiée) en 1153138. Le patronyme Sauvage serait une version francisée du terme latin silvaticus, signifiant « qui est fait pour le bois » ou « sauvage [en parlant des végétaux]139 ». La famille Sauvage a pu participer au défrichement des terres obtenues par la famille de Briouze au moment de son installation dans la marche normande. Dans ce cas, les patronymes Taillebois140 ou Yveteaux141 auraient été créés selon un processus similaire. Mais cette approche onomastique n’est pas vérifiable. Les localités dénommées Taillebois ou La-Fresnaye-au-Sauvage, situées à proximité du fief de Briouze, permettent d’envisager l’adaptation d’un toponyme en patronyme. Chaque nouveau seigneur de Briouze conserve dans son entourage les lignées vassaliques favorisées par son ancêtre, mais s’entoure de nouveaux fidèles, dont certaines sont privilégiées. Le schéma établit par Guillaume Ier de Briouze se répète sous ses descendants (Cartes 4a et 4b). Philippe a fréquemment pour témoins les Pembridge, Lancing, Vimoutiers, Comte, Harcourt et Coombes. Sous Guillaume II reviennent régulièrement les Dammartin, Lignou142, Couvert et Merle. Couvert renvoie au toponyme de l’unique fief de chevalier tenu par Guillaume II de Briouze dans le Bessin vers 1172143. Richard de Couvert apparaît à trois reprises, pour la première fois vers 1130, puis en 1153 et vers 1160144. Mais à chaque fois, il 134 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 681-682, no 15 ; p. 688-689, no 20 ; p. 689-690, no 20 bis. Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 164, no 198. Salter, Facsimiles…, no 2 ; no 6 ; no 9. NRO, Archives of the Spencer family, 1414. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. 135 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23. 136 Northampton, NRO, Archives of the Spencer family, 1414. 137 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 681-682, no 15. 138 Salter, Facsimiles…, no 9. 139 « Silvaticus », Dictionnaire latin-français, éd. F. Gaffiot, 1934, p. 1442. 140 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 681-682, no 15 ; p. 688-689, no 20. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Flight, The Survey…, p. 122. 141 Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. A.D. Manche, H 2584. Yveteaux dériverait du gaulois ivos, signifiant « if ». R. Lepelley, Dictionnaire étymologique des noms de communes de Normandie, Condé-sur-Noireau, 1996, p. 273. 142 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 693-694, no 24 ; p. 694, no 25 ; p. 695, no 27. Lignou est un village situé à quatre kilomètres de Briouze. 143 Hall, The Red Book…, vol. 2, p. 631. 144 Salter, Facsimiles…, no 9, no 10.

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témoigne d’actes de Guillaume II concernant des terres du Sussex destinées au prieuré Saint-Pierre de Sele et des biens situés à Barnstaple et ses alentours. Il ne semble donc pas y avoir de lien entre le toponyme normand et le témoin agissant en Angleterre. Le nom de Guillaume de Couvert rappelle celui d’un témoin de l’acte par lequel Johel de Totnes, grand-père de Guillaume II, fonda le prieuré de Barnstaple à la fin du xie siècle145. La connexion entre les Couvert et les Briouze, plus récente, découlerait de l’alliance conclue entre Aénor de Totnes et Philippe de Briouze. Elle perdure jusqu’au milieu du xiiie siècle146. L’importance des relations émanant des alliances matrimoniales expliquerait pourquoi, progressivement, les seigneurs de Briouze incluent davantage de parents parmi leurs témoins. En plus des fils et des épouses, les parents par alliance sont présents : Guillaume et Adam de La Carneille147 ; Richard, Guillaume, Henri et Philippe de Harcourt148 ; Eudes, Philippe et Guillaume de Dammartin149 ; Foulques et Hamon de Merle150. Leur présence se recoupe selon les actes, chartes de confirmation des biens précédemment concédés par les seigneurs de Briouze, regroupant la parenté au sens large151. La question de la fidélité et de la confiance détermine en partie le choix des témoins. L’entourage seigneurial se transmet alors de génération en génération152. Les liens d’amitié, égalitaires, sont plus difficiles à établir. Le nom de Robert Malet, mentionné vers 1130 comme témoin d’une lettre de Guillaume II de Briouze153, rappelle le patronyme de Guillaume II Malet, exilé en 1110 en même temps que Philippe de Briouze154. La singularité de l’occurrence laisse supposer que les liens d’amitié ne sont pas un critère fréquent pour établir les listes de témoins. Témoins et bénéficiaires

En plus des vassaux, parents ou amis, d’autres individus peuvent témoigner lors des ratifications des actes de la pratique : les personnes liées aux bénéficiaires des dons octroyés par les seigneurs de Briouze. Des membres de l’Église attestent fréquemment des décisions entérinées. Par exemple, lorsque le 30 janvier 1080, Guillaume Ier de Briouze concède diverses églises à l’abbaye Saint-Florent de Saumur, sont inclus

145 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 197, no 1. 146 Oxford, MCA, Annington 5. 147 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 682-685, no 16 ; p. 685-687, no 17 ; p. 688-689, no 20. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. 148 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20 ; p. 694, no 25 ; p. 695, no 27. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. Salter, Facsimiles…, no 9, no 11. 149 NRO, Archives of the Spencer family, 1414. Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. 150 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. Jeayes, Descriptive…, p. 7, no 9. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. 151 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20. Navel, « L’enquête… », p. 18, p. 32. 152 Flight, The Survey…, p. 120. 153 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 692-693, no 23. 154 Annales Monastici, éd. H. R. Luard, vol. 3, p. 214. The Anglo-Saxon Chronicle, p. 157.

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dans la liste des témoins un certain Albert, familier (lat. famulus) de Saint-Florent, ainsi que Raoul, Albaud, Goscelin de Hay, moines de Saint-Florent155. De même, le dimanche 11 décembre 1093, lorsque Guillaume Ier de Briouze fonde et dote l’église Saint-Gervais de Briouze, Serlon l’évêque de Sées, les archidiacres Baudouin et Guy, ainsi que Hugues, le dapifer de l’évêque, sont présents. Les exemples similaires sont nombreux, et les dignités ecclésiastiques varient en fonction des bénéficiaires religieux. Étudier les réseaux croisés entre bienfaiteurs des maisons religieuses dotées par les Briouze et témoins des actes de la famille permettrait d’établir les raisons de la présence de tel ou tel individu dans les listes de témoins. Par exemple, Roger Boterel, qui apparaît à deux reprises comme témoin de Guillaume Ier de Briouze à la fin du xie siècle, et qui est désigné comme l’un des hommes de Guillaume (lat. de hominibus Guillelmi Braiosensis156), est témoin d’un acte émis le lundi 12 décembre 1093 en faveur de l’abbaye Saint-Florent de Saumur. Au xviie siècle, dans son Histoire de Bretagne, Dom Lobineau constate que plusieurs membres de la famille Boterel, tels que Geoffroy, Roger, Guillaume et surtout Renaud Boterel, sénéchal du duc Geoffroy de Bretagne, sont cités dans les chartes relatives à l’abbaye Saint-Florent de Saumur157. Poursuivre une telle entreprise prosopographique pour retracer le parcours individuel de chaque nom cité dans les actes de la famille de Briouze impliquerait de dépouiller une masse considérable de documentation. Néanmoins, cette idée peut être appliquée au cas du prieuré de Sele, grâce à la qualité exceptionnelle de la documentation conservée au Magdalen College d’Oxford. Fondateurs, les seigneurs de Briouze apparaissent fréquemment dans les actes du prieuré, y compris pour confirmer les donations d’autres bienfaiteurs. Guillaume de Lancing, qui apparaît depuis 1103 au côté des seigneurs de Briouze comme leur témoin158, est aussi un bienfaiteur du prieuré : vers 1130, Guillaume II de Briouze confirme le don de Guillaume de Lancing, concession approuvée par son fils Robert de Lancing159. Une démarche similaire est attestée pour Guillaume Bernehus : sa donation, faite en même temps que celle de Guillaume de Lancing, présent dans la liste de témoin, est confirmée par son seigneur Guillaume II160. Guillaume de Lancing et son frère Nicolas sont très souvent les témoins de Guillaume II161. Bien que bienfaiteur du prieuré de Sele, Guillaume de Lancing valide les actes de son seigneur pour des maisons religieuses très diverses, telles que les abbayes de Waverley, Saumur, Fécamp et les frères chevaliers du Temple de Salomon. Il n’intervient pas

155 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2. 156 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 682-685, no 16. 157 Dom G. A. Lobineau, Histoire de Bretagne, tome III, Paris, 1707, p. 118. 158 Charte Artem/CMJS no 2739. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669 ; vol. 5, p. 198, no iv. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis. Salter, Facsimiles…, no 10. 159 Salter, Facsimiles…, no 11. 160 Salter, Facsimiles…, no 10. 161 NRO, Archives of the Spencer family, 1414. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 668-669. Salter, Facsimiles…, no 6, no 9. Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. d’Albon, Cartulaire…, p. 149, no 217. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-690, no 20 bis ; p. 692-693, no 23.

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seulement pour les actes en faveur du prieuré dont il est bienfaiteur : il agit en tant que vassal du seigneur de Briouze. En résumé, les témoins des actes émis par les seigneurs de Briouze sont principalement leurs fidèles, vassaux ou parents ; parfois des représentants d’établissements religieux patronnés, et plus rarement des autorités ecclésiastiques supérieures. Ce schéma est applicable à la trentaine d’actes émanant du pouvoir seigneurial au cours de la période étudiée. Ce système simplifié rejoint la deuxième étape du processus royal décrit par David Bates. Les témoins ne semblent pas être inclus lors de la ratification à cause de leurs liens éventuels avec le bénéficiaire. Ils reflètent plutôt les membres de l’entourage seigneurial, sorte de cour administrative plus ou moins permanente162. Une évolution est perceptible entre 1073 et 1175 (Cartes 4a et 4b). Un glissement s’opère progressivement entre Guillaume Ier et Guillaume II de Briouze quant au choix des témoins. En supposant une corrélation entre patronyme et toponyme du lieu d’origine, les aires de recrutement des témoins par chaque seigneur de Briouze peuvent être partiellement cartographiées. Sous Guillaume Ier de Briouze, les témoins sont exclusivement d’origine normande, bien que les plus anciens actes conservés pour la famille soient postérieurs à l’obtention par Guillaume de terres en Angleterre. Par la suite, la répartition est plus équilibrée de part et d’autre de la Manche, mais s’étend en fonction des nouvelles acquisitions. Deux pôles majeurs ressortent, créant un net effet de concentration autour de Briouze et de Bramber.

Conclusion : Typologie de la polarisation des affinités Une typologie des effets polarisants peut être élaborée selon trois critères : le degré d’affinité, le degré de mobilité et le degré d’implication. Il s’agit de percevoir comment les affins contribuent à la structuration de l’autorité lignagère. Le premier effet polarisant serait la concentration des différentes composantes de la parentèle autour de la figure du pater familiae, comme gage de préservation de la mémoire familiale et comme garantie du bon déroulement de la succession. Deux autres effets se combinent pour polariser les affinités vassaliques : il s’agit d’attirer puis de fixer sur un territoire donné des tenants. Ils sont ensuite impliqués aux prises de décisions seigneuriales pour renforcer leur adhésion à l’autorité, notamment pour les cas d’intégration récente. Le lien foncier créé par la tenure est complété par un lien affectif, celui de la vassalité163. Le vocabulaire employé pour désigner ces relations verticales renvoie au modèle de la famille : le seigneur est un père symbolique et le vassal un fils adoptif164. Un cas, composé de deux chartes émises par Guillaume II de Briouze, met en évidence ce principe.

162 Bates, « The Prosopographical… », p. 100-101. 163 G. Duby, Les Trois Ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, 1978, p. 92. 164 C. Heusch, La Philosophie de l’amour dans l’Espagne du xve siècle, Thèse de doctorat, Université de Paris III, 1993, p. 121.

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Carte 4a : Patronymes toponymiques des témoins en Normandie des seigneurs de Briouze (1073-1175)

Au milieu du xiie siècle, Guillaume II accorde en fief à Robert fitz Harding la terre de Brai et ses dépendances, en échange d’un quart de service de chevalier et de son hommage165. Cette charte est conclue en présence de témoins pour le parti de Guillaume II et pour celui de Robert. Quelques décennies plus tard, Robert meurt et son fils Maurice demande à recevoir le fief de son père, selon le principe de l’hérédité qui avait été accordé dans l’acte précédent. À nouveau, des témoins des deux parties sont présents. Le seigneur Guillaume II confirme au fils la possession du fief octroyé au père, selon les mêmes conditions, dont la reconnaissance par Maurice de son statut de vassal. Guillaume II de Briouze reçoit l’hommage de Maurice pour ladite terre. Lorsque Maurice devint son homme (lat. quando meus homo inde devenit),

165 Jeayes, Descriptive…, p. 7, no 9.

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Carte 4b : Patronymes toponymiques des témoins en Angleterre et au pays de Galles des seigneurs de Briouze (1073-1175)

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Guillaume lui donne en signe de reconnaissance un anneau d’or avec un saphir (lat. dedit mihi de recognitione anulum aureum cum saphiro)166. L’anneau, incrusté d’une pierre précieuse, est à la fois un gage d’amour lors des fiançailles et un insigne de pouvoir lors de l’investiture ecclésiastique167. Il symbolise l’alliance éternelle. Remis par un seigneur à son vassal, l’anneau représente le pacte conclu et rappelle à l’homme lige son serment de subordination. Un processus de dispersion, de déplacement vers l’extérieur, depuis les domaines familiaux jusqu’aux terres à sécuriser, complète la soumission à l’autorité centrale. Ce phénomène est évident pour les frères cadets, mais il est aussi perceptible pour les hommes de confiance dans l’entourage du seigneur. Ce mouvement d’externalisation des affins fait partie d’une démarche pionnière, précédant un possible mouvement de renforcement de l’autorité seigneuriale dans les domaines acquis. Cet effet centrifuge n’est que la première étape d’une implantation permanente. Les seigneurs de Briouze lancent des grappins dans plusieurs directions, avant de tester la solidité du nouveau lien établi. Dans un deuxième temps, un effet centripète s’exerce, caractérisé par l’enracinement de l’autorité seigneuriale. Le terme de polarisation, au sens d’action de créer deux pôles, prend tout son sens. En cartographiant les liens d’affinité perceptibles à travers les listes de témoins, la double implantation Briouze-Bramber est nettement visible.

166 Jeayes, Descriptive…, p. 7-8, no 10. 167 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », Pour un autre Moyen Âge. Temps, travail et culture en Occident : 18 essais, Paris, 1977, p. 349-415.

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Gérer les richesses foncières dispersées

La royauté ne confie aucun office, aucune fonction spécifique aux seigneurs de Briouze jusqu’au tournant des années 11701. Leur puissance repose sur leurs ressources foncières, nourries par les conquêtes et des mariages avantageux. En quelques années, Guillaume Ier de Briouze quitte le statut de petit seigneur inconnu de la marche normande pour celui de grand propriétaire anglais. Cette acquisition conséquente et fulgurante de terres lui permet de fonder un nouveau lignage. L’administration anglo-normande, bien structurée et développée, fournit une documentation abondante permettant d’entrapercevoir la richesse foncière de la famille de Briouze. Toutefois, les sources ne présentent pas l’ensemble du patrimoine foncier des seigneurs de Briouze avec la même intensité. Selon l’enquête de 1086 dont les résultats furent compilés dans le Domesday Book2, Guillaume Ier de Briouze détient des terres dans plusieurs régions, le Wiltshire, le Berkshire, le Hampshire, le Surrey, le Dorset et le Sussex3 (Annexe 2). En complément, les actes de la pratique conservés concernent principalement le Sussex, ce qui provoque un effet de grossissement. La conduite économique des Briouze oscille entre différentes stratégies qui combinent des approches macro et micro-économiques. Le jeu d’échelle est constant entre administration locale et gestion globale de seigneuries éparpillées et autonomes. Le pouvoir du seigneur repose sur la maîtrise du sol et des hommes4. Si le contrôle localisé est nettement perceptible dans les actes, la vue d’ensemble est plus difficilement saisissable. La richesse des Briouze repose sur leur patrimoine foncier. Les variations de richesses d’un territoire à l’autre distinguent les domaines principaux sur lesquels se concentre l’attention des seigneurs de Briouze. Cette vision d’une gestion locale et morcelée est forgée par le panel de sources conservées, dont découle un effet de concentration spatiale. La structure familiale agnatique se cristallise parallèlement à l’appropriation matérielle et mémorielle d’un territoire. A contrario de ce phénomène d’enracinement seigneurial5, le concept de nomadisme châtelain décrit l’itinérance de la haute noblesse, contrainte au déplacement pour gérer ses domaines épars. Les grands aristocrates

1 En 1173 Guillaume II de Briouze devient shérif du Herefordshire. List of Sheriffs for England and Wales from the Earliest Times to a.d. 1831, Londres, 1808, p. 59. 2 Flight, The Survey…, p. 1, note 3. 3 Williams et Martin, Domesday…. 4 M. Bloch, Seigneurie française et manoir anglais, Paris, 1960, p. 17-18. 5 D. Barthélémy, Les Deux Âges de la seigneurie banale. Pouvoir et société dans la terre des sires de Coucy (milieu xie – milieu xiiie siècle), Paris, 1984, p. 123.

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se rendent de châteaux en résidences seigneuriales afin d’inspecter leurs territoires ou suivre la cour de leur souverain.

Le capital : les terres recensées par les enquêtes royales Après la conquête, Guillaume Ier de Briouze bénéficie d’une ascension fulgurante. Ce personnage obscur devient l’un des vingt vassaux du roi les mieux dotés en Angleterre. Sa prospérité résulte de l’obtention de domaines florissants dans la région de Steyning6. L’ascension économique du premier seigneur est fortifiée par les acquisitions de ses descendants. L’étude chronologique des actes évoquant la gestion territoriale permet de cerner l’évolution du patrimoine foncier des seigneurs de Briouze. Le Domesday Book, élaboré dans les années 1085-1086, indique les toponymes et la valeur des possessions de la famille de Briouze sur le sol anglais (Annexe 2). L’administration royale fournit, au fil du xiie siècle, plusieurs types de documents – enquêtes ou enregistrements – qui permettent d’établir la progression de l’enrichissement familial. Ces actes sont conçus pour évaluer les terres ou les fiefs de chevaliers et en définir la fiscalité. La valeur foncière est fixée par certaines sources, tandis que d’autres précisent l’origine des richesses. Une typologie des principales ressources exploitées peut être élaborée selon leur récurrence, leur quantité et leur préservation parmi le patrimoine familial. Les modes de faire-valoir selon le Domesday Book

Guillaume Ier de Briouze tire ses revenus de l’exploitation de la terre. Ses terres sont réparties entre la réserve, portion cultivée en faire-valoir direct, et les tenures, fiefs concédés aux tenants sous certaines conditions reposant sur des liens personnels de vassalité. La possession de ces domaines lui confère le titre de seigneur. Il exerce sa souveraineté sur des territoires et leurs habitants, par l’exercice de la justice ou par sa protection militaire. En échange, il perçoit des services, les corvées, et des droits féodaux, les redevances et les banalités. Il est un gestionnaire, puisqu’il veille au bon fonctionnement de sa seigneurie régie par des modes de faire-valoir direct ou indirect7. Le Domesday Book est le plus ancien registre administratif produit par la royauté permettant de lister les possessions aristocratiques, de connaître l’évolution de leur valeur et la répartition entre tenures et réserves. Il identifie près de mille deux cents seigneurs et environ trente mille parcelles de terre8. En 1086, des agents sont commissionnés par le roi dans chaque comté pour mener une vaste enquête. Cette investigation liste

6 J. F. A. Mason, William the First and the Sussex Rapes, Londres, 1972, p. 13. 7 Bloch, Seigneurie…, p. 27-30. 8 S. Baxter et C. P. Lewis, « Comment identifier les propriétaires fonciers du Domesday Book en Angleterre et en Normandie », in D. Bates et P. Bauduin (dir.), 911-2011, Penser les mondes normands médiévaux, Caen, 2016, p. 208.

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Carte 5 : Les possessions de Guillaume Ier de Briouze répertoriées dans le Domesday Book

plusieurs éléments : la hiérarchie des tenants-en-chef et des sous-tenants de chaque terre ; la taille de la terre ; l’évolution de valeur de chaque terre entre le temps du roi Édouard le Confesseur (avant 1066), le temps de la conquête (1066) et le temps de l’enquête royale (vers 1086) ; la description des domaines seigneuriaux (la réserve). L’objectif de cet inventaire est d’estimer l’assiette fiscale de chaque terre et d’établir les exemptions9. Lors de la conquête de 1066, Guillaume le Conquérant prend possession de la totalité des terres anglaises. Toute terre est nécessairement tenue du roi. Autrement dit, personne, à part le roi, n’est propriétaire. Chacun doit donc s’acquitter de redevances envers le suzerain. Guillaume Ier de Briouze tient 60 manoirs du roi en chef (Carte 5 ; Annexe 2). Le manoir anglais est l’équivalent de la seigneurie française10. Le terme de manoir (lat. manerium) est une unité fiscale comportant des terres majoritairement placées en tenure ou mise en fermage, exploitées par des paysans qui s’acquittent en échange de rentes et de services. Une petite partie du manoir correspond au domaine (lat. in dominio) ou réserve, dont le seigneur conserve la production pour alimenter sa mesnie et dont les terres sont exploitées par les corvées paysannes11. La plus grande majorité de ces manoirs, 42, se situe dans le comté du Sussex. Guillaume Ier possède 13 terres 9 Flight, The Survey…, p. 62. 10 Bloch, Seigneurie…, p. 15-16. 11 Chr. Mauduit, « L’abbaye de Montebourg en Angleterre (xie-xiiie siècle) », Tabularia : Vivre des deux côtés de la Manche (xe-xiiie siècle), 2011, note 23.

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Carte 6 : Les possessions de Guillaume Ier de Briouze dans le Sussex selon le Domesday Book

dans le Dorset, et quelques terres éparses dans le Surrey (2), le Hampshire (1), le Berkshire (1) et le Wiltshire (1). Chaque entrée du Domesday Book décrit la valeur, la superficie, les ressources et le nombre d’exploitants d’un manoir (Annexe 2). Chaque manoir est divisé en deux portions plus ou moins importantes, correspondant à la part cédée à un tenant et la part conservée dans la réserve. Le Domesday Book distingue les charruées tenues des charruées de terres. L’ensemble des 60 manoirs s’étend sur 302 charruées de terres, dont 222 charruées sont confiées en tenures à 23 tenants, parfois à des sous-tenants, au nombre de 15. Guillaume Ier de Briouze tient 14 terres et conserve dans sa réserve 75,5 charruées. Ces 60 manoirs sont exploités par diverses catégories de paysans : 668 vilains, 503 bordiers, 46 serfs et 3 cottiers, soit un total de 1220 travailleurs agricoles qui exploitent 241 charruées de terres, parfois avec l’aide de bœufs, dont 11 sont répertoriés. Sur cet ensemble, le seigneur de Briouze est essentiellement détenteur de terres dans le Sussex : 42 manoirs recouvrent 268,5 charruées de terres, dont 65,5 charruées sont situées dans la réserve (Carte 6).

g é r e r l e s r i c h e sse s fo nci è re s d i spe rsé e s

Les terres domaniales anglaises au xie siècle

Quatorze manoirs sont gérés en faire-valoir direct par Guillaume de Briouze, sans tenant (Annexe 2). Sur ces 14 manoirs, seuls 2 sont situés hors du Sussex : la terre d’East Holton dans le Dorset et celle de Southcote dans le Berkshire. L’intérêt du seigneur de Briouze est focalisé sur le comté du Sussex, tandis que le Dorset semble plus délaissé. Le ratio est d’un manoir en faire-valoir direct contre 4 tenures pour le Sussex, tandis qu’il n’y a qu’un manoir en faire-valoir direct contre 13 tenures dans le Dorset. Plus précisément, les manoirs en faire-valoir direct se concentrent dans les centaines de Burghbeach et Steyning, constituant une sorte de conglomérat autour d’un axe nord-sud, le long de la rivière Adur. Le contrôle de la voie fluviale et la richesse du sol irrigué par l’Adur justifient l’attention seigneuriale. L’évolution de la valeur des terres entre le règne du roi Édouard et celui du nouveau roi Guillaume est généralement, mais pas systématiquement, précisée. Parmi toutes les terres gérées directement par Guillaume Ier de Briouze, seul le manoir de Washington bénéficie d’une augmentation de valeur, passant de 50 à 100 livres. Ce particularisme est probablement lié à la construction du château de Bramber sur l’un des 59 hides qui le constituent, ce qui en accroît l’importance. Ces terres sont majoritairement riches et prospères : leur valeur se calcule essentiellement en livres et la description du domaine indique des ressources importantes. Au contraire, les terres possédées dans le Dorset n’ont qu’un faible indice de prospérité : seule une terre est estimée à 3 livres, les autres ne valant que quelques dizaines de sous. Le Dorset, peu rentable, est confié à des tenants. Le Domesday Book en explique la raison : les terres tenues par Guillaume de Briouze dans le Dorset sont principalement constituées d’acres de prairie et de pâtures, dont la largeur et la longeur sont indiquées en « quarantaines ». Contrairement au Sussex dévolue à la culture, le Dorset est dédié à l’élevage. L’apparent délaissement du Dorset explique l’absence d’actes de la pratique émis par les seigneurs de Briouze pour leurs terres de ce comté. Quant aux terres cédées en tenure, leurs valeurs sont faibles, puisque majoritairement calculées en sous. Seules 13 des 46 tenures ont leur valeur précisée en livres, mais les plus riches ne dépassent pas la quinzaine de livres. La charruée est une unité foncière d’exploitation paysanne, qui permet d’établir la valeur agricole de la terre12. Une charruée correspond à la surface pouvant être labourée par 8 bœufs en un an. Pour la période du Domesday Book, une charrue peut labourer annuellement environ 100 acres anglaises13. Dans les îles britanniques,

12 L’historiographie propose des valeurs de conversion variées pour la hide. Christophe Mauduit estime qu’une hide équivaut à 120 acres, soit 48 hectares. Dans les îles britanniques, une acre vaut 40 ares, donc une hide est l’équivalent de 4 800 ares, soit 48 hectares. À la fin du xie siècle, en Angleterre, la hide et la charruée sont donc généralement de surface équivalente, soit 120 acres ou 48 hectares. Mauduit, « L’abbaye… », note 11. Catherine Letouzey propose des valeurs différentes, arrondies, une hide valant 100 acres ou 40 hectares. C. Letouzey, « L’organisation seigneuriale dans les possessions anglaises et normandes de l’abbaye de la Trinité de Caen au xiie siècle : étude comparée [1e partie] », Annales de Normandie, 55e année, n°3, 2005, p. 238-239, notes 122 et 126. 13 Letouzey, « L’organisation… », p. 239. Mauduit, « L’abbaye… », note 11.

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une acre vaut environ 40 ares14. À la fin du xie siècle, en Angleterre, la hide et la charruée sont généralement de surface équivalente, soit entre 100 et 120 acres. Cette équivalence explique pourquoi les termes sont parfois utilisés comme synonymes dans les ouvrages français, bien que les concepts qu’ils recouvrent soient légèrement différents, malgré une utilisation fiscale commune. Dans le Domesday Book les deux mots ont des conceptions et des valeurs distinctes. D’autres unités de mesure sont utilisées dans le Domesday Book, telle la vergée (lat. virgata), qui correspond à un quart de l’acre15, et la centaine (angl. hundred), une subdivision du comté qui équivaut à 100 hides16. Seules 5 des 14 terres administrées en faire-valoir direct ont une superficie supérieure à une dizaine de charruées. Le manoir de Washington se distingue, puisqu’il regroupe 59 hides et 34 charruées. Une charruée valant 40 hectares, 34 charruées correspondent donc à 1360 hectares, soit environ 13 kilomètres carrés. Cette surface n’est signifiante qu’en définissant le nombre de travailleurs nécessaires pour l’exploiter. Le Domesday Book précise que 120 vilains, 25 bordiers et 6 serfs travaillent dans le domaine (Annexe 2). Au total, 151 travailleurs sont affectés à l’exploitation de ces 13 kilomètres carrés, soit une dizaine de travailleurs par kilomètre carré (11,6). En Angleterre, en 1086, la population totale est estimée à près de deux millions d’individus. La population est inégalement répartie sur le territoire, variant de 4/km2 pour les régions du Lincolnshire, d’East Anglia et d’East Kent à 1/km2 pour les régions frontalières de la marche de Galles ou de l’Écosse17. Le Domesday Book ne recense que les chefs de famille : il convient de multiplier par 3,5 le nombre de travailleurs pour connaître la densité moyenne de la population rurale18. Le manoir de Washington regroupe environ 35 habitants par kilomètre carré19. La très forte densité de population dans ce manoir résulte de sa prospérité. Un sol très fertile et riche permet de nourrir un nombre important de foyers. Viennent ensuite les manoirs d’Upper Beeding, avec 28 charruées (environ 11 km2) pour 110 travailleurs, soit environ 10 travailleurs/km2 ; Steyning, avec 21 charruées (environ 8 km2) pour 78 travailleurs, soit environ 10 travailleurs/km2 ; et Findon, avec 17 charruées (environ 8 km2) pour 50 travailleurs, soit environ 7 travailleurs/km2. La moyenne de 10 travailleurs/km2 est relativement élevée par rapport aux faibles taux sur l’ensemble de l’Angleterre. En 1086, Guillaume Ier de Briouze est un puissant seigneur possessionné dans le sud de l’Angleterre, où se trouvent les riches terres fertiles, bien irriguées par un réseau fluvial exploitable. Son attention se concentre

14 Letouzey, « L’organisation… », p. 240. Mauduit, « L’abbaye… », note 10. 15 Mauduit, « L’abbaye… », note 10. La hide contient 4 vergées. Une vergée équivaut à 30 acres, soit 12 hectares. 16 Mauduit, « L’abbaye… », note 35. 17 The Domesday Book online [en ligne], disponible sur (consulté le 21 juin 2020). 18 En Normandie, la population moyenne est de 10,77 feux par km2 en 1221. Arnoux et Maneuvrier, « Le pays normand… », p. 5. 19 S. Broadberry, Br. M. S. Campbell et B. van Leeuwen, « English Medieval Population: Reconciling Time Series and Cross Sectional Evidence », Medieval Population 7, 2010.

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sur quelques terres, peu nombreuses mais densément peuplées, qui s’avèrent être sources de prospérité. L’évolution domaniale au milieu du xiie siècle

Près d’un siècle après la rédaction du Domesday Book, au cours des décennies 11601170, le Hereford Domesday complète l’enquête menée à la fin du xie siècle, en précisant les terres acquises par les seigneurs anglo-normands à l’ouest de l’Angleterre, dans le Herefordshire, du côté « anglais » de la marche de Galles. Cette source n’indique que deux données : le mode de faire-valoir et la valeur de la terre calculée en charruée20. 15 terres sont gérées par Guillaume II de Briouze en faire-valoir direct et 3 terres sont confiées à un tenant prénommé Hugues. La plupart de ces terres sont de taille réduite, oscillant entre un ½ hide et 2 hides. Mais Pembridge fait près de 9 hides21. La terre de Radnor se distingue par sa superficie et par son importance particulière dans l’histoire de la famille de Briouze (Carte 7). Depuis la fin du xie siècle, les Briouze sont implantés à Radnor, du côté précédemment gallois de la frontière, inclus dans le Herefordshire selon le Hereford Domesday22. Ses 15 hides correspondent à plus de 7 kilomètres carrés. Les actes de la pratique confirment, comme pour les domaines familiaux du Sussex, que l’attention du seigneur de Briouze se focalise sur les terres ayant les superficies les plus importantes, tandis qu’il délègue les autres terres à des tenants.

Les ressources : profits complémentaires issus du domaine Les 60 domaines familiaux anglais ont une valeur totale de 356 livres et 1936 sous – sans compter les revenus issus de leur exploitation –, soit 452 livres et 8 sous, puisqu’une livre équivaut à 20 sous. Les 14 manoirs gérés en faire-valoir direct par Guillaume Ier de Briouze totalisent 279 livres et 230 sous, soit 290 livres et 5 sous, ce qui confirme l’hypothèse que le seigneur veille attentivement à la bonne gestion de ses terres les plus prospères. Ralph Turner indique qu’un siècle et demi plus tard, l’arrière-petit-fils de Guillaume Ier de Briouze, Guillaume III, a un revenu annuel de 800 livres23. Guillaume Ier de Briouze a constitué l’essentiel du patrimoine familial, mais ses descendants surent faire fructifier le capital initial.

20 V. H. Galbraith et T. James (éd.), Herefordshire Domesday: Circa 1160-1170, Londres, 1950, p. 48 (commentaire p. 101), p. 71 (commentaire p. 122), p. 72 (commentaire p. 122-123), p. 77-78 (commentaire p. 126-127). 21 Vers 1095, Raoul de Pembridge (lat. de Pena Burga) est inclus dans la liste des témoins de Philippe Ier de Briouze, à Radnor (Charte Artem/CMJS no 3476). Il est toujours à ses côtés le 13 janvier 1103, à Salisbury (Charte Artem/CMJS no 2739). Vers 1130, Richard de Pembridge (lat. de Peneburge) est témoin d’un acte de Guillaume II de Briouze (Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545). 22 Charte Artem/CMJS no 3476. 23 R. V. Turner, « Briouze, William (III) de (d. 1211), ODNB, 2004. Plus tard, en 1316, la valeur du Gower est estimée à 300 livres : Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1038, no 877.

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Deux types de sources permettent d’entrevoir les ressources exploitées par les seigneurs de Briouze, en complément des revenus issus de la production agricole céréalière. Des recoupements peuvent être établis entre l’enquête royale de 1086 et les clauses des actes de donations émis par la famille. Les ressources de la terre selon le Domesday Book

Le Domesday Book indique neuf sources de profit différentes, plus ou moins récurrentes et plus ou moins lucratives. Pour être lucratives, ces ressources doivent être rares ou à l’inverse, peu coûteuses en entretien, sources de profit rapide, sûr et conséquent. Pour réaliser l’enquête, l’administration royale envoie localement plusieurs commissaires, trois ou quatre par circuit, chargés de répertorier les biens du royaume en répondant à une série de questions. Ces informations sont compilées par les tenants-en-chef du roi, les shérifs et les officiers locaux, qui listent les manoirs et les hommes de chaque comté. Guillaume Ier de Briouze participe à la collecte des données, en tant que tenant-en-chef du roi. Les ressources examinées, énumérées et inventoriées sont les bois et forêts, les prairies, les pâturages, les moulins, les pêcheries. Pour reprendre la célèbre formule de la Chronique anglo-saxonne, pas une seule terre n’est oubliée, pas un seul bœuf, une seule vache ou un seul porc n’échappe à la vigilance de l’enquête et tout est inscrit dans les registres24. Les ressources de la réserve proviennent des friches et des forêts. Les domaines des 60 manoirs tenus par Guillaume Ier de Briouze du roi en chef totalisent 390,5 acres de prairie. La prairie se distingue des surfaces cultivées. C’est une terre, souvent en friche, réservée à l’herbage pour nourrir le bétail. Les friches et les espaces forestiers sont indispensables à la vie agricole. Les forêts sont source de bois, à la fois combustible et matériau de construction prédominant25. Guillaume Ier de Briouze détient 28 bois. Ces bois, destinés à la construction ou à la chauffe, sont accessibles aux tenants contre une redevance. Deux de ces bois rapportent 15 deniers. La forêt est aussi un terrain de pâture. La glandée des porcs, c’est-à-dire le fait que les cheptels porcins se nourrissent des glands dans les forêts de chênes, est l’activité prédominante des espaces forestiers de la réserve seigneuriale. Guillaume Ier de Briouze possède 28 bois pour le panage de 482 porcs, dont certains placés en herbage ou fermage26. La forêt est un espace de cueillette, la chasse étant réservée au seigneur du lieu. Les ruches du seigneur de Briouze produisent 7 setiers de miel, probablement affectés à la table seigneuriale. Les forêts sont accaparées par le pouvoir seigneurial. Les tenures recensées, concédées par Guillaume Ier de Briouze à ses tenants, ne contiennent pas de portion boisée. L’intégration quasi systématique des forêts dans la réserve seigneuriale ne

24 The Anglo-saxon Chronicle, éd. D. Whitelock, Londres, 1965, p. 161-162. 25 Bloch, Seigneurie…, p. 31. 26 Marc Bloch indique que le nombre de porcs pouvant s’engraisser dans une forêt est l’indicateur de sa superficie. Mais puisqu’il ne communique pas la surface moyenne utilisée par un porc, le calcul de la superficie des 23 bois de Guillaume de Briouze est impossible.

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doit pas faire oublier les droits d’usage accordés aux paysans, négligés par les sources écrites, tels que les droits de pâture, de cueillette ou de prélèvement de bois27. Les tenants pouvaient utiliser les moulins, puisque 13 d’entre eux rapportent 98 sous et 100 deniers (plus 2 moulins sans rente), selon le principe de la banalité. La banalité est le droit selon lequel le seigneur peut exiger de ses sujets une taxe lorsqu’ils utilisent ses biens, tel que son four, son moulin ou son pressoir. Le seigneur n’a pas la jouissance exclusive de la réserve, il doit respecter les droits de la communauté paysanne, comme l’usage des communaux ou des bâtiments. Guillaume Ier de Briouze exploite un espace aquatique. 58 salines s’étendent sur les réserves seigneuriales de 12 manoirs, rapportant 170 sous et 140 deniers, ainsi que 120 ambers28 de sel (soit 17 400 kg). Puisque le sel est une denrée primordiale, les salines sont nombreuses et les profits issus de sa récolte sont importants. Sa consommation est estimée à plus de 7 kilogrammes par personne et par an29, ce qui justifie le dynamisme de sa commercialisation. C’est un produit de première nécessité, indispensable à l’alimentation médiévale en raison de ses fonctions de conservation, tant de la viande que du beurre et du poisson. Une pêcherie, rapportant 50 deniers, est attestée. L’utilisation économique de l’espace maritime est liée à l’implantation stratégique du premier seigneur de Briouze dans le Sussex, choisissant le site de Bramber pour y construire son château. Les ressources complémentaires selon les clauses diplomatiques

Dix actes de donation émis par les seigneurs de Briouze et octroyés à des établissements religieux détaillent les ressources concédées. Deux de ces actes les englobent dans la formule stéréotypée « en bois, en plaine et en eaux » (lat. in bosco et in plano et in aquis)30. Cette expression est à la fois vague et concise : les églises et leurs dépendances remises par les seigneurs de Briouze à leurs bénéficiaires ecclésiastiques incluent les ressources nécessaires à leur entretien, par extension en aliments et matériaux. Cette formule restreinte peut être amplifiée ou modifiée, comme dans l’acte par lequel Guillaume II de Briouze confie à l’abbaye Saint-Florent de Saumur la chapelle de Briouze en Normandie, dont les terres incluent des ressources en bois et en anguilles31 (lat. in anguillis quam in bosco). L’anguille est, avec le hareng, l’une des deux espèces de poisson les plus consommées32. Cécile

27 Bloch, Seigneurie…, p. 32. 28 Une amber équivaut à 4 boissiels. Un boissiel (angl. bushel) équivaut à un peu plus de 36 litres. Une amber vaut donc environ 145 litres. Au total, les 53 salines rapportent 17 400 litres (ou kilogrammes) de sel. R. E. Zupko, A Dictionary of Weights and Measures for the British Isles: the Middle Ages to the Twentieth Century, Philadelphie, 1985, p. 8-9. 29 « Sel », in M. Balard et al. (dir.), Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 2003, p. 246. 30 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20 ; p. 689-692, no 20 bis. Salter, Facsimiles…, no 5. 31 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 693-694, no 24. 32 B. Clavel, « L’Animal dans l’alimentation médiévale et moderne en France du Nord (xiie-xviie siècles) », Revue archéologique de Picardie, NS 19, 2001, p. 160.

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Le Cornec-Rochelois constate que ce poisson n’est pas seulement choisi en raison de son abondance, mais aussi pour des motivations d’ordre symbolique, liées à des codes alimentaires spécifiques de l’époque médiévale33. L’anguille est un aliment hybride, au statut ambivalent34, à la fois aliment « maigre » des périodes de jeûnes, mais aussi un aliment luxueux. L’anguille est un met de privilégiés, recherché pour son raffinement et son abondance. Les clauses précisent la ressource essentielle dont dispose la terre offerte. Il s’agit à trois reprises de salines35, à trois reprises de moulins36, mais aussi d’une vigne37. Ce sont les chartes émises par Guillaume Ier de Briouze qui détaillent le plus précisément les ressources remises lors des donations. Lorsqu’il établit l’église Saint-Nicolas de Bramber, vers 1073, il lui confie la gestion de 23 églises situées en Angleterre, leurs dîmes et leurs récoltes, mais aussi les sels et les fromages, les taureaux et les porcs, les gabelles (impôts prélevés sur le sel) et le panage, les agneaux et la laine, ainsi que le tonlieu de Steyning et la dîme sur les pêcheries, les chasses et les porcs38. Dans le Domesday Book, treize ans plus tard, seules 15 églises sont inventoriées39. Quelques années plus tard, Guillaume Ier de Briouze remet cette église Saint-Nicolas de Bramber et trois églises de Normandie à l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze. Cette dernière reçoit les moulins de Courteilles et de Briouze, du bois de chauffe et de construction, le droit de panage pour les porcs, le tiers des pêcheries et une charruée de terre avec des prairies. Un charpentier nommé Raoul, ainsi que sa terre, sont inclus dans la donation. Précédemment, en 1080, l’abbaye Saint-Florent de Saumur avait reçu les églises de Briouze, Courteilles, Écouché, Sevrai en Normandie, de Shipley, Bramber, Washington et Annington dans le Sussex. Les clauses précisent que l’église de Shipley est offerte avec une charruée de terre, ses troupeaux et animaux, une plaine en libre pâture et des forêts et des eaux. L’élevage et l’exploitation forestière complètent les rendements agricoles. Les seigneurs de Briouze valorisent les mêmes spécialités de part et d’autre de la Manche, à savoir l’élevage et l’exploitation forestière40. Sous Foulques de Merle, au tournant du xive siècle, le domaine agricole de Briouze est pauvre, dévolu alternativement à la pâture et à la culture. Les seigneurs de Briouze compensent la piètre qualité du sol, marécageux ou en friche, en valorisant l’élevage. Les troupeaux sont nourris grâce à l’herbe abondante et aux genêts qui poussent sur ces terres humides. En 1306, la

33 C. Le Cornec, « Les envies de poisson dans la littérature médiévale », Questes, no 12, 2007, p. 11-22. 34 C. Le Cornec, « L’anguille dans les textes scientifiques et littéraires médiévaux. Animal hybride et poisson de la gula », in B. Van den Abeele et P. Wackers (dir.), Reinardus: Yearbook of the International Reynard Society, no 21, 2009, p. 98-114. 35 Salter, Facsimiles…, no 9. Stevenson, The Durford…, p. 22-23, no 61 ; p. 23, no 63. 36 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, versions 1 à 3. Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no iv. 37 Charte Artem/CMJS no 3476. 38 Charte Artem/CMJS no 3490. 39 À Beeding (deux églises), Shoreham, Annington, Findon, Wiston, Coombes, Woodmancote, Shermanbury, Kingston-by-Sea (deux églises), Broadwater, Durrington, Sompting, Thakeham. 40 Arnoux et Maneuvrier, « Le pays normand… », p. 17-19.

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terre, laissée en pâture de nombreuses années, est « écorchée », les herbes brûlées pour enrichir le sol qui est ensuite cultivé brièvement, deux ou trois saisons, avant d’être à nouveau laissé en jachère. Si ces pratiques ne sont pas attestées pour les xie et xiie siècles, la relative immuabilité des techniques agraires au cours du Moyen Âge permet de supposer leur continuité, entre les usages des xie et xiie siècles et ceux des xiiie et xive siècles. Les surplus peuvent être échangés, les ports servant de plaques tournantes au commerce fluvial et maritime. L’importance des ports de Bramber et de Shoreham transparaît dans les clauses41. Ces zones de transit que forme le double pôle Bramber-Shoreham sont placées sous la protection du château de Bramber. Le choix de l’implantation castrale est quasi systématiquement lié à la volonté de contrôler un axe stratégique, qu’il s’agisse d’une frontière, d’une route, d’un cours d’eau42. Ces sites permettent de veiller à la sécurité du territoire, mais aussi de prélever divers péages et tonlieux sur les carrefours et franchissements de rivières43. Le château est conçu comme un centre administratif, gérant un territoire désigné comme la « châtellenie de Bramber » (lat. de castellaria Brembre44). Dans la charte la plus ancienne, les clauses indiquent simplement qu’un château (lat. castellum) se situe près de Steyning45. Cette terminologie vague est précisée dès le deuxième acte, à travers les mots prêtés à Guillaume Ier de Briouze, qui désigne l’« église Saint-Nicolas de mon château de Bramber » (lat. ecclesia sancti Nicholai de meo castello de Bremre46). En 1086, l’enquête royale précise que le château de Bramber se situe sur l’un des 59 hides du manoir de Washington47. L’existence d’un château à Briouze, attestée en 109748, ne réapparaît que très tardivement dans les actes de la pratique, vers 1154, lorsque Roger, comte de Hereford, informe Guillaume II de Briouze qu’il conserve la garde du château de Briouze et de sa terre en Normandie pendant encore un an49. Cette différence s’explique probablement par la valeur des terres et l’importance des revenus perçus par les seigneurs de Briouze. Ils focalisent leur attention sur leurs domaines les plus lucratifs, même si la mémoire des origines familiales normandes est cultivée. Au cours de la période comprise entre 1066 et 1175, le centre de la puissance seigneuriale rayonne depuis Bramber, dans le Sussex.

41 Salter, Facsimiles…, no 2, no 11. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. Salzman, The Chartulary…, p. 10-11, no 16. 42 G. Fournier, Le Château dans la France médiévale. Essai de sociologie monumentale, Paris, 1978, p. 161. 43 Debord, Aristocratie…, p. 90. 44 Londres, BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 r. 45 Charte Artem/CMJS no 3490. 46 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 1. Salter, Facsimiles…, no 9. Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no iv. Stevenson, The Durford…, p. 23, no 63. 47 L’un des actes de Philippe Ier de Briouze a été effectué « en sa cour de Washington », formule faisant référence à la cour seigneuriale tenue dans le château de Bramber (Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 164, no 198). 48 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21. 49 Brooke et Brooke, « 1. Hereford… », p. 185.

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Le personnel : délégation de la gestion des terres éparses Les listes de témoins sont un outil essentiel pour comprendre le fonctionnement du système féodo-vassalique mis en place par les seigneurs de Briouze. Certains individus se distinguent par l’ajout d’un qualificatif, déterminant leur fonction. Bien que ces charges n’apparaissent que ponctuellement, elles permettent d’entrapercevoir le système de délégation de l’autorité seigneuriale sur des territoires épars. Une typologie des fonctions exercées révèle le mode de gestion locale des territoires appartenant aux seigneurs de Briouze. Cette typologie repose sur la combinaison de plusieurs critères : la fréquence de leur occurrence dans les actes, la nature du pouvoir seigneurial délégué, l’importance sociale de la fonction exercée et le degré d’autonomie. Les deux sphères attachées à la maisonnée seigneuriale

La fonction la plus fréquemment mentionnée dans les actes familiaux est celle de chapelain, qui est spécifiée à 24 reprises50. Le chapelain est celui qui a la charge d’une chapelle privée et qui en perçoit les bénéfices. Il est attaché au service particulier de la cour seigneuriale, plus précisément à celui du seigneur et de sa famille. Il ne fait pas partie du clergé paroissial. Parmi les occurrences du terme « chapelain » (lat. capellanus), certains noms sont expressément liés à celui du seigneur de Briouze. Primald est le chapelain attitré de Guillaume Ier de Briouze51, Pagan est celui de Guillaume II52. Une charte du 30 janvier 108053, copiée ultérieurement vers 113054, précise que Primald, chapelain de Guillaume Ier de Briouze, a dicté et tracé cet écrit (lat. Scriptum hoc dictavit et linivit 50 Primald, chapelain de Guillaume de Briouze (Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2) ; le clerc Olivier, fils d’Herbert, chapelain de Briouze (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21) ; Robert, chapelain ( J. H. Round (éd.), Ancient Charters, Royal and Private prior to a.d. 1200, part 1, p. 11-16, no 8) ; Robert, chapelain (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20) ; Richard, chapelain (NRO, Archives of the Spencer family, 1414) ; Primald, chapelain de Guillaume de Briouze, et Richard, chapelain, et Pagan, chapelain (Salter, Facsimiles…, no 8) ; Robert, chapelain et Elias, chapelain (Salter, Facsimiles…, no 6) ; Richard, chapelain (Salzman, The Chartulary…, p. 7, no 9) ; Pagan, chapelain (Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545) ; Pagan, chapelain (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 694, no 25) ; Primald, chapelain de Guillaume I de Briouze, et Pagan, chapelain de Guillaume II de Briouze (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-692, no 20 bis) ; Pagan, chapelain de Guillaume II de Briouze, et Olivier, chapelain de Guillaume II de Briouze (Salter, Facsimiles…, no 10) ; Elias, chapelain, et Alexandre, chapelain des infirmes (Salter, Facsimiles…, no 9) ; Robert, chapelain (Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no iv) ; Onfroi, chapelain, et Guillaume de Hay, chapelain (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 693-694, no 24) ; Pagan, chapelain (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 695, no 27) ; Pagan, chapelain (A.D. Manche, H 2584). 51 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2. Salter, Facsimiles…, no 8. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-692, no 20 bis. Son nom est toujours associé à celui de Guillaume de Briouze. 52 Un chapelain du nom de Pagan (lat. Paganus capellanus) apparaît également à plusieurs reprises, sans que le nom du seigneur de Briouze lui soit associé (Salter, Facsimiles…, no 8, no 10. Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-692, no 20 bis ; p. 695, no 27. A.D. Manche, H 2584). Ce qualificatif est aussi utilisé comme patronyme (Payen Le Chapelain : A.D. Manche, H 2584). 53 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2. 54 Salter, Facsimiles…, no 8.

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Primaldus ejusdem Braiosensis Willelmi capellanus). En plus d’être un guide spirituel, le chapelain assure le rôle de scribe, voire de responsable des archives familiales. Cette fonction d’archiviste recoupe le pouvoir délégué à un autre type de témoin, le clerc. Neuf clercs sont mentionnés55. Le clerc est un membre de l’Église. Il est souvent employé par un personnage officiel et exerce des fonctions de secrétariat, telle la tenue des registres ou l’expédition de lettres nécessaires à l’exécution des décisions prises par le seigneur. Le clerc Olivier (lat. Oliverus clericus) se distingue parmi les actes des seigneurs de Briouze56. Le clerc Olivier, fils d’Herbert, chapelain de Briouze, est au côté de Guillaume Ier puis de Philippe de Briouze57. Il exerce les fonctions de scribe (lat. Oliverus qui scripsit hanc cartam58). Une première catégorie de personnel, formée par les membres du clergé, assiste les seigneurs de Briouze par leurs compétences liturgiques en veillant à leur salut, et par leur maîtrise de l’écrit, qui en font les scribes et archivistes désignés de la famille. Un second groupe aide les seigneurs de Briouze à préserver le bien-être de leur mesnie. Plusieurs hommes occupent des charges privilégiées parmi leur maisonnée et évoluent dans leur sphère intime. Un certain Roger exerce auprès de Guillaume II de Briouze en 1153 les fonctions de chambellan (lat. camerarius). Le chambellan est chargé de garder la chambre à coucher du seigneur, de veiller à sa sécurité et à l’approvisionnement de sa maisonnée59. Cette fonction n’apparaît qu’une seule fois dans la documentation, et son prestige semble limité puisque ce Roger n’est pas identifié à un patronyme le rattachant à une lignée précise de vassaux (lat. Rogerius camerarius). Au contraire, la charge de dapifer est attribuée par Guillaume II à un témoin récurrent des actes familiaux, Simon Comte60. Cette fonction lui est attribuée quelques années après l’arrivée au pouvoir de Guillaume II, puisque les premières listes de témoins ne précisent pas cette fonction, qui n’apparaît que dans deux actes plus tardifs (lat. Simon Comes qui tunc erat dapifer61). Le dapifère (lat. dapifer) désigne l’écuyer tranchant, le « porte-plat » de la table seigneuriale, également chargé du ravitaillement et du contrôle de la domesticité. Le terme de dapifère est souvent associé, dans les dictionnaires généralistes, à la charge de sénéchal62. Mais les chartes de la famille de Briouze distinguent les deux fonctions (lat. dapifer/senescaldus). Guillaume II confie ces fonctions à deux

55 Le clerc Olivier, fils d’Herbert, chapelain de Briouze (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21) ; le clerc Olivier (Salter, Facsimiles…, no 8) ; les clercs Grimbald, Hugues et Durand (Salter, Facsimiles…, no 6) ; le clerc Olivier (BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro) ; le clerc Pagan ( Jeayes, Descriptive…, p. 7, no 9) ; le clerc Olivier (Salter, Facsimiles…, no 11). 56 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21. Salter, Facsimiles…, no 8, no 11. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. 57 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21 ; p. 693-694, no 24. 58 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20. 59 Salter, Facsimiles…, no 9. 60 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 688-689, no 20 ; p. 689-692, no 20 bis. Salter, Facsimiles…, no 6, no 8. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 149 ro. d’Albon, Cartulaire…, p. 149, no 217. 61 Salter, Facsimiles…, no 8. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 689-692, no 20 bis. 62 « Dapifer », Larousse. « Sénéchal », Encyclopédie Universalis. M. Balard et al. (dir.), Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 2003, « Sénéchal », p. 247 ; « Dapifer », p. 82.

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proches, Simon Comte et Guillaume de Harcourt63. La fonction de sénéchal apparaît précocement. Princaud, sénéchal de Philippe de Briouze, est déjà attesté le 24 mai 109764. Ledit Princaud est un frère de la société de l’abbaye Saint-Florent de Saumur (lat. Princaldus, senescallus Philippi, qui erat frater societatis Sancti Florentii). Choisir son sénéchal parmi les familiers de l’abbaye pourrait s’expliquer à la fois par la volonté de renforcer les liens récents avec Saint-Florent-de-Saumur, mais aussi par l’absence d’un homme proche et de confiance dans l’entourage familial. Plus tard, Guillaume II de Briouze choisit un sénéchal issu de sa parenté, Guillaume de Harcourt (lat. senescaldus meus Willelmus de Harecurt65). Guillaume est le fils cadet d’une fille de Briouze et de Robert Ier de Harcourt, c’est-à-dire qu’il est le cousin germain de Guillaume II par sa mère, sœur de Philippe de Briouze. Il est membre de l’entourage de Guillaume II, puisqu’il atteste plusieurs de ses actes66. En tant que parent, les liens de sang assurent une certaine forme de légitimité et de confiance justifiant la délégation par Guillaume II d’une partie de son autorité seigneuriale. Un sénéchal est par définition commandant de la domesticité et responsable des finances, des troupes armées et d’une partie de la justice dans sa sénéchaussée67. En plus de ses attributions financières et militaires, ses fonctions judiciaires lui permettent d’exercer un contrôle sur les prévôts. Ceux-ci sont des officiers de justice subalternes, qui ont pour rôle de régler et de juger les affaires de première instance, mineures, et donc ne relevant pas de la juridiction du sénéchal68. Le prévôt exerce aussi le rôle d’intendant d’un domaine seigneurial. Il perçoit les rentes et les taxes. Deux prévôts apparaissent dans les listes de témoins : un certain Bodin (lat. Bodinus prepositus) est au côté de Philippe de Briouze vers 109669, et le prévôt nommé Durand est inclus dans le parti de Guillaume II de Briouze (lat. ex parte Willelmi de Braiosa) dans un procès l’opposant à l’abbaye Sainte-Trinité de Fécamp70. Chapelains et clercs d’une part, chambellans, dapifères et prévôts, supervisés par les sénéchaux d’autre part, forment deux sphères complémentaires rattachées à la maison seigneuriale. Ils exercent des fonctions administratives, judiciaires, militaires et veillent à l’intendance des différents domaines. Depuis la fin du xie siècle, les seigneurs de Briouze délèguent des portions de leur autorité à des hommes de confiance qui les assistent localement. Progressivement, ce processus de délégation s’intensifie, suivant l’accroissement des domaines à gérer. Guillaume Ier de Briouze avait simplement recours aux hommes d’Église pour le conseiller et compiler sa documentation. Philippe introduit des officiers auxquels il délègue des portions de son autorité en son absence, ce qui lui permet de gérer ses terres dispersées.

63 Guillaume de Harcourt: Marchegay, « Chartes normandes… », p. 694, no 25 ; p. 695, no 27. Salter, Facsimiles…, no 9, no 10, no 11. 64 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21. 65 Salter, Facsimiles…, no 11. 66 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 694, no 25 ; p. 695, no 27. Salter, Facsimiles…, no 9, no 10, no 11. 67 Balard et al., Dictionnaire…, p. 247, « Sénéchal ». 68 Balard et al., Dictionnaire…, p. 218, « Prévôt ». 69 Marchegay, « Chartes normandes… », p. 687-688, no 19. 70 Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545.

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Sous son gouvernement apparaissent les charges de sénéchal et de prévôt. Guillaume II, quant à lui, améliore son confort personnel et renforce son statut de grand seigneur en ajoutant les fonctions prestigieuses de chambellan et de dapifère à sa domesticité. Il choisit comme sénéchal un membre de sa parenté, signe du renforcement symbolique du lignage. Déléguer la gestion territoriale

Princaud, sénéchal de Philippe de Briouze, atteste seul, sans son seigneur, une affaire conclue entre l’abbaye Saint-Florent de Saumur et le clerc Olivier, fils d’Herbert, chapelain de Briouze. Cet acte est émis le 24 mai 109771. Or, vers 1095-1096, Philippe de Briouze est au pays de Galles, dans son château de Radnor72. Il est donc plausible qu’en 1097 il soit toujours éloigné de ses terres continentales. Princaud est chargé de veiller sur le domaine de Briouze en l’absence de son maître. Le cas de Guillaume de Harcourt, sénéchal de Guillaume II de Briouze, est plus difficile à retracer. En 1153, il est témoin d’une confirmation de Guillaume en faveur du prieuré Saint-Pierre de Sele, approuvant le don d’une terre, située dans le port de Shoreham, par l’un de ses vassaux, Guillaume de Lancing73. Guillaume de Harcourt est au côté de son seigneur lors de la validation de cette donation. Il n’agit pas seul, en l’absence de Guillaume II. Cet acte est peut-être établi au château de Bramber, puisqu’il a été préservé parmi les archives du prieuré de Sele74. Ces différentes données permettent de supposer la situation suivante : Guillaume de Harcourt est le sénéchal de Guillaume II de Briouze pour ses terres du Sussex. Lorsque son maître vient visiter son domaine de Bramber, il organise, à la demande du prieuré de Sele, la confirmation par Guillaume II des offrandes de plusieurs vassaux, à savoir Guillaume de Lancing75, Guillaume Bernehus76 et Raoul de Saint-Ouen77 (Fig. 15). Dans les trois cas, Guillaume de Harcourt est présent parmi les témoins de la confirmation. La figure de Guillaume de Harcourt, sénéchal de son cousin Guillaume II, permet de constater une autre évolution dans la constitution du personnel seigneurial. Un basculement s’opère : les hommes de confiance du seigneur sont de moins en moins issus des cercles ecclésiastiques, et sont de plus en plus reliés à leur maître par des liens de parenté. Cette situation, encore exceptionnelle au xiie siècle, deviendra systématique à la génération suivante. Cette évolution laisse supposer une éducation administrative des élites laïques hors du cadre du clergé78.

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Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21. Charte Artem/CMJS no 3476. Salter, Facsimiles…, no 11. La datation (1153) et la localisation (Château de Bramber) sont des hypothèses fondées sur la correspondance entre la confirmation de cette donation émise par Guillaume de Lancing, et la confirmation du don d’un autre vassal de Guillaume II, Raoul de Saint-Ouen, rédigée en 1153 au château de Bramber. La similitude entre les deux cas laisse supposer une élaboration simultanée. Salter, Facsimiles…, no 11. Salter, Facsimiles…, no 10. Salter, Facsimiles…, no 9. Aurell, Le Chevalier…, p. 181.

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Fig. 15 : Sceau de Guillaume II de Briouze79. Oxford, MCA, Annington 3. Dessin © Amélie Rigollet, à partir de H. E. Salter (éd.), Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, no 9

Les charges : indices d’une stratégie d’extension territoriale79 Au début du xiie siècle, parmi les témoins attestant une décision de Philippe de Briouze, émise à la cour de Washington, est mentionné un certain Bucy (lat. Buceus), shérif (lat. vicecomes80) de Bramber81. Selon Judith Green82, Bucy serait en fait l’homme appelé Raoul fils de Landry de Boissey (lat. Radulfus Landrici de Boceio filius), inclus dans une liste de témoins de Guillaume Ier de Briouze le 30 janvier 108083. Elle suppose que le nom Bucy serait une déformation du patronyme d’une famille bien établie en Normandie, celle de Boissey. Il semble cependant douteux qu’en une vingtaine d’années la mémoire du patronyme se soit perdue, le prénom oublié, l’orthographe déformée et la particule tombée. Cette association reste une hypothèse, les preuves d’une similarité étant trop faibles pour être pleinement acceptées. De plus, en 1080, Ralph de Boissey n’est pas qualifié de vicecomes.

79 1153. Au château de Bramber. Sceau dans un étui de lin aujourd’hui disparu, dont une photographie en noir et blanc subsiste. Sceau rond, dont la bordure inférieure est endommagée, de cire rouge. Droit : Équestre à droite. Un cheval au galop portant un cavalier coiffé d’un casque conique à nasal, de type normand, tenant un écu de la main gauche et une épée levée de la main droite. – Revers : aucun. Légende au droit : † S[IGILLUM WILLELMI DE] BRAOSA. – Légende au revers : aucune. 80 Le 24 mai 1097, un certain Gosbert (lat. Gosbertus vicecomes) est témoin au côté de Princaud, sénéchal de Philippe Ier de Briouze, lors d’une donation de l’abbaye de Saumur au clerc Olivier, chapelain de Briouze (Marchegay, « Chartes normandes… », p. 690-691, no 21). Gosbert exerce ses fonctions en Normandie : le domaine de Briouze est inclus dans sa juridiction. 81 Van Caenegem, English Lawsuits…, vol. 1, p. 164, no 198. 82 J. A. Green, English Sheriffs to 1154, Londres, 1990, p. 81. 83 Bates, Regesta…, p. 797-804, no 266, version 2.

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Jusqu’à la grande enquête de 1170, les shérifs sont des personnages puissants, détenant d’importants pouvoirs judiciaires, militaires et fiscaux. Sur le plan fiscal, ils doivent transmettre à l’Échiquier les comptes des différents domaines inclus dans leur juridiction et veiller à la justesse des revenus indiqués par les intendants puis prélevés par les impôts. Hommes trop influents, ils sont perçus comme une menace par Henri II qui organise la destitution de tous les shérifs après l’enquête de 1170, suivie de leur remplacement par des sujets d’extraction plus modeste, donc plus malléables et contrôlables84. Les seigneurs sont étroitement surveillés par des fonctionnaires royaux, chargés d’assurer l’intégrité des impôts versés à l’Échiquier, et donc à la Couronne. Les charges dues dans le Domesday Book

Certaines terres anglaises sont tenues par le roi Guillaume en tant qu’héritier d’Édouard. Elles sont exemptées du paiement du Danegeld, également nommé geld85. Selon Colin Flight, ces exemptions seraient dues à l’aberration pour le roi d’exiger de lui-même, en tant seigneur du manoir, de s’acquitter de taxes qu’il se reverserait à lui-même, en tant que souverain. Par imitation, les tenants du roi en chef lui réclament des exemptions. Guillaume Ier de Briouze ne paie pas de geld pour son manoir de Washington, dans le Sussex, qu’il tient du roi en chef. Il s’agit de son manoir le plus important du Sussex, où il choisit d’établir le château de Bramber. Ce manoir ayant une valeur de 100 livres en 1086, cette exemption est signe de la faveur royale. De même, le manoir de Steyning d’une valeur de 25 livres, est exempté. Les manoirs de Findon (£28, 10s.) et celui d’Offington (26s.) sont également exonérés, ainsi qu’une terre à Clapham, une à West Chiltington et une à Old Shoreham. Parmi ces terres, certaines sont même gérées par des tenants de Guillaume de Briouze. D’autres manoirs ne paient la geld que pour une portion des charruées : par exemple, celui de Kingston-by-Sea n’est taxé que pour 6 charruées sur les 15 du manoir ; celui de Sompting, pour 2 charruées et 3 vergées sur les 11,5 charruées ; celui de Lancing, pour 5 charruées et 1 vergée sur 12 charruées. En plus du Danegeld, taxe destinée, à l’origine, au financement des armées royales, d’autres impôts sont mentionnés dans le Domesday Book. Guillaume Ier de Briouze doit s’acquitter de la herdigelt, une taxe sur les foyers (angl. hearth-tax86), pour son manoir d’Upper Beeding, situé dans la centaine de Burghbeach, dans le comté du Sussex87. Cette réflexion sur les charges dues par Guillaume Ier de Briouze ne permet pas d’estimer son taux d’endettement auprès du roi, faute de précision sur le

84 J. Boorman, « The Sheriffs of Henry II and the Significance of 1170 », in G. Garnett et J. Hudson (dir.), Law and Government in medieval England and Normandy, Cambridge, 1994, p. 255-275. 85 Flight, The Survey…, p. 62. 86 D. Roffe et K. S. B. Keats-Rohan (dir.), Domesday Now: New Approaches to the Inquest and the Book, Woodbridge, 2016, p. 131. 87 Annexe 2 – Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book.

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fonctionnement de la geld dans la source qu’est le Domesday Book88. Un schéma se dessine. Les manoirs exemptés sont de terres essentielles pour les Briouze, placées le long d’axes de communication, fluvial et terrestre. Les charges dues dans les pipe rolls

Les terres taxées dans les pipe rolls sont celles qui ont été ajoutées aux domaines familiaux depuis le Domesday Book. En 1130, Philippe est pardonné pour le non-versement au Trésor royal de 4 sous de Danegeld, pour une terre située dans le domaine royal de Losfeld dans le Berkshire89. Or, dans le Berkshire, Guillaume Ier de Briouze ne tenait en 1086 que le manoir de Southcote, dans la centaine de Reading. La détention d’une nouvelle terre dans le Berkshire est taxée. De même, Philippe doit s’acquitter de 16 sous pour une terre de la centaine de Totnes dans le Devon90. Il s’agit vraisemblablement du non-versement du Danegeld pour le manoir de Barnstaple, part de la dot de son épouse, Aénor, fille de Johel de Totnes91. Entre 1155 et 1175, Guillaume II de Briouze s’acquitte de plusieurs types de redevances. Le Danegeld est fréquemment prélevé pour différentes terres92. Parmi les 39 mentions des pipe rolls, un versement se distingue par l’importance du montant et par sa fréquence. Une dette de mille marcs est rappelée annuellement et sans interruption à partir de 1158, soit 17 occurrences. Cette somme est due pour sa part de l’honneur de Barnstaple, dans le comté du Devon, qu’il tient en héritage de sa mère Aénor93. Cependant, Guillaume II de Briouze ne s’acquitte jamais de sa dette, et ne verse même pas une portion de la somme due en gage de bonne volonté. Le montant est simplement reporté d’une année à l’autre. Un marc équivaut au deux tiers d’une livre, soit 13 sous et 4 deniers. La dette due pour l’honneur de Barnstaple équivaut donc à 666 livres, 13 sous et 4 deniers, soit une somme supérieure à la valeur totale des 60 domaines inclus dans le Domesday Book (£452 et 8s.). De 1168 à 1175 – jusqu’à ce qu’il soit quitte de la somme – Guillaume il doit annuellement 28 marcs pour une ancienne inféodation située dans l’honneur de Totnes, dans le Devon. Il s’agit vraisemblablement de l’écuage94, une taxe instaurée en Angleterre au xiie siècle par Henri II. Elle était versée en remplacement du service militaire dû par les vassaux lorsque ceux-ci ne l’avaient pas accompli. En 1169, Guillaume de Briouze doit 10 marcs pour l’entretien des sergents95. En 1170, il 88 Avant-propos de J. C. Holt dans Fr. W. Maitland, Domesday Book and Beyond: Three Essays in the Early History of England, Cambridge, 1996 [1987], p. xiv. 89 GRP, Michaelmas 1130, p. 56, p. 82, p. 99, p. 124. 90 GRP 1130, p. 124. 91 The Pipe Roll of 31 Henry I, Michaelmas 1130, Londres, 1929, PRS NS 0, p. 124. 92 En 1162, Guillaume II doit 4 livres et 10 sous pour ses manoirs du Herefordshire (GRP, a.d. 1161-1162, p. 59) ; en 1165, il doit 16 livres, 13 sous et 4 deniers pour ses terres du Devon (GRP, a.d. 1164-1165, p. 80) ; en 1167, il doit 1 marc pour sa terre de Speen dans le Berkshire. 93 La dette est répertoriée dans les pipe rolls pour le comté du Sussex, et non pour celui du Devon où se situe la terre. 94 GRP, a.d. 1174-1175, p. 61. 95 GRP, a.d. 1168-1169, p. 136.

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doit 28 marcs d’écuage pour ses chevaliers d’une ancienne inféodation du Devon, pour l’armée navale du roi96. Ce même écuage est renouvelé annuellement de 1171 à 117597. Il est alors pardonné pour le non-versement. L’identification de cet écuage est plus complexe : il s’agissait peut-être de compenser les dommages subis par la flotte royale touchée par une tempête lors de la traversée de la Manche en mars 117098. Les profits répertoriés par les shérifs et énumérés dans les pipe rolls incluent les fermes des comtés. Chaque année, l’Échiquier tire des revenus prélevés sur la mise en location de certains domaines royaux99. L’essor de l’affermage est l’une des principales évolutions survenues dans la gestion des domaines anglais entre le milieu du xiie et le milieu du xiiie siècle. Les manoirs sont gérés par des officiers locaux qui sont responsables devant leur seigneur de la comptabilité domaniale100. En 1155, Guillaume II de Briouze s’acquitte de 4 livres et 15 sous pour la ferme de Colindene, dans le Surrey101. En 1165, il verse 60 marcs pour une terre tenue en fermage de l’archevêque de Cantorbéry102. La mention de ces nouvelles terres tenues en fermage par Guillaume II de Briouze ne met malheureusement pas en évidence de stratégie d’acquisition territoriale cohérente. De 1173 à 1175, il doit verser annuellement une somme pour une ferme dans le Herefordshire : 37 livres, 12 sous et 11 deniers en 1173, 31 livres et 4 sous en 1174 puis 9 livres, 18 sous et 9 deniers en 1175. Chaque année, il remet à l’Échiquier une partie du total dû. Bien que les noms des terres tenues dans le Herefordshire ne soient pas précisés, ces mentions des pipe rolls peuvent être recoupées avec celles du Herefordshire Domesday, compilé entre 1160 et 1170103. Le site de Radnor, où sont implantées une forteresse et une cour seigneuriale depuis Philippe de Briouze, correspond au manoir le plus vaste détenu par le lignage dans la marche de Galles jusqu’au milieu du xiie siècle. Les possessions frontalières du lignage sont constituées de diverses terres éparses, réparties sur une quinzaine de sites différents (Carte 7). Les charges versées par les seigneurs de Briouze révèlent l’obtention de nouveaux territoires, tenus du roi en chef. Le Domesday Book, établi en 1086, montre l’importance du Sussex dans le projet d’implantation sur le sol anglais de Guillaume Ier de Briouze. Les pipe rolls, compilés dans la seconde moitié du xiie siècle, font apparaître la nouvelle stratégie planifiée par Guillaume II de Briouze, petit-fils de Guillaume Ier. Il convoite des terres situées à l’ouest de l’Angleterre, dans le Devon et dans le Herefordshire, le long de la marche de Galles. Les sommes considérables

96 GRP, a.d. 1169-1170, p. 99. 97 GRP, a.d. 1170-1171, p. 26 ; a.d. 1171-1172, p. 100 ; a.d. 1172-1173, p. 146 ; a.d. 1173-1174, p. 91 ; a.d. 1174-1175, p. 61. 98 J. Le Patourel, « Le gouvernement de Henri II Plantagenêt et la mer de la Manche », Hors-série des Annales de Normandie, vol. 2, 1982, p. 327-329 et p. 332. 99 R. Cassidy, « Pipe rolls: A Simplified Flowchart », Pipe rolls for beginners, 2011. 100 P. D. A. Harvey, « The Pipe Rolls and the Adoption of Demesne Farming in England », The Economic History Review, NS, vol. 27, no 3, 1974, p. 345. 101 Hall, The Red Book…, vol. 2, p. 654. 102 GRP, a.d. 1164-1165, p. 80, p. 91, p. 108. 103 Galbraith et James, Herefordshire…, p. 48, p. 71-72, p. 77-78.

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Carte 7 : Les terres de Guillaume II de Briouze dans la marche de Galles selon le Herefordshire Domesday

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dues pour l’honneur de Barnstaple confirment l’intention de Guillaume II, qui souhaite stabiliser ses domaines occidentaux. Ce n’est qu’en observant le schéma d’ensemble que les pointillés formés par les différentes terres répertoriées par l’Échiquier prennent forme. La projection de Guillaume II est nettement focalisée à l’ouest, sur la marche de Galles, intention qui sera reprise et accentuée par son fils, Guillaume III de Briouze.

Conclusion : Gérer le polycentrisme territorial Les seigneurs de Briouze gèrent leurs possessions territoriales selon un mouvement répétitif, sinusoïdal. Ils obtiennent de nouvelles terres grâce à la faveur royale ou des mariages avec de riches héritières. Ils consolident ces nouvelles acquisitions par le faire-valoir direct ou indirect, par la gestion des ressources, par l’installation de vassaux fidèles et de personnels compétents. Ce processus achevé, ils renforcent de nouveaux domaines précédemment convoités. Ce mouvement relie, par étapes, les domaines normands centrés sur Briouze à ceux entourant Radnor au pays de Galles, en passant par Bramber dans le Sussex et Barnstaple dans le Devon. Les terres exploitées en faire-valoir direct par les seigneurs de Briouze se concentrent autour de ces pôles, notamment celui de Bramber. À l’inverse, les zones périphériques sont concédées en faire-valoir indirect à des tenants. Ces pôles sont les pointillés d’une même ligne directrice, tournée vers l’ouest. Cette orientation s’explique par l’aptitude des seigneurs de Briouze à être des seigneurs pionniers. Ils privilégient les sites récemment contrôlés par la royauté anglo-normande et ils assurent la sécurité de place-fortes frontalières. L’alternance constante entre gestion locale et stratégie globale explique l’installation d’officiers chargés de relayer localement l’autorité seigneuriale. La charge de sénéchal est révélatrice de la dispersion des territoires seigneuriaux, puisqu’elle traduit la nécessité de remplacer localement un seigneur absent. À l’inverse, le nomadisme châtelain des premiers seigneurs de Briouze est difficilement perceptible, faute de sources pour établir précisément leur itinéraire. Ce manque de documentation crée l’impression d’une gestion fragmentée des domaines épars. Le seigneur focalise son intérêt sur les territoires nouvellement acquis tandis que les plus anciens domaines familiaux sont confiés à des sénéchaux. La gestion des différents domaines semble fractionnée, sans cohésion apparente. Les interventions ponctuelles des seigneurs de Briouze, perceptibles à travers les actes de la pratique et, indirectement, à travers les enregistrements royaux, suggèrerait plutôt la mise en place d’un réseau territorial multipolaire. Le fief originel de Briouze, bien que symboliquement essentiel à la mémoire lignagère, est rapidement délégué car peu rentable, tandis que l’attention seigneuriale se concentre sur le pôle vital de Bramber, socle durable de la richesse familiale. L’importance de ce fief dans la conception familiale est accentuée par un effet de source. L’enquête de 1086 démontre l’importance financière de ce pôle et des terres environnantes. Au tournant du xive siècle, Bramber est toujours le centre névralgique à partir duquel les domaines familiaux sont gérés. Un abrégé du Domesday Book,

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Fig. 16 : Abbaye de Neath. © Amélie Rigollet, photographie prise le 6 mai 2013

probablement compilé à l’abbaye de Neath (Fig. 16), dans le Glamorgan au pays de Galles, inclut une représentation du château de Bramber. Cette copie a été rédigée du temps du roi Édouard Ier, à la fin du xiiie ou au début du xive siècle104. Dans les marges, en face des possessions des seigneurs de Briouze est ajoutée l’abréviation « Br », renvoyant au patronyme Briouze. Un dessin, esquissé dans une marge, représente le château familial de Bramber, cœur territorial du lignage105. Plus que Briouze, c’est le fief de Bramber qui est la source de la puissance familiale. Son obtention est le point de départ d’un vaste et durable mouvement d’extension territoriale par le lignage. Les revenus qui en découlent assurent l’assise financière nécessaire à la prospérité et à l’ambition familiale. Et c’est la perte de ce domaine qui coïncidera avec la fin de la lignée. ⁂ La participation des seigneurs normands de Briouze au vaste mouvement de « diaspora aristocratique106 » qui suit la conquête de l’Angleterre en 1066 est à l’origine de leur ascension socio-économique. Leur développement est rapide et remarquable, notamment grâce à l’obtention du riche honneur de Bramber, dans le Sussex. Leur puissance repose sur l’exploitation du sol, par la mise en valeur des deux pôles seigneuriaux que sont Briouze et Bramber. Progressivement, le cœur du pouvoir seigneurial se décentre vers l’ouest, de Briouze à Bramber, puis vers le pays de Galles. Ce glissement s’explique par leur rôle de seigneurs pionniers, à l’origine de leur progression territoriale, sociale et économique. Cette première phase d’expansion se transforme lors de l’arrivée de Guillaume III de Briouze à la tête de la seigneurie. S’ouvre alors une seconde phase de mobilité, celle de l’enracinement seigneurial et de la dilatation du patrimoine foncier précédemment acquis. 104 E. M. Hallam, Domesday Book Through Nine Centuries, Londres, 1986, p. 45-47. 105 Manuscrit de fin du xiiie ou au début du xive siècle, Kew, TNA, E 164/1, Breviate of Domesday Book, fol. 29 vo. 106 Bartlett, The Making…, p. 44.

Deuxième partie

1175-1211

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1175 est une année charnière dans l’histoire des Briouze. Un pallier est franchi : le nombre d’actes relatif à la famille se densifie et les mentions dans l’historiographie médiévale se multiplient (Graphique 6). Les raisons de cette intensification sont liées à l’évolution de la production diplomatique, dans le contexte de la « révolution documentaire » du xiie siècle1. Surtout, Guillaume III de Briouze parvient à nouer des relations étroites avec le pouvoir royal. Après avoir fait preuve de ses compétences seigneuriales et militaires dans la marche de Galles à la fin du xiie siècle, il est distingué par le souverain qui favorise son ascension. Une nouvelle étape est gravie au tournant du xiiie siècle : de seigneur de la marche il devient un « favori » royal. Les sources mettent en évidence la proximité entre cet aristocrate et le roi. Guillaume III instaure une nouvelle stratégie territoriale ambitieuse, caractérisée par une grande mobilité : intensification de l’itinérance curiale et extension des domaines contrôlés. Mais l’absentéisme seigneurial est le corollaire de l’augmentation de ses déplacements. Guillaume III déploie une dynamique spatiale particulière pour compenser son éloignement, oscillant entre manœuvres politiques à l’échelle locale et globale. 7%

13%

5%

75%

Emetteur d'actes Confirmateur d'actes Témoin d'actes royaux Bénéficiaire d'actes royaux

Graphique 6 : L’activité diplomatique de Guillaume III de Briouze

1 Chastang, « L’archéologie… », p. 263.

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Tableau de filiation 4 : La fratrie de Berthe de Hereford, épouse de Guillaume II de Briouze

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Tableau de filiation 5 : La fratrie de Guillaume III de Briouze

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Tableau de filiation 6 : Les enfants de Guillaume III de Briouze et de Mathilde de Saint-Valéry

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De pionnier à occupant : expansion castrale dans la marche de Galles

En 1175, la famille de Briouze est solidement implantée au pays de Galles. Les conquêtes de Philippe, réalisées à la fin du xie siècle, lui permettent de s’établir à Radnor et à Builth. Le processus d’acquisition de ces terres n’est pas décrit par les sources diplomatiques ou narratives. Celles-ci ne font qu’attester, indirectement et ponctuellement, la présence des seigneurs de Briouze en terre galloise. Par mariage et héritage, les seigneurs de Briouze complètent leurs possessions précédemment acquises par conquête. Brecon (Fig. 17) et Abergavenny redoublent au sud les domaines de Builth et Radnor. Leur acquisition est fortuite, découlant de hasards heureux dans la transmission patrimoniale, résultat avantageux de stratégies d’alliances matrimoniales visant à consolider l’implantation galloise. Berthe de Hereford, mariée à Guillaume II de Briouze au milieu du xiie siècle, apporte au patrimoine familial de nouveaux points d’ancrage gallois qui complètent les seigneuries de Radnor et de Builth1. Les seigneuries de Brecon et d’Abergavenny échoient en partage à Berthe et à son époux2. Berthe est l’héritière de son grand-père Bernard de Neufmarché, seigneur de Brecon, de son père Milon de Gloucester et de ses frères, Roger, Gautier, Henri et Mahel de Hereford (Tableau de filiation 4). Après le décès en 1165 de Mahel, dernier fils survivant, l’héritage familial est réparti entre les trois filles, Berthe de Briouze, Marguerite de Bohun, et Lucie fitz Herbert. Berthe reçoit les terres galloises de Brecon et d’Abergavenny3. David Walker précise que cet ensemble territorial compact est complété par des domaines anglais de Brinsop, Humber, Gattertop, Bodenham et Glasbury, situés dans le Herefordshire4. L’unité territoriale formée par le quadrilatère Builth-Radnor-Brecon-Abergavenny5, d’ouest en est et du nord au sud, est graduellement complétée sous le gouvernement de Guillaume III de Briouze (Carte 8). Pour cela, il infléchit sa démarche selon deux principes : densification et extension. Il densifie ses acquis par le contrôle

1 M. Lieberman, The March of Wales, 1067-1300: A Borderland of Medieval Britain, Cardiff, 2008, p. 17. 2 La possession de l’honneur de Barnstaple par Guillaume II de Briouze est attestée en 1158 (GRP, a.d. 1155, 1156, 1157, 1158, Londres, 1844, vol. 0, p. 183). Le château de Glasbury est mentionné dans un accord conclu entre Guillaume III de Briouze et Gautier de Clifford vers 1186 (I. W. Rowlands, « William de Braose and the Lordship of Brecon », BBCS, vol. 30, Cardiff, 1983, p. 133). 3 M. Lieberman, The Medieval March of Wales. The Creation and Perception of a Frontier, 1066-1283, Cambridge, 2010, p. 73. 4 D. Walker, « The ‘Honours’ of the Earls of Hereford in the Twelfth Century », Transactions of the Bristol and Gloucestershire Archaeological Society, 1960, vol. 79, p. 192-193. 5 Rowlands, « William… », p. 125, Map : « The Lordship of Brecon in the late 12th Century ».

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Fig. 17 : Château de Brecon, dont les ruines sont aujourd’hui intégrées à un hôtel. © Amélie Rigollet, photographie prise le 29 juillet 2011

plus ou moins permanent de places fortes, soit en les possédant en fief, soit en les gardant au nom du roi, soit en détenant leur tutelle. En parallèle, il étend ses acquis par une stratégie d’appropriation allant du nord au sud, depuis le fief originel de Radnor jusqu’au canal de Bristol et l’estuaire de la Severn6. Il connecte par la mer ses domaines gallois à ses terres du Devon, concentrées entre Barnstaple et Totnes, possessions également transmises par sa mère Berthe.

Densification de l’implantation galloise Un ensemble territorial compact

Le cheminement suivi par Guillaume III de Briouze repose sur des influences anciennes, héritées des premières incursions normandes en terres galloises, qui avaient elles-mêmes tiré profit de la pénétration et de l’implantation romaine entre le ie et le ive siècle7. Le legs romain fut réutilisé plus ou moins volontairement par

6 R. A. Griffiths, « Medieval Severnside: the Welsh Connection », in A. Griffiths (dir.), Conquerors and Conquered in Medieval Wales, R. New York, 1994, p. 1-18. 7 A. Sherman et E. Evans, Roman Roads in Southeast Wales Desk-based Assessment with Recommendations for Fieldwork, rapport no 2004/073, projet no GGAT 75, C.A.D.W., septembre 2004, p. 4.

de pionnier à occupant : expansion castrale dans la marche de galles

les envahisseurs normands aux xie et xiie siècles8. Il consistait en un réseau de places-fortes, comprenant notamment Abergavenny, Caerphilly, Cardiff, Coelbren, Gelligaer, Loughor, Neath, Penydarren, Usk, Chepstow, Miskin et Monmouth9. La fixation d’un habitat civil romain redoublait ces bases militaires10. Ce réseau de fortifications était solidifié par un lacis routier. Ces axes de communication reliaient les forteresses entre elles. Cet ensemble était conçu comme un outil d’assujettissement, permettant un contrôle accru et rapide sur les populations locales. Andy Sherman et Edith Evans établissent quatre principaux axes de communication au sud-est du pays de Galles, associant entre elles plusieurs localités : « Caerleon, Cardiff, Neath et Loughor (RR60/RRX41) ; Neath, Coelbren et Brecon (RR622) ; Cardiff, Caerphilly, Gelligaer, Penydarren et Brecon (RR621) ; Caerleon, Usk, Abergavenny et Brecon (RR62a) ». Deux autres voies, établies avec moins de certitude, desservent « Caerleon à Caerphilly (RRX65) ; Monmouth à Usk (RR612b)11 ». Le rapport proposé par Andy Sherman et Edith Evans nuance la désignation traditionnelle de Via Julia pour nommer la section correspondant actuellement à la route RR6012. Elle est qualifiée par l’appellation Via regalis, entre Cardiff et Loughor, dans les chartes de l’abbaye de Margam aux xiie-xiiie siècles13. Au xixe siècle, John Marius Wilson supposait que la Via Julia avait été nommée en l’honneur du propréteur (lat. propraetor) Julius Frontinus, qui dirigea la conquête du sud du pays de Galles. Il la définit comme une ancienne route romaine reliant Bath, Caerwent, Caerleon au sud du pays de Galles. En passant l’estuaire de la Severn, elle devient la Via Julia maritima (angl. the Portway), qui attache Ewenny, Neath, Loughor à Carmarthen. Une section, la Via Julia montana, ferait une boucle partant de Neath pour rejoindre Brecon, en passant par la vallée de la Towy, Abergavenny et Usk, avant de rejoindre Carmarthen14. Ces appellations, bien qu’incertaines, désignent commodément le réseau routier romain, dont les traces subsistent encore au Moyen Âge15. L’intensité des interconnexions entre les diverses zones urbaines romaines est démontrée par Ivan Margary, qui reconstitue les itinéraires des routes romaines parcourant l’espace gallois. Brecon apparaît comme un pôle important, nœud de communication au carrefour de six voies différentes16. L’unité territoriale galloise appartenant à la famille de Briouze, formée par le quadrilatère précédemment décrit, est un ensemble fragile puisqu’établi dans une zone de marche, instable et floue par définition. Cet avant-poste est consolidé par

8 É. Papin, L’Aristocratie laïque du Glamorgan et l’abbaye de Margam (1147-1283), Thèse de Doctorat, Université d’Angers, 2016, p. 145-147 et p. 153-154. 9 Sherman et Evans, Roman Roads…, p. 4. 10 Sherman et Evans, Roman Roads…, p. 11-12, fig. 1 et fig. 2. 11 Sherman et Evans, Roman Roads…, p. 4. 12 Sherman et Evans, Roman Roads…, p. 7. 13 Papin, L’Aristocratie…, p. 148, n. 670. 14 J. M. Wilson, The Imperial Gazetteer of England and Wales, 1872, vol. 6, p. 990. 15 A. Reynolds et A. Langlands, « Travel as Communication: A Consideration of Overland Journeys in Anglo-Saxon England », World Archaeology, vol. 43/3, 2011, p. 410-427. 16 I. D. Margary, Roman Roads in Britain, Londres, 1973, p. 315-357.

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deux autres ensembles, regroupant des possessions familiales, dans le Herefordshire et le Devon. Les axes terrestres de pénétration à l’est du pays de Galles partent du Herefordshire, suivent les vallées de Radnor (angl. Walton basin) au nord, et de la rivière Usk au sud, reliées par l’axe nord-sud formé par la rivière Wye, qui rejoint Builth. Le transport maritime entre Barnstaple et le sud du pays de Galles complète ces voies d’accès17. Ce groupement irrégulier, sorte d’archipel domanial, dessine une première trame géostratégique que Guillaume III cherche à compléter et à relier au cours des années suivantes. Entre la fin du xie et le xiiie siècle, le rôle joué par les seigneurs de Briouze dans la marche de Galles est double. Ils poursuivent leurs activités de guerriers pionniers et ils endossent des responsabilités déléguées par la monarchie, en tant que gardiens des acquis anglo-normands. Les intérêts généraux et particuliers, royaux et familiaux, s’entremêlent alors dangereusement. Ce glissement ne s’opère pas nettement et se traduit par une présence de plus en plus prégnante sur le sol gallois. La facilité et la rapidité de circulation par la mer justifient le vif intérêt de Guillaume III pour le sud du pays de Galles. L’accès maritime garantit une intervention rapide des forces anglaises en cas de difficultés sur le sol gallois. Cette ouverture a aussi des avantages économiques, puisque les ports gallois sont des lieux d’interaction commerciale avec l’Angleterre18. Pour accroître ce bloc territorial, Guillaume obtient notamment le château de Swansea (118719) (Fig. 18) et la péninsule du Gower (1200-120320). La mobilité maritime, outil de gestion domaniale

En 1203, à l’apogée de sa puissance, Guillaume III de Briouze possède de nombreuses terres, éparpillées sur quatre royaumes. Chaque lieu constituant ce patrimoine dispersé est administré de manière autonome, par des officiers ou des parents à qui Guillaume confie la gestion en son absence21. Apanage des grands aristocrates, l’itinérance châtelaine permet au seigneur de visiter et de surveiller ces terres éloignées, se focalisant sur les zones à risque. Le principe du nomadisme châtelain induit une grande mobilité afin de relier rapidement les différents pôles22. Prenant en compte le caractère insulaire de la majorité de ses terres, Guillaume III de Briouze choisit de développer ses compétences navales afin de pouvoir s’émanciper 17 Guillaume III étend ses terres dans une double perspective de transport terrestre et maritime, notamment en obtenant l’honneur de Tetbury dans le Gloucestershire. Power, « The Briouze… », p. 347. 18 Papin, L’Aristocratie…, p. 156. 19 GRP, Michaelmas 1190, Londres, 1925, PRS NS 1. 20 G. Th. Clark (éd.), Cartae et alia munimenta quae ad dominium de Glamorgan pertinent, vol. 2 (1192-1270), p. 254, no 253 ; p. 287-288, n°283 ; vol. 3 (441-1300), p. 177, no 687 ; p. 234-235, no 748. Th. D. Hardy (éd.), Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1 (1201-1216), p. 19b. 21 Simon de Chartrai est présenté comme sénéchal de Guillaume III de Briouze dans le Devon (H. G. Richardson (éd.), The Memoranda Roll (1199-1200), Londres, 1943, p. 75). Guillaume de Burghill agit au nom de Guillaume pour ses terres de Brecon. Brock Holden le qualifie de constable (Br. W. Holden, Lords of the Central Marches. English Aristocracy and Frontier Society, 1087-1265, Oxford, 2008, p. 153). 22 Faucherre, Gautier et Mouillebouche, Le Nomadisme….

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Fig. 18 : Château de Swansea. © Amélie Rigollet, photographie prise le 29 juillet 2011

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des contraintes liées au transport maritime et fluvial. Son cas est-il comparable à celui des Vituli, famille anglo-normande contemporaine des Briouze, définie par Laurence Jean-Marie comme appartenant à une « aristocratie de la mer23 » ? Activités et réseaux de la famille Vituli sont structurés par les connexions transmanches, lui permettant de jouer un rôle d’interface24. Guillaume de Briouze parvient-il à développer un système maritime aussi complet et abouti ? Dès 1177, Guillaume III dispose de sa propre nef, qu’il loue comme moyen de transport contre rémunération25. Le développement du port de Shoreham, à proximité de Bramber dans le Sussex, siège anglais des Briouze, facilite le passage entre l’île et le continent. En 1184, sa nef, conduite par Alain Tranchemer, effectue même un voyage en Espagne au service du roi26. Alain Tranchemer est un marin réputé, auquel la famille royale fait fréquemment appel pour traverser la Manche27. En 1188, son fils Alain et plusieurs matelots sont rémunérés pour avoir fait le trajet entre Southampton et Dieppe à bord de la nef de Guillaume de Briouze, sur commandement du roi28. En 1190, les 42 marins ayant fait la traversée jusqu’à Jérusalem sur la nef de Guillaume sont rémunérés29. Ses différents transports révèlent une diversité des distances parcourues, vers l’Outremer ou à l’intérieur du royaume30. En 1198, Guillaume reçoit 33 sous pour la location de sa nef, louée pour transporter des vivres jusqu’au pays de Galles31. Par la suite, Guillaume de Briouze conduit lui-même son navire, puisque le 25 mars 1201, le roi Jean informe ses baillis de La Rochelle de l’envoi d’une nef chargée de biens, conduite par Guillaume de Briouze, porteur de la présente lettre, qui doit prendre le chargement au nom du roi32. Ces différents cas indiquent que ponctuellement, Guillaume de Briouze loue ou conduit sa nef pour servir le roi. Les actes de la pratique n’indiquent pas le nombre de navires possédés par Guillaume de Briouze mais révèlent sa capacité à assurer son propre transport, facilitant ainsi sa mobilité.

23 L. Jean-Marie, « Une aristocratie de la mer ? L’exemple de la famille anglo-normande des Vituli (xiie-xiiie siècles) », in D. Bates et P. Bauduin (dir.), 911-6011. Penser les mondes normands médiévaux, Caen, 2016, p. 475. 24 Jean-Marie, « Une aristocratie… », p. 481. 25 GRP, a.d. 1176-1177, Londres, 1905, vol. 26, p. 17 ; a.d. 1178-1179, vol. 28, p. 35. 26 GRP, a.d. 1183-1184, Londres, 1912, vol. 33, p. 86. 27 É. Barré, « Le droit maritime médiéval en Normandie », Annales de Normandie, no 5, 1997, p. 515. 28 GRP, a.d. 1187-1188, Londres, 1925, vol. 38, p. 172. 29 GRP, Michaelmas 1190, Londres, 1925, PRS NS 1, p. 9. Ce transport coïncide avec le départ pour la croisade de Richard Cœur de Lion. La désignation « Jérusalem », employée dans l’enregistrement de la Chancellerie royale, doit être comprise au sens de Terre Sainte, puisque Jérusalem est alors tenue par Saladin. 30 M. Arnoux, « Border, Trade Route, or Market ? The Channel and the Medieval European Economy from the Twelfth to the Fifteenth Century », ANS 36, 2014, p. 47. 31 GRP, Michaelmas 1198, Londres, 1932, PRS NS 9, p. 150-151. 32 Th. D. Hardy, « Rotuli Normanniae in Turri Londinensi asservati Johanne Angliae Regi (1200-1204) », MSAN, tome XV, 1846, p. 101-102. Le 4 mars 1203, Guillaume est exempté d’une taxe sur sa nef, dont il devait s’acquitter sous forme de tonneaux de vin (Th. D. Hardy, Rotuli Normanniae, vol. 1 (1200-1417), Londres, 1835, p. 81). Est-ce le signe que Guillaume commerçait du vin de Bordeaux qu’il importait grâce à sa nef ?

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Le cas de Guillaume de Briouze diffère de celui des Vituli pour quatre raisons. Guillaume est le premier membre de son lignage à développer l’utilisation du transport maritime, tandis que les Vituli sont présentés comme des marins (lat. nautici) dès leur apparition dans les sources dans les années 1140-116033. Guillaume agit seul, sans support familial, alors que les Vituli bénéficient d’un réseau parental34. Ce groupe familial tire l’essentiel de ses revenus de ses activités maritimes, contrairement à Guillaume de Briouze, qui ne semble dégager que des ressources complémentaires à son capital terrien. Au tournant du xiiie siècle, les Vituli sont déjà pleinement des aristocrates de la mer, puisque leur fortune et leur puissance dépendent de leurs activités maritimes, tandis que le projet maritime de Guillaume n’en est qu’à ses balbutiements et ne semble être conçu que comme une fonction d’appoint. Enfin, les domaines normands de Guillaume ne se situent pas en bordure du littoral de la Manche, contrairement à ses implantations insulaires35. Guillaume III de Briouze développe sa circulation fluviale et maritime pour favoriser l’essor économique de ses terres. Bramber dans le Sussex, Totnes et Barnstaple dans le Devon, Swansea dans le Gower et Limerick dans le Munster, ont tous une localisation fluviale, en fond d’estuaire36, prouvant l’existence d’un schéma d’ensemble et la mise en place d’une stratégie territoriale tournée vers la mer37. Le seigneur de Briouze relie ces différents pôles par cabotage, navigant le long des côtes, de port en port. Cette tactique d’organisation territoriale, ouverte sur la mer, offre un accès au ravitaillement ou permet la fuite en cas de menace. Elle complète la fonction de seigneurs pionniers, défenseurs des frontières du royaume, qui a fait le succès des premiers seigneurs de Briouze.

Les Briouze, gardiens et protecteurs de châteaux de la marche Mathilde de Briouze et la défense du castrum Matildis (1198)

Le rôle joué par Mathilde de Saint-Valéry, épouse de Guillaume III de Briouze, lors d’une escarmouche survenue en 1198, varie selon les sources narratives. Les Annales de Worcester, rédigées au début du xive siècle, mentionnent brièvement qu’en 119838 : « est commis un massacre de Gallois au château de Mathilde par dame Mathilde, épouse de Guillaume [III] de Briouze ». Le château de Paincastle est parfois identifié dans les sources comme castrum Matildis, en hommage à Mathilde qui sût le défendre (Fig. 19 et 20). Le fait que ce château fut gardé et défendu vaillamment par une femme explique peut-être le succès de cet épisode, fréquemment repris dans les sources et utilisée 33 34 35 36 37 38

Jean-Marie, « Une aristocratie… », p. 476-477. Jean-Marie, « Une aristocratie… », p. 489. Jean-Marie, « Une aristocratie… », p. 491. Arnoux, « Border… », p. 48-49. Jean-Marie, « Une aristocratie… », p. 475. Annales de Worcester (MS Cotton Caligula A. x), éd. H. R. Luard, Londres, 1868, vol. 4, p. 388 [1195].

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Fig. 19 : Panorama de la motte castrale de Paincastle (orientation Nord-Sud). © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011

Fig. 20 : Panorama de la motte castrale de Paincastle (orientation Est-Ouest). © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011

comme point de repère temporel à d’autres évènements39. La version de Matthieu Paris, écrite au milieu du xiiie siècle est un peu plus détaillée. Elle utilise également le prénom Mathilde pour désigner cette place-forte40 : Alors que le roi Richard se rendit au-delà de la mer pour combattre, tous les Gallois insurgés en une innumérable multitude assiégèrent le château de Mathilde, dévastant la terre de Guillaume de Briouze. Wenunwen était à leur tête. Cette fois, le rôle joué par Mathilde n’est nullement précisé. L’attention de l’auteur est focalisée sur les dévastations provoquées par les Gallois sur les terres de Guillaume III de Briouze en l’absence du roi Richard, parti sur le continent. L’assiégeant, Gwenwynwyn ap Owain (gall. Wenunwen) est prince du Powys depuis 1195 : il ambitionne de contrôler une vaste portion du pays de Galles en annexant les territoires voisins, dont ceux des Briouze. Le rôle joué par Mathilde dans la protection des domaines familiaux est parfois diminué dans les récits. Dans sa Chronica Magistri, Roger de Howden éclipse la

39 Le 13 août 1198, le roi Richard concède une charte à Cato ap Moreheus Le Diveis. La défaite des Gallois face à Geoffroy fitz Peter, justicier d’Angleterre, lors du siège du château de Paincastle appartenant à Guillaume de Briouze, est utilisée comme référent temporel. L. Landon (éd.), The Itinerary of King Richard I, Londres, 1935, PR NS 13, p. 132, no 513. 40 Matthieu Paris, Abbreviatio Chronicorum, éd. Fr. Madden, Londres, 1869, vol. 3, p. 217 [1198].

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protection exercée par Mathilde au profit de l’intervention de Geoffroy fitz Peter, en tant que justicier d’Angleterre, qui est décrit comme le sauveur de Mathilde41 : Après avoir rassemblé une grande armée, Geoffroy fitz Peter, justicier d’Angleterre, se mit en route pour le pays de Galles afin de venir en aide aux hommes de Guillaume de Briouze, que Gwenwynwyn frère de Cadwallon, assiégeait au château de Mathilde. Les récits de Roger de Howden et de Matthieu Paris se rejoignent, puisque la Chronica Magistri indique que l’attaque galloise est menée par Gwenwynwyn ap Owain, frère de Cadwallon. Ce récit est néanmoins plus détaillé puisque la violence de l’attaque est longuement décrite, enjolivée pour accentuer le mérite de Geoffroy fitz Peter42. Dans sa Chronica Majora et son Historia Anglorum Matthieu Paris réutilise le propos de Roger de Howden, dont il copie plusieurs passages, notamment l’extrait relatif au siège de Paincastle43. Bien que son rôle défensif soit atténué par les sources narratives, Mathilde occupe une position stratégique dans le réseau familial. C’est une « femme guerrière44 », qui veille à la sécurité d’une place-forte déterminante, en l’absence de son époux. La modification du toponyme en l’honneur de Mathilde révèle l’impact de son intervention, valorisée dans l’esprit de ses contemporains. Son rôle est d’autant plus important que le site du castrum Matildis est stratégique. Il se situe au cœur des domaines gallois tenus par la famille, au centre du quadrilatère formé par Builth-Radnor-Abergavenny-Brecon. Guillaume III de Briouze, protecteur de la frontière au nom du roi Les Briouze, shérifs du Herefordshire

La densification de l’implantation dans la marche de Galles sous Guillaume III de Briouze s’appuie sur les réalisations paternelles et ancestrales. Guillaume II avait consolidé les premières bases établies par son père Philippe au cœur des territoires gallois, à Radnor et Builth, en affermissant ses appuis frontaliers, dans le Herefordshire. Son mariage avec Berthe, fille de Milon de Hereford, puis l’obtention de la charge de shérif du Herefordshire, entre Pâques 1173 et la Saint-Michel 117545, concrétisent cette stratégie. Sa nomination par le roi Henri II au poste de shérif est sans doute liée

41 Roger de Howden, Chronica Magistri, éd. W. Stubbs, Londres, 1871, vol. 4, p. 53. 42 Le nombre de trois mille sept cents Gallois tués par les troupes anglo-normandes, donné par les sources narratives, est l’expression symbolique d’un grand nombre de morts, plutôt qu’un décompte réel des victimes. R. Delort, La Vie au Moyen Âge, Paris, 1982, p. 70-71. 43 Matthieu Paris, Chronica Majora, éd. H. R. Luard, Londres, 1872, vol. 2, p. 447. Matthieu Paris, Historia Anglorum, éd. Fr. Madden, Londres, 1869, vol. 2, p. 247. 44 M. Aurell, « Les femmes guerrières (xie-xiie siècle) », Famille, violence et christianisation au Moyen Âge. Mélanges offerts à Michel Rouche, Paris, 2005, p. 319-330. 45 List of Sheriffs…, p. 59.

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à la grande révolte de 1173-1174. Les dates coïncident et il est probable que Guillaume conserve son poste en raison de sa loyauté. Guillaume III bénéficie de la puissance paternelle acquise grâce à l’extension patrimoniale, de la fidélité familiale à la couronne et du principe de transmission héréditaire des charges. Ses prouesses militaires personnelles dans la marche de Galles accroissent son influence. Il reçoit en 1191 la charge de shérif précédemment tenue par son père, fonction qu’il occupe jusqu’en 120046. William Alfred Morris note qu’un phénomène de continuité s’applique au personnel administratif, notamment pour les shérifs, entre les règnes d’Henri II et de Jean47. Les actes ne mentionnent pas explicitement le titre de shérif, mais aux périodes citées, les seigneurs de Briouze rendent compte au Trésor d’importantes sommes pour la ferme du Herefordshire48. Les années 1170 marquent un tournant dans l’histoire du lien entre la famille et le pouvoir royal, puisque la charge de shérif du Herefordshire est la première trace d’une reconnaissance officielle du rôle de gardien protecteur des régions frontalières joué par les Briouze. Guillaume III, gardien de châteaux royaux

Guillaume III obtient de nouvelles responsabilités, signe de la confiance croissante que lui accorde le pouvoir royal. À partir de 1187, les rois successifs lui confient la garde de plusieurs châteaux royaux implantés au pays de Galles. Le roi délègue un homme loyal dans des zones sensibles. Le service de garde castrale49 (norm. estage ou lat. custodia) étant l’une des trois formes du service militaire (lat. auxilium) dû par un vassal à son seigneur, parallèlement au service d’ost et de chevauchée, parts du système féodal d’obligations positives d’aide et d’assistance50. Élodie Papin démontre le lien de causalité entre période de crise et renforcement du service de garde pour les châteaux du Glamorgan, la construction et la gestion de chaque château étant adaptées à un contexte local particulier. Elle remarque un parallèle entre des mesures défensives enregistrées dans les pipe rolls et des évènements rapportés par les Annales de Margam51. À travers le service de garde castrale, Guillaume III de Briouze est

46 À l’exception d’une période de six mois comprise entre la saint-Michel 1198 et Pâques 1199, où la charge de shérif du Herefordshire est attribuée à Gautier de Clifford, sous surveillance de Guillaume de Briouze. List of Sheriffs…, p. 59. Les deux hommes sont parents, et plusieurs actes témoignent d’une gestion commune pour certains domaines. W. A. Morris, The Medieval English Sheriff to 1300, p. 144. 47 Morris, The Medieval…, p. 163. 48 Guillaume II tient cette ferme en 1174 et 1175. Les rouleaux indiquent les profits engrangés et les sommes versées par Guillaume III, qui tient la ferme de 1193 à 1201. En 1193, il verse 25 livres, 15 sous et 6 deniers. En 1194, il verse 32 livres, 4 sous et 2 deniers. En 1196, 12 livres et 3 deniers, et en 1197, il rend compte de 164 livres, 16 sous et 5 deniers, il verse au Trésor 45 livres, 19 sous et 2 deniers. En 1198, il rend compte de 144 livres, 16 sous et 5 deniers, il verse au Trésor 42 livres, 15 sous et 3 deniers. En 1199, il rend compte de 80 livres, 48 sous et 2 deniers, il verse 6 livres, 16 sous et 6 deniers. En 1200, il rend compte de 144 livres, 16 sous et 5 deniers, il verse 9 livres, 19 sous et 9 deniers. En 1201, il verse 16 livres et 10 sous. 49 Papin, L’Aristocratie…, p. 187-191. 50 Barthélemy, Les deux âges…, p. 608. 51 La comparaison est faite pour les années 1183-1184. Papin, L’Aristocratie…, p. 189.

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impliqué dans les conflits opposant les pouvoirs princiers gallois au roi d’Angleterre. Les dates de ses services et les mesures défensives prises coïncident avec des temps de crispations frontalières. Le roi concède à Guillaume la garde de châteaux royaux répartis à divers endroits stratégiques du pays de Galles. Ces cessions ont lieu en deux temps, une première période au début de la décennie 1190, puis au début de la décennie 1200. La première vague de concession débute à partir de 1187, Guillaume garde les châteaux de Llawhaden, Carmarthen et Swansea52. Pour cela, il doit s’acquitter de 527 livres et 10 sous. En 1191, il reçoit 10 marcs pour escorter une garnison vers le château de Carmarthen53. En 1192, il reçoit 10 marcs pour renforcer les fortifications des châteaux royaux54. À la même période, il assiste ponctuellement le château de Bristol en transportant du ravitaillement et des soldats, et il reçoit la garde du château de Gloucester, afin de superviser les travaux de restauration des remparts55. En 1191 et 1192, le roi ajoute les châteaux de Knighton et de Norton à la garde de Guillaume56. Ces différentes concessions royales sont remises à Guillaume dans une période de relatif apaisement, au moment du mariage de sa fille Mathilde avec Gruffydd ap Rhys, et avant la forte période de crise l’opposant au prince du Deheubarth, Rhys ap Gruffydd, au milieu de la décennie 1190. En lui confiant les châteaux de Carmarthen et Llawhaden57, sur le territoire de Dyfed58, au sud-ouest du Deheubarth, le roi Richard offre à Guillaume de Briouze un point d’entrée en territoire ennemi, lui permettant de s’opposer plus facilement à son rival. C’est pourquoi, après l’attaque de son château de Radnor en 1196, Guillaume peut mener des troupes incendier Cardigan (gall. Aberteifi), situé à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Carmarthen59. Une période d’une dizaine d’années sépare les deux vagues de concessions. Le changement de règne bénéficie à Guillaume III de Briouze. Au début du xiiie siècle, Guillaume reçoit la garde du pôle castral composé des trois châteaux voisins

52 GRP, Michaelmas 1190, Londres, 1925, PRS NS 1. 53 GRP, Michaelmas 1191 and 1192, Londres, 1926, PRS NS 2, p. 93. Les descendants de Guillaume revendiqueront à plusieurs reprises la garde du château de Carmarthen, en se référant à cette période. 54 GRP, Michaelmas 1191 and 1192, p. 308. 55 GRP, Michaelmas 1191 and 1192, p. 93. 56 GRP, Michaelmas 1191 and 1192, p. 77 ; Michaelmas 1193. 57 Llawhaden est l’un des châteaux établis le long de la frontière, parfois désigné sous le nom de Landsker Line. Au début du xiie siècle, le roi Henri Ier décide de chasser les Gallois du Pembrokeshire (des cantrefs de Rhos et Penfro notamment), pour y installer des colons anglais et flamands, créant une colonie. S. Meecham-Jones, « Where was Wales ? The Erasure of Wales in Medieval English Culture », in R. Kennedy et S. Meecham-Jones (dir.), Authority and Subjugation in Writing of Medieval Wales, New York, 2008, p. 34. 58 I. W. Rowlands, « The Making of the March: Aspects of the Norman Settlement in Dyfed », Proceedings of the Battle Conference on Anglo-Norman Studies, vol. 3, 1980, p. 142-156. 59 Annales Cambriae, éd. P. M. Remfry, Londres, 2007, p. 185 : Annal B, PRO E. 164/1 ; p. 60.

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Fig. 21 : Château de Grosmont. © Amélie Rigollet, photographie prise le 7 mai 2013

de Grosmont (Fig. 21), Skenfrith (Fig. 22) et Llantilio60 (angl. White Castle) (Fig. 23). Pour cela, il doit verser 800 marcs au Trésor, sous forme de versements annuels de 100 livres. Au sud, le long de la façade maritime, le roi confie en 1202 à Guillaume la garde des châteaux des régions du Glamorgan, du Gwynllŵg et du Gower61, à savoir Cardiff, Newport et Swansea. En 1203, en recevant le château de Kington62, Guillaume peut consolider au nord le pôle castral formé par Knighton et Norton63. Ces différentes gardes amplifient le cadeau royal accordé le 3 juin 1200 à Guillaume64. À cette date, le roi Jean concède à Guillaume de Briouze et à ses héritiers toute la terre qu’ils pourront acquérir sur leurs ennemis gallois, afin d’augmenter leur baronnie de Radnor, à l’exception de la terre royale de Cardigan. Le roi Jean donne également à Guillaume de Briouze toute la terre de Gower qui appartenait à son père65. Radnor est choisi comme point de départ d’un « droit de conquête », depuis la frontière anglaise de Cardigan vers le Deheubarth. C’est un poste avancé vulnérable, affaibli par les attaques galloises répétées. En obtenant ce droit, Guillaume peut 60 GRP, Michaelmas 1201 ; Michaelmas 1205, p. 277. Th. D. Hardy (éd.), Rotuli Chartarum, Londres, 1837, vol. 1 (1199-1216), p. 160. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 57. Th. D. Hardy (éd.), Rotuli Litterarum Clausarum, Londres, 1833, vol. 1, p. 63, p. 386, p. 404. 61 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 19b. 62 GRP, Michaelmas 1203, Londres, 1938, PRS NS 16. 63 Ce pôle est doublé à l’est par la garde de Ludlow. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 69, p. 74, p. 80. 64 Clark, Cartae…, vol. 2 (1192-1270), p. 254, no 253 ; vol. 3 (441-1300), p. 177, no 687. 65 Clark, Cartae…, vol. 2 (1196-1270), p. 254, no 253 ; vol. 3 (441-1300), p. 177, no 688.

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Fig. 22 : Château de Skenfrith. © Amélie Rigollet, photographie prise le 7 mai 2013

Fig. 23 : Château de Llantilio (White Castle). © Amélie Rigollet, photographie prise le 7 mai 2013

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consolider son emprise seigneuriale et l’autorité familiale dans la région66. Radnor est le domaine gallois le plus septentrional de la famille : les terres à conquérir le seront au détriment du royaume du Powys, au nord, ou du Deheubarth, à l’ouest. À l’est, Radnor est étayée par les trois places-fortes royales de Knighton, Norton et Kington, gardées par Guillaume de Briouze (Carte 8). Le roi Jean facilite l’expansion domaniale d’un seigneur de la marche dévoué. Le contrôle anglo-normand, précaire, est renforcé sur les territoires gallois de Maelienydd et d’Elfael, Builth et Brecon67. À cette fin, les Briouze sont de véritables atouts pour la monarchie anglaise. Après la mort de Rhys ap Gruffydd en 1197, une dispute éclate entre ses héritiers et ce conflit divise la principauté du Deheubarth68. L’impact militaire réel de l’obtention du « droit de conquête » depuis Radnor est difficilement perceptible. Les sources ne mentionnent pas de conquête territoriale menée à partir de Radnor par les seigneurs de Briouze. L’apaisement des relations entre la monarchie anglaise et le prince du Gwynedd, Llywelyn ap Iorwerth, en est peut-être la raison. Un traité de paix est signé en 1201, par lequel Llywelyn prête allégeance au roi Jean en échange de la reconnaissance de ses possessions69. La principauté du Gwynedd est éloignée de Radnor, séparée par les terres du Deheubarth et du Powys. Cette nouvelle alliance pourrait justifier l’absence de conquête menée par Guillaume depuis Radnor puisqu’en cas d’attaque, le calme volerait en éclat. À une échelle plus personnelle, il est possible que l’attention de Guillaume III de Briouze ait été détournée, ses préoccupations s’orientant vers d’autres terres. Le 23 février 1203, à Rouen, le roi Jean confirme la concession qui accorde à Guillaume de Briouze et à ses descendants toute la terre de Gower au pays de Galles, contre le service d’un chevalier70. Cette concession octroyée pour le Gower pourrait expliquer l’absence de conquête menée depuis Radnor : l’attention de Guillaume se focalise plutôt sur le sud du pays de Galles, plus intéressant économiquement grâce au commerce maritime et à la richesse agricole du sol. Si le contexte politique de la marche de Galles justifie les mesures prises par le roi pour renforcer la garde de ces châteaux, le choix de ces concessions peut également être justifié par les intérêts personnels de Guillaume de Briouze, la garde castrale étant un signe de la faveur royale. En cartographiant les châteaux patrimoniaux et les châteaux gardés au nom du roi, un schéma géographique transparaît (Carte 8). Les châteaux familiaux tenus par le seigneur de Briouze sont situés de part et d’autre des Brecon Beacon, le long des deux axes correspondant aux vallées ayant permis la pénétration normande en territoire gallois aux xie et xiie siècles71. Ce

66 Lieberman, The Medieval March…, p. 3. 67 Lieberman, The Medieval March…, p. 2. 68 R. V. Turner, King John, Londres, 1994, p. 138. 69 R. R. Davies, Conquest, Coexistence and Change. Wales, 1063-1415, Oxford, 1987, p. 294. 70 Clark, Cartae…, vol. 2 (1196-1270), p. 287-288, no 283 ; vol. 3 (441-1300), p. 234-235, no 748. 71 N. J. G. Pounds, The Medieval Castle in England and Wales, a Social and Political History, Cambridge, 1990, p. 37, map : « The Castle in Politics and War ».

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pôle central est renforcé à l’est par un axe nord-sud, longeant la digue d’Offa (gall. Clawdd Offa), ensemble de constructions érigées au viiie siècle pour délimiter la frontière perméable entre le pays de Galles et l’Angleterre72. Les châteaux gardés le long de cet axe vertical sont en fait constitués de deux ensembles, l’un regroupe au nord, à proximité de Radnor, Knighton, Norton, Kington et Ludlow ; l’autre plus au sud, près d’Abergavenny, réunit Llantilio, Skenfrith et Grosmont, mais aussi Hereford et Monmouth. Pendant près d’une dizaine d’années, entre 1190 et 1202, Guillaume de Briouze assure la tutelle de Jean de Monmouth, héritier de Gilbert, ce qui lui donne accès à ses biens. Afin de relier le cœur patrimonial des Briouze à la mer et à leurs terres du Devon, le roi leur confie plusieurs châteaux ouvrant un accès maritime, notamment par les châteaux de Newport, Cardiff et Swansea (Carte 8). Cet axe horizontal est prolongé à l’ouest par le pôle formé par Carmarthen et Llawhaden. Grâce aux gardes castrales, Guillaume III de Briouze renforce l’emprise familiale le long de la Via Julia maritima (angl. the Portway)73. Intérêts familiaux et royaux se mêlent alors, justifiant la longue durée de ces gardes castrales74. Fonctionnant en symbiose, la relation d’interdépendance entre le roi Jean et Guillaume III s’interrompt en 1206-1207. La rétrocession des gardes castrales exigée par le roi est révélatrice d’une adaptation à un contexte de crise.

Conclusion : Être seigneur dans une région frontalière hybride La marche de Galles est une région frontalière « hybride » selon Daniel Power, à la fois frontière politique et frontière de peuplement, entre compétition pour le contrôle politique du territoire et interaction culturelle75. À la fin du xiie et au début du xiiie siècle, la marche de Galles est un territoire mouvant au gré des conquêtes et des replis, en cours de structuration. Sa situation est comparable à d’autres marches occidentales. Jean-Louis Kupper définit les marches occidentales du Saint-Empire germanique comme un territoire frontalier particulier76. L’autorité royale dans la marche galloise y avait été déléguée par les rois successifs à des vassaux de confiance. Cette relative autonomie permet aux seigneurs de la marche de constituer de larges blocs territoriaux, tel le quadrilatère Builth-Radnor-Brecon-Abergavenny, parfois

72 La digue d’Offa suit du nord au sud les rivières Dee et Wye, elle part de Prestatyn au nord, et traverse notamment Knigthon, Kington, Haye-on-Wye et Monmouth, tenus par les Briouze, jusqu’à Chepstow au sud. Ch. R. Whittaker, « Les frontières de l’Empire romain », Annales littéraires de l’Université de Besançon, no 390, Besançon, 1989, p. 69. Fr. Noble, Offa’s Dyke Reviewed, Oxford, 1983, 110 p. 73 Sherman et Evans, Roman Roads…, p. 4. 74 Papin, L’Aristocratie…, p. 199. 75 D. J. Power, « Introduction. A. Frontiers: Terms, concepts and the historians of Medieval and early Modern Eruope », in D. Power et N. Standen (dir.), Frontiers in Question. Eurasian Borderlands, 700-1700, Londres, 1999, p. 11-12. 76 J.-L. Kupper, « Qu’est-ce qu’une marche ? Qu’est-ce qu’un marquis ? », CCM, no 228, Poitiers, 2014, p. 344.

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Carte 8 : Gardes castrales et châteaux de Guillaume III de Briouze au pays de Galles (1187-1207)

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de pionnier à occupant : expansion castrale dans la marche de galles

libres de toute ingérence royale, tel l’honneur du Gower77. Avec l’encouragement du pouvoir royal, ces deux pôles territoriaux avaient permis d’affirmer l’autorité des Briouze à l’intérieur des terres et en bordure de la mer face aux princes gallois du Deheubarth. Au début du xiiie siècle, ces domaines sont soudainement perçus comme une menace par le roi Jean. Brock Holden démontre que ce brusque revirement d’attitude, ce retrait de la confiance royale précédemment accordée aux seigneurs de la marche galloise, est une conséquence de la perte du duché de Normandie par le roi d’Angleterre. La méfiance royale est accrue par ce revers de Fortune. À partir de 1204, le roi Jean devient soupçonneux à l’égard des puissants seigneurs de la marche, détenteurs de vastes territoires et de grands privilèges78. Ce processus expliquerait pourquoi, à partir de 1206, Jean ne confie plus de nouvelles gardes castrales à Guillaume III de Briouze. En 1207, il décide de lui retirer la garde du Glamorgan et du Gwynllŵg, qu’il remet au mercenaire Foulques de Bréauté79. Suite aux confiscations progressives, Guillaume III de Briouze se replie au pays de Galles, qu’il semble percevoir comme une niche rassurante face à la pression du roi anglais. Nouvelle rupture, nouveau paradoxe : la marche de Galles, qui était appréhendée comme une zone hostile au xiie siècle, devient un bastion sécurisant au début du xiiie siècle. Pendant plusieurs décennies, les seigneurs de Briouze orientèrent leur vigilance vers l’ouest, le pays de Galles et l’Irlande, fronts pionniers anglo-normands où le danger était pressenti. Les coups vinrent finalement de l’est, de l’Angleterre et de la Normandie, pourtant considérés comme des territoires assujettis.

77 Clark, Cartae…, vol. 2 (1192-1270), p. 254, no 253 ; p. 287-288, no 283 ; vol. 3 (441-1300), p. 177, no 687 ; p. 234-235, no 748. 78 Holden, Lords…, p. 176. 79 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 68b. Clark, Cartae…, vol. 1 (1102-1350), p. 52, no 72. Holden, Lords…, p. 177.

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1175 marque une rupture dans l’histoire familiale. À partir de cette période, les sources narratives et diplomatiques décrivent plus abondamment le comportement des Briouze dans la marche galloise. Cette soudaine profusion narrative est-elle un effet de source ou révèle-t-elle une réelle prise en main des domaines gallois par Guillaume III de Briouze ? Ces sources – histoires, annales ou chroniques –, sont rédigées pour conserver la trace des faits passés jugés dignes de mémoire. Vérité et reconstruction ou fiction s’entremêlent dans les récits, reflets d’une certaine idée de la réalité, puisque les historiens médiévaux lui assignent un rôle moral et providentialiste. La sélection des faits et leur mise en perspective sont révélatrices des mentalités médiévales. Les récits historiques témoignent de ce que les contemporains jugeaient être important. La conservation des données et de leur transmission jusqu’au xxie siècle établit une sélection, voulue ou non1. Ce processus biaise nécessairement l’interprétation de ces récits.

Un guerrier cruel Le 2 mai 1230, lorsque Guillaume V de Briouze est exécuté par les hommes de Llywelyn ap Iorwerth, prince de Gwynedd, la cruauté dont a fait preuve son grand-père Guillaume III à l’égard du peuple gallois est fermement implantée dans la conscience collective. La mémoire populaire a durablement intégré les sévices infligés depuis la fin du xiie siècle. Le déroulement de la pendaison de Guillaume V est brièvement rapporté par Nicolas, abbé de Vaudey et messager du roi Henri III, délégué auprès de Llywelyn ap Iorwerth depuis 1229, dans une lettre adressée à Raoul, évêque de Chichester et chancelier royal, le 19 mai 12302. Nicolas précise que ce supplice eut lieu « en plein jour, à la vue de tous, en présence de huit cents hommes rassemblés pour assister à ce misérable et lamentable spectacle, car nombre d’entre eux étaient des ennemis de Guillaume [III] de Briouze l’Ancien et de ses fils3 ». La cohabitation entre seigneurs normands et gallois semble relativement paisible au xiie siècle, puisqu’aucune source narrative ni aucun acte conservé ne mentionne de rivalités exacerbées. Cet équilibre est rompu sous le gouvernement de Guillaume III de Briouze. 1 Chastang, « L’archéologie… », p. 245-269. 2 A History of the County of Lincoln, Londres, 1906, vol. 2, p. 143. 3 J. G. Edwards (éd.), Calendar of Ancient Correspondence Concerning Wales, Cardiff, 1935, p. 37, no vi. 155.

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Fig. 24 : Château d’Abergavenny. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011

L’affaire Seisyll ap Dyfnwal (1175-1176)

Le sort de Seisyll ap Dyfnwal, seigneur gallois du Gwent installé à Castell Arnallt, est fréquemment rapporté par l’historiographie pour illustrer la violence des Briouze, seigneurs de la marche, à l’encontre des populations locales galloises envahies. Les Annales Cambriae évoquent brièvement son meurtre en 1175 : « Seisyll ap Dyfnwal, son fils Geoffroy et ses hommes du Gwent furent traîtreusement assassinés par Guillaume de Briouze à Abergavenny4 » (Fig. 24). Ce massacre est évoqué par les principales sources narratives de la période, tant galloises qu’anglo-normandes. Les nombreuses variations brouillent les repères et provoquent d’importantes confusions parmi les interprétations proposées par l’historiographie récente. Les tensions ayant provoquées le massacre remontent au début de la décennie 1170. Un évènement, daté en 1172, est rapportée de manière contradictoire par les variantes du Brut y Tywysogion (fr. La Chronique des Princes). La version du manuscrit Cotton Cleopatra B v, conservée à la British Library, intitulée Brenhinedd y Saesson (fr. Les rois des Saxons), a un sens opposé à celui du Livre rouge de Hergest. Selon le récit donné par le Brenhinedd y Saesson : « Au mois d’août, Seisyll ap Dyfnwal et Ieuan ap Seisyll ap Rhiryd ont pris le château d’Abergavenny, par traîtrise, aux hommes du roi5 ». Selon l’éditeur Thomas Jones, le Brenhinedd y Saesson est une troisième version, distincte, de la chronique connue sous le nom de Brut y Tywysogion. Elle se compose

4 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 94 : année 1175 (Annales B, TNA E. 164/1 et Annales C, BL, Cotton Domitian A. 1). 5 Brenhinedd y Saesson, or The Kings of the Saxons, éd. Th. Jones, Cardiff, 1971, p. 176-177.

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de deux parties : la première décrit les années de 683 à 1197, qui correspondent au manuscrit de la British Library de Londres, tandis qu’une continuation se poursuit jusqu’en 1461 sous le nom de Livre noir de Basingwerk, dont le manuscrit est conservé à la National Library of Wales, à Aberystwyth6. L’entrée du Livre rouge de Hergest, à partir du manuscrit conservé à la Bodleian Library d’Oxford sous la cote Jesus College MS cxi, offre un point de vue différent pour le même évènement de l’année 1172 : « Seisyll ap Dyfnwal et Ieuan ap Seisyll ap Rhiddid furent traîtreusement capturés par les hommes du roi et emprisonnés au château d’Abergavenny (gall. ac y carcharwyt yg kastell Aber Geuenni)7. » Cette version du Livre rouge de Hergest semble la plus plausible. La perte du château d’Abergavenny par la famille de Briouze, puis sa reprise, ne sont pas évoquées dans les autres sources pour l’année 1172. Le Brenhinedd y Saesson opère vraisemblablement une confusion avec des évènements ultérieurs, survenus en 1182. La troisième version du Brut y Tywysogion (NLW, Peniarth MS 20), dont la chronique décrit les années de 681 à 1332, propose une troisième formulation qui recoupe celle du Livre rouge8 : « Cette même année [1172], au mois d’août, Seisyll ap Dyfnwal et Ieuan ap Seisyll ap Rhiryd furent capturés par traîtrise par les hommes du roi à Abergavenny. » La thèse de l’emprisonnement, fondée sur le Livre rouge de Hergest, est plausible puisqu’elle peut être associée à un fait survenu l’année précédente. En 1171, Iorwerth ab Owain ap Caradog ap Gruffydd de Gwynllŵg, ses fils Owain et Hywel, accompagnés de Morgan, fils Seisyll ap Dyfnwal, pillèrent les alentours de Caerleon9. Peu de temps auparavant, le roi Henri II avait pris la ville de Caerleon pour la remettre au prince Rhys de Deheubarth, son nouvel allié. Rhys venait de se soumettre au roi en lui offrant 300 chevaux, 4000 bœufs et 14 otages en signe de vassalité10. Il est probable que le roi ait ordonné de sanctionner les fauteurs de troubles et que Seisyll ait été capturé pour punir l’agitation de ses parents. Lors de la reconstitution des faits entourant l’assassinat de Seisyll ap Dyfnwal, la datation pose problème. Selon l’historiographie contemporaine11, trois faits se succèderaient au cours de l’année 1175 : une assemblée royale, tenue à Gloucester ; puis le massacre de Seisyll ap Dyfnwal et des siens à Abergavenny ; et enfin la perte de la charge de shérif du Herefordshire par Guillaume III de Briouze. En observant

6 The Kings of the Saxons, p. xi. 7 Brut y Tywysogion, or The Chronicle of the Princes, Red Book of Heregest version, éd. Th. Jones, Cardiff, 1955, p. 158-159. 8 Brut y Tywysogyon or The Chronicle of the Princes, Peniarth MS 20 version, éd. Th. Jones, Cardiff, 1952, p. 69. 9 Les versions du Brut précisent que Morgan est le fils de Seisyll et d’Angharad, fille d’Owain et sœur d’Iorwerth ab Owain. Sean Duffy oublie le prénom de Morgan dans son article. S. Duffy, « Henry II and England’s Insular Neighbours », Chr. Harper-Bill et N. Vincent (dir.), Henry II : New interpretations, Woodbridge, 2007, p. 146. Seisyll, beau-frère d’Iorwerth, n’est pas présent lors du pillage, mais le neveu d’Iorwerth, Morgan. 10 Brenhinedd y Saesson, p. 172-173. Red Book of Heregest version, p. 154-155. 11 W. L. Warren, Henry II, Berkeley & Los Angeles, 1973, p. 167. J. Gillingham, The English in the Twelfth Century. Imperialism, national identity and political values, Woodbridge, 2000, p. 61. Duffy, « Henry II… », p. 145-148. Lieberman, The March…, p. 26. Holden, Lords…, p. 143.

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plus en détail les sources médiévales décrivant ces évènements, la chronologie est incertaine. La datation, au jour près, est établie par plusieurs sources détaillées ci-dessous et permet de déterminer la chronologie suivante : le concile de Gloucester a lieu le jour de la fête de saint Pierre et saint Paul, le 29 juin, tandis que le massacre d’Abergavenny se déroule le samedi de Pâques, c’est-à-dire au mois d’avril12. Les jours sont stipulés dans plusieurs récits. Par contre, l’indication de l’année doit être éprouvée. Fait établi, Ranulf Le Poher est nommé shérif du Herefordshire le jour de la saint Michel 1175, le 29 septembre. La réunion de Gloucester, convoquée par le roi et réunissant seigneurs gallois et normands, est le premier évènement dans l’ordre chronologique. Le recoupement de deux sources établit ce point avec certitude. Le récit Brut y Tywysogion, dans la version du Livre rouge de Heregest, décrit l’assemblée de 1175 : Le prince Rhys ap Gruffudd se prépara à rejoindre la cour royale tenue à Gloucester. Il emmena avec lui, sur conseil du roi, tous les seigneurs du sud [du pays de Galles] qui s’étaient opposés au roi, à savoir : Cadwallon ap Madog de Maelienydd, son cousin ; Einion Clud d’Elfael, son beau-fils ; Einion ap Rhys de Gerthrynion, son autre beau-fils ; Morgan, fils de Caradog ap Iestyn de Glamorgan, fils de Gwaldus, sa sœur ; Gruffudd ab Ifor ap Meurig de Senghenydd, son neveu par sa sœur Nest ; Iorwerth ab Owain de Caerleon ; et Seisyll ap Dyfnwal de Gwent Uwch-Coed, l’homme qui était alors marié [en secondes noces] à Gwaldus, sœur du prince Rhys13. Seisyll ap Dyfnwal est en vie lors de la tenue de ce concile. Cet évènement est donc nécessairement antérieur à l’assemblée mortelle d’Abergavenny, où il est assassiné. Cette succession chronologique transparaît dans les versions du Brut, qui lient le concile et l’assassinat par la formule « et peu après cela » (gall. Yn y lle wedy hynny14 / yny lle wedy hyny15). Une source narrative anglo-normande, la Chronique des règnes d’Henri II et de Richard Ier, complète le récit gallois proposé par le Brut. Benoît, abbé de Peterborough décédé en 1193, contemporain des faits, décrit le concile de 1175 : Lors de la fête des saints apôtres Pierre et Paul, le roi et le roi son fils réunirent un grand concile à Gloucester, avec Rhys ap Gruffudd et tous les autres rois au pays de Galles. Le roi recommanda ici à tous ses hommes du pays de Galles, tant Français que Gallois, que si les Gallois étaient en guerre contre eux, se déplaçant sur la terre du roi, qu’ils se maintiennent, ensemble et avec fermeté, avec volonté, face aux Gallois. Le roi fit jurer, sur les saints Évangiles, au comte de 12 Ymagines Historiarum (BL, ms. Royal 13 E VI), The Historical Work of Master Ralph de Diceto, Dean of London, éd. W. Stubbs, Londres, 1876, vol. 1, p. 401. The Historie of Cambria, éd. H. Lloyd, Londres, 1584, p. 171-172. Matthieu Paris, Chronica Majora, vol. 2, p. 297. Matthieu Paris, Historia Anglorum, vol. 1, p. 393-394. Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. H. R. Luard, Londres, 1890, vol. 2, p. 384 (1176). 13 Red Book of Heregest version, p. 164-165. M. Stephens, « Red book of Hergest », in The New Companion to the Literature of Wales, Cardiff, 1998. 14 Red Book of Heregest version, p. 164-165. 15 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 127.

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Gloucester, à Guillaume de Briouze et à tous les barons de sa patrie, de respecter cet engagement16. Ce deuxième extrait, bien que plus vague dans les noms des participants, insiste sur le fait que les deux camps, gallois et anglais, dirigés par le prince Rhys ap Gruffydd d’une part, et par Guillaume III de Briouze d’autre part, sont réunis dans une démarche conciliatoire par le roi Henri II. La volonté royale est de pacifier la marche en établissant des relations de bon voisinage, face à un adversaire commun opposé au roi. Cette situation préalable explique l’ambiguïté de la situation du seigneur de Gwent, Seisyll ap Dyfnwal, parent d’ennemis et d’alliés d’Henri II. Ne s’étant lui-même jamais rebellé contre le pouvoir normand, il accepte quelques mois plus tard l’invitation de son voisin Guillaume III de Briouze, seigneur de Brecon et d’Abergavenny17. Guillaume convie en son château d’Abergavenny Seisyll ap Dyfnwal, son fils Geoffroy et nombre de leurs hommes du Gwent. Il respecte une décision royale. Gallois et Normands sont réunis afin de parvenir à un accord relatif à la circulation sur les chemins du comté et sur le port d’armes, notamment le couteau et l’arc18. Seisyll et ses proches viennent assister pacifiquement à cette assemblée19. Les Gallois invités sont assassinés sans merci20. Guillaume de Briouze et ses hommes se rendent ensuite à la demeure de Seisyll, vraisemblablement Castell Arnallt (angl. Castle Arnold), près de Llanover. Ils capturent son épouse Gwaldus et exécutent son fils Cadwaladr sous ses yeux, avant de détruire leur logis21. Récits anglo-normands et récits gallois se recoupent, ayant la même trame narrative que ce passage de la version Peniarth MS 20 du Brut y Tywysogion22 : Peu après cela, Seisyll ap Dyfnwal fut assassiné par traîtrise au château d’Abergavenny par le seigneur de Brecon. Il fut tué avec son fils Geoffroy et les meilleurs hommes du Gwent. Les Français se rendirent ensuite à la cour de Seisyll ; ils capturèrent Gwaldus, son épouse, et exécutèrent son fils Cadwaladr. À partir de ce moment-là, à la suite de cette traîtrise, les Gallois ne firent plus jamais confiance aux Français. Tel un écho à cette dernière phrase, le propos tenu en 1230 par l’abbé de Vaudey confirme que la rupture morale entre la famille de Briouze et ses voisins gallois eut lieu à cette occasion. L’enchaînement des faits et leur datation peuvent être établis, puisque le concile de Gloucester et le meurtre se succèdent, en juin et en avril. Ce massacre a lieu en 1176. 16 Benoît de Peterborough, Gesta Regis Henrici Secundi: The Chronicle of the Reigns of Henry II and Richard I (a.d. 1169-1192), vol. 1, p. 92. 17 Brut y Tywysogion. Red Book of Hergest version, trad. Th. Jones, p. 158-159. 18 Raoul de Diceto, Ymagines Historiarum, p. 401. 19 Ll. Beverley Smith, « On the Hospitality of the Welsh: a Comparative View », in H. Pryce et J. Watts (dir.), Power and Identity in the Middle ages: Essays in Memory of Rees Davies, Oxford, 2007, p. 181-194. 20 Annales Cambriae, éd. J. Williams, Londres, 1860, p. 183 (Annal B, PRO E. 164/1) ; p. 218 (Annal C, MS Cotton Domitian A. 1). 21 The Historie of Cambria, éd. H. Lloyd, p. 171-172. 22 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), version anglaise, p. 71 ; version galloise, p. 127.

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Les sources encadrent cet épisode d’autres évènements dont la datation est attestée, qui permettent de dater plus précisément les faits. Roger de Wendover place le récit de cet évènement tragique à la suite de la mention du pèlerinage que firent le roi Henri II et son héritier sur la tombe de Thomas Becket. Les récits de Raoul de Diceto, dans Ymagines Historiarum (fr. Images des histoires)23, Roger de Wendover, dans la Chronica sive flores historiarum (fr. Chronique ou fleurs d’histoires)24, et Matthieu Paris, dans sa Chronica Majora (fr. Chronique majeure), réutilisent les mêmes formulations. L’œuvre de Matthieu Paris étant une reprise et une continuation de celle de Roger de Wendover, il n’est donc pas surprenant que l’extrait soit identique, au mot près25. L’emprunt historiographique et la circulation des informations transparaissent avec le récit de cet évènement. Raoul de Diceto († c. 1200) est un chroniqueur anglo-normand élu diacre de Saint-Paul, à Londres, en 1180. Ses Ymagines historiarum commencent en 1149 et reposent principalement sur l’œuvre de Robert de Torigini jusqu’aux années 1170. Sa chronique devient alors plus originale, utilisant des documents contemporains et les témoignages de personnages proches du pouvoir royal. John Mason note que Raoul de Diceto est admiratif de la politique de pacification menée par Henri II et que sa chronique est une source essentielle pour comprendre les actions royales de lutte contre les troubles et de maintien de l’ordre26. Raoul de Diceto est à l’origine de la première version du récit, repris ensuite par Roger de Wendover et Matthieu Paris27. Roger de Wendover, décédé vers 1236, rédige son œuvre entre 1204 et 1231, après la mort de Raoul de Diceto28. Le massacre d’Abergavenny peut être daté au samedi de Pâques 1176, soit le 3 avril. La symbolique de la date, apparue sous la plume de clercs, permet de relativiser cette datation, puisque les historiens médiévaux mêlent fréquemment les faits historiques à des messages moralisateurs. L’atrocité du crime commis lors d’un temps fort du calendrier liturgique n’en est que plus flagrante. Au sacrilège de tuer un autre chrétien s’ajoute celui d’user de violence lors d’un temps religieux, crimes auxquels se superposent celui de rompre le serment prêté sur les Évangiles lors de l’assemblée de Gloucester. En reportant la date du massacre à l’année 1176, la nomination de Ranulf Le Poher comme shérif du Herefordshire en 1175 ne peut être considérée comme une sanction royale pour le crime perpétré par Guillaume III de Briouze29. D’autant que Ranulf Le Poher évolue dans l’entourage de Guillaume II de Briouze depuis le milieu du xiie siècle. Son père était également présent auprès de la lignée depuis la fin du xie

23 Raoul de Diceto, Ymagines historiarum, p. 401. 24 Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 2, p. 384. 25 Matthieu Paris, Chronica majora, vol. 2, p. 297. 26 J. F. A. Mason, « Diceto, Ralph de (d. 1199/1200) », ODNB, 2004. 27 B. Guénée, « L’historien par les mots », Politique et Histoire au Moyen Âge. Recueil d’articles sur l’histoire politique et l’historiographie médiévale (1956-1981), Paris, 1981, p. 230-231. 28 D. Corner, « Wendover, Roger of (d. 1236) », ODNB, 2004. 29 Duffy, « Henry II… », p. 149.

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siècle30. Le changement de shérif en 1175 coïncide avec le décès de Guillaume II de Briouze cette année-là. C’est lui, et non son fils Guillaume III, qui occupait cette charge depuis Pâques 117331. Afin de préserver son honneur mis à mal par ce crime qui défraie les chroniques galloises et normandes32, Guillaume III de Briouze prétexte avoir voulu venger la mémoire de son oncle assassiné. Il revendique avoir agi par devoir33. Henri de Hereford, frère de Berthe, épouse de Guillaume II de Briouze, aurait été exécuté par Seisyll ap Dyfnwal à une date incertaine, vers 117534. Cette justification apparaît dans l’œuvre de Raoul de Diceto. Elle est fréquemment reprise par la suite35. Cette argumentation semble être une construction a posteriori, élaborée pour couvrir du masque de la vengeance des actes ignominieux bien loin des valeurs chevaleresques préconisées en cette fin de xiie siècle36. De fait, Henri serait mort des années plus tôt, vers 1163 (Tableau de filiation 4). Dans l’Historia Anglorum, écrite plusieurs décennies après ces évènements, Matthieu Paris conclut sentencieusement le récit du massacre en reprenant les propos d’Ovide37 : « Il n’y a pas de loi plus juste que celle qui condamne les artisans de la mort à périr de leur art. » La version proposée vers 1191 par Giraud de Barri, dans l’Itinerarium Cambriae, contraste des autres récits par ses dissonances. Le discours de Giraud résonne différemment, de par sa proximité avec la famille de Briouze. Il se fait probablement l’écho du discours qui devait circuler dans l’entourage des familiers du seigneur de Brecon et d’Abergavenny. Prudent, ambigu, Giraud reste volontairement flou lorsqu’il narre ces évènements, refusant de décrire ces actes de cruauté. Il exonère Guillaume de Briouze de la responsabilité du massacre : « Guillaume de Briouze n’était pas l’auteur de cette atrocité que j’ai choisi de passer sous silence. Il n’en était ni l’auteur ni l’exécutant. S’il fut responsable, c’est qu’il ne fit rien pour l’arrêter38. » Pour cela, il rejette la culpabilité des crimes sur Ranulf Le Poher, shérif du Herefordshire à cette époque, qui, selon Giraud, obéissait aux ordres royaux. Ranulf est assassiné quelques années plus tard, en 1182, lors d’un raid gallois, mené par les hommes du Gwent39. Giraud de Barri apporte un récit opposé à celui proposé par le Brut, présentant Guillaume III de Briouze comme la victime des décisions

30 Charte Artem/CMJS no 3474. Salter, Facsimiles…, no 8. Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no 4. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 693-694, no 24. 31 List of Sheriffs…, p. 59. 32 The Historie of Cambria, éd. H. Lloyd, p. 171-172. 33 Raoul de Dicet, Ymagines Historiarum, p. 401. The Historie of Cambria, éd. H. Lloyd, p. 171-172. 34 S. Davies, War and Society in Medieval Wales, 633-1283. Welsh military institutions, Cardiff, 2004, p. 236. 35 The Historie of Cambria, éd. H. Lloyd, p. 171-172. 36 M. J. Strickland, « Killing or Clemency? Ransom, Chivalry and Changing Attitudes to Defeated Opponents in Britain and Northern France, 7-12th centuries », Krieg im Mittelalter, Berlin, 2001, p. 93-122. 37 Historia Minor, Fr. Madden (éd.), Londres, 1869, vol. 1, p. 394. Ovide, Ars Amatoria, 1, Les promesses. 38 Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. J. F. Dimock, p. 53-54. 39 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 73 : « Ranulf Le Poher fut assassiné, avec de nombreux chevaliers, par de jeunes hommes du Gwent ». Brehhinedd y Saesson, p. 184-185 : « [1182] Ranulf Le Poher fut assassiné, ainsi que plusieurs chevaliers qui l’accompagnaient, par les hommes du Gwent ».

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royales et en précisant que le château d’Abergavenny fut durement attaqué par les hommes du Gwent40. Le recoupement de ces sources narratives par un acte diplomatique permet de proposer une autre perception des motivations et des conséquences d’un tel évènement. Le 5 décembre 1209, à Saint-Briavels, dans le Gloucestershire, le roi Jean confirme à Philippe, fils de Wastellion, la possession de la terre de Dyfnwal, que Guillaume III de Briouze retenait en séquestre après l’assassinat de Seisyll ap Dyfnwal41. Des enjeux territoriaux accentuent les luttes d’autorité et d’influence. L’incident entre Seisyll et Guillaume III est un reflet, à un niveau inférieur, des relations ambivalentes unissant les rois anglo-normands successifs aux princes gallois, notamment Rhys ap Gruffydd. L’affaire Trahaearn Fychan (1197) Un contexte troublé

Rhys ap Gruffydd règne sur le Deheubarth depuis 1155, jusqu’à sa mort en 1197. Dès 1158, il est contraint de se soumettre à Henri II qui envahit en 1163 le royaume du Deheubarth. Fait prisonnier, Rhys est libéré quelques temps plus tard contre une promesse d’apaisement. La conciliation est de courte durée, puisqu’il s’allie à Owain ap Gruffydd, prince du Powys, et résiste à la tentative d’invasion du roi Henri en 1165. Un compromis semble être établi au cours de la décennie 1170. Il est reconnu justicier du Deheubarth, ce qui signifie qu’il est le représentant du roi anglais dans cette région galloise. En 1173, il soutient son seigneur lorsque son fils Henri le Jeune se rebelle. Les territoires que Guillaume détient dans cette région subissent les répercussions de la politique menée par Rhys à l’encontre d’Henri II. La période comprise entre 1156 et 1171 est caractérisée par une série d’attaques à l’encontre des possessions et des alliés d’Henri II42. Builth est un enjeu stratégique aux xiie et xiiie siècles. Cette place forte est établie dans une zone de contact avec la principauté de Deheubarth, dirigée par Rhys. Elle forme une possible tête de pont pour des incursions anglo-normandes en terres galloises. En 1169, Rhys ap Gruffydd, prince du Deheubarth, conduit son armée à Brecon, met feu à la ville et à la région du Breconshire, puis détruit le château de Builth, avant de conclure la paix avec le justicier du roi, Robert fitz Stephen43. Il retenait Robert prisonnier depuis 116644. La première occurrence d’un lien direct unissant Guillaume III de Briouze au prince Rhys de Deheubarth apparaît dans les Annales Cambriae (BL, MS Harley 3859), pour l’année 1189. Après la mort du roi Henri II, le 6 juillet, Rhys ap Gruffydd débute une guerre au sud du pays de Galles. II incendie Rhos et Pembroke, pille 40 Fr. Suppe, « The Cultural Significance of Decapitation in High Medieval Wales and the Marches », BBCS, vol. xxxvi, 1989, p. 148. Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. J. F. Dimock, p. 49 n. 2, p. 51 n. 3, p. 53-54. 41 Aberystwyth, NLW, NLW Facs 743, « Charter of Dunwallesland, 1209 ». 42 H. Pryce, « Rhys ap Gruffudd (1131/2-1197) », ODNB, 2004. 43 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 182, année 1168 (Sa. 1169) : Annales B, TNA E. 164/1. 44 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 182, année 1165 (Sa. 1166) : Annales B, TNA E. 164/1.

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le Gower, détruit le château de Carnwyllion et s’empare de plusieurs places fortes dans le Dyfed45. Lorsqu’il entreprend le siège de Carmarthen, il est menacé par Jean sans Terre, comte de Mortain, venu d’Angleterre avec une armée. Rhys décide de se replier. Il conclut une paix personnelle avec Jean, qui rentre en Angleterre. Le comte parti, Rhys s’empare du château de Saint-Clears et le confie à son fils Hywel Sais46. Son autre fils, Gruffydd, est libéré de prison sans que Rhys en soit informé et il est confié à la garde de son beau-père, Guillaume III de Briouze. Un mariage est établi entre le fils de Rhys et Mathilde, fille de Guillaume (Tableau de filiation 6), alliance qui apparaît dans un acte de la chancellerie royale. Lors de la Saint-Michel de la première année du règne de Jean, soit le 29 septembre 1199, les pipe rolls mentionnent la tutelle de la fille de Guillaume III de Briouze, épouse de Gruffydd ap Rhys. Elle est retenue au château de Mountsorrel, dans le Leicestershire47. Le Brut témoigne de la pérennité de l’union, puisqu’en 1209, Mathilde de Briouze, mère des fils de Gruffydd, fils de Rhys, meurt à Llanbadarn Fawr, après avoir reçu la communion et la confession. Elle prend l’habit religieux in extremis et elle est enterrée au côté de son époux à Strata Florida48. Le mariage n’apaise pas les relations entre la famille de Briouze et les princes du Deheubarth. L’ambivalence des liens se traduit par les multiples attaques et ripostes entre Rhys et ses descendants d’une part, la famille de Briouze d’autre part. Entre 1192 et 1196, les sources narratives rapportent à plusieurs reprises les tensions existant entre les deux partis. Par exemple, les Annales Cambriae (E 164/1) précisent qu’en 1192 Rhys ap Gruffydd libère son fils Maelgwn, qui était emprisonné depuis 1189 sous la garde de Guillaume de Briouze. Les années 1195-1196 sont particulièrement conflictuelles. Les dissensions sont ravivées en 1195, lorsque Guillaume III de Briouze s’empare du château de Saint-Clears et capture les hommes d’armes d’Hywel, fils de Rhys49. Rhys avait pris cette place-forte aux Anglo-normands en 1189, puis l’avait confiée à son fils50. En représailles, Hywel Sais détruit le château de Newer51. En 1196, Rhys ap Gruffydd incendie Radnor, siège ancestral des Briouze au pays de Galles. Quarante hommes de Roger de Mortemer sont tués lors de l’attaque52. Une alliance existait entre Roger et Guillaume III de Briouze, puisque Hugues, fils de Roger, épouse Aénor, fille de Guillaume53 (Tableau de filiation 6). Après l’attaque de Radnor en 1196, Guillaume III de Briouze déplace ses troupes à Cardigan et brûle une partie de la ville, obligeant Rhys à retourner sur ses terres54. La même Papin, L’Aristocratie…, p. 179. Brehhinedd y Saesson, p. 186-187. Brut y Tywysogion. Red Book of Hergest version, trad. Th. Jones, p. 170-173. Le coût de la tutelle est estimé à 2,5 marcs. GRP, Michaelmas 1199, p. 245. Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 266-267. Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 185, Annal B, PRO E. 164/1 : cette version indique soixante hommes d’Hywel ; p. 219, Annal C, MS Cotton Domitian A. 1 : cette version mentionne quarante hommes d’Hywel. 50 H. Pryce, The Acts of Welsh Rulers, 1120-1283, Cardiff, 2005, p. 176. 51 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 185. 52 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 185. 53 L’union est attestée par deux actes relatifs au douaire d’Aénor, veuve d’Hugues de Mortemer. CR, Hen. III, vol. 1 (1227-1231), p. 135. CPR, vol. 2 : Henry III (1225-1232), p. 501. Holden, Lords…, p. 169. 54 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 185 (Annal B, PRO E. 164/1). 45 46 47 48 49

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année, Rhys assiège une autre possession de la famille de Briouze, Paincastle, situé dans le cantref d’Elfael55. Rhys mène l’attaque de ce château avec des engins de siège, obligeant la place forte à se soumettre56. Une trêve est conclue entre Rhys et Guillaume III de Briouze, le château est laissé en paix57. La mort de Rhys l’année suivante, en 1197, n’atténue cependant pas les rivalités entre les seigneurs de la marche et les princes gallois. Guillaume III de Briouze, seigneur cruel de Trahaearn Fychan

La cruauté58 de Guillaume III à l’égard des Gallois transparaît dans son attitude vis-à-vis de Trahaearn Fychan. L’affaire se déroule en 1197. Guillaume de Briouze agit en tant que seigneur (gall. arglwyd59), sanctionnant un vassal. Le sort tragique réservé à Trahaearn est explicitement décrit par le récit Brut y Tywysogion, dans la version du Livre rouge de Heregest rédigée à la fin du xive siècle60 : Cette année-là [1197], Trahaearn Fychan de Brecon, un homme de noble naissance, puissant et éminent, marié à la nièce du prince Rhys, fut capturé alors qu’il quittait Llangorse pour se rendre à la cour de Guillaume (III) de Briouze, son seigneur. Il fut cruellement enchaîné, et à Brecon, il fut attaché à la queue de chevaux et tiré dans les rues jusqu’au gibet. Il fut décapité puis pendu par les pieds. Sa dépouille resta suspendue au gibet pendant trois jours, après que son frère, sa femme et son fils aient pris la fuite. Un seul terme, celui de « cruel » (gall. greulawn61), révèle le point de vue dépréciatif de la source galloise Brut y Tywysogyon sur le comportement du seigneur de Brecon. La violence de l’exécution de Trahaearn et les outrages infligés à sa dépouille justifient l’utilisation d’un tel vocable. Toutefois, la faute commise par Trahaearn, qui aurait pu provoquer une telle sanction, n’est pas précisée dans le texte. Cela atténue la légitimité de cette décision seigneuriale et accroît l’impression de violence exacerbée et injustifiée. Trahaearn est capturé aux environs de Llangorse, village situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Brecon, dans l’aire d’influence judiciaire du seigneur de Brecon. Frederick Suppe confirme que l’usage de cette violence outrancière s’effectue dans un cadre juridique. Il établit que la torture qui consiste à attacher le condamné à la queue d’un cheval est un acte fréquemment associé aux condamnations pour trahison mineure62. Le remplacement de la pendaison, habituellement réservée à ce type de

55 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 232 (Annal D, Exeter MS 3514). 56 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 242-243. The Historie of Cambria, éd. H. Lloyd, p. 180. 57 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 232 (Annal D, Exeter MS 3514). Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 242-243. 58 D. Baraz, Medieval Cruelty. Changing Perceptions, Late Antiquity to Early Modern Period, Conwell University, 2003, p. 75-122. 59 « Arglwydd », Geiriadur Prifysgol Cymru. A Dictionary of the Welsh Language, University of Wales, 2017. 60 Red Book of Heregest version, p. 181. 61 « Greulawn », Geiriadur…, 2017. 62 Suppe, « The Cultural… », p. 148.

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crime, par la décapitation, marquerait l’émergence de nouvelles formes d’exécution pour trahison : la combinaison de plusieurs sévices sera plus fréquemment employée au xiiie siècle63. Le crime commis par Trahaearn n’est pas stipulé dans le Brut, mais Frederick Suppe établit un recoupement avec un épisode du De nugis curialium de Gautier Map64. Un certain Trahaearn (lat. Traherius) aurait dérobé des chevaux à Cadwallon ap Ifor, de Senghenydd, village de la vallée de l’Aber, à proximité de Caerphilly et à environ quarante-cinq kilomètres au sud de Brecon, dépendant du comté de Glamorgan. Frederick Suppe se demande si ce Trahaearn n’aurait pas pu commettre des crimes similaires sur les terres de Guillaume III de Briouze, seigneur de Brecon65. Bien que tentante, cette hypothèse doit être fortement nuancée, puisque le prénom Traer est fréquemment associé, dans la tradition orale anglaise plus tardive, à un archétype péjoratif du Gallois voleur66. L’image donnée de Guillaume III de Briouze dans la marche de Galles est celle d’un combattant cruel. Cette vision repose sur des faits sélectionnés volontairement par les historiens médiévaux qui reflètent leur propre perception de son attitude. Leurs descriptions mettent l’accent sur un aspect spécifique et spectaculaire de son comportement, celui de son utilisation de la violence. Ses exactions et autres coups d’éclat masquent la subtilité de sa conduite de seigneur colonisateur : son usage de la force armée n’est qu’une composante d’une stratégie plus large, planifiée sur la longue durée et en profondeur, qui consiste à affirmer son autorité sur des territoires instables. Ces autres facettes ne ressortent qu’en croisant les sources narratives aux actes de la pratique qui révèlent sa gestion concrète et quotidienne de ses domaines gallois, invitant à nuancer le portrait d’un homme cruel.

Un chevalier pieux, protecteur de l’Église galloise Giraud de Barri dresse un portrait de Guillaume III de Briouze oscillant entre la dénonciation de ses mauvaises actions (lat. similibus plurimum offenderit67) et la valorisation de sa grande piété (lat. ex devotionis abundantia68), caractérisée par une multitude de gestes de dévotion, telles les références à l’indulgence divine dans ses suscriptions diplomatiques, ses prières systématiques devant les églises et les calvaires

63 Suppe, « The Cultural… », n. 5 p. 148. J. G. Bellamy, The Law of Treason in England in the later Middle Ages, Cambridge, 1970, p. 23. 64 Suppe, « The Cultural… », n. 1 p. 148. Gautier Map, De Nugis curialium, p. 97-98. 65 Suppe, « The Cultural… », n. 5 p. 148. 66 Je remercie le professeur Daniel J. Power pour cette remarque, fondée sur une comptine anglaise. Bien qu’ultérieure à la période étudiée, cette référence aux stéréotypes véhiculés par la culture orale invite à considérer le propos de Gautier Map avec circonspection. 67 Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. Dimock, p. 22. Giraud de Barri, The Journey through Wales, trad. L. Thorpe, Londres, 2004, p. 82-83. 68 Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. Dimock, p. 23.

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des carrefours, ses mots de bénédictions à des inconnus croisés sur sa route. Pour cette raison, Giraud choisit transcrire une parole qu’il attribue à Guillaume69 : Je considère qu’il est digne de mémoire de rappeler que [Guillaume de Briouze] avait pour habitude de commencer ses propos en se référant à Dieu : « Au nom de Dieu cela doit être fait » disait-il, « Pour Dieu menons cela à bien », ou « Si cela plaît à Dieu », « Si Dieu y consent », et « Par la grâce de Dieu cela sera ». Défenseur de l’évêque de Saint David’s (1197)

Les Annales de Winchester rapportent, pour l’année 1197, que Pierre de Leia70, évêque de Saint David’s de 1176 à 1198, se rendit auprès de Rhys, roi du pays de Galles, lui demandant de préserver la paix de l’Église et de son seigneur, le roi d’Angleterre. Ne recevant que moquerie, il quitta la cour. La nuit suivante, l’évêque fut saisi dans son lit par les fils de Rhys, dévêtu, et poussé à travers bois à côté de son cheval, afin de le ramener auprès de Rhys. Il fut libéré par les hommes de Guillaume de Briouze71. Ce récit est un extrait des annales attribuées à Richard de Devizes, un moine bénédictin de l’abbaye Saint-Swithun de Winchester, ayant vécu pendant la seconde moitié du xiie siècle72. Ce passage illustre une nouvelle facette du conflit opposant le prince du Deheubarth Rhys ap Gruffydd aux Anglo-Normands, détaillé précédemment. Cette fois, Guillaume de Briouze intervient indirectement pour soutenir l’évêque de Saint David’s. La querelle qui sépare l’évêque et le prince marque les derniers mois de la vie de Rhys, mais aussi ses funérailles. Lorsqu’il meurt le 28 avril 1197, Rhys est sous le coup d’une excommunication proférée par Pierre de Leia en riposte à l’attaque dont il a été victime73. Avant d’autoriser sa mise en terre consacrée, l’évêque fait administrer une pénitence au défunt, dont la dépouille est flagellée. Roger Turvey revient sur l’affaire à l’origine de la crise, telle que la présente les Annales de Winchester74. Il met en évidence la partialité du discours attribué à Richard de Devizes. Il constate que le récit est biaisé par le point de vue anglais de l’auteur, qui

69 Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. Dimock, p. 22. 70 I. J. Sanders, « Peter of Lee (‘de Leia’) (d. 1198), bishop of St Davids », Dictionary of Welsh Biography, NLW, 2007. 71 J. Conway Davies (éd.), Episcopal Acts and Cognate Documents relating to Welsh Dioceses, 1066-1272, vol. 1, p. 296, D 261. Il existe deux versions très différentes de cet évènement. Version A : copie du xiie siècle, Cambridge, Corpus Christi College, MS 339. Version B : copie du xiiie siècle, Londres, BL, Cotton MS Domitian A. xiii. Annales Monastici, vol. 2, Annales Monasterii de Wintonia, a.d. 519-1277, éd. H. R. Luard, 1865, p. 66. Les variations entre ces versions sont commentées par M. Lapidge, The Cult of St Swithun, Oxford, 2003, p. 149-150. 72 P. A. Hayward, « Richard of Devizes », in Gr. Dunphy (dir.), Encyclopedia of the Medieval Chronicle, 2010, vol. 2 ( J-Z), p. 1275-1276. 73 H. Pryce, « Rhys ap Gruffudd (1131/2-1197), ODNB, 2004. 74 R. Turvey, « The Death and Burial of an Excommunicate Prince », Journal of the Pembrokeshire Historical Society, vol. 7, 1996-1197, p. 31.

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donne au prince Rhys le rôle du « vilain » et présente Pierre comme un « héros » voulant négocier à lui seul la paix entre les Gallois et les Anglais. Mais selon lui, cette présentation textuelle doit être nuancée, car les intentions des protagonistes devaient être plus complexes et ambiguës75. Il explique que les Gallois reprochaient à leur pasteur ses fréquentes absences, dues à son rôle de conseiller du roi, mais aussi son mépris ethnique. Cet épisode n’est qu’un épiphénomène des tensions issues du processus de colonisation de la marche galloise débuté à la fin du xie siècle. Pierre de Leia combat avec ses armes spirituelles, à savoir l’anathème et l’excommunication. Guillaume III de Briouze n’intervient qu’en renfort, expression d’une forme de solidarité entre AngloNormands installés dans une région conflictuelle. Le clivage entre les deux camps est ancien, puisque l’ancêtre de Guillaume III de Briouze, Bernard de Neufmarché, aurait provoqué la mort de Rhys ap Tewdwr, prince du Deheubarth et grand-père de Rhys ap Gruffydd, lors de la conquête du Brecon en 1093. La violence imprègne profondément et durablement les relations frontalières. En dehors de cette intervention, une connexion peut être établie entre Pierre de Leia et Guillaume III de Briouze par le biais d’un intermédiaire, le prieuré de Brecon. L’évêque de Saint David’s avait confirmé au prieur et aux moines de Saint-Jean de Brecon tous les dons faits par les patrons de leurs églises, dont ceux de Guillaume III de Briouze, seigneur de Brecon76. Patron du prieuré Saint-Jean de Brecon

Afin de gagner son Salut malgré la transgression du commandement divin « Tu ne tueras point77 », le chevalier pénitent doit respecter une certaine procédure traduisant son repentir. Une étape de la contrition consiste à prier ardemment et à expier ses pêchés par la mortification du corps. La scène décrite par Gautier Map (Introduction. Sur les traces des Briouze), selon laquelle Guillaume III de Briouze se prive volontairement de sommeil et prie nu, à même le sol, exprime une certaine forme de pénitence par la privation de confort, signe ostentatoire du statut aristocratique78. Les aumônes aux pauvres et les donations aux maisons religieuses sont une manière complémentaire d’honorer les souffrances et la pauvreté du Christ79. Ces donations sont connues grâce aux actes de la pratique, souvent conservés par les moines, compilés dans les chartriers monastiques. Le cartulaire du prieuré Saint-Jean de Brecon témoigne de la piété de la famille de Briouze et des liens l’unissant aux

75 Turvey, « The Death… », p. 32. 76 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 1, p. 293, D. 246. Julia Barrow suggère que l’acte fut rédigé entre le 7 novembre 1176 et le mois de mars 1188. J. Barrow (éd.), St Davids Episcopal Acta, 1085-1280, Cardiff, 1998, p. 64-65, no 41. Cet acte est confirmé en mars 1188 par Baudouin, archevêque de Cantorbéry et primat d’Angleterre (Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 1, p. 292, D. 243). 77 Exode, 20, 13 : « Tu ne commettras pas de meurtre ». Storelli, Le Chevalier…, p. 21-22. 78 Gautier Map, De Nugis curialium, p. 144-147. 79 E. Magnani, « Le don au moyen âge. Pratique sociale et représentations perspectives de recherche », Revue du MAUSS, vol. 19, 2002, p. 309-322.

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moines installés dans la marche de Galles. L’original est aujourd’hui perdu, mais une copie du xviiie siècle est conservée à la Bodleian Library d’Oxford80. Les Briouze expriment leur ferveur religieuse à travers des donations. Entre 1199 et 1203, Giraud de Barri, évêque de Saint David’s, confirme le don des églises de Hay, Llanigon et Talgarth, offertes au prieuré Saint-Jean de Brecon par Guillaume III de Briouze et son épouse Mathilde de Saint-Valéry81. Cette donation est complétée par l’église de Mara lors d’une confirmation faite avec l’accord de leur héritier Guillaume IV82. Les fondations religieuses ou le patronage d’églises existantes sont une forme d’expression de l’autorité seigneuriale. Ces dons de terres et de propriétés sont offerts par l’aristocratie aux maisons religieuses en échange de leurs prières, les moines ayant le rôle d’intercesseurs. Guillaume de Briouze concède à l’église SaintJean de Brecon 5 sous, prélevés sur ses rentes du village de Brecon, afin de financer les lumières de la messe, lors de la fête de la Purification de la Vierge Marie83. Les Briouze confirment les donations de leurs tenants, jouant le double rôle de seigneurs des terres offertes et de patrons du monastère84. Ce statut d’intermédiaire apparaît à travers plusieurs actes. Vers 1175, Guillaume de Briouze, seigneur de Brecon, et sa femme Mathilde de Saint-Valéry souscrivent l’acte par lequel Robert de Baskerville offre une terre au prieuré Saint-Jean de Brecon, lors de l’entrée de son fils Jacques (angl. James) au monastère85. À la fin du xiie siècle, Guillaume III de Briouze, seigneur, sa femme Mathilde et leurs fils, Guillaume IV, Philippe, Gautier et Gilles, souscrivent l’acte par lequel Gautier de Traveley offre au prieuré Saint-Jean de Brecon un moulin et une terre86. À la même période, Guillaume III de Briouze, seigneur, sa femme Mathilde, son héritier Guillaume IV, ainsi que ses fils Philippe et Gautier de Briouze, souscrivent l’acte par lequel Guillaume de Waldeboef offre un bois au prieuré87. De même, à la demande de son seigneur Guillaume III de Briouze, Gautier d’Évreux le Jeune confirme le don de douze acres de terre au prieuré Saint-Jean de Brecon88. Une autre forme d’expression ostentatoire de la piété aristocratique est le phénomène désigné par Xavier Storelli sous le terme de « translations laïques » qui désigne des enterrements en deux temps89. Ce procédé résulte des pratiques nobiliaires médiévales : les grands seigneurs sillonnent leurs domaines épars et ne décèdent pas toujours près du lieu où leur inhumation a été planifiée, dans leur fondation monastique privilégiée. Le choix de la sépulture et la préoccupation du sort

80 Une partie du manuscrit Carte 108 est une copie du cartulaire. Il est complété par le manuscrit Tanner 342, qui inventorie certains folios du cartulaire. 81 Banks, Cartularium…, p. 56-57. 82 Banks, Cartularium…, p. 83-84. 83 Banks, Cartularium…, p. 85-86. 84 Banks, Cartularium…, p. 86, p. 90-92. 85 Banks, Cartularium…, p. 88-90. 86 Banks, Cartularium…, p. 50-51. 87 Banks, Cartularium…, p. 100. 88 Banks, Cartularium…, p. 49-50. 89 Storelli, Le Chevalier…, p. 757.

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de la dépouille sont une manière d’« apprivoiser90 » la mort91. Le déplacement du corps est une pratique courante pour les grands chevaliers, qui décèdent souvent lors d’expéditions lointaines92. Ces situations complexes sont anticipées par les aristocrates qui organisent de leur vivant le déplacement de leur dépouille après leur décès. Vers 1207-1208, Guillaume de Briouze arrange ses funérailles. Il décide de donner son corps à l’église Saint-Jean de Brecon. Il est alors prévu que s’il meurt en Angleterre ou au pays de Galles, il sera rapidement transporté dans cette église. Il confie à Saint-Jean la garde de son corps, vivant ou mort, en allongeant symboliquement son corps sur l’autel (lat. cum corpore meo super altare Sancti Johannis represento). À cette occasion, il confirme tous les dons octroyés par ses prédécesseurs93. Sa femme Mathilde décide d’être enterrée au côté de son époux94. Ce choix pourrait révéler un projet de fondation d’une nouvelle nécropole familiale. Cette décision traduit symboliquement le glissement de l’ancien pôle religieux formé par le prieuré Saint-Pierre de Sele, à Bramber, vers le nouveau centre du pouvoir familial implanté dans la marche de Galles. Mais ce déplacement du corps et les funérailles prévues ne se déroulent pas suivant les projections des Briouze, et les lieux de sépultures de Mathilde et Guillaume sont aujourd’hui indéterminés95. Giraud de Barri, après avoir décrit la piété de Guillaume III de Briouze, évoque la dévotion de son épouse dans l’Itinerarium Cambriae96. Il précise qu’elle avait les mêmes pratiques religieuses que son époux et il vante ses compétences de bonne gestionnaire de son foyer. Il conclut son propos en espérant que leur grande dévotion ait garanti leur Salut97. Bienfaiteur d’églises galloises

Les libéralités accordées au pôle religieux de Brecon sont complétées par diverses donations octroyées à d’autres maisons religieuses. Ces actes révèlent l’existence d’un réseau ecclésiastique patronné par les seigneurs de Briouze, leur parentèle et leurs vassaux. Les églises des châteaux familiaux reçoivent les dîmes, selon le système de rémunération communément en vigueur. Guillaume III de Briouze offre à l’église Sainte-Marie d’Abergavenny une aumône incluant la dîme du château

90 Ph. Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, 1977. 91 Storelli, Le Chevalier…, p. 21. 92 Storelli, Le Chevalier…, p. 758. Il rapporte ainsi l’exemple de Guillaume Fitz Osbern, tombé en Flandre en février 1071, à la bataille de Cassel, est rapatrié dans sa fondation de Cormeilles (Normandie). 93 Rev. W. Banks (éd.), « Cartularium Prioratus S. Johannis Evang. De Brecon », Archæologia Cambrensis, 1883, p. 156-157. Dugdale, Monasticon…, vol. 3, p. 266, no 8. 94 Banks, Cartularium…, p. 83-84. 95 Guillaume aurait été enterré en France, suite à son décès en exil, peut-être en l’abbaye Saint-Victor de Paris. Matthieu Paris, Historia Anglorum, vol. 2, p. 125. Mathilde décède avec son fils dans une prison royale, Windsor ou Corfe. Windsor : Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 265, Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 221, Annales de Margam, p. 30. Corfe : Histoire des ducs de Normandie, p. 115. 96 Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. Dimock, p. 23. Giraud de Barri, The Journey through Wales, trad. Thorpe, p. 83. 97 Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. Dimock, p. 23.

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d’Abergavenny98. De même, la chapelle du château de Brecon perçoit une portion des dîmes du domaine99. Ce cas contraste avec un extrait de l’Itinerarium Cambriae (fr. L’Itinéraire du pays de Galles), écrit en 1191 ou 1192. Giraud rapporte le rêve du chapelain de Saint-Nicolas de Brecon, accusant Guillaume III de Briouze d’avoir usurpé les droits de la chapelle castrale100. Cette impression de déprédation chevaleresque est construite, transmise, par des ecclésiastiques cherchant à canaliser l’usage de la force guerrière au profit de l’Église. Elle n’est confirmée par aucune source diplomatique. Les chartes de donation permettent à la fois de cerner la circulation des biens et de cartographier les territoires contrôlés par des autorités complémentaires, de percevoir les formes d’expression de la piété aristocratique, mais aussi d’établir les temps de rupture dans l’équilibre des forces en présence. Prendre en considération ces phénomènes extérieurs permet de déterminer la datation des actes, rarement précisée dans les chartes antérieures au xiiie siècle. L’acte par lequel le roi Henri II informe Rhys ap Gruffydd, Guillaume de Briouze et plusieurs seigneurs du pays de Galles qu’il saisit la garde de l’abbaye de Margam, est nécessairement rédigé avant la mort du roi Henri II en juillet 1189 et après novembre 1183, date du décès de Guillaume de Gloucester. Guillaume ne laisse qu’une héritière mineure, Isabelle : le comté de Gloucester et la seigneurie de Glamorgan sont placés sous la tutelle du roi. L’abbaye de Margam avait été fondée par les comtes de Gloucester, c’est dans le cadre de cette tutelle royale que sa protection revient au roi101. Dans ces circonstances, Guillaume III de Briouze intervient en tant que seigneur de la marche, voisin des terres placées sous la tutelle royale102, mais aussi en tant que vassal du roi. Le 12 janvier 1193, à Cardiff, Guillaume de Briouze souscrit l’acte par lequel Jean, comte de Mortain, confirme à l’abbaye de Margam la possession d’une terre arable située à Kenefeg, offerte par les bourgeois de Kenefeg, et du service d’Hugues de Hereford103. À travers la souscription, un réseau d’affinités entre seigneurs gallois et anglo-normands apparaît, brouillant l’image d’un clivage ethnique nettement tranché. Les actes de la pratique offrent une vision plus nuancée des relations entre les seigneurs de la marche et leurs voisins gallois, complétant l’impression de dichotomie créée par les sources narratives. Par exemple, vers 1198, Guillaume de Briouze souscrit l’acte par lequel Thatherech, fille de Ketherec Ddu, donne à l’église Sainte-Marie de Margam et à ses moines la terre qu’elle possède dans le fief de Peiteuin (fr. Poitevin ?), contre le versement annuel d’un marc104.

98 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 616, n°3. 99 Barrow, St Davids…, p. 81-82, no 58. 100 Giraud de Barri, The Journey through Wales, trad. Thorpe, Londres, 2004, p. 81. Giraud de Barri, Itinerarium Kambriae, éd. Dimock, p. 21. 101 Je remercie Élodie Papin pour les informations concernant Guillaume de Gloucester et l’abbaye de Margam qui ont permis d’établir cette datation. 102 Barrow, St Davids…, p. 81-82, no 58. 103 R. B. Patternson (éd.), Earldom of Gloucester Charters, Oxford, 1973, p. 127-128, no 138. 104 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 679-680, L. 240.

portrait historiographique de guillaume iii, seigneur de la marche

Plus tard, cette donation est confirmée par le fils et héritier de Thatherech. Guillaume de Briouze souscrit le don d’Espus, fils de Caradog Ddu, adressé à l’abbaye de Margam. Contre le versement d’un ½ marc par an, Espus cède aux moines une terre sise dans le fief de Peiteuin, terre dont il avait héritée de sa nièce Thatherech105. Élodie Papin démontre que cette donation est l’objet d’un conflit horizontal entre cousins. Dans ce cadre conflictuel, l’évêque de Llandaff et le seigneur du Gower interviennent en tant qu’autorités locales pour servir de médiateurs et arbitrer le conflit106. Ce statut d’intermédiaire pacificateur joué par Guillaume de Briouze auprès de deux parents gallois confirme que son rôle dans la marche de Galles ne se limite pas à l’image de guerrier sanguinaire, tueur de Gallois, véhiculé par les sources narratives. À la fin du xiie siècle, probablement entre 1193 et 1199107, Guillaume III de Briouze donne au prieuré Saint-Jean-l’Apôtre-et-Évangéliste et à l’église Saint-Theulac de Carmarthen, l’église d’Aber Nant (angl. Aberdare108) ainsi que sa chapelle et ses dépendances. Ce don est fait en réponse à une attaque de Maredudd ap Rhys qui brûle le village de Carmarthen et la terre du prieuré de Saint-Jean-l’Apôtre-et-Évangéliste, ainsi que celui de Saint-Theulac de Carmarthen, tuant beaucoup d’hommes109. Après ce crime, le roi confisque la terre de Maredudd. Or, l’église d’Aber Nant, dépendant du patronage de Maredudd, était vacante. Guillaume de Briouze intervient ici pour réparer les torts causés par une attaque galloise sur deux établissements religieux. Il agit au nom du roi, en tant que bailli de Carmarthen, charge qu’il détient depuis 1187110. De par sa fonction, il agit en tant que représentant du roi, qui lui a délégué des pouvoirs administratifs, militaires et judiciaires dans l’une des deux principautés, avec celle de Cardigan, que le roi détient en propre dans le sud-ouest du pays de Galles111. Cet exemple illustre la superposition des rôles joués par Guillaume III de Briouze dans la marche de Galles, à la fois combattant, seigneur, protecteur, intermédiaire, délégué et vassal. Ces différentes responsabilités s’articulent autour d’une fonction déterminante, celle de défendre une zone frontalière fragile et agitée.

Conclusion : Portrait ambivalent d’un seigneur de la marche Cruel et pieux, combattant et charitable, rival et allié, violent et courtois, mobile et sédentaire, pionnier et occupant : autant d’antinomies qui convergent dans le

Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 688, L. 273. Papin, L’Aristocratie…, p. 102. Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 1, p. 296-297, D. 262. Commission on the Ancient and Historical Monuments of Wales, List of Historic Place Names. La chapelle d’Aber Nant serait liée à l’église Saint-David d’Abergwili. Taxatio Database [en ligne], HRI Online, University of Sheffield, 2003, disponible sur (consulté le 21 juin 2020). 109 Maredudd ap Rhys (d. 1201), fils Rhys, prince de Deheubarth (d. 1197). Pryce, The Acts…, table 3, p. l. 110 GRP, Michaelmas 1190, Londres, 1925, PRS NS 1. 111 Holden, Lords…, p. xiv. Pounds, The Medieval Castle…, p. 159. 105 106 107 108

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discours des sources, formant un portrait ambivalent de Guillaume III de Briouze. Le contraste entre sources narratives et textes diplomatiques, entre points de vue gallois et anglo-normand, peut expliquer ces contradictions. Le processus d’appropriation d’un lieu est corrélé à un ensemble de comportements et aux réseaux frontaliers112. Surtout, cette image paradoxale est due à la fonction sociale et à la position géographique de Guillaume. Il est un chevalier loyal à son roi, un gardien des régions frontalières, un seigneur de la marche de Galles. Ce terme, seigneur de la « marche » (lat. marca), n’est cependant pas revendiqué par Guillaume III de Briouze à travers sa titulature. Dans les actes, la désignation de la marche reste floue, assimilée au comté du Herefordshire qui borde le pays de Galles à l’est (lat. Herefordscr’ in Walia113).

112 D. Abulafia, « Introduction: Seven types of ambiguity, c. 1100 – c. 1500 », in D. Abulafia et N. Berend (dir.), Medieval Frontiers: Concepts and Practices, Burlington, 2002, p. 34. 113 GRP, Michaelmas 1193, Londres, 1927, PRS NS 3, p. 86-87.

Guillaume III de Briouze, « favori » du roi Jean (1199-1207)

Le 6 avril 1199, le roi Richard Ier d’Angleterre décède des suites d’une blessure gangrénée, un carreau d’arbalète l’ayant mortellement atteint lors du siège de Châlus le 26 mars 1199. La veille, le 5 avril, Guillaume III de Briouze est à ses côtés, témoin du dernier acte royal1. Il suivait le roi dans sa campagne militaire continentale, entre Touraine et Limousin, depuis le 1er mars 11992. Deux mois plus tard, le 7 juin, il est à Northampton où il souscrit un acte du roi Jean3. Sans attendre d’assister aux funérailles du roi défunt4, il effectue le voyage entre Limousin et Angleterre, où Jean est couronné à Westminster le 27 mai5. Il rallie la cause du nouveau roi et montre son attachement en fréquentant la cour royale jusqu’au 20 juin6. À cette occasion, le rapprochement entre le roi Jean et Guillaume III de Briouze s’intensifie7, puisque le roi séjourne à Shoreham entre le 16 et le 20 juin (Annexe 3). Shoreham est l’une des plus anciennes possessions anglaises de la famille de Briouze, tenue depuis la conquête du xie siècle8. C’est également le port maritime qui dessert le château de Bramber, placé en retrait de la côte le long de la rivière Adur. La position de Shoreham, à l’embouchure de l’Adur et au sud de l’Angleterre, laisse supposer que le roi Jean quitte l’île à partir de ce port pour rejoindre le continent. Le roi n’émet pas d’actes entre le 20 et le 29 juin, date à laquelle il se trouve à RocheOrival, en Normandie, en périphérie de Rouen, le long d’un méandre de la Seine. En l’espace de quelques semaines, Guillaume III de Briouze réussit sa transition en tant que conseiller royal, surmontant les difficultés liées au changement de règne9.

1 Landon, The Itinerary…, p. 135, no 418. J. Gillingham, « The Unromantic Death of Richard I », Speculum, vol. 54, no 1, janvier 1979, p. 20, p. 25-26. Raoul de Coggeshall, Chronicon Anglicanum, éd. J. Stevenson, Londres, 1875, p. 94-96. 2 Annexe 3 – Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207). 3 L. Landon (éd.), The Cartae Antiquae, Rolls 1-10, Londres, 1939, PRS NS 17, p. 31, no 56 ; p. 34-35, n°60. 4 Landon, The Itinerary…, p. 145. 5 À cheval, la distance moyenne parcourue quotidiennement varie entre 30 et 40 kilomètres, soit une estimation de 35 kilomètres par jour. À ce rythme, Guillaume de Briouze a mis près de 26 jours pour parcourir la distance de 900 kilomètres entre Châlus et Westminster, sans compter le délai nécessaire à la traversée de la Manche. Si Guillaume de Briouze s’est précipité pour rejoindre au plus vite le prince Jean, il dut être à ses côtés au début du mois de mai. 6 Annexe 3 – Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207). 7 Le 12 janvier 1193, à Cardiff, Guillaume souscrit un acte de Jean, qui est alors comte de Mortain. R. B. Patterson (éd.), Earldom of Gloucester Charters, Oxford, 1973, p. 127-128, no 138. 8 Annexe 2 – Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book. 9 S. Church, King John. England, Magna Carta and the Making of a Tyrant, Londres, 2015, p. 166-167.

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La situation en 1199 est complexe10. Deux hommes peuvent succéder au roi Richard, mort sans descendance légitime. D’une part, selon l’ordre de transmission agnatique, son successeur aurait dû être son neveu Arthur de Bretagne, fils posthume de Geoffroy, fils aîné du roi Henri II, décédé en 1183. Mais le jeune Arthur est mineur et sous contrôle du roi capétien Philippe II Auguste, qui le retient à sa cour11. Cette collusion entre l’héritier potentiel et le pouvoir capétien rival explique pourquoi l’aristocratie anglo-normande lui préfère Jean, frère cadet de Richard, âgé d’une trentaine d’années. Selon les Annales de Margam, Guillaume III de Briouze est un acteur déterminant de cette prise de pouvoir12 : Le prince Jean se fit couronner contre l’opinion commune, soutenu par Guillaume de Briouze et ses partisans. Ils commirent tous une grave faute lors de ce couronnement et il n’y eut aucune justice au cours de ce règne. Arthur, fils de Geoffroy, frère aîné de Jean, était alors vivant. Il était l’héritier du trône, mais il fut déshérité, trahi et dénié de mémoire. Ils offensèrent tous Dieu gravement et ils furent punis pour leurs offenses. Mais Guillaume de Briouze, qui offensa Dieu plus que les autres au cours de ce couronnement, fut puni par la juste justice divine, ainsi que tous ceux de sa maisonnée. Les Annales de Margam sont la seule source à mentionner cette intervention. Sidney Painter s’interroge sur le rôle joué par Guillaume de Briouze dans l’obtention du titre royal par Jean13. Il se demande si cette source n’exagère pas le poids de l’intervention de Guillaume de Briouze et de ses partisans. Guillaume a certes pu intervenir auprès du roi Richard avant son décès pour l’inciter à favoriser Jean. Toutefois, aucune preuve ne confirme cette hypothèse. Sidney Painter fait ressortir l’influence de la reine douairière Aliénor, qui a également contribué au succès de Jean en le soutenant ouvertement au détriment d’Arthur. La médiation exercée par Guillaume III de Briouze entre Jean et l’aristocratie anglo-normande au moment du choix du successeur de Richard doit être nuancée, même si elle semble confirmée. Le discours issu des Annales de Margam recoupe les informations fournies par les actes de la pratique qui témoignent de la proximité entre les deux hommes. La présence physique du roi à Shoreham, quelques jours après son couronnement, exprime concrètement l’intimité perceptible à travers le récit de l’analyste gallois. Guillaume III de Briouze est souvent l’unique témoin des actes royaux, ce qui suggère sa présence constante dans la sphère privée, intime, du roi14. La fidélité des membres de la famille de Briouze à leur roi depuis le xie siècle a permis leur ascension sociale et économique. La loyauté de Guillaume III de Briouze est indéfectible au

10 D. Carpenter, The Struggle for Mastery, 1066-1284, Londres, 2004, p. 262-263. 11 Landon, The Itinerary…, p. 111-112. Le 13 avril 1196, le roi Richard demande aux Bretons de lui remettre la garde d’Arthur, alors âgé d’une dizaine d’années. Les Bretons refusent et le tuteur d’Arthur le remet au roi Philippe de France. 12 Annales monastici, vol. 1 : Annales de Margam (a.d. 1066-1232), éd. H. R. Luard, p. 24-25. Fr. M. Powicke, The Loss of Normandy, Manchester, 1913, Appendix I. 13 S. Painter, The Reign of King John, Baltimore, 1945, p. 7. 14 M. Billoré, De gré ou de force. L’aristocratie normande et ses ducs (1150-1259), Rennes, 2014, p. 280.

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tournant du xiiie siècle, malgré la fragilité du pouvoir Plantagenêt face à la puissance capétienne. Son soutien est récompensé par la faveur royale. Ce cercle vertueux conduit à l’élévation familiale. D’abord soutien du roi, lors de l’accession de Jean au trône, il devient un conseiller, témoin des actes royaux, et son assiduité à la cour fait de lui un proche du roi, un familier membre de son cercle privé. De fidèle, il devient favori. Le terme « favori » peut sembler anachronique, puisque le mot n’apparaît qu’au xvie siècle et désigne dans l’historiographie moderne un rapport spécifique entre le roi et un proche. Néanmoins, le parcours de Guillaume III de Briouze correspond aux critères de définition proposés par les historiens modernistes. Guillaume appartient à l’entourage royal. Le favori agit, selon le moderniste Nicolas Le Roux, comme une interface entre le souverain et l’aristocratie15. Le roi délègue une partie de la gestion quotidienne du pouvoir à ses favoris pour développer ses fonctions de représentation16. Quelques points invitent à relativiser l’idée d’une relation fusionnelle entre le roi et Guillaume. Son omniprésence à la cour au côté du roi Jean est tempérée par son éloignement ponctuel17. Mais ces temps de séparation résultent du rôle attribué par le pouvoir royal à la famille de Briouze depuis le xie siècle, celui de défendre les régions frontalières du monde anglo-normand18.

Les étapes de la faveur royale Selon Stephen Church, les rois Plantagenêt utilisent à leur avantage la distribution de concessions de propriétés. Ils tirent profit d’un principe fondamental de la société médiévale : la terre, et non l’argent, est source de richesse et de prestige19. Pour récompenser un fidèle ou s’attacher les faveurs d’un noble rétif, le roi Jean manie ce système, dont le corollaire est la confiscation des biens des vassaux séditieux. Entre 1200 et 1204, Guillaume III de Briouze est l’un des grands bénéficiaires de cette fluidité de la circulation des titres de propriétés, accaparés et redistribués par le pouvoir royal. Dans un premier temps, entre 1200 et 1202, les bienfaits accordés à Guillaume de Briouze lui permettent de valoriser et d’étendre les terres patrimoniales. Le 3 juin 1200, il reçoit le droit d’accroître sa terre de Radnor par la conquête des territoires gallois environnants20. Par la même occasion, la possession des terres paternelles

15 N. Le Roux, « Courtisans et favoris : l’entourage du prince et les mécanismes du pouvoir dans la France des guerres de religion », in D. Crouzet (dir.), Histoire, économie et société, no 3 : L’État comme fonctionnement socio-symbolique (1547-1635), 1998, p. 377-378. 16 Le Roux, « Courtisans… », p. 380. 17 Annexe 3 – Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207). 18 L’Angevin Network propose de substituer le terme de « monde » Plantagenêt à celui d’« empire » lors de la première table ronde tenue à Poitiers au CESCM les 7 et 8 novembre 2014 (New Interpretations on the Angevin World, University of East Anglia). 19 S. D. Church, « The Rewards of Royal Service in the Household of King John: a Dissenting Opinion », EHR, no 110, 1995, p. 295. 20 Clark, Cartae…, vol. 2 (1196-1270), p. 254, no 253 ; vol. 3 (441-1300), p. 177, no 688.

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du Gower lui est confirmée21. En 1201, il obtient l’honneur de Limerick, domaine irlandais perdu par son oncle paternel22. La même année, le roi concède à Guillaume de Briouze et à ses héritiers l’autonomie juridique de l’honneur de Briouze23. Les hommes des seigneurs de Briouze ne seront pas convoqués aux plaids du roi. Lorsque les juges itinérants se présenteront dans le baillage de Falaise, ils ne seront autorisés à rester qu’une seule journée à Briouze. Les hommes de Guillaume de Briouze sont exemptés de plusieurs redevances. En 1202, il peut acheter le droit d’installer une foire annuelle de huit jours à Shoreham, dans l’honneur de Bramber, contre le versement de trente marcs et la remise d’un palefroi24. Une ligne directrice rassemble ces privilèges épars. Ils permettent à Guillaume de Briouze de renforcer les quatre pôles familiaux stratégiques, éparpillés à travers le monde Plantagenêt. Chacune de ces concessions royales consolide l’une des forces potentielles du patrimoine familial, telle l’autonomie juridictionnelle de Briouze sur la marche normande ou la position conquérante de Radnor dans la marche de Galles, le rattachement de la région irlandaise de Limerick à la couronne anglo-normande et le dynamisme maritime de la seigneurie anglaise de Bramber. Ces différentes concessions sont confirmées ou étoffées au cours de la période suivante, signe de leur fonction tactique régionale. Après cette première phase au cours de laquelle le roi sécurise la loyauté d’un vassal proche en valorisant ses domaines, Jean compte dorénavant sur le dévouement complet de Guillaume et son soutien sans faille. Cette exigence apparaît à partir de 1202 jusqu’en 1204, période où le roi confie à Guillaume de Briouze des terres instables du duché de Normandie. Le 23 mai 1202, le roi Jean remet à Guillaume la garde des terres normandes de Gautier de Lacy25. Selon Colin Veach, les terres possédées par les Lacy sur le continent s’étendent sur l’ensemble de la Normandie, dispersées à travers le duché26. Gautier de Lacy est le gendre de Guillaume de Briouze. La garde des terres normandes de Gautier par Guillaume peut être considérée comme un échange de bons procédés entre ces parents, puisque Gautier veille sur les terres irlandaises de Guillaume. Le 6 février 1203, le roi Jean ordonne à Guillaume de Préaux27 de remettre sans délai à Guillaume de Briouze toute la terre de l’honneur de Le Pin-au-Haras ayant appartenu à Hugues de Lacy28. Au début du xiiie siècle, Guillaume de Briouze est de plus en plus actif en Normandie. En avril 1202, le roi Jean est privé de ses terres continentales par condam 21 Nouvelle confirmation le 23 février 1203. Clark, Cartae…, vol. 2 (1196-1270), p. 287-288, no 283 ; vol. 3 (441-1300), p. 234-235, no 748. 22 Hardy, Rotuli de Oblatis…, p. 94 et p. 99. 23 A.-L. Léchaudé d’Anisy, « Rotuli Normanniae, in Turri Londinensi, asservati, Johanne Angliae Regi, ab anno MCC ad annum MCCIV », MSAN, tome XV, 1846, p. 96. Confirmation le 4 février 1203 : A. de Caix, « Notice sur le prieuré de Briouze », MSAN, tome XXII, 1856, p. 118-119, no 1. 24 Hardy, Rotuli de Oblatis…, p. 182. Confirmation le 16 juin 1204 : Th. D. Hardy (éd.), Rotuli de Libertate ac de Missis et Praestitis, regnante Johanne, Londres, 1844, p. 103. 25 Léchaudé d’Anisy, « Rotuli Normanniae… », p. 109-110. 26 Veach, Lordship…, p. xiv, map 2. 27 Billoré, De gré…, p. 244. 28 Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 114-115.

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nation de la cour royale française29. Au cours des années 1202 et 1203, de nombreux seigneurs anglo-normands abandonnent la cause du roi Jean pour rejoindre les forces françaises de Philippe Auguste30. Les actes de la pratique témoignent de l’intensité de la redistribution des terres en faveur de Guillaume de Briouze dans un contexte troublé. Le roi confie les terres normandes sensibles à un vassal fidèle après les avoir confisquées à des aristocrates séditieux31. À partir de 1202, le roi charge Guillaume III de Briouze de veiller à la défense de la Normandie, en augmentant le nombre de terres normandes placées sous son autorité. Le 15 décembre 1202, Jean remet à Guillaume le manoir d’Agon et ses dépendances, que tenait Guillaume des Roches32. Ce dernier, attaché au prince Arthur de Bretagne, avait travaillé à la réconciliation entre Arthur et son oncle Jean. Pour cela, le roi l’avait récompensé en le confirmant dans sa charge de sénéchal d’Anjou, du Maine et de Touraine, en 1200. Mais Arthur refuse de reconnaître son oncle comme son souverain et décide de reconquérir le Poitou. En août 1202, il est capturé par Guillaume de Briouze lors du siège de Mirebeau. Guillaume des Roches demande au roi Jean de libérer Arthur sous peine de quitter sa cause pour rallier le roi de France33. Après la désertion de Guillaume des Roches, le roi Jean lui confisque ses terres normandes34, dont il confie un fief à son fidèle Guillaume de Briouze. En Normandie, Jean offre à ce dernier les terres royales de Lillebonne et de Longueil, le 12 mai 120335. Le 1er août 1202, Guillaume de Briouze capture Arthur de Bretagne après le siège de Mirebeau36. Guillaume III de Briouze est un intime du roi, qui évolue dans son entourage réduit et lui reste fidèle. Le 8 septembre 1202, à La Suze, le roi Jean et son neveu Otton de Brunswick concluent un pacte militaire37. Guillaume est témoin de l’alliance38. Peu après ces évènements, le 4 février 1203, Guillaume reçoit la confirmation de la précédente donation accordée vers 1200 concernant son domaine de Briouze39. Ce renouvellement juridique est probablement garanti par 29 Turner, King John, p. 89. 30 Turner, King John, p. 93. 31 Le 12 mai 1203, Guillaume de Briouze reçoit les fiefs de Longueil et de Lillebonne. Longueil avait été confisqué à Hugues de Gournay et avait été accordée dans un premier temps à Foulques de Cantilupe (Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 121). Lillebonne était tenue par le roi, qui en avait confisqué une partie au comte de Boulogne (Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 122). 32 Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 112. 33 Billoré, De gré…, p. 275, note 106 ; p. 282. 34 Le 8 septembre 1202, le pacte d’alliance militaire entre le roi Jean et son neveu Otton de Brunswick est conclu au château de la Suze, que Guillaume des Roches tenait de son union avec Marguerite de Sablé. J. Klotgen, « Prélude à Bouvines, Le Pacte de la Suze (8 septembre 1202) », Revue Historique et Archéologique du Maine, 3e série, tome XV, Le Mans, 1995, p. 273-298. 35 Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 122. 36 Raoul de Coggeshall, Chronicon Anglicanum, p. 137-138. 37 Otton est le fils de Mathilde, sœur du roi Jean, et d’Henri, duc de Bavière et de Saxe. C. Bowie, The Daughters of Henry II and Eleanor of Aquitaine, Turnhout, 2014, p. 105. 38 Original, Wolfenbüttel, Niedersächs, Staatsarchiv, 1 URK 7, transcrit par Klotgen, « Prélude… », p. 273-298. 39 de Caix, « Notice… », p. 118-119, no 1.

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le roi en signe de reconnaissance envers Guillaume pour l’aide apportée. Daté au début du mois de février, cet acte ne peut être un moyen de lui imposer le silence après la mort d’Arthur puisque le prétendant au trône disparaît quelques temps plus tard, en avril 120340. Le contexte troublé explique pourquoi, le 28 juillet 1203, le roi Jean remet à Guillaume de Briouze la garde de trois prisonniers, à savoir Hubert de Becolles, Geoffroy de Saint-Gratien et Geoffroy de Molurie. Le roi charge Guillaume de les conduire de Domfront à Caen41. L’identité de ces trois hommes et leurs liens éventuels avec de grands seigneurs rebelles, tel Robert Ier, comte de Sées42, qui fait défection en janvier 1203, ou Hugues de Gournay et Pierre de Meulan, qui rejoignent le roi de France en mai, ne sont pas établis. En Normandie, Guillaume de Briouze semble être l’un des derniers remparts au maintien du pouvoir Plantagenêt face à la pression capétienne. Parallèlement à la défense de la Normandie, le roi Jean favorise le renforcement de l’autorité des Briouze en Angleterre, dans une région jusqu’alors peu apparente dans la construction de l’identité familiale : le Devon. Les domaines familiaux situés dans cette partie du royaume ont une position intermédiaire entre les terres familiales du Sussex et le sud du pays de Galles. Le 5 juin 1203, le roi remet à Guillaume de Briouze toute la terre que tenait Jean de Torrington43. La localisation de ces domaines n’est pas précisée44. Cependant, le toponyme Torrington renvoie à une localité située à proximité de Barnstaple, fief détenu par la famille de Briouze depuis le début du xiie siècle, grâce à l’union entre Philippe de Briouze et Aénor de Totnes45. Plusieurs autres concessions royales complètent le binôme patrimonial du Devon formé par Barnstaple et Totnes en 1203 et 1204. Le 8 septembre 1203, le roi fait remettre à Guillaume de Briouze toutes les terres anglaises de Jean du Hommet46, que tenaient alors son épouse47. Le 22 septembre 1203, Guillaume reçoit la terre de Frome, d’une valeur de dix livres, située dans l’actuel Somerset, au sud-est de Bristol et de Bath.

40 R. V. Turner, « Briouze, William (III) de (d. 1211) », ODNB, 2006. 41 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 32b. 42 D. J. Power, « The End of Angevin Normandy: the Revolt at Alençon (1203) », Historical Research, vol. 74, no 186, 2001, p. 444-464. 43 Hardy, Rotuli de Liberate, p. 39. N. Ludlow, Carmarthen Castle. The Archaeology of Government, Cardiff, 2014, chapitre 2, note 139. Jean de Torrington est un homme du Devon qui reçoit temporairement, à la fin du xiie siècle, la garde des châteaux de Pembroke et de Carmarthen. D. Crouch, William Marshal: Knighthood, War and Chivalry, 1147-1219, Harlow, 2002 [1e éd. 1990], p. 86. 44 Jean de Torrington est décédé lors de la concession, puisque l’acte précise que Guillaume de Briouze reçoit toutes ses terres, à l’exception de celles incluses dans le douaire de la veuve de Jean. N. E. Stacy, Charters and Custumals of Shafesbury Abbey, 1089-1216, Oxford, 2006, p. 51, note 1. 45 GRP, a.d. 1155, 1156, 1157, 1158, p. 183. La plus ancienne mention de Barnstaple comme possession de la famille de Briouze date de 1158. 46 Billoré, De gré…, p. 291. D. J. Power, « The Charters and Letters of the Du Hommet, Constables of Normandy », ANS 35, Woodbridge, 2013, p. 259-286. 47 Hardy, Rotuli de Liberate, p. 62.

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Cette terre était à Étienne de Longchamp, rallié à la cause capétienne48. Enfin, le 14 juin 1203, le roi Jean remet à Guillaume de Briouze la saisine de la terre de Roger de La Zouche49. Ce dernier détenait plusieurs tenures dans le Devon, notamment North Molton, King’s Nympton et Black Torrington. Depuis 1203, Guillaume est continuellement présent au côté du roi Jean. En 1203, il ratifie 123 chartes de Jean sur le sol normand (Annexe 3). Les interruptions sont trop brèves pour que Guillaume puisse s’éloigner de la cour pour rejoindre ses domaines. L’itinéraire de Guillaume indique une rupture dans la stratégie royale de défense de la Normandie. Entre le 28 novembre et le 6 décembre 1203, Guillaume, dans le sillage du roi, quitte la France (Caen50) pour rejoindre l’Angleterre (Portsmouth puis Marlborough51). À partir de cette date, Guillaume ne sera plus jamais témoin de chartes royales élaborées sur le continent. En 1204, sa présence à la cour est moins régulière. Il s’absente plusieurs mois, entre janvier et mi-mars, en avril, entre la mi-juin et la fin septembre. Sa mission de protection des frontières glisse vers celle de conseiller royal, fonction plus symbolique que matérielle, puisque Guillaume ne peut pas véritablement agir sur le terrain pour gérer les domaines dont il a reçu la charge. La loyauté indéfectible dont fait preuve Guillaume de Briouze à l’égard de son souverain dans une période d’instabilité et de repli du pouvoir Plantagenêt contraste avec le comportement de la majorité de l’aristocratie anglo-normande. Comme le rapporte Maïté Billoré, à partir du discours de Roger de Wendover, beaucoup de nobles haïssent le roi et se détournent de lui52. Elle cite l’Histoire de Guillaume le Maréchal, dont l’auteur prête à Guillaume Le Maréchal un mot d’avertissement adressé au roi, lui rappelant qu’il n’a pas assez d’amis, puisque son mode de gouvernement a détourné de lui la noblesse53. Elle met en évidence la modernité du comportement royal. Selon Maïté Billoré, le roi Jean se conduit comme un roi moderne. La modernisation de la manière de gouverner développe une distance entre le roi et ses vassaux. Jean modifie la stature royale en imposant un éloignement qui fragilise les liens féodaux, fondés sur l’amitié et la camaraderie virile. Il perd progressivement la confiance de ses hommes. La forme d’intimité qui unit le roi Jean à Guillaume III de Briouze en 1203 est, à ce titre, exceptionnelle. Pour Nicolas Le Roux, la position privilégiée de favori est caractérisée par « la plus extraordinaire capitalisation de signes de l’exception54. » Il remarque qu’en sélectionnant des hommes qui lui doivent tout, le roi se positionne comme le distrib-

Hardy, Rotuli de Liberate, p. 64. Billoré, De gré…, p. 209 et p. 290. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 1. Hardy, Rotuli Chartarum, p. 113-114. Hardy, Rotuli de Liberate, p. 75. Hardy, Rotuli Chartarum, p. 114. Billoré, De gré…, p. 284, à partir de Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. H. G. Helwett, Londres, 1886, vol. 1, p. 316. 53 Billoré, De gré…, p. 284, à partir de History of William Marshal, éd. A. J. Holden, Londres, 2004, vol. 2, v. 12721-12742. 54 Le Roux, « Courtisans… », p. 380-381. 48 49 50 51 52

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uteur des honneurs, ce qui conduit à la mise en place d’une économie de la faveur55. Le cas de Guillaume III de Briouze est une application médiévale de cette théorie élaborée pour l’époque moderne. Guillaume est un favori, véritable « instrument informel56 » du processus de centralisation mis en place par le roi Jean. Il accumule les bienfaits et les privilèges, mais cette accumulation de responsabilités ne coïncide pas avec une application locale de l’autorité déléguée par le roi. Sa faveur est due à sa présence constante dans l’entourage immédiat du roi. La confiance particulière que lui accorde le roi se modifie après la perte de la Normandie. Entre 1204 et 1205, la présence de Guillaume à la cour décline. Le nombre de chartes royales dont il est le témoin diminue progressivement jusqu’en 1206, année où il ne ratifie aucun acte de Jean57. Après 1205, la stratégie royale évolue en un exercice direct de l’autorité, le roi se passant d’intermédiaire58. Cette transformation est une conséquence de la perte de la Normandie en 1204 qui accroît la méfiance entre le roi et sa noblesse. L’équilibre des pouvoirs locaux est modifié59. Progressivement, Guillaume de Briouze perd la faveur royale et sa famille est persécutée. Les sources narratives suggèrent différentes raisons pour expliquer cette chute, telle la connaissance du sort d’Arthur ou les dettes accumulées pour la possession de Limerick. Confidence et endettement symbolisent son intimité avec le roi, justifient son ascension, mais deviennent ultérieurement des arguments de sa disgrâce. L’équilibre des forces est modifié après 1204 : cette rupture contextuelle marque le coup d’arrêt de la mobilité d’un vassal qui est sur tous les fronts, ce qui rend caduque les libéralités qui lui sont accordées.

Guillaume III a-t-il les moyens de ses ambitions ? La richesse de Guillaume III est complexe à évaluer, faute de sources précisant les revenus tirés de l’exploitation de ses différents domaines60. Quelques sommes dues, comme l’écuage61, et quelques sommes reçues, telles les fermes62, sont

55 56 57 58 59

Le Roux, « Courtisans… », p. 393. Le Roux, « Courtisans… », p. 386. Annexe 3 – Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207). Turner, King John, p. 107. Painter, The Reign…, p. 25-29. Br. W. Holden, « King John, the Braoses and the Celtic Fringe, 12071216 », North American Conference on British Studies, 2001, p. 7. 60 Le fief de Bramber est estimé à 100 livres (CRR, Hen. III, vol. 8, p. 10-11), pour un service de 10 chevaliers (LF, partie 1, p. 71). 61 Pour l’année 1201, il doit 20 marcs d’écuage pour ses 10 chevaliers de l’honneur de Bramber, 14 marcs pour l’écuage des fiefs de Guillaume de Beauchamp dont il a la tutelle, 27 sous et 8 deniers pour son écuage du Berkshire, 28 livres pour l’écuage du Devon, 56 marcs pour un autre écuage du Devon, 20 livres pour l’écuage de Jean de Monmouth, et 45,5 marcs pour celui d’Adam de Port, domaines dont il a la garde. GRP, Michaelmas 1201, PRS NS 14. 62 En 1200, Guillaume de Briouze rend compte de 144 livres, 16 sous et 5 deniers pour la ferme de Hereford au pays de Galles. Il verse au Trésor, 9 livres, 19 sous et 9 deniers (GRP, Michaelmas 1200, PRS NS 12). Un cas isolé est celui de la ferme de Gomshall, pour laquelle le shérif du Surrey verse annuellement, à partir de 1204, une somme variable à Guillaume III (GRP, Michaelmas 1204, PRS NS 18).

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mentionnées. La valeur du patrimoine familial au début du xiiie siècle ne peut être que supposée, même si Ralph Turner l’estime à près de 800 livres63. Le premier seigneur de Briouze, Guillaume Ier, avait accumulé près de 400 livres de ressources. Par la suite ses descendants ont augmenté le patrimoine familial par mariage, ce qui permit le développement des domaines du Devon (Totnes, Barnstaple) puis du pays de Galles (Brecon, Abergavenny). À cela se sont ajoutés les bienfaits royaux obtenus par Guillaume de Briouze, principalement le Gower et le Munster. Les revenus familiaux ont doublé depuis Guillaume Ier de Briouze. Guillaume III détient plus de 120 fiefs de chevaliers64, signe qu’il a les moyens financiers de lever et équiper autant de chevaliers pour accompagner son roi à la guerre grâce aux ressources produites par ses domaines65. Un autre indice de sa fortune transparaît à travers les versements en tête de bétail ou en animaux de prix66. Une première occurrence apparaît en 1201, lorsqu’il verse au roi 20 marcs et un palefroi pour obtenir une confirmation67. À partir de 1205, cette forme de versement au Trésor se systématise. Le 10 février 1205, le roi Jean demande à Guillaume de Cantilupe de remettre au prieuré de Bradenstoke 40 vaches et 2 taureaux que Guillaume de Briouze devait au roi68. À cette période, Guillaume de Briouze donne 10 taureaux et 10 vaches pour ne pas effectuer le voyage en Écosse, afin de conduire le roi d’Écosse auprès du roi d’Angleterre69. Guillaume de Briouze rend compte de 300 vaches, 30 taureaux et 10 chevaux lors d’un procès l’opposant à Henri de Nonant70. Pour ses terres du Sussex, en 1208, Guillaume rend compte de 80 vaches, 8 taureaux et 10 chevaux71. Un enregistrement de la chancellerie royale daté de 1210 indique le nombre total de vaches possédées par Guillaume III de Briouze au moment de sa disgrâce. Guillaume de Neville rend compte de 84 livres et 5 sous, soit la valeur de 337 vaches mortes sur un total de 604 vaches provenant des terres de Guillaume de Briouze72.

63 R. V. Turner, « Briouze, William (III) de (d. 1211), ODNB, 2004. 64 Le relevé des terres n’est cependant pas complet, puisque la valeur de Brecon en nombre de chevaliers n’est pas connue. Les fiefs de chevaliers répertoriés sont : 10 chevaliers pour Bramber dans le Sussex, 28 pour Barnstaple dans le Devon, 4 pour ses terres normandes, 2 dans le Warwickshire, 1 à Edburton dans le Kent, 1 dans le Berkshire, 3 dans le Leicestershire, 7 dans le Gloucestershire, ½ dans le Shropshire, plus de 5 à Radnor, 1 à Abergavenny, 1 à Blenleueilin, ½ à Kington, 1 pour le Gower et 60 pour l’honneur de Limerick. 65 Ph. Contamine, La Guerre au Moyen Âge, Paris, 1999, p. 200. 66 Guillaume effectue également un versement de 300 flèches au Trésor. Hardy, Rotuli de Oblatis…, p. 275. 67 GRP, Michaelmas 1201, PRS NS 14. Hardy, Rotuli de Oblatis…, p. 81, p. 95, p. 182. 68 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 18, p. 19, p. 25. Le 29 janvier 1205, le roi demande à Guillaume de Briouze de remettre à l’abbaye de Beaulieu 20 vaches et 2 taureaux. Le 1er avril, le souverain demande à Guillaume de Briouze de remettre à l’abbaye de Ford 40 vaches et 10 taureaux. La formulation de ces deux actes ne permet pas de définir s’il s’agit de bétail royal ou de bovins dus par Guillaume au roi et remis aux abbayes. 69 J. Bain (éd.), Calendar of Documents Relating to Scotland, vol. 1 (1108-1272), Édimbourg, 1881, p. 65, no 394, p. 69, no 415. 70 GRP, Michaelmas 1205, PRS NS 19 ; Michaelmas 1206, PRS NS 20 ; Michaelmas 1208, PRS NS 23, p. 158. 71 GRP, Michaelmas 1208, PRS NS 23. 72 GRP, Michaelmas 1210, PRS NS 26.

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Le cheptel bovin restant est alors constitué de 267 têtes73. De son vivant, Guillaume possédait donc en Angleterre un cheptel bovin considérable de plus de 600 têtes74. Malgré sa prospérité apparente, Guillaume III de Briouze s’endette progressivement et considérablement. En 1205, Guillaume de Briouze rend compte de 800 marcs, 3 destriers (lat. dextrariis), 5 chevaux de chasse (lat. chascuris), 24 chiens limiers (lat. seuz) et 10 lévriers (lat. leporariis) pour obtenir en fief, pour lui-même et ses descendants, les châteaux de Grosmont, de Skenfrith, de Llantilio, avec leurs dépendances. Mais il n’a rien versé au Trésor cette année-là75. Le 22 janvier 1206, Guillaume effectue une partie du paiement en remettant 3 destriers, 5 chevaux de chasse, 24 chiens limiers et 10 lévriers pour les 3 châteaux76. Il s’agit de la partie prestigieuse et visible de sa dette : il offre au roi des animaux destinés à la chasse, loisir aristocratique ostentatoire. Cet enregistrement n’inclut pas le versement annuel de 100 livres auquel Guillaume s’était engagé pour transformer cette garde castrale en patrimoine familial. La somme est considérable, puisque cela représente plus d’un dixième des revenus annuels. Pourtant, les engagements financiers se multiplient. Il a hérité de son père un règlement pour l’honneur de Barnstaple77. En 1203, Guillaume III de Briouze accepte de s’acquitter d’une somme de mille livres pour obtenir le droit de marier la veuve d’Hugues Bardolf à l’un de ses fils78. Ce montant représenterait plus de la totalité des revenus familiaux. Le précédent engagement, conclu le 12 janvier 1201, par lequel Guillaume promet de donner au roi cinq mille marcs pour obtenir l’honneur de Limerick79, ne freine nullement son accumulation de dettes. Un acte émis par le roi le 17 septembre 1202 pourrait expliquer la raison de l’endettement de Guillaume. À cette date, le roi Jean fait savoir qu’il libère Guillaume des dettes contractées par son père du temps du roi Henri II et des dettes qu’il a lui-même contractées du temps du roi Richard80. La chancellerie royale reporte annuellement ses dettes, tant pour la non-participation à la mission écossaise que pour le procès l’opposant à Henri de Nonant. Par exemple, pour l’année 1207, les pipe rolls indiquent que Guillaume n’a rien versé au Trésor. Régulièrement, le roi Jean met un terme à l’accumulation de dettes courant sur plusieurs années81. En 1204, Guillaume reconnaît s’être engagé auprès du Trésor royal à verser mille livres pour

73 GRP, Michaelmas 1214, PRS NS 35, p. 135 ; Michaelmas 1219, PRS NS 42, p. 28 ; Michaelmas 1220, PRS NS 47, p. 40 ; Michaelmas 1221, PRS NS 48, p. 211 ; Michaelmas 1222, PRS NS 51, p. 159. 74 Histoire des ducs de Normandie et des rois d’Angleterre, éd. Fr. Michel, Paris, 1840, p. 111. 75 GRP, Michaelmas 1205, PRS NS 19, p. 227. 76 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 63. 77 GRP, a.d. 1178-1179, vol. 28, p. 35. En 1179, Guillaume de Briouze rend compte de 1000 marcs pour sa part de son honneur de Barnstaple. Il a versé 5£, 6s et 8d au Trésor. Il doit 609£, 6s et 8d. Il rend compte de cette dette et verse au Trésor 9£, 6s et 8d. Il doit encore 600£. 78 GRP, Michaelmas 1201, PRS NS 14. 79 Sweetman, Calendar…, p. 24, no 146. En 1206, il doit encore 2 865£, 6s et 8d, qu’il s’est engagé à payer par des versements annuels de 500£ (GRP, Michaelmas 1206, PRS NS 20). 80 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 18b. 81 Guillaume est pardonné pour non-versement de sa dette à plusieurs reprises entre 1201 et 1203. GRP, Michaelmas 1201, PRS NS 14 ; Michaelmas 1203, PRS NS 16 ; Michaelmas 1205, PRS NS 19.

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obtenir une épouse82. Le nom de celle-ci n’est pas précisé, mais il s’agit de la veuve d’Hugues Bardolf, qui devient l’épouse de Jean de Briouze, dont il avait obtenu le droit de mariage l’année précédente. Sur les 1000 livres dues, il est finalement pardonné pour 925 livres de dettes : il n’aura donc déboursé que 75 livres pour obtenir la main de la veuve. Si les dates des pardons royaux correspondent à la période d’apogée de la faveur royale accordée à Guillaume, il ne s’agit pas d’un phénomène exceptionnel83. Le roi utilise l’endettement aristocratique comme moyen de pression politique84. En 1210, le roi Jean prive symboliquement Guillaume III du bienfait des largesses royales85. Dans sa lettre ouverte, il l’accuse de ne pas s’être acquitté des cinq mille marcs qu’il s’était engagé à verser pour sa terre du Munster. Guillaume aurait rompu l’équilibre harmonieux de la circulation des richesses entre le roi et la cour royale. Jean se réfère à une dette contractée neuf ans auparavant, mais passe sous silence les autres créances, signe que les terres irlandaises sont prétextes à la disgrâce. En le privant des largesses royales et en refusant d’absorber ses dettes, le roi Jean décide de sortir Guillaume du cercle de sociabilité et tranche avec la conduite du souverain idéal incarné par le mythique roi Arthur, à la libéralité désintéressée86. La bulle financière éclate, la valeur des titres acquis par Guillaume étant nettement supérieure à son capital et à sa capacité de remboursement. Il tente de poursuivre le jeu spéculatif en proposant à Jean quarante mille marcs pour rentrer dans la paix du roi. Mais cette promesse est excessive en comparaison de la valeur réelle de ses biens. Ruiné, il est menacé par la justice royale et contraint à l’exil.

Conclusion : Les prémices de la disgrâce L’Irlande est au cœur du problème. C’est à propos de ses possessions irlandaises que les premiers signes de la disgrâce royale apparaissent, le 12 février 120787. Les étapes de la déchéance familiale peuvent être reconstituées. En 1206, Guillaume n’est plus dans l’entourage du roi88. Au cours de l’hiver 1207, le justicier d’Irlande, Meilyr

82 GRP, Michaelmas 1204, PRS NS 18. 83 Th. K. Keefe, « Proffers for Heirs and Heiresses in the Pipe Rolls: Some Observations on Indebtedness in the Years before the Magna Carta (1180-1212) », Haskins Society Journal, 1993, p. 99-109. 84 Guillaume est le témoin de plusieurs pardons accordés à des membres de l’aristocratie (Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 114-115). Ses parents sont également endettés. Son fils Gautier doit 20 marcs au Trésor (GRP, Michaelmas 1201, PRS NS 14). Jean [I] meurt en laissant une dette de 2000 marcs et 5 palefrois (Hardy, Rotuli de Liberate, p. 150 ; GRP, Michaelmas 1205, PRS NS 19). Sa veuve Amabile de Limesey, précédemment veuve d’Hugues Bardolf, doit s’acquitter de la somme pour ne pas se remarier (Hardy, Rotuli de Liberate, p. 150). 85 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. 86 Ph. Haugeard, « L’enchantement du don. Une approche anthropologique de la largesse royale dans la littérature médiévale (xiie-xiiie siècles) », CCM, no 195, 2006, p. 295-312. Ph. Haugeard, Ruses médiévales de la générosité. Donner, dépenser, dominer dans la littérature épique et romanesque des xiie et xiiie siècles, Paris, 2013, 302 p. 87 Sweetman, Calendar…, p. 46, no 310. 88 Annexe 3 – Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207).

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fitz Henry s’empare des terres de Guillaume en Irlande. Même si celles-ci lui sont restituées temporairement, il perd définitivement la ville. En février, le roi confisque la garde du Glamorgan et du Gwynllŵg que Guillaume tenait depuis 120289. Le 5 mars, il reprend le château de Ludlow90. La situation semble temporairement s’apaiser au cours de l’été, puisque Guillaume est à nouveau présent au côté du roi, comme témoin le 14 juin 120791. Il retrouve la garde de Ludlow le 13 juillet92. La situation bascule le 19 mars 1208 : Guillaume perd la garde de Ludlow et surtout, il doit remettre l’un de ses fils en otage93. À cette période, le procès opposant Guillaume à Pierre fitz Herbert, à propos du domaine de Barnstaple dans le Devon, est étroitement surveillé par le pouvoir royal. Le roi Jean utilise ce conflit contre Guillaume de Briouze94. Guillaume ne s’est pas présenté devant la cour, affirmant être trop souffrant pour voyager. Quatre chevaliers sont alors dépêchés au pays de Galles afin de vérifier l’état de santé du malade. Ils confirment son affaiblissement et le procès est reporté pendant un an95. Le 29 avril 1208, le roi ordonne à Guillaume de Briouze de rembourser au Trésor royal mille marcs, soit le coût de l’expédition menée par Gérard d’Athée au pays de Galles96. Cet évènement est expliqué par la lettre royale de 1210. Guillaume ne s’étant pas acquitté de la somme due pour sa terre du Munster après cinq années, il est décidé, selon la loi de l’Échiquier, que ses biens meubles en Angleterre – probablement son bétail – seraient saisis pour solder sa dette. Mais Guillaume déplace tous ses biens anglais, qui ne sont pas trouvés. Le roi ordonne alors à son bailli du pays de Galles, Gérard d’Athée, de saisir les biens de Guillaume de Briouze au pays de Galles97. En tant que signe ostentatoire de richesse, la confiscation du bétail confirme la dimension symbolique des décisions royales : Jean prive Guillaume des marqueurs de sa puissance aristocratique. Les étapes de la disgrâce révèlent qu’en 1207, le roi prend pour prétexte les troubles locaux en Irlande pour affaiblir son vassal. Tour à tour, il atteint chacun des pôles principaux de son patrimoine, dans le Sussex, le Devon, le pays de Galles et l’Irlande. L’ambition démesurée de Guillaume et son corollaire, la pratique de la largesse royale, lui fournissent le levier nécessaire : le coup final porte sur son insolvabilité. Guillaume III de Briouze apparaît comme un « favori » au sens moderne du terme, puisque sa chute reflète le « rôle de catalyseur98 » perçu par Nicolas Le Roux. En devenant la cible de la colère royale et de l’attention aristocratique, il forme « un écran

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Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 68b. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 69. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 166. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 74. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 80b. Les procès concernent l’héritage de Barnstaple et d’une part de l’honneur de Brecon. Holden, Lords…, p. 176. C. Veach, « King John and Royal Control in Ireland: Why William de Briouze had to be Destroyed », EHR 129, 2014, p. 1062. CRR, vol. 5 (8-10 John), p. 151-152. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 81b. Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. Le Roux, « Courtisans… », p. 387.

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protecteur pour le souverain », il focalise le mécontentement des vassaux et avertit les grands nobles du danger de la contestation. L’élimination du favori est le fait du roi. Après la perte de la Normandie en 1204, la méfiance royale envers son aristocratie s’accroît parallèlement au développement du ressentiment nobiliaire à l’égard du souverain, la pratique de la largesse royale s’étant tarie99. Le châtiment subi par la famille de Briouze est érigé en menace par le roi, avertissant l’aristocratie des conséquences de la colère royale. Le sacrifice des Briouze ne retarde le processus que sur une courte durée. S’étant lui-même privé d’intermédiaire, le roi Jean est finalement la cible de la première guerre des barons, qui affaiblit le pouvoir royal au cours des deux dernières années de son règne, entre 1214 et 1216. L’ascension fulgurante puis la chute foudroyante de Guillaume III de Briouze sont les deux versants d’une réorientation de la politique royale dont le point de bascule s’effectue autour de 1205. D’une démarche centrifuge, caractérisée par une longue période de délégation de l’autorité royale à son homme de confiance, son favori, le roi fait volte-face et opte pour une politique centripète, vers une plus grande centralisation100. Devenu un symbole de cette politique révolue, la famille de Briouze est chassée du pouvoir.

99 Billoré, De gré…, p. 264-265. Aurell, Le Chevalier…, p. 195. 100 Le Roux, « Courtisans… », p. 386.

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Prévalence de la parentèle

Guillaume III de Briouze est à la tête d’une famille nombreuse, entouré de ses frères et sœurs, père d’une quinzaine d’enfants (Tableaux de filiation 5 et 6). En plaçant ses parents, Guillaume entrelace un vaste tissu réticulaire qui le lie à de multiples lignées nobles anglo-normandes. En cela, il poursuit la stratégie ancestrale. Femme, fratrie et enfants contribuent à étendre la puissance des Briouze en constituant un vaste réseau, une large « surface sociale1 », permettant à Guillaume d’élargir son emprise territoriale et politique. Ces attaches sont fragiles : elles sont mises à l’épreuve par les revirements de Fortune.

Importance des Saint-Valéry Bernard, Thomas et Henri de Saint-Valéry

Au tournant de la décennie 1170, Guillaume III de Briouze épouse Mathilde de Saint-Valéry. Bernard de Saint-Valéry, père de Mathilde, garantit diverses possessions au prieuré de Southwick dans le Hampshire, donation souscrite par Guillaume2. Cet acte est la seule occurrence de la présence concomitante des deux hommes3. Par contre, deux frères de Mathilde, Thomas et Henri, apparaissent régulièrement dans les actes relatifs à la famille de Briouze. En 1200, un procès oppose Guillaume de Briouze et son épouse Mathilde à Thomas de Saint-Valéry au sujet d’un partage de terres, celles de Tetbury et Hampnett dans le Gloucestershire, parts de la dot de Mathilde4. Les relations entre Guillaume III de Briouze et son beau-frère Thomas semblent conflictuelles. Cette rivalité s’explique peut-être par leur divergence de loyauté. Daniel Power démontre l’ambiguïté de la relation liant le roi Jean à Thomas de Saint-Valéry, jusqu’à ce que le beau-frère de Guillaume III de Briouze rejoigne définitivement

1 D. Barthélémy, « Qu’est-ce que la chevalerie en France aux xe et xie siècles ? », Revue historique, no 290, 1994, p. 70-71. 2 K. A. Hanna (éd.), The Cartularies of Southwick Priory, 1988, partie 1, p. 70, I 119. 3 En Angleterre, les Saint-Valéry avaient établi leur centre résidentiel à Hinton Waldrist, dans le Berkshire médiéval ou l’actuel Oxfordshire. 4 Stenton, Pleas…, vol. 1, p. 316, no 3198 ; p. 333, no 3336. CRR, vol. 1 (Richard I – 2 John), p. 349.

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le camp capétien en février 12035. Le médiéviste constate qu’après 1204 Thomas de Saint-Valéry choisit de rester en Normandie, dans le Ponthieu, tandis que son frère Henri s’établit en Angleterre et prend en charge les terres de Thomas6. Thomas disparaît de la documentation familiale des Briouze après 1203, tandis qu’Henri apparaît en 1214. En 1210, le justicier Geoffroy fitz Peter offre les terres qu’il tenait de Thomas de Saint-Valéry à la communauté cathédrale pour qu’elle prie pour son salut, celui de sa famille et celui des rois Henri II, Richard Ier et Jean7. Paul Webster trouve inattendu que les terres précédemment tenues par Thomas de Saint-Valéry soient utilisées à cette fin, en pleine période d’excommunication royale, au moment où la sœur de Thomas, Mathilde, est emprisonnée puis affamée par le roi8. Le 2 janvier 1214, une lettre royale évoque la garde des descendants de Guillaume de Briouze et d’Henri de Saint-Valéry, retenus à Corfe9. La connexion familiale perdure, puisque vers 1218, Henri de Saint-Valéry prête hommage et service à Renaud de Briouze, fils de Guillaume III, en échange de terres10. Mathilde de Saint-Valéry

Daniel Power identifie trois terres acquises par Guillaume III de Briouze grâce à son union avec Mathilde de Saint-Valéry : les manoirs de Tetbury et Hampnett dans le Gloucestershire, celui de Dadford dans le Buckinghamshire11. Mathilde détient une forme d’autonomie juridique qui complète son indépendance militaire. En 1197, la chancellerie enregistre la somme de dix marcs due à Mathilde, épouse de Guillaume III de Briouze, pour la possession des terres d’un certain Thomas fitz Olivier dans le Herefordshire12. En 1203, les pipe rolls indiquent que Mathilde s’était acquittée auprès du Trésor, sous Richard Ier, de la somme de cent livres due par Guillaume III de Briouze pour obtenir la tutelle des héritiers et de la veuve d’Henri d’Amfreville13.

5 D. J. Power, The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, Cambridge, 2004, p. 425-426. 6 Power, The Norman Frontier…, p. 454-455. 7 P. Webster, King John and Religion, Woodbridge, 2015, p. 34. 8 Webster, King John…, p. 34, note 78. 9 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 159. 10 A. Clark (éd.), The English Register of Godstow Nunnery, Londres, 1911, p. 589-590, no 791. CRR, Hen. III, vol. 8 (3-4 Henry III), p. 8-9. 11 Power, « The Briouze… », p. 344 et 347, note 37 ; p. 358, no 2. 12 GRP, Michaelmas 1197, PRS NS 8, p. 213-214. 13 GRP, Michaelmas 1203, PRS NS 16, p. 70.

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Mathilde est nettement visible dans les actes de la pratique, contrairement aux précédentes épouses des seigneurs de Briouze. Elle agit activement au côté de son mari en tant que « dame » (lat. domina14), disposant d’une certaine latitude au sein du couple15. Depuis le haut Moyen Âge, la structure conjugale évolue et la place accordée à l’épouse est sensiblement modifiée. Un nouveau modèle matrimonial issu de la conception cléricale est exalté par la réforme religieuse du xie siècle. L’épouse devient responsable du consortium conjugal avec son époux, comme conseillère de son mari. Le statut de la femme et la finalité du mariage sont transformés, à travers la valorisation de l’unicité du couple, de la monogamie, de l’indissolubilité, du consensualisme et de la réciprocité, qui aboutit à la « conjugalisation16 » du modèle familial au début du xiiie siècle. À l’échelle des Briouze, la transformation du modèle conjugal s’opère sous Guillaume III et Mathilde, grâce à la forte cohésion de leur binôme. Sa présence constante au côté de son époux prouve qu’elle conseille son mari et qu’elle partage ses ambitions.

Placer ses parents Trois seigneurs successifs de Briouze portent le prénom de Guillaume. La pratique de l’association, par laquelle le fils aîné gouverne au côté de son père de son vivant, complexifie l’identification de l’entourage propre à Guillaume II, Guillaume III et Guillaume IV. Le tissu relationnel enveloppant Guillaume III, identifiable à travers les listes de témoins, évolue depuis son accession au pouvoir en 1175 jusqu’à sa chute en 1210. Les alliances issues de la parentèle féminine

Entre 1186 et 118717, Guillaume III de Briouze, encore désigné comme « le Jeune », confirme à Gautier de Clifford les tenures que lui avait garanties son oncle, le comte Roger de Hereford, et l’octroi du château de Glasbury18. Guillaume III de Briouze y appose son sceau équestre, représentant un cheval au galop portant un cavalier coiffé d’un casque conique à nasal, de type normand, tenant une épée levée de la main droite, et un écu contre son torse de la main gauche (Fig. 25). La légende précise que ce sceau est celui de Guillaume de Briouze le Jeune (SI[GILLUM WILL] EL[MI] DE BREOSA IVVENIS).

14 Stevenson, The Durford…, p. 24, no 68. Round, Calendar…, vol. 1, p. 460, no 1273. 15 Banks, Cartularium…, p. 50-51, p. 56-57, p. 66-67, p. 83-84, p. 86, p. 88-90, p. 100. 16 R. Le Jan, « Le couple aristocratique au haut Moyen Âge », Médiévales, no 65, 2013, p. 45. 17 L’acte est probablement rédigé entre 1186 et 1187, cette date pouvant être établie à partir de l’étude des témoins : en 1185 Hugues de Sai succède à son père ; en 1186 un nouvel abbé de Dore est élu pour remplacer Gilbert Giffard ; en 1187 Marguerite de Bohun décède. 18 Rowlands, « William… », p. 133.

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Fig. 25 : Sceau de Guillaume III de Briouze19. Kew, TNA, Records of the Duchy of Lancaster, DL 27/1. Dessin © Amélie Rigollet

Cette donation, qui a fait l’objet d’une transcription et d’une analyse par Ifor Rowlands, est révélatrice de la position occupée par Guillaume III de Briouze dans la marche de Galles, en tant que seigneur de Brecon20. Cet acte est particulièrement intéressant pour sa liste de témoins, qui rassemble les principaux membres de la famille et les hommes de confiance de Guillaume III. Guillaume prend la tête du lignage en 1175. L’acte met en évidence l’entourage gallois des Briouze en 1186. Les trois premiers témoins sont des femmes (dominæ), parentes plus âgées de Guillaume. Il s’agit de Marguerite de Bohun, sœur de Berthe, mère de Guillaume ; d’Aénor de Saint-Valéry, mère de l’épouse de Guillaume ; et de Sybille, comtesse de Ferrières, épouse de Robert II et sœur aînée de Guillaume21 (Tableaux de filiation 4 et 5). À la suite de ces parentes, plusieurs noms de vassaux sont mentionnés, notamment ceux de Raoul de Baskerville22, Jean Pichard23 ou Henri

19 N. d. [c. 1185]. Radnor. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, à la bordure droite endommagée, de 60 mm de diamètre, de cire verte, sur cordelette de soie rouge et verte. Droit : Équestre à droite. Un cheval au galop portant un cavalier coiffé d’un casque conique à nasal, de type normand, tenant une épée levée de la main droite, et un écu contre son torse de la main gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : SI[GILLUM WILL]EL[MI] DE BREOSA IVVENIS. – Légende au revers : aucune. 20 Rowlands, « William… », p. 123-133. 21 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 553, Num. I.. 22 G. F. Warner (éd.), Facsimiles of Royal and other Charters in the British Museum, Londres, 1903, vol. 1 (William I – Richard I), no 65. Banks, Cartularium…, p. 86, p. 90-92. 23 Jean Pichard est le sénéchal de Guillaume III de Briouze dans le Herefordshire. Richardson, The Memoranda…, p. 73.

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de Pembridge24, ainsi que le chapelain Alexandre25, membres de l’entourage de Guillaume III de Briouze26. Les liens entre les Briouze et les Ferrières sont les plus constants. Guillaume II, petit-fils de Sybille de Ferrières27 et petit-neveu de Guillaume III de Briouze (Tableau de filiation 5), est fréquemment présent au côté de son grand-oncle jusqu’en 1210, au moment où Guillaume III tombe en disgrâce. Il est probablement placé à la garde de son grand-oncle maternel, après la mort de son père en 1190, ce qui expliquerait la force de leurs liens. En 1210, la lettre du roi Jean, justifiant la disgrâce de Guillaume III, précise que son épouse Mathilde de Hay28, son neveu Guillaume II, comte de Ferrières, et Adam de Port, époux de sa sœur, ainsi que plusieurs de ses amis se sont rendus auprès du roi à Gloucester pour négocier une entrevue entre le roi et Guillaume29. Pourtant Guillaume II, comte de Ferrières, ratifie cette lettre royale dénonçant les « forfaits » de Guillaume III de Briouze. Adam de Port a épousé une sœur de Guillaume au prénom inconnu. La famille de Port détient notamment le domaine de Kington au pays de Galles30. Le père d’Adam de Port, également prénommé Adam, est privé de ses terres en 1171 pour avoir tenté d’assassiner le roi Henri II, et il est exilé en 1174 pour s’être à nouveau révolté contre le roi en soutenant ses fils31. L’alliance entre la sœur de Guillaume et le fils du rebelle est probablement conclue pour canaliser la possible agitation d’Adam de Port, fils d’Adam. Guillaume de Briouze reçoit la garde d’une partie de ses terres et de ses fermes – de Stratton, Berewic et Earley –, qu’il conserve depuis la fin du xiie siècle32. Malgré ces circonstances, Adam de Port reste loyal à son beau-frère. En 1200, il représente Guillaume et Mathilde lors d’un procès, signe qu’il a leur confiance33. En 1210, il continue à les défendre en plaidant leur cause auprès du roi. Les attaches établies avec les familles de Ferrières et de Port prouvent la force des liens adelphiques, puisque les deux hommes qui protègent Guillaume en 1210 sont reliés à lui par deux sœurs. Les deux hommes sont finalement témoins de la lettre royale, au côté de Richard comte de Clare, d’Henri comte de Hereford, de Guillaume Briwere, également parents de Guillaume III de Briouze, liés par mariage

24 La famille de Pembridge évolue dans l’entourage des seigneurs de Briouze depuis la fin du xie siècle jusqu’au début du xive siècle (Annexe 2 – Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book). 25 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 35. 26 David Crouch utilise le terme de « Hereford affinity » pour désigner ce groupe de vassaux, qui inclut également Guillaume de Waldeboef. D. Crouch, « The March and the Welsh Kings », in E. King (dir.), The Anarchy of King Stephen’s Reign, Oxford, 1994, p. 280, note 67. Holden, Lords…, p. 23. 27 Robert II de Ferrières, seigneur de 1139 à 1160. Keats-Rohan, Domesday Descendants…, vol. 2, p. 459. 28  Th. Jones, A History of the County of Brecknock, Brecon, 1909, vol. 1, p. 72. 29 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. 30 I. J. Sanders, English Baronies: A Study of Their Origin and Descent (1086-1327), Oxford, 1960, p. 57. 31 Keats-Rohan, Domesday Descendants…, vol. 2, p. 645-646. E. Cownie, « Port, Adam de (fl. 11611174) », ODNB, 2004. 32 La première occurrence date de 1194. GRP, Michaelmas 1194, PRS NS 5, p. 228. 33 Stenton, Pleas…, vol. 1, p. 316, no 3198.

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aux enfants de Guillaume. Pourtant, tous les frères et sœurs de Guillaume III, ou leurs descendants, n’évoluent pas dans l’entourage immédiat du seigneur de Briouze34. À une date inconnue, au tournant du xiiie siècle, Jean de Troisgots (Tresgoz), vend au prieuré de Christchurch toute sa terre de Purbeck dans le Dorset, tenue en fief de son oncle Guillaume III de Briouze. Pour cela, il obtient le consentement de ses fils Jean, Henri et Thomas, et celui de son frère Robert. Cette terre faisait partie de la dot de la mère de Jean, sœur anonyme de Guillaume III de Briouze, épouse de Robert de Troisgots. À la demande de Jean, Guillaume de Briouze confirme ce don, incluant une charruée de terre à Caldicot, au pays de Galles. Guillaume III de Briouze et ses fils, Guillaume IV et Roger, souscrivent cet acte35. Deux fils sont issus de cette union, Jean et Robert36. De 1195 à 1202, Robert est nommé bailli du Cotentin37. Le seigneur de Briouze joue son rôle d’oncle maternel à trois reprises : en confirmant deux donations accordées par Jean de Troisgots au prieuré de Christchurch, prélevées sur la dot maternelle, et en souscrivant un acte royal, par lequel le roi Jean remet à Robert de Troisgots, second neveu de Guillaume III de Briouze, le château de Semilly38. La prospérité des deux neveux de Guillaume ne semble pas dépendre de l’influence avunculaire, ce qui expliquerait leur absence à son côté en 1210. Le statut des frères de Guillaume III

Jean [I] de Briouze, frère de Guillaume III, n’apparaît jamais au côté de son aîné dans les actes de la pratique. Le 13 juillet 1202, Jean bénéficie d’un privilège judiciaire concédé par le roi39. Il reçoit une protection royale qui l’exempte de toute poursuite judiciaire pour l’ensemble de ses tenures. Signe de l’attention royale, Jean reçoit deux palefrois offerts par le roi le 6 avril 120540. Pourtant, aucun acte antérieur n’indique un service rendu par Jean à son souverain qui justifierait cette récompense. La faveur de son frère aîné semble rejaillir sur lui. En 1203, il est marié à Amabile, veuve d’Hugues Bardolf, officier de la maisonnée royale, dont Guillaume III de Briouze a acheté la main auprès du roi41. La somme due pour son remariage s’élève à mille livres. Guillaume veille à l’établissement de son frère lorsqu’il en a les moyens et l’occasion. Mais ce mariage est de courte durée, puisque le 27 mai 1205, le roi concède à Amabile de Limesey le droit de ne pas se remarier suite au décès de son 34 Robert de Briouze de Niweton. GRP, a.d. 1175-1176, vol. 25, p. 23. 35 K. A. Hanna (éd.), The Christchurch Priory Cartulary, 2007, p. 206, no 654 et no 655. 36 Une fille inconnue de Guillaume II de Briouze épouse Robert de Troisgots, qui fonde en 1197, avec l’aide de trois moines de l’abbaye d’Hambye, un prieuré sur les terres familiales où il prend l’habit monastique. D. S. Spear, « Additions and Corrections to David S. Spear, The Personnel of the Norman Cathedrals during the Ducal Period, 911-1204 (London: Institute of Historical Research, 2006) », Tabularia, Actes épiscopaux et abbatiaux en Normandie et dans le grand Ouest européen, 2014, note 71. 37 Billoré, De gré…, p. 237. R. V. Turner et R. R. Heiser, The Reign of Richard Lionheart. Ruler of the Angevin Empire, 1189-1199, Routledge, 2013, p. 170. 38 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 28. 39 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 14b. 40 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 26. 41 GRP, Michaelmas 1203, PRS NS 16, p. 197.

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époux Jean de Briouze42. Bien que les contacts entre frères ne soient pas visibles à travers les actes, la faveur royale acquise par Guillaume III rejaillit sur son frère cadet, qui obtient privilèges, cadeaux et mariage, ensemble formant un établissement confortable. En croisant la datation des actes, Jean meurt entre mi-avril et mi-mai 1205. Jean décède à une période charnière, et il n’est plus là pour soutenir à son tour son frère lors de sa chute. Philippe [III] de Briouze, frère de Guillaume III, apparaît ponctuellement. En 1193, il tient du roi une terre à Stanford d’une valeur de dix sous43. Des années plus tard, en 1220, son nom ressurgit, après son décès à une date inconnue, lorsque Guillaume de Naas et Ève son épouse offrent au justicier d’Irlande cent marcs pour obtenir en douaire le manoir de Grean (Grene). Cette tenure irlandaise appartenait à Philippe [III] de Briouze, le premier mari d’Ève44. La situation des fils de Guillaume III

De leur vivant, les alliances conclues par les fils de Guillaume sont invisibles dans la documentation (Tableau de filiation 6). Le fils aîné, Guillaume IV, épouse Mathilde de Clare avant la fin du xiie siècle, puisque leur fils aîné, Jean, naît en 1198. Mathilde est la fille de Richard, comte de Clare, témoin de la lettre royale de 121045. Pourtant, cette union n’apparaît que le 21 juin 1215, lorsque le Jean ordonne la restitution de la ville de Buckingham à Richard, comte de Clare. Cette ville faisait partie de la dot de sa fille Mathilde, épouse de feu Guillaume IV de Briouze le Jeune46. De même, Renaud, troisième fils de Guillaume, est marié par son père à Grace Briwere, fille de Guillaume Briwere, également témoin de la lettre royale de 121047. Il protège leur descendance commune en obtenant la tutelle de son petit-fils Guillaume V, fils de Renaud48. Guillaume III choisit de placer deux autres fils dans les ordres. Gilles reçoit en 1195 l’église indéterminée d’Huglesham – probablement Inglesham dans le Wiltshire49 –, d’une valeur de huit livres50, puis il devient évêque de Hereford en 1200. Hugues reçoit l’église de Kingsland51. Le sort des fils cadets est presque imperceptible, leurs noms

42 Hardy, Rotuli Chartarum, p. 150. 43 GRP, Michaelmas 1193, PRS NS 3, p. 86-87. 44 Sweetman, Calendar…, p. 147, no 962. P. Dryburgh et B. Hartland (éd.), Calendar of the Fine Rolls of the reign of Henry III, Londres, 2007, vol. 1, p. 164, no 263. 45 Cette lettre est la première trace d’une connexion entre les Briouze et les Clare. Par la suite, Richard de Clare s’oppose au roi Jean et participe à la rédaction de la Magna Carta, avant sa mort en 1217. 46 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 134b. 47 S. D. Church, « Brewer, William (d. 1226) », ODNB, 2004. R. V. Turner, Men Raised From The Dust: Administrative Service and Upward Mobility in Angevin England, Philadelphia, 1988, p. 71-90. 48 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 102. 49 W. H. Knowles, « The Church of S. John Baptist, Inglesham, Wilts », Transactions of the Bristol and Gloucestershire Archaeological Society, 1931, vol. 53, p. 191-205. 50 Three Rolls of the King’s Court in the reign of King Richard the First, a.d. 1194-1195, Londres, 1891, vol. 14, p. 96. 51 CRR, Hen. III, vol. 14, p. 158-159, no 795.

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n’apparaissant que dans les listes de témoins. Philippe [IV], Roger [I] et Gautier [I] surgissent ponctuellement, approuvant les décisions paternelles52. Parmi les sept fils de Guillaume III, seuls les trois aînés se distinguent parmi les sources diplomatiques, puisqu’ils se succèderont à la tête du lignage. Les unions de ses filles

Cinq filles peuvent être isolées parmi les actes familiaux et replacées dans les familles qu’elles intègrent par mariage (Tableau de filiation 6). En mariant ses parents, Guillaume III de Briouze adopte plusieurs stratégies. Il élabore une stratégie territoriale cohérente, en consolidant le patrimoine familial, mais les choix opérés relèvent d’une adaptation aux « opportunités spatiales53 » inattendues. Guillaume vise à apaiser les tensions politiques locales, comme lors de l’union conclue entre sa fille Mathilde et Gruffydd ap Rhys. Il organise aussi la gestion de ses terres éparses, ce que le lui permet le mariage de sa fille Marguerite avec Gautier de Lacy54. Les sorts de Laurette, mariée au comte de Leicester, Robert de Beaumont ; d’Aénor, épouse d’Hugues de Mortemer ; et de Berthe, unie à Guillaume de Beauchamp, ressortent des sources diplomatiques au moment de leur veuvage. Mariée vers 1196, Laurette est veuve dès 120455. Pourtant, elle n’apparaît qu’en 1208, lorsqu’elle obtient son douaire56. Elle reçoit en dot la terre paternelle de Couvert, en Normandie, puisqu’elle en fait don à l’abbaye Sainte-Marie de Lyre57. En Angleterre, son père lui remet le manoir de Tawstock, dans le Devon, tandis que son mari lui confie en douaire le manoir de Kingston et d’autres fiefs58. Ce n’est qu’en 1228 qu’apparaît Aénor, veuve d’Hugues III de Mortemer († 1227), au sujet de sa dot située à Hampnett (Hampton59), puis en 1232, pour les terres qu’elle a reçues en dot à Charlton Horethorne (Cherleton) et North Cheriton (Chiriton) dans le Somerset60. Le cas de Berthe diverge. Berthe n’apparaît qu’indirectement, comme mère de Gautier de Beauchamp, lorsque celui-ci poursuit ses cousins en justice à partir de 1217, au sujet du manoir de Tetbury61. Les familles de Briouze et de Beauchamp sont en contact depuis le siècle précédent, mais leurs relations sont plus conflictuelles,

52 Jeayes, Descriptive…, p. 7-8, n°10. Dolbet, Inventaire…, vol. 1, p. 413. Lees, Records…, no 4. Warner, Facsimiles…, no 65. Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 1, p. 296-297, D. 262. Round, Calendar…, vol. 1, p. 460, no 1273. Banks, Cartularium…, p. 50-51, p. 86, p. 100. Hanna, The Christchurch…, p. 206, no 654 et no 655. E. Curtis (éd.), Calendar of Ormond Deeds, Dublin, 1932, vol. 1, p. 11-12, no 26 ; p. 12-13, no 27. 53 Montulet, « Au-delà… », p. 146. 54 Hardy, Rotuli Chartarum, p. 80. 55 Fr. M. Powicke, « Loretta, Countess of Leicester », in J. G. Edwards, V. H. Galbraith et E. F. Jacobs (dir.), Historical Essays in Honour of James Tait, Manchester, 1933, p. 247-274. 56 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 105. LF, partie 1, p. 254, p. 257, p. 260-261, p. 265. 57 L. Delisle (éd.), Cartulaire normand de Philippe Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippe-le-Hardy, Genève, 1978, p. 295, no 1093. 58 LF, partie 1, p. 97-98. CRR, Hen. III, vol. 9, p. 377. 59 CR, Hen. III, vol. 1, p. 135. 60 CPR, Hen. III, vol. 2 (1225-1232), p. 501 ; vol. 3 (1232-1247), p. 80. 61 C. R. Elrington (éd.), Abstracts of Feet of Fines Relating to Gloucestershire, 1199-1299, 2003, p. 23, no 124.

p r é vale nce d e la pare nt è le

marquées par des procès. À partir du 27 juin 1199, un procès oppose Amicie62, épouse de Guillaume de Beauchamp, à Guillaume de Briouze, au sujet de la possession disputée d’une terre63. En parallèle, Guillaume III de Briouze garde la terre de Guillaume de Beauchamp, pendant sa minorité64. L’union conclue entre Guillaume de Beauchamp et Berthe de Briouze a probablement pour objectif d’apaiser ces tensions et d’intégrer un jeune homme sous influence depuis plusieurs années dans l’entourage du chef du lignage. Les conflits d’héritage

Par un effet de sources lié à l’abondance des enregistrements de la chancellerie royale conservés pour le début du xiiie siècle, dans une société aristocratique de plus en plus procédurière, Guillaume III de Briouze est impliqué dans de multiples procès. La majorité de ces enregistrements sont brefs et imprécis, simples évocations de la tenue d’un procès, sans que les détails de l’affaire ne soient révélés65. Plusieurs cas de conflit se distinguent parmi les actes de la famille de Briouze, en raison de leur récurrence sur la longue durée66. Par exemple, une querelle oppose Guillaume de Briouze à Henri de Nonant à propos du domaine de Totnes67. La moitié de l’honneur de Totnes est intégrée au patrimoine de la famille de Briouze par Guillaume III, à partir d’un droit d’héritage issu du mariage d’Aénor de Totnes avec Philippe de Briouze68. Des liens de parenté, datant de cette alliance du début du xiie siècle, permettent à Henri de Nonant de revendiquer une portion de cette terre69. Finalement, une partition de terres est enregistrée entre les deux rivaux, sans que le détail en soit précisé70. Pourtant, en 1228, une assise pour mort d’ancêtres oppose les descendants des précédents opposants, à savoir Roger de Nonant et Guillaume V de Briouze, au sujet de trois manoirs situés dans l’honneur de Totnes, ceux de Cornworthy, Loddiswell et Broadbridge71. Un autre cas prouve que l’héritage issu d’Aénor de Totnes a des répercussions judiciaires sur son petit-fils Guillaume. Depuis le 13 novembre 1194, un procès oppose Guillaume III de Briouze à Olivier de Tracy au sujet de la moitié du fief de Barnstaple dans le Devon72. Cette querelle, qui resurgit régulièrement parmi les actes familiaux, semble être la conséquence du non-respect d’une concorde précédemment conclue 62 Amicie semble être la seconde épouse de Guillaume II de Beauchamp, décédé en 1197, après le décès de Berthe [II] de Briouze, sa première épouse. 63 Fr. Palgrave (éd.), Rotuli Curiae Regis, vol. 1, p. 257. 64 Richardson, The Memoranda…, p. 30. 65 Palgrave, Rotuli…, vol. 1, p. 257 ; vol. 2, p. 225. Stenton, Pleas…, vol. 1, no 3284, no 3318, no 3328, no 3336. CRR, Ric. I and John, vol. 2 (3-5 John), p. 114. 66 Il s’agit des querelles opposant les Briouze aux fitz Herbert, aux Nonant, aux Beauchamp et aux Tracy. 67 Hardy, Rotuli de Oblatis…, p. 46, p. 232. 68 Power, « The Briouze… », p. 344. 69 Williams, « Judhael… », p. 288. Power, « The Briouze… », p. 342, table 1. 70 GRP, Michaelmas 1207, PRS NS 22. 71 CRR, Hen. III, vol. 13, p. 178, no 793 ; p. 322, no 1505. 72 Palgrave, Rotuli…, vol. 1, p. 45.

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en 119573. Après le décès de Guillaume de Briouze et d’Olivier de Tracy, à quelques mois d’intervalle, en 1210-1211, le roi décide de rendre à Henri de Tracy, fils d’Olivier, les fiefs de Barnstaple et de Tawstock, ainsi que la part de Barnstaple ayant appartenu à Guillaume III74. Cette situation prolonge le conflit entre les descendants75.

Conclusion : Un réseau familial en clair-obscur L’analyse des alliances matrimoniales et du sort des affins – frères, sœurs, fils, filles – dessine un tableau en clair-obscur, les individualités étant atténuées plus ou moins fortement par l’ombre paternelle. Certains actes mentionnent l’existence de membres du lignage qui ne peuvent être clairement replacés à l’intérieur de la hiérarchie familiale, faute d’attaches parentales précises et d’occurrences régulières. Par exemple, une certaine Alice de Briouze et un certain Gautier de Briouze font une brève apparition en 120076. Il peut s’agir de deux enfants cadets, effacés parmi la descendance prolifique de Guillaume III et Mathilde, dont seulement sept garçons et cinq filles sont explicitement liés à leurs parents. Contrairement à l’hypothèse initiale, les actes de la pratique ne mettent pas en évidence une stratégie territoriale matrimoniale – ce qui n’exclut pas une intentionalité masquée par l’effet de sources – mais révèlent plutôt la volonté d’établir des liens de moralité, soit par le prestige symbolique de l’hypergamie, suivant en cela la démarche de ses ancêtres, soit par l’apaisement d’anciennes querelles, soit par la confiance issue d’une fréquentation de longue durée. Finalement, seules les alliances sécurisantes nées de la confiance feront face à la crise, les parents ainsi acquis résistant au côté des Briouze lors de la crise de 1208-1210.

73 GRP, Michaelmas 1195, PRS NS 6, p. 111-112. Feet of Fines, a.d. 1182 to a.d. 1196, vol. 17, p. 83-86, no 100. D. M. Stenton (éd.), The Chancellor’s Roll, Michaelmas 1196, PRS NS 7, p. 90. 74 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 137. 75 Cette querelle aboutit à une alliance entre Hawise, fille d’Ève de Tracy, et Gautier de Briouze, petit-fils de Guillaume III. 76 W. H. Hart (éd.), Historia et Cartularium Monasterii Sancti Petri Gloucestriae, Cambridge, 2012 [1867], p. 161-163, n°954.

L’obsession irlandaise

En 1177, Henri II nomme son fils Jean roi d’Irlande lors du concile d’Oxford1. Puisque Jean est encore mineur, Henri désigne Guillaume fitz Audelin comme administrateur de ce royaume. Le roi autorise Robert fitz Stephen et Milon de Cogan à s’emparer du royaume de Cork. Jean de Courcy reçoit le droit d’envahir l’Ulster. Les terres de Limerick, à conquérir, sont accordées à Philippe [II] de Briouze2. Pour chacune de ces conquêtes, les chevaliers tiendront leurs terres du roi en chef. Ils devront remettre les villes au roi qui les contrôlera directement. Bien que physiquement absent, le roi surveille étroitement ses vassaux à qui il confie l’achèvement de la conquête de l’Irlande débutée en 11663. L’Irlande occupe une place particulière dans la construction de la mémoire familiale des Briouze. Objet de convoitise et de déception, le domaine de Limerick est possédé épisodiquement. La discontinuité de leur emprise matérielle est compensée par un sentiment continu d’appartenance, caractérisé par les revendications d’appropriation et les reconstructions narratives. La mémoire des actions des Briouze en Irlande, transmise par la documentation médiévale, devient objet d’histoire4. La reconstruction du passé influence les décisions de Guillaume III de Briouze. La manière dont les sources, parfois contradictoires, choisissent de présenter les faits relatifs à l’intervention des Briouze en Irlande est révélatrice de l’obsession familiale et de la reconstruction de la mémoire des évènements, à leurs dépens.

La mémoire d’un échec familial (1177) Vers 1171-1172, Guillaume II de Briouze accompagne le roi Henri II en Irlande5. À cette occasion, il est le témoin d’une charte royale faite à Dublin, confirmant la possession de terres à Anselme, frère d’Hamon de Bristol6. Les premiers pas de la

1 The Deeds of the Normans in England, La Geste des Engleis en Yrlande, éd. E. Mullaly, Dublin, 2002, p. 10. Carpenter, The Struggle…, p. 216. 2 M. Th. Flanagan, Irish Society, Anglo-Norman Settlers, Angevin Kingship, Interactions in Ireland in the Late Twelfth Century, Oxford, 1989, p. 266. 3 Les premiers combattants venus assister le roi irlandais du Leinster Diarmait Mac Murchada sont des chevaliers normands implantés dans la marche de Galles, notamment dans le Pembrokeshire. Flanagan, Irish Society…, p. 57-80. Fr. J. Byrne et al., A New History of Ireland, vol. 2, carte p. 133. 4 P. Laborie, « Historiens sous haute surveillance », Esprit, no 198, 1994, p. 48. 5 Flanagan, Irish Society…, p. 135-136. Carpenter, The Struggle…, p. 217-219. 6 Oxford, Bodleian Library, MS Rawlinson, B.495, fol. 118. Gilbert, Chartularies…, vol. 1, p. 140-141.

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famille de Briouze sur le sol irlandais se déroulent après les premières interventions militaires menées par des mercenaires cambro-normands depuis 1167. Guillaume II de Briouze intervient au côté du roi Henri II, dans ce qui constitue la seconde étape de la conquête, lorsque le pouvoir royal, méfiant à l’égard de la nouvelle puissance de ses vassaux, décide d’intervenir directement. Philippe [II] de Briouze accompagne son frère. L’Expugnatio Hibernica atteste la présence de Philippe en Irlande en 1172. Avant son départ pour la Normandie le lundi de Pâques 1172, le roi Henri II planifie la garde des villes de Dublin, Wexford et Waterford. Il confie le commandement de Wexford à Guillaume fitz Audelin, à Philippe de Hastings et à Philippe [II] de Briouze, responsables d’une garnison d’une trentaine de chevaliers7. Les Annales de Tigernach, rédigées dans le monastère irlandais de Clonmacnoise à la fin du xiie siècle, décrivent l’arrivée de Philippe [II] de Briouze. Trois flottes anglo-normandes débarquent sur les côtes irlandaises : celle de Hugues de Lacy à Dublin, celle de Guillaume fitz Audelin à Wexford, et celle de Philippe [II] de Briouze à Waterford8. Ces trois ports majeurs, développés par les envahisseurs vikings aux ixe et xe siècles, correspondent aux anciennes possessions de Diarmait Mac Murchada, confiées en 1172 par Henri II à des officiers royaux qui y exercent directement l’autorité royale. Philippe ne réapparaît qu’en 1177. Giraud de Barri9 (c. 1146-c. 1223) est l’auteur qui décrit le plus précisément le séjour de Philippe [II] en Irlande, dans l’Expugnatio Hibernica, dont il achève la rédaction en 118910. Il n’en a pas été le témoin. Giraud découvre l’Irlande en 1183, en suivant son frère qui avait reçu en fief une seigneurie dans la province du Munster, au sud-ouest de l’Irlande11. Selon Robert Bartlett, son récit dépasse l’œuvre de propagande et offre une description détaillée du processus d’expansion militaire et coloniale en Irlande à la fin du xiie siècle12. Giraud de Barri rapporte plusieurs prophéties de saint Colomban, dont l’une concerne la cité de Limerick. Le saint affirmait que la ville de Limerick serait abandonnée deux fois par les Anglais, avant qu’ils s’en emparent définitivement la troisième fois. Giraud décrit les deux abandons, le premier par Raymond Le Gros en 117613, le second par Philippe de Briouze. Lorsque Philippe arrive aux portes de

7 Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, The Conquest of Ireland, éd. et trad. A. B. Scott et F. X. Martin, Dublin, 1978, Livre I, § 38, p. 104-105. 8 The Annals of Tigernach, éd. Wh. Stokes, Revue celtique, tome XVII, 1897, p. 298. 9 R. Bartlett, « Gerald of Wales (c. 1146-1220x23) », ODNB, 2004. Carpenter, The Struggle…, p. 217. Th. Forester, Giraldus Cambrensis, The conquest of Ireland, Cambridge, 2001, p. 11. Veach, « King John… », p. 1062. 10 Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, Livre I, p. 342 ; p. 347 ; p. 349. 11 R. Bartlett, Gerald of Wales, 1146-1223, Oxford, 1982, p. 26. 12 Bartlett, « Gerald… ». 13 The Deeds of the Normans…, p. 139-140, v. 3368-3457. Evelyn Mullally établit que les péripéties décrites s’échelonnent entre 1152 et 1176. La fin du poème étant perdue, ce récit s’achève brutalement et Philippe de Briouze n’y est pas mentionné. Giraud de Barri, Opera, vol. 5, éd. J. Dimock, p. 320-334 (chapitres vii à xiv du livre ii).

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la ville dont il a reçu la possession, il est séparé de son bien par le fleuve. Il choisit de faire demi-tour et de l’abandonner sans tenter de s’en rendre maître14. L’intervention de Philippe [II] de Briouze est soutenue par le pouvoir royal15. Selon les pipe rolls, le roi vend à Philippe 500 mesures de froment pour se rendre en Irlande. Philippe doit pour cela 29 livres, 19 sous et 1 denier. En 1177, après avoir révoqué Guillaume fitz Audelin et l’avoir remplacé par Hugues de Lacy en tant que fondé du pouvoir royal (lat. procurator) en Irlande, le roi Henri II accorde à Robert fitz Stephen et à Meilyr fitz Henry la garde partagée du sud de Munster, tandis que Philippe [II] de Briouze reçoit la partie nord. Cette généreuse donation royale comprend le royaume de Limerick avec la ville afférente16. Giraud de Barri complète le récit de l’échec de Philippe de Briouze devant Limerick. Les trois hommes, Robert, Meilyr et Philippe, inféodés en même temps par le roi, décident de s’allier et de s’entraider lors de leur installation. Ils traversent l’actuel canal Saint-Georges et débarquent à Waterford. Après que Robert fitz Stephen et Meilyr fitz Henry se soient répartis leurs domaines, ils escortent Philippe de Briouze à Limerick17 : Après cela, ils escortèrent Philippe de Briouze à Limerick. Robert fitz Stephen avait trente chevaliers et quarante archers ; Meilyr, vingt chevaliers et cinquante archers ; Philippe, vingt chevaliers et soixante archers ; et de nombreux archers à pied étaient associés à chacune des trois troupes. Lorsqu’ils arrivèrent devant la ville, située à près de quarante stades de Cork18, étant seulement séparés d’elle par le fleuve Shannon, fitz Stephen et Meilyr offrirent de traverser ces eaux et d’attaquer la ville, et ce, bien qu’ils aient déjà vu la ville réduite en cendres. Ou si Philippe le préférait, ils lui proposèrent de lui construire un château (castrum) de l’autre côté du fleuve. Philippe, un chevalier courageux et audacieux, choisit pourtant de suivre le conseil pusillanime des siens, [jugeant] qu’il était préférable de rentrer sur ses terres sans danger plutôt que de risquer les périls de la Fortune sur une terre aussi hostile que lointaine. Il n’est pas étonnant que cela affecta cette expédition malheureuse, puisque Philippe, les préférant à d’autres, s’était associé à des hommes à la conduite scandaleuse, meurtriers et séditieux, qui venaient en nombre du sud du pays de Galles et des limites de ses marches. Le fleuve Shannon apparaît comme un obstacle effrayant et infranchissable. Ce fleuve est le plus long d’Irlande, ayant le plus fort débit. Il forme une frontière terrestre naturelle entre l’ouest et l’est, utilisée pour délimiter le royaume du Connacht. La ville

14 Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, Livre II, § 17, p. 179. Giraud de Barri, Opera, vol. 5, éd. J. Dimock, p. 342. 15 The Great Roll of the Pipe (GRP), a.d. 1176-1177, Londres, 1905, vol. 26, p. 17. 16 Giraud de Barri, Opera, vol. 5, éd. J. Dimock, p. 347. Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, Livre II, chapitre 20, p. 184-185. 17 Giraud de Barri, Opera, vol. 5, éd. J. Dimock, p. 349. Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, Livre II, chapitre 20, p. 184-187. 18 « Stadium », Dictionnaire Latin-Français, éd. F. Gaffiot, p. 1473.

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de Limerick, située à l’embouchure du fleuve, est traversée par des eaux rapides19. Giraud de Barri décrit ces lieux comme « une terre aussi hostile que lointaine ». Bien que lui-même cambro-normand, Giraud de Barri critique l’entourage de Philippe, qu’il juge composé d’une bande de criminels gallois. Aucun acte émis par Philippe [II] de Briouze n’a été conservé. Son entourage, qui aurait pu apparaître à travers les listes de témoins, reste inconnu. Par contraste, Philippe est dépeint comme un « chevalier courageux et audacieux ». Courage et audace sont deux valeurs chevaleresques associées à celles de prouesse, de loyauté et d’honneur. Cette louange est attendue, élaborée par Giraud pour se concilier les faveurs des Briouze, seigneurs de Brecon dont il est l’archidiacre depuis 1175 environ20. Philippe suit les conseils précautionneux de ses proches et fuit sans combattre. En 1177, Philippe [II] de Briouze est âgé – ayant plus de 60 ans –, donnée factuelle qui peut expliquer sa prudence face aux périls. Le Livre de Fenagh évoque Philippe [II] de Briouze. Compilé au xvie siècle à partir d’un manuscrit aujourd’hui disparu, il est aussi désigné sous le nom de Livre de saint Caillin, du nom du fondateur du monastère de Fenagh au vie siècle. Les faits mentionnant Philippe sont inexacts21 : Par la suite Cathal détiendra pour un temps cette seigneurie [de Breifne], après Ualgarg, jusqu’à ce qu’il soit détrôné par Philippe de Briouze. La province du Connacht sera sous sa domination. Philippe, avec son armée d’étrangers, abandonnera Breifne sans artifice. Je vous le dis, sur tous les tons, il quittera la terre de Cathal. Le royaume de Breifne avoisine le royaume du Connacht, jouxtant sa frontière nord-ouest22. Il n’a aucune frontière commune avec le royaume du Munster et les terres de Limerick détenues par Philippe de Briouze. Les confusions et les lacunes des sources se superposent à l’exaltation de cet épisode irlandais par la mémoire familiale. Guillaume III de Briouze perçoit cet échec comme un souvenir honteux devant être effacé par son propre succès. Sa quête personnelle de la seigneurie de Limerick se transforme peu à peu en obsession, son désir de restaurer l’honneur familial finissant par mettre en péril le sort de sa lignée.

Guillaume III de Briouze obnubilé par Limerick La puissance du lien mémoriel reliant Guillaume III de Briouze au projet infructueux de son oncle Philippe [II] apparaît dans les actes de la pratique23.

19 G. Arnaud, « L’aménagement hydro-électrique du Shannon », Annales de Géographie, tome XXXVI, no 203, 1927, p. 470. 20 A. Gransden, compte rendu de « Jeanne-Marie Boivin, L’Irlande au moyen âge, Giraud de Barri et la Topographia Hibernica (1188). Paris, Champion, 1993 », CCM, 38e année, 1995, p. 14-15. 21 The Book of Fenagh, éd. W. M. Hennessy et D. H. Kelly, Dublin, 1875, p. 70-71. 22 Byrne, A New History…, carte p. 2-3. 23 Fr. Bédarida, « Une invitation à penser l’histoire : Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire et l’oubli », Revue historique, 2001/3, no 619, p. 735.

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À plusieurs reprises, Guillaume met en évidence la corrélation entre ses ambitions irlandaises et l’échec passé24. À la date du 12 janvier 1201, les fine rolls et les charter rolls enregistrent la concession royale et le versement dû : le roi Jean octroie à Guillaume de Briouze l’honneur de Limerick, à l’exception de la ville25. Un don similaire avait été concédé par le roi Henri II à Philippe de Briouze, oncle de Guillaume26. En échange, Guillaume III de Briouze s’engage à verser cinq mille marcs, somme fractionnée en versements annuels. Guillaume veut obtenir des terres spécifiques en Irlande, celles que le roi Henri II avait données à son oncle Philippe [II] de Briouze. Désigné roi d’Irlande sans couronne (lat. Dominus Hiberniae) en 1177, ce n’est qu’en 1185 que le prince Jean effectue son premier séjour dans son royaume, à l’âge de 19 ans27. Si son intervention est relativement brève, il installe plusieurs fidèles qu’il charge ensuite d’étendre leurs territoires par la conquête. Thibaud Gautier et Guillaume de Burgh reçoivent le Munster, royaume où se situe Limerick28. Le roi Jean délègue le contrôle des terres irlandaises à l’aristocratie anglo-normande, puisqu’il n’y revient qu’en 1210. Il nomme des justiciers chargés de gouverner en son nom. En 1185, aucun membre de la famille de Briouze ne participe au voyage. Guillaume III est alors au pays de Galles, où il tient tête à ses voisins gallois turbulents. Ce n’est qu’à partir du couronnement de Jean, en 1199, que Guillaume III de Briouze acquiert un rôle déterminant dans l’entourage royal29. À la mort de son frère et prédécesseur le 6 avril 1199, Jean évince du pouvoir son neveu Arthur, un temps héritier désigné. Jean est couronné le 27 mai 1199, avec l’appui de Guillaume III de Briouze qui aide à convaincre le roi Richard, mourant, de choisir in extremis Jean comme son héritier30. Grâce à son intercession, Guillaume III bénéficie d’une ascension fulgurante sous le règne de Jean. En quelques mois, il capte des privilèges et des domaines considérables. Le 12 janvier 1201, Guillaume reçoit l’honneur de Limerick, longuement convoité. Le roi conserve la ville de Limerick, le don des évêchés et des abbayes, la centaine des Danois et l’Ile Sainte, ainsi que les biens de Guillaume de Burgh31. L’honneur de Limerick est remis à Guillaume de Briouze en présence de tous les hommes, à l’exception des Irlandais. Guillaume III accepte un engagement financier considérable. Il promet de remettre au roi 5000 marcs, sous la forme de versements annuels de 500 marcs. Ralph Turner estime les revenus annuels de Guillaume III à 800 livres par

24 Sweetman, Calendar…, p. 24, no 145 et no 147. J. T. Gilbert (éd.), Facsimiles of National Manuscript of Ireland, Londres, 1878, partie 2, no lxviii. Hardy, Rotuli de Oblatis…, p. 94, p. 99. 25 Sweetman, Calendar…, p. 24, no 145 et no 146. 26 Sweetman, Calendar…, p. 24, no 147. W. L. Warren, « King John and Ireland », in J. Lydon (dir.), England and Ireland in the Later Middle Ages. Essays in honour of Jocelyn Otway-Ruthven, 1981, n. 34 p. 40. 27 Carpenter, The Struggle…, p. 220. S. Duffy, « John and Ireland : The origins of England’s Irish problem », in S. D. Church (dir.), King John: New Interpretations, Woodbridge, 1999, p. 221-245. 28 R. Frame, Colonial Ireland, 1169-1369, Dublin, 1981, carte p. 23. 29 Annales de Margam, p. 24-25. 30 Veach, Lordship…, p. 104. 31 Sweetman, Calendar…, p. 24, no 146.

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an, soit 1200 marcs32. Guillaume III annonce pouvoir verser chaque année 250 livres pour ses terres irlandaises, ce qui représente près d’un tiers de ses revenus annuels. Posséder l’honneur de Limerick confère un pouvoir considérable au seigneur de Briouze. Cette terre est tenue du roi en chef, contre le service de 60 chevaliers, excepté le service de Guillaume de Burgh33. À titre de comparaison, en 1166, Guillaume II de Briouze détient 28 fiefs de chevaliers pour son honneur de Barnstaple34, dans le comté du Devon, et vers 1172 il détient 3 fiefs de chevaliers dans son honneur de Briouze en Normandie, ainsi qu’un fief de chevalier à Couvert dans le Bessin35. D’importants privilèges accroissent sa puissance et son autonomie. Dès le 12 janvier 1201, date de la cession de l’honneur de Limerick, des privilèges d’ordre judiciaire lui sont octroyés. Le justicier d’Irlande ne peut poursuivre en justice le seigneur de Briouze pour les affaires concernant son honneur de Limerick36. Le 23 août 1205, le roi Jean interdit au justicier d’Irlande d’exiger, pour les terres irlandaises de Guillaume de Briouze, des droits coutumiers différents de ceux prélevés sur les terres de Guillaume Le Maréchal ou Gautier de Lacy37. La nature exacte de cette exemption n’est pas précisée, mais les concessions accordées à ces deux grands seigneurs devaient être avantageuses. Le 7 juillet 1203, Guillaume III parvient à obtenir la ville royale de Limerick, accordée par le roi Jean. Il récupère le cœur du domaine perdu par son oncle en rachetant la ville que ce dernier avait fui honteusement. Guillaume en reçoit la garde, tant qu’il plaira au roi, contre un versement annuel38. La somme due est identique à celle que versait précédemment Guillaume de Burgh, l’ancien tenant39. La ferme de la ville de Limerick s’élève à 100 marcs par an, tandis que la taille est fixée à 80 livres par an40. Le 23 août 1205, le roi Jean informe Meilyr fitz Henry, justicier d’Irlande, qu’il accorde à Guillaume de Briouze la garde de la ville royale de Limerick, contre paiement des arriérés dus pour la ferme et la taille. Il lui ordonne d’aider les baillis de Guillaume de Briouze à percevoir la taille sur les hommes du Munster41. Guillaume poursuit son projet de reconstituer le domaine familial perdu en 1177. L’obtention de la ville de Limerick ne constitue que l’une des facettes d’un programme plus large (Carte 9). Il projette d’acquérir un vaste ensemble territorial afin de devenir l’un des principaux seigneurs colonisateurs d’Irlande. Le 16 septembre 1204, le roi Jean demande à Meilyr fitz Henry de remettre à Guillaume de Briouze la terre du Munster et ses fortifications, la terre du Desmond et le service de garde à l’extérieur 32 R. V. Turner, « Briouze, William (III) de (d. 1211), ODNB, 2004. 33 Sweetman, Calendar…, p. 24, no 147. 34 Hall, The Red Book…, p. 127-128. 35 Hall, The Red Book…, vol. 2, p. 631. 36 Sweetman, Calendar…, p. 25, no 148. 37 Sweetman, Calendar…, p. 41, no 270. 38 Hardy, Rotuli Chartarum, p. 107. 39 Sweetman, Calendar…, p. 29, no 182 ; p. 32-33, no 213. 40 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 232. GRP, Michaelmas 1205, PRS NS 19, p. 62 ; Michaelmas 1210, PRS NS 26, p. 60-62. Sweetman, Calendar…, p. 55, no 369 ; p. 58, no 389 et no 395 ; p. 73, no 436. 41 Sweetman, Calendar…, p. 41, no 271.

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Carte 9 : Les Briouze et l’Irlande au début du xiiie siècle

de Dublin que détenait Guillaume de Burgh. Le roi conserve le Connacht42. Grâce à cette donation, l’autorité de Guillaume III de Briouze s’étend au-delà de la sphère territoriale de Limerick, à l’ensemble du Munster, mais aussi vers le sud (Desmond) et l’est (Dublin). Le 3 avril 1206, le roi Jean ordonne à Meilyr fitz Henry, justicier d’Irlande, de saisir, au nom du roi, toutes les terres appartenant à Guillaume de Burgh, car Guillaume de Briouze lui a fait une offre pour le Munster. Les terres de Thibaud

42 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 46.

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Gautier sont prises43. Par ce geste, le roi retire à Guillaume de Burgh et à Thibaud Gautier les terres qu’il leur avait accordées lors de son premier séjour irlandais, en 1185. Afin d’affermir la position de Guillaume face à ses nombreux ennemis, irlandais ou anglo-normands, le roi lui accorde plusieurs places fortes. Le 16 août 1202, le roi Jean informe ses baillis et ses hommes d’Irlande qu’il souhaite que Guillaume de Briouze détienne ses terres et châteaux d’Irlande, contre paiement44. Le même jour, Guillaume III reçoit toutes les terres de Philippe de Worcester, avec le château de Knockgraffon (comté de Tipperary) et tous les autres châteaux de l’honneur de Limerick45. Seul le toponyme Knockgraffon est précisé. Une motte y fut édifiée par les Anglo-normands à la fin du xiie siècle. La distance entre la ville de Limerick et la motte de Knockgraffon recouvre environ 65 kilomètres, signe de l’extension des terres sous contrôle de la famille de Briouze. L’arrivée de Guillaume de Briouze dans cette région d’Irlande déstabilise l’ordre précédemment établi parmi la noblesse coloniale. Deux grands seigneurs qui avaient été installés par le roi Jean – Philippe de Worcester46 et Thibaud Gautier47 –, sont placés sous le contrôle de Guillaume et perdent ainsi leur statut de tenants-en-chef48. Le roi vend leurs terres à Guillaume de Briouze. Dans le même temps, Thibaud conclut un accord avec Guillaume pour obtenir la garde de ses terres contre la somme de 500 marcs49. Au contraire, Philippe de Worcester se rebelle et s’attaque à Guillaume de Briouze pour regagner son prestige perdu50. Pour gérer ses vastes domaines, Guillaume III de Briouze s’assure le soutien de ses vassaux et favorise l’intervention de ses fils. Dès 1201, Guillaume de Briouze confie à Hugues de Lega et à ses héritiers un fief nommé Onachtbeg, en Irlande. Guillaume III est alors entouré de ses fils, Guillaume IV et Gautier, qui souscrivent cet acte51. De même, Thibaud Gautier reconnaît devoir à Guillaume de Briouze le service de 22 chevaliers, dû pour une tenure dans le Munster. Guillaume IV, Philippe [III] et Gautier [I] de Briouze, fils de Guillaume III de Briouze, y consentent52. Le vendredi 12 janvier 1201, à Lincoln, Guillaume III de Briouze, avec l’accord de son fils et héritier Guillaume IV de Briouze, offre à Thibaud Gautier et ses héritiers le bourg de Killaloe, ainsi que les cantrefs d’Ely O’Carroll, Eliogarty, Ormond, Owney and Arra. Guillaume IV et Gautier, fils de Guillaume III de Briouze, en sont témoins53. Pour cela, Thibaud Gautier s’acquitte d’une somme de 500 marcs54. 43 Sweetman, Calendar…, p. 44, n°288. 44 Sweetman, Calendar…, p. 27, n°170. 45 Sweetman, Calendar…, p. 27, n°169. 46 M. Th. Flanagan, « Lacy, Hugh de (d. 1186) », ODNB, 2004. 47 M. Th. Flanagan, « Butler, Theobald (d. 1205) », ODNB, 2004. 48 G. H. Orpen, Ireland under the Normans, 1169-1216, Oxford, 1911, vol. 2, p. 174. 49 Roger de Howden, Chronica Magistri, vol. 4, p. 152-153. 50 The Annals of Innisfallen (MS Rawlinson B. 503), éd. S. Mac Airt, Dublin, 1951, p. 328-329, n. 10. 51 Curtis, Calendar…, p. 11, no 24. 52 Gilbert, Facsimiles…, partie 2, no lxviii. J. Mills et M. J. McEnery (éd.), Calendar of the Gormanston Register, Dublin, 1916, p. 163. 53 Curtis, Calendar…, p. 11, no 25. Gilbert, Facsimiles…, partie 2, no lxviii. 54 Roger de Howden, Chronica Magistri, vol. 4, p. 153. Veach, Lordship…, p. 126, n. 67.

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Le fils aîné de Guillaume III, Guillaume IV de Briouze le Jeune, intervient ensuite de façon autonome. Il confirme la donation faite par son père à Thibaud Gautier et à ses héritiers, en échange de son hommage et service. Cette tenure inclut 5,5 cantrefs sur la terre de Munster : le bourg de Killaloe, le demi cantref de Truohekedmaleck, les cantrefs d’Ely O’Carroll, d’Eliogarty, d’Owney and Arra, d’Owethenhokathelan et d’Owethennihoiffernan. Le roi Henri II avait donné ces terres à Philippe [II] de Briouze, oncle de Guillaume III, le père du donateur. Le roi Jean les avait ensuite restituées à Guillaume, père du donateur. Thibaud et ses héritiers tiendront pour toujours ces cantrefs de Guillaume de Briouze. Philippe [IV] et Gautier [I] de Briouze, frères du donateur, souscrivent cet acte55. Vers 1205, après le décès de Thibaud Gautier56, Guillaume III de Briouze offre à Adam de Hereford et à ses héritiers le fief de Chlenmoneth en Ely O’Carroll et le village de Clonfertmulloe, que tenaient Thibaud Gautier contre le service d’un chevalier57. En acquérant les terres de Thibaud Gautier, Guillaume III de Briouze reconstitue le territoire idéalisé et perdu par Philippe [II] de Briouze. Guillaume III de Briouze installe son fils Philippe [III] en Irlande. La continuité patronymique définit le rôle au sein du lignage. Philippe [III] est chasé par son père en Irlande pour poursuivre le projet de son oncle Philippe [II]. La symbolique mémorielle est forte. Philippe [III] est un jeune cadet sans terre. Il reçoit le manoir de Grean qui lui permet de s’établir. Cette cession n’est connue que par des documents ultérieurs. En septembre 1220, à Wilton, Guillaume de Naas et Ève son épouse offrent 100 marcs au roi : ils revendiquent le manoir de Grean comme part du douaire d’Ève, puisqu’il était tenu par feu Philippe de Briouze, son premier mari58. Ce n’est que le 1er septembre 1227 qu’Ève, veuve du baron de Naas, reçoit le douaire que lui avait accordé son premier mari, Philippe [III] de Briouze59. Guillaume de Naas est un vassal de Guillaume III de Briouze en Irlande. Ce dernier lui accorde vers 1201, avec le consentement de son épouse et de son héritier Guillaume IV le Jeune, 5 fiefs de chevaliers à Carrickittle et Kildromin, dans le comté de Limerick, pour son hommage et service. Il tient l’ensemble des dépendances et libertés afférentes contre le service d’un chevalier60. L’ambitieux projet de Guillaume III est concrétisé grâce à la faveur royale. Le 16 août 1202, le roi Jean ordonne aux tenants des terres irlandaises de Guillaume de Briouze d’obéir à leur seigneur et à ses baillis61. Ce geste royal fait suite au siège de Mirebeau. Le 1er août 1202, lors de la bataille finale, Guillaume III de Briouze s’empare d’Arthur de Bretagne, neveu et rival du roi Jean62. Si Guillaume III obtient

55 Gilbert, Facsimiles…, partie 2, no lxviii. 56 M. Th. Flanagan, « Butler, Theobald (died 1205) », ODNB, 2004. 57 Curtis, Calendar…, p. 9-10, no 21. G. Cunningham, The Anglo-Norman Advance into the South-West Midlands of Ireland, 1185-1221, Roscrea, 1987, p. 18. 58 Sweetman, Calendar…, p. 147, no 962. Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 1, p. 164, no 263. 59 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 199. 60 Mills et McEnery, Calendar…, p. 163. 61 Sweetman, Calendar…, p. 27, no 170. 62 Raoul de Coggeshall, Chronicon anglicanum, p. 138.

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des terres et privilèges en récompense de ses bons et loyaux services auprès du roi, il s’endette durablement, comme le prouvent les enregistrements de la chancellerie royale. En 1205, les pipe rolls enregistrent les sommes versées et les sommes dues par Guillaume III pour Limerick. Sur les 5000 marcs dus, Guillaume a versé 468 livres. Il doit encore 2865 livres, 6 sous et 8 deniers, sous forme de versement annuel de 500 livres63. Guillaume ne semble pas réussir à effectuer les versements prévus puisque l’année suivante, en 1206, les pipe rolls indiquent toujours que la même somme est due64. La situation se reproduit à nouveau en 1207, 1208, 1209 et 121065. Tolérée depuis 1201, l’absence de remboursement par Guillaume est utilisée par le roi Jean pour justifier sa disgrâce, dans la lettre ouverte de septembre 121066. Guillaume III de Briouze est obsédé par l’idée de reconstituer l’immense territoire perdu par son oncle Philippe [II] en 1177. Mais cette obsession ne peut être assumée par les capacités financières familiales. Puisque la conquête militaire échoue en 1177, Guillaume III choisit de recourir à un autre biais, celui de la faveur royale. Cette solution repose sur un postulat précaire : le bénéficiaire des largesses royales doit continuellement servir le roi et fournir des prestations de plus en plus denses pour mériter les libéralités croissantes ainsi acquises. Ce processus exponentiel est fragile. Lorsque l’équilibre entre les services rendus et les faveurs accordées est dérèglé, le contrat moral et tacite de réciprocité disparaît. Selon Colin Veach, la situation entre le roi et l’aristocratie coloniale se dégrade en Irlande à partir de 120667. Son hypothèse rejoint un phénomène perceptible à travers les actes de la famille de Briouze : à partir de 1206, Guillaume III de Briouze cesse d’être le témoin privilégié des chartes royales68.

Les absents ont toujours tort En reconstituant l’itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin assidu du roi Jean69, il apparaît qu’à l’exception d’un bref séjour de quelques mois au cours de l’été 1201, Guillaume de Briouze ne réside pas en Irlande pendant plusieurs années, jusqu’à sa fuite en 1208 (Annexe 3). Il gouverne ses terres par l’intermédiaire de son réseau familial, plus spécifiquement grâce à son gendre, Gautier de Lacy. Selon Colin Veach, le mariage conclu entre Gautier de Lacy et Marguerite de Briouze, fille de Guillaume III, forme une « alliance indélébile » entre les deux familles70. Le 19 novembre 1200, à Milbrone, le roi Jean confirme la charte, aujourd’hui disparue, par laquelle Guillaume de Briouze convient avec Gautier de Lacy de l’inaliénabilité

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Sweetman, Calendar…, p. 43, no 285. GRP, Michaelmas 1206, PRS NS 20, p. 62. Sweetman, Calendar…, p. 55, no 369 ; p. 58, no 389 et no 395 ; p. 73, no 436. Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. Veach, Lordship…, p. 130. Annexe 3 – Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207). Le 3 mai Guillaume III de Briouze est à Marlborough et le 26 décembre à Argentan. Veach, Lordship…, p. 101.

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des terres familiales. Cet accord est conclu au moment de l’union entre Gautier et Marguerite71. La convention de réciprocité unissant les deux hommes explique le parcours des deux familles sous le règne de Jean. Colin Veach suppose que Guillaume n’aurait obtenu la terre de Limerick qu’après avoir scellé une union avec Gautier de Lacy, le roi Jean voulant s’assurer que Guillaume de Briouze puisse faire face à l’hostilité des aristocrates anglo-normands déjà installés72. Cette théorie souligne l’importance du réseau familial qui renforce les capacités d’extension territoriale et élargit les motifs politiques de la faveur royale à la complexité de la socialisation coloniale. L’alliance conclue entre les deux hommes en 1200 explique pourquoi Guillaume épaule Gautier en Normandie73, en échange de son soutien en Irlande : chacun des deux hommes est posté sur une zone frontalière fragile à défendre. Guillaume étant absent, il ne peut veiller à ses intérêts irlandais qu’il confie à son beau-fils. Le 13 novembre 1204, Guillaume de Briouze souscrit l’acte par lequel le roi Jean accorde à Gautier de Lacy et à son frère Hugues 8 cantrefs de terre en Ulster74. À partir de 1206, plusieurs signes alertent sur la fragilisation de la position irlandaise de Guillaume III de Briouze. Certains actes mettent en évidence la volonté royale de contrôler et d’affaiblir l’aristocratie coloniale implantée en Irlande. Le premier indice de la méfiance naissante de Jean à l’égard de Guillaume III de Briouze apparaît le 3 avril 1206, lorsque celui-ci demande au justicier d’Irlande Meilyr fitz Henry d’enquêter afin de déterminer si plusieurs châteaux et centaines reviennent au royaume de Cork ou au royaume de Limerick75. Cette vigilance est encore relative puisque le même jour, le roi accorde à Guillaume les terres du Munster qui appartenait à Guillaume de Burgh76. Quelques semaines plus tard, le roi Jean profite d’une plainte formulée par Pierre fitz Herbert à l’encontre de ses parents de Briouze, au sujet du tiers de l’honneur de Brecon, pour s’immiscer dans la gestion des biens des Briouze. Le procès est jugé directement par le roi, qui peut potentiellement décider de la commise des fiefs familiaux77. Selon Stephen Church, l’ingérence du roi dans ce procès lui permet d’affirmer son autorité, Guillaume de Briouze percevant alors le déclin de la faveur royale78. La situation se complique en début d’année 1207. Le 12 février, le roi Jean informe Meilyr fitz Henry79, justicier d’Irlande, d’une plainte formulée par Guillaume de Briouze à son encontre. Guillaume l’accuse d’avoir pris possession du district de son constable, de ses droits, de ses hommes, de sa terre et de son bétail. En janvier 1207, Meilyr le Jeune avait attaqué l’honneur de Limerick sans autorisation royale80.

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Hardy, Rotuli Chartarum, p. 80. Veach, Lordship…, p. 111. Hardy, « Rotuli Normanniae… », p. 114-115. Veach, Lordship…, p. 112. Sweetman, Calendar…, p. 37, no 240. Sweetman, Calendar…, p. 44, no 289. Sweetman, Calendar…, p. 44, no 288. Palgrave, Rotuli…, vol. 2, p. 8, p. 25. Church, King John. England…, p. 168. Veach, « King John… », p. 1062. Church, King John. England…, p. 168-169. Sweetman, Calendar…, p. 26, no 160. Veach, Lordship…, p. 131.

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Puisque Guillaume a bien servi le roi, un mandat est établi pour que ses biens et ses armes lui soient restaurés. Toutefois, le justicier conserve la ville de Limerick81. Le roi tient un double discours : d’une part il affirme que Guillaume III est toujours dans ses bonnes grâces, d’autre part il lui confisque la ville tant désirée. Cette saisie révèle la volonté de Jean de renforcer l’autorité royale en Irlande, puisqu’il restaure le système de 1177 selon lequel le roi conservait les villes de Dublin, Waterford, Wexford, Limerick et Cork. Quelques jours plus tard, un nouvel acte royal permet d’entrevoir les causes du mécontentement de Jean à l’égard de Guillaume III. Le 21 février 1207, le roi écrit à ses barons et chevaliers du Meath et du Leinster. Il les remercie pour leur fidélité lors du conflit l’opposant à leur seigneur Gautier de Lacy, à propos de la ville royale de Limerick, dont la garde fut confiée à Guillaume de Briouze tant qu’il plut au roi. Il leur demande de maintenir leur allégeance et de fortifier la ville royale de Dublin82. La nature du conflit n’est pas précisée par l’acte, mais suit l’attaque de Meilyr fitz Henry le Jeune contre les terres du Munster. Le roi fait référence à une lettre qu’il avait adressée à Gautier de Lacy le 2 novembre 1204. Jean avait informé Gautier qu’il ne pouvait assurer la paix sur ses terres du Connacht et de Cork sans contrôler directement la ville de Limerick, qu’il avait confié à Guillaume de Briouze83. Le roi lui avait ordonné de remettre la ville à Meilyr fitz Henry l’Ancien, justicier d’Irlande. Les baillis de Guillaume de Briouze en Irlande avaient reçu des lettres similaires. Le roi avait donc, dès 1204, eut l’intention de reprendre la ville de Limerick qu’il avait accordée à Guillaume l’année précédente. L’équilibre irlandais se modifie sensiblement à partir de 1205, suite au décès de Guillaume de Burgh84. Guillaume III de Briouze en bénéficie, puisqu’il récupère la garde de la ville Limerick le 23 août 120585. Il en confie la garde à Gautier de Lacy, qui occupe alors une position stratégique, renforçant son statut de seigneur du Meath86. En 1206, le roi Jean perçoit le monopole irlandais des Lacy comme une menace : il entreprend de limiter la puissance de l’aristocratie coloniale. Colin Veach suppose que l’alliance formée par les Lacy et les Briouze est sacrifiée par le roi pour permettre la restauration de son autorité personnelle87. Lorsqu’en 1207 Gautier de Lacy, seigneur de Meath, et Hugues de Lacy, comte d’Ulster, protestent contre les agissements des fitz Henry, le roi Jean soutient son justicier et son fils88. Gautier de Lacy est puni par le roi qui lui retire son château de Ludlow, centre de ses terres anglaises. Ludlow est en fait remis le 13 juillet 1207 à Guillaume III de Briouze89. À l’été

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Sweetman, Calendar…, p. 46, no 310. Sweetman, Calendar…, p. 47, no 315. Sweetman, Calendar…, p. 36-37, no 235. Veach, Lordship…, p. 122-123. Sweetman, Calendar…, p. 41, no 271. Veach, Lordship…, p. 122. Veach, Lordship…, p. 130. Veach, « King John… », p. 1065. Veach, Lordship…, p. 134-135. Hardy, Rotuli Chartarum, p. 166. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 69. Veach, « King John… », p. 1067.

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1207, Guillaume III rentre temporairement dans les bonnes grâces du roi. Quelques mois plus tard, la situation bascule. Le 19 mars 1208, Guillaume III de Briouze remet son fils Guillaume IV en otage à Gautier de Lacy, à la demande du roi. Guillaume doit également remettre au roi le château de Ludlow dont il avait la garde90. Deux phases caractérisent la politique de Jean en Irlande. De 1185 à 1204, Jean délègue son autorité à ses fidèles vassaux, chargés d’assurer le contrôle de ce territoire périphérique de l’empire Plantagenêt. Après la perte de la Normandie en 1204, le roi accroît son autorité sur son domaine pour en obtenir un maximum de ressources. Pour y parvenir, il renie les avantages précédemment accordés à ses fidèles installés en Irlande91. Le caractère exceptionnel du sort réservé à Guillaume III de Briouze en Irlande tient de la singularité de son statut. Il avait été placé en Irlande par le roi en 1201 pour limiter l’influence des puissants aristocrates précédemment implantés. Son autorité en Irlande est conçue par le roi comme un prolongement de la sienne. Mais Guillaume ne peut être sur tous les fronts, à la fois en Irlande, au pays de Galles et en Normandie. Absent d’Irlande, il délègue son autorité à Gautier de Lacy qui devient une figure puissante, réfractaire à la politique interventionniste de Jean. Ce contexte troublé explique pourquoi le roi avait prévu une expédition en Irlande dès le printemps 1208. Ce projet d’intervention armée pour mater la rébellion des grands vassaux est reporté, conséquence de l’interdit lancé par le pape contre Jean la même année. Le roi ne peut intervenir dans la région qu’en 1210, délai qui lui permet de proposer un nouveau motif à son action. Dans une lettre ouverte rédigée en 1210, le roi Jean justifie son attaque en rejetant la faute sur l’attitude rebelle de Guillaume III de Briouze92. Il l’accuse de ne pas s’être acquitté des sommes dues pour tenir l’honneur et la ville de Limerick. Le motif allégué de la dette, bien que véridique, peut être nuancé par plusieurs incohérences internes au récit royal93. L’expédition royale a fait l’objet de nombreux travaux historiographiques94. Il ne s’agit pas là d’en faire la synthèse, puisque Colin Veach s’est récemment prêté à l’exercice95. Guillaume est bien endetté auprès du roi, c’est un fait prouvé par les actes de la pratique. Mais à plusieurs occasions, le roi avait absorbé les sommes qu’il lui devait, en remerciement des services rendus96. Guillaume n’avait sans doute pas perçu la menace que constituaient les dettes accumulées. Le roi avait accepté que Guillaume s’engage pour une somme supérieure à sa capacité de remboursement. Le roi 90 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 80b. 91 Church, King John. England…, p. 170. 92 Sweetman, Calendar…, p. 65-66, no 408. Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. 93 P. Chastang, « Introduction. Le passé, le présent et l’écriture médiatrice », in P. Chastang (dir.), Le Passé à l’épreuve du passé. Appropriations et usages du passé du Moyen Âge à la Renaissance, Paris, 2008, p. 10. 94 Veach, « King John… », p. 1051-1078. Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. S. D. Church, « The 1210 Campaign in Ireland: Evidence for a Military Revolution? », ANS 20, 1997, p. 45-56. S. Duffy, « King John’s Expedition to Ireland, 1210: The Evidence Reconsidered », Irish Historical Studies, 1996, p. 1-24. 95 Veach, « King John… », p. 1051-1078. 96 GRP, Michaelmas 1201, PRS NS 14 ; Michaelmas 1202, PRS NS 15 ; Michaelmas 1203, PRS NS 16 ; Michaelmas 1204, PRS NS 18.

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voulait que son vassal lui soit redevable, entièrement à sa merci puisqu’incapable de rembourser la somme due97. Dans sa lettre ouverte, le roi manipule la présentation de la vérité de manière à occulter sa propre part de responsabilité. Le parcours de Guillaume III au cours de cette période de crise peut être reconstitué en croisant les informations chronologiques données par la lettre royale de 1210 et par le récit de l’Histoire de Guillaume le Maréchal. Dans un premier temps, la lettre royale rapporte que les biens de Guillaume sont saisis pour combler ses dettes. Guillaume III de Briouze déplace ses biens meubles d’Angleterre pour empêcher leur confiscation. Le roi fait confisquer par son bailli Gérard d’Athée l’ensemble des biens gallois de Guillaume. Dans un souci de conciliation, le roi et Guillaume se réunissent à Hereford. Guillaume remet au roi ses châteaux gallois de Hay, Brecon et Radnor, ainsi que plusieurs membres de sa parentèle comme otages. Peu de temps après, Guillaume se rebelle et s’empare par la force de ses trois châteaux puis brûle en partie Leominster, propriété du roi. Par crainte des troupes royales, Guillaume et sa famille partent en Irlande se réfugier auprès de leurs proches, Guillaume Le Maréchal, Gautier et Hugues de Lacy, contre l’avis du roi. Si la lettre évoque brièvement ce point, l’Histoire de Guillaume le Maréchal développe la description de ce séjour irlandais98 : Le roi conçut une telle haine à son égard Qu’il l’assaillit de toutes parts [Guillaume III de Briouze] ne put le supporter, Ni endurer son hostilité. Il resta un temps au pays de Galles, Mais ses gens furent tellement malveillants, Qu’il n’osa s’y fier ; Il dût prendre un autre conseil Bien que cela lui sembla pesant et difficile : Il prit la mer dans de terribles conditions, Car le temps était hivernal ; Et les orages étaient menaçants. Il navigua trois jours et trois nuits Avec sa femme et ses enfants. Lors d’une vaste tempête horrifiante, Il accosta sur la terre d’Irlande, Car les orages et la tempête Les mirent dans un tel péril Que ceux qui étaient à terre Et qui virent le navire accoster N’avaient d’autre attente, Que de les voir se noyer. 97 Church, King John. England…, p. 171-172. 98 L’Histoire de Guillaume le Maréchal, Comte de Striguil et de Pembroke, régent d’Angleterre de 1216 à 1219, éd. P. Meyer, Paris, tome II, v. 14137-14232. History of William Marshal, éd. A. J. Holden, vol. 2, p. 207-213.

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Le gentil homme ne sut que faire, Car il voulait rejoindre l’Irlande, Et la terre du seigneur Gautier de Lacy, Auprès de qui il pensait trouver refuge, Car il était le mari de sa fille. Son esprit était angoissé, Mais la mer montante et le courant Les chassa vers Wicklow Où le comte était en résidence. À ce jour les évènements s’arrangèrent Après les souffrances qu’ils avaient subies, Car Dieu y pourvut, Quand le comte fut informé de sa venue, Il s’en réjouit grandement. Il vint au-devant de lui pour le rencontrer, Et l’hébergea généreusement Lui, et sa femme, et ses enfants, Et il témoigna sa liesse et sa joie. Pendant vingt jours Il l’hébergea avec bonté. Lorsque l’évêque l’apprit, Qui était gouverneur et justicier, Que le comte avait hébergé, Ce qui avait été prouvé, Le seigneur Guillaume de Briouze, Lui et ses enfants et son épouse, Il lui envoya avec emportement une lettre L’accusant d’avoir hébergé un traître à son roi Ce qui était un acte dommageable, Qui pourrait lui causer de grands dommages ; Au nom du roi il lui demanda De le renvoyer sans contretemps. Et le Maréchal lui répondit En ses mots : « Je vous dis « Que je n’ai nullement reçu un traître « Mais j’ai hébergé mon seigneur, « Comme mon devoir l’exigeait, « Je n’étais pas informé « de sa discorde avec le roi, « je n’avais de raison de n’être bon à son égard. « Et dès que je l’ai hébergé « J’aurai été le traître « Si je l’avais livré entre vos mains. « Je l’escorterai sur le chemin,

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« Tant qu’il sera sur ma terre. « L’évêque ne doit exiger de moi « Une chose qui pourrait m’être reprochée « et s’apparenter à de la trahison. » Il répondit ainsi au message Comme un homme courtois et sage, Et plein de loyauté. Puis il le conduisit en sûreté Jusqu’au domaine de Gautier de Lacy Ainsi advint, comme je vous le dis. Jean le Trouvère justifie la fuite des Briouze en Irlande comme provoquée par la haine royale et par la rupture des liens vassaliques de la part des tenants de Guillaume de Briouze au pays de Galles. Brock Holden note que les sources confirment ce changement de suzeraineté. En septembre 1208, les hommes des Briouze passent un accord avec Gérard d’Athée, acte qui stipule qu’ils ne retourneront pas au service de leur seigneur. Sur les dix-neuf des plus grands tenants de la seigneurie des Briouze, neuf ont accompagné le roi en Irlande en 1210. Ils n’étaient pas contraints de le faire, puisque les tenants de Radnor, d’Abergavenny et du reste du domaine de Brecon reçurent l’ordre de ne pas traverser99. Les tenants rompent leur lien de vassalité direct en acceptant un accord avec Gérard d’Athée, un mercenaire, qui remplace Guillaume Le Maréchal comme shérif du Gloucestershire à partir du 5 janvier 1208100. La défection des tenants est nuancée par la loyauté de grands seigneurs proches des Briouze. Lorsqu’ils accostent en Irlande, après avoir fui le pays de Galles, les Briouze cherchent refuge auprès de Gautier de Lacy, mari de Marguerite de Briouze. L’argument de parenté justifie la demande d’aide des Briouze. Une tempête dévie leur route et les conduit à Wicklow, château appartenant à Guillaume Le Maréchal, où le comte s’était installé depuis sa querelle avec le roi101. Malgré le danger encouru en hébergeant un fugitif recherché par le roi102, Guillaume Le Maréchal semble se réjouir de sa venue. Cet accueil festif est dénoncé par Jean de Gray, évêque de Norwich, nommé justicier d’Irlande en 1210103. L’évêque reproche à Guillaume Le Maréchal d’accueillir un homme poursuivi par le roi, un traïtre et il l’accuse de complicité. Le Maréchal rétorque en valorisant les liens de vassalité, de fidélité et d’amitié. Sa répartie est un indice de la solidité de la position sociale du comte qui ose affronter le roi en utilisant pour sa défense des principes chevaleresques, tel l’honneur et la loyauté. Il affirme ne pas être informé de la querelle entre le roi Jean et les Briouze. Il revendique d’agir en respect de ses devoirs de tenant, puisque Guillaume III de Briouze serait

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Holden, Lords…, p. 185. Holden, Lords…, p. 179. Powicke, The Loss…, p. 295. Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. Matthieu Paris, Chronica Majora, p. 530.

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son seigneur pour une tenure indéterminée104. Il refuse de le livrer à l’évêque car il romprait ses devoirs d’hôte et d’homme-lige. Guillaume cède en partie à la volonté royale, puisqu’il met un terme à l’hébergement des Briouze et les conduit en sûreté jusqu’à Gautier de Lacy105. Cet extrait démontre la complexité de la situation des Briouze qui contraint les réseaux de clientèle, de parenté et d’amitié à prendre tout leur sens. La fragilité de ces liens est évidente. La crainte et les intérêts personnels entrent en contradiction avec les grands principes chevaleresques prônant la loyauté, la fidélité et la courtoisie. Les Mortemer et les Clifford, seigneurs du pays de Galles et liés aux Briouze par des mariages, renoncent à leur devoir de fidélité et se rallient à la cause royale106. Hugues de Mortemer a épousé Aénor de Briouze, fille de Guillaume III107. Cette alliance est fragile et ne résiste pas à la douloureuse crise de 1208-1210, puisque Roger de Mortemer, le père d’Hugues, rejoint la cause royale et envoie des chevaliers lors de l’expédition de 1210. La primauté des liens vassaliques au détriment des liens du sang s’explique par le récent retour en grâce de Roger de Mortemer qui fut exilé pendant trois ans après une tentative de conspiration contre le roi108. Les liens entre les Briouze et les Clifford réapparaissent au milieu du xiiie siècle109, lorsque la veuve de Jean de Briouze épouse en secondes noces Gautier de Clifford110. Selon la lettre royale111, c’est au moment de la fuite irlandaise des Briouze que Jean, ne supportant plus ces offenses, organise l’expédition en Irlande. Guillaume sollicite un nouvel entretien avec le roi qu’il retrouve à Hereford. Guillaume propose au roi l’importante somme de quarante mille marcs pour obtenir la paix. Jean sans Terre lui répond qu’il ne peut faire cette promesse sans l’accord de ses proches. Jean lui annonce qu’il est prêt à partir en Irlande et il lui propose de venir auprès de lui afin de discuter avec sa femme et ses amis de la somme proposée. Guillaume refuse et reste au pays de Galles. En l’absence du roi, parti en Irlande, il brûle un moulin et trois borderies. La mémoire des faits reconstituée par cette lettre soulève plusieurs incongruités. La transcription des réactions de Guillaume de Briouze est sibylline. Son comportement est étrange : il se rebelle après chaque accord conclu avec le roi, sans que les raisons en soient précisées. L’attitude de Guillaume semble injustifiée et violente face au

104 Aucun acte des seigneurs de Briouze ne précise ce lien de vassalité, peut être indiqué dans un document aujourd’hui perdu. D. Crouch (éd), The Acts and Letters of the Marshal Family, Cambridge, 2015, App. I, no 12 : Guillaume III et Guillaume IV de Briouze sont témoins d’un seul acte des Maréchal. 105 D. Crouch, « Loyalty, Career, and Self-Justification at the Plantagenet Court: The Thought-World of William Marshal and his Colleagues », Culture politique des Plantagenêt, 1154-1224, Actes du colloques tenu à Poitiers du 2 au 5 mai 2002, CESCM, Poitiers, 2003, p. 229. 106 Holden, Lords…, p. 9. 107 CR, Hen. III, vol. 1, p. 135. CPR, Hen. III, vol. 2 (1225-1232), p. 501. 108 Holden, Lords…, p. 169. 109 Rowlands, « William… », p. 133. Richardson, The Memoranda…, p. 52. GRP, Michaelmas 1200, PRS NS 12, p. 241. Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 554-555. 110 A. Travers (éd.), A Calendar of the Feet of Fines for Buckinghamshire, 1259-1307, Buckinghamshire Record Society, no 25, 1989, p. 17, no 105. 111 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179.

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calme raisonnable du roi112. Guillaume essaie-t-il de détourner l’attention du roi sur lui-même pour protéger sa famille réfugiée en Irlande, poursuivie par le roi ? Le texte précise qu’avant le départ de Jean pour l’Irlande en 1210, un accord est conclu entre les deux hommes. Le roi invite Guillaume à se joindre à son expédition. De fait, le roi poursuit Mathilde de Briouze, son fils Guillaume IV et son épouse Mathilde, fille de Richard de Clare, comte de Hertford, ainsi que Renaud de Briouze et Hugues de Lacy. Ceux-ci sont finalement capturés par Duncan de Carricke lorsqu’ils fuient vers l’Écosse. Seuls Renaud et Hugues parviennent à s’échapper. L’argument royal qui consiste à affirmer que la mission armée avait pour but de capturer Guillaume de Briouze est contradictoire. Le travail de réécriture des motivations doit être considéré. Le roi Jean mène son expédition irlandaise pour prendre l’ascendant sur l’aristocratie coloniale qu’il juge trop indépendante. La poursuite des Briouze n’est qu’un prétexte pour légitimer son action. La chute des Briouze en Irlande est un épiphénomène, symptomatique d’un renversement de l’équilibre des forces entre le roi et l’aristocratie après 1204. Guillaume de Briouze n’est pas le seul seigneur ciblé par le roi, puisque les Lacy ou encore Guillaume Le Maréchal s’attirent l’hostilité du roi. Sa chute est d’autant plus retentissante que son ascension dépendait entièrement de la faveur royale. La solidité du noyau familial formé par l’alliance des Briouze et des Lacy est révélatrice de la complexité de la disgrâce familiale, dont les motivations et les répercussions sont beaucoup plus vastes que ce qu’en révèlent les sources. L’importance du binôme Briouze-Lacy perdure au-delà de l’éclatement consécutif de la crise. Peu avant son décès, le roi Jean remet un domaine à Marguerite de Lacy, née Briouze. Le 10 octobre 1216, il lui offre en franche aumône une terre dans la forêt royale d’Aconbury, située au sud de Hereford113. Jean charge Marguerite d’y fonder un prieuré pour femmes, dépendant de l’ordre de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem, à la mémoire de son père Guillaume III de Briouze, de sa mère Mathilde et de son frère Guillaume IV114. Marguerite, trait d’union entre les deux lignages de Briouze et de Lacy, est chargée de préserver la mémoire familiale. Le médiéviste Patrick Henriet constate qu’il est difficile de saisir pleinement la question de la perte et de la récupération de la mémoire. Il s’interroge sur la distinction entre les lieux de construction mémorielle et les « lieux de mémoire », différenciant les centres de production historique des espaces devenus objets de mémoire115. En cédant une portion du patrimoine royal pour honorer la mémoire des Briouze dont il a provoqué la mort, le roi Jean semble reconnaître ses torts et rechercher le pardon. La localisation d’Aconbury, à la frontière

112 Church, King John. England…, p. 171. 113 Webster, King John…, p. 173. 114 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 199b. S. Church, « King John’s Testament and the Last Days of his Reign », EHR, no 125, 2010, p. 524. H. J. Nicholson, « Margaret de Lacy and the Hospital of St John at Aconbury, Herefordshire », Journal of Ecclesiastical History, no 50, 1999, p. 633. 115 P. Henriet, « Perte et récupération de l’Espagne. Les constructions léonaises (xie-xiiie siècles) », in P. Chastang (dir.), Le Passé à l’épreuve du passé. Appropriations et usages du passé du Moyen Âge à la Renaissance, Paris, 2008, p. 127 et p. 123.

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du pays de Galles, n’établit pas de lien mémoriel entre la chute des Briouze et leur implantation irlandaise. En revanche, le choix de cet emplacement pour établir un « lieu de mémoire » fait référence à leur statut de seigneurs de la marche, ce qui élargirait les implications de leur disgrâce. En signe de réconciliation et afin d’honorer la mémoire du roi Jean, cette fondation est placée sous le patronage de saint Jean116.

Conclusion : « Risquer les périls de la Fortune117 » Le parcours de Philippe [II] de Briouze synthétise les stéréotypes d’un « cadet » au service du lignage. Il accepte les dons de son frère aîné et celui-ci l’implique fréquemment dans les affaires seigneuriales. Malgré son âge avancé, Philippe est envoyé, tel un jeune aventurier, participer à l’invasion anglo-normande de territoires irlandais qui échappent au contrôle du roi Henri II. Philippe [II] poursuit en 1177 le projet de son frère Guillaume II – décédé en 1175 – qui y avait précédemment accompagné son souverain en 1171-1172. Un nouveau fil de la trame tissée autour de la notion de « seigneurs pionniers », ressort à travers le cas de Philippe [II]. Celui-ci reprend le rôle de défenseur des frontières que la monarchie semble avoir attribué à ses ancêtres. Cependant, Philippe [II] échoue dans sa mission. Cet échec laissera une empreinte douloureuse dans la mémoire familiale, notamment dans l’esprit de Guillaume III, son neveu, qui n’aura de cesse de reconstruire l’honneur familial perdu en Irlande, risquant « les périls de la Fortune » pour ce projet déraisonnable. La croissance territoriale est la raison d’être de la famille de Briouze, en quête perpétuelle d’extension géographique et sociale. Cette mobilité, signe d’ambition, ne va pas sans risque, puisque les moyens employés dépendent de facteurs extérieurs. La conquête militaire peut se heurter à la résistance locale, comme l’expérimente Philippe [II] , et la faveur royale peut s’éteindre aussi rapidement qu’elle surgit, revirement dont pâtit Guillaume III. L’importance de son statut de défenseur de la zone frontalière irlandaise, fonction déléguée par le roi, devient caduque en son absence. La situation irlandaise n’est que l’un des petits rouages activant la grande roue de la Fortune. La chute de Guillaume III et de son lignage en 1210 est provoquée par l’activation d’un mécanisme ample et complexe, élargi aux différentes régions du monde Plantagenêt et qui ne se limite pas au cas irlandais. Cet engrenage est perceptible à travers les sources narratives du xiiie siècle. La manière dont les textes de la période choisissent de rapporter les faits est révélatrice de leur impact politique. Les interférences entre les témoignages écrits indiquent la présence de « malfaçons118 » dans la reconstruction mémorielle. Pour reprendre la catégorisation de Paul Ricœur, la mémoire peut être empêchée, manipulée ou obligée. La véracité des faits est profondément biaisée par le discours narratif.

116 Nicholson, « Margaret de Lacy… », p. 633. 117 Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, p. 349. 118 Bédarida, « Une invitation… », p. 735.

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La Fortune destructrice : récits d’un déclin

Après cela, il advint que la Fortune, Qui n’est pas toujours favorable À ceux qui l’accompagnent, Peut en effet être cruelle et redoutable Et finalement destructrice, Fit tourner d’un tour sa roue À Guillaume de Briouze Elle lui fit mal et nuisance, Car le roi qui l’avait tant aimé Qui toujours le réclamait Pour lui un seigneur et un maître, Il changea pour le pire son attitude Il se querella avec lui de telle façon Qu’il ne pût y avoir de paix : Et le prud’homme fut exilé ; Ce fut source de souffrance et de péché ; Mais je ne sais pour quel motif [il fut banni]. Je n’en sais la raison, [Mais] si je le savais, il serait regrettable Que je n’en fisse part

L’Histoire de Guillaume le Maréchal, écrite entre 1226 et 1229 par le « versificateur1 » Jean le Trouvère, est la première biographie d’un laïc anglais membre de l’aristocratie2. Guillaume Le Maréchal est un contemporain de Guillaume III de Briouze, les deux hommes manœuvrant et progressant parallèlement à la cour royale d’Angleterre. Jean le Trouvère a recueilli les propos de témoins directs, notamment ceux de Jean d’Erlée, écuyer du Maréchal. Le récit est fiable, bien que sa nature d’œuvre de commande ait orienté la construction du discours narratif. Jean le Trouvère affirme ne pas connaître les motifs de la disgrâce de Guillaume III de Briouze, ni les raisons du mécontentement royal. Sa réticence à dévoiler les causes de la disgrâce familiale est similaire à la discrétion d’autres auteurs. Sur dix-huit sources narratives décrivant la

1 L’Histoire de Guillaume le Maréchal, éd. P. Meyer, tome I, p. x. 2 L’Histoire de Guillaume le Maréchal, éd. P. Meyer, tome II, v. 14137-14156. History of William Marshal, éd. A. J. Holden, vol. 2, p. 207-213.

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descension du lignage, seules six sources proposent une piste possible d’interprétation des causes du mécontentement royal. Le revirement de fortune, provoqué par la colère royale, est à la fois soudain, violent et impitoyable. Entre 1208 et 1211, les membres de la famille de Briouze sont victimes de la fureur royale. Mathilde de Briouze et son fils aîné Guillaume IV sont poursuivis à travers le pays de Galles et l’Irlande avant d’être capturés et mis à mort en prison. En 1211, Guillaume III de Briouze décède en exil, réfugié à la cour de France où il avait rejoint son deuxième fils Gilles, évêque de Hereford, qui avait fui l’Angleterre depuis l’interdit de 1208. La conscience de la fragilité des biens temporels acquis par l’activité humaine est un enseignement moral antique transmis au Moyen Âge, à travers la Consolation philosophique de Boèce notamment, puis déformé par la culture populaire et ecclésiastique3. La métaphore de la Fortune faisant « tourner d’un tour sa roue », employée par Jean le Trouvère, est un emprunt direct à l’œuvre du philosophe Boèce, intermédiaire entre les cultures antiques et médiévales : « Je fais tourner une roue rapide ; j’aime à élever ce qui est abaissé, à abaisser ce qui est élevé. Monte donc, si tu veux, mais à la condition que tu ne t’indignes pas de descendre, quand la loi qui préside à mon jeu le demandera4. » Dans une perspective moralisatrice et providentialiste, cette métaphore de la chute et du mouvement cyclique de la roue de la Fortune incite à délaisser les vanités temporelles éphémères afin de privilégier pieusement les vertus spirituelles5. La déchéance tant redoutée doit être acceptée comme résultant de la volonté divine, inexplicable et inexorable.

Les motifs narratifs de la chute Deux motifs transparaissent dans certaines sources narratives, sans jamais se recouper. Une seule source explique que le brusque changement de situation sociale de la famille de Briouze a été provoqué par l’endettement de Guillaume III de Briouze auprès du roi6. Cet argument est avancé par le roi lui-même dans une lettre ouverte écrite en 1210 pour justifier sa réaction violente face aux « forfaits » commis par Guillaume. Seules quelques autres sources proposent, de façon plus diffuse, une autre piste. La famille de Briouze a été réduite au silence par le roi, pour l’empêcher de répandre la rumeur que le roi a fait assassiner son neveu et concurrent Arthur de Bretagne7. La chute est d’autant plus dure que Guillaume III de Briouze avait acquis un statut social prestigieux sous le règne de Jean, grâce à une forme de complicité entretenue 3 É. Mâle, L’Art religieux du xiiie siècle en France. Étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d’inspiration, Paris, 1948, p. 94. 4 La Consolation philosophique de Boèce, trad. L. J. de Mirandol, Paris, 1861, chap. 2. 5 Mâle, L’Art…, p. 96. M. S. Hagger, The Fortunes of a Norman Family. The de Verduns in England, Ireland and Wales, 1066-1316, Dublin, 2001, 286 p. 6 Keefe, « Proffers… », p. 99-109. 7 Holden, « King John… », p. 6. Powicke, The Loss…, p. 309-312.

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avec le roi depuis son couronnement8. Guillaume est régulièrement au côté du roi Jean au cours de la période comprise entre 1199 et 1207. Symbole de la faveur royale, il reçoit notamment la terre irlandaise de Limerick en 1201, convoitée par le lignage de Briouze depuis 1177, contre le versement annuel de 500 livres pour la seigneurie, plus 100 livres pour la ville de Limerick9. Guillaume s’endette durablement. Après 1205, les liens entre le roi et Guillaume s’étiolent, ce dernier n’étant plus que rarement témoin royal10. Le contexte troublé explique l’amoindrissement des liens unissant le roi Jean à Guillaume III de Briouze. La perte de la Normandie en 1204 a entraîné la montée des tensions entre le roi et son aristocratie. Celle-ci se replie sur ses terres pour les faire fructifier et compenser la perte de ses biens normands11. Le clivage s’accroît en 1208, lorsque le pape Innocent III jette l’interdit sur le royaume d’Angleterre12. Les fidèles sont déliés de leur serment de fidélité envers leur souverain. C’est dans un climat pesant, marqué par la rupture entre Jean sans Terre et ses sujets, qu’éclate la colère royale envers la famille de Briouze. L’interdit prive le roi du soutien du clergé et cette hostilité transparaît dans les sources narratives, rédigées essentiellement par des hommes d’Église. Parmi ces auteurs ecclésiastiques, certains invoquent un évènement ayant provoqué la rupture du lien entre le roi Jean et Guillaume III : le secret recouvrant l’assassinat d’Arthur de Bretagne, prétendant au trône, par son oncle Jean. Raoul, abbé de Coggeshall entre 1207 et 1218, est un contemporain des protagonistes. Dans sa chronique, Chronicon Anglicanum, rédigée entre 1187 et 1225, il rapporte que lors de la bataille de Mirebeau, qui eut lieu le 1er août 1202, Arthur de Bretagne fut capturé par Guillaume III de Briouze13. Seules deux sources liées à Guillaume III précisent les circonstances de son assassinat. Les Annales de Margam expliquent qu’en 1203, lors d’un accès de colère, le roi Jean tua de ses mains son neveu Arthur, qu’il tenait enfermé à la tour de Rouen, avant de jeter son corps dans la Seine14. Une connexion pouvant justifier l’accès à cette information existe. L’abbaye de Margam se situe dans le Glamorgan, dont Guillaume de Briouze est le shérif jusqu’en 120715. La seconde source est rédigée sur le continent, à la cour capétienne, par Guillaume le Breton entre 1214 et 1224. Lors de son exil en 1210-1211, Guillaume de Briouze aurait pu expliquer au roi Philippe Auguste les circonstances de la mort d’Arthur16. 8 Annales de Margam, p. 24-25. 9 Hardy, Rotuli Chartarum, p. 84. 10 Guillaume III de Briouze n’est plus jamais témoin de chartes royales après le 26 décembre 1207 (Annexe 3). 11 Warren, « The Historian… », p. 17-18. 12 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 221. Holden, Lords…, p. 171. 13 Raoul de Coggeshall, Chronicon Anglicanum, p. 138. 14 Annales de Margam, p. 27. 15 List of Sheriffs…, p. 257. 16 « An de grâce 1211. Guillaume [III] de Briouze exilé hors de l’Angleterre, ayant traversé de nombreuses tribulations et anéanti par la douleur, mourut à Paris et fut enseveli à l’église Saint-Victor la veille de la Saint-Laurent (9 août) » : Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 2, p. 139-140. R. V. Turner, « Briouze, William (III) de (d. 1211) », ODNB, 2004. Powicke, The Loss…, p. 321.

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Guillaume III de Briouze aurait diffusé l’information de l’assassinat d’Arthur de Bretagne par son oncle Jean. L’effusion supposée de Guillaume rompt son obligation vassalique de loyauté et de confidence. La Philippide, récit de Guillaume le Breton et éloge du roi Philippe Auguste, décrit la résistance de Guillaume de Briouze envers le roi Jean à propos de la garde d’Arthur17 : Rapidement [la] volonté perverse [du roi Jean] à l’encontre du jeune homme parvint aux oreilles de son gardien. Guillaume de Briouze ne voulut être ni le partisan ni le complice de la trahison. Prévoyant le mal à venir en remarquant les signes [avant-coureurs], il dit au roi, devant l’assemblée des barons : « Je ne sais quelle sera dorénavant la fortune de ton neveu, dont j’ai, jusqu’à présent, fidèlement assuré la garde à ta demande. Nous te le remettons maintenant, vivant et intact de tous ses membres. Fais qu’un autre nous succède à ce soin, qu’il veille sur lui avec chance, si le destin le veut. Le soin pénible de mes affaires me tourmente suffisamment. » Ainsi fait, le baron se retira à Briouze. Il se détourna d’un service inquiétant et abominable. Seul cet extrait révèle la résistance de Guillaume III de Briouze face au roi Jean au sujet de la garde d’Arthur de Bretagne. Cependant cette source est partisane, puisqu’elle dresse un panégyrique à la gloire du roi Philippe et cherche par contraste à discréditer le roi Jean. La Philippide met en évidence la distanciation de Guillaume vis-à-vis du roi Jean, dès 1203. En renonçant à la garde du jeune Arthur dont il a la responsabilité, il s’oppose publiquement aux attaques futures contre son otage. Cela laisse supposer qu’il a eu vent des intentions royales. Dignement, il récuse le projet meurtrier du roi qu’il sait inéluctable et il protège son honneur. Toutefois, la disgrâce n’est pas immédiate et ne survient que cinq ans plus tard, en 1208. Cet écart temporel invite à s’interroger sur la fiabilité de cette vision romanesque et capétienne de l’attitude de Guillaume, puisqu’au cours des années 1200 à 1204 il bénéficie abondamment de la largesse royale.

Les récits de la chute, critiques voilées du pouvoir royal Contrairement à Guillaume Le Maréchal, Guillaume de Briouze n’a pas fait retracer son histoire par un biographe attitré. Un point de vue interne à la famille manque pour compléter les récits, neutres, des annales qui rapportent en quelques mots la mort de Mathilde et de Guillaume IV de Briouze et/ou l’exil de Guillaume III. Les Annales de Waverley, qui s’achèvent en 1280, rompent avec cette tradition d’objectivité analytique18. L’implication émotionnelle des moines de Waverley face à la déchéance familiale s’explique sûrement par le fait que le lignage faisait partie des bienfaiteurs de l’abbaye. Vers 1129, Guillaume II de Briouze avait offert

17 Guillaume le Breton, Philippide, éd. H.-Fr. Delaborde, Paris, 1895, p. 170-171. 18 Annales monastici, vol. 2, Annales de Weverleia (a.d. 1-1291), éd. Luard, p. 265 (MS Cotton Domitian A. xiii).

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aux moines de Waverley l’exemption de charges sur une terre située à Shoreham19. Or, les annales précisent que Guillaume III parvient à fuir l’Angleterre en passant par Shoreham20. Des récits, plus complets que ceux des annales, sont teintés d’une coloration « politique » perceptible à travers le vocabulaire utilisé, dépréciatif à l’égard du roi Jean. La chronique des princes de Galles Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), décrit le roi Jean comme « plein de jalousie et de haine » envers Guillaume III de Briouze et son fils aîné Guillaume IV21. Le chroniqueur Matthieu Paris, moine de Saint-Alban, est réputé pour le regard dépréciatif qu’il porte sur le règne de Jean sans Terre, roi qu’il considère comme la « personnification de tous les vices22 » : [En 1210], Mathilde, noble dame, épouse de Guillaume (III) de Briouze, et son fils et héritier Guillaume (IV), incarcérés le plus cruellement et sinistrement à la prison de Windsor, par ordre du roi, dépérirent de faim dans [une très grande] douleur. Cet enchaînement de souffrances, si on le décrivait [complètement], tirerait des larmes aux barbares [/tyrans] eux-mêmes23. Les sources citées ont un point commun : les passages relatifs aux Briouze ont pour objectif de déprécier le règne de Jean, la défense des Briouze étant un faire-valoir de cette dénonciation. Le sort des Briouze est alors dépeint comme une forme de martyre politique, les supplices endurés par la famille étant le fait d’un tyran24. Ces textes, rédigés plusieurs années après le décès du roi Jean, n’ont donc pas pu infléchir l’opinion populaire ou nobiliaire, mais témoignent des idées en circulation, des rumeurs contemporaines25, divergentes du discours officiel contrôlé par la royauté26. La force de la rumeur a toutefois contraint le pouvoir royal à chercher à se disculper. En septembre 1210, le roi Jean émet une lettre pour justifier sa colère contre les Briouze, probablement en réaction au mécontentement sous-jacent de son aristocratie27. Cette lettre, véritable récit de propagande, a été étudiée en détail par

19 Northampton, NRO, Archives of the Spencer family, 1414. 20 Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 2, p. 139. 21 Brut y Tywysogion, éd. J. Williams ab Ithel, p. 262-263. 22 R. Vaughan, Matthew Paris, Cambridge, 1958, p. 146, p. 188. A. Gransden, « Matthew Paris and the St Albans School of Historiography », Historical Writing in England, c. 500 to c. 1307, p. 315-354. 23 Matthieu Paris, Historia Anglorum, vol. 2, p. 123-124. Matthieu Paris, Abbreviatio Chronicorum, vol. 3, p. 225. 24 A. Rigollet, « Disgrâce familiale ou martyre politique ? L’infortune de Mathilde et Guillaume III de Briouze persécutés par le roi Jean sans Terre (1208-1211). Le discours politique construit-il la figure martyriale ? », in M. Billoré et G. Lecuppre (dir.), Martyrs politiques (xe-xvie siècle). Du sacrifice à la récupération partisane, Rennes, 2019, p. 105-118. 25 Cl. Gauvard, « Introduction », in M. Billoré et M. Soria (dir.), La Rumeur au Moyen Âge, du mépris à la manipulation (ve-xve siècle), Rennes, 2011, p. 24. 26 G. Lecuppre et É. Lecuppre-Desjardin, « La rumeur : un instrument de la compétition politique au service des princes de la fin du Moyen Âge », in Billoré et Soria (dir.), La Rumeur…, p. 150. 27 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179.

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historiographie actuelle28. Parmi les sources relatives à la chute des Briouze, son point de vue est unique puisqu’il s’agit du seul texte justifiant leur disgrâce comme conséquence de leur endettement auprès du roi. Les liens entre l’aristocratie et le roi Jean sont ténus, voire rompus. Les conditions du couronnement29 et du sacre royal30, l’assassinat d’Arthur, la perte de la Normandie en 1204, l’interdit papal sur le royaume anglais en 1208, suivi de l’excommunication de Jean le 8 novembre 1209, contribuent à ce déclin. Le roi tente de réaffirmer son autorité en exerçant des pressions sur sa noblesse31. À travers l’histoire de la famille de Briouze se dessine le portrait du roi Jean. De ce récit ressort sa capacité à la férocité, puisqu’il commet plusieurs crimes tristement célèbres, comme l’assassinat d’Arthur de Bretagne, l’acharnement contre la famille de Briouze ou l’exécution des vingt-huit otages gallois. Cette cruauté doit être remise en perspective. Selon Ralph Turner, ces actes sont ciblés et relativement modestes s’ils sont replacés à l’échelle des différents crimes de l’Histoire32. Mais ces faits ont profondément bouleversés l’imaginaire médiéval, puisqu’ils rompent avec les normes établies par la société contemporaine autour de l’idéal d’un roi bienfaiteur, maîtrisant sa force et son pouvoir. Cette « légende noire » a été en partie élaborée par les sources33. Le roi Jean n’a pas su s’entourer de biographes et de chroniqueurs vantant ses prouesses, tandis que les récits conservés ont été écrits dans des cercles ayant souffert de sa politique ambitieuse d’accroissement de son autorité. En ternissant subtilement l’image royale, l’auteur de l’Histoire de Guillaume le Maréchal met en valeur les mérites de son héros. Le roi Jean a voulu consolider la domination royale, en soumettant les barons rebelles et en exerçant un contrôle plus étroit sur les îles britanniques. Mais ce projet ambitieux est masqué par l’échec de cette politique34. Après 1210, Jean souhaite bénéficier de la destitution de Guillaume III de Briouze au pays de Galles pour renforcer son pouvoir dans cette zone. Il construit pour cela plusieurs châteaux, symbole de la « solidité » de son autorité. Ceci mécontente les seigneurs locaux, les princes irlandais, qui s’allient et s’associent à Philippe Auguste pour s’opposer au roi, opposition à laquelle participent Gilles et Renaud de Briouze35.

28 Duffy, « King John’s Expedition… », p. 1-24. Veach, « King John… », p. 1051-1078. Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. Church, « The 1210 Campaign… », p. 45-56. 29 Annales de Margam, p. 24-25. 30 R. Foreville, « Le sacre des rois anglo-normands et angevins et le serment du sacre (xie-xiiie siècle) », in A. Brown (dir.), Proceedings of the Battle Conference on Anglo-Norman Studies I, 1978, p. 50-51. 31 Warren, « The Historian… », p. 17-18. 32 R. V. Turner, King John: England’s Evil King?, Stroud, 2005, p. 8-18. 33 Fr. Lachaud, Jean sans Terre, Paris, 2018, 450 p. 34 Turner, King John…, p. 8. 35 Holden, « King John… », p. 18-21. Les deux frères finissent par s’opposer en 1215, Gilles rejoignant la cause royale, tandis que Renaud reste dans l’opposition.

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Mathilde de Briouze, cible de la disgrâce En filigrane des accusations portées à l’encontre de Guillaume de Briouze, la lettre de 1210 accorde une place essentielle à Mathilde. De fait, l’expédition menée par le roi Jean en Irlande a pour objectif de capturer Mathilde et sa parentèle qui s’y sont réfugiés, puisque Guillaume III de Briouze est à Hereford lors des préparatifs du voyage royal. La lettre précise en effet que lorsque Guillaume propose au roi quarante mille marcs pour obtenir la paix, le roi lui répond qu’il ne peut pas faire cette promesse, « puisque cela n’était pas en son pouvoir mais en celui de sa femme, qui était en Irlande36 ». Malgré la richesse du patrimoine foncier de Guillaume, qui cherche à obtenir la clémence de Jean, le roi cible Mathilde37. Par la suite, Mathilde prend la parole pour proposer les termes de la paix, avant d’avouer ne pas disposer de l’argent promis pour gagner l’indulgence du roi. Pourtant, les raisons de la confrontation entre Jean et Mathilde restent flous dans cette lettre. D’autres sources narratives, rédigées ultérieurement, font apparaître les germes de leur discorde. Roger de Wendover, puis son successeur Matthieu Paris, mettent en cause l’attitude de Mathilde face aux émissaires royaux38. En refusant le renouvèlement du gage de fidélité envers le roi, sa témérité se transforme en rébellion : [Des envoyés du roi], se présentant à Guillaume de Briouze, un homme noble, et exigeant de lui des otages39, comme ils l’avaient fait aux autres [barons], se heurtèrent à une barrière d’objection. Mathilde, l’épouse dudit Guillaume, volant les mots de la bouche de son mari, répondit vivement aux messagers avec la hardiesse d’une femme : « Je ne remettrai pas mes enfants à votre roi Jean, lui qui a honteusement tué son neveu Arthur, alors qu’il aurait dû le garder honorablement. » Lorsque son mari entendit ces mots, il la blâma et dit : « Tu as parlé comme les femmes folles contre notre seigneur et roi. De fait, si cela l’a offensé d’une quelconque façon, je suis prêt et je satisferai mon seigneur, sans otages, devant ses cours de seconde justice et devant mes pairs les barons, assurément, au jour et lieu qui me seront assignés. » Revenus auprès du roi, les messagers lui rapportèrent ce qu’ils avaient entendu. Le roi, gravement troublé, envoya secrètement de nombreux chevaliers et sergents pour qu’ils saisissent ensemble Guillaume et toute sa famille, et qu’ils les présentent tous en toute hâte devant lui. Mais Guillaume, prémuni par ses amis, s’enfuit en Irlande avec sa femme, ses fils et ses proches.

36 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. 37 R. V. Turner, « Briouze, William (III) de (d. 1211), ODNB, 2004. 38 Matthieu Paris, Chronica Majora, vol. 2, p. 523-524. Moine de Saint-Alban, Matthieu Paris poursuit l’œuvre de son prédécesseur Roger de Wendover, Flores historiarum, arrêtée en 1235. Matthieu reprend et complète cette première version dans sa Chronica Majora, rédigée à partir de 1236, puis dans sa synthèse, l’Historia Anglorum, écrite vers 1250. Matthieu Paris, Historia Anglorum, vol. 2, p. 117. 39 J. Gillingham, « War and Chivalry in the Histoire of William the Marshal », in P. R. Cross et S. D. Lloyd (dir.), Thirteen Century England II, Woodbridge, 1988, p. 6.

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L’image donnée de Mathilde dans cet extrait est ambiguë. Son intégrité transparaît dans sa dénonciation du crime du roi Jean, mais sa famille est victime de sa probité. Son attitude n’est pas conforme aux critères religieux de la soumission à l’intérieur du couple, puisque Mathilde prend la parole malgré le refus de son époux. « Elle est décrite comme une ‘femme folle’, à la parole incontrôlée. Le moine de Saint-Alban utilise ici des références bibliques, qu’il emprunte notamment aux Proverbes (9.13) et au Livre de Job (2.10). Elle s’oppose à la ‘femme vertueuse’, qui ‘ouvre la bouche avec sagesse’ (Proverbes, 31.26). Cette particularité du caractère de Mathilde transparaît dans une expression de la lettre ouverte de 1210, où il est dit que Mathilde ‘prit parole’ pour proposer une somme d’argent et acheter la paix royale40. » Pourquoi sa prise de parole est-elle soulignée par la source ? Est-ce parce que Mathilde sort de la sphère domestique habituellement dévolue aux femmes et intervient dans la sphère publique ? Occupe-t-elle ainsi une fonction masculine, celle de négocier directement la fin d’un conflit, responsabilité normalement réservée aux hommes ? Sophie Cassagnes-Brouquet rapporte le cas de la reine Mathilde, épouse d’Étienne, dont le comportement est rapporté par des sources contemporaines. Elle négocie la libération de son mari après sa capture à Lincoln41. Si les contemporains admirent ses qualités de commandement, ils valorisent surtout le fait qu’elle intervienne à distance, depuis « ses appartements. » L’anonyme de Béthune fait de l’excessivité le fil conducteur de plusieurs extraits de l’Histoire des ducs de Normandie et des rois d’Angleterre dépeignant Mathilde42. À la cour royale, Mathilde est présentée comme une « moult vaillante dame », « moult sage, moult preuse et moult vigoureuse43 ». « Prouesse, vigueur, vaillance renvoient à un champ lexical plus masculin, et semblent évoquer une certaine ‘virilité’ dans l’attitude de Mathilde. C’est une ‘femme guerrière44’ : sa résistance face aux incursions galloises sur les domaines patrimoniaux est un fait connu qui a fait sa réputation45. » Mathilde prend la parole en public. Elle en dit trop et pèche par orgueil. Cette vision dépréciative de son intervention est probablement liée à la perception misogyne des auteurs ecclésiastiques. Ils déplorent à la fois son irruption dans l’espace social, hors de la sphère domestique réservée aux femmes, désapprouvant ce qu’ils perçoivent comme le verbiage d’une commère. Ils récusent surtout l’altération des rôles masculin/féminin, puisqu’elle accapare un signe d’identité virile en usurpant la faconde masculine. L’inversion des rôles est-il perçu comme une forme de travestissement ? Mathilde est indirectement accusée de transgresser la frontière des genres. Cette mobilité réprouvée serait alors perçue comme la racine des maux qui se répercutent ensuite sur l’ensemble de sa famille, puisque

40 Rigollet, « Disgrâce… », p. 113. 41 S. Cassagnes-Brouquet, Chevaleresses : une chevalerie au féminin, Paris, 2013, p. 34-35. 42 Histoire des ducs de Normandie, p. 111-115. 43 Histoire des ducs de Normandie, p. 111. 44 Aurell, « Les femmes… », p. 319-330. 45 Roger de Howden, Chronica Magistri, vol. 4, p. 53. Rigollet, « Disgrâce… », p. 114.

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son comportement contient le germe d’un profond désordre social. En effet, elle se vante, selon l’anonyme46 : Une fois [Mathilde de Briouze] présenta à la reine trois vaches et un taureau qui étaient tous blancs, excepté leurs oreilles qu’ils avaient rouges47. Cette dame se vanta une fois à Baudouin le comte d’Aumale son neveu qu’elle avait bien douze mille vaches à lait et elle se vanta encore qu’elle avait tant de fromages que, si cent des plus vigoureux chevaliers d’Angleterre étaient assiégés dans un château, ils pourraient se défendre avec ses fromages pendant un mois. Ils ne pourraient s’en lasser et ils trouveraient toujours assez de fromages pour jeter sur les ennemis. Bien que le chiffre de « douze mille vaches à lait » soit excessif, symbolique, il explique que la richesse supposée de la famille de Briouze, signe de puissance, ait pu être perçue comme une menace par le pouvoir royal, exigeant le remboursement de ses dettes dans la lettre de 1210. C’est pourquoi le roi saisit les biens meubles de Guillaume, notamment son bétail, en Angleterre et au pays de Galles, pour acquitter en partie cette dette48. De plus, le regard porté par l’anonyme de Béthune sur Mathilde rejoint celui de Roger de Wendover et de Matthieu Paris. Mathilde agit de manière autonome, librement, et elle parle avec démesure. La vantardise de Mathilde décrite par l’anonyme de Béthune est contrebalancée par sa hardiesse et son courage, notamment à travers la scène décrivant les souffrances endurées lors de sa mise à mort49 : Le roi Jean mit en prison Mathilde de Briouze et Guillaume (IV) son fils au château de Corfe. Il fit mettre avec eux une gerbe d’avoine et un jambon cru ; il ne laissa pas mettre plus de viande. Au onzième jour la mère fut trouvée morte entre les jambes de son fils, assise toute droite, mais inclinée en arrière sur la poitrine de son fils. Son fils, qui était mort lui aussi, était assis tout droit, incliné contre la paroi du mur comme un homme mort. Il avait mangé, par détresse, toutes les joues de sa mère. Quant Guillaume (III) de Briouze, qui était à Paris, sut ces nouvelles, il mourut peu après ; plusieurs personnes témoignèrent que ce fut de deuil. L’évêque de Hereford son fils le mit en terre. Plus tard, le roi lui rendit la terre de son père. Si l’audace de Mathilde est précédemment perçu comme la cause de la crise50, il s’explique par son acharnement maternel à défendre ses enfants du danger que

46 Histoire des ducs de Normandie, p. 111. 47 « Et cent vaches blanches aux oreilles rouges me suivront, et toutes se précipiteront dans le gué derrière moi. » : Táin Bó Cúailnge, ou La Rafle des vaches de Cooley, trad. A. Deniel, Paris, 1997, p. 244. Aurell, La Légende…, p. 70-71. 48 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. 49 Histoire des ducs de Normandie, p. 114-115. 50 Isabelle de Pembroke, épouse de Guillaume Le Maréchal, est également réticente à l’idée de livrer son fils en otage au roi Jean. Duffy, « King… », partie 2. L’Histoire de Guillaume le Maréchal, vol. 2, v. 13272, v. 13355-13419.

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représente le roi, mauvais gardien d’otages51. Mathilde et son fils aîné, Guillaume IV, seigneur de Briouze associé à son père, meurent de faim sur décision royale. Le roi Jean punit ainsi Guillaume III, son ancien favori, pour son détachement. Mais il cible surtout Mathilde, trop hardie, et Guillaume IV, le réel seigneur en exercice52. Selon l’auteur, « les deux victimes affrontent la mort avec dignité, se tenant ‘droites’, acceptant avec honneur le sacrifice exigé53. »

Guillaume IV le Jeune, l’oublié des récits Guillaume le Jeune (lat. Willelmus Juvenis) : c’est ainsi que les sources diplomatiques désignent Guillaume IV, fils aîné de Guillaume III54. Le qualificatif de « jeune », inclus dans sa titulature, sert à le distinguer de son père, toujours vivant et auquel il est associé pour gérer le patrimoine familial. Cette pratique est fréquente dans les actes de la famille, reproduite au fil des générations. La transmission du prénom Guillaume, du père au fils aîné, indique le rôle dévolu à Guillaume IV dès sa naissance : celui de succéder à son père à la tête du lignage. Mais cette désignation, indice symbolique de son positionnement hiérarchique dans l’ordre de succession, crée de fait une confusion dans l’élaboration du portrait de Guillaume IV à travers les sources narratives ultérieures. Cette méprise est provoquée par une mésinterprétation de l’appellation. Le statut juridique de juvenis est confondu avec la stature réelle, l’âge de Guillaume. Il est présenté dans les récits comme un enfant (lat. puer55) fragile, sans parole et sans pouvoir de décision apparent56 (Fig. 26). Or, Guillaume IV est le seigneur en exercice. Il a lui-même fondé une famille : il est marié à Mathilde de Clare57, il est le père de plusieurs enfants, dont l’aîné naît en 119858. Guillaume IV le Jeune est donc un adulte pleinement capable et responsable. En 1207-1208, au moment où éclate le conflit entre le roi Jean et Guillaume III, la réalité du pouvoir seigneurial est exercée par Guillaume IV. Ifor Rowlands remarque un soudain retrait de Guillaume III de Briouze des affaires publiques et de la gestion des domaines familiaux après la mort d’Arthur de Bretagne. Selon lui, ce recul serait mentionné dans le cartulaire aujourd’hui perdu de l’abbaye cistercienne de Neath, maison sous patronage de la famille du Briouze. Guillaume III de Briouze 51 Warren, « The Historian… », p. 12. 52 Rowlands, « William… », p. 127. 53 Rigollet, « Disgrâce… », p. 116. 54 En 1207, les pipe rolls distinguent les sommes dues par Guillaume III de Briouze et Guillaume IV le Jeune. 55 Matthieu Paris, Chronica Majora, vol. 2, p. 523-524. 56 Fr.-A. David et G.-G. Guyot, Histoire d’Angleterre, représentée par figures, gravée par F.-A. David, accompagnée de discours par le citoyen Guyot, Paris, 1784, p. 178. La légende de la gravure indique « Guillaume de Braouse, et sa femme refusent de donner leurs enfants en otages, en 1208. » Mathilde de Briouze est au centre, repoussant de la main droite des gardes armées, protégeant deux jeunes enfants de la main gauche. Son mari est à l’arrière-plan. Cette vision romanesque de l’évènement prouve la surinterprétation des récits, déformant les faits au fil du temps. J. Knight, Horsham’s History, vol. 1, Prehistory to 1790 ad, p. 41. 57 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 143b. CRR Henry III, vol. 8, p. 148. 58 Ses fils se nomment Jean, Gilles, Philippe et Gautier (Tableau de filiation 8).

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Fig. 26 : Gravure française du xviiie siècle : « Guillaume de Braouse et sa femme refusent de donner leurs enfants en otages, en 1208 » (Fr.-A. David, G.-G. Guyot, Histoire d’Angleterre, représentée par figures, gravée par F.-A. David, accompagnée de discours par le citoyen Guyot, Paris, 1784, p. 178)

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transmet les domaines familiaux à son fils Guillaume le Jeune, qui prête hommage au roi59. La pratique de l’association, la passation de pouvoir du vivant du père, est une tradition fréquente au sein de la noblesse. Ce procédé est très employé dans la marche galloise, en raison des conflits entre Anglo-Normands et Gallois pouvant entraîner la mort subite au cours d’échauffourées. La procédure de retrait, nommée se demisit, permet de garantir la pérennité des domaines fragilisés par les troubles, palliant l’éventualité d’une mort soudaine du chef de famille et évitant ainsi une vacance de souveraineté. Cependant, le actes de la famille de Briouze nuance la soudaineté du repli de Guillaume III perçu par Ifor Rowlands. Guillaume III reste très actif. Il délègue la gestion patrimoniale à son fils car il est occupé à conseiller le roi. Il est régulièrement au côté de son souverain au cours de la période comprise entre 1199 et 1207 : il est le témoin de 226 actes du roi Jean (Annexe 3). Son statut de témoin privilégié est particulièrement évident pour les années 1203 à 1205, où il souscrit 183 actes royaux. Guillaume IV assure la réalité du pouvoir lors des longues absences de son père. Cependant, la tendance s’inverse à partir de 1206 et après le 26 décembre 1207, Guillaume III n’est plus jamais témoin des chartes royales. En 1207, des assises sont réunies afin de déterminer si Guillaume de Lancing, tenant de Guillaume de Briouze, détenait 4 fiefs de chevaliers à Lancing et Buncton (lat. Bungeton) le jour de son décès. Mais Guillaume III de Briouze explique qu’il ne détient pas cette terre, qui dépend de Guillaume IV, son fils, à qui Guillaume de Lancing a rendu hommage60. En 1208, les pipe rolls enregistrent une infraction : Guillaume [IV] de Briouze le Jeune doit s’acquitter d’une amende de 300 marcs pour le droit d’abattre le bois vers pris nuitamment dans les forêts61. Il dirige directement les seigneuries familiales62. Les sources diplomatiques et narratives sont silencieuses à propos d’éventuelles tensions existant entre le roi Jean et Guillaume IV de Briouze. Faute de précision, l’intention du roi à l’égard de Guillaume IV ne peut être établie. Deux hypothèses peuvent être formulées pour expliquer le sort de Guillaume IV : soit il est touché par ricochet, en tant que fils aîné de Guillaume III et de Mathilde que le roi veut punir ; soit il est vraiment ciblé par la fureur royale, en tant que seigneur de Briouze. Cette dernière hypothèse s’avère la plus convaincante, puisque Guillaume IV est directement pourchassé par le roi, au côté de sa mère. Morts en prison, le sort des corps de Guillaume IV et de sa mère est inconnu. La réhabilitation de leur mémoire, par la fondation d’un lieu de culte en leur honneur, est une forme d’expression de la réconciliation entre le pouvoir royal et la famille déchue63. Oubli et reconstruction de la mémoire occultent les causes de l’infortune et des tribulations subies.

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Rowlands, « William… », p. 127. CRR Richard I and John, vol. 5 (8-10 John), p. 27. GRP, Michaelmas 1208, PRS NS 23. Rowlands, « William… », p. 127. Rowlands, « William… », p. 158.

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Dualité des contestations de Gilles de Briouze, évêque rebelle Gilles, deuxième fils de Guillaume III de Briouze et de Mathilde de Saint-Valéry, est destiné très tôt à suivre une carrière ecclésiastique. Vers 1195, le roi Richard offre à Gilles de Briouze l’église d’Inglesham (lat. Huglesham) dans le Wiltshire, valant huit livres de revenus64. En 1197, il est placé dans la maisonnée de l’archevêque de Cantorbéry, Hubert, qui lui remet une solde de dix marcs65. Le 24 septembre 1200, Gilles prononce une profession d’obédience envers l’archevêque de Cantorbéry, Hubert Walter66. En effet, le diocèse d’Hereford est inclus dans la province ecclésiastique de Cantorbéry. Le même jour, Gilles est consacré évêque d’Hereford en la chapelle Sainte-Catherine de Westminster par le même archevêque67. Selon Sophie Ambler, le peu d’informations concernant Gilles de Briouze préalablement à sa nomination en tant qu’évêque d’Hereford est en soi signifiant. Gilles n’est pas un clerc royal ni un universitaire, deux groupes dont sont majoritairement issus les évêques68. Sa nomination à la tête de l’évêché d’Hereford résulte de la faveur royale dont bénéficie son père (Fig. 27). Le roi s’assure la fidélité de Gilles dans une région stratégique et instable. Il implante un partisan, redevable et dévoué, dans cette zone de marche. De plus, la proximité des terres galloises paternelles pourrait garantir à Gilles un prompt secours en cas de troubles. Le diocèse de Hereford inclut une partie du Radnorshire, en plus de terres dans le Hereforshire, Gloucestershire, Worcestershire, Shropshire et Montgomeryshire. Gilles devient un grand seigneur de la marche galloise en acquérant le statut d’évêque de Hereford. La difficulté de cette fonction dans une zone fragile suppose que Gilles était un homme compétent et dynamique, ses capacités justifiant sa nomination en plus de l’influence paternelle. Ce caractère affirmé transparaît dans ses prises de position ultérieures, à la fois en tant qu’évêque, mais aussi en tant qu’aristocrate issu d’une lignée reconnue. Ce double statut explique la dualité de ses contestations face au pouvoir royal. Gilles est avant tout un représentant de l’Église d’Angleterre, institution qui cherche à s’affranchir de la tutelle royale. La crispation des deux camps autour de l’investiture ecclésiastique est une lointaine suite de la réforme du xie siècle et conséquence d’une querelle débutée sous Thomas Becket69. Le désaccord entre le pouvoir royal et l’Église, entre le regnum et le sacerdotium, représentés par le roi

64 Three Rolls of the King’s Court in the reign of King Richard the First, A.D. 1194-1195, Londres, 1891, vol. 14, p. 96. 65 GRP, Michaelmas 1197, p. 120. 66 J. Barrow (éd.), English Episcopal Acta, VII, Hereford (1079-1234), Oxford, 1993, p. 181, no 243. 67 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 682, L. 251 (Annales de Southwark Londoniensi, fol. 1376). 68 S. Ambler, « Giles de Briouze, Bishop of Hereford », Magna Carta Project [en ligne], disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 69 Aurell, L’Empire…, p. 241.

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Fig. 27 : Cathédrale de Hereford. © Amélie Rigollet, photographie prise le 24 mai 2013

Jean et le pape Innocent III, prend à nouveau forme en 1205 et éclate en 1207-1208. Le 13 juillet 1205, Hubert Walter, l’archevêque de Cantorbéry, décède. Le choix de son remplaçant est la cause d’une longue dispute qui affaiblit l’autorité royale. Le pape récuse le candidat royal, l’évêque de Norwich Jean de Gray, et impose Étienne Langton, un théologien de l’université de Paris. Malgré la désapprobation royale, Étienne Langton est ordonné par le pape en juin 1207. Le roi reproche personnellement à Étienne Langton, universitaire parisien, d’être proche du pouvoir royal capétien et donc d’être affilié à un camp ennemi. En réaction, le roi Jean refuse d’accueillir le nouvel archevêque de Cantorbéry sur son territoire et il confisque les biens de l’archevêché. Les tentatives de conciliation par le pape restent infructueuses. Innocent III promulgue alors, en mars 1208, un interdit sur le royaume d’Angleterre. Gilles de Briouze, en tant qu’évêque d’Hereford, soutient la décision du pape. Il s’attire l’animosité du roi, ce qui le contraint à l’exil dès 1208, avec plusieurs évêques qui avaient exécuté l’interdit70. Ainsi, l’évêque Gilles de Hereford, l’évêque Guillaume de Londres, l’évêque Eustache d’Ely, l’évêque Mauger de Worcester et l’évêque Jocelyn

70 Annales de Worcester, p. 396. Webster, King John…, p. 148.

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de Bath (ou Geoffrey de York71) rejoignent l’archevêque Étienne Langton dans le royaume de France, où ils restent plusieurs années72. Ce n’est qu’en mai 1213 que la situation s’apaise officiellement73. Le roi Jean accepte, par traité, de reconnaître l’autorité du pape dans son royaume et de s’acquitter d’un tribut annuel pour compenser les revenus ecclésiastiques confisqués pendant les cinq années de conflit. Les exilés peuvent revenir en Angleterre au cours de l’été 121374. Ils reçoivent une compensation : Gilles de Briouze, évêque de Hereford, perçoit 750 livres75. Leurs terres leur sont restituées76. Raoul, abbé de Coggeshall entre 1207 et 1218, précise dans sa chronique que Gilles de Briouze, fils de Guillaume III, reçoit la garde des terres paternelles mais aussi celles de son neveu – Jean, fils de Guillaume IV –, l’héritier légitime encore mineur77. Les actes diplomatiques ne confirment pas cette transaction. Le décalage entre promesse et exécution de la décision expliquerait le mécontentement de Gilles, passant du statut d’évêque défenseur des libertés de l’Église à celui d’héritier cherchant à reconstituer le patrimoine familial dispersé. Exilé en France dès 1208, Gilles ne participe pas aux pérégrinations familiales en Angleterre, au pays de Galles, en Irlande puis en Écosse entre 1208 et 121078. Il est seulement mentionné par l’anonyme de Béthune, qui précise que Gilles enterre son père réfugié en France en 1211 : « L’évêque de Hereford son fils le mit en terre. Le roi lui rendit la terre de son père79. » Mais le récit est elliptique sur ce dernier point : la restitution des terres est plus tardive que cette source ne le laisse supposer. À partir de 1214, les relations entre le roi Jean et Gilles de Briouze semblent sereines. Entre mars et juin, le roi Jean adresse une lettre à Gilles de Briouze, évêque d’Hereford, à propos de l’usurpation des présentations des églises d’Hereford80. Le 21 novembre, Gilles de Briouze, évêque de Hereford, fait partie des prélats qui concluent, à Londres, un accord avec le roi. Cet accord leur garantit la liberté d’élire les prélats des cathédrales, églises et maisons religieuses d’Angleterre. En échange, le roi conserve les églises et monastères vacants81. Cette convention est approuvée par le pape Innocent III le 30 mars de l’année suivante82. 71 Annales de Dunstable priory, p. 31 (MS Cotton Tiberias A. x). 72 Annales de Margam, p. 29 (MS Trin. Coll. Cant. O. 2.4). Annales de Waverley, p. 261 (MS Cotton Domitian A. xiii). Matthieu Paris, Chronica Majora, vol. 2, p. 522. Annales de Worcester, p. 396 (MS Cotton Caligula A. x). Annales de Dunstable Priory, p. 31. 73 Webster, King John…, p. 161. 74 Matthieu Paris, Chronica Majora, p. 550. 75 Webster, King John…, p. 161. 76 Webster, King John…, p. 161-162. Matthieu Paris, Chronica Majora, vol. 2, p. 541. 77 Raoul de Coggeshall, Chronicon Anglicanum, p. 168. 78 Crouch, « The Complaint… », p. 168-179. 79 Histoire des ducs de Normandie, p. 115. Annales de Margam, p. 31 : « Guillaume [III] de Briouze l’Ancien, décéda lors de son exil en France. Il fut enterré dignement par l’archevêque Étienne de Cantorbéry, également exilé. » 80 Acte non édité : Kew, TNA, Public Record, SC 1/62/2. 81 Acte non édité : Canterbury, Canterbury Cathedral Archives, Dean an Chapter, Chartae Antiquae C, CCA DCc-ChAnt/C/109. Matthieu Paris, Chronica Majora, vol. 2, p. 608. 82 Chr. R. Cheney et M. G. Cheney (éd.), The Letters of the Pope Innoncent III (1198-1216) concerning England and Wales, Oxford, 1967, no 1004.

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Cette entente entre les deux hommes concernant la sphère publique et ecclésiastique est mise à mal par leurs relations privées, de seigneur à vassal. Sophie Ambler remarque que le roi Jean reste suspicieux envers les membres survivants du lignage83. À la fin du mois de mai 1214, Pierre des Roches, régent du royaume, est chargé de lever un écuage pour financer la campagne militaire royale sur le continent84. Jean avait quitté l’Angleterre pour reprendre contrôle de la Normandie. Le roi avait conseillé à Pierre des Roches de ne pas exiger des évêques qu’ils s’acquittent de l’écuage – à l’exception de Gilles –, puisque Jean devait encore rembourser les revenus ecclésiastiques perçus lors de l’interdit85. Gilles attend impatiemment de recevoir son héritage, toujours retenu par le roi. En 1215, il le reprend par la force, selon la version B des Annales Cambriae : « Gilles de Briouze, évêque d’Hereford, conclut un traité entre les princes gallois et les barons anglais. Il saisit par la force les terres de son père et ses châteaux, chassant les hommes du roi qui en avaient la garde86. » La version D précise qu’il « obtient courageusement les terres et les châteaux de son père87. » Ces récits concis peuvent être complétés par la source galloise Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), qui détaille la rébellion de Gilles88 : [En 1215], Gilles de Briouze, évêque de Hereford, fils de Guillaume [III] de Briouze, le premier et le principal des confédérés contre le roi, envoya son frère Renaud de Briouze à Brecon. Les Gallois de cette terre l’accueillirent honorablement. Lors des calendes de mai [1er mai], il s’empara des châteaux de Pencelli, d’Abergavenny, de White Castle, de Grosmont et de Skenfrith en moins de trois jours. Gilles de Briouze le rejoignit alors, et les châteaux de Radnor, Hay, Brecon, Builth, Blaenllyfni se rendirent à lui sans résistance. Il confia alors Painscastle, le château de Clun (gall. Colunwy) et le cantref d’Elfael à Gwallter Fychan ab Einion Clud. […] Alors Gilles, évêque de Hereford, fils de Guillaume de Briouze, fit la paix avec le roi d’Angleterre et se rallia à lui par un pacte, par peur du pape. Mais alors qu’il quittait la cour royale, il succomba d’une grave maladie à Gloucester lors de la fête de saint Martin [11 novembre]. Son patrimoine fut transmis à son héritier, Renaud de Briouze, son frère. Ce dernier prit pour épouse une fille de Llywelyn ap Iorwerth, prince de Gwynedd. Ainsi, le 10 mai 1215, à Windsor, Gilles de Briouze obtient, contre paiement, le droit de détenir les terres ayant appartenues à son père Guillaume III de Briouze89. Ses revendications satisfaites, Gilles rallie le camp royal et quitte la rébellion. En tant qu’évêque, la pression du pape influence peut-être ce revirement. Cependant, cet apaisement entre la famille et le roi est de courte durée : Gilles décède six mois

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Ambler, « Giles… ». Carpenter, The Struggle…, p. 287. Ambler, « Giles… ». Annales Cambriae, éd. Williams, p. 70, p. 116, p. 188, p. 238. Annales Cambriae, éd. Williams, p. 117, p. 238 (Annal D, Exeter MS. 3514). Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 90-91. Caradoc de Llanvarvan, The Historie of Cambria, éd. D. Powell, trad. H. Llwyd, Londres, 1584, p. 196. 89 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 141.

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plus tard90. À sa mort, son frère cadet, Renaud, est désigné comme son successeur. Mais Renaud poursuit la rébellion et refuse de rejoindre la cause royale, malgré les demandes de Jean : « Alors que le prince Louis de France assiégeait le château de Winchester [juin 1216], le roi Jean envoya des messagers auprès de Renaud de Briouze et des princes de Galles afin d’obtenir leur ralliement. Ce fut un échec91. » Le double statut de Gilles de Briouze, à la fois évêque et seigneur, synthétise les doléances de la noblesse anglo-normande vis-à-vis du roi Jean. Les tensions entre le roi et l’évêque d’Hereford expriment différentes facettes de l’autoritarisme royal qui s’oppose aux velléités d’autonomie de l’Église et de l’aristocratie.

Conclusion : Une vérité insaisissable Nicholas Vincent observe que la plupart des vingt-cinq signataires de la Magna Carta de 1215 sont issus de la parentèle de Guillaume III de Briouze92. La clause 61 est probablement ajoutée en réaction à la disgrâce des Briouze, puisque cette clause impose la protection des signataires en interdisant toute poursuite royale à leur encontre. Elle garantit le droit à l’insurrection si le roi ne respecte pas la séparation des pouvoirs93. L’ancien rebelle meneur, Gilles de Briouze, « le premier et le principal des confédérés contre le roi » selon l’auteur de Brut y Tywysogion94, devenu héritier de son frère aîné et de son père, ne signe pas la Magna Carta, puisqu’il s’est rallié à la cause royale le mois précédent afin de pouvoir obtenir son héritage. Entre 1199 et 1207, le statut de « favori » de Guillaume III de Briouze auprès du roi Jean le place en position de médiateur entre les pouvoirs royal et aristocratique. Son ascension sociale dépend du bon vouloir royal. Le paroxysme des tensions entre le roi fragilisé et sa noblesse déçue survient en 1208. La famille de Briouze devient alors un symbole d’opposition à une autorité royale perçue comme injuste. « Véritable catharsis, le martyre familial transforme le rapport de force entre les pouvoirs publics, qui aboutit à un nouvel équilibre après 1215. Le roi se repent en nommant Gilles seigneur de Briouze en 1215 et en fondant une maison religieuse à la mémoire des victimes95 » l’année suivante96. ⁂

90 La date du 17 novembre 1215 est parfois proposée. « Giles de Braose », in J. S. Barrow (dir.), Fasti Ecclesiae Anglicanae, 1066-1300, Londres, 2002, vol. 8. 91 Annales Cambriae, éd. Williams, p. 240 (Annal D, Exeter MS 3514). 92 Holden, Lords…, p. 185. 93 J. C. Holt, Magna Carta, Cambridge, 1992, p. 468-473, clause 61. Le Magna Carta Project [en ligne] considère que cette clause est le suffixe A de la clause 60 ; disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 94 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 90-91. 95 Rigollet, « Disgrâce… », p. 119. 96 Webster, King John…, p. 173.

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L’arrivée au pouvoir du roi Jean sans Terre marque une rupture dans le parcours de Guillaume III de Briouze. Entre 1175 et la fin du xiie siècle, Guillaume avait concentré son attention sur ses domaines de la marche de Galles, en intensifiant sa présence et en accentuant son emprise territoriale par l’usage de la violence et par des jeux d’alliances. Cette stratégie bascule au début du xiiie siècle. Il suit le roi dans ses déplacements à travers le monde anglo-normand et bénéficie en retour de la faveur royale qui lui permet d’accroître le nombre de terres qu’il contrôle. Le cas de l’obtention de Limerick illustre ce phénomène. Il reçoit ce territoire irlandais longuement convoité, mais ne dispose ni du temps ni de l’argent nécessaire à son enracinement. La deuxième phase du gouvernement de Guillaume III se caractérise ainsi : foisonnement et éparpillement des terres acquises, entraînant la fragilité de la domination territoriale. Cette faiblesse de l’emprise foncière sur les territoires nouvellement intégrés au patrimoine familial est accentuée par l’évolution de la structure du lignage. Guillaume III de Briouze et son épouse Mathilde de Saint-Valéry ont quinze enfants à placer : les mariages, nombreux, renforcent la puissance seigneuriale par les alliances contractées, mais étiolent le patrimoine familial. Le capital territorial lignager, morcelé, implose lors de la disgrâce de 1208-1210. Sa reconstitution partielle par les descendants de Guillaume III accentue les failles internes apparues au début du xiiie siècle.

Troisième partie

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Au cours de la période de reconstruction du patrimoine familial, pendant les décennies 1210 et 1220, le lignage perd définitivement sa cohérence interne. La stratégie du « chacun pour soi » instaure un nouveau rapport au sol et au lignage. L’autonomisation issue de la répartition de portions patrimoniales entre les descendants de Guillaume III aboutit à la formation de deux sous-lignées indépendantes (Tableaux de filiation 7, 8 et 9) Les changements opérés dans la distribution des terres patrimoniales entre les héritiers mettent en évidence la relative absence d’attachement au sol : la mobilité des biens provoque une certaine forme de détachement. Pourtant, même s’ils acceptent les échanges et les partages, les Briouze défendent avec vigueur leurs biens face aux tentatives d’accaparement extérieur, avec plus ou moins de succès. Les choix individuels opérés par les Briouze s’inscrivent dans le prolongement des stratégies prises antérieurement par Guillaume III de Briouze, qui devient le nouvel ancêtre de référence dans les actes familiaux1. Ces évolutions lignagères s’insèrent dans les changements de la société anglo-normande survenus pendant le « long xiiie siècle », compris entre les années 1180 et les années 13202.

1 Clark, Cartae…, vol. 3 (1271-1331), p. 805-810, n° 740. 2 Polden, « The Social… », p. 374.

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Tableau de filiation 7 : La descendance de Renaud de Briouze

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Tableau de filiation 8 : La descendance de Guillaume IV de Briouze

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Tableau de filiation 9 : La descendance de Guillaume VI de Briouze

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Altérités (1211-1232)

La disgrâce familiale de 1210 provoque la dispersion du patrimoine et l’éparpillement des héritiers. Les membres de l’entourage du seigneur de Briouze doivent racheter leurs terres, qui ont été temporairement saisies1. Les terres patrimoniales sont confisquées par le pouvoir royal2. Le roi s’empare de l’honneur de Bramber que Guillaume III et ses ancêtres détenaient depuis la conquête de l’Angleterre. Les biens meubles, notamment le bétail, sont vendus3. Le roi cède certaines terres familiales à des hommes de confiance4, tel Pierre fitz Herbert. Apparenté aux Briouze, Pierre bénéficie de leur déclin. En 1210, il est l’un des gardiens des fils de Guillaume IV5. Dans le Devon, il reçoit Barnstaple, contre le service de 15 chevaliers, et Tetbury6. Il est le fils de Lucie, fille de Milon de Gloucester, épouse de Herbert fitz Herbert, et sœur de Berthe, femme de Guillaume II de Briouze7 (Tableau de filiation 4). Ce lien de cousinage explique le conflit opposant Pierre aux Briouze à propos de la seigneurie d’Abergavenny entre 1219 et 12288. En parallèle, il est un tenant de Renaud de Briouze pour des terres dans le Herefordshire9. Un cas illustre les difficultés d’interprétation historiographique soulevées par le processus de dissémination du patrimoine familial entre 1208 et 1215. Le 8 février 1212, au château de Briouze, en Normandie, une charte aurait été émise par Guillaume

1 En 1210, Richard de Coombes s’engage à remettre au roi 40 marcs, 2 palefrois et un épervier pour obtenir sa terre qui fut saisie lors de la confiscation des terres de Guillaume de Briouze en Irlande (GRP, Michaelmas 1210, PRS NS 26 ; Sweetman, Calendar…, p. 68, no 413). La même année, Hugues de Briouze doit verser 100 marcs pour obtenir la bienveillance royale et recevoir ses biens dont il avait été dessaisi par décision du roi (GRP, Michaelmas 1210, p. 87). Le 25 janvier 1214, Henri de Tracy récupère ses terres de Barnstaple et de Tawstock (Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 137). Power, « The Briouze… », p. 347. 2 LF, partie 1, p. 51, 65, 71, 92, 97-98, 147. 3 Guillaume de Neville achète pour 84£ et 5s pour les 604 vaches ayant appartenu à Guillaume de Briouze, dont 337 sont mortes au moment de la saisie. GRP, Michaelmas 1210, p. 192. Sept mentions s’échelonnent jusqu’en 1222. 4 GRP, Michaelmas 1211, PRS NS 28, p. 183. LF, partie 1, p. 51, 65, 71, 92, 97-98, 147. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 137, p. 222. GRP, Michaelmas 1214, PRS NS 35, p. 135, 137-138. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 128 ; partie 2, p. 155, 159. 5 Liber Niger Scaccarii, éd. Th. Hearne, Oxford, 1771, vol. 1, p. 386-387. 6 LF, partie 1, p. 51, p. 65. 7 Walker, « The ‘Honours’… », p. 192-193. . 8 CRR, Hen. III, vol. 8, p. 2, p. 27. 9 Pour cette raison, il ne peut plaider en faveur de Jean ou de Renaud lors du procès qui les oppose vers 1220 (CRR, Hen. III, vol. 9, p. 244).

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de Briouze, confirmant une donation faite à l’abbaye Notre-Dame d’Ardenne par Raoul, Hugues et Robert de Chesnay10. Cet acte est problématique puisqu’en 1212 Guillaume III de Briouze est décédé11. La mort de Guillaume est systématiquement datée en 1211. L’abbaye d’Ardennes, apprenant le décès du seigneur de Briouze et profitant des troubles de succession, aurait-elle fait forger plusieurs actes ? Dans cette perspective, plusieurs actes sont contestables12, notamment une donation de Guillaume de Briouze datée du 10 décembre 120913, puisqu’à cette période, la famille de Briouze est en fuite, entre pays de Galles et Irlande. Toutefois cette charte est inspectée ultérieurement par Jean, évêque de Sées, qui ne remet pas en question sa validité14. En 1204, les membres de l’aristocratie anglo-normande sont contraints de choisir leur camp, ralliant soit le roi capétien soit Jean d’Angleterre, abandonnant ainsi une partie de leur patrimoine d’un côté de la Manche. Guillaume III de Briouze a alors recours à une stratégie utilisée par de nombreux aristocrates : il confie ses terres normandes à un membre de son lignage. Dans l’acte de 1212, Guillaume de Briouze se qualifie lui-même de chevalier, seigneur temporaire de Briouze (lat. Willelmus de Braiosa, miles, dominus temporalis ejusdem loci de Braiosa15). L’éponymie est trompeuse. Le chevalier Guillaume de Briouze, implanté en Normandie, serait un parent de Guillaume III, au degré de parenté indéterminé, probablement un fils cadet. Une branche familiale perdure en Normandie jusqu’à la fin du xiiie siècle, avant de disparaître de la documentation après 1276, date à laquelle le roi de France Philippe III le Hardi confirme, parmi plusieurs dons remis à l’abbaye Notre-Dame d’Ardenne, une donation faite par Guillaume de Briouze, écuyer du seigneur de Bellême et baron de Briouze16. En 1306, le roi de France Philippe le Bel accorde le fief de la baronnie de Briouze à Foulques de Merle, Maréchal de France, pour 339 livres17. En 1215, le second fils de Guillaume III, Gilles de Briouze, évêque de Hereford, se réconcilie avec le roi Jean et prend temporairement la tête du lignage18. Le

10 Acte non édité : Alençon, A.D. Orne, H 12, no 9, no 7 et no 15. 11 Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 2, p. 139-140. Matthieu Paris, Chronica majora, vol. 2, p. 532. Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 254. Annales de Tewkesbury, p. 60. Annales de Osney, p. 55. Annales de Margam, p. 31. Annales de Winton, p. 81. Annales de Worcester, p. 400. 12 Actes non édités : Alençon, A.D. Orne, H 6, no 19 et no 23 ; H 12, no 9. 13 Acte non édité : Alençon, A.D. Orne, H 6, no 23. 14 L’acte ayant été rédigé à Aunay, il pourrait s’agir de Jean Bertaut, abbé d’Aulnay et évêque de Sées de 1606 à 1611. 15 Acte non édité : Alençon, A.D. Orne, H 12, no 9. 16 Actes non édités : Alençon, A.D. Orne, H 12, no 10 et no 13. B.M. Flers, MAN 161, Baronnie de Briouze, Chartrier des Yveteaux, 2e partie, Mémoire sur les anciens Barons de Briouze, p. 22-23. Hozier, Armorial…, p. 749-751. H. Tournouer, Briouze : sa baronnie, ses barons, Alençon, 1904, 16 p. 17 Acte non édité : Alençon, A.D. Orne, H 6, no 21. 18 En 1213, le 1er septembre, il était au côté du roi en tant que témoin d’un acte royal (B. Dodwell (éd.), The Charters of Norwich Cathedral Priory, Part One, Londres, 1974, p. 25, no 39, A 37). En 1214, le roi Jean adresse une lettre à Gilles de Briouze, évêque d’Hereford, à propos de l’usurpation des présentations des églises d’Hereford (Acte non édité : TNA, Public Record, SC 1/62/2).

alt é ri t é s ( 1211-123 2)

10 mai, Gilles obtient par jugement de la cour royale le droit de détenir les terres ayant appartenu à son père Guillaume III de Briouze contre paiement19. Ce retour en grâce est de courte durée, puisque le 17 novembre de la même année – ou le 11 novembre20–, Gilles décède21. Le lendemain, 18 novembre, le roi ordonne aux constables et aux hommes libres dépendant de feu Guillaume III de Briouze de remettre à Guillaume Le Maréchal les châteaux qui étaient aux mains de Gilles22. À nouveau, les terres familiales sont saisies par le roi qui les redistribue23. Le roi utilise la procédure légale désignée sous le terme de primer seisin, par laquelle le roi s’empare temporairement des biens d’un héritier dans l’attente du versement d’un droit de relief24. Les terres familiales des Briouze ne sont pas remises au plus proche parent adulte de Gilles, son frère cadet Renaud, puisque celui-ci est en rébellion contre le pouvoir royal25. Renaud est allié de Llywelyn ap Iorwerth, prince gallois de Gwynedd, dont il épouse la fille Gwaldus Ddu en fin d’année 1215. Depuis 1212, Llywelyn organisait un réseau d’alliances contre le roi Jean, en unissant les Gallois dans une confédération, en établissant un partenariat avec le roi capétien Philippe Auguste et en mariant ses quatre filles à des seigneurs anglo-normands26. Afin de le rallier à sa cause, le roi Jean fait savoir à Renaud de Briouze, le 26 mai 1216 à Bramber, qu’il a pris en compte sa pétition, réclamant la restitution des terres de feu son père Guillaume III de Briouze, qui avaient été remises à son frère Gilles, évêque d’Hereford. Le même jour, le roi ordonne à Gautier de Lacy, Hugues de Mortemer et Jean de Monmouth de remettre les terres indiquées par Pierre fitz Herbert et frère Alain Martel à Renaud de Briouze, selon les termes de la paix conclue entre le roi et Renaud27. Ce dernier n’est pas encore le vassal du roi pour ces terres, puisque le 28 mai, Jean ordonne à plusieurs chevaliers d’escorter Renaud de Briouze jusqu’à lui, afin qu’il lui prête hommage et fidélité28. En lui remettant les terres familiales, le roi espère mettre un terme à la rébellion de Renaud. Le 7 août, Renaud reçoit un sauf-conduit pour se rendre auprès de Jean29. Toutefois, cette tentative de conciliation échoue, puisque le 15 septembre 1216 Renaud est considéré comme un ennemi du roi et le manoir familial de Kingslane lui est confisqué30. Au cours de l’été 1210, la cour royale décide de réunir un comité chargé de garder les quatre héritiers de Guillaume IV de Briouze, à savoir Jean, Gilles [II], 19 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 1, p. 141. 20 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 90-91. 21 J. Barrow, « Briouze, Giles de (c. 1170-1215) », ODNB, 2004. 22 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 159. 23 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 237. 24 M. McGlynn, The Royal Prerogative and the Learning of the Inns of Court, Cambridge, 2004, p. 41. 25 Edwards, Calendar…, p. 1, no I. 64. Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 184. 26 Carpenter, The Struggle…, p. 320, p. 324. 27 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 184. 28 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 184. 29 Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 1892. 30 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 288.

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Philippe [IV] et Gautier [II]31. Mineurs privés de leurs terres, les fils de Guillaume disparaissent des actes de la pratique jusqu’en 1214. Le 16 juillet, le roi ordonne à Bernard du Puy, sénéchal d’Angoulême, de recevoir plusieurs otages libérés par le maire de Saint-Jean-d’Angély, dont Philippe [IV] et Gautier [II], fils cadets de Guillaume IV de Briouze32. Jean de Briouze, fils aîné et successeur légitime par ordre de primogéniture, est gardé captif deux années supplémentaires. Ce n’est que le 21 novembre 1216 que le roi Henri III, par l’intermédiaire de son régent Guillaume Le Maréchal, ordonne la libération de Jean de Briouze, fils de Guillaume IV le Jeune33. Pourtant, Jean n’est libéré qu’un an plus tard. Au cours de la deuxième année du règne d’Henri III, un conseil restreint est réuni, auquel Renaud de Briouze participe, afin d’examiner l’éventuelle libération des fils de Guillaume IV de Briouze. Jean et Gilles [II] sont immédiatement libérés, tandis que la délivrance de Philippe [IV] et Gautier [II] est reportée34. Depuis 1215, profitant de la minorité et de l’emprisonnement de Jean de Briouze, héritier des terres familiales par ordre de succession linéale et agnatique, ses oncles Gilles puis Renaud s’emparent du pouvoir. À cette période, le choix du chef de famille n’est pas débattu entre les membres survivants de la maisonnée. La prise du pouvoir par Renaud reflète la posture du roi Jean, qui avait écarté son neveu de la succession lors de son accès au trône35. Adulte et fauteur de troubles, Renaud attire l’attention du pouvoir royal, fragilisé par la minorité du roi Henri III. Renaud a marié son fils aîné Guillaume V à l’une des filles de Guillaume Le Maréchal, régent du royaume jusqu’en 1219. Le 10 mars 1217, afin d’obtenir le ralliement de Renaud de Briouze, le roi propose de lui restituer l’ensemble de ses biens, de chaque côté de la mer d’Irlande, tel que Gilles de Briouze les tenait du roi Jean36. Le 23 juin 1217, Henri III fait savoir au shérif d’Hereford que Renaud de Briouze est revenu au service du roi. Il prescrit que lui soit remises sans délai toutes les terres et tenures ayant appartenu à son père Guillaume III de

31 Ce comité réunit Guillaume comte de Salisbury, R[anulf] comte de Chester, G[eoffroy] comte de Gloucester, [Guillaume] comte d’Arundel, [Guillaume] comte de Warenne, [Guillaume] comte de Ferrières, [Guillaume] comte de Mandeville, S[aer de Quincy] comte de Winchester, H[enri] comte de Warwick, Renaud de Briouze, Pierre fitz Herbert, Matthieu son frère, Hugues de Mortemer, Robert fitz Walter, Robert de Mortemer, Raoul de Toeney, Guillaume d’Aubigny [comte d’Arundel]. Liber Niger, éd. Th. Hearne, p. 386-387. 32 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 168. 33 CPR, vol. 1 (Hen. III), p. 5. 34 CPR, vol. 1, p. 134. 35 Power, « The Briouze… », p. 346. J. Cl. Holt, « The Casus regis: the law and politics of succession in the Plantagenet dominions, 1185-1247 », in éd. J. Cl. Holt, Colonial England, 1066-1215, Londres, 1997, p. 322-323. 36 CPR, vol. 1, p. 109-110.

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Briouze dans le baillage d’Hereford37. Le même jour, il ordonne au justicier d’Irlande, Guillaume Le Maréchal, de donner à Renaud de Briouze la saisine de toutes les terres du Munster ayant appartenu à son père38. Le lendemain, Renaud reçoit le château et la ville de Limerick, qu’il pourra tenir en fermage jusqu’à la quatorzième année du règne, soit en 123039. Le 24 juin, Renaud reçoit ses terres du Devon, comprenant les châteaux de Totnes et de Barnstaple, avec leurs dépendances, ainsi que toutes ses terres anglaises40. Les membres survivants du lignage de Briouze parviennent à surmonter une crise profonde, patrimoniale et successorale, grâce à une solution originale : la combinaison de deux systèmes de transmission, adelphique et lignager41. Le lignage se transforme pour se relever de la disgrâce. Progressivement, le parent devient autre et la lignée se double42. De la division naît une nouvelle identité familiale. Afin de solidifier les deux branches familiales issues du processus de séparation, les Briouze cherchent chez l’Autre, l’adversaire gallois, de nouveaux membres capables de renforcer leur parentèle.

Quand le parent devient Autre Lente reconstruction patrimoniale par Renaud (1217-1228)

Rentré en grâce, Renaud de Briouze réassemble le patrimoine familial dispersé43 (Carte 10). Le 5 janvier 1218, le roi fait savoir à Renaud de Briouze que lorsqu’il lui aura juré fidélité, il lui restituera l’intégralité des terres que le roi Jean avait remises à son frère Gilles44. Par la suite, Henri III veille à la restitution de tous les biens. Le 15 mars 1218, le roi ordonne au shérif de Worcester de remettre sans délai à Renaud de Briouze le manoir de Rushock, dans le Worcestershire, que son père Guillaume de Briouze avait reçu en servant le roi Jean45. Le shérif du Surrey

37 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 312. 38 Sweetman, Calendar…, p. 118, no 785. 39 CPR, vol. 1, p. 72-74, p. 112-113. 40 CPR, vol. 1, p. 72-74. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 318. 41 C. Jeanneau, « Liens adelphes et héritage. Une solution originale en Poitou aux xie et xiie siècles : le droit de viage ou retour », in Cassagnes-Brouquet et Yvernault (dir.), Frères et Sœurs…, p. 95. 42 J. Jung, Le Sujet et son double. La construction transitionnelle de l’identité, Paris, 2015, p. 20. 43 Après la disgrâce de Guillaume III de Briouze, le Livre Rouge de l’Échiquier répertorie plusieurs terres lui ayant appartenu : il possédait plus de 28 fiefs de chevaliers dans l’honneur de Totnes dans le Devon (Barnstaple), un fief de chevalier à Edburton dans le Kent, plus d’un fief de chevalier dans le Berkshire, plus de 5 fiefs pour ses manoirs du Warwickshire et du Leicestershire et 7 dans le Gloucestershire, soit plus de 42 fiefs de chevaliers. Hall, The Red Book…, vol. 2. 44 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 335. 45 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 378. En 1227, un litige oppose deux tenants au sujet du manoir de Rushock, l’un affirmant tenir cette terre de Renaud de Briouze, l’autre de Guillaume de Beauchamp, avant qu’elle ne soit remise à Guillaume de Briouze par le roi Jean (CRR, Hen. III, vol. 13, p. 25-26, no 115). Cet acte précise que Renaud de Briouze avait un trésorier (camerarius) prénommé Alexandre, qui était porteur de son sceau.

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doit lui restituer le manoir de Gomshall46. Le 11 novembre 1218, le roi demande au shérif du Devon de rendre immédiatement à Renaud de Briouze l’honneur de Totnes47. Ce processus perdure plusieurs années, puisque le 24 septembre 1223, le roi ordonne aux baillis de Carmarthen de restituer à Renaud de Briouze le château de Swansea, qu’il reçut le jour où il rejoignit la paix et le service du roi48. Le 5 mai 1227, le roi ordonne au shérif du Surrey de remettre sans délai à Renaud de Briouze la pleine saisine du manoir de Paddington, dans le Surrey, qu’il détenait selon une charte du roi Jean49. Le roi Henri a parfois changé l’attribution de la tenure. Le 8 décembre 1218, il informe le shérif du Herefordshire qu’il confie à Hubert de Burgh la saisine des châteaux de Grosmont, Skenfrith et Llantilio, après la défection de Renaud de Briouze50. Renaud passe outre le jugement royal. L’année suivante, il est accusé de couper et de vendre le bois de Skenfrith et Grosmont51. L’attribution de ces trois châteaux à Hubert de Burgh sera vivement contestée par les Briouze, les mentions de procès se répétant régulièrement dans les actes familiaux, même après le décès de Renaud en 122852. En tant que seigneur, Renaud est à la tête d’un réseau de clientèle vassalique dont il récompense la loyauté par l’attribution de terres ou de droits. Une tenure, prélevée sur le domaine de Rushock, est confiée à Gautier Le Poher – issu d’une ancienne lignée de vassaux – après avoir reçu son hommage, le 9 décembre 122353. Renaud confirme aux bourgeois de Tetbury la charte de liberté que leur avait octroyée son père Guillaume III54. Renaud assure également le soutien de ses parents. Il remet à son oncle Henri de Saint-Valéry, pour son hommage et service, des terres situées à Boddington55. En tant que patron héréditaire de maisons religieuses, il confirme toutes les donations de ses ancêtres. Le prieuré Saint-Pierre de Sele56 (Fig. 28), ainsi que l’église Saint-Jean de Brecon57, en bénéficient58.

46 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 348. L’année suivante, le shérif du Surrey atteste avoir versé 39 livres et 4 sous à Renaud de Briouze qu’il avait précédemment prélevés sur la terre de Gomshall (GRP, Michaelmas 1219, PRS NS 42). De 1220 à 1223, il verse 19 livres et 12 sous. 47 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 382. 48 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 564. 49 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 185. 50 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 386, p. 404. 51 Edwards, Calendar…, p. 8, no I. 213. 52 CRR, Hen. III, vol. 11, p. 378, no 1894 ; vol. 12, p. 10, no 59 ; vol. 12, p. 56, no 307. 53 CPR, vol. 1, p. 390. 54 Original scellé, Gloucester, GRO, D 566/T/1/1 : N. Vincent, charte non éditée. 55 Clark, The English Register…, p. 589-590, no 791. 56 Acte non édité : Oxford, MCA, Sele 64. 57 Banks, « Cartularium… », p. 158-159. 58 Original, Chichester, West Sussex Record Office, PAR 163/7/1 : N. Vincent, charte non éditée.

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Fig. 28 : Sceau de Renaud de Briouze59. Oxford, MCA, Sele 64. Dessin © Amélie Rigollet

À l’inverse, le roi contraint Renaud à restituer les terres qu’il avait accaparées au détriment de sa parentèle. Le 16 octobre 1218, Henri III demande à Renaud de remettre sans délai à Guillaume de Cantilupe toute la saisine de la terre ayant appartenu à Radulf de Pembridge, située à Pembridge60. La famille de Pembridge évolue dans l’entourage des Briouze depuis la fin du xie siècle61. Radulf de Pembridge est probablement décédé, puisque l’année suivante, Guillaume de Cantilupe et Renaud de Briouze s’opposent pour obtenir la garde de ses héritiers62. En 1219, Henri de Pembridge, héritier de Radulf, est considéré comme majeur63. En 1220, Renaud installe, sur ses terres du Herefordshire, Thomas de Kersington au détriment d’Henri de Pembridge64. Thomas décède peu après et il est remplacé par Robert fitz Richard65. Un autre tenant du nom d’Adam de Liof remplace également Henri de Pembridge66. Henri n’accepte pas cette décision et il appelle Jean de Briouze comme garant lors du procès l’opposant à Guillaume de Cantilupe au 59 N. d. [1217, 11 août–1218, 7 août] Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, à la partie droite effritée, de 60 mm de diamètre, de cire verte, sur quatre cordelettes jaunes et vertes. Droit : Équestre à droite. Un cheval au galop portant un cavalier coiffé d’un heaume, vêtu d’une tunique, tenant une épée levée de la main droite, et un écu armorié contre son torse de la main droite. – Revers : aucun. Légende au droit : † SIGILL[UM REGI]NALDI DE BRAUSE. – Légende au revers : aucune. 60 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 370. 61 Annexe 2 – Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book. 62 CRR, Hen. III, vol. 8, p. 27. 63 En 1220, Renaud de Briouze est appelé comme garant par Henri de Pembridge lors d’un procès l’opposant à Guillaume de Cantilupe. CRR, Hen. III, vol. 8, p. 240. 64 CRR, Hen. III, vol. 9, p. 17. 65 CRR, Hen. III, vol. 9, p. 202. 66 CRR, Hen. III, vol. 9, p. 246.

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sujet de la garde des terres et des héritiers de Radulf de Pembridge67. Le conflit entre oncle et neveu est utilisé par les tenants pour contrer la hiérarchie féodo-vassalique. Transmission linéale-agnatique et éclatement du lignage

Dès 1218, Renaud de Briouze applique le principe de l’association, auquel ses ancêtres avaient eu recours. Son fils Guillaume V reçoit – probablement à sa majorité –, du vivant de son père, une portion de son héritage. Le 7 août 1218, en présence de la cour royale réunie à Walingford, Renaud de Briouze se dessaisit de ses honneurs de Knepp et de Bramber, dans le Sussex, au profit de son fils et héritier Guillaume. Guillaume V de Briouze prête alors hommage au roi Henri III68. Le 15 juillet 1221, le roi remet à Guillaume V le château et l’honneur de Totnes, dans le Devon69. Mais rapidement l’équilibre des forces bascule. Un revirement de situation contrecarre la stratégie de transmission linéale-agnatique esquissée par Renaud en 1218. Quelques mois après le transfert de Bramber à Guillaume V, son cousin Jean de Briouze, fils de Guillaume IV, frère aîné de Renaud, réclame son héritage. Fils aîné du fils aîné de Guillaume III, il aurait dû recevoir le patrimoine familial. La mort précoce de son père, sa minorité et son emprisonnement l’ont écarté de fait, mais pas de droit, de l’ordre de succession. En 1219, un projet de procès oppose Renaud à Jean de Briouze au sujet du château de Bramber. Les terres détenues par Renaud de Briouze sont inventoriées. Il possède les honneurs de Brecon, Elfael (Paincastle), Builth, Radnor, Kingsland, Gwent, Abergavenny, Skenfrith, Grosmont, Llantilio (angl. White Castle). Renaud est également poursuivi par Mathilde de Clare, veuve de Guillaume IV et mère de Jean, au sujet de son douaire, réparti entre les terres de Shoreham, Bramber, Beeding, Steyning, Findon, Knepp, Horsham, Warnham, Washington dans le comté du Sussex, ainsi que Tetbury et Hampnett dans le comté du Gloucestershire70 (Carte 10). En 1219, un acte de la cour royale détaille la revendication de Jean. Il réclame l’héritage du château de Bramber, que détient son oncle Renaud de Briouze71. Son grand-père Guillaume III tenait ce fief d’une valeur de 100 livres. Il le transmit de son vivant à son fils Guillaume IV, père de Jean, suivant le principe de l’association. Guillaume IV obtint le manoir, les hommages, les droits de relief, les services de chevalier et les libres tenures afférentes au château, d’une valeur de 60 livres. Pour cela, le roi Jean reçut l’hommage de Guillaume IV. Jean de Briouze affirme en 1219 en avoir la preuve. Pourtant Renaud refuse de répondre à cette accusation, prétextant la minorité de Jean. Or Jean affirme avoir 22 ans, l’âge pour prendre des décisions de justice. Mais les justiciers en doutent et Jean est contraint de prouver son âge. Il doit se présenter devant la cour, accompagné de douze

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CRR, Hen. III, vol. 10, p. 112. CPR, vol. 1, p. 165. CPR, vol. 1, p. 296-297. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 405. Power, « The Briouze… », p. 347.

Carte 10 : Répartition des terres entre Renaud de Briouze et Mathilde de Clare en 1219

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hommes légalement responsables, qui attestent sa majorité72. Ces hommes attestent que Jean est majeur, puisqu’il a eu vingt et un an le 6 octobre précédent73. Il naît en 1198. La transmission du fief de Bramber à Guillaume V de Briouze est le sujet d’un contentieux qui oppose Jean à Renaud74. Au printemps 1226, Jean de Briouze reçoit l’honneur de Bramber avec ses dépendances d’une valeur de 250 livres75. Renaud et Guillaume V de Briouze sont alors contraints de lui rendre les châteaux de cet honneur76. Privé de son bien, Guillaume V reçoit en échange les terres de Blaenau Gwent et d’Abergavenny, que lui concède son père (Carte 11). Le manoir de Tetbury, que Guillaume possédait depuis 1221, est étendu, sa valeur étant estimée à 27 livres, 4 sous et 6 deniers77. Ces querelles d’héritage morcellent le patrimoine familial qui avait été lentement reconstitué par Renaud de Briouze. Les femmes prélèvent leur dû. Mathilde de Clare, veuve de Guillaume IV de Briouze, réclame son douaire, soit le tiers des manoirs de Shoreham, Bramber, Beeding, Steyning, Findon, Knepp, Horsham, Warnham et Washington, dans le Sussex78. En 1219, ses terres sont entre les mains de Renaud79. Plus tardivement, les branches issues en lignée féminine de Guillaume III de Briouze reçoivent leur part d’héritage. Le 15 juillet 1227, lorsque Renaud accorde à Jean la possession de l’honneur de Bramber et du manoir de Tetbury, les services dus par les héritiers des filles de Guillaume III de Briouze, alliées aux Beauchamp et aux Mortemer, ne sont pas inclus80. Malgré l’éclatement territorial issu des partages successoraux, une certaine cohésion familiale d’ensemble subsiste, au moins jusqu’au décès de Renaud. En 1227, Renaud et Jean conviennent qu’ils partageront les futures acquisitions territoriales, qu’il s’agisse de terres en Normandie, en Angleterre ou au pays de Galles81. Cet idéal de solidarité réunissant les membres divisés du lignage contraste avec la réalité de la gestion patrimoniale quotidienne. Dans les faits, Jean et Renaud puis Guillaume V gèrent leurs biens individuellement, sans que les actes témoignent d’interconnexion administrative82. À cette période, un bipolarisme s’instaure : la branche cadette à l’ouest, la branche aînée à l’est. Cette séparation conduit même au déplacement de certains vassaux, rattachés à l’un ou l’autre des seigneurs de Briouze83.

72 CRR, Hen. III, vol. 8, p. 10-11. 73 CRR, Hen. III, vol. 9, p. 9. 74 CRR, Hen. III, vol. 8, p. 10-11 ; vol. 9, p. 9 ; vol. 9, p. 306-307 ; vol. 11, p. 73, no 390. Renaud se défausse du problème en affirmant ne plus tenir cette terre, qu’il a cédé à son fils. 75 L’honneur de Bramber correspond à 10 fiefs de chevalier. 76 Les tensions perdurent. Le 5 novembre 1226, afin de régler cette querelle, le roi ordonne une enquête qui doit déterminer l’extension des domaines de Renaud au détriment de Jean. CPR, vol. 2, p. 90. 77 CRR, Hen. III, vol. 12, p. 533, no 2672. 78 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 405. À la même période, Mathilde réclame à la famille Bigot la troisième part de cent sous de terre à Warnham, comme part de son douaire (CRR, Hen. III, vol. 8, p. 148). 79 Renaud de Briouze affirme ne pas détenir le manoir de Steyning, possédé par l’abbé de Fécamp. Il obtient gain de cause. CRR, Hen. III, vol. 8, p. 11-12. 80 Acte non édité : Copie du xve siècle, MCA, Bidlington and Bramber 20. 81 MCA, Bidlington and Bramber 20. 82 En 1223, un procès oppose Guillaume V de Briouze aux chanoines d’Exeter, à propos d’un marché à Teignmouth (CRR, Hen. III, vol. 11, p. 126, no 641). En signe d’apaisement, il leur offre un tonneau de vin (Acte non édité : BL, Cotton Vitellius D. IX, Cartulary of St Nicholas Priory, Exeter, fol. 59). 83 Par exemple, en 1221, Renaud de Briouze établit, dans ses terres du Sussex, Otewic Le Poher et Alexandre de Bredford, à la place de Jean de Briouze, selon une concorde conclue entre eux (CRR, Hen. III, vol. 10, p. 127).

Carte 11 : Répartition des terres entre Guillaume V et Jean en 1226 et 1228

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Fig. 29 : Sceau de Jean de Briouze84. Oxford, MCA, Sele 119. Dessins © Amélie Rigollet

Renaud décède en 1228, et ses terres sont momentanément saisies par les hommes du roi, le temps que le droit de relief soit versé par son fils aîné Guillaume V, et que celui-ci prête hommage au roi pour les terres paternelles. Le 9 juin 1228, le roi demande au shérif du Herefordshire de conserver jusqu’à nouvel ordre toutes les terres lui appartenant85. Le 13 juillet 1228, Henri III reçoit l’hommage de Guillaume V de Briouze pour les terres que son père Renaud tenait du roi en chef. Le roi donne l’ordre aux shérifs du Surrey et du Herefordshire de lui remettre ses terres, après avoir reçu la garantie du paiement du droit de relief86. Il reçoit notamment les châteaux de Radnor et de Huntington87. Ayant obtenu satisfaction, Jean n’interagit que rarement avec son oncle puis son cousin. En plus de son fief de Bramber, il gouverne le Gower. Il effectue des concessions au profit du clergé de ces deux pôles, en dotant l’église de Saint-Teliaw de Llandaff88, l’abbaye de Neath89, l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem90, l’église Sainte-Croix d’Aconbury91, l’abbaye Sainte-Marie de Kingswood92, et le prieuré

84 N. d. [avant juillet 1232]. Demeuré appendu à la charte originale, dans un étui de lin. Sceau rond, très endommagé, de 85 mm de diamètre, de cire verte, sur double cordelette jaune et verte. Droit : Équestre à droite. Un cheval caparaçonné au galop portant un cavalier, tenant une épée levée de la main droite et un écu contre son buste de la main gauche. – Revers : Écu fascé de vair. Légende au droit : Disparue. – Légende au revers : † SECRETUM IOHANIS DE BRAUSE. 85 Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 2, p. 206, no 197. 86 Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 2, p. 211, no 227, no 228. 87 CPR, vol. 2, p. 194, 205-206. Le 17 octobre, il reçoit la terre d’Eleveyn. 88 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 705, L. 340. 89 Clark, Cartae…, vol. 2 (1196-1270), p. 477, n°479. 90 Barrow, St Davids…, p. 123-128, no 108. 91 Dugdale, Monasticon…, vol. 1, p. 332. 92 Acte non édité : Original, BCM, General Charters 706.

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de Sele93 (Fig. 29). Il agit aussi en faveur des bourgeois de Tetbury, confirmant les libertés octroyées par ses ancêtres94. À partir du 25 octobre 1226, Jean de Briouze sert le roi en assurant la garde des châteaux royaux de Carmarthen et de Cardigan, dans la marche de Galles95. Il reçoit paiement pour cette tâche, cent marcs lors de son entrée en fonction le 25 octobre96. Il est chargé de l’entretien de ces places-fortes. Cinquante marcs supplémentaires sont alloués à la réparation des fortifications97. Le 3 janvier 1227, le roi lui ordonne de vendre le lard (lat. bacones) remis par Henri d’Aldithel afin d’acheter des munitions98. Parallèlement à la gestion de la défense militaire, il doit veiller sur l’approvisionnement en froment et autres victuailles99. Plus largement, il doit protéger les habitants dépendants de la forteresse. Le 26 juillet 1227, lorsque le roi accorde diverses exemptions aux bourgeois de Carmarthen, il ordonne à Jean de Briouze de faire appliquer ces concessions100. Il doit s’assurer que les habitants s’acquittent bien des coutumes et des services dus101. Mais le 25 avril 1228, Jean est dessaisi de sa charge et doit quitter les lieux, la garde des châteaux royaux étant remise à Gautier de Clifford102. Le même jour, le 25 avril 1228, le roi remet à Jean et à ses héritiers les terres de Grosmont, Skenfrith et Llantilio103. Ces domaines, incluant châteaux, avoueries ecclésiastiques et autres dépendances, sont tenus contre le service d’un chevalier et demi104. Mais dès 1228, Jean de Briouze et Hubert de Burgh s’opposent lors d’un procès au sujet de la possession des domaines de Grosmont, Skenfrith et Llantilio105. David Carpenter considère la démarche d’Hubert de Burgh comme une réaction à l’ancienne saisie de ces trois châteaux, dont l’avait privé le roi Jean106. Le 21 novembre 1230, Jean de Briouze ne tient plus sa terre du Gower directement du roi. Le roi l’informe qu’il offre à Hubert de Burgh, comte de Kent, et à son épouse Marguerite d’Écosse, l’hommage et le service que Jean devait au roi pour son honneur de Gower. Henri III confie également les honneurs de Carmarthen et de Cardigan à

Marchegay, « Les prieurés anglais… », p. 168-170, no 6. Original scellé, GRO, D 566/T/1/2 : Nicholas Vincent, charte non éditée. CPR, vol. 2, p. 66. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 144. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 144. CLR, vol. 1, p. 17. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 164. CPR, vol. 2, p. 105. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 94. CPR, vol. 2, p. 151. CPR, vol. 2, p. 184. Ces châteaux faisaient précédemment partis de l’héritage de Renaud (Carte 10). CChR, vol. 1, p. 74, p. 83. CRR, Hen. III, vol. 13, p. 134, no 592. La querelle d’héritage entre Jean et Hubert avait éclaté en 1224 (CRR, Hen. III, vol. 12, p. 10, no 59). Après le décès de Jean, la garde de ces trois châteaux de la marche de Galles est reprise par le roi, en raison de la minorité de l’héritier Guillaume VI (CRR, Hen. III, vol. 15, p. 223-226, no 1031 ; p. 237-238, no 1064). Par la suite, les actes de la famille ne mentionnent pas leur restitution à Guillaume devenu majeur, signe d’un changement de tenant royal. 106 D. A. Carpenter, The Reign of Henry III, Londres, 2006 [1996], p. 28. 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105

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Hubert107. Le roi récompense l’ancien régent du royaume, qui a gouverné jusqu’à la majorité d’Henri III en 1227, date à laquelle le roi le fait comte de Kent108. Le 14 février 1231, Gautier de Briouze, frère cadet de Jean, et plusieurs seigneurs gallois, reçoivent l’ordre de veiller sur les honneurs de Carmarthen et Cardigan, que le roi a confié à Hubert de Burgh, à son épouse Marguerite et à leurs descendants109. Hubert de Burgh est disgracié l’année suivante, en 1232, date à laquelle Jean décède accidentellement. Jean ne semble pas avoir été rétabli dans son statut de tenant en chef avant son décès. Mais son fils Guillaume VI sera considéré comme seigneur du Gower110, signe que la rétrogradation de Jean ne fut pas transmise à ses descendants. Pour l’année 1232, la chronique galloise Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20) rapporte que Jean mourut d’une mort cruelle, sous les sabots de son cheval111. L’Historie of Cambria, écrite au xvie siècle, précise que Jean tomba de cheval, son pied coincé dans l’étrier, et qu’il fut traîné à terre par son cheval jusqu’à ce que mort s’en suive112. Le décès de Jean survient à Bramber au début du mois de juillet. Le roi réagit rapidement. Le 16 juillet, il confie à Philippe Le Bret la garde du château et de l’honneur de Swansea113. Le même jour, il remet au Poitevin Pierre de Rivallis la garde des terres et des héritiers de Jean114. Au cours de la décennie 1220, les trois seigneurs de Briouze étaient parvenus à un équilibre, entre transmission cognatique – sans distinction de lignes de parenté au sein de la famille de Briouze –, et structuration linéale-agnatique – Jean et Renaud devenant le point de départ de deux lignées parallèles. Les décès rapprochés de Renaud en 1228, de Guillaume V en 1230, et de Jean en 1232, ne permettent pas la stabilisation de ce système composite. En cours de consolidation, la famille recomposée est une proie facile à la convoitise du vaste réseau de parentèle élargie, subissant les répercussions de stratégies d’alliance élaborées par Guillaume III de Briouze.

Altération de l’autorité familiale divisée Sous le règne du roi Henri III, la famille de Briouze se reconstruit, grâce à l’impulsion de Renaud qui reconstitue l’unité du patrimoine familial dispersé. L’association de son fils aîné Guillaume V, puis la revendication légitime de son neveu Jean, fragmentent cet ensemble réunifié. Cette altération modifie le patrimoine familial en le divisant, ce qui provoque une dégradation de la qualité de l’autorité seigneuriale puisque trois hommes portent dorénavant le titre de seigneur de Briouze. Ce morcellement 107 CChR, vol. 1, p. 127-128. 108 D. Carpenter, « The Fall of Hubert de Burgh », Journal of British Studies, vol. 19, no 2, 1980, p. 1-17. S. H. F. Johnston, « The Lands of Hubert de Burgh », EHR, vol. 50, 1935, p. 418-432. 109 CPR, vol. 2, p. 424. 110 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 724, L. 427. 111 Brut y Tywysogion, éd. Williams ab Ithel, p. 320-321. 112 Caradoc de Llanvarvan, The Historie of Cambria, p. 207. 113 CPR, vol. 2, p. 490-491. 114 CPR, vol. 2, p. 490-491, p. 498. CR, Hen. III, vol. 2, p. 86. N. Vincent, Peter des Roches. An Alien in English Politics, 1205-1238, Cambridge, 2002, p. 17.

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du pouvoir seigneurial détériore les relations féodo-vassaliques. Les tenants liés à la parentèle de Guillaume III de Briouze tentent d’étendre leur patrimoine en tirant profit de la ramification du lignage. Contestations et fragilisation

Dès le 26 décembre 1217 Renaud de Briouze est contraint de défendre son héritage à la cour de Monmouth115 : Henri fitz Count réclame l’honneur de Totnes, Henri de Tracy l’honneur de Barnstaple et Gautier de Beauchamp le manoir de Tetbury116. Henri fitz Count revendique le domaine de Totnes que le roi Jean lui avait remis en 1209, lors de la saisine des terres de Guillaume III de Briouze et de son fils Renaud117. Par volonté du roi Jean, Henri fitz Count a tenu pendant plusieurs années le château et le village de Totnes ainsi que les manoirs de Cornworthy et Loddiswell, transmis de son vivant par Guillaume III de Briouze à son fils Renaud118. Le 11 novembre 1218, le roi Henri avait décidé de restituer Totnes à Renaud119. La querelle entre Renaud et Henri fitz Count se prolonge en 1220120. La terre de Totnes est également convoitée par Henri de Tracy121. Finalement, le 15 juillet 1221, le roi remet Totnes à Guillaume V de Briouze122 (Carte 11). Les revendications de Gautier de Beauchamp sont rapidement satisfaites par Renaud de Briouze. Le 16 août 1221, un accord est conclu entre eux. Gautier renonce à la moitié du manoir de Tetbury, mais en échange, Renaud lui garantit la possession des quinze livres de terres que la mère de Gautier, Berthe de Briouze, sœur de Renaud, avait reçues lors de son mariage123. Par la suite, les deux hommes font preuve de solidarité l’un envers l’autre, et affrontent ensemble plusieurs procès124. Le 15 juillet 1227, lorsque Renaud remet à son neveu Jean les manoirs de Bramber et de Tetbury, le service de Gautier de Beauchamp n’y est pas inclus125.

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Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 376. Elrington, Abstracts…, p. 23, no 124. GRP, Michaelmas 1209, PRS NS 24, p. 91. Carpenter, The Reign…, p. 29. LF, p. 97-98. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 382. CRR, Hen. III, vol. 8, p. 226, p. 323. En parallèle, un tenant du nom de Renaud de Vautorte s’acquitte des sommes dues pour la tenure de la moitié de l’honneur de Totnes (GRP, Michaelmas 1219, PRS NS 42 ; Michaelmas 1220, PRS NS 47). Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 405. CRR, Hen. III, vol. 8, p. 365. CPR, vol. 1, p. 296-297. Par la suite, il verse les sommes dues pour la moitié de l’honneur de Totnes (GRP, Michaelmas 1224, PRS NS 54), et il veille au service militaire dû (CPR, vol. 2, p. 330). Elrington, Abstracts…, p. 23, no 124. Le 19 juin 1305, la dot de Berthe sera mentionnée dans une enquête (CIM, vol. 1, p. 534, no 1971) : Guillaume III de Briouze, décédé longtemps auparavant, tenait le manoir de Tetbury et une rente de 14 livres du roi en chef, contre le service d’un fief de chevalier. Il offrit cette rente, il y a plus de 160 ans, à Guillaume de Beauchamp, arrière-grand-père de Guillaume de Beauchamp, et à son épouse Berthe de Briouze, fille Guillaume III de Briouze, en libre mariage. En 1223, ils s’opposent conjointement au prieur de Lecton (CRR, Hen. III, vol. 11, p. 147-148, no 730 ; p. 154, no 769). MCA, Bidlington and Bramber 20.

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Les terres familiales du Devon intéressent particulièrement les Tracy. En plus de Totnes, Henri de Tracy revendique les manoirs de Barnstaple, de Fremington et de Tawstock126. Les tensions s’accroissent, Jean retire certaines tenures qu’il avait confiées à Henri, et les mentions de procès se multiplient jusqu’en 1226. C’est à cette période qu’Hawise de Londres, fille d’Ève de Tracy, est mariée à Gautier de Briouze. Le 11 juillet 1223, le roi fait savoir à tous les hommes des honneurs de Kidwelly et de Carnwyllion, tenants de Thomas de Londres, qu’il donne en mariage Hawise, fille et héritière de Thomas, à Gautier de Briouze, frère de Jean127. Ce mariage apaise les tensions, les procès disparaissent et le nom des Tracy n’apparaît plus dans les actes de la famille de Briouze. Cette union perdure une dizaine d’années, jusqu’au décès de Gautier en 1234128. Le cas de la dot de Laurette, fille de Guillaume III de Briouze et épouse de Robert IV de Leicester, révèle le processus d’éparpillement des terres familiales remises aux filles lors de leur mariage. Laurette avait reçu de son père en dot les domaines de Couvert en Normandie129, et de Tawstock dans le Devon (Carte 3b), tandis que son époux lui avait confié en douaire le manoir de Kingston130. En 1219, ses terres d’une valeur totale de 164 livres sont répertoriées131. Après la disgrâce de Guillaume III, le 25 janvier 1214, le roi Jean avait remis à Henri de Tracy les terres de Barnstaple et de Tawstock132. En 1220, un procès oppose Mathilde de Briouze, veuve de Guillaume IV, à Renaud de Briouze, à propos de cette terre de Tawstock133. Finalement, la même année, le roi, qui conservait toujours ce manoir, décide de le remettre définitivement à Henri de Tracy, qui en réclamait la possession par droit d’héritage134. Ces différents exemples de réclamations judiciaires par des tenants et des cousins sont complétés par une affaire distincte, celle de Lleucu (lat. Leuca135), veuve de Geoffroy de Camville et petite-fille de Guillaume III de Briouze136. Au moment de son mariage, elle avait reçu en dot, de la part de son grand-père, des terres en Irlande137. En 1219, le roi ordonne Thomas fitz Adam de remettre à Lleucu les terres irlandaises de son défunt mari. Thomas informe Hubert de Burgh, justicier d’Angleterre, que Geoffroy avait acheté la terre revendiquée par Lleucu 10 ou 12 ans avant son mariage, avant l’arrivée de Guillaume III de Briouze en Irlande. Or, Lleucu prétend que ce dernier 126 CRR, Hen. III, vol. 10, p. 125, 134, 216 ; vol. 11, p. 427, no 2123 ; vol. 11 p. 460, no 2310 ; vol. 12, p. 251, no 1236 ; vol. 12, p. 333, no 1611. 127 CPR, vol. 1, p. 376-377. LF, partie 1, p. 380, p. 385. 128 CR, Hen. III, vol. 2, p. 447. Papin, L’Aristocratie…, p. 137. 129 Delisle, Cartulaire…, p. 295, no 1093. 130 LF, p. 71. 131 LF, p. 254, p. 257, p. 260-261, p. 265. Il s’agit des terres de Hungerford, Charlton, Bruneshill, Blanford et Tawstock. Power, « The Briouze… », p. 345. 132 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 137. 133 CRR, Hen. III, vol. 9, p. 143. 134 CRR, Hen. III, vol. 9, p. 227. 135 Power, « The Briouze… », p. 345, note 18 ; p. 355. 136 Sweetman, Calendar…, p. 133, no 895. 137 L’identité de Lleucu est établie par le croisement de deux données. Elle a connu son grand-père Guillaume III de Briouze, en vie lors de son mariage, et elle porte un prénom gallois, signe de son ascendance galloise. La seule union mixte galloise d’un enfant de Guillaume III conclue de son vivant est celle de sa fille Mathilde avec Gruffydd ap Rhys II. Lleucu est donc leur fille (Tableau de filiation 6).

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lui aurait offert cette terre en cadeau. Mais Geoffroy avait versé 200 marcs au roi pour tenir cette terre à vie, en chef. La garde en reviendrait donc au roi, suite au décès de Geoffroy138. Thomas fitz Adam écrit également à Raoul de Neville, récapitulant les mêmes informations. Il lui demande de ne pas précipiter la restitution des terres. Il lui explique que si Lleucu obtient satisfaction, le roi reconnaîtrait, selon une ancienne charte de Guillaume III de Briouze, le droit des héritiers de Guillaume sur les terres du Munster139. Finalement, le roi tranche en faveur de Lleucu. Il lui concède toute la terre d’Irlande que Guillaume de Briouze, son grand-père, lui avait remise lors de mariage, et dont elle fut dessaisie à la mort de son mari Geoffroy de Camville140. Les signes de la fragilisation de l’autorité seigneuriale des Briouze se multiplient, conséquence de l’absence de cohésion territoriale et familiale. Le suivi des prérogatives est complexe à retracer dans le temps, ce qui explique l’essor des litiges. Par exemple, depuis 1221, Marguerite et Guillaume d’Étoutteville sont en procès contre Renaud141. Ils revendiquent en 1222 la garde de Constance, fille et héritière de Guillaume de Pudleston, puisque la terre de Pudleston est tenue par Guillaume d’Étoutteville, vassal de Renaud pour ses terres situées dans l’honneur de Brecon. Constance est la descendante d’une union arrangée par Guillaume III de Briouze, père de Renaud, entre sa chambrière et Alexandre de Pudleston, grand-père de Constance142. Finalement, en 1223, une concorde est conclue entre les deux parties et Renaud de Briouze concède la garde et le mariage de Constance à Guillaume d’Étoutteville143. Par cette concorde, Renaud abandonne ses droits seigneuriaux sur le mariage d’une héritière. Ce renoncement coïncide avec une période d’instabilité de son autorité, puisque le 19 juin 1222, une rumeur circule et annonce sa mort144. Immédiatement, le roi ordonne aux constables et baillis de Renaud de remettre ses terres à Guillaume de Cantilupe, Jean de Monmouth et Roger de Clifford, ainsi que tous les châteaux lui appartenant145. Renaud doit alors prouver qu’il est en vie et réaffirmer son pouvoir en récusant la rumeur. Conflit entre l’abbaye de Fécamp et Jean de Briouze : la reprise d’anciens litiges

Au cours des années 1220, la fragilité du lignage provoque le renouvellement d’une ancienne querelle opposant les intérêts de la famille de Briouze à ceux de l’abbaye de Fécamp. L’essor des enregistrements diplomatiques par la chancellerie royale au début du xiiie siècle favorise le suivi de ce conflit, grâce à la systématicité des mentions de procès146. Deux documents datant de 1229 se réfèrent explicitement aux précédents accords, rédigés de la fin du xie siècle jusqu’au milieu du xiie siècle.

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Sweetman, Calendar…, p. 133, no 896. Sweetman, Calendar…, p. 137, no 921. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 400. CRR, Hen. III, vol. 10, p. 171. CRR, Hen. III, vol. 10, p. 288-289. CRR, Hen. III, vol. 11, p. 82, no 436. PR, Hen. III, vol. 1, p. 334-335. PR, Hen. III, vol. 1, p. 334-335. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 500. CR, Hen. III, vol. 1, p. 83. CPR, vol. 2, p. 219, p. 490-491. CRR, Hen. III, vol. 13, p. 306-307, no 1422 ; p. 336, no 1583.

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En 1229, l’abbé Richard de Fécamp réclame des droits et services relevant de Steyning, que Jean de Briouze aurait accaparé147. Richard présente à la cour la charte de Guillaume II de Briouze, rédigée vers 1130, pour corroborer ses dires148. Par ce biais, Jean de Briouze, arrière-petit-fils de Guillaume II, est contraint de perpétuer la soumission familiale, en prêtant hommage à l’abbé. Jean de Briouze, nouveau seigneur de Bramber, est lié par d’anciens mots et d’anciens accords au nouvel abbé de Fécamp. Le second acte, daté de 1229, se focalise sur un litige oublié depuis 1086. La concorde établie entre Guillaume Ier de Briouze et l’abbé de Fécamp avait divisé en deux parts égales la forêt de Hamode. Face aux revendications de l’abbé Richard, Jean de Briouze affirme ne pouvoir restituer le bois en question, puisque celui-ci n’existe plus149. Jean affirme avoir créé la seule forêt présente dans sa seigneurie. Cette transformation du paysage est probablement liée à la réorganisation de la seigneurie, au développement de cultures au détriment des marais et des bois, par divers systèmes de drainage ou de déboisement150. L’abbé Richard est contraint de restituer les bois de Stanherst et de Ribbefeuld, qu’il avait saisis en compensation du bois de Hamode. Trois actes complètent ce litige, focalisé sur la possession de bois. Le 26 juillet 1234, à Rochester, le roi Henri III autorise l’abbé de Fécamp à vendre et à utiliser librement tout le bois du Sussex151. Le même jour, une ordonnance royale mentionne un chirographe conclu entre Jean de Briouze et l’abbé de Fécamp152. L’abbaye reçoit 5 daims et 5 daines de la forêt de Saint-Léonard appartenant à Jean, forêt située au nord de l’honneur de Bramber. Cette concorde dut être conclue précédemment, avant le décès de Jean en 1232. L’ordonnance royale, plus tardive, a pour fonction de conserver la mémoire de cet accord. Le 14 juillet 1235, Henri III ordonne à Richard, comte de Cornouailles et gardien des terres de Jean, de remettre à l’abbaye les daims cédés153. Les tensions entre la famille de Briouze et l’abbaye de Fécamp, disparues depuis le milieu du xiie siècle, resurgissent au cours de la décennie 1220. L’abbaye dispute à Jean plusieurs terres et privilèges, révélant la posture instable du jeune seigneur. Sa fragilité est liée à son isolement, puisqu’il n’est pas soutenu par son oncle dans ce conflit. En 1219, dans un procès l’opposant à sa belle-sœur Mathilde de Clare, Renaud de Briouze affirme ne pas détenir le manoir de Steyning, possédé par l’abbé de Fécamp154. Il n’apparaît donc jamais au côté de son neveu pour défendre le patrimoine familial face aux revendications des moines. La reprise d’anciennes chartes familiales, utilisées au détriment de Jean, confirme la précarité de son autorité. Son père et son grand-père ne s’étaient apparemment pas soumis à l’abbé de Fécamp, puisque ce dernier fait référence à l’hommage prêté par l’arrière-grand-père de Jean, Guillaume II

147 CRR, Hen. III, vol. 13, p. 307-308, no 1425 ; p. 320, no 1492. 148 Conway Davies, The Cartae…, p. 152-153, no 546. 149 Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. 150 Fr. Boutoulle, « Introduction », in M. Aurell et Fr. Boutoulle (dir.), Les Seigneuries dans l’Espace Plantagenêt (c. 1150 – c. 1250), Bordeaux, 2009, p. 9. 151 CR, Hen. III, vol. 2, p. 484. 152 CR, Hen. III, vol. 2, p. 484. 153 CR, Hen. III, vol. 3, p. 116. 154 CRR, Hen. III, vol. 8, p. 11-12.

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de Briouze. Le retour à un système suranné est perçu comme gage de remise en ordre dans une période de vulnérabilité liée à la reconstruction et à l’éclatement du lignage. Sa légitimité ayant été altérée, Jean ne peut que subir les exigences extérieures.

Quand l’Autre devient parent Alliances galloises croisées et enjeux politiques des mariages mixtes

Le plus ancien mariage mixte conclu par les seigneurs de Briouze est l’union scellée vers 1189 entre Mathilde, fille de Guillaume III, et Gruffydd ap Rhys. Il s’agit du premier cas d’alliance entre la famille anglo-normande de Briouze et les Gallois. Au xiie siècle, les princes du Deheubarth privilégiaient les alliances avec des Galloises venues des principautés du nord du pays de Galles155. À cette période, les mariages mixtes étaient évités, l’hostilité entre les deux aristocraties prédominait156. Quelques décennies plus tard, l’onomastique galloise est intégrée au champ patronymique de la famille de Briouze, puisqu’une petite-fille de Guillaume III, prénommée Lleucu, épouse Geoffroy de Camville, seigneur de Llansteffan, dans le Carmarthenshire157. Les femmes de la lignée sont les premiers pions placés par les Briouze sur l’échiquier des relations de voisinage. Lorsque la famille de Briouze est anéantie par le roi Jean, les terres familiales de la marche de Galles sont accaparées par le pouvoir royal. Les honneurs de Radnor, Elfael, Builth, Brecon, Abergavenny et le Gower, ainsi que le Glamorgan, sont sous le contrôle du roi, par l’intermédiaire de Gérard d’Athée158. David Carpenter précise que le roi Jean visite annuellement la marche de Galles entre 1204 et 1211159. À cette date, le roi envahit le Gwynedd afin de contraindre le prince Llywelyn ap Iorwerth à la soumission. L’année suivante, Llywelyn réussit à reconquérir une portion d’indépendance, profitant des menées du baronnage anglais contre le roi160. À cette période, les Briouze survivants sont hors du champ des sources, narratives ou diplomatiques. Gilles et Renaud réapparaissent à la fin de l’année 1215, participant aux troubles du royaume pour reconstituer leur patrimoine, alors aux mains du roi161. Pourtant, ils ne prennent pas part à la rédaction de la Magna Carta, puisqu’ils ne

155 Papin, L’Aristocratie…, p. 139. 156 H. M. Thomas, The English and the Normans: Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c. 1220, Oxford, 2003, p. 146. 157 Power, « The Briouze… », p. 355. 158 Carpenter, The Struggle…, p. 283. Holden, Lords…, p. xiv, map 4, « Land in royal hands in Wales, 1208-1215 ». CRR, Hen. III, vol. 13, p. 163, no 727. 159 Carpenter, The Struggle…, p. 283. 160 Carpenter, The Struggle…, p. 285. 161 « Gilles de Briouze, évêque d’Hereford, conclut un traité entre les princes gallois et les barons anglais. Il saisit par la force les terres de son père et ses châteaux, chassant les hommes du roi qui en avaient la garde. » (1215) ; Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 116-117.

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font pas partie des signataires. Les liens unissant les Briouze aux Gallois sont mis en évidence par le récit de la chronique galloise Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20162) : [En 1215], Gilles de Briouze (Breoys), un fils de Guillaume [III] de Briouze, envoya son frère Renaud dans le Brecheiniog (Brecon). Les hommes de Brecheiniog le reçurent honorablement, et en trois jours il reprit possession des châteaux de Pencelli, d’Abergavenny, de White Castle (gall. castell Gwyn), et l’île de Cynwraid. Gilles, évêque de Hereford, avait été l’un des premiers confédérés contre le roi. Après cela, Gilles vint également à Brecheiniog, et il reçut Aberhodni, Maes Hyvaidd, Gelli, Blaenllynfi (Fig. 30) et le château de Builth, sans aucune opposition. Il remit les châteaux de Paincastle et de Clun (gall. Colwyn), ainsi que le cantref d’Elfael, à Gautier (gall. Wallter), fils de Gruffudd, petit-fils de Rhys, arrière-petit-fils d’Einon Clud, qui s’était rallié à eux. […] Gilles fit alors la paix avec le roi, par crainte du pape. Mais sur la route pour rejoindre le roi, il tomba malade et mourut à Gloucester, vers la fête de la saint Martin (11 novembre). Son patrimoine revint à Renaud de Briouze, qui prit pour épouse la fille de Llywelyn, fils d’Iorwerth, prince de Gwynedd. Afin de reprendre les territoires gallois perdus, Gilles de Briouze active son réseau familial gallois. Il obtient l’assistance de son neveu anglo-gallois, Gautier [Owain] – son prénom normand apparaissant sous la forme de Wallter dans la chronique galloise –, fils de Gruffydd ap Rhys et donc petit-fils de Guillaume III de Briouze. Renaud renforce ces liens gallois en 1215, en épousant une Galloise, la fille du prince du Gwynedd163. Par son union avec Gwaldus Ddu164, fille de Llywelyn, Renaud enclenche une nouvelle phase dans les stratégies matrimoniales du lignage de Briouze. Ce changement structurel coïncide avec la nouvelle manœuvre diplomatique amorcée par Llywelyn, après sa propre union avec Jeanne, fille de Jean, roi d’Angleterre, en 1205. A. J. Roderick analyse les unions matrimoniales des enfants de Llywelyn avec la noblesse anglo-normande165, dont trois enfants épousent trois membres du lignage de Briouze166. Il constate que ces mariages sont conclus à des moments politiques majeurs pour l’autorité de Llywelyn. Celui de sa fille Gwaldus et de Renaud est scellé lorsque ce dernier soutenait la cause des barons anglais rebelles contre le roi Jean. Lorsque Renaud rejoint la cause royale en 1217, reprenant ses territoires gallois, Llywelyn change d’alliance et se retourne contre son gendre, selon les Annales Cambriae167 :

162 Brut y Tywysogion, éd. Williams ab Ithel, p. 282-287. Une autre édition a été traduite dans le chapitre précédent (Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 90-91). 163 Annales monastici, vol. 4 : Annales prioratus de Wigornia (a.d. 1-1377), éd. H. R. Luard, Londres, 1869, p. 405 (MS Cotton Caligula A). 164 Il était précédemment marié à Grace Briwere, mère de Guillaume V. 165 A. J. Roderick, « Marriage and politics in Wales, 1066-1282 », The Welsh History Review, vol. 4, no 1, 1968, p. 16-17. 166 Power, « The Briouze… », p. 354-355. 167 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 240 [Annales D].

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Fig. 30 : Ruines du château de Blaenllynfi. © Amélie Rigollet, photographie prise le 6 mai 2013

Llywelyn rassembla une grande armée lorsque son gendre, Renaud de Briouze, rallia le nouveau roi Henri III. Pour le punir de l’avoir abandonné, il l’obligea à se soumettre et saisit la ville et le château de Brecon. Les habitants sollicitèrent la pitié de Llywelyn qui accepta de prendre des otages. Le prince se rendit ensuite à Swansea pour fortifier le château qu’il avait précédemment attaqué. Le récit gallois de Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20) complète cette description en précisant que Rhys et Owain, fils de Gruffydd, voyant leur oncle Renaud abandonner la cause galloise, attaquent et détruisent le château de Builth. De son côté, Llywelyn attaque Brecon (gall. Aberhonddu) puis s’empare du Gower. Afin de mettre un terme au désastre, Renaud et son fils Guillaume V se présentent devant Llywelyn, lui offrant le château de Senghenydd (gall. Senghennydd), près de Caerphilly, dans le Glamorgan168. Llywelyn, dorénavant méfiant à l’égard de Renaud, accentue son emprise sur le lignage de Briouze. Il profite de la querelle d’héritage entre Renaud et Jean pour proposer l’une de ses filles, Marared (lat. Margareta, fr. Marguerite169), en mariage à Jean, neveu de Renaud, en 1219170. Jean devient seigneur de Bramber et du Gower, après la partition familiale des terres. En 1221, il répare les châteaux de Swansea (gall.

168 Brut y Tywysogion, éd. Williams ab Ithel, p. 298-301. 169 « Margerete de Breuse matris mee » (Acte non édité : MCA, Findon 34). 170 Brut y Tywysogion, éd. Williams ab Ithel, p. 304-305.

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Abertawy) et de Senghenydd, avec la permission et sur les conseils de Llywelyn, son beau-père171. À la même période, Llywelyn attaque le château de Builth – ou de Grosmont, selon les variations historiographiques médiévales –, possession de Renaud. Ce dernier doit alors demander l’aide de l’armée royale172. Selon les actes de la pratique, il s’agirait du château de Builth, puisque le 2 décembre 1219, Renaud reçoit une aide royale pour renforcer les défenses, les fossés et les tranchées du château de Builth contre leurs ennemis communs173. En 1223, Llywelyn assiège le château de Builth appartenant à Renaud de Briouze, avec une multitude de soldats en armes. Henri III demande à tous ses shérifs de convoquer sans délai tous les hommes mobilisables pour un service militaire174. Les chroniqueurs médiévaux, anglo-normands et gallois, mettent en évidence cette fracture interne entre Renaud et Jean. Leurs positions vis-à-vis du roi ou de Llywelyn accentuent leur querelle territoriale. Si Jean semble favorisé par Llywelyn175, le statut de Renaud est plus ambigu176. En 1225, Renaud est témoin de la nouvelle version de la Magna Carta et de la charte de la Forêt177, issus d’un consensus entre le pouvoir royal et l’aristocratie : en échange de la levée d’une taxe militaire majeure pour lutter contre les Capétiens, le roi reconnaît librement les deux textes178. Après la mort de Renaud, Llywelyn projette une nouvelle union avec la famille de Briouze, entre Isabelle, fille de Guillaume V, fils de Renaud, et son fils Dafydd. Il parvient à nouer une alliance avec chaque seigneur à la tête de la puissance tricéphale de Briouze. Surtout, il réclame en dot le château de Builth, épine anglo-normande en terre galloise appartenant aux Briouze depuis plus d’un siècle. Llywelyn joue des variations entre les lois anglaises et galloises, puisque selon le droit gallois, les femmes n’héritent pas de biens fonciers179. Les actes de la famille de Briouze ne conservent pas la trace de terres galloises apportées en dot à Renaud et Jean par leurs épouses. En revanche, la revendication de leur douaire perdure sur plusieurs années après la mort de leurs maris.

171 Brut y Tywysogion, éd. Williams ab Ithel, p. p. 310-311. 172 Matthieu Paris, Chronica majora, vol. 3, p. 64 (Builth). Matthieu Paris, Historia Anglorum, vol. 2, p. 247 (Grosmont). Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 2, p. 172. 173 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 409. 174 Th. Rymer (éd.), Foedera, Conventiones, Litterae et cujuscunque generis Acta Publica, Londres, 1745, vol. 1, partie 1, p. 89a. 175 Power, « The Briouze… », p. 354. 176 Il sert militairement le roi Henri (CPR, vol. 1, p. 142, p. 149-150, p. 331-332. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 379, p. 409, p. 428, p. 564-565. Edwards, Calendar…, p. 1, no I. 64 ; p. 7, no I. 180. Rymer, Foedera…, vol. 1, partie 1, p. 89a. GRP, Michaelmas 1224, PRS NS 54). Il s’acquitte régulièrement de l’écuage (GRP, Michaelmas 1220, PRS NS 47 ; Michaelmas 1221, PRS NS 48 ; Michaelmas 1222, PRS NS 51 ; Michaelmas 1223, PRS NS 56). Holden, Lords…, p. 195-196. 177 Ch. Bemont (éd.), Chartes des libertés anglaises (1100-1305), Paris, 1892, p. 59. Acte non édité : BL, Add. Ch. 24712. 178 D. Carpenter, The Minority of Henry III, Berkeley & Los Angeles, 1990, p. 376-386. 179 Papin, L’Aristocratie…, p. 138. G. Richards, Welsh Noblewomen in the Thirteenth Century. An Historical Study of Medieval Welsh Law and Gender Roles, Lampeter, 2009, p. 153.

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Une fois veuves, l’identité des épouses de Renaud et de Jean apparaît dans les actes de la pratique. Dès 1228, peu après le décès de Renaud180, le prénom de Gwaldus, fille de Llywelyn, veuve de Renaud, est mentionné pour la première fois181. L’année suivante, elle poursuit en justice son beau-fils, Guillaume V de Briouze, pour obtenir son douaire, correspondant à la tiers part de la moitié du manoir de Gomshall et de la tiers part du manoir de Paddington dans le Surrey. Elle réclame également la tiers part de cent acres de terre à Radnor182. Gwaldus est toujours en quête de son douaire en 1249. Elle réclame à Onfroy de Bohun, époux de l’une des filles de Guillaume V, la part de son douaire qu’il détient, incluant notamment des bourgages à Lehaye, des moulins à Huntington, une ferme à Brecon et une pêcherie à Blaenllynfi183. En 1250, elle lui demande la troisième part des terres de Hay et Brecon, que Guillaume V de Briouze le Jeune lui avait remis à la mort de Renaud184. La longue période écoulée entre les deux temps de réclamation s’expliquerait par son remariage. Le 19 août 1246, le roi Henri III ordonne que soient remis à Gwaldus, veuve de Raoul de Mortemer, les manoirs de Stretfeld et Chaumers comme part de son douaire. Il exige que lui soient restituées les terres qu’elle tenait en dot de Renaud de Briouze, son premier mari, qui avaient été confisquées à la mort de Raoul185. Le 14 mai 1248, un accord est conclu entre Gwaldus et son neveu Guillaume VI de Briouze, fils de Jean, au sujet de son douaire186. Bien que le contenu de l’accord n’ait pas été enregistré par la chancellerie, l’intervention de Guillaume VI, qui n’a pourtant pas de droit sur l’héritage de Renaud, révèle la persistance d’imbrications territoriales, sources de confusions judiciaires bien après la décennie 1220. L’épouse de Jean apparaît le 7 juin 1233, lorsque le roi autorise Marared, veuve de Jean, à ne pas prendre de nouvel époux187. Le 2 novembre 1233, le roi ordonne au shérif de Buckingham de confier à Pierre de Rivallis le manoir de Buckingham, que Marared, veuve de Jean de Briouze, possédait en douaire188. Il le gardera jusqu’à ce que Marared remette en otage deux de ses fils, ce qu’elle a jusqu’à présent refusé. Outre le manoir de Buckingham, son douaire inclut le service de Guillaume de La Mare189, une rente prélevée sur le sel produit dans le village de Wycham190, la tiers part du manoir de Bisley191, ainsi que la tiers part du manoir de Bramber, dont deux fiefs de chevaliers situés à Grenested et Ho192. Cette portion du domaine de

180 Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 2, p. 206, no 197. 181 CPR, vol. 2, p. 248. 182 CR, Hen. III, vol. 1, p. 389. 183 CRR, Hen. III, vol. 19, p. 413, no 2418. 184 CR, Hen. III, vol. 6, p. 350. CRR, Hen. III, vol. 20, p. 129, n°741. Power, « The Briouze… », p. 355. 185 CR, Hen. III, vol. 5, p. 452-453. 186 C. Roberts (éd.), Excerpta E Rotulis Finium, Londres, 1836, vol. 2, p. 34. 187 CPR, vol. 3, p. 17-18. 188 CR, Hen. III, vol. 2, p. 330. Power, « The Briouze… », p. 355. 189 CR, Hen. III, vol. 2, p. 500. Ch. Roberts (éd.), Calendarium Genealogicum, Henry III and Edward I, Londres, 1865, vol. 1, p. 255, no 32. 190 CR, Hen. III, vol. 2, p. 517. 191 CIPM, vol. 3, p. 240-241, no 371. 192 CR, Hen. III, vol. 3, p. 5. CRR, Hen. III, vol. 19, p. 272, no 1673.

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Bramber est confiée à Gautier de Clifford, qui a épousé Marared en secondes noces193. Gwaldus et Marared sont mariées une seconde fois à des seigneurs anglo-normands, actifs dans la marche de Galles et ayant eu de fortes interactions avec les seigneurs de Briouze194. Le 22 avril 1268, un accord est conclu entre Marared et son fils Guillaume VI. En échange du manoir de Buckingham, elle reçoit, à vie, une rente annuelle de quarante livres195. Les relations entre la mère et son fils semblent affectueuses, Marared pouvant inspirer certaines décisions à son fils. Au milieu du xiiie siècle, Guillaume VI effectue une confirmation de donation au prieuré de Sele, à la demande de sa mère196. Llywelyn, frère de Guillaume VI (lat. Leulino fratre meo) est cité parmi les témoins. L’intégration de prénoms gallois dans le répertoire lignager des Briouze, tels Lleucu et Llywelyn, est révélatrice d’une nouvelle étape du processus d’implantation territoriale au pays de Galles mené par les seigneurs de Briouze depuis la fin du xie siècle. Pionniers, puis occupants, ils deviennent des résidents, entretenant des rapports de voisinage, à la fois conflictuels et amicaux, avec leurs voisins gallois. Les mariages mixtes sont la clé de ce processus d’acculturation, l’ouverture à l’Autre étant voulue réciproquement par les Briouze et par les princes gallois. Dans cette perspective, ces alliances entre membres de la haute aristocratie anglo-normande et galloise prennent une nouvelle dimension locale. La haute noblesse adopte de nouvelles stratégies d’endogamie sociale et géographique. En cela, elle suit un mouvement précédemment amorcé par la petite aristocratie depuis le milieu du xiie siècle, phénomène perçu et analysé par Élodie Papin pour le Glamorgan197. Elle constate qu’il ne s’agit pas tant d’alliances exogamiques, entre deux groupes culturels différents, mais plutôt de mariages endogamiques, fondés sur la proximité géographique. Les enjeux politiques étant plus complexes, le processus semble plus lent pour la haute aristocratie. Finalement, malgré les tensions, la coexistence incite à l’ouverture. Élodie Papin présente ce double mouvement d’exogamie culturelle et d’endogamie géographique comme deux facettes d’un même phénomène, reposant sur des activités concomitantes dans un espace commun ou voisin198. L’adoption d’une onomastique galloise traduit ce processus d’enchevêtrement progressif des identités issues la mixité. Guillaume VI est le premier seigneur de Briouze issu d’une union mixte. Son double statut de seigneur de Bramber et du Gower est symptomatique de cette double identité. Si son bilinguisme ne peut être déterminé199, il revendique son héritage gallois pour stabiliser son assise territoriale.

193 CPR, vol. 3, p. 70. 194 Rowlands, « William… », p. 133. 195 A. Travers (éd.), A Calendar of the Feet of Fines for Buckinghamshire, 1259-1307, p. 17, no 105. 196 MCA, Findon 34. 197 Papin, L’Aristocratie…, p. 133 et 141. 198 Papin, L’Aristocratie…, p. 142-143. 199 Papin, L’Aristocratie…, p. 144-145.

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La minorité d’un Anglo-gallois, Guillaume VI de Briouze

La minorité chaotique de Guillaume VI est un temps de fragilité de l’autorité seigneuriale, mais elle correspond au moment où le pouvoir familial est à nouveau réuni entre les mains d’un unique chef de famille. La branche cadette issue de Guillaume V de Briouze s’éteint après 1230, faute d’héritier mâle. Le 16 juillet 1232, le roi confie à Pierre de Rivallis la garde des terres et la tutelle des héritiers de Jean de Briouze200. L’année 1232 correspond à un changement brusque d’influence dans l’entourage royal, Hubert de Burgh étant remplacé par Pierre de Rivallis201. La tutelle de Guillaume VI est ainsi remise à Pierre202, et non à Hubert203, pourtant seigneur de Jean pour l’honneur du Gower depuis 1230204. En tant que tuteur de Guillaume VI, Pierre de Rivallis veille à la gestion de son patrimoine et exécute les responsabilités relevant du seigneur de Briouze205. Le 25 août, Pierre de Rivallis convoque les vassaux du seigneur de Briouze sur les domaines de Bramber, Knepp et Tetbury, pour rejoindre l’armée royale206. Le 2 juin 1234, le roi lui donne l’ordre de ne pas donner, vendre ou détruire les bois de Jean de Briouze placés sous sa garde, dans le Sussex207. Il veille à la garde et à la répartition des douaires de parentes de Guillaume VI208. Le 2 novembre 1233, il reçoit le douaire de Marared, mère de Guillaume VI, le manoir de Buckingham, le temps que la jeune veuve remette ses fils en otage209. Par contre, en 1234, il restitue le château de Totnes à Ève de Briouze, veuve de Guillaume V, puisque ce douaire ne relève pas du patrimoine de Guillaume VI210. La situation bascule au cours de l’été 1234211. Le 30 juin, le roi décide de reprendre la garde de Jean de Briouze, frère de Guillaume VI, dont Pierre de Rivallis avait la tutelle212. Pierre de Rivallis refuse de rendre le jeune Guillaume au roi. Le 12 juillet, le roi prescrit aux baillis de nombreux ports, notamment ceux de Southampton, Douvres, Portsmouth, Sandwich, Shoreham, Hythe, Romney, Winchelsea, Dartmouth, Falmouth et Plymouth, de ne pas autoriser Pierre de Rivallis à effectuer une traversée, ni à emmener avec lui Guillaume VI, fils et héritier de Jean de Briouze, dont il avait la garde213.

200 CPR, vol. 2, p. 490-491, p. 498. CR, Hen. III, vol. 2, p. 86. 201 Vincent, Peter…, p. 300. 202 Veach, Lordship…, p. 214. 203 M. Prestwich, Plantagenet England, 1225-1360, Oxford, 2007, p. 86. 204 Vincent, Peter…, p. 302. 205 Vincent, Peter…, p. 448-452. 206 CPR, vol. 2, p. 498. 207 CR, Hen. III, vol. 2, p. 439. Le roi interdit toute dégradation des forêts de Jean de Briouze (CR, Hen. III, vol. 2, p. 461). 208 Le 16 juin 1233, il remet le douaire de Jeanne, veuve de Guillaume Briwere (CR, Hen. III, vol. 2, p. 230). 209 CR, Hen. III, vol. 2, p. 330. 210 CR, Hen. III, vol. 2, p. 424-425. 211 N. Vincent, « Rivallis, Peter de (d. 1262) », ODNB, 2004. 212 CR, Hen. III, vol. 2, p. 462. 213 CR, Hen. III, vol. 2, p. 570-571 ; vol. 3, p. 163.

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Par la suite, Henri III ordonne à Pierre de Rivallis de lui rendre Guillaume VI, fils et héritier de Jean de Briouze, qu’il éduque en sa maisonnée. Pourtant, Pierre conserve le droit de marier Guillaume, ainsi que la garde de ses terres. Le roi lui demande de rendre les châteaux de Pevensey, Knepp, Bramber, en raison du danger de guerre avec le roi de France, ces châteaux étant situés au bord de la mer, et la trêve entre les rois étant finie. Il exige la restitution des châteaux de Grosmont, White Castle, Skenfrith et Swansea, à cause du danger de guerre entre le roi et Llywelyn, aucune paix n’ayant été conclue. Il requiert cinq châteaux en Irlande, dont Pierre avait confié la garde à son bailli. Le roi lui ordonne de rétrocéder les châteaux de la marche, appartenant à Guillaume VI de Briouze, qu’il avait en sa garde. Le 23 juin 1234, à Wallingford, Richard d’Argentan rapporte au roi avoir vu l’enfant Guillaume, fils de Jean de Briouze, sain et sauf, chevauchant un grand cheval noir d’Espagne, rudement transporté avec Pierre de la ville de Rochester vers Londres, où il le vit pour la dernière fois214. Finalement, Pierre de Rivallis est conduit auprès du roi. Il sollicite la grâce royale, et rend Guillaume, fils de Jean de Briouze, ainsi que les châteaux et les terres appartenant à l’enfant. Le roi conserve en sa main les châteaux de Swansea et de Bramber215. Le roi tient sa promesse. Le 30 juin 1247, Henri III rappelle avoir octroyé en 1232 à Pierre de Rivallis la garde de Guillaume VI de Briouze. Il autorise alors le mariage entre Guillaume et Aline (de Moulton), nièce de Pierre216. À cette date, Guillaume VI est probablement majeur, puisqu’il est né puisqu’il est né vers 1225. Cette période coïncide avec le début de son activité militaire au service du roi217. Depuis quelques années, il gère lui-même sa seigneurie. Le 12 mai 1241, le roi informe Guillaume VI d’un accord conclu avec Dafydd ap Llywelyn. Guillaume doit remettre à Philippe Hareng la garde de la seigneurie de Penmaen, telle que son père Pierre Hareng la détenait avant d’en être dessaisi lors de la guerre opposant le roi Jean et Llywelyn218. À cette période, Guillaume VI de Briouze, seigneur de Gower, inspecte l’acte de renonciation de son père Jean, fait à la demande de l’évêque Guillaume de Llandaff, en faveur de l’église de Saint-Teliaw de Llandaff. Il confirme l’abandon de tout prélèvement sur le village de Llandeilo Ferwallt (angl. Bishopston), dans le Gower, que ses ancêtres ou leurs baillis, français ou gallois, exigeaient des hommes de l’évêque219. Ces premiers actes montrent que l’attention de Guillaume VI se focalise d’abord sur ses terres du Gower. Marié à la parente de Pierre de Rivallis, Guillaume VI est également un seigneur d’Angleterre. À la fin de sa minorité, au début de la décennie 1240, son honneur de Bramber est aux mains du comte Richard de Cornouailles, fils du roi Jean. La liste des témoins révèle l’ancienneté de l’implantation des familles de tenants des Briouze, présentes au côté des seigneurs de Bramber depuis la fin du xie siècle, sur 214 215 216 217 218 219

CRR, Hen. III, vol. 15, p. 223-226, no 1031 ; p. 237-238, no 1064. CPR, vol. 3, p. 89. CRR, Hen. III, vol. 15, p. 303, no 1225 ; p. 321-322, no 1289. CPR, vol. 3, p. 504. CPR, vol. 3, p. 443, p. 464. CR, Hen. III, vol. 5, p. 363. CPR, vol. 3, p. 251. CPR, vol. 5, p. 64.

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plusieurs générations220. Anglo-gallois, issu d’un mariage mixte, la double identité de Guillaume VI est matérialisée par son pouvoir seigneurial bipolaire, entre le pôle gallois de Gower et le pôle anglais de Bramber.

Conclusion : Un patronyme, deux sous-lignées L’altérité est la qualité de ce qui est autre. La distinction identitaire dépend de la perception d’autrui par comparaison ou par idéalisation d’un clivage221. L’alteritas, la différence222, induit une séparation entre le moi (ego) et l’autre (alter)223. L’écart se creuse progressivement entre les deux lignées, faute de points de contact. Cette différenciation est provoquée par un éloignement spatial, les deux familles se partageant nettement les terres ancestrales. La distance matérielle se double alors d’une séparation temporelle, les deux branches interagissant de moins en moins l’une avec l’autre224. À la génération suivante, Guillaume VI de Briouze ne veille pas sur ses cousines et ne s’acquitte pas des dettes laissées par son cousin Guillaume V225. Le lien de cousinage, distendu, n’est pas adapté à la stratégie de reconstruction lignagère opérée par Jean et Renaud puis Guillaume V. Un fil unique, fragile, relie les deux branches : le patronyme226. Malgré le fractionnement patrimonial, les membres du groupe choisissent de conserver le même nom, recouvrant la supra-lignée. La « réitération du nom227 » est le signe de la préservation d’une identité familiale commune et la revendication d’une succession générationnelle depuis Guillaume III228. La cohésion patronymique est renforcée par une homonymie forte229, le prénom du patriarche, Guillaume, étant transmis aux fils aînés des deux sous-lignées, Guillaume V, fils de Renaud, et Guillaume VI, fils de Jean. La mémoire du patriarche est soigneusement entretenue par les deux sous-lignées, notamment par des donations séparées remises au monastère d’Aconbury, fondé en 1216 pour conserver le souvenir des disgraciés230. Renaud remet aux églises Sainte-

220 LF, partie 2, p. 689-690. 221 J. Jung, Le Sujet et son Double. La construction transitionnelle de l’identité, Paris, 2015, p. 73. 222 « Alteritas », Dictionnaire latin-français, éd. F. Gaffiot, p. 106. 223 J.-L. Le Run, « Identité, altérité, histoire », Enfances & Psy, no 46, 2010/1, p. 6. 224 Le Run, « Identité… », p. 6-7. 225 Roberts, Calendarium…, vol. 2, p. 81. 226 A. Lefebvre-Teillard, « Le nom propre et la loi », Mots, no 63, juillet 2000, p. 9. 227 Jeanneau, « Liens adelphes… », p. 98. 228 En 1277, des enquêtes s’appuient sur la généalogie familiale en remontant jusqu’à son arrière-grand-père Guillaume III (CIM, vol. 1, p. 323, no 1060. Roberts, Calendarium…, vol. 1, p. 255, n°30, no 32). Fr. Zonabend, « Le Nom de personne », L’Homme, 1980, tome 20, no 4, Formes de nomination en Europe, p. 11. P. Darlu, « Patronymes et démographie historique », Annales de démographie historique, 2004/2, no 108, p. 53. 229 P. Beck, « Le nom protecteur », Cahiers de recherches médiévales, no 8, 2001, p. 165-174. 230 Le 10 octobre 1216, le roi Jean fait savoir à Gautier de Lacy qu’il accorde à Marguerite de Lacy trois charruées de terre à défricher et mettre en culture dans la forêt royale d’Aconbury, pour fonder une maison religieuse pour les âmes de son père Guillaume III de Briouze, de sa mère Mathilde et de son

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Croix et Saint-Jean-Baptiste d’Aconbury plusieurs bourgages situés dans ses villes de Radnor, Brecon, Hay, Abergavenny et Tetbury231. Plus tard, Jean offre dix bourgages implantés à Tetbury232. En 1290, son fils Guillaume VI confirme ce don et y ajoute des privilèges judiciaires233. Le monastère féminin d’Aconbury forme alors le centre spirituel symbolique du lignage dispersé234. Fondée à l’instigation d’une femme, Marguerite de Lacy, fille de Guillaume III et de Mathilde de Saint-Valéry, cette abbaye d’Aconbury réunit des moniales priant pour le salut des seigneurs de Briouze. La préservation de la mémoire familiale fait partie des fonctions attribuées aux femmes de l’aristocratie235. Elles forment une passerelle entre leur lignage d’origine et la famille de leur époux. Pourtant, la perception des femmes à travers les sources narratives et diplomatiques reste généralement floue, imprécise car trop ponctuelle. Seules les veuves sortent de l’ombre, défendant leur douaire ou protégeant leurs enfants. Parfois, les veuves n’ont pas la conduite attendue, faisant preuve d’une certaine autonomie dans leur décision, à l’encontre des intérêts masculins. Ainsi, en 1248, la chronique galloise Brut y Tywysogion, dans sa version du Livre rouge de Hergest, rapporte que « Rhys Fychan ap Rhys Mechyll reprend le château de Carreg Cennen, que sa mère a traîtreusement livré aux ‘Français’, par inimitié envers son fils236. » La mère de Rhys Fychan, veuve de Rhys Mechyll ap Rhys Gryg, un prince du Deheubarth qui règne sur le cantref Mawr entre 1234 et 1244, est identifiée comme étant Mathilde de Briouze dans les actes de la pratique. Le 6 avril 1244, elle reçoit une protection du roi Henri III, jusqu’à ce que son enfant soit majeur237. Son degré de parenté la reliant à l’ancêtre commun, Guillaume III de Briouze, reste indéterminé. Mais compte-tenu de son âge probable et de son mariage gallois, il pourrait s’agir d’une fille de Renaud de Briouze. En trahissant son fils et en quittant la sphère familiale de son époux pour rejoindre son territoire d’origine, Mathilde a un comportement inverse de celui adopté par Gwaldus et Marared, filles de Llywelyn, remariées à des Anglo-normands. Dans quelle mesure sa réaction est-elle le résultat d’une expérience personnelle décevante, ou le

frère Guillaume IV (Hardy, Rotuli Litterarum Patentium, vol. 1, partie 2, p. 199). Le 22 décembre 1232, le roi Henri III confirme le don de son père Jean (CChR, vol. 1, p. 172). 231 CoA, MS Vincent 59, p. 82 : N. Vincent, charte non éditée. 232 Dugdale, Monasticon…, vol. 1, p. 332. 233 Acte non édité : Original scellé, CoA, Charte 134. Guillaume VI de Briouze confirme les donations familiales (Dugdale, Monasticon…, vol. 1, p. 331-332). 234 Deux filles de Guillaume III y vivent recluses : Marguerite de Briouze, épouse Lacy, sa fondatrice, et sa sœur Aénor de Briouze, veuve d’Hugues de Mortemer (V. Brown, Eye Priory, Cartulary and Charters, Woodbridge, 1992, partie 1, p. 234, no 324). Fr. Héritier, « L’identité samo », L’Identité. Séminaire interdisciplinaire dirigé par Claude Lévi-Strauss, 1974-1975, Paris, 1977, p. 65. A. Collomp, « Le Nom gardé », L’Homme, 1980, tome 20, no 4, Formes de nomination en Europe, p. 60. 235 G. Duby, Dames du xiie siècle, vol. 2, Le Souvenir des aïeules, Paris, 1995, p. 19. M. Perrot, « Georges Duby et l’imaginaire-écran de la féminité », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, no 8, 1998 [en ligne], disponible sur < https://journals.openedition.org/clio/312#article-312> (consulté le 21 novembre 2020)). 236 Brut y Tywysogion. Red Book of Hergest version, trad. Th. Jones, p. 243. 237 CPR, vol. 3, p. 422, p. 474, p. 489.

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produit d’un conditionnement mental depuis l’enfance, ayant conduit à percevoir les Gallois avec mépris, rejetant radicalement l’Autre malgré des années de vie parmi la communauté d’accueil ? Les sources, narratives ou diplomatiques, ne permettent pas de détailler le parcours des parentes de Briouze, sorties de leur sphère d’origine pour conclure des mariages mixtes. Qu’en est-il du sort des femmes et des veuves membres du lignage de Briouze, issues de l’extérieur et intégrées au groupe par mariage ?

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Ève de Briouze et ses filles (1230-1246)

Lors de son baptême, Ève, fille de Guillaume Le Maréchal et future épouse de Guillaume V de Briouze, reçoit le prénom de sa grand-mère maternelle. L’éponymie est une forme de transmission mémorielle fréquente parmi l’aristocratie. Elle apporte une cohérence au lignage, elle brouille les limites de la condition individuelle en imposant une continuité entre aïeul et descendant1. Un lien mémoriel particulier est volontairement établi entre les deux femmes. À plusieurs décennies d’intervalle, elles ont été mariées à un même profil de chevalier : un seigneur de la marche de Galles, guerrier combatif envoyé par le roi défendre les frontières du monde Plantagenêt. Ève est issue d’une lignée réputée dont l’ascension fut permise grâce aux femmes qui transmirent leur patrimoine familial et accrurent le prestige de leur époux. Aoife (fr. Ève), la grand-mère d’Ève, était la fille de Diarmait Mac Murchada, roi du Leinster. En 1170, ce dernier maria sa fille à Richard de Clare2, un chevalier anglo-normand, pour le remercier de l’avoir aidé à reconquérir son royaume irlandais perdu. Aoife apporte à son époux un territoire immense en Irlande. Cette dot étoffe considérablement les possessions galloises de Richard, situées dans le comté de Pembroke et la seigneurie de Striguil3. Ce conglomérat est transmis à leur unique enfant survivante, Isabelle. La main de la « pucelle de Striguil » est convoitée par Guillaume Le Maréchal, d’origine relativement modeste, dont le parcours exceptionnel et la faveur royale lui permettent d’obtenir en mariage cette riche héritière en 11894. Ève est l’une des filles nées de cette union glorieuse, récompense des services rendus à la royauté par Guillaume Le Maréchal, régent d’Angleterre de 1216 à sa mort en 12195. Ève apparaît à deux reprises dans l’Histoire de Guillaume le Maréchal6. Ses apparitions sont conformes à l’image attendue d’une bonne fille de bon lignage. Elle exprime convenablement son amour filial en étant présente au chevet de son père 1 Chr. Flavigny, « Le nom et la transmission de l’être », Champ psychosomatique, no 32, 2003/4, p. 9-18. 2 Il est également connu sous les noms de Richard fitz Gilbert ou Richard comte de Striguil. 3 En Normandie, Richard tenait les terres normandes d’Équiqueville et il revendiquait les seigneuries de Bienfaite et d’Orbec, tenues par la famille de Montfort-sur-Risle. D. J. Power, « The French Interest of the Marshal Earls of Striguil and Pembroke, 1189-1234 », ANS 25, 2003, p. 199-226. 4 G. Duby, Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, Paris, 1984, p. 150-158. 5 Ses cinq frères meurent sans descendance. Ses quatre sœurs sont mariées à des membres de la haute aristocratie d’Angleterre : Mathilde épouse Hugues Bigot, comte de Norfolk, puis Guillaume de Warenne, comte de Surrey ; Isabelle épouse Gilbert de Clare, comte d’Herford et de Gloucester, puis Richard, comte de Cornouailles et frère cadet du roi Henri III ; Sybille épouse Guillaume de Ferrières, comte de Derby ; Jeanne épouse Warin de Munchensy. Au moment du décès de son père, seule la cadette, Jeanne, n’est pas encore mariée. 6 Duby, Guillaume…, p. 14-15.

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mourant7. Et elle permet à sa famille de conclure une alliance admirable. Elle n’est évoquée dans ce récit qu’en tant que fille ou en tant qu’épouse. Elle n’est autorisée à exister dans cette source narrative qu’à travers ses liens à la sphère masculine, à son père ou à son mari. L’obéissance est valorisée8. Ses qualités personnelles disparaissent au profit de celles de son époux, auquel elle est identifiée9 : C’est un fait bien connu qu’à trois fils de comtes Il [Guillaume Le Maréchal] donna ses trois [autres] filles ; bien accordées Elles ne s’étaient pas mésalliées. […] Et Ève il donna comme épouse Au fils du seigneur de Briouze Guillaume, le fils de Renaud. Il était très sage et très puissant et très vaillant Dieu lui avait donné le courage D’élever si bien son lignage. […] Vous pouvez voir sans accusation Que j’ai prouvé avec raison, À ceux qui voient bien et savent tout, Que d’un bon arbre vient un bon fruit, Qu’un enfant est bien droit et légitime S’il est issu d’un bon père et d’une bonne mère. La valorisation d’une femme ne semble possible que par son sang ou par son union. Le poids de la domination masculine est nettement affirmé dans cette œuvre à destination d’un public laïc et aristocratique, écrite pour glorifier le parcours d’un chevalier. Ce panégyrique respecte les codes attendus de son genre littéraire et reflètent les conventions culturelles de la société patriarcale médiévale. Le soin accordé au choix de l’époux témoigne de l’usage du mariage par la noblesse comme un moyen d’ascension sociale, contribuant à tisser un vaste réseau de parenté et de clientèle parmi l’aristocratie anglo-normande. L’union entre Ève Le Maréchal et Guillaume V de Briouze est conclue au cours de la décennie 1210, plus précisément entre 1215, année où Renaud de Briouze prend la tête du lignage, et 1219, année du décès de Guillaume Le Maréchal. Ce mariage entérine les liens étroits préexistant entre Guillaume Le Maréchal et Guillaume III de Briouze, père de Renaud. Si Ève est un beau parti, pouvant susciter la convoitise, Guillaume V de Briouze est également jugé digne d’intégrer la famille respectée du Maréchal.

7 « Et le chagrin de dame Ève et dame Sybille fut tel qu’on ne pourrait le décrire » : History of William Marshal, éd. A. J. Holden, vol. 2, p. 428-429, v. 18516-18517. 8 « Ses filles furent appelées et elles vinrent auprès de lui car elles respectaient volontiers son commandement » : History of William Marshal, éd. A. J. Holden, vol. 2, p. 430-431, v. 18559-60. 9 History of William Marshal, éd. A. J. Holden, vol. 2, p. 248-249, v. 14930-32 ; v. 14941-45 ; v. 14957-62.

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Les sources diplomatiques permettent d’esquisser les contours de la silhouette d’Ève, en trois temps : suite au décès de son mari, elle doit affirmer son statut de dame de la marche de Galles dans un contexte militaire et politique troublé. Elle intervient en tant que mère, protectrice de ses filles nubiles, mais aussi en tant que veuve douairière, autonome et gardienne du patrimoine familial. Elle acquiert cette stature particulière, propre aux veuves puissantes. Le portrait d’Ève de Briouze brossé par l’Histoire de Guillaume le Maréchal, celui d’une jeune enfant obéissante et effacée, contraste avec la réalité de ses actions à l’âge adulte. Suite au décès prématuré de son époux, Ève reçoit d’importantes responsabilités liées à son statut de veuve et de mère, protectrice de terres et d’héritières. Son caractère affirmé de grande aristocrate transparaît dans les actes de la pratique qui révèlent ses prises de position fermes et affirmées. Éduquée, elle a probablement reçu l’instruction nécessaire pour assumer ses fonctions au sein de sa maisonnée et de son lignage10. Elle choisit de vivre dans le siècle et sans mari.

Ève, épouse de Guillaume V de Briouze et dame de la Marche Guillaume V de Briouze est fréquemment présent dans les actes de la pratique, associé aux décisions paternelles jusqu’au décès de Renaud en 1228. Le 13 juillet 1228, Henri III reçoit l’hommage de Guillaume V de Briouze pour les terres que son père Renaud, décédé, tenait du roi en chef. Ces terres lui reviennent par droit d’héritage11. Au cœur de ses domaines gallois se trouvent les châteaux de Radnor et de Huntington12 (Carte 11). Peu après son accession au pouvoir, Guillaume est envoyé par le roi au combat. Le 3 septembre 1228, Henri III lui ordonne de le rejoindre avec chevaux, armes et autant d’hommes à cheval ou à pied qu’il pourra rassembler. Guillaume rallie l’ost royal à Montgomery où il retrouve son beau-frère, Guillaume II Le Maréchal13. Il est rapidement capturé par les Gallois, comme l’atteste le report de ses obligations judiciaires en raison de son emprisonnement14. Le 12 février 1229, le roi adresse une lettre à Llywelyn, prince de Gwynedd, afin d’obtenir la libération de Guillaume de Briouze, capturé alors qu’il était au service du roi, lors de la guerre opposant Henri III à Llywelyn15. Le 8 mars 1229, Henri III offre à Llywelyn de verser une rançon de 250 marcs pour obtenir la libération de Guillaume16. Il est relâché peu après, puisqu’il revient sur ses terres et règle différentes affaires17. L’année suivante, Guillaume repart combattre les Gallois. Le 12 mars 1230, il organise la levée de troupes pour servir l’armée royale en écrivant à ses hommes

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Aurell, Le Chevalier…, p. 221-222. Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 2, p. 211, no 227 et 228. CPR, vol. 2 : Hen. III (1225-1232), p. 194. CR, Hen. III, vol. 1, p. 115. CRR, Hen. III, vol. 13 (11-14 Hen. III), p. 178, no 793 ; p. 200, no 930 ; p. 322, no 1504 et 1505. CPR, vol. 2, p. 239. CPR, vol. 2, p. 241. CRR, Hen. III, vol. 13, p. 545, n°2582 ; p. 546, no 2585. CPR, vol. 2, p. 330.

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de Totnes, ainsi qu’à ses vassaux Jean de Mautravers et Herbert fitz Matthieu18. De nouveau, il est capturé par Llywelyn ap Iorwerth19. Le 20 avril 1230, le roi Henri III informe le constable de Guillaume de Briouze établi à Radnor que son seigneur a été emprisonné par Llywelyn. Tant que Guillaume V sera détenu, le château de Radnor sera gardé par Pierre fitz Herbert et Jean de Monmouth. Des lettres identiques sont transmises aux constables de Guillaume à Hay, Huntington, Brecon et Abergavenny20, mais aussi à ceux de Totnes, Ystradvellte, Saint-Clears, Kingsland et Eardisland (Carte 11)21. Ces dispositions plus contraignantes prises par le roi en 1230 contrastent avec la situation de 1228, et laissent supposer des complications lors de ce nouvel enfermement. La situation bascule entre 1228 et 1230. Guillaume V est accusé d’adultère avec Jeanne, épouse de Llywelyn et fille adultérine de Jean sans Terre, qu’il avait probablement rencontrée en 1228 lors de sa précédente captivité22. À la fin du mois d’avril 1230, Guillaume aurait été surpris dans la chambre du prince en compagnie de la princesse. Llywelyn ap Iorwerth saisit ce prétexte – véridique ou non – pour éliminer son rival. Le 2 mai 1230, Guillaume V de Briouze, seigneur anglo-normand de la marche de Galles, est pendu sur les terres du prince de Gwynedd, en présence de nombreux Gallois. Le déroulement de cette pendaison est brièvement rapporté par Nicolas, abbé de Vaudey, messager royal délégué auprès de Llywelyn ap Iorwerth depuis 1229, dans une lettre adressée à Raoul, évêque de Chichester et chancelier royal. Dans ce courrier rédigé le 19 mai 1230, Nicolas précise que cette pendaison est faite « en plein jour, à la vue de tous, en présence de huit cents hommes rassemblés pour assister à ce misérable et lamentable spectacle, car nombre d’entre eux étaient des ennemis de Guillaume [III] de Briouze l’Ancien et de ses fils23 ». De vives tensions existaient au début de xiiie siècle entre les Briouze, seigneurs anglo-normands implantés au pays de Galles depuis la fin du xie siècle, et les princes gallois, menacés par cette présence concurrente en pleine expansion. Ces tensions soudaines sont liées à l’extrême violence dont fait preuve Guillaume III de Briouze à l’égard de ses voisins gallois, sous prétexte de venger l’assassinat de son oncle Henri de Hereford. Les nombreuses exactions commises par le seigneur de Briouze marquent profondément les esprits gallois et leurs répercussions se prolongent en 1230, lors de l’exécution de son petit-fils. 18 CPR, vol. 2, p. 330. Original scellé, Longleat House, Marquess of Bath Muniments, no 11031 : N. Vincent, charte non éditée. 19 Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 2, p. 331, no 319. CR, Hen. III, vol. 1, p. 347. CRR, Hen. III, vol. 13, p. 497, no 2316. 20 CPR, vol. 2, p. 336. 21 CPR, vol. 2, p. 339. 22 Pryce, The Acts…, p. 429. J. Crump, « The Repercussions of the Execution of William de Braose: a Letter from Llywelyn ab Iorwerth to Stephen de Segrave », Historical Research, vol. 73, no 181, Oxford, 2000, p. 197. Le 15 août 1228, Guillaume de Briouze et plusieurs seigneurs de la marche de Galles reçoivent une lettre royale les informant que Jeanne, sœur du roi et femme du prince de Galles Llywelyn, reçoit un sauf-conduit pour rejoindre Henri III à Shrewsbury. Le temps que durera cette entrevue, la paix du roi devra être observée. CR, Hen. III, vol. 1, p. 114. 23 Edwards, Calendar…, p. 37, no VI (155).

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En 1230, la mort de Guillaume V de Briouze provoque la fin de la branche cadette du lignage, puisqu’il n’a pour héritières que quatre filles24. Llywelyn écarte un adversaire puissant25. Selon la loi galloise, l’exécution par pendaison est la forme communément appliquée de peine de mort dans les cas de trahison mineure26. Cette forme d’exécution est infamante pour un seigneur anglo-normand. Llywelyn et ses magnats s’arrogent un privilège de juridiction qu’ils n’ont pas en condamnant Guillaume V de Briouze qui est le sujet du roi d’Angleterre27. Guillaume n’avait pas prêté hommage à Llywelyn, il n’avait pas rompu ses obligations vassaliques. La respectabilité de l’époux est gravement atteinte en cas d’adultère féminin, ce qui bouleverse les conventions sociales et morales28. Le prince choisit de réaffirmer son honneur et son autorité par un acte symbolique fort et violent. La gravité du crime est liée à l’importance de la souillure, qui entache la pureté du couple et compromet l’identification de la descendance. L’adultère trouble la paix publique en révélant les tensions sous-jacentes29. En éliminant l’amant de Jeanne, Llywelyn et ses conseillers gallois suppriment surtout un puissant concurrent politique. Lors de son emprisonnement en 1228, Guillaume V avait dû consentir au mariage de sa fille Isabelle avec Dafydd ap Llywelyn, le fils de son ennemi. Contre sa libération en 1229, il avait dû céder en dot son château de Builth30. Engagement contraint, cette alliance est incertaine après l’exécution de 1230. Elle devient l’enjeu de deux lettres émises par Llywelyn peu après la mise à mort de son rival31. La première est adressée à Ève, fille de Guillaume Le Maréchal, devenue veuve après l’exécution de Guillaume32. La deuxième est destinée à Guillaume II Le Maréchal, frère d’Ève33. En s’adressant à Guillaume II Le Maréchal, Llywelyn revendique des liens de parenté34, puisque Jeanne, son épouse, est la demi-sœur de l’épouse de Guillaume. Le 27 avril 1230, cinq jours avant l’exécution, Guillaume II Le Maréchal reçoit la garde des terres et des enfants de Guillaume V de Briouze, sur ordre du roi Henri III35. Ce statut est confirmé le 25 mai 1230, lorsque le roi Henri III 24 Power, « The Briouze… », p. 348. 25 Carpenter, The Struggle…, p. 323, p. 325-327. Holden, Lords…, p. 206. 26 Suppe, « The Cultural… », p. 147. 27 Pryce, The Acts…, p. 430-431. 28 M. Billoré, « Introduction », La Trahison au Moyen Âge. De la monstruosité du crime politique (ve-xve siècle), M. Billoré, M. Soria (dir.), Rennes, 2009, p. 18-19. 29 L. Verdon, « La course des amants adultères », Rives nord-méditerranéennes, no 31, 2008, note 28, à partir de D. L. Smail, The Consumption of Justice. Emotions, Publicity and Legal Culture in Marseille, 1264-1423, Ithaca, 2003. 30 Carpenter, The Struggle…, p. 325. 31 A. Rigollet, « Conciliation épistolaire après la pendaison de Guillaume de Briouze, mai 1230 », in Th. Deswarte et al. (dir.), Lettres et Conflits, EPISTOLA 3, Casa de Vélàzquez, 2021. 32 Pryce, The Acts…, p. 428-429, no 261. 33 Pryce, The Acts…, p. 429-431, no 262. 34 K. Van Eickels, « Homagium and Amicitia: Rituals of Peace and their Significance in the Anglo-French Negociations of the Twelfth Century », Francia, vol. 24/1, 1997, p. 133-140. 35 CPR, vol. 2, p. 339. Le roi avait remis le 20 avril 1230 plusieurs terres de Guillaume V de Briouze à Pierre fitz Herbert et à Jean de Monmouth, deux fidèles soutiens du pouvoir royal. Ils reçurent les domaines de Radnor, Hay, Huntington, Brecon et Abergavenny. CPR, vol. 2, p. 336.

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charge Guillaume II Le Maréchal de garder toutes les terres ayant appartenues à Guillaume V de Briouze36, et de veiller sur ses héritiers, dans un acte du 31 mai37. La parentèle de l’épouse est choisie par le roi au détriment de celle de Guillaume de Briouze, dont le plus proche parent, son cousin Jean, n’a aucun droit de regard sur l’héritage38. En accordant la tutelle à Guillaume II Le Maréchal, le roi Henri III satisfaisait son beau-frère. Aliénor, l’épouse de Guillaume II Le Maréchal depuis 1224, n’est autre que la fille du roi Jean et d’Isabelle d’Angoulême, sœur du roi Henri. Les liens unissant la famille royale et Guillaume II Le Maréchal sont étroits, puisque l’année suivante, en 1231, la sœur de Guillaume, Isabelle, épouse en secondes noces Richard de Cornouailles, le frère du roi Henri. Llywelyn écrit à son beau-frère car Ève, veuve de Guillaume V, s’oppose au mariage prévu entre sa fille Isabelle et Dafydd ap Llywelyn. Dans une lettre adressée au régent Étienne de Seagrave, Llywelyn explique qu’Ève le fait excommunier nominativement chaque dimanche du mois de mai par son chapelain39. Il contacte donc le frère d’Ève, Guillaume II Le Maréchal, pour lui faire entendre raison. Après cela, une entrevue est organisée à Shrewsbury à la mi-juin40. Après le 12 juin, un compromis semble être trouvé puisque les close rolls enregistrent le douaire obtenu par Ève sur décision royale, incluant des portions de terres dans les domaines de Brecon, Radnor et Totnes, tandis que le roi Henri III conservent le contrôle des châteaux du défunt41. Ève de Briouze accepte le projet d’union, poursuivant les précédents desseins de son mari42. Elle perpétue sa mémoire en prolongeant ses résolutions. Le mariage est conclu à une date indéterminée, mais le 7 décembre 1232, à Shrewsbury, le roi Henri III et Llywelyn, prince de Gwynedd, s’accordent à propos de l’héritage d’Isabelle, femme de Dafydd, fils de Llywelyn43.

Les quatre filles d’Ève, objets de convoitise Le projet d’union entre Isabelle de Briouze et Dafydd ap Llywelyn ayant été décidé avant le décès de Guillaume V de Briouze et entériné au cours de l’été 1230, la fille aînée de Guillaume et d’Ève échappe rapidement à l’autorité maternelle. Les quelques actes de la pratique mentionnant Isabelle la placent toujours dans la sphère d’influence galloise de Llywelyn, au côté de son époux, même avant la célébration du mariage. Dès le 10 août 1230, une portion de la dot d’Isabelle de Briouze, fiancée à Dafydd ap Llywelyn, est remise au prince de Gwynedd. Le roi

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Edwards, Calendar…, p. 36, no VI (104). CR, Hen. III, vol. 1, p. 353. CPR, vol. 2, p. 377. CR, Hen. III, vol. 1, p. 359. Power, « The Briouze… », p. 346-347. Crump, « The Repercussions… », p. 212. Crump, « The Repercussions… », p. 206. CR, Hen. III, vol. 1, p. 354-355. Santinelli, Des Femmes…, p. 321. Pryce, The Acts…, p. 435-436, no 267. Crump, « The Repercussions… », p. 212.

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Henri III ordonne aux baillis de Totnes, dans le Devon, de remettre à Llywelyn, représentant son fils Dafydd, la saisine de vingt livres de terre que Guillaume V de Briouze souhaitait offrir à Dafydd lors de son mariage avec sa fille Isabelle44. Isabelle ne semble pas avoir eu accès à la totalité de son héritage avant l’accord du 7 décembre 1232, conclu entre le roi d’Angleterre Henri III et Llywelyn, prince d’Aberffraw et seigneur de Snowdon. Ce n’est qu’à cette date que les deux hommes s’accordent officiellement à propos de l’héritage d’Isabelle de Briouze, femme de Dafydd, fils de Llywelyn45. Isabelle n’apparaît plus dans les sources diplomatiques avant son propre veuvage46. Le 18 août 1246, Henri III accorde à Dafydd ap Iorwerth47 et à ses compagnons une protection royale, afin qu’ils puissent transporter en toute sécurité Isabelle de Briouze, veuve de Dafydd ap Llywelyn, du pays de Galles jusqu’à la terre du comte de Gloucester48. Veuve sans enfant, Isabelle n’est pas laissée dans sa belle-famille49. Elle est renvoyée à la cour comtale de Gloucester, relai du pouvoir royal dans la marche de Galles. À cette période, le comte de Gloucester est son cousin, Richard de Clare. La mère de ce dernier, Isabelle, et la mère d’Isabelle, Ève de Briouze, étaient deux filles de Guillaume Le Maréchal. Le retour de la jeune veuve est adapté à la situation familiale clivée, puisque les héritières de Guillaume V de Briouze sont gérées par leurs oncles et cousins maternels et non par leurs cousins paternels50. Indirectement, le roi d’Angleterre maintient la fracture au sein du lignage de Briouze en favorisant la parentèle d’Ève Le Maréchal. Isabelle décède peu de temps après, comme l’atteste un bref royal adressé aux exécuteurs testamentaires d’Isabelle de Briouze, veuve de Dafydd, prince d’Aberffraw51. Les rois anglo-normands récompensent la fidélité de leurs vassaux en leur confiant la garde des terres d’héritiers ou de veuves, qui étaient ensuite mariés dans leur famille. C’est pourquoi les veuves de la haute aristocratie, lorsqu’elles sont mères, ne sont

44 CR, Hen. III, vol. 1, p. 368. 45 Pryce, The Acts…, p. 435-436, no 267. Le 18 mars 1242, le roi Henri III délègue Jean de Monmouth et Gautier de Clifford, afin qu’ils rendent justice à Isabelle et à Dafydd fils de Llywelyn son époux, au sujet de la part d’héritage revenant à Isabelle de Briouze sur les possessions de feu son père Guillaume V. CPR, vol. 3 : Hen. III (1232-1247), p. 276. 46 Dafydd décède le 25 février 1246, sans héritier. Pryce, The Acts…, p. 30. 47 Le lien de parenté rattachant Dafydd ap Iorwerth à Dafydd ap Llywelyn et Llywelyn ap Iorwerth n’est pas établi, faute de sources : dans les actes édités par Huw Pryce, le nom de Dafydd ap Iorwerth n’apparaît qu’une seule fois, dans une liste de témoins. Pryce, The Acts…, 322 W. 48 CPR, vol. 3, p. 485. 49 Le renvoi de la jeune veuve correspond-il à une procédure observée par Marie-Françoise Alamichel dans l’Angleterre saxonne, selon laquelle « une veuve sans enfant n’obtenait rien et repartait dans la famille de son père » ? M.-Fr. Alamichel, « Les Veuves au Moyen Âge : la voix masculine des femmes », in L. Carruthers (dir.), Voix de femmes au Moyen Âge, AMAES, 2011, p. 57-86. 50 Le 11 avril 1231, Henri III remet à son frère Richard, comte de Cornouailles, la garde des terres et des héritiers de Guillaume V de Briouze (CPR, vol. 2, p. 427-428). La même année, Richard avait épousé Isabelle, sœur d’Ève de Briouze et de Guillaume II Le Maréchal. Le 10 février 1235, Richard cède à Gilbert Le Maréchal, frère d’Ève de Briouze, la garde des terres et héritiers de Guillaume V de Briouze (CChR, vol. 1 : Hen. III (1226-1257), p. 192.). 51 CLR, vol. 3 : Hen. III (1245-1251), p. 147.

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pas toujours tutrices de leurs enfants52. La tutelle est un enjeu de puissance, objet de transaction. Les trois plus jeunes filles de Guillaume V de Briouze et d’Ève sont placées dans différentes maisonnées. L’obtention d’une tutelle d’orpheline est une source complémentaire de richesse, puisque les revenus des terres ainsi gérées sont directement perçus par le tuteur. Les tutelles permettent également aux grands nobles de marier leurs fils à de jeunes femmes bien nées et richement dotées. Mathilde, deuxième des quatre filles, est placée dans la maison de Mortemer53. Au cours de la décennie 1230, une convention est conclue entre le roi et Raoul de Mortemer. En 1242, le Livre des fiefs (lat. Liber Feodorum) indique que Raoul de Mortemer a la garde de l’honneur de Radnor, ainsi que de l’une des héritières de Guillaume V de Briouze54. En obtenant la tutelle de Mathilde et la garde de la terre de Radnor qui constitue sa dot, Raoul de Mortemer planifie le mariage de son fils Roger55. Raoul était déjà indirectement lié au cercle familial des Briouze56, puisqu’il avait épousé Gwaldus, fille de Llywleyn et veuve de Renaud de Briouze, père de Guillaume V. L’union entre Roger III57 et Mathilde permet au lignage de Mortemer de consolider leur patrimoine gallois constitué autour de Wigmore58. Les Mortemer détenaient notamment les châteaux de Wigmore, Cleobury et Bridgnorth dans la marche de Galles. Par ce mariage, Radnor, la plus ancienne possession galloise des Briouze, change de mains. De ce mariage naissent six enfants. À la suite de ses ancêtres, Mathilde de Mortemer, née Briouze, semble avoir été une femme déterminée et combative, comme le prouve son implication au sein du parti royaliste lors de la seconde guerre des barons59. Les orphelines sont vivement convoitées par les aristocrates cherchant à établir leur fils. Le sort des filles d’Ève suit un même schéma. Le 25 juillet 1238, le roi Henri III accorde à Guillaume de Cantilupe le Jeune († 1251), avec l’assentiment de Guillaume II Le Maréchal, la garde d’Ève, l’une des filles et héritières de Guillaume V de Briouze, ainsi que le droit de la marier à son fils Guillaume († 1254), la garde d’Abergavenny et des autres terres lui revenant. L’accord prévoit que si Ève décède avant l’âge adulte, il pourra conserver ses terres jusqu’à la majorité des autres héritiers60. Les chefs successifs de la famille Cantilupe portent tous le prénom de Guillaume sur trois

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Alamichel, « Les Veuves… », p. 12-13. CPR, vol. 5 : Hen. III (1258-1266), p. 13. LF, partie 2, p. 800. Le 24 février 1252, Mathilde de Briouze est présentée comme l’épouse de Roger de Mortemer (CPR, vol. 4 : Hen. III (1247-1258), p. 156, p. 229, p. 377). Aénor, sa grande-tante paternelle, sœur de Renaud et fille de Guillaume III, avait également été mariée dans la famille de Mortemer, par son union avec Hugues (CR, Hen. III, vol. 1, p. 135 ; CPR, vol. 2, p. 501 ; CR, Hen. III, vol. 2 (1231-1234), p. 514 ; CPR, vol. 3, p. 80). 56 L. Nabias, « Renchaînement d’alliances, transmission du patrimoine dans les topolignées et intégration dans les partis des princes », Réseaux et Histoire, Groupe RES-HIST, 2015. 57 J. J. Crump, « Mortimer, Roger (III) de, lord of Wigmore (1231-1282) », ODNB, 2004. 58 J. J. Crump, « The Mortimer family and the Making of the March », in M. Prestwich, R. H. Britnell, R. Frame (dir.), Thirteenth Century England VI, Woodbridge, 1997, p. 117-126. 59 L. E. Mitchell, Portraits of Medieval Women: Family, Marriage, and Politics in England 1225-1350, New York, 2003, p. 45. 60 CPR, vol. 3, p. 228.

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générations, ce qui complexifie l’identification de l’homme ayant reçu la garde et de celui qui a épousé Ève. Lorsque l’accord est conclu, en 1238, les trois hommes sont vivants, puisque Guillaume de Cantilupe l’Ancien ne décède que l’année suivante († 1239)61. En 1238, l’individu désigné par le sobriquet « le Jeune » serait donc le fils du précédent et père du futur marié. Il semble obtenir la garde d’Ève l’année où il intègre la maisonnée du roi Henri, signe que la délégation d’une tutelle est un marqueur de faveur royale62. Grâce à cette union, la famille de Cantilupe gouverne la seigneurie galloise d’Abergavenny et prend pied dans la marche de Galles, en complément des domaines patrimoniaux du Warwickshire et du Wiltshire. Cette stratégie d’implantation galloise est poursuivie par l’élection de Thomas de Cantilupe, frère de Guillaume [III] de Cantilupe le Jeune, à la tête de l’évêché de Hereford de 1275 à 128263. Trois enfants naissent de l’union entre Ève de Briouze et Guillaume de Cantilupe, Georges, Milicent et Jeanne (Tableau de filiation 7). Le 4 novembre 1273, suite au décès du fils aîné, Georges de Cantilupe, sa sœur Milicent de La Zouche et son neveu Jean, fils de Jeanne de Hastings, reçoivent des biens en héritage, dont les terres de Cornworthy, Dartmouth, Totnes et Loddiswell dans le Devon, qui appartenaient à Guillaume V de Briouze (Carte 11)64. Faute d’héritier mâle, les terres sont gérées par la fille aînée, Milicent, qui semble détenir le patrimoine hérité de son grand-père maternel. Ainsi, à la fin du xiiie siècle, Milicent de Montaut (lat. Monte Alto), dame de Totnes, inspecte une charte de Guillaume V de Briouze, son grand-père. Guillaume avait offert un tonneau de vin pour la célébration de la messe ainsi que deux marcs d’argent au prieuré Saint-Nicolas d’Exeter. Milicent confirme cette charte, pour les âmes de Guillaume V de Briouze son grand-père, de Guillaume de Cantilupe son père, et d’Eudes de La Zouche son mari65. Bien que mariée, Milicent peut agir en son nom propre, en tant qu’héritière directe des domaines nécessitant son attention. Le cas de la tutelle de la quatrième fille, Aénor, diffère des précédents. En 1237, sa mère, Ève de Briouze, s’engage auprès du roi à verser huit cents marcs afin de conserver la garde de sa fille cadette et le droit de la marier66. Mais la même année, Onfroy [IV] de Bohun, comte d’Hereford et d’Essex, sollicite la garde des comptes d’Aénor, fille de Guillaume V de Briouze, et de l’honneur de Brecon67. Dans un premier temps, le roi décide de laisser Aénor aux bons soins de sa mère68. Finalement,

61 Br. W. Holden, « Cantilupe, William (I) de (d. 1239) », ODNB, 2004. 62 Br. W. Holden, « Cantilupe, William (II) de (d. 1251) », ODNB, 2004. R. C. Stacey, « Cantilupe, William (III) de (d. 1254) », ODNB, 2004. 63 R. C. Finucane, « Cantilupe, Thomas de [St Thomas of Hereford] (c. 1220-1282) », ODNB, 2004. 64 CIPM, vol. 2 (Edw. I), p. 16-21, no 17. 65 Collectanea Topographica et Genealogica, Londres, 1834, vol. 1, p. 62-63, n°36. 66 Premières mentions en 1237 (CLR, vol. 1 : Hen. III (1226-1240), p. 277. Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 3 : 19 to 26 Hen. III (1234-1242), p. 219, no 142), confirmées en 1242 (Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 3, p. 503-504, no 129). Le 24 juin 1237, Ève prend à son compte le versement des 800 marcs que devait son frère pour cette tutelle. Le 30 janvier 1242, Ève de Briouze s’engage à verser au roi 650 marcs sur les 800 marcs initiaux, par paiements semestriels successifs de 50 marcs. 67 CRR, Hen. III, vol. 16, 21-26 Hen. III (1237-1242), p. 376-378, no 1846. 68 Le 26 septembre 1242, Henri III renonce à 300 marcs de dettes dus par Onfroy de Bohun, comte d’Essex et d’Hereford, en faveur d’Ève de Briouze (CR, Hen. III, vol. 4 (1237-1242), p. 516).

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Aénor est mariée à Onfroy [V]69, puisqu’en 1250, un procès oppose Aénor, épouse d’Onfroy de Bohun, à son cousin, Guillaume VI de Briouze70. En 1237, le chef de la famille de Bohun, Onfroy, quatrième du nom, est le deuxième comte de Hereford et le premier comte d’Essex, ce dernier titre ayant été acquis grâce à son épouse, fille de Geoffroy fitz Peter71. C’est son fils, également prénommé Onfroy, qui épouse Aénor au cours de la décennie 124072. Cette première série d’actes de la pratique montre que le sort des trois filles non mariées est nettement dissocié, puisqu’elles sont placées séparément à la garde de puissants seigneurs d’Angleterre. Cette individualisation correspond à l’identification de leur dot, une terre principale étant également confiée à leur tuteur. Les trois principaux fiefs ancestraux du lignage sont disséminés, remis à diverses familles de la noblesse. Ces importantes dotations transmises par héritage ont permis à Mathilde, Ève et Aénor de nouer des alliances prestigieuses, intégrant de grandes familles comtales73. Cette situation initiale désunit les filles dès l’enfance. Leur éducation séparée explique les différents procès enregistrés auprès de la cour de justice royale, opposant les différentes héritières de Guillaume V de Briouze à partir des années 1250. Ces filles ont grandi dans la maisonnée de leur futur époux, éloignées les unes des autres. Aucune cohésion n’existe entre elles : le tissu familial est écharpé par le placement des orphelines, les liens sont rompus dès leur plus jeune âge. Leur mère, dernier trait d’union entre les filles, décède quelques années avant le début des procès, probablement en 1246, date de sa dernière apparition dans les actes familiaux74. Dans les années 1250, alors que les trois filles survivantes et leurs époux ont atteint la majorité légale, elles s’opposent au sujet de la division du patrimoine75. Le 24 février 1252, sur décision royale, les terres ayant appartenues à Guillaume V de Briouze sont réparties entre ses filles et héritières survivantes : Mathilde, femme de Roger de Mortemer, Ève, femme de Guillaume de Cantilupe, et Aénor, femme d’Onfroy de Bohun76.

69 Le couple aura deux enfants, prénommés comme leurs parents : une fille, Aliénor, et un fils, Onfroy. 70 CR, Hen. III, vol. 6 (1247-1251), p. 351. 71 N. Vincent, « Bohun, Humphrey (IV) de, second earl of Hereford and seventh earl of Essex (d. 1275) », ODNB, 2004. 72 Gr. White, « Bohun, Humphrey (III) de (b. before 1144, d. 1181) », ODNB 2004. La sœur d’Onfroy est mariée à Anselm Le Maréchal, frère d’Ève de Briouze l’Ancienne. 73 Suite au décès, sans héritier direct, de Guillaume Briwere le Jeune, ses biens sont partagés entre ses co-héritières, ses grandes-nièces, filles de Guillaume V de Briouze, alors sous la tutelle du roi (LF, partie 1 (1198-1242), p. 395-397). 74 À la date du 18 avril 1246, Ève de Briouze est décédée, puisque le versement de huit cents marcs de dettes qu’elle avait contractées pour sa fille est garanti par le roi au comte de Hereford (Henry III Fine Rolls Project [en ligne], The National Archives & King’s College, Londres, no 30/355, disponible sur (consulté le 27 juin 2020)). 75 Les filles sont probablement nées au cours de la décennie 1220. En 1250, elles sont âgées d’une vingtaine d’années. 76 CPR, vol. 4, p. 156, p. 229, p. 377.

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Dans les années 1250, les procès se multiplient entre les trois filles, associées à leurs époux. Elles s’opposent également à leurs parents77. Par exemple, le 27 février 1259, Roger de Mortemer et sa femme Mathilde de Briouze portent plainte auprès du roi. Un désaccord les oppose à Onfroy de Bohun et sa femme Aénor de Briouze, sœur de Mathilde. Mathilde avait requis le droit d’aînesse lors d’un précédent procès. Onfroy et Aénor s’étaient engagés à lui remettre une terre d’une valeur annuelle de cent sous avant le Noël de la trente-sixième année du règne (1252). Mais ce bien n’a pas été transféré. Le roi ordonne donc la remise de cette terre78. Le clivage entre les héritières se répercute aux générations suivantes79. En 1275, le partage du douaire d’Aliénor, veuve de Guillaume II Le Maréchal et frère d’Ève de Briouze est l’objet de plusieurs actes royaux visant à répartir équitablement le patrimoine entre les héritières80. Un effet de sources biaise probablement la perception des relations entre les trois sœurs, puisqu’il s’agit d’enregistrements de procès sous contrôle de la royauté. Néanmoins, aucune autre source ne complète cette vision. Aucune charte de donation à une maison religieuse patronnée par le lignage ne réunit les sœurs. Ce sont les conflits d’héritage qui connectent les héritières dispersées d’Ève et Guillaume V de Briouze81.

Ève, une jeune veuve dynamique et autonome Le 2 mai 1230, le statut d’Ève de Briouze change brusquement. D’épouse effacée, elle devient une jeune veuve combative qui défend ses intérêts et, dans une certaine mesure, ceux de ses filles. Cette attitude pugnace apparaît dans sa démarche d’affranchissement de l’autorité masculine. En principe, le sort des veuves des vassaux du roi dépend du bon vouloir de ce dernier. La veuve devient pupille royale et sa main est mise sur le marché du mariage, selon le principe des enchères. La veuve est mariée au plus offrant. Elle pouvait toutefois participer et payer pour choisir son époux ou rester célibataire. Cette pratique, très coûteuse, était de fait restreinte aux veuves les plus aisées82. Ève de Briouze n’est pas remariée par le roi. La somme considérable de 800 marcs qu’elle s’engage à verser pour obtenir la garde de sa fille cadette inclut

77 En 1250, la veuve de Renaud de Briouze, père de Guillaume V, s’oppose à Aénor de Bohun au sujet de son douaire, constitué d’un tiers des terres de Hay et de Brecon (CRR, Hen. III, vol. 20 (34-35 Hen. III), p. 129, no 741). 78 CPR, vol. 5, p. 13. 79 En 1274, Roger de Mortemer, époux de Mathilde, co-héritière d’Ève de Briouze ainsi qu’Onfroy de Bohun, fils et héritier d’Aénor de Bohun, fille et co-héritière d’Ève de Briouze, Jean de Hastings et Eudes de La Zouche, se présentèrent à Westminster le dimanche suivant la Purification (4 février), afin de réclamer plusieurs terres (CCR, Edw. I, vol. 1 (1272-1279), p. 113). 80 Le 3 juin 1275, des terres héritées d’Aliénor, veuve de Guillaume II Le Maréchal, sont réparties entre les trois filles et leurs héritiers (CCR, Edw. I, Londres, 1900, vol. 1 (1272-1279), p. 190-191). 81 Alamichel, « Les Veuves… », p. 11. 82 Alamichel, « Les Veuves… », p. 13.

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Fig. 31 : Panorama du château de Hay, vue de Castle Street. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011

son propre remariage83. Faute de précisions fournies par les actes de la pratique, les raisons pour lesquelles Ève n’est pas remariée restent inconnues. Le montant engagé par Ève pour gagner son autonomie l’endette durablement. Le 9 juillet 1234, Ève de Briouze demande à ses chevaliers et hommes libres une aide financière pour s’acquitter de ses dettes84. Ève de Briouze entre en possession de son douaire au cours de l’été 1230. Son domaine est constitué de deux pôles principaux : le château de Hay (Fig. 31), dans la marche de Galles, et le fief de Totnes, dans le Devon85. Le roi protège la position d’Ève en l’aidant à administrer ses terres. Le 6 juin 1232, Henri III concède à Ève de Briouze une nouvelle taxe dans sa ville de Hay. Une obole sera prélevée sur chaque charrette du comté de Hereford commerçant à Hay. Cette taxe sera utilisée pour assurer la protection de cette ville et de ses alentours86. La même année, Ève reçoit 80 marcs pour l’entretien de son château et pour la défense du village de Hay87. La remise de somme d’argent par le roi est complétée par des exemptions fiscales. Le 11 mai 1235, le roi dispense Ève du versement de 12 marcs qu’elle devait au Trésor, afin qu’elle puisse financer les travaux de défense de sa ville de Hay88. L’année suivante, la même somme lui est octroyée, lorsque le 4 janvier 1236, le roi demande au comte de Hereford de remettre à Ève de Briouze les 12 marcs qu’il a prélevé à Jean Tepe et ses compagnons, les vassaux d’Ève, afin qu’elle puisse renforcer les défenses de son 83 CLR, vol. 1, p. 277. Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 3, p. 219, no 142. Henry III Fine Rolls Project [en ligne], The National Archives & King’s College, Londres, no 30/355, disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 84 CPR, vol. 3, p. 58-59. 85 CPR, vol. 3, p. 51. 86 CPR, vol. 2, p. 477. 87 A. R. Brown (éd.), Memoranda Rolls, 16-17 Hen. III, Londres, 1991, p. 98, no 1343. 88 CR, Hen. III, vol. 3 (1234-1237), p. 89.

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château de Hay89. Enfin, le 30 mars 1237, Henri III accorde à Ève de Briouze un droit de murage à Hay, qui sera prélevé une fois par semaine au cours des trois prochaines années90. Le droit de murage dérive du terme latin muragium, qui désigne une corvée pour la réparation des murs d’une ville ou d’un château91. Dans ce cas, la corvée semble avoir été convertie en taxe, puisque l’acte évoque un prélèvement et non un service. À la tête de ses seigneuries, Ève est impliquée dans les affaires politiques locales92. Sa vigilance est attestée par les enregistrements de la chancellerie royale, mais son autonomie est obtenu après un long processus. Le 12 juin 1230, au moment de la répartition du douaire d’Ève, le roi conserve tous les châteaux de Guillaume V93. Par la suite, le 13 septembre 1233, lorsqu’Henri III remet à Ève de Briouze la saisine de toutes ses terres situées en le baillage du Devon, il garde sous sa coupe le château de Totnes94. La même année, le roi ordonne au shérif du Herefordshire de saisir le château d’Eardisland, alors aux mains d’Ève de Briouze95. La situation se complexifie l’année suivante, lorsque le 18 mai 1234, Henri III fait saisir le village et le château de Totnes, qu’Ève, veuve de Guillaume V de Briouze, détenait en douaire, en raison de la guerre opposant le roi à Richard Le Maréchal, comte de Pembroke et frère d’Ève96. Il lui confisque tous ses châteaux. La méfiance royale est provoquée par le lien adelphique liant Ève à un vassal rebelle. La tension entre le roi et Richard Le Maréchal est provoquée par le douaire considérable qu’Henri III exige pour sa sœur Aliénor, veuve de Guillaume II, frère aîné de Richard décédé en 1231. Richard se rebelle et il est blessé mortellement au cours d’une bataille l’opposant aux troupes royales. Il succombe le 16 avril 123497. Rapidement après ce décès, le roi restitue à Ève ses différentes possessions. Le 31 mai 1234, la saisine des châteaux de Hay et de Totnes lui est remise98. Dans l’honneur de Totnes, son douaire est considérable, puisqu’il se compose de 28 fiefs de chevaliers99. Cela correspond à l’intégralité du patrimoine familial des Briouze dans le Devon, tenu depuis le milieu du xiie siècle suite au mariage de Philippe de Briouze avec Aénor de Totnes100.

CR, Hen. III, vol. 3, p. 224. CPR, vol. 3, p. 178. « Muragium », du Cange et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, tome V. Un jeune otage, fils d’Einion Fychan, vassal de Llywelyn ap Iorwerth, aurait été confié à Ève, qui l’aurait élevé comme son fils adoptif. À la mort de son époux, soutenue par le sénéchal de son frère, Ève refuse de remettre le garçon au prince du Gwynedd (Pryce, The Acts…, p. 431-433, no 263). Ce n’est que le 17 décembre 1232 que le roi Henri III ordonne sa libération (CPR, vol. 3, p. 6). Faute de sources, la reconstitution de cette affaire d’otage est impossible. Pryce, The Acts…, p. 842. Aurell, « Les femmes… », p. 330. 93 CR, Hen. III, vol. 1, p. 354-355. 94 CR, Hen. III, vol. 2, p. 262. 95 Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 2, p. 502, no 319. 96 CPR, vol. 3, p. 45-46. 97 D. J. Power, « Marshal, Richard, sixth earl of Pembroke (d. 1234) », ODNB, 2004. 98 CPR, vol. 3, p. 51. 99 LF, partie 1, p. 431. 100 Hall, The Red Book…, vol. 1, p. 258-259.

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Le domaine de Totnes permet à Ève de subsister à la mort de son époux, grâce au droit d’usufruit fourni par le douaire qui lui permet d’exploiter ces terres. À nouveau, les sources sont rares et n’évoquent que les situations de crise. Une affaire éclate en 1233, qui confirme l’hypothèse selon laquelle le fief de Totnes pourvoit l’essentiel des revenus d’Ève. À la fin de l’année 1233, Ève se présente devant la justice. Elle accuse Richard fitz Stephen d’avoir implanté un marché à Dartmouth, qui nuit au bon fonctionnement du marché de Totnes qu’elle détient101. Les navires commerçants déchargent dorénavant leurs marchandises à Dartmouth, situé dans l’estuaire, et ne remontent plus sur une quinzaine de kilomètres le long de la rivière Dart jusqu’au marché de Totnes. Totnes perd les coutumes afférentes à l’activité commerciale, ce qui crée un préjudice d’une valeur de cent sous102. Richard se défend en affirmant avoir reçu une licence royale lui permettant d’établir ce marché. Une enquête est commissionnée afin d’évaluer le préjudice subi par le déclin du marché de Totnes. Plusieurs mois plus tard, le résultat de l’enquête démontre l’importance des préjudices causés par le marché de Dartmouth au détriment du marché de Totnes. Le bourg de Totnes subit des pertes conséquentes : les revenus des coutumes et du tonlieu ont décliné, et l’activité commerciale périclite puisque la quantité de marchandises vendues a fortement diminué. Richard fitz Stephen récuse le résultat de cette enquête. Il dénonce le parti-pris des enquêteurs. Il affirme ne pas empêcher les navires de commerce de transiter vers Totnes. Il revendique l’ancienneté de son propre marché, établi avant la mort de Guillaume V de Briouze, l’époux d’Ève103. Dartmouth est réputé pour la spécificité de son port en eau profonde, situé à l’entrée de l’estuaire et pouvant accueillir des navires plus importants. Dartmouth regroupa en 1147 une flotte de 147 navires en partance pour la seconde croisade104. À l’inverse, le port de Totnes est désavantagé par sa localisation de fond d’estuaire qui impose une navigation fluviale réputée difficile, notamment pour les navires à fort tirant d’eau105. Sous l’administration d’Ève de Briouze, cette querelle semble être étouffée par la bienveillance royale, protectrice à l’égard de la jeune veuve. Le seigneur de Darmouth est contraint par le pouvoir royal de respecter les droits de Totnes et de faciliter la circulation vers ce port. Cette affaire disparaît alors des actes de la famille de Briouze. La rivalité entre les deux ports de Totnes et de Darmouth rejaillit ultérieurement, puisque Maryanne Kowaleski observe des disputes entre les bourgeois et commerçants des deux villes106. En prenant contrôle de son douaire, Ève cherche à garantir la position 101 CRR, Hen. III, vol. 15 : 17-21 Hen. III (1233-1237), p. 52-53, no 235 ; p. 304, no 1229 ; p. 319-320, no 1285. 102 Guillaume V de Briouze percevait les coutumes du port de Dartmouth. Le 30 octobre 1224, le roi avait ordonné au shérif du Devon de remettre sans délai à Guillaume les taxes versées par les navires et prélevées sur les marchandises entrant en le port. Ses ancêtres détenaient déjà ces coutumes du temps du roi Henri II, du roi Richard et du roi Jean, jusqu’à la guerre entre le roi Jean et les barons d’Angleterre. Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 2, p. 1. 103 CRR, Hen. III, vol. 15, p. 319-320, no 1285. 104 M. Kowaleski, « Shipping and the carrying trade in medieval Dartmouth », in M.-L. Heckmann et J. Röjrkasten (éd.), Von Nowgorod bis London, V&R Unipress, 2008, p. 466. 105 M. Tranchant, « Les ports maritimes en France au Moyen Âge », Ports maritimes et ports fluviaux au Moyen Âge, La Rochelle, 2004, p. 23. 106 M. Kowaleski, « Shipping… », p. 467.

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d’interface du marché de Totnes, une position nodale étant gage de prospérité économique et donc de revenus pour la jeune veuve douairière. En s’opposant au seigneur voisin, elle veille à l’approvisionnement de son bassin de chalandise. Ce cas illustre une évolution dans le système portuaire de la rivière Dart, puisque la situation de Totnes, originellement choisie dans une stratégie défensive, devient finalement un défaut et une menace à prospérité du site. Son statut de veuve permet à Ève de Briouze de gagner un contrôle relatif sur sa vie et sur ses affaires, qu’elle défend en faisant entendre sa voix devant la justice royale107.

Conclusion : Extinction de la sous-lignée cadette La mort de Guillaume V provoque la fin de la branche cadette de Briouze, issue de Renaud, fils de Guillaume III. De son union avec Ève Le Maréchal naissent quatre filles, mais pas d’héritier mâle, pouvant devenir chef de famille et assurer la perpétuation de la lignée. Le sort de la veuve et des orphelines n’est pas pris en charge par le responsable de la branche aînée, Jean de Briouze, fils de Guillaume IV et petit-fils de Guillaume III. La césure entre les deux lignées est définitive. Les membres de la parentèle paternelle des quatre filles n’interviennent pas pour les protéger ou pour accaparer leurs biens. Les descendants mâles de la branche aînée n’ont aucun droit de regard ou d’héritage sur le patrimoine de la lignée cadette. Le 1er juillet 1250, alors que l’Échiquier réclame à Guillaume VI de Briouze, fils de Jean, 52 livres pour une dette contractée par Guillaume V, fils de Renaud, Guillaume VI refuse de s’acquitter de la somme en affirmant ne pas être l’héritier de Guillaume V, son cousin paternel108. Au cours de la minorité des quatre orphelines, l’administration de leur héritage est d’abord confiée à leurs parents maternels, les frères et le beau-frère d’Ève se succédant à cette charge. Après cette première décennie de contrôle avunculaire, les filles sont séparées et remises à des tuteurs issus de la haute aristocratie qui prennent en charge leur dot et leur sort. Afin de conserver la mainmise sur les terres, les tuteurs marient ces riches héritières à leur fils. La destinée de ces cinq femmes peut être entraperçue à travers les actes de la pratique qui distordent la reconstitution de leur parcours. Leur vie quotidienne est inconnue. Seules les ruptures et les tensions survenues dans leurs vies sont révélées par les sources diplomatiques. Les temps forts, correspondant à leur passage sous l’autorité d’hommes différents, oncles, roi, tuteurs, puis maris, signalent les principales évolutions. Les filles sont rapidement retirées à leur mère qui cherche pourtant à les garder dans son giron. Elle s’oppose au mariage d’Isabelle, puis elle achète la tutelle de sa cadette. Mais le roi préfère utiliser ces filles pour consolider son réseau vassalique, en accordant leur main à son principal ennemi de la marche galloise ou à de grands nobles anglais. La fin de la branche cadette est accentuée par la séparation des héritières et la dispersion des héritages. Cette lignée disparaît en implosant.

107 Alamichel, « Les Veuves… », p. 12. 108 Roberts, Excerpta…, p. 81.

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Fig. 32 : Sarcophage attribué à Ève de Briouze (Prieuré Sainte-Marie, Abergavenny). © Amélie Rigollet, photographies prises le 6 mai 2013

Aucun sentiment d’appartenance à un même groupe familial reliant les filles entre elles ne subsiste. Élevées jeunes dans la famille de leur futur époux, elles en rejoignent la cause. Les querelles d’héritage se multiplient à leur majorité. En l’absence de frère, elles n’ont pas eu à jouer le rôle d’intermédiaire auprès de leur famille d’origine. Elles ne semblent pas avoir entretenu la mémoire d’un passé commun. Au contraire, par un effet de source, le seul contact les réunissant a lieu lors de procès et de jugements royaux qui entérinent le morcellement de l’ancien patrimoine familial. Isabelle apporte Builth au prince du Gwynedd, Mathilde donne Radnor aux Mortemer, Aénor remet Brecon à la famille de Bohun et Ève procure Abergavenny aux Cantilupe. Leur mère, Ève de Briouze, perd son droit de regard sur la destinée de ses filles et sur les terres incluses dans leur dot. Ce constat invite à réfuter une hypothèse reprise par l’historiographie, selon laquelle Ève de Briouze, veuve de Guillaume V, morte en 1246, aurait choisi Abergavenny comme lieu de sépulture109 (Fig. 32). Son douaire inclut les domaines de Hay et de Totnes, il est donc improbable que son sarcophage ait été installé à Abergavenny110. Cette terre est possédée par sa fille Ève. L’éponymie entre mère et fille explique cette confusion. La sépulture d’Abergavenny attribuée à Ève de Briouze mère appartient à sa fille, Ève de Briouze, épouse de Guillaume de Cantilupe. À l’inverse, la supposition selon laquelle Ève aurait établi une cellule à Cornworthy peut être envisagée, puisque ce fief fait partie de l’honneur de Totnes, à environ huit kilomètres au sud-est du château, sur les

109 J. Burton et K. Stöber, Abbeys and Priories of Medieval Wales, Cardiff, 2015, p. 40. 110 M. E. Oakeley, « Ladies’ Costume in the Middle Ages as represented on the Monumental Effigies and Brasses », Transactions of the Bristol and Gloucestershire Archaeological Society, vol. 16, 1891-1892, p. 113. À partir de l’analyse des costumes, elle attribue le sarcophage à Ève de Cantilupe (Plate X). Elle suppose que le tombeau voisin est celui d’Ève de Briouze (Plate IX), à partir d’une légende selon laquelle Ève aurait eu un écureuil comme animal de compagnie. Or cette tombe est celle d’une jeune enfant.

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terres de son douaire (Carte 11)111. Par la suite, cette terre est transmise à Ève de Cantilupe et ses descendants112. Malgré le silence pesant créé par la nature des sources, les parentes de Guillaume V font du bruit. Leur voix se fait entendre113. Elles subissent les choix faits pour elles par les décisionnaires masculins, mais dans l’espace qui leur est accordé, elles affirment leur autorité et revendiquent leurs droits114. Le veuvage accroît ce rayonnement. Ève de Briouze gère seule ses domaines, sans intermédiaire. Elle veille à leur sécurité et à leur exploitation. Mais sa mort passe inaperçue dans les actes, sans que sa mémoire soit honorée par ses filles survivantes ou que sa tombe soit clairement identifiée. À la mort de la figure paternelle, l’unité familiale vole en éclat. En disparaissant, cette branche cadette disperse plusieurs terres majeures du patrimoine familial lentement constitué entre le xie et le début du xiiie siècle. Les différents pôles que représentaient Builth, Radnor, Brecon, Abergavenny, Hay, Totnes, ainsi que plusieurs petites terres annexes liées à ces fiefs principaux, sont définitivement détachés du capital territorial lignager. La branche aînée ne bénéficie pas de cette extinction pour renforcer son patrimoine. La césure est antérieure, les deux groupes familiaux évoluent en parallèle, sans interconnexion. La supra-lignée de Briouze, amputée de la sous-lignée cadette, est grandement diminuée par la perte de ces terres décisives. Mutilée, la famille est durablement affaiblie.

111 S. Thompson, Women Religious. The Founding of English Nunneries after the Norman Conquest, Oxford, 1991, p. 172. H. R. Watkin et E. W. Windeatt, « The Priory for Nuns of St Mary, Cornworthy, Devon », Devon and Cornwall, Notes and Queries, Exeter, 1921, p. 4-5. 112 CPR, vol. 3, p. 228. 113 Référence au titre de l’ouvrage Voix de femmes au Moyen Âge, L. Carruthers (dir.), 2011. 114 K. A. LoPrete, « The Gender of Lordly Women: The Case of Adela of Blois », in Chr. Meek, C. Lawless (dir.), Studies on Medieval and Early Modern Women. Pawns or players?, Dublin, 2003, p. 110.

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Chevaliers au lion (mi-XIIIe siècle – 1326)

Le 4 janvier 1254, Guillaume VI de Briouze honore la mémoire de son épouse Aline et de ses parents, Jean et Marared, en offrant une terre au prieuré de Sele1. Son sceau, rond et de couleur verte, corrobore l’acte de donation (Fig. 33). Équestre, il représente un chevalier en armure passant à gauche, tenant un écu, brandissant une épée et montant un cheval caparaçonné. Le caparaçon et l’écu sont semés de croix croisettées, armoriés de lions rampants orientés vers la gauche2. Il s’agit de la plus ancienne occurrence du lion en tant que figure héraldique des Briouze, en rupture avec les armoiries antérieures de la famille. Chaque seigneur de Briouze avait jusqu’alors son propre emblème. Dans les marges de ses chroniques, Matthieu Paris représente les armoiries de certains Briouze ayant eu une mort notable : l’arrière-grand-père et le grand-cousin de Guillaume VI (Fig. 34). Il esquisse l’écu de Guillaume III, coupé au premier de gueule aux deux gerbes d’or, au second d’azur à une gerbe d’or3. Celui de Guillaume V varie selon les manuscrits, soit de gueule aux quatre piles d’or4, soit parti endenté de gueule et d’azur5. Guillaume VI perpétue la tradition familiale d’armoiries individuelles. L’apparition du lion est relativement tardive dans le processus généralisé d’adoption d’armoiries par l’aristocratie, mouvement amorcé au milieu du xiie siècle. Michel Pastoureau estime que dans les années 1220-1230, la noblesse et l’élite occidentales sont pourvues d’armoiries6. Guillaume VI semble en retard sur son temps. Ce décalage pourrait expliquer le choix du lion, puisqu’il est la figure animalière la plus couramment employée sur les armoiries, apparaissant sur près de 15% d’entre elles7. Dès le xiie siècle, l’adage veut que « Qui n’a pas d’armes porte un lion8. » L’engouement universel pour la figure léonine repose sur des motifs symboliques de puissance, ceux de la royauté, de la force, du courage, de la générosité, de la justice9.

1 Acte non édité : MCA, Crokehurst 3. 2 Sceau : MCA, Greenstead and Stanford 5. 3 Matthieu Paris, Chronica majora, Cambridge, Corpus Christi College, Parker Library MS 16 II, fol. 33. 4 Matthieu Paris, Chronica Maiora II, Cambridge, Corpus Christi College MS 016II, fol. 75v [79v]. 5 Matthieu Paris, Historia anglorum, Londres, British Library, Royal 14 C VII, fol. 116. 6 M. Pastoureau, L’Art héraldique au Moyen Âge, Paris, 2009, p. 34. 7 Pastoureau, L’Art…, p. 99. 8 Pastoureau, L’Art…, p. 100. 9 Pastoureau, L’Art…, p. 101.

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Fig. 33 : Sceau de Guillaume VI de Briouze10. Oxford, MCA, Greenstead and Steanford 5. Dessin © Amélie Rigollet

Le sceau est un objet formé par l’empreinte d’une matrice rigide gravée, apposée sur un support malléable, souvent en cire11. À la fois « source écrite et source figurée12 », il associe généralement une image à une légende d’identification sur son pourtour. Son caractère juridique personnel, mêlant dimensions physiques et morales, fait du sceau un « signe personnel d’autorité et de propriété13 » qui confère une légitimité permanente aux documents sur lesquels il est appliqué. Le sceau permet de clore les lettres, de valider un ordre, de matérialiser une autorité14. Il représente un individu et devient un substitut de pouvoir en son absence. En utilisant comme ses ancêtres un sceau équestre, Guillaume VI de Briouze se représente en chevalier membre 10 N. d. [c. 1254, 4 janvier]. Demeuré appendu à la charte originale, dans un étui de lin. Sceau rond, en parfait état, de 28 mm de diamètre, de cire noire, pendant sur double queue. Droit : Équestre à gauche. Un cheval caparaçonné portant un cavalier vêtu d’une tunique, coiffé d’un heaume cimé, tenant une épée levée de la main droite, et un écu de la main gauche. Le caparaçon et l’écu sont armoriés de lions rampants vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : S’ WILLELMI D’ BREUSE. – Légende au revers : aucune. Remarque : La matrice du sceau est identique pour les empreintes de cire conservées sur quatre actes. Originaux scellés, MCA, Findon 34 ; Crokehurst 3 ; Greenstead and Steanford 5. Original scellé, San Marino, Huntington Library, STG Evidences Box 4, no 5. Photographie : D. J.Power, « The Briouze family in the thirteenth and early fourteenth centuries: inheritance strategies, lordship and identity », Journal of Medieval History, 41:3, 2015, Appendix, p. 359, figure 1. À partir de : Original scellé, San Marino, Huntington Library, STG Evidences Box 4, no 5. 11 M. Pastoureau, Les Sceaux, Turnhout, 1981, p. 21. 12 Pastoureau, Les Sceaux, p. 7. 13 A. Coulon, Éléments de sigillographie ecclésiastique française, Paris, 1934, p. 111. Pastoureau, Les Sceaux, p. 21. 14 D. Dominé-Cohn, « Les sceaux et la représentation du pouvoir. Quelques questions sur les images sigillaires », Questes, no 8, 2006.

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Fig. 34 : Armoiries de Guillaume III et Guillaume V de Briouze selon Matthieu Paris15. Dessins © Amélie Rigollet 1. Armoiries de Guillaume III de Briouze († 1211). Description : Coupé au 1, de gueule aux deux gerbes de blé, coupé au 2, d’azur à une gerbe de blé. Cambridge, Corpus Christi College MS 016II, Matthew Paris, Chronica Maiora II, fol. 29v [33v]. © Domaine Public : 2. Armoiries de Guillaume V de Briouze († 1230). Description : De gueule aux quatre piles d’or. Cambridge, Corpus Christi College MS 016II, Matthew Paris, Chronica Maiora II, fol. 75v [79v]. © Domaine Public : 3. Armoiries de Guillaume V de Briouze († 1230) Description : Parti denché de gueule et d’azur. Londres, British Library, MS Roy. 14 C. VII, Matthew Paris, Historia Anglorum, fol. 116r. © Domaine Public :

d’une lignée de combattants et met en scène sa fonction guerrière à l’origine de son autorité. Il ajoute à cette image patrilinéaire un nouveau marqueur héraldique personnel, le lion.15 Le sceau est une projection du moi volontairement conçue par son émetteur. Le sceau devient une sorte de portrait de l’individu, représentant ses fonctions et valeurs par des figurations, des symboles et des mots. La portée des choix individuels est toutefois limitée puisque la collectivité oblige implicitement à respecter les codes du groupe social d’appartenance16. Entre fragments textuels, figurations et construction en creux, les « autoportraits17 » de Guillaume VI et de Guillaume VII de Briouze

15 Les armoiries des seigneurs de Briouze, renversées, sont placées dans la marge du texte décrivant leur mort. S. Lewis, The Art of Matthew Paris in the Chronica Majora, Berkeley & Los Angeles, 1987, p. 448, p. 450, p. 462. 16 Papin, L’Aristocratie…, p. 84. 17 La notion d’autoportrait, contemporaine, désigne le procédé par lequel un individu s’interroge sur son être et son identité, sur les choix qu’il opère dans sa représentation de lui-même. N. Allet, L’Autoportrait. Méthodes et problèmes, Genève, 2005.

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Fig. 35 : Sceau de Guillaume VII de Briouze18. Aberystwyth, NLW, Penrice & Margam Charter 305. Dessin © Amélie Rigollet

peuvent être reconstitués. L’image publique et personnelle d’eux-mêmes qu’ils choisissent de véhiculer peut être entraperçue.18 Les représentations de soi émises par les deux derniers seigneurs de Briouze évoluent. Celles-ci transparaissent par les sceaux, les titulatures, les formules diplomatiques, ou encore les souscriptions. Elles indiquent les transformations de l’autorité seigneuriale voulues ou subies par les Briouze, variant en fonction des échelles locales ou globales. Comment, à travers la question de l’auto-figuration, les modifications de la puissance familiale sont-elles dévoilées ? Les changements de sceaux révèlent ces métamorphoses. Le 13 avril 1315, alors que son autorité est à son apogée, Guillaume VII de Briouze, fils et héritier de Guillaume VI, appose sur un acte de donation accordé à l’un de ses vassaux, un sceau rond de cire rouge, représentant un profil orienté vers la gauche (Fig. 35). Il pourrait s’agir de l’empreinte sur cire d’une intaille antique ou d’un camée que les médiévaux collectionnaient19, ou d’une bague sigillaire gravée d’un profil dont la production était à la mode au début du Moyen Âge20. Puisque le portrait du sceau de

18 1315, 13 avril. Penrice. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, mutilé sur les côtés, de 25 mm de diamètre, de cire rouge, pendant sur double queue. Droit : Profil d’homme aux cheveux courts, imberbe, orienté vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : SIG’ W[ILLELMI + DE] + BEOVS[A +]. – Légende au revers : aucune. 19 L’intaille est une pierre précieuse gravée en creux, tandis que le camée est sculpté en relief. Ce sont les deux techniques qui composent la glyptique, l’art de graver les pierres fines. 20 E. Babelon, « La glyptique à l’époque mérovingienne et carolingienne », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 39e année, no 5, 1895, p. 398-427.

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Guillaume VII de Briouze est en relief, il s’agit de l’impression sur cire d’une gemme gravée en intaille, technique qui consiste à tailler une pierre en creux. La qualité de la gravure et la finesse des traits du portrait prouvent que l’artisan maîtrisait la technique de l’intaille. L’usage de ce sceau particulier coïncide avec la redécouverte des anneaux gravés en intaille au tournant du xiiie siècle, perçus par l’aristocratie comme un symbole de raffinement21. Il est peu probable que la matrice du sceau ait été conçue comme un portrait, gravée par un artisan ayant observé puis reproduit les traits du visage de Guillaume VII22. La véridicité n’est pas recherchée à l’époque médiévale23. Les choix de représentation opérés par les seigneurs de Briouze reflètent leur adaptation aux circonstances, leur capacité automorphique de renouvèlement face aux pressions endogènes et exogènes subies par leurs seigneuries. Les changements de sceaux mettent à jour ce processus interne. Michel Pastoureau établit la dualité de l’image sigillaire, le sceau étant à la fois porteur de l’autorité juridique du sigillant et sa représentation emblématique24. Au milieu du xiiie siècle, Guillaume VI de Briouze réutilise les codes sigillaires employés par ses ancêtres, à savoir un sceau équestre ceint d’une inscription indiquant le nom de son lignage (SIGILLUM WILLELMI DE BREUSE). La plus ancienne trace de son sceau personnel est associée à un acte émis à la mémoire de ses deux parents. Fier de son ascendance paternelle, il valorise également ses origines maternelles, le rattachant à la maison des princes gallois de Gwynedd. Ses parents assument le double héritage transmis à leur descendance. Vers 1247, Llywelyn – ou Léolin en anglo-normand (lat. Leulino fratre meo) – souscrit un acte de son frère Guillaume VI25. Ce prénom Leulin établit une relation d’éponymie avec le grand-père maternel de Guillaume VI, Llywelyn ap Iorwerth, prince du Gwynedd. Ce prénom gallois intégré au lignage de Briouze est construit sur la racine leo-, plaçant l’individu sous le patronage du lion26. Dans cette perspective, la décision de Guillaume VI d’ajouter tardivement un lion aux armoiries familiales pourrait correspondre à une valorisation de son ascendance matrilinéaire. Les armoiries familiales deviendraient ainsi des armoiries parlantes27.

21 J.-L. Chassel, « De la diplomatique à la glyptique : notes sur l’usage des intailles sigillaires au Moyen Âge », Retour aux sources, Paris, 2003, p. 43-53. L. Macé, « Matrice. L’intaille et le sceau : la question du modèle dans la pratique sigillaire médiévale », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, no 37, 2006, p. 211-220. A. Baudin, « Les intailles dans les sceaux de la maison de Blois-Champagne aux xiie et xiiie siècles : raffinement des élites et phénomène de mode », in J.-L. Chassel (dir.), Les Sceaux, sources de l’histoire médiévale en Champagne, Paris, 2007, p. 117-123. M. Bloche, « Les sceaux des abbés et du convent de la Trinité de Fécamp, xiie-début du xive siècle », Tabularia : Actes épiscopaux et abbatiaux en Normandie et dans le grand Ouest européen, note 83. 22 Sur les pièces de monnaies royales capétiennes, le franc à cheval, le roi n’est pas représenté personnellement, il ne s’agit pas d’un portrait fidèle mais d’une effigie couronnée. 23 Papin, L’Aristocratie…, p. 83-84. 24 M. Pastoureau, « Les sceaux et les fonctions sociales des images », in J. Baschet et J.-Cl. Schmitt (dir.), L’Image. Fonctions et usages des images dans l’Occident médiéval, Paris, 1996, p. 287. 25 Acte non édité : MCA, Findon 34. Power, « The Briouze… », p. 355. 26 M. Pastoureau, « Le sacre du lion. Comment le bestiaire médiéval s’est donné un roi », Une Histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, 2004, p. 52. 27 Chassel, « Le nom… ».

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Cette démarche expliquerait pourquoi Guillaume VI abandonne les armoiries paternelles, fascées de vair (Fig. 29). En choisissant le lion comme figure héraldique, Guillaume VI réunit deux composantes de sa filiation mixte. Il se réfère à ses origines galloises, préservant symboliquement les liens de parenté28. Et il s’inscrit dans une tendance héraldique en vogue dans la Chrétienté occidentale puisque les armoiries au lion remportent un vif succès parmi les aristocrates anglo-normands29. Le chevalier au lion devient le stéréotype du héros chevaleresque et chrétien dans la seconde moitié du xiie siècle30. Dans Yvain ou le Chevalier au Lion31, Chrétien de Troyes décrit l’affirmation progressive du héros découvrant ses qualités chevaleresques, guerrières et morales32. Dans son discours romanesque, le lion occupe la même fonction que dans le discours héraldique : il est le double du sigillant, révélant ses vertus stéréotypées et son ambivalence. Noblesse, force, loyauté, héroïsme, piété, sont les principales valeurs associées à la figure du roi dans le bestiaire héraldique. Les deux derniers seigneurs de Briouze semblent mettre en scène ces caractéristiques dans les sources diplomatiques qu’ils émettent.

La figure du chef : expression de la domination seigneuriale Le sceau certifie l’authenticité de l’écrit, il garantit la validité des décisions contenues dans l’acte, par l’apposition d’un cachet gravé de signes d’autorité33. Sceau équestre, le sceau de Guillaume VI de Briouze représente les attributs de son pouvoir que sont l’épée brandie, signe de commandement victorieux, et le cheval galopant lors de la charge (Fig. 33). Le droit d’user de violence est revendiqué par le noble chevalier sigillant, dont l’autorité repose sur sa pratique de la guerre, sur sa capacité à défendre son territoire et à étendre son influence par les conquêtes militaires. Les actes scellés mettent en évidence une autre attribution aristocratique, celle de veiller sur ses hommes et de gérer les terres placées sous sa domination. Titulatures : signes d’une double identité

L’autorité du seigneur est reconnaissable et reconnue diplomatiquement grâce à la combinaison d’une image et d’une légende, cette dernière indiquant le nom et la titulature du sigillant, sources de son autorité. Guillaume VI de Briouze opte pour

28 M. Nassiet, « Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (xive-xviiie siècle) », L’Homme, t. 34, no 129, 1994, p. 6. 29 Pastoureau, « Le sacre du lion… », p. 52. Pastoureau, L’Art…, p. 101. 30 Pastoureau, « Le sacre du lion… », p. 53-54. 31 Chrétien de Troyes, Yvain ou le Chevalier au Lion, éd. D. Poirion, Paris, 1994, p. 337-503. 32 F. Pomel, « L’effet de miroir dans Le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes » [en ligne], Université de Rennes 2, 1999, disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 33 Dominé-Cohn, « Les sceaux… », p. 13-20.

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une nouvelle titulature, qui diffère de celle de ses ancêtres34. Son père Jean avait été le premier à préciser son titre de seigneur de Gower35. Dans un premier temps, Guillaume VI suit le modèle paternel36. Par la suite, il se désigne également comme seigneur de Bramber. Le seigneur de Briouze prend en considération le lieu d’exercice de son autorité et change sa titulature selon les circonstances. Il adapte sa titulature à l’évolution de son autorité. Finalement, le 16 mai 1273, il adopte une combinaison originale, en se désignant comme « seigneur des honneurs de Bramber et de Gower » (anc. fr. segnour de l’honour de Brembr[e] et de Gujer37). Bien qu’une certaine alternance entre les trois titulatures persiste38, la nouvelle formulation prédomine39. En accédant au pouvoir, Guillaume VII ne rompt pas avec les stratégies mises en place par son père. Il conserve cette nouvelle titulature, et franchit une nouvelle étape en la faisant graver sur un sceau particulier. Le 12 février 1300, Guillaume VII soutient son roi Édouard Ier en apposant son sceau sur la lettre royale adressée au pape, réclamant la pleine possession des droits de la couronne d’Angleterre sur l’Écosse40. En tant que représentant de la communauté du royaume, Guillaume VII semble avoir fait établir une nouvelle matrice de sceau, spécialement utilisée à cette occasion. Le sceau rond ainsi produit est de très grande dimension, de 70 millimètres de diamètre (Fig. 36). Armorié, l’empreinte représente sur un fond finement ouvragé de plantes aux fleurs trilobées, un écu semé de croisettes recroisetées au lion rampant orienté vers la gauche41. Sur le pourtour du sceau est imprimée la légende « Sceau de Guillaume de Briouze, seigneur des honneurs de Bramber et Goher » († S’ WILL’ . DE BR]EO[VS]E . DNI . [H]ONOR . DE . BREMB[RE . DE . GOER]).

34 Les précédents seigneurs de Briouze se désignaient principalement comme « seigneurs de Briouze ». Guillaume III utilise localement le titre de « seigneur de Brecon » (ex. : Banks, Cartularium…, p. 88-90). 35 Clark, Cartae…, vol. 2, p. 477, no 479. 36 Clark, Cartae…, vol. 3 (1271-1331), p. 804-805, no 739. Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 724, L.427 ; p. 753, L.550. 37 Acte non édité : MCA, Buddington 19. 38 Guillaume VI de Briouze se présente comme « seigneur de Gower » (Actes non édités : MCA, Sele 92 ; Sele 53) ou comme « seigneur de Bramber » (Salzman, The Chartulary…, p. 49-50, no 63. Acte non édité : MCA, Sele 92. Stevenson, The Durford…, p. 21-22, no 56). 39 Actes non édités : MCA, Buddington 19 ; Shoreham 51 ; Bidlington and Bramber 21. Power, « The Briouze… », p. 360, no 3, n°4, no 5. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 963-965, no 837 ; p. 1039-1040, no 878. H. Webster (éd. et trans.), « 1306 Swansea Charter » [en ligne], City Witness, 2014, disponible sur (consulté le 27 juin 2020). W. de Gray Birch (éd.), A History of Margam Abbey, Londres, 1897, p. 294. Actes non édités : HCL, no 1311, no 1529 ; BL, Harley CH 47 B 49. 40 H. C. Maxwell-Lyte (éd.), Catalogue of Manuscripts and other Objects in the Museum of the Public Record Office, Londres, 1933, p. 90-92. 41 Sceau, droit : NLW, Penrice & Margam 391c. Fig. 36. Maxwell-Lyte, Catalogue…, p. 90-92. Le revers représente un lion rampant orienté vers la droite, rugissant, qui tient de sa patte antérieure gauche une vouivre.

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Fig. 36 : Reconstitution du sceau de Guillaume VII de Briouze42. Aberystwyth, NWL, Penrice & Margam 391c (à gauche) / Kew, TNA, E 26/1, box 1 G (à droite). Dessins © Amélie Rigollet

En précisant sa titulature, Guillaume VII spécifie sa place et son importance au sein de la communauté du royaume. Il indique précisément les terres sous sa juridiction. L’expression de l’autorité du seigneur varie en fonction des circonstances et des destinataires. Apposé sur une lettre royale destinée à la papauté, le sceau du seigneur de Briouze stipule ses titres, marqueurs de son influence. Guillaume VII utilise un sceau de grande taille, expression symbolique de richesse et de puissance dans un contexte officiel et royal. Pour la gestion quotidienne de ses terres, lorsqu’il s’adresse à ses vassaux ou aux institutions religieuses qu’il patronne, le seigneur de Briouze se contente de sceaux plus modestes, à la titulature simplifiée et à la taille réduite, adaptée à la longueur des informations contenues dans la légende. Par

42 1300, 12 février. Lincoln. TNA, E 26/1, box 1 G. Détaché de la charte originale, conservée dans une boite regroupant plusieurs autres sceaux. Sceau rond, partie supérieure et bordures fortement endommagées, de 70 mm de diamètre, de cire brune, pendant sur cordelette de soie jaune. – Contre-sceau ovale, de 25 mm de longueur et 18 mm de hauteur. Droit : Armorial. Sur un fond finement ouvragé de plantes aux fleurs trilobées, un écu semé de croisettes recroisetées au lion rampant orienté vers la gauche. – Revers : Armorial. Un lion rampant orienté vers la droite, rugissant, tient de sa patte antérieure gauche une vouivre. Sous les pattes du lion, une croix pattée. Légende au droit : [† S’ WILL’ . DE BR]EO[VS]E . DNI . [H]ONOR . DE . BREMB[RE . DE . GOER]. – Légende au revers : aucune. Photographie publiée : Th. E. Scott-Ellis, 8th Baron Howard de Walden, Some feudal lords and their seals, 1301, Londres, 1904, p. xvii-xxv. NLW, Penrice & Margam 391 c. Sceau rond, intact mais au relief estompé, de 75 mm de diamètre, de cire verte. Droit : Armorial. Sur un fond finement ouvragé de plantes aux fleurs trilobées, un écu semé de croisettes recroisetées au lion rampant orienté vers la gauche. – Revers : non visible. Légende au droit : † S’ WILL’ . DE BREOVSE . DNI . HONOR . DE . BREMBRE . DE . GOER. – Légende au revers : aucune. Ce sceau est détaché d’une charte originale aujourd’hui disparue. Ce sceau isolé est enchâssé dans une protection moderne en métal.

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contre, sa titulature est constamment rappelée dans la suscription des actes43, ce qui contrebalance son absence dans les légendes sigillaires. Les seigneurs de Briouze précisent uniquement leur statut de « seigneur des honneurs de Bramber et de Gower » pour les actes généraux, nécessitant l’affirmation de leur autorité pleine et entière, comme pour le sceau du 12 février 1300 (Fig. 2). Les changements de titulature révèlent l’alternance de mode de gouvernement, entre cas locaux et affaires globales. En listant les occurrences, la titulature complète semble adoptée dans plusieurs types de situation. Ils l’utilisent dans une moindre mesure lorsqu’ils s’adressent à des maisons monastiques44. Ils l’emploient majoritairement pour contacter leurs vassaux45. Enfin, les seigneurs de Briouze ont recours à leur titulature entière pour exprimer la force de leur décision, lorsqu’ils effectuent une donation, confirment une résolution ou formulent un ordre46. La dualité du titre induit-elle une gestion territoriale conjointe ? Autrement dit, les domaines de Bramber et de Gower sont-ils administrés simultanément ou consécutivement ? L’étude des actes de la famille de Briouze ne met à jour aucun acte prouvant une gestion concomitante de ces deux honneurs 47. La conduite des affaires de l’honneur de Bramber et des terres du Sussex semblent davantage préoccuper les seigneurs de Briouze que leurs terres du Gower48. Mais une observation plus fine met en évidence un basculement, opéré lorsque Guillaume VII accède au pouvoir. Alors que les actes de son père étaient surtout rédigés à Bramber, Findon ou Knepp49, il préfère les émettre depuis Swansea et Oystermouth. Entre le père et le fils, Guillaume VII a émis les trois quarts des actes relatifs au Gower. Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce glissement vers l’ouest. Le 21 mars 1291, Guillaume VII de Briouze et sa belle-mère Marie, veuve de Guillaume VI, parviennent à un accord au sujet du douaire concédé à Marie. Les 43 Cette formule de légitimation décline l’identité de l’auteur de l’acte et inclut son nom, ses titres et une éventuelle formule de dévotion. 44 de Gray Birch, A History…, p. 294. 45 Banks, Cartularium…, p. 88-90. Acte non édité : MCA, Shoreham 51. Power, « The Briouze… », p. 360, no 3, no 4, no 5. Actes non édités : HCL, no 1311, no 1313, no 1529. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 965-966, no 838 ; p. 1039-1040, no 878. 46 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 963-965, no 837. Webster, « 1306 Swansea Charter ». Acte non édité : BL, Harley CH 47 B 49. Loyd et Stenton, Sir Christopher…, p. 217-218, no 315. À l’inverse, les cas où ils emploient la forme abrégée, soit seigneur de Gower, soit seigneur de Bramber, sembleraient liés à une intervention locale, en tant qu’intermédiaire extérieur ou comme confirmateur d’une décision antérieure. Cette hypothèse reste fragile, compte tenu du nombre réduit de cas, qui ne permet pas d’établir des statistiques et de comparer les résultats. 47 La seule mention commune est due à la levée d’un écuage destiné à financer l’armée royale en Écosse. Guillaume VII de Briouze reconnaît tenir du roi en chef l’honneur de Bramber contre 1,5 fief de chevalier, et l’honneur de Gower contre un fief de chevalier. 48 La gestion du Sussex concerne environ 70 actes, contre une cinquantaine pour le pays de Galles. 49 Acte non édité : MCA, Findon R. CIPM, Edw. I, vol. 2, p. 182, no 311 (à Bramber). Actes non édités : MCA, Sele 92 ; Sele 53 (à Findon). Actes non édités : MCA, Crokehurst 3 ; Buddington 19 ; Shoreham 51 ; Bidlington and Bramber 21 ; Sele 81 (à Knepp). Power, « The Briouze… », p. 360, no 3 (à Oystermouth).

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manoirs qu’elle reçoit sont tous situés dans le Sussex50. Surtout, elle est autorisée à résider au château de Bramber entre la Saint-Michel (29 septembre) et Pâques, c’est-à-dire pendant la période hivernale. Cette alternance biannuelle entre la veuve et son beau-fils perdure jusqu’en 1326, année de leur décès51. Cela signifie que pendant toute la durée de son règne, Guillaume VII de Briouze ne put séjourner à Bramber que la moitié de l’année, au cours des mois d’été. Or, cette période estivale coïncide avec les temps de combat, les guerres étant surtout menées au cours de ces moments climatiques plus favorables. Ses absences profitent d’ailleurs à ses rivaux qui pillent ses domaines du Sussex. En séjournant principalement au pays de Galles, Guillaume VII veut asseoir son autorité dans une région troublée, où les revendications de ses vassaux et des Gallois sont plus denses. Le changement de titulature peut être un signe de cette adaptation seigneuriale à la fragilisation de son autorité. Pour une raison inconnue, au début du xive siècle, la suscription de certains actes indique le titre de « seigneur de Landimore ». Or Landimore (lat. Landimôr) est un fief situé au cœur de la péninsule du Gower, qui apparaît dans les archives familiales à la fin du xiiie siècle. Depuis 1200, les Briouze possèdent l’ensemble de la péninsule du Gower52. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard, dans le dernier tiers du xiiie siècle, qu’un acte mentionne l’existence de Landimore (Fig. 37). Guillaume VI, fils de Jean, donne à Meuric Coyk, pour son hommage et service, 10 acres de terre dans son manoir de Landimore, situées entre Penmenud et Pantglas. En échange, Meuric Coyk s’acquitte annuellement d’un loyer symbolique : une guirlande de roses53 (lat. unum sertum rosarum). Après une absence de plusieurs années, Landimore réapparaît dans les actes de la pratique au tournant du xive siècle. Le 31 mai 1300, depuis son château de Swansea, Guillaume VII de Briouze, seigneur de Bramber et Gower, donne à Philippe de Landimore, selon la loi anglaise, 7 acres de terre dans le fief de Landimore, qui appartenaient à Madoc ap Ririd. Guillaume appose son sceau, aujourd’hui perdu, sur cette donation54. Cet acte laisse apparaître l’inféodation morcelée du fief de Landimore, dont des parcelles de terres sont confiées à différents vassaux.

50 Elle reçoit les manoirs de Findon, Washington, Sedgwick, Grinstead, King’s Barn, Beeding et Bidlington, excepté les droits sur la baronnie de Bramber, conservés par Guillaume. Elle reçoit une grange au château de Bramber pour entreposer son grain. Par contre, si la maison du château brûle par la faute d’un membre de sa maisonnée, elle devra la reconstruire à ses propres frais (CCR, Edw. I, vol. 3, p. 196). 51 L’inventaire des terres de Guillaume VII de Briouze, suite à son décès, est mené le 1er mai 1326 (CIPM, vol. 6, Edw. II, p. 435, no 701). Celui de Marie, veuve de Guillaume VI de Briouze, est réalisé le 23 mai 1326 (CIPM, vol. 6, Edw. II, p. 435-436, no 702 ; p. 458-459, no 723). 52 Clark, Cartae…, vol. 2, p. 254, no 253. 53 Acte non édité : NLW, Penrice & Margam Charter 1561 ; HCL, no 1313. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1027-1028, no 870. A. Rigollet, « La rose comme gage vassalique : l’exemple des Briouze, seigneurs du Gower », CCM, n°63/1, 2020, p. 3-18. 54 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 965-966, no 838.

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Fig. 37 : Landimore Castle (Bovehill Castle), reconstruit au xve siècle55. © Amélie Rigollet, 8 mai 2013, photographie prise avec l’accord du propriétaire du site

En 1315, la situation évolue. Le 14 janvier, à Landimore, Guillaume de Briouze émet un acte sous le titre de « seigneur de Landimore ». Il s’agit du fils de Guillaume VII, l’homonymie rendant confuse l’identification56. Guillaume VIII est associé au pouvoir par son père qui lui octroie une portion de la seigneurie familiale57. Le 14 janvier 1315, Guillaume VIII de Briouze donne à Robert de Penrice, 1 chevalier, une ½ acre de terre à Penmunyth58, dans le fief de Landimore. Comme précédemment, Robert et ses héritiers verseront annuellement une rose pour loyer59. Le même jour, réutilisant la même titulature, Guillaume VIII émet un nouvel acte en faveur de Robert de Penrice. Il lui remet toute la terre que possédait Dafydd ap Ouwel à Reuroz, dans le fief de Landimore. Robert et ses héritiers verseront annuellement 2 deniers pour tout service. Pour cette charte, Robert verse 4 marcs d’argent60. Le 13 avril de la même année, depuis Penrice61, à une dizaine de kilomètres au sud de Landimore, dans le Gower, Guillaume VIII établit un troisième acte en faveur de Robert de Penrice. Il reçoit une terre pour construire un barrage62. Enfin, le même jour, Guillaume établit un cinquième acte en faveur de son vassal. Robert de Penrice obtient plus de 6 acres

55 Landimore Castle (Bovehill Castle) a été reconstruit au xve siècle par Sir Hugh Johnys sur le site d’une ancienne fortification. 56 Un doute subsiste quant à son identité. Oxford, MCA, Sele A, sur papier, c. 1450 : selon cette généalogie, Guillaume [VIII] serait le fils de Guillaume VI de Briouze et de Marie de Ros. 57 Power, « The Briouze… », p. 351. 58 Il s’agit probablement du même toponyme que Penmenud (Acte non édité : NLW, Penrice & Margam Charter 1561). 59 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1021-1022, no 865. 60 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1022-1023, no 866. 61 The Royal Commission on Ancient and Historical Monuments of Wales, An Inventory of the Ancient Monuments in Glamorgan, vol. 3, Part 1a, Medieval Secular Monuments, The Early Castles from the Norman Conquest to 1217, Londres, 1991, p. 115. A. Pettifer, Welsh Castles. A Guide by Counties, Woodbridge, 2000, p. 105-106, « Penrice castle ». Papin, L’Aristocratie…, p. 139-140. 62 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1026-1027, no 869.

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Fig. 38 : Vue depuis le promontoire élevé de Landimore63. © Amélie Rigollet, 8 mai 2013, photographie prise avec l’accord du propriétaire du site

de terre arable, de prairie et de bois, libres de droits et coutumes, à Wynfroyd, dans le fief de Landimore 64 (Fig. 38). La titulature adoptée par les Briouze est révélatrice de leurs stratégies territoriales. La formule « seigneur des honneurs de Bramber et de Gower » traduit la bipolarisation de leur patrimoine et masque la propriété de terres dans d’autres régions. Daniel Power remarque que l’un des frères de Guillaume VI, prénommé Jean [III], reçoit des titres de propriétés à Buckingham, Glasbury, et dans le Shropshire65. Ces subdivisions et redistributions aux frères ou cadets correspondent à des territoires secondaires, hors des deux pôles principaux. À l’inverse, Guillaume VIII, en tant que fils aîné de Guillaume VII, est associé au pouvoir seigneurial de son père : il reçoit le titre de « seigneur de Landimore » et une portion du Gower, l’un des deux pôles seigneuriaux majeurs. 63

Changer de sceau : un geste d’accommodation

Au cours de sa vie, Guillaume VII utilise cinq sceaux différents. Les changements de matrice correspondent généralement à des modifications de positionnement social. Un même sceau réapparaît régulièrement66, en alternance avec trois sceaux 63 64 65 66

Panorama sur la baie de Carmarthen et les marais salants à l’ouest de la péninsule du Gower. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1027-1028, no 870. Power, « The Briouze… », p. 348. Sceaux : Power, « The Briouze… », p. 360, no 5 ; Acte non édité : HCL, no 1313. Le 14 août 1280 à Knepp (Acte non édité : MCA, Bidlington and Bramber 21), le 6 juillet 1296 (Power, « The Briouze… », p. 360, no 4), le 24 avril 1302 à Oystermouth (Power, « The Briouze… », p. 360, no 5), le 30 avril 1311 à Margam (Acte non édité : HCL, no 1313), le 12 mai 1316 à Knepp (Acte non édité : MCA, Bidlington and Bramber 11), le 23 octobre 1319 à Wellington (Acte non édité : BL, Harley CH 47 B 49) et le 22 juin 1324 à Knepp (Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1127, no 921) et à une date inconnue, avant 1326 (Acte non édité : BL, Harley CH 56 D 28).

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Fig. 39 : Variation d’un même motif sigillaire de Guillaume VII (HCL, 131267 et 131368). Dessins © Amélie Rigollet

ponctuels. Ce sceau principal représente les armoiries de Guillaume, sur un fond finement quadrillé, par un losange semé de croix croisetées au lion rampant orienté vers la gauche (Fig. 39). Mais Guillaume VII ne fait que reprendre un sceau paternel, déjà utilisé en mars 1282, à Findon, par Guillaume VI de Briouze, fils de Jean (lat. Willelmus de Breuse, dominus de Brembre, filius et heres Johannis de Breuse)69.676869 Ce réemploi rompt avec le principe selon lequel le sceau est un objet personnel, détruit à la mort de l’individu qu’il représente. La légende sigillaire, simple (S’ WILLELMI DE BREUSE), et le lien d’éponymie entre père et fils permettent cette reprise, symbole de la continuité du pouvoir seigneurial. La matrice du sceau est probablement refaite à un moment donné, puisque le relief du sceau est plus précis, 67 1302, 24 avril. Oystermouth. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, intact, de 25 mm de diamètre, de cire rouge, pendant sur double queue. Droit : Armorial. Losange croiseté, au lion rampant orienté vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : + S’ WILLELMI DE BREUSS’. – Légende au revers : aucune. Remarque : La matrice du sceau est identique à celle utilisée le 6 juillet 1296 pour l’acte original scellé, University of Nottingham, Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2563/3. 68 1311, 30 avril. Margam. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, bordures partiellement effritées, de 27 mm de diamètre, de cire verte, pendant sur double queue. Droit : Armorial. Sur un fond finement quadrillé, un losange semé de croix croisetées au lion rampant orienté vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : + S’ WILLE[LM]I . DE . BREA[VS]SE +. – Légende au revers : aucune. Remarque : La matrice de ce sceau est identique à celle utilisée en mars 1282 à Findon. Ce sceau de cire conservé à Madgalen College Archives, à Oxford (Sele 53) est brisé sur sa partie gauche. Le dessin utilise la version plus complète de Hereford (no 1313). Il s’agit donc d’un cas de transmission du sceau entre père et fils. Plusieurs sceaux sont imprimés par la même matrice : MCA, Bidlington and Bramber 21 (14 août 1280) ; MCA, Sele 53 (mars 1282) ; HCL, no 1313 (30 avril 1311) ; MCA, Bidlington and Bramber 11 (12 mai 1316) ; BL, Harley CH 47 B 49 (23 octobre 1319) ; BL, Harley CH 47 B 70 (22 juin 1324), BL, Harley CH 56 D 28 (avant le 1er mai 1326). 69 Acte non édité : MCA, Sele 53.

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Fig. 40 : Château de Oystermouth. © Amélie Rigollet, photographie prise le 26 avril 2013

avec l’apparition de quatre besants sur le fond quadrillé, la légende différant de facture. Le réemploi n’est donc pas fait par soucis d’économie, mais par volonté de préserver l’autorité du lignage. L’usage de ce sceau est continu, parallèlement à une alternance ponctuelle d’autres sceaux. Le mercredi 10 avril 1314, Guillaume VII de Briouze, seigneur de l’honneur de Bramber et de Gower, octroie à Jean Iweyn le droit de construire un moulin et une retenue d’eau dans le fief d’Oystermouth70 (Fig. 40), et de dévier la rivière pour l’actionner. Cette charte de donation accordée à un vassal est scellée sur double queue, par un sceau rond de cire noire de vingt-cinq millimètres de diamètre, représentant un oiseau de profil, orienté vers la gauche, dévorant une proie de forme oblongue qu’il tient entre ses serres (Fig. 41). L’identification de l’oiseau est problématique, car il n’applique pas les codes du blason. L’aigle, oiseau fréquemment employé dans les armoiries, est toujours représenté de front et la ramure étendue71. Combattant le serpent, l’aigle prend une dimension religieuse, symbole de la lutte du Bien contre le Mal. Guillaume VII revaloriserait alors son image en sélectionnant un symbole de puissance, de combativité et de piété.

70 Au xiie siècle, Oystermouth appartenait à la famille de Londres. Les raisons de sa transmission aux Briouze sont inconnues, suite possible du mariage de Gautier [II] de Briouze et d’Hawise de Londres. Papin, L’Aristocratie…, p. 155. Le premier acte émis par les seigneurs de Briouze à Oystermouth date du 27 août 1281 (Power, « The Briouze… », p. 360, no 3). Oystermouth avoisine Swansea, dans le prolongement de la baie de Swansea. Le château d’Oystermouth, qui domine la baie depuis un promontoir, devient une résidence estivale des seigneurs de Briouze. 71 M. Pastoureau, « Quel est le roi des animaux ? », Le Monde animal et ses représentations au Moyen Âge (xie-xve siècles). Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 15ᵉ congrès, Toulouse, 1984, p. 141.

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Fig. 41 : Sceau de Guillaume VII de Briouze72. Hereford, HCL, no 1311. Dessin © Amélie Rigollet

L’acte scellé d’un oiseau, daté du 10 avril 1314, s’insère dans une série de concession en faveur de Jean. Ce sceau est utilisé pour régler une affaire liée à l’honneur du Gower, indice permettant d’identifier l’oiseau et sa proie. L’adoption d’un nouveau sceau pourrait être liée à l’évolution des relations entre le seigneur Guillaume et ses hommes du Gower et de Swansea. Le vendredi 12 novembre 1305, une commission est réunie à Swansea pour étudier les pétitions d’hommes de Gower et Swansea, tenants de Guillaume VII de Briouze. Ils accusent leur seigneur de diverses infractions concernant la juridiction des cours de justice73. Le vendredi 21 janvier 1306, un jury est assemblé pour juger diverses offenses commises par Guillaume VII de Briouze à l’encontre de ses tenants du Gower et de la ville de Swansea74. Le jeudi 24 février 1206, à Swansea, Guillaume accorde diverses libertés à ses hommes anglais et gallois de son comté anglais du Gower75.

72 1314, mercredi 10 avril. Oystermouth. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, intact mais au relief très estompé, de 25 mm diamètre, de cire noire, pendant sur double queue. Droit : Armorial. Oiseau de profil, orienté vers la droite, dévorant un poisson, qu’il tient entre ses serres. – Revers : aucun. Légende au droit : [† S’ † W † I † L † L] † E † M † I † [D † E † B † R † E † U † S] † . 73 CPR, Edw. I, vol. 4, p. 407. 74 CPR, Edw. I, vol. 4, p. 472. 75 Webster, « 1306 Swansea Charter ». Cet acte est scellé, mais l’état très dégradé du sceau rend impossible son identification. Seule la forme en losange de son sceau habituel est reconnaissable, mais est placée cette fois en contre-sceau.

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À cette période, la ville de Swansea adopte des armoiries, concédées par Guillaume de Briouze vers 131676. Celles-ci ont disparu, mais en 1922, le College of Arms établit les armoiries officielles de la ville de Swansea77. Elles sont couronnées d’un osprey78, ou balbuzard pêcheur (lat. Pandion haliaetus) tenant dans son bec un poisson. Le sceau employé par Guillaume VII de Briouze en 1314 représente ce rapace diurne, en hommage au lien étroit qu’il entretient avec les bourgeois de Swansea et la péninsule du Gower. Swansea (gall. Abertawe79) se situe à l’embouchure de la rivière Tawe, qui se jette dans la baie de Swansea. Le balbuzard pêcheur est généralement présent à l’estuaire des fleuves, privilégiant les points d’eau douce ou les eaux saumâtres. En choisissant ce symbole, Guillaume VII se réfère à la fois à la situation géographique de sa seigneurie, tournée vers la mer, mais aussi à son goût prononcé pour la chasse80. La chasse, un loisir noble

La chasse, pourvoyeuse de viande de gibier81, est une activité réservée à l’aristocratie, à la fois perçue comme un divertissement et une occupation prestigieuse. La chasse est une distraction ritualisée, un temps de sociabilité reflétant les hiérarchies, mais aussi un sport renforçant la cohésion des guerriers, stimulant la compétition et entraînant au combat. Vaincre une bête sauvage apporte la gloire. Progressivement, l’Église tente de modeler cette pratique aristocratique qu’elle ne peut supprimer82. Les textes cynégétiques, datant surtout du xive siècle, mettent en lumière une inversion de primauté, le délaissement du sanglier au profit du cerf83, changement justifié par la valeur morale et symbolique accordée à l’animal chassé.

76 Cette concession n’est pas précisée par les actes de la famille de Briouze, mais cette date est retenue par la ville de Swansea comme la première occurrence de leurs armoiries. City and County of Swansea, « Coat of arms » [en ligne], disponible sur  (consulté le 27 juin 2020) : « Gules, a Castle double-towered Argent, in the gateway a portcullis half-down or ; on each tower a banner bearing the Arms of de Breos, viz. Argent, a lion rampant crusilly or. In chief on a shield or an Osprey rising regardant with a fish, the tail-end in its beak, both proper ». 77 « Per Fess wavy Azure and barry wavy of six Argent, of the first a double-towered Castle or, in Chief on an Inescutcheon of the third a Lion passant guardant Gules ; And for the Crest, On a Wreath of the Colours an Osprey rising holding in the Beak a Fish proper ; Supporters : on the dexter side a Lion Gules gorged with a Mural Crown or, and on the sinister side a Dragon Gules gorged with a Mural Crown or. The motto is ‘Floreat Swansea’ ». 78 Ospreys est d’ailleurs le surnom donné à l’équipe de rugby de la ville. 79 Aber désigne en gallois l’estuaire, « la bouche de la rivière » (angl. river mouth). Abertawe signifie littéralement en gallois « la bouche de la rivière Tawe ». 80 Pastoureau, « Quel est le roi… », p. 140. Surnommé fishey hawk en anglais, ou « faucon à poissons », le balbuzard pêcheur pourrait être l’une des rares – possiblement unique – occurrences d’un oiseau de ce type sur un sceau. 81 Acte non édité : TNA, SC 8/195/9742. CPR, vol. 4, Edw. I, p. 286. 82 M. Pastoureau, Une Histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, 2004, p. 76-77. 83 Pastoureau, Une Histoire…, p. 68-70.

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Les cervidés sont objets d’attention, parfois présents royaux84. Le 14 avril 1242, le roi Henri III ordonne au parquier d’Havering de laisser Guillaume VI de Briouze entrer dans ce parc pour y prélever 40 daims85. Plus tard, le 18 août 1252, le roi autorise à nouveau Guillaume à prélever 2 daims dans la forêt royale de New Forest, dans le Hampshire86. Édouard Ier accorde à Guillaume VI le droit de prélever 2 daims dans la forêt royale de Wyttelwode, le 20 juillet 128187. Ces présents royaux sont accordés pour permettre au seigneur de Briouze de renouveler son parc88. Plus petit que le cerf, le daim est recherché pour son cuir, pouvant être utilisé pour fabriquer des gants89 et autres vêtements. Lorsque les actes énumèrent le gibier possédé par les seigneurs de Briouze, le cerf est systématiquement référencé, en tête de liste90. Au xiiie siècle, en France et en Angleterre, sous l’influence de l’Église, les chasseurs aristocratiques perçoivent le cerf comme une créature christologique91. Parallèlement à cette proie prisée, d’autres gibiers alimentent la table seigneuriale. Deux actes, émis en 1290 et 1295, énumèrent les animaux chassés, à savoir « cerfs, lièvres, lapins et perdreaux92 », et « cerfs, lièvres, lapins, faisans, hérons, jeunes hérons et les poissons des pêcheries93. » La chasse du lapin, moins prestigieuse, fournit en abondance nourriture carnée et fourrure. Robert Delort note que le lapin vit sur un territoire restreint, son terrier creusé dans un sol léger94. Cette donnée zoologique expliquerait la distinction inscrite dans les actes de la pratique, séparant les réserves de chasse des garennes. Les garennes sont nombreuses, indice d’une consommation abondante de la chair de lapin et de lièvres, élevés en semi-liberté dans des espaces délimités. Le 18 septembre 1281, Édouard Ier accorde à Guillaume VI de Briouze et à ses héritiers une dizaine de libres garennes dans leurs domaines du Sussex et du Surrey95. Cervidés et léporidés sont chassés à courre, à l’aide de meutes de chiens96. Le lévrier était généralement privilégié pour la chasse au lapin. Le 24 avril 1302, Jean Iweyn s’engage à remettre annuellement à son seigneur un collier pour lévrier contre le village de Loughor, dans la péninsule du Gower97. Quant aux oiseaux, hérons, perdrix 84 Les demi-frères de Guillaume VI, Jean [III] de Briouze et Guillaume de Briouze, évêque de Llandaff, reçoivent également des daims. CR, Hen. III, vol. 8, p. 338 ; vol. 9, p. 19, p. 244-245. CR, Edw. I, vol. 1, p. 309. 85 CR, Hen. III, vol. 4, p. 412. 86 CR, Hen. III, vol. 7, p. 142. 87 CCR, vol. 2, Edw. I, p. 96. 88 CR, Hen. III, vol. 9, p. 244-245. 89 CIPM, vol. 5, Edw. II, p. 192-193, no 344 ; vol. 6, Edw. II, p. 435-436, no 702 ; p. 458-459, no 723. CCR, vol. 4, Edw. II, p. 615. 90 CPR, Edw. I, vol. 2, p. 401 ; vol. 3, p. 164, p. 464 ; Edw. II, vol. 2, p. 598. 91 Pastoureau, Une Histoire…, p. 75. 92 CPR, Edw. I, vol. 2, p. 401. 93 CPR, Edw. I, vol. 3, p. 164. 94 R. Delort, « Les animaux en Occident du xe au xvie siècle », Le Monde animal et ses représentations au Moyen Âge (xie-xve siècles), Toulouse, 1984, p. 33-34. 95 CChR, vol. 2, Henry III-Edward I, p. 255, no 24. 96 Salzman, The Chartulary…, p. 49-50, no 63. 97 Power, « The Briouze… », p. 360, no 5.

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et faisans, ceux-ci sont chassés au vol, avec des rapaces, faucons ou éperviers98. Les poissons, nourriture maigre des jours de jeûne, sont élevés dans des pêcheries dont certaines sont offertes au prieuré de Sele99. Les moines du prieuré de Sele, rattaché au domaine de Bramber, élèvent les jeunes chevaux, les jeunes chiens de meute et harriers pour leur seigneur Guillaume100. Si les moines de Sele assistent le seigneur de Briouze dans la pratique de ses loisirs, ceux-ci confient la gestion de leur chasse à un veneur101, officier curial chargé d’administrer les réserves et de veiller à l’entretien de l’équipage. Le 17 juin 1316, Guillaume VII de Briouze donne à son veneur Guillaume, à son épouse Jeanne et à leurs héritiers, le droit de chasser librement dans sa garenne de Pennard, dans la péninsule du Gower, ainsi que le droit de commercer librement dans son domaine de Gower102. Cela signifie que le seigneur du Gower autorise son veneur à chasser et à revendre le produit de ses chasses. À travers ces actes, la viande apparaît comme l’aliment prédominant des tables aristocratiques, fourni par les nobles eux-mêmes, accompagné par les produits issus du travail agricole des tenanciers, notamment de pain103. Selon Anita GuerreauJalabert, il convient de relativiser le lien entre chasse et consommation alimentaire, puisque la consommation de venaison est moindre que celle de la viande d’élevage104. L’abondance des actes relatifs à la chasse serait un effet de source, reflet de l’intérêt accordé par les seigneurs de Briouze à cette pratique, leur permettant de mettre en scène leur technique de combat et leur opulence. Les seigneurs de Briouze possèdent une forêt, désignée dans les actes sous le terme de forêt de Saint-Léonard, ou réserve de chasse105. La chasse à courre se pratique sur de grands espaces, les territoires forestiers sont progressivement monopolisés par les rois et l’élite aristocratique106. Guillaume de Briouze dispose d’un territoire convoité. Cartographiés, les différents territoires de chasse apparaissent comme concentrés autour du château de Bramber, lieu de villégiature privilégié de Guillaume VI (Carte 12). Guillaume préserve jalousement les limites géographiques de ses réserves. En 1275, un mandement royal régule les entrées du parc de Trenley. En effet, pendant 5 ans,

98 Le 18 décembre 1259, Henri III demande au gardien des éperviers royaux de remettre à Jean [III] de Briouze, comme présent du roi, un jeune épervier encore jaune de duvet (CR, Hen. III, vol. 10, p. 227). En 1305, Guillaume VII de Briouze donne des faucons au roi. M. Prestwich, Edward I, New Haven & Londres, 1997 [1e éd. 1988], p. 115. 99 Actes non édités : MCA, Bidlington and Bramber 21 ; Sele 53. 100 Salzman, The Chartulary…, p. 49-50, no 63. 101 Un certain Jean le veneur est cité comme mandataire de Guillaume VI de Briouze, le 16 mai 1273 (Acte non édité : MCA, Buddington 19). 102 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1039-1040, no 878. 103 Les moulins sont souvent mentionnés dans les actes (ex. : Stevenson, The Durford…, p. 21-22, no 56. Actes non édités : HCL, no 1311, no 1529). 104 A. Guerreau-Jalabert, « Aliments symboliques et symbolique de la table dans les romans arthuriens (xiie-xiiie siècles) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 47ᵉ année, no 3, 1992, p. 568-570. 105 ex. : Acte non édité : MCA, Greenstead and Stanford 5. 106 Pastoureau, Une Histoire…, p. 71.

Carte 12 : Territoires de chasse des derniers seigneurs de Briouze

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Guillaume avait fermé la chaussée commune conduisant de Cantorbéry à Stodmarsh à travers son parc de Trenley, arrêtant ainsi la circulation des hommes107. Si Guillaume de Briouze défend sévèrement l’accès à ses territoires de chasse, c’est que les intrusions indésirables sont nombreuses. En 1278, des braconniers s’introduisent dans le parc de Knepp108. Ils sont sévèrement punis, plus rudement que s’ils avaient été jugés selon la loi du royaume. Le seigneur protège ses prérogatives et il affirme son hégémonie territoriale par la délimitation spatiale d’un lieu réservé à ses loisirs109. Le 27 mai, le roi rappelle au shérif du Sussex la loi concernant les violations de propriétés, parcs et pêcheries, ainsi que les peines encourues. L’archevêque de Cantorbéry, Guillaume VI de Briouze et la prieure de Rusper sanctionnent Martin et Richard Heyne pour avoir braconné dans le parc de Knepp appartenant à Guillaume de Briouze. Ils décident d’expulser leurs femmes et leurs enfants et de saisir tous leurs biens meubles. À l’encontre de cette justice seigneuriale perçue comme trop sévère, le roi ordonne la restitution de leurs possessions110. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Le 27 avril 1279, Édouard Ier exige que Raoul de Sandwich libère Martin Heynes et son frère Richard, détenus à la prison épiscopale de Maydenestan, dépendant de l’archevêque de Cantorbéry. Ils ont été enfermés pendant un an et un jour et ils ont dû payer une amende pour s’être introduits illégalement dans le parc de Knepp appartenant à Guillaume VI de Briouze. Après cela, Guillaume de Briouze s’estime satisfait, l’affront ayant été réparé111. Les paysans accusés ont sans doute fait appel à la cour de justice royale, perçue comme moins sévère, pour infirmer la sentence seigneuriale. Le conflit juridictionnel entre les tribunaux seigneuriaux et royaux apparaît en arrière-plan. Les lourdes sanctions seigneuriales à l’encontre des braconniers ne sont cependant pas toujours dissuasives. Le 9 juin 1290, une commission est réunie pour juger les personnes s’étant introduites dans les parcs, les réserves de chasse et les garennes de Guillaume VI de Briouze dans les comtés du Sussex et du Surrey, emportant cerfs, lièvres, lapins et perdreaux112. La suite de ce cas est inconnue, mais intervient probablement au moment du décès de Guillaume VI, le pouvoir seigneurial étant fragilisé en cette période de transition. Si Guillaume VI avait réussi à maintenir les braconniers à l’écart, son fils est quant à lui victime de nombreuses infractions. Le 1er septembre 1295, une commission est instaurée à l’encontre des personnes qui pénétrèrent dans la réserve de chasse de Guillaume VII de Briouze, en la forêt de Saint-Léonard, dans ses parcs de Knepp et de Bewbush (lat. Beaubusson), dans ses garennes de sa baronnie de Bramber. Guillaume était alors au pays de Galles au service du roi et sous sa protection. Lors de

107 B. Jones (éd.), The Kent Hundred Rolls, 2007. 108 CPR, Edw. I, vol. 1, p. 287. 109 I. Mathieu, Les Justices seigneuriales en Anjou et dans le Maine à la fin du Moyen Âge : institutions, acteurs et pratiques, Thèse de doctorat, Université d’Angers, 2009, vol. 1, p. 60-62. A. Rigaudière, « Le droit de chasse dans la France du Moyen Âge », L’État et la Chasse, Paris, 2002, p. 6. 110 CCR, Edw. I, vol. 1, p. 457-458. 111 CFR, Edw. I, vol. 1, p. 110. 112 CPR, vol. 2, Edw. I, p. 401.

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l’effraction, des arbres furent coupés, des cerfs, des lièvres, des lapins, des faisans, des hérons, de jeunes hérons furent tués, leurs nids détruits et les poissons des pêcheries, pêchés113. Le 2 avril 1299, une nouvelle commission est réunie pour répondre à la plainte déposée par Guillaume VII de Briouze contre les braconniers ayant sévi dans sa chasse gardée de Saint-Léonard, ainsi que dans ses parcs de Bewbush et de Knepp, chassant ses cerfs114. À cette occasion, Guillaume VII prouve qu’alors qu’il participait à la guerre en Écosse, sous la protection du roi, des inconnus pénétrèrent dans sa chasse de la forêt de Saint-Léonard et dans son parc de Bewbush, situés dans le Sussex, ravagèrent les récoltes, chassèrent et emportèrent son gibier. Ils frappèrent et blessèrent ses hommes, Roger del Eawe, Jean del Eawe et Jean le Keu, à Horsham115. Le 1er octobre 1304, il dépose à nouveau plainte. Des individus sont entrés illégalement dans sa réserve de chasse de Saint-Léonard et dans son parc de Bewbush. Ils ont chassé son gibier et agressé ses hommes, alors que Guillaume de Briouze était absent, au service du roi en Écosse et sous protection royale116. Le 1er mai 1306, cette plainte est renouvelée117. Le 13 juillet 1310, une commission est réunie après une incursion dans le parc de Saint-Léonard118. Le 14 novembre 1316, il porte plainte contre plusieurs hommes entrés par effraction dans son parc de Haynes, dans le comté de Bedford. Ils y ont chassé et ont emporté des cerfs119. Le cas de la protection des réserves de chasse révèle l’implication ou l’absentéisme seigneurial : Guillaume VI réside à Bramber et administre ses domaines d’une main de fer, tandis que Guillaume VII doit gérer les conséquences des attaques menées en son absence, alors qu’il est en guerre au service du roi. Les réserves sont des territoires convoités car les proies y abondent120. Les mentions de procès, en décrivant les dégâts occasionnés et non les motivations des coupables, complexifient la reconstitution, puisqu’il semble alors s’agir d’attaques personnelles contre la figure seigneuriale et non la recherche de nourriture carnée.

Guillaume VI, un loyal partisan du roi L’association entre la figure du lion et la vertu qu’est la fidélité est un principe allégorique pleinement intégré à la culture médiévale du xiiie siècle121. En choisissant la figure héraldique du lion, Guillaume VI s’identifie aux valeurs chevaleresques

113 CPR, vol. 3, Edw. I, p. 164. 114 CPR, vol. 3, Edw. I, p. 464. 115 Acte non édité : TNA, SC 8/195/9742. 116 CPR, Edw. I, vol. 4, p. 286. 117 CPR, Edw. I, vol. 4, p. 474. 118 CPR, Edw. II, vol. 1, p. 307. 119 CPR, Edw. II, vol. 2, p. 598. 120 R. H. Hilton, « La société paysanne et le droit dans l’Angleterre médiévale », Études rurales, no 103-104, 1986, p. 15. 121 Chrétien de Troyes, Yvain ou le Chevalier au Lion, éd. D. Poirion, Paris, 1994, p. 337-503. D. A. Monson, « L’antonomase dans Le Chevalier au lion », Poétique, no 133, 2003/1, p. 35-43.

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que sont la noblesse et la loyauté. Comment cette idéalisation de soi à travers la sélection d’un trope coïncide-t-elle avec l’application concrète d’un comportement glorifié ? Au milieu du xiiie siècle, plusieurs barons anglais se révoltent et la longue situation de crise qui en découle éprouve la fidélité de Guillaume VI envers son roi. En 1258, de puissants membres de l’aristocratie s’allient et imposent à Henri III une série de réformes désignées comme les Provisions d’Oxford122. Ce texte réduit l’autorité et l’autonomie du roi en lui imposant de gouverner sous le contrôle d’un conseil restreint et d’un Parlement, réuni plusieurs fois par an123. Au cours de cette guerre civile, Guillaume VI reste un royaliste indéfectible, malgré les pressions exercées par le camp adverse à son encontre. Le 20 août 1263, le roi ordonne la restitution de ses terres à Guillaume VI de Briouze, telles qu’il les possédait lorsqu’il signa les Provisions d’Oxford124. Cet ordre royal laisse supposer que le conflit qui divise l’aristocratie a entraîné des annexions territoriales et que les seigneurs dépossédés ont signalé leur mécontentement au roi125. Malgré les exactions subies, Guillaume reste loyal. Le 16 décembre 1263, il souscrit la lettre patente par laquelle Henri III accepte de soumettre les questions soulevées par les Provisions d’Oxford à l’arbitrage de Louis, roi de France126. Si Guillaume prouve sa loyauté en signant les actes royaux, il témoigne également son attachement en combattant dans l’armée royale. Depuis le 10 janvier 1260, il répond annuellement aux convocations d’Henri III pour défendre la marche de Galles contre les incursions de Llywelyn ap Gruffydd, auto-proclamé prince de Galles, qui projette de soumettre le sud du pays à son autorité127. Chaque année, il est appelé à servir militairement son roi, selon la coutume féodale du service d’ost, fixé à quarante jours. Le 17 février 1261128, le 24 janvier 1263129, le 25 mai 1263130, le 6 mars 1264131, la convocation est enregistrée dans les close rolls. Les seigneurs rejoignent alors leur souverain à Worcester (1263) ou à Oxford132 (1264) pour combattre les

122 S. T. Ambler, « Simon de Montfort and King Henry III : The First Revolution in English History, 1258-1265 », History Compass, 11/12, 2013, p. 1076-1087. 123 Carpenter, The Struggle…, p. 369-375. 124 CR, Hen. III, vol. 11, p. 250-251. T. Moore, « Criminal Plundering or Legitimate Distraint?: Perspectives on the Montfortian Campaign of 1263 », Paper 1731-a, Leeds, International Medieval Congress, 10 juillet 2014. 125 CR, Hen. III, vol. 11, p. 315. Jean [III], frère de Guillaume VI, a également été privé de son manoir de Pauntley. 126 W. W. Shirley (éd.), Royal and other Historical Letters, illustrative of the reign of Henry III, Londres, 1866, vol. 2, p. 251-252, no 609. 127 CR, Hen. III, vol. 10, p. 23-24. En 1275, Llywelyn épouse par procuration Éléonore, fille de Simon de Montfort. Capturée alors qu’elle rejoignait son époux, Éléonore restera 3 ans prisonnière du roi Édouard. K. Norgate, « Eleanor (c. 1258-1282) », ODNB, 2004. 128 CR, Hen. III, vol. 10, p. 457. 129 CR, Hen. III, vol. 11, p. 276-277. 130 CR, Hen. III, vol. 11, p. 302-303. 131 CR, Hen. III, vol. 11, p. 377-378. 132 Annales monastici, vol. 3, Annales prioratus de Dunstaplia, éd. H. R. Luard, Londres, 1869, p. 229.

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ennemis du roi. Après la dernière convocation, les troupes royales sont défaites le 14 mai 1264 lors de la bataille de Lewes, dans le Sussex. L’armée de Montfort s’empare du prince Édouard : le roi Henri est à nouveau contraint de reconnaître la validité des Provisions d’Oxford133. Guillaume VI de Briouze est victime de l’affaiblissement du pouvoir royal et de la nouvelle toute-puissance du parti de Montfort. Le 30 juin 1264, à Londres, Henri de Montfort, le fils de Simon, Hugues Le Despenser134 et Henri de Hastings, condamnent par contumace Guillaume VI de Briouze à s’acquitter d’une amende de dix mille marcs135. Ils l’accusent d’avoir dévasté leurs domaines au cours de la guerre civile. Guillaume ne s’étant pas présenté devant ses juges, Simon « le Jeune » de Montfort s’empare du château de Knepp, qu’il restituera à Guillaume lorsqu’il aura versé la somme exigée136. Pourquoi les Montfort n’ont-ils pas choisi de résider dans le château principal, à Bramber ? Le sceau apposé sur l’acte, appartenant à Henri de Montfort, pourrait ouvrir une piste de réflexion137. Il représente un homme à cheval sonnant le cor, sous le ventre du cheval un chien courant, un arbre représentant une forêt en arrière-plan. La représentation sigillographique d’un chasseur est une particularité du lignage de Montfort138. Le goût pour la chasse est affiché et revendiqué. Knepp est un lieu de villégiature estival139, une résidence de chasse à proximité du parc. Knepp est un château140, une résidence fortifiée, pouvant protéger ses occupants. Les Montfort optent donc pour un site stratégique, mêlant plaisir et politique. Après la défaite de Lewes, Guillaume VI est contraint de remettre un otage aux vainqueurs. Son fils Guillaume VII, âgé de 4 ans en 1265141, est gardé comme otage dans

133 Guillaume VI de Briouze est cité parmi les 31 royalistes, dans la lettre du roi Henri acceptant l’arbitrage de Louis de France. J. R. Maddicott, Simon de Montfort, Cambridge, 1994, p. 248. J.-Ph. Genet, « Simon de Montfort : baron ou homme politique ? », Médiévales, no 34, 1998, p. 63. S. Stewart, « Simon de Montfort and his Followers, June 1263 », EHR, vol. 119, 2004, p. 965-968. 134 Maddicott, Simon…, p. 203. 135 Ch. Bémont, Simon de Montfort, Comte de Leicester, sa vie (1207-1263), son rôle politique en France et en Angleterre, Paris, 1884, p. 353-355, no 38. Ch. Bémont, Simon de Montfort, Earl of Leicester, 1208-1265, trad. E. F. Jacob, Wesport, 1930, p. 215, note 7. A. Jobson, The First English Revolution. Simon de Montfort, Henry III and the Baron’s War, Londres & New York, 2012, p. 133. Genet, « Simon… », p. 66. Maddicott, Simon…, p. 325-326. 136 Jobson, The First…, p. 133. 137 Bémont, Simon de Montfort, Comte…, p. 353-355, no 38. 138 L. Macé, « Icône du saint, figure du héros : la déclinaison du cor sur les sceaux et les monnaies dans la Provence et le Languedoc des xiie et xiiie siècle », in L. Macé (dir.), Entre histoire et épopée. Les Guillaume d’Orange (ixe-xiiie siècles), Toulouse, 2006, p. 135-161. G. Langlois, « Les sceaux de Simon de Montfort : un itinéraire politique », Actes du colloque d’historiens du 14 novembre 2009 organisé par l’Association de recherches baziégeoise racines et environnement, Baziège, 2010, p. 129-143. 139 Liste des actes émis à Knepp : 4 janvier 1254 (MCA, Crokehurst 3), 16 mai 1273 (MCA, Buddington 19), 14 août 1280 (MCA, Shoreham 51 ; Bidlington and Bramber 21), 13 avril 1281 (MCA, Sele 81), 12 mai 1316 (MCA, Bidlington and Bramber 11). 140 CPR, Hen. III, vol. 3, p. 58-59. Bémont, Simon de Montfort, Comte…, p. 353-355, no 38. 141 R. Bartlett, The Hanged Man. A Story of Miracle, Memory, and Colonialism in the Middle Age, Princeton, 2004, p. 62.

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la maisonnée d’Aliénor, comtesse de Leicester et épouse de Simon de Montfort142. Le rouleau des dépenses de sa maisonnée indique qu’au cours de l’été, une somme de 3 sous et 4 deniers est dépensée pour fournir à Guillaume de Briouze une demie fourrure d’écureuil et 4 deniers pour des chaussures143. Aliénor garde le jeune enfant en tant qu’épouse du vainqueur, mais aussi en raison de ses liens de parenté avec la famille de Briouze144. Elle avait épousé en premières noces Guillaume II Le Maréchal, frère d’Ève de Briouze, cousine éloignée de Guillaume VI. Les filles d’Ève reçurent une part d’héritage au décès d’Aliénor145. La situation bascule au cours de l’été 1265. Guillaume de Briouze récupère certaines terres après la bataille d’Evesham146. À la fin du mois de mai 1265, le prince Édouard parvient à échapper à la surveillance du camp Montfort. Il s’enfuit grâce à l’appui du comte de Gloucester et de Roger de Mortemer. De sa prison de Hereford, il rejoint le château de Wigmore, situé à une quarantaine de kilomètres au nord. Selon Frederick Maurice Powicke, il y aurait été accueilli par Mathilde de Mortemer, née Briouze, fille de Guillaume V147. Michael Prestwich évoque l’esprit de revanche qui suit la bataille, caractérisé par la mutilation du corps de Simon V de Montfort, dont la tête et les parties génitales sont envoyées à Mathilde de Briouze, l’épouse de Roger de Mortemer, à Wigmore148, qui expose ces trophées au cours d’un dîner. Linda Mitchell détaille le rôle joué par Mathilde de Briouze auprès de la cause royaliste149. L’envoi par le roi de parties du corps démembré de Simon à Mathilde serait une forme de remerciement pour son implication150. Elle reçoit un don de terres de la part du roi, prélevées sur les domaines des rebelles. Le rôle exact des membres loyaux de la famille de Briouze au cours du conflit ne peut être établi, faute de sources. Seule exception, un cadet du lignage de Briouze semble s’être rebellé contre le roi, en suivant son seigneur. Le 17 avril 1268, Henri III accorde son pardon à Jean de Vaux (lat. Vallibus) et aux membres de sa maisonnée, pour leurs offenses. Jean sollicite une lettre de pardon pour Richard de Briouze,

142 Manners and Household Expenses of England in the Thirteenth and Fifteenth Centuries, Londres, 1841, p. 9-10, p. 65-66. 143 Fr. Lachaud, « Documents financiers et histoire de la culture matérielle : les textiles dans les comptes des hôtels royaux et nobiliaires (France et Angleterre, xiie-xve siècle) », Bibliothèque de l’école des chartes, 2006, t. 164, p. 81, n. 54. Fr. Lachaud, Textiles, Furs and Liveries: a Study of the Material Culture of the Court of Edward I (1272-1307), Oxford, Thèse de doctorat en histoire, non publiée, 1992, p. 188-189. M. Vale, The Princely Court: Medieval Courts and Culture in North-West Europe, 1270-1380, Oxford, 2001, p. 100. 144 Elle porte le titre de comtesse du Leicester, qui était auparavant porté par Laurette, fille de Guillaume III de Briouze. Manners…, introduction. Bémont, Simon de Montfort, Earl…, p. 10, p. 14, p. 29. 145 CCR, Edw. I, vol. 1, p. 190-191. CIPM, Edw. I, vol. 2, p. 90, no 138. CFR, Edw. I, vol. 1, p. 58-59. 146 CIM, vol. 1, p. 222-223, no 731. 147 Fr. M. Powicke, King Henry III and the Lord Edward. The Community of the Realm in the Thirteenth Century, vol. 2, Oxford, 1947, p. 498. Prestwich, Edward I, p. 52, n. 106. 148 Prestwich, Edward I, p. 51. 149 Mitchell, Portraits…, p. 43-56. 150 Mitchell, Portraits…, p. 51.

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membre de sa maisonnée. Le roi accepte151. Cette rupture avec la tradition familiale de loyauté envers le roi lors de ce conflit s’explique par le statut de Richard, vassal d’un rebelle.

Le lion combattant pour la lutte du Bien contre le Mal En apposant son grand sceau sur la lettre royale du 12 février 1300 adressée au pape à propos de l’Écosse152, Guillaume VII de Briouze choisit de mettre en valeur sa pleine puissance. Pour cela, il utilise un sceau de très grande dimension, il fait représenter les armoiries familiales sur la matrice et il fait inscrire sa titulature complète (Fig. 2). Ces éléments prestigieux sont complétés par l’emploi d’un contre-sceau. De plus petite dimension – puisque correspondant généralement à l’empreinte d’un anneau sigillaire ou d’un sceau secret (lat. secretum153) – ce sceau complémentaire est apposé au revers du sceau principal. Le contre-sceau appliqué par Guillaume VII représente un lion rampant orienté vers la droite, rugissant, qui tient de sa patte antérieure gauche un animal ailé (Fig. 36). S’agirait-il d’un aigle, dont il a les serres mais pas le bec ? Ou pourrait-il être identifié à la vouivre154, créature hybride qui prend l’apparence d’un serpent ailé à deux pattes ou d’un dragon ? L’affrontement entre le lion héraldique des Briouze et une variation folklorique du serpent symbolise-t-il le combat entre le Bien et le Mal, entre le chevalier chrétien et le dragon païen155 ? Le signe de la croix recroisetée placée sous les pattes du lion soutient cette hypothèse. Les seigneurs de Briouze ne luttent pas contre des païens, mais ils guerroient contre les Gallois et les Écossais. Dans ce cas, le lion pourrait-il lutter contre Y Ddraig Goch, le dragon rouge ? Le dragon (gall. Y Ddraig Aur, le dragon d’or) devient au début du xve siècle l’emblème du prince gallois Owain Glyndŵr, alors en révolte contre le pouvoir royal d’Angleterre. Même si à la fin du xiiie siècle le dragon n’est pas encore considéré comme l’emblème national du peuple gallois, notion anachronique, il occupe une place importance dans les sources narratives de la période. Le récit gallois Cyfranc Lludd a Llefelys, mis par écrit au tournant du xiie siècle, ou l’Historia Britonnum, ou enfin l’Historia regum Britanniae, de Geoffroy de Monmouth, rédigés à la même époque, incluent dans leur narration des dragons, associés symboliquement à la puissance celte156. Ces récits légendaires étaient certainement connus de la famille

151 CPR, Hen. III, vol. 6, p. 219. 152 Maxwell-Lyte, Catalogue…, p. 90-92. 153 Le grand-père de Guillaume VII, Jean de Briouze, utilisait un sceau secret, apposé au revers, représentant un écu fascé de vair, dont la légende précise : « † SECRETUM IOHANIS DE BRAUSE » (Original scellé, MCA, Sele 119). Fig. 29. 154 Th. E. Scott-Ellis, Some Feudal Lords and their Seals, 1301, Londres, 1904, p. xvii-xxv. 155 Aurell, La Légende…, p. 277-278. 156 Aurell, La Légende…, p. 82, p. 143-144.

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de Briouze, puisque l’œuvre de Geoffroy de Monmouth eut un vif succès auprès de l’aristocratie anglo-normande. L’une de ses œuvres, les Prophetiae Merlini, est notamment copiée dans l’ouvrage connu sous le nom de Breviate of Domesday Book, manuscrit composé par les moines de l’abbaye de Neath, mêlant sources narratives et transcription de chartes relatives aux seigneurs de Briouze, afin de préserver la mémoire familiale galloise157. Paul Martin Remfry, en éditant les deux versions des Annales Cambriae contenues dans ce manuscrit, note que la version E rédigée par les moines de Neath valorise l’ascendance de Guillaume VII de Briouze, dont l’arrière-grandpère Llywelyn était un prince gallois158. Cependant, malgré leur sang gallois, les seigneurs de Briouze ont combattu contre les Gallois et ils ont assisté Édouard Ier dans ses campagnes militaires de soumission contre les Celtes, au pays de Galles puis en Écosse. Selon Michel Pastoureau, le lion est un animal au symbolisme ambivalent, puisqu’il représente à la fois la loyauté et la noblesse, mais aussi la cruauté et la brutalité159. Dans la marche de Galles, les seigneurs de Briouze, notamment Guillaume III, se sont forgés une réputation violente et rude. En suivant les interventions des seigneurs de Briouze dans ces deux régions frontalières160, le glissement de la politique royale transparaît, du pays de Galles dans la deuxième moitié du xiiie siècle jusqu’à l’achèvement de la conquête en 1283, vers l’Écosse au tournant du xive siècle. La majorité des enregistrements de la chancellerie royale stipulent que les Briouze reçoivent une lettre de protection royale pour assurer la défense de leurs biens et de leurs proches en leur absence, lorsqu’ils participent aux campagnes militaires en Écosse et au pays de Galles. À partir de 1244, ces lettres sont renouvelées régulièrement, en 1245, en 1257161, en 1258162, en 1263 et en 1277163. Pour mener à bien ces campagnes militaires, le roi mobilise ses grands vassaux, qui reçoivent des ordres de mobilisation. Par contre, les sources collectées ne mentionnent pas la participation des Briouze à la guerre de conquête menée par Édouard Ier en 1282-1283. Après avoir affirmé son autorité sur l’ensemble du territoire gallois,

157 Le manuscrit réunit deux versions des Annales Cambriae, soit les textes B et E, transcrits par P. M. Remfry, Annales Cambriae, 2007, p. 163-201 (The Text of Annal B, PRO E. 164/1), p. 248-259 (The Text of Annal E, PRO E. 164/1). 158 Annales Cambriae, éd. Remfry, p. 35-36. 159 Pastoureau, Une Histoire…, p. 77. 160 Le frère de Guillaume VI, Jean [III] de Briouze, agit en son nom propre au pays de Galles. CR, Hen. III, vol. 9, p. 68 ; vol. 11, p. 145. Clark, Cartae…, vol. 1, p. 123-125, no 150. J. G. Edwards (éd.), Littere Wallie, Cardiff, 1940, p. 25, no 29. J. C. Davies (éd.), The Welsh Assize Roll (1277-1284), Cardiff, 1940, p. 317, 320, 326, 330. 161 En 1257 a lieu la bataille de Cadfan qui oppose les Anglo-normands aux Gallois menés par Llywelyn ap Gruffydd, prince du Gwynedd et parent des Briouze, qui aboutit à une victoire galloise. 162 En 1258, Llywelyn ap Gruffydd s’autoproclame prince du pays de Galles, indépendant de la couronne anglaise. 163 L’année 1277 marque le début de la conquête du pays de Galles par Édouard Ier, qui s’achève en 1283.

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le roi ordonne ponctuellement, comme en 1288164, aux membres de la famille de Briouze de rester au pays de Galles afin d’assurer la sécurité et maintenir l’autorité anglo-normande dans une région troublée. En 1295, Guillaume VII de Briouze est même nommé gardien de la paix au pays de Galles165. Avant son départ, il reçoit une protection royale166 et il organise la gestion de ses terres, en nommant des mandataires chargés de gérer ses biens en son nom en son absence167. En 1297, il est chargé d’enquêter afin de déterminer si des conflits couvent au pays de Galles, menaçant la paix du royaume168. Il s’agit de la dernière mention d’un lien entre les Briouze et la politique royale de conquête dans la région. En 1291, Guillaume VI de Briouze décède. L’année précédente, il règle violemment un cas de rébellion sur son domaine de Gower. En tant que seigneur, il exerce son droit de justice et fait pendre le coupable. Mais miraculeusement, le pendu ressuscite. Cette affaire « Guillaume Cragh » a fait l’objet de plusieurs éditions et analyses au cours des vingt dernières années169. Ces travaux commentent le procès de canonisation du défunt évêque de Hereford, Thomas de Cantilupe, mort en 1282, à qui est attribuée l’intervention miraculeuse. Ce procès tenu en 1307 est connu grâce à un manuscrit conservé au Vatican170. Lors de ce procès, Marie de Briouze, veuve de Guillaume VI, et son beau-fils Guillaume VII, ainsi que plusieurs témoins de la pendaison et du miracle sont interrogés. Les évènements sont connus par la reconstitution des faits une quinzaine d’années plus tard, délai ayant partiellement déformé les souvenirs des témoins oculaires171. Par exemple, tandis que Marie, veuve de Guillaume VI, présente Guillaume Cragh comme un « brigand célèbre », son beau-fils Guillaume VII le considère comme un rebelle et un malfaiteur, sévissant dans le contexte de la guerre entre le roi Édouard Ier et les Gallois172. Robert Bartlett précise que ce que Guillaume VII considère comme une « guerre » est en fait la rébellion de Rhys ap Maredudd, dernier descendant des princes du Deheubarth, débutée en 1287. Rhys s’estimait insatisfait des territoires reçus en récompense pour avoir aidé le roi

164 CPR, Edw. I, vol. 2, p. 295, p. 301. 165 CPR, Edw. I, vol. 3, p. 168. 166 CPR, Edw. I, vol. 3, p. 148. 167 CPR, Edw. I, vol. 3, p. 167. 168 CPR, Edw. I, vol. 3, p. 240. 169 M. Richter, « Waliser und Wundermänner um 1300 », in S. Burghartz et al. (dir.), Spannungen und Widersprüche: Gedenkschrift für Frantisek Graus, Sigmaringen, 1992, p. 23-36. M. Richter, « William ap Rhys, William de Braose, and the Lordship of Gower, 1289 and 1307 », Studia Celtica 32, Cardiff, 1998, p. 189-209. J. Hanska, « The Hanging of William Cragh: Anatomy of a Miracle », Journal of Medieval History, no 27, 2001, p. 121-138. Bartlett, The Hanged Man…, 168 p. H. Webster (éd. et trad.), « The Miracle of the Resuscitation of the Twice-Hanged William Cragh », City Witness [en ligne], 2014, disponible sur (consulté le 27 juin 2020). A. Dulley, The Mystery of William Crach. The Hanged Man of Gower, Independent Publishing Network, 2014, 80 p. 170 Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. Lat. 4015. 171 Bartlett, The Hanged Man…, p. x-xi. 172 Bartlett, The Hanged Man…, p. 3.

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anglais à conquérir le pays de Galles, et il s’était senti humilié par la confiscation de son château de Dinefwr173. Il s’empara par la force de plusieurs terres. Le roi envoya une armée pour soumettre ce vassal rebelle. Rhys choisit alors de renoncer au combat en 1288, et il vécut caché plusieurs années, avant d’être finalement capturé et exécuté pour trahison en 1292. Guillaume Cragh est exécuté en 1290 pour avoir semé le trouble sur les terres du Gower, en tuant, détruisant, volant et brûlant174. Après le miracle de sa résurrection, Robert Bartlett constate l’influence de dame Marie, épouse de Guillaume VI. La grande piété de Marie et sa dévotion particulière à l’égard de l’évêque défunt Thomas de Cantilupe fait d’elle la première à avoir invoqué le saint175. Harriett Webster met en évidence la nature multi-culturelle et multi-linguistique de la région de Swansea au tournant du xive siècle, mélangeant Français, Anglais, Gallois et écrits latins. La cohésion forcée de cette société transfrontalière hétérogène entraîne plusieurs clivages. Harriett Webster constate la relative distance entre les seigneurs de Briouze et le peuple qu’ils dirigent, liée à leur méconnaissance de la langue locale. Elle constate que les habitants ne soutenaient pas nécessairement les rebelles, puisque les attaques et agitations pouvaient entraîner des destructions176. La cohabitation paisible entre peuples était voulue par une partie de la population galloise, qui acceptait, voire soutenait les seigneurs de Briouze, implantés depuis plusieurs générations. Ayant sécurisé son emprise sur le pays de Galles, le roi Édouard Ier oriente sa politique guerrière vers le nord de son royaume177. À nouveau, à partir de 1296, les Briouze reçoivent des lettres de protection royale178. Cette fois, les enregistrements apportent des détails complémentaires. Le 20 juillet 1296, le roi accorde une protection aux vingt Gallois qui ont accompagné Guillaume VII de Briouze pour combattre en Écosse et qui reviennent dans leur pays179. Le 8 avril 1298, le roi Édouard Ier demande Guillaume VII de Briouze de lever 300 Gallois parmi les plus forts hommes

173 Bartlett, The Hanged Man…, p. 4. 174 Bartlett, The Hanged Man…, p. 5. 175 Bartlett, The Hanged Man…, p. 10. 176 H. Webster (éd. et trad.), « Swansea Under the de Briouze Family », City Witness [en ligne], 2014,

(consulté le 27 juin 2020). 177 En 1300, Guillaume VII de Briouze souscrit la lettre royale adressée au pape au sujet de l’Écosse (Maxwell-Lyte, Catalogue…, p. 90-92). 178 Par exemple, en 1298, Richard de Briouze reçoit une lettre de protection et un sauf-conduit. La même année, Gilles de Briouze reçoit également une lettre de protection (H. Gough, Scotland in 1298, Londres, 1888, p. 17, 33, 47). En 1303, Guillaume VII de Briouze reçoit, en plus de la lettre de protection, un délai pour s’acquitter de ses dettes, le temps de combattre au côté du roi en Écosse (CChW, a.d. 1244-1326, p. 187). 179 CPR, Edw. I, vol. 3, p. 191. Le 28 août, Guillaume VII de Briouze parvient à obtenir pour Henri Scurlage, établi au pays de Galles, le pardon pour un vol en remerciement de ses services accomplis au cours de la guerre d’Écosse (CPR, Edw. I, vol. 3, p. 194). Guillaume VII soutient ses hommes qui ont servi en Écosse, comme Thomas Moraunt, menacé de pénalité par la justice royale alors qu’il accompagnait son seigneur combattre en Écosse (CPR, Edw. I, vol. 4, p. 254).

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d’armes de sa terre de Gower afin de les emmener combattre dans l’armée royale en Écosse180. Le pays de Galles est perçu comme un vivier de combattants valeureux, puisque le seigneur de Briouze lève ses guerriers dans cette région plutôt que dans ses domaines anglais. À partir de 1305, la question du paiement de l’écuage apparaît dans les actes relatifs aux Briouze en Écosse. Le 5 octobre 1305, Guillaume VII de Briouze est exempté du versement de cette taxe qui a pour fonction de compenser financièrement l’absence au combat, puisqu’il a suivi le roi en Écosse et qu’il a combattu181. Par contre, l’année suivante, Guillaume VII s’acquitte de l’écuage puisqu’il ne participe pas à cette campagne militaire. Il reconnaît 1,5 fief de chevalier pour Bramber, 1 fief de chevalier pour le Gower et il verse donc 50 marcs182. Inversement, la même année, Pierre de Briouze est exempté de l’écuage pour avoir servi le roi en Écosse183. Mais après la mort du roi Édouard Ier, le dynamisme militaire royal en Écosse s’essouffle. Les Briouze ne sont mentionnés qu’à une dernière reprise comme participant aux campagnes écossaises. Le 23 décembre 1313, le roi Édouard II convoque tous ses hommes afin de combattre Robert Bruce, roi d’Écosse de 1306 à 1329. Guillaume VII de Briouze est convoqué pour participer à cette guerre184. Par la suite, les Briouze ne semblent plus intervenir en Écosse, conséquence probable de la défaite anglaise lors de la bataille de Bannockburn le 24 juin 1314185. L’intervention guerrière des derniers seigneurs de Briouze en territoire celte est mal connue, faute de sources narratives ou descriptives détaillant la nature de leur intervention. Seuls les enregistrements de la chancellerie indiquent la régularité de leurs interventions, en tant que chevaliers vassaux du roi, devant à leur seigneur une aide militaire en échange de leur terre. Si leurs participations aux campagnes militaires écossaises semblent limitées à un service guerrier ponctuel, leur intervention galloise est de nature plus complexe, puisqu’ils combattent au nom de roi, mais défendent également leurs possessions dans la marche galloise. Pour conclure, Robert Bartlett constate l’ambiguïté de leur position de seigneurs du Gower dans un pays de Galles colonisé, puisqu’il établit un lien entre le procès de canonisation et la pression exercée sur Guillaume VII de Briouze pour accorder à ses hommes du Gower une grande charte de liberté en 1306, parfois désignée comme la « Magna Carta du Gower186 ».

180 Gough, Scotland in 1298, p. 94. 181 CChW, a.d. 1244-1326, p. 253. 182 Gr. G. Simpson, J. D. Galbraith (éd.), Calendar of Documents relating to Scotland, vol. 5, p. 193, no 438. 183 CR, Hen. III, vol. 12, p. 415. 184 Rymer, Foedera…, vol. 2, partie 1, p. 59. 185 G. W. S. Barrow, Robert Bruce and the Community of the Realm of Scotland, Édimbourg, 2013, p. 266-303. 186 Bartlett, The Hanged Man…, p. 96. Webster, « 1306 Swansea Charter ».

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Emblème du chevalier chrétien187

Fig. 42 : Sceau de Guillaume VI de Briouze187. Oxford, MCA, Buddington 19. Dessin © Amélie Rigollet

Le 16 mai 1273, Guillaume VI de Briouze appose un sceau armorié, semé de croisettes recroisettées au lion rampant orienté vers la gauche, sur un acte en faveur du prieuré de Sele (Fig. 42). La forme rectangulaire et réduite du sceau, de dix-sept millimètres de hauteur et de douze millimètres de largeur, laisse supposer que Guillaume utilise un anneau sigillaire pour corroborer sa donation. Les symboles héraldiques multiplient les références à la piété du sigillant. La croix chrétienne188, recroisettée189, est ici disposée en semé, évocation du ciel étoilé, image cosmique associée au sacré190. La dimension religieuse de cette composition héraldique est accentuée par l’association de la figure géométrique, la croix, à la figure animale, le lion. Le lion a été promu par l’Église depuis le haut Moyen Âge 187 1273, 16 mai. Knepp. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rectangulaire, au relief estompé, de 17 mm de hauteur et de 12 mm de largeur, de cire rouge, pendant sur simple queue de parchemin. Droit : Armorial. Semé de croisettes recroisetées au lion rampant orienté vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : aucune. – Légende au revers : aucune. 188 Pastoureau, Une Histoire…, p. 399, n. 26. 189 Pastoureau, L’Art…, p. 233. 190 Pastoureau, Une Histoire…, p. 105.

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Fig. 43 : Sceau de Guillaume VI de Briouze190. Londres, College of Arms, Charter 134. Dessin © Amélie Rigollet

pour se substituer à l’ours, dont le culte était très répandu en Europe du Nord de culture germanique191. L’écu au lion est systématiquement associé à l’écu d’un chevalier chrétien192. En combinant des symboles chrétiens dans la composition de leurs armoiries, les deux derniers seigneurs de Briouze choisissent d’afficher une dévotion ostentatoire. Cette affirmation figurative rejoint-elle la réalité de leurs pratiques pieuses ?191  192  193 La bipolarité de leur patrimoine, entre Bramber et Gower, explique la diversité de leurs contacts avec des maisons religieuses. Au pays de Galles, ces interconnexions, ponctuelles mais multiples, ne permettent pas de mettre en évidence un lien de patronage privilégié. Le 28 décembre 1278, Guillaume VI de Briouze se contente de confirmer les donations précédemment accordées par ses ancêtres à l’abbaye de Neath194. En janvier 1290, il confirme un don fait par son père à l’église Sainte-Croix d’Aconbury, dans le Herefordshire frontalier195 (Fig. 43). Le 12 août 1309, Guillaume VII, quant à lui, offre à l’abbaye de Margam le droit d’acheter et de vendre librement tous types de marchandises sur sa terre de Gower196. Par cet acte, le seigneur du Gower semble considérer les moines de 191 1290, [22-28 janvier], Londres. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, partie inférieure endommagée, de 18 mm de diamètre, de cire rouge, pendant sur double queue de parchemin. Droit : Armorial. Sur champ quadrilobé, un écu au lion rampant, orienté vers la gauche, entouré de quatre croix recroisetées. – Revers : aucun. Légende au droit : aucune. – Légende au revers : aucune. 192 Pastoureau, Une Histoire…, p. 61-63. 193 Pastoureau, Une Histoire…, p. 53-54. 194 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 804-805, no 739. 195 Acte non édité : Original scellé, CoA, Charte 134. 196 de Gray Birch, A History…, p. 294.

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Fig. 44 : Sceau de Guillaume VI de Briouze197. Aberystwyth, NLW, Penrice & Margam Charter 139 b. Dessin © Amélie Rigollet

Margam plus comme des partenaires commerciaux que comme des intercesseurs spirituels. Il suit ainsi la politique paternelle, puisqu’au cours de la décennie 1260, Guillaume VI de Briouze avait accordé à l’abbaye le droit de commercer librement dans la seigneurie de Gower, sans prélèvement de tallage ou de droit coutumier198. Guillaume VI avait apposé son sceau, représentant un profil de lion orienté vers la gauche (Fig. 44).197  198 En comparaison, l’évêché de Llandaff, en périphérie de Cardiff, semble favorisé, puisque vers 1240, Guillaume VI entérine un acte de renonciation concédé par son père Jean à l’évêque Guillaume de Llandaff. Il confirme l’abandon de tout prélèvement sur le village de Llandeilo Ferwallt (angl. Bishopston), dans le Gower, que ses ancêtres ou leurs baillis, français ou gallois, exigeaient des hommes de l’évêque199. Il s’agit du plus ancien lien établi entre Guillaume VI de Briouze et cet évêché. Ceci explique peut-être pourquoi, le 22 août 1265, son parent, Guillaume de Briouze, est consacré évêque de Llandaff200. Le lien de parenté n’est pas spécifié par les actes de la pratique, mais peut être supposé grâce à un extrait de la chronique de Thomas Wykes qui insiste sur la jeunesse

197 N. d. [c. 1260-1269]. Demeuré appendu à la charte originale, dans un étui de lin. Sceau rond, en bon état, de 21 mm de diamètre, de cire verte, pendant sur double queue. Droit : Armorial. Profil de lion orienté vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : [† S’] DNI . WILL’MI . DE . BREUS[E]. – Légende au revers : aucune. Remarque : Le moulage d’un sceau identique, de 26 mm de diamètre, est conservé à la British Library de Londres sous la côte Seal XCIV.23 (365). La bordure supérieure est endommagée – Légende au droit : [† S’ D]NI . WILL’MI . DE . BREUS[E]. 198 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1081-1082, no 898. 199 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 724, L.427. 200 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 749, L.524.

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du nouvel évêque201 : « Maître Guillaume de Briouze, un jeune homme capable et bon, fut élu évêque de Llandaff à l’unanimité, à la mi-carême. Bien qu’il paraisse immature physiquement, il était suffisamment mature en manière et en connaissance202. » L’évêque Guillaume décède probablement peu avant Guillaume VI, vers 1290, puisque par la suite, des tensions éclatent entre le nouvel évêque de Llandaff et Guillaume VI de Briouze au sujet de la possession de Llandeilo Ferwallt. En effet, dès 1290, une pétition est déposée au Parlement au sujet des temporalités de l’évêché de Llandaff, notamment la saisie réalisée par Guillaume VI de Briouze l’Ancien, qui confisqua, à la mort de l’évêque Guillaume de Briouze203, le village de Llandeilo Ferwallt dans le Gower. Guillaume VI l’Ancien et son fils Guillaume VII le Jeune affirmaient détenir la garde de ce village204. A contrario, la situation du Sussex est plus homogène. À l’exception de quelques petits avantages ponctuels concédés à l’abbaye de Dureford205, les seigneurs de Bramber patronnent uniquement l’ancienne fondation familiale qu’est le prieuré de Sele. Guillaume VI206 puis son fils207 font régulièrement des dons généreux à l’abbaye. Lorsqu’il atteint l’âge adulte et qu’il prend en main le patrimoine, Guillaume VI multiplie les concessions à l’avantage du prieuré. Vers 1247, à la demande de sa mère Marared, il confirme la cession d’une ½ acre de terre dans sa ville de Findon208. Vers 1250, il valide une précédente rente de 5 sous et il donne aux moines un droit de pâture en sa forêt de Saint-Léonard, pour tout le bétail qu’ils possèdent sur cette terre209. Le 4 janvier 1254, il leur accorde 229 acres de terre en son domaine de Crochurst, dans la paroisse de Horsham, et plusieurs autres possessions, contre les 10 marcs de rente annuelle que le prieur percevait à Shoreham210. Le jour même, le prieur de Sele, Gautier de Coleville, entérine cet échange211. Le seigneur de Bramber confirme également diverses donations remises par ses vassaux au prieuré212. Vers 1254, il multiplie les cessions de terres. Il donne également aux moines une acre de terre à Bidlington213. Cette donation est liée à un échange de terres : les moines cèdent à 201 Annales Monastici, vol. 4, Chronicon Vulgo Dictum Chronicon Thomæ Wykes, a.d. 1066-1289, éd. H. R. Luard, Londres, 1869, p. 183. 202 Conway Davies, Episcopal Acts…, vol. 2, p. 750, L.531. 203 À la date du 1er février 1290, Guillaume de Briouze, évêque de Llandaff, est décédé (CFR, Edw. I, vol. 1, p. 269). 204 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 875-879, no 769. Prestwich, Edward I, p. 538. 205 Stevenson, The Durford…, p. 21, no 55 ; p. 21-22, no 56. 206 Actes non édités : MCA, Findon 34 ; Crokehurst 3 ; Crokehurst 1 ; Annington 5 ; Annington 1 ; Greenstead and Stanford 5 Buddington 19 ; Shoreham 51 ; Bidlington and Bramber 21 ; Sele 92 ; Sele 53 ; Sele 81. Salzman, The Chartulary…, p. 47, no 56 ; p. 49-50, no 63 ; p. 73-74, no 122 ; p. 76, no 129 ; p. 85, no 153, no 154 ; p. 86, no 155. 207 Originaux perdus, MCA, Buddington 5 ; Buddington 18. Acte non édité : MCA, Bidlington and Bramber 11. 208 Acte non édité : MCA, Findon 34. 209 Acte non édité : MCA, Greenstead and Stanford 5. 210 Acte non édité : MCA, Crokehurst 3. 211 Acte non édité : MCA, Crokehurst 1. Les familles de Briouze et de Coleville sont par la suite apparentées (CIPM, Edw. II, vol. 5, p. 84, no 157). 212 Actes non édités : MCA, Annington 5 ; Annington 1 ; Greenstead and Stanford 5. 213 Salzman, The Chartulary…, p. 85, no 153.

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Guillaume une pâture située dans le marais d’Annington contre une acre de terre située à Bidlington214. Guillaume VI de Briouze donne en copropriété au prieur de Saint-Pierre de Sele et à plusieurs individus 11 acres de pâturage commun dans le marais de Bramber215. Le patron veille à la prospérité de la fondation familiale, sa générosité est gage de la perpétuation de la mémoire de son lignage et de prières pour les saluts des âmes de ses ancêtres. Les concessions alternent entre dons de terres agricoles, de pâturages, de marais et de pêcheries, signes de la diversité des activités économiques de la région. Les rapports entre les moines de Sele et Guillaume VI semblent faits de bienveillance et de préservation mutuelle. L’aisance du prieuré, obtenue grâce aux dons de terres exploitées, est accrue par le versement de dîmes216. Les largesses régulièrement accordées par Guillaume VI sont à la fois le signe de son repli seigneurial sur le fief anglais originel du lignage et de sa grande piété chevaleresque. En 1282, âgé d’une soixantaine d’années, Guillaume VI franchit une étape supplémentaire dans la préparation de son âme au salut. Le 12 mars, il reçoit un sauf-conduit royal, valable jusqu’à la Saint-Michel (le 29 septembre), lui permettant de se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle217. Le 10 avril, il prépare son voyage au-delà des mers en nommant deux mandataires chargés de veiller sur ses biens jusqu’à son retour218. Au xiiie siècle, ce pèlerinage est à son apogée, son succès est considérable en Occident219. La brièveté du séjour, prévu sur quelques semaines, laisse supposer que Guillaume effectue son voyage par mer, depuis son port de Shoreham jusqu’aux côtes de la Galice. À cette occasion, il fait réaliser un nouveau sceau220. Le sceau n’est plus équestre mais armorié, sorte de restriction synecdotique de la figure seigneuriale assimilée non plus à un corps guerrier mais aux armoiries familiales(Fig. 45). Le 9 février 1282, Guillaume VII de Briouze utilise pour la première fois un sceau rond armorié, représentant sur fond finement ouvragé de plantes aux fleurs trilobées, un écu semé de croisettes recroisetées au lion rampant orienté vers la gauche (Fig. 36). L’écu est surmonté d’une croix. Guillaume VI a pu partir en paix péleriner et prier pour son salut, car il a confié la responsabilité du patrimoine familial à son fils aîné, Guillaume VII, selon la pratique de l’association à laquelle les Briouze ont toujours eu recours. Le sceau apposé est un sceau de transition, prévu pour la brève période d’association au pouvoir de Guillaume VII, jusqu’au décès de Guillaume VI en 1290.221

214 Salzman, The Chartulary…, p. 85, no 154. 215 Salzman, The Chartulary…, p. 86, no 155. 216 Acte non édité : MCA, Crokehurst 1. 217 CPR, Edw. I, vol. 2, p. 13. 218 CPR, Edw. I, vol. 2, p. 15. 219 D. Péricard-Méa, Compostelle et Cultes de saint Jacques au Moyen Âge, Paris, PUF, 2002. 220 En leur absence, les rois de France créent parfois des sceaux de régence (Louis IX en 1270, Philippe III en 1285), qui sont remis aux régents et représentent généralement une couronne. Corpus des sceaux, vol. 2 : Les Sceaux des rois et de régence, éd. M. Dalas, Paris, 1991, p. 158, p. 163. 221

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Fig. 45 : Sceau de Guillaume VI de Briouze221. Oxford, MCA, Sele 92. Dessin © Amélie Rigollet

L’ostentation pieuse des seigneurs de Briouze est sensiblement transformée lors de la passation du pouvoir de Guillaume VI à Guillaume VII222. Guillaume VII conserve sur son sceau armorié les figures chrétiennes adoptées par son père. Le 12 mai 1316, lorsque Guillaume VII veille à ce que le prieuré de Sele reçoive les dîmes, comme au temps de son père, il appose un sceau représentant, sur un fond finement quadrillé aux quatre besants, un losange semé de croix croisetées au lion rampant orienté vers la gauche223 (Fig. 39). Guillaume VII est le premier membre avéré de la famille de Briouze à adopter des armoiries transmises héréditairement. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un choix conscient en fonction du sens symbolique de chaque figure héraldique sélectionnée, mais d’une tradition familiale passée à la génération suivante.

Conclusion : Identité et mémoire familiale Dans sa synthèse sur l’évolution de la famille de Briouze aux xiiie et xive siècles, Daniel Power détaille le parcours des différents membres de cette parentèle, les demi-frères de Guillaume VI et ses propres descendants étant à l’origine de plusieurs 221 1282, 9 février. Findon. Demeuré appendu à la charte originale. Sceau rond, partiellement effrité sur le pourtour droit, de 27 mm de diamètre, de cire verte, pendant sur simple queue de parchemin. Droit : Armorial. Sur un fond finement ouvragé de plantes aux fleurs trilobées, un écu semé de croisettes recroisetées au lion rampant orienté vers la gauche. – Revers : aucun. Légende au droit : † SIGILL’ . [WILL] ELMI . DE BREUSA. – Légende au revers : aucune. 222 Guillaume VI est vraisemblablement enterré à Bramber, soit au prieuré, soit dans le cimetière de l’église castrale. 223 Acte non édité : MCA, Bidlington and Bramber 11. Sceau : HCL, 1313.

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sous-lignées224. Daniel Power met en lumière la dichotomie entre le fractionnement territorial parmi les héritiers et la préservation d’une identité familiale commune225. Deux traces matérielles traduisent cette ambivalence : l’héraldique et un manuscrit (TNA, E 164/1). Daniel Power démontre que l’évolution des armoiries familiales témoigne de la référence à un ancêtre commun, malgré la division en plusieurs sous-lignées au tournant du xive siècle. Il propose les cas de Gilles de Briouze, de la branche implantée à Stinton, dont les armoiries sont « d’argent au semi croiseté, au lion rampant à queue fourchée de gueule », tandis que les armes de Thomas de Briouze issu de la branche de Tetbury sont « d’or au semi croiseté, au lion rampant à queue fourchée de sable226. » Dans ces différents cas, les pièces meubles restent identiques à celles du chef du lignage, seul le code couleur est modifié. L’absence de brisure227 – lambel, bordure ou barre –, qui permet habituellement de distinguer les différentes branches d’une maison, puisque les armes pleines sont réservées à l’aîné, prouve que les différentes sous-lignées se considèrent comme autonomes et ne positionnent pas dans un rapport de dépendance vis-à-vis de la branche principale. Cette sécession des branches cadettes explique peut-être pourquoi les seigneurs de Briouze encouragent la rédaction d’un manuscrit, parfois désigné sous le nom de Breviate of Domesday ou Neath Abbey Breviate, probablement élaboré à l’abbaye de Neath. L’ouvrage réunit de manière disparate des récits prophétiques et des transcriptions de chartes, signes de la tradition familiale228. Daniel Power explique que ce manuscrit, focalisé sur les possessions du Gower, servait à la fois à défendre la mémoire et le patrimoine familial en cas de litige229. Le temps des derniers seigneurs de Briouze reflète une certaine unité malgré les subdivisions lignagères. Cette homogénéité transparaît dans leur homonymie, la continuité de leurs armoiries et leur titulature commune, dont l’uniformité trouble parfois l’identification des individualités. Cette confusion est le résultat du discours élaboré par les seigneurs successifs de Briouze, expression d’une auto-affirmation individuelle dont la construction a pour but de consolider le pouvoir seigneurial face aux pressions extérieures, menées par la parentèle, les voisins ou la royauté. Dans cette démarche, leur identification dépendrait de leur appartenance à un territoire. Plus récemment intégré au patrimoine familial que la région de Bramber – tenue depuis la conquête de 1066 –, le Gower est une possession à la légitimité plus fragile. Cette volonté d’affirmation justifierait alors la rédaction du Breviate of Domesday, probablement rédigé par un moine de l’abbaye de Neath. Cette démarche serait alors similaire à celle entreprise par les moines du

224 Afin de ne pas recouper la teneur de son article qui étudie le parcours des sous-lignées, j’ai focalisé ce chapitre sur le parcours des aînés, seigneurs de Briouze. 225 Power, « The Briouze… », p. 355. 226 Power, « The Briouze… », p. 355-356, note 108. 227 « Brisure », Alphabet et Figures de tous les termes du blason, L.-A. Duhoux d’Argicourt, Paris, 1899, p. 18. 228 Power, « The Briouze… », p. 356. 229 Power, « The Briouze… », p. 357.

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prieuré de Sele qui veillent sur le bien-fondé des possessions de Bramber depuis le début du xiie siècle. Malgré cette vigilance mémorielle, la possession du Gower reste contestable : en 1280, Guillaume de Beauchamp, comte de Warwick, réclame la possession de la péninsule, tenue par sa famille du temps du roi Henri II230. Bien que le jugement soit rendu en faveur de Guillaume VI de Briouze, ce procès révèle la fragilité de la légitimité seigneuriale. En 1302, les revendications du comte de Warwick coïncident avec les plaintes des hommes du Gower à l’encontre de leur seigneur, Guillaume VII de Briouze231. Un siècle après l’acquisition, un décalage persiste entre l’image sociale des seigneurs de Briouze et leur statut de seigneur du Gower, preuve que l’ascendance mixte anglo-galloise de Guillaume VI – première étape d’une possible construction identitaire régionale – n’a pas abouti à un sentiment d’appartenance locale232.

230 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 805-810, no 740. 231 CPR, Edw. I, vol. 4, p. 90-92. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 967-976, no 840. En 1320, le comte de Warwick tient la saisine du Gower (Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1083-1084, no 900). Power, « The Briouze… », p. 356. 232 M. Avanza, G. Laferté, « Dépasser la ‘construction des identités’ ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses, 2005/4, no 61, p. 134-152.

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L’attachement des vassaux

Le 14 février 1309, l’âge d’Édmond de Coleville, arrière-petit-fils de Jean de Briouze († 1232), est attesté par deux témoins1. L’année de naissance, en 1287, est établie grâce au souvenir de leur service vassalique. Thomas de Saint-Laud sait qu’Édmond a eu 21 ans en 1308, puisqu’au moment de sa naissance, il était au service du seigneur Richard [I] de Briouze († 12922), le grand-père maternel d’Édmond. Un second témoin, Jean Broun de Castelbitham (angl. Castle Bytham), affirme avoir annoncé la nouvelle de la naissance d’Édmond à ses grands-parents, le seigneur Richard [I] de Briouze et dame Alice, sa femme, qui lui remirent pour ce service des joyaux d’une valeur de cent sous. Les Coleville sont implantés à Castle Bytham, dans le Lincolnshire3. Jean Broun, au service des Coleville, est envoyé comme messager auprès des Briouze, qui lui remirent un dédommagement pour son déplacement. L’âge d’Édmond prouvé, Marie de Briouze, veuve de Guillaume VI de Briouze († 1291), représentée par son constable, ne s’oppose pas à la remise des terres dues à Édmond. Elle avait précédemment sollicité la garde de Castle Bytham que le roi avait confié à son époux4. En 1288, le roi Édouard Ier avait octroyé à Guillaume VI de Briouze, contre la somme de 100 livres, la tutelle des terres de feu Roger de Coleville († c. 1287), tenant en chef de l’honneur d’Albemarle, situées à Castle Bytham, East Bytham, West Bytham et Careby, dans le comté de Lincoln, jusqu’à la majorité des héritiers5. Guillaume VI de Briouze, l’aîné du lignage, prend en charge la garde des terres de son petit-neveu, le fils de Marguerite, fille de son frère Richard [I] de Briouze, seigneur de Stinton, et d’Alice Le Rus. Son autorité supplante celle de son frère cadet et prime sur l’ascendance en ligne directe. Cet exemple illustre l’enchevêtrement des intérêts et des liens dans l’entourage seigneurial, mêlant parentèle, tenants et serviteurs. Les vassaux participent à la vie de la famille seigneuriale, témoins d’actes et de temps forts. Des lignées vassaliques apparaissent en filigrane au côté de la lignée seigneuriale. Le patronyme d’individus isolés, présents lors de la rédaction d’actes seigneuriaux, resurgit parfois ultérieurement. Le nom de Coleville avait déjà côtoyé celui des Briouze auparavant.

1 CIPM, vol. 5 (Edward II), p. 84, no 157. 2 Power, « The Briouze… », Table II. 3 The Hon. Vic. Gibbs (éd.), The Complete Peerage of England, Scotland, Ireland, Great Britain and the United Kingdom, Londres, 1913, vol. 3, p. 374. 4 Kew, TNA, Special Collections, SC 8/185/9233. 5 CFR, vol. 1 : Edw. I (1272-1307), p. 247. CPR, vol. 2 : Edw. I (1281-1292), p. 295.

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En 1217, un Philippe de Coleville est présent auprès de Renaud de Briouze lors de l’élaboration d’un acte destiné au prieuré de Sele, concernant la seigneurie de Bramber6. En 1254, un certain Gautier de Coleville est prieur de Sele7. À la fin du xiiie siècle, la famille de Coleville, implantée dans le Lincolnshire, s’allie à celle des Briouze. Toutefois, hormis cette homonymie, faute d’informations sur cette lignée, rien ne relie entre eux ces individus, possibles membres d’une même parentèle mobile au gré des opportunités. La documentation relative aux seigneurs de Briouze permet de tracer en pointillé les contours de l’entourage seigneurial sur la longue durée, par le recoupement des patronymes des témoins, des vassaux, des bénéficiaires, des tenants, des officiers, des parents des Briouze dans les actes seigneuriaux ou les enregistrements royaux. Croiser ces patronymes permet d’établir l’existence de lignées vassaliques plus ou moins stables au service de la parentèle des Briouze. L’entourage seigneurial recouvre trois catégories d’individus vassalisés, dont le degré de proximité et de fixité varie, qu’il s’agisse des tenants, des parents et des officiers seigneuriaux. Les lignées vassaliques perdurent dans l’entourage d’un ou plusieurs seigneurs successifs. Elles les accompagnent lors d’implantations territoriales nouvelles, elles changent de dépendance en suivant les transmissions patrimoniales et elles occupent parfois des fonctions spécifiques au service des Briouze. La famille de Pembridge, qui évolue dans l’entourage des seigneurs de Briouze depuis la fin du xie siècle, exemplifie cette durabilité. Les Pembridge apparaissent d’abord en tant que témoins, Raoul de Pembridge étant présent au côté de Philippe de Briouze à Radnor en 10958, puis son fils Richard auprès de Guillaume II de Briouze9, auquel succède Henri de Pembridge, témoin de Guillaume III10. Ce statut de témoin peut être associé à celui de tenant, puisque Pembridge est le nom d’une terre du Herefordshire tenue par les Briouze11. Lorsque le lignage de Briouze se reconstruit sous l’égide de Renaud en 1218, les Pembridge – Raoul puis Henri – font entendre leur mécontentement, privés de leur terre suite aux revers de fortune de leurs seigneurs12. Henri de Pembridge, majeur, tient sa terre de Pembridge en 121913. Mais en 1220, Renaud transfert cette terre à un autre tenant, Thomas de Kersington, puis à Robert fitz Richard suivi d’Adam de Liof14. Henri appelle alors Jean de Briouze comme garant, face à la contestation de sa tenure15. La famille disparaît pour un temps et resurgit sous Guillaume VII de Briouze, un

6 Oxford, MCA, Sele 64. 7 Oxford, MCA, Crokehurst 1. 8 Charte Artem/CMJS n°3476. Puis en 1103 à Salisbury (Charte Artem/CMJS n°2739). 9 Conway Davies, The Cartae…, p. 151-152, no 545. 10 Rowlands, « William… », p. 133. 11 Galbraith et James, Herefordshire…, p. 77-78 (commentaire p. 126-127). 12 Hardy, Rotuli Litterarum Clausarum, vol. 1, p. 370. CRR, vol. 8 (3-4 Henry III), p. 2, p. 27 ; vol. 9 (4-5 Henry III), p. 258. 13 CRR, vol. 8 (3-4 Henry III), p. 27, p. 240. 14 CRR, vol. 9 (4-5 Henry III), p. 17, p. 202, p. 246. 15 CRR, vol. 10 (5-6 Henry III), p. 112.

l’at tache me nt d e s vassau x

Henri de Pembridge étant cité comme bailli de Guillaume au pays de Galles en 130916. Le 24 février 1306, dans une charte rédigée à Swansea, ce même Henri est indiqué comme étant un chevalier17 (lat. Henricus de Penbrugge miles). Il devient donc bailli après cette date, entre 1306 et 1309. En 1319, une enquête menée sur les terres de Guillaume VII indique qu’Henri de Pembridge est son tenant pour 60 acres de terre, tandis que précédemment, sous Guillaume VI, Robert de Pembridge tenait une terre valant 20 sous18. Ce Robert avait aussi été le témoin de Guillaume VII pour des actes émis le 12 octobre 1315 à Oystermouth19, et le 17 juin 1316 à Hannys20. Les deux hommes, Henri et Robert, sont simultanément tenants des seigneurs de Briouze. La lignée des Pembridge, stabilisée auprès des Briouze sur la terre de Pembridge, peut être reconstituée depuis la fin du xie siècle jusqu’au début du xive siècle, chaque membre de ce lignage restant au service d’un seigneur de Briouze : Raoul [I] de Pembridge tenant de Philippe de Briouze, Richard tenant de Guillaume II, Henri [I] puis Raoul [II] tenants de Guillaume III, Henri [II] tenant de Renaud puis de Jean, Robert tenant de Guillaume VI puis de Guillaume VII, concomitamment à Henri [III], tenant et bailli de Guillaume VII. La permanence du lien est corrélée à la continuité de la lignée et à la stabilité domaniale. Toutefois, un parcours vassalique de ce type, aisé à reconstruire, est rare parmi les actes du lignage, les lignées étant généralement plus fractionnées, mobiles et évolutives.

Implantation des lignées vassaliques Bramber, épicentre des lignées permanentes

Parmi les noms des témoins et des vassaux des seigneurs de Briouze, plusieurs patronymes perdurent. La régularité des apparitions des membres de ces lignées vassaliques est plus ou moins homogène, indice d’un lien plus ou moins solide entre les familles seigneuriales et vassaliques. L’étude des listes de témoins fait ressortir 37 patronymes récurrents21. Parmi ceux-ci, certains n’apparaissent qu’au cours d’une période réduite, tels les Beeding22 et les Bernehus23, qui n’émergent que CCR, vol. 1 : Edw. II (1307-1313), p. 239. Webster, « 1306 Swansea Charter ». CIM, vol. 2, p. 104, no 412. Hereford, HCL, no 1529. Clark, Cartae…, vol. 3 (1271-1331), p. 1039-1040, no 878. Ces patronymes sont : Bavent, La Bere, Bonet, Le Bret, Beeding, Bernehus, Boissey, Buceius, Burshill, La Carneille, Clifford, Cocus, Comte, Coombes, Couvert, Dammartin, Fresnay, Harcourt, Knoyl, Landimore, La Mare, Merle, Pembridge, Penrice, Le Poher, Pointel, Raleigh, Saint-André, Saint-Ouen, Sauvage, Scurlage, Tabularius, Taillebois, Talcurteis, Le Veneur, Waldeboef, Weston. 22 Oxford, MCA, Lat. 00274, fol. 4 ro ; Sele 119. 23 MCA, Lat. 00274, fol. 4 ro ; Annington 3 ; Crokehurst 6 ; Sele 52 ; Sele 60 ; Sele 64 ; Sele 119 ; Shoreham 34. NRO, Archives of the Spencer family, 1414. TNA, C52/18, m.1, n°5. A.D. Maine-et-Loire, H 3653, n°8. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 148 ro. 16 17 18 19 20 21

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sous les seigneuries de Guillaume II et Jean de Briouze ; ou ponctuellement, les Tabularius24, sous Guillaume II, Guillaume III, Renaud et Guillaume VI ; ou les Talcurteis25, sous Guillaume II, Renaud, Jean et Guillaume VI de Briouze. Ils ne sont parfois cités que comme témoins, telle la famille Cocus26, sous Guillaume Ier, Guillaume II, Guillaume III puis Guillaume VII de Briouze. Les liens de courtes durées s’expliquent par une alliance matrimoniale, généralement à une fille de Briouze, qui établit un lien sur une ou deux générations, tels les Merle27, les de La Carneille28, les Harcourt29, les Dammartin30, qui ont été étudiés comme parents des premiers seigneurs de Briouze, et les Clifford31, présents comme témoins au côté de Guillaume III, Renaud et Guillaume V, puis comme bénéficiaires d’actes, à la fin du xiiie siècle. Les familles vassaliques, présentes durablement, à la fois comme témoins et comme actrices des actes, depuis la fin du xie siècle jusqu’au début du xive siècle, sont plus réduites en nombre. Le parcours de quelques-unes – auquel s’ajoute celui des Pembridge – ressort comme étant associé au domaine de Bramber. L’implantation à Bramber des lignées vassaliques les plus pérennes est confirmée par les cas des familles Comte, Bonet, Coombes, Couvert, Saint-Ouen et Sauvage, qui apparaissent au xiie siècle. La famille Comte est peu visible. Simon Comte est au côté de Philippe puis de Guillaume II, dont il est le dapifer, témoin d’actes destinés au prieuré de Sele32, ainsi qu’à l’ordre du Temple de Salomon33. Le patronyme réapparaît sous Renaud de Briouze, lorsque Jean Comte est témoin d’un acte dont bénéficie le prieuré de Sele34. Sous Guillaume VI de Briouze, vers 1242, Jean Comte (Le Cunte), tient 4 fiefs de chevaliers dans l’honneur de Bramber, situés à Morley, Southwick et Woodmancote35.

24 Original détruit en 1944, Saint-Lô, A.D. Manche, H 2584. MCA, Sele 64 ; Crokehurst 3 ; Greenstead and Steanford 5. Salzman, The Chartulary…, p. 69, no 112. 25 MCA, Lat. 00274, fol. 4 ro ; fol. 53 ro ; Sele 64 ; Sele 119. 26 MCA, Sele 60 ; Sele 64 ; Annington 3. Charte Artem/CMJS n°3474. Au début du xiiie siècle, Gautier Cocus est également témoin, au côté de Guillaume III de Briouze, de donations de Gautier de Traveley et de Guillaume de Waldeboef : Banks, Cartularium…, p. 50-52, p. 100. 27 MCA, Sele 52 ; Sele 60. TNA, C52/18, m.1, n°5. BCM, Select Charter 9. 28 MCA, Sele 60 ; Sele 69. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 685-687, no 17 et 18. Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 2. 29 MCA, Sele 60 ; Sele 69 ; Shoreham 38 ; Crokehurst 6 ; Annington 3. Marchegay, « Chartes normandes… », p. 694, no 25 ; p. 695, no 27. BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 148 ro, fol. 149 ro. 30 NRO, Archives of the Spencer family, 1414. MCA, Lat. 00274, fol. 4 ro. TNA, C52/18, m.1, no 5. Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 616, no III. Banks, Cartularium…, p. 86. 31 MCA, Annington 5. Rowlands, « William… », p. 133. Banks, Cartularium…, p. 84-85. MCA, Sele 64 ; Annington 5. Longleat House, Marquess of Bath muniments, no 11031. 32 MCA, Sele 69 ; Sele 60 ; Shoreham 34 ; Sele 52. 33 BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 148 ro. 34 MCA, Sele 64 ; Sele 60 ; Shoreham 34 ; Sele 52 ; Annington 3. 35 LF, partie 2, p. 689-690.

l’at tache me nt d e s vassau x

Le nom de Bonet, présent comme témoin sous Guillaume Ier de Briouze36, ne réapparaît que sous Renaud37 puis perdure sous Jean38, Guillaume VI39 et Guillaume VII. Le prénom de Robert, transmis de père en fils, complexifie l’identification des membres du lignage. En 1242, Robert Bonet tient 1,5 fief de chevalier à Wappingthorn Farm, dans l’honneur de Bramber40. En 1255, Guillaume VI de Briouze renonce au droit d’exiger les services de Robert Bonet pour les centaines de Grinstead et Burbeach, indiquant une implantation familiale dans le Sussex41. Robert est témoin d’un acte non daté de Guillaume adressé au prieuré de Sele42, et vers 1254, il ratifie au côté de son seigneur un acte de Robert de Thornle concernant Annington43. En 1267, Guillaume VI parvient à un accord avec Hamon Bonet. Guillaume exigeait d’Hamon, pour la libre tenure de Tottington Farm et Wappingthorn Farm, le service d’1,5 chevalier, la garde du château de Bramber et le droit de murage pour ce château. Il le libère de ces services contre un versement de 18 marcs44. Le service vassalique des Bonet dans le Sussex était associé au château de Bramber, principal fief des Briouze. Hamon réapparaît en mars 1282, à Findon dans le Sussex, comme témoin de Guillaume VI de Briouze45. En 1292, son service, lié à la tenure de Tottington Farm, est transmis à Marie de Briouze, veuve de Guillaume VI, comme part de son douaire46. À une date indéterminée, il est pourtant le premier témoin d’un acte de Guillaume VII de Briouze concernant Shoreham dont bénéficie Jean Stradebrok47. En 1320, le nom d’Hamon Bonet est toujours mentionné parmi les tenants de Marie48, mais puisque la première mention de ce prénom apparaît 65 ans plus tôt, il s’agit probablement d’un fils éponyme. La localisation des actes émis et des tenures prouve l’action locale du lignage de Bonet, focalisé sur la seigneurie de Bramber. Le 13 janvier 1103, Gilbert de Saint-Ouen (lat. Sancto Audoeno) est témoin d’un acte de Philippe de Briouze49. Un premier Raoul de Saint-Ouen lui succède sous Guillaume II50. En 1153, depuis le château de Bramber, Raoul de Saint-Ouen offre au prieuré de Sele une saline à Annington. Son seigneur Guillaume II de Briouze confirme ce don et il appose sa croix et son sceau51. Bienfaiteur de la fondation des 36 37 38 39

Hubert Bonet (Bonitus) : Charte Artem/CMJS n°3474 ; MCA, Sele 60. Robert Bonet (Boneth) : MCA, Sele 64. Robert Bonet (Bonet) : MCA, Sele 119. Seigneur Robert Bonet (Domino Roberto Boneth) : MCA, Annington 5 ; Annington 1 ; Greensted and Stanford 7. 40 LF, partie 2 (1242-1293), p. 689-690. 41 L. Fr. Salzman (éd.), An Abstract of Feet of Fines for the County of Sussex, 1908, vol. 2 (1249-1307), p. 19-20, no 582. 42 Salzman, The Chartulary…, p. 69, no 112. 43 MCA, Annington 5. 44 Salzman, An Abstract…, vol. 2, no 724. 45 MCA, Sele 53. 46 CCR, Edw. I, vol. 3 (1288-1296), p. 179. 47 CoA, MS Glover B, fol. 103 ro. 48 CCR, vol. 3, Edward II (1318-1323), p. 185. 49 Charte Artem/CMJS n°2739. 50 MCA, Sele 60 ; Sele 52. 51 MCA, Annington 3.

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Briouze en signe de respect envers son seigneur, ce vassal s’implante localement. La famille disparaît pendant plusieurs décennies, jusqu’à ce que Robert de Saint-Ouen soit témoin de Renaud de Briouze, vers 1217, pour un acte en faveur du prieuré de Sele52. Vers 1242, un deuxième Raoul de Saint-Ouen tient 2 fiefs de chevalier à Clapham, dans l’honneur de Bramber53. Le 18 juin 1268, Guillaume VI de Briouze et Raoul de Saint-Ouen – troisième occurrence de ce prénom – ratifient une concorde, par laquelle Guillaume concède l’exemption du service vassalique de Raoul contre le versement de 24 marcs. Guillaume exigeait de Raoul, en échange de 2 fiefs de chevaliers dans la tenure de Clapham, dans le Sussex, un service de garde au château de Bramber et un droit de murage54. En 1291, Jean de Saint-Ouen tient toujours 2 fiefs à Clapham55. Par la suite, Jean tient ces 2 fiefs de Marie de Briouze, comme part de son douaire56. Le premier membre du lignage de Coombes, Hugues, est témoin d’actes de Philippe puis Guillaume II de Briouze en faveur du prieuré de Sele57, de l’abbaye de Fécamp58, et de l’ordre du Temple de Salomon59, au côté de son frère Norman. En 1210, Richard de Coombes remet au roi 40 marcs, 2 palefrois et un épervier pour récupérer ses terres, saisies lorsque les domaines de son seigneur Guillaume III avaient été confisqués60. Richard avait été dessaisi de ses terres dans le Dorset et le Somerset pour avoir suivi Guillaume III en Irlande61. Les Coombes réapparaissent sous Guillaume VI de Briouze. Michel de Coombes est témoin, au côté de son seigneur Guillaume VI, d’un acte de Robert de Thornle concernant Annington, dans le Sussex62. Par la suite, Jean [III] et Guillaume VI deviennent les tuteurs de Jean de Coombes, fils d’Alice et Michel de Coombes, suite au décès de Michel63. Le 5 novembre 1277, Jean de Coombes cède à Guillaume VI de Briouze des biens à Horsham. En échange, Guillaume VI de Briouze lui remet une terre, la moitié d’un moulin et une pâture située à Ho64. Les Coombes sont implantés dans l’honneur de Bramber : en 1242, Hugues de Coombes tient 4 fiefs de chevalier à Elkham Farm et Hawksbourne Farm65. Le fief éponyme de cette lignée vassalique reste entre ses mains pour l’ensemble de la période, puisque vers 1316, Nigel de Coombes tient le village de Coombes, dans le Sussex66.

52 MCA, Sele 64. 53 LF, partie 2 (1242-1293), p. 689-690. 54 Salzman, An Abstract…, vol. 2, p. 65, no 736. 55 CCR, Edw. I, vol. 3 (1288-1296), p. 179. 56 TNA, Special Collections, SC 8/327/E840. CCR, vol. 3 : Edw. II (1318-1323), p. 185. 57 MCA, Sele 69. 58 TNA, C52/18, m.1, no 5. 59 BL, Cotton Nero E VI, Hospitallers’ Cartulary, fol. 148 ro et fol. 149 ro. 60 GRP, Michaelmas 1210, PRS NS 26, p. 87. 61 Sweetman, Calendar…, p. 68, no 413. 62 MCA, Annington 5. 63 CR, Hen. III, vol. 11 (1261-1264), p. 94, p. 128-129. 64 DCAD, vol. 1, p. 375, no B.1681. 65 LF, partie 2 (1242-1293), p. 689-690. 66 Inquisitions and Assessments relating to Feudal Aids, a.d. 1284-1431, Londres, vol. 5 (Stafford-Worcester), p. 37.

l’at tache me nt d e s vassau x

La famille Sauvage occupe une position privilégiée dans l’entourage des Briouze, car ses membres sont fréquemment témoins de leurs seigneurs et occupent des responsabilités importantes dans le domaine de Bramber. Robert Sauvage, premier membre identifiable de la lignée, apparaît dès la fin du xie siècle au côté de Guillaume Ier67, puis Philippe68 et Guillaume II69. La permanence du prénom Robert sur la longue durée laisse supposer une transmission éponyme de père en fils, dont l’un des frères se prénomme Thomas70. Ainsi, un Robert Sauvage est témoin de Guillaume III de Briouze au tournant du xiiie siècle71, puis un descendant, également nommé Robert, est auprès de Renaud de Briouze vers 121772. Les Sauvage tiennent des terres à West Durrington73, à Thakeham74 – un fief de 4 chevaliers –, à Sedgwick75, à Broadwater, Goring-by-Sea et Clayton76 dans le Sussex, et à Gomshall77, dans le Surrey voisin. Jean, puis Robert Sauvage, puis sa veuve Hawise, tiennent le manoir de Gomshall de leur seigneur à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle78. Après la mort de Jean de Briouze en 1232, Robert Sauvage devient gardien des terres du défunt, notamment du château de Bramber, de juin 1234 au 25 janvier 1235, lorsque le roi Henri III remet à son frère, Richard comte de Cornouailles, la garde des terres et des héritiers de Jean de Briouze79. À cette occasion, le roi ordonne à Robert Sauvage de faire estimer par des hommes de confiance la valeur des charrues, de l’avoine et de l’orge provenant des terres ayant appartenu à Jean de Briouze, terres alors en sa garde, puis de les transmettre au comte Richard à leur juste valeur80. Il lui commande aussi de vendre tout le blé des domaines de Jean puis de sécuriser l’argent perçu81. Ultérieurement, en 1249, Guillaume VI de Briouze poursuit en justice Robert Sauvage et plusieurs hommes qui occupèrent et défrichèrent des acres de terres lui appartenant dans la forêt de Saint-Léonard, lorsqu’il était sous la tutelle du roi82. La famille de Couvert apparaît auprès des Briouze au milieu du xiie siècle, lorsqu’elle quitte l’entourage de Johel de Totnes pour rejoindre celle de son petit-fils

67 Bates, Regesta…, p. 805-809, no 267, version 1. 68 Van Caenegem, English Lawsuits…, p. 164, no 198. MCA, Shoreham 41 ; Sele 69. 69 MCA, Sele 52 ; Annington 3. Northampton, NRO, Archives of the Spencer family, 1414. 70 NRO, Archives of the Spencer family, 1414. 71 Alençon, A.D. Orne, H 6, no 24. 72 MCA, Sele 64. 73 En 1151 : Salzman, The Chartulary…, p. 10-11, no 16. 74 En 1218 : Salzman, An Abstract…, vol. 1, no 138. 75 En 1267 : CR, Hen. III, vol. 12 (1264-1268), p. 383. En 1272 : CCR, Edw. I, vol. 1 (1272-1279), p. 58. 76 En 1242 : LF, partie 2 (1242-1293), p. 689-690. Quatre fiefs de chevaliers à Thakeham et Clayton, tenus par Robert Sauvage de Guillaume de Briouze, sont tenus par Étienne Le Poher de Robert Sauvage. 77 En 1287 : Fr. B. Lewis (éd.), Pedes finium, or Fines relating to the County of Surrey, 1894, p. 59, no 49. 78 CIPM, vol. 3 (Edw. I), p. 92, no 147 ; p. 406-407, no 535. CCR, Edw. I, vol. 4 (1296-1302), p. 427. CChW, a.d. 1244-1326, p. 216. CIPM, vol. 5 (Edw. II), p. 188, no 334. CCR, vol. 1, Edw. II (1307-1313), p. 430, p. 477. 79 Juin 1234 : CR, Hen. III, vol. 2 (1231-1234), p. 461, p. 470-471, p. 484 ; vol. 3 (1234-1237), p. 5. CPR, vol. 3 : Hen. III (1232-1247), p. 58-59. 25 janvier 1235 : CR, Hen. III, vol. 3 (1234-1237), p. 41. 80 Dryburgh et Hartland, Calendar…, vol. 3, p. 18, no 105. 81 CFR, Hen. III, vol. 3, p. 14, no 84. 82 CRR, Hen. III, vol. 19 : 33-34 Hen. III (1249-1250), p. 121, no 798 ; p. 322, no 1954.

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Guillaume II de Briouze, en partie son héritier83. Richard de Couvert est témoin de Guillaume II pour des actes relatifs au prieuré de Sele84, et à l’abbaye de Cluny85. En 1255, Guillaume VI de Briouze renonce au droit d’exiger le service de Guillaume de Couvert pour la centaine d’Easwrith, dans le Sussex86. En 1267, les deux hommes concluent une concorde. Guillaume VI de Briouze libère Guillaume de Couvert, contre 24 marcs, des services qu’il exigeait pour la tenure de Sullington et Broadbridge, à savoir le service de 2 chevaliers, la garde du château de Bramber et le droit de murage pour ce château87. À la même période, le seigneur Guillaume de Couvert (lat. Dominus Willelmus de Covert) est témoin d’une donation de Robert de Thornle au prieuré de Sele, confirmée par son seigneur Guillaume VI de Briouze88. Par la suite, le service des Couvert est remis à Marie, veuve de Guillaume VI de Briouze. Roger de Couvert, décédé en 1298, tenait de Marie de Briouze, dans le Sussex, pour 2 fiefs de chevaliers, le manoir de Sullington et l’avouerie ecclésiastique de son église, le manoir de Broadbridge, une rente de 30 sous à Brambleden et 9 mesures de sel à Beeding89. Il tenait également le manoir de Chaldon dans le comté voisin du Surrey90. La fixation des lignées vassaliques les plus durables peut être expliquée par le croisement de plusieurs données : la continuelle possession du fief de Bramber par le lignage, entre la fin du xie et le début du xive siècle ; l’abondance des sources locales, qui permet de recouper les informations sur les familles installées ; la confiance que pouvait accorder les seigneurs de Briouze à leurs anciens vassaux ; la loyauté de ces derniers, qui devaient leur ascension sociale à leur seigneur. Une implantation plus diffuse dans la marche de Galles

Si certaines lignées vassaliques sont solidement implantées sur une terre qui donne généralement son nom au lignage, tels les Pembridge ou les Coombes, d’autres lignées sont mobiles et suivent les opportunités territoriales offertes par les Briouze. Les Poher sont l’exemple d’une famille plus nomade, au service de ses seigneurs. Le 30 janvier 1080, Roger Le Poher est témoin, au côté d’Hubert Bonet et de Renaud Cocus notamment, d’un acte de Guillaume Ier de Briouze en faveur de l’abbaye de Saumur91. Au milieu du xiie siècle, les Poher font partie des chevaliers inféodés par Guillaume II de Briouze dans l’honneur de Barnstaple. Ranulf Le Poher tient 3 fiefs de chevaliers de Guillaume II, et l’un de ses chevaliers est son parent, Guillaume Le

83 Guillaume de Couvert est témoin de la fondation du prieuré de Barnstaple par Johel de Totnes à la fin du xie siècle. Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 197, no 1. 84 MCA, Crokehurst 6 ; Annington 3. 85 Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no IV. 86 Salzman, An Abstract…, vol. 2, no 582. 87 Salzman, An Abstract…, vol. 2, no 723. 88 MCA, Annington 5. 89 CIPM, vol. 3 (Edw. I), p. 348-349, no 462. 90 CCR, Edw. I, vol. 4 (1296-1302), p. 362. 91 Charte Artem/CMJS n°3474. MCA, Sele 60.

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Poher92. À cette période, Ranulf est témoin d’un acte de Guillaume II de Briouze confirmant à l’abbaye de Cluny les donations relatives au prieuré de Barnstaple, fondé par son ancêtre Johel de Totnes93. Contrairement aux Couvert, entrés au service des Briouze en suivant le transfert de la dot d’Aénor de Totnes, les Poher sont implantés à Barnstaple par les Briouze pour sécuriser leur acquisition. Ranulf confirme d’autres actes émis en faveur de l’abbaye Saint-Florent de Saumur94. Sous Guillaume III, en 1175, Ranulf Le Poher († 1182) est nommé shérif du Herefordshire, en remplacement de Guillaume II de Briouze, décédé cette année-là95. Ultérieurement, Guillaume III devient le gardien des terres de l’héritier de David Le Poher durant sa minorité96. Par la suite, en 1217, Étienne Le Poher est en procès contre Robert Sauvage au sujet d’un fief de 4 chevaliers à Thakeham97. En 1242, il tient 4 fiefs de chevalier de Robert à Thakeham et Clayton98. En 1316, son descendant, également nommé Étienne Le Poher, tient toujours le village de Thakeham, de Guillaume VII de Briouze99. Au service de Renaud de Briouze, Otewic Le Poher fait office de mandataire en 1219100. En 1221, Renaud lui confie des terres dans le Sussex101. À cette période, Otewic est son bailli : Renaud est condamné à rembourser 5 marcs, 9 sous et 3 deniers qu’Otewic Le Poher avait injustement prélevés lors de justices itinérantes dans le Sussex102. Un autre Le Poher, prénommé Arthur, est témoin d’un acte de Renaud103. Le 6 décembre 1223, Renaud de Briouze reçoit l’hommage de Gautier Le Poher pour la tenure de Rushock, dans le Worcestershire104. Cette lignée vassalique, aux implantations territoriales imprécises et variées, n’est plus très active auprès des Briouze après la mort de Renaud de Briouze, bien qu’elle tiennent toujours Thakeham en 1316. La mobilité de certains membres de l’entourage seigneurial est parfois très dynamique. La famille Le Bret est présente dans le Herefordshire, au pays de Galles et en Irlande auprès des Briouze, de Guillaume III à Guillaume V. Toutefois, la localisation de leurs tenures n’est pas pleinement précisée. Sous Guillaume III, au cours de la décennie 1180, Geoffroy Le Bret est témoin d’une donation de son seigneur à l’église Sainte-Marie d’Abergavenny. En 1201, Milon et Adam Le Bret apparaissent au côté de Guillaume III, comme témoins d’actes relatifs à l’honneur de Limerick105. En 1217, Richard Le Bret reçoit un sauf-conduit royal lui permettant d’escorter sa sœur Julie

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Hall, The Red Book…, vol. 1, p. 258-259. Dugdale, Monasticon…, vol. 5, p. 198, no IV. Angers, A.D. Maine-et-Loire, H 3714, Livre d’Argent, no LX, fol. 36 vo. List of Sheriffs…, p. 59. Hardy, Rotuli Chartarum, p. 185. Salzman, An Abstract…, vol. 1, no 138. LF, partie 2 (1242-1293), p. 689-690. Inquisitions and Assessments…, vol. 5 (Stafford-Worcester), p. 41. CRR, Hen. III, vol. 8 (3-4 Hen. III), p. 35, p. 57-58. CRR, Hen. III, vol. 10 (5-6 Hen. III), p. 127. GRP, Michaelmas 1221, PRS NS 48, p. 211 ; Michaelmas 1222, PRS NS 51, p. 157-158. MCA, Sele 64. CPR, vol. 1 (Hen. III), p. 390. Curtis, Calendar…, p. 11, no 24 et no 25.

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et ses enfants auprès de son seigneur, Renaud de Briouze106. À cette époque, Richard est témoin d’actes de Renaud adressés au prieuré de Sele et au prieuré de Brecon107. Guillaume V, fils de Renaud, reçoit l’hommage et service de Philippe Le Bret, probablement le fils de Richard. En échange de sa vassalité, il lui remet le bois et la plaine de Brilley, dans le Herefordshire, contre la remise annuelle d’une livre de poivre au château d’Huntington108. Richard Le Bret est témoin de l’accord. À la même période, Philippe Le Bret est poursuivi en justice par la veuve de Renaud de Briouze, Gwaldus, pour la tiers part de 100 acres de terre à Radnor109. Le 16 juillet 1232, suite au décès de Jean de Briouze, le roi Henri III confie à Philippe la garde du château et de l’honneur de Swansea110, signe de l’importance de son statut vassalique dans la marche de Galles. Sa position est équivalente à celle de Robert Sauvage, gardien du château de Bramber. Philippe Le Bret tient brièvement la garde du château de Carmarthen, transmise en juin 1233 à Gautier [II] de Briouze111. Il semble que suite au mariage d’Aénor de Briouze, fille de Guillaume V, avec Onfroi de Bohun, la famille Le Bret rejoigne l’entourage des Bohun. En 1270, Jean Le Bret est témoin d’une charte de confirmation d’Onfroi de Bohun le Jeune, qui confirme les dons de ses ancêtres au prieuré de Brecon112. Les cas des Le Poher et des Le Bret montrent que les lignées vassaliques installées dans la marche de Galles sont moins nombreuses et moins durables, exception faite des Pembridge. Cette impression de brièveté peut peut-être s’expliquer par des changements de patronymes, les vassaux adoptant le nom d’une terre nouvellement acquise en tenure. Le seul cas connu est celui des fitz Harding, devenus les Berkeley. Les fitz Harding apparaissent au milieu du xiie siècle, lorsque Guillaume II de Briouze remet à Robert puis à Maurice fitz Harding la terre de Bray, contre leur service113. Bray se situe dans le Berkshire, à proximité de Reading, centaine tenue par la famille de Briouze depuis la conquête. Pour cette terre, Guillaume II de Briouze reçoit l’hommage de Maurice. Lorsque ce dernier devient son homme-lige, Guillaume lui remet une bague en or ornée d’un saphir. Ces actes sont conservés parmi les archives de la famille fitz Harding, seigneurs du château de Berkeley. La terre de Berkeley était une propriété, équivalente à 2 charruées, de Guillaume II de Briouze dans la marche de Galles114. Vers 1216, un certain Philippe de Berkeley apparaît comme un homme de Renaud de Briouze, témoin d’un acte adressé à l’église de Margam115. Lui succède Maurice de Berkeley116. 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116

CPR, vol. 1 (Hen. III), p. 41-42. MCA, Sele 64. Banks, Cartularium…, p. 86-87, p. 87. Longleat House, Marquess of Bath muniments, no 11031. CR, Hen. III, vol. 1 (1227-1231), p. 389. CPR, vol. 2 : Hen. III (1225-1232), p. 490-491. CPR, vol. 3 : Hen. III (1232-1247), p. 17-18. Banks, Cartularium…, p. 25-26. BCM, Select Charter 9 ; Select Charter 10. Galbraith et James, Herefordshire…, p. 77-78. Pryce, The Acts…, p. 296-297, no 168. CRR, Hen. III, vol. 19 : 33-34 Hen. III (1249-1250), p. 36, no 258. CRR, Hen. III, vol. 20 : 34-35 Hen. III (1250), p. 133-134, no 764.

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L’état de conservation de la documentation, la durabilité de l’implantation seigneuriale et l’intérêt plus ou moins important accordés par les Briouze à certains de leur domaine ont des conséquences évidentes sur l’émergence de lignées vassaliques. Les choix opérés par les derniers seigneurs de Briouze, Guillaume VI et Guillaume VII, font apparaître un nouveau groupe vassalique implanté dans la marche de Galles. L’entourage des derniers seigneurs de Briouze

Si certaines lignées se maintiennent dans l’entourage des derniers seigneurs de Briouze, tels les Pembridge, les Cocus, les Bonet, les Saint-Ouen, les Coombes, les Sauvage, les Couvert, plusieurs nouvelles familles apparaissent. Certaines se sont liées aux Briouze à partir de Guillaume III, lorsque celui-ci développe son implantation galloise. Les Penrice et les Le Veneur sont dans ce cas. Au tournant du xiiie siècle, Richard Le Veneur est au côté de Guillaume III de Briouze en tant que son sénéchal pour le fief de Briouze117. Son descendant, Guillaume Le Veneur, apparaît auprès de Guillaume VII de Briouze dans le Gower, lorsque ce dernier lui octroie le droit de chasser librement dans sa garenne de Pennard et le droit de commercer dans le domaine de Gower118. Sept familles de tenants des Briouze n’apparaissent qu’à partir de Guillaume VI, à savoir les Bavent, les Penrice, les Scurlage, les Knoyl, les Landimore, les de La Mare, les La Bere. Adam de Bavent est pour la première fois témoin de Guillaume VI de Briouze en mars 1282, à Findon dans le Sussex119. À son décès en 1293, les terres qu’il tenait de Guillaume VII de Briouze contre le service de 4 chevaliers sont inventoriés dans les manoirs de Wiston, de Heene, de Chiltington et de Slaughter dans le Sussex120. Son seigneur Guillaume VII en reçoit la garde, puisqu’il détient la tutelle de son héritier Roger de Bavent121. À l’exception des Bavent localisés dans le Sussex, ces nouvelles lignées forment un groupe vassalique implanté dans le Gower. Jusqu’à Guillaume VII, les seigneurs de Briouze émettent essentiellement des actes dans le Sussex, dans l’honneur de Bramber, comme cela a été démontré dans le chapitre précédent. Guillaume VII rompt cette dynamique, émettant ses actes depuis Swansea et Oystermouth. Ce choix s’explique en partie par le fait qu’en 1291, Guillaume VII et sa belle-mère Marie, veuve de Guillaume VI, parviennent à un accord qui autorise Marie à résider au château de Bramber la moitié de l’année, pendant la saison hivernale. Puisque Marie décède la même année que lui, Guillaume VII ne peut, pendant son exercice seigneurial, séjourner que l’été à Bramber, temps occupé par les activités guerrières. C’est pourquoi le dernier seigneur de Briouze exerce essentiellement son activité domestique depuis le Gower, où se forme un entourage local solide.

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Alençon, A.D. Orne, H 12, no 1 et 2 ; H 6, no 25. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1039-1040, no 878. MCA, Sele 53. CIPM, vol. 3 (Edw. I), p. 56, no 75. Inquisitions and Assessments…, vol. 5 (Stafford-Worcester), p. 41. TNA, SC 8/259/12933 ; SC 8/94/4652.

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Un certain Philippe de Penros – variation probable de Penrice (Fig. 46) – n’apparaît qu’une seule fois comme témoin de Guillaume III de Briouze pour une donation en faveur de l’église d’Abergavenny122. Les Penrice ne sont actifs dans l’entourage des Briouze qu’à partir de Guillaume VI. Le seigneur Robert de Penrice est témoin de Guillaume VI à deux reprises123. Le 6 juillet 1296, Guillaume de Penrice reçoit de Guillaume VII de Briouze la terre de Nydfwch dans le Gower, qui était précédemment tenue par Adam ap Hywel124. Le seigneur Robert de Penrice est témoin de Guillaume VII le 30 avril 1311, à Margam125, puis le 10 avril 1314 à Oystermouth126, le 12 octobre 1315 dans le même château127, le 17 juin 1316 à Hannys128, et ultérieurement, vers 1319129. En 1315, Robert est tenant du fils de Guillaume VII de Briouze130, Guillaume VIII, seigneur de Landimore. Contre son service, il reçoit une ½ acre de terre à Penmunyth, dans le fief de Landimore131 ; toute la terre que possédait David ap Ouwel à Reuroz132 ; un lieu mesurant un furlong pour construire un barrage entre Wynfroyd, Poltimore et Traychanwelt133 ; 6,5 acres, et un ¼ d’acre de terre arable, de prairie et de bois, libres de droits et coutumes, à Wynfroyd134. Un parent, Jean de Penrice, est témoin de ces donations. Robert de Penrice reçoit le 14 juillet 1319 une subinféodation de Philippe Davy de Landimore, tenue de Guillaume VII de Briouze, à savoir la terre de Llanelen dans le fief de Landimore135. Au cours de la décennie 1260, Henri Scurlage est témoin d’un acte de Guillaume VI de Briouze en faveur de l’abbaye de Margam136, puis à une date indéterminée au bénéfice de Meuric Coyk137. À la fin du xiiie siècle138, Guillaume VII de Briouze souscrit l’acte par lequel Henri Scurlage, fils de David, remet à l’abbaye de Margam sa terre de Llangewydd139. Les deux hommes sont liés, puisque le 28 août 1296, à la demande de Guillaume VII de Briouze, le roi accorde à Henri Scurlage le pardon pour

122 Dugdale, Monasticon…, vol. 4, p. 616, no 3. 123 Nottingham, University of Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2563/1. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1081-1082, no 898. 124 Power, « The Briouze… », p. 360-361, no 4. 125 HCL, no 1313. 126 HCL, no 1311. 127 HCL, no 1529. 128 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1039-1040, no 878. 129 Loyd et Stenton, Sir Christopher…, p. 217-218, no 315. 130 Le seigneur Guillaume VII de Briouze, père d’Aline de Montbray, confirme l’acte par lequel Jean et Jeanne de Horton donnent au chevalier Robert de Penrice et à sa femme Isabelle une terre arable située dans le Gower. Clark, Cartae…, vol. 1 (1102-1350), p. 270-271, no 252. 131 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1021-1022, no 865. 132 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1022-1023, no 866. 133 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1026-1027, no 869. 134 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1027-1028, no 870. 135 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1060-1061, no 890 ; p. 1062-1063, no 891 ; p. 1066-1074, no 893. 136 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1081-1082, no 898. 137 NLW, Penrice & Margam Charter 1561. 138 Papin, L’Aristocratie…, p. 355 et note 1668. 139 B. J. Hamblen (éd.), An Examination of the Catalogue of the Margam Abbey Charters: Older Methods, ISAD(G) and Best Practice, MA Dissertation, Aberystwyth, 2011, p. 79, Appendix 4.

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Fig. 46 : Chapelle de Penrice. © Amélie Rigollet, photographie prise le 23 mai 2013

un vol survenu à Trevynyen, dans le comté de Cornouailles. Il le récompense ainsi des services accomplis au cours de la guerre d’Écosse140. Quelques jours auparavant, le 6 juillet, Henri et Philippe Scurlage étaient témoins d’un acte de Guillaume VII adressé à Guillaume de Penrice141. La dernière occurrence d’Henri Scurlage date du 6 mai 1300, à Swansea142. Philippe Scurlage se maintient au côté de Guillaume VII de Briouze jusqu’au 17 juin 1316, à Hannys143. Au côté des Scurlage, une autre lignée apparaît à partir de Guillaume VI de Briouze. Au cours de la décennie 1260, Adam Knoyl est témoin du même acte de Guillaume VI de Briouze qu’Henri Scurlage, en faveur de l’abbaye de Margam144. Ce patronyme ne réapparaît que le 30 avril 1311, à Margam, dans un acte de Guillaume VII en faveur de Jean Iweyn145. Pierre et Guillaume Knoyl en sont témoins, au côté de Robert de Penrice. Le 10 avril 1314, à Oystermouth, les Knoyl sont à nouveau témoins d’un acte de Guillaume VII bénéficiant à Jean Iweyn, dont Robert de

140 CPR, vol. 3 : Edward I (1292-1301), p. 194. 141 Power, « The Briouze… », p. 360-361, no 4. Henri Scurlage et Robert de Penrice sont conjointement témoins d’un acte de l’archidiacre de Brecon émis en 1281 : University of Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2563/1. 142 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 963-965, no 837. 143 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1039-1040, no 878. 144 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1081-1082, no 898. 145 HCL, no 1313.

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Penrice est également témoin146. Cette fois, Guillaume Knoyl est identifié comme étant le fils d’Adam Knoyl. Il est accompagné par Pierre et Robert Knoyl, dont les liens de parenté ne sont pas spécifiés. De même, l’année suivante, le 12 octobre 1315 à Oystermouth cette configuration se reproduit. Pierre et Guillaume Knoyl sont témoins d’un acte de Guillaume VII adressé à Jean Iweyn147, dont sont également témoins Robert de Penrice et Robert de Pembridge148. Le rayon d’action des Knoyl est réduit dans l’espace – limité au Gower et ses environs –, et à un cercle réduit de l’entourage des Briouze. Les Landimore ont également une influence réduite. Ils apparaissent sous Guillaume VI, lorsque ce dernier octroie des terres dans le fief de Landimore à Meuric Coyk149. L’un des témoins se nomme David de Landimore. Le 31 mai 1300, à Swansea, Guillaume VII de Briouze donne à Philippe de Landimore, selon la loi anglaise, 7 acres de terre dans le fief de Landimore, contre le versement annuel d’un denier d’argent150. Jean de Landimore est témoin de cette concession. Quelques jours auparavant, le 6 mai 1300, Jean avait été témoin d’un acte de Guillaume VII rédigé à Swansea. Le 24 avril 1302, à Oystermouth, Jean de Landimore est à nouveau témoin de Guillaume VII, pour un acte adressé à Jean Iweyn, au côté de Philippe et Gilbert de Landimore. Le 14 juillet 1319, Philippe Davy de Landimore concède au chevalier Robert de Penrice sa terre de Llanelen dans le fief de Landimore qu’il tenait de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower. Robert remet à Philippe 6 marcs d’argent pour ce don151. Ce don est redoublé par celui, identique, de Jean Davy de Landimore152. Le 13 octobre 1319, une enquête menée sur les terres de Guillaume VII de Briouze dans le Gower établit que Philippe Davy de Landimore occupe une maison et 8 acres de terres qu’il tient de Robert de Penrice contre une rente annuelle de 4 sous, dont Guillaume VII est le tenant en chef153 (Annexe 4). La multiplicité des individus apparentés sous le nom de Landimore masque leur positionnement hiérarchique au sein de leur parentèle. Les individualités sont confondues au sein de la lignée vassalique, intégrée à un petit groupe local formant l’entourage des seigneurs de Briouze lorsqu’ils séjournent à Swansea. Les de La Mare font également parti de ce groupe curial. Robert de La Mare est témoin d’un acte de Guillaume VI de Briouze154. Robert de La Mare avait été témoin, au côté d’Henri Scurlage et de Robert de Penrice, d’un acte de l’archidiacre de Brecon émis en 1281155. Le 14 janvier 1315, Guillaume de La Mare est témoin

146 HCL, no 1311. 147 Jean Iweyn est un membre actif de l’entourage des derniers seigneurs de Briouze, mais il intervient de manière individuelle, détaché d’une lignée vassalique. 148 HCL, no 1529. 149 NLW, Penrice & Margam Charter 1561. 150 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 965-966, no 838. 151 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1060-1061, no 890. 152 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1062-1063, no 891. 153 CIM, vol. 2, p. 104, no 412. 154 NLW, Penrice & Margam Charter 1561. 155 University of Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2563/1.

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d’actes de Guillaume VIII établit à Landimore156. Le 13 avril de la même année, Guillaume de La Mare est à nouveau témoin de Guillaume VIII, à Penrice, au côté de Jean, fils de Robert de La Mare. Jean est indiqué comme tenant de Guillaume VII dans une enquête menée en 1319 sur ses terres du Gower157. Les de La Mare sont davantage visibles au tournant du xive siècle, mais leur présence auprès des Briouze est attestée dès la première moitié du xiiie siècle. Le 16 août 1234, un enregistrement royal indique que Marared de Briouze avait reçu le service de Guillaume de La Mare comme part de son douaire. Au décès de ce dernier, elle avait obtenu le droit de marier Agnès, fille et héritière de Guillaume de La Mare158. Robert de Penrice avait acheté ce mariage à Pierre de Rivallis, gardien de Guillaume VI, mais le roi fait annulé ce paiement. Cette tentative infructueuse révèle toutefois l’imbrication possible des lignages vassaliques par mariage. Les de La Bere sont également actifs auprès des Briouze, dans leur domaine du Gower. Leur parcours suit celui des de La Mare. Tels les de La Mare, leurs occurrences s’accroissent dans les actes à partir de la fin du xiiie siècle, mais ils étaient déjà présents dans les années 1230. En 1230, un enregistrement de la chancellerie royale indique que la garde du fils et héritier de Robert de La Bere revient au roi, puisque Robert était un tenant de Guillaume V de Briouze, lui-même décédé en 1230, dont l’héritage a été placé sous tutelle royale. Un certain Gautier de La Hyde est convoqué devant le roi à ce propos. Il explique que Renaud de Briouze, père de Guillaume V, avait vendu à Richard Le Hagurner et à sa fille Alice la garde des héritiers de Robert de La Bere. Par la suite, Richard avait vendu à Gautier de La Hyde le mariage de ces héritiers. Mais Gautier ne réclame pas la garde des terres, qui reviennent au roi159. Ce cas montre l’enchevêtrement des intérêts seigneuriaux et vassaliques en cas de décès. Les de La Bere réapparaissent à la fin du xiiie siècle. Au côté d’Henri Scurlage, de Robert de La Mare et de David de Landimore, David de La Bere est témoin de la donation faite par Guillaume VI de Briouze à Meuric Coyk160. David avait déjà été présent, avec Henri Scurlage, Robert de Penrice et Robert de La Mare, pour un acte de l’archidiacre de Brecon émis vers 1281161. Un David de La Bere réapparaît le 10 avril 1314 à Oystermouth, auprès de Robert de Penrice et des Knoyl, pour un acte de Guillaume VII de Briouze en faveur de Jean Iweyn162. Il pourrait s’agir d’un descendant homonyme du David précédent. Au côté des David de La Bere, probablement à la tête de cette lignée vassalique, apparaissent les prénoms de Robert, puis de Jean et Pierre. Vers 1285, Richard de La Bere tient Thornton en ½ fief d’Alain Plokenet, et Alain le tient de Guillaume VI de Briouze, et Guillaume du roi163. Ce fief de Thornton n’est pas localisé. Le 14 janvier 1315, à Landimore, David

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Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1021-1022, no 865 ; p. 1022-1023, no 866. CIM, vol. 2, p. 104, no 412. CR, Hen. III, vol. 2 (1231-1234), p. 500. CRR, Hen. III, vol. 14 (14-17 Hen. III), p. 120-121, no 609. NLW, Penrice & Margam Charter 1561. University of Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2563/1. HCL, no 1311. Inquisitions and Assessments…, vol. 2 (Dorset-Huntingdon), p. 22.

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est témoin de deux actes de Guillaume VIII de Briouze164, accompagné par Jean de La Bere. Pierre de La Bere est présent pour l’une des deux concessions165. En octobre 1319, une enquête répertoriant les terres de Guillaume VII de Briouze dans le Gower indique que David de La Bere tient une maison et une charruée de terre à Durlan, le village de Leason et celui de Kittlehill, d’une valeur de 40 sous. Pierre de La Bere, quant à lui, tient le service de Lote de Peneviller, d’une valeur de 20 sous166. À partir des listes de témoins apparaît un groupe vassalique actif dans le Gower formé autour des derniers seigneurs de Briouze. À nouveau, les choix seigneuriaux d’implantation accentuent la production écrite, et donc la visibilité d’un entourage localisé. Plusieurs groupes vassaliques interviennent distinctement, parallèlement, en fonction de leur aire géographique d’influence, plus ou moins réduite. Ce rayonnement borné spatialement ressort notamment à travers les offices accordés à certains vassaux distingués par le seigneur en fonction de leur compétence et de leur degré de familiarité. Systématiquement, ces offices sont attachés à un territoire précis.

Servir les seigneurs de Briouze Les officiers seigneuriaux

Lorsque Jean de Briouze décède prématurément en 1232 à l’âge de 34 ans, d’une mauvaise chute de cheval à Bramber, le roi Henri III confie temporairement la garde des terres familiales à des vassaux importants, solidement implantés localement. Philippe Le Bret reçoit la garde du château de Swansea et Robert Sauvage celui de Bramber167. Cette décision indique que les membres de l’entourage seigneurial ont une connaissance du terrain reconnue et utile, notamment lorsqu’ils sont issus d’anciennes lignées vassaliques. En signe d’appréciation et de légitimation de leur implantation locale, les seigneurs de Briouze investissent certains membres de leur entourage de la gestion des seigneuries éparses. Deux actes de Guillaume VI puis de son fils Guillaume VII listent différents officiers chargés de veiller au bon fonctionnement de leur domaine. Dans une lettre en ancien français datée du 13 avril 1281, à Knepp, Guillaume VI de Briouze s’adresse, sans les nommer, à son receveur des finances de Bramber, qi q’il soit, à son maître forestier de Saint-Léonard, aux gardiens des manoirs et à tous ses autres baillis168. De même, le 12 mai 1316, à Knepp, Guillaume VII de Briouze écrit à « tous ses ministres, receveurs, baillis, forestiers, prévôts, gardiens de ses manoirs de la baronnie de Bramber et à tous ses autres baillis169 ». Ce dernier emploi du terme bailli semble être pris dans une acception générique, au sens large de représentant. 164 165 166 167 168 169

Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1021-1022, no 865 ; p. 1022-1023, no 866. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1021-1022, no 865. CIM, vol. 2, p. 104, no 412. CPR, vol. 2 : Hen. III (1225-1232), p. 490-491. MCA, Sele 81. MCA, Bidlington and Bramber 11.

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Dans ce cas, la distinction généralement opérée entre les baillis au Nord et les sénéchaux au Sud n’est pas applicable, les deux termes étant différenciés, tous les deux utilisés dans la documentation conservée. Une individuation est faite entre les officiers désignés comme sénéchaux (lat. senescallus) et ceux déclarés comme baillis (lat. baillivus170, anc. fr. bailif171). Les deux actes cités ne nomment pas les hommes occupant ces fonctions, seuls quelques noms de baillis et des sénéchaux ressortent par ailleurs. Occultée dans ces deux textes, la fonction de constable existe, distincte de celle de bailli, sans être individualisée. Par exemple, le 27 avril 1230, le roi Henri III ordonne aux différents constables de feu Guillaume V de Briouze de rendre les terres dont ils avaient la charge, à savoir Abergavenny, Totnes, Huntington, Ystradvellte, Hay, Brecon, Radnor, Saint-Clears, ainsi qu’aux baillis de Kingsland et Eardisland (Carte 11)172. Plusieurs individus sont nommés dans les actes, répertoriés comme baillis des seigneurs de Briouze. Première occurrence en 1219, Henri de Saint-Valéry est identifié comme le bailli de Renaud de Briouze, son neveu, pour des terres indéterminées, probablement dans la marche de Galles173. En parallèle, Otewic Le Poher est désigné comme étant le bailli de Renaud pour ses domaines du Sussex174. Deux baillis sur deux domaines pour Renaud, trois pour trois seigneuries de Guillaume VI. Le 8 octobre 1265, Guillaume de Goldingham est cité comme étant le bailli de Guillaume VI de Briouze pour son honneur de Barnstaple175. En 1275, Nicolas de Ditton est identifié comme son bailli de Shoreham, port attaché au château de Bramber176. Le 27 août 1281, Jean de Sutton est mentionné comme bailli de Guillaume VI pour le comté anglais de Swansea177. L’aire géographie attribuée est réduite, sans doute pour en améliorer le contrôle, plusieurs baillis pouvant se côtoyer à l’intérieur d’un même honneur tenu par les Briouze. Le 14 décembre 1309, trois baillis de Guillaume VII de Briouze sont nommés pour la terre du Gower, à savoir Henri de Pembridge, David de La Bere et Jean Iweyn178. Parmi les baillis, plusieurs noms se distinguent, apparentés au lignage de Briouze ou aux lignées vassaliques. Les fonctions accordées à ces baillis restent floues dans les actes étudiés. Il pourrait s’agir d’un titre désignant des conseillers, hommes de confiance, délégués localement. Les sénéchaux occupent des responsabilités prépondérantes, bien définies. Ils représentent leur seigneur dans un territoire identifié et exercent des fonctions à la fois administratives, militaires et judiciaires. Plusieurs noms de sénéchaux attachés aux Briouze ressortent des actes, attachés à une aire d’influence précise.

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A.D. Orne, H12, no 10. MCA, Shoreham 51 ; Bidlington and Bramber 21 ; Sele 81. CPR, vol. 2 : Hen. III (1225-1232), p. 339. CRR, Hen. III, vol. 8 (3-4 Hen. III), p. 8-9. GRP, Michaelmas 1221, PRS NS 48, p. 210 ; Michaelmas 1222, PRS NS 51, p. 157-158. CIM, vol. 1, p. 201-202, no 659. Rotuli Hundredorum, Temp. Hen. III & Edw. I, Londres, 1812, vol. 2, p. 219. Power, « The Briouze… », p. 360, no 3. CCR, vol. 1 : Edw. II (1307-1313), p. 239.

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La fonction de sénéchal apparaît très tôt dans les actes du lignage, dès le tournant du xiie siècle, contrairement à celle de bailli, beaucoup plus tardive. Les noms de Princaud, sénéchal de Briouze pour Philippe de Briouze, et de Guillaume de Harcourt, sénéchal de Bramber pour Guillaume II de Briouze ont été évoqués dans un chapitre précédent. Sous Guillaume III, Richard Le Veneur est le sénéchal de Briouze (lat. Ricardus Venatore terre senescallus Braosie)179, tandis que Jean Pichard est celui des terres seigneuriales du Herefordshire. Simon de Chartrai est le sénéchal de l’honneur de Barnstaple180, où ses parents étaient inféodés en 1166181. Hugues de Pointel est sénéchal de Lignou sous Guillaume, seigneur temporaire de Briouze182. Robert d’Orby était le sénéchal de Jean de Briouze pour ses terres du comté de Buckingham183, tandis que Jean de Buckingham est son sénéchal pour la seigneurie de Bramber184. En 1254, Geoffroy de Brayboeuf est sénéchal de Bramber (lat. Galfridus de Brayebeff[e], tunc senescallus de Brembre) pour Guillaume VI185, tandis que Jean de Horton s’occupe du Gower186. En juin 1316, sous Guillaume VII de Briouze, Richard Hakelut est le sénéchal du Gower187. Enfin, un certain Robert de Prestbury occupe ces fonctions d’intendance dans la marche de Galles au nom de Guillaume VII, sur des terres indéfinies, contre une rente annuelle de 10 marcs, pendant plus de 2 ans avant d’entrer en rébellion contre le roi188. À l’exception de Richard Le Veneur et de Simon de Chartrai, les sénéchaux ne sont pas membres d’anciennes lignées vassaliques, mais sont des individus plus isolés, dont la fortune dépend davantage des Briouze. Au xiiie siècle, les fonctions liées à la gestion de la maisonnée disparaissent de la documentation relative aux Briouze, contrairement à ce qui avait été observé pour les xie et xiie siècles, où échansons et dapifères étaient à leur service. Les fonctions présentes dans les actes – celles de sénéchal, de « ministre », de receveur, de bailli, de forestier, de prévôt, de gardien – sont administratives, ces officiers aidant à gérer économiquement et juridiquement les terres éparses de leurs seigneurs. Les Briouze choisissent des hommes qu’ils jugent compétents, indépendamment de leurs attaches familiales, puisque rares sont les hommes choisis au xiiie siècle parmi leur parentèle ou parmi les lignées vassaliques. Une plus grande dépendance sociale devait être perçue comme un gage de loyauté, contrairement aux choix faits au xiie siècle, jusqu’à Guillaume III de Briouze, période où les liens de sang primaient.

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A.D. de l’Orne, H 6, no 24 ; H 12, no 1. Richardson, The Memoranda…, p. 75 (Devonshire et Cornouailles). Hall, The Red Book…, vol. 1, p. 258-259. A.D. Orne, H 6, no 19. LF, partie 2 (1242-1293), p. 1447. MCA, Sele 119. MCA, Crokehurst 3. NLW, Penrice & Margam Charter 1561. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1039-1040, no 878. CIM, vol. 2, p. 208, no 835.

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Les mariages vassaliques

Les mariages mettent en évidence les réseaux d’alliance dans l’entourage seigneurial ainsi que la mainmise du seigneur sur ces stratégies lignagères, comme l’ont montré précédemment les cas d’Agnès de La Mare et du mariage des héritiers de La Bere. Les mariages des tenants révèlent les imbrications territoriales et les jeux de pouvoir. Le droit de mariage, associé à la garde des terres de l’héritière, offre des avantages financiers, objets de convoitise. Les octroyer à un vassal est un signe de faveur. En 1223, Renaud de Briouze accorde à Guillaume d’Étoutteville la garde des terres de Constance, fille et héritière de Guillaume de Pudleston, ainsi que son mariage189. Pour cela, Guillaume verse 20 sous à Renaud. En effet, l’année précédente, Guillaume d’Étouteville et son épouse Marguerite avaient revendiqué la garde de Constance de Pudleston que tenait Renaud de Briouze, en argumentant que la terre de Pudleston, dans le Herefordshire (actuel Leominster), est une tenure de Guillaume. Mais Guillaume est lui-même tenant de Renaud dans la seigneurie de Brecon. Il est rappelé que Guillaume III de Briouze, le père de Renaud, avait donné sa chambrière comme épouse à Alexandre, le grand-père de Constance190. Deux cas s’entremêlent ici, celui d’Alexandre ayant reçu la main de la chambrière du seigneur, puis celui de Guillaume d’Étoutteville, bénéficiant des avantages liés à la garde d’une héritière. Les Briouze utilisent également le mariage comme un moyen d’installer un vassal. Par exemple, vers 1280, Guillaume VI de Briouze remet en mariage à Pierre de Bien Sçavoire (angl. Knowell), venu le servir dans le Gower, la fille et unique héritière de Thomas ap Gruffydd, par laquelle il reçoit la terre de Llan-y-Tair-Mair (fr. l’église des Trois Marie), correspondant au village de Knelson, dans le Gower191. La main d’une héritière est toujours liée à la captation d’une terre. Enfin, les liens matrimoniaux peuvent mettre en évidence des interconnexions profondes et durables. Par exemple, le 3 novembre 1297, Guillaume VII de Briouze souscrit l’accord conclu entre Jean de Hastings, seigneur d’Abergavenny, et Guillaume Martyn, seigneur de Camoys, projetant un double mariage entre leurs enfants192. Jean de Hastings et Guillaume VII sont réunis par d’anciens liens de parenté, partageant un ancêtre commun, Guillaume III de Briouze. En effet, Jean de Hastings est le fils de Jeanne, fille d’Ève de Briouze et de Guillaume de Cantilupe. C’est Ève qui apporte en dot la seigneurie d’Abergavenny, terre qu’elle tenait de son père, Guillaume V de Briouze. Le lien entre les Briouze et les Camoys est quant à lui contemporain de cet accord, puisqu’au tournant du xive siècle, la sœur de Guillaume VII de Briouze, Marguerite, épouse Raoul de Camoys193.

189 CRR, Hen. III, vol. 11 (7-9 Hen. III), p. 82, no 436. TNA, Feet of fines, CP 25/1/80/5, no 55 (Herefordshire). GRP, Michaelmas 1224, PRS NS 54, p. 259. En juillet 1203, Guillaume III de Briouze avait souscrit des actes du roi Jean concernant Robert d’Étoutteville : Hardy, Rotuli Chartarum, p. 107-108. 190 CRR, Hen. III, vol. 10 (5-6 Hen. III), p. 288-289 ; mention p. 291. 191 Document du xvie siècle, NLW, Penrice & Margam Charter 2796 (Pedigree of Pierre de Bien Sçavoire). 192 CPR, vol. 3 : Edw. I (1292-1301), p. 314. 193 La première occurrence de leur union date de 1303 : CChW, a.d. 1244-1326, p. 171 ; p. 180. CPR, vol. 4 : Edw. I (1301-1307), p. 147.

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Conclusion : Des liens d’affection durables Les listes de témoins, les actes de donation ou de confirmation permettent de reconstituer l’entourage seigneurial. Toutefois, la dimension affective du lien reste peut perceptible, supposable seulement à travers le choix des officiers ou la récurrence d’une présence, signe probable d’intimité. L’homoaffectivité est pourtant le support du lien féodo-vassalique, garantissant la fidélité194. Les liens tissés au fil du temps entre les seigneurs de Briouze et une lignée vassalique, celle des Mautravers, résume les glissements d’hommage et l’évolution possible des liens d’affection. La famille apparaît pour la première fois le 12 mars 1230, dans une lettre de Guillaume V de Briouze adressée à ses hommes de Totnes. Jean de Mautravers y est désigné comme l’un de ses vassaux195. Suivant les transferts patrimoniaux des dots des filles de Guillaume V de Briouze, la terre de Totnes revient aux Cantilupe. Toutefois, les Mautravers restent liés aux Briouze, par le biais d’une autre tenure. Ce lien de vassalité réapparaît au début du xive siècle, lorsque Gautier de Mautravers est témoin d’un acte de Gilles [III] de Briouze, fils de Guillaume VI, concernant la terre de Knowlton, dans le Nottinghamshire196. En 1312, l’âge de Lucie, fille et héritière de Béatrice de Briouze, est estimé à une quinzaine d’année. Née vers 1297, Lucie est une connexion vivante entre les lignages de Briouze et Mautravers197. En effet, Lucie est la fille de Béatrice et de Robert de Mautravers198. Une alliance a été conclue entre une branche cadette des Briouze et cette lignée vassalique, à la fin du xiiie siècle. Les terres impliquées dans cette alliance ne sont pas précisées, toutefois, vers 1316, Robert de Mautravers tient Annington199, terre au cœur de l’honneur de Bramber. L’implantation des Mautravers semble mobile, suivant les opportunités offertes par les seigneurs de Briouze. L’ancrage territorial n’est donc pas la seule forme de lien unissant un seigneur à son vassal. L’affect pourrait expliquer pourquoi une lignée vassalique réapparaît ponctuellement en différents lieux, suivant son seigneur. Cette dimension affective pourrait partiellement expliquer pourquoi en 1327, Jean de Mautravers, membre de cette lignée vassalique, fait partie des hommes responsables de l’assassinat du roi Édouard II au château de Berkeley200.

194 P. Nagy, D. Boquet (dir.), Sensible Moyen Âge. Une histoire des émotions dans l’Occident médiéval, Paris, 2015, p. 171. 195 CPR, vol. 2 : Hen. III (1225-1232), p. 330. 196 University of Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2000. 197 CIPM, vol. 5 (Edw. II), p. 239, no 417. 198 CCR, vol. 1 (1307-1313), p. 479. 199 Inquisitions and Assessments…, vol. 5 (Stafford-Worcester), p. 37. 200 I. Mortimer, « The Death of Edward II in Berkeley Castle », EHR, vol. 120, 2005, p. 1180.

Dislocation de la puissance seigneuriale

Au tournant du xive siècle, l’autorité de Guillaume VII de Briouze est progressivement affaiblie par la conjonction fortuite de plusieurs phénomènes. Le premier vecteur de fragilisation de son emprise seigneuriale est l’instabilité du Gower. Le cas de la charte de liberté concédée à ses hommes de Swansea en 1306, parfois désignée comme la « Magna Carta galloise1 » ou la « Magna Carta du Gower2 », illustre ce craquèlement de la figure seigneuriale. Guillaume VII accorde à ses tenants et aux bourgeois de Swansea une série de droits, concernant l’usage des espaces forestiers, les droits de justice, les taxes et la circulation des marchandises3. S’agit-il d’une concession forcée ou d’une stratégie pour renforcer son prestige auprès de la population locale ? La légitimité du pouvoir des seigneurs de Briouze sur le Gower est régulièrement contestée4. La première occurrence d’un mécontentement de la population survient le 10 août 1302, lorsqu’une enquête royale est diligentée dans le Gower pour prouver la libre juridiction ancestrale des Briouze sur ce domaine. À cette occasion, les plaintes déposées par des hommes et tenants du Gower à l’encontre de leur seigneur Guillaume VII de Briouze sont examinées5. Bien que la teneur de leurs réclamations ne soit pas précisée, cette mention atteste que le climat se détériore. Le mécontentement se généralise au détriment de l’autorité seigneuriale. Après cela, Guillaume VII refuse de répondre à la convocation de Gautier de Pederton, connétable de Carmarthen et délégué du roi, qui lui enjoint de répondre aux plaintes de ses gens au château de Carmarthen. Guillaume refuse puisqu’il détient une juridiction libre, pleine et entière, sur sa terre : seul le roi en personne peut le juger6. Guillaume VII accuse même Gautier d’avoir mis à mal son autorité dans la région en intervenant et en arrêtant ses hommes. Le roi Édouard Ier convoque les deux hommes le 1er juillet 1302. La documentation ne précise pas la résolution royale, mais Guillaume VII de Briouze semble obtenir gain de cause, puisqu’en 1304, le roi garantit à Guillaume VII et à ses héritiers la possession de la terre du Gower7. La question de la libre juridiction n’est pas résolue puisque le 13 juillet 1305, le roi Édouard Ier convoque les membres du concile de Londres afin d’étudier la réclamation

1 Webster, « 1306 Swansea Charter ». 2 Bartlett, The Hanged Man…, p. 96. 3 Webster, « 1306 Swansea Charter ». 4 L’évêque de Llandaff réclame le manoir de Llandeilo Ferwallt (angl. Bishopston). Clark, Cartae…, vol. 3 (1271-1331), p. 875-879, no 769 ; p. 912, n°799. 5 CPR, vol. 4 : Edw. I (1301-1307), p. 90-92. 6 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 967-976, no 840. 7 CChW, a.d. 1244-1326, p. 238.

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de Guillaume VII de Briouze, qui affirme détenir des droits de justice dans sa baronnie de Gower8. Ce contexte de remise en cause des droits seigneuriaux de Guillaume par son souverain explique pourquoi ses hommes s’engouffrent dans la brèche taillée par le pouvoir royal et accusent, le 12 novembre 1305, leur seigneur de diverses infractions relatives aux cours de justice9. Le souverain soutient la contestation locale qui affaiblit l’autorité du puissant seigneur de la marche, puisqu’une commission est réunie, formée d’hommes du Gower et de la ville de Swansea, pour juger les offenses commises par Guillaume VII de Briouze envers ses tenants10. Pris en tenaille entre le projet d’affaiblissement voulu par le roi et la colère de la population, Guillaume VII concède, le 24 février 1306, diverses libertés à ses hommes anglais et gallois du Gower11. Remis en cause dans son autorité seigneuriale, Guillaume VII est seul à gérer la crise. Son isolement accroît sa vulnérabilité. L’absence de solidarité lignagère est surprenante, à une période où la valorisation du sang est accentuée. Charles de Miramon constate qu’au début du xive siècle, « l’autoconscience de la noblesse change12 », résultat d’un lent processus initié au xie siècle et accentué au xiiie siècle13. Dans le cadre d’un renforcement lignager autour de la notion de « sang héréditaire14 », pourquoi Guillaume VII n’est-il pas soutenu par ses parents mâles, à savoir ses demi-frères issus des différents mariages de Guillaume VI ? Les liens de sang permettent aux membres d’une même famille de bénéficier de portions de terres tout en les associant par un devoir d’entraide. La théorie de la « solidarité du lignage15 », formulée par Marc Bloch, offre l’image d’un lignage dont les parents sont des « amis charnels », soudés autour de l’obligation d’assistance mutuelle, de protection de l’honneur, de devoir de vengeance ou d’entraide économique16. Le principe de coopération théorique est parfois mis à mal par des contraintes extérieures. Dans leurs jeunes années, les fils de Guillaume VI semblaient proches, bien que les sources n’en aient que peu conservé la trace17. Guillaume VII, Richard [II] et leur neveu Thomas, fils de Pierre18, étaient entrés ensemble, à la suite de leur père, sur les terres d’un de leurs tenants dans les manoirs de Washington et Findon19. La situation bascule après la mort du père, Guillaume VI, en 1291, puisque les actes familiaux ne mentionnent ensuite aucun signe de rencontre ou d’entraide. Les

8 CChW, a.d. 1244-1326, p. 251. 9 CPR, vol. 4 (1301-1307), p. 407. 10 CPR, vol. 4, p. 472. 11 Webster, « 1306 Swansea Charter ». 12 Ch. de Miramon, « Aux origines de la noblesse et des princes du sang. France et Angleterre au xive siècle », in M. van der Lugt et Ch. de Miramon (dir.), L’Hérédité entre Moyen Âge et Époque moderne. Perspectives historiques, Florence, 2008, p. 177. 13 de Miramon, « Aux origines… », p. 159-160. 14 de Miramon, « Aux origines… », p. 161-162. 15 M. Bloch, La Société féodale, Paris, 1982, p. 183-208. Aurell, « La parenté… », p. 126. 16 D. Barthélemy, « L’État contre le lignage », Médiévales, no 10, 1986, p. 41-46. 17 Salzman, An Abstract…, vol. 2 (1249-1307), p. 122, no 935. 18 Richard [II] et Pierre sont les demi-frères de Guillaume VII, fils de Guillaume VI et de Marie de Ros. Tableau de filiation 9 . 19 CPR, vol. 1 : Edw. III (1327-1330), p. 62.

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demi-frères de Guillaume VII ne sont jamais témoins de ses chartes. Ils ne sont pas convoqués comme témoins lors du procès de canonisation de l’évêque de Hereford, Thomas de Cantilupe, en 1307, indice de leur absence à Swansea en 129020. Les parents mâles de Guillaume VII gèrent leur portion de terre, parfois tenue de leur frère aîné, en autonomie21. Le prisme des sources diplomatiques met en évidence un vide, une absence : Guillaume VII est isolé, sans que les liens adelphiques n’apparaissent entre demifrères. Au moment où Guillaume VII est dans une position extrêmement précaire, au tournant des années 1320, ses frères sont tous décédés. Richard [II] meurt en fin d’année 129522, Gilles [III] décède en fin d’année 130423, Pierre s’éteint en début d’année 131124, au même moment que leur cousin Gilles [IV]25, tandis que son fils aîné, Guillaume VIII, décède vers 1315. Le seul membre de la parentèle de Guillaume VII régulièrement présent dans son entourage, jusqu’à sa mort en 1326, est sa belle-mère Marie, veuve de son père Guillaume VI. Les actes de la pratique offrent une image régulière et active de Marie26. Ce dynamisme est lié à son statut de veuve, gardienne et gestionnaire de son douaire. Elle administre le domaine de Wickham, les manoirs de Bosham et de Bramley, de Findon, de Washington, de Sedgwick, de Grinstead, de King’s Barn et de Beeding ainsi que le manoir de Bidlington. Elle perçoit le tonlieu du marché de Tetbury. À cela s’ajoute de nombreuses terres confiées à des tenants. Ces fiefs de chevaliers se situent à Sompting, Ewhurst, Bosham, Tottington, Michel Grove, Kingston, Shermanbury, Sullington, Bracebrugge, Clapham, Woodmancote, Southwick, Lancing, Buncton, Chancton, ainsi que les avoueries de Findon et Lancing (Cartes 6 et 13). Cette longue énumération démontre l’étendue de l’emprise foncière de Marie, principalement implantée dans le Sussex. Robert Bartlett estime ses ressources annuelles à 130 livres27. Après avoir reçu son douaire en 1291, suite au décès de son mari, Marie gouverne seule ses terres, très rarement avec l’aide ponctuelle de mandataires ou de ses fils. Elle défend son douaire vigoureusement, notamment face à son beau-fils, Guillaume VII. Guillaume devait s’acquitter d’une somme – dette héritée de son père – pour permettre l’installation de ses sœurs28, filles de Marie, notamment Marguerite29.

20 Webster, « The Miracle… ». 21 CIPM, vol. 5 (Edw. II), p. 182-183, n°321 ; p. 183, no 322 ; vol. 6 (Edw. II), p. 435-436, no 702 ; p. 458-459, no 723. 22 CFR, vol. 1 : Edw. I (1272-1307), p. 368. Bartlett, The Hanged Man…, p. 101. 23 CFR, vol. 1 (1272-1307), p. 506. 24 CFR, vol. 2 : Edw. II (1307-1319), p. 122. 25 CIPM, vol. 5 (Edw. II), p. 146, no 270. 26 Elle tient de sa famille de Ros les domaines de Weaverthorpe et d’Helmsley, dans le Yorkshire. 27 Bartlett, The Hanged Man…, p. 98-99. 28 TNA, Public Record, Parliamentary Petition 359, Special Collections, SC 8/36/1758. Bartlett, The Hanged Man…, p. 100-101. 29 Marguerite, fille de Marie, est mariée à Raoul de Camoys. Marguerite reçoit en dot le domaine de Great Bookham dans le Surrey, tandis que son mari lui remet en douaire le domaine de Felthorpe dans le Norfolk. Par la suite, Raoul et son épouse rétrocèdent à Marie le manoir de Little Bookham. Bartlett,

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En analysant le témoignage de Marie de Briouze lors du procès de canonisation de Thomas de Cantilupe en 130730, Robert Bartlett nuance le discours des textes médiévaux. Les commissaires chargés de l’enquête ont déploré le manque d’expérience judiciaire de Marie et son manque de connaissance des procédures juridiques31, propos qui contraste vivement avec les informations collectées grâce aux actes de la pratique. Selon Robert Bartlett, cette impression serait liée à la distinction entre la Common Law anglaise et la loi canonique romaine. Il insiste sur l’importance du rôle d’intercesseur joué par Marie au moment de l’exécution et de la résurrection de Guillaume Cragh, condamné à la pendaison par Guillaume VI de Briouze et sauvé par le futur saint Thomas de Cantilupe. Robert Bartlett considère son rôle d’intercesseuse, fonction couramment attribuée aux dames de la haute noblesse. Marie, la première, invoque en prière le nom de Thomas de Cantilupe32. Marie est une femme forte, puissante et active, au pouvoir accru par son veuvage. Son autonomie apparaît de manière significative au moment où l’autorité de son beau-fils Guillaume VII de Briouze est malmenée par la convoitise d’Hugues Le Despenser. Elle semble épargnée par la tourmente33. Au moment de son décès, en mai 1326, ses terres sont transmises à son héritier, Thomas de Briouze, fils de Pierre, petit-fils de Guillaume VI34. Par contre, la réversion de son douaire qui avait été remise à Jean de Montbray35, puis confiée à Richard Hakelut et Guillaume Le Moigne36, avant d’échouer à Aline de Briouze, fille de Guillaume VII, est plus litigieuse. Aline est contrainte de céder la réversion du douaire de Marie à Hugues Le Despenser37. La crise survenue au tournant des années 1320 semble restreinte à la famille nucléaire de Guillaume VII, noyau familial étroit limité à sa fille Aline et son gendre Jean de Montbray. Le processus de dislocation de l’autorité du chef de famille s’effectue lentement, sous la poussée conjointe de plusieurs facteurs, favorisés par la dissolution des liens de solidarité et l’éclatement du lignage. La fragilisation de la position seigneuriale est accentuée par des causes internes, liés aux hasards biologiques qui influencent le régime de transmission patrimoniale et qui provoquent la pénurie de solidarités lignagères. La crise est provoquée par des forces extérieures qui convoitent puis absorbent le patrimoine de la branche aînée de Briouze, sapant

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The Hanged Man…, p. 101-102. Raoul de Camoys fait partie de la clientèle des Despenser. Il est pardonné en 1327 pour avoir soutenu leur cause. Sc. L. Waugh, « For King, Country, and Patron : The Despenser and Local Adminstration, 1321-1322 », Journal of British Studies, vol. 22, no 2, 1983, p. 50. Original, Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. Lat. 4015. Richter, « William ap Rhys… », p. 189-209. Hanska, « The Hanging… », p. 121-138. Webster, « The Miracle… ». Dulley, The Mystery…, 80 p. Bartlett, The Hanged Man…, p. 102. Bartlett, The Hanged Man…, p. 103. CCR, Edw. II, vol. 3, p. 185 ; p. 287-288. CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 396. CCR, vol. 4 (1323-1327), p. 486-488. CIPM, vol. 6 (Edw. II), p. 435-436, no 702 ; p. 458-459, no 723. CPR, vol. 2 (1313-1317), p. 467 ; p. 562. Salzman, An Abstract…, vol. 3 (1308-1509), no 1466-1469. DCAD, vol. 3, p. 115, no A.4885. Salzman, An Abstract…, vol. 3, no 1632. CCR, vol. 4 (1323-1327), p. 486-488.

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leur puissance et leur autorité. Du fait de l’isolement de la cellule familiale de Briouze, seuls Guillaume VII, Jean de Montbray et Aline font face aux difficultés patrimoniales et à l’avidité des puissances voisines. La chute de la branche aînée est-elle uniquement la conséquence d’une mauvaise stratégie seigneuriale de gestion territoriale ?

Jean de Montbray, le substitut Guillaume VIII de Briouze, fils de Guillaume VII, n’apparaît que peu dans la documentation. Il surgit au cours de l’année 1315, date à laquelle son père lui confie la seigneurie de Landimore38. La même année il disparaît des actes de la pratique et Guillaume VII de Briouze n’a plus d’héritier mâle39. En 1326, à la mort de Guillaume VII, la lignée mâle aînée descendante de Guillaume Ier de Briouze s’éteint après neuf générations. Guillaume VII organise sa succession et choisit l’homme qui héritera du patrimoine ancestral. Il a recours à une stratégie fréquemment employée par l’aristocratie qui consiste à unir dès l’enfance sa fille Aline à son pupille Jean de Montbray40. Le lundi 11 novembre 1297, à Gand, Guillaume VII de Briouze reconnaît devoir 500 marcs aux exécuteurs testamentaires de Roger III de Montbray pour obtenir le droit de garder et de marier Jean de Montbray, fils et héritier de Roger, qui devient alors son pupille41. L’année suivante, le 29 novembre 1298, le roi Édouard Ier garantit à Guillaume, resté auprès de lui en Flandre, l’union entre sa fille Aline de Briouze et Jean de Montbray42. Le roi séjourne en Flandre du 27 août 1297 au 12 février 1298, lors de la guerre qui oppose le roi de France Philippe IV le Bel au comté de Flandre de 1297 à 130543. En 1297-1298, le roi d’Angleterre est brièvement tenté d’aider la Flandre pour s’opposer à son ennemi juré, le roi capétien. Guillaume VII de Briouze effectue ce voyage au côté de son seigneur et roi. L’accord d’Édouard Ier est un gage de remerciement pour la participation de Guillaume à cette campagne militaire. Peu après avoir obtenu cette autorisation royale, Guillaume VII de Briouze fiance sa fille Aline à Jean de Montbray, en sa ville de Swansea44. L’acte précise qu’Aline est alors âgée de 8 ans, ce qui permet de dater sa naissance en 1290, tandis que Jean serait né en 128645. Par l’intermédiaire de sa fille Aline, Guillaume VII de Briouze choisit comme héritier son beau-fils Jean de Montbray. La proximité entre les deux hommes est plus profonde qu’un lien entre

38 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 126, no 302 ; p. 1022-1023, no 866 ; p. 1026-1027, no 869 ; p. 1027-1028, no 870. 39 S. Sh. Walker, « Widow and Ward: the Feudal Law of Child Custody in Medieval England », in S. M. Stuard (dir.), Women in Medieval Society, Philadelphia, 1976, p. 104-106. 40 N. J. Menuge, Medieval English Wardship in Romance and Law, Cambridge, 2001, p. 26. 41 CCR, vol. 4 (1296-1302), p. 298-299 ; p. 301. 42 CPR, vol. 3 : Edw. I (1292-1301), p. 323. 43 H. Gough, Itinerary of King Edward the First throughout his Reign, 1272-1307, vol. 2, 1286-1307, Londres, 1900, p. 156-165. 44 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 860-861, no 718. 45 R. E. Archer, « Mowbray, John (I), second Lord Mowbray (1286-1322) », ODNB, 2004.

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beau-père et gendre, puisque Jean a grandi à la cour de Guillaume VII qui l’élève, nouant ainsi un attachement solide, quasi filial46. Après avoir choisi son successeur et avoir élevé le jeune couple, Guillaume de Briouze décide de gérer ses terres familiales avec l’aide de ses enfants. Deux pôles principaux constituent le cœur du patrimoine familial : depuis le dernier quart du xiiie siècle, Guillaume VI puis Guillaume VII font évoluer la titulature lignagère et choisissent d’être nommés seigneurs de Bramber et de Gower47. Ces deux pôles sont administrés séparément. Par exemple, le 5 août 1316, le roi Édouard II accorde à Guillaume VII de Briouze, à Jean de Montbray, à sa femme Aline de Briouze et à leurs héritiers, deux marchés hebdomadaires, les lundis et jeudis, dans leur domaine de Bramber, ainsi qu’une foire semestrielle48. Le roi double le nombre de marchés détenus à Bramber par la famille de Briouze depuis le xiie siècle. Les marchés et foires sont sources importantes de profits, signe qu’en 1316 la famille de Briouze est toujours appréciée par le pouvoir royal. Guillaume VII de Briouze commence le transfert de son patrimoine de son vivant. Un petit-fils, également prénommé Jean, naît vers 1310, alors qu’Aline et Jean sont âgés d’une vingtaine d’années49. Les terres familiales semblent être dirigées par trois niveaux de pouvoir : Guillaume VII de Briouze conserve le statut de seigneur, mais délègue une partie de son autorité au couple formée par sa fille Aline et son gendre, tandis qu’une importante portion du patrimoine est inféodée. Ainsi, en 1315, Guillaume VII de Briouze inféode son château de Bramber, ses terres du Sussex, du Surrey et de Gower, à Guillaume Le Moigne. Ce dernier les tiendra à vie, et lorsqu’il mourra, ces biens reviendront à Jean de Montbray et à sa femme Aline de Briouze, fille de Guillaume VII50. Guillaume VII établit la répartition de ses terres (Carte 13). Il conserve directement la possession, à vie, des manoirs de Knepp, Shoreham, Horsham, Bewbush, Bramber, les bois de Bramber et la réversion51 des manoirs de Findon, Washington, Beeding, West Grinstead et King’s Barn, parts du douaire de Marie de Briouze, veuve de Guillaume VI, dont le reliquat reviendra à Jean de Montbray, son épouse Aline et leurs descendants. Il conserve le manoir de Wickhambreaux, dans le Kent, et la baronnie de Gower. L’année suivante, le 13 novembre 1316, Guillaume VII de Briouze l’Ancien cède à vie, à Richard Hakelut et Guillaume Le Moigne, plusieurs domaines dans le Sussex. Guillaume obtient une licence pour céder, selon le même procédé, 40 fiefs de chevaliers, dépendants des manoirs de Knepp, Shoreham, Horsham, Bewbush et Bramber. Il cède aussi la réversion de 21 et ¼ fiefs de chevaliers, dépendants des manoirs de Findon, Washington, Beeding, West Grinstead, et King’s Barn (lat. Kyngesbernes), que Marie de Briouze tenait en douaire. Richard Hakelut et Guillaume 46 Walker, « Widow… », p. 106. 47 La plus ancienne occurrence répertoriée date du 16 mai 1273, dans un acte non édité. 48 CChR, vol. 3 (1300-1326), p. 315, no 54. 49 R. E. Archer, « Mowbray, John (II), third Lord Mowbray (1310-1361) », ODNB, 2004. 50 Calendar of Ancient Petitions Relating to Wales (XIIIth-XVIth c.), Cardiff, 1975, p. 138-139. 51 Selon le droit de réversion, les biens confiés à une personne reviennent, à sa mort, à son propriétaire légitime.

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Le Moigne rétrocèdent ces terres à Guillaume de Briouze, sa vie durant, le reliquat revenant à Jean de Montbray et Aline de Briouze. Jean de Montbray verse 200 livres pour obtenir une licence royale pour ces possessions52. Cette répartition longuement planifiée entre vassaux, héritiers et seigneur, par laquelle Guillaume VII organise sa succession de son vivant afin d’anticiper les éventuels problèmes d’une transmission à son unique héritière en renforçant le statut de son gendre, s’avère être l’élément déclencheur qui aboutit à la chute finale du lignage. Ces richesses et la localisation stratégique de la terre du Gower suscitent la convoitise d’Hugues Le Despenser, nouveau favori du roi Édouard II depuis la mort du précédent, Pierre Gaveston, en 1312. Les intérêts divergents des membres de la famille de Briouze et du protégé royal se heurtent à partir de 1318, jusqu’à ce que les tensions atteignent leur paroxysme en 1320.

Le Gower et la remise en cause de l’autorité des Briouze En 1318, Hugues Le Despenser le Jeune met en place un stratagème visant à étendre son influence dans la marche de Galles en annexant les terres dépendantes du comté de Gloucester53. Il avait épousé en 1306 Aliénor de Clare, cohéritière avec ses sœurs du patrimoine familial incluant la baronnie de Gloucester, dont elles avaient hérité à la mort de leur frère Gilbert en 1314. En 1317, la partition des terres est achevée et Hugues reçoit, au nom de son épouse, la seigneurie du Glamorgan. La faveur du roi accroît son ambition. Dans un premier temps, il projette d’étendre ses terres du Glamorgan, tenues au nom de son épouse, au détriment de ses beaux-frères. En 1318, les tensions s’étendent. Le 3 août, le roi ordonne à Hugues Le Despenser le Jeune de ne pas rompre la paix royale. Cette paix met fin aux dissensions opposant Hugues et ses hommes de Glamorgan à Guillaume VII de Briouze et ses hommes de Gower54. L’acte ne précise pas la nature des frictions opposant les deux camps, mais révèle l’attitude intrusive du seigneur du Glamorgan. Le roi semble alors protéger le seigneur du Gower de l’agressivité d’Hugues. Mais rapidement, la situation tourne au désavantage de Guillaume de Briouze. Le discours des actes : l’absence de licence royale

Le 28 juillet 1319, une commission est chargée d’enquêter au pays de Galles afin d’établir une liste des terres remises aux ancêtres de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower, par les rois précédents55. Cette enquête doit préciser la date d’obtention de ces terres, le service dû pour leur tenure et les sommes produites annuellement. Les terres aliénées sans autorisation seront confisquées. Selon une

52 CPR, vol. 2 : Edw. II (1313-1317), p. 562. 53 J. Conway Davies, « The Despenser War in Glamorgan », TRHS, vol. 9, 1915, p. 21-23. 54 CCR, vol. 3 (1318-1323), p. 96. 55 Conway Davies, « The Despenser… », p. 39.

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information transmise au roi, Guillaume de Briouze et ses ancêtres auraient aliéné plusieurs terres sans licence royale56. Le samedi 13 octobre 1319, l’enquête, menée sur les terres de Guillaume VII, seigneur de Gower, établit la liste des terres données ou aliénées et définit leur valeur annuelle (Annexe 4). Les jurés affirment que toute la terre et les tenures sont des parcelles de la terre de Gower, tenue du roi en chef pour le service d’un fief de chevalier. Ils affirment que les tenures examinées sont aliénées en fief. Ces terres sont bien tenues par Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower, selon la licence accordée par le roi d’Angleterre à ses ancêtres et descendants57. Finalement, cette première enquête conforte la position de Guillaume dans la marche de Galles en assurant son statut de seigneur du Gower. Guillaume, rassuré, baisse sa garde. Dix jours après le résultat de l’enquête royale, le jeudi 23 octobre 1319, Guillaume de Briouze, seigneur de la marche de Galles, fait rédiger une reconnaissance de la dette de mille livres qu’il a contracté auprès de son gendre, Jean de Montbray, seigneur de l’île d’Axiholme58. Il s’engage à s’acquitter de cette somme sur ses biens meubles et son bétail, sans préciser les terres incluses dans la concession. L’acte peut être associé à une donation de Guillaume VII de Briouze émise à la même période. Guillaume VII de Briouze, seigneur de Bramber et Gower, donne sa seigneurie de Gower à Jean de Montbray et à sa fille Aline de Briouze, femme de Jean. S’ils n’ont pas d’héritiers, ces terres reviendront à Onfroy VII de Bohun, comte de Hereford et d’Essex59. Onfroy est un lointain cousin de Guillaume VII, descendant d’Aénor de Briouze, fille de Guillaume V, petite-fille de Renaud60. En cas de décès sans héritier d’Aline et de Jean, le patrimoine familial sera transféré à un descendant en ligne féminine. En effectuant ce transfert patrimonial, Guillaume VII de Briouze pense vraisemblablement agir légitimement, puisqu’il s’appuie sur une confirmation royale qui lui avait été précédemment octroyée. Par grâce spéciale, le 18 octobre 1304, le roi Édouard Ier avait garanti à Guillaume VII de Briouze et à ses héritiers la possession de la terre de Gower, qu’ils tiendront du roi et de ses héritiers61. Mais en transférant sa seigneurie à son gendre, Guillaume VII de Briouze fournit au roi Édouard II et à son favori un levier pour s’emparer du Gower. En un an, entre le 13 octobre 1319, date du résultat positif de l’enquête, et le 13 novembre 1320, la situation bascule. Le pouvoir royal estime que Jean de Montbray a reçu la seigneurie de Gower de Guillaume VII de Briouze sans autorisation royale. Cette terre lui est alors confisquée. Un clerc royal est envoyé pour prendre ce domaine au nom du roi et l’expertiser. Mais lorsqu’il arrive à la chapelle de Saint-Thomas, à Kilvey, près de Swansea, il est accueilli par une foule de Gallois en armes, lui interdisant d’exécuter CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 2-3. CIM, vol. 2, p. 104, no 412. Acte non édité : BL, Harley CH 47 B 49. Loyd et Stenton, Sir Christopher…, p. 217-218, no 315. Il s’agit d’Onfroy de Bohun, époux d’Élisabeth, fille du roi Édouard Ier. Guillaume VII de Briouze s’allie aux Bohun, par le mariage de sa seconde fille Jeanne. 61 CChW, a.d. 1244-1326, p. 238. 56 57 58 59 60

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son mandat sous peine de mort62. Le 15 novembre, un clerc royal, probablement le même que dans l’acte précédent, reçoit un paiement pour avoir passé 18 jours sur la terre de Gower, au service du roi, afin de superviser la gestion de cette seigneurie. Cet enregistrement rappelle le motif de son séjour : le Gower avait été confisqué à Guillaume VII de Briouze, qui avait aliéné au profit de Jean de Montbray cette terre qu’il tenait du roi en chef, sans autorisation royale63. Malgré la tentative de résistance locale, le 18 décembre 1320, une commission, incluant Hugues Le Despenser, est chargée d’établir une liste des terres aliénées dans la seigneurie du Gower par Guillaume de Briouze et ses ancêtres64. Depuis 1318, cette commission est le premier signe visible de la présence sous-jacente d’Hugues Le Despenser dans le processus de confiscation du Gower65. Mais ce n’est que le 22 juin 1324 qu’Hugues s’empare officiellement de la terre de Gower66. Plusieurs étapes séparent la confiscation du Gower à son intégration au patrimoine des Despenser. La légitime possession du Gower par les Briouze

Le 3 juin 1200, le roi Jean avait confirmé à Guillaume III de Briouze la possession de la terre du Gower précédemment acquise par son père67. Le 23 février 1203, le roi Jean avait précisé cette concession en indiquant que cette terre revenait à Guillaume III et ses descendants contre le service d’un chevalier. À cette occasion, les limites territoriales de la seigneurie avaient été nettement définies68. Par la suite, les rois successifs confirmèrent aux seigneurs de Briouze la pleine détention de ce fief. Le 10 mai 1252, le roi Henri III avait fait savoir à Guillaume VI de Briouze qu’il était informé de son intention de vendre ou d’échanger sa terre du Gower qu’il tenait du roi en chef69. En 1280, à la suite d’un procès, les juges avaient confirmé à Guillaume VI de Briouze la possession du château de Swansea et de la terre du Gower70. Enfin, le roi Édouard Ier avait garanti à Guillaume VII de Briouze la propriété de la péninsule. Ainsi, le 12 janvier 1291, il fait remettre à Guillaume toutes les terres lui appartenant dans le Gower suite au décès de son père Guillaume VI71. En échange, Guillaume VII

62 CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 40-41. N. Fryde, The Tyranny and Fall of Edward II (1321-1326), p. 43, à partir de Vita Edwardi Secundi, éd. N. Denholm-Young, Londres, 1957, p. 108-109. 63 CCR, vol. 3 (1318-1323), p. 342. 64 CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 43. 65 Conway Davies, « The Despenser… », p. 33. Le Gower jouxte les terres du Glamorgan tenues par Hugues Le Despenser, et consolide ses frontières par l’acquisition des places-fortes de Swansea et de Loughor. 66 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1127, no 921. 67 Clark, Cartae…, vol. 2 (1196-1270), p. 254, no 253. 68 Clark, Cartae…, vol. 2, p. 287-288, no 283. 69 CR, Hen. III, vol. 7, p. 216. 70 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 805-810, no 740. 71 CCR, vol. 3 (1288-1296), p. 157.

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lui avait prêté hommage le 1er mars 129172, puis il s’était acquitté du droit de relief le lendemain73. Guillaume VII de Briouze doit, à plusieurs reprises, prouver qu’il détient pleinement le Gower. Le 16 avril 1299, une commission d’enquête est levée sur ordre du roi Édouard Ier afin de déterminer les infractions commises par Guillaume VII de Briouze et ses baillis du Gower à l’encontre de l’évêque de Llandaff, Jean de Monmouth74. Lorsque Guillaume VII de Briouze se présente devant le roi, il affirme détenir le Gower du roi en chef selon une charte du roi Jean, qui lui confère une liberté judiciaire totale dans le Gower. Le roi ordonne la suspension du jugement afin de vérifier ces affirmations75. À nouveau, en 1302, Guillaume VII de Briouze est contraint par la justice de prouver que ses ancêtres et lui-même détenaient toute la terre de Gower et ses franchises contre le service d’un chevalier, concédées par le roi Jean76. Guillaume VII affirme que ses ancêtres tenaient de tout temps une juridiction complète sur leurs tenures. Ils possédaient cette terre librement, sans intervention extérieure. Par la suite, la situation semble s’apaiser, puisque le 18 octobre 1304 Édouard Ier garantit à Guillaume VII et à ses héritiers la possession de la terre de Gower77. Après le changement de règne, Guillaume VII veille à entériner ses droits, régulièrement contestés. Sous Édouard II, le 9 mai 1316, une enquête confirme que Guillaume VII de Briouze tient du roi en chef la baronnie de Gower au pays de Galles, contre le service d’un fief de chevalier. Sa valeur annuelle est estimée à 300 livres78. En récapitulant les confirmations royales et les notices de procès depuis l’obtention de la seigneurie de Gower par la famille de Briouze au début du xiiie siècle, deux données essentielles ressortent. Tous les rois depuis Jean ont approuvé la pleine propriété de la terre de Gower aux seigneurs successifs de Briouze, y compris Édouard II en 1316. Les Briouze détiennent librement cette terre et l’autorité royale n’y a pas juridiction. Discordances entre les discours des sources narratives

L’analyse chronologique des actes de la pratique diffère par certains aspects du discours historiographique d’une source narrative, la Chronique du monastère de SaintAlban, rédigée par le scribe Jean de Trokelowe, un moine bénédictin du prieuré de Tynemouth dans le Northumberland, sous la dictée de Guillaume Rishanger, moine chroniqueur de Saint-Alban79. Selon la chronique, en 1321, Guillaume de Briouze

72 CFR, vol. 1 (1272-1307), p. 290. 73 CCR, vol. 3 (1288-1296), p. 163. Le droit de relief est de 100 sous pour la terre du Gower (Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1020-1021, no 864). 74 Prestwich, Edward I, p. 538. 75 CCR, vol. 4 (1296-1302), p. 302. 76 CPR, vol. 4 (1301-1307), p. 90-92. 77 CChW, a.d. 1244-1326, p. 238. 78 Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1038, no 877. 79 A. Gransden, Historical Writing in England, vol. 2, c. 1307 to the Early Sixteenth Century, Londres, 1996, p. 5. Après 1323, Henri de Blaneforde poursuit le récit.

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aurait mis en vente sa terre du Gower80. À la fin du xive siècle, Thomas Walsingham, également moine de Saint-Alban, compile la Chronique de son monastère et poursuit le récit jusqu’en 142281. Ceci explique pourquoi Thomas Walsingham est la seule autre source à mentionner l’histoire de la vente du Gower par Guillaume VII de Briouze, puisqu’il reprend presque à l’identique la trame narrative précédente en la développant82. Ces récits sont erronés pour deux raisons83. Premièrement, les actes de la pratique ne mentionnent aucune mise aux enchères de la terre de Gower, même avant 1321. Guillaume VII a bien remis sa terre du Gower à son gendre contre la remise d’une dette de mille livres qu’il avait contractée envers lui84. Cet échange, qui a lieu en 1319, fait partie d’un ensemble de transferts patrimoniaux lié à la pratique de l’association, traditionnellement employée par les seigneurs de Briouze. Guillaume VII, âgé, transmet progressivement son pouvoir au mari de sa fille aînée. Deuxièmement, en 1321, Guillaume VII ne peut vendre le Gower, puisqu’il n’en a plus la pleine possession. Par contre, les sources du monastère de Saint-Alban mettent en évidence l’ingérence d’Hugues Le Despenser et le mécontentement que son intrusion suscite parmi les seigneurs de la marche de Galles. Les Flores historiarum tiennent un discours historiographique différent. Selon Antonia Gransden, plusieurs continuations du récit originel – rédigé par Roger de Wendover jusqu’en 1235 –, prolongent le récit jusqu’en 132685. La version de Robert de Reading, moine de Westminster, s’achève en 132686. Ce récit rapporte qu’en 1320 Guillaume de Briouze décède87. Jean de Montbray, qui avait épousé sa fille et héritière, reçoit alors le château de Swansea et toute la terre du Gower. Mais en prenant la saisine de cet héritage, il mécontente les Despenser qui convoitaient la terre. Le roi envoie alors son escheator88, Richard de Rodeney, prendre le château de Jean de Montbray tandis que ce dernier est incarcéré à la Tour de Londres. Le château de Swansea et la terre du Gower sont ensuite remis à Hugues Le Despenser le Jeune.

80 Chronica monasterii S. Albani. Johannis de Trokelowe et Henrici de Blaneforde, monachorum S. Albani necnon quorundam anonymorum, Chronica et Annales (ad. 1259-1296 ; 1307-1324 ; 1392-1406), éd. H. Th. Riley, Londres, p. 107. 81 Gransden, Historical…, vol. 2, p. 118. 82 Chronica monasterii S. Albani. Thomae Walsingham, quondam monachi S. Albani, Historia Anglicana, éd. H. Th. Riley, Londres, vol. 1 (ad 1272-1381), p. 158-159. 83 Jones, A History…, vol. 1, p. 93. Conway Davies, « The Despenser… », p. 34-36. 84 Acte non édité : BL, Harley CH 47 B 49. Loyd et Stenton, Sir Christopher…, p. 217-218, no 315. 85 Gransden, Historical…, vol. 2, p. 2-3. La version connue sous le titre Gesta Edwardi de Carnavan auctore cononico Bridlingtoniensi. Chronicles of the reigns of Edward I and Edward II, éd. W. Stubbs, Londres, 1883, vol. 2, p. 57 et suivantes, à partir de l’année 1319, ne mentionne pas la perte du Gower par Guillaume VII de Briouze et Jean de Montbray. 86 Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 3, p. 344. 87 Le récit précise qu’il s’agit de Guillaume [VII], dont la fille et héritière a épousé Jean de Montbray. Il ne peut s’agir de son fils, Guillaume [VIII] précédemment décédé. Conway Davies, « The Despenser… », p. 34, note 4. 88 L’escheator est un officier royal chargé de garder les propriétés entre le moment du décès du précédent tenant en chef du roi et la remise au successeur, après que celui-ci se soit acquitté d’un droit de succession.

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À nouveau, ce récit historique médiéval diffère du contenu des sources diplomatiques, puisque Guillaume VII de Briouze ne décède qu’en 1326. De plus, la participation de Jean de Montbray à la rébellion menée par Thomas de Lancastre y est occultée. Par contre, le récit fait le lien entre la prise de possession de l’héritage du Gower par Jean de Montbray, la convoitise des Despenser et le droit de saisine exercé par le pouvoir royal. Dans ces deux cas, la procédure d’accaparement par les Despenser au détriment d’une ancienne lignée de tenants en chef du roi est mise en évidence. Hugues Le Despenser annexe le Gower puis les terres des Briouze par une série de manœuvres successives. Le 3 août 1318, le roi règle des tensions survenues entre les hommes du Glamorgan, sous l’autorité d’Hugues, et les hommes du Gower, dont Guillaume VII est le seigneur89. Le 18 décembre 1320, Hugues Le Despenser fait partie de la commission chargée de lister les terres aliénées par Guillaume VI de Briouze et ses ancêtres90. Ce n’est qu’après 1322 et la forfaiture de Jean de Montbray qu’Hugues Le Despenser s’empare de l’ensemble des terres de Guillaume VII et de sa fille Aline. Le 1er juin 1322, il s’empare de terres dans le Bedfordshire91, le 16 juin 1323, il reçoit la réversion du château de Bramber et 21 fiefs de chevaliers situés dans le Sussex92, ainsi que les différentes terres qu’Aline devait recevoir à la mort de Marie de Briouze et de Guillaume VII93. Ce n’est que le 22 juin 1324 que Guillaume VII de Briouze, seigneur de Bramber, cède à Hugues Le Despenser toute sa terre du Gower et ses dépendances au pays de Galles94. En étudiant le cas d’une plainte déposée par Élisabeth de Burgh contre les Despenser en 1326, George Arthur Holmes explique ce décalage, entre la perte du Gower par les Briouze et sa prise en main par les Despenser95. Hugues Le Despenser le Jeune avait pour ambition d’annexer le patrimoine de son beau-frère, Gilbert de Clare, dernier comte de Gloucester et d’Hertford décédé en 1314, frère de son épouse Aliénor. À la mort de Gilbert, ses terres avaient été partagées entre Aliénor et ses sœurs, Élisabeth de Burgh, mariée à Roger Damory, et Marguerite , épouse d’Hugues d’Audley96. En 1322, après la révolte de son époux, Élisabeth de Burgh est emprisonnée et contrainte d’échanger en juin 1322 sa terre d’Usk contre le Gower, bien qu’elle juge ce domaine de moindre valeur97. Entre avril et mai 1324, Guillaume VII parvient à regagner son

CCR, vol. 3 (1318-1323), p. 96. CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 43. CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 129. CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 426 ; p. 433. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1128-1130, n°922. DCAD, vol. 3, p. 115, no A.4885. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1127, no 921. DCAD, vol. 3, p. 115, no A.4885 ; vol. 5, p. 533, no A.13540 ; p. 538, no A.13556. 95 G. A. Holmes, « A Protest against the Despensers, 1326 », Speculum, vol. 30, no 2, avril 1955, p. 207-212. 96 Holmes, « A Protest… », p. 207. 97 Holmes, « A Protest… », p. 208. Cela explique pourquoi le 10 juillet 1323, Élisabeth de Burgh est désignée comme « dame du Gower » (B. G. Charles et H. D. Emanuel (éd.), « Welsh Records in Hereford Capitular Archives », National Library of Wales Journal, n°8-1, 1953, p. 67, no 1769). 89 90 91 92 93 94

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domaine devant la justice98, temporairement, avant d’être contraint de le céder à Hugues Le Despenser en juin 132499. Deux actes démontrent la versatilité des décisions royales. La bienveillance du roi Édouard II varie en fonction du degré de faveur qu’il accorde à son vassal. La toute-puissance du favori Hugues Le Despenser apparaît nettement. Le 4 octobre 1323, le roi Édouard II accorde son pardon à Hugues Le Despenser pour avoir acquis le manoir de Wickham sans licence royale, fief qui appartenait à Guillaume VII de Briouze100. Le 1er juillet 1324, le roi Édouard II accorde son pardon à Hugues Le Despenser pour avoir acquis sans autorisation royale toute la terre du Gower que Guillaume VII de Briouze tenait du roi en chef101. Ces deux exemples illustrent le paradoxe de la faveur royale102. Édouard II pardonne à Hugues Le Despenser pour une action identique à celle qui avait provoqué la sanction de Guillaume VII, la perte de ses domaines et la rébellion de son gendre. Le lent processus qui conduit à la saisie du Gower en 1320 s’effectue en deux temps : l’autorité de Guillaume VII dans la région est régulièrement remise en question, obligeant le seigneur à prouver ses droits, puis Hugues Le Despenser s’introduit subrepticement dans les affaires de Guillaume de Briouze avant d’annexer progressivement toutes ses terres.

La réaction des Briouze Les sentiments d’injustice et d’impuissance ressentis par la famille seigneuriale de Briouze transparaissent ponctuellement à travers les actes de la pratique. Les trois parents n’ont pas la même réaction face à la perte de leurs territoires qui provoque la dégradation de leur condition sociale. La révolte de Jean de Montbray

En 1320, le Gower est confisqué à Guillaume VII de Briouze qui est accusé d’avoir aliéné, sans autorisation royale, cet honneur qu’il tenait du roi en chef, en le remettant à son gendre, Jean de Montbray. Ce dernier, âgé d’environ 35 ans, accepte mal cette déchéance. Lorsqu’il prépare sa succession103, il conserve la titulature de « seigneur de l’île d’Axiholme et du Gower ». Jean de Montbray donne alors à son fils et à son épouse trois manoirs qu’il possède, à Kyrkby Malzeard, Burtone et Hovingham104.

98 Holmes, « A Protest… », p. 208. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 1128-1130, n°922. S. Phillips, Edward II, New Haven & Londres, 2010, p. 446-447. Fryde, The Tyranny…, p. 111. 99 DCAD, vol. 3, p. 115, no A.4885. Holmes, « A Protest… », p. 208. 100 CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 343. 101 DCAD, vol. 3, p. 117, no A.4884. 102 Holmes, « A Protest… », p. 210. Conway Davies, « The Despenser… », p. 42. 103 Rymer, Foedera…, vol. 2, partie 2, p. 26b-27a. 104 Acte non édité : BCM, General Charters 3253.

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Cette donation, faite alors qu’il est dans la fleur de l’âge et que son fils n’a qu’une dizaine années, est le signe qu’il envisage l’éventualité de sa mort. Jean de Montbray rejoint la rébellion menée par Thomas de Lancastre en 1321-1322 (angl. the Contrariants’ rebellion105). Thomas de Lancastre, cousin du roi Édouard II, s’est rapidement opposé à la politique royale, notamment à la faveur excessive accordée à Pierre Gaveston. En 1310-1311, il est l’un des principaux instigateurs des Ordonnances de 1311, ratifiées par 21 seigneurs, restreignant le pouvoir du roi en instaurant une régulation des prérogatives administratives de la royauté et en contrôlant les revenus royaux. Après la mort du favori Pierre Gaveston en 1312 et profitant de la défaite de Bannockburn contre les Écossais en 1315, Thomas de Lancastre renforce son emprise sur le gouvernement, ce qui provoque la méfiance des barons106. À partir de 1318, la montée en puissance des Despenser rend les deux favoris royaux impopulaires107, ce qui favorise à nouveau la position de Thomas parmi le baronnage. Les causes de la révolte semblent mêler plusieurs facteurs, telle la situation particulière de la marche de Galles108, la dispute au sujet du Gower109 et l’hostilité provoquée par la montée en puissance des Despenser, favoris du roi110. L’attitude de Jean de Montbray n’est pas isolée, malgré la saisie de l’héritage de son épouse qui exacerbe son mécontentement. Michael Prestwich puis Seymour Phillips constatent le manque de fiabilité des chevaliers appartenant à la maisonnée du roi Édouard II111. Ils dénombrent 25 chevaliers ayant fidèlement servis le roi entre 1314 et 1321 avant de se rebeller en 1321-1322112. À partir de 1320-1321, le mécontentement des barons de la marche s’accroît. La chronique galloise Brut y Tywysogyon (Peniarth MS 20) rapporte brièvement la succession des évènements survenus en 1321-1322113 : An I. La reine se rendit au château de Leeds où l’entrée lui fut interdite. Elle s’en plaignit au roi. À cause de cela, la guerre entre les barons et le roi commença. Le roi envoya une armée détruire le château et déclara que Bartholomé de Badlesmere devait être capturé car le château lui appartenait. Les barons se portèrent alors contre les terres d’Hugues Le Despenser et ils s’emparèrent du Glamorgan [Morgannwg]. Lorsque le roi l’apprit, il se rendit à Shrewsbury à Noël. […] Les barons se rendirent 105 Waugh, « For King… », p. 31-32. 106 J. R. Maddicott, Thomas of Lancaster, 1307-1322. A Study in the Reign of Edward II, Oxford, 1970, p. 106, p. 160, p. 259-261. 107 M. Lawrence, « Rise of a Royal Favourite: the Early Career of Hugh Despenser the Elder », The Reign of Edward II: New Perspectives, Gw. Dodd, A. Musson (éd.), York, 2006, p. 205. 108 Conway Davies, « The Despenser… », p. 21. 109 Waugh, « For King… », p. 31. Phillips, Edward II, p. 366. 110 Plusieurs chroniques ne mentionnent pas l’affaire du Gower, mais insistent plutôt sur l’hostilité du baronnage anglais contre les Despenser. Gesta Edwardi de Carnavan, vol. 2, p. 57. Brenhinedd y Saesson, p. 264-267. Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 123-125. 111 M. Prestwich, « The Unreliability of Royal Household Knights in the Early Fourteenth Century », in C. Given-Wilson (dir.), Fourteenth Century England II, Woodbridge, 2002, p. 7-9. Phillips, Edward II, p. 168, 306 note 152, 415. 112 Phillips, Edward II, p. 374. Le 30 janvier, le roi Édouard II ordonne à plusieurs seigneurs, dont Jean de Montbray, de ne pas former d’assemblées ni de conclure de traités secrets. 113 Brut y Tywysogion (Peniarth MS 20), p. 124.

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alors à Boroughbridge. André d’Harclay vint à leur rencontre et leur coupa l’accès au pont. Le comte de Hereford fut assassiné, le comte de Lancastre fut capturé et emmené à Pontefract, retenu prisonnier dans son propre château par le roi. Le lundi suivant la fête de l’abbé Benoît [lundi 22 mars], il fut décapité. An II. Les barons furent poursuivis, les Clifford, Montbray, Tyeis, Badlesmere et beaucoup d’entre eux furent capturés, tués, noyés et pendus ; les autres furent emprisonnés. Les Audley et les Berkeley furent emprisonnés. La brièveté du récit de la chronique masque les deux étapes de la rébellion. Dans un premier temps, les rebelles sont victorieux114. Le 20 août 1321, le roi Édouard II accorde à Jean de Montbray son pardon pour avoir résisté lors de la saisie du Gower115. L’apogée de la révolte est de courte durée. Seymour Phillips explique que suite au pillage des terres d’Hugues Le Despenser116, Jean de Montbray récupère son domaine perdu du Gower117. Les Despenser sont contraints à l’exil. Un revirement de situation survient peu après. Dès le 27 février 1322, les terres de Jean de Montbray sont saisies par le roi118. La bataille de Boroughbridge, le 16 mars 1322, marque la victoire du pouvoir royal après la désertion des troupes de Thomas de Lancastre, ce qui provoque sa capture puis son exécution quelques jours plus tard, le 22 mars. À sa suite, ses principaux partisans sont exécutés, dont Jean de Montbray, le 23 mars 1322119. Le 1e juin 1322, le roi Édouard II condamne la forfaiture du Jean de Montbray en confisquant les terres du Bedfordshire appartenant à Guillaume VII de Briouze et en les confiant à Hugues Le Despenser le Jeune120. Cette vaste procédure de confiscation des terres de Jean de Montbray se répercute sur les tenants, dont les terres sont également saisies121. Le dépérissement de Guillaume VII

Après la rébellion de son gendre Jean de Montbray, la situation, tant socio-économique que physique et morale, de Guillaume VII se dégrade rapidement122. En début

114 Conway Davies, « The Despenser… », p. 62. Jean Iweyn, devenu tenant d’Hugues Le Despenser après la saisie du Gower, reste fidèle à son nouveau maître au moment de la rébellion de 1321. Il est alors emprisonné puis exécuté par les Briouze. 115 CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 40-41. 116 J. Beverley Smith, « Edward II and the allegiance of Wales », Welsh History Review, vol. 8, no 2, 1976, p. 157. 117 Phillips, Edward II, p. 376-379. T. B. Pugh, « The Marcher Lords of Glamorgan and Morgannwg, 1317-1485 », Glamorgan County History, vol. 3, Cardiff, 1971, p. 171. Fryde, The Tyranny…, p. 48. 118 CIPM, vol. 6 (Edw. II), p. 216-217, no 358. CFR, vol. 3 (1319-1327), p. 40-41. CCR, vol. 3 (1318-1323), p. 342. 119 Chronica monasterii de Melso, éd. E. A. Bond, Londres, 1867, vol. 2, p. 343. Phillips, Edward II, p. 410. 120 CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 129. 121 CCR, vol. 3 (1318-1323), p. 464. Calendar of Ancient Petitions Relating to Wales (XIIIth-XVIth c.), Cardiff, 1975, p. 500-501. Charles et Emanuel, « Welsh Records… », p. 67, no 1769. Fryde, The Tyranny…, p. 74. Un groupe de bourgeois de Swansea est accusé par Hugues Le Despenser d’avoir soutenu Jean de Montbray et contraint à verser une rançon pour sortir de prison. 122 La déchéance de Guillaume VII de Briouze est-elle liée à une hostilité ancienne d’Édouard II à son égard ? Seymour Phillips note que, sous le règne d’Édouard Ier, le prince avait insulté Guillaume. Phillips, Edward II, p. 105, note 161.

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Carte 13 : Inventaire des terres de Guillaume VII de Briouze et de Marie de Ros à leur décès en 1326 (Inquisitions Post Mortem)

d’année 1322, Guillaume VII informe le roi qu’il ne peut se présenter au Parlement pour des raisons de santé123. Natalie Fryde justifie l’attitude soumise de Guillaume VII vis-à-vis du pouvoir royal à la fois comme conséquence de son grand âge et de sa maladie, mais aussi en raison de l’emprisonnement de sa fille Aline et de son petit-fils Jean, ce qui le contraint à accepter la volonté royale pour ne pas les mettre en danger124. Il doit remettre ses terres au roi et à son favori125. Il tente toutefois de défendre les droits de son épouse Élisabeth : une rente annuelle de 10 marcs à Plympton, assignée à Robert de Prestbury contre son service, a été confisquée par le roi. Robert s’était rebellé, mais il avait renoncé à son service avant de se rebeller126. Guillaume VII cherche à défendre ses droits, mis à mal dans ce contexte troublé. Il demande au roi de reconnaître puis de rétablir les usurpations de plusieurs libertés seigneuriales commises par les bourgeois de Horsham, dans la baronnie de Bramber127. Le 5 septembre 1324, le déclin de Guillaume VII de Briouze atteint son niveau le plus bas. Il est contraint de céder son château et sa ville de Bramber, ainsi que le port de Shoreham. En échange du cœur du patrimoine familial, tenu par les Briouze depuis plus de 250 ans, il reçoit une rente annuelle de 70 livres, prélevée sur la ferme de Londres128. 123 124 125 126 127 128

Rymer, Foedera…, vol. 2, partie 2, p. 47. Fryde, The Tyranny…, p. 112. CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 129. Charles et Emanuel, « Welsh Records… », p. 67, no 1769. CIM, vol. 2, p. 166, no 666. CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 434 ; vol. 5, p. 186. CIM, vol. 2, p. 208, no 835.

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À cette période, Hugues Le Despenser remet à vie à Guillaume VII de Briouze, qui devient ainsi son tenant, le château de Carlton, dans le Lincolnshire129. Malgré cette série d’échecs, Guillaume VII conserve le projet de reconstruire son patrimoine familial perdu, puisqu’il réclame auprès de la couronne la possession du Gower que sa famille détenait du roi en chef depuis plusieurs générations. Cette terre avait échu au roi après la trahison de Jean de Montbray puis elle avait été remise à Hugues Le Despenser qui l’avait inféodée à la famille de Burgh. Il fait valoir sa loyauté, en se détachant des actions de son gendre, et il fait primer le droit du sang, celui de sa fille Aline. À la fin du mois d’avril 1326, Guillaume VII de Briouze décède et ses terres sont saisies par la couronne (Carte 13). Au moment de sa mort, il semble avoir réussi à reconstituer, par cession d’Hugues Le Despenser, une partie de son patrimoine, puisqu’il détient les manoirs de Wickhambreaux (Kent), Knepp, Bewbush, la ville de Horsham et le port de Shoreham, ainsi que le château de Bramber. Ces terres étaient tenues contre le service de 16,5 chevaliers130. Sa quête de récupération du territoire perdu du Gower a échoué : l’enquête post mortem n’en fait nullement mention. Cette enquête apporte toutefois une information importante. Elle indique que Guillaume VII a eu une seconde fille de son union avec Élisabeth de Sully. Aline n’est pas la seule héritière. Jean de Bohun, fils de Jeanne de Briouze, femme de Jacques de Bohun, est également son héritier131. Aline, veuve, mère et représentante de la branche aînée

À l’âge de 8 ans, Aline, fille de Guillaume VII, est fiancée à Jean de Montbray, pupille de son père132. Aline est fréquemment citée dans les actes de la pratique. Elle apparaît au côté de son époux comme la principale bénéficiaire des terres paternelles, malgré la multiplication des inféodations effectuées par Guillaume VII, notamment au profit de Guillaume Le Moigne133. Après l’exécution de son époux, elle devient la veuve d’un traître à son roi et elle est emprisonnée, ainsi que son fils134. Son emprisonnement à la tour de Londres n’apparaît pas explicitement dans les sources diplomatiques. Il est indiqué par la continuation de la chronique Flores historiarum135, compilée par les moines de Westminster. Son emprisonnement explique pourquoi elle est contrainte de céder aux Despenser la réversion de l’honneur et du château de Bramber136, ainsi que de

129 130 131 132 133

Acte non édité : BL, Harley CH 56 D 28. CIPM, vol. 6 (Edw. II), p. 435, no 701. CIPM, vol. 6 (Edw. II), p. 435, no 701. CPR, Londres, 1895, vol. 3 : Edw. I (1292-1301), p. 323. Clark, Cartae…, vol. 3, p. 860-861, no 718. Calendar of Ancient Petitions Relating to Wales (XIIIth-XVIth c.), Cardiff, 1975, p. 138-139. TNA, C 143/119/8, 9 Edw. II. CPR, vol. 2 : Edw. II (1313-1317), p. 562. Salzman, An Abstract…, vol. 3, no 1465 ; no 1468. Loyd et Stenton, Sir Christopher…, p. 217-218, no 315. 134 Fryde, The Tyranny…, p. 63, p. 112. 135 Roger de Wendover, Flores historiarum, éd. Luard, vol. 3, p. 344. 136 CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 426.

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nombreux domaines du Sussex137. Par la suite, elle s’oppose même à son père pour tenter d’obtenir la saisine de terres dans le Gower au nom de son mari défunt, mais elle échoue138. Ce n’est qu’après la mort de son père en 1326 et la mort des Despenser puis du roi qu’elle parvient à établir un solide patrimoine pour son fils Jean. Aline subit les mêmes pressions que celles exercées sur les veuves des rebelles exécutés, telles Alice de Lacy, veuve de Thomas de Lancastre, et Élisabeth de Burgh, cas analysées par George Arthur Holmes139. En obtenant, par la contrainte, le consentement légal de veuves terrorisées, les Despensers entérinent le long processus d’accaparement entrepris du vivant de leurs époux et se protègent sous couvert du respect des procédures légales.

Conclusion : Collision de trajectoires James Conway Davis résume en quelques mots la succession des évènements qui marquent la fin du règne d’Édouard II. Corollaire d’un conflit local et personnel entre beaux-frères au sujet de l’héritage du Gloucestershire, la dispute entre les Despenser et les Briouze au sujet du Gower acquiert une dimension politique. La querelle pour le Gower est l’une cause de la rébellion140. La chute de Guillaume VII est la conséquence d’une collision de trajectoires contradictoires mêlant histoire locale et générale. Par effet de réciprocité, dans une certaine mesure, la chute des Briouze entraîne dans son sillage celle du roi et de son favori. Jean Capgrave, historien anglais du xve siècle, accuse directement dans sa chronique Guillaume VII de Briouze d’avoir provoqué la mésentente entre le roi Édouard II et ses grands vassaux141. Son récit reprend la trame narrative des chroniques et des continuations de l’abbaye de Saint-Alban. Jean Capgrave exacerbe ce discours par une description peu élogieuse de Guillaume qu’il accuse d’avoir dilapidé sa fortune (anc. angl. a gret wastour of good) et d’avoir voulu combler ses dettes en vendant son domaine du Gower au plus offrant. L’endettement aristocratique est une pratique courante et une constante familiale, accrue par la transmission des dettes de père en fils, puisque Guillaume VII doit s’acquitter d’une somme de 800 livres due par son père142. Natalie Fryde met en évidence la situation précaire de Guillaume VII, appauvri par l’endettement paternel et dont l’unique héritier mâle, Guillaume VIII, est décédé143.

137 CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 433. DCAD, vol. 3, p. 115, no A.4885. CIM, vol. 2, p. 208, no 835. Salzman, An Abstract…, vol. 3, no 1632. CCR, vol. 4 (1323-1327), p. 486-488. 138 CPR, vol. 4 (1321-1324), p. 432-433. 139 Holmes, « A Protest… », p. 209. CCR, vol. 4 (1323-1327), p. 228. 140 Conway Davies, « The Despenser… », p. 42. I. Mortimer, The Greatest Traitor, Londres, 2003, p. 100-101. 141 The Chronicle of England by John Capgrave, éd. Fr. Ch. Hingeston, Londres, 1858, p. 186. 142 Acte non édité : TNA, Public Record, Parliamentary Petition 359, Special Collections, SC 8/36/1758. 143 Fryde, The Tyranny…, p. 109.

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Au tournant du xive siècle, le pouvoir royal tente de limiter les libertés juridictionnelles du seigneur de Briouze dans son honneur du Gower, libertés que son ancêtre Guillaume III avait obtenues du roi Jean. Puis les Despenser et le roi Édouard II utilisent les procédures judiciaires à leur avantage en confisquant les terres de Guillaume VII de Briouze et de Jean de Montbray, principe qu’ils appliquent par la suite pour accaparer les terres de l’aristocratie anglo-normande. Le pouvoir souverain veut contrôler l’exercice de la justice pour limiter le monopole aristocratique local. Ce dessein royal s’observe concomitamment en Angleterre et en France144. La situation anglaise diffère toutefois du modèle capétien, par la forte capacité de résistance à l’oppression de la noblesse d’Angleterre et de la marche de Galles qui défend vigoureusement ses droits lors de la rébellion de 1321-1322. En réfléchissant à l’opposition entre l’État et le lignage, Dominique Barthélémy met en évidence la puissance de « l’ordre parentélaire », qui désigne la parenté au sens large, l’ensemble des liens de filiation145. L’isolement de Guillaume VII de Briouze au moment de sa déchéance, privé du soutien de sa fratrie décédée, ont été précédemment démontrées. Une étude prosopographique des acteurs de la rébellion, mettant en évidence les « renchaînements d’alliances146 », pourrait mettre à jour des liens de solidarité aristocratique, non seulement fondés sur la défense des droits et des privilèges, mais aussi motivés par leurs liens de sang, même dilués au fil du temps. Par exemple, dans quelle mesure le fait que l’amant de la reine Isabelle de France, Roger V de Mortemer, soit le petit-fils de Mathilde de Briouze, fille de Guillaume V147, et soit un lointain cousin de Guillaume VII de Briouze, participe-t-il à la dynamique du conflit ? Cette voie à explorer rejoindrait l’une des pistes conclusives émises par Dominique Barthélémy, selon laquelle « l’État moderne, lors de son instauration, a dû en découdre et voulu en finir » avec la puissance des « groupements parentélaires et lignagers148 ». Existe-t-il un lien entre le réseau de clientèle de la famille de Briouze et la mort d’Édouard II ? L’historiographie contemporaine juge vraisemblable l’hypothèse selon laquelle le roi aurait été assassiné au château de Berkeley en septembre 1327, sur l’ordre de Roger de Mortemer, amant de la reine, bien que la rareté et l’ambiguïté des sources laissent subsister certains questionnements149. Après avoir été déposé en janvier 1327, l’ancien roi abdique en faveur de son fils, Édouard III150. Il est par la suite gardé prisonnier. Bien qu’en 1327 la branche aînée des Briouze soit éteinte depuis

144 D. Barthélémy, « L’État contre le lignage », Médiévales, no 10, 1986, p. 37-50. 145 Barthélémy, « L’État… », p. 40. 146 Nabias, « Renchaînement… ». F. Lachaud, La Structure familiale des Craon du xie siècle à 1415 : le concept lignager en question, Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, 2012, p. 31. 147 Mitchell, Portraits…, p. 54. 148 Barthélémy, « L’État… », p. 50. 149 I. Mortimer, « The Death of Edward II in Berkeley Castle », EHR, vol. 120, 2005, p. 1175. I. Mortimer, « An inconvenient fact: thoughts on the academic reception of ‘The death of Edward II’ » [en ligne], disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 150 Mortimer, « The Death… », p. 1177.

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la mort de Guillaume VII en 1326, plusieurs éléments semblent liés indirectement l’histoire des Briouze à la fin tragique du roi151. Édouard II finit ses jours au château de Berkeley, possession dont le seigneur est issu d’une ancienne lignée de tenants de la famille de Briouze152. De même, l’un des hommes responsables de l’assassinat du roi, Jean de Mautravers, descend d’une lignée inclue dans le réseau de clientèle du lignage de Briouze153. Dans quelle mesure ces liens ont-ils eu un rôle dans les choix de ces hommes ? Il convient de relativiser la possibilité pour l’historien contemporain de cerner la portée des solidarités médiévales. Le travail de reconstitution historique s’appuie sur des traces ténues, issues de sources fragmentaires, lacunaires ou partiales. Le rôle des émotions individuelles et des intérêts personnels qui orientent la prise de décision reste difficilement perceptible, même si certaines hypothèses peuvent être formulées en croisant les chroniques médiévales et les actes de la pratique. ⁂ Au cours du dernier siècle de son existence, la branche aînée de Briouze décline lentement. Son patrimoine se réduit peu à peu, écharpé par les héritages, les décisions royales, les revendications urbaines et la convoitise de familles rivales. Les derniers seigneurs de Briouze entretiennent l’illusion de la grandeur familiale estompée en valorisant leur image. Mais le déploiement de largesse et de luxe grève financièrement un patrimoine déjà restreint. Toutefois, le prestige familial et le réseau de clientèle lentement constitués depuis la fin du xie siècle restent vivaces dans le premier quart du xive siècle. Les Briouze occupent toujours une place déterminante dans le royaume, entre échelle locale et globale. Comme le constate Daniel Power, l’affaire du Gower provoque une profonde crise politique qui culmine avec la déposition puis le meurtre du roi Édouard II en 1326-1327154.

151 Fr. Lecercle, « La violence voyeuriste : La Tragédie du Roi Édouard II de Marlowe » [en ligne], disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 152 Les fitz Harding, qui ont pris par la suite le patronyme toponymique de Berkeley, évoluent dans l’entourage des Briouze depuis le début du xiie siècle. Le château de Berkeley conserve toujours des archives médiévales, dont des actes relatifs aux Briouze. 153 CPR, vol. 2 : Hen. III (1225-1232), p. 330. Acte non édité : Original, University of Nottingham, Manuscripts and Special Collections, MiD 2000. CIPM, vol. 5 (Edw. II), p. 239, no 417. CCR, vol. 1 (1307-1313), p. 479. Mortimer, « The Death… », p. 1180. 154 Power, « The Briouze… », p. 343.

Conclusion. Adaptabilité du lignage de Briouze

Entre le milieu du xie siècle et 1326, le lignage de Briouze traverse plusieurs ruptures violentes provoquées alternativement par ses relations avec deux puissances, celles du roi d’Angleterre et des princes de Galles : l’exil de 1110, le massacre d’Abergavenny en 1175, la disgrâce de 1208-1211, l’exécution de Guillaume V en 1230, l’affaire Guillaume Cragh († 1290) en 1307 et la chute de la branche aînée en 1322-1326. Ces évènements retentissants dont la mémoire a été conservée par l’historiographie médiévale doivent-ils être considérés comme des échecs familiaux ? Systématiquement, le lignage parvient à se rétablir et à se renouveler. À la suite de Charles Pépin, il convient de considérer les vertus de l’échec, puisque la réussite est toujours une succession de succès et d’échecs1. Ce philosophe démontre que l’échec, en exposant les dysfonctionnements, permet de se questionner, de réfléchir à son propre fonctionnement pour dépasser la déconvenue. Pour surmonter leurs échecs – telle la déception irlandaise de 1177 ou lors de la reconstruction du lignage dans les années 1220 – les Briouze ont opéré plusieurs changements qui ont permis leur progression géographique, sociale et économique. Loyalisme envers la royauté, diversification des implantations territoriales, mariages mixtes, fractionnement du lignage en sous-lignées, sont autant de réponses aux situations de ruptures et d’échecs qui ont ainsi pu être dépassées. La capacité d’adaptation aux mobilités n’est pas une caractéristique exclusive du lignage de Briouze. Colin Veach, en analysant le parcours des seigneurs transnationaux de Lacy entre 1166 et 1241, distingue plusieurs formes d’adaptabilités qui peuvent être comparées à celles des Briouze. Cinq analogies entre les stratégies comportementales de ces deux familles peuvent être établies. La mobilité politique de ces aristocrates transrégionaux dépend de leur degré d’intégration aux manœuvres diplomatiques voulues par le pouvoir royal. Succès et déclins s’enchaînent au gré de leur participation à l’administration du royaume ou de leur mise à l’écart par l’implantation de contrepouvoirs locaux2. L’ascension sociale dépend des charges confiées par le pouvoir royal3. De même, les seigneurs de Briouze et de Lacy sont affaiblis par la pression

1 Ch. Pépin, Les Vertus de l’échec, Paris, 2016. 2 Veach, Lordship…, p. 284-285. 3 Du fait de la chronologie plus restreinte de l’ouvrage de Colin Veach, le parcours des seigneurs successifs de Briouze est quelque peu différent. Ils parviennent lentement à atteindre leur projet d’ascension sociale en trois étapes : de simples seigneurs fonciers ils obtiennent la charge de shérif à la fin du xiie siècle et évoluent dans l’entourage royal jusqu’à siéger au Parlement à la fin du xiiie siècle, responsabilité qui leur offre le titre tant convoité de baron.

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de leur endettement4. Le constat formulé par Colin Veach au sujet de Gautier de Lacy sous le règne d’Henri III pourrait être appliqué à la situation financière des Briouze. Le médiéviste explique que les créances de Gautier sont la conséquence d’une carrière longue et mouvementée en tant que seigneur transnational à l’âge de la conquête aristocratique et de la centralisation royale5. Le statut commun de seigneurs transnationaux explique également les similitudes d’alliances matrimoniales multiculturelles. Colin Veach démontre qu’Hugues et Gautier de Lacy contractèrent des unions, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, avec des membres de chaque région touchée par leur influence : avec les Anglais, les Normands, les Irlandais (colons ou natifs), les Gallois (de la marche ou natifs), ainsi, qu’avec d’autres familles transnationales6. Cette stratégie est comparable à celle opérée par les Briouze, notamment au tournant du xiiie siècle, lorsque Guillaume III de Briouze conclut des alliances variées pour sa nombreuse progéniture. Enfin, dernier point commun, le prestigieux patrimoine familial transnational est morcelé au décès du dernier descendant mâle7. Mais si, dans le cas des Lacy, cette dislocation est rapide et survient au cours des années 1240-1241, le processus d’émiettement du patrimoine de Briouze se déroule sur près d’un siècle, entre le début du règne du roi Henri III et la mort d’Édouard II. Cette différence fait apparaître les deux particularités de la famille de Briouze : sa structure lignagère et son rapport à la terre. La capacité d’adaptation – ou l’inadaptation – du lignage de Briouze aux différentes formes de mobilités transparaît dans leur aptitude à affronter et surmonter les situations de crise. Chaque forme de mobilité a sa temporalité propre. Chacune de ces quatre formes de mobilité – politique, sociale, culturelle et économique – semble isolée, sans corrélation entre elles. À l’intersection de ces formes de mobilités aux évolutions distinctes se trouve la mobilité géographique, trait d’union entre ces transformations différenciées ainsi imbriquées. Chaque rupture, chaque chute du lignage éclate sous la pression du pouvoir politique mais survient lorsque les possibilités d’expansions territoriales sont contrariées ou empêchées. L’implantation territoriale dans des territoires celtes récemment soumis à l’influence anglo-normande oblige le lignage de Briouze à se réinventer : les violences et la distanciation culturelle des premiers temps sont remplacées par des liens de sang devant assurer la pérennité de l’emprise foncière. Le polycentrisme du patrimoine familial induit un absentéisme seigneurial, pallié en partie par la délégation du pouvoir à des affins. Une typologie des formes de mobilités du lignage aristocratique transrégional de Briouze peut être proposée en croisant plusieurs critères. Elle repose sur un jeu d’échelles à la fois spatiales et temporelles, fondant les distinctions sur l’importance de la distance géographique ou de la surface foncière, mais aussi de la durée des mouvements. L’historiographie actuelle a mis à jour deux phénomènes perceptibles sur la longue

4 G. Bois, « Noblesse et crise des revenus seigneuriaux en France aux xive et xve siècles : essai d’interprétation », in Ph. Contamine (dir.), La Noblesse au Moyen Âge, xie-xve siècles, Paris, 1976, p. 219-233. 5 Veach, Lordship…, p. 285. 6 Veach, Lordship…, p. 271. 7 Veach, Lordship…, p. 286.

A dap tab i l i t é d u li gnage d e Bri o uze

durée : le phénomène de diaspora aristocratique provoqué par l’expansionnisme territorial et l’enracinement seigneurial consécutif à l’appropriation du sol. En cela, les Briouze ne semblent pas différer des autres lignées transnationales, notamment celle des Lacy8. Le cas des Briouze met également en évidence les oscillations de plus courtes durées, à l’échelle familiale : celles d’une gestion polycentrique provoquant nomadisme châtelain et absentéisme seigneurial, mais aussi le processus de circulation des terres. Le principe commun à l’aristocratie selon lequel les centres sont contrôlés par l’aîné tandis que les périphéries sont dévolues aux filles ou aux cadets est suivi par la famille de Briouze. Les Briouze adoptent des mécanismes communs aux membres de l’aristocratie transnationale. Toutefois, la structure du lignage évolue en s’adaptant aux situations de crises plus ou moins profondes que la famille parvient à surmonter. Ces échecs obligent le lignage à se restructurer pour perdurer. Trois phases de progression peuvent ainsi être repérées. Dans un premier temps, pendant trois générations, le lignage se renforce autour de la figure du chef de famille dont la puissance est accentuée grâce à une transmission patrimoniale agnatique, à des mariages avantageux et à la complémentarité de sous-lignées mâles autonomes. Dans un second temps, Guillaume III porte le lignage à son apogée grâce à la faveur royale, au dynamisme de son épouse et au vaste réseau d’alliances tissé par les mariages de sa parentèle. Mais si le lignage parvient à se reconstruire après la disgrâce de 1208-1211, sa structure est fragilisée par un processus d’éclatement en deux sous-lignées indépendantes. L’emprise foncière respective de chacune des deux branches est alors réduite. Les ruptures et les transformations subies par le lignage aboutissent à une forme intermédiaire de circulations des biens à partir du xiiie siècle. Le patrimoine familial est divisé, les « centres » sont répartis entre les sous-lignées. La grande mobilité du patrimoine, liée à la dynamique active de circulation des terres, est à la fois la conséquence des partages successoraux, de l’absentéisme seigneurial et de la délégation accrue de la gestion domaniale. Les seigneurs de Briouze font preuve d’un certain détachement vis-à-vis de leurs possessions, détachement correspondant à la fois à l’idée de séparation matérielle et de désintérêt moral. Cela ne signifie pas qu’ils abandonnent aisément leurs droits sur leurs terres, qu’ils ne les défendent pas si besoin, mais plutôt qu’ils acceptent partages, cessions ou ventes si nécessaire, lorsqu’un enjeu plus grand survient : préserver l’intégrité des membres du lignage. Une double attitude seigneuriale en résulte. L’affirmation de la possession territoriale – visible dans la titulature notamment –, s’oppose à une certaine forme de détachement de la puissance foncière pour rechercher le prestige du luxe et de la largesse. L’usage de la prodigalité est conçu par les Briouze comme une source de puissance, complémentaire aux deux formes traditionnelles de gloire nobiliaire que sont l’étendue de l’emprise foncière et la bravoure chevaleresque. En

8 Veach, Lordship…, p. 237-278. D. W. Sabean et S. Teuscher, « Rethinking European Kinship. Transregional and Transnational Families », in Chr. H. Johnson et al. (dir.), Transregional and Transnational Families in Europe and Beyond: Experiences Since the Middle Ages, Oxford, 2011, p. 1.

403

404

Co n c lus i o n

cela, les Briouze suivent à nouveau les pratiques de leur temps : la largesse est un signe distinctif de la haute aristocratie9. Les sources collectées ont nécessairement orienté la reconstitution de l’histoire familiale. La fonction même des sources diplomatiques, juridiques, est de garder la mémoire des changements de propriétés de terres. La terre est au centre de l’attention, tandis que les personnes mentionnées dans les actes ne sont citées qu’en raison de leur lien à la terre ou au seigneur. Ce type de source n’a donc pas pour fonction de garder une mémoire globale de la parentèle. Les liens familiaux n’apparaissent que ponctuellement, pour rappeler la succession de possesseurs, les parents honorés dans la laudatio parentum, ou les affins témoins des donations. La famille est perçue ponctuellement, par fragment. Le seul lien entre toutes ces terres éparses et ces parents disséminés est le patronyme toponymique. Autrement dit, le patrimoine, partagé entre les membres du lignage, subit l’effet centrifuge de l’hétérogénéité de la transmission héréditaire. Le morcèlement de l’ensemble domanial fragilise le pouvoir des Briouze sur leurs terres. Affaiblis, le contrôle de la seigneurie, « structure d’encadrement10 », leur échappe progressivement – comme le prouve la « Magna Carta du Gower » de 1306 –, processus qui attire la convoitise de puissances rivales jusqu’à l’accaparement des Despenser au tournant des années 1320. La nature des sources masque en partie la fonction première du lignage. Les Briouze sont avant tout des chevaliers, des guerriers combattant au service de leur souverain. Cette force militaire leur permet de conquérir de nouvelles terres et de devenir par la suite membre d’une « noblesse de frontière11 ». La pratique de la guerre est le fondement originel de la puissance des seigneurs de Briouze, source de leur essor au xie siècle. Ce vecteur d’identification n’apparaît cependant qu’indirectement dans les actes de la pratique relatifs aux Briouze, mais plus vivement dans l’historiographie médiévale les concernant. Les Briouze sont des chevaliers, des guerriers. La revendication d’une identité militaire perdure dans le temps. Elle est visible à travers la mise en scène mortuaire de Thomas [II] de Briouze († 1395), dernier membre issu de la sous-lignée descendant de Pierre de Briouze († 1312), fils de Guillaume VI et de Marie de Ros12. Le lignage de Briouze survit à la crise de la fin du règne d’Édouard II et aux aléas biologiques provoquant l’extinction de la branche aînée en 1326. En 1395, Thomas [II] de Briouze, arrière-petit-fils de Pierre, et ses deux enfants meurent de maladie à Chesworth, dans le Sussex13. Le tombeau de Thomas de Briouze († 1395), situé à la droite du chœur de l’église Sainte-Marie de Horsham,

9 Haugeard, Ruses…, 302 p. 10 Br. Rabot, Les Structures seigneuriales rurales. Bretagne méridionale (xive-xvie siècles), Rennes, 2017, p. 1. 11 L. Casella, « Noblesse de frontière. Espace politique et relations familiales dans le Frioul à l’époque moderne », Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, no 125-121, 2013. 12 CIPM, vol. 5 (Edw. II), p. 182-183, n°321 ; p. 183, no 322. CFR, vol. 2, Edw. II (1307-1319), p. 133. Thomas, fils de Pierre, est son héritier. CIPM, vol. 6 (Edw. II), p. 435-436, no 702 ; p. 458-459, no 723. 13 Power, « The Briouze… », p. 350. J. Knight, Horsham’s History, vol. 1, Prehistory to 1790, Horsham District Council, 2006, p. 46.

A dap tab i l i t é d u li gnage d e Bri o uze

Fig. 47 : Monument funéraire de Thomas de Briouze († 1395) et détail de la cotte d’armes, église Sainte-Marie de Horsham. © Amélie Rigollet, photographies prises le 26 juillet 2011

dans le Sussex, reprend les codes funéraires de la société aristocratique anglaise du xive siècle, analysés par Frédérique Lachaud14. Le tombeau de Thomas est décoré de douze écus – dont les pigments ont aujourd’hui disparu15 –, agencement typique de la période qui valorise la gloire du lignage chevaleresque16 (Fig. 47). Thomas est représenté en armure de plates couverte par une cotte d’armes aux armoiries familiales, sa tête et ses pieds reposant sur des lions. Daniel Power rappelle que Thomas [I] de Briouze († 1361), fils de Pierre, de la sous-lignée de Tetbury, avait des armoiries d’or, croisettées, au lion rampant à la queue fourchée de sable17. Les ornementations peintes ont disparu du monument funéraire. Seuls subsistent les éléments gravés que sont le semi de croisettes et le lion rampant. Sans leurs couleurs distinctives, les armoiries de la sous-lignée sont identiques à celles de la branche aînée, éteinte en 1326. Les tombeaux ont pour fonction de valoriser le statut social du défunt et de sa lignée18.

14 Fr. Lachaud, « La représentation des liens personnels sur les tombeaux anglais du xive siècle », in D. Bates et al. (dir.), Liens personnels, réseaux, solidarités en France et dans les îles Britanniques (xie-xxe siècles), Paris, 2006, p. 127-152. 15 Un dessin en noir et blanc du xviiie siècle, représentant le côté gauche du monument funéraire, met en évidence le bipartisme des écus, les armoiries récurrentes des Briouze alternant avec différentes armoiries à identifier. BL, Additional MS 5673, Samuel Hieronymus Grimm, 1781, Horsham Church fol. 15 (no 26) [en ligne]. En bas de l’image, une inscription : « a drawing in ink of the monument of Braose of Brembre on the south side of the chancel of Horsham Church in West Sussex ». Disponible sur (consulté le 27 juin 2020). 16 Lachaud, « La représentation… », p. 127-129. 17 Power, « The Briouze… », p. 354-355. 18 Lachaud, « La représentation… », p. 150.

405

406

Co n c lus i o n

La sous-lignée issue de Guillaume VI de Briouze entretient la mémoire familiale commune à travers la préservation de codes figuratifs. Armoiries parlantes en référence à la part de sang gallois des Briouze, les croix et le lion sont également signes de piété et de bravoure. Elles traduisent symboliquement l’identité hybride évoquée en introduction : la représentation matérielle funéraire de la fin du xive siècle est un lointain écho au discours historiographique de Gautier Map.

Annexe 1 : Actes émis par les seigneurs de Briouze

Date

Émetteur

Bénéficiaire

Archives

N.d. [c. 1073]

Guillaume Ier

Église Saint-Nicolas de Bramber Abbaye Saint-Florent de Saumur Abbaye Saint-Florent de Saumur Abbaye Saint-Florent de Saumur Église Saint-Pierre de Gloucester Abbaye Saint-Florent de Saumur Abbaye de Waverley Abbaye Saint-Florent de Saumur Abbaye de Lewes Abbaye de Lewes Abbaye Saint-Florent de Saumur Chevaliers du Temple de Salomon Chevaliers du Temple de Salomon Prieuré Saint-Pierre de Sele Abbaye de Fécamp Robert fitz Harding Abbaye Saint-Florent de Saumur Chevaliers du Temple de Salomon Abbaye Saint-Florent de Saumur Abbaye Saint-Florent de Saumur

A.D. Maine et Loire, H 3710, no 2 A.D. Maine et Loire, H 3653, no 1 A.D. Maine et Loire, H 3653, no 3 MCA, Shoreham 41

N.d. [av. 1080] Guillaume Ier N.d. [c. 1095]

Philippe

N.d. [c. 1125]

Philippe

N.d. [c. 1125]

Philippe

N.d. [c. 1126]

Philippe

N.d. [c. 1126] N.d. [c. 1130]

Guillaume II Guillaume II

N.d. [c. 1130] N.d. [c. 1130] N.d. [c. 1130]

Guillaume II Guillaume II Guillaume II

N.d. [c. 1130]

Guillaume II

N.d. [c. 1130]

Guillaume II

N.d. [c. 1130]

Guillaume II

N.d. [c. 1130] N.d. [c. 1130] N.d. [c. 1130]

Guillaume II Guillaume II Guillaume II

N.d. [c. 11401142] N.d. [1144]

Guillaume II

N.d. [c. 1150]

Guillaume II

Guillaume II

HCL , no 1513 MCA, Sele 69 NRO, Spencer, no 1414 MCA, Sele 60 TNA, E 40/15556 TNA, E 40/15559 MCA, Shoreham 34 BL, Cotton Nero E VI, fol. 149ro BL, Cotton Nero E VI, fol. 152ro MCA, lat. 00274, fol. 4ro TNA, C 52/18, m.1, no 5 BCM, Select Charter 9 A.D. Maine et Loire, H 3714, fol. 46ro BL, Cotton Nero E VI, fol. 148ro MCA, Sele 52 A.D. Maine et Loire, H 3714, fol. 36

408

A n n e xe s

Date

Émetteur

Bénéficiaire

Archives

1153

Guillaume II

MCA, Annington 3

N.d. [c. 1153]

Guillaume II

N.d. [c. 1153]

Guillaume II

N.d. [c. 1153]

Guillaume II

Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Église Saint-Gervais de Briouze Abbaye de Cluny

N.d. [1157-1160] Guillaume II N.d. [c. 1161]

Guillaume II

N.d. [1142Guillaume II 1164] N.d. [av. 1175] Guillaume II 1179 Guillaume III N.d. [c. 1185] Guillaume III N.d. [1175-1189] Guillaume III N.d. [c. 1195] N.d. [11891196] Fin du xiie s.

Guillaume III Guillaume III Guillaume III

N.d. [c. 1200] N.d. [c. 1200] N.d. [c. 1200] 1201, 12 janvier N.d. [c. 1201] N.d. [c. 1201]

Guillaume III Guillaume III Guillaume III Guillaume III Guillaume IV Guillaume III

N.d. [c. 1201] N.d. [c. 1204]

Guillaume III Guillaume III

N.d. [c. 1208]

Guillaume III

N.d. [c. 1208]

Guillaume III

N.d. [c. 1208]

Guillaume III

N.d. [c. 1208]

Guillaume III

1212, 8 février

Guillaume

MCA, Shoreham 38 MCA, Crokehurst 6

A.D. Maine et Loire, H 3653, no 8 Indiqué = W. Dugdale, Monasticon, V, p. 198 Chanoines de Dureford BL, Cotton MS Vespasian E XXIII, no 61 Abbaye Saint-Florent A.D. Maine et Loire, H 3714, de Saumur fol. 36vo Maurice fitz Harding BCM, Select Charter 10 Église Notre-Dame de A.D. Manche, H 2584 Cherbourg Gautier de Clifford TNA, DL 27/1 Église Sainte-Marie TNA, C 145/116, no 15 d’Abergavenny Prieuré de Carmarthen NLW, Peniarth MS 401, p. 35-37 Abbaye de Barnstaple Indiqué = W. Dugdale, Monasticon, V, p. 198 Prieuré Saint-Jean de Bodleian Library, MS Carte 108, Brecon fol. 272-273 Abbaye d’Ardenne A.D. Orne, H 12, no 2 Abbaye d’Ardenne A.D. Orne, H 6, no 25 Abbaye d’Ardenne A.D. Orne, H 6, no 24 Thibaud Gautier NLI, D. 27 Thibaud Gautier NLI, D. 27 Guillaume de Naas NLI, The Gormanston Register, fol. 210ro Hugues de Lega NLI, D. 26 Chanoines de Dureford BL, Cotton MS Vespasian E XXIII, no 62 Bodleian Library, MS Carte 108, Prieuré Saint-Jean de Brecon fol. 285 Prieuré Saint-Jean de Bodleian Library, MS Carte 108, Brecon fol. 285ro Prieuré Saint-Jean de Bodleian Library, MS Carte 108, Brecon fol. 285vo Prieuré Saint-Jean de Bodleian Library, MS Carte 108, Brecon fol. 287 Abbaye d’Ardenne A.D. Orne, H 12, no 9

A nne xe 1

Date

Émetteur

Bénéficiaire

Archives

1212, 8 février N.d. [c. 1217]

Guillaume Renaud

A.D. Orne, H 6, no 19 MCA, Sele 64

N.d. [c. 1218]

Renaud

N.d. [c. 1218]

Renaud

1223

Guillaume V

N.d. [av. avril 1230] N.d. [av. 1232] N.d. [av. 1232] N.d. [av. 1232] N.d. [av. 1232]

Guillaume V

Abbaye d’Ardenne Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Jean de Brecon Prieuré Saint-Jean de Brecon Prieuré Saint-Nicolas d’Exeter Philippe Le Bret

Jean Jean Jean Jean

N.d. [c. 1247]

Guillaume VI

1254, 4 janvier Guillaume VI N.d. [c. 1254]

Guillaume VI

N.d. [c. 1254]

Guillaume VI

N.d. [c. 1254]

Guillaume VI

N.d. [c. 1254]

Guillaume VI

N.d. [c. 1254]

Guillaume VI

N.d. [c. 1254]

Guillaume VI

N.d. [c. 1260]

Guillaume VI

N.d. [av. 1267] Guillaume VI N.d. [c. 12601269] N.d. [c. 12691270] 1273, 16 mai 1278, 28 novembre

Guillaume VI

Abbaye de Neath Bourgeois de Tetbury Abbaye de Kingswood Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Prieuré Saint-Pierre de Sele Abbaye de Margam

Guillaume VI Abbaye de Biddlesden Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele Guillaume VI Abbaye de Neath

Bodleian Library, MS Carte 108, fol. 285-286 Bodleian Library, MS Carte 108, fol. 286 BL, Cotton Vitellius D. IX, fol. 59 Longleat House, Marquess of Bath Muniments, no 11031 TNA, C 145, fol. 486 GRO, MS D566/T1/2 BCM, General Charters 706 MCA, Sele 119 MCA, Findon 34 MCA, Crokehurst 3 MCA, Annington 1 MCA, Greenstead an Steanford 5 MCA, Findon R MCA, lat. 00274, fol. 52vo-53ro MCA, lat. 00274, fol. 53ro MCA, lat. 00274, fol. 53vo-54ro MCA, lat. 00274, fol. 31vo MCA, lat. 00274, fol. 42vo - 43ro NLW, Penrice & Margam Charter 139b Huntington Library, STG Box 4, no 5 MCA, Buddington 19 TNA, E 164/1, fol. 486

409

41 0

A n n e xe s

Date

Émetteur

1280, 14 août

Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele Guillaume VI Richard Le Lou

1280, 14 août 1281, 13 avril 1281, 27 août

Bénéficiaire

1282, 9 février Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele 1282, mars Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele N.d. [1290, Guillaume VI Église d’Aconbury 22 janvier] N.d. [1290, 22- Guillaume VI Église d’Aconbury 28 janvier] N.d. [av. 1291] Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele N.d. [av. 1291] Guillaume VI Prieuré Saint-Pierre de Sele N.d. [av. 1291] Guillaume VI Meuric Coyk 1296, 6 juillet

Guillaume VII Guillaume de Penrice

Archives MCA, Shoreham 51 MCA, Bidlington and Bramber 21 MCA, Sele 81 University of Nottingham, MiD 2563/2 MCA, Sele 92 MCA, Sele 53 CoA, MS Vincent 59, p. 81 CoA, Charter 134 MCA, lat. 00274, fol. 30vo MCA, Findon 40 NLW, Penrice & Margam Charter 1561 University of Nottingham, MiD 2563/3 HCL, no 1522

Guillaume VII Gruffudd ap Cadwgan Début du xive s. CoA, MS Glover B, fol. 103ro N.d. [tournant Guillaume VII Jean Stradebrok du xive s.] 1300, 6 mai Guillaume VII Chevaliers du Temple TNA, E 164/1, fol. 486vo de Salomon 1300, 31 mai Guillaume VII Philippe de Landimore NLW, Penrice & Margam Charter 390 HCL, no 1312 1302, 24 avril Guillaume VII Jean Iweyn NLW, Penrice & Margam 1306, 24 février Guillaume VII Swansea Charter 391 NLW, Penrice & Margam 1309, 12 août Guillaume VII Abbaye de Margam Charter 223 Guillaume VII Jean Iweyn HCL, no 1313 1311, 30 avril MCA, Buddington 5 N.d. [c. 1311] Guillaume VII Prieuré Saint-Pierre de Sele Guillaume VII Jean Iweyn HCL, no 1311 1314, 10 avril Guillaume VIII Robert de Penrice NLW, Penrice & Margam N.d. [1315, Charter 302 14 janvier]

A nne xe 1

Date

Émetteur

N.d. [1315, 14 janvier] N.d. [1315, 14 janvier] N.d. [1315, 14 janvier] 1315, 12 octobre 1316, 12 mai

Guillaume VIII Robert de Penrice

Bénéficiaire

Guillaume VIII Robert de Penrice Guillaume VIII Robert de Penrice

Guillaume VII Jean Iweyn Guillaume VII Prieuré Saint-Pierre de Sele Guillaume VII Guillaume Le Veneur 1316, 17 juin N.d. [c. 1316] Guillaume VII Prieuré Saint-Pierre de Sele 1319, 23 octobre Guillaume VII Jean de Montbray N.d. [c. 1319] Guillaume VII Jean de Montbray Guillaume VII Hugues Le Despenser 1324, 22 juin

Archives NLW, Penrice & Margam Charter 303 NLW, Penrice & Margam Charter 305 NLW, Penrice & Margam Charter 306 HCL, no 1529 MCA, Bidlington and Bramber 11 WGA, RISW GGF 3, p. 5 MCA, Buddington 18 BL, Harley CH 47 B 49 NRO, FH170 BL, Harley CH 47 B 70

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Annexe 2 : Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze selon le Domesday Book

N. d. [1086-1087] Les possessions anglaises de Guillaume Ier de Briouze sont répertoriées par l’enquête commanditée par le roi Guillaume Ier lors d’une cour tenue à Gloucester, Noël 1085. Guillaume Ier de Briouze est l’un des principaux tenants en chef du roi. Il détient des terres dans le Sussex, le Surrey, le Hampshire, le Berkshire, le Wiltshire et le Dorset. A = Kew, TNA, Public Record, E 31/2/1 : Great Domesday, 1086-1087 : fol. 24 ; fol. 25vo ; fol. 26vo ; fol. 28 ; fol. 29 ; fol. 35vo ; fol. 47 ; fol. 61 ; fol. 72 ; fol. 82 ; latin. B = Copie de la fin du xiiie siècle – début du xive siècle, Kew, TNA, E 164/1, fol. 240ro. Anciennement référencé sous la côte PRO, K.R. Misc. Book : Exchequer, King’s Remembrancer, Miscellaneous Books, Series I (11851837). Cette version du Domesday Book fut probablement commanditée par un membre de la famille de Briouze, comme l’indique les différents signes placés en marge, signalant les possessions des Briouze : Breus ; Br. ; Braiose ; Brewes. De plus, fol. 29vo, un dessin schématique du château de Bramber est représenté en marge. a = A. Williams et G. H. Martin (éd.), Domesday Book : A Complete Translation, Londres, 2003, p. 64 (fol. 26 v) ; p. 59 (fol. 24) ; p. 63 (fol. 25 v) ; p. 66-70 (fol. 28-29) ; p. 84 (fol. 35 v) ; p. 114 (fol. 47) ; p. 151 (fol. 61) ; p. 185 (fol. 72) ; p. 218 (fol. 82). Sussex [fol. 24vo] Dans la centaine d’Eastwrithe : – Ernucion tient Greatham de Roger [de Montgomery, comte de Shrewsbury]. L’une des charruées de cette terre se situe dans le rape de Guillaume de Briouze. – Robert tient West Chiltington du comte Roger ; 3 charruées de cette terre se situent dans le rape de Guillaume de Briouze. Dans la centaine de Risberg : – Warin tient Angmering du comte Roger ; l’une des charruées de cette terre se situe dans le rape de Guillaume de Briouze. – Geoffroy tient Angmering du comte Roger, dont l’une des charruées se situe dans le rape de Guillaume de Briouze.

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– Robert tient Goring-by-Sea du comte Roger, dont 2 charruées se situent dans le rape de Guillaume de Briouze. – Le même Robert tient Goring-by-Sea du comte Roger, dont 1,5 charruée se situe dans le rape de Guillaume de Briouze. [fol. 26] Dans la centaine de Holmestrow : – Guillaume de Warenne tient Rodmell dans sa réserve seigneuriale. Sous le règne d’Édouard, cette terre était estimée à 79 charruées. Mais Guillaume ne reçut que 64 charruées, car plusieurs des charruées restantes furent intégrées au rape de Guillaume de Briouze. [fol. 26vo] Dans la Demie-centaine d’Aldrington : – Geoffroy tient Aldrington de Guillaume de Warenne. Cette terre dépend d’Upper Beeding, dépendant du rape de Guillaume de Briouze. – Le même Geoffroy tient 9 charruées de Guillaume de Warenne […] ; ces charruées dépendent maintenant de Broadwater [à Worthing], dans le rape de Guillaume de Briouze. Dans la centaine de Poynings : – Leofnoth tient Paythorne de Guillaume de Warenne. Sous le règne d’Édouard, cette terre était estimée à 4 charruées. Sa superficie est maintenant d’1,5 charruée, les autres charruées ayant été associées au rape de Guillaume de Briouze. – Tezelin tient 2 charruées de Guillaume de Warenne, dans la terre de Perching […]. Ces charruées font partie de Truleigh, terre tenue par Guillaume de Briouze. – Le même Tezelin tient Fulking de Guillaume de Warenne. Cette terre dépend de Shipley, qui appartient à Guillaume de Briouze. [fol. 27vo] Dans la centaine de Streat : – Hugues tient de Guillaume de Warenne 3 grand-vergées à Upper Beeding, terre appartenant à Guillaume de Briouze. [fol. 28] Dans la centaine de « Burghbeach » : – Guillaume de Briouze tient 22 charruées à Upper Beeding. Il y a 28 charruées de terre, dont 4 charruées pour la propriété domaniale ; 62 vilains et 48 bordiers avec 24 charruées ; 2 églises ; 6 acres de prairies ; des bois pour 70 porcs ; 20 porcs en fermage ; et 2 setiers de miel. La valeur de cette terre est estimée à 40 livres. Toute cette terre fournit la herdigelt. – Guillaume de Briouze tient 8 charruées de terre à Rodmell, terre possédée par Guillaume de Warenne. Il y a 10 vilains avec 5,5 charruées, et 4 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 8 livres.

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– Guillaume de Briouze tient 7 charruées de terre à Berth [près de Wivelsfield], terre possédée par Guillaume de Warenne. Il y a 2 charruées de terre dans la réserve seigneuriale ; 3 vilains et 6 bordiers avec 2,5 charruées. La valeur de cette terre est estimée à 4 livres. – Guillaume de Briouze tient une ½ charruée de terre à Old Erringham. Il y a 2 vilains et 5 bordiers. La valeur de cette terre est estimée à 40 sous. – Guillaume de Briouze tient 5 charruées et 1,5 grand-vergée à Old Shoreham. Cette terre comprend : 15 charruées de terre, dont 3 charruées dans la réserve ; 26 vilains et 49 bordiers avec 12 charruées ; 1 église ; 6 acres de prairies ; un bois pour 40 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 35 livres. – Le chevalier Guillaume tient Truleigh de Guillaume de Briouze. Cette terre inclut : 2,5 charruées de terre, dont 1 charruée est propriété domaniale ; 3 vilains et 6 bordiers avec 1,5 charruée ; 2 moulins qui rapportent 65 deniers. Sur cette terre Ansfrid tient 1,5 charruée et 1,5 charruée. La valeur de cette terre est estimée à 70 sous. – Guillaume de Briouze tient Tottington dans son domaine. Ce bien dépend de Findon. C’est un berewick comportant 1 charruée de terre. Il y a 5 charruées de terre, dont 1 charruée revient au domaine ; 3 vilains et 7 bordiers avec 2 charruées ; 4 acres de prairie. Un certain Guillaume détient 2 charruées de cette terre et 3 vilains avec 1,5 charruée. La valeur de cette terre est estimée à 6 livres. Dans la centaine de Steyning : – Guillaume de Briouze détient Annington, soit 6 charruées de terre. Il y a 5 charruées de terre, dont 1 charruée dans la réserve seigneuriale ; 15 vilains et 34 bordiers avec 4 charruées ; 1 église ; un bois pour 10 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 25 livres. – Guillaume de Briouze détient Washington. La geld n’est pas payée sur cette terre. Le château de Bramber se situe sur l’une des charruées de Washington. Cette terre comporte : 34 charruées de terre, dont 5 charruées en propriété domaniale ; 120 vilains et 25 bordiers avec 34 charruées ; 5 marais salants qui rapportent 110 amber de sel, ou 9 sous, 2 deniers ; 4 acres de prairie ; des bois pour le panage de 60 porcs ; 6 serfs. Gilbert détient une ½ charruée de terre à Washington. Raoul détient 1 charruée. Guillaume détient 3 grand-vergées. Leofwine détient une ½ charruée. Ces hommes ont 4 vilains et 2 bordiers avec 2,5 charrues ; 7 acres de prairie ; un bois pour 10 porcs. Guillaume de Briouze détient un domaine d’une valeur de 50 livres et 5 sous. – Guillaume de Briouze détient Steyning. La geld n’y a jamais été payée. Guillaume y détient 12 charruées ; les autres font partie du rape du comte Roger à Goringby-Sea. Les charruées détenues par Guillaume comprennent : 21 charruées de terre, dont 2 charruées dans la réserve ; 45 vilains et 33 bordiers avec 18 charruées ; 1 moulin ; 3 marais salants qui rapportent 30 deniers ; 5 acres de prairie ; un bois pour le panage de 20 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 25 livres. – Guillaume de Briouze détient 20,5 charruées à Findon. Ces charruées, sauf 3, sont exemptées de la geld. Cette terre comporte : 17 charruées, dont 3 charruées sont dans la réserve ; 27 vilains et 17 bordiers avec 17 charruées ; 1 église ; 6 serfs ;

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un bois pour 20 porcs. Sur les terres de Findon, un certain Guillaume détient 5 charruées ; 2 charruées de terre ; 2 vilains et 6 bordiers avec 1 charruée. La valeur de la terre de Findon est estimée à 28 livres [et 10 sous]. Guillaume de Briouze détient Sullington, soit 4 charruées de terre, dont 3 grandvergées se situent dans le rape d’Arundel. Cette terre comporte : 7 charruées de terre, dont 3 charruées dans la réserve ; 20 vilains et 4 bordiers avec 6 charruées ; 1 moulin qui rapporte 6 sous ; 6 acres de prairie ; un bois pour 30 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 8 livres. Raoul tient Wiston de Guillaume de Briouze. Cette terre contient 8 charruées, dont 2 charruées sont dans la réserve ; 10 vilains et 24 bordiers avec 5 charruées ; 1 église ; 5 serfs ; 7 acres de prairie ; un bois pour 30 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 12 livres. Guillaume fitz Manni tient Wappingthorn de Guillaume de Briouze, soit 2 charruées. Cette terre inclut : 6 charruées, dont 1 charruée dans la réserve ; 7 vilains et 15 bordiers avec 4 charruées ; 7 acres de prairie ; un bois qui rapporte 5 deniers ; 20 deniers de sel ; 1 setier de miel. La valeur de cette terre est estimée à 4 livres. Gilbert tient Clapham de Guillaume de Briouze. Cette terre était jadis estimée à 8 charruées, mais 2 charruées sont dorénavant dans le manoir du comte Roger. La geld est versée pour 3 charruées. Cette terre comporte : 4 charruées de terre, dont 2 charruées dans la réserve ; 5 vilains et 8 bordiers avec 2 charruées. La valeur de cette terre est estimée à 6 livres. Ledit Gilbert tient une terre de Guillaume de Briouze avec 3 charruées. Elle dépend de Goring-by-Sea, du rape du comte Roger. La geld n’a jamais été payée. Il y a 6 vilains et 5 bordiers avec 3 charruées. La valeur de cette terre est estimée à 30 sous. Richard tient [Lower et Upper] Chancton de Guillaume de Briouze. Cette terre comporte : 2 charruées, dont 1 charruée pour le domaine ; 5 bordiers. La valeur de cette terre est estimée à 60 sous.

[fol. 28vo] – Tetbert tient de Guillaume de Briouze 1 charruée de terre à [Lower et Upper] Chancton. La valeur de cette terre est estimée à 11 sous. – Guillaume fitz Norman tient Coombes de Guillaume de Briouze, soit 5 charruées de terre. Ce bien inclut : 8 charruées de terre, dont 2 charruées dans la propriété domaniale ; 27 vilains et 4 bordiers avec 10 charruées ; 1 église ; 2 serfs ; des marais salants qui produisent 50 sous et 5 deniers ; un bois pour le panage de 4 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 13 livres. – Guillaume fitz Norman tient Applesham de Guillaume de Briouze. Cette terre comporte : 5 charruées, dont 3 charruées dans la réserve seigneuriale ; 7 vilains et 7 bordiers avec 2 charruées ; 1 serf ; 1 moulin qui rapporte 6 sous ; 5 acres de prairie ; un bois pour 5 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 6 livres. – Deux chevaliers tiennent 1,5 charruée sur cette terre ; 1 bordier ; 2 marais salants qui rapportent 5 sous. La valeur de cette terre est estimée à 23 sous et 4 deniers. – Guillaume fitz Norman tient de Guillaume de Briouze 2 charruées de terre à Offington [près de Worthing]. La geld n’y est pas payée. Il y a 1 charruée de terre dans le domaine. La valeur de cette terre est estimée à 26 sous.

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Dans la centaine de Henfield : – Guillaume fitz Ranulph tient Woodmancote de Guillaume de Briouze, soit 2 charruées. Ce bien inclut 9 charruées de terre, dont 1 charruée dans la réserve ; 16 vilains et 4 bordiers avec 8 charruées ; 1 église ; 5 acres de prairie ; un bois pour 13 porcs. Unchevalier tient 1 charruée sur cette terre ; 1 charruée et 1 vilain. La valeur de cette terre est estimée à 3 livres et 10 sous. – Raoul tient Wantley de Guillaume de Briouze. Il y a 2 charruées de terre, dont 1 charruée dans le domaine ; 2 vilains et 2 bordiers avec une ½ charrue ; 2 serfs ; 1 moulin qui rapporte 20 deniers ; 10 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 22 sous. Dans la centaine de Wyndham : – Le même Raoul tient de Guillaume de Briouze une ½ charruée de terre à Woolfly. Il y a 10 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 5 sous. – Le même Raoul tient Shermanbury de Guillaume de Briouze. Il y a 2 charruées de terre dont 1 charruée dans la réserve ; 1 vilain et 3 bordiers avec 1 charruée ; 1 chapelle ; 4 serfs. La valeur de cette terre est estimée à 22 sous. – Guillaume fitz Ranulph tient Sakeham de Guillaume de Briouze. Cette terre inclut : 2 charruées de terre ; 2 bœufs ; 1 vilain et 2 bordiers ; un bois qui rapporte 10 deniers. La valeur de cette terre est estimée à 5 sous. Dans la centaine d’Aldrington : – Raoul tient Kingston-by-Sea de Guillaume de Briouze. Cette terre était estimée à 21 charruées, dont 6 charruées sont maintenant dans le rape de Guillaume de Warenne. Raoul paie la geld pour 6 charruées. Il y a 8 charruées de terre dont 2 charruées dans la réserve ; 12 vilains et 20 bordiers avec 10 charruées ; 1 église ; 6 marais salants qui rapportent 20 sous ; 10 amber de sel. Trois chevaliers détiennent 4,5 charruées de cette terre ; 2 charruées ; 2 vilains et 6 bordiers. La terre de Raoul vaut maintenant 11 livres, 7 sous et 6 deniers ; la terre des chevaliers vaut 100 sous. – Dans le même village Guillaume fitz Ranulph tient de Guillaume de Briouze 7 charruées moins 1 grand-vergée. Il y a 3 charruées de terre, dont 2 charruées dans le domaine ; 4 vilains et 8 bordiers avec 1 charruée ; 1 église ; 1 serf ; 3 marais salants qui rapportent 22 deniers ; 16 sous de pâture ; 4 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 7 livres. Dans la centaine de Brightford : – Robert tient Broadwater [près de Worthing] de Guillaume de Briouze. Sous le règne d’Édouard, elle était estimée à 29 charruées, dont 9 charruées sont actuellement dans le rape de Guillaume de Warenne ; et 2 charruées dans le manoir de Guillaume de Briouze. Robert paie la geld pour 6 charruées. Sa terre inclut : 7 charruées de terre, dont 2 charruées dans la réserve ; 30 vilains et 4 bordiers avec 10 charruées ; 1 église ; 3 serfs ; 1 moulin qui rapporte 7 sous ; 60 acres de prairie ; un bois pour 20 porcs. Un chevalier tient l’une des charruées. La valeur de cette terre est estimée à 14 livres.

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– Raoul tient Heene [près de Worthing] de Guillaume de Briouze, soit 2,5 charruées. Il y a 1 charruée de terre en propriété domaniale ; 3 vilains et 2 bordiers avec 1 charruée ; 1 esclave ; 3 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 40 sous. – Dans le même village Alweard tient 2,5 charruées de Guillaume de Briouze. Il y a 1 charruée en propriété domaniale ; 3 vilains et 5 bordiers avec 1 charruée. La valeur de cette terre est estimée à 40 sous. – Robert tient Durrington de Guillaume de Briouze, soit 1 charruée. Il y a 2 charruées de terre ; 2 vilains et 5 bordiers avec une ½ charruée ; 4 acres de prairie ; un bois pour 4 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 60 sous. – Le même Robert tient de Guillaume de Briouze 2 charruées et 1 grand-vergée à Durrington. Il y a 6 charruées de terre, dont 1 charruée en propriété domaniale ; 9 vilains et 6 bordiers avec 7 charruées ; 1 église ; 4 serfs ; 8 acres de prairie ; un bois pour 10 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 100 sous. – Le même Robert tient Worthing de Guillaume de Briouze, soit 9 charruées. La geld est payée pour 2 charruées. Il y a 3 charruées de terre, dont 2 charruées dans la propriété domaniale ; 6 vilains, 9 bordiers avec 1 charruée ; 1 serf ; 7 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 100 sous. – Robert tient de Guillaume de Briouze 1,5 charruée de terre à Worthing. Il y a 1 vilain et 5 bordiers, une ½ acre de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 12 sous. – Raoul tient une ½ charruée de terre qui dépend de Sompting. Il y a 4 bœufs ; 1 bordier ; 1 acre de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 5 sous. – Raoul tient Sompting de Guillaume de Briouze, soit [fol. 29] – 11,5 charruées. La geld est payée pour 2 charruées et 3 grand-vergées. Il y a 5 charruées de terre, dont 2 charruées dans la réserve seigneuriale ; 19 vilains et 16 bordiers avec 9 charruées ; 1 église ; 5 serfs ; 1 moulin qui rapporte 35 sous ; 8 marais salants qui rapportent 13 sous ; 30 acres de prairie. Un chevalier tient 1 charruée sur cette terre ; 1 charruée ; 2 vilains ; 4 bordiers ; 1 marais salant qui rapporte 2 sous ; et 2 acres de prairie. La valeur de l’ensemble de cette terre est estimée à 7 livres et 8 sous. – Dans le même domaine, un autre Raoul tient 2 charruées de Guillaume de Briouze. Il y a 4 vilains, 1 bordier avec une ½ charruée et 2 acres de prairie. Il y a 1 charruée de terre. La valeur de cette terre est estimée à 70 sous. – Dans ce même domaine, Robert tient 1 charruée de Guillaume de Briouze, en plus des charruées susdites. Il y a 1 vilain et 1 bordier, 4 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 8 sous. – Ralph tient Lower Cokeham de Guillaume de Briouze. Il y a 1 charruée dans le domaine ; 5 bordiers ; 8 acres de prairie. La valeur de cette terre est estimée à 55 sous. – Ralph tient Dankton [près de Sompting] de Guillaume de Briouze. Il y a 2 charruées de terre. Guillaume de Briouze tient 2 charruées et 1 grand-vergée de cette terre ; Robert 1 charruée et 1 grand-vergée ; un autre chevalier 1,5 charruée.

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Il y a dans le domaine 2 vilains et 3 bordiers ; 10 acres de prairie. La valeur de l’ensemble de cette terre est estimée à 72 sous. Robert tient Lancing de Guillaume de Briouze, soit 12 charruées et 1 grand-vergée ; la geld était payée pour 5 charruées et 1,5 grand-vergée. Il y a 5 charruées de terre, dont 2,5 charruées dans la réserve ; 13 vilains et 7 bordiers avec 2 charruées ; 1 moulin produisant 8 sous ; 7 marais salants qui rapportent 20 sous et 3 deniers. Deux chevaliers tiennent sur cette terre 2,5 charruées et une ½ grand-vergée ; 2 charruées ; 11 marais salants qui rapportent 12 sous et 6 deniers. La valeur de cette terre est estimée à 14 livres et 10 sous. Dans le même village Ralph tient 3,5 grand-vergées ; la geld est payée pour 1 grandvergée. Il y a 1 vilain et 2 bordiers. La valeur de cette terre est estimée à 5 sous. Dans ce domaine, un autre Raoul tient 3 charruées et 1 grand-vergée ; il paie la geld pour 3 grand-vergées. Cette terre comporte : 1 charruée dans la réserve ; 2 vilains et 2 bordiers avec une ½ charruée ; 5 marais salants qui produisent 12 sous et 6 deniers. La valeur de cette terre est estimée à 50 sous. De plus, Raoul tient 1 grand-vergée dépendant de Lancing ; la geld y est versée ; 1 vilain. La valeur de cette terre est estimée à 5 sous. Raoul fitz Theodric tient Lower Cokeham de Guillaume de Briouze, soit 1,5 charruée. Il y a une ½ charruée de terre dans le domaine ; 1 vilain et 3 bordiers avec une ½ charruée ; 1 marais salant qui rapporte 40 deniers ; 2 acres de prairie ; un bois pour 1 porc. La valeur de cette terre est estimée à 20 sous. Guillaume fitz Bonard tient de Guillaume de Briouze 1 berewick nommé Hœ, qui dépend de Hurstpierpoint tenu par Guillaume de Warenne. Cette terre comporte : 2 charruées moins 1 grand-vergée ; 6 charruées de terre, dont 2 charruées dans la réserve ; 14 vilains et 8 bordiers avec 4 charruées ; 6 marais salants qui rapportent 7 sous et 6 deniers. Un chevalier détient 1 charruée de ces terres, et une ½ charruée. La valeur de cette terre est estimée à 6 livres.

Dans la centaine d’Easwrithe : – Robert tient Ashington de Guillaume de Briouze. Cette terre dépend de Washington. Il y a 3 charruées de terre, dont 1 charruée dans la réserve ; 6 vilains et 2 bordiers avec 1,5 charruée. La valeur de cette terre est estimée à 30 sous. – Raoul tient de Guillaume de Briouze 3 charruées de terre à West Chiltington, qui est dans le rape du comte Roger. La geld n’y est pas payée. Ce bien comprend : 6 charruées de terre, dont une ½ charruée dans la réserve ; 18 vilains et 6 bordiers avec 3,5 charruées ; 6 acres de pâturage ; et un bois pour 30 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 60 sous. – Morin tient Thakeham de Guillaume de Briouze, soit 5 charruées. Ce bien inclut : 14 charruées de terre, dont 2 charruées sont dans la réserve ; 30 vilains et 12 bordiers avec 8 charruées ; 1 église ; 1 moulin qui rapporte 3 sous ; 16 acres de pâturage ; un bois pour 60 porcs. Un chevalier détient 1 charruée de cette terre. Il a 5 bœufs avec 1 bordier. La valeur de l’ensemble de cette terre est estimée à 14 livres. – Le même Morin tient Muntham de Guillaume de Briouze. Cette terre comporte 2 charruées ; 5 vilains et 6 bordiers avec 2 charruées ; 1 bois pour 5 porcs. La valeur de cette terre est estimée à 70 sous.

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– Le même Morin tient de Guillaume de Briouze 1 charruée de terre dépendant de Washington. Il y a 1 vilain et 1 moulin produisant 15 deniers. La valeur de cette terre est estimée à 10 sous. – Ælfgeat tient de Guillaume de Briouze une terre de son domaine. Il y a 1 charruée et 1 moulin produisant 3 sous. Elle dépend de Storrington en tant que pâture. La valeur de cette terre est estimée à 10 sous. – Guillaume fitz Bonard tient de Guillaume de Briouze 1 charruée de terre à Eatons. Cette terre dépend de Warningcamp, dans le rape du comte Roger [de Montgomery]. Elle comprend : 2 charruées dont 1 charruée dans la réserve ; 1 charruée pour 5 vilains et 3 bordiers ; 6 acres de pâturage ; 1 bois produisant 5 deniers. La valeur de cette terre est estimée à 40 sous. Dans la centaine d’Ifield : – Guillaume fitz Ranulph tient de Guillaume de Briouze 1 charruée de terre à Ifield. Cette terre inclut : 5 vilains et 4 bordiers avec 1 charruée ; 6 acres de pâturage ; 1 bois pour 6 porcs. Sa valeur est estimée à 20 sous. – Le même Guillaume tient de Guillaume de Briouze une ½ charruée à Old Shoreham. Cette charruée est exemptée de la geld. Il y a 1 vilain avec une ½ charruée. La valeur de cette terre est de 6 sous. Dans la centaine de Steyning : – Robert tient Buncton de Guillaume de Briouze. Cette terre comprend : 5 charruées dont 1 charruée dans la réserve ; 5 charruées pour 19 vilains et 7 bordiers ; 2 acres de pâturage ; 1 bois pour 10 porcs ; 1 moulin produisant 2 sous. La valeur de cette terre est de 40 sous. Surrey [fol. 35vo] Dans la centaine dE Copthorne : – Guillaume de Briouze tient Tadworth, terre d’une ½ charruée qu’il a confié à un tenant, Halsart. Il y a 3 charruées de terre, dont 1 charruée dans la propriété domaniale ; 2 vilains et 5 bordiers avec 1 charruée ; un bois pour 3 porcs. Cette terre vaut maintenant 45 sous. Dans la centaine d’Effingham : – Halsart tient Little Bookham de Guillaume de Briouze, soit 2 charruées de terre. Il y a 3 charruées de terre, dont 1 charruée dans la propriété domaniale ; 3 vilains et 4 bordiers avec 1 charruée ; 4 acres de pâturage ; 11 porcs pour le panage et l’herbage. La valeur de cette terre est estimée à 60 sous. Hampshire [fol. 47] Dans la centaine de Neatham : – Guillaume de Briouze tient une ½ charruée du roi [Guillaume]. La geld est payée pour une ½ charruée. Il y a 1 charruée de terre dans la propriété domaniale. Richard

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tient cette charruée comme tenant de Guillaume [de Briouze]. La valeur de cette terre est estimée à 5 sous. Berkshire [fol. 61] Dans la centaine dE Reading : – Guillaume de Briouze tient Southcote du roi [Guillaume], soit 1 charruée de terre. Il y a 3 charruées de terre, dont 1 charruée dans la propriété domaniale ; 5 vilains et 8 bordiers avec 2 charruées ; 1 moulin rapporte 18 sous ; 1 pêcherie produit 50 deniers. La valeur de cette terre est estimée à 100 sous. Wiltshire [fol. 72] – Guillaume de Briouze tient du roi [Guillaume] la terre de Shaw [près d’Overton]. Il y a 1,5 charruée de terre, dont 2 charruées sont dans la réserve seigneuriale ; 1 vilain et 2 bordiers avec une ½ charruée ; 40 acres de pâture ; 1 bois de 1 lieue de long et 3 « quarantaines » de large. La valeur de cette terre est estimée à 20 sous. Robert tient cette terre comme tenant de Guillaume de Briouze. Dorset [fol. 82] – Guillaume de Briouze tient Glanvilles Wootton du roi [Guillaume], et Ralph est son tenant pour cette terre. Il y a 3 charruées de terre, dont 1 charruée en propriété domaniale ; 1 serf ; 3 vilains et 4 bordiers avec 1 charruée ; 16 acres de prairie ; 4 acres de pâture ; 1 bois de 5 « quarantaines » de long et de 4 « quarantaines » de large. Cette terre a une valeur de 3 livres. – Raoul tient de Guillaume de Briouze 2 charruées dans le même lieu. Il y a 1 charruée de terre ; 2 serfs ; 1 bordier ; 6 acres de prairie ; 2 acres de pâture ; 1 bois de 5 « quarantaines » de long et de 2 « quarantaines » de large. Cette terre a une valeur de 40 sous. – Guillaume de Briouze tient une ½ charruée de terre à East Holton. Il y a une ½ charruée de terre. Cette terre a une valeur de 10 sous. – David tient Ash de Guillaume de Briouze. Il y a 2 charruées de terre ; 3 serfs ; 3 cottiers ; 10 acres de prairie ; 1 pâture de 10 « quarantaines » de long et de 2 « quarantaines » de large. Cette terre a une valeur de 3 livres. – Richard tient Kimmeridge de Guillaume de Briouze. Il y a 1,5 charruée de terre, dont 1 charruée dans la propriété domaniale ; 4 acres de prairie ; 1 pâture de 2 « quarantaines » de long et de 1 « quarantaine » de large. Cette terre a une valeur de 30 sous. – Guillaume de Briouze possède une ½ charruée à Creech, dont Gautier est le tenant. Il y a 2 bordiers ; 3 acres de prairie ; 3 acres de bois, 1 pâture de 7 « quarantaines » de long et de 4 « quarantaines » de large. Cette terre a une valeur de 10 sous. – Le même Gautier tient 3 charruées et une ½ grand-vergée de terre à Afflington comme tenant de Guillaume de Briouze. Il y a 1 charruée de terre ; 2 bordiers ; 1 acre de prairie ; 1 « quarantaine » de pâture. Cette terre a une valeur de 16 sous.

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A n n e xe s

– Le même Gautier tient de Guillaume de Briouze 1 charruée de terre à Church Knowle. Il y a 1 charruée de terre ; 1 acre de prairie ; 1 pâture de 4 « quarantaines » de long et de 2 « quarantaines » de large. Cette terre a une valeur de 20 sous. – Le même Gautier tient 1,5 charruée à Rushton. Il y a 1 charruée de terre ; 1 moulin ; 20 acres de prairie ; 1 « lieue » de pâture. Cette terre produit 30 sous et 4 setiers de miel. – Le même Gautier tient 1 charruée et 3 grand-vergées de terre à Worgret comme tenant de Guillaume de Briouze. Il y a 1,5 charruée de terre ; 1 vilain ; 1 bordier ; un ½ moulin produisant 10 sous. L’ensemble vaut 28 sous. – Richard tient de Guillaume de Briouze 2 charruées de terre à Hethfelton. Il y a 1 charruée de terre ; 2 vilains ; 1 serf ; 10 acres de prairie ; 1 pâture de 1 « lieue » de long et une ½ « lieue » de large. Cette terre a une valeur de 10 sous. – Richard tient de Guillaume de Briouze une ½ charruée à Smedmore. Il y a une ½ charruée de terre, 1 vilain, 1 serf, 3 acres de prairie. Cette terre a une valeur de 10 sous. – Richard tient de Guillaume de Briouze 7 charruées de terre, moins une ½ grandvergée, dans la centaine de Purbeck. Il y a 7 charruées de terre, dont 2 charruées dans la réserve seigneuriale ; 4 vilains et 2 bordiers. Cette terre a une valeur de 70 sous. – La femme d’Hugues fitz Grip tient une partie de cette terre, équivalant à 2 charruées ; 4 vilains ; 5 bordiers ; 1 pâture de 1 « lieue » de long et 6 « quarantaines » de large. Cette terre a une valeur de 4 livres. – Onfroy tient Woolgarston de Guillaume de Briouze. Il y a 2 charruées de terre ; 6 vilains ; 8 acres de prairie ; 1 pâture d’une ½ « lieue » de long et 1 « quarantaine » de large. Cette terre a une valeur de 40 sous.

Annexe 3 : Itinéraire de Guillaume III de Briouze, témoin royal (1194-1207)

Année Jour

Lieu

Roi

Bénéficiaires

1194  

[17 avril] 20 avril

[Winchester] Winchester

      1199      

25 avril 28 avril 28 avril 1e mars 11 mars 12 mars 12 mars

[Portsmouth] Portsmouth Portsmouth Roche-Turpin Chinon Chinon Chinon

          1200                    

5 avril 7 juin 11 juin 16 juin 20 juin 2 mars 2 mars 4 mars 11 avril 8 mai 23 mai 25 mai 28 mai 1e juin 1e juin 3 juin

Châlus Northampton Westminster Shoreham Shoreham Fremantle Fremantle Windsor Worcester Pont-Audemer Roche d’Orival Roche d’Orival Pont-Audemer Troarn Caen Caen

           

4 juin 4 juin 6 juin 22 octobre 22 octobre 4 novembre

Falaise [Falaise] Argentan Chilworth Chilworth Hereford

Richard Clergé d’Angleterre Richard Cathédrale Sainte-Marie de Lincoln Richard Thomas Basset Richard Alard Le Flamand Richard Guillaume de Reviers-Vernon Richard Prieuré de Spalding Richard Richard Guillaume Briwere Richard Chanoines de Saint-André d’Owston Richard Noël Jean Guillaume de Ferrières Jean Église Saint-Alban Jean Église Saint-Paul de Londres Jean Geoffroy fitz Peter Jean Gervais Gaubert Jean Philippe de Durham Jean Thomas Basset Jean Abbaye de Pershore Jean Baudouin de Wervall Jean Archevêque de Cantorbéry Jean Roger d’Abernon Jean Baudouin de Wervall Jean Léproserie de Kornikal Jean Brian fitz Alan Jean Prieur de la cathédrale de Cantorbéry Jean Hugues Hose Jean Guillaume fitz Geoffroy Jean Église de Cantorbéry Jean Hugues Hose Jean Abbaye de Ramsey Jean Geoffroy fitz Peter

424

A n n e xe s

Année Jour

Lieu

Roi

Bénéficiaires

        1201         1202        

4 novembre 4 novembre 7 novembre 9 novembre 13 janvier 3 avril 3 mai 22 mai 26 décembre 21 juillet 8 septembre 23 octobre 2 novembre 29 décembre

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

Église de Winchester Foulques d’Oyri Jean de Kilpeak Raoul Avenel Jean fils de Léonard de Venise Wendingburgh Église Sainte-Marie d’Osney Chanoines de Kirby Thore Abbaye Sainte-Marie de Straford Édouard Dore Otton de Brunswick Guillaume de Reviers Vicomte de Thouars Clerc royal Adam d’Essex

1203                                        

11 janvier 1e février 1e février 3 février 5 février 24 février 10 mars 17 mars 22 mars 31 mars 31 mars 31 mars 1e avril 1e avril 2 avril 2 avril 2 avril 2 avril 3 avril 3 avril 5 avril

Hereford Hereford Feckenham Lincoln Westminster Marlborough Argentan Rouen Suze Chinon Saint-Andréd’Hébertot Gace (Orne) Falaise Falaise Rouen Rouen Rouen Pont-Audemer Rouen Saint-Évroult Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Moulineaux Moulineaux Moulineaux Moulineaux Rouen Rouen Rouen

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

         

6 avril 6 avril 7 avril 7 avril 7 avril

Rouen Rouen Moulineaux Moulineaux Moulineaux

Jean Jean Jean Jean Jean

Jean Malherbe Étienne d’Oxford Guillaume de Sancta-Norma Guillaume de Merlerault Roger de Mortemer Juifs de Domfront Guy de Dives Richard Liger Abbaye de Bec Moines de Durham Gautier de Reviers Prieuré de Durham Guillaume Poignard Église Sainte-Marie de Drogheda Louis Luvet Hervé de Hastings Guillaume de Veir, prisonnier Richard de Vernon Comte de Sées Sénéchal royal de Gascogne et de Périgord Robert de Roppesleg Guillaume Malet Jocelin de Dohe et Martin de Suse Jean de Tibetot

A nne xe 3

Année Jour

Lieu

Roi

Bénéficiaires

                       

8 avril 10 avril 11 avril 11 avril 11 avril 15 avril 16 avril 22 avril 22 avril 30 avril 30 avril 30 avril

Rouen Lisieux Falaise Château de Vire Château de Vire La Lande-Patry Falaise Verneuil Verneuil Moulineaux Moulineaux Moulineaux

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

     

30 avril 5 mai 5 mai

Moulineaux Falaise Falaise

Jean Jean Jean

       

5 mai 5 mai 10 mai 10 mai

Jean Jean Jean Jean

 

10 mai

Jean

Jean de Sérifontaine

                                     

17 mai 17 mai 20 mai 22 mai 22 mai 27 mai 27 mai 28 mai 28 mai 29 mai 29 mai 3 juin 3 juin 3 juin 5 juin 5 juin 11 juin 11 juin 15 juin

Falaise Falaise Sainte-Barbe Bonneville-surTouques Bonneville-surTouques Moulineaux Moulineaux Moulineaux Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Pont-Audemer Pont-Audemer Pont-Audemer Pont-Audemer Pont-Audemer Pont-Audemer Rouen Orival

Église Sainte-Marie de Rouen Richard de Reviers Renaud de Verneuil Robert de Troisgots Aliénor, mère du roi Jean Guillaume de Préaux Hugues de Gournay Robert de Mortemer Jean Luce Raymond de Neriz, Ernald de Lengon, Pierre de Burgh Bernard de Bordeaux Jean Le Maréchal Thomas de Gorges, Richard de Fontenay Durand Daregon d’Auvilliers Foulques de Cantilupe -

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

Jean de Canappeville Guillaume de Louvetot Frères de l’ordre du Temple Henri fitz Count Jean de Harcourt Hugues de Neville Henri de Balliol Amaury de Harcourt Comte de Chester André de Beauchamp Richard de Harcourt Église de Merton Église Notre-Dame de Strafford Clerc Guillaume de Cornhill Juifs de Rouen Hugues de Hereford Église de Cantorbéry

425

426

A n n e xe s

Année Jour

Lieu

Roi

Bénéficiaires

   

15 juin 21 juin

Orival Rouen

Jean Jean

 

22 juin

Rouen

Jean

   

22 juin 25 juin

Rouen Rouen

Jean Jean

                           

30 juin 1e juillet 1e juillet 1e juillet 1e juillet 3 juillet 5 juillet 9 juillet 9 juillet 10 juillet 12 juillet 14 juillet 17 juillet 18 juillet

Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen Rouen

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

 

18 juillet

Moulineaux

Jean

                   

20 juillet 25 juillet 29 juillet 2 août 4 août 7 août 13 août 16 août 30 août 2 septembre

Montfort Montfort Rouen Orival Orival Caen Alençon Le Mans Rouen Rouen

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

             

2 septembre 7 septembre 9 septembre 11 septembre 12 septembre 13 septembre 16 septembre

Rouen Suze Trianon Hébertot Falaise Falaise

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

Alain Basset Gilles de Briouze, évêque d’Hereford Chapelle Saint-Nicolas d’Amfreville Laurent de Duien Frères chevaliers de l’ordre du Temple Roger de Lignou Chanoines de Dunestaple Chanoines de Dunestaple Thomas, chapelain de Caen Jean, chapelain de Cherbourg Abbaye d’Auchy Brian fils de Païen de Therefeld Robert d’Étoutteville Archevêque de Cantorbéry Jean, évêque de Norwich Guillaume de Ferrières Jean, évêque de Norwich Roger de Bertram Richard, neveu du chambellan Richard Ruffus Hommes de Thomas de SaintValéry Monastère de Savigny Gérard de Fournival Église Sainte-Marie de Rouen Thomas Basset Pierre de Stoke Guillaume Briwere Henri, archidiacre de Stafford Hubert de Burgh, chambellan Henri, archevêque de Cantorbéry Frères chevaliers de l’ordre du Temple Thomas, chambellan Chanoines de Hereford Hôpital Saint-Jean de Faukez Hugues de Neville Église Saint-Laurent de Bakechild Guillaume de Huntingfield

A nne xe 3

Roi

Bénéficiaires

     

Année Jour

19 septembre Dol 26 septembre Falaise 27 septembre Falaise

Jean Jean Jean

     

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

Roger de Gouy Abbaye de Croxton Pierre Picot Renaud de Cornhill

     

27 septembre Falaise 27 septembre Falaise Montfort-sur1e octobre Risle Pont-Audemer 1e octobre 4 octobre Rouen 4 octobre Rouen 7 octobre Bonneville-surTouques 8 octobre Verneuil 12 octobre 1e novembre Verneuil

Guillaume de Ferrières Robert Aguillon Raoul, fils de Raoul de SaintGermain Guillaume Picot Église Notre-Dame d’Yvrandes Hugues de Neville

Jean Jean Jean

                  1204          

2 novembre 2 novembre 2 novembre 9 novembre 18 novembre 28 novembre 3 décembre 10 décembre 11 décembre 1e janvier 13 mars 14 mars 14 mars 15 mars 18 mars

Verneuil Verneuil Verneuil Rouen Plessis-Grimould Caen Chinon Marlborough Marlborough Brill Bridgenorth Bridgenorth Bridgenorth Bridgenorth Woodstock

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

                   

18 mars 22 mars 22 mars 24 mars 25 mars 25 mars 28 mars 28 mars 3 mai 3 mai

Woodstock Westminster Westminster Westminster Westminster Westminster Westminster Westminster Winchester Winchester

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

Église de Beverley Jean, évêque de Norwich Alexandre, chapelain de Guillaume de Briouze Église Notre-Dame de Chichester Renaud de Bosco Hommes d’Holderness Heverbrict de Dunmore Gérard de Fornivall Guillaume de La Sparre Pierre fitz Henry Henri fitz Ailwin Moines de Coggeshall Jocelin fitz Hugh Robert Le Vavasseur Guillaume de Warenne Léproserie de Saint-Gilles de Shrewsbury Richard de Spoxton Guillaume Briwere Église Sainte-Sexburge de Sheppey Raoul de Bolbec Abbaye de Boxley -

       

Lieu

427

4 28

A n n e xe s

Année Jour

Lieu

Roi

Bénéficiaires

             

3 mai 3 mai 5 mai 12 mai 12 mai 12 mai 12 mai

Winchester Winchester Portchester Southwick Southwick Southwick Southwick

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

                        1205      

18 mai 14 juin 27 septembre 27 septembre 5 octobre 5 octobre 14 octobre 9 novembre 13 novembre 16 novembre 21 novembre 9 décembre 25 janvier 7 mars 21 mars 24 mars

Winchester Merton Clarendon Clarendon Winchester Winchester Wetwang Guldeford Christchurch Canford Winchester Melksham Winchester Oxford Worcester Worcester

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

       

26 mars 27 mars 29 mars 29 mars

Woodstock Woodstock Oxford Oxford

Jean Jean Jean Jean

       

1e mai 3 mai 3 mai 4 mai

Reading Windsor Windsor Londres

Jean Jean Jean Jean

               

4 mai 6 juin 6 juin 7 juin 9 juin 10 juin 12 juin 15 septembre

Londres Stoke-on-Trent Stoke-on-Trent Stoke-on-Trent Northampton Portsmouth Portsmouth Marlborough

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

Hommes d’Odiham Hugues de Neville La reine Isabelle Guillaume de Wrotham Église Sainte-Marie de Stanley Guillaume Dacy Église Sainte-Radegonde de Bradesole Foulques d’Oyri Hommes de La Rochelle Guillaume Briwere Bourgeois de Derby Archevêque de Cantorbéry Abbaye de Forde Vicomte de Lincoln Gautier de Lacy Jean, fils de Roger Bawbourg Daniel, pincerna Abbaye de Beaulieu Henri de Longchamp Guillaume de Curley Église Sainte-Marie-de-Prato de Leicester Guillaume fitz Andrew Moines de Bordesley Hommes de Bordeaux Abbaye Sainte-Marie de La Bruyère Hommes d’Andover Abbaye Sainte-Marie de Kirkstall Raoul de Normanville Monastère Saint-Oswad de Bardney Abbaye Sainte-Marie de Waverley Abbaye de Forde Moines de Salterey Abbaye Sainte-Marie de Carrow Abbaye de Norwich Renaud de Cornhill Roger de Basingham

A nne xe 3

Année Jour

Lieu

Roi

Bénéficiaires

      1207      

15 septembre 18 décembre 18 décembre 14 juin 5 octobre 25 octobre 25 novembre

Marlborough Dorchester Dorchester Marlborough Lambeth Windsor Marlborough

Jean Jean Jean Jean Jean Jean Jean

   

25 novembre 26 décembre

Marlborough Windsor

Jean Jean

Raoul de Wilington Étienne de Turnham Étienne de Turnham Jocelin, évêque de Bath Abbaye Saint-Pierre de Wherwell Ranulf de Blondeville, comte de Chester Jean, chapelain d’Ivelchester Adam d’Essex, clerc royal

429

Annexe 4 : Enquête menée en 1319 sur les terres de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower

1319, samedi 13 octobre. Crumlin ( en Irlande) Une enquête, menée sur les terres de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower, établit la liste des terres données ou aliénées, et définit leur valeur annuelle. Les jurés affirment que toute la terre et les tenures sont des parcelles de la terre de Gower, tenue du roi en chef pour le service d’un fief de chevalier. Ils ont examiné les terres et les tenures qui ont été aliénées en fief : elles sont tenues de Guillaume VII de Briouze, seigneur de Gower, selon la licence accordée par le roi d’Angleterre à ses descendants. A = TNA, C 145/83, Miscellaneous Inquisitions, no 12, 13 Edw. II. a = G. Th. Clark (éd.), Cartae et Alia Munimenta quae ad Dominium de Glamorgancia pertinent, Cardiff, 1910, vol. 3 (1271-1331), p. 1066-1074, no dcccxciii. La référence indiquée est [Inquisition Post Mortem, 13 Edw. II, no 32]. b = Calendar of Inquisitions Miscellaneous (Chancery) preserved in the Public Record Office, Londres, 1916, vol. 2, p. 104, no 412.

Guillaume VII de Briouze donna et aliéna : – 14 acres de terre et un barrage d’une valeur annuelle de 10 sous appartenant à Pierre de Hauterive (lat. Alta Ripa) situés près de la tour de Talybont (lat. Turrym de Talebont) ; – Le village de Loughor (lat. Logherne 1) appartenant à Jean Iweyn ; – La terre d’Aberwassa2 et son moulin appartenant à Jean de Landimore d’une valeur annuelle d’un ½ marc ; – 110 acres de terre dans le sous-bois de Landimore ainsi que 2 moulins à eau appartenant à Richard de Pederton (lat. Pedertone) d’une valeur annuelle de 20 sous ; – Une maison, 60 acres de terre et 10 acres de prairie à Guillaume Le Walishe ; – 60 acres de terre situés en sous-bois appartenant à Henri de Pembridge d’une valeur annuelle de 5 sous ;



1 « Recorded name: Logherne », List of Historic Place Names [en ligne], Royal Commission on the Ancient and Historical Monuments of Wales, 2020, disponible sur < https://historicplacenames.rcahmw.gov.uk/ placenames/recordedname/6f9601ae-26a8-4265-a4b9-2e200555ef8f> (consulté le 6 décembre 2020). 2 Terre non identifiée.

43 2

A n n e xe s

– 20 acres de terre en sous-bois d’une valeur de 20 deniers appartenant à Guillaume de Langton3 (lat. Langeton) ; – 6 sous et 11 deniers de rente appartenant à Jean de La Bere et le service de Jean Gogh ; – 4 deniers du service de Llywelyn ap Dafydd ; – 8 sous et 4 deniers de rente appartenant à David de La Bere sur le service d’Adam Vachan ; – 100 acres de terre et un ¼ d’un moulin appartenant à Jean de Sutton pour une valeur annuelle de 8 sous et 4 deniers ; – Une maison et 8 acres de terre appartenant à Philippe Davy de Landimore, tenus par Robert de Penrice pour une valeur annuelle de 4 sous ; – 7 acres de terre à Llanelen (lat. Lanelyn) appartenant à Robert de Penrice, d’une valeur de 2 sous ; – 15 acres de terre et 4 acres de prairie dans le sous-bois d’Oystermouth et de Sketty, appartenant à Gillete et Agnès sa femme pour une valeur annuelle d’un ½ marc ; – Le village d’Ibowitestoun4, 100 acres de terre en sous-bois et le minerai de charbon maritime (lat. mineria carbonum maris) de Clyne, avec le moulin hydraulique de La Balkepulle (angl. Blackpool ?), pour une valeur annuelle de 100 sous. – Le domaine de Rhossili avec ses dépendances, d’une valeur annuelle de 20 livres ; – Une terre située à Kilvron5 appartenant à Stéphane Bare, d’une valeur annuelle de 100 sous ; – Une maison et 12 acres de terre appartenant à Guillaume d’Arundel et tenus par Jean Testard, d’une valeur annuelle d’un ½ marc ; – 3 maisons et 19 acres de terre appartenant à Jean Testard ; – Une maison et 40 acres de terre à Landimore, appartenant à Thomas Grutyn, d’une valeur annuelle de 20 sous ; – Des acres de terre à Landimore, d’une valeur de 18 deniers ; – 9 acres de terre appartenant à Jean Voil ; – 2 acres de terre, un moulin hydraulique et un moulin à foulon, d’une valeur de 3 sous ; – Une maison et ses dépendances à Pennard, appartenant à Guillaume Le Hunt, d’une valeur de 10 sous ; – Une maison et 12 acres de terre appartenant à Robert de La Chambre (lat. Chaumrre), tenus par Robert de Weston, d’une valeur de 3 sous ; – Une maison et 1 charruée de terre à Durlan, appartenant à Jean de Berkham, d’une valeur d’un ½ marc, tenus par David de La Bere ; – Une maison et 1 charruée de terre, appartenant à Richard de Weston et Jean de La Bere, que Jean Iweyn tenait, d’une valeur de 20 sous ;



3 « Recorded name: Langton », List of Historic Place Names [en ligne], Royal Commission on the Ancient and Historical Monuments of Wales, 2020, disponible sur < https://historicplacenames.rcahmw.gov.uk/ placenames/recordedname/703eae68-6190-4254-b561-e3bf7b91f982> (consulté le 6 décembre 2020). 4 Terre non identifiée. 5 Terre non identifiée.

A nne xe 4

– Une maison et 1 charruée de terre à Oystermouth, et 7 acres de terre à Llanmadoc, d’une valeur de 20 sous, appartenant à Elye de Roilly ; – Une maison et 24 acres de terre à Oystermouth, d’une valeur de 3 sous, appartenant à Philippe Wilym ; – Une maison et 24 acres de terre à Oystermouth, d’une valeur de 3 sous, appartenant à Waryn ; – Une maison et 24 acres de terre à Oystermouth et Sketty, d’une valeur de 3 sous, appartenant à Bonencountre ; – Une maison et 50 acres de terre à Sketty appartenant à Gruffudd ap Llywelyn, de qui Jean Iweyn tient la terre de Karngbis6, et 1 acre de terre jouxtant la terre d’Howel ap Thomas, d’une valeur de 2 sous ; – Une maison et 12 acres de terre à Sketty, appartenant à Howel ap Thomas et tenus par Jean Iweyn, d’une valeur de 2 sous ; – Une maison et 12 acres de terre à Sketty, appartenant à Guillaume Vaur, d’une valeur de 2 sous ; – 24 acres de terre à Sketty (lat. Enesketti), appartenant à Philippe de Swansea, d’une valeur de 2 sous ; – 20 acres de terre en sous-bois, appartenant à Dafydd ap Madoc, d’une valeur de 20 deniers ; – 7 acres de prairie à Crowode (angl. Crowood ?), appartenant à Nicolas Braghan, et tenus par Philippe Braghan, d’une valeur de 12 deniers ; – Guillaume VI de Briouze, père de Guillaume VII de Briouze, avait donné à Henri Le Maréchal une maison près du sable de mer (lat. arenam maris), d’une valeur de 6 deniers ; – Guillaume VII de Briouze avait donné à Richard Hakelut 4 moulins près de Swansea, d’une valeur annuelle de 10 marcs ; – à Robert de Singleton 5 acres de terre à Brynmill, d’une valeur de 10 deniers ; – à Robert Cronewen une ½ grand-vergée à Swansea, d’une valeur de 6 deniers ; – à Thomas Wrench 3 acres de terre à Swansea, de qui Richard de Pederton tient 2 acres et Agnès femme de Jean Le Stoker tient 1 acre, valant 12 deniers ; – à Jean Russel 3 acres de terre valant 12 deniers ; – Guillaume VI de Briouze, père de Guillaume VII, aurait donné à Sarre Le Brit une maison d’une valeur de 6 deniers ; – Le seigneur Guillaume VII de Briouze donna à Jean Knoyl un emplacement à Swansea valant 1 denier ; – à Jean Le Sharp une maison valant 6 deniers ; – à Gilbert Le Faukoner une maison tenue par Jean Testard, valant 6 deniers ; – à Pierre de La Bere 9 maisons, 14 acres de terre et un ½ barrage à Swansea, valant 20 sous ; – à Jean Gogh 2 maisons valant 12 deniers ; – à Bonencountre une maison et 3 acres de terre à Swansea, valant 12 deniers ; – à Jean de Horton 3,5 maisons à Swansea, valant 6 deniers ;

6 Terre non identifiée.

433

434

A n n e xe s

– à Leissan ap Morgan un emplacement valant 1 denier ; – Guillaume VI de Briouze, père de Guillaume, donna à Adam Knoyl 14 acres de terre tenues par Sybille Knoyl, valant 4 deniers ; – à Roger ap Maeb et à ses frères 40 acres de terre à Sketty, dont Jean Baty tient la tierce part, d’une valeur de 13 sous et 4 deniers ; – à Robert Ringilth une maison, 20 acres de terre et 2 acres de prairie à Sketty, d’une valeur de 13 sous et 4 deniers ; – Jean de Briouze, ancêtre [grand-père] de Guillaume VII de Briouze, donna à Morgan Gam le village de Leason et le village de Kittlehill7, que David de La Bere tient, d’une valeur de 40 sous ; – Guillaume VI de Briouze père donna à Guillaume Le Hunt une maison et 24 acres de terre à Pennard, tenus par Gilles Hori, valant 10 sous ; – à Gautier Le Pecard la porte nord de la cour basse à l’extérieur du château de Swansea, avec les deux tours adjacentes, valant 6 deniers ; – à Jean Russel une tour forestière nommée Donelestour ; – à Jean Iweyn une tour ayant appartenue à Thomas de Singleton à Swansea, valant 2 sous ; – à Guillaume ap Ithel la porte sud de la cour basse [à l’extérieur du château de Swansea], valant 6 deniers ; – à Gautier de Weston une maison et 30 acres de terre, valant 2 sous ; – Guillaume VII de Briouze donna à Henri de Newenham 2,5 acres de terre, avec le passage de Swansea, valant annuellement 10 sous ; – à Jean Iweyn une maison à Swansea ; – Guillaume VI de Briouze père donna à Tharn ap Cogan et à son frère 30 acres de terre à Enestanesok, valant 2 sous ; – Guillaume VII de Briouze donna à Howel ap Ieuan 2 maisons et 12 acres de terre valant 12 deniers ; – Guillaume VI de Briouze père donna à Guillaume ap Ithel 40 acres de terre valant 10 sous ; – Guillaume VII de Briouze donna à Guillaume Vaur 24 acres de terre valant 12 deniers ; – à maître Adam Baret toute la terre de Nedenew, tenue par Richard Le Wolf, valant un ½ marc ; – à Howel ap Gruffudd et à ses frères Traenmeybonmeuric, valant 3 sous ; – Guillaume VI de Briouze père donna à Gruffudd ap Cadwgan une terre à Veheudr’, valant 20 sous ; – à Jean de L. toute la terre de Trewthewa (angl. Tretower ?), tenue par Robert de Pembridge, valant 20 sous. – Guillaume VII de Briouze donna à Jean Iweyn toute la terre de Cadele, valant 2 sous ;



7 « Recorded name: Kittlehill », List of Historic Place Names [en ligne], Royal Commission on the Ancient and Historical Monuments of Wales, 2020, disponible sur < https://historicplacenames.rcahmw.gov.uk/ placenames/recordedname/8d7f944c-9860-47b1-b599-0fb340483b5d> (consulté le 6 décembre 2020).

A nne xe 4

– le service de Lote de Peneviller, tenu par Pierre de La Bere, valant 20 sous ; – à Eynon 20 acres de terre, tenus par Eynon Vachan et ses frères ; – Guillaume VI de Briouze père donna à Jean Moya et à ses frères 3 maisons et 300 acres de terre, de prairie et de friches, valant annuellement un ½ marc ; – à Madog ap Wyn une maison et 100 acres de terre valant 60 sous. – Guillaume VII de Briouze donna à Jean ap Eynon et à ses frères 160 acres de terre ; – Guillaume VI de Briouze père donna à Gruffudd Vregh 200 acres de terre valant 5 sous ; – Guillaume VII de Briouze donna à Philippe Harold un courtil à Swansea, valant 2 deniers ; – une maison à Swansea valant 4 deniers ; – à Guillaume Curteis de Bristol un bien à Swansea valant 1 denier ; – à Nicolas Braghan un courtil tenu par Jean de La Mare, valant 6 deniers ; – à Robert Cute une maison à Swansea, valant 1 denier.

435

Sources et bibliographie

Identification des membres du lignage de Briouze Afin de distinguer les homonymes, chaque membre du lignage de Briouze reçoit un numéro d’identification : Les seigneurs de Briouze sont numérotés selon leur prénom et leur position dans l’ordre de succession. Pour les parents, ce numéro d’identification est placé entre crochets. Par exemple : Le seigneur Philippe Ier de Briouze a pour fils cadet Philippe [II]. Cas particulier : Jean de Briouze, seul seigneur à porter ce prénom, est en fait le deuxième membre du lignage ainsi nommé. Lorsqu’il intervient en tant que seigneur, il est nommé Jean de Briouze ; lorsqu’il apparaît comme fils de Guillaume IV, il est désigné sous l’appellation Jean [II] de Briouze. Lorsque l’identité de l’individu est incertaine, la numérotation n’est pas précisée.

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Index

abbaye d’Aconbury  248, 301, 302 abbaye de Beaulieu  215 abbaye de Cluny  116, 133, 368, 369 abbaye de Dureford  31, 121, 355 abbaye de Lonlay  62, 89, 92, 93, 94, 95, 96, 99 abbaye de Margam  173, 204, 205, 253, 353, 372, 373 abbaye de Neath  164, 260, 286, 348, 353, 358 abbaye de Saint-Alban  255 abbaye de Selkirk  119 abbaye de Strata Florida  197 abbaye de Waverley  117, 137, 255 abbaye d’Hambye  122 abbaye Notre-Dame d’Ardenne  30, 276 abbaye Notre-Dame de Cormeilles  58 abbaye Saint-Cuthbert de Durham  119 abbaye Sainte-Marie de Dore  122 abbaye Sainte-Marie de Kingswood  286 abbaye Sainte-Marie de Lyre  228 abbaye Sainte-Trinité de Caen  55, 62 abbaye Sainte-Trinité de Fécamp  62, 89, 98, 102, 103, 104, 105, 107, 108, 109, 133, 137, 156, 291, 292 abbaye Saint-Florent de Saumur  29, 62, 65, 67, 69, 70, 79, 83, 84, 89, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 106, 107, 109, 111, 116, 118, 124, 128, 131, 133, 134, 136, 137, 151, 152, 156, 157, 368, 369 abbaye Saint-Martin de Battle  62, 69 abbaye Saint-Nicolas d’Arrouaise  118, 119, 120 abbaye Saint-Pancrace de Lewes  74

abbaye Saint-Swithun de Winchester  200 abbaye Saint-Victor de Paris  203 abbé Richard de Fécamp  292 Aberdare  205 Abergavenny  171, 173, 179, 185, 193, 195, 215, 246, 275, 282, 284, 293, 302, 308, 313, 320, 321, 377, 379 Abergavenny (château)  185, 190, 191, 192, 193, 194, 196, 204, 266, 294, 401 Aberhodni  294 Adam ap Hywel  372 Agon  211 Albert, familier de Saint-Florent  137 Alexandre (camerarius) 279 Aliénor d’Aquitaine  208 Aliénor, fille du roi Jean  310, 315, 317 Amfreville (d’), Henri  222 Annington  101, 109, 110, 111, 115, 118, 121, 131, 356, 365, 366, 380 Applesham  131 Argentan (d’), Richard  300 Arthur de Bretagne  208, 211, 212, 214, 235, 239, 252, 253, 254, 256, 257, 260 Arundel  62, 81 Ashington  131, 132 Ashington (de), Élie  132 Asnebec 58, 60, 65 Athée (d’), Gérard  218, 244, 246, 293 Alexandre (camerarius) Aubigny (d’), Guillaume (comte d’Arundel) 278 Audley (d’) famille  395 Hugues  392 Marguerite (de Clare)  392

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in d e x

Badlesmere (de) Bartholomé  394 famille  395 Bainard, Guillaume  68, 69 Bardolf, Hugues  216, 217, 226 Barnstaple  85, 116, 117, 133, 134, 136, 160, 163, 172, 174, 177, 212, 215, 216, 218, 229, 230, 236, 275, 289, 290, 368, 369, 377, 378 Barnstaple (château)  279 Barnstaple et Totnes (de), Alfred  85 Barri (de), Giraud  70, 71, 72, 195, 199, 202, 203, 204, 232, 233, 234 Baskerville (de) James  202 Raoul  224 Robert  202 bataille de Bannockburn  351, 394 bataille de Boroughbridge  395 bataille de Cadfan  348 bataille de Lewes  345 bataille de Mirebeau  211 bataille de Mortemer  60 bataille de Tinchebray  67 bataille de Varaville  60 bataille d’Evesham  346 Bavent  55, 57, 58 Bavent (de) Adam  371 famille  371 Roger  371 Beauchamp (de) Amicie  229 Berthe ([II] de Briouze)  228, 229, 289 Gautier  228, 289 Guillaume  228, 229, 359 Beaumont (de) Laurette (de Briouze)  228 Robert, comte de Leicester  228 Becket, Thomas (archevêque de Cantorbéry)  263 Bedfordshire  120, 127, 128, 129 Beeding  107, 109, 282, 284, 368, 383, 386 Beeding (de) famille  363 Geoffroi  132

Bellême  59, 60, 81 Bellême (de) famille  59, 60, 95 Hugues  65 Mabille  60 Robert  64, 65, 67, 69 Robert II  95 Yves  60 Berewic  225 Berkeley  370 Berkeley (château)  370, 380, 399 Berkeley (de) famille  370, 395 Maurice  370 Philippe  370 Berkshire  81, 143, 146, 147, 160 Bernehus famille  363 Guillaume  109, 110, 157 Béthune (de), Baudouin (comte d’Aumale)  259 Bewbush  342, 343, 386, 396 Bidlington  355, 356, 383 Bien Sçavoire (de), Pierre  379 Bigot, Hugues (comte de Norfolk)  305 Bisley  297 Black Torrington  213 Blaenau Gwent  284 Blaenllyfni (château)  266, 294, 297 Blanford  290 Blenleueilin 215 Blosseville  120, 128 Boddington  280 Bodenham  171 Bohun (de) Aénor [III] (de Briouze)  313, 314, 315, 320, 370, 388 Aliénor 314 Elisabeth, fille du roi Edouard I  388 Jacques  397 Jean  397 Jeanne (de Briouze)  397 Marguerite  224 Marguerite (de Hereford)  74, 171 Onfroy [IV]  314

i nd e x

Onfroy [V]  297, 314, 315, 370 Onfroy [VI]  370 Onfroy [VII]  388 Boissey (de) famille  135 Ralph  158 Raoul, fils de Landry  158 Bonet famille  135, 364, 371 Hamon  365 Hubert  368 Robert  365 Bordeaux 176 Boroughbridge  395 Boscherville  93 Bosham  383 Boterel famille  137 Roger  137 Bracebrugge  383 Brai  139 Bramber (château)  77, 81, 87, 104, 108, 110, 111, 121, 126, 147, 151, 153, 157, 159, 163, 164, 207, 277, 282, 288, 300, 331, 332, 340, 343, 345, 365, 366, 367, 368, 370, 371, 376, 377, 386, 392, 396, 397 Bramber (marais)  356 Bramber (port)  116, 153 Bramber (seigneurie)  35, 41, 72, 77, 81, 89, 98, 99, 102, 104, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 116, 121, 138, 141, 153, 157, 163, 164, 176, 177, 203, 210, 275, 282, 284, 286, 289, 292, 295, 297, 298, 299, 300, 301, 329, 331, 332, 334, 336, 340, 342, 351, 353, 355, 358, 359, 362, 364, 365, 366, 367, 368, 371, 376, 378, 380, 386, 388, 392, 396 Brambleden  368 Bramley  383 Bray  370 Brayboeuf (de), Geoffroy  378 Bréauté, Foulques de  187 Brecon  31, 70, 117, 171, 173, 179, 184, 185, 193, 195, 196, 198, 199, 201, 202, 215, 224, 246, 266, 282, 291, 293, 297, 302, 308, 314, 320, 321, 377, 379

Brecon (château)  117, 204, 244, 266, 295 Brecon (seigneurie)  177, 174, 315, 329 Breconshire  196 Bredford (de), Alexandre  384 Breifne (royaume)  234 Brightford  131 Brinsop  171 Briouze (château)  58, 65, 74, 77, 78, 87, 93, 100, 153, 163, 275 Briouze (de) Aénor (de Totnes)  69, 72, 85, 101, 116, 117, 134, 136, 160, 212, 229, 317, 369 Aénor [II] (de Mortemer)  197 Alice  230 Alice (Le Rus)  361 Alice (nièce de Pierre de Rivallis)  300 Aline  120, 323, 384 Amabile (de Limesey)  217, 226 Aubrée  120, 128 Aubrée [II]  120 Berthe  275 Berthe (de Hereford)  74, 117, 122, 171, 172, 179, 195 Élisabeth (de Sully)  396 Ève (de Naas)  227 Ève (Le Maréchal)  299, 305, 306, 307, 309, 310, 311, 312, 313, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 346 Gautier [I]  202, 228, 230, 238, 239 Gautier [II]  278, 288, 290, 370 Gilles  202, 227, 252, 256, 263, 264, 265, 266, 267, 276, 277, 278, 279, 293, 294, 426 Gilles [II]  277, 278 Gilles [III]  358, 380, 383 Gilles [IV]  383 Gontrand  120 Gontrane  120 Grace (Briwere)  227 Guillaume (écuyer du seigneur de Bellême et baron de Briouze)  276 Guillaume, évêque de Llandaff  354, 355

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in d e x

Guillaume I  21, 22, 24, 25, 40, 53, 54, 55, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 74, 77, 81, 82, 83, 85, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 107, 108, 110, 115, 116, 124, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 158, 159, 160, 161, 215, 292, 364, 365, 367, 368, 385 Guillaume II  54, 69, 72, 73, 74, 75, 85, 101, 105, 109, 110, 116, 117, 118, 119, 121, 122, 123, 125, 126, 127, 128, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 149, 151, 153, 154, 155, 156, 157, 160, 161, 171, 179, 194, 195, 231, 232, 236, 249, 275, 292, 362, 363, 364, 365, 366, 367, 368, 369, 370, 378 Guillaume III  19, 20, 24, 25, 31, 33, 34, 45, 70, 75, 116, 117, 121, 123, 149, 163, 164, 167, 171, 172, 174, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 184, 185, 187, 189, 190, 191, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 228, 229, 230, 231, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 246, 247, 248, 249, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 259, 260, 262, 263, 266, 267, 268, 271, 275, 276, 277, 278, 280, 282, 284, 288, 289, 290, 291, 293, 294, 301, 302, 306, 308, 319, 323, 348, 362, 363, 364, 366, 367, 369, 371, 372, 378, 379, 389, 398, 402, 403 Guillaume IV  202, 223, 226, 227, 238, 239, 243, 248, 252, 254, 255, 259, 260, 262, 265, 275, 277, 278, 282, 284, 290, 319 Guillaume (miles)  276 Guillaume V  45, 120, 189, 227, 229, 278, 282, 284, 286, 288, 289, 295, 296, 297, 299, 301, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 317, 318, 319, 320, 321, 323, 346, 364, 369, 370, 375, 377, 379, 380, 388, 399, 401

Guillaume VI  31, 114, 115, 288, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 314, 319, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 329, 331, 332, 334, 335, 339, 340, 342, 343, 344, 345, 346, 349, 350, 352, 353, 354, 355, 356, 357, 359, 361, 363, 364, 365, 366, 367, 368, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 382, 383, 384, 386, 389, 392, 404, 406, 433, 434, 435 Guillaume VII  33, 35, 109, 325, 326, 327, 329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 340, 342, 343, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 353, 355, 356, 357, 359, 362, 363, 364, 365, 369, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 390, 391, 392, 393, 395, 396, 397, 398, 399, 431, 433, 434, 435 Guillaume VIII  333, 334, 372, 375, 376, 383, 385, 398 Gwaldus (fille de Llywelyn ap Iorwerth)  277, 294, 297, 302, 370 Hawise (de Londres)  290 Herbert  71 Hugues  227 inconnue, épouse de Robert I de Harcourt  124 inconnue (Mathilde?), épouse du seigneur de Tracy  117 Isabelle  309, 310, 311, 312, 319, 320 Jean  108, 227, 247, 265, 277, 278, 282, 284, 286, 287, 288, 290, 292, 295, 296, 297, 299, 300, 301, 302, 310, 319, 323, 329, 361, 362, 363, 364, 365, 367, 370, 376, 378, 434 Jean [I]  217, 226, 227 Jean [III]  334, 366 Laurette 346 Llywelyn  298, 327 Marared (fille de Llywelyn ap Iorwerth)  295, 297, 298, 299, 302, 323, 355, 375 Marguerite  361 Marie  371

i nd e x

Marie (de Ros)  331, 349, 350, 361, 365, 366, 368, 371, 383, 384, 386, 392, 404 Mathilde (de Clare)  227, 248, 260, 282, 284, 290, 292 Mathilde (de Saint-Valéry)  25, 32, 70, 177, 178, 179, 202, 203, 221, 222, 223, 225, 230, 248, 252, 254, 255, 257, 258, 259, 263, 268, 302 Mathilde [II], épouse de Gruffydd ap Rhys  181, 197, 228 Pagan  116, 118, 119, 120, 127, 128, 129 Philippe I  33, 54, 63, 64, 65, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 83, 84, 85, 86, 95, 98, 99, 100, 101, 102, 105, 107, 115, 116, 117, 118, 121, 124, 125, 128, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 155, 156, 157, 158, 161, 171, 179, 212, 229, 317, 362, 363, 364, 365, 367, 378 Philippe [II]  101, 109, 117, 126, 127, 128, 129, 231, 232, 233, 234, 235, 239, 240, 249 Philippe [III]  117, 118, 202, 227, 238, 239 Philippe [IV]  228, 239, 278 Pierre  351, 382, 383, 384, 404, 405 Renaud  32, 222, 227, 248, 256, 266, 267, 275, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 284, 286, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 301, 302, 306, 307, 312, 319, 362, 363, 364, 365, 366, 367, 369, 370, 375, 377, 379, 388 Richard [I]  361 Richard [II]  347, 382, 383 Robert [I]  24, 118, 131 Robert [I] (fils d’Anchetil)  115 Robert [II]  116, 118, 119, 120, 127, 128 Robert [II] (de Niweton)  120 Roger  117, 226 Roger [I]  228 Sybille  115 Sybille [II]  122 Thomas  358, 382, 384 Thomas [I]  405 Thomas [II]  404 Briouze (seigneurie)  22, 53, 54, 58, 59, 60, 61, 77, 79, 80, 81, 84, 89, 95, 96, 97,

100, 102, 111, 138, 141, 152, 157, 163, 164, 210, 212, 236, 254 Bristol (château)  181 Briwere Guillaume  120, 225, 227 Guillaume (le Jeune)  314 Broadbridge  229, 368 Broadwater  131, 132 Broadwater (de), Guillaume  132 Broun, Jean  361 Bruneshill 290 Buceius, famille  263 Buci (de), Hugues  121 Buckingham  227, 297, 298, 299, 334, 378 Buckingham (de), Jean  378 Builth  70, 85, 171, 174, 179, 184, 185, 282, 293, 296, 320, 321 Builth (château)  196, 266, 294, 295, 296, 309 Buncton  131, 262, 383 Burbeach  365 Burghbeach  147, 159 Burgh (de) Élisabeth (de Clare)  392, 397 famille  396 Guillaume  235, 236, 237, 238, 241, 242 Hubert  280, 287, 288, 290, 299 Burghill (de), Guillaume  174 Burshill (de), famille  336 Burtone  393 Cadwaladr, fils de Seisyll ap Dyfnwal  193 Cadwallon ap Ifor, de Senghenydd  199 Cadwallon ap Madog de Maelienydd  192 Caen  58, 93, 94, 96 Caerleon (ville)  191 Caerphilly  199 Caldicot  226 Camoys (de) Guillaume Martyn  379 Marguerite (de Briouze)  379, 383 Raoul  379 Camville (de)

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Geoffroy  290, 291, 293 Lleucu (de Briouze)  290, 291, 293, 298 canal de Bristol  172 Canon  58 Cantilupe (de) Ève (de Briouze)  313, 314, 315, 320, 321, 379 famille  380 Georges  313 Guillaume  215, 281, 282, 291, 313, 315, 320, 379 Guillaume [I]  313 Guillaume [II]  312 Guillaume [III]  313 Jeanne  313 Milicent  313 Thomas  349, 350, 383, 384 Cardiff  204 Cardiff (château)  182, 185 Cardigan  181, 182, 197, 205, 287, 288 Cardigan (château royal)  287 Carlton (château)  396 Carmarthen  85, 205, 280, 287, 288 Carmarthen (château)  181, 185, 197, 287, 370, 381 Carnwyllion  290 Carnwyllion (château)  197 Carreg Cennen (château)  302 Carricke (de), Duncan  248 Carrickittle  239 Castell Arnallt  190, 193 Castle Bytham (château)  361 castrum Matildis  178 cathédrale Saint-Kentigern de Glasgow  119 Cesny-aux-Vignes  55, 58 Chaldon  368 Châlus (château)  207 chambellan Roger  155 Chancton  383 chapelain Alexandre  154, 225 chapelain de Saint-Nicolas de Brecon  204 chapelain Elias  154 chapelain Guillaume de Hay  154

chapelain Onfroy  154 chapelain Pagan  154 chapelain Primald  154 chapelain Richard  154 chapelain Robert  154 chapelle castrale Saint-Jean de Briouze  78, 100, 101, 151 chapelle castrale Saint-Nicolas de Brecon  204 chapelle du port de Shoreham  70, 101, 109 chapelle Saint-Thomas de Kilvey  388 Charlton 290 Charlton Horethorne  228 Chartrai (de) Philippe  133 Richard  133, 134 Simon (sénéchal de Guillaume III de Briouze)  378 Chaumers  297 Chesnay (de) Hugues  276 Raoul  276 Robert  276 Chester (de), Ranulf  278 Chesworth  404 Chiltington  371 Christchurch, prieuré  226 Clapham  131, 159, 366, 383 Clapham (de), Gilbert  131 Clare (de) Aliénor  387 Aoife (fille de Diarmait Mac Murchada)  305 Élisabeth 392 Gilbert  387, 392 Marguerite 392 Richard  225, 227, 248, 305, 311 Clayton  367, 369 clerc Olivier  155, 157 Clifford (de) famille  364, 395 Gautier  223, 247, 287, 298, 408 Marared (fille de Llywelyn ap Iorwerth)  298

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Roger  291 Cocus famille  135, 364, 371 Gautier 364 Renaud  368 Cogan (de), Milon  231 Coleville (de) Édmond  361 famille 355 Gautier (prieur de Sele)  355, 362 Philippe  362 Roger  361 Colindene  161 Comte famille  135, 364 Jean  364 Simon  364 Simon (dapifère)  155, 156 Connacht (royaume)  233, 234, 237, 242 Coombes  131, 366 Coombes (de) famille  133, 135, 364, 368, 371 Hugues  133, 366 Jean  366 Michel  133, 366 Nigel  366 Norman  133 Richard  366 Copthorne  132 Corfe (prison)  222, 259 Cork  231, 233, 241, 242 Cornworthy  229, 289, 313, 320 Courcy (de), Jean  231 Courteilles  152 Couvert  228, 236, 290 Couvert (de) famille  135, 136, 364, 367, 368, 369, 371 Guillaume  136, 368 Richard  135, 368 Coyk, Meuric  332, 372, 374, 375, 410 Cragh, Guillaume  349, 350, 384 Crochurst  355 Croissanville  55, 58 cure d’Écouché  29

Dadford  222 Dafydd ap Llywelyn  296, 300 Dafydd ap Llywelyn (épouse) Isabelle (de Briouze)  296 Dammartin (de) Eudes  117, 126, 136 famille  135, 364 Guillaume  136 Philippe  117, 136 Dartmouth  313, 318 Deheubarth  181, 182, 184, 187, 196, 197, 200, 201 Desmond  236, 237 Devizes, Richard de  200 Devon  85, 133, 160, 161, 163, 172, 174, 177, 185, 212, 213, 215, 218, 275 diacre Herbert  104 Diarmait Mac Murchada, roi du Leinster  232, 305 Diceto (de), Raoul  194, 195 Dinefwr (château)  350 Dinham (de), Hughes  134 Ditton (de), Nicolas  377 Dorset  81, 85, 131, 143, 146, 147 Dublin  75, 231, 232, 237, 242 duc Guillaume de Normandie  21, 53, 54, 57, 59, 61, 63, 65 duc Guillaume (Longue Épée) de Normandie  58 duc Richard I de Normandie  53, 58 duc Robert Courteheuse de Normandie  64, 65, 67, 68, 92, 93, 95 Durrington  131 Dyfed (principauté)  83, 181, 197 Dyfnwal  196 Dymock (château)  74 Eardisland  308, 377 Eardisland (château)  317 Earley  225 East Holton  147 Easwrith  131, 368 Eawe (del) Jean  343 Roger  343

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Edburton  215, 279 église castrale Saint-Nicolas de Bramber  83, 97, 98, 101, 105, 152, 153 église d’Aber Nant  205 église d’Albourne  98 église d’Annington  97, 152 église d’Aspley in Thakeham  98 église d’Ashington  98 église d’Eringham  98 église de [north] Mundham  98 église de Beeding  98 église de Bidlington  98 église de Boddington  98 église de Clapham  98 église de Clayton  98 église de Coldingham  119 église de Coombes  98 église de Falaise  57 église de Findon  98 église de Guibray  57 église de Hay  202 église de Horton  98 église de Kingsland  227 église de Llanigon  202 église de Lydhurst  98 église de Mara  202 église de Margam  370 église de Saint Afan  70 église de Saint-Teliaw de Llandaff  286, 300 église de Shipley  97, 152 église de Shoreham  98 église de Sakeham (Sicumba)  98 église de Southwick  98 église de Talgarth  202 église de Tawstock  116 église de Thakeham  98 église de Thurrock  123 église de Tottington  98 église de Washington  97, 152 église d’Inglesham (Huglesham)  263 église Saint-Cuthman de Steyning  104, 108 église Sainte-Croix d’Aconbury  286, 302, 353

église Sainte-Marie d’Abergavenny  203, 369, 372 église Sainte-Marie d’Écouché  97, 101, 152 église Sainte-Marie de Horsham  404 église Sainte-Marie de Sevrai  97, 100, 101, 152 église Sainte-Marie de Sompting  72, 125 église Sainte-Marie et Saint-JeanBaptiste de Dureford  121 église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze  84, 92, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 118, 124, 131, 137, 152 église Saint-Jean-Baptiste d’Aconbury  302 église Saint-Jean de Brecon  117, 280 église Saint-Pierre de Barnstaple  116 église Saint-Pierre de Courteilles  97, 101, 152 église Saint-Theulac de Carmarthen  205 Einion ap Rhys de Gerthrynion  192 Einion Clud d’Efael  192 Elfael  184, 198, 266, 282, 293, 294 Eliogarty (cantref)  238, 239 Ely O’Carroll (cantref)  238, 239 Espus, fils de Caradog Ddu  205 Étoutteville (d’) Guillaume  291, 379 Marguerite  379 Évreux (d’), Gautier (le Jeune)  202 Ewhurst  383 Falaise  58 Felthorpe 383 Ferrières (de) Guillaume I  122, 123 Guillaume II  123, 225 Guillaume III 305 Robert II  122, 224 Sybille ([II] de Briouze)  122, 224, 225 Findon  148, 159, 282, 284, 331, 335, 355, 365, 371, 382, 383, 386 fitz Adam, Thomas  290, 291 fitz Audelin, Guillaume  231, 232, 233 fitz Baldwin, Guillaume  83, 85 fitz Count, Henri  289

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fitz Harding famille  370 Maurice  139, 370, 408 Robert  139, 370, 407 fitz Henry, Meilyr  218, 233, 236, 237, 241, 242 fitz Herbert Herbert  275 Lucie (de Hereford)  74, 171, 275 Matthieu 278 Pierre  218, 241, 275, 277, 308 fitz Matthieu, Herbert  308 fitz Norman, Guillaume  131, 133 fitz Olivier, Thomas  222 fitz Osbern, Guillaume  57, 58, 61, 62, 83, 84 fitz Peter, Geoffroy  179, 222, 314 fitz Philip, Guillaume  109 fitz Richard, Robert  281, 362 fitz Stephen Richard  318 Robert  196, 231, 233 fitz Walter, Robert  278 forêt de Hamode  292 forêt de Saint-Léonard  292, 340, 342, 343, 355, 367, 376 forêt royale d’Aconbury  248, 301 Fort, Samson  118, 119, 120 Foulques V, comte d’Anjou et du Maine  67, 68, 69 Fremington  290 Fresnay, famille  365 Frome  212 Gattertop  171 Gaufrid le Roux  55 Gautier ap Gruffudd  294 Gautier, Thibaud  235, 238, 239, 408 Gaveston, Pierre  387, 394 Gelli  294 Geoffroy, fils de Seisyll ap Dyfnwal  190, 193 Geoffroy Martel, comte d’Anjou  60 Glamorgan  164, 180, 182, 187, 199, 204, 218, 253, 387, 392, 394 Glasbury (château)  171, 223, 334

Gloucester  191, 192, 193, 194, 204, 294 Gloucester (château)  181 Gloucester (de) Geoffroy 278 Milon  74, 171 Sybille  117 Gloucestershire  174, 215, 279 Goldingham (de), Guillaume  377 Gomshall  280, 297, 367 Gournay (de), Hugues  212 Gower  35, 174, 177, 182, 184, 185, 197, 205, 210, 215, 286, 287, 288, 293, 295, 298, 299, 300, 301, 329, 331, 332, 333, 334, 336, 337, 338, 339, 349, 350, 351, 353, 354, 355, 358, 359, 371, 372, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 381, 382, 386, 387, 388, 389, 390, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 397, 398, 400, 404, 431 Gray (de), Jean  246, 264 Grean  239 Grenested et Ho  297 Grinstead  365, 383 Grosmont  280, 282, 287 Grosmont (château)  182, 185, 216, 266, 280, 296, 300 Grove, Michel  383 Gruffudd ap Cadwgan  410, 435 Gruffudd ap Rhys  228, 293, 294 Gruffudd ap Rhys (épouse) Mathilde (de Briouze)  293 Gruffuth ap Llywelyn  117 Gruffydd ab Ifor ap Meurig de Senghenydd  192 Gruffydd ap Rhys  181 Gruffydd, fils de Rhys ap Gruffydd  197 Gruffydd, fils de Rhys de Deheubarth  197 Guibray  58 Guillaume Cliton  67 Guillaume, comte de Gloucester  74 Guillaume de Dol, abbé de Saumur  107 Guillaume de Ros, troisième abbé de Fécamp  107 Guillaume IX, comte de Poitiers  67 Guillaume le Conquérant  61, 62, 63, 145 Guillaume le Roux  64, 84, 95

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Gunnor  53, 54, 55, 57, 58, 92 Gwaldus, épouse de Seisyll ap Dyfnwal  193 Gwallter Fychan ab Einion Clud  266 Gwent  190, 192, 193, 195, 196, 282 Gwenwynwyn ap Owain  178, 179 Gwynedd  184, 189 Gwynllŵg  182, 187, 191, 218 Hakelut, Richard (sénéchal du Gower)  378, 384, 386, 433 Halsart, Guillaume  132 Hampnett  221, 222, 228, 282 Hampshire  81, 143, 146 Hannys  363, 372, 373 Harcourt (de) famille  135, 364 Guillaume  72, 136 Guillaume (sénéchal de Guillaume II de Briouze)  125, 156, 157 Henri  136 Philippe  72, 136 Philippe (évêque de Bayeux)  125 Richard  136 Robert I  124, 125, 156 Robert II  124 Hareng Philippe  300 Pierre  300 Harewood  120 Harold Goldwinson  103 Hastings (de) Henri  345 Jean  313, 379 Jeanne (de Cantilupe)  313, 379 Philippe  232 Hay  297, 302, 308, 316, 320, 321, 377 Hay (château)  244, 266, 316, 317 Haynes (parc)  343 Helmsley 383 Heene  371 Herdsperrer  121 Hereford  84, 244, 247, 248, 279 Hereford (château)  185 Hereford (de)

Adam  239 Gautier  74, 171 Henri  74, 171, 195, 225, 308 Mahel  74, 171 Milon  122, 179 Roger  74, 153, 171, 223 Hereford (ferme)  214 Hereford, évêché  227 Herefordshire  61, 84, 149, 161, 171, 174, 179, 180, 191, 192, 194, 195, 206 Hethfelton  131 Heyne Martin  342 Richard  342 Hommet (du), Jean  212 Horsham  110, 282, 284, 343, 355, 366, 386, 396 Horton (de), Jean  378, 434 Houlme  59, 65, 78, 79, 80 Hoveden (de), Roger  179 Hovingham  393 Humber  171 Hungerford 290 Huntington  297, 308, 377 Huntington (château)  286, 307, 370 Hussey, Henri  121 Hywel Sais, fils de Rhys ap Gruffydd  197 Ieuan ap Seisyll ap Rhiryd (Rhiddid)  190, 191 île de Cynwraid  294 Iorwerth ab Owain ap Caradog ap Gruffydd  191 Ivry (d’) Hugues  57, 58 Raoul  58 Roger  57, 58 Iweyn, Jean  336, 337, 339, 373, 374, 375, 377, 410, 411, 431, 433, 434, 435 Jeanne, fille du roi Jean  294, 308, 309 Jean sans Terre, comte de Mortain  197, 204 Jérusalem  65, 67, 69, 70, 71, 72, 101, 176

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Kenefeg  204 Kent 215 Kersington (de), Thomas  281, 362 Keu (le), Jean  343 Kidwelly  290 Kidwelly (château)  86 Kildromin  239 Killaloe  238, 239 King’s Barn  383, 386 Kingsland  282, 308, 377 Kingslane  277 King’s Nympton  213 Kingston  228, 290, 383 Kingston-by-Sea  159 Kington  225 Kington (château)  182, 184 Knepp  282, 284, 299, 331, 376, 386, 396 Knepp (château)  300, 345 Knepp (parc)  109, 126, 342, 343, 345 Knighton  84 Knighton (château)  181, 182, 184, 185 Knockgraffon (château)  238 Knowlton  380 Knoyl Adam  373, 374, 434 famille  371, 373, 374, 375 Guillaume  373, 374 Jean  433 Pierre  373, 374 Robert  374 Sybille  434 Kyrkby Malzeard  393 La Bere (de) David  375, 376, 377, 432, 434 famille  371, 375, 379 Jean  376, 432 Pierre  376, 434, 435 Richard  375 Robert  375 La Carneille (de) Adam  136 famille  364 Guillaume  99, 124, 126, 136 Lacock  104

Lacy (de)  21 famille  401, 402, 403 Gautier  210, 228, 236, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 277, 402 Geoffroy  120 Gilbert  74 Hugues  210, 232, 233, 241, 242, 244, 248, 402 Marguerite (de Briouze)  228, 240, 246, 248, 302 La Ferrière  60, 65 La Ferté-Macé  60, 65 La-Fresnaye-au-Sauvage  135 La Hyde (de), Gautier  375 La Lande-Patry  58, 59, 60, 65 La Mare (de) Agnès  375, 379 famille  371, 374, 375 Guillaume  297, 374, 375 Jean  375, 435 Robert  374, 375 Lancastre (de) Alice (de Lacy)  397 Thomas  392, 394, 395, 397 Lancing  110, 131, 132, 159, 262, 383 Lancing (de) famille  135 Guillaume  110, 125, 132, 133, 137, 157, 262 Nicolas  137 Robert  110, 137 Landimore  332, 333, 334, 372, 374, 385, 431, 432 Landimore (de) David  374, 375 famille  371 Gilbert  374 Jean  374, 431 Jean Davy  374 Philippe  332, 374, 410 Philippe Davy  372, 374, 432 Langton, Étienne (archevêque de Cantorbéry)  264, 265 La Rochelle  176 La Suze (château)  211

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La Zouche (de) Eudes  313 Milicent (de Cantilupe)  313 Roger  213 Le Bret Adam  369 famille  369, 370 Geoffroy  369 Jean  370 Julie  369 Milon  369 Philippe  288, 370, 376, 409 Richard  369, 370 Le Despenser Aliénor (de Clare)  387, 392 Hugues  345, 384, 387, 389, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 411 Leeds (château)  394 Lega (de), Hugues  238, 408 Le Gros, Raymond  232 Le Hagurner Alice  375 Richard  375 Lehaye  297 Leia (de), Pierre (évêque de Saint David’s)  200, 201 Leicester (de) Laurette (de Briouze)  290 Robert IV  290 Leicestershire  197 Leinster  242 Le Maréchal Anselm 314 Gilbert 311 Guillaume  213, 236, 244, 246, 248, 251, 277, 278, 279, 305, 306, 307, 309, 311 Guillaume II  309, 310, 313, 315, 317, 346 Henri  433 Isabelle (de Clare)  305 Isabelle [II]  310, 311 Jeanne 305 Mathilde 305 Richard  317 Sybille  305, 306

Le Moigne, Guillaume  384, 386, 387, 397 Leominster  244 Le Pin-au-Haras  210 Le Poher Arthur  369 David  369 Étienne  369 famille  134, 135 Gautier  280, 369 Guillaume  369 Otewic  369, 377 Ranulf  134, 368, 369 Ranulf (shérif du Herefordshire)  192, 194, 195 Raoul  134 Roger  134, 368 Le Veneur famille  371 Guillaume  371 Richard  371, 378 Lewes  62, 81 Lignou  378 Lignou (famille)  135 Lillebonne  211 Limerick  22, 177, 210, 214, 216, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 253, 268 Limerick (château)  279 Limerick (ville)  127 Lincoln  238 Lincolnshire  396 Liof (de), Adam  281, 362 Little Bookham  132 Llanbadarn Fawr  197 Llandaff (évêché)  205 Llandeilo Ferwallt (angl. Bishopston)  300, 354, 355 Llanelen  372, 374 Llangorse  198 Llanover  193 Llantilio  282, 287 Llantilio (château)  182, 185, 216, 266, 280, 282, 294, 300 Llawhaden (château)  181, 185

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Llywelyn ap Gruffydd  344 Llywelyn ap Iorwerth  184, 189, 266, 277, 293, 294, 295, 296, 300, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 327 Loddiswell  229, 289, 313 Londres (de) Ève (de Tracy)  290 famille 336 Hawise 336 Thomas  290 Longchamp, Étienne de  212 Longueil  211 Loughor  339 Lucé  65 Ludlow (château)  218, 242, 243 Maelgwn, fils de Rhys ap Gruffydd  197 Maelienydd  184 Maes Hyvaidd  294 Malet famille  68 Guillaume I  68 Guillaume II  68, 69 Robert  68 Mandeville (de) Guillaume  115 Guillaume I  110 Map, Gautier  19, 20, 199, 201, 406 Maredudd ap Rhys  205 Margam  372, 373 Mathilde l’Emperesse  67, 73, 74 Mautravers (de) Béatrice (de Briouze)  380 famille  380 Gautier  380 Jean  308, 380, 399 Lucie  380 Robert  380 Meath  242 Merle (de) famille  135, 364 Foulques  122, 136 Foulques (Maréchal de France)  122, 152, 276

Gillian (de Briouze)  121 Hamon  122, 136 Mézidon  58 Mézidon (de), Stigand  58 moine Alban  93 moine Albaud de Saint-Florent de Saumur  137 moine Armellus  99, 124 moine Goscelin  100, 137 moine Guihenoc  106 moine Raoul de Saint-Florent de Saumur  137 monastère Saint-Étienne de Caen  55 Monmouth (château)  185 Monmouth (de) Gilbert  185 Jean  185, 277, 291, 308 Jean (évêque de Llandaff)  390 Wihenoc  106 Montbray (de) Aline (de Briouze)  384, 385, 386, 387, 388, 392, 396, 397 famille  395 Jean  25, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 397, 398, 411 Jean [II]  386, 393, 396, 397 Roger  385 Roger III  385 Monte Alto (de), Milicent (de Cantilupe)  313 Montfort (de) Aliénor  346 Henri  345 Simon  345, 346 Montgomery (de) Arnoul  54, 86 Roger  62 Roger II  60, 61, 64, 81 Montrabot  128 Moraunt, Thomas  350 Morgan, fils de Caradog ap Iestyn de Glamorgan  192 Morgan, fils Seisyll ap Dyfnwal  191 Mortemer (de)

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Aénor (de Briouze)  228, 247 Gwaldus (fille de Llywelyn ap Iorwerth)  297, 298, 312 Hugues  197, 228, 247, 277 Mathilde (de Briouze)  312, 314, 315, 320, 346, 399 Raoul  86, 297, 312 Robert 278 Roger  197, 247 Roger III  312, 315, 346 Roger V  399 Munchensy (de), Warin  305 Mountsorrel (château)  197 Munster  177, 215, 217, 218, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 241, 242, 279, 291 Muntham  131 Naas (de) Ève (veuve de Philippe [III] de Briouze)  239 Guillaume  227, 239, 408 Neufmarché (de), Bernard  62, 86, 117, 171, 201 Neville (de) Guillaume  215 Raoul  291 Newer (château)  197 Newport (château)  182, 185 Newton (Niweton)  120, 128 Nicolas, abbé de Vaudey  189, 193, 308 Nonant (de) famille  117 Henri  215, 216, 229 Roger  229 Northampton  207 North Cheriton  228 North Molton  213 Norton (château)  181, 182, 184, 185 Nydfwch  372 Offington  131, 159 Orby (d’), Robert  378 ordre de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem  248, 286

ordre du Temple de Salomon  31, 72, 116, 125, 137, 364, 366 Ormond (cantref)  238 Otton de Brunswick  211 Overton  131 Owain ap Gruffydd  196 Owain Glyndŵr  347 Owney and Arra (cantref)  238, 239 Oystermouth  331, 336, 363, 371, 372, 373, 374, 375, 432, 433 Paddington  280, 297 Paincastle (château)  177, 179, 198, 266, 294 pape Innocent III  253, 264, 265 pape Urbain II  67 Paris  259 Paris, Matthieu  178, 179, 194, 195 Patry de La Lande (famille)  59 Pauntley 344 Pederton (de) Gautier (connétable de Carmarthen)  381 Richard  431, 433 Pembridge  149, 281, 362, 363 Pembridge (de) famille  135, 362, 364, 368, 370, 371 Henri  431 Henri [I]  225, 362, 363 Henri [II]  281, 362, 363 Henri [III]  363, 377 Radulf  281, 282 Raoul 149 Raoul [I]  362, 363 Raoul [II]  362, 363 Richard  362, 363 Robert  363, 374, 435 Pembroke (château)  196 Pembrokeshire 181 Pencelli (château)  266, 294 Penmaen  300 Penmunyth  372 Pennard  432, 434 Pennard (garenne)  340, 371 Penrice (château)  333

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Penrice (de) famille  371, 372 Guillaume  372, 373, 410 Isabelle 372 Jean  372 Philippe  372 Robert  333, 372, 373, 374, 375, 411, 432 Pevensey (château)  300 Peverel, Guillaume  65 Philippe, fils de Wastellion  196 Pichard, Jean  224, 378 Pincerna Hugues  55, 57 Roger  57 Plympton  396 Pointel (de) famille  80, 135 Hugues  378 Poitiers  65, 67, 100 Port (de) Adam [I]  225 Adam [II]  225 Portslade  107 Powys  178, 184, 196 Préaux (de), Guillaume  210 Prestbury (de), Robert  378, 396 prêtre Herbert  100 prêtre Hugues  100, 131 prêtre Olivier  100 prêtre Onfroi  100, 131 prêtre Roger Charpit  100 prévôt Bodin  156 prévôt Durand  156 prieuré de Bradenstoke  215 prieuré de Le Merlerault  122 prieuré de Lonlay-le-Tesson  30 prieuré de Ménil-de-Briouze  30 prieuré de Rusper  342 prieuré Sainte-Marie-Madeleine de Barnstaple  116, 136, 369 prieuré Saint-Gervais de Briouze  29, 30 prieuré Saint-Jean de Brecon  31, 112, 201, 202, 203, 370 prieuré Saint-Nicolas d’Exeter  313

prieuré Saint-Pierre de Harrold  118, 119, 120 prieuré Saint-Pierre de Sele  25, 32, 89, 100, 101, 106, 109, 110, 111, 114, 125, 126, 128, 132, 133, 136, 137, 157, 203, 280, 287, 298, 323, 340, 352, 355, 356, 357, 359, 362, 364, 365, 366, 368, 370 prieur Thomas de Sele  110 Princaud, sénéchal de Philippe I de Briouze  100, 156, 157, 378 prince Louis de France  267 prince Richard de Cornouailles  300 Pudleston  291, 379 Pudleston (de) Alexandre  291, 379 Constance  291, 379 Guillaume  291, 379 Purbeck  131, 226 Puy (du), Bernard  278 Quatre-Puits  55, 58 Quilly (de), Roger  55, 57 Radnor  77, 84, 149, 171, 172, 174, 179, 182, 184, 185, 209, 210, 246, 282, 293, 297, 302, 308, 312, 320, 321, 362, 370, 377 Radnor (château)  65, 70, 71, 77, 83, 84, 85, 100, 131, 157, 161, 163, 181, 184, 185, 197, 244, 266, 286, 307, 308, 312 Radulf fils de Radulf  55 Radulf fils de Waldulf  55 Raleigh (de)  363 famille 363 Hugues  134 Raoul, charpentier  152 Raoul, évêque de Chichester  189, 308 Reading  160, 370 reine Isabelle de France  399 Rhos  196 Rhys ap Gruffydd  181, 184, 192, 193, 196, 197, 200, 201, 204 Rhys ap Maredudd  349 Rhys ap Tewdwr  201 Rhys de Deheubarth  191 Rhys Fychan ap Rhys Mechyll  302

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Rhys Mechyll ap Rhys Gryg  302 Rhys Mechyll (épouse) Mathilde (de Briouze)  302 Richard, comte de Cornouailles  310 Rivallis (de), Pierre  288, 297, 299, 300, 375 rivière Adur  62, 81, 103, 108, 109, 110, 147, 207 rivière Dart  318, 319 rivière Severn  172, 173 Robert, comte de Gloucester  73, 74 Robert, comte de Shrewsbury, (de) Niweton  86, 120 Robert II, comte de Flandres  67 Roches (des) Guillaume  211 Pierre  266 roi David I d’Écosse  119, 120, 127, 130, 138 roi de France Henri I  60, 63 roi de France Louis VI  67 roi de France Philippe I  63, 65, 67 roi de France Philippe II Auguste  208, 211, 253, 254, 256, 277 roi de France Philippe III le Hardi  276 roi de France Philippe IV le Bel  276, 385 roi Édouard I d’Angleterre  35, 164, 329, 339, 342, 348, 349, 350, 351, 381, 385, 388, 389, 390 roi Édouard II d’Angleterre  351, 380, 386, 387, 388, 390, 393, 394, 395, 397, 398, 399, 400, 402, 404 roi Édouard III d’Angleterre  399 roi Édouard le Confesseur  102, 103, 107, 145, 159 roi Étienne d’Angleterre  74 roi Guillaume I d’Angleterre  61, 62, 64, 92, 95, 97, 103, 104, 105, 106, 147, 159 roi Guillaume II d’Angleterre  64, 65, 67, 68, 84, 85, 116 roi Henri I d’Angleterre  64, 67, 68, 69, 70, 71, 120, 128 roi Henri II d’Angleterre  85, 119, 121, 129, 159, 160, 180, 191, 193, 194, 196, 204, 208, 216, 222, 225, 231, 232, 233, 235, 239, 249, 359

roi Henri III d’Angleterre  120, 189, 278, 279, 281, 282, 286, 287, 288, 292, 295, 296, 297, 300, 302, 307, 308, 310, 311, 312, 316, 317, 339, 344, 346, 367, 370, 376, 377, 389, 402 roi Jean d’Angleterre  33, 34, 123, 176, 180, 182, 184, 185, 187, 196, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 222, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 246, 247, 248, 249, 253, 254, 255, 256, 257, 259, 260, 262, 264, 265, 266, 267, 276, 277, 278, 279, 280, 282, 287, 289, 290, 293, 294, 300, 310, 389, 390, 398 roi Malcolm III d’Écosse  119 roi Malcolm IV d’Écosse  118, 119 roi Richard I d’Angleterre  178, 181, 207, 208, 216, 222, 235, 263 Ronfeugerai  128 Rouvres  55, 58 Rushock  279, 280, 369 Saint-André (de) famille 363 Morin  131 Saint-André-de-Briouze  131 Saint-Aubin du Pointel  101 Saint-Clears  308, 377 Saint-Clears (château)  197 Saint-David’s  86 Saint-Jacques-de-Compostelle  356 Saint-Laud (de), Thomas  361 Saint-Ouen (de) famille  364, 371 Gilbert  365 Gislebert  110 Jean  366 Raoul  110, 111, 157, 365, 366 Robert  366 Saint-Valéry (de) Aénor  224 Bernard  221 Henri  221, 222, 280, 377 Thomas  221, 222 Salisbury 149

i nd e x

Salisbury (de), Guillaume  278 Sauvage famille  135, 364, 367, 371 Geoffroy  135 Jean  367 Robert  135, 367, 369, 370, 376 Thomas  135 Scurlage David  372 famille  371, 373 Henri  372, 373, 374, 375 Philippe  373 Seagrave (de), Etienne  310 Sedgwick  383 Seisyll ap Dyfnwal  190, 191, 192, 193, 195, 196 Selkley  131 Senghenydd (château)  295, 296 Sept-Forges  60, 65 Sept-Forges (château)  65 Shaw  131 shérif Bucy  158 Shermanbury  383 Shipley  124, 125 Shoreham  81, 101, 109, 125, 132, 159, 176, 207, 208, 210, 255, 282, 284, 355, 356, 365, 377, 386, 396 Shoreham (de), Robert  132 Shoreham (port)  101, 109, 110, 153, 157, 299 Shrewsbury  310, 394 Shropshire 215 Skenfrith  280, 282, 287 Skenfrith (château)  182, 185, 216, 266, 280, 300 Slaughter  371 Smedmore  131 Sompting  159, 383 Southcote  147, 160 Southwick  107, 364, 383 Speen 160 Stanford  227 Steyning  62, 81, 98, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 131, 132, 144, 147, 148, 152, 153, 159, 282, 284, 292

Stinton  358, 361 Stradebrok, Jean  365, 410 Stratton  225 Stretfeld  297 Sullington  132, 368, 383 Sullington (de) Buceus  132 Guillaume  132 Surrey  81, 132, 143, 146, 161, 386 Sussex  81, 97, 98, 100, 102, 103, 110, 125, 131, 132, 133, 136, 143, 145, 147, 149, 151, 152, 153, 157, 159, 161, 163, 164, 176, 177, 212, 215, 218, 282, 331, 386, 392, 397 Sutton (de), Jean  377, 432 Swansea  177, 331, 337, 338, 350, 363, 370, 371, 373, 374, 377, 381, 382, 383, 385, 388, 389, 410, 433, 434, 435 Swansea (château)  174, 181, 182, 185, 280, 288, 295, 300, 332, 376, 391, 434 Tabularius, famille  364 Tadworth  132 Taillebois  135 famille 80, 135 Thomas  101 Talcurteis famille  364 Tawstock  228, 230, 290 Teignmouth 284 Tepe, Jean  316 Terre sainte  69, 70, 71, 72, 73 Tetbury  221, 222, 228, 275, 280, 282, 284, 287, 289, 299, 302, 358, 383, 405 Thakeham  131, 367, 369 Thatherech, fille de Ketherec Ddu  204, 205 Thomas ap Gruffudd  379 Thornle (de) Guillaume  110, 114 Robert  110, 114, 115, 365, 366, 368 Toeney (de), Raoul  278 Torigini (de), Robert  194 Torrington  212 Torrington (de), Jean  212

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in d e x

Totnes  117, 160, 172, 177, 212, 215, 229, 280, 289, 290, 308, 311, 313, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 377, 380 Totnes (château)  279, 282, 289, 299, 317 Totnes (de), Johel  85, 116, 117, 134, 136, 160, 367, 369 Tottington  383 Tottington Farm  365 tour de Londres (prison)  397 Tracy (de) Ève 230 Henri  230, 289, 290 Olivier  117, 229, 230 Trahaearn Fychan  198, 199 Tranchemer, Alain  176 Traveley (de), Gautier  202 Trenley (parc)  340, 342 Troisgots (de) Henri  226 Jean [I]  226 Jean [II]  226 Robert [I]  226 Robert [II]  226 Thomas  226 Tyeis (de), famille  395 Ulster  231, 241, 242 Upper Beeding  132, 148, 159 Usk  392 Uwch-Coed  192 Vachan Adam  432 Eynon  435 Vautorte (de), Renaud  289 Vaux (de), Jean  346 Vimoutiers (famille)  135 Vital, Orderic  61, 64 Vituli (famille)  176, 177 Waldeboef (de) famille 363 Guillaume  202

Walter, Hubert (archevêque de Cantorbéry)  263, 264 Wappingthorn Farm  365 Warenne (de), Guillaume  62, 81 Warnham  282, 284 Warwick (de), Henri  278 Warwickshire  215, 279 Washington  81, 131, 132, 147, 148, 153, 158, 159, 282, 284, 382, 383, 386 Washington (de), Olivier  132 Waterford  232, 233, 242 Weaverthorpe 383 Wellington 334 Wendover (de), Roger  194, 213 West Chiltington  159 West Durrington  367 West Grinstead  386 Westminster  207 Weston (de) Gautier  434 Richard  432 Robert  432 Wexford  232, 242 Wickham  383, 393, 396 Wickhambreaux  386 Wicklow (château)  245, 246 Wigmore (château)  312, 346 Wiltshire  81, 131, 143, 146, 263 Winchester (château)  267 Windsor  266 Windsor (prison)  255 Wiston  371 Woodmancote  364, 383 Worcester  279 Worcester (de) Jean  65 Philippe  238 Worthing  131 Wycham  297 Ystradvellte  308, 377 Yveteaux (famille)  135

Table des figures

Figures Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3

Fig. 4

Fig. 5 Fig. 6 Fig. 7 Fig. 8 Fig. 9 Fig. 10 Fig. 11 Fig. 12 Fig. 13 Fig. 14 Fig. 15

Extrait traduit d’une généalogie de la famille de Briouze (Oxford, MCA, Sele A, sur papier, c. 1450) Dessin © Amélie Rigollet27 Sceaux de Guillaume VII de Briouze. Dessins © Amélie Rigollet35 Sceau de Philippe Ier de Briouze. Oxford, MCA, Shoreham 41. Dessin © Amélie Rigollet, à partir de H. E. Salter (éd.), Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, n° 273 Dessin des ruines du château de Briouze au xixe siècle par Anatole Duval © Amélie Rigollet, photographie prise le 4 octobre 2012, reproduite avec l’autorisation des Médiathèques de Flers Agglo, cote MAN 43379 Vestiges de l’ancienne chapelle castrale Saint-Jean de Briouze. © Amélie Rigollet, photographie prise le 5 octobre 201280 Panorama de la Tour du corps de garde du château de Bramber, vue vers l’Est. © Amélie Rigollet, photographie prise le 26 juillet 201182 Panorama de la motte castrale de Radnor. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 201183 Panorama des environs depuis le château de Radnor. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 201185 Château de Builth. © Amélie Rigollet, photographie prise le 29 juillet 201186 L’abbaye de Lonlay. © Amélie Rigollet, photographie prise le 5 octobre 201294 Absidiole de l’église médiévale Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Briouze, consacrée en 1093, transformée en chapelle au XIXe siècle. © Amélie Rigollet, photographie prise le 5 octobre 201296 L’église castrale Saint-Nicolas de Bramber, vue du flanc sud. © Amélie Rigollet, photographie prise le 26 juillet 201198 Sceau de Guillaume II de Briouze. Oxford, MCA, Shoreham 38. Dessin © Amélie Rigollet125 Sceau de Guillaume II de Briouze. Oxford, MCA, Shoreham 34. Dessin © Amélie Rigollet129 Sceau de Guillaume II de Briouze. Oxford, MCA, Annington 3. Dessin © Amélie Rigollet, à partir de H. E. Salter (éd.),

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ta bl e d e s f ig u r e s

Fig. 16 Fig. 17 Fig. 18 Fig. 19 Fig. 20 Fig. 21 Fig. 22 Fig. 23 Fig. 24 Fig. 25 Fig. 26

Fig. 27 Fig. 28 Fig. 29 Fig. 30 Fig. 31 Fig. 32 Fig. 33 Fig. 34

Facsimiles of Early Charters in Oxford Muniment rooms, Oxford, 1929, n° 9158 Abbaye de Neath. © Amélie Rigollet, photographie prise le 6 mai 2013164 Château de Brecon, dont les ruines sont aujourd’hui intégrées à un hôtel. © Amélie Rigollet, photographie prise le 29 juillet 2011172 Château de Swansea. © Amélie Rigollet, photographie prise le 29 juillet 2011175 Panorama de la motte castrale de Paincastle (orientation NordSud). © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011178 Panorama de la motte castrale de Paincastle (orientation EstOuest). © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011178 Château de Grosmont. © Amélie Rigollet, photographie prise le 7 mai 2013182 Château de Skenfrith. © Amélie Rigollet, photographie prise le 7 mai 2013183 Château de Llantilio (White Castle). © Amélie Rigollet, photographie prise le 7 mai 2013183 Château d’Abergavenny. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011190 Sceau de Guillaume III de Briouze. Kew, TNA, Records of the Duchy of Lancaster, DL 27/1. Dessin © Amélie Rigollet224 Gravure française du XVIIIe siècle : « Guillaume de Braouse et sa femme refusent de donner leurs enfants en otages, en 1208 » (Fr.-A. David, G.-G. Guyot, Histoire d’Angleterre, représentée par figures, gravée par F.-A. David, accompagnée de discours par le citoyen Guyot, Paris, 1784, p. 178)261 Cathédrale de Hereford. © Amélie Rigollet, photographie prise le 24 mai 2013264 Sceau de Renaud de Briouze. Oxford, MCA, Sele 64. Dessin © Amélie Rigollet281 Sceau de Jean de Briouze. Oxford, MCA, Sele 119. Dessins © Amélie Rigollet286 Ruines du château de Blaenllynfi. © Amélie Rigollet, photographie prise le 6 mai 2013295 Panorama du château de Hay, vue de Castle Street. © Amélie Rigollet, photographie prise le 28 juillet 2011316 Sarcophage attribué à Ève de Briouze (Prieuré Sainte-Marie, Abergavenny). © Amélie Rigollet, photographies prises le 6 mai 2013320 Sceau de Guillaume VI de Briouze. Oxford, MCA, Greenstead and Steanford 5. Dessin © Amélie Rigollet324 Armoiries de Guillaume III et Guillaume V de Briouze selon Matthieu Paris. Dessins © Amélie Rigollet325

tab le d e s f i gu re s

Fig. 35 Fig. 36 Fig. 37 Fig. 38 Fig. 39 Fig. 40 Fig. 41 Fig. 42 Fig. 43 Fig. 44 Fig. 45 Fig. 46 Fig. 47

Sceau de Guillaume VII de Briouze. Aberystwyth, NLW, Penrice & Margam Charter 305. Dessin © Amélie Rigollet326 Reconstitution du sceau de Guillaume VII de Briouze. Aberystwyth, NWL, Penrice & Margam 391c (à gauche) / Kew, TNA, E 26/1, box 1 G (à droite). Dessins © Amélie Rigollet330 Landimore Castle (Bovehill Castle), reconstruit au xve siècle. © Amélie Rigollet, 8 mai 2013, photographie prise avec l’accord du propriétaire du site333 Vue depuis le promontoire élevé de Landimore. © Amélie Rigollet, 8 mai 2013, photographie prise avec l’accord du propriétaire du site334 Variation d’un même motif sigillaire de Guillaume VII (HCL, 1312 et 1313). Dessins © Amélie Rigollet335 Château de Oystermouth. © Amélie Rigollet, photographie prise le 26 avril 2013336 Sceau de Guillaume VII de Briouze. Hereford, HCL, no 1311. Dessin © Amélie Rigollet337 Sceau de Guillaume VI de Briouze. Oxford, MCA, Buddington 19. Dessin © Amélie Rigollet352 Sceau de Guillaume VI de Briouze. Londres, College of Arms, Charter 134. Dessin © Amélie Rigollet353 Sceau de Guillaume VI de Briouze. Aberystwyth, NLW, Penrice & Margam Charter 139 b. Dessin © Amélie Rigollet354 Sceau de Guillaume VI de Briouze. Oxford, MCA, Sele 92. Dessin © Amélie Rigollet357 Chapelle de Penrice. © Amélie Rigollet, photographie prise le 23 mai 2013373 Monument funéraire de Thomas de Briouze († 1395) et détail de la cotte d’armes, église Sainte-Marie de Horsham. © Amélie Rigollet, photographies prises le 26 juillet 2011405

Tableaux Tableau Tableau de filiation 1 Tableau de filiation 2 Tableau de filiation 3 Tableau de filiation 4 Tableau de filiation 5

Les quatre formes principales de la mobilité géographique aristocratique42 Les seigneurs de Briouze et leurs épouses (mi-XIe siècle – 1326)46 Les trois premiers seigneurs de Briouze (mi-XIe siècle – 1175)50 La sous-lignée issue de Robert de Briouze51 La fratrie de Berthe de Hereford, épouse de Guillaume II de Briouze168 La fratrie de Guillaume III de Briouze169

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ta bl e d e s f ig u r e s

Tableau de filiation 6 Les enfants de Guillaume III de Briouze et de Mathilde de Saint-Valéry170 Tableau de filiation 7 La descendance de Renaud de Briouze272 Tableau de filiation 8 La descendance de Guillaume IV de Briouze273 Tableau de filiation 9 La descendance de Guillaume VI de Briouze274

Cartes Carte 1 Carte 2 Carte 3a Carte 3b Carte 4a Carte 4b Carte 5 Carte 6 Carte 7 Carte 8 Carte 9 Carte 10 Carte 11 Carte 12 Carte 13

Le patrimoine de Gunnor et de Guillaume Ier de Briouze offert à la Sainte-Trinité de Caen56 Carte du pays d’Houlme, extraite de la Carte de Normandie de Guillaume Delisle, 1716. © Domaine public : Paris, BnF, Département Cartes et plans, Collection d’Anville, 00448 B66 L’attribution des établissements religieux en Normandie sous les trois premiers seigneurs de Briouze90 L’attribution des établissements religieux en Angleterre sous les trois premiers seigneurs de Briouze91 Patronymes toponymiques des témoins en Normandie des seigneurs de Briouze (1073-1175)139 Patronymes toponymiques des témoins en Angleterre et au pays de Galles des seigneurs de Briouze (1073-1175)140 Les possessions de Guillaume Ier de Briouze répertoriées dans le Domesday Book145 Les possessions de Guillaume Ier de Briouze dans le Sussex selon le Domesday Book146 Les terres de Guillaume II de Briouze dans la marche de Galles selon le Herefordshire Domesday162 Gardes castrales et châteaux de Guillaume III de Briouze au pays de Galles (1187-1207)186 Les Briouze et l’Irlande au début du XIIIe siècle237 Répartition des terres entre Renaud de Briouze et Mathilde de Clare en 1219283 Répartition des terres entre Guillaume V et Jean en 1226 et 1228285 Territoires de chasse des derniers seigneurs de Briouze341 Inventaire des terres de Guillaume VII de Briouze et de Marie de Ros à leur décès en 1326 (Inquisitions Post Mortem)396

tab le d e s f i gu re s

Graphiques Graphique 1 Fonds archivistiques et proportion des actes de la famille de Briouze par décennie30 Graphique 2 Bénéficiaires des actes émis par chacun des seigneurs de Briouze31 Graphique 3 Bénéficiaires de l’ensemble des actes émis par les seigneurs de Briouze32 Graphique 4 Catégories des affaires traitées par les actes de la famille de Briouze34 Graphique 5 L’activité diplomatique des premiers seigneurs de Briouze49 Graphique 6 L’activité diplomatique de Guillaume III de Briouze167

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