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French Pages 278 [274] Year 2014
Jacint Creus Boixaderas
ACTION MISSIONNAIRE EN GUINÉE ÉQUATORIALE, 1858-1910 Mémoire et naïveté de l’Empire Tome 1
Action missionnaire en Guinée Équatoriale, 1858-1910 Mémoire et naïveté de l'Empire
Collection Guinée Équatoriale dirigée par Valérie de Wulf Guinée Équatoriale est une collection qui a pour objectif de présenter ce pays d’Afrique centrale sous toutes ses facettes : historique, artistique, linguistique, biologique, ou même énergétique. Car qui peut se targuer de connaître cette jeune nation qui a acquis son indépendance en 1968 ? On continue de la confondre avec la Guinée Conakry ou la Guinée Bissau, ou même encore parfois avec la lointaine Nouvelle-Guinée des mers d’Océanie. Sa position centrale dans le golfe de Guinée, la composition même de son territoire, à la fois continental et insulaire, en font un pays stratégique en Afrique. A la fois africaine et ibérique, bantou et créole, la Guinée Équatoriale est aussi riche culturellement que son sous-sol ou sa faune et de sa flore. Elle mérite donc qu’on la découvre et que l’on s’y intéresse de façon approfondie. L’Association France-Guinée Equatoriale (Assofrage) est une association culturelle française indépendante, non subventionnée. Elle est constituée de personnes très diverses, mais toutes attachées d’une manière ou d’une autre à la Guinée Equatoriale pour y avoir vécu, travaillé, en avoir fait un sujet de recherche universitaire ou bien pour y avoir des amis et de la famille. Le comité de lecture du volet éditorial de l’association est assuré par des chercheurs, des universitaires et des enseignants. Déjà parus Valérie de Wulf, Histoire de l’île d’Annobon (Guinée Équatoriale) et de ses habitants du XVe au XIXe siècle, Tome 1, Paris, co-édition association France-Guinée Équatoriale et L’Harmattan, 2014. Valérie de Wulf, Les Annobonais, un peuple africain original (Guinée Équatoriale, XVIIIe au XXe siècle), Tome 2, Paris, co-édition association France-Guinée Équatoriale et L’Harmattan, 2014.
Jacint Creus Boixaderas
Action missionnaire en Guinée Équatoriale, 1858-1910 Mémoire et naïveté de l'Empire
Tome I
Du même auteur Cuentos Bubis de Guinea Ecuatorial, Malabo, Centro cultural hispano-guineano ed., coll. Ensayos n°9, 1992. Exploracions centrafricanes (1887-1901) del P. Joaquim Juanola, Agrupacio Excursionista de Granollers, 1996. Identidad y conficto, aproximación a la tradición oral en Guinea Ecuatorial, Madrid, Los Libros de la Catarata, 1997. Epistolario del P. Juanola, c.m.f. (1890-1905), Vic, CEIBA Ed., coll : documentos de la Colonizacion, n°8, 2002. Curso de litertura oral africana, lecturas comentadas de literatura oral de Guinea y del Africa negra, Vic, CEIBA Ed., 2005.
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] ISBN : 978-2-343-04234-3 EAN : 9782343042343
Un grand merci à Samuel Denantes, un des chercheurs de notre association, qui m’a aidé à la mise en page des cartes et des tableaux de cette étude.
Préface C'est un honneur pour l'association France-Guinée Équatoriale de publier cette étude rédigée par le professeur Jacint Creus Boixaderas. Ce grand spécialiste de la culture équato-guinéenne ne s'est pas contenté de ses connaissances, déjà prestigieuses, dans les domaines littéraires et anthropologiques, il s'est aussi penché sur l'histoire de la Guinée Équatoriale. Afin de le faire dans l'excellence, il a relevé un défi que peu de personnes osent relever, celui de préparer cette étude dans un autre pays et dans une autre langue que la sienne : il a rédigé sa deuxième thèse doctorale en français, et il l'a soutenue en France, à l'université Paris VII « Denis Diderot » en 1998, sous la direction du professeur Françoise Raison. Ce travail est peu connu en France et en Guinée : il n'a jamais été publié. Il s’agit du résultat d’une recherche minutieuse et très riche et qui reste donc à découvrir. Seul un article de position de thèse a permis d'en donner un peu la saveur à ceux qui, comme nous à l'association, sommes à la recherche de tout ce qui concerne la Guinée Équatoriale. Cet article est d'ailleurs en libre consultation sur le site internet de notre association. C’est donc pour nous une grande joie de pouvoir mettre à la disposition de ceux que l’histoire de ce pays intéresse, un texte de grande qualité. Cette étude très complète, permet de comprendre comment, via les missionnaires, la colonisation espagnole a pu s'installer durablement en Guinée. On y découvre les stratégies territoriales hautement politiques qui ont permis à l'Espagne, malgré son manque de moyens financiers et humains, de sauver partiellement les terres qu'elle avait à sa disposition en Afrique. En effet, le traité de San Ildefonso en 1777, puis celui du Pardo en 1778, conclus avec la couronne portugaise, sont l’occasion d’échanges de territoires entre ces deux nations ibériques. Contre des terres américaines, l’Espagne parvient à mettre un pied en Afrique centrale. Elle obtient une zone insulaire dans le golfe de Guinée, ainsi que l'autorisation de s’implanter sur une large zone de la côte continentale africaine, englobant le Cameroun et le Gabon actuels. Toutefois, faute de réussir à s'installer durablement sur ces nouvelles terres, les Espagnols ne pourront développer, comme ils le souhaitaient, un rôle important dans le trafic négrier. Leur espoir de se libérer du poids financier que représente alors l’Asiento, auxquels ils étaient soumis jusque là, s’évanouit alors et avec lui des opportunités de relance économique. L’Espagne étant en décroissance, et les avidités européennes du XIXe siècle au contraire en pleine croissance, ce territoire initial va se retrouver fortement amputé à la fin du XIXe siècle. Cette érosion territoriale se verra à peu près endiguée au début du XXe siècle. Cette victoire diplomatique partielle a été possible certes grâce aux diplomates et aux colons, mais surtout grâce au rôle tenu sur place par les missionnaires. C’est en effet grâce aux différents ordres religieux espagnols qui se succèdent à partir de la moitié du XIXe siècle, que le souverain ibérique parviendra
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progressivement à reprendre la main sur une partie de ces terres. Leur influence auprès des populations locales va être déterminante pour sauver la dernière des colonies espagnoles qui hérite de ce fait du nom de Guinée espagnole. Le travail de Jacint Creus s’achève en 1910, une fois que les avidités territoriales françaises et allemandes ne représentent plus une menace pour le territoire de cette nouvelle colonie. C’est aussi pendant toute cette période que le modèle « idéal » de colonisation et d’évangélisation se met progressivement en place. L’action des missionnaires, dans ce contexte particulier, méritait bien une thèse, et nous pouvons en remercier Jacint Creus : il s’est attaqué à ce travail difficile qui a supposé de nombreuses recherches archivistiques et des contacts privilégiés avec les ordres missionnaires et en particulier celui des clarétains, pour nous en faire bénéficier.
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Introduction générale Venerunt mihi omnia bona pariter cum illa (Sap., VII, 11) « Seigneur Jésus-Christ, seul Sauveur de l’espèce humaine, dont les domaines s’étendent déjà d’une mer à l’autre et du fleuve jusqu’aux confins de la sphère terrestre : veuillez ouvrir votre Sacro-saint Cœur aux âmes misérables de l'intérieur d’Afrique, qui se trouvent encore dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort ; afin que, moyennant l’intercession de la Sainte Vierge, votre Mère Immaculée, et de son glorieux Époux Saint Joseph, les éthiopiens renoncent à leurs idoles et se prosternent devant votre divine soumission, et se rattachent à votre Sainte Église. Vous, Seigneur, qui vivez et régnez pour les siècles des siècles. Amen. »1 En 1993, j’ai soutenu à l’université de Barcelone une thèse de doctorat intitulée « El cicle de les rondalles de Ndjambu en el context de la literatura oral dels ndowe »2. Cette étude est le résultat d’une importante collecte sur le terrain où j’ai vécu de 1985 à 1987 et l’issue d’une analyse de plusieurs années sur les différentes cultures guinéennes. Ce travail, que j’ai effectué en Guinée, m’a permis de présenter un ensemble narratif à la fois riche et charmant et de parvenir à un résultat qui continue à me plaire. Ce fut aussi une étape qui m’a rendu possible l'intériorisation et l'expression de conclusions d’une portée plus générale, dont je présente ici rapidement les points principaux : La littérature orale de toute culture évolue de manière ininterrompue. Ceci est une constatation indubitable, présente dans tous les recueils que j’ai publié, autant individuels que collectifs3 : les récits oraux sont amenés à changer du fait des rapports et échanges qui s’établissent entre les diverses sociétés ; ces modifications se matérialisent, entre autres, au moyen de phénomènes (littéraires) de convergence, de localisation, d’individualisation, de généralisation, de permutabilité des fonctions et des séquences... 1
« Señor mío, Jesucristo, único Salvador del género humano, cuyos dominios se extienden ya de mar a mar y desde el río hasta los términos del Orbe de la tierra : abrid igualmente propicio vuestro Sacratísimo Corazón a las desdichadísimas almas del interior de África, que todavía se hallan de asiento en las tinieblas y en las sombras de la muerte ; a fin de que, por la intercesión de la Purísima Virgen María, vuestra Inmaculada Madre, y de su gloriosísimo Esposo San José, renunciando los ídolos, se postren los etíopes ante vuestro divino acatamiento, y sean agregados a vuestra Santa Iglesia. Que vivís y reinais, Señor, por los siglos de los siglos. Amén » : « Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María », volume 1, novembre 1885 - juin 1886, p. 322. 2 « Le cycle des contes Ndjambou dans le contexte de la littérature orale des Ndowe » : Creus, 1994b, 1997. 3 Creus, 1989, 1991 ; Creus & Brunat, 1991, 1992 ; Creus, Brunat & Carulla, 1992.
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Un des aspects de la littérature sur lequel je me suis aussi interrogé dans mon travail concerne un autre type de phénomène : la littérature orale peutelle servir de foyer, de résistance collective face à l’acculturation? J’ai, donc, analysé le cycle narratif des Ndowe comme une création moderne recherchant la réaffirmation des valeurs de l’organisation familiale « traditionnelle »4, laquelle fait face à l’imposition culturelle occidentale dirigée, entre autres, autant ici que dans toute la Guinée, par les missionnaires clarétains5. Pendant un séjour de recherche dans la curie générale des clarétains à Rome, un des missionnaires m’a affirmé que « la catholicité est comprise maintenant comme un ensemble de personnes différentes qui s’aiment, mais à l’époque on la voyait plutôt comme une uniformité nécessaire : “ Si nous disons Dominus vobiscum ici, il faut qu’en Chine on dise aussi Dominus vobiscum ” ; et c’est pourquoi les missionnaires souhaitaient habiller les Noirs comme les paysans de la plaine de Vic ». Cependant, le supérieur général m’a assuré : « Nous apprécions votre travail à vous, historiens qui mettez à jour et nous permettez d’apprécier vraiment l'héroïsme de tous nos missionnaires » ; un ancien archiviste général m’a également dit avec sagesse : « Si nous ne sommes pas capables de clarifier la “ philosophie ” de l’évangélisation-colonisation qui était autrefois en vigueur, nous serons incapables de comprendre tout ce qui s’en est ensuivi, de sorte que nous deviendrons profondément injustes vis à vis de tous ces clarétains qui, bien qu’Espagnols, n’auraient pas mis leur vie en péril, pour le seul fait d’apprendre l’espagnol aux Noirs... Il y avait là un vrai désir d'évangélisation... Cependant ils ne pouvaient non plus ni agir ni penser comme nous ». Une appréciation juste que j'espère avoir respectée. Pourtant, « ces clarétains » introduisaient, dans leurs publications, des déclarations telles que celle qui suit, portant sur l'érection d’une statue de Giordano Bruno au milieu du populaire Campo dei Fiori de la capitale romaine qui n’était, d’après eux, que « l’apothéose répulsive et sacrilège d’un des monstres les plus affreux que l’Histoire a rapportés comme effort suprême de l’impiété »6. Une attitude qui reflétait la position officielle de 4 Tout au long de ce travail, je désignerai sous l’appellatif de « traditionnels » les idées, les attitudes, les comportements copartagés par les membres d’une société ; ceux qu’ils considèrent appartenant à leur histoire et que celle-ci justifie à un certain moment ; et auxquels on reconnaît une persistance sociale, bien que certains membres de cette société ne les suivent pas. Il ne s’agit donc pas d’une persévérance historique, mais d’une conviction par rapport à un ensemble de traits culturels, recueillis partiellement dans la littérature ethnographique (San Román, 1994). 5 Congrégation des Fils du Cœur Immaculé de Marie (CMF), fondée en 1841 par le Catalan Saint Antoni Mª Claret. 6 « la repugnante y sacrílega apoteosis de uno de los monstruos más abominables que recuerda la Historia, esfuerzo supremo de la impiedad » : Protesta del Episcopado español contra la apoteosis de la impiedad realizada en Roma con motivo de la erección de una estatua a Giordano Bruno. In : « Anales de la Congregación », volume 1, 1889, p. 345.
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l’Église espagnole de l’époque et qui marque les trois tendances dominantes régissant alors son fonctionnement - l’espagnolisme, l'intégrisme et l’ultramontanisme7- et qu’il faudra prendre en considération pour examiner le processus de substitution culturelle effectué par ces missionnaires en Guinée. Car ils ne limitèrent pas leur action à une simple intervention d’ordre culturel. Les circonstances au cours desquelles se déroula la colonisation de ce pays amenèrent les missionnaires à jouer un rôle décisif dans l’intensification de l’acculturation des sociétés guinéennes, et ceci dans tous les domaines du processus de colonisation. Ce qui n'entrave pas l’affirmation, très mesurée, de l’ancien archiviste, mon ami. Afin de comprendre leur action, j’ai commencé par lire leur bibliographie, relativement riche, compte tenu des limitations de la documentation existante pour la Guinée, et qui présente quelques caractéristiques étonnantes : il y a, par exemple, des commentaires à faire sur les détails les plus « candides » des récits, la naïveté des interprétations, l’impuissance conceptuelle à considérer la possibilité d’une erreur, la confiance absolue en la bonté de leurs propres actions, la recherche de l’édification morale... Caractéristiques que nous pouvons tout aussi bien retrouver dans la plus grande partie de la bibliographie coloniale, et notamment dans celle que publia, pendant l’époque franquiste, l’« Instituto de Estudios Africanos », un organisme subordonné au « Consejo Superior de Investigaciones Científicas ». À l’issu de ma première thèse de doctorat, je décidai d’approfondir mes connaissances sur l’action initiale des clarétains en Guinée. Dès lors, j’ai trouvé, chez les clarétains actuels, toute l’aide qui m’était nécessaire : j’ai pu entrer dans leurs Maisons et partager leur vie quotidienne ; j’ai pu consulter leurs archives (en principe, de caractère privé) sans la moindre censure ; j’y ai rencontré des amis cultivés, voire savants, qui m’ont donné de sages conseils, de bons connaisseurs des missions guinéennes... Et aussi, naturellement, de grands ignorants de l’Histoire de leur propre congrégation. Comme je devrai l’expliquer plus loin, j’ai dû compléter mes recherches, visiter d’autres archives et consulter une bibliographie bien plus large. J’ai également reçu des conseils pour l’orientation de mon travail de professeurs d’universités, parmi lesquels je n’oublierai pas Mme Françoise Raison, de l’Université de Paris VII, qui a accepté de me diriger pour cette deuxième thèse et à qui je dois toute sorte de conseils et de facilités ; tout comme Mr. Ferran Iniesta, de l’université de Barcelone, qui a dirigé ma première thèse ;
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Bonet, Joan & Martí, Casimir, 1990 ; Pladevall, Antoni, 1989 ; Puigbert i Busquets, Joan, 1994 ; Ramisa, Maties, 1985.
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et encore Mme. Stefania Nanni, de l’université de la Sapienza, qui m’a guidé dans le labyrinthe archivistique de Rome. Je crois enfin être en mesure de délimiter une époque, une période de l’action initiale des clarétains en Guinée qui me parait décisive : celle qui s’étend de 1883 jusqu’à la fin du 19e siècle. Or, l’action clarétaine ne fut pas le premier essai d’évangélisation de la Guinée assumé par des missionnaires catholiques espagnols : il y eut, à la suite des tentatives entreprises isolément par des prêtres diocésains, un essai plus important, mené par les jésuites, qui dura de 1858 jusqu’en 1872 et qui se termina par un échec total. Les jésuites laissèrent en Guinée un vide que rempliraient, onze ans plus tard, les missionnaires du nouvel Institut. Le 13 novembre 1883, arriva à la capitale de l’île de Fernando Póo, l’actuelle Bioko de la Guinée Équatoriale, la première expédition des missionnaires clarétains. Après les échecs des expériences antérieures, les religieux de cet Institut devinrent les protagonistes d’une très importante action évangélisatrice et culturelle, qui porta ce petit pays africain à sa complète christianisation, tout au moins du point de vue officiel. L’objectif proposé par cette thèse consiste à étudier la première phase de l’activité de ces missionnaires (lorsqu’ils établirent les fondements de leur action) à partir de leurs écrits. Une action qui, pour ce qui est de ses manifestations extérieures, développa une implantation et une expansion sur tout le territoire reconnu internationalement comme appartenant à l’Espagne (les îles atlantiques de Fernando Póo et d’Annobón ; la région continentale environnant le cap de San Juan ; les îlots de Corisco, et du grand et du petit Elobey, dans l’estuaire du fleuve Muni) :
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Bien que cette expansion des missions se poursuivit jusqu’à la délimitation et occupation définitives de la colonie (1926), nous pouvons la considérer décidée et définie, sur un plan général, vers la fin du siècle. Quant aux traits essentiels de son fonctionnement interne, fixés assurément à la même époque, ils se présentent comme l’implantation d’un nouveau modèle missionnaire, bien plus efficace que celui des jésuites, à la fois opposé et complémentaire du modèle suivi, onze ans auparavant, par les membres de la Compagnie de Jésus. Il existe, donc, un changement quantitatif et qualitatif par rapport à l’époque de 1858-1872 que je souhaite souligner et étudier. En principe, donc, le travail devrait se limiter à la période comprise entre 1883-1900. Mais encore faudrait-il ajouter que, étant donné la faible présence administrative de l’État espagnol en dehors de la capitale (Santa Isabel, l’actuelle Malabo ; qui était à l’époque un petit village), avant 1910, l’action missionnaire de la première décennie de notre siècle atteindra une certaine importance, ce qui vient à l’appui de mes observations et analyses concernant la période centrale ou décisive. Des épisodes postérieurs et même antérieurs à l’époque 1883-1910 faciliteront la compréhension du cadre historique où eut lieu l’expérience clarétaine, compte tenu de l’importance de l’action menée à bien par les missionnaires jésuites, malgré l’insuffisance de la documentation dont on dispose à ce sujet :
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Période (1858-1872)
initiale Période (1883-1900)
décisive Période de continuation (19001910) * Initiation de l'action * Implantation d'un * poursuite de d'évangélisation nouveau modèle par l'action clarétaine et * échec du modèle les clarétains de son expansion missionnaire des * Expansion de la territoriale jésuites mission La première phase de l’action missionnaire des clarétains en Guinée Équatoriale peut être considérée comme une sorte de « cas de laboratoire », une période expérimentale. L’idéologie des missionnaires, leur pensée, leur conception de la tâche à développer, n’étaient en rien différentes de celles des autres Instituts missionnaires catholiques de l’époque. En revanche, elles étaient nettement différenciées par certaines caractéristiques. Ainsi, par exemple, le caractère de « Mission d’État » (maintien à charge de l’État), qualité distinctive de la mission clarétaine, instituée par le gouvernement espagnol, qui les finança tout au long de cette période ; ou, encore, l'étendue limitée des territoires à évangéliser, contrastant très vivement avec les immenses aires confiées par le Saint-Siège à d’autres congrégations qui régentaient des préfectures ou des vicariats apostoliques dans l’Afrique noire ; ou, enfin, les nombreux effectifs destinés par la congrégation à son aventure guinéenne. En outre, les clarétains jouissaient d’une liberté d’action considérable : ainsi que j’ai remarqué plus haut, la présence administrative espagnole ne fut significative, avant 1910, qu’à la capitale de la colonie (tout comme à l’îlot du Petit Elobey, 0,19 km2, siège d’un sous-gouvernement colonial établi dans le but de surveiller l’estuaire de la Muni). Là, la tâche missionnaire se trouvait conditionnée par les exigences d’un comportement commun et d’une complicité indispensable vis-à-vis des autorités, source de conflits divers : mésententes et antagonismes juridictionnels, contestations fondées sur des attitudes personnelles et sur des positions en désaccord avec la méthode de colonisation et le modèle de collaboration à adopter entre l’Église et l’État. Cependant, au-delà de Santa Isabel, la supervision administrative fut presque inexistante. Les missionnaires, sans la présence de l’administration mais sous sa protection, devenus pionniers et bâtisseurs de la colonisation, organisèrent leur propre modèle, qui cherchait à remplacer l’organisation traditionnelle indigène et qui se fondait sur une idéologie ultramontaine soutenant la soumission et l’assujétissement de tous les aspects de cette « nouvelle société » aux croyances religieuses et aux principes moraux dictés par les missionnaires. La domination de chaque mission, dans ces endroits à peine colonisés, comporta la fondation de « villages catholiques », bâtis à
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côté de la mission, sous la maîtrise et le contrôle de chaque Supérieur religieux. Quoi qu’il en soit, l’action missionnaire possible en Guinée ne ressemblait en rien à de celle que les autorités religieuses pouvaient appliquer dans la métropole, où la séparation des pouvoirs sociaux et la laïcisation de la société prenaient progressivement forme. Je vais essayer d’expliquer cette procédure tout au long de mon travail. Pour l’instant je me suis intéressé à souligner que mon objectif consiste à établir une comparaison vis à vis de la situation antérieure, soit celle de l’action des jésuites ; et, encore, que je souhaite expliquer l’ensemble du processus à partir des écrits des missionnaires, dont la bibliographie figure dans l’annexe numéro 28. Je tiens cependant à remarquer que, conséquemment à mon choix méthodologique, j’ai privilégié la documentation provenant des publications clarétaines et des archives que j’ai consultés : * Publications périodiques Héritiers et légataires d’une importante tradition propagandiste initiée par leur fondateur, les clarétains dirigèrent la publication de quelques revues durant la période comprise entre 1883-1900. Les publications clarétaines n’étaient pas exclusivement destinées à refléter la mission guinéenne, mais sa présence sous forme de renseignements de toutes sortes fut constante. De plus, les missionnaires clarétains de la Guinée eurent une faible collaboration dans des revues et publications périodiques externes ; c’est plutôt, d’une manière générale, dans les revues de la congrégation que figurent la plupart des informations. Au cours de cette période, les clarétains tinrent, de façon simultanée, deux sortes de publications périodiques : l’une de régime interne, ne visant que les membres de la congrégation ; l’autre de régime externe, employée comme moyen de propagande de toute l’action clarétaine, adressée aux lecteurs catholiques, aux sympathisants de l’Institut et aux collaborateurs laïques : • La publication de régime interne s’initia, en 1885, avec l’édition d’un bulletin nommé « Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María », paru, depuis 1889, sous le titre « Anales de la Congregación ». Bimensuel, il était directement rédigé par la direction de la congrégation (« curie générale ») ; et c’est là que l’on publiait, en de nombreux cas, soit de très courts articles, soit, le plus souvent, 8
La bibliographie et les autres documents réunis dans les annexes de l’original de cette thèse n’ont pu être ajoutés à la fin des deux tomes que nous publions ici. Toutefois, les notes de bas de page sont suffisament riches pour pallier à cette lacune.
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des passages de lettres adressées par les missionnaires en poste en Guinée (notamment les supérieurs des missions et, le plus souvent, par le préfet apostolique) aux membres de la curie. Sa qualité de publication interne entrainait des contenus spécifiques : toute sorte de normes internes de la congrégation, de dispositions du supérieur général, de documents pontificaux, de rescrits du Saint-Siège, d’orientations et de prescriptions de la congrégation de la Propaganda Fide et des ordres et instructions du gouvernement espagnol s’appliquant à la mission guinéenne, à l’ensemble des missions, à la vie religieuse ou à la société coloniale. Les écrits des missionnaires parus dans ladite revue, du fait de leur caractère réservé, présentent une certaine empreinte de franchise et spontanéité, qui deviennent plus notoires lorsqu’il s’agit de mettre en cause l’action de personnes externes à la congrégation. Conservé en reliures semestrielles, annuelles ou bisannuelles, on y publiait, bien que de manière irrégulière, le « catalogus domuum et personarun » (liste des fondations et des personnes appartenant à la congrégation, parfois avec la destination des prêtres et des coadjuteurs), qui pouvait tout aussi bien paraître comme une publication indépendante. La publication du bulletin de régime interne exerçait tout de même une fonction de contrôle des missionnaires : « Ce bulletin insérera les nouvelles pouvant convenir à nos missionnaires, afin qu’ils ne doivent plus s’abonner à des journaux ou publications périodiques, qu’ils ne pourront lire sans notre permission et consentement explicites »9. L’axe organisationnel de la congrégation se basait sur une hiérarchisation rigide ; si bien que le supérieur général mettait l’accent, avec une certaine périodicité, sur le régime strictement interne de la publication : « Étant donné l'interprétation inexacte faite par certains qui se sont attribués la faculté de distribuer quelques exemplaires de notre BULLETIN aux bienfaiteurs ou amis, nous nous croyons dans le devoir d’enjoindre aux supérieurs des maisons de demander le conseil et le consentement du gouvernement général de notre congrégation avant sa distribution »10. Souvent, on y publiait aussi les normes de rédaction exigibles pour la publication des écrits. Soulignant alors l’importance de ceux qui provenaient des missions d’Outre-Mer, lesquels « contribuent de grande manière au prestige et à l’intérêt de la revue ». Et 9
« En este boletín se insertarán las noticias que puedan convenir a nuestros misioneros, y así no habrá necesidad de suscribirse a diarios o periódicos, los cuales no deberán ni podrán leerse sin nuestro expreso permiso y aprobación » : Josep Xifré (Supérieur Général), lettre circulaire. In : Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 1, novembre 1885-juin 1886, p. 3-4. 10 « Atendida la mala interpretación que de parte de alguno se ha dado a la facultad de distribuir algún número de nuestro BOLETÍN a los bienhechores o amigos, nos creemos en el caso de avisar a los respectivos Superiores de pedir consejo y aprobación, antes de efectuarlo, al Gobierno general de nuestra misma Congregación » : Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 2, juillet-décembre 1886, p. 49. Malgré tout, on peut remarquer que la répétition insistante de l’interdiction démontre son échec constant.
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encore : « Il est extrêmement important que les écrits qu’on nous envoie référents aux missions nous parviennent très réduits et en bonne et due forme. Ils doivent consigner les événements les plus notables survenus soit en matière de conversions, soit en résultats parmi les peuples, soit en décrivant quelque souvenir ou monument historique, données géographiques, etc. etc. En un mot, il s’agit de tenter, dans la concision, d’atteindre une sorte de nouveauté »11. Toutes les collaborations devaient suivre un genre réglementaire : « Si vous êtes envoyés dans des pays lointains et, au cours de votre voyage, ou bien une fois parvenus à votre nouveau destin, vous avez été témoin de quelque fait notable et digne d’être rapporté, faites-le au moment voulu, et ceci avec le consentement préalable de votre supérieur. N’y faites pas participer des particuliers ou des communautés quelconques ; adressezvous, soit aux pères supérieurs soit au père supérieur des ‘ ANALES ’, afin que [ceux-ci] puissent être connus de toute la Congrégation »12. En conséquence, et afin de mieux évaluer les écrits publiés par les clarétains dans leurs revues, il faut prendre en considération la surveillance successive des différents supérieurs ainsi que les phénomènes de censure et d’autocensure exercés dans cette situation… J’ai pu consulter tous les bulletins de la période étudiée dans la thèse, et les listes de la congrégation des années 1883, 1884, 1885, 1886, 1887, 1889, 1890, 1892, 1895, 1898, 1900, 1903, 1905, 1907, 1908 et 1909. • Pour ce qui est de la publication de régime externe, son édition débuta en 1889. Il s’agissait, également, d’un bimensuel, appelé tout d’abord « Boletín del Corazón de María »13, depuis 1890 « El Inmaculado Corazón de María », dès 1892 « El Iris de Paz, o sea El Inmaculado Corazón de María », et enfin, depuis 1897, « El Iris de Paz ». En 1906, il devint un hebdomadaire. Il ne contient guère de renseignements sur la vie interne de la congrégation, mais plutôt sur son action externe : il y a aussi des articles et 11 « Contribuirán por este medio a dar realce e interés a la revista » ; « Los escritos que nos remiten referentes a Misiones importa mucho que vengan muy compendiados y correctos, y que se procure consignar los incidentes más notables que hayan tenido lugar, ora en materia de conversiones, ora en el fruto y correspondencia de los pueblos, ora describiendo brevemente algún recuerdo o monumento histórico, intercalando algún dato geográfico, etc., etc. En una palabra : procurando siempre que, dentro de la concisión, abarquen algún género de novedad » : Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 3, 1891-1892, p. 126-127. 12 « Si fuerais enviados a países lejanos, y durante el viaje o en el nuevo destino os hubieren ocurrido casos notables y dignos de ser referidos, hacedlo en hora buena, previo permiso del Superior respectivo, pero no a individuos particulares cualesquiera o a colectividades, sino a los Padres Superiores o al Padre Director de los ANALES, para que así puedan ser conocidos de toda la Congregación » : Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 4, 1893-1894, p. 490. 13 Il s’agit d’une ancienne revue catholique de Bilbao, que les clarétains acquérirent.
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des lettres écrites par des missionnaires de la Guinée, comprenant des passages considérés par la congrégation comme « exemplaires », portant à la vertu, la piété et, parfois, la collaboration (y compris pécuniaire, étant donné que la revue était aussi un moyen d’entretien des Missions), grâce aux campagnes et à l’action missionnaire. À partir de 1897, elle est illustrée par un grand nombre de photographies et de gravures dont je m’en suis servi tout au long du travail. Lors de leur prise en charge de la direction de la revue, en 1889, les clarétains manifestaient des objectifs très généraux : « En termes clairs, sous forme de phrases simples, portant sur des sujets intelligibles et exemplaires, nous écrirons conformément à l’empreinte du sceau que l’Anneau du Pêcheur a donné à notre Congrégation ; nous écrirons toujours selon le caractère propre des Fils du Cœur Immaculé de Marie ; sans autre objectif ni désir que de rendre gloire à Dieu, de nous sanctifier nous-mêmes grâce à ce labeur, de sauver, s’il nous était possible, le monde entier, et, particulièrement, de répandre le culte du Cœur Immaculé de Marie, notre Mère très Aimante »14. Ils signalaient par ailleurs la collaboration régulière de « nos RR. PP. Missionnaires, ceux de la Péninsule ainsi que ceux des îles Canaries, de Fernando Póo, du Mexique, du Chili et d’autres »15. Cependant, le régime externe de la revue obligeait, « par prudence », à cacher des informations qui, en revanche, pouvaient paraître dans le bulletin interne : « Nous avons adressé cet écrit à Mr. le Ministre d’Outre-Mer ainsi que les remarques cijointes ; dont certaines, par prudence, n’ont pas été publiées dans ‘ El Iris de Paz ’ »16. Reliés en volumes annuels, j’ai pu les consulter tous. • Or, une source complémentaire d’information se trouve dans le bimensuel « La Guinea Española », fondé en Guinée par les missionnaires (après la période centrale de la thèse) en 1903, avec une interruption entre 1905 et 1907. Conçu comme une publication de caractère général, il ne
14 « En términos claros, en frase sencilla y materias inteligibles y edificantes escribiremos al tenor del sello que ha impreso a nuestra Congregación el Anillo del Pescador ; escribiremos siempre con el carácter peculiar de Hijos del Inmaculado Corazón de María ; sin más objetivo, ni otro anhelo que dar gloria a Dios, santificarnos con estas tareas, salvar, si pudiéramos, al mundo todo, y especialísimamente propagar el culto del Inmaculado Corazón de María, nuestra amantísima Madre » : Boletín del Corazón de María, 1889-1890, p. 498. 15 « Nuestros RR. PP. Misioneros, así los de la Península como los de Canarias, Fernando Póo, Golfo de Guinea, México, Chile y otros » : Ibidem. 16 « Este escrito fue dirigido al señor ministro de Ultramar con todas las observaciones que aquí se citan, algunas de las cuales, por prudencia, se omitieron al publicarlas en El Iris de Paz » : Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 4, 1893-1894, p. 105, à la suite d’un rapport sur la colonie (Observaciones sobre la isla de Fernando Póo y demás posesiones españolas del golfo de Guinea, p. 105-110).
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comprend que des articles, la plupart anonymes ou bien signés sous un pseudonyme. S’agissant d’une revue créée et rédigée en Guinée, les lignes directrices étaient toujours précisées par la curie générale : « [...] 3e [Aucun concept non conforme à la morale, la saine doctrine ou aux bonnes manières ne pourra paraître dans la revue. 4e Notre publication ne reflétera pas de doctrines, d’inclinations ou d’insinuations contraires à l’Autorité ou à ses décisions. [...] 6e â vous reviendra la tâche de réviser tous les numéros avant qu’ils soient publiés. En vos absences ou à défaut, ce sera au R. P. Juanola de s’en charger. Mais autant l’un que l’autre pourez déléguer cette tâche au R. P. Missionnaire que vous voudrez à bien choisir »17. Des lignes directrices s’adjoignaient à la liste et l’explication des sections que la revue se devait de contenir. Le sous-directeur de la congrégation affirmait, quand même, que la parution de « La Guinea Española » « provoqua dans mon esprit une satisfaction seulement comparable à l’amour que j’éprouve pour ces Missions »18. • Quant aux publications non clarétaines, seules méritent d’être soulignées les revues catholiques « La Controversia », éditée à Madrid, et « Las Misiones Católicas », publiée à Barcelone comme l’interprète en Espagne de la Propaganda Fide. Deux publications contenant des renseignements épars sur la mission clarétaine, tirés de « El Iris de Paz » ou des « Anales de la Congregación ». • Il est important de souligner, enfin, que nous pouvons trouver, dans le « Boletín de la Sociedad Geográfica de Madrid », des informations sur la mission clarétaine en Guinée Équatoriale, se rapportant à son activité exploratrice et agricole.
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« [...] 3ª Nunca aparecerá en ella concepto alguno poco conforme con la moral, la sana doctrina o la buena educación. 4ª No se reflejarán en nuestra publicación doctrinas, tendencias o insinuaciones contrarias a la Autoridad o a sus disposiciones. [...] 6ª Correrá a cargo de V. Rma. el examinar todos los números antes de que vean la luz pública. En sus ausencias o defecto deberá hacerlo el Rdo. P. Juanola . Uno y otro, sin embargo, podrán delegar esta comisión al Rdo. P. Misionero que bien les pareciere » : Lettre du P. Martí Alsina (sous-directeur de la congrégation) au P. Ermengol Coll (Préfet Apostolique) de 26 septembre 1903, APG.CMF - Madrid, document sans catalogage. 18 « Produjera en mi ánimo una satisfacción sólo comparable al amor que a estas Misiones profeso » : Ibidem.
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• C’est à la bibliothèque des archives claretaines de Vic (Barcelone) où j’ai pu consulter la plupart des publications religieuses et missionnaires. * Archives : Le but de la thèse étant d’étudier la première phase de l’action des clarétains en Guinée Équatoriale « à partir de leurs écrits », la partie fondamentale de mon travail de recherche a dû se développer dans des archives missionnaires et civiles. À l’époque, chaque maison clarétaine était obligée de tenir plusieurs livres : un de recettes et dépenses, un autre réservé aux annotations du supérieur, un autre enfin contenant les biographies des religieux décédés dans la maison... Il y en avait encore d’autres (en fait, des diaires) dans les centres des missionnaires ; ceux-ci mettaient l’accent en particulier sur « un livre rapportant l’histoire de la fondation de chaque maison ou résidence ; les circonstances et objectifs de la dite fondation ; les accords et pactes souscrits pour son accomplissement, et avec qui ces accords ont été engagés ; les individus qui l’avaient d’abord occupée, leur provenance, les noms complets de leurs parents, leurs fonctions dans la communauté, les changements personnels qu’il y avait eu depuis lors, leurs motifs, la provenance des individus, ainsi que leurs nouvelles destinations, dans la mesure du possible »19. En bref, une chronique ou un journal de chaque maison. La réalisation de ces mots d’ordre fut hétérogène, relevant de chaque maison et de chaque supérieur. J’ai entrepris ma recherche notamment dans deux archives clarétaines où, tout au long des années, les livres de plusieurs maisons ont été assemblés : • Les Archives Générales de la Congrégation (AG.CMF) : repérées à Rome, il s’agit des archives de la curie générale clarétaine. De caractère privé, d’un ordre relatif, ces documents ne sont ni classés ni catalogués, bien que possédant un ordre déterminé. Les archivistes généraux de la
19 « Un libro en el cual se consigne la historia de la fundación de cada Casa o Residencia ; las circunstancias y móviles de su fundación, convenio o pacto que se hizo para realizarse, y con quiénes se verificó ; los sujetos que primeramente la ocuparon, la naturaleza, los nombres y apellidos de padre y madre, especificando los cargos que ejercían en la Comunidad ; los cambios personales que desde entonces han tenido lugar, los motivos que los ocasionaron, de dónde procedieron los que la han venido ocupando y adónde fueron destinados, si es que puede saberse » : Josep Xifré, lettre circulaire. In : Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 2, 1890, p. 562-563. Citée aussi au commencement de Historia de la Casa-Misión de Annobón, APG.CMF, document sans catalogage.
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congrégation, PP. Jaume Sidera et Pedro García, m’ont facilité la possibilité d’accès sans aucun genre de restriction. Les Archives Générales se divisent en une partie générale et une partie personnelle, subdivisées, successivement, en sections, séries, boîtes et cartons. Dans la partie générale, les documents se rapportant à la mission guinéenne occupent principalement les séries N et P de la section F. Nous pouvons y trouver, notamment, les écrits de la curie missionnaire de la Guinée : des papiers administratifs, des accréditations des propriétés clarétaines, des articles et passages écrits à l’intention d’être publiés dans « El Iris de Paz » et les « Anales de la Congregación », des chroniques et journaux ou mémoires de chaque mission, et, très particulièrement, une correspondance abondante adressée par les supérieurs de tous les centres missionnaires, et spécialement par les préfets apostoliques, aux membres de la curie générale et à d’autres destinataires. La transcription de toute la correspondance conservée dans la partie générale des archives, appartenant à la période 1883-1900, a été, tout spécialement, un des travaux préliminaires de ma thèse. Dans la section G de la partie personnelle des archives, se trouvent les dossiers de presque tous les clarétains décédés et, par conséquent, de la plupart des missionnaires affectés en Guinée au cours de la période étudiée. Bien que le contenu des dossiers soit inégal, nous pouvons cependant y trouver la documentation requise pour être admis dans la congrégation : les extraits des actes de baptême et de confirmation, des attestations de bonne conduite délivrées par les abbés des villages d’origine, des attestations académiques... Encore que plus rarement, on y trouve aussi les éléments les plus significatifs de la vie religieuse de chaque missionnaire (acceptation dans la congrégation, profession religieuse, ordination sacerdotale...). Parfois, même les destinations principales, ou la correspondance personnelle adressée à la curie générale. Dans le cas des clarétains qui quittèrent la congrégation, il existe aussi quelques renseignements sur leur procès canonique, quoique rédigés de façon peu explicite. • Les Archives Provinciales de la Guinée (APG.CMF) : Il s’agirait plutôt d’un dépôt de documents appartenant à la province clarétaine de la Guinée conservé (sans ordre, classement ni catalogage) dans deux sièges : celui de Malabo et celui de Madrid (APG.CMF - Madrid). Documentation intéressante, d’un contenu semblable à la partie générale des archives de Rome, elle est composée en outre des documents administratifs, des livres des actes des visites des préfets apostoliques aux différentes maisons clarétaines, ainsi que d’une partie de la correspondance provenant des supérieurs généraux.
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Je tiens encore à souligner 4 Archives dont la documentation sur la mission guinéenne, bien que limitée, a été importante pour ma recherche : • Les Archives Historiques de la Congrégation de la Propaganda Fide (ASCPF), à Rome : les fonds manuscrits de la ‘Propagande’ se sont rassemblés pour la plupart dans des volumes reliés sous le titre « Scritture riferite nei Congressi » : il s’agit de recueils d’écrits faits parvenir à la Sacre Congrégation (lettres, demandes, rapports, supplications... adressés au cardinal), dont on rendait compte pendant les congrès ou réunions du cardinal-préfet avec les officiers de la ‘Propagande’. Pour les questions de la préfecture apostolique de Fernando Póo, ces documents sont conservés en deux sections : jusqu’à 1860, en « Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza » ; à partir de 1864, en « Africa : Angola - Congo Senegal - Isole dell’Oceano Atlantico ». J’ai employé cette documentation, toujours numérotée en volumes et folios, pour suivre le commencement de la mission guinéenne (création de la préfecture apostolique, mission de Miguel Martínez Sanz, expérience des jésuites...) ; à partir de la mission clarétaine en Guinée, ce sont les archives de la Congrégation les plus riches. Ajoutons que les clarétains PP. Felipe Maroto et Ramon Genover ont fait un recueil de documents provenant de l’ASCPF : il s’agit d’un gros dactylographié (AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3, daté en 1928) contenant aussi bien des documents des « Scritture riferite nei Congressi » que des « Atti della Sacra Congregazione di Propaganda Fide » et des « Lettere e Decretti della Sacra Congregazione di Propaganda Fide », sans en citer jamais la référence exacte. Je ne l’ai utilisé que de manière complémentaire. • Les Archives Historiques de la compagnie de Jésus (ASCG), à Rome : pour la période jésuite de la mission guinéenne (1858-1872), nous pouvons trouver dans ces archives une petite collection de 25 lettres, la plupart adressées par le P. José Irisarri, préfet apostolique de la mission, aux supérieurs de la congrégation, formant un carton (Missio in Fernando Póo (Africa)) dans la boîte 1001 de la section « Provincia Castellana ». C’est aussi dans ces archives où j’ai eu accès aux catalogues annuels et les nécrologes de la congrégation, ce qui m’a permis d’identifier les missionnaires jésuites affectés en Guinée pendant cette période. • Les Archives Historiques de la congrégation des pères du Saint-Esprit (ACSSP), à Paris : Les missionnaires du Saint Esprit étant les voisins des clarétains (vicariat apostolique des Deux Guinées), ils arrivèrent à être aussi leurs concurrents sur l’estuaire de la Muni et la région continentale qui faisait partie d’un contesté territorial entre l’Espagne et la France, devenu contesté juridictionnel entre le vicariat des missionnaires français et la préfecture apostolique des missionnaires espagnols. Nous pouvons suivre
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cette affaire à partir des documents de la boîte 168 de la section Deux Guinées - Vicariats Apostoliques, divisée en 5 dossiers, qui contient des pièces d’archives d’affaires diverses (1870-1903). • L'Archivo de l’Administración General del Estado (AGA), à Alcalá de Henares (Madrid) : Étant donné que la mission guinéenne a toujours été une mission d’État, les rapports entre missionnaires et officiers du gouvernement étaient décisifs pour son développement. Les archives administratives d’Alcalá de Henares (dont la Section África-Guinea est encore soumise à la déclaration de « réservée » depuis l’indépendance de la Guinée Équatoriale en 1968) contiennent la plupart de la documentation provenant du gouvernement colonial de Santa Isabel. Bien que la plupart ne se réfèrent pas aux affaires de la mission, il s’agit de documents précieux pour comprendre la vie de la colonie à l’époque. D’autres archives utilisées de façon complémentaire : • Les Archives de la Maison Clarétaine de Las Palmas (ALP.CMF), auxCanaries. • L'Archivo Histórico Nacional (AHN), à Madrid. • L'Archivo Histórico Provincial de Las Palmas de Gran Canaria (AHPLP), aux Canaries. • L'Arquivo Histórico Ultramarino (AHU), à Lisbonne. • La Biblioteca del Congreso de los Diputados (BCD), à Madrid. • L'Institut Municipal d’Història de la Ciutat (IMHC), à Barcelone. Je n’ai utilisé ces dernières archives que de façon ponctuelle. J’en donnerai les références exactes dans chaque citation.
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Les débuts de la mission guinéenne Optio vobis datur, eligite hodie quod placeat, cui servire potissimum debeatis. (Js., XXIV, 15)
Le grand siècle des missions chrétiennes On tend à considérer l'année 1481 comme celle de la célébration de la première messe de l'ère moderne en territoire africain. Elle eut lieu à Elmina, en Côte d'Or, qui venait à peine d'être annexée au royaume du Portugal, et se rattachait - dans la mythologie missionnaire produite dès lors - à une Église africaine paléochrétienne qui avait même donné trois Papes au siège romain : Victor (189-199), Milciades (311-314) et Gelase (492-496). Treize ans plus tard, en 1494, le traité de Tordesillas octroyait au Portugal le droit exclusif de l'exploration et de l’évangélisation du continent noir, jusqu'alors pratiquement méconnu par les Européens. C'est pourquoi, jusqu'au XVIIe s. ce furent essentiellement des Portugais (ainsi que des Espagnols, lorsque le royaume lusitanien fut rattaché à l'Espagne impériale) et les missionnaires qui y accédèrent : des curés séculiers, des évangélistes de Saint Eloy, des franciscains, des dominicains, des capucins, des carmélites, des augustins, des jésuites... fondèrent des centres missionnaires tout le long de la côte africaine, à mesure qu'ils la découvraient et ceci coïncidant avec les fondations militaires et commerçantes occidentales. Le but de ces premières Missions consistait spécialement à donner un service religieux aux Européens qui s'y étaient établis. Les contacts avec les Africains étaient éphémères, et étaient présentés sous un aspect légendaire et héroïque : par exemple, lorsque la première expédition des missionnaires dominicains à Madagascar aboutit à une mort par « cannibalisme » supposé (1540) ; ou lorsque Jean III du Portugal annonçait au Pape Clément VII, Giulio de Medici, un an après la séparation de l'Église anglicane (1531), que le « Congo » « tout entier » s'était converti au catholicisme. La tâche missionnaire, centrée sur la création de petites églises et d'écoles, était marquée par l'irrégularité : conversions massives de « rois » et de « princes » africains et de tous leurs « sujets », désertions tout aussi massives, séjours missionnaires sans guère de continuité... Or, ce fut à cette époque que le Saint Siège décida la fondation des premiers évêchés. Le premier évêque nommé à un diocèse en terres d'Afrique subsaharienne fut le Portugais Diego Ortiz de Vilhegas (1534) pour le siège épiscopal de São Tomé. Plus tard verrait le jour le diocèse de Luanda (1596) ; et toute l'époque moderne serait le témoin de la création successive de Missions plus ou moins éphémères au Congo portugais,
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Angola, Golfe de Guinée, Madagascar, Mozambique, Ethiopie... avec une continuité directement en rapport avec celle des établissements européens correspondants. Dès le XVIIe siècle, aux missionnaires portugais s'ajoutèrent des Bretons, des Normands, des Andalous, des Italiens, et d'autres de diverses provenances. Et, évidemment, beaucoup d’entre eux étaient protestants : car lorsque la Réforme ouvrit les portes de l'Afrique aux marchands britanniques, hollandais et danois, parmi les plus connus, ceux-ci emmenèrent avec eux les Pasteurs de leurs Églises : tout comme les catholiques, ils s'établirent dans les forts et d’autres emplacements coloniaux ; et tout comme les catholiques, ils privilégièrent leur tâche « pastorale » (parmi les croyants) au détriment de la tâche « missionnaire » (parmi les « païens »). Autant les uns que les autres purent apporter leur témoignage sur l’indifférence des Églises chrétiennes à l'égard de la population africaine. Et tous fermèrent les yeux sur un commerce on ne se peut plus immoral, celui de la traite d'esclaves, principale activité d'un grand nombre de leurs paroissiens20. En fait, l'esclavage se justifiait par des mots tirés de l'Ancien Testament (Gn., IX, 20-27) ; et son maintien se légitimait à partir du Nouveau Testament (I Cor., VII, 17-23) et ceci pour des raisons « humanitaires » : sauver les Noirs de leur propre férocité. Catholicisme et Protestantisme se rejoignirent, des siècles durant, dans leurs carences missionnaires. Ils se rejoindront à nouveau dans un mouvement généralisé envers ces territoires, qui fera que le XIXe sera considéré comme le grand siècle des Missions chrétiennes en Afrique. Inutile de dire que ce mouvement fut, de manière suspecte, parallèle à l'avancement en connaissances « géographiques » et à l'expansion des États européens dans le continent noir. Du point de vue religieux, un tel mouvement d'évangélisation généralisé tirait ses racines d'un sentiment philanthropique et interventionniste ; et projetait sur l’Afrique des événements et des procès politiques, sociaux et religieux qui avaient lieu dans les différentes métropoles. L'engagement missionnaire se présenta comme une conséquence directe de l'abolition de la traite des esclaves : les peuples africains, étant perçus comme une mosaïque confuse de « tribus » sans culture, sans lois, sans religion, sans organisation, sans intérêt pour le travail, sans possibilités de développement, sauvages, non civilisés, principaux coupables de la traite21, 20
Renault & Daget, 1985 ; Quenum, 1993. « Sauf deux ou trois exceptions, l'intérieur de l'Afrique Équatoriale est livré à l'anarchie la plus complète. Il est divisé en une infinité de petites peuplades sans cesse en guerre les unes contre les autres, sous la conduite de leurs roitelets. Toute autorité forte y est inconnue. Cela est particulièrement vrai du Tanganyka : la richesse du sol y est grande, le nombre des 21
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les postulats philanthropiques de l'époque incitaient à une intervention de tendance « civilisatrice » - « sauver les Africains d'eux-mêmes » - orientée vers une adaptation des sociétés africaines à leur nouveau rôle - dépendant et accessoire - dans un concert international qui devait être présidé par les lois du marché. Une conception qui, au niveau religieux, recréait une multitude de préjugés autour des croyances indigènes : sacrifices humains, ordalies, extermination de jumeaux et de veuves, cultes sataniques, adoration de serpents et d'autres bêtes « perfides », magie noire... étaient considérés inhérents au « paganisme » ; et il s’ensuivait tout naturellement l'esclavage, l'achat d'épouses dans le cas du mariage traditionnel, la polygamie et une violence endémique. Dans l'esprit des premiers missionnaires cette image « vicieuse » des Africains se complétait par toute une série d’images de mœurs dissipées, que d'une manière générale on mettait sur le compte de l’influence des Européens : alcoolisme, concubinages de Noires avec des Blancs, etc. La fonction « rédemptrice » du christianisme devait donc agir sur deux aspects : l'opposition à la traite d'esclaves et de personnes sous toutes ses formes (commerce européen, commerce africain, servitude traditionnelle, dots de mariages...) et la substitution des pratiques « sauvages » par les « civilisées ». Deux aspects insérés dans la « conversion » au christianisme : le premier exposa les missionnaires à l'hostilité d'Européens et Africains intéressés à la continuité de la traite, tandis que le deuxième introduisit une conduite paternaliste qui, à grands traits, fut adoptée par les autorités coloniales et qui a duré, parfois, jusqu'à nos jours. Le point de départ tenait à un déséquilibre originel : le missionnaire représentait une entité « supérieure » et considérait l'Africain comme quelqu'un d'« inférieur ». Une position inégale qui déclenchait le processus « civilisateur », entrepris et exercé par le présumé « supérieur ». Dans ce processus, celui-ci devait offrir une affection et une protection dans l'application paternelle de l'autorité, et attendait de l'« inférieur », civilisé par son action providentielle et son sacrifice, une reconnaissance, un respect et une obéissance : une soumission filiale. En bref, l'évolution engagée consistait à ce que l'Africain, détenteur d'une culture particulariste et superstitieuse, inadéquate, s'approchât le plus possible d’une culture plus adéquate, logique, universelle et naturelle, soit : la chrétienne, l'européenne, seule convenable (vid. infra). La proposition missionnaire pouvait s'imposer d'une manière plus au moins violente, selon les circonstances : dans un premier temps, lorsque l'expansion européenne avançait encore timidement, le religieux devait faire habitants prodigieux, leurs divisions violentes et sanglantes, l'anarchie complète ». Charles Lavigerie, Instructions aux missionnaires de l'Afrique Équatoriale, 1879, chapitre VIII, Arch. Lavigerie B 17/113, cité par Renault, 1971 : 239).
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un effort d'approche des cultures autochtones, qui se concrétisait au moyen de la prédication en langues « locales », leur étude, la traduction de certains textes sacrés, et une attitude de tolérance résignée face aux « atrocités » et « supercheries » des Africains, considérés comme de « grands enfants ». Au fur et à mesure que l'occupation avançait, l'obstination devint objet de punition, dans le bien fondé que celle-ci était une obligation désagréable pour ce père aimant ; et la substitution culturelle, fruit de la « générosité » européenne, fut imposée à toute la population possible. Le missionnaire collabora autant dans l'une que dans l'autre : sa fonction, ainsi que celle du reste des éléments constitutifs du système colonial, agit sur la langue22, la religion, le système de croyances23... des sociétés africaines ; provoquant en elles une déstructuration ininterrompue dans l'organisation familiale et sociale, les orientant vers un changement du système productif, dernier objectif du processus « civilisateur ». L'intégration dans la société « supérieure », cependant, n'était effective que dans une position en marge, subordonnée, qui rendrait impossible le « développement ». Si tout cela peut s'affirmer d’un point de vue général, il n'est pas moins vrai que les conduites concrètes pouvaient différer. Cependant, à tout moment, les modèles proposés furent européens, et reflétaient maintes fois les frustrations sociales et politiques de diverses provenances : ainsi, le nord de l'Europe Occidentale, protestante et d'une économie libérale plus développée, envisagea des initiatives missionnaires dans le but d'obtenir la promotion économique du continent, en accord avec des idéaux progressistes en échec dans les pays d'origines24 : des aspects qui, autant l'un que l'autre, furent aussitôt « réorientés »25. En revanche l'Europe méridionale, catholique présenta à tout moment des projets univoques, tendant à la simple intégration sociale et culturelle. L'extraction sociale des missionnaires de l'une et l'autre confession était tout aussi différente26. Les objectifs des confessions chrétiennes finirent par s'accorder. Et les procédures se fondèrent sur des conduites antérieures : l'érection d'églises, la fondation d'écoles, et le travail « pastoral ». À mesure que le procès d'évangélisation avançait, y furent ajoutées de nouvelles ressources et la 22
Raison Jourde, 1977. Mallart, 1995. 24 Faure, 1978. 25 La perspective de l'abolition de l'esclavage et de la colonisation du territoire continental africain amena à considérer l'Afrique, de la part de certains secteurs progressistes du nord de l'Europe, comme un « nouveau monde » où pouvoir développer des expériences utopiques d'organisation sociale. Ces utopies (Curtin, 1964) partaient habituellement de la nécessité de construire « en partant de zéro » de nouvelles sociétés situées en Afrique mais structurées dès l’Europe. Elles ne dépassèrent jamais le stade théorique qui contribua, cependant, à répandre des idées philanthropiques concernant la colonisation imminente. 26 Raison-Jourde, 1974. 23
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conduite missionnaire se déplaça vers le travail proprement « missionnaire », avec une attention obsessionnelle pour la suppression des deux problèmes considérés comme décisifs : la polygamie et le culte des ancêtres. Conduite qui, curieusement, correspond à la conception qu'un grand nombre de sociétés africaines ont de la sorcellerie27. Suivant ce schéma, le travail missionnaire protestant s'engagea en Afrique, d'une manière importante, au moyen de la création des colonies de Sierra Leone (1787) et Liberia (1820). Constituées essentiellement par des esclaves affranchis provenant de la Grande Bretagne et des États Unis, la plupart déjà baptisés, et, en particulier, composées, au Sierra Leone, par des libérés provenant des vaisseaux négriers arraisonnés, la prolifération des Églises dans ces emplacements fut telle que ces territoires furent considérés comme « overchurched ». On recense, en Sierra Leone, l'action des anglicans (Church Missionary Society)28 et des méthodistes (Wesleyan Methodist Missionary Society)29 ; et, au Liberia, de la Mission Méthodiste Épiscopale et de la Mission Protestante Épiscopale, originaires toutes les deux des États Unis. Remarquez qu'il s'agit de sociétés dont la population présentait une composition spéciale, sans une cohésion préalable. De même, un grand nombre de leurs missionnaires étaient élus au moyen de critères spéciaux : la conviction que le climat avait une influence négative sur les blancs30, provoqua le fait qu'on recruta, à chaque fois que c'était possible, des missionnaires noirs provenant des métropoles ou des colonies antillaises (en particulier, la Jamaïque). Parmi les missionnaires blancs étaient recrutés de préférence ceux qui présentaient une expérience positive préalable parmi les populations noires et antillaises. 27
Mallart, 1995. Stock, 189. 29 Findlay & Holdsworth, 1922. 30 Les statistiques de morbidité missionnaire sont éloquentes ; cependant, l'interprétation de la mortalité était erronée, car la plupart des fois elle n'était pas produite par le climat mais par la fièvre paludienne. L'usage de la quinine ne se généralisa qu’à partir de 1866. En Espagne, ce ne fut que lorsque le XXe s. était déjà fort avancé qu'on put faire un diagnostic précis à l’égard des fièvres paludiennes. Ainsi, pour le Prix Nobel de Médecine (1906) Santiago Ramón y Cajal, victime lui-même du paludisme à Cuba (1879), « étant située la colonie [Guinée] dans une zone torride, recouverte d'une végétation luxuriante, baignée dans une atmosphère brumeuse et humide, elle constitue un foyer de microbes, une terre de promission de tous les agents pathologiques et en particulier du groupe des protozoaires, agents causant de la maladie du sommeil, du nagane du bétail, de la dysenterie amibienne, et enfin, du paludisme dans ses variétés les plus graves et les plus rebelles » . De son côté, Philip Curtin (Curtin, 1989) nous rapporte un travail fort intéressant sur la mortalité (et la Médecine) européenne dans les pays tropicaux au cours du XIXe s. Il s'agit d'un traité concernant un large éventail de maladies, et qui confirme l'importance du paludisme dans un grand nombre de décès, tout en mettant en jeu bien d'autres facteurs. Il est basé sur des données concernant les armées françaises et britanniques affectées en territoires coloniaux. 28
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Quoi qu'il en soit, Sierra Leone et Liberia servirent de base d'irradiation : c'est là que se constituèrent des Églises fortes dont la cohésion donna même lieu à une autonomie progressive à l'égard de leurs sièges d'origine. C'est là que des cadres furent formés qui, plus tard, opéreraient dans les territoires « païens » immédiats et dans des endroits plus éloignés : la Côte d'Or, le Pays Yoruba, le Niger, le Calabar...31. La provenance de certains des missionnaires et la dépendance des autorités indigènes donnèrent lieu à des organisations ecclésiastiques qui s'exprimaient dans les langues propres à chaque société, et à l’essor d’un clergé et de cadres locaux dans le but, souvent explicite, de créer une Église africaine. Les difficultés dans la formation de ces cadres, la progressive occupation européenne, dès 1884, et les progrès en matière médicale - qui permirent aux missionnaires blancs de prolonger leur séjour - firent échouer ces expectatives32. Pour ce qui est de l'Église catholique, celle-ci présenta des traits différenciés : le triomphe de la Révolution française et le laïcisme des idées libérales avaient rompu l'alliance traditionnelle entre l’Église de Rome et les États européens méridionaux33. Cependant, dans de vastes couches sociales le sentiment religieux ne disparut jamais ; bien au contraire, il acquit un sens de persécution ou, tout au moins, d'inadaptation entre l’idéal propre à chacun et la conduite indépendante des gouvernements. La réaction fut, maintes fois, de défense : provenant des plus humbles, des membres de l'Église ellemême... Un nouveau style de christianisme fit son apparition, qui voyait dans l'Église primitive des martyrs un mythe qui incitait à la recherche de la perfection au moyen de l'exigence à l’égard de soi ; il apparut aussi une piété nouvelle qui cherchait la régénération des mœurs personnelles et sociales, et qui trouva dans les « missions de l'intérieur » une « méthodologie de la conversion » : des phénomènes sociaux de la prédication et du repentir, comme le cas du curé d'Ars en France, apparurent dans les pays catholiques européens ; et au-delà de ces éléments, les prédicateurs modernes se présentèrent comme le modèle à suivre pour la sanctification de la vie des chrétiens « reconvertis »34. Dans un tel contexte, la création de nouveaux Instituts missionnaires, qui remplaceraient en partie les anciennes congrégations, eut une base doctrinale intégriste, avec un radicalisme évangélique concrétisé en une attitude humanitaire intransigeante, une consécration personnelle généreuse et dévouée et une perception héroïque de l'activité personnelle. La recherche de l'« absolu », ainsi que l'attitude paternaliste généralisée, orientèrent les 31
C'était normalement les affranchis provenant de ces régions ceux qui étaient choisis pour les évangéliser, souvent auprès de missionnaires d'autres provenances. (Findlay & Holdsworth, 1922). 32 Faure, 1978. 33 Picciola, 1987. 34 Nanni, 1997b.
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missionnaires catholiques vers une action religieuse (bien souvent plus soucieuse de la forme que de la qualité des conversions), mais à la fois vers une activité sociale et politique engagée de manière importante à partir de la fondation d'internats pour de jeunes indigènes35. L'Église catholique cherchait en Afrique de nouveaux espaces de consolidation et de pouvoir. Et elle vit, dans l'idéal missionnaire (la « libération de peuples avilis par des croyances barbares »), une formule permettant de rétablir l'ancienne alliance avec l'État : la libération des opprimés est aussi un idéal libéral, progressiste et révolutionnaire. Une fois l'Église et l'État réunis à nouveau dans cette fonction philanthropique, la tâche évangélisatrice fut menée à bien notamment par la France, la puissance catholique de l'époque, qui remplaça dans ce ministère l'Espagne et le Portugal36. L'activité des nouveaux Instituts missionnaires et leur étroite relation avec les autorités coloniales furent des caractéristiques essentielles des Missions catholiques du XIXe siècle37. Aussi bien qu'une centralisation de l'ensemble des activités dans la congrégation vaticane de la Propaganda Fide, ultime titulaire des Missions toutes confondues38. Il y avait encore d'autres particularités à considérer, ainsi l'incorporation d'Instituts féminins39, la création d'organismes de participation pour les fidèles métropolitains (Œuvre de la Propagation de la Foi, Union Missionnaire du Clergé, la Sainte Enfance, et d'autres d'un milieu plus réduit), et l'édition d'un grand nombre de publications de propagande missionnaire40. Soulignons aussi l’extrême fragilité de ces Missions dans des territoires d'expansion islamique et protestante, considérés comme des adversaires « naturels » et « universels » du catholicisme. L'Église catholique progressa fondamentalement en territoire « païen » grâce à une importante implantation coloniale française. Ses trois principaux Instituts - la Société des Missionnaires du Saint-Cœur de Marie41, la Société des Missions Africaines de Lyon42 , et la Société des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs)43 - parvinrent à créer trois grandes zones d'influence : la première, dans la région atlantique (Sénégal, Gabon) ; la deuxième, dans la région du golfe de la Guinée (Dahomey, Bénin, Côte d'Ivoire) ; et la troisième, au Sud du Niger (Haut Congo) et dans le nommé Soudan. 35
Heremans, 1983. Montalban, 1952. 37 Brasseur, 1975. 38 Prudhomme, 1994b. 39 Dufourq, 1993 ; Nanni, 1997a. 40 Pirotte, 1973. 41 Fondée en 1842 par Jacob Libermann, elle se fusionna en 1848 avec la Société des Pères du Saint-Esprit, tout en empruntant le nom de celle-ci. - Koren, 1982. 42 Fondée en 1857 par l'évêque occitain Melcior de Marion-Brésillac. - (Gantly, 1991). 43 Fondée en 1868 par le cardinal Charles Lavigerie. - (Renault, 1992). 36
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L'expansion catholique serait suivie de l'installation clarétaine en Guinée espagnole. Plus tard, elle se tournera vers l'Afrique méridionale et orientale. Des missionnaires protestants et catholiques précédèrent et partagèrent les diverses occupations métropolitaines et/ou leur succédèrent. Leur action fut « évangélisatrice » et « civilisatrice »44. Elle compta sur le support moral, légal, économique, politique et militaire des puissances respectives, et collabora de manière décisive à la politique territoriale, éducative, culturelle et sociale des gouvernements coloniaux. Les anciennes aspirations à former un clergé local et des Églises africaines se ralentirent. L'Histoire des Missions devint une liste interminable de divisions et subdivisions ecclésiastiques, avec presque toujours à leur tête des évêques et des prêtres européens - aidés par un clergé indigène minoritaire, souvent méprisé - qui exerçaient un large pouvoir. Au début de l'aventure clarétaine en Guinée Équatoriale, il y avait dans toute l'Afrique 16 Vicariats Apostoliques, 11 Préfectures Apostoliques et une Délégation Apostolique en plus des diocèses de Carthage et d'Alger, situés officiellement dans un pays catholique (la France) ; ce qui représentait en tout 380.000 catholiques, 280 églises, 251 stations missionnaires, 537 prêtres et 800 écoles45. Après la première guerre mondiale, et en parallèle avec l'occupation coloniale du territoire, il y eut des apports théoriques et doctrinaux remarquables provenant de Rome même. Par exemple, les encycliques « Maximum illud » (Benoît XV, 1919) et « Rerum Ecclesiæ » (Pies XI, 1926) : la première faisait référence à l'universalité de l'Église catholique et à la nécessité que le missionnaire ne s'identifiât pas à « sa » puissance coloniale. Autant l'une que l'autre parlaient de la nécessité de créer un clergé africain, et la deuxième prévoyait une relève inévitable. Bien peu en tinrent compte : la situation exigeait de laisser les choses telles qu'elles étaient afin de préserver la primauté des missionnaires européens et d'éviter que des curés africains deviennent des « agents nationalistes ». Les premiers l'étaient déjà, mais les « autres » missionnaires, pas encore.
La Guinée Équatoriale, britannique et espagnole « Les Noirs extraits de l'Afrique sont naturellement bons, sobres, patients et laborieux. Guidés avec douceur et sagesse, au moyen d’une discipline rigoureuse mais équitable et débonnaire, ainsi que le bon soin des aliments, les tenues vestimentaires et la distribution du travail, tout cela fera qu'ils soient heureux de leur sort, dépourvus d'ambition, garantissant à l'île 44
Joyeux, 1926. « Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María », volume 2, juillet - décembre 1886, p. 108.
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espagnole la prospérité dans ses cultures, l'amour au pays et au sol généreux qu'ils arrosent de leurs sueurs. Cependant, il serait très important que l'achat de ces cultivateurs se fît en accord avec le choix que réalisent certains pays européens ; ceux-ci, lorsqu'ils les amènent directement de la côte, observent avec soin le caractère et l’indolence au cours de la longue traversée et, à leur arrivée, ils envoient les mauvais à celles [colonies] qui restent. Les colonies étrangères se ressentent déjà de ce désordre, convaincues, grâce à une longue expérience, que les esclaves choisis, bien que revenant plus chers, enrichissent les terres ; en revanche, les riches labeurs des champs périssent lorsqu'ils sont remis aux mains des Noirs achetés à bas prix, qui communiquent aux autres leur caractère et mœurs dépravées. Les îles de Fernando Póo et Annobón, que naguère a annexées à sa royale Couronne notre souverain, sur la Côte de la Guinée, seront d'importance pour ses domaines américains et pour l'État, si elles se peuplent d'Européens »46. Que les territoires de la Guinée Équatoriale actuelle en viennent à former une partie des terres de la couronne espagnole constituait un fait exceptionnel : l'État espagnol avait été banni de la colonisation africaine par le traité de Tordesillas de 1494. À travers les âges, le commerce négrier avait circulé de mains en mains, en particulier des compagnies britanniques, hollandaises, danoises et de quelques autres pays. Ce n'était pas du tout un commerce simple, bien au contraire, car, tout au moins en gros, il requérait des infrastructures économiques et commerciales d'une certaine importance et supportait une charge financière considérable. Vers la moitié du XVIIIe s., l'État espagnol, appauvri, avait mis en œuvre, notamment dans ses colonies antillaises (Cuba, La Española et Puerto Rico) une économie basée sur l'agriculture de plantation : une sorte d'exploitation agraire qui exigeait une quantité de main d'œuvre importante, si bien qu'elle 46 « Son los negros extraídos del África naturalmente buenos, sobrios, pacientes y laboriosos. Dirigidos con dulzura y moderación, una disciplina exacta pero equitativa y suave, sobre su buen trato y cuidado en los alimentos, vestuarios y distribución de trabajo, hará su suerte feliz y dichosa como exenta de ambición, y asegurará a la Isla Española la prosperidad en sus culturas, el amor a la nación y al fecundo suelo que riegan con sus sudores. Será, no obstante, de la mayor importancia, que la compra de estos cultivadores se hiciera con la elección que la ejecuta alguna de las naciones de Europa ; que, trayéndolos directamente de las costas, observa con cuidado el carácter e índole de cada uno durante su larga navegación, y expenden a su arribo los malos a las restantes. Las colonias extranjeras se resienten ya de este desorden, estando convencidas por una larga experiencia que los esclavos escogidos, aunque más caros, enriquecen las tierras, mientras perecen las preciosas labores del campo en manos de los negros comprados a bajo precio, que comunican a los demás el contagio de sus depravadas costumbres y carácter. Las islas de Fernando Póo y Annobón, que ha agregado a su real Corona, en nuestros días, nuestro augusto soberano, en la costa de Guinea, serán importantes a sus dominios americanos y al Estado, en llegando a poblarlas de europeos » : « Código Negro » rédigé par l'auditeur doyen de Santo Domingo, Agustin Ignacio Emparán y Orbe (1778), approuvé par le roi Charles IV en 1789. In : Malagon-Barcelo, J. (1974), Código Negro Carolino (1784), Santo Domingo.
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fut constituée par des esclaves noirs. L'abandon progressif du système de monopoles favorisa davantage cette nécessité. Et on considéra que l'acquisition de quelques terres africaines pouvait être une bonne solution. Moyennant le traité de San Ildefonso de 1777, ratifié un an plus tard à El Pardo, l'Espagne et le Portugal échangeaient toute une série de territoires : les provinces de Río Grande et de Sainte Cataline, à l'époque appartenant au territoire de la Plata et maintenant au Brésil, passaient en mains lusitaniennes ; en échange, les Espagnols recevaient la colonie de Sacramento, dans la zone orientale du Plata, et leurs premiers territoires africains : les îles de Fernando Póo et Annobón, en pleine zone équatoriale, et le droit à établir un commerce dans « le territoire continental adjacent »47. Fernando Póo, l'actuelle Bioko, une île volcanique de 2.000 Km2, habitée originairement par les Bubis, munie d'un important port naturel, est située au milieu du golfe du Biafra, dominant, par sa position stratégique l'embouchure de beaucoup de rivières. Annobón est une toute petite île volcanique (17 Km2), très éloignée de l'antérieure (670 Km), située relativement près de São Tomé. La petite Annobón avait été la protagoniste d'une de ces « conversions massives » qui caractérisaient l'ère moderne, de sorte que ses habitants, les Annobónnais, qui pratiquaient un mélange de cultes, étaient considérés officiellement comme « catholiques » et nommaient un « sacristain » qui, entre autres choses, entretenait une espèce de petite église et baptisait les nouveaux nés. La possibilité d'établir un commerce dans le territoire continental adjacent était importante48, car elle devait permettre à l'Espagne de concurrencer les principales compagnies européennes, établies surtout sur l'estuaire des rivières. Parmi celles-ci, la Muni était considérée comme la plus importante de la zone49 : il y avait là trois îlots très bien situés dont l'Espagne tenterait de s'emparer : Corisco (15 Km2) et les deux Elobeys (2 Km2 et 0,2 Km2), situés à 320 Km de Fernando Póo. Au moins le premier d'entre eux, avait été utilisé de manière habituelle comme dépôt provisionnel d'esclaves pour des compagnies hollandaises. C'était une zone habitée par les Benga, un subgroupe des Ndowe, et très proche du territoire des Fang. Cette même année 1778, une expédition espagnole commandée par le comte d'Argelejos quittait l'Uruguay pour prendre possession des nouveaux
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Unzueta, 1947. Les territoires non colonisés étaient occupés, moyennant des « traités » avec les localités de la côte, par la première puissance arrivée et qui était en mesure d'y maintenir une présence stable. Cette seule présence créait un droit, notamment quand elle venait accompagnée de constructions militaires, commerçantes et/ou religieuses. 49 On vit plus tard que la Muni n'était pas une rivière mais un estuaire où débouchent plusieurs rivières. 48
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territoires50. Ce fut une défaite impressionnante : à Fernando Póo ils ne virent pas les Bubis, cachés dans leurs villages montagnards ; à Annobón, ils furent chassés tout en leur réclamant de leur rendre les Capucins italiens ; le paludisme provoqua 125 morts dans une expédition formée au départ de 150 hommes ; une émeute et le retard dans l'arrivée des nourritures en finirent avec la première campagne espagnole en terres de Guinée. Le pays passait pour un endroit inhospitalier, dangereux et malsain. Des qualificatifs qui persistèrent pendant des décennies et qui servirent de prétexte à l'abandon de ces territoires. La réalité était encore bien plus dure : des projets et encore des projets de colonisation visant à l'utilisation de ces terres pour la production d'esclaves, promus pour la plupart par des commerçants espagnols - et catalans - des Antilles, étaient refusés : la capacité financière faisait défaut, ainsi que l'aide d'un État condamné à la faillite et à la perte de la plupart de ses territoires américains. Une crise économique et institutionnelle qui rendait impossible la concurrence avec les grandes puissances européennes. Le contexte international changera en quelques années. Et, pour ce qui est de l'Afrique, la nouveauté la plus significative fut l'interdiction du commerce d'esclaves dictée par la Grande Bretagne, la grande puissance navale de l'époque, en 1807, qui s'était proposée d'interdire la traite négrière au nord de l'équateur. Elle entama - pour des raisons bien plus commerciales qu'humanitaires - toutes sortes d'actions hostiles visant les vaisseaux esclavagistes ; et toute une série de pressions à l'égard des autres États européens, pour les contraindre à suivre ses projets. La Grande Bretagne signa un premier traité avec l'État espagnol en 1817, après l'écroulement napoléonien51. Le document indiquait une date précise pour l'achèvement du commerce négrier : le 20 mai 1820. Et, à la fois, ces deux États s'octroyaient un certain nombre de garanties pour l'accomplissement de l'interdiction : • les vaisseaux de guerre britanniques pourraient barrer le passage à un quelconque vaisseau espagnol soupçonné de se livrer à ce négoce et l'inspecter. C'est ce qu’on nommait le « droit de visite », dont les capitaines britanniques firent usage, souvent de manière abusive, et qui entraîna la persécution et capture d'un grand nombre de navires catalans, par exemple, dont certains étaient vraiment coupables de commercer de manière illégale.
• au cas où au cours de ce « droit de visite » il serait constatée l'évidence d'un trafic illégal, le vaisseau inspecté devait être capturé. Il fut créé des tribunaux mixtes en vue de la répression du commerce 50 51
Cencillo, 1948. Castro, 1995 ; Castro & Calle, 1992.
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négrier : l'un en territoire britannique (à Freetown, Sierra Leone) et l'autre en territoire espagnol (à La Havane). Ce dernier tribunal n'eut jamais un fonctionnement sérieux. Mais les Britanniques poursuivirent d'une manière très efficace le commerce d'esclaves, devenu illégal par ce traité hispano-britannique52. Et encore, en 1835, ils obtinrent un élargissement du « droit de visite ». Étant données les carences de main d'œuvre dans les colonies antillaises, cette intervention renchérit le « produit », provoquant des actions illégales et picaresques. Avec de fréquentes arrestations de marchands qui opéraient sous le drapeau espagnol, comme ce mallorquin résidant à Cuba : « Comme V. E. pourra le constater dans la copie nº 1 ci-jointe, My Lord m'a répondu tout en m'envoyant le courrier du capitaine de la Royale Marine Anglaise, Mr. Tucker, par laquelle il s'ensuit que Miguel Pons était à Corisco livré à la traite des Noirs, et que, étant donné qu'il faisait partie de ceux qui commandaient les Noirs et qui s'opposaient au débarquement des troupes britanniques, ils tuèrent un marin et en blessèrent neuf, il fut fait prisonnier et envoyé en Angleterre »53. Et des ruses incessantes de la part des compagnies qui se livraient au commerce des esclaves. Comme nous pouvons constater dans ces passages d'instructions données au capitaine du vaisseau « Semiramide », appartenant à des entreprises de Barcelone, datées du 6 mars 1829 : « 3e...Le vaisseau goélette devra toujours être peint en noir avec une bande blanche et son mot de passe est un drapeau hollandais placé au bout du mat de misaine. 4e... L'ordre formel pour le capitaine chargé de l'expédition c'est qu'il se dirige vers la Côte d'Or, et non pas vers tout autre point de ce continent, afin qu'il effectue sa cargaison ; et si, ayant épuisé toutes les ressources, il lui était impossible d'y parvenir, de le faire à l'endroit qu'il jugerait le plus convenable. Quant à la décharge il devra l'effectuer là où elle lui sera indiquée par le pilote côtier qui devra se trouver sur le cap Francés de l'île de Pinos [à côté de Cuba]. 5e... Au point désigné il devra y avoir un autre pilote côtier pour que, au moment qu'il aperçoive le bateau et après s'être assuré par ses signaux et mots de passe que c'est bien lui, il ira vers le bateau à bord d'un canot portant à la proue un petit drapeau blanc, et dont le responsable devra être muni d'une lettre pour le capitaine signée par les consignataires de La Havane et les initiales F.S.S., et une signature connue. 52
Arnalte, 1996 ; Fradera, 1984 ; Guimerá, 1987 ; Moreno, 1986. « Según se servirá ver V.S. en la adjunta copia nº 1, My Lord me ha contestado remitiéndome la correspondencia del Capitán de la Marina Real Inglesa, Mr. Tucker, por la cual aparece que Miguel Pons se hallaba en Corisco empleado en el tráfico de negros ; y que, siendo uno de los que acaudillaban los negros que, oponiéndose al desembarque de las tropas Británicas, mataron a un marinero e hirieron nueve, fue hecho prisionero y enviado a Inglaterra ». Lettre de l'ambassadeur espagnol en Grande-Bretagne, Miguel de Álava, au premier secrétaire du Départament d'État, du 18 mars 1841. AGA, Section África-Guinea, Boîte 782.
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Cette lettre contiendra tous les ordres qu'ils auront bien voulu lui donner, et en particulier concernant l'endroit où doit s'adresser le bateau pour effectuer la décharge. Nous croyons qu'il serait convenable que celle-ci se réalise à Río Galafre, la Coloma ou Guanimar. Il faudrait aussi lui dire qu'après avoir débarqué sa charge, il entre par la Havane ou Matanzas, prémuni d'un prétexte justifiant son entrée. Et lorsque l’autorité sera renseignée sur l'identité de son consignataire, on lui communiquera s'il doit mettre à l'eau ou garder à bord tout ce qui pourrait soulever les soupçons et tout ce qu'il croit nécessaire pour mener à bout l'expédition »54. Les commerçants espagnols des Antilles durent s'adapter à la nouvelle situation, tout en continuant à faire des projets pour l'exploitation des territoires abandonnés de la Guinée. Il n'était plus possible de penser à eux pour la production d'une main d'œuvre esclave ; en revanche, Fernando Póo et Annobón pouvaient encore être utiles pour l'« apprentissage » de travailleurs noirs, qu'ils engageraient à bas prix pour une période de temps fixée d’avance : « On ne sait que trop que la seule barrière pouvant s'opposer aux négociations clandestines qui offrent des gains immodérés, c'est de faire que les lois soient telles, qu'elles les rendent impossibles ; que leur lucre soit inférieur aux frais et risques excessifs qu'elles entraînent indéfectiblement. Si bien que, vu que la traite africaine pour le service, qui n'a d’autre défense dans le monde civilisé que sur le domaine des faits établis, augmenterait ses risques et ses frais, tout en diminuant la nécessité puissante de cacher tout ce que comprend leur illégalité de criminel, avec l'importation de nos îliens du Golfe de la Guinée comme garant de ma bonne foi et comme le moyen le plus efficace pour extirper la traite négrière. C...) Quoique quelque peu barbares, ces îliens, ne sont pas tout à fait sauvages et 54
« 3º.... El Bergantín Goleta deberá estar siempre pintado de negro con faja blanca y su batería ; la contraseña suya es una bandera holandesa puesta en el tope de trinquete. 4º.... La orden expresa al capitán encargado de la expedición es que se dirija a la Costa de Oro precisamente, y no a otro punto de aquel continente, para que haga allí su cargamento ; y si, apurados todos los recursos, le fuese totalmente imposible de poderlo conseguir, lo hará en el punto que considere más conveniente. Pero la descarga la verificará en donde ordene el práctico que deberá estar en el cabo Francés de la isla de Pinos. 5º....En el punto designado deberá estar otro práctico para que, en el momento que se aviste el buque y esté cierto de ser él por sus señales y contraseña, pasará a bordo con una canoa, llevando a la proa de ella una banderilla blanca, cuyo encargado deberá tener una carta para el capitán firmada de los consignatarios de la Habana con estas iniciales : F.S.S. y rúbrica conocida. Cuya carta deberá contener todas las órdenes que tengan a bien darle, y en particular sobre el punto a donde deba dirigirse el buque a verificar la descarga, que nos parece sería muy conveniente que la hiciese en Río Galafre, la Coloma, o Guanimar. También deberían decirle si después de haber alijado su cargamento hará su entrada a la Habana o Matanzas, previniéndose con qué pretexto ha de hacer su entrada. Sirviendo de gobierno que, al tomar la noticia la falua de quien es su consignatario, igualmente le dirán si debe botar al agua o conservar a bordo todos los útiles que indican sospecha de este negocio, agregándole cuanto tengan a bien decirle para el buen éxito de la expedición ». IMHC, Fonds Commercial, Dossier B 1013.
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sont conscients de leur propre identité.(...) 6e. Le concessionnaire s'engage à transporter gratuitement et à distribuer des terres et des graines, des instruments de labour et entretien adaptables au climat des îles [de Fernando Póo et Annobón] aux agriculteurs et artisans espagnols, désireux de s'y installer.(...) 8e. Le concessionnaire s'engage à soutenir dans ces îles jusqu'à douze missionnaires qui, tout en propageant la Religion de Jésus Christ, chassent leurs erreurs, l'ignorance et l'idolâtrie. 9e. Il s'engage à bâtir dans le délai d'un an une église dans chacune des îles, où puisse être rendu à Dieu le culte orthodoxe et à encourager par tous les moyens possibles la meilleure et plus rapide propagation de la Religion du Crucifié (...) 11e. Il est autorisé à transférer à cette île [Cuba], à l'exclusion de toute autre, pour un contrat de 8 ans, les habitants des îles de Fernando Póo et d'Annobón qui de bon gré et sans contrainte seraient désireux de s'y rendre »55. Des projets qui nous permettent de comprendre que la détermination des propriétaires terriens antillais ne négligeaient nullement les possibilités économiques des territoires guinéens. Curieusement, ils ajoutaient tous des « franges » humanitaires à leurs projets d'exploitation, qui passaient toujours par la présence missionnaire. La prétention n'était pas vaine, si l'on souhaitait que les Noirs n'arrivent pas à Cuba sans être « civilisés ». « Catéchiser » était, dans l'esprit conservateur espagnol, synonyme d'« instruire » ; et le travail était considéré comme la méthode optimale pour faire progresser les Africains, tenus, systématiquement, pour des fainéants56. 55
« Verdad harto conocida es que la única barrera que puede oponerse a las negociaciones clandestinas que ofrecen ganancias inmoderadas es el poner las lícitas en cierto punto que imposibilite aquéllas, haciendo que su mayor lucro no sea equivalente a los excesivos gastos y riesgos que traen por necesidad consigo ; por consiguiente, como la trata africana para la servidumbre, que no puede defenderse en el mundo civilizado sino en el terreno de los hechos consumados, aumentaría en riesgos, en gastos y disminuiría la necesidad apremiante con que se procura velar lo criminal de su ilegalidad, con la importación de nuestros isleños del Golfo de Guinea esto sería el mejor garante de mi buena fe al escogitar esta traslación y el medio más eficaz para estirpar la trata negrera. C...) Si bastante bárbaros aún aquellos Isleños, ni son enteramente salvajes ni dejan de tener conciencia de lo que son. (...) 6ª : El concesionario se compromete a llevar gratis y a repartir terrenos y semillas, aperos de labranza y manutención adaptables al clima de las islas a los agricultores y artesanos que quisieren ir a ellas, siendo españoles. (...) 8ª : El concesionario se compromete a sostener en dichas islas hasta doce misioneros ; que, propagando la Religión de Jesucristo, y enten los errores, la ignorancia y la idolatría. 9ª : Se compromete hacer en el término de un año una iglesia en cada una isla, en que se rinda a Dios el culto ortodoxo ; y a fomentar por los medios que estén en el círculo de su posibilidad la mejor y más pronta propagación de la Religión del Crucificado. (...) 11ª : Se le autoriza para trasladar a esta isla, con exclusión de otra cualquiera, contratados por el término de ocho años, a los vecinos de las enunciadas islas que voluntariamente y sin coacción algunas quisieren venir a ella. ». Projet présenté par le propriétaire-foncier Anselmo M. de Meana le 12 novembre 1856. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. 56 Salazar, 1996.
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Des projets qui, ayant été mésestimés, n'affectaient en rien la Guinée, où tout suivait une autre voie : en 1827 les autorités britanniques demandèrent l'autorisation aux Espagnols de transférer le tribunal pour la répression de la traite d'esclaves de Freetown à Fernando Póo. Ce furent donc les Britanniques qui s'y établirent d'une manière systématique et permanente. Cette année même, ils y fondèrent la ville de Clarence (la future Santa Isabel, l'actuelle Malabo) juste à côté du port naturel qui se trouve au nord de l'île ; et tout de suite après, le hameau de Wesbe (la future San Carlos, l'actuelle Luba) sur la baie occidentale. Sans presque aucun contact avec les Bubis, les Britanniques gardèrent une base militaire à Clarence City et facilitèrent l'arrivée de colons et de travailleurs provenant de Sierra Leone et de d'autres colonies anglaises, tout en incorporant l'île de Fernando Póo au commerce -à l'époque très important- de l'huile de palme57. La population de Clarence commença donc à prendre forme autour de quatre grands axes : d'une part des sujets britanniques (pour la plupart des Noirs et des Métis provenant de Sierra Leone), tous adonnés au commerce ; d'autre part, des travailleurs noirs (Krumen) provenant de Sierra Leone même, de Liberia et d'autres endroits de la côte, habitués au travail agricole de plantation ; en troisième lieu, des esclaves affranchis des vaisseaux noirs arraisonnés, qui parviendront à former la majorité de la population ; et enfin, un secteur minoritaire de commerçants et de colons provenant de la Hollande, du Portugal et d'autres endroits (São Tomé, notamment). En revanche, dans les îlots du Muni, Corisco et Elobey, il s'y installait un nombre important de compagnies (anglaises pour la plupart, mais aussi portugaises et d'autres provenances) dans le but d'établir un commerce avec les produits de l'intérieur. Annobón restait à l'écart de ce projet. La représentation officielle britannique fut très faible et s'acheva en 1834. Cependant, la présence anglaise, son influence et son pouvoir se poursuivirent grâce à la Dillon, Tennant & Co. de Londres, qui centralisa l'activité agricole et sociale de l'île jusqu'en 1836 ; elle fut, par la suite, remplacée par la West African Company, londonienne aussi, qui se livrait tout spécialement à l'extraction du bois et qui fut à la tête de Clarence jusqu'en 1843 ; ces deux compagnies gardèrent comme représentant à la capitale (et, par conséquent, comme autorité suprême) le colon d'origine sierraleonnais John Beecroft, qui y « gouverna » librement, de manière tyrannique, jusqu'à l'arrivée des Espagnols (plus tard aussi, quoiqu'en tant que « gouverneur » officiel jusqu'en 1854), et il engagea la formation de factoreries - qui se livreraient de manière progressive à l'échange de produits, à l'achat de l'huile de palme (la principale source de richesse, en ces temps-ci de l'île) et à la création de plantations - sur les zones côtières, en particulier aux alentours de Clarence et de Wesbe et dans la partie est de l'île. 57
Clarence Smith, 1994 ; Lynn, 1984, 1995 ; Sundiata, 1972.
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Or, si les territoires guinéens constituaient déjà une exception, par le seul fait d'être des territoires africains en mains espagnoles, il faut y ajouter une autre caractéristique tout aussi exceptionnelle : la formation d'une colonie britannique - au total, quelques centaines d'individus - en territoire espagnol ; et encore, la prééminence de ces deux compagnies commerçantes anglaises. Ce qui ne laissa pas d'avoir des conséquences au niveau religieux et missionnaire : les noyaux britanniques de Fernando Póo - Clarence City et Wesbe - furent assistés par des Pasteurs de l'Église Baptiste : munis de très peu de ressources personnelles à leur début (un ou deux clercs, suivant les époques), leur tâche s'adressa à la population de ces deux villes. Il s'agissait d'une population composée de Blancs, Noirs et Métis, déjà christianisés et anglophones. Ces deux communautés chrétiennes se consolidèrent ; elles fondèrent des écoles primaires et amenaient les enfants les plus doués aux établissements secondaires de Freetown. Vers le milieu des années 40 du siècle dernier il y avait à Fernando Póo une quinzaine de missionnaires baptistes, hommes et femmes, et leur influence s'étendait sur la côté du Biafra, sur le Cameroun et sur d'autres territoires des environs (vid. infra). Pour ce qui est du noyau européen de la Muni et du territoire côtier qui l'entoure, il fut d'abord évangélisé par des missionnaires de l'American Board, qui adressaient leur message aux Benga. Ce furent des missionnaires anabaptistes américains qui, les premiers, publièrent une grammaire en cette langue. Or, la puissance européenne qui commençait à se répandre dans cette zone était la France ; de sorte que, avec la création, en 1842, du Vicariat Apostolique des deux Guinées, siégeant à Libreville (Guinée inférieure), menée par les Pères du Saint Esprit, toute cette zone y fut annexée58. Voilà donc quelle était le panorama en 1840 : des territoires qui dans leur presque totalité demeuraient aux mains des indigènes, à l'exception d'une petite ville - Clarence City -, un hameau -Wesbe- et deux centres de factoreries - les îles de Corisco et d’Elobey - fortement britannisées ; et une deuxième puissance - la France - à l'affût, s'engageant dans la région continentale. Cette année même, la Grande Bretagne obtenait du gouvernement de Madrid, définitivement désintéressé par ces territoires, leur achat pour 60.000 livres sterlings. Il fallait remplir les coffres de l'État, et la Guinée n'avait encore rien rapporté. Mais la vente s'avéra impossible : les États Généraux espagnols, à la suite d'une campagne « patriotique » de la presse madrilène, s'y refusèrent59, et exigèrent du gouvernement de s’intéresser à ces territoires « espagnols » convoités par les Britanniques60. En 1843, une première expédition
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L'arrivée de Mgr. Bessieux à Libreville (1844) entame la Mission du Gabon. Session des États Généraux du 9 juillet 1841. 60 Carrasco, 1996. 59
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espagnole arrivait à Clarence City61 : le représentant de la couronne espagnole, Juan José de Lerena, hispanisa la toponymie de l'île, nomma un gouverneur (John Beecroft, métis et anglophone! : il n'avait pas de choix), et interdit l'extraction du bois (ce qui entraînat le départ de la West African Company) et y instaura un système d'impôts pour les marchandises. Personne dans l'île ne parlait espagnol. Personne n'était catholique : « J'ai pris possession de l'île de Fernando Póo. J'ai proclamé la Reine Doña Isabel II, le 27 février, jour de S. H. le Régent, et j'ai destitué de son commandement la Compagnie anglaise nommée “de l’Ouest de l’Afrique” ; j'ai mis en place un gouverneur, un tribunal de justice et une police urbaine, et j'ai engagé la formation d'un corps de milice, dûment vêtu, armé et pourvu de munitions ; j'ai interdit la coupe et extraction de bois sans l'autorisation correspondante ; j'ai imposé des droits modérés à l'importation et à l'exportation ainsi que l'ancrage dans les ports de l'île ; les rois noirs et tous les autres chefs sont montés à bord du vaisseau pour prêter leur serment d'obéissance au gouvernement espagnol ; ainsi que bien d'autres choses importantes racontées en détail »62. L'expédition se rendit dans tous les territoires et obtint un succès qui à la longue deviendrait important : l'annexion « officielle » de l'île de Corisco. Je fournis la transcription du document car je considère qu'il est d'une extrême importance et parce qu'il illustre un procédé qui désormais fut suivi à les mesure du possible : « Don Juan José de Lerena, Chevalier de la Croix et plaque de l'ordre militaire de Saint Hermenegilde, Commandeur de la Grande Croix d'Isabelle la Catholique, décoré de plusieurs croix de distinction pour actions de guerre, capitaine de frégate de l'Armée Nationale, Commandant du vaisseau de guerre “Nervión” et mandataire royal pour les îles de Fernando Póo, Annobón et Corisco, sur les côtes africaines./ Pour ce qui est de l'île de Corisco, les Espagnols y étaient établis depuis de longues années sans qu'un quelconque pays leur ait disputé leur possession ou leurs droits. Ils la quittèrent en 1841, en raison d'un incendie des villages provoqué par un vaisseau de guerre anglais, sans que 61
L'expédition avait quitté Cadix le 18 décembre 1842, et arriva à Clarence City le 23 février 1843. Elle resta 13 jours à la capitale de Fernando Póo. 62 « Isla de Fernando Póo : He tomado posesión de ella ; he proclamado a la Reina Doña Isabel II el día 27 de febrero, día de S. A. el Regente, y destituido del mando a la Compañía inglesa denominada del Oeste de África ; he dejado instalado gobernador, tribunal de justicia y policía urbana, y planteado la formación de un cuerpo de milicias, cuyos individuos han quedado vestidos, armados y municionados ; he prohibido la corta y extracción de maderas sin el correspondiente permiso ; he impuesto moderados derechos en los efectos de importación y exportación, y los correspondientes de anclaje en los puertos de la isla ; han jurado obediencia al Gobierno español los reyes negros y demás jefes y cabeceros de ella, viniendo a prestarlo a bordo del bergantín ; con otras cosas importantes que se expresan en los detalles ». Communiqué de Juan José de Lerena au Ministre d'État du 22 mai 1843 ( Usera , 1852 : 9-12 ).
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leur gouvernement se prit la peine d'intervenir. S. H. Royale le Régent du Règne m'a nommé commandeur pour que, en pleine possession de ses moyens, au nom de S. M. la Reine Doña Isabel II, je réalise sur cette possession ce que je considère le plus convenable. Et après que le peuple eût manifesté son adhésion à l'Espagne, proclamant la Reine Isabelle comme leur souveraine, sollicitant des drapeaux qu'ils arboreront dans des points différents de l'île, et faisant preuve de la plus grande joie et enthousiasme lorsqu'on accéda à leurs volontés : Je manifeste à tous les commandants des vaisseaux de guerre de quel que soit le pays, qui arriveraient à cette île de Corisco, que pour les conditions exprimées, et au nom du Régent du Royaume, le capitaine général Don Baldomero Espartero par la Reine Isabel II, je déclare l'île espagnole, partie intégrante de la Monarchie, qu'aucun autre drapeau ne peut y ondoyer, et que ses habitants et tous les étrangers exerçant leur commerce seront soumis et contraints aux lois en vigueur dans les colonies espagnoles ou à celles que les États Généraux aient à promulguer dorénavant. Fait à bord du vaisseau sur la baie de Corisco, à cinquante six minutes de latitude de Nord le dix sept mars 1843. Juan José de Lerena. En tant que second du vaisseau “Nervión”, je certifie que la signature cidessus appartient à M. Don Juan José de Lerena, son commandant. À son bord, date ut supra. Ramón Rivalta y Roca »63. 63
« Don Juan José de Lerena, Caballero con cruz y placa de la orden militar de San Hermenegildo, Comendador de la de Isabel la Católica, Condecorado con varias cruces de distinción por acción de guerra, Capitán de fragata de la Armada Nacional, Comandante del bergantín de guerra « Nervión » y Comisionado Regio para las islas de Fernando Póo, Annobón, y Corisco en la costa de Africa. Por cuanto en la isla de Corisco han estado establecidos los españoles desde muchos años sin que ninguna otra nación les haya disputado su posesión ni derechos, abandonada por ellos en razón del incendio y saqueo efectuado por un buque de guerra inglés, sin intervención de su Gobierno, en el año de 1841. S.A. el Regente del Reino me ha comisionado para que, con toda la plenitud de sus facultades, en nombre de S.M. la Reina Doña Isabel II, hiciese sobre esta posesión lo que fuese más acertado. Y habiendo todo el pueblo manifestado su adhesión a la España, proclamando a la Reina Isabel por su Soberana, solicitando banderas para arbolarlas en diferentes puntos de la isla, y mostrando el mayor gozo y entusiasmo cuando se accedió a sus deseos : Manifiesto a todos los Comandantes de los buques de guerra de cualquier Nación que a esta isla de Corisco llegasen que, por las circunstancias expresadas y en nombre del Regente del Reino el Capitán General Don Baldomero Espartero por la Reina Dª Isabel II, la declaro Isla Española, parte integrante de la Monarquía, sin que se permita arbolar en ella otro Pabellón, quedando sus habitantes y los extranjeros que en ella comercian sujetos y obligados a sus leyes vigentes en las Colonias Españolas o a las que las Cortes generales del Reino se sirvan promulgar en lo sucesivo. Dado a bordo del expresado buque en la bahía de Corisco, en los cincuenta y seis
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La déclaration d'« hispanité » de l'île arrivait à la suite d'un accord avec le chef benga local, Bonkoro, et se présentait comme une espèce de traité international. Au cours des années suivantes, d'autres expéditions officielles insérèrent toute une série de nouveaux territoires appartenant à la zone de l'estuaire de la Muni, parmi lesquelles les îlots d'Elobey et la pointe du Cap de Saint Jean. Il est vrai que les roitelets locaux signaient habituellement de tels traités avec des puissances diverses, tout en espérant tirer un profit de chacun des vaisseaux qui s'accostaient à leur territoire ; si bien que l'estuaire de la Muni resta une zone en litige jusqu'à la fin de la conférence de Berlin. Aux environs de 1845, lorsqu'eut lieu la première expédition missionnaire espagnole en Guinée, l'ensemble des territoires considérés espagnols étaient l'île de Fernando Póo, d'Annobón, de Corisco, d'Elobey ainsi que la partie continentale autour du Cap de Saint Jean. Il s'agissait d'une période d'impasse. D'une part, l'État espagnol commençait à prendre conscience de l'importance de sa présence en Afrique : à la longue cela pouvait devenir une bonne affaire, car elle deviendrait un des principaux scénarios de la stratégie internationale et seuls ceux qui seraient là auraient part au gâteau. La défaite américaine, qui se concrétiserait avec le changement de siècle, recommandait d'autres alternatives, mais la situation immédiate n'offrait pas de perspectives à court terme, et il était difficile d’obtenir une présence espagnole stable dans les territoires : nuls colons et nulles compagnies n’étaient intéressés à s'y établir de manière définitive.
L'hispanisation apparente de l'île de Fernando Póo et l'annexion mise en question par la France durant de longues années - des îlots de Corisco et d'Elobey et du Cap de Saint Jean (finalement incorporé à l’Espagne en 1858), représentèrent les premières actions proprement coloniales du gouvernement espagnol en territoire guinéen. Ce ne fut qu'à la fin de l'année 1845 que fut menée à terme une première tentative d'évangélisation catholique de Fernando Póo (P. Jerónimo de Usera), qui ne dura que 3 mois et qui ne se poursuivit qu'onze ans plus tard, en 1856 (P. Miguel Martínez Sanz). Je parlerai, dans ce premier chapitre, de ces deux tentatives missionnaires ; mais préalablement je réviserai, quoique brièvement, d’autres questions antérieures qui
minutos de latitud Norte a diez y siete de Marzo de 1843. Juan José de Lerena. Como Contador del bergantín « Nervión » certifico que la firma que antecede es propia del Sr. Dn. Juan José de Lerena, Comandante del mismo y demás según él se titula. A bordo del expresado, fecha ut supra. Ramón Rivalta y Roca ». Document du 7 mars 1843. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 2.
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affectèrent les plus sérieuses tentatives d'évangélisation de ces territoires au cours de la période de 1858 à 1910 : la christianisation de l'île d'Annobón, la tâche des missionnaires protestants et celle des Pères français du Saint Esprit. La christianisation de l'île d'Annobón Le chef de la première expédition missionnaire espagnole (catholique) à Fernando Póo, P. Jerónimo de Usera, ne mit jamais les pieds dans l'île d'Annobón, sur les habitants de laquelle il écrivait : « Voyons comment un témoin oculaire qui vécut quelques mois parmi eux décrit les habitants d'Annobón : “ l'îlien d'Annobón ”, disait-il, “ possède un beau corps et pourrait même être considéré beau parmi ceux de sa race ; en outre il a par nature un bon penchant et il est hospitalier. Les femmes sont un modèle de pudeur et de décence : les membres de l'équipage qui ont débarqué sur ces plages n'ont jamais trouvé en elles le moyen de défouler leurs instincts indécents, ce qui, hélas, est si fréquent en Afrique. Ils font preuve de catholicisme ; bien que depuis 70 ans ils n'aient plus de prêtre qui puisse leur offrir les soulagements de la religion, ils continuent tant bien que mal à réaliser leurs pratiques religieuses, qui sont confiées aux bons soins d'un vieux Noir qui leur apprend les mystères de la foi chrétienne, quoique mêlés, pour ce qu'on peut en percevoir, à des croyances superstitieuses ” »64. L'opinion du missionnaire tranchait avec celle que quelques années auparavant avait manifesté Juan José de Lerena, le premier mandataire espagnol en Guinée : « Annobón : cette petite île, très peu peuplée, n'a aucune valeur en soi, mais il est important qu'elle ne passe pas dans les mains d'un autre pays : jusqu'ici personne ne s'y est établi. J’ai vêtu le gouverneur à l'espagnole ; c'est la seule chose qui m'a paru convenable, supprimant toute cérémonie, car l'idiotie et l'ignorance de ses habitants ne permet pas autre chose »65. 64 « Veamos cómo pinta a los de Annobón un testigo de vista, y que residió entre ellos algunos meses : “El isleño de Annobón”, decía, “además de ser bien formado de cuerpo, pudiendo pasar hasta por hermoso entre los de su raza, es naturalmente bien inclinado y hospitalario. Las mujeres son un modelo de pudor y de recato : jamás encontraron entre ellas las tripulaciones de los buques que arriban a aquellas playas los desahogos poco decentes y que, por desgracia, abundan en los demás puntos del África. Hacen alarde de catolicismo ; y, a pesar de que hace 70 años que carecen de un sacerdote que les ofrezca los auxilios de la Religión, continúan como pueden en sus prácticas religiosas, encomendados al cuidado de un negro anciano que les explica los misterios de la fe cristiana aunque mezclados ya, como es de inferir, con algunas creencias supersticiosas » (Usera, 1852 : 34-35). 65 « Annobón : Esta pequeña isla, con muy corta población, de nada sirve por sí, pero es importante que otra nación no la posea : hasta ahora nadie se ha establecido en ella. El gobernador queda vestido a la española ; es lo único que me ha parecido conveniente,
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Quoi qu'il en soit, l'idée que les habitants d'Annobón étaient catholiques, et de bons catholiques !, était très répandue dans les milieux missionnaires (comme pour l’île de la Réunion, par exemple), et c'était ce que toutes les expéditions religieuses donnaient pour sûr : le mythe d'une île qui, chrétienne déjà au XVIe s., abandonnée à son sort, était restée fidèle aux enseignements de l'Évangile, ne s’effondra qu'au mois d'août 1885, lorsqu'une expédition de 5 clarétains avec à leur tête le P. Joaquim Juanola (vid. infra) s'y rendit en vue d'y fonder une mission permanente qui y demeura jusqu'à nos jours. Pourquoi des habitants officiellement catholiques se montrèrent-ils si hostiles aux colons qui allaient les « assister », et pourquoi Annobón devint-elle l'endroit où la population s'opposa le plus aux missionnaires, ce sont des questions auxquelles il n’y a pas vraiment de réponse : Annobón a toujours été, y compris aujourd'hui, une île à moitié abandonnée par la totalité des puissances qui l'ont gouvernée ; et cette absence d'activité officielle a eu une incidence sur la documentation, plutôt rare. Cependant, celle-ci nous permet d’apprendre ce qui fut une constante tout au long du temps : la volonté de ses habitants de vivre seuls, délivrés d'une tutelle extérieure, comme moyen de se préserver de la traite d'esclaves. Le fait de s'avouer catholiques pouvait peut être se justifier par cet objectif : une île perdue dans l'Atlantique, déjà catholique, ne devait soulever aucun intérêt pour les diverses expéditions qui avaient pour but l'« évangélisationcivilisation » des Noirs66. Nous sommes d'autant plus surpris que justement la seule île située relativement près d'Annobón (100 milles) fut celle de São Tomé, où les divers gouvernements portugais s'employèrent activement à des efforts de colonisation considérables ; et, dans le domaine religieux, n'oublions pas qu'elle fut le siège du premier diocèse catholique de l'Afrique noire : un évêché suffragant de celui de Funchal, fondé en 1534 et qui comprenait les îles de Sao Tomé, Principe, Santa Elena et Annobón, et un territoire continental d'une étendue plutôt imprécise entre la rivière Saint André et le Cap Aiguilles. Or, lorsqu'Annobón fut découverte, en 1471, par Juan de Santarem et Pedro de Escobar, il paraît que l'île était déserte. Le gouvernement portugais choisit pour son exploitation la formule légale de la céder à un « donatário » : le premier fut Jorge de Melo. Peu à peu, il s'y forma un noyau de population à Palé, le seul village permanent de l'île67 : une population africaine provenant de São Tomé et d'Angola, et des esclaves affranchis, qui se livrèrent à l'agriculture (en particulier à la production de suprimiendo toda ceremonia, pues que el idiotismo e ignorancia de sus habitantes no permite otra cosa ». Communiqué au Ministre d'État du 22 mai 1843 (Usera, 1852 : 9-12 ). 66 Cunha, 1916 67 Il existe quelques petits noyaux qui ne sont utilisés qu'a certains moments de l'année, pour la récolte.
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coton, mais aussi d'oranges, de citrons et de tabac), à l'élevage (cochons, chèvres, moutons, poules, canards)... et à la pêche ; et, tout au moins, en certaines époques, à la traite d'esclaves. En 1500 les augustins portugais y fondèrent la mission de Notre Dame de Grâce ; mais on dirait bien qu'elle ne compta jamais sur une assistance permanente ; en fait, l'évêque de São Tomé n'avait prévu que la présence de quelque prêtre une fois par an. Ce qui, pour la réalité de l'époque, signifiait que le curé ne s'y rendait que de temps en temps. Il faut donc, tout d'abord, mettre en question la solidité des idées et des pratiques catholiques des Annobónnais, vu la provenance « païenne » de ses habitants et leurs moyens d'apprentissage, extrêmement limités. Les pratiques religieuses, apparemment catholiques, étaient célébrées, dans l'église érigée par les Portugais, par un « sacristain » qui exerçait une forte autorité sur la population, et elles se réduisaient à des baptêmes, confessions, mariages et bénédictions de croix, de chapelets et de l'eau : un vernis catholique pour des croyances et des pratiques religieuses et morales bien plus proches, en fait, des mœurs originelles. L'éloignement et l'abandon entraînèrent une sorte de prise de conscience de différenciation parmi les Annobónnais qui, d'après le peu de documents antérieurs à l'année 1885, acceptèrent toujours avec joie les visites de missionnaires de tout genre (qui cependant ne se concrétisèrent jamais par une présence permanente dans l'île) et qui, en revanche, refusaient fermement - et violemment - les expéditions de colonisation : au point que l'expédition Argelejos de 1778, qui avait pris possession de l'île de Fernando Póo, ne put faire de même à Annobón à cause de l'hostilité de ses habitants ; ce qui une fois de plus remit en question la réalité de la souveraineté portugaise sur l'île, échangée - rappelons le - contre plusieurs territoires américains68. Au delà du XVIIe s. et préalablement à la colonisation espagnole, on ne trouve comme documents que deux visites de missionnaires catholiques à Annobón : la première, par des missionnaires capucins espagnols et italiens qui, vers la moitié du XVIIe s. engagèrent leur expédition missionnaire au « royaume du Congo » (1645-1658) : à cette occasion, F. Juan de Santiago, religieux de la province de Castille, y débarqua le jour de la Purification de 1648 : ce capucin nous apprend le nombre d'habitants de l'île, environ 500 personnes ; il y passa deux jours confessant et célébrant des messes, des baptêmes et des mariages ; il nous a laissé en héritage un court récit du voyage69, dont je mettrai en relief ce passage qui s'accorde à la situation 68
En fait, le traité de Saint Ildefonso ne fut autre chose qu'un accord sur les frontières d'Amérique du Sud ; la question des territoires guinéens était secondaire. 69 « Breve relación de lo sucedido a doce Religiosos Capuchinos que la Santa sede Apostólica envió por Misionarios Apostólicos al Reino del Congo », ms. 772 de la Bibliothèque du Palais National de Madrid (Anguiano, 1950 : 181-182).
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décrite deux siècles et demi plus tard par les clarétains : « Il commença sa mission, et dans ses sermons il les exhorta à abandonner les vices et notamment la polygamie, catastrophe commune dans tous ces pays.(...) Ils se confessèrent et prirent tous la communion faisant preuve de profond repentir pour leurs fautes, et puis il baptisa les enfants les plus petits, quelque plus de deux-cents, et par la suite il maria tous ceux qui vivaient en polygamie, ce qui fit un total de 70 personnes »70. Le frère ajoutait qu'au moment de partir « ils regrettèrent beaucoup son départ, qu'ils accompagnèrent de force larmes en voyant la brièveté de leur bonheur » ; de sorte que l'expédition missionnaire suivante (que nous connaissons) qui voulut débarquer dans l'île, en février 1757, avec à sa tête le F. Francisco Pinto da Fonseca, de l'ordre du Christ, et du prêtre diocésain Domingos Faria Pinheiro, fut repoussée par les Annobónnais, qui proclamaient que « ils ne devaient pas obéissance au roi du Portugal, si bien qu'ils n'acceptaient pas non plus ce prêtre comme recteur missionnaire, parce qu'il était Portugais, et qu'ils souhaitaient comme recteurs missionnaires les Capucins italiens car [les Annobónnais] étaient les seigneurs de cette terre »71. Treize ans plus tard, une expédition commandée par Vicente Gomes Ferreira avait encore, parmi ses objectifs, celui de mettre au clair ce dernier épisode ; et c'est ce qu'il chercha à faire : « Leur gouvernement ne possède ni loi ni formalité. Le capitaine majeur est parmi eux un fantôme sans autorité. Ils ne châtient que les délits publics qui sont une offense pour tous. Ils élisent ce capitaine majeur tous les trois ans, d'après ce qu'on m'a dit. Et leur fierté consiste à ne reconnaître aucun chef supérieur, et c’est pour cela qu’ils refusèrent le P. Francisco Pinto da Fonseca, que S. Majesté leur envoyait comme recteur missionnaire : parce que la maladresse du capitaine qui l'accompagnait et celle de quelques officiers de ces îles qu'on envoya avec lui, cherchèrent à les intimider sous la menace qu'ils étaient là pour les rendre tous esclaves. Ces intimidations soulevèrent le village et causèrent tant de mal qu'ils n'ont plus de pasteur depuis longtemps, et ils vinrent se plaindre à moi de ce fait »72. 70
« Comenzó su misión y en las pláticas les exhortó a dejar los vicios y especialmente los amancebamientos, que es el común despeñadero de aquellas naciones. (...) Confesaron y comulgaron todos con señales de grande arrepentimiento de sus culpas y después bautizó los párvulos, que eran más de doscientos, y sucesivamente casó a todos los que vivían amancebados y eran capaces de contraer matrimonio, que en todos fueron setenta ». 71 « Não obedeciam a El Rey de Portugal, e que assim não aceitavão ao Reverendo Padre por seo Parrocho Missionário, por ser portuguez, pois so querião por seo Parrocho Missionário aos Padres italianos capuxinhos, pois eram senhores daquella terra » (Neves, 1991 : 204). 72 « O seu governo não tem ley nem formalidade. O capitam mor he hua fantasma entre elles sem autoridade. So castigão o delito que offende a todos por publico. Ellegem o tam capitam de tres en tres annos, segundo me informarão, e toda a sua grande vaidade consiste em não reconhecer superior ; e que por este motivo não alistarão o P. Francisco Pinto da Fonseca que
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Le capitaine Gomes Ferreira était accompagné des missionnaires Antonio Luís Monteiro et Gregório Martins das Neves, deux prêtres noirs du diocèse de São Tomé qui parvinrent à exercer leur ministère dans l'île pendant 16 mois, la période la plus longue avant l'arrivée des clarétains. Le séjour de ces missionnaires n'avait pas seulement pour but les pratiques religieuses, mais d'habituer les Annobónnais à la présence et autorité des Portugais : « Ce qui, à mon avis, ne peut arriver que si les Pères, se comportant avec prudence et grâce à leurs bons exemples, peuvent les convaincre d'accepter un gouvernement venu de l'extérieur. (...) Nous avons été très heureux qu'auprès d'eux se trouvât comme sacristain un jeune homme blanc de seize ans ; il se peut donc que peu à peu ils arrivent à accepter des blancs, quoique ceux-ci ne soient ni des frères ni des clercs »73. Or, au bout de quelque temps les Annobónnais commencèrent à boycotter la mission, au point de vouloir voler et tuer les deux clercs74, qui finalement abandonnèrent l'île. L'histoire de la christianisation de l'île d'Annobón est donc très diffuse. Nous pouvons dire qu'il s'agit d'un cas singulier d'adjonction religieuse suivie pour des raisons diverses, dont celle de la sécurité et de la liberté face aux puissances étrangères, tenues pour des esclavagistes. L'acceptation des missionnaires était donc un fait habituel parmi les Annobónnais, qui refusèrent l'expédition de Fonseca parce qu'ils craignaient de perdre leur situation d'hommes libres. Cependant, l'action missionnaire avait pour eux une limite : lorsque les missionnaires, ne se bornant pas à leurs bons soins spirituels, prétendaient changer leurs mœurs afin de les adapter aux exigences de la morale chrétienne. Ce qui explique le grand succès qu'obtenaient dans cette île les séjours missionnaires de courte durée, qui concluaient triomphalement et avec des résultats spectaculaires pour ce qui est du nombre de baptêmes, de confessions, de communions et de mariages réalisés ; et, en revanche, les difficultés subies par les Missions de plus longue durée, lorsque les missionnaires catholiques s'apercevaient que le S. Magestade lhe mandava para parocho missionario porque elle, o indiscreto capitam que o conduzia, e alguns officiais que com elle mandarão destas ilhas, os entimidarão dizendo lhe erão para os fazer a todos escravos. Estas inconcideradas perpozições tumultuarão aquelle povo e lhe cauzou danno de ha tantos annos estarem sem paztor de que elles tanto seme quixarão ». Rapport du voyage du capitaine Vicente Gomes Ferreira, du 29 octobre 1770. AHU, Boîte 12, document numéro 23. 73 « O que me pareçe que so podera tter efeito havendo sse os Padres com pordencia e bom exzempolo con eles, e per lo descurso do tempo verem se os podem capasitar a que consintão em governo de ffora. (...) Estimei muito que na sua companhia ficasse hum rapas branco de idade de 16 annos com o tº de sancristão, para asim desta forma e pouco a pouco posão consentir na tera brancos sem que sejão frades ou clerigos ». Idem du novembre 1770. AHU, Boîte 12, document numéro 25. 74 Déclaration de quelques habitants à Gomes Ferreira, du mois de février 1771. AHU, Boîte 13, document numéro 15.
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mode de vie des Annobónnais ne s'adaptait nullement aux règles morales d'un catholicisme aussi conservateur que celui que préconisaient à tout moment les religieux75. C'est ce que nous verrons autant dans l'action postérieure des jésuites que dans celle des clarétains.
La mission baptiste Lorsque les Britanniques fondèrent la ville de Clarence en 1827, ils comptèrent aussitôt sur la présence, pour l'assistance spirituelle de ses habitants, d'un Pasteur protestant : M. Scott était un missionnaire noir, formé à Sierra Leone, membre de la société missionnaire de l'Église d'Angleterre (Church Missionary Society). Il y avait à l'époque, dans la nouvelle ville, une centaine de Krumen ; et, avec quelques rares Britanniques, Clarence City se structura comme un assemblage de gens d’origines très variées : des colons de provenance portugaise, hollandaise, britannique... la plupart de ceux-ci provenant de Sierra Leone ; des esclaves affranchis des vaisseaux négriers, originaires de différents endroits de l'Afrique centrale ; des Noirs et des Métis venus d'Angola, de São Tomé... Pendant de longues années ce mélange culturel créa une société peu harmonisée, dont le seul objectif commun était les affaires et où les Noirs affranchis occupaient l'échelle sociale la plus basse, dans des conditions de semi-esclavage. Dans ce contexte, la tâche de M. Scott se borna à l'assistance religieuse des quelques habitants de la ville membres de l'Église anglicane, plus ou moins enrichis par leurs activités économiques et qui aspiraient à amener leurs enfants aux écoles religieuses de Freetown. Une grande partie de la population se tint à l'écart de l'Église d'Angleterre, d'autant plus lorsqu'en 1834 le gouvernement britannique quitta l'île. La fondation d'une mission baptiste à Clarence City trouve ses sources en Jamaïque : la conversion d'un grand nombre d'esclaves de la Caraïbe allait de pair avec le désir de regagner l'Afrique afin d'aider les frères africains à se convertir. Et ce furent deux pasteurs d'origine jamaïquaine et riches d'une grande expérience dans les Antilles, John Clarke et le Dr. Clarkey Prince, tous les deux de la Baptist Missionnary Society of Britain, qui fondèrent cette Mission à la capitale de Fernando Póo, où ils arrivèrent le 1er. janvier 1841. Il est vrai que l'objectif de l'Église Baptiste ne visait pas concrètement la ville de Clarence : ils voulaient établir une colonie de jamaïquains dans la région du Niger, qu’effectivement ils explorèrent. Fernando Póo était une sorte de centre d'opération idoine, autant pour sa situation privilégiée en face du Golfe de Biafra, que parce que seul endroit de la région qui possédait un 75
Neves, 1991.
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consulat britannique pouvant apporter une aide importante aux expéditions missionnaires. De son côté, la West African Company leur assurait les communications avec Londres et la Jamaïque. Si bien que Clarke et Prince ne représentaient, en somme, qu'une anticipation des intentions baptistes. Ils s'établirent à Clarence, où ils achetèrent une maison et quelques terres et effectuèrent quelques explorations à l'intérieur. Un an après leur arrivée, en février 1842, les deux missionnaires revenaient en Angleterre pour préparer une grande expédition missionnaire jamaïquaine ; entre temps ils avaient été remplacés par le Pasteur Sturgeon. La grande expédition baptiste jamaïquaine eut lieu en 1845 : elle était formée de 36 missionnaires, hommes et femmes, parmi lesquels il y avait cinq pasteurs et sept enseignants. Au mois de décembre il n'en restait que quinze à Fernando Póo, d'après ce que rapporta Usera, premier missionnaire catholique espagnol qui y était arrivé cette même année. De Clarence City, le gros de l'expédition s'était dirigé vers la côte du Calabar76, où Clarke et d'autres missionnaires avaient fondé les stations situées entre Duke Town et Henshaw Town, et à Gospel Mount. L'énergie évangélisatrice de la Scottish Missionnary Society les porta à renoncer de continuer au Calabar et ils se concentrèrent au Cameroun où le Pasteur Alfred Saker, cette même année 1845, avait engagé une nouvelle Mission qui jouissait de stabilité et de continuité77. Ceci, pour ce qui fait l'expansion baptiste. À Clarence City, la stabilité de la mission se consolida définitivement lorsqu'en 1843 Lerena y interdit les activités de la West African Company et nomma John Beecroft gouverneur « espagnol ». Ce fut alors que le siège londonien de la Mission Baptiste acheta toutes les propriétés de la West African à Fernando Póo ; si bien que la mission devint propriétaire des principaux bâtiments de la ville, parmi lesquels il y avait ceux du gouverneur lui-même ; de la plupart des terrains que le fondateur de la ville, Richard Owen, avait achetés aux Bubis, et qui formaient son noyau initial ; ainsi que d'autres terres dans la région de Basuala et de Wesbe. Auparavant, les chefs de la mission - Clarke et Sturgeon - s'étaient affrontés rudement et de manière catégorique à la West African et à son représentant, John Beecroft, dont ils dénonçaient les pratiques de commerce abusif et le traitement de semi-esclavage qu’il infligeait à la majorité de la population. Cette attitude décidée fut, pour les Baptistes, source d’un grand prestige parmi les gens. Et ceci, ajouté au fait qu'ils devinrent, à partir de 1843, les propriétaires d'une partie importante de la ville, fit qu'ils devinrent un point de référence obligatoire pour la compréhension de la ClarenceSanta Isabel en plein milieu du XIXe siècle. 76 77
Faure, 1978 : 150. Slageren, 1972.
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Ce fut l'Église Baptiste qui, en quelque sorte, donna une cohésion à une ville formée par un groupe de personnes très diverses : la religion, qu'ils enseignaient dans les églises, et la langue anglaise, qu'ils enseignaient dans les écoles, devinrent un signe d'identité pour beaucoup de ses habitants : conjointement avec une exigence de moralité qui répudiait l'alcoolisme, la polygamie, la promiscuité, l'esclavage... ; et une action de gouvernement qui n’obéissait plus au libre arbitre de Beecroft mais qui se fondait sur l'autorité d'un Conseil de Voisins dont les missionnaires formaient partie78. Pour ce qui est de leur action missionnaire, on notera leur exigence au moment d'admettre de nouveaux membres : ils ne baptisaient que des adultes, et ceci après quelques années de catéchuménat : ainsi, en 1845 seuls 110 habitants de Santa Isabel formaient partie de l'Église Baptiste ; en revanche, plus de 500 assistaient aux réunions, et les élèves dans les écoles étaient au nombre de 130, dans une ville qui tout au long de la période sujet de mon étude devait avoir environ 1.000 habitants. L'influence de la mission se consolida aussi par le fait que dans ses alentours une sorte d'élite créole les principaux commerçants de l'île- devint de plus en plus forte, agissant toujours comme un pouvoir de facto. La mission était donc un facteur de cohésion sociale revêtue de prestige et d'influence ; un élément d'identification de la population de Santa Isabel ; et un centre de pouvoir royal : « Par son insistance sur la tenue vestimentaire européenne, les prénoms européens, l'usage de l'anglais dans son école, et toutes les possibilités d'association et de vie sociale qu'elle offrait, la mission Baptiste était pourvue d'un attrait spécial. Mais ce qui fut aussi très important c'est que l'influence de cette mission raffermit les mœurs sociales de l'élite régnant dans la société ‘ fernandiane ’, c’est à dire des ‘ premiers habitants ’ provenant de Sierra Leone qui étaient arrivés en 1827. De sorte que le fait d'appartenir à la mission s'identifiait à l'ascension sociale dans la société ‘ fernandiane ’, ce que explique en grande partie son succès »79. Et ce fut contre ce succès que se heurtèrent toutes les tentatives missionnaires de l'époque que j'étudie : ni les timides premières tentatives d'évangélisation catholique que nous verrons dans ce chapitre, ni l'action des jésuites, ni l'élan monopolisateur des clarétains ne parvinrent à ce que Santa Isabel, l'ancienne Clarence, cessât d'être d'une manière majoritaire protestante et anglophone ; et ceci servit toujours de preuve aux gouverneurs 78
Le Conseil de Voisins fut conservé par la suite par les autorités coloniales espagnoles, qui remplacèrent les missionnaires baptistes par les catholiques. 79 « With their stress on European clothing, on European names, the use of English in the BMS School, and the social life and fellowship they offered, the BMS provided a ready appeal. But of major importance was that this Mission influence reinforced the cultural mores represented by the existing elite within Fernandino society, namely the Sierra Leonian ‘ original settlers ’ who had arrived in 1827. The BMS thus came to be identified with the upwardly mobile within Fernandino society and this explains much of their success » (Lynn, 1995 : 11).
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espagnols du manque d'efficacité des missionnaires espagnols, lorsqu'il leur convenait de les attaquer. Or, le premier missionnaire espagnol qui mit les pieds à Santa Isabel ne mit que 4 jours pour rédiger un traité d'expulsion des missionnaires baptistes du territoire (vid. infra). Quoique le décret ne fut pas mené à terme (parce que ce missionnaire catholique quitta Fernando Póo 3 mois plus tard, bien avant que ne fût accompli le délai accordé par l'autorité espagnole, qui était déjà partie), les baptistes s'aperçurent que l'intérêt croissant des Espagnols pour les territoires guinéens pouvait les laisser dans une situation plutôt gênante. Si bien que dès 1845 Clarence perdit sa fonction de mission centrale baptiste de la région qui fut transférée au Cameroun80. Cette ville de 1.000 habitants fut placée sous les bons soins d’un ou deux pasteurs, un nombre suffisant, qui dans les moments difficiles (lorsque les autorités espagnoles les chassaient) trouvaient un refuge dans les missions camerounaises ; en l'occurrence, la population de Santa Isabel refusait d'amener leurs enfants aux écoles catholiques et d'assister aux cultes de l'Église de Rome. Quoi qu'il en soit, nous pouvons dire que jusqu'en 1858 les missionnaires baptistes purent agir en toute liberté dans la ville : il y avait une église, deux chapelles et une école, et les missionnaires vivaient dans des maisons individuelles accompagnés de leurs familles : et si au début ils s'étaient efforcés à établir la dignité des esclaves affranchis, ils fondèrent en 1841 deux petites missions tenues par des enseignants, à Basupu et à BanapaBasilé, et en 1845 une autre à Rebola : trois lieux proches de la ville, mais en territoire bubi81. Une expansion modique qui, deux décennies plus tard, sera reprise par les jésuites d'une manière presque identique. Au delà de la capitale, Santa Isabel, dans les territoires guinéens qui deviendront espagnols il y eut aussi une autre région, celle de l'estuaire de la rivière Muni, avec une certaine implantation protestante. Ici, les missionnaires appartenaient à la American Board of Commissioners for Foreign Missions, et leur influence ne fut guère importante : ils ne purent s'installer que dans l'îlot de Corisco et à Bolondo (sur la côte, dans l'estuaire de la rivière Uolo ou Benito) ; alors que d'autres tentatives de fondation (par exemple, en 1855 au Cap de Saint Jean) furent un échec. Ces deux missions (Corisco et Bolondo) étaient consacrées à la conversion des Africains, bien qu'à Corisco il y eut une toute petite présence européenne. L'Église protestante qui y surgit, très peu en rapport avec une 80
Gwei, 1966. Les Bubis n'étaient pas groupés en villages à la manière européenne (vid. infra) ; de sorte qu'il faut considérer que ces endroits étaient des « territoires soumis à une même autorité bubi », d'une étendue et configuration ambiguës, non identifiables avec les villages homonymes actuels (mais situés dans la zone d'influence correspondante). 81
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quelconque puissance coloniale (par l'origine américaine de ses missionnaires) eut cependant un poids important sur la société benga de Corisco : en 1850 il y avait dans cet îlot trois stations missionnaires formées par la trilogie presbytère - chapelle - école, et en 1853, lorsqu'arriva Miguel Martínez Sanz (vid. infra) elles étaient déjà quatre ; au point que ses deux pasteurs, Matías Ibia et Lucas Ndeke, étaient des Corisquains formés au EE.UU. par l'American Board. Dès 1885, après la fondation de la mission clarétaine, leurs activités passèrent à devenir semi-clandestines et la mission languit jusqu'à sa mort (Ibia, déjà vieux, se convertit au catholicisme). De son côté, la mission de Bolondo subsista bien après 1900, à cause du retard espagnol dans l'occupation du territoire continental. Elle fut fondée en 1866, et le R. F. Nassau82 fut un des premiers directeurs. Je n'ai pas pu avoir de documents sur la cessation de ses activités, mais il est établi83 qu'en 1907 il ouvrit un dispensaire, ce qui fit que son prestige et son influence se virent augmentés, notamment parmi les Ndowe de la région. Or, au cours de la période sujet de mon étude, les missions de l'American Board, contrairement à celle des baptistes à Santa Isabel, ne furent jamais considérées comme un obstacle important pour les missionnaires catholiques : dans la région littorale même, et de Bata à Libreville, les concurrents de la mission catholique étaient les missionnaires français du Saint Esprit.
Les pères français du Saint Esprit On ne connait que trop la première expédition du Saint-Esprit qui partit de Bordeaux en 1842 : l'échec de cet Institut en Liberia ; comment Mgr. Barron laissa le vicariat des Deux Guinées, qui avait été fondé en 1842, aux mains de la congrégation de Libermann ; le développement de l'Institut au Sénégal et au Cap Vert ; l'« apparition » de Mgr. Bessieux à Libreville en 184484 ; et la première division, en 1848, de ce vicariat apostolique, immense et excessif, en Guinée supérieure - dont le siège était à Dakar - et en Guinée inférieure - dont le siège était à Libreville. La mission de Sainte-Marie, fondée par Bessieux en 1845, sera un point de repère obligatoire dans ce travail. Et ceci pour deux raisons : d’abord, comme trait essentiel du modèle de mission engagé dans un territoire voisin, la Guinée Équatoriale actuelle ; et ensuite pour le fait que le vicariat apostolique des deux Guinées se verra touché par l'action des missionnaires espagnols dans une partie de leur territoire, ce qui représenta une des divisions incessantes dont fut atteint ce vaste vicariat. 82
Nassau, 1873, 1882, 1893. Pujadas, 1983 : 235. 84 Roques, 1971. 83
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La création de la préfecture apostolique de Fernando Póo en 1855, juste avant la période que j'ai étudiée, coûta au vicariat de Libreville la perte de sa juridiction sur l'îlot de Corisco, situé stratégiquement sur l'estuaire de la Muni ; et quelques années plus tard, dans la même région, celle du territoire du Cap de Saint Jean. Cette perte territoriale s'inscrit dans le contexte d'un contentieux hispano-français dans la région de la Muni : l'État espagnol en réclamait tous les territoires situés entre la rivière Campo (au nord) et le cap de Sainte Claire (au sud), des territoires que de son côté réclamait la France. La rédaction ambiguë du traité de San Ildefonso, qui octroyait à l'Espagne le droit de commerce dans le « territoire continental adjacent » à l'île de Fernando Póo, sans qu'aucune limite ne soit marquée, donnait lieu à de multiples interprétations qui se résolvaient, habituellement, par la présence à chaque emplacement de ressortissants nationaux et par des pactes signés avec les chefs des populations locales. Ceux-ci signaient normalement des pactes similaires avec les deux puissances. L'Espagne fondait ses « droits » sur l'ancienne présence de marchands d’esclaves dans une bonne partie d'une frange continentale que dominait, pour ce qui est des puissances étrangères, la France ; qui - en outre - avait fondé dans la région le Fort d'Aumale, dans le but d'apporter son appui à la répression de la traite des esclaves : la création, auprès du Fort, de la ville de Libreville, lieu d'accueil d'esclaves affranchis, et de la mission de Sainte-Marie, donnera à la présence française des connotations fort précises85. Il faut dire que, suivant l'idée de Libermann, le but principal de Bessieux, celui auquel il consacra tous ses efforts, fut la consolidation du siège du vicariat, de sorte que l'expansion de la mission au moyen de stations plus éloignées arrivera plus tard. Aux alentours de 1850 furent fondées les premières missions de Saint-Joseph (Cap Estérias juste en face de Corisco), Saint-Thomas (Denis) et Saint-Jacques (rivière Rhembone), des missions qui plus tard seront rouvertes par les missionnaires français. Cependant les spiritains ne possédèrent de missions stables dans la région de la Muni qu'à l'arrivée des clarétains86. Or, la distance qui séparait le siège central du vicariat était plutôt réduite (60 Km. qui, de plus, pouvaient se faire par mer), et toute la Muni était placée sous son aire d'influence ; cependant les conditions pour la création de missions dans cette région étaient gênées par l'épaisseur de la brousse équatoriale, les mouvements de la population (notamment les déplacements des contingents fang), les possibilités du contingent missionnaire et les maladies. Après l'arrivée des clarétains, les missionnaires du Saint-Esprit reconstruiront la mission du cap Estérias et en créeront d'autres à Sipolo et à Bata, en plein milieu de la région revendiquée par le gouvernement espagnol face au gouvernement français (vid. infra).
85 86
Bouche, 1968. Brasseur, 1975 ; Raponda - Walker, s/d, 1956.
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Le contentieux entre missionnaires espagnols et français, que je rapporterai plus loin, reflète un conflit territorial entre États : la position du Saint Siège, pour ce qui est des juridictions ecclésiastiques, visait à les faire coïncider avec les frontières civiles. Or, très souvent, les choses se passaient en sens inverse : les frontières civiles étaient acceptées en fonction des délimitations ecclésiastiques préalables, ce qui parfois servait de prétexte pour démontrer des droits territoriaux que la présence missionnaire ratifiait. Le contentieux donc, dans la région de l'estuaire de la Muni, se prolongera tout au long de la deuxième moitié du siècle dernier, lorsque les deux États prendront leurs positions dans la région. Et l'utilisation de la présence missionnaire aura, dans ce contexte, une signification politique que les deux gouvernements vont attiser. En ce qui concerne les missionnaires du Saint-Esprit, les missionnaires espagnols ressentaient pour eux un sentiment partagé : d'une part, en tant que Français, ils les considéraient comme des exécutants d'une politique « étrangère » d'occupation du territoire qui, logiquement, tendait à minimiser la présence espagnole et l'étendue de l'occupation hispanique. Mais, en tant que missionnaires catholiques, les Espagnols reconnaissaient en eux une expérience supérieure dont seuls les clarétains surent tirer profit. Curieusement, car les clarétains furent aussi les principaux opposants à la présence missionnaire française dans un territoire présumé espagnol et les pratiquants d'une action qui se basait bien plus sur les faits établis que sur le dialogue et l'accord. Étant donné que l'activité des premiers missionnaires espagnols en Guinée se limita pratiquement à Santa Isabel, j'ai cru qu'il n'était pas nécessaire, pour l'instant, d'ajouter d'autres commentaires à ce contentieux avec les pères français du St. Esprit. Je fais foi de l'importance de la mission de Sainte-Marie et de son ancienneté dans la région de la Muni, ainsi que de l'existence d'une présence missionnaire française dans l'estuaire de la Muni fort antérieure à l'activité missionnaire espagnole. Je reprendrai le sujet à son moment.
Les Bubis de Fernando Póo « [Sur la grande baie que nous avons appelée de S. Carlos] il n'existe aucune population de Noirs, et personne ne descendit sur la plage, exception faite d'un garçon de seize ans environ qui monta à bord de la frégate “Santa Catalina” accompagné d'un officier de la “Soledad”, auquel on montra les différentes espèces d'animaux et de fruits que produisaient Principe et Santo Tomé. Et par des signes il lui laissa entendre qu'à Fernando Póo il y avait des poules, des cochons, des chèvres et des fruits en abondance tels que des ignames, des bananes et des noix de cocos, et qu'ils méconnaissaient le bétail bovin, les pois chiches, les lentilles et le riz... Il parlait une langue si
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bizarre et d'une prononciation si difficile que les Noirs que nous amenions de Principe ne le comprirent pas, bien qu'un certain nombre d'entre eux connussent bien la langue de la côte”. Si bien qu'ils ne parvinrent pas à savoir combien de villages il y avait dans l'île, quel était leur régime gouvernemental, leurs usages et leurs mœurs, et tout ce qui pouvait leur être utile pour s'orienter et fonder un établissement »87. Au cours de la période que comprend ce travail, les quelques missionnaires espagnols envoyés en Guinée remplirent notamment leur fonction à l'île de Fernando Póo (au second rang, sur l'estuaire de la Muni et dans l'île d'Annobón) ; c'est pourquoi je crois intéressant d'introduire quelques éclaircissements sur les Bubis88, les habitants indigènes qu'ils trouvèrent sur place et sur lesquels l'action missionnaire agit de manière diverse : depuis l'ignorance, attribuée à l'hostilité et à un manque de sociabilité que Argelejos lui même avait déjà mis en relief (« Nous hissâmes dans cette île le drapeau espagnol, que nous saluâmes sept fois de suite par des “Vive le Roi” ; et quoique le règlement exigeât d'exécuter une triple décharge de 21 coups de canons, je crus convenable de passer outre afin de ne pas effrayer les habitants qui, malgré tout, abandonnèrent le port dès notre arrivée »89), jusqu'à la tentative de rapprochement dont les clarétains furent les protagonistes et que j'étudierai plus loin. Nous verrons aussi plus tard certains recensements, quoique peu fiables, du nombre de Bubis vivant dans l'île. Les recensements actuels - qui sont toujours aussi peu fiables - nous parlent d'un maximum de 20.000 âmes. La société bubi vit uniquement dans l'île de Bioko : de formation volcanique, elle est située à 30 Km. de la côte du Biafra. La plupart de ses 2.017 Km2, recouverts de brousse équatoriale, sont formés de montagnes, dépassant quelquefois les 3.000 mètres d'altitude, et le tiers méridional est 87
« ”No hay población alguna de los negros, ni bajaron a la playa, excepto un muchacho de unos dieciséis años que subió a bordo de la fragata "Santa Catalina" acompañado de un oficial de la "Soledad", al cual se le enseñaron las especies de animales y frutos que se criaban en el Príncipe y Santo Tomé, dando a entender por señas que había en Fernando Póo gallinas, puercos, cabras y mucha abundancia de ñames, plátanos, cocos y bananas, desconociendo el ganado vacuno, los garbanzos, lentejas y arroz. (...) Hablaba un lenguaje tan extraño y de tan difícil pronunciación, que no le entendieron los negros de Príncipe que traíamos, sin embargo de que algunos de ellos se explicaban muy bien en el lenguaje de la costa”. Por cuya razón se quedaron sin saber el número de poblados que había en la isla, su forma de gobierno, sus usos y costumbres y cuanto podía interesarles para orientarse y formar un establecimiento ». Récit de Fernando Póo du commandant de Marine Varela Ulloa, membre de l'expédition Argelejos de 1778 (Cencillo, 1948 : 125-126). 88 Aymemi, 1942 ; Bonelli, 1934 ; Crespo Gil-Delgado, 1949 ; Martín del Molino, 1956, 1989; Manfredi, 1950. 89 « Arbolamos en aquella isla la bandera española, que saludamos con siete voces de Viva el Rey, y aunque en las instrucciones se me prevenía que lo ejecutase también con una triple descarga de 21 cañonazos, me pareció conveniente omitirla para no atemorizar a los habitantes, que sin este motivo abandonaron el puerto desde el día que entramos en él » : (Cencillo, 1948 : 101).
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pratiquement inhabité. La culture bubi se situe habituellement aux dernières phases de la fin du néolithique africain, quoique les vestiges archéologiques montrent qu'il existe un peuplement ininterrompu depuis le paléolithique. Les scientifiques considèrent que l'espace maritime qui sépare Bioko de la côte continentale aurait sûrement disparu au cours des époques de récession marine, ce qui expliquerait sa population. Les Bubis eux-mêmes, tout comme la plupart des populations voisines, racontent leurs origines à partir de la légende d'une migration qui les mena sur la rive atlantique depuis un endroit très éloigné que certains situent en Egypte ; ayant atteint la côte après maintes péripéties et épisodes de scission et de repeuplement avant d'avoir atteint leur but, la traite d'esclaves les obligea à chercher une échappatoire à la persécution qu'ils enduraient et la possibilité d'atteindre Bioko, une île toute proche qu'ils voyaient en temps clair, fut la solution. Par mesure de précaution leur fuite se réalisa de manière étalée et cet étalement justifie l'emplacement actuel des différents clans - baloketo, basakato, baney, basuala, baho, bakake, bariaobe, babiaoma, balacha, batete, bareka, balombe, bokoko... -, l'existence de certains doubles emplacements (batete, basakato,...), l'origine de rivalités concrètes et la raison de certaines organisations sociales. Précédemment j'ai étudié le sens de ces légendes d'installation90 qui situeraient les Bubis sur le même niveau que ceux d'autres cultures avoisinantes. Il existe cependant deux éléments d'importance qui différencient la culture bubi : • Tout d'abord, la langue : le bubi n'est parlé qu'à Bioko, et montre une diversité dialectale remarquable qui se multiplie entre les régions du nordnord-est et celles du sud- sud-ouest. Il s'agit d'une langue bantoue, que Malcolm Guthrie (1953) situe dans la zone A31 de sa classification et que des études récentes91 incluent dans un des troncs originaires du protobantou. • Ensuite, la structure sociale : de même que dans la plupart des sociétés de la côte avoisinante l'organisation sociale est fondamentalement patrilinéaire, patrilocale et exogame, en ce qui concerne les Bubis ses fondements sont le clan matrilinéaire exogame et le village patrilocal présidé par le chef du lignage ou clan patrilinéaire. À l'exception de ces chefs de village et de ceux des clans matrilinéaires, chaque contrée possédait une organisation politique minimale formée par un conseil des anciens ; et il y avait en outre une autorité suprême représentée par le chef du clan matrilinéaire principal, que les colonisateurs avaient pris pour le « roi » de l'île.
90 91
Creus, 1995e. Junyent, 1992.
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Ainsi donc, dans la société bubi chacun naît à l'intérieur d'un clan, au sein duquel il développera son existence. Le clan se nomme rijoe ou karichobo, ce qui signifie « maison maternelle », et comprend tous les descendants provenant par ligne maternelle, morts ou vivants, d'une « mère commune », la première mère parmi toutes les mères, celle qui donna les premiers enfants au clan et qui accueille, dans l'autre monde, toute la famille du clan. Les vivants demeurent dans un espace clos où vit une vaste famille ; dans cet espace se trouvent les foyers et cuisines des membres adultes de la famille, et en outre une maison pour la mère de tous et pour les esprits du clan familial et une autre pour les hôtes. Les rites de puberté n'ont pas été décrits. Mais, une fois atteint un certain âge, le garçon bubi quitte le village maternel, où il avait vécu jusqu'alors, pour aller vivre chez la famille de son père. C'est là où il construira une maison qui lui sera destinée et une autre pour son esprit personnel. C'est là où il apprendra à chasser, où son éducation prendra fin et où il se mariera. Un mariage dont la dot sera une condition inéluctable ; cependant, et ceci tient au fait que la société bubi est matrilinéaire, les enfants issus du mariage appartiendront toujours au clan maternel malgré le paiement de cette dot. Comme nous verrons plus tard, les missionnaires ne parvinrent jamais à comprendre ce fait, qu'ils conçurent à tout moment comme une preuve de la situation d'esclavage de la femme, qui était « achetée » par son futur époux. La dot était négociée entre les deux familles ; et le fait qu'elle puisse être versée peu à peu, au cours d'un espace de temps assez long, faisait que très souvent cet accord se produisait lorsque la fille était encore une enfant. Une autre des conditions importantes pour la célébration du mariage était la « virginité » de la fille, ce qui portait sa famille à un contrôle stricte de sa sexualité : la perte prématurée de la virginité amenait le déshonneur à la famille et le châtiment, autant pour elle que pour les garçons coupables. L'adultère était également sévèrement châtié. Je mets en relief ces aspects, car la conception que les missionnaires propagèrent du mariage bubi -qui était polygame et, par conséquent « pervers »- fut très différente : ils considérèrent toujours les Bubis livrés à une sorte d'anarchie sexuelle, ignorant que leur organisation à ce sujet était en tout contraire. Ainsi donc, la vie du Bubi se déroulait dans deux endroits, deux villages différents : le village originaire de la mère, où il passait son enfance, et celui du père, où il allait vivre une fois atteinte la puberté. Le village était toujours situé loin de la mer, dans la montagne, et répondait tout le temps à la même structure, aux environs d'un long chemin central qui pouvait atteindre quelques kilomètres. À ce chemin central aboutissaient des chemins secondaires, tous d'un même côté, qui menaient à un groupe de maisons enfermé par une baie (comme nous avons vu, chaque groupe de maisons appartenait à une vaste famille). Au milieu de ce chemin central se trouvait une place et une maison de réunions. De l'autre côté du chemin, la maison-
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chapelle du fondateur du village et, ensuite, toute une série de chemins secondaires qui menaient au cimetière : en principe, un cimetière pour chaque lignage. Ce sens binaire est remarquable : tout comme une personne possède deux bras et deux jambes, que la vie surgit de l'union entre le mâle et la femelle et que la grande migration eut deux phases, les villages étaient partagés en deux parties, l'une pour les vivants et l'autre pour les morts et celle-ci était en tout pareille à la première. Il y avait aussi deux grandes divinités : une masculine, Rupé, le créateur, et une autre féminine, Bisila, la grande mère d'une culture matrilinéaire, veillant sur la fertilité et sur l'agriculture. Au dessous d'eux, un grand nombre d'êtres surnaturels : des esprits de la terre, des sources, des rivières, de la mer, des plages ; des ogres et des nains ; des héros surnaturels et humains... Mais, par dessus tout, les Bubis vénéraient les esprits de leurs ancêtres, car c'étaient eux qui pouvaient agir dans la vie quotidienne : les esprits du clan, l'esprit personnel attribué à chaque individu, et l'esprit du père décédé, il paraît que c'était bien là les trois axes du culte le plus habituel dans cette société. Un culte qui reliait le maintien de l'ordre établi par les aïeux à la santé ; et la maladie au désordre social et spirituel des membres du groupe. Et pour finir je remarquerai que l'économie traditionnelle se fondait sur la petite agriculture d’ignames, mangues, bananes, etc... qui, de paire avec la recherche de l'eau et du bois et la plupart des tâches domestiques, étaient attribuées à la femme ; tandis que les hommes consacraient notamment leur activité à la chasse, à la pêche, à la production du vin de palme et à la construction des maisons (ainsi que dans des sociétés d'une économie semblable, ils ne se déplaçaient que rarement et encore à des endroits peu éloignés). Les missionnaires considérèrent toujours les Bubis comme spécialement sauvages, livrés à des mœurs sadiques, parmi lesquelles ils mettaient en relief les tatouages faciaux et les guerres incessantes entre les villages voisins, et le fait de soumettre la femme à la condition d'esclave et de « bête de somme » pour les hommes : « Un des témoignages les plus évidents de leurs mœurs barbares sont les guerres incessantes et sanglantes auxquelles au cours desquelles s'affrontent entre eux les districts ; et même les villages, quoique formant partie du même district ; les familles entre elles ; et, de manière ininterrompue, les vengeances d'ordre privé. (...) Des actes de brigandage, surprendre inopinément les voyageurs et les tuer perfidement était une action habituelle chez eux ; au point qu'un chef, aussi puissant et influent soit-il, n'avait pas le droit de posséder le titre de Boana ou Boabi ce qui équivaut à héros ou homme illustre - tant qu'il n'avait pas infligé la
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mort à un ennemi personnel ou de la tribu, sous la condition expresse que le crime devait être commis par traîtrise »92. En fait, le pouvoir auquel pouvait accéder un Bubi dépendait de sa position à l'intérieur du clan et de ses rapports avec les esprits. Or, les travaux ethnologiques sont rares et fragmentés et il y a carence d'une étude approfondie sur la société traditionnelle bubi... qui n'existe plus. En grande partie, à cause de l'action colonisatrice, en grande partie par l'action évangélisatrice. Des évangélisateurs qui estimèrent ces Bubis comme des « sauvages » « colonisables », « assimilables », « intégrables » dans un système qu'ils considéraient comme « plus adéquat »93.
Le premier missionnaire espagnol en Guinée La première expédition officielle espagnole en Guinée effectuée dans le but de gouverner le territoire fut celle de Juan José de Lerena, en 1843. Avant celle-ci, il y avait eu celle du comte d'Argelejos, qui en 1778, juste après le traité d'annexion, prit possession des îles de Fernando Póo et Annobón et qui fut un échec. Lerena fut le premier à établir des bases de gouvernement, d'autre part fort rares, pour l'île de Fernando Póo. Cinq mois après son départ, il regagnait Cadix (15 mai 1843). Avec un rapport sur l'état des colonies guinéennes, Lerena amena de Clarence City, qu'il avait rebaptisée Santa Isabel, deux Krumen qui furent reçus à Madrid avec une curiosité toute naturelle. Le gouvernement espagnol décida que l'éducation des deux Africains serait prise en main par le Frère Jerónimo Mariano Usera y Alarcón, qui pour cette fonction fut nommé « lieutenant vicaire général intérimaire du golfe de Guinée ». Usera, né à Madrid en 1810, au cours de la guerre contre les troupes napoléoniennes, s'était engagé par des vœux au monastère cistercien d'Osera (Ourense, Galice) après le triennium constitutionnel (1820-1823). Le décret d'abandon de l'état de moine (1835) et de sécularisation de Mendizábal (1836) l’amenère à prendre en charge la paroisse de Pedrazales (au bord du lac Sanabria) d'où il partit pour regagner Madrid en 1840. À la suite de son aventure guinéenne son inquiétude missionnaire ne le quittera plus, ce qui le mènera à divers endroits des 92
« Son pruebas claras de sus bárbaras costumbres las guerras tan continuas y sangrientas de unos distritos con otros ; de unos pueblos con otros del mismo distrito ; de unas familias con otras ; y las venganzas privadas, jamás interrumpidas. (...) El saltear, sorprender repentinamente a los viajeros y matarlos traidoramente era cosa común entre ellos ; tanto, que a un jefe, por muy poderoso que fuese e influencia gozase, no le era permitido poseer el título de Boana o Boabí, equivalente a héroe o varón ilustre, si no había matado a un enemigo personal o de la tribu, con la condición que el homicidio debía ser realizado con alevosía » (Aymemi, 1942 : 29-30). 93 Creus, 1992, 1993
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Antilles : à Saint Jean de Puerto Rico, à la Havane et à Santiago de Cuba (il resta dans ce dernier diocèse de 1848 à 1851, juste avant l'arrivée comme archevêque et primat des Antilles de Saint Antoni Mª Claret, le fondateur des clarétains). Officiellement, et quoiqu'elle ne restât que 13 jours à Santa Isabel, l'expédition de Lerena fut considérée comme un succès : non content de soumettre l'île Formosa à l'autorité de Madrid, le mandataire avait par ailleurs inspecté Annobón et avait annexé pour la « nation catholique » l'îlot - petit mais bien situé - de Corisco, et en avait rapporté toute une foule de précieuses informations. Si bien qu'on envisagea une deuxième expédition avec à sa tête Lerena lui-même, et de laquelle Usera ferait partie comme « premier aumônier lieutenant vicaire général militaire ». Le 1er. mai 1844, quelques jours avant le départ, étaient baptisés les deux Krumen arrivés de Santa Isabel un an auparavant, et ce jour même le général Narváez remplaçait González Bravo à la présidence du gouvernement pour engager la « décade modérée », et Lerena était destitué. L'expédition en Guinée ne fut pas menée à terme. Cette initiative fut reprise en 1845 : la nouvelle expédition sera commandée par Guillemar de Aragón, consul espagnol à Sierra Leone (où il devait entretenir de bonnes relations avec les autorités britanniques et affronter les dénonciations provenant du « droit de visite » que les vaisseaux de la Marine britannique exerçaient sur les vaisseaux de commerce espagnols. Parmi ces expéditionnaires il y avait les deux Krumen convertis par Usera, nommés sergents de la Marine, Usera lui-même comme missionnaire principal, et un Capucin sécularisé, Juan del Cerro, qui devait l'aider dans la tâche missionnaire. Les deux prêtres ne devaient pas limiter leur action aux bons soins religieux de la troupe, mais devaient la répandre partout ailleurs à Santa Isabel. De sorte qu'il s'agissait, effectivement, de la première expédition missionnaire envoyée par l'Espagne en territoire guinéen. Usera et del Cerro arrivèrent à Santa Isabel le 25 décembre 1845 et regagnèrent la Péninsule le 25 mars 1846. Trois mois qui ne représentaient qu’un séjour pour ainsi dire « de témoignage », sans qu’ils aient eu le temps d'engager une action missionnaire solide94. Je tiens cependant à souligner certains aspects qui m'ont paru importants pour comprendre les actions missionnaires qui s'ensuivirent : • Tout d'abord, remarquer que les deux curés étaient envoyés comme partie d'une expédition officielle dont la mission consistait à approfondir la tâche d'hispanisation du territoire entamée par Lerena : une mission provisionnelle qui faisait prévoir une fin imprécise, mais imminente. Ce 94
Vaz, 1992.
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n'était donc pas une mission qui visait à se stabiliser dans le territoire, quoique Usera et del Cerro y seraient restés très volontiers si les choses n'avaient pas mal tourné. Leur retour avec le reste de l'expédition fut justifié par les maladies qu'ils subirent ; mais cette première expérience nous permet de nous apercevoir de deux choses : ·qu'il s'agissait bien d'une Mission officielle, d’État, qui dépendait directement du budget et des décisions de l'autorité civico-militaire représentée par Guillemar de Aragón. ·que sa continuité dépendait autant des décisions gouvernementales que de la disposition personnelle des curés protagonistes. • Deuxièmement, que le modèle missionnaire suivi par Usera et del Cerro ne s’intéressa qu’à la population de Santa Isabel, le seul endroit du territoire où la présence européenne ou européanisée était d'une certaine importance : cette année 1845, d'après le recensement du pasteur Sturgeon95, chef de la mission Baptiste, la ville se composait de 1.027 habitants, dont 10 uniquement étaient blancs ; en revanche, il y avait 50 Krumen, 165 Bubis et 251 Noirs de diverses provenances (des Congos, des Isubus, et des Douales, probablement des esclaves affranchis) ; par ailleurs, 374 de ces habitants travaillaient comme domestiques96. Ceux-ci auraient pu être les paroissiens d'Usera et del Cerro ; mais l'importance de la mission Baptiste, engagée en 1841, et qui à l'époque jouissait d'une forte influence (79 membres), un important développement (en 1846 le nombre de membres s'élevait déjà à 11097 et de nombreuses propriétés, réduisait en fait le nombre de paroissiens possibles à une vingtaine de familles provenant de São Tomé. On ne dirait pas qu'il y eut une quelconque action de la part des missionnaires espagnols tendant à la conversion des Bubis. • Dans ce contexte multiracial, multiculturel et multireligieux, la prétention d'Usera consista à faire de sorte que les décisions gouvernementales tendissent à favoriser la Mission catholique et à nuire à la Mission protestante, au point de programmer le départ des missionnaires baptistes de la colonie. Et ceci, dès leur arrivée : le 29 décembre 1845 il faisait signer à la quinzaine de missionnaires baptistes qui étaient en l'occurrence à Fernando Póo un acte de renonciation à cette Mission : « C'est le 29 décembre qu'eut lieu cet acte mémorable. Les missionnaires baptistes, convaincus que leur permanence missionnaire dans l'île était indésirable, compte tenu de nos lois qui n'acceptent d’autre religion que la catholique 95
Martín del Molino, 1994 : 128-129. La population traversait une époque économique d'apogée ; si bien qu’en 1843 les 3 vaisseaux qui s'étaient arrêtés au port de Clarence avaient exporté 657 bidons d'huile de palme, en 1845 ils y en eut 5 qui exportèrent 1.272 bidons ( Martín del Molino, 1994 : 135). 97 Martín del Molino, 1994 : 141. 96
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romaine dans les domaines espagnols, furent obligés de quitter l'île dans un délai de deux mois. Tout se présentait pour le mieux, car une fois effectuée cette action il ne restait plus qu'à remplacer le culte baptiste par le catholique, et les écoles anglaises par les catholiques. Cependant, M. Guillemar se contenta de nous acheter une maison en bois pareille à toutes celles du pays, mais qui manquait de place pour la chapelle et l'école. Et, comme il considéra que les deux mois de délai concédés aux baptistes pour quitter l'île étaient trop court, il les prolongea jusqu'à un an et trois mois »98. Une action contre les missionnaires protestants menée à terme malgré la reconnaissance (théorique) que leur tâche était méritoire : « Avec quelle vénération et quel respect les Noirs convertis de Fernando Póo regardent-ils leurs missionnaires. Un des pires châtiments qu'on puisse leur infliger c'est de les chasser de la communauté religieuse. Les jours de fête ils s'adonnent à la leçon et explication de l'Évangile, alternant ces exercices par des chants religieux ; et plus d'une fois, en pleine nuit, j'ai été réveillé par ces cantiques, entonnés par toute une famille d'une maison voisine »99. L'avant-dernière des citations que j'ai rapportée nous permet de voir, par ailleurs, à quel modèle de Mission pensait Usera : « Cependant, M. Guillemar se contenta de nous acheter une maison en bois pareille à toutes celles du pays, mais qui manquait de place pour la chapelle et l'école ». Cette trilogie : Presbytère - Chapelle - École, nous la retrouverons dans un grand nombre d'actions missionnaires. Elle correspond à une sorte d'imitation étroite des paroisses métropolitaines, et elle fut exercée dans un environnement « paroissial » ou « pastoral », c'est à dire dans des Missions adressées à des paroissiens, mais non à des personnes « non converties » : une forme d'action dont les protagonistes seraient, d'une manière spéciale, les missionnaires de Santa Isabel, mais que les Pères du Saint-Esprit avaient déjà fait évoluer à Libreville et qui évolua encore grâce à la tâche que les clarétains réalisèrent en Guinée.
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« El 29 de diciembre tuvo lugar la famosa acta, en la que los misioneros baptistas, convencidos de que su permanencia en la isla, como tales misioneros, era improcedente, atendidas nuestras leyes que no admiten en los dominios españoles otra religión que la Católica Romana, se obligaron a abandonar la isla en el término de dos meses. Todo se presentaba próspero y en el mejor estado, porque dado este paso no restaba más que haber sustituido el culto católico al baptista, y las escuelas católicas a las inglesas. Empero el Sr. Guillemar se contentó con comprarnos una casa de madera como las demás del país, pero sin local para capilla y escuela. Y pareciéndole demasiado corto el plazo de dos meses concedido a los baptistas para abandonar la isla, lo alargó a un año y tres meses » ( Usera, 1852 : 15). 99 « Es grande la veneración y respeto con que miran a sus misioneros los negros convertidos de Fernando Póo. Uno de los mayores castigos que se les puede imponer es el ser arrojados de su comunidad religiosa. Los días festivos los emplean en la continua lección y explicación del Evangelio, alternando aquellos ejercicios con cánticos religiosos ; y más de una vez en medio de la noche ha sido interrumpido mi sueño por estos cánticos, entonados por toda una familia de una casa vecina » ( Usera, 1848 : 27).
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Le caractère de Mission d’État ; le fait de se centrer à la capitale ; la tendance à limiter et à interdire l'action des protestants ; et un modèle « paroissial » d'action... sont des caractéristiques inter-dépendantes : la Mission d'Usera avait un caractère officiel parce que l'idée de récupérer ce territoire sous organisation britannique était en rapport avec un labeur d'hispanisation qui comprenait, entre autres, des éléments économiques, linguistiques et religieux (hispanité = catholicité) ; en revanche, limiter le labeur évangélisateur à Santa Isabel obéissait à des raison budgétaires et de politique coloniale, impliquant, d'une manière « naturelle », autant l'affrontement avec les protestants (la seule réalité religieuse importante dans la capitale) que la réalisation d'une activité « pastorale » parmi les paroissiens de la ville. Autant de caractéristiques que nous retrouverons plus loin ; et encore une autre : • L'affrontement entre l'autorité missionnaire et l'autorité civile espagnoles : dans ce cas-là, entre Usera et Guillemar de Aragón. Cet affrontement eut une telle importance que Usera lui consacra un livre100 qui réfutait un opuscule que le consul espagnol à Sierra Leone édita sur son séjour à Fernando Póo101. Le missionnaire reprochait au mandataire gouvernemental, fondamentalement, deux aspects : les maigres moyens livrés à la mission : « Le mobilier de la maison se réduisait à des lits que nous portâmes du bateau, trois tables, cinq bancs, deux verres et trois assiettes ; et ceci grâce au commandant Manterola, qui nous fourni une partie de ce mobilier. Un pauvre Espagnol, originaire de Cadix, résidant à Fernando Póo, enrichit notre batterie de cuisine d'une marmite en fer blanc. Et je dis enrichir, parce qu'elle formait à elle seule toute notre batterie de cuisine »102 ; une plainte qui s'ajoutait à l'affirmation antérieure (« Cependant, M. Guillemar se contenta... ») et que Guillemar justifiait dans son opuscule : « Mon seul regret c'est de ne pas avoir pu faire ce qu’exigeait de moi le P. Usera, qui désirait une chapelle, une école, un cimetière et sa chapelle, car nous n'avions ni les moyens ni le temps, et tout cela serait inutile tant que la colonisation n'aurait pas été engagée »103. La mauvaise disposition pour interdire les cultes et les activités des missionnaires protestants : nous avons vu que l'acte de renonciation préparée 100
Usera , 1852. Aragón, 1852 ; la seule édition que j'aie pu en trouver est de 1952. 102 « El menaje de casa estaba reducido a las camas que trasladamos de a bordo, a tres mesas, a cinco banquillos, dos vasos y tres platos, gracias al Sr. Comandante Manterola, que nos proporcionó parte de estos muebles. Un pobre español, natural de Cádiz, residente en Fernando Póo, enriqueció nuestra espetera con una marmita de hoja de lata. Y llamo enriquecer, porque ella sola formaba toda nuestra batería de cocina » ( Usera, 1848 : 63). 103 « Sólo tengo el sentimiento de no haber podido hacer cuanto exigía el P. Usera, que quería una capilla, una escuela, un cementerio con su capilla, porque ni dinero ni tiempo teníamos, y que nada de eso era útil hasta que se principiase la colonización » ( Aragón, 1952 : 131). 101
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par Usera prévoyait un délai de deux mois pour que la mission baptiste quittât le territoire de la mission, alors que Guillemar prolongea ce délai jusqu'à 15 mois. Or, lorsque Usera et Guillemar s'en allèrent cette disposition ne fut jamais mise à exécution. Étant donné que la suivante expédition missionnaire catholique n'arriva en Guinée que onze ans plus tard, la mission baptiste se poursuivit pendant longtemps sans entraves, quoique - par une mesure de prudence - les protestants lui retirèrent son caractère de mission centrale dans la région du Niger : « Alors qu'à nous, missionnaires catholiques et espagnols, on nous refusait une chapelle, un local pour l'école et même un simple cimetière, le mandataire espagnol permettait, voire autorisait, aux missionnaires baptistes anglais de tenir plusieurs écoles et quelques chapelles pourvues de cloches »104. En résumé, Usera exigeait plus de ressources matérielles et plus de possibilité d'action. Comme nous verrons bien, les missionnaires catholiques ne cessèrent d'adresser cette demande aux gouverneurs espagnols de Fernando Póo. Or, la position de ceux-ci n'était pas aisée : parce qu'un grand nombre d'entre eux accueillaient avec sympathie la liberté de cultes, dont la reconnaissance fut un des chevaux de bataille de la politique espagnole du XIXe s. parce que la mission baptiste possédait de nombreuses propriétés, lesquelles, en cas d'expulsion, il fallait exproprier et payer. parce que la population de Santa Isabel trouvait dans le protestantisme un de ses piliers de cohésion ; parce que la mission baptiste jouissait d'un grand prestige depuis son affrontement aux pratiques despotiques de la West African Company ; et parce que le segment baptiste de la population était un pouvoir de facto et un important groupe de pression. parce que la nécessité de maintenir de bonnes relations entre l'État espagnol et l'Angleterre, faisait que les gouverneurs agissent avec une extrême prudence. Quant aux missionnaires de l'American Board, cette même prudence était exigée d’eux en vue d'entretenir de bonnes relations avec le gouvernement américain ; et cette situation fut de longue durée : « La Reine (q.D.g.) m'a prié de recommander à V. E., comme l’exige son Ordre Royal, que Vous gardiez la plus grande prudence vis à vis des missionnaires anglo-américains établis dans cette île [Corisco], et que vous veilliez à n'adopter aucune résolution pouvant entraîner des conflits avec les États 104
« De manera que al mismo tiempo que a nosotros, misioneros católicos y españoles, se nos negaba una capilla, un local para escuela, y hasta un miserable cementerio, el comisionado español permitía y aun autorizaba el que los misioneros baptistas-ingleses tuvieran varias escuelas y algunas capillas con sus correspondientes campanas » (Usera, 1852 : 42). L'allusion aux cloches est importante, car il s'agissait d'un des signes externes qui donnait foi publiquement de la position supérieure des baptistes dans la ville. L'emploi de signes externes « contondants » fut un des objectifs de la totalité des expériences missionnaires catholiques à Santa Isabel ; qu'ils percevaient comme un signe de la position politique et sociale de la Mission elle-même.
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Unis ; et que, par ailleurs, vous ne preniez aucun engagement, soit explicite, soit tacite, qui pourrait gêner le gouvernement au moment d'adopter une résolution définitive sur cette affaire »105. En ce qui concerne la livraison des ressources nécessaires à la mission, il faut dire que les gouverneurs devaient se contenter de budgets vraiment maigres. Mais, par-dessus tout, l'estimation de ce qu'il fallait considérer comme « ressources matérielles » indique une conception différente du rôle que la mission était censée assumer dans la colonisation des territoires : • Les gouverneurs acceptaient normalement de bon gré le modèle existant : une colonisation promue de l'extérieur, par des colons provenant de l'Amérique ou d'endroits déjà européanisés, aidés par des travailleurs noirs (Krumen) habitués au travail de plantation : « Faut-il que nous entreprenions la colonisation à l'aide de Noirs sous un commandement civil, protecteur et illustré, ou bien au moyen d'une transplantation de blancs? »106. • En revanche, les missionnaires aspiraient à être l'axe de l'action coloniale : « Et, en plus, la sagesse de M. le consul de Sierra Leone, a-t-elle conçu quelquefois que, lorsque le gouvernement avait sérieusement envisagé la colonisation des îles espagnoles du golfe de la Guinée, il [le gouvernement] ne considérerait plus les missions comme le premier élément colonisateur? Si la piété notoire du gouvernement de S.M. et le discernement n'en vinrent à apporter leur appui, l'expérience nous montrera que ces principes et les moyens les plus faciles, les moins chers, et qui apportent de meilleurs résultats, autant pour l'établissement que pour la garde de nos colonies, ont été et seront toujours les Missions catholiques »107. D’où l’idée d’y insérer toute la population : « Se demander si un peuple doit être formé 105 « La Reina (q.D.g.) ha tenido a bien disponer recomiende a V.S. como de su Real orden lo verifico, que en las relaciones con los misioneros anglo-americanos establecidos en la citada isla, guarde V.S. la más prudente reserva, sin adoptar respecto a ellos una resolución extrema, que pueda ser causa de complicaciones con los Estados Unidos, como también, sin avanzar a contraer compromiso alguno explícito ni tácito que sirva de embarazo al Gobierno para adoptar una resolución definitiva sobre este asunto ». Lettre du Ministère d'Outre-mer au brigadier José de la Gándara, gouverneur général de Fernando Póo, du 14 juillet 1860. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. 106 « ¿ Debemos nosotros emprender la colonización con negros bajo un mando civil, protector e ilustrado, o bien por medio de una trasplantación de blancos ? » (Aragón, 1952 : 93). 107 « Además, la ilustración del Sr. Cónsul de Sierra-Leona, ¿ ha podido llegar a concebir que, al pensar seriamente el Gobierno en la colonización de las islas españolas del Golfo de Guinea, dejará de mirar a las Misiones como primer elemento colonizador ? Cuando la piedad notoria del Gobierno de S. M. y la razón no vinieran en apoyo de este modo de sentir, la experiencia nos enseñaría que los principios y los medios más fáciles, menos costosos, y de mejores resultados, así para el establecimiento como para la conservación de nuestras colonias, han sido y serán siempre las Misiones Católicas » (Usera , 1852 : 18-19).
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de Blancs ou de Noirs, ou si la moitié, le tiers ou encore un quart de la population doit être blanche ou noire, c’est prétendre organiser un village comme on organise un bataillon : ou s'acharner à élaborer une colonie tout comme on élabore une tisane »108. L'aventure missionnaire d'Usera et del Cerro en Guinée fut de courte durée. À son retour, le cistercien proposa au gouvernement la création d'une société missionnaire responsable de la colonisation des territoires109. Ce fut un échec : à Madrid il n'y avait ni la volonté ni l'argent pour aller plus loin, et la preuve c'est que l'expédition évangélisatrice suivante mit longtemps à se concrétiser. Or, curieusement, cette expédition, quoique si courte, réalisée par Usera servit pour mettre sur la table toute une série de problèmes qui se prolongeront postérieurement dans toutes les expériences missionnaires : les moyens nécessaires, les tâches qu'ils doivent mener à bien, les relations avec les protestants, l'organisation de la mission... Les missionnaires savaient très bien ce qu'ils avaient à offrir : leur vocation au service de l'objectif évangélisateur. Mais ils désiraient que cet objectif passât par dessus tous les autres, pour être l'axe de l'action coloniale, parvenir à ce que -comme très souvent pour les colonies hispanoaméricaines- la croix et l'épée allassent de pair, et que leurs desseins fussent les mêmes. C'était un programme que les forces politiques et les gouvernements les plus conservateurs trouvaient à leur gré. En revanche, d'autres politiciens, d'autres militaires ou d'autres gouvernements plus libéraux, auraient préféré une colonisation basée plutôt sur l'activité commerciale et productive des compagnies privées, aidée par une action gouvernementale et militaire adéquate. Pour ce dernier programme, le rôle de la mission devait se limiter à une tâche visant à aider les Européens transplantés ; pour le premier, la tâche « civilisatrice » des missionnaires devait parvenir à l'intégration de toute la population au sein de la vie coloniale. Un dilemme qui fut résolu par des raisons d'ordre pratique : la souveraineté espagnole dans les territoires ne pouvait être assurée qu'à condition d'obtenir une présence stable et un exercice indubitable de l'autorité ; or, les compagnies privées espagnoles ne possédaient ni la capacité financière et matérielle ni le personnel nécessaire pour s'affronter à la colonisation des territoires. Envoyer des missionnaires en Guinée, de manière subsidiaire, pour une tâche d’assistance pure, n'était pas coûteux, donnait un aspect « humanitaire » au processus et pouvait représenter une présence en permanence dans les territoires. 108
« Poner a discusión si un pueblo ha de formarse de blancos o de negros, o si han de ser por mitad, tercera o cuarta parte blancos o negros, equivale a querer organizar un pueblo como se organiza un batallón : o es contraer el raro empeño de confeccionar una colonia como se confecciona una tisana » (Usera , 1852 : 38-39). 109 Usera , 1848, chap. VI.
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Les missionnaires, de leur côté, ne se contentèrent jamais de ce rôle secondaire ; mais ils durent s'adapter aux possibilités réelles que leur offrait le gouvernement.
La deuxième expédition missionnaire espagnole : le premier préfet apostolique de Fernando Póo La deuxième expédition missionnaire espagnole fut présidée par le chapelain Miguel Martínez Sanz et arriva à Santa Isabel le 14 mai 1856. Il y avait eu, paraît-il, auparavant, plusieurs tentatives dont les protagonistes étaient des prêtres disposés à assumer la responsabilité de la mission guinéenne : par exemple, il figure, à ce sujet, une proposition du prêtre Inocencio Velázquez du 28 avril 1851110. Et ceci sera la tendance de la deuxième expédition : une initiative personnelle de Miguel Martínez Sanz, un prêtre fort bien placé à Madrid, où il était « chapelain d'honneur » de la reine Isabelle II, afin de parvenir à ce que son initiative personnelle puisse obtenir un support officiel. Or, il semble qu'il garda, en tout moment un caractère d'une indépendance relative vis à vis de l'autorité gouvernementale, qui se borna à subventionner l'initiative par un apport de 60.000 reales (= 15.000 Pts = 3.000$ = 3.000 pesos = 3.000 duros). Les raisons qui poussèrent Martínez Sanz à entreprendre son aventure guinéenne sont plutôt confuses111. On donne à entendre une possible réaction due au fait que certains gouvernements auraient souhaité que Fernando Póo devienne une espèce de « destination de châtiment » pour les prêtres dont la conduite était « inadéquate »112. Martínez et ses compagnons assumeraient comme une vocation personnelle ce qui, officiellement avait un caractère punitif, et engageraient de la sorte leur mission. Pour ce qui concerne Usera, je tiens à faire remarquer deux différences notables : • Tout d'abord, que -sur la requête de la reine, qui souhaita être « protectrice » de l'expédition (ce qui justifierait les facilitées obtenues) 110
ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 3-7. 111 Pujadas, 1968 : 45. 112 La réputation de Fernando Póo comme un endroit malsain serait utile aux intérêts du gouvernement au cours de divers stades ; ainsi, et notamment au cours de la deuxième partie du siècle, l'île deviendrait l'endroit où seraient envoyés toute sorte de rebelles, en particulier provenant de l'Andalousie et de Cuba.
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Martínez Sanz se soumit à l'approbation de la Sainte Congrégation de la Propaganda Fide, qui le nomma « Préfet Apostolique de Fernando Póo, Corisco et Annobón ». La transformation des missions guinéennes en préfecture apostolique, qui par ailleurs peut s'expliquer par ce soutien royal, leur attribuait une entité juridique propre ; et ceci aux dépens du diocèse de São Tomé (Fernando Póo et Annobón) et du vicariat apostolique des Deux Guinées (Corisco) ; et qui répondait au fait que ces territoires étaient soumis, du point de vue civil, à l'autorité espagnole (quoique les réclamations françaises sur l'îlot de Corisco se poursuivissent). La gestion personnelle de Martínez Sanz continua pendant encore quelques mois113, et s’entama une correspondance qui s'est conservée en entier aux archives de la Sainte Congrégation. • Ensuite, il s'agit d'une expédition missionnaire qui, suivant des idées semblables à celles qu'avait exprimées le P. Usera, eut un objectif colonisateur très précis. Ce n'était pas du tout, comme dans le premier cas, une mission composée d'un seul prêtre et d'un collaborateur ; mais d'un groupe de missionnaires (hommes et femmes) (dont plusieurs « servantes de Marie », fondées par Miguel Martínez Sanz lui-même) et des colons, recrutés en partie à Madrid, où se forma l'expédition, et en partie à Valence, port d’où leva l'ancre la goélette « Leonor », qui amena toute l'expédition en Guinée. À Valence même, et dans la ville proche de Xàtiva, Martínez Sanz profita des jours qui précédèrent le départ du vaisseau pour organiser des actes religieux publics (prédications, processions, collectes,...) qui arrondirent le budget de l'expédition : ils obtinrent des aumônes qui représentèrent 23.200 reales additionnels (= 5.800 Pts = 1.160$), et il put compléter le personnel des missions, qui fut définitivement formé par 13 religieux, 14 religieuses, trois menuisiers, un tailleur, un maçon, un cordonnier, quatre paysans et un fabriquant d'espadrilles. Nous savons le nom des religieux inscrits et leur provenance grâce à une coupure de presse conservée à l'ASCPF114 :
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Il y a, par exemple, une de ses lettres, du 12 novembre 1855, où il affirme que par rapport à ses facultés comme Préfet, il envoie « un de mes missionnaires ; que j'ai cru bon envoyer à cette Ville Sainte, non seulement parce qu'il s'agit d'une affaire grave, mais surtout parce que, étant donné la situation espagnole actuelle, il m'a paru trop dangereux de l'envoyer par courrier » : « uno de’ miei missionari, che ho creduto conveniente inviare ad essa Città Santa, non solo perche l’affare è grave, ma principalmente perche, nella attuale situazione di Spagna, mi pareva assai periglioso l’inviarlo per la posta ». ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 23. 114 « El Valenciano : diario político, religioso, literario, comercial, etc. », du 27 février 1856. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 245-247.
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* Prêtres, Religieux : Josep Agramunt Nicolas Bosquet Saturio Brea Placido Gascón Josep Giner
diacre clerc clerc clerc clerc
Guillermo Jarrín Miguel Martínez Francesc Mas Domínguez
prêtre prêtre clerc
Juan Mora Manuel Morales Joaquim Pla
prêtre clerc clerc
Ambrosi Roda
prêtre
Emeterio Soria
prêtre
Tortosa (Catalogne) Zaragoza (Aragon) Madrid (Castille) Zaragoza Russafa (Pays Valencien) Madrid Madrid Valencia (Pays Valencien) Madrid Alcudia de (P.V.) Benaguasil Valencien) Madrid
* Religieuses : Servantes de Marie : Dolores Ayora Alfonsa Call Mariana Gadea Teresa Martínez Joaquina Olaso Dolores Palomo Fernanda Rajo Mariana Sagasti Josepa Tomás
Madrid Madrid València Madrid Madrid Madrid Madrid Madrid València
· Religieuses capucines du monastère de Benaguasil : Carme Aguilar Valencia Maria dels Angels Carbonell Alboraia (Pays Valencien) Maria del Roser Carbonell Alboraia Esperança Sastre Pego (Pays Valencien) Empar Serra Pego
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Crespins (Pays
Le groupe était donc composé d'éléments provenant des deux endroits où Martínez Sanz avait pu faire du prosélytisme : Madrid (46,1%) et le pays valencien (42,3%), ainsi qu'un apport aragonais (7,7%) et catalan (3,8%). Il s’agit aussi d’une division linguistique (étant donné que les Valenciens parlent le catalan). Il semble que l'expédition dut endurer de sérieuses difficultés, notamment lorsqu'ils firent escale à Tenerife à la suite de toute une série de problèmes internes. Ils arrivèrent enfin à Santa Isabel où le gouverneur Charles Lynslager115, un Hollandais qui avait succédé à Beecroft à la mort de celui-ci (le 10 juin 1854) leur céda la maison qui avait appartenu au P. Usera, à laquelle le consul britannique, Mr. Hutchinson, un catholique irlandais, ajouta la sienne. Martínez Sanz en personne racontait ses premières actions dans une lettre du 11 août 1856 : « Nous trouvâmes cette ville [Santa Isabel] en possession des Baptistes ; mais avec l'aide de Dieu nous avons travaillé et déployé toutes nos forces pour affronter cet énorme malheur. Nous bâtîmes aussitôt une petite chapelle en bois que nous décorâmes comme il faut et, avec la majeure solennité possible, nous inaugurâmes le culte catholique le 23 mai, ce qui fut un immense bonheur pour le grand nombre de catholiques qui vivent ici provenant des îles de Principe et de São Tomé, possession portugaise. Je partis sans délai pour Corisco le 31 mai, celle île qui est à environ 80 lieues, et je pus trouver certains de ceux qui se disent méthodistes et aussi anabaptistes »116. L'installation à Santa Isabel et l'expansion vers les autres deux îles de la Préfecture (Corisco et Annobón) était, pourrait-on dire, les principaux soucis du chef de l'expédition. Une autre lettre, parue peu après dans la presse de Tenerife117, nous fournit une explication plus détaillée : Martínez Sanz racontait qu'il avait engagé la Mission de Santa Isabel et une section à l'île de Corisco ; qu'il avait l'intention d'en ouvrir une autre à Annobón ; qu'il avait par ailleurs établi une école, à la charge du P. Nicolás Bosquet, le 9 août ; qu'il était intéressé à écrire un dictionnaire (pour aller évangéliser les Bubis, qui, d'après lui, étaient « fainéants », « nus », « idolâtres » et « ignorants ») ; 115
Gouverneur de Fernando Póo (10/06/1854 - 27/05/1858). « Quam quidem civitatem sub dominio anabaptistarum invenimus ; sed Deo juvante ut huic pergrandi malo obviam eamus totis nostris viribus exinde laborabimus. Statim parvam capellam ex ligno fecimus convenienterque ornavimus in eaque cultum catholicum majori qua potuimus solemnitate inchoavimus die XI kalendas junii, cum ingenti gaudio plurimorum hic degentium catholicorum ex vicinis insulis Principis ac Sancti Thomæ quæ ad Potugaliam pertinent. Absque mora (pridie kalendas junii) profectus sum Coriscum versus, quæ insula octoginta ab hac distat leucas, ubi etiam inveni hos quos metodistas vocant, nec non anabaptistas ». ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 252-253. 117 Journal « La Estrella » du 26 août 1856. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 338 a,b,c,d. 116
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que Fernando Póo était commandé par les presbytériens, qui avaient là 4 missions, avec à la tête de chacune d'entre elles un pasteur ; que le 16 juillet ils avaient inauguré un ermitage situé dans un gros arbre ; et que lorsqu'ils tentèrent d'aller à Annobón, la mer était si houleuse qu'ils furent obligés de se dérouter vers Libreville, où ils furent accueillis par des pères français du St. Esprit ; et qu'ils avaient des problèmes de manque de nourriture. Martínez Sanz serait affronté à une réalité hostile et difficile : avec un gouverneur hollandais, successeur de Beecroft, intégré à la société fernandine [la population non bubi de Santa Isabel], il dut se comporter habilement. La réalité c'est que, à Santa Isabel, le pouvoir et le prestige étaient le privilège de la mission Baptiste, dont prenaient soin les pasteurs Alfred Sauker et John Diboll. Seulement quelques Portugais et quelques Krumen étaient catholiques, si bien que le reste de la population ne voulait rien savoir ni des nouveaux missionnaires ni de leurs écoles : alors que les écoles baptistes étaient bondées, celle de la mission catholique, que dirigeaient le P. Bosquet et le clerc Manuel Morales, ne comptait que trois élèves. À Santa Isabel tout fonctionnait selon le modèle britannique : la langue, le commerce, la monnaie... Et, par ailleurs, l'attitude des Bubis fut de froideur et d'hostilité envers la nouvelle Mission, au point de ne pas les approvisionner des produits du pays. La section de Corisco ne dura que quelques semaines ; celle d'Annobón ne fut jamais qu'un projet... La mission de Martínez Sanz s'appliqua aux signes externes : si le 9 août s'ouvrait la nouvelle école, le 6 juillet il avait célébré une procession de la Fête-Dieu à laquelle assista l'équipage du vapeur français « Victor » ; le jour de la St. Augustin (28 août) deux enfants furent baptisés (la mission baptiste, par contre, ne baptisait que des néophytes âgés de plus de 20 ans, et à condition qu'au moins pendant deux ans ils eussent mené une vie « édifiante ») ; le 12 septembre il érigeait une croix de 20 coudées de haut (8 mètres et demi)... et rêvait à des projets qui ne furent jamais accomplis : huit chapelles à Fernando Póo, trois à Corisco, une à Annobón... En vérité, le 3 novembre 1856, à peine six mois après son arrivée, Miguel Martínez Sanz quitta Santa Isabel, appelé par le gouvernement de Madrid, où il arriva le 28 février 1857 et où le 6 mai il présenta sa démission. Les raisons pour lesquelles le gouvernement de Madrid réclama la présence de Martínez Sanz à la cour sont confuses : la bibliographie missionnaire se borne à louer sa tâche de pionnier et à supposer que, tout simplement, le gouvernement espagnol avait décidé de donner une consistance à la mission guinéenne en la proposant aux jésuites. Or, les causes me paraissent confuses : quelques lettres du premier préfet apostolique de Fernando Póo, écrites à son arrivée à la capitale espagnole, parlent de la tâche réalisée en Guinée ; mais pas des raisons pour lesquelles
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il se vit obligé de regagner l'Espagne. Nous pouvons croire que les missionnaires, s’étant aperçu que leur présence à Santa Isabel était inutile et qu'il leur était impossible d'agir en accord avec les projets d'évangélisation et de colonisation qu'ils avaient envisagés, se laissèrent aller au découragement ; et que la situation s'aggrava à l'issue des maladies, des problèmes familiaux des expéditionnaires, du manque d'argent ; et que l'ambiance se détériora au point qu'ils firent parvenir plusieurs de leurs griefs aux autorités madrilènes. La Sainte Congrégation demanda à être informée sur ce qui s'était passé. Grâce à un rapport anonyme de l'époque118 nous avons un profil des activités de Martínez Sanz ; qui, malgré son caractère actif, était à la fois désordonné et un embrouilleur, « un homme intrigant et qui aimait bien se faire remarquer »119 : le rapport donnait pour vrai qu'il était arrivé à Madrid comme chapelain d'une baronne ; qu'il y fonda une école de garçons, mais qu'il dut arrêter, poursuivi par les parents, parce qu'il ne payait pas les taxes officielles ; qu'il était parti à Rome, où il avait été emprisonné dans le château de Sant'Angelo ; qu’à son retour à Madrid, il fut nommé assistant de chapelain, et qu'à l'insu de son curé il s'était emparé des fonds de l'église ; qu'il avait fondé une association religieuse de femmes non reconnue, les « ministres des malades », en gardant les aumônes ; qu'il faisait du commerce avec les médailles de la Vierge miraculeuse ; et qu'il était accusé d'autres affaires se rapportant à des détournements de fonds. Par rapport à la mission de Fernando Póo, le même rapport affirmait : « Il partit, et peu après on apprit que la Mission s'était défaite, et qu'ils accouraient de tous côtés : jusqu'au jour où Martínez fit son apparition accompagné de quatre petits Noirs, qu'il avait emmenés avec lui sous prétexte qu'ici ils pourront recevoir une éducation, et avec lesquels il se promène partout »120 ; et il concluait : « Quoi qu'il en soit, il n'est guère estimé parmi le clergé sensé ; il ne manque pas cependant d'habilité pour capter la bienveillance de tous ceux qui peuvent lui être utiles. J'ajouterai que, tel que V. E. le dit, Martínez a été appelé par le Gouvernement »121. Après avoir reçu toute cette kyrielle d'accusations, Martínez Sanz se mit à la disposition de la Propaganda Fide122. Et sans doute parce que tous 118
Lettre sans rémittent, du 15 mars 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 347-348. 119 « Un hombre intrigante y amigo de figurar ». 120 « Fue, y al poco tiempo ya se supo que se había deshecho la Missión, volviendo unos por un lado y otros por otro ; hasta que al fin ha aparecido Martínez con cuatro niños negros que ha traído con el fin, al parecer, de que aquí sean educados, y con los que se deja ver por esas calles ». 121 « Sea lo que sea, entre el clero sensato no goza de estimación, aunque sí de habilidad para captarse la benevolencia de los que le pueden favorecer. Quiero añadir que, como V. S. Ilma. dice, Martínez ha sido llamado por el Gobierno ». 122 Lettre au Cardinal Préfet du 10 mai 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 350-351.
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croyaient qu’il était en rapport à des faits concernant des détournement de fonds, dans une autre lettre123 il dressa le compte de la mission en Guinée : si bien que nous pouvons savoir que les revenus furent de 7.210$ (3.000 du gouvernement ; 2.000 de la reine ; 333 de ses amis madrilènes ; 713 des membres d'une archiconfrèrie qu'il avait fondée à la capitale ; 447 de l'archevêque de Valence et d'autres amis du préfet apostolique ; et enfin 717 des dons de Sevilla, Cadix et Tenerife). Or, les frais venaient, en grande partie, du transport de l'expédition (2.935$) et, encore, de toute une série de dépenses mineures, ce qui monta en total à 6.309$. Si bien qu'il y a un solde de 910$, avec lequel Martínez Sanz devait vouloir démontrer qu'à son départ la mission de Fernando Póo n'était pas restée démunie. Désormais, la correspondance de Martínez Sanz avec la Propaganda Fide atteint des proportions gigantesques : l'ex-préfet envoya des centaines d'écrits et de certificats en défense de son intégrité et de sa tâche qui, si on s'en tient aux documents, avait été vraiment remarquable124. Il en ressort la publication d'un grand nombre d'opuscules de propagande catholique, la création de toutes sortes d'associations pieuses et une tâche incessante en faveur des missions. Pour ce qui est de ce dernier point, il conviendrait peut être de souligner une lettre d'A. de Jessé, président de l'Œuvre de la Propagation de la Foi, où il lui octroyait le pouvoir d'établir un conseil central de l'Œuvre à Madrid, possédant la faculté de récolter de l'argent de tous les diocèses espagnols et de le distribuer en accord avec les instructions provenant de Lyon125 ; et une autre de l'évêque de Vic, Antoni Palau, qui lui rappelait, justement, la nécessité de ne pas oublier ses engagements concernant la Propagation de la Foi pour le fait d'avoir accepté la mission de Fernando Póo, et lui faisait remarquer : « Votre position est, il ne se peut plus opportune pour avoir la gestion du rétablissement de cette sainte Institution comme nous la concevons, afin de venir en aide aux Missions espagnoles »126. Des papiers et encore des papiers destinés à justifier l'action de Martínez Sanz. S'il existe un élément qui apporte une certaine clarté c'est une lettre que, semble-t-il, il écrivit à ses compagnons de la mission de Fernando Póo 123
Idem du mois de juillet 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 382-384. 124 Uniquement le dernier envoi, adressé par Martinez Sanz au Délégué Apostolique à Madrid, le 22 novembre 1857, contient 19 dossiers de documents qu'il apporte à sa décharge. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 469-470. Il enverra plus tard à la Propaganda plusieurs lettres réclamant une réponse qu'il ne recevra jamais. 125 Lettre du 23 août 1844, ratifiée le 11 septembre 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 447. 126 « La posición de V. es la más oportuna para gestionar el restablecimiento de aquella santa Institución en el modo que nosotros la interesábamos, con destino a socorrer las Misiones españolas ». Lettre du 21 mars 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 446.
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provenant de Madrid127. Comme il leur demandait leur opinion sur les affaires dont il était accusé, nous sommes en mesure de savoir de quelles accusations il était passible : « 1ère. Si tant que vous avez fait partie de la mission il y eut, de la part du préfet, une quelconque discrimination à l'égard des prêtres, compte tenu de notre misérable situation. 2e. Si dans les affaires les plus graves, telles que celle de Tenerife, et puis dans la nomination des personnes qui devaient composer chaque section, le préfet se montra à tout moment en accord avec l'opinion des autres prêtres. 3e. Si tant que vous avez appartenu à la mission vous avez remarqué quelques scandales ou que quelques-uns de ses individus aient été dominés par quelques graves vices capables de déshonorer la mission. 4e. Si, par contre, vous avez remarqué que tous les individus de la mission se confessèrent et communièrent, non seulement à Valence, mais aussi à Tenerife et puis à leur arrivée à Fernando Póo, ainsi que pendant toute la durée du voyage. 5e. Si vous vous souvenez que M. le gouverneur, plein de prévenances à notre égard, nous invita à partager sa table et nous offrit un lit chez lui en attendant que nos maisons fussent aménagés, et que seuls le P. Guillermo Jarrín et D. Ambrosio Roda s’y refusèrent. 6e. et la dernière : si vous vous souvenez avoir remarqué quelquefois que le préfet se comportât avec dureté et despotisme à l'égard des missionnaires, et si vous lui avez parlé de cette faute »128. Il s'agit bien sûr d'accusations qui ne pouvaient provenir que de l'intérieur de l'expédition même. Les réponses qui ont été conservées apportent encore plus de clarté. Ils adhérent tous à l'action du préfet, animés à son égard d'une 127
Lettre au P. Emeterio Soria, du 2 juillet 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 461 : puisque les réponses jointes à la documentation apportée à sa décharge proviennent de plusieurs exmissionnaires madrilènes de l'expédition, nous pouvons déduire qu'il leur en écrit de semblables à chacun d'entre eux. 128 « 1ª Si en todo el tiempo que V. formó parte de la Misión fueron distinguidos por el Prefecto los sacerdotes en cuanto permitía nuestra pobre situación. 2ª Si en los casos más graves, cual fue el que ocurrió en Tenerife, y luego en la designación de personas que habían de componer cada sección, definió el Prefecto en un todo al parecer y dictamen de los demás sacerdotes. 3ª Si en el tiempo que V. ha pertenecido a la Misión ha observado en ella escándalos, o echado de ver que alguno de sus individuos hayan estado dominados de vicios graves que hayan sido capaces de deshonrar la Misión. 4ª Si le consta, por el contrario, que todos los individuos de la Misión confesaron y comulgaron en Valencia, repitiéndolo luego en Tenerife y luego a la llegada a Fernando Póo, habiéndolo también hecho la mayor parte durante la navegación. 5ª Si recuerda V. que una de las muchas atenciones debidas al Sr. Gobernador fue el querer comiésemos y durmiésemos en su casa todos los sacerdotes y algunos más, hasta que tuviésemos bien arregladas nuestras casas, habiendo rehusado este favor los Pbros. D. Guillermo Jarrín y D. Ambrosio Roda. 6ª y última : Si recuerda V. haber echado de ver en alguna ocasión que el Prefecto trataba a los misioneros con dureza y despotismo, y si V. le hizo presente esta falta ».
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disposition favorable. Celle de Plácido Gascón129 nous apprend, au delà de son adhésion à l’œuvre de Martínez Sanz, que le P. Ambrosi Roda avait décidé d'adresser une plainte au gouverneur et au ministère, parce qu'il était convaincu que le préfet retenait l'argent pour lui ; et que l'impression générale, lorsque Martínez Sanz s'en alla, c'est qu'il les avait abandonnés à leur sort et qu'ils ne recevraient plus rien de sa part ni de celle du gouvernement. Tout compte fait on a l'impression que la situation interne de la mission aboutit à des relations personnelles difficiles. Le fait que Martínez Sanz n'ait confiance qu'en les missionnaires provenant de Madrid permet de supposer une division du contingent missionnaire ; et cette impression paraît se confirmer, car toutes les attaques adressées au préfet provenaient de la partie « valencienne » de la mission. J'ai voulu insister sur cet aspect dans le but de clarifier les raisons qui menèrent cette expédition missionnaire à la désagrégation. À mon avis les divisions internes devaient devenir plus importantes, vu leur contexte d'isolement social et d'impuissance face à la population de Santa Isabel, qui s'obstinait avec fermeté à conserver sa religion et son statut social. Et si j'ai tenu à m'étendre plus longuement sur ce sujet c'est parce que, comme nous verrons plus loin, la mission clarétaine engagée en Guinée dès 1883, dut subir, à maintes reprises, une situation interne caractérisée par des divisions, des dissensions et des affrontements personnels. Pour l'expédition de 1856, cette situation fut le début de la fin : si lorsque Martínez Sanz quitta Fernando Póo il y avait encore 11 expéditionnaires (qui furent dirigés par le « dissident » P. Ambrosi Roda), faute de ressources ils durent tous partir entre le mois de janvier et de février 1858. Sans aucun résultat. Ils ramenèrent deux jeunes Noirs qui, une fois à Madrid, furent baptisés par... Saint Antoni Mª Claret, à l'époque confesseur de la reine. Une situation semblable endurée quelques decennies plus tard par les clarétains, se résoudra par le renforcement de la hiérarchie interne de la congrégation en Guinée et en délimitant de manière précise les cercles d'autorité et d'intervention de chacun d'entre eux. C'est vrai qu'en l'occurrence, la mission clarétaine présentait déjà un bilan triomphaliste ; mais il n'est pas moins vrai que le contrôle de la situation, la continuité de la mission et la cohésion indispensable étaient plus aisés si la tâche de la mission était déposée dans les mains d'un Institut religieux au lieu d'être placée sous la responsabilité d'un groupe de missionnaires sans cohésion objective.
129 Lettre du 8 juillet 1857 -remarquez l'empressement dans la réponse-. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 464-467.
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J'ignore jusqu'à quel point le gouvernement de Madrid fut conscient du désarroi de l'expédition de Martínez Sanz, ni si celle-ci fut la raison principale qui fit que le Préfet Apostolique fut appelé à Madrid et dut renoncer à son poste. Ce qui est vrai c'est qu'à l'époque - et même avant - il existait déjà la ferme intention d'établir une présence administrative stable à Santa Isabel. Ainsi donc, un « Rapport du Conseil Royal sur la colonisation de Fernando Póo »130 du 30 décembre 1856, nous apprend que venait d’être nommée « une commission composée d'un officier de chacun des ministères d'État, Grâce et Justice, Finances et Marine, et un autre de la Direction Générale d'Outre-mer, afin que, dans un bref délai, il fut présenté un projet de colonisation compatible avec le Trésor public, tout en rédigeant les instructions qui devaient le compléter »131. Je tiens à faire remarquer le fait que le gouvernement souhaitait coloniser Fernando Póo, mais que cette volonté était en rapport avec l'élaboration d'un projet peu coûteux. Le rapport du Conseil Royal nous apprend par ailleurs que la commission interministérielle avait mis au point le projet le 31 décembre de l'année précédente (1855), et que celui-ci avait été postérieurement approuvé en Conseil des Ministres. Si bien que nous pouvons supposer que la volonté du gouvernement était antérieure à l'expédition de Martínez Sanz ou simultanée. Donc, il se peut très bien que la décision de ramener le Préfet Apostolique à Madrid n'ait pas eu de rapport avec le développement de cette Mission. Voici la partie essentielle du projet interministériel : « Ce qui peut se faire, pour l'instant, c'est d'envoyer dans ces mers une base navale formée d'un vaisseau muni de vingt canons et deux goélettes de sept, ou d'autres vaisseaux semblables, commandés par un capitaine de navire qui sera à la fois commandant de la station et gouverneur des îles, et qui sera accompagné de deux assesseurs et d'un secrétaire civil. Celui-ci recevra les instructions convenables et il sera mis à sa disposition un million de reales [= 250.000 Pts = 50.000$] pour qu'il les investisse dans l'achat de bois pour la construction navale et l'ébénisterie, dans les délais consignés dans le rapport. Le budget pour un an de l'expédition est fixée en trois millions de reales [= 750.000 Pts = 150.000$], dont le versement réel devra être réduit à la moitié, parce qu'il sera réintégré en grande partie par le montant du bois »132. Cette prétention jouissait en tout de l'appui du conseil royal, qui y 130
AGA, Section África-Guinea, Boîte G-781. « Una comissión compuesta de un oficial de cada uno de los Ministerios de Estado, Gracia y Justicia, Hacienda y Marina, y otro de la Dirección General de Ultramar, para que en un breve término presentase un proyecto de colonización compatible con la situación del Tesoro, redactando al mismo tiempo las instrucciones que habían de ser complemento del mismo ». 132 « Lo que puede hacerse por ahora es enviar a aquellos mares una estación naval compuesta de un bergantín de veinte cañones y dos goletas de siete, o de otros buques parecidos, mandada por un capitán de navío que reunirá al cargo de comandante de la estación el de Gobernador de las islas, y a quien acompañarán dos asesores y un secretario civil. A este 131
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ajoutait l'importance de bien choisir les personnes qui devaient former l'expédition, car c'était d'elles qu’il dépendrait « que les souhaits du gouvernement se voient secondés de manière efficace et satisfaisante, ou que le projet se gâte dès le début ; qu'il s'établisse une colonie prospère, civilisatrice, et qui rapporte des résultats, ou bien que par une conduite erronée et violente soit détruit le germe de tout progrès. En un mot : qu'on agisse de manière utile et convenable d'après les circonstances, que la justice soit rendue, que le catholicisme soit diffusé et fortement enraciné, que tous les éléments de prospérité que le pays enferme dans son sein soient développés, ou que de maladresse en maladresse, au hasard, d'une manière violente et injuste, aucun bénéfice ne soit obtenu »133. Les préparatifs gouvernementaux s'achèveraient par l'installation à Santa Isabel du premier gouverneur espagnol, le capitaine Carlos Chacón134, qui, effectivement, arriverait à Fernando Póo le 25 mai 1858, commandant une base navale formée par une goélette et un brigantin. L'Administration espagnole ne sera interrompue que lors de l'indépendance de la Guinée (1968), et pendant de longues années elle aura comme base cette conjonction recommandée par le conseil royal : gouverneur = capitaine de Marine = commandant militaire, et aussi un secrétaire responsable des affaires administratives et judiciaires. Étant donné que la prétention du gouvernement était : « que tous les éléments de prospérité que le pays enferme dans son sein soient développés », mais aussi « que le catholicisme soit diffusé et fortement enraciné », l'expédition de Chacón y insérait la présence de la première communauté jésuite affectée en Guinée, qui y développerait sa mission jusqu'en 1872. Par conséquent tout cela me paraît planifié de manière seulement relative. Je crois que l'expédition de Martínez Sanz, quoique comptant sur un certain support du gouvernement n'était pas une mission officielle, si bien qu'elle succomba à ses propres défaillances. Et que, avant cette expédition du premier préfet apostolique, le gouvernement espagnol avait en tête une Gobernador se darán las oportunas instrucciones, y se pondrá a su disposición un millón de reales para que lo invierta en adquirir maderas de construcción naval y ebanistería en los términos consignados en el informe. El presupuesto para un año de la expedición se fija en la suma de tres millones de reales, debiendo reducirse a una mitad, por lo menos, el verdadero desembolso, porque lo reintegrará en gran parte el importe de las maderas ». 133 « Que los deseos del Gobierno se vean eficaz y satisfactoriamente secundados, o que el proyecto se malogre desde el principio ; que se echen los cimientos de una colonia próspera, civilizadora y de resultados, o que se proceda con desacierto, con violencia, y se destruya hasta el germen de todo adelanto. En una palabra : que se haga lo útil, lo conveniente según las circunstancias de cada ocurrencia particular, que se administre bien la justicia, que se difunda y arraigue el catolicismo, que se desenvuelvan todos los elementos de prosperidad que el país encierra en su seno, o que se marche de desacierto en desacierto, al azar, con violencia, con injusticia, y por consecuencia sin resultado beneficioso de ningún género ». 134 Gouverneur général de Fernando Póo (27/05/1858 - 01/09/1859).
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mission d'État venue à l'appui d'une présence officielle espagnole qui était censée être stable et peu coûteuse : deux vaisseaux et une mission qui devait coloniser Fernando Póo et la rattacher à l'Espagne. Quoi qu'il en soit, le désordre dont les protagonistes furent Martínez Sanz et ses compagnons ne fit que précipiter une décision qui avait déjà été prise en faveur d'une congrégation expérimentée dans la tâche d'évangélisation, protagoniste remarquable de cette même tâche dans les colonies américaines de l'Époque Moderne. C'est ainsi qu'on comprend le retour inopiné de Martínez Sanz, son renoncement immédiat, et le fait qu'il fut aussitôt remplacé : « Le P. Provincial d'Espagne m'écrivait au début du mois de mai qu'il avait été appelé par le gouvernement de Madrid, en toute hâte, pour prendre en charge cette Mission [de Fernando Póo, Corisco et Annobón]. Et puisque pour l'instant en Espagne les jésuites ne sont reconnus par le gouvernement que comme des missionnaires affectés aux colonies espagnoles, après en avoir parlé à ses consulteurs, le P. Provincial a cru bon de donner au plus tôt une réponse affirmative, afin de ne pas contrarier le gouvernement. (...) Puisque tel était l'état des choses et qu'il serait inutile de m'y opposer, je me suis vu obligé de répondre, une fois que tout a été fait, approuvant ce qui n'admettait pas de réserve, et qui me paraissait utile pour le salut des âmes »135. L'annonce de la nouvelle Mission eut une certaine répercussion dans les milieux catholiques et conservateurs de la capitale espagnole. Le journal « La Esperanza »136, dans son édition du 13 mai 1857137 (juste une semaine après la dimission de Martínez Sanz et avant que fut faite l'élection de la compagnie de Jésus pour partir en Guinée) louait le fait que le gouvernement eut choisi les jésuites pour les missions et le publiait sur la Une : « Cependant, il ne suffit pas qu'il [le gouvernement espagnol] ait eu cette heureuse inspiration et qu'il soit fidèle à la plausibilité de ses désirs. Encore 135
« Il P. Provinciale di Spagna mi scriveva sotto il dì primo di maggio d’essere stato interpellato dal governo di Madrid con gran premura, perchè prendesse a suo carico quella Missione. Or siccome i Gesuiti in Spagna non sono finora riconosciuti legalmente dal governo, senon a títolo di Missionarii da mandarsi alle Colonie Spagnuole, così il P. Provinciale, interrogati previamente i suoi Consultori, ha creduto di dover dare subito una risposta affirmativa, per non dispiacere al medesimo governo. (...) Stando per tanto le cose in questo stato, e riuscendo initili l’opporvisi, ho devuto rispondere dopo il fatto approvando ciò che non ammetteva più eccezione e che mi pareva essere di grande utilità per la salute delle anime ». Lettre du P. Beckx, Général des jésuites, au Cardinal Préfet de la Propaganda Fide, du 18 juin 1857. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 377-380. Le Provincial des jésuites en Espagne était le P. Manuel Jáuregui. 136 Journal madrilène d'inspiration carliste, fondé en 1844 par Vicente de la Hoz. Il fut cessé en 1872, au début de la troisième guerre carliste. 137 ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 467.
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faut-il qu'il contribue dans la mesure du possible à rendre prospère cette mission, et qu'il réalise sans délai cette sainte entreprise dans laquelle il s'est engagé. Qu'il n'oublie pas ce qu'il advint à celle qu'avait effectuée Martínez Sanz afin de se convaincre de la nécessité de mener à bout ce que nous allons lui proposer. Quiconque connaît ce prêtre ne peut mettre en doute son zèle pour la religion catholique ni son activité en ce qui la concerne. Et, pour quelle raison sa mission n'a pas correspondu à ses qualités ni aux desseins de S.M., qui accueillit avec bienveillance son projet et couvrit les premiers frais? Parce que le gouvernement ne prit pas en considération tout le reste ; qu'il ne prévut ou qu'il ne fournit pas les moyens indispensables pour que les missionnaires parviennent à atteindre le but qu'ils s'étaient proposé »138. Après cette revendication d'une mission d'État, le journal demandait qu'il y ait un nombre suffisant de religieux ; que l'expédition des jésuites fût accompagnée d'un commissaire royal, vu que le gouverneur de Fernando Póo était protestant ; qu'il y ait aussi des colons « analphabètes » des Canaries, des maîtres et encore des professionnels de plusieurs métiers, avec leurs femmes, les outils et des pièces de rechange ; et qu'on leur fournisse des graines, du bétail, des vivres et de l'argent pour un an ; que le commissaire royal fut le responsable d'un dépôt d'armes et de munitions pour préparer les jeunes colons à l'auto-défense, et qu'il puisse à tout moment disposer d'un vaisseau ; qu'il y fut établi une maison de la mission, une église et une école ; et que tous les cultes protestants fussent interdits en territoire guinéen. Cette connaissance de la situation que manifeste cet article de « La Esperanza » est hautement surprenant, aussi bien que son ignorance à l'égard des projets gouvernementaux pour ce qui est de l'installation du gouverneur Chacón et l'indépendance des colons vis à vis de la mission. Nous pouvons donc voir aisément l'intervention de Martínez Sanz lui-même. Il est vrai que la plupart de ces questions (budget et personnel suffisant, modèle d'administration, de Mission et de colonisation, action face aux baptistes...) surgiront sous peu et se prolongeront pendant des décennies. Et que, en ce qui les concerne, il y eut une profonde coïncidence : Usera, Martínez Sanz, 138
« Mas no basta que haya tenido esa felicísima inspiración, ni que permanezca fiel a tan plausibles deseos. Necesítase mucho más. Es menester que contribuya cuanto le sea dable a que la Misión prospere, y lleve a cabo con la prontitud posible la santa empresa que ha acometido. Acuérdese de lo que acaba de suceder a la encomendada al expresado Sr. Martínez, y se convencerá de la necesidad de ejecutar cuanto vamos a proponerle. Ninguno que conozca a este sacerdote dudará de su celo por la religión católica ni de su grande actividad en lo concerniente a la misma. Y, ¿por qué su Misión no ha correspondido a estas dotes, ni a las miras de S. M., que acogió benévola su proyecto y mandó costear los primeros gastos? Porque el Gobierno no tuvo presente lo demás ; no previó o no suministró los medios que eran menester para que los misioneros lograsen el fin que se habían propuesto ».
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les jésuites et les clarétains rêvaient d’une Mission qui fut l'axe de la colonisation, et que celle-ci eut comme base les principes religieux et moraux du catholicisme. La proximité de Martínez Sanz avec les milieux carlistes, représentés par « La Esperanza », ajoutera une autre caractéristique remarquable et réitérative pour ce qui est de la mouvance idéologique des missionnaires affectés à Fernando Póo ; ainsi que leur ultramontanisme, déclaré parfois de manière explicite : si bien qu'en 1862, dans son interminable correspondance destinée à se justifier face aux autorités pontificales, Martínez Sanz leur communiquait qu'il avait publié un nouveau livre « sans autre objet que celui d'être quelque peu utile aux intérêts de l'Église et de la société, fortement menacés par les horreurs de ceux qui prétendent séparer l'Église et le pouvoir »139.
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« Senza altro obbietto che di essere un poco utile agl’interessi de la Chiesa e della società grandemente minacciati pegli orrori di coloro che pretendono stabilire il stato tutto independente della Chiesa ». Lettre du 3 janvier 1862 au Cardinal Préfet de la Propaganda Fide. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 31.
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Les jésuites en Guinée , 1858-1872 Quoniam filia mea in extremis est, veni, impone manum super eam, ut salva sit, et vivat. (Mc, V, 23)
L’Etat espagnol en Guinée Nous pouvons considérer que le Décret Royal du 17 juin 1857140, qui autorisait les jésuites à prendre en charge la Mission de Santa Isabel, fut la première résolution gouvernementale visant à l'occupation du territoire. Le nouvel État libéral voulait donner un essor aux colonies, et la concrétisation de l'aventure jésuite en Guinée arrivait de paire avec une du premier gouvernement de l'Union Libérale. De même que la réalité de Clarence City ne puvait s'interpréter que comme une pièce de plus dans l'engrenage colonial britannique en fonctionnement dans toute l'Afrique Occidentale, la colonie espagnole de Fernando Póo n'était concevable, pour le gouvernement espagnol, que dans l'ensemble du tissu d'Outre-mer hispanien, fortement affaibli à la suite des guerres napoléoniennes. À grands traits, la nouvelle Mission de la Compagnie de Jésus vivrait les premières années dans un climat d'une certaine euphorie expansionniste pour ce qui fait l'organisation administrative des nommés ; peu après, cependant, l'administration coloniale aboutirait à une chute vertigineuse, à cause du manque incessant de ressources et de personnel qui toucha tous les secteurs et territoires coloniaux dépendant de l'État. La révolution de 1868 et les six ans révolutionnnaires finiraient par anéantir un projet missionnaire qui ne s'était nourri d'espérances qu'à son commencement. Le caractère de de Mission d’État des jésuites laisserait son empreinte sur la nouvelle expérience évangélisatrice et la lierait étroitement aux possibilités d'expansion coloniale de l’Espagne, qui manquait - de manière quasiment absolue - d'une politique cohérente à l'égard des territoires extrapéninsulaires, ce qui se reflétait, en outre, dans la propre organisation de l'Administration concernant ces territoires141.
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Communiqué au P. Commissaire Procureur des Missions de la Compagnie de Jésus par O.R. du 6 juillet 1857. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. non numéroté. 141 Cervera, 1964 ; Cola & Cordero, 1963 ; Cordero, 1941, 1953 ; Garcia Figueres, 1947 ; Martos, 1944 ; Miranda, 1945 ; Montaldo, 1902 ; Sánchez, 1994 ; Vilar, 1970.
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Le 30 septembre 1851 avait été créée la Direction Générale d'Outre-mer à l'intérieur du cabinet de la Présidence du Conseil de Ministres, responsable de la coordination et de la centralisation de la politique coloniale de l'État ; cette Direction Générale, sans compétence en matière de guerre, marine ni finances, fit partie quelque temps plus tard du Ministère de l'État et de d'autres Ministères, dans un va-et-vient incessant de changement de titulaires et de compétences. Finalement, le 28 mai 1863 fut créé le Ministère d'Outremer qui parvint à centraliser toutes les compétences, dispersées jusqu'alors à l'intérieur de différents Ministères, et qui se maintint jusqu'au 25 mars 1899, lorsque l'État espagnol avait déjà perdu la plupart de ses possessions coloniales. Je soulignerai que le 30 juin 1865 il fut créé - dans ce Ministère - une Direction Générale des Affaires Ecclésiastiques ; et bien plus tard, le 12 août 1887, un Bureau de la Guinée qui concentra toutes les décisions concernant les petits territoires africains142. Or, la caractéristique la plus frappante du Ministère d'Outremer fut son manque d'organisation, reflétée - parmi d'autres - par des restructurations incessantes : entre 1863 et 1899 il subit 15 grandes réformes internes143, ce qui montre l'absence d'une authentique politique d'État sur un sujet d'une telle importance. Dix de ces restructurations eurent lieu avant 1875, ce qui situe la Mission des jsuites dans le courant d'une époque de forte instabilité pour ce qui fait la compétence du Ministère, aggravée par des réductions incessantes de personnel et de ressources. Le point crucial de cette situation fut atteint en 1869, lorsque furent supprimées la totalité des sections ministérielles (O.R. du 9 août) et que l'existence du Ministère d'Outre-mer lui-même fut mise en question. Entre 1869 et 1870, l'Assemblée consultative de ce Ministère envisagea la possibilité d'abandonner les territoires guinéens, à cause de l'échec essuyé par l'État pour qu’ils deviennent une colonie d'exploitation : une possibilité qui arriva même à être débattue dans l'Assemblée Constituante au cours du mandat du premier gouvernement du général Prim. Le Ministère d'Outre-mer traversa une époque de croissance, notamment à partir de 1879, lorsque la Mission jésuite avait disparu depuis bien longtemps et peu de temps avant le début de l'expérience évangélisatrice des clarétains. Et ce fut aussi en 1870, peu de temps avant la disparition de la Mission des jésuites, que fut créé au sein du Ministère d'Outre-mer un organe 142
Les compétences sur la Guinée se dispersèrent à nouveau en octobre 1893. Nous pouvons trouver des décrets de Réforme du Ministère du 23 juin 1863, 14 mars 1865, 30 juin 1865, 1er. août 1866, 14 octobre 1868, 12 décembre 1868, 14 mai 1869, 30 juin 1869, 9 août 1869, 12 juillet 1870, 29 août 1871, 27 mars 1873, 29 septembre 1873, 6 janvier 1874, 30 janvier 1875, 1er. mai 1876, 12 septembre 1879, 6 août 1893, octobre 1893, 5 juillet 1895 et 26 août 1895 (Sánchez, 1994). 143
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consultatif, le Conseil des Philippines, qui étendrait sa compétence sur les affaires guinéennes. La faible présence de l'État dans l'archipel asiatique, et une exploitation commerciale limitée là bas, fit que l'administration espagnole établit en tout moment une sorte de parallélisme entre les territoires guinéens et les Philippines, si bien qu'on retrouvait en Afrique Équatoriale un grand nombre des expériences d'organisation menées à terme dans l’Extrême Orient. En 1885, cet organisme consultatif devint le Conseil des Philippines et des possessions du golfe de la Guinée, dont un des 9 membres devait être un ancien gouverneur général de Fernando Póo. En 1886 cet organisme, amplifié, devenait le Conseil d'Outre-mer; et en 1889 il redevenait le Conseil des Philippines et des possessions du golfe de la Guinée : des tentatives d'organisation de la colonie de plus en plus spécialisées, avec des compétences consultatives et un droit d'initiative et de révision des propositions législatives coloniales, qui inclurent parmi leurs membres des ex-gouverneurs généraux de Fernando Póo, des excommandants de la station navale de Santa Isabel, des membres de la « Société de Géographie Commerciale » 144 et des fonctionnaires et exfonctionnaires de l'administration coloniale. Or, ces tentatives d'organisation sont postérieures à l'expérience des jésuites. Leur arrivée à Fernando Póo coïncida avec celle du premier gouverneur espagnol ; et il fut créée une administration périphérique de l'État en Guinée dans l'idée, pleine d'espoir, que ces territoires deviennent une colonie suivant le modèle antillais. Cette administration périphérique prit corps, cette même année 1858, autour de la figure du gouverneur général : un militaire de la Marine d'un grade équivalent à celui d'un colonel ou brigadier, qui concentrait la direction de l'administration civile, le commandement militaire et d'autres attributions facultatives ; il était assisté par un Conseil du Gouvernement d'ordre consultatif et formé par des fonctionnaires coloniaux ; il avait à ses ordres, comme officiers, un commissaire de développement, un ingénieur et un administrateur-percepteur : à souligner la prédominance de la section de développement face à celle des finances, plus habituelle, et qui se rattachait aux intentions explicites de l'Administration pour ce qui fait les territoires guinéens. La Mission catholique faisait partie de cet engrenage administratif, malgré une certaine ambiguïté dans ses fonctions : « Il fut nommé un administrateur doté d'une vaste autorité, assisté par un secrétariat du gouvernement et un assesseur qui devait administrer la justice en premier ressort ; un Conseil du Gouvernement composé par les employés principaux de la colonie, responsable d'instruire les affaires graves du gouvernement et de l'administration, et d'administrer la justice en dernier ressort ; une régie, responsable de ce service et de rendre effectif un tarif douanier d'un tel 144
Vilá Valentí, 1977.
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libéralisme qu'il ne représentait ni une charge pour le commerce ni un bénéfice pour le gouvernement (son importance consistait à régulariser ce service et à connaître les données statistiques résultant du trafic portuaire) ; un commissaire du développement devait étudier le pays et proposer ce qu'il croyait le plus convenable pour son développement ; deux ingénieurs militaires étaient responsables des constructions nécessaires à l'établissement et aux travaux de défense opportuns ; deux officiers d'Artillerie veillaient au matériel de guerre dont on avait doté la colonie ; et une force formée de 150 hommes de la Péninsule, instruits et convenablement équipés, pourvue d'un service sanitaire au complet, était destinée à la protéger. Une Mission de Pères de la Compagnie de Jésus se devait de diffuser la lumière de l'Évangile et de répandre les bienfaits de la civilisation chez ce grand nombres d'indigènes pacifiques qui peuplaient l'île »145. Dix ans plus tard, en 1868, le gouvernement révolutionnaire considérerait comme un échec ces tentatives colonisatrices et effectuerait une réduction de l'Administration périphérique en Guinée : le gouverneur général était remplacé par un chef de la station navale à Santa Isabel (avec le grade de capitaine de frégate) et les fonctions civiles étaient prises en charge par le personnel militaire de cette station, ne gardant qu'un délégué pour le développement. En 1872, était publié le Statut Organique de la colonie, entraînant une nouvelle réduction du personnel y compris le délégué pour le développement. Il est important de mettre l'accent sur cette évolution de l'administration coloniale en Guinée au cours de cette période : de l'optimisme des tous premiers moments, elle passa presque aussitôt à une réduction incessante d'effectifs, d'efforts et de moyens, ce qui eut une influence sur l'aspect 145
« Se nombró un gobernador investido de una autoridad extensa, asistido de una Secretaría de Gobierno y de un asesor que debía administrar justicia en primera instancia ; de un Consejo de Gobierno, compuesto de los principales empleados de la colonia, encargado de ilustrar las cuestiones graves de gobierno y administración y entender en segunda instancia de la de justicia ; una Administración de Rentas, encargada de esta parte del servicio y de hacer efectivo un arancel de aduanas tan liberal que no era ni carga para el comercio ni recurso para el Gobierno (su importancia consistía en regularizar el servicio y conocer los datos estadísticos que resultaban del movimiento del puerto) ; un comisario de Fomento debía estudiar el país y proponer lo conveniente a su mayor desarrollo ; dos ingenieros militares estaban encargados de las construcciones necesarias al establecimiento y de las obras de defensa que se creyesen convenientes ; otros dos oficiales de Artillería tenían el cuidado del material de guerra con que se había dotado esta colonia ; y una fuerza de ciento cincuenta hombres peninsulares, instruidos y equipados convenientemente, provista de un servicio sanitario completo, estaba destinada a guarnecerla. Una Misión de Padres de la Compañía de Jesús debía difundir la luz del Evangelio y llevar los beneficios de la civilización entre los numerosos y pacíficos naturales que pueblan la isla ». Gándara, José de la (1861), Informe que eleva al Gobierno de S. M. el gobernador de Fernando Póo sobre el estado actual de la colonia, éd. de Jacint Creus & Mariano L. de Castro, p. 18-19.
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missionnaire : cette même année 1872, la Mission des jésuites n’était formée que d’une seule paroisse, à Santa Isabel, tenue par un curé paroissial et son vicaire. Et encore, un peu plus tard, en 1878, et bien que le fonctionnaire pour le développement eut regagné son poste à l'Administration et que le Conseil du Gouvernement était repris (comptant sur la présence du curé paroissial), un grand nombre de postes étaient supprimés, dont celui du médecin de l'hôpital (créé par Chacón à son arrivée) et ceux des enseignants (homme et femme) de l'école publique. Il faut attendre l'année 1880, peu de temps avant l'arrivée des clarétains et le début de la Conférence de Berlin, et en coïncidance avec la politique de croissance du Ministère d'Outre-mer, pour qu'il se produise une nouvelle impulsion de l'administration coloniale : c'est alors que le commandant de la station navale reprit la catégorie de gouverneur général ; il y eut aussi l'incorporation d'un secrétaire homme de loi, ayant la fonction de juge de premier ressort, et un compteur responsable des finances ; cependant que l'école primaire était rétablie, et se constituait un Conseil de Voisins (formé par quelques propriétaires et responsables des affaires municipales de Santa Isabel) et une Assemblée d'Autorités dont la fonction consistait à prêter son conseil au gouverneur (avec la présence, en outre, du Supérieur de la Mission, et d'un juge de paix nommé par le Conseil de Voisins). En 1888 s'ajouterait à l'administration coloniale un officier administrateur des biens, un fonctionnaire chargé des finances, et un officier technique pour le développement ; il fut créé un autre Conseil de Voisins à San Carlos ; des juges de paix furent nommés à Wesbe et à Concepción ; et, à Santa Isabel, fut créé un bureau de notaire et une Assemblée pour la Santé. Voici comment se présentait l'administration espagnole en Guinée au cours de toute l'étape des jésuites et jusqu'à l'arrivée et l’expansion des clarétains. Une administration fondée sur la présence militaire de la station navale de Santa Isabel (dans le ponton de laquelle vivaient les soldats et qui tenait lieu de prison) avec très peu de fonctionnaires civils, et qui se concentrait notamment à la capitale. C'est justement la présence militaire dans la capitale qui permit les premières incursions militaires dans la zone de l'estuaire de la Muni, que l'Espagne avait toujours revendiquée comme lui appartenant, s'appuyant autant sur le traité de El Pardo de 1778 que sur les accords convenus avec les chefs locaux (parmi les plus significatifs, le « traité » avec Bonkoro dans l'île de Corisco. Vid. supra). Chaque nouvelle expédition aboutissait à l'« annexion » de nouvelles « tribus » et des rapports poussés à l'extrême sur l'importance des territoires gagnés et qui ne cachaient pas la stratégie de violence imposée : « [Elobey Chico] au cas où, comme Corisco et l'autre Elobey, ils seraient improductifs. (...) L'artillerie située dans cet îlot empêchera l'entrée, sans notre autorisation, dans cette artère commerciale
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de l'Afrique par laquelle sortent des milliers de tonnes de bois de teintures, l'ébène d'une qualité hautement supérieure et bien d'autres articles en échange de pauvres babioles, fers, etc.(...) À Elobey Chico il existe de très importantes factoreries, tenues l'une par un Anglais et l'autre par un Portugais, et qui sont le dépôt général de toutes les marchandises qui descendent la rivière et d'autres qui leur appartiennent aussi »146. Dans ce même rapport, ainsi que dans tant d'autres, l'accent était mis sur l'importance de la tâche missionnaire concernant la " civilisation " des indigènes et la " pacification " des territoires : « Le séjour prolongé des deux missionnaires américains établis à Corisco a introduit des habitudes civilisées parmi les indigènes. Ils ont formé des villages très beaux et très propres, des sentiers joliment aménagés, quelques cultures et des écoles pour trente ou quarante garçons »147. Et ceci, accompagné d'autres considérations, mena le Ministère d'Outre-mer à dicter des ordres venant à l'appui de leur présence dans des îlots en litige : « La Reine (q.D.g.) a bien voulu disposer que je recommande à V. E., comme son O.R. le manifeste, que dans les rapports avec les missionnaires anglo-américains établis dans l'île [Corisco] vous vous montriez le plus prudent possible ; que vous n'adoptiez, à leur égard, nulle position extrême pouvant être à l'origine de conflits avec les États Unis, et que vous n’anticipiez pas un quelconque engagement explicite ou tacite qui puisse nuire au gouvernement au moment d'adopter une résolution définitive à ce sujet »148. Des mesures fort regrettées par les missionnaires catholiques, qui voyaient la présence protestante dans ces territoires comme un des plus grands obstacles à l’amélioration des mœurs. 146
« [Elobey Chico] por sí, como Corisco y el otro Elobey, nada producen. (...) La artillería que se sitúe en este islote impedirá la entrada sin nuestro consentimiento en esta arteria comercial del África por donde sale el palo de tinte a miles de toneladas, el ébano de muy superior calidad y otros artículos, en cambio de miserables baratijas, hierros, etc. (...) En Elobey Chico hay dos factorías de mucha consideración, una tenida por un inglés y otra por un portugués, y son depósito general de todas las mercancías que bajan de los ríos y de otras que en ellos tienen los mismos dueños ». Rapport de José Mª Quesada au Ministre de la Guerre et d'Outre-mer, sur le rattachement des royaumes du Cap de Saint Jean et Maquici, du 13 octobre 1858. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. 147 « La larga permanencia de los dos misioneros americanos que están establecidos en Corisco, han introducido hábitos de civilización entre los naturales, han formado poblaciones muy bonitas y limpias con sendas artísticamente trabajadas, algún cultivo, y escuelas para treinta o cuarenta muchachos ». 148 « La Reina (q.D.g.) ha tenido a bien disponer recomiende a V.S., como de su Real orden lo verifico, que en las relaciones con los misioneros anglo-americanos establecidos en la citada isla [Corisco], guarde V.S. la más prudente reserva, sin adoptar respecto a ellos una resolución extrema, que pueda ser causa de complicaciones con los Estados Unidos, como también sin avanzar a contraer compromiso alguno explícito ni tácito que sirva de embarazo al Gobierno para adoptar una resolución definitiva sobre este asunto ». Lettre du Ministère d’Outre.mer au gouverneur général José de la Gándara, du 14 juillet 1860. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. Jusqu’en 1863, on appellait celui qui avait à sa charge la Direction Générale d’Outre-mer.
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Il est évident que la région de la Muni, très proche de Libreville, était aussi considérée comme « propre » par les militaires français, qui y étaient établis depuis une vingtaine d'années149 et qui se vantaient de posséder les mêmes droits. Le litige diplomatique fut persistant, ainsi que quelques tentatives d'arriver à une solution, qui démontraient, très souvent, comment tout se passait en réalité : « L'ambassadeur français en Espagne, après avoir été conformément informé de l'Ordre Royal envoyé par ce Ministère en date du 20 mai de l'an dernier concernant la souveraineté de l'Espagne sur les îles d'Elobey et le Cap de Saint Jean, manifeste que son gouvernement ne peut nullement accepter les considérations exposées dans le but de prouver les droits assignés à notre pays sur les susdits territoires et la rivière Danger [Muni] ; M. Mercier conclut en indiquant que, porté par ses bons désirs d'amitié et de conciliation qu'il a prouvés en tous moments, l'Empereur consent à reconnaître Corisco comme appartenant à l'Espagne et à lui permettre d'occuper les zones de la dite rivière sur lesquelles la France n'ait jamais exercé sa souveraineté territoriale, à condition toutefois que celle-ci conserve la liberté de navigation du Danger ainsi que la faculté de fonder sur ses rives des établissements commerciaux, et qu'elle soit maintenue de manière absolue dans le protectorat des îles d'Elobey. Or, d'après les documents et antécédents figurant dans ce Ministère il s'ensuit que ni l'Espagne ni la France ne présentent des documents authentiques sur lesquels puissent s'appuyer les droits qu'ils s'attribuent sur ces territoires. (...) Nous invoquons, en outre, à la défense de notre droit, l'acte de soumission à S.M. la Reine que signa en 1847 le Roi de Corisco [Bonkoro] dont dépendaient, et nous en sommes garants, les îles d'Elobey. De sa part, la France fait allusion à des traités établis directement avec les chefs de ces îles, qu'elle supposait indépendantes. A l'encontre de ces traités l'Espagne nie qu'il y ait eu d'autres chefs en mesure d'établir un traité, et ne reconnaît, par conséquent, une force quelconque dans les dites stipulations, si bien que la discussion est arrivée à un point tel qu'elle peut devenir interminable, et perdre toute son efficacité comme preuve en faveur d'un des adversaires, des faits par eux allégués à l'appui de leurs droits, vu qu'ils sont de la même espèce : autant Espagnols que Français ont obtenu des chefs de ces îles des démonstrations de soumission à leurs souverains, car à chaque fois que s'approche un bateau espagnol ils acclament l'Espagne et que lorsqu'il s'agit d'un bateau français ils acclament la France, et ils acceptent de signer des contrats qui pour eux n'ont aucune valeur »150. 149
Bouche, 1968. « El embajador de Francia en esta Corte, a quien se dio oportunamente conocimiento de la Real Orden expedida por ese Ministerio con fecha 20 de Mayo del año último relativa a la soberanía de España sobre las Islas de Elobey y el Cabo San Juan, manifiesta que su Gobierno no puede aceptar las conclusiones que en ella se hacían para probar los derechos que asisten a nuestra Nación sobre los referidos territorios y el río Danger [Muni], terminando Mr. Mercier por indicar que, animado el Emperador de los deseos de amistad y conciliación de que
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La souveraineté sur les îlots de Corisco, les Elobeys et le territoire continental adjacent du Cap de Saint Jean constitua un litige jusqu'au traité de Paris de 1900, et détériora les relations entre les missionnaires français et espagnols à cause de la délimitation de leurs juridictions ecclésiastiques. Mais ceci eut lieu plus tard, car, comme nous verrons, la Mission de la Compagnie de Jésus se vit réduite, de manière presque exclusive, à l'île de Fernando Póo. (et, là, à la capitale et ses alentours). Je me bornerai donc, à consigner l'existence du litige et à mettre en relief les conflits d'intérêts surgis sur un estuaire spécialement important du point de vue commercial 151 et les contradictions légales et politiques qu'il entraîna. Par exemple, cette lettre des indigènes bengas de la Petite Elobey, déclarant leur volonté de ne pas se rattacher à l'Espagne : « Nous, vos serviteurs, Nidumba, Ndgula, Uduma, Eyaro, Unaki, Ngalo, Mediko et moi-même, propriétaires véritables de l'île d'Elobey, nous adressons à V.M. en référence à cette île. Un homme qui y demeurait, appelé I. Cape, donna, il y a quelques mois et à titre individuel, cette île au gouvernement espagnol ; dès que nous l'apprîmes, nous nous rendîmes chez S.E. le gouverneur Noeli, qui se trouvait à bord du brigantin “Constitution”, afin d'en avoir le cœur net. Celui-ci nous promit de descendre à terre afin d'en discuter ; mais il ne vint pas. L'île est maintenant réclamée par le gouvernement espagnol. Conscients que nous ne pouvons compter ni sur le gouverneur ni sur les commandants du “ Constitution ”, nous faisons appel à V.M. afin que grâce à votre aide nous puissions récupérer notre pays. Nous ne doutons pas un seul instant que V.M. viendrait au plus tôt à notre secours si elle savait combien est injuste et siempre ha dado pruebas, consiente en reconocer la posesión de Corisco por parte de España y a dejar que ocupe en el citado río los puntos sobre los que no haya ejecutado actos de soberanía la Francia, siempre que se conserve a esta última la libertad de navegación del Danger, así como la facultad de fundar en sus orillas establecimientos comerciales y se la mantenga categóricamente en el protectorado de las islas Elobey. De los documentos y antecedentes reunidos en este Ministerio resulta que ni España ni Francia presentan títulos indiscutibles en que puedan apoyarse los derechos que respectivamente se atribuyen sobre los territorios de que se trata. (...) Alegamos también en defensa de nuestro derecho el acta de sumisión a S.M. la Reina que en 1847 firmó el Rey de Corisco, de quien dependían, según nosotros sostenemos, las islas Elobey, y Francia, a su vez, aduce tratados ajustados directamente con los jefes de aquellas islas, que supone eran independientes. Contra esos tratados arguye España negando que otros jefes tuvieran personalidad para tratar, y no reconoce por tanto fuerza alguna en las enunciadas estipulaciones, de modo que la discusión ha venido a colocarse en un terreno en que puede hacerse interminable, perdiendo su eficacia como prueba en favor de uno de los contendientes los hechos respectivamente alegados por una y otra parte en apoyo de sus derechos, por ser de igual naturaleza : Lo mismo españoles que franceses han obtenido de los jefes de las citadas islas muestras de sumisión a sus respectivos Soberanos porque sucede que cuando se acerca un buque español aclaman a España y cuando se presenta uno francés aclaman a Francia, y se prestan a firmar tratados que para ellos nada significan ». Rapport du Ministère de l’État au Ministère d’Outre-mer, du 9? mai 1868. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. 151 Merlet, 1990a, c.
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cruel le traitement dont nous sommes victimes de la part des hommes blancs (exception faite des missionnaires). Notre île n'est pas assez grande pour qu'il y ait de la place pour nous tous et pour les hommes blancs, car elle ne fait que sept ou huit milles de pourtour pour deux milles de large. De sorte que nous ne sommes pas en mesure de la vendre et nous ne tenons nullement à ce qu'elle nous soit injustement enlevée. Nous prions avec humilité V.M. qu'elle nous réponde au plus tôt ; nous souhaitons que I. Cape rende la drapeau qu'il obtint du gouvernement à titre individuel. Nous prions votre très gracieuse Majesté, en présence du Roi du Ciel qui vous donna la grâce d'être Reine, de bien vouloir écouter notre humble requête. Dieu vous en saura gré, car ce qu'on nous a fait est une injustice et un acte de violence »152. Il va de soi que derrière cette lettre des représentants bengas se cachaient des commerçants non espagnols153 et des intérêts en conflits. Or, le litige se centra sur la région continentale et les îlots d'Elobey : la création de la Préfecture Apostolique de Fernando Póo, Corisco et Annobón par le Saint Siège, en 1855, laissait la souveraineté de ces trois îles atlantiques pratiquement hors de question. Or, lorsqu'en 1858 le gouverneur Chacón réalisa le premier acte d'occupation réelle de la colonie, ce qu'il rencontra à Santa Isabel ne fut, au bout de compte, qu'une ville britannique. Faire en sorte que Santa Isabel ne fut plus britannique, l'hispaniser, fut un des principaux soucis des premiers 152
« Nosotros, vuestros servidores, Bidumba, Ndgula, Uduma, Eyaro, Unaki, Ngalo, Mediko y el que escribe, verdaderos propietarios de la isla de Elobey, escribimos a V.M. esta carta con referencia a esta isla. Un hombre, residente en ella, llamado I. Cape ? dio privadamente esta isla al Gobierno Español hace algunos meses ; y, así que nosotros lo supimos, acudimos a S.E. el Gobernador Noeli, embarcado a bordo del bergantín “Constitución”, para cerciorarnos. Nos prometió el Gobernador venir a tierra para que habláramos acerca del particular, pero no lo verificó. La isla es reclamada ahora por el Gobierno Español. Sabiendo que no podemos ser escuchados por el Gobernador ni por los comandantes del “ Constitución ”, apelamos a V.M. para que con su ayuda podamos recobrar nuestra tierra. No tenemos duda de que V.M. nos daría pronta ayuda si supiera el tratamiento injusto y cruel de que somos víctimas por parte de los hombres blancos (exceptuados los misioneros). Nuestra isla no es bastante espaciosa para podernos contener a nosotros y a los hombres blancos, pues tiene solamente siete u ocho millas aproximadamente de circunferencia y otras dos de anchura. Nosotros no podemos por lo tanto venderla y no queremos que injustamente se nos quite. Suplicamos humildemente a V.M. se digne contestarnos tan pronto como le sea posible. Deseamos que I. Cape devuelva la bandera que de un modo privado obtuvo del Gobernador. Os rogamos, Muy Graciosa Reina, en la presencia del Rey del Cielo que os ensalzó para que fuérais Reina, que escucheis nuestra súplica. Dios os recompensará por ello porque es una repugnante opresión e injusticia la que se nos hace ». Lettre des chefs de’Elobey à la reine Isabel II, du 19 août 1860. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. 153 Quatre années plus tard, en 1864, les commerçant d’Elobey faisaient une déclaration douanière risible : pour toute l’année, ils déclaraient avoir gagné 45.640’- pesos (= 228.200’Pts) pour leurs affaires d’ivoire, cire, gomme et bois. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. En 1859 le gouvernement espagnol avait installé à Elobey un sous-gouvernement colonial avec une petite garnison militaire, qui serait là jusqu’au traité de Paris de 1900, lorsque le sous-gouvernement continental se déplaça à Bata.
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gouverneurs : si bien que Chacón prit possession effective de la capitale y établissant la garnison militaire et l'hôpital civil, lorsqu'arriva le deuxième gouverneur espagnol, José de la Gándara (le 1er. septembre 1859), « ils amenèrent cent vingt colons, des ouvriers de divers arts et métiers, qui devaient participer de manière active au développement de l'établissement. Enfin, on destina aux colons 1 million de reales [= 250.000'- Pts] et deux millions destinés aux travaux et nécessités de l'installation »154. Il s'agissait, en réalité, d'une expédition composée de 128 colons, la plupart Valenciens, qui moururent ou quittèrent le pays au bout d'un an. Le paludisme et les mauvaises conditions de vie et de travail vinrent à bout de cette première expérience colonisatrice : « Tous les colons, à l'exception de trois ou quatre, sont tombés malades. Les fièvres intermittentes se sont emparées des Espagnols avec plus ou moins d'acharnement, selon les dispositions et constitution physique de chacun d'entre eux et en fonction de leur conduite morale. Très souvent tous les membres d’une famille étaient malades. Certains sont morts, et ceux qui restent errent dans les rues comme des cadavres ambulants. La plupart auront du mal à s'en remettre, car ils sont dans un tel état d'anéantissement qu'à moins de retourner en Espagne ils mourront tous. La Mission mit à l'ouvrage tous les membres pour se rendre autant de jour que de nuit auprès des malades, leur administrant les sacrements et accompagnant, à l'aide de leurs prières et de leurs secours spirituels, ceux qui gisaient dans leur lit dans l'attente que le Seigneur les emporte à tout jamais. La plupart des colons vivent dans des conditions très mauvaises : lorsque toute la famille est malade, personne n'est là pour leur préparer les potages dont ils ont besoin, personne pour leur donner à boire et à prendre les médicaments prescrits par les médecins ; et les Pères de la Mission les leur envoyaient déjà préparés de la Maison, et leur servaient d'infirmiers »155. Également, des 150 soldats détachés à Santa Isabel, la moitié d'entre eux moururent au cours de la même période. 154
« Se trajeron ciento veinte colonos, obreros de diferentes artes y oficios, que debían contribuir eficazmente al desarrollo del establecimiento. Por último, se destinaron al auxilio de los colonos un millón de reales, y dos a las obras y necesidades de la instalación ». Gándara, José de la (1861), Informe que eleva al Gobierno de S. M. el gobernador de Fernando Póo sobre el estado actual de la colonia, éd. de Jacint Creus & Mariano L. de Castro, p. 19. 155 « Todos los colonos, si se exceptúan tres o cuatro, han caído enfermos. Las fiebres intermitentes se han ensañado con los españoles más o menos vehementemente, según las disposiciones y constitución física de cada uno y conforme a la conducta moral que han observado. Ha habido muchos casos en que todos los individuos de las familias estaban enfermos. Algunos han muerto y los más aparecen en las calles como cadáveres ambulantes. De ellos será difícil que se repongan muchos, porque han quedado tan extenuados y estropeados que no tienen más remedio que volverse a España si no quieren dejarse la piel aquí. La Misión ha empleado todos sus individuos en visitar todos los enfermos de día y de noche, en administrarles los sacramentos y en acompañar con sus oraciones y socorros
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Une fois de plus, comme cela s'était passé après l'expédition d'Argelejos de 1778, Fernando Póo gardait une réputation terrifiante d'avant-salle de la mort. Si les colons valenciens avaient accepté ce destin c'est parce que le gouvernement leur avait offert des conditions très favorables ; or une nouvelle expédition, qui devait quitter la Péninsule en septembre 1860, resta à terre156. Ce genre d'expéditions ne sera repris qu'au mois d'avril 1892, sous le gouvernement d'Eulogio Merchán, quand 14 familles (54 personnes) s'installeront à Basilé (vid. infra). L'idée d'envoyer des colons espagnols ne fut jamais écartée par l'Administration, qui voyait là un des moyens les plus sûrs pour hispaniser la colonie afin qu'elle devienne « utile » pour la métropole ; une méthode qui, en outre, avait donné un très bon résultat dans d'autres endroits africains, par exemple à São Tomé. Mais il s’agissait aussi de moyens qui cachaient des raisons idéologiques : si bien que dans un projet de colonisation de 1870157 qui n'aboutit pas, l'ex-consul espagnol au Liberia José Manuel de Echeverri proposait l'envoi d'hommes capables de créer des usines et des commerces, s'opposant à toute autre présence coloniale fondée sur les militaires et les ecclésiastiques (qui formaient un personnel que l'État pouvait fournir directement à la colonie). Et ce fut à cette deuxième proposition que furent destinés les efforts officiels, vu le manque d'expectative d'effets immédiats du côté des investisseurs privés. Néanmoins, aux alentours de la période de mon étude se succédèrent des œuvres de divulgation, la plupart écrites par des ex-fonctionnaires coloniaux, visant à stimuler les efforts investisseurs privés, tout en présentant une image exagérément positive des possibilités d'exploitation de la colonie158. Pour l'instant, la grande expédition de 1859 avait été utile pour " mettre au clair " certains aspects : « Cette expérience a été utile pour démontrer deux faits essentiels : tout d'abord, que, vu les circonstances actuelles du espirituales junto al lecho en que yacían a los que al fin el Señor llamaba a la Eternidad. Las condiciones en que vive el mayor número de colonos son muy malas : en el caso de estar enfermos todos los de las familias, no tienen quien les haga los caldos necesarios, dé las bebidas y demás remedios prescritos por los médicos ; y los Padres de la Misión se los mandaban ya preparados desde Casa y les servían de enfermeros ». P. José Irisarri, Supérieur de la Mission, rapport de la Mission de Fernando Póo de 1859. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781, document non paginé. 156 Castro, 1994. 157 Arnalte, 1993. 158 Almonte, 1908 ; Bravo Carbonell, 1917 ; Ceruti, 1928 ; Costa, 1886 ; Criado, 1901 ; Cunha, 1916 ; Espinosa, 1903 ; Ferrer, 1900 ; Folch i Torres, 1911 ; Gallo, 1909 ; Granados, 1907, 1912 ; Iradier, 1886a, 1886b, 1887, 1984 ; Janikowski, 1887 ; Labra, 1898 ; Mas, 1919 ; Montaldo, 1902 ; Joaquín Navarro, 1859 ; Navarro Cañizares, 1888 ; Ossorio, 1887 ; Ramos-Izquierdo, 1912 ; Reparaz, 1886 ; Río, 1915 ; Saavedra, 1910 ; Sorela, 1884 ; Valero Berenguer, 1891a, b, 1892.
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pays, le climat est dangereux pour les Européens, d'autant plus pour ceux qui vivent dans des conditions de vie précaires. Deuxièmement, que l'homme blanc se voit dans l'impossibilité de pouvoir y réaliser des travaux que la Providence a réservés à la race indigène »159. Une opinion que partageaient un grand nombre de fonctionnaires coloniaux destinés à l’Afrique : « Les rapports de “ La Gaceta ” ont beau dire que cette colonie est dans un état d'épanouissement, que la santé n'en souffre pas, je ne puis m'empêcher d'élever ma voix pour demander que soit supprimé l'envoi d'Espagnols dans cette île. Je n'y suis jamais allé, mais sa ressemblance avec le reste de la Côte Occidentale d'Afrique, que j'ai pu étudier au risque de ma santé, me fait prier le gouvernement de ne plus songer à aménager ces îles dans de telles conditions. (...) Quelque chose a été faite, il y a eu quelque progrès, me répondra-t-on. Un port a été réparé, quelque déboisement a été effectué, des maisons et des casernes ont été bâties ; les autorités, colons et la troupe ont rivalisé de zèle et de dévouement et ont lutté bravement contre les maladies, contre la mort. Tout cela est vrai et méritoire de meilleures récompenses. Mais au prix de combien de sacrifices tout cela-t-a été fait? Que reste-t-il de la colonie? Pas un seul colon. Ceux qui n'ont pas perdu la vie, ont dû regagner l'Espagne malades ; et peut être bien malades à vie. (...) En Afrique, on dit qu'un Européen est acclimaté lorsqu'après avoir réchappé de la fièvre africaine, de la fièvre sournoise qui tue en deux ou trois jours, et parfois même en 24 heures, il reste pendant de longues années ou pour toute sa vie sujet à des fièvres intermittentes, aux rhumatismes chroniques et à la dysenterie. C'est dans ces conditions que l'Européen s'acclimate et ceci de manière telle qu'il ne peut plus retourner en Europe parce que là, il meurt de froid. Si bien qu'il est obligé de vivre en Afrique sujet aux maladies... »160. 159
« Esta experiencia ha servido para demostrar dos hechos esenciales : Primero, que, en las circunstancias actuales del país, el clima es peligroso para los europeos, y en tanto más cuanto menores sean sus medios de comodidad y bienestar. Segundo, que el hombre blanco no puede dedicarse en él a trabajos que la Providencia ha reservado para la raza nativa. Ibidem, p. 20. 160 « Por más que los partes de la Gaceta digan que aquella Colonia está en estado floreciente, que la salud es inalterable, no puedo menos de levantar mi voz para pedir que se suprima el envío de españoles a aquellas islas. No he estado en ellas, pero su asimilación al resto de la Costa Occidental del África, que he podido estudiar a costa de mi salud, hace que suplique al Gobierno cese en pensar en el fomento de aquellas islas del modo que se está practicando. (...) Algo se ha hecho, algo se ha adelantado, se me contestará. Se ha arreglado un puerto, se han hecho algunos desmontes, se han edificado casas y cuarteles ; las autoridades, empleados, colonos y tropas han rivalizado de celo, de abnegación, y han luchado valerosamente con las enfermedades, con la muerte. Todo esto es cierto y son dignos de las mayores recompensas. ¿ Pero a costa de qué sacrificios se ha hecho todo esto ? ¿ Qué queda de la Colonia ? Ni un solo colono. Los que no han pagado con la vida, han tenido que regresar a España enfermos, y enfermos tal vez para toda su vida. (...) En África se dice que un europeo está aclimatado cuando, después de haber escapado a la verdadera fiebre africana, a la fiebre perniciosa que mata en tres días, a veces en dos, y muchos casos en 24 horas, queda luego por muchos años o por toda la vida sujeto a las intermitentes, a los reumatismos inveterados, a la disentería. Con estas condiciones se aclimata el europeo y llega a aclimatarse de tal modo que ya no puede
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Une des premières solutions consista à amener des prisonniers à Santa Isabel : « Ayant ordonné d'établir dans cette île une prison, par un Ordre Royal en date d'aujourd'hui S.M. la Reine a bien voulu disposer que si entretemps on envoyait quelques exilés, ceux-ci, placés sous surveillance dans le ponton du port, seraient destinés aux travaux engagés dans l'île et pour lesquels, d'après Vous, ils pourraient se rendre utiles »161. La déportation de prisonniers dont fit usage, par exemple, la Grande Bretagne pour la colonisation de l'Australie, et le Portugal pour la colonisation de l'Angola, n'eut guère de continuité à Fernando Póo. Les gouverneurs de la colonie considéraient qu'il s'agissait de proscrits et que leur seule présence présentait un contraste négatif vis à vis de la conduite respectable des habitants anglicisés de Santa Isabel. Or, cette année même y furent envoyés 20 Noirs de Cuba, 19 de plus en 1866, encore 176 cette même année, et puis 250 en 1867162. Dans tous les cas, il s'agissait de déportations d'ordre politique, notamment d'antiesclavagistes et d'indépendantistes, dont un grand nombre s'enfuit pour la Grande Bretagne ; ces déportations se poursuivirent, quoique de manière irrégulière, notamment en phase de conflits163. Il y avait, par ailleurs, à ce sujet, de versions mythiques de l'autre côté de l'Atlantique164 : « Outre l’usage du “ componte ” [sorte de flagellation], Polavieja commis d'autres horreurs. Il frappa des nègres par milliers. Il était superbe comme un bœuf, y compris avec ses troupes. Et ses soldats mêmes le disaient. Une fois il eut l'idée d'envoyer des Noirs à l'île de Fernando Póo, grave châtiment, car l'île était déserte, peuplée de crocodiles et de requins. Ils y laissaient les Noirs et ceux-ci ne pouvaient plus repartir. À Fernando Póo, il regresar a Europa, porque el frío acaba con él. De modo que tiene que residir en el África y arrastrar una vida ficticia y enferma... ». Mémoire du consul espagnol à Freetown, Ramón Maria Sanjuán, du 19 octobre 1861. AMAE, liasse 2066. Cité à Arnalte, 1993. 161 « Mandado establecer en esa isla un presidio por Real Orden de esta fecha, S. M. la Reina ha tenido a bien disponer que, si por lo pronto se enviaran algunos confinados, sean éstos custodiados en el pontón que existe en ese puerto y empleados en los trabajos emprendidos en la isla para los que Vd. los considere útiles ». O.R. du Ministère d'Outre-mer au gouverneur de Fernando Póo, du 20 juin 1861. AHN, Section Ultramar, liasse 5500. 162 Arnalte, 1993. 163 La dernière nouvelle que j'ai pu en trouver correspond à l'année 1897, en pleine guerre de séparation de Cuba et des Philippines : on y rapporte 50 décès, parmi les déportés cubains et philippins de Fernando Póo, qui eurent lieu depuis le 24 janvier jusqu’au 27 mai, dont 40 correspondaient aux Philippins et 19 à des Cubains ; et six morts de plus au cours du mois de décembre (trois Philippins et trois Cubains) ; et on informe de l'arrivée de 68 déportés de plus. Relevé du 29 mai 1897, relevé du 31 décembre 1897 et rapport du gouverneur civil de Cadix au gouverneur général de Fernando Póo du 30 mars 1897. AGA, Section África-Guinea, Boîte 1932. Or, l'envoi des déportés ne fut guère habituel en dehors des époques d'insurrection. Il y eut aussi des déportés de la Péninsule : Pujadas (1968 : 80) rapporte des renseignements sur un contingent de 90 républicains et socialistes andalous transportés à Fernando Póo en 1862, mais qui ne sont pas cités dans les documents jésuites. 164 Balmaseda, 1869 ; Jenties, 1869 ; Valdés, 1898.
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envoyait les voleurs, les pourfendeurs, les agresseurs et les rebelles. Il y envoyait tous ceux qui portaient un tatouage, ce qu'il entendait comme un signe de révolte contre le gouvernement espagnol. Les “ ñáñigos ” [membres d'une société secrète] étaient aussi envoyés dans cette île et dans d'autres nommées Ceuta et Chafarines. Polavieja y envoyait les “ ñáñigos ”, car il assurait que c'étaient des anarchistes. Les travailleurs qui n'avaient rien à voir avec les “ ñáñigos ” ni avec le révolution, restaient à Cuba. Les femmes n'y allaient pas non plus. Ces îles étaient peuplées uniquement par des hommes »165. Par contre, le transport d'émancipés (esclaves affranchis) cubains pouvait, à la fois, résoudre deux problèmes : celui de l'esclavage cubain lui-même, et l'emploi d'une main d'œuvre qui dans l'île antillaise pouvait devenir source de conflit. De sorte qu'en 1862 fut formée une grande expédition de 200 affranchis166, tous Noirs, tous provenant de Cuba, dont la plupart avaient moins de 26 ans et dont 25 seulement étaient des femmes. Les " émigrants " arrivèrent à Fernando Póo à condition de rester pendant cinq ans sous les ordres du gouvernement, travaillant pour la milice ou bien à des travaux publics et dans des conditions très concrètes : « Le règlement établit un salaire mensuel de 4 pesos [= 20 Pts] pour les majeurs de 15 ans, et de trois pesos [= 15 Pts] pour les mineurs ; percevant un salaire de 1 real [= 0'25 Pts] par jour, qui leur serait payé le dimanche ; quant au reste, il était retenu dans un fonds qui leur serait remis le jour où cesserait leur condition d'affranchis [au bout de 5 ans] ; il fut créé dans la Caisse du trésor de la colonie un dépôt de provision pour les affranchis. Ceux-ci auraient droit en outre à une protection, à un logement, à leur entretien, à des vêtements et linge de lit, à une assistance sanitaire en cas de nécessité, et celui qui, dans son temps libre, souhaiterait cultiver la terre, serait en droit d’exiger un terrain qui deviendrait chose acquise de son exclusive propriété. On reconnaissait leur droit de se marier. (...) Au bout de ces 5 années, les affranchis, en tant qu’hommes libres, pourraient être reçus en qualité de voisins s'ils restaient à Fernando Póo, ou bien se rendre à l'endroit qu'ils 165
« A més a més del , en Polavieja va cometre d'altres horrors. Va emmatxucar els negres a milers. Era superbiós com un bou. Fins amb les seves tropes, ho era. Els soldats mateixos ho deien. Una vegada va tenir la caparrada d'enviar negres a l'illa de Fernando Póo. Allò era un càstig greu, perquè aquella illa era deserta. Era una illa de cocodrils i taurons. Hi deixaven anar els negres i no en podien marxar. A Fernando Póo hi enviaven els lladres, pinxos, assaltadors i rebels. Hi embarcaven tothom qui portés un tatuatge. Entenien que el tatuatge era un senyal de rebeldia contra el govern espanyol. Els també els portaven en aquella illa, i a d'altres anomenades Ceuta i Xafarines. En Polavieja hi enviava els perquè assegurava que eren anarquistes. Els treballadors que no estaven complicats amb els ni amb la revolució, es quedaven a Cuba. Les dones no hi anaven, tampoc. Aquelles illes eren només d'homes ». Passage d'une entrevue (circa 1890) à un esclave fugitif de Cuba lorsque son gouverneur était le marqués de Polavieja. In Barnet, 1968. Traduit et cité chez Creus (1994a : 54-55). 166 Castro, 1994.
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auraient choisi, auquel cas le gouvernement leur fournirait les moyens de transport »167. Des conditions apparemment plutôt favorables, que complétait l'exigence de « religion, saine morale et l’application au travail », et que les clarétains imiteraient à peu de différence près (à l'exception du salaire) pour leurs internes (vid. infra). Il n'en est pas moins vrai que ce retard d'une importante partie du salaire fut une source de conflits. Or, 37 des affranchis s'engagèrent dans les troupes coloniales et le reste - à l'exception des femmes - se livrèrent à la réalisation de travaux publics, obtenant des résultats fort réussis : « L'église sera finie dans quelques jours. La place est déjà aplanie, et assablée. On a asséché à l'est et au sud un grand marécage qui entourait le village [Santa Isabel] et qui est très malsain. Force déboisements ont été effectués dans les environs »168. C'est à dire que pour la première fois l'administration espagnole comptait sur un contingent de personnel suffisant pour mener à bout une politique concrète d'intervention, et ce personnel suffisait à lui seul à altérer la composition de la population de la capitale et à s'étendre au delà169 : c'est ainsi que fut bâtie, seulement en deux mois, l'église des jésuites, qui devint un important symbole externe de la présence missionnaire catholique à la capitale face à la communauté protestante ; la présence des émancipés permit une première installation de 50 personnes à Basilé ; et la ville de Santa Isabel prit de l'ampleur grâce à la création d’un nouveau quartier bâti avec l'argent retenu aux affranchis (si bien que ceux-ci se virent obligés de rester dans la ville au delà des 5 ans du régime de tutelle du gouvernement : vu qu'ils ne purent disposer du capital qu'ils attendaient) et à d'autres travaux : « Les travaux publics vont de l'avant : des chemins ont été aménagés, d'autres ont été nettoyés et il existe une équipe de canonniers 167
« El Reglamento establece un salario mensual de cuatro pesos para los mayores de 15 años, y de tres para los menores, percibiendo un real diario, pagadero los domingos, quedando retenido el resto en un fondo que se entregaría el día en que acabara su condición de emancipados, creándose al mismo tiempo en la Caja del Tesoro de la Colonia un depósito de provisión de emancipados. Éstos tendrían derecho a protección, alojamiento, manutención, ropa y manta, asistencia sanitaria cuando la necesitasen, y, aquél que en su tiempo libre deseara cultivar, tendría derecho a que se le concediera tierra, siendo el producto adquirido de su exclusiva propiedad. Se reconocía el derecho a contraer matrimonio. (...) Concluidos los cinco años, los emancipados, como hombres libres, podrían ser recibidos en calidad de vecinos si continuaban en Fernando Póo, pudiendo también trasladarse al punto que eligieran libremente, facilitándoles el Gobierno los medios de transporte » ( Castro, 1994 : 11-12 ). 168 « La iglesia quedará terminada dentro de pocos días. La plaza ya está nivelada y enarenada. Se ha desecado un gran pantano que rodeaba el pueblo [Santa Isabel] por la parte Este y Sur, que era muy malsano. Se han hecho bastantes desmontes en estas inmediaciones... ». Lettre du brigadier Pantaleón López Ayllón, troisième gouverneur espagnol de Fernando Póo, à Gabriel Enriquez, du 28 juillet 1862. AHN, Section Ultramar, liasse 5500. 169 Il paraît qu'il y eut une autre petite expédition d'affranchis en 1863 ; en dehors de cela, la reste de la population cubaine était formée de déportés.
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pour leur entretien (ceux-ci parmi les affranchis). Le gouvernement de la colonie pourvoit à tous les besoins aussi insignifiants soient-ils. On a construit des ateliers de menuiserie et de scierie, afin que les soldats de cette compagnie livrés à cette tâche ne souffrent pas des rigueurs de ce soleil de plomb. Il a été prévu la construction de nouveaux bâtiments, dans l'attente de l'approbation du gouvernement, parmi lesquels un hôpital en maçonnerie dans les meilleures conditions possibles compte tenu des caractéristiques du pays »170. Vu que les colons péninsulaires faisaient défaut, le gouvernement colonial parvint à hispaniser, ne serait-ce que de façon minime, la composition de la population de Santa Isabel grâce à l'importation de déportés et affranchis. Cependant, ceci n'influa guère sur l'ensemble d'une population qui continuait à trouver dans la langue anglaise et la religion protestante ses signes d'identité et de cohésion. Une cohésion qui, en revanche, était inexistante dans la nouvelle population « espagnole », la plupart de race noire (à l'exception des militaires provenant de la Péninsule et de quelques colons) et avec une caractéristique qui finirait par l'engloutir : les Cubains, déportés ou affranchis, finiraient, pour la plupart, par se marier ou vivre en concubinage avec des femmes noires (Bubis ou de la côte continentale ; les anglophones se mariaient dans leur communauté). Le nouveau quartier de Santa Isabel, le premier catholique de la capitale, était formé en 1869 par 120 hommes et 38 femmes ; en 1874 il n'y avait que 38 hommes et 22 femmes ; et tout le long de la décennie des années soixantedix, il alla diminuant. Tout cela est important pour l'Histoire de la Mission des jésuites car, en arrivant en 1858 dans une ville anglicisée et protestante dans sa totalité et où la Mission Baptiste était synonyme de prestige, les missionnaires catholiques rencontrèrent dans ces " nouvelles " populations l'objet de leur activité : la garnison militaire, les colons péninsulaires, les déportés et les affranchis étaient, malgré leur hétérogénéité, formellement catholiques. Or, les chiffres que j'ai fournis manifestent l'insuffisance de cette " nouvelle " population pour que la colonie allât de l'avant. Le gouverneur La Gándara lui-même avait proposé une première solution, qui était déjà 170
« Los trabajos públicos adelantan mucho : Se han abierto caminos, limpiado otros y establecido peones camineros para su conservación (éstos, de la clase de emancipados). El Gobierno de la colonia atiende hasta a las más pequeñas necesidades. Se han construido talleres de carpintería y de aserrar madera, para que los soldados de aquella compañía que ejercen tal oficio no sufran los rigores de este sol abrasador. También se proyectan nuevas construcciones, pendientes de la aprobación del Gobierno, entre otras la edificación de un hospital de fábrica que reunirá las mejores condiciones que son posibles en aquel país ». Rescrit anonyme du 1er. mars 1863. Transcrit dans Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3.
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appliquée par les anglicisés de Santa Isabel : l'importation de travailleurs noirs (Krumen) de la côte occidentale africaine : « Aujourd'hui, on embauche librement des travailleurs krumen qui viennent, pour un temps établi, offrir leurs services à des particuliers et au gouvernement de la colonie ; à la fin de leur contrat, ils regagnent leur pays ; quant aux conditions stipulées dans le contrat, elles sont respectées scrupuleusement. Mais il s'agit là d'un recours infructueux, vu le faible nombre de travailleurs qu'on obtient, la breveté du contrat auquel ils s'engagent, le salaire onéreux qu'ils exigent, le fait qu'ils ne renoncent jamais à retourner dans leur pays et leur refus de s'établir là où ils ont l'occasion d'exercer un métier avec les avantages que cela comporte, si bien qu'il est impossible de compter sur eux comme un élément sûr et convenable pour le développement et prospérité de l'île »171. Une pratique courante dans les territoires du voisinage172. Cependant, ce gouverneur prétendait augmenter bien plus encore cette importation et justifiait sa prétention comme la manière de s'opposer à l'esclavage pratiqué, d'après lui, par tous les Africains : « C'est un fait évident, indéniable, que l'esclavage existe chez tous les peuples de l'Afrique Occidentale. Il existe pour la conquête ou pour la guerre, pour la naissance des enfants de ceux qui appartiennent au vainqueur, pour l'achat, et même pour les sentences de leurs tribunaux ignares dans des délits tels que le vol et les dettes. Le plus cruel des esclavages, le plus sanguinaire, le plus sauvage que l'on puisse imaginer, parce qu'il est exercé par les peuples les plus ignorants et les plus dégradants du monde, qui se haïssent les uns les autres, et qui sont soumis à des croyances saugrenues et à des préoccupations répugnantes, idolâtres, par un grand nombre qui n'hésitent pas à sacrifier leurs semblables et si bien que ceux-ci deviennent un mets exquis pour le festin des anthropophages.(...) Qui peut s'y opposer, quelle raison peut-on alléguer pour empêcher que le gouvernement espagnol, ou tout autre, se rende sur le continent avoisinant et délivre de l'esclavage et de la mort ces êtres malheureux, pour leur donner, sous garantie de son pouvoir et de sa moralité, l'enseignement tout d'abord, la propriété plus tard et en tous moments la liberté ? Nous ne concevons ni le moindre motif d’opposition ni une quelconque raison qui la justifie ; en revanche, nous sommes fort surpris que les gouvernements de tous les pays civilisés n'aient pas songé à la possibilité de mettre en branle, sur une grande échelle, ce système efficace 171
« Hoy se contratan libremente krumanes trabajadores que vienen por un plazo convenido a prestar sus servicios a los particulares y al Gobierno de la colonia ; vencido el cual vuelven a su país, cumpliéndose con ellos religiosamente todas las condiciones estipuladas en el contrato. Pero éste es un recurso ineficaz, porque siempre es escaso el número de trabajadores que se consigue, corto el plazo por el que se comprometen, cara la retribución que exigen, y jamás renuncian a volver a su país ni se establecen en el que encuentran ocupación y ventajas, de manera que nunca podrá contarse con ellos como elemento seguro y conveniente para el desarrollo de la prosperidad de la isla ». Gándara, José de la (1861), doc. cit., p. 42. 172 Clarence Smith, 1991.
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pour faire un grand bien à l'humanité, et sans doute le seul, après la conquête, pour civiliser l'Afrique.(...) Agissez prudemment au moment d'établir les conditions de ces contrats, assurez le sort des engagés et commencez par les déclarer libres dès le moment de leur engagement, faites de sorte que dans la rétribution de leur travail, ils trouvent les moyens de s'établir dans le pays à la fin de leurs contrats, offrez-leur des terres et d'autres stimulants, ou laissez-leur la liberté d'agir à leur gré, et vous aurez trouvé le moyen de résoudre cette importante affaire pour le grand bien de tous les intérêts qui s'y rapportent »173. L'affaire était claire : « Nous ne nous lasserons jamais de le répéter : l'avenir de Fernando Póo dépend de la force des bras. Sans eux, rien n'aurait de l'importance, et avec eux il est difficile de calculer jusqu'où pourrait arriver le développement de sa richesse, de sa prospérité et de son influence sur le sort des villages avoisinants »174. Et si bien que la politique espagnole dans la région n'autorisa jamais une incidence importante sur les peuples africains situés en-dehors des territoires hispaniques, l'importation de Krumen se poursuivit175 comme la manière la plus habituelle d'obtenir une main d'œuvre, jusqu'au moment de l'indépendance (1968) ; et fut objet
173
« Es un hecho evidente, innegable, que la esclavitud existe en todos los pueblos del África Occidental. Existe por la conquista y por la guerra, por el nacimiento en los hijos de los que son propiedad del vencedor, por la compra, y hasta por sentencia de sus ignorantes tribunales en varios delitos como el de hurto y deudas. Esclavitud la más cruel, la más sanguinaria, la más salvaje que puede imaginarse, porque está ejercida por los pueblos más ignorantes y más embrutecidos de la Tierra, llenos de odio entre sí y dominados por extravagantes creencias y repugnantes preocupaciones, idólatras, muchos que sacrifican a sus semejantes y algunos antropófagos que los hacen manjar codiciado de sus festines. (...) ¿ Quién puede oponerse, qué razón puede alegarse para impedir que el Gobierno español, u otro cualquiera, vaya al vecino continente y rescate de la esclavitud y de la muerte a esos seres desgraciados, para darles, bajo la garantía de su poder y de su moralidad, enseñanza primero, propiedad después, y libertad siempre ? No concebimos oposición posible ni razonamiento que la justifique ; pero, por el contrario, nos causa suma extrañeza que no se haya pensado por los Gobiernos de todos los pueblos civilizados organizar en grande escala este medio eficaz de hacer un gran bien a la humanidad, y acaso el único, después de la conquista, de civilizar el África. (...) Procédase con discreción en la determinación de las condiciones de los contratos, asegúrese la suerte de los contratados, empezando por declararlos libres desde el momento en que se adquieran, combinando que en la retribución de su trabajo encuentren los medios de establecerse en el país al terminar sus contratos, ofreciéndoles tierras y otros estímulos, o déjeseles en completa libertad de disponer de sus personas, y se habrá encontrado el medio de resolver esta cuestión importante con ventaja de todos los intereses relacionados con ella ». Ibidem, p. 38-44. 174 « Nunca nos cansaremos de repetirlo : en la cuestión de brazos está el porvenir de Fernando Póo. Sin ellos nunca tendrá importancia, y con ellos es difícil calcular hasta dónde podría llegar el desarrollo de su riqueza, de su prosperidad y de su influencia en los destinos de los pueblos vecinos ». Ibidem, p. 45. 175 Sanz, 1983.
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de toute sorte de régulations176. C'est une affaire que je reprendrai plus loin. Il suffit, pour l'instant, de mettre l'accent sur ce phénomène qui complétait la composition de la population, à Santa Isabel, déjà fort complexe : des Fernandins (population anglicisée) de diverses provenances, des soldats espagnols, des Bubis, des déportés, des affranchis... Dans l'imaginaire colonial espagnol, la Mission des jésuites devait contribuer à résoudre le problème de la colonisation des territoires au moyen d'actions à long terme : « la civilisation et enseignement de la race indigène 177. Un objectif qui, lorsque le gouverneur La Gándara écrit son rapport, avait déjà été envisagé par les jésuites : « Pour la première fois, que l'on sache, ils ont admis un blanc parmi eux : Il y a deux mois que le Père Campillo, appartenant à ces Missions, conscient de la nature et de l’objet des labeurs auxquels sont appelés ces Pères d'une telle bonté et vertu, alla s'établir dans le village de Banapa, à deux lieues de celle-ci, et dont la tribu, vu sa proximité et son contact plus étroit, était bien mieux disposée, bien moins méfiante.(...) Jusqu'ici, les manifestations des Bubis nous sont favorables ; ce qui, quoiqu'ils soient fort influencés par la nouveauté est toujours agréable et réconfortant. La création de la nouvelle Maison, l'aménagement des chemins et les avantages que leur rapportent les leçons et enseignements des missionnaires seront autant de stimulants qui affirmeront leurs bonnes dispositions et qui éveilleront chez leurs voisins le désir de les imiter et de jouir des mêmes bienfaits. Bientôt sera élargi le champ d'action des Pères jésuites. Longue et pénible sera la tâche qui s'ensuivra, car ils devront lutter contre la nature de cette race qui, vu son apathie et ses besoins infimes, offrira une résistance inerte et passive qui s'opposera à toute sorte de travaux et d'enseignement ; et qui, vu son attachement à la polygamie, créera le véritable obstacle contre lequel devront lutter pendant longtemps toutes les Missions chrétiennes en Afrique. Quoi qu'il en soit, nous sommes engagés dans la bonne voie. Et si nous ne pouvons nous permettre d'envisager de grands progrès à court terme, il est sûr que nous gagnerons du terrain jour après jour et qu'au bout de ces premières années, qui offriront le plus de difficultés, les progrès seront de plus en plus rapides »178. Ils n'y arrivèrent jamais. 176
Cordero, 1941, 1953 ; Llompart, 1946 ; Miranda, 1945 ; Yglesias, 1947. . Ibidem, p. 32. 178 « Por primera vez, que se sepa, han admitido a un blanco a vivir entre ellos : Hace dos meses que el Padre Campillo, de estas Misiones, comprendiendo con mucha exactitud la índole y objeto de los trabajos a que están llamados estos virtuosos y buenos PP., fue a establecerse en el pueblo de Banapá, distante dos leguas de esta ciudad, y cuya tribu, por su mayor proximidad y contacto con ella, estaba mejor dispuesta, menos desconfiada. (...) Hasta ahora, las manifestaciones de los bubis son favorables ; y, aunque puede influir por mucho en ellos la novedad, no dejan de ser lisonjeras y de buen indicio. El establecimiento de la nueva casa, la apertura del camino y las ventajas que les reporten las lecciones y las enseñanzas de 177
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Les jésuites à Fernando Póo Le décret du 17 juin 1857, permettant la création de la Mission des jésuites, qui était confiée au Collège de Loyola (conçu pour l'évangélisation des provinces d'Outre-mer) et garantissant son maintien à charge de l'État, était accompagné d'instructions précises que nous pouvons considérer comme les bases de la Mission, le programme décidé en accord entre la Compagnie et le gouvernement pour ces Missions quasiment méconnues : • Le collège de Loyola se devait d'envoyer 6 missionnaires à Fernando Póo, dont trois devaient être prêtres et deux d'entre eux devaient parler anglais. • La Mission était tenue d'étudier la situation et les besoins de l'île, et de transmettre au gouvernement les propositions qu'elle considérât adéquates. • La Mission devait fonder une école à Santa Isabel pour l'apprentissage des rudiments de la langue espagnole et de quelques métiers. • Les missionnaires devaient emporter d'Espagne le matériel du culte et des écoles. • Le Supérieur de la Mission était censé de rendre compte de la tâche directement au ministre d'État et d'Outre-mer. Un programme ambigu, que dirigea le Navarrais P. Jose Irisarri, affecté jusqu'alors à Santander. Sa nomination fut délivrée par le Saint Siège le 28 juillet 1857179 ; et avec ses compagnons missionnaires, il forma partie de l'expédition Chacón qui atteignait Santa Isabel le 2 mai 1858. Voilà quels étaient les composants de cette première expédition : • P. José Irisarri, Navarrais de 47 ans, Préfet Apostolique. • P. Juan Manuel Vega, Asturien de 55 ans. • P. Melcíades Acevedo, de 32 ans d'origine inconnue. • F. Benito de Garayoa, Basque de 32 ans. • F. Juan Mª García, Basque de 17 ans. • F. Tomás Araujo, Colombien de 31 ans. Une expédition de religieux âgés (de plus de 36 ans en moyenne), sauf le très jeune F. Juan Mª Garcia, et d'une origine espagnole fort diversifiée. Les 4 premiers moururent à Santa Isabel, au cours de l'exercice de leur ministère. los misioneros, serán nuevos estínulos que los afirmarán en sus buenas disposiciones y que despertarán la emulación en sus vecinos y el deseo de disfrutar los mismos beneficios. Ensanchará pronto la esfera de acción de los PP. jesuítas. Larga y penosa será después su tarea, porque tendrán que luchar con la condición de esta raza, que, en su indolencia y en su falta de necesidades, ofrecerá una resistencia inerte y pasiva que se oponga a toda clase de trabajos y enseñanza ; y que, con su apego a la pluralidad de mujeres, creará el verdadero obstáculo con que por muchos años tendrán que luchar en África todas las Misiones cristianas. De todos modos se está en el buen camino. Y si no es lícito prometerse grandes adelantos en corto tiempo, es seguro que cada día se irá ganando terreno ; y que, pasados los primeros años, que ofrecerán mayores dificultades, los progresos serán más rápidos después ». Ibidem, p. 35-37. 179 ASCPF, Lettere e Decreti, 1857 : 348, p. 421.
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D'après les catalogues de la Compagnie de Jésus, tant que dura cette Mission, entre les années 1858 et 1872, furent affectés à Fernando Póo 19 prêtres et 18 coadjuteurs : 37 missionnaires jésuites, de l'action desquels il n'existe que très peu de documentation180. J'ai pu cependant les retrouver tous et établir pour chacun d'entre eux la fiche personnelle que je présente comme annexe 1.a. Pour ce qui est de leur origine, et à l'exception d'un seul missionnaire, le F. Tomás Araujo, qui était colombien, tous étaient Espagnols, ce qui est logique si nous considérons que ce fut la Province espagnole des jésuites qui prit en charge cette Mission à la demande du gouvernement espagnol, qui opérait comme titulaire métropolitain des territoires guinéens. Voir cidessous la provenance, par pays et régions des 36 Espagnols : Pays/Région Asturies Castille Catalogne Extremadura Calicia Iles Baléares
Nombre 2 3 5 1 1 1
180
% 5'5 8'3 13'9 2'8 2'8 2'8
Relevons que la Mission guinéenne correspond à une période agitée de la vie de la Congrégation en Espagne, qui aboutit à une nouvelle expulsion en 1868. Les missionnaires de Fernando Póo dépendaient de la Province espagnole de l'ordre, qui, en 1864, se divisa en deux parties, et les missionnaires furent assignés à la Province Castillane. Les Archives Générales de la Congrégation (ASCG) en conservent 25 documents, correspondant tous à la Province Castillane et postérieurs à l'année 1864. Il y a, en revanche, une certaine continuité documentaire dans les Archives de la Propaganda Fide (ASCPF). Dans tous les cas il s'agit d'écris de nature officielle, adressés généralement par le Préfet Apostolique à ses supérieurs. J'ai prélevé les données biographiques essentielles des catalogues annuels de la Congrégation (Catalogus Provinciæ Hispaniæ Societatis lesu, Catalogus Provinciæ Castellanæ Societatis lesu) et de ses nécrologies (Catalogus Defunctorum in renata Societate lesu [Mendizábal, 1972]). La bibliographie clarétaine y insère, en outre, de petits études (Fernández, Cristóbal, 1962 : 41-53 ; Pujadas, 1968 : 58-88). En revanche, les missionnaires clarétains prirent soin de transcrire une bonne partie des documents officiels de la Mission des jésuites, et établirent (circa 1883) deux recueils dont j'ai fait usage faute de documents originaux : Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias, et aussi Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española ; Il y a encore un dernier recueil postérieur, Extracto de los documentos del Archivo de la Sagrada Congregación de Propaganda [Fide] que se refieren a la Misión de Fernando Póo (Maroto & Genover, 1928), dont j’ai fait usage dans les mêmes circonstances. Enfin, dans les Archives Générales de l'Administration (AGA) je n'ai trouvé que le Mémoire du P. Irisarri correspondant à l'année 1859 ; alors que dans les susdits recueils clarétains il existe une copie de celles de 1860, 1861 et 1862, et chez Fernández 1962, il y a celle de 1863. Si bien cette documentation toute confondue permet de suivre les traces de la Mission, elle est nettement insuffisante pour pouvoir en analyser le « battement ».
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Murcia Pays Basque La Rioja inconnue
2 13 2 6
5'5 36'1 5'5 16'7
Il s'agit, en somme, d'une provenance plutôt répandue, exception faite de deux cas : le Pays Basque, avec plus du tiers des missionnaires ; et la Catalogne, avec environ la septième partie ; pour ce qui fait le premier cas, le plus significatif, le partage « interne » des 13 provenances serait le suivant : Biscaïe Alava Guipuzcoa Navarre
0 1 8 4
La concentration la plus grande donc, se donnait à Guipúzcoa, un petit territoire. Pour ce qui fait la Catalogne, chacun des 5 missionnaires originaires de mon pays provenait d'une contrée différente : L'Anoia L'Urgell La Ribera d'Ebre El Solsonès inconnue
1 1 1 1 1
En fait, il s'agit de chiffres trop réduits pour pouvoir en extraire des conclusions générales. Je tiens cependant à mettre l'accent sur deux aspects : Tout d'abord, la plupart de ces jésuites étaient presque tous originaires de la campagne ou de petits villages. Seuls trois missionnaires, le P. Manuel López, le P. Julián Garro et le F. Antonio Farpón, étaient nés respectivement à Badajoz, Santiago de Compostela et Léon : trois petites villes dont la première et la dernière étaient aussi des capitales de Province. Dans le cas de jésuites catalans, pas un seul d'entre eux n'était né dans une capitale de comarque. Ensuite, pour un grand nombre d'entre eux l'espagnol n'était pas leur langue originaire : aux 13 Basques il faut y ajouter les cinq Catalans et un Baléare, ce qui fait un total de 19 (51'3%) missionnaires dont la langue maternelle n'était pas l'espagnol. Une donnée à relever car le caractère de Mission d'État entraîna l'incorporation de tous ces missionnaires dans un projet colonial qui voyait dans l'hispanisation (y compris par la langue) des territoires guinéens le seul moyen de contrecarrer la langue anglaise régnant à Santa Isabel et de rattacher définitivement ces territoires à l'État espagnol.
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Je n'ai pas pu savoir la date d'arrivée de chacun de ces missionnaires à Fernando Póo : les désignations publiées dans les catalogues nous donnent sans doute une piste très approximative, sans pour cela être exacts. Il n'existe pas non plus de documentation (que je sache) à propos des moyens de transports utilisés : l'absence d'une ligne maritime régulière faisant escale à Santa Isabel rend le suivi très difficile et ce manque de communications régulières serait aussi une des raisons qui rendrait difficile la relève du personnel en cas de besoin. Je n'ai pas pu trouver non plus de données sur la provenance sociale de ces religieux. Vu que j'ignore la date de leur arrivée en Guinée, je ne puis savoir leur âge au moment de se rattacher à la Mission fernandine. Je peux cependant dire qu'en 1858, au moment des débuts de cette Mission, les 37 jésuites qui y furent destinés avaient 27'8 ans en moyenne : étant donné que seulement 6 d'entre eux s'y rendirent cette même année, et que l'incorporation des autres se fit de manière échelonnée tout au long des 14 ans. Il est difficile aussi d'arriver à des conclusions concernant l'âge du personnel envoyé à la nouvelle Mission (assez ressemblante, cependant, par rapport aux missionnaires postérieurs, les clarétains), où la moyenne d'âge était plus élevée chez les prêtres (32 ans) que chez les coadjuteurs (23,3 ans). Tout cela nous prouve une fois de plus l'insuffisance des données. Mais encore faut-il souligner que leur origine, rurale d'une manière générale, et la provenance rurale basco-catalane en particulier, peuvent se rapporter à des phénomènes d'ordre social et idéologique tels que, par exemple, le carlisme, comme j’y reviendrai au moment de parler des clarétains. À ces données, nous pouvons ajouter que les jésuites, malgré leur souhait d'expansion territoriale, à peine concrétisé, ne purent jamais compter sur un effectif très élevé. Le contingent missionnaire, au cours de toute cette période, fut le suivant : 1858 1859 1860 1861 1862 1863 1864 1865 1866 1867 1868
3 PP. + 3 FF. 3 PP. + 3 FF. 5 PP. + 5 FF. 2 PP. + 5 FF. 5 PP. + 3 FF. 8 PP. + 7 FF. 8 PP. + 7 FF. 8 PP. + 7 FF. 7 PP. + 6 FF. 7 PP. + 4 FF. 7 PP. + 9 FF.
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6 missionnaires 6 10 7 8 15 15 15 13 11 16
1869 1870 1871 1872
5 PP. + 4 FF. 4 PP. + 4 FF. 3 PP. + 3 FF. 2 PP. + 2 FF.
9 8 6 4
Il s'en détache une certaine irrégularité justifiée par des raisons administratives et par la politique missionnaire : au début des années soixante, et une fois que la Mission à Santa Isabel eut atteint une stabilité, il y eut une tentative visant à une certaine expansion territoriale dont le début se devait de coïncider avec l'expédition de La Gándara (avec 120 colons, qui augmentèrent la paroisse de la capitale). La consolidation progressive de cette petite expansion, que nous verrons plus tard, situa le contingent missionnaire à environ 15 religieux ; un chiffre qui diminua rapidement à partir de 1868, lorsque le gouvernement révolutionnaire, qui avait chassé les jésuites d'Espagne, décida de renoncer à la timide politique d'expansion jusqu'alors menée à terme et de réduire l'apport religieux des territoires guinéens à une seule paroisse, avec un seul prêtre et son vicaire. Encore faut-il ajouter à ces deux raisons, et à d'autres, deux aspects qui eurent un effet considérable sur l'évolution des contingents missionnaires et dans leur action : la morbidité et la mortalité qui, parmi les jésuites affectés en Guinée, atteint un niveau aussi élevé que ceux que nous avons constatés dans l'expédition de La Gándara. Tous les Mémoires nous parlent de missionnaires malades pendant de longues périodes, bien qu’installés à Santa Isabel, dont les conditions étaient bien moins précaires que celles des colons valenciens arrivés en 1859 : « Au cours des mois d'août, septembre, octobre et novembre, la Maison de la Mission ressemblait à un hôpital, car les uns tombaient malades alors que les autres se remettaient de leur maladie ; et quoique les fièvres fussent moins violentes, nous n'en restions pas moins dans un état de prostration qui entrainaient des discussions et la surprise chez ceux qui nous soignaient. Cela nous empêchait de travailler comme nous aurions souhaité, mais nous devions obéir aux facultatifs, qui nous empêchaient de sortir »181. C'est ainsi que le 25 janvier 1859, neuf mois après que la Mission fut engagée, mourait à Santa Isabel le P. Juan Manuel Vega, le premier des missionnaires qui trouva la mort dans les territoires guinéens. D'autres le 181
« En los meses de agosto, septiembre, octubre y noviembre, la Casa de la Misión presentaba el aspecto de un hospital, porque unos caían y otros se levantaban ; y, aunque las fiebres no atacaban con tanta violencia, el estado de prostración en que nos dejaban era motivo y asunto de la conversación y sorpresa de cuantos nos trataban. Este estado nos impedía trabajar como hubiéramos deseado ; y había que obedecer a los facultativos, que nos prohibían terminantemente salir de casa ». P. José Irisarri, Rapport de la Mission de Fernando Póo de 1859. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781, doc. cit.
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suivirent : « Un des frères coadjuteurs, sur le conseil et l'avis du docteur, dut regagner l'Espagne, car les fièvres intermittentes dont il était atteint rongèrent sa constitution physique de manière telle qu'il se vit dans l'impossibilité de travailler. Et un autre frère, coadjuteur aussi, des suites des fortes fièvres qu'il subit pendant les 26 mois qu'il vécut dans cette ville, succomba le 22 octobre à la malignité d'une fièvre du pays qui l'acheva en 36 heures »182. Jusqu'à la mort du P. Fernando de la Torre, qui eut lieu le 10 janvier 1872, quelque temps avant l'abandon définitif de la Mission par les jésuites, moururent au moins 20 des missionnaires envoyés à la Mission guinéenne183. Il s'agit là d'un chiffre effrayant : il nous montre que 54% des religieux affectés en Guinée moururent à l'issue de leur séjour dans ce pays : la plupart en Guinée même : 15 à Santa Isabel et un à Corisco ; les autres revinrent malades en Espagne : trois d’entre eux débarquèrent au Port de Sainte Marie (Cadix), le point d'arrivée de ces endroits insalubres, et 1 autre mourut à Madrid. Voici quelle fut la répartition dans le temps de ces décès : 1859 1860 1861 1862 1863 1864 1865 1866 1867 1868 1869 1870 1871 1872
1 3 1 0 1 1 0 2 2 6 0 1 1 1
À ces chiffres encore faudrait-il y ajouter un nombre - que les documents des missionnaires qualifient d'important, mais que je n'ai pu quantifier, vu le 182 « Uno de los Hermanos coadjutores, por consejo y parecer del médico tuvo que regresar a España, pues las fiebres intermitentes le minaron la constitución física en tales términos que le hicieron inútil para los trabajos. Y otro Hermano, también coadjutor, después de haber sido atacado con frecuencia de las fiebres en los 26 meses que vivió en esta ciudad, al fin sucumbió el 22 de octubre a la malignidad de una fiebre del país que le acabó en 36 horas ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, año 1861. In : AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3. Le missionnaire décédé était le F. Antoni Roselló. 183 Je n'ai pu repérer ni l'endroit ni la date du décès de trois des missionnaires. Le peu de bibliographie existante ( Maroto & Genover, 1928 : 43 ) n'en compte que 13.
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peu de documentation - de religieux obligés de regagner l'Espagne pour cause de santé et qui, même s’ils ne moururent pas, laissèrent des places à pourvoir à la Mission. Donc : plus de la moitié des missionnaires décédés et quelques uns de malades renvoyés. C'est une donnée importante qui, à mon avis, justifie en bonne partie l'échec des jésuites. Un phénomène courant dans les Missions chrétiennes en Afrique, où les maladies limitèrent maintes fois l'action évangélisatrice. Encore faut-il ajouter que l'année 1868 fut celle où la mortalité atteint son plus haut degré : justement lorsque la révolution espagnole du mois de septembre fut à l'origine de l'expulsion des jésuites de la Péninsule, ce qui vint à rendre plus compliqué la relève ; et c'est lorsque fut entamée une étape révolutionnaire qui mit en question la permanence espagnole elle-même en Guinée et la nécessité de la Mission, qu'elle arriva à être réduite au minimum : deux composants. Trop de circonstances adverses pour des missionnaires qui avaient eu de bien plus hautes aspirations.
L'établissement d'un modèle Au cours de cette période missionnaire, le premier Préfet Apostolique fut le P. José Irisarri : ce fut donc lui qui dut établir les fondements de la Mission et devenir le protagoniste de sa petite expansion. Ce fut lui aussi qui présenta autant les divers Mémoires (qui m'ont permis de reconstruire en partie cette Histoire), ainsi que des projets missionnaires bien plus ambitieux que ceux du gouvernement. Sa mort, en 1868, coïncida avec le début du déclin définitif d'une Mission qu'il avait engagée. Tout le long de son ministère il avait été obligé de revenir plusieurs fois à la Péninsule pour des raisons de santé (en 1862 et 1863). Pendant les périodes de sa maladie, la Mission guinéenne fut prise en charge, en tant que Préfet Apostolique par intérim, par le P. Llorenç Sanmartí : un jésuite catalan survivant de l'expédition de La Gándara184, qui, dans sa jeunesse, avait été le compagnon du P. Claret aux Antilles185 et qui était entré dans la Compagnie de Jésus en 184
« Le 28 août 1859 arrivèrent ici, avec beaucoup de colons et de militaires, trois compagnons : le P. Dalmases, le P. Bellart et le P. Sanmartí ; avec trois coadjurateurs provisoires : Aguirrezábal, Roselló et Vila » : « Tunc temporis, nempe 28 Augusti die anni 1859 ad nos pervenerunt simul cum magna colonorum et militum copia sex socii : P. Dalmases, P. Bellart et P. Sanmartí, et tres coadj. tempor : Aguirrezábal, Roselló et Vila ». Succinta Historia Missionis in insulis Fernando Póo, Annobón, Corisco, etc.(s/d). In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit. 185 « Le prêtre D. Lorenzo San Martí : né a La Curriu, dans le diocèse de Solsona. Il a commencé à faire des missions avec le prêtre D. Antonio Barjau ; après quoi je lui ai nommé comme compagnon le P. Esteban Adoain, et finalement je l’ai nommé lui-même vicaire de Port-au-Prince : un poste qu’il a exercé très bien. Il a été toujours un homme fervent et généreux, et a fini par entrer dans la Compagnie de Jésus, et actuellement il est à Fernando
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1857 ; protagoniste de diverses tâches en territoire bubi, Sanmartí mourut avant le Préfet Apostolique. À la mort de celui-ci, la Mission fut dirigée, provisoirement, par le P. José Campillo, fondateur de la Maison de Banapa, le premier qui eut le courage de vivre parmi les Bubis, protagoniste de toute l'expansion des jésuites dans l'île de Fernando Póo ; jusqu’au moment où, finalement, fut nommé le nouveau Préfet Apostolique : le P. Pablo Esteban, qui n’arriva probablement en Guinée qu'en 1870186, et qui prit en charge la Mission en mai 1872. Deux Préfets Apostoliques titulaires et deux en intérim, au cours d'une période où se succédèrent à Fernando Póo huit gouverneurs généraux et neuf gouverneurs en intérim. Dès l'arrivée à Santa Isabel de l'expédition du P. Irisarri, Carlos Chacón, premier gouverneur espagnol de Fernando Póo, suivant les ordres reçus, acheta une maison pour les missionnaires. C'était la première installation de la Mission, qui fut suivie d'un grand nombre de dispositions visant à rendre plus aisée la tâche missionnaire catholique : « Au moment de notre arrivée dans cette île, il n'y avait aucun prêtre ni missionnaire catholique, car tous ceux qui étaient venus l'année antérieure étaient repartis en Espagne. Il y avait encore un ministre de la secte qu'ils appellent des baptistes, qui, entouré de femmes et d'enfants, faisait étalage de ses erreurs à plus de 800 indigènes noirs qui habitaient dans la ville de Santa Isabel. Il n'y avait pas de temple pour les catholiques, quoique parmi les protestants vivaient 40 catholiques des deux sexes, de race noire aussi ; et le pire c'est qu'ils allaient, accompagnés d'autres catholiques, écouter le ministre marié. Ceci souleva une forte contrariété chez les jésuites mais, grâce au conseil du Supérieur de la Mission et à l'ordre donné par le gouverneur, tout revint dans l'ordre et il fut disposé que le ministre quitterait le pays et partirait pour l'Afrique continentale. C'est alors que ces missionnaires s'efforcèrent de ramener les catholiques noirs à une meilleure conduite et d’amener les non-catholiques à connaître la religion véritable »187. Póo » : « El Pbro. D. Lorenzo San Martí : natural de la Curriu, diócesis de Solsona. Éste empezó las misiones con el Pbro. D. Antonio Barjau ; después le puse de compañero con el P. Esteban Adoain, y finalmente le coloqué en Puerto Príncipe de vicario foráneo, que desempeñó muy bien. Fue siempre muy fervoroso y desprendido de todo, y por último entró en la Compañía, y actualmente se halla en Fernando Póo » (Claret, 1975 : §599, p. 325). Un autre des composants de la première expédition jésuite, le P. Acevedo, avait été aussi sous les ordres du P. Claret à Cuba ( Pujadas, 1962 : 98). 186 Pujadas, 1968 : 87. 187 « Ad nostrum hanc in insulam adventum nullus existebat sacerdos seu missionarius catholicus, in Hispaniam enim fuerant regresi quotquot anno præcedenti in eam appulsi fuerant. Aderat tamen ministellus sectæ quam baptistarum vocant, qui quidem uxore et liberis, ut supponitur stipatus, plusquam octingentos incolas nigritas qui in Sanctæ Elisabeth civitate commorabantur suos docebant errores. Deerat catholicis templum, sed simul cum protestantibus degebant quadraginta utriusque sexus catholici, etiam nigritæ, atque quod pejus erat, in locum quemdam ubi erat ministellus uxoratus conveniebant simul cum aliis
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J'ai souligné, au préalable, que, dès l'arrivée des Espagnols, la tolérance à l'égard des missionnaires protestants fut peu régulière ; et que Santa Isabel ne fut plus le centre de la Mission Baptiste, qui se déplaça vers d'autres Missions situées dans l'actuel Cameroun. En outre, la citation du P. Irisarri est significative : les jésuites, dès leur arrivée, rencontrèrent un village sous la domination, du point de vue religieux, des protestants. Ceux-ci sont considérés par définition « méchants », mais les catholiques de la localité n'étaient guère fiables et il fallait « les ramener vers une meilleure conduite ". Les nouveaux missionnaires étaient des étrangers dans cette ville : « Il n'y a pas une seule église où pouvoir célébrer les divins offices ou instruire la population, pas une seule école où pouvoir enseigner aux enfants les rudiments de la foi et leur apprendre à lire. La population de Santa Isabel s'élève à un millier d'habitants ; et ce sont 30.000 ou d'après certains 20.000 autres habitants de l’île, qui parlent une langue appelée couramment bubi, et ne pratiquent aucune religion ; ceux-là s'expriment en anglais et appartiennent à la secte Baptiste »188. Donc, à peine un mois après son arrivée, Irisarri se plaignait du manque de ressources, manifestant ses nécessités essentielles, et divisait la population de l’île entre d'une part les protestants de la ville et de l'autre les Bubis de l'intérieur, ceux-ci « sans » religion. Or, cette population protestante et ne pratiquant aucune religion, et en outre, leur était hostile : « Les sorties des marins, qui venaient au village à la recherche de denrées, imposaient d'une telle manière les habitants qu'ils nous regardaient tout le temps avec une hostilité manifeste ; ils couraient se réfugier à l'intérieur de leurs maisons dès qu'ils nous voyaient, se refusant à nous vendre quoi que ce soit, et plus d'une fois ils se sont laissés dire pourquoi nous venions ici ; que les Espagnols n'avaient qu'à aller s'installer à la baie de San Carlos ou à celle de la Conception, et les laisser vivre en
acatholicis, ut eum audirent. Hæc non potuere non egre ferre missionarii, atque ex consilio superioris missionis, et prorregis jussu sic omnia disposita et ordinata sunt ut ministellum campum relinquere et in Africæ continentem terram fugere, fuit coactus. Tum operam cœperunt ponere missionarii ut catholicos nigritas ad meliorem frugem revocarent, ut acatolicos ad cognoscendum veram religionem adducerent ». Lettre du P. José Irisarri à la Propaganda Fide, écrite à Loyola le 22 mars de 1863. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 102-107. 188 « Attamen nec ulla est Ecclesia ubi divina officia celebrare et populum excolere, nec ulla schola ubi pueros fidei rudimenta et litteras edocere possimus. Fere 1.000 sunt incola hujus civitatis Sanctæ Elisabeth, et totius insulæ juxta quosdam 30.000, et juxta alios, 20.000 sunt numero : hi lingua vulgo Boobie dicta, atque nullam habent religionem, illi anglia utuntur atque ad sectam baptistam pertinent ». Lettre du P. Irisarri à la Propaganda Fide, du 27 juin 1858. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 514-515.
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paix »189. De son côté, il paraît que la population bubi n'était guère enthousiasmée par la présence missionnaire, ce dont les jésuites accusaient aussi les Pasteurs protestants : « Comme ont coutume de faire les hérétiques au cours de leurs prédications, ils décrivaient les ouvriers catholiques sous leur aspect le plus déformé et le plus sombre ; quant à nous, ils nous présentèrent d'une manière telle qu'ils ne se seraient pas bornés à nous fuir, comme ils le faisaient aux début, mais ils nous auraient éliminés, ceci à condition que tout ce qu'ils osèrent dire de nous et de notre conduite se fut avéré vrai ; car notre souhait, en arrivant dans cette île, était, selon eux, de préparer la voie au gouvernement espagnol, qui le mènerait à s'emparer de tous leurs biens, réduirait à l'esclavage leurs enfants et leurs familles et les amènerait garnis de fer à l'île de Cuba »190. L'influence des jésuites sur la population bubi fut plutôt limitée, à l'exception de celle qui fut menée à bout, à partir de leur petite expansion à l'intérieur de l'île. Pour ce qui est des protestants de la capitale, les missionnaires catholiques ne parvinrent jamais à " les convertir " : la Mission Baptiste était toujours un élément de cohésion et de prestige dans la ville, et un signe d'identité pour un secteur de la population qui fit, de la langue anglaise et de la religion, les caractéristiques à la fois d'identité et de promotion sociale face, d'une part, à ceux qui ne pratiquaient " aucune " religion, et de l'autre à des catholiques " nouveaux venus ", des " occupants ", des prisonniers, des déportés importés pour le développement de travaux peu prestigieux. Pour les missionnaires, ce protestantisme représentait la graine du mal, qui se répandait à la fois sur le reste des habitants de Santa Isabel et qui remplissait d'immoralité la vie des uns et des autres. Rien d'étonnant que, face au prestige de la Mission Baptiste, les jésuites aient rêvé de mener une politique de prestige pour la Mission catholique : « Nous venons offrir à cette malheureuse race les fruits de la civilisation chrétienne et sociale ; et au delà de notre présence, qui leur 189
« Las salidas de los marineros, que venían a la población en busca de víveres, imponían tanto a estos habitantes que no cesaban de mirarnos con malos ojos, huían de nuestra vista al interior de sus casas, se negaban a vender lo que se les quería comprar, y más de una vez se dejaron decir que para qué veíamos a esta ciudad, que bien podían los españoles ir a fundar otra en la bahía de San Carlos o en la de Concepción, y dejarlos a ellos en paz ». P. José Irisarri, Rapport de la Mission de Fernando Póo de 1859. AGA, doc. cit. 190 « Ut mos est predicantibus hereticis, catholicos operarios adeo deformes et atris coloribus depingere sermonibus et concionibus, et tales nos præcipue traduxere, ut non tantum nos fugere, ut initio nos fecerunt, immode medio nos tollere debuissent, si quæ de nobis nostraque agendi ratione dicere ausi sunt, vera fuissent. Nos enim eo studio, eaque mente insulam advenisse ut viam sterneramus quo hispanicum gobernium omnia sua bona eriperet, eorumque liberos et familias in servitutem redigeret cunctosque ferreis catennis in Cubæ insulam transverberat ». Lettre du P. José Irisarri à la Propaganda Fide, du 22 mars 1863. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, doc. cit.
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déplaît et les incommode, nous n'avons rien à leur offrir. La seule solution est de construire un temple superbe : mais pas fait n'importe comment, avec des planchettes ou en bois, mais une œuvre en maçonnerie digne de la Majesté des Cieux qui trône parmi les catholiques dans les saints autels. Si les sectaires de l'erreur, bien que confinant Dieu dans le Ciel, et pourvus d'un culte si froid, si stérile et si vide, dressent des bâtiments d'une telle solidité pour leurs réunions, quelle ne serait la honte pour les catholiques, entendu leurs croyances, de construire des huttes en guise de la demeure de Dieu, et la célébration des plus insignes mystères? Et, comment éduquer l'ignorant dans un pays comme celui-ci, où les pluies sont si fréquentes et si abondantes, sans un collège convenable et digne d'un gouvernement catholique? »191. Une fois de plus, donc, la Chapelle et l'École sont considérées comme l'axe indispensable pour la Mission ; mais une chapelle et une école grandes, bien faites, magnifiques, fastueuses. Car les constructions coloniales se devaient aussi d'être un signe de pouvoir. Autrement dit : auprès des temples des protestants, les bâtiments de la Mission devaient être supérieurs, car l'architecture était conçue comme le signe du pouvoir qu'autant l’une que l'autre église, la protestante et la catholique, détenaient au sein de la ville. Il n'est pas moins vrai que la chapelle des jésuites auprès de celles des autres devait causer un effet pitoyable. Comme nous le rapporte le P. Irisarri, les jésuites durent se contenter, pour l'instant, d'une des pièces de leur logement. Pas grand chose, en fait, mais n'oublions pas que les paroissiens des missionnaires étaient plutôt réduits : uniquement l'équipage des navires. De sorte que leur première tâche consista à trouver des catholiques parmi cette population hostile : « Peu après l'arrivée à cet endroit de la Mission, je me laissai dire par certaines personnes de ma connaissance, qu'il existait dans la ville environ 20 Noirs catholiques. Je leur rendis visite et j'appris qu'il s'agissait d'esclaves évadés des îles portugaises de São Tomé et de Principe, et qui s'étaient réfugiés ici à la faveur de la protection des Anglais, à la recherche de la liberté. Il fallait bien exaucer la dévotion de ces
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« Venimos a ofrecer a esta raza desgraciada los frutos de la civilización cristiana y social, y nada podemos presentarles sino nuestras personas, cuya presencia les incomoda e irrita. El remedio, pues, es construir un templo magnífico. No de tablillas o madera, sino de mampostería y digno de la Majestad del Dios que reside en medio de los católicos en los santos altares. Si los sectarios del error, a pesar de relegar a Dios al Cielo y con un culto tan frío, estéril y vacío, levantan edificios tan sólidos para sus reuniones, ¿ no sería indecoroso en los católicos, con las creencias que tienen, construir chozas para la morada de Dios y celebración de misterios los más augustos ? Y, ¿ cómo podrá educarse el ignorante en un país como éste, en que las lluvias son tan frecuentes y copiosas, sin un Colegio apto y digno de un Gobierno católico ? ». P. José Irisarri, Rapport de la Mission de Fernando Póo de 1859. AGA, doc. cit. Toutes les citations se rapporteront, désormais, à ce document, si on n’indique autre chose.
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malheureux192, des soldats et encore d'autres qui vinrent à terre au fil du temps et s'établirent dans la ville. Et on aménagea comme chapelle une des petites pièces de la Maison de la Mission ; celle-ci présente l'inconvénient d'être faite en bois, et de ne mesurer que trente pieds carrés, et c'est là où nous célébrions le Saint Sacrifice de la Messe et où nous nous consacrions quelque peu à l'instruction »193. Tout au long de la période des jésuites, il y eut deux époques où la ville de Santa Isabel reçut d’importants contingents de population catholique. La première coïncida avec l'arrivée du deuxième gouverneur espagnol, La Gándara, et son expédition de colons valenciens. Le labeur missionnaire reçut en ce moment un appui et il paraît même que ce brigadier était arrivé muni des « moyens et d'un ordre explicite de construire un temple comme il correspond à un pays dont la gloire, et non la moindre, consiste à être catholique »194. La réalité, encore une fois, fut bien moins florissante que ce qu'espéraient les jésuites. Il fut construit, cependant, une chapelle bien plus vaste : « En Carême j'appris que le nombre de catholiques de couleur de Santa Isabel approchait de la cinquantaine. Les Espagnols - exilés, marins et militaires - qui y vivent l'ont augmenté, et dernièrement le nombre s'est accru grâce à plus de vingt colons qui sont arrivés ces derniers mois à bord des bâteaux de l'État. Dans l'étroit cagibi de l'oratoire sus-cité, nous ne pouvions même pas évoluer, et grâce à l'aide des menuisiers de l'équipage des bateaux, que nous a prêtés généreusement M. D.Carlos Chacón, j'ai pu aménager un endroit plus grand en guise de chapelle provisoire où pouvoir célébrer plus à l'aise les divins offices, et où les colons et catholiques de couleur peuvent exercer leur dévotion plus commodément »195. 192
Rappelons que les esclaves affranchis formaient la couche sociale la plus basse de la population de Santa Isabel. 193 « Al poco tiempo de la llegada de la Misión a ésta, supe, por relaciones de algunas personas, que existían en la población como unos veinte negros católicos. Los visité, y hallé que eran unos esclavos huidos de las islas portuguesas de S. Thomé y del Príncipe, y que bajo la protección de los ingleses se habían refugiado en ésta buscando la libertad. Había que satisfacer la devoción de esta pobre gente, de los soldados y demás que con el tiempo saltaron en tierra y fijaron su domicilio en la ciudad. Y fue necesario para capilla uno de los pequeños aposentos de la Casa de la Misión ; que, sobre la desventaja de ser de madera, es tan reducido que sólo tiene treinta pies en cuadro, y en él celebrábamos el Santo Sacrificio de la Misa y hacíamos algunas instrucciones ». 194 « Medios y orden expresa para construir un templo cual cumple a una nación cuya gloria no pequeña es el ser católica ». 195 « Por la cuaresma averigüé que el número de católicos de color en Santa Isabel se acercaba a cincuenta. Los españoles -confinados, marineros y militares- residentes en la misma lo aumentaron, y posteriormente ha crecido mucho más el número con los veinte y tantos colonos llegados en los últimos meses en los buques del Estado. En el angosto recinto del oratorio antes citado no podíamos revolvernos, y con el auxilio de carpinteros de la dotación de los barcos, generosamente prestados por el Sr. D. Carlos Chacón, pude habilitar un sitio más capaz que sirviese de capilla pública provisional, donde poder celebrar los divinos oficios
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Comme je l'ai rapporté, ces catholiques arrivés en 1859 finirent par mourir ou par s'en aller ; et les missionnaires, non seulement augmentèrent leurs visites à l'hôpital, mais durent à maintes reprises se conduire comme des infirmiers. Cette croissance de la tâche missionnaire fut aussi provoquée par l'envoi de prisonniers à Fernando Póo : « Les malheureux qui, à cause de leur délit, ont été condamnés par la justice à la vindicte publique dans les prisons, ont mérité les soins des missionnaires ; qui, accompagnant leurs paroles de consolation pleine de charité chrétienne d’un secours temporaire, apportent quelque réconfort dans ces sombres endroits »196. L'arrivée de l'expédition de 200 affranchis cubains en 1862 représenta un nouvel essor pour la Mission : « Au mois d'août 200 hommes affranchis provenant de Cuba, dont la plupart étaient païens, arrivèrent à Fernando Póo. Entre eux il y avait 25 femmes célibataires. Pour obéir au gouverneur, qui demandait qu'on apprenne à ces Noirs les vérités catholiques, les missionnaires y consacrèrent tout un mois : deux fois par jour, le P. Llorenç Sanmartí à enseigner aux femmes et le P. Francisco J. García à instruire les hommes. Après être dûment instruits et préparés, ils furent baptisés. Puis, lorsque les 25 femmes furent instruites sur la vie conjugale, elles épousèrent de nouveaux chrétiens »197. La citation nous fournit fort peu de renseignements sur ces affranchis, qui en fait avaient été amenés à Fernando Póo dans le but d'être employés aux travaux publics ; et qui, d'une manière générale, n'étaient pas chrétiens ; ce qui n'empêcha pas que, vu leur dépendance vis à vis de l'autorité gouvernementale espagnole, les jésuites s'empressèrent de les christianiser et à les marier entre eux. L'exigence des missionnaires pour conférer le baptême était plutôt limitée, ce qui contraste aux prétentions des Baptistes et plus tard à celles des clarétains qui, comme nous verrons plus tard, étaient bien plus rigoureux. En revanche, nous pouvons remarquer qu'autant les jésuites que les clarétains aspiraient à con más amplitud, y los colonos y católicos de color pudiesen satisfacer su devoción con menos incomodidad ». 196 « Los desgraciados que, por sus delitos, han sido sentenciados por la Justicia a satisfacer la vindicta pública en las cárceles, han sido también objeto digno de las atenciones de los misioneros ; los cuales a las palabras de consuelo que les dirigían con caridad cristiana añadían algún socorro temporal, dejándolos de este modo algún tanto consolados en la obscuridad de tales mansiones ». 197 « Mense Augusti ex insula Cuba in hanc Fern. Poo transvecti sunt ducenti homines emancipati ; qui quidem fere omnes gentiles seu ethnici erant. Inter eos 25 feminæ existebant adhuc cælibes. Ut morem gererent Missionarii Proregi poscenti ut illas nigras catholicas veritates edocerent, P. Laurentius Sanmartí in excolendis feminis et P. Franciscus X. Garcia in viris instituendis integrum mensem bis quotidie eos alloquendo impenderunt. Jam rite edocti et parati, sacro fonte sunt tincti. Deinde fæmine 25, prius de vida conjugali instructæ novis tot numero christianis matrimonio conjunctæ ». P. José Irisarri (1865), Historia Missionis a fine Junii anni 1862 usque ad finem Maji 1865 (Maroto & Genover, 1928 : 146-155).
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former des mariages catholiques parmi les convertis et à les rassembler en des endroits concrets : les clarétains, dans des villages ; les jésuites, dans le nouveau quartier périphérique de Santa Isabel : « Nous avons fondé un quartier catholique où vivent quelques libérés que le gouvernement fit venir de Cuba, lesquels, une fois instruits et mariés, reçurent un terrain et les matériaux pour construire leur logement ainsi que pour la culture des terres. J'ignore, cependant, quinze ans après, dans quel état il se trouve »198. Tout cela nous présente un scénario extrêmement fragile pour ce qui fait les destinataires en puissance de l'action évangélisatrice des jésuites à Santa Isabel : ~ la garnison espagnole, formée par des soldats et des marins éventuels qui ne vivaient même pas à la ville mais dans leurs bateaux (où ils étaient assistés par un aumônier militaire). ~ les anciens esclaves affranchis, provenant de São Tome et de partout ailleurs de la côte africaine : des prétendus catholiques, mais intégrés dans la société fernandine, victimes des "erreurs" des protestants par qui, à bout de compte, ils avaient été libérés, et assistants habituels des meetings baptistes. ~ des prisonniers. ~ des déportés, NNoirs ou Blancs, aux idées libérales, révolutionnaires ou indépendantistes, ou des membres de sociétés initiatiques antillaises (ñáñigos). ~ des affranchis cubains, non catholiques, évangélisés à la hâte, concentrés dans un nouveau quartier qui disparaîtrait au bout de quelques années. Tous ces groupes de " paroissiens " en puissance des jésuites présentaient une caractéristique qui, d'après les missionnaires, finit par les marquer : l'absence de femmes (ainsi, parmi les affranchis, 25 pour 200 hommes ; pour le reste des groupes, presque aucune) ; et par conséquent, le " détournement " de leur conduite morale vers des actions que les jésuites considéraient coupables : des relations éventuelles, la promiscuité, le concubinage, des mariages non catholiques... autant parmi les nègres que parmi les blancs : des soldats et des colons seuls et éloignés de leur patrie, désireux d'établir des relations avec les femmes du pays et qui n'étaient nullement disposés à en accepter les conséquences (mariage et/ou
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« Una parte, y como barrio católico español, formamos nosotros con unos cuantos libertos que el gobierno llevó de la isla de Cuba, a quienes, instruidos y casados, se les dio terreno y materiales para sus viviendas y aun para cultivos. Pero, después de catorce años, no sé en qué estado podrá estar ». Lettre du F. Javier García au clarétain P. José Mata, procureur des Missions de Fernando Póo s/d (circa 1882). AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3.
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paternité)199. En tout, une tranche de population présentant peu de cohésion, une haute instabilité et en tous moments minoritaire. L'autre tranche de la population de Santa Isabel, majoritaire et influente, était formée par des anglophones et des baptistes, " méchants par nature ". À laquelle pouvaient s'ajouter les Krumen (païens ou protestants, et normalement anglophones aussi, vu leur provenance la plus habituelle, Sierra Leone ou Liberia) ; et quelque Bubis, païens et n'aimant guère les missionnaires. Une ville difficile, qui ne se livra jamais aux missionnaires jésuites. Bien au contraire, la " secte " baptiste y prédominait ; et, parmi les quelques catholiques, une " immoralité " persistante : « [Le muchuku de Banapa] nous promit qu'il enverrait les enfants et les jeunes à la ville pour y être instruits, mais qu'il n'était pas question de les mettre ensemble, car dès qu'ils commenceraient à se mélanger avec les blancs il y aurait des désordres. Cette réponse, R.P., digne d'un gouverneur européen, prouvait qu'il y avait là une capacité, une sagesse et une droiture de cœur, et qu'il était conscient des désordres des blancs »200. Si bien que les missionnaires jésuites y virent une " ville pervertie ", peu enclin à suivre leurs enseignements et leur action, et dépourvue de futur. « Les Noirs [de Santa Isabel] sont une sorte de gens qui s'engagent à des promesses aussi facilement qu'ils se soustraient à la parole engagée. Ils préfèrent que leurs enfants soient des paresseux, au détriment de la société, plutôt que sages et instruits. La génération actuelle est formée à peu d'exceptions près, d'un groupe de fainéants ; et si la nouvelle n'acquiert pas, grâce à l'éducation, l'amour du travail, leur utilité pour la société sera nulle »201. Une composition et une perception que j’ai essayé d’intégrer dans ce graphique :
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Nerín, 1998. « Nos dijo que sí, que mandaría los niños y jóvenes a la ciudad para instruirlos, pero que nada de juntarse, no empezasen a mezclarse con los blancos y hubiera desórdenes. Esta respuesta, R. P., digna de un gobernante europeo, manifestaba que allí había capacidad, juicio y rectitud de corazón, y que les eran notorios los desórdenes de los blancos ». Lettre des PP. Melcíades Acevedo et Josep Bellart au P. José Irisarri, du 23 novembre 1859, concernant une excursion au territoire bubi de Banapa. AGA, Section África-Guinea, Boîte 781. 201 « Son estos negros una clase de gente que, con la misma facilidad que prometen, se dispensan de cumplir la palabra dada. Prefieren criar hijos holgazanes con perjuicio de la sociedad, más bien que tenerlos sabios e instruidos. La generación presente se compone, con pocas excepciones, de un grupo de holgazanes ; y si la naciente no adquiere, con la instrucción, amor al trabajo, será muy poca o ninguna la utilidad que de ella reportará la sociedad ». 200
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Face à cette " société pervertie " où régnait le " désordre " moral et qui ne fut jamais acceptée par les jésuites, ceux-ci dressaient un projet missionnaire qui, comme nous l’avons vu dans les « bases » et dans certaines des citations, était fondé sur deux axes principaux : la Chapelle et l'École, en plus du Presbytère : les trois bâtiments qui formaient la Mission. À l'issue du mouvement migratoire des soldats, colons, déportés et affranchis, cette petite église que La Gándara avait fait bâtir devint bientôt trop petite : « Ils seraient bien plus nombreux à venir si le local était plus grand, et ils ont reçu avec grand plaisir la promesse que je leur ai faite de leur parler en anglais et de leur enseigner la Parole de Dieu lorsque l'église serait construite. Vu la mauvaise odeur que dégagent les Noirs, c'est une grave erreur que de les réunir pour leur enseigner la Parole de Dieu dans un endroit d'une telle exiguïté sans que cela porte atteinte à la santé des autres. À égalité de conditions, dans ce pays et sa puissante chaleur il faudrait un espace deux fois plus grand qu'en Europe pour contenir le même nombre de personnes »202. 202
« Muchos más vendrían si el local fuese más capaz ; y han recibido con demostraciones de agrado la promesa que les he hecho de hablarles en inglés a ellos separadamente y predicarles sobre el Evangelio cuando esté construida la iglesia. Es un error creer que, despidiendo la gente morena un olor tan desagradable, pueda predicárseles reunidos en un sitio angosto sin menoscabo de la salud de los demás. En igualdad de circunstancias, en este país y clima
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Avec cette nouvelle philosophie, et grâce au travail des affranchis de Cuba, Irisarri vit son rêve comblé : « un temple comme il correspond à un pays dont la gloire, et non la moindre, consiste a être catholique » ; une église magnifique, point de repère urbanistique de la ville : « Le jour désigné [19 novembre 1861] le P. Supérieur lui-même bénit et mit la première pierre, en observant l'ensemble des cérémonies prescrites par le Rituel Romain ; le procession sortit de la chapelle provisoire à quatre heures et demie de l'après-midi, avec tout d'abord les enfants de l'école de la Mission, suivis des missionnaires et l'aumônier de Marine, et le Supérieur vêtu d'une cape blanche. Derrière eux M. le gouverneur et le reste des autorités ; enfin, les employés et les officiers du gouvernement de la colonie. Un peloton d'infanterie de la compagnie de garnison formait deux rangs sur la place d'Espagne, tout près de l'endroit qui donne accès au local de l'église en construction »203. J’ai parlé plus haut de la politique d'ostentation qui correspondait à une telle conception architecturale. Je me dois maintenant d'ajouter que la présence et l'appui des autorités à la cérémonie donnaient une autre valeur symbolique à la Mission : son caractère de vitrine religieuse du gouvernement colonial, son caractère de signe externe du pouvoir espagnol et du pouvoir missionnaire. Le nouveau temple fut inauguré le 19 novembre 1862 : « Il est construit entièrement en briques et a été crépi au mortier. Le sol est en marbre de Gênes, blanc et bleu, et le plafond est lambrissé d'une boiserie peinte d'un blanc laiteux. Le triangle qui repose sur la corniche du frontispice, et les pans compris entre ses quatre piliers, ont été crépis au ciment romain. Les huit fenêtres garnies de leurs arcs en plein centre qui éclairent l'intérieur du temple, sont en verres de plusieurs couleurs. La porte, faite à Santa Isabel par des sculpteurs de bois d'un goût exquis, est en acajou du pays. Il s'en caluroso se necesita doble espacio del que bastaría en Europa para contener igual número de gente ». P. José Irisarri, Reseña de la Misión de Fernando Póo y de algunas otras circunstancias del país en el año 1860. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3. 203 « Llegado el día señalado, el mismo P. Superior de la Misión bendijo y colocó la primera piedra, observadas todas las ceremonias prescritas por el Ritual Romano : la procesión salió de la capilla provisional a las cuatro y media de la tarde, yendo los primeros los niños de la escuela de la Misión, enseguida los misioneros y el capellán de Marina, con el Superior de capa pluvial blanca ; detrás, el Sr. Gobernador y demás autoridades ; y por fin los empleados y demás oficiales del Gobierno de la colonia. Un piquete de infantería de la compañía de guarnición se hallaba formado en dos alas en la plaza de España, inmediato al sitio por donde se entra al local de la iglesia en construcción ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, año de 1861. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3.
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détache une tourelle, muni de niches pour abriter deux petites cloches, au sommet de l'angle supérieur de la façade principale, donnant sur la place. Le bâtiment est entouré d'un mur en maçonnerie crépi au mortier »204. C'est ainsi que naîtra l'église de Saint Joseph, qui durerait bien plus au delà de l'époque des jésuites, jusqu'au jour où elle serait convertie en cendres par un incendie (novembre, 1888 vid. infra). Dans l'esprit des jésuites, ce temple resplendissant, construit pour éblouir, viendrait à bout de leurs difficultés dans la " ville pervertie " de Santa Isabel : « Cette année, enfin, les missionnaires ont vu leurs vœux exaucés. Dès le début ils comprirent qu'ils n'obtiendraient rien des habitants de Santa Isabel tant qu'ils n'auraient pas l'endroit approprié pour leur apprendre les vérités de notre sacro-sainte Religion. Un grand nombre d'entre eux, imprégnés des faux principes du protestantisme par des ministres baptistes, et bercés par l'illusion qu'il suffit de croire en Dieu pour obtenir le salut, sans vouloir rien entendre de la doctrine catholique qui enseigne tout le contraire, considéraient ces missionnaires comme d'autres Espagnols, sans plus, dont la présence leur indifférait. Et encore un nombre bien plus grand que le premier, nés et élevés dans le paganisme, sans aucune instruction religieuse, savaient tout au plus de la vie éternelle que puisque Dieu était le père de tous, il ne pouvait les rendre malheureux, quoique dans cette vie présente ils s'adonnaient aux passions les plus basses et au fétichisme le plus absurde. D'autres, enfin, convaincus qu'il suffisait de ne nuire à personne, sans s'intéresser aux devoirs que toute personne a envers Dieu et envers elle-même, méprisaient toute doctrine religieuse, ignorant le danger imminent d'un malheur éternel. Face à de telles erreurs, les missionnaires considérèrent qu'elles ne seraient pas effacées tant qu'il ne leur serait pas montré avec vigueur et clarté toute la noblesse et toute la vérité de la Religion Catholique. Cependant, rien ne pouvait être fait faute d'église ou de temple où, tous réunis, ils pourraient entendre son enseignement et se débarrasser de leurs erreurs invétérées »205. Un argument naïf, sans doute, 204
« Todo él es de ladrillo, con su correspondiente henchido de mezcla o mortero. El pavimento es de mármol de Génova, blanco y azul, y el cielo raso es un artesonado de madera pintado de blanco de leche. El triángulo que descansa sobre la cornisa del frontis, y los lienzos intermedios entre los cuatro pilares de este último, llevan más henchido o revoque de cemento romano. Las ocho ventanas, con sus medios puntos que dan luz al interior del templo, son de cristales de diferentes colores. La puerta, hecha en Santa Isabel por tallistas de muy buen gusto, es de caoba del país. Sobresale una torrecilla, con los huecos para la colocación de dos campanas pequeñas, en el remate del ángulo superior de la fachada principal, que da vista a la plaza. Todo el edificio se halla circunscrito por un malecón de fábrica henchido con mortero ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, en el año de 1862. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3. 205 « Por fin se han realizado en este año los deseos de los misioneros. Desde el principio conocieron que nada podrían conseguir de los habitantes de Santa Isabel mientras no tuviesen
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car c'est faux qu'il n'y ait pas eu jusqu'alors une église ou un temple pour se réunir ; et si la petite église de la Maison de la Mission n'attirait pas les citadins de Santa Isabel, ce n'est pas parce que le plancher n'était pas en marbre, qu'il n'y avait pas de vitres colorées, une porte façonnée ou un clocher : si elle ne les attirait pas c'est parce que c'était une église catholique et espagnole. Et pour la plus grande perplexité des missionnaires, ils n'accoururent pas à cette merveille architecturale dressée par des affranchis cubains sous la direction des ingénieurs militaires de la garnison. Or, ces fils de la Compagnie de Jésus disposaient d'un autre recours pour obtenir la complicité des gens : « Vu l'impossibilité de nous approcher des adultes, faute de local ou d'église, et malgré la petitesse de la Maison de la Mission, je décidai que, dans une des pièces qui appartenaient au gouverneur et aux officiers de Marine, un Père instruirait quelques enfants noirs qui étaient arrivés des îles d'Annobón et Corisco et du Cap de Saint Jean. Puis, vinrent quelques enfants des colons provenant d'Espagne, et en ce moment l'on compte onze enfants noirs et blancs qui fréquentent l'école le matin et l'après-midi »206. Une école adressée aux garçons et aux filles de Santa Isabel, et dont les élèves provenaient généralement de l'extérieur. Un nombre suffisant pour que le local de la Maison de la Mission soit remplacé, également, par un autre : « Pour éviter tous ces dommages, je décidai de mettre en œuvre la construction d'une école, d'un atelier, d'une cuisine et d'un dortoir. J'étais convaincu que c'était la seule façon de pouvoir travailler avec plus d'aisance, de vivre dans un certain bien-être et de suivre respectueusement les remarques des médecins, qui à maintes reprises m'avaient souligné que nous étions très à l'étroit dans la Mission et que ceci un lugar apto donde predicarles las verdades de nuestra sacrosanta Religión. Muchos de ellos, imbuidos en los falsos principios del protestantismo por ministros baptistas, y habituados a mecerse en la ilusión de que basta creer en Dios para salvarse, sin oír nada de la doctrina católica, que enseña lo contrario, miraban a los misioneros como a otros españoles, cuya presencia les era indiferente. Otros muchos, en mayor número que los primeros, nacidos y educados en el paganismo, sin instrucción alguna de religión, lo más que sabían de la otra vida era que, siendo Dios padre de todos, no los había de hacer desgraciados aunque en esta vida viviesen entregados a las pasiones más degradantes y al más absurdo fetichismo. Otros, finalmente, creyendo que todo está hecho con no hacer mal a nadie, sin cuidarse de los deberes que todo hombre tiene para con Dios y para consigo mismo, se desdeñaban de toda doctrina de religión, sin conocer el inminente riesgo de una desgracia eterna. Semejantes errores juzgaron los misioneros que no podrían desaparecer mientras no se les opusiese con vigor y claridad toda la nobleza y toda la verdad de la Religión Católica. Mas no había medio de hacerlo porque faltaba iglesia o templo donde, reunidos, oyesen la enseñanza de aquélla y saliesen de sus inveterados errores », Ibidem. 206 « En la imposibilidad de dirigirnos a las personas adultas por falta de local o iglesia, y a pesar de la estrechez de la Casa de la Misión, dispuse que en uno de los aposentos un Padre instruyese a unos cuantos niños negros que habían venido a ésta de las islas de Annobón y Corisco y del Cabo de S. Juan, y pertenecían al Gobernador y a los Sres. Oficiales de Marina. Después se agregaron algunos niños de los colonos venidos de España, y a la sazón son once los niños negros y blancos que frecuentan la escuela mañana y tarde ».
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n'était pas très bon pour la santé. Après avoir rassemblé tous les matériaux : briques, chaux, plâtre, tuiles et carreaux, et à l'aide des maçons des hommes de la troupe, le travail a été achevé au début du mois d'octobre, et les enfants reçoivent leurs leçons dans le nouveau bâtiment et dorment [à l'école] depuis quelque temps »207. Si bien que le modèle missionnaire développé par les jésuites était d'une grande simplicité : la mission chapeautait à la fois la paroisse et l'école.
Si les jésuites n'eurent guère de succès avec le nouveau temple, ils essuyèrent un nouvel échec avec une école qui, en fait, ne dépendait que de la présence d'enfants provenant de l'extérieur. « Avec le départ en Espagne des colons et de quelques officiers de la Marine dont les enfants, les uns légitimes et les autres adoptés, fréquentaient l'école, et avec le retour des jeunes du Cap de Saint Jean à leur propre pays, il ne reste que deux enfants d'Annobón qui sont à la charge de la Mission depuis 16 mois. (...) Plus tard, le vaisseau “ Constitución ” amena à son bord six garçons, provenant quatre de Corisco, un du Cap de Saint Jean et un autre de l'embouchure de la rivière Muni, dans la baie de Corisco ; et depuis le 21 juin ils sont logés, 207
« Para evitar todos estos males determiné poner manos a la construcción de una escuela, de un taller, de una cocina y de un dormitorio. Sólo así creí que podríamos trabajar con algún desembarazo, vivir con algún desahogo y atender con deferencia a las observaciones de los facultativos que diferentes veces y en diferentes ocasiones me habían dicho que estábamos muy apiñados en la Misión, y que esto no era muy bueno para la salud. Reunidos de antemano los materiales de ladrillo, cal, yeso, teja y baldosa, y con el auxilio de los albañiles de la compañía de tropa, he logrado tenerlo todo concluido para principios de octubre, y ya reciben los niños la enseñanza en la obra nueva, y también duermen [en la escuela] desde algún tiempo a esta parte ». P. José Irisarri, Reseña de la Misión de Fernando Póo y de algunas otras circunstancias del país en el año 1860. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit.
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vêtus, nourris et instruits par la Mission. Et dernièrement, le 14 août, je parvins à faire venir le fils d'une famille noire catholique de la ville à la Maison de la Mission pour qu'il reçut aussi l'éducation, la nourriture et tout ce qu'il faut pour vivre. Ce qui remonte à dix le nombre d'enfants qui vivent au dépens de la Mission »208. « Aux douze enfants qui sont instruits et nourris par la Mission, cette année il faut y en ajouter un autre qui, provenant de Sierra Leone, où il est né, est arrivé à l'île accompagné de son père, qui s'est installé à Santa Isabel. (...) L'école est aussi fréquentée par deux petits Noirs, en qualité d'externes, l'un provenant de Gabon, fils d'un commerçant espagnol de la ville, et l'autre de Corisco, qui est au service d'un commerçant anglais »209. Vers la moitié de sa période missionnaire, le P. Irisarri résumait la situation : « Le nombre des enfants que nous instruisons varie entre treize et quinze. Comme les habitants non catholiques de l'île refusent de laisser venir leurs enfants, nous avons attiré ceux des autres îles grâce aux excursions que nous avons réalisées ; et, comptant sur le consentement de leurs parents, nous les avons amenés avec nous. Les indigènes, qui étaient pauvres et qui étaient presque nus, sont avec nous, nous les soignons et les enseignons, et leur fournissons tout ce qui leur faut gratuitement, à l'aide de l'argent de la Mission. Quatre d'entre eux sont d'Annobón, deux de Calabar, quatre de Corisco, l'un vient du Cap de Saint Jean, un autre de Sierra Leone et le dernier est de Santa Isabel ; et il y a encore deux Noirs aussi, qui, à la ville, sont au service d'Européens, qui fréquentent l'école en qualité d'externes, et qui reçoivent l'éducation gratuitement. Ils parlent tous espagnol, le lisent et l'écrivent ; ils apprennent en même temps
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« Con la vuelta a España de los colonos y de algunos oficiales de Marina, cuyos niños, los unos legítimos y los otros adoptados, frecuentaban la escuela, y con el regreso de los jóvenes del Cabo de S. Juan a su propio país, quedó reducida aquélla a los dos niños de Annobón que hace 16 meses mantiene la Misión. (...) Posteriormente, el bergantín “ Constitución ” trajo consigo seis niños, procedentes 4 de Corisco, uno de Cabo San Juan y otro de la embocadura del río Muni, en la ensenada de Corisco ; y desde el día 21 de junio los aloja, viste, alimenta e instruye la Misión. Y últimamente, el 14 de agosto, conseguí que viniese un niño de una familia negra católica de esta ciudad a la Casa de la Misión para recibir con los demás la educación, alimentos y demás que se necesita para la vida. Con éste son diez los niños que sostiene la Misión a sus expensas ». Ibidem. 209 « A los 12 niños que se educan y son alimentados por la Misión hay que añadir en este año uno más que, descendiente de Sierra Leona, en donde nació, ha venido a esta isla con su padre, establecido en la ciudad de Santa Isabel. (...) También frecuentan diariamente la escuela en clase de externos dos negritos más, el uno venido de Gabón, que pertenece a un comerciante español de esta ciudad de Santa Isabel, y el otro de Corisco, que está al servicio de otro comerciante inglés ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, en el año de 1862. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit.
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l'arithmétique, ils connaissent la doctrine chrétienne, ils chantent et certains même jouent de quelque instrument... »210. Le dessein des jésuites n'était donc pas que leur école fut un internat mais d'instruire les enfants de Santa Isabel sous un régime d'externat. Voici quel était le modèle réel qu'ils souhaitaient imposer : celui évoqué plus tôt à savoir, que la mission chapeaute à la fois la paroisse mais aussi l'école sous forme d'externat.
Or, l'" obstination " des habitants de Santa Isabel, qui n'amenèrent jamais leurs enfants à l'école catholique (au point de les envoyer comme internes à Sierra Leone, vu l’interdiction du gouvernement de poursuivre ses activés externes211), obligea les missionnaires catholiques à accepter des élèves 210 « Entre trece y quince oscila el número de los que cada año instruimos. No queriendo los habitantes acatólicos de Santa Isabel entregarnos sus hijos, nos hemos ganado los niños de las otras islas con excursiones que allí hemos hecho y, con el consentimiento de sus padres, nos los hemos traído con nosotros. A los indígenas, que antes eran pobres y que estaban casi desnudos, los tenemos con nosotros, los cuidamos y les enseñamos y suministramos todas las cosas gratis, con el dinero de la Misión. De ellos, cuatro son de Annobón, dos de Calabar, cuatro de Corisco, uno vino de Cabo San Juan, otro de Sierra Leona y el último es de Santa Isabel ; además de éstos hay dos, también morenos, que sirven en la ciudad a europeos, que frecuentan la escuela en calidad de externos, a los cuales enseñamos gratis. Todos hablan ya español, lo leen y lo escriben ; aprenden al mismo tiempo aritmética, conocen la doctrina cristiana, cantan y algunos hasta tocan algún instrumento músico... ». Mémoire du P. Irisarri de l’année 1863, transcrite en partie par Cristóbal Fernández (1962 : 44-49) : il correspond à une lettre du P. J. Irisarri à la Propaganda Fide, datée à Loyola le 22 mars 1863. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, doc. cit. 211 Mais l'acceptation du culte protestant au privé avait donné lieu à quelque entretien entre le nonce du Vatican à Madrid et le président du Conseil de Ministres, Comte de Lucena, car le premier pensait que ceci permettait la liberté de cultes au lieu d'appliquer le « système
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internes provenant d'autres territoires ; ce qui justifie la construction d'une cuisine et d'un dortoir dans le nouveau bâtiment. Le fait de ne pas accepter des filles et d'agir avec le consentement des parents oppose le modèle jésuite à celui des clarétains ; en revanche, il s'accorde avec lui sur le fait qu'autant les études que l’entretien de ces élèves devaient être gratuits et payés, par conséquent, avec l'argent que l'État apportait à la Mission. À plusieurs reprises, missionnaires et autorités cherchèrent à exercer une pression sur les protestants pour que ceux-ci changent d’attitude : « M. le gouverneur invita quelques familles de Noirs à se rendre à la Maison du gouvernement pour discuter au sujet de l'éducation des enfants à l'école. La réunion, à laquelle assistèrent les Noirs les plus importants, se tint le 13 mars. C'est pourquoi je fus appelé par le gouverneur lui-même et je m'y rendis aussitôt. Là, je leur vantai les avantages de la culture et je leurs promis que l'enseignement serait gratuit. Mais ils répondirent que les missionnaires prétendaient que leurs enfants deviennent catholiques, ce à quoi ils s'opposaient. Je renchéris encore : 1er., que nous n'avions nullement l'intention d'agir sur leurs croyances religieuses ; 2e, que d'après les principes des protestants, que nous connaissions très bien, si les enfants dont les parents étaient protestants voulaient embrasser une religion différente de celle de leurs parents, ceux-ci ne pouvaient les en empêcher, sous peine de se montrer inconséquents. Nous renchérîmes que nous n'influencerions jamais les croyances religieuses de quiconque et que les dimanches, sans aucune contrainte, de manière simple et spontanée, nous leur apprendrions les vérités de l'Évangile, car n'importe quel homme a des relations avec Dieu, avec ses semblables et avec soi-même, et celles-ci doivent s'accomplir si la paix doit régner dans la société, et qu'elles sont consignées dans les Livres Sacrés. Malgré tout cela, ils ne se fièrent pas à la promesse solennelle qui leur était faite. Après que M. le gouverneur, à l'aide d'un interprète, se fut adressé à eux, leur manifestant l'intention du gouvernement de les rendre heureux, eux et leurs enfants, il leur donna huit jours de délai pour qu'ils réfléchissent afin que, lorsqu'ils seraient rappelés, ils fussent en mesure de manifester librement leur décision définitive. Au bout des huit jours, eut lieu la 2e réunion. Il vint un grand nombre de Noirs et de Noires. On insista auprès d'eux sur le fait qu’il convenait que l'enseignement à leurs enfants soit donné dans l'école des missionnaires. On les assura, une fois de plus, que nous ne nous immiscerions pas dans leurs croyances religieuses. Et enfin, à leur demande, on leur laissa le libre choix de les envoyer ici ou endehors de l'île. Deux des plus importants me promirent qu'ils enverraient
colonial espagnol ». Lettre du nonce à la Propaganda Fide du 24 janvier 1859. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 550-552.
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deux enfants pour leur éducation ; or, le jour vint sans qu'ils se soient montrés »212. Les jésuites considérèrent à tout moment cette attitude de la majorité protestante comme une preuve de leur négligence, dans leur conception de " ville pervertie ". Cependant, dans l'attitude de ces gens nous pouvons constater, outre une fidélité à leurs principes, une méfiance à l'égard des possibilités d'une colonisation espagnole très peu consistante. De la part de l'autorité espagnole cette de pouvoir choisir, pour l'éducation de leurs enfants, " ici, ou en dehors de l'île ", démontre son intolérance. Et l'obstination religieuse à " enseigner les vérités de l'Evangile " reflète le fait que leur activité pédagogique était subordonnée à une tâche évangélisatrice à laquelle ils n'avaient nullement l'intention de renoncer. Rien ne changea au cours de toute la période. En 1868, année de la mort du P. Irisarri, les jésuites comptaient sur environ 60 élèves distribués dans 4 écoles213. Cette année même, le gouvernement révolutionnaire de Madrid imposait une école laïque à Fernando Póo. Celle des jésuites irait de l'avant jusqu'au moment même de leur départ de l'île.
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« El Sr. Gobernador invitó a algunas familias negras a que se personasen en la Casa del Gobierno para tratar sobre el asunto de la educación de los niños en la escuela. Acudieron los principales negros y se celebró la reunión el 13 de marzo. Con este motivo fui llamado por el mismo señor a ella y acudí inmediatamente. Allí les expliqué las ventajas de la enseñanza, y aun les prometí que la instrucción sería gratuita en un todo. Más respondían que los misioneros harían católicos a sus hijos, cosa que ellos no querían. Continué diciéndoles : 1º, que nosotros no nos mezclábamos en las creencias religiosas que ellos pudieran tener ; lo 2º que según los principios de los protestantes, que nosotros conocíamos muy bien, si los hijos de padres protestantes querían abrazar cualquier otra religión diferente de la de sus padres, éstos no podían impedirlo, so pena de ser inconsecuentes con los principios de las conciencias ; y por fin que los domingos, sin violencia alguna, sino llana y sencillamente, les enseñaríamos las verdades del Evangelio, porque todo hombre tiene relaciones con Dios, con sus semejantes y consigo mismo, que deben cumplirse si ha de haber paz en la sociedad, y éstas se hallan consignadas en los Libros Santos. A pesar de todo no se fiaron de la palabra solemne que se les daba ; y después de habérseles dirigido el Sr. Gobernador, por medio de un intérprete, sobre la intención del Gobierno en hacerles felices a ellos y a sus hijos, les dio ocho días de tiempo para pensarlo bien y que, cuando se les llamase otra vez, viniesen dispuestos a manifestar su última determinación con toda libertad. (...) Tuvo, pasados los ocho días, lugar la 2ª reunión para el mismo asunto. Acudieron muchos negros y negras. Se les insistió en la conveniencia de que sus hijos recibiesen la enseñanza en la escuela de los misioneros. Se les aseguró de nuevo que no nos mezclaríamos en las creencias religiosas de nadie. Y por fin, a petición suya, se les dejó en completa libertad de mandarlos aquí o fuera de la isla para la instrucción. Dos de los más principales me prometieron que enviarían dos niños para que los educásemos y esto es el día que aún no han aparecido ». P. José Irisarri, Reseña de la Misión de Fernando Póo y de algunas otras circunstancias del país en el año 1860. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit. 213 Pujadas, 1968 : 502
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De sorte que, dans le contexte du modèle missionnaire engagé par les jésuites, les deux piliers sur lesquel ils s'appuyaient - Chapelle et École - ne fonctionnèrent jamais, et le modèle fut un échec tout au long de leur séjour à Fernando Póo. Je finirai en disant que tout comme le gouverneur, qui avait appelé les Protestants de la ville pour débattre sur l'école, les missionnaires, de leur côté, tentèrent, dès que l'église fut achevée, de les assembler tous les dimanches afin de leur apprendre leurs vérités : « Peu avant quatre heures le son des cloches appelle les gens. Une fois dans le temple, nous commençons par les chants au son du piano-harmonium et pendant que nous chantons quelques strophes du “ Cœur Sacré ", etc., le P. missionnaire lit en anglais un chapitre de la Bible tout en faisant un commentaire sur ce qu'il vient de lire, ce qui dure une heure environ. Puis, nous chantons, toujours accompagné du piano, “ Dieu Sacré ”, etc., et enfin, le P. missionnaire continue à parler pendant un bon moment et congédie les gens »214. Le résultat ne changea rien : une grande assistance, mais peu de conversions. Ce qui ne fut pas un empêchement pour continuer les causeries : « Le souhait le plus ardent des missionnaires c’est qu’ils estiment digne d’intérêt la grâce que répand sur eux le Seigneur et que, connaisseurs des désirs de la Divine Bonté, ils parviennent tous à sauver leurs âmes »215.
Au-delà de Santa Isabel La tâche des jésuites ne se bornait pas à entretenir l'école, l'église et les activités inhérentes à leur fonctionnement : des cours, l'apprentissage de petits métiers, des actes liturgiques et de culte, l'administration de sacrements (baptêmes, premières communions, mariages)... Une partie des efforts des missionnaires fut consacrée, comme nous avons vu, aux soins aux malades et aux visites à l'hôpital créé par Chacón. Et à répondre aux consultations qui leur étaient adressées par la paroisse : « Il n'y a pas seulement les Noirs catholiques qui, à cause de leurs différends entre eux ou avec autrui, viennent consulter le Supérieur de la Mission ; il y a aussi les non-catholiques, qui ont mis leur confiance en lui et qui viennent demander 214
« Antes de las cuatro se tocan las campanas para convocar la gente. Ya reunida en el templo, se empieza con el canto y música de piano armonio ; y cantando algunas estrofas del “ Corazón santo ”, etc., lee el P. misionero un capítulo de la Biblia en inglés y hace la conferencia sobre algún asunto de los que se han leído, que durará cerca de una hora. Se canta enseguida, también con acompañamiento del piano, “ Santo Dios ”, etc., y concluye a hablar de nuevo el P. misionero por un buen rato y despide la gente ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, en el año de 1862. In : « Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española ». AG.CMF, doc. cit. 215 « El voto ardiente de los misioneros es que no desprecien la gracia con que el Señor los llama ; y que, conociendo los designios de la Divina Bondad, logren todos salvar sus almas ». Ibidem.
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un conseil sur leurs doutes, soit à propos de la Religion, soit sur leur conduite lors de quelque incident survenu dans la famille ou le voisinage. Nous envoyons à l'autorité civile celles [consultations] qui sont de son ressort ; quant à celles qui ne peuvent être débrouillées sans nuire à un tiers et sans danger pour le bien public, c’est toujours lui qui y répond, cherchant une solution pacifique basée sur les préceptes de la Religion. Qu'un mari se présente accusant sa femme d'infidélité ; soit le P. missionnaire appelle celle-ci à la Maison de la Mission, soit il se rend lui-même chez eux, et, persuadant l'un de pardonner l'infidélité de l'autre sous la promesse de désormais mieux se tenir, les esprits recouvrent le calme et la paix se rétablit dans la famille. Que ce soit la femme qui vienne en pleurant à la Mission, furieuse contre son mari qui rentre chez lui sous l'empire de la boisson, la brutalisant et la frappant ; et le travail du missionnaire consiste à la convaincre pour qu'elle regagne son foyer, qu'elle attende que son malheureux mari sorte de cet état et c'est alors que lui seront faites les réflexions et menaces convenables pour qu'il abandonne ce vice et évite les conséquences qui, par sa faute, retombent sur elle. Que ce soit les maîtresses Noires qui aillent se plaindre du fait que des jeunes filles, arrivées de la Côte d'Afrique et élevées chez elles depuis leur enfance, et qui, au lieu de rester à leur service, comme il serait de bon aloi, après les avoir éduquées, quittent la maison pour entrer en service chez des femmes sans que celles-ci en aient aucun droit ; et le missionnaire doit intervenir entre les unes et les autres, les écoutant, et faire de sorte que les jeunes filles soient rendues à celle qui possède un droit sur elles »216. 216
« Ya no son solamente los negros católicos los que, en sus diferencias entre sí y con otros, vienen a consultarse con el Superior de la Misión : los no católicos hacen también en muchos casos la confianza del mismo, y le vienen a pedir consejo en sus dudas, o sea acerca de Religión, o del modo de conducirse en algunos lances que les ocurren en la familia o con los vecinos. Las [consultas] que son de la incumbencia de la autoridad civil son remitidos a ella ; y las que no pueden arreglarse sin perjuicio de tercero y sin peligro del bien público, son también atendidas por él mismo, procurando un arreglo pacífico y basado en las máximas de la Religión. Se presenta un marido quejándose de la mala conducta de su mujer infiel : el P. misionero llama a ésta a la Casa de la Misión, o va él mismo a la de los dos, y, persuadiendo al uno al perdón de la infidelidad de la otra, dando ésta palabra verdadera de conducirse mejor en adelante, se reconcilian los ánimos y restablece la paz en la familia. Es la mujer la que viene llorando a la Misión, irritada sobremanera porque su marido vuelve a casa víctima de la intemperancia en el beber y la maltrata con brutos y groseros golpes : y con ella también se trabaja por el misionero para que vuelva a casa, que deje pasar aquellos momentos del estado de su infeliz marido, y que después se le harán las reflexiones y amenazas convenientes para que deje aquel vicio y evite las consecuencias que tan a costa suya alcanzan hasta ella. Son las dueñas negras las que vienen quejándose de que muchachas jóvenes, traídas de la costa de África y educadas desde la niñez por ellas, se han fugado a otras casas, en donde el servicio que ellas deberían esperar, después de haberlas educado, lo perciben y disfrutan otras mujeres sin derecho alguno : y el misionero tiene que mediar entre unas y otras, oír lo que dicen ambas partes y esforzarse para que las muchachas se restituyan a quien tiene derecho ». P. José Irisarri, Reseña de la Misión de Fernando Póo y de algunas otras circunstancias del país
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Tenir l'école paroissiale, s'occuper du culte et de prêcher, rendre visite aux malades, écouter les gens... Ce modèle jésuite était vraiment paroissial, assez ressemblant à celui qui était mis en œuvre dans un grand nombre de paroisses métropolitaines. N'oublions pas, cependant, que ce modèle était mis en œuvre dans des limitations évidentes : l'hostilité de la plupart de la population, qui ne reconnaissait pas l'autorité missionnaire ; les maladies et décès incessants parmi le contingent missionnaire, malgré l'usage constant du sulfate de quinine, qui obligeait souvent à une nouvelle organisation des labeurs de chacun ; la recherche de nouveaux paroissiens dans une population instable et fluctuante ; et un manque de ressources et de communications persistant. À leur tâche paroissiale, les missionnaires jésuites étaient censés ajouter l’expansion au-delà de la ville de Santa Isabel : parce que ce qu’on attendait d'eux, c'était une approche de la population indigène à laquelle, jusqu'alors, presque personne n'avait eu accès. Rien que pendant la première année de la Mission, les jésuites réalisèrent 10 " excursions chez les Bubis " : « Pas un seul des Européens, après Beecroft, qui, paraît-il, monta au sommet du mont [Basilé] accompagné de quatre Noirs, n'a pénétré aussi profondément dans la forêt de l'île que les missionnaires. Dix fois, soit les uns, soit les autres, ont fait des excursions chez les Bubis, pénétrant jusqu'à quatre lieues non pas à la recherche d'un trésor mais des âmes »217. Et seulement deux mois après son arrivée, le P. Irisarri s'incorpora à la première expédition de Chacón pour visiter Annobón et Corisco. Curieusement, le paludisme évita que le Préfet Apostolique débarquât ; cependant, des informations des officiers il en tira les conclusions qu'il était aller chercher : ainsi à Annobón « je pus tout apprendre, soit par les quelques Noirs qui montèrent à bord, parmi lesquels il y avait le roi et un autre qui se disait prêtre, soit par les officiers de Marine qui s'étaient rendus dans l'île à plusieurs reprises au cours de quelques jours que nous restâmes dans la rade et m'apprirent tout ce qu'ils avaient vu et observé. Et grâce à tout cela, j'appris que les gens son très attachés aux Espagnols, tout dévoués à la religion catholique, et que, si une Mission pouvait s'y établir, nous obtiendrions les meilleurs résultats
en el año 1860. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit. 217 « Ninguno de los europeos, después de Beecroft, que se dice subió al pico del monte acompañado de cuatro negros, se ha internado tanto en los bosques de la isla como los misioneros. En diez distintas ocasiones ya unos ya otros han hecho excursiones a los bubis, internándose hasta cuatro leguas en busca no de tesoros sino de almas ». P. José Irisarri, Rapport de la Mission de Fernando Póo de 1859. AGA, doc. cit. N'oublions pas en outre que toutes les citations sans références appartiennent à ce même document.
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concernant la civilisation chrétienne et sociale des ces îliens »218. Il advint de même à Corisco et les Elobeys : « Leur importance commerciale a été révélée par des étrangers et des Espagnols qui les ont visitées, et pour ce qui est de la Religion il faut absolument y établir une bonne Mission, soit pour contrecarrer l'action des ministres protestants américains qui veulent s'en emparer, soit parce qu'elle est espérée par les îliens, et qu'il suffirait de l'influence des missionnaires pour parvenir à ce que l'Espagne rapportât des bienfaits de leur situation sur l'embouchure des grandes rivières, le Mondah et le Gabon »219. Il est évident que l'interprétation des besoins de ces îliens était intéressée, et que lorsqu'Irisarri écrivait il montrait qu'il n'était guère connaisseur de ces réalités. Or, son rapport de 1859 nous apprend qui, dès le début, les jésuites étaient prêts à se répandre dans tous les territoires espagnols. À Santa Isabel, évidemment, mais aussi à Corisco et à Annobón, et, à l'intérieur de Fernando Póo, au-delà de la capitale, en territoire bubi. Nous avons vu que le PP. Acevedo et Bellart surent profiter de leur excursion à l'intérieur de ces quatre lieues pour demander au chef bubi de Banapa de s'installer dans son territoire : « Il nous demanda ce que nous désirions, et au moyen de l'interprète nous lui répondîmes que nous étions des prêtres catholiques et des missionnaires, que nous venions lui demander l'autorisation de vivre parmi eux dans une petite hutte et de leur apprendre à sauver leurs âmes, et à dialoguer et à vivre en société comme des frères.(...) Qu'il n'y aurait qu'un Père et un Frère, tout seuls, sans autre arme que nos livres, que nous serions toujours parmi eux, que nous irions leur rendre visite et que nous leur parlerions de Dieu. Banapa a compris, répondit-il l'air réjoui : “ s'il en est ainsi, pour leur parler de Dieu, il était d'accord, que dans trois jours il se rendrait à la ville pour dire que les PP.. pouvaient y aller, parce qu'en ce moment il n'y avait pas de place pour les loger ” »220. 218
« Pude informarme de todo, ya por los varios negros que vinieron a bordo, entre ellos el rey y otro que se decía sacerdote, ya también por los Sres. oficiales marinos que estuvieron en la isla varias veces en los días que estuvimos en su rada y me comunicaron cuanto habían visto y observado. Y por las noticias adquiridas conocí que aquella gente es muy afecta a los españoles, muy adicta a la religión católica, y que, establecida allí una Misión, podría prometerse los mejores resultados en la civilización cristiana y social de aquellos isleños ». 219 « Su importancia comercial ha sido publicada por extranjeros y españoles que las han visitado, y en punto a Religión es de absoluta necesidad el establecer allí una buena Misión, ya para contrarrestar la acción de los ministros protestantes americanos, que quieren absorberla para sí, ya porque aquellos isleños la desean, y sólo con la influencia de los misioneros podría conseguirse que la España reportase las utilidades de su situación a la desembocadura de los grandes ríos, el Mondah y el Gabón ». 220 « Nos preguntó qué queríamos, y por medio del intérprete le respondimos que nosotros éramos sacerdotes católicos y misioneros, que veníamos a pedirle permiso para habitar entre ellos en una pequeña choza y enseñarles a conocer a Dios y a Jesucristo, y a ayudarles a salvar sus almas, y a conversar y a vivir en sociedad como hermanos. (...) Que de nosotros vendría sólo un Padre con un Hermano, solos, sin armas más que nuestros libros, que nos
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En fait, le P. Irisarri avait eu l'intention d’affecter les membres de la deuxième expédition des jésuites (trois PP. + trois FF.), qui étaient arrivés à Santa Isabel avec La Gándara, à la création de nouvelles Missions : Annobón, Corisco et Banapa étaient justement les points choisis. Mais à l'arrivée de l'expédition les missionnaires furent atteints de toutes sortes de maladies, puis les colons tombèrent malades à leur tour, de sorte que la création des Missions fut retardée. D'autant plus que les chefs bubis proches de Santa Isabel, dans les environs de laquelle les jésuites voulaient établir une des nouvelles Missions, et bien qu'ayant l’air d’accepter la présence missionnaire, s'efforçaient de la retarder par des prétextes tels que « en ce moment, il n'y a pas de place pour les loger ». L'opportunité d'une première fondation à Banapa ne se présenta, pour les jésuites, qu'en 1861, au bout de presque trois ans de visites fréquentes dans les environs de la capitale. Et ce fut grâce à une des activités paroissiales auxquelles ils se livraient quotidiennement : la visite aux malades : « Le 13 avril se sentant malade, le roi ou chef du secteur de Banapa envoya à notre résidence deux de ses sujets pour nous annoncer que celui-ci était malade et pour nous demander un médicament pour sa guérison. Les deux messagers remplirent leur mission et se rendirent auprès du P. Supérieur, qui détermina que nous irions voir le roi malade le P. Campillo et moi. Nous prîmes des oranges, du sucre, de la crème de tartre, de la camomille et une bouteille d'orangeade élaborée dans la Mission, et munis de ces médicaments nous partîmes pour Banapa, accompagnés de cette pauvre ambassade »221. Il n'est pas moins vrai que les jésuites n'étaient guère experts en médecine, qu'ils ne pouvaient savoir de quelle sorte de maladie était atteint le chef bubi de Banapa, et que les « médicaments » qu'ils emportèrent ne pouvaient, à la rigueur, que guérir de simples maladies digestives. En réalité, la demande des Bubis ne doit pas seulement se rattacher à l'activité habituelle des visites des jésuites aux malades et aux menus remèdes qu'ils verían continuamente y les visitaríamos y hablaríamos de cosas de Dios. Bien enterado Banapá, respondió con festivo semblante “ que si así era, para hablarles de cosas de Dios, que venía en ello : que dentro de cuatro días irá él a la ciudad para decir que ya pueden ir los PP., porque entonces no tenían dónde habitaran ” ». Lettre des PP. Melcíades Acevedo et Josep Bellart au P. José Irisarri, du 23 novembre 1859, concernant une excursion au territoire bubi de Banapa. AGA, Section África-Guinea, doc. cit. 221 « El día 13 de abril, encontrándose enfermo el rey o jefe del distrito de Banapá, envió a esta nuestra residencia dos de sus súbditos a participarnos su indisposición y pedirnos al propio tiempo alguna medicina para su curación. Cumplieron su cometido los dos comisionados haciéndolo presente al P. Superior, quien dispuso que fuésemos a ver al monarca enfermo el P. Campillo y yo. Tomamos unas naranjas, azúcar, cremor, manzanilla y una botella de naranjada preparada en ésta, y con estos medicamentos nos partimos para Banapá acompañados por los de la triste embajada ». Lettre du P. Domingo Apraiz au P. Maître du collège de Loyola du 11 novembre 1861. In : Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3, doc. cit.
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leur procuraient, même s'ils n'étaient pas hospitalisés, mais plutôt aux croyances surnaturelles des Bubis qui, comme la plupart des peuples de l'Afrique centrale, tenaient pour sûre une unité entre certaines pratiques du culte et certaines pratiques thérapeutiques. D'après le P. Apraiz lui-même, les missionnaires constatèrent que le ventre du chef de Banapa était très dur : « Comme nous vîmes qu'il avait une forte fièvre et qu'il se plaignait de douleur à l'estomac et que celui-ci était très dur au toucher ce qui révélait une obstruction aiguë, nous lui administrâmes tour à tour quelques doses d'orangeade arrosée de crème de tartre et une tisane à la camomille. Ces potions, le malade les avala sans rechigner, et nous étions convaincus que tout cela lui permettrait de libérer son ventre, et que la fièvre céderait ; cependant, craignant le pire, en partant nous lui laissâmes des oranges et du sucre et une bouteille d'orangeade arrosée de crème de tartre pour qu'il la prenne le lendemain »222. Comme redoutaient les deux missionnaires, le chef des Bubis ne guérit pas et ils furent à nouveau appelés à Banapa. Ils y restèrent pendant cinq jours, au cours desquels ils employèrent des méthodes bien plus drastiques : « Nous passâmes 5 jours à lui donner des lavements, dont j'ignore le résultat ; tantôt avec de l'eau naturelle, tantôt mélangée avec de l'huile, tantôt avec de l'huile toute seule. Nous appliquâmes sur son ventre, qui était dur comme de la pierre, des cataplasmes d'huile de lin que nous étalions, fautes de tissu, sur des belles feuilles de bananier, tout en lui donnant à boire quelques potions purgatives »223. Cette fois-ci ils vinrent à bout de la constipation et de la fièvre, et les gens firent une grande fête pour la guérison de leur chef. Pour les jésuites, leur vœu était exaucé : « Ce fut une toute spéciale providence de Dieu, car il nous donna sa licence royale pour établir dans son territoire une résidence, dont l'installation eut lieu le 11 mai, jour de Saint François Géronimo »"224. J'ignore jusqu'à quel point peut être vraie cette relation univoque qu'établissait le P. Apraiz entre la guérison du chef bubi et la permission de commencer à vivre à Banapa. Je rappelle, uniquement, qu'à plusieurs reprises le " roi " Banapa avait déjà donné son accord pour l'installation des 222
« Como le encontramos con bastante calentura y dolores de estómago y por su dureza exterior revelaba una grande obstrucción, le propinamos unas cuantas tomas de agua de naranja cremorizada y de cocimiento de manzanilla alternativamente. Estas pociones las recibió el paciente sin la menor repugnancia, y con ellas creímos que se desocuparía el vientre y cedería la calentura ; pero, por si acaso no sucediese así, al partirnos le dejamos naranjas y azúcar y una botella de naranjada cremorizada para tomarla al día siguiente ». 223 « Empleamos cinco días en darle continuas lavativas, cuyo resultado ignoro, ya con agua natural, ya mezclada con aceite, ya con éste solo. Colocámosle en el vientre, que tenía duro como la piedra, emplastos de linaza que los extendíamos en las hermosas hojas de plátano por carecer de lienzo, sin dejar de darle algunas bebidas purgantes ». 224 « Fue una especial providencia de Dios, pues nos dio su real licencia para establecer en su distrito una residencia, cuya instalación se hizo el 11 de mayo, ía de San Francisco Gerónimo ».
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missionnaires, qu'il devait sans doute considérer avantageuse pour son peuple. Or, en 1861 il y eut certaines circonstances favorables - parmi lesquelles une nouvelle arrivée de missionnaires225 - et, sans aucun doute, un désir du chef bubi de prouver son hospitalité envers des gens qui l'avaient soigné : « Nous commençâmes par leur parler, de notre mieux, des vérités de notre Sainte Religion : nous leur parlâmes de Dieu, de l'âme, des récompenses et des punitions de la vie éternelle ; et tout cela ces gens simples l'écoutaient dans le plus grand recueillement. À la fin de notre sermon, nous rappelâmes au chef l'objet principal de notre visite, qui consistait à choisir l'endroit où établir la maisonnette des missionnaires. Banapa, ne l'avait nullement oublié ; et sitôt dit, sitôt fait, il enfonce son énorme chapeau, empoigne son bâton-sceptre et nous invite à le suivre. Il nous guide à l'endroit qu'il nous avait préalablement signalé et qui, autant pour son emplacement élevé que pour la rivière d'eau cristalline qui coulait tout près, nous plut énormément. Comme si cela ne suffisait pas, il nous promit que dans deux jours commencerait le déboisement de cette partie de la forêt, ce qui a été fait »226. L'installation des jésuites à Banapa fut donc menée à terme d'une manière très rapide, sans doute pour ne pas laisser passer cette opportunité exceptionnelle. Dès lors, la fondation d'une nouvelle Mission fut toujours précédée d'un accord entre les chefs de la Mission et les autorités bubis, que j'analyserai plus loin. Quoi qu'il en soit, cette fondation à Banapa est hautement significative parce que c'était la première fois que des Européens pouvaient vivre en territoire bubi et qu’il s'agit de la première Mission catholique fondée au-delà de Santa Isabel. Et nous avons la chance que se
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Les PP. Apraiz et Campillo, ainsi que le P. F.Javier García, figurent comme dans le catalogue de la congrégation de 1861 ; de sorte qu'ils devaient sans doute arriver au début de cette année-là à Santa Isabel, où ils furent mis à l'ouvrage pour la petite expansion de la Mission. 226 « Empezamos nosotros a declararles, de la manera que nos fue posible, las verdades de nuestra santa Religión : les hablamos de Dios, del alma, de las recompensas y castigos de la otra vida, todo lo cual oía aquella gente sencilla con el más profundo recogimiento. Concluida la plática recordamos al jefe el objeto principal de nuestra visita, que era escoger el sitio que debe ocupar la casita de los misioneros. No lo había olvidado Banapá ; y, diciendo y haciendo, se cala su sombrero descomunal, empuña su vara-cetro y nos invita a que le sigamos. Guíanos al lugar que de antemano nos tenía señalado y que, tanto por ser la parte más elevada como por correr allí junto un río de muy cristalina agua y muy buena, nos agradó sobremanera. No contento el rey con esto, nos dio palabra que dentro de dos días empezaría el desmonte de aquella parte del bosque, como así lo ha cumplido ». Lettre du P. Francisco Javier García au Provincial de la Province d'Espagne, P. Manuel Jáuregui, du 6 avril 1861. In : Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias. AG.CMF, doc. cit. À signaler que la date de la lettre est antérieure au départ des PP. Apraiz et Campillo pour Banapa. Tout cela peut se justifier par le fait que, comme le feront plus tard les clarétains, les missionnaires commençaient leurs lettres et les écrivaient au fur et à mesure, jusqu'à l'arrivée d'un prochain vaisseau au port de Santa Isabel.
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soit conservée, grâce aux clarétains, la lettre dans laquelle le fondateur de la Mission, le P. José Campillo, rapportait les premières expériences227. Les missionnaires, comme ils l’avaient fait à Santa Isabel, commencèrent par construire leur presbytère : « Nous avons construit au coût d'un énorme travail une maisonnette en bois de quinze pieds sur quatre, et c'est là tout notre palais et cathédrale. Comme les sauvages sont habitués à leurs porcheries, ils sont admirés quand ils voient notre petite maison qui est pour nous un bâtiment magnifique »228. Le mépris de ces jésuites envers un grand nombre de caractéristiques de la culture bubi dura jusqu'à la fin de leur période. Je tiens à remarquer le fait que le nouvelle Maison de la Mission était à la fois « palais et cathédrale » : une fois de plus, comme à Santa Isabel, les missionnaires étaient persuadés que la présence d'un temple, un lieu de culte, devait suffire pour attirer l'intérêt des non catholiques et les pousser à la « conversion » : « Le 12 [mai] je célébrais la Sainte Messe et c'est la première fois qu'on en célèbre une dans cette forêt. À ce moment-là, il arriva des femmes de la famille du roi ; et, en nous voyant de la sorte, elles furent pris d'une admiration telle qu'elles gardèrent un profond silence jusqu'à la fin de la Sainte Messe »229. Dans la même lettre du P. Campillo, écrite à peine un mois après la fondation de la nouvelle Mission, il nous parle déjà de l'autre pilier qui devait la compléter : « Si le roi de Banapa tient sa parole, ce que j'espère, la semaine prochaine nous commencerons à rassembler les petits Noirs pour les instruire. Je n'ai guère de place dans la maison, mais tout s'arrangera grâce à la bonté divine »230. De sorte que la Maison de Banapa s’orienta, dès le début, suivant le modèle que nous connaissons :
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Lettre du P. José Campillo au P. Manuel Jáuregui, du 8 juin 1861. In : Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias. AG.CMF, doc. cit. Citée aussi par Maroto & Genover (1928 : 37-39). 228 « Hemos construido con mucho trabajo y trabajos una casita de madera de quince pies en cuadro, y aquí tenemos nuestro palacio y catedral. Como los salvajes están acostumbrados a sus pocilgas, se quedan admirados al ver nuestra casita y nosotros también nos creemos que es un edificio magnífico ». Ibidem. 229 « El día 12 celebré la Santa Misa, y será la primera vez que en este bosque se haya celebrado. (...) Estando celebrando llegaron unas mujeres de la familia del rey ; y, al vernos en semejantes actos, quedaron admiradas, observando mucho silencio hasta que concluyó la Santa Misa ». Ibidem. 230 « Si el rey de Banapá me cumple su palabra, como espero, la semana que viene empezaré a reunir los negritos para instruirlos. No tengo casa para tener muchos, pero ya se arreglará bien con el favor de Dios. Ibidem.
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Or, ce modèle paroissial manquait bien plus de paroissiens qu'à Santa Isabel, la capitale. Il est vrai que les jésuites parvinrent à baptiser quelques Bubis. Il est évident aussi que la plus grande partie de leur activité se consacra à l'école et aux tâches paroissiales ; et surtout à rendre visite aux malades, car, comme l’avouait le P. Campillo, vu la guérison de Banapa « maintenant, nous sommes pris pour des médecins dans ces alentours »231. La Mission se raffermit physiquement lorsque le gouverneur La Gándara se décida à lui apporter son aide dans le domaine matériel, quelques mois après : « Lorsque M. le gouverneur apprit qu'une de nos résidences avait été installée à Banapa, il décida de nous faire bâtir une maison en bois plus grande que celle que nous avions construite provisoirement et qui ne faisait que 15 pieds au carré. Et, en effet, le susdit monsieur accomplit sa promesse, car il donna l'ordre de la construire et je crois qu'elle sera achevée pour le 8 septembre. Il a aussi aménagé un nouveau chemin qui va jusqu'à la résidence de Banapa »232. La construction d'une maison préfabriquée transportée de Santa Isabel (à l'époque des clarétains, d'Europe) fut une pratique habituelle dans toutes les Missions de la Guinée, et cette maison remplaçait, d'habitude, une première habitation plus précaire. Et par dessus tout, la présence missionnaire stimulait une pénétration coloniale plus fluide : la construction d'un chemin menant de la capitale à Banapa était le début 231
« Ahora estamos acreditados de médicos por estos contornos » . Ibidem. « Cuando supo el Sr. Gobernador de ésta que se fijaba una residencia nuestra en Banapá, se determinó a hacernos para dicho lugar una casa de madera más capaz que la que provisionalmente hicimos, pues ésta no tenía sino 15 pies en cuadro. Y, en efecto, cumplió dicho señor su determinación, pues mandó hacerla y creo que se concluye para el día 8 de septiembre. Y al mismo tiempo abrió también un nuevo camino, que conduce de ésta hasta la misma residencia de Banapá ». Lettre du P. Domingo Apraiz au P. Maître du Collège de Loyola, du 11 novembre 1861. In : Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias. AG.CMF, doc. cit.
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d'une présence européenne, potentiellement plus intense dans ces forêts où ne vivaient, jusqu'alors, que des Bubis. La Mission de Banapa, paroisse de Sainte-Marie, arriva à posséder une moyenne de 30-40 élèves dans son école, tous externes et d'une présence instable. En 1863 fut doublé le contingent missionnaire, qui passa à être formé par deux PP. et deux FF. ; et qui en 1864 augmenta à nouveau jusqu'au nombre de six (trois PP. et trois FF.). En 1865, les effectifs se virent réduits une nouvelle fois à deux missionnaires ; en 1867, il n'en restait qu'un et en 1868 ils étaient deux. Elle disparut cette même année et le P. José Campillo, qui avait été son Supérieur au cours des sept années de son existence, prit la responsabilité de diriger la Préfecture Apostolique lorsqu'en 1868 mourut à son tour le P. Irisarri. Un an plus tôt, en 1867, une épidémie de petite vérole qui fit des ravages à Fernando Póo, entama le déclin définitif de cette Mission pionnière : « Au début de cette année, les habitants du village de Banapa se sont enfuis d'ici ; et cette Maison de la Mission est restée déserte, sans espoir qu'ils regagnent cet endroit. La cause de cet abandon, dit on, fut la transmission de la maladie appelée couramment petite vérole, dont moururent un grand nombre de gens. D'autres populations de cette île déménagèrent pour cette même raison. Parmi les superstitions de ces indigènes il y a celles qui disent que ce sont les mauvais esprits, et non pas les maladies qui tuent les hommes ; et, d'après eux, ce sont les mauvais esprits qui tuèrent ceux qui moururent pendant la transmission, et ils seraient morts tous s'ils étaient restés au même endroit. Je crois qu'il convient que cette Maison soit transférée dans le village voisin de Rebola, ou qu'on y construise une petite maison où puissent vivre un Frère coadjuteur et quelque servant »233. L'importance de la Mission de Banapa réside dans le fait que ce fut un foyer d'expansion envers d'autres territoires du voisinage : Rebola, Basupu Fishton et d'autres zones bubis furent l'objet habituel des activités missionnaires : « Dans la région de Banapa, les ouvriers qui y vivent font
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« In principio anni habitatores populi Banapai fugerunt ex hoc loco reliquentes hanc domum missionis desertam, et nulla est spes ut redeant ad eundem locum. Causa hujus desertionis, juxta eorum dicta, fuit contagium infirmitatis, vulgo viruelas, in quo multi perierunt ; et alii populi hujus insulæ propter eandem causam mutaverunt eorum domicilium ad alium locum. Inter superstitiones istorum indigenarum hæc est, ut mali spiritus occ²idunt homines, non infirmitas, et juxta eorum sensum, in contagio mali spiritus occiderunt occisos et etiam omnes occiderint si permanserint in eodem loco. Mihi videtur convenire ut vel hæc domus transferatur in vicinum populum Debola, vel ut in dicto populo edificetur parva domus ut ibi possim commorare cum Fratre Coadjutore cum aliquo servo ». Lettre du P. Irisarri au Supérieur Général, du 27 janvier 1867. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 9. Une autre épidémie semblable avait eu lieu en 1865.
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des excursions dans les régions avoisinantes, et non sans résultat »234. Ceci au point d'y installer des bâtiments. « Nous avons établi une autre résidence à l'Est de l'île, de laquelle s'occupent les ouvriers de Banapa : la maisonnette est placée dans un endroit appelé Basupu où vivent mille personnes qui écoutent complaisamment la parole de Dieu et l'instruction sur les vérités de la religion chrétienne. Nous allons bientôt fonder une troisième Mission à l'Ouest de l'île [Basupu Occidental] et les bâtiment qui sont déjà construits dans cette ville seront transférés et aménagés pour contenir deux missionnaires »235. Cette Maison de Basupu oriental (Basupu Fishton) n'arriva jamais à devenir une Mission permanente et indépendante. Ainsi, depuis la Mission de Banapa furent organisées des expéditions dans des endroits bien plus éloignés, et qui recouvrirent presque toute la moitié nord de l'île. D'autre part, l'existence de la Mission attirait les Bubis voisins qui s'y rendaient pour les raisons les plus variées, parmi lesquelles les plus souvent mentionnées sont celles qui concernent la thérapeutique : « Le roi de Basupu, dont le territoire est contigu à Banapa, est venu cette semaine nous rendre visite plein d'affabilité. Je leur ai offert, à lui et à sa femme qui l'accompagnait, des tissus et des pipes, ce qui leur a fait grand plaisir. N'ignorant pas notre savoir faire en médecine, il nous demanda de guérir sa jambe malade. Le Frère Araujo lui prépara une potion faite de feuilles qu'il connaît. Après avoir fait le signe de croix je la lui mis sur la jambe »236. La guérison de ce chef de Basupu Occidental n’entraîna pas, cependant, la fondation immédiate d'une nouvelle Mission dans le territoire voisin : le P. Campillo et le F. Araujo étaient tous seuls. En revanche, cette fondation eut lieu quelques années plus tard, en 1865 ; et elle fut la dernière que les 234
« In regione Banapá operarii commorantes excursiones ad finitimas regiones faciunt et non sine fructu aliquo ». Lettre du P. Irisarri à la Propaganda Fide, du 28 janvier 1865. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 256-257. 235 « Aliam residentiam ad huius insulæ orientem constituimus, cujus curam operarii Banapá habent : pagus in quo fixum est domicilium, Basupú audit, in quo mille personæ commorantur, et verbum Dei, veritatumque christianæ religionis institutionem libentes audiunt. Tertiam missionem ad ejusdem insulæ occidentem brevi instituemus, et ædes jam constructæ quas hac in urbe habemus, deferrentur et aptabuntur ibi ut inhabitent in eis duo alii missionarii ». Lettre du P. José Irisarri à la Propaganda Fide, du 28 juin 1864. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 224-225. 236 « El rey de Basupú, vecino de aquí, cuyo término linda con Banapá, ha estado esta semana a visitarnos muy afable. Le he obsequiado con telas y pipas, a él y a su mujer que le acompañaba, y lo agradecieron mucho. Él sabía nuestra habilidad en medicina, y nos pidió que le curásemos una pierna que tenía enferma. El Hermano Araujo le hizo un cocimiento de unas hojas que él conoce ; yo le hice la señal de la Cruz y se lo puse en la pierna ». Lettre du P. José Campillo au P. Manuel Jáuregui, du 8 juin 1861. In : Fernando Póo : Documentos, Cartas, Noticias. AG.CMF, doc. cit.
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jésuites bâtirent en territoire bubi : « Au début du mois de février fut inaugurée la mission de Basupu, dans la région occidentale de cette île »237. La nouvelle Mission de Basupu fut créée, tant s'en faut, sur le même modèle paroissial que les précédentes, et l'activité scolaire eut aussi une importance notable. En fait, les Maisons de Banapa et de Basupu formaient un petit ensemble qui entourait la capitale et dont le fonctionnement était identique : maigres résultats, mais une assistance aux écoles relativement encourageante : « Dans les résidences de Banapa et de Basupu, les ouvriers travaillent avec acharnement au cours de leurs excursions. Cependant, jusqu'à présent ils n'ont rien obtenu d'eux [des Bubis], en dehors d'envoyer en paradis un grand nombre des âmes des moribonds238. À Basupu, 20 garçons y sont instruits dans l'école et tres à Banapa »239. Or, la Mission de Basupu, paroisse de Saint François Xavière, eut une vie de très courte durée. Elle disparut en 1863, trois ans après sa fondation. Le contingent missionnaire était formé par deux missionnaires, un P. et un F., à l'exception de 1867 (un seul missionnaire : elle fut tout le temps dirigée par le P. Nicolás Rodríguez. Dans l'esprit missionnaire du P. Irisarri et de ses camarades, il s'éveilla une sensation d'échec : il est vrai que la Mission déployait ses branches, mais - comme nous verrons plus tard - cette expansion ne répondait pas aux désirs ardents des missionnaires ni pour la quantité des fondations ni pour le genre de modèle auquel ils pouvaient aspirer grâce aux ressources que le gouvernement destinait à ce sujet. En outre, l'effort enthousiaste et vocationnel des missionnaires ne correspondait pas aux fruits ramassés : « Nos ministères n'ont changé en rien par rapport de ceux des années précédentes. Les missionnaires prêchent en espagnol et en anglais ; ils font des excursions dans la brousse et dans d'autres îles placées sous la domination espagnole ; ils enseignent la doctrine chrétienne à des enfants et à des adultes ; ils visitent les hôpitaux ; et administrent les sacrements et les réconforts de la Religion ; et, à l'aide de Dieu, nous ramassons quelque fruit tout en espérant qu'un jour la récolte sera meilleure »240. C'est-à-dire que, 237
« Initio mensis februarii inaugurata est Missio in Basupú, hujus insulœ occidentali regione ». Lettre du P. Irisarri au P. Général, du 30 juin 1865. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 4. 238 Les jésuites profitaient des visites aux malades pour baptiser les moribonds. 239 « In Residentiis Banapá et Basupú multum laborant in suis excursionibus operarii illi, sed hucusque nihil ab eis obtentum prœter plurium animarum decedentium ad coelum missio. In Basupú erudiuntur in schola 20 pueri, et in Banapá tres tantum ». Lettre du P. Irisarri au P. Géneral du 31 décembre 1866. ASCG, Provincia Castellana, Capsa 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 8. Le nombre d'élèves de l'école de Banapa doit se mettre en rapport avec l'épidémie de petite vérole et le changement de lieu des Bubis de ce territoire. 240 « Nostra ministeria sunt eadem ac in prioribus annis : concionantur missionarii hispane et anglie ; excurrunt in silvas et ad alias hispanæ ditioni subjectas insulas ; christianam doctrinam pueros et adultos docent ; xenodochia visitant, et sacramenta et auxilia Religionis
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quoique la Mission se déployât (un peu) et que le contingent missionnaire eut beaucoup augmenté (15 missionnaires en 1864) les résultats étaient décourageants. Peu avant sa mort, en 1868, le P. Irisarri écrivait encore à la Propaganda Fide : « Il faut une énorme patience et une santé de fer pour obtenir des Noirs une instruction, même médiocre. Étant donné la rudesse qu'affichent un grand nombre d'entre eux, qu'encore un grand nombre est imprégné de l'hérésie des Anglais, et que la plupart parlent des langues différentes, la tâche est énorme, fatigante et difficile »241. De sorte que rien ne changea tout au long de la période des jésuites : à Santa Isabel, un échec total vu la population majoritaire, protestante et anglophone ; en territoire bubi, beaucoup d'espoirs, une assistance relativement satisfaisante aux écoles, mais sans résultat. Dans ce contexte, le grand espoir des missionnaires était fondé sur la possibilité de s'installer dans les autres îles espagnoles, Corisco et Annobón, où - au cours de leurs visites annuelles - les jésuites recevaient un accueil triomphal : à Corisco, parce que les habitants, habitués à la présence européenne et directement bénéficiaires du commerce avec les blancs, souhaitaient une présence stable des Espagnols (exprimée déjà à l'occasion de l'expédition de Lerena, vid. supra). À Annobón, parce que, d'emblée, les habitants se manifestaient catholiques et profitaient des rares visites des missionnaires pour " normaliser " leur situation vis à vis de tous les sacrements : « La goélette resta quinze jours dans la rade [d’Annobón] ; et, presque tous les jours, sauf lorsque le P. missionnaire était malade, il dit la messe à tous ces gens rassemblés dans le temple, leur donnant des instructions catéchistiques ; il baptisa avec toute solennité 119 enfants présentés de manière spontanée par leurs parents ; il disposa un mariage en accord avec les dispositions de l'Église Catholique ; et, après leur avoir distribué quelques objets de culte, il entreprit le voyage de retour et arriva à Santa Isabel le 11 mai, amenant avec lui deux enfants que volontairement lui offrirent leurs parents pour être instruits dans l'école de la Mission »242. administrant, præstantque, et auspice Deo aliquis colligitur fructus : majorem tamen olim colligendum confidimus ». Lettre du P. Irisarri à la Propaganda Fide, du 28 janvier 1864. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 189-190. 241 .« Maxima patientia et optima opus est valetudine ad mediocrem nigritarum institutionem, cum enim rudes pluri sunt, plures etiam hœresi anglorum imbuti, et diversi generis idiomatibus utantur plures. Labor est magna et improbus et difficilis existit ». Lettre du 12 février 1868. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 394-395. 242 « Quince días permaneció fondeada en aquella rada la referida goleta ; y, salvo algunos en que el P. misionero estuvo enfermo, dijo la misa a aquellas gentes reunidas en el templo, les hizo instrucciones catequísticas, bautizó solemnemente 119 niños que los mismos padres y madres presentaron espontáneamente, arregló un matrimonio conforme a las disposiciones de la Iglesia Católica, suplió las ceremonias de 12 bautismos, y, después de haberles distribuido algunos objetos de devoción, emprendida la marcha de vuelta a esta isla, llegó al puerto de
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La différence était énorme. Si bien que les jésuites défendirent à tout moment la création de missions catholiques dans ces deux îles, alléguant des raisons politiques et religieuses dans le but de persuader le gouvernement de Madrid : « Les pauvres gens ne cessent de demander des missionnaires. La présence de ministres protestants à Corisco cause de graves dégâts chez ces îliens, leur suggérant de se soustraire au joug espagnol et de se manifester indépendants. (...) Les habitants d'Annobón sont fréquemment surpris par les bateaux négriers qui les ont vilement trompés, ou par des imposteurs qui, se faisant passer pour des prêtres catholiques, les ont esclavagisés ou volés. (...) [Le gouvernement] aurait du agencer à la station de Fernando Póo un bateau qui, ne serait-ce qu'une ou deux fois par mois, visitât ces îles, de telle sorte que les missionnaires puissent les catéchiser en attendant qu'il fut établi des missions stables ; et, une fois établies, ils fournissent les denrées nécessaires depuis Fernando Póo »243. Or, ce modèle d'expansion n'abandonna jamais l'esprit des jésuites affectés à Fernando Póo dès le début : « Le P. Dalmases et le F. Vila furent envoyés aux îles de Corisco et d'Annobón pour y effectuer une excursion tout en parcourant le promontoire du Cap de Saint Jean, dans le continent africain. Au bout de 12 jours ils sont arrivés en pleine santé. Ces gens désirent et demandent vivement des missionnaires catholiques auprès d'eux, et ce serait un fruit grandiose pour ces âmes que de pouvoir travailler parmi eux. J'ai envoyé une lettre au P. Provincial d'Espagne l'entretenant à ce propos, tout en lui demandant un nombre important de missionnaires »244. Sta. Isabel el día 14 de mayo, trayendo consigo dos niños que voluntariamente le ofrecieron sus padres para ser instruidos en la escuela de la Misión ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, año 1861. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit. Transcrit par Maroto & Genover (1928 : 4-15). Il concerne une excursion à l'île d'Annobón effectuée par le P. Llorenç Sanmartí cette même année. 243 « Aquellas pobres gentes están pidiendo constantemente misioneros. La presencia de ministros protestantes en Corisco está causando graves daños en aquellos isleños, sugiriéndoles que se sustraigan al dominio de España y que se declaren independientes. (...) Los de Annobón son sorprendidos con frecuencia por los barcos negreros, que los han engañado villanamente, o por impostores que, fingiéndose sacerdotes católicos, los han esclavizado o robado. (...) [El Gobierno debiera] tener destinado en la estación de Fernando Póo un barco que, si no cada mes, a lo menos cada dos meses visitase aquellas islas ; y de este modo se conseguiría que los misioneros los fuesen a catequizar mientras no se estableciesen Misiones fijas en aquellos puntos ; y, después de establecidas, llevasen las provisiones necesarias desde Fernando Póo ». P. José Irisarri, Relación de los trabajos de la Misión de Fernando Póo, en el año de 1862. In : Fernando Póo en tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, doc. cit. 244 « Pater Dalmases et Frater Vila, me eos mittente, excursionem in Annobón et Corisco insulas fecerunt, et Sancti Ioannis promontorium in africano continenti etiam perlustrarunt ; post 12 dies insumptos tandem in hanc insulam absque ullo valetudinis detrimento sunt regressi. Gentes illæ missionarios catholicos vehementer exoptant, petuntque, atque maximo cum animarum earum fructu apud illas collaboraretur : de his litteras plures missionarios novos petentes ad P. Provincialem Hispanæ missi ». Lettre du P. Beckx, Supérieur Général
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Quoiqu'ayant été approuvée en 1866, les jésuites ne parvinrent jamais à fonder la Mission d'Annobón : « Le gouvernement de Madrid nous a concédé la faculté de fonder soit une Mission, soit une Résidence, dans l'île d'Annobón. Pour que ceci soit fait au plus tôt, j'y enverrai deux Pères ou prêtres et deux Frères coadjuteurs pour qu'ils cultivent ce coin de la vigne du Seigneur »245. En fait, répandre la Mission dans tous les territoires ne faisait pas partie des « bases » de départ de la Mission, mais c'est ce qu'exigeait la politique restrictive du gouvernement espagnol. Que la Maison d'Annobón n'arriva jamais à être fondée n'est nullement dû à une carence des missionnaires mais plutôt à une administration qui avait pourtant autorisé, deux ans auparavant, la fondation d'une autre Mission à Corisco. Celle-ci, en revanche, fut mise en fonctionnement : « Enfin a été inaugurée à Corisco la résidence, soit la nouvelle Mission, sous forme d'une maisonnette où vivent le P. Francisco García et le F. coadjuteur José Oyarzábal, qui ont été reçus très aimablement par les îliens. Ces gens qui, avant de connaître les catholiques, ne les avaient guère en estime, se montrent maintenant indifférents à l'égard des ministres protestants. Ces non-catholiques sont tolérés dans l'île par le gouvernement espagnol, mais nous espérons qu'ils quitteront d'eux-mêmes cet endroit »246. La présence des Pasteurs nord-américains qui, comme nous l’avons vu plus haut, était tolérée par le gouvernement espagnol, modifia les expectatives de la nouvelle Mission : les jésuites croyaient que les protestants de l'American Board seraient chassés et qu'ils obtiendraient un résultat aussi spectaculaire qu'à Annobón, ils s'aperçurent bientôt que ce ne serait pas si aisé : « Ceux qui travaillent dans l'île de Corisco se plaignent de n'obtenir qu'un maigre fruit des insulaires ; car les instincts féroces de ces gens - traîtrise, libido effrénée, superstition et polygamie - rendent stériles les efforts de nos compagnons. Il faut ajouter à tout cela la présence dans cette île, depuis 15 ans, des ministres protestants ; qui, bien que n'ayant rien des jésuites, à la Propaganda Fide, du 6 de décembre 1859. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 621-622. 245 « A Matriti Gubernio nobis concessa facultas instituendi Missonem seu residentiam in insula Annobón, ut statim hœc perficiatur domus, illic 2 PP. seu sacerdotes et 2 coadjutores fratres mittam ut illam Dm. partem excolant ». Lettre du P. Irisarri à la Propaganda Fide, du 31 décembre 1866. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 333-334. 246 « Tandem inaugurata est in Corisco insula Residentia, seu nova Missio. Parva lignea domus ibi est collocata, atque in ea vitam degunt nunc P. Franciscus Xavierus Garcia et fr. coadjutor Joseph Oyarzabal ; qui quidem ab iis insulanis peramanter sunt excepti : atque erga ministellos protestantios sese indifferentes exhibent gentes illæ quæ prius quam catholicos cognoscerent, eos infestis oculis conspiciebant. Acatholici ii ab hispano Gubernio in insula tolerantur, sed eos sponte loco excessuros spes nobis affulget ». Lettre du P. Irisarri au P. Général, du 28 juin 1864. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 1.
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obtenu d'eux, sont cependant un grave obstacle à la récolte de ls moisson tant espérée »247. L'idée que les missionnaires se faisaient donc des habitants de Corisco était en tout semblable à celle qu'ils s'étaient formés sur la « ville pervertie » de Santa Isabel. Je tiens à faire remarquer en outre que cette nouvelle expansion, pour la première fois au delà de Fernando Póo, ne rapporta pas de meilleurs résultats aux jésuites. Corisco devint une sorte de cas intermédiaire : tout comme à Santa Isabel, il y avait un secteur de la population qui était protestant, avec le fait aggravant que les Pasteurs n'avaient pas été chassés, contrairement à ce qui avait eu lieu dans la « ville pervertie » ; cependant, ce secteur social n'était pas majoritaire. Si bien que, quoique n'obtenant que très peu de conversions, ils purent en revanche remplir l'école de manière régulière, au point que celle-ci dû être agrandie. Cependant, rien n'avait changé : « A Corisco, l'école sera bientôt finie et nous avons l'intention d'aménager au plus tôt une cabane en bois destinée aux élèves internes dont un grand nombre demandent d'être admis. Ces missionnaires font des excursions au Cap de Saint Jean et aux îles d'Elobey, la grande et la petite. Mais la libido débordée des gens rend inopérant l'effort des missionnaires. Il existe dans la région de Banapa des villages auxquels leur missionnaire se rend souvent ; et bien qu’il soit accepté parmi eux, lui ou la parole de Dieu, on dirait que l'heure n'est pas encore arrivée pour eux de se dessaisir de leurs superstitions et de se livrer à une meilleure forme de vie »248. Une fois de plus, la nouvelle Mission de Corisco se fondait sur la trilogie Presbytère-Chapelle-École, et sur un modèle paroissial que nous connaissons bien. L'école parvint à annexer un petit internat (qui représentait la pépinière d'internes pour la Maison de Santa Isabel et dont le nombre fut augmentant à partir de 1865. Vid. infra). Le nombre d'élèves assistant à l'école de Corisco augmenta aussi, grâce notamment à cet agrandissement : « A Corisco nous pourrons bientôt accueillir 100 enfants pour être enseignés à l'école, car un 247
« Qui in insula Corisco impendunt operam, conqueruntur se parum ab eis insulanis obtinere. Feroces enim earum gentium instinctus, versutia, effrena libido, superstitio, et polygamia inutiles reddunt sociorum nostrorum labores. Accedit ministellorum protestantiorum præsentia et commoratio in eadem insula quindecim abhinc annis, qui quidem licet nihil ab eis obtinuerint, tamen maximo impedimento sunt fructui desiderato ». Lettre du P. Irisarri au P. Général, du 28 janvier 1865. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 3. 248 « In Corisco, schola in proximo perficietur, et casa statim ex lignis aptabitur ad convictores admittendos, qui quidem magno numero admitti postulant. Missionarii ii excursiones ad Sancti Ioannis Promontorium et ad insulas magni et parvi Elobey faciunt : sed effrena earum gentium libido, et caracter indomitus, missionariorum labores inutiles reddunt. In Banapá regione quattuor sunt oppida quæ ejus missionarius frequenter visitat : bene quidem ille et Dei verbum ab eis excipitur, sed nondum sonuit hora pro eis, ut videtur, ab abjiciendos mores superstitiosos, et se ad meliorem frugem recipiendos ». Lettre du P. Irisarri au P. Général, du 31 janvier 1866. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 6.
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local bien plus grand qui lui sera destiné vient d'être aménagé et bientôt sera construite la maison où vivent les élèves »249. Quelques années plus tard, le P. F. J. García, rappelait notamment ce bouillonnement scolaire parmi l'échec généralisé de sa tâche : « Les îles de Corisco, Elobey la grande et la petite et le Cap de Saint Jean, bien qu’appartenant à la même tribu, toutes leurs circonstances sont différentes. Les indigènes sont très éveilles, très commerçants, toujours prêts à négocier avec l'Européen, et s'adaptant à tout. Là, je pus obtenir tous les enfants que je désirais et que pouvait contenir la petite école que je parvins à construire »250. La Mission de Corisco, paroisse de Saint Ignace, disparut aussi en 1868. Pendant ses quatre ans de durée, le contingent fut habituellement constitué de deux missionnaires (un P. + un F., ou deux PP.) ; exceptionnellement, la première année il y en eu trois (deux PP. + un F.) et quatre en 1867 (deux PP. + deux FF.). Des six jésuites, seul le F. Antonio Farpón mourut en Guinée au delà de Santa Isabel. Le Supérieur fut en tout moment le P. Francisco Javier García. L'expansion des jésuites fut donc très limitée : à Fernando Póo elle fut réduite à deux endroits très proches de Santa Isabel, Banapa (1861-1868) et Basupu Occidental (1865-1868) ; dans les autres territoires, seul Corisco (1864-1868) fut le siège d'une autre Mission. Elles s'érigèrent toutes et chacune comme le foyer d'évangélisation des territoires avoisinants et circonscrirent leur action autour du schéma paroissial en vigueur à la capitale. Pas une seule d'entre elles ne rapporta des quantités importantes de nouveaux chrétiens, ne fut à l'origine de structures capables d'accélérer le procès de colonisation. La tâche paroissiale des missionnaires (visites aux malades, célébration des sacrements...) ne fut pas accompagnée de travaux agricoles, ne créa des activités commerçantes importantes ; en revanche, les trois écoles d'externes purent entretenir une assistance régulière et fort supérieure à celle de Santa Isabel : quoique sans aucun fruit apparent. Elles disparurent toutes en 1868, lorsqu'une disposition du gouvernement limita à une seule Maison la présence missionnaire dans l'ensemble du territoire. Voici quel serait le résumé graphique de l'expansion missionnaire des jésuites en Guinée au cours de leur période : 249
« In Corisco brevi admittemus 100 pueri in scholis edocendi ; locus enim valde capax pro schola jam est perfectus ; nunc domus construitur ubi comorentur et vitam degant alumni ». Lettre du P. Irisarri au P. Général, du 31 décembre 1866. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. cit. 250 « Las islas de Corisco, Elobey grande y chico, y el cabo de S. Juan, que es una misma tribu, varía mucho en todas sus circunstancias. Los indígenas son muy despiertos, muy traficantes, muy amigos de tratar con el europeo, y se adaptan a todo. Allí tuve cuantos niños quise y pude tener en el pequeño colegio que llegué a construir ». Lettre du P. Francisco Javier García au clarétain P. José Mata, s/d (circa 1882). AG.CMF, doc. cit.
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La faillite d'une organisation Cependant, ceci n'était pas du tout l'idée que les jésuites de la Guinée s'étaient faite sur le système d'organisation de la Mission. Les " bases " pour sa création prévoyaient que " la Mission était tenue d'étudier la situation et les besoins de l'île, et de transmettre au gouvernement les propositions qu'elle considéra adéquates ", très tôt, dès qu'il y eut une croissance du contingent de missionnaires et des catholiques nouveaux arrivés à Santa Isabel, le P. José Irisarri transmit des propositions à l'Administration. Des propositions du Supérieur de la Mission, il se dégage que ce que je viens de rapporter ici était justement ce que les jésuites avaient pu réaliser en Guinée. Mais ce qu'ils prétendaient faire allait, en fait, bien au-delà : ils souhaitaient créer une infrastructure missionnaire qui recouvrît tous les territoires, et qui fut bien plus efficace que celle du modèle paroissial qu'ils durent appliquer. Le 27 janvier 1862, le Préfet Apostolique adressait au Ministère d'Outremer un premier écrit qui tendait à modifier la situation existant jusqu'alors251. 251
In : Fernando Póo e tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3, doc. cit. Transcrit aussi par Maroto & Genover (1928 : 127-130).
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Un document intéressant, qui envisageait la nécessité de concentrer davantage l'activité de la Mission sur les jeunes de la population ; d'augmenter, par conséquent, l'activité scolaire, et de faire en sorte que les élèves fussent internes, et non pas externes, afin d'agir plus profondément dans leur « civilisation » : « Les meilleures intentions du Gouvernement de Sa Majesté (q.D.g.) et tous les sacrifices consentis pour que les jeunes soient dûment instruits, seraient vains et se perdraient à tout jamais si au lieu de les attirer au moyen de l'idée séduisante d'être admis comme internes dans la Maison de la Mission pour y être nourris et éduqués, on leur proposait simplement de fréquenter les écoles »252. Une nécessité qui, entre autres raisons, était fondée sur le mépris que concevaient les jésuites à l'égard des Africains en général et de la « ville pervertie » en particulier : « Le caractère spécialement mou et indolent propre à tout Africain, et la pauvreté qu'entraînent leurs mauvaises habitudes, rendent nécessaire cette mesure »253. Les missionnaires espéraient que tôt ou tard les habitants de Santa Isabel réagiraient, qu'ils se rendraient compte de l'importance de leur labeur et leur confieraient l'éducation de leurs enfants : « Il est hors de doute que ce nombre [d'élèves] ira croissant et que se verra augmenter, à l'aide du temps, le nombre de personnes et d'enfants à instruire, dès qu'ils verront par euxmêmes le grand bien que leur rapporte l'éducation »254. Le document s’achevait en demandant un apport économique qui suffirait à concrétiser leurs intentions : les jésuites comptaient sur six " reales " (= 1,5 ptas.) par jour les besoins de chaque interne. En fait ce document n'avait pour but que de demander de l'argent. Or, il n'obtint aucun résultat. Il m'a paru cependant important de le mettre en relief car il témoigne que les jésuites auraient souhaité faire tout autre chose : avoir davantage d'élèves internes. Et de même qu'ils étaient convaincus que les gens - Bubis et Fernandins - seraient ébahis face aux raffinements artistiques de la nouvelle église, ils croyaient qu’éduquer, vêtir et nourrir les garçons suffirait pour que les gens se décident à leur amener leurs enfants en qualité d'internes : c'est alors que les fruits de la Mission se multiplieraient. Le refus du gouvernement rendit leur dessein impossible. Or, quelques années plus tard, les clarétains en recueilleraient l'esprit et n'accepteraient la Mission 252
« Las mejores intenciones del Gobierno de S. M. (q.D.g.), y todos cuantos sacrificios se hagan para que los jóvenes adquieran la debida instrucción, se malograrían y perderían completamente si solamente se les presentare la facilidad de poder frecuentar las escuelas y no se les atrajese con el poderoso aliciente de ser admitidos como internos de la Casa de la Misión para ser alimentados y educados gratuitamente ». Doc. cit. 253 .« El carácter especial de flojedad e indolencia que distingue a todo natural de África y la pobreza consiguiente a esos malos hábitos hacen necesaria esta medida ». Ibidem. 254 « No cabe duda que dicha suma [de alumnos] se elevará a mayor cifra ; aumentándose, como es de esperarse con el tiempo, el número de gentes y jóvenes que hay que instruir, cuando estas gentes vean por sus propios ojos los grandes bienes que les reporta la educación ». Ibidem.
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guinéenne que sous cette condition préétablie : que les budgets comprennent l'entretien des élèves internes de Santa Isabel. Peu de temps après255, le Préfet Apostolique présentait un « plan missionnaire » qui envisageait la création de nouvelles Missions et leur organisation. Des onze points qu'il contenait j'en détacherai les suivants : 1.- La Mission de Santa Isabel deviendrait Mission centrale, siège de la Préfecture Apostolique et de la direction de l'ensemble missionnaire. 2.- De nouvelles Missions seraient fondées autant à Fernando Póo que dans les autres îles espagnoles et au Cap de Saint Jean. 6.- Il était envisagé la possibilité d'un enseignement secondaire dans certaines des Missions (probablement, celle de Santa Isabel). 7.- Les écoles des diverses Missions seraient placées sous le régime d'externat. 8.- En revanche, l'école de Santa Isabel serait un internat, qui prendrait en charge les meilleurs élèves des autres Missions ; la nourriture et les vêtements seraient gratuits pour ces élèves. 9.- Le nombre d'internes serait tout au plus de 25 élèves. 10.- Le professorat de toutes les écoles serait uniquement composé de missionnaires. Voilà, donc, quelles étaient les aspirations des jésuites. Des aspirations qui, quoique recueillies d'une part par leurs successeurs, les clarétains, supposaient un modèle fort différent : tandis que l'idée du P. Irisarri consistait à faire une sorte de collège plus important à Santa Isabel en vue de la préparation de cadres moyens, et le reste des Missions devait se soumettre à ce projet centralisateur, pour les clarétains il n'était nullement question de former des cadres moyens mais plutôt de « convertir » le plus grand nombre possible de jeunes, sous des conditions fort égalitaires, en chrétiens et en travailleurs au service de la colonie.
255
Lettre du P. Irisarri au Ministère d'Outre-mer, du 18 février 1862. In : Fernando Póo e tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3, doc. cit. Transcrit aussi par Maroto & Genover ( 1928 : 130-133 ).
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Le projet du P. Irisarri se complétait par une proposition de modifier le budget256. Cette proposition prévoyait une augmentation considérable de tous les frais, et quantifiait les quantités assignées aux internes en accord avec la demande antérieure (6 reales par jour = 108$ pesos par an et par élève (540 ptas.)). Curieusement, les deux premières Missions (en-dehors de celle de Santa Isabel) proposées par le projet devaient être à Annobón et au Cap de Saint Jean, deux endroits où les jésuites n'arrivèrent jamais à fonder de Missions. En revanche, le seul intérêt de l'Administration consistait à entretenir une situation qui, économiquement, lui était déjà favorable. De sorte qu'elle laissa les choses telles qu'elles étaient et, au lieu d'un projet global, elle n'accepta que des initiatives ponctuelles telles la fondation ratée à Annobón et la création de la nouvelle Mission de Corisco. C'est tout. Trois ans plus tard, vu l'inutilité de ses efforts, Irisarri demandait que certains des élèves les plus doués de Santa Isabel puissent exercer en qualité d'assistant257, ce qui lui fut refusé. Il faut tenir compte des limitations structurales et économiques du Ministère d'Outre-mer que j'ai rapportées à leur moment. La Mission des jésuites se déroula au cours de l'époque la plus instable de ce Ministère, pleine de restructurations et de restrictions budgétaires. Mais il faut aussi l'inscrire dans un contexte de grave instabilité politique : en 1868 fut proclamée la première République espagnole, la reine Isabel II fut chassée du pays et commencèrent les premiers six ans de l'époque révolutionnaire. Les années soixante-dix entamèrent un procès de changement qui devait agir négativement sur une politique coloniale qui était déjà, depuis longtemps, pleine de carences. Ainsi, au cours de la période des jésuites, les budgets de l'État destinés à la colonie guinéenne connurent des transformations fort importantes258 :
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Lettre du P. Irisarri au Ministère d'Outre-mer, du 18 février 1862. In : Fernando Póo e tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3, doc. cit. Transcrit aussi par Maroto & Genover ( 1928 : 133-136 ). 257 Lettre à la reine Isabel II, du 24 septembre 1865. In : Fernando Póo e tiempo de los jesuitas : apuntamientos sobre las Misiones de Fernando Póo y Guinea Española. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3, doc. cit. 258 Le peu de données économiques que j'ai pu obtenir sont de l'AGA, Section África-Guinea, Boîte 781, Carton 29. À moins de signaler le contraire, les quantités sont exprimées en pesos (1 peso = 1 peso fort = 1 duro = 5 ptas. = 20 reales).
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1859 1860 1861 1862 1863 1864 1865 1866 1867 1868 1869 1870 1871 1872
274 578,40 295 754,86 336 248,62 304 579,88 304 573,00 315 320,00 278 028,00 380 203,00 273 740,00 248 423,00 141 315,00 141 315,00 141 315,00 141 315,00
Or, ces transformations furent dues soit à des projets concrets ayant rapport à l'importation de colons, de déportés ou d'affranchis, soit à la mise en œuvre de certains travaux publics, sans pour cela que la structure de l'Administration s'en vit affectée : elle resta en tout pareille ; de même que le budget de base des jésuites, qui tout au long de la période conservèrent les 6.000 pesos par an259 accordés lors de la création de la Mission260. Il est évident que la construction de la nouvelle église de Santa Isabel et la fondation de nouvelles Missions devaient entraîner des apports supplémentaires au budget, quoique dans les documents que j'ai rencontrés ils sont compris dans le budget général d'aménagement sans plus de précisions. Dès 1868, les gouvernements révolutionnaires se désintéressèrent de la Guinée : le rendement de la colonie était nul. Dans ce contexte, la Mission (dont les résultats étaient tout aussi déficitaires) fut amoindrie et son budget fut réduit à la moitié (12.000 ptas. = 3.000 pesos).
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Le budget de 1861, le deuxième le plus élevé de toute le période, auquel j'ai eu accès intégralement (AGA, Section África-Guinea, Boîte 284), nous permet d'établir des comparaisons intéressantes : alors que les 6.000 pesos pour l'ensemble de la Mission étaient maintenus (7 missionnaires en plus du matériel de culte et les frais de l'école), le salaire du gouverneur s'élevait à 8.000 pesos ; celui du secrétaire, à 3.000 ; celui de l'officier de l'administration à 1.000 ; celui du commissaire d’aménagement, à 3.000 ; celui d'un clerc notarial, à 1.500 ; celui d'un capitaine d'infanterie, à 2.100 ; celui d'un médecin, à 1.500 ; celui d'un infirmier, à 960 ; celui de l'administrateur, à 3.000 ; celui du contrôleur de Finances, à 1.500 ; celui d'un capitaine de frégate, à 2.160 ; celui d'un lieutenant de navire, à 1.200 ; celui d'un menuisier, à 576 ; celui d'un cuisinier, à 492 ; celui d'un caporal de marine, à 780 ; celui d'un marin, à 102 ; celui d'un aumônier de vaisseau, à 720. Les comparaisons situent les salaires des missionnaires à un niveau assez bas. 260 Fernández, Cristóbal, 1962 : 42.
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L'apogée et la fin de la mission Le premier voyage du P. Irisarri en dehors de Fernando Póo eut lieu deux mois après son arrivée à Santa Isabel. Nous avons vu qu'à ce moment-là le Préfet Apostolique voulut visiter les îles d'Annobón et de Corisco et qu'il se produisit un fait important : « Lors de cette expédition, le Cap de Saint Jean fut annexé à l'Espagne, et ces habitants ont demandé instamment qu'il soit établi des Missions espagnoles de préférence aux françaises et aux américaines, et ils ont promis qu'ils construiraient eux-même la Maison de la Mission, et d'obéir en tout, quels que fussent les efforts à fournir. Ceci fait allusion à la résolution prise et au serment qu'ils avaient fait de ne garder qu’une seule femme, renonçant à toutes les autres que la polygamie admise parmi eux leur permet. On leur promit alors que dès que d'autres missionnaires provenant d'Espagne arriveraient on les enverrait auprès d'eux »261. Il se pourrait très bien que cette exigence d'abandonner la polygamie, essentielle pour les missionnaires de l'époque, fut à l'origine de l'échec missionnaire parmi des indigènes qui, par contre, ne présentaient aucune sorte de problème pour assister à l'école des jésuites262. Quoi qu'il en soit, Irisarri maintint à tout moment la nécessité de créer une Mission au Cap de Saint Jean et, comme nous l’avons vu, les excursions missionnaires - en particulier, depuis la Mission de Corisco - comprenaient en tous moments ce territoire. D'autre part, le fait que la Mission du Cap de Saint Jean ne fut jamais fondée paraît plutôt incompréhensible du point de vue d'une politique coloniale cohérente. L'établissement d'une nouvelle Mission en territoire continental africain, tout près de la Muni, aurait ouvert les portes de la colonisation dans un endroit fortement influencé par les Français. L'allusion d'Irisarri au fait que les habitants eussent préféré « qu'il soit établi des missions espagnoles de préférence aux françaises », en est une bonne illustration : parce que les Missions françaises (des Pères du Saint Esprit), 261
« En esta expedición se agregó a España el Cabo de San Juan, y aquellos habitantes han pedido con repetidas instancias el establecimiento de Misiones españolas con preferencia a las de los franceses y americanos, prometiendo construir ellos mismos la Casa de la Misión y observar cuanto les manden, por más que les cueste. Esto hace alusión a la resolución hecha y palabra dada de no tener más que una mujer, despidiendo a las demás que la poligamia, admitida entre ellos, les permite. Por entonces se les prometió y dio palabra de que, cuando llegasen de España más misioneros a Fernando Póo, se les enviarían y los tendrían en su mismo territorio ». P. José Irisarri, Rapport de la Mission de Fernando Póo de 1859. AGA, Section África- Guinea, Boîte 781, doc. cit. 262 En revanche, le fait d'administrer en masse des sacrements à Annobón -où la population était officiellement catholique- nous fait croire à l'ignorance de la réalité de la part des missionnaires à l'égard de cette île éloignée : à Annobón, comme partout ailleurs en Afrique Centrale, les gens étaient polygames et n'étaient que très peu enclins à abandonner cette pratique parmi bien d'autres encore.
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contrairement aux américaines, étaient catholiques. Cette préférence présumée des habitants fut sans cesse réitérée par les jésuites, qui insistaient notamment sur l'opposition populaire au protestantisme : « Le Cap de Saint Jean nous appartient en entier et s'est vu libéré des ministres hérétiques. Un grand nombre de ses indigènes, bien plus que tous les autres sauvages, se montrent bien disposés et favorables aux missionnaires catholiques. À maintes reprises, ces petits ministres hérétiques, autant les Anglais que les Nord-Américains, décidèrent de s'établir parmi eux ; mais celui qui se fait nommer capitaine ou roi de ces Noirs s'y montra toujours contraire et ne les accepta jamais »263. L'annexion espagnole du Cap de Saint Jean et les incursions des jésuites dans la région, rares mais persistantes, devaient mener la congrégation à envisager l'agrandissement du territoire appartenant à la Préfecture Apostolique : « Ce promontoire, riche d'un grand espace intérieur, appartient à l'Espagne ; mais, si je ne me trompe pas, la juridiction spirituelle de l'évêque du Gabon s'étend jusque là, si bien que je crois qu'il nous faudrait demander la juridiction au Saint-Siège pour pouvoir y établir une Mission et exercer librement nos ministères, et que tous les peuples du continent assujettis à la domination espagnole soient soumis à cette Préfecture Apostolique. Je désirerais que Votre Paternité me dise ce que je dois faire à ce propos : faut-il que j'envoie une lettre au très Éminent Cardinal Préfet de la Sainte Congrégation de la Propaganda Fide, ou sa résolution dépend-elle de Votre Paternité? Je me suis laissé dire par le P. Dalmases que ces habitants souhaitent des missionnaires espagnols de préférence aux autres, et que c'est ce qu'ils ont manifesté au gouverneur actuel et même au précédent »264. 263
« Sancti Ioannis promontorium est integrum at a ministris hæreticis liberum. Ejus incolæ præ omnibus aliis selvicolis plures erga catholicos missionarios bene afectos sese ostenderunt. Sæpe sæpius tum anglici, tum Americæ federatæ ministelli heretici apud eos tentoria et domicilia figere statuerunt, sed semper qui nigritarum illorum dux et rex dicitur, fuit illis adversus, noluitque eos admittere ». Lettre du P. José Irisarri à la Propaganda Fide, du 22 mars 1863. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 102-107, doc. cit. 264 « Promontorium illud cum magno interioris terræ tractu ad Hispaniam pertinet, sed, ni fallor, Episcopi Gabonnensis spiritualis jurisdictio ad illud se extendit ; ob idque, ut opinor, a nobis petenda esset, a S. Sede jurisdictio, ut ibi missionem instituere et ministeria nostra libere obire possemus, atque etiam quot gentes in eodem continenti Hispaniæ Ditioni sese submitterent, huic Apostolicæ Præfecturæ subjiciantur. A Paternitate V. scire vellem quid hac in re a me faciendum : utrum litteras circa hoc ad Emum. Card. S. Congr. de Propag. Fide Præfectum mittere debeam, an istic negotium hoc sit tractandam a V. Paternitate ; illos incolas, ut refert P. Dalmases, desiderare hispanicos missionarios præ aliis certum est, nam ab anteriore et ab actuali Magistratu civili eos petierunt ». Lettre du P. Beckx, Supérieur Général des jésuites, à la Propaganda Fide, du 6 décembre 1859. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 621-622, doc. cit.
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Les démarches du P. Beckx ne tardèrent pas à aboutir : « A la fin du mois de février je reçus avec grand plaisir la lettre et le décret de Votre Eminence moyennant lequel le Cap de Saint Jean est annexé à cette préfecture ; et j'espère que le missionnaire rendra visite au plus tôt à tous ces gens-là »265. Retenons que ceci avait lieu au début de la Mission, lorsque les perspectives étaient encore optimistes : les missionnaires espéraient encore que la ville de Santa Isabel serait colonisée par des colons et des affranchis, que l'attitude des protestants serait modifiée et qu'ils pourraient agir au plus vite parmi les indigènes. On dirait que cet agrandissement de la Préfecture ne dérangea guère les spiritains, qui en fait ne réagirent que très longtemps après : la Préfecture Apostolique de Fernando Póo n'était qu'une expérience missionnaire fort limitée ; et le Cap de Saint Jean ne représentait, en somme, qu'un petit territoire côtier face à Corisco, une île qui appartenait déjà à la Préfecture gouvernée par les jésuites. Or, le décret pontifical de rattachement du Cap de Saint Jean à la Préfecture Apostolique de Fernando Póo, daté du 4 janvier 1860266 introduisait la même expression qu'avait utilisée le P. Beckx dans sa sollicitude : «Promontorium illud cum magno interioris terrœ tractu » : « Ce promontoire, riche d'un grand espace intérieur ». Cette expression, qui en fait ne démarquait pas de délimitations précises dans la région de Saint Jean, fut utilisée maintes fois par les clarétains, quelques années plus tard ; et ce fut alors, lorsque l'élan clarétain représentait une menace inquiétante pour un Vicariat Apostolique gabonais fragmenté à plusieurs reprises, que les missionnaires de Libermann soulevèrent un conflit juridictionnel au Saint Siège qui se prolongea jusqu'à la fin du siècle. C'est tout ce que j'ai pu trouver : la Mission des jésuites atteint son apogée - une apogée insignifiante, cela va sans dire - avec l'agrandissement de ses délimitations, la consolidation du modèle paroissial à Santa Isabel, la construction de la trilogie de bâtiments missionnaires Presbytère - Chapelle École, et sa petite expansion à Banapa, Basupu et Corisco. Enfin, la constatation des maigres résultats que la Mission pouvait offrir à la suite de 265
« Sub fine mensis februarii Emmœ V. litteras et Decretum de Promontorio S. Ioannis huic Prœfecturœ incorporato per libenter accepi ; et brevi missionarius illas gentes visitabit, ut spero ». Lettre du P. Irisarri à la Propaganda Fide, du 29 mars 1860. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 636. La question juridictionnelle était bien importante pour les jésuites, qui, avant leur acceptation de la Mission guinéenne, avaient craigné un conflit avec le Patriarche des Indes, dont tous les missionnaires des colonies espagnoles dépendaient, et c’est pourquoi ils présentèrent une consultation au secrétaire d’État du Saint Siège ; cette consultation avait dérangé la Propaganda Fide, qui avait vu là un essai de retarder l’incorporation des jésuites à Fernando Póo et les ordonna d’accepter la Préfecture guinéenne : Lettre du P. Beckx à la Propaganda Fide, du 24 mai 1858. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Isole dell’Oceano Australe e Capo di Buona Speranza, vol. 4, f. 510-511. 266 Fernández, Cristóbal : 43.
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ce procédé qui, soit pour les limitations imposées par l'État, soit pour l'action missionnaire elle-même, fut la seule possible. Un ensemble de circonstances influencées, d'autre part, par les maladies incessantes, les décès constants, et les difficultés non négligeables imposées par le manque de communications et les entraves politiques qu’enduraient les jésuites dans la Péninsule. Dès 1863, le contingent missionnaire se stabilisa (à part les décès) aux alentours des 15 individus. Ayant accompli toute l'expansion qu'il était possible, nous pouvons considérer que la Mission des jésuites atteint son accomplissement vers 1865 : « Les ministères n'ont changé en rien : 30 élèves dans cette école et un nombre supérieur fréquente les écoles dans la forêt et à Corisco. Ce mois-ci j'ai fait une excursion dans cette île en vue de construire au plus vite des endroits plus grands passibles d'y accueillir davantage d'enfants. Nous avons administré des sacrements, autant des baptêmes que des mariages. Nous instruisons dans les vérités chrétiennes et nous préparons pour le baptême certains adultes. Nous avons aussi l'espoir que bientôt les Annobónnais auront un missionnaire »267. En somme, une époque de calme, dans le sens où il n'y eut nul changement, nulle modification, et les missionnaires développèrent la tâche qui leur avait été assignée dans les conditions qui leur avaient été assignées. Une époque sur laquelle nous possédons des données parallèles fournies par des récits de voyageurs dont le plus intéressant est, à mon avis, celui du P. Borghero, des Missions Africaines de Lyon : « Nous allons à terre, et demandons l’hospitalité chez les missionnaires jésuites, qui ont ici une résidence où nous sommes très bien accueillis et reçus par les Pères, et surtout par le Père Irisarri, Espagnol, Supérieur de la Mission et Préfet Apostolique de la Mission. Je lui appris le but de mon voyage et il me promit toute espèce d’assistance. Les PP. ont ici une école d’enfants internes qu’ils dirigent à merveille comme partout et toujours. On fait usage de la langue espagnole »268. Des documents qui n'apportent rien de nouveau pour ce qui fait l'action des jésuites, mais qui se bornent plutôt à certifier l'existence de la Mission. Or, Borghero, met l'accent sur le développement limité de la
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« Ministeria eadem sunt semper ; 30 pueros in schola hac edocemus, major numerus in sylvis et in Corisco scholas frequentat ; excursionem ad illam insulam hoc mense ut citius amplios seu spatiosos locos ad admittendos plures pueros construantur, feci ; sacramenta conferimus tum baptizando, tum matrimonia benedicendo ; quosdam adultos homines in veritatibus christianis instituimus et ad baptismum paramus. Spes etiam effulget Annobónenses brevi apud se missionarios habituros ». Lettre du P. Irisarri au Supérieur Général, du 29 novembre 1865. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 5. 268 AMA, F. Borghero : Journal de la Mission du Dahomey, 1860-1864, p. 475. Le séjour du P. Borghero à Fernando Póo se déroula entre le 28 de mai et le 30 de juin 1864.
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colonie espagnole à ce moment-là269 et rapporte - faisant preuve d'une totale méconnaissance de la réalité - certains des arguments que les jésuites durent sans doute lui fournir : « Dans la pratique, il existait deux moyens de poursuivre leur action : l'une, en concentrant l'œuvre de la Mission à Santa Isabel ; l'autre, en s'efforçant à travailler parmi les indigènes pour la conquête de la foi. Mais puisque le gouvernement prenait en charge tous les frais de la Mission et qu'à Santa Isabel toute la population était catholique, c'est à elle, notamment, que les frais devaient se livrer (...). [Pour les missionnaires de Basupu] l'heure n'était pas encore arrivée de parler librement de religion ; ils étaient pourtant persuadés que, lorsqu'ils arriveraient au moment décisif, ils recevraient une importante moisson évangélique »270. C’est ainsi que tout se déroula jusqu’en 1868. Cette année fatidique, moururent six des missionnaires envoyés en Guinée, d’autres tombèrent malades, certains se virent obligés de retourner en Espagne, d’autres enfin quittèrent leur Mission et durent se rendre à Santa Isabel pour se faire soigner. Dans l’ensemble de l’échec missionnaire, les lettres du P. Irisarri aux derniers moments de sa vie, comme nous avons vu, débordaient de pessimisme : le manque de ressources, les maladies, les décès, l’impossibilité de se tirer d’affaire soit avec les habitants de la « ville pervertie » soit avec les indigènes, étaient des arguments qui revenaient sans cesse dans la correspondance du Préfet Apostolique. À sa mort, la vue panoramique de l’époque était bien plus sombre : « Inutile de décrire à V. R. le triste tableau que présente la Mission en ce temps-ci : le F. Rodríguez a été atteint d’une forte fièvre, et quoiqu’il soit hors de danger il est parti à Banapa pour se rétablir. Nous ne sommes que deux Pères à prendre soin des hôpitaux, d’autant plus que ces jours-ci un grand nombre de marins sont morts du typhus. Quant à moi, qui n’arrive pas à me remettre d’une fièvre ordinaire, je dus administrer l’extrême-onction, à midi, à trois marins qui moururent en un seul jour ; je passai presque toute la nuit auprès de feu P. [Irisarri], et le lendemain ma fièvre reprit de plus belle, si bien que je ne pus même pas l’assister en ses derniers moments. Il ne restait que le P. Berasain, qui, plein de zèle et d’amour filial, lui apporta 269
Borghero, 1955 : 27-28. « Si presentavano all’atto pratico due diverse maniere di proseguirla. L’una voleva che l’opera principale della missione si ecersitasse a Santa Isabel, l’altra che si procurasse di lavorare sopra i villaggi degli indigeni per guadagnarli alla Fede. Ma la spesa della Missione sostenendosi tutta dal governo, e trovandosi a Santa Isabel una popolazione tutta cattolica, bisognava anzitutto curarsi di questa. (...) Non avevano ancora stimato fosse giunto il tempo opportuno di parlare apertamente di religione ma erano persuasi che, quando si fossi venuti al momento decisivo, avrebbero raccolta amplissima messe evangelica » ( Borghero, 1995 : 2829 ).
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le réconfort de la religion. Tous les Frères, quoique ébranlés en partie dans leur santé, ont fait de leur mieux pour apporter leur assistance au défunt, autant de jour que de nuit »271. La mort guettait donc l’ensemble de cette colonie tenue pour insalubre. Et cela ne se bornait pas à la Mission. Trois mois et demi après, la situation ne s’était point améliorée : « Après le décès du P. Supérieur, nous avons perdu deux Frères : le F. Antonio Farpón, qui mourut du typhus le 11 mai à Corisco, et le F. Antonio Oyarzábal, qui mourut de cette même maladie le 13 mai ici même. Et avant encore, le F. Itúrrioz avait reçu l’extrême-onction et il s’en est tiré presque par miracle. Nous, les trois Pères qui vivons actuellement dans cette ville, avons subi de fortes fièvres et, maintenant, le F. Piñera272 est en train de se remettre d’une très méchante fièvre. Les deux Pères de Corisco sont aussi à Santa Isabel, car ils manquaient de Frère et leur santé était défaillante, si bien que lorsque la goélette de guerre espagnole alla les chercher, les deux Pères furent atteints d’une fièvre maligne ; et si ce n’est le secours que leur apporta l’équipage de la goélette, ils seraient peut être morts tous les deux. (...) Quelle triste mine, R. P. Assistant, offre aux yeux du monde la situation précaire et infructueuse de cette Mission. Mais Dieu Notre Seigneur nous donne une force d’esprit, un courage et une joie pour supporter et endurer bien plus encore, pour si un jour sa Divine Majesté devait nous mettre à l’épreuve ; car, si bien elle nous accable, elle nous donne à la fois le courage pour souffrir »273. 271 « Por demás está el pintar a V. R. el triste cuadro de la Misión en estos días : el H. Rodríguez había sido atacado de una calentura bibliosa, y aunque ya está fuera de peligro ha marchado a Banapá para reponerse. Estábamos solos dos Padres para atender a los hospitales, que estos días han muerto muchos de la Marina, del tifus ; y yo, sin acabar de restablecerme enteramente de unas fiebres ordinarias, hube de administrar la extremaunción al mediodía a tres marineros que murieron todos en un mismo día ; la noche la pasé casi toda con el difunto P. [Irisarri], y al día siguiente me repitieron las fiebres, sin poder tener el consuelo de asistirle en los últimos momentos. Quedaba únicamente el P. Berasain, el cual con mucho celo y amor filial le asistió con todos los consuelos de la religión. Todos los HH., aunque quebrantados en parte en su salud, se han esmerado, como era justo, en la asistencia del difunto, de día y de noche ». Lettre du P. Campillo, Préfet Apostolique intérimaire, au P. Eugenio Labarta, Provincial de la Province de Castille, du 9 mars 1868. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 13. 272 Décédé le 2 juillet de cette même année. 273 « Después de la muerte del P. Superior hemos perdido también otros dos Hermanos : el H. Antonio Farpón, que murió del tifus el 11 de mayo en Corisco, y el H. Antonio Oyarzábal, que murió de la misma enfermedad el 13 de mayo en esta Casa. Antes de estos dos Hermanos, estuvo con la Extrema Unción el H. Itúrrioz, y ha salido casi milagrosamente. Los tres Padres que residimos ahora en esta ciudad hemos sido bien visitados de fiebres, i actualmente está convaleciendo de una fiebre biliosa muy mala el Hermano Piñera. Los dos Padres de Corisco están también aquí en esta ciudad de Santa Isabel, pues se hallaban sin Hermano alguno y bastante delicados, y cuando fue la goleta de guerra española por ellos fueron los dos Padres atacados de fiebres perniciosas, y a no ser por el auxilio que les prestaron los señores de la goleta tal vez hubieran muerto los dos. (...) Triste es, R. P. Asistente, a los ojos del mundo la situación de esta difícil e infructuosa Misión, pero Dios N. S. nos da una gran fortaleza, ánimo
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Face à cette Mission « précaire, infructueuse » et triste, les Supérieurs jésuites continuèrent à se comporter comme d’habitude. Ainsi, le 27 juin le P. Eugenio Labarta avait envoyé à la Propaganda Fide une liste de trois candidats pour la nomination du nouveau Préfet Apostolique274. Mais la Révolution de Septembre fit que tout se précipita : le gouvernement révolutionnaire, qui, comme nous avons vu, arriva à envisager qu’il convenait d’abandonner complètement la colonie, réduisit la Mission à une seule paroisse275. La décision du gouvernement de Madrid ne faisait qu’appliquer à la Mission une politique générale de réduction de frais à la colonie, et mettre sur le même pied la Mission des jésuites et une quelconque paroisse d’Outre-mer. Il mit en œuvre son allure progressiste tout en créant une école laïque qui, tout au moins pour l’instant, se devait de résoudre les problèmes d’assistance à l’école des enfants des protestants de la « ville pervertie », dont l’obstination face aux jésuites avait finalement obtenu gain de cause. Le retour des Pasteurs baptistes, permis par la loi sur la liberté des cultes, eut lieu cette année même. Le P. Campillo demanda conseil à Rome sur la conduite à suivre : « Il n’existe plus qu’une seule paroisse à Santa Isabel, tenue uniquement par deux prêtres, dont l’un est curé et l’autre vicaire. Pour ce qui fait l’éducation des garçons et des filles, il y a deux maîtres et une maîtresse, si bien que nous sommes exclus autant des soins spirituels que de l’éducation des enfants. Et le gouvernement, dès le mois de juillet ne soutiendra plus de son argent nos besoins. J’ignore dans quelles conditions la paroisse pourra s’établir, de quelles facultés seront munis le recteur et le vicaire qui viendront s’établir dans cette île. Et, vu que je ne possède aucune autorité pour les rendre utiles à l’exercice de ces ministères paroissiaux au cas où ils ne posséderaient pas les facultés requises, je prie très humblement à Votre Éminence que vous veuillez bien me conseiller à propos de ce que je devrai faire au cas échéant »276. y alegría para llevar y sufrir más, si su Divina Majestad es servido probarnos más, pues al paso que nos aflige nos da fuerzas para padecer ». Lettre du P. Campillo au P. Assistant de la Province Castillane, du 29 juin 1868. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 18. 274 ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 17. 275 Ordre Royal du 12 novembre 1868. Transcrite sous forme de lettre du P. Beckx à la Propaganda Fide, s/d [1871]. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 448-449. 276 « In hac enim civitate Sanctæ Elisabeth statuitur una et unica parrochia, et ad ejus onera levanda nominantur duo sacerdotes tantum, quorum unus parochus alter coadjutor erit. Ad instructionem puerorum et puellarum designantur etiam duo magistri et una magistra. Quapropter excludimur tam a cura spirituali animarum quam ab instructione puerorum. Idcirco nullam nobis pecuniam ad necesitates sublevandas tribuet Gubernium, mense Julio incipiente. Nescio conditiones quibus hæc parochia statuetur. A quibus facultatibus parochus et coadjutor ornati in hanc insulam devenient : et cum nulla sint in me, auctoritas ad eos habilitandos ut ministeria paroquialia exerceant et adimpleant, casu quo facultatibus ipsi careant, Eminentia Vestra supliciter et humiliter deprecor ut mihi dignetur dicere quid in hoc casu agere debeam ». Lettre du P. Campillo à la Propaganda Fide, du 28 février 1869.
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Il est évident que Campillo ne se bornait pas à présenter une question de « facultés », mais plutôt de titularisation de la Mission. La réponse du Vatican fut tranchante et favorable : le cardinal Simeoni demandait au P. Beckx : « Je vous prierai de bien vouloir annoncer au P. Campillo et à ses compagnons qu'ils restent sur place et qu'ils continuent à s'occuper du saint ministère comme jusqu'à présent »277. C’était trop tard. Le Saint Siège n’autorisa aucune nomination à Santa Isabel, tant que les jésuites furent là. Ceux-ci y restèrent encore quelques années, suffisamment néanmoins pour subir encore quelques décès. Pas un seul relais pour les malades ; une grande partie du contingent disparu, sans autre occupation que le culte de la capitale. Bien que le deuxième Préfet Apostolique jésuite finit par arriver à Santa Isabel, sa tache se réduisit à remettre la Mission en mains du premier recteur non jésuite de la paroisse de San José, P. García San Román. C’est que, comme en témoignait le P. Borghero, « le gouvernement prenait encharge tous les frais de la Mission ». Le Provincial de la Province Castillane, P. Felice Cumplido, en arriva à demander au Supérieur Général « l’exonération de cette lourde charge [la Mission de Fernando Póo] que nous acceptâmes un jour par erreur et dans l’espoir de pouvoir réaliser quelque chose de bon pour ces âmes abandonnées. Aujourd’hui, Père bien aimé, l’expérience longue et ininterrompue nous a appris qu’il ne suffit pas d’endurer patiemment les maladies de ceux qui y sont affectés, ni de se résigner à assumer le fait qu’ils ne reviendront plus jamais, car les deux tiers de ceux qui y avaient été envoyés sont morts aux prises à des fièvres malignes qui les ont atteints et fait mourir à la fleur de l’âge et de leurs pleines forces ; ou, s’ils nous reviennent, leur état les rend inutiles pour tout travail postérieur. Ces sacrifices sont en fait stériles pour le bien de ces âmes, qui ne s’obtient qu’au prix de bien de difficultés et des fruits fort maigres, vu la population et les dispositions mesquines du gouvernement »278.
ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 426-427. 277 « Voglia far butire al P. Campillo ed al suoi colleghi che non si muovono del loro posto, e que seguitino ad occuparsi come dianzi sul santo ministero ». Lettre du 9 juillet 1869. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 19. 278 « L’esonerazione di quel fatale incarico, che una volta accettamo per errore e nella fiducia di poter fare qualche gran cosa in pro di quelle anime develitte. Ora, P. mio amatissimo, l’esperienza lunga e non interrotta ci fa conoscere che non serve pazientare assai col sopportare la malaltia de’soggetti che colà si spediscono, ne basta rassegnarsi a vedere che non fanno ritorno, essendovi morti i due terzi de’mandati, vittime delle febbri perniciose che li fanno soccombere e morire nel fiore dell’età e delle forze, o che, se pure ritornano, li fanno inutili per ulteriori fatiche. Questi sacrifizi sono affatti sterili pel bene di quelle anime, il quale si opera colà con difficoltà somma e frutto scarsissimo per ragione di località e di rovinosi ordinamenti del governo ». Lettre du 19 février 1871. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 21.
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Le P. Beckx transmit la demande des jésuites espagnols à la Sainte Congrégation279. En mai 1872, le P. Pablo Esteban et le F. Francisco Calleja, qui étaient restés pour tenir la Mission, quittèrent Santa Isabel. Je n’ai trouvé nulle donnée sur les « fruits » obtenus par les petites Missions de Banapa, Basupu et Corisco. À pareille époque, où les résultats se comptabilisaient au moyen du nombre de sacrements administrés, la Mission des jésuites de Santa Isabel conclut son parcours avec le bilan de 317 baptêmes280 : seulement quatre d’entre les nouveaux baptisés étaient des Bubis, tous de Banapa ; le reste, des moribonds ou des nouveaux-nés fils de catholiques. Ils donnèrent leur bénédiction à 78 mariages et officièrent 437 enterrements281. En 14 ans, et pour un contingent stable de 15 missionnaires, les chiffres étaient plutôt maigres. L’idée d’échec était cependant bien antérieure à la fermeture de la Mission. Je pourrais offrir, comme point de comparaison pour comprendre la médiocrité de Fernando Póo, la statistique que le Vicariat Apostolique de la Sénégambie présenta à la Propaganda Fide en 1867, en pleine apogée de la Mission des jésuites. Cette année-là, les spiritains disaient avoir 4.000 catholiques dans une population de 19 millions de personnes. Pour les prendre en charge, ils disposaient de 24 missionnaires, dont deux curés et deux clercs indigènes, 13 sœurs européennes et 12 sœurs indigènes. Au-delà de l’église paroissiale, ils possédaient un scolasticat, un séminaire, un collège d’enseignement secondaire pour internes, et une colonie agricole et industrielle avec des ateliers d’imprimerie, de reliure, d’horlogerie, de cordonnerie, de tailleur, de menuiserie, de forge et de scierie. Ils égrenaient du coton, fabriquaient de l’huile et moulaient le mil au moyen de machines à vapeur. Ils cultivaient des champs de coton, de mil, de riz et de ricin. Ils élevaient des chevaux, des chameaux, des ânes, des bœufs, des moutons, des chèvres et des cochons. Ils avaient trois communautés de bonnes sœurs, dont une possédait un noviciat ; un asile pour les vieux ; des orphelinats ; un hôpital pour les démunis ; une pharmacie ; un hospice pour les malades abandonnés ; un atelier pour les filles ; et neuf écoles pour le primaire282. Je tiens à souligner non seulement l’extraordinaire volume de cette Mission, mais à la fois sa conception, le modèle missionnaire qu’elle représentait et qui, plus tard, marquerait de son influence les missionnaires clarétains affectés en Guinée. 279
Lettre à la Propaganda Fide, s/d [1871]. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 448-449, doc. cit. 280 Maroto & Genover, 1928 : 43-44. 281 Pujadas, 1968 : 86. 282 ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 367.
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Les missionnaires clarétains Spiritus Domini super me : propter quod unxit me, evangelizare pauperibus misit me, sanare contritos corde, prædicare captivis remissionem... (Is, IV, 18-19)
Saint Vincent Ferrier Je ne peux m’empêcher, au moment de présenter les missionnaires clarétains, de citer le dominicain de Valencia (1350 - Vannes, 1419) qui, à cheval entre les XIVe et XVe siècles, avait parcouru comme légat a latere Christi le Dauphiné, la Savoie, la Lombardie, le Montferrato, le Piémont, la Suisse, Lyon, Gênes, Flandres, Galice, Séville, Tolède, le Pays Basque, le Roussillon, Catalogne, Valencia, Murcia, Castille... Et qui, après avoir interrompu sa pérégrination pour faire face à de graves affaires politiques, reprit son labeur missionnaire en Aragon, Catalogne, Valencia, Mallorca, le Languedoc, le centre de la France, la Bourgogne et la Bretagne, où il mourut. J’avoue que le parallélisme entre Saint Vincent et Saint Antoine M. Claret peut sembler ingénu et imprécis : le premier, à cheval sur le dos d’un âne parcourant l'Europe méditerranéenne, le second, à pied à travers la Catalogne et à cheval, à Cuba. Les deux appelés à la prédication et à la résolution d’affaires politiques et d’État... Quatre siècles de différence c’est trop. Mais c’est vrai que les clarétains ont été fondés - en principe - pour se dédier aux missions intérieures ; un genre d’activité qui s’était étendue à travers l’Europe comme l’instrument de la Contre-Réforme et qui avait trouvé dans le saint de Valencia un mythe, une référence historique obligée que je tiens aussi à utiliser : Réformateur des coutumes, conseiller des rois et des Papes, convertisseur de pécheurs et de juifs, thaumaturge, orateur merveilleux, voué à la pauvreté et dominateur des masses, la mémoire populaire a conservé un souvenir de frère Vincent basé sur ses miracles et ses prodiges, ainsi que sur l’activité de sa suite, formée de douzaines, parfois de centaines de pénitents qui faisaient de la flagellation, et d’autres mortifications publiques spectaculaires, le point de départ d’une ambiance qui prédisposait les villages par où ils passaient à la contrition et à la réforme des conduites. La bibliographie nous en donne une série d'exemples : « Maître Vincent arriva à cette ville vendredi, premier jour de septembre, et fut reçu de façon très solennelle ; samedi matin il
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commença à prêcher. La plupart des habitants de la ville assistèrent au sermon. Celui-ci fut fait, seigneur, avec une telle dévotion, que toutes les nuits il y eut de grandes processions auxquelles assistèrent beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants. Et ouïes par Notre Seigneur les oraisons et prières des enfants et du village, vu que, seigneur, ce pays était sinistré par la sécheresse, seigneur, au troisième jour que maître Vincent avait prêché, il plut sur toute l’île, ce dont tout le village se réjouit »283. Une partie des adeptes du saint, les « rapporteurs » nous ont laissé la transcription de beaucoup de ses sermons284, qui suivent la structure proposée par un autre écrivain catalan, Francesc Eiximenis (Girone 1327? Perpignan, 1409), qui passa la plus grande partie de sa vie à Valencia285. Il m’intéresse cependant de noter, outre cette structure, le style direct, populaire et embrouillé, abondant en exemples, cris et menaces, les recours mnémotechniques, les démonstrations visant l'erreur, les gesticulations et d'autres méthodes d'approche de l'auditoire ; des adaptations de textes bibliques, des ressemblances, des parallélismes, des exemples extraits de la vie contemporaine et des blâmes contre la dépravation des mœurs. Toutes ces caractéristiques, que l’on retrouvera chez le fondateur des clarétains.
Les missions intérieures La tâche évangélique de Saint Vincent Ferrier s’encadre dans un temps où, à côté de la mission, l’Église disposait d'autres éléments de mobilisation sociale autour des intérêts religieux : les pélerinages, par exemple, ou les croisades mêmes. Entre le Valencien et Saint Antoine M. Claret il y avait eu dans l’Europe chrétienne deux faits qui semblent assez importants pour troubler l’« ordre » catholique : la Réforme et la Révolution. Si la première avait mis en question l’autorité de Rome sur les affaires religieuses et civiles, la deuxième réussirait à imposer une division des pouvoirs qui s’exercerait à limiter l’action de l'Église au domaine privé.
283
« Mestre Vicent arribà en esta ciutat divendres, primer dia de setembre. Lo qual és estat reebut molt solemnement, e lo dissabte matí començà de preïcar. Fou al dit sermó la més part del poble d’esta ciutat. Han-lo, senyor, en tanta devoció, que totes les nits s’hic fan grans professons e s’hic assoten molts hòmens, dones i infants. E vistes per Nostre Senyor les oracions e pregàries dels infants e del poble, atès, senyor, que aquest regne era del tot perdut per secada, de continent, senyor, al terç jorn que lo dit mestre Vicent ha preïcat, ha molt bé plogut per tota la illa, de què lo poble s’és molt alegrat ». Rapport au roi d'Aragon du procureur de Majorque Père de Casaldàliga (Martinez-Ferrando, 1953 : 62) Vincent Ferrer était arrivé à Majorque en septembre 1413. 284 Ferrer, Sant Vicent, 1932, 1934, 1975, 1977, 1984. 285 Dans saArs Prædicandi Populo, Eiximenis partage les sermons en trois parties : introductio, introductio thematis et divisio thematis.
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La Mission intérieure exaltait tout le contraire : elle signifiait l’action de tout un peuple, de toute une collectivité, autour d’une foi qui veut arriver à continuer à imposer un style de vie ; qui désirait que la vie sociale et personnelle eut comme axe le dogme religieux ; et qui, par conséquent, trouvait dans le repentir et la pénitence des moyens de régénération pour, tout au moins de façon momentanée, mener à une sanctification. Face au protestantisme, elle réaffirmait les dogmes ; face au laïcisme, l'autorité sociale du principe religieux, traduit dans la pratique en principe moral. Elle soutenait la Contre-Réforme, de même qu’elle soutenait la contre-révolution. Même si, aussi bien dans un cas que dans l'autre, elle le faisait de manière complémentaire et subordonnée, cela supposait une confirmation, au niveau populaire, de l’action institutionnelle de l’Église ; et, d’une manière plus concrète, d’une action paroissiale étouffée souvent par une vie quotidienne qui la dépassait. C'est pourquoi la mission insistait sur cette quotidienneté. Et c’est pourquoi aussi elle la chargeait d’un sentiment de « faute ». C'était l’axiome qui justifiait, d’une part, le besoin de pénitence, qui devenait l’acte central de la mission ; et, de l’autre, la réforme de la vie personnelle. Prédication et pénitence étaient les axes de l’action missionnaire, de manière telle que la première prédisposait à la seconde. Aussi, était-ce le « bon » missionnaire qui, très souvent, faisait des sermons épouvantables terrorisant les gens au moyen de menaces effrayantes se rapportant aux peines de l'enfer ; et qui utilisait l’épouvante provoquée par cet art oratoire enflammé pour l’exaltation de la collectivité dans une attente millénariste. Le prédicateur devenait le confesseur qui, dans son exigence de discipline et d’obéissance, pouvait exercer le rôle d’inquisiteur, mais aussi celui de confident, directeur spirituel des gens qui désiraient mener une « vie sainte », de connaisseur des plus intimes secrets d’un public progressivement féminisé286, qui voulait « apprendre » à se conduire et qui prétendait assurer ses propres convictions. La précarité du contact entre le missionnaire et les fidèles pouvait être surmonté par la foi qu’un public humble octroyait au caractère extraordinaire d’un prédicateur renommé ; ainsi que par des pratiques religieuses qui pouvaient transformer chaque mission en spectacle apocalyptique et magique (prophétique, miraculeux) qui montrait la bassesse des instincts de chacun et la possibilité d’une victoire personnelle parallèle au triomphe « inévitable » du christianisme. Je dois dire aussi qu’il y eut une mission plus catéchistique, plus centrée sur l'enseignement de la doctrine et l’éducation des consciences. Quels que soient les cas, il fallait un sens exceptionnel à l’égard des pratiques quotidiennes de la dévotion ; une « immersion » religieuse qui se concrétisait 286
Nanni, 1994.
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en une succession continue de toutes sortes d’actes pieux externes, individuels et collectifs ; et une anxiété de moralisation des mœurs qui trouvait dans cette « socialisation de la religion » un rituel de conversion circonstanciel mais efficient. En ce qui concerne le travail missionnaire effectué en Afrique, il reflétait parfois les ressources des missions intérieures287 ; et l’activité de ces « hommes apostoliques » présente deux connotations que je souhaite citer : * une image héroïque de la vocation personnelle qui d’un côté oblige le missionnaire à mener une vie exigeante, sacrifiée, dure, pauvre, exemplaire, et à témoigner un dévouement personnel absolu ; et qui, d’autre part, le situe sur une échelle de supériorité par rapport à l’univers quotidien, qui est perçu comme le « royaume du péché, de l'ignorance et de la souffrance ». * une image négative de l’ensemble de la société et des gens « ordinaires » (les laïcs), gouvernés et avilis par le vin, le sexe et le jeu. En définitive, une vision mystique de l’apostolat, qui sera dans la racine même de la « vocation » des missionnaires.
Le P. Claret Antoine Claret i Clarà naquit à Sallent (le Bages) le 23 décembre 1807 et mourut à Fontfrède (Languedoc) le 24 octobre 1870. Sa vie comprend une période convulsive et agitée de l’histoire d’Espagne ; la guerre contre les Français (1808-1814), la décade abominable (1823-1933), la première guerre carliste (guerre des sept ans, 1833-1840), la seconde guerre carliste (guerre des « matiners », 1846-1849)... comprenant presque toute la première partie de sa vie et qui ne fut interrompue que par son séjour à Cuba (1851-1857) ; alors que, à son retour, déjà à la fin de ses jours, on peut trouver la grande crise économique de 1866 et la révolution de septembre 1868, qui renversa les Bourbons du trône et expulsa les ordres religieux du pays. À sa mort, survenue en exil et en pleine période révolutionnaire des six ans, la troisième guerre carliste (1872-1876) et la proclamation de la première République espagnole (1873-1874) ajoutèrent de nouveaux éléments d’instabilité que seulement la Restauration (1874-1931) réussit à neutraliser, tout au moins de façon apparente, dans les domaines politique et militaire. On doit replacer tous ces événements, qui marquent les trois premiers quarts du siècle dernier, dans l’effondrement progressif de l’Ancien Régime, la révolution bourgeoise et le début des mouvements ouvriers et anticentralisateurs. D’une façon peut-être trop schématique, nous pouvons dire 287
Raison, 1991.
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que le pays s’était divisé en deux moitiés : la première de ligne conservatrice, souvent canalisée par le carlisme, s’inspirait des institutions de l’Ancien Régime : monarchie absolue et maintien de la prépondérance de l’Église. Une doctrine qui prit surtout racine dans les terres hispaniques les plus différenciées (au Pays Basque et Navarre et dans les contrées de montagne de la Catalogne, mais aussi dans les terres montagneuses du nord du Pays Valencien et le Bas Aragon), où les gens s’opposaient à un libéralisme politique que défendait la politique centraliste et uniformatrice des Bourbons. Le libéralisme préconisait aussi la vente des biens communaux et ecclésiastiques, ce qui l’affrontait aussi bien aux propriétaires ruraux qu’à l'Église catholique. Au sein de cette effervescence, le P. Claret288, chapelain catholique qui se considérait comme affecté au ministère apostolique (missionnaire), dont je viens de nommer les principales caractéristiques, rencontra des ennemis et des partisans tout au long de sa vie. Dans la première partie de celle-ci, cela tient à ce que ce qu’il défendait - avec l’ardeur propre des missions s’identifiait parfaitement avec les thèses carlistes. À Cuba, parce que, ainsi que je l’écrirai plus loin, il affronta les pouvoirs factieux de l’île. À son retour, parce qu’il s'identifia à la monarchie et ses partisans, et parce qu’il utilisa sa position privilégié de confesseur royal pour influencer toute sorte de décisions politiques et ecclésiastiques. Fils de tisserands, Claret s’établit à Barcelone, pour se perfectionner dans son métier. L'anecdote qui suit peut nous dépeindre la façon de penser et d’agir de ce jeune homme qui excellait dans le dessin de tissus : « Il fut obligé d’assister à un bal. La clochette du viatique sonna, et Antoine invita les assistants au bal à sortir et à adorer le Saint Sacrement. Ils s’y refusèrent ; mais Antoine, sans aucun respect humain, sortit dans la rue et se mit à genoux. À ce moment la maison du bal s'écroula, ensevelissant sous ses ruines vingt-huit personnes »289. Indépendamment de la vérité historique de cette sorte de passages, ce qui est vrai, c’est qu’ils montrent (ou veulent montrer) une tendance déterminée : dans ce cas-là, l’aversion pour des habitudes sociales (« Il fut obligé à assister à un bal ») considérées comme suspectes ; la prééminence du fait religieux ; le désir d'imposer cette prééminence au reste des gens et la menace explicite pour ceux qui ne suivraient pas ses directives. C’est à dire,
288
Berengueras, 1950 ; Fernández, Cristóbal, 1967 ; Gil, 1970 ; Lebroc, 1992 ; Lozano, 1985 ; Pujadas, 1950. 289 « Se vio obligado a presenciar un baile. Sonó la campanilla del Viático, y Antonio convidó a los asistentes a salir y adorar al Santísimo Sacramento. Se negaron a hacerlo ; pero Antonio, sin respetos humanos, salió a la calle y se arrodilló. En el acto desplomóse la casa del baile, sepultando en sus ruinas a veintiocho personas ». (Berengueras, 1950 :14).
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cette dynamique sentiment de culpabilité => sentiment de conversion si propre aux missions intérieures. Claret quitta l’atelier pour entrer au Séminaire de Vic, et il fut ordonné prêtre avant la fin de ses études. Il les termina dans son village de Sallent, où il exerçait la charge de prêtre économe et où il se sentit appelé à une vocation spéciale, qui le mena à Rome afin de se soumettre à la discipline missionnaire de la Propaganda Fide. C’est une époque d’hésitations, dans laquelle le jeune prêtre tergiversa entre l’objectif initial : entrer à la Chartreuse, et devenir jésuite ou rentrer chez lui. Divers « signes » le poussèrent vers la dernière solution, rentrer en Catalogne. Muni du titre de « missionnaire apostolique » que lui avait décerné le vicaire capitulaire de Vic, Llucià Casadevall290, il commença son périple missionnaire. Je tiens à mettre en relief cette époque de la vie de Claret (1840-1849), non seulement parce qu’elle culminera avec la fondation de la congrégation clarétaine, affectée aux missions intérieures, mais parce qu’il s’agit d’une époque de divisions et de luttes sociales et militaires (dans la ville même de Vic, secouée sans cesse par des luttes de factions libérales et carlistes, et dans toute la Catalogne, qui finira plongée dans la guerre des « matiners »). Au milieu de cette situation de violence et instabilité, il survint, entre beaucoup d’autres phénomènes, un renouveau de la piété, entrepris par des équipes de prédicateurs qui, comme le P. Claret lui-même, trouvaient les esprits préparés pour recevoir leur message apocalyptique et terrifiant. On dit que le P. Claret parcourut à pied toute la Catalogne. Il devait être un orateur efficace et convaincant, car ses missions obtenaient un succès éclatant. Voyez, comme exemple, un compte rendu de celle qu'il prêcha à Lleida en 1846, et qui dura un mois et demi : « L'auditoire était immense. Il confessa le matin dans la cathédrale, l'aprèsmidi, dans l’église de l’hôpital. Il avait aussi entendu beaucoup de confessions dans l'oratoire de la maison où il vivait. Il réussit la conversion d’un nombre important de grands pécheurs. Quelques uns vinrent de très loin pour se confesser à lui. Beaucoup, pour avoir de la place, avaient passé toute la nuit à la porte de l’église. Quand il était à la maison, il fallait placer un policier devant la porte afin d’éviter les désordres provoqués par le nombre de gens qui accouraient à lui. Malgré tout, l'escalier était toujours bondé, et on se contentait de baiser le crucifix qu’il portait sur la poitrine. Dans ce but il le confiait à un des employés de la maison... Avant que Lerida connaisse l’Abbé Claret, on savait déjà que celui qui venait prêcher était un saint... Quand il fut parmi eux, ils ne parlaient que de l’Abbé Claret. Comme il n'avait d’autres vêtements que ceux qu'il portait, on 290
Le Siège de Vic resta vacant entre 1835 et 1848. Casadevall même, ami du philosophe Jaume Balmes, fut nommé évêque dans la dernière date et jusqu'à sa mort ( † 1852 ).
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voulait l’habiller et il refusa... Quand il partit, beaucoup de gens l’accompagnèrent. Étant arrivé au cimetière, il prononça une absoute, prit congé des gens et continua son chemin à pied, en compagnie d’un bon religieux qui l’avait accompagné »291. On attribue, donc, à Claret, tous les topiques prévus pour un prédicateur populaire. Et on en ajoute un autre de décisif pour l’attirance du peuple : celui du thaumaturge et d’avertisseur de calamités. Ainsi, à Sainte Marie de la Mer à Barcelone : « Spiritus Domini super me. C'est aussi vrai ce que je vous dis, comme il l’est que dans quelques jours surviendra sur cette ville une grande bourrasque accompagnée d’un gros orage, qui provoquera d’énormes ravages »292. Et partout ailleurs : « Non seulement à Viladrau et dans ses alentours, mais dans toutes les localités où il allait prêcher, si on lui présentait beaucoup de malades lui demandant des remèdes, et s’il voyait que cela servait d’empêchement à ses tâches évangéliques, il décidait de ne pas leur prescrire de médicaments corporels, mais de leur promettre qu’il les vouerait à Dieu, ou bien il disait les paroles du rituel romain : “Super ægros manus imponent et bene habebunt”293, ou leur donnait sa bénédiction. Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que beaucoup revenaient à lui, le remerciant et lui disant qu’ils étaient guéris. Sans doute le Seigneur devait-il tenir compte des mérites de l’ouvrier apostolique et de la foi de ces gens, car il les soulageait de leurs maux. Peut-être voulut-il aussi, grâce à ces merveilleuses guérisons, attirer l’attention des fidèles et les pousser à écouter la parole divine, ce qui était, il est vrai, très nécessaire en un temps où, à cause de la guerre civile, les mœurs étaient très corrompues, et où on n’entendait que des paroles obscènes, des hérésies et des blasphèmes »294. 291
« El auditorio era inmenso. Confesaba por la mañana en la catedral ; por la tarde, en la iglesia del hospital. También oyó muchísimas confesiones en el oratorio de la casa en donde vivía. Consiguió la conversión de muchos grandes pecadores. Algunos vinieron de muy lejos para confesarse con él. Muchos, para tener lugar, pasaban toda la noche en la puerta de la iglesia. Cuando estaba en casa, era necesario poner un municipal en la puerta ; si no, hubiera sido una confusión, a causa de la mucha gente que a él acudía. A pesar de esto, la escalera estaba siempre llena, y se contentaban con besar el crucifijo que traía delante del pecho, a cuyo objeto lo entregaba a uno de los dependientes de la casa... Antes de conocer Lérida a Mosén Claret, era voz pública que venía a predicar un santo... Cuando estuvo con ellos, no sabían hablar más que de mosén Claret. Como no llevaba más ropa que la de porte, querían vestirlo, y lo rehusó... Al marcharse le acompañó mucha gente. Habiendo llegado al cementerio, rezó un responso, se despidió de la gente y siguió el camino a pie, en compañía de un buen religioso que lo había acompañado ». Rapport ordonné par l'évêque de Lleida Tomas Costa (Pujadas, 1950 :44). 292 « Spiritus Domini super me. Es tan cierto lo que os digo, como lo es que dentro de pocos días vendrá sobre esta ciudad una gran borrasca con un grande aguacero, que causará grandes averías » (Pujadas, 1950 : 42). 293 « [Ceux qui croiront] imposeront les mains sur les malades, et ils guériront ». Mc, XVI, 18. 294 « Mas como no solamente en Viladrau y sus contornos, sino en todas las poblaciones en donde iba a predicar, le presentasen muchísimos enfermos, pidiéndole remedios, y viese que esto servía de estorbo a sus tareas evangélicas, resolvió no precribirles medicinas corporales, sino prometerles que les encomendaría a Dios, o decirles las palabras del ritual romano :
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La prédication de Claret apparaît comme un intervalle entre ces missions « tutte quiete » et les autres « tutto fuoco » dont parle Stefania Nanni295 ; et peut-être est-ce aussi la réaction exultante des gens fervents ce qui fait qu’extérieurement elle se rapproche davantage de ces dernières. C’est à quoi nous font penser les notes prises par le philosophe de Vic Jaume Balmes : « En chaire il ne parle jamais de théâtres, ni d’hérésies, ni de philosophes, ni d’impies. Il suppose toujours la foi ; il part du principe qu’en Espagne l’impiété possède l’hypocrisie de la foi. Il se voit obligé de donner un numéro d’attente pour le confessionnal. Les gens transigent à cause des numéros. Blasphémateurs. Les malades, eux, disent qu’ils guérissent ; lui, il dit qu'il ne fait que les recommander à Dieu et qu’il ne sait rien d'extraordinaire. À Viladrau il suit pendant huit mois des études de Médecine. Peu de terreur, suavité en toute chose. Jamais d’exemples qui donnent prise au ridicule. Les exemples, en général, de l’Écriture. Des faits historiques profanes. Jamais d'oppositions ni de choses semblables. Il parle de l'enfer ; mais il se limite à ce que dit l’Écriture. De même pour le Purgatoire. Il ne veut exaspérer ni rendre fous. Il y a toujours une part de catéchisme »296. Claret se reconnut toujours apolitique, preuve de son fond conservateur. Et, de même que partout où il alla il obtenait des réussites et des triomphes missionnaires et apostoliques, son conservatisme religieux, son irascibilité et sa prédication contre la « désorientation libérale » lui attirèrent des ennemis Super ægros manus imponent et bene habebunt, o darles la bendición. Sea de ello lo que fuere, lo cierto es que muchos a los pocos días volvían a él, dándole las gracias y diciéndole que estaban ya curados. Atendiendo sin duda el Señor a los méritos del obrero apostólico y a la fe de aquellas gentes, los aliviaba de sus males. Acaso quiso también, con aquellas maravillosas curaciones, llamar la atención de los fieles e inclinarles a oír la divina palabra, que era a la verdad muy necesario en un tiempo en que, a causa de la guerra civil, estaban muy estragadas las costumbres, no oyéndose sino palabras obscenas, herejías y blasfemias ». Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 3, janvier-juin de 1887, p. 412. 295 Nanni., 1994 296 « En el púlpito jamás habla de teatros ; tampoco de herejías. Ni de filósofos ni de impíos. Supone siempre la fe ; parte del principio de que en España la impiedad tiene la hipocresía de la fe. Se ve precisado a dar números para la preferencia en el confesionario. Transigen por los números. Blasfemos. Los enfermos, ellos dicen que se curan ; él dice que no hace más que encomendarlos a Dios y que no sabe nada extraordinario. En Viladrau ocho meses. Estudios de Medicina. Poco terror ; suavidad en todo. Nunca ejemplos que den pie al ridículo. Los ejemplos, en general, de la Escritura. Hechos históricos profanos. Nunca oposiciones ni cosas semejantes. Habla del infierno ; pero se limita a lo que dice la Escritura. Lo mismo en el Purgatorio. No quiere exasperar ni volver locos. Siempre hay una parte catequística » (Claret, 1981 : 423).
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de toute sorte, qui l’accusèrent maintes fois d’être anticonstitutionnel et de favoriser un carlisme qui, certainement, s’accordait assez à ses idées. Il dut se cacher à maintes reprises et, par exemple, il dut se réfugier dans des endroits montagneux ainsi Pruit (Osona) ou bien Sant Joan d'Oló (Bages), « par précaution ». De même qu’il était reçu avec enthousiasme dans les églises de tout le pays, les secteurs progressistes et libéraux s’efforçaient de boycotter ses actes et il fut plusieurs fois dénoncé pour les idées qu’il diffusait. Il paraît que son séjour aux îles Canaries (14 mois, entre 1848 et 1849) fut un autre de ces « actes de précaution », effectué malgré une phrase célèbre qui lui est attribuée : « Je n'ai peur que de Dieu et des courants d'air ». Il y a deux autres données en rapport avec cette étape de la vie de Claret qui me paraissent importantes : * tout d’abord, le fait que sa prédication soit toujours faite en catalan, contre les règles de l’époque imposées par les lois bourboniennes. Il est resté aussi dans la mémoire collective une autre des phrases qui lui sont attribuées, adressée aux recteurs des paroisses : « Vous prêchez en castillan, mais votre peuple se damne en catalan ». Dans ce sens-là, il agit comme précurseur d’une Église qui, dans toute la Catalogne, sera un des piliers de la Renaissance linguistique et littéraire et du catalanisme conservateur. Un fait que les clarétains ont continué à respecter malgré les attaques d'un État de plus en plus centralisateur : « Il y a eu un journal qui à l’occasion des questions actuelles sur le régionalisme et le séparatisme a évoqué la mémoire du P. Claret, le considérant plus ou moins comme fauteur de ces idées par le seul fait de prêcher ses sermons et instructions en catalan. La même accusation, et pour un motif semblable, fut portée au Congrès par M. Romero Robledo contre l’actuel Évêque de Vic et contre M. Morgades, qui l’est de Barcelone, pour avoir recommandé qu’on enseigne en catalan la Doctrine chrétienne. On doit, donc, se rappeler que l’Église, en Espagne et partout, a utilisé les dialectes et les langues régionales pour l'enseignement divin, ce qui a été très profitable aux intérêts du catholicisme »297. 297
« Periódico ha habido que con motivo de las actuales cuestiones sobre regionalismo y separatismo ha evocado la memoria del P. Claret, considerándole más o menos como fautor de estas ideas por el solo hecho de predicar sus sermones e instrucciones en catalán. El mismo cargo, y con igual motivo, hizo en el Congreso el Sr. Romero Robledo contra el actual Sr. Obispo de Vich y contra el Sr. Morgades, que lo es de Barcelona, por haber recomendado se enseñase en catalán la Doctrina cristiana. Debemos, pues, recordar que la Iglesia, en España y en todas partes, ha utilizado los dialectos y las lenguas regionales para la enseñanza divina, y esto ha sido grandemente provechoso a los intereses del catolicismo ». El Iris de Paz, 1899, p. 312. La loi Moyano du 9 septembre 1857, qui autorisait les évêques à fixer le catéchisme propre de chaque diocèse, avait été profité par l’évêque de Majorque Pere Joan Campins, au début de son pontificat (1898-1915), pour introduire un catéchisme en catalan. Les deux
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La citation correspond aux idées du catalanisme conservateur qu’avaient trouvé chez Claret lui même, Jaume Balmes et d’autres personnages, ses prédécesseurs. Ils soutenaient tous à ce propos des avis modérés que ce passage reconnaît : la langue catalane comprise comme langue « régionale », sans mettre en question la légitimité de l’État centralisateur. * en deuxième lieu, sa foi dans l’action persuasive de la propagande : Claret fonda la maison d’édition Librería Religiosa peu avant de partir aux Canaries (1848). Il tirait profit du succès de ses prédications pour distribuer constamment de la paperasserie religieuse, notamment des feuilles volantes, aux paroissiens admiratifs, aux compagnons de voyage et à tous ceux qu’il trouvait. On lui attribue 115 œuvres, la plupart desquelles sont de simples feuillets, écrits en catalan, castillan, italien et latin, avec des tirages (jusqu'à aujourd’hui) autour des 12.000.000 d’exemplaires. Il s’en détache le « Chemin droit et sûr pour arriver au ciel » (1843) et son « Catéchisme de la doctrine chrétienne ». Ce dernier, traduit par ses missionnaires en plusieurs langues de la Guinée298. Cette étape de la vie du P. Claret, consacrée aux missions intérieures, se conclut avec la fondation de la Congrégation des Missionnaires Fils du Cœur Immaculé de Marie (C.M.F., clarétains)299, qui eut lieu au Séminaire de Vic le 16 juillet 1849. Immédiatement après, Claret fut nommé par le Saint Siège archevêque de Santiago de Cuba et il dut abandonner sa congrégation, à peine fondée, dont fonctionnement et reconnaissance étaient provisoires, pour entreprendre une autre étape qui, également, se révélera spécialement intéressante pour cette étude. Nous consignons, pour le moment, cet éloignement physique entre Claret et sa congrégation, qui durera presque toute la vie de son fondateur. Le séjour de Claret à Cuba dura six ans (1851-1857) et il eut, également, un caractère polémique. Ce n’est pas le moment, maintenant, de le retracer d’une façon systématique ; mais il est bon d'en faire ressortir les aspects qui me paraissent les plus intéressants pour le travail : * D'abord, la tâche de réorganisation du clergé et de multiplication des paroisses : l'archevêque Claret, qui avait hérité d’un diocèse formé de 40 paroisses, en ces six années en fonda 53 nouvelles. Il changea le fonctionnement du Séminaire, obligeant les séminaristes à être internes. Il importa de la Péninsule des curés et des séminaristes avancés. Il établit un système fortement hiérarchisé, basé sur une activité intense et une discipline évêques cités, Josep Torres i Bages (évêque de Vic, 1899-1916) et Josep Morgades (évêque de Vic, 1882-1899, et de Barcelone, 1899-1901) ont été le soutient de la renaissance et du catalanisme conservateur. 298 Bolados, 1907 ; Pérez, Gaspar, 1913. 299 Aguilar, 1901 ; Izquierdo, 1975.
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absolue de tous ses curés, qui devaient assister souvent à des réunions, des conférences et des exercices spirituels que donnait l’archevêque lui-même ; et qui en plus, visitait souvent les paroisses - où les curés devaient résider obligatoirement - avec le double objectif d’en contrôler le fonctionnement et d’y donner des missions intérieures. Ainsi qu’on verra dans la suite, l'indépendance du clergé à l'égard du pouvoir civil fut un autre des objectifs de la réorganisation de l'évêché. * Une tâche de réorganisation que Claret voulut accompagner d'une régénération des contenus. Pensons que toute l’activité antérieure du nouvel archevêque avait été centrée sur la réforme des mœurs. Et à Cuba il trouva une situation, du point de vue de la morale chrétienne, assez déprimante : la plupart des Espagnols vivaient en concubinage avec des filles noires ; et tous étaient en faveur de l’esclavage, beaucoup d’entre eux possédaient des esclaves et certains étaient des trafiquants de Noirs300. Dans une lettre adressée au premier Supérieur de la congrégation, P. Esteve Sala, Claret nous en offre une vision : « Les propriétaires des Noirs sont des hommes qui font baptiser leurs esclaves, c’est vrai, mais pour le reste ils vivent comme des brutes : montrent eux-mêmes l’esclave à la fille esclave, de la même façon que le cheval à la jument ; parfois, et pas les moindres, eux-mêmes et leurs frères et leurs enfants s’accouplent avec leurs esclaves noires, et ceuxci sont évidemment des ennemis des Missions, de la religion et de la moralité ; au mois dernier on a fait Mission dans le Parti du Datil, et un Patron envoya un ordre au contremaître des esclaves qu’il avait là, de donner quarante coups de fouet à l’esclave qui irait écouter la Mission. Mais les pires sont ceux qui sont arrivés de l’Espagne, et surtout les Catalans sont très méchants, très mauvais ; ils ne se confessent jamais, ni ne communient plus, ni ne vont plus à la Messe. Ils vivent tous en concubinage, ou maintiennent des relations illicites avec des Mulâtresses et des Noires, et ils n'apprécient d'autre Dieu que l'Intérêt »301.
300
Le trafic d’esclaves fut aboli par l’État espagnol en 1820 ; mais il ne fut jamais contrôlé par les autorités, qui le permettaient de facto. On calcule qu'entre 1820 et 1865 on transporta à Cuba, de façon illégale, « discrètement », plus de cinq cent mille Africains, qui ont été vendus comme esclaves. 301 « Los propietarios de negros son hombres que a sus esclavos los hacen bautizar, es verdad ; pero en lo demás viven como brutos : ellos mismos señalan el esclavo a la esclava, lo mismo que el caballo a la yegua ; y a veces, no pocas veces, ellos mismos y sus hermanos e hijos se copulan con sus esclavas negras, y éstos por supuesto son enemigos de las Misiones, religión y moralidad ; en el mes pasado se hizo Misión en el Partido del Datil ; y un Amo envió una orden al mayoral de los esclavos que allá tenía que el esclavo que fuese a oír la Misión, se le diesen cuarenta azotes. Pero los más malos son los que han venido de España, y singularmente los catalanes son malísimos, son pésimos : nunca confiesan, ni comulgan, ni van a oír Misa, todos o viven amancebados, o tienen ilícitas relaciones con mulatas y negras, y no aprecian a otro Dios que el interés ». Lettre du 4 novembre 1852 (Claret, 1970a : 704-
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La lutte contre cet « abandon moral » sera le centre de son activité pastorale. Une lutte qui se rapporte directement à son expérience missionnaire antérieure ; et qui trouva dans le « manque » de morale sexuelle des Espagnols sa motivation principale : convertir les concubins en « couples catholiques », c’était ce que prétendait l'archevêque Claret, toujours justifié comme une revalorisation du rôle de la femme, des enfants et des Noirs : « Il n’est pas question de penser ni à l’éducation de la progéniture, ni à la communauté sincère d'intérêts, ni à l’avenir pour ces familles réprouvées par les lois. Puisque le mobile de ces unions est le plus bâtard et indigne possible, la satisfaction d'une passion brutale, quel attachement cet homme peut-il ressentir envers sa compagne? S’il était attaché à elle, il ne la couvrirait pas d'infamie, mais assurerait son honneur, l’admettant comme épouse et non comme concubine. Et quel amour les enfants peuvent-ils avoir envers des pères qui leur refusent même le nom, ou qui tout au plus le leur donnent comme un prêt? Et quel genre de citadins seront-ils avec le temps, sans familles, sans aucun souvenir quand ils grandiront, sans honneur ni patrimoine à hériter généralement ; venus au monde comme à l’aventure, diffamés par la société qu’ils haïront pour la même raison, non habilités pour des postes publics parce que la société et la loi les tiennent constamment à l’écart? »302. Les lois en vigueur à Cuba ne favorisaient pas les mariages entre des personnes de races différentes ; et Claret - dans la même lettre - demandait qu’on annule les entraves légales qui les empêchaient : « Le mal est si profond, comme j’ai déjà dit, que les bâtards excèdent les légitimes d’un tiers. (...) Mais je ne peux me défendre, avant de conclure, de réfuter deux arguments que l’on pourrait m’opposer contre la permission de ces liaisons inégales. Le premier c’est qu’en mêlant les races, celle de couleur acquérra prépondérance ; et le deuxième, que le prestige ou influence que la race blanche exerce sur les esclaves, et qui les maintient en subordination, se dissipera »303. 707). Remarquez que la correspondance de Claret adressée à un curé catalan et camarade de missions intérieures depuis 1843, est écrite en castillan. 302 « No hay que pensar ni en educación de la prole, ni en comunidad sincera de intereses, ni en porvenir para esas familias reprobadas por las leyes. Como que el móvil de esas uniones es el más bastardo e indigno posible, la satisfacción de una pasión brutal, ¿qué apego puede tener ese hombre a su compañera ? Si lo tuviera no la cubriera de infamia, sino que le aseguraría su honra, admitiéndola por esposa y no por manceba. ¿Y qué amor pueden tener los hijos a unos padres que les cercenan hasta el nombre, o cuando más se lo dan como prestado ? ¿ Y qué ciudadanos serán con el tiempo, sin familias, sin recuerdos de mayores, sin honra ni patrimonio que heredar generalmente ; venidos al mundo como a la ventura, infamados por la misma sociedad a quien odiarán ellos por lo mismo ; inhabilitados para cargos públicos porque la sociedad y la ley los echa atrás de continuo ? » Lettre au Capitaine général de Cuba, Juan de la Pezuela, février 1854 (Claret, 1970a : 939-956). 303 « Tan profundo es el mal que, como he dicho antes, excede en un tercio los nacidos espúreos a los legítimos ». (...) Pero no puedo excusarme, antes de concluir, de rebatir dos
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Aller contre les concubinages, donc, étant donné que les filles étaient presque toujours noires ou mulâtresses, « surtout quand les femmes blanches sont rares au point qu’on le remarque dans cette partie de l’île au moins »304 supposait deux choses bien claires ; primo, attaquer un « scandale qui touche si directement les mœurs »305 et, secundo, attaquer les différences entres races et, donc, le fondement de l'esclavagisme. Pour cela, Claret exigeât une attitude constante de dénonciation de ce fait de la part de ses curés. « De telle sorte qu’on n’admettra aucune excuse pour les curés si dans leurs paroisses il y a quelque concubinage ou autre scandale semblable ; parce qu’ils savent déjà que s’ils ne peuvent rien, nous avons dit de faire appel au Capitaine306, et que si celui-ci ne répond pas, qu’on nous le dise à Nous pour que Nous recourions à tous les moyens que nous dicte la prudence »307. Une prudence qui se subordonnait aux résultats : les concubins devaient se marier avec les femmes avec qui ils vivaient ; ce que, évidemment, beaucoup d’entre eux n’étaient pas disposés à faire : « Avec un grand sentiment de peine et douleur en notre cœur, nous vous communiquons que nous nous voyons obligés de faire accomplir les dispositions du Concile Sacré de Trente, session 24, en déclarant excommunié D. Agustin Villarrodona, paroissien de cette paroisse de Yara, boutiquier du Zarzal, qui vit publiquement en concubinage sans tenir compte de nos paternelles admonestations que nous lui avons faites par édit du mois de mai de l’année dernière, et pour la sainte mission que Nous avons faite dans cette paroisse cette année. (...) Également nous ordonnons et recommandons à votre conscience d’être très vigilant et que si vous apprenez que quelques-uns des concubins vit à nouveau dans ce mauvais état, vous nous le notifiiez sur le champ pour le déclarer excommunié, tout comme nous avons fait avec Villarrodona, attendu que que si Vous ne nous prévenez pas et Nous arrivons à l’apprendre, ce qui ne manquera pas, nous procéderions contre Vous. »308. argumentos que pudieran oponérseme contra la permisión de esos enlaces desiguales. Es el primero que mezclándose las razas, la de color adquirirá preponderancia ; y el segundo, que se disipará el prestigio o influjo que ejerce la raza blanca sobre la esclavitud, y que mantienen su subordinación ». Ibidem. 304 « Sobre todo cuando las mujeres blancas escasean hasta el punto que se nota en esta parte de la isla por lo menos ». Ibidem. 305 « Escándalo que afecta tan directamente a las costumbres ». Ibid. 306 Il fait référence au chef militaire de l'arrondissement correspondant. 307 « De manera que a los Curas no les admitiremos excusa alguna si en sus parroquias tienen algún amancebado u otro escándalo semejante ; porque ya saben que si ellos no pueden, hemos dicho que acudan al Capitán, y que si éste no cumple que nos lo diga a Nós para valernos de todos aquellos medios que nos dicte la prudencia ». « Carta pastoral al clero », du 20 septembre 1852 (Lebroc, 1992 : 206). 308 « Con grande sentimiento y dolor de nuestro corazón, le hacemos saber que nos hemos visto precisados a dar cumplimiento a lo dispuesto por el Sagrado Concilio de Trento, sesión 24, declarando excomulgado a D. Agustín Villarrodona, feligrés de esa parroquia de Yara, tendero del Zarzal, quien vive públicamente amancebado sin hacer caso de nuestras paternales
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Des procédés qui portaient certains d’entre eux à accomplir les désirs de l’archevêque, quoique cette sorte de « conversions » sous menace fût de courte durée ou répondît seulement aux formes externes ; et d’autres à haïr une façon d'agir qui entrainait un contrôle et une ingérence continus sur les vies privées des personnes. Une façon d'agir basée sur la prééminence de la morale catholique par rapport aux droits personnels, et qui voulait s’assurer la complicité du pouvoir civil dans sa tâche. Ce sont des traits que l’on retrouvera dans les Missions guinéennes. Le complément de cette politique de « mariages catholiques » était la lutte contre l’esclavage ; une lutte dans laquelle l’archevêque s’affrontait aux propriétaires fonciers ; mais aussi aux autorités, scandaleusement permissives avec le trafic illégal. Les requêtes de Claret suivirent toujours la même ligne : exigence de la cessation du trafic et amélioration des conditions de vie des esclaves ; même si, comme dans les autres questions, la qualité de vie était, pour l'archevêque, synonyme de vie chrétienne : « Dans certains endroits de ce diocèse l’esclavage frôle la dépravation ; les esclaves sont seulement baptisés, et encore à condition que ceci plaise aux patrons, et quand bon leur semble ; quant aux mariages et à d'autres sacrements on n’en reçoit guère dans beaucoup de propriétés »309. Autrement dit : la religiosité ultramontaine et exigeante de Claret le portait vers un affrontement constant ; qui à Cuba se concrétisait, précisément, dans une bonne partie des secteurs sociaux les plus puissants. Des secteurs qui ne le lui pardonnèrent pas et qui décidèrent de sa mort : le 6 mai 1856, à Holguin, il était victime d’un attentat auquel il put échapper. Quelques mois après il était réclamé par la Reine Isabelle II. L’archevêque Claret laissait derrière lui, outre ses affrontements pour la morale sexuelle et contre l’esclavage, un évêché réorganisé, structuré et assez riche en personnel, de même qu’une tâche de « bienfaisance » remarquable : de nombreux centres d’enseignement gérés par des religieux venus de la Péninsule ; des caisses d’épargne dans la plupart des paroisses ; une grande Maison de Charité à Puerto Principe (actuellement Camagüey) ; des œuvres diverses dans les domaines de l’agriculture et de l’attention aux malades ; de multiples procédures pour la promotion des prisonniers et pour amonestaciones que le hicimos por edicto del mes de mayo del año pasado, y por la santa misión que Nos hemos hecho en esa parroquia en el presente año. (...) Igualmente mandamos y le cargamos la conciencia que V. vigile, y si sabe que alguno de los amancebados vive otra vez en su mal estado, nos avise al momento para declararlo excomulgado, como hemos hecho con Villarrodona, en la inteligencia que si V. no nos avisa y Nos lo llegamos a saber, como lo sabremos, procederemos contra V. ». Lettre au recteur de Yara, Miquel Espinosa, du 23 août 1852 ( Claret, 1970a : 680-682 ). 309 « En algunos lugares de esta diócesis la esclavitud está en el mayor relajo : sólo los hacen bautizar ; y esto si les place a los amos, y cuando les place ; pero casamientos ni demás sacramentos no se reciben en muchas haciendas ». Lettre a l'évêque de l'Havane, du 22 mars 1853 ( Claret, 1970a : 776-777 ).
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la pacification d’une île où commençaient à souffler les vents d’indépendance... Il y avait fondé une nouvelle congrégation, cette fois féminine, l’Institut Apostolique de l'Immaculée Conception et de l'Enseignement (clarétaines), avec Maria Antonia Paris (Vallmoll, Alt Camp, 1813 - † Reus, Baix Camp, 1885). Il revenait comme confesseur d’une reine considérée comme particulièrement frivole et scandaleuse, dans une cour dominée par une « camarilla » (sœur Patrocinio et le Père Fulgencio) spécialement impopulaire et qui bientôt le considérerait comme ennemi. Outre les exigences habituelles de moralisation, Claret profita de sa position privilégiée pour influer dans la nomination des évêques et en toutes sortes d’affaires, ce qui lui valut à nouveau l’opposition des secteurs libéraux et progressistes, et toute une série d’attentats (jusqu'à quatorze), tous ayant échoué. C’est une partie de sa vie qui n’a pas tellement d’intérêt dans ce travail. L’exil de la première reine d'Espagne coïncida avec celui de la congrégation. Sa défense de l’infaillibilité pontificale, défendue par Claret au Concile Vatican I, est cohérente avec son départ provisoire de la cour royale, lorsque l’État espagnol reconnut le nouvel État d’Italie ; et avec le bagage d’une vie consacrée à prêcher la supériorité des valeurs religieuses et de l’autorité de l’Église. Peu avant sa mort, survenue au monastère occitan de Fontfrède, Claret professait dans la congrégation qu’il avait fondée. En Espagne, la révolution de 1868 ouvrit sur une période de six ans au cours de laquelle les idées progressistes mèneraient à un grand nombre de décisions anticléricales, comme par exemple l’expulsion des ordres religieux. Je veux en noter une autre, la liberté de culte, avec une précision : dans le cadre du siècle dernier, en Espagne il n’y avait d’« autres » cultes possibles, hormis le catholicisme, que le protestantisme. La tolérance à l'égard des écoles et des temples de ces confessions, donc, était comprise comme symbole de progrès et de libéralisme. On retrouvera le thème aux Missions de Guinée. Vu sa condition de fondateur de la congrégation clarétaine, j'ai considéré que la biographie résumée du P. Claret était adéquate dans ce passage de mon travail. Je tenais aussi à mettre en relief ses qualités d'orateur et sa tâche dans les missions de l'intérieur, et parce que je suis convaincu que cette religiosité populaire, dont j'ai parlé dans le deuxième chapitre, fut le terreau d'un grand nombre des vocations missionnaires de l'époque. Il faut dire cependant que la conscience religieuse ne doit pas se rapporter uniquement aux missions intérieures. Dans l'Europe catholique du XIXe siècle, nous pouvons remarquer toute une série de phénomènes sociaux qui la reflètent largement. Soit les apparitions mariales (la Salette, Lourdes...) ;
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soit les grands pèlerinages qui eurent lieu dès les années soixante-dix et dont Lourdes en est un exemple éclairant et éclatant. Nous verrons que les missions intérieures furent une des activités fondamentales de la congrégation clarétaine, tout comme elles l'avaient été pour les fils de Saint Vincent de Paul ou de Saint Jean Eudes ; et nous retrouverons les apparitions de la Vierge au sein des internats guinéens. Arrivé à ce point, je considère important de mettre l'accent sur les parallélismes existant entre la tâche du P. Claret et celle du curé d'Ars : Jean-Baptiste Marie Vianney (Dardilly, 1786 - † Ars, 1859) n'eut jamais accès à aucune prélature ni à la cour française. Il partage néanmoins avec Claret une tâche missionnaire qui, dans son cas, le porta partout ailleurs de l'évêché de Bellay, à une époque (1823-1829) où il fallait une « remise en ordre spirituelle pour effacer les mauvais souvenirs révolutionnaires »310 : les régularisations des mariages, les baptêmes, la réconciliation d'anciens apostats ou de curés abdicataires répondaient à des nécessités apostoliques propres à la Restauration ; et s'inséraient dans le modèle général des missions intérieures, qui cherchaient, par dessous tout, la conversion des pécheurs et la régénération des mœurs et qui avaient, par conséquent, comme condition fondamentale, la confession. La réputation de sainteté du Curé d'Ars, son audience populaire, étaient dues - tout comme pour Claret - à sa réputation de voyant et de thaumaturge, plutôt qu'à ses qualités pastorales. En toutes circonstances, sa principale activité missionnaire consista dans l'administration incessante du sacrement de la pénitence, blâmé par la Réforme. Comme nous l’avons vu chez Claret, encore faut-il ajouter qu'après l'échec de la Restauration (1830) et une fois installé de manière définitive dans sa paroisse d'Ars, le P. Vianney dût accueillir un pèlerinage massif et spontané, guère organisé, basé sur la publicité orale des fidèles, qui dura jusqu'à sa mort et qui comptait jusqu'à 30.000 pèlerins tous les ans, lesquels sollicitaient du « saint vivant », du « missionnaire immobile », l’administration de ce sacrement, auquel le P. Vianney consacrait jusqu'à 15 heures par jour : « Un système de numéros règle l'ordre des files, sans parler d'une barre de fer qui fait office de tourniquet près du confessionnal, ainsi que d'un véritable service d'ordre de 8 à 10 personnes »311. Autant Claret que Vianney partagent cette réputations de bons confesseurs, qu'il faut inscrire dans une action globale qui cherchait la régénération personnelle et sociale, et que, du point de vue politique, il faut rattacher aux idées les plus conservatrices en un moment historique où s'imposaient les idées libérales. La tâche clarétaine en Guinée se bornera à 310 311
Boutry & Cinquin, 1980. Monnin, Le Curé d'Ars. Cité par Boutry & Cinquin, 1980 : 64.
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donner une continuité à ces idées-là, qui s'opposaient aussi à d'autres bien plus progressistes ; et, tout comme la paroisse d'Ars fut une sorte d'« îlot de chrétienté » au sein d’une société hostile, les Missions clarétaines se voudront des endroits régis par des principes catholiques au sein d’une société « pervertie ».
La congrégation « Je me dis à moi-même : un fils du Cœur Immaculé de Marie est un homme brûlant d’amour et qui met le feu partout où il passe. Il désire efficacement et essaye par tous les moyens de faire brûler tout le monde avec le feu de l’amour divin. Il ne craint rien, il se réjouit dans les privations, fait face aux travaux, embrasse les sacrifices ; se complaît dans les calomnies et se réjouit dans les tourments. Il ne pense qu’à suivre et à imiter JésusChrist, à travailler, à souffrir et à procurer toujours et uniquement la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes »312. Voilà la définition que donnait Claret des qualités que devaient posséder les membres de sa congrégation313. La fondation de l’Institut supposait, pour lui, le point culminant de son labeur missionnaire, tout en assurant la suite et l’expansion. C’est pourquoi, même si les différents postes qu’on lui avait octroyés l’éloignèrent de la communauté, il était toujours en contact avec elle et il en dirigea les affaires les plus importantes ; et, jusqu’à sa mort, il fut consulté sur tous les thèmes décisifs. Tout compte fait, la congrégation naquit comme une simple Société Apostolique, dont les membres n’étaient reliés que par le désir de mener une vie en commun et de se consacrer aux missions. Des prêtres diocésains, amis, personnes de sa connaissance et compagnons de mission du P. Claret, qui ne restaient liés à la congrégation par aucun genre de vœu ni de serment. Ceux-ci furent, en dehors de Claret, les fondateurs : • Jaume Clotet Fabrés (Manresa, el Bages 1822 - † Barcelone, 1898). • Domènec Fàbregas Coma (Orís,Osona, 1817 - † Solsona, el Solsonès, 1895). • Esteve Sala Masnou (Sant Marti Sescorts, Osona, 1812 - † Barcelone, 1858), premier Supérieur Général. • Manuel Vilaró Serrat (Vic, Osona, 1816 - † Vic, 1852). 312 « Jo em dic a mi mateix : un fill de l’Immaculat Cor de Maria és un home encès d’amor i que cala foc arreu on passa. Desitja eficaçment i procura per tots els mitjans encendre tothom amb el foc de l’amor diví. Res no l’espanta ; frueix en les privacions, afronta els treballs, abraça els sacrificis ; es complau en les calúmnies i s’alegra en els turments. Només pensa com seguirà i imitarà Jesucrist a treballar, a sofrir i a procurar sempre i únicament la més gran glòria de Déu i la salvació de les ànimes ». 313 Izquierdo, 1975 : 23.
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• Josep Xifré Musach (Vic, Osona, 1817 - † Cervera, la Segarra, 1899). Second Supérieur Général. Ils s’établirent tous dans l'ancien couvent de la Mercè de Vic, qui devint ainsi la Maison mère des clarétains (1849) et qui continue encore de nos jours à exercer sa fonction. Le départ de Claret à Cuba obligea à l’élection d'un premier directeur, le P. Esteve Sala. Celui-ci, dirigea une première époque presque expérimentale, d’hivernage, avec une croissance faible de l'Institut et sans autre fondation. On rédigéa les premières constitutions dans le premier Chapitre Général (Vic 1850, présidé par Claret), qui fut révisé en 1857 ; les missionnaires se consacrèrent à réaliser des missions dans beaucoup de paroisses de l'évêché, et à donner des conférences de pastorale et des exercices spirituels. La congrégation, cependant, allait prenant forme ; et ses objectifs commençaient à se concrétiser : vie en communauté, recherche de sanctification et vocation missionnaire. Les clarétains ajoutent, à ces caractéristiques élémentaires, des « mystères » qui leur donnent un « charisme » particulier : le fait que la véritable fondatrice en fut la Mère de Dieu ; que la fondation fut menée à bien par inspiration divine ; qu'elle durera jusqu’à la fin du monde ; qu’elle s’étendra sur toute la terre ; que ceux qui y meurent se sauveront314 ; que ses missionnaires se distinguent par le zèle ardent et par l’amour de Jésus et de Marie ; que l’ange de l'Apocalypse symbolise le fondateur, et les sept voix de tonnerres qui ont articulé sa voix, les missionnaires de l'Institut (Ap., X, 1-3)... Claret avait cru qu’Esteve Sala serait son successeur à l’archevêché de Santiago, et il essaya de tirer profit de ses influences à la cour, mais la mort du premier Général de la congrégation empêcha ses desseins. Le P. Josep Xifré fut élu son successeur. Il en sera le Supérieur Général jusqu’à sa mort : une période très longue (1858-1899), qui verra l’expansion de l’Institut dans beaucoup de pays, parmi lesquels la Guinée, et qui comprend la plus grande partie de la période centrale de mon travail. Une première partie du mandat de Xifré, jusqu’à la mort du fondateur, vit une poussée expansionniste de la congrégation : la Maison de Vic devint noviciat et séminaire, et on en fonda quelques autres (y compris une petite communauté qui accompagna le P. Claret à Madrid). Une expansion coupée de ses racines par l'expulsion des ordres religieux d'Espagne et l'exil dans la
314 « Ipsi nos a Patre Fundatore Audivimus : " Deus revelavit mihi : omnes, qui usque mortem in Congregatione permanebunt, salutem æternam adipiscenter " ». Josep Xifré, circulaire du 23 octobre 1897. In. Anales de la Congregación, volume 6, p. 196.
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Catalogne Nord (sur le tableau, j’ai signalé d’un astérisque les Maisons disparues avant l’installation des clarétains en Guinée). 1849 1860 1861 1864 1867 1868 1869 1870
Vic Gracia Segovia Madrid* Huesca* Jaca* La Selva del Camp Prada del Conflent* Barbastro Alger Tuïr*
Catalogne Catalogne Castille Castille Aragon Aragon Catalogne France Aragon Algérie France
Avant la révolution, la congrégation avait obtenu l’exemption de levées pour ses membres (1866) ; et, avant même, l’approbation de ses constitutions de la part du gouvernement espagnol (1859) et, provisoirement, de la part du Saint Siège (1860). Des actions où il faut voir la main de Claret ; de la même façon que la fondation à Alger fut faite avec l’approbation du cardinal Lavigerie dans l’intention de soigner les émigrants et colons espagnols (et que sa disparition, en 1888, fut causé par des différends avec ce cardinal). Toujours en exil (1870), la congrégation fit une fondation au Chili ; et, quand on autorisa son retour en Espagne (1875) elle récupéra les Maisons de Vic, Segovia, la Selva del Camp, Gràcia, Huesca et Barbastro. Grâce à une situation politique favorable, au moyen d’une grande ténacité et d’un nombre de religieux progressivement important, la congrégation connut des moments d’expansion très importants, bien qu’avec quelques petits contretemps : l’installation manquée à Santiago de Cuba (1879), à cause de la fièvre jaune ; l’expulsion de France (1880), qui ne toucha que le collège de Tuïr ; et la disparition de la Maison d’Alger, déjà citée. Par contre, elle vécut des fondations de Maisons très importantes, comme celle de Santo Domingo de la Calzada ou celle de Cervera, où elle occupa le siège de l’ancienne Université bourbonienne ; et elle s’installa à Madrid (1877), où le P. José Mata exercera pendant de longues années comme procureur des Missions guinéennes auprès du gouvernement espagnol ; et à Rome (1884), où le P. Jeroni Batlló fera de même auprès du Saint Siège. Le tableau qui suit explique son expansion jusqu’en 1883, année de l’installation clarétaine en Guinée.
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1870 1873 1875 1876 1877 1878 1879 1880 1881 1883
Santagio de Chile La Serena Alagon Alfaro Cordoba Madrid Solsona Calahorra Santiago de Cuba Valparaiso Curico Pamplona Las Palmas Zafra Tarragona Santa Isabel
Chili Chili Aragon La Rioja Andalousie Castille Catalogne La Rioja Cuba Chili Chili Navarre Canaries Extremadura Catalogne Guinée Eq.
À ce moment-là (1883), considèrant qu’à la Maison de Gràcia s’était ajouté une résidence à Barcelone, les clarétains comptaient un total de 23 Maisons, distribuées dans quatre pays (Espagne, France, Chili et Guinée). La congrégation était formée de 605 membres : 165 prêtres ; 107 frères coadjuteurs ; 151 étudiants profès ; 170 étudiants novices ; et 51 coadjuteurs novices. Des chiffres encore modestes, dans les organisations espagnoles de l’époque ; mais non négligeables, seulement après 8 ans de sa situation légale dans la Péninsule. Les Missions Guinéennes jouèrent un rôle remarquable dans la vie de la congrégation : elles lui donnèrent une projection externe et interne ; la firent connaître sur le terrain politique et dans les centres de pouvoir civils et religieux ; et mirent en leurs mains une Préfecture Apostolique, qui deviendra une sorte de « diocèse clarétain ». Sans compter ces Missions, que l’on verra le moment venu, jusqu’à la mort du P. Xifré la croissance de la congrégation, soulignée dans le tableau ci-dessous, fut continue. 1884 1885 1886
Valmaseda Toluca Rome Santo Domingo de la Calzada Lleida Bilbao
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Pays Basque Mexique Italie La Rioja Catalogne Pays Basque
1887 1891 1892 1893 1894 1895
1896 1897 1898 1899
Jaén Plasencia Cervera Jesus Maria Almendralejo San Hipolito Don Benito Medina de Rioseco Calatayud Ciudad Rodrigo Ciudad Real Ecija Guanajuato Leon Linares Sao Paulo Santa Cruz de Tenerife Puebla Aranda de Duero Aldeia da Ponte Sabadell Olesa de Montserrat Campinas
Andalousie Extremadura Catalogne Mexique Extremadura Mexique Extremadura Castille Aragon Castille Castille Andalousie Mexique Mexique Chili Brésil Canaries Mexique Castille Portugal Catalogne Catalogne Brésil
Le successeur du P. Josep Xifré fut le P. Climent Serrat Barnolas (Gurb, Osona, 1832 - † Segovia, 1906). Serrat, qui jusqu’à ce moment-là avait été sous-directeur de la congrégation et, donc, collaborateur de Xifré, suivit sa politique. Son généralat fut cependant de courte durée ; et lui succéda également son sous-directeur, P. Martí Alsina Sevarroja (Manresa, el Bages, 1859 - † Zafra, Badajoz, 1922) Dans la période objet de ce travail, l’expansion de la congrégation continua de la sorte : Durant le généralat du P. Serrat : 1900 1901 1902
Andacollo Orizaba Buenos Aires Pouso Alegre Temuco San Antonio Tucuman
Chili Mexique Argentine Brésil Chili Texas Argentine
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1903
1904
1905
Zamora Antofagasta Catamarca Coquimbo Fraga Talca Gibraltar Jerez de los Cabarellos Monterrey Rosario San Antonio (2) Lisbonne
Castille Chili Argentine Chili Portugal Chili Gibraltar Extremadura Mexique Argentine Texas Portugal
Remarquez la progressive accentuation de la présence clarétaine en Hispano-Amérique. En ce qui concerne l’expansion pendant le généralat du P. Alsina (également, sans compter les Missions guinéennes), il faut détacher la création d’une nouvelle Préfecture Apostolique, au Chocó (Colombie). Je la résume en ces données : 1906
1907
1908
Cartagena Celaya Cordoba Curitiba San Marcos Santo Domingo de la Calzada (2) Berga Izeda Ovalle Porto Alegre Rio de Janeiro San Gabriel Sevilla Transito Bahia Bahia Blanca Campo Mayor Montevideo (Penarol) Rio de Janeiro (Meyer) San Fernando
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Murcia Mexique Argentine Brésil Texas La Rioja Catalogne Portugal Chili Brésil Brésil California Andalousie Argentine Brésil Argentine Portugal Uruguai Brésil Andalousie
1909
1910
San Gabriel Cochabamba Lima Montevideo Querétaro Quibdo (Choco) Rioja Aguas Santas Los Angeles Baltar Beire Cartagena Istmina Londres Tepic
Califormie Bolivie Pérou Uruguai Mexique Colombie Argentine Extremadura Califormie Galicie Navarre Colombie Colombie Angleterre Mexique
Le modèle d’implantation, dans tous les cas, était multiple : on s’efforçait en chaque endroit, en chaque pays, de n’avoir pas une seule Maison, mais plusieurs ; et que son expansion à l’intérieur de chaque pays fût rapide. De sorte que la période d’expansion en Guinée coïncida avec celle de la congrégation dans beaucoup d’autres pays. À la différence que partout, y compris en Espagne, les clarétains étaient soumis à la hiérarchie locale ; or en Guinée (et plus tard au Chocó), comme il s’agissait d’une Préfecture, ils assumaient la totalité de la présence cléricale et toute l’autorité, sans concurrence. En définitive : à la fin de la période qui fait l’objet de cette étude, les clarétains disposaient de 112 Maisons (en comptant celles de Guinée), réparties entre 14 pays (Angleterre, Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Espagne, États-Unis, Guinée Équatoriale, Italie, Mexique, Pérou, Portugal, Uruguay et Chili) avec un total de 2.137 membres : 811 prêtres, 536 coadjuteurs, 278 étudiants profès, 63 étudiants novices, 21 coadjuteurs novices et 428 postulants. La congrégation avait donc beaucoup grandi, même si elle était toujours un petit Institut. Et, malgré son expansion, l’immense majorité de ses membres continuaient à être des Espagnols ; et c’était en Espagne qù il y avait la curie générale et les Séminaires. À partir des données contenues dans les catalogues de la congrégation, et en ce qui concerne la période 1883-1910, on déduit cette progression : En ce qui concerne le nombre de Maisons :
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Et en ce qui concerne le nombre de membres de la congrégation :
Au début, le Séminaire majeur et noviciat de la congrégation s’installa à Vic, et il dut être transféré à Tuïr après la révolution pour revenir à son point de départ lorsque l’Institut fut à nouveau autorisé en Espagne. Plus tard il siégea à Gràcia (1880), Santo Domingo de la Calzada (1885) et Cervera
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(1887). En ce qui concerne la curie générale, elle se trouvait au début dans la même Maison que le Séminaire majeur et le noviciat ; à la fin de la période étudiée (1905) il fut transféré à Aranda de Duero. Finalement, il faut dire que l’expansion et la croissance des membres de la congrégation rendit nécessaire une structuration de plus en plus complexe. Ainsi, le Chapitre Général de 1895 décida de la division de l’Institut en deux provinces (Catalogne et Castille, chacune d’elles avec d’autres zones et pays qui en dépendaient), néanmoins la Guinée continua sous la dépendance du gouvernement général de la congrégation. Celui de 1904 créa une province nouvelle (Bética) et quatre Vicariats Généraux (Mexique, Brésil-Argentine, Chili et Guinée). Ces Chapitres Généraux et d’autres, décidèrent, au fur et à mesure, la structure que devait avoir chacune de ces entités, leurs limites et leur hiérarchie, adaptant les constitutions de la congrégation (approuvées définitivement par le Saint Siège en 1870) à chaque situation. Au cours de la période étudiée il y eut des Chapitres Généraux les années 1888 (8-10 juin), 1895 (3-16 septembre), 1896 (15-28 mars), 1899 (19-27 décembre), 1904 (24 avril - 16 mai) et 1906 (5-7 juin) ; tous comptant sur la présence du Préfet (ou Vicaire) Apostolique de Fernando Póo, sauf ceux qui élirent un nouveau Supérieur Général pour décès du précédent (1899 et 1906, les deux de caractère urgent). Je pense que tout cela peut donner une idée des premiers temps de la congrégation. Il en ressort, c’est évident, le mandat du P. Xifré, que l’on pourrait considérer comme le grand organisateur de l’Institut : il dut faire face à la révolution, à l’expulsion de l’Espagne, à l’exil, à l’expulsion de France ; il donna l’impulsion aux premières fondations ; il étendit les missionnaires clarétains un peu partout en Espagne, Chili, Mexique, Portugal, Brésil, Algérie et Guinée ; il établit des Maisons à Madrid et à Rome, avec à la tête des hommes-clés qui représentèrent la congrégation face au gouvernement de l’État et du Vatican ; il organisa le personnel des Maisons et Provinces ; il initia les publications clarétaines. Tout cela, à partir des 12 membres que la congrégation possédait au début de son généralat. Une multitude de circulaires et d’avis315, rendus publics à travers le bulletin interne de la congrégation, nous permettent d’examiner de nombreux aspects de la procédure et du fonctionnement de l’Institut. Ainsi, par exemple, pour procéder à la fondation d’une nouvelle Maison, Xifré exigeait toute une série de conditions : la protection de l’évêque local ; la délégation de facultés apostoliques ; la concession d’un édifice bien situé, dans une ville importante, bien aménagé et muni d’eau potable ; l’existence ou construction adjointe d’une église propre ; le paiement des premiers 315
Xifré, 1892.
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frais ; une prévision des versements ; la possibilité de vivre en communauté ; et la délivrance de toute sorte de charges316. Des conditions autrement réalistes, qui assuraient les nouvelles fondations et qui expliquent, en partie, l’absence d’échecs importants dans ce terrain. Mais ceci ne représentait qu’une vision externe du développement de la congrégation. Xifré fut, en outre, celui qui dispensa un esprit, un savoir faire et une façon d’agir bien concrets, basés - il va de soi - sur l’idéologie conservatrice et ultramontaine du fondateur et qui se traduisait en deux éléments qui en définissaient le fonctionnement interne : activité intense et discipline absolue317. En ce qui concerne l’activité, il faut dire qu’un grand nombre de Maisons clarétaines sont devenues des collèges. La plupart, avaient un externat et un internat (le dernier, pour les élèves qui vivaient loin) ; en dehors des séminaires de la congrégation qui, comme celui de Santiago de Cuba reformé par le fondateur, étaient toujours des internats. Toutefois, la procédure des clarétains continua toujours d’être attachée à la prédication et aux missions intérieures : « Il prêchait avec une onction vraiment apostolique et avec le zèle ardent caractéristique de notre bien-aimé P. Oller, C.M.F., le dernier carême dans la belle cathédrale gothique de Barbastro, à un auditoire très nombreux qui allait l’entendre avidement. C’était la mi-carême, quand confidentiellement ils communiquèrent au fervent missionnaire que des femmes perdues sont arrivées à la ville, ou comme il les appelle, des sorcières. Et dans le premier sermon il poussa de telles clameurs contre cette corruption légale, qu’il fut atteint d’enrouement. Il donnait des exercices aux femmes dans l’église de notre Maison Missionnaire, et il les intéressa de façon à éteindre cette flamme infernale, à un point tel qu’elles firent appel à M. le Maire avec l’éloquence persuasive de la femme blessée dans la fibre la plus délicate ; et cette nuit même, furent chassées les corrompues et corruptrices sorcières, selon expression de notre P. Oller »318. 316
Bases para la fundación de Casas. In : Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 3, 1891-1892, p. 405-406. 317 Salazar, 1996. 318 « Predicaba con unción verdaderamente apostólica y con el ardiente celo que caracteriza a nuestro amadísimo P. Oller, C.M.F., la última cuaresma en la gótica flamante catedral de Barbastro, a un auditorio numerosísimo que con avidez iba a escucharle. Estaba a mitad de Cuaresma, cuando confidencialmente participan al fervoroso Misionero, que han llegado a la ciudad mujeres perdidas, o como él las llama, brujas. Y en el primer sermón clamó tanto contra esa corrupción legal, que enronqueció. Daba ejercicios a las señoras en la iglesia de nuestra Casa-Misión, y las interesó de tal modo en extinguir esa llama infernal, que recurrieron al Sr. Alcalde con la persuasiva elocuencia de la mujer herida en la fibra más delicada ; y en aquella misma noche fueron despedidas las corrompidas y corruptoras brujas, según expresión de nuestro P. Oller ».Elocuente lección a todos los pueblos y autoridades. In : Boletín del Corazón de María, 1889-1890, p. 196.
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Prédication pour la réforme des mœurs ; recherche de la collaboration de l’autorité civile en vue de ses objectifs ; blâme public de celles qui représentaient une morale différente ; affrontement avec le secteur « immoral » de la société... En ce qui concerne les missions, elles se préparaient moyennant la publicité, des prédications préalables et des réceptions triomphales où étaient présents les prêtres locaux et ceux des alentours, carabiniers, Guardia Civil, Filles de Marie, collèges religieux et laïques, confréries et organisations catholiques. Dans leurs rapports, ils mettaient une emphase spéciale sur les quantités : « Déjà le premier dimanche et fête de Saint Joseph quelques 1500 personnes communièrent ; le quarantième jour du Carême, jour fixé pour la communion générale de la jeunesse, 1700 jeunes reçurent le pain des anges, et on leur donna un superbe souvenir de la Sainte Mission sous forme d’une gravure magnifique ; on donna aussi un souvenir, différent selon le sexe, aux enfants qui n’avaient pas encore fait la première communion. Après que les PP. Missionnaires et d’autres prêtres aient confessé presque jour et nuit pendant quelques jours, le premier avril, dimanche de la Passion, s’approchèrent de la communion générale, pour tout le peuple, plus de 2000 personnes ainsi que plus de 1500 qui avaient communié dans d’autres églises, dépassant de 8000 le nombre des communions dans cette ville durant la Sainte Mission. Spectacle grandiose et digne d’un peuple catholique! La procession générale qui avec S.D.M. [Sa Divine Majesté] fut faite l’après-midi du dernier jour...(...) »319. « Il va de soi que les communions générales étaient superbes : dans celle des jeunes, plus de 1300 s’approchèrent de la table sacrée, bien que beaucoup d’entre eux aient déjà communié : pendant la communion générale, toutes classes sociales confondues, à laquelle assista la municipalité, 3000 personnes communièrent, et pendant la mission on distribua quelque 9300 saintes rondelles. En plus des trois missionnaires, il y avait huit confesseurs ; l’un d’entre eux confessa jusqu’à une heure du matin, et, en tout, le jour de la communion générale plus de 200 personnes ne purent se confesser. 319
« Ya en el primer domingo y fiesta de San José comulgaron unas 1500 personas ; en la dominical cuarta de cuaresma, día señalado para la comunión general de la juventud, 1700 jóvenes recibieron el pan de los ángeles, dándoseles un precioso recuerdo de la Santa Misión en una magnífica estampa ; también se dio un recuerdo, diferente según su sexo, a los niños que aún no habían hecho la primera comunión. El día primero de abril, dominical de Pasión, después de haber confesado durante algunos días los P. Misioneros y otros sacerdotes casi día y noche, se acercaron en la comunión general para todo el pueblo más de 2000 personas con más de 1500 que comulgaron en otras iglesias, pasando de 8000 el total de comuniones en esta ciudad durante la santa Misión. ¡Espectáculo grandioso y digno de un pueblo católico ! La procesión general que con S.D.M. [Su Divina Majestad] se hizo por la tarde del último día... (...) ». Misión de Berga. In : Anales de la Congregación, volume 7, 1899-1900, p. 536540.
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Ceci, sans compter les explications de catéchisme et confessions d’un grand nombre de garçons et fillettes, les conférences à la jeunesse, les exercices aux Sœurs de l’hôpital et de l’enseignement, la confession et communion aux malades, et la grande récolte de mauvais livres que nous avons ramassée...(...) »320. C’est clair, l’activité intense des clarétains reflétait leur idéologie. Nous avons déjà vu plus haut que le mandat du P. Xifré se heurta à la période révolutionnaire et républicaine espagnole ; que les milieux ecclésiastiques soutenaient les carlistes ; et que le carlisme arriva à être l’axe des idées les plus conservatrices et ultramontaines, qui au delà de toute mesure aboutissaient à demander la restauration de l’Inquisition. Quand la congrégation revint de son exil de Tuïr, la Restauration, avec l’établissement d’une monarchie constitutionnelle et libérale, devait être beaucoup mieux acceptée par les catholiques que le républicanisme antérieur. Malgré cela, la reconnaissance de cette nouvelle situation, de la part des catholiques, ne fut pas simple : la monarchie bourbonienne, avant les six années révolutionnaires, avait reconnu le nouvel État d’Italie ; et le libéralisme avait été condamné par Pie IX dans le Syllabus (1874). Même si après sa défaite belliqueuse, les carlistes participèrent aux élections du nouveau régime à partir de 1870, il y eut aussi une stratégie de « retraite » qui, dans l’église catalane, compta beaucoup d’adeptes321 : une interdiction totale de la collaboration avec toute institution libérale, qui dans le domaine idéologique portait à l’intégrisme : la cause de l’Église était une cause antilibérale. Parallèlement, il y eut aussi un courant régénérateur, dont le noyau le plus solide prit forme dans l’évêché de Vic, siège originaire de la congrégation : ce courant partait aussi du traditionalisme et prêchait un régionalisme catholique plus ou moins équidistant aussi bien de l’intégrisme que du libéralisme : la restauration du catholicisme devait provoquer une
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« No hay porqué decir que las comuniones generales estuvieron lucidísimas : en la de jóvenes, pasaron de 1300 los que se acercaron a la sagrada mesa, no obstante haber comulgado muchos anteriormente : en la general de todos los estados, a la que asistió el municipio, comulgaron 3000 personas, y durante la misión se distribuyeron unas 9300 formas. Además de los tres misioneros, había ocho confesores, alguno de los cuales confesó hasta cerca de la una de la noche ; y, con todo, el día de la comunión general quedarían sin confesar más de 200 almas. Pasando por alto las explicaciones de catecismo y confesión de un sinnúmero de niños y niñas, las conferencias a la juventud, ejercicios a las Hermanas del hospital y enseñanza, confesión y comunión de enfermos, y la gran cosecha de libros malos que recogimos... (...) ». Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 2, juillet-décembre 1886, p. 273-275. On y parle d’une Mission faite à Manlleu (Osona). 321 Bonet, 1990.
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régénération de l’ensemble du pays322. Comme je l’ai signalé, les évêques Morgades et Torras i Bages furent le soutien de ce courant. On pourrait dire que la congrégation clarétaine, jaillie du secteur social le plus proche du carlisme, fit un chemin semblable : de l’intégrisme le plus dur elle passa à une certaine régénération ; mais, bien que née à Vic, et peutêtre à cause de la même expansion de la congrégation, cette idée de régénération à partir du catholicisme, qui impliquait la collaboration avec le régime, s’éloigna toujours du catalanisme conservateur. Les Missions guinéennes, à nouveau, en seront un exemple paradigmatique. Quoi qu’il en soit, l’anti-libéralisme du P. Xifré arrivait à des niveaux d’un intégrisme quasiment furibond : « Étant donné le sens que l’impiété attribue de nos jours au mot “ libéral ”, on exhorte nos Frères à ne l’utiliser qu’au cas où ils devraient blâmer l’erreur qu’il contient, le remplaçant dans les autres par les mots ‘ long ’, ‘ généreux ’, ‘ splendide ’, selon leur bon sens »323. Un intégrisme régénérateur qui trouva dans la morale sexuelle sa pierre de touche : « Évitez en chaire tout mot dont le sens matériel soit dangereux ou stimulant, ex. certains mots des Chants de Salomon, etc. ; de même, ne proférez pas le mot ‘accoucher’, dites toujours à sa place : ‘ enfanter ’ »324 Dans sa tâche organisatrice, Xifré imposa à sa congrégation une discipline de fer. Il s’agissait d’une petite congrégation, et le contrôle de la Curie commençait par le fait d’être installée dans la Maison comprenant le noviciat et le Séminaire majeur. Les Supérieurs exerçaient un contrôle sur tous les aspirants, qui ne pouvaient accéder à la congrégation sans des informations favorables du curé de leur village, de l’évêché de provenance et d’autres personnes « sûres » ; et tous les trois mois devaient répondre à un questionnaire personnel : Avez-vous eu des empêchements pour professer ? Êtes-vous dominé par quelque passion ou mauvaise habitude ? Éprouvezvous quelque affection désordonnée pour certains objets ou personnes ? Avez-vous été habituellement gai ou triste ? Dans ce cas-là, pour quelle raison ? Quelles sont les autres tentations que vous avez combattues le plus communément ? Les avez-vous vaincues ? Actuellement, vous sentez-vous 322
Ramisa, 1985 ; Puigbert, 1994. « En atención al sentido que la impiedad atribuye en nuestros días a la palabra liberal, exhortamos a nuestros Hermanos a que no la usen sino en los casos en que hayan de afear el error que con ella se significa, y a que la sustituyan en los demás con las palabras largo, generoso, espléndido, según que lo pida el sentido ». Lettre circulaire. In : Boletín Religiosos de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 1, novembre 1885 - juin 1886, p. 275 (Xifré, 1892 : 181). 324 « Evitad en el púlpito toda palabra cuyo sentido material es peligroso o incentivo, v. gr. ciertas palabras de los Cantares de Salomón, etc. ; asimismo no uséis la palabra parir ; decid siempre en su lugar : dar a luz ». Lettre circulaire. In : Boletín Religiosos de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 3, janvier-juin 1887, p. 299. 323
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agité par certaine tentation hors du commun ? Trouvez-vous difficile la méditation ? Avez-vous remarqué ou remarquez-vous quelque difficulté dans la démarche de l’Institut, dans les Règles ou dispositions des Supérieurs ? Les avez-vous critiquées facilement ? Avez-vous quelque amitié particulière ou antipathie ? Ressentez-vous de l’affection pour vos parents ? Parlez-vous d’eux, de votre foyer ou de votre patrie, ou des loisirs mondains ? Souffrez-vous de scrupules ou de quelque perturbation ou agitation dans le domaine de l’esprit ? Vous a-t-il été facile de regarder les autres ou de leur parler ? Savez-vous si quelqu’un a l’habitude de ne pas se conformer aux choses prédites ?325 Il s’agit de certaines questions de l’interrogatoire, dont les réponses devaient être supervisées par les Pères Maître et Supérieur, avant d’être envoyées au gouvernement général de la congrégation. Beaucoup de ces réponses sont encore conservées dans les dossiers personnels qui se trouvent à Rome326. Ce contrôle était suivi de l’exigence d’une correspondance abondante : chaque Supérieur devait écrire au moins une fois par mois à la curie générale. Chaque clarétain devait y faire parvenir les possibles plaintes sur les conduites non appropriées qu’il observait, sans que son Supérieur direct puisse l’en empêcher. Ces Supérieurs pouvaient être aussi les destinataires de ces dénonciations : « Le deuxième moyen [pour maintenir la congrégation en état de sainteté] consiste à porter à la connaissance des Supérieurs les transgressions des Règles et des dispositions qui s’accompliraient malgré les avis et avertissements, spécialement si elles étaient habituelles, ou avaient quelque rapport avec des femmes, ou visaient à la Congrégation, aux Supérieurs, à la vocation, etc. À ce propos, nous chargeons la conscience et attirons l’attention de tous, vu son importance et les graves conséquences qui s’ensuivent faute de son accomplissement »327. 325
¿ Le ha sobrevenido algún impedimento para profesar ? ¿ Le domina alguna pasión o mal hábito ? ¿ Siente algún afecto desordenado a ciertos objetos o personas ? ¿ Ha estado habitualmente alegre o triste ? Si lo último, ¿ cuál ha sido la causa ? ¿ Qué otras tentaciones le han combatido más comúnmente ? ¿ Las ha vencido con facilidad ? Actualmente, ¿ se halla combatido por alguna extraordinaria ? ¿ Encuentra dificultosa la meditación ? ¿ Ha sentido o siente alguna dificultad en la marcha del Instituto, en las Reglas o disposiciones de los Superiores ? ¿ Ha sido fácil en criticarlos ? ¿ Tiene alguna amistad particular o antipatía ? ¿ Siente afición a los parientes ? ¿ Habla de ellos, de su casa o patria, o de las diversiones mundanas ? ¿ Padece escrúpulos o alguna perturbación o agitación de espíritu ? ¿ Ha sido fácil en mirar o hablar con otros en los dormitorios ? ¿ Sabe que alguno tenga hábito de faltar en las cosas predichas ? 326 AG.CMF, Section G. 327 « El segundo medio [per mantenir la congregació en estat de santedat] es poner en conocimiento de los Superiores las transgresiones de Reglas y disposiciones que, a pesar de los avisos, se cometieren, especialmente si fuesen habituales, o tuviesen relación con mujeres, o se dirigieran a la Congregación, a los Superiores, a la vocación, etc., sobre lo cual cargamos la conciencia y llamamos la atención de todos por motivo de su importancia y de las graves
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Une discipline calquée sur celle que le P. Claret essaya d’imposer à son diocèse de Cuba dans les aspects que l’un et l’autre considéraient importants. Et qui, dans le cas de la congrégation, se concrétisaient en une réglementation très détaillée : « Le verbe manger est très laid dans la bouche d’un Missionnaire ; celui-ci devrait être considéré comme un homme céleste, qui perdrait l’estime s’il parlait de repas. Pour que vous ne tombiez jamais dans un défaut aussi bas et abominable, qui n’appartient qu’à l’homme gourmand et sensuel, prenez la ferme résolution de ne pas vous complaire dans les repas, de ne jamais en parler, et de vous abstraire de toute conversation s’y référant. Et pour que vous sachiez vous conduire comme il convient à un envoyé de Dieu, vous n’établirez jamais aucun contact avec le Frère cuisinier, ni ne vous rendrez à la cuisine pour vous enquérir de la sorte d’aliments qu’il prépare, ni pour le louer quand ils sont à votre goût, ni pour lui donner des conseils sur la manière de les cuire ou de les assaisonner »328. C’est évident qu’il y avait des relations considérées comme beaucoup plus dangereuses que celles avec le cuisinier : « Quels règlements doivent posséder les parloirs de nos Maisons pour éviter tout danger et n’inspirer aucun genre de soupçon ? R. [Réponse] Comme règle générale, sans exception, ils devront être entièrement ouverts chaque fois qu’il y a une femme. Ils doivent, en outre, avoir une demi-porte en verre ou bien une vitre, selon ce que permet le lieu. En plus de cela, le Frère concierge doit se tenir près de la porte se promenant et surveillant toujours pour voir s’il y a quelque étranger, et informer le Supérieur dès qu’il se présente quelque danger ou bien si la conversation avec une femme se prolonge au delà d’une demi-heure. Ici nous renouvelons la prohibition, tant de fois réitérée, de ne jamais établir de liens de familiarité ou d’amitié avec une femme, de ne jamais admettre les visites de celles qui auraient confessé, et de ne jamais vouloir savoir leur nom ; de même aucune circonstance de leur naissance, famille ni autre particularité en dehors de la confession »329. consecuencias que se siguen de la falta de su cumplimiento ». Lettre circulaire d’11 février 1889. In : Anales de la Congregación, volume 1, 1889, p. 81 (Xifré, 1892 : 146-152). 328 « El verbo comer está feísimo en la boca del Misionero ; porque éste debería ser considerado como hombre celestial, cuya estimación perdería si hablase de comidas.Para que no caigáis nunca en un defecto tan bajo y abominable, que solamente cuadra al hombre glotón y sensual, formaos la resolución de no saborearos en las comidas, de no hablar nunca de ellas, y de distraer las conversaciones que forman el objeto de las mismas. Y para que sepáis hacerlo como corresponde al enviado de Dios, nunca contraeréis relación con el Hermano cocinero, ni os presentaréis a la cocina para indagar la clase de alimentos que se preparan, ni para alabarle los que os acomodan, ni para darle consejos sobre el modo de cocerlos o condimentarlos » (Xifré, 1892 : 115). 329 « ¿ Qué condiciones deben tener los recibimientos de nuestras Casas para evitar todo peligro y para que no infundan sospecha de ningún género ? R. [Respuesta] Por regla
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Il faut remarquer que cette exigence tendait à éviter non seulement les « dangers », mais aussi les « soupçons ». La « bonne renommée » de la congrégation serait toujours considérée par Xifré comme quelque chose de très important, et elle se basait sur la « bonne renommée » de chacun de ses membres. Dans certaines circonstances, comme on verra, ces apparences externes furent décisives au moment de prendre certaines résolutions ; tout comme celle de la surveillance mutuelle à laquelle étaient soumis les missionnaires. Or, cette susceptibilité envers les « étrangers » s’accordera peu aux mœurs guinéennes, basées sur une large hospitalité. L’attitude missionnaire devra changer : s’adapter à la « curiosité » externe au moment de la fondation de chaque Mission ; adoptant, par la suite, la norme générale. Car, effectivement, la réglementation de la vie des clarétains atteignait, sans exception, tous les individus et toutes les Maisons. Et elle était minutieuse : « Dans les collations du matin on donnera une soupe avec un peu de pain et une gorgée de vin, si on le croit convenable. À celles de l’après-midi on donnera du pain avec quelque fruit ou l’équivalent et une boisson, sans qu’il soit permis à qui que ce soit de prétendre à autre chose. On n’autorise pas les invitations, ni les goûters à la campagne ni aux fontaines »330. Une réglementation d’autant plus restrictive pour ce qui fait le monde extérieur à la congrégation : « Est-ce que nous pouvons féliciter les frères du même sang qui vivent dans la Congrégation? R. Ce n’est pas convenable. Peut-on féliciter les Supérieurs, Ministres ou Maîtres que l’on a eus au cours de la première année après les avoir quittés? R. Il faut ne pas le faire. Peut-on écrire à la famille et à d’autres personnes proches lors d’un événement extraordinaire, comme ordination ou profession?
general, sin excepción, deberán estar completamente abiertos siempre que haya en ellos una mujer. Deben, además, tener media puerta de cristal o bien un óvalo, según lo permita la localidad. Debe, además, el Hermano portero estar cerca de la misma paseando y vigilar siempre que haya forasteros, y ponerlo en conocimiento del Superior siempre que se ofrezca algún peligro o se prolongue más de media hora la conversación, si es con mujer. Aquí renovamos la prohibición, tantas veces reiterada, de no contraer jamás familiaridad o amistad con mujer alguna, de no admitir ninguna visita de las confesadas, y de no querer saber jamás su nombre ni circunstancia alguna de su nacimiento, familia ni otra particularidad ajena a la confesión ». Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 4, juillet 1887 - janvier 1888, p. 23. 330 « En las refacciones de la mañana se dará una sopa con un poquito de pan y un sorbo de vino, si se cree conveniente. En las de la tarde se dará pan con alguna fruta o equivalente y bebida, sin que a nadie sea permitido pretender otra cosa. No se autorizan los convites, ni las meriendas en campos ni fuentes ». Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 3, 1891-1892, p. 278.
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R. Ceux qui ne sont pas de ce monde ne devraient pas faire de telles choses ; cependant, on pourra écrire aux parents, sans pour cela les inviter, à l’occasion de la profession religieuse ou ordination de prêtre. Ne pouvant féliciter la famille plus d’une fois par an, en quelle occasion serait-il convenable de le faire, à quelques Pâques, ou le jour du saint Patron? R. On le laisse au choix de chacun. (...) Si les frères ou les oncles du même sang vivent séparés des familles, peuton les féliciter? R. Non, à l’exception de celui qui a agi comme père »331. « À l’exception du Supérieur, personne ne doit, parce que ce n’est pas convenable, rendre visite, entretenir des relations avec des gens du dehors, ni prendre congé de qui que ce soit au moment de partir à destination d’un autre endroit »332. Des interdictions successives. La rédaction (et répétition) de certaines d’entre elles nous montre qu’il y avait des clarétains qui les trouvaient excessives aussi : et qu’il y avait des procédures discordantes : « Nous reproduisons l’interdiction capitulaire de n’écrire aucune lettre de façon furtive ou en cachette, et nous condamnons, par conséquent, les moyens dont on se sert à cet effet, d’enfants, de personnes confessées, de familles amies, ou en absence de nos Maisons »333. Quoi qu’il en soit, entrer dans la congrégation voulait dire être « mort aux yeux du monde ». Les membres de la congrégation devaient tester en sa
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« ¿ Se puede felicitar a los hermanos carnales que viven en la Congregación ? R. No es conveniente.¿ Se puede felicitar a los Superiores, Ministros o Maestros que se han tenido, a lo menos el primer año de haberse separado de su compañía? R. No debe hacerse.¿ Se puede escribir a la familia y a otras personas allegadas cuando ocurra un suceso extraordinario, como ordenación o profesión ? R. Los muertos al mundo no deberían hacer estas cosas ; sin embargo, se podrá escribir a los padres, sin invitarlos a que asistan, con motivo de la profesión religiosa u ordenación de presbítero. No pudiendo felicitar a la familia más que una vez al año, ¿ en qué ocasión convendría verificarlo, en alguna de las Pascuas o en el del santo Patrón ? R. Se deja a la elección de cada uno. (...). Si los hermanos o los tíos carnales viven separados de las familias, ¿ se les podrá felicitar ? R. Negativamente, exceptuando aquél que haya hecho el oficio de padre ». Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 4, 1893-1894, p. 249-250. 332 « A excepción del Superior, ninguno debe, ni conviene, hacer visitas, contraer relaciones con gente de fuera, ni despedirse de nadie al ser destinados a otra parte ». Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 5, 18951896, p. 606. 333 « Reproducimos la prohibición capitular de escribir furtiva u ocultamente carta alguna, y reprobamos, por consiguiente, los medios de que se sirven al efecto, como son niños, personas confesadas, familias amigas, o ausencia de nuestras Casas ». Ibidem.
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faveur334 ; et leurs parents signaient un document où ils consentaient à l’entrée de leur fils à l’Institut, et acceptaient certains engagements : « Jamais, sous aucun prétexte, je n’essaierai de faire sortir [mon fils] de cette congrégation, sans l’approbation et le consentement des Supérieurs de cet Institut. Par conséquent je me considère obligé de payer à la Congrégation, pour indemnisation de frais, une somme analogue à celle que l’on paie dans les collèges d’internes de l’enseignement secondaire, si - Dieu nous en garde j’essaie de faire sortir mon fils contre sa volonté et celle des Supérieurs de l’Institut »335. L’éloignement des séminaristes et profès de leurs familles était une pratique habituelle dans beaucoup de congrégations de l’époque, mais pas dans les Séminaires des diocèses. L’objectif était le contrôle absolu de l’individu ; et son éloignement d’un « monde » qui, rappelons-le, était le « royaume du péché, de l’ignorance et de la souffrance ». Ce n’est pas rare de trouver des lettres comme celle qui suit : « Mon fils, c’est à dire le P. Agustin Ulibarrena, se trouvant en Espagne, porté par l’ardent désir que j’ai de le voir, et ne doutant de votre cæur généreux, je prends l’audace, très honorable P., de vous prier de lui concéder une permission pour pouvoir le voir, car cela fait tant d’années que je ne l’ai vu et, comme Vous comprendrez, ies désirs que j’ai de le voir auprès de moi sont très vifs. Je 334
À l’AG.CMF, Section G, nous pouvons en trouver dans les dossiers personnels correspondants. Tout de même, et tel qu’on verra, la plupart des clarétains étaient d’extraction sociale humble et ne possédaient pas de biens testables. La cession, au début de la période, ne se faisait pas directement à l’Institut - pour éviter des problèmes avec des gouvernements anticléricaux-, mais à quelques uns de ses membres. (Cfr. testament du F. Josep Caralto, du 13 juin 1888, AG.CMF, Section B, Série G, Boîte 10, Carton 10 ; ainsi, il y eut des individus qui ont accumulé apparemment beaucoup de propriétés (comme par exemple le P. Paulino González, qui est arrivé à « posséder » 24 propriétés : AG.CMF, Section G., Série G, Boîte 12, Carton 9). Plus tard, le procédé s’est normalisé (Cfr. testament du P. Francesc Porta, du 10 octobre 1929, AG.CMF, Section G, Série P, Boîte 23). Aussi il y a des cas discordants ; comme par exemple le testament du F. Andreu Feliu, du 9 mai 1935, qui donna deux tiers de ses terres à ses frères, et veut que l’autre tiers soit vendu pour appliquer les gains à la célébration de messes pour son âme (AG.CMF, Section G. Série F, Boîte 1, Carton 26). Tous les exemples du travail font référence à des clarétains affectés en Guinée pendant la période étudiée. 335 « Nunca, bajo ningún pretexto, intentaré la extracción o salida del mismo [hijo] de dicha Congregación, mientras no mediare la aprobación y consentimiento de los Superiores de dicho Instituto. En su consecuencia me considero obligado a pagar a la Congregación, por vía de indemnización de gastos, una cantidad análoga a la que se satisface en los colegios de internos de segunda enseñanza, si, lo que Dios no permita, intentase sacar de la Congregación a mi hijo contra su voluntad y la de los Superiores del Instituto ». AG.CMF, Section G, Série G, Boîte 1 Carton 27. Le document est signé par Melitón de Galarza, père du futur P. Pedro de Galarza, le 2 janvier 1894, quand l’intéressé avait 12 ans. Il s’agit d’un modèle imprimé et qui, par conséquent, était signé par tous les parents des mineurs qui entraient dans la congrégation.
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vous serais très reconnaissante pour cette faveur si singulière que de votre cæur magnanime j’espère obtenir »336. L’ignorance de la famille en ce qui concerne le fils pouvait être totale : « Je vous prie d’excuser une telle audace, en vous priant à la fois que vous ayez la bonté de me communiquer quelque nouvelle, si c’est possible, concernant mon frère, appelé Francisco Garró y Pérez, qui entra dans cette Congrégation il y a environ 24 ans ; duquel nous ignorons s’il est vivant ou mort depuis environ 7 ans, date de sa dernière lettre ; et lui ayant répondu, on n’a plus su rien de lui ; et considérant comme très triste ne pas savoir où il demeure, je recours à Vous comme en quelqu’un de très sûr pour sortir de l’impasse »337. La sensation que l’on ressent est celle d’une congrégation fermée sur ellemême et pourvue d’une discipline exagérée. Les désertions, bien que peu fréquentes, n’étaient pas inexplicables : n’oublions pas que les individus y entraient convaincus d’une « vocation » personnelle ; qu’ils savaient déjà ce qu’ils allaient faire ; que l’idéologie de la congrégation était proche de la leur ; qu’ils étaient soumis à un vœu d’obéissance et à un serment de séjour en permanence ; et que ce fait-là leur assurait - selon les « mystères » - le salut éternel, qui était leur plus grande illusion. Pour Xifré, les désertions, et même quelques expulsions, étaient un signe de vitalité ; et ces dernières, un devoir qui ne pouvait pas être négligé : « La Congrégation doit se réjouir d’avoir écarté les éléments d’infection pouvant la corrompre. Cette séparation prouve de façon évidente que notre Institut est vivant ; cela montre qu’il y a de l’observance ; cela la fera croître en esprit, en vérité et en réputation. En cela précisément s’ensuivent les enseignements reçus du Saint Siège »338. 336
« Encontrándose mi hijo, o sea el P. Agustín Ulibarrena, en España, y siendo grandes los deseos que tengo de verlo, y no dudando de su generoso corazón, me tomo el atrevimiento, respetabilísimo P., de rogarle le conceda permiso para poder verlo, pues hace tantos años que no lo he visto y, como Vd. comprenderá, son vivos los deseos que tengo de verlo a mi lado. Quedaré agradecidísima a Vd. por el favor tan singular que de su magnánimo corazón espero conseguir ». Lettre d’Eugenia Díaz, mère du P. Ulibarrena, au Supérieur de Madrid, du 20 août 1926 (Le P. Ulibarrena avait été affecté en Guinée en 1907). AG.CMF, Section G, Série U, Boîte 1, Carton 6. 337 « Le suplico me dispense tal atrevimiento ; rogándole a la vez tenga V. la bondad de facilitarme alguna noticia, si le es posible, acerca de un hermano mío llamado Francisco Garró y Pérez, el cual ingresó en esa Congregación hace unos 24 años ; del cual no sabemos si vive o muere desde hace unos 7 años, poco más o menos, que nos escribió su última carta ; y, habiéndole contestado, ya no hemos sabido más de él ; y considerando muy triste no saber su paradero, acudo a V. como punto segurísimo para salir del atolladero ». Lettre de Pablo Garró Pérez au P. José Mata, du 31 mars 1914. AG.CMF, Section G, Série G, Boîte 5, Carton 41. Le F. Garró est arrivé à Guinée en 1892, et en 1914 il avait déjà quitté la congrégation. 338 « La Congregación debe alegrarse por haberse descartado de los elementos de infección que podían corromperla. Esta separación prueba con evidencia que nuestro Instituto tiene vida ; eso demuestra que hay observancia : eso la hará crecer en espíritu, en verdad y en
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Le cercle se fermait d’une manière évidente : par vocation et par obéissance, les clarétains pouvaient être envoyés partout ailleurs dans le monde : « Les Supérieurs peuvent envoyer les individus partout ailleurs dans le monde, là où il y a des âmes à sauver ; et, par conséquent, tous les sujets de notre Congrégation sont obligés en justice à obéir. Ce sera, donc, une vraie rébellion de s’opposer à cette obéissance »339. Partout ailleurs dans le monde, là « où il y a des âmes à sauver ». Et le salut des âmes pouvait se donner seulement moyennant la reforme des mœurs. L’Institut clarétain découvrirait très tôt que cette réforme des mœurs réclamait quelque chose de plus que la prédication massive ; et il trouva dans l’éducation une autre de ses principales ressources : « Le premier germe que l’on doit semer dans la terre vierge de l’intelligence c’est l’idée de Dieu, selon l’image duquel l’homme fut créé, et cette idée primordiale ne doit pas rester abandonnée aux efforts naturels de la raison, mais elle doit être arrosée et cultivée avec un grand soin et conscience pour que se développent aisément les autres principes ou éléments de vérité ou vertu qui dans ce germe céleste y sont contenus ; c’est ce qui s’appelle et est l’éducation religieuse »340.
reputación. En esto precisamente se siguen las enseñanzas que ha recibido de la Santa Sede ». Lettre circulaire du 15 mai 1888 ( Xifré, 1892 : 66-68). 339 « Pueden los Superiores mandar y enviar a los individuos a cualquier parte del mundo donde haya almas que salvar ; y quedando, en consecuencia, todos los súbditos de nuestra Congregación obligados en justicia a obedecer. Será, por lo mismo, verdadera rebelión el negarse a esta obediencia ». Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del Inmaculado Corazón de María, volume 4, 1893-1894, p. 380. 340 « El primer germen que debe sembrarse en la tierra virgen de la inteligencia es la idea de Dios, a cuya imagen y semejanza fue hecho el hombre ; y esa idea primordial no debe quedar abandonada a los esfuerzos naturales de la razón, sino que debe ser regada y cultivada con gran cuidado y esmero para que se desarrollen holgadamente los demás principios o elementos de verdad o virtud que en ese germen celestial se hallan contenidos : esto se llama y es la educación religiosa ». Juan de Dios Arévalo, Efectos de la educación. In : Boletín del Corazón de María, 1889-1890, p. 479-480.
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Les clarétains en Guinée Et ignobilia mundi, et contemptibilia elegit Deus, et ea, quæ non sunt, ut ea quæ sunt destrueret. (1C, I, 28)
Les préambules L‘abandon de la Mission Guinéenne par les jésuites réduisit l’étendue de la tâche évangélisatrice catholique à un seul curé, qui devait s’occuper exclusivement de la paroisse de San José, à Santa Isabel. Nous avons déjà vu que pour le gouvernement issu de la révolution de 1868 l’abandon des colonies africaines n’était pas très clair, si bien qu’il avait décidé d’en réduire les frais au minimum. De sorte que les prêtres affectés à la paroisse fernandine ne disposaient d’aucun recours supplémentaire, provenant de l’administration, pour développer leur tâche, qui se borna donc à l’enceinte géographique de la capitale, et au domaine exclusif de la pastorale. L’ancienne école des jésuites devint une école publique gérée par des maîtres officiels, de manière que leur action dans ce domaine-là comprenait aussi des limites. En fait, seuls 4 prêtres acceptèrent comme destination cette paroisse éloignée et considérée, sans aucun doute à la suite de l’expérience jésuite, spécialement dangereuse : Nom Manuel Garcia San Roman Camilo Rivera Miguel Berenguer Rodriguez Rafael Joaquin de Acosta
début Mars 1872 ? Juin 1873 Septembre 1876 Septembre 1876
cessation Mai 1873 Avril 1876 ? Août 1877 ? Septembre 1880 ?
C’est une époque de transition. Et le fait qu’il s’agisse de prêtres diocésains, qui n’appartenaient à aucun institut, est le reflet - entre autres choses - d’un manque de documentation. Même à l’ASCPF, les documents sont très rares. Et, à l’occasion, ils reflètent une grande désillusion causée par de maigres résultats et le désir qu’à nouveau, une congrégation religieuse d’une capacité organisatrice suffisante puisse prendre en charge la Mission. Ainsi, dans une lettre adressée au roi Alphonse XII (sans date, circa juillet 1877), l’abbé Miguel Berenguer, qui avait sollicité de son plein gré la paroisse de San José au Ministère d’Outre mer, affirme : « Que la
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douloureuse expérience vécue pendant dix mois lui a fait comprendre l'utilité et l'inefficacité de la présence du clergé séculier dans cette paroisse et mission, vues les difficultés qui à tout moment surgissent dans cette ville exceptionnelle » 341 ; des difficultés que Berenguer résume en trois chapitres : le manque de ressources, la maîtrise de la langue anglaise et le besoin de maîtriser la musique et le chant (pour faire face à la de l’Église protestante qui, d’après lui, tirait parti de ces éléments liturgiques comme instruments pour attirer de nouveaux fidèles). Et il continue : « Il existe un nombre important de prêtres, dans chaque ordre religieux, connaisseurs de la langue anglaise et possédant des notions en musique sacrée ; des conditions absolument indispensables pour attirer au temple autant les catholiques que les dissidents ; et nous, les deux prêtres qui vivons dans cette ville, nous en manquons »342. Il ajoute qu’un ordre religieux masculin pourrait aussi prendre en charge les écoles, et un ordre féminin l’hôpital. Conscient que tous les deux ne pourraient pas le faire non plus, il conclut : « C’est pour ces raisons que le curé de paroisse qui souscrit croit accomplir un devoir de conscience en suppliant humblement et instamment à V.M. de bien vouloir disposer que cette paroisse et Mission soit prise en charge par des Révérends Pères de quelque religion acceptée par la Sainte Église ; et si c’est possible les Pères de la Compagnie de Jésus, dont ces fidèles gardent de si bons souvenirs, et les infidèles de l’intérieur de l’île (Bubis) y comnpris les protestants, tous, sans exception, désirent voir à nouveau des personnages si éminents en sainteté et en lettres. Et, aussi, que les Soeurs de la Charité s’installent dans cette ville, qu’elles donnent l’instrution aux enfants et l’assistance aux malades dans le dit hôpital »343. Le onze juillet, dans une nouvelle lettre adressée au roi, Miguel Berenguer insiste sur sa démission, présentée pour la première fois le premier avril et qui cette fois-ci sera acceptée. Et il renchérit : « Il y a les naturels du pays, qui vivent dans les bois, si attachés à leurs superstitions, et 341
" Que su dolorosa experiencia por espacio de diez meses le ha hecho comprender la inutilidad e ineficacia de la presencia del clero secular en esta parroquia y Mision, por las dificultades que a cada paso encuentra en esta localidad excepcional ". 342 « Abundan en cada orden religiosa sacerdotes [con] el idioma inglés y nociones de música sagrada ; cosas todas necesarias en ésta para atraer al templo a los católicos y aun a los disidentes ; y de las que nos hallamos privados los dos presbíteros que residimos en esta ciudad ». 343 « Por estas razones, el cura párroco que suscribe cree cumplir un deber de conciencia suplicando humilde y encarecidamente a V. M. se digne disponer que tomen a su cargo esta parroquia y Misión Reverendos Padres de alguna religión aprobada por la Santa Iglesia ; y a ser posible los Padres de la Compañía de Jesús, de quienes conservan gratísimos recuerdos estos fieles, los infieles del interior de la isla (bubis) y aun los mismos protestantes, los cuales todos sin excepción ansían ver aquí de nuevo a varones tan eminentes en santidad y letras. Como, así mismo, que se instalen en esta ciudad Hermanas de la Caridad, que dén a los niños la instrucción y a los enfermos asistencia en dicho hospital ». ASCPF, Scritture referite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 446-447. C’est une copie de l’original envoyé à la S.C. de la Propaganda.
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surtout à la polygamie, et dont la conversion est très difficile. J’ai eu beau avoir prêché constamment le matin et le soir, les jours de fête et d’obligation depuis mon arrivée ici, et seulement dix paroissiens sur les centaines qui composent la paroisse ont accompli le précepte de confession annuelle et de communion de Pâques. (...) Il n’existe aucune probabilité de conversion de la part de la centaine de protestants méthodistes qui demeurent dans cette ville »344. Berenguer, donc, présenta l’inutilité de sa tâche comme prétexte pour sa renonciation et comme point de départ pour le retour d’une congrégation, de préférence celle des jésuites. À la différence de ceux-ci, il juge peu importante la présence des protestants dans la ville et ne les rend pas coupables de l’indifférence religieuse des catholiques. Par contre son vicaire et successeur, Rafael Joaquín de Acosta, qui vécut beaucoup plus longtemps dans la ville, avait une vision et un diagnostic plus proches de ceux de la Compagnie de Jésus : « La ville de Sta. Isabel de Fernando Póo, où se trouve la paroisse de S. José dont je suis responsable, est à moitié formée de toutes les scories des sectes protestantes du continent occidental de l’Afrique, un quart de natifs du Congo sur la côte méridionale, des esclaves de la Havane émancipés et envoyés par la Mère de Son A.R. le Roi afin de coloniser le pays et que les PP jésuites convertirent au catholicisme ; l’autre quart est composé des enfants du pays et des Noirs catholiques des îles de Santo Tomé et de S. Pablo de Loanda, des possessions portugaises (...) Si on retirait d’ici les bateaux, c’est à dire la Marine, et les méthodistes, tout cela serait catholique ; mais ils font obstacle au catholicisme, à cause des mauvais exemples de la franc-maçonnerie que renferment les bateaux »345.
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« Están los naturales del país, que habitan en el bosque, tan adheridos a sus supersticiones, y sobre todo a la poligamia, que es muy difícil su conversión. A pesar de haber predicado yo constantemente por mañana y tarde los días festivos y de precepto desde mi llegada a ésta, sólo han cumplido con el precepto de confesión anual y comunión pascual diez feligreses de los ciento que próximamente componen la feligresía o parroquia. (...) Casi ninguna probabilidad hay de conversión de los cien protestantes metodistas que sobre poco más o menos residen en esta ciudad ». ASCPF, Scritture referite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 576-578. Copie de l’original envoyé à la S.C. de la Propaganda. 345 « La población de Sta. Isabel de Fernando Póo, en la que se halla la parroquia de S. José de mi cargo, se compone la mitad de toda la escoria de las sectas protestantes del continente occidental de África, una cuarta parte de naturales del Congo en la costa meridional, esclavos de Habana emancipados y enviados por la Madre de S. M. el Rey con el fin de colonizar, y que los PP. jesuítas hicieron católicos, y la otra cuarta parte se compone de los hijos del país y de negros católicos de las islas de Sto. Thomé y S. Pablo de Loanda, posesiones portuguesas. (...) Si quitáramos de aquí los barcos, es decir la Marina, y los metodistas, esto sería católico ; pero a paso de gigante son verdaderamente la rémora del catolicismo, por los malos ejemplos y por el masonismo que en los barcos se encierra ». Lettre au Cardinal Préfet de la Propaganda, du 5 janvier de 1879. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 628-630.
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Pour Acosta, les principaux problèmes de sa paroisse étaient le concubinage et l’adultère, et le fait que les catholiques (presque tous des hommes) ne pouvaient se marier qu’avec des protestantes ou « infidèles » ; alors que les « mauvais exemples » de la Marine se rapporteraient plutôt à la morale sexuelle et à sa qualité « maçonnique », étant donné le caractère libéral de ses dirigeants. Acosta, donc, rétablît le mythe de « ville corrompue » que les jésuites avaient commencé de développer ; et justifiant de la sorte l’inutilité de son ministère, il présenta sa démission parce qu’il croyait qu’un seul ordre religieux était en mesure de disposer de ressources matérielles et humaines suffisantes pour venir à bout de la Mission, et il sollicita un canonicat en récompense de son travail. La réponse à Acosta ne lui parvint jamais. Et, las d’attendre, le dernier curé de San José quitta Santa Isabel après l’été 1880. Aucun autre prêtre ne le remplaça ; pour la première fois depuis le départ des jésuites, la Mission restait vraiment seule. Dès lors, ce furent uniquement les aumôniers militaires des bateaux de guerre espagnols destinés à la colonie qui y exerçèrent un ministère fugace et subordonné aux devoirs inhérents à leur charge militaire : Nom Frutos Gonzalez Manuel Robles Postigo Vicente Montoro
Début Septembre 1880 Août 1881 Janvier 1883
Cessation ? Octobre 1882 Novembre 1883
La cadence annuelle des destinations correspondait aux relais des bateaux de guerre au service de la colonie, et le rectorat du dernier curé se prolongea jusqu’à l’arrivée à Santa Isabel de la première expédition clarétaine. La création des Missions de Guinée de la part de cette congrégation346 couvait déjà depuis un certain temps : après les lettres que j’ai citées du P. Miguel Berenguer, le cardinal Simeoni, Préfet de Propagande Fide et ancien nonce du Saint Siège à Madrid, s’était adressé au Général des jésuites lui exposant la situation et lui demandant s’ils étaient prêts à accepter à nouveau la Mission guinéenne347. Devant le refus des jésuites, le nonce du Saint Siège en Espagne en avait transféré la proposition au P. Xifré. Mais à ce moment346
Aguilar, 1901 ; Canals, 1959 ; Cien años... 1982 ; Coll, 1899, 1911 ; Crespo, 1964 ; Creus, 1994c, 1997b ; Diaz de Villegas, 1959 ; Exposición misional... 1929 ; Evangelizadores... 1948 ; Fernández, Cristóbal, 1962, 1967 ; Fernández, Leoncio, 1950 ; Izquierdo, 1975 ; Mata, 1890 ; Olangua, 1959 ; Pujadas, 1964, 1968, 1983 ; Quince años... 1939 ; Sacristan, 1918 ; Vilar, 1977. 347 Lettre du Cardinal Simeoni au P. Jean-Pierre Beckx, du 29 juillet 1879. ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 23.
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là la congrégation venait de rentrer de son exil et sa situation n’était pas suffisamment consolidée. Une telle demande impliquait que le gouvernement de Madrid avait l’intention de remettre à un Institut religieux cette Mission-là, ce qu’on ne pouvait interpréter que d’une seule manière : l’État espagnol s’intéressait à nouveau à la colonisation de ces territoires. Car, effectivement, l’irruption d’une congrégation missionnaire devait signifier forcément l’abandon de la politique de soutien d’une seule paroisse dans la capitale, l’augmentation du nombre d’effectifs et un engagement au niveau des ressources économiques. Évidemment, cela voulait dire aussi qu'on en attendait des résultats. Il est évident que ce changement de politique eut un rapport avec une situation qui devenait de plus en plus insoutenable dans les colonies des Antilles ; concrètement à Cuba, après la violence de la guerre de 1868-78, qui avait ruiné un nombre important de propriétaires, favorisant l’introduction du capital nord américain dans l’île, embrouillant la question de l’esclavage348 et ouvrant sur une impasse d’insécurité qui déboucherait sur la guerre d’indépendance définitive (1895-1898). La fin de l’esclavage et de la colonisation antillaise placèrent les territoires guinéens dans une position spécialement importante dans le tissu espagnol d’Outremer. Et cela eut lieu justement lorsque la constatation fut faite que la présence espagnole dans la zone - représentée en bonne partie par les Missions (Mission = processus de colonisation actif) - s’effondrait ; et que les institutions des territoires voisins étaient à l’affût. Je considère très significative une lettre de Monseigneur Le Berre, vicaire apostolique du Gabon, adressée au Cardinal Préfet de la Propaganda Fide349 : le missionnaire français y constatait le fait que la Mission guinéenne se réduisait à la paroisse de San José ; de sorte que personne ne s’occupait de l’évangélisation de l’île de Corisco ni du territoire du cap de Saint Jean, qui avaient été séparés de son Vicariat sur la demande des jésuites. Et il en réclamait à nouveau la juridiction. La revendication de Mgr. Le Berre était inquiétante ; parce que le retour de la juridiction ecclésiastique dans les mains des missionnaires français pouvait impliquer, par conséquent, la colonisation française d’une zone que, rappelons-le, la France et l’Espagne se disputaient. J’ai tout lieu de croire que cette procédure provoqua une réaction immédiate. Je signale le fait que, 348
L’abolition de l’esclavage date de 1880 ; mais en 1870 on avait déjà proclamé la qui concédait la liberté aux nouveaux nés ; le traité de paix du Zanjón, garantissait la liberté pour les combattants noirs de l’armée vaincue, établie 9 ans auparavant par la République cubaine ; et le gouvernement espagnol avait fait de même pour les esclaves qui restèrent fidèles à leurs maîtres. 349 Lettre du 4 juillet 1880. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8. f. 660.
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très souvent, la procédure de l’administration espagnole en ce qui concerne sa colonie guinéenne fut en retard sur les initiatives des puissances de l’époque. Seule la menace d’une annexion externe faisait réagir le gouvernement espagnol. Et cette donnée est importante du fait qu’elle marquerait le genre de Mission envisagée pour ces territoires et quelle sorte d’expansion on lui attribuerait. Le 14 juillet 1880, le cardinal Simeoni adressa une nouvelle lettre au P. Beckx où il lui exposait la situation : « Maintenant, le Vicaire Apostolique des Deux Guinées s’est adressé à cette Sacrée Congrégation en demandant que l’île de Corisco et (le cap) de Saint Jean, soient à nouveau annexés à son Vicariat, ou tout au moins qu’on lui donne la juridiction sur ce territoire-là. Le bien fondé de cette demande repose sur la proximité de ces îles du Gabon, siège de la Mission des Deux Guinées, tandis que Fernando Póo est au moins à 75 lieues, ce qui entraîne des relations très fréquentes entre ces deux endroits. En fonction de cette demande, j’interpelle de nouveau Votre Paternité et je vous serais très reconnaissant si avec la plus grande sollicitude vous pouviez me dire quelle est l’intention de la Compagnie en ce qui concerne cette Mission abandonnée »350. La réponse au Saint Siège arriva de la plume du Supérieur Provincial des jésuites de Castille, J. De la Torre, qui le 25 août 1880 écrivait une longue lettre au cardinal, où il faisait un résumé des infortunes que ses missionnaires avaient subies en Guinée. Et il concluait : « Mais à présent, même si les subsides manquent beaucoup plus qu’avant, le Gouvernement les promet beaucoup plus petits. Il a demandé seulement un ou deux prêtres qui exerceraient le poste de recteurs pour les quelques Espagnols qui vivent à Santa Isabel. Pour cela tous les consulteurs et d’autres Pères importants à qui j’ai demandé une, deux, trois fois, leur opinion, tous de façon générale croient que cette Mission, en ce qui nous concerne, devrait être refusée »351.
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« Ora il Vicario Apostolico delle due Guinee si é teste rivolto a questa S. Congregazione chiedendo che l’isola di Corisco e di S. Giovanni venga di nuovo annessa al suo Vicariato, o almeno che gli si dia la giurisdizione su quel territorio. Egli poi corrobora questa domanda col segnalare alla prossimità che le medesime isole hanno col Gabbon, centro della Missione delle due Guinee, laddove distano ben 75 leghe da Fernando Pô, e le relazione frequenti che per conseguenza passano tra quelle due località. In seguito di tale domanda, io torno ad interpellare la P. V. e le sarei tenutissimo se con la maggior possibile sollecitudine volesse indicarmi qual sia l’intendimento della Compagnia riguardo a quella Missione abbandonata ». ASCG, Provincia Castellana, Boîte 1001, Missio in Fernando Póo (Africa), doc. 24. 351 « Jam vero in præsenti cum cætera subsidia multo magis quam antea desint, Gubernium longe minora pollicetur. Unum enim aut alterum dumtaxat sacerdotem postulat, qui ad Sanctam Elisabeth paucorum Hispanorum illic commorantium parochi munus sustineat. Quare Consultores omnes aliique graves Patres, quos hac de re sententiam semel, iterum, ac tertio rogavi, omnes unanimi consilio senserunt hanc Missionem quantum in nobis esset, fore repudiandam ». ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole Dell’Oceano Atlantico, vol.8, f. 669-670.
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La renonciation définitive des jésuites frayait le chemin à d’autres Instituts. Désormais les conversations étaient directement entreprises par le Ministère d’Outre-mer, intéressé à modifier la situation délaissée de la Mission afin de pouvoir utiliser la Mission comme preuve d’occupation du territoire ; ce qui devrait leur coûter une plus grande implication. Pourtant, l’expérience jésuite fut déterminante pour la renonciation de plusieurs congrégations. Jusqu’au jour où les clarétains se montrèrent au Ministère. Un des objectifs proposés par le P. Xifré pour ses religieux était l’exemption du service militaire. Tout d’abord, il faut rappeler que le service militaire obligatoire, considéré comme un devoir du « citoyen » envers son pays, était une institution « libérale » surgie de la révolution française et accueillie avec peu d’enthousiasme par les partisans de l’Ancien Régime. Et puis, en Espagne le service militaire pouvait être de très longue durée (jusqu’à 6 ans), et son exemption « normale » (changement d’un jeune homme appelé par un remplaçant) très coûteuse (entre 1.500 et 2.000 ptes. de l’époque). Mais en outre l’appel se produisait, dans le cas des clarétains, au moment du postulat ou du noviciat, juste quand la vocation de l’aspirant était à raffermir. Les Supérieurs de la congrégation entendaient cette situation comme un danger pour l’Institut, qui se voyait obligé de perdre le contrôle de ses membres les plus jeunes en un moment spécialement délicat. Il faut remarquer que, malgré leur expansion dans d’autres pays, la plupart des religieux clarétains étaient espagnols ; de sorte que le service militaire était une affaire à traiter avec les autorités espagnoles. En fait, et grâce à l’influence du P. Claret à la cour de Madrid, les clarétains furent exemptés d’appel en octobre 1866. Mais, après la révolution, l’exil et le retour, la congrégation se heurta à une nouvelle loi de recrutement, qui ne prévoyait la dispense que pour les Instituts religieux qui maintenaient des communautés missionnaires aux colonies. Les clarétains entreprirent donc une bataille légale afin d’être considèrés « missionnaires d'Outremer » 352, s’appuyant sur le fait de posséder une maison à Alger (1869-1888) et sur leur installation manquée à Cuba (1879). L’Institut n’épargna aucun effort à ce sujet353 : tentative de médiation du roi Alphonse XII (se rappeler sa relation avec le P. Claret), voyage du P. Xifré aux Antilles pour essayer d’y établir d’autres Maisons et de recevoir le soutien des évêques de Cuba et Puerto Rico, démarches auprès des Ministères du Gouvernement, d’État et d’Outre-mer... obtenant toujours un résultat négatif 352
Cette dénomination ne l’avaient que les Dominicains, les Franciscains, les Augustins chaussés et déchaussés, les jésuites, les Carmes et les Trinitaires de Saint Jean. 353 Nous pouvons suivre le périple dans le manuscrit du P. Mata, José (s/d), Relación de las tramitaciones que se han seguido en el asunto de nuestra exención de quintas y de las Misiones de Fernando Póo. In : Maroto, Felipe & Genover, Ramon (1928), Extracto de los documentos del Archivo de la Sagrada Congregación de Propaganda [Fide] que se refieren a la Misión de Fernando Póo. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3 (ASCPF).
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que les clarétains attribuèrent aux idées des fonctionnaires et dirigeants politiques. Finalement, en avril 1882, un de ces fonctionnaires du Ministère d’Outremer, Adolfo Merelles, suggéra à ses visiteurs - les PP. Xifré et Mata - de s’occuper des Missions de Fernando Póo. Le 3 mai Xifré envoyait une lettre aux consulteurs354, où il leur exposait la situation, ainsi que les avantages d’accepter la dite proposition (la garantie d’être dispensés du service militaire ; les frais de voyage et de subsistance pris en charge par l’administration ; l’influence auprès du gouvernement ; la tutelle du Saint Siège ; la possibilité de fonder en terres d’« infidèles ») mais aussi les inconvénients (manque de sécurité des dotations gouvernementales ; difficultés du pays : insalubrité, climat, langue, moralité et nourriture). La réponse affirmative de la part des consulteurs (dont quatre favorables pour un de douteux), très rapide (5 mai), envoyée par voie télégraphique, fut la seule démarche menée à bout par Xifré dans la congrégation ; le lendemain, 6 mai 1882, il adressait sa lettre d’acceptation au Ministère : « En souhaitant coopérer avec le Gouvernement espagnol en vue de l’instruction, moralité et salut de ces habitants, j’ai l’honneur d’offrir au Gouvernement de Sa Majesté les individus de la Congrégation citée qui conviennent au projet décrit ci-dessus, tout en espérant que cette offre non seulement satisfaira Sa Majesté et son Gouvernement, mais que pour pouvoir la réaliser, vous apporterez à la Congrégation les moyens indispensables à l’effet »355. L’Ordre Royal qui considérait les clarétains comme missionnaires d’Outre-mer fut suivi de diverses rédactions et rectifications. La version définitive, publiée dans La Gaceta de Madrid le 3 janvier 1883, les exemptait du service militaire, conformément à l’article 90 de la loi du Recrutement : « Par conséquent, si on n’avait pas accepté les Missions de Fernando Póo nous perdions définitivement ce privilège ; et nos noviciats et collèges, aujourd’hui si fleurissants grâce à la divine miséricorde, recevraient avec une telle suppression un coup mortel »356.
354
Fernández, Cristóbal, 1962 : 59-60. « Deseando cooperar con el Gobierno español a la instrucción, moralidad y salvación de aquellos habitantes, tiene la honra de ofrecer al Gobierno de Su Majestad los individuos convenientes de la referida Congregación para el fin arriba indicado, esperando que este ofrecimiento no sólo sea del agrado de Su Majestad y de su Gobierno, sino que para su realización facilitará a la misma Congregación los medios indispensables al efecto » (Fernández, Cristóbal, 1962 : 61 ; Pujadas, 1968 : 95). 356 « Por consiguiente, de no haber aceptado las Misiones de Fernando Póo quedábamos irremediablemente sin dicho privilegio ; y nuestros noviciados y colegios, hoy tan florecientes por la divina misericordia, recibirían con tal negativa un golpe de muerte ». Mata, José (s/d), Relación de las tramitaciones..., p. 20. 355
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Il paraît donc évident que si les clarétains acceptaient la Mission de Fernando Póo c’était pour l’exemption du service militaire. A M. Clauderledy, Vicaire Général des jésuites, dans une lettre adressée au cardinal Simeoni sans date [1883] écrivait : « Celui-ci même [le P. Provincial de Castille, P. Delgado] m’écrit que le gouvernement espagnol, après avoir appris que ce cap [de Saint Jean] appartenait à la Préfecture Apostolique de Fernando Póo, a fait appel aux missionnaires de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, qui devraient partir dans cette expédition. Ces RR.Pères ont accepté les Missions de Fernando Póo du fait d’être exemptés du service militaire, auquel ils auraient été assujettis au cas où ils n’auraient pas eu une Mission extérieure »357. À mon avis cette question était à la fois fondamentale et circonstancielle : les clarétains avaient besoin (ou croyaient avoir besoin) de l’exemption. Accepter les Missions de Fernando Póo était une opportunité qui pouvait remplir leurs expectatives : Une Mission difficile, en terres « d'infidèles » qu’ils pourraient « convertir » en affrontant des dangers peut-être mortels, tout en donnant un exemple de fermeté, d’abnégation et de dévouement... Dans l’esprit des clarétains, la Mission de la Guinée était, notamment, une possibilité d’évangélisation, de perfectionnement personnel et de réponse à une vieille demande du Saint Siège qui s’accordait parfaitement à leur idéologie. J’ai déjà expliqué que vu la rapidité des démarches qui précédèrent leur acceptation, on n’avait consulté que les consulteurs : cinq individus. Cependant, les expectatives créées provoquèrent, ainsi qu’on verra par la suite, une avalanche de sollicitations ; et le 17 mai 1882, le P. Xifré présentait déjà une offre concrète au Ministère : la congrégation affecterait à ces terres inconnues 10 missionnaires. Tout comme les jésuites lors de leur première expédition. Au delà des démarches administratives, que l’on verra plus tard, il faut dire que les clarétains agirent très vite et dans plusieurs sens. Il est établi qu’ils eurent un entretien avec l’ex-curé de la paroisse de San José, Manuel Robles 358 ; et le P. Mata s’est renseigné auprès des jésuites survivants de l’aventure guinéenne. En réponse à la demande d’information du P. Mata 357
« Mi scrive il medesimoche il governo spagnuolo, avendo saputo che quel Capoera compreso nella Prefettura Apostolica di Fernando Po, ha chiesto de’Missionarii della Congregazione dell’Immaculato Cuore di Maria, i quali dovranno partire presto colla suddetta spedizione. Quei RR. Padri accetarono le Missioni di Fernando Po per esimersi della leva, alla quale sarebbero soggetti se non avessero una missione estera ». ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 877. Dans une lettre du 8 octobre 1884 Clauderledy insistait sur les mêmes thèmes et il rappelait qu’il fallait l’approbation de la Propaganda Fide si les clarétiens voulaient s’établir dans des nouvelles fondations. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 878-881. 358 Pujadas, 1968 : 94.
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(adressée au début au P. Beola), Mata reçut une lettre359 de l’un des jésuites qui avait été à la Mission de Fernando Póo (la fin est mutilée de manière telle que je ne peux en savoir ni le nom ni la date), ce qui devrait constituer un véritable guide pour les premiers clarétains affectés à la Guinée. Étant donnée l’expérience jésuite, l’esprit de cette lettre n’était pas très encourageant et décrivait de façon fortement pessimiste la possibilité d’évangéliser les habitants du pays : « Le caractère des habitants est, en général, l’indolence, l’apathie à tout ce qui se rapporte à changer leurs habitudes pour celles de l’Européen ; parce que étant possédés par la polygamie, la superstition et l’ivresse, ils doivent vaincre des obstacles presque insurmontables sans l’appui de la foi, qu’ils ne possèdent pas et ne souhaitent pas non plus. Leur réserve vis à vis des manières européennes, si ce n’est le temps nécessaire pour vendre les quelques peu de vivres dont ils fournissent la population ou le commerce, rend difficile de propager en eux l’Evangile, et il s’avère nécessaire de vivre parmi eux si on doit faire quelque chose. Même ainsi, ils sont si méfiants qu’ils écoutent le missionnaire avec prévention ; et s’ils n’ont aucune difficulté à consentir à ses enseignements, il n’en est pas de même lors de la mise en pratique de ses instructions »360. Le contenu de la lettre a un ton clairement pratique : elle parle du climat de la Guinée, des difficultés pour recruter des enfants pour les écoles ; du genre de tenue souhaitée ; des mesures de prévention (contre le soleil, la pluie, et l’excès de travail, « qu'un Européen ne peut se permettre ») ; de l’inexistence du village de Banapa, contrairement à l’idée que les clarétains s’étaient faite ; de la nourriture : (« A l'exception de ce que les indigènes portent à vendre à la ville - des oeufs, et des poules, des bananes à cuire et comme dessert et quelques ignames, tout le reste il faut l'apporter ou l'acheter en Europe »361) ; des plantes que l’on peut y trouver ; de l’usage de la quinine et d’autres remèdes pour les maladies les plus courantes ; et de la tâche effectuée par les jésuites, aussi bien à la capitale que sur le reste du territoire (Annobón, Corisco, les Elobeys, et le Cap de Saint Jean).
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AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 3. « La condición de los habitantes, en general, es la indolencia, la apatía a todo lo que sea cambiar sus costumbres por las del europeo ; porque teniendo en ellos la poligamia, la superstición y hasta bastante la embriaguez, tienen que vencer obstáculos casi insuperables sin el apoyo de la fe, que ni la tienen ni la desean. El retraimiento que tienen del trato europeo, como no sea el tiempo preciso para vender algunos muy pocos víveres de que surten a la población o al comercio, hace difícil en ellos la propagación del Evangelio, y se hace necesario el habitar entre ellos si se ha de hacer algo. Aun así, son tan desconfiados que escuchan con prevención al misionero ; y si no tienen dificultad en asentir a sus enseñanzas, las tienen para practicar sus instrucciones ». 361 « se exceptúa lo que traen a vender los indígenas a la ciudad -huevos y gallinas, plátanos de cocer y de postre y algunos tubérculos de ñame-, todo lo demás es preciso llevarlo o adquirirlo de Europa ». 360
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Il n’y manquait pas, bien sûr, la vision particulière qu’ils portaient sur les gens de la ville : « La population est composée d’une autre race et de différentes tribus, provenant des îles et du continent, qui en tant qu’artistes ou fugitifs d’autres colonies se sont établis dans la ville. Élevés par les protestants dans des colonies ou factoreries, ils savent lire et écrire et tout ce que comprend l’éducation d’un artiste, mais ils prennent des airs de grands lettrés et de savants de bistrot, qui osent discuter avec l’Européen et, méprisent, évidemment, la religion catholique. Tous complotant et soutenus, pour faire la guerre à la propagation de la foi, par des ministres protestants qui visitent l’île très souvent, à peine peut-on se mettre en rapport avec eux si ce n’est pour des choses matérielles, ou s’en servir comme artistes, mais pas en matière de religion »362. Ce genre d’information n’apparaît pas dans la bibliographie clarétaine. Cependant, je pense que les contacts avec le P. Robles et avec les jésuites furent très importants dans la préparation et le fonctionnement initial de la Mission des Fils du Coeur de Marie. Ainsi, s’explique-t-on que la plupart des provisions leur soient parvenues, dès le début, de la Péninsule, à travers la Maison clarétaine de Barcelone. Et que leur perception du pays coïncide avec celle des anciens évangélisateurs de la colonie : les jésuites étaient fiables, parce que, comme eux, ils étaient des missionnaires ; et en outre, ils possédaient l’expérience du pays et de la Mission ; et parce que leur vision de Santa Isabel (le seul endroit qu’ils aient vraiment bien connu) comme une « cité corrompue » s’accordait à ce « royaume du péché, de l'ignorance et de la souffrance » qui était, pour grand nombre de missionnaires, l’univers externe à leur communauté. L’origine de l’information qui précéda leur départ détermina leur manière de procéder. Il en est de même pour les conditions offertes par l’administration pour qu’ils acceptent d’aller en Guinée. À ce sujet, rappelons la procédure du P. Xifré en ce qui concerne les nouvelles fondations, et les nombreuses formalités qu’il exigeait habituellement pour les approuver (la protection de l’évêque concerné ; la délégation de facultés apostoliques ; la concession d’un bâtiment bien situé, dans une ville importante, bien aménagé et muni de l’eau potable ; l’existence ou construction adjointe à une église ; le payement des premiers frais ; une prévision des versements ; la possibilité de vivre en communauté ; et le délibérément de toute sorte de charges). Il est évident 362
« La población se compone de otra raza y diferentes tribus, de islas y del continente, que por ser artistas o fugados de otras colonias han establecido su domicilio en la llamada ciudad. Éstos, como educados por protestantes en dichas colonias o factorías, saben leer y escribir y cuanto pertenece a la educación de un artista, pero con ínfulas de grandes letrados y sabios de taberna, que se atreven a disputar con el europeo y, por supuesto, desprecian la religión católica. Confabulados todos y sostenidos, para hacer guerra a la propagación de la fe, por ministros protestantes que frecuentemente visitan la isla, apenas se puede tratar con ellos más que de cosas materiales, o servirse de ellos como artistas, pero no en punto de religión ».
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que le Général des clarétains sut tirer profit de la situation du ministère et des difficultés rencontrées par l’administration pour parvenir à avoir un Institut religieux permettant de raviver sa politique coloniale en Guinée. Le 9 août 1882, un Ordre Royal autorisait la nouvelle Mission clarétaine ; et le 30 de ce même mois, le P. Xifré présentait au ministère d’Outre-mer un texte contenant les « Bases » qui, d’après lui, servaient à établir le bien fondé de la procédure des nouveaux missionnaires : « 1. Travailler autant que possible dans la capitale pour ramener ses habitants à la moralité et au bon ordre que tout bon chrétien et ressortissant espagnol doit toujours observer. 2. S’implanter dans l’intérieur du pays, aussi vite que les circonstances le permettent, formant des Maisons avec des chapelles et des écoles qui, bien que modestes à leurs débuts, permettent d’attirer ces pauvres indigènes moyennant la nourriture corporelle et couvrir leur nudité avec des habits très simples, pour que, après avoir gagné leurs cœurs, on puisse leur enseigner la religion, les lettres, la culture et les arts. 3. Ces églises ou Missions augmenteront au fur et à mesure qu’on gagne ces tribus, d’où il s’ensuivra que le nombre de douze missionnaires fixés grandira au cours du temps. 4. Le même projet sera poursuivi dans les îles de Corisco et Annobón aussi vite que les circonstances leur permettront d’y pénétrer »363. Il paraît évident que ces « Bases » sont postérieures aux informations obtenues des jésuites : les clarétains s’y fixaient l’objectif de « moraliser » les habitants de Santa Isabel, tout en introduisant le statut de « ressortissant espagnol » pour justifier leur exigence face à des citoyens non catholiques ; et ils songeaient à un plan d’expansion rapide, composé au début de 12 missionnaires qui progressivement augmenteraient ; et une procédure dans tout le territoire basée sur la trilogie jésuite Presbytère => Chapelle => École. L’Ordre Royal qui approuvait ces « Bases » datait du 27 novembre364. L’acceptation du gouvernement était totale, une preuve évidente du changement de politique et de l’élan que l’on voulait donner aux Missions ; 363
« 1º Trabajar cuanto les sea posible en la capital para conducir sus habitantes a la moralidad y al buen orden que debe siempre observar todo cristiano y súbdito español. 2º Internarse en el país, tan pronto como se lo permitan las circunstancias, formando Casas con capillas y escuelas, aunque modestas en su principio, a fin de atraer aquellos pobres indígenas por medio del alimento corporal y cubrir su desnudez con vestidos sencillísimos, para que, en ganados sus corazones, se les pueda enseñar la religión, las letras, la cultura y las artes. 3º Estas iglesias o Misiones se irán aumentando a proporción de que se vayan ganando aquellas tribus, de donde se seguirá que el número de doce misioneros que se fijan irá creciendo con el decurso de los tiempos. 4º El mismo plan pretende seguir en las islas de Corisco y Annobón tan pronto como las circunstancias les permitan el ingreso en ellas ». Xifré, Josep (1882), Bases de la Misión de Fernando Póo. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 6. 364 AG.CMF, Section F, Série N. Boîte, Carton 6.
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mais aussi de la faiblesse de l’autorité civile en cette affaire. La seule condition que l’on exigeait était de se concerter et d’établir le budget de l’aide que l’Administration devait concéder à la nouvelle Mission. Une aide que les clarétains exposèrent dans un projet livré le 9 janvier 1883, qui contenait comme proposition « l’obligation du Gouvernement de contribuer aux frais de la Mission par 4.000 ptes. annuelles pour chacun des prêtres et 2.000 pour chacun des Frères coadjuteurs, ainsi que de leur procurer une maison ou chambre convenable et tout le nécessaire au culte des églises ou chapelles, ce à quoi on devait ajouter une quantité modique destinée à habiller et nourrir des indigènes au fur et à mesure qu’ils se convertiront, notamment les internes des collèges »365. Des concepts et quantités qui serviraient de base à tous les budgets de la Mission, en commençant par celui de 1883, où l’on lit : « Chap. 1. Personnel : Art. 2. Personnel des différentes dépendances : Culte : Missions de Pères de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie : Six missionnaires, à 800 pesos 4.800 Sis coadjuteurs, à 4000 id. 2.400 Pour le personnel de l’église 600 _____ 7.800 Chap. 2. Matériel : Art. 2. Matériel des différentes dépendances de Marine : Culte : Mission de PP. de la Congrégation du Cœur Immaculé de M. Matériel : Pour matériel de l’église 600 Pour id. De l’école 200 Pour habits et nourriture des indigènes 1.400 --------2.200 Frais d’installation pour une seule fois 4.000 Instruction publique : Allocation de l’école d’instruction primaire pour l’achat de livres, papiers et d’autres effets 100 365
« La obligación del Gobierno a contribuir a los gastos de la Misión con 4.000 pesetas anuales para cada uno de los sacerdotes y 2.000 para cada uno de los Hermanos coadjutores, además de proporcionarles casa o habitación adecuada y lo necesario para el culto de las iglesias o capillas, a lo que debía añadirse una módica cantidad destinada a vestir y alimentar a indígenas que se fueran convirtiendo, principalmente a los niños del internado de los colegios » (Fernández, Cristóbal, 1962 : 61).
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Art. 3. Frais divers Pour le passage aller de six missionnaires et six coadjuteurs, à 100 pesos chacun 1.200 Fret : Pour le fret de vivres et effets envoyés à F.P. 1.500 »366. Ce budget de 1883 prévoyait aussi le payement d’un maître et d’une stagiaire pour l’école de Santa Isabel (alors que le matériel était attribué aux missionnaires), bien qu’il ait été fixé, dans les conversations et dans les « Bases », que l’ensemble de l’enseignement de la colonie était du ressort des clarétains. Compte tenu de cet accord, il résulte que l’État acceptait de donner aux missionnaires 15.925 pesos plus la partie correspondante aux frets. C’est à dire, et dès le premier moment, une somme très supérieure à celle de la Mission des jésuites à son apogée, et qui représentait 21,3% du total des frais de la colonie. C’était la consécration de la politique efficace du P. Xifré, qui assurait une base économique suffisante à la Mission de Santa Isabel. Suffisante au point qu’elle serait blâmée par toutes les autres institutions de la colonie au cours de toute la période étudiée. Le budget de la colonie nous permet d’apprendre aussi le poids et la composition de l’Administration au moment de la création de la Mission clarétaine : le gouverneur, avec un secrétaire lettré et deux employés aux écritures ; une garnison de 46 militaires et douze Krumen, commandée par le commandant du ponton ; un médecin et un aumônier militaires ; cinq policiers ; un maître et une stagiaire pour l’école ; et un médecin et deux infirmiers pour l’hôpital. Un total de 72 personnes, demeurant toutes à Santa Isabel, auxquelles on ajoutait les douze missionnaires, pour l’ensemble des territoires. Il faut dire que le traitement de faveur de la part du gouvernement était évident : ainsi, comme il était précisé dans le budget, de caractère annuel, les frais de personnel et de matériel se réduiraient seulement de 25% si les missionnaires commençaient leur tâche le premier octobre 1883. Et c’est ce qui fut fait : la première expédition clarétaine quittait le port de Barcelone le 5. La troisième direction dans laquelle s’engagea le P. Xifré fut la Sacrée Congrégation de la Propaganda Fide : À travers la nonciature de Madrid et après une visite personnelle au Cardinal Simeoni, en septembre 1883, Xifré obtint pour ses missionnaires des facultés équivalentes à celles qu’avaient obtenues les jésuites en leur temps. Juste après sa visite, le Général des clarétains demandait au cardinal son opinion sur la possibilité d’établir une 366
Gaceta de Madrid, 2 septembre 1883.
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fondation au Mexique (qui se ferait effective l’année suivante, à Toluca) ; et il avançait la liste des clarétains désignés pour former la première expédition en Guinée : « Avant de partir d’ici j’ai chargé le P. Senmarti, mercenaire, que le plus tôt possible il apporte a V. Emne. les noms des Pères missionnaires que nous destinons à Fernando Póo, comme V. Emne. m’en avait chargé. De crainte qu’il y ait eu un oubli, je vous les envoie ci-joints. (...) P. Domingo Solá Préfet P. Francisco Salvadó P. Vicente Tremoleda P. Pedro Frígola P. Ramón Burgués P. Joaquin Pagés (..) Des motifs très puissants nous ont obligés à ajourner le voyage de référence jusqu’au 5 du mois prochain »367. Le fait que Xifré ait donné les noms des prêtres, mais pas ceux des coadjuteurs, reflète la considération qu’autant les uns que les autres méritaient dans les cercles ecclésiastiques de l’époque. L’expédition retarda son départ jusqu’à ce que toutes les affaires, administratives et ecclésiastiques, soient fixées. Mais ce qui frappe le plus dans cette liste, écrite juste dix jours avant le départ de la première expédition, c’est qu’elle ne coïncide pas encore avec la liste définitive. Une maladie soudaine du P. Domènec Solà et une autre de celui qu’on avait envisagé comme son successeur, le cofondateur P. Clotet, à cause de la hâte imposée par les conditions du budget, détermina l’élection du P. Ciríaco Ramírez comme premier Préfet Apostolique clarétain de Fernando Póo et la composition définitive de l'expédition fut : Prêtres : • Ciríaco Ramírez : Préfet Apostolique, Supérieur clarétain et curé San José. • Miquel Coma ; premier consulteur. • Joaquim Pagès : second consulteur. • Pere Frígola : ministre (administrateur) et secrétaire du Préfet. • Ramon Burgués. • Joan Pujol.
de
Coadjuteurs : • Jaume Miquel, maçon. • Gregorio Cuadra, horticulteur - cordonnier. 367
Lettre du 25 septembre de 1883. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 748-750.
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• Francesc Puig, cordonnier. • Joan Prats, cuisinier. • Ramón Tonijuan, tailleur et cordonnier. • Josep Turonell, tailleur et boulanger. En dix jours, donc, il y eut au moins trois listes d’expédition. Ce que les clarétains, quelques années plus tard, interprétaient comme une preuve du dessein divin : « Occupant [le P. Ramírez] l’important poste de Maître de novices à Gràcia et jouissant de la pleine satisfaction des Supérieurs et des sujets, Dieu, à travers un fait de la Providence pareil à celui dont elle fit usage pour emmener St. François Xavier au Japon à la place d’autres PP. qu’avait désigné St. Ignace, le R. Père Ramírez fut envoyé à ces Missions à la place du R. P. Solá, préalablement nommé, et du R. P. Clotet, qui avait été prévu comme remplaçant de celui-là. Et il est vrai que l’élection devait venir de Dieu, car pour commencer ces Missions on avait besoin de l’autorité du P. Ramírez »368. J’ai déjà dit que l’expédition définitive quitta le port de Barcelone le 5 octobre 1883. Le vapeur " Coruña " amena les missionnaires jusqu’à Cadix et Las Palmas de Gran Canaria, où ils prirent un autre vapeur, le " Landana ", de la britannique Africa Steam Ship Company ; le bateau fit une escale à Sierra Leone et il atteint Santa Isabel le 13 novembre 1883. Un accueil cordial et joyeux les attendait, avec en tête le curé Vicente Montoro et le gouverneur Antonio Cano. Le gouverneur antérieur, José Montes de Oca, avait reçu l’Ordre Royal du 9 août 1882 qui approuvait la création de la Mission clarétaine et lui ordonnait « la construction d'un bâtiment où les douze Pères missionnaires puissent avoir un hébergement convenable, que S.M. estimait nécessaire, s'ils doivent accomplir avec succès la dite Mission »369. En fait, les expéditionnaires furent logés dans l’ancienne Mission des jésuites. Et ils commencèrent leur tâche paroissiale : le P. Ramírez se désigna comme Préfet ; le P. Coma assuma sa tâche de curé, son vicaire étant le P. Burgués ; le P. Pujol devait prendre l’école en charge ; le P. 368
« Hallábase desempeñando el importante cargo de Maestro de novicios en Gracia a satisfacción de Superiores y súbditos, cuando Dios, por un acto de la Providencia semejante al que usó para llevar al Japón a S. Francisco Javier en lugar de otros PP. que había designado S. Ignacio, hizo que fuese enviado a estas Misiones el Rmo. Padre Ramírez en lugar del Rdo. P. Solá, nombrado primero, y del Rdo. P. Clotet, en quien se había pensado en sustitución de aquél. Y a la verdad debía de ser de Dios la elección, pues para dar comienzo a estas Misiones se necesitaba un hombre de la autoridad del P. Ramírez ». [Coll, Ermengol] (circa 1908), Crónica de la Casa-Misión de Sta. Isabel. AG.CMF, Section F, Série P, Boîte 6, Carton 1, p. 46. 369 Coll, Ermengol, 1911 :78.
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Frígola, l’administration ; et le P. Pagès était le responsable des affaires spirituelles de la communauté, tandis que les coadjuteurs se livraient à leurs métiers et restaient dans l’expectative, attendant de s’incorporer, comme maîtres de ces métiers, dans une possible école professionnelle. En avril 1884 arriva à Santa Isabel la goélette " Ligera ", bateau de guerre destiné au service de la colonie ; les clarétains pouvaient disposer d’un moyen de transport vers d’autres territoires. L’arrivée des missionnaires était accompagnée de toute une série d’ordres et de dispositions leur livrant les quantités établies en budget (31 août 1883), l’église et ses dépendances (5 septembre ), imposant le castillan comme langue obligatoire dans l’enseignement (12 février 1884), les chargeant de l’enseignement primaire de toute la colonie (11 mars), tout en les délivrant de présenter des justificatifs des quantités établies dans le budget (5 juillet). À la Péninsule, peu après leur départ, le P. Clotet rendait compte de l’expédition au cardinal Simeoni : il affirmait que le P. Xifré, qui avait reçu de la Propaganda Fide la nomination de Ramírez comme Préfet avec la faculté de confirmer, était allé en personne à Cadix lui apporter la notification. Et il ajoutait : « Ainsi ce Père, comme les autres Pères et Frères Coadjuteurs, sont partis le 5 de ce mois-ci pleins d’une joie indescriptible vers ces îles lointaines, le bateau qui les emmenait ayant dû s’arrêter à Cadix pour quelques jours. Éminentissime Monsieur : nous vous avons causé beaucoup de travail et d’ennuis ; mais nous vous sommes très reconnaissants. Comment notre humble et pauvre Congrégation pourra-telle rendre à V. Exc. les nombreux et très importants services que vous lui avez offerts ? Ah! Elle ne vous oublie pas, ni peut vous oublier dans ses prières »370. Il avait raison. Fernando Póo deviendrait la principale Mission clarétaine. Avec elle, arriverait la maturité et la consécration de l’Institut. Et il deviendrait le destin dangereux et souhaité pour un grand nombre de ses membres.
370 « Así este Padre, como los demás Padres y Hermanos Coadjutores, partieron el día 5 del corriente con una alegría indescriptible a aquellas lejanas islas, teniendo el buque que los llevaba que detenerse en Cádiz por algunos días. Eminentísimo Señor : mucho trabajo y molestia le hemos causado ; pero le quedamos sumamente agradecidos. ¿Cómo pagará nuestra humilde y pobre Congregación a V. Emna. los muchos e importantísimos servicios que le ha prestado? ¡Ah! Ella no lo olvida, ni puede olvidarlo en sus oraciones ». Lettre du 13 octobre 1883. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 751-752.
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Présentation des clarétains destinés à la Guinée « Mes chers Frères! Combien je regrette la distance qui nous sépare! Je voudrais venir vous voir, vous communiquer mon attachement et vous serrer contre mon cœur. Je voudrais partager avec vous les tracas, les chaleurs, les privations et pénalités. Et ce qui est plus : envahir d’autres pays, former de nouvelles missions à Bornéo, au Japon, à... dans le monde entier, sans d’autre nourriture, ni d’autres commodités, ni d’autres lits, ni d’autres.... que les sauvages et anthropophages. C’est cela être missionnaire, c’est cela être Xavier apôtre, disciple de Jésus-Christ »371 Afin de « sauver » les « sauvages et anthropophages » du golfe de Guinée, la congrégation clarétaine fournit un effort extraordinaire : on envoya, durant la période étudiée (1883-1910), un total de 225 missionnaires. J’ai pu me documenter sur tous, et je fournis les données essentielles (date et lieu de naissance et de décès, métier du père, date d’arrivée en Guinée, destinations, publications…) en annexe 1.b. Dès 1885, la tâche des clarétains fut complétée par celle des religieuses conceptionnistes. Celles-ci demeurèrent en Guinée, au cours de la même période, en nombre sensiblement plus bas : 66 nonnes. Également, j’ai pu me documenter sur toutes et je fournis les données en annexe 1.c. ; quoique la quantité et la qualité de l’information sur les religieuses soit considérablement moindre que celle des missionnaires. C’étaient les Pères clarétains, en fait, qui dirigeaient les Missions, tandis que la tâche des conceptionnistes était perçue d’un point de vue paternaliste et patriarcal, donc acceptée comme auxiliaire, comme complémentaire, et destinée seulement aux femmes et aux filles. En tout, il s’agit de 291 religieux et religieuses. Qui arrivèrent en Guinée tout au long de 68 expéditions, réparties au long de ces 27 années de la manière suivante : N° 1 2 3
Date 13 novembre 1883 27 janvier 1885 22 août 1885
Clarétains 12 19 3
Conceptionnistes 5
TOTAL 12 24 3
371 « ¡ Mis amados Hermanos! ¡Cuánto siento la distancia que nos separa ! Quisiera visitaros, comunicaros los afectos de mi corazón y estrecharos contra el mismo. Quisiera compartir con vosotros las fatigas, los calores, las privaciones y penalidades. Quisiera todavía mucho más : invadir otros países, formar nuevas misiones en Borneo, en el Japón, en... en todo el mundo, sin tener más comida, ni más comodidades, ni más camas, ni más... que los salvajes y antropófagos. Eso es ser misionero, eso es ser Javier apóstol, discípulo de Jesucristo ». Lettre de Josep Xifré aux Pères et Frères affectés au golfe de Guinée, du 21 mars 1980. APG.CMFMadrid, document sans cataloguer.
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4 5 6 7 8 9 10
22 mai 1886 2 janvier 1887 7 janvier 1887 30 septembre 1887 21 janvier 1888 18 juillet 1888 18 octobre 1888
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
18 janvier 1889 18 avril 1889 26 avril 1890 18 octobre 1890 19 octobre 1890 19 janvier 1891 18 juillet 1891 19 avril 1892 19 juillet 1892 18 octobre 1892
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
19 janvier 1893 17 avril 1893 20 juillet 1893 20 janvier 1894 20 avril 1894 20 octobre 1894 19 janvier 1895 21 juillet 1895 17 janvier 1896 19 janvier 1896
31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
19 juillet 1896 17 janvier 1897 16 avril 1897 19 octobre 1897 18 avril 1898 21 juin 1899 18 juillet 1899 18 juillet 1900 17 août 1900 18 avril 1901
41
19 juin 1901
4 3 22 5 4 3 2 2 2 4 6 2 3 5 5 7
2 2
2 3 7 4 6 2 4 4
1 1 2 2 2 2 2
4 1 2 3 5 5 3 6 2
213
4 3 22 5 4 3 2 2 2 4 6 2 3 5 7 7 2 2 3 1 8 6 6 2 6 4 2 2 2 4 1 2 3 5 5 3 6 2
42 43 44 45 46 47 48 49 50
20 octobre 1901 18 avril 1902 18 juin 1902 20 août 1902 17 avril 1903 17 juin 1903 17 août 1903 16 février 1904 16 août 1904
3 4 6
51 52 53 54 55 56 57 58 59 60
17 octobre 1904 16 août 1905 17 août 1905 18 décembre 1905 17 août 1906 17 octobre 1906 17 février 1907 16 juin 1907 17 octobre 1907 17 avril 1908
3
61 62 63 64 65 66 67 68
16 juin 1908 17 août 1908 16 décembre 1908 17 décembre 1908 16 octobre 1909 16 décembre 1909 16 juillet 1910 24 septembre 1910 TOTAL Date inconnue
5 6
1 3 1 8 4 4 1 5 2 4 4
3 1 2
1 3 1
3 1 4 4 1 3 223 2
65 1
3 4 6 1 3 1 8 4 4 3 1 5 2 7 5 2 1 3 1 5 6 3 1 4 4 1 3 288 291
En ce qui concerne les clarétains, la première des choses qui attire l’attention est leur provenance : bien que, ainsi qu’on l’a vu, au début de cette période ils fussent installés dans quatre pays et que, à la fin, leur expansion fût déjà arrivée à 14 ; qu’il s’agît d’une longue période - 27 ans - ; que le nombre de Maisons eût augmenté de 23 à 112 ; et que le nombre de membres de l’Institut de 605 à 2.137... on voit que seulement quatre des 225 missionnaires envoyés en Guinée n’étaient pas Espagnols : un Chilien (Le P. Alfredo Bolados) et trois Portugais ( Les FF. Manuel Fonseca, Manuel Gonçalves et José Monteiro) ; et, encore, ces derniers, tous au cours de la dernière étape étudiée (« période de continuation »).
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Ci-dessous, la distribution, par régions et pays, des 221 Espagnols : Pays/Région Andalousie Aragon Castille Catalogne Extramadura Pays Basque et Navarre Pays valencien La Rioja
Nombre 3 25 36 104 1 43 1 8
% 1,4 11,3 16,3 47 0,5 19,5 0,5 3,6
La première caractéristique de cette distribution est l’énorme poids des missionnaires originaires de Catalogne, qui représentaient quasiment la moitié du contingent. Si on y ajoute les religieux provenant d’autres zones catalanophones, nous obtiendrons ces résultats : Catalogne La Franja de Ponent (Aragon) Pays Valencien TOTAL
104 8 1 113
C’est à dire, 50,2% du total. Cette présence si remarquable contraste avec l’objectif d’hispaniser envisagé par les clarétains en Guinée et qui les situait très loin de la tâche de catalaniser. Tâche que pratiquaient leurs collègues diocésains, comme résultat du régionalisme catholique. Peu à peu, nous verrons les raisons de cette attitude des missionnaires clarétains catalans, qui paraît contraster avec celle du clergé catalan de l'époque y compris celle du P. Claret, favorable, comme nous avons vu, à prêcher en catalan (en général, à prêcher en la langue du peuple). En fait, il s'agit d'une attitude généralisée dans toute l'Europe de l'époque, où la construction des États-nations, de nature jacobine, avait répandu une double croyance : d'une part, qu'il existait des langues « supérieures », plus aptes pour la « culture » et propres aux grands États ; de l'autre, l'attribution des autres langues à des usages « inférieurs », propres aux « paysans » (« patois »), créant des préjudices et des sentiments d'infériorité dans de vastes couches de la population372. Or, ces couches de population provenant de territoires où la langue « nationale » n'était pas employée, étaient censées 372
Calvet, 1974, 1987.
215
apprendre la langue dominante si elles tenaient à s'engager dans des tâches visant l'Administration, l'Église, ou, d'une manière générale avec le « progrès » ; et adoptaient des conduites « patoisantes » vis à vis de leur propre langue. C'est ce qui arriva chez les missionnaires clarétains catalans en Guinée, qui n’utilisaient même pas le catalan dans leurs relations épistolaires, en dehors de certaines expressions « de sympathie ». En Catalogne, l'usage du catalan dans les sermons coexistait avec une totale hispanisation de la congrégation : le catalan pouvait être employé comme un moyen d'approche de la population inculte mais, pour les usages « sérieux », « importants », la langue « appropriée » était l'espagnol. Nous remarquons une action semblable partout ailleurs. Notamment en France et en Grande Bretagne, les deux grandes puissances missionnaires de l'époque. Pour ce qui est de la Grande Bretagne, par exemple, en Afrique les missionnaires protestants provenant de territoires de langues celtiques exercèrent à tout moment leur labeur en anglais : ils agirent en tant qu'agents culturels anglais et comme stimulateurs de la civilisation dominante. Des cadets écossais, irlandais, cornouaillais et gallois, qui auraient sans doute rencontré des « barrières ethniques » pour leur pleine intégration dans la société anglaise où ils étaient méprisés, purent compenser leur situation d'infériorité et s'intégrer aux groupes dominants moyennant leur participation au projet missionnaire qui formait partie du projet impérial anglais. Le prestige de leur labeur, considéré comme civilisateur et humanitaire, favorisait la réalisation de ce statut d'égalité. Pour d'autres, ce fut moyennant le rattachement à l'Administration coloniale ou à la milice et, en GrandeBretagne même, à des tâches concernant l'éducation et la réforme des mœurs. Cette intégration au projet impérial permettait de surmonter les préjudices d'infériorité de départ et de se sentir comme faisant partie d'une « nation plus grande ». Des gens qui, dans leur pays, auraient été considérés « de second ordre », pouvaient, de la sorte, acquérir une importance et « faire carrière ». Ils devaient se comporter en tout comme de vrais Anglais (ou Français, ou Espagnols : en fait, les mécanismes furent partout les mêmes). En ce qui concerne les Britanniques, seul le pays de Galles pouvait constituer une exception ; car, bien que l'Église galloise fut anglophone et en tout officielle à la ville, à la campagne, en revanche, elle resta éloignée des attitudes et des usages officiels (non conformité) et bilingue, ce qui permit l'accès du gallois à la langue écrite : des ministres qui prêchaient et officiaient en gallois dans leur presbytère, mais dont les rapports écrits et les registres de la paroisse se faisaient en anglais. À Madagascar, ce furent des missionnaires gallois non
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conformistes qui traduisirent la Bible en malagasy, l'imprimèrent et primèrent son étude par dessus tout autre système d'instruction373. En ce qui concerne la France, le fait que les grands Instituts missionnaires appartiennent au cadre de l'État favorisa, de paire avec les préjudices dont j'ai parlé ci-dessus, une action « patoisante » à l'égard des langues « régionales ». Tout comme parmi les clarétains, qui, cependant, écrirent et publièrent des grammaires, des vocabulaires et des traductions des Évangiles en toutes les langues guinéennes. Cependant, leur action vis à vis de ces langues fut également « patoisante » : leur connaissance n'était pas vraiment nécessaire pour eux, mais seulement convenable pour une première approche à la population ; aussitôt, l'accès à « la » culture devait se faire en espagnol. Ainsi même, les missionnaires de langues celtes de la LMS, bien qu'ayant traduit la Bible en malgache, imposèrent l'anglais comme deuxième langue dans leurs écoles, afin de donner à leurs élèves accès à une culture supérieure et qu'on ne puisse les accuser de nul « attardement »... Dans ce sens-là, l'action clarétaine contraste avec celle des missionnaires flamands qui, au Congo Belge, firent leur enseignement en flamand. Ceci répondait à la situation interne de leur pays, où les Walons considéraient le flamand comme un affreux patois ; l'action missionnaire pouvait rendre, à la langue propre, une situation de liberté et de reconnaissance en Outre-mer. En revanche, les clarétains furent des agents convaincus de l'hispanisation ; et ceci, lorsque justement une partie du clergé catalan commençait à revendiquer un usage plus « normalisé » de sa propre langue. La raison la plus importante fut le fait, comme nous verrons plus tard, que la Mission guinéenne fut à tout moment considérée comme liée à l'expansion de l'État espagnol et, par conséquent, à l'expansion de la langue de l'État. À l'époque, la revendication de la langue catalane en Outre-mer n'était même pas envisagée : cela aurait représenté une sorte de « séparatisme » qui aurait mis en danger l'accès des investisseurs catalans à l'économie coloniale, à un moment où le catalanisme officiel naissant recherchait la défense des intérêts des bourgeois et investisseurs. La deuxième caractéristique remarquable est que le plus grand poids du nombre de missionnaires se situe dans le secteur nord de la Péninsule et dans des zones bien concrètes. Ceci sera sujet de commentaire après en avoir vu la distribution dans les trois autres régions comprenant plus de provenance missionnaire (plus de 10% de l’ensemble) :
373
Belrose & Huyghues, 1978 : 230.
217
Pour l'Aragon : Huesca : 18 Teruel : 3 Zaragoza : 4 Pour la Castille : Avila : 2 Burgos : 16 Leon : 2 Salamanca : 1 Segovia : 12 Soria : 2 Zamora : 1 Pour le Pays Basque et Navarre : Alvara : 2 Biscaïe : 8 Guipúzcoa : 2 Navarre : 31 La géographie missionnaire nous fournit, donc, une donnée intéressante : les missionnaires procédaient pour la plupart de la Catalogne, la Navarre, le nord de l’Aragon et le nord de la Castille ; soit, une zone coïncidante assez, bien que pas tout à fait, avec les principaux foyers du carlisme. Par contre, et curieusement, ce fait ne coïncide que passablement avec l’implantation de la congrégation clarétaine : pas du tout, avec l’implantation clarétaine dans les 14 pays où elle s’installa ; mais pas assez, non plus, avec son implantation en Espagne, qui tout au long de la période 1883-1909 fut la suivante :
218
Bien que cela ne fasse pas partie du sujet de ma thèse, il me semble qu’on pourrait envisager au moins une tendance : c’est comme si les noyaux importants de provenance des clarétains étaient les zones de tradition carliste ; et si le reste des zones, aussi bien espagnoles que celles d’autres pays, devenaient objectif de leur action, mais non viviers importants de nouvelles vocations et de nouvelles entrées dans la congrégation. Une théorie qui est en rapport aussi bien avec les origines de l’Institut qu’avec l’idéologie qu’il prêcha tout au long de la période. En ce qui concerne la Catalogne, si l’on regroupe les missionnaires envoyés en Guinée par districts de naissance nous pouvons souligner qu’il y a une répartition assez généralisée en ce qui concerne le nombre d’arrondissements atteints ; avec une prépondérance très marquée de la contrée d’Osona, berceau de la congrégation, en même temps que le Bages, le Berguedà et d’autres contrées centrales ; et, inversement, deux bien marqués dans les deux extrêmes, nord-occidental et méridional : L’Alt Empordà L’Alt Urgell L’Anoia El Bages
2 1 4 11
219
El Baix Camp El Baix Empordà el Baix Llobregat El Baix Penedès El Barcelonès El Berguedà La Conca de Barberà El Garraf L Garrotxa El Gironès Osona El Priorat El Ripollès La Segarra El Segrià La Selva el Solsonès El Tarragonès L’Urgell El Vallès Oriental TOTAL inconnue
5 1 2 2 4 8 1 1 4 3 22 1 3 4 3 1 2 1 11 4 101 3
Bien qu’atteignant un grand nombre de districts catalans, la provenance missionnaire ne touche presque pas les capitales de province ; seulement trois missionnaires étaient de Barcelone (Manuel Antolí, Marià Ferrando et Jaume Vall) ; un de Lleida (Ramon Bota) ; et aucun de Gerone ou de Tarragone. Y compris dans la contrée d’Osona, d’où procédaient 22 missionnaires, seulement un était de Vic. Et il en est de même pour d’autres endroits : deux missionnaires de Pamplona (Juan Aye et Esteban Goñi) ; un de Saint Sébastien (Fausto Serres) ; un de Burgos (José Padillano) ; un de Córdoba (Francisco Onetti). Seulement neuf clarétains sur 225 (4%) étaient originaires des capitales de province. Tous les autres procédaient de localités rurales ou de petites villes. Parmi les 101 Catalans, par exemple, seulement douze (11,9%) provenaient des capitales d’arrondissements (en fait, et en dehors de Barcelone, des petites villes). L’origine rurale et la provenance de zones de forte influence carliste s’accorde à l’idéologie des missionnaires. Il faut supposer qu’il en est de même pour leurs familles, même si l’éloignement entre les clarétains et leurs familles rend difficile toute vérification. Dans les rares occasions où la manière de penser de la famille se manifeste, la solidarité envers la congrégation est évidente. Par exemple, on trouve un tel Josep Serrallonga
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de Sant Pere de Torelló (Osona), parent du P. Joan Serrallonga (affecté à la Guinée en 1892) qui, lors de la variole de son fils aîné, demanda la protection de la Mère de Dieu et obtint sa guérison : « J’ai suspendu à son cou le saint scapulaire et, quant à moi, j’ai promis de publier la grâce dans El IRIS DE PAZ, au cas où elle nous serait concédée par celle qui est proclamée ‘Santé des malades’. Notre attente n’a pas été vaine ; la nuit même la maladie a atteint son point critique, et il a pu s’endormir, et quelques jours après il était complètement rétabli. Grâces soient rendues au Tout-puissant et au Cœur Immaculé de Marie ! »374. Il en va de même pour l’idéologie des missionnaires, qui se déclarent systématiquement apolitiques. En fait, leur affiliation explicite à l’esprit du carlisme ne se proclama jamais ; il ne s’agit que d’une sympathie évidente. Un seul cas d’importance : celui du P. Pere Vall-llovera, qui fut Préfet Apostolique de Fernando Póo entre 1888 et 1890 et qui avait été commandant d’une partie : « Je dois avertir que, depuis le milieu de l’an mille huit cents soixante-deux jusqu’au début de mille huit cents soixanteseize, j’ai milité sous le drapeau de D. Carlos dans le second bataillon de cette province, connu sous le nom de Huguet. (...) Pendant la dite campagne je ne reçus aucune blessure ; à l’exception d’un coup de feu au visage, qui me fit perdre partiellement la vue de l’oeil droit »375. De provenance rurale, conservatrice et religieuse, il faut dire aussi que les missionnaires clarétains envoyés en Guinée provenaient d’un niveau social plutôt modeste. Ainsi, par exemple, de temps en temps on trouve des lettres de leurs familles en quête d’une aide pour leur subsistance : « Je me trouve ici, par prescription facultative, afin de me remettre de ma maladie. Je me suis présentée au R.P. Supérieur ici, pourvue d’une lettre du R.P. Burgos, 374 « Colgué de su cuello el santo escapulario y prometí de mi parte publicar la gracia en EL IRIS DE PAZ, si lográbamos obtenerla de la que es proclamada Salud de los enfermos. No esperamos en vano ; aquella misma noche hizo crisis la enfermedad, pudiendo conciliar el sueño, y a los pocos días se hallaba completamente bien. ¡ Gracias sean dadas al Todopoderoso y al Inmaculado Corazón de María ! ». El Iris de Paz – El Inmaculado Corazon de Maria, 1896, p. 258-259. 375 « Debo advertir que, desde mediados de mil ochocientos setenta y dos a principios de mil ochocientos setenta y seis, milité bajo la bandera de D. Carlos en el segundo batallón de esta provincia, conocido por el de Huguet. (...) Durante la expresada campaña no recibí herida alguna ; a excepción de un fogonazo en la cara, de cuyas resultas perdí gran parte de la vista del ojo derecho ». Lettre du 7 août 1877 (peu après la fin de la troisième guerre carliste), demandant l’entrée dans la congrégation. AG.CMF, Section G, Série V, Boîte 1, Carton 18. L’esprit carliste et anti-libéral a été présent dans toute la congrégation jusqu’à très tard. Cfr., par exemple, l’anonyme (, 1907, p. 8) : « Par ta passion sacrée / je vous demande, Jésus aimant/ Puis-je continuer constant/ Dans ma sainte vocation. / Détruisez la coalition/ de ces troupes libérales / Qui avec des lois infernales / Vont me fermer l’asile / où j’escaladais tranquille / Les demeures célestes » : « Por tu sagrada Pasión / Os pido, Jesús amante, / Pueda yo seguir constante / En mi santa vocación. / Destruíd la coalición / De esas turbas liberales / Que con leyes infernales / Van a cerrarme el asilo / Donde escalaba tranquilo / Las mansiones celestiales ».
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pour qu’il vienne à mon aide, et il m’a répondu qu’il ne pouvait rien faire. C’est pourquoi j’ose demander à V.R. que vous intercédiez auprès du P. Général afin qu’il m’envoie un secours, si possible permanent, autrement je me verrais obligée à recourir assez souvent à votre coeur généreux pour une charité, de laquelle je vous serais éternellement reconnaissante »376 ; « Si nous jouissions d’une position aisée, votre R. peut croire que nous ne nous plaindrions pas. Mais Dieu veut que nous soyons pauvres et c’est pourquoi nous nous adressons à vous, d’autant plus que mon fils, le Frère Juan, n’ose pas, à cause de la honte qu’il ressent de formuler la moindre demande ; ensuite, parce que nous en ressentons la nécessité, et que c’est pour nous un trop lourd fardeau. De sorte que nous espérons que votre R. aura la bonté de venir à notre aide, dans la mesure de ses possibilités, afin d’alléger la charge qui nous accable »377. Je crois qu’un bon point de repère qui certifie la provenance sociale des missionnaires affectés à la Guinée pourrait être la profession de leur père, qui apparaît tantôt dans les extraits de naissance ou de confirmation, tantôt dans certains des interrogatoires trimestriels que devaient livrer les novices ; des documents que l’on garde (s’ils ont été conservés) dans les dossiers personnels des archives clarétaines de Rome (AG.CMF, Section G). Également, parfois, il y figure le métier des frères ou sœurs ; ou celui du clarétain lui même, s’il ne s’était pas consacré uniquement aux études. Malheureusement, le métier du père (voir colonne A du carré qui suit) n’y figure que dans 85 cas (37,7% du total) ; celui des frères ou sœurs (colonne B) apparaît seulement en dix cas (4,4%) ; et le métier exercé antérieurement par certains missionnaires (colonne C), en dis occasions aussi. Voir le résultat ci-dessous :
376 « Encontrándome en ésta por prescripción facultativa, para ver si puedo reponerme de mi enfermedad, y habiéndome presentado al R. P. Superior de ésta con una carta del R. P. Burgos para que me socorriese, me ha contestado que él no puede hacer nada. Por eso me atrevo a V. R., para que influya en el P. General a fin de que me envíe un socorro, y a poder ser permanente, pues si no me veré obligada a menudo a pedir de ese corazón generoso una caridad, y del cual estaré eternamente agradecida ». Lettre de Paula Arribas, mère du F. Bonifacio Girón (destiné en Guinée en 1904), au P. Antonio Naval, du 4 octobre 1909. AG.CMF, Section G, Série G, Boîte 9, Carton 7. 377 « Si nuestra posición material fuese buena, puede creer vuestra R. que no nos lamentaríamos. Pero Dios quiere que seamos pobres ; por lo tanto nos dirigimos a vuestra R. nosotros, primero porque mi hijo, el Hno. Juan, no se atreve porque tiene vergüenza de pedir nada ; y segundo, porque la necesidad nos obliga, pues que eso para nosotros es una carga demasiado pesada. Así es que esperamos de vuestra R. tendrá la bondad de hacer todos los medios posibles que estén a su alcance para ver si nos pueden ayudar en algo a fin de que no salimos tan perjudicados ». Lettre de Cristine Ferrer, soeur du G. Joan Ferrer (destiné en Guinée en 1904), au P. Provincial, du 8 mai 1910. AG.CMF, Section G, Série F, Boîte 9, Carton 7. Le F. Ferrer était chez lui, à Sant Hipolit de Voltregà, pour des motifs de santé ; et il finirait par abandonner la congrégation.
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PROFESSION Cantonnier Cordonnier Domestiques Employé Ferblantier Fonctionnaire Forgeron INCONNUE Instituteur Maçon Marchand Médecin Menuisier Militaire Couturier PAYSAN Peaussier Professeur Propriétaire Bucheron Serrurier Tailleur Tisserand Tordeur de soie
A 1 1 1 1 2 140
B
C
2
1 1
217
215 1
1 2 1 2 2
1 1 7
53 1 1 9 1 1 3 4 1
2
1
En ce qui concerne les métiers (connus) des parents, je les ai divisés en quatre groupes : A : Paysan. B : propriétaire (la documentation ne précisant jamais s’il s’agit d’un grand ou d’un petit propriétaire). C : Des métiers qui demandaient nécessairement des études académiques ; employé, fonctionnaire, médecin, militaire, professeur. D : des métiers qui ne demandaient pas d’études académiques : cantonnier, plombier, maçon, marchand, peaussier, scieur, serrurier, tailleur, tondeur de soie. Voilà quelle serait la distribution :
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Il faut rappeler que le nombre de missionnaires dont on connaît le métier du père est minoritaire (37’7% du total) ; et que, par conséquent, on ne peut parler de résultats définitifs, mais plutôt de tendances ; qui, dans ce cas-là, sont grandement significatives. Nous pouvons aussi remarquer que les résultats antérieurs nous permettent d’aboutir à un certain nombre de conclusions : * A et B sont des métiers clairement ruraux ( A+B = 62 =72’9%). * C et D sont des métiers qui normalement se donnaient dans des villages ou villes ( C+D = 23 = 27%). * A et D sont des professions qui ne requèrent pas d’études (A+D = 71 = 83’5%) Dans la mesure, donc, où ces données peuvent être considérées extrapolables à l’ensemble, on doit affirmer que les missionnaires affectés à la Guinée étaient de modeste origine, issus d’un monde rural et d’un niveau culturel bas. En ce qui concerne l’âge d’entrée à la Mission guinéenne, la moyenne se situe à 28 ans et 4 mois. Ce qui ajoute une caractéristique de jeunesse aux antérieures. Le cadre qui suit distribue la statistique en groupes de trois ans :
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Les deux extrémités correspondent l’une au F. Romualdo González, arrivé en Guinée à l’âge précoce de 17 ans ; l’autre au P. Francesc Salvadó, qui, affecté à Fernando Póo à 61 ans, représente une exception : ancien missionnaire à Colombo et en Australie et ex- bénédictin du monastère de Montserrat, c’est le seul des 225 missionnaires muni d’expérience. Le fait, montré par le graphique, que la plus grande fréquence en âge d’arrivée se situe dans les 24-26 ans, signifie que la plupart d’entre eux furent affectés à ces Misions, considérées difficiles et dangereuses, juste après la fin de leurs études. Finalement, ce dernier graphique nous montre le contingent présent en Guinée au cours des différentes années, selon les catalogues de la congrégation :
225
Composé de 12 clarétains la première année (1883), le contingent augmenta presque d’un coup en 1885 (deuxième expédition) et en 1887 (sixième expédition) lorsque le nombre de missionnaires était de 50 environ ; à partir de ce moment l’augmentation sera constante, et elle se stabilisera - à partir de 1900 (« période de continuation ») - autour de 80 membres. Une communauté, donc, peu excessive et contrôlable. Mais beaucoup plus importante que dans les territoires voisins378 ; et, surtout, beaucoup plus dense, étant donnée la mince étendue des territoires espagnols.
Les religieuses conceptionnistes « Grâce au zèle ardent du Rév. P. Xifré, dans les forêts de Guinée, où depuis tant de siècles Satan recevait son culte, on élève aujourd’hui des autels au Dieu véritable, et l’encens de la prière monte jusqu’aux cieux attirant les grâces divines sur les innombrables tribus qui ne connaissaient pas leur Créateur. Et s’il a donné à l’Église des enfants qui la respectent, 378
En lettre du P. Ramon Albanell au P. Xifré du 26 août 1899 (AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 9, Carton), ce clarétain, qui alors rendait visite à la Mission Catholique du Cameroun, affirmait que dans cette Préfecture Apostolique, dirigée par le P. Victor Hennii, il y avait seulement 8 missionnaires.
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l’aiment et la révèrent, l’Espagne lui doit la conquête d’autant de citoyens qui la défendent et travaillent pour sa prospérité »379. En 1884, après une visite cruciale que le P. Xifré rendit à ses premiers missionnaires en Guinée, la Mission clarétaine subit un changement important dont je parlerai le moment venu. Un des aspects introduits dans le nouveau concept de Missions décidé par les PP. Xifré et Ramírez, fut la nécessité de trouver un Institut missionnaire féminin qui puisse compléter la tâche que les clarétains pouvaient faire dans le domaine masculin. Dix ans après la période révolutionnaire, la situation des ordres féminins était toujours aussi précaire : la plupart d’entre eux souffraient d’un grave manque de personnel ; et il semble que ce fut la raison pour laquelle le P. Xifré ne put compter sur les religieuses clarétaines ni sur d’autres congrégations. Son intervention auprès des conceptionnistes, narrée par clarétains et religieuses avec un soupçon d’héroïsme, paraît être plutôt la dernière des démarches qui semblaient vouées à l’échec. Mais les conceptionnistes acceptèrent la proposition de Xifré et s’incorporèrent - avec l’autorisation préalable du gouvernement - à la Mission guinéenne. L’Institut de Religieuses Missionnaires de l’Immaculée Conception (initialement Instituto de Religiosas de la Purisima Concepción) était une autre congrégation d’origine catalane, d’idéologie intégriste et opposée au régionalisme catholique. Elle fut fondée, à Mataró (arrondissement du Maresme) par Josep Costa i Borràs, à l’époque évêque de Barcelone, le 4 août 1850. Costa i Borràs (Vinaròs, le Baix Maestrat, 1805 - † Tarragone, 1864) s’était formé en Catalogne et au Pays Valencien : Et parallèlement à la carrière ecclésiastique, il était docteur en Droit et exerca comme professeur agrégé dans la spécialité canonique à l’Université de Valencia. L’expulsion de cette chaire (1840), due à ses positions intégristes, fut suivie d’une œuvre écrite importante, guidée par une obsession anti-libérale. En 1857, il fut nommé évêque de Lleida ; en 1850 de Barcelone ; et en 1857, archevêque de Tarragone. Confiné à Cartagena (1854-1856) à cause de son opposition à la liberté des cultes, il fut ami de Jaume Balmes, ainsi que Saint Antoni Mª Claret ; et il employa toute sa force pour reprendre la prédication en catalan. Une biographie qui le situe sur le même terrain idéologique que les clarétains.
379
« Gracias al celo ardoroso del Rdmo. P. Xifré, en las selvas de Guinea, donde desde tantos siglos recibía culto Satanás, hoy se levantan altares al verdadero Dios, y el incienso de la plegaria sube hasta los cielos atrayendo las gracias divinas sobre innumerables tribus que desconocían a su Creador. Y si ha dado a la Iglesia hijos que la respetan, aman y veneran, España le debe la conquista de otros tantos ciudadanos que la defienden y trabajan por su prosperidad ». Anonyme (1944), Recuerdos o apuntes de las primeras misioneras de la Inmaculada Concepción (concepcionistas) sobre su primer viaje a Fernando Póo, p. 9.
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Si la fondation de la congrégation fut menée à bien, c’est grâce aussi à Maria Alfonsa Cavin (1815 - † 1868), la première Supérieure Générale, accompagnée de 25 religieuses. Par la vie en communauté, la prière et la vie intérieure, la congrégation avait pour objet de faciliter la vocation personnelle de chacune des religieuses, et c’est pourquoi leur tâche s’étendait dans plusieurs domaines : crèches, collèges, asiles, hôpitaux, sanatoriums... Très attaché à la figure de son fondateur, l’Institut fonda quelques Maisons dans les évêchés de Barcelone et de Tarragone, aussi qu’à la Rioja. La révolution de 1868 l’obligea à la clandestinité, d’où il sortit avec la Restauration. Au moment de la visite de Xifré (17 octobre 1884), la congrégation avait récupéré la plupart de ses Maisons antérieures ; avait fondé à Barcelone (1878), sa Maison Générale ; et elle avait répandu son action dans quelques contrées du Maroc et de l’Argentine, et possédait, en outre, une Maison à Rome. L’entretien du P, Xifré avec la Supérieure Générale, Valentina Vigo, fut clos par un accord380 qui fut communiqué au ministre d’Outre-mer la nuit même, par voie télégraphique ; l’acceptation du ministre arriva le lendemain ; et une semaine plus tard, le 24 octobre, cinq religieuses conceptionnistes s’incorporaient à la deuxième expédition clarétaine, qui arriva à Santa Isabel, le 27 janvier 1885. Les 5 religieuses qui formèrent cette première communauté conceptionniste en Guinée Équatoriale étaient (d’après la photo, de haut en bas et de gauche à droite) : Beatriu Monrós, Alexandra Sibila, Constança Selva, Maria de Jésus Güell (Supérieure) et Maria dels Àngels Perera. J’ai déjà présenté les données des 30 expéditions missionnaires qui, dans la période comprise entre 1883-1910, comptèrent sur la présence de religieuses. Et j’ai fait aussi allusion au manque de documentation que, en supplément de celle des clarétains, j’ai trouvé concernant ces 66 nonnes381. Leur nombre, peu important si on le compare à celui des missionnaires (29,3%) correspondait à une dispersion moindre dans la colonie. En ce qui concerne les données que j’ai pu recueillir, on en détache également la provenance nettement espagnole de la plupart d’entre elles : une seule nonne n’était pas espagnole, Mercedes Martí, qui était cependant née à la Havane, à l’époque une colonie espagnole. L’origine des 65 Espagnoles était la suivante :
380
Canals, 1989 ; Centenario... 1984 ; Misioneras... 1985 ; Las Misioneras... 1955. Les Archives des religieuses conceptionnistes à Malabo furent brûlés pendant la dictature de Macías Nguema. 381
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Pays/région Catalogne Navarre Aragon Canaries
Nombre 55 8 1 1
% 83,3 12,1 1,5 1,5
La présence catalane était, donc, préponderante ; et si on considère que la seule aragonaise, Empar Nerín, provenait de la Franja de Ponent (catalanophone), il se trouve que le catalan était la langue dominante (84.8%) fait qui s’oppose à la tâche d’hispanisation menée à bout. On y remarque, encore, la présence navarraise. Les districts de provenance des conceptionnistes catalanes offrent cette distribution : L’Alt Penedès L’Alt Urgell L’Anoia El Bages El Baix Camp El Baix Empordà El Barcelonès La Conca de Barberà El Garraf La Garrotxa La Noguera Osona El Maresme El Ripollès La Segarra El Segrià el Solsonès El Tarragonès El Vallès Occidental El Vallès Oriental TOTAL inconnue
229
1 5 3 6 2 1 2 1 4 1 3 5 2 1 1 2 2 2 1 2 47 8
En ce cas-là on ne peut parler d’un noyau central, étant donné le nombre réduit de religieuses provenant de chaque contrée ; mais d’une distribution assez généralisée dans toute la géographie catalane, à l’exception encore une fois des deux extrémités. Seulement cinq des Soeurs (7,6%) étaient nées dans des capitales de province (un à Barcelone ; deux à Lleida ; un à Pamplona ; et un à la Havane) ; mais, au contraire du cas des clarétains, il semble qu’il y ait eu une certaine tendance, malgré une provenance rurale évidente, à une extraction plus nombreuse des petites villes : Ainsi, des 47 nonnes catalanes d’origine connue, 20 (42,5%) étaient nées dans des capitales d’arrondissement. Malheureusement, je n’ai pas pu trouver de renseignements sur leur provenance sociale. En ce qui concerne leur âge d’arrivée à la Mission guinéenne, la moyenne se situe à 29 ans et 5 mois, légèrement supérieure à celle des missionnaires. Aux deux extrémités les religieuses Maria de la Palma Sensada, arrivée à Fernando Póo à l’âge de 18 ans ; et la première Supérieure, Maria de Jésus Güell, à 52. Et cette distribution de fréquences, distribuée en groupes de trois ans, montre une grande uniformité quant à l’âge moyen :
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L’impact de la nouvelle mission « Avant d’entrer dans la Congrégation je sentais, à ce qu’il semble, une certaine affection pour les missions de Fernando Póo ; de sorte que quand je regardais le magazine Iris de Paz, ce que je cherchais tout d’abord, c’étaient les missions de Fernando Póo. J’ai demandé bien des fois au Seigneur de m’amener le plus vite possible à la Congrégation et, si c’était sa volonté, aux missions des bois des sauvages. C’est avec ce désir que je suis entré dans la Congrégation »382. La nouvelle que les portes de la Mission guinéenne s’ouvraient pour la congrégation, causa une véritable commotion parmi les clarétains. Tous voulaient y aller. Tous voyaient là la possibilité de faire culminer leur vocation missionnaire et évangélisatrice, dans un endroit dangereux par son insalubrité et parce que, comme nous venons de le voir, ses habitants étaient considérés comme des « sauvages ». De sorte qu’un grand nombre de lettres des missionnaires envoyés en Guinée expriment des sentiments semblables : « J’ai toujours ressenti, depuis que je suis sans la Congrégation, un grand penchant et beaucoup d’amour et pitié pour les pauvres de Fernando Póo » 383 ; « Si je vous écris, c’est pour vous manifester l’ardent désir que depuis longtemps je voulais vous communiquer, et c’est que je serais très heureux que vous m’envoyiez à Fernando Póo dans la prochaine expédition » 384. On dirait que ce sentiment fut spécialement intense, chez bien des individus de la Congrégation, et qu’il se manifesta spontanément et intensément au moment de l’acceptation de la nouvelle Mission et aussi bien en 1885, à la mort en Guinée des premiers missionnaires385. On percevait la mort pour paludisme comme un substitut au martyre, parce qu’elle était 382
« Antes que entrase en la Congregación, parece que venía sintiendo cierto afecto a las misiones de Fernando Póo ; tanto, que cuando miraba la revista del Iris de Paz lo primero que buscaba eran las misiones de Fernando Póo. Muchas veces pedía al Señor que me trajese cuanto antes a la Congregación y que, si era su voluntad, también a las misiones de los bosques de salvajes. Con estos deseos entré en la Congregación ». Lettre sans date du F. Robustiano Serna (arrivé en Guinée en 1905) au Supérieur Général. AG.CMF, Section G, Série S, Boîte 8, Carton 23. 383 « Siempre he sentido, desde que estoy en la Congregación, una inclinación grande y mucho amor y compasión por los pobrecitos de Fernando Póo ». Lettre sans date du F. Andreu Perarnau (arrivé en Guinée en 1906) au sous-directeur Général. AG.CMF, Section G, Série P, Boîte 4, Carton 16. 384 « El motivo de escribirle es para manifestarle el vivo deseo que hace tiempo quería decirle, y es que con mucho gusto desearía me mandara a Fernando Póo en la próxima expedición que vaya ». Lettre du F. Josep Vilar (arrivé en Guinée en 1908) au Supérieur Général, du 25 juin 1906. AG.CMF, Section G, Série V, Boîte 4, Carton 9. 385 Fernández, Cristóbal, 1967, I : 671, 683.
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provoquée par le fait d’avoir porté sa vocation aux dernières conséquences. Pourtant, il ne reste guère de trace écrite de ce désir généralisé, car le P. Xifré coupa court à ces manifestations d’abnégation. « Une fois considéré l’objet de notre Congrégation et les voeux qu’on y émet, nous signalons à nos frères bien aimés que la demande que certains nous formulent de se rendre aux Missions du Golfe de Guinée est loin d’être preuve d’une héroïsme, mais plutôt un acte peu conforme au vœu d’obéissance, en vertu duquel nous sommes tenus d’être envoyés en l’endroit du monde entier où l’on nous destine, et d’y exercer le métier que nous indiquent les Supérieurs, même si c’est pour toute la vie et si cela cause la plus vive répulsion à notre amour-propre » 386. La politique initiale de Xifré fut donc d’y envoyer ceux qui lui paraissaient les plus appropriés. Remarquez que les citations ci-dessus sont postérieures à la mort du second Supérieur Général ; de même que d’autres que nous pouvons trouver de missionnaires qui, après être restés quelque temps à la Péninsule, demandaient de repartir en Guinée : « Après avoir salué et baisé la main paternelle de S. Rme., je suis en disposition de m’embarquer de nouveau pour Fernando Póo »387 ; « Nous avons déjà parlé de mon désir d’aller à Fernando Póo. V.R. a vu que je me porte mieux et que je désire vivement partir »388. Il est clair que, dans une congrégation comme la clarétaine, la possibilité de se rendre en des Missions d’ « infidèles » devait produire en général, une certaine illusion. Cependant, les Missions guinéennes étaient dangereuses, comme on le verra par la suite. Et aussi devait-il y avoir des individus opposant quelque résistance. Parfois, de façon explicite : « Je considère que Fernando Póo ne me convient plus ; et je le crois profondément ; car, si je retourne là-bas, je crains que l’anémie ne m’attaque à nouveau »389. Mais ce 386
« Atendido el objeto de nuestra Congregación y los votos que en ella se emiten, advertimos a nuestros amados Hermanos que, lejos de ser un heroísmo la petición que nos dirigen algunos de ir a las Misiones del Golfo de Guinea, es más bien un acto poco ajustado al voto de obediencia, en virtud del cual quedamos obligados a ser enviados a cualquier parte del mundo a que se nos destine, y a ejercer en él cualquier oficio que nos indiquen los Superiores, aunque sea por toda la vida y el más repugnante al amor propio ». Boletin Religioso de la Congregacion de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazon de Maria, volume 2, juilletdécembre 1886, p. 425 (Xifré, 1892 : 184). 387 « Después de saludar y besar la paternal mano de S. Rma., estoy en disposición de embarcarme otra vez para Fernando Póo ». Lettre du P. Lluís Sagarra (destiné à Fernando Póo en 1901) au Supérieur Général, du 1er. Février 1915. AG.CMF, Section G, Série S, Boîte 1, Carton 22. 388 .« Ya hablamos aquí sobre mi pretensión de ir a Fernando Póo. V.R. vio que me encuentro mejor que nunca y con vivísimos deseos de lo mismo ». Lettre du P. Pelayo Rodriguez (destiné en Guinée en 1899) au P. Joan Portús, du 28 octobre 1935. AG.CMF, Section G, Série R, Boîte 9, Carton 55. 389 « Considero ya como que Fernando Póo no es para mí ; y lo creo providencil ; pues, de volver allá, temo que la anemia me volviera a atacar pronto ». Lettre du P. Antoni Capdevila
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sont surtout certaines circulaires du P Xifré qui me le font croire : elles insistent pour rappeler l’obligation d’aller en Guinée si les Supérieurs le décident ainsi : « Peuvent-ils donc [les Supérieurs] envoyer à Fernando Póo, chaque fois que c’est nécessaire, les individus qu’ils croient convenable, quels que soient leurs qualités, leurs mérites et leurs sacrifices »390. Et, encore, le fait que quelques missionnaires remarquent qu’ils y vont à la fois par obéissance et par vocation : « C’est aussi triste et décourageant, à la fois que sensible, d’abandonner le pays où nous sommes nés ; mais l’obéissance le rend supportable , et le désir du salut des âmes des infidèles rachetées par le sang de notre divin Rédempteur le renddous et heureux »391. Il parait que la politique de Xifré changea vers le milieu des années 90 ; entre autres choses, à cause de quelques affaires judiciaires touchant ses missionnaires (vid. infra.) Même si ce changement de stratégie ne se fera jamais de manière explicite et compte tenu, peut-être, de la volonté des novices, au moins partiellement. Ainsi, on trouve que, dès le début, les Supérieurs de Guinée s’efforcèrent d’encourager les jeunes étudiants à participer à l’aventure guinéenne : « Quelle moisson ! Allons, novices de mon âme, étudiants déjà plus avancés, et plus que les autres, vous, ministres sacrés, qui peut-être êtes peu montés sur l’autel saint pour offrir l’hostie sainte et immaculée! Priez, priez tous, comblés d’une ferveur sainte, le Seigneur de la moisson ut mittat operarios in vineam suam392, car il y a beaucoup à faire ! Venez, ne craignez rien ; venez ! Et s'il ne vous a pas encore été donné, suppliez le Seigneur qu’Il nous donne du courage à nous qui sommes déjà dans cette vigne inculte, pour que nous puissions présenter de nouveaux enfants au Père de familles, Dieu Notre Seigneur....Pardonnezmon audace »393 Des appels qui se répétèrent plus tard, toujours avec une (destiné en Guinée en 1905) au Supérieur Général, du 4 avril 1916. AG.CMF, Section G, Série C, Boîte 2, Carton 30. 390 .« Pueden, por tanto, mandar a Fernando Póo siempre y cuado convenga y a cualquier individuo que los referidos Superiores juzguen conveniente, sean cuales sean sus cualidades, méritos y sacrificios ». Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del inmaculado Corazón de María, volume 4, 1893-1894, p. 380. 391 « Muy triste y desconsolador, al mismo tiempo que sensible, es abandonar la patria en donde nacimos ; pero la obediencia lo hace llevadero, y el deseo de la salvación de las almas de los infieles redimidas por la sangre de nuestro divino Redentor lo hace dulce y alegre ». Lettre du P. Cecilio Arnaiz (destiné en Guinée en 1895), du 3 août 1895. Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del inmaculado Corazón de María , volume 5, 18951896, p. 249-250. 392 Mt, IX, 38 ; Lc. X, 2. 393 « ¡ Cuánta mies ! ¡ Vamos, novicios de mi alma, estudiantes ya más adelantados, y más que todos, vosotros, ministros sagrados, que tal vez pocas veces habréis subido al altar santo a ofrecer la hostia santa e inmaculada ! ¡ Rogad, rogad todos, llenos de un santo fervor al Señor de la mies ut mittat operarios in vineam suam, que hay mucho que trabajar ! ¡ Venid, no temáis ; venid ! Y si no os es dado aún, suplicad al Señor que nos dé fuerzas a los que estamos ya en esta viña inculta, para que podamos presentar nuevos hijos al Padre de familias, Dios
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caractéristique commune : la confiance dans la conviction que les novices voulaient se rendre à la Mission guinéenne : « Qu’ils s’enhardissent, ces jeunes-là, à apprendre des langues. Une fois ici, ils verront comme c’est nécessaire, étant donné qu’ils ne pourront presque pas exercer le ministère en langue espagnole, mais en langue indigène, française ou anglaise. Père bien aimé, la connaissance de ces langues m’a été très utile »394. Il faut dire que l’impact de la nouvelle Mission fut surtout positif et enthousiaste. Et que ceci se reflète dans la plupart des documents : « Je ne désire autre chose dans ce monde, que convertir tous les infidèles et verser mon sang pour Jésus-Christ »395 ; « Il est vrai que se séparer de la patrie bien-aimée comporte quelque sacrifice et un certain découragement, car certains meurent sur la brèche pour ce sacrifice, mais il est non moins vrai aussi que même dans cette vie on trouve la récompense, car on est sûrs d’éprouver le bonheur d’avoir suivi de plus près les traces de notre Capitaine Jésus dans son plus haut ministère »396 ; « Maintenant je peux vous dire l’immense joie que mon cœur a ressenti lorsqu’on m’a appris que j'étais destiné à ces Missions africaines, que j’avais tant de fois désirées. Et je ne doute pas que ce sont là les désirs de notre Ste. Vierge Marie, car je pensais que dans ces pays je pourrais souffrir un peu pour son amour ; ce à quoi je n’ai jamais pu parvenir car étant la Vierge qui Elle est Mère de miséricorde qui prodigue sa protection et son réconfort aussi bien en Afrique qu’en Europe »397.
Nuestro Señor... Perdónenme el atrevimiento ». P. Joaquim Juanola, Una excursión a los pueblos bubis, document du 8 janvier 1888. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 16, Carton 1. 394 « Anímense esos jovencios a aprender lenguas. Puestos aquí verán lo indispensable que es, puesto que casi no podrán ejercer el ministerio en lengua española, sino en lenguaje indígena, francés o inglés. Mucho me han servido, Padre amado, dichas lenguas ». Lettre du P. Miquel Daunis, Supérieur de la Mission d’Elobey, au Sous-directeur, P. Climent Serrat, du 27 avril 1896. AG.CMF, Section F. Série P, Boîte 6, Carton 5. 395 « No deseo otra cosa en este mundo, que convertir a todos los infieles y derramar mi sangre por Jesucristo ». P. Pere Frígola (membre de la première expédition clarétaine en Guinée), Propósitos y oración. In : Boletin Religioso de la Congregacion de Misioneros Hijos del Inmaculado Corazon de Maria , volume 4, juillet 1887-1888, p. 207-208. 396 « Aunque es verdad importa algún sacrificio el separarse de la amada patria, y, por otra parte, el más o menos desaliento por ser varios los que mueren en la brecha, en este mismo sacrificio, aun en esta vida se halla el premio por estar seguros y tener la satisfacción de seguir más de cerca las huellas de nuestro Capitán Jesús en su más elevado ministerio ». Lettre de P. Manuel Mallen, juste arrivé à Santa Isabel, du 15 août 1891. El Inmaculado Corazón de María, 1891, p. 331-332. 397 « Bien puedo ahora decirle que experimentó alegría, y grande alegría, mi corazón, cuando se me dio la noticia de estar destinado a estas Misiones africanas, que tantas veces interiormente había deseado. Y no dudo serían de nuestra Sma. Madre la Virgen María los deseos ; pues pensaba en estos países poder padecer algo por su amor, lo que no he podido lograr por ser la Virgen Sma. quien es, Madre de misericordia ; y su protección y sus consuelos los dispensa en África lo mismo que en Europa ». Lettre du P. Josep Sutrias au P. Climent Serrat, du 1er. novembre 1891. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 8.
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Les pages des revues clarétaines nous parlent de grandes cérémonies d’adieu, spécialement pour les expéditions les plus nombreuses. Et, à chaque pas, d’une reconnaissance gratifiante de la part de la congrégation : « Ils savent que dans ces îles éloignées demeurent beaucoup de leurs Frères en Religion s’évertuant à coloniser et christianiser cette terre, jusqu’à ce jour presque inconnue et abandonnée ; ils savent qu’il leur est réservé une place d’honneur où pouvoir mettre en pratique leurs connaissances et leurs énergies juvéniles ; ils savent que Fernando Póo est toujours pour leur patrie bien aimée l’espoir d’un avenir prometteur à condition que tous, dans la mesure de leurs forces, collaborent à abriter ces villages sous le drapeau espagnol. Et ceci les encourage »398. Nombre de ces clarétains n’étaient jamais allés en bateau ni n’avaient vu la mer. « Vous comprendrez l’étonnement que nous a produit un tel hébergement, il suffit de vous dire que des six expéditionnaires, cinq d’entre nous n’avions même pas vu la mer »399. Et ils étaient livrés à une navigation longue et dure pour arriver à une destination qu’ils souhaitaient : « Depuis que nous avons quitté Barcelone trois mois se sont écoulés, qui, bien que n’ayant pas dépassé 31 jours, ont paru beaucoup plus longs que les autres, jusqu’au point qu’il m’est venu l’envie de devenir caporal de mer. Non ? Pourtant je vous assure que nous connaissons déjà toute la terminologie marine et je ne sais plus »400. L’itinéraire partait normalement de Barcelone, et comprenait un changement de vapeur à Cadix ; de là on passait normalement par les îles Canaries et après par Rio de Oro, Dakar, Sierra Leone, Monrovia et Santa Isabel. Cadix et les Canaries étaient des longues escales ; les autres étaient plus courtes, mais tout dépendait des besoins commerciaux du bateau, qui chargeait et déchargeait dans les différents ports. L’arrivée à Santa Isabel était accueillie par plusieurs cérémonies religieuses, toutes très solennelles, qui visaient à encourager la population à se rendre à l’église. Au bout de quelques jours, chacun des missionnaires se 398
« Saben que en aquellas apartadas islas viven multitud de Hermanos suyos en Religión ocupados en colonizar y cristianizar aquel suelo, hasta hace poco casi desconocido y abandonado ; saben que todavía les queda allí un puesto de honor en que puedan emplear sus conocimientos y sus energías juveniles ; saben que Fernando Póo es todavía para su amada patria una esperanza de halagüeño porvenir si todos, a la medida de sus fuerzas, cooperan a cobijar a aquellos pueblos bajo el pabellón español. Y esto los alienta ». P. Martí Alsina, El ¡ adiós ! a mis hermanos. In : El Iris de Paz, 1899, p. 198-199. 399 « Comprenderá V. el asombro que nos produjo tal hospedaje, con sólo decirle que de los seis expedicionarios, cinco ni habíamos visto el mar ». Lettre du P. Manuel Mallén, doc. cit. 400 « Desde que salimos de Barcelona hasta aquí tres meses pasaron, los que, aunque creo que no pasaron de 31 días, con todo nos parecieron más y más largos que los otros. Me habían ya venido deseos de examinarme y tomar el grado de cabo de mar. ¿ Que no ? Pues yo les aseguro que sabíamos ya toda la terminología marina y no sé cuánto más ». Lettre du P. Joaquim Juanola au P. Jeroni Batlló (Rome), du 11 mars 1885. AG.CMF, Section F. Série N, Boîte 8, Carton 7.
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rendait à sa destination. Beaucoup d’entre eux tombaient malades, presque toujours à cause des fièvres causées par le paludisme et l’excès de travail : « Au bout d’un moment, le révérend et aimable P. Préfet entra dans ma chambre, et après m’avoir salué affectueusement et une fois effectuées les démarches les plus précises, il m’invita à partir avec lui afin de voir si je pouvais guérir ici. Je lui répondis que j'étais prêt à mourir là où l’obéissance m’avait placé. À ce moment le P. Juanola arriva, et ajouta “ Si vous ne partez pas, il est probable que quand la goélette reviendra vous ne serez plus vivant " »401 ; « Avant-hier j’ai cru qu’il allait mourir, car ni les bains ni aucun remède ne parvenait à faire baisser la fièvre. Nous lui avons administré le viatique et il s’est senti mieux, pendant 24 heures. Aujourd’hui la fièvre a repris et il n’a pas bonne mine. On verra le résultat. Le Seigneur nous aidera »402. Il faut dire que, à la capitale, les clarétains avaient contracté les services d’un médecin de la colonie403, et se servaient toujours de la quinine. Les problèmes de santé, pas toujours bien dépistés404 ni bien traités, se déclarèrent surtout dans les Missions éloignées de la capitale, bien que parfois les malades soient transférés à Santa Isabel, ou même aux Canaries405. 401
« Al poco rato entró en mi cuarto el reverendo y amable P. Prefecto, quien después de haberme saludado afectuosamente y hechas las más precisas diligencias, me invitó a irme con él a fin de ver si aquí me pondría mejor. Le contesté que estaba conformado en morir donde la obediencia me había puesto. En aquel acto llegó el P. Juanola, y añadió : “ Si no se va V., es muy probable que cuando vuelva la goleta ya no le encuentre vivo ” ». Lettre du P. Isidre Vila, du 20 mai 1886. In : Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del inmaculado Corazón de María, volume 2, juillet-décembre1886, p. 36-38. 402 « Anteayer creía que se nos moría, porque ni con baños ni de ningún modo le quería bajar la fiebre. Lo viaticamos y después se halló mejor, pasando 24 horas bien. Hoy vuelve a presentarse la fiebre, no de muy buen aspecto. Veremos el resultado. El Señor nos ayudará ». Lettre du P. Ermengol Coll au Supérieur Général, du 16 septembre 1899. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 16, Carton 1. Le passage fait allusion au F. Julián Escudero, arrivé en Guinée le 18 juillet antérieur. 403 En 1896 et 1897, par exemple, on a payé au Dr. Manuel Garcia, à ce titre, des quantités de 9-10 pesos mensuels. Joaquim Juanola, Copiador de cartas y telegramas de la Administración de Santa Isabel, f. 67, 108, 138 et 154, APG.CMF, document non catalogué. 404 Malgré les progrès de la microbiologie, les clarétains croyaient encore à la théorie des émanations nocives formées par des particules très subtiles qui, suspendues dans l’air, étaient la cause des maladies infectieuses et épidémiques (rappelez-vous la peur de Saint Antoni Mª Claret pour les courants d’air) ; théorie qu'a fait changer plusieurs fois l’emplacement des Maisons clarétaines près des « lieux bien aérés » qui, habituellement, étaient déterminés pendant cette période - par le P. Joaquim Juanola, considéré un expert géographe pour tout le monde. Précisément c’est ce missionnaire qui a publié une longue série de 25 articles qui, sous le titre de La fiebre malárica, ont introduit entre les membres de la congrégation les concepts modernes sur l’origine du paludisme : ils se sont publiés dans la Guinea Española entre le 12 mars 1905 (numéro 49) et le 8 octobre 1907 (numéro 71), de façon pratiquement continuelle. 405 Les PP. Joan Anglada et Noberto García sont morts en haute mer, pendant qu’on faisait leur transfert. Sur l’acte de décès du premier, signée par le capitaine du « San Francisco »
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Dans l’ensemble de la période 1883-1910, des 225 missionnaires qui avaient été affectés à la Guinée 80 moururent : un chiffre très élevé, qui représente 35,5% du total, assez inférieur, cependant, à celui des jésuites. Curieusement, les trois premiers décès (Antoni Moratona, Josep Ribas et Agustí Soler) se produirent en 1885, juste quand la congrégation commençait son expansion en dehors de la capitale (fondation des Maisons de Corisco, Annobón et Cap de Saint Jean ; les trois missionnaires décédés appartenaient respectivement à chacune de ces nouvelles Missions)406. La mortalité fut inférieure pour les religieuses conceptionnistes : 10 décès pendant toute la période (15,1%). La première fut Loreto Moragas († 1888). Le nombre inférieur de religieuses missionnaires fait que probablement leurs données sont moins significatives ; mais il est sûr aussi que l’emplacement de leurs Maisons (à Santa Isabel et sur les hauteurs de Basilé) influença ces meilleurs résultats, et surtout leurs déplacements plutôt rares ; c'étaient les clarétains qui allaient prêcher dans les villages et qui organisaient sans cesse des expéditions suivant le modèle du fondateur. Ce graphique présente la mortalité des missionnaires :
Feliciano Calzado, le médecin du bateau certifiait que la mort s’est produite par urémie. AG.CMF, Section G, Série A, Boîte 7, Carton 4. 406 Ces trois premiers décès ont été communiqués à la Sainte Congrégation de la Propaganda Fide dans une lettre du sous-directeur général des clarétains, P. Jaume Clotet, du 23 décembre 1885 : « Nos missionnaires du golfe de Guinée continuent à travailler à la conversion des indigènes, ce à quoi on ne réussit que très lentement et avec de grands efforts, à cause de privations de tout genre que quelques uns des nôtres ont souffert : mais, malgré cela et le fait que soient décédés en sept mois trois missionnaires, ils continuent avec courage et confiance son ardue tâche » : « Nuestros misioneros del golfo de Guinea siguen trabajando en la conversión de los indígenas, la cual no se consigue sino lentamente y con grandes trabajos, a causa de las privaciones de todo género que algunos de los nuestros han sufrido. Mas, a pesar de esto y de haber fallecido en siete meses tres misioneros, continúan con buen ánimo y confianza en su ardua empresa ». ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 929-930.
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On remarque une certaine uniformité, malgré la différence de contingent au long de la période, à l’exception du quinquennat 1896-1900, où la mortalité fut plus réduite (et qui coïncide avec un moment où il n’y eut presque pas de nouvelles fondations). Quant à l’ancienneté dans la vie missionnaire au moment des décès, nous pouvons la voir sur ce graphique, qui comprend aussi bien les clarétains que les religieuses :
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On y perçoit à nouveau une certaine uniformité. Aller aux Missions de Guinée était toujours donc une possibilité d’y perdre la vie. Et cette donnée extrême était une des principales qui nourrissait la vision héroïque du labeur missionnaire. Une sensation de danger que les missionnaires voyaient grandir quand un fait anormal se produisait dans leurs conditions de séjour dans le pays : « Je suppose que vous avez entendu dire qu’un léopard a visité à nouveau notre Maison et ses alentours, au début de juillet, tombant le treizième jour dans le piège. (..) Ça a été une bouchée exquise pour les enfants de l’école, et même D. Valero a voulu y goûter et il a dit qu’il avait presque la même saveur que le mouton »407. Une sensation qui, en lisant une telle nouvelle, s’étendait à toute la congrégation et aux lecteurs des revues clarétaines. Tout comme d’autres phénomènes, par exemple les tornades, qui quelquefois avaient atteint même les internats : « La force du vent impétueux démolit le dortoir des enfants, et l’un d’entre eux en s’en rendant compte courut avertir la Communauté (…) Je ne doute pas qu’il s’agit là d’un des dangers, entre autres, dont notre Mère nous a délivrés dans ces pays »408 ; ou, en général, les dangers que les missionnaires enduraient dans des expéditions apostoliques qui, en dehors de Santa Isabel, étaient constantes : « La Providence divine veillait sur nous, autrement je ne sais pas ce qu’il serait arrivé. Deux fois le canot a échoué sur les rochers, poussé par des vagues épouvantables qui déferlaient et on aurait dit qu’elles allaient nous noyer ou briser la petite embarcation »409. Vu du dehors, c’était le genre de dangers qu’on faisait connaître aux lecteurs, admiratifs pour le courage des missionnaires. Vu du dedans, la Guinée réservait à ces audacieux d’autres « dangers » plus compromettants : « Quand on voit les hommes à demi- nus, ce sont des hommes et je crois que 407
« Supongo tendrán ya noticia cómo volvió a visitar nuestra Casa y cercanías un leopardo a principios de julio, cayendo el día trece en la trampa... (...) Fue un bocado exquisito para los niños del colegio, y aun D. Valero quiso probarlo y dijo que casi sabía a cordero ». Lettre du P. Miquel Daunis, destiné à la Mission du Cap de Saint Jean, au P. José Mata, du 22 octobre 1890. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 8. La châsse du léopard de la part des missionnaires se trouve assez fréquemment dans cette Maison, située en une zone où il était endémique. 408 « Era que a fuerza del impetuoso viento, íbase abajo el dormitorio de los niños, y uno de ellos que lo advirtió, corrió presuroso a llamar a la Comunidad. (...) No dudo que éste es uno, entre muchos, de los peligros de que nos ha librado nuestra Madre en estos países ». Lettre du P. Manuel Puente, destiné à la Mission de Batete, du 19 avril 1890. In : Anales de la Congregación de los Misioneros Hijos del inmaculado Corazón de María , volume 2, 1890, p. 267. 409 « La divina Providencia velaba por nosotros, de lo contrario no sé lo que hubiera sucedido. Por dos veces se nos quedó el bote embarrancado entre piedras, con unas olas espantosas que rompían allí mismo y parecía iban a anegarnos o a estrellar la pequeña embarcación ». Lettre du P. Ermengol Coll, du 14 décembre 1892. In : El Iris de Paz o sea el Inmaculado Corazón de María , 1893, p. 41-42.
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le danger n’est pas grand ; mais en voyant les femmes montrant leur poitrine, etc.., il va sans dire qu’elles sont noires et laides, mais le démon sait les montrer si agréables et si belles à l’imagination de l’imprévoyant, qu’il semble que rien d’autre au monde ne puisse attirer davantage l’attention »410. Cependant, la réalité ne devait pas toujours correspondre à cette image. Le P. Ermengol Coll, lui même, nouveau venu à la Mission, comme nouveau Préfet Apostolique, se plaignait de la négligence généralisée de ses subordonnées : « En général, quant à l’esprit, je remarque la lassitude et le peu d’animation dans les actes de piété, accomplis comme une routine. Il y a peu d’esprit de prière et recueillement »411. Plus tard, ce même Préfet résumait la tâche du missionnaire comme difficile et fatigante, en grande partie pour la vision de l’Africain régnant à la Mission : c’est cette vision qui déterminait logiquement les stratégies de conduite des missionnaires et la façon d’organiser leur travail : « Les indigènes restent des enfants toute leur vie, et il faut résoudre leurs différends, qui entre eux éclatent parfois pour un rien, les guérir et prendre soin d’eux pour qu’ils prennent les médicaments (en quoi ils sont tellement négligents que si on ne les leur donne pas de notre propre main, il n’est jamais sûr qu’ils les prennent), ne pouvoir rien leur demander requérant un certain soin, comme celui, mulet attelé au chariot ou au wagonnet, d’en tenir le frein [original confus] ; surveiller et recevoir la charge sur le quai quand elle arrive de la Péninsule ; demander qu’ils raccommodent leurs vêtements, lesquels, malgré nos remontrances, ils s’obstinent à porter même déchirés ou bien qu’ils jettent n’importe où ; aller administrer les sacrements quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit à chaque fois qu’ils le demandent, enterrer, noter les actes, préparer les fonctions de l’église dans tous leurs détails... Enfin, être missionnaires, médecins, praticiens, maîtres, curés, infirmiers, directeurs de chantier, de propriétés, de musique, de tout... requiert beaucoup de travail. Et le pire est que pour peu qu’on flanche il reste toujours des choses à faire, car ces gens sont incapables d’agir par eux mêmes, si ce n’est dans de très rares exceptions »412. 410
« Cuando se ven los hombres poco menos que desnudos, hombres son y creo no es grande el peligro ; pero al ver de la misma manera las mujeres enseñando los pechos, etc. etc., no hay por qué decir que son negras o feas ; que el demonio sabe pintarlas tan halagüeñas y hermosas a la imaginación del desprevenido, que parece no hay en el mundo cosa que más puede llamar la atención ». Lettre du P. Josep Sutrias au P. Climent Serrat, du 26 octobre 1891. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 8. 411 « En general : en cuanto al espíritu, noto dejadez y poca animación en los actos de piedad, haciéndose como por rutina. Hay poco espíritu de oración y de recogimiento ». Lettre au P. Josep Xifré, du 2 novembre 1890. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 16, Carton 1. 412 « Los indígenas son niños toda su vida, y en componer sus diferencias, que entre ellos a veces son por dos cuartos, en curarles y cuidar de que tomen las medicinas (en lo cual son tan sumamente abandonados que si no se las damos por nuestra propia mano no hay nunca
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La perception de l’Africain est un des éléments fondamentaux qui ont influencé le labeur missionnaire ; et aux clarétains revenait le mérite d’avoir fait changer la perception des Bubis qu’avaient les Espagnols. Leur excès d’activité, reflété dans les paroles antérieures du Préfet Apostolique, était dû aussi à un souci de contrôle ; on ne pouvait rien oublier, parce que rien ne pouvait échapper de leurs mains. L’activité intense que cela exigeait reposait sur un soutien limité, qui souvent diminuait peu après. Cette transformation missionnaire, était perçue par le P. Ermengol Coll : « Parmi nos Pères, quelques uns arrivent avec empressement pour convertir des indigènes ; ils croient que les petits Noirs doivent écouter ce qu’ils leur disent, qu’ils vont faire des lettres pleines d’épisodes intéressants, etc. Puis, dans la pratique, c’est tout le contraire : Les indigènes restent aussi froids après le sermon qu’avant. Ils ne comprennent pas leurs raisons, ou ne veulent pas les comprendre parce qu’elles sont contraires à leurs mœurs vicieuses. Alors ils battent de l’aile, et si pendant ce temps surgit la fièvre, et si leur vertu n’était pas très bien fondée, et s’ils ne venaient dans ce pays que pour Dieu, ils perdent patience, l'esprit se refroidit, et les énergies du début disparaissent. C’est la raison pour laquelle, si V. êtes attentif vous remarquerez que, nouveaux venus, certains PP. écrivent de longues lettres et récits, et que, peu à peu, ils demeurent en silence sans même s’en rendre compte »413. L’activité intense devait s’accomplir sans oublier aucun détail, les maladies et les pertes obligeant la communauté à apporter un effort seguridad de que las tomen), el no poder encargarles nada que requiera algo de cuidado, como quien [con] el macho en carro o en vagoneta, tener el freno de la misma ; vigilar y recibir la carga en el muelle cuando llega de la Península ; pedir que se les remiende la ropa, la cual, por mucho que se les avise, la llevan aunque esté destrozada o la tiran en cualquier parte ; el haber de ir a administrar los sacramentos a cualquiera hora del día o de la noche que lo pidan, enterrar, anotar partidas, preparar las funciones de la Iglesia en todos sus detalles... En fin, haber de ser misioneros, médicos, practicantes, maestros, párrocos, enfermeros, directores de obras, de fincas, de música, de todo... requiere mucho trabajo. Y el caso es que por poco abandono que haya en algo las cosas se quedan por hacer ; porque esta gente, para nada bueno saben moverse por sí mismos, con rarísimas excepciones ». Lettre au P. Climent Serrat, du 25 juin 1900. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 14, Carton 2. 413 « Entre nuestros Padres, llegan algunos muy deseosos de convertir a los indígenas ; les parece que han de hacer caso los negritos de todo cuanto ellos les digan, que van a hacer unas cartas de episodios interesantes, etc. Luego, en la práctica, es al revés : Los indígenas se quedan tan fríos después del sermón como antes. Sus razones no las entienden, o no las quieren entender por ser contrarias a sus viciadas costumbres. Les caen algo las alas, viene entre tanto una fiebre, y, si no estaban muy bien fundados en virtud y no venían a estos países puramente por Dios, acaban la paciencia luego, el espíritu se resfría, y aquellos bríos del principio desaparecen. Éste es el motivo por el cual, si V. se fija, notará que, recién llegados, algunos PP. hacen largas cartas y narraciones, y después, poco a poco, se quedan casi en silencio sin ellos advertirlo ». Lettre au P. José Mata, du 4 novembre 1893. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 16, Carton 1.
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supplémentaire pour remplacer temporairement les tâches du malade, ou du défunt, tout en attendant le rétablissement ou l’arrivée d’une nouvelle expédition. Les lettres du P. Coll parlent presque toujours d’une suractivité et du besoin de l’envoi de nouveaux missionnaires : « De façon que, à condition qu’ils soient tous en bonne santé, il reste cinq Maisons avec seulement deux Pères, et c’est un fait que dans la plupart, pour effectuer les travaux avec une certaine tranquillité, il en faudrait au moins trois. Mais je comprends que le Ministère se fatigue des passages. Dieu soit loué! Nous supporterons cette épreuve, si le Seigneur juge bon de nous tenir attachés à elle. Cependant, une des causes des fièvres, peut être la plus importante après celle du climat, c’est que les individus doivent endurer sans relâche un travail supérieur à leurs forces »414. On percevait tout cela comme un cercle vicieux : les maladies et les décès provoquaient la carence de missionnaires ; ceux qui restaient devaient assumer encore plus de travail ; cela les rendait malades415... Bien que, comme on verra, à maintes reprises au cours de la période étudiée le nombre réel de clarétains excèdait le nombre prévu dans les budgets de la colonie, malgré les intentions exprimées par le Supérieur Général416. Ce rapport entre travail et mortalité reçut maintes interprétations ; qui, évidemment, devaient prendre en considération le fait que les décès se produisaient chez des individus d’ancienneté très diverse dans la Mission. « Je ne me rappelle pas que les PP. aient jamais dit ici que quelqu'un meure pour cette raison, par le fait du dépaysement ; ce qui arrive, c’est que, à cause de la sueur continue, l’individu perd des forces et le sang s’appauvrit ; cela je le vois en tous, à de très rares exceptions »417. Cette même lettre, écrite aussi par le P. Coll, 414 « De modo que, contando con que tengan todos salud, quedan cinco Casas con sólo dos Padres ; advirtiendo que en casi todas, para llevar los trabajos con algún sosiego, serían necesarios tres. Mas comprendo que el Ministerio se cansa de pasajes. ¡ Bendito sea Dios ! Llevaremos esta prueba, si el Señor tiene a bien sujetarnos a ella. Sin embargo, una de las causas de las fiebres, tal vez la que más después del clima, es el tener los individuos que llevar por precisión, o sea sin poder prescindir, un trabajo superior a sus fuerzas ». Lettre au P. José Mata, du 16 février 1894. Localisation identique. 415 En ce qui concerne le fait que le climat puisse être la principale cause des fièvres, consultez la note 55 sur les miasmes. 416 « Quant au personnel que V. souhaitez, vous devez tenir compte qu’ici et pour celle-là les nombre et caractères d’individus est fixé, et que seule et exclusivement pour eux on donne passage et moyens de subsistance » : « En orden al personal que V. desea, debe tener presente que en ésa y para ésa está fijado el número y carácter de individuos, y que única y exclusivamente para ellos se da pasaje y medios de manutención ». Lettre du P. Xifré au P. Pere Vall-llovera, du 7 décembre 1888. APG.CMF-Madrid, document sans cataloguer. 417 « No recuerdo que hayan dicho aquí nunca los PP. que alguno muriera por esta causa, por no estar aclimatado ; lo que sucede es que, a causa del sudor continuo, va el individuo perdiendo las fuerzas y volviéndosele la sangre pobre ; esto lo veo en todos, con rarísimas excepciones » ; Lettre avec l’en tête mutilée [1890]. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 16, Carton 1.
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contenait une proposition intéressante : « Je crois qu’après réflexion il faut prendre en considération le fait de transférer ou non en Espagne pendant un certain temps les individus de ces Missions, au bout de trois ans, ceci à condition que le gouvernement prenne en charge le passage »418. Ceci n’a jamais abouti. Pendant toute cette période, le missionnaire envoyé en Guinée l’était, en principe, de façon indéfinie. Seule une maladie grave et persistante pouvait faire décider les Supérieurs à le renvoyer en Espagne ; ou en l’occurrence pour quelque conduite irrégulière. La maladie et la mort étaient une réalité. Aussi un travail continu, une activité intense, qui, en fait, était une caractéristique de toute la congrégation. Très peu le regrettaient, tout au moins ouvertement : « Mais ce qui me console le plus, c’est la providence de Dieu, qui se montre de manière si palpable et amoureuse sur nous. Je crois que j’ai obtenu un grand bien en venant à ces Missions, et c’est l’accroissement de la foi que cet exercice produit insensiblement. C’est pour cela, R. P., que loin de vous demander de m’éloigner de ces Missions, je vous supplie que, si un jour on vous offre d’autres Missions plus pénibles que celles-ci, vous ayez l’obligeance de compter sur moi, car je m’y rendrai avec grand plaisir »419.
L’organisation de la mission, les préfets apostoliques La Mission clarétaine fut la seule, parmi toutes les tentatives faites en Guinée, qui arriva à se développer de manière importante. Elle fut la seule durable. Le fait qu’il s’agissait, une fois de plus, d’une Mission prise en charge par l’État, rendait très importantes les relations entre la congrégation et le Ministère d’Outre-mer (chargé des affaires coloniales ; puis, plus tard le Ministère d’État) : de ce ministère dépendait la subsistance de la Mission, son soutien, son expansion ; et il pouvait tout aussi bien appuyer les projets missionnaires que ne pas tenir compte des clarétains et chercher une autre congrégation. Son caractère religieux faisait cependant dépendre la Mission de la Sacrée Congrégation de la Propaganda Fide. Et finalement, elle était soumise à la Curie Générale clarétaine comme œuvre propre à cet Institut.
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« Creo que, después de reflexionarlo, hay que tomar en consideración el hecho de transferir o no a España durante cierto tiempo a los individuos de estas Misiones, al cabo de tres años, siempre que el Gobierno corra a cargo del pasaje ». Ibidem. 419 « Pero lo que más me consuela es la providencia de Dios, que tan palpable y amorosa se muestra sobre nosotros. Yo creo que he conseguido un gran bien con venir a estas Misiones, y es el aumento de la fe que ese ejercicio insensiblemente produce. Por lo cual, Rmo. P., lejos de pedirle que me retire de estas Misiones, le suplico que, si algún día se ofrecen otras Misiones más trabajosas que éstas, se digne acordarse de mí, pues iré con mucho gusto ». Lettre du P. Eulogio Fernández (destiné en Guinée en 1899) au Supérieur Général, du 20 août 1901. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 9, Carton 4.
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De façon qu’on a tissé un large réseau d’interrelations, que j’ai voulu représenter dans le schéma suivant :
Il faut dire que, dans le réseau, chaque élément exerçait une fonction importante : la Curie Générale traçait la stratégie à suivre, fournissait les vacants, nommait le Préfet Apostolique, ratifiait ou refusait les décisions de ce dernier, négociait avec le Ministère et avec la Propaganda Fide. Cependant, les relations ordinaires avec ces deux organismes étaient du ressort des procureurs de la congrégation. En ce qui concerne la procure clarétaine de Madrid, pendant presque toute la période le P. José Mata prit en main cette tâche et il en connaissait donc toute la trame. Homme habile, le P. Mata fut l’ami des ministres et des postes intermédiaires, avec qui il entretenait de bonnes relations et à qui il faisait de nombreux cadeaux provenant de la Guinée. Il faut considérer son action comme décisive : il faisait de sorte que l’image des Missions dans le Ministère soit positive ; d’obtenir des budgets, et des subventions, moyennant la présentation continue de projets et de mémoires ; il joua de son influence pour la nomination de gouverneurs d’idéologie conservatrice, ou, comme on verra plus tard, pour le renvoi de ceux qui, de provenance
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libérale, prenaient des positions que la congrégation considérait contraires aux Missions. Sa relation avec le Préfet Apostolique était constante, et il était aussi responsable, en tant que Supérieur de la Maison de Madrid, d’éditer et de distribuer les revues de la congrégation ; ce qui lui procura une correspondance courante avec les missionnaires et des rapports et des influences dans les journaux catholiques de la capitale. Le premier procureur de la congrégation auprès du Saint Siège fut le P. Jeroni Batlló. La procure romaine avait été fondée en 1884, lorsque les Misions de la Guinée avaient déjà commencé et on envisageait de les étendre. Tout comme pour son collègue de Madrid, la mission du P. Batlló consistait à maintenir la bonne image des Missions devant les autorités pontificales, moyennant des contacts de toutes sortes et la présentation de rapports se référant à l’étendue du christianisme sur le territoire guinéen. L’affaire principale à laquelle il dut s’affronter fut celle des limites juridictionnelles de la Préfecture Apostolique, en litige avec celles du Vicariat des Deux Guinées et, qui plus est, avec le désavantage de devoir faire face à la puissante machinerie diplomatique française (la tendance du Saint Siège fut toujours de faire coïncider les limites ecclésiastiques avec les limites politiques). Puis, il intervint lors du changement de la Préfecture en Vicariat Apostolique. La Maison de Barcelone, dirigée pendant une bonne partie de la période étudiée par le P. Ramon Fluvià, était chargée de l’approvisionnement des Missions : étant donné que c’était du port de Barcelone que partaient les bateaux destinés à la Guinée, et que les missionnaires, malgré le discours de la congrégation qui les obligeait à subsister grâce aux produits propres du pays, dépendaient, en fait, durant toute cette époque, des envois du P. Fluvià, supervisés par la Curie. Lorsque le développement des Missions fit que celles-ci se transformèrent en exportatrices de quelques produits agricoles, Barcelone en devint la Maison réceptrice, responsable de commercialiser le café, le cacao et d’autres produits agricoles parmi les entreprises amies, généralement catalanes. Finalement, je tiens à signaler que Barcelone était le siège de la Compagnie Transatlantique, qui depuis 1888 obtint le monopole des communications avec la Guinée, devenant de la sorte le principal investisseur et « explorateur » de la colonie, comprenant des factoreries et des concessions agricoles dans tout le territoire. Les clarétains de la capitale de la Catalogne se chargeaient aussi des relations avec cette compagnie, présidée par le marquis de Comillas, dont la famille s’était enrichie avec le commerce esclavagiste de l’Àfrique à Cuba. La tâche de ces trois points clé - Madrid, Rome et Barcelone - était suivie scrupuleusement par le Supérieur Général ; qui intervenait directement dans leurs affaires d’une façon continue. Le tout explique que lui et d’autres
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membres de la Curie, les procureurs clarétains à Madrid et à Rome, et le Supérieur de la Maison de Barcelone, soient les destinataires habituels de la correspondance des Missions guinéennes, au sein d’une congrégation qui réduisait, par principe, la correspondance privée de ses membres. Le schéma permet, cependant, de percevoir une autre réalité : que la figure clé de toute la Mission était le Préfet Apostolique : toutes les relations avec la Curie clarétaine partaient de lui et lui revenaient, et avec les procures de Rome et de Madrid, et avec la Maison de Barcelone ; et, également, il concentrait les relations avec les autorités coloniales (bien que, souvent, subordonnées aux décisions prises entre le Ministère et le P. Mata) et avec toutes les Missions du territoire. Entre 1883 et 1910 il y eut aux Missions de Guinée trois Préfets Apostoliques : les PP. Ciríaco Ramírez (1883 - † 1888), Pere Vall-llovera (1888 - † 1890) et Ermengol Coll (1890 - † 1918). Arrivés tous les trois en Guinée pour occuper ce poste, sans aucune expérience africaine antérieure ; tous les trois y demeurèrent jusqu’à leur décès : Ciríaco Ramírez était entré dans la congrégation étant déjà curé. Il avait une certaine expérience paroissiale et, comme les jésuites l’avaient fait, il organisa la Mission de Santa Isabel comme une paroisse métropolitaine. Ses premières actions marquèrent la ligne à suivre en ce qui concerne les relations avec les autorités de la colonie et les missionnaires protestants. Quant à l’organisation de la Mission, son plus grand mérite fut, à mon avis, de la changer : c’est lui qui se rendit compte que le modèle paroissial des jésuites les amènerait à l’échec ; et, en accord avec le P. Xifré, il le changea quelques mois après son arrivée (ce changement est un des points principaux de ce travail) ; et il initia une expansion dans l’intérieur de l’île et dans le reste des territoires, qui assurera le postérieur de l’expérience clarétaine. C’est grâce à son initiative que furent menées à bout les deux grandes expéditions missionnaires de 1885 et 1887, et il fut à la tête de la fondation des Maisons de Banapa, Corisco, Cabo de San Juan, Annobón, Elobey, Batete et Concepción. Il mourut de paludisme, au retour de cette dernière Maison. La multiplication des Missions jusqu’au nombre de huit, l’obligea aussi à une structuration de la Préfecture qui persistera, avec très peu de changements, tout le long de la période étudiée. On a déjà vu plus haut la provenance militaire carliste de Pere Vallllovera. La très courte durée de son mandat, 19 mois seulement, a fait de lui un Préfet de transition. Aucune nouvelle fondation au cours de cette période, une action limitée à l’entretien de la situation. L’incendie de l’église de Santa Isabel, qui entraîna l’érection d’un temple plus grand et l’agrandissement de la Maison de la Mission, en serait le seul trait marquant,
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vu que la construction de l’église était considérée comme un signe externe important, aussi bien à la capitale qu’à l’intérieur. Contrairement, Ermengol Coll420 présida le mandat le plus long à la tête de la préfecture : 28 ans. Sa nomination fut proposée par la congrégation clarétaine à la Propaganda Fide vu qu’il était considéré par les consulteurs comme un « prêtre exemplaire, âgé de 31 ans, d’un talent et d’une application méritoires, qui sous tous les aspects mérite notre entière confiance »421. Enthousiaste du modèle initié par Ciríaco Ramírez, il tendit ses efforts à le compléter, tout en poursuivant les fondations anciennes et en créant de nouvelles (dans la période étudiée : Basilé, Musola, San Carlos, Rio Benito et Moka). Le traité concernant les limites signé par la France et l’Espagne en 1900 mit au clair définitivement la question juridictionnelle avec le Vicariat de Libreville, et rendit possible une nouvelle expansion, très importante, vers l’intérieur du territoire continental, ainsi que la transformation de la Préfecture Apostolique de Fernando Póo en Vicariat Apostolique (1904). Coll présida l’étape la plus turbulente des relations entre la Mission et le gouvernement colonial, vers la moitié des années 90. C’est aussi l’époque de réorganisation d’une Mission de plus en plus complexe, d’abord pour la structuration de la Préfecture comme une presque-Province et comme une Province clarétaine, et ensuite pour la séparation des affaires diocésaines de celles de la Congrégation. Tout en maintenant la nature de l’Institut, chacune des Missions et l’ensemble de la Préfecture gardèrent, avec les trois Préfets Apostoliques, une hiérarchisation très marquée : le Supérieur de chaque Maison possédait toute l’autorité et devait s’appliquer à une stricte « observance » des constitutions, des normes de la congrégation et à contrôler les individus de sa communauté. Parmi ceux-ci l’un devait exercer le poste de ministre (responsable de l‘économie) tandis qu’un autre dirigeait le collège. La division la plus profonde était celle entre les Prêtres et les Frères coadjuteurs : normalement moins préparés, leur tâche était en fonction du travail qu’ils maîtrisaient : paysan, cuisinier, portier, cordonnier, maçon, infirmier... Ils étaient capables d’enseigner ce métier aux élèves de l’école de la Mission, et parfois (surtout les maçons) se rendaient aux diverses Missions selon les besoins du moment. Mais la prédication, qui était l’activité principale des Pères (prêtres), en plus de celle de l’enseignement, leur était défendue. Les visites et expéditions aux villages du territoire de la Mission étaient 420
Canals, 1993. « Sacerdote ejemplar, edad 31 años, talento y aplicación meritísimo, el cual bajo todos los conceptos nos merece entera confianza ». Lettre de Josep Xifré au Cardinal Préfet, du 28 Juillet 1890. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 9, f. 294. 421
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constantes ; ainsi que l’exploration de nouveaux territoires (notamment pour les Missions situées au bord du Muni) ; et, en général, l’extension de l’activité de la Mission. Ces visites et expéditions se consacraient à la prédication, à la guérison des malades, à l’administration des sacrements et à la recherche d’élèves pour les écoles. Chaque Mission agissait de manière indépendante : elle était soumise directement aux directives et au contrôle du Préfet Apostolique, et envoyait chaque trimestre un rapport de son activité et de ses résultats à la Curie Générale de la congrégation. D’une manière globale, toute la Mission se structurait de la même façon. Le Préfet Apostolique exerçait comme Supérieur général de toutes les Maisons. Il était aussi, comme nous avons vu, le personnage-clé qui entretenait les relations avec le gouvernement de la colonie, les procures clarétaines de Madrid et de Rome, et la Curie Générale ; et il garantissait l’approvisionnement de toutes les Missions à travers la Maison de Barcelone et des recettes qui lui arrivaient du gouvernement de la colonie et de la Curie clarétaine (bienfaiteurs de la Péninsule, etc.). Il faut considérer que sa dépendance de la Curie clarétaine était très grande ; et qu’il consultait normalement le Supérieur Général tout aussi bien pour les questions importantes que pour les détails les plus infimes, d’autant plus s’ils se rapportaient à l’« observance » : « Vous êtes autorisé à modifier les heures de repos nocturne ; quant à la méditation, peut être serait-il plus supportable, opportun et conforme à la lettre et à l’esprit de la diviser, en prenant une demi-heure le matin et une autre demi-heure le soir, à l’heure la plus appropriée »422. Une minutie que le Supérieur Général utilisait aussi envers les Supérieurs des différentes Missions, exigeant d’eux une conduite stricte dans toutes leurs affaires. « En ce qui concerne l’administration des Sacrements et sépulture ecclésiastique aux polygames et à ceux qui vivent en concubinage, les auteurs de Morale et de Droit Canonique en parlent d’une manière très claire. Suivez toujours la doctrine saine »423. Normalement, le Préfet dirigeait personnellement le fonctionnement de la Maison de Santa Isabel, bien que cette Mission de la Capitale eût déjà son Supérieur. Il contrôlait, directement aussi, toutes les autres Maisons, moyennant des visites longues et continues (sauf à la Mission d’Annobón, où on ne pouvait se rendre que de temps en temps pour des raisons de 422
« Queda V. autorizado para modificar las horas de descanso nocturno ; en orden a la meditación, quizá sería más llevadero, acertado y conforme a la letra y espíritu dividirla, haciendo media hora por la mañana y otra media por la noche, en la hora que se creyere más acomodada ». Lettre du P. Xifré au P. Pere Vall-llovera, du 7 décembre 1888. APG.CMFMadrid, doc. cit. 423 « Con respecto a la administración de Sacramentos y sepultura eclesiástica a los polígamos y amancebados, hablan muy claro los autores de Moral y Derecho Canónico. Sigan siempre la docrina sana ». Lettre de Josep Xifré au P. Isidre Vila, Supérieur de la Mission d’Annonbon, du 31 Juillet 1891. APG.GMF- Madrid, document sans cataloguer.
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distance) : « Le Rd. P. Coma nous dit aussi que peu de jours avant son départ de Fernando Póo (25 octobre) Le P. Ramírez prit un paquebot anglais, qui se dirigeait à Santo Tomé, pour fournir en vivres la Mission d’Annobón puisqu’on ne pouvait s’y rendre avec notre goélette inutile. Et le même vapeur “Nubia” avant cité, servit au Rd. Préfet pour rentrer à Fernando Póo depuis l’île d’Elobey, après avoir fini ses visites aux Maisons de Corisco et du Cap de Saint Jean »424. Les visites à chaque Mission servaient à recevoir toutes sortes de consultations et à donner toute sorte d’indications. Elles comprenaient normalement la réalisation d’exercices spirituels pour les clarétains (et, au besoin, pour les religieuses) ; réaliser des cérémonies liturgiques plus solennelles que les habituelles ; faire passer des examens aux élèves des écoles ; administrer la confirmation ; baptiser des personnages importants de la zone ou des groupes importants de néophytes ; et mener à terme des expéditions aux villages du territoire de la Mission, avec le personnel de la Maison ; et possédant les mêmes caractéristiques citées ci-dessus, elles se voyaient solennisées par l’assistance de l’autorité ecclésiastique et devenaient d’authentiques « missions intérieures ». Songeons aussi que ces sorties du Préfet étaient subordonnées, dans tous les cas, aux possibilités de déplacement entre une Mission et l’autre : ce qui n’était pas toujours facile. De sorte qu’elles pouvaient s’ajourner, se prolonger ou languir pendant des semaines ; voire, des mois. De là l’importance des consulteurs du Préfet : des missionnaires nommés pour ce poste et qui avaient la mission de le conseiller et de l’aider. L’un d’entre eux exerçait aussi, en fait, le rôle de sous-préfet (même si le poste n’existait pas de façon officielle) et il le remplaçait pendant ses absences. Un poste officieux, mais décisif et de décision : quand le Préfet n’était pas là, c’était lui le responsable de toutes les affaires qui pouvaient surgir dans les différentes Maisons (sauf celle où il y avait le Préfet), ou dans les relations avec le gouvernement colonial, les procures, la Curie Générale ou la Maison de Barcelone. Ici, il faut citer le P. Joaquim Juanola425, qui exerça ces fonctions au cours d’une grande partie de la période étudiée (depuis la mort du P. Ciríaco Ramírez - août 1888 - jusqu’à sa propre mort - avril 1912) : en fait, lui et le P. Ermengol Coll assumèrent pendant longtemps la direction de 424
« También nos dice el Rdo. P. Coma que pocos días antes de su salida de Fernando Póo (25 de octubre), tomó el Rmo. P. Ramírez un paquete inglés, que se dirigía a Santo Tomé, para surtir de víveres a la Misión de Annobón, ya que no podía ser visitada por nuestra inútil goleta. Y el mismo vapor antes referido, sirvió al Rmo. P. Prefecto para regresar a Fernando Póo desde la isla de Elobey, terminadas sus visitas a las Casas de Corisco y Cabo de San Juan ». Boletín Religioso de la Congregación de Misioneros Hijos del inmaculado Corazón de María, volume 2, juillet-décembre 1886, p. 418-419. 425 Creus, 1996d, 1998 ; Datos biográficos... 1912.
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la Mission426, tout en appliquant la philosophie de la congrégation : activité intense et discipline absolue. Les deux ensembles contrôlaient tout.
Les premières actions « Quant aux biens matériels la population présentait l’aspect le plus pauvre. À l’exception de la Maison du Gouvernement et des officiers, la Maison de la Mission, celle du facteur Holt et celle du Pasteur protestant, le sol était de terre battue, les murs de carabou et les toits de bambou. L’herbe poussait dans les rues, entourait et couvrant presque les maisons, qui, manquant d’aération, étaient peu salubres, d’autant plus pour les Européens qui en raison d’un accident quelconque devaient s’y abriter, ne serait-ce que pour quelques jours »427. Il n’existe pas de recensement de la population de Santa Isabel lors de l’arrivée des clarétains. Ceux de 1875 et 1877, analysés par Mariano L. De Castro428, donnent respectivement un total de 1208 et 1193 habitants, d’une composition très hétérogène qui montrait un manque important de femmes (la population féminine était d’environ 20% du total) : garnison militaire, travailleurs provenant de la côte ou des colonies britanniques du golfe (Krumen), émancipés de Cuba, déportés, colons et Fernandins. Les Missionnaires mettaient l’accent sur cette provenance plurielle, et la présentaient du point de vue de sa situation morale : « Ses habitants, les uns provenant du Congo, d’autres de Cuba chassés pour quelque crime, d’autres finalement de Sierra Leone par les Anglais, lesquels, comme l’on sait, prétendirent s’emparer de Fernando Póo, même si tous étaient noirs, à l’exception de quelques facteurs et employés du gouvernement, formaient trois branches hétérogènes, fortement réfractaires aux maximes de l’Evangile. Car les premiers, bien que d’une nature simple et baptisés pour 426
La nomination de Juanola a été proposée en même temps que celle du Prefet Apostolique même : « Son second, c’est à dire son remplaçant sera le Père Joaquín Juanola, prêtre digne affecté à ce pays depuis quelques années, si ça plaît a V. Emme. » : « Su segundo o sea suplente será el P. Joaquín Juanola, sacerdote digno destinado a aquel país hace algunos años, si es del agrado de V. Emna. ». ASCPF, doc. cit. 427 « En cuanto a lo material presentaba la población el aspecto más pobre. Exceptuando la Casa-Gobierno de los oficiales, la Casa-Misión, la del factor Holt y la del Pastor protestante, ninguna tenía otro piso que la desnudada tierra, con las paredes de carabú y de bambú los tejados. La yerba crecía por las calles, rodeaba y casi cubría las casas, las cuales, faltas de ventilación, eran poco salubres, sobre todo para los europeos que por cualquier accidente hubiesen de habitar en ellas, aun fuese por pocos días ». Emergon Coll, Crónica de la CasaMision de Santa Isabel. AG.CMF, Section F. Série P, Boîte 6, Carton 1, p. 5. Même si cette œuvre a été écrite autour de 1908, l’habitude du P. Coll, pour les passages de ses œuvres qu’il n’a pas vécu directement, c’était de copier à la lettre la documentation des Chroniques et Journaux de chaque Maison, qui s’écrivaient de façon presque immédiate aux événements. 428 Castro, 1996 : 16 et ss.
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la plupart, manquaient de toute instruction religieuse et savaient à peine distinguer entre catholique et protestant, se présentant au meeting aussi aisément qu’à l’église. Les seconds, habitués dans leur pays à vivre en concubinage, introduisirent une corruption de mœurs effrayante. Les troisièmes, tous protestants, étaient aidés et soutenus par leur Pasteur, ce qui permet de soupçonner dans quel sens ils prenaient le catholicisme »429. En un mot, ils durent faire face à une situation peu plaisante : la plupart de la population était protestante ; les catholiques, en petit nombre, donnaient le mauvais exemple au reste de la population par leurs couples illégitimes, et ils parlaient tous en anglais. Les missionnaires ne pouvaient même pas aller faire des achats si ce n’est avec des livres sterling et munis d’un dictionnaire. Un tout premier diagnostic qui nous révèle deux des objectifs principaux de la Mission clarétaine à Santa Isabel : * La lutte contre le protestantisme. * La moralisation des mœurs. La première est évidente et se concrétisa en une lutte continuelle avec le Pasteur protestant, dont ils présentaient toujours une image négative : qu’ils mettaient en rapport, à mon avis de façon très habile, avec une image également négative des Européens : « Mais sa principale argumentation pour persuader les Noirs de la vérité de sa secte et avec laquelle il espérait faire taire le Rd. P. Préfet au cours des deux discussions qu’il mena avec lui, fut : “ Les catholiques sont les pires : confrontez leur vie à celle des Protestants, et vous verrez que les derniers sont les meilleurs ”. C’était, et c’est toujours, hélas, son bastion principal en défense de sa secte » 430. Plus tard, et suivant leur idéologie ultramontaine, les clarétains firent pression sur les gouverneurs pour fermer les cultes et l’école protestants. Pour l’instant je me contenterai de présenter leur prise de position initiale ; qui, curieusement et logiquement, présente des précédents clairs dans 429
« Sus habitantes, unos traídos del Congo, otros de Cuba desterrados por algún crimen, otros finalmente de Sierra Leona por los ingleses, los cuales como es sabido tuvieron pretensiones de enseñorearse de Fernando Póo, aunque todos negros, excepto algunos factores y empleados del Gobierno, formaban tres ramas, heterogéneas todas, a cuál más refractaria a las máximas del Evangelio. Porque los primeros, aunque de natural sencillos y bautizados la mayor parte, carecían de toda instrución religiosa y apenas sabían hacer distinción entre católico y protestante, acudiendo al meeting con la misma facilidad que a la iglesia. Los segundos, acostumbrados en su país a vivir amancebados, introdujeron una corrupción de costumbres espantosa. Los terceros, protestantes todos, ayudados y sostenidos por su Pastor, ya se deja comprender en qué sentido estarían respecto del catolicismo ». Ibidem, p. 5-6. 430 « Mas el principal argumento que tiene para persuadir a los negros de la verdad de su secta y con el cual confiaba siempre tapar la boca al Rmo. P. Prefecto y en las dos disputas que con él tuvo, fue : “ Los católicos son los peores : cotéjese la vida de éstos con la de los protestantes, y verá V. cómo son mejores los últimos ”. Éste era, y por desgracia sigue siendo, su principal baluarte en defensa de su secta ». Ibidem, p. 9-10.
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l’activité du P. Claret à Cuba : là, le fondateur rencontra une société avec une prépondérance numérique masculine et il centra sa pastorale sur la répression des concubinages. En Guinée, les clarétains élaborèrent une première estimation de la situation dont se détachait, justement, l’ « immoralité » des mœurs sociales de Santa Isabel : la majorité protestante avait la possibilité « inacceptable » du divorce : « Il suffisait, pour un simple désaccord, de présenter au Pasteur leur acte de mariage et de déclarer devant lui que les deux conjoints voulaient le divorce : alors il déchirait le papier, notre Domine, etc. : “ Vous êtes divorcés quoad vinculum : Que chacun parte de son côté " »431. En ce qui concerne la minorité catholique, sa moralité se ressentait de ce mauvais « vice » que le fondateur avait combattu à Cuba et qui avait été précisément « importé » de Cuba : « Les Cubains, en changeant de pays n’ont pas pour autant changé de mœurs, mais ils ont amené avec eux à Fernando Póo les mêmes qu’ils avaient là bas, comme nous avons vu plus haut. Les Congos avaient suivi leur exemple, qui, autorisés par la conduite de quelques Européens, faisaient de Santa Isabel une petite Babylone »432. Je rappelle que cette dévalorisation, hautement négative, de l’ensemble de la société (« royaume du pêché, de l’ignorance et de la souffrance »), était à la racine même de l’idéologie missionnaire : et qu’il y avait, à un niveau symbolique, le contre poids d’une image héroïque de l’activité de la Mission. Celle-ci se concrétisa, aux premiers temps de la Mission clarétaine, en une convocation publique et quotidienne à réciter le chapelet dans les rues de la ville ; en la création d’un chœur paroissial naissant dans le but d’attirer de nouveaux fidèles. Ce qui nous rapproche d’une autre caractéristique de la Mission : l’importance de l’usage de toutes sortes de signes externes comme recours de prosélytisme : la Mission devait donner une « image » de « puissance » et de « triomphe », en même temps que de « générosité » et d’ « accueil ». Au niveau externe, le fait que la Maison de la Mission soit un des bâtiments « bons » du village, était un élément important. À leur arrivée, les missionnaires reçurent la chapelle que les jésuites avaient érigée ; et le gouverneur, lieutenant de vaisseau Antonio Cano, les logea dans la maison que les jésuites avaient utilisée comme centre de leur action. Ce bâtiment 431 « Bastaba, en cualquier desavenencia, presentar al Pastor su escritura de enlace y declarar ante él que ambos cónyugues deseaban el divorcio : entonces rasgaba el papel nuesro Dómine, y “ quedáis divorciados quoad vinculum ; vaya cada uno por su parte ” ». Ibidem, p. 6-7. 432 « Los cubanos, cambiando de país no cambiaron de costumbres, sino que trajeron a Fernando Póo las mismas que allá tenían, tales cuales hemos notado más arriba. Los congos habían seguido su ejemplo, el cual, autorizado por la conducta de algunos europeos, hacía de Sta. Isabel una pequeña Babilonia ». Ibidem, p. 7.
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était composé de deux corps : le premier réservé aux clarétains ; le second, à l’école. Rappelons que les jésuites y avaient installé un internat pour loger les élèves de provenance lointaine. Quand les jésuites quittèrent Fernando Póo, le gouvernement espagnol envisagea de maintenir à Santa Isabel une école publique mixte. Le refus par les habitants de l’enseignement catholique avait été décisif pour prendre cette décision, et la nouvelle école commença à fonctionner, dans les mêmes dépendances que celles des jésuites, en 1875, sous la direction du maître d’état José Enrique Rodríguez. En janvier 1876 l’« explorateur » Manuel Iradier en prit la responsabilité433. Il exerça en tant que maître intérimaire avec son épouse au cours de la dernière étape434 de son premier voyage en Guinée435. Depuis 1879 le maître fut Antonio Borges, un métis émancipé de Cuba que la Chronique de la Mission de Santa Isabel considère comme un « homme probe et sensé » et qui disposait de 50 élèves, garçons et filles, dont 35 étaient des protestants. En fait les clarétains arrivèrent à Santa Isabel avant que parvienne l’ordre ministériel par lequel ils devaient s’occuper des écoles. Le gouverneur, donc, ne la leur confia pas, et le maître, Antonio Borges, continua à exercer son ministère, malgré les fréquentes visites des clarétains. Le 14 janvier 1884 Antonio Cano livrait aux missionnaires l’ensemble de la maison, qui comprenait « Un bâtiment de deux corps de maçonnerie, située sur la Place d’Espagne, réparé et peint récemment, comprenant les éléments nécessaires pour l’école, des chambres pour les enfants indigènes, un tableau noir et une cuisine ; avec une planche ou table ferme pour la salle à manger située au rez-de-chaussée, le tout en très bon état de conservation »436. Cette décision n’autorisait pas les missionnaires à prendre en charge l’enseignement ;
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Martínez, Salazar, 1993 : 56-57. Iradier, 1984 : 237-242. 435 Dans les AGA, Section África-Guinea, Boîte 1928, on en conserve quelques documents, tous de 1876 : la nomination de maître, du 27 janvier ; une renonciation d’Iradier, du 23 juin, dont il n’est pas dit si elle a pris effet ; la demande d’accès au poste de la part de sa femme, Isabel Urquiola, du 1er. août ; et une réclamation sur son salaire, du 28 août. Cependant, cette époque du premier voyage d’Iradier a été pleine de maladies et d’incidents : le 28 novembre de la même année est morte sa fille Isabela ; ensuite, la famille de l’explorateur est rentrée à la Péninsule, où est allé aussi Iradier lui-même à la fin de 1877. 436 « Un edificio de dos cuerpos de mampostería, situado en la plaza de España, reparado y pintado recientemente, con las servidumbres necesarias para escuela, habitaciones para los niños indígenas, encerado y cocina ; con un tablero o mesa de firme en el comedor situado en la planta baja, en primera vida ». Acte signé par Antonio Cano, Ciríaco Ramírez, Miquel Coma et le secrétaire du gouvernement colonial, Rafael de Góngora. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 6. 434
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malgré cela, le 30 avril ils interdirent l’entrée à l’école au maître titulaire, ce qui provoqua la colère du gouverneur437. Selon les clarétains, la cession de la Maison impliquait aussi la cession de l’enseignement. Et ils refusèrent l’accès au maître, à moins d’être officiellement dépossédés du bâtiment. La réponse du gouverneur fut foudroyante : il fit clouer les deux portes extérieures de l’école. Celle du Préfet Apostolique, également. Il y entra, cloua de l’intérieur la porte interne conduisant à la Mission, et s’y enferma avec le P. Maître et les élèves. Cela se passait le matin du 5 mai. Le gouverneur s’y présenta accompagné du secrétaire, du maître, d’un notaire et du chef de police : « Aussitôt M. le Secrétaire procéda à la remise du local de M. Le Maître, et une fois cet acte fait, sous l’ordre et les instructions de M. Le Gouverneur les agents pénétrèrent dans le dortoir des enfants indigènes et jetèrent tous les lits et tous les objets qu’il contenait dans la cour de la Maison de la Mission, sous une pluie torrentielle, et en pleurant stupéfaits qu’une chose telle puisse arriver à Santa Isabel »438. La tension et les menaces continuèrent tout le long de la journée, jusqu’à ce que, le soir, le gouverneur et le Préfet se réunissent et s’entendent sur le fait que « tant que le Gouvernement de S.M. ne résoudra pas la consultation en suspens, on considèrera Don Antonio Borges comme maître officiel dans ces écoles ; si bien le Père Supérieur et les autres Pères qui forment la Mission sont autorisés à continuer de s’occuper de l’enseignement des garçons et des filles » 439. L‘Ordre Royal définitif, qui accordait l’enseignement aux clarétains, datait du 11 mai440 ; et il arriva en Guinée un mois après, avec le Père Xifré. L’épisode demeure dérisoire si on tient compte du fait qu’il s’agissait d’une affaire déjà décidée dans les négociations pour l’établissement de la Mission ; et que sa solution ne dépendait que d’une démarche administrative à confirmer. Les clarétains, dans la chronique citée, argumentent que le fait fut provoqué parce que « le démon a fait tout son possible por soulever la 437
Office adressé au Préfet Apostolique de la même date. Localisation identique. « Acto continuo procedió el Sr. Secretario a dar posesión del local al Sr. maestro ; y, terminado este acto, por orden e instrucciones del Sr. Gobernador penetraron los municipales en el dormitorio de los niños indígenas y arrojaron todas las camas y cuantos objetos allí había al patio de la Casa-Misión, no obstante estar lloviendo torrencialmente, si bien lo hacían hasta llorando y haciéndose cruces de que tales cosas pasasen en Sta. Isabel ». Ciríaco Ramírez, Historia de todo lo ocurrido con motivo de las escuelas de la Casa-Mision de Santa Isabel de Fernando Póo. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 7. 439 « ínterin el Gobierno de S. M. no resuelva la consulta pendiente, se considerará como maestro oficial a Don Antonio Borges en dichas escuelas ; si bien queda autorizado tanto el Padre Superior como los demás Padres que componen la Misión católica para continuar ocupándose en la enseñanza de los niños y niñas en las mismas ». Convenio entre D. Antonio Cano Prieto y D. Ciríaco Ramírez Alonso. AG.CMF, Section F, Série N, Boîte 8, Carton 6. 440 Pujadas, 1968 : 503. 438
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tension de la Mission vis-à-vis de l’autorité civile » 441. Mais il illustre l’attitude des missionnaires : ils étaient disposés à mettre en jeu tous les moyens pour contrôler un aspect de la Mission qu’ils considéraient essentiel - l’enseignement ; ils ne comprenaient pas que l’autorité civile ne les épaule pas de façon inconditionnelle dans ce domaine ; ils passèrent par dessus les droits d’un maître qui, initialement, ne leur était pas opposé ; ils se situèrent à la limite de la légalité ; et ils obtinrent un droit - celui d’enseigner dans les écoles - qui, officiellement, ne devait leur revenir qu’à la réception des instructions du Ministère. Ils obtinrent aussi d’autres choses : montrer aux habitants de la ville qu’ils jouissaient d’une position de privilège qui leur permettait même de s’affronter au gouverneur. Et ils s’attirèrent leurs premiers ennemis, qui utiliseraient une arme persistante tout au long de leur action : mettre en question le fait qu’ils devaient être payés par le gouvernement. C’est ainsi que la Chronique nous apprend qu’« ils s’efforçaient de retarder les mandats et lettres de payement, rendant les réclamations nécessaires et bien d’autres démarches ennuyeuses. Ici le démon n’a jamais cessé de faire toute l’opposition possible » 442. L’importance des signes externes. Le contrôle des écoles. Leur incapacité à comprendre l’action des gouverneurs, si elle ne leur était guère favorable. L’utilisation d’interprétations légales à leur convenance. Le triomphe final de leurs positions... Ce sont des caractéristiques qui apparaissent déjà aux premiers mois de la Mission clarétaine et qui n’ont guère changé au long de cette période que j‘étudie. Ce qui changera, et très vite, ce sera la propre conception de la Mission. Mais, d’abord, les nouveaux missionnaires non seulement occupèrent les bâtiments de leurs prédécesseurs jésuites, mais ils copièrent aussi leur façon d’agir et leur perception du nouvel endroit où ils devaient travailler. Quelques citations antérieures confirment cette orientation : ainsi, la première lettre que le P. Ciríaco Ramírez, nouveau venu à Santa Isabel, par ordre du Supérieur Général écrit au Cardinal Préfet de la Propaganda Fide : après l’avoir remercié des démarches que le cardinal lui-même avait engagées auprès du gouverneur pour qu’il protège la nouvelle Mission, il ajoutait : « La Mission, Ex. Seigneur, a été bien reçue, comme j’ai dit à V. Ex., de la part des catholiques ; mais elle a trouvé dans cette localité un ennemi formidable qui a pris les meilleures positions, comprenant presque 441
« El demonio hizo todo lo posible para poner a la Misión en relaciones tirantes con la autoridd civil », p. 7. 442 « ponían todo su empeño para entorpecer los giros y cartas de pago, haciéndose necesarias las reclamaciones y mil otros trámites enojosos. Por este lado no ha cesado nunca el demonio de hacer [toda] la oposición posible », p. 8-9. On vous rappelle qu’un Ordre Royal du 5 juillet 1884 a débarrassé les clarétains du fait de devoir présenter des justificatifs pour encaisser les quantités en budget pour leur activité.
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tous les domaines, avec l’atout de compter aussi sur l’indifférence de la part du Gouvernement, qui lui permet de mettre en jeu tous les puissants moyens dont il dispose pour exercer son influence et domination. Il s’agit d’une Mission protestante qui exerce depuis longtemps son diabolique ministère dans cette ville, qui lui est presque entièrement soumise ; car les catholiques sont très peu nombreux, et ces rares habitants, Ah!, comme c’est douloureux de le dire, ce peu de gens par leur conduite contribuent plutôt à discréditer la religion catholique à l’avantage de la religion protestante » 443. La perception que les jésuites avaient de la « cité corrompue », était consacrée dans l’esprit du P. Ramírez. Les clarétains la feraient sienne et la répéteraient tout au long de la période. Le Préfet Apostolique voyait clairement comment était l’endroit où il allait. Aussi montrait-il, dans la même lettre, qu’il était convaincu de ce qu’il allait y faire : « 1. Nous occuper des écoles catholiques, comme nous avons déjà fait. 2. Établir dans les points centraux de l’île des collèges où de façon gratuite on donne à manger et on éduque autant d’enfants des sauvages qui viennent jusqu’à nous. 3. Une fois les enfants éduqués, entreprendre par leur intermédiaire la conversion de leurs parents »444.
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« La Misión, Emno. Señor, ha sido bien recibida, como he dicho a S. Emcia., por parte de los católicos ; empero ha encontrado en esta población un enemigo formidable que tiene tomadas las mejores posiciones, que cuenta por suyo casi todo el campo, con la circunstancia de contar también con una indiferencia, por parte del Gobierno, que le permite poner en juego todos los potentes medios que tiene en su mano para extender su influencia y dominación. Tal es una Misión protestante que hace ya muchísimo tiempo que ejerce su diabólico ministerio en esta pòblación, a la cual domina casi por completo ; pues los católicos son muy pocos, y estos pocos, ¡ay!, doloroso es decirlo, estos pocos con su conducta contribuyen más bien a desacreditar la religión católica en provecho de la religión protestante ». Lettre du 9 décembre 1883. ASCPF, Scritture riferite nei Congressi : Africa : Angola, Congo, Senegal, Isole dell’Oceano Atlantico, vol. 8, f. 758-761. 444 « 1º Encargarnos de las escuelas católicas, como ya lo hemos verificado. 2º Establecer en los puntos más céntricos de la isla colegios en donde gratuitamente se han de alimentar y educar cuantos niños puedan recogerse de los salvajes. 3º Una vez educados los niños, emprender por su medio la conversión de los padres ».
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Tableaux chronologiques du tome 1 Chronologie antérieure à 1858 1471 « découverte » des îles de Fernando Póo et Annobón. 1481 Célébration de la première messe en territoire africain. 1494 Traité de Tordesillas. 1500 Fondation de la première Mission d’Annobón. 1534 Création du diocèse de São Tomé. 1596 Création du diocèse de Luanda. 1637 Installation des Capucins en Guinée et au Cap Vert. 1646 Installation des Capucins à Sierra Leone. 1648 Visite du Capucin F. Juan de Santiago à Annobón. 1742 Consécration du premier Pasteur africain, Jacob Capitein. 1757 Visite du F. Francisco Pinto da Fonseca à Annobón. 1770 Expédition de Vicente Gomes Ferreira à Annobón : séjour missionnaire d'António Luís Monteiro et Gregório Martins das Neves.
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1777 Traité de San Ildefonso. 1778 Traité de El Pardo. Expédition Argelejos de la prise de possession de Fernando Póo et Annobón de la part de l'Espagne. 1787 Création de la colonie britannique de Sierra Leone. 1804 Installation de la CMS à Sierra Leone. 1807 Interdiction britannique de la traite d'esclaves au nord de l'équateur. 1811 Installation de la WMMS à Freetown. 1817 Traité hispano-britannique pour la répression de la traite d'esclaves. 1820 Fondation de Liberia. 20 mai : fin de la traite légale, d'après le traité hispano-britannique de 1817. 1827 Fondation de Clarence City par le capitaine Richard Owen. Début de la Mission anglicane à Clarence (M. Scott). 1833 Organisation de la Mission Méthodiste Épiscopale au Liberia. 1834 Fondation de la Mission Méthodiste à Cape Coast. Fin de la présence officielle britannique à Clarence City. La Dillon,Tennant & Co reste à la tête de la ville. 1835 Fondation de la Mission Protestante Épiscopale au Liberia. Deuxième traité hispano-britannique pour la répression du trafic d'esclaves.
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1836 Première femme missionnaire, Miss Farrington (à Monrovia). La West African Company, à la tête de Clarence City. 1837 Erection du Vicariat Apostolique de Cape City. 1838 Fondation de la Mission méthodiste en Côte d'Or. 1840 Fondation du collège anglican de Fourah Bay. Proposition britannique d'achat de Fernando Póo. 1841 Refus des États Généraux espagnols de vendre Fernando Póo. Installation de la Baptist Missionary Society of Britain à Clarence City, avec les Pasteurs John Clarke et le Dr. Clarkey Prince. Fondation des Missions Baptistes de Basupu et Banapa-Basilé. 1842 Fondation des Missions anglicane et méthodiste au Niger. Erection du Vicariat Apostolique des Deux Guinées. 1843 Arrivée des Pères du St. Esprit au Sénégal. Expédition Lerena : Clarence devient Santa Isabel. Annexion de Corisco. Interruption des activités de la West African Company à Santa Isabel. La BMS achète les propriétés de Santa Isabel à la WAC. 1844 Fondation de la Mission anglicane en pays yoruba. Arrivée de Mgr. Bessieux à Libreville. Erection de la Préfecture Apostolique de Madagascar. 1845 Grande expédition Baptiste jamaïquaine à Fernando Poo. Fondation de la Mission Baptiste de Rebola. Installation de la Mission Baptiste au Cameroun. Fondation de la Mission de Sainte Marie de Libreville. Expédition en Guinée de Guillemar de Aragón. 25 décembre : début de la Mission du P. Usera.
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1846 Fondation de la Mission Presbytérienne écossaise au Calabar. 25 mars : retour du P. Usera en Espagne. 1847 Installation de l'évêque anglican Robert Gay à Cape City. 1848 Division du Vicariat Apostolique des Deux Guinées en Guinée Supérieure (Dakar) et Guinée Inférieure (Libreville). 1850 Erection du diocèse de la Réunion. Installation de l'American Board à Corisco. Fondation des Missions du St. Esprit de Saint Joseph, Saint Thomas et Saint Jacques. 1855 Création de la Préfecture Apostolique de Fernando Póo, Corisco et Annobón. Projet interministériel sur la colonisation de Fernando Poo. 1856 14 mai : arrivée à Santa Isabel de l'expédition de Martínez Sanz. 3 novembre : retour de M. Sanz en Espagne. Rapport du Conseil Royal sur la colonisation de Fernando Póo. 1857 Installation à Sierra Leone de la Société des Missionnaires de Lyon. Démission de Martínez Sanz à la Préfecture Apostolique de Fernando Póo. Acceptation par les jésuites de la Mission de la Guinée. Nomination du P. José Irisarri comme nouveau Préfet Apostolique de Fernando Póo. 1858 Retour de la Guinée des derniers missionnaires de l'expédition de Martínez Sanz. 27 mai : arrivée à Santa Isabel du gouverneur Carlos Chacón, avec la première expédition jésuite.
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Chronologie politique du XIXe siècle en Espagne 1808 Fin du règne de Carlos IV. Invasion napoléonienne. 1808-1814 Guerre contre la France. 1812 États Généraux de Cadix : première Constitution. 1814 Début du règne de Fernando VII : répression contre les libéraux et francisés. 1820-1823 « les trois ans libéraux » : restauration de la Constitution de Cadix. 1823-1833 « la décennie abominable ». 1825 Perte de l'empire colonial, à l'exception de Cuba, Puerto Rico et les îles Philippines. 1827 Guerre « des mécontents ». 1830 Dérogation à la loi salique. 1833 Décès de Fernando VII. Début du règne d'Isabel II (régents, jusqu'en 1843, María Cristina de Borbón et le général Espartero). Division provinciale. Début de la Renaixença en Catalogne. 1833-1839 Première guerre carliste.
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1835 Incendie de couvents à Barcelone : le clergé, accusé d’encourager idéologiquement le carlisme et d'inciter à la guerre. Décret de retour à l’état laïque pour tous les moines appartenant à des monastères de moins de 18 individus. 1836 Loi de Mendizábal : expropriation des propriétés de l'Église. 1842 Révoltes populaires 1843 Soulèvement du général Narváez : renversement d'Espartero. 1844 Création de la Guardia Civil. 1844-1854 « la décennie modérée ». 1846-1849 Deuxième guerre carliste 1848 Première ligne de chemin de fer (Barcelone-Mataro). 1852 Fondation de la Compagnie Transatlantique. 1854-1855 « les deux ans progressistes ». 1855 Concordat avec le Saint Siège : l'État payera au clergé et rendra à l'Église le patrimoine non vendu. Loi de Madoz : expropriation des biens communaux. Loi du chemin de fer de l'État. 1856 Gouvernement d'O'Donnell. Première grève générale.
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1858-1863 Gouvernement de l'Union Libérale. 1859-1860 Guerre du Maroc (« guerre d'Afrique »). 1868 Révolution de septembre : fin du règne d'Isabel II. 1868-1874 « les six ans révolutionnaires ». 1868-1878 Cuba : première guerre de l'indépendance. 1869 Tarifs douaniers protecteurs des marchés coloniaux des Antilles et des Philippines. 1869-1875 Troisième guerre carliste. 1871-1873 Règne d'Amadeo I de Savoie. 1873-1874 Première république espagnole. 1874 Coup d'État du général Pavía : restauration de la dynastie des Bourbons. Début du règne d'Alfonso XII. 1874-1898 « la Restauration » : bipartidisme alterne (conservateurs et libéraux, exclusion faite des carlistes et des républicains) ; aciquisme ; monopole de l'enseignement de la part de l'Église. 1875 Premier congrès catalaniste. 1876 Nouvelle Constitution.
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1878 Loi électorale. 1882 Fondation du Parti Libéral. 1885 Décès d'Alfonso XII. Début du règne d'Alfonso XIII (jusqu'en 1902, régence de María Cristina de Habsburgo-Lorena). 1890 Début du catalanisme politique, conservateur. 1895-1898 Cuba : guerre définitive de l'indépendance. 1898 Déclaration de guerre des EE.UU. à l'Espagne. Perte de Cuba, Puerto Rico et les Philippines. 1898-1917 « régénérationisme » politique.
Chronologie de la mission des jésuites (1857-1872) 1857 juin : décret qui autorisait les jésuites à prendre en charge la Mission. juillet : nomination du P. Irisarri comme nouveau Préfet Apostolique. 1858 mai : arrivée de la première expédition des jésuites, avec le gouverneur Chacón. Installation du Presbytère ; et de la Chapelle et de l’École provisoires. juillet : visite du P. Irisarri à Annobón, Corisco et le Cap de Saint Jean. 1859 janvier : † P. Juan Manuel Vega, premier jésuite décédé en Guinée. septembre : arrivée du gouverneur La Gándara, avec une expédition composée de 120 colons et six jésuites.
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1860 janvier : décret vatican d’annexion du Cap de Saint Jean à la Préfecture Apostolique de Fernando Póo. octobre : nouveau bâtiment pour l’école religieuse de Santa Isabel. 1861 mai : fondation de la Mission de Santa María de Banapa. 1862 Arrivée à Fernando Póo de 200 affranchis de Cuba. novembre : nouveau bâtiment pour l’église de San José, à Santa Isabel. 1863 mai : création du Ministère d’Outre-Mer. 1864 Fondation de la Mission de San Ignacio, à Corisco. 1865 février : fondation de la Mission de San Francisco Javier, à Basupu occidental. juin : création de la Direction Générale des Affaires Ecclésiastiques, dans le Ministère d’Outre-mer. 1866 Approbation de la Mission d’Annobón. 1867 Epidémie de petite vérole à Fernando Póo. 1868 mars : † P. José Irisarri. septembre : révolution espagnole. novembre : décret de réduction de frais pour toute la colonie : Réduction de la Mission à une simple paroisse. Création de l’école laïque de Santa Isabel. 1869 août : suppression des Sections du Ministère d’Outre-mer. 1870 Arrivée du nouveau Préfet Apostolique, P. Pablo Esteban. Création du Conseil des Philippines.
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1872 janvier : † P. Fernando de la Torre, le dernier des jésuites décédés à Fernando Póo. mai : délivrance de la Mission.
Chronologie du P. Claret (1807-1950) 1807 décembre : naissance à Sallent ( el Bages) 1825 Il va vivre à Barcelone, pour se perfectionner dans le métier de tisserand 1829 septembre : il entre au Séminaire de Vic 1835 juin : il est ordonné prêtre à Solsona par l’évêque Juan José de Tejada chapelain économe à Sallent. Il y termine ses études 1839 octobre : il arrive à Rome pour s’inscrire comme missionnaire à la congrégation de la Propaganda Fide novembre : il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus 1840 mars : il sort du noviciat de Rome et revient en Catalogne régent à la paroisse de Viladrau août : première mission, à Viladrau 1841 juillet : titre de missionnaire apostolique 1843 Il publie son « Chemin droit et sûr pour arriver au ciel » 1847 Il publie son « Catéchisme de la doctrine chrétienne » 1848 Il fonde l’éditoriale Librería Religiosa février : il part pour les Canaries
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1849 mai : il revient des Canaries à Catalogne juillet : fondation de la Congrégation des Missionnaires Fils du Cœur Immaculé de Marie, au Séminaire de Vic 1850 octobre : il est consacré évêque à Vic 1851 février : Il arrive à Cuba comme archevêque de Santiago, primat des Antilles et patriarche des Indes occidentales 1855 août : il fonde l’Institut Apostolique de l’Immaculée Conception et de l’Enseignement (féminin), avec M. Antonia París 1856 février : il est objet d’un attentat à Holguín 1857 février : il quitte son diocèse pour rentrer en Espagne juin : il est nommé confesseur de la reine Isabelle II et précepteur des enfants royaux (parmi lesquels, le futur Alphonse XII) 1859 août : il est nommé custode et président du monastère de l’Escorial 1860 juin : il est nommé archevêque de Trajanòpolis 1864 décembre : il fonde les bibliothèques populaires et paroissiales 1865 il abandonne la reine, en raison de sa reconnaissance du nouvel État d’Italie. Il y revient par recommandation de Pie IX 1868 septembre : il part exilé de l’Espagne, pour Paris 1869 mai : il intervient dans le Concile Vatican I, en faveur des dogmes de l’infaillibilité pontificale et de l’Assomption de la Vierge
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1870 février : on approuve les constitutions de la congrégation juillet : il s’installe à Prades du Conflent août : il est accueilli au monastère cistercien de Fontfrède octobre : il professe à la congrégation Il meurt au monastère de Fontfrède 1899 décembre : on commence à Rome la cause de sa béatification 1934 février : il est béatifié par Pie XI 1950 mai : il est canonisé par Pie XII
Chronologie de la congrégation (1849-1909) 1849 juillet : fondation de la congrégation, au Séminaire de Vic 1850 mai : premier Chapitre Général, à Vic : premières constitutions décembre : nomination du P. Esteve Sala comme premier directeur 1857 Première révision des constitutions 1858 avril : mort du P. Esteve Sala mai : élection du P. Josep Xifré comme directeur de la congrégation 1859 juillet : approbation gouvernementale de l’Institut et des constitutions 1860 novembre : approbation initiale de la congrégation de la part du Saint Siège 1862 juillet : second Chapitre Général, à Gracia, nouvelle révision des constitutions
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1864 juillet : troisième Chapitre Général, à Gracia : formulation définitive des constitutions 1866 octobre : exemption du service militaire pour les membres de l’Institut 1868 septembre : expulsion de la congrégation de l’Espagne. Refuge à Prades du Conflent 1870 février : approbation définitive des constitutions de la part du Saint Siège 1875 octobre : Ordre Royale permettant le retour de la congrégation en Espagne, et la récupération d’une partie de ses biens 1876 juillet : quatrième Chapitre Général, à Gracia : réélection du P. Xifré comme Général 1877 Fondation de la procure de Madrid 1880 Expulsion de France 1883 novembre : fondation à Guinée. Préfecture Apostolique de Fernando Póo 1884 Fondation de la procure de Rome 1885 Fondation à Santo Domingo de la Calzada 1887 Fondation à Cervera 1888 juin : cinquième Chapitre Général, à Madrid
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1895 septembre : sixième Chapitre Général, à Cervera : organisation de la congrégation en deux provinces 1896 mars : septième Chapitre Général, à Santo Domingo de la Calzada : on régle la division provinciale 1897 Fondation à Aranda de Duero 1899 novembre : mort du P. Josep Xifré décembre : huitième Chapitre Général, à Vic : élection du P. Climent Serrat comme Supérieur Général 1904 avril - mai : neuvième Chapitre Général, à la Selva del Camp : division de la congrégation en trois provinces et quatre Vicariats Généraux 1906 janvier : mort du P. Climent Serrat juin : dixième Chapitre Général, à Aranda de Duero : élection du P. Martí Alsina comme Supérieur Général 1909 Fondation à Quibdó. Préfecture Apostolique du Chocó
Chronologie générale (1872-1885) 1872 mars : Manuel García Sanromán, curé de la paroisse de San José. 1873 juin : Camilo Rivera, curé de la paroisse de San José. 1875 José Enrique Rodríguez, premier maître de l’école laïque de Santa Isabel. 1876 janvier : Iradier, maître de l’école de Santa Isabel. août : Isabel Urquiola, maîtresse de l’école de Santa Isabel.
270
septembre : Miguel Berenguer Rodríguez, curé de la paroisse de San José. Rafael Joaquím de Acosta, vicaire de la paroisse de San José. 1877 août : Rafael Joaquim de Acosta, curé de la paroisse de San José. 1879 Antonio Borges, maître de l’école de Santa Isabel. Début, de la part des clarétains, des démarches pour être considérés « missionnaires d’outremer ». juillet : demande du cardinal Simeoni au P. Bekcx pour que les jésuites acceptent de nouveau la Mission guinéenne. Août ? : demande aux clarétains pour qu’ils acceptent la Mission guinéenne. 1880 juillet : lettre du P. Le Berre au cardinal Simeoni demandant la restitution de Corisco et le cap de Saint Jean au Vicariat des Deux Guinées. août : lettre du P. J. De la Torre au cardinal Simeoni : les jésuites renoncent à revenir à la Mission guinéenne. septembre : Frutos González, aumônier militaire à Santa Isabel. 1881 août : Manuel Robles Postigo, aumônier militaire à Santa Isabel. 1882 avril : proposition du Ministère d’Outre-mer pour que les clarétains acceptent la Mission de Guinée. mai : acceptation de la Mission guinéenne de la part des clarétains. août : élaboration des « Bases » pour la nouvelle Mission. Autorisation officielle de la nouvelle Mission. novembre : adoption des « Bases » de la Mission clarétaine en Guinée. 1883 janvier : Vicente Montoro, aumônier militaire à Santa Isabel. Exemption du service militaire pour les clarétains. Proposition de budget pour la Mission clarétaine. mai : adoption du budget de la Mission de la part du ministère d’Outre-mer. août : ordre de livraison aux clarétains des quantités proposées en budget. septembre : publication du budget de la Mission à la Gaceta de Madrid. Visite du P. Xifré au cardinal Simeoni. Livraison des facultés pour la nouvelle Mission. Listes diverses d’expéditionnaires. Ordre de livraison de l’église de Santa Isabel aux clarétains. octobre : sortie de la première expédition clarétaine du port de Barcelone.
271
novembre : arrivée à Santa Isabel de la première expédition clarétaine. 1884 janvier : livraison officielle de la Maison des jésuites aux clarétains. février : ordre sur le caractère obligatoire de l’enseignement en castillan dans les écoles de la Guinée mars : ordre de responsabiliser les clarétains de tout l’enseignement primaire de la Guinée. avril : arrivée de la goélette « Ligera » au service de la colonie. Les clarétains occupent l’école laïque de Santa Isabel. mai : solution provisoire au problème de l’enseignement. juillet : ordre d’exemption pour les clarétains d’apporter des justificatifs des frais mis en budget. octobre : acceptation, de la part des conceptionnistes, de la Mission guinéenne. Départ de la deuxième expédition missionnaire en Guinée, avec la présence de clarétains et de conceptionnistes. 1885 janvier : arrivée de la deuxième expédition missionnaire en Guinée. mars : mort du P. Antoni Moratona : premier décès d’un clarétain en Guinée.
TABLE DES MATIÈRES TOME 1 : Mémoire et naïveté de l'Empire Préface
9
Introduction générale
11
Les débuts de la mission guinéenne Le grand siècle des missions chrétiennes La Guinée Équatoriale, britannique et espagnole La christianisation de l’île d’Annobón La mission baptiste Les pères français du Saint-Esprit Les Bubis de Fernando Póo Le premier missionnaire espagnol en Guinée La deuxième expédition missionnaire espagnole : le premierpréfet apostolique de Fernando Póo
70
Les jésuites en Guinée, 1858-1872 L’État espagnol en Guinée Les jésuites à Fernando Póo L’établissement d’un modèle Au-delà de Santa Isabel La faillite d’une organisation L’apogée et la fin de la mission
85 104 110 128 145 150
Les missionnaires clarétains Saint Vincent Ferrier Les missions intérieures Le P. Claret La Congrégation
159 160 162 175
Les clarétains en Guinée Les préambules Présentation des clarétains destinés à la Guinée Les religieuses conceptionnistes L’impact de la nouvelle mission L’organisation de la mission. Les préfets apostoliques Les premières actions
195 212 226 231 243 250
273
27 34 46 51 55 57 62
Tableaux chronologiques du tome I Chronologie antérieure à 1858 Chronologie politique du XIXe siècle en Espagne Chronologie de la mission des jésuites (1867-1872) Chronologie du P. Claret (1807-1950) Chronologie de la Congrégation (1849-1909) Chronologie générale (1872-1885)
257 261 264 266 268 270
Table des matières
273
PRESENTATION DU TOME 2 : A la conquête de l’Ancien Régime Préface
9
En de nombreux endroits, en tous lieux La mission de Santa Isabel Les bases de l’expansion Consolidation et expansion de la mission de Santa Isabel La première phase de l’expansion clarétaine La deuxième phase de l’expansion clarétaine Les autres fondations La petite expansion des religieuses conceptionnistes
11 24 31 36 49 53 60
Quand la forêt devient une ferme Les limites de l’expansion : les missionnaires français Le modèle clarétain Aspects économiques
65 86 114
La nouvelle identité des jeunes guinéens Le paternalisme culturel des missionnaires clarétains La vie dans les internats Le conflit provoqué L’« achat des âmes »
131 144 157 170
La ville et la campagne Protecteurs des faibles, porteurs de la paix Les idées « archi-avancées » des gouverneurs Au-delà de Santa Isabel La « perle » des missions
187 206 224 238
274
L’affaire Puig-Gros : Cap de Saint Jean, 1884-1906 Les faits Les personnages Les prises de position Le scandale Un procès L’autre procès L’évasion La sentence Conclusion
247 251 253 260 269 275 288 292 297
Le chemin de Damas Les rapports entre les missionnaires Réprimandes, expulsions, doutes, désertions Résultats Épilogue
301 320 337 344
Chronologies du Tome 2 Chronologie de la présence clarétaine en Guinée ) Chronologie du litige territorial avec les spiritains Chronologie sommaire des missions clarétaines Chronologie de l’affaire Puig-Gros
353 354 356 358
Table des matières
361
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ACTION MISSIONNAIRE EN GUINÉE ÉQUATORIALE, 1858-1910
Mémoire et naïveté de l’Empire Tome 1 La Guinée Équatoriale fut espagnole : elle a été le fruit d’un échange de possessions coloniales américaines et africaines entre l’Espagne et le Portugal en 1777. L’Espagne a ainsi réussi à mettre le pied en Afrique centrale grâce aux îles de Fernando Póo, Corisco et Annobon, plus quelques « territoires continentaux adjacents » qui restaient à définir. Mais la prise de possession effective de ces terres lui fut très compliquée, et au début du e siècle, des sujets britanniques provenant majoritairement de Sierra Leone, l’ont devancée en installant sur l’île de Fernando Póo une sorte de colonie de traite légale, l’incorporant dans le conglomérat commercial anglo-saxon. En 1858, le commerce des esclaves était déjà interdit, et s’imposait alors l’idée de la « civilisation des indigènes ». Un concept séduisant pour cette Espagne orgueilleuse et fière d’avoir colonisé à l’aide de la croix et de l’épée presque toute l’Amérique mais qui était en train d’en perdre le bénéfice. Celui-ci la conduit à reprendre en main sa colonisation en Guinée en mettant en place progressivement une nouvelle alliance qui se conclut une fois de plus entre l’État espagnol et l’Eglise. Jacint Creus Boixaderas est philologue, docteur en anthropologie culturelle (Université de Barcelone) et docteur en histoire et civilisations (Université de Paris VII, Denis Diderot). Il a consacré 30 années de sa vie à la recherche sur les littératures orales équato-guinéennes, et sur l’histoire de la première étape coloniale espagnole de Guinée. Action missionnaire en Guinée Équatoriale, 1858-1910 est basé sur la thèse doctorale rédigée par le professeur Jacint Creus, et soutenue à l’université de Paris VII en 1999. Il se présente en deux tomes.
Illustration de couverture : Le père Joaquin Juanola avec le secrétaire du gouvernement de Santa Isabel D. Juan Montero et D. Juan Pla, le capitaine des navires à vapeur de la compagnie Transatlantica (avant 1913) © archives clarétaines (CMF). ISBN : 978-2-343-04234-3
29 €