Le Microcosme Animal en Egypte Ancienne: Etudes d'archeo- et d'ethnoarthropodologie culturelle (Orientalia Lovaniensia Analecta, 297) (French Edition) 9042940239, 9789042940239

Cette publication fait suite au colloque international organise par l'Universite de Fribourg, Suisse (10-11 septemb

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Le Microcosme Animal en Egypte Ancienne: Etudes d'archeo- et d'ethnoarthropodologie culturelle (Orientalia Lovaniensia Analecta, 297) (French Edition)
 9042940239, 9789042940239

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O R I E N TA L I A L OVA N I E N S I A A N A L E C TA Le microcosme animal en Égypte ancienne De l’effroi à la vénération

édité par SYDNEY H. AUFRÈRE et CATHIE SPIESER

P E E T ERS

LE MICROCOSME ANIMAL EN ÉGYPTE ANCIENNE

ORIENTALIA LOVANIENSIA ANALECTA ————— 297 —————

LE MICROCOSME ANIMAL EN ÉGYPTE ANCIENNE DE L’EFFROI À LA VÉNÉRATION Études d’archéo- et d’ethnoarthropodologie culturelle

édité par

SYDNEY H. AUFRÈRE et CATHIE SPIESER

PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT 2021

A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2021, Peeters Publishers, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven/Louvain (Belgium) All rights reserved, including the rights to translate or to reproduce this book or parts thereof in any form. ISBN 978-90-429-4023-9 eISBN 978-90-429-4024-6 D/2021/0602/33

TABLE DES MATIÈRES Cathie SPIESER & Sydney H. AUFRÈRE En-deça et au-delà de la table ronde « De l’Effroi à la vénération », Fribourg (Suisse), 10-11 septembre 2015 . . . . . . . . .

VII

PROLÉGOMÈNES

Sydney H. AUFRÈRE Définir une approche d’archéo- et d’ethnoarthropodologie culturelle pour l’Égypte ancienne . . . . . . . . . . . . . . .

3

PARTIE I : UNE FAMILLE DE COLÉOPTÈRES, SYMBOLES DE RENAISSANCE SOLAIRE : SCARABAEUS SACER L., 1758 ET ALII

Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER La pilule nḥp.t, le milieu matriciel (n)nw.t et la renaissance solaire. Aspects du cycle de reproduction de Scarabaeus sacer L., 1758 et limites religieuses de l’observation naturaliste . . . . . . .

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Alain CHARRON Les momies et reliquaires de scarabées .

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PARTIE II : INSECTES THANATOPHAGES, INSECTES SAUTEURS ET VOYAGEURS

Nadine GUILHOU Repousser l’insecte nécrophage. Procédés magiques et pratiques rituelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Anne-Sophie VON BOMHARD Neith et les mystères de l’insecte Lanelater notodonta Latreille, 1827 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 PARTIE III : INSECTES AU SENS LARGE, ENTOMOPHARMACOLOGIE ET VECTEURS DE MALADIES PARASITAIRES OU BACTÉRIENNES

Thierry BARDINET Quelques aspects du « monde du minuscule » dans la pensée médicale de l’Égypte ancienne . . . . . . . . . . . . . . 159

VI

TABLE DES MATIÈRES

Sydney H. AUFRÈRE Le « moustique » d’Hérodote (Hist. 2, 95). Un diptère (moustique, phlébotome) importun, vecteur de maladies parasitaires mortelles . 175 Marie-Hélène MARGANNE L’utilisation des insectes dans la pharmacopée de l’Égypte grécoromaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

PARTIE IV : LE SCORPION DE SERQET DÉSAMBIGUÏSÉ

Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758), introït le scorpion (Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828) mécompris de Serqet (Selkis) et la maîtrise du souffle . . . . . . . . . . . . . . . 221

PARTIE V : LE SCORPION D’ISIS EN ÉGYPTE ET EN NUBIE

Frédéric ROUFFET Isis et les scorpions. À propos de quelques statuettes en bronze d’IsisSerqet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-« guérisseuses » (Élien, Hist. an. 10, 23). . . . . . . . . . . . . . . 307 Jonathan MAÎTRE L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat, une expression provinciale du mythe de la Bonne Mère . . . . . . . . . . . 373 Pierre P. KOEMOTH Isis-Hededet : à propos de Sarapis au scorpion sur des intailles antiques

415

PARTIE VI : CHILOPODES (CHILOPODA LATREILLE, 1817) : ARTHROPODES MYRIAPODES Lucas BAQUÉ-MANZANO

Zepa, the Centipede: From Numen to God Table analytique des matières .

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EN-DEÇA ET AU-DELÀ DE LA TABLE RONDE « DE L’EFFROI À LA VÉNÉRATION », FRIBOURG (SUISSE), 10-11 SEPTEMBRE 2015 Cathie SPIESER & Sydney H. AUFRÈRE

L’initiative de l’organisation de la table ronde, intitulée originellement « De l’effroi à la vénération. Les Insectes dans l’Égypte ancienne »1, qui s’est tenue dans le cadre de l’Université de Fribourg (Suisse) les 10 et 11 septembre 2015, fut prise conjointement par Sydney H. Aufrère, directeur de recherches émérite au CNRS (Aix-Marseille Université-CNRS TEDMAM-CPAF, UMR 7297), et Cathie Spieser, chargée de cours en égyptologie à l’université de Fribourg, avec le soutien de M. Marcel Piérart, professeur ordinaire, qui enseigna l’Histoire ancienne dans cette université plusieurs décennies durant. EN-DEÇA. — La raison de l’organisation d’une telle manifestation découle d’heureuses circonstances se rattachant à l’espace et au temps. — À l’espace tout d’abord — Fribourg —, car une section du musée Bible+Orient (Institut biblique de l’Université de Fribourg), qui, selon Othmar Keel, « s’est donné pour tâche d’étudier les rapports entre les métaphores, les symboles et les rites mentionnés dans l’ancien Testament ou ceux illustrés dans l’art du Proche-Orient ancien », a eu le privilège d’acquérir, le 19 janvier 1983, avec l’aide du Gouvernement cantonal, la collection d’amulettes de Fouad Selim Matouk (1902-1978)2. Le fond est formé d’une importante collection de scarabées, d’amulettes égyptiennes anthropomorphes et animales, et d’amulettes-objets (parties de corps humain, plantes, étoiles, hiéroglyphes…)3 Ce rassemblement de pièces n’a cessé de s’enrichir, notamment grâce aux dons faits au Musée. En taille, il s’agit de la troisième collection de scarabées puisqu’elle compte environ 6700 pièces. Le nombre d’amulettes égyptiennes s’élève, pour sa part, à environ 1733 pièces. L’ensemble a fait l’objet de nombreuses recherches et publications4. En outre, cette collection a été mise à profit pour 1 Sur la reformulation du titre pour des raisons épistémologiques, voir Sydney H. AUFRÈRE, « Définir une approche d’archéo- et d’ethnoarthropologie culturelle », ici même, p. 3-56 : p. 10. 2 O[thmar] K[EEL], « Les collections de l’Institut Biblique de l’Université de Fribourg (Suisse) », dans Pierre Bordreuil & Eric Gubel, « Bulletin d’antiquités archéologiques du Levant inédites ou méconnues – IV », Syria 64, fasc. 3-4 (1987), p. 309-336 : p. 312. 3 Fouad S. MATOUK, Corpus du scarabée égyptien, 2 vol., Beyrouth : S. Fouad Matouk, 1971, 1977, lequel publie 3384 scarabées. 4 Voir essentiellement Christian HERRMANN, Formen für Ägyptische Fayencen. Katalog der Sammlung des Biblischen Instituts der Universität Freiburg Schweiz und einer Privatsammlung (OBO 60), Fribourg – Göttingen : Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, 1985.

VIII

C. SPIESER & S.H. AUFRÈRE

l’organisation d’une belle exposition intitulée Les animaux du 6ème jour. Les animaux dans la Bible et dans l’Orient ancien, organisée par Othmar Keel et Thomas Staubli, en 2003, qui emprunte à la collection Matouk. — Au temps ensuite parce qu’il apparaissait que la collection de scarabées rassemblée à Fribourg pouvait faire figure d’ambassadrice de l’intérêt des Égyptiens pour les Arthropodes, laissés-pour-compte de la religion à côté des grands animaux sacrés — mammifères et sauriens — d’Égypte, au moment même où le projet transdisciplinaire Zoomathia. Transmission culturelle des savoirs zoologiques (Antiquité – Moyen Âge) : discours et techniques, porté par l’équipe Cultures et Environnement. Préhistoire, Antiquités, Moyen Âge. CEPAM, UMR 6472 & Université Nice Sophia Antipolis, sous la responsabilité de M. Arnaud Zucker, professeur, voyait le jour (2014). Par leur nature, les résultats de cette table ronde sont à porter d’emblée au crédit des travaux de ce réseau international. De surcroît, et vue sous un angle disciplinaire, cette table ronde donnait l’occasion de rappeler le caractère centenaire de l’enseignement égyptologique à Fribourg5 conçu lors de la fondation de l’Université (1889) autour de cinq facultés (théologie catholique, droit, sciences économiques et sociales, lettres et sciences) à l’initiative d’un homme politique majeur, Georges Python (1856-1927), directeur de l’Instruction publique6. En effet, cet enseignement remonte à plus de 130 ans, lorsque l’Université de Fribourg, instituée comme un pôle d’excellence avant la lettre, de surcroît bilingue français – allemand, créa une chaire d’égyptologie et d’assyriologie dont le premier titulaire, de 1891 à 1908, fut le démotisant Johann Jakob Hess (1866-1949), qui avait antérieurement eu une charge de cours de privat-docent de 1889 à 1891 dans la même université7. La création de cette chaire accompagne la naissance de la publication de la grande revue d’archéologie orientale intitulée Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et assyriennes : pour servir de bulletin à la Mission Française du Caire, publiée de 1870 à 1923 et créée par Gaston Maspero (1846-1916) et dirigée par lui de 1870 à 1916. Après Hess, nommé professeur de langues orientales à l’université de Zurich (1918-1936), le Fribourgeois Eugène-Victor Dévaud (1878-1929),

5 Elisabeth STAEHELIN, « Die schweizerische Ägyptologie », GöttMisz 17 (1975), p. 9-15 ; Thomas SCHNEIDER, « Égyptologie », http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/ f/F40320.php 6 ANONYME, art. « Georges Python », Wikipedia. 7 Cf. WILLEUMIER, op. cit. infra, p. 160 ; Andrea WEIBEL, « Hess, Jean-Jacques », http://www. hls-dhs-dss.ch/textes/f/F44730.php. Ce dernier effectua un séjour de quatre années en Égypte (1896-1900) ; cf. Warren R. DAWSON & Eric P. UPHILL, Who was Who in Egyptology (3e édition révisée par M. L. Bierbrier), Londres : The Egypt Exploration Society, 1995, p. 201. — J.J. Hess, qui étudie l’égyptologie, l’assyriologie, la sémitologie et la sinologie à Berlin et à Strasbourg, obtient un doctorat d’égyptologie à l’Université de Strasbourg.

EN-DEÇA ET AU-DELÀ DE LA TABLE RONDE « DE L’EFFROI À LA VÉNÉRATION »

IX

ayant étudié sous la direction de Victor Loret à Lyon8, enseigna, de 1926 à 1929, en tant que professeur extraordinaire. Une vingtaine d’années après les événements de la Seconde Guerre mondiale, l’enseignement égyptologique renaît à Fribourg et, de 1968 à 1980, le voici de nouveau assuré par Werner Vycichl (1909-1999)9, nommé professeur titulaire de langue copte et de linguistique chamito-sémitique. Il est à noter que les travaux de ce grand orientaliste, linguiste polyglotte, spécialiste du berbère10, de lexicographie égyptienne et copte11, s’inscrivent dans le sillage de son lointain prédécesseur et aussi de celui de Johann Jakob Hess. Transformé en charge de cours, l’enseignement sera assuré, de 1980 à 2000, par le Professeur Hermann A. Schlögl (1932-), metteur en scène et égyptologue12, puis de 2000 à 2010 par Susanne Bickel (Professeure à l’Université de Bâle), et, depuis 2011, par Cathie Spieser, Dr. Phil. de l’Université de Bâle, habilitée HDR de l’Université d’Aix-Marseille. AU-DELÀ. — Disons quelques mots sur ce colloque et ses visées éditoriales. Le choix du thème des journées fribourgeoises revient à Sydney H. Aufrère qui a veillé au bon déroulement du processus éditorial et procédé à la mise en pages de cette publication. La gratitude des éditeurs s’adresse naturellement aux participants, à savoir Thierry Bardinet, Jocelyne Berlandini-Keller, Alain Charron, Magali De Haro Sanchez, Fabien Dérivaz, Nadine Guilhou, Othmar Keel, Pierre Koemoth, Florian Lippke, Marie-Hélène Marganne, Frédéric Rouffet, qui, répondant à notre invitation, ont contribué à nourrir par leurs réflexions les résultats de ce colloque. Ce dernier, consacré à une approche d’archéo- et ethnoarthropodologie13, n’a ni antécédent ni équivalent dans le domaine de l’égyptologie. Au vu des résultats inattendus de cette expérience, publiés ou résumés dans ce volume, il est apparu nécessaire, en cours d’édition, de la prolonger au-delà de son apport primaire pour lui conférer une portée indiscutable. Ainsi d’autres contributeurs, ayant répondu favorablement à nos sollicitations, nous ont rejoints dans cette aventure et nous les remercions chaleureusement pour leur effort et leur générosité. D’où il découle que d’autres Invertébrés servant de supports conceptuels — le scolopendre, attribut 8 Ibid., p. 123-124 ; Sandrine WULLEUMIER, « En quête de reconnaissance : le cas de l’égyptologue Eugène Dévaud », dans Jean-Daniel Morerod & Nathan Badoud (éd.), Les Romands et la Gloire. Actes du Colloque de Lausanne du 17 novembre 2001, Société d’Histoire de la Suisse romande, p. 149-169. 9 Enzo LUCCHESI, « Werner Vycichl 1909–1999 in memoriam », WZKM 91 (2001), p. 9-14. 10 Peter ROHRBACHER, « Werner Vycichl (1909–1999). Ein Pionier der „neuen“ Komparatistik », dans Predag Budovec (éd.), Christlicher Orient im Porträt – Wissenschaftsgeschichte des Christlichen Orients. Teilband 2 (Religionen im Vorderen Orient 3), Hambourg : Kovač, 2015, p. 899-948. 11 Werner VICYCHL, Dictionnaire étymologique de la langue copte, Louvain : Peeters, 1984. 12 ANONYME, art. « Hermann A. Schlögl », de.Wikipedia. 13 Cf. Sydney H. AUFRÈRE, « Définir une approche d’archéo- et d’ethnoarthropodologie culturelle », ici même, p. 3-56 : p. 10-15.

X

C. SPIESER & S.H. AUFRÈRE

du dieu héliopolite Sépa (Lucas Baqué Manzano), et le coléoptère Lanelater notonda (Anne-Sophie von Bomhard), taupin lié dès les hautes époques à la personnalité de la déesse Neith — sont venus enrichir le tableau des Arthropodes égyptiens. Un peu plus tard, le scorpion, attribut de l’Isis nubienne (Jonathan Maître), est venu s’agréger à d’autres travaux sur cet Arachnide, suite à des échanges scientifiques enrichissants. Cependant, dans le mouvement de collecte des textes et de relecture éditoriale, émergea une certitude concernant deux des animaux considérés, dans l’héritage de la tradition classique, comme les plus importants parmi ces arthropodes sacrés. Il apparut que des schémas ethnoarthropodologiques relatifs au scarabée et au scorpion, apparemment considérés comme acquis dans certaines sphères égyptologiques, ne pouvaient demeurer en l’état, car ils engendraient un désordre épistémologique. De ce questionnement a posteriori naquirent deux nouvelles études (Sydney H. Aufrère et Cathie Spieser) dont l’une à partir d’un noyau existant : l’une sur le bousier pilulaire et les limites religieuses de l’observation naturaliste appliquée aux habitudes de cet animal, l’autre sur la confusion qui s’est opérée entre le scorpion et la nèpe en raison d’une iconographie archaïque du scorpion jusqu’alors insuffisamment décodée. À ces contributions s’est ajoutée, dans le cadre de la réflexion sur le contenu général du livre, un travail ciblé consacré au moustique et au phlébotome (Sydney H. Aufrère), deux fléaux dont le harcèlement permanent explique, suite à l’examen d’échantillons de momies, l’impact de maladies parasitaires endémiques sur la santé des populations, qui prouve que, représentant des dangers à bas bruit dans l’Antiquité, de minuscules arthropodes — à côté d’ectoparasites vecteurs d’épidémies (peste) — pouvaient susciter des maux mortels à tous les échelons de la société égyptienne, même au plus élevé. Si petits soient-ils, ces vecteurs se devaient d’être représentés ainsi que les éventuels moyens permettant de s’en protéger. Cet ouvrage est introduit par des prolégomènes dus à Sydney H. Aufrère en vue de préciser la problématique terminologique autour des Arthropodes faisant l’objet de l’intérêt religieux et symbolique des Égyptiens et la nécessité de jeter les bases d’une archéo- et d’une ethnoarthropodologie, tout en illustrant comment les travaux de recherche initiés au premier chef par Ludwig (Louis) Keimer, escortés de travaux de vulgarisation, ont peu à peu contribué à l’émergence d’un intérêt épistémologique méritant de ce fait l’attention de l’Égyptologie. Enfin la dernière chose et non la moindre, ces journées n’auraient pu voir le jour sans le précieux soutien du Fonds National Suisse, les importantes contributions du Rectorat et du Décanat de l’Université de Fribourg (Suisse) respectivement représentées par Mme la Rectrice Astrid Épiney, et Mme Bernadette Charlier, ainsi que celles de l’Institut du Monde Antique et Byzantin incarné

EN-DEÇA ET AU-DELÀ DE LA TABLE RONDE « DE L’EFFROI À LA VÉNÉRATION »

XI

par MM. Filip Karfik et Thomas Schmidt, professeurs ordinaires à l’Université de Fribourg. Nous leur adressons, à toutes et à tous, nos vifs et sincères remerciements pour leur engagement à nos côtés. Notre gratitude s’adresse également aux responsables du Musée Bible+Orient, en la personne de M. Thomas Schumacher, professeur, directeur du Musée, ainsi qu’en celle de M. Leonardo Pajarola, responsable des collections, pour avoir contribué au présent projet en nous aidant à réaliser une exposition sur le thème des insectes en Égypte ancienne, en marge de cette table ronde et qui avait pour objectif de sensibiliser le grand public à nos recherches, et pour avoir eu l’occasion de présenter les collections aux participants de nos journées. COMMUNICATIONS NON PUBLIÉES, MAIS

RÉSUMÉES

Plusieurs communications n’ont pu être fournies. Cependant, il nous a semblé utile d’en donner un résumé dans les prolégomènes, pour avoir une connaissance globale du contenu de cet échange. Florian LIPKE, « Annoying or Golden Divine ? The Status of the Fly in Ancient Egypt reconsidered », ici même, p. 18. Fabrien DÉRIVAZ, « Les abeilles des Égyptiens : une histoire de représentation(s) », ici même p. 20. Othmar KEEL, « Le succès des scarabées égyptiens en Palestine pendant l’époque du bronze Moyen II B (env. 2100-1500 av. notre ère) », ici même p. 25-26. Magali DE HARO-SANCHEZ, « Les insectes et la magie : chercher la petite bête dans les papyrus magiques », ici même, p. 31.

XII

C. SPIESER & S.H. AUFRÈRE

REMARQUES

Les hiéroglyphes employés dans cette publication sont ceux du logiciel JSesh de Serge Rosmorduc. Les abréviations employées dans ce volume sont celles usitées dans le domaine des études classiques et orientales ; les autres sont données en clair. Ce texte fait une différence, dans le vocabulaire se rapportant à l’histoire naturelle, entre les noms communs — i.e. scorpion, taupin, scarabée, diptère —écrits sans majuscule, et les noms désignant des groupes taxonomiques: les Arthropodes (Arthropoda), Scorpions (Scorpiones), Diptères (Diptera), Siphonaptères (Siphonaptera), etc. On ajoutera qu’on a tenu à préciser les appellations binominales des espèces et leurs inventeurs (Pulex irritans L(inné), 1758) et, parfois, trinominales, des sous-espèces, seule façon d’identifier un animal de façon précise.

In honorem Ludovici Keimer (1892–1957)

PROLÉGOMÈNES

DÉFINIR UNE APPROCHE D’ARCHÉOET D’ETHNOARTHROPODOLOGIE CULTURELLE POUR L’ÉGYPTE ANCIENNE Sydney H. AUFRÈRE1 0.1. UN MONDE MÉCONNU : LE MICROCOSME ANIMAL. — Dans ces prolégomènes, on se propose, en premier lieu, de mettre en exergue les étapes de l’émergence d’une démarche reposant sur de nouvelles exigences ; en second lieu, de fournir un instrument de travail à ceux qui désireraient étudier de plus près l’arthropofaune égyptienne. L’extrait suivant servira d’exergue : Il y a un an environ, à Louqsor, je montrais à un égyptologue important, un scorpion. Le professeur en question ne pouvait assez s’émerveiller de ce que l’animal correspondait si exactement à ce que nous montraient les représentations des hiéroglyphes et il ne se lassait pas de répéter : « Il y a vraiment des animaux semblables ! »

L’auteur de ce passage n’est autre que Louis (Ludwig) Keimer2 dans un papier intitulé « L’Égyptologie et les Sciences Naturelles » présenté à Bruxelles, dans le cadre de l’Association égyptologique Reine Élisabeth (1931a). S’il souligne, non sans ironie, « un égyptologue important », son but était d’attirer l’attention de ses auditeurs sur le caractère indispensable de connaissances zoologiques3 pour aborder certains aspects de la culture de la basse vallée du Nil ; le scorpion évoque, lui, un des invertébrés emblématiques de l’Égypte, omniprésent à la fois dans le biotope égyptien mais aussi dans l’inonographie et la pensée avant même l’époque prédynastique ou Dynastie « 0 ». S’il serait difficile actuellement de concevoir une telle anecdote en milieu égyptologique, 1 Aix-Marseille Université-CNRS TEDMAM-CPAF, UMR 7297, 13100, Aix-en-Provence, France ; Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. À cet article est adjointe in fine une Bibliographie couvrant le champ abordé dans le cadre de ce colloque. Les références sont données dans le texte selon la méthode de Harvard. Les références des notes infrapaginales, en mode discursif, se réfèrent à un type classique de citation. 2 Voir Baudouin VAN DE WALLE, « Nécrologie : le Dr Ludwig Keimer (1893-1957) », CdE XXXIII, fasc. 65 (1958), p. 66-73. À un moment de sa vie, et par réaction contre le nationalsocialisme, il avait choisi de franciser son prénom. Ludwig Keimer, en tant qu’anti-nazi, est mentionné parmi les « men of honor » dans Thomas SCHNEIDER, « Ägyptologen im Dritten Reich : Biographische Notizen anhand der sogenannten „Steindorff-Liste“ », dans Th. Schneider & P. Raulwing (éd.), Egyptology from the First World to the Third Reich. Ideology, Scholarship, and Individual Biographies, Leyde – Boston 2013, p. 120-247 : p. 154-156. 3 De même que de véritables connaissances botaniques si l’on en croit le parcours scientifique de Keimer, mais aussi d’autres savants, qui ont débouché sur maintes études lexicales et archéobotaniques.

4

S.H. AUFRÈRE

celle-ci, du temps de l’archéo-zooégyptologue, dépeint, dans la première moitié du XXe siècle, le peu d’intérêt du milieu égyptologique pour la faune minuscule, alors qu’à notre époque il n’existe aucun champ, de l’archéozoologie à l’archéobotanique (anthracologie, palynologie et carpologie), qui ne soit un terreau fécond de la recherche. Si on s’en tient à l’archéozoologie avant la lettre, ce domaine était abordé de façon inégale. À côté de l’étude des grands et des petits mammifères, des sauriens dans les rangs desquels les Égyptiens comptent maints animaux sacrés ayant attiré la vigilance de l’Égyptologie depuis la découverte des nécropoles des taureaux Apis, Mnévis et autres qui ont fait l’objet des travaux de Claude Gaillard (1861-1945) et de Louis Lortet (1836-1909)4, la connaissance de la petite faune n’avance que par à-coups, sauf dans des cas où des travaux de laboratoire et le recours à du matériel d’observation sophistiqué sont nécessaires, notamment pour les thanathophages à en croire les progrès effectués dans des domaines inattendus comme l’archéoentomologie et l’archéoparasitologie (cf. infra, § 2.5). Cela dit, ce n’est pas que l’Égyptologie de son temps fût à blâmer a priori, mais il se trouve que Keimer, disciple de Georg Schweinfurth (1835-1925)5 et de Victor Loret (1859-1946)6, connaisseurs éminents de l’Histoire Naturelle, avait bénéficié d’une formation pointue dans des domaines où rares étaient ceux qui avaient acquis de solides compétences. Il a produit, de ce fait, une œuvre tant éblouissante par sa richesse et sa diversité que servie par une admirable sagacité. 0.2. L’IMPACT DES OUVRAGES DE IAN C. BEAVIS ET DE M. DAVIES ET J. KATHIRITHAMBY POUR LES ÉTUDES CLASSIQUES. — Pourtant, encore aujourd’hui, n’est-il pas remarquable d’observer que l’Égyptologie ne dispose toujours pas d’un ouvrage comme celui de Ian C. Beavis, Insects and other invertebrates in Classical Antiquity (1988)7, considéré, pour le monde classique, comme une contribution propice à l’histoire de l’entomologie antique par Liliane Bodson (1990), et qui vient compléter un autre ouvrage couvrant le même champ : celui de Malcolm Davies et Jeyaraney Kathirithamby, Greek Insects, Londres 4 Henri LORTET & Claude GAILLARD, La faune momifiée de l’ancienne égypte, 5 fasc., Lyon 1903-1909 ; Claude GAILLARD, La faune momifiée de l’Antique Égypte (Catalogue général du Musée du Caire, Nos 29501-29733 et 29751-29834), Le Caire 1905. On ajoutera l’étude de Theodor HOPFNER, Der Tierkult der alten Ägypter nach den griechisch-römischen Berichten und den wichtigeren Denkmälern (DKAWW 57,2), Vienne 1913, et, plus récemment, celle d’Ingrid BOHMS, Saugetiere in der altägyptischen Literatur, Berlin 2013, sur les animaux des fables. 5 Ludwig KEIMER, « Georg Schweinfurth », Aegyptus 6 (1925), p. 251-254 ; Idem, « Bibliographie des ouvrages de G. Schweinfurth (1858-1925) », BSRGE 14 (1926), p. 73-112. 6 Jean SAINTE FARE GARNOT, « Victor Loret (1859-1946) », RevArch 38, 6e série (juilletseptembre 1951), p. 54-56. 7 Voici d’ailleurs le plan de l’ouvrage de Beavis qui montre l’ampleur du travail à faire : chap. 1 : worms, leeches, centipedes, woodlices, etc. (p. 1-20) ; chap. 2 : scorpions, spiders, mites and ticks (p. 21-60) ; chap. 3 : grasshoppers, cockroaches mantids, may-flies, etc. (p. 61-90) ; chap. 4 : cicadas, bugs and lice (p. 91-12) ; chap. 5 : butterflies, moths and wood-boring larvae (p. 121-156) ; chap. 6 : beetles (p. 157-186) ; chap. 7 : Bees, wasps and ants (p. 187-218) ; chap. 8 : flies and fleas (p. 219-242) ; chap. 9 : unidentifiable and fabulous insects and invertebrates (p. 243-258).

APPROCHE D’ARCHÉO- ET D’ETHNOARTHROPODOLOGIE CULTURELLE

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19868 ? Voire d’un travail dans l’esprit de celui, pourtant ancien, de Frank Cowan (1865), qui permettrait ne serait-ce que de disposer d’un ensemble de données fiables ? On constaterait un quasi-vide épistémologique facilement compréhensible en raison de cultures multiples, du côté de la Mésopotamie9 où l’on rencontre les mêmes problématiques. La présente contribution collective, si elle n’a pas pour objectif de remplacer, mutatis mutandis, un Beavis ou un Davies & Kathirithamby que chacun attendrait de ses vœux, se propose d’aborder une diversité d’approches qui tiennent de l’archéo- et de l’ethnoarthropodologie, approches dont nous allons préciser le moment de l’émergence en sortant de l’ambiguïté terminologique. 1. Sortir de l’ambiguïté de la classification aristotélicienne : classe des Insectes (ἔντομα, Insecta), sous-embranchement ou subphyllum (Invertebrata) ou phylum (anciennement embranchement) des Arthropodes (Arthropoda) 1.1. NOMMER CORRECTEMENT L’OBJET. — Si, considéré d’un œil de philosophe, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » (Albert Camus, Poésie 44)10, au regard de la zoologie, accomplir pour le principe un effort dénominationnel est indispensable si l’on affiche le désir de s’inscrire durablement dans le temps scientifique, préserver l’avenir et éviter l’incohérence qui découlera, à un moment ou à un autre, de la confrontation entre un vocabulaire devenu désuet et un vocabulaire scientifiquement adapté à l’étude de la faune minuscule. Depuis la parution de l’ouvrage du naturaliste Thomas Mouffet (1552-1604), Insectorum sive minimorum animalium theatrum (Londres : Thomas Cotes, 1634), il n’est pas possible, pour un objet qui nécessite un classement de plus en plus rigoureux, de choisir, bien que le titre ait un charme littéraire indéniable, une notion de théâtre des insectes ou des animaux les plus petits, même appliquée à l’Égypte ancienne…, à moins de vouloir y introduire une pointe de grandiloquence ou d’ironie. Dans un titre, il faut que convergent plusieurs disciplines, quand bien même primerait la documentation égyptologique, ce qui permet de mesurer, dans les études proposées par des entomologistes non égyptologues, le fossé épistémologique séparant deux approches disciplinaires soumises à leurs impératifs respectifs.

8 De même, voici le plan : Ant (p. 37), Bed bug (p. 46), Bee/wasp (p. 47), Beetle/cock-chafer p. 83), Borers of woods (p. 96), Butterfly/moth (p. 99), Cicada (p. 113), Cricket/grasshopper/ locust (p. 134), Flea (p. 149), Fly (p. 150), Gnat/mosquito (p. 164), Keekbane (p. 167), Louse (p. 168), Praying mantis (p. 176). 9 On renverra cependant au bel article de Brigitte LION & Cécile MICHEL, « Criquets et autres insectes à Mari », Mari. Annales de Recherches Interdisciplinaires 8 (1997), p. 707-724, qui scrute la documentation des tablettes cunéiformes de Mari, en faisant le point sur les criquets, les fourmis, les charançons, les mouches. 10 Il faut souligner que Camus parle d’objet philosophique.

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1.2. UN

EMBARRAS RÉCURRENT DANS LE CHOIX DES TERMES RELATIFS À

LA CLASSIFICATION.

— On a raison de dire que le diable est dans les détails. D’entrée de jeu l’embarras récurrent des auteurs est observable, qui veulent traiter globalement de cette faune minuscule en Égypte ancienne que l’on a assimilée aux Insectes au sens aristotélicien, puisque le terme « Insecte » découle du latin Insecta, décalque du grec Entoma (ἔντομα). La page de titre de l’ouvrage de Mouffet (1634) montre que les Insecta regroupent improprement, pour les savants de son temps, scarabées, abeilles, scorpions, papillons, araignées, et mille-pattes. Si Ludwig Keimer (1931b), en parlant d’insectes, avait opté pour une classification naturaliste ad hoc, plus récemment Dimitri Meeks (2010, passim)11, faisant fond sur Aristote, emploie ce même « Insectes » comme une unité taxonomique de convenance servant à désigner des espèces relevant du phylum des Arthropodes (arthron, « articulation » + podos « pied »)12, i.e. d’animaux dotés d’un exosquelette chitineux formé de segments et d’un nombre variable d’appendices articulés. L’auteur de ces prolégomènes a luimême employé ce terme dans la même perspective (Aufrère 2012, 2013-2014). Cependant, Pascal Vernus et Jean Yoyotte (2005, 429) avaient préféré substituer l’expression « monde du minuscule » à « monde des insectes » en raison de la discrépance découlant du rapport entre cette classification et la pensée des anciens Égyptiens qui, non dotés de surmultiplicateurs sensoriels, n’étaient pas en mesure de différencier des espèces ressemblantes. 1.3. VERTEBRA, INVERTEBRATA. — Déjà, là où le Davies & Kathirithamby se limitait à l’étude des insectes, le titre de l’ouvrage de Ian C. Beavis, Insects and other invertebrates in Classical Antiquity, dont le plan a été livré (cf. supra), montre les difficultés de tout englober dans un titre. Il délimite en effet son sujet aux insectes et à d’autres invertébrés, recourant à une nomenclature lamarckienne (sous-embranchement ou subphyllum Vertebrata, Invertebrata)13, laquelle passe pour désuète pour les Invertebrata d’un point de vue taxonomique, mais qui continue d’être employée, toujours pour des raisons de convenance. Ainsi en témoignent le titre de la Section L des signes de l’Egyptian Grammar de Alan H. Gardiner (1957) : Invertebrata and lesser 11

C’est très explicite chez cet auteur qui l’emploie entre guillemets. Dans cet ordre quatre classes : Chilopodes (Chilopoda) [et non les Myriapodes, qui forme un sous-phylum des Arthropodes], crustacés (Crustacea), arachnides (Arachnida) et insectes (Insecta). Avant, existait une autre classification : Annélides, Crustacés, Arachnides, Myriapodes et Insectes (voir la série : Histoire naturelle des animaux articulés, Annelides, Crustacés, Arachnides, Myriapodes et Insectes, 1840). Voir pour mémoire l’article « Arthropodes (Arthropoda) » de la Wikipedia. Le nom d’Arthropodes (Arthropoda) a été créé en 1845 par Philipp Franz von Siebold (1796-1866) et Hermann Friedrich Stannius (1808-1883), dans leur Lehrbuch der Vergleichenden Anatomie, voir l’édition américaine de l’ouvrage de Philipp Franz VON SIEBOLD, Anatomy of the Invertebrata, Boston : James Campbell, 1874, p. 14, où les Arthropoda comprennent les Crustacea, les Arachnida et les Insecta. 13 Anglais : Invertebrates, allemand : Wirbellosen. 12

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animals14, ainsi que l’article de Friedhelm Hoffman (1998) qui traite de trois invertébrés (« wirbellosen Tiere ») dans la Scène 10 du Rituel de l’Ouverture de la Bouche. Ce dernier devait regrouper les hiéroglyphes de deux insectes — la mante religieuse (Gottesanbeterin) et l’abeille (Honigbiene) — et un arachnide : l’araignée (Spinnentier). Il faut en profiter pour signaler que les arabisants étudiant les naturalistes arabes englobent les arthropodes sous un titre associant insectes et arthropodes15 ou insectes et petits animaux16, ce qui montre que les problèmes de terminologie se posent pour toutes les disciplines étudiant l’Antiquité et le Moyen Âge. 1.4. LA PETITE FAUNE MORDANTE ET PIQUANTE SELON ARISTOTE… — Les prémices de l’entomologie correspondent aux réflexions du Stagirite. Ce dernier, dans son Historia Animalium, ayant distingué les enaïma (ἐναίμα), « animaux ayant du sang », des anaïma (ἀναίμα), « animaux n’ayant pas de sang » (Hist. an. IV, 524a), subdivise ces derniers en quatre genres17 dont l’ultime est formé par les Entoma (ἔντομα), ce à quoi correspondent les Insecta (cf. supra). Les caractéristiques des Entoma sont l’existence de sections (τομή) ventrales et dorsales visibles sur leurs corps (Hist. an. I, 486b, in fine ; IV, 524a)18. Sans équivalent avec les classifications lamarckienne et linnéenne, c’est pourtant là une forte avancée épistémologique dans l’histoire du classement zoologique de l’Antiquité. 1.5. … ET SELON LES ÉGYPTIENS. — Par rapport aux Grecs (entendre les naturalistes adoptant la nomenclature aristotlicienne), les Égyptiens, dans les catégorisations des animaux dont ils font état dans leurs onomastica (Meeks 2012 ; Gerke 2017), recourent à un terme qui, dans des contextes magiques où la petite faune susceptible de mordre et de piquer — animaux appartenant au sous-ordre des Serpentes et au phyllum des Arthropoda —, considérée avec une crainte objective, se décline selon l’espace qu’ils occupent. Ledit terme, lié à l’éthologie animale, englobe les serpents et les lézards jusqu’aux 14 Comparer avec Sylvie CAUVILLE, Dendara. Le fonds hiéroglyphique au temps de Cléopâtre, Paris 2001, p. 136-137 : « Insectes et arachnides » ; François DAUMAS et alii, Les valeurs phonétiques des signes hiéroglyphiques d’époque gréco-romaine, vol. 2, Montpellier 1988, p. 387393 : « Invertébrés ». 15 François CLÉMENT, « Insectes et autres arthropodes selon Qazwînî », dans Abdellatif Ghouirgate et alii (éd.), Mélanges pour le 25ème anniversaire des études arabes à l’Université de Toulouse le Mirail, Toulouse : AMAM, 1998, p. 159. 16 Kaouthar CHEBBI-LAMOUCHI, Mehrnaz KATOUZIAN-SAFADI & Ahmed AARAB, « Les insectes et les petits animaux, traitement des aspects zoologiques dans le Kitâb al-Hayawân d’al-Djâhiz (776-868) », dans A. Aarab (dir.), Actes du Colloque International sur Jâhiz, Tétouan, Maroc, novembre 2011, Faculté des Lettres et des sciences Humaines de Tétouan, Université Abdelmalek Essaidi, 2013. 17 Mollusques (μαλακία), crustacés (μαλακοστράκα), testacés (ὀστρακόδερμα) et Insectes (ἔντομα). 18 Il s’agit, en termes actuels, de sternites et de tergites, que rejoignent les pleurites sur les flancs.

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insectes, arachnides et chilopodes en passant par de petits mammifères. Il s’agit des ḏdf.t (Meeks 2012, 535-536)19 terme dont l’éventail sémantique se prolonge en copte, ainsi que je l’ai explicité, sous la forme de ϫⲁⲧϥⲉ (Aufrère 2017)20. D. Meeks (2012, 536) pense que le terme est apparenté au verbe ḏdf « ressentir des picotements, grelotter, frissonner (de peur) », et définit ḏdf.t par rapport à la « réaction physique que suscite leur morsure ou leur piqûre ». Mais on peut aussi se demander s’il ne serait pas fondé sur un doublet ḏdf de verbes comme ḏdb ou ḏdm « piquer » (Aufrère 2013-2014, 25). Sur la statue de Djedhor-le-Sauveur, ligne 11621 et les cippes d’Horus Caire CGC 9407, 9410 et 9413)22, on rencontre une phrase qui évoque l’objet suivant en ces termes : « sceller la bouche de tous les ḏdf.t aériens (litt. célestes), terrestres et aquatiques » (ḫtm rꜢ n ḏdf.t nb(.t) jmj.w-p.t, jmj.w-tꜢ, jmj.w-mw), dans une séquence où il est difficile de séparer ḏdf.t des trois expressions qui les qualifient et les inscrivent dans trois éléments différents : l’air, la terre et l’eau (Aufrère 2013-2014, 24-27)23. On observera que certains insectes aériens sont déterminés soit par des classificateurs qui sont des insectes (scarabées ou autres), soit par des oiseaux (Meeks 2010, 274-279)24, ce qui ne suppose pas a priori un problème de statut, mais l’indication d’espèces qui volent ou sautent (dotées d’ailes et d’organes 19 MEEKS 2012, 536-537 signale un autre terme qui peut, à Esna, se substituer à ḏdf.t. Il s’agit de ḥrr.t. Ici j’évite d’entrer dans une problématique terminologique, qui n’a ici qu’un intérêt secondaire. J’y reviendrai ailleurs. 20 Le sens de ϫⲁⲧϥⲉ se rapproche de la classe des hayyat, ou classe des reptiles et de ce qui rampe, mais dont sont curieusement exclues par al-Djâhiz trois espèces ophidiennes dont certaines ovipares comme le boa des sables (Eryx jaculus), la couleuvre de Moila (Malpolon moilensis) ou la couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) et Coluber jugularis ; Meyssa BEN SAAD, Mehrnaz KATOUZIAN-SAFADI & Philippe PROVENÇAL, « Réflexions sur un critère de classification des animaux chez le savant al-Djâhiz (776-868) : le mode de reproduction chez les reptiles et les oiseaux », Al-Mukhatabat 7 (2013), p. 69-86 : p. 77-83. 21 Eva JELINKOVA-REYMOND, Les inscriptions de la statue guérisseuse de Djed-ḥer-le-Sauveur (BdE 23), Le Caire 1956, p. 56.b. 22 Georges DARESSY, Stèles et dessins magiques (Catalogue général des Antiquités égyptiennes du Musée du Caire Nos 9401-9449), Le Caire 1903, p. 18, 23 et 29. Voir aussi p. 30 (CGC 9413 bis). 23 Ces expressions ne sont pas spécifiques au terme ḏdf.t. Dans d’autres contextes, les jmj.w-mw, peuvent être les poissons et crocodiles (Wb I, 74, 7), mais aussi les crocodiles et les hippopotames. Voir l’excellente notice sur les jmj.w-mw dans WILSON 1997, 70. Les jmj.w-tꜢ ceux vivent dans la terre peuvent se réduire aux serpents. Voir Wb I, 75, 17 (« Bezeichnung der Schlangen »). Il existe également des jmj.w-tꜢ-mw ; cf. Sydney H. AUFRÈRE, « À propos du “statut” des serpents d’après le mythe de la Vache céleste », dans Núria Castellano et alii (éd.), Ex Aegypto lux et sapientia. Homenatge al professor Josep Padró Parcerisa (Nova Sudia Aegyptiaca 9), Barcelone 2015, p. 91-105 : p. 93, 97. On renverra aussi à MEEKS 2018, 536, et n. 181. 24 Pour un rapprochement du même ordre — oiseaux et insectes ailés (hamadj) — dans la classification scientifique arabe d’al-Djâhiz, voir Meyssa BEN SAAD, Mehrnaz KATOUZIAN-SAFADI & Philippe PROVENÇAL, « Réflexions sur un critère de classification des animaux chez le savant al-Djâhiz (776-868) : le mode de reproduction chez les reptiles et les oiseaux », Al-Mukhatabat 7 (2013), p. 69-86 : p. 73.

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saltateurs). Au final, force est de conclure qu’on ne peut rien tirer, d’un point de vue nomenclatural pour notre objet d’un éthonyme (ἔθος + ὄνυμα)25 tel que le terme ḏdf.t > ϫⲁⲧϥⲉ spécifique aux Égyptiens qui englobe un pannel d’ordres et d’espèces. 1.6. Ayant vu qu’« insectes » peut s’entendre au sens aristotélicien pour évoquer différentes sous-classes rampantes et volantes du phylum des Arthropodes endémiques des rives du Nil et ayant attiré l’attention sur le fait que les Égyptiens expriment une large variété de concepts dans le domaine de leur mythologie sans avoir à recourir au langage, tant les cycles de ces espèces d’arthropodes rythment la ronde égyptienne des saisons, ce terme, dès lors qu’on dépasse la nomenclature aristotélicienne, devient ambigu au regard de l’acception scientifique de Insecta. 1.7. LE TITRE DE LA PUBLICATION. — Au regard de ce qui précède, il faut reconnaître la difficulté de substituer un titre scientifiquement correct à un titre littéraire. Dès que l’on considère l’éventail de la diversité de ce microcosme animal et qu’on essaye de privilégier un angle de vue archéozoologique, on se trouve confronté à des problèmes de terminologie découlant d’une vision d’ordre émico-éthique26. En effet, faut-il considérer un problème du point de vue de la civilisation abordée ou sous l’angle de l’épistémé de notre époque ? Au vu du paragraphe précédent où l’on évoque les ḏdf.t > ϫⲁⲧϥⲉ (cf. supra, § 1.5), on est conduit à opter pour la seconde partie de cette alternative. D’où, pour d’évidentes raisons épistémologiques, nous avons ainsi reformulé le titre donné au colloque de Fribourg : « Le microcosme animal en Égypte ancienne. De l’effroi à la vénération : études d’archéo- et d’ethnoarthropodologie culturelle ». Il faut se représenter une Égypte antique, sans autres pesticides que naturels — plantes insectifuges (Aufrère 1991, vol. 1, 301-302, n. 91) —, comme un monde où la biomasse est peu affectée par la pollution, où les symbioses dont dépendaient les cycles agricoles, étaient visibles et observables. En d’autres termes, c’est une écoagriculture de fait. En outre, dans ce monde ouvert auxdites symbioses (Dunand, Lichtenberg & Charron 2005), les vivants (hommes et animaux) sont constamment la proie de certaines espèces d’arthropodes ; dans la Bible, au moins trois des Dix Plaies d’Égypte, les vecteurs de la colère de Dieu sont les moustiques ou les poux (3e Plaie : Ex 8:16-19), les mouches et les taons (4e Plaie : Ex 8:20-32), les sauterelles dévorant les récoltes (8e Plaie : Ex 10:13-14, 19)27. L’interprétation de ces maux divins, qui 25

Nom déterminé par un comportement. N’ayant pas trouvé ce terme dans la nomenclature scientifique, je propose de l’introduire au cas où il n’existerait pas. 26 Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, « Émique », L’Homme 38, no 1 (1998), p. 151-166. 27 On remarquera que les premières études sur les insectes au sens large, comme celle d’Aldrovandi, font une place non négligeable aux insectes assciés aux Plaies d’Égypte. Sur les Plaies d’Égypte, voir LEVINSON & LEVINSON 2001b ; WOTTON 2005.

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peuvent être traduits différemment selon les traditions, sont le centre d’un intérêt dont les premiers échos d’une pré-ethnoarthropodologie se font entendre chez les auteurs anciens comme Ulysse Aldrovandi (1522-1605) et son extraordinaire livre consacré aux insectes considérés au sens très large si l’on croit le contenu28. À défaut des sauterelles (cf. infra, § 4.10) et des mouches (cf. infra, § 4.4a), la plaie des moustiques est décrite par Hérodote (Hist. 2, 95) qui montre comment les Égyptiens se gardent de l’incommodation causée par ces κώνωπες en enveloppant leurs lits de filets de pêcheurs ou en dormant sur de hautes tours (cf. infra, § 7.4). Et cela ne se cantonne pas qu’aux vivants ; les défunts deviennent la proie idéale d’escouades de thanatophages (cf. infra, § 6.1). 1.8. ETHNO/ARCHÉOENTOMOLOGIE OU ETHNO/ARCHÉOARTHROPODOLOGIE ? — Cette question montre que le terme d’ethnoentomologie serait réducteur pour cet ouvrage ne traitant pas que des Insecta, mais concernant aussi les Arachnida et les Chilopoda. En conséquence de quoi il convenait de recourir à un terme couvrant mieux notre propos, i.e. l’ethno/archéoarthropodologie29, que l’on pourra définir en s’inspirant de la définition de Claude Gadbin pour l’ethnoentomologie30, comme la science des interrelations fonctionnelles entre les sociétés humaines anciennes et l’arthropofaune et peut-être ici, d’une façon plus large, des interrelations entre l’arthropodofaune de la basse vallée du Nil, l’ethnie pharaonique et la religion de l’Égypte ancienne. 2. Essor de l’ethno- et de l’archéoarthropodologie avant la lettre en égyptologie 2.1. ET VENIIT LUDOVICUS KEIMER. — Venant de voir comment il convenait de nommer les choses, mutatis mutandis, le premier à s’être penché avant la lettre sur des aspects de l’ethno- et de l’archéoarthropodologie est Ludwig Keimer. Ce constat est suffisant pour qu’on ait cru bon de dédier ce volume à ce savant allemand, tchèque puis égyptien, qui, en dépit des difficultés qu’il a connues au cours de sa vie a, d’une façon exceptionnelle pour son temps, abordé la plupart des facettes de l’Histoire Naturelle en tant qu’orientaliste, égyptologue et naturaliste. C’est ainsi rendre justice à celui qui, dans une période sombre, a néanmoins exploré en pionnier qu’il était en maints domaines, des voies étroites à peine considérées par l’Égyptologie. Rendant un élégant hommage à ses devanciers, ce dernier reconnaît que l’intérêt pour les « Insectes » remonterait Ulisse ALDROVANDI, De animalibus insectis libri septem…, Bologne 1602. Je n’ai pas trouvé ce terme, mais l’emploi des termes arthropodologie, arthropodofaune sont désormais d’usage courant. Nous emploierons donc les termes archéo- et ethnoarthropodologie au regard de l’évolution rapide de la terminologie scientifique. 30 Voir Claude GADBIN, « L’ethnoentomologie », OPIE Cahiers de Liaison, 1973 p. 15-20. http://www.insectes.org/opie/pdf/965_pagesdynadocs4b4c2550bfa14.pdf : p. 15 : « science des interrelations fonctionnelles entre les sociétés humaines et le monde des insectes. » 28 29

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à celui que Fabre (1897, 79) nomme le « prince de l’entomologie descriptive ». Ce dernier, le naturaliste P.-André Latreille (1762-1833), s’extasie, lors de leur parution, dès 1809, devant les premiers tomes richement illustrés de la Description de l’Égypte. Les planches firent immédiatement rêver la communauté scientifique, et ce bien avant la découverte de Champollion (1790-1832) qui, sous la conduite de son frère, Jacques-Joseph (1778-1867), pouvait se montrer botaniste et entomologiste à ses heures31. Mais il ne faut pas mésestimer, parmi les planches consacrées aux Invertébrés de la Description de l’Égypte, celles des Insecta32, Arachnida33 et Myriapoda34 de Marie-Jules-César Lelorgne de Savigny (1777-1851), partiellement commentées, en raison de l’état de santé du savant, devenu aveugle, par l’entomologiste Victor Audouin (1797-1841) (1809a-b), mais il conviendra de se souvenir que le panorama des Arthropodes de la Vallée du Nil de Savigny est incomplet. 2.2. DANS LE SILLAGE DES AUTEURS ANTIQUES. — Mais revenons à Latreille qui s’attarde longuement sur les scarabées (scarabée sacré, Heliocopris, Chinonitis), l’abeille (Latreille 1819) et d’autres Hyménoptères comme les Pompilidés. Il y reviendra (1822, 1831)35. Ces savants naturalistes, bien qu’ils aient l’occasion de découvrir dans les hiéroglyphes et dans l’iconographie égyptienne une véritable entomothèque ou plutôt arthropodothèque, n’en furent pas moins tributaires des données symboliques des Anciens tel qu’Horapollon et d’autres avant lui. Horapollon constitue, quoique de façon très limitée au scarabée, la base archéo- et ethnoarthropodologique de ceux qui cherchent des sources sur cette faune, étant entendu que le mot « insecte » (Entoma) ne figure jamais dans les Hieroglyphica36, non plus que dans Hérodote, Diodore ou Strabon, les premiers à avoir fait une description de l’Égypte dans laquelle sont intégrés quelques naturalia, mais sans le degré de précision de Pline l’Ancien. On n’oubliera pas de mentionner, bien que lointain, l’ouvrage de Frank Cowan (1865) qui, dans son tour d’horizon des insectes, mais aussi des araignées et des scorpions, fait une part à l’Égypte ancienne et moderne. À son tour Fabre (1922, 79-89), reprenant Latreille, consacre quelques pages de commentaire à la longue description que fait Horapollon (Hier. 1, 10)37 du scarabée égyptien. Il suit en cela une tradition, celle des intellectuels et des Léon DE LA BRIÈRE, Champollion inconnu : lettres inédites, Paris 1897, p. 31-32. DE-HN II, Orthoptères, pl. 1-7, Névroptères, pl. 1-1-34, Hyménoptères, pl. 1-20. 33 DE-HN II, Arachnides, pl. 1-90. 34 DE-HN II, Myriapodes (et Hexapodes aptères), pl. 1. 35 Jacques D’AGUILAR, « Entomologie et illustrateurs : essai historique », dans Les illustrations entomologiques, Institut national de la Recherche agronomique, 1996, p. 15. 36 Si on retrouve également le scorpion (Horapollon, Hier. 2, 35), la mouche (ibid. 1, 51), l’abeille (ibid. 1, 62), et les guêpes (ibid. 2, 24), le scarabée est le seul qui fasse l’objet d’une description substantielle. 37 On le retrouve aussi en Hier. 1, 12 ; 2, 41. 31 32

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voyageurs qui, bien qu’ils se fussent parfois recopiés les uns les autres, ne s’en tenaient pas qu’à des poncifs38. Croyons-en la lecture du Livre IV, chap. III de l’Histoire naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin (1553-1617)39, consacré aux Insectes vivant en Égypte40, et celle du Voyage d’Antonius Gonzalès qui, vers 1665-1666, abonde de notices éclairantes sur le petit monde des Arthropodes et des nuisances qu’ils causaient tant aux habitants qu’aux voyageurs41. 2.3. UN MANIFESTE DE L’ETHNO- ET DE L’ARCHÉOARTHROPODOLOGIE. — Au cours de son histoire, l’Égyptologie n’a consacré que peu de place aux Arthropodes. Dans l’ouvrage qu’il dédia aux expressions imagées des Égyptiens, Adolf Erman (1924, 97-99), faisant alors un large tour d’horizon du monde animal (1924, 69-99), ne détaille, sous la dénomination Insekten, que la sauterelle (Heuschreke), l’abeille et le miel (Biene, Honig). Sinon, le scorpion n’y est pas traité. Il faut attendre les années 1930 pour qu’une véritable révolution épistémologique mette les Arthropodes à l’ordre du jour. En un mot comme en cent, le manifeste de l’ethno- et de l’archéoarthropodologie est l’ouvrage de Keimer intitulé Pendeloques en forme d’insectes faisant partie de colliers égyptiens, publié, sous la forme de livraisons échelonnées dans les Annales du Service des Antiquités de l’Égypte, entre 1931 et 1937. Il s’agit d’un ouvrage articulé en cinq chapitres numérotés de A à E, où l’auteur brasse une riche documentation dans laquelle, ayant réuni tout ce qu’il avait pu glaner sur les insectes dans l’Égypte ancienne, mais en excluant le scarabée (1931b, 146), il passe en revue les élatérides, buprestides, coléoptères schématisés, divers noms égyptiens de coléoptères (ḫprr, ῾nḫ), sauterelles sous tous les angles, mante religieuse42, papillons, le tout augmenté, comme à son habitude, de notes additionnelles (1932, 114-11843 ; 1936 et 1937). Ces repentirs scientifiques, rendant la consultation de l’ouvrage ardue, impliquent 38 Par exemple, voir Claude-Étienne SAVARY, Lettres sur l’Égypte…, 3 vol., Paris 1786, vol. 3, p. 110. 39 Histoire Naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, 2 vol. (Collection des Voyageurs en Égypte 20), Le Caire 1979, vol. 2, p. 204-207 [p. 393-398]. 40 Voici les paragraphes concernés : Abeilles, — Guêpes contre phalangion, — Frelons et fourmis, — Deux espèces de scorpions, — chasseurs immunisés, — Piqûres de scorpions, — Araignées, moustiques et mouches. 41 Le voyage en Égypte du Père Antonius Gonzalès 1665-1666, 2 vol. Traduit du néerlandais, présenté et annoté par Charles Libois S.J., Le Caire 1977, qui évoque les poux (vol. 1, p. 365, vol. 2, p. 465), les puces (vol. 1, p. 365), les punaises (vol. 2, p. 595-596), la tique (v. 2, p. 639), la tarentule (vol. 2, p. 589-590), la phalange (vol. 2, p. 588-589, 449, 464, 588), la mouche (vol. 2, p. 638-639), les mites (vol. 2, p. 596), les fourmis (vol. 2, p. 432), l’araignée (vol. 2, p. 449, 535, 588), l’abeille (vol. 2, p. 630, 636-637). On fera observer qu’au XIXe siècle, les guides conseillaient aux voyageurs de faire immerger les bateaux sous les eaux du Nil pendant quelques jours pour les débarrasser de la vermine et des rats ; cf. Oleg VOLKOFF, Comment on visitait la vallée du Nil ? Les ‘guides’ de l’Égypte (RAPH 28), Le Caire 1967, p. 35. 42 Cf. KEIMER 1937, 159-160. 43 « Note additionnelle sur l’insecte ῾pšꜢj et ses variantes ». Voir aussi KEIMER 1937, 155-156.

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une lecture de l’intégralité du contenu. L’ouvrage, semble-t-il, publié in extenso en 1938, avec une préface44, consiste en la publication des articles édités à dessein en double pagination45. C’est là un tableau exceptionnel et transdisciplinaire sur les insectes égyptiens et uniquement pour ceux-ci, puisqu’il opte pour la classification mise à jour en son temps. Pour la première fois un tel ouvrage dresse de façon systématique des catalogues des espèces analysées, examine les noms égyptiens et fait des propositions d’identifications zoologiques, le tout assorti de remarques critiques, de tables analytiques des matières montrant l’articulation des dossiers, et de planches de qualité. On peut dire que peu de choses ont échappé à Keimer dans la documentation publiée avant lui, tant il mettait un point d’honneur à compléter, chemin faisant, les connaissances. Il ne reviendra plus sur les insectes, sauf pour une comparaison entre la sauterelle égyptienne et les descriptions du petit prophète Joël et dans l’Apocalypse de Jean (1939)46 et sur l’abeille et le miel (1957). 2.4. LE LEXIKON DER ÄGYPTOLOGIE. — Cet ouvrage témoigne, au moment où il a été conçu, au milieu des années soixante-dix, de l’intérêt relatif porté aux Arthropoda. On discerne dans l’article « Insekten » dû à Lothar Störk (1980), lequel rédigea dans l’ouvrage nombre d’entrées se rapportant à la faune égyptienne, la classification des Insectes (Insecta) correspondant à des entrées souhaitées (en italique) parfois sans correspondance réelle dans l’ouvrage : Saltatoria (Heuschrecke)47, Mantodea (Mantis)48, Phthiaptera (Laus)49, Heteroptera (Wanze)50, Coleoptera (Käfer)51, Lepidoptera (Schmetterling)52, Diptera (Fliege)53, Siphonaptera (Floh)54, et Hymenoptera (Biene55, Wespe56). Ni entrée Arachnides ni Chilopodes d’un point de vue général57, mais deux articles « Skorpion »58 et « Tausendfuß »59. Bref dans cette mise au point Si l’on en croit KEIMER 1940, 10. L’auteur de cet article en possède un exemplaire, mais ce dernier est dépourvu de page de titre, ce qui laisse penser qu’il s’agit, non pas de l’édition du livre, mais d’un regroupement de tirés-à-part. 46 Cf. John A. THOMPSON, « Joel’s Locusts in the Light of Near Eastern Parallels », JNES 14, o n 1 (Jan., 1955), p. 52-55. 47 Cf. BRUNNER-TRAUT 1977. 48 STÖRK 1980b. 49 Cet article n’existe pas au Lexikon. 50 Dito. 51 L’entrée « Käfer » (LÄ V, col. 289) renvoie aux articles « Insekt » (STÖRK 1980a), « Skarabäus » (BIANCHI 1984). 52 VERHOEVEN 1975. 53 WEBER 1977. 54 Cet article n’existe pas au Lexikon. 55 LECLANT 1975. 56 Cet article n’existe pas au Lexikon. 57 Ni entrée « Arachnida » ni entrée « Chilopoda ». 58 BEHRENS 1984. 59 BRUNNER 1986. 44

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épistémologique sur l’égyptologie des années 1970-1980, pourtant remarquable, un panorama déconcertant sur cette question des Arthropodes, ne seraitce que par rapport à l’effort de Keimer quarante ans plus tôt. Plus proche de nous, l’ouvrage édité par Billie J. Collins (2002) accorde une place, mais limitée, aux Arthropodes. Le rôle des Insectes dans la littérature antique n’est abordé que dans le cadre plus large de la culture proche-orientale (Brentjes 1964), voire dans l’ouvrage de Karel Chobot (2010) qui, dans une histoire des représentations d’Insectes de l’Antiquité, fait une place à l’Égypte. 2.5. LE RENOUVEAU ÉPISTÉMOLOGIQUE SUR LES ARTHROPODES ÉGYPTIENS. — Si un naturaliste tel que Patrick Houlihan (2002), traitant les animaux dans l’art et les hiéroglyphes, est le premier à distinguer, dans la partie qu’il traite dans l’ouvrage de B. J. Collins, les classes des Arachnida, Chilopoda et Insecta, on signalera, parmi les meilleures approches sous le rapport des Arthropoda, l’article de Friedhelm Hoffman (1998), analyse zoologique scrupuleuse entreprise sur trois hiéroglyphes, soutenue par une lecture naturaliste attentive de Lothar Störk. Si certaines contributions d’Hermann et Anna Levinson (2005) restent de courtes mais utiles mises au point sur la question entomologique égyptienne, d’autres, publiées dans une réunion d’articles intitulée Insekten als Symbols göttlicher Verehrung und Schädlinge des Menschen: ausgewählte Kapitel der kulturgeschichtlichen und angewandten Entomologie, complètent utilement les travaux de Keimer sur la question des scarabées (Levinson & Levinson 2001a) mais aussi sur la façon de repousser les insectes (Levinson & Levinson 2001b). Dimitri Meeks (2010), reprenant, sous l’angle hiéroglyphique et sémantique, la problématique abordée jadis par Ludwig Keimer dans sa réunion d’articles, évoque la relation oiseau – insecte, la mante religieuse, les hyménoptères (abeille, guêpe et frelon), l’araignée, différentes types d’insectes égyptiens (ḫprr, ῾nḫ, ῾pšj.t), la mouche, et les tout petits insectes. Ce travail, à la vitalité réflexive, est inspirant. Bien que non publiés sur papier, les travaux de Richard-Alain Jean (2014a-b), envisageant les Insectes sous l’angle de l’infectiologie, offrent un panorama richement illustré. Très récemment, une étude (Kenawy & Abd-el-Hamid 2015) a tenté, à partir de sources Internet, de dresser un tableau des rapports existant entre les Insectes, la religion et les maladies afférentes, mais le travail est à employer avec prudence sur le plan égyptologique. Je mentionnerais le long article que l’auteur a consacré au chapitre des ϫⲁⲧϥⲉ dans les scalae gréco-copto-arabes qui comprend des renseignements égyptologiques sur les Insectes, les Arachnides et les Chilopodes (Aufrère 2017). 2.6. LES BIOLOGISTES ET LES INSECTES. — Un renouveau est venu du côté des biologistes intéressés à l’écophysiologie et à l’histoire culturelle comme Hermann (1924-2013) et Anna Levinson (1939-2015). Ces deux chercheurs ont embrassé l’étude des insectes infestant les grains dans plusieurs travaux

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(Levinson & Levinson 1985, 1994, 1996, 1998 ; Buckland 1981), travaux auxquels s’ajoute une contribution sur l’infestation des lentilles (Burleigh & Southgate 1975). 2.7. On reviendra plus loin aux études consacrées à la momiologie égyptienne (infra, § 6.1). 3. Microcosme, effroi et vénération 3.1. DES ARTHROPODES INQUIÉTANTS, PARFOIS MORTELS. — Le monde des Arthropodes inquiète du fait qu’il est décrit comme omniprésent d’après les textes anciens et ceux des voyageurs modernes (cf. supra, § 2.2). La notion d’effroi causé par les Insectes, Arachnides et Chilopodes découle de la lecture des textes magiques et médico-magiques et notamment du Papyrus ophiologique de Brooklyn (Sauneron 1989) et du Papyrus prophylactique de Brooklyn (Goyon 2012). Cependant, ils n’y apparaissent jamais, ne serait-ce qu’en raison de leur taille, qu’au second rang derrrière les serpents. Ces compositions proposent des formules afin éradiquer non seulement les serpents — Élapidés, Vipéridés et Colubridés — mais également les scorpions et les solifuges (Aufrère 2013-2014, 23-24) en les enchantant. Le fait que les venins de serpents et de scorpions, qui doivent être attirés vers la terre au moyen de la magie (Rouffet 2009), présentent parfois des symptômes similaires, des membres du sous-ordre des Serpentes, peuvent être associés à des Arthropoda. Dans le monde arabo-musulman, serpents et scorpions représentent tant l’effroi que la puissance60. Mais à en croire l’utilisation de certains insectes comme auxiliaires de la guerre61, on peut penser que de toute antiquité ils ont été source de terreur. Apollonius de Tyane, qu’on disait avoir percé les secrets des Égyptiens, passe pour avoir protégé Byzance et Antioche contre les scorpions et les moustiques au moyen d’une statue de scorpion enfoncée dans le sol (Dulière 1971), statue en laquelle l’égyptologue aurait du mal à ne pas reconnaître la déesse Serqet (Selkis), associée au scorpion et dame des Conjurateurs de Serqet (ḫrp.w-Srq.t). Avec les serpents, les scorpions causent bien des envenimations dans l’Égypte à l’époque pharaonique dans les registres de présence des ouvriers à Deir el-Médîna62 mais aussi à l’époque gréco-romaine, ainsi qu’en rendent compte les papyrus rédigés en grec (Tod 1939 ; Dalrymple 2007). Ces documents témoignent de la banalité du danger quotidien qui rôde la nuit venue. On peut 60 Emmanuelle PERRIN, « Motifs de tatouages égyptiens : Répertoire et propositions de lecture », Cahier du Gremamo, 2010, p. 45-67 : p. 9-10. Le serpent et le scorpion sont les emblèmes de la Rifâ`iyya (ibid., p. 10). 61 Voir l’article de Alain FAVAL, « Insectes de guerre », Insectes 165, no 2 (2012), p. 29-32. 62 Georges POSENER, « Histoire et Égypte ancienne », Annales. Economies, sociétés, civilisations 17e année, no 4 (1962), p. 631-646 : p. 632. Il est question de cinq cas de piqûres de scorpion dans les registres d’absence au travail du village.

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donc comprendre que les Égyptiens aient réparti la petite faune en deux sortes : la première est celle dont on doit supporter les désagréments, car, dotée de glyphes, elle mord (serpents), ou, équipée de dards ou de rostres (Insecta, Arachnida, Chilopoda), elle pique. Si on ne la représente pas dans des scènes de la vie quotidienne, celle-ci est pourtant présente sur les monuments magiques. La seconde est, elle, de bon augure dès lors que le nombre ne l’emporte pas (sauterelles), tout en restant omniprésente dans l’iconographie de cette même vie quotidienne. Inversement, elle ne figure pas sur les monuments magiques. Mais on ne consomme pas les Arthropodes en règle générale, sauf cas extrêmes63, à la différence d’autres cultures du Proche-Orient qui en tirent un bon parti alimentaire64. 3.2. LES ARTHROPODES COMME VECTEURS SYMBOLIQUES. — Dans notre discipline comme dans toutes les autres, où les sciences naturelles sont désormais partie prenante d’une réflexion archéozoologique, on est bien aise d’en savoir davantage sur ce microcosme puisque les Égyptiens entretiennent des relations spécifiques avec certains invertébrés — Insecta, Arachnida ou Chilopoda — dont l’aspect (formes, couleurs, nombre d’articles), les cycles biologiques et de reproduction et l’éthologie respectifs peuvent être employés comme autant de références conceptuelles, religieuses, symboliques et philosophiques en permettant d’éviter un discours argumenté. Ainsi, familier de son espace de vie, l’animal, petit ou grand, sert de vecteur à un pannel de concepts. Dès lors, il faut distinguer entre ceux que leur taille rend visibles à l’œil nu des Égyptiens et ceux que leur taille permet à peine de distinguer, à savoir ceux qui sont associés à la pureté (abeille), au gouvernement (dito), à la renaissance (scarabée), au courage (mouche), au pullulement (sauterelle) et ceux qui leur inspirent une répulsion incoercible dès lors que ces derniers sont présumés en lien avec la mort, la souffrance (scorpions) ou la putréfaction (insectes thanatophages), quand on ne subodore pas l’idée qu’ils seraient des vecteurs de maladies parasitaires mortelles (moustiques et ectoparasites tels que puces, poux et punaises). 3.3. Nous avons donc traité successivement des Insecta, des Arachnida et des Chilopoda, laissant résolument de côté les Crustacea, bien qu’on devrait également les considérer dans le même élan (Aufrère 2017, 64) et en faisant le point sur chacun des ordres enchâssés dans ces trois parties. — Pour la forme, on renvoie cependant à l’embranchement des Nematoda dans les scalae grécocopto-arabes (Aufrère 2017, 64-66). 63 Dominique FAROUT, « Manger en Égypte », Dialogues d’Histoire ancienne (Supplément 7) (2012), p. 47-72 : § 29. https://www.cairn.info/revue-dialogues-d-histoire-ancienne-2012-Supplement7-page-47.htm#re83no166. Mais on renverra, sur la sauterelle employée comme nourriture et comme médicament, à KEIMER 1933a, 118-120. 64 LION & MICHEL, « Criquets et autres insectes à Mari ».

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INSECTA (LINNÉ, 1758) 4. La question des Insecta 4.1. Comme on l’a vu, l’ethnoarthropodologie a débuté avec les articles très documentés de Ludwig Keimer (cf. supra, § 3.1). Mais depuis, de nouveaux travaux n’ont cessé d’irriguer la connaissance. On se propose ici d’aborder, comme une seule partie, les sous-classes des Insectes ptérygotes (Pterygota) ou Insectes ailés et les Insectes aptérygotes (Apterygota), non ailés, selon le classement suivant : 4.2. COLÉOPTÈRES (COLEOPTERA). — Cf. infra, § 5.1 et suiv. 4.3. LÉPIDOPTÈRES (LEPIDOPTERA). — Pour les papillons égyptiens, on peut faire fond sur le guide ancien de John G. Williams (1969) et l’ouvrage récent de Torben B. Larsen (1990). Ils font l’objet d’une thèse ancienne de Ron A. Gagliardi (1976) et de deux récentes sur leur symbolisme et leur signification (Fleuren 2010 ; Haynes 2013), sans oublier la notice « Schmetterling » du Lexikon (Verhoeven 1975). Les études sur les papillons ont débuté dès 1929 avec ceux reproduits sur les corps des hippopotames en faïence bleue (Keimer 1929) puis avec les monarques (Danaus plexippus L., 1758) (Keimer 1934). Le thème des hippopotames et des papillons, en lien avec Potamogetons lucens L., 1753 a été revisité par Frédéric Servajean (1999) puis Diego Espinel (2015). Mais d’autres études sont disponibles (Parent 1987 ; Aufrère & LopezMoncet 1999 ; Germond 2008 ; Levinson & Levinson 2009 ; Evans & Nazari 2015). On n’oubliera pas la présence des Lépidoptères dans les scalae grécocopto-arabes (Aufrère 2017, 49-50). 4.4a. DIPTÈRES (DIPTERA). — Parmi les Diptères, la mouche (Weber 1977), qui compte parmi les Plaies d’Égypte (cf. supra, § 1.7), apparaît fréquemment en lien avec le courage au combat (Weber 1977 ; von Deines 1954 ; Schimitschek 1970 ; Malaise 1987 ; Schulz & Sabri Kolta 2013), illustrée principalement par les mouches d’or de la reine Iâhhotep, et considérée comme une récompense royale avec le lion (Marshall 2015a-b). Les écrits bibliques coptes associent les mouches à l’infection en opposition aux abeilles et au miel des Écritures (Aufrère & Bosson 2016), ce qui témoigne du sentiment égyptien attaché à ces diptères communiquant des maladies en raison de l’infection des yeux comme le rappelle Prosper Alpin65. Il faut considérer les hippobosques du chien d’Ed-Deir, abordées par Huchet (2016b, 58-59, fig. 4). Les moustiques 65 Histoire naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, 2 vol. (Collection des Voyageurs occidentaux en Égypte 20), Le Caire 1979, vol. 2, p. 207 [p. 398] : « Mais les plus pénibles, de beaucoup, sont les mouches ; à cause de leurs piqûres, en été, les Maures ont continuellement les coins des yeux infectés. »

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mènent également une ronde incessante autour des Égyptiens qui devaient constamment s’en protéger, d’autant que ces derniers sont les propagateurs de paludisme et de filariose (cf. infra, § 7.4). Sur les termes désignant les Diptères (Sarcophagidae, Hippoboscidae, Culicidae et Psychodidae) dans les scalae gréco-copto-arabes, voir aussi Aufrère 2017, 50-54. 4.4b. La communication de Florian Lipke66 reconsidère le problème de la mouche ayant fait l’objet d’un long débat égyptologique. Il évoque certaines curiosités des publications du début du XIXe siècle, notamment le catalogue de Passalacqua, qui ferait apparaître une cantharide (cf. infra, § 7.5). Ayant attiré l’attention sur le schéma établi par Thomas Staubli67 du fonctionnement des amulettes par rapport aux maladies, aux démons, aux fabriquants et aux porteurs, il repose le problème du diptère, en règle générale assimilé au guerrier courageux (cf. supra, § 4.4a), en le ramenant à la documentation cananéenne qui présente à plusieurs reprises des mouches sur des sceaux-cylindres ou des scarabées. Dans cette optique, plusieurs colliers de tradition mésopotamienne et des amulettes de Megiddo sont présentées : sceaux-cylindres représentant un personnage kassite surmonté ou accolé d’une mouche. Il est clair que la mouche représente les deux caractères, l’irritation qu’elle cause et la vénération de certains pouvoirs numineux comme le montre un scarabée sur le plat duquel le diptère semble dominer deux capridés. Il est vrai que l’altération des formes et la technique de fabrication entraîne bien des problèmes d’identification, mais il convient au final de considérer que les traditions égyptiennes et mésopotamiennes se réfèrent aux mêmes valeurs représentées par l’insecte et que, par conséquent, il convient d’étudier aussi bien le volet égyptien que mésopotamien. 4.5. SIPHONAPTÈRES (SIPHONAPTERA). — Depuis ces dernières années, les études d’archéoparasitologie, de plus en plus tournées vers l’ectoparasitisme en Égypte, se sont multipliées, afin d’établir un tableau archéoparasitologique du monde ancien. Certaines de ces études se subdivisent en approches spécialisées se rapportant à des cas observés en Égypte ; les autres représentent une inflation de productions de seconde main. Car cet ectoparasitisme est responsable de la propagation des maladies infectieuses (Cockburn 1971 ; Cockburn et alii 1998) ou des épizooties. Des vestiges archéoentomologiques de trente-cinq puces (Pulex irritans L., 1758) ont été découverts dans les fouilles du village des ouvriers de Tell el-Amarna (Panagiotopulu, 2001 ; Bain 2004, 85) — il s’agit des plus anciens vestiges de puces connus — vectrices potentielles de la peste bubonique causée par la bactérie Yersinia pestis (Panagiotopulu, 2004 ; 66 Florian LIPKE, « Annoying or Golden Divine ? The Status of the Fly in Ancient Egypt reconsidered ». 67 Thomas STAUBLI, « Amulette. Altbewährte Therapeutica zwischen Theologie und Medizin », dans G. Thomas & I. Karle (éd.), Krankheitsdeutung in der postsäkulären Gesellschaft: theologische Ansätze im interdisziplinären Gesprach, Stuttgart 2009, p. 91-116.

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Sever 2004) telle qu’elle serait décrite dans les Lettres d’Amarna. Des moyens comme l’eau de natron étaient appliqués pour s’en débarrasser d’après le P. Ebers 840bis (Bardinet 1995, 361 ; Veiga 2012, 67). On pouvait aussi recourir à de la conyze mêlée à du charbon selon le P. Ebers, 841 (Bardinet 1995, 361). Il est évident que le statut des prêtres, attachés à la pureté, les obligeait à une hygiène scrupuleuse et à se raser intégralement le corps tous les deux jours pour éviter la vermine (Siphonaptères et Phtyraptères) (Hérodote, Hist. 2, 37). On renverra ici à l’approche de la puce de Seth (cf. infra, § 6.4-6.5), considérée comme un vecteur négatif. On pourra consulter l’article d’Hermann et Anna Levinson (2001b) qui aborde différents moyens de prophylaxie contre les ectoparasites dans le Moyen-Orient antique, mais avec prudence. Les scalae gréco-copto-arabes peuvent aussi être mises à profit dans le domaine des Siphonaptères (Aufrère 2017, 55-57). 4.6. PHTYRAPTÈRES (PTHYRAPTERA). — Les principaux membres de cet ordre sont les lentes et les poux spécifiques à l’homme (Pediculus humanus L., 1758) qui ont suscité des études spécialisées relatives à l’ectoparasitisme puisque les poux, fréquents dans les perruques égyptiennes (Ruffer 1914 ; Fletcher 1994; 2000 ; Panagiotopulu, & Buckland 2009, 348 ; Bain 2004, 83 ; Zinck et alii 2008 ; Levinson & Levinson 2001b, 80-83) et sur des momies du British Museum (Robinson 2014 ; Leslie et alii 2005), se retrouvent aussi sur les peignes (Palma 1991), sans oublier qu’ils infestaient des corps découverts en Nubie (Cockburn et alii 1975 ; Ewing 1924 ; Armelagos 1969, 256-257). Si on désigne les choses par leur nom, les études d’archéophthyraptérologie ont rencontré un certain succès depuis le début du XXe siècle (Ruffer 1914 ; Ewing 1924) jusqu’à aujourd’hui (Mumcuoglu 2017). On renverra aussi à Aufrère 2017, 55-57. 4.7. HYMÉNOPTÈRES (HYMENOPTERA) (Audouin, 1809a, 455-458). — Horapollon (Hier. 1, 62) consacre à l’abeille un Hieroglyphicon et l’interprète comme le symbole de l’obéissance au roi tandis que la production de l’insecte, le miel, est apparentée à la clémence du souverain, et le dard de l’abeille à l’énergie royale dans la justice et l’administration. Depuis la reconnaissance faite par Latreille, les Hymnénoptères ne sont pas en reste puisqu’ils ont fait l’objet régulier de communications et d’articles, soit de caractère général dans des entreprises de vulgarisation sur l’abeille mellifère, l’apiculture, le miel et la ruche qui reposent tous à peu près, jusqu’à aujourd’hui, sur une même documentation revisitée en permanence (Ransome 1937 ; Newberry 1938 ; Kuény 1950 ; Crane 1985 ; Van de Walle 1988 ; Lobban 1994 ; Feierabend 2006 ; Gough 2009 ; Montes Nieto 2014 ; Feierabend 2015), des notices encyclopédiques (Leclant 1966, 1975), soit plus spécialisés comme l’abeille dans les Textes des Sarcophages (Pfouma 2004), dans les cultes de Basse Époque (Nagy 1974), sur l’abeille et la reconnaissance du concept de la

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lumière (Baqué-Manzano 2001), notamment sur la reconnaissance de la propolis (Bardinet 1999a-b) ou plus spécialisé comme la cinquième patte de l’abeille dans l’iconographie égyptienne (Evans 2016-2018). Cela dit, l’abeille et l’apiculture sont désormais bien connus tant à l’époque pharaonique (Feierabend 2009 ; Kritsky 1993, 2015) qu’à l’époque gréco-romaine d’après la documentation papyrologique (Chouliara-Raïos 1989). La guêpe n’est pas laissée pour compte (Störk). Il faut mettre en relief la révision complète du miel, sous l’angle de la consommation et de l’interdiction (Lafont 2017). Dans les scalae gréco-copto-arabes, l’ordre comprend l’abeille, la guêpe ou phalangion68, la ruche, l’abeille sauvage (Aufrère 2017, 44-48). 4.8. Dans une communication non publiée, Fabien Dérivaz69, a présenté un panorama assez large de cet hymenoptère et de sa problématique en soulignant l’image positive, symbole des enjeux écologiques. Passant en revue la lexicographie égyptienne et copte, il soulève l’ambiguïté de la désignation des Hymenoptères, sans oublier la citation essentielle du P. Salt 825. Cette introduction lui permet d’attirer l’attention sur plusieurs exemples de scarabées portant des silhouettes d’abeilles (12e-22e dynasties), sans oublier de beaux exemples naturalistes de l’époque séleucide. Choisissant la perspective d’étudier ce que représentent les abeilles dans les textes classiques, il achève sa présentation par deux poèmes en latin traduits en vieux français à caractère paradoxal tiré des Emblemata d’Alciat, à savoir Principis clementia et Ex bello pax qui reprennent respectivement le caractère pacifique mais aussi belliqueux de l’abeille. 4.8bis. En revanche, les Formicidae (Audouin 1809a, 458), à savoir les fourmis, insectes eusociaux, sont absents de l’iconographie égyptienne, mais ils sont bien présents dans les scalae gréco-copto-arabes (cf. Aufrère 2017, 48-49). Si Élien, qui parle beaucoup des fourmis, n’en signale pas d’égyptiennes, Prosper Alpin déplore leur nombre et leurs douloureuses piqûres70. On signalera les blastophages, de la famille des Agaonidae, qui servent à polliniser les fruits du sycomore (Aufrère 2017, 49, et n. 184). 4.9. HÉMIPTÈRES (HEMIPTERA). — On aura bien du mal à débusquer, parmi des espèces consommatrices de phloème, une cigale, un puceron, une cochenille ou une punaise dans l’iconographie égyptienne. Seule la punaise aquatique (Nepa cinerea L., 1753) se serait fallacieusement glissée dans le débat (cf. infra, § 8.4). 68

Sur l’opposition guêpe versus phalangion, voir Prosper Alpin, op. cit., vol. 2, p. 205 [p. 394-395]. 69 Fabrien DÉRIVAZ, « Les abeilles des Égyptiens : une histoire de représentation(s) ». 70 Prosper Alpin, vol. 2, p. 205 [p. 395] : « L’Égypte abonde en fourmis de toute espèce, beaucoup plus grandes que celles d’Italie ; leur morsure provoque une violente douleur, accompagnée d’une forte inflammation. Nous en avons vu beaucoup d’ailées et de volantes. »

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4.10. ORTHOPTÈRES (ORTHOPTERA). — Un examen de la bibliographie permet de constater que peu de travaux traitent spécifiquement des Orthoptères (sauterelles, grillons et criquets) (Audouin 1809a, 440-441). Les premières études sur les Orthoptères phytophages, et notamment sur les sauterelles et les criquets, sont dues à Keimer (1932 ; 1933a ; 1937 ; 1939) qui en a posé les bases, reprises par Emma Brunner-Traut (1977). Ils ont fait l’objet de plusieurs récentes marques d’intérêt, en tant que marqueurs de la renaissance (Germond 2011) ou envisagés dans les textes ptolémaïques (Sayed 2018), sans oublier la documentation papyrologique traitant des aspects dévastateurs de ces insectes (Bodson 1991) qui représentent la multitude dans la pensée égyptienne (Grapow 1928, 98) comme dans le cas de la Huitième Plaie d’Égypte. L’ordre est représenté dans les scalae gréco-copto-arabes (Aufrère 2017, 38-42). 4.11. MANTES (MANTODEA). — Keimer (1933b), le premier, fournit une étude sur un sarcophage de mante religieuse, à laquelle s’ajoute l’article de Lothar Störk (1977). Le sujet a été récemment revisité (Meeks 2010, 279-280 ; Evans 2004) et plus récemment, en lien avec le bantou (Ngidi 2005). 4.12. LIBELLULES ET DEMOISELLES (ODONATA). — L’ordre n’est pas absent dans l’iconographie à en croire l’article de Robert K. Liu (2001). Mais les libellules sont parfois confondues avec des sauterelles en vol (Keimer 1932, 149-150). Dorothée Arnold (1995, 31, fig. 32) a reconnu dans des objets des 12e-13e dynasties, des libellules (dragonflies) et des demoiselles (damselflies). Ces deux dernières, qui se nourrissent de larves de moustiques (cf. infra, § 7.4), auraient pu être considérées com-me des forces protectrices au service de l’homme. 4.13. SOUS-ORDRE DES HÉTÉROPTÈRES (HETEROPTERA). — Dans cet ordre, on considérera les punaises de lit (Cimex lectularius L., 1758) attestées à Tell el-Amarna (Panagiotopulu & Buckland 2001 ; Bain 2004, 84). On trouvera l’ordre en bonne place dans les scalae gréco-copto-arabes (Aufrère 2017, 42-44). 4.14. Cette section sur les Insecta est ici représentée dans ce volume par deux familles de coléoptères : les scarabées (cf. infra, § 5.1-5.10) et les Élatérides (cf. infra, § 6.6-6.7). Cela dit, vu sous l’angle de l’infectiologie, Insecta et Arachnida (cf. infra, § 6.1-6.5) peuvent être regroupés par commodité (cf. Jean 2014a-c)71.

71 Le tableau de JEAN 2014a, 5 fait figurer les tiques qui ne font pas partie des Insecta, mais des Arachnida.

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4.15. LES INSECTIFUGES. — La nuisance des insectes se perçoit à l’aune des divers moyens employés pour contrecarrer leur action. Ainsi perçoit-on la nécessité d’empêcher les vers de progresser en galeries dans les papyrus sous la forme d’encres incorporant de l’armoise (Aufrère 2001). Plusieurs plantes connues pour leurs qualités insectifuges sont nommées dans le remplissage de l’Œil d’Horus qui correspondent aux plantes employées dans le cadre de la momification, telles que la matricaire, le saule, le pyrèthre (Aufrère 1991, 200-303 ; 1999, 28-31 ; 2007, 250) destinées à repousser les insectes nécrophages (cf. infra, § 6.1-6.3). Il y a là un sujet à revoir sous l’angle de l’apport de ce colloque. 5. Une famille de coléoptères symbole de renaissance solaire : Scarabaeus sacer L., 1758 et bien d’autres espèces 5.1. LE SCARABÉE D’HORAPOLLON. — Dans l’ordre des Coléoptères, ayant particulièrement attiré l’attention des Égyptiens, le scarabée est omniprésent dans l’iconographie égyptienne. C’est aussi un des rares qui ait laissé une trace dans le domaine de la momiologie animale, vu que Claude Gaillard (1905, 154-156) publie onze sarcophages de scarabées provenant de Saqqâra72. Mieux que d’autres auteurs de l’Antiquité, Horapollon (Hier. 1, 10) lui consacre une notice résumant diverses croyances à son sujet. Consacrant un culte à Khépri, les Égyptiens le considéraient ainsi symboliquement comme expression matutinale du soleil (Minas-Nerpel 2006 ; Heerma van Voss 2004), car, en tant que force motrice invisible du soleil, il représentait, sur la base d’un cycle reconstitué, plusieurs concepts tels que la vie, le devenir, la renaissance autogène, la paternité. À ce propos, selon le même (Hier. 1, 12), le nom de l’Athéna égyptienne, la déesse Neith, qui passait pour hermaphrodite, était écrit à l’aide du sca-rabée (exclusivement mâle)73 et du vautour (dito femelle). 5.2. ÉTUDES PRINCIPALES. — Parmi les premiers, Keimer, décrivant des pendeloques en forme de coléoptères, distingua des Élatérides (1931b), des Buprestides (1931b, 159-162) et établit une liste d’insectes non identifiables (1931b, 162-170 ; 1936). Le scarabée sacré (Scarabaeus sacer L., 1758) a fait l’objet de maintes études dont la principale, après Anastase Alfieri (1956), qui en précise la véritable identité (cf. Stock 1949 ; Cherry 1985), a été la monographie d’Yves Cambefort (1987 ; 1994), travail de naturaliste repris très précisément sous un angle égyptologique par Martina Minas-Nerpel (2002 ; 2006). Ce dernier a été précédé par une étude complétant utilement les travaux de Cf. infra, Alain CHARRON, « Les momies et reliquaires de scarabées », ici même, p. 97-122. Cependant, il y a de grandes chances que le scarabée (ḫpr) ait été confondu avec un membre de la famille des Élatérides (n.t) ; cf. Anne-Sophie VON BOMHARD, « Neith et les mystères de Lanelater notodonta Latreille, 1827 », ici même, p. 139-156 : p. 141, n. 10. 72 73

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Keimer sur les coléoptères (Levinson & Levinson 2001a). Déjà les représentations de scarabée sur le front des chats en bronze avaient attiré l’attention d’Helmut Satzinger (1997). On se tournera cependant vers l’étude de Martin Andreas Stadler (2001) sur le scarabée en tant que symbole osirien d’après les sources tardives, et l’article de Gihane Zaki (2004) sur la valeur sacrée du scarabée. Les membres de la famille des Coccinellidae Latreille, 1807, se retrouvent dans la coiffure de la princesse Nofret déjà comme un porte-bonheur (Morfin-Erroux 2002). Quelques exemplaires de Prionotheca coronata Olivier, 1795, sorte de scarabée à l’abdomen hirsute et pouvant évoquer le rayonnement solaire, ont été reconnus dans la documentation de l’époque prédynastique (Keimer 1936, 91 ; Levinson & Levinson 1996). On signalera la problématique liée aux Coléoptères dans les scalae gréco-copto-arabes (Aufrère 2017, 33-38). Parmi les études consacrées aux scarabées ordinaires et aux scarabées de cœur, on mentionnera, pour mémoire, les ouvrages de Erik Hornung et Elisabeth Staehelin (1976), de Michel Malaise (1978) et surtout l’article « Skarabäus » du Lexikon de Robert Bianchi (1984) ainsi que l’ouvrage de Daphna Ben-Tor (1989) qui fournissent une importante bibliographie, en précisant que le scarabée peut se présenter sous un aspect anthropoïde (Lorand 2008) comme d’autres insectes tels que les Élatéridés dotés de mains (cf. Keimer 1931b, 151, fig. 2). 5.3. DE LA PILULE NḤP.T DU SCARABÉE AU MILIEU MATRICIEL (N)NW.t. — Dans la première contribution, Sydney H. Aufrère et Cathie Spiese74, dans une étude révisée en aval du colloque, proposent un recadrage critique de certaines questions qui ne pouvaient rester en l’état suite aux idées émises par l’entomologiste Yves Cambefort (1987 ; 1994). Ce dernier proposait des parallèles entre les étapes de la vie de Scarabaeus sacer L., 1758, et celles de la renaissance solaire, et illustrant le principe du créateur autogène (ḫpr-ḏs⸗f), dans la religion égyptienne. Ce faisant, ils reconsidèrent également l’étude d’Hermann et Anna Levinson (2001a) qui, passant sous silence les travaux d’Y. Cambefort, s’étaient lancés a posteriori dans une démarche similaire. 5.4. Dans un premier temps sont abordées les limites des liens entre la pilule stercorale du scarabée, à savoir l’objet façonné nḥp.t par le scarabée à l’instar d’un potier, et l’objet oblong que les textes nomment (n)nw.t. Les auteurs ont procédé à la vérification du cycle de reproduction de S. sacer et les stades de façonnage de la pilule stercorale — provisoire (stades A et B) puis piriforme (stade C) d’où émerge l’imago — en les comparant aux vocables et expressions égyptiens qui s’y rapportent. Le langage adopté à propos du scarabée montre 74 Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER, « La pilule nḥp.t, le milieu matriciel (n)nw.t et la renaissance solaire. Aspects du cycle de reproduction de Scarabaeus sacer L., 1758 et limites religieuses de l’observation naturaliste », ici même p. 59-95.

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que les Égyptiens se sont plutôt limités à une projection mentale de son cycle en déduisant que la reproduction de S. sacer n’était pas sexuée dans la mesure où, ignorant le moment de la ponte souterraine par la femelle, ils n’avaient pas repéré de solution de continuité dans la forme de la pilule. Ils ont établi un lien de causalité entre la pilule sterdorale nḥp.t, son enterrement et l’émergence de l’imago. Cette projection mentale et l’arrière-plan naturaliste qu’il intègre, émerge de la lecture des auteurs anciens tels qu’Apion d’Alexandrie chez Pline l’Ancien, Plutarque, Élien, Porphyre et Horapollon, lequel livre un tableau des plus complets sur le scarabée égyptien et ayant fasciné les naturalistes. 5.5. La problématique de l’objet / la matière (n)nw.t est abordée en recensant tous les exemples connus du mot, uniquement attestées dans les recensions royales telles que le Livre de l’Amdouat et le Livre des Cavernes. On aboutit à l’idée que l’objet / matière (n)nw.t différente de la pilule stercorale, constitue la base même du milieu nourricier anticipant la pilule sphérique d’où renaîtra, dans l’esprit des Égyptiens, l’imago, associé à la bouse de vache jusqu’à ne faire qu’un avec celle-ci et en associant les défunts à cette résurrection dans la Douat. Il semblerait que cette (n)nw.t, qui ne se confond pas avec la Douat, représente, d’un point de vue symbolique, un milieu protecteur et régénérateur employé à dessein, sous forme d’enveloppe fabiforme, dans l’iconographie des tombes royales. C’est apparemment dans un tel milieu nourricier, qu’Horus renaît du cadavre de son père Osiris, nommé Cadavre-d’Osiris. Les auteurs ont réfuté, d’une part, l’analogie proposée par Y. Cambefort entre la scène montrant Cadavre-d’Osiris dans son enveloppe fabiforme et la larve coprophage dans la boule stercorale piriforme (stade C), dans la mesure où le cycle œuf-larvenymphe-imago ne serait pas reconnu par les Égyptiens, et d’autre part, le parti tiré par Cambefort de la 12e Heure du Livre des Portes comme une Douat équivalent de la (n)nw.t. 5.6. En revanche, changeant de registre, les auteurs ont cru bon d’associer le célèbre décor de la Crypte ouest no 3 de Dendara qui évoque le cycle de renaissance du Créateur autogène en l’explicitant sous le rapport du cycle biologique de S. sacer. 5.7. LES SARCOPHAGES DE SCARABÉES. — L’enquête d’égyptologie et de muséographie due à Alain Charron75 permet d’effectuer un vaste tour d’horizon d’une grande partie des objets conservés dans les collections et qui attestent de la dévotion portée au scarabée. Ce panorama permet de constater la présence de pièces curieuses dans maintes nécropoles d’Égypte : Abydos, Saqqâra, Touna el-Gebel, Tanis. Ces objets sont recontextualisés sur le plan archéologique en notant, pour Saqqâra, que les scarabées groupés, placés dans une jarre 75

Alain CHARRON, « Les momies et reliquaires de scarabées », ici même, p. 97-122.

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avec des momies d’ibis, n’appartiennent pas uniquement à l’espèce Scarabaeus sacer, tandis qu’une autre jarre associe des musaraignes et un scarabée sacré. Parmi les exemples donnés, citons le dépôt le plus marquant en raison du nombre d’objets — objets cultuels périmés comme reliquaires-scarabées avec une ouverture pour placer l’animal — : celui de Tanis, étudié par Christiane Zivie (cinquante scarabées en calcaire, en plâtre-mortier et en terre crue). 5.8. En définitive, de nombreux scarabées sont préservés dans des paquets et mêlés à d’autres espèces, moins importants que d’autres. Ces momies ne devaient pas être très nombreuses à l’origine et les sarcophages, de petite taille, privilégient plutôt l’inhumation individuelle. 5.9. Parmi les objets exceptionnels, il signale le seul reliquaire en bronze du Brooklyn Museum abritant un scarabée rhinocéros, une espèce non coprophage mais assimilée au bousier. Il indique également des résidus et des pilules de bousier complètes placés dans une nécropole et de provenance inconnue. L’étude d’Alain Charron est pour notre propos une précieuse approche technique de tous les types d’objets conservés, étude indispensable dès qu’il s’agit d’aborder un problème aussi pointu de l’histoire naturelle. 5.10. On s’attardera ici sur la communication d’Othmar Keel, « Le succès des scarabées égyptiens en Palestine pendant l’époque du bronze Moyen II B (env. 2100-1500 av. notre ère) » dont on peut donner un aperçu. L’auteur convie à revisiter la problématique des scarabées de Palestine. Après avoir retracé, entre l’Ancien Empire et le Moyen Empire, l’origine des pièces, inspirées de l’insecte ayant connu le plus grand succès dans l’imagerie pharaonique, on s’aperçoit que le type d’objet connaît une assez large diffusion, de sorte qu’on en trouve un certain nombre dès la 12e dynastie à Byblos puis on en trouve des centaines dans les niveaux de fouilles palestiniennes du Bronze moyen II B, scarabées qui ont nourri un débat sur le problèmes de provenance, mais certains sont clairement des productions locales identifiables à des signes hiéroglyphiques illisibles. Un groupe de scarabées et de sceaux-cylindres se distingue en particulier par des motifs typiques du Levant méridional. Que représentaient les scarabées pour les Cananéens, sinon le fait que la culture égyptienne est imprégnée d’un goût pour la magie et le fait que le scarabée est en lien avec la course du soleil. C’est donc, associé à d’autres signes comme le lotus, un signe de régénération qui permet d’exprimer un symbole de force vitale et de renouveau. Certaines pièces peuvent comporter des noms et des titres même si la plupart des objets se limitent à une pseudo-écriture hiéroglyphique. Pour les Cananéens, les scarabées avaient deux fonctions : éloigner le mal et favoriser les forces positives avec le rameau ou le capridé avec l’uraeus comme appendice caudal, un signe que l’on retrouvera plus tard chez le dieu Toutou. Par conséquent, des signes tels que le soleil, l’or, l’ânkh, la

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protection sa, le scarabée kheper, l’œil oudjat, et les signes nefer sont autant de signes prophylactiques. Mais le fait d’adopter des usages culturel égyptiens était une mode en Canaan comme le prouvent l’emploi de scarabées et l’exportation de statuettes égyptiennes de scribe. Selon le statut social, on trouvait sur les plats de scarabées, des personnages cananéens en robe environnés de hiéroglyphes égyptiens, mais aussi parallèlement nombre de scarabées avec la déesse cananéenne nue. Bref, ces objets, évoquant une relation prestigieuse avec l’Égypte, émanent en particulier des cours des roitelets cananéens. 6. Coléoptères et Diptères thanatophages. — Élatérides sauteurs et voyageurs 6.1. LES THANATOPHAGES. — Dans le cadre de l’étude appliquée à la momiologie égyptienne, les premières observations sur les espèces relatives au ballet des huit escouades de la mort, celles qui accompagnent les phases de la dégradation du cadavre, formées de nombreuses espèces d’insectes nécrophages (Diptères, Coléoptères, Lépidoptères) et d’Arachnides (Acariens)76, remontent au commentaire fait par le naturaliste florentin Antonio Vallisnieri (1661-1731) à propos d’une lettre datée de mai 1710 que lui adresse un autre Florentin, le lithotomiste Tommaso Alghisi (1669-1713) (1713, 90-91, 95-96, pl. 3)77. Il faut ensuite attendre l’année 1812 avec une lettre adressée par Constantin P. Brard (1812) à Champollion-Figeac (1812 ; cf. Rochas 2009) — information que l’on retrouve chez Millin (1814) — qui atteste la reconnaissance de Necrobia rufipes DeGeer, 1775 (= N. mumiarum Hope, 1834 ou N. rufipes Fabricius, 1781) (Huchet 2010, 36-37). L’intérêt pour les Diptères et les Coléoptères (Dermestidae) thanatophages est constant jusqu’à aujourd’hui, jalonné par les travaux de Pettigrew (1834, 54-55), Jakob Escher-Kündig (1907), Charles Alluaud (1908), Pierre Lesne (1930), Anastase Alfieri (1931), Keimer (1936, 91), Curry (1979), Strong (1981), Steffan (1982, 1985), Garner (1986), Seifert (1987), Schaumar et alii (1990) et bien d’autres (Harrison 1986 ; Girard & Maley 1987 ; Adams & Strong 1990 ; Macke & Macke-Ribet

76 Voici pour mémoire les phases et les huit escouades de la mort telles qu’elles sont établies : I. TROIS PREMIERS MOIS : 1re escouade : Diptères appartenant aux familles des Calliphoridae et des Muscidae ; 2e escouade : Diptères aux familles des Calliphoridae et et des Sarcophagidae. 3e escouade : des Coléoptères de la famille des Dermestidae et des Lépidoptères de la famille des Tineidae. II. DE 3 À 6 MOIS : 4e escouade : Diptères appartenant aux familles des Syrphidae, des Piophilidae, des Muscidae, ainsi que par des Coléoptères de la famille des Cleridae. III. DE 4 À 8 MOIS : 5e escouade : Coléoptères des familles des Silphidae et Histeridae et d’autres Diptères appartenant aux familles des Muscidae et des Phoridae. IV. DE 6 À 12 MOIS : 6e escouade : Arachnides (Acariens). V. DE 1 À 3 ANS : 7e escouade : Coléoptères de la famille des Dermestidae et de Lépidoptères de la famille des Tineidae et des Oecophoridae. VI. APRÈS 3 ANs : 8e escouade : Coléoptères des familles des Tenebrionidae et des Ptinidae. 77 Cf. HUCHET 2010, 35-36.

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1994 ; Gerisch 2001 ; David 2000, 384 ; Leslie et alii 2005 ; Huchet 1995 ; 1996 ; 2010 ; 2014 ; 2016a) sans oublier l’étude des tiques et des hippobosques (Huchet, Callou, Dunand & Lichtenberg 2013 ; Jean 2014a-c). L’étude des insecticides naturels (Panagiotopulu, Buckland, Day & Doumas 1995) ne fait pas défaut au tableau. Le processus de succession dans le temps des escouades de la mort n’était sans doute pas compris dans son intégralité par les Égyptiens de l’Antiquité, mais deux familles dominaient ce tableau : les Diptères infestant le corps dès la survenue de la mort et les Coléoptères nécrophages qui s’attaquaient à la momie dans son caveau et avec lesquels les Égyptiens étaient plus ou moins familiarisés. 6.2. De telles études montrent clairement la crainte que les insectes, vecteurs de tant de dégâts sur les récoltes et sur les corps et une fois ceux-ci transformés en momies, pouvaient faire peser sur des individus dont la survie dépendait de la conservation de leurs réserves frumentaires, de leurs denrées périssables et ayant à cœur de conserver intacts les cadavres ainsi que les offrandes carnées afin de prolonger l’au-delà des défunts. 6.3. L’INSECTE NÉCROPHAGE ET LA PENSÉE ÉGYPTIENNE. — Faisant suite à plusieurs contributions (1994 ; 2006 ; 2011) où elle s’était déjà penchée sur les nécrophages, la présentation de Nadine Guilhou78 s’inscrit dans la même perspective que celle de Thierry Bardinet (cf. infra, § 7.2-7.4). Son étude porte prioritairement sur les procédés magiques considérés empêcher la putréfaction du cadavre, ce qui l’amène à examiner rapidement les escouades d’insectes qui viennent se poser sur les corps pour les détruire (cf. supra, § 6.1). Ces procédés magiques secondent les procédés techniques (baumes, etc.). Délaissant l’étude des escouades proprement dites, elle observe que les espèces privilégiées, d’un point de vue iconographique, sont les Coléoptères, les Diptères n’étant pas représentés, dans ce cadre, par les Égyptiens. 6.4. Elle s’attelle à la Formule 36 du Livre des Morts « pour repousser l’insecte nécrophage », qui évoque l’insecte âpchaÿt (cf. infra, § 7.3) ce qui lui permet de détailler la représentation de l’animal à l’aide de ses divers classificateurs : tortue, scarabée, bref des animaux à carapace qui évoquent le caractère négatif de l’insecte nécrophage, des classificateurs, insiste-t-elle, qui ne permettent pas d’identifier l’animal, lequel ne présente jamais d’antennes, sauf dans deux cas dont l’un pourrait évoquer la puce (cf. supra, § 4.9), qui peut, en se glissant sur le corps du défunt, jouer le rôle de Seth. En général, il s’agit d’animaux séthiens dont il faut également se prémunir pour conserver les pièces de viande, puisqu’il s’agit de nécrophages figurant en bonne place au sein des listes d’objets des sarcophages du Moyen Empire. 78 Nadine GUILHOU, « Repousser l’insecte nécrophage. Procédés magiques et pratiques rituelles », ici même, p. 125-138.

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6.5. Cela dit, elle aborde justement la Formule 49 des Textes des Sarcophages où il est question de la puce (cf. supra, § 4.5) et de la veillée horaire dans l’ouryt. Plusieurs scènes montrent le corps d’Osiris momifié gardé par Isis et Nephthys accompagnés de génies funéraires et gardiens brandissant des geckos ou des serpents évoqués de différentes façons (il en existe même en ronde bosse dans la tombe de Montouemhat), animaux protecteurs contre les insectes nécrophages, en précisant qu’ils sont destinés à contrecarrer l’action de Seth sous la forme d’une puce se glissant sur le corps d’Osiris. L’auteur propose une reconstitution de cette veillée autour du cadavre, au cours de laquelle l’émission de bruit au moyen de cymbales, sous l’éclairage de torches, permet d’éloigner les mauvais esprits avant la sortie de la salle de momification. 6.6. LES MYSTÈRES DE LANELATER NOTODONTA LATREILLE, 1827. — Après la puce, Siphonaptère sauteur considéré comme l’expression de Seth, vient un autre insecte connu pour ses capacités saltatoires et considéré symboliquement d’une façon positive. Keimer (1931b, 147-159) est le premier à avoir reconnu, dans l’iconographie égyptienne, en lien avec la déesse Neith de Saïs, un membre de la famille des Elateridae, sous le nom d’Agrypnus notodonta Latreille (= Lanelater notodonta Latreille, 1827), et voir en lui une façon pour les défunts de s’attirer les faveurs de la déesse. Grâce à Anne-Sophie von Bomhard79, qui a généreusement accepté d’exposer le dossier complet de cet insecte à la demande des éditeurs, de façon à étendre utilement le spectre du colloque, il est possible de revisiter la problématique de cet insecte qu’elle avait utilement étudiée à l’occasion de son travail sur le Décret de Saïs (2012, 125-130). 6.7. Présentant la documentation évoquant L. notodonta, l’auteur expose comment se construit l’idée des rapports entre l’insecte, très répandu sur les rives du Nil, et la déesse Neith. En effet, ce dernier, simulant la mort, est capable, grâce à un saut impressionnant dû à une faculté qui lui est propre, de se mettre hors d’atteinte d’un prédateur. Mais il est clair que cette détente particulière, qui s’effectue avec un bruit sec, présenterait des analogies avec le décochage d’une flèche, qui constitue, avec l’arc, l’arme principale de la déesse. Mais en même temps, elle repose la problématique de la reconversion iconographique, après l’Ancien Empire, des deux insectes originellement présents sur les objets funéraires, en symboles bilobés de Neith. Elle y associe la problématique connexe du palmier-dattier mais aussi celle des deux drapeaux du temple de Neith dans l’iconographie saïte, ce qui lui donne l’occasion d’un recadrement critique de ces questions en lien avec L. notodonta. D’où il appert que ce dernier, en vertu de ses propriétés saltatoires, serait associé à la notion d’exhaussement, de soulèvement, non sans que l’auteur reconnaisse les difficultés d’une telle hypothèse. Anne-Sophie VON BOMHARD, « Neith et les mystères de l’insecte Lanelater notodonta Latreille, 1827 », ici-même p. 139-156. 79

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7. Insectes au sens large : de l’entomopharmacologie aux vecteurs de maladies parasitaires 7.1. Cette partie retroupe plusieurs contributions permettant de mettre en relief différents aspects de l’emploi des insectes dans la pharmacologie égyptienne et les insectes comme vecteurs de maladies parasitaires. 7.2. LA

PHARMACOLOGIE ÉGYPTIENNE POUR SOIGNER LES PIQÛRES D’INSECTES

— Dans sa contribution, Thierry Bardinet80, après avoir précisé les informations du titre et les difficultés liées au problème grâce aux exemples du scarabée et de l’hyménoptère chimérique utilisé par les Égyptiens à la place de l’abeille, s’étonne de ce que les insectes qui, pourtant mènent la vie rude à l’homme, ne font pas l’objet de nombreux remèdes prophylaxiques, à défaut de deux, un contre les puces (cf. supra, § 4.5, 6.4-5) dans le P. Ebers et un autre contre les moustiques (cf. infra, § 7.4), il n’est spécifié aucun produit pour lutter contre les poux (cf. supra, § 4.6) alors que ces derniers sont bien attestés par les textes. ET AUTRES REMARQUES.

7.3. L’importance des insectes propagateurs de maladies est cependant une constante, qui nécessite des conjurations contre différents vecteurs comme les mouches, puisque ce sont celles-ci qui véhiculent les substances pathogènes. On cherche autant à protéger le patient que le praticien, notamment à l’aide du pyrèthre. Contrairement à la médecine actuelle, qui peut recourir à l’asticothérapie (Sarcophaga et Lucilia) qui permet d’éliminer les chairs mortes des plaies, les Égyptiens s’en prennent systématiquement à la vermine d’après le P. Hearst. Thierry Bardinet aborde également un passage du papyrus médical de Londres qui pourrait faire allusion à la myase cutanée, causatrice d’inflammations très douloureuses soignées par la magie en vertu d’une croyance en un processus nécrotique, engendré par une entité vivante. Mais il est clair que l’insecte qui est le plus craint est l’insecte âpchaÿt, qui ne s’attaque qu’aux corps des défunts et conséquemment comme les morts osiriens sont la crainte des médecins, on lutte conte ces morts en leur opposant l’insecte âpchaÿt, faisant loi du principe : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis. » L’étude ici rejoint opportunément sous un autre angle celle de Nadine Guilhou (cf. supra, § 6.4). 7.4. LE MOUSTIQUE ÉGYPTIEN, VECTEUR DE LA MALARIA ET DE LA FILARIOSE. — La rédaction de la présente introduction a permis de relever quelques discrépances, de sorte que certains insectes nuisibles, vecteurs de maladies parasitaires, n’étaient pas pris en compte, bien qu’il ne soit pas certain qu’une telle corrélation eût été établie entre les premiers et les secondes. En conséquence Thierry BARDINET, « Quelques aspects du « monde du minuscule » dans la pensée médicale de l’Égypte ancienne », ici même p. 159-174. 80

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de quoi l’auteur a cru bon de consacrer la première contribution égyptologique à la connaissance du moustique égyptien et à ses maux, sur la base du commentaire d’un passage emprunté à Hérodote (Hist. 2, 95)81, souvent traité sans être approfondi. Étendant la base de la problématique liée au moustique, il a étudié le phlébotome, vecteur de la leischmaniose. La contribution passe ainsi en revue la littérature égyptienne, la littérature classique ainsi que certains auteurs modernes pour vérifier l’assertion d’Hérodote selon laquelle les Égyptiens s’en seraient protégés en montant sur des tours pour dormir et en s’enveloppant dans des filets de pêcheurs préfigurant les moustiquaires de l’époque gréco-romaine. 7.5. LA PHARMACOPÉE GRÉCO-ROMAINE ET LA CANTHARIDE. — En tant que spécialiste de l’histoire de la médecine et papyrologue, Marie-Hélène Marganne82 traite des insectes dans la pharmacopée de l’Égypte grécoromaine, en présentant tout d’abord la documentation, à savoir trois cents papyrus médicaux, dont plus de la moitié contient des receptaires ou des formules isolées, et elle livre un panorama des usages du contenu de ces papyrus. D’emblée, elle prend le parti de comparer les sources papyrologiques aux sources littéraires. Focalisant son regard sur les cantharides (Lytta vesicatoria L., 1758), qui permettent d’obtenir la cantharide officinale, substance connue pour ses propriétés vésicantes, employée dans des topiques cutanés, aujourd’hui abandonnés, celles-ci sont attestées par trois témoins, dont deux originaires d’Oxyrhynque dont le pOxy 8.1088 qui appartenait à un praticien. La cantharide est employée comme topique contre la « lèpre », non pas celle de Hansen, mais une infection squameuse. Dans le PSI 1180 de Tebtynis, on touve les vestiges d’un réceptaire où les cantharides sont employées pour remédier à d’autres infections cutanées telles le lichen — notamment malin —, dans une recette attribuée à Aelius Gallus, second préfet d’Égypte. Nombre de recettes ont été attribuées à cet auteur, rédigées au retour de l’expédition catastrophique d’Arabie. Le troisième document, le pOxy 80.5249, parle d’un thorax de cantharide. Comparées, les recettes présentent un certain nombre d’ingrédients communs dans la mesure où ils proviennent de deux sites papyrogènes importants et l’on pourrait imaginer une médecine pratiquée, à l’origine, par le clergé égyptien, mais la réponse n’est pas simple, puisque le biotope favorable aux cantharides est très large. Les médecins emploient les cantharides en usage externe et en connaissent la toxicité. L’auteur cite pour finir plusieurs exemples tirés des sources, dont le kosmetikkon de Cléopâtre. Cette contribution offre l’avantage d’être le premier dossier exhaustif sur la 81 Sydney H. AUFRÈRE, « Le “moustique” d’Hérodote (Hist. 2, 95), diptère (moustique, phlébotome) importun et vecteur de maladies parasitaires mortelles », ici même, p. 175-194. 82 Marie-Hélène MARGANNE, « L’utilisation des insectes dans la pharmacopée de l’Égypte gréco-romaine », ici même, p. 195-218.

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cantharide, dont l’usage naît probablement dans le cadre alexandrin, et notamment dans celui d’une médecine de cour coûteuse. 7.6. CHERCHER LA PETITE BÊTE DANS LES PAPYRUS MAGIQUES GRECS. — Magali de Haro Sanchez83 a défini quelques concepts se rapportant au sujet (logos, praxis), aux sources (littéraires, épigraphiques et papyrologiques), et aborde les différents types de magies, avant de présenter le catalogue des insectes que l’on découvre dans ce domaine. 7.7. L’état des lieux ayant été fait, elle relève dans les formulaires de l’époque romaine et byzantine trente-cinq charmes rapportant l’utilisation d’insectes. On trouve tour à tour des amulettes employant la bruche de la fève (PGM LXIII, 24-25) qui entre en jeu dans la contraception, car les graines mangées par les brûches ne germent plus. Il est question des vers, de la sangsue (bdella)84. Le scarabée est fréquemment employé en lien avec Khépri, ou Hélios (cf. supra, § 5.1-5.10). On utilise une pilule de bousier (PGM I, 222) ou des scarabées à suspendre respectivement dans des rituels d’invisibilité ou d’immortalité. Le volet des insecticides, notamment contre les puces et les punaises (PGM VII, 149-154), doit probablement — réflexion qui n’étonnera personne — recouper un dossier égyptien (cf. supra, § 4.5, 4.15, 6.4-6.5, 7.2). La mouche est prescrite pour favoriser la vision directe, puisqu’elle se glisse partout, fait corroboré par des documents latins (PGM VII, 335-347). Entre différents insectes associés à la composition de recettes on trouve également la guêpe-lion, à savoir un hapax et il est question d’un lien entre les tiques (cf. infra, § 8.1, 8.3, 8.5) de chien mort et la recherche du plaisir sexuel (PDM xiv, 430-435). Le scorpion, lui, est omniprésent, notamment en lien avec la crainte qui s’inscrit dans une démarche prophylactique. Plusieurs rituels contre des piqûres de scorpion, rituel d’exorcisme contre cet arachnide (PGM VII, 193-96 ; XXVIIla, 1-7 ; XXVIIIb, 1-9 ; XXVIIIc, 1-11 ; CXII, 1-15 ; CXIII, 1-4 ; CXIV, 1-14), sont attestés (cf. supra, § 1.5 ; infra, 9.3, 10.4-10.5). Bref, quoique ces papyrus écrits en grec, émergent de fouilles urbaines égyptiennes, et peuvent être des marqueurs d’identité ou d’origine de groupes culturels différents, les genres et les espèces qu’ils décrivent appartiennent bien à l’écosystème égyptien.

Magali DE HARO-SANCHEZ, « Les insectes et la magie : chercher la petite bête dans les papyrus magiques ». 84 On renverra à Sydney H. AUFRÈRE, « Une comparaison du démon à la sangsue chez Chénouté (ms. Ifao Copte 1, f9v33-10r12) », dans B. Bakhouche & Ph. Lemoigne (éd.), « Dieu parle la langue des hommes ». Études sur la transmission des textes religieux (Ier millénaire) (Histoire du Texte biblique 8), Lausanne 2005, p. 165-178. 83

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ARACHNIDA (CUVIER, 1812) 8. La question des Arachnida 8.1. Parmi les Arachnides les mieux connus en Égypte ancienne, figurent, pour s’en tenir au monde visible, les différents ordres des Araignées, des Scorpions, et des Solifuges. On y ajoutera le superordre des Parasitiformes qui comprend les tiques. Le superordre des Acariens ressortit à l’ordre du miniscule ou de l’invisible. Bien entendu, l’ordre des Scorpions (Scorpiones) est le plus visible du phyllum des Arthropodes du point de vue iconographique alors que les autres sont souvent laissés de côté. Le nombre de publications attaché à cet ordre est clairement le plus élevé de tous les travaux consacrés aux Arthropodes égyptiens. 8.2. ARAIGNÉES (ARANEAE). — La problématique des Araignées remonte indirectement à la publication du hiéroglyphe évoquant un arthropode octopode, publié par Keimer (1936, 113, fig. 186). L’iconographie est si étrange que Keimer, qui étudie le scarabée ḫpr, ne songe même pas à y voir un membre de l’ordre des Aranae, alors que l’animal ne fait manifestement pas partie des Insecta qui sont hexapodes. La problématique des Araignées a été abordée tout d’abord par Hoffmann (1998) puis par Meeks (2010, 284-286). Oum Ngidi (2005) aborde un rapprochement entre l’araignée en égyptien et en bantou. Voir aussi les scalae gréco-copto-arabes (Aufrère 2017, 60-62). 8.3. SCORPIONS (SCORPIONES). — En Égypte, les scorpions (Audouin 1809a, 409-414), qui comptent un grand nombre d’espèces (sur la biologie et l’élevage des scorpions, voir Vachon 1952 ; Dupré et alii 1998), est considéré comme une force dangereuse susceptible, dès l’époque prédynastique (Hendrickx & Adams 2003), d’être vénérée. C’est aussi l’arthropode le plus représenté dans les contextes magiques, avec les serpents et autres animaux dangereux — avec les lions et antilopes — entre les mains d’Horus. Le regard scientifique s’est davantage porté sur les Scorpiones que sur deux autres ordres (Aranae et Anactinotrichida), bien qu’un article récent fasse un tour d’horizon sur l’iconographie des araignées, tiques et scorpions (Evans 2015), sans compter l’article de Peter Behrens (1984) qui fait un tour d’horizon pour l’Égypte ancienne85. Une des premières études ethnoarthopodologiques sur cet arachnide — qui fait l’objet d’une approche naturaliste récente (Pryke 2016) — est due à Frank Cowan (1865), qui s’occupe également des araignées. L’article d’Hippolithe Boussac (1908), l’associe à deux autres animaux : la tortue et le lézard. Une 85 Voir l’article de A. STIER, « Spinnentier (Skorpione) » dans la Pauly-Wissowa pour les références au monde classique.

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présentation générale de l’animal dans le domaine de la mythologie, du folklore et de l’histoire est due à John Cloudsley-Thompson (1990). Le nom du scorpion en égyptien et en copte a fait l’objet de quelques remarques (Delattre 2000 ; Anselin s.d.) mais aussi d’études sémantiques comparatives (Anselin 2012) ainsi que dans les scalae gréco-copto-arabes (Aufrère 2017, 58-60). Mais c’est surtout son caractère magique et divin sous son nom de Ta-Bithet (Van de Walle 1967 ; 1972), Hededyt, Isis-Scorpion et Isis au scorpion qui a prioritairement suscité l’intérêt des égyptologues (Goyon 1978). La présence des scorpions venimeux dans les papyrus fait l’objet de plusieurs travaux dont l’ouvrage de Jean-Claude Goyon sur le Papyrus prophylactique de Brooklyn (2016) ainsi que la thèse d’Hélène Chouliara-Raïos (2008) et d’autres concernant la documention papyrologique iatromagique grecque (Dalrymple 2007 ; De Haro Sanchez s.d.). On a la preuve de l’existence d’un corps de soignants — des conjurateurs de Serqet (ḫrp.w-Srq.t) — et de ramasseurs de scorpions (šd.w wḥ῾w.t), uniquement attestés au Sinaï, lors des expéditions envoyées dans le désert (Tallet 2002). Dans ce dernier, des formules sont placées à des endroits stratégiques (Steiner 2001). La dangerosité des scorpions, que traduit l’existence d’amulettes sur papyrus, ou la mortalité liée à ces arachnides à l’époque gréco-romaine, font respectivement l’objet des études de Pieter J. Sijpesteijn (1976a-b) et, plus anciennement, de Marcus Tod (1939). Mais on trouvera déjà maintes informations ailleurs. Il a été tiré parti de l’histoire des scorpions de Coptos relatée par Élien (Rouffet 2015). Les amulettes magiques contre les serpents et les scorpions figurent encore parmi les documents coptes et arabes (Schienerl 1982 ; Schulz & Sabri Kolta 1998 ; Aufrère 2009). L’ouvrage récent de Magdalena Stoof (2002) sur le scorpion et la déesse scorpion fait un point, sans oublier les articles de Pascal Vernus (2011) et de Mark Collier (2016). L’animal reste également très présent dans la tradition araboislamique (Canova 1991). 8.4. SOLIFUGES (SOLIFUGAE). — De la part des Égyptiens, une connaissance spécifique des solifuges (Solifugae Sundevall, 1833) ou galéodes, bien que parfaitement attestés en Égypte, n’est pas encore pleinement discernable si on se réfère à la littérature égyptienne. Elle reste, pour l’instant, de l’ordre de l’hypothèse (Meeks 2010, 285 ; Aufrère 2013-2014, 23-24 ; 2017, 58-59). Il serait pourtant étonnant que l’animal ne fût pas connu sous une dénomination ou une autre. 8.5. PARASITIFORMES (ANACTINOTRICHIDA). — Comme on l’a vu, ces derniers regroupent les tiques (Evans 2015). On parle parfois d’archéoacarologie. Les tiques (ordre des Ixodida, Leach 1815) ont également été repérées (Huchet, Callou, Dunand & Lichtenberg 2013) lors de l’examen d’une momie de chien (Huchet 2016b, 56, 60, 61 fig. 8 ; Jean 2014a, 11-12). D’aucuns pensent qu’il existerait même des représentations de tiques dans l’iconographie égyptienne

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(Arthur 1965 ; Huchet 2016b, 61 fig. 8c)86. Sur le nom de la tique dans les scalae gréco-copto-arabes, voir Aufrère 2017, 62-63. 9. Le scorpion de Serqet désambiguïsé 9.1. UNE FIGURINE DE SCORPION ARCHAÏQUE DEVENUE RADICOGRAMME (L7). — Cette partie ne comprend qu’une seule étude conçue en aval du colloque. Elle se propose de désambiguïser les liens supposés entre un insecte — la nèpe (Nepa cinerea L., 1758) et un arachnide — le scorpion — selon la thèse de Frédérique Von Känel (1983) et reprise par Magadalena Stoof (2002). En effet, au vu des contributions présentées au cours du colloque et les textes proposés à la publication, cette théorie entraînait des discrépances d’un point de vue archéo- et ethnoarthropodologique concernant les scorpions égyptiens, en laissant croire que, sur la base d’étranges raisons de morphologie, les habitants de la basse vallée du Nil auraient rapproché la nèpe grise, insecte aquatique minuscule de la famille des Nepidae, du scorpion (Spieser 2001 ; 2006), arachnide dont certaines espèces égyptiennes peuvent atteindre jusqu’à treize centimètres de long, en somme un géant par rapport à l’insecte. Dans un ouvrage comme celui-ci, où les contributions étudiant des aspects de cet arachnide sont majoritaires, il était impossible de laisser subsister plus longtemps une telle ambiguïté sur la ligne d’horizon. 9.2. Sydney H. Aufrère et Cathie Spieser se sont attelés à cette tâche87. Réunissant les preuves iconographiques, ils démontrent que le radicogramme L7, lui-même ayant évolué tardivement vers d’autres radicogrammes (L25) employés comme déterminatif du nom de la déesse Serqet, dérive d’un prototype stylisé de scorpion archaïque remontant à l’époque thinite. Le travail, en deux parties, traite tout d’abord, de façon détaillée, du processus iconographique dont dérive le radicogramme L7 de Gardiner. L’article repose ainsi à nouveaux frais la question des prétendus rapports entre la nèpe et le scorpion au plan anatomique, en recherchant ce qui les rapproche ou, au contraire, ce qui les différencie. L’analyse montre que certains modèles ne peuvent être interprétés comme des animaux appartenant à la classe des Insecta en raison de l’absence d’ailes et en raison de sections visibles de l’abdomen et évoquant des tergites et que dès lors la théorie d’un scorpion-nèpe perd de son sens. D’autres théories portant à penser à des Belostomatidae, punaises d’eau également dotées de siphons aérifères : Lethocerus cordofanus Mayr, 1853 et le genre Laccotrephes Stål, 1866, sont également réfutées. Suit une récapitulation des 86

Il est clair qu’on a affaire à un chat et non à un membre de la famille des Canidae. Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER, « Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758), introït le scorpion (Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828) mécompris de Serqet (Selkis) et la maîtrise du souffle », ici même, p. 221-282. 87

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arguments conduisant à la réfutation de la théorie L7 = nèpe et à l’affirmation qu’il s’agit bien d’un objet scorpioniforme. Ces résultats obligent alors à reconsidérer les rapports existant entre L7 et l’objet symbolique scorpioniforme — nommé P*L25 a-b — placé à l’arrière de scènes où le roi apparaît dans des positions dynamiques, en différenciant les statuts respectifs du radicogramme et de l’objet P*L25 a-b (prototype de L25) — qui apparaît sous le règne de Djoser, en reconnaissant leur origine commune et en constatant la substitution de l’un à l’autre en tant que hiéroglyphes (L7 et L25). Le résultat est que le prototype P*L25 représente un scorpion en position d’attaque, i.e. présentant un metasoma redressé, d’après de nombreux objets archaïques évoquant des scorpions avec pattes ou dont les pattes sont simplement incisées sur le flanc et mettant en exergue les pédipalpes et le metasoma redressé. Correspondant à une observation naturaliste extrêmement fine, le corps désaxé de P*L25 correspond au redressement du metasoma et au surbaissement du mesosoma lorsque l’animal est en position d’attaque. La signification de l’objet, présenté comme transportable à la 12e dynastie, s’est perdue au cours de son évolution iconographique jusqu’à devenir horizontal. 9.3. La première partie ayant fait table rase de l’hypothèse de la nèpe, la seconde souligne que Serqet présiderait aux voies aériennes et diges-tives de l’être humain. Cette dernière exerce en effet une emprise sur l’espace et l’air, d’après la Formule 1018 des Textes des Sarcophages, mais elle étend aussi son influence sur des fonctions vitales telles que la défécation, peut-être induite, sur la base d’une analogie formelle, par un rapprochement entre l’aspect du colon sigmoïde et le scorpion, animal de Serqet. Il est clair également que la déesse est en lien avec la gestion du souffle, ce qui fait de Serqet-Hetyt une force capable d’étouffer Apophis dans la Douat. Elle joue alors un rôle de protectrice de Rê en tant qu’ennemie, alliée ou parente de serpents mythologiques, se rappro-chant de Neith, mais aussi comme dame des scorpions et des serpents dont les piqûres et les morsures provoquent un état de choc et un syndrome dont la suffocation fait partie du tableau clinique. Dès lors, la déesse, aux bras accueillants, sera disposée à gérer les flux vitaux et tant à assurer le transit intestinal que faciliter la respiration en cas de morsures ou de piqûres impliquant un syndrome cobraïque, en faisant « respirer la gorge » (srq-ḥtj.t). 10. Le scorpion d’Isis et de ses consœurs en Égypte et en Nubie 10.1. L’hypothèse de la nèpe ayant été réfutée au profit du scorpion, quatre communications cernent les liens que cet arachnide entretient avec Isis ou des consœurs qui lui sont plus ou moins apparentées. On constate qu’en tout cinq articles sont consacrés aux Arachnida, classe d’arthropodes la plus significative de ce volume.

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10.2. LA STATUETTE D’ISIS-SCORPION DU MUSÉE DE FIGEAC. — Prenant prétexte de la statuette inédite du musée de Figeac (buste féminin à corps de scorpion), Frédéric Rouffet88 propose une autre enquête muséographique. La question posée est le rôle joué par ce genre de statuettes. Il réunit un corpus de vingt-sept pièces dans un état de plus ou moins bonne conservation, dont la plus connue est celle du Louvre. Elles présentent des caractéristiques communes : un buste féminin, une paire de cornes hathorique (parfois une coiffe de vautour) et une seconde partie animale composée de ce qui apparaît comme le corps d’un scorpion. Les mains sont posées à plat sur la plaque-reposoir et peuvent porter des pots nou. La question « corps de scorpion ou non ? » est d’importance. La figurine de Figeac est a priori un corps de scorpion reconnaissable à ses pattes et ses sternites rappelant des plaques de la carapace d’une crocodile. Toutes les statuettes émergent d’un lotus ou de quelque chose de plus travaillé ou de pattes de faucon à l’envers ou des petits personnages qui supportent la plaque. L’auteur souligne la terminaison du metasoma en boucle de cheveux, en lien probable avec la tresse heneseket. Caractéristique générale, ces objets datent d’une période qui s’inscrit entre la Basse Époque (25e dyn.) et l’époque ptolémaïque. 10.3. F. Rouffet présente toutes les inscriptions portées sur ce type d’objets qui l’amènent à penser qu’il s’agit d’Isis. Cependant, il observe l’existence de parallèles sur les cippes d’Horus aux crocodiles, en particulier sur la statue Tieskiewitz, la stèle de Naples et d’autres où la déesse apparaît comme étant Kheret déterminée par le scorpion ou alors sous la forme de scorpions à double queue nommés Isis Selkis. On signalera la prudence de l’auteur dans le traitement de ce dossier richement évocateur d’une problématique qui semble dépasser le cadre égyptologique proprement dit. 10.4. L’ISIS DE COPTOS ET LE SCORPION SELON ÉLIEN, HIST. AN. 10, 23. — Jocelyne Berlandini et Sydney H. Aufrère89 décrivent, à travers la citation d’Élien, la nature des liens de sympathie qui s’établissent entre l’Isis de Coptos, le thème de la mèche coupée, le scorpion qui en émane, l’expression arachnidée à la fois dangereuse et protectrice, la crue du Nil, et les deuillantes, liens de sympathie qui permettent de comprendre certains aspects de la vie s’organisant autour du parvis de Coptos, là où les scorpions errants représentent la présence virtuelle de l’escorte d’Isis pleureuse apprenant la mort d’un Osiris qui peut être autant un mari, un frère ou un fils. La communication commente point par point les différents motifs de la citation de l’auteur gréco-latin : la vénération 88 Frédéric ROUFFET, « Isis et les scorpions. À propos de quelques statuettes en bronze d’IsisSerqet », ici même, p. 285-306. 89 Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-« guérisseuses » (Élien, Hist. an. 10, 23) », ici même, p. 307-372.

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d’Isis à Coptos, les cérémonies spécifiques menées par les deuillantes et leurs relations avec la déesse elle-même deuillante — Isis-à-Coptos ou Isis-Chentaÿt ou d’autres formes associées à la viduité de la déesse (la Veuve Kharet) dont une des facettes à Coptos est la mèche coupée, mythe employé pour une étymologie fantaisiste tardive, en grec, de Coptos. L’article étudie surtout les différents exemples de l’association des mèches d’Isis — évoquant le deuil — et le scorpion, idée qui est démontrée par l’existence de la statuette d’IsisScorpion de Figeac (cf. supra, § 10.2), cette dernière pouvant aussi apparaître sous le nom de ḏꜢtꜢ » (> grec τιθοες) qui devient une partie divine connue sous le nom de Tithoès, lequel se superposera à Totoès (Twtw). Cette mèche coupée-scorpion émerge comme l’expression de la souffrance et de l’angoisse qu’éprouve la déesse pour la mort d’un enfant, d’un frère ou d’un mari, souffrance plus grande que la piqûre d’un scorpion, en passant en revue la littérature égyptienne gravitant autour de Coptos et en démontant qu’une des espèces les plus dangereuses et considérée comme l’espèce coptite par excellence serait Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828, en lien avec la légende des sept scorpions d’Isis, un chiffre manifestement symbolique faisant écho aux tergites et non aux nodosités du metasoma de l’animal qui, s’il est souvent présenté avec sept segments, n’en comporte que cinq. L’étude passe en revue plusieurs objets — stèle de Metternich, statuette de l’Ägyptologisches Institut der Universität Heidelberg, les stèles magiques CGC 9402 et Louvre E 10777 — évoquant la suite scorpionesque d’Isis, illustrée par une historiette. On peut dire que l’histoire des deuillantes de Coptos et des scorpions s’inscrit en droite ligne dans cette historiola et qui explique la protection dont les scorpions sont l’objet à Coptos même, là où les deuillantes joueraient un rôle de soignantes et d’intercesseures pour les personnes piquées par des scorpions ou d’autres arachnides. Plusieurs objets d’Edfou sont mis à contribution parmi lesquels l’ostracon thébain conservé au Metropolitan Museum of Art (inv. 47.105.5) et l’ex-voto de Djéhouty (Musée égyptien du Caire, JE 36507), ex-votos « dédiés à la déesse pour agir en son nom, demander sa protection ou la remercier de son appui contre d’autres espèces nuisibles ». 10.5. Le texte vérifie également l’assertion d’Élien qui évoque des scorpions monstrueux, cruels et mortels à Coptos. L’article s’achève sur la létalité présumée des scorpions coptites et la réalité de la mort par scorpionisme, en soulignant après coup qu’une piqûre de scorpion peut s’avérer fatale sur les membres d’une population en mauvaise santé ou ravagée, ce qui était le cas, par la malaria et d’autres maladies parasitaires (cf. supra, § 3.2, 7.4, 10.5). L’article se poursuit sur les astuces employées, d’après Élien, par les Égyptiens pour prévenir de leurs attaques, puis aborde les conclusions sur le rôle des deuillantes aux pieds nus se déplaçant dans le temple et affichant un rôle de guérisseuses. L’article s’achève sur une présentation abrégée de la scorpiofaune.

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10.6. ISIS AU SCORPION EN NUBIE. — On doit à Jonathan Maître90 une réflexion qu’il a accepté de nous confier, ce dont nous le remercions vivement, car elle confère une lumière particulière à cette approche collective des Arachnides. Ayant évoqué la commensalité du scorpion avec l’homme, il aborde la valeur préservative de l’arachnide dans le symbolisme pharaonique, en prenant comme exemple d’une image du triomphe sur les menaces extérieures le graffito du Gebel Cheik Souliman (Needler 1967) où un scorpion gigantesque, assimilé au roi, s’apprête à piquer un ennemi. Il s’agit de prévenir les risques pour la santé des vivants et des morts, en assimilant ces derniers à Horus d’Edfou dont la mère, Hededyt, déesse scorpion native d’Edfou, peut assurer la protection, ou alors se placer sous la protection de Serqet qui maîtrise les cas d’envenimation — ceux des serpents et ceux des arachnides — par une confrérie de praticiens spécialisés, les Conjurateurs de Serqet (ḫrp.w-Srq.t) (von Känel 1984), qualités que partage Isis. Dans la seconde partie, l’auteur exploite le mythème de la Bonne Mère au service de l’idéologie pharaonique dans laquelle il traite la façon dont la protection maternelle de l’individu s’étend de la petite enfance, en la personne d’Horus piqué par un arachnide assimilé à Apophis, à son établissement dans la société des adultes, d’où l’association du scorpion à la reine-mère de l’héritier présomptif et son rôle sur la gouvernance du pays. La troisième et dernière partie aborde le patronage d’Isis sur les contrées méridionales où Horus, confirmé dans sa légitimité, se voit étendre son autorité sur l’étranger et notamment sur la Nubie, prolongement du pays vers le Sud, tandis que le rôle et le sens du scorpion isiaque s’affirment dans les cultes horiens de Basse-Nubie où Isis protectrice de la royauté revêt la forme d’une femme au front de laquelle s’inscrit une silhouette de scorpion. L’article comprend une annexe comportant les documents des 18e et 19e dynasties des temples nubiens sur lesquels s’appuie l’étude. 10.7. ISIS-HEDEDYT, PARANGON DE LA LUMIÈRE. — La dernière étude sur les scorpions est due à Pierre P. Koemoth91. Celui-ci, en premier lieu, ancre son sujet dans la documentation de l’Égypte ancienne et présente le dossier en l’inscrivant dans le sillage de l’étude de Jean-Claude Goyon (1978) qui a contribué à sortir de l’ombre Isis Hededyt, Isis scorpion qui finit par être liée à la luminosité, Hededyt étant la parèdre d’Horus d’Edfou la protectrice d’Osiris défunt. Il interroge les textes d’Edfou relevant du contexte héliopolitain (il existe un modèle héliopolitain à Edfou), où elle est fille de Chou et de Tefnout. Il effectue un détour par Héliopolis du Sud. La déesse apparaît probablement dans le Papyrus T 32 de Leyde dans le contexte de la crue. Dans 90 Jonathan MAÎTRE, « L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat, une expression provinciale du mythe de la Bonne Mère », ici même, p. 373-414. 91 Pierre P. KOEMOTH, « Isis-Hededyt : À propos de Sarapis au scorpion sur des intailles antiques », ici même, p. 415-455.

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le Livre de Protéger la maison, il est d’ailleurs question d’Hededyt, ambassadrice de la crue, invoquée lors de la montée des eaux, dans la mesure où les scorpions sont rejetés vers les maisons. Puis il étudie le dossier héliopolitain de Hededyt en lien avec d’autres éléments, car la déesse est un nom qui fait l’objet d’une réinterprétation en tant que lumière dans un cadre cosmique toujours en lien avec l’apparition de Sothis et la crue du Nil. Enfin, il aborde quelques représentations d’Isis-Hededyt portant le hiéroglyphe éponyme et le scorpion descendant, qui assure la régénération du dieu, et il donne en exemple celle du musée Barraco avec le même scorpion descendant. 10.8. Venant à l’Intaille aux scorpions, il rappelle que Sarapis est la figure de proue des divinités alexandrines, qui est manifeste dans le domaine des intailles magiques, notamment celles — un dossier de six au total — qui présentent, en lien avec la silhouette de Sarapis, la présence insolite d’un scorpion, d’un crocodile et d’un lion vivant, le tout étant ceint d’un ouroboros. Analyse délicate en raison de la multiplicité des éléments qui ont chacun un sens particulier, dans laquelle il n’hésite pas à apporter de nombreux éléments de comparaison : le crocodile sous le trône, la tête placée sous le pied de Sarapis, la momie d’Osiris et le lion comme annonciateur de la crue. Mais qu’en est-il du scorpion, ambassadeur de la crue, dans la mesure où elle chasse les scorpions vers les rives, c’est là une interrogation, à savoir le signe du scorpion du zodiaque de Dendara, interprété par certains comme Isis protégeant OsirisOrion. CHILOPODA (LATREILLE, 1817) 11. La question des Chilopoda 11.1. « À part ces insectes, l’Égypte abonde en scolopendres de terre, venimeux » nous dit Prosper Alpin92 qui propose au lecteur des descriptions des arthropodes égyptiens (cf. supra, § 2.2). Il ne devait pas en être autrement dans l’Égypte ancienne, étant entendu que peu de travaux portent sur les Chilopodes dans l’Égypte ancienne (Aufrère 2017, 63-64). Ce fut Loret (1951) qui approcha le sujet la première fois dans son étude de la chaise à porteurs de Pharaon comparée à un mille-pattes. L’iconographie égyptienne ne témoigne d’aucune représentation de l’animal. Il faut se tourner vers la mosaïque de Palestrina pour découvrir la silhouette d’un scolopendre géant présenté comme animal fabuleux, en haut, à droite, au-dessus de l’animal nommé crocodilochersaïos (cf. l’animal nommé ὁ κροκόδειλος ὁ χερσᾶιος dans la Septante), 92 Histoire Naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, 2 vol. (Collection des Voyageurs en Égypte 20), Le Caire 1979, vol. 2, p. 207 [p. 398].

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une espèce de varan (Lopez 2017)93. La question, exposée par Helmut Brunner (1977), ayant été revue dans le cadre des Textes des Pyramides par Lucas Baqué Manzano (2014), les éditeurs lui ont demandé de bien vouloir faire le point sur le centipède égyptien, à savoir l’espèce Scolopendra cingulata Latreille, 1829, un animal qui peut mesurer jusqu’à 15 cm de long. 12. Chilopodes (Chilopoda Latreille, 1817) : arthropodes myriapodes 12.1. LE DIEU SCOLOPENDRE : SEPA, LA CHAISE MILLE-PATTES ET LA CRUE NIL. — Lucas Baqué Manzano94, dans cette étude détaillée, évoque le Centipède divin, Sépa, d’après les Textes des Pyramides. Après avoir rapidement présenté l’animal, l’auteur évoque les éléments morphologiques sur lesquels est fondée la taxonomie religieuse, à savoir les termes de référence comme le nom du dieu Centipède (zpꜢ) et les métonymies telles que ḫꜢ.w = « milliers », en somme un équivalent de « myriapode » et se rapportant à son mode de locomotion, et ṯꜢ.w = « oisillons » qui désigne les forcipules, pinces venimeuses lui permetant d’immobiliser sa proie. Mais surtout, l’auteur présente une analyse lexicographique de la racine sjp > zp, sp, afin de découvrir toute l’étendue du spectre dénotatif, à la fois dans le domaine de l’environnement, du règne animal, du mobilier, notamment pour la prérogative royale de la chaise à porteurs maniée par quarante-deux porteurs évoquant les quarantedeux nomes, et enfin dans le domaine médical. La dernière partie est consacrée à Sépa en tant que dieu vénéré à Héliopolis et à Babylone d’Égypte, en lien avec la crue du Nil au nord de l’Égypte. DU

13. Épilogue 13.1. On constate que ces deux journées fribourgeoises ont justifié de s’attaquer à un thème porteur mais sous-exploité malgré une bibliographie qui s’enrichit d’année en année, en explorant des perspectives inattendues ou insolites. Grâce aux communications et aux études spécifiques ajoutées en aval du colloque, on voit émerger les lettres de noblesse du petit monde des Arthropodes, tenus au second rang tout d’abord par les Égyptiens, et au troisième rang par 93 Sur le κροκoδιλοχερσαιος, voir Sydney H. AUFRÈRE, « Deux observations sur le crocodile (Crocodylus niloticus Laurenti 1768) d’Égypte », dans S.H. Aufrère & M. Mazoyer (éd.), Au confluent des cultures. Enjeux et maîtrise de l’eau (Cahiers Kubaba), Paris 2015, p. 109-127 : p. 118-119 ; idem, « À propos des noms d’espèces appartenant au sous-ordre des Sauria (lézards) attestés en Égypte ancienne et médiévale : un tour d’horizon zoologique et lexicographique », à paraître, § 3.4.1-3.4.2. Plus précisément, à côté du κροκoδιλοχερσaιος, le varan gris, existe aussi une autre espèce : le κροκοδιλοπαρδαλις qui désignerait le varan du Nil, ocelé. — On verrait également un mollusque ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Mosaïque_ du_Nil. 94 Lucas BAQUÉ MANZANO, « Zepa, the Centipede : From Numen to God », ici même, p. 459481.

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l’Égyptologie. Cependant, sous la « petite bête » se profile un monde d’images, de représentations et de mentalités dont certaines nous échappent encore, faute d’avoir jeté le bon regard, d’avoir analysé les différentes espèces sous un angle scientifique alors que l’observation naturaliste a nourri le regard des Égyptiens mêmes. Maintenant, on constate que ce colloque qui se voulait au moins biou tridisciplinaire autour de la vallée du Nil et à des périodes et dans des niveaux documentaires différents, loin d’épuiser le sujet, mériterait d’être prolongé dans la mesure où cette manifestation ambitionnait de présenter le panel le plus large possible des genres se rapportant à ce « monde minuscule » cher à J. Yoyotte et P. Vernus. 13.2. À un moment où l’on prend conscience que la diversité biologique des insectes risque bientôt de faire défaut, en annonçant, en raison d’un effondrement de nombreuses espèces dont certaines encore inconnues, le spectre inquiétant du déclin de la biodiversité, ce colloque conserve une valeur prégnante. Il faut se dire que la considération de l’arthropofaune de la basse vallée du Nil, qui fait l’objet d’observations naturalistes intégrées comme un continuum à la pensée religieuse, symbolique et philosophique, est très significative de la prise de conscience, même au niveau du minuscule, des équilibres biologiques et symbiotiques qui sont partie prenante d’une vision résolument nilo-écothéiste95. BIBLIOGRAPHIE,

RÉFÉRENCES SECONDAIRES ET SITES

WEB

1. BIBLIOGRAPHIE SE RAPPORTANT AU MONDE DES ARTHROPODES NOTE. — Cette bibliographie ne prétend nullement à l’exhaustivité. Il est certain malgré les soins de l’auteur, épaulé par Cathie Spieser, que certains titres lui auront échappé. On a retenu essentiellement tout ce qui, d’après le titre, pouvait se rapporter directement ou indirectement à l’étude du monde des Arthropodes dans l’Égypte ancienne, qu’il s’agisse de revues égyptologiques ou se rapportant aux Sciences Naturelles et traitant marginalement d’entomologie ou d’arthropologie culturelles. On a évité les publications de fouilles qui constituent les sources de telles études. Pour des comparaisons, famille par famille, le lecteur est invité à consulter les ouvrages de Ian C. Beavis (1988), de Malcolm Davies et de Jeyaraney Kathirithamby (1986) relatifs au monde classique. Cette bibliographie, qui utilise le système de référence Havard, est celle qui est insérée dans le texte. Certaines références sont mentionnées pour mémoire.

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PARTIE I : UNE FAMILLE DES COLÉOPTÈRES, SYMBOLES DE RENAISSANCE SOLAIRE : SCARABAEUS SACER L., 1758 ET ALII

LA PILULE NḤP.T, LE MILIEU MATRICIEL (N)NW.T ET LA RENAISSANCE SOLAIRE ASPECTS DU CYCLE DE REPRODUCTION DE SCARABAEUS SACER L., 1758 ET LIMITES RELIGIEUSES DE L’OBSERVATION NATURALISTE

Sydney H. AUFRÈRE1 & Cathie SPIESER2

0.1. Choisissant le parti de se focaliser sur un coléoptère fouisseur, coprophile, Scarabaeus sacer L., 1758, et d’autres espèces ayant des comportements similaires3, les auteurs souhaitent revenir à nouveaux frais sur la façon dont les Égyptiens auraient considéré leurs croyances au prisme du mode de reproduction de ce coléoptère qui aurait inspiré chez eux un schéma appliqué à la renaissance divine et humaine, croyances naguère abordées par un travail, novateur en son temps, consacré au scarabée par Yves Cambefort4, ouvrage que l’on s’obligera aujourd’hui à revoir sous l’angle d’un devoir d’inventaire, car les parallèles qu’on pensait pouvoir observer entre une iconographie religieuse ou des croyances égyptiennes et des faits naturalistes reconnus de longue date, quels qu’ils soient, étaient susceptibles d’en fausser l’intelligence. D’où on se limitera à la question suivante : du point de vue égyptologique, quelles seraient les limites des modèles de rapprochements possibles entre les observations naturalistes du cycle de reproduction de S. sacer et les croyances égyptiennes à partir d’un choix pertinent de textes et d’iconographie funéraires ? 0.2. Certes, parmi les stades de cette reproduction, la pilule (ou pelote) stercorale (terme se rapportant aux résidus de la digestion) façonnée par le bousier emblématique coprophage et qualifié pour cette raison, par Aristote et Pline, de pilulaire (il s’agit des scarabaei pilularii)5, semble occuper une place 1 Centre Paul-Albert Février TEDMAM-UMR 7297, Aix-Marseille Université – CNRS ; Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. 2 Université de Fribourg, Suisse. 3 Horapollon, Hier. 1, 10, considère l’existence de trois types de scarabées en Égypte (cf. infra, § 1.2.7). Sur le plan archéologique, on renverra à l’étude de Alain CHARRON, « Les momies et reliquaires de scarabées », ici même p. 97-122. 4 Yves CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, Paris 1994, où l’Égypte occupe les deux premiers chapitres. Toutefois, on privilégiera son article auquel sont adjointes des notes infrapaginales, intitulé, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne. Origine et signification du symbole éternel », RHR 204/1 (1987), p. 3-46. Cependant, si les contenus de l’article et du livre partagent un certain nombre de matériaux, ils ne se recouvrent pas intégralement. 5 Voir Aristote, Hist. anim. 5, 19 ; Pline l’Ancien, Hist. 30, 30, 2. Sur la constitution de cette boule stercorale, voir le travail, combien fondateur, de Jean-Henri FABRE, Souvenirs entomologiques (cinquième série). Études sur les instincts et les mœurs des insectes, Paris 1922, p. 15-89.

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incontestable dans l’émergence d’un paradigme permettant, dans les textes funéraires du Nouvel Empire, de conférer au concept de renaissance une connotation particulière, puisqu’elle se rapporte à la notion d’autogenèse. L’important est de savoir en vertu de quelles modalités ces concepts y sont employés. D’où on examinera les limites de l’observation naturaliste du concept de pilule stercorale de S. sacer, dont on peut penser, à juste titre, qu’il a servi à représenter l’idée, d’un point de vue métaphorique, du stade initial de la renaissance du soleil sous la forme du scarabée Khépri. 1. Limites des liens entre la pilule stercorale du scarabée, l’objet nḥp.t, et l’objet oblong (n)nw.t 1.0. En principe, les notions d’œuf et d’embryon s’appliquent à tout un panel de symboles, de significations et de métaphores dans les domaines du religieux et de la royauté, pour exprimer la (re)naissance du soleil et, par extension, celle de l’être humain — du souverain au quidam ordinaire — qui souhaite, par le truchement de ce modèle, accéder à l’idée d’une vie perpétuellement renouvelée en se référant à un principe d’autogenèse6. Stade initial à toute forme de vie donc, l’œuf se décline de différentes façons en fonction des classes, des genres et des espèces employés comme paradigmes de la (re)naissance. Ainsi, l’étude des livres funéraires royaux du Nouvel Empire montre que les concepteurs ont choisi un aspect spécifique du cycle biologique de S. sacer matérialisé par deux termes qu’il convient de réexaminer : nḥp.t et (n)nw.t7, lesquels débouchent l’un et l’autre sur des concepts convergents bien que différant d’un point de vue formel.

Toutefois, on consultera également CAMBEFORT, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne », p. 7, qui résume quelques résultats des recherches de J.-H. Fabre. En outre, pour une interprétation récente, voir Pierre-Olivier TEMPLIER, « Le Scarabée sacré (Scarabaeus sacer L.) et ses cousins : boule de crottin qui roule n’amasse pas mousse ! », Antiopa. Nature et découverte, https://www. antiopa.info/101-scarabee-bousier-coleoptere-insecte-coprophage.htm ; Fermin MARTÍN-PIERA, « Escarabajos Sagrados », Bol.S.E.A. 20 (1997), p. 327-330 ; Jean-Bernard HUCHET, « Insectes et momies égyptiennes », Bull. Soc. Linnéenne de Bordeaux 23/1 (1995), p. 29-39 : p. 30. Même si l’article est ancien, on verra ANONYME, « De l’affection des insectes pour leur progéniture », Revue britannique. Choix d’articles extraits des meilleurs écrits périodiques de la GrandeBretagne, 5e série, t. 14, Paris 1853, p. 37-59 : p. 47-48. On regardera avec grand intérêt sur la reproduction de S. sacer : http://www.insectes-net.fr/sacer/sacer3.htm. 6 Susanne BICKEL, La cosmogonie égyptienne avant le Nouvel Empire (OBO 134), Fribourg – Göttingen 1994, p. 233-241 ; Siegfried MORENZ, « Ägypten und die altorphische Kosmogonie », dans Aus Antike und Orient, Festchrift Schubert, Leipzig 1950, p. 64-111 ; Cathie SPIESER, « De l’embryon humain à l’embryon divin en Égypte ancienne », dans V. Dasen (éd.), L’Embryon humain à travers l’histoire. Images, savoirs et rites. Actes du colloque international de Fribourg, 27-29 octobre 2004, Gollion 2007, p. 28. 7 CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, p. 29-33 ; Idem, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne », p. 7-8.

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1.1. La pilule nḥp.t au regard du cycle de la reproduction de S. sacer 1.1.1. Étroitement associé au cycle biologique du scarabée solaire, le vocable féminin nḥp.t 8, dont les premiers exemples émergent à la e 19 dynastie, renvoie, si l’on en croit son déterminatif — le hiéroglyphe de la maison ( ) —, à l’idée de construction, d’habitat, quand bien même il ne s’agit pas, à en croire les graphies connues, du terrier de S. sacer, lequel est doté d’une descenderie oblique grâce à laquelle il peut descendre sans risque sa pilule9 dans une chambre souterraine, une crypte, qui, au dire de Jean-Henri Fabre (1823-1915), surnommé le « philosophe entomologique »10, se signale en surface par une taupinée, i.e. un petit monticule de terre arrondi et fraîchement retournée11. Une telle pilule est constituée à l’aide des matières émises par les grands mammifères herbivores — la matière dont il se délecte est la bouse de vache (cf. infra, § 2.3.7) —, ce qui fait du bousier, qui retourne la terre, un des principaux agents fertilisants du sol12. Spécifique au bousier et aux métaphores dans lesquelles il est employé, le terme nḥp.t apparaît, dans la large majorité des cas, dans la locution wbꜢ nḥp.t « ouvrir la boule », en lien avec le scarabée comparé au soleil naissant à l’orient du ciel13. Il existe une autre expression, employée à propos de Rê-Atoum (21e-24e dyn.), qui est Jmj-nḥp.t⸗f « Celui-qui-est-dans-sa-boule »14. Les deux types d’épithètes composées à l’aide de wbꜢ et jmj expriment donc bien l’idée selon laquelle un dieu solaire réside, à l’instar de S. sacer, dans une pilule stercorale et l’ouvre afin d’en sortir ; ce qui, au mieux, induit une relation étroite entre ladite pilule et la notion d’imago qui est l’animal au moment où il sort pareil à un adulte pour la première fois de terre, et non pas l’observation du cycle de reproduction dans son ensemble qui reste sujet à caution. 1.1.2. LA

NḤP.T

:

DU TOUR DE POTIER À LA BOULETTE DE TERRE SIGILLAIRE.

— Cela dit, la nḥp.t présente assurément des affinités avec le terme nḥp qui désigne tant « le tour » (de potier)15 que le verbe « tourner (de la glaise) sur un tour de potier, façonner »16. Dès lors, on voit aussi se préciser par 8

Wb II, 294, 13. CAMBEFORT, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne », p. 14. 10 Cette notion de « philosophie entomologique » remonte à Jean-Florimond Boudon de SAINT-AMANS, Philosophie entomologique, ouvrage qui renferme les généralités necessaires pour s’initier dans l’étude des insectes, Agen, an VII (1798-1799). 11 FABRE, Souvenirs entomologiques, p. 30-31. 12 Y. CAMBEFORT, « Des scarabées et des hommes : écologie et stratégies évolutives des Scarabéides coprophages », https://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i80cambefort.pdf. 13 Voir LÄGG II, 298a-c, qui livre toutes les épithètes divines construites à l’aide de wbꜢ-nḥp.t. 14 P. Greenfield, pl. 85, Z1. 1,14 ; cf. LÄGG I, 239c. 15 Wb II, 294, 9-10. 16 Wb II, 295, 1-4. 9

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l’emploi de ce mot la métaphore du scarabée tournant à l’aide de ses pattes postérieures sa boule comme le potier divin Khnoum la glaise sur son tour au moyen de ses mains. Et c’est bien ainsi que J.-H. Fabre, qui a observé ce phénomène, l’a décrit17. À l’époque gréco-romaine, certaines graphies telles que , , 18 exploitent plus avant l’idée du tour de potier, et confirment l’idée d’un tournage, en introduisant dans l’expression diverses formes du hiéroglyphe ad hoc du tour classique à pied du Nouvel Empire19. C’est celui sur lequel Khnoum façonne l’enfant royal et son ka. Mais on peut aussi deviner une association entre cette pilule et la boulette de terre sigillaire comme 20 on peut le déduire d’après la graphie , à en croire le sceau ( ) servant de déterminatif. On notera que cette boule peut atteindre plus de vingt fois le poids de l’animal (1 gr. et 2,5 cm. de long) qui la roule, ce qui dénote la puissance du coprophage.

1.1.3. DE LA PILULE SPHÉRIQUE PROVISOIRE… — Dans le langage des Égyptiens, le mot nḥp.t correspond, dans le cycle pilulaire, à un stade d’objet transitoire — on le nommera l’état A, parfaitement arrondi pour des besoins de transport d’un point à un autre, le scarabée s’aidant pour cela de ses pattes postérieures. C’est cette dernière boule, laquelle n’a pas besoin d’être raffinée, qui, soit est consommée par le coprophage à l’abri des regards dans son terrier — banquet privé —, soit, au moment de la période de reproduction, sert à la ponte21 après une longue préparation, dans un terrier décelable, on l’a vu, par une taupinée en surface. Cependant, à ce moment l’objet, encore à un stade provisoire, subit une modification : la pilule originelle, non raffinée, est scindée en deux autres pilules plus petites mais parfaites. Précisons que le façonnage et la sélection, par le scarabée femelle, des matériaux constituant cette boule répondent à des critères propres à l’espèce qui permettent à la larve un développement impeccable et parfaitement calibré au cours de sa métamorphose (œuf → nymphe → imago)22. Même si le type sphérique est maintenu, il s’agit là d’un autre type de pilule, qui correspondrait à un état B. De ce point de vue, il dénote une vocation à la perfection inhérente à l’espèce qui garantit la survie de l’imago.

17 Jean-Henri FABRE, Souvenirs entomologiques (cinquième série). Études sur les instincts et les mœurs des insectes, Paris 1922, p. 16-28. Voir aussi CAMBEFORT, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne », p. 7. 18 Voir les exemples dans LÄGG II, 298b. 19 À l’Ancien Empire, il s’agit de tours à main moins hauts sur pied. 20 Edfou I, 93, 7-8 (cf. LÄGG II, 298c). 21 D’autres espèces pondent au sein même de l’amas stercoral. 22 « Suite à l’éclosion la larve se nourrit à partir de l’excrément dont elle aspire et concentre la phase aqueuse grâce à son appareil buccal adapté » (Jean-Damien CHRISTOPHE, La bouse : historique, importance et écosystème, Toulouse 2016, p. 44).

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1.1.4. … À LA PIRIFORMITÉ. — La sphéricité de la pilule stercorale, qui correspond à son existence aérienne (état A) puis partiellement souterraine (états A et B), est, on l’a vu, provisoire. Elle cède la place à la piriformité. En effet vient le moment de la ponte de l’œuf dans un cratère pratiqué au-dessus de la sphère par celle-ci dans le terrier où la pilule est mise à l’abri. De sphérique qu’elle était, la pilule alors va devenir piriforme au terme d’un colmatage conique assurée par la femelle à l’aide d’une matière stercorale triée23. Ce sera l’état C. À partir de ce moment-là, la pilule piriforme sert d’habitat à la larve qui, en raison de l’exiguité de son espace, revêt la forme d’un fer à cheval24, évoluant vers l’état provisoire de nymphe où l’animal ne se nourrit plus25, puis vers l’animal adulte, i.e. l’imago (cf. supra, § 1.1.1). Ce dernier, perçant la coque, émerge alors de cet abri provisoire mais pourvoyeur de nourriture pendant son séjour à l’intérieur26. 1.1.3. Ainsi, l’objet d’où l’imago émerge est devenu piriforme après la ponte, au cours d’un processus invisible de l’être humain et qui s’opère au sein même du terrier. Ce n’est qu’ensuite que l’imago, ayant enfin percé la couche superficielle de cette semi-boule, gagne la surface par un tunnel, grâce à un sol ameubli par les remontées d’humidité27 et s’envole, être parfait et parfaitement autonome puisqu’il n’a pas besoin d’être élevé par des parents, pour débuter un nouveau cycle. 1.1.4. UN PROCESSUS INVISIBLE. — Par conséquent, vu que le cycle n’est pas intégralement connu, on peut en inférer que l’expression wbꜢ nḥp.t « ouvrir la boule », en parlant du scarabée solaire, traduit plutôt une projection mentale, une transposition idéale, à partir de cette pilule, du processus d’émergence de l’imago, alors que ledit processus, invisible à l’œil humain, ne tient pas compte du passage de la boule de sa forme pilulaire (états A et B) à sa piriformité (état C). (Ce processus a été observé et étudié, pour la première fois, par Jean-Henri Fabre, à la fin du XIXe siècle.) À ce stade, on peut convenir qu’il y aurait donc loin entre le processus de reproduction du scarabée tel que se le représentent les Égyptiens et l’observation naturaliste stricto sensu. Pourtant, bien que naguère sous-estimée, l’importance dans la pensée égyptienne de cette pilule sphérique semble se confirmer aujourd’hui par des découvertes archéologiques, en dépit du caractère problématique que pose leur conservation28. 23 Sur les détails, FABRE, Souvenirs entomologiques, p. 29-46 ; CAMBEFORT, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne », p. 21-22 et surtout pl. II après p. 56. 24 FABRE, Souvenirs entomologiques, p. 59-72. 25 Ibid., p. 73-89. 26 Pierre JAY-ROBERT, Camila LEANDRO & William PERRIN, « Les scarabées de sacrés coléoptères », p. 1-10. https://www.researchgate.net/publication/319932828_Les_Scarabees_de_sacres_ coleopteres 27 FABRE, Souvenirs entomologiques, p. 86-88. 28 CHARRON, « Les momies et reliquaires de scarabées », ici même, p. 117.

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1.1.5. En tout état de cause et en dépit de la non prise en compte de la solution de continuité de la forme de la pilule, les habitants de la basse vallée du Nil ont cependant établi un lien de causalité entre la pilule stercorale nḥp.t, sphérique au moment où ce processus de roulement de ces boulettes est visible à la surface du sol dans un but de consommation et avant la ponte (en fait, la sphéricité de cette boule stercorale sera parfaite par la femelle au sein même du terrier29), et l’émergence de l’imago de S. sacer ou celui d’une autre espèce comme Kheper aegyptiorum, qui, à défaut de sa couleur verte, lui ressemble beaucoup sur le chapitre de la forme. 1.2. Les auteurs anciens et l’arrière-plan naturaliste 1.2.1. ILS SONT TOUS MÂLES… — Retenons pour notre sujet ce qui est susceptible de nous intéresser chez les auteurs classiques. Certains écrits30, corroborent, d’une part, une connaissance partielle de l’évolution de la pilule stercorale chez les Égyptiens, et témoignent, d’autre part, de la recherche d’un tel lien de causalité (cf. supra, § 1.1.5). Celui-ci émerge depuis Pline l’Ancien (23-79), qui prend à témoin un auteur du 1er siècle de notre ère, Apion d’Alexandrie, contemporain de Chairémon d’Alexandrie, aux écrits connus par un assez grand nombre de citations : « le scarabée qui forme de petites boules. À cause de cet insecte, la plus grande partie de l’Égypte met les scarabées au nombre des divinités ; fait dont Apion donne une interprétation curieuse, disant, pour justifier les rites de sa nation, que ce scarabée imite les travaux du soleil »31. 1.2.2. Plutarque (46-125), également informé de la pensée sacerdotale égyptienne par des auteurs gréco-égyptiens, revient par deux fois sur le scarabée. Tout d’abord, il fait état de ceci, en évoquant les représentations de scarabées sur les sceaux des guerriers égyptiens par souci de virilité : « Enfin les guerriers portaient, gravés sur leurs sceaux, un scarabée : les scarabées, en effet, n’ont pas de femelle ; ils sont tous mâles et déposent leur semence dans leur boule d’excrément au fur et à mesure qu’ils la façonnent, assurant à leur progéniture, tout autant que de la nourriture, un lieu propice à la génération32. » Les sceaux-amulettes en forme de scarabée, apparus vers le milieu de la 1re Période intermédiaire et gravés de motifs protecteurs divers, faisaient CAMBEFORT, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne », p. 14-15. Sur le scarabée vu par les Grecs, voir Béatrice NICOLAS-DUVAL, « L’escarbot, un topos de l’osmologie grecque », Shedae 7/1 (2009), p. 107-123. 31 Pline l’Ancien, Hist. 30, 30, 2. 32 Plutarque, Is. Os. 10, 355A (p. 186 Froidefond). Τοῖς δὲ μαχίμοις κάνθαρος ἦν γλυφὴ σφραγῖδος· οὐ γὰρ ἔστι κάνθαρος θῆλυς, ἀλλὰ πάντες ἄρσενες. Τίκτουσι δὲ τὸν γόνον ἀφιέντες εἰς ὄνθον, ὃν σφαιροποιοῦσιν, οὐ τροφῆς μᾶλλον ὕλην ἢ γενέσεως χώραν παρασκευάζοντες. Mais on verra aussi FROIDEFOND, « Notes complémentaires », p. 186, n. 3. 29 30

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partie des plus anciens artefacts prisés par l’aristocratie égyptienne. Leur usage devint particulièrement courant à partir du Moyen Empire. Les fonctionnaires royaux y faisaient volontiers graver leurs nom et titres33. 1.2.3. Ensuite, le même auteur revient sur cette idée, en évoquant le symbolisme : « Les scarabées, dit-on, sont une espèce sans femelle : tous mâles, ils répandent leur semence dans la boule de matière qu’ils façonnent et font rouler à reculons, de même que le soleil, semble-t-il, fait tourner le ciel dans le sens inverse de celui de sa propre course, qui va d’ouest en est »34. 1.2.4. Élien (175-235) ajoute à l’idée de virilité et à celle d’une espèce ne comptant pas de femelle, une remarque supplémentaire sur la durée du processus de naissance : « Le scarabée est une espèce sans femelle ; il émet sa semence dans la boule qu’il roule. Cela fait, après avoir gardé la boule au chaud pendant vingt-huit jours, le vingt-neuvième jour il fait naître son petit »35. 1.2.5. Porphyre (234-310), dont on sait qu’il puise dans l’œuvre de Chairémon, voit en lui une image vivante du soleil et corrobore les idées précédentes (caractère solaire de l’espèce, uniquement mâle avec un cycle de reproduction de vingt-huit jours) : « Les Égyptiens au contraire l’honoraient comme l’image vivante du Soleil. Tout scarabée est mâle, et jette sa semence dans un endroit humide en forme sphérique : il la remue de ses pieds de derrière, en tournant ainsi que fait le soleil dans le ciel ; et il est vingt-huit jours à faire ce même exercice, ce qui est le cours périodique de la lune36. » 1.2.6. C’est cependant Horapollon, auteur tardif du Ve siècle, qui livre la synthèse la plus complète, en enrichissant les auteurs qui le précèdent par une philosophie naturaliste. On donnera ici la traduction séquencée par Van de Walle et Vergote : 10. [Comment ils représentent ce qui naît seul.] Voulant signifier ce qui naît seul, ou le devenir, ou le père, ou le monde, ou l’homme (le mâle), ils peignent un scarabée. Carol ANDREWS, Amulets of Ancient Egypt, Londres 1994, p. 52-56. Plutarque, Is. Os. 74, 381A (p. 243 Froidefond). τὸ δὲ κανθάρων γένος οὐκ ἔχειν θήλειαν, ἄρρενας δὲ πάντας ἀφιέναι τὸν γόνον εἰς τὴν σφαιροποιουμένην ὕλην, ἣν κυλινδοῦσιν ἀντιβάδην ὠθοῦντες, ὥσπερ δοκεῖ τὸν οὐρανὸν ὁ ἥλιος ἐς τοὐναντίον περιστρέφειν αὐτὸς ἀπὸ δυσμῶν ἐπὶ τὰς ἀνατολὰς φερόμενος· ἀσπίδα δ´ ὡς ἀγήρω καὶ χρωμένην κινήσεσιν ἀνοργάνοις μετ´ εὐπετείας καὶ ὑγρότητος ἀστραπῇ προσείκασαν. Voir aussi FROIDEFOND, « Notes complémentaires », p. 243, n. 9-10. 35 Élien, Hist. nat. 10, 15 (p. 16 vol. 2 Zucker). ‘Ο κάνθαρος ἄθηλυ ζῷόν ἐστι, σπείρει δὲ ἐς τὴν σφαῖραν ἣν κυλίει· ὀκτὼ δὲ καὶ εἴκοσιν ἡμερῶν τοῦτο δράσας καὶ θάλψας αὐτήν, εἶτα μέντοι τῇ ἐπὶ ταύταις προάγει τὸν νεοττόν. Voir CHRISTOPHE, La bouse, p. 44. 36 Porphyre, Abst. 4, 9. Κάνθαρον δὲ ἀμαθὴς μὲν βδελυχθείη ἂν ἀγνώμων ὑπάρχων τῶν θείων, Αἰγύπτιοι δὲ ἐσέφθησαν ὡς εἰκόνα ἡλίου ἔμψυχον. Κάνθαρος γὰρ πᾶς ἄρρην καὶ ἀφιεὶς τὸν θορὸν ἐν τέλματι καὶ ποιήσας σφαιροειδῆ τοῖς ὀπισθίοις ἀνταναφέρει ποσὶν ὡς ἥλιος οὐρανόν, καὶ περίοδον ἡμερῶν ἐκδέχεται σεληνιακήν. 33 34

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a) Ce qui naît seul, parce que cet animal s’engendre de soi-même sans être porté par une femelle. Car il est seul à être engendré de la façon suivante. Lorsque le mâle veut procréer des petits, il prend de la bouse de vache et (en) fabrique une boule ayant une forme semblable à celle du monde. Il roule celle-ci de ses parties postérieures du levant au couchant, regardant lui-même vers le levant, afin de reproduire la figure du monde : en effet, celui-ci est porté de l’est vers l’ouest, tandis que le cours des astres est dirigé de l’ouest vers l’est. Ayant donc creusé un trou, il y enterre la boule pour vingt-huit jours, c’est-à-dire le nombre de jours pendant lesquels la lune fait le tour des douze signes du zodiaque. Pendant qu’elle demeure sous terre, la descendance des scarabées prend une forme vivante. Le 29e jour, ayant découvert la boule, le scarabée la jette dans l’eau — car on pense que ce jour-là est celui de la conjonction de la lune et du soleil et aussi celui de la naissance du monde. Lorsque celle-ci (la boule) s’est ouverte dans l’eau, les animaux, c’est-à-dire les scarabées, en sortent. b) Le devenir, pour la raison susdite. c) Le père, parce que le scarabée tire son origine exclusivement de son père. d) Le monde, parce que sa naissance est semblable à celle du monde. e) L’homme (le mâle), parce qu’il n’a pas de descendance féminine37.

Si Horapollon remarque que le cycle de reproduction se fait sous terre, ce qui est exact, et si l’idée du mâle, qui s’inscrit dans une reproduction à caractère solaire en mimant le soleil, ne diffère pas de celle de ses prédécesseurs, il réinvente la fin dudit cycle en l’associant à une phase aquatique, lorsque, découvrant la boule — comme les crocodiles découvrent leurs œufs —, les scarabées la jettent à l’eau, où elle s’ouvre, donnant naissance à leur progéniture, en lien avec la conjonction du soleil et de la lune et la naissance du monde. La naissance dans l’eau des scarabées procède probablement d’une mauvaise interprétation du contenu d’un passage emprunté à l’œuvre de Chérémon par Porphyre (cf. supra, § 1.2.5). Le scarabée est le truchement qui permet de réconcilier cycles solaire et lunaire.

Μονογενές Μονογενὲς δὲ δηλοῦντες, ἢ γένεσιν, ἢ πατέρα, ἢ κόσμον, ἢ ἄνδρα, κάνθαρον ζωγραφοῦσι· μονογενὲς μὲν ὅτι αὐτογενές ἐστι τὸ ζῷον, ὑπὸ θηλείας μὴ κυοφορούμενον· μόνου γὰρ γένεσις αὐτοῦ τοιαύτη ἐστὶν· ἐπειδὰν ὁ ἄρσην βούληται παιδοποιήσασθαι, βοὸς ἀφόδευμα λαβὼν, πλάσσει σφαιροειδὲς παραπλήσιον τῷ κόσμῳ σχῆμα, ὃ ἐκ τῶν ὀπισθίων μερῶν κυλίσας ἀπὸ ἀνατολῆς εἰς δύσιν, αὐτὸς πρὸς ἀνατολὴν βλέπει, ἲνα ἀποδῷ τὸ τοῦ κόσμου σχῆμα· αὐτὸς γὰρ ἀπὸ τοῦ ἀπηλιώτου εἰς λίβα φέρεται, ὅ δὲ τῶν ἀστέρων δρόμος, ἀπὸ λιβὸς εἰς ἀπηλιώτην⋅ταύτην οὖν τὴν σφαῖραν κατορύξας, εἰς γῆν κατατίθεται ἐπὶ ἡμέρας εἰκοσιοκτὼ, ἐν ὅσαις καὶ ἡ σελήνη ἡμέραις τὰ δώδεκα ζῴδια κυκλεύει, ὑφ᾽ἣν ἀπομένον, ζῳογονεῖται τὸ τῶν κανθάρων γένος, τῇ ἐννάτῃ δὲ καὶ εἰκοστῇ ἡμέρᾳ ἀνοίξας τὴν σφαῖραν, εἰς ὕδωρ βάλλει, ταύτην γὰρ τὴν ἡμέραν νομίζει σύνοδον εἶναι σελήνης καὶ ἡλίου, ἔτι δὲ καὶ γένεσιν κόσμου⋅ ἧς ἀνοιγομένης ἐν τῷ ὕδατι ζῷα ἐξέρχεται, τούτεστιν οἱ κάνθαροι⋅ γενέσεις δὲ, διὰ τὴν προειρημένην αἰτίαν⋅ πατέρα δὲ, ὅτι ἐκ μόνου πατρὸς τὴν γένεσιν ἔχει ὁ κάνθαρος⋅ κόσμον δὲ, ἐπειδὴ κοσμοειδῆ τὴν γένεσιν ποιεῖται· ἄνδρα δὲ, ἐπειδὴ θελυκὸν γένος αὐτοῖς οὐ γίνεται⋅ 37

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1.2.7. Ne voulant pas amputer la citation d’Horapollon, on signalera également qu’au passage suivant il distingue trois espèces de scarabées que l’on mentionnera pour mémoire : Il y a trois espèces de scarabées. La première ressemble au chat ; elle porte des raies et en raison de ce trait de ressemblance, ils l’ont consacrée au soleil. Car on prétend que le chat mâle modifie les prunelles de ses yeux suivant le cours du soleil : celles-ci s’écarquillent le matin au lever du dieu, elles deviennent rondes au milieu du jour et semblent réduites à l’heure où le soleil va se coucher ; c’est aussi pourquoi la statue du dieu qui se trouve à Héliopolis a la forme d’un chat. Tout scarabée a également 30 doigts à cause des 30 jours du mois pendant lesquels le soleil se lève et fait sa course. La deuxième espèce a deux cornes et ressemble au taureau ; elle est aussi consacrée à la lune ; c’est pourquoi les enfants des Égyptiens disent que le taureau céleste représente le sommet de la puissance de la déesse. La troisième espèce n’a qu’une corne et ressemble à un ibis ; ils croient qu’elle se rapporte à Hermès tout comme l’oiseau (appelé) ibis38.

Dans ce passage de nombreuses fois commenté, le premier scarabée — on peut penser à S. sacer, Kheper aegyptiorum Latreille, 1827, ou Bubas bubalus Olivier, 1811, qui présentent des élytres rayés — est solaire et associé au chat d’Héliopolis sur la base de la dilatation de sa pupille au cours de la journée. Il n’est pas rare, en effet, de rencontrer des têtes de chat en bronze sommées d’une image de S. sacer quand un scarabée aux ailes déployées ne se voit pas sur la poitrine en lien avec un œil oudjat39. On ne sait pas comment Horapollon compte les doigts du scarabée pour aboutir au nombre de trente. Le deuxième est lunaire en raison de cornes céphaliques (sans doute Heliocopris gigas L., 1758). Le troisième est hermético-ibiaque en raison de sa corne unique ressemblant au bec d’un ibis, ce qui le ramène à un scarabée lunaire. Une telle description ne serait plausible qu’au cas où l’animal ayant servi de modèle disposerait d’une corne prothoracique courbée vers le sol. Cette espèce serait plutôt une chimère. Εἰσὶ δὲ καὶ κανθάρων ἰδέαι τρεῖς⋅ πρώτη μὲν, αἰλουρόμορφος καὶ ἀκτινωτὴ, ἥνπερ καὶ ἡλίῳ ἀνέθεσαν διὰ τὸ σύμβολον⋅ φασὶ γὰρ τὸν ἄρρενα αἴλουρον συμμεταβάλλειν τὰς κόρας τοῖς τοῦ ἡλίου δρόμοις⋅ ὑπεκτείνονται μὲν γὰρ κατὰ πρωΐ, πρὸς τὴν τοῦ θεοῦ ἀνατολὴν, στρογγυλοειδεῖς δὲ γίνονται κατὰ τὸ μέσον τῆς ἡμέρας, ἀμαυρότεραι δὲ φαίνονται, δύνειν μέλλοντος τοῦ ἡλίου, ὅθεν καὶ ἐν τὸ Ἡλίου πόλει ξόανον τοῦ θεοῦ αἰλουρόμορφον ὑπάρχει⋅ ἔχει δὲ πᾶς κάνθαρος καὶ δακτύλους τριάκοντα, διὰ τῶν τριάκοντα ἡμερῶν τοῦ μηνὸς, ἐν αἷς ὁ ἥλιος ἀνατέλλων τὸν ἑαυτοῦ ποιεῖται δρόμον⋅ δευτέρα δὲ γενεά, ἡ δίκερα καὶ ταυροειδὴς, ἥτις καὶ τῇ Σελήνῃ καθιερώθη, ἀφ’οὗ καὶ τὸν ἐν οὐρανῷ ταῦρον, ὕψωμα τῆς θεοῦ ταύτης λέγουσιν εἶναι παῖδες Αἰγυπτίων⋅ τρίτη δὲ ἡ μονόκερως καὶ ἰδιόμορφος, ἣν Ἑρμῇ διαφέρειν ἐνόμισαν, καθὰ καὶ ἶβις τὸ ὄρνεον. 39 Mais ce coléoptère pouvait aussi se rencontrer sur la tête de statues royales de l’époque ramesside, ou encore, à partir de la fin du Nouvel Empire, orner le crâne de statuettes de Bastet, de Patèques, et à partir de la 3e Période intermédiaire, orner la calotte de cercueils et masques de momies anthropomorphes, ainsi que la tête de personnages figurés en statues-cubes, dans un sens plus général lié à la régénération et la renaissance ; cf. Martina MINAS-NERPEL, « Zum Skarabäus in der Plastik des Neuen Reiches », dans M.M. Eldamaty & M. Trad (éd.), Egyptian Museum Collection around the World, 2 vol., Le Caire 2004, vol. 2, p. 811-823. 38

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1.2.8. SYNTHÈSE. — Si l’on tente de synthétiser les précédentes informations, on remarque que le scarabée, de l’avis de tous, est une divinité et notamment un animal solaire, dès Apion puis Pline, et ce jusqu’à Porphyre et Horapollon, ce dernier distinguant autant de doigts que de jours correspondant à un mois solaire, c’est-à-dire trente (cf. supra, § 1.2.7). Tous se font l’écho de la pensée égyptienne selon laquelle les scarabées n’auraient pas de femelle. Pour cette raison, le scarabée représenterait un symbole de virilité se rapportant aux guerriers. Mais si l’on en croit Plutarque et Élien (cf. supra, § 1.2.2-4), le processus d’ensemencement de la pilule par les mâles est décrit comme antérieur au moment réel où se produit la ponte (cf. supra, § 1.1.4-5), car il est dit agir dans cette perspective lorsqu’il roule sa pilule. D’où il appert que les Égyptiens confondent le roulement de la boule par un ou plusieurs scarabées les conduisant à s’isoler dans un terrier-crypte afin de festiner, avec celui de la fécondation invisible aux yeux de l’humain ordinaire. Élien ajoute cependant un cycle de reproduction de vingt-huit jours au terme duquel le « petit » naît (cette idée de « petit » n’a pas de sens puisque l’imago a la même taille que l’adulte), tandis que Porphyre imagine une activité de l’espèce d’un nombre de jours équivalent à un cycle lunaire correspondant peu ou prou à un mois solaire. Cependant, l’obser-vation des naturalistes permet d’affirmer que le cycle peut être variable et dépend de la température ambiante. Cette conjonction entre mois lunaire et solaire est attestée par Horapollon (cf. supra, § 1.2.6). 1.2.9. En définitive, de l’association étroite entre le scarabée et le soleil, d’après le regard que les Égyptiens portent sur cette espèce et dont les auteurs grecs et latins se font l’écho, il appert, découlant de l’expression wbꜢ nḥp.t, que les penseurs de la basse vallée du Nil considéraient que l’émergence de l’imago de la boule stercorale de l’œuf ainsi formé allait dans le sens de la naissance d’un être autogène qui alimente le concept de ḫpr-ḏs⸗f, « celui qui advient de lui-même », très souvent employé pour les dieux40, c’est-à-dire l’être qui ne doit sa naissance qu’à ses propres œuvres. Or, on observera que, d’après les auteurs classiques, la naissance du scarabée nécessite bien l’intervention d’un père, mais on peut se dire, dans ce cas-là, que l’imago, ayant la même forme que l’adulte quand il sort de terre, s’est engendré lui-même en se réincarnant, en recourant au milieu matriciel formé par la bouse, qui, en vertu de ses qualités antiseptiques et bactéricides dont elle serait dotée, était utilisée dans maintes écotraditions, ce qui lui vaut d’être considérée comme sacrée41 et sans doute cosmique, du moins céleste, ce qui doit contribuer à modifier notre regard sur cette matière. 40

LÄGG V, 703a-706a. CHRISTOPHE, La bouse. Maintes publications montrent que la bouse constitue une richesse dont on ne se défait pas, et au contraire qu’on s’approprie, notamment en Inde. Voir Marie-Claude MAHIAS, « Du bon usage de la bouse et des femmes en Inde du Nord », L’Homme 34, no 131 (1994), p. 57-75. 41

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1.3. L’objet et la matière (n)nw.t 1.3.1. Par rapport au précédent, le second terme, plus ambigu et, partant, plus dissensuel, figure presqu’exclusivement dans les recensions funéraires nw.t42, déterminé par présentes dans les tombes royales. Ce mot, graphié 43 un hiéroglyphe problématique oblong , vient apporter des compléments à la précédente interprétation. Il en existe d’autres graphies, les unes dépourvues (Séthi Ier), les autres dotées d’une préformante n de déterminatif, comme (peut-être la forme nisbé nj) sous les graphies suivantes : Amenhotep II),

(Thoutmôsis III),

(Ramsès VI,

(Ouseramon)44. Cesdites graphies

pourraient présenter des analogies avec le terme nnw.t, « le ciel inférieur », lieu où Khépri faconnerait symboliquement sa nḥp.t45. On étudiera plusieurs aspects de ce terme en passant en revue un choix de documents où on verra que son sens peut évoluer au sein des textes funéraires royaux. 1.3.2. Dans la mesure où la signification de nḥp.t a été non seulement mieux définie mais recontextualisée dans le cycle de S. sacer, il convient de s’interroger sur la nature de l’objet ou de la matière nommés nw.t ou nnw.t, dont le déterminatif revêt une forme oblongue plutôt qu’ovoïde ou ovale, termes trop connotatifs. Ils rapportent d’emblée l’objet que l’on étudie à un œuf, ce qui n’est pas forcément le cas. Certes, selon Erik Hornung — qui recourt à l’allemand Oval pour rendre le sens de (n)nw.t46 —, le mot pourrait non seulement évoquer la pilule stercorale47, mais aussi représenter une image en réduction du monde souterrain, la Douat, d’où émerge le soleil matinal sous la forme du scarabée parfois nommé Ḫpr-῾nḫ (Fig. 1)48. Mais en optant pour la traduction Oval, E. Hornung neutralise, nous semble-t-il, le sens naturaliste originel de (n)nw.t. La compréhension de ce terme doit être abordée sous un angle différent à l’aide de deux documents : le registre inférieur la 5e Heure du même ouvrage

42

Wb II, 217, 9. Le mot « oblong » est préférable au terme « ovale » (« qui a la forme d’un œuf »). 44 Pour ces différentes graphies du Livre de l’Amdouat, Erik HORNUNG (éd.), Texte zum Amduat, teil III, 9. bis 12. Stunde (AegHelv 15), Genève 1994, p. 704. De l’inscription de Thoutmôsis Ier, il ne reste plus que le signe nw. 45 Cf. LÄGG II, 298, b, épithète d’Horus d’Edfou. 46 Erik HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, Zurich − Munich 1972, p. 113, 162, 469 ; cf. Martina MINAS-NERPEL, Der Gott Chepri: Untersuchungen zu Schriftzeugnissen und ikonographischen Quellen vom Alten Reich bis in griechisch-römische Zeit (OLA 154), Louvain 2006, p. 178. 47 HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, p. 113 et p. 513, n. 14. 48 Ibid., p. 113, p. 162 ; cf. p. 164-165, fig. 11 ; MINAS-NERPEL, loc. cit. Des formes ovales, non spécifiées dans les inscriptions, étaient largement utilisées dans les représentations funéraires des tombes royales pour figurer des tombes de dieux, ibid., p. 324 et fig. 76 p. 314-315. Sur une interprétation de ḫpr-῾nḫ, voir infra, § 4.2. 43

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et la scène de la 10e Heure du Livre de l’Amdouat, examen que l’on prolongera par la section D, 6 du Livre de la Terre. 1.4. Document 1 : le registre inférieur la 5e Heure du Livre de l’Amdouat 1.4.1. On voit bien la raison d’un tel parti pris par E. Hornung et, en règle générale, la perplexité des auteurs qui se sont employés à le définir. Mais cantonné à la signification de « Ovale », le mot (n)nw.t, réduit à la seule forme, perd de son sens originel à en croire l’iconographie correspondant au registre inférieur de la 5e Heure du Livre de l’Amdouat49 (Fig. 1). Dans ce contexte, s’inscrivant dans la caverne de Sokar(-Osiris) surmontée de la tête de Aker, la (n)nw.t revêt la forme d’un espace oblong entouré par du sable en lien continu avec une ligne de sol et apparaissant calé entre deux protomes de sphinx, qui assument le rôle de gardiens, et renfermant la silhouette du dieu hiéracocéphale Horus, répondant à l’épiclèse « Chair-de-Sokar-qui-est-sur)50, monté sur un étrange véhicule son-sable » (Jwf-Skr-ḥrj-š῾⸗f) ( formé de quatre serpents ailés dont il maîtrise les ailes en les empoignant au niveau du métacarpe51, allégorie qui renvoit à l’idée d’un être qui, se départissant des forces chthoniennes — un serpent amphisbène à quatre têtes (trois têtes de serpents à droite et une tête humaine à gauche) — ou qui les contrôle, est susceptible de prendre son essor dans les airs, en regagnant la surface. On notera que l’épiclèse du dieu établit que l’être se trouve dans un milieu sablonneux, ou plutôt limoneux si l’on croit le cours d’eau sous-jacent reconnaissable à ses lignes brisées. 1.4.2. Cet espace, selon l’hypothèse de Siegfried Schott52, suivie par E. Hornung53, serait un vestige du chaos primordial. Toutefois, à y regarder de près sur le plan formel, il semblerait que l’ambiguïté de sens que l’on cherche à régler en ramenant la nnw.t à la seule notion de forme ovale ne serait qu’apparente. On s’aperçoit en effet que le registre inférieur de la 5e Heure, surmonté par la figure d’Aker est lié au registre supérieur par une ligne de terre franchie par un scarabée (vu à mi-corps) au-dessus duquel se trouve une butte dont l’apparence, si l’on en croit le piquetage, est également sablonneuse, gardée par deux oiseaux qui peuvent être deux milans ou deux hirondelles (lesquelles

49

Ibid., p. 102-103, registre du bas. LÄGG I, 184b. 51 Sur la 5e Heure, voir Sylvie CAUVILLE and Mohammed Ibrahim ALI, La Vallée des Rois. Itinéraire du visiteur, Louvain 2014, p. 114-115. 52 Siegfried SCHOTT, « Zum Weltbild der Jenseitsführer des neuen Reiches », NAWG 11 (1965), p. 185-197. 53 HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, p. 113. 50

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a.

b.

Fig. 1a. Horus dans la (n)nw.t, de forme oblongue, dans l’espace correspondant à la 5e Heure du Livre de l’Amdouat, tombe de Thoutmôsis III. — b. Détail.

sont attachées à la fabrication de buttes près des berges du Nil54), Isis et Nephthys, et Anubis veillant sur le coffre55. 1.4.3. Le scarabée, qui, en vertu de son cycle de reproduction, a des potentialités chthoniennes et solaires, apparaît donc comme un vecteur pratique entre deux registres, dont le supérieur est solaire et l’inférieur chthonien. D’une certaine manière, la butte abritant le coffre osirien, pourrait aussi, à sa manière, suggérer la taupinée qui se forme, par le travail de forage de S. sacer, au-dessus du terrier de l’animal (cf. supra, § 1.1.1), et ici magnifié comme une butte attachée au travail des hirondelles. Le concept correspondant au percement (wbꜢ) effectué par l’animal paraît connoté par le hiéroglyphe

wbꜢ

(U 26), pour le verbe wbꜢ « percer »56, qui rejoint la locution wbꜢ nḥp.t « ouvrir la boule » (cf. supra, § 1.1.1). Ce hiéroglyphe est visible, perché au sommet de cette butte-coffre (tombes d’Amenhotep II et Thoutmôsis 54 Frédéric SERVAJEAN, « À propos d’une hirondelle et de quelques chats à Deir al-Médîna », BIFAO 102 (2002), p. 353-370 ; Sydney H. AUFRÈRE, « Osiris-Nil, Isis-Terre versus Typhon-Mer. Hypothèses sur les boghaz des lacs littoraux, l’Ekrêgma et les “Expirations de Typhon” du lac Sirbonis », dans R. Lebrun & É. Van Quickelberghe (éd.), Dieu de l’orage dans l’Antiquité méditerranéenne. Actes du colloque international organisé à Louvain-la-Neuve les 5 et 6 juin 2015 par le Centre d’Histoire des Religions Cardinal Julien Ries (Homo Religiosus série II, 17), Turnhout 2017, p. 107-154 : p. 128-136. 55 CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 166, bas. 56 Wb I, 290, 2.

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III). L’analogie serait alors complète entre S. sacer forant le sol en enfouissant, seul ou à deux, sa pilule stercorale, laissant émerger au-dessus de son forage un petit monticule, et la tarière frayant son chemin dans l’épaisseur d’une pierre en dégageant de la poudre. 1.4.4. Ainsi, le mot (n)nw.t de la 5e Heure, correspondant à l’élément oblong, se verrait-il ici rechargé par son sens naturaliste en faisant allusion, non à une pilule stercorale, mais bien, dans ce cas, à l’idée que les Égyptiens pouvaient se faire d’un terrier-crypte creusé par le sca-rabée comme semblerait l’indiquer la descente visible du scarabée dans le monde souterrain matérialisé par du sable ou du limon (cf. supra, § 1.1.1), territoire funéraire de Sokar57, afin de préparer une place adaptée à la renaissance d’Horus, « Chair-de-Sokar-qui-estsur-son-sable », faisant écho, selon un modèle différent, aux scènes parallèles du Livre des Cavernes et du Livre de la Terre (cf. infra, § 2.1. Document 3). Ce dernier émergeant de la (n)nw.t, chargée d’une potentialité de renaissance, est une forme juvénile renaissant du vieux dieu et remontant des profondeurs, empoignant les ailes de faucon, signe de prise de possession sur l’air, et dominant les forces obscures sous la forme de serpents. Selon Sylvie Cauville, ce geste annoncerait une prise de pouvoir58. On notera que le texte se rapportant à cette nnw.t lui confère un caractère fantastique. Il y est question de son éclairement ; de surcroît, un bruit s’y produit, aussi fort que le tonnerre lors d’une tempête59. Ainsi transposée du monde de la nature dans celui de l’allégorie, du microcosme à un environnement imaginaire formidable, elle acquiert la valeur d’espace recélant des potentialités de transformation pour l’être qui s’y trouve. Il convient cependant de noter une association entre un terme fortement attaché au scarabée et à un falconidé divin, une idée qui sera souvent exprimée dans l’iconographie par les scarabées de l’espèce S. sacer aux ailes remplacées par des ailes de faucon solaire. 1.5. Document 2 : la 10e Heure du Livre de l’Amdouat 1.5.1. Mais un second sens est attaché au mot (n)nw.t. Pour revenir au terme même, s’il y a peu de chance, eu égard à la forme du déterminatif, que cet objet puisse évoquer, primo sensu, une pilule stercorale, laquelle ne peut être que sphérique en raison de la spécificité de l’activité de S. sacer, il serait raisonnable de penser, d’une part, au matériau de base, en d’autres termes à la bouse de grand ruminant60, matériau que le bousier s’apprêterait à pétrir afin d’en 57 Ibid., p. 114, fig., où on voit le scarabée comme suspendu au registre du dessus et interférant de ses pattes avec le domaine de Sokar, dans une union avec lui. 58 Ibid., p. 115. 59 HORNUNG, Unterweltsbücher, p. 113 et 114. 60 Sur cette matière stercorale, voir la thèse de doctorat vétérinaire de CHRISTOPHE, La bouse.

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tirer, dans un second temps, l’objet sphérique nommé nḥp.t. Plus explicite sur ce point que les autres auteurs classiques (cf. supra, § 1.2.1-6), Horapollon61 en effet, rappelle, dans un chapitre sur l’idée de Μονογενές, que le scarabée « prend de la bouse de vache et (en) fabrique une boule ayant une forme semblable à celle du monde » (βοὸς ἀφόδευμα λαβὼν, πλάσσει σφαιροειδὲς παραπλήσιον τῷ κόσμῳ σχῆμα)62. Cependant, d’autre part, nonobstant la forme affectée par le déterminatif différent d’un œuf, lorsque l’Égyptien emploie ce terme, il y aurait une volonté de faire converger concurremment trois notions qui présentent des points communs : la bouse ou amas stercoral du bovidé63, la pilule stercorale et l’idée d’un habitat évoquant un terrier-crypte, l’expérience montrant que les trois éléments entretiennent des liens selon un continuum précis jadis inconnu des Égyptiens. 1.5.2. Une convergence entre bouse et pilule stercorale s’impose. Deux éléments permettent de désambiguïser l’objet : l’iconographie et le texte de la 10e heure du Livre de l’Amdouat (tombe de Ramsès VI) (Fig. 2).

Fig. 2. Scarabée (trans)portant la (n)nw.t à l’aide de ses pattes antérieures, 10e Heure du Livre de l’Amdouat. De g. à dr. tombes de Thoutmôsis III, Amenhotep II et Séthi Ier. 61

Horapollon, Hier. 1, 10 (van de Walle & Vergote). On notera que la sphéricité du « monde » n’est pas en soi égyptienne, mais fait écho à la vision d’Érathostène d’Alexandrie. 63 La bouse n’a pas de caractère repoussant et dégradant en Égypte puisque ses habitants, selon Hérodote (Hist. 2, 35), tandis qu’ils pétrissent la pate à pain avec les pieds, ramassent les excréments bovins à la main, à la différence de la Grèce, d’autant qu’ils sont utilisés comme combustible ou comme matériau de construction. Elle est considérée encore aujourd’hui comme un excellent combustible pour cuire le pain dans tous les pays du Maghreb, sans compter qu’elle est employée, dans les villages traditionnels kabyles, pour la construction des maisons sous la forme d’un « mélange de matières naturelles dont l’argile, la paille, la bouse de vache fraîche et l’eau », mais cela est également valable en Égypte. Elle était également employée pour fabiquer des récipients au Maroc ; cf. Juan José IBAÑEZ et alii, « Argile et bouse de vache. Les récipients de la région Jbâla (Maroc) », Techniques & Cultures 38 (2002), p. 1-16. La bibliographie abonde de cas d’emplois de ce matériau, employé comme moyen de chauffage, récipient ou matériau de maçonnerie. 62

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1.5.3. D’une part, l’iconographie, puisqu’on voit un scarabée noir (il s’agit bien d’un exemplaire de S. sacer) semblant pousser à l’aide de ses pattes antérieures l’objet oblong64, présentant une affinité avec un matériau pulvérulent, sablonneux ou terreux ( ) reconnaissable comme tel à l’observation du piquetage de la surface interne, que confirment le déterminatif dans le terme nnw.t (Thoutmôsis III) ou celui qui indique la pulvérulence, graphie du même terme :

, dans une autre

(Ouseramon). Ce scarabée, d’après les tombes de

Thoutmôsis III, Amenhotep II et Séthi Ier, est nommé (Ḫpr-῾nḫ) (Fig. 2)65.

« Scarabée-Vivant »

1.5.4. Revenons en arrière (cf. supra, § 1.5.3) : « Semblant pousser », car le verbe « pousser » qui semblerait pouvoir être déduit de cette représentation, serait autant inexact qu’inadapté, et parce que, d’autre part, l’inscription, se rapportant à la réapparition du dieu solaire sous forme de scarabée à l’horizon oriental dit explicitement :

Les voici (= les dieux) ainsi dans la Douat (wnn⸗sn m sḫr pn m DwꜢ.t) en tant qu’aspects et formes de Khépri (m jr.w ms.w Ḫprj) quand il (trans)porte sa (n)nw.t vers cette résidence (fꜢ⸗f nw.t⸗f r njw.t tn), pour sortir ensuite à l’horizon oriental du ciel (r prt m-ḫt r Ꜣḫ.t jꜢb.t n.t p.t)66.

L’action décrite est donc bien celle d’un transport de la (n)nw.t et non d’une autre opération quelconque en lien avec le pétrissage. L’expression m sḫr pn67, « de cette façon, de cette manière », cantonnée presque exclusivement aux tombes royales, indique qu’iconographie et texte seraient conformes à l’observation ; on l’a traduite « ainsi ». On a également jugé préférable de translittéen s’alignant sur le rer m jr.w ms.w Ḫprj la séquence modèle moins ambigu, mais cependant unique, de la version de Séthi Ier : (cf. supra). Il s’agit probablement de corps en décomposition devant renaître avec lui. Dans la seconde proposition, l’emploi du 64 Belle iconographie de ce scarabée dans CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 130 (tombes de Thoutmôsis III, Séthi Ier et Ramsès VI). 65 Le déterminatif de la matière (n)nw.t entretiendrait-il une affinité avec celui du verbe šn, lequel véhicule le concept d’ « être rond » ? Voir Wb IV, 489-491. 66 Traduction d’après la tombe de Ramsès VI. Pour la version hiéroglyphique : cf. Erik HORNUNG (éd.), Texte zum Amduat, III, 9. bis 12. Stunde (AegHelv 15), Genève 1994, p. 704705, dixième heure, registre supérieur, texte de Ramsès VI. Voir aussi Erik HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, Zürich – Munich 1972, p. 162 et 164. 67 Wb IV, 359, 17.

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verbe fꜢj « porter » explicite l’iconographie du scarabée porteur de la (n)nw.t, qui ne serait autre autre, secundo sensu, que le matériau stercoral, allusion à la renaissance du soleil et qui évoque aussi un milieu matriciel pour les dieux de la Douat désignés comme étant, en vertu d’un processus d’identification, divers « aspects et formes de Khépri ». Le segment njw.t tn « cette résidence », ici, est un synonyme pour la Douat, comme un lieu d’activité qui se décline à partir d’un lieu terrestre. 1.5.5. Ainsi, le scarabée portant sa (n)nw.t apporterait symboliquement dans la Douat l’amas stercoral, en d’autres termes la bouse sacrée dont il se nourrit et alimente sa progéniture ; c’est dans ce milieu stercoral, nourricier, et en même temps qui peut s’avérer un abri passager, que se produit la transformation, la bouse étant, elle, le paradigme même de la métamorphose, car des espèces de scarabées différentes de S. sacer, comme les Geotrupidae, et ayant un cycle biologique différent, élisent domicile dans cette matière organique, micro-écosystème riche en eau et facilement assimilable. On peut dire que le texte et la représentation attachés à la (n)nw.t présentent des affinités avec le registre inférieur de la 5e Heure du Livre de l’Amdouat (Document 1, cf. supra, § 1.4). Ici, Khépri partage avec les dieux, intégrés dans ce processus de reproduction, un matériau matriciel à partir duquel ils sont en mesure de connaître un cycle nouveau. Ainsi ce texte univoque, éclairant l’iconographie, témoignerait qu’aux yeux des concepteurs du décor, il y aurait bien convergence entre la pilule stercorale que roule le scarabée et la bouse qui, bien qu’elle ne soit pas circulaire, finit par lui être assimilée en tant que matériau primaire d’où la première sera tirée après pétrissage et modelage par le scarabée mâle ou femelle de S. sacer. Mais cela, on l’a vu, reste une vue de l’esprit, un concept, qui puise dans une observation naturaliste mais en la vidant de toute réalité. 1.6. Conclusion intermédiaire 1.6.1. Ainsi que nous venons de le constater, la (n)nw.t du scarabée possède une signification symbolique étendue : malgré sa forme oblongue (cf. supra, Document 1), elle représente le milieu nourricier anticipant la pilule sphérique roulée en surface (stade A) où les Égyptiens, à tort, placent la renaissance de l’imago, alors qu’elle fait auparavant l’objet d’un raffinage dans le terrier par la femelle68. Mais l’objet (n)nw.t, pour les mêmes raisons, peut également être associé à l’univers de la Douat où sont créés les dieux et au disque solaire lui-même comme nous venons de le voir69. Enfin, en anticipant (cf. infra, Versus CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, p. 22. Rainer HANNIG, Grosses Handwörterbuch Ägyptisch-Deutsch. Die Sprache der Pharaonen, Mayence 1995, p. 397, voir le terme nw.t. 68

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Document 3), la (n)nw.t pourrait également, par analogie, désigner l’enveloppe fabiforme entourant le corps d’Osiris dans cette même Douat nommément citée (cf. infra, § 2, Document 3). 1.6.2. Cette forme donnée à la (n)nw.t dans les images et textes des tombes royales qui l’identifient clairement, suggère le hiéroglyphe de la bande de terre , matériau proche de celui dont la pilule de bouse est issue, mais qui pourrait aussi faire écho à la taupinée visible au-dessus du terrier et dont l’imago émerge puisque ce dernier sort de la terre, sans doute humidifiée par la remontée de la nappe aquifère. Jouant sur l’ambiguïté de son déterminatif, la (n)nw.t fait alors figure de terre et d’horizon d’où émerge le dieu comme « petit » du scarabée. Lorsque l’imago « ouvre sa boule »70 (sur la difficulté liée à cette assertion ; cf. supra, § 1.1.1), l’Égyptien postule qu’il sépare l’horizon en deux afin d’y effectuer son apparition matutinale à l’instar du soleil émergeant de l’horizon71. Les livres funéraires royaux montrent le scarabée Khépri accompagné du disque solaire constituant un motif interchangeable avec la (n)nw.t, notamment au Livre de la Terre (Fig. 3)72. 2. La (n)nw.t comme milieu protecteur et régénérateur 2.0. Mais la (n)nw.t, sainte par excellence, peut également être transposée dans certains contextes comme un milieu protecteur et régénérateur offert à des divinités dont on veut exalter la renaissance. 2.1. Document 3. Livre de la Terre, section D, 6 2.1.1. Dans une inscription provenant de la même section du Livre de la Terre évoquée plus haut, mais au registre suivant (D, 6), on découvre encore une allusion à l’objet (n)nw.t, dont la forme se plie aux besoins de l’iconographie (Fig. 3a-b)73. Dans une enveloppe fabiforme on voit un être noir aux bras invisibles, à perruque et barbu, dessinant comme un arc de cercle vers le haut. La scène s’inspire-t-elle de l’iconographie, au Livre des Cavernes, d’un tableau 70 Otto NEUGEBAUER & Richard PARKER, Egyptian Astronomical Texts I. The Early Decans, Londres 1960, p. 48 : « il ouvre sa [boule] (wbꜢ⸗f nḥp.t⸗f) ; il nage dans sa rougeur, il est purifié dans les [bras] de son père Osiris. » — N.B. : la rougeur fait allusion au soleil à son lever ; cf. Alexandre PIANKOFF, « Les grandes compositions religieuses du Nouvel Empire et la réforme d’Amarna », BIFAO 62 (1964), p. 207-218 : p. 217, n. 5. 71 PIANKOFF, La création du disque solaire (BiÉtud 19), Le Caire 1953, pl. D ; Idem, « Les grandes compositions religieuses…», p. 217. 72 Par exemple, voir HORNUNG, Die Unterweltsbücher, p. 470, fig. 105. 73 Ibid., p. 468-469, fig. 103 ; Sylvie CAUVILLE & Mohammed Ibrahim ALI, La Vallée des Rois. Itinéraire du visiteur, Louvain 2014, p. 165 (photo couleur). Voir un excellent commentaire dans Florence MAURIC-BARBERIO, « Nouvelles considérations sur le Livre de la Terre dans la tombe de Ramsès VI », BIFAO 110 (2010), p. 175-220 : p. 206-207.

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Fig. 3a. Livre de la Terre, section D, 5. « Cadavre-d’Osiris » dans la (n)nw.t donnant naissance au jeune soleil, Horus74.

Fig. 3b. Détail.

de la 4e caverne75 qui montre Osiris-qui-préside-à-ses-mystères (Wsjr ḫntj štꜢ.w⸗f), où Isis et Nephthys exhaussent le corps du dieu se réveillant, doté de bras, un disque solaire étant visible entre ses mains et ses pieds ? 2.1.2. Une légende, aux signes distribués devant la silhouette du personnage central, donne le nom de cette étrange créature ; il s’agit de , 76 HꜢt-Wsjr « Cadavre-d’Osiris » conçu comme une entité divine en soi , cependant qu’un dieu hiéracocéphale, portant perruque et pagne, aux pieds disparaissant au milieu de la masse du corps, émerge de Cadavre-d’Osiris tandis que derrière lui un disque rouge ajoute à la scène une connotation solaire. D’après PIANKOFF, The Tomb of Ramesses VI, p. 364, fig. 116. Une belle iconographie de la scène dans CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 73 et p. 75, bas (photo couleur). 76 LÄGG VI, 4b. 74 75

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Il effectue des deux mains un geste de louanges devant la face du « cadavre » (dépourvu de bras dans le dessin)77 de son père dont, d’après l’iconographie, il tire sa substance. L’espace formé par l’objet est protégé par deux déesses, peintes aux couleurs de la vie, au corps légèrement ployé en avant, vêtues d’une robe-fourreau78. Il s’agit d’Isis et de Nephthys, respectivement désiHꜢt-Js.t-῾m.t « Cadavre-d’Isisgnées, en dépit de leurs couleurs vives, la-Dévoreuse », avec des doutes sur la signification du dernier mot79, une qualification qui pourrait renvoyer à l’idée de Grande Dévo-reuse (῾m.t-wr.t) dans le monde des morts80, et

HꜢt-Nb.t-ḥw.t « Cadavre-de-Nephthys »81.

2.1.3. Décrivant la scène, l’inscription peinte au-dessus de l’enveloppe fabiforme renfermant la figure d’Osiris témoigne de l’univocité de la scène telle que figurée :

Ce grand dieu est ainsi dans sa nnw.t qui est dans la Douat (nṯr pn ῾Ꜣ m sḫr pn m nnw.t⸗f jmj DwꜢ.t). Horus sort du cadavre de son père et acclame celui qui l’a engendré (Ḥr (?) pr⸗f m ẖꜢ.t jt⸗f ḥqnwt⸗f n P(Ꜣ)-n-wtṯ-sw) ; ses deux Sœurs, elles s’unissent à son cadavre (sn.tj⸗fj ẖnm⸗sn ẖꜢ.t⸗f), ce grand dieu (Osiris) s’entretenant avec lui (= Horus), lui, lorsqu’il voit les rayons de son disque (jw nṯr pn mdw⸗f n⸗f ṯ(w)f mꜢꜢ⸗f ḥḏ.w jtn⸗f)82.

2.1.4. On insistera, ici, sur le fait que, dans ce texte, la (n)nw.t ne se confond pas avec la Douat ; elle s’y trouve, confirmant plus haut le Document 2 (cf. supra, § 1.5), où Khépri l’apporte en tant que milieu matriciel et nourricier. Le Grand Dieu est Cadavre-d’Osiris dont sortira Horus, le jeune soleil comme peut le suggérer le disque visible derrière lui ; ce dernier est celui qui « acclame celui qui l’a engendré ». Isis et Nephthys comme Cadavre-d’Isis-dévoreuse et Cadavre-de-Nephthys, doivent s’unir à Cadavre-d’Osiris afin d’assurer la renaissance du dieu solaire, sous la forme d’un dieu rajeuni et horien. D’après 77

La présence de la silhouette d’Horus empêche de dessiner des bras. Il faut noter que l’ouvrage de Cambefort (Le scarabée et les dieux, p. 30, fig. 2.3) fait justement disparaître les deux déesses pour mieux donner corps à l’idée. 79 LÄGG VI, 3c. 80 LÄGG II, 113c-114a. 81 LÄGG VI, 4c. 82 Traduction Spieser d’après PIANKOFF, The Tomb of Ramesses VI, pl. 131. 78

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Fig. 4. La larve coprophage dans la boule stercorale piriforme (a) puis la nymphe avant l’émergence de l’imago (b). D’après CAMBEFORT, « Le scarabée », p. 23 fig. 6a-b.

la première des neuf colonnes du texte qui se trouve à droite, ce sont les « déesses qui gardent le cadavre du Dieu » (nṯr.wt sꜢww ẖꜢ.t nṯr) (cf. Fig. 3a). 2.1.5. L’occasion nous est donnée ici de revenir sur une intéressante analogie proposée par Yves Cambefort83, selon qui la présente iconographie, le cadavre du dieu, soit Osiris défunt, formant un arc de cercle, entrerait en résonance formelle avec la nymphe cournée de S. sacer. Cette idée a pourtant fait son chemin, et même récemment dans le commentaire consacré à cette iconographie par Florence Mauric-Barberio : « l’inclusion d’Osiris à l’intérieur d’une forme ovale désignée sous le nom de nnwt (évoquant vraisemblablement une matrice par référence à la boule de fumier, enfouie dans le terrier du scarabée, dans laquelle se développe la nouvelle larve) et la présence d’Horus en tant que fils issu de son corps84. » Sur la base d’une telle similitude formelle, il serait tentant de croire en l’idée présentée selon laquelle Osiris évoquerait la nymphe d’où émergerait le nouveau dieu solaire sous la forme d’Horus (Fig. 4). Il faut ajouter, pour être précis, qu’une ambiguïté favorable à cette idée naît de la lecture de la légende. Le petit serpent à deux esses, de la taille d’un hiéroglyphe, pourrait être consisdéré comme le déterminatif du nom de ) sous cette forme : , HꜢt-Wsjr. On se « Cadavre-d’Osiris » ( rappelle que le déterminatif du serpent peut-être soit employé pour désigner de vrais serpents — ce qui n’est pas le cas ici —, soit pour déterminer une série d’animaux caractérisés par un cycle de métamorphose allant de l’œuf à la larve et de celle-ci à la nymphe puis à l’imago85. Dès lors, un tel nom corroborerait 83 Yves CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, Paris 1994 ; Idem, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne. Origine et signification du symbole éternel », RHR 204/1 (1987), p. 3-46 : p. 23-24. Voir aussi MARTÍN-PIERA, « Escarabajos Sagrados », Bol. S.E.A. 20 (1997), p. 330, fig. 6 (d’après Cambefort). 84 MAURIC-BARBERIO, « Nouvelles considérations… », p. 207. 85 Voir Sydney H. AUFRÈRE, « Les ϫⲁⲧϥⲉ (< ég. ḏdf.t) dans tous leurs états d’après les scalistes coptes Livre des Degrés (chap. VI) et Scala magna (chap. XV) Chordata (Mammalia, Sauropsida et Amphibia), Arthropoda et Nematoda », dans N. Bosson, A. Boud’hors & S.H. Aufrère

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la comparaison entre ce dernier et la larve ou la nymphe, à l’instar de celle lovée dans la boule stercorale piriforme sur laquelle le scarabée femelle a pondu un œuf. Mais il faut renoncer à cette idée, car ce serpent associé au disque solaire représente un ophidien protecteur, un agathodaimon, également visible dans la caverne no 4 du Livre des Cavernes là où Harendotès s’incline devant deux momies d’Osiris86, et n’a rien à voir voir avec le nom de la divinité qui est bien

, « Cadavre-d’Osiris ».

2.1.6. Mais surtout, il n’est aucunement certain que le continuum de la métamorphose au sein de la pilule stercorale ait pu être observé dans son intégralité par les Égyptiens eux-mêmes — il y faut des moyens de laboratoire comme ceux dont Fabre s’est muni pour en déterminer les étapes —, d’autant plus que l’accouplement est nocturne et le processus de métamorphose souterrain, auquel cas l’hypothèse de Y. Cambefort reste empreinte de doutes. Il vaut mieux songer, en fonction d’observations discontinues du cycle œuf-larve-nympheimago de S. sacer, à une interprétation différente selon laquelle la (n)nw.t, tenue comme milieu matriciel fécond, serait l’enveloppe d’où renaît la vie à l’instar du cycle des scarabées, lorsque l’imago (Horus) se fraie un chemin vers la surface du sol et délaisserait sa forme ancienne (Osiris), sans pour cela voir une volonté de la part des concepteurs de transposer au profit du divin l’intégralité d’un cycle dont l’essentiel demeurait inconnu. 2.1.7. Ainsi, dans cet univers où différents hôtes de la nature sont employés dans un but conceptuel, la (n)nw.t dont il est ici question et qui est représentée comme un logement fabiforme constituerait, en dépit de sa relation au scarabée, un simple espace protecteur à vocation embryonnaire87, une mise à disposition de l’idée de microcrypte du scarabée à l’usage funéraire, d’où renaîtrait le royal défunt. Utilisée à cette fin, la (n)nw.t du scarabée induit la notion de naissance où l’être passe des ténèbres à la lumière que représentent tant Horus-Rê que le disque solaire88, une idée exprimée dans le Document 1 (cf. supra, § 1.4.1-4), où la descente de l’animal fouisseur dans l’espace souterrain induit une relation entre les espaces chthonien et solaire et une transition de l’être renaissant du premier vers le second. Pour terminer, une litanie prononcée par Rê dans le texte à droite la scène montre que l’on incite le cadavre de Celui-de-la-Douat (PꜢ-n-DwꜢ.t) à se dresser. Seule cette notion et non pas une comparaison entre la forme du dieu et la nymphe explique cette iconographie si particulière :

(éd.), Labor omnia uicit improbus. Miscellanea in honorem Ariel Shisha-Halevy (OLA 256), Louvain 2017, p. 3-92. 86 CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 73-74. 87 C’est sans doute ce que signifie CAUVILLE & ALI (La Vallée des Rois, p. 165), en traduisant (n)nw.t par « embryon ». 88 Loc. cit.

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Paroles dites par Rê aux déesses qui sont les gardiennes du cadavre du dieu : « Lève-toi, ô Celui-de-la-Douat, les ténèbres qui sont en toi ayant été chassées. Lève-toi Celui-de-la-Douat, car ton ba est posé sur ton cada-vre. Lève-toi, Celuide-la-Douat, car je fais que ceux qui sont derrière toi s’unissent à toi. Lève-toi Celui-de-la-Douat, car tu reposes dans ce qui est ma tête. Lève-toi, Celui-de-laDouat, Rê. »

Il est intéressant de noter que, dans cette litanie, Rê incite Osiris à devenir une forme de lui-même et donc à passer de l’état chthonien à l’état solaire, faisant ainsi écho au Document 1 dont on peut comparer le texte avec ce dernier89. a.

b.

Fig. 5a. 12e heure du Livre des Portes. Osiris qui « encercle la Douat » aide le soleil à naître à l’horizon oriental du ciel (d’après HORNUNG, Das Buch von den Pforten, vol. 2, p. 290). — b. Détail.

2.2. Document 4. La 12e Heure du Livre des Portes 2.2.1. Un autre exemple est convoqué par Cambefort90 pour étayer l’hypothèse d’une Douat considérée comme équivalent de la (n)nw.t : il s’agit de la scène conclusive du Livre des Portes (Fig. 6)91. Elle montre un Osiris enroulé sur lui-même, la pointe des orteils en contact avec la nuque, formant comme Voir CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 75 (photo couleur du texte). CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, p. 31 et p. 32, fig. 2.4. 91 Belle iconographie et explication de la 12e heure dans CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 62-63. 89 90

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un signe šn, lequel traduit une idée de continuité92. L’inscription placée dans l’espace représentant la Douat est celle-ci : « C’est Osiris, il encercle la Douat » (Wsjr pw šn⸗f dwꜢ.t)93. Le dieu maintient à l’aplomb de sa tête, la déesse du ciel Nout, beaucoup plus petite, juchée sur son crâne et recevant dans ses mains le disque solaire lors de son coucher, luimême poussé vers le haut. C’est ce que dit la légende correspondante sur le « C’est Nout, elle accueille Rê ». Ce sarcophage de Séthi Ier : disque est poussé par le scarabée, jaillissant de la barque solaire du jour (m῾nḏ.t) avec l’inscription suivante : « Coucher de ce dieu dans la barque du jour et des dieux qui sont en elle » (ḥtp nṯr pn m m῾nḏ.t nṯr.w jmj.w⸗f). À bord, on aperçoit Isis et Nephthys aidant le scarabée et différents dieux : Geb, Thot, Heka, Hou et Sia à la poupe et trois autres dieux-portes à la proue94. Le bateau est soulevé, si l’on en croit la légende qui se trouve sur le sarcophage de Séthi Ier, par les deux mains de Noun (Fig. 7) : « ces deux mains émergent de l’eau et elles soulèvent ce dieu » (prr nn ῾.wj m mw sṯs⸗sn nṯr pn). Selon Sylvie Cauville, cette scène, à laquelle on accède en franchissant une porte flanquée des deux bâtons sacrés de Khépri et Atoum95 qui évoquent le soleil du matin et le soleil du soir, traduit plutôt l’union de deux mondes : « le monde primordial du passé et le monde de la nuit »96. 2.2.2. Contrairement à l’idée de Cambefort, ainsi exprimée : « Dans ceuxci (les livres du monde inférieur), la Douat est parfois représentée par l’ovale nenout, ce qui permet de la rapprocher de la boule chthonienne et/ou de la chambre souterraine du scarabée »97, on ne saurait tenir pour certain que la Douat qu’enferme le corps d’Osiris pût être considérée comme un équivalent de la (n)nw.t dans laquelle retourne ici le soleil après son périple journalier. En effet, à en croire le Document 2, si la (n)nw.t se trouve dans la Douat, elle ne se confond pas pour autant avec elle. Il faut donc clairement renoncer à l’idée que la forme enroulée d’Osiris eût suggéré ni l’état antérieur du dieu, ni ses liens avec la (n)nw.t, considérée comme milieu matriciel du soleil renaissant sous la forme du scarabée98, renfermant la larve puis la nymphe et l’imago. Cependant, on pourrait interpréter l’inscription comme une version complémentaire de l’expression liée au disque solaire qui entoure la création en tant CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 63. Inscription de la tombe de Ramsès VI. Erik HORNUNG, Das Buch von den Pforten des Jenseits, I : Text (AegHelv 7), Genève 1979, p. 410. Voir aussi II : Übersetzung und Kommentar (AegHelv 8), Genève 1980, p. 289-292. 94 Il s’agirait de gardiens de porte selon HORNUNG, Ägyptische Unterweltbücher, p. 308. 95 CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 62. 96 Ibid., p. 63. 97 CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, p. 31. 98 Contra PIANKOFF, « Les grandes compositions religieuses… », p. 214. 92

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nb šnn.t jtn « Seigneur de tout ce qu’entoure le disque », que apparaissant à l’époque d’Amarna dans l’hymne à Aton99. En ce cas, Osiris apparaît comme le seigneur entourant la Douat souterraine, complétant ainsi l’œuvre du dieu solaire encerclant le monde de la création dans un acte protecteur et régénérateur. 2.3. Document 5. Crypte ouest no 3 du temple d’Hathor (Dendara VI, pl. 82-83) 2.3.1. Il se pourrait que de tels concepts eussent encore été encore bien vivants dans la pensée égyptienne aux époques tardives où l’on aimait se référer aux traditions passées. Le processus de naissance originel d’un créateur autogène comme le soleil est exalté par un bas-relief gravé sur une des parois de la Crypte ouest no 3 de Dendara (Fig. 6)100. Dans cette crypte, qui regroupe des textes importants, ce bas-relief, formé de représentations d’objets sacrés conservés précieusement dans les flancs du temple, s’avère une synthèse iconographique et, comme telle, il n’est pas sans risque d’en entreprendre l’interpré-tation101. Le sens de lecture du bas-relief est indiqué par les hiéroglyphes : de la gauche vers la droite. Il est composé de cinq éléments, dont certains peuvent être composés de deux figures. L’émergence de Rê y est associée à des formes qui évoquent des affinités entre diverses apparences données au corps d’un enfant faisant penser à la forme d’un scarabée, afin d’induire une identité entre le Créateur (Jr-tꜢ) et le soleil dont on veut souligner ici le caractère autogène sous la forme du coléoptère divin dans un chaos primordial auquel des textes plus anciens font allusion (cf. supra, § 1.4.2 et 1.4.4). Le sens de ce registre repose sur un jeu associant les notions de corps et de terre par le truchement du scarabée ambivalent pouvant être lu tꜢ « terre » et ḫpr « devenir ». Un texte explicatif à gauche de la scène102 évoque cette création : « Le Créateur inspira la parole de Rê » (Jr-tꜢ ḥḥ⸗f Ꜣḫ.wt md.t n(.t) R῾) suivi de cette séquence : « (voici) toutes les manifestations du ciel qui se manifestèrent la première fois initièrent le corps et la terre de sorte que la terre se manifesta et que le corps se manifesta » (ḫpr.w nb.w n.w p.t ḫpr m sp tpj š῾ ḥ῾w tꜢ ḫpr tꜢ Wb IV, 515, en bas ; Pierre GRANDET, Hymnes de la religion d’Aton, Paris 1995, p. 99. Pour les textes de la scène, Dendara VI, 162-163 et pl. 579 et 583. Il faut retourner à l’original. On ne peut rien tirer du dessin imprécis d’Auguste MARIETTE-BEY, Dendérah. Description générale du grand temple de cette ville, 4 vol., Paris 1871, vol. 3, pl. 78. Ce dernier a fait l’objet d’un commentaire par Étienne DRIOTON, « Un oudja à représentation hermopolitaine », RdE 1 (1933), p. 81-85, que l’on ne suivra pas en raison de nombreuses incohérences qui découlent de l’emploi du dessin mentionné supra. 101 Sur la traduction de ces textes, voir Sylvie CAUVILLE, Dendara V-VI. Traduction : Les cryptes du temple d’Hathor (OLA 131), Louvain 2004. Une explication abrégée, accompagnée d’un dessin, est donnée dans Sylvie CAUVILLE & Mohammed Ibrahim ALI, Dendara. Itinéraire du visiteur, Louvain 2015, p. 116-117. 102 Dendara VI, 162, 14-15. Texte reformulé dans CAUVILLE & ALI, Dendera, p. 117. 99

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ḫpr ḥ῾w). On observera la formulation en chiasme (ḥ῾w ←→ tꜢ / tꜢ ←→ ḥ῾w) destinée à induire un rapport d’égalité entre le corps et la terre. 2.3.2. Tout d’abord, à gauche de la scène, on peut identifier, d’après la « Rê » (R῾) sous l’aspect d’un nourrisson légende, la silhouette de transgénérique dont il n’existe pas d’équivalent dans l’iconographie. Entièrement nu, le visage tourné vers sa droite, visiblement asexué, portant un collier, il présente une paire de bras et une paire de jambes repliées, terminées chacune par des mains à cinq doigts bien détaillés, entrant, par ce détail, en convergence formelle avec certains scarabées de cœur dotés d’une tête et de bras humains103. Par leur disposition, bras et jambes entretiennent l’équivoque avec les quatre pattes abdominales du scarabée, mais seules les pattes thoraciques plates présentent des peignes à cinq dents comme des doigts des mains. Juste devant le visage, une courte légende se rapporte à l’action en cours : ḫpr-ḥ῾w / jwf « manifestation du corps », attirant l’attention sur l’autogenèse du soleil. Cette composition indique toute la potentialité contenue dans ce corps émergeant proprio marte à la vie inspirée par le Créateur. 2.3.3. Comme postulat de sa future descendance, apparaissent ensuite, ) accompagnés chacun de son nom, les jumeaux Tefnout ( ) et Chou ( accroupis, les enfants de Rê, premier couple primordial anthropomorphe, portant l’index à la bouche (geste qui signale la petite enfance). 2.3.4. À la suite se détache la silhouette d’un coffre quadrangulaire en bois sommé de khekerou, surmonté de la légende suivante : « Nout » ( ). Dans ce coffre se trouve la silhouette d’un enfant « quadrumane » semblable au premier du registre et asexué comme lui, mais, cette fois, portant une perruque et positionné à l’horizontale, ce qui signifie qu’il serait couché en décubitus dorsal. On serait tenté de voir respectivement dans le coffre et l’enfant couché Nout et Geb, le deuxième couple primordial, issu des jumeaux Chou et Tefnout. L’aspect de l’enfant rappelant également, en vertu de sa forme, celui d’un scarabée, on ne saurait exclure cette possibilité, car la terre (Geb) est associée à la renaissance de cet animal, d’autant que le mot « terre », à l’époque tardive, tꜢ, déjà depuis la 21e dynastie. En tant qu’élément Terre peut s’écrire associé au scarabée, Geb se confondrait ainsi avec l’animal qui lui est attaché. 103 Un scarabée de cœur conservé à Berlin, no inv. ÄM 11405 présente une tête humaine ainsi que deux paires de bras, inversés pour celles du bas, comme dans le relief de Dendara. Adolf ERMAN, Die Religion der Ägypter. Ihr Werden und Vergehen in vier Jahrtausenden, Berlin – Leipzig 1934, p. 324, fig. 134 ; Hans BONNET, Reallexikon der ägyptischen Religionsgeschichte, Berlin 1952, p. 171, fig. 50 ; MINAS-NERPEL, Der Gott Chepri, p. 325 et suivantes ; David LORAND, « Quatre scarabées de cœur inscrits à tête humaine », CdE 83, fasc. 165-166 (2008), p. 20-40.

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Fig. 6. Temple de Dendara, crypte ouest no 3 (Dendara VI, pl. 82-83).

Mais il se pourrait que le nourrisson scarabéiforme que renferme le coffre fît aussi écho à une notion contenue dans deux épiclèses. La première est WbꜢ-nḥp.t-m-hn-nn.t « Celui-qui-ouvre-la-boule-dans-le-coffredu-ciel-inférieur » (épiclèse d’Horus d’Edfou sous son aspect solaire), en renvoyant au concept d’un enfant-scarabée — l’embryon — sortant de sa pilule dans un espace désigné comme un coffre céleste du monde inférieur (cf. supra, WbꜢ-nḥp.t-m-hn-n-Nw.t « Celui qui § 1.3.1et 1.4.1). La seconde est ouvre-la-boule-dans-le-coffre-de-Nout » (épiclèse de Rê-Horus)104. 2.3.5. À droite du coffre, voici deux figures en vis-à-vis. Hou anthropomorphe (

), debout, élève dans ses mains réunies un objet amygdaloïde ou

ovoïde devant la tête de la vache céleste Jh.t (la Vache)105 dressée sur un podium en vue de l’exalter. Il revient au dieu, quand il ne dirige pas la barque solaire à la proue de celle-ci, d’accompagner les transformations nocturnes du soleil jusqu’à l’aube, en sorte qu’il jouerait ici un rôle incitatif. Autre véhicule du soleil, la vache, elle, est impliquée dans le processus de la renaissance. Présentant de multiples caractéristiques hathoriques — une tête de la déesse est visible sur la croupe — liée à la matrice du bovidé —, une barque solaire flottant sur un ciel piqué de sept étoiles, qui évoque la transition nocturne du soleil dans le corps de la vache, et un collier bât à tête hathorique au cou —, elle incarne l’espace céleste des transformations. Le soleil se détache entre ses cornes ou évolue dans son abdomen). Une seconde légende est inscrite sous la première :

que l’on peut lire « Corps-de-Khépri » (Ḥ῾w-Ḫprj)106,

épiclèse évoquant l’ambivalence de

Ḥ῾w-n-Ḫprj)107, ou « Chair-de-Khépri » au vu de . Si cette seconde légende se rapporte à l’action comme

104

LÄGG II, 298b. LÄGG I, 537a-538b. 106 LÄGG V, 32a. Désignation courante du dieu solaire lors de son parcours nocturne, cf. par exemple HORNUNG, Die Unterweltsbücher, 10e heure de l’Amdouat, p. 169. 107 Dendara XI, 2017, 7. 105

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dans celle qui se rapporte au premier élément : ḫpr-ḥ῾w / jwf (cf. supra, 2.3.2), la scène détaillerait le processus de renaissance du disque solaire de Rê qui transite par le corps de la vache Ihet108. Le disque solaire sur la barque évoquerait dans ce cas la boule du scarabée pilulaire en devenir, en transformation (ḫpr), dans ses entrailles. 2.3.6. Enfin, la dernière figure reposant sur une ligne de sol est accompaḤ῾w-R῾ « Corps de Rê », représenté sous la forme gnée de la légende d’un visage humain (similaire au hiéroglyphe ḥr)109 dont le front est formé par un prothorax et un clypeus — chaperon céphalique surdimensionné110 limité latéralement par les yeux — de S. sacer. (S’il n’est aucunement certain que ce ḫ῾111, l’idée d’un rayonnechaperon évoque le soleil rayonnant du bilitère ment pourrait être aussi connotée par cette forme dentelée.) On se demande d’ailleurs s’il ne vaudrait pas mieux rendre cette expression par « Rê-incarné » si l’on en croit le caractère conclusif attaché au dernier objet du registre. En effet, l’artiste exploite plusieurs types de convergences. En premier lieu, le plus clair est une synthèse entre le corps d’un spécimen de S. sacer vu de dessus et une face humaine. En deuxième lieu, l’idée d’un rapprochement entre le dessin du corps du même scarabée vu de dessus et la calotte crânienne divisée par les fontanelles du nouveau-né et qui est signifié par le scarabée visible sur le crâne des Ptah patèques112. Il y a ici convergence manifeste entre SPIESER, « De l’embryon humain », p. 36-37 ; Dendara VI, crypte ouest, paroi est, p. 155163, pl. DLXXXII-DLXXXIII ; Sylvie CAUVILLE, Dendara V-VI. Traduction, Les cryptes du Temple d’Hathor (OLA 131), Louvain 2004, p. 466-467, crypte ouest no 3. 109 Comparer avec l’iconographie de la Porte no 10 du Livre des Portes ; cf. CAUVILLE & ALI, La Vallée des Rois, p. 58. Voir aussi Youri VOLOKHINE, La frontalité dans l’iconographie de l’Égypte ancienne (Cahiers de la Société d’Égyptologie 6), Genève 2000, p. 75 et fig. 78. L’auteur ne semble pas voir l’évidente synthèse entre la face barbue ḥr et l’aspect scarabéiforme de la figure. Il existe également des hybridations iconographiques entre scarabées et êtres humains ; cf. les scarabées de cœur portant la Formule 30B du Livre des Morts ; MALAISE, Les scarabées de cœur dans l’Egypte ancienne, Bruxelles 1978. 110 Deux petits yeux ronds sont visibles de part et d’autre du clypeus, qui ne le sont pas sur le dessin de Mariette. Le clypeus à bord dentelé est destiné à la découpe de la bouse comme s’il disposait d’une pelle, travail qu’il complète à l’aide de ses pattes antérieures larges, aplaties et dentelées. Il est possible que l’exaltation du chaperon soit associée à cette activité spécifique. 111 L’artiste a isolé la partie centrale du clypeus avec ses quatre dents, les plateaux latéraux ayant disparu, ce qui est relativement fréquent. On en verra une reproduction complète de ce clypeus dans la scène de résurrection de la tombe de Pétosiris : François DAUMAS, « La scène de la Résurrection au tombeau de Pétosiris », BIFAO 59 (1960), p. 63-80 ; Gustave LEFEBVRE, Le tombeau de Pétosiris, 3 vol., Le Caire 1923, vol. 2. Texte, p. 71, nos 93-96 ; vol. 3. Vocabulaire et planches, pl. LIII ; Nadine CHERPION, Jean-Pierre CORTEGGIANI & Jean-François GOUT, Le tombeau de Pétosiris à Tounal el Gebel. Relevé photographique, Le Caire 2007, fig. 154-155 ; Martin Andreas STADLER, « Der Skarabäus als osirianisches Symbol vornehmlich nach spätzeitlichen Quellen », ZÄS 128 (2001), p. 71-83. 112 On se reportera à Yvan KOENIG, « Les patèques inscrits du Louvre », RdE 43 (1992), p. 123-132 ; Véronique DASEN, « Les Patèques aux “nains ventrus” : circulation et transormation d’une image », dans St. Huysecom-Haxhi & A. Muller (éd.), Figurines grecques en contexte. Présence dans le sanctuaire, la tombe et la maison, Villeneuve d’Asq 2015, p. 35-55 : p. 40. 108

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la face, qui connote la lumière, l’émergence du soleil à l’horizon, le scarabée qui évoque la transformation, la lumière, le nourrisson, l’or. Mais il y aussi l’autogenèse, en symbiose annuelle avec la vache. Car, en troisième lieu, l’existence du scarabée, d’un point de vue écologique, est dépendante du cycle biologique des grands herbivores et de leurs déjections fraîches113, en sorte qu’il n’est pas possible d’envisager la vache sans l’existence, dans l’entourage immédiat, de coprophages. En admettant même ces hybridations iconographiques, a priori délirantes, propres au milieu sacerdotal, il se pourrait que cette face singulière, recevant l’épiclèse « Corps-de-Rê » ou « Rê-incarné » transposât symboliquement la bouse arrondie devenue habitat provisoire du scarabée solaire et en fusionnant avec elle, masse dorée tombée du ciel, et servant en tant que milieu nourricier à S. sacer, infatigable Sisyphe, à l’émergence matinale du soleil hors de sa caverne. Il existe une relation entre la première et la dernière figure du registre. 2.3.7. Reprenons l’explication de cet étonnant registre synthétique. Toute la scène propose, de gauche à droite, un continuum mythologique reposant sur une suite d’affinités fondées sur les notions d’embryon humain, de naissance, de scarabée, même d’embryon grandissant dans le coffre de Nout (avec un écho possible à la (n)nw.t), le trajet nocturne du scarabée dans le corps de la vache et le corps ou la chair de Rê sous la forme d’un visage-scarabée, autre forme du nouveau-né solaire naissant de la bouse et se reconstituant à partir de ce milieu matriciel. En effet, le transit intestinal de la vache adulte, qui émet environ douze bouses par jour114, matières stercorales associées à la reproduction des scarabées, ne peut que lier le scarabée au cycle des douze heures du jour et donc au trajet de la course solaire. Il y a un lien fonctionnel entre la production de la bouse, les micro-organismes et les coprophages qui s’en nourrissent et les font disparaître au cours d’un cycle qui, s’il est perturbé, est susceptible de provoquer une dégradation bien documentée de l’environnement. D’où la nécessité de maintenir ces équilibres écologiques dont l’observation conduit à des croyances sur le cycle de la vie et la renaissance des êtres. Il en résulte que les coprophages fouisseurs de l’espèce S. sacer, par leur travail de dégradation, font figure d’indispensables compagnons symbiotiques de la vache, produisant douze bouses horaires, représentant chacune un microécosystème vivant per se115. Par ce biais, ils sont attachés à l’écoulement du temps diurne et à l’autogenèse dépendant du transit du bovin céleste et pouvant se présenter sous les traits d’un objet composite qui en conserve des similitudes formelles. 113 La documentation permet de constater que les bouses fraîches contiennent « de l’eau et jusqu’à 80 % de matière organique assimilables ». Elles sont ainsi très attractives. Après 36 heures — chiffre moyen —, les bouses perdent de leur attractivité. 114 Il s’agit d’un fait parfaitement observé. 115 Sur la base d’une bouse de 3 kg, les vaches produisent 13 tonnes de bouse par an.

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3. Ultime tour d’horizon 3.1. Faisant un dernier tour d’horizon, il est raisonnable de penser que la bouse (n)nw.t, qui sert de modèle à l’objet oblong qui en découle d’après certaines scènes funéraires royales et les légendes qui les accompagnent, constitue la matrice, jusqu’à se confondre avec celle-ci, de ce dont est constituée la pilule stercorale parfaitement sphérique dans laquelle le mâle, selon une conception égyptienne de l’autogenèse évoquée par les auteurs classiques, placera sa semence. Telles qu’elles sont reconstituées, les étapes de la renaissance de S. sacer congédiant l’idée d’une reproduction sexuée, ont très largement inspiré la renaissance divine du dieu solaire, puisque cette pilule où la pensée égyptienne place l’image du corps dans sa phase de renaissance d’Osiris évoquant une forme de larve, avant que de cette boule, qui abrite la nymphe, sorte de Khépri sous sa forme d’imago, c’est-à-dire de scarabée parfaitement autonome et poursuivant le cycle de vue propre à son espèce. En règle générale, la bouse (n)nw.t, unité matricielle annonçant potentiellement la métamorphose scarabéiforme du soleil dans le monde inférieur de la Douat, est aussi celle où sont créés les dieux, en même temps que Khépri au cours d’un cycle méconnu, car dans sa (n)nw.t même, le corps d’Osiris ne pas fait figure, à proprement parler, de larve d’où renaît son fils Horus. Il faut transposer, car la (n)nw.t du scarabée est prêtée comme milieu matriciel régénérateur. L’Horus qui jaillit du corps de son père est l’imago prêt à émerger doté d’ailes de faucon. Car bien que le scarabée soit naturellement pourvu d’ailes couvertes par ses élytres chitineuses, ce sont bien des ailes de faucon, paradigme divin116, qui lui sont également adjointes dans les amulettes de cœur, à partir de la 25e dynastie. Ces ailes s’articulent sur un corps de scarabée aux ailes et aux élytres repliés. Les scarabées ailés deviennent des amulettes très appréciées jusqu’à l’époque ptolémaïque117. Celles-ci peuvent être en faïence bleue, à connotation céleste, mais d’autres sont en pierre de couleur vert foncé et noire, comme le sont de nombreux scarabées de cœur, dont la couleur se rapporte tout simplement à celle de l’insecte118. Les scarabées à ailes de faucon étaient destinés à être placés sur la poitrine de la momie, entre

116 Sydney H. AUFRÈRE, « “Dieu” et “dieux” : paradigme naturaliste et scepticisme ? Le “faucon” des dieux et le “cobra” des déesses », dans R. Lebrun, J. Devos & É. Van Quickelberghe (éd.), Deus unicus (Homo religiosus série II, 14), Turnhout 2016, p. 11-63. 117 Carol ANDREWS, Amulets of Ancient Egypt, Londres 1994, p. 58-59. 118 Parmi les scarabées verts égyptiens, il faut compter Kheper aegyptiorum (cf. CAMBEFORT, Le scarabée et les dieux, pl. I, b). Nombreux scarabées de cœur en pierre noire dans la Collection Bible+Orient. ANDREWS, Amulets, p. 56 : ils sont faits de matériaux de couleur sombre, comme le schiste vert foncé, le basalte, l’obsidienne, l’hématite, le jaspe vert ; ils sont aussi fabriqués dans des matériaux en couleurs plus claires, comme la fritte à glaçure bleue, le cristal de roche, l’albâtre, le jaspe rouge.

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ses bandelettes, voire cousus sur les linceuls119. Dans les représentations privées, le motif peint du scarabée ailé, issu de l’imagerie royale, se rencontre déjà vers la fin du Nouvel Empire, sur la poitrine des cercueils et des boîtes canopes anthropomorphes120. 3.2. Enfin, la boule de bouse représentait aussi le stade antérieur du soleil, dont l’astre enflammé constituait l’alter ego vivant et achevé d’où pouvait émerger le scarabée Khépri. Ce mode de reproduction du scarabée a inspiré le modèle qui exprime l’attachement profond des Égyptiens à la vie et à une survie éternelle, comme nous pouvons le constater dans certaines formules dudit Livre des Morts ou encore dans l’utilisation d’amulettes de scarabées de cœur ailés. Mais au-delà de l’émerveillement naïf sur les concepts de haute tenue que l’on prête aux anciens Égyptiens, et qui vont dans le sens d’une explication logique, une telle étude permet de constater que le cycle de reproduction du scarabée tel qu’il est employé repose bel et bien sur une observation pseudonaturaliste — incomplète, simplifiée, détournée — qu’il est difficile de prendre à la lettre. Les Égyptiens ne sont pas dans tous les cas des interprètes fidèles de la nature ; mais, tributaires des limites de lecture de tels processus, ils devaient les réinventer afin de les plier à leur propre logique. 4. Post scriptum 4.1. L’article d’Hermann Levinson & Anna Levinson, « Venerated beetles and their cultural-historical background in Ancient Egypt », dans H. & A. Levinson (éd.), Insekten als Symbols göttlicher Verehrung und Schädlinge des Menschen: ausgewählte Kapitel der kulturgeschichtlichen und angewandten Entomologie (= SPIXIANA, Supplement, 27), Munich : édition Dr. F. Pfeil, 2001, p. 33-75, reprenant une démarche identique à celle d’Yves Cambefort, ne fait aucune mention, ni de l’article (1987) ni du livre (1994) de ce dernier alors que ceux-là, dans un article pourtant fort riche complétant l’apport de Keimer sur les insectes, traitent de deux thèmes communs : « Biological and mythological aspects of dungball-rollers (Scarabaeinae) and dung-collectors (Coprinae) » (p. 47-51) et « Religious implications of Scarabaeinae and

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Ibid. John H. TAYLOR, Death and the Afterlife in Ancient Egypt, Londres 2001, p. 71, fig. 38: boîte canope anthropoïde décorée sur sa poitrine d’un scarabée ailé surmonté d’un disque solaire pourvu d’une paire d’uraeus, 20e dynastie, provenant de Thèbes, d’un dénommé Soutimès, BM EA 25568. Voir aussi le cercueil de Moutnedjmet, datant de la 21e dynastie : Cathie SPIESER, « Les cercueils d’enfants dans l’Égypte ancienne et tardive », dans F. Gusi & S. Muriel (éd.), Nasciturus : infans, puerulus. Vobis mater terra. La muerte en la infancia. SIAP Servei d’Investigacions Arqueològiques i prehistòriques, Barcelone 2008, p. 513-550 : p. 529 ; Émile CHASSINAT, La seconde trouvaille de Deir el-Bahari. Sarcophages (CGC), Le Caire 1909, p. 54-55, no 6017 a et b. 120

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Coprinae » (p. 59-64). Si on accorde la primeur de la démarche à Y. Cambefort, on signalera qu’Hermann et Anna Levinson associent nw.t et nḥpw comme étant une seule et même chose : « the dark brood chamber » (p. 60-62). 4.2. L’expression ḫpr-῾nḫ, qui accompagne le scarabée transportant sa nw.t dans la 10e Heure du Livre de l’Amdouat (cf. MINAS-NERPEL, Der Gott Chepri, p. 178), pourrait être due au rapprochement de deux signes différents évoquant deux coléoptères : Scarabaeus sacer (ḫprr) lié au devenir (ḫpr), et un Élatéride — Lanelater notodonta Latreille, 1827 (cf. Ludwig KEIMER, « Pendeloques en forme d’insectes faisant partie de colliers égyptiens », ASAE 31 (1931), p. 145-186 : p. 174-178 ; et ici même Anne-Sophie VON BOMHARD, « Neith et les mystères de l’insecte Lanelater notodonta Latreille, 1827 », p. 139-156) — qui pourrait se lire ῾nḫ, associé à la vie. C’est ce qui découle également de la lecture, entre les lignes, de Dimitri MEEKS (« De quelques insectes égyptiens », p. 288-289). Mais voir VON BOMHARD, art. cit., p. 152, n. 60. 4.3. Ce texte était mis en pages lorsque Sydney H. Aufrère a découvert, le 21 août 2018, une publication internet du 15 septembre 2014, de Richard-Alain Jean, intitulée : « Néo-embryologie osirienne – II. La naissance du scarabée » (http://mede cineegypte.canalblog.com/pages/neo-embryologie-osirienne ---ii/30585620.html). Nous ne changeons rien à notre texte, mais il nous semble que, sur certains points, la démarche de l’auteur, quoique différente de la nôtre, permet d’étendre la réflexion sur cet insecte.

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TEMPLIER, Pierre-Olivier, « Le Scarabée sacré (Scarabaeus sacer L.) et ses cousins : boule de crottin qui roule n’amasse pas mousse ! », Antiopa. Nature et découverte https://www.antiopa.info/101-scarabee-bousier-coleoptere-insecte-coprophage. htm VERNUS, Pascal, & Jean YOYOTTE, Bestiaire des Pharaons, Paris : Perrin, 2005. VOLOKHINE, Youri, La frontalité dans l’iconographie de l’Égypte ancienne (Cahiers de la Société d’Égyptologie 6), Genève, 2000. 3) ABRÉVIATIONS Wb = Adolf ERMAN & Hermann GRAPOW, Wörterbuch der Aegyptischen Sprache, Berlin 1982 (1re éd. 1926-1963). LÄ + vol. = Wolfgang HELCK & Eberhard OTTO (éd.), Lexikon der Ägyptologie, 6 vol., Wiesbaden : Harrassowitz, 1986 (2e éd.). LÄGG + vol. = Christian LEITZ (éd.), Lexikon der Ägyptische Götter and Götterbezeichnungen, éd. Christian Leitz et alii, 8 vol., Louvain : Peeters, 2002-2003.

NḤP.T, (N)NW.T ET RENAISSANCE SOLAIRE

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RÉSUMÉ Ce texte reprend à la base la question de la signification de deux vocables employés dans la littérature religieuse considérés sous le prisme du cycle biologique spécifique du bousier sacré, Scarabaeus sacer L., 1758 : nḥp.t et (n)nw.t, avec un examen plus ciblé sur le second, qui fait l’objet d’un dissensus. Si l’on sait depuis longtemps que le premier terme désigne la pilule stercorale employée par cette espèce tant pour se nourrir que dans la perspective de la régénération de l’espèce, il se pourrait que le second, au vu de ce nouvel examen, évoquât plutôt le milieu matriciel et nourricier des scarabées, à savoir une dénomination à connotation religieuse de la bouse de vache, considérée comme sacrée et cosmique. Car ce bovidé, dont la robe constellée est la voûte céleste et les cornes la lune, est associé à la transition du soleil, de même que le scarabée est associé, par son activité, au transit intestinal qui conduit à la production de douze bouses journalières de l’animal. Si le premier est employé en lien avec la renaissance du soleil, assimilé à un scarabée pilulaire, le second, milieu nourricier propre à la vie, peut être conceptuellement mis à disposition des êtres qui ont vocation, en vertu du concept de l’autogenèse, à renaître à l’instar du soleil. Ce texte étudie, à travers la perception du cycle de reproduction de S. sacer par les Égyptiens et ce qu’en dit la tradition classique, les limites d’une observation naturaliste pliée aux besoins de concepts religieux et funéraires. MOTS CLÉS Pilule nḥp.t – bouse (n)nw.t – Khépri – Douat – Osiris – chrysalide – scarabée de cœur ailé – renaissance solaire

LES MOMIES ET RELIQUAIRES DE SCARABÉES Alain CHARRON

S’il est vrai que les spécialistes de l’Égypte ancienne s’intéressant aux insectes sont rares, il est paradoxal que des savants tels que Louis Lortet et Claude Gaillard, aux écrits indispensables à quiconque effectue des recherches sur la faune égyptienne antique, n’aient quasiment rien consacré à ce sujet. Ce monde de l’infiniment petit est bien souvent oublié, exception faite des scarabées-sceaux innombrables, des scarabées commémoratifs et des amulettes prophylactiques relevant ou non de l’équipement funéraire. Dans cette étude, nous ne nous attarderons pas sur ce qu’ont écrit sur le scarabée des auteurs classiques1, non plus que sur l’interprétation liée à la religion que les anciens Égyptiens ont pu en faire, ni même sur les jeux de mots entre le nom du coléoptère kheperer et le verbe kheper signifiant « venir à l’existence, advenir, prendre forme », faisant de Khépri, aspect du dieu-soleil reconnaissable à un scarabée enté sur le tronc d’un corps humain, le dieu venu de lui-même à l’existence à partir de quelque chose de préexistant2. La boule de bouse que le scarabée pousse à l’aide de ses pattes postérieures, dans le sens inverse de la marche, d’où de nouveaux bousiers paraissaient surgir, était le symbole du soleil venant au monde chaque jour de lui-même3. D’après Plutarque, « Les scarabées, dit-on, sont une espèce sans femelle : tous mâles, ils répandent leur semence dans la boule de matière qu’ils façonnent et font rouler à reculons, de même que le soleil, semble-t-il, fait tourner le ciel dans le sens inverse de celui de sa propre course, qui va d’ouest en est4. » D’autres auteurs de l’Antiquité5 ont répété que cette espèce animale était dépourvue de femelles, sans doute du fait de l’impossibilité de déceler à l’œil nu l’existence d’un dimorphisme sexuel. 1 Clément d’Alexandrie, Plutarque ou Horapollon ; cf. Theodor HOPFNER, Der Tierkult der alten Ägypter nach den griechisch-römischen Berichten und den wichtigen Denkmälern, 2 vol. (DAWW 57), Vienne 1914, vol. 1, p. 158-163. 2 Pascal VERNUS, « Scarabée », dans Pascal Vernus & Jean Yoyotte, Bestiaire des pharaons, Paris 2005, p. 441-448. — Sur Khépri, voir Martina MINAS-NERPEL, Der Gott Chepri (OLA 154), Louvain – Paris – Dudley 2006. 3 Il faut noter que le bousier est un insecte particulièrement actif le matin. 4 Plutarque, Is. Os. 74, 381A (p. 343 Froidefond) ; Yves CAMBEFORT, « Le scarabée dans l’Égypte ancienne, origine et signification du symbole », RHR 204 (1987), p. 3-46 : p. 6 ; Othmar KEEL, « Comment les animaux sont devenus des symboles », dans O. Keel & T. Staubli (éd.), Les animaux du 6ème jour, les animaux dans la Bible et dans l’Orient ancien, Fribourg – Lausanne 2000, p. 58-59. 5 Jean HANI, La religion égyptienne dans la pensée de Plutarque, Paris 1976, p. 407.

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Animal symbolisant le dieu-soleil au matin, des spécimens ont été momifiés et parfois placés dans des reliquaires. Comparés à d’autres formes animales, ceux-ci ne sont pas très nombreux et surtout, ils paraissent ne pas avoir bénéficié de nécropoles dédiées. 1. Les reliquaires découverts en fouilles ou dont l’origine est connue Un tour d’horizon des collections françaises et internationales publiques et privées permet d’aboutir au récolement suivant en effectuant un classement du sud au nord de l’Égypte. 1.1. RÉGION THÉBAINE. — Le Musée égyptien du Caire conserve deux objets provenant d’El-Mo῾alla et découverts, semble-t-il, dans la tombe d’Ânkhtifi6. Réalisés dans une terre mêlée de charbons, de cailloux et de paille, ils présentent une forme allongée et l’un d’eux porte encore des traces de tissu. Salima Ikram et Nasry Iskander, qui les ont étudiées, ont émis l’hypothèse qu’ils pouvaient contenir des restes de scarabées. 1.2. À Thèbes même, en 1826, Joseph Passalacqua rapporte avoir identifié un scarabée dans un paquet contenant bien d’autres animaux : « Un jour, développant un paquet trouvé dans mes fouilles à Thèbes, quelle fut ma surprise d’y voir les petits oiseaux, les souris, les musaraignes et les crapauds 379 à 425, mêlés, embaumés et bien conservés avec la couleuvre 440, le scarabée 441 et la mouche 4427. » L’auteur ne précise cependant pas l’origine exacte de cet étrange paquet8. 1.3. Le Kunsthistorisches Museum de Vienne conserve, quant à lui, un petit monument assez étrange, déclaré comme originaire du gouvernorat de Louqsor. Il s’agit d’un scarabée en faïence bleu foncé placé sur une petite cuve en bois9 ; 6 Christiane ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un “coffret”, une main, Atoum à Tanis », dans C. Zivie-Coche & I. Guermeur (éd.), « Parcourir l’Éternité », Hommages à Jean Yoyotte, Turnhout 2012, p. 1139 ; Salima IKRAM & Nasry ISKANDER, Non-Human Mummies (CGC), Le Caire 2002, p. 45 (CCG 29890 = JE 52091, épaisseur 4,5 cm, longueur 10 cm et CGC 29891 = JE 52092, épaisseur 4 cm, longueur 8,5 cm). Je dois les renseignements sur l’origine de ces deux objets à Salima Ikram et Marwa Abd El Razek que je remercie pour leur aide. 7 Joseph PASSALACQUA, Catalogue des Antiquités découvertes en Égypte, Paris 1826, p. 21 et 149. 8 Des cas de tels mélanges d’espèces animales différentes ne sont pas très nombreux. Mais des exemples sont attestés, par exemple, dans les fouilles d’Abydos : Eric PEET & William LOAT, The Cemeteries of Abydos III – 1912-1913 (MEEF 35), Londres 1913, p. 48. La jarre 1006, qui montre un de ces assemblages difficilement compréhensibles, a révélé sept ibis adulte, la tête et les os d’un autre, un chien et les restes de deux jeunes moutons. Les fouilles d’Alain Zivie au Bubasteion de Saqqâra ont également permis d’identifier dans une momie, pris avec des éléments de chats, des restes de chacals, d’oiseaux et de petits reptiles. Voir Léonard GINSBURG, « Les chats momifiés de Saqqarah », dans Le chat, compte rendu de la journée d’étude organisée par la société d’ethnozootechnie, École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, 7 octobre 1987, Paris 1987, p. 10. 9 Dirk VAN DER PLAS (éd.), Kunsthistorisches Museum Wien / Vienna (EgTE 5), Utrecht 2002 (inv. ÄOS 5023, H. 5 cm, L. 15 cm, l. 11,5 cm).

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cette dernière a été évidée au centre afin de recevoir la figure de l’insecte. Une inscription à l’encre noire scindée en deux parties court sur la faïence d’une manière inhabituelle, sur un bourrelet qui fait le tour de l’animal ; elle donne les noms des donateurs et peut se lire ainsi malgré les lacunes : 1) « [Pour le] ka du portier d’Amon de Karnak, Bakenamon, juste de voix, 2) [pour le] ka du portier d’Amon de Karnak Merenipet, juste de voix. » Le texte confirmerait l’origine du petit monument, remontant à l’époque ramesside d’après l’onomastique, ce qui en ferait un des témoignages les plus anciens avec celui trouvé près de la tombe d’un taureau Mnévis à Héliopolis (cf. infra, § 6). Il serait certainement très intéressant de faire procéder à la datation de la cuve en bois afin de vérifier si les deux parties sont contemporaines. En effet, la différence de qualité est assez surprenante entre le scarabée pourvu d’une inscription, superbe, et l’aspect fruste du travail du bois. La momie a malheureusement disparu, mais en se référant à l’image de l’insecte figuré, Hermann et Anna Levinson10 ont proposé d’y reconnaître soit un spécimen de Scarabaeus laticollis L., 1767, à cause de ses élytres striés, soit de Scarabaeus semipunctatus Fabricius, 1792, au pronotum constellé de points. Il est tout à fait possible que l’artisan ait combiné des caractéristiques empruntées aux deux espèces pour réaliser cette figure. Mais il est surtout évident qu’à l’exemple d’autres espèces connues, le plus important ait été de composer une image du scarabée sans chercher à obtenir une représentation rigoureusement exacte d’un point de vue naturaliste. 1.4. Bien que la faïence soit un matériau exceptionnellement employé pour la réalisation des reliquaires, il convient de citer, outre l’exemple décrit ci-dessus, un spécimen unique conservé à la Liebieghaus de Francfort et dont l’origine postulée serait Thèbes-Ouest. Ce reliquaire daté de Basse Époque et intégralement réalisé dans cette matière11 offre des traces de teintes vertes et bleues en partie disparues. La figure d’un scarabée en haut-relief est posée sur un socle assez fin et long et couvre une ouverture ; des perforations sont visibles en cinq endroits autour de la figure de l’insecte, à savoir un de chaque côté de la tête et trois vers l’arrière. La réserve pratiquée sous le scarabée est à présent vide, mais elle a probablement dû contenir les restes d’un insecte. Le peu d’exemples attestés pour la ville de Thèbes pourrait paraître surprenant ; cependant, les nécropoles animales y sont moins nombreuses et surtout elles ont été pillées et bien souvent vidées de leur contenu, ce qui ne facilite pas la recherche. 10 Hermann LEVINSON & Anna LEVINSON, « Venerated Beetles and their Cultural-Historical Background in Ancient Egypt », Spixiana Suppl. 27 (décembre 2001), p. 59-61. 11 Birgit SCHLICK-NOLTE, « Skarabäus mit Perforation auf Miniatursarg », dans B. SchlickNolte & V. von Droste zu Hülshoff, Ägyptische Bildwerke, vol. 1 : Skarabäen, Amulette und Schmuck, Liebieghaus – Museum Alter Plastik, Melsungen 1990, p. 184-186, no 131, inv. NR.2068. Le scarabée mesure 1,4 cm de haut, 5 cm de long et 3,5 cm de large, le support, quant à lui fait 1,8 cm de haut, 19,1 cm de long et 4,8 cm de large. L’ouverture pratiquée dans le reliquaire est d’à peu près 1,4 cm de haut, 4 cm de long et 3 cm de large.

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1.2. ABYDOS. — Des scarabées ont été découverts sur ce site, mais cette fois mêlés à des ibis. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une découverte fortuite, mais d’une fouille organisée sous l’égide de l’Egypt Exploration Fund. Bien que limités, les renseignements sont beaucoup plus fiables. La mission anglaise conduite par William Leonard Stevenson Loat12 a reconnu, non loin des tombes royales, quatre-vingt-treize grandes jarres destinées normalement à recueillir les restes des oiseaux consacrés à Thot, les momies, de belle qualité, étant préservées à l’aide d’une résine noire. Cependant, dans une de ces céramiques (la jarre 1039), des scarabées accompagnaient les ibis. Réunis en masses compactes dans plusieurs paquets ficelés, il ne s’agissait pas de bousiers sacrés comme l’ont précisé les auteurs. Il se peut que d’autres espèces de bousiers tels Kheper aegyptiorum Latreille, 1827 aient pu être placées en lieu et place du bousier traditionnel, ce dernier présentant une teinte verte alors que le scarabée sacré est noir. En revanche, une autre jarre (dito 1082), a révélé dix-sept paquets de musaraignes et un autre renfermant un grand scarabée reconnu comme Scarabaeus sacer L. 175813. Les formes céramiques ont permis de dater l’ensemble de la période romaine. Sans doute ces coléoptères ont-ils été placés là en l’honneur d’Osiris14 ; car durant ces périodes tardives, la cité répondait au nom de « Ville-du-scarabée »15. 1.3. TOUNAH EL-GEBEL. — La découverte de scarabées a été signalée, il y a une dizaine d’années, par Dieter Kessler dans cette vaste nécropole16 tandis que Sami Gabra en avait précédemment déclaré un dans ses cahiers de fouilles, lors de ses investigations accomplies sur le site en juin 1950 (Fig. 1). Taillé dans un petit bloc de bois, il porte le numéro 1736 et est décrit par son inventeur comme une « boîte sans couvercle avec un scarabée ». La représentation du scarabée sacré est assez schématique et l’insecte ne possède que deux pattes de

12 PEET & LOAT, The Cemeteries of Abydos III, p. 41, 45 et 47; William LOAT, « The Ibis Cemetery at Abydos », JEA 1 (1914), p. 40, pl. IV. 13 Il n’est guère surprenant de trouver d’autres espèces de scarabées que le bousier sacré, Alain CHARRON, « Taxonomie des espèces animales dans l’Égypte gréco-romaine », BSFE 156 (2003), p. 7-19 ; Idem, « Les momies d’animaux. Une classification des espèces dans l’Égypte ancienne », Espèces 1 (septembre 2011), p. 58-65. La conservation des insectes paraît assez conforme à ce que l’on trouve fréquemment. L’animal représentatif d’une divinité peut être placé seul dans des bandelettes alors que les animaux de la même « famille » sont souvent ramassés en paquets. 14 Jocelyne BERLANDINI, « D’un percnoptère et de sa relation à Isis, au scarabée et à la tête divine », dans Chr. Zivie-Coche & I. Guermeur (éd.), « Parcourir l’Éternité », Hommages à Jean Yoyotte, 2 vol. (BEHE 156), Turnhout 2012, vol. 1, p. 83-133. 15 VERNUS, art. « Scarabée », p. 444 ; Jacques VANDIER, Le papyrus Jumilhac, Paris 1961, p. 136 ; Dimitri MEEKS, Mythes et légendes du Delta d’après le papyrus Brooklyn 47.218.84 (MIFAO 125), Le Caire 2006, p. 301-302 ; BERLANDINI, art. cit., p. 108-114. 16 Dieter KESSLER & Abd el Halim NUR EL-DIN, « Tuna al-Gebel », dans S. Ikram (éd.), Divine Creatures, Animal Mummies in Ancient Egypt, Le Caire 2005, p. 163.

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Fig. 1. Reliquaire de Tounah el-Gebel, fouilles de Sami Gabra, 1950 (© Alain Guilleux).

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Fig. 2. Reliquaire de Tounah el-Gebel (Projet Touna el-Gebel ; Friederike Werner).

chaque côté17. Une ouverture rectangulaire avait été pratiquée sur le côté droit ; l’opercule manque. Il ne paraît pas y avoir eu application de couleurs sur sa surface. Découvert en 1991 dans la galerie C-C-4, un autre reliquaire en bois existe, malheureusement dégradé (Fig. 2). Une image en relief de l’animal surmonte un socle évidé dont manquent un côté et le fond18. Des boules de terre contenant des insectes ont été également mises au jour. L’une d’elles a été collectée non loin du reliquaire, en C-C-28. 1.4a. SAQQÂRA. — Le site a livré quelques reliquaires de scarabées dont les plus beaux exemplaires sont conservés au Musée égyptien du Caire19. Malheureusement, leur provenance exacte n’est généralement pas déterminée. Bien que

17 Les dimensions inscrites sur le registre de fouille ne sont pas très claires, Sami GABRA a donné 0,9 × 6,8 cm. La première mesure correspond peut-être à la hauteur du scarabée et la seconde à la longueur de l’objet. Le reliquaire était présenté au musée de Mallawi, nous ne savons pas ce qu’il a pu advenir suite au pillage subi par l’institution. Je dois la photographie à Alain Guilleux que je remercie vivement. 18 Je dois les renseignements concernant la découverte de Sami Gabra, le relevé du reliquaire TG 2423 ainsi que les informations non publiées à Mélanie Flossmann-Schütze, qu’elle trouve ici l’expression de ma reconnaissance. Le relevé montre un scarabée aux contours et détails frustes et muni de seulement quatre pattes. Il mesure 12,5 cm de haut, 15,5 cm de long sur 12 cm d’épaisseur. 19 Claude GAILLARD & Georges DARESSY, La faune momifiée de l’antique Égypte (CGC), Le Caire 1905, p. 154-156, pl. LXVI (CGC 29822-29824, 29827 et 29828).

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de nombreuses galeries aient été creusées dans les sous-sols de Saqqâra pour y recevoir une grande partie de la faune du pays, aucune nécropole qui leur aurait été spécialement dédiée n’y a été révélée. Les lieux ont pourtant permis de trouver différentes formes de reliquaires en pierre. L’un d’eux, portant le numéro d’inventaire CGC 2982720, prend l’aspect d’une boîte rectangulaire en pierre. Il est intéressant à plusieurs égards. Si l’animal n’est pas fidèlement figuré, il offre la particularité, non seulement de tenir un signe chen entre ses pattes avant, mais d’avoir été peint en noir. La cavité pratiquée sur le côté droit et obturée par une plaquette de pierre contient encore un scarabée non recouvert de lin. Enfin, les auteurs du Catalogue Général du Caire ont remarqué les restes d’une inscription à l’encre noire sur l’arrière du socle sans avoir pu identifier avec assurance si les caractères qui la composaient étaient ou non du grec. Les inscriptions sont rares, une marque circulaire sur la pièce référencée CGC 29824 devait servir, d’après les auteurs du catalogue, à poser le couvercle dans le bon sens par rapport au socle. Habituellement, un peu de lin recouvre le corps de l’insecte quand celui-ci est resté dans le reliquaire. C’est le cas, toujours dans la pièce CGC 29824. Le CGC 29830, lui, malheureusement vide, adopte l’aspect d’une simple boîte comportant un couvercle coulissant dans des rainures tandis qu’un petit trou indique la présence un bouton de préhension. Des deux exemples qui ont pour origine le Sérapéum, l’un est conservé au musée du Louvre21 et l’autre au Musée égyptien du Caire22. Le premier a été exhumé par Auguste Mariette « sous les fondations du mur d’enceinte qui passe du côté sud du pylône de Nectanébo »23 (il s’agit de Nectanébo Ier). Il est assez fin et l’anatomie du bousier est bien rendue. Le second est une boîte comportant l’image d’un scarabée sur sa face supérieure et un des côtés comporte des rainures sur lesquelles glissait une plaquette. 1.4b. Plus récemment, les fouilles menées à Saqqâra-Nord dans la nécropole des faucons par l’Egypt Exploration Society ont révélé de nouveaux reliquaires24. Non loin de l’entrée, dans la chambre 4 / 2, un petit cercueil en 20

Il mesure 11 cm de long sur 5,5 cm de large et 7 cm de haut. Bernadette LETELLIER, dans B. Letellier & C. Ziegler (éd.), Les animaux dans l’Égypte ancienne, catalogue Muséum de Lyon, 6 novembre 1977 – 31 janvier 1978, Lyon, 1977, p. 101 (inv. N 3357, H. 8 cm, L. 9,6 cm, l. 8,44 cm). Voir également Daniel AUSTIN, « Sarcophage de scarabée », dans Les cultes funéraires en Égypte et en Nubie, Calais, musée des Beaux-arts, 24 octobre 1987 – 3 janvier 1988, Béthune, Hôtel de Beaulaimcourt, 13 janvier – 10 avril 1988, Dunkerque, musée des Beaux-arts, 16 avril – 3 juillet 1988, Paris 1987, p. 80, no 233. 22 GAILLARD & DARESSY, La faune momifiée, p. 156 (CGC 29829, H. 7 cm, L. 8 cm et l. 6,8 cm). 23 Auguste MARIETTE, Louvre Ms Mariette AMN *7DD10bis, fo 70 ro, en date du 8 octobre 1852. Je dois la connaissance de cette occurrence à Élisabeth David que je remercie. 24 Sue DAVIES & Harry S. SMITH, The Sacred Animal Necropolis at North Saqqara, The Falcon Complex and Catacomb, Londres 2005, p. 94, FCO-189, pl. XLV b, ce premier reliquaire, très petit, 21

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calcaire a été mis au jour. Il s’agit d’une simple cuve rectangulaire munie d’un couvercle sur lequel repose l’image de l’insecte en relief. Provenant de la galerie 16A, une autre petite cuve rectangulaire en bois dont la base a disparu, porte sur la face supérieure la représentation de l’insecte, dégradée par des attaques de vers. Le plus surprenant est que dans la petite cavité se trouvait l’os d’un animal indéterminé. Le rapport ne précise pas s’il peut s’agir d’un acte volontaire ou d’un hasard. Un dépôt d’objets en bronze25 provenant de la même galerie a révélé un scarabée identifié comme Bubas bubalus, Olivier 1811, mais le bronze n’est pas détaillé et la figure de l’insecte est même plutôt stylisée26. Les auteurs mentionnent que l’artefact en alliage cuivreux est une fonte creuse, mais sans plus de précision ; il est ainsi difficile de distinguer une simple figuration d’un reliquaire. 1.4c. L’année 2018 aura vu la mise au jour de nouveaux témoignages sur des animaux liés aux cultes dont les médias se sont fait l’écho27. En effet, d’avril à octobre, une équipe égyptienne28 est intervenue sur sept tombes (dont quatre dateraient de l’Ancien Empire, fin 5e–début 6e dynasties, et trois du Nouvel Empire). Ces tombes, dans la zone du Bubasteion, ont, pour la plupart, été réutilisées à la Basse Époque — sans plus de précisions sur la chronologie — pour recevoir des momies animales, surtout d’un grand nombre de chats, mais également de serpents, de crocodiles et, pour ce qui nous concerne, de scarabées. ne mesure que 2,6 cm de haut, 3 cm de long et 2,7 cm de large ; p. 118-119, FCO-433, pl. LVIII. Le reliquaire mesure 4,2 cm de haut, 8,35 cm de long et 4,55 cm de large. La cavité, quant à elle, mesure 4,6 sur 3 cm pour une profondeur de 2,5 cm, mais rien ne permet de savoir de quel côté elle avait été pratiquée. Il faut signaler une bande sombre, sans doute peinte, le long du petit côté avant, visible sur le cliché. 25 Jonathan GOSLING, Panagiota MANTI & Paul NICHOLSON, « Discovery and Conservation of a Hoard of Votive Bronzes from the Sacred Animal Necropolis at North Saqqara », www.PalArch. nl.archaeology of Egypt/Egyptology 2/1 (2004), p. 4. Les dimensions exactes ne sont pas données, mais l’objet paraît mesurer plus de 6 cm de long. Voir aussi Katja WEIß, Ägyptische Tier- und Götterbronzen aus Unterägypten (ÄAT 81), Wiesbaden 2012, p. 718. 26 La hauteur des cornes fait cependant plus penser à Heliocopris gigas, L. 1758. 27 Les détails publiés par des revues francophones et anglophones ont été vus le 14 novembre, grâce à l’obligeance de Sydney H. Aufrère, sur les sites suivants : https://www.rts.ch/info/monde/9985879-des-chats-serpents-et-scarabees-decouverts-momifiesen-egypte.html https://www.haaretz.com/archaeology/MAGAZINE-archaeologists-find-mummified-sacredbeetles-and-cats-in-ancient-egyptian-tombs-1.6638330 https://www.lepoint.fr/culture/chats-serpents-et-scarabees-momifies-les-incroyables-decouvertes-egyptiennes-11-11-2018-2270463_3.php http://www.lefigaro.fr/culture/2018/11/10/0300420181110ARTFIG00118-des-scarabees-momifies-decouverts-dans-un-tombeau-antique-enegypte.php Je remercie également Philippe Collombert pour les renseignements qu’il a pu me fournir. 28 La mission a été dirigée par Moustafa Waziry, Secrétaire général du CSA, et l’équipe était composée de Sabry Farag, Mohammad Youssef, Mohammad el-Saeidy, Ahmad Zekry et Hamada Shehata. Je remercie vivement nos collègues égyptiens qui m’ont permis de mentionner cette découverte, quelques jours après son annonce.

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C’est d’une de ces tombes qu’ont été exhumés, entre autres, deux reliquaires en calcaire contenant les vestiges de scarabées. Le premier de ces reliquaires, de format carré, porte sur un des côtés l’image peinte assez schématiquement d’un bousier. La moitié antérieure de l’insecte est noire et les élytres sont marqués par de fines rayures. Les pattes et l’ensemble du clypeus et des antennes sont juste esquissés. Deux momies de scarabées de grande taille, montrant encore qu’elles avaient grossièrement enroulées dans du lin, auraient été extraites de la petite cavité. L’une d’elles repose encore sur un élément qui correspond peut-être au couvercle. Le second reliquaire, de format rectangulaire, est complet. La cuve, qui présente dans sa partie supérieure une découpe intérieure destinée à positionner le couvercle, paraît avoir contenu des restes d’insectes d’après les descriptions, parfois contradictoires, données dans les articles29. Le couvercle, quant à lui, est cintré et forme cinq pans ; les petits côtés sont chanfreinés. Au sommet, trois figures de scarabées ont été dessinées, de la plus simple (à gauche) à la plus complexe (à droite), comme si le dessinateur avait souhaité présenter des espèces différentes ou plusieurs stades d’évolution. Cette découverte montre que ces reliquaires n’appartenaient probablement pas à une nécropole spécifiquement dédiée, mais ont été répartis dans divers lieux accessibles, ici des tombes « anciennes » réemployées. Il sera intéressant de connaître le contexte de découverte afin de voir si ces réceptacles ont été placés avec d’autres espèces animales ou s’ils ont été isolés, et dans ce cas, si des précautions ont été prises ou non pour leur installation. Au vu de ces découvertes, il est raisonnable de penser qu’un certain nombre de reliquaires sans origine connue et conservés dans les collections occidentales seraient originaires de Saqqâra. 1.5. GÎZA. — À Gîza, le temple de la vallée de Chephren a lui aussi livré un petit reliquaire trouvé au niveau de l’entrée30. Il s’agit, bien entendu, d’un dépôt tardif qui montre l’intérêt que représentait le monument pour le dévot qui a déposé cette offrande. Un seul cliché publié dans le rapport de fouilles d’Uvo Hölscher permet de voir qu’il s’agit d’un petit bloc de calcaire revêtant la forme d’une chapelle surmontée de la figure en méplat d’un scarabée tandis que le couvercle est placé au moyen d’une rainure. 1.6. HÉLIOPOLIS. — Le bousier étant une image de Khépri, une forme du dieu solaire, il paraît évident d’en trouver à Héliopolis. Cependant, un seul exemple provenant de ce site est attesté. Le plus surprenant est qu’il a été 29 D’après une interview de Moustafa Waziry, plus de deux cents petits scarabées auraient été trouvés. 30 Georg STEINDORF, « Der Befund der einzelnen Teile des Baues », dans Uvo HÖLSCHER, Das Grabdenkmal des Königs Chephren (VESE 1), Leipzig 1912, p. 115, l’objet mesure 8,5 cm de haut, 8 cm de long et 6,5 cm de large.

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découvert à l’extérieur de la tombe d’un taureau Mnévis à Arab Abou Tawil31. Il a été ramassé à quelques mètres de l’angle sud-est de la sépulture du taureau daté de l’époque de Ramsès II32. En terre cuite et au socle évidé, il devait contenir à l’origine les restes d’un scarabée. La question qui vient immédiatement à l’esprit est sa datation. Il n’a pas été ramassé dans la tombe et peut donc fort bien être plus tardif. Sinon, ce serait la plus ancienne attestation d’un reliquaire de scarabée. Or, il semble bien que c’est seulement à l’époque saïte que de tels objets ont fait leur apparition. 1.7. TANIS. — Il existe peu de scarabées originaires de sites du Delta33. Mais paradoxalement, une importante découverte, formée par un ensemble de cinquante scarabées, a récemment eu lieu à Tanis. En 2004, la mission française des fouilles de Tanis34 a mis au jour un lot de ces reliquaires dans une fosse, au fond du temple d’Amon, que Christiane Zivie-Coche, dans son étude35, date de l’époque saïte, mais sans exclure que ledit dépôt pût avoir été installé plus tard (30e dynastie, terminus ad quem). Pour l’auteur, il s’agit certainement d’un dépôt conservatoire d’objets cultuels hors d’usage, des offrandes laissées dans un sanctuaire en l’honneur de la divinité et non pas d’une nécropole de scarabées à proprement parler. La trouvaille comprenait également une plaque d’obturation sans son scarabée, un « coffret » et une main. Ces scarabées, dit Philippe Brissaud, « sont majoritairement taillés dans du calcaire, mais plusieurs ont été façonnés dans du mortier et un exemplaire en terre crue a aussi été trouvé »36. Leur qualité varie d’un spécimen à l’autre, même s’ils paraissent sortir d’un seul atelier. Mais, ainsi que le fait remarquer ce dernier auteur cité, toute l’attention de l’artisan s’est portée sur le plat des scarabées où des ouvertures ont été pratiquées de manière à recevoir les restes de ces insectes37. Les reliquaires en pierre mesurent entre 2,4 cm de long pour le plus petit et 31

On rappellera simplement les deux exemples provenant du Sérapéum, vus plus haut. Muhammad CHÂABAN, « Rapport sur la découverte de la tombe d’un Mnévis de Ramsès II », ASAE 18 (1918), p. 194 ; Georges DARESSY, « La tombe d’un Mnévis de Ramsès II », ASAE 18 (1918), p. 209. Il mesure 16 cm de long sur 11,6 cm de large et la hauteur du socle est de 2 cm, auxquels il faut ajouter l’image de l’animal, non donnée dans la publication. 33 Un reliquaire conservé au British Museum (inv. AE 36149) proviendrait de Benha, dans le Delta. Il consiste en une petite boîte rectangulaire surmontée de l’image d’un bousier qui conserve des traces de couleur, avec un orifice dessous. Cet objet est malheureusement dépourvu d’origine précise. 34 Philippe BRISSAUD, « Mission française des fouilles de Tanis, campagne d’automne 2004 », BSFFT 18 (2005), p. 23, pl. XXIII-XXIV. 35 Christiane ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un “coffret”, une main, Atoum à Tanis », dans Zivie-Coche & Guermeur (éd.), « Parcourir l’Éternité », vol. 2, p. 1135-1165 : p. 1135-1136 et 1149. 36 BRISSAUD, art. cit., p. 23. 37 ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un « coffret », une main », p. 1139 évoque même la possibilité que des boules de bouse façonnées par les scarabées aient été ajoutées dans les reliquaires. Un objet du Caire (inv. 22 + 4/27 + 35) à la provenance inconnue serait une de ces boules de bousier façonnée avec de la bouse d’âne ou de vache : Salima IKRAM & Nasry ISKANDER, 32

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11,57 cm pour le plus grand tandis que ceux qui sont façonnés en mortier atteignent jusqu’à 7 et parfois même 9 cm de long. Ces derniers ont à peu près tous la même forme sommaire. Un scarabée en terre crue a été trouvé dans le lot38, mais il ne paraît pas avoir contenu de restes animaliers tout comme trois modèles en calcaire et un en mortier. Un « coffret » en calcaire, à peine plus important que les reliquaires39, a reçu l’image assez fruste d’un scarabée, gravée sur la face supérieure bombée. Il présente, au « centre de la plus haute des deux petites parois verticales, une ouverture rectangulaire » dont la plaquette de fermeture était encore en place. Elle était vide et l’avait toujours été, mais on peut supposer qu’elle avait été prévue initialement pour recevoir les restes d’un scarabée. Une inscription courant sur trois de ses faces livre la titulature et le nom d’un prêtre lié à des cultes d’origine héliopolitaine implantés à Tanis entre la 26e et la 30e dynastie. La main droite en mortier (cf. supra), interprétée comme celle du créateur, complétait l’ensemble. Les objets se rattachent « à un contexte résolument solaire autour de la personne d’Atoum, figuré sous sa forme de Khepri »40. 1.8. SYNTHÈSE. — Le récolement des reliquaires dont l’origine est établie n’est guère important, malheureusement. On peut déjà remarquer qu’il existe une différence entre le nord et le sud du pays. Plus exactement, en BasseÉgypte on trouve des reliquaires en différents matériaux alors que dans le sud, il y a, outre des reliquaires, des paquets qui ne cherchent en aucune manière à rappeler la forme de ces animaux. Ceux-ci étant mêlés à d’autres espèces, il est quasi impossible de se rendre compte de l’essor des momies de bousiers dans la faune momifiée. Elle paraît cependant avoir été nettement moins marquée que d’autres petites espèces comme les musaraignes, alors que les bousiers ne devaient pas manquer dans le pays41. Il faudrait en fait pouvoir radiographier un échantillon important de momies dans toutes les nécropoles du pays pour avoir un ordre d’idée conséquent de la présence ou non de ces insectes pris au milieu d’autres espèces, ce qui n’est guère envisageable. Les reliquaires trouvés surtout en Basse-Égypte permettent de constater que ce type d’hommage rendu au dieu par le truchement de scarabées était peu répandu. Catalogue Général of Egyptian Antiquities in the Cairo Museum, Non-Human Mummies, Le Caire 2002, p. 45 (CCG 29892). 38 ZIVIE-COCHE, art. cit., p. 1141. 39 Ibid., p. 1143-1149, il mesure 6,8 cm de long, 5,3 à 5,5 cm de large et 3,6 à 4 cm de haut. Christiane ZIVIE-COCHE interprète l’objet comme un naos (ibid., p. 1153 et 1155-1156). 40 Ibid., p. 1154. 41 Je ne crois pas qu’il faille chercher l’origine de ces momies dans la magie qui s’est servie de scarabées dans certaines opérations, notamment pour obtenir l’aide des dieux, Jean CAPART, « Chats sacrés », CdE 18 (1943), p. 35-37 ; VERNUS, art. « Scarabée », p. 446.

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Des reliquaires proviennent bien de nécropoles, mais nous ignorons s’il s’agissait de lieux dédiés aux seuls scarabées, en l’absence de données suffisantes, notamment en ce qui concerne un site qui a livré autant de momies que celui de Saqqâra. En effet, les exemples de Thèbes et d’Abydos montrent des insectes pris au milieu d’autres espèces et en quantités minimes. Au Sérapéum de Memphis ou à Héliopolis, des découvertes se sont produites dans les lieux consacrés aux taureaux sacrés Apis et Mnévis. À Tanis ce sont aussi des objets déposés dans un lieu sanctifié. Ces derniers peuvent être mis en parallèle avec des reliquaires en bronze jadis placés dans des lieux de culte et non dans des nécropoles. Une présentation des caractéristiques principales des reliquaires est possible en ajoutant ceux qui sont conservés dans des collections publiques dont nous ignorons tout de la provenance. 2. Composition des reliquaires Les reliquaires n’ont jamais véritablement attiré l’attention, sans doute en raison de leur faible quantité. Leur variété est impressionnante au regard du peu de modèles recensés, bien plus importante que pour d’autres espèces, telles que le chat, la musaraigne ou l’ichneumon dont les reliquaires en bois ou en métal paraissent nettement plus stéréotypés. Les pièces étudiées dans les paragraphes prédécents sont de petite taille et ne devaient normalement servir à contenir qu’un seul bousier à la fois. On ne connaît pas, contrairement à d’autres animaux comme le chat, la musaraigne ou encore le faucon, de reliquaires présentant sur la face supérieure, plusieurs images de l’animal sacralisé. L’image de Scarabaeus sacer42 est fréquemment figurée sur la partie supérieure, en ronde bosse, ce qui permet généralement de bien reconnaître les différentes parties du coléoptère : la tête avec les six dentelures du clypeus et les antennes, le pronotum, les élytres et les six pattes dont les deux de devant sont pourvues, elles aussi, de dentelures afin de ramasser les fibres nutritives dont l’insecte se nourrit. Les pattes arrière permettent de façonner la boule de matière destinée à nourrir les petits du scarabée qui en sortent. L’objet CGC 29822 reproduit assez fidèlement l’anatomie de l’insecte alors que le reliquaire CGC 29827, de même origine, présente des erreurs, notamment au niveau des pattes. Il fallait rendre l’insecte aisément identifiable, mais de nombreux exemples témoignent du fait que l’exactitude physique n’était pas le souci principal des artisans qui confectionnaient ces objets. 42 Sadek I. BISHARA (« Biology and Identification of Scarab Beetles », dans W. A. Ward, Studies on Scarab Seals, I, Pre-12th Dynasty Scarab Amulets, Warminster 1978, p. 89) fait remarquer que plusieurs espèces peuvent être confondues avec Scarabaeus sacer, seule une taille plus petite permet de les distinguer plus aisément.

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Ainsi, les scarabées en calcaire de Tanis sont plutôt frustes. Certains reposent sur une petite base ovale, le socle débordant légèrement par rapport à l’image de l’animal. Les traits de l’insecte sont parfois détaillés alors que sur d’autres exemples, ils sont juste suggérés par des incisions dans la pierre. Les autres types les plus communs sont des cuves quadrangulaires pourvues d’un couvercle sur lequel se dresse l’image en relief de l’animal. En moyenne, les reliquaires mesurent de 8 à 10 cm de long, l’exemplaire du Louvre N 3357 atteint ainsi 8 cm de haut, 9,6 cm de long et 8,4 cm de large. Mais il en existe d’une taille plus importante. Celui qui est façonné en terre cuite, trouvé près du tombeau d’un taureau Mnévis à Héliopolis, présente une longueur de 15 cm et une largeur de 8 cm. Deux reliquaires trouvés à Saqqâra sont plus grands encore43 : 16 cm de long sur 9,5 cm de large et 9 cm de haut pour l’un (CGC 29822) et 14 cm de long sur 10,6 cm de large et 10,5 cm de haut pour l’autre (CGC 29823). Le premier met en exergue la physionomie de l’insecte simplement posé sur un socle ovale. Un trou arrangé sur la tête permet de suggérer la présence d’une couronne. Le second est formé de deux parties réunies par une sandale importante de plâtre, le joint est d’ailleurs légèrement de travers. 3. Matériaux utilisés et espèces de scarabées reproduites Peu de reliquaires en alliage cuivreux sont recensés44 et leur provenance est malheureusement inconnue, même s’il est très probable que leur origine soit plutôt à rechercher en Basse-Égypte. Ils doivent dater de la Basse Époque comme la grande majorité des reliquaires en métal destinés à recevoir des vestiges animaliers45. Mais surtout, au lieu du traditionnel Scarabaeus sacer46, nous trouvons parmi ces exemples des scarabées inspirés par deux autres sortes de scarabées, Heliocopris gigas L. 1758 (= Heliocopris isidis Boheman, 1857) commun en Égypte et Bubas bubalus. Il est impossible de savoir pourquoi les anciens Égyptiens ont choisi ces espèces pour figurer sur des reliquaires en bronze et même s’ils ont fait la différence entre celles-ci. 43

GAILLARD & DARESSY, La faune momifiée, p. 154, pl. LXVI. WEIß, Ägyptische Tier- und Götterbronzen, vol. 1, p. 265-267 et vol. 2, p. 718-720. 45 Alain CHARRON, « Les bronzes “reliquaries” d’animaux à la Basse Époque », dans ZIVIECOCHE & GUERMEUR (éd.), « Parcourir l’Éternité », vol. 1, p. 281-304 ; WEIß, Ägyptische Tierund Götterbronzen, p. 265-267, 718-720 et pl. 40 fait une distinction dans les représentations en bronze à partir de l’identification des espèces. 46 Il existe d’autres figurations de cet animal en bronze trop petites pour être des reliquaires, Eric GUBEL, « Scarabee », dans Egypte Onomwonden, Anvers 1995, p. 142, no 182 ; Bodil HORNEMANN, Types of Ancient Egyptian Statuary, vol. 6, Copenhague 1951, no 1557 présente un petit scarabée, reconnu comme l’image de Bubas Bubalus (L. 4,7 cm), conservé à Anvers, à la Vieille Boucherie (no 66, daté de la 31e dynastie, mais qui serait sans doute un peu plus tardif), voir également Günther ROEDER, Ägyptische Bronzefiguren (MaeSB 6), Berlin 1956, p. 413. Cependant, l’identification n’est pas très facile à faire et il se pourrait que le scarabée corresponde à l’espèce Heliocopris gigas. 44

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Un exemplaire, conservé au Metropolitan Museum of Art de New York47, présente une partie supérieure du socle élevée et moulurée. Au-dessus figurerait un scarabée identifié comme Oryctes nasicornis L. 1758, connu sous le nom de scarabée rhinocéros, d’après la publication de Dorothea Arnold ; ce serait même, selon l’auteur, un mâle identifiable à sa corne céphalique recourbée en arrière. Pourtant, cette interprétation, sur la foi de la seule photographie disponible pendant longtemps, ne peut plus être admise. En effet le dessin de l’objet en question et les clichés exposés sur le site en ligne des collections du musée montrent la présence de deux cornes et non d’une seule48. Le scarabée serait plutôt un spécimen mâle de l’espèce Heliocopris gigas49. L’insecte, assez petit par rapport à l’importance du socle, est dépourvu de ses pattes centrales. Sa tête est constellée de petits points et les élytres sont marqués de lignes longitudinales, rappelant la physionomie naturelle de l’insecte. À l’intérieur du socle une petite momie a été insérée. On peut raisonnablement penser que cette espèce était assimilée au scarabée traditionnel. C’est certainement la même espèce qui a été reproduite sur la cuve d’un reliquaire du Brooklyn Museum50, assez proche de l’exemplaire précèdent. L’animal est juché sur un petit socle, simple et totalement creux. L’ensemble devait être clos par une lame métallique. Le reliquaire de scarabée conservé au musée du Louvre51 est finement traité et montre sans doute Bubas bubalus. Les protubérances situées sur la tête correspondent bien aux traits de cette espèce. En revanche, la corne située à l’avant du pronotum est beaucoup plus prononcée que dans la réalité. C’est comme si l’artisan avait souhaité pourvoir le scarabée d’une sorte de disque solaire. À l’avant et sur le côté droit du socle, a été gravée une inscription peu aisée à déchiffrer dans laquelle un personnage, Djedher, rend hommage au dieu Khépri52. On constate ainsi que les exemples de reliquaires de scarabées en bronze actuellement connus concernent une diversité d’espèces : Heliocopris gigas et 47 Dorothea ARNOLD, « Beetle », dans An Egyptian Bestiary, New York 1995, p. 49 (MMA, inv. 26.7.855 ; H. 6,4 cm, L. 7 cm et l. 5,9 cm) ; ROEDER, Ägyptische Bronzefiguren, p. 413. 48 http://www.metmuseum.org/art/collection/search#!?department=10&q=26.7.855&sortBy= AccessionNumber&sortOrder=asc&page=1 ; HORNEMANN, op. cit., no 1558. 49 LEVINSON & LEVINSON, « Venerated Beetles » p. 46, fig. 4, pour des clichés du scarabée Heliocopris gigas adulte. 50 https://www.brooklynmuseum.org/opencollection/object_printable/117066/Small_Coffin_ for_a_Scarabeus (inv. 37.413E ; 3,1 × 2,2 × 3,7 cm, fonds Charles Edwin Wilbour ; ROEDER, Ägyptische Bronzefiguren, p. 413 et 441). 51 Ce reliquaire (inv. E 3957) de la vente Delaporte en 1864 a été publié avec une photographie par LETELLIER, dans Letellier & Ziegler, Les animaux dans l’Égypte ancienne, p. 102 ; mais, par erreur, l’image porte le numéro de catalogue du scarabée en calcaire provenant du Sérapéum. La collection Delaporte recèle beaucoup d’œuvres qui proviendraient de Saqqâra ; il est possible qu’il en soit de même pour ce petit reliquaire. Il mesure 5,9 cm de haut (dont 3,4 cm pour le socle), 6,8 cm de long et 4,2 cm de large. 52 Dieter KESSLER, Die heiligen Tiere und der König, Wiesbaden 1989, p. 147

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Bubas bubalus. Scarabaeus sacer n’apparaît que sur deux exemplaires conservés pour l’un au Los Angeles County Museum of Art et pour l’autre au musée de l’Agriculture du Caire. Ce choix reflète peut-être un aspect méconnu de la religion à laquelle ces animaux étaient liés, mais surtout, l’emploi du métal permettait de montrer les protubérances de l’insecte, plus difficiles à rendre au moyen de la pierre. Le reliquaire de Los Angeles est de petite taille et paraît, d’après le cliché présenté sur le site internet de l’institution53, bénéficier d’un anneau de suspension. L’effigie de l’insecte est assez rudimentaire mais figure bien Scarabeus sacer. Quant au reliquaire du Caire54, il est difficile d’affirmer de quelle espèce il s’agit, mais Sadek Ibrahim Bishara estime que l’ouverture pratiquée (2,1 × 1,5 cm) est bien trop petite, pour avoir reçu un spécimen de Scarabaeus sacer ou d’Heliocopris gigas. Il opte pour d’autres représentants dont Bubas bubalus. Les spécimens les plus connus sont en pierre. Ce sont également ceux qui présentent, avec les figurines en bronze, les détails les plus fins et les plus précis. Huit des reliquaires originaires de Saqqâra décrits dans le Catalogue Général du Caire sont en calcaire et un autre est en basalte. Certains présentent la particularité d’avoir été revêtus d’une couche de peinture noire. Les exemplaires en calcaire de Tanis ont conservé d’infimes traces de polychromie, du bleu et du rouge55. Mais les deux plus grands portent une patine formant une croute marron dont il n’a pas été possible de déterminer si elle résultait d’un produit apposé volontairement ou si elle résultait de l’enfouissement. Les reliquaires en calcaire prennent des formes très différentes comme la chapelle surmontée de la figure en méplat d’un scarabée trouvé à Gîza. L’image du scarabée est très fruste mais il semble bien que celui-ci soit le bousier sacré. Deux petits monuments, sont conservés au musée de l’agriculture du Caire, sous les nos 337 et 33856. Le premier57 porte sur sa partie supérieure l’image de l’animal et présente une cavité à l’opposé. Le couvercle qui obturait cette cavité a été conservé. À l’intérieur, se trouvait encore un spécimen femelle de 53

http://collections.lacma.org/node/245689. Il mesure 2,8 cm de haut pour 2,6 cm de large, inv. M 80.203.141. 54 BISHARA, « Biology and Identification of Scarab Beetles », p. 88, fig. 27. 55 ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un « coffret », une main », p. 1136, indique qu’aucune trace n’a été détectée sur les reliquaires en mortier, sans exclure la présence de couleurs qui auraient entièrement disparu, p. 1141. 56 Ces reliquaires ont été transférés depuis le Musée égyptien du Caire en 1941 par Ludwig Keimer. Voir BISHARA, « Biology and Identification of Scarab Beetles », p. 88, fig. 19-20 (inv. 337) et fig. 22-24 (inv. 338). 57 L’exemple 337 mesure 10,5 cm de long sur 7 cm de large et 2 cm de haut, la cavité 5,8 cm sur 4,2 cm et la « momie » de l’animal 2,7 cm sur 1,6 cm.

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Scarabaeus sacer. D’après la description de Sadek Ibrahim Bishara, le second58 est assez semblable, mais il manque toute la partie inférieure. L’ouverture pratiquée sur le côté droit, permettant d’insérer une momie a révélé un scarabée femelle appartenant à l’espèce Heliocopris gigas. Le musée de Hanovre conserve un grand reliquaire en calcaire59 arborant la forme d’un bousier posé sur un petit socle. Il a la particularité de présenter une ouverture ovale sur la face supérieure, au niveau des élytres et du thorax (ou pronotum) qui permettait de glisser la « momie » d’un scarabée. Cette ouverture était obturée par un couvercle tenant peut-être par deux chevilles. Il faut également remarquer trois autres trous de section carrée au niveau du thorax dont on ignore la fonction. Christian Loeben a proposé d’y voir les orifices permettant d’insérer le montage d’une couronne et a remarqué que le plat du reliquaire porte neuf lignes d’un texte tracé à l’encre rouge, difficile à voir, et incompréhensible. Il pense qu’il pourrait être question de substances servant à la momification du scarabée, ce qui serait unique sur ce type d’objet. Un autre exemple de reliquaire en calcaire est conservé au Linköping Museum, en Suède60. La figure assez sommaire de l’insecte est insérée d’une manière fruste dans une cuve, un bloc de calcaire à peine dégrossi et abîmé dont la face avant est légèrement incurvée. Plus exceptionnel, onze reliquaires en « mortier », terme employé par Chr. Zivie-Coche en l’absence d’analyse, ont été recueillis sur le site de Tanis61. De tels procédés sont remarquables pour la fabrication d’objets votifs, d’autant qu’il ne s’agit pas de pièces moulées mais façonnées ou modelées à la main. De la terre cuite a servi de matériau pour un reliquaire trouvé près de la tombe du taureau Mnévis datée de l’époque de Ramsès II. Il présente « une légère dépression ovale dans laquelle s’encastre la partie supérieure » représentant le scarabée62 dont l’image est peinte en rouge. Pour compléter ce panorama, il faut rappeler les deux objets d’El-Mo῾alla, réalisés en terre, et les autres exemples confectionnés dans le même matériau, avec des insectes à l’intérieur, ramassés à Tounah el-Gebel. 58 Le reliquaire 338 mesure 8,6 cm de long sur 8 cm de large et 6,4 cm de haut, la cavité 4 cm sur 5 cm et la « momie » de l’animal 2,7 cm sur 1,6 cm. 59 HORNEMANN, Types of Ancient Egyptian Statuary, vol. 6, no 1556, inv. S. 476 ; Luc DELVAUX, « Sarcophage de scarabée », dans E. Warmenbol (éd.), Ombres d’Égypte, le peuple de pharaon, Musée du Malgré-Tout, Treignes, 20 juin – 12 décembre 1999, Treignes 1999, p. 98-99 ; Christian E. LOEBEN, « Sarg für einen Skarabäuskäfer », dans Ägyptische Mumien: Unsterblichkeit im Land der Pharaonen, Landesmuseum Württemberg, Stuttgart, 6 octobre 2007 – 24 mars 2008, Mayence 2007, p. 303 (inv. 1935.200.469, H. 7,1 cm, L. 17,4 cm, l. 10,7 cm). 60 Gun BJÖRKMAN, A Selection of the Objects in the Smith Collection of Egyptian Antiquities at the Linköping Museum, Sweden (BEURU 65), Stockholm 1971, p. 65-66, pl. 18. Il mesure 6,5 cm de haut, 5 cm de long et 4 cm de large. 61 ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un « coffret », une main », p. 1139-1141. Le matériau est également qualifié de « plâtre-mortier ». 62 DARESSY, « La tombe d’un Mnévis », p. 210.

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Fig. 3. Reliquaire en bois Louvre E 239 (© Hélène Guichard).

Fig. 4. Reliquaire en bois Louvre E 239, momie placée dans la cavité sous le scarabée (© Hélène Guichard).

Il existe des spécimens en bois généralement assez simples. Le musée du Louvre en conserve plusieurs exemplaires, de provenance malheureusement inconnue, acquis lors de la vente de la collection Clot-Bey en 185263. Dans un cas (inv. E 238), l’animal, grossièrement ébauché, repose sur un socle rectangulaire et relativement peu épais, il s’agit certainement d’un couvercle. Dans un autre (inv. E 239), le socle reprend la forme ovale du scarabée. Mais alors que du noir a été passé sur le corps de l’animal, la base est restée brute, à l’exception des pattes qui y sont simplement dessinées (Fig. 3) ; elle recèle sur la face inférieure une cavité rectangulaire qui a perdu son opercule et dans laquelle des restes d’étoffe sont encore conservés (Fig. 4). Il est possible qu’une radiographie révéléraient les restes d’un bousier. Le musée de Bruxelles détient depuis 1884 un reliquaire d’un style assez semblable, mais la cuve ovale est légèrement plus élevée et le reliquaire de l’animal est, cette fois, revêtu de résine noire64. Une ouverture rectangulaire a été pratiquée dans le socle qu’est venu recouvrir le couvercle portant la figure de l’insecte. Cet objet, d’origine inconnue, est simplement daté de Basse Époque.

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Florence MARUÉJOL, « Cercueil de scarabée », dans H. Guichard (éd.), Des animaux et des pharaons, le règne animal dans l’Égypte ancienne, exposition Louvre – Lens, 5 décembre 2014 – 9 mars 2015, Paris 2014, p. 311. Il est à noter que la collection Clot-Bey contenait beaucoup de pièces provenant de Saqqâra : Alain CHARRON, « Des « momies » de lions à Saqqarah », BSEG 21 (1997), p. 9. Il est donc possible que ceux-ci aient été ramassés dans cette nécropole. Cependant le site d’Héliopolis est lui-aussi envisageable. Je remercie Hélène Guichard qui m’a très aimablement fourni des clichés de ces deux objets. 64 Vanessa BOSCHLOOS, « Cercueil de scarabée », dans L. Delvaux & I. Therasse (éd.), Sarcophages, sous les étoiles de Nout, Bruxelles 2015, p. 196-197 (inv. E 7076, H. 10 cm, L. 9,5 cm, l. 8 cm). L’auteur renvoie à d’autres pièces assez proches, au Brooklyn Museum et au musée de Hanovre.

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Les deux exemplaires découverts à Tounah el-Gebel sont rectangulaires et ont la particularité de présenter un spécimen de Scarabeus sacer à quatre pattes. Un couvercle isolé en bois est conservé au Brooklyn Museum65. L’image du scarabée est habituelle pour ce matériau, l’artisan ayant seulement cherché à rendre la physionomie générale de l’insecte. Sous la base, le bois forme un retrait, ce qui indique que le couvercle était posé et sans doute maintenu en place au moyen d’un adhésif quelconque. La même institution66 conserve un autre reliquaire en bois daté de Basse Époque ; l’objet, dans un orifice rectangulaire pratiqué sous l’image de l’animal, contient encore des restes de la « momie ». Une simple planchette en bois vient obturer le trou. L’image du scarabée est très simple, seule la séparation entre les élytres et la tête absente, étant marquée. Le Pelizaeus-Museum d’Hildesheim conserve une boîte rectangulaire en bois datée de l’époque ptolémaïque67, une cuve fermée par un couvercle sur lequel a été dessinée en noir l’image du scarabée. Enfin, je dois à l’amitié de Jocelyne Berlandini, la connaissance d’un scarabée en bois très intéressant et original conservé dans une collection particulière68 (Fig. 5 et 6). Contrairement à d’autres exemples recouverts d’une couche noire, celui-ci a été revêtu d’une dorure encore en assez bon état qui matérialise l’aspect solaire de l’insecte. Pour ma collègue, la sculpture ramassée de l’animal serait sans doute un rappel de la boule stercorale où la bête s’est développée. En effet, les représentations traditionnelles n’offrent pas une forme si arrondie que sur celui-ci. Bien que la figure soit assez stylisée, on retrouve bien l’anatomie du scarabée sacré, le clipeus et les pattes sont bien figurées, ainsi que les élytres striés longitudinalement. Le reliquaire est scindé en deux parties, la figuration reposant sur une mince planchette de bois presque circulaire. Celleci était liée à la partie supérieure du petit monument par un stuc jaunâtre encore présent sur les bords. Quant au corps du scarabée, il est creux, taillé quasiment sur toute sa longueur de manière à pouvoir y loger un insecte. Celui-ci est encore partiellement recouvert de lin dont seule une analyse au 14C permettrait de connaître la datation approximative. Un des élytres est cependant apparent, les traces laissées sur la planchette montrent que cette disparition du tissu est ancienne.

65 https://www.brooklynmuseum.org/opencollection/objects/117921/Cover_of_a_Coffin_ for_a_Scarabeus. 66 https://www.brooklynmuseum.org/opencollection/objects/117920/Scarab_Coffin. 67 Renate GERMER, La vie après la mort dans l’ancienne Égypte, Paris 1997, p. 61. L’objet mesure 6 cm de long. 68 Il mesure environ 4 cm de haut sur 5 cm de long. Les clichés ne permettent pas de voir si une couverte a été appliquée pour recevoir la dorure.

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Fig. 5. Reliquaire en bois revêtu d’une dorure, collection particulière (© DR).

Fig. 6. Reliquaire en bois revêtu d’une dorure, momie en place dans la cavité sous le scarabée, collection particulière (© DR).

Des modèles composites existent également. Nous avons vu le superbe exemple conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne qui proviendrait de Louqsor, un scarabée en faïence bleu foncé placé sur une petite cuve en bois. La faïence a été également utilisée exceptionnellement dans le cas du reliquaire du Liebieghaus de Francfort vu plus haut. Il faut enfin signaler un tout petit monument très surprenant, en faïence lui aussi, conservé au musée de l’université de Leipzig69. Il prend l’aspect d’une pyramide surmontée de la figure du bousier sacré. La partie inférieure a été aménagée pour servir de reliquaire. 4. Ouverture des reliquaires Bien que les exemples soient peu nombreux, les systèmes d’ouverture sont assez différents d’un spécimen à l’autre, sans logique véritable. Le plus simple est un couvercle sur lequel est figuré l’animal. L’objet CGC 29823 semble relever de cette catégorie, bien que l’ensemble soit encore scellé par du plâtre qui empêche de voir si des restes sont bien retenus dans l’urne. Un des scarabées en bois du Louvre (inv. E 238) paraît être, lui aussi, un couvercle qui devait recouvrir un socle rectangulaire. Cependant, le système le plus répandu est une ouverture réalisée dans le socle et accessible par un des côtés ou même par la face inférieure. L’objet Louvre inv. N 3357 provenant du Sérapéum présente une ouverture sur le côté 69 SCHLICK-NOLTE, « Skarabäus mit Perforation », p. 186. — Je remercie Dietrich Raue et Anna Uhlschmidt pour les renseignements qu’ils m’ont envoyés concernant cet objet, inv. 5291, acheté dans le commerce, qui mesure 2,1 cm de haut, 2,8 cm de long et 2,5 cm d’épaisseur.

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gauche. Outre la cavité, il y a un ressaut intérieur qui permettait de caler l’opercule, certainement en calcaire lui-aussi. Un système de fermeture plus sophistiqué a été réalisé sur les pièces CGC 29829 et 29830 en calcaire conservées au Musée égyptien du Caire. Ils présentent une rainure sur laquelle coulisse une planchette70. Fréquemment, la cavité a été pratiquée sous le plat du socle, il en est ainsi pour le reliquaire CGC 29822 décrit plus tôt, l’orifice mesure 7 cm de long sur 4 cm de large et de profondeur. Un autre exemple (24+4/27+23)71, présenté dans les salles de momies animales du Musée égyptien du Caire, montre l’image de l’animal qui se dégage d’un épais socle dans lequel l’ouverture ovale a été creusée. Cet exemplaire proviendrait de Mit-Rahineh, mais il est possible qu’il s’agisse de la nécropole de Saqqâra. Le musée Bible + Orient de l’université de Fribourg conserve un superbe spécimen72, peut-être en calcaire jaune, dont le socle, sur lequel repose une figure schématisée de scarabée, est cassé du côté des extrémités avant et arrière (Fig. 7). L’ouverture taillée en ovale, a été pratiquée sous la figure de l’insecte (Fig. 8).

Fig. 7. Reliquaire ÄS 1983.6779 conservé au Museum Bible + Orient, Fribourg (© Alain Charron).

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Fig. 8. Reliquaire ÄS 1983.6779 conservé au Museum Bible + Orient, Fribourg, cavité sous le scarabée (© Alain Charron).

GAILLARD & DARESSY, La faune momifiée, p. 156. Je remercie vivement Salima IKRAM qui m’a signalé cette pièce et Eman Amin qui a vérifié la provenance dans les registres du Musée égyptien du Caire. 72 C’est à l’occasion de la table ronde sur les insectes que nous avons vu cette pièce dans les vitrines du musée. Je remercie Cathie Spieser qui m’a aimablement permis de commenter et reproduire cet objet juste mentionné dans SCHLICK-NOLTE, « Skarabäus mit Perforation », p. 184. Le reliquaire, dont le numéro d’inventaire est ÄFig 1983.6610, provient de la collection Fouad Matouk, les mesures, transmises par Leonardo Pajarola sont : H. 3,3 cm, L. 5,65 cm, l. 5,1 cm pour l’extérieur et H. 1,8 cm, L. 3,35 cm, l. 2,3 cm pour la partie destinée à recevoir la petite momie. 71

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Pratiquement tous les reliquaires retrouvés à Tanis73 présentent une ouverture qui permettait d’insérer une petite momie. Elle occupe généralement la majeure partie de l’espace disponible sur le plat de l’objet. Ces ouvertures ont d’ailleurs parfois été réalisées avec plus de soin que la figure de l’animal. Sept scarabées présentent encore leur opercule et un couvercle seul a également été ramassé. Parfois, la fermeture, un bouchon parallélépipédique, était inserrée de force sans adjonction de plâtre. Un exemplaire plus élaboré (Sân 04-106) est pourvu d’un ressaut qui permettait de positionner le couvercle, encore en place au moment de la découverte. Il était scellé avec du plâtre. D’autres exemples avaient été obturés de la même manière. Un de ces reliquaires a été fermé au moyen d’une plaque de mortier, matériau identique à celui utilisé pour une partie des scarabées. Le plus inhabituel est qu’au moins sept reliquaires en mortier de Tanis ont été réalisés d’un seul tenant en préservant une cavité à l’intérieur, ce qui suppose que l’animal était déjà en place au moment de la fabrication74. L’exemplaire du musée de Hanovre vu plus haut est le seul, à notre connaissance, pour lequel une ouverture a été pratiquée sur le dessus du corps de la représentation de l’insecte. La hauteur de l’ouverture correspond à celle du corps sculpté de l’animal. Elle devait être obturée par un couvercle offrant un effet illusionniste de manière à rendre toute sa cohérence à la représentation. 5. Momification Peut-on parler de momification pour ces insectes ? Personne n’a jamais pris le soin de faire analyser les rares scarabées mis au jour. Le bon sens voudrait qu’un desséchement naturel eût suffi à se procurer un coléoptère correct pour figurer la divinité que l’on souhaitait honorer75. Cependant, le rite de la momification peut également nous inciter à imaginer un traitement sommaire. Les insectes ont normalement été recouverts de tissu comme on peut le voir sur un certain nombre d’exemples, comme celui du scarabée du Louvre inv. E 239. Un superbe spécimen, malheureusement sans provenance connue, est conservé à l’Allard Pierson Museum d’Amsterdam. Il est encore partiellement recouvert de lin, ce qui n’a pas empêché la détermination de l’espèce concernée76, il s’agit 73

ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un « coffret », une main », p. 1137-1138. Un seul de ces objets présente la forme traditionnelle d’une cavité pratiquée sur le plat, au revers de la figuration animale. 75 C’est ce que proposent GAILLARD & DARESSY, La faune momifiée, p. 154 à propos du reliquaire CGC 29822. 76 Inventaire 10186, H. 2,4 cm, L. 5,3 cm, l. 3,2 cm ; cf. Peter DILS, « Momie de scarabée », dans H. Willems & W. Clarysse (éd.), Les Empereurs du Nil, musée gallo-romain, Tongres, 25 septembre 1999 – 6 février 2000, musée des beaux-arts, Valenciennes, 1er mars – 12 juin 2000, musée Allard Pierson, Amsterdam, 8 décembre 2000 – 10 mars 2001, Louvain 2000, p. 277, no 209 ; Hermann LEVINSON & Anna LEVINSON, Forschungsarbeiten über Insekten und andere 74

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d’un bousier femelle de l’espèce Heliocopris gigas dont les élytres paraissent en bon état77. Au musée de l’Agriculture du Caire figure une momie de Trox barbarus, Harold 1872, autre espèce de scarabée78. Cependant, il y a des cas où seuls les restes de l’animal figurent dans la réserve ménagée dans le coffret, c’est le cas de l’objet CGC 29827, dont la représentation est plutôt bien travaillée. Deux reliquaires en pierre de Tanis ayant conservé leur contenu initial79 ont livré une poudre sombre qui correspond sans doute à la décomposition de l’insecte. Il y a également des résidus qui pourraient avoir appartenu aux boules formées par les bousiers. Des exemplaires de Tanis paraissent avoir connu un tel contenu difficile à identifier en l’absence d’analyses80. Un objet du Musée égyptien du Caire à la provenance inconnue pourrait être simplement une boule stercorale qui aurait été préservée81. 6. Chronologie des reliquaires Peu de reliquaires sont datés et seule la fouille permet d’avoir une vague idée des époques au cours desquelles ils ont été confectionnés. Les exemplaires de Tanis sont compris dans une fourchette allant de la période saïte à la 30e dynastie, alors que celui qui provient du Sérapéum peut être daté au plus tard de l’époque de Nectanébo Ier. Les bronzes sont également attribuables à la Basse Époque82. Les momies d’Abydos, quant à elles, appartiennent à l’époque romaine. La chronologie est donc très large alors que peu d’objets et de momies sont connus. Sans doute sommes-nous loin d’avoir trouvé l’essentiel des artefacts ? Mais cela montre l’attachement et le respect dû au scarabée en tant qu’image de divinités pendant une longue période. Musée départemental Arles antique CNRS, UMR 5140, Archéologie des sociétés méditerranéennes, Montpellier [email protected] Presqu’île du cirque romain, BP 205, 13635 Arles cedex

Gliedertiere sowie deren Kulturgeschichte, mis en ligne en 2011, consulté le 14 décembre 2015, URL : http://www.hermann-levinson.de/nachtrag_2011.html. 77 LEVINSON & LEVINSON, « Venerated Beetles », p. 59-61 indiquent trois espèces de scarabées rencontrées, les deux déjà mentionnées plus haut plus Heteronychus licas, Klug 1835, mentionné également par Bishara. 78 BISHARA, « Biology and Identification of Scarab Beetles », p. 88. 79 ZIVIE-COCHE, « Des scarabées, un « coffret », une main », p. 1138-1139. 80 Ibid., p. 1139 et 1141. 81 IKRAM & ISKANDER, Non-Human Mummies, p. 45 (CG 29892 = inv. 22+4/27+35). 82 Alain CHARRON, « Les bronzes “reliquaires” d’animaux », p. 281-304.

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NOTE. — Cette recherche a été menée dans le cadre du Programme de recherche MAHES (Momies Animales et Humaines EgyptienneS) financé par l’ANR au titre du Programme « Investissement d’Avenir » ANR-11LABX-0032-01 Labex Archimède. SOURCES,

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PARTIE II : INSECTES THANATOPHAGES, INSECTES SAUTEURS ET VOYAGEURS

REPOUSSER L’INSECTE NÉCROPHAGE. PROCÉDÉS MAGIQUES ET PRATIQUES RITUELLES Nadine GUILHOU

Lors de la momification, il importait avant tout de conserver le corps et, par suite, d’interrompre le processus de putréfaction — d’où l’ablation des viscères — et de protéger le cadavre de l’atteinte des divers insectes susceptibles d’attenter à son intégrité. Comme de nombreuses études le montrent1, ceux-ci arrivent en effet par « escouades » successives, et les Égyptiens n’avaient pas manqué de le remarquer. Cela les a conduits à perfectionner les techniques de protection — natron, baumes divers, peut-être plantes spécifiques — et à les compléter par des protections d’ordre rituel et magique. Si le nombre des escouades n’est pas fermement établi et si leur ordre de succession est susceptible de variations, il est assuré qu’elles sont essentiellement constituées de deux ordres, ceux des Coléoptères et des Diptères. Des individus à différents stades d’évolution ont été découverts aussi bien sur les momies que dans les denrées alimentaires constituant le mobilier funéraire. Ils font surtout partie des familles des Cleridae, Desmertidae et Tenebrionidae pour les coléoptères et à celle des Calliphoridae pour les diptères.

1 La présence d’insectes a été notée dès les premiers démaillotages de momies. Parmi les nombreuses études entomologiques récentes, nous nous bornerons à signaler, par ordre chronologique, celles de Hermann Z. LEVINSON & Anna R. LEVINSON, « Storage and insects species of stored grain and tombs in ancient Egypt », ZfAE 100 (1985), p. 321-339 ; Pierre MORET, « L’archéo-entomologie, ou les insectes au service de l’histoire », RMV 149/11 (1998), p. 995998 ; Jean-Bernard HUCHET, « Insectes et momies égyptiennes », BSLB 23/1 (1995), p. 29-39 ; Idem, « Archaeoentolomogical studies of the insect remains found within the mummy of Namenkhet Amun (San Lazzaro Armenian Monastery, Venice / Italy) », Advances in Egyptology 1 (2010), p. 59-80 ; Idem, « Des insectes, des momies : l’apport de l’entomologie à l’étude des pratiques funéraires des sociétés anciennes », dans I. Cartron, D. Castex, P. Georges, M. Vivas & M. Charageat (dir.), De Corps en Corps, traitement et devenir du cadavre. Publication des actes du colloque MSHA du 28 mars 2008, “Identité(s) et Mémoire(s) des Populations du Passé”, Bordeaux 2010, p. 35-55 ; Eva PANAGIOTAKOPULU, « New Records for Ancient Pests : Archaeoentomology in Egypt », JAS 28 (2001), p. 1235-1246, en ligne sur le site http://www. idealibrary.com. On pourra voir des représentations de dermestes et autres insectes prédateurs sur le site de l’INRA à Montpellier : http://www1.montpellier.inra.fr/CBGP/insectes-dupatrimoine/?q=fr/fiche-insecte/dermestes-frischii-kugelann-1792.

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1. L’identification de l’ennemi comme insecte nécrophage 1.1. La Formule 36 du Livre des Morts La protection contre les coléoptères fait l’objet de la Formule 36 du Livre des Morts, intitulée « Repousser l’insecte nécrophage »2. Le titre en donne le nom et les vignettes le représentent. Il est nommé ῾pšꜢj.t au Nouvel Empire, qui devient ῾pšj.t à l’époque ptolémaïque, ou encore ῾wš (P. Louvre N 3081), transformé en šꜢj sur quelques documents, ce dernier terme désignant le porc, animal séthien3. Le mot est la plupart du temps déterminé par la peau de mammifère (F 27), signe générique qui permet de le classer parmi les animaux, exceptionnellement par un petit insecte4 ou une tortue5. En Égypte, les insectes peuvent être répartis, selon la façon dont on les appréhende, parmi les êtres « rampants » (ḥfꜢ.wt), « ondulants » (ḏdf.t) ou la vermine (ḥrr.t)6. Un très petit nombre d’entre eux sont d’autre part individualisés par le logogramme servant à les désigner ou le déterminatif qui suit leur nom7.

2 Pour l’ensemble des documents répertoriés, voir le Totenbuchprojekt, Université de Bonn, http://totenbuch.awk.nrw.de/spruch/36, qui dénombre aujourd’hui 132 références, dont 84 vignettes. Pour une analyse de cette formule, voir Nadine GUILHOU, « La protection du cadavre dans le Livre des Morts : gestes rituels et devenir de l’être », Egypte, Afrique et Orient 43 (2006), p. 27-34. 3 C’est le cas dès la 18e dynastie sur le papyrus de Nakht, British Museum EA inv. 10471, où la première des deux versions de la Formule 36 (feuillet 14) a pour titre « Formule pour repousser le porc », tandis que la vignette représente un cochon noir. Voir Raymond O. FAULKNER, The Ancient Egyptian Book of the Dead, 4e éd., Londres 1985, p. 59. Pour les documents de la Troisième Période intermédiaire, voir Rita LUCARELLI, The Book of the Dead of Gatseshen, Ancient funerary religion in the 10th century BC, Leyde 2006, p. 112-113. La Formule 36 n’y est pas illustrée. 4 Et non un criquet, comme indiqué par les auteurs du Wörterbuch, comme le souligne Dimitri MEEKS, « De quelques “insects” égyptiens. Entre lexique et paléo-graphie », dans Z. Hawass, P. Der Manuelian & R.B. Hussein (éd.), Perspectives on Ancient Egypt. Studies in honor of Edward Brovarski (CASAE 40), Le Caire 2010, p. 273-304 : p. 290 et fig. 8, il ne s’agit pas d’un criquet ou d’une sauterelle mais d’un déterminatif spécifique des insectes de très petite taille. 5 Pour la tortue en place du coléoptère sur la vignette du P. Louvre N 3081 (Hornedjitef) et dans le titre du chapitre dans le P. Turin 1791 (Iouefânkh), voir GUILHOU, « La protection du cadavre dans le Livre des Morts », respectivement fig. 11 (doc. 2) et 10 (doc. 10). Plusieurs autres papyrus ptolémaïques en fournissent des exemples. J’ai proposé de voir dans la tortue, qui fait également souvent partie des animaux séthiens, la référence à la carapace de l’insecte, en quelque sorte un « ver à carapace », qui évoquerait à la fois l’apparence — voire les apparences successives — et le caractère destructeur de l’insecte nécrophage (ibid., p. 33-34). Nota. — Il s’est produit lors de l’édition de cet article un oubli de numérotation de la n. 4 et il faut donc décaler tous les numéros de note à partir de là (soit n. 4 = 5 ; n. 5 = 6, etc.). Il est probable que, comme pour le porc, outre le fait que la tortue est potentiellement un animal séthien, on l’a retenue en raison des assonances : comme šꜢj, en effet, štw ou štjw se rapproche par la sonorité de son nom de ῾pšꜢj.t. 6 Pour cette classification, voir Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des pharaons, Paris 2005, p. 16-17 ; pour l’insecte nécrophage ῾pšꜢj.t, p. 433-435. 7 MEEKS, art. cit.

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Dans le texte de la Formule 36, le nécrophage est qualifié d’être « aux lèvres cornues », allusion probable aux mandibules, à moins qu’il ne s’agisse des antennes, plus ou moins développées selon les espèces, cependant curieusement non représentées sur les vignettes. Malgré la précision de certaines représentations, celles-ci ne permettent guère d’identifier les espèces (Fig. 1). Sur la majorité des vignettes, les animaux, très divers, ressemblent plutôt à des carabes, voire à de véritables scarabées, comme chez Nakhtamon (no 1). Les représentations s’approchant le plus d’un nécrophage sont exceptionnelles (nos 12 et 13). Les variantes, comme les représentations atypiques des exemplaires du Livre des Morts de Paqerer et Nakht (nos 14 et 15)8, sont rares. En règle générale, les images évoquent plutôt le type d’insecte, en l’occurrence l’ordre (coléoptères) que l’espèce, renvoyant ainsi à une écriture. Mais bien évidemment, les classifications égyptiennes sont différentes des nôtres, se fondant sur l’aspect, mais aussi sur le milieu, le comportement. On peut aussi chercher à souligner le caractère néfaste du nécrophage par l’emploi de déterminatifs tels que le porc, être séthien, ou la tortue (nos 16 et 17), lesquels sont signalés plus haut. Il est remarquable que la Formule 36 ne concerne que les coléoptères et qu’aucune allusion ne soit faite aux diptères, forcément omniprésents. Peut-être faut-il y voir une allusion dans les Formules 33 à 35, consacrées aux serpents, respectivement « Formule pour repousser le serpent » (dito 33) — « Formule pour ne pas être mordu par le serpent » (dito 34) — « Formule pour ne pas être mangé par le serpent / ver » (dito 35)9. Certes, c’est bien un serpent qui est pourfendu par le défunt sur la vignette, et on peut le considérer comme une figure emblématique de l’ennemi, au même titre que le crocodile des Formules 31 et 3210. Mais étant donné que ḥfꜢw, et plus particulièrement ḥfꜢ.t, peut également désigner les vers, il est possible que ces chapitres aient plus particulièrement pour objet la protection contre les vers ou les larves11, responsables de grands dommages, comme l’indique la Formule 154, qui décrit très précisément le processus de décomposition.

8 Pour la vignette de ces deux documents (seconde version de la Formule 36 pour Nakht) et le déterminatif correspondant de ῾pšꜢj.t dans le titre, identique à celui du papyrus de Nou (P. BM EA 10477, où la Formule 36 n’est pas illustrée), voir l’interprétation de Thierry Bardinet (« Quelques aspects du « monde du minuscule » dans la pensée médicale de l’Égypte ancienne », ici même, p. 159-174), qui suggère d’y voir des insectes dépecés afin de les empêcher de nuire, ce qui renforce la valeur performative de l’écrit. 9 Formule 33 : r(Ꜣ) n(j) ḫsf ḥfꜢw ; dito 34 : r(Ꜣ) n(j) tm psḥ.t jn ḥfꜢw ; dito 35 : r(Ꜣ) n(j) tm wnm(w) jn ḥfꜢw. 10 Celui-ci pourrait, plus précisément, s’emparer des formules magiques du défunt. 11 L’expression « accomplir des transformations » utilisée dans les Formules TS 49 et 52 (= CT I, 216d et 239h) à propos de l’ennemi qui sévit dans l’ouryt et la ouâbet peut certes évoquer l’apparence qu’il a revêtue à cette occasion, mais elle pourrait aussi se référer aux diverses étapes d’évolution des insectes.

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Fig. 1. Vignettes de la Formule 36 du Livre des Morts.

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Références des vignettes de la Formule 36 du Livre des Morts (Fig. 1) 1. P. Berlin 3002 (Nakhtamon) = Totenbuch Projekt Bonn, TM 134322. Dessin N. GUILHOU d’après Edouard NAVILLE, Das aegyptische Todtenbuch der XVIII. bis XX. Dynastie, Berlin : A. Asher and Co, 1886, vol. 1 pl. 19 (Ba). 2. P. Louvre I 3248 (Tibekh) = TM 56756. Dessin N. GUILHOU d’après Paul BARGUET, Le Livre des Morts des anciens Égyptiens (LAPO 1), Paris : Cerf, 1967, p. 78. 3. P. Turin 1791 (Iouefânkh) = TM 57201. Dessin N. GUILHOU d’après Karl Richard LEPSIUS, Das Todtenbuch der Ägypter nach dem hieroglyphischen Papyrus in Turin, Leipzig : Georg Wigand, 1842. 4. P. BN 112/117 (Ouahibrê) = TM 57195. Dessin N. GUILHOU d’après Description de l’Egypte II, pl. 68. 5. Sarcophage CCG 41004 = TM 135425. Dessin N. GUILHOU d’après Alexandre MORET, Sarcophages de l’époque bubastide à l’époque saïte (CGC), Le Caire : SAE, 1912-1913, pl. 12. 6. Sarcophage CCG 41009 = TM 135424. Dessin N. GUILHOU d’après MORET, op. cit., pl. 17. 7. P. Ryerson OIM 9787 (Neschoutefnout) = TM 48470. Dessin N. GUILHOU d’après Thomas George ALLEN, The Egyptian Book of the Dead, Documents in the Oriental Institute Museum at the University of Chicago, Chicago : The Chicago University Press, 1960, pl. 20. 8. P. Milbank OIM 10486 (Irtiourou) = TM 57162. Dessin N. GUILHOU d’après ALLEN, op. cit., pl. 66. 9. P. Cologne ColonAeg 10207 (Iâhtesnakht) = TM 57143. Dessin N. GUILHOU d’après Ursula VERHOEVEN, Der saitische Totenbuch der Iahtesnacht, Bonn, 1993 (en ligne sur le site de l’Université de Heidelberg : www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/ fachref/aegypt/online.htm), image no 8. 10. P. BM EA 10558 (Ânkhouahibrê) = TM 57267. Dessin N. Guilhou d’après John H. TAYLOR, Journey through the afterlife. Ancient Egyptian Book of the Dead (Teachers’ resources. Key Stage 2), Londres : British Museum, 2010, p. 192, no 99. 11. Bloc BM EA 537 (Ouahibrê-emakhet) = TM 89867. Dessin N. GUILHOU d’après TAYLOR, op. cit., p. 194. 12. P. Berlin 3149 (Khaihep) = TM 57103. Dessin N. GUILHOU d’après photo du Totenbuch Projekt. 13. P. Thèbes / Ramesseum (Nehemsou-Mout) = TM 57060. Dessin N. GUILHOU d’après photo du Totenbuch Projekt. 14. P. Leyde T4 (Paqerer) = TM 134345. Dessin N. GUILHOU d’après NAVILLE, Todtenbuch I, pl. 19, Le. 15. P. BM 10471 (Nakht) = TM 133529. Dessin N. GUILHOU d’après Raymond O. FAULKNER, The Ancient Egyptian Book of the Dead, New York : The Limited Edition Club, 1972, p. 58.

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1.2. Protection des denrées alimentaires L’ensemble de ces écrits visant à éloigner du cadavre ces hôtes indésirables est d’ordre magique. Du même ordre est la protection des denrées alimentaires, probablement des viandes, sur deux sarcophages du Moyen Empire, le sarcophage intérieur de Mesehti (S1C = Caire JE 30966 = CGC 28118) et celui de Nakht (S1Hil = Hildesheim 5999)12. Le coffre qui les renferme porte en effet une représentation de scarabée, tandis que ses deux montants ont la forme d’avant-bras. Sur l’exemplaire de Mesehti, on a en outre ajouté dans le champ un r vertical (Fig. 2), l’ensemble se lisant dr + coléoptère, soit « chasser l’insecte », allusion au prédateur des aliments. Même s’il s’agit d’un scarabée, on vise, bien entendu, le coléoptère, peut-être un représentant de la famille des Tenebrionidae, dont l’apparence est voisine. Là encore, il s’agit d’une mise en garde par écrit, durable au même titre que les représentations des provisions.

Fig. 2. Coffre.

2. Monter la garde autour du mort À côté de ces mises en garde se met en place une protection rapprochée autour du cadavre, dès la préparation du corps, en particulier lors de la phase cruciale de dessiccation13. 12 Voir Nadine GUILHOU, « Insectes indésirables : la protection des denrées alimentaires dans le mobilier funéraire d’après les sarcophages du Moyen Empire en Égypte », Ve Rencontres archéozoologiques de Lattes (UMR 5140), 24 juin 2011, en ligne (www.archeo-lattes.cnrs.fr/IMG/ pdf/Guilhou_2011.pdf). Sur les deux documents, le mobilier funéraire, comportant des provisions, occupe l’intérieur, paroi de devant (est), au-dessous et à droite de la fausse-porte. 13 Voir N. GUILHOU, « Rituel funéraire au Moyen Empire : l’ouryt et la lutte contre les insectes nécrophages », BCLE 8 (1994), p. 25-34.

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2.1. Veillée dans l’ouryt et la ouâbet La Formule 49 des Textes des Sarcophages évoque ainsi l’agression de Seth et ses acolytes ayant revêtu pour l’occasion l’apparence d’un être minuscule : Un frémissement tombe à l’horizon oriental à la voix plaintive qui vient de l’ouryt. Isis se lamente grandement, Nephthys pleure sur ce dieu (ancien), maître des dieux. En le voyant dans l’ouryt, de mauvais desseins sont conçus par Celui qui voudrait sévir contre lui, après s’être transformé en Puce14 qui se faufilera sous ses flancs. Soyez vigilants, vous qui êtes dans la ouâbet, (attardez-vous), vous qui êtes dans l’ouryt. Voyez ce dieu, dont le corps est dans la crainte à cause de ceux qui se sont dissimulés, qui ont accompli des transformations ! Éclairez les torches, préposés à la chambre ! Dieux qui êtes dans l’obscurité, (voyez le dieu et son corps), mettez en place votre protection au-dessus de votre maître, répartissez-vous le service horaire pour le maître de la couronne blanche, jusqu’à ce que revienne d’Héliopolis Horus à qui ont été données les grandes couronnes atef 15.

La puce est ici mentionnée, moins pour le danger qu’elle représente — ses piqûres n’affectent que les vivants, pas les cadavres — que pour sa petite taille16. Les dieux qui montent la garde autour du corps sont bien connus par différents types de représentations (ronde bosse, relief, peinture) et sur différent supports (parois de temples, sarcophages). Parmi eux, on remarquera en particulier les gardiens porteurs de lézards ou geckos. 2.2. Les gardiens porteurs de geckos On ne reviendra pas ici sur l’ensemble de la documentation et de l’analyse, qui ont fait l’objet d’une communication lors des IVe Rencontres archéozoologiques de Lattes, suivie d’une publication17 dont on se bornera à rappeler les conclusions. Connus dès le Livre des Deux Chemins, on retrouve les porteurs de geckos au Nouvel Empire dans le temple funéraire de Séthy Ier, à Abydos, 14 Le déterminatif divin sur B10Cc et B1Y ne laisse planer aucun doute sur la nature de l’agresseur. B10Cb, B13C et B17C ont pour déterminatif un animal minuscule, en l’occurrence la puce ; B12C est en lacune ; B16C, avec le monogramme N 40, met en avant la rapidité de déplacement. 15 CT I, 215a-217b, d’après les versions de B10C, dont quelques variantes sont notées entre parenthèses : ḫr sdꜢ m Ꜣḫ.t jꜢbt(j).t ḥr ḫrw jꜢkb m wrj.t jw Ꜣs.t ḥr jmw ῾Ꜣ Nb.t-Ḥw.t ḥr rmj ḥr nṯr pn (smsw) nb nṯr.w wꜢ m mꜢ(w) n⸗f m wry.t jn jr(w) ḫ.t r⸗f jr~n⸗f ḫpr.w r⸗f m pj nfꜢfꜢ Ḫr ḏr.wj⸗f rs ḥr⸗ṯn jmj.w w῾b.t (sꜢꜢ⸗ṯn) ntr.w jmy.w wry.t mṯn nḏr Ḫ῾.w⸗f snḏ(w) n nbḏ.w jr(w) n ḫpr.w sḥḏ tkꜢ.w jr.w ῾.t nṯr.w jmj.w snk.t (mṯn nṯr ḥ῾.w⸗f) dj sꜢ⸗ṯn ḥr nb⸗ṯn psš wn.wt ḥr nb ḥḏ.t r jj.t Ḥr m Jwnw rd(w) n⸗f Ꜣtf.w ῾Ꜣ.w. 16 C’est pourquoi la vignette du papyrus de Nakht pourrait représenter une puce (no 13 de la fig. 1). Cependant, la nouvelle lecture de cette scène par Thierry Bardinet me semble préférable. 17 Nadine GUILHOU, « Lézards et geckos dans l’Égypte ancienne », IVe Rencontres archéozoologiques de Lattes (UMR 5140), Université Paul-Valéry, 26 juin 2009, en ligne (www.archeolattes.cnrs.fr/IMG/pdf/Guilhou_2009.pdf).

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Fig. 3. Gardiens porteurs de geckos (BM 29779).

dans certaines tombes royales18, puis sur les sarcophages des 21e et 22e dynasties (Fig. 3), les sarcophages de Basse Époque, les parois des chapelles osiriennes est nos 2 et 3 à Dendara. Des exemples en ronde bosse, retrouvés dans plusieurs tombes de la Vallée des Rois et dans celle de Montouemhat (TT 34), en a livré toute une théorie, aujourd’hui dispersée à travers plusieurs musées et collections. La vignette de la Formule 182 du Livre des Morts de Mouthetepet en fournit une autre illustration remarquable19. Comme dans le reste de la documentation, les porteurs de geckos y côtoient d’autres divinités brandissant des serpents ou, plus simplement, dotées de couteaux. L’analyse a pu établir que le choix du gecko était fonction de deux raisons : le bruit qu’émettent certains représentants de l’espèce, mentionné dans la Formule 1069 des Textes des Sarcophages20 ; le régime alimentaire de l’animal, qui est insectivore. Ce dernier point ressort implicitement de la transformation d’Horus en lézard afin d’inspecter la ouâbet, selon le Papyrus des Jours fastes et néfastes : Tu ne dois rien faire en ce jour de l’inspection de la ouâbet (var. : par Horus), qui s’était changé en lézard pour voir Celui qui avait été confié aux bras d’Anubis. Il l’a trouvée (= la ouâbet) préparée, (la) vérifiant pour le moment des funérailles. Alors il fit offrande, en pleurs (var. : Alors il proféra ses paroles en larmes. Puis les dieux sortirent). Alors il rapporta ce qui correspondait à ce qu’il avait vu. Alors ils firent offrande en grands pleurs et ils mirent leurs bras sur leur tête (geste de deuil), les dieux hommes et femmes pareillement21.

18 Voir Wolfgang WAITKUS, « Zur Deutung einiger apotropäischer Götter in den Gräbern im Tal der Königinnen und im Grabe Ramses III. », GM 99 (1987), p. 51-82. 19 Voir Nadine GUILHOU, « Rites de protection du corps : la vignette du chapitre 182 du Livre des Morts de Mouthetepet », dans Pre-islamic Near-east : history, religion, culture, Kiev 2014, p. 63-76. 20 GUILHOU, « Lézards et geckos », p. 10 et 17. 21 Il s’agit de la date correspondant au deuxième mois d’Akhet 18e jour, totalement néfaste. Voir GUILHOU, op. cit., p. 18-19 pour le commentaire de la traduction et les références. Jm⸗k jr.t ḫr.t nb.t m hrw pwj n(j) sjp w῾b.t (jn Ḥr) jw⸗f ḫprw⸗f m ḥn[tꜢ]sw r mꜢꜢ / n⸗k / rdw / m ῾.wj Jnpw gm~n⸗f s.t / gm~tw⸗s / jj⸗tj ptr nw⸗s n(j) smꜢ tꜢ.wy ῾ḥ῾~n wd~n⸗f s.t mj mꜢꜢ~n⸗f ῾ḥ῾ wdn⸗sn m rmy ῾Ꜣ rd~n⸗sn ῾.wy ḥr tp⸗sn (j)n nṯr.w ṯꜢj.w ḥm.wt m mjt.t.

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On ne sera pas surpris d’apprendre que ce jour est éminemment néfaste ! Cet épisode apparaît comme un avatar du combat d’Horus et de Seth et de leurs transformations. À l’image d’Horus, les gardiens entourant le lit funéraire, dont les documents postérieurs au Nouvel Empire donnent l’identité22, agissent comme des auxiliaires du mort ; et ils ont sans doute plus précisément pour fonction de le protéger de l’insecte nécrophage, tandis que les porteurs de serpents et de couteaux sont là essentiellement pour effrayer l’ennemi, le menacer et le mettre en pièces23. 2.3. Reconstitution d’un rituel de protection La présence de ces différents gardiens se déployant tout autour du sarcophage ou répartis dans des niches à l’intérieur du caveau pour les exemplaires en ronde bosse, assure une présence effective et durable d’ordre symbolique et magique. Mais peut-être rappelle-t-elle aussi une cérémonie effectuée à la fin du processus de momification et / ou entre les deux phases essentielles de dessiccation du cadavre et d’emmaillotage. L’ensemble des Formules des Textes des Sarcophages 49, 53 et 60 permet de retracer les moments forts de la cérémonie24. Selon la Formule 49, citée plus haut, la veillée commence par des lamentations d’Isis et Nephthys, probablement exécutées par deux figurantes et que l’on peut imaginer à partir de celles qui se déroulaient à Abydos, selon le P. Bremmer-Rhind. Cette lamentation est rapportée dans les Formules 52 et 54 : Ô, ô, ô, ô, dois-je me réjouir ? Dois-je me lamenter ? Dois-je mettre mes bras audessus de ma tête à cause de ce dieu, maître des dieux ? Je fais une lamentation, je crie dans l’ouryt à cause de ce Dissimulé qui est entré après avoir accompli des transformations contre ce dieu pour remplir de crainte les dieux dans la ouâbet25.

Outre le fait qu’elle est une manifestation de douleur, elle a probablement pour fonction de contribuer à mettre en fuite l’ennemi, tout comme les cymbales que l’on frappe quand on redresse le défunt, au matin : Quand le dieu apparaît à l’intérieur de sa chapelle, il entend frapper pour lui sur les deux cymbales26. 22

Ibid., p. 12-15. La fonction des différents gardiens est bien évidemment plus complexe, comme cela ressort de l’apparence et de l’identité de certains d’entre eux. Ces fonctions sont en outre précisées par différents documents, en particulier les légendes qui les accompagnent sur les sarcophages tardifs ; ibid., p. 6, 9, 15-16. 24 Pour tout ce développement, voir GUILHOU, « L’ouryt et la lutte contre les insectes nécrophages », p. 29-32 ; également Jan ASSMANN, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris 2003, p. 389-400 (1re éd. Munich 2001). 25 CT I, 239e-240a ; jhy sp 4 jn ršj⸗j jn nḫj⸗j jn d⸗j ῾.wj⸗j tp⸗j ḥr nṯr pn nb nṯr.w d⸗j jm sbḥ⸗j m wrj.t ḥr Nbd pn ntj ῾q(⸗w) jr~n⸗f ḫpr.w r nṯr pn r ssnḏ nṯr.w m w῾b.t. Lamentation mentionnée également dans la Formule TS 54. 26 Début de la Formule TS 60 (CT I, 248a-b) : ḫ῾ nṯr m-hnw kꜢr⸗f sḏm⸗f sqr n⸗f ḥmtj.wj. La lecture du terme pour « cymbales » — litt. « les deux de cuivre » — n’est pas sûre, le mot étant écrit avec l’idéogramme et en l’absence de compléments phonétiques. On pourrait aussi lire bjꜢ.wj. 23

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Autre moyen mis en œuvre pour chasser l’ennemi, la lumière des torches que l’on allume tandis que s’organise le service horaire à leur lueur, ennemi désigné par le terme nbd, que l’on peut comprendre comme le Ténébreux (choix de Paul Barguet dans sa traduction) ou le Dissimulé27. Selon les Glorifications d’Osiris du P. Louvre I 3079, ce geste s’accompagne d’une récitation : Ô, Sokar-Osiris, Osiris N, (quand) ce désastre se produisit pour la première fois, on a fait pour toi une ouryt à Busiris pour ta momification et pour rendre ton odeur agréable. On a installé pour toi Anubis dans la ouâbet afin d’accomplir ses rites, tandis que moi et ta sœur Nephthys allumions des torches à l’entrée de l’ouryt. (Alors) Seth fut chassé comme l’oiseau oucha (…). Thot debout à l’entrée de l’officine d’embaumement, psalmodiait ses formules rituelles. (Ainsi) il vivifie ton âme ba chaque jour28.

Avec l’aube qui point s’achève la veillée, qui est probablement suivie d’une exposition du corps au soleil, comme semble l’indiquer la Formule 60 des Textes des Sarcophages : Le jour point à l’Orient du ciel et il y illumine ta poitrine29.

S’il est possible de reconstituer peu ou prou une telle cérémonie à partir du témoignage des textes funéraires et à travers leur filtre, il est manifeste qu’elle se situe dans trois temps parallèles : la référence à la mort et à la momification d’Osiris ; le temps présent de la préparation du corps du défunt ; la pérennisation du rituel de protection par la présence d’écrits et d’images performatifs. Plus largement, la protection contre l’insecte nécrophage, essentielle, met en œuvre toute une batterie de mesures d’ordre pratique, magique et rituel. La pratique, c’est la technique bien éprouvée et sans cesse perfectionnée de la momification, avec l’utilisation du natron, de résines, d’huiles et d’onguents

27 Les déterminatifs du ciel nocturne (N 2) et de la peau de mammifère (F 27) sont très proches en hiératique. 28 P. Louvre I 3079, I, 12-14 et 16-17. Traduction d’après Jean-Claude GOYON, « Le cérémonial de glorification d’Osiris du papyrus Louvre 1.3079 (col. 110 à 112) », BIFAO 65 (1967), p. 89-156 : p. 96 : j Skr-Wsjr [Wsjr N] gꜢ pfj ḫpr(⸗w) m sp tpj jrj⸗tw n⸗k wrj.t m Ḏdw r sdwḫ⸗k r snḏm stj⸗k jry⸗tw n⸗k Jnpw m w῾b.t r jrj jrw.w⸗f jw jnk ḥn῾ sn.t⸗k Nb.t-ḥw.t ḥr sṯj tkꜢ r r(Ꜣ) wrj.t (…) Ḏḥwtj ῾ḥ῾(w) r r(Ꜣ) wrj.t ḥr njs m n.t-῾ s῾nḫ⸗f bꜢ⸗k r῾ nb. L’odeur agréable, qui s’oppose à l’odeur de putréfaction et caractérise une momie bien réussie, est aussi un élément qui protège le défunt du ou des Dissimulé(s) (Nbd), sans doute toujours le(s) nécrophage(s), selon les Formules TS 1060, 1169 et 1067, dans le Livre des Deux Chemins, repris par la Formule 136A du Livre des Morts (BD 299, 8). Le défunt y annonce désormais Rê aux portes de l’au-delà : « Soyez donc dans l’allégresse, dieux, à ma rencontre ! Le parfum d’un dieu étant attaché à moi, le(s) Dissimulé(s) ne m’ont pas atteint », déclare-t-il (ḥ῾.j rf nṯr.w m ḫsf⸗j jw sṯj nṯr r⸗j n pḥ wj Nbḏ.w) dans la Formule TS 1067 (CT VII, 511f-h). 29 Formule TS 60 (CT I, 254d-e) : wbn hrw m jꜢb.t p.t psḏ⸗f jm ḥr mnḏ.tj⸗k. Pour les hypothèses sur cette cérémonie, que je proposais de placer à la fin de la première phase de la momification et que Jan Assmann préfère situer avant de rejoindre la nécropole, voir GUILHOU, « L’ouryt et la lutte contre les insectes nécrophages », p. 31-32.

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destinés à faire obstacle aux insectes30. Mais les démaillotages de momies contemporains en ont montré les limites, ce dont les Égyptiens eux-mêmes ont manifestement eu conscience. La technique se double en effet de pratiques magiques destinées à en assurer la pérennité, comme les écrits et images apostrophant directement le nécrophage à travers le texte et / ou la vignette de la Formule 36 du Livre des Morts, où le défunt le transperce de sa lance31. Ou encore les gardiens disposés autour du sarcophage du défunt, particulièrement ceux qui brandissent des geckos, nouvelle menace pour le nécrophage. Tout cela étant replacé dans le cadre plus large de la lutte contre les manifestations de Seth, l’éternel responsable, comme en témoignent la présence occasionnelle de figures séthiennes familières comme le cochon noir et la tortue, sur lesquelles prêtres et embaumeurs s’efforcent d’obtenir la victoire. Université Paul-Valéry, Montpellier [email protected] 18, avenue de Pézenas F-34230 ADISSAN RÉFÉRENCES SECONDAIRES ET SITES WEB 1. RÉFÉRENCES SECONDAIRES ASSMANN, Jan, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris : Éditions du Rocher, 2003 (1re éd. Munich, 2001). FAULKNER, Raymond O., The Ancient Egyptian Book of the Dead, Londres : British Museum Press, 4e éd., 1985. GOYON, Jean-Claude, «Le cérémonial de glorification d’Osiris du papyrus Louvre 1.3079 (col. 110 à 112) », BIFAO 65 (1967), p. 89-156. GUILHOU, Nadine, « Rituel funéraire au Moyen Empire : l’ouryt et la lutte contre les insectes nécrophages », BCLE 8 (1994), p. 25-34. ——, « La protection du cadavre dans le Livre des Morts : gestes rituels et devenir de l’être », Égypte, Afrique et Orient 43 (2006), p. 27-34. ——, « Lézards et geckos dans l’Égypte ancienne », IVe Rencontres archéozoologiques de Lattes (UMR 5140), Université Paul-Valéry, 26 juin 2009, en ligne à l’adresse www.archeo-lattes.cnrs.fr/IMG/pdf/Guilhou_2009.pdf. ——, « Insectes indésirables : la protection des denrées alimentaires dans le mobilier funéraire d’après les sarcophages du Moyen Empire en Égypte », Ve Rencontres archéozoologiques de Lattes (UMR 5140), 24 juin 2011, en ligne à l’adresse www.archeo-lattes.cnrs.fr/IMG/pdf/Guilhou_2011.pdf. ——, « Rites de protection du corps : la vignette du chapitre 182 du Livre des Morts de Mouthetepet », dans Pre-islamic Near-east : history, religion, culture, Kiev 2014, p. 63-76. 30

Le choix des plantes et leur odeur ont pu aussi jouer un rôle dans ce domaine. Texte et vignette pouvant inclure d’autres pratiques de destruction magique, comme le développe Thierry Bardinet ici-même, p. 159-174. 31

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N. GUILHOU

HUCHET, Jean-Bernard, « Insectes et momies égyptiennes », BSLB 23/1 (1995), p. 29-39. ——, « Archaeoentolomogical studies of the insect remains found within the mummy of Namenkhet Amun (San Lazzaro Armenian Monastery, Venice/Italy) », Advances in Egyptology 1 (2010), p. 59-80. ——, « Des insectes, des momies : l’apport de l’entomologie à l’étude des pratiques funéraires des sociétés anciennes », dans Isabelle Cartron, Dominique Castex, Patrice Georges, Mathieu Vivas & Martine Charageat (dir.), De Corps en Corps, traitement et devenir du cadavre. Publication des actes du colloque MSHA du 28 mars 2008, “Identité(s) et Mémoire(s) des Populations du Passé”, Bordeaux : Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2010, p. 35-55. LEVINSON, Hermann Z., & Anna R. LEVINSON, « Storage and insects species of stored grain and tombs in ancient Egypt », ZfAE 100 (1985), p. 321-339. LUCARELLI, Rita, The Book of the Dead of Gatseshen, Ancient funerary religion in the 10th century BC, Leyde : Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 2006. MEEKS, Dimitri, « De quelques “insectes” égyptiens. Entre lexique et paléographie », dans Zahi Hawass, Peter Der Manuelian & Ramadan B. Hussein (éd.), Perspectives on Ancient Egypt. Studies in honor of Edward Brovarski (CASAE 40), Le Caire : SAE, 2010, p. 273-304. MORET, Pierre, « L’archéo-entomologie, ou les insectes au service de l’histoire », RMV 149/11 (1998), p. 995-998. PANAGIOTAKOPULU, Eva, « New Records for Ancient Pests : Archaeoentomology in Egypt », JAS 28 (2001), p. 1235-1246, en ligne sur le site http://www.idealibrary. com. VERNUS, Pascal, & Jean YOYOTTE, Bestiaire des pharaons, Paris : Perrin, 2005. WAITKUS, Wolfgang, « Zur Deutung einiger apotropäischer Götter in den Gräbern im Tal der Königinnen und im Grabe Ramses III. », GM 99 (1987), p. 51-82. 2. SITES WEB INRA pour la documentation sur divers insectes : http://www1.montpellier.inra.fr/CBGP/insectes-du-patrimoine/?q=fr/fiche-insecte/dermestes-frischii-kugelann-1792 Université de Bonn pour la base de données sur le Livre des Morts : http://totenbuch. awk.nrw.de/

RÉSUMÉ Leur longue pratique des techniques de momification a familiarisé les Égyptiens avec plusieurs sortes d’insectes susceptibles de s’attaquer au cadavre lors des différentes phases de son traitement, mais aussi aux produits alimentaires faisant partie du mobilier funéraire. Après avoir considéré la façon dont ils les ont désignés, représentés et regroupés, on s’attachera à définir les pratiques rituelles qu’ils ont mises en œuvre pour s’en débarrasser. Il est en effet possible d’en établir certaines, que l’on devine en filigrane à partir de l’arsenal de protection magique développé autour du défunt : élaboration de formules originales dans les recueils funéraires, en particulier dans les Textes des Sarcophages et le Livre des Morts, mise en place de gardiens spécifiques, représentations, qui sont autant de transpositions métaphoriques de la réalité à laquelle étaient confrontés les embaumeurs. Ces insectes pouvaient en effet

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compromettre gravement tout le processus de conservation du corps. C’est dire leur importance et la nécessité de les éliminer. On comprend, inversement, qu’ils aient à leur tour servi métaphoriquement à représenter l’ennemi, en particulier dans le domaine funéraire, comme en témoigne leur alternance avec la tortue sur certains documents. En résumé, l’examen de l’insecte nécrophage montre une fois de plus comment l’observation et la connaissance du milieu sont interprétées et transposées dans la pensée religieuse égyptienne. MOTS CLÉS Insecte nécrophage – momification – pratiques rituelles – protections magiques

NEITH ET LES MYSTÈRES DE L’INSECTE LANELATER NOTODONTA LATREILLE, 1827 Anne-Sophie

VON

BOMHARD

La découverte à Gîza en 1931 dans un tombeau intact de l’Ancien Empire1, d’un collier d’or composé de cinquante coléoptères2 suscita, la même année, la célèbre publication de Ludwig Keimer qui identifie l’insecte représenté sur le bijou comme étant Agrypnus notodonta (Germar, 1840) — renommé depuis Lanelater notodonta (Latreille, 1827) — et qui démontre sa relation avec la déesse Neith de Saïs3.

Fig. 1. Lanelater notodonta, d’après KEIMER, « Pendeloques », pl. III.

Au naturel, Lanelater notodonta (famille des Elateridae) est un insecte oblong d’environ 3, 5 cm, de couleur sombre, aux pattes fines ; ses élytres, nettement striés, se raccordent au thorax en dessinant à leur jonction supérieure médiane une sorte d’« écusson », dont Ludwig Keimer fait remarquer qu’il figure sur chaque exemplaire du collier d’or ; la tête est petite, les proportions du thorax et la forme générale sont bien particulières (Fig. 1). Mastaba 294 : Selim HASSAN, Excavations at Giza 1930-1931, Le Caire 1936, p. 149, pl. LII,2. JE 31769 : Alix WILKINSON, Ancient Egyptian Jewellery, Londres 1971, p. 26, fig. 17 ; Cyril ALDRED, Jewels of the Pharaohs, Londres 1971, p. 176, fig. 5 ; Carol ANDREWS, Ancient Egyptian Jewellery, Londres 1990, p. 175-176, fig. 162. 3 Ludwig KEIMER, « Pendeloques en forme d’insectes faisant partie de colliers égyptiens », ASAE 31 (1931), p. 145-186, pl. I. 1 2

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La relation établie par Keimer entre cet insecte et la déesse saïte se fonde essentiellement sur deux objets. Le premier, acheté au Caire quelques trente ans plus tôt par Jean Capart, est une plaque de grauwacke conservée dans les collections des musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, probablement originaire d’Abydos, car elle fut acquise au cours de la vente publique de la collection Amélineau4. La plaquette, datant de la période protodynastique, vraisemblablement rectangulaire à l’origine, est brisée en diagonale, et seule la partie supérieure gauche demeure5. Elle est gravée en léger relief dans le creux, et montre, encadrés d’une bordure saillante, trois motifs décoratifs longeant ses bords (Fig. 2). Au-dessous du rebord supérieur, deux exemplaires de Lanelater notodonta se font face, bien reconnaissables grâce aux proportions relatives du thorax et du corps, aux élytres striés, et à l’écusson médian caractéristique. Le long de l’arête gauche de l’objet, se dresse l’emblème de la déesse Neith, interprété comme un bouclier supporté par une hampe, sur lequel sont fixées deux flèches entrecroisées liées par une longue bandelette qui retombe assez bas du côté gauche. Cette enseigne figure déjà sur de nombreux sceaux cylindres, des plaquettes d’ivoire, ou des stèles de l’époque archaïque6. Les deux flèches croisées isolées, comme emblème de Neith, sont également très anciennes et apparaissent sur des bateaux gerzéens de l’époque de Nagada II, puis dans des documents relatifs à l’onomastique à l’époque archaïque7. Dans le coin supérieur droit de la plaquette de

Fig. 2. Plaque Bruxelles MRAH E 6261 ; dessin A. L’Amoulen d’après photographies. 4 Vente Drouot du 8 et 9 février 1904 : Antiquités égyptiennes trouvées à Abydos 1895-1899 (à la suite du refus des autorités françaises d’acheter cette collection). 5 MRAH E 6261. Photographies : KEIMER, « Pendeloques en forme d’insectes » pl. II,1 ; Henri ASSELBERGHS, Chaos en Beheersing, Documenten uit aeneolithisch Egypte, Leyde 1961, pl. LIX ; Stan HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects in Brussels and the Origin of the Bilobate Cult-Sign of Neith », JEA 82 (1996), p. 23-42 : pl. III.2. — Dessin : Ramadan EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, 2 vol. (BiEtud 86), Le Caire 1982, vol. 2 : Documentation, p. 226, doc. 74, pl. II. 6 Jacques DE MORGAN, Recherches sur les origines de l’Égypte, Paris 1897, p. 169, fig. 559 ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 209-238, avec références des publications, pl. I-III. 7 DE MORGAN, op. cit., p. 167, fig. 550-555 ; Jacques VANDIER, Manuel d’archéologie égyptienne, vol. 1 : Les époques de formation, Paris 1952, p. 340-341 ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 209-238, pl. I-III ; Barbara ADAMS, « Dish of Delight and Coleoptera », dans

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Bruxelles, on reconnaît les restes du sommet de deux drapeaux superposés. Keimer, à propos de la décoration de cette plaquette, fait deux remarques intéressantes — qui seront rapportées plus loin — mais ne s’y attarde pas, son objectif étant surtout, à l’époque, de convaincre les égyptologues que l’insecte qu’il avait identifié était lié à la déesse saïte, tâche qui semblait alors ardue, d’après ses remarques8. Le second objet avancé par l’auteur pour prouver la corrélation entre ce coléoptère et Neith est un bijou, trouvé en 1903 par George Andrew Reisner à Naga-ed-Dêr9. Fait d’une double feuille d’or très mince, il représente Lanelater notodonta, et l’emblème de Neith, sous forme d’un élément ajouré de même métal, apparaît sur les élytres, cependant que les pattes repliées du coléoptère sont figurées sur sa face ventrale, de même que les antennes, rabattues sur le prothorax. Enfin, Keimer montre en dessin et photographie une autre représentation de l’insecte10 résultant de l’assemblage de quatre morceaux de grauwacke trouvés par Émile Amélineau à Abydos11 acquis par Jean Capart pour les musées de Bruxelles12. On reconnaît le coléoptère dont les fines pattes antérieures sont munies de mains humaines tenant le sceptre ouas, un attribut de la déesse Neith13 attesté depuis la 2e dynastie sur un vase de diorite montrant la déesse anthropomorphe offrant ce sceptre à un sekher de Nynetcher14. À la reconstruction de cette pièce de grauwacke, dessinée et photographiée par Keimer, viennent depuis s’intégrer d’autres fragments apportant les parties distales des élytres, l’un anciennement trouvé par William M. Flinders Petrie15 (élytre A. Leahy & J. Tait (éd.), Studies on Ancient Egypt in Honour of H.S. Smith, Londres 1999, p. 5 et notes 33, 34 ; et voir Jochen KAHL, Frühägyptisches Wörterbuch, vol. 2, Wiesbaden 2003, p. 213-215. 8 KEIMER, « Pendeloques », p. 158-159. 9 CGC 53821-53822. Tombe 1532. George Andrew REISNER, The Early Dynastic Cemeteries of Naga-ed-Dêr (UCPCP 2), Leipzig 1908, p. 31, 143 et pl. 6,1 et 9,a ; Émile VERNIER, Bijoux et orfèvreries (CGC nos 52001-53855), Le Caire 1927, p. 509-510 : CGC 53821 (partie ventrale) et 53822 (partie dorsale) où chaque feuille d’or est interprétée comme « bout de doigt » par Vernier, qui a cependant vu que les deux pièces formaient un ensemble ; KEIMER, « Pendeloques », p. 156158, pl. III,1a-d ; VANDIER, op. cit., p. 816, fig. 546 ; WILKINSON, Ancient Egyptian Jewellery, p. 14, fig. 5 ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 226-227, doc. 75; HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 33, fig. 7. 10 KEIMER, « Pendeloques », p. 151, fig. 2, pl. II,2. 11 Émile AMELINEAU, Les nouvelles fouilles d’Abydos 1895-1896, Paris 1899, p. 212, fig. 49, pl. XXVII-XXVIII. 12 MRAH, E 578. Photographies : KEIMER, « Pendeloques », p. 151, pl. II,2 ; HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », pl. III,1. 13 EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, p. 3-5 ; elle peut aussi tenir le sceptre ouadj. 14 Pierre LACAU & Jean-Philippe LAUER, La pyramide à degrés, vol. 4 : Inscriptions gravées sur les vases, Planches, Le Caire 1959-1961, p. 14, no 77, pl. 16 ; sur cette image, la déesse porte sur la tête le signe de l’arc double ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 227, doc. 76, pl. II ; HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 26. 15 Ibid., p. 25 ; ADAMS, « Dish of Delight », p. 3, note 17.

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Fig. 3. Bruxelles MRAH E 578 + Abydos K 1005 + fragment Petrie ; dessin A. L’Amoulen.

gauche), et l’autre postérieurement découvert par Günter Dreyer16 (extrémité de l’abdomen) (Fig. 3). Stan Hendrickx et Barbara Adams supposent que l’ensemble aurait fait partie d’un grand plat dont ils proposent des schémas de reconstitution et qui serait orné de deux insectes mis dos à dos et non face à face17. À la suite du travail fondamental de Keimer, dont les conclusions sont actuellement reconnues, ces deux derniers auteurs ont beaucoup apporté à l’étude de l’insecte de Neith, le premier surtout d’un point de vue iconographique et historique, et la seconde par ses connaissances entomologiques et sa grande expérience du matériel prédynastique. Leur collaboration pour comparer et assembler des fragments trouvés par W. Fl. Petrie, appartenant au Petrie Museum, et ceux acquis par J. Capart a été particulièrement fructueuse, notamment pour la reconstruction d’un plat complexe incluant un spécimen de Lanelater qui sera décrit plus bas. Plusieurs représentations de cet insecte, datant des premières dynasties, proviennent d’Abydos, comme le modèle en bois de deux Lanelater ventralement accolés, découvert par Petrie dans la tombe de Semerkhet, reproduit en dessin par B. Adams18, ou le très bel exemplaire en pierre noire trouvé récemment par G. Dreyer et alii19. Des insectes un peu similaires en faïence ont été exhumés, ainsi que quelques modèles incrustés, mais leur identification comme Lanelater est loin d’être assurée. Quant au coléoptère qui entre dans la composition de l’anse au motif de fête heb-sed du vase d’albâtre trouvé dans la pyramide à

16 Abydos K 1005 (Dreyer), et voir ADAMS, « Dish of Delight », p. 3, n. 21, qui signale pour cette pièce encore deux nouveaux fragments trouvés par Günter Dreyer à Abydos en 1996/97. 17 HENDRICKX, art. cit., p. 24-25, fig. 1-2 ; ADAMS, art. cit., p. 5, fig. 4. 18 William M. Flinders PETRIE, The Royal Tombs of the First Dynasty 1900, Part I (MEEF 18), Londres 1900, pl. XXXVII,62, et The Royal Tombs of the Earliest Dynasties, Part II (MEEF 21), Londres 1901, pl. XLIII,21 ; ADAMS, « Dish of Delight », p. 6, fig. 5. 19 Günter DREYER, Rita HARTMANN, Ulrich HARTUNG, Thomas HIKADE, Heidi KÖPP, Claudia LACHER, Vera MÜLLER, Andreas NERLICH & Albert ZINK, « Umm el-Qaab – Nachuntersuchungen im frühzeitlichen Königsfriedhof, 13., 14., 15. Vorbericht », MDAIK 59 (2003), p. 67-138, pl. 14-25 : p. 91 et photographies pl. 18a.

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degrés du roi Djoser20, il se distingue de L. notodonta par l’absence d’écusson, et de Steraspis squamosa décrit par Keimer21 par le raccordement des élytres sur le thorax qui se fait en ligne droite et ne montre pas l’angle obtus caractéristique de Steraspis. 1. Lanelater notodonta et Neith La particularité de cet élatéridé est sa capacité d’effectuer des sauts imposants grâce à un mécanisme particulier décrit par Hermann et Anna Levinson22 : en cas de danger, l’insecte peut, dans un premier temps, simuler la mort en se maintenant parfaitement immobile, couché sur le dos, pattes ramenées au plus près du corps et antennes rabattues sur le prothorax ; puis il lui est possible, pour échapper au prédateur, de se projeter soudainement en l’air en un bond impressionnant, car il est équipé d’un système spécial qui modifie son centre de gravité ; il arrondit son dos en se courbant fortement vers l’avant et, grâce à la pénétration d’une longue pointe prosternale dans un orifice mésosternal, bloque sa contraction jusqu’au moment opportun. Le brusque relâchement de la tension de l’arcature déclenche le bond qui projette la bestiole à une hauteur importante si on la compare à sa taille, tout en produisant un claquement sec, et l’insecte profite du temps de son envol pour se positionner de façon à retomber sur ses pattes afin de s’enfuir prestement au nez et à la barbe d’un agresseur médusé et déconfit. Ce coléoptère est très répandu en Égypte sur les berges du Nil, et les sauts lui permettent d’esquiver la montée des eaux. Comme l’écrit Ramadan El-Sayed : « il est possible que l’insecte, sautillant sur les eaux lors de la montée du Nil, ait été associé à la déesse dont on connaît la parenté avec l’élément eau, et soit devenu un de ses emblèmes à l’époque archaïque »23. Pour rapprocher le coléoptère et la déesse archère, on a aussi comparé le claquement produit lors du lancer de l’insecte à celui que produit la brusque détente d’un arc qui décoche sa flèche24. 20 Jean-Philippe LAUER, « Fouilles du Service des antiquités à Saqqarah (Secteur Nord) (Novembre 1933 – Mai 1934) », ASAE 34 (1934), p. 54-69 : p. 58-59 avec dessin p. 58 ; James Edward QUIBELL, « Stone vessels from the Step Pyramid », ASAE 34 (1934), p. 70-75, pl. I-V : p. 72, avec photographie pl. IV,3 ; Cecil Mallaby FIRTH & James Edward QUIBELL, The Step Pyramid, 2 vol., Le Caire 1935, p. 135, pl. 104,1-2. 21 KEIMER, « Pendeloques », p. 162, fig. 7-8. 22 Hermann LEVINSON & Anna LEVINSON, « Ein Schnellkäfer als Erscheinungsbild der menschengestaltigen Göttin Neith in proto- und frühdynastischer Zeit Ägyptens (~3200–2498 v. Chr.) », Deutsche Gesellschaft für allgemeine und angewandte Entomologie, Nachrichten 23/1 (2009), p. 35-41 : p. 36, fig. 1a-b. 23 EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, p. 24. Sur le rôle évident de la montée des eaux sur la faune invertébrée voir, par exemple, la pullulation signalée à cette époque des scolopendres, dans Lucas BAQUÉ MANZANO, « Zepa, the centipede: from numen to god », ici même, p. 459-481. 24 HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 42 ; Dimitri MEEKS, « De quelques “insects” égyptiens : entre lexique et paléographie », dans Z. Hawass, P. Der Manuelian &

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L’hypothèse avancée par Keimer25 d’identifier à L. notodonta l’insecte « ânkh », qui apparaît dans les Textes des Pyramides et les Textes des Sarcophages26, est adoptée par Pascal Vernus27, ainsi que par Dimitri Meeks, qui fait un parallèle entre le nom « vivant » donné à l’insecte en cause dans ces textes, le soudain « réveil » du coléoptère lors du saut qui suit sa mort apparente, et la renaissance d’Osiris28. À ce point, et afin de mieux cerner l’iconographie qui accompagne Lanelater, ainsi que son rapport à Neith, on reviendra maintenant sur les deux remarques signalées plus haut, formulées par Keimer à propos de la plaquette E 6261 du musée de Bruxelles (Fig. 2). 2. Le symbole bilobé de Neith Keimer souligne d’abord le fait que l’emblème de Neith reproduit sur la plaquette de schiste « …bien que stylisé comme tous les autres exemplaires, est pourtant le plus détaillé que nous connaissions », et il précise : « le bouclier est rayé verticalement comme les élytres des deux coléoptères représentés à sa droite… les deux flèches sont à tranchant transversal et l’on reconnaît nettement les bandelettes destinées à les fixer sur le bouclier »29. L’observation que l’enseigne bilobée représentée sur la plaquette est celle qui montre le plus de détails, reste vraie à ce jour. Par ailleurs, il semble clair que l’image des deux insectes face à face, près du bord supérieur de l’objet de pierre, introduit et explique, en quelque sorte, la composition duelle du symbole reproduit près du bord gauche, qui semble unir deux spécimens de Lanelater tournés l’un vers l’autre. Mais pourquoi cette composition est-elle duelle ? On conçoit bien que l’image des élytres du coléoptère avec son bombé dorsal, la saillie du raccord thoracique, et l’écusson médian puisse évoquer un bouclier, mais on comprend mal qu’il faille réunir deux insectes pour évoquer la déesse, d’autant que d’une part on ne connaît pas, à ce jour, de bouclier égyptien avec étranglement central30, et que, d’autre part, la déesse elle-même n’est jamais pourvue d’un R.B. Hussein (éd.), Perspectives on Ancient Egypt. Studies in honor of Edward Brovarski (CASAE 40), Le Caire 2010, p. 273-304 : p. 289. 25 KEIMER, « Pendeloques », p. 174-182. Pour une belle photographie du hiéroglyphe de l’insecte ânkh dans les Textes des Pyramides de Pépi Ier : Serge FENEUILLE, Paroles d’Éternité, Paris 2008, p. 236. 26 Formules TP 1301, 1633, 2107, où il est dit que le roi vivra « en tant qu’insecte ankh » ; Formule TS (CT VI 398c), où il est dit du défunt qu’il trouvera les êtres à écailles (poissons) dans l’eau et les insectes ânkh près des berges. 27 Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des Pharaons, Paris 2005, p. 446. 28 LEVINSON & LEVINSON, « Ein Schnellkäfer », p. 156 ; MEEKS, art. cit., p. 288-289, 302 note 102. 29 KEIMER, « Pendeloques » p. 152. 30 Alessandra NIBBI, « Some Remarks on the Ancient Egyptian Shield », ZÄS 130 (2003), 170-181, pl. 39-44 : p. 171, fig. 6-14.

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Fig. 4. Fragment d’un vase en albâtre ; dessin A. L’Amoulen d’après LACAU et LAUER, La pyramide à degrés, vol. IV, pl. 3, no 17.

bouclier, contrairement à Athéna, son interpretatio Graeca31. Il est vrai, cependant, que la dualité des différents symboles de la déesse saïte est évidente : doubles flèches croisées, double arc dans un étui32, les deux motifs pouvant être associés (Fig. 4), double sceptre dans les pattes du coléoptère de Bruxelles E 578 (Fig. 3), double drapeau (Fig. 2, 5, 8 et 10) et double bâtiment (Fig. 7). Le symbole bilobé de l’époque archaïque et des premières dynasties apparaît souvent sous un aspect simplifié : par exemple avec flèches croisées, mais sans leurs bandelettes d’attache sur une tablette d’ivoire figurant le temple de Neith du temps du roi Âha de la 1re dynastie (Fig. 5). Il entre dans la composition de l’écriture du nom de Merneith, l’épouse du roi Djer ou du roi Djet de la même dynastie, sur la stèle de calcaire provenant des fouilles de Petrie à Abydos33 ; sur ce monument le symbole, non strié et croisé de deux flèches, montre

Fig. 5. Tablette du roi Aha, d’après PETRIE, Royal Tombs, Part II, pl. X.2 © Egypt Exploration Society.

31 EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 1 : Importance et rayonnement de son culte, p. 3-12 ; HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 35-36. 32 C’est ainsi que le hiéroglyphe est interprété par Alan H. GARDINER, Egyptian Grammar, 3e éd., Oxford 1957, p. 503, signes R 24-25. Le signe a aussi été interprété comme étant une navette, rappelant le rôle de Neith dans le tissage. Cette dernière hypothèse semble, en fait, plus satisfaisante si l’on tient compte du fait qu’on ne voit pas l’utilité d’assembler deux arcs dans un étui. 33 PETRIE, Royal Tombs, Part I, photographie en page interne de couverture ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 236, doc. 108, dessin pl. III ; ADAMS, « Dish of Delight », photographie p. 8.

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Fig. 6. Différents symboles de Neith : a-i) période archaïque et Ancien Empire, j-k) Moyen Empire, i) Nouvel Empire, m-n) 30e dynastie. a) Bruxelles MRAH E 6261 ; dessin A. L’Amoulen. b) D’après PETRIE, Royal Tombs, Part I, pl. 31, no W 58, © Egypt Exploration Society. c) D’après PETRIE, Royal Tombs, Part I, pl. 23 no 39, © Egypt Exploration Society. d) D’après PETRIE, Royal Tombs, Part II, pl. 26 no 53, © Egypt Exploration Society. e) D’après PETRIE, Royal Tombs, Part II, pl. 26 no 57, © Egypt Exploration Society. f) D’après PETRIE, Royal Tombs, Part II, pl. 10.2, © Egypt Exploration Society. g) D’après LACAU & LAUER, La pyramide à degrés, vol. IV, pl. III, no 17 ; dessin A. L’Amoulen. h) Stèle de Merneith. i) Meuble d’Hétephéres. j) D’après JÉQUIER, Les frises d’objets, fig. 843. k) D’après LACAU & CHEVRIER, Une chapelle de Sésostris Ier, pl. 25. l) D’après PIANKOFF, Les chapelles de Tout-Ankh-Amon, pl. 14. m) Stèle de Thônis-Héracléion. n) Stèle de Naucratis.

une courte bandelette qui pend du côté droit (Fig. 6h). Plusieurs exemplaires de cette enseigne décorent le dossier d’une chaise du mobilier d’Hétephérès, la mère du roi Chéops34 ; sur ce meuble les stries caractérisant les élytres de l’insecte sont marquées, et une longue bandelette dédoublée pend de chaque côté ou d’un seul ; toutefois, le point de départ du tissu n’est pas le croisement des flèches mais le dessous de la base du support (Fig. 6i), et, détail iconographique extrêmement intéressant, la hampe montre des rayures horizontales comme sur celle du symbole de la plaquette de Bruxelles, avec cependant des 34 George Andrew REISNER, A History of the Giza Necropolis, vol. 2 : The Tomb of Hetepheres, the Mother of Cheops, Cambridge, Mass. 1955, dessin en fig. 32 reproduit par HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 34, fig. 8 ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 266 doc 191, pl. IV.

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traits plus espacés et bien moins précisés que sur l’objet de pierre. La figure bilobée apparaît encore à la 5e dynastie, sans bandelettes, par exemple dans le temple solaire de Niouserrê, qui montre d’ailleurs parallèlement, dans la même scène d’offrande, l’objet bilobé, l’enseigne constituée seulement de deux flèches croisées posées sur un support, et le signe dit « de l’arc double » dans son étui35, ce qui démontre bien que la signification de ces trois symboles est loin d’être univoque et que leur choix répond très certainement à des impératifs dictés par le contexte. Après l’Ancien Empire on ne trouve plus l’enseigne bilobée. Dès le Moyen Empire, le « bouclier » prend une forme plus classique ; il pourrait y avoir eu un glissement de symbole entre la forme de l’insecte et cette arme défensive36. Sur la Chapelle blanche de Sésostris Ier, le bouclier croisé de flèches sur pavois de l’enseigne de la déesse est ovale, sans étranglement central, que ce soit pour le quatrième district, Neith du Sud ou pour le cinquième, Neith du Nord 37. Celui de Neith du Sud apparaît aussi encadré de deux chapelles per-nou et per-neser (Fig. 7).

Fig. 7. Symbole de Neith du Sud sur la chapelle blanche ; photo de l’auteur.

Parallèlement à la disparition de l’objet bilobé, entraînée par la modification de la forme du « bouclier » sur les documents et les monuments, le souvenir du coléoptère s’efface : on ne connaît pas de représentation de Lanelater notodonta en pierre, or, faïence ou de toute autre matière postérieure à l’Ancien Empire38, et la raison en demeure à ce jour inexpliquée. Il est certain que l’insecte lui-même n’a pas disparu, puisqu’on l’a observé et qu’on le voit encore de nos jours, et l’eût-il été, l’argument serait insuffisant pour expliquer 35 Friedrich Wilhelm VON BISSING, Das Re Heiligtum des Königs Ne-woser-re, 3 vol., Berlin : 1905, 1923, 1928, vol. 2 : Die kleine Festdarstellung, pl. 7, no 17 ; Siegfried SCHOTT, « Ein Kult der Göttin Neith », dans H. Ricke (éd.), Das Sonnenheiligtum des Königs Userkaf, 2 vol., Wiesbaden 1969, vol. 2, p. 131, fig. 17 ; HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 40-41, fig. 12c ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 2, p. 261-262, doc. 182. 36 Pierre MONTET, Géographie de l’Égypte Ancienne, 2 vol., Paris 1957-1961, vol. 1 : Basse Égypte, p. 75-76 ; EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 1, p. 24. 37 Pierre LACAU & Henri CHEVRIER, Une chapelle de Sésostris Ier à Karnak, 2 vol., Le Caire 1956, p. 233 ; pl. 25, 42. 38 HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 41 ; ADAMS, « Dish of Delight », p. 7.

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son absence puisqu’on sait bien, par exemple, que l’espèce de bélier Ovis longipes palaeoaegyptiacus aux cornes horizontales torsadées, qui a disparu de l’Égypte au plus tard vers la fin du Moyen Empire39, n’en a pas moins gardé toute sa valeur symbolique et ses multiples représentations jusqu’à la fin de l’histoire égyptienne. C’est dire que la disparition complète de l’insecte de Neith depuis ces temps anciens reste un mystère. On peut s’en étonner d’autant plus qu’on aurait pu s’attendre à le voir réapparaitre à l’époque saïte à la faveur du temps de la « renaissance » durant laquelle l’art qui s’inspire des idées et des œuvres de l’Ancien Empire se caractérise par la recherche d’archaïsme. 3. L’évocation du palmier-dattier La seconde observation faite par Keimer à propos de la plaquette de schiste E 6261 (Fig. 2) concerne la hampe de l’enseigne : « la hampe rappelle un peu le tronc d’un dattier », écrit-il, et il ajoute « mais cet arbre serait sûrement trop élevé40 ». Stan Hendrickx pense que l’interprétation de Keimer est la bonne, et que la grande hauteur du support du symbole est tout à fait envisageable41, mais il parle de façon plus vague de « palm tree » ; or, le haut tronc strié évoque bien celui du dattier (Phoenix dactylifera L., 1753), plutôt que celui du palmier doum (Hyphaene thebaica (L.) Mart., 1838) dont le tronc peut se diviser. La remarque de Keimer est d’autant plus intéressante que le dattier, généralement mis en rapport avec la ville de Bouto, est ici clairement associé à Saïs, et lié tout particulièrement au temple de Neith. Depuis l’époque protodynastique, le dattier est représenté sur des palettes et son image est associée à la notion de hauteur, car il est volontiers encadré de girafes42. Frédéric Servajean, dans son enquête sur la palmeraie de Bouto, fait un parallèle entre la haute taille du dattier et l’ascension du défunt, et il rappelle les liens établis par les textes égyptiens entre le palmier dattier et les lymphes d’Osiris43. Cet arbre, dont les racines puisent l’eau dans les profondeurs du sol et dont la tête s’élance vers le ciel et le soleil, illustre parfaitement la montée vers le firmament. En architecture, les colonnes palmiformes des temples ptolémaïques font partie de celles dont on dit qu’elles « croissent sous son (temple) ciel Ludwig KEIMER, « Remarques sur quelques représentations de divinités-béliers et sur un groupe d’objets de culte conservés au Musée du Caire », ASAE 38 (1938), p. 297-331 : p. 300. 40 Idem, « Pendeloques » p. 152. 41 HENDRICKX, art. cit., p. 31 et n. 30. 42 Par exemple : Henri ASSELBERGHS, Chaos en Beheersing, Documenten uit aeneolithisch Egypte, Leyde 1961, pl. LXXIII, LXXXVII, LXXXIX. 43 Frédéric SERVAJEAN, « Enquête sur la palmeraie de Bouto (I), Les lymphes d’Osiris et la résurrection végétale », dans S.H. Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal, vol. 1 (OrMonsp 10), Montpellier 1999, p. 227-247 : p. 231-234, 239-242. Pour l’offrande du récipient de dattes spécifiquement adressée à Osiris à l’époque ptolémaïque : Sylvie CAUVILLE, « Une offrande spécifique d’Osiris: le récipient de dattes (m῾ḏꜢ n bnr) », RdE 32 (1980), p. 47-64. 39

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comme les quatre étais supportant la charge de la voûte céleste »44. De telles colonnes, dressées dans l’enceinte du temple de Neith à l’époque saïte, sont décrites par Hérodote lorsqu’il parle du tombeau d’Amasis : « …si le monument d’Amasis est plus éloigné du temple que celui d’Apriès et de ses ancêtres, il est néanmoins lui aussi dans la cour du sanctuaire ; c’est un portique de pierre, vaste, décoré de colonnes qui imitent des dattiers, et d’autres somptueux ornements45. » Le dattier est en tout cas caractéristique de l’enseigne du temple de Neith puisque sa hampe représente nettement le tronc de cet arbre sur l’objet protodynastique d’Abydos (Fig. 2) et sur le meuble d’Hetepherès (Fig. 6i). Le dattier fait le lien entre le Noun et le ciel, de même que Lanelater projeté dans les hauteurs lorsqu’il évite la montée de la crue. L’arbre, comme l’insecte, en faisant un trait d’union entre l’eau et le ciel, évoquent de cette façon la déesse des eaux, incarnation du Noun souterrain primordial, tout autant que des étendues d’eau célestes où le défunt est censé naviguer en compagnie des astres et, comme eux, s’y régénérer en des cycles éternels. Neith, la déesse des flots, est à la fois l’espace de revitalisation et le véhicule qui y mène en ses noms d’« Ouvreuse des Chemins » Oupouaout, ou de « Grand Flot » Methyer. Il se trouve qu’un autre lien entre Lanelater notodonta et le palmier a été mis en évidence lors du très beau travail de reconstitution d’un récipient complexe effectué par Barbara Adams en montrant que deux fragments de grauwacke provenant d’Abydos, l’un issu des fouilles d’Amélineau, et l’autre de celles de Petrie, sont jointifs ; le résultat obtenu aboutit à une sorte de plat de pierre à claire-voie très élaboré, montrant une face décorée d’un exemplaire de Lanelater notodonta attaché, de chaque côté, à une partie de panier tressé de feuilles de palmier dont le coin est relié à un tube foré dans la pierre jusqu’à deux petites coupelles attenantes. Sur la face « ventrale » non décorée de la pierre, les surfaces, creusées et communicantes, sont bordées d’une lisière saillante suggérant que l’eau, probablement destinée à des libations, devait circuler dans les rigoles ainsi marquées. L’auteur suppose que l’ensemble peut être vu comme une entité encerclée par les eaux primordiales, où l’insecte de Neith, revigoré par les eaux des offrandes censées provenir de la crue, annonçait la réanimation du roi mort, à l’image de Lanelater qui brusquement s’anime après sa mort apparente46. Barbara Adams envisage que l’ensemble du plat inclurait un doublet des motifs décrits, avec deux (voire quatre) insectes, mais qui seraient disposés dos à dos47, et non face à face, tels qu’ils sont représentés le long du bord supérieur de la petite plaque de grauwacke de Bruxelles.

44 Marguerite ERROUX-MORFIN, « Cyperacées, Nymphéacées, Phénix supports vivants des temples », dans Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal, vol. 3 (OrMonsp 15), Montpellier 2005, p. 135-153 : p. 142. 45 Hérodote, Hist. 2, 169. 46 ADAMS, « Dish of Delight », p. 3-4, fig. 1-2, 9. 47 Ibid., p. 5, fig. 3.

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La raison alléguée pour la position dos à dos de ces coléoptères paraît peutêtre plus divertissante que convaincante : lors de la reproduction, le mâle couvre le dos de la femelle, et l’acte peut durer assez longtemps pour s’exposer à l’éventualité d’une interruption intempestive causée par une perturbation extérieure. En ce cas, chaque insecte tente de se dégager et de s’en aller de son côté, mais il arrive qu’ils soient trop imbriqués pour pouvoir se séparer, et ils se retrouvent alors dos à dos, attachés l’un à l’autre par leur extrémité caudale. Les Égyptiens auraient eu l’occasion d’observer de tels épisodes et, d’après l’auteur, c’est ainsi et non face à face que les coléoptères seraient souvent figurés, peut-être même sur les symboles bilobés. Actuellement, on ne peut ni infirmer ni confirmer cette hypothèse, car, comme l’écrit Stan Hendrickx : « A distinct division between the prothorax and the elytra can never be seen in the few cases where the bilobate object is drawn in some detail »48, ce que confirme tout à fait l’examen de la plaque de Bruxelles, la plus précise dont nous disposons pour l’image de l’enseigne de Neith (Fig. 2). Les restes du troisième élément décoratif de cette plaque, visibles dans le coin supérieur droit, dessinent deux fanions superposés qui, rajoutés à l’enseigne de la déesse, évoquent la représentation, caractérisant le sanctuaire saïte, de deux drapeaux affrontés, et, comme l’a justement fait remarquer Henri Asselberghs, le bord crénelé de l’objet rappelle la façade à redans des bâtiments antiques49. Cette plaque, à l’image du temple de Neith, aurait été utilisée comme palette à fard, ce qui s’accorde parfaitement avec la disposition apparemment périphérique des décors, réservant au centre une surface unie apte au mélange des couleurs, et les signes d’usure visibles en son centre, très nets sur les photographies, attestent que l’objet a servi50. 4. Les deux drapeaux du temple de Neith Si l’emblème bilobé disparaît après l’Ancien Empire, en revanche l’association de deux drapeaux affrontés symbolise le temple de Saïs de la 1re dynastie (Fig. 5) à la dernière (Fig. 10). Dans les scènes dites de « pèlerinages » funéraires qui décorent les tombes de l’Ancien Empire51, deux drapeaux encadrent le nom de la ville de Saïs dans la tombe de Nebkaouher (Fig. 8a), et celle de Ptahhotep II. Au Nouvel Empire52, les pointes des drapeaux sont volontiers HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 29. ASSELBERGHS, Chaos en Beheersing, p. 167, qui pense que la plaquette portait le nom de Merneith sur la partie disparue ; HENDRICKX, « Two Protodynastic Objects », p. 29-30, 32. 50 KEIMER, « Pendeloques », pl. II,1 ; HENDRICKX, art. cit., pl. III,2. 51 Hermann JUNKER, « Der Tanz der Mww und das butische Begräbnis im Alten Reich », MDAIK 9 (1940), p. 1-39 : p. 1-17, fig. 1-3 ; Gabriella MATTHIAE SCANDONE, « Il Tempio di Neith in Sais e gli dei ΣΥΝΝΑΟΙ in epoca tarda », OrAnt 6 (1967), p. 151-157, fig. 3, 5, 7. 52 Jacques VANDIER, « Quelques remarques sur les scènes de pèlerinage aux villes saintes dans les tombes de la XVIIIe dynastie », CdE 37 (1944), p. 40-49 ; MATTHIAE SCANDONE, « Il Tempio di Neith in Sais », p. 153-156 ; p. 161, fig. 8 ; p. 165, fig. 9 ; p. 167, fig. 10. 48

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rapprochées l’une de l’autre jusqu’à être jointives pour former une sorte de linteau53 au-dessus de la porte (Fig. 8b). À l’époque saïto-perse, les deux drapeaux délimitent une composition symétrique censée représenter le temple de la déesse saïte54, avec soit un bâtiment type chapelle de Basse-Égypte entre deux boucliers croisés de flèches, posés sur un support55 (type 1, Fig. 9, 10a-b), soit, à l’inverse, avec l’emblème de Neith mis au centre, flanqué de deux

a.

b.

Fig. 8. a) Tombe de Nebkaouher, Ancien Empire, d’après JUNKER, « Der Tanz der Mww », p. 3, fig. 1 ; b) Tombe de Rekhmirê, Nouvel Empire, d’après VIREY, Le Tombeau de Rekhmara, pl. 21.

Fig. 9. Statue de Psammétique-seneb, Musée grégorien 166 ; dessin A. L’Amoulen.

a.

b.

Fig. 10. a) Hiéroglyphe ; Stèle de Thonis-Héracléion ; photo B. Vallée ; b) Hiéroglyphe ; Stèle de Thonis-Héracléion ; dessin A. L’Amoulen. 53 Philippe VIREY, Le Tombeau de Rekhmara, préfet de Thèbes sous la XVIIIe dynastie (MMAF 5), Paris 1889, pl. 21. 54 Georges POSENER, « Notes sur la stèle de Naucratis », ASAE 34 (1934), p. 141-148 : p. 147148 ; Alexandre BADAWY, Le dessin architectural chez les anciens Égyptiens, Le Caire 1948, p. 13, fig. 12 ; Jacques VANDIER, Manuel d’archéologie égyptienne, vol. 2 : Les grandes époques, l’architecture religieuse et civile, Paris 1955, p. 561, fig. 313 ; MATTHIAE SCANDONE, art. cit., p. 146-151, fig. 1 ; Anne-Sophie VON BOMHARD, The Decree of Saïs, The Stelae of ThonisHeracleion and Naukratis (OCMA 7), Oxford 2012, p. 127-129. 55 Le type 1 avec une chapelle de Basse-Égypte entre deux emblèmes est le plus fréquent.

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chapelles (type 2)56. Ces images peuvent être de grande taille, gravées à l’avant de statues naophores comme par exemple celle de Psammétikseneb de la 26e dynastie (Fig. 9), ou celle d’Hénat, de l’époque saïto-perse. Lorsqu’il est de petite taille, le signe est un hiéroglyphe qui se lit « Neith » et peut désigner soit le nome saïte, soit la déesse. Les plus tardifs datent actuellement de la 30e dynastie, et le dernier trouvé apparaît dans le texte de la stèle de ThônisHéracléion découverte en 2001 par l’Institut Européen d’Archéologie SousMarine57 en baie d’Aboukir (Fig. 10a-b). Certaines de ces représentations montrent un renflement à la partie moyenne de la hampe qui, s’il s’avérait figurer un raccord entre deux troncs constituant le mât, témoignerait peut-être de la grande hauteur requise pour les porte-drapeaux de ce temple. La notion d’élévation semble d’ailleurs associée au sanctuaire saïte : stature élancée du support qui exhausse l’enseigne, suggérée par le tronc du dattier, surélévation des drapeaux, et surtout importance du bond de l’insecte qui entre dans la composition de l’emblème de Neith dans sa forme antique. 5. Lanelater notodonta et le voyage dans l’autre monde Selon le thème étudié par Chr. Jacq, le défunt, pour entreprendre le voyage cosmique de l’ascension céleste, dispose d’une multitude de moyens ; les insectes en font partie, notamment ceux qui volent, ou sautent notablement haut comme la sauterelle ou l’insecte Lanelater notodonta58. Ce coléoptère des bords du Nil semble avoir été considéré en Égypte ancienne comme l’image même de l’exhaussement en raison du système particulier dont il est pourvu pour le saut. La plupart des représentations connues de L. notodonta ont été trouvées à Abydos, ce qui s’accorde avec le rôle funéraire qu’on lui a prêté pour la survie du défunt. Le matériau dans lequel l’insecte est façonné, souvent une belle pierre noire à reflet vert, peut évoquer les eaux et la déesse des flots elle-même en sa fonction régénératrice de matrice universelle. Le coléoptère de Neith peut aussi symboliser par son saut la création même du firmament à partir du soulèvement des eaux primordiales que la déesse incarne, pour former le ciel et ses piliers qui sont de nature aqueuse. Le lien entre cet insecte et l’eau est encore étayé par la découverte du collier composé de signes hiéroglyphiques de l’eau, modelés en bronze recouvert d’or, et disposés verticalement les uns à

56 Déjà au Moyen Empire le symbole de Neith pour le district « Neith du sud » sur la Chapelle blanche est encadré par une chapelle de Basse-Égypte et une chapelle de Haute-Égypte (voir Fig. 7). 57 Franck GODDIO, The Topography and Excavation of Heracleion-Thonis and East Canopus (1996-2006) (OCMA 1), Oxford 2007, p. 77, 83, 86, fig. 3, 25-3, 27. 58 Christian JACQ, Le Voyage dans l’autre monde selon l’Égypte ancienne, Paris 1986, p. 212214.

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Fig. 11. Collier fait de signes d’eau, dessin A. L’Amoulen d’après photographie de HASSAN, Excavations at Giza 1930-1931, pl. LIII,1.

côté des autres, bijou retrouvé près du cou59 de la propriétaire du collier fait de cinquante spécimens de Lanelater (Fig. 11). Si, pour ces différentes raisons, l’on peut concevoir le choix de cet élatéridé comme symbole de la déesse saïte, on comprend moins bien, en revanche, la combinaison des objets qui composent l’enseigne archaïque de Neith dont l’aspect est surprenant, autant par l’altérité des éléments assemblés que par la disparité de leurs proportions respectives : deux insectes d’environ 3-4 cm, accolés l’un à l’autre, solidarisés par des liens à deux flèches, et le tout juché au sommet du tronc d’un dattier, on conviendra que l’ensemble est pour le moins insolite. Curieusement cet emblème antique va évoluer et se transformer après l’Ancien Empire : les deux coléoptères deviennent un bouclier, d’abord ovale, puis de forme classique, cependant que le signe qui existait déjà durant les premières dynasties et qu’on interprète comme un double arc dans un étui ou comme une navette de tissage, continue à avoir cours. Le plus étrange est la disparition complète de l’insecte : aucun dessin ou peinture à son image, aucune amulette de pierre ou de faïence, aucun bijou ou ornement ne semble actuellement attesté après l’Ancien Empire. La bestiole ne réapparaît pas à la faveur de la renaissance saïte et sa fugacité n’est pas le moindre des mystères de Lanelater, dont nous ignorons le nom en égyptien60. IEASM Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine [email protected] 133 rue Saint-Antoine 75004 Paris SOURCES ET RÉFÉRENCES SECONDAIRES 1. SOURCES HERODOTE, Histoires. Livre II, Texte établi et traduit par Ph.-E. Legrand, Paris 1948. 59 60

HASSAN, Excavations at Giza 1930-1931, p. 150, pl. LIII,1. Pourrait-il se lire n.t comme l’enseigne elle-même ?

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2. RÉFÉRENCES SECONDAIRES ADAMS, Barbara, « Dish of Delight and Coleoptera », dans Anthony Leahy & John Tait (éd.), Studies of Ancient Egypt in Honour of H.S. Smith, Londres : The Egypt Exploration Society, 1999, p. 1-9. ALDRED, Cyril, Jewels of the Pharaohs, Londres : Thames & Hudson, 1971. AMÉLINEAU, Émile, Les nouvelles fouilles d’Abydos 1895-1896, Paris : Leroux, 1899. ANDREWS, Carol, Ancient Egyptian Jewellery, Londres : British Museum Press, 1990. ASSELBERGHS, Henri, Chaos en Beheersing, Documenten uit aeneolithisch Egypte, Leyde : Brill, 1961. BADAWY, Alexandre, Le dessin architectural chez les anciens égyptiens, Le Caire : SAE, 1948. VON BISSING, Friedrich Wilhelm, Das Re Heiligtum des Königs Ne-woser-re, 3 vol., Berlin : Hinrichs, 1905, 1923, 1928, vol. 2 : Die kleine Festdarstellung. VON BOMHARD, Anne-Sophie, The Decree of Saïs, The Stelae of Thonis-Heracleion and Naukratis (OCMA 7), Oxford : Institute of Archaeology, University of Oxford, 2012. CAUVILLE, Sylvie, « Une offrande spécifique d’Osiris: le récipient de dattes (m῾ḏꜢ n bnr) », RdE 32 (1980), p. 47-64. DREYER, Günter, Rita HARTMANN, Ulrich HARTUNG, Thomas HIKADE, Heidi KÖPP, Claudia LACHER, Vera MÜLLER, Andreas NERLICH & Albert ZINK, « Umm el-Qaab – Nachuntersuchungen im frühzeitlichen Königsfriedhof, 13., 14., 15. Vorbericht », MDAIK 59 (2003), p. 67-138, pl. 14-25. EL-SAYED, Ramadan, La déesse Neith de Saïs, 2 vol. (BiEtud 86), Le Caire : Ifao, 1982, vol. 1 : Importance et rayonnement de son culte ; vol. 2 : Documentation. ERROUX-MORFIN, Marguerite, « Cyperacées, Nymphéacées, Phénix, supports vivants des temples », dans Sydney H. Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal. Croyances phytoreligieuses de l’Égypte ancienne (ERUV), vol. 3 (OrMonsp 15), Montpellier : PULM, 2005, p. 135-153. FENEUILLE, Serge, Paroles d’Éternité, Paris : CNRS, 2008. FIRTH, Cecil Mallaby & James Edward QUIBELL, The Step Pyramid, 3 vol., Le Caire : SAE, 1935-1936. GARDINER, Alan, Egyptian Grammar, 3e édition, Oxford : Griffith Institute, 1957 (1re éd. 1927). GODDIO, Franck, The Topography and Excavation of Heracleion-Thonis and East Canopus (1996-2006) (OCMA 1), Oxford : Institute of Archaeology, University of Oxford, 2007. HASSAN, Selim, Excavations at Gîza 1930-1931, Le Caire : SAE, 1936. HENDRICKX, Stan, « Two Protodynastic Objects in Brussels and the Origin of the Bilobate Cult-Sign of Neith », JEA 82 (1996), p. 23-42, pl. 3. JACQ, Christian, Le Voyage dans l’autre monde selon l’Égypte ancienne, Paris : Le Rocher, 1986. JÉQUIER, Gustave, Les frises d’objets des sarcophages du Moyen Empire (MIFAO 47), Le Caire : Ifao, 1921. JUNKER, Hermann, « Der Tanz der Mww und das butische Begräbnis im Alten Reich », MDAIK 9 (1940), p. 1-39. KAHL, Jochen, Frühägyptisches Wörterbuch, vol. 2, Wiesbaden : Harrassowitz, 2003. KEIMER, Ludwig, « Pendeloques en forme d’insectes faisant partie de colliers égyptiens », ASAE 31 (1931), p. 145-186, pl. 1-7. ——, « Remarques sur quelques représentations de divinités-béliers et sur un groupe d’objets de culte conservés au Musée du Caire », ASAE 38 (1938), p. 297-331.

NEITH ET LANELATER NOTODONTA

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A.-S. VON BOMHARD

RÉSUMÉ Dès 1931, Ludwig Keimer a démontré que le coléoptère nommé Lanelater notodonta était associé à Neith, et entrait dans la composition de l’emblème qui écrit le nom de la déesse saïte. Cette enseigne, composée de l’image du corps de deux de ces insectes liés à deux flèches entrecroisées par une bandelette de tissu, est connue depuis l’époque protodynastique, et elle évoque une sorte de bouclier avec étranglement central. Une plaque de grauwacke du musée de Bruxelles, provenant très probablement d’Abydos, montre dans sa décoration deux de ces coléoptères face-à-face associés à l’emblème lui-même, prouvant la relation entre l’insecte et la déesse. L’exécution soigneuse des motifs de cette plaque met en évidence des détails iconographiques comme par exemple le fait que la hampe de l’enseigne évoque le tronc d’un dattier. Si la présence des flèches sur l’emblème de la déesse archère se conçoit aisément puisqu’à elles seules, elles symbolisent le nom de Neith depuis l’époque de Nagada II, la raison des rapports établis entre l’insecte Lanelater, le dattier et la déesse apparaissent moins évidents. Ce coléoptère est capable de réaliser des sauts d’une hauteur appréciable qui lui permettent d’échapper à ses prédateurs et, sur les bords du Nil, d’éviter la montée des eaux. On a proposé que son association avec l’eau soit l’élément qui l’aurait fait rapprocher de la déesse des flots par les anciens Égyptiens. Il est possible aussi que ses bonds lui aient fait attribuer un rôle dans l’ascension du défunt vers le ciel, et le dattier, dont le tronc est particulièrement haut, peut renforcer l’idée de l’exhaussement vers les eaux célestes, domaine de la déesse saïte. Avant la fin de l’Ancien Empire, la forme de l’emblème se modifie et les représentations de l’insecte disparaissent, sans que l’en en comprenne la raison. MOTS

CLÉS

Neith – Lanelater notodonta – coléoptère – dattier – ascension céleste

PARTIE III : INSECTES AU SENS LARGE, ENTOMOPHARMACOLOGIE ET VECTEURS DE MALADIES PARASITAIRES OU BACTÉRIENNES

QUELQUES ASPECTS DU « MONDE DU MINUSCULE » DANS LA PENSÉE MÉDICALE DE L’ÉGYPTE ANCIENNE Thierry BARDINET

L’expression « monde du minuscule » est empruntée à un livre bien connu de Pascal Vernus et Jean Yoyotte qui la préfèrent à l’expression « monde des insectes » qui désigne un ensemble et une catégorie difficiles à reconnaître dans la pensée des anciens Égyptiens1. Deux exemples suffisent à rendre compte de cette difficulté. Le premier est celui du scarabée — certainement autre chose qu’un simple insecte dans l’imagerie moderne grâce à l’influence de l’égyptologie — mais surtout un des symboles les plus puissants de l’Égypte ancienne. Le second est ce que les égyptologues appellent l’abeille royale ou abeille pharaonique, représentée dans les titulatures royales. C’est apparemment un insecte familier, mais ses représentions figurées, comme cela a été remarqué, renvoient à une chimère qui tient à la fois de l’abeille, de la guêpe et du frelon2, et qui joue un rôle important dans la représentation du pouvoir pharaonique et, nous le verrons aussi, dans la magie médicale. Une classification vague et prosaïque de ce règne animal pourrait être donnée par le P. médical Hearst qui dans un texte magique, évoque successivement « ceux qui appartiennent au ciel », « ceux qui appartiennent à la terre » et « ceux qui appartiennent à l’orage »3. Le ciel aurait été attribué aux oiseaux, la terre aux mammifères et aux êtres liés au sol, et l’orage aux insectes ; on sait d’ailleurs que la puce est un mode de transformation du dieu Seth, dieu de l’orage et ennemi d’Osiris, selon un passage des Textes des Sarcophages du Moyen Empire4. 1. Les insectes dans les textes médicaux Les textes médicaux égyptiens sont des textes techniques qui relèvent d’une activité définie par les Égyptiens eux-mêmes comme étant « l’art du médecin » (ḥm.t swnw)5, un médecin dont l’exercice se passe dans un monde enchanté Cf. Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des pharaons, Paris 2005, p. 429. Voir Dimitri MEEKS, « De quelques “insectes” égyptiens. Entre lexique et paléographie », dans Z. Hawass, P. Der Manuelian & R. B. Hussein (éd.), Perspectives on Ancient Egypt. Studies in honor of Edward Brovarski (CASAE 40), Le Caire 2010, p. 281. 3 Cf. P. Hearst, 215 (14, 9) = P. Louvre E 32847 (inédit), vo 23, 3. 4 Voir CT I, 215e-217a (Formule TS 49) : « Le voyant dans la salle de l’Ouryt, un complot est ourdi par Celui (= le dieu Seth) qui agit toujours contre lui (= le dieu Osiris). Il se transforme alors en puce pour se faufiler sous ses côtes. » 5 WMT, 602. 1 2

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où les divinités courroucées et leurs envoyés, les démons de la maladie, se manifestent souvent sous une forme immatérielle comme un simple souffle néfaste. Il peut s’agir d’un mort sans sépulture et cherchant un abri dans le corps des vivants. Les insectes correspondent apparemment à une réalité plus palpable et pullulante qui, dans la vie quotidienne, paraît s’être liguée contre le repos de l’homme. Or, les rares passages les concernant dans les textes médicaux ne témoignent pas d’une lutte acharnée contre les parasites et la vermine qui infestent les hommes. On connaît juste quelques recettes qui proposent de lutter à la fois contre les animaux indésirables (serpents, souris, lézard, oiseux prédateurs) et contre les insectes, les puces, les mouches et les moustiques6. Leur efficacité reste relative. Le P. Ebers donne ainsi deux moyens de se débarrasser des puces (appelées pwj) dans les maisons. Le premier consiste à asperger la maison d’eau additionnée de natron7. Le second propose l’usage de la conyze, mélangée avec du charbon8. Contre les piqûres des « mouches », on pouvait s’oindre le corps avec la graisse d’un oiseau appelé gnw (où on verra un insectivore)9 et, contre les moustiques, il était préconisé de s’enduire d’huile de moringa fraîche10. On remarquera que le pou semble oublié dans ces recettes médicales destinées à combattre la vermine qui s’attaque à l’homme. Il était pourtant bien connu des Égyptiens qui, selon un passage des Textes des Sarcophages du Moyen Empire, distinguaient dans le langage les poux du corps de ceux de la tête, qui sont en effet différents11. En fait, la plupart des traitements du P. Ebers destinées à protéger la maison et ses habitants des parasites sont empruntées aux rituels de purification des temples égyptiens, comme le montre l’usage du natron et de la conyze et on doit renvoyer sur ce point aux observations faites par Sydney H. Aufrère12. Dans la vie quotidienne il est peu probable que l’hygiène corporelle et la propreté des maisons fussent venues à bout des puces, des poux et des punaises, vermine nuisible de façon endémique. De son côté, le prêtre, totalement rasé, lavé, pommadé, en état de pureté rituelle et vivant dans des locaux purifiés c’est-à-dire désinfectés continuellement, au milieu des essences et parfums repoussant les démons tout autant que les puces n’avait certainement pas à craindre les poux qui étaient ainsi laissés au quotidien des populations ordinaires et le P. Ebers, qui sort tout droit des officines des temples, n’en parlera 6

P. Ebers, 840 à 851 (97, 15 – 98, 10). P. Ebers, 840 (97, 16-16). 8 P. Ebers, 841 (97, 16-17). 9 P. Ebers, 845 (97, 20-21). 10 P. Ebers, 846 (97, 21 – 98, 1). 11 Voir CT II, 94a-c (Formule TS 98) : « L’homme dira cette formule magique sur un pou de tête qu’il placera sur son genou tout en crachant jusqu’à ce qu’une mouche vienne l’enlever. » 12 Sydney H. AUFRÈRE, L’Univers minéral dans la pensée égyptienne, 2 vol. (BiEtud 105), Le Caire 1991, vol. 1, p. 288. 7

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pas. L’absence de moyens efficaces dans la vie de tous les jours était bien entendu une explication supplémentaire de ce silence. Cela étant précisé, les conceptions médicales de l’Égypte ancienne accordaient parfois aux insectes un rôle dans la propagation des maladies ou plutôt dans le transport des éléments pathogènes. On connaît ainsi la mention, dans le P. Smith, d’une conjuration évoquant les mouches dans un contexte de maladies envoyées en punition contre les populations et pouvant donc se répandre d’une façon que nous dirions épidémique. Il s’agit d’une formule de protection destinée au prêtre ouâb de Sekhmet, ce médecin spécialiste des maladies épidémiques envoyées par la colère des dieux. La formule magique veut éloigner du médecin des éléments pathogènes qui ont été transportés par les mouches dans le corps du malade : Formule pour purifier (= éliminer les éléments pathogènes transportés par) une mouche : — la bouche de cet homme qui est sous mes doigts, et ainsi de suite, est la bouche d’un veau édenté qui est (juste) sorti du ventre de sa mère. Cet insecte qui a pénétré jusqu’à l’intérieur de son corps, s’il est entré, il sera sorti vivant, rejoignant le sol, comme terre ou comme effluve. L’intérieur du corps n’en sera pas offensé, cela étant sorti comme effluve de lui, et ayant été assigné au dieu Aker13.

La mouche apparaît ici comme vecteur de contagion. La formule entend débarrasser le malade de la mouche qui aurait pénétré en lui et le médecin veut être protégé de cette mouche, de même qu’il veut être protégé, dans deux autres formules magiques qui suivent celle que nous venons de traduire14, de l’impureté laissée sur les objets lors de la « morbidité annuelle » par les émissaires des dieux qui veulent punir les humains et répandent les substances pathogènes en tous lieux. L’usage du pyrèthre, qui, on le sait, éloigne les insectes, est associé à la dernière formule magique que la personne à protéger, en l’occurrence le médecin, doit réciter une branche de la plante tenue à la main15. Un passage du Papyrus Ebers connu aussi par le Papyrus Hearst décrit de son côté les plaies humaines nécrosées colonisées par les larves de mouches : Si tu trouves un doigt ou un orteil douloureux, une sérosité (litt. de l’eau) étant autour d’eux, mauvaise étant leur odeur, alors qu’ils ont formé des asticots… Tu devras lui préparer les traitements destinés à tuer la vermine16.

Le processus pathologique est banal. Certains types de mouches (Sarcophaga, Lucilia) peuvent pondre dans la partie nécrosée des plaies. L’asticot se développe en dévorant le tissu mort et en respectant parfaitement le tissu vivant, 13

P. Smith 19, 14-18. P. Smith 19, 18-20 et 20, 8-12. 15 P. Smith 20, 12 : « L’homme (à protéger) dira cette formule après qu’une branche de pyrèthre aura été placée dans sa main. » 16 P. Ebers, 617 ( = Hearst, 174). 14

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ce que dans certains cas aucune chirurgie ne serait capable de réaliser aussi proprement… D’où tous ces essais très anciens et encore actuels de traitements de plaies nécrosées profondes par des asticots d’élevage, sorte d’asticothérapie que ne semble pas avoir préconisée le médecin égyptien pour qui toute vermine était bonne à tuer. Selon Christian Leitz, le dernier éditeur du P. médical de Londres, la 11e incantation de ce papyrus pourrait combattre un type d’affection particulier causé par les larves de certaines mouches et appelée « myiase cutanée ». Ces larves provoquent des tumeurs inflammatoires sous-cutanées ou des furoncles ou encore cheminent sous la peau en occasionnant une douleur vive et une ligne rouge sinueuse caractéristique. Le texte est le suivant :

Disparais, le prêtre w῾b (?) qui provoque les effluves du défunt (traduction de Chr. Leitz), toi qui te développes dans le sarcophage. Ne dévore pas la partie superficielle du corps, ne t’attaque pas à l’os. C’est ce qui est dit à la tntn (car) c’est l’atteinte (= le même type d’atteinte) que provoquent l’insecte ῾pšꜢj.t et l’insecte qꜢdj.t et que la pourriture imprègne17.

Pour comprendre ce texte, on doit considérer les conceptions étiologiques égyptiennes qui renvoient à des facteurs pathogènes conçus comme très communs et qui interviennent dans les affections les plus diverses ou encore qui renvoient en les nommant aux lésions observées par le médecin et dont la présence et surtout le développement fait penser que ces lésions sont vivantes et qu’elles agissent en envahissant le malade comme c’est ici le cas ici de la tntn. On ne trouve pas en Égypte la notion moderne de maladie comme modèle explicatif d’une réalité pathologique. On a plutôt affaire à une théorie parasitaire générale où le mal, qui est vivant, vient de l’extérieur et s’installe dans ou sur le malade. Le mot tntn ne peut donc être traduit par un nom de maladie moderne. Il s’agit d’une atteinte du vivant. On y verra un processus nécrotique engendré dans l’idée égyptienne par des entités vivantes, donc ayant tendance à s’étendre. La tntn, tout comme les entités vivantes qui l’accompagnent est sensible aux invocations magiques. La magie va la combattre en lui faisant croire que son avenir est sombre car comparable à celui des insectes ῾pšꜢj.t et qꜢdj.t qu’on observe sur les cadavres en décomposition : elle finira comme eux, disparaissant comme les insectes nécrophages quand ils ont fini de dévorer le cadavre et n’ont plus rien à manger. L’insecte ῾pšꜢj.t, nous allons le voir, est 17 P. BM EA 10059, IV, 5-7, cf. Christian LEITZ, Magical and Medical papyri of the New Kingdom (HPBM VII), Londres 1999, p. 59-59.

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bien, comme cela a déjà été proposé par les auteurs, le fameux insecte nécrophage de type dermeste ou proche, dévoreur de tissus carnés secs et dont les momies ont souvent fait les frais18. C’est à la fois un habitué des textes funéraires et des textes médicaux19.

Fig. 1. P. Berlin 3002 (Nakhtamon).

2. Le rituel de mise à mort du scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t et ses représentations magiques On sait qu’une formule du Livre des Morts, la Formule 36, est consacrée au scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t, et est destinée à l’éloigner de la momie. On trouve des représentations très diverses de cet insecte dans les vignettes du Livre des Morts, représentations qui pourront aussi être utilisées dans l’écriture de son nom20. Ces images sont destinées à l’effrayer, lui qui n’est pas un démon, un principe pathogène mais un véritable petit animal qui se déplace, qui cherche à trouver sa pitance, qui sent et qui voit. Ces images que la magie des représentations veut lui mettre sous les yeux le montrent transpercé par une lance ce qui est la mise à mort traditionnelle de l’ennemi rituel dont l’importance aux yeux des Égyptiens devait être proportionnelle à l’intérêt qu’ils portaient à leurs momies, gage pour eux d’éternité (Fig. 1)21. 18 Selon le P. Tebtunis O2, 5 : Jürgen OSING, Hieratische Papyri aus Tebtunis I (The Carlsberg Papyri 2), Copenhague 1998, p. 123, le qꜢdj.t serait un ῾pšꜢj.t mais plus gros. On utilise ses entrailles dans la préparation d’une lotion oculaire, cf. P. Ebers 56, 13. Les Dermestidae dont fait partie l’insecte ῾pšꜢj.t forment une famille et l’intérêt que portait à cette famille les Égyptiens pouvait justifier une classification relevant de considérations quasi entomologiques. Pour la destruction à grande échelle des momies par les dermestes, voir par exemple VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 434. 19 Pour la bibliographique de l’insecte ῾pšꜢj.t, voir LÄGG II, 106 ; Christian LEITZ, Magical and Medical papyri, loc. cit. ; Idem, Tagewählerei (ÄgAbh 55), Wiesbaden 1994, p. 43-44 ; Jürgen OSING, « Zu einigen magischen Texten », dans U. Luft (éd.), Studies Presented to Laszlo Kakosy by Friends and Colleagues on the Occasion of his 60th Birthday (StudAeg 14), Budapest 1992, p. 474-476 ; Idem, Hieratische Papyri aus Tebtunis I, p. 123, n. j ; James E. HOCH, Semitic Words in Egyptian Texts of the New Kingdom and Third Intermediate Period, Princeton (New Jersey) 1994, p. 66-67. 20 Ces représentations sont réunies par Nadine GUILHOU, « La protection du cadavre dans le Livre des Morts », Égypte, Afrique et Orient 43 (2006), p. 32-37. 21 La vignette que nous avons choisie provient du papyrus de Nakhtamon, P. Berlin 3002 : Irmtraut MUNRO, Das Totenbuch des Nacht-Amun aus der Ramessidenzeit (pBerlin P. 3002), Wiesbaden 1997, Photo pl. 15 ; Edouard NAVILLE, Das aegyptische Todtenbuch der XVIII. bis XX.

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Toutes les représentations des vignettes montrent le scarabée nécrophage vu d’en haut sauf deux d’entre elles où il est représenté sans moyen de défense après qu’on lui a enlevé sa carapace, étant maintenant tout nu et livré au couteau du défunt. Pour montrer qu’il a perdu sa carapace, il est représenté de profil car, en vue de dessus, le dessin ne serait pas lisible22 (Fig. 2-3).

Fig. 2. P. Leyde T4 (Paqerer).

Fig. 3. P. BM EA 10471 (Nakht).

Dans ces deux dernières représentations, en effet, la vignette ne représente qu’un épisode du processus de destruction rituelle de l’insecte, un instantané où l’animal n’est pas encore coupé en petits morceaux mais où il a déjà été privé de sa carapace de scarabée, ce qui le fait ressembler à une espèce de fourmi ou à une grosse puce (Fig. 3). Mais c’est bien de ce processus dont il s’agit, une variante de la représentation du rituel de mise à mort avec la lance. À ce propos, Nadine Guilhou m’a signalé lors de la discussion qui a suivi les exposés du colloque de Fribourg l’existence d’un article de M. Junfleisch concernant une petite trouvaille archéologique consistant en un « petit matras en verre plein de débris de coléoptères nécrophages » (identifiés par M.P. Lesne comme Dermestes frischii Kugelann, 1792) et qui fut interprétée comme « une pratique funéraire, étrange (…) mais certainement délibérée »23. On pourrait y voir un témoignage palpable du rituel de mise à mort des insectes nécrophages représenté dans les vignettes du Livre des Morts.

Dynastie, Berlin 1886, vol. 1, pl. 49 (B.a). Cette vignette est reproduites par Louis KEIMER, « Pendeloques en forme d’insectes faisant partie de colliers égyptiens (suite). B, Pendeloques et pièces de colliers en forme de sauterelles », ASAE 33 (1933), p. 116. 22 Références : (1) Papyrus de Paqerer (P. Leyde T4), cf. NAVILLE, Das aegyptische Todtenbuch der XVIII. bis XX. Dynastie, Berlin 1886, vol. 1, pl. 49 (L.e) ; (2) Papyrus de Nakht, cf. Raymond O. FAULKNER, The ancient Egyptian Book of the Dead, New-York 1972, p. 58. Ces deux vignettes sont reproduites dans KEIMER, art. cit., p. 117. — Thomas G. ALLEN, The Book of the Dead (OIP 37), Chicago 1974, p. 45, note 78, voit dans la vignette de L.e (Paqerer) la représentation d’un cafard d’où sa traduction de la Formule 36 : « Spell for driving off a cockroach ». Mais rien ne permet de choisir une représentation plutôt qu’une autre et y voir la représentation exacte de l’insecte comme idéogramme/déterminatif. C’est la diversité des représentations qui doit être expliquée. 23 Marcel JUNGFLEISH, « Une étrange pratique funéraire datant de l’époque gréco-romaine en Égypte », ASAE 55 (1955), p. 57-61.

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Le nom du scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t sera écrit de différentes façons dans les textes religieux ou médicaux : 24 25

26 27 28 29 30 31 32 33 34 35

La première graphie utilise apparemment le scarabée commun ( ) mais ce signe, selon Dimitri Meeks, présente « des détails que l’on retrouve sur MUNRO, Das Totenbuch des Nacht-Amun. Livre des Morts, Nu, Formule 36, cf. Gunther LAPP, The Papyrus of Nu (BM EA 10477) (Catalogue of the Books of the Dead in the British Museum 1), Londres 1997, pl. 23. 26 Mohammed SALEH, Das Totenbuch in den thebanischen Beamtengräbern des Neuen Reiches, Mainz-am-Rhein 1984, p. 26. 27 NAVILLE, op. cit., vol. 2, p. 102 (P. Leyde T4, Paqerer). 28 Irmtraut MUNRO, Die Totenbuch-Papyri des Ehepaars Ta-scheret-en-Aset und Djed-chi aus der Bes-en-Mut-Familie (26. Dynastie Zeit des König Amasis), Wiesbaden 2011, pl. 8. 29 Livre des Morts de Iahtesnacht, col. 22, 2 (Formule 36) : Ursula VERHOEVEN, Das Saitische Totenbuch der Iahtesnacht (pColon. Aeg. 10207), Teil 3, Bonn 1993. 30 Irmtraut MUNRO, Der Totenbuch-Papyrus der Ta-schep-en-Chonsu aus der späten 25. Dynastie (pMoskau Puschkin-Museum I, 1b, 121), Wiesbaden 2009, pl. 4. 31 P. BM EA 10059, IV, 6, cf. LEITZ, Magical and Medical papyri ; même graphie : Ernest A. WALLIS BUDGE, The Greenfield Papyrus in the British Museum. The Funerary Papyrus of Princess Nesitanebashru, etc., Londres 1912, pl. XXVII ; P. Tebtunis O2, 5 (voir plus haut notre note 18). 32 P. Berlin 3038, 5,11 (Papyrus médical de Berlin), cf. Hermann GRAPOW, Die medizinischen Texte in hieroglyphischer Umschrift autographiert (GMAÄ 5), Berlin 1958, p. 265. Il s’agit d’un procédé de fumigations contre les substances dangereuses nocives et vivantes apportées par les dieux et les morts. Sur ce point, voir plus bas. 33 P. Louvre E 32847, inédit, ro x + 1, 11. Pour le passage, voir ci-après. 34 Jan ASSMANN, Das Grab der Mutirdis (ArchVer 13), Mainz-am-Rhein 1977, p. 98 (cette référence nous est connue par ALex II, 78.0700). 35 LTb, pl. XVII ; GUILHOU, « La protection du cadavre dans le Livre des Morts », p. 33. 24 25

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plusieurs nécrophages très communs de la famille des Dermestidae »36. Les références aux notes 23 à 25 correspondent à l’emploi du scarabée mutilé, vu de profil, dépourvu de sa carapace, et qui est très exactement celui qui est représenté massacré par le défunt dans certaines vignettes de la Formule 3637. Il est donc mis hors de combat dans l’écriture même de son nom38. L’emploi du générique est représenté dans les deux graphies qui suivent et qui viennent de textes hiératiques. Suivent trois graphies inattendues utilisant le signe de l’abeille royale, celui de l’œil « peint » et celui de la tortue. Le « déterminatif » de l’abeille correspond à un emploi magique particulier de ce signe d’écriture qui est attesté par ailleurs pour d’autres insectes39. L’abeille royale comme guêpe et frelon est un grand prédateur d’insectes et de vermine. Elle nourrit ses larves et donc se développe grâce à cette alimentation riche en protéines. Ce signe est là pour tenir en respect notre animal, étant placé comme s’il s’apprêtait à en dévorer les signes d’écritures qui en composent le nom et à l’envoyer dans le néant promis à ceux dont on supprime MEEKS, art. cit., p. 290. Comparer plus haut la vignette et le texte de P. Leyde T4 (Paqerer). C’est exactement le même signe. Il n’existe pas de vignette à comparer pour le Livre des Morts de Nu et pour celui publié par Saleh (nos notes 25 et 26). Le dessin du scarabée mutilé de la vignette de Nakht se retrouve dans un texte de la Formule 36 conservée par ce papyrus mais qui est inédit. Nadine Guilhou nous a bien obligeamment envoyé une photographie de ce passage (= Totenbuchprojekt Bonn, TM 133529). On trouvera les représentations de signes de scarabées que nous pensons représenter des insectes en cours de mutilation rituelle et qui sont reproduites ici dans MEEKS, art. cit., p. 290, fig. 8. Noter que les auteurs du Wörterbuch (I, 181, 19) reconnaissent une sauterelle dans l’écriture donnée par l’exemplaire du Livre des Morts de Nu, là où Ernest A. WALLIS BUDGE, An Egyptian Hieroglyphic Dictionary, Londres 1920, s. v., pensait à une espèce de guêpe. 38 Comme nous le précise encore Nadine Guilhou (communication personnelle), il existerait une « Formule 36bis » dans le Livre des Morts de Nakht. La vignette, que l’on trouvera dans FAULKNER, op. cit., ne montrerait pas la représentation d’un scarabée mutilé comme dans le premier mais celle d’un porc, animal séthien par excellence. Le mot šꜢw « porc » se trouve dans la formule magique correspondant à la vignette. Les formules magiques des deux Formules 36 du Livre des Morts de Nakht étant très comparables à quelques mots près, le mot šꜢw pourrait être surnom (« le porc ») délibérément choisi pour éviter d’écrire le nom du dermeste, un surnom qui le désigne comme l’animal séthien par excellence, ce qu’il est, en fait, en tant qu’ennemi spécifique des morts osiriens. Que ce soit en contrôlant l’écriture de son nom ou en le nommant autrement, il s’agirait du même procédé de contrôle magique de cet ennemi des morts qu’est le dermeste et dont le nom était dangereux à prononcer ; et la vignette de cette « Formule 36bis » représenterait de façon générale le combat contre Seth et donc contre ses envoyés. Une interprétation plus simple est toutefois possible. La vignette et la formule magique concerneraient le porc comme emblème de Seth et de ses envoyés parmi lesquels on trouve les dermestes mais pas seulement eux. La vignette et la formule magique seraient de portée plus générale et il s’agirait d’une formule indépendante du Livre des Morts pas encore répertoriée en tant que telle, même si elle est bâtie sur la Formule 36. Il ne faudrait pas s’arrêter sur l’identité du formulaire magique avant tout anti séthien et qui pourrait avoir été utilisé avec des adaptations mineures contre toutes les manifestations démoniaques du dieu. Allant dans ce sens, on notera que, dans les deux formules magiques, les descriptions de la bouche du dermeste et de celle du porc sont différentes. L’étude de ces passages inédits du Livre des Morts de Nakht mériterait d’être poursuivie. 39 MEEKS, art. cit., p. 297, fig. 12. 36 37

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justement le nom. En ce sens, l’abeille / guêpe / frelon serait simplement là pour bloquer la force magique dangereuse qui pourrait être déclenchée par l’écriture du nom du dermeste. C’est d’ailleurs de cette manière que l’on peut expliquer, dans les Textes des sarcophages, l’usage du même signe de l’abeille ḥrr.t qui est une désignation générale de la dans l’écriture du mot vermine40, ou encore, peut-être de manière plus significative, son utilisation ḫspr qui désigne un insecte inconnu41. dans l’écriture du mot Les Textes des Sarcophages donnent en effet pour ce dernier nom à côté de l’écriture avec le déterminatif de l’abeille royale, une écriture plus réaliste et bien différente qui montre en fait qu’il s’agit d’un petit parasite rampant42. qui est défini par Gardiner dans sa Sign List (D 5 / 6) Le signe de l’œil comme un « œil peint », donc traité magiquement, et qui détermine certaines actions de l’œil comme dgj « regarder », ptr « voir, observer » ou rs « veiller, surveiller » est encore plus approprié pour tenir en respect et mettre en échec le redoutable insecte. Le texte où se trouve cette graphie singulière est le sui« Aucun scarabée ῾pš(Ꜣj.t), vant : aucun ver, aucune bouche qui mord ne pourra l’atteindre43. » Deux lignes avant, se trouve le titre de la formule magique : « Ô les dieux qui veillent sur (rs ḥr) l’Osiris (…Mourtidis). » On peut donc penser que le déterminatif de rs « veiller, surveiller » est transféré deux lignes après sur le nom du scarabée nécrophage afin, justement, d’assurer la protection de la momie de Mourtidis contre cet insecte. Le « déterminatif » de la tortue du Todtenbuch de Lepsius est à l’origine de la traduction « tortue » adoptée pour notre mot — du moins dans ce passage du Livre des Morts — par les anciens dictionnaires, et cela dès Champollion. Cette traduction fut abandonnée par les auteurs du Wörterbuch mais sans donner de raison explicite. En fait, de même que le mot ῾pšꜢj.t avec le signe de l’abeille ne désigne pas l’abeille, avec le signe de la tortue, il ne désigne pas la tortue. Comme pour le signe de l’abeille on a affaire à un emploi particulier du signe de la tortue, signe représentant un animal assimilé à Apopi mais peut-être protecteur à la Basse Époque44. Je crois que l’usage du 40 CT VI, 396o (Formule TS 766), cf. VERNUS & YOYOTTE, op. cit., p. 67-68 et MEEKS, art. cit., p. 283. 41 CT IV, 44e (Formule TS 292). 42 CT VI, 302e (Formule TS 674). 43 Voir ASSMANN, loc. cit., qui traduit notre mot par « puce » probablement influencé par les représentations des vignettes de la Formule 36 du Livre des Morts où certains ont effectivement vu la représentation d’une puce, sinon d’une fourmi (voir plus haut). 44 Voir Adolphe GUTBUB, « La tortue, animal cosmique bénéfique à l’époque ptolémaïque et romaine », dans Hommages à Serge Sauneron, 2 vol. (BiEtud 81), vol. 1, Le Caire 1979, p. 391435 : il y a un rite du massacre de la tortue, comme ennemi de Rê (cf. p. 397 et suiv.) mais un

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signe de la tortue s’explique comme celui du signe de l’abeille pharaonique : bloquer magiquement les signes d’écriture composant le nom du dermeste en utilisant un animal plus puissant que lui qui va donc bloquer la force dangereuse associée à l’écriture de ce nom. On considèrera que ni le signe de l’abeille, ni celui de l’œil, ni celui de la tortue, ne peuvent être classés lors de tels emplois parmi les « déterminatifs » ou les « idéogrammes » de nos grammaires de l’égyptien pharaonique. Ils appartiennent à une catégorie de signes différente forcément mal reconnue car échappant totalement aux classifications linguistiques contemporaines45, une catégorie comportant des signes d’écriture dont l’usage commun est mis de côté pour servir en quelque sorte d’antidote introduit dans l’écriture de certains mots afin d’atténuer les dangers que présente leur lecture. Il serait intéressant de réunir les signes d’écriture ayant des emplois comparables. 3. Le scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t pourvoyeur de morts errants La mention du scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t donnée par le nouveau papyrus médical du Louvre (P. Louvre E 32847), en dehors du signe de l’abeille qui accompagne son nom, montre un usage magique inattendu de l’insecte et le fait que l’idée que s’en faisait le médecin ou son patient pouvait être différente de celle de l’embaumeur. Le passage concerné est le suivant :

Autre (médication) : queues de scarabées ῾pšn. On veillera à ce que ce soit placé dans l’œil46.

Les « queues » ne peuvent être que les élytres du scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t, ailes dures et cornées qui recouvrent les ailes postérieures des coléoptères. Ces éléments caractéristiques du corps du scarabée nécrophage, ennemi des morts seront placés en protection contre les morts errants. La destruction de la momie par le feu, le vandalisme, les effondrements était probablement usage magique complexe comme protecteur de la sphère cosmique (p. 434-435) ; voir encore GUILHOU, « La protection du cadavre dans le Livre des Morts », p. 33-34, qui penche plutôt vers une assimilation « de fonction » entre la tortue et l’insecte nécrophage, ce qui n’est pas contradictoire avec une autre explication, le style de pensée égyptien sachant marier des considérations différentes qui deviennent alors complémentaires. 45 Celles-ci reconnaissent aux signes hiéroglyphiques six fonctions : un signe peut être pictogramme, logogramme (idéogramme), phonogramme, classificateur, radicogramme, interprétant phonétique (complément phonétique). Voir en dernier Stéphane POLIS & Serge ROSMORDUC, « The Hieroglyphic Sign Functions. Suggestions for a Revised Taxonomy », dans H. Amstutz, A. Dorn, M. Müller, M. Ronsdorf & S. Uljas (éd.), Fuzzy Boundaries. Festschift für Antonio Loprieno, 2 vol., Hambourg 2015, vol. 1, p. 149-174. On a donc affaire à un usage qui témoigne des idées égyptiennes elles-mêmes sur les fonctions des signes hiéroglyphiques. 46 P. Louvre E 32847, inédit, ro x + 1, 11-12. La finale -n de ῾pšn correspondrait à un suffixe sémitique du pluriel, voir James E. HOCH, loc. cit. (plural endings with nunation).

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moins crainte par les Égyptiens que celle provoquée par les insectes nécrophages, ces grands recycleurs dans la nature des cadavres animaux une fois desséchés. L’existence d’un rituel de mise à mort du scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t le prouve. Pour les Égyptiens, ces insectes étaient une source inépuisable de morts errants. Les morts dont on parle si souvent dans les textes médicaux égyptiens et qui sont une des causes les plus communes des maladies sont des morts particuliers. Ce sont essentiellement des morts osiriens dont la momie a été détruite. La nature quasi divine de ces morts, la possibilité qu’avait leur ba, un esprit aérien mobile, de reprendre forme dans la momie, les assimilaient aux dieux dont le ba venait prendre possession chaque jour de la statue du temple où on leur rendait le culte. Leur momie détruite, ces morts divinisés devenaient des morts errants, de véritables démons qui pouvaient s’insinuer dans le corps les vivants. Les papyrus médicaux égyptiens montrent que, pour les médecins, ce processus invasif était très commun. Dans le même papyrus médical du Louvre, il existe ainsi une prière du médecin souhaitant ne pas être mis en cause dans l’action chirurgicale qu’il entreprend, et qui ne désire pas seulement éviter de rompre des vaisseaux, mettre à mal les tendons mais qui veut aussi éviter de couper des morts qui circuleraient dans le corps qu’il opère47. L’action néfaste du mort, de la morte, et celle du dieu ou de la déesse courroucés, correspondaient à un même type d’agression. Les élytres du scarabée seront déposés sur les globes oculaires du patient qui prennent ainsi l’aspect de deux scarabées nécrophages, lesquels, alors qu’ils ne présentent aucun danger pour les vivants, feront reculer les morts, leurs victimes habituelles. Il est d’ailleurs possible que les usages actuels en joaillerie des élytres de scarabées remontent à un fonds magique ancien. On se souviendra que Toutânkhamon possédait dans sa tombe une canne décorée d’élytres de scarabées. Peut-être l’avait-il emportée pour éloigner les morts dangereux et les revenants. Noter qu’une autre méthode commune préconisée dans les textes médicaux pour éloigner les morts consiste à les enfumer et donc à polluer le souffle qui constitue leur forme aérienne. Parmi les textes du papyrus médical de Berlin consacrés à ces fumigations, dont certaines viennent probablement encore des pratiques rituelles des temples, on en trouve une qui utilise, parmi d’autres ingrédients, un scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t dont le fumet, on l’imagine, devait repousser les défunts48. 47

P. Louvre E 32847, inédit, ro x + 22, 1-2. Le texte est le suivant : « Qu’à chaque fois que j’incise, puissé-je ne pas couper un mort ou une morte, supprimer des vaisseaux, arracher des tendons, (et) déposséder (ainsi quelqu’un) de la marche au bénéfice de la Supérieure des destructeurs. » 48 P. Berlin 3038, 5,11-12 : « Autre (remède) arbre ḫt-ds ; scarabée ῾pšꜢj.t ; graines de bryone (?) ; plante ḏꜢs ; plante w῾m ; chanvre ; partie mw.t du battoir du blanchisseur. Fumiger l’homme avec cela. »

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En bref, parmi les insectes que considérait le médecin dans sa pratique médicale, le scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t se détache nettement du lot. Si cet insecte était le grand ennemi des morts, aux yeux du médecin il n’était pas celui des vivants. Ce parasite assez insignifiant cherche sa pitance dans la viande séchée. Il ne provoque pas de maladie chez l’homme et les médecins égyptiens n’ont jamais imaginé que tel fut le cas. En revanche les morts osiriens sont une crainte continuelle du médecin, pour son patient mais aussi pour lui-même car les démons et les morts sautent volontiers de l’un à l’autre. Ces morts vont s’associer avec les dieux et déesses courroucées, ainsi qu’avec des substances pathogènes communes dont ils augmentent la virulence, et avec toutes sortes d’ennemis. Ils se dissimulent et se cachent dans tout endroit du corps. Ils constituent une sorte de bruit de fond dans l’étiologie des maladies, car s’ils pouvaient agir par eux-mêmes, on les voyait tout autant susciter l’action des facteurs pathogènes les plus communs. Leur présence était constante. Ainsi, parmi les différentes méthodes imaginées pour lutter contre ces morts dans les textes médicaux, il en était une qui cherchait à leur faire peur en mettant devant leurs yeux leur grand ennemi, le scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t. En l’occurrence, le médecin égyptien, en bon magicien, ne faisait qu’appliquer l’adage « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». 4. Les insectes comme médications Les insectes peuvent encore être utilisés de façon magique comme médications, ainsi le ḫprr, le scarabée par excellence, pourtant si sympathique et qui sera mis à mort pour — est-il dit — « combattre les conséquences des envoûtements ». Le texte est le suivant : Grand scarabée — dont la tête et les deux ailes ont été (préalablement) coupées — flambé et mis dans de l’huile. Ce sera appliqué à cela. Puis après que tu auras (mentalement) désiré que cela soit chassé, tu devras faire bouillir la tête et les deux ailes. Ce sera placé dans de la graisse de salamandre d’eau et flambé. Faire en sorte que l’homme boive cela49.

Cette formulation est trop complexe pour en proposer une interprétation définitive. Cela étant précisé, un des rôles du médecin était de combattre les conséquences des envoûtements, donc de la magie noire. Apparemment, le scarabée a été utilisé dans la magie noire, donc de mauvaise façon. Le détruire permettra d’annihiler le charme magique qui est en cause. La mise à mort du scarabée semble rituelle. On lui coupe la tête puis les ailes. Sa carcasse est utilisée indépendamment. Or, cette mise à mort existe dans la nature : c’est 49

P. Hearst 159 et P. Ebers 733.

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ainsi que procède le frelon qui coupe la tête et les ailes de ses proies, les mouches en l’occurrence, avant de broyer leur carcasse qui servira à nourrir ses larves. Je crois que l’acte magique identifie le médecin au super prédateur qu’est l’abeille royale sous sa forme de guêpe-frelon. La personne envoutée est nourrie d’une préparation faite par un auxiliaire de la royauté, le médecin, comme est nourrie la larve du futur frelon et de la future guêpe. Enfin, les insectes peuvent constituer aussi une source pratique de médications. On pense évidemment aux produits issus de la ruche, c’est-à-dire au miel, à la cire et la propolis qui tiennent une place prépondérante dans la pharmacopée de l’Égypte ancienne, en particulier les deux premiers cités. Quant à la propolis, cette résine particulière que les Égyptiens nommaient « excrément des mouches » (comprendre : « excréments des mouches à miel »), elle avait des usages tout à fait semblables à ceux que l’on connaît aujourd’hui encore dans les médecines traditionnelles pour les abcès, les ulcères, les crevasses, la cicatrisation des plaies, ou encore comme anesthésique local sur les muqueuses ; mais il s’agit d’un produit de la ruche dont les emplois ont été reconnus et codifiés davantage par la communauté des apiculteurs que par les médecins50. Précisons enfin qu’on ne peut assimiler l’abeille royale à l’abeille de la ruche. Elles évoluent dans un monde de représentations totalement différent, car les traditions de l’apiculture forment un ensemble de pratiques lié à une connaissance précise de la biologie de l’insecte que l’homme a été obligé de respecter pendant des millénaires, et qui échappe ainsi aux considérations religieuses et politiques qui sont le lot de l’abeille royale. Docteur EPHE 10, rue École de Mars 92200 Neuilly-sur-Seine [email protected] LITTÉRATURE

SECONDAIRE, ÉDITIONS DE TEXTES, ENCYCLOPÉDIES ET PAPYRUS

1. LITTÉRATURE SECONDAIRE ALLEN, Thomas G., The Book of the Dead (OIP 37), Chicago : The University of Chicago Press, 1974. AUFRÈRE, Sydney H., L’Univers minéral dans la pensée égyptienne, 2 vol. (BdE 105), Le Caire : Ifao, 1991.

50 Voir Thierry BARDINET, « La mouche et l’abeille : l’utilisation de la propolis d’après les textes médicaux de l’Égypte pharaonique », GöttMisz 170 (1999), p. 11-23 et GöttMisz 171 (1999), p. 23-41.

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174 MOTS

T. BARDINET CLÉS

Textes médicaux – Livre des Morts – Formule 36 du Livre des Morts – Magie médicale – Rituels de purification des temples – Mouches – Dermestes ῾pšꜢj.t – Écriture hiéroglyphique – Momies – Ba

LE « MOUSTIQUE » D’HÉRODOTE (HIST. 2, 95) UN DIPTÈRE (MOUSTIQUE, PHLÉBOTOME) IMPORTUN, VECTEUR DE MALADIES PARASITAIRES MORTELLES

Sydney H. AUFRÈRE1 Car le vent élevé bien au-dessus des terres N’effleurait de ses pieds que les tours solitaires Alfred DE VIGNY, La Mort du Loup.

0.1. Lors de la rédaction des Prolégomènes, et en faisant à cette occasion le tour de la bibliographie, on prend conscience que de minuscules animaux pouvaient non seulement infliger quotidiennement de grands maux à la population égyptienne mais impacter la santé de nombreux groupes humains en fonction de leur exposition. Si des traces de l’arthropofaune égyptienne sont mises en lumière grâce à des études archéoparasitologiques, il ne pouvait en être de même d’un insecte hématophage aussi banal que la femelle de l’insaisissable maringouin, cousin2 ou moustique. Or ce dernier affligeait durablement la population qui devait trouver la parade contre ses nuisances nocturnes. Si Hérodote s’est fait le témoin de la gêne qu’il ocasionnait, et si naturellement tout le monde se réfère au passage de l’auteur halicarnassien pour attester de pratiques destinées à prévenir l’attaque de ces invisibles vampires nocturnes, on serait bien en peine d’en trouver une explication solide. Même ses commentateurs ne s’y essayent pas, jugeant probablement que ça n’en vaut pas la peine3, alors que même Pharaon n’échappe pas plus que ses sujets à son emprise. C’est donc une lacune, dont on n’était pas à même d’apprécier l’importance, que l’on s’efforcera ici de combler.

1 Centre Paul-Albert Février TEDMAM-UMR 7297, Aix-Marseille Université – CNRS ; Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. 2 Le cousin ici n’est pas Tipula paludosa Meigen, 1830, qui ne pique pas. L’étymologie de « cousin » est culicinus, petit moustique (culex). 3 Andrée Barguet (Hérodote, Œuvres complètes. Texte présenté, traduit et annoté par Andrée Barguet, Paris 1964, p. 1385 ; cf. p. 178) se contente de signaler qu’il s’agit de la première attestation de la moustiquaire. Notons toutefois que le moustique a fait l’objet d’un discrète approche de Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des pharaons, Paris 2005, cf. p. 432-433.

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0.2. Voici, d’après la traduction qu’en a donnée Arnaud Zucker4, le passage d’Hérodote (Hist. 2, 95, 1-3) concerné : Πρὸς δὲ τοὺς κώνωπας ἀφθόνους ἐόντας τάδε σφι ἐστὶ μεμηχανημένα. Τοὺς μὲν τὰ ἄνω τῶν ἑλέων οἰκέοντας οἱ πύργοι ὠφελέουσι, ἐς τοὺς ἀναβαίνοντες κοιμῶνται· οἱ γὰρ κώνωπες ὑπὸ τῶν ἀνέμων οὐκ οἷοί τε εἰσὶ ὑψοῦ πέτεσθαι. [2] Τοῖσι δὲ περὶ τὰ ἕλεα οἰκέουσι τάδε ἀντὶ τῶν πύργων ἄλλα μεμηχάνηται· πᾶς ἀνὴρ αὐτῶν ἀμφίβληστρον ἔκτηται, τῷ τῆς μὲν ἡμέρης ἰχθῦς ἀγρεύει, τὴν δὲ νύκτα τάδε αὐτῷ χρᾶται· ἐν τῇ ἀναπαύεται κοίτῃ, περὶ ταύτην ἵστησι τὸ ἀμφίβληστρον καὶ ἔπειτα ἐνδὺς ὑπ᾽ αὐτὸ κατεύδει. [3] οἱ δὲ κώνωπες, ἢν μὲν ἐν ἱματίῳ ἐνειλιξάμενος εὕδῃ ἢ σινδόνι, διὰ τούτων δάκνουσι, διὰ δὲ τοῦ δικτύου οὐδὲ πειρῶνται ἀρχήν. 95. [1] Contre les moustiques qui pullulent, voici les parades qu’ils ont mises au point. Les gens qui habitent dans la partie sud des marais dorment en hauteur sur des tourelles qui les protègent, car les vents qui soufflent empêchent les moustiques de s’élever dans les airs. [2] Mais les gens qui habitent sur les pourtours des marais ont dû imaginer une autre parade que ces tourelles : Tout le monde chez eux possède un filet qui leur sert à pêcher le jour et qu’ils utilisent la nuit de la façon suivante : ils enveloppent le lit dans lequel ils couchent à l’intérieur de ce filet, avant de se glisser dessous pour dormir. [3] Et les moustiques, qui peuvent piquer à travers un manteau ou un drap si quelqu’un s’enroule dedans pour dormir, ne font pas la moindre tentative pour piquer à travers le filet.

1. Le moustique d’Égypte d’après Hérodote et d’après les Égyptiens 1.1. LES ΚΩΝΩΠΕΣ D’HÉRODOTE. — Avant de commenter le texte, il faut se souvenir que le vocable masculin κώνωψ, employé au pluriel chez Hérodote (nom. plur. κώνωπες, acc. dito κώνωπας) désigne un type de diptères (famille des Culicidae), le moustique, qui ouvre sur un véritable monde en soi (3000 espèces)5. Le terme est formé de κώνος (« cône », « dard ») et de ὄψ (« -oïde »), bref, « celui-qui est pareil à un dard ». Cette même ambiguïté existe pour le latin Culex construit de la même façon (k̂ū < cuneus, « coin, dard »). En κώνωψ il faut probablement reconnaître plusieurs familles de moustiques et d’insectes piqueurs. On notera que chez Hérodote, ils sont qualifiés d’innombrables (ἀφθόνους ἐόντας), ce qui est une indication précieuse. 1.2. LE

ḪNMS ET LE ḪNWS DANS LA VIE DES ÉGYPTIENS.

— Dès lors qu’on

change de paradigme linguistique, en égyptien apparaît le terme ḫnms (Wb III, 295, 12) attesté par des exemples contemporains de la 20e dynastie (P. Sallier II, 5, 6 ; P. Turin PuR44, 74, 9 ; P. Anastasi IV, 12, 9), employé avec l’article pꜢ, mais sous une forme collective. Il est déterminé par l’oiseau 4

Je lui adresse tous mes remerciements pour l’autorisation de reproduire ce passage. Gérard DUVALLET, Didier FONTENILLE & Vincent ROBERT (éd.), Entomologie médicale et vétérinaire, Marseille – Versailles 2017. 5

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qui se pose6 ; le signe du pluriel renvoie à sa multitude. Il est également attesté en démotique, mais avec une erreur chez Erichsen (E 362 : « ein Vogelart » = Orakel e, 6), corrigée par Černy (Č 241), et en copte ϣⲟⲗⲙⲥ (C 560a ; Č 241, V 260-261)7 qui devient féminin en copte à cause du -ⲥ final (Č 241), qui fait son apparition, avec des ambiguïtés de sens (moustique, moucheron piqueur, phlébotome). On notera que ϣⲟⲗⲙⲥ est le dernier mot mentionné par le chapitre des ϫⲁⲧϥⲉ de la Scala 44, qui classe cette catégorie d’animaux en fonction de leur taille. « insecte piqueur, moustique » (Wb III, 1.3. Une autre forme est 290, 2-3 attestée dans P. Ebers 98, 1 et Hymne à Amon du Caire 6, 6, construit à l’aide du verbe ḫnws, « piquer », attesté dans le domaine médical (P. Ebers 101, 21), avec un classificateur qui indique une chose mauvaise ou un désagrément. Ce verbe est caractéristique de la 18e dynastie (P. Ebers 846)8, employé en lien avec le verbe psḥ « piquer ». Cette dernière forme ḫnws n’est pas conservée en copte. 1.4. Les textes égyptiens évoquent sa création, ses nuisances, la façon de prévenir leur piqûres et, au final, celle d’apaiser celles-ci. Ainsi, l’Hymne à Amon du Caire (6, 6) montre un dieu créateur donnant le souffle « qui en fait vivre les moustiques ( de même que les puces (

ḫnw(s)), les animaux venimeux (

ḏdf.t)

9

pj.w) » .

1.5a). Ensuite, voici qu’on le trouve dans la Satire des Métiers10, peint comme rendant la vie impossible à ceux qui, tel le fabriquant de flèches, tirent leur activité de l’exploitation des marais du Delta : 6 Voir le point sur le sujet fait par Dimitri MEEKS, « De quelques insectes égyptiens entre lexique et paléographie », dans Z. Hawass, P. der Manuelian & R. B. Hussein (éd.), Perspectives of Ancient Egypt. Studies in honor of Edward Brovarsky (= ASAE suppl. 40), Le Caire 2010, p. 277-304 : p. 274-279. 7 On se référera, pour le copte, à Sydney H. AUFRÈRE, « Les ϫⲁⲧϥⲉ (< ég. ḏdf.t) dans tous leurs états d’après les scalistes coptes. Livre des Degrés (chap. VI) et Scala magna (chap. XV). Chordata (Mammalia, Sauropsida et Amphibia), Arthropoda et Nematoda », dans N. Bosson, A. Boud’hors & S.H. Aufrère (éd.), Labor omnia uicit improbus. Miscellanea in honorem Ariel Shisha-Halevy (OLA 256), Louvain 2017, p. 3-92 : p. 53-54. 8 Thierry BARDINET, Les papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, Paris 1995, p. 362. 9 D’après l’édition d’Eugène GRÉBAUT, Hymne à Ammon-Ra (Bibl. de l’EPHE 21), Paris 1875, p. 17. Voir aussi Erik HORNUNG, Conceptions of God in Ancient Egypt: The One and the Many. Traduit par John Baines, Londres – Melbourne & Henley 1996, p. 200 ; André BARUCQ & François DAUMAS, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne (LAPO 10), Paris 1980, p. 197 : « fait ce dont vivent les mouches, ainsi que les vers et les puces ». La graphie de l’Hymne du Caire est corrigée par l’Ostracon publié par Kees. 10 P. Sallier II, col. 5, lignes 5-6. Traductions dans Miriam LICHTHEIM, Ancient Egyptian Literature, 3 vol., Berkeley – Los Angeles – Londres 1975, vol. 1, p. 186. Voir MATHIEU, « Satire des métiers (2) », GRAFMA Newsletter 3-4, 2001, p. 65-73, s. v. 3. Professions évoquées par la Satire.

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Le coupeur de roseaux va dans le delta pour en tirer des flèches. Quand il a fait plus que ce que ses bras peuvent faire, Les moustiques l’ont massacré (smꜢ~n sw ḫnms.w), Les phlébotomes, ils l’ont rompu (ḫmj.w sfd~n sw snnj). Il est littéralement exténué (ḫr wnn⸗f wḏꜢ).

b) On ne peut s’empêcher de comparer ce beau passage pessimiste de la littérature égyptienne avec l’étonnant extrait du voyageur Antonius Gonzalès, qui se rendit en Égypte en 1665-1666, et qui fait un tableau du moustique et des conséquences de ses piqûres : On trouve en Égypte des moustiques minuscules, mais à la piqûre si forte qu’on dirait des aiguilles. Nuit et jour ils harcèlent l’homme. J’ai vu certaines personnes piquées si férocément, que bras et mains avaient l’air d’être atteints de la gale. Ceux qui disposent d’une certaine fortune, dorment dans des pavillons fermés de toutes parts. Presque aucune bestiole ne touble autant le repos de nos nuits, que les moustiques avec leurs piqûres et leur bourdonnement. Avec leurs dards, ils piquent avec une telle cruauté, que de grandes boursouflures se forment. On les trouve souvent dans les terres basses et aqueuses. C’est ce qui explique leur pullulement en Égypte, où le pays entier est inondé une fois l’an11.

Au XVIIe siècle, où les conditions n’ont pas changé depuis l’Antiquité, les hommes payent toujours un même tribut aux moustiques et probablement aussi aux phlébotomes si on veut voir en eux les « moustiques minuscules » d’Antonius Gonzalès12. 1.5. Le P. Ebers 84613, quant à lui, explique comment prévenir ses piqûres : « Autre remède pour empêcher les moustiques de mordre (comprendre piquer) : huile de moringa fraîche. (S’)enduire avec (cela). » Le conseil n’était pas inutile, car l’huile de moringa (Moringa oleifera Lamarck, 1785) est encore employée de nos jours pour ses propriétés culifuges. L’huile de ricin, quant à elle, passe également pour avoir des vertus tant culifuges que muscifuges et les Égyptiens actuels planteraient même des ricins pour les chasser14. Au final, on peut soigner leurs piqûres avec de la graisse d’oie (P. Ebers). 1.6. ANOPHELES PHAROENSIS OU A. MULTICOLOR. — Quelle est donc l’identité de ḫnw, ḫnws, ḫnms ? Toujours est-il que l’on a bien affaire, majoritairement, à un moustique15 du genre anophèle (Anopheles) : Anopheles pharoensis (L.) Theobald, 1901, espèce dont les gîtes larvaires sont favorisés par les papyrus 11 Le voyage en Égypte du Père Antonius Gonzalès 1665-1666, 2 vol. Traduit du néerlandais, présenté et annoté par Charles Libois S.J., Le Caire 1977, vol. 2, p. 639. 12 Par expérience personnelle — au Fayoum et à Mersa Matrouh —, je ne peux que confirmer les dires d’Antonius Gonzalès. 13 BARDINET, Les papyrus médicaux, p. 362. 14 Lise MANNICHE, An Ancient Egyptian Herbal, Londres 1989, p. 142. 15 Une présentation du cycle de vie des moustiques dans Dominique TENNSTEDT, « Peau et moustiques », dans M.-B. Cleenewerck & P. Frimat (org.), Progrès en dermato-allergologie Lille 2004, John Libbey Eurotext 2004, p. 91-104.

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et A. multicolor Cambouliu, 1902, le premier étant le vecteur de paludisme le plus important. On notera que l’éradication de secteurs entiers de papyrus à l’époque romaine16 a peut-être contribué à réduire les populations de moustiques, mais en révêlant dans le même temps leur prolifération dans le Delta du Nil. Il appert que c’est en raison « des exigences du texte » de Ex 8:16, 17 que les traducteurs actuels, rendant l’hébreu kên, plur. kinnîm, pensent que la 3e Plaie d’Égypte, touchant les hommes et les animaux, correspondrait plutôt au moustique17. 1.7. LE PHLÉBOTOME. — Mais il est également très possible que l’acception de « moustique » d’Hérodote ait pu également s’étendre à un autre diptère connu en Égypte, le phlébotome (famille des Psychodidae, sous-famille des Phlebotominae Rondani, 1840), sorte de moustique miniature (2,5 à 3 mm), dont l’étymologie signifie « coupe-veine » (φλεβός, « veine » + τομός « coupure »), car sa piqûre cause une douleur et une irritation. Comme l’indiquent les auteurs du Wörterbuch, ce dernier se cacherait probablement sous le nom ḫmj (Wb III, 281, 12 : « Sandfliege »). En effet, un tel de l’insecte insecte au P. Anastasi IV, 12, 10, est dit piquer (nḥs) les jambes (rd.wj), caractéristique des phlébotomes qui s’attaquent aux chevilles. Le contexte est une lettre écrite sous le règne de Séthi II, par Qagabou pour Inéna, son disciple, qui décrit les conditions pénibles de l’Égyptien sur le littoral de la Phénicie, dans la localité nommée « Punition-de-la-terre ». Il nous apprend que si les druppes de l’arbre jmꜢ n’ont même pas le temps de mûrir18, c’est à cause du moustique

(pꜢ ḫnms) ( ) à l’aube et du moucheron (tꜢ ḏw.t) ( ) à midi. Mais l’auteur pessimiste se plaint surtout que le phlébotome (ḫmj), en piquant les jambes lui tire

le sang de chaque veine ( tꜢ ḫmj rd.wy ḥr nḥs jtḥ⸗s m.t nb)19.

Sydney H. AUFRÈRE, « La fabrication du papyrus égyptien et son exportation », dans S.H. Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal, Croyances phytoreligieuses de l’Égypte ancienne (ERUV) III (OrMonsp 15), Montpellier 2005, p. 103-117 : p. 115-116. 17 Sur le problématique du vecteur de la 3e plaie d’Égypte, traduit différemment — Septante : σκνίφες, σκνίπες, Vulgate : ciniphes, cinifes, saint Mathieu : κώνωψ —, voir Henri LESÊTRE, art. « Cousin », DB II/1, col. 1092-1096 : 1092-1093. Cela dit, le Gesenius (A Hebrew and English Lexicon of the Old Testament, Oxford – Londres – Glasgow [s.d.], p. 487b-488a) propose gnat, gnats, gnat-swarm. L’hébreu moderne donne yatouch (‫)יתוש‬, pl. yatouchim (‫)יתושים‬. Sur les différentes plaies d’Égypte associées à des insectes, voir Hermann LEVINSON & Anna LEVINSON, « Die Anfange der Schädlingsabwehr im orientalischen Altertum », SPIXIANA, Supplement 27 (2001), p. 75-106 : p. 93 (moustique). 18 Il fait probablement allusion à un insecte comme le blastophage, qui est un hyménoptère appartenant à la famille des Agonidae, et assure la pollinisation. 19 Voir une traduction de cette lettre étonnante dans Frédéric SERVAJEAN, « Le conte des Deux Frères (2). La route de Phénicie », ENiM 4 (2011), p. 197-232 : p. 224-225 ; Idem, Merenptah et la fin de la XIXe dynastie, Paris 2014, p. 228-229. Pour le texte hiéroglyphique, voir Alan H. GARDINER, Late Egyptian Miscellanies (BiblAeg 7), Bruxelles 1937, p. 48-49. 16

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L’insecte est également mentionné dans la Satire des Métiers (P. Sallier II, col. 5, 6), également à côté du maringouin (cf. supra, § 1.5), ce qui renforce l’idée d’une convivialité moustique-phlébotome. Même si le grec possède un terme σκνίψ utilisé par les Septante pour désigner la 3e Plaie d’Égypte, les mots κνίψ ou σκνίψ désigneraient plutôt le blastophage (Agonidae), une fourmi ou un ver piquant le bois20. 1.8. L’OBJET BROOKLYN MUSEUM (INV. 55.172). — Il était satisfaisant de se raccrocher à l’idée que le moustique aurait figuré au moins une fois dans tout l’art égyptien sous la forme d’un ravissant objet conservé au Brooklyn Museum, offert à cette institution par Cyril Aldred en 1955. Il s’agit d’une pièce de jaspe vert à bande blanche, mesurant 3 cm, et daté des années 664-380 av. J.-C.21. Il est doté, dans la partie supérieure, d’une saillie permettant de passer un fil. En dépit de cette saillie, qui fait faussement songer à la bosse du moustique, l’absence de prolongement du corps dans l’angle que forment les ailes — chez le moustique, celui-ci est plus long que les ailes — laisse penser à un autre type de diptère aux ailes hypertrophiées par rapport à l’abdomen, ce qui donne à penser qu’il s’agit bien plus d’une mouche que d’un moustique traité comme une mouche. L’interprétation de la partie ventrale demande de bien ouvrir les yeux pour voir cette performance du sculpteur, en raison de la couleur blanche de la veine. De trois-quarts, on voit une tête d’Horus enveloppée d’un némès et coiffée d’un pschent22. Si l’on accepte cette interprétation, l’objet correspodrait à une sorte d’Horus-mouche, ce qui conviendrait à la vaillance d’Horus lorsqu’il s’en prend à ses ennemis et les harcèle. Il y a de grandes chances que cette amulette renvoie à un mythe non connu de ma part où Horus, visant la royauté égyptienne (cf. présence du pschent), se métamorphoserait en diptère afin de faire valoir ses droits23. Cependant, le postulat d’une association, en Égypte, entre le faucon et les bêtes qui mordent peut être tiré de la lecture de Diodore (Bibl. hist. 1, 87, 6) : « Parmi les oiseaux, l’ibis est utile contre les serpents, les sauterelles et les chenilles, et le faucon contre les scorpions, les serpents à cornes et les petites bêtes qui mordent et sont le plus mortelles pour AUFRÈRE, « Les ϫⲁⲧϥⲉ (< ég. ḏdf.t) dans tous leurs états », § 2.1.4.1. Dorothea ARNOLD, « An Egyptian Bestiary », The Metropolitan Museum of Art Bulletin, New Series, 52, no 4 (Spring, 1995), p. 1+7-64 : p. 48, no 58. Pour l’iconographie de l’objet, voir aussi les sites suivants : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mosquito_Deity_amulet_ MET_55.172_top.jpg ; https://www.metmuseum.org/art/collection/search/545200. 22 Cela est confirmé par ARNOLD, loc. cit. : « The green-and-white jasper insect looks more like a mosquito than a fly. Whatever its identity, this jasper amulet has a falcon head and wears the double crown of Upper and lower Egypt. In this guise the insect has become a deity with royal attributes. » 23 La mouche évoque aussi le courage et la vaillance. Il en existe un souvenir chez Horapollon (Hier. I, 51), où elle représente l’effronterie. On renverra cependant au mythe de Io pourchassé par un taon. Cf. Charles JOSSERAND, « Io et le Taon », L’antiquité classique 6, fasc. 2 (1937), p. 259-263, qui voit en ce taon un démon zoomorphique d’origine orientale. À l’époque (cf. p. 263, n. 2), personne n’était en mesure de lui confirmer l’existence d’un démon-mouche égyptien. Il semblerait que ce ne soit plus le cas aujourd’hui. 20 21

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Fig. 1 Horus-mouche. New York, Brooklyn Museum, inv. 55.172 (d’après https://www.metmuseum.org/ art/collection/search/545200).

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Fig. 2 Lion-mouche (d’après SCHOSKE & WILDUNG, Gott und Götter im alten Ägypten, p. 70-71, no 45).

les hommes. » Le passage se référant au faucon est indubitablement lié aux textes qui recouvrent les flancs des cippes d’Horus et s’étend aux ḏdf.t (cf. supra, § 1.3), c’est-à-dire — entre autres — à nombre d’arthropodes venimeux (piqueurs, mordeurs ou suceurs)24 combattus par Horus. Mais l’objet, pour autant, n’est pas un unicum iconographique comme me le rappelle Jocelyne Berlandini. Il existe en effet, un autre objet similaire en fritte émaillée verte à tête de lion, enveloppée d’un némès et coiffée d’un disque solaire25. Là encore les ailes sont longues et masquent l’abdomen, ce qui élimine un membre de la famille des Culicidae. Associant un corps de mouche à une tête de lion solaire, cette amulette, que ses éditeurs datent de la 25e dynastie, protégerait son propriétaire en détournant à son usage un mythe dont on n’aurait pas connaissance : une forme de soleil-diptère s’en prenant à l’adversaire (sous la forme d’une invasion… Voilà qui redonnerait un sens égyptien à la Quatrième Plaie d’Égypte). La présence du disque solaire s’inscrit davantage dans un sens mythologique qu’il ne va vers celui d’une récompense qui associerait l’insecte et le félin26. D’autres métamorphoses des dieux en minuscules arthropodes sont attestées, témoin Seth qui se dissimule sous la forme d’une puce sous les flancs d’Osiris27. 24

Voir Introduction, § 1.5 (ici même, p. 7-9). Cf. Sylvia SCHOSKE & Dietrich WILDUNG, Gott und Götter im alten Ägypten, Mainz am Rhein 1993, p. 70-71, no 45. 26 Amandine MARSHALL, « La mouche et le lion : deux récompenses militaires de l’Égypte des pharaons », Archéologia 537 (2015), p. 52-57. 27 Cf. CT I, 215f-216a. Voir Nadine GUILHOU, « Rituel funéraire au Moyen Empire : l’ouryt et la lutte contre les insectes nécrophages », Bulletin du Cercle Victor Loret 8 (1994), p. 25-34 : p. 28. 25

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2. Les deux parades des Égyptiens contre les moustiques 2.1. LES TOURELLES À SOMMEIL DU DELTA. — Selon Hérodote, la première parade de la population vivant « dans la partie sud des marais » est de dormir sur des tourelles. La localisation de cette pratique est la lisière méridionale des lacs côtiers, les pḥw. Il y a de grandes chances que ces tourelles soient la version rustique des maisons-tours, constante de l’architecture urbaine tardive, attestées par la mosaïque de Palestrina28 et dont on connaît à présent de nombreuses traces archéologiques29. Dormir sur le toit en vue d’obtenir davantage de fraîcheur et ne pas être la proie des diptères était certainement devenu une évidence si l’on en croit leur prolifération selon Hérodote. D’ailleurs, les maisons à étages permettent de réduire la fréquence des piqûres de moustiques. Les tourelles en matériaux plus légers que mentionne Hérodote n’avaient pas besoin d’être très hautes, car les Égyptiens avaient compris que les parties les plus élevées étaient les plus propres à recueillir le souffle du vent, mais il est non moins clair que les Égyptiens avaient remarqué que les moustiques (quoique résistant à la pluie mais n’appréciant ni l’air frais ni le soleil) étaient de mauvais voiliers et ne pouvaient lutter contre la force du vent. Une étude comparative aboutit aux résultats suivants, comparables au procédé architectural évoqué par Hérodote : In many parts of continental Africa house construction does not appear to impede entry of malaria vectors and, given their generally late biting cycle, the great majority of transmission takes place indoors. In contrast, many houses in São Tomé, 140 km off the coast of Gabon, are raised on stilts and built of wooden planks. Building on stilts is a time-honoured, but largely untested, way of avoiding mosquito bites. Exposure may also be affected by mosquito activity times and age composition of host-seeking females. A study was therefore undertaken on the island of São Tomé to determine if exposure to Anopheles gambiae, the only vector on the island, varied with house construction or time of the night30.

28 Pierre GRIMAL, « Les maisons à tour hellénistiques et romaines », Mélanges d’archéologie et d’histoire 56 (1939), p. 28-59 ; Paul G. P. MEYBOOM, The Nile Mosaic of Palestrina. Early Evidence of Egyptian Religion in Italy, Leyde – New York – Cologne 1995, p. 249, n. 88, qui souligne qu’elles étaient communes dans le monde hellénistique, en citant Grimal. Voir dernièrement Jean-Yves CARREZ-MATRATRAY, « Les tours et maisons à tours sur la mosaïque de Palestrina », dans S. Marchi (éd.), Les maisons-tours en Égypte durant la Basse Époque, les périodes ptolémaïque et romaine, Actes de la table-ronde de Paris Université Paris-Sorbonne (Paris IV) 29-30 novembre 2012 (= NeHeT, 2, Septembre 2014), p. 1-8. 29 Cf. Séverine MARCHI (éd.), op. cit. Voir aussi Grégory MAROUARD, « Maisons-tours et organisation des quartiers domestiques dans les agglomérations du Delta : l’exemple de Bouto de la basse Époque aux premiers Lagides », dans S. Marchi (éd.), op. cit., p. 105-133. 30 J. Derek CHARLWOOD, Joao PINTO, Patrica R. FERRARA, Carla A. SOUSA, « Raised houses reduce mosquito bites », Malaria Journal 2, no 1 (2003), p. 45.

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Cet article, dont les auteurs n’ignorent pas le procédé architectural décrit par d’Hérodote, démontre que les attaques de moustiques diminuent en fonction de l’élévation de la construction. 2.2. LES FILETS DE PÊCHE. — La seconde parade serait constituée, au dire de l’Halicarnassien, par les filets de pêche, instrument employé communément par les populations vivant sur le « pourtour des marais », dont la subsistance est en grande partie associée à la capture des poissons. Les filets auxquels on pense seraient probablement des filets de pêche à la senne — méthode attestée depuis l’Ancien Empire — montée sur deux ralingues dont l’une est garnie de flotteurs et l’autre d’un lest et permettant, par deux filins, de rabattre le poisson. Cette technique de pêche est illustrée par bon nombre de représentations. Dès 1911, une lettre publiée par un lieutenant-colonel de l’Armée des Indes, C.T. Fearnside31, a voulu voir chez Hérodote la première attestation de la moustiquaire, en l’assortissant d’une hypothèse selon laquelle il se serait agi d’un « hand-net » qualifié de « cone-shaped headed » et lesté de plomb. La solution n’est peut-être pas aussi simple, car les sennes sont dotées de mailles moyennes32, insuffisantes pour empêcher les moustiques de franchir cette barrière si on se réfère à l’emploi d’une vraie moustiquaire qui représenterait un luxe. Dans son article sur le pêche au Fayoum, J. Dumont parle de filets pour petits poissons disposant de mailles de trois millimètres33. J.-M. Kruchten pensait que la moustiquaire d’Hérodote n’aurait pas été un filet mais aurait ṯnfj.t, sorte de tente en toile sous laquelle le soldat du correspondu à la Décret d’Horemheb se serait abrité34. Si une simple tente protégait le dormeur — le roi en était également doté à en croire le titre de « porteur de tente du seigneur du Double-Pays » (ṯꜢj ṯnfj.t n nb tꜢ.wj) (Wb V, 381, 3) —, et pouvait remplir un rôle analogue, elle n’était pas a priori une moustiquaire. Ainsi, il est raisonnable de penser que l’association entre des mailles aussi étroites que possible et l’effet mécanique que des filets d’Hérodote couvrant le corps était susceptible de tenir à distance les femelles d’anophèles importunes et de les empêcher de venir prélever leur butin nocturne35. En effet, si l’anophèle mâle 31 C.T. FEARNSIDE, « Use of Mosquito Nets in Ancient Egypt », The Indian Medical Gazette 46, no 3 (Mar. 1911), p. 116. 32 Il n’est pas rare que des auteurs prennent des libertés avec le texte d’Hérodote pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas expressément de façon à plier l’information à leurs hypothèses. 33 Jacques DUMONT « La pêche dans le Fayoum hellénistique : traditions et nouveauté d’après le Papyrus Tebtynis 701 », CdE LII, Fasc. 103 (1977), p. 125-142 : p. 134. 34 Voir Jean-Marie KRUCHTEN, Le Décret d’Horemheb (Université Libre de Bruxelles, 82), Bruxelles 1981, p. 37. 35 Voir cependant ce que dit Prosper Alpin (Histoire Naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, vol. 2, p. 207 [p. 398]), mais à propos des mouches, pourrait aussi concerner les moustiques : « Chez les moines maures, nous avons vu que, pour se protéger des mouches, on avait bouché les portes et fenêtres avec des filets en lin. Et — chose étonnante — bien que les

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ne peut être impliqué puisqu’il est seulement phytophage, la femelle, elle, hématophage, est seule équipée pour repérer dans la nuit ses proies en vertu du dioxyde du carbone (CO2) et de la chaleur qu’elles dégagent. Cela dit, vu d’un œil critique, on peut légitimement se demander sur quoi reposerait une telle différence de parade chez deux populations — l’une vivant au sud des marais et l’autre vivant sur les pourtours de ces marais —, puisque les uns et les autres pouvaient concurrement recourir aux deux méthodes. 2.3. L’HYPOTHÈSE DE LA MOUSTIQUAIRE D’ÉPOQUE PHARAONIQUE ET LE CONOCLÉOPÂTRE VII PHILOPATOR. — La problématique de la prévention des Culicidae ne s’arrête pas là. D’aucuns s’accordent à penser que l’emploi de moustiquaires serait attesté depuis l’Ancien Empire sur la base de la chambre démontable de la tombe de la reine Hetepheres, mère de Chéops. Selon certains auteurs, l’existence d’un baldaquin dans son trousseau funéraire36, a fait supposer qu’il eût été équipé d’une gaze de lin. Cette hypothèse revient fréquemment sous la plume de certains auteurs, sans l’appui d’une étude sérieuse37. S’il est possible de présumer l’existence de protections nocturnes contre les moustiques, on ne saurait se fonder sur cet exemple, aucunement probant. En revanche, Cléopâtre VII Philopator, dernière reine d’Égypte, est associée au conopeum (< κωνωπεῖον) dans la métonymie turpe conopium38, « la honteuse moustiquaire », selon Horace (Chant IX adressé à Mécène, 15-16)39, dans PEUM DE

mailles de filets soient lâches, les mouches ne passent pas à travers pour entrer dans les chambres. Ainsi ces moines sont à l’abri des ennuis causés par les mouches. » 36 George A. REISNER, « The Tomb of Queen Hetep-Heres », BMFA 25 Supplement (1927), p. 1-36 : p. 29 ; Idem & William Stevenson SMITH, A History of the Giza Necropolis II: The Tomb of Hetep-heres, The Mother of Cheops, Cambridge, MA 1955, pl. 5-10. 37 Ahmed BADAWY, « Mosquito-Nets in Ancient Egypt », Gazette des Beaux-Arts 1985 ; ARNOLD, « An Egyptian Bestiary », p. 48 : « An actual frame to support a fine linen netting over a bed, made long before the time of Herodotus, was found with the burial equipment of Queen Hetepheres, mother of Khufu (ca. 2551-2528 B.C.). » Voir aussi Peter LACOVARA, The World of Ancient Egypt. A Daily Life Encyclopedia, vol. 1. Arts of Housing and Community, Santa Barbara 2017, s. v. « Sanitation », p. 282-283 : « Queen Hetepheres equipped her tomb with a portable mosquito net » ; Alan B. LLOYD, Herodotus Book II Commentary 1-98 (EPRO 43), 2e éd., Leyde 1994 (1re éd. 1976), p. 383 (commentaire de Hist. 2, 95) ; Fred G. BRATTON, A History of Egyptian Archaeology, New York 1968, p. 120 ; Thomas MCALPINE, Sleep, Divine and Human, in the Old Testament, Sheffield 1987, p. 107-108. On retrouve également cette hypothèse sous la plume de Zahi HAWASS et alii, « Ancestry and Pathology in King Tutankhamun’s Family » (cf. infra, n. 60), p. 646. 38 Cōnōpēum (Juvénal, Sat. 6, 80 : cōnōpeum (cōnōpium), Horace, Epod. 9, 16, et Properce 3 (4), 11, 45). Voir Annick LOUPIAC, « La trilogie d’Actium et l’Épode IX d’Horace : document historique ou carmen symposiacum », BAGD 3 (décembre 1998), p. 250-259 : p. 255. Dans un sens douteux : Varron, Re rustica 2, 10, 8. Le terme évolue par l’anglais canopy et le français « canapé » ; cf. DU CANGE, Glossarium, s. v. « Canapeum » : « Umbraculum, a Græco Κωνωπεῖον, Genus retis ad excludendos culices in lecto jacentium obtendi solitum ; unde Anglicum Canapy. » 39 Le conopium (κωνωπεῖον) est un rideau, un voile ou un filet de baldaquin, comparable à la moustiquaire aux Indes. Voir l’intéressant commentaire dans Quintus Horatius Flaccus, Poëmata. Animadversionibus illustravit Carolus Anthon, 8e éd., Londini T. Tegg, MDCCCXLIV,

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la propagande augustéenne menée contre la reine. La métonymie désigne Cléopâtre, encore que le conopium ait ici un sens plus large de lit à colonnes équipé d’une moustiquaire (cf. Judith 13:9 et 15)40, qui, dans le poème d’Horace, permet de fustiger la reine s’abandonnant à la sensualité. Pourtant, quoi qu’on en dise, le κωνωπεῖον n’est pas spécifiquement égyptien malgré son utilisation en lien avec Cléopâtre. Cela dit, Prosper Alpin, qui évoque les « insectes » (comprendre arthropodes) qui vivent en Égypte, écrit clairement : « Les mouches et les moustiques sont si nombreux partout, dans ce pays, que très peu de gens dorment sans s’abriter sous une tente de toile41. » Il est très intéressant de citer Pierre Belon du Mans qui écrit : Il est souvent advenu à plusieurs qui en mettant quelque chose d’une region estrange par escrit, pensent estre de leur Invention : & toutefois s’ils lisent les autheurs anciens, trouvent en eux propos quasi semblables à ceux qu’ils ont observé : Tout ainsi, quand veimes que chacun de nous estoit si persecuté des moucherons que nous nommons Cousins, la nuict en dormant au Caire, qu’il sembloit le lendemain que nous eussions la rougeole, nous l’avions mis en escrit, mettants aussi qu’il est necessaire de se tenir le visage caché dormant dessous pavillons (moustiquaires), ou bien se tenir à mont (en hauteur) sur les terrasses, des maisons à l’air. Toutesfois, lisants Herodote, nous avons trouvé qu’il avoit desja escrit choses semblables. Les Egyptiens, dit-il, se servent la nuict de leurs rets à faire pavillons de peur des mousches, dont ils se servent le jour à prendre le poisson de leur fleuve42.

2.4. ASTUCES CULIFUGES. — Il existait d’autres types de prévention comme l’huile de moringa fraîche, mais, au vu de son prix, il est plus probable que l’huile de ricin, d’un accès plus facile, ait été employée comme culifuge (cf. supra, § 1.5). Les flabellums, maniés par des flabellifères, avaient pour objectif d’écarter les insectes en Égypte et à Rome, ainsi que dans la liturgie chrétienne (plutôt avant le XIIIe siècle)43, sans compter qu’on pouvait aussi faire brûler de l’encens. Une protection pouvait s’obtenir par la magie. Apollonius de Tyane, qui, paraît-il, connaissait les secrets des Égyptiens, était parvenu à protéger les habitants de Byzance et d’Antioche contre les scorpions et les moustiques au moyen d’une statue de scorpion enfoncée dans le sol44. Ne faut-il pas entendre p. 252. Voir aussi John C. REEVES & Annette Yoshiko REEVES, Enoch from Antiquity to the Middle Ages, vol. 1 : Sources from Judaism, Christianity, and Islam, Oxford 2018, chapitre 1, n. 156. 40 Dans le Livre de Judith, qui n’existe que dans la Bible des Septante, l’héroïne (13, 9 et 15) emporte la tête d’Holopherne et montre la moustiquaire (κωνωπεῖον) faite de matériaux précieux (10, 21) équipant les colonnes du lit, sous lequel le général gisait ivre. 41 Histoire Naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, vol. 2, p. 207 [p. 398]. 42 Voyage en Égypte de Pierre Belon du Mans 1547 (Collection des Voyageurs en Égypte 1), Le Caire 1970, p. 107a. 43 La bibliographie abonde d’exemples à Rome et dans l’Église. 44 Walter L. DULIÈRE, « Protection permanente contre les animaux nuisibles assurée par Apollonius de Tyane dans Byzance et Antioche. Évolution de son mythe », ByzZeit 63, no 2 (1971), p. 247-277.

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en écho chez Prosper Alpin qui, dans son Histoire Naturelle, qui indique que les Égyptiens se complaisent à fabriquer des amulettes à tout propos : « Que dire encore ? Ne font-ils pas des amulettes pour chasser les rats, les punaises, les puces et les moustiques, les scorpions, les tarentules et les serpents45 ? » 2.5. LE ROMAN D’ACHILLE TATIUS. — Du fait que le roman d’Achille Tatius, Leucippè et Clitophon, se déroule en Égypte, on est amené à y évoquer la place du moustique. Le gardien chargé de surveiller Leucippè se nomme en effet Conops « Moustique », ce qui donne à l’auteur l’occasion d’un échange littéraire entre ledit Conops et Satyros46. Une première fable est introduite par Conops — Le lion, Prométhée et l’éléphant » (II, 20,3) — à laquelle répond, de la part de Satyros, la contre-fable Le lion et le moustique (II, 21,5)47. Cette fable, qui a son modèle chez Ésope (Le Moustique et le Lion)48, est probablement d’origine africaine et témoigne de la contribution de cet insecte à la littérature. 3. Le moustique et le phlébotome, responsables de maladies à transmission vectorielle 3.1. Mais cet insecte peut se matérialiser de façon palimpseste grâce aux maladies dont il est un des vecteurs et que révèle l’examen des momies49. On se contentera ici de rappeler que le moustique, en tant que vecteur de maladie, pouvait communiquer dans l’Antiquité comme aujourd’hui, deux maux qui affectuaient gravement la population. Les Anciens attribuaient à la faune des marais des maladies épidémiques50 et il serait peu envisageable que les Égyptiens n’eussent pas fait une corrélation entre les eaux stagnantes, dans lesquelles se développent les nymphes de Culicidae dont les libellules et les demoiselles 45 Histoire Naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, 2 vol. (Collection des Voyageurs en Égypte 20), Le Caire 1979, vol. 1, p. 88 [p. 189]. 46 Marcelle LAPLACE, Le roman d’Achille Tatios: “discours panégyrique” et imaginaire romanesque, Berne 2007, p. 157-162. 47 Cf. Corinne DELHAY, « Achille Tatius fabuliste ? », Pallas 36, no 1 (1990), p. 117-131. Voir la discussion sur cet affrontement Loreto NUÑEZ, « Digressions romanesques chez Achille Tatius. Voix enchâssées comme masques de l’auteur-narrateur », CentoPagine 3 (2009), p. 67-76 : p. 70. 48 Marie MAUZÉ, « Des monstres, des moustiques et des cendres. Les insectes dans la mythologie, les rituels et l’art de la côte Nord-Ouest », Recherches amérindiennes au Québec 47, nos 2-3 (2017), p. 111-121. 49 Les momies révèlent les nombreux maux dont les Égyptiens étaient atteints. Voir une présentation dans Claude CHASTEL, « Quand les momies égyptiennes nous parlent des infections qui les tourmentaient », Histoire des Sciences médicales 38, no 2 (2004), p. 147-155. 50 Jean TRINQUIER, « La hantise de l’invasion pestilentielle : le rôle de la faune des marais dans l’étiologie des maladies épidémiques d’après les sources latines », dans Le médecin initié par l’animal. Animaux et médecine dans l’Antiquité grecque et latine. Actes du colloque international tenu à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée-Jean Pouilloux, les 26 et 27 octobre 2006 (Collection de la Maison de l’Orient méditerranéen ancien. Série littéraire et philosophique 39), Lyon 2008, p. 149-195.

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sont les prédateurs de même que ceux des moustiques adultes51, le pullulement de cet insecte importun et certaines affections comme la malaria (Plasmodium), sans aller jusqu’à la filariose lymphatique ou éléphantiasis52, la première étant une maladie endémique. 3.2. LA FILARIOSE LYMPHATIQUE (ÉLÉPHANTIASIS). — Ainsi le moustique est le vecteur pathogène de l’éléphantiasis qui n’aurait rien à voir avec la maladie du même nom dans l’Antiquité53. Cette maladie, causée par des parasites filaires (nématodes de la famille des Filaridés : majoritairement Wuchereria bancrofti [90% des cas], mais aussi Brugia malayi, Brugia timori), est transmise par des moustiques et contractée jeune54. Le moustique (Anopheles), qui pique un hôte infecté, transmet la maladie. Aucune momie jusqu’à présent n’a fait l’objet d’un test positif à cette maladie, ce qui n’empêche pas pour autant la probabilité que la population antique en ait été affectée. Pour autant l’exemple de la statue de Montouhotep II Nebhépetrê du Caire donnée pour montrer une forme de cette maladie affectant les membres inférieurs doit être réfuté en dépit d’études qui voudraient y voir un témoignage de cette affection55. Nul doute en effet qu’il s’agit d’une convention artistique. 3.3. LA MALARIA. — Les symptômes communs de la malaria, causée par un protozoaire parasite Plasmodium falciparum Welch, 1897, transmis par la salive de l’anophèle, sont l’anémie (dépression [spleen], tachycardie, souffle court), une forte fièvre, des frissons, des nausées et, dans les âges plus avancés, le coma et la mort. Jusqu’à il y a peu, l’observation des conséquences de la malaria en Égypte ancienne était un rêve impossible. Ce n’est qu’à partir de 2000 que plusieurs études de paléomicrobiologie ou de paléoimmunologie ont permis de diagnostiquer avec succès la malaria sur des momies en vue de repérer de l’ADN de P. falciparum56, les premières sur des momies de trois tombes de la Vallée des Nobles57, résultats entérinés plus tard par une étude de 2008 51 Il n’est pas certain que les Égyptiens aient reconnu que les chauves-souris aient joué le rôle de régulateurs de moustiques (voir Clémentine AUDOUIT, « La chauve-souris et ses usages en Égypte ancienne », CdE 91, Fasc. 181 (2016), p. 14-40). Cependant, dans certaines régions, ces chiroptères (notamment les pipistrelles d’Europe) peuvent en consommer jusqu’à 2000 par nuit. 52 Voir John F. NUNN, Ancient Egyptian Medicine, Norman, Okhl. 1996, p. 71 et 73. 53 Jean GASCOU, « L’éléphantiasis en Egypte gréco-romaine (faits, représentations, institutions) », Travaux et Mémoires (Mélanges Jean-Pierre Sodini), 2005, p. 260-285. Pour mémoire : F. RUETTE, Essai sur l’éléphantiasis et les maladies lépreuses, etc. Paris An X (1802). 54 Cette observation date de 1877. 55 Francis E.G. COX, Illustrated History of Tropical Diseases, Londres 1996 ; CHASTEL, « Quand les momies égyptiennes nous parlent », p. 149. 56 Un état de l’art est dressé par Rafaella BIANUCCI et alii, « The identification of malaria in paleopathology. An in-depth assessment of the strategies to detect malaria in ancient remains », Acta Tropica 152 (11 Dec. 2015), p. 176-180. 57 Andreas G. NERLICH et alii, « Anthropological and palaeopathological analysis of the human remains from three “Tombs of the Nobles” of the necropolis of Thebes-west, Upper Egypt », Anthropologisches Anzeiger 58 (2000), p. 321-343. On renverra à la consultation de Lisa

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menées sur d’autres momies58. Les résultats d’une étude de cinquante momies prédynastiques trouvées à Gebelein et appartenant à la collection Marro à Turin ont révélé que 40 % d’entre ces individus souffraient de malaria59. On sait maintenant, grâce à une importante enquête publiée en 2010, que Toutânkhamon est mort des conséquences de la nécrose de l’os de la jambe aggravée par une malaria60, sans oublier que l’ADN de Plasmodium falciparum était également présent chez Touya et Youya61. Qu’un jeune pharaon meure des suites d’une malaria irait dans le sens d’une absence de prophylaxie dans les chambres à coucher royales contre les moustiques. D’ailleurs la documentation d’Amarna, si précise dans le domaine de la vie quotidienne, ne montre aucun lit équipé de moustiquaires bien que le principe de l’hygiène privée y ait été privilégié. Reste à imaginer que les Égyptiens aisés se claquemuraient comme le rappelle Antonius Gonzalès, en 1665-1666 (cf. supra, § 1.5 b) pour se protéger de leurs cruautés. 3.4. LEISHMANIOSE VISCÉRALE HUMAINE. — Si les Égyptiens semblent distinguer moustiques et phlébotomes, il faut admettre que le moustique égyptien d’Hérodode devait regrouper les phlébotomes (famille des Psychodidae), autres minuscules diptères nocturnes et dont les femelles sont également hématophages et qui provoquent différentes maladies virales parasitaires (bartonellose, arbovirose et leishmaniose). Il en existe plusieurs espèces appartenant au genre Phlebotomus Loew, 1845. On leur attribue une forme viscérale de leishmaniose et causée par un protozoaire flagellé parasite — la Leischmania — identifié en 1901. Cette maladie, probablement due à l’espèce Phlebotomus papatasi Scopoli, 178662, est véhiculée par les chiens domestiques ainsi que par les rongeurs et les canidés sauvages. Cette maladie, mortelle dans 95 % SABBAHY, Paleopathology of the Ancient Egyptians: An Annotated Bibliography 1995–2016. Édition mise à jour, Le Caire 2018. Il y a une synthèse des travaux antérieurs dans Albert LALREMRUATA et alii, « Molecular Identification of Falciparum Malaria and Human Tuberculosis Co-Infections in Mummies from the Fayum Depression (Lower Egypt) », Journal Plos One 8, no 4 (2013), p. 1-7. 58 Rossella LORENZI, « Egyptian mummies trace malaria’s roots », ABC Science Friday, 24 October 2008. Cet article fait un compte rendu de Andreas G. NERLICH et alii, « Plasmodium falciparum in Ancient Egypt », Emerging Infectious Diceases 14, no 8 (Aug. 2008), p. 1317-1319. 59 Emma RABINO MASSA, Nicolett CERUTTI, A.M. MARIN & D. SAVOIA, « Malaria in ancient Egypt: paleoimmunological investigations in predynastic mummified remains », Chungara. Revista de Antropologia Chilena 32 (2000), p. 7-9. 60 Zahi HAWASS et alii, « Ancestry and Pathology in King Tutankhamun’s Family », JAMA 303, no 7 (2010), p. 638-647. Voir aussi Jean-François PAYS, « Plasmodium falciparum “toutankhamonensis” », Bull. Soc. Pathol. Exot. 2010, p. 1-4. 61 HAWASS et alii, « Ancestry and Pathology », p. 645, fig. 6. 62 Kevin M. CAHILL, M.I. KORDY, N. GIRGIS, W. ATALLA & A. MOFTY, « Leishmaniasis in Egypt, U.A.R. », Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene 60, no 1 (1966), p. 79-82. Voir aussi, sur Phlebotomus papatasi Scopoli, 1786, Jean Henri RAYNAL, « Les phlébotomes de France et leur distribution régionale », Annales de Parasitologie 19, no 3 (1954), p. 297-323 : p. 314-315. Pour une compréhension du cycle de la leishmaniose, voir Octavie

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des cas, a été attestée en 2003 sur des corps momifiés d’Égypte ancienne et de Nubie63. L’échantillonnage était constitué par sept momies d’époque prédynastique provenant d’Abydos (3500-2800 av. J.-C.), quarante-deux d’une tombe du Moyen Empire à Thèbes-Ouest (2050-1650 av. J.-C.) ainsi que quarante-deux de différents complexes de tombes utilisés entre le Moyen Empire, le Nouvel Empire et la Basse Époque à Thèbes-Ouest (2050-500) — en tout quatre-vingt onze échantillons —, sans compter soixante-dix échantillons de momies chrétiennes provenant de deux localisations du site de Kukubnarti (vers 550-750 et 750-1500 apr. J.-C.). Dans les lots égyptien et nubien, respectivement quatre et neuf (12,9 %) échantillons se sont révélés positifs à la maladie, prouvant que celle-ci était endémique en Nubie. Dans le lot égyptien, les quatre échantillons positifs ne figurent que parmi les quarantedeux du Moyen Empire (9,5 %), tendant à prouver que les personnes avaient contracté la maladie en Nubie, suite à des contacts commerciaux. 3.5. Si l’émergence de maisons-tours dans le Delta à l’époque tardive confirme l’idée que les Égyptiens avaient voulu se prémunir contre les attaques de moustiques sur la base de la lecture d’Hérodote qui en propose une version rurale en matériaux végétaux, confirmée par certaines architectures africaines, on peut être aussi amené à supposer que les Égyptiens ont probablement été alertés contre des maladies dont l’anophète femelle pouvait être le vecteur, la plus importante demeurant la malaria ou paludisme. Certes petit comme le moustique ou même minuscule tel le phlébotome, l’insecte en tant que vecteur était responsable d’une mortalité importante ou du moins d’un taux de morbidité élevé dans la population égyptienne. SOURCES ANCIENNES,

MODERNES, RÉFÉRENCES SECONDAIRES ET SITES WEB

1. SOURCES ANCIENNES ET MODERNES BELON DU MANS Voyage en Égypte de Puerre Belon du Mans 1547 (Collection des Voyageurs en Égypte 1), Le Caire : Ifao, 1970. HÉRODOTE Hérodote, Œuvres complètes. Texte présenté, traduit et annoté par Andrée Barguet, Paris : Gallimard, 1964.

ROSTAND, Place de l’Interleukine-33 dans la réponse immune du foie au cours de la leishmaniose viscérale, Thèse université de Rennes 2013, p. 15-34. 63 Albert R. ZINCK, Bettina SCHRAUT, Mark SPIEGELMAN & Henen D. DONOGHUE, « Leishmaniasis in ancient Egypt and Upper Nubia », Emerging Infectious Diseases 12, no 10 (2006), p. 1616-1617. D’après l’ADN, le parasite a pu être identifié comme Leishmania donovani Laveran et Mesnil, 1903.

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HORACE Quintus Horatius Flaccus, Poëmata. Animadversionibus illustravit Carolus Anthon, 8e éd., Londini : T. Tegg, MDCCCXLIV. PÈRE ANTONIUS GONZALÈS Le voyage en Égypte du Père Antonius Gonzalès 1665-1666, 2 vol. Traduit du néerlandais, présenté et annoté par Charles Libois S.J. (Collection des Voyageurs en Égypte), Le Caire : Ifao, 1977. 2. RÉFÉRENCES SECONDAIRES ARNOLD, Dorothea, « An Egyptian Bestiary », The Metropolitan Museum of Art Bulletin, New Series, 52, no 4, An Egyptian Bestiary (Spring, 1995), p. 1+7-64. AUDOUIT, Clémentine, « La chauve-souris et ses usages en Égypte ancienne », CdE 91, Fasc. 181 (2016), p. 14-40. AUFRÈRE, Sydney H., « La fabrication du papyrus égyptien et son exportation », dans Sydney H. Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal, Croyances phytoreligieuses de l’Égypte ancienne (ERUV) III (OrMonsp 15), Montpellier : PULM, 2005, p. 103-117. ——, « Les ϫⲁⲧϥⲉ (< ég. ḏdf.t) dans tous leurs états d’après les scalistes coptes. Livre des Degrés (chap. VI) et Scala magna (chap. XV). Chordata (Mammalia, Sauropsida et Amphibia), Arthropoda et Nematoda », dans N. Bosson, A. Boud’hors & S.H. Aufrère (éd.), Labor omnia uicit improbus. Miscellanea in honorem Ariel Shisha-Halevy (OLA 256), Louvain : Peeters, 2017, p. 3-92. BADAWY, Ahmed, « Mosquito-Nets in Ancient Egypt », Gazette des Beaux-Arts 1985. BARDINET, Thierry, Les papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, Paris : Fayard, 1995. BARUCQ, André & François DAUMAS, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne (LAPO 10), Paris : Cerf, 1980. BIANUCCI, Rafaella, Adauto ARAUJO, Carsten M. PUSCH & Andreas G. NERLICH, « The identification of malaria in paleopathology. An in-depth assessment of the strategies to detect malaria in ancient remains », Acta Tropica 152 (11 Dec. 2015), p. 176-180. BRATTON, Fred G., A History of Egyptian Archaeology, New York : T. Crowell, 1968. CAHILL, Kevin M., M.I. KORDY, N. GIRGIS, W. ATALLA & A. MOFTY, « Leishmaniasis in Egypt, U.A.R. », Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene 60, no 1 (1966), p. 79-82. CARREZ-MATRATRAY, Jean-Yves, « Les tours et maisons à tours sur la mosaïque de Palestrina », dans Séverine Marchi (éd.), Les maisons-tours en Égypte durant la Basse Époque, les périodes ptolémaïque et romaine, Actes de la table-ronde de Paris Université Paris-Sorbonne (Paris IV) 29-30 novembre 2012 (= NeHeT 2), Septembre 2014, p. 1-8. CHARLWOOD, J. Derek, Joao PINTO, Patrica R. FERRARA & Carla A. SOUSA, « Raised houses reduce mosquito bites », Malaria Journal 2, no 1 (2003), p. 45. CHASTEL, Claude, « Quand les momies égyptiennes nous parlent des infections qui les tourmentaient », Histoire des Sciences médicales 38, no 2 (2004), p. 147-155. COX, Francis E.G., Illustrated History of Tropical Diseases, Londres : The Welcome Trust, 1996. DELHAY, Corinne, « Achille Tatius fabuliste ? », Pallas, 36, no 1 (1990), p. 117-131. DULIÈRE, Walter L., « Protection permanente contre les animaux nuisibles assurée par Apollonius de Tyane dans Byzance et Antioche. Évolution de son mythe », ByzZeit 63/2 (1971), p. 247-277.

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L’UTILISATION DES INSECTES DANS LA PHARMACOPÉE DE L’ÉGYPTE GRÉCO-ROMAINE Marie-Hélène MARGANNE

Découverts en Égypte, où le climat sec a assuré leur conservation, les papyrus littéraires grecs de médecine datent, grosso modo, des IVe / IIIe siècles avant notre ère aux VIIe / VIIIe siècles de notre ère, c’est-à-dire de la période qui s’étend de l’installation en Égypte de nombreux Grecs, suite à l’annexion du pays par Alexandre le Grand, en 332 avant notre ère, jusqu’à la conquête arabe, en 641 de notre ère. Ces papyrus, dont environ 330 ont été recensés à ce jour, comprennent des restes de livres de médecine, de brouillons ou d’extraits de ceux-ci, des recueils de prescriptions et des recettes isolées, ainsi que des textes en rapport avec l’apprentissage de la médecine, tels que des questionnaires et des recueils de définitions. Parmi ces papyrus, plus de la moitié contiennent des prescriptions médicales variées : potions, poudres, collyres, cataplasmes, suppositoires, onguents, emplâtres, pilules, pessaires, électuaires, collutoires, sternutatoires, aphrodisiaques, dentifrices, à base de produits minéraux, végétaux et animaux. Celles-ci sont destinées à soigner toutes sortes d’affections : maladies des yeux, de la peau, des reins, affections gynécologiques, blessures et plaies variées, strangurie, énurésie, constipation, dysenterie, maux de tête, écoulement d’humeurs, douleurs, inflammations, ulcérations, chutes de cheveux, polypes, affections hépatiques, insomnies, etc. Ces prescriptions médicales recourent-elles à des insectes et, si tel est le cas, à quelle(s) variété(s), en raison de quelle(s) propriété(s) et pour quel(s) type(s) d’affections ? C’est à ces questions que l’on va tenter de répondre, en complétant le témoignage des sources papyrologiques par celui des sources littéraires grecques et latines sur la pharmacopée de l’Égypte gréco-romaine. Dans l’état actuel du dossier, parmi les produits animaux utilisés dans les recettes transmises sur papyrus, on ne trouve qu’une seule catégorie d’insectes : les cantharides, dont le nom (ἡ κανθαρίς, -ίδος) est attesté dans trois témoins. En voici les notices, telles qu’elles se présentent dans le Catalogue des papyrus littéraires grecs et latins informatisé du Centre de Documentation de Papyrologie Littéraire (CEDOPAL) de l’Université de Liège1 : 1 Dans le texte et les notes, l’abréviation MP3 ou Mertens-Pack3 désigne la 3e édition, mise à jour en permanence par nos soins, du Catalogue des papyrus littéraires grecs et latins, accessible sur le site web du CEDOPAL, à l’adresse http://cipl93.philo.ulg.ac.be/Cedopal/MP3/dbsearch. aspx. Ses deux premières éditions avaient été réalisées par Roger A. Pack : voir R.A. PACK, The Greek and Latin Literary Texts from Greco-Roman Egypt. Second Revised and Enlarged Edition,

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M.-H. MARGANNE

Prescriptions médicales P. Oxy. 8.1088 (P. Lit.Lond. 168 = Brit.Libr. inv. 2055)

Oxyrhynchus Iin. ↓ (→ 1173, tête-bêche par rapport à l’autre face) Dim. : 410 × 232 Bibl. : A. Körte, APF 6 (1913) 202-3; F.E. Kind, JAW 180 (1919) 67 ; Oldfather 824 ; J. Lundon, Testi medici su papiro 119-130 ; McNamee, Abbr. ; Pr. med. 91-92 ; Marganne 134 ; Andorlini 109 Reprod. (partim) : Testi medici su papiro, pl. V Photographie à Liège

2410.101 Deux prescriptions médicales P. Oxy. 80.5249 Oxyrhynchus III → (↓ 2410.102) Dim. : 51 × 40 Cit. : Amoitas Reprod. : éd., pl. II 2421

Réceptaire PSI 10.1180

ed. alt. (fr. A-B) et ed. pr. (fr. C-Q) : I. Andorlini, Testi medici su papiro, 81-118 Tebtynis Iex./IIin. (Andorlini; I P. Degni, dans Mostra2 ; II ed. pr.) Dim. du fr. A : 240 × 205 Bibl.: A. Körte, APF 13 (1939) 128 ; E. Paparcone, Bull. Soc. Opht. Paris (1932) 274-7 ; L.C. Youtie, Misc. Roca-Puig (Barcelone, 1987) 341-2 ; G.O. Hutchinson, CQ 59 (2009) 196-211 ; Pr. med. 94 et 100 ; Marganne 164 ; Andorlini 116 ; Mostra1 293 ; Mostra2 10 ; SB 28.17134 Reprod.: Mostra2, pl. VIII-IX ; ed. alt. (partim) ; CD PLBML ; PSI Online Photographie à Liège

Le substantif féminin κανθαρίς, -ίδος est dérivé du substantif masculin κάνθαρος, -ου, qui désigne le scarabée, mais aussi, par analogie de forme, une coupe à boire, une sorte de bateau, une variété de poisson et un bijou. Le dérivé κανθαρίς s’applique à une autre sorte d’insecte que le scarabée2, la cantharide ou mouche d’Espagne, dont il existe de nombreuses variétés, souvent confondues dans l’antiquité3, comme l’étaient les cantharides et les buprestes. Ces coléoptères, qui appartiennent à la famille des méloés ou méloïdes ou méloïdés, Ann Arbor 1965. Pour les abréviations papyrologiques, on se référera à la Checklist of Editions of Greek, Latin, Demotic and Coptic Papyri, Ostraca and Tablets, accessible sur le site web Papyri.info : http://papyri.info/docs/checklist. Dans les notices MP3, in. indique le début (ineunte) et ex. la fin (exeunte) d’un siècle ; précisant les notions de recto et de verso, les flèches → et ↓ indiquent le sens des fibres du papyrus. 2 Pierre CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, e 2 éd., avec supplément, Paris 2009, p. 491-492, s. v. κάνθαρος ; Robert BEEKES & Lucien VAN BEEK, Etymological Dictionary of Greek, vol. 1, Leyde – Boston 2010, p. 634-635, s. v. κάνθαρος. 3 Hans GOSSEN, art. « Käfer », RealEnc X/2 (1919), col. 1478-1489 : col. 1482-1483 (no 6), et RealEnc Suppl. VIII (1956), col. 235-242 ; Luis GIL FERNANDEZ, Nombres de insectos en griego antiguo, Madrid 1959, p. 65 ; Malcolm DAVIES & Jeyaraney KATHIRITHAMBY, Greek

INSECTES DANS LA PHARMACOPÉE

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sécrètent une substance toxique dénommée cantharidine, utilisée comme moyen de défense contre les prédateurs. Dotée de propriétés vésicantes connues depuis l’antiquité, elle a été exploitée sans discontinuer en dermatologie, où elle entre dans la composition de topiques cutanés4. Lorsqu’elle est ingérée en potion, la cantharidine provoque des inflammations des voies urinaires et des hémorragies qui peuvent entraîner un arrêt cardiaque en cas de surdosage. Si l’on classe les papyrus attestant l’utilisation de cantharides dans des recettes pharmaceutiques par ordre chronologique, le plus ancien est le P. Oxy. 8.1088 (P. Lit. Lond. 168 = Brit. Libr. inv. 2055v = MP3 2409)5, daté du début du Ier siècle de notre ère. Comme son nom l’indique, il provient d’Oxyrhynque, localité de la Moyenne-Égypte ayant livré des centaines de milliers de papyrus, grecs pour la plupart6, et a été écrit, tête-bêche, au verso (↓) d’un rouleau contenant un commentaire au deuxième chant de l’Iliade (P. Oxy. 8.1086 = P. Lit. Lond. 176 = Brit. Libr. inv. 2055r = MP3 1173, 1re moitié du Ier siècle avant notre ère)7. Mesurant 41 cm de large sur 23,2 cm de haut, il conserve Insects, Londres 1986, p. 92-94 ; Ian C. BEAVIS, Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity, Exeter 1988, p. 168-173 (no 33). 4 Voir, par exemple, Alexandre LABOULDÈNE & A. GUBLER, art. « cantharides », dans Amédée Dechambre, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales XII (Paris 1874), p. 196-240. — Pierre Koemoth, que nous avons consulté (message électronique du 25/08/2015) et que nous remercions vivement pour ses précieuses informations, nous a signalé que « F(rançois) DORVAULT, L’officine, 21e édition, Paris 1982, p. 246-247, s. v. cantharides et cantharidines, le célèbre Dorvault des pharmaciens français, publié depuis 1844 et qui réunit les informations chimiques, pharmacologiques et toxicologiques de tous les principes actifs utilisés en France, précise que la cantharidine, encore décrite dans le Codex 1937, en a disparu dans l’édition 1949, tandis que son usage est soumis à exonération, et autorisé en topique seulement ». 5 Le papyrus a été édité par Arthur S. HUNT, The Oxyrhynchus Papyri, vol. 8, Londres 1911, p. 110-115, décrit par Herbert J.M. MILNE, Catalogue of the Literary Papyri in the British Museum, Londres 1927, p. 135, no 168, et commenté par Alfred KÖRTE, APF 6 (1913), p. 202-203 (no 505) ; Friedrich Ernst KIND, « Bericht über die Literatur zur antiken Medizin », JAW 180 (1919), p. 41-61 : p. 67, et, plus récemment, par John W.R. LUNDON, « POxy VIII 1088: problemi e proposte », dans I. Andorlini (éd.), Testi medici su papiro. Atti del Seminario di studio (Firenze, 3-4 giugno 2002), Florence 2004, p. 119-130 et pl. V (reproduction partielle : col. I, 8-13 ; II, 38-43 ; III, 68-69). Voir aussi Kathleen MCNAMEE, Abbreviations in Greek Literary Papyri and Ostraca (BASP Suppl. 3), Chico 1981, p. 108-109 et passim. 6 Pour de plus amples renseignements sur Oxyrhynque, voir Peter J. PARSONS, City of the Sharp-Nosed Fish. Greek Lives in Roman Egypt, Londres 2007, traduit en français par A. Zavriew sous le titre La cité du poisson au nez pointu. Les trésors d’une ville gréco-romaine au bord du Nil, Paris 2009 ; Alan K. BOWMAN, Revel A. COLES, Nikolaos GONIS, Dirk OBBINK & Peter J. PARSONS (éd.), Oxyrhynchus. A City and its Texts (GRM 93), Londres 2007, ainsi que le site des “POxy – Oxyrhynchus Online!”, à l’adresse http://www.papyrology.ox.ac.uk/POxy/. 7 En voici la notice, telle qu’elle se présente dans le Catalogue des papyrus littéraires grecs et latins du CEDOPAL, sous le no 1173 : P.Oxy. 8.1086 (P.Lit.Lond. 176 = Brit.Libr. inv. 2055), Homerica, Commentaire à Ilias II 751-827, , Oxyrhynchus, 1e moitié Ia (Lundon; Ia éd.), → (↓ 2409) ; même main que 1161.13 (P.Oxy. 65.4451), mais rouleaux différents. Dim. : 410 × 232. Cit.: Alcaeus, 48 Lobel (Lobel-Page, PLF, p. 266 = 329 Voigt) ; Aristarchus ; Homerus, Odyssea XI 164-203 ; Pindarus, fr. 92 Schroeder (23 Galiano) ; Praxiphanes (< Mitylene), De poetis (?). Bibl. : Collart, Il., Pap. c ; APF 6.252 ; G. Fischetti, Ἐπιστ. Ἐπετ. Φιλοσ. Σχολ. Πανεπ. Ἀθηνῶν

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trois colonnes (col. I : 23 lignes ; col. II : 24 lignes ; col. III : 22 lignes), ainsi que quelques traces des lettres initiales des lignes d’une quatrième, appartenant à un réceptaire anonyme dont on possède les quinze premières recettes, soigneusement délimitées par divers procédés (paragraphos, indentation, ekthesis de la première ligne, espaces blancs, etc.) en vue de faciliter l’utilisation du recueil. Joints au caractère cursif de l’écriture, aux nombreuses abréviations utilisées et au réemploi du support, ils montrent que l’on a affaire à une copie, non pas de bibliothèque, mais personnelle, probablement à l’usage d’un praticien. Parmi les recettes destinées à traiter des affections variées des yeux, de la peau, du nez, du foie, des fièvres, l’insomnie, etc., celle qui nous intéresse est la troisième (col. I, 14-18), qui donne la composition d’un topique contre la « lèpre » (λεπρική, épithète de ἔμπλαστρος, « emplâtre », sous-entendu), dermatose qui ne correspond pas à l’affection que nous désignons aujourd’hui sous ce nom8 : λεπρικ`ή´· {α}κανθαρίδ(ων) (δραχμὴ) α, ἄμι, εὐζώμου σπέρμα(τος), παραιθου, μελανθίου, σινάπε(ως), καρδάμου, πίσσης ὑγρᾶς. Χρῶι τοῖς τόποις. Pour la lèpre : cantharides, une drachme, ami, graine de roquette, (pyrèthre ?)9, 19 (1968-69) 231-72 ; Erbse, vol. I, Pap. II ; J. Irigoin, Annuaire EPHE (1971/2) 181 ; GMAW 98 ; Del Fabbro 40 ; A.L. Nardi, SCO 26 (1977) 133-55 ; McNamee, Abbr. ; M.W. Haslam, CP 89 (1994) 1-45 ; CPF I 1***, 86, 2T ; J. Lundon, AnPap 10/11 (1998/9) 17-32 ; Id., Actes XXII C.I.P. (Florence, 2001) 827-39. Reprod. : Erbse, pl. I ; GMAW, pl. 58 ; CPF IV 2, pl. 160. Photographie à Liège. 8 L’adjectif λεπρική utilisé ici ne renvoie sans doute pas à la lèpre, le plus souvent désignée par le substantif ἐλεφαντίασις, mais bien à une dermatose caractérisée par une desquamation de la peau qu’il est malaisé d’identifier : voir Mirko D. GRMEK, Les maladies à l’aube de la civilisation occidentale, Paris 1983, p. 244-255 ; Idem, « La dénomination latine des maladies considérées comme nouvelles par les auteurs antiques », dans G. Sabbah (éd.), Le latin médical. La constitution d’un langage scientifique. Réalités et langage de la médecine dans le monde romain. Actes du IIIe Colloque international « Textes médicaux latins antiques » (Saint-Étienne, 11-13 septembre 1989) (MCJ-P 10), Saint-Étienne 1991, p. 195-214 : p. 206 ; Jean GASCOU, « L’éléphantiasis en Égypte gréco-romaine (faits, représentations, institutions) », dans Fr. Baratte, V. Déroche, C. Jolivet-Lévy & B. Pitarakis (éd.), Mélanges Jean-Pierre Sodini (Travaux et Mémoires 15), Paris 2005, p. 261-285. 9 Inconnu par ailleurs, le mot παραιθου est sans doute mal orthographié. Dans une note à la ligne 15, HUNT, op. cit., p. 114, se demande s’il ne s’agit pas de πυρέθρου, qui désigne le pyrèthre, hypothèse dont se font l’écho Vittorino GAZZA, « Prescrizioni mediche nei papiri dell’Egitto greco-romano, II », Aegyptus 36 (1956), p. 94-95, et Jean-Luc FOURNET, « La bibliothèque d’un médecin ou d’un apothicaire de Lycopolis ? », dans I. Andorlini (éd.), Testi medici su papiro. Atti del Seminario di studio (Firenze, 3-4 giugno 2002), Florence 2004, p. 183, n. 20. De fait, Jacques ANDRÉ, Les noms de plantes dans la Rome antique, Paris 1985, p. 212, s. v. pyrethrum (identifié au pyrèthre d’Afrique, racine salivaire, Anacyclus pyrethrum DC. = Anthemis pyrethrum L.), relève qu’ « appliquée sur la peau, la racine agit comme un rubéfiant, provoquant même des ulcérations ». On pourrait également songer à παρθενίου désignant entre autres la pariétaire, dont le nom est notamment attesté chez Hippocrate, Des Plaies 14, 3. Pour son

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nigelle, moutarde, cresson, poix liquide. Utilisez localement.

Le deuxième papyrus attestant l’utilisation de cantharides dans des recettes pharmaceutiques est le PSI 10.1180 (MP3 2421) 10. Il provient de l’archive des prêtres du temple de Soknebtynis (le dieu Sobek ou Soukhos, seigneur de Tebtynis), à Tebtynis, localité située au sud du Fayoum, et date de la fin du Ier ou du début du IIe siècle de notre ère. Il comprend quinze fragments d’un rouleau de papyrus écrit seulement au recto (→). Ceux-ci conservent les restes d’un réceptaire dont les prescriptions sont séparées par des paragraphoi ou par des traits obliques doubles en vue de faciliter l’utilisation du recueil. L’écriture informelle, de caractère peu homogène, les nombreuses abréviations utilisées et le caractère peu soigné de l’ensemble, sont des indices d’une copie personnelle effectuée en vue d’une utilisation pratique. Les recettes relèvent surtout de dermatologie, mais aussi de cosmétologie (par exemple, col. II, 24-26) et d’ophtalmologie. Deux d’entre elles recommandent l’utilisation de cantharides pour des affections cutanées. La première (fr. A, col. II, 27-28) est destinée à traiter des lichens probablement malins : Πρὸς λιχ[ῆν]ας α..[….]· χαλκάνθ(ου) (δραχμὰς) δ, [καν-] θαρίδ(ων) (δραχμὰς) κ, ἀναλαβ(ὼν) ῥητίνῃ λεί[ᾳ] χρ(ῶ)· 27. Il faut probablement restituer ἀ[γρίους], comme dans la recette du fr. A, col. III, 1. Pour des lichens (malins ?) : vitriol 11, 4 drachmes, cantharides, 20 drachmes. Après avoir confectionné avec de la résine fine, utilisez. identification, voir ANDRÉ, op. cit., p. 189, s. v. parthenium. Une autre solution serait, sous une graphie très corrompue, πύρου θου, « soufre natif », fréquemment recommandé dans les topiques. 10 Le papyrus a été édité par Girolamo VITELLI, Papiri Greci e Latini, vol. 10, Florence 1932, p. 165-168 (fragments A-B, édités en partie), et par Isabella ANDORLINI, « Un ricettario da Tebtynis: parti inedite di PSI 1180 », dans Eadem (éd.), Testi medici su papiro. Atti del Seminario di studio (Firenze, 3-4 giugno 2002), Florence 2004, p. 81-118 (fr. C-Q) et pl. II-IV, qui a également réédité les fr. A-B édités partiellement par G. Vitelli, et, récemment, par Andrea JÖRDENS et alii, Sammelbuch griechischer Urkunden aus Ägypten, vol. 28, Wiesbaden 2013, p. 229-245, no 17134. Il a été commenté par Alfred KÖRTE, « Literarische Texte mit Ausschluss der christlichen », APF 13 (1939), p. 78-132 : p. 128, no 917 ; E. PAPARCONE, « Antiche ricette oftalmiche », BSOP 1932, p. 274-277 ; Louise Canberg YOUTIE, « ΚΑΙ ΒΑΠΤΙΤΑ ΒΛΕΦΑΡΑ », dans S. Janeras (éd.), Miscel.lània Papirològica Ramon Roca-Puig en el seu vuitantè aniversari, Barcelone 1987, p. 341-342 ; Paola DEGNI, dans G. Cavallo, E. Crisci, G. Messeri & R. Pintaudi (éd.), Scrivere libri e documenti nel mondo antico. Mostra di papiri della Biblioteca Medicea Laurenziana, Firenze, 25 agosto - 25 settembre 1998, Florence 1998, p. 91-92 et pl. VIII-IX ; Gregory O. HUTCHINSON, « Read the Instructions: Didactic Poetry and Didactic Prose », ClassQuart 59 (2009), p. 196-211 : p. 209 ; une image digitale, accompagnée d’une notice descriptive, est accessible à l’adresse http://www.psi-online.it/documents/psi;10;1180. 11 Selon Robert HALLEUX, Les alchimistes grecs. I : Papyrus de Leyde. Papyrus de Stockholm. Fragments de recettes, Paris 1981, p. 233, χάλκανθος, vitriol, désigne le sulfate de fer et le sulfate de cuivre.

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Assez lacunaire, la suite du texte donne une version plus énergique de la recette, qui ne contient plus de cantharides. Mieux conservée et plus complexe, la seconde recette à base de cantharides conservée dans le papyrus (fr. A, col. III, 1-7) est recommandée pour des lichens, comme la première : Πρὸς λιχῆνας ἀγρίους ..λλου μαγιρική· καρδάμου, σινάπεος, εὐζώμου σπέρμ(ατος), σκόρδο(υ), νίτρου, κανθαρίδ(ων) ἴσα τρίψας μετ’ὄξους προκατα[σ]χάσας χιαστῶς τὸν λιχῆνα προεζμησάμενον κατάχριε καὶ ἔξωθεν γῦριν· ἐπάνω δὲ το[ῦ] φαρμάκου χαρτάριον ἐπίθες. 1. Il faut probablement restituer [Γά]λλου ; lire μαγειρική. 5. Lire προσμησάμενον. Pour des lichens malins, (remède) de cuisine de (Gallus ?) : après avoir broyé des quantités égales de cresson, moutarde, graine de roquette, ail, natron, cantharides, avec du vinaigre, et, après avoir d’abord incisé en chi le lichen préalablement nettoyé, pratiquez l’onction et, à l’extérieur, (mettez) de la fleur de farine ; au-dessus du médicament, appliquez un feuillet de papyrus.

Qualifiée de remède « de cuisine » (1 : μαγιρική) en raison de la nature de la plupart de ses ingrédients, effectivement utilisés dans la préparation des repas, comme le cresson (2 : καρδάμου), la moutarde (σινάπεος), la roquette (εὐζώμου), l’ail (3 : σκόρδο(υ)), le vinaigre (4 : ὄξους) et la fleur de farine (6 : γῦριν), la recette est attribuée à un personnage dont les quatre dernières lettres du nom sont λλου, et dont les deux premières sont illisibles. Si la restitution [Γά]λλου est exacte, la recette peut être datée de l’époque augustéenne, car le Gallus dont il est question semble bien être Aelius Gallus, préfet d’Égypte de 26 à 25 ou 24 avant notre ère12, qui succéda à Cornelius Gallus, le premier préfet du Pays du Nil désigné par Octave. C’est lorsqu’Aelius Gallus était en fonction que Strabon, un de ses amis, remonta le Nil avec lui jusqu’à la frontière éthiopienne. Dans ses traités de pharmacologie, Galien (129 – vers 216), citant ses sources, à savoir Asclépiade le Jeune ou Pharmakion et Andromachos le Jeune, tous deux actifs dans le dernier quart du Ier siècle de notre ère, lui

12 La datation du mandat d’Aelius Gallus et celle du voyage de Strabon en Égypte sont loin de faire l’unanimité : à ce propos, voir notamment Andrea JÖRDENS, Statthalterliche Verwaltung in der römischen Kaiserzeit. Studien zum praefectus Aegypti, Stuttgart 2009, p. 403, n. 18 (expédition en Arabie heureuse) et 528 (liste des préfets), ainsi que les commentaires de Jean YOYOTTE, Pascal CHARVET & Stéphane GOMPERTZ, Strabon. Le voyage en Égypte. Un regard romain, Paris 1997, p. 18 ; Benoît LAUDENBACH, Strabon. Géographie. Tome XIV. Livre XVII, 1re partie. L’Égypte et l’Éthiopie nilotique (CUF), Paris 2015, p. X-XVII.

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attribue plusieurs recettes13 tirées d’un réceptaire qu’il paraît avoir publié à son retour de la campagne désastreuse en Arabie heureuse (Yémen), en 25 ou 24 av. J.-C.14. Avec Galien, le PSI 10.1180 fournirait le seul autre témoignage écrit de l’œuvre pharmacologique du deuxième préfet d’Égypte, ce qui n’a rien d’étonnant, eu égard à ses liens avec le pays. Si tel est le cas, on a affaire ici à une médecine de cour, puisque l’auteur de la recette est un des plus hauts personnages de l’empire. Dans le PSI 10.1180, l’utilisation de produits typiquement égyptiens comme le papyrus calciné (fr. A, col. II, 11 : παπύρου κεκαυμ(ένης)) dans un remède contre des « lèpres », de la batrachitis (fr. A, col. III, 9 : βατραχίτιδο(ς)), — minéral exclusivement extrait de la région de Coptos, en Haute-Égypte, selon Pline15 —, dans un topique contre l’alopécie, du « vin égyptien » (fr. A, col. III, 14-15 : οἴνου Αἰ|γυπτίου)16 dans un trochisque au doruknion, — végétal mal identifié17 —, pour traiter les herpès, et de la « fiente d’ibis » (fr. A, col. III, 21 : ἴβ[ιος] κόπρον) dans une autre prescription, a suggéré à certains commentateurs que l’origine des recettes pourrait bien être égyptienne, de même que le recours à des cantharides18. Cette question sera discutée plus loin. Le troisième et dernier papyrus évoquant la présence de cantharides dans une recette est le P. Oxy. 80.5249 (MP3 2410.101), édité très récemment19. 13 Andromachos apud Galien, De compos. medic. sec. loc. III, 1 (XII, 625, 2 Kühn : ἐκ τῶν Γάλλου, et 13-14) ; Galien, De compos. medic. sec. loc. IV, 8 (XII, 738, 8 et 784, 12) ; Andromachos apud Galien, De compos. medic. sec. loc. VII, 2 (XIII, 28, 10 : ἐκ τῶν Γάλλου, et 29, 9) ; 4 (XIII, 77, 13) : ἐκ τῶν Γάλλου ; VIII, 2 (XIII, 138, 7) et 7 (202, 15) : ἐκ τῶν Γάλλου ; IX, 6 (XIII, 310, 10) ; Andromachos apud Galien, De compos. medic. per gen., II, 2 (XIII, 472, 16) ; 20 (550, 10) ; 22 (556, 5) ; V, 13 (838, 13) ; Galien, De antidotis II, 1 (XIV, 114, 4) ; 10 (158, 5 et 13 ; 159, 4 ; 161, 4 et 13 ; 170, 19). 14 Galien, De antidotis II, 14 (XIV, 189, 9-12 : ταύτην Γάλλος παραγενόμενος ἐκ τῆς Ἀραβίας ἔδωκε Καίσαρι, πολλοὺς τῶν συστρατευσαμένων αὐτῷ πληγέντας ἀπό τε λυσσοδήκτων καὶ σκορπίων, καὶ φαλαγγίων, καὶ τῶν ἄλλων ἑρπετῶν διασώσας ; Héras apud Galien, op. cit. 2, 17 (XIV, 203, 5-7) : ταύτην τὴν δύναμιν Γάλλος ἐκ τῆς Ἀραβίας παραγενόμενος Καίσαρι ἔδωκε, πολλοὺς αὐτῇ τῶν συστρατευσάμενων διασώσας. Sur Aelius Gallus, auteur d’un réceptaire, voir Max WELLMANN, art. « Aelius (59) Gallus », RealEnc I / 1 (1893), col. 493 ; Cajus FABRICIUS, Galens Exzerpte aus älteren Pharmakologen (Ars Medica II, 2), Berlin – New York 1972, p. 225, 241, 244-245. 15 Pline, Nat. 37, 149. 16 Sur le vin égyptien, voir Marie-Hélène MARGANNE, « De l’alimentation à la médecine : l’utilisation du vin dans les papyrus littéraires grecs et latins relatifs à la cuisine et à la médecine », à paraître dans les Actes de Des grains et du vin dans l’Antiquité : entre aliments et médicaments. Journée d’étude organisée le 17 mai 2013 à la Maison de la Recherche (28, rue Serpente, 75006 Paris). 17 Jacques ANDRÉ, Les noms de plantes dans la Rome antique, Paris 1985, p. 90, s. v. dorycnion, l’identifie, soit au liseron à feuille d’olivier (Convolvulus oleaefolius Desr.), soit à la pomme épineuse (Datura stramonium L. 1753), soit à Withania somnifera Dunal 1852. 18 ANDORLINI, « Un ricettario da Tebtynis » (cité plus haut), p. 91, 109, 113, et, pour les cantharides, p. 110 : « tra le cure è famosa quella astringente e scarifiante a base di ‘solfato di rame’ e di ‘cantàridi’ (forse un’invenzione dei medici egiziani?) ». 19 Marguerite HIRT, Recipes, dans M. Hirt, D. Leith, W.B. Henry (et alii), The Oxyrhynchus Papyri. Volume LXXX (GRM 101), Londres 2014, p. 146-148 et pl. II.

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Provenant d’Oxyrhynque, comme le premier témoin évoqué ci-dessus, il est daté paléographiquement du IIIe siècle. Déchiré à gauche, à droite et en bas, il mesure 5,1 cm de large sur 4 cm de haut et contient, au recto (→), les restes de 7 lignes écrites par une main cursive. Celles-ci correspondent à deux recettes séparées par une paragraphos. De la première, qui nous intéresse ici, il ne reste que les deux dernières lignes. Le début devait être contenu à la fin de la colonne précédente, qui est perdue. La deuxième (3-7), attribuée au médecin Amoitas, inconnu par ailleurs, donne la composition d’un bain oculaire. Le verso (↓) du papyrus a été utilisé ultérieurement pour noter une recette d’emplâtre, écrite toutefois par une autre main que celle du recto (P. Oxy. 80.5250 = MP3 2410.102, IIIe siècle)20. Voici ce qui reste de la première recette du recto : κανθαρίδων θώρακι.[ πίσσαν ὑγράν. tronc de cantharides [ poix liquide. Comparaison des quatre recettes à base de cantharides transmises sur papyrus Papyrus Titre Indication thérapeutique Composition

Mode d’utilisation Papyrus

P. Oxy. 8.1088

PSI 10.1180 (1)

λεπρικ`ή´

Πρὸς λιχ[ῆν]ας α..[….]

{α}κανθαρίδ(ων) ἄμι εὐζώμου σπέρμα(τος) παραιθου μελανθίου σινάπε(ως) καρδάμου

[καν]|θαρίδ(ων)

πίσσης ὑγρᾶς

ῥητίνῃ λεί[ᾳ] χαλκάνθ(ου)

Χρῶι τοῖς τόποις

χρ(ῶ)

PSI 10.1180 (2)

Titre

..λλου μαγιρική

Indication thérapeutique

Πρὸς λιχῆνας ἀγρίους

P. Oxy. 80.5249

20 En voici la notice, telle qu’elle se présente dans le Catalogue des papyrus littéraires grecs et latins du CEDOPAL, sous le no 2410.102 : P.Oxy. 80.5250, prescription médicale, , Oxyrhynchus, III, ↓ (® (2410.101). Dim. : 51 × 40. Cit. : Heraclides. Reprod. : éd., pl. II.

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Papyrus Composition

PSI 10.1180 (2) κανθαρίδ(ων)

P. Oxy. 80.5249 κανθαρίδων θώρακι

εὐζώμου σπέρμ(ατος) σινάπεος καρδάμου σκόρδο(υ) νίτρου ὄξους γῦριν Mode d’utilisation

πίσσαν ὑγράν

κατάχριε (+ χαρτάριον)

Comme le montre le tableau comparatif, les cantharides et la poix liquide de la recette du P. Oxy. 80.5249 sont également attestées dans le topique contre la lèpre du P. Oxy. 8.1088. D’un autre côté, si on substitue la résine fine à la poix liquide et si on ajoute du vitriol, ce qui reste de la première recette du P. Oxy. 80.5249 pourrait correspondre au premier emplâtre contre les lichens du PSI 10.1180, en sorte qu’elle serait, comme lui, un topique cutané. Si l’on synthétise les données fournies par les trois papyrus grecs mentionnant l’utilisation de cantharides dans des recettes pharmaceutiques, on relève qu’ils proviennent de deux sites égyptiens ayant livré de nombreux papyrus médicaux : Oxyrhynchus et Tebtynis. Tous les trois sont datés de l’époque romaine, entre le début du Ier siècle et le IIIe siècle de notre ère, et tous les trois transmettent des recettes de topiques pour des affections cutanées : « lèpre » et lichens. En recourant aux cantharides, se font-ils l’écho d’une spécificité égyptienne ? La réponse doit être nuancée, pour deux raisons. La première est relative à l’utilisation ancienne des cantharides par les médecins grecs. De fait, les plus anciens écrits médicaux grecs que l’on ait conservés, — ceux de la collection hippocratique —, en font mention à plusieurs reprises dans des recettes. Tel est le remède carien (τὸ Καρικόν), aux propriétés mordantes, recommandé par le traité hippocratique Des plaies (Ve / IVe siècle avant notre ère)21 : en plus d’une cantharide, il se compose d’ellébore noir, de réalgar, d’écaille de cuivre, de plomb calciné avec beaucoup de soufre, et d’orpiment délayé avec de l’huile de cèdre. On l’utilise en onction ou sec, à saupoudrer sur la plaie22. Comme le remarque Jacques Jouanna dans son ouvrage sur JOUANNA, Hippocrate, Paris 1992, p. 553. Hippocrate, Des Plaies 16 (p. 64-65 Duminil) : ἢν βούλῃ ὑγρῷ χρῆσθαι, καὶ τὸ Καρικὸν φάρμακον ἐπαλείφειν, ἐπιδεῖν δὲ ὥσπερ τὰ πρότερα γέγραπται κατὰ τὸν αὐτὸν τρόπον. Ἐστὶ 21 22

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Hippocrate, il ne faut pas s’étonner de la provenance du médicament, — dont, entre parenthèses, on ne connaît aucune autre attestation du nom dans les écrits médicaux grecs et latins23 —, étant donné que « la Carie est le berceau de la famille des Asclépiades de Cos et de Cnide »24. Les cantharides entrent également dans la composition d’une potion diurétique destinée à un hydropique répertoriée dans l’Appendice du Régime des maladies aiguës (fin du Ve siècle)25. Galien prouve l’utilisation prolongée de ce remède jusqu’à son époque lorsqu’il rapporte les accidents fatals survenus à deux patients lors de son administration par un de ses collègues. Pourtant, ajoute-t-il, certains hydropiques utilisent sans inconvénient un remède diurétique préparé à base de cantharides26. Une potion de composition plus simple, où l’on fait macérer des cantharides pilées sans les ailes et la tête (ce qui correspond au tronc mentionné dans le P. Oxy. 80.5249, l. 1 : θώρακι), dans du vin blanc, avec un peu de miel, est également recommandée en cas d’ictère (ἴκτερος) dans le traité Des affections internes (vers 400-390)27. Ce sont toutefois les traités gynécologiques Maladies des femmes δὲ ἐκ τῶνδε τὸ φάρμακον ποιεύμενον· ἐλλεβόρου μέλανος, σανδαράχης, λεπίδος, μολίβου κεκαυμένου σὺν πολλῷ θείῳ, ἀρρενικοῦ, κανθαρίδος· τούτῳ, ὁποίῳ δοκεῖ συντεθέντι χρῆσθαι· ἡ δὲ δίεσις κεδρίνῳ ἐλαίῳ· ἐπειδὰν δὲ ἅλις ἔχῃ ἐπαλείφοντι, ἐκβάλλειν τὸ φάρμακον, ἐπιπάσσων ἄρον ἑφθὸν λεῖον ἢ τρίβων ξηρὸν τῷ μέλιτι δεύων· καὶ ἢν ξηρῷ χρῇ τῷ Καρικῷ τούτῳ, χρὴ ἀφιστάναι τὸ φάρμακον ἐπιπλάσσων. Ποιεῖ δὲ τὸ ξηρὸν ἀπὸ τοῦ ἐλλεβόρου μόνον καὶ τῆς σανδαράχης. 23 Voir l’explication de l’expression par Galien, Linguarum seu dictionum exoletarum Hippocratis explicatio (XIX, 108, 7-8 Kühn) : Καρικόν τι ἔδεσμα οὕτως ὀνομάζει, οὗ καὶ τὴν σκευασίαν ἐν τῷ Περὶ ἑλκῶν γράφει. 24 JOUANNA, Hippocrate, p. 553 ; voir aussi p. 24, 75 et 82. Son explication de l’origine du nom du remède carien a échappé à Laurence M.V. TOTELIN, Hippocratic Recipes. Oral and Written Transmission of Pharmacological Knowledge in Fifth- and Fourth-Century Greece (SAM 34), Leyde – Boston 2009, p. 178. 25 Hippocrate, Acut. Appendice, 58 (p. 94 Joly) : πόμα ὑδρωπιῶντι· κανθαρίδας τρεῖς, ἀφελὼν τὴν κεφαλὴν καὶ πόδας ἑκάστης καὶ πτερά, τρίψας ἐν τρισὶ κυάθοισιν ὕδατος τὰ σώματα· ὅταν δὲ πονῇ ὁ πιών, θερμῷ βρεχέσθω ὑπαλειψάμενος πρότερον· νῆστις δὲ πινέτω· ἐσθιέτω δὲ ἄρτους θερμοὺς ἐξ ἀλείφατος. D’après Joly, op. cit., p. 104, n. à la ligne 19 de la p. 94, la cantharide, coléoptère de la famille des méloïdes, appelée vulgairement « mouche d’Espagne », aurait « déjà (été) utilisée dans la médecine égyptienne ». 26 Galien, Hipp. de acutorum morborum victu comm. IV, 104 (XV, 913 Kühn) : Ταύτην τὴν ῥῆσιν τολμηρός τις ἀναγνοὺς ἰατρὸς ἀφελὼν τὰ προειρημένα μόρια τῶν κανθαρίδων ἔδωκεν ὑδρωπιῶντι· καὶ μετὰ μίαν ἡμέραν ἀπόϲτημά τι σχὼν ὁ ἄνθρωπος εἰϲ τὴν γαστροκνημίαν, εἶτα μετὰ τρεῖς ἄλλας τμηθεὶς ὑπ’ αὐτοῦ, πλείστου ῥυέντος ὕδατος, ἔδοξε τεθεραπεῦσθαι· προσεστάλη γὰρ ἐν τῷ παραυτίκα τὸ πλεῖϲτον τοῦ παρὰ φύϲιν ὄγκου. ἀλλ’ ὅμωϲ ἀπέθανεν οὐ μετὰ πολλὰϲ ἡμέραϲ. Ἐπετίμησεν οὖν τις τῷ ἰατρῷ κακῶς φάσκων δεδόσθαι τὰ σώματα τῶν κανθαρίδων· ἐχρῆν γὰρ ἀφελόντα τὰ σώματα δοῦναι πιεῖν τὴν κεφαλὴν καὶ τοὺς πόδας καὶ τὰ πτερὰ καὶ τοῦτ’ εἶναι τὸ κατὰ τὸ βιβλίον εἰρημένον. Οὐκ ὀκνήσας οὖν ὁ εὔτολμος ἰατρὸς ἐπ’ ἄλλου πάλιν ἔδωκεν οὕτως, εἶτ’ ἀποστήματος ὁμοίως κατὰ τὸν μηρὸν γενομένου καὶ τμηθέντος αὐτοῦ καὶ ῥυέντος ὁμοίως τοῦ ὑγροῦ οὐ μετὰ πολλὰς ἡμέρας ἀποθανεῖν συνέβη καὶ τοῦτον. Ἔστι γε μὴν οὐρητικῷ φαρμάκῳ διὰ κανθαρίδων σκευαζομένῳ κεχρημένους τινὰς εὑρεῖν ἄνευ βλάβης τῶν πινόντων αὐτό. Voir à ce propos le commentaire d’Émile LITTRÉ, Œuvres complètes d’Hippocrate, vol. 2, Paris 1840, p. 513, n. 35. 27 Hippocrate, Int. 36 (VII, p. 258, 11-14 Littré) : διδόναι δὲ καὶ κανθαρίδας, ἄνευ πτερῶν καὶ κεφαλῆς, τέσσαρας τρίβων καὶ διεὶς οἴνῳ λευκῷ ἡμικοτυλίῳ, ἤδη δὲ καὶ μέλι παραχέαι ὀλίγον, εἶτα οὕτω διδόναι πιεῖν. D’après JOUANNA, Hippocrate, p. 528, ce traité est cnidien.

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et Nature de la femme (matériel ancien, du Ve siècle, avec des réécritures pouvant dater du IVe siècle)28 qui contiennent le plus de références aux cantharides, dans des recettes, soit de pessaires en cas d’hydropisie de l’utérus29, ou emménagogues30, ou pour expulser le chorion et/ou l’embryon mort31, ou pour purger l’utérus en vue de concevoir32, soit de potion emménagogue33 ou purgative de l’utérus34, également administrée pour expulser le chorion et/ou l’embryon mort35. À Euryphon, contemporain d’Hippocrate et Asclépiade comme lui, non de Cos, mais de Cnide, Soranos d’Éphèse attribue également un pessaire emménagogue à base de cantharides36, recommandé en cas de rétention de l’arrière-faix, ce qui n’est guère étonnant vu les liens entre les traités gynécologiques de la collection hippocratique et la médecine dite cnidienne. Le remède d’Euryphon est toutefois critiqué par Soranos pour ses effets mordants et ulcérants et pour les accidents qu’il peut provoquer37. La seconde raison pour laquelle la question posée plus haut nécessite une réponse nuancée, concerne le biotope des cantharides. Loin d’être limité à l’Égypte, il s’étend en effet à toute l’Afrique tempérée, à l’Asie et à l’Europe centrale et méridionale, en ce compris le monde grec. Ainsi, dans ses traités biologiques, Aristote (384-322) répertorie les cantharides parmi les insectes (τὰ ἔντομα)38 courants39. En revanche, s’il aborde leur reproduction40, il n’évoque pas leurs propriétés thérapeutiques ou leur toxicité. Comme on peut s’y attendre, il n’en va pas de même des poèmes iologiques de Nicandre de JOUANNA, Hippocrate, p. 547-548 et 550-551. Hippocrate, Mul. 1, 59 (VIII, 118, 10 Littré) ; Nat. mul., II, 3 (p. 4, 1-2 Bourbon). 30 Hippocrate, Mul. 1, 74 (VIII, 158, 16 Littré) ; le bupreste a des propriétés analogues (VIII, 160, 3 Littré : βούπρηστις) ; Nat. mul. 18, 5 (p. 22, 16 Bourbon) ; 32, 71 (p. 38, 1 Bourbon). 31 Hippocrate, Mul. 1, 78 (VIII, 176, 21 et 178, 3 Littré) ; 84 (VIII, 208, 17 Littré) ; 91 (VIII, 220, 12-13 L.) ; Nat. mul. 32, 12 (p. 30, 11 Bourbon). 32 Hippocrate, Mul. 221 (VIII, 426, 15 Littré) ; le bupreste peut être utilisé à la place de cantharide (VIII, 426, 21 Littré : βουπρήστει) ; Nat. mul. 97, 5 (p. 82, 11-12 Bourbon) ; 109, 19 (p. 93, 10 et 14 Bourbon). 33 Hippocrate, Mul. 1, 135 (VIII, 307, 17 Littré) ; Nat. mul. 8, 4 (p. 11, 13-14 Bourbon et n. 7, p. 116-117) et 18, 6 (p. 23, 4 Bourbon). 34 Hippocrate, Mul. 2, 206 (VIII, 400, 7 Littré). 35 Hippocrate, Mul. 1, 78 (VIII, 178 et 182, 14 Littré) ; 84 (VIII, 208 Littré) ; Nat. mul. 32, 2 (p. 28, 15-29, 4 Bourbon). 36 Euryphon de Cnide apud Soranos d’Éphèse, Gyn. 2, 2 (II, p. 11, 17-22 Burguière, Gourevitch & Malinas = IV, 4 Heiberg) : Εὐρυφῶν δὲ ὁ Κνίδιος οὐραγωγοῖς χρῆται (…) πεσσοῖς τοῖς αἱμαγωγοῖς διὰ στρουθίου καὶ Ἰλλυρικῆς ἴρεως καὶ κανθαρίδων καὶ μέλιτος (…), ainsi que la n. 48, p. 78. Sur Euryphon, voir JOUANNA, Hippocrate, p. 76 et 589, n. 35. 37 Soranos d’Éphèse, ibid. (II, p. 12, 44-46 Burguière, Gourevitch & Malinas). 38 Aristote, Hist. an. 4, 6, 531b25. 39 Aristote, Hist. an. 5, 7, 542a9-10 : δῆλον δ’ἐπὶ τῶν ἐν ποσίν, οἷον μυιῶν τε καὶ κανθαρίδων. Chez Théophraste, Hist. plant. 8, 10, 1, la κανθαρίς qui s’attaque au blé désigne le charançon selon Susanne AMIGUES, dans son édition de la CUF, Paris 2003, p. 67 et n. 5, p. 228-229. 40 Aristote, Hist. an. 5, 19, 552b1, avec les commentaires de Simon BYL, Recherches sur les grands traités biologiques d’Aristote : sources écrites et préjugés (ABM, 2e série, LXIV, 3), Bruxelles 1980, p. 272-273 et n. 25 ; Gen. an. 1, 16, 721a8. 28 29

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Colophon (sans doute contemporain du règne d’Attale III de Pergame, de 138 à 133 avant notre ère). Non content de comparer les cantharides aux phalanges venimeuses dans les Thériaques41, l’auteur consacre une douzaine de vers des Alexipharmaques42 aux effets mordants et irritants de la potion à la cantharide, qui s’accompagnent d’angoisse et d’égarement chez le patient. En résumé, depuis Hippocrate, les médecins grecs utilisent les cantharides dans des remèdes externes (onguent, poudre, pessaire) et internes (potion), et, comme le prouvent les témoignages de Nicandre, Soranos d’Éphèse et Galien, à compléter notamment par celui de Dioscoride43, ils en connaissent la toxicité. Comme beaucoup d’autres produits utilisés en pharmacologie, la cantharide, qui fournit à la fois un remède et un poison, voire un contre-poison, — du moins certaines parties de l’insecte utilisées en cas d’empoisonnement aux cantharides —, possède donc un statut ambivalent, à la fois positif et négatif, entraînant l’admiration en cas de réussite du traitement, ou, au rebours, l’effroi, en cas d’échec se soldant par la mort du patient. Si les auteurs grecs des époques classique et hellénistique, qu’ils soient médicaux ou non, n’établissent aucun lien particulier entre les cantharides et l’Égypte, la situation est différente chez les plus anciens auteurs médicaux latins. Dans ses Compositiones dédiées à Caius Julius Callistus, affranchi de l’empereur Claude (41-54), Scribonius Largus mentionne l’utilisation de cantharides d’Alexandrie, bigarrées et allongées (cantharidibus viginti Alexandrinis [sunt autem variae et oblongae]), dans un topique composé par son maître, le chirurgien Tryphon44, pour faire disparaître les lettres marquées sur la peau de l’intendant de Sabinus Calvisius45, lorsqu’il avait été réduit en esclavage à 41

Nicandre, Ther. 755. Nicandre, Alex. 115-127, avec les commentaires de John SCARBOROUGH, « Nicander’s Toxicology. II. Spiders, Scorpions, Insects and Miriapods », PharmHist 21/2 (1979), p. 73-92 et de Jean-Marie JACQUES, dans son édition de Nicandre. Œuvres. Tome III. Les Alexipharmaques. Lieux parallèles du livre XIII des Iatrica d’Aétius (CUF), Paris 2007, n. 11a et 11b, p. 92-94. 43 Dioscoride, Mat. med. 2, 61, à comparer avec son parallèle latin Pline, Nat. 29, 92-96 ; Dioscoride, Simpl. 1, 39 (suc de cantharide écrasée pour ôter les staphylomes) et II, 156 (antidotes en cas d’empoisonnement aux cantharides), et les commentaires de J. RIDDLE, Dioscorides on Pharmacy and Medicine, Austin 1985, p. 133 et 139 ; Ps.-Dioscoride, Περὶ δηλητηρίων φαρμάκων 1 : voir Marc MÉLARD, Un traité antique de toxicologie : le « livre VI » de Dioscoride, Mémoire de Licence en Philologie Classique, Université de Liège, 1976-1977, p. 23-29 ; sur l’inauthenticité de ce traité, voir Alain TOUWAIDE, « Les deux traités de toxicologie attribués à Dioscoride : tradition manuscrite, méthode d’établissement du texte et critique d’authenticité », dans A. Garzya (éd.), Tradizione e ecdotica dei testi medici tardoantichi e bizantini. Atti del Convegno internazionale, Anacapri, 29-31 ottobre 1990 (CollNap 5), Naples 1992, p. 291-335. 44 Sur le chirurgien Tryphon le Père, mentionné par Scribonius Largus comme son maître (Comp. 175 : Tryphone praeceptore nostro), et actif, à Rome, dans la 1re moitié du Ier siècle, voir Hans DILLER, art. « Tryphon (28) », RealEnc 7A/1 (1939), col. 745 ; TOUWAIDE, art. « Tryphon (4) », Brill’s New Pauly 14 (2009), col. 990. 45 Edmund GROAG, art. « Calvisius (15). C. Calvisius Sabinus », RealEnc 3/41 (1897), col. 1412-1413 ; PIR2 II, p. 85, no 354. Ce Sabinus Calvisius est probablement le petit-fils du sénateur romain homonyme du Ier siècle avant notre ère, contemporain de Jules César. Consul en 42

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la suite d’un naufrage46. D’autre part, dans l’Histoire naturelle, Pline l’Ancien évoque la potion à base de cantharides administrée au chevalier romain Cossinus, atteint de lichen (également dénommé mentagra), par un médecin que Néron (54-68) avait fait venir expressément d’Égypte et qui tua le malade47. Cette affection pourrait correspondre au lichen des deux recettes du PSI 10.1180 évoquées plus haut. Comme l’a remarqué le regretté M.D. Grmek48, son diagnostic est malaisé. En tous les cas, le lichen fait partie des maladies dites nouvelles, décrites par Pline au début du livre XXVI de l’Histoire naturelle (1-4)49 : apparues au milieu du règne de l’empereur Claude (41-54), écrit-il, elles affectaient surtout le visage, auquel elles donnaient un aspect répugnant, et ne sévissaient qu’à Rome et dans ses environs, où elles atteignaient seulement les membres masculins de la haute société qui se transmettaient le mal par le contact du baiser50. Cette affection avait pourtant dû apparaître en Italie 26, il fut accusé de haute trahison envers l’empereur et contraint à se suicider avec sa femme Cornelia en 39. Sur le tatouage et le marquage des êtres humains dans l’antiquité, voir Christopher P. JONES, « Stigma : Tattooing and Branding in Graeco-Roman Antiquity », JRS 77 (1987), p. 139-155 : p. 143, 149 et 153, pour l’épisode rapporté par Scribonius Largus. 46 Scribonius Largus, Comp. 231 : quatenus acrium et exulcerantium medicamen-torum habita est mentio, ponemus, qua stigmata tolluntur. Indignis enim multis haec calamitas ex transverso accidit, ut dispensatori Sabini Calvisi naufragio in ergastulo deprehenso, quem Tryphon multis delusum et ne casu quidem litteras confusas ullo medicamento habentem liberavit : alei candidi spicae capitis tritae cum cantharidibus viginti Alexandrinis (sunt autem variae et oblongae), sulphuris vivi * p. I victoriati, chalcitis pondo as semis, cerae pondo triens, olei pondo triens ; ceram contritis ceteris admiscuit et imposuit. Que désigne le mot stigmata utilisé par Scribonius Largus ? Des tatouages ou des marques au fer rouge, ainsi que le comprend Loredana MANTOVANELLI, Scribonio Largo. Ricette mediche, Padoue 2012, p. 227 : « visto che finora si sono menzionati medicamenti aggressivi e irritanti, riportiamo quelli che tolgono i marchi a fuoco » ? Il semble bien qu’il faille suivre ici l’interprétation de Luc RENAUT, Marquage corporel et signation religieuse dans l’antiquité I, thèse de doctorat, École Pratique des Hautes Études, Section des Sciences Religieuses, Paris 2004, p. 183 et 339-340, selon laquelle il s’agit d’un tatouage ; voir aussi Idem, « La production artificielle de chéloïdes et les paradoxes de l’harmonisation du corps dans l’antiquité », communication prononcée lors du colloque In-corporer (Nîmes, 15-16 octobre 2005), p. 7-9 (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal00275719/document) : « contrairement à une opinion très répandue, l’identification des êtres humains, qui implique de reproduire lisiblement une inscription, se faisait rarement au fer rouge. Ce dernier est surtout resté à la disposition des bourreaux comme moyen de torture simple, avec pour effet secondaire de laisser des cicatrices ». 47 Pline, Nat. 26, 93 : sed in his magna quaestio, quoniam ipsae [= cantharidae] venena sunt potae, vesicae cum cruciatu praecipuo. Cossinum equitem Romanum amicitia Neronis principis notum, cum is lichene correptus esset, vocatus ex Aegypto medicus ob hanc valetudinem eius a Caesare, cum cantharidum potu praeparare voluisset, interemit. 48 Mirko D. GRMEK, Les maladies à l’aube de la civilisation occidentale, Paris 1983, p. 244255 ; Idem, « La dénomination latine des maladies considérées comme nouvelles par les auteurs antiques », dans Sabbah (éd.), Le latin médical, op. cit., p. 206-207. 49 Pline, Nat. 26, 1 : sensit facies hominum et novos omnique aevo priore incognitos non Italiae modo, verum etiam universae prope Europae morbos, tunc quoque non tota Italia nec per Illyricum Galliasve aut Hispanias magno opere vagatos aut alibi quam Romae circaque, sine dolore quidem illos ac sine pernicie vitae, sed tanta foeditate ut quaecumque mors praeferenda esset. 50 Pline, Nat. 26, 3 : sed proceres veloci transitu osculi maxime.

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avant le règne de Claude, puisque, selon Suétone51, Tibère (14-37), son prédécesseur, avait déjà interdit d’échanger un baiser lors des rencontres. Comme en témoigne Martial (vers 40-104) dans ses Satires, cet édit resta lettre morte, car il écrit que même un menton affecté de lichens sordides ne préservait pas des donneurs de baisers52 ! On traitait le mal par des caustiques, qui brû-laient la chair juqu’aux os. Et Pline de préciser : Vinrent alors d’Égypte, mère de telles affections, des médecins spécialisés dans ce seul traitement, et qui en tirèrent grand profit ; ainsi est-il certain que Manilius Cornutus, personnage prétorien, lieutenant de la province d’Aquitaine, s’engagea à verser 200.000 sesterces pour se faire soigner de cette maladie53 (traduction d’A. Ernout, Paris 1957, p. 19).

Le Naturaliste ne dit pas si les remèdes utilisés par ces médecins contenaient des cantharides, mais l’Égypte évoquée par lui est évidemment l’Aegyptus capta, l’Égypte conquise par les Romains, qui exploitent ses richesses, ses productions, y compris les substances médicinales, renommées depuis les épopées homériques, ses marchandises en transit provenant d’Arabie, d’Inde, et de plus loin encore, et qui recourent volontiers à ses spécialistes, dont font partie les médecins alexandrins. Depuis la période hellénistique, Alexandrie n’est-elle pas la Mecque de la médecine, la ville où tout médecin soucieux de sa renommée se doit d’avoir fait ses études ou, du moins, un séjour de quelque durée54 ? Au fond, le traitement appliqué au chevalier Cossinus, ami de Néron, se situe dans la tradition hippocratique, telle qu’elle a été décrite plus haut, avec tous les risques qui s’ensuivent en raison de la toxicité des cantharides. Pour traiter son mal, le médecin aurait sans doute été plus avisé d’utiliser un topique à base de cantharides, comme ceux évoqués par Pline (Nat. 26, 2-4) ou dans nos papyrus, au lieu d’une potion. Mais alors, le chevalier n’allait-il pas devenir hideux avec son menton rongé jusqu’à l’os par les caustiques ? Néron aurait-il apprécié un tel remède ? D’un autre côté, qui dit potion, dit poison. Si l’on y regarde de plus près, le récit de Pline, avec ses empoisonneurs âpres au gain et ses assassins impunis, se situe dans la droite ligne du « roman noir » de la médecine de tradition hellénique, qui s’implanta non sans mal à Rome55. Sous la République, Caton d’Utique lui-même n’a-t-il pas été accusé 51

Suétone, Tib. 34 : cotidiana oscula edicto prohibuit. Martial, Sat. 7, 95 ; 11, 98 ; 12, 59. 53 Pline, Nat. 26, 4 : adveneruntque ex Aegypto, genetrice talium vitiorum, medici hanc solam operam adferentes magna sua praeda, siquidem certum est Manilium Cornutum e praetoriis legatum Aquitanicae provinciae HS CC elocasse in eo morbo curandum sese. 54 Marie-Hélène MARGANNE, « La médecine dans l’Égypte romaine : les sources et les méthodes », dans W. Haase & H. Temporini (éd.), Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt II, 37/3, Berlin – New York 1996, p. 2709-2740. 55 Danielle GOUREVITCH, Le triangle hippocratique dans le monde gréco-romain. Le malade, sa maladie et son médecin (BEFAR 251), Rome 1984, p. 347-414 ; Marie-Hélène MARGANNE, « Thérapies et médecins d’origine ‘égyptienne’ dans le De medicina de Celse », dans C. Deroux 52

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« d’avoir vendu du poison, parce que, dans une vente de biens royaux [ceux de Ptolémée, roi de Chypre, qui se suicida en 58 avant notre ère], il avait adjugé les cantharides pour soixante mille sesterces »56 ? Une fois de plus, nous constatons que le contexte d’utilisation des cantharides est celui de la médecine de cour qui peut se permettre de recourir à des médicaments recherchés et coûteux. C’est pourtant un autre insecte, beaucoup plus courant et qui ne coûte rien, la mouche (ἡ μυῖα), qui apparaît dans une recette attribuée à Cléopâtre (69-30 avant notre ère) pour stimuler la croissance des cheveux. Celle-ci est tirée d’un réceptaire dont le lien avec l’Égypte est indiscutable, puisque le Kosmètikon (Κοσμητικόν) aurait la reine pour auteur57. Aujourd’hui perdu, cet ouvrage est connu par des citations postérieures, surtout de Galien, dans son traité sur La composition des médicaments selon les lieux, mais aussi de médecins grecs plus tardifs, comme Aetios d’Amida (milieu du VIe siècle) et Paul d’Égine (VIIe siècle). Les fragments transmettent non seulement des recettes contre l’alopécie ou pour faire pousser les cheveux, les épaissir, les boucler et les teindre en noir, mais aussi des remèdes contre des affections cutanées, comme la teigne (ἄχωρ), les ulcérations (ἐλκώδεις), les pellicules (πίτυρα), la « lèpre » (λέπρα), et les boutons (ἴονθοι). Un papyrus littéraire grec édité il y a une dizaine d’années (P. Oxy. 71.4809 = MP3 2202.02, Oxyrhynchus, IIIe siècle de notre ère)58, mentionne le Kosmètikon de Cléopâtre dans un écrit consacré aux productions littéraires des rois hellénistiques et à leur authenticité, et émet des doutes sur son auteur dans la phrase suivante (col. 1, 12-20) : Car le (traité) intitulé Kosmètikon de Cléopâtre n’est pas de la reine elle-même, mais de quelqu’un qui a répertorié les (recettes) dont elle-même se servait pour ses soins. Alors (lacune)59.

(éd.), Maladie et maladies dans les textes latins antiques et médiévaux. Actes du Ve Colloque International « Textes médicaux latins de l’Antiquité et du Haut Moyen Âge » (Bruxelles, 4-6 sept. 1995) (Collection Latomus 242), Bruxelles 1998, p. 137-150. 56 Pline, Nat. 29, 96 : cantharides obiectae sunt Catoni Uticensi, ceu venenum vendidisset in auctione regia, quoniam eas HSLX addixerat, avec les commentaires de Alfred Ernout, dans son édition de la CUF, Paris 1962, p. 91, n. 1 au § 96 : « Sén. Rhét., Contr., VI, 4, 3, fait allusion à cette vente de poison par Caton d’Utique, lors de la vente des biens du roi de Chypre Ptolémée en 58 a. C. » 57 Anne-Lise VINCENT, Édition, traduction et commentaire des fragments grecs du Kosmètikon attribué à Cléopâtre, Mémoire de Maîtrise en Langues et Littératures Classiques, Université de Liège 2011, accessible sur le site web du CEDOPAL : http://web.philo.ulg.ac.be/cedopal/wpcontent/uploads/pdf/AL_VINCENT_Cleopatre_ Kosmetikon.pdf ; sur les citations de Cléopâtre par Galien, voir Fabricius, Galens Exzerpte, op. cit., p. 201-202. 58 Peter J. PARSONS, The Oxyrhynchus Papyri, vol. 71 (GRM 91), Londres 2007, p. 36-44 et pl. V. 59 P. Oxy. 71.4809, col. III, 12-20 : τὸ] γὰρ ἐπιγρα|φόμε]νον ὡς Κλε|[οπάτ]ρας Κοσμητι|[κὸν] οὐκ αὐ[τ]ῆς ἐστι | [τῆς] βασιλίδος ἀλ|[λά τ]ινος ἀναγεγρα|[φότ]ος οἷς ἐκείνῃ |[πρὸ]ς θεραπείαν ἐ|[χρᾶ]το.

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Que Cléopâtre soit l’auteur du Kosmètikon ou l’auteur des recettes qui y sont contenues, ou seulement leur utilisatrice, une des recettes qui lui sont attribuées par Galien (De la composition des médicaments selon les lieux, I, 12 = XII, 432, 14 – 433, 2 Kühn)60 contient en tous les cas des mouches : πρὸς τὸ τρίχας γεννῆσαι ἐν τῇ κεφαλῇ· καλάμῶν ἁπαλῶν τὰς ῥίζας κόψας χύλισον καὶ μυίας ἐν πολταρίῳ φρύξας μῖξον, καὶ στέαρ ἄρκτειον καὶ ἔλαιον κέδρινον καθ’ἓν τρίψας καὶ ἐπὶ τὸ αὐτὸ μίξας δὸς καταχρίεσθαι. Ἵνα δὲ τὴν ὀσμὴν ἀπαμβλύνῃς, μῖξον οἶνον ἢ γλυκύ. Pour faire pousser les cheveux qui sont sur la tête. Coupez les racines de tendres roseaux, extrayez-en le suc et mélangez-y des mouches grillées en purée. Broyez ensemble de la graisse d’ours et de l’huile de cèdre et, après les avoir mélangées au reste, administrez en onction. Pour atténuer l’odeur, mélangez-y du vin ou du vin doux.

Galien a-t-il réellement lu l’ouvrage mis sous le nom de Cléopâtre ? Des doutes ont été émis à ce sujet par la critique moderne61 car, comme le médecin de Pergame écrit ailleurs dans son traité (ibid., XII, 445-446) que Criton, médecin de l’empereur Trajan (règne de 98 à 117), a rassemblé « quantité de médicaments d’Héraclide, de Cléopâtre et de beaucoup d’autres médecins qui leur sont postérieurs » dans ses Kosmètika, et qu’il cite très souvent des passages entiers de l’œuvre de Criton, il pourrait lui avoir emprunté les recettes de la reine d’Égypte. En tous les cas, le passage galénique prouve que le Kosmètikon de Cléopâtre était déjà en circulation avant l’époque de Criton, qui le cite, c’està-dire au premier siècle de notre ère au plus tard. Une utilisation similaire des mouches pilées dans une recette contre la calvitie est également rapportée par Pline62, pour ne citer que lui. Les Égyptiens avaient-ils identifié les cantharides et, si tel est le cas, les ont-ils utilisées dans leurs remèdes ? Quoi qu’en ait écrit R. Joly63, il est bien difficile de répondre à ces questions. Comme le remarque D. Meeks64, « bien qu’omniprésentes dans l’environnement, les différentes espèces d’insectes, en 60 VINCENT, op. cit., p. 37-38 et 90. Les mouches écrasées sont également utilisées comme colorant, dans la fabrication d’un fard noir pour les yeux : voir Évelyne PRIOUX, « Fards et cosmétiques dans les sources littéraires antiques », dans M. Bimbenet-Privat, I. Bardiès-Fronty & Ph. Walter (éd.), Le bain et le miroir. Soins du corps et cosmétique de l’Antiquité à la Renaissance, Paris 2009, p. 35-40 : p. 36. 61 FABRICIUS, Galens Exzerpte, op. cit., p. 201-202 ; voir aussi Peter M. FRASER, Ptolemaic Alexandria, 2 vol., Oxford 1972, vol. 1, p. 372 et vol. 2, p. 547-548. 62 Pline, Nat. 29, 106 : alopecias replet (…) muscarum capita recentia (…). Alii sanguine muscarum utuntur, alii decem diebus cinerem earum inlinunt (…) ; comparer Dioscoride, Simpl. 1, 89, 3 : μυῶν κεφαλαὶ προστριβόμεναι, καὶ αὐταὶ δὲ ὅλαι προεκνιτρωθέντος τοῦ τόπου (…). 63 Voir supra, n. 25. 64 Dimitri MEEKS, « De quelques ‘insectes’ égyptiens entre lexique et paléographie », dans Z. Hawass, P. Der Manuelian & R.B. Hussein (éd.), Perspectives on Ancient Egypt. Studies in Honor of Edward Brovarski (CASAE 40), Le Caire 2010, p. 273-304 ; voir aussi Joachim

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dehors de quelques exceptions notables comme le scarabée, ne sont que rarement mentionnées dans les textes de l’antique Égypte, rarement représentées aussi ». Du reste, dans le Bestiaire des pharaons65, P. Vernus et J. Yoyotte se bornent prudemment à évoquer l’abeille et le scarabée parmi les insectes étudiés. Dans un catalogue édité en 1826, J. Passalacqua a pourtant répertorié une cantharide parmi les « animaux sacrés, embaumés ou séchés » découverts en Égypte66. D’un autre côté, au moins deux colliers de l’Ancien Empire sont ornés de ce qui ressemble à des coléoptères façonnés en or67 et en faïence68. Comme ceux-ci étaient consacrés à la déesse Neith, les bijoux auraient pu avoir également une fonction apotropaïque69. L’identification précise de tous ces insectes reste néanmoins très problématique. Les écrits médicaux en langue égyptienne ne semblent contenir aucune référence aux cantharides, à moins que celles-ci ne soient désignées sous le même vocable que les mouches, qui y sont clairement évoquées70. À ce sujet, une étude comparative entre les sources médicales grecques et latines et les sources égyptiennes contemporaines de celles-ci71 reste à faire. Quant au mot ⲕⲁⲛⲑⲁⲣⲓⲥ, attesté plusieurs fois dans les recettes du papyrus copte Chassinat, bien tardif il est vrai72, il est emprunté à la langue grecque.

BOESSNECK, Die Tierwelt des Alten Ägypten untersucht anhand kulturgeschichtlicher und zoologischer Quellen, Munich 1988, p. 148-154. 65 Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des pharaons, Paris 2005, p. 430-455 (monde du minuscule). 66 Joseph PASSALACQUA, Catalogue des antiquités découvertes en Égypte, Paris 1826, p. 21. 67 Cyril ALDRED, Le trésor des pharaons. La joaillerie égyptienne de la période dynastique, traduit de l’anglais par C. David, Paris 1979, pl. II, 5 et p. 48 : « parure d’une femme de la maison royale, retrouvée à Gîza dans le complexe funéraire de Re-wer (puits no 294) par Selim Hassan en 1931. IVe Dynastie. Musée du Caire (…). Collier en or ». 68 K. SEIDEL, dans R. Krauspe (éd.), Das Ägyptische Museum der Universität Leipzig, Mainz am Rhein 1997, p. 50 et fig. 43 : « Kette. Inv.-Nr. 3770, Kieselkeramik, L. 83 cm. Aus Giza, Sargkammer der Mastaba D 208. Altes Reich, 5.-6. Dynastie. » 69 Ramadan EL-SAYED, La déesse Neith de Saïs, vol. 1 : Importance et rayonnement de son culte (BiEtud 86/1), Le Caire 1982, p. 23-24, selon qui le coléoptère de Neith serait le scarabée Agrypnus notodonta associé à l’emblème de la déesse avec deux flèches croisées. Nous remercions vivement Pierre Koemoth de nous avoir fourni ces informations bibliographiques. Mais voir ici même Anne-Sophie VON BOMHARD, « Neith et les mystères de l’insecte Lanelater notodonta Latreille, 1827 », p. 139-156. 70 Manfred WEBER, art. « Fliege », LÄ II (1977), col. 264-265. 71 Des mouches sont utilisées dans des prescriptions du papyrus démotique P. Vindob. D. 6257 (2e moitié du IIe siècle de notre ère) : voir Eva A.E. REYMOND, From the Contents of the Libraries of the Suchos Temples in the Fayyum. Part I. A Medical Book from Crocodilopolis. P. Vindob. D. 6257 (MPSNB, NS 10), Vienne 1976, p. 245, no 5 (Ꜣf ), qui renvoie à la col. IX, 15, et 252, no 29 (῾f ), qui renvoie à XII, 20 et XV, 7 ; sur cette édition, voir Fr. HOFFMANN & Joachim F. QUACK, « Demotische Texte zur Heilkunde », dans B. Böck et alii (éd.), Texte zur Heilkunde (TUAT NF 5), Gütersloh 2011, p. 298-316 : p. 300 : « Eine Neuedition, der hier nicht vorgegriffen werden kann, bereitet F. Hoffmann vor. » 72 Émile CHASSINAT, Un papyrus médical copte (MIFAO 32), Le Caire 1921 p. 131 (XXVIII, 59) ; 272 (CL, 304) ; 292 (CLXXXIV, 345) ; Walter C. TILL, Die Arzneikunde der Kopten, Berlin

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En conclusion, qu’il s’agisse des témoignages papyrologiques grecs sur l’utilisation thérapeutique des cantharides, des témoignages latins sur les liens entre l’utilisation des cantharides en pharmacologie et l’Égypte, ou de la recette à base de mouches contre la calvitie attribuée à Cléopâtre, tous ont pour contexte l’Égypte romaine et tous relèvent, sinon de la médecine de cour, du moins des préoccupations « cosmétiques » liées à l’image, essentielle dans la haute société de l’époque impériale73, de surcroît friande de remèdes coûteux, rares ou exotiques, comme le sont ceux de la médecine sacerdotale égyptienne (cf. Tebtynis)74. Dans un paragraphe consacré à la différence entre la commôtique, ou art du maquillage, et la cosmétique, qui est une branche de la médecine75, Galien ne cite-t-il pas, comme maladies emblématiques relevant de cette dernière, les trois dermatoses que sont les lichens, les psores et les « lèpres »76 ? CEDOPAL (Centre de Documentation de Papyrologie Littéraire) Université de Liège, Département des Sciences de l’Antiquité [email protected] Université de Liège, Bât. A1, 7, place du 20-Août, B 4000 Liège, Belgique ÉDITIONS,

DICTIONNAIRES, RÉFÉRENCES SECONDAIRES ET SITES

WEB

1. ÉDITIONS ARISTOTE Hist. an. = Histoire des animaux (éd. Pierre Louis) (CUF), Paris : Les Belles Lettres, 1964-1969. Gen. an. = De la génération des animaux (éd. Pierre Louis) (CUF), Paris : Les Belles Lettres, 1961. DIOSCORIDE Mat. Med. = De materia medica libri V (éd. Max Wellmann), Berlin : Weidmann, 1906-1914. Simpl. = De simplicibus (éd. Max Wellmann), Berlin : Weidmann, 1914. PS.-DIOSCORIDE Περὶ δηλητηρίων φαρμάκων (éd. Kurt Sprengel), Leipzig : C. Cnobloch, 1829.

1951, p. 96, no 149 ; Marco T. MALATO, « La medicina copta », Rivista di Storia della Medicina 2/1 (1958), p. 32-54 : p. 48. 73 Danielle GOUREVITCH, « L’esthétique médicale de Galien », LEC 55/3 (1987), p. 268-290 : p. 285-289. 74 Marie-Hélène MARGANNE, « L’emplâtre Isis et autres remèdes d’origine égyptienne », dans M. Pardon-Labonnelie (éd.), La coupe d’Hygie. Médecine et chimie dans l’Antiquité, Dijon 2013, p. 63-82. 75 Véronique BOUDON-MILLOT, « Fards et teintures capillaires : la médecine galénique entre cosmétique et commôtique », dans Pardon-Labonnelie (éd.), La coupe d’Hygie, op. cit., p. 17-33. 76 GALIEN, De compos. medic. sec. loc., I, 2 (XII, 434, 12-13) : τί δεῖ λέγειν περὶ λειχήνων ἢ ψώρας ἢ λέπρας ὡς παρὰ φύσιν ταῦτα ;

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RÉSUMÉ La présente contribution étudie l’utilisation des insectes dans la pharmacopée de l’Égypte gréco-romaine à partir du témoignage des sources papyrologiques (IV/IIIe siècles avant notre ère – VI / VIIe siècles de notre ère), complété par celui des sources littéraires grecques et latines. On examine les variétés utilisées, les propriétés qui leur sont attribuées et les affections qu’elles sont censées soigner. MOTS

CLÉS

Insectes – pharmacologie gréco-romaine – Égypte gréco-romaine

PARTIE IV : LE SCORPION DE SERQET DÉSAMBIGUÏSÉ

EXIT LA NÈPE (NEPA CINEREA L., 1758), INTROÏT LE SCORPION (LEIURUS QUINQUESTRIATUS EHRENBERG, 1828) MÉCOMPRIS DE SERQET (SELKIS) ET LA MAÎTRISE DU SOUFFLE Sydney H. AUFRÈRE1 & Cathie SPIESER2

0.1. L’article3 présenté ici traite de la question des rapports ambigus qu’entretient Serqet — le Selkis des Grecs — avec le scorpion et les raisons pour lesquelles le choix de cet arachnide s’est imposé à l’esprit des anciens Égyptiens. Il s’articule en deux parties, ci-dessous présentées. 0.2. PREMIÈRE PARTIE. — Portant en premier lieu sur le radicogramme L7 (srq), qui sert de déterminatif au nom de la déesse Serqet (Selkis)4, cet écrit affronte une triple difficulté. Celle-ci tient d’abord à l’identification de ce qui a pu apparaître, au fil du temps, comme un emblème animal. Ensuite à l’idée qu’il aurait revêtu une apparence composite ou hybride. Enfin à l’évolution iconographique de l’objet représenté qui continue à désorienter maints chercheurs jusqu’à aujourd’hui. L’analyse du radicogramme L7 nécessite de prendre des précautions d’ordre terminologique eu égard à la complexité qu’elle requiert. Parler d’« animal » a priori à son propos oblige à considérer que l’on n’a pas d’autre choix que celui d’une démonstration où un tel paradigme serait présent d’un bout à l’autre d’une chaîne d’inférences. Aussi, pour éviter de précipiter les conclusions, on le considérera successivement comme hiéroglyphe ou radicogramme, emblème ou objet symbolique avant de pouvoir évoquer son caractère scorpioniforme. Bien entendu, une telle position contraint à prendre de la distance par rapport aux thèses émises à son sujet, même si celles-ci ont contribué à établir un modèle, quoique non entièrement partagé.

1 TEDMAM-CEPAF, Aix-Marseille Université-CNRS, UMR 7297, France ; Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. 2 Université de Fribourg, Suisse. 3 La première partie de cet article est due à Sydney H. Aufrère ; la seconde a été rédigée en collaboration. Mais, dans sa forme finale, il résulte d’un échange d’informations. On ne manquera pas de voir, en parallèle, l’article de Hisham K. EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », Euscorpius 119 (août 2011), p. 1-12 (http://www.science.marshall.edu/fet/euscorpius/p2011_119. pdf). L’auteur, zoologue à l’Université d’Aïn-Shams, aborde le scorpion en Égypte sous un angle général. S’intéressant uniquement au scorpion, il ne tient pas compte de l’hypothèse de Frédérique von Känel (cf. infra, § 1.1.1). Pour le Moyen-Orient, la lecture de l’article de Paul Toscanne (« Sur la figuration et le symbole du scorpion », Revue d’assyriologie et d’archéologie orientale 14/4 [1917], p. 187-203) apporte des éléments de comparaison intéressants avec l’Égypte. 4 On renverra au dossier lexicographique réuni dans LÄGG VI, 437c-444a.

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S.H. AUFRÈRE & C. SPIESER

Il s’agit, en d’autres termes, de produire un fil d’Ariane permettant de circuler entre les différentes théories émises à ce sujet. 0.3. Traitant ce sujet, il convient de tenir compte de deux faits. Le premier est que les Égyptiens sont, depuis l’époque thinite, de fins observateurs de la nature et de ses hôtes, — des grands, des moyens comme des plus petits. Le second est que lorsqu’on veut reconnaître ce qui se cache derrière une représentation remontant à un temps lointain et ayant déjà fait l’objet d’une longue évolution, on a tendance à le ramener à ce que nous dicte notre propre imagination en nous plaçant sous un angle éthique, alors qu’en termes ethnologiques, il est utile de tenir compte du regard de celui qu’on observe, qui constitue une contrepartie émique5. Ainsi, bien qu’au radicogramme L7 — non reconnaissable à première vue comme un scorpion et qu’une thèse veut identifier à la nèpe — se substitue, dans la plupart des cas à l’époque tardive, un scorpion parfaitement reconnaissable grâce à ses caractéristiques naturalistes, le cheminement de cette évolution d’un aspect à l’autre ne semble pas avoir été éclairci de façon satisfaisante. Ainsi, nous vérifierons les rapprochements faits entre la nèpe et le scorpion (§ 1.1.1-1.3.9) ; puis ceux qui existent entre l’emblème de Serqet et une punaise d’eau géante, le bélostome (Lethocerus cordofanus Mayr, 1853) ou d’autres espèces (§ 2.1.1-2.1.8) pour parvenir à des remarques intermédiaires sur L7 (§ 3.1.1-3.5.2) qui permettront d’émettre une nouvelle hypothèse (§ 3.6.1-3.6.3). Après cette mise au point, on traitera de la comparaison entre le radicogramme L7 et l’objet symbolique P*L25 A-B tel qu’il apparaît sous le règne de Netjerikhet-Djoser (§ 4.2.14.2.6). 0.4. SECONDE PARTIE. — On reposera, en second lieu, quelques questions sur la déesse Serqet. Attestée tant dans les textes funéraires (Textes des Pyramides, Textes des Sarcophages, etc.), puis, à partir du Nouvel Empire, dans l’équipement funéraire — cercueil, canopes —, elle est perçue comme un atout à disposition du défunt au moment de sa renaissance. Elle figure également en bonne place dans les cycles narratifs de la naissance divine et miraculeuse d’un petit nombre de souverains du Nouvel Empire6. Une telle perspective nous mènera également à étudier comment Serqet préside aux voies aériennes et digestives en abordant de quelle façon elle domine l’air et l’espace céleste (§ 5.1.1-5.3.2) puis de quelle façon elle assure la protection du corps humain et de ses fonctions vitales (§ 6.1.1-6.4.3). Enfin, nul n’ignore son rôle dans la protection contre les serpents et les scorpions, à telle enseigne que l’animal Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, « Émique », L’Homme 38/1 (1998), p. 151-166. Hellmut BRUNNER, Die Geburt des Gottkönigs. Studien zur Überlieferung eines altägyptischen Mythos (ÄgAbh 10), Wiesbaden 1986 : au temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari, au temple de Louqsor (Amenhotep III), ainsi que sur des reliefs trouvés à Médinet-Habou et dans le complexe de Mout à Karnak-Sud. 5

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EXIT LA NÈPE … INTROÏT LE SCORPION

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emblématique qui figure sur sa tête se plie à des formes inattendues, reflets des fonctions qu’on lui prête, dont une forme serpentine, pour faire écho à un type de protection qu’elle exerce contre les ophidiens que la tradition admet comme ses enfants. A. PREMIÈRE PARTIE : LE RADICOGRAMME L7 ET L’EMBLÈME P*L25 : ? UN PROCESSUS ICONOGRAPHIQUE

NÈPE OU SCORPION

1. La nèpe (Nepa cinerea L., 1758) et le scorpion 1.1. Préliminaire 1.1.1 a) Une enquête menée par Frédérique von Känel dans une thèse de doctorat de 3e Cycle inédite7, sous la direction de Jean Yoyotte, l’a conduite à établir une équivalence entre le hiéroglyphe L7 (radicogramme srq) servant à désigner Serqet ou celui qui lui est associé en tant que déterminatif de son ), et la nèpe (Nepa cinerea L., 1758) et non le scorpion comme le nom ( voulait une tradition remontant à Champollion, ce dernier voyant en Serqet un arachnide divin8. Corroborer, d’une part, car la recherche de Fr. von Känel se fondait sur un rapprochement fait en passant par Pierre Lacau, qui notait toutefois, malgré la ressemblance qu’il postulait entre les deux animaux, que ceux-ci appartenaient à des classes différentes9 ; d’autre part, car J. Yoyotte, emboîtant le pas à Lacau, donnait, sans se livrer, à notre connaissance, à une démonstration, une théorie justifiant ce rapprochement, dans sa notice « scorpion » du Dictionnaire de la civilisation égyptienne (éd. 1970, p. 261) : « Mais dans les inscriptions des caveaux, on substituait prudemment à l’effigie de la déesse (i.e. Serqet) et à toute image de scorpion jaune, la forme inoffensive du “scorpion d’eau” : dépourvu de la queue venimeuse, arme de l’animal des sables, ce “substitut graphique” ne blesserait point le défunt si l’hiéroglyphe se réveillait par magie. » Cette théorie se voyait donc soutenue a posteriori, à une légère différence près (cf. infra, § 1.1.2), par les résultats de Fr. von Känel présentés dans l’Annuaire de l’École pratique des 7 Frédérique VON KÄNEL, thèse de doctorat de 3e cycle, La nèpe et le scorpion, une monographie sur la déesse Serket, 2 vol., Paris IV [1983]. 8 CHAMPOLLION le Jeune, Notice descriptive des monumens égyptiens ou musée Charles X, Paris 1827, p. 25 ; Idem, Grammaire égyptienne ou principes généraux de l’écriture sacrée égyptienne, Paris 1836, p. 124. Il est intéressant de voir la critique de Julius VON KLAPROTH, Examen critique des travaux de feu M. Champollion: sur les hiéroglyphes, Paris 1832, p. 128-131. 9 Pierre LACAU, « Le signe m », BIFAO 69 (1971), 239-243 : p. 243 ; cf. VON KÄNEL, art. « Selqet », LÄ V (1984), col. 832.

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Fig. 1. Nepa cinerea L., 1758 (A. Adulte. B. Larve).

Hautes-Études10 et repris dans une notice du Lexikon der Ägyptologie11 résumant sa démonstration. b) Nous n’avions pas remis en cause cette hypothèse de la nèpe « substitut graphique » du scorpion jusqu’au moment où des doutes se sont élevés dans notre esprit, si bien qu’il nous est apparu comme une nécessité, en cours de route, de voir si ceux-ci étaient fondés. En effet, ladite hypothèse (L7 = « scorpion d’eau » = nèpe) promue, à des degrés divers, par P. Lacau, J. Yoyotte et Fr. von Känel, entraînait des incohérences archéologiques et iconographiques en cascade. Même si l’on peut convenir qu’à la suite de la théorie due à J. Yoyotte et Fr. von Känel, c’est avec un talent dialectique certain qu’on a tenté de concilier la thèse de la nèpe avec celle du scorpion pour comprendre la nature du hiéroglyphe associé à la déesse12, la théorie du radicogramme L7 à laquelle ils parviennent et à laquelle il a été fait écho13, méritait d’être reconsidérée pour savoir si elle devait être maintenue en l’état, reconsidérée sous bénéfice d’inventaire, voire abandonnée. 1.1.2. Reprenons-en donc l’analyse, en précisant que N. cinerea est une punaise aquatique paradoxalement nommée « scorpion d’eau » (water scorpion), bien que la nèpe et le scorpion, comme Lacau l’avait jadis reconnu, n’eussent rien à voir l’une avec l’autre sur le plan taxonomique. Mais une telle appellation est suffisante pour comprendre a posteriori qu’on pouvait inférer une

10 Eadem, « La nèpe et le scorpion, une monographie sur la déesse Serket », AnnEPHEV, vol. 96, no 92 (1983), p. 517-520. 11 Eadem, art. « Selqet », LÄ V (1984), col. 830-833. Cette théorie du scorpion d’eau est reprise par Magdalena STOOF, Skorpion und Skorpiongöttin im alten Ägypten (Antiquitates – Archäologische Forschungsergebnisse 23), Hambourg 2002. 12 Cf. Pascal VERNUS, Dictionnaire amoureux de l’Égypte pharaonique, Paris 2010, s. v. « Scorpion » ; Cathie SPIESER (« Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 [2001], p. 251-264) a tenté de donner une explication du passage de l’une à l’autre (p. 254) : « Ce mélange de l’image de la nèpe avec celle du scorpion a conduit, au Nouvel Empire, à un abandon progressif, puis total, de la nèpe au profit de celle du scorpion. » 13 SPIESER, « Serket, protectrice des enfants ».

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Fig. 2. Vue dorsale de Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828 (EHRENBERG, Animalia evertebrata, pl. I).

affinité formelle, même lointaine, entre ces deux animaux différents dont le premier appartient à la classe des Insecta, ordre des Hemiptera, famille des Nepidae Latreille, 180214, et le second à la classe des Arachnida et à l’ordre des Scorpiones, famille des Scorpionidae Latreille, 180215. 1.1.3. Il faut reconnaître que le radicogramme L7 est tellement surprenant qu’on peut comprendre qu’il ait fait l’objet d’une interrogation ayant mené, au final, à l’enquête de Fr. von Känel par rapport au bref commentaire d’Alan Gardiner, qui, résumant la position de l’Égyptologie à propos de l’identité de L7 ( ), écrivait dans sa Grammaire : « scorpion (modified for superstitious reasons) »16 et sans un mot de plus. Au regard de la concision de Gardiner — un scorpion à l’aspect modifié pour des raisons religieuses — l’hypothèse élaborée faisant l’objet d’un travail de longue main renversait la temporalité : ce n’aurait pas été un scorpion qui se serait transformé en nèpe (théorie de la substitution du scorpion en « scorpion d’eau » de J. Yoyotte pour des raisons magiques), mais une nèpe qui aurait fini par revêtir, au fil du temps, les traits de cet arachnide en raison de la suspicion de certaines affinités entre les apparences de ces deux arthropodes. 14

Arbre taxonomique : http://www.biolib.cz/en/taxontree/id17092/ Arbre taxonomique : http://www.biolib.cz/cz/taxontree/id132320/ 16 Alan H. GARDINER, Egyptian Grammar, Oxford 1957, p. 478, Sign-List, L7 ; Gustave LEFEBVRE (Grammaire de l’égyptien classique [BdE 12], Le Caire 1955, p. 491) le tient pour un scorpion. 15

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1.2. La nèpe par rapport au scorpion au plan anatomique 1.2.1. Malgré la présence sur le continent africain de plusieurs espèces rappelant de près ou de loin la forme de la nèpe17, l’identification de l’animal de Serqet par Fr. von Känel a essentiellement reposé sur Nepa cinerea, qui, de même que la filiforme ranâtre (Ranatra linearis L., 1758), qui s’y apparente, est une punaise aquatique répandue dans toute l’Europe, l’Afrique et l’Asie septentrionale (à l’exception de la Chine)18. Dans la perspective tracée ci-dessus, on proposera le bilan suivant, en rapportant la nèpe au scorpion. 1.2.2. De couleur brun clair, le corps de ce petit insecte ailé arbore une forme trapézoïdale déprimée rappelant plutôt celle d’une blatte. C’est un animal visible à l’œil nu et dont le mode de vie dans son biotope naturel se laisse aujourd’hui appréhender sans difficulté. Cependant, sa taille (17-22 mm sans le siphon respiratoire, qui mesure à lui seul 20 mm) est nettement inférieure à certaines espèces de scorpions égyptiens, qui, elles, peuvent atteindre jusqu’à 15-20 cm19. Une telle disproportion suffirait à invalider l’idée selon laquelle les Égyptiens auraient conçu un quelconque rapport entre les deux. En outre, on ne sache pas qu’il existe aucun témoignage iconographique égyptien sur la nèpe proprement dite en particulier ; et par conséquent aucune trace d’un intérêt particulier de la part des riverains du Nil à l’égard de celle-ci, pas même sur des amulettes, ce qui aurait pourtant donné du corps à l’hypothèse, contrairement au scorpion, omniprésent dans l’iconographie magique, avec les ophidiens. 1.2.3 a) Sur le plan anatomique, l’abdomen de Nepa cinerea est doté de trois paires de pattes servant à un mode de locomotion sous-utilisé. La nèpe est plus un insecte nageur que rampant ou volant, sans pour autant que ses pattes se soient adaptées à une fonction natatoire, contrairement au dytique, qui appartient à la famille des Dytiscidae. Sur le thorax, une paire de pattes antérieures ravisseuses lui sert, en se refermant comme un couteau pliant, à s’emparer de ses proies et aussi à nager, mais avec difficulté20. Cette paire de pattes ravisseuses terminées par des crochets et dont le tibia se replie sur le fémur, ne saurait en aucun cas être confondue avec les pédipalpes hypertrophiés des Voir Guillaume Antoine OLIVIER, Histoire Naturelle. Insectes, t. VIII, Paris 1811, p. 188200, qui dénombre neuf espèces de nèpes. Il existe bien deux nèpes de Guinée, Nepa grossa Fabricius, 1787, et N. nigra Fabricius, 1787. 18 On renverra à http://www.catalogueoflife.org/col/details/species/id/6836886 (27 février 2017) ; https://www.itis.gov/servlet/SingleRpt/SingleRpt?search_topic=TSN&search_value=1037 67#null. 19 Voir la liste établie dans Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-« guérisseuses » (Élien, Hist. an. 10, 23) », ici même, p. 307372 : p. 352-357. Présentation abrégée de la scorpiofaune égyptienne. 20 Ingrid VON BRANDT, Guide Hachette Nature insectes et papillons, Paris 2013, p. 89 ; Thierry LODÉ, La Biodiversité amoureuse : Sexe et évolution, Paris 2011, début du chap. 9. 17

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Fig. 3. Mantis religiosa L., 1758 (KEIMER, ASAE 34 [1934], p. 193-200).

Scorpiones qui ne sont pas des pattes mais des pinces préhensiles spécialisées pour la prédation, deuxième paire d’appendices post-oraux après les chélicères, dotés de doigts mobiles. b) Pourtant, dans les cas où ils ont eu à observer un tel dispositif anatomique, les Égyptiens savent représenter des pattes ravisseuses qui se replient. En effet, dans les exemples connus du hiéroglyphe de la mante prie-dieu (Mantis religiosa L., 1758) et fournis par un passage du Rituel de l’Ouverture de la Bouche, les longues pattes antérieures ravisseuses présentent bien leurs caractéristiques propres, d’après la documentation de Ludwig Keimer rassemblée sur ce sujet21. Sur le hiéroglyphe cursif de l’Ostracon du Caire JE 44892 (Fig. 3), où on distingue six pattes, on aperçoit parfaitement la pliure du tibia et du fémur des pattes ravisseuses. Aussi, même si la nèpe est un animal de moins grandes dimensions que la mante religieuse, on peut en déduire que les Égyptiens, par ailleurs excellents naturalistes, étaient parfaitement à même de distinguer des pattes ravisseuses de pédipalpes à pinces préhensiles.

De g. à dr. : Fig. 4. Bague magique d’Horemheb. Musée du Louvre, inv. N. 747 (dessin S.H. Aufrère). Fig. 5. Lanelater notodonta (KEIMER, ASAE 31 [1931], p. 151, fig. 2).

21 Ludwig KEIMER, « Quelques remarques sur la mante prie-dieu dans l’Égypte ancienne », ASAE 34 (1934), p. 193-200. Voir aussi Dimitri MEEKS, « De quelques insectes égyptiens entre lexique et paléographie », dans Z. Hawass, P. der Manuelian & R. B. Hussein (éd.), Perspectives of Ancient Egypt. Studies in honor of Edward Brovarsky (ASAE suppl. 40), Le Caire 2010, p. 277-304 : p. 279-280.

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1.2.4. À la différence de la nèpe, le scorpion est doté, lui, de quatre paires de pattes locomotrices sous le mesosoma, s’articulant à la jonction des cinq sternites de l’exosquelette chitineux ; sur le prosoma s’articulent les pédipalpes pouvant être réinterprétés comme deux doigts, car sur le manus — partie supérieure, fixe — s’articule une sorte de doigt mobile formant pince22. Ce détail anthropomorphique serait une réinterprétation si l’on en croit les premiers scorpions connus dans l’anthroponymie royale, à savoir lesdits basilonymes23 Scorpion (II) de la masse de l’Ashmolean Museum découverte à Hiéraconpolis24 et Scorpion (Ier) (tombe U-j d’Umm el-Qaab25) (Fig. 18b), voire la palette de la collection Tadaschi Kikugawa (Nagada IC), sans provenance connue26. Il existe des cas plus27 tardifs où les pinces des pédipalpes sont naturalistes comme dans le cas de la bague magique d’Horembeb (Fig. 4) (Louvre, inv. N. 747) avec un crocodile, un lion et un scorpion ; ils ne ressemblent pas à des doigts mais à de simples pinces sans détail naturaliste outrancier, ce qui signifie qu’ils ne sont pas systématiquement ramenés à un paradigme humain. En revanche, il convient de préciser que, dans certains cas, des insectes faisant partie de la famille des Elateridae comme Lanelater notodonta Latreille, 182328, sont dotés par l’artiste de bras grêles et de petites mains véritables empoignant des sceptres ouser29 (Fig. 5) et non de simples doigts opposables. Il s’agit d’un signe animé comme dans le cas de sceptre ouas doté de mains (cf. infra, § 4.2.1). 1.2.5. Les différentes parties de la nèpe, pourtant tripartite, ne sont pas clairement distinguables à l’œil nu. Celles du scorpion sont résolument visibles : 22 Gary A. POLIS (éd.), The Biology of Scorpions, Stanford 1990. Le pédipalpe comporte les cinq articles suivants : coxa, trochanter humerus, brachium, manus comprenant un doigt inamovible et enfin un doigt amovible. On notera que l’article terminal est nommé manus (main) par les naturalistes ; cf. Emil L. JORDAN & P.S.VERMA, Invertibrate Zoology, New Delhi 1999, p. 642, fig. 72.3. 23 On les nommera « basilonymes », même si les avis à ce sujet sont partagés. 24 On renverra à Patrick GAULTIER & Béatrix MIDANT-REYNES, « La tête de massue du roi Scorpion », Archéo-Nil (mai 1995), p. 87-127 : p. 112. On précisera que la silhouette du scorpion qui forme le nom du roi, est juchée sur un élément vertical (p. 88, fig. 1) que l’on retrouve dans un second cas sur ladite massue (p. 90, fig. 3 ; p. 111, fig. 15 : reconstitutions). Ce roi Scorpion est souvent lu Srq. 25 Gunther DREYER, Das Prädynastische Königsgrab U-j und seine frühen Shriftzeugnisse, Mainz 1998, fig. 35 ; EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », p. 2, fig. 2. 26 On rapportera à la forme de l’animal le très bel exemplaire naturaliste en os de la salle R 43 du Musée égyptien du Caire, sur lequel l’artiste a représenté une paire yeux plus grands que nature et ne rendant pas la réalité. 27 On remarquera que l’animal ne possède que trois paires de pattes. En effet, la première n’est pas toujours visible, dissimulée par les pédipalpes. 28 Cf. Anne-Sophie VON BOMHARD, « Neith et les mystères de l’insecte Lanater notodonta Latreille, 1827 », ici même, p. 139-156. 29 Ludwig KEIMER, « Pendeloques en forme d’insectes faisant partie de colliers égyptiens », ASAE 32 (1931), p. 145-186 : p. 151, fig. 2.

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prosoma ou cephalothorax suivi de l’abdomen formé de deux éléments : le mesosoma (abdomen à sept plaques dorsales ou tergites visibles et plus ou moins rapprochées) et le metasoma (queue) formée de cinq anneaux auxquels s’ajoute le telson (glande à venin) s’achevant par l’aiguillon (aculeus). 1.2.6. On a précédemment vu que la nèpe était pourvue d’un long siphon aérifère permettant à l’insecte de respirer lorsqu’il plonge pour chasser ses proies à l’affût30. Ce siphon, filiforme, tombe sitôt que l’insecte meurt ou n’est pas conservé dans de bonnes conditions. Cela soulève deux questions théoriques. (1) D’une part, même si ce siphon sert d’organe respiratoire, peut-on postuler que cette partie visible aurait pu être comprise, depuis l’Antiquité, comme présentant des analogies formelles avec un dard, ce qui, à la longue, aurait pu engendrer un rapprochement avec le scorpion, tous les rapports de taille entre la nèpe et le scorpion ayant été abolis ou oubliés ? (2) D’autre part, compte tenu que les observations scientifiques sur la fonction respiratoire jouée par le siphon de la nèpe — décrite par Linné en 1758 — n’ont été réalisées, à l’époque moderne, qu’autour des années 182031, y aurait-il lieu de penser que les Égyptiens, fins observateurs de la nature, eussent été capables d’observer le comportement curieux de la nèpe pouvant chasser de petits animaux sous l’eau, ce qui revenait à lui reconnaître, ainsi qu’à d’autres espèces comparables, des capacités respiratoires hors du commun autant qu’un instinct de prédatrice, mais aussi d’attribuer à ce siphon inoffensif le rôle d’un dard ? 1.2.7. Contrairement à ce que l’on pense parfois, la nèpe est loin d’être un insecte inoffensif. En effet sa piqûre (on parle par erreur de morsure), passe, dans nos régions, pour la plus douloureuse de celles causées par un animal de la classe des Insecta, allant jusqu’à paralyser l’endroit piqué en raison de la puissance de la salive qu’elle injecte dans le corps de ses proies au moyen d’une sorte de bec ou de rostre articulé32. 1.2.8. Mais, si douloureuse soit-elle, elle n’est pas dangereuse et ne présente aucune suite fâcheuse, du moins si on se fonde sur une piqûre de N. cinerea ; elle ne peut, par conséquent, être comparée à celle du scorpion, laquelle peut s’avérer létale dans certains cas d’extrême toxicité du venin. Il n’en reste pas 30 Frank BROCHER, La Nèpe cendrée : Étude anatomique et physiologique du système respiratoire, chez l’imago et chez la larve ; suivie de quelques observations biologiques concernant ces insectes, Le Soudier 1916. 31 Voir par exemple Léon DUFOUR, Recherches anatomiques et physiologiques sur les hémiptères, dans Mémoires presents par divers savans à l’Académie royale des sciences de l’Institut de France. Sciences mathématiques et physiques, t. IV, Paris 1833, p. 131-461 : p. 376-377. 32 Le fonctionnement du rostre de la nèpe est parfaitement expliqué par Marie PHYSALIX, Animaux venimeux et venins, 2 vol., Paris 1922, vol. 1, p. 336-337.

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moins que les Égyptiens pouvaient être victimes de piqûres de nèpes si l’on en juge par le fait que ce sont des riverains de lacs et de marais, mais il est probable que leur degré de nuisance pouvait s’avérer négligeable au regard de celui des scorpions. 1.3. Le radicogramme L7 de Serqet rapporté à la nèpe et au scorpion 1.3.0. Le catalogue des différences et des convergences entre la nèpe et le scorpion ayant été évoqué, abordons les différences entre le hiéroglyphe L7 et la nèpe ou le scorpion, en admettant que l’on puisse évoquer une évolution de la première vers le second.

Fig. 6a-b. Deux formes du radicogramme L7 dans l’édition des Textes des Pyramides de Sethe ; g. : forme A. ; dr. : forme B.

1.3.1. Le radicogramme de Serqet , de forme oblongue, est doté de bras terminés par des éléments et de ce que l’on peut interpréter à première vue comme de petites mains et deux éléments courts ou longs placés dans le prolongement des deux lignes de flancs dessinant une silhouette pisciforme. 1.3.2. Dans l’édition autographiée des Textes des Pyramides de Kurt Sethe, le radicogramme L7 est rendu de deux façons différentes (Fig. 6a-b), qui correspondent à deux tendances iconographiques des originaux. La partie sommitale du hiéroglyphe de Serqet est soit pointue (forme A)33, soit échancrée en V (forme B)34. Dans le champ hiéroglyphique, ces deux formes peuvent alterner pendant assez longtemps, jusqu’au Nouvel Empire. Choisissant de prendre le parti d’anticiper, pour les besoins de la démonstration, on doit postuler qu’il s’agit là d’un héritage iconographique des scorpions dessinés à l’époque prédynastique, où ils sont représentés avec des pattes locomotrices sur un corps se terminant sur une tête pointue ou avec des pinces se refermant en formant une échancrure en V élargi ou en V en forme de corolle. 1.3.4. a) Le radicogramme L7 présente des bras, non pas dotés de mains — faussement interprétées comme telles —, mais de doigts, quand on les observe de près. En effet, ce ne sont pratiquement jamais des mains stricto 33

TP Formule 565, § 1427c. Voir un exemple dans EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », p. 7, fig. 10 (pyramide d’Ounas). 34

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sensu — sauf exception notable sur laquelle on reviendra (cf. infra, § 4.3.1) —, mais un index et un pouce opposables. Dans l’iconographie égyptienne, une telle particularité devient assez souvent le paradigme de l’organe préhensile35. Attendu que les pattes ravisseuses de la nèpe ne sont pas dotée d’articles formant pince comme les pédipalpes des scorpions, une surinterprétation pourrait être tenue pour susceptible, entre autres critères, d’avoir facilité, à un moment donné, la transition de la supposée nèpe vers le scorpion, à moins qu’ait été sentie dès l’origine une affinité entre les pattes ravisseuses de la nèpe, ramenant sa proie vers son rostre en vue d’une piqûre injectant de la salive, et les pédipalpes du scorpion qui, eux, saisissent la proie et la ramènent vers les chélicères et la bouche. Mais l’argument, trop sophistiqué d’un point de vue naturaliste, n’est pas sans faiblesse, on l’a vu (cf. supra, § 1.2.3). b) L’absence d’ailes visibles sur l’abdomen de L7 soulève de sérieuses interrogations si on veut privilégier son identification à la nèpe. Déjà effleurée par le doute, Cathie Spieser écrivait : L’absence d’ailes demeure un mystère. Elles ont peut-être été simplement négligées dans les représentations qui dénotent un aspect stylisé. On pourrait aussi suggérer que les nèpes représentées seraient des larves dont les ailes ne sont pas encore présentes, mais même à ce stade, les nèpes ont déjà l’ensemble de leur pattes, qui, elles non plus, n’apparaissent pas dans l’iconographie36.

1.3.5. Si en outre on rapporte le hiéroglyphe L7 à l’objet symbolique P*L25 transformé en déterminatif dont il sera question plus loin (cf. infra, § 4.2-4.3), ni l’un ni l’autre ne présente de patte locomotrice. En revanche, ils ont en commun les membres ressemblant à des bras prolongés par des extrémités que l’on ne peut pas nommer « mains » selon les critères iconographiques égyp) soit un poing serré tiens, puisque celles-ci montrent soit les cinq doigts ( ( ). Il faut donc se départir d’un raisonnement qui concluerait au fait que des pédipalpes ou des doigts du scorpion seraient utilisés pour rendre les pattes ravisseuses de la nèpe et imaginer que tout pédipalpe ou toute patte antérieure devrait par défaut s’aligner sur le paradigme de la main humaine. En effet, cela reviendrait à nier l’idée d’une représentation inspirée de la nature au profit d’un rendu a priori hybride. En d’autres termes, le recours à ce paradigme humain, reposant davantage sur la similitude entre les pédipalpes du scorpion et la pince formée par le pouce et l’index humains, empêcherait toute reconnaissance naturaliste d’un quelconque arthropode, même si un tel raisonnement est impacté par le fait que les « mains de Serqet » traduisent l’accueil, 35 Dans le cas de certaines momies animales, cette approche anthropomorphique engendre des potentialités nouvelles ; cf. Cathie SPIESER, « Animalité de l’homme, humanité de l’animal en Égypte ancienne », dans M. Massiéra, B. Mathieu & Fr. Rouffet (éd.), Apprivoiser le sauvage / Taming the Wild (CENiM 11), Montpellier 2015, p. 307-320. 36 SPIESER, « Serket, protectrice des enfants », p. 254, n. 8.

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l’embrassement ou la protection, d’après les Textes des Pyramides37 et les textes disposés sur le flanc du canope sommé de la tête de Kebehsenouf38.

De g. à dr. : Fig. 7a-b. Le sarcophage à canopes de Khnoumnakht, New York, MMA inv. 15.2.2a, b (© MMA, New York). Fig. 8. Pap. Golenischef 8, 2 (MÖLLER, Hieratische Paläographie, vol. 1, no 262). Fig. 9a-b. Chapelle axiale du temple de Ramsès II, à Abydos (© Sydney H. Aufrère).

1.3.6. D’ordinaire, l’emblème de Serqet présente un corps sans articulation visible. Mais trois documents fournissent une aide précieuse à la réflexion dans la mesure où ils permettent de constater un détail se rapportant à l’« abdomen » tout en permettant de constater l’évolution de l’objet. 1.3.7. Le premier document est le nom de la déesse Serqet, écrit ,39 sur le sarcophage à canopes de l’intendant Khnoumnakht au Metropolitan Museum of Art (inv. no 15.2.2a, b)40, provenant de la nécropole de Meir, en MoyenneÉgypte, dans le XVe nome, et daté de la 13e dynastie (1802-1840 av. J.-C.) (Fig. 7a-b). D’après le déterminatif du nom de la déesse, le « corps » de l’objet, peint en vert foncé, présente, dans la partie supérieure, cinq lignes formées chacune de deux séries de traits horizontaux discontinus41, et permettant de distinguer un axe longitudinal. Précisons que les deux traits du haut, plus courts que les autres sous-jacents, pourraient évoquer comme des yeux, mais 37 PT Formule 565, § 1427c : « Serqet (ou Nephthys) a tendu ses mains vers ce ( )| » (rdj~n Srq.t ῾.wj⸗s(j) jr ( )| pn). 38 « Paroles dites par Serqet : “J’étends mes mains autour de ce qui est là” » (ḏd mdw jn Srq.t : sḫn~n⸗(j) ῾.wj⸗j ḥr ntj jm). On verra avec intérêt les pages consacrées à la comparaison, entre la gestation des petits (pulli) chez les scorpions et la protection maternelle, chez Jonathan MAÎTRE, « L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat », ici même, p. 373-414 : 2.1. La protection maternelle de l’individu : de la petite enfance… 39 Cette graphie, que l’on pourrait lire Slq, ne fait pas partie de celles qui sont consignées dans LÄGG VI, 437c ni celles du Wb IV, 203, 17-19. 40 Voir Willam C. HAYES, The Scepter of Egypt, 2 vol., New York : Metropolitan Museum of Art, 1978 (1re éd. 1953), vol. 1, p. 314-315 et fig. 204. 41 On ne manquera pas de comparer ce signe au scorpion de la palette de la collection Tadashi Kikugawa qui présente, sur le mésosoma, une dizaine de petits traits horizontaux volontairement incisés et destinés à évoquer les tergites de l’animal.

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sans pour cela être érigé au rang de certitude42. À la saignée des « bras », dont les extrémités ressemblent à des mains humaines, pendent deux sceaux avec un point bleu. L’objet présente l’échancrure en V comme dans la forme B (Fig. 6b) du signe dans les Textes des Pyramides (cf. supra, § 1.3.2). Le double appendice repose directement sur le pavois, indiquant par là qu’il est posé comme un emblème divin. 1.3.8. Plus tardif, le deuxième document, le P. Golenischeff (8, 2)43, daté de l’époque Hyksôs (Fig. 8), est un des rares à fournir une forme hiératique du signe L7. Il livre les caractéristiques suivantes qui permettent de le reconnaître sans aucune espèce de doute : deux traits curvilignes dessinent l’abdomen et se croisent en se prolongeant pour former l’élément basal bifide ; deux traits forment les « bras ». Trois traits de calame barrent l’« abdomen ». La partie haute, entre les bras, fait songer à la forme B (Fig. 6b) du signe dans les Textes des Pyramides. 1.3.9. Le troisième et dernier est le déterminatif du nom de Serqet représenté sur la paroi nord de la chapelle axiale du temple de Ramsès II (1279-1213) à Abydos (Fig. 9a-b). Il n’est pas étonnant de découvrir un détail surprenant confirmant l’allure des deux signes précédents. En effet, l’artiste, après que la forme du hiéroglyphe a été sculptée et complètement peinte en jaune, a cerné la silhouette d’un trait rouge tandis que sur l’« abdomen », il a ajouté six bandes horizontales légèrement concaves. 1.3.9. Ces trois exemples permettent de s’interroger sur l’extrémité en forme de double appendice visible sur le hiéroglyphe

, qui sert au déterminatif du

nom de Serqet ou qui constitue son nom en tant que radicogramme ( ), en postulant qu’elle traduirait peut-être une particularité anatomique. De ce point de vue, ces deux éléments représentent comme des bandes croisées avec une extrémité fermée à angle droit — une forme qui se maintient depuis les Textes des Pyramides de l’Ancien Empire, en passant par le Moyen Empire lato sensu, jusqu’à la 19e dynastie — et non comme des éléments pointus que sont les deux parties du siphon aérifère de la nèpe.

42 En précisant que le scorpion possède deux paires d’yeux, une première sur le céphalothorax, et une seconde latérale. 43 Georg MÖLLER, Hieratische Paläographie, 3 vol., Leipzig 1909-1912, vol. 1, no 262.

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2. Le bélostome (Lethocerus cordofanus Mayr, 1853) et Laccotrephes Stål, 1866 2.1. Généralités 2.1.1. a) Ayant admis que L7 ne saurait être identifié avec certitude à N. cinerea, insecte de petite taille, il convient d’étudier une autre possibilité qui pourrait également convenir à sa typologie, car la taille pourrait être un argument à prendre en considération. L’insecte qui, partageant des traits avec N. cinerea, pourrait correspondre peu ou prou à la typologie des formes de ce hiéroglyphe est une cousin de la nèpe qui vit également dans les lacs et les étangs. Il s’agit de la punaise d’eau géante — ordre des Hemiptera, sous-ordre des Heteroptera, membre de la famille qualifiée, d’un point de vue taxonomique, de mordeurs d’orteils (toe biters) ou Belostomatidae Leach, 181544, genre Lethocerus — : Lethocerus cordofanus Mayr, 185345. Différent de la nèpe, mais pouvant aussi répondre, d’un point de vue non taxonomique, à l’appellation de scorpion d’eau, ce gros insecte reçoit d’autres synonymes binominaux : Lethocerus niloticus Stål, 185546 ou encore Lethocerus fakir Gistel, 1848, en raison de son nom vernaculaire africain : fakir47.

Fig. 10a-b. Lethocerus cordofanus Mayr, 1853 (dr.) et Laccotrephes Stål, 1866 (g.). 44

Arbre taxonomique : http://www.biolib.cz/en/taxontree/id17091/ http://www.ispotnature.org/sites/default/files/images/42503/7e1ada007ec2670bed645969b1 29a3b2_0.jpg. 46 On renverra à M.F.S. TAWFIK, « On the life-history of the giant water-bug Lethocerus niloticus Stael (Hemiptera: Belostomatidae) », Bull. Soc. Ent. Égypte 53 (1969), p. 299-310. Voir aussi http://www.biolib.cz/en/taxon/id701829/ (avec d’autres synonymes). 47 Déjà, Cathie SPIESER (« Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 [2001], p. 251-264 : p. 252, fig. 1b ; p. 253, n. 7) avait ajouté au dossier Lethocerus fakir, synonyme de L. cordofanus, mais aussi le genre Laccotrephes. 45

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b) Son aire de distribution est l’Afrique du Sud, le Cameroun, l’Égypte, l’Éthiopie, le Gabon, la Namibie, le Nigéria, la République centrafricaine, la République du Congo, le Sénégal, le Sierra Leone, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie, le Tchad, le Togo et la Zambie. Dans la faune aquatique du lac Tchad, elles constituent, avec d’autres espèces, un aliment des jeunes crocodiles48, et on la retrouve aussi au Liban49. On la nomme punaise géante, car elle atteint de 60 à 70 mm, voire 80 mm, de longueur50. 2.1.2. À l’aide de son rostre51, cet animal provoque des piqûres extrêmement douloureuses — une vive sensation de brûlure — et nécrosantes, fonction de la quantité de salive injectée, pouvant jusqu’à causer des dommages permanents, sans compter que celles-ci peuvent transmettre aujourd’hui des maladies comme l’ulcère de Buruli, une mycobactériose entraînée par Mycobacterium ulcerans MacCallum, 194852. À son sujet, on parle même de « salive narcotique et venimeuse »53. 2.1.3. L’abdomen fuselé se termine par deux appendices parallèles ; il s’agit d’« un siphon respiratoire court et rétractile »54. En voici une description : « Les punaises appartenant à la famille des Belostomatidae sont caractérisés par la présence sur le prolongement du huitième segment abdominal de deux courts appendices rétractiles qui, réunis, forment un court siphon respiratoire55. » 2.1.4. L’animal présente deux gros yeux saillants, détail dont on ne peut tirer de conclusion a priori.

48 Claude DEJOUX, « Les insectes aquatiques du lac Tchad – Aperçu systématique et bioécologique », Verh. Internat. Verein. Limnol. 17 (1969), p. 900-906 : p. 904. 49 Nico NIESER & Z. MOUBAYED, « Les Hétéroptères aquatiques du Liban. L’Inventaire faunistique », Annales Limnol. 21/3 (1985), p. 247-252 : p. 251. 50 Pablo J. PEREZ GOODWIN, « Taxonomic revision of the subfamily Lethocerinae Lauck & Menke (Heteroptera: Belostomatidae) », Stuttgarter Beiträge zur Naturkunde Serie A (Biologie) 695 (2006), p. 1-71 : p. 55-57. En Afrique, il représente une resource alimentaire ; cf. François MALAISSE, Se nourrir en forêt claire africaine: approche écologique et nutritionnelle, Gembloux 1997, p. 237. 51 https://www.insecte.org/forum/viewtopic.php?t=119957 52 Laurent MARSOLLIER et alii, « Écologie et mode de transmission de Mycobacterium ulcerans », Pathologie Biologie 51 (2003), p. 490-495 ; Christelle MBONDJI WONJE, Paramètres épidémiologiques, immunologiques et entomologiques liés au mode de transmission à l’homme de Mycobacterium ulcerans, agent causal de l’ulcère de Buruli dans une région endémique du Cameroun. Thèse de doctorat, Université de Nantes, 2008 (file:///Users/g4/Downloads/pdfNatif. pdf), p. 102-103 (elle injecte cinq enzymes protéolytiques). Avec un danger particulier pour les mâles. 53 Jean-René DURAND & Christian LÉVÊQUE, Flore et faune aquatiques de l’Afrique sahelosoudanienne, vol. 2, Paris 1981, p. 671 ; cf. A.R. RESS & R.E. OFFORD, « Studies on the protease and other enzymes from venom of Lethocerus cordofanus », Nature 221 (1969), p. 675-677. 54 DURAND & LÉVÊQUE, loc. cit. 55 MBONDJI WONJE, Paramètres épidémiologiques, p. 120. Une belle illustration p. 107, fig. 23. Voir aussi p. 106. P.L. MILLER, « Motor responses to changes in the volume and pressure of the gas stores of a submerged water-bug : Lethocerus cordofanus », PhysiolEntomol 2 (1977), p. 27-36.

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2.1.5. La présence de « bras » terminés par des doigts visibles sur L7 bute sur la même difficulté que celle abordée précédemment au sujet de la nèpe. En effet, ni N. cinerea ni Lethocerus cordofanus ne possèdent de pinces, à l’inverse des pédipalpes des scorpions. 2.1.6. L’absence de pattes locomotrices visibles sur L7 est toujours aussi gênante. On pensera également au genre Laccotrephes Stål, 186656, de la famille de Nepidae dont trois espèces africaines sont recensées : L. brachialis Gerstaecker, 1873 ; L. dissimulatus Montandon, 1912 ; L. vicinus Signoret, 1863 ; L. fabricii Stål, 1868. Il s’agit d’un genre dont les membres ressemblent beaucoup à la nèpe, avec de fortes pattes ravisseuses, un long siphon aérifère, ce qui ne saurait convenir, en l’espèce, en raison de l’organe double, mais court, du hiéroglyphe L7. 2.1.7. Il serait donc imprudent de privilégier une équivalence : L7 = Lethocerus cordofanus ou Laccotrephes Stål, 1866, même s’il n’est pas rare que les silhouettes de petits animaux, souvent rendues dans les polices par une seule espèce (quand celle-ci peut être identifiée), soient composées, dans la réalité, à l’aide d’une combinaison de détails empruntés à plusieurs espèces présentant des traits ou caractères similaires, mettant en lumière une croyance générale en des affinités interspécifiques57. Malheureusement, à notre connaissance, il n’existe pas plus de preuve de l’existence de L. cordofanus, dans l’iconographie égyptienne que de celle de N. cinerea, non plus que du genre Laccotrephes Stål, 1866. 2.1.8. Pour conclure, le modèle de la nèpe proposée par Frédérique von Känel, voire celui d’autres punaises d’eau revêtant des caractéristiques à peu près similaires, doit être donc écarté, même en admettant, pour le principe, que le signe L7 pourrait être un hiéroglyphe chimérique recourant aux caractéristiques anatomiques d’une gamme d’insectes aquatiques piqueurs partageant tant un même biotope qu’un même mode de prédation, même si L. cordofanus, par sa taille, la dangerosité potentielle de sa piqûre douloureuse, nécrosante et infectante, l’aspect de ses pattes ravisseuses, son siphon aérifère court, bref son aspect extérieur, aurait pu contribuer à valider un transfert de l’animal représenté par L7 vers le scorpion, beaucoup plus propre à incarner visuellement l’idée d’une famille dangereuse à tous points de vue et renforcer dans le groupe des punaises aquatiques l’idée véhiculée par la famille des scorpions d’eau ou Nepidae Latreille, 1802 ou de la famille des mordeurs d’orteils (toe biters), à savoir les Belostomatidae Leach, 1815, particulièrement craints par les riverains d’étendues lacustres et principalement du Delta d’où Serqet 56 Il existe trois espèces africaines : L. brachialis Gerstaecker, 1873 ; L. dissimulatus, Montandon, 1912 ; L. vicinus Signoret, 1863 ; L. fabricii Stål, 1868. 57 Voir ici même, à propos du hiéroglyphe bj.t, « qui tient à la fois de l’abeille, de la guêpe et du frelon », l’article de Thierry BARDINET, « Quelques aspects du « monde du minuscule » dans la pensée médicale de l’Égypte ancienne », p. 159-174.

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aurait été originaire, puisque l’on parle du 6e nome de Basse-Égypte, ce qui ne l’empêche pas d’être vénérée dans le Delta, en Haute-Égypte et notamment à Edfou, en tant que « Fille de Rê » ou « épouse d’Horus », ce qui l’associe à un paradigme animal plutôt solaire (cf. infra, § 4.2.5b) qu’aquatique. 3. Récapitulation des arguments 3.0. Àl’aide des remarques qui viennent d’être faites, récapitulons les arguments permettant de réfuter l’hypothèse L7 = nèpe, quel que soit le point de vue des auteurs qui l’ont proposée. 3.1. Les bras et les mains 3.1.1. D’après les paragraphes qui précèdent, la théorie d’une identification du hiéroglyphe L7 de Selkis-Serqet à N. cinerea (cf. infra, § 1.2.1-1.2.6), même en l’étendant au bélostome ou à d’autres espèces (§ 2.1.1-2.1.8), ne sort pas étayée au moyen d’arguments tirés d’une comparaison entre le hiéroglyphe L7, doté de membres évoquant de loin des bras « humains », et l’anatomie de ces punaises d’eau. La nèpe et le bélostome ne possèdent pas de pédipalpes, caractéristiques des Scorpionidae, mais des pattes ravisseuses, tandis que les extrémités du hiéroglyphe L7 de Serqet de même que l’emblème figurant sur la tête de la déesse (cf. infra, § 7) ou l’objet symbolique des scènes royales (P*L25) (cf. infra, § 4), majoritairement en lien avec une expression du dynamisme royal (course, massacre), sont bel et bien rendues par des doigts opposables formant pince. On peut même dire, en passant la documentation en revue, que les pinces adoptant plus ou moins la forme de doigts humains sont une réappropriation. 3.2. L’absence de pattes 3.2.1. L’absence de pattes locomotrices, qui aurait pu rapporter sans ambiguité l’animal à la classe des Insecta ou à celle des Arachnidae, fragilise l’hypothèse d’une représentation anatomique, mais suggère davantage un objet divin thériomorphe stylisé. Quels que soient les arthropodes représentés sous forme hiéroglyphique, les scribes prennent soin de représenter les pattes, nombre qui peut être réduit dans le cas des exemples hiératiques. On verra qu’une telle absence est due à la reproduction d’objets stylisés (cf. infra, 4.2.2. b). 3.3. L’absence d’yeux 3.3.1. L’absence d’yeux visibles du côté de la « tête »58 est due à la même raison. 58

Au Nouvel Empire, dans certains cas, les endroits où l’on pourrait localiser les yeux sont réinterprétés comme une poitrine féminine avec les pointes des seins et l’arrondi de ces derniers.

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3.4. L’écartement et la forme des deux appendices terminaux 3.4.1. Plusieurs arguments découlent de l’examen des deux prolongements de l’emblème de Serqet, constituant la partie basale, et qui vont à l’encontre de l’hypothèse de la nèpe. En effet, les deux gouttières du siphon de N. cinerea ne s’écartent que lorsque l’animal s’envole ou encore, lorsque l’insecte est mort. Le double siphon du bélostome, lui, est trop court pour avoir fourni aux scribes un modèle de L7. En outre, la proportion par rapport au corps des deux traits écartés de la partie basale visible sur le hiéroglyphe L7 fait problème. Dans certains cas, ceux-ci sont bien trop courts ; dans d’autres, ces deux appendices, s’écartant l’un de l’autre, peuvent être plus longs59. Mais rapportée à ces deux cas, la taille du siphon chez N. cinerea égale la longueur du corps de l’insecte (supra, § 1.2.2), ce qui équivaudrait, en admettant qu’on ait affaire à un rendu naturaliste et compte tenu de l’observation des détails, à doubler la longueur de ces appendices. Dans certains cas, l’artiste prend des libertés avec ce double appendice comme dans la tombe de Séthi Ier, dans le Livre de l’Amdouat60, où il dessine deux crochets61. 3.4.2. Quant à la théorie des cerques (< lat. cercus < grec kerkos, « queue ») que l’on nomme également « forceps », appendices très visibles sur les forficules ou perce-oreilles (Forficula auricularia L., 1758), elle doit être pour le principe abandonnée aussitôt qu’énoncée. Les cerques s’achèvent en pointe et non comme des bandes coupées à angle droit, ce qui renvoie à un objet conceptuel et magique substitué, pour des raisons liées à la magie, à un détail anatomique. 3.5. La segmentation du hiéroglyphe L7 et ses conséquences 3.5.1. La segmentation du corps du hiéroglyphe L7, à partir des trois exemples fournis (supra, § 1.3.6-1.3.9), permet d’inférer tout d’abord une constance formelle de son rendu avec des traces visibles sur l’abdomen entre les 13e et 19e dynasties. Dans cette fourchette chronologique, de telles traces empêchent d’assimiler l’objet, tel qu’il est représenté, à la nèpe ou au bélostome ou encore à quelqu’une des espèces d’insectes appartenant à l’une de ces

59

C’est le cas, par exemple, dans le temple de Ramsès II à Abydos. Livre de l’Amdouat, 356-357, nos 283. Elle est présente en lien avec les serpents (Ceux-quisont-sur-leur-ventre Ḥr.jw-ẖ.wt⸗sn) (nos 281-283) (LÄGG V, 407c-408a). On renverra à HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, Zurich – Munich 1972, p. 96 et illustration p. 94-95. Dans la tombe de Séthi Ier, Serqet-Vivante (Srq.t-῾nḫ.t) est représentée sous la forme d’un énorme cobra-uraeus dans un lieu qui est Rosetaou. 61 Il serait très étonnant qu’on ait affaire, en pareil cas, à un exemplaire terratologique : une représentation de scorpion à double queue, contrairement à ce que pense EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », p. 11, fig. 17-19 et p. 12. 60

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deux familles. En effet, ladite segmentation incite à la prudence, bien qu’on puisse penser, sans évoquer pour l’instant une espèce en particulier, à des tergites. Au cas où, dans la tradition, on aurait deviné dans cette segmentation la trace de tergites, la métamorphose de l’objet en un hiéroglyphe de scorpion, qui apparaît tardivement dans le système hiéroglyphique62, doté desdits tergites, pourrait s’expliquer. 3.5.2. LA THÉORIE DU SCORPION. — Sur ces seules bases, la théorie L7 = représentation stylisée du scorpion serait insuffisante, en raison de la partie basale double. Mais elle présente l’avantage de s’appuyer sur le fait que le nom de la déesse, à partir du Nouvel Empire, sera déterminé par un membre de la famille des Scorpionidae, lui, très reconnaissable. Cependant, dans le cas des différentes formes hiératiques du scorpion, le scribe ne reproduit pas les tergites63, car ils ne sont pas nécessaires à la reconnaissance de l’animal alors qu’ils peuvent désambiguïser le hiéroglyphe L7 ; il se contente parfois d’un simple trait médian le long du mesosoma64, confirmé par maintes représentations d’arachnides65 jusque dans celle de la constellation du Scorpion sur le plafond du pronaos de Dendara66. (Une bande médiane plus sombre est visible sur une des espèces les plus dangereuses : Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828 ; angl. deathstalker). Les anciennes terminologies le nomment « androctone à cinq stries ». Il existe aussi une autre constellation dans le ciel du Nord, Srq, qui n’est pas comprise, de façon anatomique, comme un scorpion, mais bien comme l’emblème de Serqet (Fig. 11)67. Mais cela, on en conviendra, n’est pas non plus suffisant pour assimiler L7 à un scorpion, puisqu’il y a une large latitude dans l’emploi des déterminatifs de 62

Il ne figure pas en effet dans la liste de Gardiner, ni parmi les signes hiératiques repertoriés

par MÖLLER, Hieratische Paläographie, vol. 1, même si, d’après Wb I, 351, 1, le mot apparaît à la fin de l’Ancien Empire dans le corpus hiéroglyphique, mais il y a de grandes chances que le terme ne soit pas déterminé par le scorpion. Même restriction pour le terme (Wb V, 526, 15) qui est dit apparaître à l’Ancien Empire. Le signe ne se banalise qu’à l’époque tardive ; cf. Dimitri MEEKS, Les architraves du temple d’Esna. Paléographie (PalHiér 1), Le Caire 2004, p. 110, no 295. On verra également Alain ANSELIN, « Aegyptio-Graphica II. Le Scorpion, ses hiéroglyphes et ses mots » (http://www.reocities.com/jeque8/aeg_graph.pdf). 63 Voir MÖLLER, op. cit., vol. 1, p. 25, no 260. Sur la datation, voir ibid., p. 19 de l’introduction. 64 MÖLLER, op. cit., vol. 3, p. 24, no 262 (P. Leyde T 32). 65 MEEKS, loc. cit. 66 Sylvie CAUVILLE & Mohammed Ibrahim ALI, Dendara. Itinéraire du visiteur, Louvain 2015, p. 18, travée ouest. 67 Dans la tombe de Senmout, la constellation Srq est notée par une femme qui porte sur sa tête l’emblème de Serqet (Peter F. DORMAN, The Tombs of Senenmut. The architecture and decoration of tombs 71 and 353, New York 1991, pl. 86a) ; cf. SPIESER, « Serqet, protectrice des enfants », p. 256, fig. 4. Cela prouve l’association de Selkis à cette constellation Srq, sans expliquer pour autant de quelle constellation il s’agit. — On observera que le signe L7, qui sert à écrire le nom de Serqet-Vivante dans la quatrième heure du Livre de l’Amdouat, est doté d’une ligne médiane dorsale ; cf. HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, p. 94.

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De g. à dr. : Fig. 11. La constellation Srq, tombe de Senmout (dessin C. Spieser d’après DORMAN, The Tombs of Senenmut, pl. 86a). Fig. 12. TOSCANNE, « Sur la figuration et le symbole du scorpion », p. 188, fig. 14-26 et surtout les dernières sur la droite.

noms d’animaux, qui peuvent s’éloigner de la catégorie que l’on veut nommer. Toutefois, il faut retenir un lien affinitaire a posteriori de la déesse Serqet avec l’ordre des Scorpiones ou avec une forme qui, d’une façon ou d’une autre, leur serait apparentée. 3.6. Un objet scorpioniforme  ? 3.6.1. Ainsi, la théorie d’une représentation animale originelle comme la nèpe, le bélostome (deux insectes) ou le scorpion (arachnide), se heurte à maintes contradictions et incite à une révision de la question, en changeant d’angle de vue. Au lieu du modèle naturaliste d’un animal, on pourrait reconnaître en L7 un artefact évoquant un scorpion stylisé ne conservant comme membre visible que les pédipalpes comme cela se produit dans l’art oriental68. En outre, la couleur du fond (jaune ou vert), les lignes qui le traversent et les deux longs segments écartés terminaux pourraient n’être pas rapportés à des organes animaux, mais soit à un substitut, de sorte qu’on pourrait plutôt penser à une figuration emblématique scorpioniforme, soit à un support, ce qui est le cas pour le signe P*L25 : un scorpion sur un manche, voire une stylisation de l’aculeus au regard des stylisations de scorpion au Proche-Orient où le metasoma est absent ou ambigu (Fig. 12)69, laissant penser à un aculeus exalté. Cette forme mettrait en avant tant les pédipalpes, très reconnaissables, comme associés au scorpion, que son aiguillon. 3.6.2. De plus, il faut reconnaître que la forme B échancrée attestée dans les Textes des Pyramides (cf. supra, § 1.3.2), confirmée par la graphie du coffre à canopes de l’intendant Khnoumnakht (cf. supra, § 1.3.7), correspond à la stylisation du creux dont l’axe est la bouche, formé par les hanches, le trochanter et le coxa des pédipalpes lorsque les pinces sont tendues en avant. 68 TOSCANNE, « Sur la figuration et le symbole du scorpion », p. 188, fig. 9, 20-21 ; 34-35 ; p. 195, en haut, A-D. 69 Ibid., p. 188, fig. 14-26 et surtout les dernières sur la droite.

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3.6.3. En sorte que la théorie de Gardiner mentionnée plus haut (supra, § 1.1.3) reprend le dessus, eu égard au fait que la représentation du scorpion, tardive dans le système hiéroglyphique, s’accompagnerait alors d’un vide hiéroglyphique dont on peut se demander comment il pourrait être compensé, sinon par L7. Cette théorie de Gardiner, sa simplicité, la concision de son expression s’avère plus à même de contenter l’esprit. D’où il appert que ce serait bien pour des raisons magiques que l’on représenterait le hiéroglyphe L7 sous la forme d’un objet rappelant la silhouette d’un scorpion dont la disparition des pattes résultent de l’érosion iconographique d’un vieux fétiche et en neutralisant, par un élément en forme de V inversé, la partie caudale en lui ôtant, dans les inscriptions, la capacité de nuire. (Un tel parti rejoint le traitement de certains hiéroglyphes évoquant des serpents, sectionnés ou inactivés par un bouchage au plâtre, des insectes venimeux privés de tête.) On observe une focalisation sur la queue, car, au lieu de dessiner les cinq segments de cette partie anatomique — ce qui est le cas, au cours de l’époque prédynastique (dynastie « 0 »), du scorpion placé devant la silhouette dudit roi Scorpion et dans d’autres exemples (la palette de la collection Tadashi Kikugawa) —, les scribes vont jusqu’à dessiner sept segments, exaltant ledit chiffre70 que l’on retrouve attaché aux sept scorpions d’Isis, par exemple71. Cette métamorphose du metasoma n’est pas sans conséquence, puisque c’est là que se trouve précisément le danger qu’il convient de conjurer. Il faut dire que ces arachnides infestaient littéralement tous les lieux d’Égypte et constituaient un péril permanent pour les habitants de la vallée du Nil72 ; personne n’avait envie de faire une mauvaise rencontre, ni dans la réalité ni dans l’au-delà73. 4. Le radicogramme L7 et l’objet symbolique scorpioniforme (P*L 25 a-b) placé derrière le roi 4.0. Ayant réglé le problème de L7, il est impossible de traiter de ce hiéroglyphe sans porter son regard sur le prototype du hiéroglyphe L25 ( ), à savoir P*L25A-B74, et sans établir entre ceux-ci un lien affinitaire étayé par le scorpion. Quoique l’utilisation de ces deux signes réponde à des intentions Cf. Dimitri MEEKS, Les architraves du temple d’Esna. Paléographie (PalHiér 1), Le Caire 2004, p. 110, § 295. 71 Voir Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-“guérisseuses” », ici même, p. 307-372 : p. 331-334. 72 Cf. Élien, Hist. nat.10, 23 ; BERLANDINI & AUFRÈRE, art. cit., p. 307, 325-346. 73 Voir par exemple Marcus N. TOD, « The Scorpion in Graeco-Roman Egypt », Journal of Egyptian Archaeology 25/1 (Jun., 1939), p. 55-61 ; Richard C. STEINER, « The Scorpion Spell from Wadi Hammamat: Another Aramaic Text in Demotic Script », JNES 60/4 (Oct., 2001), p. 259-268, articles qui montrent une préoccupation constante à l’égard des scorpions. 74 Ici P* est donné pour « prototype » afin de le différencier du hiéroglyphe L28 vers lequel il évoluera par la suite ; les deux lettres, a et b, afin de distinguer un signe combiné [b] ou non 70

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différentes, l’identification de l’un permettra, corrélativement, de vérifier l’identité de l’autre, et vice versa. C’est la validité d’un tel postulat qu’il convient de démontrer, car reconnaître dans les deux cas le recours à un scorpion est loin de s’avérer suffisant. 4.1. Premières constatations 4.1.1. STATUTS RESPECTIFS DE L7 ET DE P*L25. — Ayant précédemment admis que le radicogramme L7 est bien un scorpion et non une punaise d’eau, quelle qu’en soit l’espèce, il faut mettre ici en lumière un lien formel entre L7, à extrémité bifide, et l’objet symbolique composite P*L25, intégré à une colonne d’objets de même ordre accompagnant le roi accomplissant une activité dynamique, et qui se maintient jusque dans les scènes de nature identique les plus tardives. Il convient de discriminer ces deux objets en précisant que le premier (L7) aura perpétuellement un statut de hiéroglyphe, tandis que le second, l’objet symbolique P*L25, après une longue carrière iconographique effectuée dans un cadre iconographique précis, changera de statut à l’époque tardive.

De g. à dr : Fig. 13a. L’emblème P*L25A-B, détail de la stèle N. des salles souterraines de la pyramide de Djoser (LAUER, Histoire monumentale…, vol. 1, 1962, p. 80, pl. IX, droite). Fig. 13b. Autre emblème P*L25B, stèle centrale du tombeau Sud de Djoser.

4.1.2. En effet, se départissant de son ambiguïté iconographique, ce dernier évoluera vers un hiéroglyphe affectant la forme d’un scorpion reposant horizontalement sur un élément vertical posé sur un signe šn : L25

. Or, en tant

que tel, l’objet sera désormais associé au nom de la déesse Serqet ( nom qui peut être réduit à ce qui deviendra un radicogramme :

75

,

76

) de même

[a] au signe chen. On verra qu’il faut faire une distinction, car l’on ne peut pas simplement appeler ce signe L28 sans ajouter un risque de confusion. 75 Statue magique de Naples, inv. 1065 (László KÁKOSY, Egyptian healing statues in three museums in Italy : Turin, Florence, Naples, Torino 1999, p. 147 et pl. 43). 76 Dendara IV, 125, 7.

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qu’il l’a été, au Nouvel Empire, aux représentations de ladite déesse, d’après l’étrange ornement que celle-ci porte sur la tête77. Dans sa nouvelle fonction de déterminatif ou de radicogramme, dans les deux cas suivants :

se substitue à L7, forme magique,

ou .

4.1.3. Deux questions se posent. La première : par rapport à L7, quelle est la nature du signe que, pour éviter une description qui risquerait d’anticiper sur sa définition, nous nommerons P*L25A-B ? La seconde : qu’ont en commun ces deux signes ? 4.2. La nature de l’objet symbolique (P*L25A-B) dans les scènes impliquant une action dynamique du souverain 4.2.1. NATURE DE P*L25A-B. — L’examen de la documentation montre que l’emblème P*L25A apparaît, au début de la 3e dynastie, dans les salles souterraines de la pyramide à degrés de Djoser, sur la stèle nord (Fig. 13a)78. Pour dire d’emblée de quoi il s’agit, l’exemple figurant au bas de la colonne de signes derrière le roi sur cette stèle associée à une construction de Behedet (Edfou), revêt l’aspect général d’un scorpion inspiré de formes familières contemporaines de la dynastie « 0 ». On nommera P*L25A la forme que revêt l’exemple de Djoser. Renflé dans sa partie antérieure, le corps, correspond aux caractéristiques d’un membre adulte de la famille des Scorpionidae. Détail signifiant, qui se perpétuera pendant une longue partie de son existence iconographique, l’axe du corps de l’animal est penché d’une vingtaine de degrés — ce n’est pas toujours le cas chez Djoser (cf. Fig. 13b), où l’emblème (P*L25B) est disposé à l’horizontale —, ce qui lui communique un effet apparent de plongée qui, par l’effet de perspective ambiguë qu’il crée, a pu induire en erreur les chercheurs79. Il s’agit en fait d’une stylisation ayant pour but d’évoquer, non pas l’idée de plongée d’un insecte aquatique comme la nèpe ainsi qu’on a pu le croire, mais de restituer la cambrure du mesosoma du scorpion en position de défense, lequel rappelle, par analogie, la posture d’un cobra prêt à mordre. Dans cette posture, le cephalothorax est plus bas que le reste du mesosoma dressé, surmonté par le metasoma prêt à lancer l’éperon venimeux (aculeus) sur sa proie dès qu’elle est saisie par les pédipalpes. L’aculeus, en suspension, est ainsi en mesure de frapper son agresseur loin vers l’avant dans le même temps où l’animal se repositionne en permanence en fonction de l’attitude de son adversaire. SPIESER, « Serket, protectrice des enfants », p. 257, fig. 5a-b ; p. 258, fig. 6. Jean-Philippe LAUER, Histoire monumentale des pyramides d’Égypte, vol. 1 : Les pyramides à degrés (IIIe dynastie) (BiEtud 39), Le Caire 1962, p. 80, pl. IX, droite. 79 Par exemple SPIESER, « Serket, protectrice des enfants », p. 254 : « une “synthèse” entre le tube respiratoire (de la nèpe) et la queue épaisse du scorpion ». 77 78

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Fig. 14a-b. Scorpion en ronde bosse trouvée par Quibell à Hiéraconpolis. Fig. 15. Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828, en position d’attaque. (Dessin S.H. Aufrère).

4.2.2. a) Ce manège, qui ressemble à une sorte de ballet solitaire, est commun à toutes les espèces de scorpions, et en particulier à Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828, ou rôdeur mortel (deathstalker) (Fig. 15), une des espèces les plus répandues sur le territoire égyptien, sans doute l’une des plus dangereuses80, aux pédipalpes grêles, très différent d’Androchtonus australis L., 1758 ou A. amoreuxi Audouin, 1826, aux pédipalpes plus imposants. Cela dit, il faut cependant observer que, dans la réalité, le metasoma est aussi long que le reste du corps (cephalothorax et mesosoma), ce qui montre que la partie caudale du signe P*L25A est très sous-dimensionnée, écrasée sur elle-même pour éviter de fragiliser l’objet, quand on compare ledit signe avec un scorpion en ronde bosse campé dans la même attitude, découvert par J.E. Quibell à Hiéraconpolis (Fig. 14a-b)81, un lieu où l’on trouve nombre d’artefacts reproduisant la forme de cet arachnide82 et où a été découverte la massue dudit roi Scorpion (II)83. 80 Sur la potentialité de Leiurus quinquestriatus, je partage la proposition de K. EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », p. 5. Sur la dangerosité induite par les fins pédipalpes, voir BERLANDINI & AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos », ici même p. 327-328. 81 James E. QUIBELL, Hierakonpolis, Part I (ERA 4), Londres 1900, pl. XIX, 5 et XX, 10. 82 Ibid., pl. XVIII, 16 et 18 ; XIX, haut (vase cylindrique avec trois scorpions) et XX ; XXIV, 9 ; XXXIII, vase haut à gauche. James E. QUIBELL, Hierakonpolis, Part II (ERA 5), Londres 1902, pl. III, 3-4 (p. 36 : — en fritte verte) ; XVII, 1 (p. 38 : vase en calcaire avec deux — sur l’épaule) ; XVIII, 15 (p. 38 : — de serpentine), 16 (p. 38 : queue de — en cristal de roche, probablement à l’Ashmolean Museum), 22 (p. 38 : partie de — ; XIX, 5 (p. 38 : — en malachite, probablement à l’Ashmolean Museum) ; XX, 10 (p. 38 : idem) ; XXI, 4 (cf. XXII, 4) (p. 39 : — dont les pattes sont en léger relief, mais sans les pédipalpes) ; XXIV, 9 (p. 39 : pédipalpes de — en serpentine) 10 (queue de s. en serpentine). Voir aussi les objets de Kôm el-Ahmar : p. 30 (— glaçuré avec les yeux incrustés ; queue de — en verre) ; 32 (poterie en forme de — avec un piquet dessous et un trou percé dans le piquet ; fragment de calcaire avec une empreinte de — comme sur le pl. XXXIV, 3).

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b) La silhouette de l’objet, si elle est parfois naturaliste comme dans le cas précédent, peut être simplifiée. En effet, parmi les éléments du grand dépôt de Kôm el-Ahmâr, deux scorpions en fritte émaillée, aujourd’hui conservés au Fitzwilliam Museum (inv. E 11.1898 et E 18.1898) (Fig. 16a-b), représentent aussi l’animal en position d’attaque84, à cette différence près qu’ils sont encore plus stylisés que le précédent. Ils montrent comment on en est arrivé à un scorpion privé des détails naturalistes qui eussent permis de le reconnaître à coup sûr. Le premier, en stéatite, présente quelques marques stylisant les segments de queue ; quatres stries sur les flancs du mesosoma indiquent les pattes locomotrices visibles détachées du corps ; les pédipalpes repliés apparaissent à l’avant du cephalothorax ; les yeux sont indiqués par deux trous peu profonds. La partie haute du mesosoma, détail important, est brisée, ce qui empêche de voir comment il s’achève. En revanche, le corps du second est totalement lisse, sans pattes et sans yeux ; seules les pédipalpes sont visibles. À l’extrémité du mesosoma, l’aculeus est parfaitement représenté, dirigé vers l’arrière, exactement comme dans le cas de l’objet P*L25 de Djoser85. Ce devait être le cas

Fig. 16a-b. Scorpions en fritte émaillée. Fitzwilliam Museum, inv. E 11.1898 et E 18.1898. Fig. 17. Scorpion en fritte émaillée. Ashmolean Museum. Dessins Sydney H. Aufrère.

83 QUIBELL, Hierakonpolis, Part I, pl. XXV : 1 : 3.2 ; XXVI A-C ; QUIBELL, Hierakonpolis, Part II, pl. XXVIC (p. 41). Ashmolean Museum, inv. AN1896-1908.E3632. 84 Voir Florence Dunn FRIEDMANN (éd.), Gifts of the Nile. Ancient Egyptian faience, Museum of Art, Rhode Island School of Design, 1998, p. 68, fig. 8 et 9, p. 178. Voir aussi, pour le premier, http://webapps.fitzmuseum.cam.ac.uk/explorer/index.php?oid=49551. Pour le second, voir : http://webapps.fitzmuseum.cam.ac.uk/explorer/index.php?qu=Ancient%20near%20 east&oid=49559. On ajoutera deux autres pièces : l’amulette en fritte émaillée (L 2,2 cm) du Fitzwilliam Museum E.105.1898 (QUIBELL & GREEN, Hierakonpolis II. 1902, pl. XLVIIIb, colonne centrale ; http://data.fitzmuseum.cam.ac.uk/id/object/49662), mais la queue est cassée ; et aussi l’objet inv. E.104.1898 (L. 7 cm) (ibid., pl. XLVIIIb, 14 ; http://data.fitzmuseum.cam.ac.uk/id/ object/49661). Ajouter Stan HENDRICKX, Dirk HUYGE & Barbara ADAMS (†), « Le scorpion en silex du Musée royal de Mariemont et les silex figuratifs de l’Égypte pré- et protodynastique », Les Cahiers de Mariemont 28-29 [1997-1998] (2003), p. 6-33 : p. 19, fig. 6 (Ashmolean Museum, inv. E 196 et E 195 = QUIBELL & GREEN, op. cit., pl. XLVIIIb et XXXII). 85 Il est très probable que le premier objet du Fitzwilliam Museum présentait le même détail à la queue, mais l’extrémité est cassée.

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de l’artefact précédent. On en conclut qu’il s’agit là du deuxième stade d’évolution de ce modèle. c) Mais l’objet a sans doute ensuite évolué vers un troisième stade plus compact. En effet, l’Ashmolean Museum abrite un autre objet encore plus stylisé que les précédents (inv. E 195), en fritte émaillée (Fig. 17). Le mesosoma de l’animal est totalement lisse, sans aucune trace de pattes, les pédipalpes sont repliés à l’avant, faisant corps avec le cephalothorax ; quant au metasoma, redressé et formant comme une sorte de corne86, il laisse apparaître de façon schématique les cinq segments qui le caractérisent plus un élément formant le telson avec l’aculeus courbé vers l’arrière87. Cet objet est indubitablement le prototype de l’emblème figuré sur la tête des représentations de Serqet, mais aussi celui qui influe sur l’emblème que représente le hiéroglyphe L7. Avec le temps, le souvenir de cette forme se sera estompé. Et les artistes, s’emparant du motif, ont représenté quelque chose qui, au Nouvel Empire, ressemblait de moins en moins à un scorpion et l’ont réinterprété à leur goût en oubliant l’arachnide d’un point de vue naturaliste, mais privilégiant toujours la charge magique liée à l’emblème de jadis et à sa forme archaïque. 4.2.3. LE PROCESSUS ICONOGRAPHIQUE. — Si l’on tente de suivre le processus de représentation en deux dimensions de P*L25, l’artiste a rendu l’objet en ronde bosse, en agissant conformément à l’usage iconographique égyptien. Depuis l’horizontale, il a d’abord rabattu le corps de l’animal à 90o pour le rendre visible du spectateur, mais en penchant judicieusement l’axe longitudinal de vingt degrés vers l’avant afin de rendre le caractère tridimensionnel de l’attitude caractéristique de l’arachnide offensif. Si on a vu comment les pattes de P*L25 ont disparu par suite de stylisation dans l’objet en ronde bosse (cf. supra, § 4.2.2b) —, l’animal présente en revanche deux pédipalpes de même apparence que ceux du hiéroglyphe L7. Ces membres, repliés devant le cephalothorax, sont également conformes à la posture du scorpion découvert par Quibell (cf. supra, § 4.2.2a). Quant à l’appendice caudal, qui revêt l’aspect d’une corne dressée au-dessus de l’abdomen, le retour vers l’arrière évoque, quoique de façon non naturaliste, le telson et l’aculeus situés à l’extrémité du metasoma. Il s’agit d’une stylisation de la queue. L’aculeus, dans la réalité, est tendu comme un hameçon au bout d’un metasoma formant un arc de cercle au-dessus du mesosoma. L’artiste a été obligé, comme dans le cas des figurations en ronde bosse de l’animal, à déployer le metasoma vers l’arrière, l’aculeus formant comme un ongle. Un sceau est enfilé à chacun des deux

86 Sur le rapprochement entre l’idée de corne et de metasoma, voir AUFRÈRE, « Chasser, conjurer les “animaux venimeux” », p. 17 (le mot db, « corne » = metasoma) ; SPIESER, « Nouvelles approches », p. 97-98. 87 HENDRICKX, HUYGE & ADAMS (†), « Le scorpion en silex », p. 19, fig. 6.

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« avant-bras », que l’on retrouve sur L7 dans le déterminatif du nom de Serqet qui figure sur le sarcophage de Khnoumnakht (

< ) (cf. supra, § 1.3.7).

4.2.4. L’ÉLÉMENT VERTICAL DE P*L25A SOUTENU PAR UN OUAS ANIMÉ. — Poursuivons notre examen de l’objet P*L25A, car l’animal n’est pas la seule chose qui attire l’attention de l’observateur. Assujetti à l’abdomen du scorpion, un élément vertical rigide à l’extrémité inférieure arrondie (il s’agit d’un support) est maintenu par un sceptre ouas animé de deux bras humains88 et dont l’extrémité bifide est posée sur la terre. Cet élément, dont la partie supérieure enveloppe l’abdomen comme par une étoffe sur d’autres exemplaires (cf. Fig. 13a), est tenu par le bras gauche du sceptre ouas tandis que le bras droit du même sceptre soutient le scorpion au niveau du pédipalpe gauche. En d’autres termes, ce sceptre ouas joue le rôle d’un porte-emblème, une attitude que rappellent des porteurs humains pour un objet similaire sur des scènes contemporaines des 5e et 12e dynasties (cf. infra, § 4.3). 4.2.5. a) MOTIF DU DÉSAXEMENT DU CORPS : LA POSTURE D’ATTAQUE DU SCORPION. — L’oblicité du cephalothorax et du mesosoma d’une vingtaine de degrés par rapport à l’horizontale permettait donc de reconnaître immédiatement, pour ceux qui étaient accoutumés à la stylisation habituelle de ces temps anciens, un scorpion dans une attitude offensive. L’objet symbolique tel qu’il est dessiné dans la tombe de Djoser montre que la tradition iconographique a pris une option telle qu’elle ne se modifiera plus avant l’époque tardive. On en déduit que le rendu de l’attitude du scorpion, en basculant l’axe du corps d’arrière en avant, était essentiel à l’idée que l’on voulait suggérer par ce signe qui, dans un tel contexte, connotait la vigueur et la combativité du roi — sans doute exprimée dans des signes en lesquels on croit reconnaître les basilonymes Scorpion (Ier et II). b) Par ce motif, on signifie que le souverain se tient sur ses gardes à l’instar d’un scorpion, étant fermement établi sur la terre et dans son rapport à l’univers. En effet, pour ce dernier critère, on retrouve l’équivalent de la stèle nord (cf. supra) à la stèle centrale du tombeau sud de ce souverain89 (Fig. 13b), à cette différence près que l’élément vertical repose, non plus entre les bras d’un signe ouas (signe d’autorité divine et de fondation90), considéré comme porteur, mais sur un signe chen, le tout formant le signe P*L25B. Ce sera là

88 On en retrouve ailleurs : LAUER, Histoire monumentale, pl. XXV, XXVI (l’un dans la position des génies de Pê et de Nekhen). 89 Ibid., pl. XXV, droite. 90 Bernadette MENU, « Fondations et concessions royales de terres en Égypte ancienne », Dialogues d’Histoire ancienne 21 (1995), p. 11-55 : p. 22 ; A.H. GORDON & C.W. SCHWABE, « The Egyptian wꜢs-Scepter and its Modern Analogues : Uses as Symbols of Divine Power or Authority », Journal of the American Research Center in Egypt 32 (1995), p. 185-196.

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le modèle du hiéroglyphe L25 ( ) qui a perdu une part de sa connotation agressive exprimée jadis par le génie iconographique égyptien. Dès lors, le sens est bien l’expression d’un souhait étroitement lié à la combativité du souverain dans l’espace gouverné par le soleil ou par le roi en tant qu’incarnation du soleil (chen)91, une idée qui s’inscrit parfaitement dans le rite de la vigueur attaché, par exemple à la célébration de la festivité jubilaire. Le souvenir d’un lien entre le scorpion et le disque solaire est rappelé, à Edfou, par une déesse nommée « Scorpion-vivant-qui-réside-dans-le-disquesolaire » (ḏꜢr.t ῾nḫ(.t) ḥr(.t)-ib jtn)92. L’idée d’un scorpion combattant associé à celles d’ardeur, de rayonnement, de chaleur et de dangerosité solaires, ne serait pas étonnante dès la dynastie « 0 ». Il faut d’ailleurs se rappeller que, d’après Macrobe (Sat. 1, 21), le scorpion serait également un emblème du soleil93. 4.2.6. P*L25A ET LESDITS BASILONYMES « SCORPION (II) ET SCORPION (IER) ». — Les remarques sur P*L25A peuvent, semble-t-il, être étendues à ce qui est entendu pour être des basilonymes. En effet, l’ensemble P*L25A montre l’arachnide en position d’attaque posé sur un élément vertical (cf. infra, § 4.2.3). Dès lors l’objet constitué par ces deux éléments combinés présente des similitudes avec la figure placée devant la silhouette d’un souverain nommé, pour cette raison, Scorpion (II)94 sur la masse découverte à Hiéraconpolis conservée à l’Ashmolean Museum, figure malheureusement incomplète à cause d’un éclat qui la traverse, mais suffisamment bien conservée pour en deviner les caractéristiques principales. Parmi celles-ci, on distingue l’extrémité des pédipalpes terminés non pas par des doigts, mais par deux pinces. Il s’agit ainsi là d’un modèle de scorpion antérieur au motif P*L25A. Un examen attentif de la naissance du pédipalpe gauche montre qu’il existait une échancrure en V entre les deux pédipalpes, échancrure similaire à la forme B du hiéroglyphe L7 et que l’on ne peut percevoir qu’à l’aide d’un bon dessin95 (Fig. 18a). Ensuite,

On renverra à GARDINER, Egyptian Grammar, p. 522, V 9. Edfou II (2e éd.), 24, no 148 ; cf. Dendara IX, 38 no 92. Voir LÄGG VII, 594a. 93 On en une preuve d’après le masque funéraire BM EA 51147a-b (cf. Luca MIATELLO, « Ptolemaic Mummy Masks … », JSSEA 39 [2012-13], p. 69-70) où le haume de la défunte, Tetetes-Serqet, substitue une jolie silhouette de scorpion au centre de son crâne (wp.t) à la place de l’habituel scarabée entre deux disques solaires. Cette référence nous a été communiquée par Jocelyne Berlandini. 94 Ici, on ne rentrera pas dans la problématique de savoir si Scorpion (II) serait Narmer, d’après Elise J. BAUMGARTEL, « Scorpion and Rosette and the Fragments of the Large Hierakonpolis Mace Head », ZÄS 93 (1966), p. 9-13. Voir aussi Bernadette MENU, « Fondations et concessions royales de terres en Égypte ancienne », DHA 21/1 (1995), p. 11-55. 95 On est surpris qu’il n’existe pas un seul bon dessin de cet objet. La publication de Quibell et le dessin de M. Cox (cf. GAUTIER & MIDANT-REYNES, « La tête de massue », p. 88) sont très insuffisants pour les détails. 91 92

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on distingue quatre pattes gravées sur le flanc droit du mesosoma, tels quatre tétons discrets. Celui-ci est comme tapissé de sept tergites visibles formant chacun une succession de petits carrés esquissés par des traits non fermants qui évoquent les carènes saillant sur les tergites comme sur le dos d’un spécimen adulte de Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828, une espèce trapue qui correspond bien à la forme du hiéroglyphe employé pour écrire / dessiner ledit basilonyme96. Ce signe doit être comparé audit basilonyme du roi Scorpion Ier sur les plaquettes découvertes dans la tombe du souverain à Umm el-Qaab (Fig. 18b), évoquant un scorpion au mesosoma quadrillé, rendant ainsi un animal identique, suggéré plus explicitement en position d’attaque, les formes dudit basilonyme faisant apparaître des formes de scorpions paradoxalement moins bien étudiés, du point de vue du rendu spacial, que l’arachnide de P*L25A. Le metasoma présente, quant à lui, cinq segments auxquels s’ajoutent le telson et l’aculeus, ce dernier tourné vers le haut conformément à l’observation naturaliste.

Fig. 18a-b. Les basilonymes « Scorpion (II) » (masse de l’Ashmolean Museum) (dessin S.H. Aufrère) et « Scorpion (Ier) » (plaquettes d’Umm el-Gaab, tombe d’U-j).

4.2.7. L’ÉLÉMENT VERTICAL DUDIT BASILONYME SCORPION (II) : HYPOTHÈSE. — Sous le mesosoma de la massue dudit roi Scorpion (II), on voit dépasser un élément vertical qui évoque celui qui apparaît dans l’objet symbolique P*L25A ou P*L25B de la tombe de Djoser, ce qui renforce dans les deux cas l’idée d’un emblème en forme de scorpion en position d’attaque doté d’un manche. Des représentations en trois dimensions sont fournies par plusieurs massues en forme de scorpion, soit en albâtre calcite, soit en pierre dure97, soit par le simu96 Après enquête, il apparaît que ces carènes sont plus visibles sur un spécimen adulte de L. quinquestriatus que sur d’autres espèces présentes sur le territoire égyptien. BERLANDINI & AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos », ici même, p. 337, 340. 97 Une massue en forme de scorpion en albâtre-calcite percée d’un trou pour le manche, et provenant de la tombe 26 de Hiéraconpolis, reconnue par C. Spieser. Deux autres massues en pierre dure figurent dans les collections de l’Ashmolean Museum.

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Fig. 19. Gond de porte (PETRIE, Tanis. Part II, pl. 20, 3a).

lacre d’un objet similaire en terre cuite, découvert à Kôm el-Ahmar, dans le grand dépôt, par J.E. Quibell, avec des masses en calcaire98. Si on admet la validité de cette observation, on aurait sûrement là, dès la dynastie « 0 », trace de la première attestation de l’objet symbolique P*L25, compte tenu que la présence du scorpion à cet endroit permet d’en suivre l’évolution iconographique dès la fin du IVe millénaire99. Si « Scorpion (I) » apparaît au-dessus d’un serekh, l’existence d’un tel objet irait alors à l’encontre de l’hypothèse d’un basilonyme « Scorpion (II) », dans la mesure où cette massue scorpioniforme serait alors en lien avec la manifestation dynamique du souverain, en somme un symbole de pouvoir ou de vitalité, comme dans toutes les scènes où il figure, symbole évoquant parmi ceux qui accompagnent la silhouette du souverain (cf. supra, § 4.1.1). 4.2.8. P*L 25A-B DANS DES CONTEXTES PLUS TARDIFS. — En effet, dans le contexte de ces signes symboliques, il n’est nul besoin d’insister sur le fait que maintes représentations de l’emblème P*L25A-B figurent en compagnie d’autres objets, à savoir deux flabellums en spathe de palmier (que l’on voit aussi sur la massue du roi Scorpion100 ou sur la masse de Nârmer101), deux gonds de porte reconnaissables (Fig. 19), posés sur un signe chen102 plus trois buttes, sur un modèle attesté depuis l’époque thinite103. Une combinaison de ces signes, avec quelques variantes, forme une colonne derrière la silhouette du roi. Dans les scènes ayant conservé des traces de couleur, l’objet, d’ordinaire rouge, est assorti de l’élément vertical — posé sur le signe šnw —, de 98 QUIBELL, Hierakonpolis, Part II, p. 32 : « Pottery scorpion with a peg below, and a hole pierced in the peg ». 99 Voir la contribution de Alain ANSELIN, « Aegyptio-Graphica II. Le Scorpion, ses hiéroglyphes et ses mots ». Dans sa démarche, l’auteur ne tient pas compte de l’hypothèse de Frédérique von Känel sur Slq = nèpe. 100 GAUTIER & MIDANT-REYNES, « La tête de massue », p. 88, fig. 1. 101 Ibid., p. 90, fig. 2. 102 Il s’agit des gonds de la base d’une porte, pivotant dans une crapaudine. Voir l’exemple d’un objet semblable en métal dans William M. Flinders PETRIE, Tanis. Part II, 1886 (EEF 4), Londres 1888, pl. 20, 3a. 103 Gérard GODRON, Études sur l’Horus Den et quelques problèmes de l’Égypte archaïque (CahOr 19), Genève 1990, pl. II-V.

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même couleur. Cet élément vertical est assujetti au corps à la hauteur de l’abdomen. De moins en moins bien compris, ce motif témoigne d’un vaste répertoire qui montre que les artistes l’ont réinvesti à leur manière, notamment aux 18e et 19e dynasties104, de sorte qu’il devient très malaisé d’y reconnaître l’arachnide prototype. On soulignera que l’échancrure visible sur certains emblèmes de la partie avant du cephalothorax du scorpion laissera aussi supposer une réinterprétation comme une poitrine féminine avec son sillon mammaire105. Ce n’est qu’à partir de l’époque tardive, suite à un mouvement de retour aux sources106, qu’un scorpion plus naturaliste s’est imposé à la place d’une représentation de l’objet scorpioniforme, héritage de la dynastie « 0 » ou de la dynastie thinite et que ce dernier s’est définitivement fixé dans le système hiéroglyphique et dans l’iconographie pariétale des temples tardifs107 108 — dès lors qu’il est question — et parfois noté de la manière suivante : 109 d’exploits sportifs impliquant que le roi court . Il peut aussi s’agir d’un massacre110 ou la mise à mort d’un animal dangereux.

4.2.9. La représentation par paire de la plupart des emblèmes que l’on trouve dans les représentations de ḥeb-sed paraît s’expliquer par les liens que lesdits objets rituels entretiennent avec l’espace terrestre et aérien. Les deux flabellums symbolisent l’air ; les trois bornes111 correspondent symboliquement à l’étendue de la suprématie de Pharaon tant sur terre qu’au ciel : les deux gonds (Fig. 13 et 2a) symbolisent une ouverture vers un autre espace, sans doute céleste, sans qu’on puisse l’affirmer, voire une idée de mobilité. (Au Nouvel Empire, l’observation montre que les gonds ( , qrr) peuvent être confondus avec les extrémités du hiéroglyphe du ciel p.t], et peints de couleur bleue.)

104

Il faut voir deux exemples du temple de Séthi Ier à Gourna. Voir, par exemple, infra, § 7.5.2. 106 Une stèle de la 22e dynastie (Louvre IM 3036-N 5442, de Padioubastet) découverte à Saqqâra, montre que le nom de Netjerikhet Djoser est le fac-similé d’un modèle remontant au temps de ce roi ; cf. Sydney H. AUFRÈRE, « La titulature de Djoser dans la stèle de la Famine. La redécouverte du vrai nom du constructeur de la pyramide à degrés », dans A. Gasse & V. Rondot (éd.), Actes du colloque international Autour de Séhel. Inscriptions rupestres de l’époque pharaonique en Haute-Égypte et en Nubie, Université Paul Valéry 31 mai - 1er juin 2002 (OrMonsp 13), Montpellier 2004, p. 41-52. 107 Edfou XI, pl. CCXXXIV (couloir mystérieux) ; XIV, pl. DXCVI (mur d’enceinte, face interne) ; DCXXXIV (mur d’enceinte, face externe), DCXI (pylône, porte centrale, face sud). 108 Ibid., pl. CCCVI-CCCVII (chapelle de la Jambe). 109 Voir la course vec la rame et le ḥpt dans John A. WILSON & Thomas G. ALLEN (éd.), Festival Scenes of Ramses III (Medinet Habu 4), Chicago 1940, pl. 244 B et C. 110 William Flinders PETRIE, The Palace of Apries (Memphis II) (BSAE 15), Londres 1909, pl. XXI, bas (linteau du tremple de Merenptah). 111 Il s’agit en fait de bornes semi-rondes dont Jean-Philippe Lauer a trouvé des traces dans la cour du Ḥeb-Sed du complexe de Djoser à Saqqâra. 105

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4.2.10. LE NOM DE SELKIS / SERQET. — Encore faut-il remarquer que le nom de Serqet n’est jamais encore associé de près ou de loin à l’objet P*L25, du moins lorsqu’il apparaît dans les scènes royales, c’est-à-dire parmi la série d’objets symboliques attachés à la personne royale. Mais vu que ce signe L25 est associé en tant que déterminatif au nom de Serqet ou bien représenté au-dessus de sa tête dans ses figurations en deux dimensions, sur des parois de temples ou de tombes, on peut en inférer que le signe symbolique originel P*L25 avait bien quelque chose à voir avec cette déesse. Et donc postuler que les hiéroglyphes (L25) ou (L28), en somme un corps de scorpion à l’horizontale posé sur un pieu ou un manche vertical descendant vers le signe chen, seraient bien en affinité avec L7, forme magique d’un simulacre du scorpion, écartant a fortiori, s’il en était encore besoin, l’idée de la nèpe112. 4.3. Le même objet symbolique P*L25A conçu comme emblème transportable 4.3.1. Deux objets symboliques similaires à ceux que l’on a étudiés précédemment et de même typologie que celui qui figure sur la stèle nord de Netjerykhet-Djoser (cf. supra, § 4.2.1), transporté par un signe ouas assumant un rôle de porteur, sont visibles sur l’épaule de porteurs royaux dans un défilé113, — similaires à cette différence près que l’axe du corps de l’objet scorpioniforme est à l’horizontale dans les deux cas. Le premier se trouve sur un basrelief découvert dans l’édifice de Niouserrê (2420-2389) à Abou-Gorab et datant de la 5e dynastie114 ; les seconds le sont sur le pylône d’un édifice dit « de Sésostris Ier » (1962-1928) à Memphis115. Ce dernier est revêtu de scènes jubilaires (ḥeb-sed) qu’aucune inscription ne permet de dater, mais que le style permet de placer au début de la 12e dynastie. À 500 ans de distance, entre l’Ancien et le Moyen Empire, ces scènes montrent que ce transport d’emblèmes était une constante iconographique. Il est également clair que l’objet est transportable à dos d’homme, ce qui signifie qu’il pourrait être réalisé dans un matériau léger, pouvant ainsi traduire la nature de l’objet P*L25 que l’on trouve derrière le souverain en tant que symboles protecteurs.

112 Bref, la reconnaissance d’un scorpion dans l’objet symbolique P*L25 permet d’infirmer complètement l’hypothèse selon laquelle la queue de ces compositions serait la forme du siphon aérifère de la nèpe ; cf. SPIESER, « Serket, protectrice des enfants », p. 254. 113 Ces deux representations ont déjà été évoquées dans SPIESER, « Serket, protectrice des enfants », p. 254-255, fig. 2 et 3a-b. 114 Friedrich W. VON BISSING & Hermann KEES, Das Rê-Heiligtum des Königs Ne-Woser-Rê, vol. 2 : Die kleine Festdarstellung, Leipzig 1905, pl. 20. 115 William M. Flinders PETRIE, The Palace of Apries (Memphis II), Londres 1909, pl. III et V.

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Fig. 20. Bas-relief du temple funéraire de Niouserrê (VON BISSING & KEES, Das Rê-Heiligtum des Königs Ne-Woser-Rê, vol. 2, pl. 20).

4.3.2. L’objet transporté sur le bas-relief de Niouserrê (Fig. 20) est quasi ellipsoïdal — le cephalothorax se distingue par une petite échancrure en V élargi — et présente à l’avant les pédipalpes ressemblant à des bras grêles terminés comme par de petites mains humaines, très différentes de deux doigts opposables, à moins d’une réinterprétation possible du dessinateur de l’expédition. L’emblème, rabattu à 90o par rapport à l’horizontale pour être visible du spectateur, ne fait pas apparaître d’yeux. Ainsi qu’on l’a vu, l’échancrure figure fréquemment dans le hiéroglyphe L7, de même que sur l’élément scorpioniforme de type P*L25 visible sur la tête des figurations de Serqet. La partie postérieure est masquée par une cassure de la pierre, mais on peut postuler qu’il ressemble en tout point à l’emblème du second monument ici étudié. 4.3.3. L’emblème porté sur ce dernier (Fig. 21a-b) fut considéré par son découvreur, William Flinders Petrie, comme un thorax humain dépourvu de tête et s’achevant en forme de queue ; l’archéologue voulait y reconnaître une partie du corps d’Osiris vénérée à Métélis, dans la région occidentale du Delta. Au nombre de ses arguments, la présence d’un sceau-cylindre accroché à l’un des « bras » de l’une de ces étranges figures, devait selon lui plaider pour le caractère anthropomorphe de la chose représentée (Fig. 21b)116. Cet emblème (Fig. 21a) est moins ellipsoïdal que chez Niouserrê ; le caractère anthropomorphe des membres antérieurs, qui, au lieu de leur raccordement, forment une dépression, est plus fortement marqué. Mais les pédipalpes sont représentés comme des bras humains prolongés par des doigts (un long et un court) qui doivent être différenciés d’une main humaine. Il est à noter que la partie « caudale » dessine comme une sorte de corne tronquée. L’autre partie du pylône (Fig. 21b), où on voit une course jubilaire, représente un objet répondant peu ou prou aux mêmes caractéristiques, à cette différence près que le

116

Ibid., p. 9-10, pl. V.

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Fig. 21a-b. Bas-relief de la porte d’un monument du début de la 12e dynastie (Sésostris Ier) (PETRIE, The Palace of Apries [Memphis II], pl. III et V).

simili-metasoma est moins tronqué et se termine par une extrémité légèrement redressée vers l’avant, comme si l’objet avait été mal interprété. 4.3.4. L’observation de ces bas-reliefs permet de calculer la taille de l’objet par rapport à l’être humain, à l’exemple des autres emblèmes portés dans l’un des bas-reliefs117 : la paire de flabellums lotiformes et les deux verrous (Fig. 21a-b). Il s’agit d’un objet dont la longueur relative atteint approximativement 70 à 80 cm de long, ce qui donne une idée de sa hauteur. Les pédi-

117 Ibid. pl. III. Le flabellum et l’extrémité du ciel sont associés au signe šn, ce qui traduit leur lien avec le cycle cosmique.

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palpes sont moins évoqués sous la forme de mains humaines118 que sous celle de doigts opposables — un long et un court — faisant « pince ». Au « bras » gauche est suspendu un sceau (Fig. 21b), qui confère à l’objet un rôle magique. En outre, l’aspect cornu de l’appendice caudal, redressé à l’extrémité, est très net. On observera, dans deux cas, de façon sûre, qu’un élément descend jusqu’à la ceinture du porteur (Fig. 21a-b). Cet élément est également sensible chez Niouserrê, sans doute parce que le dessinateur a mal interprété le trait courbe qui va de l’aisselle au nombril du porteur (Fig. 20). Mais dans le cas du pylône (Fig. 21b)119, ce dernier soutient cette partie comme s’il s’agissait d’un objet rigide, alors que dans les deux autres représentations (Fig. 20 et 21a), il est tenu au niveau du metasoma et du pédipalpe. 4.3.5. Qu’en découle-t-il ? À l’origine les emblèmes présents sur ces scènes dynamiques — repérables à la posture du souverain par la foulée reconnaissable à la levée du talon arrière — sont à poser rituellement en terre sur le théâtre où opère le souverain, qu’il s’agisse d’une course de ḥeb-sed, un massacre de prisonniers ou le massacre d’un animal séthien. Le scorpion, dont on souligne originellement par la posture les vertus de combattant, est un signe d’agilité et de dangerosité, d’autant que la « danse des scorpions » — en fait une parade nuptiale nommée « promenade à deux »120 — fait penser à une sorte de combat singulier, un rappel des qualités des premiers souverains qui se comparaient à cet arachnide en raison de son caractère pugnace121. La présence des gonds, qui pivotent dans la crapaudine, pourrait signifier que le souverain ne recule pas d’un pouce. Quant aux éventails en spathe de palmier, ils sont en lien avec l’air et les vents. Les trois buttes, elles, bornent un espace en particulier, l’aire dans laquelle se déroule une manifestation ou un combat fictifs. Contrairement à ce qu’ont dit maints commentateurs, on voit, en suivant le fil de l’évolution de l’artefact qui mène à la représentation de P*L25A-B, qu’il n’y a pas eu de volonté marquée de masquer ni les pattes locomotrices ni la queue et en particulier l’aculéus dans la perspective de rendre l’animal moins dangereux. Les artistes maintenant la tradition reproduisent en deux dimensions un artefact qui est un modèle de scorpion en posture de défense, ayant émergé depuis la dynastie « 0 » dans le contexte hiéraconpolite, et qui s’est peu à peu stylisé jusqu’à perdre ses pattes et les détails de la queue. Cela signifie qu’il ne serait peut-être pas opportun de voir en L7 un artefact de nature différente de

118

On voit en effet la différence entre une main humaine, avec cinq doigts comme sur la main du porteur, et cette pince à deux doigts de longueurs différentes. 119 Ibid. pl. V. 120 Voir TOSCANNE, « Sur la figuration et le symbole du scorpion », p. 191-192. 121 Voir ici-même Jonathan MAÎTRE, « L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat », § I, A, à propos du graffito de l’inselberg du Gebel Cheik Souliman.

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P*L25, avec une queue remplacée par deux éléments croisés pour des raisons magiques. B. SECONDE PARTIE : SERQET, UNE DÉESSE PRÉSIDANT AUX VOIES AÉRIENNES ET DIGESTIVES DE L’ÊTRE HUMAIN 5. L’emprise de Serqet sur l’espace et sur l’air 5.1. La Formule 1018 des Textes des Sarcophages 5.1.1. Jusqu’à présent, on a vu, alors que le scorpion est bien associé à son nom à l’époque tardive par le truchement des hiéroglyphes

L20,

L21,

L25, L28, que Serqet n’est jamais rapprochée des symboles du précédent contexte, alors que la tradition iconographique montre qu’est posé sur la tête de ses représentations l’emblème P*L25 depuis le Nouvel Empire. Il s’agit du même que celui qui émerge sous le règne de Djoser, avec cette même particularité d’un désaxement du corps vers l’avant, ce qui, si on se fie à la sémiotique égyptienne, connote une déesse combattante, en lien avec le souffle, tout à la fois mobile et dangereuse à l’instar du scorpion. 5.1.2. Bien qu’il soit impossible de la rapporter au précédent contexte, la Formule 1018 des Textes des Sarcophages destinée à faciliter à un homme de passer devant une des quatre bornes-frontières (du ciel), pourrait fournir un indice confirmant le sens de l’objet symbolique P*L25. Il s’agit de l’une des quatre formules associées respectivement au Midi, à l’Est, à l’Ouest et au Nord 122 . Il est question, à la borne-frontière occidentale du ciel, d’une déesse Hesdedet associée, dans le contexte, à l’idée d’ « un porteur » (rmn)123. Malheureusement, ce passage comporte quelques lacunes qui empêchent d’en tirer un maximum de profit :

122 CT VII, 240a-s ; Paul BARGUET, Les Textes des Sarcophages Égyptiens (LAPO 12), Paris 1986, p. 593-594 ; Claude CARRIER, Textes des Sarcophages du Moyen Empire égyptien, 3 vol., Paris 2004, vol. 3, p. 2169. 123 Pour le texte hiéroglyphique, CT VII, 240i-k.

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Ṯnw jmn.tj p.t j p.t jmnt(j).t jꜢkb.w dj [mꜢꜢ⸗]j Ḥsdd.t jm(j).t štꜢ[.w] rmn⸗f ḥn῾ wp(w) šꜢ.wt ṯn[w…] ṯn[w p.t] swꜢ~n Jtm ḥr⸗sn m mšrw (Formule pour qu’un homme puisse passer près de la) frontière occidentale du ciel ; ô Ciel occidental des Pleureurs, fais [que] je [puisse voir] Hesdedet qui est dans les contrées secrètes […] ; son porteur est en compagnie de celui qui fend les hauts-fonds de la frontière, (car) les fron[tières du ciel] sont celles près desquelles Atoum est passé au crépuscule […].

5.1.2. Dans ce contexte, la graphie Ḥsdd.t ( ) est considérée comme une variante de celle de la déesse Hededet, attestée jusqu’en démotique (Ḥt.t) et représentée avec un scorpion au repos posé sur la tête124. Évoquant globalement un espace où le défunt circule sur les eaux tout en étant protégé contre le danger d’engravement de sa barque sur les hauts-fonds, la formule invoque à tour de rôle chacune des quatre frontières du ciel (dans l’ordre : sud, est, ouest, nord) alignées respectivement aux quatre points cardinaux. Le texte de la Formule 1018 s’achève par un souhait énoncé quatre fois (sp 4) par le défunt « (dire) quatre fois : les vents sont (CT VII, 240s) : avec moi (sp 4 jw ṯꜢw.w ḥn῾⸗j)125. » Le contexte plaide pour une prise de possession de l’espace — tant terrestre qu’aquatique, secoué de phénomènes météorologiques —, une liberté de circulation dans un espace que parcourt Atoum, et une possibilité d’accéder à un domaine où le défunt acquiert la maîtrise des vents à l’instar de ce dernier. 5.1.3. Admettant une analogie entre Ḥsdd.t / Ḥdd.t et Serqet par le truchement du scorpion, animal commun à ces deux forces divines126, on rappellera Cf. LÄGG V, 490a-b ; cf. V, 597c-598a-b ; Jean-Claude GOYON, « Hededyt : Isis-scorpion et Isis au scorpion. En marge du Papyrus de Brooklyn 47.218.50 – III », BIFAO 78 (1978), p. 439458 ; BARGUET, op. cit., p. 593, n. 22. 125 CT VII, 240s. 126 Les deux déesses sont rapprochées dans la liste divine de la 2e hypostyle d’Edfou auxquelles le roi fait des offrandes : Ba-de-Serqet, Serqet-à-Edfou et Hadedet-Neith ; cf. Edfou II, 124

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que la seconde est invoquée pour faciliter la respiration quand l’air, d’un point de vue général, vient à manquer, puisque dans certains cas, on lui enjoignait d’agir en cas de piqûre de scorpion ou de morsure de serpent. Le venin de certains scorpions provoque en effet une détresse respiratoire et un syndrome cobraïque analogue à celui qui se produit en cas de morsure d’élapidé. Dans ce sens, la déesse se nomme, de façon plus précise, Srq.t-ḥtj.t « celle qui fait respirer la gorge »127. 5.2. La constellation circumpolaire Serqet 5.2.1. D’autres caractéristiques de cette iconographie remontant au règne de Djoser et sans doute avant, pourraient aussi s’expliquer par le truchement des Textes des Pyramides qui évoquent une des constellations circumpolaires nommée Serqet ( 129 130

)

en toutes lettres128 ou simplement le seul radicogramme

et qui semble mentionnée dès l’Ancien Empire Sur les plafonds astro-

nomiques, comme celui de la tombe de Séthi Ier, la constellation Serqet ( ) est représentée en femme debout128bis. Cette présence est explicitée par la Formule 569 des Textes des Pyramides (TP § 1435c-d), où elle figure dans un contexte ad hoc : « On empêchera Serqet de naître si tu empêches N de venir au lieu où tu es. » Le contexte est l’empêchement de la naissance de divinités qui sont aussi des astres ou des constellations importantes telles que Sôthis (= Sirius, α Canis Majoris /α CMa), Orion. Mais il s’agit aussi d’empêcher les Étoiles impérissables (étoiles circumpolaires) d’assurer le déplacement de la barque solaire en ramant, ainsi que la naissance de dieux comme Oupouaout dans le Pr-nw. Comme on va le voir, empêcher Serqet de naître fait partie des faits fâcheux qui peuvent déclencher des catastrophes, notamment l’entravement de la marche du soleil, désastre que Serqet pourrait prévenir en garottant le serpent Apophis, et en l’étouffant131. 2231-34. Pour Hededet, on renverra à Pierre P. KOEMOTH, « Isis-Hededet : à propos de Sarapis au scorpion sur des intailles antiques », ici même, p. 415-455. 127 Wb IV, 203 : Srq.t-ḥtj.t = « Celle qui fait respirer la (les) gorge(s) », avec le verbe srq « faire respirer ». Voir la composition de différents noms divins recourant à l’expression Srq.t-ḥtj.t : LÄGG VI, 437b-c ; KOEMOTH, art. cit., p. 439. On renverra également, pour l’expression srq-ḥtj.t, à Vladimir VIKENTIEV, « Les monuments archaïques. IV-V. — Deux rites de jubilé royal à l’époque prédynastique », BIdE 32 Session 1949-1950 (1951), p. 171-228 : p. 185-189 (avec une théorie [p. 188] sur la présence de l’arachnide dans les scènes de Jubilé royal). 128 Plafond de la tombe de Séthi Ier. 129 Au plafond du Ramesseum. 130 Voir Anne-Sophie VON BOMHARD, « Ciels d’Égypte. Le “ciel du sud” et le “ciel du nord” », ENIM 5 (2012), p. 73-102 : p. 97. 128bis Voir KOEMOTH, art. cit., p. 446. 131 La constellation du Scorpion (ḏl), placée dans la ceinture zodiacale n’aurait rien à voir avec la constellation Serqet du ciel du Nord.

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5.3. La Formule 565 des Textes des Pyramides : Serqet tendant les mains au roi 5.3.1. Il est souvent question dans les Textes des Pyramides d’une « enceinte » de Serqet connotée par « les bras » placés dans une position rappelant les pédipalpes ou pinces de l’arachnide. Un texte en particulier évoque les bras et la poitrine de Serqet par le truchement de son rôle de déesse-mère qu’elle joue auprès du roi défunt :

Rdj~n Srq.t ῾.wj jr (Pépi)| pn ḏꜢ~n⸗s mnḏ⸗s tp rꜢ n (Pépi)| pn (…) Serqet (var. Nephthys) a tendu ses deux mains vers ce Pépi et elle a placé son sein sur la bouche de ce Pépi. (…)132.

5.3.2. Les bras (interprétation ou non des pédipalpes) de la déesse133 témoignent de sa capacité à accueillir le roi défunt en son giron protecteur afin de lui faire boire un lait régénérateur134. Les « enceintes de Serqet », qui sont celles de la constellation de la déesse (cf. supra, § 5.2.1), évoquent des bras ouverts, accueillants et protecteurs, agissant pour la prise en charge de l’esprit du roi défunt dans l’espace céleste. Le geste de la déesse consistant à envelopper / entourer de ses bras le défunt est tout particulièrement mentionné dans les vases canopes du Nouvel Empire, où il est associé aux quatre déesses Isis, Nephthys, Neith et Serqet135. La mort est considérée comme le début d’une nouvelle vie et celle-ci commence par un retour à l’état de nourrisson du défunt qui reçoit le lait divin revivifiant et garant d’éternité136. Celui-ci s’en trouve alors rajeuni tel un nouveau-né.

132 TP § 1427 (Formule 565) ; Kurt SETHE, Die Altägyptischen Pyramidentexte, vol. 5, Leipzig 1910, p. 274, Spruch 565 ; ALLEN, Pyramid Texts, P504 (= Sethe 565). Voir Raymond O. FAULKNER, The Ancient Egyptian Pyramid Texts, Oxford 1969, p. 220, et surtout, sur la variante, p. 221, n. 7. 133 Voir Bernard MATHIEU, « Hiéroglyphes créateurs », Senouy 9 (2010), p. 11-15. 134 Cathie SPIESER, « Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 (2001), p. 251-264 : p. 258-259. À propos de l’allaitement du roi défunt par différentes déesses dont Serket, voir Jean LECLANT, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les textes des Pyramides », JNES 10 (1951), p. 123-127. 135 SPIESER, « Serket, protectrice des enfants », p. 258-259. 136 Voir aussi Richard-Alain JEAN & Anne-Marie LOYRETTE, La mère, l’enfant et le lait en Égypte ancienne, Paris 2010, p. 211-212.

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6. Serqet et la protection de fonctions vitales du corps humain 6.1. La Formule 493 des Textes des Pyramides 6.1.1. Mais dans ces mêmes sources remontant au temps des Pyramides, différentes parties du corps humain sont associées à Serqet à des fins protectrices — cuisses, bras, dos — de même que la faculté de déféquer conférée au souverain si l’on en croit un passage de la Formule 493 des Textes des Pyramides qui est liée137 : (…) Il mangera par sa bouche comme Celui-dont-les-Cheveux-sont-séparés et il déféquera par [son] anus comme Serqet138.

Le texte, lacunaire dans la publication de Sethe, se poursuit ainsi (TP 1061bc) : « Le souffle est dans ma narine ; la semence est dans mon phallus comme Sefegirou139 qui réside dans le rayonnement solaire (ṯꜢw m fnḏ⸗j mtw.t m ḥnn⸗j mj Sfg-jrw ḥrj-jb jꜢḫw). » Cette formule figure ainsi dans les Textes des Sarcophages140 :

Ce N mangera par sa bouche comme Celui-dont-les-Cheveux-sont-séparés (wnm N pn m rꜢ⸗f mj Wp-šn.wj) et ce N déféquera par son anus comme Serqet (sfḫ N pn m pḥwj⸗f mj Srq.t).

6.1.2. En fait, ce court passage des Textes des Pyramides, avec son parallèle des Textes des Sarcophages, montre que le défunt est doté de la fonction d’ingérer des aliments, associée à Wp-šn.wj141, et de la fonction excrétrice liée à Serqet. Vu qu’il est également question dans le même passage du souffle dans sa narine et de la semence dans son phallus, la formule témoigne de la gestion des flux vitaux. Il y a bien un lien de causalité entre la première et la seconde propositions du passage, c’est-à-dire entre l’ingestion des aliments et l’excrétion des selles, trajet qui apparaît comme partager la même voie que la fonction respiratoire, dominante par rapport à la précédente, à laquelle Serqet est aussi associée en tant que Serqet-Hetyt, comme l’indique la graphie

137 ALLEN, Pyramid Texts, P483 (enceintes – constellations de Serket), P486 (cuisses de Serket), P504 (bras), P522 (dos de Serket), P376, N473 et Nt253 (arrière-train de Serqet). Voir aussi Raymond O. FAULNER, The Ancient Egyptian Pyramid Texts, Oxford 1969, p. 175 : « I eat with my mouth like Him with parted hair, and I defecate with my hinder parts like Serḳet. » 138 ALLEN, Pyramid Texts, P376 = TP 1061a (Formule 493, lacunaire). 139 Sur Sfg-jrw, « Celui dont la forme est invisible », voir LÄGG VI, 305a-b. Sefegirou peut être en lien avec la respiration ; cf. ibid. 305b, Funktionen, a. 140 CT III, 74, Formule TS 180 (B2L) ; cf. BARGUET, Textes des Sarcophages, p. 383 : traduction « N. que voici décharge avec sa queue comme (fait) Selkis. » 141 Sur cette divinité, voir LÄGG II, 355c.

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142

: « Celle qui fait respirer la gorge ». Le lien sous-jacent entre la fonction excrétrice et Serqet peut laisser a priori le lecteur dubitatif et il serait difficile à expliquer, à ne s’en tenir qu’aux critères anatomiques d’aujourd’hui, c’est-à-dire sans prendre en compte les croyances de jadis où les organes internes sont considérés comme véhiculant des matières liquides (eau, urine, sang, lymphes), solides (aliments, fèces) ainsi que de l’air (trachée, poumons), lesquels pouvaient se confondre.

Fig. 22. Côlon sigmoïde.

6.2. L’hypothèse d’un côlon scorpioniforme et Serqet 6.2.1. Ainsi, de ce point de vue, les Textes des Pyramides témoignant d’une assimilation de l’organe pḥwj.t (lequel désigne, de façon euphémique, tant le rectum que l’anus143) du pharaon à Serqet, pourrait éclairer le lien qu’entretient curieusement la déesse avec l’une des fonctions excrétrices du corps humain, en postulant une affinité entre elle et l’intestin ou une de ses parties. Une telle affinité serait corroborée par le fait que Serqet est régulièrement associée à l’un des quatre Enfants d’Horus, un dieu à tête de faucon, Qebehsenouf, qui assure la protection du vase canope renfermant les intestins, les noms des deux divinités (Serqet et Qebehsenouf) apparaissant sur la paroi du vase, en lien avec la protection du défunt144. 6.2.2. Dès lors, il convient de présenter une hypothèse qui permettrait peutêtre de comprendre pourquoi les deux divinités seraient associées, mais aussi pourquoi Serqet scorpion aurait des affinités avec l’intestin. Lorsqu’au cours de la momification dont les plus anciens exemples remontent à la 4e dynastie, les embaumeurs sectionnaient les viscères, une analogie de forme pouvait être

142 TP 606d (Formule 362) : elle est la dernière de quatre déesses citées, après à Isis, Nephthys et Neith. 143 Pierre LACAU, Tableau des parties du corps humain mentionnées par les Égyptiens (CASAE 17), Le Caire 1952, p. 36. Autre désignation ancienne : ῾r.t (loc. cit.). 144 Rosemarie DRENKHAHN, art. « Kebehsenuef », LÄ III, col. 379.

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observée entre le côlon (Fig. 22)145, prolongé par le rectum, et les différentes sections du metasoma, le telson (la glande à venin) et l’aiguillon (aculeus) de certaines espèces de scorpions. L’analogie entre l’extrémité caudale de l’insecte et le côlon se serait trouvée accentuée du fait que ce dernier, de même que le côlon dans son ensemble, comporte des haustrations, c’est-à-dire des zones dilatées bosselées, et des zones resserrées. Ainsi, Serqet aurait-elle pu, par analogie, évoquer la fonction de l’excrétion des fèces, mais aussi représenter un siège de la douleur. Dans ces conditions, on admettra également, au vu de l’aspect des intestins considérés en un bloc, que le côlon à extrêmité scorpioniforme, prolonge l’intestin grêle serpentiforme. Aurait-il participé à nourrir une affinité entre scorpions et serpents auxquels la déesse préside146, c’est ce qu’on ne saurait affirmer en l’état de la documentation. 6.3. Serqet et Qebehsenouf 6.3.1. Eu égard à cet ancien rapprochement au niveau des intestins, il est possible que Serqet et Qebehsenouf aient aussi joué un rôle commun dans la renaissance des défunts, liée au stade embryonnaire de la vie. Un texte provenant d’un vase-canope datant de l’époque gréco-romaine associe Qebehsenouf au sang et aux tissus mous des membres rassemblés par le dieu qui réunit les os du défunt pour assurer sa renaissance :

Jnk sꜢ⸗k Qbh(w)-snw⸗f jn(w) n⸗k ṯr⸗k sꜢq(w) n⸗k ῾.t⸗k dmḏ(w) n⸗k qs.w⸗k jry sꜢ⸗k ḥr gs⸗k jꜢbj Je suis ton fils Qebehsenouf qui t’a apporté ton sang, qui a assuré pour toi la cohésion de tes membres, qui a réuni pour toi tes os, qui a fait ta protection sur ton côté gauche147. 145 Christine BROOKER, Le corps humain: Étude, structure et fonction, 2 e éd., Louvain-laNeuve 1998 (1re éd. 1993), p. 310, fig. 13.19, a ; Thomas GEST & Patrick TANK, Atlas d’anatomie, p. 226, 273 ; Erik SCHULTE, Udo SCHUMACHER & Michael SCHÜNKE, Atlas d’anatomie Prométhée – Tome 3 : Organes internes, 3e éd. révisée, Louvain-la-Neuve 2017 (1re éd. Stuttgart 2012), p. 232. Le côlon reçoit en égyptien le nom de qꜢb ; cf. LACAU, op. cit., p. 36. 146 Voir LÄGG VI, 438a-b, A-F, où elle revêt la forme d’une déesse associée à un serpent ou à un scorpion, sans oublier l’aspect humain, léonin ou celui d’un vautour. 147 Madeleine GAUTHIER-LAURENT, « Quelques objets égyptiens du musée de Langres », BIFAO 30 (1930), p. 107-125 : p. 124 ; Frédéric SERVAJEAN, « Le lotus émergeant et les quatre

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6.3.2. Cette formule est atypique par rapport aux trois autres canopes de la même série, où il n’est question que de protection. Elle exprime la formation de l’être humain, en lien avec le ventre de la mère — Qebehsenouf étant plus spécialement lié aux intestins (cf. supra, § 6.3.1) —, et elle va dans le même sens que les théories de la formation embryonnaire telles qu’elles figurent au P. Jumilhac (XIX, 124), théorie qui attribue à la mère la faculté de fournir le sang et les chairs nécessaires à la formation du nouveau-né : R῾ ḏd psḏ.t jwf⸗f jnmw⸗f sḫpr~n dj~tw⸗f m jrtw⸗s jr qs.w⸗f m-῾ mw n jt⸗f Et Rê dit à l’Ennéade : quant à ses chairs et à sa peau, sa mère les a créées avec son lait ; quant à ses os, grâce à la semence de son père148.

6.3.3. Par « chairs » (jwf), il faut comprendre tout ce qui est tissus mous et organes internes149. Le fait que ce rôle « maternel » dans la création embryonnaire ait été également attribué à Qebehsenouf, semble indiquer que Serqet remplissait, déjà à haute époque, une fonction maternelle qui perdura à travers les grandes périodes de l’histoire égyptienne. 6.4. Serqet et la renaissance du roi défunt 6.4.1. Serqet est invoquée dans les Textes des Pyramides pour assurer la renaissance du roi défunt, mais aussi dans les scènes de naissance royale150, ainsi que dans la Formule 32 du Livre des Morts, « Formule pour repousser le crocodile qui est venu pour enlever à l’homme son pouvoir magique dans l’Empire des Morts ». En effet, le corps humain, d’après ladite formule, doit se défendre contre quatre crocodiles aux quatre points cardinaux. Dans ce corps et notamment le ventre, qui passe pour être le siège de la magie, la protection contre ces reptiles répugnants, dits à la gueule brûlante et vivant d’excréments, est assurée aux points cardinaux par deux ophidiens mythologiques, les serpents

fils d’Horus : analyse d’une métaphore physiologique », dans S. H. Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal de l’Egypte ancienne, vol. 2 (OrMonsp 11), Montpellier 2001, p. 261-297 : p. 271. 148 Jacques VANDIER, Le papyrus Jumilhac (Louvre E 17.110), Paris [1961], p. 124, pl. XIX, XII, 24-25 ; Thierry BARDINET, Les papyrus médicaux de l’Egypte pharaonique, Paris 1995, p. 139-153 ; Jean YOYOTTE, « Les os et la semence masculine. À propos d’une théorie physiologique égyptienne », BIFAO 60 (1960), p. 19-27. 149 Pour une explication mythologique du passage P. Jumilhac, XIX, 124 et de ses implications par rapport à Plutarque, voir Sydney H. AUFRÈRE, « Et si on reparlait du crime commis à Aphroditopolis … Quelques réminiscences de mythologies régionales égyptiennes dans le De Iside et Osiride de Plutarque », en cours. 150 BRUNNER, Die Geburt des Gottkönigs, pl. 4, pl. 12. Voir aussi SPIESER, « Serket…», p. 259-263.

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(n῾w)151 respectivement associés à Seth (Ouest) et Osiris (Est). Mais on retrouve Soped (Sud) associé à une fleur bb.t et, en dernier lieu, Atoum (nord) associé à Serqet. Ainsi, dans ce contexte, Serqet apparaît comme une puissance divine localisée dans le ventre du mort. Ce dernier ainsi déclare :

Jw bw.t⸗k m ḫt⸗j Jw mtw.t⸗k m tp⸗j jnk Tm ḥꜢ⸗k msḥw jmj mḥ.t jw Srq.t m ḫt⸗j nn ms⸗j sw / sj L’abomination que tu inspires est dans mon ventre, ton venin étant dans ma tête, car je suis Atoum ! Arrière ô crocodile qui est au Nord, Serqet étant dans mon ventre (alors que) je ne l’ai pas engendré(e). (…)152.

6.4.2. Là encore, les deux serpents n῾w ne peuvent-ils pas renvoyer à deux aspects de l’intestin, l’intestin grêle (trois sections) et le côlon (quatre sections)153, tandis que le nombril et la fleur bb.t évoqueraient la partie antérieure du corps (Sud) et que Serqet, qui pourrait correspondre, d’après l’hypothèse formulée précédemment, au côlon sigmoïde, si l’on en croit la fonction excrétrice qu’elle sert, représenterait l’arrière du corps, à savoir le Nord ? Sachant que dans la pensée égyptienne, tout élément longiligne ou replié sur lui-même a propension à se transformer en serpent, ces derniers pouvaient tenir lieu d’ophidiens aux yeux des embaumeurs, d’autant qu’ils s’inscrivent dans le prolongement l’un 151 Sur ces serpents mythologiques, voir LÄGG III, 530c-531b : 531, C, d) et maintenant Magali MASSIÉRA, Les divinités ophidiennes Nâou, Néhebkaou et le fonctionnement des kaou d’après les premiers corpus funéraires de l’Égypte ancienne, 2 vol., thèse Université Paul-Valéry, Montpellier 2013. 152 Louis SPELEERS, Le papyrus de Nefer-Renpet. Un Livre des Morts de la XVIIIe dynastie aux Musées Royaux du Cinquantenaire à Bruxelles, Bruxelles 1917, p. 38, § 5 et p. 47. 153 Le colon, qui mesure jusqu’à 1, 5 m de long, comprend quatre sections : le colon ascendant, le colon transverse, le colon descendant et le colon sigmoïde. Quant à l’intestin grêle, d’une longueur de 6 mètres, il est composé de trois segments : le duodenum, le jéjunum et l’iléon.

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de l’autre. On observera également que le nom des serpents, n῾w, « lisse », à l’instar des serpents à écailles lisses comme les Élapidés ou des Colubridés, différents des Vipéridés à écailles scutiformes et carénées, pourrait corroborer le sens attaché aux viscères, lisses eux aussi. 6.4.3. Espace complexe, le ventre est tant le lieu de la conception que celui de la magie. Serqet, qui se trouve dans le ventre du défunt, assimilé à Atoum, alors qu’elle n’aurait pas été mise au monde, défend celui-ci contre le crocodile du nord. Serqet fait alors figure d’être à l’état embryonnaire ou fœtal, un stade de la vie auquel la déesse est clairement associée, notamment dans le cadre des canopes, où le fait d’entourer le mort de ses bras permet d’assurer à ce dernier sa renaissance dans l’au-delà154. 7. Différents aspects du scorpion emblématique de Serqet 7.1. Serqet-Hetyt étouffant Apopis dans l’Amdouat 7.1.1. Serqet joue un rôle dans la lutte contre les serpents, et notamment contre le parangon de ces derniers dans le Livre de l’Amdouat. Dans l’exem) plaire représenté dans le tombe de Séthi Ier, la déesse Serqet-Hetyt ( — littéralement « Celle qui fait respirer la gorge » —, combat Apophis dans la Douat. Lors de la 7e Heure du Livre de l’Amdouat, au registre du milieu155, Nehaher)156, nom fréquent pour Apophis157, présente le monstre ( le corps scindé magiquement par six couteaux — d’après l’inscription inversée figurant au-dessus de la scène, elle est figurée en train de lier (ṯs) la tête (m tp) du serpent à l’aide d’un lasso — tandis qu’un dieu appelé dans la légende

De g. à dr. : Fig. 23a. Détail de la déesse Serqet sous les pieds de Moutémouia et Amenhotep III, temple de Louqsor (BRUNNER, Die Geburt des Gottkönigs, pl. 4). — Fig. 23b. Seconde scène de Louqsor (ibid., pl. 12). Dessins C. Spieser. 154 À ce sujet, voir Cathie SPIESER, « Nouvelles approches de l’image emblématique de Serket : le serpent, la corne et l’utérus », GöttMisz 209 (2006), p. 91-99. 155 Erik HORNUNG, Ägyptische Unterweltsbücher, Zürich – Munich 1972, p. 131 et 135. 156 LÄGG IV, 271c-273a. 157 LÄGG IV, 272a, § B.

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« Celui-qui-est-sur-ses-couteaux »158 entrave sa queue, mais le texte parle paradoxalement des jambes (m rd.wj⸗f)159, ce qui signifie, d’un point de vue métaphorique, qu’il empêche l’animal de bouger. Serqet ne semble pas pour autant jouer un rôle comparable à celui de Seth, divinité connue pour sa puissance physique, lorsque, à bord de la barque solaire, il est employé pour éradiquer ce même Apophis et l’empêcher de contrecarrer la progression de l’embarcation solaire sur les eaux célestes160. La question est de savoir pourquoi on reconnaît à Serqet la faculté de lutter contre cet ophidien monstrueux, consistant à s’opposer à l’expression même du mal au moment où le soleil doit émerger dans sa plénitude. 7.2.2. La seconde scène montre le jeune roi et son ka allaités et protégés par différents génies, les génies Ka et les génies Hemouset, tandis que la reine, assise sur un lit, est protégée par Serqet. L’arachnide, figuré de manière similaire que dans la première scène, est placé directement sur sa tête, sans le pavois (Fig. 23b)161, et un seul signe de vie est accroché à la saignée du « bras » (pédipalpe) gauche. 7.2. L’emblème représenté verticalement à l’instar d’un récipient 7.2.1. Deux exemples de l’emblème L7 de Serqet, datant du Nouvel Empire, figurent dans les scènes de naissance d’Amenhotep III au temple de Louqsor (Fig. 23a-b)162. La première montre la conception du roi par la reine Moutemouia et le dieu Amon-Rê sous la protection des déesses Neith et Serqet (Fig. 23a)163. L’emblème de celle-ci est figuré de façon inhabituelle, posé verticalement sur un pavois sur la tête de la déesse. Du fait que l’élément caudal revêt à nouveau une forme tronquée, l’objet ressemble plutôt à un vase ḥes avec lequel il a pu être confondu du fait de la similitude de leurs formes ( et )164. Une telle confusion n’est pas anodine et rappelle qu’il existait effectivement une personnification égyptienne de la matrice ancestrale, Qerehet, dont le nom désignait un récipient lié au milieu matriciel165. Les dessins d’H. Brunner

158

LÄGG V, 403b. Erik HORNUNG, Die Unterweltsbücher der Ägypter, Zurich – Munich 1992, p. 134. 160 Georges NAGEL, « Set dans la barque solaire », BIFAO 28 (1929), p. 33-39. 161 BRUNNER, Die Geburt des Gottkönigs, pl. 12. 162 Ibid., pl. 4 et 12. 163 Ibid. pl. 4. Cette position verticale de l’insecte se retrouve aussi à Deir el-Bahari. 164 Par exemple dans les dessins d’Ayward M. BLACKMAN, « Some remarks on an emblem upon the head of an ancient Egyptian birth-goddess », JEA 3 (1916), p. 199-206. Selon l’auteur, le vase contiendrait le cordon ombilical et le placenta du roi. 165 Cathie SPIESER, « Vases et peaux d’animaux à fonction matricielle dans l’Égypte ancienne », BiOr 63, nos 3-4 (mai-août 2006), col. 219-234 : col. 219-220. Au Moyen Empire, une formule des Textes des Sarcophages signale que Nephthys possède une qerehet désignant une 159

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montrent que des signes de vie ont été placés à chacun des « bras » de l’arachnide. Ces signes de vie sont une réinterprétation des sceaux qui figuraient tant sur les signes L7, mais aussi sur P*L25, dès le règne de Djoser (cf. supra, § 1.3.7, 4.3.3-4). On les retrouvera également tendus par le scorpion du hiéroglyphe L28 qui sert à déterminer le nom de la déesse. 7.2.3. La présence du pavois dans l’une des scènes pourrait connoter l’origine de la déesse, à savoir Qedem166. À Deir el-Bahari, elle est en effet qualifiée de « Hemouset [Serqet], dame de Qedem », qui n’est autre que Xoïs, non loin de Bouto167. Le lien entre Neith et Serqet, de même qu’avec Isis et Nephthys, dérive de leur association aux directions cardinales et aux quatre angles des sarcophages, coffres-canopes ou autres constructions quadrangulaires qu’elles protègent. Il se pourrait que Serqet dont le symbole du nom, sur un pavois, fût présentée comme un vase, de même que sur le sarcophage de Khnoumnakht (cf. supra, § 1.3.7 et Fig. 7a-b), soit à mettre en relation avec le fait suivant. Srq.t-m-Qdm « Serqet-à-Xoïs », dont on connaît un En tant que prophète168, la déesse peut incar-ner une des quatre aiguières nms.t dont le contenu sert à purifier le corps des dieux. Écho tardif de cette croyance, d’après un texte d’Edfou, elle est considérée comme le premier de ces quatre vases, Neith le deuxième, Isis le troisième et Hékat le quatrième169.

Fig. 24. Sarcophage de Sennedjem, Musée du Caire (JdE 27301), détail (S.H. Aufrère).

7.2.4. Dans le cas présent, il s’agit de protéger l’acte créateur / procréateur d’Amon-Rê et de Moutemouia qui permettra la conception du nouveau roi, héritier du trône royal, et sans doute l’alimentation et à la naissance170. Il se matrice permettant de faire renaître les défunts. Ce terme désigne le milieu matriciel jusqu’à l’époque ptolémaïque. 166 Ibid., p. 44-45 ; Hermann DE MEULENAERE, « Une statuette égyptienne à Naples », BIFAO 60 (1960), p. 117-129 : p. 128. 167 La déesse Srq.t-m-Qdm, ou Serqet-à-Xoïs, est traitée dans LÄGG VI, 440c. 168 Statue Strasbourg 11.987.0.229 ; cf. Ramadan EL-SAYED, Documents relatifs à Saïs et ses divinités (BiEtud 69), Le Caire 1975, p. 262. 169 Edfou IV, 214, 12. 170 À Edfou I/1, 53, no 65, elle figure parmi les déesses qui président à la maternité et au nourissage de l’enfant divin.

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pourrait, d’un point de vue iconographique, que Serqet, liée aux mécanismes qui se déroulent au niveau du ventre, et notamment au transit intestinal, eût évolué aussi vers la matrice et l’utérus en tant que réceptacles. Quant à la présence des signes de vie pendant aux « bras » de l’emblème de Serqet, elle trouve des parallèles dans l’imagerie égyptienne présentant des déesses figurées de manière anthropomorphe, effectuant un geste particulier et possédant de tels signes accrochés à leurs bras171. Dans le cas de Serqet, le geste d’accueil et de protection reste clairement visible, tandis que les signes de vie accrochés aux poignets confirment le rôle hautement positif qui est joué par la déesse. 7.3. L’emblème de Serqet redressé comme un cobra et Serqet mère des serpents 7.3.1. SERQET,

UN SCORPION ÉLAPIFORME

? — Le nom du scorpion, dans

certains textes magiques pouvant être déterminé par un élapidé (cf. )172 — dénotant un lien affinitaire entre les deux classes animales —, l’arachnide emblématique de la déesse scorpion semble se prêter à la plasticité iconographique. On le retrouve notamment dans la décoration du sarcophage de Sennedjem (Fig. 24)173, où il est figuré dans une posture inhabituelle. Il est redressé à la manière d’un cobra en position défensive, à ceci près que la partie haute comporte bien quatre lignes horizontales correspondant aux tergites du scorpion. L’artiste aurait réinterprété l’emblème en jouant sur l’ambivalence de la déesse, tant scorpion que serpent. Il a décalé le scorpion-emblème de Serqet de 90o vers le haut en pensant que cette posture était plus conforme à l’idée qu’il s’en faisait. Il se trouve, en effet, qu’à la même époque le nom de Serqet peut être comme dans la tombe de Khâemouaset (cf. déterminé par un cobra : infra, § 7.4.2). Cette posture inhabituelle d’un scorpion élapiforme ne doit pas étonner à la 19e dynastie, car les « Hymnes au Diadème du pharaon », texte ancien retranscrit sur un papyrus du Moyen Empire, invoquent également déjà la déesse parmi les divinités uraeus protégeant le roi : (Adoration de l’uraeus). Celle qui porte haut la tête, large de gorge, est en paix ; ton réveil est paisible. Tu t’éveilles en paix. Serqet s’éveille en paix ; ton réveil est paisible (fꜢ.tj tp wsḫ ḥtj.t m ḥtp rsw.t⸗t ḥtp⸗tj rs⸗t m ḥtp rs Srq.t m ḥtp rswt⸗t ḥtp⸗tj)174. 171 Voir par exemple le geste effectué par Isis et Nephthys dans le papyrus de Tentamon. Les signes de vie sont accrochés aux bras des déesses, Erik HORNUNG, Tal der Könige, Augsbourg 1995, p. 184. Parmi les parallèles de ce motif du scorpion avec signes de vie accrochés aux bras, des exemples dans la tombe de Néfertari : Gertrud THAUSING & Hans GOEDICKE, Nofretari. Eine Dokumentation der Wandgemälde ihres Grabes, Graz 1971, p. 107. 172 Cf. Sydney H. AUFRÈRE, « Serpents, magie et hiéroglyphes », ENiM 6 (2013), p. 93-122 : p. 104, 109. 173 Musée égyptien du Caire, JE 27301. Voir SPIESER, « Nouvelles approches… », p. 91-99. 174 Alain BARUCQ & François DAUMAS, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne (LAPO 10), Paris 1980, p. 61-63.

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En outre, à l’époque ptolémaïque, à Edfou, elle sera considérée comme un dangereux élapidé crachant son venin au front de son père : « Serqet qui réside à Edfou, la grande dans les Deux-Chapelles, la coiffure au sommet du front de Rê, qui darde sa flamme contre ses ennemis (ceux de Rê)175 » (Srq.t ḥr(j.)t-jb Bḥd.t wr.t m jtr.tj ḥr(j.)t-tp m wp.t n R῾ wdj nb.t⸗s r ḫftj.w⸗f). 7.3.2. ENNEMIE, ALLIÉE OU PARENTE DE SERPENTS MYTHOLOGIQUES. — Cette déesse, dont on vient de constater qu’elle peut parfois devenir élapiforme, est ambiguë. Elle est considérée soit comme adversaire, soit comme alliée ou encore parente de serpents mythologiques. Comme adversaire, il lui revient comme mission d’étouffer Apophis lors de la 7e heure du Livre de l’Amdouat (cf. supra, § 7.1.1). Comme entité défensive, la Formule 32 du Livre des Morts montre qu’elle est alliée aux serpents n῾w (cf. supra, § 6.4.1). Mais plusieurs textes de l’Ancien Empire et du Moyen Empire notifient son rôle de mère de certains ophidiens divins, ce qui est le cas d’après la Formule 385 des Textes des pyramides : Rê apparaît contre toi (ḫ῾ R῾ jr⸗k) ; Horus tend ses neuf arcs contre cet esprit akh qui est sorti de la terre, la tête tranchée et la queue coupée (dwn Ḥr psḏ⸗f pḏ.wt r Ꜣḫ pn pr(w) m tꜢ š῾-tp ḥꜢk(w)-sd), à savoir le serpent sacré Dedi, fils de Serqet-hetou176 (ḏsr Ddj sꜢ Srq.t-ḥtw). (…)177.

Dedi n’est mentionné qu’une seule fois aux Textes des Pyramides178. Les notions de tête coupée et de queue tranchée font écho aux actions que Serqet et un comparse exercent sur ces deux organes du corps sur Apophis lors de la 7e heure du Livre de l’Amdouat. Ce passage des Textes des Pyramides entre d’ailleurs en résonance avec la Formule 436 des Textes des Sarcophages : Repousser le serpent Rerek179 ; détruire son venin (Ḫsf Rrk smꜢ mtw.t⸗f). Ô coupeur de tête, trancheur de gorges, ce troisième des adversaires d’Osiris (j š῾ tp jnn nḥb.t ḫm.t-nw jpw ḫft.jw n.w Wsjr). [Ô Henba, celui qui n’a ni bras ni jambes180], ton cœur s’enorgueillit-il de ce qui est sur ta bouche et que ta mère Serqet t’a donné ? ( jn ῾Ꜣ jb⸗k ḥr mḥw tp rꜢ⸗k rdj~n n⸗k mw.t⸗k Srq.t)

175

Edfou I/1, 142, 10-11. LÄGG VI, 437a-b. 177 TP Formule 385, § 673a-d. Variante ou erreur chez ALLEN, Pyramid Texts, p. 89, no T260, qui traduit le nom de la déesse par « Celle qui aspire les gorges ». La version hiéroglyphique de Sethe indique bien le nom de la déesse Serket-Hetou, « Celle qui fait respirer la gorge ». Voir voir Kurt SETHE, Die Altägyptischen Pyramidentexte, vol. 1, Spruche 1-468, Leipzig 1908, p. 368, texte 385. Voir sur la Formule et son commentaire Lucas BAQUÉ MANZANO, Fills de Djaamu. Els apotropaia dels Textos de les Piràmides : fórmules per sobreviure als perills del més enllà (Mizar Ægyptiaca 1), Barcelona 2015, p. 115-119. 178 LÄGG VII, 578c (TP § 673d). 179 Sur ce serpent, voir LÄGG IV, 701d-702a. 180 Ou Hen-Ba (LÄGG V, 220b-c), probablement pour Ḥnb (ibid., 220a-b). 176

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Ta mère sort contre toi ! (pr mw.t⸗k r⸗k) Recule devant celle que tu as vue, Khesy ! (ḥm~n mꜢꜢ.t~n⸗k Hsj

)181.

Il faut se dire que, dans les deux cas, Selqet apparaît, par assimilation à Neith, dont elle se rapproche, comme la mère de serpents mythologiques équivalents d’Apophis182, ce qui confère indirectement à Serqet un rôle de démiurge. Elle est également présente dans la Formule 885 pour « Repousser Rerek ». Il y est question d’une caverne de Serqet (« ma caverne (?) est (celle de) Serqet »), qui semble protéger le défunt contre les serpents et leurs morsures183. Les scorpions vivent dans des terriers tubulaires perfectionnés avec une ouverture de forme rectangulaire qui, toutes proportions gardées, peuvent être comparés à des cavernes. 7.3.3. Dans sa thèse, Magali Massiéra184 a montré, d’après plusieurs documents, que Serqet était présentée comme la mère du serpent Nehebkaou. Aux Textes des Pyramides, cette relation s’inscrit dans le même rapport qu’Isis pour Horus (§ 489a), Neith pour Sobek (§ 489c) et Les-Deux-qui-sont-réconciliés pour Seth (§ 489d) : Je t’ai regardé comme Horus a regardé Isis ; je t’ai regardé comme Nehebkaou a regardé Serqet (mꜢ~n(⸗j) ṯn mj-r mꜢꜢ Nḥb-kꜢ.w n Srq.t) ; je t’ai regardé comme Sobek regarde Neith ; je t’ai regardé comme Seth a regardé Les Deux-qui-sont-réconciliés185.

Cette même filiation figure dans la Formule 84 des Textes des Sarcophages intitulée « Devenir Nehebkaou dans la nécropole »186 :

Elles (Isis et Nephthys) ont donné des glorifications devant Serqet qui a été enceinte de moi (c’est Nehebkaou qui parle) (dj⸗sn ḏsr tp ῾.wj Srq.t jwr⸗tj jm⸗j)…

M. Massiéra indique également que Serqet pouvait être identifiée à Renenoutet, autre déesse serpent187, voire à Hékaou, ce dernier pour introduire un rapport à la magie188. En outre, un texte de protection des parties du 181 CT V, 287-289 ; BARGUET, Les Textes des Sarcophages, p. 328, no 436 (B2Boa). Sur l’appellation Khesy, voir LÄGG VI, 54b. Mais il est possible de lire Hsj-tꜢ.wj « Saleté de reptile du Double-Pays ». 182 Le serpent Rerek peut être un des noms d’Apophis ; cf. LÄGG IV, 701d, qui mentionne LdM Formules 39 et 39. 183 TS Formule 885 (S14C) ; cf. BARGUET, Textes des Sarcophages, p. 321. 184 MASSIÉRA, op. cit., p. 18-19, 19-20, 25-26. 185 TP § 489b, Formule 308. 186 Formule 84 (M22C) ; CT II, 49e ; cf. BARGUET, Textes des Sarcophages, p. 477. Normalement, il s’agit de Sechat dans les autres versions. 187 Cf. MASSIÉRA, op. cit., p. 20. 188 Ibid., p. 24-25.

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corps du P. Leyde I 348 désigne Serqet comme la mère des serpents ḫsbd : « Ses doigts sont des serpents ḫsbd, à savoir les enfants de Serqet (jw ḏbꜢ.w⸗fj m ḫsbd.wt189 msw.w Srq.t)190. Plusieurs passages indiquent que les serpents sont aussi désignés comme les Enfants-de-Selket. Il en est question dans l’inscription de la statue du conjurateur de Serqet, Harkhébis191, où ce dernier (sic) « celui qui apaise les Enfants-de-Serqet », est nommé le teknonyme « Enfants-de-Serqet » étant également employé sur la statue de Djedher-le-Sauveur192 : « J’ai donné de l’air aux Enfants-de-Serqet » (dj⸗j ṯꜢw n Ms.w-Srq.t) de même qu’il est question d’un « travail des Enfantsde-Serqet », à Esna, le 10 Thot, à propos de la fête de Tefnout193. 7.4. Serqet, dame des scorpions et des serpents 7.4.1. La forme ophidienne de Serqet, considérée comme parente ou mère des serpents, est une seconde nature de la déesse. Cet aspect alternatif — serpent / scorpion — lui confère un pouvoir sur ces deux catégories d’animaux dangereux. Serqet était invoquée contre le scorpionisme, mais aussi contre les morsures de serpents. Compte tenu que les effets des piqûres de scorpion sont extrêmement divers selon les espèces, le venin provoque, outre une douleur aiguë, de la fièvre et de l’hyper ou de l’hypotension, des effets cytotoxiques (œdème, nécrose), cardiotoxiques (arythmie cardiaque, tachycardie ou bradychardie) ; il cause de la diarrhée, de l’œdème pulmonaire ainsi que des troubles respiratoires, voire un état de choc ; — en somme un cocktail des syndromes vipérin et cobraïque194, ce qui pouvait paraître étonnant pour un aussi petit animal qui, par la nature de l’envenimation qu’il causait, entretenait des affinités avec les serpents. À ce titre, on invoquait Serqet dans les formules de prophylaxie contre les agressions de serpents, mais aussi contre tout scorpion et tout animal venimeux (ḏdf.t)195. D’ailleurs, le rôle de guérisseur joué par le 189

Avec le déterminatif du serpent. Joris F. BORGHOUTS, The magical Texts of Papyrus Leiden I 348 (OMRO 51), Leyde 1971, p. 20, 154 et p. 91, 154, ro 5,7 et pl. 5. On verra aussi MASSIÉRA, op. cit., p. 27. 191 VON KÄNEL, Conjurateurs de Serket, p. 202, no 30, avec bibl. (daté de la 30e dynastie). Pour la datation actuelle, voir Philippe DERCHAIN, « Harkhébis, le Psylle-Astrologue », CdE 64 (1989), p. 74-89. 192 JELÍNKOVÁ-REYMOND, Djed-ḥer-le-Sauveur, p. 73, 77, ligne 154. 193 Esna II, no 55, 2, p. 124 ; SAUNERON, Fêtes religieuses d’Esna, p. 12 et 13, n. (i). On trouvera un commentaire de ces passages dans Sydney H. AUFRÈRE, Les serpents dans l’Égypte ancienne, en cours, § 1.1.3.18, a). 194 Sur ces symptômes, voir AUFRÈRE, op. cit., § 3.7.1.9.1. 195 Jean-Claude GOYON, Le recueil de prophylaxie contre les agressions des animaux venimeux du Musée de Brooklyn, Papyrus Wilbour 47.218.138 (SSR 5), Wiesbaden 2012, p. 14, 20, 26 et 28 (agressions de serpents), et p. 60 (scorpions, serpents, reptiles, crocodiles). En complément de cet ouvrage, on se reportera à Sydney H. AUFRÈRE, « Chasser, conjurer les ‘animaux venimeux’ (ḏdf.t) et s’en protéger d’après le Papyrus Brooklyn 47.218.138, note de lecture », JSSEA 40 190

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De g. à dr. : Fig. 25. Tombe de Khâemouaset (dessin C. Spieser). Fig. 26. Coffre-chapelle aux canopes, en bois doré, de Toutânkhamon, Musée égyptien du Caire (EDWARDS, Toutankhamon, sa tombe et ses trésors, Vérone 1978, p. 159). Fig. 27. Élément ornant la tête de la déesse Serqet dans la tombe de Nefertary (dessin C. Spieser, d’après SCHMIDT & WILLEITNER, Nefertari, pages intérieures couverture).

conjurateur de Serqet (ḫrp-Srq.t, sꜢ-Srq.t) n’est plus à démontrer196. Les travaux de ce médecin d’un type particulier figure dans « le manuel du spécialiste consistant en ce que fait le conjurateur de Serqet » mentionné dans le second traité du P. Brooklyn 47.218.48 et 85197. Il lui incombait de « ranimer tous les êtres humains, tous les animaux, de les sauver des effets du venin de tout serpent mâle, tout serpent femelle, tout animal venimeux »198. Ainsi pourrait s’expliquer la tendance élapiforme du scorpion figurant sur la tête de la déesse du sarcophage de Sennedjem (cf. supra, § 7.3.1). 7.4.2. La nature serpentine qui pourrait être mise en relief d’après la tombe de Khâemouaset, où l’arachnide, présenté comme le veut la stylisation du motif, est figuré en bleu avec des stries rappelant la façon dont les Égyptiens représentent des écailles de serpent, doit être considérée avec prudence. Si on retrouve ce motif en forme de vaguelettes dans certaines amulettes revêtant l’aspect d’un serpent199, elle pourraient aussi simplement styliser les tergites multipliés de l’arachnide (Fig. 25) ou du moins entretenir l’ambiguïté entre l’un et l’autre. Le Metropolitan Museum conserve un cartonnage d’époque tardive

(2013-14), p. 1-54 ainsi qu’au compte rendu de Joachim F. Quack sur le même ouvrage. Voir aussi Sydney H. AUFRÈRE, « Les ϫⲁⲧϥⲉ (< ég. ḏdf.t) dans tous leurs états d’après les scalistes coptes. Livre des Degrés (chap. VI) et Scala magna (chap. XV). Chordata (Mammalia, Sauropsida et Amphibia), Arthropoda et Nematoda », dans N. Bosson, A. Boud’hors & S.H. Aufrère (éd.), Labor omnia uicit improbus. Miscellanea in honorem Ariel Shisha-Halevy (OLA 256), Louvain 2017, p. 3-92. 196 Frédérique VON KÄNEL, Les prêtres ouâb de Sekhmet et les conjurateurs de Serket (BEHE 87), Paris 1984, p. 161-231. 197 Serge SAUNERON, Un traité égyptien d’ophiologie. Papyrus du Brooklyn Museum Nos 47.218.48 et 85 (BiGe 11), Le Caire 1989, p. 53, § 39. 198 Sydney H. AUFRÈRE, « Symptomatologie des morsures d’ophidiens d’après le Papyrus Brooklyn 47.218.48 et 85 : aspects épistémologiques d’un texte égyptien ancien recopié au IVe siècle avant notre ère », Anthropozoologica 47/1 (2012), p. 223-261. 199 Carol ANDREWS, Amulets of Ancient Egypt, Londres 1993, p. 37, fig. 33b, et p. 10, fig. 4k.

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représentant les soles d’une paire de sandales dont chacune montre un scorpion, le metasoma barré de nombreuses stries qui sont autant de tergites dans l’esprit de l’artiste200. 7.5. L’emblème du scorpion en position naturelle 7.5.1. L’un des exemples de l’arachnide de Serqet les mieux connus en ronde bosse figure sur la tête de la déesse qui, avec ses consœurs, protège les angles du coffre-chapelle aux canopes en bois doré de Toutânkhamon (Fig. 26)201. Il est représenté d’une manière très stylisée : cephalothorax et abdomen lisses, sans tergites ni anneaux de queue, dépourvu de pattes locomotrices, sans aiguillon et sans yeux. Seules demeurent les deux pédipalpes semblant répéter le geste d’accueil de la déesse écartant les bras pour protéger l’un des angles du coffre. Il s’agit curieusement d’une transposition en trois dimensions de l’emblème archaïque. Ainsi, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, l’absence de détails spécifiques dénotant un scorpion ne s’explique pas par la volonté d’enlever les sections et les pattes du corps du scorpion pour le priver de mobilité, et de sa queue pour parer au danger, mais bien parce que l’objet correspondait à une stylisation remontant aux temps les plus anciens. L’absence d’yeux répond au même motif. Seuls demeurent les pédipalpes qui se transforment en bras accueillants de l’animal de Serqet, geste qui pourrait peut-être se comprendre comme la marque d’un regressus in utero202. 7.5.2. Plusieurs représentations convergentes de l’arachnide provenant de la tombe de Nefertary et figurant sur la tête de Serqet permettent d’observer que l’abdomen (mesosoma et metasoma) revêt systématiquement la même couleur que le justaucorps portée par la déesse, tandis que les pédipalpes au bout de membres grêles et son cephalothorax évoquant à première vue une poitrine féminine sont de couleur jaune, évoquant la carnation féminine (Fig. 27)203. On pourrait même dire que l’enveloppe rouge bordée de blanc de l’objet scorpioniforme transpose la robe-fourreau de la déesse, tout en conservant la tradition du rouge d’un emblème rouge depuis Djoser. La quête d’une similitude 200 EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », p. 10, fig. 15. On compte une trentaine de lignes. Voir aussi BERLANDINI & AUFRÈRE, art. cit., § 4.14. 201 Pour une belle image de la déesse : Iorwerth Eiddon Stephen EDWARDS, Toutankhamon, sa tombe et ses trésors, Paris 1978, p. 159. 202 Voir Cathie SPIESER, « De l’embryon humain à l’embryon divin », dans V. Dasen (éd.), L’embryon humain à travers l’huistoire. Images, savoirs et rites. Actes du colloque international de Fribourg 27-29 octobre 2004, Gollion 2007, p. 23-39. 203 THAUSING & GOEDICKE, Nofretari, p. 107 ; SCHMIDT & WILLEITNER, Nefertari, pages intérieures couverture. Voir aussi EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », p. 6, fig. 8 (très belles photos avec des détails). Si on revient à Djoser, il se pourrait que des yeux eussent été représentés sur le céphalothorax de l’animal (cf. supra, fig. 11b : deux dépressions). Voir aussi SPIESER, « Serket, protectrice des enfants à naître ».

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par le truchement des couleurs et une tentative d’anthropomorphisation de l’arachnide ne laissent planer aucun doute. Cet anthropomorphisme est cependant relatif dans la mesure où les membres antérieurs sont distincts de bras humains, contrairement à d’autres cas, mais la déesse et son emblème font corps ; toutefois, l’ambiguïté morphologique est bien présente. En outre, l’un des exemples provenant de cette tombe porte à nouveau les fameux signes de vie accrochés « aux poignets »204. 7.5.3. Les bras accueillants de la déesse et porteurs de signes de vie sont une notion remontant au temps des Pyramides et qui a traversé l’histoire égyptienne, notamment par le truchement de la mythologie qui associe Serqet à Horus lorsqu’il fut caché dans les marécages du Delta, un lieu symbolisant la gestation, d’où le jeune dieu est sorti victorieux d’une piqûre de scorpion. Serqet devient ainsi la « dame de Chemmis » et la « femme d’Horus » dont la protection est invoquée dans les cippes magiques d’Horus205. La déesse ayant aidé Isis à nourrir et protéger le jeune Horus lors de sa naissance dans les marécages de Khemmis206, on faisait par conséquent appel aux bienfaits de celle-ci dans le cadre de certaines incantations pour les femmes en couches, afin de faciliter la délivrance207. Car il est possible que, pour les Égyptiens, la douleur de l’accouchement et les symptômes qui l’accompagnaient eussent présenté des affinités avec la douleur et les symptômes (tachycardie, hypertension, fièvre) causés par le venin d’animaux venimeux. Serqet protégeait à la fois les vivants, en particulier les jeunes enfants et femmes en couches et plus généralement toute personne ayant eu des soucis de piqûre ou de morsure occasionnées par des animaux dangereux, mais elle œuvrait aussi en qualité de mère pour le défunt qu’elle accueillait en son sein afin de lui assurer une nouvelle vie dans l’au-delà, un rôle qu’elle partageait tout particulièrement avec ses consœurs des canopes.

204 On trouve un parallèle dans la tombe de Séthi Ier où l’insecte présente une attitude identique, ainsi que des signes de vie ânkh accrochés à ses poignets ; cf. Erik HORNUNG, The Tomb of Pharaoh Seti I. Das Grab Sethos I., Zurich – Munich 1991, p. 139, pl. 75. 205 Lazló KÁKOSY, art. « Horusstele », LÄ III, col. 60-62. 206 Voir Sydney H. AUFRÈRE, « Du nouveau sur Harchêbis, l’enfant divin du marécage, — l’Harpocrate du conseiller Nicolas-Joseph Foucault (1643-1721) », dans S.H. Aufrère & M. Mazoyer (éd.), Au confluent des cultures. Enjeux et maîtrise de l’eau (Cahiers Kubaba), Paris 2015, p. 59-107. Sur Chemmis, p. 70-72 (avec références). 207 Joris F. BORGHOUTS, The magical Texts of Papyrus Leiden I 348 (OMRO 51), Leyde 1971, p. 29, Formule 30, v. 12.2, voir aussi p. 150, no 358.

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EXIT LA NÈPE … INTROÏT LE SCORPION

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EXIT LA NÈPE … INTROÏT LE SCORPION

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RÉSUMÉ Cet article écrit à deux mains est composé de deux parties. D’une part, les auteurs rendent le radicogramme L7 (srq), naguère classé comme un membre de la famille des Nepidae, à celle des Scorpiones, en montrant le processus iconographique de ce radicogramme qui dérive d’un scorpion archaïque stylisé dont on représente le céphalothorax, le mesosoma et le metasoma, ce dernier terminé, pour des raisons magiques, par deux bandes croisées qui, évoquant l’aculéus, neutralisent le danger du hiéroglyphe. Ce dernier, quelle que soit la période à laquelle on remonte, n’a jamais été une nèpe ou un animal de la même famille. Cette démonstration, appuyée de façon naturaliste, est étayée par l’étude d’un emblème, que les auteurs ont décidé de nommer P*L25 (Prototype de L25), qui apparaît, à partir du règne de Djoser, dans des scènes où le souverain accomplit des actions dynamiques où il est clairement comparé à un scorpion combattant. C’est ce dernier signe qui, à son tour, sera à l’origine du hiéroglyphe L25 ( ), qui sert à déterminer le nom de la déesse Serqet (Selkis). D’autre part, les mêmes auteurs étudient de quelle manière la déesse, qui présente des affinités avec les serpents jusqu’à passer pour la mère de certains d’entre eux — les Enfants-de-Serqet — car leurs morsures et celles des scorpions présentent des symptômes identiques, préside aux voies respiratoires et digestives de l’être humain, voire à la renaissance. MOTS CLÉS Serqet – scorpion – renaissance – matrice – cobra

PARTIE V : LE SCORPION D’ISIS EN ÉGYPTE ET EN NUBIE

ISIS ET LES SCORPIONS À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

Frédéric ROUFFET1

Si les liens que la déesse Isis entretient avec les scorpions sont bien attestés dans la littérature égyptienne2, la statuette en bronze, aujourd’hui exposée dans l’une des vitrines du rez-de-chaussée du musée des Écritures à Figeac dans le Lot3, et dont fait état la présente communication, permet d’enrichir le regard porté sur le caractère hybride de ce type d’objet. En effet, représentant une divinité composée d’un buste féminin et au corps de scorpion, elle surprend par la qualité de son exécution tandis que son analyse iconographique, rapportée à celle d’autres monuments conservés dans diverses collections muséales ou privées, permet d’identifier un groupe en bronze présentant des caractéristiques similaires. 1. Présentation de la statuette de Figeac Inventorié sous le numéro 05.27.1, ce monument de dimensions modestes4 représente une figure composite mi-femme mi-scorpion, le corps reposant sur une plaque, elle-même surmontant la figuration incisée d’une fleur de lotus, le monument étant d’une seule pièce, en bronze. Mi-femme, dans la mesure où celui-ci privilégie, à l’avant, un buste féminin dont les coudes, les avant-bras et les mains sont posés contre la plaque reposoir. Ce buste arbore des bracelets à chaque poignet et juste sous les épaules ainsi qu’un collier à plusieurs rangs partiellement recouvert par la perruque de la déesse dont les deux pans descendent sur l’avant du buste, tandis qu’un troisième, plus large, couvre le haut du dos. Sur la tête, on distingue la base d’une 1 Chercheur associé, équipe ENiM, Université Paul-Valéry Montpellier 3. Ce travail a bénéficié du soutien du LabEx ARCHIMEDE au titre du programme “Investissement d’Avenir” ANR-11-LABX-0032-01. 2 Voir entre autres Jean-Claude GOYON, « Hededyt : Isis-scorpion et Isis au scorpion en marge du papyrus de Brooklyn 47.218.50 – III », BIFAO 78 (1978), p. 439-458 ; Dimitri MEEKS, « Hededet », LÄ II (1977), col. 1076-1078, ou encore plus récemment Cathie SPIESER, « Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 (2001), p. 251-264. 3 L’ancien « Musée Champollion » a en effet rouvert en 2007 sous le nom de « Musée Champollion – Les Écritures du Monde ». Avec les accords respectifs de Mme Marie-Hélène Pottier, ancienne conservatrice du musée, et de M. Benjamin Findinier, son successeur, il m’a été permis de publier ce petit monument. Puissent-ils trouver ici l’expression de mes sincères remerciements. 4 12 cm (h.) × 8,5 cm (L.) × 5 cm (l.).

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Statuette de Figeac : Fig. 1 (haut à g.). Vue de profil. Fig. 2 (haut à dr.). Vue de profil. Fig. 3 (bas). Vue de face (© Musée Champollion – Les Écritures du Monde).

couronne — témoignage d’un élément décoratif plus élaboré, aujourd’hui disparu — sur le devant de laquelle se dresse un uræus. Mi-scorpion, car, à partir des épaules et dans le prolongement de la poitrine, voici la partie animale de la déesse empruntée à l’anatomie d’un scorpion, étant admis que le buste et les bras de la déesse se substituent, mutatis mutandis, au céphalothorax avec ses pédipalpes, en jouant sur la similarité formelle entre les premiers et les seconds. Cela étant établi, dressé sur ses huit pattes, le mesosoma, représentant habituellement sept tergites (plaques dorsales) (qui correspondent à cinq sternites ou plaques ventrales), est complet. On observera la volonté de styliser certains détails chez le créateur du modèle. En premier lieu, les pattes de la partie scorpioniforme de la déesse présentent quatre petits éléments qui pourraient styliser les deux griffes, les éperons ou les soies dont l’extrémité des pattes des scorpions est dotée (cf. Fig. 4-5a-b). En deuxième lieu, l’artiste stylise les tergites de l’animal comme des écailles piquées d’un point au centre de chacune d’elles (cf. Fig. 6). En troisième et dernier lieu, l’appendice caudal — ou metasoma — est dressé bien que fragmentaire après le début de son cinquième segment, le premier d’entre eux se distinguant des autres par un détail singulier puisqu’il est entouré d’éléments en forme de gouttelettes (cf. Fig. 7).

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

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Fig. 4 (ht.). Statuette de Figeac, détail des pattes. Fig. 5a (bas à g.). Détail de la 1re patte (© Fr. Rouffet). Fig. 5b (bas à dr.). Idem, détail d’une patte de scorpion. (© Antony Thillen https://arthropodus.com/2014/03/21/anatomie-d-un-scorpion/)

Cependant, outre une telle singularité, les autres segments de la queue focalisent l’attention en vertu d’un décor surprenant, car chacun d’eux présente des stries irrégulières parfaitement reconnaissables comme des cheveux. De ce fait on obtient visuellement un écho de la Formule 531 des Textes des Sarcophages, où on lit la phrase suivante (Fig. 7bis) : ḥnsk.t⸗k m Ḥḏḏ(y).t, Ta ḥnsk.t (tresse) est celle de la déesse Hédjédjyt.

De g. à dr. : Fig. 6. Statuette de Figeac, vue de dessus (© Fr. Rouffet). Fig. 7. Idem, détail de la queue (© Musée Champollion – Les Écritures du Monde). Fig. 7bis. CT VI, 124g [TS 531].

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Ce passage met en évidence un lien entre la ḥnsk.t et la queue du scorpion, comme le confirme le déterminatif du nom de la déesse Hédjédjyt qui induit un lien iconographique entre ces deux éléments. Certes, l’anatomie de l’animal en soi incite peu à une traduction du terme ḥnsk.t par « tresse », d’autant que la queue du scorpion de la statuette de Figeac ressemble à une masse de cheveux assujettis, à intervalles de plus en plus réduits, par des liens, comme pour confectionner une sorte de queue de cheval élaborée5. Cela dit, si, comme tout porte à le croire, l’anatomie du scorpion est respectée, peu d’éléments doivent manquer au metasoma de cette déesse scorpioniforme, celui-ci étant habituellement constitué de cinq segments (ou anneaux) auxquels il faut ajouter le telson, partie terminale pourvue d’une vésicule à venin et d’un dard (l’aculeus) permettant de l’inoculer6. La plaque sur laquelle repose la divinité est incomplète, trois des quatre angles étant cassés. Une inscription inférieure à un centimètre de hauteur se trouvait initialement sur le rebord de la plaque. Malgré un état de conservation relativement bon, les quelques signes hiéroglyphiques conservés restent difficiles à identifier. Seuls deux signes, (cf. Fig. 8).

, ainsi qu’un

, sont encore lisibles

Statuette de Figeac : Fig. 8. Détail des signes hiéroglyphiques (© Musée Champollion – Les Écritures du Monde).

Enfin, sous la plaque reposoir, la fleur de lotus présente, comme c’est habituellement le cas, des pétales de forme triangulaire rattachés à un bouton dont la particularité est de posséder trois anneaux (ou corolles) entre la naissance de la fleur et la tige (cf. Fig. 9). Le bas de l’objet est perdu.

Statuette de Figeac : Fig. 9. Détail de la fleur de lotus (© Musée Champollion – Les Écritures du Monde). 5 Concernant le terme ḥnsk.t, consulter Magali MASSIERA, « La tresse d’Héliopolis », dans A. Gasse, Fr. Servajean & Chr. Thiers (éd.), Et in Aegypto et ad Aegyptum. Recueil d’études dédiées à Jean-Claude Grenier, 4 vol. (CENiM 5), Montpellier 2012, vol. 3, p. 489-498. 6 Pour la morphologie des scorpions, on renverra au site internet du Walter Reed Biosystematics Units, dans la section Scorpion (http://www.wrbu.org/VecIDResources SC.html) ainsi qu’à l’ouvrage de Roland STOCKMANN & Éric YTHIER, Scorpions du monde, Verrières-sous-Buissons 2010.

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

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2. Monuments similaires Un peu moins d’une trentaine de statuettes similaires à celle-ci sont actuellement connues (cf. Catalogue, p. 297-299 et 301-305)7 : Ill. 1 Athènes NAM8 Ill. 2 Atlanta MCM 2005.005.005 Ill. 3 Baltimore WAM 54.546 Ill. 4 Berlin ÄM ÄS 2541 Ill. 5 Berlin ÄM ÄS 13200 Ill. 6 Berlin ÄM ÄS 20626 Ill. 7 Berlin ÄM ÄS 20643 Ill. 8 Bologne KS 320 Ill. 9 Bologne KS 321 Ill. 10 Caire CG 39206 Ill. 11 Caire CG 39207 Ill. 12 Caire CG 39208 Ill. 13 Caire CG 39209 Ill. 14 Copenhague ÆIN 1356

Ill. 15 Copenhague ÆIN 1362 Ill. 16 Figeac ME 05. 27.1 Ill. 17 Fondation Gandur FGA-ARCH-EG-205 Ill. 18 Leyde RMO F 1949/12.6 Ill. 19 Leyde RMO F 1953/10.4 Ill. 20 Londres UC 8085 Ill. 21 Marseille MVC Inv. 884 Ill. 22 Marseille MVC Inv. 885 Ill. 23 Minneapolis Mia 7 Ill. 24 Paris Louvre N 5017 Ill. 25 San Bernardino cat. no 99 Ill. 26 Vente aux enchères (1) Ill. 27 Vente aux enchères (2)

Leur examen permet de distinguer deux groupes principaux. 3. Spécificités iconographiques de ce type de monument Notons en premier lieu que, lorsqu’elle est présente, la couronne de la déesse est toujours constituée d’un disque solaire enserré dans des cornes de vaches et d’un uræus dressé, un type de parure bien connu. La chevelure de la déesse varie également. Si la plupart des statuettes présentent trois masses de cheveux réparties sur le buste et les épaules de la déesse, comme cela a déjà été relevé, quelques-unes montrent la déesse coiffée d’une perruque courte. Seule la statuette de Figeac 05.27.1 présenterait des bracelets aux poignets et aux bras, les autres monuments ne disposant pas d’une qualité de détails identique. L’examen des mains de la déesse permet de distinguer deux groupes. On l’a vu, celle de Figeac a les mains posées à plat sur la plaque reposoir. En revanche, plusieurs autres monuments présentent la déesse empoignant ce qui ressemble à des vases nou, visiblement en geste d’offrande. La représentation de la partie zoomorphe de la déesse diffère également selon les monuments. Les tergites du mésosoma sont souvent peu marqués mais, lorsqu’ils le sont, leur nombre peut varier entre six et sept. Seules deux statuettes, celles de Figeac (inv. 05.27.1) et du Louvre (inv. N 5017), présentent des écailles dotées d’un point. Les pattes sont souvent bien marquées et au nombre de six ou huit ; la queue du scorpion étant, selon les monuments, soit tournée vers la tête de la déesse, soit vers l’arrière. 7 Les abréviations des musées sont les suivantes : NAM : National Archaeological Museum ; MCM : Michael C. Carlos Museum ; WAM : Walters Art Museum ; ÄM ÄS : Ägyptisches Museum – Ägyptische Sammlung ; ME : musée des Écritures Champollion ; RMO : Rijksmuseum van Oudheden ; UC : University College ; MVC: musée de la Vieille-Charité. 8 Il ne m’a pas été possible de retrouver le numéro de cet objet dans les collections du musée (cf. http://www.namuseum.gr).

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La plaque sur laquelle repose la déesse n’est que rarement inscrite et c’est surtout le dessous de cet élément qui attire l’attention en raison du soin qui a été apporté à son décor. De fait, si la statuette de Figeac repose sur une fleur de lotus, trois monuments présentent une iconographie différente (cf. Fig. 10-12) :

De g. à dr. : Fig. 10. Détail de la statuette Marseille 841. Fig. 11. Détail de la statuette Vente aux enchères (1). Fig. 12. Détail de la statuette Caire CG 30206.

La statuette conservée au musée de la Vieille-Charité, à Marseille (inv. 841), repose sur une composition florale composite présentant des détails incisés. Celle mise aux enchères semble à première vue disposer d’une fleur de lotus comme la plupart des autres monuments, mais un élément surprend : il s’agit de deux pattes de faucon à l’envers qui partent du haut de la fleur et dont les serres agrippent la plaque reposoir, un détail unique sur ce type d’objet. Mais c’est la statuette conservée au Musée égyptien du Caire (CG 30206) qui conserve l’iconographie la plus marquante. Reliant la fleur à la plaque reposoir, est figuré, détail inédit, une sorte d’atlante à genoux, penché, les bras pliés derrière lui en un geste par lequel il semble retenir la plaque afin d’éviter qu’elle ne tombe. 4. Le nom de la déesse L’identité de cet être hybride n’est qu’incomplètement livrée par les statuettes de ce corpus puisque sur les cinq monuments semblant donner une inscription hiéroglyphique, seuls trois d’entre eux présentent une inscription lisible. En premier lieu, la statuette de la Fondation Gandur pour l’Art (FGA-ARCHEG-205) offre un texte effacé ; l’auteur du catalogue indique une Isis 9. En deuxième lieu, le monument de Baltimore WAM 54.546 est catalogué comme « Figure of Isis-Serget as Scorpion » sans plus d’explication et, bien que l’inscription hiéroglyphique soit illisible, l’onglet inscription du site internet traduit : « Isis may give life »10. En troisième et dernier lieu, la statuette du Caire (CG 39206) n’ayant pu être étudiée par nos soins, on reprend ici le relevé pro9 Robert St. BIANCHI & Christiane ZIEGLER, Les bronzes égyptiens. Fondation Gandur pour l’Art, Berne 2014, p. 100. 10 Cf. http://art.thewalters.org/detail/12684/figure-of-isis-serget-as-scorpion/ (dernière consultation au 30/01/2017).

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

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ḏd Ꜣs.t (?) d(w) ῾nḫ, « Puisse Isis (?), douée posé par G. Daressy : de vie, parler. » L’identité de la déesse repose donc sur le signe du scorpion (Gardiner, Sign List L19), doté de plusieurs valeurs phonétiques dont les plus fréquentes sont srq.t, ḥḏḏ.t / ḥdd.t, wḥ῾.t et ḏꜢr.t. Bien que la lecture srq.t s’impose naturellement, cette hypothèse mérite d’être confirmée. Les stèles d’Horus sur les crocodiles sont éclairantes. Ces monuments, connus en grand nombre11, représentent un dieu enfant marchant sur plusieurs crocodiles et maîtrisant dans ses poings plusieurs animaux dangereux : serpents et scorpions, oryx et lions12. Sur un très grand nombre de ces cippes sont gravés des textes magiques. Quelques-uns présentent également des figurations de divinités le plus souvent disposées en registres et ces images vont justement apporter les réponses. En dépouillant l’intégralité du corpus, six représentations de l’Isis scorpion peuvent être relevées :

De g. à dr. : Fig. 13. Détail de la Stèle Metternich, verso, reg. XI. Fig. 14. Détail de la statue Tyszkiewicz (Paris Louvre E 10777). Fig. 15. Détail de la statue Naples 1065, pilier dorsal, 8e registre 14.

De g. à dr. : Fig. 16. Détail de la statue Turin ME cat. 3030, côté gauche13. Fig. 17. Détail de la statue Turin ME cat. 3030, pilier dorsal, 12e registre14. Fig. 18. Détail de la stèle Londres BM EA 36520, recto, reg. V15. 11 Consulter à ce titre l’ouvrage de Heike STERNBERG-EL HOTABI, Untersuchungen zur Überlieferungsgeschichte der Horusstelen. Ein Beitrag zur Religionsgeschichte Ägyptens im 1. Jahrtausend v. Chr., 2 vol. (ÄA 62), Wiesbaden 1999. 12 Voir, entre autres, la publication des stèles d’Horus sur les crocodiles du musée du Louvre : Annie GASSE, Stèles d’Horus sur les crocodiles, Catalogue du Département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre, Paris 2004. 13 Ibid., pl. XVIII, XXIV et XXVI (angles différents). 14 Ibid., pl. XXVI. 15 Détail d’après Géraldine PINCH, Magic in Ancient Egypt, Londres 1994, p. 20, fig. 7.

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La représentation de la déesse est fidèle aux monuments décrits ci-avant : un corps de scorpion, un buste de femme assorti de deux bras et une tête féminine surmontée d’un disque solaire emprisonné entre les cornes d’une vache. La statue guérisseuse du musée de Turin (ME cat. 3030) et la stèle du British Museum (BM EA 36250) permettent de confirmer le nom de la déesse grâce à l’inscription Ꜣst.-Srq.t, « Isis-Serqet » ; information confirmée par le déterminatif du nom de la déesse sur le monument de Turin qui représente ce qu’on voulait reconnaître naguère comme une nèpe, mais qui est un scorpion (cf. Fig. 17)16. Un détail attire cependant l’attention puisque quatre représentations sur six nous montrent la déesse affublée d’une double queue, élément inconnu des statuettes étudiées. La duplication d’une partie du corps est un élément déjà attesté dans l’iconographie égyptienne même si force est de constater qu’il s’agit le plus souvent d’animaux ou de personnages à plusieurs têtes plutôt qu’à plusieurs extrémités caudales17. Il a été certes démontré qu’atteints de maladies génétiques, les scorpions pouvaient être affublés d’une double queue comme en témoignent certains exemples :

Fig. 19 (haut). Scorpion muni d’une double queue18. Fig. 20a-b (bas). Scorpion muni d’une double queue19. 16 Cf. ici même Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER, « Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758), introït le scorpion (Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828) mécompris de Serqet (Selkis) et la maîtrise du souffle », ici même, p. 221-281. 17 Penser par exemple aux divinités dites « panthées » ou encore aux serpents à plusieurs têtes, comme par exemple le dieu Néhebkaou (cf. Magali MASSIERA, Les divinités ophidiennes Nâou, Néhebkaou et le fonctionnement des kaou d’après les premiers corpus funéraires de l’Égypte ancienne, thèse inédite de doctorat soutenue à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 en 2013 et Eadem, « The so called statue of Nehebkau. A comparative study », JIIA 2 [2015], p. 25-33 : p. 28, fig. 7). 18 D’après Max VACHON, Études sur les scorpions, Alger 1952, p. 39, fig. 35. 19 Cf. http://www.sasionline.org/pepe.htm (dernière consultation au 30/01/2017).

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Cependant, l’interprétation de cette queue représentée double quatre fois sur six sur les exemples donnés ci-dessus reste délicate. Après tout, l’idée d’un scorpion, rendu plus dangereux par le doublement de son appendice caudal, pourrait être plausible en fonction d’un contexte magique. Mais on peut aussi penser que la forme hiéroglyphique archaïque à extrémité bifide qui détermine le nom de Serket, scorpion et non nèpe, et qui aurait été mal comprise à l’époque tardive, a pu influer sur ce type de représentation par superposition entre ledit hiéroglyphe archaïque et la forme du scorpion atteint de maladie génétique. 5. Provenance et datation Il est souvent difficile de déterminer avec précision la datation de tels monuments. Selon les informations à notre disposition, la plus ancienne de ces statuettes est celle de la Fondation Gandur pour l’Art datée de la Troisième Période Intermédiaire. Plusieurs statuettes sont datées d’époque tardive et les plus récentes semblent être celles du musée de Marseille pour lesquelles les cartels mentionnent l’époque ptolémaïque. Pour ce qui est de la provenance, le dossier est maigre puisque qu’on ne connaît que le lieu de découverte des quatre statuettes conservées au Caire : il s’agit du site de San el-Hagar (Tanis). 6. Fonctions À quoi pouvaient donc servir de telles statuettes ? Le bas de la plupart d’entre elles semble démontrer qu’elles étaient fixées sur un manche, peut-être en tant qu’élément terminal d’une sorte de sceptre ou de bâton cultuel. Bien qu’aucun élément ne permette de définir la fonction de tels objets avec certitude, Robert St. Bianchi et Christiane Ziegler émettent l’hypothèse que ces statuettes étaient employées « lors de processions religieuses dans le but de repousser le mal »20. 7. Derniers éléments Il nous a semblé important d’ajouter à ce dossier trois documents. Le premier est une représentation de la déesse Isis-Serqet du temple de Séthi Ier à Abydos : on y voit la déesse face au pharaon, coiffée de deux plumes au milieu desquelles descend un scorpion :

20

R.St. BIANCHI & Chr. ZIEGLER, op. cit.

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Fig. 21. Isis-Serqet dans le temple d’Abydos21.

Cette iconographie spécifique de la déesse Isis-Serqet s’enrichit de deux statuettes représentant une Isis lactans, déesse tenant sur ses genoux un enfant — le dieu Horus — auquel elle donne le sein. La première (cf. Fig. 22a et b), conservée au musée de la Vieille-Charité à Marseille (inv. 632), présente une déesse coiffée d’un disque solaire enserré dans des cornes de vaches et au milieu duquel se trouve une représentation miniature d’une Isis scorpion similaire aux statuettes étudiées. La seconde (cf. Fig. 23), conservée au Field Museum of Natural History de Chicago, est encore plus explicite puisque la couronne y est remplacée par une Isis scorpion, détail sans parallèle à notre connaissance :

21 D’après Amice M. CALVERLEY, The Temple of King Sethos I at Abydos IV, Londres & Chicago 1958, pl. 68 (SE 2).

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De g. à dr. : Fig. 22a. Isis lactans Marseille MVC Inv. 632 (© Musée de la Vieille Charité, Marseille). Fig. 22b. Détail de l’objet précédent (© Musée de la Vieille Charité, Marseille). Fig. 23. Statuette Chicago, Field Museum of Natural History Inv. 17323622.

8. Conclusion Ce groupe relativement homogène composé d’une trentaine de statuettes en bronze, représente une divinité hybride mi-femme, mi-scorpion. Il s’agit d’une représentation de la déesse Isis-Serqet comme le confirme le nom qui lui est associé sur les stèles d’Horus sur les crocodiles. S’il paraît presque certain que ces objets étaient fixés à l’extrémité d’un manche, leur contexte d’utilisation reste cependant difficile à établir. Ce type de monument semble prendre son essor vers le début de la Troisième Période intermédiaire et perdurer jusqu’à la fin de l’Égypte dynastique. De tels rapprochements entre objet et image ne sont pas rares dans le cadre de l’étude de l’Égypte ancienne et nul doute que d’autres encore suivront… de nouvelles analyses qui, à coup sûr, ne manqueront pas de piquant !

22 D’après Anne K. CAPEL & Glenn E. MARKOE (éd.), Mistress of the House, Mistress of Heaven. Women in Ancient Egypt, Cincinnati 1996, p. 128.

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PS. — Alors que cet article est sur le point de paraître, Jonathan Maître, doctorant à l’EPHE de Paris, a porté à mon attention une autre statuette d’Isis dont la tête est surmontée d’un scorpion : il s’agit d’un monument en bronze conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne sous le numéro INV ÄS 5498 (cf. https://www.khm.at/objektdb/detail/317688/). Puisse-t-il trouver ici l’expression de mes remerciements pour les échanges que nous avons eus ainsi que pour ses remarques concernant la présente contribution.

RÉFÉRENCES SECONDAIRES,

ANNEXE, CATALOGUE ET SITES WEB CONSULTÉS

1. RÉFÉRENCES SECONDAIRES ANONYME, Le Louvre présente au Muséum de Lyon : Les Animaux dans l’Égypte ancienne, du 6 novembre 77 au 31 janvier 78, Lyon : RMN, 1978. ANONYME, Catalogue de vente aux enchères ROYAL-ATHENA GALLERIES, Art of the Ancient World. Greek, Etruscan, Roman, Byzantine, Egyptian, & Near Eastern Antiquities, vol. XXIII, 2012. ANONYME, Catalogue de vente aux enchères PIERRE BERGÉ ET ASSOCIÉS, Archéologie, vente du jeudi 2 février 2017. BIANCHI, Robert St., & Christiane ZIEGLER, Les bronzes égyptiens. Fondation Gandur pour l’Art, Berne : Till Schaap Edition, 2014. BOURLARD-COLLIN, Simone, J. BRUNON & R. BRUNON, Le Nil et la société égyptienne. Hommage à Champollion – Musée Borély, 6 décembre 1972 – 1er mars 1973, Marseille, 1972. CALVERLEY, Amice M., The Temple of King Sethos I at Abydos IV, Londres – Chicago : The Oriental Institute of the University of Chicago, 1958. CAPEL, Anne K., & Glenn E. MARKOE (éd.), Mistress of the House, Mistress of Heaven. Women in Ancient Egypt, Cincinnati : Hudson Hills Press in association with Cincinnati Art Museum, 1996. DARESSY, Georges, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire – Nos 38001-39384 – Statues de divinités, 2 vol., Le Caire : Ifao, 1905-1906. ÉTIENNE, Marc, Héka. Magie et envoûtement dans l’Égypte ancienne, Paris : RMN, 2000. ÉTIENNE, Marc (dir.), Les portes du ciel. Visions du monde dans l’Égypte ancienne, Paris : musée du Louvre / Somogy, 2009. GASSE, Annie, Stèles d’Horus sur les crocodiles, Catalogue du Département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre, Paris : RMN, 2004. GOYON, Jean-Claude, « Hededyt : Isis-scorpion et Isis au scorpion en marge du papyrus de Brooklyn 47.218.50 – III », BIFAO 78 (1978), p. 439-458. JØRGENSEN, Mogens, Catalogue Egypt V. Egyptian Bronzes – Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague : Ny Carlsberg Glyptotek, 2009. MARGAINE, Anne-Marie, Petites guides des Musées de Cannes 1. L’Égypte ancienne, Cannes : Musée de la Castre, 1984. MASPERO, Georges, Catalogue du musée égyptien de Marseille, Paris : Imprimerie nationale, 1889. MASSIERA, Magali, « La tresse d’Héliopolis », dans Annie Gasse, Frédéric Servajean & Christophe Thiers (éd.), Et in Aegypto et ad Aegyptum. Recueil d’études dédiées

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

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à Jean-Claude Grenier, 4 vol. (CENiM 5), Montpellier : Centre François Daumas, 2012, vol. 3, p. 489-498. MASSIERA, Magali, « The so called statue of Nehebkau. A comparative study », JIIA 2 (2015), p. 25-33. MASSIERA, Magali, Les divinités ophidiennes Nâou, Néhebkaou et le fonctionnement des kaou d’après les premiers corpus funéraires de l’Égypte ancienne, thèse inédite de doctorat soutenue à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, 2013. MEEKS, Dimitri, art. « Hededet », LÄ II (1977), col. 1076-1078. NELSON, Monique, Catalogue des antiquités égyptiennes, Marseille : musées d’archéologie de Marseille, 1978. PERNIGOTTI, Sergio, & Cristiana MORIGI GOVI (éd.), Museo Civico Archeologico di Bologna. La collezione egiziana, Milan, 1994 (nouvelle édition 1997). PINCH, Géraldine, Magic in Ancient Egypt, Londres : British Museum Press, 1994. RAVEN, Maarten J., Egyptische Magie: op zoek naar het toverboek van Thot, Leyde, 2010. ROEDER, Gunther, Ägyptische Bronzefiguren (MÄSB 6/I), Berlin : s. éd., 1956. SCOTT, Gerry D. III, Temple, Tomb and Dwelling: Egyptian Antiquities from the Harer Family Trust Collection, San Bernardino : California State University, 1992. SPIESER, Cathie, « Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 (2001), p. 251-264. STERNBERG-EL HOTABI, Heike, Untersuchungen zur Überlieferungsgeschichte der Horusstelen. Ein Beitrag zur Religionsgeschichte Ägyptens im 1. Jahrtausend v. Chr., 2 vol. (ÄA 62), Wiesbaden : Harrassowitz, 1999. STEINDORFF, Georg, Catalogue of the Egyptian Sculpture in the Walters Art Gallery, Baltimore : The Trustees of the Walters Art Gallery, 1946. STOCKMANN, Roland, & Éric YTHIER, Scorpions du monde, Verrières-le-Buisson : N.A.P. éditions, 2010. VACHON, Max, Études sur les scorpions, Alger : Institut Pasteur, 1952. 2. ANNEXE REMERCIEMENTS. — Par leur générosité et leur amabilité, plusieurs chercheurs ont rendu possible cette étude des statuettes d’Isis-Serqet, en me transmettant leurs clichés personnels ou que leurs musées conservaient afin de me permettre de proposer ici une annexe la plus complète possible. Puissent-il trouver ici l’expression de mes plus sincères remerciements : Gilles Deckert pour les photographies du Musée de la Vieille Charité de Marseille ; Klaus Finneiser pour celles de l’Ägyptisches Museum und Papyrussammlung zu Berlin ; Maarten J. Raven pour celles du Rijksmuseum van Oudheden Leiden ; Nadine Guilhou pour sa photographie du musée national d’Athènes ; Simon Thuault pour ses clichés du Musée égyptien du Caire. Cependant, il n’a pas été possible de rassembler l’ensemble des photographies des statuettes étudiées, notamment celles qui sont inven-toriées sous les numéros Caire CG 39207 et 39209 qui se trouvent en réserve. 3. CATALOGUE (cf. illustrations infra, p. 301-305) Athènes NAM : inédite, photographie © N. GUILHOU (Ill. 1) Atlanta MCM 2005.005.005 : inédite, photographie à l’adresse http://www.digitalgallery.emory.edu/luna/servlet/detail/CARLOS_VC~1~1~12711~100696:Scorpion-

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goddess,-perhaps-Selket-or?sort=Classification%2CCountry%2CCulture%2CAcc ession_Number&qvq=q:scorpion;sort:Classification%2CCountry%2CCulture%2 CAccession_Number;lc:CARLOS_VC~1~1&mi=2&trs=3 (dernière visite le 30/01/2017) Baltimore WAM 54.546 : Georg STEINDORFF, Catalogue of the Egyptian Sculpture in the Walters Art Gallery, Baltimore 1946, p. 154-155 et pl. CIV [703] ; Gerry D. III SCOTT, Temple, Tomb and Dwelling: Egyptian Antiquities from the Harer Family Trust Collection, San Bernardino 1992, p. 152 [99] ; photographie à l’adresse http://art.thewalters.org/detail/12684/figure-of-isis-serget-as-scorpion/ (dernière visite le 30/01/2017) Berlin ÄM ÄS 2541 : Gunther ROEDER, Ägyptische Bronzefiguren (MÄSB 6/I), Berlin 1956, p. 457 [§623f et fig. 693] et Idem, op. cit. (MÄSB 6/II), 1956, pl. 62 [c] ; photographie © ÄM 2541, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Staatliche Museen zu Berlin – SPK (Ill. 2) Berlin ÄM ÄS 13200 : ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 457 [§ 623g] et Id., op. cit. (MÄSB 6/II), pl. 62 [e] ; photographie © ÄM 13200, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Staatliche Museen zu Berlin – SPK (Ill. 3) Berlin ÄM ÄS 20626 : ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 457 [§ 623h] ; photographie © ÄM 20626, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Staatliche Museen zu Berlin – SPK (Ill. 4) Berlin ÄM ÄS 20643 : ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456-457 [§ 623g et fig. 692] (Ann. 5b) ; photographie © ÄM 20643, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Staatliche Museen zu Berlin – SPK (Ill. 5a). Bologne KS 320 : ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§623d et fig. 691] ; Sergio PERNIGOTTI & Cristiana MORIGI GOVI (éd.), Museo Civico Archeologico di Bologna. La collezione egiziana, Milan 1994 (nouvelle édition 1997), p. 121 (Ill. 6)23 Bologne KS 321 : ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§623c et fig. 689] (Ill. 7) Caire CG 39206 : Georges DARESSY, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire – Nos 38001-39384 – Statues de divinités, 2 vol., Le Caire 1906, vol. 1, p. 297 ; vol. 2, 1905, pl. LVI ; ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§ 623b] ; photographie © S. THUAULT (Ill. 8) Caire CG 39207 : DARESSY, op. cit. I, p. 297 ; ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§623c] Caire CG 39208 : DARESSY, op. cit. I, p. 297 ; II, pl. LVI ; ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§ 623a] ; photographie © S. Thuault (Ill. 9) Caire CG 39209 : DARESSY, op. cit. I, p. 297 ; ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§623c] Copenhague ÆIN 1356 : Mogens JØRGENSEN, Catalogue Egypt V. Egyptian Bronzes – NY Carlsberg Glyptotek, Copenhague 2009, p. 254 et 256 [88.2] (Ill. 10) Copenhague ÆIN 1362 : JØRGENSEN, op. cit., p. 254-255 [88.1] (Ill. 11) Fondation Gandur FGA-ARCH-EG-205 : BIANCHI & ZIEGLER, Les bronzes égyptiens, p. 100-101 [22] (Ill. 12) Leyde RMO F 1949/12.6 : inédite © Rijksmuseum van Oudheden Leiden (Ill. 13) Leyde RMO F 1953/10.4 : Maarten J. RAVEN, Egyptische Magie: op zoek naar het toverboek van Thot, Leyde 2010, p. 30-31, fig. 16 (Ill. 14)

23 Noter que l’objet porte dans cet ouvrage le numéro KS 321 et non KS 320. N’ayant pu obtenir de photographie du second monument, nous avons, dans le doute, choisi de conserver la numérotation de G. Roeder.

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

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Londres UC 8085 : inédite, photographie à l’adresse http://petriecat.museums.ucl. ac.uk/detail.aspx#19895 (dernière visite le 30/01/2017) Marseille MVC Inv. 884 : Georges MASPERO, Catalogue du musée égyptien de Marseille, Paris 1889, p. 141 [640] ; Simone BOURLARD-COLLIN, J. BRUNON & R. BRUNON, Le Nil et la société égyptienne. Hommage à Champollion – Musée Borély, 6 décembre 1972 – 1er mars 1973, Marseille 1972, [192]24 ; Monique NELSON, Catalogue des antiquités égyptiennes, coll. des Musées d’Archéologie de Marseille, Marseille 1978, p. 42 ; photographie © Musée de la Vieille Charité, Marseille (Ill. 15) Marseille MVC Inv. 885 : MASPERO, op. cit., p. 142 [641] ; NELSON, op. cit., p. 42 ; photographie © Musée de la Vieille Charité, Marseille (Ill. 16) Minneapolis Mia 7 : ROEDER, op. cit. (MÄSB 6/I), p. 456 [§623d et fig. 690] et op. cit. (MÄSB /II), pl. 90 [a] (Ill. 17) Paris Louvre N 5017 : Catalogue Le Louvre présente au Muséum de Lyon : Les Animaux dans l’Égypte ancienne, du 6 novembre 77 au 31 janvier 78, Lyon 1978, p. 99 [115] ; Anne-Marie MARGAINE, Petites guides des Musées de Cannes 1. L’Égypte ancienne, Cannes 1984, p. 17 [24] ; Marc ÉTIENNE, Héka. Magie et envoûtement dans l’Égypte ancienne, Paris 2000, p. 37 et 104 [cat. 61] ; Idem (dir.), Les portes du ciel. Visions du monde dans l’Égypte ancienne, Paris 2009, p. 135 [101] (Ill. 18) San Bernardino cat. no 99 : SCOTT, op. cit., p. 152-153 [99] (Ill. 19) Vente aux enchères (1) : Catalogue de vente aux enchères PIERRE BERGÉ ET ASSOCIÉS, Archéologie, vente du dimanche 5 décembre 2010, p. 68, lot no 85 (Ill. 20) ; Catalogue de vente aux enchères ROYAL-ATHENA GALLERIES, Art of the Ancient World. Greek, Etruscan, Roman, Byzantine, Egyptian, & Near Eastern Antiquities, vol. XXIII, 2012, p. 77, lot no 193 Vente aux enchères (2) : Catalogue de vente aux enchères PIERRE BERGÉ ET ASSOCIÉS, Archéologie, vente du mercredi 21 mai 2014, p. 62, lot no 61 (Ill. 21) ; Catalogue de vente aux enchères PIERRE BERGÉ ET ASSOCIÉS, Archéologie, vente du jeudi 2 février 2017, p. 74-75, lot no 88 N.D.E. On trouvera un autre exemplaire à la Barakat Gallery (Abou Dhabi), inv. X.0300, signalé ici même dans Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-« guérisseuses » (Élien, Hist. an. 10, 23) », ici même, p. 357-358, 10. Excursus : l’Isis scorpion de la Barakat Gallery, autre témoin de scorpion-mèche. 4. SITES WEB

CONSULTÉS

http://www.wrbu.org/VecIDResources SC.html http://www.namuseum.gr http://art.thewalters.org/detail/12684/figure-of-isis-serget-as-scorpion/ (dernière consultation au 30/01/2017).

24

Ouvrage sans pagination.

300

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RÉSUMÉ Cet article se focalise sur l’étude d’un groupe de statuettes en bronze représentant une divinité composite au buste féminin et au corps de scorpion. Présentant très rarement un texte permettant d’identifier la divinité, c’est la comparaison avec des représentations sur les stèles d’Horus sur les crocodiles qui révèle le nom d’Isis-Serqet. Son iconographie présente alors un détail surprenant : celui d’une double queue de scorpion, peut-être à relier avec l’appendice bifide de l’animal déterminant généralement le nom de cette déesse. MOTS

CLÉS

Isis – Serqet – scorpion – statuette – bronze

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

PLANCHES DU CATALOGUE

(cf. supra, p. 297-299)

N.B. – Numérotation de gauche à droite.

Ill. 1-2

Ill. 3-4

301

302

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Ill. 5a-b ; Ill. 6

Ill. 7-8

Ill. 9-10

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

Ill. 11-12

Ill. 13-14

303

304

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Ill. 15-16

Ill. 17-18

À PROPOS DE QUELQUES STATUETTES EN BRONZE D’ISIS-SERQET

Ill. 19-20-21

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LES SCORPIONS, LA VEUVE DE COPTOS ET LES DEUILLANTES-« GUÉRISSEUSES » (ÉLIEN, HIST. AN. 10, 23) Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE1

0.1. Claude Élien dit le Sophiste (175-235), un des meilleurs naturalistes de l’Antiquité après Pline l’Ancien, a consacré maintes notices à l’Histoire Naturelle de l’Égypte ancienne. Natif de Praeneste (Palestrina), non loin de Rome, il ne serait pas improbable qu’il eût contemplé, dans la grotte-sanctuaire d’Isis-Fortuna, la fameuse mosaïque du Nil posée vers 100 av. J.-C., monument décrit par Pline qui l’attribue au dictateur Sylla2, un monument riche de curiosités naturalistes3. Évoquant les croyances animalières de Coptos, Élien, qui s’attarde à plusieurs reprises sur les scorpions4, tient les propos suivants : Phrase I. Ἐν τῇ Κοπτῷ τῇ Αἰγυπτίᾳ τὴν Ἶσιν σέβουσιν Αἰγύπτιοι ταῖς τε ἄλλαις ἱερουργίαις καὶ μέντοι καὶ τῇ παρὰ πενθουσῶν ἢ τοὺς ἄνδρας τοὺς σφετέρους ἢ τοὺς παῖδας ἢ τοὺς ἀδελφοὺς λατρείᾳ τε καὶ θεραπείᾳ. À Coptos en Égypte, les Égyptiens adorent Isis (1) par l’accomplissement de différentes cérémonies religieuses (2) et aussi en particulier par un culte et un soin religieux que lui rendent celles dans le deuil qui de leur mari, de leur enfant ou de leur frère (3). Phrase II. Ὄντων δὲ σκορπίων ἐνταῦθα μεγέθει μέν μεγίστων, πληγῇ δὲ ὀξυτάτων, πείρᾳ γε μὴν σφαλερωτάτων (παίσαντες γὰρ ἀναιροῦσι παραχρῆμα), καὶ μηχανἀς μυρίας ἐς τῆν ἐξ αὐτων φυλακὴν μηχανωμένων τῶν Αἰγυπτίων, Il y a à cet endroit des scorpions de très grande taille (4) dont la piqûre est particulièrement cruelle (5) et l’attaque extrêmement dangereuse (car lorsqu’ils piquent, la mort est instantanée) (6) et les Égyptiens inventent d’innombrables astuces pour s’en préserver (7) ;

1 Centre Paul-Albert Février TEDMAM-UMR 7297, Aix-Marseille Université – CNRS ; Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. 2 Pline l’Ancien, Hist. 36, 64. 3 Paul G.P. MEYBOOM, The Nile Mosaic of Palestrina. Early Evidence of Egyptian Religion in Italy, Leyde – New York – Cologne 1995. 4 ÉLIEN, Hist. nat. 2, 33 ; 4, 21 ; 5, 14 ; 6, 20, 22, 23 ; 8, 13 ; 9, 4 et 27 ; 10, 14, 23, 29, 49 ; 15, 26 ; 16, 27, 41, 42 ; 17, 40. — Pour le scorpion dans l’Antiquité classique, voir A. STEIER, art. « Spinnentiere (Skorpione) », PW IIA/2, partie III, col. 1801-1806.

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J. BERLANDINI & S.H. AUFRÈRE

Phrase III. ἀλλὰ αἵ γε πενθοῦσαι παρὰ τῇ θεῷ καὶ χαμαὶ καθεύδουσαι καὶ ἀνυπόδητοι βαδίζουσαι καὶ μόνον οὐ πατοῦσαι τοὺς προειρημένους σκορπίων εἶτα μέντοι ἀπαθεῖς διαμένουσι. Pourtant, les deuillantes qui dorment par terre auprès de la déesse (8), qui se déplacent nu-pieds (9) et qui se contentent d’éviter de marcher sur les scorpions en question (10) ne subissent aucun mal (11)5.

0.2. Ce passage connu des curieux des XVIIe-XVIIIe siècles6 est fréquemment cité par les égyptologues7, les hellénistes8 tandis que, du côté de l’Histoire Naturelle, il est invoqué par les arachnologues9. Malgré tout l’intérêt que cet extrait a suscité comme source sur les scorpions de Coptos, il nous a semblé mériter une étude en soi afin de considérer sous un jour nouveau la relation spécifique que la déesse en deuil entretient avec l’arachnide10. Ramené en français à trois phrases, Élien aborde cependant une dizaine de points numérotés 5

Élien, Hist. nat. 10, 23. On citera pour mémoire Dom BERNARD DE MONTFAUCON, L’Antiquité expliquée et représentée en figures, vol. II/2, Paris 1722, p. 287. Mais bien d’autres exemples peuvent être retrouvés facilement dans la bibliographie. 7 John Gardner WILKINSON, Manners and Customs of the Ancient Egyptians, 2 vol., Londres 1841, vol. 2, p. 254 (Scorpions and Solpuga) ; Idem, Hand-book for Travellers in Egypt, Londres 1847, p. 334 ; E.A. Wallis BUDGE, Gods of the Egyptians, 2 vol., Londres 1904, vol. 2, p. 378 ; Yvan KOENIG, Le Papyrus Boulaq 6 (BdE 87), Le Caire 1981, p. 77-78, n. (b) ; Laurent COULON, « Les formes d’Isis à Karnak à travers la prosopographie sacerdotale de l’époque ptolémaïque », dans L. Bricault & M.J. Versluys (éd.), Isis on the Nile. Egyptian Gods in Hellenistic and Roman Egypt, Leyde – Boston 2010, p. 121-147 : p. 134, 143 ; Åsa STRANBERG, The Gazel in Ancient Egyptian Art, Uppsala 2009, p. 185. Frédéric Rouffet a récemment consacré aux scorpions d’Élien une étude égyptologique novatrice sur laquelle nous faisons en partie fond : « Élien et les scorpions d’Égypte », dans M. Massiera, B. Mathieu & Fr. Rouffet (éd.), Apprivoiser le sauvage / Taming the Wild (CENiM 11), Montpellier 2015, p. 297-306 : p. 305. Voir Mark COLLIER, « The Sting of the Scorpion », dans P. Campbell, R. Forshaw, A. Chamberlain & P.T. Nicholson (éd.), Mummies, Magic and medicine in ancient Egypt: multidisciplinary essays for Rosalie David, Manchester 2016, p. 102-114. 8 Georges NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis », L’Antiquité classique 50 (1981), p. 584606 : p. 594 ; Françoise DUNAND, Le Culte d’Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée, 3 vol., Leyde 1973, vol. 1, p. 143 ; Reginald Eldred WIT, Isis in the Ancient World, Baltimore 1971, p. 33 ; François-Marie-Bertrand MIGNE, art. « Isis », Encyclopédie théologique t. 25 = Dictionnaire des religions, t. 2, Paris 1849, col. 1353 ; Elizabeth J. WALTERS, Attic Grave Reliefs that Represent Women in the Dress of Isis (Hesperia : Suppl. 22), Princeton – Athènes 1988, p. 19 ; Marcus N. TOD, « The Scorpion in Graeco-Roman Egypt », JEA 25/1 (1939), p. 55-61 : p. 56 ; Jean-Luc FOURNET, « Coptos gréco-romaine à travers ses noms », Topoi Supplément 3 (= Autour de Coptos. Actes du colloque organisé au Musée des Beaux-Arts de Lyon, 17-18 mars 2000), p. 47-60 : p. 51, n. 7. Il ne s’agit là que de quelques exemples. 9 John L. CLOUDSLEY-THOMPSON, « Scorpions in Mythology, Folklore, and History », dans G.A. Polis (éd.), The Biology of Scorpions, Stanford 1990, p. 462-486 : p. 466 ; Frank COWAN, Curious Facts in the History of Insects: Including Spiders and Scorpions, Philadelphie 1865 (rééd. 2014) ; José A. BARRIENTOS (éd.), Actas X Congreso internacional de aracnologia, Jaca (España), septiembre 1986, Barcelone 1986, vol. 1, p. 14. 10 Pour une perspective générale sur les liens entre Isis mère et le scorpion, on consultera l’article de Jonathan MAÎTRE, « L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat, une expression provinciale du mythe de la Bonne Mère », ici même, p. 373-414. 6

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ici que l’on exami-nera en considérant surtout l’étrangeté des Phrases II et III. S’il existe un lien évident entre les Phrases I et III, il conviendra d’éclairer celui qui associe les Phrases I et II. PHRASE I (p. 307) 1. Point 1 : la vénération d’Isis à Coptos 1.1. Le premier point concerne l’Isis de Coptos, dame du 5e nome de HauteÉgypte : les Deux-Faucons11, à qui est consacrée la partie septentrionale du temple double commun avec Min : ce sanctuaire, reconstruit à l’époque ptolémaïque et dont il reste fort peu, s’ouvrait à l’ouest, vers le Nil12 (Fig. 1a-b). Cette déesse, par sa nature de sœur, épouse et mère de Min-Horus en ses aspects d’Osiris, explique le rapport qu’elle entretient à Coptos avec les deuillantes du Point 3. Selon son iconographie la plus classique (cf. infra, § 3.2), elle est figurée assise sur un trône, la tête couronnée du modius surmonté de la paire de cornes bovines lyriformes enserrant le disque solaire13. 2. Point 2 : les cérémonies consacrées à Isis 2.1. Au deuxième point, Élien évoque tout d’abord un culte général adressé par les Egyptiens à la déesse — la célébrité dudit culte s’étendait au-delà de l’Égypte14 —, que confirment plusieurs monuments célébrant l’Isis coptite en relation avec les oracles, car son parèdre Min n’étant pas associé à une barque15, elle rend ses prédictions en compagnie de Geb selon une procédure unissant leurs nefs portatives pour répondre aux interrogations des fidèles16.

11 Pour l’Isis de Coptos, voir maintenant Svenja NAGEL, Isis im römischen Reich, 2 vol. (Philippika 109), Wiesbaden 2017. 12 Sur ce sanctuaire et son évolution, voir Marc GABOLDE, « Le temple de Min et Isis », dans Coptos. L’Égypte antique aux portes du désert, Paris 2000, p. 58, fig. 25 (plan), p. 60-91. Pour l’inscription évoquant le deuil d’Isis, gravée au retour d’embrasure, ibid., p. 61 ; la mention du pylône septentrional en brique crue sur le « parvis d’Isis » (inscription de Senouchéry sous Ptolémée II Philadelphe), ibid., p. 75 ; sur la possibilité d’un « petit jardin », Christophe THIERS, « Les jardins de temple aux époques tardives », ERUV 1 (1999), p. 107-120 : p. 113-114 (stèle de Maniskos). Cf. aussi COULON, « Les formes d’Isis à Karnak », p. 126, n. 22. 13 GABOLDE, art. cit., p. 83-84 (après cat. 51). 14 Apulée, Met. 2, 28 ; Pausanias, Per. 10, 32, 18. Voir Claude TRAUNECKER, Coptos. Hommes et dieux sur le parvis de Geb (OLA 43), Louvain 1992, p. 324. 15 C’est également le cas de l’Amon de Karnak qui emprunte certains de ses aspects au Min de Coptos. 16 William Fl. PETRIE, Koptos, Londres 1896, pl. 19 ; p. 15-16 ; TRAUNECKER, Coptos, p. 384. Sur les barques oraculaires, on verra TRAUNECKER, op. cit., p. 324, n. 1634 ; p. 379-387 (IV. La chapelle oraculaire de Coptos).

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a.

b. Fig. 1a. Coptos. Temple double de Min (sud) et d’Isis (nord) à gauche de l’enceinte. Coptos. L’Égypte aux portes du désert, p. 58, fig. 25 (restitution Ph. Dubois) ; b. Escalier menant au podium des temples d’Isis et Min (ibid., p. 62, fig. 28).

3. Point 3 : cérémonies spécifiques menées par des deuillantes 3.1. Ensuite, Élien évoque un aspect plus spécifique du culte coptite d’Isis, réservé dans le cadre général de ses « cérémonies religieuses » à un « culte » particulier et à des « soins religieux » accomplis seulement par les femmes portant le deuil d’un mari, d’un enfant ou d’un frère, en une séquence sur la privation mâle qui inspire réflexion, notamment car ces personnes pourtant en contact avec la mort et les menstrues ne sont pas soumises à une mesure répulsive à Coptos en raison d’un deuil se révélant une capacité interactive de partage et d’apaisement par « neutralisation » selon le phénomène connu de transfert et d’assimilation de la divinité à son officiant. Comme on l’a souligné en abordant le Point 1 (cf. supra, § 1.1), Isis est vénérée en parallèle avec Min-Horus dont elle est alternativement la sœur, l’épouse ou la mère17. Les textes permettant d’établir le substrat mythique se font apparemment le reflet de plusieurs traditions car, dès la 11e dynastie, Isis fusionne avec la forme « Mère-de-Min Ourethekaou » (Mw.t-Mnw wr.t ḥkꜢw)18, auprès d’un dieu considéré soit comme l’équivalent d’Horus, soit comme celui d’Osiris, en tant que Min-Osiris19. Mais elle n’est vraiment attestée à Coptos qu’à partir du Nouvel Empire, en retenant comme terminus ante quem un temple indépendant qui lui serait éventuellement dédié. Depuis cette période, Coptos est attaché, GABOLDE, « Le temple de Min et Isis », p. 83. Celle-ci est attestée à la Ire Période intermédiaire, au Moyen Empire et à l’époque grécoromaine ; cf. LÄGG III, 259b-c. Voir aussi Annie FORGEAU, Horus-fils-d’Isis. La jeunesse d’un dieu (BdE 150), Le Caire 2010, p. 159 ; pour le Nouvel Empire, ibid., p. 172-177 (en dépendance de Min / Horus, sous les facettes « engendreur/engendré »). Cf. Maria MÜNSTER, Untersuchungen zur Göttin Isis vom Alten Reich bis zum Ende des Neuen Reiches (MÄS 11), Berlin 1968, p. 171173 (le culte d’Isis à Coptos serait attesté dès le Moyen Empire). 19 Lucas BAQUÉ-MANZANO, « Min-Osiris, Min-Horus : a propósito de un relieve del temple de Hibis en el Oasis de El-Jarga », dans J. Cervelló Autuori & A.J. Quevedo Álvarez (éd.), … Ir a buscar leña. Estudios dedicados al Prof. Jesós López (Aula Ægyptiaca-Studia 2), Barcelone 2001, p. 35-49. 17 18

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quoique rarement, à la déesse. Une stèle thébaine de la 18e dynastie (MFA 40.16) présente, pour « Isis-la-Grande-de-Coptos » (Js.t-wr.t-n-Gbtjw), l’iconographie de la déesse empoignant le ouas et le ânkh, avec couronne hathorique sur perruque longue tripartite et robe-fourreau, parée d’un collier ousekh20. « Isis-à / dans-Coptos » (Js.t-m-Gbtjw) est d’ailleurs attestée depuis le Nouvel Empire jusqu’à la période gréco-romaine21 et dans le tardif Rituel de l’embaumement (7, 14), c’est elle qui préside à la pièce d’étoffe enveloppant la main gauche du défunt22, tandis que l’existence d’une « Isis-de-Coptos » (Js.t-Gbtjw / Js.t-n.t-Gbtjw) s’établit des 21e-24e dynasties à l’époque ptolémaïque, en relation avec un clergé essen-tiellement masculin23. Dans une fourchette chronologique identique, elle apparaît également sous les dénominations de « Dame de Coptos » (Nb.t-Gbtjw)24 ou en forme développée de « Mère-du-dieu, Dame-de-Coptos-du-Double-Pays » (Mw.t-nṯr Nb.t-Gbtjw-tꜢ.wj) d’après le socle de barque « Covington », dédié par Ptolémée XIII Philopator25. 3.2. DE LA CHEVELURE EN DÉSORDRE À LA MÈCHE COUPÉE. — À la lumière de ces données, on comprend mieux la facette coptite de la légende osirienne lorsque, séjournant à Coptos, Isis y apprend la mort d’Osiris, d’où s’ensuivent des pratiques locales liées au deuil de la déesse. L’annonce du meurtre de celui qui est présenté comme roi d’Égypte, époux d’Isis, fait l’objet d’un récit recueilli par Plutarque26. Sitôt la nouvelle révélée, Isis tranche une mèche de 20

Avec de possibles additions de la Troisième Période intermédiaire ; cf. LÄGG I, 71b. Dans les reliefs de Karnak (Karnak I, 59 B, 5 ; Khonsu vol. 2, p. 179, 23 ; Wolfgang HELCK, MDAIK 23 [1968], p. 122) et sur la statue CG 627 (cf. Ludwig BORCHARDT, Statuen und Statuetten von Königen und Privatleuten im Museum von Kairo [CG nos 1-1294], Berlin 1925, vol. 2, p. 173-175 : p. 174, droite, col. 1 : « je suis le serviteur de l’Isis-à / dans-Coptos ») ; Raymond O. FAULKNER, Book of Hours, Oxford 1958, col. 18, l. 1 = LÄGG I, 78a. 22 En association avec le rituel de régénération intégrant la plante mensa, l’arbre ârou, la plante seneb-netjery, ainsi que les images peintes d’Hâpy et d’Isis ; cf. Serge SAUNERON, Rituel de l’embaumement, Le Caire 1952, p. 25 ; Jean-Claude GOYON, Rituels funéraires de l’ancienne Égypte (LAPO 4), Paris 1972, p. 69 ; Sydney H. AUFRÈRE, Thot-Hermès l’Égyptien. De l’infiniment petit à l’infiniment grand, Paris 2007, p. 202-203. 23 LÄGG I, 77c-78a. Sur la prêtrise thébaine d’ « Isis-sur-le-grand-siège-du-temple-de Coptos » et qui y « protège (mk) son frère » exercée par le prophète Ouahibrê, cf. COULON, op. cit., p. 130131. Sur celle d’Imhotep pour « Isis-la-grande-mère-du-dieu, qui réside-à-Coptos », ibid., p. 131. 24 LÄGG IV, 151c. En particulier « Isis-la-Grande-mère-du-dieu », parèdre d’Atoum sur une dyade en stéatite noire, cf. Samuel BIRCH, Catalogue of the Collection of Egyptian Antiquities at Alnwick Castle, Londres 1880, p. 12, no 78 ; mentionnée sur la statuette de Bès en aragonite (maintenant Durham, Oriental Museum inv. no 313) dédicacée par Chéchonq, fils d’Osorkon Ier, ibid., p. 34, no 313; Karl JANSEN-WINKELN, JEA 81 (1995), p. 131 (p. 129-132, fig. 1-2, pl. XI-XII). 25 LÄGG IV, 151c ; Georges DARESSY, « Socle de Statue de Coptos », ASAE 9 (1909), p. 36-40 : p. 38 (cf. p. 34-35) ; TRAUNECKER, Coptos, p. 384-385, § 367. Elle est apparemment en lien avec l’activité oraculaire du Nṯrj-šm῾ ; cf. DARESSY, art. cit., p. 39. 26 Plutarque, Is. Os. 14, 356, D (p. 199 Froidefond). Voir en particulier NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis » (art. cit.). Voir aussi Jean YOYOTTE, « Une étude sur l’anthroponymie du nome prosôpite », BIFAO 55 (1955), p. 125-140 : p. 137 (Tithoës à l’origine, incarnation du pouvoir magique de la chevelure d’Isis) ; André BERNAND, De Koptos à Kosseir, Leyde 1972, p. 156-158 (avec reprise de l’argumentation de J. Yoyotte). 21

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sa chevelure, acte à interpréter avec prudence27 qui marque le début de sa prise de deuil concrétisée par le port d’une tenue spécifique de déploration. Débute alors une longue errance à la recherche du corps à Byblos puis des lambeaux divins quand ceux-ci seront dispersés par Typhon. Une version divergeant légèrement de celle du Chéronéen est exposée dans l’Etymologicum magnum28, écrit byzantin du XIIe siècle dont les sources remontent au VIe. Dans cette autre version, apprenant qu’Osiris, présenté alors comme son fils, a été mis en pièces, Isis se tranche une boucle de cheveux. Cependant, tant le récit de Plutarque que l’écrit byzantin se font l’écho d’une légende étiologique selon laquelle le nom de Coptos aurait été lié au nom de cette boucle légendaire sur la base d’un emploi particulier du verbe coptein, « porter le deuil », « couper » , ou plus rarement attesté, « priver, séparer de »29. La privation du Bien-Aimé trouverait une résonance symbolique dans ces mèches retranchées d’une chevelure féminine dont le désordre, par ses connotations érotiques, nourrirait l’espérance d’opérer une résurrection30. Dans l’esprit d’une partie valant pour le tout et vice versa, une dédicace de Coptos en grec remontant à 105 apr. J.-C., est adressée en hommage de la part de visiteurs à « Isis de la chevelure, très grande déesse »31, la relique étant conservée dans le temple d’ « Isis de la chevelure » (Isis τριχώματος)32. Le souvenir de ladite relique de Coptos persistait à Rome 27 Selon NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis », qui a réuni un dossier sur la question (p. 599602), l’offrande de la chevelure au défunt ne serait pas un usage égyptien mais grec (p. 603-604). À l’encontre, on peut plaider le fait que la chevelure étant en Égypte une marque de beauté et de séduction, le fait pour une femme d’en faire le sacrifice serait une manifestation évidente du deuil par renoncement à l’attraction sexuelle. Le geste de suppression de cet élément vivant refléterait la violence d’une privation intérieure par la mort. 28 Etymologicum Magnum, s. v. Coptos, V, p. 745 Hopfner ; NACHTERGAEL, art. cit., p. 593-594. 29 Sur l’étymologie de Coptos et la boucle d’Isis, voir FOURNET, « Coptos gréco-romaine à travers ses noms » ; Arnaud ZUCKER, Élien. La personnalité des animaux. Livres X à XVII et Index, Paris 2002, vol. 2, p. 209, n. 38. Noter dans ce sens de privation (sk) la fête nommée « la Flamme-de-la-Veuve » (pꜢ bs n t[Ꜣ] sk(.t)), célébrée le 30 epiphi à Edfou (Edfou V, 358, 3), avec Seket déterminée par le phallus et la femme, cf. Maurice ALLIOT, Le culte d’Horus au temps des Ptolémées, 2 vol. (BdE 29), Le Caire 1945, vol. 1, p. 236 ; Serge SAUNERON, La porte ptolémaïque de l’enceinte de Mout à Karnak (MIFAO 107), Le Caire 1983, pl. IX, col. 37, texte 6 ; Dimitri MEEKS, Mythes et légendes du Delta d’après le papyrus Brooklyn 47.218.84 (MIFAO 125), Le Caire 2006, p. 29, p. 276-278. 30 Noter le déterminatif de la pleureuse ḥꜢytj debout arrachant ses cheveux, à Dendara : Sylvie CAUVILLE, Dendara. Le fonds hiéroglyphique au temps de Cléopâtre, Paris 2001, p. 32, B52 (Dendara X, 213, 5). Cf. Formule 991 des Textes des Sarcophages où le défunt … est celui auquel « les pleureuses donnent leurs cheveux … et qui les féconde » (Maria Rosa VALDESOGO MARTIN, « Les cheveux des pleureuses dans le rituel funéraire égyptien et le geste nwn », dans Z. Hawass & L. Pinch Brock (éd.), Egyptology at the Dawn of the Twenty-First Century, vol. 2, p. 548-557 : p. 552). 31 PM V, 123, 6 ; Étienne BERNAND, « Isis déesse de la chevelure», ZPE 45 (1982), p. 103104 ; NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis », p. 593. Voir aussi Christian G. SCHWENTZEL, « Les boucles d’Isis — ΙΣΙΔΟΣ ΠΛΟΚΑΜΟΙ », dans L. Bricault (éd.), De Memphis à Rome (Religions in the Graeco-Roman World 140), Leyde – Boston – Cologne 2000, p. 21-33 : p. 31-32. 32 Valerius Gemellus, en garnison à Coptos, fait une adoration devant cette relique conservée dans le temple ; cf. P. Karanis 502 = Michigan VIII. Cf. Françoise DUNAND, Religion populaire en Égypte romaine: les terres cuites isiaques du Musée du Louvre, Leyde 1979, p. 82, n. 170 ;

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à en croire la description, sous la plume d’Apulée, de dévotes d’un cortège isiaque dépeint de façon burlesque. Celles-ci simulent à l’aide de peignes en ivoire, les soins donnés à cet ornement tandis que d’autres parsèment le sol de gouttes d’un baume parfumé33, selon une cérémonie connotant par ses fragrances répandues, une facette capillaire de la légende d’Isis à Byblos34. On est fondé à croire que lesdits soins mimés par les Isiaques à Rome rappelaient d’antiques cérémonies coptites où la chevelure d’Isis jouait un rôle prééminent. Y avait-il là, comme on pourrait le croire d’après la suite du récit par Élien, un mystère que, selon Pausanias, le préfet d’Égypte aurait désiré percer, allant ainsi à l’encontre des usages locaux ? C’est bien possible, car, selon l’auteur grec, ce dernier ayant envoyé un homme espionner les mystères d’Isis de Coptos, une mort brutale le surprend avant d’être en mesure de rendre compte de sa mission35. Toutefois, il faut postuler que, malgré leur communauté de nature, l’Isis de Plutarque — l’Isis grecque philosophe36 — telle qu’elle est analysée par Christian G. Schwentzel37, diffère ontologiquement de l’Isis égyptienne et qu’il est difficile d’établir leurs affinités. 3.3. CULTE DE LA DÉESSE EN « VEUVE KHARET ». — Pour en revenir à la description d’Élien, on assiste, dans un sanctuaire à part ou dans une partie du temple d’Isis de Coptos, à la célébration d’un culte spécifiquement mené par des deuillantes aux cheveux en désordre et en larmes qui partagent rituellement une même souffrance avec la déesse vénérée comme « Veuve de Coptos » dès

Herbert C. YOUTIE, « Ἶσις τριχώματος », HthR 39 (1946), p. 165-167 ; cf. Jeanne & Louis ROBERT, « Bulletin Épigraphique 1946-47 », REG 59-60 (1946-47), p. 298-372, no 244 ; Jacques SCHWARTZ, RA 1960 I, p. 87, XX. Voir aussi GABOLDE, « Le temple de Min et Isis », p. 84. 33 Apulée, Met. 11, 9 ; cf. Jean COLIN, « Une prêtresse d’Isis : masque gréco-romain de momie (musée de Marseille) », dans Mélanges d’Archéologie et d’Histoire offerts à Charles Picard (= RA 1), Paris 1949, p. 207-223. 34 Plutarque, Is. Os. 15, 357, A-B (p. 190 Froidefond). Le corps d’Isis sécrète un parfum merveilleux qui imprègne les tresses des servantes de la reine de Byblos. Cf. Françoise LABRIQUE, « La chevelure des servantes de la reine de Byblos : un rite égyptien en filigrane ? (Plutarque, De Iside et Osiride, 15) », dans E. Graefe & U. Verhoeven (éd.), Religion und Philosophie im Alten Ägypten (OLA 39), Louvain 1991, p. 203-207 ; Sydney H. AUFRÈRE, « Au sujet de la tresse parfumée de la déesse », ERUV 3 (2005), p. 343. Soulignons que les Isiaques, selon Apulée, Met. 11, 10, sont vêtues de lin et entourent de voiles transparents leurs chevelures inondées de parfums et sont dotées de miroirs tenus en arrière. Ce coloris blanc n’est pas celui du deuil en Égypte, ni celui d’Isis éplorée qui est vêtue de noir. On en parle comme d’une mélanéphora (cf. l’Isis Borghese). Sur le coloris gris poussière de la « livrée de deuil » des pleureuses, voir infra, n. 142. 35 Pausanias, Per. 10, 32, 18. MIGNE, op. cit., col. 1353. Cette idée d’une Isis châtiant ceux qui révèlent les secrets divins est un topos de la littérature démotique. (N’aurait-il pas pénétré dans l’adyton de la déesse, peut-être aussi parce que ce dernier, sacrilège supplémentaire, était réservé aux femmes ?) 36 Sydney H. AUFRÈRE, « Sous le vêtement de lin du prêtre isiaque, le « philosophe ». Le « mythe » égyptien comme Sagesse barbare chez Plutarque », dans S.H. Aufrère & Fr. Moéri (éd.), Alexandrie la Divine. Sagesses barbares. Échanges et réappropriation dans l’espace culturel gréco-romain, Genève 2016, p. 191-270. 37 SCHWENTZEL, « Les boucles d’Isis ».

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le Nouvel Empire, et surtout à partir de la 21e dynastie, sous les désignations de gmḥ.t38 — terme employé aussi pour la boucle39 — ou de ẖꜢr.t40, qui semblent être équivalentes41. Une tradition religieuse évoque le deuil de la déesse dans le nome selon une inscription ptolémaïque fragmentaire découverte dans l’embrasure nord de la porte du second pylône de son temple coptite où la divine veuve, s’incarne en (Isis-)Chentaÿt. Le contexte révèle que c’est à cause de cet événement majeur que l’on donne son nom à un sanctuaire local d’Isis. Cette légende étiologique, dont il existe bien d’autres exemples, se présente ainsi : « Combien grandes sont les lamentations dans le nome des DeuxFaucons [en vertu de quoi…] on nomma [son temple] Demeure-de-Chentaÿt42, (à savoir celle) que l’on appelle la Veuve (ḏd~tw n⸗s Pr-ŠntꜢj.t ẖꜢr.t ḫr⸗tw n⸗s) »43. Déjà au Nouvel Empire, sur sa statue coptite, Khâ « [prophète] de 38 Comme qualificatif de la déesse, LÄGG VII, 312-313 (1-2). Cf. la Formule 146 du Livre des Morts (21e dynastie) où le défunt s’identifie à Horus, protecteur d’Osiris, lors du passage de la « Quinzième Porte », avec une mention d’interprétation délicate concernant les fêtes : hdn gmḥ.t jr~n⸗j wꜢ.t « repousser la veuve » ; cf. Ursula VERHOEVEN, « Textgeschichtliche Beobachtungen am Schlusstext vom Totenbuchspruch 146 », RdE 43 (1992), p. 169-194 : p. 172, C ; p. 181, C (sans commentaire sur la veuve). En fait, gmḥ.t est aussi un nom de la boucle. Voir aussi une invocation à la gmḥ.t pour « libérer le chemin », Susanne TÖPFER, « Teile des Totenbuches des Anch-ef-en-Chonsu, Sohn des Bes-en-Mut in der Österreichischen Nationalbibliothek (Papyrus Wien Aeg. 12022a+b) », SÄK 45 (2016), p. 375-388 : p. 378 (« WimpernBrauen-Göttin »), n. 23, pl. 70 (P. Wien Aeg. 12022a+b). 39 LÄGG VII, 312 (désignation d’Hathor) ; la boucle, peut-être aussi les cils ou les sourcils (déterminatif de la double boucle), TÖPFER, art. cit., p. 377, n. 12. 40 Sur ce terme — du Nouvel Empire à l’époque romaine — qualifiant la forme isiaque coptite (ẖrj.t / ẖꜢr.t ? « veuve » ? aussi gjst « deuillante » ? Wb V, 159, 1), voir BORCHARDT, Statuen und Statuetten von Königen, vol. 3, Berlin 1930, p. 159-160 (CG 930 : [tꜢ ẖꜢr.t]) = Jacques-Jean CLÈRE, Les chauves d’Hathor (OLA 63), Louvain 1995, p. 208-209, p. 242-243, fig. 67, pl. XXXIV (statue de Khâ). Sur cette épiclèse, LÄGG VI, 9 (attestée au Nouvel Empire et à l’époque grécoromaine), qui cite aussi des formes développées :« Veuve-de-Coptos » (21e-24e dynasties ; cf. P. Boulaq 6, VII, 5 p. 76-77 Koenig) ; « Grande-Veuve-de-Bousiris » (époque gréco-romaine) ; « Veuve-du-pilier-djed » (dito). 41 Sur l’équivalence gmḥ.t = ẖꜢr.t, voir Pap. Vatican 55 ; cf. François-René HERBIN, Le Livre de parcourir l’éternité (OLA 58), Louvain 1994, p. 9, et n. 12 ; COULON, « Les formes d’Isis à Karnak », p. 134. 42 Précisons que cette « Demeure de Chentaÿt » correspond au lieu de momification d’Osiris, à Dendara et à Edfou : cf. Émile CHASSINAT, Les mystères d’Osiris au mois de Khoiak, 2 vol., Le Caire 1963-1968, vol. 1, p. 16-17 (on la nomme aussi la « Demeure-de-l’or ») ; Jean-Claude GOYON, « Le cérémonial de la glorification d’Osiris du papyrus du Louvre I. 3079 (colonnes 110 à 112) », BIFAO 65 (1965), p. 89-156 : p. 105 (elle éloigne Seth), 123, n. 140. Sur šnj « souffrir », šntꜢyt « celle qui souffre » par antonomase désignation de la veuve et šn / šnn, « chevelure », cf. Sylvie CAUVILLE, « Chentaÿt et Merkhetes, des avatars d’Isis et Nephthys », BIFAO 81 (1981), p. 21-40 : p. 21 ; EAD., Dendara. Les chapelles osiriennes (BdE 118), 3 vol., Le Caire 1997, vol. 3 (Index), p. 559 (noter 216, 1 : « Celle qui veille sans jamais dormir du coucher du soleil jusqu’à l’aube »). 43 PETRIE, Koptos, pl. 22 en haut du pylône septentrional, pendant de celui de Min). Voir aussi, avec des traductions différentes, KOENIG, Papyrus Boulaq 6, p. 77, n. (b) ; GABOLDE, « Le temple de Min et Isis », p. 83. Rappelons qu’au sein de ce temple, la mystérieuse formule oudja, « mystère de la déesse » rapporté comme merveille à Chéops, a été découverte la nuit dans le grand hall par la main du prêtre-lecteur (P. BM 10059).

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Fig. 2a-b. Chentaÿt. Naos Louvre D 29 d’Amasis (© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Pierre et Maurice Chuzeville). – Fig. 3. Temple d’Hibis, cella. 1re position : « Isis mère-du-dieu » touchant son pied ; 3e position : « Isis de Coptos », avec tresse bouclée et allaitant Horus (Hibis III, pl. 4,3). – Fig. 4. Toit du temple. Isis de Coptos, avec tresse bouclée et allaitant Horus (Hibis III, pl. 20).

Min de Coptos et d’Isis, mère du dieu » apparaît comme le « servant de cette Kharet, proche du sanctuaire de Min », transmettant les prières à l’intérieur du sanctuaire de la déesse pour qu’elle accorde un époux à la jeune fille et des pains à la veuve44. 3.4. Cette caractéristique de « veuve », incarnée par Isis-Chentaÿt45, manifeste son rapport à la chevelure dans des graphies de son nom46 par le hiéroglyphe de la mèche de cheveux — signe-mot ou déterminatif (

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šnj ou

Cf. supra, n. 40. LÄGG VII, 105a-106c citant la Grande-Chentaÿt (ibid., 106c), Chentaÿt-dans-la-Ouâbet (ibid., p. 106c-107a) et Chentaÿt-la-Grande (ibid., 107a) ; cf. NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis », p. 592-595 ; Jean YOYOTTE, « Religion de l’Égypte ancienne. I. La cuve osirienne de Coptos », EPHEV 86 (1977-1978), p. 163-169 : p. 166-168 (« Chant de la chevelure parfumée »), p. 168-169 (« Osiris coptite ») ; CAUVILLE, art. cit. Sur l’expression visualisée par la tresse bouclée de cette facette Chentaÿt, voir Jocelyne BERLANDINI, « D’un percnoptère et de sa relation à Isis, au Scarabée et à la Tête divine », dans Chr. Coche-Zivie & I. Guermeur (éd.), « Parcourir l’éternité ». Hommages à J. Yoyotte, 2 vol., Turnhout 2012, vol. 1, p. 83-133 ; Laurent COULON, « Le sanctuaire de Chentaÿt à Karnak », dans Z. Hawass & L. Pinch Brock (éd.), Egyptology at the Dawn of the Twenty-first Century, Proceedings of the Eighth International Congress of Egyptologists, Cairo, 2000, 3 vol., Le Caire 2003, vol. 1, p. 138-146. 46 Sur des exemplaires de son nom, certains avec la figure divine en déterminatif, voir LÄGG VII, 105b. 45

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47 šntj , ) et dans l’iconographie, à l’époque saïte, par une boucle latérale en relief descendant depuis le sommet de la tête sur une longue chevelure

bouclée, apparemment naturelle, comme l’inaugure cette image de la déesse Chent(aÿt)48 — sur le naos Louvre D 29 en granit rose d’Amasis49 (Fig. 2a-b). À l’époque perse, l’ « Isis de Coptos » apparaît par deux fois, dont une figuration unique en « deuillante ? », au 3e registre « coptite » dans la cella du temple d’Hibis ; ce registre reflète le panthéon canonique du 5e nome de Haute-Égypte à cette date-là50 (Fig. 3). En effet, la première, nommée « Isis-la-Grande, mère du dieu qui réside à Coptos », forme prééminente dans les cultes coptites51, inaugure, en précédant son parèdre Harsiésis sous l’apparence de Min, la série des divinités locales. En perruque longue tripartite et robe-fourreau à bretelles, elle est assise sur le sol les jambes demi-allongées, légèrement penchée en avant, bras droit étendu pour toucher de la main son pied nu relevé, tandis que sa main gauche repose à plat sur son genou à peine replié52. Cette image prédominante possède certainement un sens secret qui la relie à un substrat mythique non formulé textuellement, peutêtre en raison d’une évidence connue de tous les lettrés égyptiens, permettant d’éluder toute allusion plus explicite à un événement négatif, mais dont il se pourrait qu’elle évoque une manifestation de la douleur telle celle consécutive 47 Wb IV, 499, bas ; 518, 12. Sur d’autres valeurs tardives (jwn / jnm, šnj, wš / wšr, ḥr.t-tp, ẖꜢrt, nbḏ, Ꜣr.t, jwḥ, fktj, ḫns.t), CAUVILLE, Dendara. Le fonds hiéroglyphique, p. 53-54. 48 Graphie succincte d’époque saïte, attestée au Nouvel Empire et assurée par les variantes postérieures plus développées. Sur l’ensemble des formes, cf. LÄGG VII, 105a-b, qui ne répertorie pas le dit document. 49 Paroi latérale extérieure « nord », fin du 1er registre. La déesse se dresse, vêtue d’une robefourreau à partir de la taille, bras croisés sur la poitrine (attitude classique de deuil) et pieds nus, à la suite de cinq divinités memphites : Ptah-Djed-chepsès, Sokar-dans-Beket, Chépri, Osirisseigneur-de-l’horizon, Khentymentyou. Cf. Alexandre PIANKOFF, « Le naos D 29 du Musée du Louvre », RdE 1 (1933), p. 161-179 : p. 164, fig. 4, p. 175 ; noter une coiffure identique pour Sbj.t / Sb.t (LÄGG VI, 252a), ibid., p. 170-171, fig. 11, p. 178, n. 3 (registre d’Héliopolis). La masse principale de cheveux se recourbe en boucle à l’arrière, la surface aujourd’hui lisse comportant probablement des détails peints. Pour une provenance du nome prosôpite et la dédicace à Osiris-Merty, cf. Jean YOYOTTE, « Le grand Kom el-Ahmar de Menufiyah et deux naos du pharaon Amasis », BSFE 151 (2001), p. 34-83. Cette iconographie spécifique n’est pas répertoriée par LÄGG VII, 105b : « Stehende Göttern mit preisend erhobenen Armen ». 50 Norman DE G. DAVIES, The Temple of Hibis in El Khārgeh oasis : Part III, the decoration, New York 1953, pl. 4, 3 et pl. 20 (sanctuaire, mur sud ; est pour LÄGG I, 3e reg.). Sur l’ensemble du registre, FORGEAU, Horus-fils-d’Isis, p. 190, p. 493, pl. 35, 1 (sous la forme allaitante). 51 La suprématie religieuse d’Isis dans le panthéon coptite est claire depuis l’époque tardive et l’époque gréco-romaine. Elle est suivie d’Harsiésis de Coptos. Cf. ici, p. 315, Fig. 3. 52 DAVIES, op. cit., pl. 4, 3 (mur sud) ; LÄGG V, 433, doc. 1 (ḥrj.t-jb-Gbtjw) qui ne signale pas cette iconographie. La transposition bidimensionnelle ne permet pas d’assurer la position des jambes, serrées l’une contre l’autre ou disjointes (rapprocher de celle de la femme défaillante chez Ânkhmahor ; cf. Marcelle WERBROUCK, Les pleureuses dans l’Égypte ancienne, Bruxelles 1938, p. 17, fig. 2 ; p. 152, fig. 162). Le dessin n’atteste pas là de tresse bouclée surimposée à la perruque longue.

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à une piqûre de scorpion53. Toujours dans ce registre, apparaît à la suite d’Harsiésis coptite (Ḥr-sꜢ-Js.t n Gbtjw) sous l’apparence de Min, la déesse majeure du temple, à savoir , « Isis-de-Coptos-surle-Grand-trône » en Isis lactans classique, coiffée d’une perruque tripartite, sans doute dotée de cette tresse latérale bouclée54 la reliant à Isis τριχώματος (la chevelure)55, tandis qu’une figure féminine, à la fin du registre, incarne la Pleureuse sous l’aspect d’une entité féminine ẖrj.t-snwt/sn.wjt « Celle-qui-est-sous-les-deux-mâts » coiffée de la couronne rouge à uraeus médian, assise sur le sol, genou relevé, main portée au front, dans l’une des postures fréquentes de deuillante56. À l’ensemble osirien du toit d’Hibis, l’Isis lactans coptite Js.t n Gbtjw, assise sur son trône cubique, porte clairement cet apanage temporal sur sa perruque tripartite, confirmant la suggestion proposée pour le registre précédent57 (Fig. 4). C’est la célèbre « scène de résurrection » du tombeau de Pétosiris, datable de la 2e moitié du 4e siècle av. J.-C., qui offre la plus belle illustration avec sa grande incarnation sud-ouest d’Isis, parée de la grande tresse bouclée ( ) sur perruque tripartite à pans droits, que ses épiclèses « Dame du genre humain, mère divine qui protège son fils…, conductrice du mystère du Seigneur de l’occident » définissent clairement comme œuvrant en Chentaÿt, hypostase majeure des rites de Khoiak58 (Fig. 5). En revanche, datable de l’époque kouchite par son style, sur la rare statuette en fritte émaillée Bologne MCABo

53 Vulnérabilité de la déesse comparable à celle de son avatar en chatte piquée par le scorpion, dont la plainte s’élève aussi jusqu’au ciel (cf. infra, § 7.1) ? Manifestation particulière du deuil ? 54 Des traits pointillés suggèrent la présence de cet élément. Voir LÄGG I, 77-78 [réf. 5] ; FORGEAU, op. cit., p. 190 et pl. 35, 1, sans signaler d’éventuelle tresse. 55 Deux références au sujet de cette tresse latérale d’Isis de Coptos sont fournies, mais sans commentaire, par KOENIG, Papyrus Boulaq 6, p. 78, n. (b) = DAVIES, op. cit., pl. 20 et la scène de résurrection de la tombe de Pétosiris. 56 Probablement une Mout d’Héliopolis, également lue ẖrj.t-sn.wj⸗s ; cf. LÄGG VI, 44a. Sur cette posture classique, voir WERBROUCK, Pleureuses, p. 70, fig. 44 (Renni), p. 73, fig. 48 (Kakemou). Rapprocher d’une forme possible de Neith, déesse qui elle aussi « réside à Coptos » (LÄGG V, 433, Doc. 4) ; sur son rôle de pleureuse comme Isis, Nephthys et Selqet, cf. Ramadan EL SAYED, La déesse Neith de Saïs, 2 vol. (BdE 86), Le Caire 1983, vol. 1, p. 132-135 ; vol. 2, p. 476, n. 1 ; BERLANDINI, « Percnoptère », p. 91, n. 46. 57 DAVIES, op. cit., pl. 20 (salle H 2, paroi est, reg. sup.). 58 Sur cette paroi sud, François DAUMAS, « La scène de la résurrection au tombeau de Pétosiris », BIFAO 59 (1959), p. 63-80 : p. 72-78, pl. I, qui ne commente pas ce trait capillaire. Pour cette tresse, cf. Sylvie CAUVILLE, Chapelles osiriennes, vol. 2, p. 92, p. 276 (sur la bipartition bousirite / abydénienne, Eadem, art. cit., p. 22) ; comme rare caractéristique de cette Isis (sud-ouest) formant contrepartie avec sa consœur, l’Isis couronnée de la voilure (sud-est), BERLANDINI, « Percnoptère », p. 92 et n. 51, p. 93-94, pl. Ia. Pour l’origine de la boucle hathorique qui apparaît en Égypte dans le cours du Moyen Empire, sans doute sous influence levantine, cf. Hélène BOUILLON, « A new perspective on so-called ‘Hathoric curls’ », Ägypten und Levante 24 (2014), p. 209-226.

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EG 1866, le visage de « Chentaÿt qui réside à Bousiris » est seulement encadré à l’avant par les lourdes volutes d’une coiffure à uraeus et vautour, dont la masse striée horizontalement se rétrécit à l’arrière depuis les épaules en une forme oblongue à six rainures, sans offrir de caractéristique plus marquée59 (Fig. 6a-b-c), tandis qu’à la même époque une exceptionnelle statuette assise de la déesse allaitant module sa chevelure surmontée par deux scorpions jumeaux à plat, en trois grandes boucles de type hathorique (Fig. 6d-e-f)60. On peut supposer que ces deux arachnides font écho aux deux volutes antérieures de la coiffure reposant sur les clavicules de la déesse, signifiant, à partir de cette période, le développement de conceptions innovantes sur le rapprochement entre Isis veuve allaitant, les tresses bouclées hathoriques et les scorpions du deuil, en contexte de douleur comme on va bientôt le voir (cf. § infra, § 3.5a). En admettant que la légende recueillie par Plutarque au sujet de la mèche d’Isis garde mémoire d’un substrat mythique, alors cette chevelure coupée n’est pas une pure invention grecque, mais bien l’écho de l’antique mythème égyptien évoquant à travers cette mise à part — mèches, boucles, tresses bouclées — l’expression même du désespoir de la déesse. Soulignons que cette tresse temporale, de même aspect que la tresse de l’enfance, est exaltée par le truchement de l’iconographie et devient ainsi un critère d’identification de la déesse. On peut donc suggérer que cette Isis-Chentaÿt, reconnaissable à sa tresse, présentait des affinités avec « Isis de la chevelure » (Isis τριχώματος). 3.5a. DE LA TRESSE BOUCLÉE AU CORPS DE L’ARACHNIDE. — L’état de profonde douleur ressentie par Isis constitue l’articulation nécessaire pour établir un lien avec l’arachnide faisant l’objet de notre étude, via un passage du P. Boulaq 6 (21e dynastie), même s’il ne précise pas la nature de la substance 59 Faïence vert brunâtre ; tunique-fourreau à bretelles. Pilier dorsal profondément gravé : « Paroles à dire à Chentaÿt qui réside à Bousiris. Qu’elle accorde toute vie-stabilité, toute santé, toute joie, comme Rê, à jamais. » Cf. Giovanni KMINEK-SZEDLO, Catalogo di antichità egizie, Turin 1895, no 1866 = LÄGG VII, 105b (18 ; datation : « unsicher »), 106b (18 ; graphie non répertoriée). Par exemple, pour le style, voir Hedwig FECHHEIMER, Kleinplastik der Ägypter, Berlin 1921, pl. 111. Rapprocher de la représentation d’Aménardis Ire sur sa statue thébaine en semi-ronde bosse à l’avant d’un haut dosseret cintré (granit gris ; 2e moitié du 7e siècle av. J.-C., Louqsor ; musée de la Nubie JE 67871, à Assouan). Pour des critères stylistiques proches, voir Karol MYŚLIWIEC, Royal Portraiture of the Dynasties XXI-XXX, Mainz-am-Rhein 1988, p. 34, surtout pl. XXXVII ; Angelica LOHWASSER, Die königlichen Frauen im antiken Reich von Kush. 25. Dynastie bis zur Zeit des Nastasen (Meroitica 19), Wiesbaden 2001. Semblable perruque sur la statue féminine Baltimore 22.405 (30e dyn.), George STEINDORFF, Catalogue of the Egyptian Sculpture in the Walters Art Gallery, Baltimore 1946, no 31, pl. 7. 60 Porphyre vert. H. 12,4 × l. 3,7 × prof. 6,5 cm. Sylvia SCHOSKE & Dietrich WILDUNG, Gott und Götter im Alten Ägypten, Mainz-am-Rhein 1993, p. 58-59, no 38. Noter que chaque scorpion semble régir chaque boucle d’encadrement. La boucle arrière est enroulée vers la droite et les arthropodes en relief sont allongés, leur metasoma aplatis comportant sept nodosités en forme de perles.

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Fig. 5. « Isis à la boucle » chez Pétosiris, mur sud-ouest (© CHERPION, CORTEGGIANI & GOUT, Pétosiris, pl. 155). Fig. 6a-c. Déesse Chentaÿt. Statuette en fritte émaillée. Bologne, inv.MCABo EG 1866. Vue de face, de profil et de dos.

Fig. 6d-e-f. Isis allaitant avec gémellité de boucles et scorpions. Coll. part. (© SCHOSKE & WILDUNG, Gott und Götter, p. 58-59, no 38). Fig. 7. Deuillante (© Fitzwilliam Museum, inv. E.283a.1900). Fig. 8. Deuillante à la mèche tirée. Boston Museum, inv. 1976.140 (cf. Mummies and Magic, p. 191).

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venimeuse invoquée (serpent ou scorpion), cependant aimantée en ce dernier sens par le contexte coptite. En effet, au cours de ses incantations pour l’expulser, le magicien menace la substance Venin metout émanée de Seth en l’incirtant à ne pas prononcer « un » nom « de / à » « Veuve-de-Coptos » ( ) (ibid. ro 7, 4-5)61, claire référence à Isis coptite. Cette séquence établit de facto une étrange relation entre le venin, sans doute celui de l’arachnide, et l’état de viduité de la déesse à la chevelure désordonnée, d’autant qu’il est question par la suite du septuor de chattes (ibid. ro 7, 8), espèce victime, sous son incarnation en Tefnout, de la piqûre d’un scorpion62. Puis, associant aussitôt un autre mythème, ce texte dépeint un tableau de paysage nilotique où entre en scène dans sa tragique solitude l’épouse désespérée aux cheveux épars, « assise (en attente) de traverser le fleuve, sa coiffure (qꜢjs) étant défaite (wꜢḥ) devant elle, le soleil se couchant chaque jour sur elle, n’y ayant personne pour la (faire) traverser (tandis que) sa voix s’élève vers le ciel et qu’il n’y a personne pour répondre » (ibid. ro 7, 6-8)63. La traduction délicate du passage autorise plusieurs interprétations pour cette chevelure mise en désordre, soit retombant en nappe devant le visage selon la gestuelle noun64 61 KOENIG, Le Papyrus Boulaq 6, p. 77 (rapprochement du contexte en ro II, 1-2 ; ibid., p. 20, n. j). Pour ce passage de traduction délicate, cf. ibid., p. 78 (b) : « j’empêcherai que l’on dise ton nom à … / que l’on prononce le nom de … », exploitant les deux options. L’article défini tꜢ serait destiné à la « properisation » (anglais) du nom. Selon Jocelyne Berlandini, ce serait une menace de souffrance infligée à la mtw.t (substantif féminin) que de ne pas dire son nom (i.e. suffixe 2e personne fém. ⸗t) à la Veuve, sa maîtresse par excellence, et ainsi de la blesser à son tour (cf. la menace à propos de Bastet, ro VI, 3-7; le venin caché dans le corps d’Isis (?), ro V, 3-4). Est-ce en filigrane une identification de la metout à la Kharet ? 62 On renverra au monument de Djedhor-le-Sauveur, lignes 162-180 (Légende de la chatte) à Eva JELÍNKOVÁ-REYMOND, Les inscriptions de la statue guérisseuse de Djed-Ḥer-le-Sauveur (BdE 23), Le Caire 1956, p. 84. Même texte sur la stèle Metternich. 63 Traduction ne suivant pas exactement celle d’Y. Koenig (op. cit., p. 77) : « assise attendant de pouvoir traverser le fleuve, sa mèche de cheveux (?) posée devant elle, le soleil se couchant chaque jour sur elle alors qu’il n’y a personne pour la traverser, voix crie vers le ciel et il n’y a personne pour répondre ». On peut ajouter à la note (d) d’Y. Koenig le terme gꜢs de la Formule 945 des Textes des Sarcophages (Paul BARGUET, Textes des Sarcophages égyptiens du Moyen Empire [LAPO 12], Paris 1986, p. 513) où cet élément, traduit « chevelure », est mis en relation avec Horus (« ma chevelure est Horus ») ; cf. Formule 944 (BARGUET, loc. cit.) ; la Formule 332 évoquant « Hathor, maîtresse du ciel du nord » (ibid., p. 522) en « cette nuit où la terre gronde tandis que les tresses sont dans le deuil » ; la Formule 939 (ibid., p. 550) avec sa « chevelure douloureuse ». Le passage commenté par Y. Koenig est également employé dans une autre perspective par COULON, « Les formes d’Isis à Karnak », p. 144. Mettre en correspondance avec les offrandes de mèches de cheveux dans des tombes de la nécropole de Douch, probablement en signe de deuil ; cf. Françoise DUNAND & Roger LICHTENBERG, « Pratiques et croyances funéraires en Egypte romaine », ANRW, 1995, p. 3216-3315 : p. 3292-3293. 64 Sur cette iconographie attestée au moins dès le Moyen Empire, cf. WERBROUCK, Pleureuses, p. 70, fig. 44 (Renni) p. 159, fig. 181-182, pl. IV (Minnakht ; Amenemhat) ; surtout Maria Rosa VALDESOGO MARTIN, « Les cheveux des pleureuses dans le rituel funéraire égyptien et le geste nwn », dans Z. Hawass & L. Pinch Brock (éd.), Egyptology at the Dawn of the Twenty-First Century, vol. 2, p. 548-557 : p. 548 (relation à l’eau et au souffle, avec désir de régénération).

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(Fig. 7), soit en mèche isolée tirée en avant depuis le sommet de la tête (Fig. 8), soit peut-être répandue sur le sol et gisant sur le sable de la rive en boucle (scorpioïde) sombre65. Cette désolation divine provoque par ailleurs un phénomène remarquable dans la sphère aquatique, en relation avec la crue, puisque les larmes de la veuve annoncent la première montée des eaux du Nil66, un épisode justement mis en rapport par Pausanias avec la volonté du préfet romain de percer les mystères de l’Isis de Coptos (cf. supra, § 3.2). 3.5b. Reprenant une démonstration de Wilhelm Spiegelberg et Joseph Vergote, Jean Yoyotte a postulé que la « boucle » — « ḏꜢtꜢ » (> grec τιθοες ; copte ϫⲓϫⲱⲓ)67 — aurait été porteuse d’un pouvoir magique sous le nom de Tithoès au point d’en devenir, sous cette appellation, la personnification, proposition tirée du nom Τιθοεννεσις (P. Bruxelles E 7616)68. C’est ainsi qu’en raison d’un parallèle phonétique, Tithoès, à Coptos, aurait fini par se superposer à Totoès (le dieu Twtw)69. Il faut alors évoquer la boucle divinisée et transposée au ciel Noter que dans le P. Budapest 51.1961, Isis vient, « balan-çant sa chevelure comme une deuillante, en apparence désordonnée comme celle de son fils Horus… » (parallèle des boucles d’Horus arrachées par Seth !) ; P. Ramesseum III, B. 23-34 (John W.B. BARNS, Five Ramesseum Papyri, Oxford 1956), où Isis marque sa douleur : « j’ai frappé mes boucles, j’ai mis en désordre ma coiffure après avoir trouvé mon fils Horus… » 65 Pour la couleur noire des cheveux d’Isis, voir Sylvie CAUVILLE, Dendara. Le temple d’Isis II. Analyse à la lumière du temple d’Hathor (OLA 179), Louvain 2009, p. 16 (78), p. 279, p. 347, p. 356, p. 359, p. 361, p. 371, p. 374. 66 Pausanias, Per. 10, 32. Comparer avec les éléments fournis par Danielle BONNEAU, La crue du Nil, divinité égyptienne à travers mille ans d’histoire, 332 av.-641 ap. J.-C., Paris, 1964, p. 25-256 ; Philippe DERCHAIN, « Les pleurs d’Isis et la crue du Nil », CdE XLV, fasc. 90 (1970) p. 282-284, lequel reprend subtilement les arguments de D. Bonneau (qui utilise le P. Mag. Harris) et montre que Pausanias traduit en fait l’homophonie tardive de deux termes finalement prononcés de la même façon : Ꜣgb « inondation » et jꜢkb « être en deuil » ; voir aussi l’éclairage fourni par Frédéric SERVAJEAN, « Des poissons, des babouins et des crocodiles », dans I. Régen & F. Servajean (éd.), Verba manent. Recueil d’études dédiées à Dimitri Meeks (CENiM 2), 2 vol., Montpellier 2009, vol. 2, p. 405-424 : p. 410-412 ; VALDESOGO MARTIN, « Les cheveux des pleureuses », p. 551, n. 14. 67 En fait, il faut renvoyer au démotique ṯꜢj-ḏj (ERICHSEN, Demotisches Glossar, 669) ou à ϫⲓϫⲱⲓ « natte, mèche de cheveux » (Werner VICYCHL, Dictionnaire étymologique de la langue copte, Louvain 1983, 334b). 68 Jean YOYOTTE, « Une étude sur l’anthroponymie gréco-égyptienne du nome prosôpite », BIFAO 55 (1955), p. 125-140 : p. 137 ; cf. NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis », p. 588. 69 Voir surtout Jan QUAEGEBEUR, Le dieu égyptien Shaï dans la religion et l’onomastique (OLA 2), Louvain 1975, p. 224-226, qui a clarifié la situation. Une synthèse du dossier est fournie dans BERNAND, De Koptos à Kosseir, p. 157-158. — Si l’on admet cette relation coptite entre Tithoès-Totoès (YOYOTTE, op. cit., p. 138 ; QUAEGEBEUR, loc. cit.), à savoir un « dieu lion [Τoτοης = Twtw] identifié à la chevelure d’Isis [Τιθοης = ḎꜢtꜢ = « Boucle divinisée »] », on observe que ce félin conserve certains liens avec le scorpion comme ses pattes dotées de petits serpents et de scorpions en guise de griffes. Voir Serge SAUNERON, « Le nouveau sphinx composite du Brooklyn Museum et le rôle du dieu Toutou-Tithoès », JNES 19 (1960), p. 269-287 (no 46) ; Olaf KAPER, The Egyptian God Tutu : A Study of the Sphinx-god and Master of Demons with a Corpus of Monuments (OLA 119), Louvain 2003, p. 271, 371, 373 ; Yvan KOENIG, Magie et magiciens dans l’Égypte ancienne, Paris 1994, p. 121-127 et pour les scorpions aux pattes p. 122. Il s’agit d’armes agissant au même titre que les animaux maléfiques qu’empoigne l’enfant

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en « sept étoiles » de la reine Bérénice II, en contrepartie sacrificielle de la mort évitée par son époux bien aimé Ptolémée III Évergète70. 3.6. Quoique le glissement sémantique semble osé, les Égyptiens, concaténant plusieurs idées, postulent un lien affinitaire entre le pouvoir magique propre à cette « chevelure de deuil » d’Isis, la douleur ressentie par l’épousesœur-mère, et le scorpion à l’apparence semblable à une mèche coupée, qui infligerait une souffrance et une angoisse71 comparables à celles ressenties par la déesse apprenant la mort de son époux-frère ou la vulnérabilité de son fils. On pourrait ainsi résumer cet enchaînement de concepts : Isis de Coptos – veuve (Chentaÿt) – sœur-épouse-mère – magicienne – chevelure modifiée (masse de cheveux en désordre, mèche / boucle / tresse retranchée) – pouvoir magique – douleur – scorpion72.

sur les cippes d’Horus (mise en évidence de Jan QUAEGEBEUR, « ‘Horo sui coccodrilli’, Elementi per una interpretazione nuova », dans A. Roccati & A. Siliotti (éd.), La Magia in Egitto ai Tempi dei Faraoni, Milan 1987, p. 187). Pour Toutou-Totoès vénéré à Chenhour, à 20 km au sud de Coptos, dans la triade coptite, en compagnie d’Isis-la-Grande-Déesse, on renverra à Olaf E. KAPER, « The God Tutu in Behbeit el-Hagar and in Shenhur », dans W. Clarysse, A. Schoors & H. Willems (éd.), Egyptian Religion. The Last Thousand Years. Studies dedicated to the memory of Jan Quaegebeur, 2 vol. (OLA 84), Louvain 1998, vol. 1, p. 139-157 : p. 150-153 ; Idem, The Egyptian God Tutu, p. 132-135. On renverra aussi à Sydney H. AUFRÈRE, « Dieux et génies léonins égyptiens à appendice caudal élapiforme. Mythe et magie à propos de Toutou-Totoès », à paraître, § 3.6.2, n. 142. 70 Jean-Yves Carrez-MARATRAY, « À propos de la boucle de Bérénice. La publicité des reines lagides », ECHO 7 (2008), p. 93-116 ; Idem, Bérénice II d’Égypte. Une reine dans les étoiles, Ellipses 2014. 71 Voir Claude JUNCA & Max VACHON, Les arachnides venimeux et leurs venins. État actuel des recherches, Bruxelles 1968, p. 49 (sur la façon de lutter contre les souffrances provoquées par l’envenimation scorpionique). Voir la mise en lumière de l’action neurotoxique : « C’est là, disent Junca et Vachon (p. 32), la propriété essentielle, presque exclusive, des venins de scorpions. Les actions hémolytiques et diastasiques, quand elles existent, sont très secondaires. L’effet neurotoxique de ces venins se traduit cliniquement par une action sur les muscles striés, sur les muscles lisses, sur le système respiratoire plus particulièrement, par une vasoconstriction générale, par une action pupillomotrice, par de l’hyperglycémie, par une hypertension artérielle. » Voir le tableau symptomatique donné par les auteurs p. 32-38, décrivant ces effets, ainsi que sur les actions hémolityque, enzymatique et sur les sécrétions. 72 Il existe une sorte de contrat tacite entre Isis, Horus et les scorpions. Voir Robert RITNER, « The Wives of Horus and the Philinna Papyrus (PGM XX) », dans W. Clarysse, A. Schoors & H. Willems (éd.), Egyptian Religion, vol. 2, p. 1027-1042 ; Ludwig KOENEN, « Der brennende Horosknabe. Zu einem Zauberspruch des Philinna-Papyrus », CdE 37, fasc. 73 (1962), p. 167174. Sur Bitjet, déesse-scorpion, comme femme d’Horus déflorée un soir, voir Baudouin VAN DE WALLE, « L’ostracon E 3209 des Musées royaux d’Art et d’Histoire mentionnant la déesse scorpion Ta-Bithet », CdE 42, fasc. 83 (1967), p. 13-29 : p. 15 ; cf. p. 19. Par son assimilation à Horus, le magicien exerce son emprise sur Bitjet.

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3.7. S’il existe bien, sous des formes plurielles, une affinité entre les Isis et l’arachnide : Isis-Serqe 73, Isis-Scorpion (Js.t-Wḥ῾.t)74, Isis-Ouret-hékaou75, surtout Isis-Hededet, vénérée à Edfou76, il est envisageable d’admettre qu’une autre relation puisse associer cette boucle coptite audit scorpion dans sa totalité ou dans une de ses parties. Aux Textes des Sarcophages déjà, la déesse scorpion Hededet étant identifiée à la natte bouclée (ḥnsk.t)77 des défunts78, Jean-Claude Goyon (1978) a suggéré « une allusion voulue à la forme de la queue de l’arachnide évoquant une « tresse », à la fois par ses éléments articulés et la courbure de l’extrémité portant le dard »79, c’est-à-dire correspondant au telson doté de son aiguillon (aculeus), sorte de crochet terminal80. Le rapport ne se laisse pas percevoir d’emblée, sinon en observant là l’un des déterminatifs possibles du mot ḥnsk.t dans les Textes des Sarcophages, à savoir une tresse présentant trois renflements et se terminant par un appendice à l’instar d’une silique, image d’une convaincante analogie avec le metasoma du scorpion81. On ajoutera un détail interculturel, qui joue sur l’apparence conjointe du scorpion et des boucles de cheveux. En langue arabe, le verbe َ‫قرب‬ َ ‫ت َْع‬, constitué à partir du verbe َ‫ع ْق َرب‬, « faire comme le scorpion », a le sens de « friser, c.-à.-d. َ

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LÄGG I, 77a-b. Wb I, 351, 2 (Edfou II, 25 ; Dendara XI, 38, 14 ; cf. Dendara I, 69, 6 : Ouadjyt). Voir déjà une forme divine nommée Wḥ῾.t-m-sd⸗s, LÄGG II, 516c. 75 LÄGG I, 71a-b. 76 Jean-Claude GOYON, « Hededyt : Isis-scorpion et Isis au scorpion. En marge du Papyrus de Brooklyn 47.218.50 – III », BIFAO 78 (1978), p. 439-458. Sur Isis-Hededet, voir LÄGG I, 76a (déesse avec une coiffure hathorique) ; sur Hededet, voir LÄGG V, 597c-598b (déesse avec un scorpion sur la tête) et ici même Pierre KOEMOTH, « Isis-Hededet : à propos de Sarapis au scorpion sur des intailles antiques », p. 415-455 : p. 415-424 (Isis-)Hededet à Edfou. 77 Wb III, 116, 4-6. Pour les attestations avec déterminatif de la « tresse bouclée » (deux 74

formes : , ) cf. CT VII, 116k, 220e ; 223f ; 226f ; 227c; 231f. Il s’agit, plus particulièrement, d’une tresse féminine. Sur une relation avec certaines officiantes, Jeanne BULTÉ, Talismans égyptiens d’heureuse maternité, Paris 1991, p. 106. 78 TS 531 : « Ta tresse ḥnskt.t est (celle de) Hededet » (dét. D3 : ) = LdM 151B : « Ta tresse ḥnsk est (celle de) Ptah-Sokar » (Paul BARGUET, Le Livre des Morts [LAPO 1], Paris 1971, p. 218, n. 9) ; GOYON, « Hededyt », p. 447 (« “la tresse ḥnsktyt” du défunt est celle d’Hededyt »). Il vaut mieux, dans le cas des TS 531, traduire : « Ta tresse ḥnskt.t est Hededyt » comme BARGUET (Textes des Sarcophages, p. 61) : « ta mèche est Hedjedjet. » 79 GOYON, art. cit., p. 447. Maintenant, pour une analyse de ces structures corporelles, ROUFFET, « Élien et les scorpions », p. 300-302. 80 Sur l’appareil inoculateur du scorpion, voir JUNCA & VACHON, Les arachnides venimeux et leurs venins, p. 20-24. Voir une mise en exergue de l’aiguillon dès l’époque prédynastique par la pose d’un élément rapporté à la queue du scorpion (en dent d’hippopotame) de Tell el-Farkha. 81 Le « socle Behague » donne en effet une description ṯs.wt (n) ῾b litt. « les vertèbres de la queue », à savoir le metasoma ; cf. VAN DE WALLE, « Une base de statue guérisseuse », p. 75, n. (e). On notera que toutes les espèces de scorpions ne se prêtent pas à cette ressemblance. La seule qui le permet est Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828.

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former des boucles sur les tempes à l’instar de la queue de scorpion »82. La confirmation d’une adéquation visuelle entre cette boucle et la déesse Hededet est étayée par l’exemplaire du bronze-hampe tardif de l’Isis du Musée Champollion de Figeac dont le mesosoma est constitué de plaques simulant comme des écailles de crocodile82bis tandis que la dernière partie du metasoma figure, quant à elle, l’extrémité d’une tresse aux cheveux parfaitement reconnaissables. Ce type d’objet, parmi les exemples réunis dans l’étude de Frédéric Rouffet83, et aussi attesté à la Barakat Gallery (Abou Dhabi)84 (cf. infra, § 10.1), constitue le chaînon indispensable à notre démons-tration. Si l’on tente de recomposer le puzzle, on assiste, semble-t-il, à une métamorphose comparable à celle bien connue des reliques osiriennes quand, dans l’imaginaire fertile des anciens Égyptiens, la boucle détachée de la chevelure isiaque continue à évoluer en un être indépendant à l’instar des autres fragments divins connus85. Dotée d’une vie autonome, la volute de cheveux, déposée au sol, devient, sous la forme de l’insecte, le symbole même du pouvoir magique sublimé par la souffrance de sa maîtresse86. Cet enchaînement d’idées permet ainsi de concrétiser un lien de causalité entre la Phrase I et la Phrase II, éclairant la progression vers cette dernière. Il est vraisemblable que cette natte ḥnskj.t > Hededet-Scorpion révèle le lien entre la « mèche / boucle / tresse bouclée » de l’Isis de Coptos et les scorpions qui hantent son temple comme autant de manifestations de sa douleur. Il n’est pas impossible en outre d’associer le crocodile à une forme d’historiola tardive dans la mesure où Élien nous rappelle qu’il a entendu dire personnellement « que lorsqu’un crocodile meurt il en naît un scorpion ; et l’on raconte que le dard qu’il a au bout de la queue est rempli de venin »87.

Albert DE BIBERSTEIN KAZIMIRSKI, Dictionnaire arabe français, 2 vol., Beyrouth (1re éd. Paris 1860), vol. 2, p. 317b. 82bis La raison de ce rapprochement tient à la ressemblance entre les carènes des écailles du crocodile et celles des tergites de Leiurus quinquestriatus ; cf. supra, § 3.7 in fine et 4.13. 83 Frédéric ROUFFET, « Isis et les scorpions. À propos de quelques statuettes en bronze d’IsisSerqet », ici même, p. 285-306. 84 Robert Steven BIANCHI, « Egyptian Bronze Staff in the form of Isis-Selket – X.0300 (26th dynasty) », The Barakat Gallery. Emirates Palace - Abu Dhabi, UAE (internet). 85 L’œil d’Horus, l’œil de Rê, la main d’Atoum, les doigts de Rê qui deviennent des serpents, etc. Il en est de même des reliques osiriennes qui finissent par vivre une vie indépendante. 86 Dès le Moyen Empire, être possesseur de la « tresse ḥnsk.t » (dét. D3) donne possession de la « magie vivante », cf. la Formule 818 (BARGUET, Textes des Sarcophages, p. 525 = CT VII, 18i). 87 ÉLIEN, Hist. an. 2, 33 (vol. 1, p. 50 Zucker). Voir une explication dans ROUFFET, « Élien et les scorpions », p. 300. Sur l’affinité de nature entre Leiurus quinquestriatus et le crocodile, voir supra, n. 82bis. 82

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PHRASE II (p. 307) 4. Points 4-5 : des scorpions monstrueux, cruels et mortels 4.1. À présent se pose la question de savoir s’il aurait bien existé à Coptos une espèce de scorpion de taille plus grande qu’ailleurs ou, à défaut, une espèce particulière à la région qui pût soutenir cette idée88 ? 4.2. LA « MER DE COPTOS ». — La documentation égyptienne ne permet pas d’obtenir de réponse satisfaisante. Pourtant, la littérature livre un indice littéraire selon lequel les parages de Coptos auraient pullulé de serpents, de scorpions et de bestioles rampantes de toutes sortes. Selon le premier roman de Setné89, Thot aurait caché dans la « mer de Coptos », hydronyme imaginaire90, des coffrets gigognes renfermant deux formules dont la première permettait d’enchanter le monde, comprendre les oiseaux, tout ce qui rampe et tout ce qui nage, tandis que la seconde permettait d’apercevoir Rê dans sa barque. La boîte précieuse est à deux reprises décrite comme protégée par un schoène (10,58 km) de serpents, de scorpions et de vermine de toute sorte, sans compter un serpent d’éternité91. On décèle immédiatement le côté merveilleux du texte puisque ce grouillement ne tient pas compte de l’espace aquatique dans lequel il est plongé. Mais cela mis à part, la séquence de noms — « serpents, scorpions et vermine de tout sorte (ḥfꜢ.w, wḥ῾.wt et ḏdf.t nb.t) » — est conforme à celle fréquemment énoncée dans les textes magiques et médico-magiques, qui perdure à l’époque copte, notamment dans un discours de Chénouté92, voire jusque dans des textes arabes93.

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Cette idée est reprise par le Vénitien anonyme ; cf. Voyages en Égypte 1589, 1590, 1591 (Coll. des voyageurs en Égypte 3), Le Caire 1971, p. [69] : « Qena est une petite localité située du côté du levant (…), il y a là grande abondance de scorpions — des grands ! » 89 Damien AGUT-LABORDÈRE & Michel CHAUVEAU, Héros, magiciens et sages oubliés de l’Égypte ancienne, Paris 2011, p. 17-39. 90 Les auteurs ci-dessus (op. cit., p. 326, n. 5) pensent qu’il s’agit de la mer Rouge. Il n’y a pas d’argument convaincant dans un sens ou dans l’autre, de sorte qu’il vaut mieux voir dans « mer de Coptos » une contrée imaginaire, une licence poétique. Toujours est-il que le désert est considéré comme le lieu où grouillent des animaux ici mis au service de Thot dans un cadre aquatique. 91 AGUT-LABORDÈRE & CHAUVEAU, Héros, p. 23, 25. 92 Sydney H. AUFRÈRE, « Au sujet du ms. Copte Ifao 1, 7r 34-37. Chénouté : rêves, démon et psychanalyse », dans A. Boud’hors & C. Louis (éd.), Études coptes 11. Treizième journée d’études (Marseille, 7-9 juin 2007) (CBC 17), Paris 2009, p. 1-17. 93 Regine SCHULTZ & Kamal SABRI KOLTA, « Schlangen, Skorpione und feindliche Mächte: Ein koptisch-arabischer Schutzspruch », Biblische Notizen 93 (1998), p. 89-104 ; Giovanni CANOVA, « Serpenti e scorpioni nelle tradizioni arabo-islamiche », Quaderni di Studi Arabi 9 (1991), p. 219-244. Voir aussi la production en masse des amulettes contre les scorpions ; cf. Gideon BOHAK, « Some “Mass-produced” Scorpions Amulets from Cairo Genizah », dans Z. Rodgers, M. Daly-Denton & A. Fitzpatrick Mckinley (éd.), A Wandering Galilean: Essays in Honour of Seán Freyne, Leyde – Boston 2009, p. 35-49.

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4.3. Par sa valeur métaphorique, le « schoène » (jtr) donne une idée fantastique du grouillement comme si tous les serpents, scorpions et animaux venimeux s’étaient donné rendez-vous dans cette improbable « mer de Coptos », ville donnant accès au désert réputé abriter des espèces terrifiantes94. On soulignera que le magicien Nofrekôptah, désireux de posséder les secrets de Thot, descend de Memphis à Coptos à bord de la barque royale avec sa femme et son fils et se voit reçu par les prêtres d’Isis de Coptos et le lésônis du temple de la déesse. Avant de partir pour cette expédition magique, il accomplit un holocauste et une libation devant Isis de Coptos et Harpocrate, divinités populaires à l’époque ptolémaïque et romaine, puis, ayant découvert le lieu secret du grimoire et entrouvert les flots — topos de la littérature égyptienne —, il empêche la vermine d’attaquer en lisant un écrit magique et en tuant par trois fois le serpent d’éternité95, avant de repartir pour Memphis, non sans avoir salué à nouveau ces mêmes dieux locaux. Il est clair que cette dyade divine, reconnue et vénérée pour sa capacité à dompter les animaux maléfiques, est ici garante de la dangereuse expédition menée vers une contrée réputée hostile qui serait les rives de la mer Rouge. 4.4. LA QUESTION D’UNE ESPÈCE PARTICULIÈRE ? — Les scorpions, quelle qu’en soit l’espèce, infestent l’Égypte tout entière96. Si, au vu de l’état actuel des connaissances, il est impossible de considérer la région de Coptos comme le lieu d’élection d’une espèce en particulier, en revanche sa population, coutumière de la vie désertique, aurait pu posséder des clartés dans le domaine de la prophylaxie à déployer pour se prémunir contre la petite faune de la région. 4.5. D’un point de vue naturaliste, on peut observer que la scorpiofaune selon Élien, qui en recense onze espèces (mais sans limiter celles-ci à l’Égypte), pour n’en produire que huit97, est loin du compte98. Cet auteur ne 94 Voir Louis KEIMER, « L’horreur des Egyptiens pour les démons du désert », BIdE 26 (1944), p. 135-147. Voir aussi Laure BAZIN, « Transfert de motifs pharaoniques dans quelques péripéties nocturnes des Pères du désert », dans A. Gasse, Fr. Servajean & Chr. Thiers (éd.), Et in Ægypto et ad Ægyptum, 4 vol. (CENiM 5), Montpellier 2012, vol. 1, p. 65-80 : p. 66, 69. — Les scorpions peuvent apparaître comme des protections semées avec des couteaux autour d’un espace divin à protéger ; cf. Charles PICARD, « La sphinge tricéphale, dite “panthée”, d’Amphipolis et la démonologie égypto-alexandrine », MonPiot 50 (1958), p. 49-84 : p. 56 et n. 4 ; Idem, même titre, CRAIBL 101 (1957), p. 35-46 : p. 38. Il ne faut pas donner à « schoène » son sens de mesure, mais de métaphore. Voir Richard C. STEINER, « The Scorpion Spell from Wadi Hammamat : Another Aramaic Text in Demotic Script », JNES 60, no 4 (2001), p. 259-268. 95 On notera que Sarapis est invoqué comme « serpent d’éternité » (Αἱὼν ἑρπέτα) ; cf. Jeanne & Louis ROBERT, « Bulletin épigraphique », REG 57 (1944), p. 175-273 : p. 178. 96 Alain DELATTRE, « Les termes égyptiens désignant le scorpion », dans Z. Hawass & L. Pinch Brock (éd.), Egyptology at the Dawn of the Twenty-first Century, Proceedings of the Eighth International Congress of Egyptologists, Cairo, 2000, Le Caire 2003, vol. 3, p. 171-173 ; Alain ANSELIN, « Aegyptio-Graphica II. Le Scorpion, ses hiéroglyphes et ses mots » (http://www. reocities.com/jeque8/aeg_graph.pdf) ; Frédérique VON KÄNEL, « La nèpe et le scorpion, une monographie sur la déesse Serket », Ann. EPHEV 92 (1983-1984), p. 517-520 : p. 518. 97 Élien, Hist. nat. 6, 20. 98 ROUFFET, « Élien et les scorpions », p. 297-298.

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doit pas être négligé pour autant, lui qui nous donne un tableau des connaissances de son temps. Mais la scorpiofaune égyptienne offre un spectre diversifié formé de cinq familles (Buthidae, Diplocentridae, Hemiscorpiidae, Scorpionidae, Euscorpiidae) à peu près réparties en quinze genres et en trente-cinq espèces (cf. infra, § 9)99. Des recherches récentes ont contribué à améliorer la connaissance de la diversité des espèces et leur distribution sur le territoire égyptien. La famille des Buthidae est représentée à elle seule par onze genres (Genus)100 et trente-et-une espèces (cf. infra, § 9.1), quatre autres le sont chacune par un genre et une espèce101. Après établissement d’un tableau de toutes les espèces recensées en Égypte — classées par famille et par genre —, les plus dangereuses pour l’homme, en raison de leur venin neurotoxique102 de stade 5, sont au nombre de cinq (on utilise plutôt une échelle de 3103) : 1. Androctonus australis L., 1758 (représenté dans le nord) ; 2. Androctonus amoreuxi Audouin & Savigny, 1826 (nord, Moyenne-Égypte, Haute-Égypte méridionale et Soudan) ; 3. Androctonus bicolor Ehrenberg, 1828 (nord de l’Égypte) ; 4. Androctonus crassicauda Olivier, 1807 (Sinaï, Ouâdi-Feiran) ; 5. Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828 (le plus répandu du nord au sud et d’ouest en est). 4.6. LEIURUS QUINQUESTRIATUS. — Selon leur distribution, certains sont répandus et d’autres plutôt endémiques, mais rien ne conforte le propos d’Élien sur l’existence d’un scorpion de taille exceptionnelle dans la région de Coptos. Vu son abondance présumée dans le temple de l’Isis coptite, on pourrait se demander si l’arachnide ne profitait pas là des effets d’une sollicitude particulière. En fait, l’animal décrit tient sans doute plus du mythe que de la réalité, d’autant que la seule espèce dont il pourrait s’agir dans la région, et même commune à toute l’Égypte, n’est autre que Leiurus quinquestriatus d’environ 11 cm maximum104. L’espèce se caractérise par de fins pédipalpes, ce qui amène à faire la remarque suivante. La toxicité du venin est, dans 90 % des cas, inversement proportionnelle à la taille des pédipalpes. Ainsi, plus un scorpion sera armé pour saisir ses proies et les immobiliser, moins il utilisera cette arme 99

http://hishamelhennawycv.blogspot.fr/p/blog-page_19.html Androctonus, Buthacus, Buthus, Compsobuthus, Egyptobuthus, Hottentotta, Isometrus, Leiurus, Microbuthus, Orthochirus, Parabuthus. 101 Diplocentridae : Nebo (infra, § 9.2) ; Hemiscorpiidae : Hemiscorpius (infra, § 9.3) ; Scorpionidae : Scorpio (infra, § 9.4) ; Euscorpiidae : Euscorpius (infra, § 9.5). 102 On trouvera une analyse des venins dans JUNCA & VACHON, Les arachnides venimeux et leurs venins, p. 40-47. La liste des scorpions considérés comme dangereux et pouvant occasionner la mort ou des accidents graves chez l’homme est donnée aux p. 74-77, mais voir aussi p. 79-80. 103 Cf. Max GOYFFON & P. BILLIAUD, « Envenimations VI. Le scorpionisme en Égypte », Médecine tropicale 67 (2007), p. 439-446 : p. 442-443 (http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/ diumedvoyages/Goyffon3.pdf). 104 Lucian K. ROSS, « Leiurus quinquestriatus (Ehrenberg, 1828) » (The Scorpion Files © 2008) : http://www.ntnu.no/ub/scorpion-files/l_quinquestriatus_info.pdf. Art. laud. 100

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biologique. Grêles et longs, les pédipalpes de L. quinquestriatus annoncent, en quelque sorte, la toxicité, voire la létalité de son venin. Ce dernier est neurotoxique et notamment cardiotoxique, la mort pouvant survenir rapidement, suite à des dysfonctionnements cardiovasculaires et respiratoires. Mais la plupart du temps, si la piqûre n’entraîne pas la mort, la gravité de l’envenimation scorpionique dépendra de la masse de la victime, ce qui surexpose les enfants105, placés sous la protection de Serqet comme le rappelle Cathie Spieser106. L. quinquestriatus fait donc figure d’excellent candidat — l’espèce est parfois reconnaissable dans l’iconographie —, sans pour autant exclure les autres107. 4.7. SEPT SCORPIONS || SEPT SEGMENTS DU METASOMA. — Cette tradition d’immenses scorpions hantant le temple d’Isis à Coptos fait plutôt écho à un lien avec la légende des sept scorpions associés à la défense d’Isis et Horus, escorte redoutable constituée par deux spécimens en arrière-garde (Tefen et Befen), deux sous le palanquin (Mestet et Mestetef) et trois autres (Petet, Tsetet et Matet) pour garder la route108. Élien109, on l’a dit (cf. infra, § 4.5), annonce onze espèces (non spécifiquement égyptiennes), mais n’en décrit que huit110 sur un modèle scientifique attesté au Papyrus ophiologique de Brooklyn111. À côté de la valeur symbolique du chiffre « sept » pour exprimer la totalité et la « viecréée »112, on peut conjecturer que ce septuor venimeux pourrait transposer en 105 G. CHAMPETIER DE RIBES, « Envenimation scorpionique chez l’enfant », Annales de pédiatrie 32/4 (1985), p. 399-404. 106 Voir Cathie SPIESER, « Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 (2001), p. 251-264 ; Eadem, « Nouvelles approches de l’image emblématique de Serket : le serpent, la corne et l’utérus », GM 209 (2006), p. 91-99. 107 Voir aussi, allant dans le même sens, Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER, « Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758)… », ici même, p. 221-282 : p. 244-246 (§ 4.2.2a-c). 108 Preuve donnée qu’il existe une distinction entre mâles et femelles. Cf. aussi sur la stèle 9402, Jean-Claude GOYON, Le recueil de prophylaxie contre les agressions des animaux venimeux du Musée de Brooklyn. Papyrus Wilbour 47.218.138 (SAR 5), Wiesbaden 2013, p. 116, n. 3. Voir ici même, p. 333, Fig. 12c. 109 Élien, Hist. an. 6, 20 (vol. 1, p. 151 Zucker). 110 ROUFFET, « Élien et les scorpions », p. 297-299. Par curiosité, voir Voyage en Égypte d’Edward Brown 1673-1674 (Coll. des voyageurs en Égypte 10), Le Caire 1974, p. [114-115]. 111 Pas d’accord avec ROUFFET, art. cit., p. 298, n. 9 : les 38 chapitres traitent des serpents et éventuellement de lézards, pas de scorpions. Voir aussi Sydney H. AUFRÈRE, « Symptomatologie des morsures d’ophidiens d’après le papyrus Brooklyn nos 47.218.48 et 85 : aspects épistémologiques d’un texte égyptien ancien recopié au IVe siècle avant notre ère », Anthropozoologica 47/1 (2012), p. 223-261. 112 Pour l’importance du chiffre magique « 7 », Warren R. DAWSON, « The number “Seven” in Egyptian Texts », Aegyptus Anno 8, no 1/2 (Luglio 1927), p. 97-107 ; Jean-Claude GOYON, « Nombre et Univers, réflexions sur quelques données numériques de l’arsenal magique de l’Égypte pharaonique », dans A. Roccati & A. Siliotti (éd.), La Magia in Egitto ai Tempi pharaoni, Milan 1987, p. 57-76 : p. 60-69 (attestation des scorpions non retenue dans sa liste des exemples-clés) ; pour les sept formules contre les scorpions dans P. Leyde 349, vo 4, 3 (cf. DAWSON, art. cit., p. 99, n. 12). Voir aussi Annick WÜTHRICH, Éléments de théologie thébaine : les chapitres supplémentaires du Livre des Morts (SAT 16), Wiesbaden 2010, p. 78-81 (§ 6.8 : Les sept noms du dieu).

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Fig. 9a-b. Bague-sceau d’Horemheb, en or (Louvre, inv. N 747) (© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Décamps) ; b. Détail. Fig. 10. Dendara, plafond du pronaos, travée ouest III’.

termes mythologiques la pluralité des espèces égyptiennes connues, bien plus nombreuses comme on l’a vu, mais difficiles à distinguer les unes des autres à moins d’être un spécialiste. D’autre part, ce chiffre prend un accent particulier dès qu’il est appliqué aux scorpions. Élien113 prétend que les arthropodes possèdent « sept vertèbres », idée étrange pourtant étayée de bonne heure par les textes égyptiens eux-mêmes114, chiffre pouvant faire allusion soit aux sept tergites (plaques chitineuses dorsales) du mesosoma115, soit aux sept « vertèbres de la queue » (ṯs.wt [n] ῾b)116, allusion aux segments du metasoma117. 4.8. Visuellement, c’est une partie du corps du scorpion — le mesosoma segmenté de tergites et la « queue perlée » du metasoma — qui paraît s’accorder le mieux à la forme et aux entrelacs rythmés d’une tresse à terminaison bouclée118. Dans l’iconographie, il semblerait que de bonne heure, une volonté 113

Élien, Hist. an. 6, 20 (vol. 1, p. 152 Zucker). Sur ces articulations du dos, voir ROUFFET, « Élien et les scorpions », p. 299. 115 ROUFFET, loc. cit. 116 VAN DE WALLE, « Une base de statue guérisseuse », p. 75, n. [e], fin. Noter cependant que sur les représentations soignées de l’arachnide, les articulations de la queue de scorpion peuvent varier de cinq à sept segments — de l’observation naturaliste à la transposition mythologique. 117 Sur l’importance du chiffre « sept », voir supra, n. 111. 118 Cf. par exemple cette ressemblance à travers la figuration des scorpions de la « stèle Antonovitch », Annie GASSE, « La stèle Brügger, une stèle d’Isis sur les crocodiles », ENiM 7 (2014), p. 125-143 : p. 142-143, fig. 6. 114

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eût présidé à la figuration de « sept » nodosités du metasoma, même si, dans la nature, il n’y en a, en réalité, que « cinq »119. Par exemple, sur la bague-sceau en or massif Louvre N 747 d’Horemheb, le chaton pivotant quadrangulaire à quatre faces retient sur l’une des plus étroites la gravure d’un scorpion dont la queue présente sept segments, alternant avec celles du nom de couronnement et du lion marchant neb khepech ciselées sur les zones larges120 (Fig. 9a-b). À l’époque ptolémaïque, ce chiffre magique se maintient, par exemple, au plafond du pronaos de Dendara (ouest) où de monumentales représentations sculptées en léger relief et peintes illustrent les constellations, en particulier celle du Scorpion (Fig. 10)121. 4.9. LA CAROUBE ET LE PÊCHEUR. — S’il y a peu de chances de suspecter un rapport entre le nombre des espèces égyptiennes et celui de la cohorte scorpionesque d’Isis, il se pose la question de savoir si les Égyptiens distinguaient deux genres ou deux espèces répondant respectivement aux noms de ḏꜢr.t ou wḥ῾, en général mentionnés séparément. Ils n’apparaissent ensemble que dans un seul et même contexte sur la stèle fragmentaire en calcaire découvert à Akhmîm célébrant l’Isis de Cheta, « qui protège tout homme, toute femme, tout enfant de cette demeure, contre les animaux venimeux (ḏdf.t), tout serpent ḥf, toute espèce de scorpion ḏꜢr.t ou wḥ῾ »122. Les deux noms 119 L’incertitude subsiste chez Pline l’Ancien admettant des formes à six et sept articulations, la dernière étant la plus redoutable : « La plupart n’en ont que six », Pline, Hist. 11, 30 (30), cf. sur les remèdes préconisés : « cendre de scorpion dans du vin » et sur l’aversion de ces insectes pour l’huile, tandis que les scorpions de Pharos seraient inoffensifs, ibid. (4). L’idée de sept segments est ancienne puisque cette caractéristique est déjà visible sur le scorpion en silex du musée de Mariemont. Voir Stan HENDRICKX, Dirk HUYGE & Barbara ADAMS (†), « Le scorpion en silex du Musée royal de Mariemont et les silex figuratifs de l’Égypte pré- et protodynastique », Les Cahiers de Mariemont 28-29 [1997-1998] (2003), p. 6-33. 120 Pour cet artefact d’exceptionnelle qualité d’exécution, diverses interprétations : maîtrise des forces hostiles, capacité de « nouer » les conjurations, scellement de documents royaux…, voir Marc ÉTIENNE, Heka, catalogue d’exposition, Paris 2000, p. 65 ; Les Pharaons. Catalogue d’exposition. Venise, Pallazzo Grassi, 9 sept. 2002-25 mai 2003, Paris 2002, p. 61, p. 442, notice 137. — Faut-il voir dans cet anneau un témoignage du souverain s’incarnant en Horus-Sauveur, maître d’une puissance magique exprimée aussi par des textes dès le Nouvel Empire ; cf. P. mag. Harris 501 : « Puisses-tu repousser loin de moi les lions sur le plateau désertique, les crocodiles dans le fleuve et toutes les bouches mordant dans leurs trous », formulaire relevant plus tard du « texte A » des stèles magiques. 121 Sylvie CAUVILLE, Dendara. Le pronaos du temple d’Hathor : Analyse de la décoration (OLA 221), Louvain – Paris – Walpole, MA 2013, p. 534-535, Travée Ouest III’ (dessin légendé), p. 542 (dessin légendé), p. 861, pl. 27 (ouest III’). 122 H. 22 × l. 14,6 × Ep. 4 cm ; achat à Akhmîm par Clédat. Bernard BRUYÈRE, « Un ex-voto d’Isis-Toëris au Musée d’Ismaïlia », ASAE 50 (1950), p. 515-522 : p. 516, fig. 1 ; p. 518 et 521. Sur le contexte de découverte, voir Céline BOUTANTIN, Terres cuites et culte domestique : Bestiaire de l’Égypte gréco-romaine (RGRW 179), Leyde – Boston 2014, p. 104. Cf. l’accentuation graphique du scorpion dans une inscription d’invocation à Isis : GASSE, « La stèle Brügger », p. 142-143, fig. 6. Les deux noms sont plutôt employés indistinctement ; cf. ROUFFET, « Le “Venin éconduit” ou les dangers de son expulsion (O. DeM 1046) » ; DELATTRE, art. cit., supra, n. 95. On notera

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renvoient étymologiquement à des aspects connotés différemment, sans doute à deux métaphores. Le premier, ḏꜢr.t (> ϭⲗⲏ)123, laisse transparaître une vague ressemblance entre le corps de l’arachnide recourbé et la gousse séchée, segmentée, de la caroube ḏꜢr.t124, Ceratonia siliqua L., 1753, en rappelant que ceratonia dérive du grec keratia, « petite corne ». Quant au second, wḥ῾.t (> ⲟⲩⲟⲟϩⲉ, ⲟⲩⲟϩⲉ)125, il renverrait à la notion de pêcheur (wḥ῾) ou de hameçon, instrument ressemblant à l’extrémité recourbée du metasoma arqué au-dessus du corps du scorpion. Car, en position de combattant, d’un coup de dard porté par-dessus sa tête, l’arachnide éperonne son adversaire qu’il maintient au moyen de ses deux pédipalpes et lui inocule son venin. Ainsi, pour celui qui assiste à la lutte, l’attitude du scorpion évoquerait celle du pêcheur harponnant sa victime. 4.10. LA VENGEANCE DES SEPT. — Il nous faut revenir à la venimeuse escorte d’Isis. Celle-ci peut se montrer agressive envers ceux qui ne réservent pas un bon accueil à sa maîtresse126, comme le relatent la légende inscrite sur la « Stèle Metternich »127 et le « Socle Behague ». Demandant l’hospitalité à des « femmes mariées »128, Isis se présentant devant la maison de l’une d’entre elles, la propriétaire des lieux, effrayée par son cortège scorpionesque déambulant dans la nuit — détail important (cf. infra, § 7.1) —, lui referme la porte au nez. Tandis que la déesse congédiée élit domicile chez une hôtesse plus humble mais plus accueillante, ses scorpions fâchés délèguent l’un d’entre eux (Tefen) piquer le fils de la maison de leur venin réuni, si puissant qu’il déclenche un

qu’Isis ou des déesses apparentées (Ermouthis) passent pour des Serqet repoussant (ḫsf, ḥm) les ḏdf.t ou simplement comme celles qui les repoussent (ḫsf, ḥm) ; cf. Dendara V, 65, 8 ; VI, 60, 13 ; 72, 14 ; 100, 6 ; IX, 86, 2 et 6. Sur le sens de ḏdf.t, voir Sydney H. AUFRÈRE, « Chasser, conjurer les “animaux venimeux“ (ḏdf.t) et s’en protéger d’après le papyrus Brooklyn 47.218.138. Notes de lecture », JSSEA 40 (2015), p. 1-54. 123 Wb V, 526, 14-527, 5. 124 Wb V, 526, 5-13. Voir Sydney H. AUFRÈRE, « Les ϫⲁⲧϥⲉ (< ég. ḏdf.t) dans tous leurs états d’après les scalistes coptes. Livre des Degrés (chap. VI) et Scala magna (chap. XV). Chordata (Mammalia, Sauropsida et Amphibia), Arthropoda et Nematoda », dans N. Bosson, A. Boud’hors & S. H. Aufrère (éd.), Labor omnia uicit improbus. Miscellanea in honorem Ariel Shisha-Halevy (OLA 256), Louvain 2017, p. 3-92 : § 2.2.1.4. 125 Wb I, 351, 1-2. 126 Les sept scorpions renvoient aux Sept Hathors ; cf. Cathie SPIESER, « Meskhenet et les sept Hathors en Égypte ancienne », Études de lettres 3-4 (2011), p. 63-92 : p. 7. 127 Sur cette somme gravée rassemblant textes et illustrations magiques, à l’époque de Nectanebo II, GOLENISCHEFF, Metternichstela ; Nora SCOTT, « The Metternich Stela », BMFA 8-9 (1951), p. 201-217 ; Constantin E. SANDER-HANSEN, Die Texte der Metternichstele (AnAeg 7), Copenhague 1956 ; Heike STERNBERG EL HOTABI, « Die Götterdarstellungen der Metternichstele », GM 97 (1987), p. 25-70. 128 Cette idée de « femmes mariées » indique probablement des femmes en capacité de recevoir dans leur demeure et d’y jouer un rôle d’hôtesses, mais aussi celles qui en raison de leur aisance devraient être en mesure d’éprouver de la compassion pour une pauvre veuve.

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incendie. Dans cette historiola à la fin moralisante, la déesse compatissante conjure le venin de ses sept séides et guérit l’enfant129. Point intéressant : ces mêmes scorpions sont instruits par Isis dans un souci d’équité et de justice qui transcende le statut social et l’ethnie pour fonder une sorte de démocratie du deuil. On comprend qu’il est donné à tout un chacun d’accéder à la déesse qui saura étendre sur lui sa miséricorde, trait dévoilant la conception fondatrice d’un culte populaire dont Coptos serait une des expressions majeures. 4.11a. L’IMAGE DES SEPT : DE LA STÈLE METTERNICH OU DU SOCLE D’HEIDEL194. — Des échos de cette légende figurent parfois dans l’iconographie des stèles magiques. Les silhouettes de ces sept scorpions sont représentées comme c’est le cas, entre autres, au registre situé sur la tranche de la Stèle Metternich (Fig. 12a)130. Les sept arachnides (quatre, puis trois) se tiennent devant un enfant nu accroupi (sur un édicule), le doigt à la bouche, dont la protection est assurée par le geste en avant de la main d’Isis. Il s’agit vraisemblablement d’une illustration de l’historiette sur les sept scorpions et l’enfant soigné (cf. supra, § 4.10). On les retrouve dans une configuration différente sur le fragment antérieur d’une base de statuette conservée dans la collection de l’Ägyptologisches Institut der Universität Heidelberg inv. NI 194131 (Fig. 11). Le registre central de ce socle sur lequel reposent les vestiges BERG, INV.

129 Stèle Metternich, lignes 48-71 (cf. P. Leyde 349, vo 4, 3). Voir Gunther ROEDER, Urkunden zur Religion des alten Aegypten, Iéna 1915, chap. 15 ; François LEXA, La magie dans l’Égypte antique, 2 vol., Paris 1925, vol. 2, p. 72-73 ; Samson EITREM, « Der Skorpion in Mythologie und Religionsgeschichte », Symbolae Osloenses: Norwegian Journal of Greek and Latin Studies 7/1 (1928), p. 53-82 ; Étienne DRIOTON, Le théâtre égyptien, Le Caire 1942, p. 68-77 ; Jean SAINTEFARE GARNOT, « Deux vases égyptiens représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux », dans Mélanges d’archéologie et d’histoire offerts à Charles Picard à l’occasion de son 65e anniversaire, 2 vol. Paris 1948, vol. 2, p. 905-916 (= RA 6e série, t. 31-32) : p. 912 ; SCOTT, « The Metternich Stela », p. 210-211 ; Étienne DRIOTON, « La question du théâtre égyptien », CRAIBL 98/1 (1954), p. 51-63 : p. 57 ; SCOTT, « The Metternich Stela », p. 211, photo partie droite de la stèle, registre XXXVII ; cf. p. 216-217 ; SANDER-HANSEN, Metternichstele, p. 35 et suiv. ; Joris F. BORGHOUTS, Ancient Egyptian Magical Texts (NISABA 9), Leyde 1978, p. 59-63 : p. 60-61 ; Edda BRESCIANI, « Isis lactans et Horus sur les crocodiles », dans W. Clarysse, A. Schoors & H. Willems (éd.), Egyptian Religion, The Last Thousand Years, Louvain 1998, vol. 1, p. 56-60 : p. 59-60 (avec bibl.) ; Hisham K. EL-HENNAWY, « Scorpions in Ancient Egypt », Euscorpius. Occasional Publications in Scorpiology 119 (2011), p. 1-12 : p. 3 ; Michael E. HABICHT, « Die Metternichstele », p. 11 (http://www.researchgate.net/profile/MichaelHabicht/publication/ 278157210_Die_Metternichstele/links/557c5e5908aeb61eae23626d.pdf). 130 SCOTT, « The Metternich Stela », p. 205 et p. 211, fig. (ici même, p. 333, Fig. 12a). À comparer à celle de la statue Louvre E 10777, avec Isis protégeant l’enfant (côté droit, près de la main) (ici même, p. 333, Fig. 12c) ; cf. la scène proche, mais avec seulement cinq scorpions, au dos de la stèle CGC 9402 (ici même, p. 333, Fig. 12b) (début du 3e registre ; Thouéris, maîtresse de Ro-Nefer, posant sa main sur la tête de l’enfant) ; Jocelyne BERLANDINI, « Stèle d’Horus sur les crocodiles, avec base-réceptacle », dans Fr. Goddio & D. Fabre (éd.), Catalogue d’exposition, Osiris. Mystères engloutis d’Égypte, Paris 2015, p. 42-43, 170-171. 131 Achat à Kafr el-Ahram (Gîza). Dimensions : 8,2 × 8,6 cm. Voir Matthias UNTERMANN (éd.), Ägyptische Magie im Wandel der Zeiten. Eine Ausstellung des Instituts für Papyrologie in Zusammenarbeit mit dem Institut für Ägyptologie der Universität Heidelberg, Heidelberg 2011,

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Fig. 11. Socle de statuette magique. Ägyptologisches Institut der Universität Heidelberg, inv. N.I. 194 (© Ägyptologisches Institut der Universität Heidelberg, Robert Ajtal). Fig. 12a. Stèle Metternich, Brooklyn Museum, New York, inv. MA 50.85. Détail (© SCOTT, « The Metternich Stela », p. 211, fig). Fig. 12b. Stèle magique CGC 9402 (dos, début du 3e reg. © J. Berlandini). Fig. 12c. Statue Louvre E 10777, côté droit (© J. Berlandini).

de deux pieds nus, probablement ceux d’un enfant assis accroupi (par comparaison avec la Stèle Metternich), comporte les figures de quatre scorpions complets et d’un partiel, relevant de l’originelle série des « Sept » qu’imagent certaines autres vignettes de protection d’Harpocrate. Le fonctionnement de cet objet daté du début de l’époque ptolémaïque possède celui de tout artefact magique : l’eau versée dessus et recueillie était donnée à boire à la victime d’une piqûre de scorpion132, comme semble l’indiquer cette exaltation iconographique de l’arsenal venimeux d’Isis.

p. 26 et fig. 9. Voir aussi Heike STERNBERG-EL HOTABI, Untersuchungen zur Überlieferungsgeschichte der Horusstelen, 2 vol. (ÄgAbh 62), Wiesbaden 1999, vol. 2, p. 102-103. Sur l’importance d’Isis dans cette région, ibid., p. 205, n. 201. 132 Jean-Claude GOYON, « L’eau dans la médecine pharaonique et copte », dans L’homme et l’eau en Méditerranée et au Proche-Orient. I. Séminaire de recherche 1979-1980, Lyon 1981, p. 143-150 : p. 147 et 149.

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4.11b. DES SCORPIONS VIVANT EN LIBERTÉ. — Au vu de la légende des sept scorpions, les femmes en deuil évoquées par Élien devaient être réunies, elles aussi, sans distinction de classes sociales autour de l’Isis de Coptos dans son temple où ces résidentes quasi institutionnelles n’avaient rien à craindre des scorpions errant là en liberté, expression in natura de l’escorte mythologique de leur maîtresse. Leur présence dans ce sanctuaire va à l’encontre d’une pratique d’élimination recommandée pour d’autres édifices133, selon l’usage prophylactique notifié par la stèle British Museum 155 sur l’activité bien connue de « repousseurs de scorpions » (šd(w) wḥ῾.wt), actifs par exemple dans les expéditions aux mines de turquoise du Sinaï134. Émanations obéissantes de leur souveraine, ces venimeux bénéficient peut-être dans son domaine d’un statut protégé qui les sacralise, empêchant leur destruction et même entretenant, si curieux que cela puisse être, leur vie et leur reproduction. Pour revenir à la légende précitée, la leçon serait la suivante : qui aime la déesse ou en est aimé n’a rien à redouter de sa garde rapprochée, même si parfois des accidents peuvent survenir en raison des risques potentiels toujours encourus comme le prouve, pour un autre lieu, une stèle grecque abydénienne décrivant la mort de Cleopatra, fille de Menon, piquée dans le sanctuaire de Triphis, après deux jours d’agonie135. D’ailleurs avec bon sens, les deuillantes coptites prennent elles-mêmes la précaution élémentaire de marcher à distance de leurs petits mais dangereux compagnons. 4.12. ACTIVITÉ DES DEUILLANTES SUR LE PARVIS D’ISIS DE COPTOS. — D’où on pressent qu’une activité rituelle et médico-magique devait se déployer dans le temple d’Isis à Coptos, probablement à l’entrée ou dans la partie avant du sanctuaire. Pour preuve, on retiendra, parmi les chapelles de magie guérisseuse construites sur les parvis des temples136, celle peut-être érigée sur l’esplanade dudit temple, si l’on en croit l’inscription sur le plat du socle de la statue féminine « guérisseuse » Louvre, inv. N 2540 (Fig. 13). Voir en ce sens la protection générale souhaitée pour les temples, Jérôme RIZZO, « L’exclusion de djou de l’espace sacré du temple », ENiM 5 (2012), p. 119-131; concernant les scorpions, ibid., p. 128-129, et plus particulièrement n. 68 et n. 73 ; Christopher THEIS, Magie und Raum : Der magische Schutz ausgewählter Räume im Alten Ägypten nebst einem Vergleich zu angrenzenden Kulturbereichen (ORA 13), Göttingen 2014, p. 117-257. 134 Voir VON KÄNEL, « La nèpe et le scorpion », p. 518. Au Moyen Empire, sous les règnes d’Amenemhat II et Amenemhat III ; cf. Pierre TALLET, « Notes sur le ouadi Maghara et sa région au Moyen Empire », BIFAO 102 (2002), p. 371-387 : p. 372-374. Voir aussi Idem, « Les Égyptiens et le littoral de la mer Rouge à l’époque pharaonique », CRAIBL 153 (2009), p. 687-719 : p. 702. 135 TOD, « The Scorpion in Graeco-Roman Egypt », p. 56. TOD (art. cit., p. 58) évoque la possibilité que Triphis pouvait apporter à ses dévotes une protection de même nature que celle d’Isis de Coptos. 136 Claude TRAUNECKER, « Une Chapelle de magie guérisseuse sur le parvis du temple de Mout à Karnak », JARCE 20 (1983), p. 65-92. Voir aussi Françoise DUNAND, « La guérison dans les temples (Égypte, époque tardive) », AfR 8 (2006), p. 4-24. 133

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Sa propriétaire, personne de grande notoriété « honorée dans sa ville, agissant selon le cœur de son dieu », Tacherytmenou, s’adresse ainsi aux lettrés et aux scribes :

(1) Tacherytmenou, justifiée, elle dit : « Ô tous initiés de tout secret concernant le scorpion, qui accédez au temple du Roi des Dieux (Min), qui franchissez le Porche-de-l’Adoles(2)cent-divin, qui accédez au parvis (ḫft-ḥr) (3) de la Mère divine du Seigneur de Coptos (Isis)137 » (…)

Fig. 13a-b. Statue Tachérytmenou. Musée du Louvre, inv. N 2540 (© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet). Fig. 14. P. Caire 4007 de Makarê : plaintives ḥwj.t et lamentatrices jꜢqbj.t (d’après WERBROUCK, Pleureuses, pl. XLV). 137 Granit noir (statue originellement encastrée); H. 0,4 × l. 15,2 × prof. 25,2 cm (ancienne collection Clot-Bey). Étienne DRIOTON, « Un avertissement aux chercheurs de formules », REA 2 (1929), p. 52-54 ; TRAUNECKER, art. cit., p. 76 ; DUNAND, art. cit., p. 16. Pour une mise en lumière de la piété de la dédicataire, cf. Robert K. RITNER, The Mechanics of Ancient Magical Practice (SAOC 54), Chicago 1993, p. 20-21, n. 81. Sur le savoir médico-magique des femmes, voir infra § 7.1. Le Porche-de-l’Adolescent-divin devait faire partie de l’ensemble septentrional. — Sur la traduction ḫft-ḥr « parvis », dans l’inscription de la statue guérisseuse Louvre N 2540, voir Agnès CABROL, Les voies processionnelles de Thèbes (OLA 97), Louvain 2001, p. 92.

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Cet appel ne mentionne pas sans raison le secteur du « parvis » dans le temple d’Isis138, car il s’agit d’un endroit accessible et privilégié où pouvaient se rassembler et dormir les deuillantes ressenties comme des élues par la déesse en raison du partage de son destin. À nouveau apparaît ici le lien unissant Isis de Coptos et Harpocrate, reflet de leur filiation et de leur pouvoir commun sur les maléfiques, mais aussi vraisemblablement de l’étroite proximité de leurs édifices respectifs139. À côté d’Amon-Min, ces deux divinités attirent auprès d’elles tous les lettrés avides de savoir magique se rapportant aux scorpions, venus pour consulter les archives sacerdotales de leurs bibliothèques sacrées ou pour parcourir dans le même but les secteurs du temple en lien avec d’antiques nécropoles, à l’image du prêtre Nesatoum explorant celle des Mnévis à Héliopolis140. En ce lieu, une rencontre est alors envisageable avec cette « corporation » de deuillantes isiaques qui se distinguaient probablement déjà par leurs pleurs141 et par leur attitudes éloquentes142, peut-être même par une vêture spéci-fique telle que la longue cape sombre enveloppant certaines « plaintives » présentes à la fin des cortèges funèbres (Fig. 14)143. D’où plusieurs

138 Là où s’opère l’articulation entre profane et sacré, aujourd’hui les escaliers qui mènent aux parvis des deux temples d’Isis et de Min sont les parties les mieux conservées de ces deux sanctuaires (cf. GABOLDE, « Le temple de Min et Isis », p. 62, fig. 28). Comme secteur avec chapelles, TRAUNECKER, art. cit., p. 76 ; sur les ḥsj, Idem, Coptos, p. 387-391, § 371-377 ; DUNAND, art. cit., p. 16. 139 Sur un temple coptite d’Harpocrate, à l’époque gréco-romaine, voir l’ouvrage de Claude TRAUNECKER, « Les sanctuaires du sud », dans Coptos. L’Égypte antique aux portes du désert, Paris 2000, p. 99-102. Sur le dieu, voir Sandra SANDRI, Har-Pa-Chered (Harpokrates) : die Genese eines ägyptischen Götterkindes (OLA 151), Louvain 2006 ; Michel MALAISE, À la découverte d’Harpocrate à travers son historiographie (MClL 3e série, t. LVII, no 2079), Bruxelles 2011. 140 Voir supra, § 4.1.16. Pour ces antiques formules copiées à l’époque de Nectanébo II, selon l’ordre de Nesatoum sur son monument érigé dans la nécropole, en échange de la protection du taureau Mnévis, cf. SCOTT, « Metternich Stela », p. 201-202 et fig. p. 209 (dédicace). On renverra également à GOYON, Recueil de prophylaxie. 141 Dans les cortèges funéraires, voir la notation régulière de l’œil rem des deuillantes. Sur les « paupières brûlées de larmes », CAUVILLE, « Chentaÿt et Merkhetes », p. 38-39, Doc. no 32. Sur Isis en lamentatrice comme Nephthys saisissant ses mèches / nattes (smꜢ.t), l’eau (sortant) des yeux de ces déesses en gouttes (sntj ?) et en sang, cf. Erik HORNUNG, Zwei ramessidische Königsgräber : Ramses IV. und Ramses VII. (Theben 11), Mainz am Rhein 1990, p. 65 et p. 122. 142 À côté de la gestuelle classique, voir une figuration rare montrant la prise de deux mèches ramenées en avant du visage par une femme debout, auprès d’une structure (chapelle, catafalque ?), Edna RUSSMANN dans S. D’Auria, P. Lacovara & C. H. Roehring (éd.), Mummies and Magic. The Funerary Art of Ancient Egypt. Museum of Fine Arts, Boston; Dallas Museum of Art, Boston 1992, p. 191-192, no 138, qui rapproche du comportement de certains dieux. Voir ici même, supra, p. 319, Fig. 8. 143 Voir ces femmes représentées en une seule incarnation ḥwj.t à longue chevelure sombre bouclée (?), à l’avant de deux « lamentatrices » (jꜢkbj.t), sur le P. Caire 4007 de la reine Makarê (21e dyn.) (Fig. 14), WERBROUCK, Pleureuses, p. 107, pl. XLV (reg. inf.) ; à rapprocher de ḥꜢj.t, « pleureuse » activant sa chevelure pour le défunt (Formule 167), BARGUET, Textes des Sarcophages, p. 378. Pour ce « mantelet », WERBROUCK, op. cit., p. 62, fig. 40 (Imeneminet TT 277) ; une « livrée de deuil » au coloris spécial « gris-bleu poussière », ibid., p. 128-133 et fig. 70.

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questions légitimes. Ces femmes accédaient-elles, en raison de leur service, au rang de « bienheureuses » ou de « louées » leur permettant d’édifier à leur mort de modestes tombes dans l’enceinte sacrée comme cela se fait pour les « noyés divinisés », ḥsj intercesseurs, indépendamment de leur statut social144 ? Déploratrices autour d’Isis compatissante par sa propre douleur à celle des deuillantes humaines, plus que d’autres officiantes, certaines auraient-elles joué à leur tour ce rôle de veuves « intercesseures » les convertissant en intermédiaires privilégiées pour élever jusqu’à leur divine maîtresse les supplications et les prières du commun des mortels, à l’image des « chauves d’Hathor » préposés aux portes des sanctuaires145 ? Laissant ces questions en suspens, plus simplement, elles demeurent le modèle à suivre : qui vient vers Isis avec amour et respect doit surmonter son aversion vis-à-vis des scorpions errants du temple, sinon comme dans la légende, ces monstres vont en prendre ombrage et piquer à mort leur victime, développant ce caractère coptite particulièrement vindicatif évoqué par Élien dans la Phrase II. 4.13. VÉNÉRER OU CONJURER LE SCORPION ? — Il existe un lot d’artefacts qui se caractérisent par la représentation en relief méplat d’un grand scorpion accompagné ou non d’inscriptions et provenant de deux localités différentes (Thèbes et Edfou). La sollicitude de la déesse s’exprime par ses propres paroles sur un objet de provenance thébaine conservé au Metropolitan Museum of Art (inv. 47.105.5). Cet objet, gravé au nom du « père divin » Paeniousaâs, est daté d’entre la Première Période perse et l’époque tardive (525-332 av. J.-C.) (Dodge Fund, 1947) (Fig. 15a)146. Le scorpion (Fig. 15b) évoque les traits de l’espèce Leiurus quinquestriatus. Si on observe le mesosoma, on se rend compte qu’il présente de nombreuses et fines stries (évoquant les carènes) — plus nombreuses que nécessaire — qui traduisent les tergites (cf. infra, § 4.14)147. Le protosoma de l’animal sculpté, dessine comme une sorte de visage. En effet, en saillie, les yeux de l’espèce revêtent l’aspect d’une sorte d’amande très effilée en forme de pointe carénée, tandis que la partie médiane, correspondant au sillon séparant les yeux, donne l’impression d’un nez. L’observation d’un spécimen réel montre, de chaque côté des yeux noyés dans une tache noire, une ligne sombre qui descend en direction des chélicères TRAUNECKER, Coptos, p. 390-391, § 376-377; Idem, « Min et les Bienheureux », dans Coptos. L’Égypte antique aux portes du désert, p. 124-127, p. 130-131. 145 Cf. les prérogatives de la charge de portier exercée par ces médiateurs, Jacques J. CLÈRE, Les chauves d’Hathor (OLA 63), Louvain 1995 (l’un d’entre eux célébrant justement l’Isis de Coptos) ; cf. supra, n. 40. 146 https://metmuseum.org/art/collection/search/552624. H 8 × L 10,6 cm. Ancienne collection Levi de Bension. Vu par Keimer vers 1928. Nora E. SCOTT, « Egyptian Accession », MMA Bull. N.S. 6/2 (Octobre 1947), p. 62-25 : fig. sur p. 62. 147 On précisera que cet effet de resserrement des tergites pourrait être une interprétation de leur contraction dès lors que l’animal adopte une posture de combat, c’est-à-dire en redressant la partie postérieure du mesosoma et en dressant au-dessus de lui le metasoma. 144

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Fig. 15 a. Bloc de Paeniousaâs. Metropolitan Museum of Art, inv. 47.105.5 (© MMA). – Fig. 15 b. Détail de l’animal (dessin S.H. Aufrère). Fig. 15c. Yeux d’un exemplaire de L. quinquestriatus (détail http://worldofreptile. com/wp-content/uploads/2017/05/Leiurus-quinquestriatus.jpg).

(Fig. 15c). La comparaison permet donc d’assurer que l’artiste s’est inspiré d’un modèle réel et a tenté d’en rendre l’aspect, à cette différence près que la partie caudale présente sept éléments sur le metasoma au lieu de cinq, probablement en référence au chiffre « sept » magique des scorpions (cf. supra, § 4.7). L’appendice caudal de l’arachnide est encadré par les quatre lignes irrégulières gravées de la conjuration de la Protectrice (Fig. 15a) :

(1) Paroles dites par Isis : « J’ignore ton mal (2) (ḏd mdw jn Js.t ḫm⸗j ḏw⸗k) ; je suis confiante pendant toute prière » (hr⸗j ḫft swꜢš nb). (3) Le père divin [d’Amon] P[en]-Iousâas » (jt-nṯr [Jmn] P[n]-Jw⸗s-῾Ꜣ⸗s).

En proclamant l’ignorer, Isis nie l’existence même du mal (ḏw) par cette proscription absolue bannissant toute propagation de l’impur dans certaines zones148, selon une formule qui pourrait rappeler l’arsenal apotropaïque déployé 148 Voir Jérôme RIZZO, Le terme djou dans les textes de l’ancienne Égypte, novembre 2003, Université Paul Valéry, thèse inédite ; Idem, « L’exclusion de ḏw de l’espace sacré du temple » (cf. supra, n. 133); pour le temenos, ibid., p. 119-120. Sur la plasticité du concept, cf. Arlette

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dans les temples aux emplacements stratégiques des murs d’enceinte et des portes149. Ce mal serait-il ici personnifié par l’image d’un grand scorpion mâle en posture d’attaque150, émanation potentielle de la semence de Seth151, ou bien incarnerait-il la déesse elle-même qui, sous cette forme, mettrait à mort le Reptile par excellence, Apophis152 ? La titulature du dédicataire implique la vénération, à Karnak, d’une Isis sensible aux prières, magicienne tutélaire d’un prêtre sans doute chargé d’assurer la préservation de l’espace sacré contre toute, infection ou corruption153, puisque l’on sait que la présence des scorpions dans les temples, contrairement à ce qui se passait à Coptos où ils jouissaient d’un autre statut, devait être éradiquée (cf. supra, § 4.11). De tels monuments y concourent. Ainsi, un tel bloc aurait-il pu être inséré dans un mur, bien en vue des passants. 4.14. Un ensemble d’artefacts similaires (Musée égyptien du Caire, JE 36507, 36509-36510)154, d’ordinaire daté du Nouvel Empire mais date plus probablement d’une période plus tardive (saïto-perse ?), serait investi d’un sens différent. Cet ensemble d’objets réalisés en calcaire ou en stéatite, provient de la région d’Edfou, connue pour d’autres attestations magiques d’Isis155. L’épais bloc oblong du Caire JE 36507156 (Fig. 16a) exalte en relief la figure détaillée d’un grand scorpion en position d’attaque, son metasoma à sept segments tourné vers le bas, l’aculeus allant à la rencontre du syntagme dj⸗s ῾nḫ (Fig. 16b)157. DAVID, De l’infériorité à la perturbation. L’oiseau du “mal” et la catégorisation en Égypte ancienne, Wiesbaden 2000. 149 TRAUNECKER, « Chapelle de magie guérisseuse » ; CABROL, Voies processionnelles, p. 660, 763-764. 150 Cf. supra, n. 107. 151 En ce cas, le ⸗k de ḏw⸗k renvoie à un ennemi dont on ne souhaite pas prononcer le nom. Sur ce venin, Herman TE VELDE, Seth, the God of Confusion. A Study of his Role in Egyptian Mythology and Religion, Leyde 1967, p. 38-39. 152 Sur son pouvoir contre Apophis et son engeance, cf. GOYON, « Hededyt », p. 447-448, 451-453. 153 Sur la relation étroite entre les cultes de Coptos et de Karnak, ainsi que l’attestation thébaine de la Veuve de Coptos, cf. COULON, « Les formes d’Isis à Karnak », p. 134-135. Pour le statut des « pères divins », Joachim F. QUACK, « Les Normes pour le culte d’Osiris », dans L. Coulon (éd.), Le culte d’Osiris au Ier millénaire av. J.-C. Découvertes et travaux récents (BdE 153), Le Caire 2010, p. 23-32 : p. 25-30. 154 Les deux objets JE 36509-36510 (Fig. 17a et b) sont deux plaques — une en schiste et l’autre en calcaire — revêtues d’une silhouette moins naturaliste de scorpion que l’on imagine comme ex-votos insérés dans un pavement ou une paroi pour rappeler la présence de la déesse. Datation TPI perse envisageable. 155 Maurice ALLIOT, « Une stèle magique d’Edfou », dans Mélanges Maspero, vol. 1 (MIFAO LXVI), Le Caire 1934, p. 201-210 ; Annie GASSE, « La stèle Brügger, une stèle d’Isis sur les crocodiles », ENiM 7 (2014), p. 125-143 : p. 140. 156 Calcaire (?) teinté en rouge ; L 18 × H 12,5 × Pr. 22 cm. Cf. Betsy M. BRYAN, art. « Scorpion-stone », dans B. M. Bryan & E. Hornung (éd.), The Quest for Immortality. Treasures of Ancient Egypt, Washington, DC 2002, p. 183, no 90. 157 Rapprocher de la subtile accentuation en statuaire du don de vie accordé par Isis magicienne ; cf. Olivier PERDU, « L’Isis de Ptahirdis retrouvée », RdE 64 (2013), p. 93-133 : p. 112, pl. 8.

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La légende supérieure permet de constater qu’il s’agit d’un ex-voto à « IsisHededet, mère du dieu qui crée sa beauté » (i.e. celle du dieu) (dj Js.t-Ḥdḏ.t mw.t-nṯr qmꜢ.t nfr(w)⸗f)158, laquelle désigne la divinité figurée. On dénombre treize stries hérissées de carènes, puisque l’artiste reproduit les tergites et les intertergites (alternant des bandes sombres et claires) en les considérant à l’identique. Ces treize éléments transposent alors les sept tergites du mesosoma. Considérés ensemble avec les fins pédipalpes et les segments fasciculés du metasoma aux dépressions bien observés par l’artiste, les tergites carênées annoncent une tentative de représenter L. quinquestriatus (Fig. 20c), à la différence près que les yeux, au lieu de revêtir une forme amygdaloïde de part et d’autre de l’arête centrale (cf. supra, § 4.13), rappelle des yeux humains de part et d’autre d’une sorte de nez (Fig. 16d). En revanche, le telson (la glande à venin) est minimisé, à la différence de l’aiguillon, accentué. Le texte gravé sur la partie supérieure de l’objet est le suivant :

(1) Isis-Hededet, mère du dieu, qui crée sa beauté (Js.t-Ḥdḏ.t mw.t-nṯr qmꜢ.t nfrw⸗f). (2) Offrande-que-donne-le-roi à Isis-la-Grande, mère du dieu (ḥtp-dj-nsw.t (n) Js.t wr.t mw.t-nṯr). Puisse-t-elle donner vie, (3) prospérité, santé, acuité, faveur, amour, existence sur terre159 dans son sillage en tout lieu où elle se trouve (dj⸗s ῾nḫ w(ḏꜢ) s(nb) spd-ḥr ḥsw.t mrw.t wnn tp⸗s šmsw.t⸗s m bw nb wnn⸗s jm) au ka de Djéhouty (et) de son épouse, la nourrice Hede(4)dytiryt (n kꜢ n Ḏḥwtj ḥm.t⸗f mn῾.t Ḥdḏ.t-jrj.t).

Dans la sphère apollinopolite, ces bienfaits émanent de la grande déesse, créatrice de son dieu-fils Horus d’Edfou, et garante de toute vie pour les humains qui la sollicitent en vertu de sa puissance sur les forces néfastes. Celleci pourrait être invoquée, non pas uniquement pour se prémunir contre les scorpions mais afin de se protéger des serpents, dans la mesure où elle est spécialisée dans la lutte contre Apophis160. L’épithète « qui crée sa beauté » 158 L’objet, qui ne semble pas figurer parmi les documents réunis par Jean-Claude Goyon (cf. infra), est également approché, dans le cadre de son étude, par Pierre P. KOEMOTH (« Isis-Hededet », ici même, p. 419-420 et n. 20). Celui-ci donne des arguments philologiques en faveur une datation saïte. Sur cette déesse, voir essentiellement Dimitri MEEKS, art. « Hededet », LÄ II (1977), col. 1076-1078 ; GOYON, « Hededyt ». 159

À lire : . Sur son pouvoir contre Apophis et son engeance, cf. GOYON, « Hededyt », p. 447-448, 451-453. 160

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Fig. 16a-b. Ex-voto de Djéhouty dédié à Isis-Hededet. Edfou. Musée égyptien du Caire JE 36507 (© Musée égyptien du Caire) et détail (dessin S.H. Aufrère). Fig. 16c. Détail du metasoma de L. quinquestriatus (dessin S.H. Aufrère). Fig. 16d. Détail de la queue.

(qmꜢ.t nfrw⸗f ), succédant à celle de « mère du dieu », renvoie à Horus d’Edfou161. Le nom de l’épouse du dédicataire, Hededjetiryt, « Hededjet-laGardienne » se réfère à un aspect du rôle de la déesse apollinopolite auprès 161

Cf. LÄGG I, 210b.

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de son fils. Une stèle provenant d’Edfou, datée de la 18e dynastie et dédiée par le barbier d’Horus d’Edfou Saiset, présente une formule de même type évoquant Horus d’Edfou à tête de faucon et la déesse Hededet à la tête surmontée d’un scorpion162. 4.15. Ces petits monuments jouent sans doute le rôle d’ex-votos dédiés à la déesse pour agir en son nom, demander sa protection ou la remercier de son appui contre des espèces venimeuses (Fig. 17a). Une autre fonction possible consisterait à sacraliser un espace ou immuniser le dévôt par contact direct. À Assouan, selon l’auteur arabe Ibn Rusteh rapportant des témoignages sur les vertus apotropaïques des représentations égyptiennes dans les temples, on faisait toucher aux enfants l’image gravée d’un scorpion à l’intérieur du temple, à un jour bien déterminé, pour les immuniser contre les piqûres163. Ces pierres

De g. à dr. : Fig. 17a. Musée du Caire JE 36509. Fig. 17b. Musée du Caire, JE 36510 (© Musée égyptien du Caire). En bas, Fig. 17c. Scorpion en bronze kouchite provenant de Kawa (25e dynastie). Collection Ny Carlsberg, inv. ÆIN 1700 [0632].

162 Georges DARESSY, « Notes et remarques », RecTrav 16 (1894), p. 42-60 : p. 43, no XCI. Voici la traduction : « Donner des adorations à Horus d’Edfou, se prosterner devant le dieu grand par le barbier Saiset. » et « Offrande que donne le roi à Horus d’Edfou et Hededet pour qu’ils donnent vie, prospérité, santé, acuité, faveur, amour, existence sur terre au ka du barbier d’Horus d’Edfou, Saiset. Il a fait pour sa maîtresse le silence, (étant) parfait de caractère, favori d’Horus dans son temple. » 163 Voir Stéphane PASQUALI, « Les hiéroglyphes égyptiens vus par les auteurs arabes du Moyen Âge ou l’aura du passé pharaonique », dans À l’école des scribes. Les écritures de

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sculptées en surface de la figure de l’arachnide relèvent alors de l’arsenal apotropaïque permettant d’ensemencer magiquement un sol sacré ou d’y transférer une immunité. Dans l’hypostyle du temple T de Taharqa à Kawa, un remarquable petit bronze de scorpion en position d’attaque a été découvert, reposant sur une plaquette percée de trous aux quatre angles et dotée au-dessous d’une robuste tige médiane pour fixation à un support maintenant détruit, probablement en relation avec le matériel cultuel du sanctuaire (Fig. 17c)164. Les incisions visibles sur les sept tergites semblent annoncer les stries carénées de Leiurus quinquestriatus. 5. Point 6 : la létalité présumée des scorpions coptites et la réalité de la mort par scorpionisme 5.1. La mortalité et l’instantanéité de la mort par piqûre de scorpion sont documentées dans un tableau fourni d’époque gréco-romaine par des exemples attestés en papyrologie165. Rappelons (cf. supra, § 4.6) que les venins de scorpions, neurotoxiques et cardiotoxiques, peuvent être mortels pour les personnes souffrant de déficiences neurologiques ou cardiologiques, tandis que la gravité des effets s’accentue de façon inversement proportionnelle à la masse corporelle de l’individu piqué, ce qui expose particulièrement les enfants. Cela dit, il y a beaucoup de piqûres blanches, car le scorpion économise son venin et ne s’en sert qu’en dernière extrémité, puisqu’il lui faut près d’une semaine pour recharger son telson166. Les Anciens, comme Pline, rapportent pourtant des croyances particulières abondamment répandues qui évaluent, suivant le sexe de la personne, l’échelle de mortalité des piqûres de scorpions167. l’Egypte ancienne (CENiM 15), Montpellier 2016, p. 213-225 : p. 215, n. 18 = Gaston WIET, Ibn Rusteh, Les atours précieux, Le Caire 1955, p. 215. 164 AEIN 1700 (H. 3,5 × l. 4,2 × prof. 7,4 cm ; 7e siècle av. J.-C.). Voir Mogens JØRGENSEN, Catalogue. Egypt V, Egyptian Bronzes Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague 2009, p. 254, 88.3, photo de p. 257 ; Tine BAGH, J. Garstang’s Excavations in Meroe and F. Ll. Griffith’s in Kawa, Sudan in the Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague 2015, p. 110, fig. 2.38. Noter une certaine parenté de style avec les blocs-scorpions du musée du Caire. 165 TOD, « The Scorpion… », p. 58 ; Jon DALRYMPLE, « Snakes and scorpions in late antique Egypt: remarks on papyri documenting envenomation », dans J. Frösén, T. Purola & E. Salmenkivi (éd.), Proceedings of the 24. Congress of Papyrology. Helsinki, 1-7 August 2004, 2 vol. Tammisari / Ekenäs 2007, vol. 1, p. 205-213 ; Hélène CHOULIARA-RAIOS, Ιοβόλοι σκορπιοί. Μαγικοί πάπυροι και άλλες μαρτυρίες (= Scorpions venimeux. Papyrus magiques et autres témoignages) (Dodoni Suppl. 81), Ioannina 2008 (un aperçu de contenu très intéressant par Panagiotis N. DOUKELLIS, « Regard sur les publications helléniques. Chroniques 2012 », DHA 38 (2012), p. 215). Sur les moyens employés chez les classiques, voir STEIER, « Spinnentiere (Skorpion) », qui fournit l’essentiel des références de l’Antiquité. On verra aussi TRAUNECKER, « Chapelle de magie », p. 76. 166 JUNCA & VACHON, Les arachnides venimeux et leurs venins, p. 43 : « le Scorpion contrôle, ou peut contrôler, son éjaculation qui peut être nulle, partielle ou totale. » 167 Pline, Hist. 11, 25, 86. Selon lui, pour les jeunes filles et pour les femmes, la piqûre est invariablement fatale, tandis que les hommes ne décèdent que s’ils sont piqués le matin alors que le venin est dans sa pleine force ; cf. TOD, « The Scorpion… », p. 56.

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6. Point 7 : astuces égyptiennes contre les attaques de scorpions 6.1. Les astuces dont les Égyptiens sont crédités par Élien pour se préserver des Buthidae, soulèvent un vif intérêt, car ces arachnides, selon les propos mêmes de l’auteur, se seraient avérés d’une extrême inventivité pour piquer leurs victimes : La grande ingéniosité dont la nature semble avoir gratifié les scorpions est une autre particularité de ces animaux. Les Libyens, qui redoutent leur grand nombre et leurs ruses, ont imaginé mille artifices pour les contrer : ils portent des chaussures fermées, dorment en hauteur sur des lits surélevés, éloignent des murs les sangles de leurs sommiers, mettent les pieds de leurs lits dans des brocs remplis d’eau, et se figurent qu’ils peuvent alors s’endormir en toute tranquillité sur leurs deux oreilles. Mais quelles astuces ces animaux n’imaginent-ils pas ! Si un scorpion trouve dans la toiture un endroit auquel il peut se suspendre, il s’y agrippe très fermement avec ses pinces et laisse pendre son dard. Un second descend alors du toit, en se laissant glisser sur le corps du premier et à son tour il s’agrippe avec ses pinces au dard du premier et laisse son dard suspendu en l’air. Un troisième vient alors s’y agripper, suivi d’un quatrième qui s’agrippe au dard du troisième, puis d’un cinquième qui se met à la file, et les suivants font de même en se laissant glisser le long de ceux qui les précèdent. Finalement, le dernier pique le dormeur et regrimpe le long de ceux qui sont au-dessus de lui, suivi par l’individu qui était derrière, puis par le troisième en partant du bas, et par le reste de la file jusqu’à ce que tous les scorpions se détachent les uns les autres comme une chaîne qui se défait168.

Certes Élien, qui admet ailleurs que les Psylles sont insensibles aux dards des scorpions et aux autres animaux venimeux169, s’adonne au goût de la paradoxographie en proposant aux Grecs instruits un modèle de scorpion d’autant plus dangereux qu’il est rusé, dès lors que l’auteur tient à exprimer le caractère néfaste qu’il leur a déjà attribué à Coptos. Il n’échappera à personne que, le port de chaussures fermées mis à part, le fait de surélever le lit170 et de l’éloigner du mur rappelle des habitudes que l’on observe aujourd’hui en Égypte où l’on préfère dormir en été sur les toits avec des matelas posés sur des cafas que de passer une nuit à l’intérieur où peut s’introduire un scorpion. 6.2. Cependant, bien qu’Élien évoque « quantités d’inventions / d’astuces » (μηχανὰς μυρίας), les textes égyptiens nous renseignent moins sur les moyens physiques inventés pour se prémunir contre l’arthropode que sur ceux qui permettent de contrecarrer les effets de ses piqûres grâce aux enchantements

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Élien, Hist. an. 6, 23 (vol. 1, p. 152-153 Zucker). Ibid. 16, 27 (vol. 2, p. 173 Zucker). 170 On rappellera les renseignements fournis par Néarque qui fait allusion au rite domestique annuel brāhmanique de la « montée » des lits durant la saison des pluies pour éviter les morsures mortelles des serpents et leur « redescente » au mois de décembre, rite conservé dans l’Āśvalāyanagṛhyasūtra 2, 3 de l’école védique Āśvalāyana et sous une forme métaphorique dans un sūtra bouddhique (Jāṇussoṇisutta) de l’école Theravāda. 169

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dont la population171 dispose à travers l’art maîtrisé par les « conjurateurs de Serqet ». On a pourtant une idée des ruses mises en œuvre pour contrer une faune perpétuellement inopportune. Ainsi les Égyptiens évitaient, selon Hérodote, d’être dévorés par les moustiques, soit en s’enveloppant dans des filets de pêcheurs, soit en dormant perchés en haut de tours172. Même si, pour les scorpions, il existait, au dire d’Élien, un large éventail de manœuvres défensives, celles-ci ne sont pas parvenues jusqu’à nous, probablement en raison de leur grande banalité. Par exemple, l’usage de « rafraîchir » (qbḥ) la surface du sol est une pratique qui aurait protégé de l’attaque de toute vermine, et était donc employée dans les autres sanctuaires173. Bernard Bruyère avait reconnu le caractère indispensable, dans les maisons de Deir el-Médîna, de badigeons clairs, non seulement pour des raisons de propreté mais comme motif « d’esthétique et de sécurité contre les scorpions et les serpents »174. S’il faut imaginer nombre de pièges175, la plupart du temps, il suffisait d’éloigner les venimeux des lieux où leur présence était jugée néfaste176. En cas d’obligation de s’en débarrasser sur-lechamp, une incantation ramesside invoquant la « Dame de Khemmis, épouse d’Horus », accompagnait de sa déclamation l’acte de « saisir les scorpions par la queue (corne) » en toute impunité177. Une formule gravée sur une stèle 171 Voir Jean-Claude GOYON, « Un parallèle tardif d’une formule des inscriptions de la statue prophylactique de Ramsès III au Musée du Caire (Papyrus Brooklyn 47.218.138, col. X + 13, 9 à 15 », JNES 57 (1971), p. 154-159 ; Idem, Recueil, p. 49, 53, 60, 78, 109 sq., 115, 121 ; Bernard VAN DE WALLE, « L’ostracon E 3209 des Musées royaux d’Art et d’Histoire mentionnant la déesse scorpion Ta-Bithet », CdE XLII, Fasc. 83 (1967), p. 13-29 ; Lucas BAQUÉ MANZANO, Fills de Djaamu. Els apotropaia dels Textos de les Piràmides fórmules per sobreviure als perills dels més enllà, Barcelone 2015. On renverra aussi à Magali DE HARO SANCHEZ, Catalogue des papyrus iatromagiques grecs, vol. 3 : Charmes et amulettes contre les scorpions. http://orbi.ulg.ac.be/ bitstream/2268/15686/1/papyrologicalupie_vol13-04p37a.pdf ; CHOULIARA-RAIOS, Ιοβόλοι σκορπιοί ; Ildico MAASSEN, « Schlangen und Skorpionsbeschwörung über die Jahrtausende », dans A. Jördens (éd.), Ägyptische Magie und ihre Umwelt (Philippika 80), Wiesbaden 2015, p. 171-187. 172 Sur la protection contre les moustiques, voir ici même AUFRÈRE, p. 175-194, supra. 173 GOYON, Recueil, p. 115 et p. 116, n. 2. 174 Bernard BRUYÈRE, « La nécropole de Deir el-Médineh », CdE XI, no 22 (1936), p. 329340 : p. 335. 175 Comparer avec les techniques de piégeage à Madagascar : Raymond DECARY, « La chasse et le piégeage chez les indigènes de Madagascar », Journal de la Société des Africanistes 9 (1939), p. 3-41. L’ouvrage de Max VACHON, Étude sur les scorpions, Alger 1952, p. 5, témoigne de l’existence de pièges à scorpions. 176 Voir VON KÄNEL, « La nèpe et le scorpion », p. 518 ; cf. Ioerworth E. St. EDWARDS, Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae VIII, Londres 1939, pl. 39 (stèle de Djéhoutymès). Voir aussi la stèle de Nebesheh qui indique qu’il revient au conjurateur de Serqet, Harkhébis, de chasser les scorpions dans le palais ou lors des déplacements du roi en bateau ; cf. Frédérique VON KÄNEL, Les prêtres-ouâb de Sekhmet et les conjurateurs de Serket (Bibl. EPHE 87), Paris 1984, p. 201-203 ; Philippe DERCHAIN, « Harkhébis, le psylle astrologue », CdE 64, Fasc. 127-128 (1989), p. 74-89 : p. 81 ; Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des Pharaons, Paris 2005, p. 450. 177 VON KÄNEL, Prêtres-ouâb, p. 184. Cf. Claude JUNCA & Max VACHON, Les arachnides venimeux et leurs venins. État actuel des recherches, Bruxelles 1968, p. 86-87, où selon une technique risquée de prise par la queue, certains habiles praticiens les capturent à la main (gantée) ou à l’aide d’une pince. Encore aujourd’hui, cette pratique à main nue est courante en Asie.

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memphite d’Onnophris (vers 332-330 av. J.-C.), prêtre de Min, pouvait être récitée sur un répulsif destiné aux serpents, aux scorpions et aux animaux venimeux (ḏdf.t), assurant la protection de la demeure dans laquelle ce talisman était inséré : « Réciter sur un oignon (ḥḏ) à mettre dans chaque coin de la maison, et asperger toute la maison avec une mixture d’oignon et de bière du soir au matin, pendant que l’homme dort sur son lit » et, plus loin : « Réciter sur de l’oignon178, broyer dans de la bière et en disséminer la maison du soir au matin. Aucun serpent mâle ou femelle, aucun scorpion, aucune vermine, aucun mort mâle ou femelle n’entreront dans cette maison179. » Isis, connue pour exceller en matière de soins, était, selon Galien180, réputée avoir inventé une recette jadis conservée dans le temple de Ptah à Memphis181, tandis que son image peinte fondait l’efficacité d’un remède dans la main du prêtre-magicien182. Apollonius de Tyane, qui connaissait les secrets des Égyptiens, était parvenu à protéger les habitants de Byzance et d’Antioche contre les scorpions et les moustiques au moyen d’une statue de scorpion enfoncée dans le sol183. Des écrits contre les scorpions — certains rédigés en grec184 — sont encore attestés, en arabe, en Égypte à l’époque musulmane185. 178 Nous lisons comme Karl Piehl (RecTrav 1 [1887], p. 135) : , mais il est très possible que le signe rond soit simplement une erreur pour la préposition ḥr. 179 Stèle Glyptothèque Ny Carlsberg ÆIN 974 + BM 190, parties haute et basse du monument ; Otto KOEFOED-PETERSEN, Les stèles égyptiennes (Glyptothèque Ny Carlsberg), Copenhague 1948, pl. 116 ; cf. THEIS, Magie und Raum, p. 748. Voir surtout Jurgen OSING, « Zu einigen magischen Texten », dans U. Luft (éd.), The Intellectual Heritage of Egypt (Studia Aegyptiaca 14), Budapest 1992, p. 473-480 : p. 476-479. 180 GALIEN, De comp. medic. per genera 5, 773-775. Référence fournie par Yves GRANDJEAN, Une nouvelle arétalogie d’Isis à Maronée, Leyde 1973, p. 27. 181 Une telle idée est confirmée par un passage du Pap. Chester Beatty XI, ro 4, 7-8, où il est question d’une image d’Isis, dont on se sert contre le venin et qui se trouve entre les mains du conjurateur de Selqis ; cf. VON KÄNEL, Prêtres-ouâb, p. 183-184 ; PERDU, « L’Isis de Ptahirdis retrouvée », p. 103 (I), p. 111 (ab), p. 123. 182 Déesse « dessinée sur une bande de toile fine, à l’intérieur de laquelle sont mises des plantes nsw… », à vertu prophylactique, sous l’obédience de la « Dame de Chemmis / épouse d’Horus » ; cf. VON KÄNEL, Prêtres-ouâb, p. 183-184. Dans une conjuration du mal de tête par des efflorescences de joncs, c’est Isis qui vient « balançant sa chevelure comme une deuillante » en mimêsis de celle ébouriffée caractérisant son fils Horus frappé par Seth ; cf. BORGHOUTS, Ancient Egyptian Magical Texts, p. 31, § 44 (P. Budapest 51.1961). 183 Walter L. DULIÈRE, « Protection permanente contre les animaux nuisibles assurée par Apollonius de Tyane dans Byzance et Antioche. Évolution de son mythe », ByzZeit 63/2 (1971), p. 247-277 ; WEYNANTS-RONDAY, « L’Égyptologie et l’ethnographie », CdE VI, Fasc. 12 (1931), p. 244-250 : p. 249 (contre scorpions et mille-pattes, représentations de leurs prédateurs par les Malais). À Carthage, noter, pour les fondations de maisons, la mutilation de la queue de scorpions en bronze avant de les enfermer dans des poteries ; cf. Ernest BABELON & J.-Hadrien BLANCHET, Catalogue des bronzes antiques de la Bibliothèque Nationale, Paris 1895, p. 491, no 1231. 184 Voir les trois amulettes P. Oxy. 2061-2063 = PGM vol. 2, XXVIIIa-c ; PGM CXII, 1-5 et CXIII, 1-4 ; cf. BECK (éd.), The Greek Magical Papyri in Translation (2e éd.), Chicago – Londres 1992, p. 313. 185 Voir Histoire Naturelle de l’Égypte par Prosper Alpin 1581-1584, 2 vol. (Coll. des voyageurs de l’Ifao 20), Le Caire 1979, vol. 1, p. [169] : « Ne font-ils pas des amulettes pour chasser les rats, les punaises, les puces et les moustiques, les scorpions, les tarentules et les serpents ? »

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PHRASE III (p. 308) 7. Points 8-11 : les deuillantes aux pieds nus. — Épilogue 7.1. Cette phrase a reçu une interprétation selon laquelle ces deuillantes aux pieds nus auraient été des célébrantes de mystères accomplis « dans une sorte de transe », qui les auraient insensibilisées aux piqûres de scorpions186. Cette théorie ne résiste pas à l’épreuve des faits, d’autant qu’il est difficile d’ignorer des inoculations, extrêmement douloureuses exigeant d’être soignées immédiatement, particulièrement dans la zone plantaire d’une innervation fort sensible. Même Neith crie sa douleur et met en émoi la sphère divine quand son pied se pose sur une « chose brûlante » (ḫt tꜢw) qu’il faut identifier comme produite par le dard du scorpion187. En réalité, le texte d’Élien plaide pour un tableau où des femmes de toutes conditions sociales dorment ensemble, démocratiquement réunies sur le parvis (cf. supra, § 4.10), ou aux abords de l’entrée, si ce n’est à l’intérieur du temple de l’Isis coptite, déesse dont la compassion s’augmente de sa propre expérience cruelle comme victime, avec son fils, de l’arachnide, sous son incarnation Tefnout-Isis à laquelle pourrait renvoyer la fameuse figuration de l’Isis coptite se tenant le pied au registre du bas-relief du 5e nome de Haute-Égypte au temple d’Hibis (cf. infra, § 3.4 ; Fig. 3). Ces fidèles servantes ont toute confiance en leur protectrice, puisqu’elles « dorment par terre » auprès d’elle, comportement révélant soit un naturel abandon au sommeil en raison de leur présence permanente dans le temple, soit de l’exigence d’un ensommeillement rituel parfois requis lors de certaines cérémonies188, mais par contre absent dans

Voir aussi Jürgen Wasim FREMBGEN, « The Scorpion in Muslim Folklore », Asian Folklore Studies 63/1 (2004), p. 95-123. Pour mémoire, on citera l’existence d’un petit papyrus arabe daté du Xe-XIe siècle qui mentionne dans son inscription, autour du dessin d’un scorpion, l’efficacité des « graines de moutarde » contre la piqûre de cet arachnide (Pap. Heidelberg Arab inv. 162). Voir UNTERMANN (éd.), Ägyptische Magie, p. 27. Voir aussi Giovanni CANOVA, « Serpenti e scorpioni nelle tradizioni arabo-islamiche », Quaderni di Studi Arabi 9 (1991), p. 219-244. 186 DUNAND, Le Culte d’Isis, p. 143 : « Sur le culte d’Isis à Coptos, nous possédons un témoignage intéressant, qui est celui d’Élien ; il décrit en effet une cérémonie “secrète” célébrée par les femmes qui se lamentent et mènent le deuil auprès de la déesse ; au cours de ces lamentations — il s’agit certainement de la commémoration de la mort d’Osiris et de la quête d’Isis — elles semblent atteindre une sorte d’extase ou de transe, si bien qu’elles ne ressentent pas les piqûres des scorpions. C’est là une des “cérémonies diverses” que l’on célèbre en l’honneur d’Isis à Coptos. » 187 GOYON, Recueil, p. 71, l. 15, p. 72, n. 5 (khet taou pouvant désigner le « dard du scorpion » = P. Chester Beatty VII, ro 5, 2-3, GARDINER, HPBM III, pl. 34, p. 58,e) et p. 75-76, l. 6 (mise en parallèle des deux passages proches dans le commentaire). Voir aussi la déesse piquée sous son possible avatar de chatte, n. 195 infra. 188 Dans un contexte participatif différent, cf. cette pratique d’endormissement la nuit dans le temple de Mout, le jour de la fête de Renenoutet (P. Leyde T 32, III, 22-23) contrastant avec la « veille » dans le Château-du-Lit le jour de la délivrance de Mout (III, 23) (p. 55 Herbin).

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les traditionnelles « veillées funèbres »189. Elles se rassemblent autour d’Isis, peut-être matérialisée en ce lieu par une statue ou un relief spécifique, par exemple sur le modèle de la rare figuration de leur maîtresse, inaugurant le registre coptite du panthéon de ce terroir. Ce sommeil pourrait de préférence souligner la phase nocturne, sombre période propice aux événements néfastes et temps préféré des venimeux sortant dès la nuit tombée190. D’ailleurs la légende en garde mémoire, qui précise (c’est Isis qui parle) à propos de son escorte : « Je me mis en route au moment du soir et sept scorpions se mirent en route derrière moi. » Donc, sous réserve de ne pas marcher directement sur l’arachnide en question, les compagnes de la déesse ne risquent rien de sa compagnie soumise à sa volonté191. Élien les inscrit dans un rapport mimétique, soulignant ce critère crucial de « pieds nus », déchaussement soigneusement évité par les personnes marchant dans des lieux obscurs ou nocturnes192. En effet, tous savent que la scorpionne (djel) est « une très petite chose, sœur du Serpent, (…) sœur d’Apopis, (…) en attente de quelqu’un allant dans la nuit »193. La « plante des pieds » (ṯb.tj)194 au contact du sol, domaine chthonien de Geb, constitue une partie anatomique essentielle souvent identifiée, lors de sa protection magique, à la personne des divins marcheurs comme l’indomptable Rê parcourant l’univers ou les sœurs divines battant la contrée en quête 189 Dans un contexte de funérailles, voir Sylvie DONNAT, « Le bol comme support de la Lettre au mort. Vers la mise en évidence d’un rituel magique », dans La Magie en Égypte, Paris 2002, p. 209-236 : p. 235, fig. 2. Noter que le sommeil est supprimé lors des funérailles de l’Apis. 190 Sur la base du lien entre le deuil et la chevelure, cf. la Formule 332 des Textes des Sarcophages (BARGUET, op. cit., p. 522) où l’on évoque « cette nuit où la terre gronde tandis que les tresses sont dans le deuil » ; et la Formule 939 (BARGUET, op. cit., p. 550) mentionnant la « chevelure douloureuse » « la nuit où Isis était couchée ». Voir aussi le processus de catastrophe cosmique à la mort d’Osiris, souligné par « …désolation et lamentation … durant la nuit sans que le jour se manifeste… » et l’attitude deuillante de la communauté divine, « leurs mains sur leurs têtes » (P. Salt 825, I, 1-2, p. 137 Derchain). Sur l’affliction et la relation aux ténèbres, Mark SMITH, Traversing Eternity: Texts for the Afterlife from Ptolemaic and Roman Egypt, Oxford – New York 2009, surtout textes 1-10. 191 Voir peut-être en ce sens (Fig. 18) la planche de pieds du cercueil de femme Cleveland MA 1914.715 d’époque romaine à décor traditionnel, où deux scorpions paraissent de part et d’autre de semelles à décor-damier en sparterie et non au-dessous, qui pourrait suggérer une escorte isiaque protectrice sur la voie de l’au-delà ; cf. Chr. RIGGS, The Beautiful Burial in Roman Egypt. Art, Identity and Funerary Religion, Oxford 2005, p. 51-52, fig. 15. Cependant, dans la collection Liszt, un cartonnage d’époque gréco-romaine montre deux scorpions sous les sandales, ce qui va plutôt dans le sens d’un danger à anéantir. 192 Voir Voyage en Égypte du Père Antonius Gonzales 1665-1666, 2 vol., Le Caire 1977, vol. 2, p. 587-588. Voir aussi (p. 587) les moyens rudimentaires de soigner les piqûres de scorpions. 193 P. Turin 1993 ; cf. BORGHOUTS, Ancient Egyptian Magical Texts, p. 78, § 111. Voir aussi la malveillance de celui « venu de dessous un arbre, le dard (῾b) dressé, qui a piqué le berger dans la nuit, quand il était couché », le souffrant étant assimilé à Horus ; cf. ibid., p. 77-78, § 108. 194 Sur ces membres dans le cadre de l’intégrité du corps, HERBIN, Livre de parcourir l’éternité, p. 249-251 ; Marc GABOLDE, BIFAO 95 (1995), p. 237-238. Noter que Sia, en relation avec le pouvoir créateur magique, peut être smn au pied (CT IV, 161f (326), cf. NYORD, Breathing, p. 369, n. 3765, insistant sur la maîtrise du potentiel créatif plutôt que sur la partie corporelle elle-même.

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du Bien-Aimé195. Isis entretient une relation particulière avec cette zone comme pourrait le révéler le nom de la plante pꜢ-tgs-Ꜣs.t, « empreinte-de-pied-d’Isis » mentionnée dans des charmes pour voyance dans le P. mag. de Londres et Leyde196, allant dans le même sens protecteur que l’invulnérabilité souhaitée là par une transmutation en matériaux inattaquables comme le bronze et l’ébène197. Unies à leur maîtresse par le lien affinitaire de douleur / privation, il se pourrait, en prolongeant une proposition de François Herbin pour la prêtresse Taïroudjet dotée du titre rare de « Grande veuve dans Coptos du Double-Pays » (gmḥ.t ῾Ꜣ.t n Gbtjw-tꜢ.wj)198, que ces femmes eussent été impliquées comme officiantes dans certaines déplorations rituelles, au cours des mystères coptites du mois de Khoiak. Si on accepte l’idée d’une mimésis accomplie entre elles et Isis, en vertu de leur compassion mutuelle, elles seraient investies comme leur souveraine, dans les processus de soins en tant que femmes versées dans un savoir199 de guérisseuses200. La publication récente d’un torse féminin momifié pourrait 195 Cf. dans une formule de conjuration de la mtw.t du scorpion, la mention de la déesse Nb.t dbwt (ṯbty, « les deux plantes de pied »), au P. Chester Beatty VII, vo 5, 4 (= LÄGG IV, 164). Voir dans le « Chapitre de conjurer la chatte », la formule protectrice des pattes divines : « Ô cette chatte, tes plantes de pattes sont les plantes de pied d’Isis et Nephthys qui parcourent le Double-Pays tout entier. Elles ont fait tomber Venin sur le sol pour cette chatte » (JELINKOVAREYMOND, Djed-Ḥer, p. 80, l. 175, p. 83 et n. 10 (Rê : « Stèle Metternich », l. 31) ; Jocelyne BERLANDINI, « Le “double chaouabti gisant” des princes Ramsès et Khâemouaset », RdE 53 (2002), p. 5-60 : p. 17, n. 69, aussi pour la protection humaine, p. 19, fig. 2 (dessin des deux sœurs divines), p. 44, pl. IIIa. 196 En combinaison avec d’autres produits significatifs, cf. Sydney H. AUFRÈRE, « L’ébène, l’ivoire et la magie dans l’Égypte ancienne », dans ERUV 2, Montpellier 2001, p. 321-329 : p. 326. 197 P. Turin 1993 (BORGHOUTS, Ancient Egyptian Magical Texts, p. 78, § 111) : « Puisse-t-il marcher sur son talon comme s’il était en bronze et l’avant de son pied en ébène. » Rapprocher au Musée du Caire de la prothèse articulée façonnée pour la fille de prêtre Tabeketenmout (bois sombre [ébène ?] et pièces de cuir ; TT 95 ; 950-710 av. J.-C.), après une amputation consécutive à une attaque de venimeux ou à une affection de type diabète. Cf. aussi l’ « eau de gomme d’ébénier » en fixatif sous la plante des pieds pour leur emmaillotement dans le rituel de l’embaumement, peut-être aussi employée pour ses propriétés magiques, AUFRÈRE, art. cit., p. 326-327. 198 HERBIN, Livre de parcourir l’éternité, p. 9, n. 12. Voir aussi COULON, « Les formes d’Isis à Karnak », p. 134-135, qui voit également en Taïroudjet un substitut probable d’Isis-Chentaÿt, la veuve (ẖꜢr.t). 199 Richard GORDON, « Memory and Authority in the Magical Papyri », dans B. DIGNAS & R.R.R. SMITH, Historical and Religious Memory in the Ancient World, Oxford 2012, p. 145-180 : p. 154, n. 39 ; Joris F. BORGHOUTS, « Divine Interventions in Ancient Egypt and its Manifestation (bꜢw) », dans R.J. Démarée & Jac. J. Janssen (éd.), Gleanings from Deir el-Médîna, Leyde 1982, p. 1-70 : p. 24-27 § 8. 200 KOENIG, Magie et magiciens, p. 34-35. Geraldine PINCH, Magic in Ancient Egypt, Londres 2006, p. 56 ; Philippa LANG, Medicine and Society in Ptolemaic Egypt (SAM 41), Leyde 2013, p. 214-216. Pour l’importance des femmes à Coptos, surtout les divines adoratrices, TRAUNECKER, dans Coptos, p. 132-133 ; à l’époque tardive, sur les charges sacerdotales réellement exercées par les femmes, cf. Alexandra A. O’BRIEN, Women in Ptolemaic and Roman Thebes, thèse, 1999, p. 274, n. 7 ; Sabine ALBERSMEIER, Untersuchungen zu den Frauen Statuen, Mayence 2002, p. 22 ; Miriam BLANCO CESTEROS, « Women and the Transmission of Magical Knowledge in the Greco-Roman World. Rediscovering Ancient Witches II », dans M. Blanco Cesteros & E. Suarez

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étayer dès le Nouvel Empire par ses tatouages la possible relation unissant cette « femme sage », versée en connaissances médico-magiques, à la déesse Hathor201, qui en ses aspects Isis et Séchat se qualifie aussi de « Savante » à l’époque ptolémaïque202. Par leur intimité avec la « Maîtresse de magie » et en vertu de leurs « soins » constants, les deuillantes devaient connaître, voire appliquer, quelques traitements très simples de sauvegarde203 et apaiser par des mélopées incantatoires ou accomplir des gestes naturels de réanimation afin de soulager la douleur et de rétablir le souffle, mais sans empiéter sur les prérogatives des magiciens204. Isis ne leur propose-t-elle pas un modèle à suivre quand elle pose sa main secourable sur la tête de l’Enfant ? En ce cas, leur position de « soigneuse », quoique de rang inférieur, les rapprocherait analogiquement des ouâb de Sekhmet, spécialistes voués à la déesse dangereuse et immunisés de ce fait par leur pureté contre tout danger émané d’elle205. 7.2. La garantie de protection suprême serait conférée par Isis qui, à travers sa possession de la boucle, est aussi une maîtresse de la sphère aérienne, du ṯꜢw et de la mḥj.t, capable de (re)donner l’air à la gorge serrée et ainsi de contrer la mort206. En ce cas, comme par le battement de ses ailes refoulant les eaux à de la Torre (éd.), Magikê Téchnê. Formation y consideracion social del mago en el Mundo Antiguo, Madrid 2017. Pour la statuette coptite de l’ « honorée » Tacherytmenou, sans doute versée en ce savoir, cf. supra, § 4.12. 201 Anne AUSTIN & Cedric GOBEIL, « Embodying the Divine : A Tattoed Female Mummy from Deir el-Medina », BIFAO 116 (2016), p. 23-46 : p. 33-36 (rapprochement des femmes rekhtyt des femmes sounou, surtout attestées à l’époque ptolémaïque). 202 Cf. Dendara VII, 110 ; VII, 164 ; VIII, 5 ; IX, 190 ; XI, 13 ; XIII, 30 ; XIII, 99; TI, 356 (références S. Cauville). Sur Isis, fille de Thot, AUFRÈRE, Thot Hermès l’Egyptien, p. 246-247, n. 514. 203 Certains sanctuaires féminins comme celui de Mout à Karnak ont mis en évidence des figurines féminines d’argile incarnant la déesse (Isis, Selqis, Mout) dans les temples et en région thébaine, ainsi que les pratiques de soins par des intermédiaires au-delà du parvis et de la première cour ; cf. Elisabeth A. WARAKSA, Female Figurines from the Mut Precinct (OBO 240), Fribourg – Göttingen 2009, p. 169-175. Voir aussi, sur le rapport entre Isis, les scorpions, les deuillantes et les charges dans le rituel, COULON, « Les formes d’Isis à Karnak », p. 131-135. 204 Voir les rites manuels accomplis par Djedhor, d’après les procédés des grimoires, « Dompterle-scorpion » pour « ressusciter l’asphyxié » — insufflation respiratoire, « geste de ses bras » — (JELINKOVA-REYMOND, Djed-Ḥer, l. 156 et suiv.). Sans association à un référent divin, noter l’emploi d’« herbe-de-scorpion » dans du vin ou la bière pour une boisson contre les piqûres de scorpions (P. Turin 1993 + P. Chester Beatty XI, no 1) ; le léchage de figures divines dont celle d’Isis à joindre à la boisson avec « plante-scorpion » ; cf. RITNER, The Mechanics, p. 95 ; pour d’autres remèdes curatifs par salive et crachat, ibid., p. 81-82, p. 88. Peut-on évoquer un usage de « graines de vie » aux vertus thérapeutiques comme les dattes, « fruits-céréales-effluves » offerts à Osiris par le roi, « fils de Chentaÿt » ? Voir Sylvie CAUVILLE, « Une offrande spécifique d’Osiris : le récipient de dattes (m῾ḏꜢ n bnr) », RdE 32 (1980), p. 47-64 : p. 61-62 (pharmacopée). 205 VON KÄNEL, Prêtres ouâb, p. 238-239 ; Pascal VERNUS, « Omina calendériques et comptabilité d’offrandes sur une tablette hiératique de la XVIIIe dynastie », RdE 33 (1981), p. 89-124. 206 Sur le « feuilleté de sens » associant nudité des pieds, incarnations tchaou d’Isis-Nephthys en couronne-voilure, chevelure, maîtrise de la marche et de la respiration, voir Jocelyne BERLANDINI, « Le “double chaouabti gisant” », p. 14-20 ; Eadem, « D’un percnoptère et de sa relation à Isis », p. 117, pl. 6a. Sur ce don du souffle d’Isis Magicienne (Ouret-Hékaou), particulièrement exprimé

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Fig. 18. Deux scorpions à côté des sandales du défunt, cercueil musée de Cleveland, inv. MA 1914.715 (d’après RIGGS, The Beautiful Burial in Roman Egypt. Art, Identity and Funerary Religion, Oxford 2005, p. 51-52, fig. 15).

l’embouchure du Nil, Isis en « brise septentrionale », apparaît comme la donatrice de la vie grâce à sa puissance par le souffle, élément aérien captif de sa chevelure mouvante, qu’elle soit répandue ou tressée. 7.3. Sur tous ces points (3, 10, 11) il faut revenir à la judicieuse interprétation de Georges Nachtergael207 qui considère la relation signifiante entre Coptos et le lieu où Isis prend le deuil et le passage précité : En liaison avec le deuil : d’Isis à Coptos, il faut citer encore le témoignage d’Élien et la tradition relative aux hirondelles. On lit dans le De Natura Animalium qu’à Coptos, les femmes qui pleurent leur mari, leur fils ou leur frère viennent pieds nus se lamenter au temple d’Isis et que la déesse les protège spécialement contre les morsures de scorpions208,

pour la rapprocher de la tradition rapportée par Pline selon laquelle à côté de cette ville se trouve une île consacrée à la déesse et protégée par les nids des hirondelles contre l’inondation209. Or, cet oiseau est parfois une incarnation de la déesse aux prises avec ses tourments d’épouse ou de mère. Y aurait-il un parallélisme géographique entre la protection exercée par Isis à l’embouchure à partir de l’époque saïte sur sa statuaire de tombe en région memphite (Gîza), cf. PERDU, « L’Isis de Ptahirdis retrouvée », p. 105-111, 123-124. 207 NACHTERGAEL, « La chevelure d’Isis ». Voir aussi Idem, « Bérénice II, Arsinoé III et l’offrande de la boucle », CdE LV, Fasc. 109-110 (1980), p. 240-253. 208 Idem, « La chevelure d’Isis ». p. 504. 209 Voir Sydney H. AUFRÈRE, « Osiris-Nil, Isis-Terre versus Typhon-Mer. Hypothèses sur les boghaz des lacs littoraux, l’Ekrêgma et les « Expirations de Typhon » du lac Sirbonis », dans R. Lebrun & E. Van Quickelberghe (éd.), Dieu de l’orage en Méditerranée antique (Homo religiosus 17), Turnhout 2017, p. 101-154 : § 2.11.

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de la branche canopique et celle accomplie à son île coptite ? On dirait qu’à travers le deuil / privation se manifeste dans le nome des « Deux faucons », à la faveur d’un pont mythologique avec Byblos, l’attestation d’un rapport secret « scorpion / hirondelle » fondé sur une nature duelle de Deuillante impliquée dans la régulation de la crue osirienne, signe de la mort du dieu. Isis-terrescorpion en fille de Geb et Isis-Air-Hirondelle en fille de Chou, auraient puissance ensemble dans le terroir de Coptos sur le gonflement et la montée de la sphère aquatique en ce lieu. 9. Présentation abrégée de la scorpiofaune égyptienne210 9.1. Famille des Buthidae La famille des Buthidae est représentée à elle seule par onze genres (Genus)211 et trente-et-une espèces recensées, tandis que les quatre autres le sont chacune par un genre et une espèce212. 1. Genus Androctonus, Ehrenberg 1828213. L’Égypte compte cinq familles appartenant à ce genre. Le nom de ce genre signifie qu’ils peuvent causer des accidents mortels chez l’homme dès lors que le venin, en général de genre neurotoxique, dépasse le grade 4. Mais le nom du genre n’est pas exclusif des dangers de la scorpionfaune égyptienne. Ce genre est attesté par les espèces suivantes : Androctonus australis L., 1758. Angl. Yellow Fat Tail Scorpion. Il est largement distribué en Algérie, Irak, Iran, Israël, Libye, Somalie, Soudan, Tchad, Tunisie. En Égypte, il est représenté dans le nord214. De couleur verte avec des parties plus sombres dont le cephalosoma, l’aiguillon venimeux et les pédipalpes. Mesurant 10 à 12 cm de long, il vit dans les sables du désert, mais on peut le trouver près des habitations. Il ne creuse pas de terrier, il s’abrite sous 210

Il s’agit d’une compilation dont une partie est récoltée à partir de la Wikipedia. Voir Max VACHON, « Liste des scorpions connus en Égypte, Arabie, Israël, Liban, Soudan, Syrie, Jordanie, Turquie, Irak, Iran », Toxicon 6 (1966), p. 209-218. Voir aussi Wessam M. SALAMA & Khadiga M. SHARSHAR, « Surveillance study on scorpion species in Egypt and comparison of their crude venom protein profiles », The Journal of Basic and Applied Zoology 66, iss. 2 (2013), p. 76-86 (bibl. p. 84-86). https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2090989613000416. 211 Androctonus, Buthacus, Buthus, Compsobuthus, Egyptobuthus, Hottentotta, Isometrus, Leiurus, Microbuthus, Orthochirus, Parabuthus. 212 Diplocentridae : Nebo ; Hemiscorpiidae : Hemiscorpius ; Scorpionidae : Scorpio ; Euscorpiidae : Euscorpius. 213 EHRENBERG, « Arachnoidea, Scorpiones », dans HEMPRICH & EHRENBERG, Symbolae physicae seu icones et descriptiones animalium evertebratorum sepositis insectis quae ex itinere per Africam borealem et Asiam occidentalem, Berlin 1828. 214 Salloum, Mersa Matrouh, conservatoire d’El-Omayed (voir http://www.oss-online.org/ cd_envi/doc/01/06.pdf), Ouâdi el-Natroun, Le Caire, Mont El-Anqabiah (sud de la route Le CaireSuez), Giza, Sinai.

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des pierres et est capable de résister à des tempêtes de sable de grande amplitude sans réussir à endommager son exosquelette d’une très grande résistance. Sa queue est épaisse et puissante. Du fait de son venin extrêmement puissant et neutoxique, de grade 5, et aussi en raison de son tempérament, il peut causer de nombreuses victimes chaque année215, en ajoutant qu’il y a des variations régionales de toxines. Il est très rapide. En effet, son venin neurotoxique très toxique de stade 5 peut entraîner la mort216. Sa piqûre entraîne un dysfonctionnement cardiaque et un œdème pulmonaire217. Androctonus amoreuxi Audouin & Savigny, 1826218. Angl. Fat Tailed Scorpion. Sa distribution couvre Afghanistan, Algérie, Irak, Iran, Israël, Mali, Mauritanie, Maroc, Libye, Sénégal, Soudan, Tunisie, et Israël. Mesure de 4 à 11 cm de long. En Égypte, son aire de distribution est dispersée dans le nord et en Moyenne-Égypte, mais aussi en Haute-Égypte méridionale et au Soudan219. Il vit dans les sables du désert où il fait chaud le jour et froid la nuit. Couleur jaune paille. Il est rapide et son venin neurotoxique, très toxique (stade 5), peut causer des accidents mortels. Androctonus bicolor Ehrenberg, 1828220. Ou scorpion à grosse queue. On le trouve en Algérie, en Tunisie, en Égypte, en Libye, en Israël, en Jordanie et en Syrie. Son aire de distribution est le nord de l’Égypte221. Mesure de 6 à 8 cm. Sa couleur va du brun chocolat au noir. Il est très rapide et agressif. Son venin est neurotoxique, causant douleur, transpiration, salivation et larmes. Sa piqûre est potentiellement létale à 10/20%. Le spectre normal des symptômes est torpeur, paupières tombantes, paralysie des muscles du cou, perte de la coordination musculaire et douleurs abdominales222. 215

http://www.ntnu.no/ub/scorpion-files/a_australis.php avec une intéressante bibliographie. Sur son caractère mortel, voir JUNCA & VACHON, Les arachnides venimeux et leurs venins, p. 48, 49, 52. 217 Voir une excellente description des mécanismes dont résulte la dysfonction cardiaque dans Chokri HAMOUDA, « Scorpion Envenimation in Tunisia », Medical Emergency 5 (2010), p. 24-32 : p. 27. http://www.researchgate.net/profile/Chokri_Hamouda/publication/259670137_Scorpion_ Envenimation_in_Tunisia/links/0deec52d405e9383fd000000.pdf. 218 Victor AUDOUIN, « Planche 8. Scorpions, pinces, solifuges », dans « Explication sommaire des planches d’Arachnides de l’Egypte et de la Syrie, publiées par J.-C. Savigny, Description de l’Egypte, ou recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition de l’armée française. Histoire naturelle », 1. Paris : C.L.P. Panckoucke, 22, p. 172174. 219 Salloum, Edco, Baltim, Siouah, Oasis de Bahariya, Owainat, Le Caire, Hélouân, Saqqâra, Kafr Ammar (Gîza), le Fayoum et Tamia, Ouadî-Rayan, Amarna and Sheikh-Fadl (al-Minya), Assouan, Ouâdi-Halfa, Ismailia et Nefisha, Suez, Est du canal de Suez Canal de Kantara à Abou Rudeis (Sinai), et Ouâdi el-De’ieb (Égypte sud-est). 220 Rolando TERUEL & František KOVAŘÍK, « Redescription of Androctonus bicolor Ehrenberg, 1828, and description of Androctonus turieli sp. n. from Tunisia (Scorpiones : Buthidae) », Euscorpius — Occasional Publications in Scorpiology 2014, no 186, p. 1-15 : p. 2-8. 221 Mersa Matrouh, El-Hammam, Alexandrie, Kafr Jamous (à côté du Caire), Le Caire, conservatoire de Zaranik (ouest d’El-Arish). 222 https://en.wikipedia.org/wiki/Black_fat%E2%80%93tailed_scorpion. 216

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Androctonus crassicauda Olivier, 1807223. Afghanistan, Algérie, Arabie séoudite, Bahrein, Érythrée, Inde, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweit, Libye, Mali, Maroc, Oman, Pakistan, Qatar, Sénégal, Soudan, Togo, Tunisie, Émirats arabes unis, Yémen. En Égypte, il est endémique au ouâdi Fîran, dans le Sinaï méridional. De couleur noire, il mesure de 8 à 10 cm. En raison de sa large distribution, il provoque 50 % des accidents recensés scorpions. Son venin est neurotoxique de stade 5. Androctonus tenuissimus Teruel, Kovařík & Turiel, 2013224. Endémique de Mersa Matrouh à l’ouest de la côte méditerranéenne de l’Égypte. Couleur noire. Mesure de 6,5 à 7,2 cm (mâles) ; de 6,3 à 8,7 (femelles). 2. Genus Buthacus Birula, 1908225 Ce genre est attesté par les espèces suivantes : Buthacus arenicola Simon, 1885. Algérie, Tunisie. Égypte : Alexandrie, région du canal de Suez, Sinaï. Couleur verte. 8 cm. Venin neurotoxique de stade 4 à 5. Buthacus leptochelys Ehrenberg, 1829 (très répandu)226. Algérie, Arabie séoudite, Irak, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Koweit, Syrie, Tunisie. 4,5 à 7,5 cm. Couleur jaune à jaune-vert. Venin neurotoxique de stade 4 à 5. 3. Genus Buthus, Leach 1815 Ce genre est attesté par les espèces suivantes : Buthus adrianae Rossi, 2013227. Endémique d’Égypte découverte à El-Hammam. Les mâles mesurent jusqu’à 7,0 cm et les femelles jusqu’à 6, 8. Buthus egyptiensis Lourenço, 2012 (sud-ouest de Siouah) Buthus intumescens Ehrenberg, 1829 (Sinaï) Buthus israelis Shulov & Amitai, 1959 (Sud-Sinaï) ***Buthus occitanus Amoreux, 1789228. Scorpion jaune du Languedoc. 6 à 8 cm. Venin neurotoxique de stade 4. Piqûre douloureuse. Buthus orientalis Lourenço & Simon, 2012 (Alexandrie). OLIVIER, Voyage dans l’Empire Othoman, l’Égypte et la Perse, Paris 1807, vol. 3, p. 96-97. TERUEL, KOVAŘÍK & TURIEL, « A new species of Androctonus Ehrenberg, 1828 from northwestern Egypt (Scorpiones: Buthidae) », Euscorpius 177 (2013), p. 1-11. 225 BIRULA, « Ergebnisse der mit Subvention aus der Erbschaft Treitl unternommenen zoologischen Forschungsreise Dr. F. Werner’s nach dem ägyptischen Sudan und Nord-Uganda. XIV. Scorpiones und Solifugae », Sitzungsberichte der Kaiserlich-Königlichen Akademie der Wissenschaften, vol. 117, part. 2, no 1, 1908, p. 121-152. 226 Alexandria, Mariout, conservatoire d’El-Omayed, Rosette, Port-Said, Suez, Le Caire jusqu’à Louqsor, Gîza, le Fayoum, Ouâdi-Rayan, Oasis d’El-Kharga, oasis de Siouah, Sinai, conservatoire de Zaranik (ouest d’El-Arish), Abu Ramad (Égypte sud-ouest). 227 Andrea ROSSI, « A new species of the genus Buthus Leach, 1815 from Egypt (Scorpiones: Buthidae) », Rivista del Museo Civico di Scienze Naturali E. Caffi, Bergamo, 26 (2013), p. 187194. 228 Alexandria, Mersa-Matrouh, Le Caire, Kafr Ammar (Ayat-centre, Gîza), Sinaï, Shalateen, Abu Ramad et Bir Frokit (Égypte sud-est). 223

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3bis. Genus Compsobuthus Vachon, 1949 Ce genre est attesté par les espèces suivantes : **Compsobuthus acutecarinatus Simon, 1882 (cf. C. werneri) Compsobuthus egyptiensis Lourenço, Sun & Zhu, 2009 Compsobuthus kabateki Kovařík, 2003 Compsobuthus werneri Birula, 1908 **Compsobuthus werneri longipalpis Levy, Amitai & Shulov, 1973. 4. Genus Egyptobuthus Lourenço, 1999 Egyptobuthus vaissadei Lourenço, 1999229. Il est endémique du Nord-Sinaï. Le seul du genre. 5. Genus Hottentotta Fabricius, 1787 **Hottentotta hottentotta Fabricius, 1787. African Ground Scorpion. 8 cm. Piqûre toxique. Stade 3-4. Peu mortel. Hottentotta minax L. Koch, 1875 (*Haute-Égypte; **Soudan] **Hottentotta scaber Hemprich & Ehrenberg, 1828 **Hottentotta trilineata Peters, 1862. 6. Genus **Isometrus Leach, 1815 **Isometrus maculatus De Geer, 1778 (Alexandrie, Port-Saïd). 7. Genus Leiurus Ehrenberg, 1828230 Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828231. Angl. Deathstalker (rôdeur mortel), Egyptian Scorpion. Habitué des zones désertiques ou à formations arbustives, ce scorpion est très répandu en Afrique (Algérie, Égypte, Éthiopie, Libye, Mali, Somalie, Soudan, Tchad, Niger, Tunisie). Le « rôdeur mortel » ainsi qu’on le nomme en français, est très répandu en Égypte232. Couleur jaune paille, vert ou orange. La taille de l’adulte atteint de 8 à 11 cm. Venin

229 Wilson R. LOURENÇO, « New genus and new species of scorpion from Egypt, belonging to the family Buthidae Simon », Revue Suisse de Zoologie 106/3 (1999), p. 591-598. 230 EHRENBERG, « Arachnoidea, Scorpiones », dans Hemprich & Ehrenberg, Symbolae physicae seu icones et descriptiones animalium evertebratorum sepositis insectis quae ex itinere per Africanum borealem et Asiam occidentalem. Friderici Guielmi Hemprich et Christiani Godofredi Ehrenberg, studio novae aut illustratae redierunt. Percensuit editit Dr. C.G. Ehrehberg. Decas I. Berolini ex officina Academica, venditur a Mittlero, Berlin 1828 ; Wilson R. LOURENÇO, Jian-Xin QI & John L. CLOUDSLEY-THOMPSON, « The African Species of the Genus Leiurus Ehrenberg, 1828 (Scorpiones : Buthidae) with a Description of a New Species », Boletín Sociedad Entomológica Aragonesa 39 (2006), p. 97-101 231 Ibid. Wilson R. LOURENÇO, Jian-Xin QI & John L. CLOUDSLEY-THOMPSON, art. cit., p. 98. 232 Mersa-Matrouh, conservatoire d’El-Omayed, Siwa, Oasis Kharga, Nekheila, oasis Dakhla, désert oriental, Le Caire, Gîza, Abousîr, Fayoum, El-Gharak, Tamia et lac Qaroun, Amarna, Girga, Beliana, Qena, Louqsor, Assouan, Ouâdi-Halfa, Suez, Ras Gharib, gebel Gharamoul, Hurghada, sources de Moïse, gebel Maghara, Sainte- Catherine et Ouâdi-Feiran, île de Sanafir et conservatoires de Ras Mohammed, Nabq et Abou Galoum (Sinaï-Sud), Shalateen, Ouâdi Akao et Ouâdi Serimtai (Égypte sud-est).

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neurotoxique de stade 5. Sa piqûre très douloureuse, n’est pas mortelle, mais des risques notables existent pour les cardiaques et les allergiques. 8. Genus Microbuthus Kraepelin, 1898 Microbuthus flavorufus Lourenço & Duhem, 2007233 (Zafaran, sud de Suez). Elle est endémique d’Égypte. La femelle mesure jusqu’à 19,7 cm. 9. Genus Orthochirus, Karsch, 1891234 Orthochirus aristidis Simon, 1882235. Se trouve en Égypte, au Soudan et à Djibouti. En Égypte, on le trouve à Louqsor, Assouan, Nubie, Ouâdi-Halfa, Shalateen et Ouâdi-Serimtai (Égypte sud-est). Couleur brun, rougeâtre foncé à noir. 3 cm de long. Venin neurotoxique de stade 4. Il est rapide. Orthochirus innesi Simon, 1910. Espèce endémique d’Égypte, attestée du côté du Mokattam et du ouâdi Degla (près du Caire), conservatoire d’El-Omayed, Siouah). *Orthochirus scrobiculosus Grube, 1873. Conservatoire de Nabq (sud-Sinaï). 10. Genus Parabuthus Pocock, 1890236 Parabuthus hunter Pocock, 1895237. Égypte et Soudan. Kafr Ammar (AyatCentre, Gîza). Parabuthus leiosoma Ehrenberg, 1828. Se rencontre en Arabie séoudite, Égypte, Éthiopie, Kénya, Soudan, Tanzanie, Yémen. En Égypte (Shalateen et Abou Ramad [Egypte sud-est]. 9.2. Famille des Diplocentridae 1. Genus Nebo Simon, 1872 Nebo hierichonticus Simon, 1872 Égypte238, Jordanie, Israël. 233 LOURENÇO & DUHEM, « Observations on the remarkable disrupted geographical distribution of the genus Microbuthus Kraepelin, 1898 in North Africa, with the description of a new species from Egypt (Scorpiones, Buthidae) », Comptes rendus Biologies 330/5 (2007), p. 439-445. 234 Ferdinand A.F. KARSCH, « Arachniden von Ceylon und von Minikoy gesammelt von den Herren Doctoren P. und F. Sarasin. III. Ordo Scorpiones », Berliner entomologische Zeitschrift 36/2 (1891), p. 305-307. 235 Eugène L. SIMON, « Viaggio ad Assab nel Mar Rosso, dei signori G. Doria ed O. Beccari con il R. Avviso “Esploratore” dal 16. Novembre 1879 al 26. Febbraio 1880. II. Étude sur les Arachnides de l’Yemen méridional », Annali del Museo Civico di Storia Naturale di Genova 18 (1882), p. 207-260. 236 POCOCK, « A revision of the genera of Scorpions of the family Buthidae with descriptions of some South-African Species », Proceedings of the Zoological Society 10 (1890), p. 114-141. 237 POCOCK, « On the Arachnida and Myriapoda obtained by Dr. Anderson’s collector during Mr. T. Bent’s expedition to the Hadramaut, South Arabia; with a supplement upon the scorpions obtained by Dr. Anderson in Egypt and the Eastern Soudan », Journal of the Linnaean Society 25 (1895), p. 292-316. 238 Sainte-Catherine et Ouâdi-Feiran (Sinaï), Gebel Ataka (près de Suez), Mokattam (près du Caire)

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9.3. Famille des Hemiscorpiidae Les Hemiscorpidae ne sont pas dangereux sauf une espèce (Hemiscorpius letpurus Peters, 1861) qui possède un venin cytotoxique. 1. Genus Hemiscorpius Peters, 1861 Hemiscorpius egyptiensis Lourenço, 2011239. Endémique en Égypte. Nubie (Haute-Égypte), près du Nil, Philae. 9.4. Famille des Scorpionidae 1. Genus Scorpio L., 1758 Scorpio maurus L., 1758240 Angl. Israel Gold Scorpion, Large Clawed Scorpion. Afrique du Nord et Moyen-Orient, Égypte241. Mesure de 5 à 8 cm. Venin neurotoxique de stade 2, très douloureux. Scorpio maurus palmatus Hemprich & Ehrenberg, 1828 Alexandrie, le Caire, Fayoum, Ouâdi el-Natroun, Sud-Sinai. 9.5. Famille des Euscorpiidae Genus Euscorpius Laury, 1896242 Euscorpius sicanus C.L. Koch, 1837. Égypte (Alexandrie), Grèce, Italie, Libye, Malte, Sardaigne, Sicile, Tunisie. 10. Excursus : l’Isis scorpion de la Barakat Gallery, autre témoin de scorpion-mèche 10.1. À l’Isis scorpion du musée de Figeac publiée dans le dossier réuni par Frédéric Rouffet (ici même, p. 285-305), on peut désormais ajouter un deuxième bronze raffiné très proche (cf. supra, § 3.7), daté des 25e-26e dynasties (BIANCHI, « Egyptian Bronze Staff… »), conservé à la Barakat Gallery (Abou Dhabi), inv. X.0300 (photo ci-contre © Barakat Gallery), et repéré, entre autres collections privées, par J. Berlandini239 LOURENÇO, « More about the African species of Hemiscorpius Peters, 1861 (Scorpiones: Hemiscorpiidae), and a description of a new species from Egypt », Boletín de la Sociedad Entomológica Aragonesa 49 (2011), p. 23-26. 240 LINNAEUS, Systema naturae, 1758 (10e édition), vol. 1, L. Salvii, Holmiae. 241 Sainte-Catherine et Ouâdi Feiran (Sinai-Sud). 242 LAURIE, « Further notes on the anatomy and development of scorpions and their bearing on the classification of the order », Annals and Magazine of Natural History, Series 6, vol. 18 (1896), p. 121-133.

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Keller. Là encore, les sept (sic) segments du metasoma évoquent sans ambiguïté l’apparence courbée d’une mèche de cheveux— traduits par des stries — serrés de place en place par des liens. La figure somme une hampe cylindrique (H 9,2 × L 4,4 cm). L’inscription, sur le socle, indique : « Isis qui donne la vie … ». Le metasoma se termine bien ici par l’aculeus, là où, dans l’objet de Figeac, ce dernier est cassé. Il nous a semblé utile d’ajouter ici cet objet, car, démontrant que celui de Figeac n’est pas seul à illustrer, de façon claire, ce détail capillaire qui pourrait avoir disparu sur d’autres pièces corrodées, il renforce à la fois utilement sa démonstration et la nôtre, en allant dans le sens d’une légende étiologique disparue exaltant l’existence des scorpions de Coptos et d’ailleurs comme des émanations des mèches coupées d’Isis, tombées au sol, suite à son deuil coptite, et rappelant l’étendue de son pouvoir sur les vivants et les morts. REMERCIEMENTS Les auteurs tiennent à exprimer leur vive reconnaissance aux personnes suivantes qui leur ont facilité l’accès à la documentation et ont répondu à leurs sollicitations : Khaled El Enany, Ministre des Antiquités égyptiennes, et les Drs Sabah Abdelrazek et Marwa Abd Elrazek, conservateurs au Musée égyptien du Caire, pour leur aide et l’autorisation de publication des objets Caire, JE 36507, 36509-36510 (§ 4.144.15) ; Dina Faltings, conservateur de l’Institut für Ägyptologie der Universität Heidelberg, et le photographe Robert Ajtal pour leur aide et autorisation de publication du socle Heildelberg inv 194 (supra, § 4.11) ; Daniela Picchi, conservatrice du musée de Bologne pour son aide et son autorisation de publication de la statue de Chentaÿt MCABo EG 1866 (cf. supra, § 3.4), ainsi que Sylvie Cauville qui a attiré notre attention sur cet objet ; Frédéric Rouffet, qui, lors du colloque, a localisé l’ex-voto de Djéhouty dédié à IsisHededet (Musée égyptien du Caire JE 36507), nous évitant une recherche fastidieuse ; Vincent Rondot, conservateur en chef du département égyptien au musée du Louvre Mme Audrey Viger, documentaliste en photographie, pour les autorisations de publication du naos d’Amasis (supra, § 3.4), du piédestal de Tacherymenou N 2540 (supra, § 4.12) et de la bague d’Horemheb (N 747) (supra, § 4.7).

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LES SCORPIONS, LA VEUVE DE COPTOS ET LES DEUILLANTES -« GUÉRISSEUSES »

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RÉSUMÉ Écrit à deux mains, ce texte commente le passage fameux d’Élien (Hist. nat. 10, 23) qui atteste de cérémonies et de rites que les Égyptiens de Coptos et notamment les femmes ayant perdu un mari, un frère, un enfant, accomplissent en faveur d’Isis. On y apprend également qu’auraient existé à Coptos des scorpions de forte taille et mortels dont les Égyptiens parviennent à se prémunir par divers stratagèmes, mais qui n’agressent cependant pas les deuillantes dormant par terre à proximité du temple de la déesse. Ce texte concis, qui énumère des faits apparemment isolés, fait émerger, quand on les relie, des traditions bien établies, tant dans les textes traditionnels que dans la tradition classique puisque perdure la légende étio-étymologique selon laquelle Isis, ayant appris la mort d’Osiris à Coptos, tranche sa natte en signe de deuil, donnant ainsi son nom à la ville (< grec coptein, « porter le deuil », « couper »). Les événements décrits par Élien, gravitant autour de la légende d’une Isis coptite dite « de la chevelure » (τριχώματος) sont étayés par des textes hiérogly-phiques qui permettent d’établir une relation formelle étroite entre la tresse bouclée coupée de la déesse en deuil et une espèce de scorpion androchtone qui a des chances, dans la région coptito-thébaine, d’être identifié à Leiurus quinquestriatus L., 1752, une espèce connue pour son agressivité. Ce scorpion, associé à d’autres formes d’Isis dont Hédjedet à Edfou, servait, comme compagnie de sept arachnides, d’escorte à la déesse à la recherche du corps de son époux. Cette dernière connue, à Coptos, sous le nom de Chentaÿt, la Veuve-deCoptos, était liée aux rites funèbres coptites décrits sur la « cuve osirienne de Coptos ». La documentation semble favoriser une hypothèse selon laquelle les deuillantes, vivant en lien de sympathie avec l’Isis coptite et ses scorpions, auraient été en mesure de soigner et intercéder auprès de la maîtresse des arachnides. Car participant aux rituels de déploration de la mort d’Osiris, ces femmes dormant sur le parvis de son temple à elle, en symbiose avec les scorpions — témoins et découlant de la douleur de la déesse —, ces femmes disposaient, en tant que savantes à l’instar d’Isis, de capacités médico-magiques mises à profit pour soigner ceux qui étaient sous l’emprise du venin de l’arachnide, pouvant causer une douleur extrême semblable à celle exprimée par la déesse, laquelle pouvait ainsi se montrer compatissante à leur égard. MOTS CLÉS Isis coptite – Isis Chentaÿt – Veuve-de-Coptos – Coptos – rites funéraires de Coptos – deuillantes – chevelure d’Isis coupée – scorpion (Leiurus quinquestriatus L., 1752) – Élien (Nat. Hist. 10, 23)

L’ISIS AU SCORPION DANS LE PAYS DE OUAOUAT, UNE EXPRESSION PROVINCIALE DU MYTHE DE LA BONNE MÈRE1 Jonathan MAÎTRE2 my n⸗j Ꜣs.t tꜢy⸗j mw.t, my ptr⸗k nꜢ j.jr Stḫ r⸗j Viens à moi, Isis, maman ! Viens voir ce que Seth m’a fait ! Les Aventures d’Horus et Seth

P. Chester Beatty I, ro 11.5 (= LES, 52, l. 4-5)3

Depuis toujours, en Égypte, les Hommes vivent en compagnie des scorpions4. Armés de pied en cap, ces derniers s’accommodent en effet sans peine des rigueurs du pays dont ils colonisent tous les milieux : ergs et regs, marais et jardins… jusqu’au cœur des maisons où ils s’introduisent à la faveur de la nuit en quête de proies à dévorer5. Prédateur hors normes, le scorpion fond sur ses proies qu’il immobilise entre ses pinces afin de les piquer avec l’aiguillon venimeux qui arme l’extrémité de sa queue : la dose de venin injectée lui suffit d’habitude pour en venir à bout, en l’espace de quelques secondes. Tapis 1 Ce travail est le fruit d’une recherche initiée en master sur les Horus de Nubie ; les renvois aux numéros du corpus sont donnés en annexe, voir infra, p. 396-406. — Sur la question du mythe, on se reportera à Pascal VERNUS, Dictionnaire amoureux de l’Égypte pharaonique, Paris 2009, p. 650-683. 2 EPHE, EA 4519 « Égypte ancienne : archéologie, langue, religion », PSL Research University. 3 Michèle BROZE, Mythe et roman en Égypte ancienne. Les aventures d’Horus et de Seth dans le Papyrus Chester Beatty I (OLA 76), Louvain 1996, p. 90-91 ; Alan H. GARDINER, Late Egyptian Stories (BiAe 7), p. 52 ; Pierre GRANDET, Contes de l’Égypte ancienne, Paris 1998. 4 Nous renvoyons à l’étude la plus aboutie sur l’animal par Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER, « Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758), introït le scorpion (Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828) mécompris de Serqet (Selkis) et la maîtrise du souffle », ici même, p. 221-282, qui traitent avec minutie de la naissance de cette figure symbolique, en reprenant notamment la question de son association à la nèpe. J’en profite pour exprimer à chacun d’eux ma reconnaissance pour l’accueil qu’ils ont réservé à cette recherche, et pour leur aide sans laquelle n’elle n’aurait pas vu le jour. 5 Peter BEHRENS, art. « Skorpion », dans LÄ V (1984), col. 987-989 ; Linda EVANS, « Invertebrates in Ancient Egyptian Art: Spiders, Ticks, and Scorpions », dans M. Massiera, B. Mathieu & Fr. Rouffet (éd.), Apprivoiser le sauvage / Taming the Wild (CENiM 11), Montpellier 2015, p. 145-157 : p. 148-152 ; Allan S. GIBERT, « The native Fauna of the ancient Near-East », dans B.J. Collins (éd.), A History of the Animal World in the Ancient Near East (HdO 64), Boston – Leyde – Cologne 2002, p. 3-78 : p. 41-42 ; Georges POSENER, en coll. avec Serge SAUNERON & Jean YOYOTTE, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Paris 1988, p. 261 ; VERNUS, Dictionnaire amoureux, p. 837-838 ; Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Le Bestiaire des pharaons, Paris 2005, p. 449-455.

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dans l’ombre, ce chasseur à l’affût déteste être dérangé : malheur à qui le menace par inadvertance, car il frappe alors sans distinction l’enfant endormi comme le carrier manœuvrant la pierre qui l’abritait6. Redouté d’entre tous, l’arachnide représente un danger permanent qui menace la santé de l’ensemble de la population7. Ses piqûres, bien que très fréquentes, ne sont toutefois réellement mortelles que pour les individus vulnérables, réputés à risques : personnes fragiles, malades ou âgées. Une telle commensalité, associée à ses nombreux atouts, justifie pleinement la présence de cette figure animale dans l’imaginaire des premières cultures d’Égypte qui théorisèrent peu à peu, au sortir de la Préhistoire, l’expérience d’un pouvoir de plus en plus inégalitaire au sein du groupe. 1. La valeur préservative du scorpion dans le symbolisme pharaonique 1.1. Une image du triomphe sur les menaces extérieures Pour le chasseur à l’arc des temps mésolithiques, le coup au but de l’arachnide représente l’idéal performatif à atteindre, justifiant par extension son emprise sur le vivant. Cette fascination qu’exerce la figure du scorpion en fait presque aussitôt l’expression symbolique du droit de vie ou de mort qu’accorde, de facto, la loi du plus fort, au vainqueur sur le vaincu. Et de la chasse à la guerre, il n’y a qu’un pas vite franchi. Cette conception nouvelle du pouvoir se développe dès la plus haute Antiquité dans les cultures de tradition néolithique, comme le Nagadien, en Haute-Égypte, au cours du 3e millénaire av. J.-C.8 On observe, par exemple, les premières figurations de l’animal sur des vases précieux, et d’autres objets de luxe, à l’usage d’une élite dirigeante et privilégiée9. Sa mise en scène par l’imagerie au service du pouvoir ne manqua pas d’exploiter habilement l’analogie perçue dans la posture triomphale des Big Men et de l’arachnide afin d’en promouvoir la légitimité du recours à 6

L’animal a l’art de s’embusquer partout où il peut surprendre ses proies, sans l’être lui-même par ses prédateurs : sous une pierre, à l’intérieur des chaussures, etc. ; H.H. KING, « Notes on Sudan Scorpions », SNR 8 (1925), p. 79-84 : p. 79. 7 POSENER, Dictionnaire, p. 261 ; VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 449. C’est le cas prototypique d’Horus et de Rê, piqués, l’un durant la petite enfance, l’autre pendant la vieillesse, voir infra, p. 378-386. 8 Ses premières figurations remontent à Nagada I, état de la question dans Stan HENDRICKX & Barbara ADAMS, « Le scorpion en silex de Mariemont et les silex figuratifs de l’Égypte pré- et protodynastique », CahMariemont 28-29 (1998-1999), p. 7-33 : p. 18-31 ; EVANS, « Invertebrates », p. 148-152 ; Jean VERCOUTTER, L’Égypte et la vallée du Nil, vol. 1 : Des origines à la fin de l’Ancien Empire, Paris 1992, p. 42. 9 Hisham EL-HENNAWY, « Scorpions in ancient Egypt », Euscorpius 119 (2011), p. 1-12 : p. 1, 2, fig. 1-3, 3, fig. 4 ; James E. QUIBELL, Hierakonpolis, vol. 1 (ERA 4), Londres 1900, pl. XVII-XXII, XXIII-XXIV ; vol. 2 (ERA 5), Londres 1902, pl. XXIII, XXXIII. L’on peut d’ailleurs se demander si la posture ramassée de l’arachnide n’évoque pas la forme de l’arc à double courbure, et par métonymie, l’archer lui-même, voir l’ivoire gravé du dépôt principal, pl. XII, fig. 3.

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la force de leur autorité à se faire obéir, via le truchement de la métaphore iconoplastique. Un consensus qui trouvait sans doute déjà son corrélat dans la pensée religieuse, par la distinction de ces leaders capables de s’imposer aux autres grâce à un soutien divin. L’inselberg du Gebel Cheik Souliman, situé à peu de distance en aval de la 2e cataracte du Nil, nous en conservait l’illustration jusqu’à son noyage sous le lac de retenue du grand barrage d’Assouan, en 197310. Le site, dominant la plaine avoisinante, fut choisi entre tous pour afficher un message clair, bien en vue des populations locales de la culture du Groupe A de Basse-Nubie : « Qui s’y frotte, s’y pique ! », entérinant un certain droit de regard de l’Égypte sur les affaires locales11. L’on trouve en effet à son sommet un tableau commémorant le souvenir d’une campagne militaire menée par un roi de la dynastie « 0 » contre une chefferie rivale des environs du Batn el-Hagar, peut-être, déjà, pour un motif d’ordre commercial12. La composition du tableau met en scène le triomphe d’un roi qui empoigne l’adversaire agenouillé à sa merci, et qu’il menace d’abattre, sous les traits d’un scorpion gigantesque s’apprêtant à piquer une proie (Fig. 1)13.

De g. à dr. : Fig. 1a. Graffito du Gebel Cheik Souliman (WILKINSON, Early Dynastic Egypt, p. 151, fig. 5.3.1) – b. Stèle double du vice-roi de Nubie Sétaou à Abou-Simbel. Le roi triomphe de l’ennemi nubien grâce à l’aide d’Horus, le patron de Bouhen. (© J. Maître). 10 Winifred NEEDLER, « A Rock-drawing on Gebel Sheikh Suliman (Near Wadi Halfa) Showing a Scorpion and Human Figures », JARCE 6 (1967), p. 87-91, pl. I fig. 3 ; Pierre TALLET & Claire SOMAGLINO, « Une campagne en Nubie sous la Ire dynastie. La scène nagadienne du Gebel Sheick Suleiman comme prototype et modèle », NeHet 1 (2014), p. 2-11 : p. 6 ; Toby A.H. WILKINSON, Early Dynastic Egypt, Londres 1999, p. 150-154. 11 VERCOUTTER, L’Égypte et la vallée du Nil, p. 138-139. 12 On peut penser au possible proto-État bas-nubien du Groupe A — le fameux « To-Séty » des inscriptions —, sans doute à rapprocher de la nécropole princière de Qoustoul, à peu de distance en aval du Gébel Cheik Souleiman ; Brigitte GRATIEN, « La Basse-Nubie à l’Ancien Empire », JEA 81 (1995), p. 43-56 : p. 44 ; Lázló TÖRÖK, Between Two Worlds: The Frontier Region Between Ancient Nubia and Egypt 3700 BC-500 AD (ProblÄg 29), Leyde – Boston 2009, p. 49-51 ; Bruce WILLIAMS, The A-Group Royal Cemetery at Qustul: Cemetery L (OINE 3), Chicago 1986, en particulier la vaisselle d’apparat, pl. 95-96. 13 On notera son association avec la figure de l’archer prêt décocher une flèche et la précision du dessin : sa silhouette montrant bien quatre paires de pattes.

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Le roi, bien sûr, n’est pas un véritable scorpion, mais à travers sa victoire, il en partage bien plus que la seule image. Et c’est ce que cherche à transcrire la représentation de sa posture menaçante14. Cette métaphore trouve son explication dans la reconnaissance du parallélisme qui s’établit dans la mise à mort du dominé par le dominant. Le scorpion maîtrise sa proie entre ses pinces avant de la piquer de son dard venimeux. Le roi empoigne l’ennemi [DOWN] qu’il menace d’abattre en brandissant son arme [UP]. L’objet qu’ils dominent, vaincu, est à la merci de leur pouvoir qui procède d’une même essence. Sa performance tisse un lien de sympathie qui relie l’un à l’autre par analogie de fonction sur le plan sémiotique. Elle exprimerait la croyance fondamentale de l’idéologie royale en l’existence d’une forme de « solidarité onthologique » le démiurge et ses créatures ; le modèle du roi trouvant son modèle préexistant à l’état naturel dans l’observation du comportement de l’arachnide15. D’où l’intérêt marqué des souverains prédynastiques pour une catégorie d’animaux hors du commun : silure électrique, scorpion, serpent, qui tuent d’une manière indirecte, investie d’un pouvoir magique. Si bien que sa physionomie sert aussi de référent au signe employé pour signifier le pouvoir inhérent à l’exercice de la fonction royale16. Ce panneau, original, est le premier d’un genre appelé à un bel avenir puisque l’image, prototypique, servira de modèle à la représentation du triomphe royal jusqu’à l’époque romaine, c’est dire qu’elle a perduré tout au long de l’histoire de l’Égypte antique. À l’exception toutefois de l’animal… Étrangement, en effet, ce scorpion prédynastique ne survivra pas à la montée en puissance de l’image culturelle véhiculée par un autre superprédateur d’exception : le faucon, adopté unanimement comme le symbole de Pharaon au début de l’époque historique17. La faute, peut-être, à sa portée inadaptée à l’échelle, nouvelle, du Delta et de la Vallée réunis ? C’est possible, mais ce Scorpion dans Simon TILLIER (éd.), Dictionnaire du règne animal, Paris 1999, p. 443. Louise M. PRYCKE, Scorpion, Londres 2016, p. 19-20 ; Gary A. POLIS, Scorpion biology and research, Oxford – New York 2001. 16 On pensera bien sûr aux fameux rois dits « Scorpion », I et II ; Manfred GÖRG, art. « Skorpion (König) », LÄ V (1984), col. 989-990 ; Stan HENDRICKX, « La chronologie de la préhistoire tardive et des débuts de l’histoire de l’Égypte », Archéo-Nil 9 (1999), p. 13-81, 99-107 : p. 25 ; Patrick GAUTIER & Beatrix MIDANT-REYNES, « La tête de massue du roi Scorpion », Archéo-Nil 5 (1995), p. 110-113 ; Patrick HOULIHAN, The Animal World of the Pharaohs, Londres – New York 1996, p. 187 ; QUIBELL, Hierakonpolis, vol. 1, pl. XXVI c, fig. 4 ; Ilona REGULSKI, A Palaeographic Study of Early Writing in Egypt (OLA 195), Louvain – Paris – Walpole, MA 2010, p. 136-137, 479 ; VERNUS, Dictionnaire amoureux, p. 839-840 ; VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 449-450 ; WILKINSON, Early Dynastic Egypt, p. 43, 47, 233, 259. On compte notamment un grand nombre de dépôt de figurines de scorpion en contexte funéraire, régulièrement réduit par métonymie à son metasoma, l’élément, au final le plus significatif de son anatomie où se concentre toute sa dangerosité. Je remercie Pascal Vernus d’avoir attiré mon attention par ses conseils avisés sur l’importance de ces dépôts. 17 La littérature sur le sujet étant prolixe, nous renvoyons en priorité à Bernadette MENU, « Enseignes et porte-étendards », BIFAO 96 (1996), p. 339-342 : p. 342 et VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 369-372. 14 15

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déclin de l’arachnide n’est en réalité qu’apparent puisqu’il passe alors au service de la reine-mère afin d’en assurer la sauvegarde de l’héritier présomptif. En effet, si sa dangerosité fascine, puisqu’elle représente aux yeux des hommes la quintessence du pouvoir de contraindre par la force, elle peut également servir à neutraliser un autre mal, ce qui lui confère paradoxalement une forte valeur apotropaïque18. L’idéal, finalement, pour soigner les maux du quotidien, même les plus graves. 1.2. La prévention des risques pour la santé des vivants et des morts Cette capacité du scorpion à inoculer un venin foudroyant en fait un voisin incommode dont il faut à tous prix neutraliser la dangerosité, voire la détourner à son profit afin d’assurer sa propre sécurité. Cette substance neurotoxique, on l’a vu, est en effet un excellent moyen de se débarrasser des indésirables d’autant qu’elle trouble la respiration, les privant ainsi du souffle vivificateur. On trouverait, par exemple, dans le recueil de formules de la reine d’Ânkhesenpépi II, à Saqqâra, la première mention d’Hededet, une déesse scorpion native d’Edfou, qui sert de parèdre à Horus le Béhédétite, le grand patron du sud du pays19. L’identification de la défunte au dieu est l’occasion pour elle de bénéficier d’une protection rapprochée tout au long de la régénérescence de son corps : tout un chacun espérait ainsi renaître à l’image du soleil matinal, au terme d’un long parcours nocturne semé d’embuches, à la manière de l’enfant veillé par sa mère durant son sommeil. Mais que faire en cas de piqûre, à une époque où les sérums antiscorpioniques n’existaient pas encore ? Pour cela, il n’existait qu’un seul moyen véritablement efficace : le recours à la puissance d’une divinité experte en la matière, à l’exemple de Serqet, une autre déesse scorpion maîtrisant les cas d’envenimation. L’on compte en effet parmi ses fidèles les membres d’une confrérie de praticiens spécialisés (ḫrp-srq.t), dès l’époque thinite, dans la prévention des 18 Peut-être dès la Préhistoire, voir HENDRICKX & ADAMS, « Le scorpion en silex de Mariemont », p. 13. 19  CT V 142a, 168d-e, 169b ; VI 124g ; Jean-Claude GOYON, « Hededyt : Isis-scorpion et Isis au scorpion. En marge du papyrus de Brooklyn 47.218.50 – III », BIFAO 78 (1978), p. 439-458 ; LÄGG V, 597-599 ; Dimitri MEEKS, art. « Hededet », LÄ II (1977), col. 1076-1078 ; VERNUS & YOYOTTE, Le Bestiaire, p. 455 ; Wb III, 206, l-5. On notera l’élaboration théologique autour du chiffre « sept » qui exploite toute une série d’analogies avec la tresse de cheveux (ḥnsk.t, racine ḥnsk « attacher solidement »), et le nombre de segments du corps du scorpion, e.g. : Serqet ligote Apophis (7e heure de l’Amdouat), refoule les crocodiles (Formule 32 du LdM). La description scientifique de l’exosquelette dans le pChester Beatty VII mérite d’être citée : wḥ῾.t […] Ꜣw jꜢ.t ῾šꜢ ṯs.(w)t, « (le) scorpion […] au dos allongé avec de nombreuses articulations » ; cité par Belinda A. WASSEL, Ancient Egyptian fauna: a lexicographical study, 2 vol., Durham 1991, vol. 2, p. 648, n. 190. Voir infra sur le couple-type dieu solaire-mère divine. J.-Cl. Goyon (supra) serait le premier à avoir soulevé le voile sur cette Isis au scorpion ; notre inventaire se veut une actualisation de sa propre liste, au regard des dernières découvertes de terrain en Nubie soudanaise.

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risques de piqûres et la prise en charge de leurs victimes20. Le choix de ce référent pour figurer cette fonction guérisseuse se traduit dans l’iconographie de la déesse par la représentation d’une figure apode qui s’éloigne du naturaliste vers l’abstraction21. Déesse de la respiration, Serqet soigne l’essoufflement, en particulier celui des parturientes à bout de souffle, du fait des contractions abdominales22. Mais il y a mieux, puisque la valeur prophylactique de son référent animalier la désigne également pour veiller sur la santé du fœtus, préservant la future mère d’un mort-né23. Et tout cet art du magicien de conjurer les dangers de l’enfance, Isis a bien vite appris à le maîtriser malgré elle24… 2. Le mythème de la Bonne Mère au service de l’idéologie pharaonique 2.1. La protection maternelle de l’individu : de la petite enfance… La stèle de Metternich livre le récit d’un épisode fameux de l’exil de la déesse à Khemmis25. Fuyant Seth, Isis trouva refuge au cœur des halliers de papyrus pour mettre au monde un fils : Horus, l’héritier posthume du trône de Rê ; la santé du nouveau-né est fragile, d’autant plus qu’il s’agit d’un prématuré26. Or, un matin, c’est le drame : le garçonnet a été piqué par un scorpion à la solde de l’assassin de son père ! Mais contrairement au sort tragique des nombreuses petites victimes de l’arachnide, l’issue en sera heureuse pour le jeune prince. Par chance, en effet, les lamentations de sa mère vont parvenir aux oreilles du démiurge en personne. Touché par sa douleur, ce dernier recourt alors à toute son autorité pour rétablir la santé de l’enfant divin, que guettent encore bien des épreuves jusqu’à l’âge adulte. De cette mésaventure, Isis saura Frédérique VON KÄNEL, Les prêtres-ouâb de Sekhmet et les conjurateurs de Serket (BEPHE 87), Paris 1984, p. 284-305 ; Pierre TALLET, « Conjurateurs de Serket et repousseurs de scorpions au Sinaï à la fin de la XIIe dynastie », dans J.-P. Montésino (éd.), De Cybèle à Isis, Paris 2011, p. 2-11 ; VERNUS, Dictionnaire amoureux, p. 840 ; VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 450-452, voir l’exemple bien connu d’Amenmosé à Deir el-Médina. 21 Nora SCOTT, « The Metternich Stela », MMAB 9 (1951), p. 202-217 ; Pascal VERNUS, « Isis et les scorpions : le frémissement du littéraire sous le fatras magique », dans J.-P. Montesino (éd.), De Cybèle à Isis, Paris 2011, p. 27-37 : p. 32-34 ; James P. ALLEN, The Art of Medicine in Ancient Egypt, New York 2005, p. 49-63. 22 Cathie SPIESER, « Nouvelles approches de l’image emblématique de Serket : le serpent, la corne et l’utérus », GM 209 (2006), p. 91-100 : p. 93. 23 Eadem, art. cit. 24 BEHRENS, art. « Skorpion. B. » ; VERNUS, Dictionnaire amoureux, p. 841. 25 Cathie SPIESER, « Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52 (2001), p. 251-264 : p. 262 ; VERNUS, « Isis et les scorpions », p. 32. 26 Annie FORGEAU, « Le dieu Harpocrate, quel nom ? quel champ d’action ? », BSFE 153 (2002), p. 6-23 : p. 10 ; Dimitri MEEKS, « Dieu masqué, dieu sans tête », Archéo-Nil 1 (1991), p. 5-15 : p. 10-11 ; Idem, « Le nom du dieu Bès et ses implications mythologiques », dans U. Luft (éd.), The Intellectual Heritage of Egypt. Studies presented to László Kákosy by Friends and Colleagues on the Occasion of his 60th Birthday (StuAeg 4), Budapest 1992, p. 423-436 : p. 427-428. 20

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toutefois tirer profit en s’imposant à son tour comme la spécialiste des dangers qui menacent la petite enfance. Rien de mieux, donc, pour le magicien, que d’identifier l’envenimation de son patient au cas prototypique d’Horus, afin de susciter sa guérison miraculeuse. La suite de l’histoire nous raconte comment Isis, après avoir percé le secret de la puissance de Rê, s’entoura d’une escorte de sept scorpions pour assurer la sécurité d’Horus27. Un savoir précieux, jalousement transmis de mère en fils. Fort de son expérience, le jeune dieu s’impose donc aux animaux sauvages dont il se joue de la dangerosité, endiguant les forces de la nature hostiles à la société des Hommes qu’il entend gouverner28. À partir de l’époque ramesside, le développement des cippes d’Horus, apporte une solution complémentaire29. Il s’agit de stèles magiques destinées à la prévention de ces menaces. Elles empruntent à l’histoire les clés de la guérison surnaturelle du garçonnet qui figure de plain-pied, maîtrisant les animaux sauvages, synonymes de mort. Cette emprise est enfin confortée par son union à une série d’épouses qui trouvent leur origine dans la croyance en un scorpion monstrueux, mère de l’engeance venimeuse issue d’Apophis, l’essence de tous les maux30. Ce transfert de connaissance s’effectue par la tétée du lait maternel, et la défloration de l’épouse31. Or, chez les scorpions, tout se déroule à l’identique. La femelle est d’abord fécondée à l’issue d’un long parcours qui l’aura conduite jusqu’aux gamètes déposés à son intention par le mâle32. La fécondation terminée, à elle d’assurer seule la survie de l’espèce. Au terme d’une longue gestation, elle donne VERNUS, « Isis et les scorpions », p. 34-35. Horus, champion de Rê et de l’humanité égyptienne : Dimitri MEEKS & Christine FAVARDMEEKS, Les Dieux égyptiens, Paris 1995 (1re éd. 1993), p. 35-36, 58. Le thème civilisateur du faible, vainqueur du fort est un topos littéraire dans la culture pharaonique : Jan ASSMANN, Maât, l’Égypte pharaonique et l’idée de justice sociale, Paris 1989, p. 49, 54-55 et 125-131. 29 Keith C. SEELE, « Horus on the crocodiles », JNES 6 (1947), p. 43-52 ; VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 452. Variation du motif d’Horus sur le même thème, garçonnet : stèle met 50.85, adulte : stèle A 58 du Musée Calvet à Avignon, faucon-garou : P.-Hippolithe BOUSSAC, « Sauriens figurés sur les cippes d’Horus », RecTrav 31 (1909), p. 58-61 : p. 59, fig. 1, avec Isis : Annie GASSE, « La stèle Brügger, une stèle d’“Isis sur les crocodiles” », ENiM 7 (2014), p. 125-143 ; Loredana SIST RUSSO, « L’uso domestico della magia : alcune stale apotropaiche », dans A. Roccati & A. Siliotti (éd.), La Magia in Egitto al Tempi dei Faraoni. Atti convegno internazionale di studi, Milano, 29-31 ottobre 1985, Vérone 1987, p. 205-220 ; Helmut STAZINGER, « Acqua guarittrice : le statue e stele magiche ed il loro uso magico-medico nell’egitto faraonico », dans Roccati & Siliotti (éd.), op. cit., p. 189-204. 30 VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 450. 31 Françoise DUNAND, Isis, mère des dieux, Paris 2000, p. 36-39 ; Herbert RICKE, George R. HUGHES & Edward F. WENTE, The Beit el-Wali Temple of Ramesses II (IONE 1), Chicago 1967, p. 31, pl. 40-41, 49. Sur le mariage d’Horus avec les déesses scorpions : MEEKS & FAVARDMEEKS, Dieux égyptiens, p. 133 ; VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 453. On parle justement de la « consommation » du mariage. 32 Wilson R. LOURENÇO, « Reproduction in scorpions, with special reference to parthenogenesis », dans S. Toft & N. Scharff (éd.), European Arachnology 2000. Proceedings of the 19th European Colloquium of Arachnology, Århus 17-22 July 2000, Aarhus 2002, p. 71-85. 27 28

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Fig. 2. Androctonus australis L., 1758 (© Tom van der Ende).

directement naissance à une portée nombreuse. Et chose étonnante, l’instinct maternel du scorpion est très développé : la mère, en effet, fait preuve d’un grand dévouement pour ses petits (pulli) qu’elle soigne, notamment en les portant sur son dos (Fig. 2)33. Ce comportement, qui s’observe également chez un certain nombre d’animaux — poissons, insectes, mammifères, etc. — se manifeste au stade le plus vulnérable de leur développement : l’exosquelette qui les protège n’étant pas encore rigidifié. Il favorise ainsi la survie d’un plus grand nombre de descendants susceptibles, à leur tour, de transmettre leur patrimoine à une nouvelle génération, perpétuant la lignée familiale. On comprend mieux, désormais, les raisons expliquant l’adoption de ce symbole afin d’exprimer le pouvoir agentif de la déesse dans la transmission héréditaire de la royauté. Il s’agit d’un modèle privilégiant la succession filiale des rois, dont la légitimité garantit la stabilité de l’exercice du pouvoir, et par là même, celui de la société qui l’a crée. Mais il est possible d’aller un peu plus loin. Serqet, on l’a vu, possède de nombreux traits communs avec Isis. Or, à compter du Nouvel Empire, l’image du scorpion va peu à peu se redévelopper. Comment expliquer ce syncrétisme ? La réponse à cette question se trouve à nouveau dans le récit de la naissance d’Horus. À l’image de la femelle scorpion, Isis enfante seule, dans un lieu inhospitalier. Cette première couche est difficile : le nourrisson a survécu, mais il est né prématurément. La réussite de cette épreuve fait alors d’Isis une sagefemme reconnue, comme l’illustre le récit de la mise au monde merveilleuse des premiers rois de la 5e dynastie34. L’accouchement, de fait, s’annonçait mal 33 PRICKE, Scorpion, p. 27, 32-33 ; KING « Notes on Sudan Scorpions », p. 79 ; VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 450. 34 P. Westcar 9, 22-11, 14 : Aylward M. BLACKMAN, The Story of King Kheops and the Magicians, Transcribed from Papyrus Westcar (Berlin Papyrus 3033), Berks 1988, p. 12, l.

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pour Rédjdjédet, enceinte de triplés. Le démiurge, l’instigateur de ce remaniement présenté comme une naissance, intervient à nouveau pour rétablir l’ordre. Une équipe de spécialistes est aussitôt dépêchée au secours de la future mère : Isis, Nephthys, Meskhénet, Héqet et Khnoum ; on remarque l’absence de Serqet, tandis qu’Isis s’impose naturellement à l’esprit comme la meilleure candidate en la matière, coordonnant le rôle de ses assistantes chargées d’aider la parturiente dans son travail. C’est elle, précisément, qui provoque la délivrance puis réceptionne les nouveaux-nés dans ses mains35 : Isis se plaça devant elle, Nephthys derrière elle, tandis que Héqet activait la mise au monde. Isis dit alors : « Ne te montre pas puissant (wsr) dans son ventre, en ce tien nom d’Ouseref ! » Cet enfant (10, 10) glissa alors sur ses mains, un enfant d’une coudée, dont les os étaient solides, le revêtement de ses membres était d’or et sa coiffe de lapis lazuli véritable. Elles le lavèrent, son cordon ombilical ayant été coupé, et il fut placé sur un carreau de briques. Meskhénet se dirigea vers lui et dit : « Un roi qui exercera la royauté dans ce pays entier ! », tandis que Khnoum fortifiait son corps.

Cette répartition des tâches s’observe dans l’évolution des représentations du scorpion, qui, très tôt, s’humanise pour mimer ce geste donnant la vie. Comme l’a judicieusement remarqué Cathie Spieser, sa tête et ses bras sont figurés par un buste féminin, vu de dessus36. Le but, pour l’imagier, on l’a vu, n’est pas la représentation d’un spécimen déterminé, mais celle d’une figure imaginaire symbolisant l’amour maternel, rageur et irrésistible. Inutile, donc, de s’attendre ici à un rendu naturaliste puisqu’il s’agit de composer la figure la plus à même de véhiculer ce message à diffuser. La composition de celle-ci repose sur l’assemblage des caractères les plus significatifs de l’animal. Leur magnification est d’ailleurs si forte, qu’ils sont réinterprétés comme des hiéroglyphes formant un calligramme, doublant leur lecture d’un métacontenu linguistique (Fig. 3). Il s’agit ici de privilégier un discours pictographique combinant deux signes : , « l’accolade » (D 32), et , « le sein » (D 27), pour évoquer la poitrine de la sage-femme, et le champ sémantique qui l’accompagne37. Le 12-14, l. 13 ; GRANDET, Contes de l’Égypte ancienne, p. 78 ; Bernard MATHIEU, « Les contes du papyrus Westcar : une interprétation », Égypte 15 (1999), p. 29-40 ; Cathie SPIESER, « Meskhenet et les sept Hathor en Égypte ancienne », EtudLett 3-4 (2011), p. 63-92 ; William K. SIMPSON (éd.), The Literature of Ancient Egypt. An Anthology of Stories, Instructions, Stelae, Autobiographies, and Poetry, New Haven, CT 2003, p. 21-23. 35  W῾r (10, 10) jn ẖrd pn tp-῾.wy⸗s. 36 SPIESER, « Serket, protectrice », p. 255-256. Sur le rapprochement formel entre l’orbe solaire et le galbe de la poitrine féminine, voir Christiane DESROCHES NOBLECOURT, Lorsque la nature parlait aux Égyptiens, Paris 2003, p. 14. Autre bon exemple chez Ḫ῾-m-trj (TT 220). 37 GARDINER, Egyptian Grammar, p. 453. C’est également l’iconographie de Nout, sur la face intérieure du couvercle des sarcophages ; SPIESER, « Nouvelles approches », p. 92. L’image est à nouveau celle de la renaissance quotidienne du soleil, déjà pointée par Christiane DESROCHES NOBLECOURT, Amours et fureurs de la Lointaine, Paris 1995, p. 206 et chap. IV : « Symbole universel et Déesse-Mère », p. 93-117.

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Fig. 3. TT 220 (© Chr. Dispot).

Fig. 4 a38 et b. a) KHM 5498 , consulté le 14/12/2017 ; b) The Walters Art Museum, no 54.546 , consulté le 14/12/2017.

procédé atteint son paroxysme au cours de la TPI, débouchant sur la représentation hybride de la déesse mi-femme, mi-scorpion (Fig. 4a et b)39. 38 Cf. no 173236 du Musée Field à Chicago, complet mais en moins bon état de conservation, dans Anne K. CAPEL & Glenn E. MARKOE (éd.), Mistress of the House, Mistress of Heaven. Women in Ancient Egypt, Cincinnati 1996, p. 128, cité par ROUFFET, « Isis et les scorpions. À propos de quelques bronzes d’Isis-Serqet », ici même, p. 295, fig. 23, et la « statuette de Selkis portant Osiris » E 20060 exposée au musée du Louvre. 39 Point récent sur le sujet dans Frédéric ROUFFET, « Isis et les scorpions. À propos de quelques bronzes d’Isis-Serqet », ici même, p. 285-306, que je remercie pour m’avoir aimablement communiqué le résultat de ses travaux sur la représentation du scorpion dans la pensée religieuse de l’Egypte pharaonique. Signalons également la statue BM EA514 qui joue sur les analogies formelles pour rapprocher la retombée des pans latéraux de la perruque, les pédipalpes de l’arachnide

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Cette humanisation de l’arachnide permet de mettre un visage sur cette figure symbolique, tout en lui prêtant un geste contre nature. De fait, cette construction souligne le cliché maternel du scorpion : • Les pédipalpes du scorpion se terminent par une pince munie d’un doigt mobile qui évoque les mains de l’accoucheuse. La présence du signe ânkh enfilé à la manière d’un bracelet va dans ce sens puisqu’il est retroussé sur le bras, afin de ne pas gêner l’exécution des mouvements40. La métaphore graphique est filée par l’évocation de la poitrine féminine ; • L’avant de l’animal rappelle le galbe qui caractérise le prosome des scorpions, lequel épouse la forme des chélicères (mandibules), très massives (Fig. 2). L’idée est confortée par la figuration des yeux médians de l’arachnide, qui suggèrent les mamelons41 ; • Le dévoilement de la poitrine, s’il est sans doute un geste pratique pour la sage-femme, manifeste avant tout le deuil des pleureuses, dont Isis et Nephthys représentent le prototype. Il s’agit d’un signe extérieur de tristesse dont la portée rituelle est très forte puisqu’il interpelle le défunt et l’engage à se régénérer42. De fait, l’érotisme des divinités maternelles est bien connu. On constate, par exemple, que l’emplacement d’Isis lors de l’accouchement est identique à celui qu’elle occupe lors de la veillée du cadavre d’Osiris ; • La queue du scorpion prend la forme d’une corne assimilée à l’utérus ; par analogie formelle, l’aiguillon s’appelle précisément la « corne », en égyptien43. Autant de caractéristiques liant l’image de la femelle scorpion à la figure maternelle Isis, et, par extension, à Serqet, qui s’attachent au bon déroulement des couches44. On notera d’ailleurs l’existence d’entités duelles : Isis-Hededet, Isis-Serqet, etc.45. Un autre exemple intéressant est fourni par le décor de la tombe du prince Khâemouaset (QV 44), sous Ramsès III (vers 1184-1153 av. J.-C.). On y trouve en effet une figuration de Serqet, légendée et le corps de la ménit (à rapprocher de Met 2009.86) ; Christiane ZIVIE-COCHE, Gîza au premier millénaire. Autour du temple d’Isis, dame des pyramides, Boston 1991, p. 123-126, pl. 25-26, et les figurines Louvre N 5017 et musée égyptien de Barcelone E 592 dans Hélène GUICHARD (dir.), Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Égypte ancienne, Paris 2014, p. 247. 40 SPIESER, « Serket, protectrice », p. 260 en particulier n. 39. 41 J. BERLANDINI & S. H. AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes“guérisseuses” (Elien, Hist. An. 10, 23) », ici même, p. 338, Fig. 15a, b et c. 42 DESROCHES NOBLECOURT, Amours et fureurs, p. 56-57 ; Youri VOLOKHINE, « Tristesse rituelle et lamentations funéraires en Égypte ancienne », RHR 2 (2008), p. 183. 43 WASSEL, Ancient Egyptian Fauna, vol. 1, p. 167 ; vol. 2, p. 647, n. 188 et 189. On notera que la réduplication rare de ce metasoma fut observée par les Anciens ; EL-HENNAWY, « Scorpions in ancient Egypt », p. 11, fig. 17-19, 12 ; Wilson R. LOURENÇO & Florian HYPOLITE, « A new case of duplication of the metasoma and telson in the scorpion Euscorpius flavicaudis (De Geer 1778) (Euscorpiidae) », Euscorplus 102 (2010), p. 1-2 ; ROUFFET, ici même, p. 292294 ; SPIESER, « Nouvelles approches », p. 95. 44 Joris F. BORGHOUTS, Ancient Egyptian Magical Texts (NISIBA 9), Leyde 1978, p. 42, § 66 : « My arms are over this child — the arms of Isis are over him, as she put her arms over her son Horus. » 45  LÄGG I, 70 (Ꜣs.t wr.t), 76 (Ꜣs.t-Ḥdd), 77 (Ꜣs.t-Srq.t). Ajouter BERLANDINI & AUFRÈRE, ici même, p. 340.

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par une colonne de texte qui joue sur la disposition des signes à l’intérieur du cadrat pour établir un parallèle avec le nom d’Isis, peut-être motivé par l’épithète wr.t « l’auguste », qui lui est fréquemment associée46. 2.2. … à l’établissement dans la société des adultes Le succès croissant du culte d’Isis au cours de l’Histoire tient avant tout à son destin semé d’embuches, terriblement humain. C’est particulièrement vrai de la peur de la mort de l’enfant, qui hante l’esprit de tous les parents. Quel vœu plus cher, en effet, pour un père, que de voir son aîné lui succéder dans ses fonctions ? Isis, à l’origine, serait la personnification du trône, c’est-à-dire le siège où s’assoit le roi lorsqu’il gouverne en public 47. Si l’on en croit la cosmogonie héliopolitaine, c’est l’épouse d’Osiris, le quatrième pharaon à régner sur l’univers créé par Rê. Mais sitôt mariée, la voilà veuve ! Le motif de la légende est bien connu : son frère, Seth, jaloux, assassine Osiris et usurpe sa fonction. Isis se jure de le renverser pour rétablir l’ordre, i.e. la lignée légitime des descendants du démiurge, à savoir la branche aînée de la famille, assurant la stabilité du modèle de la succession filiale jusqu’à la source même du pouvoir royal. Cette quête passe par les soins du cadavre d’Osiris, prélude à sa survie. Isis, l’ayant revivifié, elle en conçoit un fils : le petit Horus, qu’elle portera sur le trône d’Égypte au terme d’un long combat. À ce stade de l’analyse, deux remarques s’imposent. Le personnage d’Isis (♀) joue un rôle actif, mais secondaire : c’est l’agent au service d’une fonction qui lui demeure inaccessible — la royauté d’Égypte — qu’incarnent successivement Osiris (♂), puis Horus (♂). À l’inverse, ces derniers, jouent un rôle passif, mais de premier plan : celui du roi, mort et à venir. Il s’agit d’expliquer l’origine du pouvoir, en définissant sa transmission. Isis est le moyen d’en assurer la légitimité48. En tant que reinemère, elle fait le lien entre ces deux générations de rois. On remarquera qu’elle n’est pas à proprement parler la régente du royaume puisque l’interrègne est assuré par l’usurpation de Seth. Bien qu’elle ne règne pas, elle assure la continuité du pouvoir en perpétuant la volonté du défunt de voir son fils lui succéder dans ses fonctions. Et c’est peut-être la transgression de cette conception de la

46 La composition s’articule autour de la figure d’Osiris, qu’encadrent deux paires de déesses, formant un double chiasme, où Isis répond à Serqet : Isis-Neith || Osiris || Nephthys-Serqet : Fathy HASSANEIN, Monique NELSON & Guy LECUYOT, La tombe du prince tombe de Khâemouaset [VdR no 44] (Collection scientifique 72), Le Caire 1997, pl. 57 ; HOULIHAN, Animal World, p. 180, pl. XXI. 47 Jan BERGMAN, art. « Isis », LÄ III (1980), col. 186-203 : col. 186 ; DUNAND, Isis, mère des dieux, p. 19-20. 48 Jan ASSMANN, Images et rites de la mort dans l’Égypte ancienne, Paris 2000, p. 15 ; c’està-dire l’assise permettant l’exercice du pouvoir, d’où son décor avec le sema-taouy couplé à la neutralisation des menaces extérieures, étrangères.

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royauté qui expliquerait la damnatio memoriae du règne d’Hatchepsout, à un moment où l’État dut se redéfinir après l’épisode amarnien. Voilà peut-être de quoi expliquer l’association du scorpion à la figure de la reine-mère de l’héritier présomptif. Or, les reines sont très présentes dans l’Égypte du Nouvel Empire, où elles exercent une influence perceptible dans la conduite des affaires, telle Âahotep, dans l’expulsion des Hyksôs, Tiyi, Néfertary et Taouser. Contemporain d’Amenhotep III, Imeneminet exerçait la fonction prestigieuse de père-divin de Sokaris au mémorial thébain du roi49. Le décor de sa chapelle funéraire (TT 277) nous donne à voir les grandes étapes d’un épisode phare de sa carrière : le déroulement d’une procession des statues du couple royal au bord d’un lac de plaisance, sans doute celui du temple (Fig. 5a)50. Les statues polychromes, grandeur naturelle, sont véhiculées au moyen de traîneaux par les prêtres. Le roi est couronné du khéprech, la reine d’une dépouille de vautour et d’un couvre-chef associant un scorpion à une paire d’uraeus disqués. L’arachnide est représenté la tête en bas, le métasoma dans le prolongement du corps. Le choix de cette posture de repos s’explique par l’étirement de la coiffe, mais pas seulement puisqu’il indique à la fois le statut privilégié de la mère de l’héritier présomptif, et le rôle rituel maternel qui en découle : donner au roi un successeur légitime. Bien sûr, comme dans toute monarchie qui se respecte, la cour d’Égypte a connu son lot d’intrigues. L’institution du harem, qui assure le train de vie des reines et des princes, est le lieu de toutes les conspirations : à chaque concubine d’y manœuvrer pour l’avancement de son propre fils, quitte à l’assassinat d’un père gênant comme Amenemhat Ier et Ramsès III51. Dans un tel nid de vipères, la favorite en titre avait bien besoin d’être une mère scorpion pour voir un jour son fils monter sur le trône paternel. L’aspect réginal du scorpion isiaque perdure dans le costume des souveraines jusqu’à l’époque méroïtique (Fig. 5b et c)52. En cela, il n’a rien d’exotique, et n’évoque donc pas plus la Nubie que l’Égypte. À travers le destin atypique de la déesse, transparaît l’influence de la reinemère de héritier présomptif sur la gouvernance du pays. C’est le cas par exemple, de Tiyi qu’on voit fréquemment associée dans l’imagerie officielle, à l’exercice du pouvoir, à l’égal du roi, dont elle partage jusqu’aux prérogatives militaires. Citons le cas de la chapelle de Kheryouef (TT 192) où la reine est figurée comme la contrepartie d’Amenhotep III, formant un couple régnant

49 Jeanne VANDIER-D’ABBADIE, Deux tombes ramessides à Gournet-Mourrai (MIFAO 87), Le Caire 1954. 50 PM I/1, 354, (2), I. 51 Sur l’assassinat d’Amenemhat Ier et de Ramsès III, VERNUS, Sagesses de l’Égypte pharaonique, p. 215-219 ; Idem, Affaires et scandales sous les Ramsès, Paris 1993, p. 141-157. 52 Marco BALDI, « Isis in Kush, a Nubian soul for an Egyptian goddess », JIIA 2 (2015), p. 97-121 : p. 112.

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synergique53. Petit détail : le décor du panneau des accoudoirs de son trône donne une déclinaison féminine du thème de l’union du Double-Pays : le topos des ennemis vaincus est bien présent, du moins au travers de leurs épouses. La caricature est sauvage, en contraste avec l’idéal de beauté qu’incarne la reine pourtant vieillissante54. Il est intéressant de noter la même variation dans l’apport du tribu nubien en or sur le dossier du siège de son aînée, la princesse Satamon55. Un détail à rapprocher des colosses représentant Ramsès II et Nefertary à Abou Simbel. Ce mythème de la Bonne Mère, garante de la légitimité du pouvoir, trouve justement un écho particulier dans le discours tenu en Nubie à partir de l’époque thoutmoside56.

a.

b.

c.

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Fig. 5 a , b et c. a) TT 277 (© J. Maître) ; b) CALVERLEY & BROOME, The Temple of King Sethos I at Abydos, vol. 4, pl. 68, fig. 2.a ; c) LD V, fig. 31.

53 Oriental Institute, The Tomb of Kheruef. Theban Tomb 192 (OIP 102), Chicago 1980, pl. 49, 52, fig. a. Le personnage était l’intendant de la reine. Sa mère, Rwjw, était d’ailleurs ornement royal et chanteuse d’Isis la mère du dieu ; information à croiser avec la procession décrite dans la chapelle de la tombe d’Imeneminet, voir infra. 54 PM I/1, 299 (8) ; la construction de la tombe débuta vers la fin du règne d’Amenhotep III, après son troisième jubilé. Elle était encore en travaux sous celui d’Akhénaton. 55 CG 51113 ; James QUIBELL, Tomb of Yuaa and Thuiu, CGC, nos 51001-51191, Le Caire 1908, pl. XLIII. 56 Jean LECLANT, « Isis au pays de Kouch », AnnEPHE 90 (1981), p. 39-59. 57 PM I/1, 354 (2).

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3. Le patronage d’Isis sur les contrées méridionales 3.1. L’expression de la souveraineté égyptienne en Nubie Reprenons le fil de l’histoire. Horus a grandi. Ayant renversé Seth, le jeune homme se voit confirmé dans la fonction de son père : la légitimité de l’exercice du pouvoir est restaurée ! La capacité du dieu à triompher des dangers qui pesaient sur sa jeune existence assure sa mainmise sur les menaces extérieures (Fig. 6)58. L’autorité qu’il hérite de Rê étant universelle, elle s’étend naturellement sur l’étranger qui, de fait, échappe plus ou moins au contrôle réel des rois humains qui lui succèdent. On retrouve ainsi Horus à l’extérieur, où il représente l’ordre pharaonique aux yeux des populations idéalement assujetties, et plus ou moins réceptives à la nouvelle donne égyptienne. La conquête d’un empire par les premiers rois de la 18e dynastie entérine cette prétention idéologique avec la mise en œuvre d’un ambitieux programme architectural visant à l’appropriation des territoires conquis en Nubie, région perçue depuis fort longtemps comme le prolongement naturel du pays vers le sud.

Fig. 6. BOUSSAC, « Sauriens figurés », p. 59, fig. 1.

La conquête d’une partie de la Nubie au cours de la 12e dyn. avait déjà été l’occasion de réaffirmer haut et fort ce principe fondamental de l’idéologie pharaonique. La province fut naturellement vouée au patronage d’Horus, le dieu monarchique par excellence, dont le culte fut démultiplié en autant de formes locales que de territoires à maîtriser59. Dès le règne d’Hatchepsout, 58 MEEKS & FAVARD-MEEKS, Dieux égyptiens, p. 101, 106-107. À rapprocher du rôle joué par Horus-Shed, voir notamment la plaquette no 1472 du musée égyptien de Turin ; Gregoire LOUKIANOFF, « Le dieu Ched. L’évolution de son culte dans l’ancienne Égypte », BIdE 13 (1931), p. 67-84 : p. 77. 59 Barry J. KEMP, « Imperialism and Empire in New Kingdom Egypt (c. 1575-1087 B.C.) », dans P.D.A. Garnsey & C.R. Whittaker (éd.), Imperialism in the Ancient World, Cambridge 1978, p. 5-57, 284-297, 359-373 : p. 37-38 ; Wolfgang SCHENKEL, art. « Horus », LÄ III (1980),

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le désir d’entériner durablement son rattachement à la Haute-Égypte transparaît dans la reconnaissance de l’analogie paysagère entre les deux premières cataractes du Nil : Bouhen est présentée comme l’ « Éléphantine méridionale », c’est-à-dire le nouveau poste-frontière de l’extrême-sud de l’Égypte60. La théologie qu’on y développe insiste, par exemple, sur la similitude rapprochant les divinités des nomes méridionaux et celles de Ouaouat61. Une constante que l’on retrouve dans tous les monuments construits en Basse-Nubie au Nouvel Empire. D’autres sites, comme le rocher de Qasr Ibrîm, reprirent également le rôle de la source mythique du Nil, située traditionnellement au niveau de la première cataracte. À l’époque de Thoutmôsis III, la province de Ouaouat est ainsi soumise à une trinité horienne regroupant les dieux poliades des trois chefs-lieux de districts substitués aux anciennes capitales des principautés indigènes, installées dans les plaines de Dakké, d’Aniba et de Faras. Retenons, au final, que ces « Horus de Nubie » ne sont pas des dieux bas-nubiens allochtones, mais des dieux égyptiens allogènes d’une Égypte étirée vers le midi. L’annexion de Ouaouat au nome de Nubie élargit un premier temps la marche frontalière avec les potentats soudanais de Kouch, puis d’Irem et Miou. L’explication logique de ces conquêtes nous est donnée par Sésostris III lui-même, qui repoussa, en son temps, la frontière de l’Égypte d’une cinquantaine de kilomètres plus au sud62 : Lorsque j’ai établi ma frontière, je suis allé en amont de celle de mes pères, car j’ai fais plus que ce qui m’a été transmis […] Ainsi donc, tout fils de moi qui affermira cette frontière qu’a fixée Ma Majesté, c’est mon fils et il aura été enfanté pour Ma Majesté à l’image du Fils protecteur de son père qui affermit la frontière de celui qui l’engendra. Mais de même, quiconque la négligera et ne se battra pas pour elle, ce n’est certes pas mon fils et il n’a certes pas été enfanté pour moi. Enfin, Ma Majesté a placé une statue de Ma Majesté sur cette frontière qu’a fixée Ma Majesté afin de vous engagez à être fermes à son sujet, et que vous vous engagiez à combattre à son sujet.

col. 14-25 (plus spécialement col. 23, D.3.) ; TÖRÖK, Between Two Worlds, p. 84-85, 211-212 ; Zbynĕk ŽÁBA, The Rock Inscriptions of Lower Nubia, Prague 1974, p. 112-113. 60 Ricardo A. CAMINOS, The New Kingdom Temples of Buhen, 2 vol. (ASE 33-34), Londres 1974, vol. 1, p. 80, n. 3, p. 81, n. 2 ; Claire SOMAGLINO, « Les “portes” de l’Égypte de l’Ancien Empire à l’époque saïte », Égypte 59 (2010), p. 3-16. 61 Avec le développement du culte d’ « Horus, le patron du Pays nubien » ; Médinet-Habou : PM II, 467 (pillars H) ; Jean-François CHAMPOLLION, Notices descriptives, vol. 1, Paris 1844, p. 330 ; 716 ; Georges DARESSY, Notice explicative des ruines de Medinet Habou, Le Caire 1897, p. 13-14 ; LD III, 155 ; Gébel Barkal B 300 : PM VII2, 211 (11) ; LD V, pl. 10. Le même était déjà présent dès le Moyen Empire : Jonathan MAÎTRE, Les quatre Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, 2008, nos 8 et 232. 62 Bernard MATHIEU, « La littérature à la fin du Moyen Empire », dans Fl. Morfoisse & G. Andreu-Lanoë, Sésostris III, pharaon de légende, Gand 2014, p. 86-91 : p. 86-88 ; Claude OBSOMER, « L’empire nubien des Sésostris : Ouaouat et Kouch sous la XIIe dynastie », dans M.-C. Bruwier (éd.), Pharaons noirs, sur la piste des quarante jours, Mariemont 2007, p. 53-75 ; Pierre TALLET, Sésostris III et la fin de la XIIe dynastie, Paris 2005, p. 44-48.

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Or, cette revendication territoriale est largement reprise par la politique architecturale mise en œuvre en Basse-Nubie à l’époque thoutmoside, entérinant la conquête du royaume de Kerma. Refondations monumentales en pierre de taille et constructions nouvelles témoignent visiblement de la prise de possession du territoire, concourant à la définition d’identités nouvelles, plus ou moins exotiques car métissées. Ce faisant, Thoutmôsis III pérennise à la fois l’œuvre de ses prédécesseurs déifiés, — comme Sésostris III à Semna —, mais réitère à son tour l’exploit d’aller plus loin en accroissant le patrimoine dont il hérita de son grand-père Thoutmôsis Ier63. L’extension territoriale est une double victoire par son exemplarité : c’est renouer avec le temps d’Horus, la figure idéale de Pharaon qui maintient la création léguée par Rê (mꜢ῾.t) et la renforce en repoussant plus loin sa limite avec l’étranger (jsf.t). On touche alors du doigt la solarité inhérente à l’aspect falconiforme qu’endosse Horus à l’étranger, facilement reconnaissable dans le haut vol du faucon au milieu de nulle part. La stèle votive du directeur du cheptel de tous les dieux de Ouaouat, Âhmesou, à Aniba, nous donne à voir l’apparence du dieu figuré sous les traits d’un énorme faucon couronné du disque solaire muni de l’uraeus64. Rê-Horakhty lui-même passait pour résider dans la ville, d’où il patronnait le méandre que dessine le cours du Nil à la hauteur d’Amada65. Le patronage d’Horus sur l’île de Saï, aux portes de Kerma, emprunte directement au fonds des images symboliques du pouvoir royal, rappelant à dessein la formulation en vigueur du premier titre royal : « L’Horus : “Le Taureau victorieux de la Nubie qui réside à Thèbes” »66. Mais il y a plus car cette métaphore taurine est peu à peu filée à propos d’Amon jusqu’à l’époque méroïtique67. Cette assertion idéologique est appuyée par la présence de ses parèdres, vite assimilées à la figure maternelle de la reine-mère.

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Reprise de la stèle de son grand-père Thoutmosis Ier à Kénissa-Kourgous ; W. Vivian DAVIES, « Nubia in the New Kingdom: The Egyptians at Kurgus », dans N. Spencer, A. Stevens & M. Binder (éd.), Nubia in the New Kingdom. Lived experience, pharaonic control and indigenous traditions (BMPES 3), Louvain – Paris – Bristol, CT 2017, p. 65-105. Culte des grands conquérants héroïsés — Sésostris Ier et III —, dans la Nubie du Nouvel Empire. 64 MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, no 107. 65 Michel DEWACHTER, « Le grand coude du Nil à Amada et le toponyme tꜢ q῾ḥ(t) », RdE 38 (1987), p. 190-193 : p. 193. 66 MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, nos 82, 228, A33, A50 et sur un pilastre de Thoutmôsis IV à Amada. 67 BALDI, « Isis in Kush », p. 112.

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3.2. Le rôle et le sens du scorpion isiaque dans les cultes horiens de Ouaouat L’histoire du culte d’Isis en Nubie est ancienne68. En l’état actuel de la documentation, on situerait son commencement à Bouhen, au cours de la DPI69. C’est à cette époque, en effet, qu’un prince de Kouch y fit construire un nouveau temple consacré à Horus, le dieu patronnant la région du Batn el-Haggar, dont le culte était alors en plein essor70 ; voilà au moins identifié un dieu du panthéon adoré à Kerma à l’Âge du bronze71. De ce temple en briques, bien peu de choses nous sont parvenues si ce n’est peut-être le plan dont les grands axes auraient été conservés tout au long du Nouvel Empire. Dès le début de la 18e dynastie, le jeune Âhmôsis y fait réaliser des travaux par le truchement du vice-roi Touro, mais rien n’y indique encore la place centrale qu’occupera la déesse par la suite, si ce n’est la présence, sur un linteau monumental, de la reine Âhhotep. Le tableau dépeint l’adoration d’Horus par le roi, guidé par sa mère72 ; une association que l’on retrouve sur une stèle commémorative érigée à Qasr Ibrîm en l’an 8 d’Amenhotep Ier, au retour d’une campagne militaire au Soudan73. Le roi, qui célèbre le culte en l’honneur de l’Horus de Miâm, est accompagné par Âhmès-Néfertary et Méritamon. Mais les grands travaux ont lieu un peu plus tard. Une première étape correspond à la refondation, en pierre de taille, de l’ancien temple construit à la 12e dynastie à l’intérieur de l’enceinte haute. Rapidement, l’ensemble est repensé par Thoutmôsis III qui transforme ce périptère par l’ajout d’une cour rectangulaire encadrée par un péristyle dans le but d’accueillir les célébrations de plein air (Fig. 7). Comme l’a montré l’étude réalisée par Benoît Lurson, l’agencement du décor obéit à des règles précises qui définissent le cadre dans lequel se développe le discours théologique porté par ce projet architectural74. Nous allons nous 68 BERGMAN, art. « Isis » ; GOYON, « Isis-scorpion et Isis au scorpion », p. 448 ; LECLANT, « Isis au pays de Kouch », p. 47 ; Harry S. SMITH, « The rock inscriptions of Buhen », JEA 58 (1972), p. 43-82 : p. 58-61, pl. XXVI, fig. 1, fig. 11, 5 ; WILKINSON, Early Dynastic Egypt, p. 150154 ; Pascal VERNUS, « Réfections et adaptations de l’idéologie monarchique à la Deuxième Période Intermédiaire : La stèle d’Antef-le-victorieux », dans P. Der Manuelian & R.E. Freed (éd.), Studies in Honor of William Kelly Simpson, Boston 1996, vol. 2, p. 829-842 : p. 842. 69 SMITH, « The rock inscriptions of Buhen », p. 58-61, pl. XXVI, fig. 1. 70 MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, nos 155, 156, 195, 196. 71 Le succès de ce culte s’explique vraisemblablement par l’intérêt idéologique qu’il représentait aux yeux des différents pouvoirs régionaux, concurrents. 72 PUM 10987 ; MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, no 198. 73 BM EA 1835 ; Andrea KLUG, Königliche Stelen in der Zeit von Ahmose bis Amenophis III., Turnout – Bruxelles 2002, p. 52-54, pl. III ; MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, no 109 ; J. Martin PLUMEY, « Qasr Ibrîm, 1963-1964 », JEA 50 (1965), p. 3-5, pl. I, fig. 3. 74 Benoît LURSON, « Symétrie axiale et diagonale – 2 : les scènes des piliers de la cour du temple d’Horus à Bouhen », GM 182 (2002), p. 77-86. Sur la teneur du discours théologique développée à travers le décor pariétal, à El-Lessiya et Beit el-Ouali : Kirsten KONRAD, « Der Hemispeos von Ellesija. Zur Dekorationssystematik und Deutung eines ägyptischen Felstempels », SÄK 30 (2002), p. 229-248 ; Heather L. MCCARTHY, « The Beit el-Wali Temple of Ramesses II: A Cosmological Interpretation », dans Z. Hawass & J. Richards (éd.), The Archaeology and Art

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Fig. 7 (de g. à dr.) : a) CAMINOS, Buhen, vol. 1, pl. 64, fig. 2 ; pl. 73, fig. 2 ; b) J. MAÎTRE d’après DONADONI, L’art égyptien, Paris 1993, p. 404-407 ; c) J. MAÎTRE d’après Breasted P 2291 , consulté le 14/12/2017.

intéresser à l’axe matérialisé par les piliers érigés au milieu des côtés, et qui partage symétriquement la cour dans sa largeur, c’est-à-dire au centre de l’espace ouvert entre la porte du temple et l’entrée dans le sanctuaire. Il s’agit donc d’une étape importante située à mi-parcours du cheminement vers le dieu ; l’atteindre est un moment clé, propice à la célébration d’un rite particulier préparant au reste du parcours : la confrontation avec l’idole du dieu Horus. Or, de chaque côté, une paire de tableaux donne à voir en vis-à-vis deux figurations représentant une déesse porteuse d’un scorpion, à première vue identiques, si ce n’est la présence d’un détail du costume qui permet de distinguer deux variations géographiques d’un thème unique75. À chaque fois, l’arachnide, de petite taille, se trouve sur le front de la divinité. Mais la coiffure de l’une d’elle se complexifie par la présence d’une dépouille de vautour, au Nord, pointant vers l’Égypte… Une disposition qui ne va pas sans rappeler celle des déesses qui veillent sur la réussite du passage vers l’au-delà du seuil de la mort, via la solarisation du cadavre devenu momie76. Mieux : cette organisation of Ancient Egypt. Essays in Honor of David B. O’Connor, 2 vol. (CASAE 36), Le Caire 2007, vol. 2, p. 127-145. Voir également Labib HABACHI, « Divinities Adored in the Area of Kalabsha, with a Special Reference to the Goddess Miker », MDAIK 24 (1969), p. 169-183. 75 Voir en Annexe, Doc. nos 2 et 3. 76 Les vautours sont parmi les plus grands oiseaux du ciel d’Égypte ; ces rapaces nécrophages, d’aspect effrayant, sont aussi d’excellents voiliers et des parents exemplaires. La polysémie de l’image qu’ils suscitaient a donc été valorisée différemment pour transmettre du sens ; ici, c’est avant tout l’opposition entre la frénésie collective lors de la curée et la dominance des plus forts sur la carcasse qui en motive l’investissement apotropaïque. Le détournement de ces comportements, couplé à la qualité de leur vol voilé et à leur instinct parental très développé, la désigne naturellement à l’esprit comme le support d’une idéologie maternelle protectrice. C’est le média

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géographique du décor caractérise les fondations du roi en Nubie. C’est le cas par exemple pour les chapelles rupestres d’El-Lessiya, près d’Ibrim, et du Gébel Docha, à mi-chemin entre l’île de Saï et Soleb77. Les derniers travaux menés sur le terrain par W. Vivian Davies permettent pour la première fois d’en apprécier le décor dans son ensemble78. Le relevé des bas-reliefs y a révélé la présence jusqu’ici insoupçonnée d’Isis. L’image de la déesse, figurée sur la paroi, est représentée avec un scorpion de grande taille au sommet du crâne. La légende qui l’accompagne se réfère au même archétype qu’à El-Lessiya : « Isis la Grande, la mère du dieu », dont elle forme la contrepartie méridionale79. L’on peut donc se demander s’il s’agit d’un syncrétisme, né du rapprochement de deux traditions originales, l’une égyptienne, l’autre soudanaise, mais puisant leur source dans le même fonds commun est africain ; si bien qu’on pourrait le décrire comme un exemple d’évolution convergente. Le scorpion est en effet une figure que l’on retrouve depuis longtemps dans le bestiaire nubien, comme l’attestent plusieurs découvertes : appliques cousues sur le linceul du défunt à Kerma, modèle funéraire en haut relief, etc. (Fig. 8)80. Il s’agit d’un animal de grande taille, représenté avec soin dans une posture de repos. Sa présence en contexte funéraire procède peut-être du même phénomène de diffusion sur une aire commune. Les idées étant sans frontière, deux cultures différentes peuvent s’approprier des symboles communs, d’autant plus facilement qu’elles rayonnent sur des territoires voisins. Et le fait n’est pas isolé, comme en témoigne la diffusion du type du génie Thouéris, en Crète comme au Soudan, durant l’Âge du bronze81. Cette assimilation, par différentes cultures, repose sur la reconnaissance de la valeur symbolique que véhicule la figure de la mère-hippopotame qui défend son veau avec énergie. Ce mythème de la Bonne Mère est atemporel et universel. Et ses lectures nombreuses. Le mode de représentation des images culturelles variant au sein de chaque employé par le roi défunt pour s’extirper de sa condition humaine, et celui, à partir du Moyen Empire, des reines et des déesses associées à l’enfantement du roi. Sur la veillée du corps mort d’Osiris par Isis et Nephthys sous l’apparence de milans : Jonathan MAÎTRE, « Comme un oiseau sur la branche… », ENiM 10 (2017), p. 89-101 : p. 99. 77 Annexe, Doc. nos 4 et 5. 78 W. Vivian DAVIES, « The Egyptian Inscriptions at Jebel Dosha, Sudan », BMSAES 4 (2004), p. 1-20 ; Idem & Isabella W. SJÖSTRÖM, « Recording Jebel Dosha: the chapel of Thutmose III », SudNub 20 (2016), p. 18-27. 79 MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, nos 15, 16, 29, 95, 97, 108, 177, 188, 189, 201 et Gunther ROEDER, Der Felsentempel von Beit el-Wali, Le Caire 1938, pl. 35, fig. b. 80 Mfa 20.1666 ; George REISNER, Excavations at Kerma, IV-V (HAS VI), Cambridge, MA 1925, p. 51, 131, pl. 44, fig. 2, no 19 ; Matthieu HONEGGER, Aux origines des pharaons noirs : 10.000 ans d’archéologie en Nubie, Hauterive – Neuchâtel 2014, p. 63 ; Dietrich WILDUNG (dir.), Soudan, royaumes sur le Nil, Paris 1997, p. 101, no 102. 81 Chantal SAMBIN, « Génie minoen et génie égyptien, un emprunt raisonné », BCH 113 (1989), p. 77-96 ; sur ce type de génie, voir VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 686-697. On notera au passage l’investissement apotropaïque de l’image renvoyée par les mères hippopotames dans le folklore égyptien et nubien.

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Fig. 8. Museum of Fine Arts 20.1666 , consulté le 14/12/2017.

système de penser le monde, l’imagerie qu’ils développent indépendamment en recompose sa propre figuration. Si bien que l’on a trop tendance à vouloir distinguer l’Égypte de la Nubie en opposant leur différences, et ce, sans tenir compte que leurs cultures respectives procèdent d’un vieux fonds référentiel plus ou moins commun à tout l’est-africain. Bien sûr, chaque groupe régional a su définir sa propre originalité par contraste avec l’étranger, mais leur aire d’influence se recoupe pour former une dynamique d’ensemble dominée par la croyance en la survivance de l’individu après la mort, et l’acceptation d’une autorité surhumaine, divine. Les sources épigraphiques égyptiennes témoignent de la reconnaissance en l’existence de ces dieux à l’étranger82. De même, les données archéologiques issues des fouilles de Kerma permettent de démontrer leur acclimatation plus où moins aboutie au sein d’un l’horizon culturel différent, mais voisin. Il est vain de chercher l’épicentre d’idées qui évoluent à mesure qu’elles se diffusent. Une telle variation a cependant tout du syncrétisme. Il est probable que l’on voulut normaliser les relations bilatérales entre les deux pays, notamment par la reconnaissance de symboles forts, susceptibles d’exprimer l’analogie qui pouvait coexister entre des valeurs voisines et plus ou moins partagées. La préférence pour le gros scorpion signerait peut-être la rémanence d’une tradition nubienne vivace, qu’il fût utile de se concilier. Un bon moyen pour le grand conquérant de mettre (tous) les dieux de son côté. L’on doit ensuite à son fils et successeur, Amenhotep II, la refondation du 82 Dimitri MEEKS, « Notion de « dieu » et structure du panthéon dans l’Égypte ancienne », RHR 205 (1988), p. 425-446 : p. 442-444 ; Harry S. SMITH, The Fortress of Buhen, vol. 2 : The Inscriptions, Londres 1976, p. 58-59, pl. 72, fig. 3 ; ŽÁBA, The Rock Inscriptions of Lower Nubia, p. 153-154.

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temple nord de Bouhen où une stèle votive, datée du règne de Thoutmôsis IV, fut dressée en l’honneur d’Horus et d’Isis83. L’examen de sa composition permet d’aller un peu plus loin, car l’arachnide est apposé au port du couvrechef hathorique, ce qui suggère la volonté de concilier tant bien que mal les différentes figurations d’une individualité multiforme. La place de la déesse dans la théologie locale est bien établie au début de la 19e dynastie. Le temple est l’objet d’une refondation entre le règne de Ramsès Ier et de Séthi Ier, date à laquelle se constitue une triade familiale regroupant les aspects procréateurs d’Amon et d’Isis84. Cela dit, reprenons l’étude de l’iconographie isiaque où nous l’avions laissée. La valeur maternelle du scorpion, on l’a vu, est la clé qui permet de comprendre le symbolisme qui s’attache à la figuration de cet aspect de déesse qu’il nous faut décrire. On trouvera en annexe la liste de ses figurations en Nubie. Dans tous les cas, l’arachnide est toujours représenté selon les même codes iconographiques : couleur jaune, pédipalpes ramenés le long du corps, la queue repliée, rabattue sur le côté. Inutile, ici aussi, de chercher à déterminer une espèce précise, même si l’observation de spécimens naturels est démontrée par la précision du rendu de certains détails morphologiques. La récurrence de ces critères permet d’établir que le rabattage de queue correspond au désir de rendre une posture polysémique, capable d’évoquer paradoxalement la dangerosité potentielle de la mère aimante. Le scorpion est en effet un animal qui cherche constamment à rester le plus possible en contact avec le sol85, d’où la valeur chthonienne attribuée à l’image qu’il suscite dans les croyances, qu’elles soient liées à une idéologie, au folklore ou au religieux. Pour se faire, il se recroqueville lorsqu’il reste inactif, abaissant sa queue enroulée d’un côté de son corps. De fait, deux espèces étaient familières aux Égyptiens ; l’une et l’autre ont pu servir de modèle à la composition du référent animalier pour la figuration de l’aspect surprotecteur d’Isis. On remarquera seulement qu’Androctonus autralis L., 1758, le plus grand, est un scorpion dit « à queue épaisse » (lit. « Fat-tailed scorpion »), d’un jaune paille mordoré plus uniforme, qui affectionne les milieux sablonneux et désertiques. La toxicité de son venin est particulièrement élevée, presque autant que celui du cobra86. 83

Annexe, Doc. no 7. Stèles Louvre C 57 (KRI I, 2-3 ; PM VII, 129-130), BM EA11189 (KRI I, p. 37-38) et PUM 10988A-B (KRI I, 100, § 47 ; David RANDALL-MACIVER & Leonard WOOLLEY, Buhen, 2 vol. (Eckley B. Coxe Junior Expedition to Nubia VII), Philadelphie 1911, vol. 1 : Text, p. 93 ; vol. 2, pl. 34). 85 On parle d’un animal « thigmotactile » ; cf. Stanley C. WILLIAMS, « Scorpion », dans V.H. Rest & R.T. Gardé (éd.), Encyclopedia of Insects, Amsterdam – Boston – Londres – New York – Oxford – Paris 2009, p. 907 et 1089. Le rabattage du metasoma normalise l’antinomie suscitée sur le plan sémiotique par la dualité d’une posture évocatrice de l’apaisement d’un potentiel mortel qui reste menaçant. 86 On consultera avec profit la recension fondamentale présentée par BERLANDINI & AUFRÈRE, ici même, p. 307-372. 84

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Au terme de cette démonstration, nous avons démontré que l’image du scorpion véhicule la surprotection maternelle. Sa figuration n’est donc pas représentative de l’exotisme qui caractériserait la perception de la Nubie dans le folklore pharaonique87. De fait, les plus anciennes figurations d’Hededet, datées du début de la 18e dynastie, la représentent également sous les traits d’une femme qui porte sur la tête un gros scorpion88. Il est alors possible de définir grossièrement un phasage en quatre étapes de ce développement iconographique : 1) Apparition d’un scorpion de petite taille positionné sur le front de la déesse, au début de la 18e dynastie ; 2) Développement d’un plus grand modèle positionné sur le sommet du crâne à la fin de l’époque thoutmoside. Son origine serait d’influence soudanaise, peut-être pour des motifs syncrétiques ; 3) Existence, à la fin de la 18e dynastie, d’une variante apode, empruntant à l’iconographie de Serqet89 ; 4) Le port de la couronne hathorique supplante celui du scorpion dès le début du règne personnel de Ramsès II : il n’apparaît plus par la suite dans les constructions ultérieures du roi90. De fait, les tableaux où Isis est figurée sous cet aspect représentent soit l’embrassade du roi couronné du khéprech, soit un dieu solaire, qui file la métaphore du « rapt ». Dans ces deux cas, la déesse prend soin du détenteur de la royauté pharaonique. Le recours au signe du scorpion trouve sûrement son origine dans la connaissance de son mode de reproduction : le mâle, on l’a vu, guide sa partenaire en la prenant par les pédipalpes. Il s’agit donc de susciter la conception d’un héritier légitime pour perpétuer la lignée royale issue de Rê, un enjeu idéologique d’autant plus important lorsqu’il s’agit de justifier la conquête d’un territoire étranger… Isis est présentée comme la patronne de l’Égypte, et des pays nubiens. À ce titre, c’est elle qui transmet à l’héritier légitime de Rê, Horus, la royauté qu’il institua pour régir ces deux régions.

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La Nubie fournit bien souvent le cadre exotique nécessaire à la narration divine, tout comme Pount, exemple : P. Chester Beatty VII = BM 10687 (charmes pour lutter contre les piqûres de scorpions mettant en scène Isis) : Alan H. GARDINER, Hieratic Papyri in the British Museum : Chester Beatty Gift, vol. 1, Text, Londres 1935, p. 63 ; Yvan KOENIG, « La Nubie dans les textes magiques “L’inquiétante étrangeté” », RdE 38 (1987), p. 105-110 : p. 106. 88 W. Vivian DAVIES, « The Tomb of Sataimau at Hagr Edfu: An overview », BMSAES 20 (2013), p. 55, fig. 19 (« an enormous scorpion » dit l’auteur) ; Vilmos WESSETZKY, « Une stèle d’Horus d’Edfou et de la déesse Hédédet », BMH 79 (1993), p. 7-10. 89 Spéos d’Horemheb au Gebel el-Silsilèh, voir Annexe Doc. no 8 ; à rapprocher de la forme de Serqet dans la chapelle de Toutânkhamon JE 60686. 90 L’équation suivante permet de schématiser la situation à l’époque de Ramsès II : Khnoum + (Satis + Anoukis) / Horus de Nubie + (Isis au scorpion + Hathor d’Ibchek).

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ANNEXE : DOCUMENTS 1. Les figurations datables de la 18e dynastie91 Doc. 1. Face à face du roi et d’Isis92 Provenance d’origine : temple de Dakké. Datation : Hatchepsout et Thoutmôsis III. Localisation actuelle : New Sebua.

Fig. 9 a) New Sebua (© J. Maître 2016). b) détail.

Il s’agit de deux blocs d’assise (Fig. 9a-b) d’un mur de refend, réemployés dans les fondations de la chaussée du temple ptolémaïque de Thot de Pnoubs. Ils proviennent du démontage d’un ancien temple d’Horus de Baki, peut-être celui construit à Kouban.

1) ḏd mdw jn Ꜣs.t mw.t nṯr [ḥnw.t tꜢ.wy] 2) ḏd mdw d.n⸗(j) n⸗k nsy.t tꜢ.w Paroles dites par Isis la mère du dieu, la souveraine du Double-Pays : « (Je) t’ai remis la royauté de (tous) les pays […]. » 3) ḏd mdw (j)n s[Ꜣ] n ẖ[.t⸗f mr.y⸗f] Mn-ḫpr-[R῾] « (Paroles dites) à [son bien-aimé] fi[ls] charn[el] Menkhéper[rê…] »

91 On ajoutera à la liste le tableau donnant à voir Horus l’hiérakonpolitain et Isis au scorpion dans la tombe d’Ḥr-mnj à Kom el-Ahmar, sous Thoutmosis Ier, en cours de publication. Voir d’ici là Renée FRIEDMAN, « The Dynastic tombs at Hierakonpolis: painted tombs of the early Eighteenth Dynasty », dans W.V. Davies (éd.), Colour and Painting in Ancient Egypt, Londres 2001, pl. 37, fig. 3 92 Adel FARID, « Blocks from a Temple of Thutmosis III at Dakka », CdE 54, fasc. 107 (1979), p. 1-7.

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Accompagnateur : vautour à tête de cobra93. Coiffure : inconnue. Vêtement : inconnu. Accessoire : inconnu. Divinité : Isis, petit scorpion posé sur le front. Offrande/acte rituel : accueil ? Légende : inconnu. Doc. 2. Le roi adore à quatre reprises Isis qui le vivifie en retour94 Provenance d’origine : temple sud de Bouhen. Datation : vers l’an 23 de Thoutmôsis III. Localisation actuelle : jardin du musée national du Soudan, à Khartoum (Fig. 10).

1) [Ꜣs.t mw.t nṯ.r] ḥn[w.t n]ṯr.w 2) [d.n⸗(j) n⸗k (?) nsy.t tꜢ.wy m]j [R῾] [Paroles dites par Isis la mère du dieu], la souveraine des dieux : [« Je t’ai accordé (?) la royauté du Double Pays, com]me [Rê]95. »

Fig. 10. CAMINOS, Buhen, vol. 1, pl. 64, fig. 2. 93 Il s’agit d’une entité duelle qui synthétise la réunion des royautés de la Haute et de la BasseÉgypte ; la figuration de ce rapprochement idéologique s’appuie sur l’existence d’une analogie formelle — ophidienne — dans la physionomie du vautour et du cobra : cou effilé, lisse et long, redressé, strié, etc. et leur aspect menaçant. 94 CAMINOS, Buhen, vol. 1, p. 54-55, pl. 64 ; RANDALL-MACIVER & WOOLLEY, Buhen, vol. 1 : Text, p. 40 ; vol. 2 : Plates, pl. 16. 95 Restitution personnelle d’après la comparaison des brides de cette légende avec les exemples réunis dans la présente annexe et celles que l’on trouve dans les temples de Basse-Nubie contemporains, notamment Bouhen, Semna et Koumma.

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Accompagnateur : inconnu (serekh et cartouches seuls ?). Coiffure : kheprech à ruban. Vêtement : pagne rayonnant. Accessoire : aucun. Divinité : Isis ; petit scorpion posé sur le front et dépouille de vautour. Offrande / acte rituel : adoration / vivification. Légende : dwꜢ nṯr sp 4 « adorer le dieu à quatre reprises ». Doc. 3. Le roi adore (?) Isis qui le vivifie en retour96 Provenance d’origine : temple sud de Bouhen. Datation : vers l’an 23 de Thoutmôsis III. Localisation actuelle : jardin du musée national du Soudan, à Khartoum. Aucune légende conservée. Ces deux tableaux (Fig. 11) ornent la face intérieure des deux pilastres situés de part et d’autre de la cour des fêtes de Thoutmôsis III, selon un axe de symétrie passant par son milieu. L’atef et le kheprech forment un couple type de couvrechefs associés au couronnement et à l’inscription de la titulature royale sur les feuilles de l’arbre iched. Isis était déjà présentée comme l’une des parèdres naturelles d’Horus à l’intérieur du bâtiment central attribué à Hatchepsout97.

Fig. 11. CAMINOS, Buhen, vol. 1, pl. 73, fig. 2.

Accompagnateur : inconnu (serekh et cartouches seuls ?). Coiffure : couronne atef. 96 CAMINOS, Buhen, vol. 1, p. 61, pl. 73 ; RANDALL-MACIVER & WOOLLEY, Buhen, vol. 1 : Text, Philadelphie 1911, p. 41. 97 CAMINOS, Buhen, vol. 2, pl. 63, fig. 2 ; RANDALL-MACIVER & WOOLLEY, Buhen, vol. 1, p. 55.

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Vêtement : barbe postiche, pagne rayonnant. Accessoire : aucun. Divinité : Isis ; petit scorpion posé sur le front et uraeus. Offrande / acte rituel : adoration / vivification ? Aucune légende n’est conservée. Doc. 4. Isis enlace le roi98 Provenance d’origine : chapelle rupestre d’El-Lessiya. Datation : vers l’an 52 de Thoutmôsis III. Localisation actuelle : Musée égyptien de Turin no S. 18016 RCGE 45911.

Fig. 12. De g. à dr. : a) EL-ACHIERY, ALY & DEWACHTER, Le spéos d’El-Lessiya, vol. 2, pl. XIX ; b) Musée égyptien de Turin / © J. Maître.

Ce petit tableau (Fig. 12) conclue la série dédiée à l’évocation des divinités métropolitaines, résumée par la consécration de l’offrande à Amon-Rê. Son pendant met en scène Satis, suivie de l’Horus de Miâm ; à mettre en relation avec le culte d’Hededet à Edfou. 98 Silvio CURTO, Il tempio di Ellesija (QuadTorino 6), Turin 1970, fig. 31 ; Chr. DESROCHESNOBLECOURT, Sergio DONADONI & Gamal E. MOUKHTAR, Le spéos d’El-Lessiya, vol. 1 : Description archéologique, planches photographiques, Le Caire 1968, p. 11, pl. XVI, fig. 19, XVII, fig. 20 ; Hassan EL-ACHIERY, Mohammed ALY & Michel DEWACHTER, Le spéos d’El-Lessiya, vol. 2 : Plan-clé, plans, coupes, dessins, index, Le Caire 1968, pl. XVIII, XIX ; Chr. DESROCHES NOBLECOURT, Le secret des temples de la Nubie, Paris 1999, p. 129-130 ; PM VII, 90 (5) ; voir la stèle rupestre gravée sur la façade à droite de l’entrée, dans Maître, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, no 74.

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1) [sꜢ R῾ n ẖ.t] mr.y⸗f [nṯr nfr Mn-ḫpr-R῾ d(w) ῾nḫ] mr.y [Ꜣs.t] mw.t-nṯr Le bien-aimé [fils charnel de Rê, le dieu parfait Menkhéperrê − Qu’il vive !], aimé d’[Isis] la mère du dieu.

Accompagnateur : inconnu. Coiffure : couronne blanche. Vêtement : pagne chendjit. Accessoire : signe ânkh. Divinité : Isis, petit scorpion posé sur le front. Offrande / acte rituel : accolade (snsn). Légende : aucune. El-Lessiya D13, D19, E3

Fig. 13. Gébel Docha / © V. W. Davies.

Doc. 5. Face à face du roi avec Isis99 Provenance d’origine : chapelle rupestre du Gébel Docha. Datation : fin du règne de Thoutmôsis III100 ? 99 W. Vivian DAVIES, « Recording Jebel Dosha: the chapel of Thutmose III. Decoration and Inscriptions », SudNub 20 (2016), p. 23, fig. 10, 26. La lecture des légendes du tableau serait d’après cet auteur : « Words spoken by Isis, my son I have given to you all life, stability and dominion, all health, every [day?], like Re. » (communication personnelle). Je remercie chaleureusement W. Vivian Davies qui m’a aimablement communiqué ce visuel, en me faisant partager ses découvertes nombreuses sur le terrain ; le site, en péril, n’avait jusqu’alors fait l’objet d’aucun relevé depuis ceux de Lepsius, malgré son intérêt remarquable et sa proximité de Soleb. 100 Voir supra Doc. 4.

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Localisation actuelle : in situ. La paroi N.-E. (Fig. 13) est décorée par trois tableaux où le roi fait successivement face à Isis, Sésostris III déifié et une divinité détruite. Le décor de cette chapelle rupestre est très endommagé, mais elle présente de nombreuses similitudes avec celle d’El-Lessiya. Selon le relevé de Lepsius, les tableaux qui encadrent la porte desservant le sanctuaire représentent, d’un côté Horus, le taureau maître de la Nubie, et de l’autre Hathor (d’Ibchek ?). Doc. 6. Isis s’unit au roi101 Provenance d’origine : temple d’Amada. Datation : Thoutmôsis III et Amenhotep II. Localisation actuelle : New Amada.

Fig. 14. a) ALY, ABDEL-HAMID & DEWACHTER, Le temple d’Amada, vol. 4, pl. H 7-9 ; b) Amada / © Ph. Touzard.

101 Hassan EL-ACHIERY, Paul BARGUET & Michel DEWACHTER, Le temple d’Amada, vol. 1 : Architecture, Le Caire 1967, pl. XIV ; Paul BARGUET & Michel DEWACHTER, Le temple d’Amada, vol. 2 : Description archéologique, planches, Le Caire 1967, p. 9-10, pl. XLVI, fig. 102 ; Paul BARGUET, A. ABDEL-HAMID YOUSSEF & Michel DEWACHTER, Le temple d’Amada, vol. 3 : Textes, Le Caire 1967, p. 27 ; Mohammed ALY, Fouad ABDEL-HAMID YOUSSEF & Michel DEWACHTER, Le temple d’Amada, vol. 4 : Dessins – Index, tables de concordances, Le Caire 1967, pl. H 7-9 ; S. CURTO, Nubia, storia di una civiltà favolosa, Novare 1971, p. 246, fig. 155 ; Christiane DESROCHES NOBLECOURT, Ramsès II, la véritable histoire, Paris 1996, p. 228-229 ; Henri GAUTHIER, Le temple d’Amada, 2 vol., Le Caire 1913-1926, p. 121-122, pl. XXIII-XXVII ; GOYON, « Isisscorpion et Isis au scorpion », p. 439-458 ; LD III, pl. 45, fig. c ; PM VII, 70 (37).

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Ce tableau (Fig. 14) se situe sur le montant intérieur droit de la porte d’entrée de la salle H. Il s’agissait à l’origine de la pièce de réception du bâtiment originel, avant d’être transformée en antichambre lors de la construction de la salle jubilaire de Thoutmôsis IV. Les tableaux suivants donnent à voir Amon-Rê puis l’Horus de Miâm et Rê-Horakhty. La mention des deux premiers leur associe la même épithète. La colonne d’hiéroglyphes située au-dessus de la déesse :

1) Ꜣs.t mw.t-nṯr sḥtp⸗s jb 2) d⸗s ῾nḫ wꜢs snb mj R῾ Isis la mère du dieu satisfait les visées (politiques). — Veuille-t-elle (lui) accorder vie, puissance et santé comme (celles de) Rê !

Accompagnateur : disque ailé avec uraeus. Coiffure : couronne khéprech. Vêtement : pagne rayonnant. Accessoires : canne et signe ânkh. Divinité : Isis ; petit scorpion posé sur le front. Offrande / acte rituel : remontée royale / embrassade. Légende : aucune. Doc. 7. Stèle votive à la mémoire du vice-roi Amenhotep102 Provenance d’origine : temple nord de Bouhen. Datation : Thoutmôsis IV. Localisation actuelle : Ashmolean Museum of Art and Archaeology AN1893.173. La figuration de la déesse (Fig. 15) emprunte au costume habituel d’Hathor. Le scorpion se distingue par sa grande taille ; il est situé à l’arrière de la couronne lyriforme103. La formule d’offrande invoque conjointement l’Horus de Bouhen et Isis :

1) Ꜣs.t wr.t 2) mw.t nṯr ḥnw.t nṯr.w 3) nb.w nb.t p.t Isis la grande, la mère du dieu, la souveraine de tous les dieux, la maîtresse du ciel. 102 MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, no 201 ; Wallis E. CRUM, « Stelae from Wadi Halfa », PSBA 16 (1893), p. 17-18 ; PM VII, 131 (Finds) ; SMITH, The Fortress of Buhen, vol. 2 : The Inscriptions, p. 210, pl. LXXXI, fig. 1. La notice de cet objet m’a été aimablement communiquée par Liam McNamara, conservateur des collections d’antiquités égyptiennes et soudanaises de l’Ashmolean Museum of Art and Archaeology à Oxford, que je remercie. 103 Comparer avec la stèle votive KHM 120 ; Ernst VON BERGMANN, « Inschriftliche Denkmäler der Sammlung ägyptischer Alterthümer des österreichischen Kaiserhauses », RecTrav 12 (1890), p. 1-23 : p. 17.

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4) ḥtp dj nsw Ḥr nb Bhn Ꜣs.t wr.t mw.t-nṯr ḥnw.t tꜢ.w rsy.w Puisse le roi faire une offrande à Horus le patron de Bouhen et à Isis la grande, la mère du dieu, la souveraine des contrées méridionales.

Fig. 15. Ashmolean Museum, AN 1893.173 © Ashmolean Museum, Picture Library.

Accompagnateur : disque ailé avec uraeï et œil oudjat. Coiffure : inconnue. Vêtement : inconnu. Accessoires : inconnu. Divinité : [Horus de Bouhen et] Isis, bandeau à rosettes et uraeus, couronne hathorique (cornes lyriformes et disque) avec un gros scorpion à l’arrière. Offrande / acte rituel : encensement et libation, table d’offrande. Légende : pẖr n ḫ.t nb.t « étalage de tous produits ». Doc. 8. Isis protège Horus le Béhédétite104 Provenance d’origine : hémi-spéos du Gebel es-Silsilèh. Datation : an 15 d’Horemheb ? Localisation actuelle : in situ. La déesse suit le dieu qu’elle protège d’un geste de la main, veillant ainsi à sa sécurité pendant sa régénérescence nocturne. Isis se substitue ici à Hededet, la parèdre habituelle du dieu d’Edfou, créant une dyade sexuée sur le modèle 104 PM V, 213 (54) ; Andrea Chr. THIEM, Speos von Gebel es-Silsileh, 2 vol. (ÄAT 47), Wiesbaden 2000, vol. 1 : Text und Tafeln, p. 326, pl. 81 ; vol. 2 : Arkitektonische Pläne und Umzeichnungen, p. 16.

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de la famille osirienne. On peut rapprocher ce tableau d’une peinture de la tombe de Baennetyou à Bahariya qui met en scène le démiurge solaire et Âbâset. Celle-ci n’est qu’une autre expression locale du mythème de la Bonne Mère105.

1) ḏd mdw jn Ꜣs.t 2) ḏd mdw wr.t nb.t 3) ḏd mdw p.t ḥnw.t tꜢ.wy bnr.t mr.t Paroles dites par Isis la grande, la maîtresse du ciel, la souveraine du Double-Pays, douce d’amour. 4) ḏd mdw jn Ḥdd.t ẖnm.t ḥr.t m-ḫ.t Wsjr r ḥtp m tꜢ MꜢnw Paroles dites par Hededet qui enserre le firmament à la suite d’Osiris pour (l’)apaiser dans la contrée occidentale.

Fig. 16. Gébel es-Silsileh (© J. Maître).

105 À comparer avec les figurations du couple formé par « Rê-Horakhty, le patron des confins (désertiques) » et « Âbâsé, la grande déesse du ciel, l’épouse du dieu » à Bahariya ; Sydney H. AUFRÈRE & Marguerite ERROUX-MORFIN, « Au sujet du hérisson. Aryballes et préparations magiques à base d’extraits tirés de cet animal », OrMonsp 11 (2001), p. 521-533 : p. 527-530 ; Ahmed FAKHRY, The oases of Egypt, vol. 2 : Bahriyah and Farafra oases, Le Caire 1973, p. 146 ; Jonathan MAÎTRE, « Le Hérisson du désert, protecteur des morts et des vivants », Archéologia 551 (2017), p. 60-63 : p. 63 ; Hend SHERBINY & Hussein BASSIR, « The Representation of the Hedgehog Goddess Abaset at Bahariya Oasis », JARCE 50 (2014), p. 171-184 : p. 183, fig. 12, 185, fig. 14, 186, fig. 15. Données à mobiliser à propos de la stèle du barbier d’Horus le Béhédétite Saas (SꜢ-Ꜣs) ; Georges DARESSY, « Notes et remarques », RecTrav 16 (1894), p. 42-60 : p. 43.

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Accompagnateur : aucun. Coiffure : disque solaire muni d’un uraeus. Vêtement : pagne court. Accessoires : ouas et ânkh. Divinités : Horus le Béhédétite et Isis, un scorpion apode posé au sommet du crâne. Offrande / acte rituel : aucun. Légende : aucune. 2. Les attestations datables de la 19e dynastie Doc. 9. Le roi verse une libation et encense les offrandes d’Horus de Bouhen et d’Isis106 Provenance d’origine : hémi-spéos de Beit el-Ouali. Datation : entre l’an 13 du règne de Séthi Ier et l’an 2 de Ramsès II. Localisation actuelle : New Kalabsha.

Fig. 17. a) RICKE, HUGHES & WENTE, The Beit el-Wali Temple of Ramesses II, pl. 29 ; b) Beit el-Wali, détail (© J. Maître). MAÎTRE, Les Horus de Nubie, vol. 1 : Corpus, no 15 ; CURTO, Nubia, storia di una civiltà favolosa, p. 183, fig. 81 ; Michel DEWACHTER, « Nubie – Notes diverses, § 1 à 5 », BIFAO 70 (1971), p. 83-117 : p. 104, 107 ; RICKE, HUGHES & WENTE, The Beit el-Wali Temple of Ramesses II, p. 24-25, pl. 29, 48, fig. A ; Gunther ROEDER, Der Felsentempel von Beit el-Wali, Le Caire 1938, p. 68-76, § 284-301, pl. 47-48 ; PM VII, 25 (26) ; Joachim WILLEITNER, Nubia : Antike Monumente zwischen Assuan und Khartum, Munich 1997, p. 87. 106

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L’agencement du décor de cette salle obéit à une symétrie axiale qui oppose l’évocation des divinités du sud de l’Égypte à celles de la Basse-Nubie. À la triade d’Eléphantine répond la trinité des Horus de Ouaouat ; dans ce modèle, Hathor d’Ibchek et l’Isis méridionale au scorpion donnent la réplique à Satis et Anoukis comme parèdre. Le roi est accompagné d’Hathor d’Ibchek qui porte des palmes jubilaires. Horus et Isis trônent conjointement sur une estrade biseautée. Le dieu accorde en retour au roi des années de félicité à son côté. La déesse lève la main en signe de protection vers Horus et le roi. Elle complète le don du dieu en accordant l’existence de Rê, les années promises devenant celles d’Atoum, et la promesse que le nom du roi passera à la postérité. À mettre en relation avec le discours des courtisans, au retour de la campagne asiatique : les régalia sont destinées à l’héritier, le prince Ramsès, dès sa conception dans le ventre maternel pour qu’il gouverne efficacement le pays, en particulier en le défendant contre les menaces extérieures. Ici, l’image de mère biologique, la reine Touya, est confondue avec l’idéal prototypique d’Isis.

1) ḏd mdw jn Ꜣs.t 2) wr(.t) nb.t p.t ḥnw.t tꜢ.wy 3) d~n⸗(j) n⸗k ῾ḥꜢw n R῾ 4) rnp.wt⸗k mj Tm Paroles dites par Isis la Grande, la maîtresse du ciel, la souveraine du DoublePays : « (Je) t’ai accordé la durée de vie de Rê ; tes années sont telles (celles d’) Atoum ! » 5) wnn rn⸗k mjt.t rn⸗(j) mn(w) n ḏ.t nsw bjt.(y) Wsr-MꜢ῾.t-R῾ sꜢ R῾ R῾-ms-sw mr.y Jmn d(w) ῾nḫ Ton nom sera pareil au mien : établi pour l’éternité, ô roi de la Haute et de la Basse-Égypte Ousermâatrê, le fils de Rê Ramsès-Mériamon, doué de vie !

Accompagnateur : disque avec double uraeus à l’anneau. Coiffure : couronne khat. Vêtement : pagne court, sandales. Accessoires : encensoir et aiguière nemset. Divinité : Isis ; scorpion posé sur le sommet du crâne. Offrande / acte rituel : encensement et libation, table d’offrande garnie. Légende : « Réaliser un encensement et une libation de vin et de lait en ayant les mains purifiées, par ton bien-aimé fils le dieu parfait Ousermaâtrê, le fils de Rê Ramsès-Mériamon. »

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ISIS-HEDEDET : À PROPOS DE SARAPIS AU SCORPION SUR DES INTAILLES ANTIQUES Pierre P. KOEMOTH

Dans la présente contribution aux actes de la table ronde organisée par l’Université de Fribourg sur le thème « Les insectes en Égypte ancienne : de l’effroi à la vénération », nous suivrons un itinéraire théologique reliant Edfou à Thèbes puis à Héliopolis, en passant par Memphis, sur les traces d’une déesse scorpion ou au scorpion, Hededet, peu à peu devenue une Isis-Hededet aux traits hathoriques. Nous gagnerons enfin Alexandrie où son souvenir aurait survécu au IIIe siècle apr. J.-C. sous la forme d’un scorpion associé à son dieu poliade, Sarapis, mais aussi à la momie d’Osiris. Gravé sur des intailles magiques, cet arachnide ravit l’égyptologue qui redécouvre grâce à lui une antique tradition égyptienne alors hellénisée. 1. (Isis)-Hededet à Edfou Dans une étude fondatrice publiée en 1978 en effet, Jean-Claude Goyon avait sorti de l’ombre cette forme d’Isis vénérée à Edfou comme parèdre d’Osiris1. Pourtant, la graphie du nom de la déesse dans le papyrus de Brooklyn 47.218.50 relatif à la confirmation du pouvoir royal au Nouvel An (IX, 7) n’en faisait plus un scorpion mais plutôt une des multiples facettes de la « dame des noms (nb.t rn.w) » (IX, 10), une épiclèse plus rare que « celle aux noms multiples (῾šꜢ rn.w) » mais qui préludait aussi à l’Isis myrionyme des sources classiques2. Cette épiclèse révèle que la déesse était alors revêtue d’une universalité cosmique qui avait transcendé son profil d’origine. Sa contrepartie masculine, le « maître des noms » (nb rn.w), était déjà portée par un dieu-gardien de Pharbaethos, lequel personnifiait « l’apparence humaine et l’attribut de la royauté d’Atoum, la double couronne », au sein d’une théologie héliopolitaine marquée par le dieu soleil Rê et dont Héliosarapis ou Sarapis cosmocrator se

1 Jean-Claude GOYON, « Hededyt : Isis-scorpion et Isis au scorpion. En marge du papyrus de Brooklyn 47.218.50 – III », BIFAO 78 (1978), p. 439-457 : p. 439 et n. 1-4 (fin époque dynastique). 2 Ibid., p. 439, n. 3 ; Laurent BRICAULT, Myrionymi. Les épiclèses grecques et latines d’Isis, de Sarapis et d’Anubis (BzA 82), Stuttgart 1996, p. 53-54 et p. 87 ; Idem, « Isis Myrionyme », dans C. Berger, G. Clerc & N. Grimal (éd.), Hommages à Jean Leclant, 4 vol. (BiEtud 106), Le Caire 1994, vol. 3 : Études isiaques, p. 68, mais qui ne commente que la seconde épithète.

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firent l’écho3. Le lien unissant Isis-Hededet à la royauté solaire transparaît ainsi clairement. Cette Isis-Hededet reflétait-elle dès lors une création originale des hiérogrammates d’Edfou ou ceux-ci l’auraient-ils adoptée pour étoffer leur théologie osirienne ? En effet, l’inscription autobiographique de la statue Caire JE 46059, au nom d’un stratège du nome tentyrite qui vivait à la fin du IIe siècle av. J.-C., distingue son culte de déesse résidante à Edfou de celui voué à Isis d’Edfou où celle-ci est présente dès la Deuxième Période intermédiaire et dont la forme Serqet est encore qualifiée de « Dame d’Edfou » dans le vestibule du temple ptolémaïque de ce temple4. En fait, Isis-Hededet résidait soit dans le sanctuaire, soit dans les lieux saints de la nécropole de Behedet, une alternance explicitée notamment dans un tableau de la salle hypostyle où la déesse allaite son frère dans la chapelle funéraire de Behedet tout en veillant sur Sokaris-Osiris lorsqu’il repose dans le temple (S.t-wr.t)5. Osiris résidait dans cette nécropole dès le Moyen Empire, comme l’illustre une graphie de celle-ci déterminée par l’hiéroglyphe orographique N 25 (Gardiner), avant d’être en outre qualifié de « souverain d’éternité et seigneur d’infinité », des épiclèses aux accents thébains, voire héracléopolitains, relevées sur la stèle Hildesheim PM 1896, datée du début de la 18e dynastie mais postérieure au transfert de ce site funéraire à Hagar-Edfou6. Deux formules de proscynème d’une tombe privée de même époque, au nom de Satem, associent Horus-Behedety soit à « Hathor qui réside à Behedet, dans cette belle butte (jꜢ.t nfr.t tn) », soit à « Osiris qui réside à Mesqet (msq.t) », un toponyme déterminé à nouveau par le signe N 25, ce qui invite à relier cette 3 Jean-Claude GOYON, Les Dieux-Gardiens et la genèse des temples (d’après les textes égyptiens de l’époque gréco-romaine). Les soixante d’Edfou et les soixante-dix sept dieux de Pharbaethos, 2 vol. (BiEtud 93/1-2), Le Caire 1985, vol. 1, p. 363-364, LX et n. 4 pour Isis nb.t rn.w du papyrus de Brooklyn cité ci-dessus, n. 1. 4 Herman DE MEULENAERE, « Les stratèges indigènes du nome tentyrite à la fin de l’époque ptolémaïque et au début de l’occupation romaine », RSO 34 (1959), p. 2-25 : p. 11 ; Frédérique VON KÄNEL, Les prêtres-ouâb de Sekhmet et les conjurateurs de Serket (BEPHE SR 87), Paris 1984, p. 142-145, no 64 et n. (y). Sur Isis à Edfou, voir Pascal VERNUS, art. « Tell Edfu », LÄ VI (1986), col. 323-331, n. 56 ; Annie FORGEAU, Horus-Fils-d’Isis. La jeunesse d’un dieu (BiEtud 150), Le Caire 2010, p. 195-198. Sur Isis-Serqet associée à Horus dans une scène d’offrande de bière dans le vestibule : Edfou XV, 33, 13. 5 Edfou II, 53, 14-54, 9 ; ibid. IX, pl. 40b ; Sylvie CAUVILLE, La théologie d’Osiris à Edfou (BiEtud 91), Le Caire 1983, p. 95-96, Doc. no 55 (traduction). 6 Maurice ALLIOT, Rapport sur les fouilles de Tell Edfou (1933) (FIFAO 10/2), Le Caire 1935, p. 34b, no 14b et pl. XVII, 4 (stèle) ; ibid., p. 38, 3o et pl. XVIII, 1 (table d’offrandes). Arne EGGEBRECHT (éd.), Suche nach Unsterblichkeit. Totenkult und Jenseitsglaube im Alten Ägypten, Roemer- und Pelizaeus-Museum Hildesheim, Mayence 1990, p. 98-99, T 37 et photo (stèle de Nacht). Sur les épithètes d’Osiris de Naref résidant à Edfou avec l’Isis héracléopolitaine : Edfou VI, 275, 9-276, 18 ; ibid. X, pl. 150 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 151-152, offrande de la couronne de justification, Doc. no 98 (traduction) ; Laurent COULON & Aurélia MASSON, « Osiris Naref à Karnak », dans L. Coulon (éd.), Le culte d’Osiris au Ier millénaire av. J.-C. (BiEtud 153), Le Caire 2010, p. 123-154 : p. 141-144.

ISIS-HEDEDET

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butte à Mesqet pour faire de celle-ci un lieu de culte occidental d’Osiris, peutêtre considéré comme entrée de la douat pour le soleil couchant7. Sur la paroi gauche, Hathor figure entre Horus-Behedety et Serqet pour former une triade, son lien avec l’Hathor de la nécropole thébaine, alors très populaire, étant illustré par une scène de la paroi droite où elle revêt l’aspect d’une vache debout dans une barque8. La présence d’Isis est mentionnée, quant à elle, sur la statuette d’Amenhotep III Boston MFA 1970-636, provenant sans doute d’Edfou, figuré sous les traits du dieu Neferhotep « aimé d’Isis qui réside à Behedet », ce qui suggère des liens tissés entre elle et Osiris dans cette nécropole, d’autant qu’Osiris-Neherhotep coiffé du pschent est décrit à Edfou comme époux d’Isis et de Nephthys à Diospolis Parva9. Le caractère résidant d’Isis invite ici, sinon à en faire une Isis-(Hededet), pour le moins celle qui lui a ouvert la voie sur le site de Behedet. Le pschent porté par Neferhotep s’accorde d’ailleurs bien avec le contexte de couronnement royal dans lequel évolue volontiers Isis-Hededet. À la fin de la 18e dynastie en effet, une stèle d’Edfou au nom du barbier SꜢ-Js.t, « Fils d’Isis », figure une déesse portant un scorpion en tête, Hededet, dont le nom est gravé à côté d’elle, sans déterminatif, à moins que son image n’en tienne lieu ; elle protège le faucon Horus coiffé du pschent alors que son nom est déterminé par un cobra (I 12) dans la formule de proscynème10. Si l’anthroponyme « Fils d’Isis » invite à faire d’Hededet une forme voilée d’Isis, son image rappelle néanmoins Serqet protégeant le faucon royal, d’autant que celle-ci suit l’Horus de Behedet dans la tombe de Satem11. À Edfou en effet, dans un tableau de la face interne ouest de l’enceinte du temple, c’est « Isis, la grande (wr.t), la Hededet de Behedet » qui protège Horus harponneur occupé à transpercer l’hippopotame dans un contexte où elle semble encore être sa parèdre12. Si la déesse arbore ici une couronne hathorique, l’inscription

Gawdat GABRA, « The Site of Hager Edfu as the New Kingdom Cemetery of Edfu », CdE 52, Fasc. 104 (1977), p. 207-222 : p. 219-221 et fig. 7. Sur Mesqet : Paul BARGUET, Le Livre des Morts des anciens Egyptiens (LAPO 1), Paris 1967, p. 63, n. 49 ; François-René HERBIN, « Un hymne à la lune croissante », BIFAO 82 (1982), p. 237-282 : p. 262, (10). Sur HagarEdfou : Dieter KURTH, « Zur Lage von Behedet, dem heiligen Bezirk von Edfu », GM 142 (1994), p. 93-100 et carte ; VERNUS, « Tell Edfu », col. 324 et n. 26. 8 GABRA, « Hager Edfu », p. 214, fig. 4 ; p. 217 et n. 1 ; p. 221 et n. 2. 9 VERNUS, « Tell Edfu », col. 330, n. 51 ; FORGEAU, Horus-Fils-d’Isis, p. 197 et n. 294 ; Edfou V, 194, 2 et 5 ; Claude TRAUNECKER & Claude VANDERSLEYEN, art. « Neferhotep », LÄ IV (1982), col. 372-374, n. 12. 10 Georges DARESSY, « Notes et remarques », RecTrav 16 (1894), p. 42-60 : p. 43, XCI ; Dimitri MEEKS, art. « Hededet », LÄ II (1977), col. 1076-1078, n. 9. GOYON (« Hededyt », p. 448 et n. 2) note que le dédicant « a fait cela pour sa souveraine ». 11 GABRA, « Hager Edfu », p. 219 et 221. 12 Nathalie BAUM, Le temple d’Edfou. À la découverte du Grand Siège de Rê-Horakhty, Monaco 2007, photo 62 et p. 628. Voir aussi p. 378-379. 7

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afférente en fait bien une déesse scorpion13. Dans un tableau de soubassement de la face interne nord du même mur, Isis-Hededet apparaît, plus clairement encore, comme l’épouse d’Horus de Behedet, « le fils d’Osiris », qui réside avec elle à Assouan, d’où ils apportent vie et puissance à leurs propres formes apollinopolitaines, complétées par un dieu-fils harpocratique de la triade locale, mais à la suite de Khnoum ; à nouveau, le signe du scorpion détermine Hededet dont le nom est orthographié ici avec le bilitère F 18 (défense d’éléphant), comme dans « Behedet », ce qui n’est pas fortuit et rappelle aussi le lien avec le « trône » homonyme14. Isis-Hededet a donc bien été parèdre d’Horus de Behedet qu’elle protégeait et l’est restée après son osirianisation. Dans la formule de proscynème de la stèle Caire CGC 34009, trouvée à Edfou et postérieure à Thoutmosis Ier, Horus-Behedety est associé à Osiris et à Isis dont le nom est déterminé par un cobra, ce qui rappelle un relief du temple de Ramsès II à Beit el-Ouali où Isis, dont la graphie du nom est identique, apparaît pourtant à l’image coiffée d’un scorpion pour protéger l’Horus royal de Bouhen15. Cette singularité illustre l’écart qui s’était creusé entre la figuration figée d’une déesse scorpion Serqet parfois assimilée par Isis et l’expression écrite de celle-ci, où le cobra était désormais préféré au scorpion en déterminatif. Dans cette triade, Osiris aurait donc été intercalé entre Isis scorpion et Horus-Behedety que cette déesse protégeait seul à l’origine. Cette intégration d’Osiris évoque alors le profil d’Isis-Hededet, celui d’une ancienne déesse scorpion veillant sur ces deux divinités régaliennes. Deux inscriptions pariétales illustrent bien cette osmose entre scorpion et cobra : dans un tableau de la chapelle de Mehyt du temple d’Edfou, Isis de Behedet est « Serqet, la grande, le cobra vénérable dont le poison est fulgurant16 » ; au mammisi d’Edfou, une des quatre formes de la déesse Renenoutet cobra est « Renenoutet-Serqet », protectrice de l’alimentation destinée à

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Edfou VI, 86, 3, alors qu’en ibid. VI, 63, 2, dans un autre contexte de protection d’Horus, le nom de Hededet est déterminé par le signe de l’œuf (H 8). 14 Edfou VI, 228, 7-13 et ibid. IX, pl. CLX ; Gihane ZAKI, Le Premier Nome de Haute-Égypte du IIIe siècle avant J.-C. au VIIe siècle après J.-C., d’après les sources hiéroglyphiques des temples ptolémaïques et romains (MRE 13), Turnhout 2009, p. 29-30, Doc. no 10, dont l’interprétation proposée pour ce tableau est à réviser. VERNUS, « Tell Edfu », col. 323. 15 FORGEAU, Horus-Fils-d’Isis, p. 196 et n. 293 ; Bettina SCHMITZ, « Untersuchungen zu zwei Königinnen der frühen 18. Dynastie, Ahhotep und Ahmose », CdE 53, Fasc. 106 (1978), p. 207221 : p. 211, A5. Herbert RICKE, George R. HUGUES & Edward F. WENTE, The Beit el-Wali Temple of Ramesses II (OINE 1), Chicago 1967, pl. 29 et p. 24-25 (relief) ; GOYON, « Hededyt », p. 441, n. 3, fig. 3, qui relève cette graphie ; ibid., n. 4, pour sa présence à Bouhen. Sur ce thème, voir la contribution de Jonathan MAÎTRE, « L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat, une expression provinciale du mythe de la Bonne Mère », ici même, p. 373-414 : p. 397-399, Doc. 2-3, fig. 10-11 et p. 390. 16 Edfou I, 316, 14-317, 11 ; ibid. IX, pl. 30 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 81-83, Doc. no 47 (traduction), où elle protège Horus dans un tableau d’offrande de l’amulette heh.

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l’enfant divin17, ce qui rappelle l’Hededet de Saïs, décrite comme une protectrice des magasins du temple de Neith, ce qui constituait une prérogative reconnue de cette déesse cobra18. Un ex-voto du Musée égyptien du Caire JE 36507 provenant d’Edfou pourrait illustrer un des plus anciens syncrétismes connus liant Isis à la déesse Hededet figurée ici sous la forme d’un scorpion appartenant à l’espèce Leiurus quinquestriatus et reproduit en relief (Fig. 1). L’inscription hiéroglyphique gravée sur la surface supérieure de l’objet est commentée dans la contribution de Jocelyne Berlandini-Keller et de Sydney H. Aufrère, à laquelle nous renvoyons le lecteur qui découvrira ainsi le nom du donateur, Djehouty, et de son épouse, Hededjetiryt, « Hededjet-la-Gardienne » qui était nourrice19. L’inscription suggère un lien entre Isis-Hededet et Horus d’Edfou par l’épithète de la déesse, « qui crée sa beauté », illustré déjà sur la stèle de Saiset, originaire d’Edfou mais datée de la 18e dynastie et où le syncrétisme entre Isis et Hededet n’est pas encore exprimé dans l’inscription malgré le nom du dédicant, « Fils d’Isis ». La datation du présent ex-voto serait donc plus basse. Le grand scorpion gravé pourrait même servir de déterminatif à Hedjedet, en fait Behedjet par allitération avec Behedet, car le nom de cette déesse en comporte souvent un, soit un uraeus, soit un scorpion, comme c’est le cas dans le présent ex-voto. Vu que les sacerdoces de cette déesse n’apparaissent qu’au début de l’époque saïte, comme sur la stèle d’Abemayor20, notre ex-voto, qui postule un culte de cette déesse, daterait donc de cette période, ce qui s’accorde avec la datation retenue par J. Berlandini-Keller et S.H. Aufrère. La mention « sa souveraine » gravée par le dédicant derrière le nom de la déesse de la stèle de Saiset, où elle porte un scorpion en tête, révèle que ce scorpion est bien un diadème de reine21.

17 Dagmar BUDDE, « Die Eine und die Vielen. Überlegungen zur Dekoration des Soubassements im Sanktuar des Mammisis von Edfu », dans A. Rickert & B. Ventker (éd.), Altägyptische Enzyklopädien. Die Soubassements in den Tempeln der griechisch-römischen Zeit, 2 vol., (SSR 7 ; Soubassementstudien I/1), Wiesbaden 2014, vol. 1, p. 269-300 : p. 276-279 et p. 272, fig. 1. 18 MEEKS, art. « Hededet », col. 1077 et n. 21. Karol MYŚLIWIEC, « Ermouthis à Athribis », dans J. van Dijk (éd.), Essays on Ancient Egypt in Honour of Herman te Velde (Egyptological Memoirs 1), Groningen 1997, p. 259-266 et fig. 1-8. Sur ce sujet : Sydney H. AUFRÈRE, « Serpents, magie et hiéroglyphes », ENiM 6 (2013), p. 93-122 : p. 104 et 111. 19 Voir Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-« guérisseuses » (Élien, Hist. an. 10, 23) », ici même, p. 307-372 : p. 339-342 et Fig. 16a-c. 20 Pour D. Meeks (art. cit., n. 12) en effet, le clergé d’Isis-Hededet n’est attesté à Edfou qu’à partir de l’époque saïte, la déesse portant alors le nom d’Isis-Hededet dans toutes les sources citées. Goyon (art. cit., p. 449 et n. 2 et ici supra, n. 19) ajoute la statue d’Abemayor, datée du début de la 26e dynastie, qui était prophète d’Isis-Hededet dont le nom hiéroglyphique est déterminé ici par le signe du scorpion, alors que c’est le signe du cobra qui est encore utilisé sur la stèle du barbier. Ce bloc témoignerait alors de la création d’un culte d’Isis-Hededet à Edfou doté sans doute d’un clergé spécifique, ce qui pourrait remonter alors à la transition 25e-26e dynastie mais néanmoins constituer encore le plus ancien syncrétisme connu liant Isis à Hededet. 21 LÄGG I, 69a, 72b, 73c et 75a.

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Fig. 1. Isis-Hededet scorpion. Ex-voto sculpté en pierre rouge, Nouvel Empire, provenant d’Edfou (Musée égyptien du Caire, JE 36507).

L’introduction de la liturgie de la justification à Edfou depuis Abydos semble avoir renforcé la présence d’Isis-Hededet dans cette cité ainsi que dans sa nécropole, Behedet, où elle est attestée à partir de la 26e dynastie au moins22. Associée alors à un Osiris couronné et considéré comme le successeur d’Atoum, Isis-Hededet de Behedet se serait démarquée de Serqet, protectrice et pourvoyeuse d’éternité de l’Horus royal faucon23. À cet égard, le fait que l’épithète Hededet ait été attribuée à Hathor de Dendara lorsque ses théologiens l’associaient à Horus d’Edfou, ainsi que l’a souligné René Preys, mérite réflexion, car cette épiclèse révèle que la déesse tentyrite se faisait Hededet quand elle accompagnait Horus pour se rendre sur la tombe d’Osiris à Behedet, à l’image d’Isis-Hededet, mais cette fois dans un contexte de justification et de couronnement de son époux Osiris et non plus de l’Horus royal antérieur à l’osirianisation des cultes locaux24. Dans les chapelles osiriennes du temple d’Edfou à présent, Isis-Hededet de Behedet veillait sur son frère Osiris Joun(y), « l’Héliopolitain », qui revivait 22 BAUM, Temple d’Edfou, p. 196, pour qui des rites abydéniens étaient célébrés à Behedet du Sud. Edfou VIII, 119, 7-120, 13 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 163-164, Doc. no 107 (traduction), tableau d’offrande de la couronne de justification citant « Isis-Hededet de Behedet, maîtresse d’Abydos » ; Edfou III, 277, 3-7 et ibid. IX, pl. 77 ; CAUVILLE, op. cit., p. 113-114, Doc. no 67 et n. 1 (traduction) : « Butte de Maât » comme tombe d’Osiris [qui réside] à Behedet (rituels de libation et d’ouverture de la bouche liés à Osiris d’Abydos) ; GOYON, « Hededyt », p. 448 et n. 4 ; ibid., p. 449 et n. 2. Voir aussi supra, n. 6 (Héracléopolis et Thèbes). 23 BAUM, Temple d’Edfou, p. 67-68. 24 Dendara IV, 6, 7 et 8, 1-2 ; René PREYS, Les complexes de la Demeure du Sistre et du Trône de Rê. Théologie et décoration dans le temple d’Hathor à Dendera (OLA 106), Louvain 2002, p. 444 et n. 3891-3892. Sur cette visite à Osiris et aux dieux-ancêtres : Svenja NAGEL, « Das Neumond- und Behedet-Fest in Edfu – Eine Strukturanalyse von Text und Bild einer “unregelmässigen” Soubassement-Dekoration », dans Rickert & Ventker (éd.), Altägyptische Enzyklopädien, vol. 2, p. 607-684 : p. 639-642. Voir aussi infra, n. 121.

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grâce à une liturgie régénératrice, laquelle, par sa complexité aux accents alchimiques, nécessitait des installations relevant d’un temple. Mais une autre origine se dévoile ici pour cette déesse, en particulier à la lecture d’une inscription de la chapelle axiale (Mesenit) où Isis-Hededet est « celle qui réside à Edfou, qui protège Ioun(y) dans le Château-du-Prince (sr) », allusion au temple de Rê à Héliopolis où se trouvait un tombeau d’Osiris, qrs.t n.t Wsjr25. Dans ce tableau, elle est associée à Osiris roi « Maître de Djeba », une épithète rare qui unit Osiris-Sepa héliopolitain à Osiris(-Ptah ?)-Neb-ânkh memphite dans la chapelle où il reposait26. En se parant ainsi de l’épithète « Maître de Djeba (Edfou) », Osiris devenait l’égal d’Horus, comme il l’avait fait à Héliopolis en revêtant celle d’Atoum « Maître d’Héliopolis »27. Comme Horus d’Edfou était aussi assimilé à Atoum, dont Hededet était la « Matrice vénérable » d’après les inscriptions du temple d’Isis à Behbeit28, Isis-Hededet fut donc sa parèdre avant d’être celle d’Osiris au sein d’une triade divine où la déesse devenait à la fois épouse et mère de l’Horus apollinopolitain. Ce château était relié à une crypte chetyt où Isis-Hededet veillait sur le simulacre d’Osiris Neb-ânkh, « le grand couronné, dont la forme est complète » et qu’une inscription du mur extérieur du naos décrit comme « Âmes-d’Héliopolis » recevant les insignes ânkh et ouas venus de la cité solaire29 ; cette épithète y est aussi attribuée à Osiris-Sepa (spꜢ), le « Lambeau divin (spf) », autre garant de l’intégrité physique d’Osiris à travers les quarante-deux pattes de la scolopendre, un symbole des nomes réunis30. À Héliopolis, cette crypte se

25 Edfou I, 235, 5 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 65-66, Doc. no 40 (traduction). Sur l’équivalence entre ce terme et « Château-du-Prince » : Dimitri MEEKS, Mystères et légendes du Delta d’après le papyrus Brooklyn 47.218.84 (MIFAO 125), Le Caire 2006, p. 174, b et n. 31. 26 BAUM, Temple d’Edfou, p. 100 ; Edfou I, 170, 16-171, 15 ; CAUVILLE, op. cit., p. 45-47, Doc. no 30 (traduction), où est décrite la composition de la chapelle d’Osiris « Maître de Djeba ». D’après la version de Serge SAUNERON, Le Rituel de l’embaumement. Pap. Boulaq III, Pap. Louvre 5.158, Le Caire 1952, p. 37, 13-14, Horus de Behedet en apporte une pièce d’étoffe au défunt avant que ce dernier ne gagne Behedet à son tour. 27 Sur Djeba : Dieter KURTH, « Über den Ursprung des Tempels von Edfu », dans U. Verhoeven & E. Graefe (éd.), Religion und Philosophie im Alten Ägypten, Festgabe für Philippe Derchain (OLA 39), Louvain 1991, p. 189-202 : p. 197 et 201, fig. 2 ; Christian LEITZ, Die Gaumonographien in Edfu und ihre Papyrusvarianten (SSR 9 ; Soubassementstudien 3), Wiesbaden 2014, p. 21, I et III ; p. 30, fig. 9. Sur Héliopolis : Essam EL-BANNA, « À propos des aspects héliopolitains d’Osiris », BIFAO 89 (1989), p. 102-126. Sur Horus/Atoum à Edfou : Edfou IV, 356, 12-13 ; ibid. VII, 81, 4-5 ; Zeinab EL-KORDY, « Présentation des feuilles des arbres jšd, jmꜢ et bꜢq », ASAE 69 (1983), p. 269-286 : p. 281. 28 Christine FAVARD-MEEKS, « Isis à Behbeit », dans J.-P. Montesino (éd.), De Cybèle à Isis, Paris 2011, p. 115-134 : p. 123-127, pour qui elle anticipe même Atoum à ce titre. 29 Voir Edfou I, 184, 15-186, 16 et ibid. IX, pl. 24 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 17-19, Doc. no 13 (traduction) et Edfou IV, 243, 16-244, 10 et ibid. X, pl. 92 ; CAUVILLE, op. cit., p. 124125, Doc. no 72 (naos) (traduction). Sur bꜢ.w Jwnw comme générique des dieux honorés à Héliopolis : Suzanne BICKEL, Marc GABOLDE & Pierre TALLET, « Des annales héliopolitaines de la Troisième Période intermédiaire », BIFAO 98 (1998), p. 31-56 : p. 43. 30 Ibid. et BAUM, Temple d’Edfou, p. 100.

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trouvait dans le Château-du-Phénix, ignoré à Edfou, où c’est Nephthys-Serqet qui veillait sur le simulacre sokarien hiéracocéphale associé à la triade Rê-Horakhty-Atoum31. D’après la stèle Metternich en effet, qui provient du temple de Mnévis à Héliopolis et qui est datée de la 30e dynastie, le scorpion Serqet qui protège Rê dans le Grand-Château d’Héliopolis relevait apparemment du même contexte, d’autant que le taureau Mnévis et la scolopendre Sepa sont cités juste avant lui32. En créant leur Château-du-Prince, les hiérogrammates apollinopolitains avaient donc élaboré une liturgie de la régénération d’Osiris mort, comme à Behbeit33, mais en harmonisant des traditions héritées des cités d’Héliopolis et de Memphis où Isis-Hededet était également honorée, comme nous le préciserons par la suite. À Edfou en effet, Osiris apparaît dans des scènes d’offrande des sceptres ankh et ouas apportés d’Héliopolis où ils constituaient des formes de Chou et de Tefnout34, tandis qu’Isis-Hededet est parfois décrite comme la fille de ceuxci, « une curiosité généalogique » liée à ce rituel selon Nathalie Baum pour qui ces objets sont « les insignes d’une monarchie procédant du dieu-soleil »35. Cette filiation solaire de la déesse oriente donc vers Héliopolis comme lieu de culte ancien de celle-ci, sinon d’origine (?), d’autant que les Deux Lions (rwtj), Chou et Tefnout, disposaient d’un sanctuaire érigé dans le temenos de Rê-Atoum36. C’est avec eux d’ailleurs qu’Atoum visitait Ioun(y) en son Château pour le revivifier tout en encadrant le pilier ioun, assimilé au pilier djed, du signe ânkh et du sceptre ouas, ce qui faisait alors de l’« Héliopolitain », « Celuidu-pilier ioun »37. Quant aux épithètes et aux formules laudatives conférées à 31 Dendara X/2, 234, 7-9 ; Sylvie CAUVILLE, Le temple de Dendara. Chapelles osiriennes. Transcription et traduction (BiEtud 117), Le Caire 1997, vol. 2, p. 123 ; ibid., vol. 1, p. 159, 11 ; CAUVILLE, op. cit., p. 83 ; GOYON, Dieux-Gardiens, vol. 1, p. 364, n. 6. 32 [11], 126-130 : James P. ALLEN, The Art of Medicine in Ancient Egypt, New York 2005, no 52, The Metternich Stela, p. 58-59 (texte et traduction). Le signe du scorpion est lu slqt, « Selkis », par Joris F. BORGHOUTS, Ancient Egyptian Magical Texts (Nisaba 9), Leyde 1978, p. 94, no 143. Sur ce Grand-Château : GDG IV, 58-59. 33 MEEKS, Mythes et légendes, p. 279a, où le simulacre est hiéracocéphale comme le Rê-Horakhty héliopolitain. 34 Edfou I, 221, 4-6 ; BAUM, Temple d’Edfou, p. 393. 35 Edfou I, 315, 15-16 ; BAUM, op. cit., p. 434. Voir cependant GOYON, « Hededyt », p. 450, n. 7, lequel relève une autre filiation qui en fait la fille de Geb et de Nout, l’épouse du roi [Osiris]. C’est en devenant Isis-Hededet, que Hededet aurait introduit le couple Geb / Nout dans sa généalogie, car Geb constituait déjà un maillon de la transmission du pouvoir royal d’Osiris, d’autant que c’est à Héliopolis qu’un tribunal aurait tranché dans le litige opposant Osiris à Seth : Maria-Theresia DERCHAIN-URTEL, « TꜢ-Mrj-Terre d’héritage », dans M. Broze & Ph. Talon (éd.), L’atelier de l’orfèvre. Mélanges offerts à Ph. Derchain, Louvain 1992, p. 55-61. 36 BAUM, Temple d’Edfou, p. 217 ; Lilian POSTEL & Isabelle RÉGEN, « Annales héliopolitaines et fragments de Sésostris Ier réemployés dans la porte de Bâb al-Tawfiq au Caire », BIFAO 105 (2005), p. 229-294 : p. 238 et n. 24 ; Désirée HEIDEN, « Die Stele des PꜢ-dj-Pp », SAK 30 (2002), p. 187-201 : p. 189, fig. 1 et p. 195, note n ; Jean YOYOTTE, « Prêtres et sanctuaires du nome héliopolite à la basse époque », BIFAO 54 (1954), p. 83-115 : p. 90 et p. 95-96. 37 Dendara X, 280, 6 (texte) ; CAUVILLE, Dendara, p. 149 (traduction) ; BAUM, Temple d’Edfou, p. 393.

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Fig. 2. Silex en forme de scorpion, époque Nagada II-III, Égypte (Musée royal de Mariemont, Belgique, Inv. no Ac98/88, reproduit avec l’aimable autorisation du Musée).

Isis-Hededet par les scribes d’Edfou, elles traduisent une imprégnation de la théologie héliopolitaine à son encontre, ce qui s’accorde avec le profil de l’Horus d’Edfou38. Si les anciens témoignages écrits de Hededet paraissent discrets en HauteÉgypte, ce constat tranche avec le fait reconnu d’une présence archaïque du scorpion dans la symbolique royale des régions méridionales du pays, tel le silex taillé en forme de scorpion Mariemont Ac.98/88 (Fig. 2), un objet exceptionnel, datable de la période Nagada II-III (3700-3000 av. J.-C.) et qui proviendrait d’une tombe royale ou princière d’Hiéraconpolis39. Par ailleurs, la tombe royale U-j du roi Scorpion, située à Umm el-Qa’ab (Abydos), a livré des poteries décorées d’animaux où le scorpion domine avec le faucon, des figurations considérées comme les premiers témoignages de l’écriture cursive égyptienne à l’encre et datées de la période Nagada IIIA1 (ca. 3250 av. J.-C.)40. Hiéraconpolis avait pourtant adopté le faucon horien mais tout en maintenant sa protection par un scorpion qui le surmonte parfois, ce qui préludait à l’icône royale d’Horus hiéracocéphale devant Serqet debout qui devient Isis au scorpion41. Celle-ci est figurée dans la tombe d’Hormeni, au début de la 18e dynastie, où

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GOYON, « Hededyt », p. 450 et n. 7. Stan HENDRICKX & Merel EYCKERMAN, « Silex en forme de scorpion », dans Cl. Derriks & L. Delvaux (éd.), Antiquités égyptiennes au Musée royal de Mariemont, Morlanwelz 2009, p. 52-53 et photo. Voir Sydney H. AUFRÈRE & C. SPIESER, « Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758), introït le scorpion (Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828) mécompris de Serqet (Selkis) et la maîtrise du souffle », ici même, p. 222-282 : p. 245, n. 84 pour les références antérieures. 40 Ilona REGULSKI, « The beginning of Hieratic Writing in Egypt », SAK 38 (2009), p. 259-274 et fig. 1-2. 41 Barbara ADAMS, art. « Hierakonpolis », LÄ II (1977), col. 1182-1184. 39

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elle protège Horus de Nekhen, tandis qu’Horus de Behedet résidait dans le temple local de Nekhbet où Ramsès II était décrit comme « aimé » de ces deux Horus42. S’agirait-il d’Isis-Hededet ? À l’entrée du spéos de Gebel el-Silsileh en effet, créé sous Horemheb au sud d’Edfou, Osiris est associé à Sopdou et surmonte Horus de Behedet qui précède une déesse coiffée d’un scorpion et dont Inke Schumacher fait Isis-Hededet plutôt qu’Isis-Serqet en raison de la présence d’Osiris, en fait un couple résidant venu d’Edfou et qui associait Horus-Behedety, le fils d’Osiris, à Isis-Hededet43.

Fig. 3. Papyrus Leyde T 32 (A), ro V, 8-9, époque impériale, région thébaine (d’après Fr.-R. HERBIN, Le livre de parcourir l’éternité (OLA 58), Louvain 1994, pl. V).

Il convient dès lors d’envisager un essaimage ancien d’une déesse scorpion royale de Haute-Égypte vers Héliopolis où elle aurait précédé Nekhbet dont la présence auprès d’Osiris dans la cité solaire est attestée dans la Formule 570 des Textes des Pyramides déjà44. En effet, c’est bien l’introduction de cet arachnide dans ce grand centre religieux qui aurait conditionné son ascension royale et théologique et explique son retour à Edfou en qualité d’Isis résidante aux accents solaires. Le scorpion de ces déesses rappelle aussi celui qu’arboraient les reines du pays de Méroé où Isis au scorpion était d’ailleurs bien représentée45. D’après une curieuse coiffe de reine d’époque ramesside relevée à Gournet Mourraï, en région thébaine, le vautour accouvé supporte deux cobras et un scorpion descendant46. Ces reines auraient participé activement aux cérémonies de couronnement des rois ou de leurs fêtes jubilaires, où elles incarnaient la déesse scorpion, à l’image de celles qui adoptèrent par la suite l’uraeus d’Hathor47. 42 Renée F. FRIEDMAN, « The Dynastic Tombs at Hierakonpolis. Painted Tombs of the Early Eighteenth Dynasty », dans W. V. Davies (éd.), Colour and Painting in Ancient Egypt, Londres 2001, p. 111 et pl. 37, 3 ; Jean CAPART, « Les fouilles d’El Kab », CdE 12, Fasc. 24 (1937), p. 133-146 : p. 143-144. 43 PM V, 213 ; Inke W. SCHUMACHER, Der Gott Sopdu, der Herr der Fremdländer (OBO 79), Göttingen 1988, p. 96-97 et n. 113. Voir supra, n. 14. 44 Kurth SETHE, Die altägyptischen Pyramidentexte, 4 vol., Leipzig 1908-1922 (texte), ici § 1451 ; Raymond O. FAULKNER, The Ancient Egyptian Pyramid texts translated into English, 2 vol., Oxford 1969, p. 224 (traduction). 45 GOYON, « Hededyt », p. 441-442 et fig. 2 et 3 ; p. 455 et n. 3. 46 Jeanne VANDIER D’ABBADIE, Deux tombes ramessides à Gournet-Mouraï (MIFAO 87), Le Caire 1954, p. 18 et pl. X (photo), pl. VI, 2 ; GOYON, « Hededyt », p. 456, n. 3 et fig. 5 mais aussi p. 445, n. 1 et fig. 4 où un scorpion « semble sortir » du vautour accouvé posé sur la tête de l’Isis de Rê-nefer figurée sur la stèle magique CGC 9402. 47 René PREYS, « L’uraeus hathorique de la reine », dans Chr. J. Eyre (éd.), Proceedings of the Seventh International Congress of Egyptologists (OLA 82), Louvain 1998, p. 911-919. Voir aussi Stephen QUIRKE, Ancient Egyptian Religion, Londres 1992, p. 120.

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2. Isis au scorpion et Hededet (?) à Thèbes La présence de plusieurs chapelles d’Osiris-Neb-ânkh à Karnak, dont une qui avoisinait une autre dédiée à Osiris-Ounnefer48, postule a priori la présence d’Isis-Hededet, comme le suggère une inscription d’un tableau du pylône du temple d’Edfou qui relie Osiris-Ioun(y) à Osiris-Ounnefer et où Isis apparaît en tant qu’Isis-Hededet49. D’ailleurs, à Behbeit, Isis qui « protège le Grand Prince (i.e. Osiris) dans le Château-du-Prince » est aussi celle qui « apaise Osiris-Ounnefer, justifié en sa forme (m jrw⸗f) », sans doute en sa qualité d’Isis-Hededet50. Dans l’hymne à Oupouaout(-Osiris ?) de la stèle abydénienne (?) BM EA 447, datée de la DPI, ce dieu « bon », allusion à Ounnefer, est déjà décrit comme « celui qui est à la tête des Âmes-d’Héliopolis », couronné de l’oureret blanche d’Osiris dans un contexte où figure encore Hathor51. Il apparaît ainsi que la protection conférée à l’Osiris Iouny par Isis-Hededet s’étendait à Osiris redivivus, ce qui invite à une lecture plus dynamique des simulacres. À Thèbes, l’Héliopolis-du-Sud, Hededet pourrait avoir laissé une trace de sa présence dans diverses versions du Livre de parcourir l’éternité (papyrus Leyde T 32) qui en proviennent et dans lesquelles la thématique osirienne est rythmée par des fêtes religieuses qui émaillaient l’année liturgique. Nous comprenons en effet que c’est bien une fête de la déesse Hededet qui est évoquée au distique ro V, 8-9 (Fig. 3), et non celle d’un hypothétique dieu Hedjedj qui serait Osiris (?) pour François-René Herbin52. En effet, un signe hiératique « t » semble accolé au premier déterminatif, le signe de l’œil fardé (D 5), qui illustrerait soit l’œil divin bienveillant qui veille sur Osiris, soit l’œil brûlant de « celle qui est dans son horizon »53. Célébrée en Paophi (?), au deuxième mois de l’inondation, cette fête était marquée par le transport vers la rive du fleuve d’une étoffe divine (ntr[.t]), ce qui évoque celle qui revêtait les simulacres du dieu lors de la belle fête où il recevait étoffes et aromates, d’après une inscription de la chapelle osirienne est no 3 de Dendara, tandis que dans la chapelle ouest no 3, c’est Isis de Dendara qui emmaillote Osiris avec l’Isis de Rê-nefer ainsi que Serqet et son étoffe hedjet qui rappelle celle qui couvre Isis-Hededet à la Porte 48 Laurent COULON, « Le culte osirien au Ier millénaire av. J.-C. Une mise en perspective(s) », dans Coulon (éd.), Culte d’Osiris, p. 1-20 : p. 18-19, plan de Karnak, nos 4-6 et no 3 pour OsirisOunnefer. 49 Edfou VIII, 119, 7-120, 13 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 163-164, Doc. no 107 (traduction). 50 Christine FAVARD-MEEKS & Dimitri MEEKS, « Les corps osiriens : du Papyrus du Delta au temple de Behbeit », dans L. Coulon (éd.), Culte d’Osiris, p. 39-48 : p. 42-43. 51 Sélim HASSAN, Hymnes religieux du Moyen Empire, Le Caire 1930, p. 100 (texte) ; André BARUCQ & François DAUMAS, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne (LAPO 10), Paris 1980, p. 112-114 et note a (traduction). 52 François-René HERBIN, Le livre de parcourir l’éternité (OLA 58), Louvain 1994, pl. V et p. 455 (texte), p. 60 (traduction) et p. 198 (commentaire). 53 GOYON, Dieux-Gardiens, vol. 1, p. 272. Ce « t » peut manquer dans les copies hiératiques : Idem, « Hededyt », p. 447. Sur l’aspect Hedjedet d’Isis de Behbeit el-Hagar en tant que « celle qui est à l’intérieur de son horizon » lorsqu’elle accompagne Atoum dans sa barque solaire au couchant » : FAVARD-MEEKS, « Isis à Behbeit », p. 123-125.

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d’Isis de Dendara et dont on peut imaginer qu’elle ait été utilisée aussi pour couvrir la dépouille d’Osiris54. On songera également aux célébrations du mois d’Hathyr, décrites par Plutarque dans son De Iside et Osiride, durant lesquelles prêtres et stolistes se rendaient de nuit au bord de la « mer », sans doute le Nil en crue, pour modeler puis habiller un simulacre osirien contenant des aromates55. Dans ce contexte, un lien entre cette Hededet (?) et Isis au service d’Osiris est donc prégnant, d’autant que cette fête aurait été marquée par le refoulement des scorpions vers les zones habitées suite à la montée des eaux, lesquels se muaient en protecteurs du dieu ainsi régénéré. Cette remarque d’ordre éthologique fait songer à Isis magicienne précédée d’une cohorte de sept scorpions figurée sur deux célèbres stèles d’Horus sur les crocodiles : la stèle Metternich, New York MMA 1950 (50.85), originaire du temple héliopolitain de Mnévis et datée du règne de Nectanébo II, où la déesse coiffée d’une simple couronne hathorique protège son fils Harpocrate, ainsi qu’une autre, Caire CGC 9402/1-2, d’origine memphite et datée du début de l’époque ptolémaïque, où un scorpion s’intercale entre le vautour accouvé de la coiffe royale et la couronne hathorique d’Isis, « grande [de magie], maîtresse de Rê-nefer », tandis que les sept scorpions sont ici nommés56. L’absence de scorpion sur la tête d’Isis dans la stèle Metternich, alors que diverses déesses en portent un dans d’autres registres, en suggère une lecture « Isis-Hededet », car celle-ci avait abandonné l’arachnide en sa qualité de « dame des noms » qui en faisait aussi une « grande de magie » en tant que déesse cosmique et universelle, coiffée alors du disque solaire hathorique de la fille de Rê. Dans la salle du sud, paroi ouest, 2e registre, du temple d’Opet de Karnak, Isis, qui porte un scorpion en tête, est associée à la déesse Tanenet-Rayt-taouy, dont elle emprunte d’ailleurs les épithètes, et à l’Hathor thébaine57. Elle relève 54 HERBIN, Livre, p. 198 ; Dendara X, 222, 15 (est 3) et 409, 3-4 ; 410, 10 et 411, 4 (ouest 3) (texte) ; CAUVILLE, Dendara, p. 117 (est) et p. 222-223 (ouest) (traduction). Intimement liée à Hathor-Isis / Tayt, cette étoffe serait originaire de Memphis ou d’Héliopolis : Marie-Louise RYHINER, La procession des étoffes et l’union avec Hathor (Rites Égyptiens 8), Bruxelles 1995, p. 40-41 et p. 62-63 (traduction) = Dendara IV, 142, 17-145, 8 et pl. 283 (paroi est) ; Sylvie CAUVILLE, Le temple de Dendara. La Porte d’Isis, Le Caire 1999, p. 8, 8 (texte), p. 77 (traduction), façade est, 2e registre, tableau no 5, où la déesse est « la grande », « Rê femelle (r῾j.t) », ainsi que « maîtresse de la lumière-hedjedout » (début époque impériale). 55 PLUTARQUE, Is. Os. 39, 366, F. Sur ce texte, voir Michel MALAISE, « Les stolistes au service des dieux égyptiens », dans P. Defosse (éd.), Hommages à Carl Deroux. IV – Archéologie et Histoire de l’Art, Religion (Collection Latomus 277), Bruxelles 2003, p. 436-451 : p. 442 et n. 53-56 pour l’habillage des simulacres osiriens. 56 Stèle Metternich : ALLEN, Art of Medicine, p. 52, détail du sommet du côté droit de la stèle (Fletcher Fund, 1950 [50.85]), scène 11 (photo). Stèle Caire JE 33.264 = CGC 9402. 1 et 2 : Franck GODDIO & David FABRE (éd.), Osiris. Mystères engloutis d’Égypte, Paris 2015, p. 41-42 et p. 170-171, détail du 3e registre de la base-réceptacle, vo (JBK) ; ibid., p. 42-43, pour cette même déesse qui protège Horus l’Ancien, Haroëris. 57 Opet I, 141 ; ibid. II, pl. 5 (salle du sud, paroi ouest, 2e registre).

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ici d’une pr-hnj royale (?) de Thèbes58, un toponyme qui désignerait une maison du coffre, suivant en cela une prérogative reconnue à la reine Isis par l’inscription no 58 du Ouadi Hammâmât, où la déesse « préside au coffre-hen », dont Claude Traunecker fait un berceau (?) d’Harpocrate59, encore qu’il puisse s’agir ici du coffre d’Osiris60, car deux autres textes d’Opet font de Rayt-taouy une Isis qui protège son frère Osiris61. De surcroît, Tanenet, qui fusionna avec Rayttaouy à l’époque gréco-romaine en tant que forme syncrétique des deux sœurs Isis et Nephthys, conféra à cette entité un caractère héliopolitain reconnu, en sa qualité de « Fille d’Atoum » ou encore de « Fille de Rê à Héliopolis62 ». Cette Isis au scorpion d’Opet pourrait donc figurer la Hededet du Livre de traverser l’éternité citée ci-dessus, encore qu’Isis-Serqet ne soit pas exclue ici. Dans le papyrus « mythologique » de Chonsoumès, originaire (?) de la nécropole thébaine, et daté de la 21e dynastie, Osiris apparaît en roi vivant, ce qui est inhabituel pour lui, coiffé du pschent et décrit comme « maître d’éternité »63. Il préside une scène de psychostasie tandis que, derrière sa tête, un scorpion srq.t couvert d’une bandelette blanche frangée, associée à l’anneau d’éternité-chen, le protégé64. Comme ce scorpion arbore parfois un signe de vie enfilé sur une de ses pinces65, il est donc dispensateur de vie et d’éternité, ce que reflètent ici l’apparence du dieu ainsi que son épithète66. Ce scorpion 58 Eberhard OTTO, Topographie des thebanischen Gaues (UGAÄ 16), Leipzig – Berlin 1952, p. 21-23. 59 Claude TRAUNECKER, « Le panthéon du Ouadi Hammâmât (Inscription no 58) », dans M.-Fr. Boussac, M. Gabolde & G. Galliano (éd.), Autour de Coptos, Actes du colloque organisé au Musée des Beaux-Arts de Lyon (17-18 mars 2000), Topos, Suppl. 3 (2002), p. 335-383 : p. 365, 10 et n. g ; p. 379 -381, col. 10 (photo et fac-simile du texte). 60 Sur Bastet, nb.t hn en Abydos : Jean-Claude GOYON, Le Rituel du Sehetep Sechmet au changement de cycle annuel (BiEtud 141), 2e éd., Le Caire 2011, p. 93, n. 1 et référence pour ce coffre lié à la protection royale. 61 Opet I, 22 ; 114, ce qui ne l’empêche pas de protéger conjointement son fils Horus en vol. I, 145 : David KLOTZ, Caesar in the City of Amun. Egyptian Temple Construction and Theology in Roman Thebes (MRE 15), Turnhout 2012, p. 207 et n. 1395-1396. Voir aussi Dendara X, 411, 1-4 (texte), où Isis emmaillote Osiris avec l’étoffe nommée « celle qui instille la crainte de la Maîtresse du coffre hen (i.e. Bastet) » : CAUVILLE, Dendara, p. 223 (traduction). 62 Sydney H. AUFRÈRE, Le propylône d’Amon-Rê-Montou à Karnak-Nord (MIFAO 117), Le Caire 2000, p. 186, n. l. 63 Alexandre PIANKOFF & N. RAMBOVA, Mythological Papyri (ERT 3), New York 1957, p. 147-149 et pl. 17 ; Helmut SATZINGER, Das Kunsthistorische Museum in Wien : Die ÄgyptischOrientalische Sammlung (ZbA 14), Mayence 1994, p. 50-51 et fig. 33B. 64 Dans l’écriture hiéroglyphique, ce signe a la valeur srq ou srq.t : LÄGG VI, 434. Cette bandelette blanche pourrait correspondre à celles de Serqet et d’Isis-Hedjedjet décrites ci-dessus (voir supra, n. 53). Sur ce signe hiéroglyphique, P*L25, a-b, voir ici AUFRÈRE & SPIESER, « Exit la nèpe … », p. 243-246. 65 Cathie SPIESER, « Nouvelles approches de l’image emblématique de Serket : le serpent, la corne et l’uterus », GM 209 (2006), p. 91-100 et fig. 2 (tombe de Néfertari). Earnest Alfred WALLIS BUDGE, From Fetish to God in Ancient Egypt, Londres 1934, rééd. 1988, p. 97, figure. 66 GODDIO & FABRE, Osiris, p. 42-43 pour Selkis « maîtresse de vie » / Hormerty et Isis scorpion de Ra-neferet /Haroêris, coiffés du pschent (stèle Caire CGC 9402/1-2 = JE 33264). Dans un collier daté du Moyen Empire, d’origine thébaine (?), deux amulettes en or de scorpions

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royal serait-il (Isis-) Hededet de l’Héliopolis-du-Sud, pourvoyeuse de vie, d’autant que c’est elle qui, au temple de Behbeit, apparaît derrière Osiris toujours figuré sous la forme d’un dieu vivant et même si elle a perdu tout lien figuré avec le scorpion67. Mais, ici aussi, une Serqet royale n’est pas exclue. Toutefois, sur la stèle Metternich encore, ce scorpion srq.t à l’anneau chen est également personnifié sous la forme d’une déesse agenouillée qui le porte en tête, peut-être Serqet, précédée de deux scorpions qui seraient Isis et Nephthys dont elles constitueraient des hypostases68. Cette attitude de la déesse, dont les bras sont tendus vers l’avant, évoque cette fois une mesekhenet dont le scorpion de tête relève autant de l’uterus à corne que du scorpion srqt et suggère que l’arachnide, au même titre que l’œuf, le serpent, voire même la fleur de lotus, relève du concept de matrice qerehet primordiale dont émerge la force vitale et qui aurait été étendu à une liturgie de la regestation d’Osiris assurée par la déesse Isis-Hededet69.

Fig. 4. Mentions de Hededet dans le Livre de protéger la maison, temple d’Edfou (d’après D. JANKUHN, Das Buch « Schutz des Hauses » (sꜢ pr), Bonn 1972, p. 110).

3. (Isis-)Hededet à Héliopolis Intéressons-nous à présent aux liens unissant la déesse Hededet aux deux titulaires du temple d’Héliopolis, Atoum(-Rê) du Grand-Château et Rê(-Atoum) du Château-du-Prince, puis Isis-Hededet à l’Osiris héliopolitain.

s’ajoutent à d’autres en forme de ḥḥ, « millions d’années », ce qui exprimait déjà cette symbolique de l’arachnide : Nigel C. STRUDWICK & John H. TAYLOR, Mummies. Death and the Afterlife in Ancient Egypt, Londres 2005, p. 190-191 (Inv. EA 24568). Voir supra, n. 16 pour Isis-Serqet de Behedet dans une scène d’offrande de l’amulette heh. 67 FAVARD-MEEKS & MEEKS, « Les corps osiriens », p. 44. 68 ALLEN, Art of Medicine, p. 52, détail du sommet du côté droit de la stèle, scène 7. 69 FAVARD-MEEKS, « Isis à Behbeit », p. 127, qui étend ce concept au moule servant à fabriquer les simulacres osiriens. Marie-Louise RYHINER, L’offrande du lotus dans les temples égyptiens d’époque tardive (Rites Égyptiens 6), Bruxelles 1985, p. 58, n. 3. Reinhard GRIESHAMMER, art. « Mesechenet », LÄ IV (1982), col. 107-108. Pour les attestations masculines de ce terme et sa relation à Osiris : Christophe THIERS, Ptolémée Philadelphe et les prêtres d’Atoum de Tjékou (OrMonsp 17), Montpellier 2007, p. 17-18, n. 4.

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La Formule 531 des Textes des Sarcophages mentionne une tresse heneseket attribuée à Hededet et dont le nom est déterminé par le signe du scorpion, encore que ce ne soit le cas que dans deux versions70. Pourtant, dans la Formule 181, le défunt s’assimile cette fois au « taureau à la tresse heneseket » présenté comme « le maître des pains à Héliopolis71 ». Cette tresse serait devenue une coiffe divine et royale à uraeus des deux dieux solaires d’Héliopolis, Atoum et Rê. Ainsi, sur la tête de Sopdou-Rê à Saft el-Henna, elle se nomme Chenset, personnifiée même en tant que telle, « celle qui est sur la tête de Rê, la grande qui met en joie sur le front d’Atoum72 ». Un passage du Livre de protéger la maison cite aussi une « coiffe de tête d’Atoum » qui protège celui-ci à l’horizon du ciel, allusion à l’Œil de Rê qui est par ailleurs attesté pour Chenset73. Pour Dieter Jankhun, cette coiffe d’Atoum rappelle la tresse heneseket citée ailleurs dans ce livre pour Min (solarisé ?) lorsqu’il se rend auprès de ses deux frères divins (Rê-Horakhty et Atoum ?)74. Dans la cour du Nouvel An du temple d’El-Qal῾a, situé au nord-est de Coptos et construit sous Auguste, Isis, décrite comme fille du maître universel, dame de son père Rê, ou encore l’Akhet dans sa chapelle, porte l’épithète de « tresse heneseket », ce qui rappelle Hededet avec qui elle aurait perdu son lien original75. Cette tresse royale, qui était sans doute une sorte de perruque, aurait été assimilée à l’uraeus héliopolitain qui la décorait mais qui se serait en fait substitué au scorpion d’Atoum, Hededet, encore que ce nom de déesse scorpion ne soit pas attesté avant le Moyen Empire. Au temple de Behbeit, daté du règne de Nectanébo II, c’est encore Isis-Hededet qui est clairement associée à Atoum dans la barque céleste 70 CT VI, Spell [531], 124g, M35C, M36C (texte) ; Claude CARRIER, Textes des sarcophages égyptiens du Moyen Empire égyptien, 3 vol., Monaco 2004, vol. 2, p. 1274-1275 (translittération et traduction). 71 CT III, Spell [181], 75b et e (S10Ca) (texte) ; CARRIER, op. cit., vol. 1, p. 444-445 (translitération, traduction). Sur cette tresse, voir à présent : Magali MASSIERA, « La tresse d’Héliopolis », dans A. Gasse, Fr. Servajean & Chr. Thiers (éd.), Et in Aegypto et ad Aegyptum. Recueil d’études dédiées à Jean-Claude Grenier, 4 vol. (CENiM 5), Montpellier 2012, vol. 3, p. 489-498. 72 Pierre P. KOEMOTH, « Le couronnement du faucon-roi à Pi-Sopdou, d’après le naos de Saft el-Henna (CGC 70021) », DE 52 (2002), p. 13-55 : p. 25-26 et n. 35-38. 73 Edfou VI, 149, 7 ; Mamm. Edfou, 178, 5 ; Dendara VI, 91, 10 ; Dieter JANKHUN, Das Buch Schutz des Hauses (sꜢ-pr), Bonn 1972, p. 87. GOYON, Rituel du Sehetep Sechmet, p. 102, pour la tresse royale de Chou et de Geb rendue équivalente à l’uraeus frontal de Rê. 74 Edfou VI, 150, 9 ; Mamm. Edfou, 175, 12 ; JANKHUN, Buch, p. 112. 75 Laure PANTALACCI & Claude TRAUNECKER, Le temple d’El-Qal’a, 2 vol., Le Caire 1998, vol. 2, p. 84, nos 195-196 (texte), p. 166 (traduction), « la bouclée ». Sur l’anthroponyme « Celuide-la-boucle-heneseket-d’Isis » : Adel Zien AL-ABEIDINE, « Note sur un sarcophage ptolémaïque inédit provenant de la nécropole de Saft el-Henna », GM 201 (2004), p. 9-16 : p. 11 et n. 4 erronée (Zagazig, inv. 1663). Est-ce au jour du Nouvel An qu’Isis, « douce d’amour », offrait sa tresse-uraeus (anciennement scorpion ?) à Osiris lors du retour de la crue en guise de renouvellement de sa royauté ? Sur ce sujet, voir infra, n. 99. Voir aussi Françoise LABRIQUE, « La chevelure des servantes de la reine de Byblos : un rite égyptien en filigrane ? (Plutarque, Is. Os., 15) », dans U. Verhoeven & E. Graefe (éd.), Religion und Philosophie im alten Ägypten, Festgabe für Philippe Derchain (OLA 39), Louvain 1991, p. 203-207 : p. 205-206 et n. 20-21.

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du pavillon des fêtes, bien qu’elle accole ici l’antique nom de la déesse Hededet au sien, comme l’a noté Christine Favard-Meeks, et que son lien avec le scorpion y ait été apparemment perdu76. Au temple d’Edfou (E) et dans son mammisi (M), le Livre de protéger la maison cite « la protection de Hededy(t) qui est dans le Grand-Château (i.e. à Héliopolis), qui annonce la Mâat de Rê à son lever » (Fig. 4)77. Le nom de Hededet y est déterminé soit par l’uraeus (E), soit par le signe F 27 (M), ici une simplification d’origine hiératique du signe du scorpion L778, comme le confirme la graphie hiéroglyphique identique d’Isis-Hededet de Behedet sur le monument anonyme JE 46055 de basse époque79. D’ailleurs, à Behbeit encore, Isis dans la barque solaire figure agenouillée sur un lotus, encadrée de deux figures de Maât debout, ailées et coiffées d’un disque solaire, tandis que son fils Harpocrate reçoit les couronnes de la royauté terrestre sous sa protection80. Cette mise en scène reflète l’inscription d’Edfou mais étendue à Isis-Hededet conçue dès lors comme une authentique forme féminine de Rê (r῾y.t), issue du lotus et dès lors cosmique et universelle comme lui81. Ajoutons que la version de ce livre remonterait à une époque ancienne où la déesse était encore perçue comme Hededet, car son nom est déterminé par le cobra (E), comme sur la stèle du barbier82. D’après une inscription du deuxième registre de la chapelle osirienne ouest no 2 du temple de Dendara, Isis est « la grande, la mère du dieu qui protège (s(w)dꜢ) son frère dans le Grand-Château qui est à Héliopolis » et où Osiris est conjointement le roi Ounnefer justifié83. Sur la stèle funéraire de PꜢ-dj-pp, d’époque saïte (?) et d’origine héliopolitaine, Isis « dans (m) le Grand-Château » est nommée après l’entité syncrétique Rê-Atoum, suivie de Chou et Tefnout, un temple dont Atoum est le maître (nb), 76

FAVARD-MEEKS, « Isis à Behbeit », p. 123-124. Edfou VI, 150, 8 et n. 3 ; Mamm. Edfou, 174, 17 ; JANKHUN, Livre, p. 110, qui n’a pas reconnu la déesse Hededet d’Héliopolis malgré la mention récurrente du Grand-Château dans ce « livre ». 78 Dimitri MEEKS, « Linguistique et égyptologie. Entre théorisation à priori et contribution à l’étude de la culture égyptienne », CdE 90, Fasc. 179 (2015), p. 40-67 : p. 42 ; Bernard MATHIEU, « Une formation de noms d’animaux (ABCC) en égyptien ancien », BIFAO 104/1 (2004), p. 377387 : p. 381-382, nos 10 et 12 pour l’exemple suggestif de la grenouille. 79 GOYON, « Hededyt », p. 448-449 et n. 5. 80 FAVARD-MEEKS, « Isis à Behbeit », p. 122. 81 Dans un hymne à Isis du temple d’Opet (Opet I, 139), la déesse est Rê femelle (Rayt) dans le ciel d’Égypte, en fait celui de Thèbes, cité aussi en Opet I, 19 : KLOTZ, Caesar, p. 131, n. 741. Cette épiclèse de déesse universelle suggère la présence d’Isis-Hededet à Thèbes, d’autant que cet hymne en fait la protectrice du corps d’Osiris. À la Porte d’Isis à Dendara, l’Isis lumineuse, Hededet, est aussi décrite comme Rayt : voir supra n. 53. 82 Voir supra, n. 10, pour le barbier « Fils d’Isis ». 83 Dendara X, 346, 8 ; CAUVILLE, Dendara, p. 187 (traduction) : « qui amène son frère ». Rainer HANNIG, Grosses Handwörterbuch Ägyptisch-Deutsch, Mayence 1995, p. 682b, 5, « schützen ». 77

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en particulier lorsqu’il siège dans la barque solaire avec Rê et Khépri84. À ces divinités du temenos d’Atoum s’ajoutent Hathor-Nebet-Hetepet, dont un homonyme de même époque était serviteur conjointement avec Serqet, Hâpy, ainsi que le collège divin de Kher-âha85. De surcroît, l’Osiris héliopolitain associé à l’Isis de ce Grand-Château est dit ici m Ꜣtf wr, une forme attestée depuis la 18e dynastie86, lequel est étranger à celui du Château-du-Prince et relève d’un autre contexte théologique. En effet, comme Isis-Hededet place les couronnes de Rê sur la tête du roi à Edfou87, tandis qu’elle en fait autant pour son fils Harpocrate au temple de Behbeit88, elle procédait apparemment de même à Héliopolis avec Osiris m Ꜣtf wr, car le couronnement d’Osiris y constituait un événement majeur de sa liturgie royale depuis la 12e dynastie, tandis qu’une inscription de la chapelle axiale d’Edfou explicite le lien unissant cette déesse et l’Osiris royal « Maître de Djeba », comme nous l’avons vu89. Antérieurement, Hededet y aurait déjà été mêlée au couronnement d’Atoum. Au temple funéraire de Ramsès III à Médinet-Habou où il est protégé par une Isis ailée dispensatrice de nombreuses fêtes sed90, indice d’une intercession auprès d’Atoum91, Osiris m Ꜣtf-wr apparaît debout, momifié, coiffé de la couronne atef et tenant le sceptre sommé des insignes ânkh / djed / ouas, un modèle qui sera adopté par l’Osiris de Kher-âha mais protégé ici par Atoum en babouin 84 HEIDEN, « Stele », p. 192 et fig. 1. Sur cette épithète d’Atoum : Karol MYŚLIWIEC, Studien zum Gott Atum, 2 vol. (HÄB 5 et 8), Hildesheim 1979, vol. 2, p. 127-129 ; LÄGG III, 690-691 ; les stèles d’Assouan : Ahmed Bey KAMAL, Stèles ptolémaïques et romaines (CGC 22001-22208), 2 vol., Le Caire 1904-1905, vol. 2, p. 90 et pl. XXXI (CGC 22103), p. 93 et pl. XXXII (CGC 22107), p. 95-96 et pl. XXXIII (CGC 22111). 85 POSTEL & RÉGEN, « Annales », p. 238-239, c, pour ce « Grand-Château ». HEIDEN, « Stele », p. 189, fig. 1 et pl. 3 ; p. 192 ; p. 195, notes m-r ; ajouter à la liste onomastique (n. e, p. 193-194) : Sanaa Abd El-Azim EL-ADLY, « Eine Opferstele der Spätzeit aus Héliopolis », GM 197 (2003), p. 31-34, Matarieh (inv. 2465), où la forme PꜢ-dj-pp cohabite avec PꜢ-dj-ptpt, diminutif de Nebet-Hetepet. 86 Jean-Claude GOYON, « Le cérémonial de glorification d’Osiris du papyrus du Louvre I. 3079 (col. 110-112) », BIFAO 65 (1965), p. 89-156 : p. 133, n. 210 ; la formule « Atef our est inondé (sic) de ton nom » ne ferait-elle pas allusion à une polyonymie d’Osiris en forme de litanie, suggérée déjà par le chapitre 142 du Livre des Morts, à l’image d’Isis-Hededet nbt rn.w qui le veille en ce lieu ? (ibid., p. 107 et 133, n. 211). EL-BANNA, « Osiris », p. 101-126 : Doc. 12, 13, 18, 21, 28, 38 et p. 125. Idem, « Un titre nouveau “le gardien de volailles du temple de Rê” », GM 116 (1990), p. 7-17 et n. 7. Ce site héliopolitain tirerait son nom de la chapelle dynastique d’Hiéraconpolis, comme le suggère le déterminatif O 19 de la « Grande Hutte » citée avant Abydos, qui en abrita une autre, d’après Pyr., § 627a, tandis que jtfꜢ désigne le serpent royal de Haute-Égypte qui décapite les ennemis séthiens : Adolf ERMAN, Hymnen an das Diadem der Pharaonen (APAW), Berlin 1911, p. 21-55 : p. 47-49 (texte et traduction) et n. 1. 87 BAUM, Temple d’Edfou, p. 277. 88 FAVARD-MEEKS, « Isis à Behbeit », p. 122. 89 Stèle Louvre C 130 : Paul PIERRET, Recueil d’inscriptions inédites du musée égyptien du Louvre (EtudEgyptol 2), Paris 1874 (rééd. 1978), p. 59-60 (texte). BARUCQ & DAUMAS, Hymnes et prières, p. 79-80, no 6 (traduction). 90 The Epigraphic Survey, Medinet Habu, 8 vol., Chicago 1930-1970, vol. 6, pl. 480 B. 91 Pour l’exemple de Tjékou : THIERS, Tjékou, p. 16, C 40-41 (texte et traduction).

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archer, comme l’illustre le naos de Boubastis BM EA no 1078 (30e dynastie), où Osiris porte une des couronnes du dieu Andjéty92. Sur le naos Leiden no 146 (AM no 107), d’époque saïte, le dieu est cette fois assis sur un trône royal, coiffé de la couronne blanche et muni du sceptre et du flagellum93, une image du roi intronisé qui se retrouve dans la dyade de Soul JE 92591, découverte à Matarieh, où Osiris m Ꜣtf-wr porte l’atef tandis qu’Isis « la grande (wr.t), mère du dieu (mw.t-ntr) » trône à côté de lui, coiffée d’une couronne hathorique94. Le couple de Soul traduirait donc en image l’Isis du Grand-Château, qui n’est autre qu’Isis-Hededet, et l’Osiris m Ꜣtf wr, cités côte à côte sur la stèle de PꜢ-djPp95. La stèle Louvre C 119 (IIIe siècle av. J.-C.) cite un prophète d’Osiris Ꜣtf wr et d’Isis la « Grande, Mère du dieu », qui réside à Chen-qebeh, ce qui invite à situer cet « enclos de purification » dans la grande nécropole d’Héliopolis, Djedet, sans doute en tant que nécropole divine96. À l’époque d’Amenhotep III déjà, un proscynème du cercueil Caire CGC 48483, au nom de Rê, associait cet Osiris à Anubis, « Maître de la nécropole (nb tꜢ ḏsr) » et à tous les dieux qui sont dans Chen-qebeh, mais toutefois sans citer Isis-(Hededet)97.

92 Morris L. BIERBRIER (éd.), Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae [British Museum], vol. 12, Londres 1993, p. 22, pl. 71, BM EA 700 (ép. ramesside). Neal SPENCER, A Naos of Nekhthorheb from Bubastis, Londres 2006, p. 10, p. 80, fig. 8a, fac-simile (EA 1078) et p. 125, photo. L’arc d’Atoum ferait écho au grand couteau Ꜣtf wr du temple solaire où Nekhbet et Atoum protégeaient Osiris : voir Kurth SETHE, Die altägyptischen Pyramidentexte, 4 vol., Leipzig 19081922, § 1451b, car la déesse est encore armée d’un couteau à Dendara : Dendara X, 4, 12 (texte) et CAUVILLE, Dendara, p. 2 (traduction) où elle est citée après Atoum archer d’Héliopolis. Sur Horus d’Edfou archer assimilé à Atoum : Sydney H. AUFRÈRE, « Les génies armés, gardiens de la porte du pylône du temple d’Horus d’Edfou », RAnt 3 (2006), p. 3-56 : p. 13. 93 Mario ZECCHI, A Study of the Egyptian God Osiris Hemag, Imola 1996, p. 13 et n. 30, Doc. no 8. 94 Suzanne BICKEL & Pierre TALLET, « Quelques monuments privés héliopolitains de la Troisième Période Intermédiaire », BIFAO 100 (2000), p. 129-144 : p. 129-134, mais qui n’ont pas reconnu Osiris Ꜣtf wr. 95 HEIDEN, « Stele », p. 192, 1.2.2 et fig. 1, p. 189 (fac-simile). 96 GOYON, « Cérémonial de glorification d’Osiris », p. 133, n. 210 ; Alain CHARRON (éd.), La mort n’est pas une fin. Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Arles 2002, p. 135, no 69 (Marc ÉTIENNE). Sur ce site : José Ramón AJA SÁNCHEZ, « Qebeh, Qebehet and “cool water” in Piye’s Victory Stela », CdE 87, Fasc. 174 (2012), p. 218-231 : p. 224-226 ; GDG V, 140. Sur la nécropole d’Héliopolis : Mey ZAKI, « Une architrave “anonyme” d’Héliopolis », DE 63 (2005), p. 85-94 : p. 92 et n. 33 ; Bettina SCHMITZ, « Ein neuer Beleg für den Namen der Nekropole von Heliopolis », dans N. Kloth, K. Martin & E. Pardey (éd.), Festschrift für Hartwig Altenmüller zum 65. Geburstag (BSAK 9), Hambourg 2003, p. 387-398 : p. 397 ; Abd El-Azim EL-ADLY, « Opferstele », p. 33 ; Jean YOYOTTE, « Les Bousiris et les Abousir d’Egypte (Toponymie de l’Egypte pharaonique I) », GLECS 8 (1960), p. 57-60 : p. 59. 97 Urbain BOURIANT, « Petits monuments et petits textes recueillis en Égypte », RecTrav. 7 (1886), p. 114-132 : p. 117, 1., A ; Percy E. NEWBERRY, Funerary Statuettes and Model Sarcophagi (CGC), 3 vol., Le Caire 1930-1957, p. 394 ; EL-BANNA, « Osiris », p. 105-106, Doc. 12. Sur la stèle d’Iyvroy (époque de Ramsès III), Osiris Ꜣtf wr revêt cette épithète anubienne : Labib HABACHI & Paul GHALIOUNGUI, « The “House of Life” of Bubastis », CdE 46, Fasc. 91 (1971), p. 59-71 : p. 65-67 et fig. 3-4.

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Enfin, dans la litanie osirienne du chapitre 142 du Livre des Morts, où les épithètes d’Osiris sont jumelées en distiques, « Osiris dans Ꜣtf wr » suit « Osiris intronisé »98. Quant au papyrus Tebtunis I, il cite le Château d’jtfꜢ wr parmi les sites sacrés qui envoyaient un échantillon de terre à la Maison-de-vie du temple de Saïs lors des fêtes du couronnement du nouvel an, ce qui rappelle le Papyrus de Brooklyn 47.218.50, d’autant qu’Isis-Hededet accompagnait Osiris et Nephthys lors des fêtes du Nouvel An, d’après une des trois listes du temple d’Edfou qui précise l’identité des divinités participantes99. Dans le Château-du-Prince d’Héliopolis se déroulaient des liturgies d’origine ancienne, à commencer par celle qui régénérait Osiris exposé aux rayons du soleil, Rê100. D’après un tableau de la salle hypostyle d’Edfou, lorsque IsisHededet veille sur son frère, le « grand Iwn(y) », en déclarant : « j’élève ta majesté dans mon giron, je te nourris de mon lait », elle évoque un allaitement funéraire, lié à une renaissance sous forme d’enfant, mais ici sous le couvert de celui du roi vivant, ce qui rappelle la regestation rituelle déjà envisagée mais invite aussi à rechercher d’autres témoignages de l’Isis-Hededet allaitante au scorpion, tel celui du bloc Caire sans (?) no inv., commenté ci-dessus et qui remonte au Nouvel Empire101. Précisons que la formule 555 des Textes des Pyramides décrivait déjà un rituel d’allaitement funéraire à Pé, résidence d’Ouadjit mais aussi lieu de couronnement royal102. Toutefois, comme le titre de ce tableau traite de libations d’eau fraîche versées pour Osiris, cette liturgie relève également du Château-du-Prince, comme le précise le Livre des Respirations où le défunt déclare : « puisse-t-on me verser la libation d’eau dans le Château-du-Prince, comme on fait pour le Grand-Prince d’Héliopolis (i.e. Osiris) »103. Dans la chapelle de la Jambe du temple d’Edfou, c’est le roi qui effectue une libation devant Horus-Behedety mais aussi Osiris-dans-Behedet et Isis-Hededet, tandis qu’à la Behedet du Sud, Isis-Hededet qui veille sur Joun(y) reçoit une libation104. La portée funéraire de ce rituel ressort clairement et invite

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BARGUET, Livre des Morts, p. 187 (traduction). Jürgen OSING, Hieratische Papyri aus Tebtunis I (CNI Publications 17), Copenhague 1998, p. 144-145, fr. 2.22 et pl. 12 ; Edfou I, 359, 2 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 168, Doc. no 111 (traduction). 100 Edfou I, 166, 8 et 167, 9 ; CAUVILLE, op. cit., p. 53, Doc. no 35 et p. 189 (traduction). 101 Edfou II, 53, 14-54, 9 et ibid. IX, pl. 40B ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 95-97, Doc. no 55 (traduction). La mention des pots à lait de Rattaouy dans P. Leiden T 32, III, 12 le suggère : HERBIN, Livre de parcourir l’éternité, pl. III (texte), p. 439 (translitération), p. 54 (traduction) et p. 155-156 (commentaire). 102 SETHE, Pyramidentexte, § 1375 ; FAULKNER, Pyramid Texts, p. 215 ; FORGEAU, Horus-Filsd’Isis, p. 55 et n. 292-296. 103 EL-BANNA, « Osiris », p. 117-118 et n. 103, Doc. 44. Sr-wr : LÄGG VI, 416 (Atoum, Osiris). 104 BAUM, Temple d’Edfou, p. 234-235 (= Edfou II, 258) ; p. 292 (= ibid. VII, 120, 5-6). 99

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à l’envisager également à Chen-Qebeh, l’ « Enclos de la purification » que nous avons situé dans la nécropole d’Héliopolis, Djedet105. Le nom de Hededet, dont la racine est incertaine106, aurait été réinterprété en Hedjedjyt à Héliopolis où l’épithète Hedjedjou est attestée à la 19e dynastie pour la triade Rê-Horakhty-Atoum107. La palatalisation des deux d entraînait l’écriture de deux cobras (I 10) dans le nom d’une déesse invitée à associer l’uraeus au scorpion. À Edfou d’ailleurs, le bilitère F 18 (défense d’éléphant) pourrait même avoir été préféré au h aspiré initial V 28 (tresse), peut-être en liaison avec le toponyme Behedet. C’est dans ce contexte solaire que la déesse scorpion Hededet serait devenue la « Lumineuse », Isis-Hedjedjyt. En revêtant une étoffe « lumineuse-hedjedjet », son image divine exprimait désormais ce trait particulier, d’après une inscription de la Porte d’Isis de Dendara où la déesse est « la belle et excellente qui met en valeur l’étoffe lumineuse, Hedjedjet, la grande et maîtresse de lumière »108. Cette description trouve un écho dans la description que donne Apulée de la déesse apparue en songe à son héros Lucius ainsi vêtue : tunica multicolor, bysso tenui pertexta, nunc albo rubore candore lucida, nunc croceo flore lutea, nunc roseo rubore flammida. Sa tunique, de couleur changeante, tissée du lin le plus fin, était tour à tour blanche comme le jour, jaune comme la fleur de crocus, rougeoyante comme la flamme109.

Ce texte illustre les reflets changeants de la tunique d’Isis à la lumière du jour, un éclat lié au lin immaculé avec lequel elle était tissée et qui est évoqué aussi par Ovide, lorsqu’il décrit le linigerae numen que dégagent les statues de culte de la déesse égyptienne110. Cette déesse allait élargir davantage encore son caractère cosmique et universel en devenant Isis-Hededet-Sothis-Sechat, dont le lever héliaque annonçait l’arrivée de la crue bienfaisante, voire même Isis-Hededet-Satis, comme nous allons le voir. La déesse-étoile « pointue » (spd.t) et celle au dard effilé qui pique les ennemis d’Osiris se complétaient ainsi habilement111. Pour 105

Voir supra, n. 95. Wb III, 206, 6-7. Rami VAN DER MOLEN, A Hieroglyphic Dictionary of Egyptian Coffin Texts (PÄ 15), Leyde 2000, p. 309. Voir aussi Alain ANSELIN, « Le scorpion et la rosette : essai de lecture de deux sénogrammes nagadéens », AdE 1 (2005), p. 15-33 : p. 26 et n. 62-63, pour qui les graphies variables de ce nom rendent difficile la recherche de sa racine. Il pourrait s’agir du nom primitif de la tresse royale à scorpion d’Hiéraconpolis. 107 Karol MYŚLIWIEC, « Beziehungen zwischen Atum und Osiris nach dem Mittleren Reich », MDAIK 35 (1979), p. 195-213 et pl. 33-39 : p. 211, n. 53. 108 Voir supra, n. 53. Dendara X, 416, 3-4 (texte) ; CAUVILLE, Dendara, p. 226 (traduction), pour l’étoffe « qui diffuse la lumière hedjedjet de celui qui est dans l’horizon », Rê-Horakhty d’Héliopolis et qui est peut-être destinée à la dépouille d’Osiris. 109 Apulée de Madaure, Met. 11, 3, 5. 110 Ovide, Pont. 1, 1, 51. 111 Sur les liens de la « Pointue » avec le don de la vie par la naissance, ce qui s’accorde avec le profil d’Isis scorpion, voir Nathalie BEAUX, « Associations divines et réalité astronomique. La 106

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J.-Cl. Goyon d’ailleurs, ce profil « tend fortement à prendre le pas sur le mythe antique de la déesse au scorpion »112. Recherchons à présent la trace de cette déesse dans l’iconographie égyptienne. 4. Isis-Hededet dans l’iconographie égyptienne et gréco-romaine L’iconographie d’Isis-Hededet est difficile à caractériser. Si les figurations de scorpions avec ou sans tête de femme évoquent a priori Serqet ou IsisSerqet113, notamment dans les contextes magiques liés à la protection de la naissance et de l’allaitement du nouveau-né, là où le recours aux amulettes ou aux objets votifs était d’usage, le bloc gravé du musée du Caire rattache aussi Hededet à ce contexte, en particulier sous la forme d’un scorpion. Dans les reliefs des temples, elle revêt un aspect hathorique, sans scorpion, explicable par l’évolution de son profil théologique mais peut-être aussi par la difficulté à sculpter un scorpion dans une pierre dure, contrairement à la tendre stéatite, douce au toucher, très prisée à l’époque ptolémaïque pour les stèles d’Horus sur les crocodiles et où Harpocrate tient en main un ou des scorpions parfois finement travaillés114. La figuration du scorpion semble avoir été plus aisée

Fig. 5. Isis scorpion sur la Mensa Isiaca, table en bronze, fin Ier siècle apr. J.-C. (Museo Egiziano di Torino, Inv. no 7155, d’après E. LEOSPO, La Mensa Isiaca di Torino (EPRO 70), Leyde 1978, pl. XXXII). représentation de Spdt », dans N. Grimal, A. Kamel & C. May-Sheikholeslami (éd.), Hommages à Fayza Haikal (BiEtud 138), Le Caire 2003, p. 51-61 : p. 54 et n. 16. 112 GOYON, « Hededyt », p. 454. Sur les liens tissés entre Isis-Hededet et Sechat qui évolue parallèlement à Sothis dans un contexte lunaire dominé par Thot : BAUM, Temple d’Edfou, p. 222223. 113 Robert St. BIANCHI & Christiane ZIEGLER, Les bronzes égyptiens. Fondation Gandur pour l’art, Berne 2014, p. 170-171, amulette en or d’un scorpion à tête de femme (Inv. FGA-ARC-EG112). Eugène WARMENBOL & Christiane ZIVIE-COCHE (éd.), Sphinx. Les gardiens de l’Égypte, Bruxelles 2006, p. 262-263. 114 Annie GASSE, Les stèles d’Horus sur les crocodiles, Paris 2004, p. 16 : parfois mêlée à la serpentinite plus dure. La cuisson de la stéatite donnait un matériau plus dur : Simon CONNOR, « “Cuire des statues” : l’usage de la stéatite en sculpture à la fin du Moyen Empire et à la Deuxième Période Intermédiaire », GM 243 (2014), p. 23-32 : p. 25.

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aussi pour les petits objets en bronze fabriqués suivant la méthode de la cire perdue. Ainsi, la statuette Caire CGC 38983 figure une déesse debout (Isis ?), coiffée d’un scorpion entre un modius et la coiffe hathorique, moins aisée à réaliser avec un matériau plus dur115. Dans les formes hybrides, la déesse présente un buste de femme coiffée d’une couronne hathorique et munie de bras allongés vers l’avant, lequel surmonte un corps de scorpion à la queue redressée, un profil qui relève en fait du sphinx gardien116. Cette iconographie relève ainsi d’une thématique solaire et royale qui oriente alors vers l’Isis-Hededet héliopolitaine117. Elle surmontait des hampes de porte-enseignes à en juger par la présence d’un embout métallique prévu à cet effet. L’exemplaire de Genève, FGA-ARCH-EG-205 porte une brève inscrip-tion hiéroglyphique : « Puisse Isis donner la vie à … », la déesse étant coiffée ici d’un vautour accouvé posé sur une perruque tripartite, tandis que l’exemplaire anépigraphe Copenhague NMD 6363 est muni d’ailes ouvertes, un trait familier de l’épouse d’Osiris lorsqu’elle protège son époux ou son fils118. Par ailleurs, le sujet repose sur une fleur de lotus, ce qui rappelle l’IsisHededet de Behbeit119. Certaines de ces statuettes pourraient donc figurer IsisHededet, dont la coiffe hathorique avait supplanté le scorpion, une déesse dont la fonction protectrice d’Osiris, mais aussi d’Horus, constituait la prérogative majeure. Ces objets, pour lesquels une utilisation votive n’est pas exclue, auraient ainsi été exhibés par des prêtres lors de processions, comme le révèlent des reliefs d’origine romaine mais conformes à des modèles égyptiens, parfois même à hampes courtes120. Dans la procession des prêtres porte-enseignes des nomes figurée dans les chapelles osiriennes est nos 1 et 3 situées sur le toit du temple de Dendara, le nome tentyrite est emmené par un prêtre porte-enseigne au scorpion dans la chapelle no 1, « Celui qui apaise sa Majesté (i.e. Hathor) : sois durable dans Busiris-la-Haute », mais de deux au collier menat dans la chapelle no 3121. Si 115 Georges DARESSY, Statues de divinités (CGC 38001-39348), 2 vol., Le Caire 1905-1906, vol. 1, p. 250 ; vol. 2, pl. XLIX (photo). 116 L’iconographie de cette forme hybride d’Isis est traitée dans le présent volume par M. Frédéric Rouffet. 117 POSTEL & RÉGEN, « Annales », p. 268-269 et n. 235-239. 118 WARMENBOL & ZIVIE-COCHE (éd.), Sphinx, p. 262 (photo) et p. 263 (texte). 119 Voir supra, n. 79. 120 Klaus PARLASCA, « Ägyptisierende Tempelreliefs und Architekturelemente aus Rom », dans L. Bricault (éd.), Isis en Occident (RGRW 151), Leyde 2004, p. 405-419 : p. 408-411 et fig. 3-4 (Rome, Antiquario Palatino, inv. 12498 ; Rome, Museo Capitolino, relief provenant de l’Iseum Campense [photo Lembke]). 121 Dendara X, 11, 14 ; CAUVILLE, Dendara, p. 7, no 26 (no 1, traduction). CAUVILLE, op. cit., p. 204, 14 ; ibid., 108 (no 3). Sylvie CAUVILLE, Dendara. Les chapelles osiriennes. Commentaire (BiEtud 118), Le Caire 1997, p. 11 (nome tentyrite). LEITZ, Gaumonographien in Edfu, p. 61, n. 18 (nos 1 et 3), qui ne commente pas ce scorpion. Sur la mention « Sois stable dans Busiris-laHaute », voir Jean-Claude GOYON, « Le cérémonial pour faire sortir Sokaris, Papyrus Louvre I 3079, col. 112-114 », RdE 20 (1968), p. 63-96 : p. 7, v. 78 ; p. 60, v. 76 ; p. 95, n. 62 (site

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ces bijoux évoquent Hathor la Menat de Dendara, ce scorpion serait ici celui d’Hathor Iounet, laquelle accompagnait Horus d’Edfou qu’elle avait rejoint pour gagner la tombe d’Osiris à la nécropole de Behedet, la « Butte de Maât », lors des fêtes de la néoménie d’Épiphi122. Durant celles-ci en effet, mais déjà dans la chapelle de la Jambe, elle s’assimilait à Isis-Hededet pour devenir, à son tour, « celle qui réside à Behedet », sans doute lors du couronnement d’Osiris. Pour sa part, Hathor la Menat gagnait la chapelle de Mehyt du temple, du nom de la déesse de This, lors de l’offrande de l’amulette-heh, un lieu où elle rencontrait Isis-Serqet associée à Rê-Horus et à un Osiris lunaire, une visite qui se doublait aussi d’une visite à Behedet123.

De g. à dr. : Fig. 6. Isis-Hededet veillant sur Osiris, statuette en albâtre, basse-époque, Memphis (CGC 38987). Fig. 7. Isis-Satis au scorpion, statuette en bronze, basse-époque, Égypte (CGC 38988).

mythique ?). Il s’agirait d’une chapelle pour S. CAUVILLE (Dendara X, 12, no 27 [texte]) ; CAUVILLE, Dendara, p. 7, Nome diospolite-Hou (traduction). 122 Edfou V, 124, 12-125, 1 ; 356, 8-357, 6 ; BAUM, Temple d’Edfou, p. 248-249, p. 260 pour l’assimilation d’Hathor à Isis-Hededet lors de sa visite à la chapelle de la Jambe, p. 292 et p. 559, n. 20, pour la butte de Maât située dans Behedet. D’après une inscription du tableau II de la frise ouest du temple d’Isis de Dendara (époque d’Auguste), Isis-Hedjedjet « qui réside à Behedet » suit Osiris Joun(y) qui réside au même lieu dans l’ennéade des dieux d’Edfou associés à l’offrande de l’élixir de force à Horus : Sylvie CAUVILLE, Dendara. Le temple d’Isis, Le Caire 2007, p. 131 (texte) ; Traduction (OLA 178), Louvain 2009, p. 88-89 ; Analyse à la lumière du temple d’Hathor (OLA 179), Louvain 2009, p. 94-95. Cette visite permettait à Hathor de participer aussi au couronnement d’Osiris, comme elle le faisait déjà pour Horus et Isis-Serqet. 123 Edfou I, 316, 14-317, 11 ; CAUVILLE, Théologie d’Osiris, p. 81-83 et n. 5, p. 82, Doc. no 47 (traduction). Sur ces sacerdoces : Herman DE MEULENAERE, « Trois stèles inédites aux M.R.A.H. », CdE 48, Fasc. 95 (1973), p. 47-59 : p. 56-58, notes e-f et fig. 3 (inv. E 8242) ; VON KÄNEL, Prêtres-ouâb, p. 143 et n. aa ; BAUM, Temple d’Edfou, p. 296.

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L’Isis scorpion anthropocéphale de la Mensa Isiaca, Turin ME 7155 (Fig. 5), qui proviendrait de l’Iseum Campense de Rome, pourrait constituer un avatar d’Isis-Hededet, car elle est munie de bras tournés vers l’avant en guise de pinces, surmontée du disque solaire ailé d’Horus de Behedet, tandis que sa queue croise une tige de lotus en fleur émergeant d’un support, ce qui rappelle les formes hybrides décrites ci-dessus124. La présence conjointe d’Atoum, coiffé d’un serpent dressé sur la tête, dans le registre inférieur de la table, confirme cette interprétation de l’Isis scorpion125. Ajoutons qu’un fragment de relief provenant de la chapelle d’Osiris-Hemag de Behbeit avait été ramené à l’Iseum Campense, probablement à l’époque de Domitien, ce qui n’est pas sans intérêt pour notre propos puisque ce temple égyptien disposait, lui aussi, d’un Château-du-Prince où Isis-Hededet veillait sur Osiris redivivus, encore que son aspect scorpion y ait apparemment disparu126. La statuette Caire CGC 38987 (Fig. 6), en albâtre gris, constitue une des rares représentations reconnues d’Isis-Hededet. La déesse apparaît agenouillée, coiffée d’une perruque à uraeus frontal et surmontée du trône éponyme Ꜣs.t sur le devant duquel descend un scorpion, tandis qu’elle tient sur ses genoux un petit Osiris momifié gisant sur un lit funèbre ou dans un cercueil, ce qui correspond aux sources écrites d’Edfou d’après lesquelles elle veille Osiris défunt127. Cette attitude rappelle l’Isis pleureuse de statuettes en bois peint, voire de sa sœur Nephthys, disposées de part et d’autre du cercueil dans des tombes privées, tout en suggérant ici une miniaturisation de ce dernier128. En fait, cette figurine serait Isis-Hededet veillant sur un simulacre osirien, sans doute celui d’Osiris-Neb-ânkh, comme nous l’avons vu ci-dessus129, d’autant qu’elle provient du Sarapieion de Memphis, une cité d’où cette forme d’Osiris Heike STERNBERG-EL HOTABI, « Das Mensa Isiaca und die Isis-Aretalogien », CdE 69, Fasc. 137 (1994), p. 54-86 : p. 82-83 et fig. 8c’ (Ier siècle apr. J.-C.), qui s’en tient à Isis-Selkis en comparaison avec la stèle Metternich. 125 STERNBERG-EL HOTABI, « Mensa Isiaca », p. 69, fig. 5, D’ et p. 77 ; Luisa BONGRANI FANFONI, « La “Mensa Isiaca” : nuove ipotesi de interpretazione », dans Cr. Morigi Govi, S. Curto & S. Pernigotti (éd.), L’Egitto fuori dell’Egitto. Dalla riscoperta all’Egittologia, Bologne 1991, p. 41-49 : p. 44 et 48, où l’auteur note l’influence des cultes héliopolitains à Memphis dont l’empreinte reste toutefois dominante dans cette table. 126 Christine FAVARD-MEEKS, « Les constructions de Nectanébo II à Behbeit el-Hagara », dans N. Kloth, K. Martin & E. Pardey (éd.), Festschrift für Hartwig Altenmüller zum 65. Geburtstag (BSAK 9), Hambourg 2003, p. 97-108 : p. 103, fig. 5 (Bloc 524 [8]) et p. 104-105. 127 DARESSY, Statues, vol. 1, p. 250 et pl. XLIX ; GOYON, « Hededyt » p. 455 et n. 2. 128 EGGEBRECHT (éd.), Suche nach Unsterblichkeit, p. 84-85, photo (Hildesheim, Inv. no 1583/1584, IIIe siècle av. J.-C.) ; musée de Guéret, inv. no 84.9.132 : CHARRON (éd.), La mort n’est pas une fin, p. 130, no 62 (Isis). Une peinture pariétale d’une tombe de Tuna el-Gebel (Ier siècle apr. J.-C.) figure une momie miniaturisée posée sur les jambes de Nout allongée à même le sol dans un contexte royal : Christina RIGGS, The Beautiful Burial in Roman Egypt. Art, Identity, and Funerary Religion, New York 2005, p. 137, fig. 62 ; Siegfried SCHOTT, « Nut spricht als mutter und Sarg », RdE 17 (1965), p. 81-87. Il se pourrait aussi que la déesse Isis-Hededet ait hérité cette prérogative de sa mère Nout. 129 Voir supra, n. 28. 124

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semble originaire et où les cultes grecs et égyptiens cohabitaient130. À titre de comparaison, citons la statuette en calcaire ocré Caire CGC 38867, datée du milieu de l’époque kouchite et qui provient de la nécropole nord d’Abydos ; elle figure une Isis agenouillée semblable qui tient entre ses mains posées sur les genoux une petite figurine osirienne qui pourrait être un simulacre du dieu selon Jocelyne Berlandini-Keller qui cite d’ailleurs la présente statuette CGC 38987 à ce propos131. Un exemplaire unique d’une amulette en argent Genève FGA-ARCH-EG 287, ainsi qu’une statuette en bronze du Caire CGC 3988 et une autre Paris Louvre N 5031, représentent la déesse Satis dont la coiffe caractéristique, une mitre encadrée de deux cornes de gazelle effilées, est complétée à l’avant par un scorpion descendant et dont les pinces encadrent l’uraeus frontal (Fig. 7)132. Pour Dominique Valbelle, qui tient compte du lien unissant Satis à Sothis, il s’agirait d’une Satis-Selkis, car ces deux déesses archères, en s’unissant de la sorte, décochent la flèche de la crue lors du lever héliaque de l’étoile qui peut aussi apparaître sur cette coiffe, ou alors une croix133. Pour pertinente que soit cette analyse, on ne peut exclure Isis-Hededet-Sothis du débat, d’autant qu’elle résidait dans le temple de Khnoum à Assouan, en compagnie d’Horus-Behedety protégé par Satis et Anoukis134. En fait, ces deux formes d’Isis scorpion ont leur place dans la lecture de ces menus objets, comme le suggère une subtile écriture ptolémaïque du temple d’Edfou où le nom d’Isis est suivi du signe du scorpion horizontal coupé verticalement par le signe F 10, « gorge hetyt / hetet », ce qui autorise soit la lecture « celle qui fait respirer la gorge » (i.e. Serqet), soit Isis-Hetet graphie attestée pour Isis-Hededet où le scorpion est alors un déterminatif135. Ces figurines témoignent en tout cas du prestige dont jouissait Isis scorpion, tardivement encore, dans une région frontalière où une influence directe de ses images nubiennes au scorpion est tout aussi

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La statue du musée d’Alexandrie no 20931 (3898), datée du IIe siècle apr. J.-C., représente un personnage nu héroïsé accompagné d’un petit Osiris momiforme, dressé à ses pieds, debout et coiffé de l’atef, lequel semble ainsi faire écho à un petit Harpocrate sur une autre statue, ce qui évoque à nouveau un simulacre conçu comme une forme du dieu renaissant : Paul GRAINDOR, Bustes et statues-portraits d’Égypte romaine, Le Caire 1936, respectivement p. 96-97, pl. XXXVIIXXXXVIII. 131 GODDIO & FABRE, Osiris, p. 150-151 et n. 1-5 (JBK). 132 BIANCHI & ZIEGLER, Bronzes égyptiens, p. 216-217, no 61 ; Richard H. WILKINSON, Dictionnaire illustré des dieux et déesses de l’Égypte ancienne, Gollion 2006 (éd. orig. Londres 2003), p. 165 (photo) ; Dominique VALBELLE, Satis et Anoukis (SDAIK 8), Mayence 1981, p. 54, no 393, n. 255 et pl. VIII haut (Louvre) ; Ibid., p. 55, no 404 et n. 258 (CGC 3988 = JE 31369) ; DARESSY, Statues, vol. 1, p. 250 et pl. XLIX. 133 VALBELLE, Satis et Anoukis, p. 139, no 1028. 134 Voir supra, n. 14. 135 Edfou V, 332, 15 (cour, passage sud-ouest). ZAKI, Premier Nome, p. 193 et n. 26, dont la graphie hiéroglyphique du scorpion est incomplète ; LÄGG VI, 437a.

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plausible pour commenter ces rares formes de Satis au scorpion, car celles d’Isis y sont attestées au Nouvel Empire136. Une tête de déesse en basalte vert Rome Museo Barracco 265 (Fig. 8) apparaît coiffée d’une perruque tripartite surmontée d’une couronne hathorique dont le disque solaire supporte un scorpion descendant137. Dans son édition de 1985, le catalogue du musée présente cette pièce comme une copie réalisée d’après un modèle d’époque saïte ou antérieure. Si l’aspect de l’arachnide révèle en effet un travail exécuté par un artisan peu familier de cet animal, la dureté du matériau n’y serait pas étrangère, ce qui hypothèque cette proposition. Par ailleurs, ce catalogue n’envisage pas une représentation d’Isis lactans au scorpion, comme le suggère pourtant la statuette en bronze de l’Isis lactans Marseille MAM 632 où apparaît un scorpion descendant comparable138. Il se pourrait même que cette tête se rattache à la statue acéphale d’Isis lactans en basalte vert et de dimensions comparables Alexandrie MGR 24637139. Ce scorpion serait celui d’Isis-Hededet, puisqu’elle peut se faire allaitante, à la différence de Serqet ou d’Isis-Serqet qui semble davantage affectée à la

Fig. 8. Isis au scorpion, tête d’une statue en basalte vert, origine inconnue (Musée Giovanni Barracco de Rome, Italie, Inv. no 265, reproduit avec l’aimable autorisation du Musée). GOYON, « Hededyt », p. 440-442 et fig. 1-3, où le scorpion frontal est parfois descendant. Loredana SIST, Museo Barracco. Arte Egizia, Rome 1996, p. 62-63. Giorgio CAREDU, Museo Barracco di scultura antica. La collezione egizia, Rome 1985, p. 47, no 61 et photo (H. 6 cm). 138 Voir ici la contribution de Frédéric ROUFFET, « Isis et les scorpions. À propos de quelques statuettes en bronze d’Isis-Serqet », ici même, p. 285-306 : p. 293-295 et fig. 22a-b. Je remercie l’auteur pour cette référence. 139 Achille ADRIANI, Repertorio d’arte dell’Egitto greco-romano, 2 vol., Palerme 1961, vol. 2, pl. 97 ; Florence SARAGOZA, « À propos d’un Osiris-Canope inédit du musée d’Aquitaine », RLMF, 3 juin 2010, p. 30-40 : p. 35, fig. 7 (dos) et n. 54 (H. 20 cm). 136

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protection du buisson où Harpocrate est allaité par une Isis à coiffure hathorique, héritée de la vache Hathor de Chemmis, voire par la déesse Ouadjit en sa qualité de « Dame de Pé »140. Cette tête illustre aussi un nouveau type de relation liant un animal au disque solaire. Dans la chapelle osirienne orientale no 2 de Dendara, le nom du dieugardien no 15 est : « le scorpion (srq.t) de Khépri, celui qu’on ne voit pas, c’est la puissance issue d’Atoum », suivant la traduction de Sylvie Cauville141. La référence à Khépri, mais aussi à Atoum, décrirait en fait le scorpion surgissant de dessous les cailloux à la tombée de la nuit ou aux premières lueurs de l’aube, lorsqu’il chasse, ce qui fit symboliquement de lui celui qui reliait hier à demain et dès lors un pourvoyeur d’éternité. C’est le soleil de l’aube ou du couchant qui aiguisait la dangerosité du scorpion qui se muait alors en un redoutable chasseur à la piqûre fatale. 5. Sarapis au scorpion sur des intailles d’époque impériale : le retour d’Isis-Hededet ? Figure de proue du panthéon alexandrin durant l’époque impériale encore, Sarapis présente une iconographie des plus diversifiées qui va de la statuaire officielle aux menus objets de la vie courante, tels que bagues, gemmes ou bijoux, mais aussi les monnaies, sur lesquels il apparaît volontiers avec sa parèdre Isis dans des compositions faites de motifs parfois d’origine égyptienne et choisis au gré des attentes d’utilisateurs soucieux de leur conférer ainsi une efficience magique optimale. C’est le cas d’une quinzaine d’intailles en jaspe ou en hématite, datées du IIIe siècle apr. J.-C., où le dieu apparaît trônant au milieu d’une scène rendue insolite par la présence d’un scorpion dressé vers lui et qui suscite une réflexion nouvelle au regard du profil de la déesse scorpion Isis-Hededet142. 140 GASSE, Stèles d’Horus, p. 130, fig. 115 et p. 129, commentaire ; KOEMOTH, « Pi Sopdou », p. 14, fig. 1, où Isis-Serqet suit Isis lactans résidente mais protège en fait Ouadjit figurée derrière elle comme nourrice d’Harpocrate dans le buisson de Chemmis. Sur la situle Bruxelles MRAH E.7101, Serqet précède aussi ce buisson où c’est Isis qui nourrit l’enfant : Harco WILLEMS & Willy CLARYSSE (éd.), Les Empereurs du Nil, Louvain 2000, p. 252-253, no 175 (fac-similé). 141 Dendara X, 97, 12 (texte) ; CAUVILLE, Dendara, p. 54 (traduction). Pour GOYON, DieuxGardiens, vol. 1, p. 308-309, XXV, encore que ce srqy pourrait être une forme abrégée de srqy jb de Khépri, qu’il comprend « allégresse de Khépri », alors que cette locution exprimerait en fait le lien unissant l’arachnide au soleil de l’aube où il figure au centre de l’astre. 142 Laurent BRICAULT, Les cultes isiaques dans le monde gréco-romain. Documents réunis, traduits et commentés, Paris 2013, p. 31-43, Isis et Sarapis. Richard VEYMIERS, Ἵλεως τῷ φορουντι. Sérapis sur les gemmes et les bijoux antiques (Académie royale de Belgique, Publication de la Classe des Lettres, 3e série, t. I, no 2061), Bruxelles 2009, p. 13-18 ; p. 70-80, pl. 36 et pl. XIV-XV (couleurs) et p. 289-293 ; Idem, « Supplément I », Bibliotheca Isiaca 2 (2011), p. 239271 ; « Supplément II », Bibliotheca Isiaca III (2014), p. 207-244 ; Laurent BRICAULT (éd.), Sylloge Nummorum Religionis Isiacae et Sarapiacae (SNRIS) (MAIBL 38), Paris 2008, p. 36-67 ; Michel MALAISE, Pour une terminologie et une analyse des cultes isiaques (Académie royale de

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Fig. 9. Gauche, a) ; droite : b). a) Sarapis au scorpion, intaille magique, époque impériale, hématite dans une bague, Égypte (d’après S. MICHEL, Die Magischen Gemmen. Zu Bildern und Zauberformeln auf geschnittenen Steinen der Antike und Neuzeit, Berlin 2004, p. 325 [45.1.a, p. 382, pl. 12, fig. 1]). — b) Sarapis au scorpion, intaille magique, époque impériale, heliotrope, Égypte (d’après D. WORTMANN, Kosmogonie und Nilflut, Bonner Jahrbücher 106 [1966], p. 107-108, fig. 35).

Vêtu du traditionnel chiton recouvert de l’himation, Sarapis trône au-dessus d’un crocodile allongé sous lui et pose le pied gauche avancé sur la tête du saurien, un détail non relevé dans ce contexte. De la main gauche, il tient un long sceptre au sommet duquel est perché un ibis, tandis qu’il tend la dextre au-dessus d’un scorpion dressé vers lui (Fig. 9a et b). Sa tête, dépourvue de calathos, est surmontée d’un scarabée aux ailes éployées, tandis qu’une étoile inscrite dans un croissant lunaire s’élève entre le coléoptère et l’arachnide. Sous ce crocodile, une momie d’Osiris couronné est allongée au-dessus d’un lion vivant. Enfin, l’image est ceinte d’un ouroboros qui, au lieu de se mordre la queue, comme il le fait habituellement, introduit parfois sa tête barbue, radiée, voire même coiffée d’un disque solaire, dans le champ de l’image où des amalgames de lettres, voire des nomina sacra comblent les interstices. L’analyse de ces images est délicate dans la mesure où chaque élément pris isolément est susceptible de revêtir une symbolique propre, alors que l’ensemble des sujets peut présenter une cohérence interne, cristallisée alors autour d’un thème majeur. Si le scarabée aux ailes éployées est une image du soleil naissant héritée de la théologie solaire égyptienne, celle de Khépri, l’étoile inscrite dans un croissant de lune, à hauteur du scorpion, évoque le lever héliaque de Sirius, l’étoile d’Isis-Sothis que ne peut renier l’Isis sélénisée des sources classiques143. Belgique, Mémoire de la Classe des Lettres, 3e série, t. XXXV), Bruxelles 2005, p. 127-178 pour les cultes alexandrins, en particulier Sarapis, Osiris et Isis. Reinhold MERKELBACH, Isis regina – Zeus Sarapis, Stuttgart – Leipzig 1995, p. 71-86 et 212-130. 143 Diana DELIA, « Isis, or the Moon », dans W. Clarysse, A. Schoors & H. Willems (éd.), Egyptian Religion: the Last Thousand Years. Studies Dedicated to the Memory of Jan Quaegebeur, 2 vol., Louvain 1998, vol. 2, p. 539-550.

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Comme l’a proposé Richard Veymiers, la présence de l’ibis au sommet du sceptre divin ferait allusion au retour de l’inondation, car cet échassier quittait alors les territoires méridionaux pour venir nicher en Égypte144. À cette période de l’année, le retour du crocodile en faisait un « ambassadeur de la crue »145. Sarapis le contrôle symboliquement en posant le pied gauche sur sa tête, un geste attesté pour sa parèdre, Isis magicienne, d’après une peinture de l’Iseum pompéien146. Dans ce contexte, Isis cherche à protéger la déesse vache étrangère Io échouée dans l’embouchure du Nil en crue et figuré sous les traits d’un Neilos barbu au sphinx, car Io fait ici figure d’animal sacrificiel destiné à un crocodile sacré, comme le révèle une mosaïque de Beth Shean (Israël) où il s’agit d’un zébu issu d’une race de bovidés à bosse d’origine syrienne147. Ce dieu trônant rappelle le Neilos des monnaies impériales du IIe siècle, assis sur un rocher avec un crocodile à ses pieds148. Sous ce crocodile, une momie couronnée d’Osiris est allongée au-dessus d’un lion vivant orienté à gauche, ce qui rappelle le lit funèbre sur lequel repose ce dieu, encore que l’aspect vivant de l’animal évoque également Isis-Sothis qui chevauche parfois un lion, comme l’a noté Gisèle Clerc149. Ainsi, le félin devient à son tour un annonciateur de la crue, d’autant que le soleil entrait dans la constellation du lion deux jours avant le lever héliaque de cette étoile150. Cette image suggère donc que le félin ramenait la crue en tant qu’Osiris. De surcroît, à l’arrière-plan d’un exemplaire, on distingue même un nilomètre en forme d’obélisque et muni de graduations, voire une volée d’escaliers (?), ce qui rappelle ceux qui figurent sur les mosaïques de Beth Shean ou de Tripoli ou encore les médaillons en tissu d’Antinoé, d’époque chrétienne151. 144

VEYMIERS, Sérapis, p. 73 et n. 135 ; p. 74 et n. 142. Françoise PERPILLOU-THOMAS, Fêtes d’Égypte ptolémaïque et romaine d’après la documentation papyrologique grecque (StudHell 31), Louvain 1993, p. 141 et n. 314. 146 Pierre P. KOEMOTH, « Couronner Souchos pour fêter le retour de la crue », dans L. Bricault & M. J. Versluys (éd.), Isis on the Nile. Egyptian Gods in Hellenistic and Roman Egypt (RGRW 171), Leyde 2010, p. 257-289 : p. 272-273, n. 72 et fig. 10 (Ier siècle apr. J.-C.). 147 Ibid., p. 271-272 et fig. 9. 148 Giovanni DATTARI, Numi Augg. Alexandrini, Le Caire 1910, rééd. 1975 (Arnaldo FORNI), no 1795 ; catalogue Jean Elsen & Fils, no 127, Bruxelles, 5 décembre 2015, lot 531 et photo, p. 171 (Hadrien, an 16). Sur les liens entre Sarapis et Neilos : MALAISE, Terminologie, p. 72-73 et 223. 149 Gisèle CLERC, « Isis-Sothis dans le monde romain », dans M. De Boer & T.A. Edridge (éd.), Hommages à Maarten J. Vermaseren, 2 vol. (EPRO 68), Leyde 1978, vol. 1, p. 247-281 : p. 271 et notes 150-154. Voir aussi VEYMIERS, Sérapis, p. 339, V.BCB. 9 et Idem, « Supplément II », p. 228 (photo), où le lion qui supporte la momie d’Osiris veillée par Anubis est également vivant et orienté à gauche. Sylvie BLÉTRY, « Pour une nouvelle approche de la symbolique du lion : Grèce, Orient, Égypte », dans S.H. Aufrère (éd.), La vallée du Nil et la Méditerranée. Voies de communication et vecteurs culturels (OrMonsp 12), Montpellier 2001, p. 35-50 : p. 42-45. 150 CLERC, « Isis-Sothis », p. 271. Voir aussi la drachme de l’an 8 d’Antonin le Pieux (144-145 ap. J.-C.), où le lion bondissant est associé à la tête d’Hélios et à l’étoile Sirius : MERKELBACH, Isis regina, p. 686, fig. 234. 151 VEYMIERS, Sérapis, pl. 36, II.E.2 et p. 290 et Idem, Supplément II, p. 228, pl. I, qui s’en tient à un obélisque. KOEMOTH, « Souchos », fig. 9 (Beth Shean : Alexandrie) ; Marie-Odile 145

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L’ouroboros qui entoure cette composition est attesté de longue date dans l’iconographie égyptienne. Ainsi, dans le papyrus funéraire mythologique de Herouben, daté de la 21e dynastie, l’enfant solaire figure à l’intérieur de ce serpent surmonté de deux bras formant le ka vital et dont Erik Hornung fait « la non-existence régénérante qui encercle le monde », sans ignorer le dieu-serpent Mehen qui ceint parfois l’image du roi défunt152. Au sein des intailles magiques en effet, le scarabée est parfois figuré seul dans un ouroboros, voire même Harpocrate qui en surmonte un153. La statue guérisseuse du Musée national de Naples (Inv. no 1065) figure des génies accroupis sur un support renfermant un ouroboros en forme de ḏw, « (le) mal », ce qui révèle qu’ils étaient réputés capables de détruire Apopis, lui aussi toujours renaissant154. Plus originales pour notre propos sont les quelques intailles où l’ouroboros ne se mord plus la queue mais pénètre dans la scène centrale, coiffé d’un disque solaire, parfois barbu, des traits qui évoquent Atoum en serpent démiurge, barbu et couronné du pschent, voire même Osiris-Atoum, précurseurs de l’agathodaimon155. Mais l’originalité de ces intailles réside bien, comme précisé déjà, dans la figuration d’un scorpion dressé aux pieds de Sarapis, parfois même orienté vers lui, comme pour lui tendre la pince en guise de main. Au terme de notre recherche, il apparaît que cet arachnide ne serait autre qu’Isis scorpion en sa forme cosmique et universelle d’Hededet, mais appelée aussi à veiller sur la momie d’Osiris et d’assurer sa régénération à partir de son simulacre. Dans ce contexte de crue débutante qui ramenait Osiris-Nil, l’image suggère aussi l’union de Sarapis avec Isis-Sothis, associée alors à cette Isis scorpion, lors du lever héliaque de l’étoile annonciatrice de la crue bienfaisante, un événement majeur du calendrier égyptien et qui donnait tout son sens à ces intailles

JENTEL, art. « Neilos », LIMC VI (1992), vol. 1, p. 720-726 : p. 723, *45 ; vol. 2, p. 428 (photo), mosaïque de Leptis Magna, Tripoli, Mus. arch., Inv. no 417 ; WILLEMS & CLARYSSE (éd.), Empereurs du Nil, p. 179, no 59, tissu avec deux médaillons figurant un nilomètre, Antinoé, VIIe siècle apr. J.-C., Paris, Musée du Louvre, Inv. no AF 1448. Ajoutons un héliotrope de cette époque dans : Hanna PHILIPP, Mira et Magica. Gemmen im Ägyptischen Museum des Staatlichen Museen, Preussicher Kulturbesitz, Berlin-Charlottenburg, Mayence 1986, p. 82, no 112 et pl. 27, où Osiris momiforme est debout à côté d’un nilomètre de cette forme qui surmonte un socle renfermant les lettres ΙΛΩ, peut-être une allusion à la caverne de Philae, ceinte d’un grand serpent et où séjournait le dieu Nil mais aussi la dépouille d’Osiris : voir Jean-François PÉCOIL, « Les sources mythiques du Nil et le cycle de la crue », BSEG 17 (1993), p. 97-110 : p. 103 et fig. 2. 152 PIANKOFF & RAMBOVA, Mythological Papyri, p. 22, fig. 3, ainsi que p. 56, fig. 41, pour le fétiche abydénien d’Osiris placé à l’intérieur d’un ouroboros (?) posé sur deux lions dos à dos, Chou et Tefnout. Erik HORNUNG, Les Dieux de l’Égypte, le Un et le Multiple, Monaco 2006 (1re éd. Darmstadt 1971), p. 148-149, fig. 18 et p. 291. Pour Mehen : WILKINSON, Dictionnaire, p. 223, où la tête s’unit à la queue sans la mordre. 153 PHILIPP, Mira et Magica, p. 83-84, *114, 116-118 et pl. 27-28. 154 Lásló KÁKOSY, « Ouroboros on magical healing statues », dans T. DuQuesne (éd.), Hermes Aegyptiacus. Egyptological studies for B.H. Stricker (DE SN 2), Oxford 1995, p. 123-129, fig. 3-4 ; GOYON, « Hededyt », p. 452. 155 MALAISE, Terminologie, p. 174 et n. 309.

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magiques. Dans une monographie du temple d’Edfou d’ailleurs, Osiris est cité avec Isis-Hededet et Nephthys parmi les divinités de la procession festive du Nouvel An156. Par ailleurs, en se tournant vers Sarapis, dieu solaire, cosmique et universel, lui aussi, en sa qualité de Cosmocrator, Isis scorpion se trouvait ainsi un nouveau parèdre sans toutefois renier ses liens anciens avec Osiris régénéré, voire le souvenir plus lointain de l’Atoum hélio-politain, d’autant qu’Osiris était davantage Chronocrator en sa qualité de « seigneur de l’éternité neheh, souverain de l’infinie durée djet », mais aussi à travers son union quotidienne avec Rê157, en fait un Osiris-Aiôn. Si ce dernier est reconnu dans deux statues d’Osiris hellénisé au némès dont le corps est enserré dans les spires d’un grand serpent, l’une conservée à Rome, l’autre à Turin158, il apparaît que l’Aiôn acéphale Arles FAN 92.00.375 pourrait bien avoir porté une tête de SarapisHélios, comme le proposait le président Bon, sans explication aucune toutefois, dans la mesure où l’association des figures du zodiaque, dont le scorpion, qui décorent la tunique du dieu, constitue bien un marqueur de Sarapis Cosmocrator, parfois identifié au soleil, comme l’a montré Richard Veymiers, en particulier sur le monnayage alexandrin de l’an 8 d’Antonin le Pieux159. 6. Conclusion La longue tradition solaire d’Isis-Hededet scorpion ou au scorpion, héritée d’une antique déesse originaire de Haute-Égypte, sans doute d’Hiéraconpolis où Hededet aurait personnifié une tresse royale au scorpion, en fit à Héliopolis une déesse cosmique, universelle et omnipotente, associée ensuite au lever héliaque de Sothis qui annonçait l’arrivée de la crue. Devenue ensuite la « Lumineuse », à Héliopolis encore, la déesse n’allait pas pour autant renier tout lien avec l’arachnide, même si elle avait privilégié l’uraeus en sa qualité de « Fille de Rê », comme l’illustrent certaines figurines en bronze d’une Isis hybride au corps de scorpion mais coiffée de la couronne hathorique et où elle revêt l’attitude du sphinx solaire. Après une phase de solarisation, elle fit l’objet d’une osirianisation, en réunissant la religion solaire et le mythe d’Osiris, un contexte où la déesse participait activement au couronnement d’Atoum et d’Osiris, à Héliopolis d’abord, 156

Voir supra, n. 98. Terence DUQUESNE, « Osiris with the solar disk », DE 60 (2004), p. 21-25. 158 Ermanno A. ARSLAN, Iside. Il mito il mistero la magia, Milan 1997, p. 231, IV.227 (Rome, Museo Nazionale Romano, inv. no 58206, IIe siècle apr. J.-C., origine inconnue), munie d’un collier-ousekh ; p. 234, IV.231, Turin (Museo Archeologico, IIIe-IVe siècle apr. J.-C., provenance inconnue), lequel aurait initialement porté un petit crocodile dans chaque main. Alain CHARRON, « Les Aegyptiaca d’Arles », dans S.H. AUFRÈRE (éd.), La vallée du Nil, p. 89-96 : p. 88-91 et fig. 7-9. 159 VEYMIERS, Sérapis, p. 47 et p. 196 et n. 239-240. 157

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puis à la nécropole divine de Behedet ensuite, à Edfou où l’Horus local était assimilé au démiurge héliopolitain. Sous le règne d’Hadrien, un rare sesterce de Rome figure Africa personnifiée sous les traits d’une femme allongée, munie d’une corne d’abondance et qui exhibe un scorpion de la main droite, tandis qu’un panier dont émergent des épis de blé se dresse à ses pieds. Si l’allusion à l’Isis alexandrine au scorpion est hypothétique, il n’en demeure pas moins que l’arachnide est ici l’attribut d’une Afrique céréalière, ce qui interpelle quand on envisage le caractère agraire d’Osiris, exprimé dans ses simulacres veillés par Isis-Hededet160, laquelle était aussi liée à la navigation céleste à Behbeit et à la protection des magasins du temple de Saïs161. Sa présence sous le couvert du scorpion d’Africa n’est donc pas exclue. C’est bien cette Isis-Hededet qui aurait propulsé le scorpion, un modeste insecte rampant, au firmament des constellations célestes, comme l’illustrent des plafonds de temples, dont le plus célèbre est celui de Dendara162, mais aussi de tombes privées d’époque romaine163, des sarcophages décorés164, voire de simples intailles165, et sans ignorer les tables zodiacales de Grand (Vosges) qui témoignent de la large diffusion de ce zodiaque gréco-égyptien en Occident166. L’aspect du scorpion dans ces images suggère l’espèce Leiurus quinquestriatus Ehrenberg 1828, apparemment remarquée par Jean-Jacques Rifaud vers 1816167, et reconnue par Sydney H. Aufrère et Jocelyne Berlandini dans leur contribution au présent volume168. Précisons toutefois que cette constellation zodiacale 160 RIC 840 ; Catalogue Jean Elsen & fils, Bruxelles, no 128 (12 mars 2016), no 182, p. 22 et photo en couleurs, p. 146. 161 Voir supra, n. 18. 162 Sylvie CAUVILLE, Le zodiaque d’Osiris, Louvain 1997, p. 38 ; Otto NEUGEBAUER & Richard A. PARKER, Egyptian Astronomical Texts, 3 vol., Providence 1969, vol. 3 : Decans, Planets, Constellations and Zodiacs, p. 72-74 (no 54) pour le zodiaque circulaire du plafond B et p. 79-81 pour le plafond E. 163 NEUGEBAUER & PARKER, Astronomical Texts, vol. 3, p. 180-300, en particulier les plafonds des tombes de Salamûni (3A et 3B) près d’Akhmîm avec, au centre, soit Sothis sur son chien, soit l’enfant solaire. 164 RIGGS, Burial, p. 202, fig. 98 (BM, EA 6705, Thèbes, fin Ier siècle apr. J.-C.). 165 André DELATTE & Philippe DERCHAIN, Les intailles magiques gréco-égyptiennes, Paris 1964, p. 272, no 391, où un scorpion est associé au Bélier, au Taureau et à la Balance, mais aussi au soleil et à la lune, ce qui illustre le caractère cosmique de l’arachnide : VEYMIERS, Sérapis, p. 48 et n. 214 pour le bélier. 166 Jean-Claude GOYON, « L’origine égyptienne des tablettes décanales de Grand (Vosges) », dans A. Buisson & J.-H. Abry (éd.), Les tablettes astrologiques de Grand (Vosges) et l’astrologie en Gaule romaine, Paris 1993, p. 63-78 (IIe siècle apr. J.-C.). 167 Marie-Cécille BRUWIER, Wouter CLAES & Arnaud QUERTINMONT (éd.), « La description de l’Égypte » de Jean-Jacques Rifaud (Connaissance de l’Égypte 16), Bruxelles 2014, p. 184, [105], pl. 242, 3, où l’espèce en question apparaîtrait au centre de l’image, de teinte jaune avec cinq rayures transversales plus sombres. 168 BERLANDINI-KELLER & AUFRÈRE, « Les scorpions, la veuve de Coptos », ici même, p. 326328. Voir aussi ici même AUFRÈRE & SPIESER, « Exit la nèpe », p. 239, Fig. 4 et p. 227, n. 80 pour la dangerosité de ce scorpion jaune à bandes transversales foncées.

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liée à l’hémisphère sud ne doit pas occulter la mention ancienne d’une autre appelée Serqet et que les sources égyptiennes plaçaient dans l’hémisphère nord169. Si chaque hémisphère semble avoir ainsi possédé sa constellation du Scorpion, celle du sud, zodiacale, aurait été reliée à Isis-Hededet dont l’origine méridionale est reconnue. Ainsi perçu le scorpion d’Isis-Hededet allait rester mêlé au destin des hommes grâce aux prévisions astrologiques et comme témoin d’une vieille histoire née dans la vallée du Nil. Université de Liège, Place du XX Août 7, B-4000 Liège LITTÉRATURE

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MOTS CLÉ Behedet – Edfou – Hathor – Hededet – Héliopolis – Hiéraconpolis – Horus – intailles – Isis – Osiris – Sarapis – scorpion – Serqet – Thèbes – uraeus

PARTIE VI: CHILOPODES (CHILOPODA LATREILLE, 1817): ARTHROPODES MYRIAPODES

ZEPA, THE CENTIPEDE: FROM NUMEN TO GOD Lucas BAQUÉ-MANZANO

1. Introduction The observation of the animal kingdom was one of the most central aspects of ancient Egyptian culture, since animals had figured prominently in the various cosmological systems as active elements during the genesis of the physical universe. Extensive studies on this matter have tried to show how cognitive mechanisms, leading to the apprehension of the natural domain and its creatures, contributed, for instance, to the conceptualization or formation of linguistic categories, most of them encoding specific facts or characteristics — fruit of empirical observation — that would be assimilated by religious consciousness1. The present article — which applies the following epistemological pattern, namely: animal forms or animal behaviour as potential components of metaphorical speculative notions, clearly representative of natural observations — examines the specific case of centipedes (the Scolopendromorpha) as a manifestation of sacredness in the Egyptian mentality2. This constituent of the animal world provides us with a good example of the symbolic process leading from the testable watching of the natural environment to the construction of transcendental images adopted by the Egyptian religious thought. Thus the correlation between real experience and emotional conceptualization will concern in our case: 1) the recognition of this biological species and some of its morphological traits, as elements carrying — by analogy or by association — religious significance within the mythopoeic discourse and 2) the specification, development and interpretation of the religious symbology related to these animals, the perception of which, as transcendental entities, was 1 See, for instance, Dimitri MEEKS, « Zoomorphie et image des dieux dans l’Égypte ancienne », in Ch. Malamoud & J.-P. Vernant (dir.), Le temps de la réflexion VII. Corps des dieux, Paris 1986, p. 171-191; more recently, Pascal VERNUS & Jean YOYOTTE, Bestiaire des pharaons, Paris 2005, p. 10-93, also Sydney H. AUFRÈRE, Thoth Hermès l’égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit, Paris 2007, p. 71-104 and also Lucas BAQUÉ-MANZANO, « El valle del Nilo: de ecosistema a mitosistema », in Seminario Internacional Naturalia e Artificialia. Egitto archeologico e naturalistico (2013-2015): Los animales en el antiguo Egipto. Los realia del hábitat nilótico. Abadia de Montserrat & la Società Piemontese di Archeologia e Belle Arti, with the collaboration of Fundación Reale, Barcelona, in press. 2 On this subject see Lucas BAQUÉ-MANZANO, Fills de Djaamu. Els apotropaia dels Textos de les Piràmides: fórmules per sobreviure als perills del més enllà (Mizar Ægyptiaca 1), Barcelona 2015, p. 1-9.

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Fig. 1. Different specimens of Egyptian Chilopoda: Scolopendra morsitans, Scolopendra adhoerens (?), Scutigera araneoides. From Jules César de Savigny, in DE-HN II, pl. 1.

closely linked to a feeling of obvious fear, or even rejection, as they could also embody hazardous and destructive powers. 2. Centipedes: morphological elements for a religious taxonomy Centipedes3, a widely dispersed group of about 3500 described species (phylum: Arthropoda, subphylum: Myriapoda and class: Chilopoda)4, are common animals found in damp, dark places under stones, bark, fallen leaves or soil crevices from which they go out at night. The habitat of centipedes extremely depends on watery or moist conditions, since their exoskeleton loses water rapidly as it lacks a waxy covering. The body of centipedes (see Fig. 1) is flattened and divided into a variable number of trunk segments (somites), each of which has a pair of legs used for locomotion. This morphological trait however can differ among species; thus, the number of legs varies from 15 to 191 pairs of legs, one pair per trunk For a first approach to centipedes in ancient Egypt, see Hellmut BRUNNER, art. « Tausendfuß », LÄ VI (1986), col. 244 and VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 440-441. 4 On centipedes see John Leonard CLOUDSLEY-THOMPSON, Spiders, Scorpions, Centipedes and Mites. The Ecology and Natural History of Woodlice, London 1958; John G.E. LEWIS, The Biology of Centipedes, Cambridge – New York 1981; Alessandro MINELLI (ed.), Treatise on Zoology-Anatomy: The Myriapoda, vol. 1, Leiden – Boston 2011. 3

ZEPA, THE CENTIPEDE : FROM NUMEN TO GOD

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segment. Species from temperate areas are moderately sized, from 1 to 10 cm, although larger species (among scolopendromorpha) of tropical areas can grow up to 30 cm. Centipedes are nocturnal creatures and many species are cave-dwellers. Concerning food or feeding habits, centipedes are primarily carnivorous and use venom to subdue prey by means of their forcipules; their basic diet consists of insects, also arachnids, although giant centipedes (Scolopendra gigantea) can even feed on some species of bats5, which they devour starting with the neck, continuing into the chest and then into the abdominal region. The interest of the ancient Egyptians for centipedes concerns, above all, a sacred dimension6. In the Pyramid Texts (PT)7 we have several examples in which centipedes appear personifying transcendental entities of the chthonic universe, living in the depths of the netherworld. Hence, by their close association with the mysterious realm underneath, centipedes could appear, together with snakes and some other inimical beings, as representatives of god Geb’s domain; they would become agents of the earth god, sons of Djaamu or Djaamiu8, with the task of watching those concealed dark regions through which the king proceeded in his way to the hereafter9. In some apotropaic formulae of the PT, centipedes are shown in a hostile context, associating the different parts of the animal with elusive metonymicbased terms which try to re-create a less offensive image of the chilopod10. It seems that, behind this image, the apotropaic discourse semantically explores a mythical environment of order against chaos that would link animal characteristics and particular behavioural traits to supernatural powers, included some attributed lethal abilities as a venomous entity11. In order to disempower the numinous animal of its dangerous physiological traits, the above-mentioned sentences of the PT establish semantic relations whose final objective is to make it innocuous. The passages which deserve our attention are: PT 240 [§ 244a], PT 299 [§ 444a] and PT 378 [§ 663a] and 5 Jesús MOLINARI, Eliécer E. GUTIÉRREZ, Antonio A. DE ASCENÇÃO, Jafet M. NASSAR, Alexis ARENDS & Robert J. MÁRQUEZ, « Predation by Giant Centipedes, Scolopendra gigantea, on Three Species of Bats in a Venezuelan Cave », Caribbean Journal of Science 41, no. 2 (2005), p. 340346. 6 On the centipede in ancient Egyptian tradition see VERNUS & YOYOTTE, Bestiaire, p. 440. 7 On the PT references we follow our recent translation into Catalan. Lucas BAQUÉ-MANZANO, Els Textos de les Piràmides de l’Antic Egipte. Piràmides d’Unis, Teti, Pepi I, Merenre, Pepi II i Neit (AulOr, Suppl. 28), Sabadell 2012. 8 See BAQUÉ-MANZANO, Fills de Djaamu, p. 6, 94-95, 112-114, 134-136. 9 Cf. Christian LEITZ, « Die Schlangensprüche in den Pyramidentexten », Orientalia 65 (1996), p. 381-427: p. 409. 10 See Lucas BAQUÉ-MANZANO, « On Cobras and Centipedes: PT 379, 392 and 399 », AulOr 32/1 (2014), p. 5-12. 11 Sydney H. AUFRÈRE, « Prefaci: Apotropaia o màgia conjuradora contra serpents i aràcnids verinosos », in L. Baqué-Manzano, Fills de Djaamu, p. XIII-XIX.

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the enlarged meaning suggested by the metonymic-based terms of PT 379 [§ 667], PT 392 [§ 688] and PT 399 [§ 694], which clearly exhibit an internal correspondence at a conceptual level. From the analysis of these formulae, especially exploring the relations between signifier and signified, we have determined that some metonymic expressions or terms encoding dangerous physical qualities of centipedes were used to avoid naming them. The following table (see Table 1) shows the correspondence between reference terms, their equivalent metonymic-based terms and the enlarged meanings suggested by the semantic contents of the formulae of the PT considered: REFERENCE TERMS

METONYMIC-BASED TERMS

PT 240 [§ 244a], PT 299 [§ 444a] and PT 378 [§ 663a]

PT 379 [§ 667], PT 392 [§ 688] and PT 399 [§ 694]

zpꜢ = « centipede »

← ḫꜢ.w = « thousands »

zpꜢ = « centipede »

ENLARGED MEANINGS

⎧ a) of a great number of ⎪ (centipede) legs ⎨ (Myriapoda?). ⎪ b) of walking (of centipede) ⎩ legs towards its prey.

⎧ ⎪ a) of raising centipede poison claws (forcipules) and ⎪ anterior legs to seize prey ← ṯꜢ.w = « fledgelings » ⎨ in mid-air. ⎪ (« able or willing to b) of a centipede willing to ⎪ fly ») attack. ⎩

Table 1. Reference and metonymic-based terms from different PT formulae.

Of course the vague figurative ḫꜢ.w = « thousands » and ṯꜢ.w = « fledgelings » comprises also a distorted, or even mocking, secondary shade of meaning: a projected combination of euphemistic, although objective, body categories which would try to reduce the feeling of fear, horror or menace caused by the encounter with these creatures in the netherworld12. It should be noted that the difficulty in the comprehension of the potential content of such metonymic terms is due to the fact that the aim of the language, in the context of the apotropaic sentence, was not to inform about or simply describe a particular experience, but to induce it or recreate it by means of terms enclosing emotions or stressing particular attributes. In that case, the elements of the 12 BAQUÉ-MANZANO, « On Cobras and Centipedes », p. 11. Cf. also Lucas BAQUÉ-MANZANO, « Some Comments on PT 551 and Its Translation », LingAeg 20 (2012), p. 267-270. In PT 718 [§ 2232b], a female centipede (zpꜢ.t) is described in a protective attitude, acting as a mother entity, reminiscent of that of goddesses Neith or Serket.

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463

discourse have an added symbolic force that works to the detriment of clarity, beyond conceptualization, making performativity the ultimate expected effect so as to generate an alternative, under control reality. Obviously, the sequence of metonymic terms used to qualify the numinous centipede in the above-mentioned passages of the PT (see table 1), would take us to a process of taxonomy, in the sense that it involves a selection of relevant distinctive parts of the given animal species, and would also inform us of the empirical behavioural observations that the ancient Egyptians could have made, for instance, on methods of locomotion or on predation habits of the scolopendra. There are, firstly, those related to the immobilization of prey, just the moment when the chilopod catches it, often in mid-air13, with the anterior part of its body using its multiple pairs of legs (ḫꜢ.w = « thousands »)14 or when the victim’s body is eventually deeply pierced with its venomous claws or forcipules15 (ṯꜢ.w = « fledgelings »). Evaluating some other passages of the PT, H. Goedicke16 has suggested that the basis for PT 381 — in which a centipede is invoked, to help the deceased king against a menacing inimical being — would concern also a naturalistic observation, since most of centipedes live underground and hunt around for invertebrates in the dark: PT 381 [§ 669a-b]:

Ḏ(d)-mdw: hꜢ zpꜢ wr šn.n⸗f ḥw.tj

šn ḥw.tj jn zpꜢ. The Great Centipede has gone down, having encircled Him of the Double Mansion. He of the Double Mansion has been encircled by the Centipede.

13 On the feeding habits of the centipede see CLOUDSLEY-THOMPSON, Spiders, Scorpions, Centipedes and Mites, p. 50-52 and LEWIS, The Biology of Centipedes, p. 174. 14 In the case of Scutigeromorpha the forcipular apparatus is movable in three dimensions. See Michel M. DUGON, Alexander BLACK & Wallace ARTHUR, « Variation and specialisation of the forcipular apparatus of centipedes (Arthropoda: Chilopoda): A comparative morphometric and microscopic investigation of an evolutionary novelty », Arthropod Structure & Development 41 (2012), p. 231-243: p. 241. 15 Cf. the French term « pied-mâchoires » (= « foot-jaws ») coined by Jules MAC LEOD, « Recherches sur l’appareil venimeux des myriapodes chilopodes: Description des véritables glandes vénénifiques », Bulletin de l’académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique 45 (1878), p. 781-798, in order to refer to the forcipules or the forcipular segment of the centipede, considered a modification of the first leg-bearing segment. 16 Hans GOEDICKE, « The Pyramidal Centipede », WZKM 90 (2000), p. 29-51: p. 51.

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Moreover, the determinative , referred to « the Great Centipede » (zpꜢ wr), would be indicative of a « beneficial » entity in this formula17. Therefore, the scolopendra embodied a potency existing beyond the temporal world and acted, in the apotropaic context, as representative of the chthonic domain of Djaamu, god Geb, in the king’s way to the hereafter. The animal, conceived as a numinous creature, could be descrybed as a container of the sacred in so far as it participated of the magical-religious paraphernalia by means of the performative language; however, it should be noted how, from this inextricable confusion between animal and transcendental being, some features based on actual observations of the centipede’s behaviour: feeding routine, habitat or aggressiveness against potential predators, among others, could have been included within the sacred discourse as constituents of an extraordinary and, at the same time, incomprehensible nature. Among such qualities of mysterious fascination (fascinans) that centipedes provoked in the ancient Egyptians mentality, we should distinguish a more relevant one of intense feeling of fear and majesty. This aspect is expressed in a unique formula of the PT through which the king’s face is shown, against his enemies, as that of the centipede: PT 506 [§ 1098c-d]:

(NN) pj bꜢ-῾nḫ zpꜢ ḥr ῾šm tp⸗f. (NN) is the living Ba the centipede-faced, the head of which causes shudder.

The adoption of the centipede’s face by the king18 reflects his authoritative power and also his physical strength over the elements of chaos. But what is significant in this passage is the numinous emotion (῾šm < ῾ẖm = « to cause shudder; to inspire fear »)19 associated with the image of the centipede, a vehicle to announce the sacred status of the king — as mysterium tremendum — in the netherworld20. Once more, in this encounter with the centipede, some morphological traits of noxious properties, such as the strong venomous claws or forcipules placed in the head of the animal, could have been (emotionally) explored in terms of speculative thought, although as a result of a naturalistic observation. Indeed, the king’s supernatural presence, described in the former BAQUÉ-MANZANO, Fills de Djaamu, p. 111-112. See also CT 251 (= CT III, 347c) where the dead shows the « centipede-faced ». Cf. also the variants of this passage. 19 Wb I, 226, 6. See also Thesaurus Linguae Aegyptiae, lemma no. 40790. 20 A similar aspect of terribilis creature is evoked in CT 91 (= CT II, 62g-h), where the dead appears in the hereafter as a Centipede-god or as a numinous entity. From this passage it is also interesting to point out the mention of the numeral ḥḥ (for a large number = « myriad ») probably in relation to the many legs of the centipede. 17 18

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465

passage, would be associated to the capacity of centipedes of causing harm by means of their venom-injecting apparatus. It seems difficult to believe, however, that the ancient Egyptians had had a real knowledge of the internal structure of the centipede’s venomous glands and ducts (see Fig. 2). But even accepting that they would only have had a very limited understanding of the centipede’s inner parts, a certain knowledge of the animal actions and physical attributes related to cause-and-effect processes cannot be excluded. In fact, animals were recognized as empirical entities21 with a distinctive physiology and behaviour and consequently susceptible of an accurate observation and cognition. In accordance with the identification obtained and symbolism described in the above-mentioned passages of the PT, it would be interesting to establish how some taxonomical notions acted as relevant ingredients of religious speculations. As the anthropologist Cl. Lévi-Strauss22 states, concerning the categorization of species by mythopoeic thought, in such a process: l’animal apparaît comme un outil conceptuel aux multiples possibilités, pour détotaliser et pour retotaliser n’importe quel domaine, situé dans la synchronie ou la diachronie, le concret ou l’abstrait, la nature ou la culture.

Fig. 2. Forcipular apparatus of a centipede showing poisonous glands and ducts. From CLOUDSLEY-THOMPSON, Spiders, Scorpions, Centipedes and Mites, p. 42, fig. 13.

3. The name Zepa / Sepa: morphology and semantics Bearing the former arguments in mind, we will now pay attention to the possible patterns of evolution, affecting morphology and semantics, of the Egyptian term zpꜢ. The term zpꜢ > spꜢ shows different sequences of hieroglyphic signs. A selection of the variants compiled by the authors of the Wörterbuch23 and the LÄGG24 is detailed here25: MEEKS, « Zoomorphie », 182. Claude LÉVI-STRAUSS, La pensée sauvage, Paris 1962, p. 196. 23 Wb III, 441, 6. 24 LÄGG VI, col. 269a 25 See also Thesaurus Linguae Aegyptiae (Digitized Slip Archive): DZA 28.638.210, 28.638.220, 28.638.230. 21 22

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Old Kingdom ; Middle Kingdom ; New Kingdom ;

;

;

;

; Late Period ; Graeco-Roman Period

Edfu: Dendera:

; ;

;

;

;

Philae:

It should be noted, first, that such terms differ graphically in the use of consonants probably as a symptom of a phonemic adaptation, from a fricative dental voiced « /z/pꜢ » to a fricative dental voiceless « /s/pꜢ », although this change was neutralized by the beginning of the Middle Kingdom26. Secondly, from the scope of the semantic meaning and relations, the alternative writings for the determinatives which follow the term in question. In this respect, different representational writing forms would express an enlargement of the context from a naturalistic notion, concerning the observed natural element itself, the scolopendra, to an abstract sacred entity, displaying intrinsic symbolic qualities or associations. It is a clear characteristic of this the above-mentioned or and which denoted in the Egyptian mentality a notion addition of of sacredness or divine nature that transcended temporal categories and experiences in the explanation of the distinctive animal habits. Then, the embodiment of a deity could result in a creature with particular qualities, considered supernatural (for example, aggressiveness and stinging capacity), through which the perception of a specific form and biological traits provided speculative thought with a rich symbolism. In exploring the religious terminology about the scolopendra we reach its transformation into a prevalent symbol associated with the Nile flooding, through which a divine personality, Sepa, also called the centipede-god, was eventually established. But before we examine this religious tradition in various ways, we will next discuss the name of this divine presence from an etymological dimension.

26 Antonio LOPRIENO, Ancient Egyptian. A Linguistic Introduction, Cambridge – New York 1995, p. 32-34.

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467

Thanks to an article by Victor Loret27 we know of a possible enlargement of the context of the term zpꜢ = « centipede », involving some other nouns, apparently within the same semantic sphere; in particular the homonym zpꜢ 28

, referred to a royal « carrying-chair29 ». According to this author , the process of conceptualization of the word was undoubtedly metaphorical in origin and was affected by mental images and objective realities that clearly seem dependent on the context from which the former zpꜢ term 30

evolved. For this author, the semantic status attributed to the determinative (sometimes ) in the cluster /z-p-zpꜢ-Ꜣ/ (« sedan » or « carrying-chair ») was (zpꜢ) which, acting as an « etymostrongly influenced by the logogram logical determinative » (déterminatif étymologique)31, had meaningfully penetrated the core of the word. Following this interpretation, the semantic links corresponding to both senses of zpꜢ, i.e., « centipede » and « carrying-chair » would be the result of a transference of meaning. As the nucleus of his argumentation, Loret places some distinctive physiological traits of the scolopendra, parti-cularly its flattened and segmented body which shows 21 pairs of legs, 2 for each segment, with a total of 42 legs32. Therefore, as a previous cognitive category, this author associates the 42 legs of the chilopod with the 42 legs of the 21 porters of the carrying-chair. A conclusive argument of this analysis is that — via this metaphorical linkage — the ancient Egyptians could have considered the semantic correspondence between the terms in question as part of a process of naturalistic observation that would lead to the enlargement of the notion sphere, from a narrower meaning (« centipede », animal and numinous beast) to a specialized one (« carrying-chair », cultural and ritual object). Con(zpꜢ) Loret suggests « chaise vehiculée sequently, for the term par 42 jambes » or « chaise-scolopendre »33. Perhaps the most serious difficulty in the acceptation of Loret’s hypothesis is in the frankly contrived relationship that this author establishes between the phonetic category zpꜢ and the specific determinatives of both terms abovereferred to. Thus, the identification of a presumed extra-linguistic semantic paradigm affecting the meaning of the word is by no means always consistent. Much of our disagreement with the arguments of Loret lies in the iconographic examples of carrying-chair chosen by this author. Firstly, none of the Old Kingdom examples selected correspond in fact to the type of zpꜢ carrying-chairs but 27 28 29 30 31 32 33

Victor LORET, « Le mille-pattes et la chaise à porteurs de pharaon », RdE 6 (1951), p. 5-20. Wb III, 441, 7-9. Ursula RÖSSLER-KÖHLER, art. « Sänfte », LÄ V (1984), col. 335-336. LORET, op. cit., p. 8. Ibid., p. 8. Ibid., p. 14. Ibid., p. 10.

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to the ḫwd.t ones34. It is clear that this typological mix-up poses a major problem for iconographic identification, concerning shape and symbolic significance of the different carrying-chair models. In this respect, the interpretative comments of Loret overlook particular characteristics and distinctive designs of carrying-chairs associated with the social status of their owners (royal or non-royal)35. Secondly, Loret has argued on the twenty or twenty-one porters for the zpꜢ carrying-chair as a fundamental number (42 legs) in the semantic analogy that he tries to establish with the segmented body of scolopendra36. But even taking into account this naturalistic linkage, the semantic argument of Loret cannot be sustained. According to a recent study concerning Old Kingdom representations of higher-ranking officials on carrying-chairs37, an average of twenty or twenty-one porters would correspond in fact to only 26 % of the iconographic examples collected. Precise statistics on this matter show that, from a total of 27 examined (100 %) only 7 carrying-chair representations contain 20 porters (26 %), whereas in 10 representations (37 %) this number is surpassed, and again in 10 representations (37 %) the number of porters is below this compute. The conclusion seems clear: there is no convincing argument for establishing a fixed number of porters in carrying-chair representations38. To this quantitative argument we should add the fact that the zpꜢ « carryingchair » was an exclusive royal prerogative39 and therefore has to be symbolically and ritually distinguished from non-royal carrying-chairs. Also influenced by the iconography of the zpꜢ = « carrying-chair », some scholars40 interpret the term by comparison with the Semitic zbl > sbl = « carry » (tragen), « basket » (Korb). Once more such argument seems merely conjectural despite the fact that the recognition of some phonemic similarities 34 RÖSSLER-KÖHLER, art. « Sänfte », col. 335. See also Geoffrey KILLEN, Egyptian Woodworking and Furniture (Shire Egyptology 21), Princes Risborough 1994, p. 32. 35 LORET, « Le mille-pattes », p. 14. His arguments concern only some distinctive formal features, such as the basket shown in royal chairs. 36 Certainly, some specimens (e.g. Scolopendra adhærens), show also twenty-one somites (42 legs), but the segmentation of centipede trunks may vary from 15 to 191 somites. See Alessandro MINELLI, Donatella FODDAI, Luis Alberto PEREIRA & John G.E. LEWIS, « The evolution of segmentation of centipede trunk and appendages », Journal of Zoological Systematics and Evolutionary Research 38/2 (2000), p. 103-117. 37 Sasha VERMA, Significance of identity, individuality and ideology in Old Kingdom tomb iconography, Doctoral Thesis, Faculty of the Humanities, Leiden University 2011. 38 VERMA, Significance of Identity, p. 198-200 and 201, chart 3. 39 Related to the BꜢ.w of Buto and Hierakonpolis and part of a ritual representational context related to the Sed-fest. See Jan ASSMANN, « Die Inschrift auf dem äusseren Sarkophagdeckel des Merenptah », MDAIK 28 (1972), p. 47-73: p. 48, 56, 69 (59). See also the example of Edouard NAVILLE, The Festival-Hall of Osorkon II in the Great Temple of Bubastis (1887-1889), London 1892, pl. 6 or Amice M. CALVERLEY, The Temple of King Sethos I at Abydos, vol. 2, London – Chicago 1935, pl. 35. 40 See Klaus KULHMANN, art. « Thron », LÄ VI (1986), col. 524-525. Also, idem, art. « Throne », in UCLA Encyclopedia of Egyptology edited by W. Wendrich, Los Angeles 2011. http://digital2.library.ucla.edu/viewItem.do?ark=21198/zz0026w9gt.

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and attributed semantic relations from a physical distinctive feature, like the basket element in the zpꜢ carrying-chair, would allow us to consider them as correlative. Furthermore, the sense of the Semitic word does not carry a priori any semantic asso-ciations with zpꜢ = « the centipede », not even considering the possibility of a semantic displacement, besides the fact that it does not provide a suitable link with the rest of cognate forms of the zpꜢ group of words (see Table 2). Another suggested etymological pattern for zpꜢ > spꜢ is the Egyptian verb zpj41 « remain over », and from it

zpy.t42 « remnant », which in

turn has been inaccurately related to zpy43 « strip, bit ». These words, according to some authors, would offer a plausible etymology for the onomastic Sepa44, the centipede deity who, as we will analyse later, acted in certain religious rituals as a manifestation of Osiris, the dismembered god killed by his brother Seth. Gaston Maspero45, who was the first author in proposing this alternative interpretation, would say in this respect: « Je pense , débris, reste, fragment, et voir qu’il faut rapprocher ce nom divin du mot dans Osiris-Sep, l’Osiris en lambeaux, l’Osiris démembré par Set et reconstitué plus tard par Isis. » And thus, even though it cannot be proved conclusively, other authors have also accepted this semantic connection as a simple pun; in Jean-Pierre Corteggiani’s words: « un de ces jeux des mots qu’affecet le mot tionnaient particulièrement les Égyptiens, entre le nom 46 ‘reste, relique’, d’où ‘lambeau divin’ . » Admittedly, there is a phonemic linkage zpꜢ > spꜢ / zp which can potentially be considered the basis for /zp/ — usually an etymological relationship. However, can this sequence considered a shared phonetic stem — include the above-suggested semantic association? This is not a trivial question indeed, since only an adequate appreciation of the relation between word and thing will drive us to the image of the centipede (also as a semantic component for a sacred entity) that the ancient Egyptians had in mind. Note, however, that in the variations of our term zpꜢ > spꜢ = « the centipede » or « the centipede-god », as rendered by the sources, the former cluster 41

/zp/ rarely occurs in its absolute form,

Wb III, 439, 7-15. Wb III, 442. 43 Wb III, 441, 11. Actually this term would be related to the root /*zp / *sp/ = « to divide », « to separate », which is discussed below. See our Table 2. 44 This same etymological association for the word zpꜢ > spꜢ is also considered by LORET, « Le mille-pattes », p. 17. 45 Gaston MASPERO, Mémoire sur quelques papyrus du Louvre, Paris 1875, p. 87-88. 46 Jean-Pierre CORTEGGIANI, « Une stèle héliopolitaine d’époque saïte », in Hommages à la memoire de Serge Sauneron (BiEtud 81), Cairo 1979, p. 115-153: p. 137 and n. 6. 42

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(i.e., sound signs + logogram), and even when it does, (as for instance )47 its role in the word seems more phonological than semantic in nature. Therefore, in our opinion, the arguments will undoubtedly require a new basis in order to offer a most proper insight. A study by H. Kees48 could perhaps illuminate the etymological problem of zpꜢ > spꜢ. In his analysis of the , var. , this author 18th nome toponymic of Upper Egypt and . This draws attention to the phonetic approximation between essential feature, as we will see later, offers us a suitable base not only for a phonetic categorization of the term in question but also, and taking into account the iconic and semantic function of both signs in the word, provides us with the semantic ingredient for an appropriate identification of the meaning in its significative and denotative aspects. To address the question, we have the (var. ), asserts argument of H. Gauthier49 who, in reference to the sign its primary meaning from a root /*sp/ « divide » or « separate » which would be constitutive of the hieroglyph group

50

« arable land » or « country-

] zpꜢ.t = « nome », and whose meaning51 is clarified side », deriving into (N 24) evoking a divided or parcelled field in both terms by the sign marked out with irrigation runnels. Expanding on Gauthier’s analysis, from the and it is possible to above-suggested semantic contiguity between describe and equate meanings between words since, according to the ideographic sense alluded, the ideogram representing the segmented body of the centipede in spꜢ acted as a metonymic term, thus activating a same cognitive and symbolic category referred to something that appears to be « divided » or « separated », i.e., « segmented ». Consequently, the zpꜢ > spꜢ group of words is best understood from the same root /*zp / *sp/ = « to divide », « to separate » — which may be a deris(j)p, sjp52, « to assign », « to consign », « to vation from causative distribute » — and, accordingly, a plausible pattern of etymological evolution of cognate forms is presented in Table 2 (see Table 2). Before closing this part of our work, it is important to emphasize the archetypical dimension attributed to certain characteristics of the centipede in the sense 47 Georges DARESSY, « Rituel des offrandes à Amenhotep Ier », ASAE 17 (1917), p. 97-122: p. 120. 48 Hermann KEES, « Anubis « Herr von Sepa » und der 18. oberägyptische Gau », ZÄS 58 (1923), p. 79-101. 49 GDG V, p. 28. 50 From PT 685 (§ 2069b). Cf. Alexandre MORET, Le Nil et la civilisation égyptienne, Paris 1926, p. 47-48. 51 The same determinative is also shown in the term ḥzp (see Wb III, 162, 5), which could be an etymological variation of zpꜢ.t. Gauthier (GDG V, p. 28), according to Moret’s interpretation, finds parallels between the Egyptian zpꜢ.t and the Greek « nome », νομός < νέμω = « divide », « distribute », or « assign ». 52 Wb IV, 35, 2-16.

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that it served, as other animal species, to build abstract notions or symbolic categories which, as we have analysed, deeply penetrated the domain of the language. In an active effort to interpret their reality, the ancient Egyptians conceived animal taxonomy as another way to explore the phenomenical world of gods, since animals were considered vehicles of the sacred events and also representatives of the divine entities. This path from the perceptual to the conceptual or, to put it differently, from animality to sacredness, will be the aim of our next section. ROOT

/ (caus.) sjp > *zp / *sp « to divide », « to separate » COGNATE FORMS



DENOTATIVE MEANING

SIGNIFICATION

AMBIT

sp « arable land », « countryside » DIVIDE / PARCEL OUT (FIELD)

; zpꜢ spꜢ « 18th nome toponymic of UE »

LAND AND TERRITORIAL DIVISION

; zpꜢ.t « district », « nome » > zpꜢ > spꜢ

DIVIDE / TO BE SEGMENTED (TRUNK SOMITES)

ANIMAL KINGDOM (fem.) zpꜢ.t « centipede » (male/female) « god Sepa »

SEPARATE FROM SURROUNDINGS / RAISE UP (THE OWNER’S ASCENSION)

SEPARATE / PUT ASIDE, CLEAN OFF OBSTRUCTION (HUMAN INTERNAL BODY PARTS)

zpꜢ « carrying chair »

(SACRED, RITUAL) FURNITURE

(fem.) zpꜢ(.t) « stairs », « throne »

zpꜢ « to unblock », « to clear » (intestine) : a kind of thin cord used ( as clay cutter?)

Table 2. Cognate forms of zpꜢ / spꜢ.

MEDICAL

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4. Sepa, the Centipede-God Sepa, the Centipede-God, was an Egyptian deity worshipped in Kheraha and Iunu (Heliopolis). From this local dimension, he was recognized as an aspect of Osiris and closely associated with the Nile flood, more specifically, with the flood of the north Nile, i.e., (Ḥ῾pj mḥj pr m Jwn.w) « the northern Nile which flows out from Heliopolis »53. The tradition linking Osiris to Sepa in a same religious dimension would generate the syncretic god Osiris-Sepa, conceived as the archetype of the dismembered body of Osiris and probably for this reason he appears described through the writing sources as the personification of primeval moisture, i.e., the cause of the inundation of the northern Nun’s waters that flowed in the cavern of Kheraha54, « in the interior of the land of Heliopolis ». After the study of J.-P. Corteggiani55 we know that this so-called cavern of Kheraha could have been located on the hills of Atar en-Nabi56. Little can we add to this excellent work developed around this god’s personality, however we would like to insist on the new theological dimension that god Sepa, deriving from that of the centipede in the Pyramid Texts, attained after the Old Kingdom as a divine presence with a theological position and associated with a relevant cultic dimension, beyond the role of a mere threatening creature of the chthonic world57. This is evidenced, for instance, by a section of the Coffin Texts where we read: CT III, 263f (= CT 227):

jnk SpꜢ hrw zpꜢ I am Sepa on the day of the centipede.

In a variant of this same passage — and only a few lines further, CT III, 265a (= CT 227) — we find the name of Anubis instead of Sepa and we read: « I am Anubis on the day of the centipede ». The episode is recurrent and we find it reproduced in the Book of the Dead, 31(b, S) and 69 (a, S 4)58. From these CORTEGGIANI, « Une stèle héliopolitaine », p. 147 and n. 3. See also José Ramón AJA SÁNCHEZ, « Qebeh, Qebehet and ‘cool water’ in Piye’s Victory Stela », CdE 87/174 (2012), p. 218-232 and idem, Aguas mágicas. El Nilo en la memoria y la religiosidad del Mundo Antiguo, Madrid 2015. 55 CORTEGGIANI, « Une stèle héliopolitaine », 145. 56 2 km south of « Old Cairo » on the hills of Per-Hapy (w῾r.t nt Pr-Ḥ῾pj), Brooklyn Pap. V, 8. See also MGEA I, p. 165 and AJA SÁNCHEZ, Aguas mágicas, p. 156-161. 57 The relevance of Sepa is well attested in the Late Period through Heliopolitan and Letopolitan traditions. On this subject, Dimitri MEEKS, Mythes et Légendes du Delta d’après le papyrus Brooklyn 47.218.84 (MIFAO 125), Cairo 2006, p. 6, § 4 and 12, § 11. 58 Following the numeration of Thomas George ALLEN, The Book of the Dead or Going Forth by Day. Ideas of the Ancient Egyptians Concerning the Hereafter as Expressed in Their Own Terms (SAOC 37), Chicago 1974. 53 54

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religious sources we obtain some pertinent information concerning Sepa: a) Sepa seems to act in a funerary context as a counterpart of Anubis who could replace him in the text; b) the name Sepa appears closely related to that of Osiris59 who eventually acted as representative of the deceased. In general terms, the passage has to be interpreted within an episode of transfiguration of the deceased in many sacred forms and deities in order to attain his condition of a new-born in the hereafter. In this respect, it is interesting to point out on the fact that Sepa has left aside his role of watching entity, to become, at the same level as Anubis, a god of the necropolis in charge of receiving and leading the deceased through the ways of the netherworld. Thus, the above-mentioned « day of the centipede » could correspond to the festival (ḥb SpꜢ), which would take place in Kheraha, Heliopoof Sepa lis60, and it was precisely this location where the most important event of the reconstitution of bodily parts of Osiris would happen and, in its turn, the beginning of the north Nile inundation as the consequence of Osiris’s secretions causing the beneficial waters61. In this evocation of the dismembered and later recomposed body of Osiris through the personalities of Anubis62 and Sepa we find some important aspects that serve to associate all three deities, since Anubis was the one who, according to P. Jumilhac63, wrapped the corpse of Osiris and carried him — using the (Heliopolitan) sekhen-boat of Sepa64 — to Heliopolis (wꜢ.t n SpꜢ r ẖr(j)-῾ḥꜢ)65 where he was finally buried as Sepa. Moreover, the intimate association Anubis-Sepa in relation to the Osiris-Sepa Festival66 could be corroborated by ); we should remember that Anubis’s epithet Jnpw nb SpꜢ ( spꜢ was the above-mentioned toponymic of the 18th nome in which the role of Anubis has been attested, acting in the name of Horus, as the master of the divine efflux, in the « Mansion of the Efflux »,

(Jnpw nb

The theonym Osiris-Sepa is attested from the Middle Kingdom on. See KEES, « Anubis Herr von Sepa », p. 89. 60 CORTEGGIANI, « Une stèle héliopolitaine », p. 134-138 and AJA SÁNCHEZ, Aguas mágicas, p. 156-166. 61 See Jean-Claude GOYON, « Momification et reconstitution du corps divin: Anubis et les canopes », in J.H. Kamstra, H. Milde & K. Wagtendonk (ed.), Funerary Symbols and Religion: Essays Dedicated to Professor M.S.H.G. Heerma van Voss, Kampen 1988, p. 34-44: p. 39. 62 MEEKS, Mythes et légendes du Delta, p. 181, § 5, e, and n. 98, refers to the transportation of Osiris’s corpse in the sekhem-boat which personified the god Anubis himself and who: « incarnait, aussi, le lambeau, corps osirien par excellence reposant dans sa barque ». 63 Jacques VANDIER, « Memphis et le taureau Apis dans le Papyrus Jumilhac », in Mélanges Mariette (BiEtud 32), Cairo 1961, p. 105-132: p. 117. 64 See KEES, « Anubis Herr von Sepa », p. 87 and 91. Also P. Louvre 3129, col. 38-39. 65 Cf. Agnès CABROL, Les voies processionnelles de Thèbes (OLA 97), Leuven 2001, p. 77. 66 Another reference to the Festival of Sepa in Jean YOYOTTE, « Prêtres et sanctuaires du nome héliopolite à la Basse Époque », BIFAO 54 (1954), p. 83-115: p. 94 and also Ramadan EL-SAYED, « Un document relatif au culte dans Kher-Aha (statue Caire CG 682) », BIFAO 82 (1982), p. 187204: p. 194-198. 59

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Ḥw.t-rḏ.w) , i.e., the custodian of Osiris’s secretions causing the flooding of the Nile68. This brief account of the mythological context of Sepa in relation to Anubis and Osiris leads us to formulate some questions: what cognitive processes get involved in the sacralisation of Sepa, leading from the numinous animal entity of the PT, to the perfectly consolidated god personality related to the Osirian cycle? In other terms, which religious aspects would distinguish this god Sepa from Zepa the centipede? To some extent, the answers to these questions should start with the analysis of the name Sepa from its denotative aspects. In order to achieve this goal we have the determinatives of this theonym: signs conveying mental images, symbolic messages or even metaphorical structures, as we have seen before. There is no doubt that in the process of formation of the name Sepa

, with

its particular determinatives and , some specific information was included beyond the strict lexical content; information that was used within a symbolic dimension for expressing a religious category or belief. If we consider the semantic position of the theonym Sepa in relation, for instance, to the abovedescribed cognate terms of the zpꜢ > spꜢ group of words, it clearly appears as a distinctive element of evolution within the religious domain, since this combination of signs designates, as we will see below, specific qualities of the divine presence, conceptually dimensioning it. The presence, from the Middle for the theonym Sepa Kingdom onward (see Table 1), of a determinative acts as evidence of the acquisition of a new ontological status, probably with reference to the god Osiris and the spread of his cult. A similar reasoning could be applied to the replacement of hieroglyphic by , which concerns the transformation from a representational anisign mal category, that of the centipede, to an essential, but keener, visual conception of the original form. In this schematic result, the hieroglyphic sign shows the subdivision of the oblique — sometimes vertical — axis, prevailing as an indication of something segmented, divided into parts. Thus, although it was a (F37) = « backbone and ribs », the basic structure of its simplification of design would fit in fact in an interpretation of the segmented body and legs of the centipede, so the mental representation involved an equivalent conceptual package. The crucial argument is again that an intuitively assumed biological category, from a naturalistic observation of the centipede, would become part

67 Probably another name for the « Mansion of the Phœnix » (Jnpw nb ḥw.t-bnw), see MGEA II, p. 175, and KEES, « Anubis Herr von Sepa », p. 96. 68 GOYON, « Momification et reconstitution du corps divin », p. 38 states: « Et il est maintenant bien établi par l’édition critique de J. Vandier que Sepa du XVIIIe nome de Haute Égypte est indissolublement lié au lieu homonyme de la région héliopolitaine, Babylone/Kher-Ahâ et au « nilomètre » de la Caverne du Nil. »

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of a religious conceptualization. Therefore, the hieroglyphic signs + or in the theonym Sepa acted as hosts of an ontological conception, namely that of a divided, cut off and later recomposed entity, whose characteristics were symmetrically transferred to Osiris and vice versa (so Sepa was regarded then as « the divine body of Osiris »)69, giving rise to a syncretic Osiris-Sepa zpy, an epithet referring (Osarseph)70, « the divine strip or piece » to the limbs of the god (membra disjecta), a mirror of the « segmented, divided body » (lit. ἔντομος ον > insectum)71 of centipedes. We may well find a confirmation of this in a passage of the Pap. Brooklyn 47.218.84 (V, 5) where, according to the recent translation of D. Meeks, we read: « Quant à Sépa ) c’est Osiris; on l’appelle le Lambeau ( ) »72. Another argu( ment to approach Sepa’s personality, in relation to the Osirian cycle, would be the above-referred cultic experiences concerning the Nile flooding. Sepa’s Festival was described and conceived as the origin of the inundation of the northern Nile. See for instance a passage of the Gate of Evergetes73 where the religious experience around Sepa and the inundation is described as follows:

jn⸗f n.k Ḥ῾pj mḥt(j) m-m-῾ tꜢ Jwn.w pr tpḥ.t jmḥ.t. He (Osiris-Sepa) brings the flooding of the North to you under (i.e., from the inside of) the earth of Heliopolis, going up from the cavern of Imehet74.

The existence of a religious causation was symbolized by Osiris’s secretions, the divine humour of the god considered the source of the floods, carrying the fertilizing water and soil for a renewed life. We might include, as part of this religious causation, some ethological aspects concerning the centipede as part of the specific cognitive processes leading to the ontologization of this supernatural agent. On this topic, the research concerning the ecology of chilopoda helps us infer how certain biological mechanisms could have been visually experienced by the ancient Egyptians as part of the religious, ontological development of Sepa, from a centipede numinous entity to a god. The first evidence CORTEGGIANI, « Une stèle héliopolitaine », p. 136. Essam EL-BANNA, « À propos des aspects héliopolitains d’Osiris », BIFAO 89 (1989), p. 101-126: p. 117, doc. 41-42. 71 Centipedes are not actually insects, because they have more than six legs, but are arthropods closely related to insects. See LEWIS, The Biology of Centipedes, p. 1-7. 72 MEEKS, Mythes et legendes du Delta, § 11 (p. 12), m. § 11b-d (p. 209-214), t n. 151 (p. 73). According to this author, the epithet would refer to all the recovered limbs of Osiris (Osiris-Sepa, le Lambeau divin) and not only to the scapula (Letopolitan in origin, ibid., p. 175-177, § 4a-b). 73 Pierre CLÈRE, La porte d’Évergète à Karnak (2e partie) (MIFAO 84), Cairo 1961, pl. 39. 74 Cf. Marc GABOLDE, « L’inondation sous les pieds d’Amon », BIFAO 95 (1995), p. 235-258: p. 241. 69

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to take into account is the « hypogean way of life » of certain scolopendromorph (Cryptops and Tidops)75, or even some other groups (Scolopendra, Cormocephalus, Arthrorhabdus) which prefer a nocturnal solitary life, spending daytime hiding under stones, bark or logs. These habitat preferences constitute indeed a solid and plausible base for a hypothetical reconstruction of the Egyptian mental representation involving this animalistic entity, the centipede, linked to the chthonic world, including the set of recurrent religious images and concepts associated with the Osirian world in the hereafter. Another aspect of the behaviour of Chilopoda, also susceptible of religious speculation, might have been their survival strategy of seasonal migration between different strata. In the humid tropical areas and also in tropical savannah regions a lot of centipede species abandon the soil surface during the dry season and return quickly to it during the rainy season. This is mainly due to the fact that their subterranean galleries are filled up with water during seasonal inundations76. Likewise, environmental factors such as temperature changes, particularly in temperate areas, could provoke adaptations of the reproductive activity of centipedes, increasing their presence in the surface throughout late spring (May / June), while winter low temperatures cause these animals to move down into deeper soil layers. With regard to the seasonal fluctuations of centipedes, besides some other invertebrate fauna, coinciding with the annual flood of the Nile, we have the studies, undertaken by J.G.E. Lewis in the Blue Nile banks near Khartoum in the 1960s77, confirming that centipedes are especially abundant from July to September, which would mean that they are, together with other invertebrate fauna, clear indicators of the annual rise and fall of the river78. Consequently, although the way leading to the conceptualization of god Sepa is not fully accessible to us, we might seriously consider, of course only as mere observers, the evidence provided to this effect by the above-described ecological and biological processes. These centipede-related phenomena and the Nile inundation — potentially considered as part of the same extraordinary event — take us to the formation of religious ideas or mental models79, since they might have been the constitu75 See Karin VOIGTLÄNDER, « Chilopoda-Ecology », in A. Minelli (ed.), Treatise on ZoologyAnatomy: The Myriapoda, Leiden – Boston 2011, vol. 1, p. 317. 76 These subterranean galleries are often dug by the animals themselves. VOIGTLÄNDER, art. cit., p. 311. 77 See John G.E. LEWIS, « Seasonal fluctuations in the riverain invertebrate fauna of the Blue Nile near Khartoum », Journal of Zoology: Proceedings of the Zoological Society of London 148 (1965), p. 1-14 and Idem, « The taxonomy and biology of the centipede Scolopendra amazonica in the Sudan », Journal of Zoology: Proceedings of the Zoological Society of London 149 (1966), p. 188-203. 78 It has been attested that some specimens follow the Nile as it falls. See LEWIS, « Seasonal fluctuations », p. 10. 79 In Aelian, On animals, 11, 19, centipedes, together with other animals, were considered announcers of natural disasters (e.g. earthquakes).

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tive basis of extra-empirical realities, understood as manifestations of a supernatural agent. As H. and H.A. Frankfort claimed on the relationship of cause and effect in mythopoeic thought: « the event is not analysed intellectually; it is experienced in its complexity and individuality, and these are matched by equally individual causes »80. To sum up, the suggested connection between the annual flooding of the northern Nile and the centipede, as avatar of Osiris-Sepa going up from the Cavern of Imehet (the Cavern of the Nun)81 for nourishing Lower Egypt, could have been intuitively inferred from the occurrence of Chilopoda and the increase of soil humidity in the Nile banks and surrounding areas. Under these conditions the animal developed, fluctuating in number, carried by the movement and retention of ground water82. Therefore, this could have been in essence the origin of the rise of Zepa the centipede83. from its consideration as a mere numinous creature of the chthonic world to a new ontological stage as the foremost genius loci of Heliopolis, i.e. « Sepa, the most venerable of the (spꜢ šps bꜢ.w Jwn.w)84, who souls of Heliopolis » would acquire an outstanding position after his incorporation into the Osirian mysteries. Institut del Pròxim Orient Antic, Universitat de Barcelona, (IPOA-UB) Gran Via Corts Catalanes, 585 (soterrani del Pati de Lletres) 08007 – Barcelone (ESPAGNE).

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SUMMARY The present article evaluates different aspects in the process of conceptualization of the centipede (Scolopendromorpha) as a relevant entity of ancient Egyptian religion. We start analysing the morphology and certain behavioural features of chilopoda in order to consider them as potential ingredients in the mental representation of a supernatural entity that the Egyptians called Sepa. This work examines also physical or biological characteristics of the centipede as generative of different linguistic and ontological categories, which endow it with a mysterious fascination (fascinans), causing an intense feeling of fear and majesty in the Egyptian mentality. Finally, we suggest that god Sepa exhibited — as a result of naturalistic experience and observation — a combination of (biological, ecological) qualities that could help us understand his religious significance within the Osirian cycle, and particularly his role as announcer of the flooding of the northern Nile. RÉSUMÉ Le présent article évalue différents aspects du processus de conceptualisation du mille-pattes (Scolopendromorpha) comme une entité pertinente de la religion égyptienne ancienne. On commence par l’analyse de la morphologie et de certains traits comportementaux du chilopode afin de les envisager comme des ingrédients potentiels de la représentation mentale d’une entité surnaturelle que les Égyptiens nommaient Sépa. Ce travail examine également les caractéristiques physiques ou biologiques du mille-pattes comme générateur de différentes catégories linguistiques et ontologiques, qui font de lui l’objet d’une fascination mystérieuse (fascinans), suscitant un intense sentiment de peur et de majesté dans la mentalité égyptienne. Enfin, on suggère que le dieu Sépa a montré — à la suite d’une expérience naturaliste et d’observations — une combinaison de qualités (biologiques, écologiques) qui pourraient aider à comprendre sa signification religieuse dans le cycle osirien, et particulièrement son rôle d’annonciateur des inondations du Nil septentrional. KEYWORDS /

MOTS CLÉS

Chilopoda behaviour – apotropaica – numinous entity – etymological evolution – ontological development – Nile flooding. Comportement des chilopodes – apotropaïques – entité numineuse – évolution étymologique – développement ontologique – inondation du Nil.

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Cathie SPIESER & Sydney H. AUFRÈRE En-deça et au-delà de la table ronde « De l’Effroi à la vénération », Fribourg (Suisse), 10-11 septembre 2015 . . . . . . . . .

VII

Sydney H. AUFRÈRE Définir une approche d’archéo- et d’ethnoarthropodologie culturelle pour l’Égypte ancienne . . . . . . . . . . . . . . .

3

Un monde méconnu : le microcosme animal . . . . . . . . . . L’impact des ouvrages de Ian C. Beavis et de M. Davies et J. Kathirithamby pour les études classiques . . . . . . . . . . . . . . .

3 4

1. Sortir de l’ambiguïté de la classification aristotélicienne : classe des Insectes (ἔντομα, Insecta), sous-embranchement ou subphyllum (Invertebrata) ou phylum (anciennement embranchement) des arthropodes (Arthropoda) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nommer correctement l’objet . . . . . . . . . . . . . . . Un embarras récurrent dans le choix des termes relatifs à la classification . Vertebra, Invertebrata . . . . . . . . . . . . . . . . . La petite faune mordante et piquante selon Aristote… . . . . . . . … et selon les Égyptiens. . . . . . . . . . . . . . . . . Le titre de la publication . . . . . . . . . . . . . . . . Ethno/archéoentomologie ou ethno/archéoarthropodologie ? . . . . .

5 5 6 6 7 7 9 10

2. Essor de l’ethno- et de l’archéoarthropodologie avant la lettre en égyptologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Et veniit Ludovicus Keimer . . . . . . . . . . . . . . . . Dans le sillage des auteurs antiques . . . . . . . . . . . . . Un manifeste de l’ethno- et de l’archéoarthropodologie . . . . . . . Le Lexikon der Ägyptologie . . . . . . . . . . . . . . . Le renouveau épistémologique sur les Arthropodes égyptiens . . . . . Les biologistes et les insectes . . . . . . . . . . . . . . .

10 10 11 12 13 14 14

3. Microcosme, effroi et la vénération . . . . . . . . . . . Des Arthropodes inquiétants, parfois mortels . . . . . . . . . . Les Arthropodes comme vecteurs symboliques . . . . . . . . .

15 15 16

INSECTA (LINNÉ, 1758) 4. La question des Insecta . . . . . . . . . . . . . . . Coléoptères (Coleoptera) . . . . . . . . . . . . . . . . Lépidoptères (Lepidoptera) . . . . . . . . . . . . . . . . Diptères (Diptera) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

17 17 17 17

484

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Siphonaptères (Siphonaptera) . . . . . Phtyraptères (Pthyraptera) . . . . . . Hyménoptères (Hymenoptera) . . . . . Hémiptères (Hemiptera) . . . . . . . Orthoptères (Orthoptera) . . . . . . Mantes (Mantodea) . . . . . . . . Libellules et demoiselles (Odonata) . . . Sous-ordre des Hétéroptères (Heteroptera) . Les insectifuges . . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

5. Une famille de coléoptères symbole de renaissance baeus sacer L., 1758 et d’autres espèces . . . . . Le scarabée d’Horapollon . . . . . . . . . . Études principales . . . . . . . . . . . . . De la pilule nḥp.t du scarabée au milieu matriciel (n)nw.t Les sarcophages de scarabées . . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

solaire : . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

18 19 19 20 21 21 21 21 22

Scara. . . . . . . . . . . . . . .

22 22 22 23 24

6. Coléoptères et diptères thanatophages. — Élatérides sauteurs voyageurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les thanatophages . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’insecte nécrophage et la pensée égyptienne . . . . . . . . . Les mystères de Lanelater notodonta Latreille, 1827 . . . . . .

et . . . .

7. Insectes au sens large : de l’entomopharmacologie aux vecteurs de maladies parasitaires . . . . . . . . . . . . . . . . . La pharmacologie égyptienne pour soigner les piqûres d’insectes et autres remarques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le moustique égyptien, vecteur de la malaria et de la filariose . . . . La pharmacopée gréco-romaine et la cantharide . . . . . . . . . Chercher la petite bête dans les papyrus magiques grecs . . . . . .

26 26 27 28 29 29 29 30 31

ARACHNIDA (CUVIER, 1812) 8. La question des Arachnida . Araignées (Aranae) . . . . . Scorpions (Scorpiones) . . . . Solifuges (Solifugae) . . . . . Parasitiformes (Anactinotrichida) .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

32 32 32 33 33

9. Le scorpion de Serqet désambiguïsé . . . . . . . . . . . Une figurine de scorpion archaïque devenue radicogramme (L7) . . . .

34 34

10. Le scorpion d’Isis et de ses consœurs en Égypte et en La statuette d’Isis-Scorpion du musée de Figeac . . . . L’Isis de Coptos et le scorpion selon Élien, Hist. an. 10, 23 Isis au scorpion en Nubie . . . . . . . . . . . Isis-Hededyt, parangon de la lumière . . . . . . . .

35 36 36 38 38

Nubie . . . . . . . . . . . . .

. . . . .

. . . . .

485

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

CHILOPODA (LATREILLE, 1817) 11. La question des Chilopoda .

.

39

12. Chilopodes : arthropodes myriapodes . . . . . . . . . . Le dieu scolopendre : Sepa, la chaise mille-pattes et la crue du Nil . . .

40 40

13. Épilogue .

.

40

Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER La pilule nḥp.t, le milieu matriciel (n)nw.t et la renaissance solaire. Aspects du cycle de reproduction de Scarabaeus sacer L., 1758 et limites religieuses de l’observation naturaliste . . . . . . .

59

1. Limites des liens entre la pilule stercorale du scarabée, l’objet nḥp.t, et l’objet oblong (n)nw.t . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1. La pilule nḥp.t au regard du cycle de la reproduction de S. sacer . . La nḥp.t : du tour de potier à la boulette de terre sigillaire . . . . De la pilule sphérique provisoire… . . . . . . . . . . . … à la piriformité . . . . . . . . . . . . . . . . . Un processus invisible . . . . . . . . . . . . . . . 1.2. Les auteurs anciens et l’arrière-plan naturaliste . . . . . . . . Ils sont tous mâles… . . . . . . . . . . . . . . . . Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3. L’objet et la matière (n)nw.t . . . . . . . . . . . . . . 1.4. Document 1 : le registre inférieur la 5e Heure du Livre de l’Amdouat 1.5. Document 2 : la 10e Heure du Livre de l’Amdouat . . . . . . . 1.6. Conclusion intermédiaire . . . . . . . . . . . . . . .

60 61 61 62 63 63 64 64 68 69 70 72 75

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

2. La (n)nw.t comme milieu protecteur et régénérateur 2.1. Document 3. Livre de la Terre, section D, 6 . . . . 2.2. Document 4. La 12e Heure du Livre des Portes . . . 2.3. Document 5. Crypte ouest no 3 du temple d’Hathor pl. 82-83) . . . . . . . . . . . . . . . 3. Ultime tour d’horizon . 4. Post scriptum . . . .

. .

. .

. .

. .

. .

. .

Alain CHARRON Les momies et reliquaires de scarabées .

.

. .

. .

.

.

.

.

.

.

.

. . . . . . . . . . . . . . . (Dendara VI, . . . . .

88 89

.

.

97

1. Les reliquaires découverts en fouilles ou dont l’origine est connue . Région thébaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Abydos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tounah el-Gebel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Saqqâra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gîza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

98 98 100 100 101 104

.

. .

.

. .

.

. .

83

. .

.

. .

76 76 81

. .

.

. .

.

.

486

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Héliopolis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tanis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

104 105 106

2. 3. 4. 5. 6.

107 108 114 116 117

Composition des reliquaires Matériaux utilisés et espèces Ouverture des reliquaires . Momification . . . . . Chronologie des reliquaires

. . . . . de scarabées . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . reproduites . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nadine GUILHOU Repousser l’insecte nécrophage. Procédés magiques et pratiques rituelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 1. L’identification de l’ennemi comme insecte nécrophage . . . . . 1.1. La Formule 36 du Livre des Morts . . . . . . . . . . . . 1.2. Protection des denrées alimentaires. . . . . . . . . . . .

126 126 130

2. Monter la garde autour du mort . . 2.1. Veillée dans l’ouryt et la ouâbet . . 2.2. Les gardiens porteurs de geckos . . 2.3. Reconstitution d’un rituel de protection

130 131 132 133

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Anne-Sophie VON BOMHARD Neith et les mystères de l’insecte Lanelater notodonta Latreille, 1827 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 1. 2. 3. 4. 5.

Lanelater notodonta et Neith . . . . . . Le symbole bilobé de Neith . . . . . . L’évocation du palmier-dattier . . . . . Les deux drapeaux du temple de Neith . . Lanelater notodonta et le voyage dans l’autre

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . monde . . . . . .

143 144 148 150 152

Thierry BARDINET Quelques aspects du « monde du minuscule » dans la pensée médicale de l’Égypte ancienne . . . . . . . . . . . . . . 159 1. Les insectes dans les textes médicaux . . . . . . . . . . . 2. Le rituel de mise à mort du scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t et ses représentations magiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Le scarabée nécrophage ῾pšꜢj.t pourvoyeur de morts errants . . . 4. Les insectes comme médications . . . . . . . . . . . .

159 163 168 170

487

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Sydney H. AUFRÈRE Le « moustique » d’Hérodote (Hist. 2, 95). Un diptère (moustique, phlébotome) importun, vecteur de maladies parasitaires mortelles . 175 1. Le moustique d’Égypte d’après Hérodote Les κώνωπες d’Hérodote . . . . . . . Le ḫnms et le ḫnws dans la vie des égyptiens . Anopheles pharoensis ou A. multicolor . . . Le phlébotome . . . . . . . . . . . L’objet Brooklyn Museum (inv. 55.172). . .

et d’après les Égyptiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. Les deux parades des Égyptiens contre les moustiques . . . . Les tourelles à sommeil du Delta . . . . . . . . . . . . . Les filets de pêche . . . . . . . . . . . . . . . . . L’hypothèse de la moustiquaire d’époque pharaonique et le conopeum Cléopâtre VII Philopator . . . . . . . . . . . . . . Astuces culifuges . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le roman d’Achille Tatius . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . .

176 176 176 178 179 180

. . . de . . .

182 182 183

3. Le moustique et le phlébotome, responsables de maladies à transmission vectorielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La filariose lymphatique (éléphantiasis) . . . . . . . . . . . . La malaria . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Leishmaniose viscérale humaine . . . . . . . . . . . . . .

184 185 186 186 187 187 188

Marie-Hélène MARGANNE L’utilisation des insectes dans la pharmacopée de l’Égypte grécoromaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 P. Oxy. 8.1088 (P. Lit. Lond. 168 = Brit. Libr. inv. 2055v = MP3 2409) . PSI 10.1180 (MP3 2421). . . . . . . . . . . . . . . . . P. Oxy. 80.5249 (MP3 2410.101) . . . . . . . . . . . . . . Comparaison des quatre recettes à base de cantharides transmises sur papyrus

197 199 201 202

Sydney H. AUFRÈRE & Cathie SPIESER Exit la nèpe (Nepa cinerea L., 1758), introït le scorpion (Leiurus quinquestriatus Ehrenberg, 1828) mécompris de Serqet (Selkis) et la maîtrise du souffle . . . . . . . . . . . . . . . 221 A. PREMIÈRE PARTIE : LE RADICOGRAMME L7 ET L’EMBLÈME P*L25 : NÈPE OU SCORPION ? UN PROCESSUS ICONOGRAPHIQUE 1. La nèpe (Nepa cinerea L., 1758) et le scorpion . . 1.1. Préliminaire . . . . . . . . . . . . . 1.2. La nèpe par rapport au scorpion au plan anatomique 1.3. Le radicogramme L7 de Serqet rapporté à la nèpe et

. . . au

. . . . . . . . . scorpion

. . . . . . . .

223 223 226 230

488

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

2. Le bélostome (Lethocerus cordofanus Mayr, 1853) et Laccotrephes Stål, 1866 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1. Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

234 234

3. Récapitulation des arguments . . . . . . . . . 3.1. Les bras et les mains . . . . . . . . . . . . 3.2. L’absence de pattes . . . . . . . . . . . . . 3.3. L’absence d’yeux . . . . . . . . . . . . . 3.4. L’écartement et la forme des deux appendices terminaux . 3.5. La segmentation du hiéroglyphe L7 et ses conséquences . La théorie du scorpion . . . . . . . . . . . . 3.6. Un objet scorpioniforme ? . . . . . . . . . .

237 237 237 237 238 238 239 240

. . . . . . . .

. . . . . . . .

. . . . . . . .

. . . . . . . .

4. Le radicogramme L7 et l’objet symbolique scorpioniforme (P*L 25 a-b) placé derrière le roi . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1. Premières constatations . . . . . . . . . . . . . . . Statuts respectifs de L7 et de P*L25 . . . . . . . . . . . 4.2. La nature de l’objet symbolique (P*L25a-b) dans les scènes impliquant une action dynamique du souverain . . . . . . . . . . . Nature de P*L25a-b . . . . . . . . . . . . . . . . Le processus iconographique . . . . . . . . . . . . . L’élément vertical de P*L25a soutenu par un ouas animé . . . . Motif du désaxement du corps : la posture d’attaque du scorpion . . P*L25a et lesdits basilonymes « Scorpion (II) et Scorpion (Ier) » . . L’élément vertical dudit basilonyme Scorpion (II) : hypothèse . . . P*L 25a-b dans des contextes plus tardifs . . . . . . . . . Le nom de Selkis / Serqet . . . . . . . . . . . . . . 4.3. Le même objet symbolique P*L25A conçu comme emblème transportable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

241 242 242 243 243 246 247 247 248 249 250 252 252

B. SECONDE PARTIE : SERQET, UNE DÉESSE PRÉSIDANT AUX VOIES AÉRIENNES ET DIGESTIVES DE L’ÊTRE HUMAIN 5. L’emprise de Serqet sur l’espace et sur l’air

.

.

5.1. La Formule 1018 des Textes des Sarcophages . . 5.2. La constellation circumpolaire Serqet . . . . 5.3. La Formule 565 des Textes des Pyramides : Serqet au roi . . . . . . . . . . . . . . .

.

.

256

. . . . . . . . . . . . tendant les mains . . . . . .

256 258

6. Serqet et la protection de fonctions vitales du corps 6.1. La Formule 493 des Textes des Pyramides . . . 6.2. L’hypothèse d’un côlon scorpioniforme et Serqet . 6.3. Serqet et Qebehsenouf . . . . . . . . . . 6.4. Serqet et la renaissance du roi défunt . . . . .

.

.

humain . . . . . . . . . . . .

.

. . . . .

.

. . . . .

259

. . . . .

260 260 261 262 263

7. Différents aspects du scorpion emblématique de Serqet . . . . . 7.1. Serqet-Hetyt étouffant Apopis dans l’Amdouat . . . . . . . .

265 265

489

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

7.2. L’emblème représenté verticalement à l’instar d’un récipient . . . 7.3. L’emblème de Serqet redressé comme un cobra et Serqet mère des serpents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Serqet, un scorpion élapiforme ? . . . . . . . . . . . . Ennemie, alliée ou parente de serpents mythologiques . . . . . 7.4. Serqet, dame des scorpions et des serpents . . . . . . . . . 7.5. L’emblème du scorpion en position naturelle . . . . . . . .

266 268 268 269 271 273

Frédéric ROUFFET Isis et les scorpions. À propos de quelques statuettes en bronze d’Isis-Serqet . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 1. Présentation de la statuette de Figeac . 2. Monuments similaires . . . . . . 3. Spécificités iconographiques de ce type 4. Le nom de la déesse . . . . . . . 5. Provenance et datation . . . . . . 6. Fonctions . . . . . . . . . . 7. Derniers éléments . . . . . . . 8. Conclusion . . . . . . . . . . Catalogue . . . . . . . . . . . Planches du catalogue . . . . . . .

. . de . . . . . . .

. . . . . . . . monument . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

285 289 289 290 293 293 293 295 297 301

Jocelyne BERLANDINI & Sydney H. AUFRÈRE Les scorpions, la veuve de Coptos et les deuillantes-« guérisseuses » (Élien, Hist. an. 10, 23). . . . . . . . . . . . . . . 307 PHRASE I 1. Point 1 : la vénération d’Isis à Coptos . . . 2. Point 2 : les cérémonies consacrées à Isis . . 3. Point 3 : cérémonies spécifiques menées par des De la chevelure en désordre à la mèche coupée . . Culte de la déesse en « Veuve kharet » . . . . . De la tresse bouclée au corps de l’arachnide . . .

. . . . . . . . deuillantes . . . . . . . . . . . .

. . . . . .

. . . . . .

. . . . . .

309 309 310 311 313 318

mortels . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . .

. . . . . . .

. . . . . . .

325 325 326 327 328 330 331

PHRASE II 4. Points 4-5 : des scorpions monstrueux, cruels La « mer de Coptos » . . . . . . . . . La question d’une espèce particulière ? . . . . Leiurus quinquestriatus . . . . . . . . . Sept scorpions || sept segments du metasoma . . La caroube et le pêcheur. . . . . . . . . La vengeance des Sept . . . . . . . . .

et . . . . . .

. . . . . . .

490

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

L’image des Sept : de la « Stèle Metternich » ou du inv. 194 . . . . . . . . . . . . . Des scorpions vivant en liberté . . . . . . . Activité des deuillantes sur le parvis d’Isis de Coptos Vénérer ou conjurer le scorpion ? . . . . . . .

socle . . . . . . . .

d’Heidelberg, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

332 334 334 337

5. Point 6 : la létalité présumée des scorpions coptites et la réalité de la mort par scorpionisme . . . . . . . . . . . . . . . . 6. Point 7 : astuces égyptiennes contre les attaques de scorpions . .

343 344

PHRASE III 7. Points 8-11 : les deuillantes aux pieds nus. — Épilogue . . . . . 9. Présentation abrégée de la scorpiofaune égyptienne . . . . . . 9.1. Famille des Buthidae : Genus Androctonus, Buthacus, Buthus, Compsobuthus, Egyptobuthus, Hottentotta, Isometrus, Leiurus, Microbuthus, Orthochirus, Parabuthus . . . . . . . . . . . . . . . 9.2. Famille des Diplocentridae : Genus Nebo . . . . . . . . . 9.3. Famille des Hemiscorpiidae : Genus Hemiscorpius . . . . . . 9.4. Famille des Scorpionidae : Genus Scorpio . . . . . . . . . 9.5. Famille des Euscorpiidae : Genus Euscorpius . . . . . . . . 10. Excursus : l’Isis scorpion de la Barakat Gallery, autre témoin de scorpion-mèche . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

347 352

352 356 357 357 357 357

Jonathan MAÎTRE L’Isis au scorpion dans le pays de Ouaouat, une expression provinciale du mythe de la Bonne Mère . . . . . . . . . . . 373 1. La valeur préservative du scorpion dans le symbolisme pharaonique 1.1. Une image du triomphe sur les menaces extérieures . . . . . . 1.2. La prévention des risques pour la santé des vivants et des morts . . 2. Le mythème de la Bonne Mère au service de l’idéologie pharaonique 2.1. La protection maternelle de l’individu : de la petite enfance… . . . 2.2. … à l’établissement dans la société des adultes . . . . . . . 3. Le patronage d’Isis sur les contrées méridionales . . . . . . . 3.1. L’expression de la souveraineté égyptienne en Nubie . . . . . . 3.2. Le rôle et le sens du scorpion isiaque dans les cultes horiens de Ouaouat

374 374 377 378 378 384 387 387 390

ANNEXE : DOCUMENTS 1. Les figurations datables de la 18e dynastie . . . . . . . . . . 2. Les attestations datables de la 19e dynastie . . . . . . . . . .

396 405

491

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Pierre P. KOEMOTH Isis-Hededet : à propos de Sarapis au scorpion sur des intailles antiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415 1. (Isis)-Hededet à Edfou . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Isis au scorpion et Hededet (?) à Thèbes . . . . . . . . . . 3. (Isis-)Hededet à Héliopolis . . . . . . . . . . . . . . 4. Isis-Hededet dans l’iconographie égyptienne et gréco-romaine . . 5. Sarapis au scorpion sur des intailles d’époque impériale : le retour d’Isis-Hededet ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lucas BAQUÉ MANZANO Zepa, the Centipede: From Numen to God 1. 2. 3. 4.

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Introduction . . . . . . . . . . . . . Centipedes: morphological elements for a religious The name Zepa / Sepa: morphology and semantics Sepa, the Centipede-God . . . . . . . . .

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415 425 428 435 441 445

. 459

. . . . . . taxonomy . . . . . . . . . . . . . .

459 460 465 472

ORIENTALIA LOVANIENSIA ANALECTA 1. E. LIPIŃSKI, Studies in Aramaic Inscriptions and Onomastics I. 2. J. QUAEGEBEUR, Le dieu égyptien Shaï dans la religion et l’onomastique. 3. P.H.L. EGGERMONT, Alexander’s Campaigns in Sind and Baluchistan and the Siege of the Brahmin Town of Harmatelia. 4. W.M. CALLEWAERT, The Sarvangī of the Dadupanthī Rajab. 5. E. LIPIŃSKI (ed.), State and Temple Economy in the Ancient Near East I. 6. E. LIPIŃSKI (ed.), State and Temple Economy in the Ancient Near East II. 7. M.-C. DE GRAEVE, The Ships of the Ancient Near East (c. 2000-500 B.C.). 8. W.M. CALLEWAERT (ed.), Early Hindī Devotional Literature in Current Research. 9. F.L. DAMEN, Crisis and Religious Renewal in the Brahmo Samaj Movement (1860-1884). 10. R.Y. EBIED, A. VAN ROEY, L.R. WICKHAM, Peter of Callinicum, Anti-Tritheist Dossier. 11. A. RAMMANT-PEETERS, Les pyramidions égyptiens du Nouvel Empire. 12. S. SCHEERS (ed.), Studia Paulo Naster Oblata I. Numismatica Antiqua. 13. J. QUAEGEBEUR (ed.), Studia Paulo Naster Oblata II. Orientalia Antiqua. 14. E. PLATTI, Yahya ibn ῾Adī, théologien chrétien et philosophe arabe. 15. E. GUBEL, E. LIPIŃSKI, B. SERVAIS-SOYEZ (eds.), Studia Phoenicia I-II. 16. W. SKALMOWSKI, A. VAN TONGERLOO (eds.), Middle Iranian Studies. 17. M. VAN MOL, Handboek Modern Arabisch. 18. C. LAGA, J.A. MUNITIZ, L. VAN ROMPAY (eds.), After Chalcedon. Studies in Theology and Church History. 19. E. LIPIŃSKI (ed.), The Land of Israel: Cross-Roads of Civilizations. 20. S. WACHSMANN, Aegeans in the Theban Tombs. 21. K. VAN LERBERGHE, Old Babylonian Legal and Administrative Texts from Philadelphia. 22. E. LIPIŃSKI (ed.), Phoenicia and the East Mediterranean in the First Millennium B.C. 23. M. HELTZER, E. LIPIŃSKI (eds.), Society and Economy in the Eastern Mediterranean (1500-1000 B.C.). 24. M. VAN DE MIEROOP, Crafts in the Early Isin Period: a Study of the Isin Craft Archive from the Reigns of Išbi-Erra and Šu-Ilišu. 25. G. POLLET (ed.), India and the Ancient World. History, Trade and Culture before A.D. 650. 26. E. LIPIŃSKI (ed.), Carthago. 27. E. VERREET, Modi Ugaritici. Eine morpho-syntaktische Abhandlung über das Modalsystem im Ugaritischen. 28. R. ZADOK, The Pre-Hellenistic Israelite Anthroponomy and Prosopography. 29. W. CALLEWAERT, M. LATH, The Hindī Songs of Namdev. 30. A. SHISHA-HALEVY, Coptic Grammatical Chrestomathy. 31. N. BAUM, Arbres et arbustes de l’Égypte ancienne. 32. J.-M. KRUCHTEN, Les Annales des prêtres de Karnak (XXIe-XXIIIe dynasties) et autres textes relatifs à l’initation des prêtres d’Amon. 33. H. DEVIJVER, E. LIPIŃSKI (eds.), Punic Wars. 34. E. VASSILIKA, Ptolemaic Philae. 35. A. GHAITH, La Pensée Religieuse chez Gubrân Halil Gubrân et Mihâ᾿îl Nu῾ayma. 36. N. BEAUX, Le Cabinet de curiosités de Thoutmosis III. 37. G. POLLET, P. EGGERMONT, G. VAN DAMME, Corpus Topographicum Indiae Antiquae. Part II: Archaeological Sites. 38. S.-A. NAGUIB, Le Clergé féminin d’Amon thébain à la 21e dynastie. 39. U. VERHOEVEN, E. GRAEFE (eds.), Religion und Philosophie im Alten Ägypten. Festgabe für Philippe Derchain zu seinem 65. Geburtstag. 40. A.R. GEORGE, Babylonian Topographical Texts. 41. A. SCHOORS, The Preacher Sought to Find Pleasing Words. A Study of the Language of Qohelet. Part I: Grammatical Features.

42. G. REININK, H.E.J. VAN STIPHOUT (eds.), Dispute Poems and Dialogues in the Ancient and Mediaeval Near East. 43. C. TRAUNECKER, Coptos. Hommes et dieux sur le parvis de Geb. 44. E. LIPIŃSKI (ed.), Phoenicia and the Bible. 45. L. ISEBAERT (ed.), Studia Etymologica Indoeuropaea Memoriae A.J. Van Windekens dicata. 46. F. BRIQUEL-CHATONNET, Les relations entre les cités de la côte phénicienne et les royaumes d’Israël et de Juda. 47. W.J. VAN BEKKUM, A Hebrew Alexander Romance according to MS London, Jews’ College no. 145. 48. W. SKALMOWSKI, A. VAN TONGERLOO (eds.), Medioiranica. 49. L. LAUWERS, Igor’-Severjanin, His Life and Work — The Formal Aspects of His Poetry. 50. R.L. VOS, The Apis Embalming Ritual. P. Vindob. 3873. 51. F. LABRIQUE, Stylistique et Théologie à Edfou. Le rituel de l’offrande de la campagne: étude de la composition. 52. F. DE JONG (ed.), Miscellanea Arabica et Islamica. 53. G. BREYER, Etruskisches Sprachgut im Lateinischen unter Ausschluß des spezifisch onomastischen Bereiches. 54. P.H.L. EGGERMONT, Alexander’s Campaign in Southern Punjab. 55. J. QUAEGEBEUR (ed.), Ritual and Sacrifice in the Ancient Near East. 56. A. VAN ROEY, P. ALLEN, Monophysite Texts of the Sixth Century. 57. E. LIPIŃSKI, Studies in Aramaic Inscriptions and Onomastics II. 58. F.R. HERBIN, Le livre de parcourir l’éternité. 59. K. GEUS, Prosopographie der literarisch bezeugten Karthager. 60. A. SCHOORS, P. VAN DEUN (eds.), Philohistôr. Miscellanea in honorem Caroli Laga septuagenarii. 61. M. KRAUSE, S. GIVERSEN, P. NAGEL (eds.), Coptology. Past, Present and Future. Studies in Honour of R. Kasser. 62. C. LEITZ, Altägyptische Sternuhren. 63. J.J. CLÈRE, Les Chauves d’Hathor. 64. E. LIPIŃSKI, Dieux et déesses de l’univers phénicien et punique. 65. K. VAN LERBERGHE, A. SCHOORS (eds.), Immigration and Emigration within the Ancient Near East. Festschrift E. Lipiński. 66. G. POLLET (ed.), Indian Epic Values. Ramayana and its impact. 67. D. DE SMET, La quiétude de l’Intellect. Néoplatonisme et gnose ismaélienne dans l’œuvre de Hamîd ad-Dîn al-Kirmânî (Xe-XIe s.). 68. M.L. FOLMER, The Aramaic Language in the Achaemenid Period. A Study in Linguistic Variation. 69. S. IKRAM, Choice Cuts: Meat Production in Ancient Egypt. 70. H. WILLEMS, The Coffin of Heqata (Cairo JdE 36418). A Case Study of Egyptian Funerary Culture of the Early Middle Kingdom. 71. C. EDER, Die Ägyptischen Motive in der Glyptik des östlichen Mittelmeerraumes zu Anfang des 2. Jts. v. Chr. 72. J. THIRY, Le Sahara libyen dans l’Afrique du Nord médiévale. 73. U. VERMEULEN, D. DE SMET (eds.), Egypt and Syria in the Fatimid, Ayyubid and Mamluk Eras I. 74. P. ARÈNES, La déesse sGrol-Ma (Tara). Recherches sur la nature et le statut d’une divinité du bouddhisme tibétain. 75. K. CIGGAAR, A. DAVIDS, H. TEULE (eds.), East and West in the Crusader States. Context – Contacts – Confrontations I. 76. M. BROZE, Mythe et Roman en Égypte ancienne. Les Aventures d’Horus et Seth dans le papyrus Chester Beatty I. 77. L. DEPUYDT, Civil Calendar and Lunar Calendar in Ancient Egypt. 78. P. WILSON, A Ptolemaic Lexikon. A Lexicographical Study of the Texts in the Temple of Edfu.

79. A. HASNAWI, A. ELAMRANI, M. JAMAL, M. AOUAD (eds.), Perspectives arabes et médiévales sur la tradition scientifique et philosophique grecque. 80. E. LIPIŃSKI, Semitic Languages: Outline of a Comparative Grammar. 81. S. CAUVILLE, Dendara I. Traduction. 82. C. EYRE (ed.), Proceedings of the Seventh International Congress of Egyptologists. 83. U. VERMEULEN, D. DE SMET (eds.), Egypt and Syria in the Fatimid, Ayyubid and Mamluk Eras II. 84-85. W. CLARYSSE, A. SCHOORS, H. WILLEMS (eds.), Egyptian Religion. The Last Thousand Years. 86. U. VERMEULEN, J.M. VAN REETH (eds.), Law, Christianity and Modernism in Islamic Society. 87. U. VERMEULEN, D. DE SMET (eds.), Philosophy and Arts in the Islamic World. 88. S. CAUVILLE, Dendara II. Traduction. 89. G.J. REININK, A.C. KLUGKIST (eds.), After Bardaisan. Studies on Continuity and Change in Syriac Christianity in Honour of Professor Han J.W. Drijvers. 90. C.R. KRAHMALKOV, Phoenician-Punic Dictionary. 91. M. TAHTAH, Entre pragmatisme, réformisme et modernisme. Le rôle politicoreligieux des Khattabi dans le Rif (Maroc) jusqu’à 1926. 92. K. CIGGAAR, H. TEULE (eds.), East and West in the Crusader States. Context – Contacts – Confrontations II. 93. A.C.J. VERHEIJ, Bits, Bytes, and Binyanim. A Quantitative Study of Verbal Lexeme Formations in the Hebrew Bible. 94. W.M. CALLEWAERT, D. TAILLIEU, F. LALEMAN, A Descriptive Bibliography of Allama Muhammad Iqbal (1877-1938). 95. S. CAUVILLE, Dendara III. Traduction. 96. K. VAN LERBERGHE, G. VOET (eds.), Languages and Cultures in Contact: At the Crossroads of Civilizations in the Syro-Mesopotamian Realm. 97. A. CABROL, Les voies processionnelles de Thèbes. 98. J. PATRICH (ed.), The Sabaite Heritage in the Orthodox Church from the Fifth Century to the Present. Monastic Life, Liturgy, Theology, Literature, Art, Archaeology. 99. U.VERHOEVEN, Untersuchungen zur späthieratischen Buchschrift. 100. E. LIPIŃSKI, The Aramaeans: Their Ancient History, Culture, Religion. 101. S. CAUVILLE, Dendara IV. Traduction. 102. U. VERMEULEN, J. VAN STEENBERGEN (eds.), Egypt and Syria in the Fatimid, Ayyubid and Mamluk Eras III. 103. H. WILLEMS (ed.), Social Aspects of Funerary Culture in the Egyptian Old and Middle Kingdoms. 104. K. GEUS, K. ZIMMERMANN (eds.), Punica – Libyca – Ptolemaica. Festschrift für Werner Huß, zum 65. Geburtstag dargebracht von Schülern, Freunden und Kollegen. 105. S. CAUVILLE, Dendara. Les fêtes d’Hathor. 106. R. PREYS, Les complexes de la demeure du sistre et du trône de Rê. Théologie et décoration dans le temple d’Hathor à Dendera. 107. A. BLASIUS, B.U. SCHIPPER (eds.), Apokalyptik und Ägypten. Eine kritische Analyse der relevanten Texte aus dem griechisch-römischen Ägypten. 108. S. LEDER (ed.), Studies in Arabic and Islam. 109. A. GODDEERIS, Economy and Society in Northern Babylonia in the Early Old Babylonian Period (ca. 2000-1800 BC). 110. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band I. 111. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band II. 112. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band III. 113. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band IV. 114. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band V. 115. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band VI. 116. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band VII. 117. M. VAN MOL, Variation in Modern Standard Arabic in Radio News Broadcasts.

118. M.F.J. BAASTEN, W.Th VAN PEURSEN (eds.), Hamlet on a Hill. Semitic and Greek Studies Presented to Professor T. Muraoka on the Occasion of his Sixty-Fifth Birthday. 119. O.E. KAPER, The Egyptian God Tutu. A Study of the Sphinx-God and Master of Demons with a Corpus of Monuments. 120. E. WARDINI, Lebanese Place-Names (Mount Lebanon and North Lebanon). 121. J. VAN DER VLIET, Catalogue of the Coptic Inscriptions in the Sudan National Museum at Khartoum (I. Khartoum Copt.). 122. A. ŁAJTAR, Catalogue of the Greek Inscriptions in the Sudan National Museum at Khartoum (I. Khartoum Greek). 123. H. NIEHR, Ba῾alšamem. Studien zu Herkunft, Geschichte und Rezeptionsgeschichte eines phönizischen Gottes. 124. H. WILLEMS, F. COPPENS, M. DE MEYER, P. DILS, The Temple of Shanhûr. Volume I: The Sanctuary, The Wabet, and the Gates of the Central Hall and the Great Vestibule (1-98). 125. K. CIGGAAR, H.G.B. TEULE (eds.), East and West in the Crusader States. Context – Contacts – Confrontations III. 126. T. SOLDATJENKOVA, E. WAEGEMANS (eds.), For East is East. Liber Amicorum Wojciech Skalmowski. 127. E. LIPIŃSKI, Itineraria Phoenicia. 128. D. BUDDE, S. SANDRI, U. VERHOEVEN (eds.), Kindgötter im Ägypten der griechischrömischen Zeit. Zeugnisse aus Stadt und Tempel als Spiegel des Interkulturellen Kontakts. 129. C. LEITZ (ed.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band VIII. 130. E.J. VAN DER STEEN, Tribes and Territories in Transition. 131. S. CAUVILLE, Dendara V-VI. Traduction. Les cryptes du temple d’Hathor. 132. S. CAUVILLE, Dendara V-VI. Index phraséologique. Les cryptes du temple d’Hathor. 133. M. IMMERZEEL, J. VAN DER VLIET, M. KERSTEN, C. VAN ZOEST (eds.), Coptic Studies on the Threshold of a New Millennium. Proceedings of the Seventh International Congress of Coptic Studies. Leiden, August 27 - September 2, 2000. 134. J.J. VAN GINKEL, H.L. MURRE-VAN DEN BERG, T.M. VAN LINT (eds.), Redefining Christian Identity. Cultural Interaction in the Middle East since the Rise of Islam. 135. J. MONTGOMERY (ed.), ‘Abbasid Studies. Occasional Papers of the School of ‘Abbasid Studies, Cambridge, 6-10 July 2002. 136. T. BOIY, Late Achaemenid and Hellenistic Babylon. 137. B. JANSSENS, B. ROOSEN, P. VAN DEUN (eds.), Philomathestatos. Studies in Greek Patristic and Byzantine Texts Presented to Jacques Noret for his Sixty-Fifth Birthday. 138. S. HENDRICKX, R.F. FRIEDMAN, K.M. CIAŁOWICZ, M. CHŁODNICKI (eds.), Egypt at its Origins. Studies in Memory of Barbara Adams. 139. R. ARNZEN, J. THIELMANN (eds.), Words, Texts and Concepts Cruising the Mediterranean Sea. Studies on the Sources, Contents and Influences of Islamic Civilization and Arabic Philosophy and Science. 140. U. VERMEULEN, J. VAN STEENBERGEN (eds.), Egypt and Syria in the Fatimid, Ayyubid and Mamluk Eras IV. 141. H.T. DAVIES, Yusuf al-irbīnī’s Kitab Hazz al-Quhuf bi-arh Qasīd Abī aduf (“Brains Confounded by the Ode of Abu aduf Expounded”). Volume I: Arabic text. 142. P. VAN NUFFELEN, Un héritage de paix et de piété. Étude sur les histoires ecclésiastiques de Socrate et de Sozomène. 143. A. SCHOORS, The Preacher Sought to Find Pleasing Words. A Study of the Language of Qoheleth. Part II: Vocabulary. 144. M.E. STONE, Apocrypha, Pseudepigrapha and Armenian Studies. Collected Papers: Volume 1. 145. M.E. STONE, Apocrypha, Pseudepigrapha and Armenian Studies. Collected Papers: Volume 2.

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