L'Eglise et la démocratie en Centrafrique 2343043051, 9782343043050

Cet ouvrage se propose d'étudier les Lettres pastorales publiées lors de la Conférence Episcopale Centrafricaine po

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L'Eglise et la démocratie en Centrafrique
 2343043051, 9782343043050

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L’Église et la démocratie en Centrafrique Richard Appora-Ngalanibé

© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-04305-0 EAN : 9782343043050

L'ÉGLISE ET LA DÉMOCRATIE EN CENTRAFRIQUE

Collection « Croire et savoir en Afrique » dirigée par Benjamin SOMBEL SARR et Claver BOUNDJA Cette collection veut être un lieu d’analyse du phénomène religieux en Afrique dans ses articulations avec le social, le politique et l’économique. L’analyse du phénomène religieux, ne saurait occulter les impacts des conflits religieux dans la désarticulation des sociétés africaines, ni ignorer par ailleurs l’implication des religions dans la résolution des conflits sociaux et politiques. L’approche religieuse plurielle de cette collection a comme objectif d’une part, d’étudier les phénomènes religieux à l’œuvre dans les sociétés africaines dans leurs articulations avec les grandes questions de société, et d’autre part de procéder à une étude scientifique et critique de la religion dans le contexte africain. Elle essaiera de déceler dans la religion non ce qui endort le peuple, mais les énergies créatrices et novatrices capables de mettre l’Afrique debout. Ainsi veut-elle montrer que si la religion peut être un frein au développement, elle est aussi acteur de développement. Le relèvement de l’Afrique doit se fonder sur des valeurs, et la religion est créatrice et fondatrice de valeurs.   Dernières parutions Emmanuel MBOUA, Ethique du développement pour le progrès en Afrique, 2014. Pierre-Paul MISSEHOUNGBE, Médias et laïcité au Sénégal, 2014. Père Constant Atta KOUADIO, Foi chrétienne et souffrance humaine. Santé, guérison et prospérité, 2014. Jean-Népomucène BUNOKO, Et ce cadavre !, 2014. Benjamin SOMBEL SARR, Théologie de la vie consacrée. Questions d’inculturation, 2014. Hippolyte D.A. AMOUZOUVI, La religion comme business en Afrique. Le cas du Bénin, 2014. Jean-Maurice GOA IBO, Spiritualité chrétienne et développement en Afrique, 2014.

RICHARD APPORA-NGALANIBÉ

L'ÉGLISE ET LA DÉMOCRATIE EN CENTRAFRIQUE

L’Harmattan

AVANT-PROPOS

La République Centrafricaine traverse aujourd’hui une crise socio-politique profonde, avec des ramifications religieuses, dont l’issue demeure incertaine. Depuis une décennie, la prise de pouvoir par les armes est accompagnée par des conceptions magico-religieuses, portées par des milices syncrétistes, pas totalement musulmanes et chrétiennes, plus ou moins animistes et fétichistes. Après presqu’une année du règne des milices promusulmanes, avec un désir non maîtrisé d’islamisation du pays, on assiste, depuis la fin de l’année 2013, à une chasse systématique des musulmans, par des groupes armés anti-balakas. Par-delà les appartenances religieuses, les anti-balakas semblent être animés par un sentiment de revanche, suite aux massacres des membres de leurs familles, par des présumés musulmans. Ainsi, il est abusif de parler d’un conflit religieux qui opposerait les chrétiens aux musulmans en Centrafrique. Dans une telle confusion, les politiques montrent leur incapacité à gérer le pouvoir de manière démocratique. Il se pose donc le problème de la redéfinition du mode d’accession au pouvoir politique, de son 7

organisation et de sa finalité. D’un mot, il s’agit de rechercher les règles de la démocratie multipartite qui, de nos jours, demeure une voie sûre de la promotion du bien-être des individus, et le moyen approprié de l’instauration d’une paix sociale durable. Cet ouvrage propose de revisiter les lettres des Évêques centrafricains, plus particulièrement celles qui traitent des questions sociales et politiques, en vue de faire ressortir des pistes de solution à la crise politique actuelle.

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INTRODUCTION

Depuis le Concile Vatican II, se sont multipliées, partout, les lettres pastorales par lesquelles les Conférences épiscopales tentent d’offrir une réflexion approfondie sur les problèmes de société1. Plus encore, en Afrique, ces Lettres pastorales ont connu un développement notoire ces dernières décennies. En effet, plusieurs Conférences épiscopales, à l’instar de celles du Bénin, du Togo, de la République Démocratique du Congo, du CongoBrazzaville, de la Centrafrique, pour ne citer que celles-là, ont publié des Lettres pastorales pour dire la position de l’Église dans les mouvements sociaux qui revendiquaient la démocratie dans ces pays2. Sous cet aspect, il y a eu de nombreuses Lettres pastorales qui ont essayé d’aborder les problèmes de société les plus divers, notamment les élections, les droits de l’homme, la pauvreté, la violence, la paix, etc.

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Cf. René COSTE, Les dimensions sociales de la foi. Pour une théologie sociale, Paris, Cerf, (Coll. « Cogitatio Fidei », n° 217), 2000, p. 158. 2 Cf. Roger AFAN MAWUTO, La participation démocratique en Afrique. Ethique politique et engagement chrétien, Fribourg SuisseParis, Ed. Universitaires-Cerf, 2001, p. 222.

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Ce qu’il faut noter ici, c’est que la multiplicité de ces Lettres pastorales constitue une preuve notable de la contribution de l’Église aux changements des mentalités, des modes de comportement et des cultures et, au-delà, un enrichissement remarquable de l’enseignement social de l’Église. Car, dans le sillage des grandes encycliques sociales depuis Léon XIII, et sous l’impulsion du Concile Vatican II, les Lettres pastorales ont davantage stimulé le dialogue avec notre temps, par le regard théologique qu’elles tentent de porter sur les sociétés actuelles. Notons surtout le fait qu’elles (les Lettres pastorales) s’efforcent d’embrasser toutes les dimensions sociales et collectives. Dans cette perspective, les Lettres pastorales des Conférences épiscopales donnent une actualité et un prolongement considérables à la doctrine sociale de l’Église3. L’intérêt de cet enseignement social des évêques, c’est qu’il constitue un témoignage éloquent de la participation des Églises particulières d’Afrique à l’éveil d’une conscience lucide et responsable de leurs peuples. Bien plus, nous y découvrons la trace d’un effort de discernement et d’enseignement socio-théologique. C’est déjà là le signe que l’enseignement social de l’Église reste attentif aux conditions humaines historiques, et qu’il s’efforce de diffuser les valeurs évangéliques, même en des sociétés sécularisées. Dans cette optique, nous attestons avec JeanPaul II que le premier principe de la doctrine sociale de l’Église est l’évangélisation4. Autrement dit, le but premier 3

Nous emploierons indifféremment, et dans le même sens, les expressions « doctrine sociale de l’Eglise » et « enseignement social de l’Egliseé. 4 A propos, le Pape Jean-Paul II affirmera explicitement dans Centesimus Annus que la doctrine sociale est un véritable « instrument d’évangélisation » (Cf. JEAN-PAUL II, Encyclique Centesimus Annus (1er mai 1991), in La Documentation Catholique 1991, n° 2029, p. 517548. Voir à ce sujet le numéro 54). L’expression la plus forte de

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de la doctrine sociale de l’Église, c’est l’Évangile et les principes qu’on y puise pour guider et élever les rapports sociaux. Et c’est ce fait théologique qui fonde le rapport nécessaire entre l’évangélisation et « la doctrine chrétienne sur la société humaine »5. C’est à travers cette doctrine que l’Église, à la lumière de l’Évangile, essaie de transformer les consciences, les mentalités et les institutions, afin d’y faire régner la justice et la paix. Le renouveau actuel de l’enseignement social de l’Église, eu égard à la prolifération des Lettres pastorales, nous pousse à nous interroger sur la pertinence et l’efficacité d’un tel discours : comment le magistère épiscopal en Centrafrique a contribué au processus démocratique dans ce pays ? C’est pour répondre à cette dernière question que nous avons choisi d’étudier les Lettres pastorales de la Conférence Épiscopale Centrafricaine6. Une analyse minutieuse et approfondie de ces documents épiscopaux nous permettra à coup sûr de mesurer la contribution de la hiérarchie de l’Église au processus démocratique en cours, depuis le retour du multipartisme en 1990. Bien entendu, nous ferons par moment allusion aux déclarations et interventions des Commissions qui se rattachent à la CECA et à celles des évêques à titre personnel.

l’encyclique concernant ce point se trouve au numéro 5 : « La nouvelle évangélisation, dont le monde moderne a un urgent besoin et sur laquelle j’ai insisté de nombreuses fois, doit compter parmi ses éléments essentiels l’annonce de la doctrine sociale de l’Eglise… » 5 VATICAN II, Constitution pastorale Gaudium et Spes (7 décembre 1965), sur l’Eglise dans le monde de ce temps, in La Documentation Catholique 1966, n° 1464, p. 193-280. Se référer ici au numéro 23 du document. Les Pères conciliaires utilisent cette expression pour désigner la doctrine sociale de l’Eglise. 6 Désormais, en sigle CECA

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Ainsi, il apparaît clairement que notre objectif n’est pas de faire ici une étude comparative avec les autres Églises particulières d’Afrique. Il s’agit de mettre en lumière les potentialités que recèle l’enseignement social des évêques d’une part, et d’autre part, de montrer l’importance de cet enseignement dans l’œuvre d’évangélisation des comportements collectifs. Bien plus, il sera question de suivre l’évolution de l’enseignement social de l’Église, depuis 1990 jusqu’à nos jours, pour y dégager les valeurs évangéliques, éthiques ou démocratiques indispensables et nécessaires pour la vie en société. L’évocation de ces Lettres pastorales suscite en nous un certain nombre de questions : quel est le contexte de leur publication ? Quelle est la théologie dominante qui s’y dégage ? Et, enfin, quelle est la visée éthique de ces documents épiscopaux ? C’est bien ce questionnement qui oriente les réflexions que contient ce présent livre. Un questionnement qui, au fond, s’enracine dans la méthode dite inductive, utilisée dans le domaine de la doctrine sociale, et qui consiste à présenter des faits, dans le but de discerner la signification qu’ils peuvent avoir dans le mystère de la Révélation chrétienne ; bien plus, elle est une méthode qui coïncide bien avec ce qui constitue l’essentiel de la connaissance de la foi : une connaissance par l’intermédiaire des signes.

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PREMIÈRE PARTIE CONTEXTE HISTORICO-SOCIAL DE LA CENTRAFRIQUE

Tout discours, quel qu’il soit, s’enracine toujours dans un contexte bien déterminé. Les Lettres pastorales que nous nous proposons d’explorer n’échappent nullement à cette règle générale. Le contexte qui doit être retenu ici, c’est bien celui de la République Centrafricaine. Ce pays, depuis son indépendance en 1960, est malencontreusement sujet à de multiples mutations socio-politiques dont les conséquences fâcheuses ne se font pas attendre sur la population qui y réside. Au fond, c’est l’histoire de ces différentes mutations socio-politiques qui vont alimenter la réflexion et le discours des évêques de Centrafrique. Pour nous permettre de bien nous situer, dans le temps et l’espace, nous tenterons de rappeler brièvement le contexte historico-social de Centrafrique avant et après 19907.

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Le choix de l’année 1990 n’est pas fortuit ; car elle marque le retour de la démocratie multipartite en Centrafrique, après de multiples péripéties.

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CHAPITRE I CONTEXTE LOINTAIN : DES ORIGINES A 1990 Avant tout, nous tenons à souligner un fait. Contrairement à ce que l’on peut croire, la démocratie a été introduite en Centrafrique au temps de Barthélemy Boganda8. Or, depuis la mort de Barthélemy Boganda en 1959, cette démocratie, revendiquée et voulue par les populations, a été tantôt suspendue, tantôt dissoute par les différents régimes politiques (civils ou militaires) qui se sont succédé en Centrafrique. Ces divers changements ont quelques 8

Le 16 février 1959, Barthélemy Boganda dota la nouvelle République de sa première Constitution dont le préambule proclamait déjà « l’attachement du peuple aux droits de l’homme, aux principes de la démocratie et de la libre détermination des peuples ». Né le 04 avril 1910, dans une petite localité située au sud de la Centrafrique et appelée Bobangui (Lobaye), Barthélemy Boganda a fait ses études philosophiques et théologiques au Séminaire de Yaoundé. Premier prêtre catholique centrafricain, ordonné le 17 mars 1938 par Mgr Grandin, Barthélemy Boganda est le premier leader politique, et Président Fondateur de ce pays. Il est et demeure le véritable symbole de la lutte anticoloniale. Son règne n’a duré que du 1er décembre 1958 (date de la proclamation de la République Centrafricaine) au 29 mars 1959 (date de sa mort). Son principal projet était de constituer les EtatsUnis d’Afrique latine. Cette union devrait, espérait-il, regrouper le Congo Belge, l’Oubangui-Chari (l’ancienne appellation de la Centrafrique), le Tchad, le Gabon, l’Angola, le Cameroun, le RwandaUrundi. Malheureusement, son projet n’aboutira jamais puisque la mort l’a brutalement arraché à la vie dans un accident d’avion dont on ne connaît jusque-là les circonstances exactes (Cf. Didier BIGO, Pouvoir et obéissance en Centrafrique, Paris, Karthala, 1988, p. 41).

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manifestations tant sur le plan politique, socio-économique que militaire. 1. 1 Un contexte d’instabilité politique permanente De l’avènement à l’indépendance (1960) jusqu’en 1990, l’histoire de la RCA est marquée par des soubresauts politiques dont les conséquences incalculables ne manquent pas d’influer sur la situation actuelle du pays. Pendant cette période, la Centrafrique n’a cessé de connaître des changements au niveau des dirigeants politiques et des chefs d’Etat. De 1960 à 1990, la Centrafrique a enregistré un changement de plusieurs chefs d’Etat : David Dacko (1960-1976), Jean-Bedel Bokassa (1976-1979), David Dacko (1979-1981) et André Kolingba (1981-1994). Une situation qui n’arrange guère l’évolution de la démocratie instaurée depuis lors par le Premier Président Barthélemy Boganda. En effet, après la mort de Barthélemy Boganda, David Dacko fut désigné à la tête de la magistrature suprême de l’État9. L’arrivée au pouvoir de David Dacko n’est malheureusement pas un gage pour la poursuite de la démocratie. Comme la plupart des dirigeants africains à l’époque, David Dacko eut une préférence pour le « présidentialisme »10 et le parti unique. Il justifie le régime présidentialiste et le parti unique par la nécessité de construire une unité nationale encore embryonnaire. Car, déclarait-t-il, en décembre 1962 : « La RCA se doit d’avoir un parti unique 9

Le lendemain de la mort de Barthélemy Boganda, ce fut Abel Ngoumba qui assura d’abord l’intérim de la présidence. Cela n’a duré que six mois (Cf. Didier BIGO, Op. cit., p. 43). 10 Le « présidentialisme » est la contrefaçon du régime présidentiel. Il consiste dans l’hégémonie du Président de la République (parfois proche de la dictature) et l’abaissement corrélatif du Parlement. Ce qui a pour effet de rompre l’équilibre des pouvoirs (Cf. Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1998, p. 415).

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de masse pour faire d’un territoire colonial une nation, et les tribus qui la composent un peuple uni (…) Le parti unique sera le lieu d’éducation des masses…. »11. A-t-il réalisé son pari ? Malheureusement, non ! Car la concentration du pouvoir entre ses mains a conduit à des situations autoritaires, entraînant ainsi une méfiance de la population vis-à-vis de sa personne et de sa gestion politique. Ces erreurs ne laissent certainement pas indifférent l’ancien Capitaine de l’Armée française Jean-Bedel Bokassa, celui qui décida de prendre finalement les rênes du pouvoir en évinçant David Dacko le 31 décembre 1965, c’est-à-dire cinq ans seulement après l’accession à l’indépendance. Jean-Bedel Bokassa, à son tour, abroge la Constitution et promulgue des actes constitutionnels qui lui donnent pleins pouvoirs. Usant de cette autorité, il se déclare « Président à vie » le 22 février 1972. Puis, ce fut l’instauration de la monarchie, avec la proclamation en décembre 1976 de l’Empire Centrafricain, doté d’une nouvelle Constitution. Cette monarchie, qui consacre des pouvoirs sans limites et sans contrôles, durera de 1976 à 1979, date du rétablissement de la République après la chute de Jean-Bedel Bokassa, chute qui a été possible grâce à David Dacko, aidé en cela par les militaires français. Ce dernier règnera de 1979 à 1981, année qui marque la prise de pouvoir du Général d’Armée André Kolingba qui était le Chef d’Etat-major de l’Armée centrafricaine à l’époque. Et c’est sous le règne de ce dernier qu’interviendra la décision de réinstaurer la démocratie multipartite, en 1990. Derrière ces multiples changements politiques se cache un certain nombre de faits militaires à l’allure parfois dramatique. C’est ce contexte que nous voudrions évoquer rapidement ici. 11

Cité par Didier BIGO, Op. cit., p. 45.

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1. 2 Un contexte empreint de soulèvements militaires Les changements politiques opérés en Centrafrique ont souvent été accompagnés de soulèvements, voire des exactions militaires. Et ceci est le fait de tous les régimes politiques successifs en Centrafrique. Le premier soulèvement militaire est bel et bien le coup d’Etat sanglant du 31 décembre 1965 qui a porté au pouvoir Jean-Bedel Bokassa et qui a provoqué l’exécution de plusieurs dignitaires et officiers en l’occurrence Izamo, Monoumbaye et l’enfermement de David Dacko. Le deuxième est la tentative de coup d’Etat contre Bokassa qui s’est soldée par l’exécution du Colonnel Banza et de Kallot. La troisième tentative de coup d’Etat contre le régime de Bokassa est suivie de l’exécution des officiers Mbongo, Kolignako et Mandé. Le quatrième soulèvement militaire est enfin une tentative de coup d’Etat, dirigée par le commandant Fidèle Obrou, avec la complicité de quelques généraux, le 17 octobre 1976. Tous furent par la suite exécutés. Au total, déjà entre 1965 et 1976, le régime militaire de Bokassa (celui qui deviendra plus tard le premier empereur que l’Afrique Centrale n’ait jamais connu !) enregistrera quatre tentatives de coup d’Etat. Cela peut en dire déjà long sur le climat de malaise, de haine et de vengeance qui régna au sein des populations à cette période. Avec le procès et la condamnation de Jean-Bedel Bokassa12, l’on a pu se rendre davantage compte des autres dérives et victimes de son régime de terreur. Ce procès a « exhumé » d’autres assassinats perpétrés au quotidien. L’on a même parlé de l’anthropophagie et de bien d’autres 12

C’est le plus long procès que la Centrafrique ait connu : c’était du 26 novembre 1986 au 12 juin 1987, date du verdict de condamnation à mort de l’ex-empereur. Les audiences étaient publiques et largement médiatisées à travers la Radio nationale et la Télévision centrafricaine.

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faits sordides qui semblent dépendre totalement de la personnalité de ce personnage mystique qu’est Bokassa13. Nous savons par ailleurs que, lors des grèves intermittentes de janvier à avril 1979, le régime de Bokassa avait organisé une répression systématique et des rafles à l’encontre des lycéens et des étudiants. Ceux qui avaient le malheur d’être arrêtés, étaient conduits directement à la fameuse prison centrale de Ngaragba à Bangui, réputée à l’époque pour ses méthodes peu catholiques à l’égard des prisonniers de tout bord. Bref, l’arbitraire, la rancœur, la violation des droits fondamentaux de la personne humaine étaient devenus la règle sous le régime Bokassa14. Il est clair que ce déficit en matière de droits humains, de bonne gouvernance crée une situation sociale et économique très problématique. 1. 3 Un contexte socio-économique problématique Les soubresauts politiques évoqués précédemment ne vont pas sans poser quelques problèmes sur le plan socioéconomique. A dire vrai, le fonctionnement trop centralisateur des régimes politiques, des indépendances à 1990, est caractérisé par un autoritarisme indicible, par la confiscation du pouvoir par une minorité, par une conception étroite du pouvoir, par un mépris total des droits de l’homme, et un affairisme qui ne dit pas son nom. Tous ces éléments n’ont guère milité en faveur de l’essor économique en Centrafrique. Que ce soit sous le règne de David Dacko, de Jean-Bedel Bokassa, du second règne de David Dacko et d’André Kolingba, ou encore sous le présent règne de François Bozizé, les caractéristiques demeurent les mêmes, avec 13 14

Cf. Didier BIGO, Op. cit., p. 9. Ibidem, p. 110.

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peut-être quelques degrés de différence pour l’un ou l’autre dirigeant. En effet, sous le premier règne de David Dacko (19601965), par exemple, nous pouvons relever comme faits majeurs : la gestion économique catastrophique accentuée par la diminution de la production de diamants, la situation critique du coton et du café, lesquels produits représentaient l’essentiel des revenus des agriculteurs, etc. A cela s’ajoute un fait non négligeable sur le développement du pays, à savoir la disparition de crédits de nombreux projets d’investissements publics dans les poches des ministres et autres agents de l’État15. Les faits marquant le règne de Jean-Bedel Bokassa sont multiples et méritent que nous leur accordions également une attention particulière. Outre le fait que Jean-Bedel Bokassa jouissait d’une grande suprématie au sein de l’État, l’on pouvait assister à un clientélisme et un favoritisme de sa part, lorsqu’il distribue les postes de responsabilité, accorde des avantages matériels, des emplois, des prébendes à des individus liés ou non à sa famille. Par ailleurs, il faut noter les émeutes estudiantines à Bangui du 18 au 20 janvier 1979 ayant coûté la vie à une multitude de lycéens, collégiens et étudiants. Evidemment, il y a eu la fastueuse cérémonie de couronnement de l’Empereur Bokassa dont l’organisation a coûté plus de six milliards à l’État centrafricain. Avec le second règne républicain de David Dacko (1979-1981), la Centrafrique va connaître particulièrement de violentes manifestations sociales, suite à l’élection présidentielle du 14 mars 1981, et dont les conséquences furent très dramatiques : quatre morts et plus de cent blessés à Bangui. Ce qui peut expliquer déjà le ras-le-bol des populations. C’est par rapport à cette situation chaotique 15

Idem.

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qu’André Kolingba, semble-t-il, décide de prendre le pouvoir, le 1er septembre 1981. Et c’est, en avril 1990, sous le gouvernement de ce dernier, que le multipartisme démocratique a été accepté et proclamé de nouveau en Centrafrique, sous la pression des syndicats et partis politiques16.

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Cf. L. GOMINA PAMPALI, Op. cit., p. 13.

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CHAPITRE II CONTEXTE IMMEDIAT : DE 1990 A 2005 Ce contexte historico-social et politique de 1990 à 2005 est important pour nous. Car il concerne le corpus des Lettres pastorales de 1990 à 2005, corpus sur lequel nous voudrions porter notre réflexion. Mais, il importe de noter qu’à partir de 1990 jusqu’à nos jours, la situation politique, socio-économique et militaire n’a aucunement connu une évolution notoire. 2. 1 Un contexte politique en déliquescence Un parcours rapide de l’histoire de la Centrafrique révèle que la situation politique, depuis 1990, n’a guère été reluisante. A la vérité, nombreux sont les gouvernants qui se sont succédé à la tête de ce pays. Mais ces différents règnes, sans trop exagérer, n’ont véritablement pas changé la vie des populations centrafricaines de manière significative. En effet, les Centrafricains espéraient vivement, après le régime monarchique, dictatorial de Jean-Bedel Bokassa et le règne républicain de David DACKO, aspirer à une stabilité et une sécurité politiques. Mais hélas ! Les rivalités au sein de la classe politique, la « politique du ventre », la médiocrité et l’irresponsabilité de nos gouvernants successifs constituent la cause du désastre que connaît présentement le pays. Il faut préciser que nombreux sont ceux des Centrafricains qui croyaient à un sursaut de la politique

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suite à l’avènement du Général André Kolingba à la magistrature suprême de l’État. Or, quand le Général André Kolingba arrive au pouvoir, sans trop s’y préparer, très tôt des dissensions surgissent au sein du CMRN (dit Comité Militaire de Redressement National), chargé après le coup d’Etat de diriger le pays17. Cette situation de conflit s’est assainie par l’entrée de quelques civils, universitaires et commis de l’État, dans le gouvernement en 1985. Juste un an après, le Président André Kolingba institue le parti unique (RDC), obligeant ainsi les partis politiques légalisés sous le règne de David Dacko à la clandestinité. Ce qui crée la méfiance et la rancune vis-à-vis de ce régime. En avril 1990, sous la pression de la rue et de la Communauté internationale, la démocratie et le multipartisme sont de retour en Centrafrique. Des élections législatives et présidentielles vont ainsi être organisées de nouveau les 17 août et 22 septembre 1993 : c’est le départ d’une nouvelle ère avec le Président Ange-Félix Patassé qui, avec l’aide de son parti le MLPC, présidera désormais à la destinée de la Centrafrique (pendant dix ans) jusqu’au coup d’Etat du Général François Bozizé. Du Général André Kolingba au Général François Bozizé en passant par Ange-Félix Patassé, la scène politique centrafricaine est devenue le théâtre des tensions et luttes entre les dirigeants politiques, lesquels ne cessent désormais de manifester les uns envers les autres de la jalousie, de la haine et de la rancœur. Tout cela implique vengeance pour le mal qu’ils se sont faits réciproquement. Cette attitude tend assurément à vicier le débat politique et à amener les différentes parties en jeu (les dirigeants surtout) à une quête effrénée du pouvoir pour le pouvoir. Tous les moyens sont bons pour écarter les adversaires et conquérir le pouvoir. 17

Cf. Laurent GOMINA PAMPALI, Op. cit., p. 12.

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C’est contre une telle conception du pouvoir que les évêques de Centrafrique, dans l’une de leurs Lettres pastorales, tentent d’attirer l’attention de tous les Centrafricains en ces termes : « La recherche du pouvoir pour le pouvoir peut conduire les partis à mener entre eux une lutte sans merci. Tous les moyens deviennent alors bons pour écarter un concurrent. La division s’installe et le pays qu’on prétend vouloir sauver se détruit et se ruine »18. Les évêques interviennent par ailleurs pour rappeler aux dirigeants politiques leur responsabilité par rapport à l’avenir de la Centrafrique, les invitant à un devoir de vérité et de justice : « Parlez selon la vérité et agissez selon la justice ; mettez toutes vos capacités au service du bien commun (…) Ne vous laissez pas entraîner par une logique de profit »19. Or, pour que la vérité puisse avoir une assise dans le cœur des uns, il faudrait bien qu’il y ait confiance de la part des autres. C’est dans cette perspective que les évêques ont insisté sur la nécessité de la culture de paix et de la confiance20. Toutefois, il convient de préciser que ce n’est pas uniquement le manque de confiance ou de culture qui est la cause principale de la crise actuelle en Centrafrique. A en croire un certain nombre d’observateurs de la scène politique centrafricaine, l’origine de la crise actuelle en 18

CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992). Lettre pastorale des évêques de Centrafrique, Bangui, Saint Paul, 1992, p. 144. 19 CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1991), Lettre pastorale des évêques de Centrafrique, Bangui, Imprimerie Saint Paul, 1991, p. 1-30. Il est à noter que cette Lettre pastorale a eu un retentissement considérable compte tenu de sa nouveauté : c’était la première fois que les évêques de Centrafrique réunis se prononcent sur les problèmes socio-politiques du pays. 20 CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), Bangui, Imprimerie Saint Paul, 1997, p. 5.

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Centrafrique n’est pas seulement politique. Elle est aussi économique et sociale21. 2. 2 Un contexte de déstructuration économique et sociale A notre avis, une véritable démocratie n’adviendra que dans la mesure où il y a une certaine autonomie économique et des conditions sociales convenables dans un pays. Or, depuis 1979, la situation économique et sociale était devenue très préoccupante en Centrafrique. Les évêques reviennent sur cette situation dans leur première lettre pastorale : « Nous, Evêques de Centrafrique, aujourd’hui nous nous adressons à vous à cause de la situation dramatique que nous vivons (…) aujourd’hui, vu l’urgence des problèmes et les possibilités données par l’instauration d’une plus grande démocratie, nous pensons utile et nécessaire de vous envoyer cette lettre publique (...) Nous voulons souligner les maux de notre société pour les analyser, faire apparaître les menaces pour l’avenir, et chercher avec vous ce que les uns et les autres nous avons à faire pour que notre pays devienne un pays de liberté, de paix, de justice, tel que Dieu le veut »22. A la racine de cette situation dramatique dont parlent les évêques se trouve l’épineux problème de la pauvreté dont 21

Cf. UN GROUPE DE CHRETIENS DE BANGUI ET LE FOYER DE CHARITE, La République Centrafricaine. Un pays blessé. A la recherche de la paix et de la réconciliation, Bangui, Saint Paul, 1997, p. 8-11. 22 CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1991), Lettre pastorale des évêques de Centrafrique, Bangui, Imprimerie Saint Paul, 1991, p. 1.

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le pays n’arrive pas à s’en sortir23. Les nombreuses enquêtes réalisées conjointement par les systèmes des Nations-Unies nous permettent de mesurer l’ampleur, l’intensité et la profondeur de ce phénomène de pauvreté24. Les évêques, dans leur message du 20 juin 1991, n’hésitent pas d’ailleurs à dresser les différents maux qui constituent la preuve de la pauvreté en Centrafrique. Celleci a pour principales manifestations : la dégradation accélérée des conditions de vie suite au non-paiement régulier des salaires, des pensions et bourses ; l’accès difficile aux services de santé faute de moyens financiers, etc25. Evidemment, la pénurie salariale et monétaire, l’absence de politique sociale entraînent la démotivation pour le travail, aggravent le phénomène du goro (corruption) à tous les niveaux, du banditisme, des vols à mains armées qui se répandent dans tout le pays, le phénomène des Zaraguina (les coupeurs de route), et de la dégradation des mœurs. Les évêques dénoncent ce dernier aspect du problème dans la Lettre pastorale du 20 juin 1991 en de termes très nets : « Nous voyons s’opérer une dégradation morale. Le sentiment d’injustice et de mensonge entraîne le repli sur soi, l’égoïsme, l’incivisme et même la violence. Pour survivre, beaucoup volent ou se livrent à la prostitution. D’autres, pour oublier,

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Selon les enquêtes menées par les systèmes des Nations-Unies, la RCA fait partie des pays les plus pauvres du continent. Plus de 60 % des Centrafricains vivent avec moins d’un dollar par jour ! (Cf. NATIONS-UNIES, Bilan commun de pays (CCA). La République Centrafricaine face aux défis de la pauvreté, de la bonne gouvernance et de la démocratie, Bangui, BBA, 2001, p. 9. 24 Enquêtes réalisées en 1996, 1997, 1998, 1999, 2001 (Cf. NATIONSUNIES, Op. cit., p. 19). 25 CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1991), pp. 3-6.

29

s’adonnent à l’alcool ou à la drogue : alcoolisme et drogue deviennent de véritables fléaux »26. Outre l’alcoolisme et la drogue, il faut ajouter un autre type de fléau : les crises militaires intempestives et répétitives dont la RCA est souvent le théâtre. 2. 3 Un contexte de crises militaires à répétition Une lecture rapide de l’actualité nous oblige à croire que les crises militaires semblent devenir désormais un fait de mode des populations de l’Afrique centrale. Les exemples de la RDC, du Congo-Brazzaville, du Tchad et de la Centrafrique en sont une illustration. Toutefois, nous remarquons que ces crises militaires ont pris une proportion particulière et inquiétante en Centrafrique ces dernières décennies. Au point que d’aucuns en viennent à se demander si l’Armée centrafricaine ne serait « politisée » à jamais et qu’il n’y aurait pas également risque d’une régionalisation des conflits dans la sous-région CEMAC avec comme principale source la Centrafrique27. Y aurait-il véritablement une culture de guerre ou de violence au sein de l’Armée centrafricaine ? Qu’est-ce qui justifie alors cette culture de coup d’Etat et cette insoumission à l’autorité civile ? La vérité, c’est que les retards de salaires dans l’armée, les soldes détournées par les officiers, le mauvais équipement, la nourriture défaillante des soldats ont fini par créer des frustrations au sein de l’Armée et la fragiliser davantage28. Bien plus, et comme le fait si bien

26

Ibidem, p. 12. J.-V. NTUDA EBODE, « Centrafrique : … après le Cameroun … le Tchad ? », in Enjeux, n° 10, Janvier-Mars 2002, p. 37. 28 Cf. Jean-Paul NGOUPANDE, Chronique de la crise centrafricaine 1996-1997. Le syndrome Barracuda, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 57. 27

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remarquer Monseigneur François-Xavier Yombandjé, dans un récent ouvrage qu’il vient de publier : « En général, les hommes en tenue et armés chez nous croient qu’ils sont différents et supérieurs aux autres qu’ils appellent avec mépris, les civils (…) ils ne connaissent que le langage de la force, des muscles et des armes (…) ils ne savent ni argumenter, ni faire preuve de patience, ni parler longtemps (…) Des gens prêts à en découdre avec leurs armes avec tous ceux qu’ils veulent dialoguer ou discuter »29. La persistance d’une telle mentalité au sein des hommes en tenue et en armes justifie bel et bien le fait que, depuis quelques décades, la Centrafrique est devenue le théâtre des mutineries militaires à répétition, des rébellions, et des coups d’Etat. Nous connaissons les conséquences de ces événements : vols, pillages, exécutions sommaires, massacres, viols de femmes et des hommes se multiplient et constituent autant de facteurs qui, malheureusement, ne font qu’aggraver la régression de l’État. Comme nous l’explique Jean-Paul Ngoupandé, ces différents actes de vandalisme sont généralement le fait des « forces de l’ordre indisciplinées, corrompues, mal encadrées, non payées et qui n’hésitent pas à se rétribuer sur le dos des citoyens, en se transformant elles-mêmes en bandits au lieu de traquer les brigands »30. Les évêques reviennent souvent sur ces questions dans de nombreuses Lettres pastorales, soit pour dénoncer ces actes de violence répétés, soit pour interpeller les protagonistes. Ainsi, le 12 janvier 29

François-Xavier YOMGBANDJE, Propositions pour sortir de la crise centrafricaine, Paris, L’Harmattan-Côte d’Ivoire, 2011, p. 71-72. 30 Jean-Paul NGOUPANDE, L’Afrique sans la France, Paris, Albin Michel, 2002, p. 200.

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1997, à la suite de la cascade des mutineries de 1996-1997 qui a ébranlé et affaibli à jamais le pays, les évêques déclarent avec fermeté ceci : « Nous dénonçons la violence qui continue à secouer notre pays, entraînant avec elle la destruction, la peur, les rumeurs, l’insécurité, la manipulation des jeunes, la mort ; mais aussi les exactions, les viols, les disparitions, les meurtres, les exécutions sommaires. Nous refusons de voir l’éclatement de notre armée mettre en cause l’avenir même de notre pays »31. De la même manière, après le coup d’Etat du 28 mai 2001, les évêques n’ont pas hésité, avec le même ton, à dénoncer les représailles sans retenue qui continuent de se perpétrer dans le pays et l’insécurité régnante : « Nous déplorons l’hécatombe due à nos multiples affrontements armés. Les exécutions sommaires, les traquages et les braquages »32. Ou encore au début de la rébellion du 25 octobre 2002, conduite par le Général François Bozizé, l’ancien chef d’Etat-major de l’Armée centrafricaine, les évêques sont intervenus pour stigmatiser les atrocités et les crimes abominables orchestrés aussi bien par les éléments de François Bozizé que par ceux de Jean-Pierre Bemba venus à la rescousse du Président Ange-Félix Patassé33. De plus, suite au dernier coup d’Etat du 15 mars 2003 qui a porté le Général François Bozizé au pouvoir, les 31

CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), Bangui, Saint Paul, 1997, p. 5-6. 32 CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain. En la fête du Cœur Immaculée de Marie (21 juin 2001), Bangui, Saint Paul, 2001, p. 2. 33 CECA, Message aux communautés chrétiennes, aux hommes et aux femmes de bonne volonté (22 novembre 2002), Bangui, Saint Paul, 2002, p. 1-5.

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évêques, avec la même fermeté qui les caractérise, ont tenu à attirer l’attention des nouvelles autorités sur la dégradation des conditions de vie de la population centrafricaine34. De ce qui précède, il ressort clairement que le contexte historico-social du corpus des Lettres pastorales des évêques de Centrafrique est fait de crises internes à répétition et, ce, depuis les origines jusqu’à maintenant. Ces crises interviennent sur tous les plans : politique, économique et social. Cependant, nous devons statuer à présent sur un fait : quelle est la théologie sous-jacente à ces textes épiscopaux ?

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CECA, Message des évêques après les événements du 15 mars 2003 (3 avril 2003), Bangui, Saint Paul, 2003, p. 1-5.

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DEUXIÈME PARTIE ANALYSE THÉOLOGIQUE DES LETTRES PASTORALES

Il n’est pas inutile de rappeler que les Lettres pastorales qui nous préoccupent ici sont celles qui ont été publiées dans la période de 1990 à 2005. Nous en avons répertorié quinze, sans compter quelques rares textes des différentes Commissions épiscopales ! Les évêques y parlent de la famille, des élections, des droits de l’homme, de la démocratie, de la violence, de la réconciliation, de l’espérance, etc. Nous ne saurions malheureusement aborder tous ces thèmes, compte tenu de leur grande diversité. Nous voudrions, cependant, nous limiter à deux thèmes qui, au fond, constituent les deux facettes de la théologie largement mise en œuvre dans ce vaste corpus magistériel : il s’agit de l’espérance et de la réconciliation. A en croire l’épiscopat centrafricain, l’espérance est un noyau vital dans le domaine politique. Quant à la réconciliation, elle constitue un véritable chemin vers la paix durable.

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CHAPITRE III L’ESPERANCE, COMME NOYAU VITAL DANS LE DOMAINE POLITIQUE Il est rare d’invoquer la vertu de l’espérance dans un contexte de philosophie politique ou de laïcité. Car l’espérance n’est nullement un concept politique : c’est un terme essentiellement théologique, mieux une vertu théologale. Or, les évêques ne cessent d’y recourir dans leurs Lettres pastorales35. Selon les évêques, l’espérance est un noyau vital dans le domaine de la politique36. Mais, si l’on en croit toujours les évêques, cette espérance, pour être crédible et montrer qu’elle n’est pas simplement un « opium » ou un détournement dans le ciel de la religion, doit s’armer de la lucidité, refuser la médiocrité et, enfin, éviter la routine en se dotant de l’imagination créatrice.

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Sur les dix-sept Lettres pastorales recensées par nous, il y a au moins deux qui abordent exclusivement le thème de l’espérance (Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), Lettre pastorale des évêques de Centrafrique, Bangui, Saint Paul, 1992, 44 p. Voir également CECA, Une espérance s’est levée sur notre pays (10 janvier 2004). Message des évêques à l’issue de leur rencontre du 06 au 11 janvier 2004, Bangui, Saint Paul, 2002, 5 p.). Mais il faut noter que, hormis ces deux textes, le thème de l’« espérance » apparaît régulièrement dans presque toutes les autres Lettres pastorales. 36 Ils estiment, en effet, que l’espérance peut devenir une dynamique pour la reconstruction de la conscience politique dans la mesure où elle refuse tout scepticisme à la perspective d’un avenir meilleur pour le monde et qu’elle s’abandonne entre les mains de Dieu, Maître du temps et de l’histoire.

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3. 1 L’espérance, comme lucidité L’esprit prométhéen de l’homme moderne prétend donner un coup de pouce à la marche de la politique, hic et nunc, par tous les moyens nécessaires, y compris la violence. Certains hommes politiques africains, ayant la capacité et la possibilité de se procurer des armes, pensent qu’ils peuvent en user tout bonnement, afin d’accéder au pouvoir et présider ainsi à la destinée politique de leur pays. Si nous nous référons à l’histoire de la Centrafrique depuis les origines, nous nous rendons à l’évidence que cette logique d’armes est monnaie courante dans ce pays. Nous en voulons ici pour preuve les nombreux coups d’État ou tentatives de coup d’État, les multiples rébellions et mutineries qu’a connues et que connaît encore ce pays. La récurrence et l’opacité des crises militaires et sociopolitiques ont conduit bon nombre de Centrafricains à sombrer dans un pessimisme béat, qui s’en prend à l’espérance en lui opposant rien d’autre que le désespoir, ou l’indifférence ou encore la pure violence. « On attend rien de l’avenir ! », disent certains. Comme si l’avenir nous appartient ! Déjà, en 1992, suite à l’acception et l’adoption du multipartisme en RCA, les évêques avaient perçu le risque de délabrement de la conscience politique et de l’espérance présent en de nombreux Centrafricains37, euxmêmes lassés par les multiples changements de régimes politiques intervenus dans leur pays. Mais, ne devons-nous pas considérer aussi que le temps de l’histoire est le temps de Dieu ? Comme le soulignent les évêques, en 1992 : « Le temps qui vient est aussi entre les mains de Dieu »38. C’est dire que malgré l’opacité du mal, sous toutes ses formes, malgré 37

CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), Lettre pastorale des évêques de Centrafrique, Bangui, Saint Paul, 1992, p. 3. 38 Idem.

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l’incertitude du lendemain (du fait de la répétition des crises politico-militaires), l’avenir est encore et « en dépit de tout » ouvert pour l’humanité, pour les Centrafricains. Car Dieu est Maître du temps et de l’histoire. En ce sens, les évêques invitent les chrétiens à avoir foi et espérance en Dieu : « Aux chrétiens nous rappelons qu’au cœur de ces tourments rien ne doit venir troubler leur foi au Dieu d’amour. ‘’Rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ…’’ (Rm 8, 38-39). C’est dans les ténèbres de ces événements qu’il nous faut plus que jamais nous ressaisir et nous remémorer que tout calvaire est toujours fécondé par les semences de la résurrection (….) Soyons plus que jamais porteurs de cette espérance. Ne laissons jamais le doute brouiller cette certitude dans notre cœur (…) car la puissance de la résurrection de notre Seigneur habite et féconde désormais l’histoire du monde et de l’existence de chacun de nous »39. Dès lors, l’espérance, qui se traduit en Sango40 par l’expression « Wa ti Nzapa » (littéralement « lumière de Dieu »), devient un acte essentiel, une force vitale, une lumière qui, au gré des saisons de la vie, nous donne des raisons d’espérer et de lutter pour le Royaume de Dieu, avec la ferme conviction que Dieu est fondamentalement bon et fidèle. Il ne nous laissera pas sombrer dans l’abîme. Il s’agit donc de donner foi à la Promesse de Dieu et finalement, selon l’expression de l’Apôtre Paul, « d’espérer contre toute espérance » (Rm 4, 18).

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CECA, Message des évêques après les événements du 15 mars 2003 (3 avril 2003), Bangui, Saint Paul, 2003, p. 4. 40 Le Sango est l’unique langue nationale dont dispose la RCA.

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Cette invitation des évêques à l’espérance s’adresse non seulement aux chrétiens, mais également à tous les lecteurs et auditeurs de bonne volonté, et, ainsi, potentiellement au Peuple Centrafricain tout entier. C’est ce qui ressort en filigrane du Message des évêques au Peuple Centrafricain du 09 janvier 2005 : « Nous invitons chacun à faire sien cet appel à l’espérance fondée sur notre foi en Jésus-Christ, Prince de la Paix »41. Cette remarque, à notre sens, est capitale. Car elle montre que le discours social de l’Église, de même que le message évangélique, n’est pas réservé à une élite ou une caste de chrétiens, mais que tous devraient s’efforcer à le vivre intégralement. En ce sens, il n’est pas rare de voir, par exemple, des non-chrétiens ou des non-croyants, stimulés par la conscience de la dignité humaine et de la solidarité interhumaine, devenir des « doux », des « affamés et assoiffés de justice « , des « artisans de paix », des « cœurs purs », etc. (Mt 5-7). Mais il faut noter que la foi en Dieu paraîtra comme une « fausse mystique » si notre espérance en Dieu ne nous pousse pas à un engagement réel et concret en vue d’une réforme sociale et politique dans notre pays et, par le fait même, à refuser la médiocrité. 3. 2 L’espérance, comme refus de la médiocrité L’expérience humaine montre que face aux vicissitudes de la vie ou encore face à l’opacité du mal, l’être humain est souvent amené à adopter une attitude passive, indifférente et désobligeante. La passivité, l’indifférence ou la désobligeance proviennent ici d’une certaine démotivation que l’être humain éprouve à l’égard des situations de misère 41

CECA, « Au temps d’épreuve, soyez forts, gardez courage » (Rm 12, 12). Message des évêques au Peuple Centrafricain, Bangui, Saint Paul, 2005, p. 1.

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sociale qui l’accablent et auxquelles il ne parvient pas à trouver des solutions. Or, en Afrique en général, et en Centrafrique en particulier, nous observons la persistance de la misère sociale et de la pauvreté. Ces différentes situations de misère et de pauvreté ont poussé de nombreux Centrafricains à ne plus avoir confiance à leurs compatriotes et à se méfier d’eux. A cause de la misère et de la pauvreté, il n’est pas rare d’assister à un délabrement des consciences dont les manifestations sont : individualisme, manque de sens du bien commun, de civisme, immoralité croissante provoquée sans doute par la dureté de la vie, alcoolisme, drogues, violences, corruption, mensonge, malhonnêteté, etc. Dans un tel contexte, certains estiment qu’il faut seulement s’abandonner entre les mains de Dieu et garder foi et espérance en Lui, se refusant ainsi à fournir des efforts pour améliorer leurs conditions d’existence. Les évêques constatent avec regret cette démotivation de la population pour le travail en vue du développement. Comme ils l’expliquent : « Les gens ne semblent plus intéressés par le développement, n’y croient plus, parce que l’économie du pays va mal ; les jeunes sont démobilisés, inertes, allant jusqu’à l’abandon du sport et des activités culturelles… »42. Une telle attitude n’est-elle pas symptomatique d’une certaine naïveté, de la démission qui ouvre par ailleurs la voie à la médiocrité ? Pour que le développement advienne véritablement en Afrique, ne faut-il pas que tous et chacun s’y engage ? Autrement, l’espérance en Dieu ne suppose-t-elle pas une éthique d’effort, un refus de consolations religieuses trop faciles ? Pour l’épiscopat centrafricain, l’espérance en Dieu n’est nullement une inertie ou une sorte d’abandon total à Dieu sans un « supplément d’effort ». En ce sens, la CECA invite 42

CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 6.

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les Centrafricains à prendre en charge la destinée politique de leur pays : « Malgré tout ce qui pèse sur nous, martèlent les évêques, notre avenir est aussi entre nos mains. Il dépend de nous, de la vérité de nos paroles, du changement de nos comportements, de notre travail, de notre sens du bien commun… »43. L’espérance, précise encore la CECA, nous convie à être des « témoins de l’Evangile dans la vie sociale »44. A ce propos, le Christ dira : « … votre lumière doit briller devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 16). Ce même Evangile nous invite également à la perfection (Mt 5, 48). Aussi, le chrétien n’attend pas passivement, mais il prépare le retour du Christ en travaillant pour un monde meilleur. Ce faisant, l’espérance devient le dynamisme du devenir humain en route vers l’éternité, mais participant, déjà dans le temps, à cette éternité. L’article d’Ignace Verhack intitulé « La signification de l’espérance pour le temps présent »45 met d’ailleurs l’accent sur cette dimension éthique de l’espérance. Au lieu de se réfugier dans l’au-delà de l’histoire, l’espérance doit ainsi incarner les tâches humaines. L’espérance doit pousser les chrétiens à prendre au sérieux les réalités terrestres46. On ne peut simplement espérer et attendre la seigneurie à venir du Christ ressuscité. Dans le même sens, les évêques incitent les Centrafricains à refuser la médiocrité47, et à s’investir à fond pour l’avènement d’une société juste, pacifique et 43

Ibidem, p. 3. Ibidem, p. 4. 45 Ignace VERHACK, « La signification de l’espérance pour le temps présent », in Communio, n° XXI, 5, Septembre-Octobre 1996, p. 68-78. 46 Jean-Marie AUBERT, Abrégé de la morale catholique, Parsi, Desclée, 1987, p. 196. 47 Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 5. 44

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solidaire, dans l’espérance que, malgré tout, le Royaume de Dieu continue à être proche ; tout en gardant confiance que Jésus-Christ, le Vrai Pasteur, marche avec le Peuple Centrafricain48. Il faut préciser toutefois que l’espérance chrétienne, pour être crédible, doit sortir de la routine et se former afin de porter de bons fruits. 3. 3 L’espérance, comme désir de sortir de la routine Le théologien allemand Jürgen Moltmann, dans son ouvrage intitulé Théologie de l’espérance, nous livre une vérité essentielle sur le Christ et sur la problématique de l’espérance : « Pour l’espérance, le Christ n’est pas seulement une consolation de la souffrance, mais également la protestation de la promesse de Dieu contre la souffrance (…) Qui espère en Christ ne peut plus s’accommoder de la réalité donnée, mais commence à en souffrir, à la contredire »49. Ainsi, l’espérance chrétienne s’énonce non comme un accommodement avec la réalité donnée, mais comme un appel à l’imagination créatrice dans l’acte de la transformation historique de la vie50. Or, pour s’engager dans cette grande œuvre de transformation de la vie ou mieux du 48

Cf. CECA, « Au temps d’épreuve, soyez forts, gardez courage » (09 janvier 2005). Message des évêques au Peuple Centrafricain, p. 4. Les évêques appellent par exemple les Centrafricains à éviter les propos diffamatoires ou mensongers qui, d’après eux, « ne font pas grandir » (p. 2). Comme ils le disent encore si bien, « espérer ne signifie pas nous bercer d’illusions. Il ne faut pas cacher la vérité. Notre pays est dans une situation grave, comme un grand malade » (p. 3). 49 Jürgen MOLTMANN, Théologie de l’espérance, Paris, Cerf-Mame, 1970, p. 17-18. 50 Ibidem, p. 355.

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monde, il faut se transformer en soi-même, se former, et transformer par sa résistance et son attente créatrice, la forme du monde où l’on croit, où l’on espère et où l’on aime. L’espérance étend ainsi son influence dans la formation des consciences en vue d’un agir politique efficace et rentable pour la société. Les évêques ont alors compris cette nécessité d’allier l’espérance à l’imagination créatrice et à la formation, lorsqu’ils déclarent : « Pour sortir de la situation actuelle, la bonne volonté de chacun et le rétablissement d’un meilleur ordre social ne suffisent pas. Pour rendre notre bonne volonté opérationnelle, pour que nous puissions consentir en connaissance de cause à des réformes sociales et y participer, nous avons besoin de formation. Celle-ci est vitale pour chacun, pour une vie meilleure, pour des options réfléchies, une action maîtrisée. Elle est aussi vitale pour le pays…. »51. Malheureusement, sur le Continent Africain en général, et en RCA en particulier, beaucoup de jeunes – et d’adultes aussi – ne semblent pas prendre au sérieux leur formation52. Et comme le font remarquer les évêques, « dans les études 51

CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 7. Pour corroborer cette assertion, nous nous inspirons ici de la pensée de Paul Valadier qui, dans son ouvrage intitulé Eloge de la conscience, fait remarquer que la société moderne est caractérisée par l’absence d’une vraie culture pouvant favoriser l’accès à la maturation du jugement de conscience ou tout simplement aider à la formation des psychologies fortes et moralement motivées (Cf. Paul VALADIER, Eloge de la conscience, Paris, Seuil, 1994, p. 20-25). L’auteur y emploie le terme de « déstructuration » ou de « non structuration des consciences » (p. 21). Certes, cette analyse de Paul Valadier, même si elle a pour point de départ l’univers socio-culturel occidental, n’est pas loin de ressembler à la situation du continent africain.

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ils se contentent de l’à-peu-près ; ils comptent moins sur leurs efforts que sur la chance pour arriver à un poste honorifique et lucratif »53. Ceci est un signe révélateur des lacunes, de l’incompétence criarde dont témoignent beaucoup de fonctionnaires centrafricains. Or, l’incompétence, doublée du manque de conscience professionnelle, ne paie pas en matière de développement politique et économique. Celle-ci (l’incompétence) est en général génératrice de la médiocrité, du mauvais rendement, et même de la routine. Comme nous le rappelle René Coste, le principe évangélique de la conversion nous suggère d’éviter les simplismes et les solutions de facilité, qui conduisent toujours à des graves erreurs dans la gestion des affaires politiques et économiques. Si l’on veut aborder avec lucidité les problèmes fondamentaux qui concernent la politique, il faudra posséder l’intuition et le sens de la responsabilité54. Pourtant, ce sens de responsabilité ne s’acquiert qu’à travers la formation. C’est pour cela que les évêques exhortent à une formation multiple (professionnelle ou technique, morale, spirituelle, chrétienne) des enfants, des adolescents, des jeunes et des adultes, de sorte qu’ils puissent répondre valablement aux défis d’aujourd’hui55. En 1998, les évêques sont revenus sur la question de la nécessité de la formation : « Le citoyen doit s’informer, se former… »56.

53

CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 8. Cf. René COSTE, Op. cit., p. 310. 55 Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 812. 56 CECA, N’ayons pas peur, soyons chrétiens dans notre vote ! (29 juin 1998), Message des évêques de Centrafrique à l’occasion des prochaines élections, Bangui, Saint Paul, 1998, p. 6. 54

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CHAPITRE IV LA RÉCONCILIATION, COMME CHEMIN VERS LE SALUT La détermination des évêques à traiter du thème de la réconciliation trouve une justification dans les nombreux et douloureux conflits qui traversent la vie des populations centrafricaines ces dernières décennies. Ces conflits sont malheureusement exacerbés par la violence. Mais, comment domestiquer cette violence qui ne cesse de gagner la sphère socio-politique en Centrafrique ? Pour les évêques, dans un tel contexte, seule la réconciliation est nécessaire pour le salut de ce pays. Cette réconciliation, dont parlent les Saintes Ecritures et à laquelle les évêques nous invitent, s’énonce d’abord comme un don de Dieu. Elle est ensuite conçue comme une mission de l’Église qui, elle, doit en être un sacrement au milieu du monde57. C’est pourquoi, l’Église entend la communiquer aux hommes comme un effort à réaliser en vue d’une société pacifique. 4. 1 La réconciliation : un don de Dieu Il ne faudrait pas perdre de vue qu’à l’origine de la réconciliation se trouve l’initiative de Dieu qui est Amour58

57

JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-synodale Reconciliatio et Paenitentia (2 décembre 1984), in La Documentation Catholique 1985, n° 1887, pp. 1-31. Voir le numéro 11 du document. 58 Cf. 1 Jn 4, 8.

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et qui, par amour, a créé les hommes59. De cette façon, Dieu se révèle comme Celui qui fait non seulement le premier pas de la réconciliation, mais tous les pas de la réconciliation. Les évêques de Centrafrique s’inscrivent dans cette logique. Ils sont convaincus que c’est Dieu qui accorde l’esprit de réconciliation aux hommes. C’est pourquoi, ils invitent les fidèles chrétiens à prier régulièrement et à lui demander sa grâce, pour que cette réconciliation soit possible : « Chrétiens, nous sommes tous appelés à prier (…) Demandons-lui (à Dieu) les forces nécessaires pour vivre des actes concrets (…) de pardon, de réparation et de réconciliation »60. Les évêques réitéreront cet appel le 22 novembre 2002, après le coup d’Etat manqué du 25 octobre 2002 en ces termes : « Nous encourageons les communautés chrétiennes à prier (…) pour que l’esprit de réconciliation et d’entente l’emporte sur les élans de division et de vengeance »61. Les évêques n’apportent malheureusement pas la moindre justification biblique ou théologique d’une telle invitation à la prière en faveur de la réconciliation. Le moins que l’on puisse dire ici, c’est que cette demande réitérée de prière pour la réconciliation est la preuve du désir des évêques à s’en remettre à la miséricorde du Seigneur. Car, comme nous le rappelle le théologien jésuite Bernard Sesboüé, « c’est Dieu qui en est le sujet actif, nous, nous en sommes le sujet passif : Dieu nous réconcilie et nous sommes réconciliés »62.

59

Cf. Sg 11, 24-26 ; Gn 1, 27 ; Ps 8, 4-5. CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), p. 7. 61 CECA, Message aux communautés chrétiennes, aux hommes et aux femmes de bonne volonté (22 novembre 2002), Bangui, Saint Paul, 2002, p. 5. 62 Bernard SESBOÜÉ, Réconciliés avec le Christ, Paris, Cerf, 1988, p. 14. 60

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Cette assertion de Bernard Sesboüé, nous la retrouvons chez l’Apôtre Paul, dans son épître aux Romains : « Quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils » (Rm 5, 10). Mieux encore : « Nous avons reçu la réconciliation » (Rm 5, 11). De ce fait, l’initiative de Dieu, si l’on en croit l’Apôtre Paul, se manifeste et se concrétise dans la lumière et le mystère du Christ rédempteur. Il faut considérer, en partant de ce texte paulinien, que la cause de la réconciliation de l’homme, dans son double aspect de libération par rapport au péché et de communion de grâce avec Dieu, réside dans l’acte rédempteur du Christ, dans le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection. Bien entendu, l’acte rédempteur du Christ présuppose l’acte d’Incarnation. C’est parce que le Verbe de Dieu s’est fait chair et a habité parmi nous, qu’il a pu révéler que Dieu est amour et nous a donné le commandement nouveau de l’amour (Jn 13, 34) : en entrant dans l’histoire du monde, le Christ l’assume et la récapitule en lui-même63. Ce faisant, Jésus-Christ devient pour tous « réconciliation » et instaure du coup, dans sa personne, la fraternité universelle. Dès lors, nous pouvons comprendre aisément le sens de la déclaration des évêques de Centrafrique qui considèrent le Christ comme « frère universel »64, à qui il faut demander, ajoutent-ils, la force et la grâce d’ouverture au pardon, à la réconciliation65. Ainsi, le Christ lui aussi, à l’instar de son Père, apparaît comme l’initiateur de la réconciliation. Et, de la même manière, il nous convie à être des initiateurs de la réconciliation. 63

Cf. Eph 1, 10. Ce vocable est traduit en Sango de manière merveilleuse par l’expression « ita ti azo kwè », c’est-à-dire « le frère de chaque homme » ou encore « le frère de tous ». 65 CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), p. 11. 64

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4. 2 La réconciliation : une mission de l’Église En choisissant de parler de la réconciliation, les évêques de Centrafrique entendent assumer pleinement le rôle prophétique de l’Église tel qu’énoncé dans l’Exhortation Apostolique Reconciliatio et Paenitentia : celui de dénoncer les maux de l’homme, de montrer la racine des divisions et susciter l’espérance de pouvoir surmonter les tensions et les conflits afin de parvenir à la fraternité, à la concorde, à la tranquillité et à la paix66. C’est pourquoi, les évêques, à travers ce vaste corpus magistériel, n’ont pas cessé de décrier les actes de vandalisme et de violence qui viennent mettre en panne la paix en Centrafrique, et qui provoquent ainsi des déchirures dans les rapports entre individus et groupes, et même au niveau national. A la vérité, ces événements malheureux sont pour l’essentiel le résultat d’une dégradation de la vie sociale, d’une absence de dialogue et de confiance mutuelle. Les Lettres pastorales de 1991, 1992, 1993 et le message de 1996 attiraient d’ailleurs l’attention sur les conséquences désastreuses que peut entraîner cette absence de dialogue et de confiance mutuelle. Et il faut tout de suite souligner que c’est cette absence de dialogue et de confiance mutuelle qui est souvent à l’origine des grèves successives, de la violence et des troubles en Centrafrique. Craignant le risque de guerre civile avec la troisième mutinerie du 15 novembre 1996, les évêques sont revenus à la charge, dans leur message Ne laissons pas mourir notre pays, pour dénoncer les exactions perpétrées, les incitations à la violence, et appeler le Peuple Centrafricain à la réconciliation : « Nous, Evêques de Centrafrique, dénonçons la violence qui continue de secouer notre pays, entraînant avec elle la destruction, la peur, les rumeurs, 66

RP, n° 4 § 11.

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l’insécurité, la manipulation des jeunes, la mort ; mais aussi les exactions, les viols, les disparitions, les exécutions sommaires (….) Nous, Evêques de Centrafrique, sommes convaincus que notre peuple est encore capable de se ressaisir, de s’unir pour que cesse toute agression physique et morale, pour qu’une réconciliation vraie et durable se vive partout »67. L’annonce de la réconciliation, dont les évêques veulent être les porteurs ici, s’enracine dans la conviction que la réconciliation est un Evangile, une bonne nouvelle qu’il faut annoncer et communiquer partout. Cet Evangile, les évêques, successeurs des Apôtres, le reçoivent du Seigneur comme une mission dont il faut s’acquitter obligatoirement. De cette façon, l’Église devient par nature « réconciliatrice », d’autant plus qu’elle est appelée à proclamer le message de la réconciliation et à offrir les moyens nécessaires pour la réaliser. Au demeurant, le ministère de la réconciliation dévolu à l’Église repose sur un appel, une exhortation de Paul à faire participer les Apôtres du Christ à l’œuvre divine de la réconciliation. Car « Dieu, nous affirme l’Apôtre Paul, nous a confié le ministère de la réconciliation … et la parole de la réconciliation » (2 Co 5, 18-19). C’est donc forts de cette exhortation que les évêques de Centrafrique invitent tous les chrétiens à coopérer au ministère de réconciliation qui, au fond, n’est pas le domaine propre des seuls pasteurs, mais également de toute la communauté des croyants. Car c’est à l’ensemble de l’Église qu’est confiée finalement la parole de la réconciliation. Or, si la tâche de l’Église consiste désormais à faire tout ce qui est possible pour 67

CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), Message au Peuple Centrafricain, Bangui, Saint Paul, 1997, 11 p.

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témoigner de la réconciliation et la réaliser dans le monde, il s’ensuit que cette réconciliation devient une nécessité pour le salut humain. Pourtant, qu’est-ce qui justifie l’urgence de cet acte de réconciliation ? Quels en sont les fondements ? Les évêques de l’Église de Centrafrique s’appuient, en effet, sur quelques textes de l’Ecriture, pour nous convaincre de la justesse et de la pertinence de la réconciliation. L’originalité de la proclamation de ce message réside dans le fait que, pour les évêques, la réconciliation est connexe à l’idée de la « fraternité universelle »68, concept qui puise sa force théologique dans le commandement divin de l’amour apporté par le Christ : « Je vous vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres … » (Jn 13, 34). Le concept de « fraternité universelle » trouve également une réelle dynamique dans la lettre aux Galates que les évêques citent à profusion, plus particulièrement dans l’exhortation forte de Saint Paul reprise par eux dans l’un de leurs messages : « Car un seul précepte contient toute la Loi dans sa plénitude : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais si vous vous mordez et

68

Dans la Lettre pastorale consacrée exclusivement à la réconciliation, les évêques déclarent ceci : « Nous croyons en l’homme et en la fraternité universelle… » (Cf. CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), p. 3). La vocable « fraternité universelle », qui se traduit en Sango par l’expression « azo kwè a yèkè gi a ita » (littéralement, « tout homme est un frère »), a une forte charge significative. Elle évoque une conception toute particulière de la fraternité en Centrafrique et englobe le vaste champ des relations humaines. Le « frère » (en Sango, « ita ») désigne aussi bien les cercles des frères et sœurs du même sang (traduit par « a ita ti mènè oko »), que les individus appartenant ou à un même groupe religieux ou laïcs, ou encore à une même nation.

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vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous allez vous entredétruire » (Ga 5, 14-15)69. Néanmoins, les évêques de Centrafrique, fidèles à l’enseignement traditionnel de l’Église, tout en invitant les chrétiens et le Peuple Centrafricain à la réconciliation, n’oublient pas de leur annoncer que cette réconciliation est un don de Dieu qu’il convient d’accueillir et de communiquer aux autres. C’est pourquoi, ils prennent aussi le soin de préciser que la réconciliation présuppose un appel à la conversion. 4. 3 La réconciliation : un appel à la conversion « Dieu ne peut pas nous réconcilier si nous ne voulons pas. Il a besoin de notre acception », nous fait remarquer Bernard Sesboüé70. Certes, nous croyons que la réconciliation est un don de Dieu. Mais cela ne suffit nullement à nous procurer le bonheur, la paix, et le pardon. Car la réconciliation reste et demeure toujours une conduite bilatérale : Dieu fait le premier pas ; et nous devons répondre avec la grâce qu’Il nous donne d’ailleurs pour le faire. Et ce ne sont nullement les Saintes Ecritures qui nous démentiront ici. L’Apôtre Paul n’hésite pas à nous inviter, en une sorte de supplication solennelle, à une dynamique de conversion : « Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 18-20). De toute évidence, la réconciliation avec Dieu est intrinsèquement liée à la réconciliation avec nos frères. En ce sens, l’épître aux Ephésiens affirme que le Christ a réconcilié avec Dieu le juif et le païen, lesquels symbolisent les deux grandes figures de l’hostilité religieuse au temps 69

CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (2 juin 2001). En la Fête du Cœur l’Immaculé de Marie, Bangui, Saint Paul, 2001, p. 3. 70 Bernard SESBOÜÉ, Op. cit., p. 14.

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de Jésus, afin de former un seul corps au moyen de la Croix : en sa personne, il a tué la haine (Eph 2, 16-17). Notre sens de responsabilité dans l’œuvre de réconciliation avec nos frères nous est également révélé de façon plus belle à travers les paroles du Christ lui-même : « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande » (Mt 5, 23-24). Dans cette perspective, la réconciliation ne peut se produire qu’au terme d’une démarche humaine, une démarche qui exige une conversion de l’homme, laquelle conversion engage nécessairement la volonté et la responsabilité de celui-ci. Car Jésus-Christ n’a pas dit : « Je vais vous convertir », mais « convertissez-vous » (Mc 1, 15)! La CECA partage en effet cette conviction théologique. Puisqu’elle ne s’est pas uniquement contentée d’exhorter les fidèles chrétiens à la prière pour qu’une réconciliation vraie et durable advienne dans ce pays. Comme si tout ne dépendait que de la Providence seule ! L’un des mérites des évêques, c’est d’avoir également interpellé les Centrafricains en attirant leur attention sur la part de responsabilité qui leur incombe dans cette œuvre de réconciliation nationale : « Nous devons, soulignent les évêques, poursuivre cette œuvre de réconciliation, sans nous lasser, à tous les niveaux de notre pays (…) C’est un devoir pour chacun de participer à cette réconciliation »71. Cette proclamation de la réconciliation, qui met l’accent sur le sens de la responsabilité de chacun, s’est ensuite renouvelée dans les Lettres pastorales des évêques de diverses manières. En 2001, la CECA a manifesté une fois de plus son souci pour une Centrafrique réconciliée et unie : 71

Ibidem, p. 9.

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« Nous avons tous, la lourde et sacrée responsabilité de contribuer à la construction du pays. Tout ce qui unit, construit est plus fort que ce qui détruit »72. S’appuyant sur Saint Jacques, les évêques invitent les Centrafricains à la sagesse, à la tolérance et au dépassement de soi-même (Jc 3, 13 – 4, 1-4). Ces multiples interventions des évêques en faveur de la réconciliation répondent parfaitement au désir du Pape Jean-Paul II qui voudrait que l’Église fasse de la promotion de la pénitence et de la réconciliation sa mission73. Pourtant, ce ministère, fondé et éclairé par les considérations exposées ci-dessus, doit être soutenu par des voies et moyens adéquats, nécessaires, et indispensables à sa réalisation. En ce sens encore, les évêques proposent quelques principes éthiques qu’il faut observer pour l’avènement d’une démocratie tolérante et pacifique en Centrafrique.

72

CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001). En la Fête du Cœur Immaculé de Marie, Bangui, Saint Paul, 2001, p. 4. 73

JEAN-PAUL II, Reconciliatio et Paenitentia, n° 11.

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TROISIEME PARTIE VISÉE ÉTHIQUE DES LETTRES PASTORALES DE LA CECA

Si l’éthique s’oriente vers un idéal substantiel de vie bonne comme nous le propose Jean-Marc Ferry74, la visée éthique des Lettres pastorales de la CECA serait de créer les conditions de possibilité d’un mieux-être-ensemble. Dans cette optique, les évêques proposent quelques principes éthiques fondateurs d’unité et pouvant favoriser ce mieuxêtre-ensemble, à savoir le dialogue social et la paix. Ces deux impératifs éthiques s’éclairent ici des réflexions philosophiques, mais également des apports de la Révélation qui veut, elle aussi, conduire les hommes à une plus grande vérité et une intense fraternité. Comment les évêques présentent-ils ces deux principes éthiques ?

74

Cf. Jean-Marc FERRY, L’Ethique reconstructive, Paris, Cerf, 1996, p. 7. En ce sens, Jean-Marc Ferry rejoint ici la pensée de Paul Ricœur qui soutient que la visée éthique s’appréhende comme celle « d’une vie bonne avec et pour les autres dans des institutions justes » (Cf. Paul RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 202).

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CHAPITRE V LE DIALOGUE SOCIAL, VOIE DE SORTIE DU CYCLE DE LA VIOLENCE Les évêques de Centrafrique ont eu à souligner à plusieurs reprises la nécessité de revenir au dialogue social. Pour la CECA, le dialogue social constitue un véritable chemin démocratique et sain des négociations en vue du bien-être du Peuple Centrafricain75. Mais, qu’est-ce qui semble garantir un tel dialogue social dans une société qui aspire désormais à l’idéal démocratique ? Comment ce dialogue peut-il porter du fruit ? A en croire nos Pasteurs, les évêques, le vrai dialogue passe par une conversion, par une attention à l’autre et par un respect envers les institutions du pays76.

75

Cf. CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001), p. 3. Déjà, en 1997, lorsque les mutineries éclatèrent au sein de l’armée, l’Église, par la voie de ses pasteurs, n’a pas manqué de lancer un appel pour prôner le dialogue en ces termes : « Nous encourageons toutes les parties en présence à poursuivre jusqu’au bout le dialogue, et nous remercions tous ceux qui œuvrent en ce sens » (CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation, 12 janvier 1997, p. 7). Cette approche rejoint la vision du Concile Vatican II. Selon le Concile, l’Eglise, en vertu de la mission qui est la sienne d’éclairer l’univers entier par le message évangélique, doit être capable d’« établir un dialogue avec la société humaine » (CD, n° 13). Cet appel au dialogue social a été ensuite réitéré dans plusieurs autres Lettres pastorales, en l’occurrence celles de 1998, de 2001, de 2003 et de 2005. 76 Cf. CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2003), p. 3-4.

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5. 1 De la conversion au dialogue Pendant l’Assemblée spéciale pour l’Afrique, les évêques ont passé en revue les principaux défis auxquels la communauté ecclésiale doit faire face aujourd’hui77. Parmi ces défis figurent en bonne place les multiples formes de divisions et conflits qui existent sur le continent. Pour les Pères synodaux, ces divisions et conflits sont appelés à disparaître grâce à une pratique honnête du dialogue78. De la même manière, les évêques de Centrafrique se trouvent confrontés, depuis plusieurs années, à des situations semblables, situations liées à des divisions et à des conflits socio-politiques permanents. Ces divisions et conflits, précisent les Pasteurs de l’Église locale, sont « révélateurs du manque de dialogue patent, de négociations, chacun se durcissant sur ses positions, conséquence d’un manque de vrai dialogue entre les diverses composantes de la société »79. Dans les différentes crises intervenues, constatent les évêques, le manque de vrai dialogue se ressent à tous les niveaux : les gouvernements tiennent mordicus à leur position, sans écouter vraiment la critique et les questions de la base, dans une attitude parfois arrogante. Leurs interlocuteurs, en face, durcissent leurs positions, refusant même de prendre part à certaines rencontres80. Si nous voulons réellement sortir des affrontements, des conflits et rétablir la concorde, il nous faudra préciser et assurer les conditions d’un authentique dialogue social. Le Pape Jean-Paul II, dans son Exhortation Reconciliatio et 77

Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation post-synodale Ecclesia in Africa (14 septembre 1995), n° 46-52. 78 Ibidem, n° 49. 79 CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001), p. 1. 80 Cf. CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1990), p. 10.

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Paenitentia, précise que l’une des conditions fondamentales à ce dialogue social est la régénération de chacun, par la conversion intérieure, sur la voie d’un profond renouveau de la conscience et de la vie de chacun81. Emboîtant le pas à Jean-Paul II, les responsables de l’Église en Centrafrique appellent à une double conversion : la conversion des mentalités et des cœurs. Ainsi, les évêques n’ont pas hésité de lancer un appel solennel à tout le Peuple Centrafricain qui, suite au coup d’Etat manqué du 28 mai 2001, a failli basculer dans la haine tribale : « Nous vous invitons donc à la conversion des esprits et des cœurs, à la modération des comportements, à la sagesse, au patriotisme et au sens du bien commun »82. C’est dire que le dialogue est une pratique humaine exigeante. Pour porter de fruits, il a besoin de s’appuyer sur une démarche éthique responsable et sur un travail rigoureux sur soi-même. Nous n’entrons pas en dialogue en demandant à autrui de venir satisfaire seulement nos propres objectifs. Le meilleur mot, pour signifier la conversion nécessaire en vue du dialogue, serait sans doute celui de changement qui, lui, implique l’idée d’un déplacement. Le dialogue déplace d’emblée celui à qui l’on s’adresse et ce, dans un mouvement de dépossession des idées ou a priori que l’on peut avoir sur l’interlocuteur qui est en face de soi. Il faut insister sur ce déplacement car il est une condition, sinon un fondement du dialogue. Il n’y a pas de commencement possible sans ce déplacement mental et spirituel, ou même physique.

81

JEAN-PAUL II, Reconciliatio et Paenitentia, n° 25 § 3. CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001), p. 3. 82

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5. 2 De l’attention à l’autre, comme possibilité d’un vrai dialogue Certes, la Centrafrique est l’un des rares pays en Afrique Centrale francophone à disposer d’une langue nationale à savoir, le Sango. Cette langue nationale peut, comme d’aucuns l’affirment, être considérée comme un support non moindre pour la réussite et le succès du dialogue. Les évêques mentionnent d’ailleurs l’importance de cette langue commune et reconnaissent qu’elle constitue une richesse pour la survie de la démocratie et pour l’unité dans ce pays83. Les évêques sont aussi conscients que l’attitude du dialogue naît également de l’attention à autrui, de la volonté de lui adresser la parole et de l’entendre. Sous cet aspect, les évêques réfutent tout scénario qui suggère l’idée de l’utilisation du « langage des armes » au détriment des pourparlers84 et en appellent au respect de l’autre et de soimême dans le processus dialogique85. S’appuyant sur l’Exhortation Apostolique Ecclesia in Africa qui exalte l’idée de l’Église-Famille de Dieu86, les évêques rappellent l’exigence du dialogue pour tout baptisé et invitent le Peuple centrafricain à l’attention à l’autre, à la solidarité, à la chaleur de la relation, à l’accueil et à la

83

Cf. CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), p. 3. 84 CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1991), p. 10-11. 85 CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001), p. 3. 86 JEAN-PAUL II, Ecclesia in Africa, n° 63. Le synode des évêques pour l’Afrique affirme que « la nouvelle évangélisation visera à édifier l’Eglise-Famille de Dieu, en excluant tout ethnocentrisme et tout particularisme excessif, en prônant la réconciliation et une vraie communion…. ». Ce texte est repris par les évêques de Centrafrique.

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confiance mutuelle87. Pour étayer leur point de vue, les évêques recourent ici à l’Epître de Paul aux Romains : « Aussi bien qu’il n’y a pas de distinction entre juif et grec : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent » (Rm 10, 12). A cet effet, le Message du Synode, sur lequel la Conférence Episcopale Centrafricaine revient régulièrement, souligne que le Dieu vivant, Créateur de l’univers et Maître de l’histoire, est le Père de la grande famille humaine que nous formons. En tant que tel, Dieu veut que nous témoignions de Lui, dans le respect des valeurs et convictions propres à chacun, en travaillant ensemble pour la promotion de la dignité humaine88. Ce faisant, loin de vouloir être un tortionnaire, Dieu engage les croyants à se mettre ensemble au service de la vie. De sorte que nous pouvons affirmer avec le Pape Jean-Paul II que l’attitude de dialogue doit devenir le mode d’être du chrétien, aussi bien à l’intérieur de sa communauté qu’avec les autres croyants, et les hommes et femmes de bonne volonté89. Compte tenu de l’importance du dialogue social, et eu égard aux nombreux tourments ou conflits qui ont secoué le pays, l’Église elle-même s’est intensément engagée dans le but de faciliter le dialogue entre les protagonistes des crises internes. A cet effet, certains évêques, pris individuellement, ont eu à jouer un grand rôle dans le processus de dialogue en Centrafrique. Ainsi, en est-il de l’important rôle joué par Monseigneur Joachim Ndayen dont la personnalité et l’autorité morale sont reconnues de tous les Centrafricains. Dans la pratique, lorsque la première mutinerie survint le 18 avril 1996, Son Excellence Monseigneur Joachim 87

CECA, Ne laissons pas mourir notre pays. Entrons dans la réconciliation (12 janvier 1997), p. 11. 88 JEAN-PAUL II, Ecclesia in Africa, n° 66. 89 Ibidem, n° 65.

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Ndayen, alors Archevêque de Bangui, avait été sollicité par les mutins eux-mêmes pour être un médiateur entre ceux-ci et le gouvernement du Président Ange-Félix Patassé. La médiation de Monseigneur Joachim Ndayen, on le sait, a permis de nouer le dialogue rompu et de parvenir ainsi à un accord qui prenait en compte les principales revendications des mutins90. Dans la suite, Monseigneur Paulin Pomodimo, ancien évêque du Diocèse de Bossangoa, avait été nommé coordinateur de « l’initiative pour le dialogue national », lancée en novembre 2002 par le Président Ange-Félix Patassé, afin de résoudre la crise provoquée par le coup d’Etat d’octobre 200291. Dans le cadre de cette mission du dialogue, Monseigneur Pomodimo s’est même rendu à Paris pour y rencontrer les représentants des rebelles. Mais la victoire militaire du général François Bozizé en mars 2003 change la donne politique : le dialogue national est ainsi avorté prématurément. A ce stade de notre investigation, nous pourrions alors nous poser la question suivante : qu’est-ce qui empêche la réalisation d’un tel dialogue, en dépit de multiples médiations opérées aussi bien par les hommes d’Église que les 90

Cf. Jean-Paul NGOUPANDE, Chronique de la crise centrafricaine 1996-1997. Le syndrome Barracuda, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 25. L’on se rappelle encore qu’au temps du règne autocratique de JeanBedel Bokassa, plus précisément lors de son sacre comme empereur, le même archevêque de Bangui, Monseigneur Joachim Ndayen, avait opposé une fin de non-recevoir à la demande des organisateurs de cette fête (et sans doute Bokassa lui-même) de procéder au couronnement de ce dernier dans l’enceinte même de la Cathédrale Notre Dame de Bangui. C’est alors que la cérémonie du couronnement de l’empereur (en décembre 1977) eut lieu au Stade Omnisport, situé à proximité de l’Université de Bangui, l’unique université d’Etat qui existe et qui a été construite par ce même empereur. 91 Cf. D. RANCE, « Centrafrique », in Esprit et Vie, n° 89, septembre 2003, p. 40-41.

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membres de la société civile ? La réponse est toute simple : les institutions juridiques mises en place après les différentes tentatives de dialogue sont régulièrement foulées au pied. Or, le véritable dialogue passe par le respect des institutions politiques, lesquelles institutions sont censées être justes. 5. 3 Du respect des institutions justes S’il est vrai que le dialogue social suppose un effort de conversion et qu’il passe également par l’attention à l’autre, il reste que ce dialogue social ne peut connaître une réelle avancée que dans le cadre d’un espace bien défini : celui des institutions justes. En ce sens, René Simon écrivait d’ailleurs ceci : « Il n’est pas de société sans un minimum de références objectives communes d’ordre juridicomoral ou de paradigmes de conduite empruntés à la coutume ou à un code écrit. Même ce que la relation intersubjective peut connaître de plus intime est rendu possible par l’existence de ces opérateurs de comportement et ne peut se déployer que grâce à eux »92. Le théologien camerounais Marcus Ndongmo, abondant dans le même sens, montre également le rôle indispensable de l’institution dans la relation interpersonnelle et en souligne son impact dans le vivre-ensemble, lequel « n’est possible que sur la base des valeurs, des normes, d’interdits

92 René SIMON, L’Ethique de la responsabilité, Paris, Cerf, 1993, p. 92.

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ou d’impératifs communément acceptés et qui structurent l’existence de la communauté des personnes »93. Malheureusement, ces structures et moyens, qui sont nécessaires pour le bien commun et qui sont de nature à favoriser l’exercice du dialogue, sont souvent bafoués ou ignorés par les nombreux dirigeants politiques qui se sont succédé dans le pays de Barthélemy Boganda. Ces violations à l’égard des institutions ont pour nom : abrogation de la Constitution et dissolution de l’Assemblée Nationale par les régimes militaires successifs, non-respect des accords signés à la suite des événements malheureux, etc. Tout cela crée, comme le soulignent les évêques, une crise de confiance dans les institutions, une insécurité et même un marasme économique94. C’est pourquoi, dans une Lettre pastorale de 2001, signée par tous les évêques, il est rappelé à tous les Centrafricains que le dialogue, véritable chemin pour la destinée de ce pays, passe « par le respect d’autrui et de soi-même, et par le respect des institutions »95. Il est décrié dans cette même Lettre pastorale le non-respect des multiples accords signés entre les leaders politiques et les protagonistes des diverses crises politiques96. Au demeurant, le refus d’admettre les structures normatives, suite aux différentes crises, est l’un des aspects non négligeables du dépérissement de l’État centrafricain. En effet, ces structures juridiques évoluent en fonction des intérêts des Gouvernants sans tenir compte des impératifs politiques et économiques des citoyens. C’est d’ailleurs la 93

Marcus NDONGMO, L’Ethique chrétienne des droits de l’homme, Yaoundé, PUCAC, 2000, p. 40. 94 CECA, « Aux temps d’épreuve, soyez forts, gardez courage » (09 janvier 2005), p. 1. 95 CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001), p. 3-4. 96 Ibidem, p. 1.

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violation répétée de ces conventions qui brise souvent le processus de l’instauration d’une paix durable dans ce pays. Or, comme les évêques tentent de nous le montrer, la paix est un impératif éthique indispensable pour la société.

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CHAPITRE VI LA PAIX, UN IMPÉRATIF ÉTHIQUE POUR UNE SOCIÉTÉ VIABLE La thématique de la paix transparaît à travers toute la pensée des évêques telle que contenue dans les Lettres pastorales étudiées jusqu’ici. Chaque Lettre pastorale ne manque pas d’en faire mention. C’est un point central de l’enseignement des évêques97. Cet intérêt vif des évêques à traiter régulièrement de la paix rejoint le désir profond qui anime bien d’hommes et de femmes, de groupes ou d’organismes qui tentent de lutter pour la promotion de la paix à travers le monde. Pour nos évêques, il est urgent et nécessaire non seulement de prier pour la paix, mais également d’éduquer à la paix et de promouvoir la justice, notamment les droits de l’homme. 6. 1 Prier pour la paix Même si l’Église reconnaît que la paix implique un effort humain, elle n’abandonne pas l’idée selon laquelle la paix est fondamentalement un don de Dieu98. A ce titre, elle 97

Dans leur message du 11 janvier 1998, les responsables de l’Eglise en Centrafrique ont essayé de ranger la paix dans les principaux défis de notre temps (Cf. CECA, Ensemble, laïcs et prêtres en Centrafrique, pour un renouvellement de la mission : notre défi de l’an 2000 (11 janvier 1998). Message des évêques au Peuple chrétien. En la Fête du Baptême du Seigneur, Bangui, Saint Paul, 1998, p. 17). 98 VATICAN II, Gaudium et Spes, n° 78.

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invite les chrétiens à prier pour demander cette paix au Seigneur. C’est dans cet esprit que le Pape Jean XXIII, dans son Encyclique Pacem in Terris99, exhorta les chrétiens à demander instamment la paix apportée par le Rédempteur dans leurs prières, de sorte que le Seigneur puisse bannir de leurs âmes tout ce qui peut mettre la paix en danger, tout en considérant que Seul le Père Céleste éclaire ceux qui président aux destinées des peuples100. Le Concile Vatican II, qui fut lancé par le même Pape Jean XXIII, a rappelé encore à l’Église sa mission d’être au service du monde et, plus particulièrement, au service de la paix. A ce sujet, Gaudium et Spes incite les chrétiens à s’unir à tous les hommes et les femmes épris de paix, dans le but de l’implorer et de la réaliser101. C’est cette même conviction théologique de la paix qui a conduit la CECA à faire des appels répétés aux chrétiens de Centrafrique afin qu’ils puissent prier pour la paix. Nous pourrions probablement nous poser la question sur les raisons d’une telle insistance sur la prière en faveur de la paix. Mais, au fond, avons-nous réellement besoin de justification ? Devrions-nous rechercher une explication remarquablement originale outre le fait que la violence est devenue une plaie dans le monde aujourd’hui et plus particulièrement en Afrique ? Nous le savons bien, la paix est devenue pratiquement une « denrée » rare en Centrafrique. La culture de la violence, de la haine, du mépris de l’autre emporte régulièrement le cœur des acteurs politiques au point d’hypothéquer la destinée de ce pays. Et il ne fait pas de doute que la démarche des évêques part de cette expérience de violence. 99

JEAN XXIII, Encyclique Pacem in Terris (11 avril 1963), sur la paix sur la terre, in La Documentation Catholique 1963, n° 1398, col. 513546. 100 JEAN XXIII, Pacem in Terris, n° 171. 101 VATICAN II, Gaudium et Spes, n° 78.

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Bien plus, nous pensons également que les évêques, forts de leur foi et de l’importance de cette paix, ont compris à la suite du Peuple juif que c’est en priant que l’on s’enracine dans la paix. Le théologien congolais Paulin Poucouta nous montre d’ailleurs, dans son ouvrage Missionnaires de la paix102, que toute la prière juive était imprégnée de la thématique de la paix. Il faut rappeler qu’à la prière du matin, on loue Dieu comme Créateur de l’univers et donneur de la paix.103 Plus encore, la prière dite des 18 bénédictions que les Juifs récitent deux fois par jour, se termine par une demande de la paix104. Cette thématique de paix, nous la retrouvons aussi dans la prière de louange et de sanctification qui rythme l’office du matin, du midi et du soir105. Avec cette précision vétéro-testamentaire capitale, nous nous rendons compte des motivations bibliques ou spirituelles profondes qui animent aussi bien la théologie que le magistère à solliciter régulièrement la prière des fidèles en faveur de la paix. Ce n’est donc pas vers une pure et simple évasion dans les profondeurs de l’intériorité que nous entraînent les responsables de nos Églises quand ils nous demandent de prier chaque jour pour la paix dans nos communautés. Le croyant va, bien au contraire, y puiser un ressourcement qui engagera sa pensée et son énergie dans l’action pour la construction de la paix humaine, notamment la paix politique. Voilà la béatitude matthéenne de « ceux qui font œuvre de paix » (Mt 5, 9). Ainsi, la paix à laquelle nous aspirons en Afrique ne viendra, comme don de Dieu, que dans la mesure où nous 102

Paulin POUCOUTA, Missionnaires de la paix. La paix dans la Bible, Kinshasa-Limete, Ed. L’Epiphanie, 1998, 72 p. 103 Ibidem, p. 29. 104 Idem. 105 Idem.

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nous décidons à vivre ensemble dans la vérité et la justice. Mais vivre dans la vérité, la justice et la paix suppose une éducation. 6. 2 Éduquer à la paix Plus que le respect des droits de l’homme, il est nécessaire de promouvoir au sein des nations une « culture de la paix ». Cependant, la promotion d’une telle culture de paix ne dépend pas tellement des structures, mais plutôt des hommes à qui il importe d’inculquer les valeurs de paix. Cette exigence de travailler dans le sens de la promotion de la culture de la paix a été exprimée par le pape Jean XXIII, dans son encyclique Pacem in Terris106, et de manière plus ferme encore par les Pères conciliaires, notamment dans long et dense numéro 78 de la Constitution pastorale Gaudium et Spes. En effet, le numéro 78 § 1 de ce passage affirme : « La paix n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre des forces diverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique, mais c’est en toute vérité qu’on la définit ‘œuvre de justice’ (Is 32, 17). Elle est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son divin Fondateur, et qui doit être réalisée par des hommes qui ne cessent d’aspirer à une justice parfaite (…) la paix n’est jamais chose acquise une fois pour toutes, mais sans cesse à construire (…) l’avènement de la paix exige de chacun le constant contrôle de ses passions et la vigilance de l’autorité légitime »

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JEAN XXIII, Pacem in Terris, n° 163

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Il ressort de ce passage que la paix est une construction exigeante et difficile. La promotion de la paix suppose le face-à-face courageux et lucide contre la pesanteur des forces ou pulsions intérieures et extérieures à l’homme, mais qui tendent à envenimer les rapports humains, et contre lesquelles il faut lutter. Les évêques de Centrafrique s’inscrivent aussi dans cette vision conciliaire de la paix, lorsqu’ils invitent le Peuple Centrafricain à travailler sans cesse pour l’avènement de la paix107 et à ouvrir les cœurs à des pensées de paix108. Cet appel des évêques à l’engagement en faveur de la paix a été renouvelé dans les Lettres pastorales de 1992, de 1997, de 1998, de 2002, de 2003 et de 2005. Nous l’avons dit plus haut, la paix est difficile à établir. Mais elle n’est pas du tout impossible à mettre en place. Fidèles à la tradition conciliaire qui considère la paix comme étant le fruit de l’amour109, les évêques en viennent à souligner l’importance de l’éducation pour la coexistence pacifique des individus et groupes, d’origines ethniques, cultures et religieuses en RCA. En effet, les valeurs de l’amour, du respect, de la compassion et de l’harmonie, indispensables pour la tranquillité, l’ordre et la paix, s’acquièrent par le biais de l’éducation. C’est pourquoi, les évêques parlent de l’éducation ou de la formation comme une nécessité vitale et une chance pour la société. Car elle permet d’apprendre les règles de vie en société aujourd’hui, et d’en comprendre le bien-fondé110. Dans cette tâche de l’éducation, soulignent encore les évêques, la famille joue un rôle de premier plan.

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CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1991), p. 15. CECA, Message des évêques au Peuple Centrafricain (23 juin 2001), p. 5. 109 Gaudium et Spes, n° 78, § 2 et 3. 110 Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 7. 108

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Puisqu’elle constitue « la cellule originaire de la vie sociale » ; « elle est bien un sanctuaire d’amour »111. En revanche, les évêques, conscients des événements tragiques et des tensions persistantes entre les Centrafricains, ont essayé à leur manière de favoriser la formation de l’opinion publique moralement, par de nombreux appels à la tolérance, au pardon et à la réconciliation. Toutefois, il ne faudra pas perdre de vue que, si la paix est encore précaire en Centrafrique, c’est en partie à cause du non-respect de la justice ou plus exactement du non-respect des droits humains. C’est pourquoi, il faut promouvoir la justice, notamment les droits de l’homme, présupposés fondamentaux pour la réussite de la paix et de la démocratie. 6. 3 Promouvoir la justice, en particulier les droits de l’homme Il sied de faire remarquer d’emblée que les deux concepts de paix et de justice peuvent être imbriqués au point de ne s’interpréter que l’un par rapport à l’autre, comme nous le suggère le psalmiste, par exemple : « Justice et paix s’embrassent » (Ps 85, 11). Chez le prophète Michée, l’homme épris de paix vit selon cette formule : « On t’a fait savoir, homme, ce qui est bien ce que Dieu attend de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6, 8). Plus encore, chez Isaïe, la paix ne pouvait être qu’une paix dans la justice : il fait toujours coïncider les deux ensembles (Is 9, 6). De la sorte, l’on ne peut dissocier les deux termes. La paix « jaillit » nécessairement de la justice. Celle-ci devient la condition ou mieux le fondement 111

CECA, Famille, sois lumière ! La Bonne Nouvelle sur la famille et le mariage (20 juillet 1996), Lettre pastorale des évêques de Centrafrique, Bangui, Saint Paul, 1996, p. 21.

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de la paix. Ainsi, l’option pour la paix doit être réellement l’option pour la justice. Servir la paix, c’est non seulement opposer la violence de l’amour à la guerre, mais aussi se mettre au service de la justice et de la vie. Cette conception biblique de la paix, fondée sur le droit et la justice, se retrouve dans la vision catholique de la paix et, plus particulièrement encore, dans les nombreuses Lettres des évêques de Centrafrique. En bien de situations, la CECA a dû intervenir avec force pour interpeller aussi bien tous les citoyens centrafricains que leurs dirigeants sur le sens du respect de la justice, mieux sur le respect des droits de l’homme, principes indispensables à la survie de la démocratie : « Vous êtes tenus, disent les évêques, de respecter les principes de la démocratie, de l’unité, de la souveraineté nationale, des droits de l’homme »112. Ces droits de l’homme, définis par la CECA comme étant les « exigences et conditions de la dignité humaine dans les relations entre hommes, entre groupes humains et même entre nations »113, constituent une justice supérieure régissant les rapports des hommes entre eux et avec les institutions. Leur violation peut entraîner une entorse grave à la quiétude et à la paix d’une nation. Sous cet aspect, nous 112

CECA, « Aux temps d’épreuve, soyez forts, gardez courage » (09 janvier 2005), p. 2-3. Il convient de faire remarquer ici que les droits de l’homme ont retenu particulièrement l’attention des membres de la CECA. C’est dans le souci d’aider les Centrafricains à s’en faire une idée nette que les évêques n’ont pas hésité à traiter de ce thème et d’y consacrer un chapitre entier dans une de leurs Lettres pastorales (Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ?, p. 19-25). Les évêques considèrent par ailleurs que « une vraie démocratie ne peut se concevoir sans le respect des droits de l’homme » (p. 19). 113 CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 19. Pour une étude approfondie sur la théologie qui s’est élaborée au fil des temps autour de la thématique des droits de l’homme, nous vous renvoyons à l’ouvrage de Jean-François COLLANGE, Théologie des droits de l’homme, Paris, Cerf, 1989, 363 p.

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pouvons comprendre aisément l’affirmation de Jean-Paul II qui, dans son encyclique Redemptor Hominis, précise : « …la paix se réduit au respect des droits inviolables de l’homme – opus iustitiae pax -, tandis que la guerre naît de la violation de ces droits et entraîne de plus graves violations de ceux-ci »114. Dans la pratique, les tensions, les grèves, les violences intervenues en RCA ces dernières années sont souvent le résultat des violations des droits fondamentaux de l’homme, à savoir le droit à une juste rémunération des salaires, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à la liberté d’expression dans les médias, le droit d’association, etc. Comme l’attestent fort heureusement les évêques, les droits fondamentaux de l’homme ne sont pas satisfaits pour une bonne partie de la population115. Néanmoins, existe-t-il un moyen pour transcender toutes ses forces infernales qui empêchent le respect de ces droits de l’homme et l’avènement de la tranquillité sociale ? L’engagement constant de l’Église en faveur des droits de l’homme s’inscrit dans la perspective d’une éthique chrétienne : celle de la foi en l’éminente dignité de l’homme, créé à « l’image et à la ressemblance de Dieu », et en la fraternité universelle de tous les êtres humains116. Au fond, cet engagement se fonde sur la conviction que l’homme est une créature « sacrée ». C’est probablement en raison de ce caractère sacré de la vie humaine que Emmanuel Kant nous affirme : « il faut tenir le droit des hommes pour sacré »117. Finalement, c’est en raison de leur caractère sacré, mais aussi de leur rôle primordial dans la vie sociale que la 114

JEAN-PAUL II, Redemptor Hominis, n° 17, § 2. Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 19. 116 Cf. René COSTE, Op. cit., p. 406. 117 Emmanuel KANT, Vers la paix perpétuelle, Paris, Flammarion, 1991, p. 123. 115

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CECA est régulièrement revenue sur la problématique des droits de l’homme dans ses Lettres pastorales. L’épiscopat centrafricain, à travers une réflexion théologique et juridique tout à la fois, stigmatise les abus contre les droits de l’homme et invite à promouvoir ces droits en vue de l’avènement d’une vraie démocratie118. Ainsi, dans les Lettres pastorales de 1991 et 1992, la CECA s’est engagée à dresser la liste de ces atteintes aux droits de l’homme : arrestations arbitraires et illégales, licenciement abusif, suspension de solde et de fonction, manque de liberté d’expression dans les médias119, salaires payés très en retard, salaires très insuffisants. A cela s’ajoutent la baisse de niveau scolaire, le non-respect du droit de la femme, le difficile accès aux services de santé faute de moyens financiers, etc.120. La proclamation des droits de l’homme ne suffit pas pour faire advenir définitivement la justice et la paix. Seul l’amour du prochain peut constituer un véritable ferment au respect de la justice et des droits de l’homme. Car l’on ne peut respecter l’autre dans ses droits que si on l’aime. C’est donc cela qui justifie les multiples appels de la CECA à l’amour, au pardon et à la réconciliation tout au long de son magistère.

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Cf. CECA, Une espérance pour notre pays ? (15 mars 1992), p. 22. Ibidem. 120 Cf. CECA, Que faisons-nous de notre pays ? (20 juin 1991), p. 710. 119

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CONCLUSION

Dans les pages qui précédent, nous nous sommes préoccupé uniquement de l’enseignement social des évêques de la Centrafrique. A l’arrière-fond d’une telle démarche se trouve en effet le réel désir de mettre en exergue les enjeux éthiques et théologiques de l’enseignement social de l’Eglise tel que développé par les Pontifes romains, les Conciles, par les Conférences épiscopales des Eglises locales dispersées à travers le monde, et plus particulièrement celles d’Afrique, avec une mention spéciale pour celle de la Centrafrique. Le parcours rapide de ces documents épiscopaux de l’Eglise de la Centrafrique nous a permis de voir que les évêques de cette partie de l’Afrique se sont, de manière régulière, intéressés aux problèmes socio-politiques qui concernent leur population. Nonobstant les crises politiques à répétition, l’Eglise locale, par la voix de ses Pasteurs, les évêques, ne s’est nullement découragée dans sa tentative de conscientisation politique des populations centrafricaines : dans cette visée, elle a publié constamment des Lettres pastorales pour accompagner le processus démocratique en cours. Et à cela s’ajoutent les déclarations et interventions des évêques à titre personnel ou celles des Commissions affiliées à la CECA.

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L’analyse de ces documents épiscopaux nous a permis de voir la profondeur de la réflexion théologique des évêques, une réflexion qui prend en compte les conditions sociales et historiques de notre temps, et qui tente d’ouvrir des perspectives nouvelles pour l’avenir de la société centrafricaine. Outre ce regard théologique, nous avons été sensible à la perspective éthique des documents de la CECA : en effet, les évêques sont souvent revenus sur la question du dialogue social et de la paix. A en croire l’épiscopat centrafricain, pour accéder et vivre dans une société démocratique et pluraliste, on ne peut se passer de ces deux impératifs éthiques : le dialogue social et la paix. Car la démocratie repose sur le consensus qui suppose le dialogue entre tous les acteurs socio-politiques. Et il faut dire que ce dialogue ne peut se faire dans de bonnes conditions que s’il y a une véritable paix dans un pays. C’est dire que l’enseignement social des Églises locales d’Afrique renferme aussi des potentialités insoupçonnées, nécessaires pour la prise de conscience de nos peuples dans la gestion et la réalisation des projets de société. Les principes éthiques que la doctrine sociale essaie de promouvoir sont d’une grande utilité pour la bonne marche de nos sociétés. C’est le signe qu’une telle doctrine sociale n’est pas déconnectée des réalités de notre temps. Bien plus, il s’y dégage un réel souci de la part des évêques de pénétrer les mentalités et les cultures d’aujourd’hui, par la propagation des valeurs évangéliques ou éthiques. En revanche, il subsiste encore un certain nombre de difficultés liées surtout à la diffusion de cet enseignement social. Car beaucoup de chrétiens l’ignorent. D’autres s’en font tout simplement une fausse idée, ou estiment que c’est un enseignement ambigu. De surcroît, les moyens mis en œuvre pour la diffusion de ces documents sociaux sont très

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limités. C’est pourquoi nous préconisons un meilleur usage des moyens de communication sociale dans l’œuvre d’évangélisation et de propagation de la doctrine sociale de l’Église. Leur rôle est indispensable en ce domaine.

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NGOUPANDE J.-P., Chronique de la crise centrafricaine, 1996-1997 : le syndrome Barracuda, Paris, L’Harmattan, 1997, 279 p. NGOUPANDE J.-P., L’Afrique sans la France, Histoire d’un divorce consommé, Paris, Albin Michel S. A, 2002, 397 p. POUCOUTA P., Missionnaires de la paix : la paix dans la Bible, Kinshasa, Ed. l’Épiphanie, (Coll. « Bible et mission »), 1996, 112 p. SESBOÜÉ B., Réconciliés avec le Christ, Paris, Cerf, 1988, 172 p. SESBOÜÉ B., Le Magistère à l’épreuve. Autorité, vérité et liberté dans l’Église Paris, Desclée De Brouwer, 2001, 320 p. SIMON R., Éthique de la responsabilité, Paris, Cerf, 1993, 143 p. THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, t. 2, Paris, Cerf, 1984, 829 p. TOUABOY H., La responsabilité éthique dans le paradigme centrafricain du processus de socialisation, Mémoire de maîtrise en théologie morale, Yaoundé, UCAC, 2001-2002, 134 p. (Inédit). UN GROUPE DE CHRÉTIENS DE BANGUI ET LE FOYER DE CHARITÉ, La République Centrafricaine : un pays blessé. A la recherche de la paix et de la réconciliation, Bangui, Saint Paul, 1997, 56 p.

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TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS ....................................................... 7 INTRODUCTION ....................................................... 9 PREMIÈRE PARTIE CONTEXTE HISTORICO-SOCIAL DE LA CENTRAFRIQUE ............................................ 13 CHAPITRE I CONTEXTE LOINTAIN : DES ORIGINES A 1990.................... 17 1. 1 Un contexte d’instabilité politique permanente ................ 18 1. 2 Un contexte empreint de soulèvements militaires ............ 20 1. 3 Un contexte socio-économique problématique................. 21 CHAPITRE II CONTEXTE IMMEDIAT : DE 1990 A 2005 ................................ 25 2. 1 Un contexte politique en déliquescence............................ 25 2. 2 Un contexte de déstructuration économique et sociale ..... 28 2. 3 Un contexte de crises militaires à répétition ..................... 30

DEUXIÈME PARTIE ANALYSE THÉOLOGIQUE DES LETTRES PASTORALES ............................................................... 35 CHAPITRE III L’ESPERANCE, COMME NOYAU VITAL DANS LE DOMAINE POLITIQUE................................................................. 39 3. 1 L’espérance, comme lucidité ............................................ 40 3. 2 L’espérance, comme refus de la médiocrité ..................... 42 3. 3 L’espérance, comme désir de sortir de la routine ............. 45

CHAPITRE IV LA RÉCONCILIATION, COMME CHEMIN VERS LE SALUT .......................................... 49 4. 1 La réconciliation : un don de Dieu ................................... 49 4. 2 La réconciliation : une mission de l’Église ....................... 52 4. 3 La réconciliation : un appel à la conversion ..................... 55

TROISIEME PARTIE VISÉE ÉTHIQUE DES LETTRES PASTORALES DE LA CECA ................................................................. 59 CHAPITRE V LE DIALOGUE SOCIAL, VOIE DE SORTIE DU CYCLE DE LA VIOLENCE ................................................................................ 63 5. 1 De la conversion au dialogue............................................ 64 5. 2 De l’attention à l’autre, comme possibilité d’un vrai dialogue ......................................................................................... 66 5. 3 Du respect des institutions justes ...................................... 69 CHAPITRE VI LA PAIX, UN IMPÉRATIF ÉTHIQUE POUR UNE SOCIÉTÉ VIABLE ............................................................................................ 73 6. 1 Prier pour la paix .............................................................. 73 6. 2 Éduquer à la paix .............................................................. 76 6. 3 Promouvoir la justice, en particulier les droits de l’homme ...................................................................................................... 78

CONCLUSION .......................................................... 83 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................... 87

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La Centrafrique aux éditions L’Harmattan Dernières parutions DE L’OUBANGUICHARI À LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE INDÉPENDANTE

Simiti Bernard

La République centrafricaine, ex Oubangui-Chari, a célébré le 13 août 2010 le cinquantenaire de son accession à la souveraineté internationale. Cette marche vers l’indépendance s’inscrit dans le contexte global de revendications de l’autonomie politique par les anciennes colonies françaises d’Afrique. Cet ouvrage est une justice faite à Barthélemy Boganda, leader de la lutte pour l’indépendance et fondateur de la République centrafricaine. (Coll. Études africaines, 10.50 euros, 66 p.) ISBN : 978-2-336-29347-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53187-1 TROUPE LA DE BEMBA ÉTAIT TOMBÉE SUR NOS TÊTES

Bepou-Bangue Johanes Arnaud

Pays peu peuplé, la République de Centrafrique a été secouée par une énième tentative de putsch en octobre 2002. Pour renforcer l’armée loyaliste affaiblie, les autorités en place ont fait appel à une rébellion étrangère en renfort : Le Mouvement de la Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba Gombo. Les hommes de la troupe ont commis viols, pillages et autres exactions. L’auteur se remémore des souvenirs pénibles et révèle sa version des faits. (10.00 euros, 68 p.) ISBN : 978-2-296-99552-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51702-8

L·HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino L·HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L·HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo

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L’Église et la démocratie en Centrafrique

COLLECTION CROIRE ET SAVOIR EN AFRIQUE dirigée par Benjamin Sombel Sarr et Claver Boundja

Pour favoriser l’évolution de la démocratie en Centrafrique, la Conférence Épiscopale Centrafricaine a publié des Lettres pastorales pour dire la position de l’Église et pour accompagner ce processus démocratique qui est régulièrement mis à mal par d’interminables rebellions et coups d’État enregistrés ces dernières décennies. Cet ouvrage se propose donc d’étudier ces Lettres pastorales. Celles-ci constituent un témoignage éloquent de la participation de l’Église de Centrafrique à l’éveil d’une conscience lucide et responsable de la population. Dans le contexte actuel de la crise qui secoue ce pays, il est intéressant de revisiter ces Lettres pastorales. Car elles contiennent des valeurs et principes éthiques, inspirés par la Révélation, capables de transformer les consciences, les mentalités et les institutions, afin d’y faire régner la justice et la paix. Dominicain, de nationalité centrafricaine, Richard APPORA-NGALANIBÉ, est titulaire d’une licence en philosophie, d’une licence canonique en théologie, et d’un DEA en droit civil. Il a enseigné à l’Institut Dominicain de Théologie et de Développement de Yamoussokro (RCI), au Grand Séminaire de Brazzaville (Rép. du Congo). Actuellement, il est enseignant au Grand Séminaire de Bangui (RCA).

ISBN : 978-2-343-04305-0

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