A l'ombre de la colline de Bazoubangui: 57 ans d'une spiritaine en Centrafrique 2343129088, 9782343129082

Parler de la République centrafricaine, quand on y a passé 57 ans, n'est pas une petite affaire. Ce livre présente

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French Pages 198 [191] Year 2017

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A l'ombre de la colline de Bazoubangui: 57 ans d'une spiritaine en Centrafrique
 2343129088, 9782343129082

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Paulette Petit

À l’ombre de la colline de Bazoubangui 57 ans d’une Spiritaine en Centrafrique

Originaire d’une ferme de la région de Pontarlier, Paulette Petit a choisi d’être Sœur spiritaine en Afrique. La Centrafrique, où elle a vécu de 1958 à 2016 à travers de multiples péripéties politiques, est devenu son pays d’affection. Elle s’est essentiellement occupée de l’enseignement primaire des jeunes filles – ce qui lui a donné quelques satisfactions, malgré tous les drames qu’a subis ce pays.

ISBN : 978-2-343-12908-2

18,50 E

À l’ombre de la colline de Bazoubangui 57 ans d’une Spiritaine en Centrafrique

À l’ombre de la colline de Bazoubangui

Parler de la République centrafricaine, quand on y a passé 57 ans, n’est pas une petite affaire. Ce livre présente d’abord quelques souvenirs personnels avec des anecdotes de la vie quotidienne ; ensuite des réflexions sur l’enseignement primaire des jeunes filles, sur le problème du développement et les questions liées à l’environnement ; enfin des témoignages éclairent l’action menée par Paulette Petit au cours de ces longues années à l’ombre de la colline de Bazoubangui, qui surplombe la capitale de ce pays.

Paulette Petit

Préface de J.D. Pénel

A l'ombre de la colline de Bazoubangui 57 ans d'une spiritaine en Centrafrique

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12908-2 EAN : 9782343129082

Paulette Petit

A l'ombre de la colline de Bazoubangui 57 ans d'une spiritaine en Centrafrique

Préface de J.D. Pénel

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Sommaire

Préface................................................................................ 9 Un peu de ma vie ............................................................. 15 Ce que je crois .................................................................. 87 Conférences, exposés ................................................... 87 Entretiens ................................................................... 135 Témoignages .................................................................. 159 Articles ....................................................................... 159 Discours ..................................................................... 174 Epilogue ......................................................................... 179 Petites histoires pour rire. .......................................... 179 Annexe ........................................................................... 187 Quelques repères historiques ..................................... 187 Table des matières.......................................................... 191

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Préface Le livre de Sœur Paulette Petit n’est ni une autobiographie ni un essai. Si c’était le souvenir personnel de sa vie, il faudrait plus d’éléments et de détails. Si c’était un essai sur la Centrafrique, il faudrait des dossiers plus fournis que ceux qu’on y lira. De quoi s’agit-il alors ? Ce livre fait penser à un album de photos, comme on en faisait autrefois – pas comme aujourd’hui, où les photos inondent les médias et où les nouvelles technologies permettent d’avoir quotidiennement des avalanches de photos, qu’on peut d’ailleurs modifier. Non, pas comme aujourd’hui, mais comme à l’ancienne avec ces photos qu’on prenait de temps à autre, à des moments importants, et qu’on collait dans un album, en crayonnant parfois quelques informations pour ne pas oublier les dates et les circonstances. Et puis, en tournant les pages de l’album, voilà que l’intéressée se met à parler et à commenter tel cliché, qui évoque un événement important ou une anecdote drôle ou un problème grave. Elle parcourt l’album devant nous, on le feuillette avec elle. Elle tourne les pages à son gré et parfois saute des photos. Elle est heureuse ou triste (et nous avec elle) de se rappeler ce que les photos montrent de ces instants passés, ainsi figés dans la pellicule. A l’écouter dérouler ses commentaires, on s’informe, on rit, on est alarmé, et l’on se demande même, en fermant l’album, comment il est possible de garder espoir en dépit des vicissitudes qui ne cessent d’accabler et de submerger ce monde centrafricain. *

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Tout a commencé dans une ferme des montagnes du Jura : une grande famille de paysans, une vie austère, une nature belle, mais rude. Cet environnement humain et géographique jouera un grand rôle par la suite et avait de quoi rendre énergique et travailleur la jeune Paulette. Et puis, dans le cœur de cette fillette, naît et se développe une passion religieuse orientée vers une Afrique, à condition cependant qu’elle ait, au moins en commun avec son Pontarlier natal, la générosité d’offrit une nature verdoyante et des animaux à l’aise d’y vivre. Donc, pas de désert ni de dunes de sable ; de même pas d’ordre religieux statique, contemplatif, et comme prisonnier d’un lieu. Il y a des choix à opérer : pour l’ordre ce sera un ordre missionnaire, les Spiritains ; et pour le lieu ? Un garçon du pays, Joseph Cucherousset, quasiment un voisin du village d’à côté, a déjà donné l’exemple : il est parti en Centrafrique. Va donc pour ce pays. Et voilà, le 15 septembre 1958, juste à la fin de la période coloniale, un DC3, en provenance de Fort Lamy, dépose à Bangui Paulette Petit. Elle entame alors un long voyage, non sans turbulences diverses, à l’ombre de la colline de Bazoubangui, qui surplombe la capitale centrafricaine et les méandres du fleuve, paresseux ou violent selon les saisons. Un voyage au long cours de 57 ans, qui ne s’arrêtera, à contrecœur, qu’en mai 2016. * On ne vit pas impunément la presque totalité de sa vie dans un lieu sans y être fortement attaché, viscéralement pourrait-on dire. Centrafrique est un espace où la confiance que vous donnent les gens vous pousse à sortir de vousmêmes, vous conduit à accomplir des choses que, probablement, vous ne feriez pas chez vous. Cette confiance vous entraîne à entreprendre, à imaginer des solutions à des problèmes qui n’auraient pas été ceux que vous auriez rencontrés si vous étiez restés sur les pentes du haut Doubs. Voilà donc Paulette Petit responsable de la formation des filles à 10

l’école primaire : cette étape décisive où l’on apprend à des fillettes - des futures femmes -, à lire, écrire, compter, mais aussi, et tout autant, à savoir se comporter vis-à-vis des autres et devenir responsable. Dans chaque pays, non seulement les filles représentent la moitié de la population, mais elles portent sur leurs épaules le poids du foyer et des enfants. Les aider au début de leur vie, c’est leur donner les moyens de vivre autrement. L’enjeu est considérable et mérite qu’on y mette toute son ardeur ; l’objectif est compris et il faut s’employer à la réaliser, mais, en l’occurrence, avec une touche de paysanne jurassienne : de la discipline, de la rigueur et de l’intérêt pour la nature environnante – jusqu’à faire planter et entretenir un jardin et un verger de l’école. Cette confiance qu’on les parents en inscrivant leurs filles à l’école primaire des Sœurs est rapidement justifiée par la qualité de la formation et la tenue de l’établissement ; c’est ce qui explique qu’en retour, la Sœur est en droit d’attendre l’aide des parents quand un problème se pose (et les problèmes ne manquent pas) : sur sa demande expresse, un directeur, un ministre ou qui que ce soit peut résoudre une difficulté et démêler une situation où tout s’emberlificote (on en verra nombre d’exemples dans le texte). La Sœur peut parfois paraître bien audacieuse, mais à aucun moment les personnes concernées ne le lui reprochent : le plus souvent, les gens lui rendent service par reconnaissance pour son travail et parce qu’elle ne demande rien pour elle, mais toujours pour quelqu’un aux prises avec de sérieuses complications. La Sœur a suffisamment fait ses preuves pour savoir qu’avec un peu d’obstination, elle peut toujours trouver des solutions par la médiation de ses connaissances ou de ses anciennes élèves. On peut qualifier cette situation de sentiment d’être, en quelque façon, chez soi – non pas parce qu’on se croit supérieur ou qu’on garde l’esprit colonial de domination, mais parce qu’on participe le plus possible à la vie des gens et qu’on partage leurs soucis et certains de leurs acca11

blements. Il ne s’agit pas d’être comme les gens, mais avec eux. Ce rapport humain fondamental d’estime et d’amitié réciproque avec les Centrafricains est ce qui permet de garder espoir malgré tout (même si les raisons de désespérer risquent souvent de l’emporter) ; et c’est ce qui autorise aussi à évoquer avec les intéressés les causes probables de leur situation : on ne peut pas se fâcher avec quelqu’un qui ne vous veut que du bien (encore que le ‘Bien’ de quelqu’un n’est pas simple à définir et ne se conçoit pas sans lui) ; et même si les paroles de la Sœur sont sévères, elles ne sont pas méchantes. Voilà pourquoi Paulette Petit peut s’adresser aux parents sur les freins et les blocages au développement du pays, sur les comportements à adopter contre les ravages du Sida, sur les mentalités et les attitudes qui entravent les changements, etc. * Comme si le pays n’avait pas assez à supporter, avec les remous politiques internes et trois années blanches (qui ne peuvent que consterner une directrice d’école et mettre en doute sa raison d’être), voici qu’à partir de 1995 arrivent les réfugiés rwandais qui fuient le génocide perpétré chez eux. Certes, un individu ne peut, à lui seul, modifier l’ensemble d’une situation qui le dépasse, mais cela ne signifie pas qu’il doive rester inactif et indifférent. Et Sœur Paulette prend en charge des fillettes rwandaises, et même quelques garçons, dans son école ; elle s’active pour intégrer des adultes compétents et les défendre contre des injustices dont ils sont victimes localement car, malheureusement, la misère des uns ne pousse pas à s’attendrir sur la misère des autres. Bien plus consternant, elle découvre que, même chez les réfugiés, les rancœurs et les haines inter ethniques subsistent et remettent partiellement en question les efforts consentis pour sortir cette ‘communauté’ (est-ce alors le mot qui convient ?) du marasme. * 12

Alors qu’on croyait avoir tout affronté, le pire survient : les affrontements politiques centrafricains conduisent à l’arrivée, au sud puis au nord et à l’est du pays, de bandes armées qui commettent de terribles exactions et disloquent le pays. Adviennent la débâcle, l’effondrement de l’Etat et du Droit. On y mêle les religions pour aviver l’incendie. Au pays du Zo Kwe Zo, on ne connaît plus l’Homme dans les traits de son voisin. Quelle détresse ! Pour Sœur Paulette, comme pour ceux qui aiment ce pays (qui, d’une certaine manière, est aussi le leur), la résignation et l’abandon, qui seraient bien compréhensibles, ne sont pourtant pas le dernier mot. En 57 ans, des réalisations comme ce jardin scolaire auquel elle s’était tant donnée - ont été détruites, le système éducatif flanche singulièrement, l’administration se maintient à grand-peine à Bangui et n’existe pratiquement plus en province. « Le monde s’effondre », disait Chinua Achébé. Pourtant, il y a ces établissements scolaires, dont celui de Sainte-Thérèse, qui perdurent ; il y a ces anciennes de l’école, adultes un peu partout présentes à des postes de responsabilité, qui ont profondément ancrés en elles des principes qu’elles s’efforceront de mettre en œuvre autant que faire se peut, autant que les circonstances le permettront. Tout n’a pas disparu. Certes, il serait agréable, au terme de ce voyage, d’établir un bilan plus brillant et plus positif en rapport avec le travail accompli, mais pour celle qui, depuis son enfance, est habituée à composer avec la nature et à batailler avec elle, pour celle qui sait, comme tout paysan, qu’il faut compter avec le temps (le climat comme la durée), la patience est de mise et le découragement n’est pas à l’ordre du jour : Sœur Paulette s’efforçait de faire rire ces consœurs sous les tirs : « même pas peur », même pas découragée, pas de quoi abattre l’entêtement à vivre et à croire à certaines valeurs… J.D. Pénel 13

Un peu de ma vie

1- De Pontarlier à Bangui Mon enfance La ferme de la Malmaison, à quatre kilomètres de Pontarlier, étend son manteau blanc pour accueillir le septième enfant de la famille de Marie Laurent Constant Petit. 20 avril 1934. Quelle joie ! Je viens de naître. Le soleil fait scintiller sur la neige, des milliers de petits diamants. Les sapins, eux aussi sont couverts de leur manteau blanc. Oh, merveille, tu n’es qu’un mot ! Vivre dans une ferme, c’est merveilleux. L’univers nous appartient. C’est là que je passerai les vingt premières années de mon existence. J’aime respirer l’odeur des chevaux, me réchauffer auprès des vaches, m’occuper des petits veaux, leur donner du lait à boire. Mais le plus touchant, c’est la naissance du poulain. Très vite, il a envie de se lever, de courir, de gambader. Il faut le surveiller les premières heures de sa vie pour qu’il ne se fasse pas mal en tombant, car ses jambes sont encore très fragiles J’aimais et aime encore aujourd’hui, beaucoup les bêtes. Nous avions un chien et une dizaine de chats. Je préférais le plus petit et pour qu’il puisse boire tranquillement son lait, il m’arrivait de le mettre dans le four d’une cuisinière que l’on allumait rarement, mais un jour, il a failli griller. Heureusement que ma sœur s’en est aperçue au dernier moment ! Mes parents ne voulaient pas voir les chats à la cuisine, ni surtout 15

au moment des repas. Alors je mettais un tablier avec une grande poche et je cachais le chaton dedans, ce qui me permettait de laisser tomber des petits morceaux de viande pour lui. Il faut préciser que la table était grande, et que je ne me trouvais pas trop près de papa ni de maman. Jusqu’à ce jour, j’aime beaucoup les chiens et lorsqu’ils meurent, il m’est difficile d’en faire le deuil. Tous les chiens que j’ai eus, étaient des chiens de race berger allemand. Ils sont très intelligents et obéissent très bien. Ce sont de vrais compagnons, des amis. D’ailleurs, je fais partie d’une association pour la protection des animaux, qui sont nos frères inférieurs Puis, il y a tout cet espace qui est à nous pour jouer, crier, faire du vélo, du ski et du cheval, ou pour travailler : faire le jardin, les foins, les moissons. J’ai toujours aimé la vie à la campagne. Cette vie était rude. Il fallait se lever très tôt, parcourir 4 km pour aller à la Messe ou à l’école. En ce temps l’hiver durait de six à sept mois, avec beaucoup de neige, parfois un mètre et demi à deux mètres et il fallait ainsi arpenter cette masse de neige, car le chasse-neige, ne venait jamais chez nous. Lorsque nous arrivions à la maison, nous avions le visage, les mains et les pieds gelés. Maman nous réchauffait doucement avec de l’eau tiède. Je garde un excellent souvenir de ma jeunesse. L’hiver, nous faisions des veillées, de longues parties de tarot. Certains hivers, mes parents payaient une institutrice à la retraite, qui vivait avec nous plusieurs mois. Nous étions cinq frères et sœurs à l’école plus une réfugiée parisienne et un cousin orphelin, alors cela valait la peine ! Nous n’apprécions pas tellement, car nous avions de nombreuses heures de cours et très peu de récréations. Le dimanche après-midi, au lieu de jouer, c’étaient les cours d’Histoire Sainte ! Et au printemps, nous repartions à l’école catholique du Rosaire à Pontarlier.

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Lorsque j’étais bébé et enfant, j’étais très, très gentille, calme, je ne pleurais presque pas. Mon grand-oncle s’inquiétait de me voir si calme, imaginant que j’étais malade. Mais je pense qu’assez vite, j’ai changé. Je suis devenue une enfant terrible à la maison. Mais j’étais bonne élève et très sage à l’école, je n’ai jamais été punie. Je ne suis jamais arrivée en retard. J’étais une vraie paysanne. J’aimais aller chercher les vaches, très tôt le matin, dans les pâturages, les ramener à l’étable pour les traire, aller au chalet livrer le lait avec l’âne. Quand les parents avaient décidé de garder un veau, nous nous réunissions pour lui trouver un nom. Dans un livre spécial, où les noms se donnaient par lettres alphabétiques, d’après les années. Ce nom allait être placé au-dessus du râtelier de l’animal. Nos animaux de race animaux faisaient partie du Herd Book1 de la race montbéliarde. Devenus adultes, ils participeraient au concours et chacun avait un livret individuel, comme un passeport, avec tous les renseignements le concernant. Le matin, nous descendions à l’école avec la charrette de l’âne et les bidons de lait, puis nous remettions l’âne sur la route et il rentrait seul à la maison. Sur les 4 km qu’il parcourait, il ne rencontrait même pas une voiture. Il tenait toujours bien sa droite et un jour, il resta accroché à un tronc d’arbre. Il resta des heures sur place jusqu’à ce que l’on s’aperçoive de son absence et qu’on aille le faire reculer pour repartir Je m’intéressais beaucoup au jardinage, aux fleurs à la plantation de pommes de terre. Je courais dans les pâtures pour cueillir des champignons, surtout les morilles et les petits fruits ; fraises, framboises et mûres pour faire de la confiture. J’aimais surtout ramasser les escargots

Créé en 1889, le Herd-Book enregistre tous les animaux de race montbéliarde.

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La saison des foins durait longtemps et c’était ma joie de monter sur les machines conduites par les chevaux. J’y passais des heures à retourner le foin, à le mettre en sillons. La seule chose que je détestais c’était de battre en grange, c'est-à-dire de mettre les gerbes de blé ou d’avoine ou d’orge, dans la machine pour en retirer les grains. Cela faisait beaucoup de poussière et c’était pénible de soulever toute cette paille. J’aimais aller dans la forêt pour couper le bois pour le mettre dans la cuisinière ou le fendre à la maison ? Déjà à cette époque j’aimais beaucoup les fleurs, je les admirais et j’en rapportais de gros bouquets à la maison. Je rapportais beaucoup de narcisses. Cela ressemblait plus à des fagots qu’à des bouquets de fleurs. Cet amour des narcisses est toujours présent à mon cœur. Lorsque j’arrive en vacances, je pars avec ma sœur dans la montagne et il nous arrive de parcourir des kilomètres avant de trouver encore quelques narcisses. Tous ces engrais chimiques ont fait disparaître ces belles fleurs. Alors ma joie est très grande lorsque j’en trouve quelques-unes ! C’est là que je revis toute mon enfance. D’où vient le nom narcisse ? Dans Ses Pierres de fondations (2005) de Maurice Zundel2, on lit : « Le mythe de Narcisse, ce jeune homme imaginé par la mythologie grecque, dont la beauté le séduit. Il cherche partout l’image de lui-même, il se mire dans tous les miroirs, dans tous les étangs et dans toutes les fontaines capables de réfléchir sa beauté ; et un jour, passant au bord d’un étang où son image lui paraît dans une splendeur irrésistible, il se jette à l’eau pour rejoindre sa beauté et y périt. Et, sur son cadavre, poussent des fleurs que l’on appelle narcisses, mythe admirable pour montrer que les anciens, déjà, avaient compris la stérilité d’un amour solitaire, qui ne peut conduire qu’à la mort » (p. 98). Mon tempérament ressemblait plus à celui d’un garçon qu’à celui d’une fille. Je cherchais la bagarre surtout avec 2

Maurice Zundel (1897-1975), prêtre et théologien suisse.

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mon jeune frère. Mais dès qu’une bêtise était faite, tout de suite, les parents pensaient que c’était moi tant et si bien, que j’ai fait de longs stages à genoux derrière la porte, jusqu’à ce que je demande pardon et demander pardon en ce temps là, ce n’était pas facile !. Ou alors je recevais des fessées d’orties. Ces plantes piquent et donnent des démangeaisons pendant quelques minutes, mais elles sont recommandées contre les rhumatismes, tant et si bien qu’à mon âge, je n’ai pas de rhumatisme !!! Un jour de bagarre, j’ai plongé la tête de mon frère dans la farine de son que l’on donnait à manger aux porcs ; c’est suite à cela que mes parents ont décidé de me mettre en pension pendant cinq mois à Cléron, pour apprendre la couture, la broderie, la coupe et la cuisine ; c’était en quelque sorte, une punition. Mais c’est le contraire qui s’est produit. Je me trouvais au milieu de filles de la campagne et, moi, « la fille de la ville », puisque j’étais allée à l’école et à l’Eglise en ville. Je me sentais beaucoup plus évoluée qu’elles. Mes notes étaient très bonnes, et je savais finalement un tas de choses, un peu dans tous les domaines. Les sœurs m’aimaient bien, mais elles ne sont pas arrivées à me donner l’amour de la couture encore moins celle de la cuisine.

Ma vocation Née dans une famille chrétienne, pratiquante, j’ai reçu dès l’enfance cet esprit de prière. Nous avons tous été baptisés quelques jours après notre naissance. Nous avons fréquenté des écoles libres. Chaque dimanche, nous assistions ensemble à la Messe. Pendant l’été, j’aimais assister le lundi matin à la Messe, c’était « pour les fruits de la terre ». J’avais une grande joie de prier pour que les fleurs, les légumes et les fruits poussent bien. Pendant la « semaine des Rogations3 », un vicaire venait chaque année bénir les champs, les Les trois jours qui précèdent l’Ascension (qui a lieu quarante jours après Pâques).

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animaux et il récitait une prière spéciale pour notre perroquet. Un ami de papa l’avait rapporté du Brésil pendant la guerre de 1914. Il était très beau : de couleur verte, avec des plumes rouges aux ailes et à la queue et une jolie tête, rouge, jaune et bleue. Il parlait et il s’amusait avec nous lorsqu’on jouait. Il aimait surtout mes frères et les embrassait. Lorsque nous étions à table et que nous arrivions à la salade, il disait « Coco a faim » et au moment du dessert, il disait « Coco a encore faim ». Si, on l’oubliait dehors, dans sa cage, il disait « Coco a froid ». Un jour, il était seul à la maison, les portes n’étaient jamais fermées à clé. Des amis sont arrivés et ils ont frappé, le perroquet a répondu : « Entrez » puis « Fermez la porte ». Ils sont entrés et furent très surpris de ne trouver personne. Et le perroquet s’est mis à rire. Il a vécu plus de soixante-quinze ans. Le dimanche, beaucoup de gens venaient le voir. Dans mon enfance, j’aimais bien prier. Chaque matin, je faisais ma prière au pied du lit et de même le soir avant de me coucher, je priais mon bon ange gardien. Je priais beaucoup la Vierge Marie et au mois de mai, je lui mettais toujours des bouquets de fleurs. Le matin dans notre prière, nous récitions les litanies du Saint Nom de Jésus, et le soir en famille, après le repas, nous récitions, en plus des prières, les litanies de la Vierge Marie en latin. Nous avions et nous avons toujours un très beau et grand crucifix que beaucoup de personnes admiraient. Quand j’avais fini mon travail, j’aimais me retirer seule sur le pont de Grange et j’admirais la nature, les beaux sapins, les vaches dans les champs. Je méditais devant toutes ces merveilles. Sans le savoir, je rejoignais Saint François d’Assise et je faisais oraison. J’ai toujours beaucoup prié la Vierge Marie et quand j’avais un examen à passer, je priais Saint Joseph et il m’a toujours exaucé ; je ne monte jamais dans une voiture sans prier Marie, notre Mère. J’aime beaucoup chanter, mais je chante faux ! Pour moi, la prière fait partie de ma vie. 20

Un dimanche, à la paroisse de Saint Bénigne, un missionnaire a prêché pendant la célébration de la Messe. Au moment de la quête, j’ai demandé à papa de mettre une somme importante (pour moi, à l’époque) et que je le rembourserais après, à la maison. En sortant, je suis allée voir le Père et je lui ai dit que je voulais partir en Mission. Il m’a demandé mon âge ? 14 ans ! C’est trop jeune, m’a-t-il dit, il faut réfléchir et attendre encore ! Je n’osais pas parler de mon désir d’être Missionnaire. Jamais je n’aurais voulu être une religieuse comme celle de l’école, avec une cornette et des robes noires ou grises et elles me paraissaient si tristes, si tristes. Encore moins, comme ma tante, religieuse enfermée à l’hôpital, toute sa vie ! Lorsque j’ai rencontré un prêtre pour choisir une congrégation missionnaire, j’ai dit : « Je voudrais être religieuse, là où je serai sûre d’aller en Afrique et où il y a des vaches ». Je ne voulais pas une coupure trop dure avec mes racines paysannes. C’est ainsi que je suis entrée chez les Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit, à Chantenay Saint Imbert où se faisaient le postulat et le noviciat. Je n’annonçai mon départ que peu de temps avant la date fixée, c’est alors que papa demanda une dérogation à la préfecture (car j’étais encore mineure) pour avoir l’autorisation de passer mon permis de conduire. Quand je fis mes adieux, chacun me disait : « A bientôt ! », car ils n’y croyaient pas. Ils pensaient que j’allais revenir après quelques mois ! Ou quelques semaines ! Les dix mois de postulat ne furent pas trop pénibles. La maîtresse du postulat était très compréhensive. Pour le travail manuel, elle m’envoyait soit au jardin ou soigner les poules ou faire les foins pour les quelques vaches qui étaient là. Petit à petit, j’appris le détachement des biens de ce monde. Le temps d’études de la Bible ou de l’Histoire Sainte se passait très bien, puis ce fut le temps de noviciat, beaucoup plus dur, et je fus très heureuse d’en voir la fin. En ce temps-là, il fallait se détacher de tout, même de son prénom et on nous demandait de proposer trois prénoms et un seul 21

serait retenu. Je ne savais pas quel prénom choisir, mais vu mon attrait pour la nature et les animaux, la maîtresse du postulat me proposa ‘François d’Assise’ et de n’en mettre qu’un seul. Evidemment, c’est ce prénom-là qu’on me donna. Je l’ai gardé jusqu’en 1972, date où l’on pouvait reprendre son prénom de baptême. C’est ce que je fis. Pendant ce temps de noviciat, nous entendions parler de nos différentes Missions et je disais souvent « j’irai en Oubangui-Chari », car l’évêque de ce temps-là, c’était Monseigneur Joseph Cucherousset4, un Franc-comtois d’origine. Au moment des obédiences, ce fut en Oubangui-Chari que je fus envoyée, après un an d’études à Paris. Oubangui-Chari 16 septembre 1958 J’ai pris l’avion, un D.C.4 jusqu’à Fort Lamy, comme on disait en ce temps-là, c’est aujourd’hui Ndjamena, puis un D.C.3 jusqu’à Bangui. Ce n’était pas très confortable. La première année fut assez difficile. Je ne connaissais pas le sango, la langue du pays et je n’avais pas de temps pour l’apprendre ! Le travail était pénible. Il fallait que je fasse la cuisine à midi pour trois sœurs : toute l’année, elles se sont contentées d’un steak et d’une poignée de haricots verts et comme dessert : une banane ou une orange ! Il fallait que je supervise les jardins d’enfants de Notre-Dame et de Saint Charles, que je donne des cours de puériculture aux élèves de l’enseignement ménager, que je leur apprenne à cuisiner des plats locaux, alors que je ne connaissais : ni les fruits, ni les légumes du pays et encore moins les cuisiner. La cuisinière, c’était simplement quelques briques cuites sur lesquelles il fallait déposer les marmites. Une boîte à biscuits en métal faisait office de four. Chaque semaine, je devais donner, en sango, les commentaires des textes évangéliques aux personnes qui veJoseph Cucherousset (1907-1970) : évêque de Bangui à partir de 1947 jusqu’à sa mort.

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naient à la légion de Marie, chaque fois, cela me donnait des maux de ventre. Chaque samedi, j’avais un groupe d’enfants pour les réunions d’Ames Vaillantes. Il fallait apprendre des chants, des poèmes, des danses, en langue sango ! Une fois par mois, c’était une sortie, à pieds, sous le chaud soleil. Pendant les vacances, nous organisions des colonies de vacances de quatre semaines, dans le pays. C’était beaucoup apprécié des enfants. A la Mission, nous avions un internat. En général, les fillettes étaient métisses et il y avait une petite Africaine. Elle avait quatre ans. Le soir, nous nous asseyions sur l’escalier, elle me parlait en sango et moi en français ! Elle était très intelligente. Elle est actuellement Directrice générale du Fonds et Entretien Routier, dans le pays L’école et l’enseignement La deuxième année (1959), grâce au Père Directeur des écoles catholiques, j’ai passé un examen pédagogique et j’ai enseigné les enfants du C.E.2 à l’école Sainte-Thérèse. C’était, pour moi, beaucoup plus intéressant que les jardins d’enfants. Les sept années suivantes, j’étais directrice à Saint Charles et j’ai enseigné les élèves du cours élémentaire 1 et 2 et ensuite le cours moyen première année. Lorsque j’étais au cours élémentaire 1, j’avais soixante-quinze élèves dans ma classe. Un jour, il a beaucoup plu. Il n’y avait qu’une trentaine d’élèves dans la classe. Je leur ai dit : « Ce matin, il n’y a pratiquement personne en classe, alors vous repartez chez vous et vous reviendrez demain matin ». J’avais l’impression d’avoir une classe vide ! Un matin, l’inspecteur arrive à 7 heures : « Bonjour, candidate » ! Il venait m’inspecter, sans prévenir, naturellement. Il est resté longtemps ! Finalement, il était content de mon travail ! Ouf ! La seule chose qu’il me reprochait, c’était de parler trop vite ! En 1967, je reviens à l’école Sainte-Thérèse où je resterai jusqu’à mon départ en 2016. Longtemps, j’ai enseigné le 23

cours moyen deuxième année, avant d’être déchargée, à cause de l’effectif (presque neuf cents élèves) et le nombre de classes (douze).

Mon histoire dans l’histoire de la RCA L’Indépendance Le premier décembre 1958 : c’est la naissance de la République Centrafricaine. J’étais là, présente, heureuse. Ce fut un jour merveilleux. Tout était propre, bien organisé. Le défilé a duré des heures et des heures. Les enfants des écoles, des lycées, les hommes, les femmes, des Ames Vaillantes, les guides, les scouts, tout le monde a défilé, bien habillé. Puis un long défilé de chars. Le plus beau, préparé par les militaires français. Sur une plate-forme, une énorme coquille d’huître, et au centre de cette coquille deux perles : une petite Africaine et une petite Française. Il y a eu aussi un grand camion avec remorque et en étagés sur quatre rangs les enfants de Fatima habillés les uns en bleu, les autres en blanc, en vert et en jaune et au centre une rangée en rouge : ils représentaient le drapeau centrafricain. Ils étaient au nombre de cinq cents élèves sur ce camion. Après David Dacko, président de 1959 à 1966, J.B. Bokassa gouverne la RCA de 1966 à 1979 Une année, nous étions à Bouar en colonie de vacances avec cent cinquante enfants et le Président Bokassa devait aller là-bas. Les autorités nous ont demandé de rester une semaine de plus pour animer l’arrivée et les réceptions du président. Nous n’avions plus de provisions. Pour les cent cinquante fillettes et les encadreuses. Le préfet nous fit livrer un bœuf vivant, des sacs de manioc et de l’huile. Nous avons accueilli le président et puis organisé des farandoles, des danses, des chants, et autres. A son retour à Bangui, le président a invité les enfants et les encadreuses à Bérengo dans sa propriété. C’est ainsi que 24

nous avons mangé à sa table, de bons biftecks de France et lui, un gros rat palmiste. Et nous avons fait la sieste dans ce beau palais ! Nous avons visité la salle de cinéma, la pièce qui contenait de nombreux appareils photo, une vraie collection, puis un car nous a ramenés à Bangui. Un certain 29 mars, jour anniversaire de la mort de Boganda, avec des amis nous étions invités pour un repas chez le Président Dacko à Mokinda5. Sur le parcours, nous sous sommes arrêtés pour prier sur la tombe du Président Boganda à Bérengo, puis chez le président Dacko, nous avons pris le repas. Ensuite, vers les quinze heures nous avons pris la direction de Mongoumba. Surprise : le président Bokassa était là, sur son bateau, avec sa femme roumaine6 et des amis. Il nous a fait signe de monter sur le bateau. Il nous a payé le champagne et comme nos amies étaient de jolies femmes, il a beaucoup insisté pour que nous passions la nuit sur le bateau ! Nous avons dit que nous devions rentrer le soir même. Il a proposé que ses gardes redescendent avec nos véhicules. Nous avons refusé et nous avons pu enfin repartir sur Bangui. Un frère était artiste. Il aimait aussi beaucoup prendre des photos. Un jour, il fut accusé d’avoir pris des photos pornographiques et fut mis en prison. Là, une personne l’a photographié avec des filles nues ; Bokassa s’est fâché contre l’Eglise Catholique. Nous avons tous été obligés de nous rendre dans un hôtel, où il y avait une grande salle. Beaucoup de photos étaient affichées, dont celles du frère avec ces filles. Bokassa a parlé longtemps ; heureusement, deux Pères haïtiens spiritains ont pris la parole pour défendre l’Eglise. Finalement, après des semaines, la vérité est sortie. C’était le D.G. de la police qui avait pris les photos, sans doute, pour une vengeance personnelle, il avait accusé et fait arrêter le frère. Il fut démis de ses fonctions. Bokassa après avoir renversé Dacko et l’avoir emprisonné, l’avait nommé son conseiller. 6 Gabriella Dimbri. 5

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Entre temps Bokassa s’était converti à l’islam. Il était devenu musulman7. Mais voilà qu’il veut devenir empereur ! Il doit se « reconvertir » pour accéder à ce titre ! Un après-midi, tous les prêtres, religieuses et religieux, sont transportés en cars à Bérengo. Les prêtres sont invités à rejoindre Bokassa dans une grande salle et, nous, nous restons au bord de la piscine. Bokassa a dû faire sa confession ! Cela a duré plusieurs heures ou du moins très longtemps pour nous qui attendions au bord de la piscine. Ensuite, nous avons été conviés à un repas dehors. Nous étions autour de grandes tables : un prêtre, une sœur, un prêtre, etc., et nous les religieuses, nous avions eu droit à une rose rouge. Le soir, tard dans la nuit, les cars nous ont ramenés à Bangui à 70 km. Maintenant, il faut penser au couronnement. Que de préparatifs, que de dépenses ! Il fait venir des chevaux de France pour tirer les chars. L’un d’eux ne supportera pas la chaleur de décembre et mourra le long du parcours, avenue Boganda. Quel dommage ! L’Eglise refuse de sacrer l’empereur Bokassa. C’est lui-même qui, au stade, se mettra sa couronne8 et posera celle de sa femme. Ils viendront ensuite, comme tous chrétiens catholiques, pour assister à une Messe… Lorsque le président Dacko a été renversé par Bokassa le 31 décembre 1965, nous habitions au quartier de la Kouanga, dans la même rue que l’épouse du président. Nous avions pris avec nous, leur première fille et une nièce. Elles vivaient avec nous. C’était plus facile pour leurs études.

Sur pression de Khadafi, il se fait musulman en 1976 sous le nom de Salah Eddine Ahmed Bokassa. 8 Le 4 décembre 1977. Bokassa s’était déjà autoproclamé président le 31 décembre 1965, président à vie le 2 mars 1972, maréchal le 19 mai 1974. Bokassa, condamné à mort en 1980 et en 1987, verra sa peine commuée en détention à vie puis à 10 ans de prison. Il sera amnistié puis libéré. Il meurt le 3 novembre 1996. 7

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Lorsque le président Dacko a fait le coup d’Etat, le 20 septembre 1979, et pris le pouvoir, il était très reconnaissant envers nous et nous invitait souvent pour des repas familiaux, au camp de Roux. Nous avons pu visiter la maison, la salle de bain, avec une grande baignoire ronde, le lit tournant avec des pieds carrés en or. A l’entrée du salon, il y avait une trappe, où les personnes non grata, indésirables devaient se mettre dessus et disparaître ! Président Patassé9 A l’école, nombreuses sont les occasions de faire la Fête. Et lors de ces fêtes, nous invitons souvent les personnalités : Président de la République, Ambassadeurs de France, des Etats-Unis, du Japon, de Chine, du Cameroun… les Directeurs Généraux des Sociétés, l’Archevêque, l’Imam, le Pasteur, les épouses des anciens Présidents : Catherine Bokassa10, Brigitte Dacko, Mireille Kolingba11 et bien d’autres personnes de tous les milieux et les parents d’élèves. Un jour, après la fête et la signature du livre d’or, nous avons reçu le Président Patassé qui a demandé de faire une photo avec les élèves. Quelques mois plus tard, c’était le début de la publicité de propagande pour le Président qui voulait renouveler son mandat. Un jour, un parent d’élèves vient me dire qu’il a vu un très grand camion, avec la photo de l’école et le Président Patassé. Ce camion circulait dans la ville et d’autres camions partaient en province pour la publicité. Premier ministre de Bokassa de 1976 à 1978, il est président de la RCA de 1993 à 2003. Il meurt en 2011. 10 Catherine Martine Denguiadé, née le 7 août 1949, a été mariée à Bokassa en juin 1965 quand elle avait 14 ans. Ils auront sept enfants. C’est elle que Bokassa choisira, parmi ses femmes, pour être l’impératrice. 11 L’épouse d’André Kolingba (1936-2010). Ce dernier prend le pouvoir de force le 1er septembre 1980 en renversant D. Dacko, mais il est battu aux élections du 19 septembre 1993 par Patassé. De son exil, il soutiendra une tentative de coup d’Etat qui échouera le 28 mai 2001. 9

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Je ne peux accepter cela, ma photo, à côté de celle du président ! Aussitôt, j’écris une lettre au Président, lui demandant d’enlever tout de suite ces photos, sinon, je porte plainte. Je suis venue dans le pays pour l’éducation et non pour faire de la politique !!! Peu de jours après, j’apprends que les photos ne sont plus affichées sur les camions. Ayons le courage de réagir contre des choses anormales ! Les événements marquant la vie des Centrafricains après les mutineries A plusieurs reprises nous avons subi des mutineries. Les attaquants deviennent fous. Ils font n’importe quoi. Souvent, ils détruisent pour détruire, sans réfléchir. Un jour, je suis allée au Centre d’accueil près de la cathédrale pour voir les sœurs. Première pièce, personne, deuxième, pareil, enfin, dans la troisième chambre, je trouve une sœur sous le lit, une autre dans la douche et la troisième dans l’armoire. Mais que faites-vous ? Sortez, vous ne risquez rien, c’est fini ! A peine ai-je terminé qu’une roquette éclate contre le pilier. Nous leur avons dit de venir chez nous pour les rassurer, car elles avaient très peur. Au bout de deux jours, j’ai pensé à leur perroquet qui n’avait rien à manger. J’ai appelé mon gardien, lui ai remis un petit sachet avec des arachides pour le porter au perroquet. Au bout de cinq à dix minutes, je reçois un coup de fil du curé de la cathédrale. Pourquoi m’as-tu envoyé une poignée d’arachides ? Mais ce n’était pas pour toi ! J’appelle le gardien ? Qu’as-tu fait des arachides ? Réponse : « Le Père Oké n’était pas là. J’ai donné les arachides à l’abbé Pascal ! » Il ne faut pas confondre les Pères ! Lors d’autres mutineries, j’allais chaque matin et aprèsmidi voir les Missionnaires du centre d’accueil pour leur remonter le moral. Je leur racontais des histoires amusantes pour les détendre, les faire rire, oublier un peu leur peur. Un 28

après-midi, je n’y suis pas allée, pensant que je les ennuyais peut-être, alors, ils m’ont appelée, me demandant pourquoi je n’allais pas les voir. Alors, j’y suis retournée deux fois par jour. J’avais de nouveaux voisins français. Ils habitaient de l’autre côté de l’école. Leur maison était à quinze mètres de notre clôture. A l’angle, les enfants faisaient un jardin. Nous leur avions appris à fabriquer du compost à base de feuilles et de paspalum (herbe du pays) et comme tout compost, les premiers jours il dégage une odeur désagréable, mais bien supportable. Toutefois, cela indisposa les voisins, qui m’appelèrent au téléphone, puis me firent des remarques désagréables et des menaces lorsqu’ils me voyaient dans le jardin. Il était difficile de leur expliquer ce que nous faisions. Lorsque la mutinerie éclata et arriva en ville, j’ai pensé à ces voisins. Les militaires français étaient venus les chercher pour les protéger et les envoyer en France et je suis allée voir le gardien qui me donna les clés et je pris beaucoup de leur matériel que j’apportai à l’école pour le protéger : télévision, vaisselle, objets d’art, etc.… Le consul d’Allemagne me croisa sur la route et me demanda de ne pas sortir à cause du danger. Mais je n’avais pas peur. Un jour que je sortais de la maison, à l’angle, un militaire me braqua avec son arme. Je lui dis bonjour et je passai comme si je le connaissais depuis toujours. Le lendemain, le gardien de l’autre voisin vient me dire à la maison que les gendarmes ont chargé les deux voitures du docteur et vont partir. Je me hâte et je trouve les gendarmes prêts à partir. Je leur dis : « Donnez-moi les clés des deux voitures tout de suite, sinon je préviens le D.G. de la gendarmerie, Monsieur N. Ils ont dû s’exécuter et sont partis ». J’ai emmené les deux véhicules dans la cour de l’école pour les protéger. A leur retour de France, les voisins ont été contents de retrouver leurs biens intacts. Il n’a plus été question de compost qui sent mauvais ! Ils m’ont donné une soupière que nous avons encore à la maison. 29

La mutinerie de 199612 a été terrible. Les militaires français sont venus nous chercher à trois reprises. La dernière fois, ils ont dit : - « Si vous ne venez pas tout de suite, nous ne reviendrons plus vous chercher ! - Et dans combien de temps ? - Dans deux minutes ! » Affolement. Que va-t-on prendre comme effets ? Ils nous ont emmenées dans la colline. En traversant la route, un homme caché dans le caniveau nous a tiré dessus, mais il a raté. De là-haut, nous avons vu brûler le centre culturel français. À la nuit tombante, les militaires nous ont demandé de nous coucher dans le camion pour partir au camp M’Poko, de l’aéroport. Arrivées sur place, ils nous ont dirigées vers le départ de l’avion pour partir en France. Avec deux sœurs, nous avons refusé, alors, ils nous ont demandé de signer un papier de décharge, disant que nous refusions de partir, puis nous avons été orientées vers la chapelle qui était déjà pleine d’hommes français. Ils ont poussé un peu leurs lits pour nous permettre de nous installer pour dormir la nuit avec eux. Le lendemain, je devais surveiller les enfants, pour voir leurs situations. Étaient-ils français ou non ? De même pour certaines adultes qui essayaient de fuir vers la France ; je faisais un peu le rôle de consul en acceptant ou refusant les départs. Au bout de cinq ou six jours, j’ai quitté le camp pour revenir à Bangui. La ville était morte, pas âme qui vive. Quel calme partout, pas un chat dans la ville ! ! ! Ensuite, petit à petit, nous avons récupéré les enfants pour terminer l’année scolaire. Comme si cela ne suffisait pas, le pays va aussi connaître une série des coups d’Etat dont ceux du 25 octobre 2002 et du 15 mars 2003. Ainsi, le vendredi 25 octobre 2002 aux environs de 16 heures, la capitale centrafricaine, Bangui, a de Les 18 avril, 18 mai, 15 novembre 1996 – avec négociations à chaque fois puis forte intervention française le 4 janvier 1997, suite à l’assassinat de deux militaires français. 12

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nouveau été le théâtre d’affrontements entre des troupes armées et les forces armées centrafricaines. (FACA) De source quasi certaine, ces personnes armées étaient proches du général François Bozizé, ancien chef d’état-major des FACA13, instigateur du coup d’Etat manqué du 11 novembre 2001. Le 15 mars 2003, également à 16 heures, les rebelles du Général Bozizé sont de nouveau rentrés à Bangui et ont réussi leur coup d’Etat14. Les quartiers nord de la ville de Bangui ainsi que l’arrièrepays, notamment les villes de Bossangoa, Damara, Bossembele, Yaloké, ont vécu un cauchemar sans précédent. Cette psychose s’est justifiée par les nombreuses agressions, les viols, les exactions, les pillages dont ont été victimes les populations banguissoises et celles de l’arrière-pays. L’armée régulière étant disloquée, car résidant dans les quartiers et dépourvue de la logistique nécessaire à la riposte, les autoritaires centrafricaines se sont appuyées sur les troupes libyennes stationnées à Bangui depuis une quinzaine de mois et les rebelles du Mouvement de Libération du Congo (MLC, créé en 1998) de Jean-Pierre Bemba pour mater les assaillants. Afin de stopper la progression de ces derniers vers la résidence du chef de l’Etat et les points stratégiques de la ville, les troupes libyennes ont pilonné les quartiers nord de Bangui, présumé être le fief du général Bozizé, donc favorables aux assaillants. Nous avons trouvé douze grosses balles de douze centimètres de long, dans notre cour… Nous nous étions toutes couchées par terre. La riposte des forces ar-

13 Bozizé est démis de ses fonctions de chef d’état major en octobre 2001. 14 Patassé était en voyage au Niger, son avion est dérouté sur le Cameroun. Le 16 mars, Bozizé s’autoproclame président, suspend la Constitution et dissout l’Assemblée nationale. Le 23 mars, Abel Goumba est nommé premier ministre.

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mées libyennes a causé des pertes en vies humaines et des destructions massives d’habitations. Ainsi, civils et militaires, expatriés et dignitaires du régime, opposants, étrangers, personne n’a été épargné. Les rebelles du MLC, ainsi que les assaillants ont eu un comportement ignoble. Ils se sont livrés à des actes odieux et barbares avec pour principales cibles les femmes et les jeunes filles. Ces dernières ont été violées et violentées devant leur mari, père, fils et frères. On a demandé à des fils de commettre l’acte sexuel avec leur mère en présence de leur père. Des épouses et filles ont été violées en présence de leur mari et père. Ceux qui ont refusé ont été froidement abattus. Pour certaines femmes et mineures, les rebelles ont introduit des bouts de bois dans leur sexe. D’autres n’hésitaient pas à fouiller le sexe des femmes pour chercher des billets de banque, si la famille s’avérait infructueuse, la victime était directement violée parfois par quinze Banyamulengue du MLC. Dès les premières heures des événements du 25 octobre 2002, une restauratrice a subi le châtiment, où une vingtaine de rebelles ont mangé gratuitement ses plats préparés et l’ont tous violée, la laissant inanimée, le corps gisant à même le sol. Des témoignages concordants, qui nous sont parvenus, affirment que même les hommes ont été violés par des hommes devant leur famille. Au PK 22, route de Damara dans la périphérie nord, des familles entières ont été pillées, dépouillées, des femmes violées à nouveau, des maris égorgés, car n’ayant pas l’argent à leur remettre. La peur s’est généralisée, des familles se sont déplacées vers les quartiers du sud et leurs maisons furent aussitôt occupées par des rebelles congolais qui agissaient comme en territoire conquis.

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Battues, dépossédées de tous leurs biens, violées, les victimes se trouvent dans un état psychologique pouvant entraîner des séquelles irréversibles aux conséquences incalculables et dramatiques. Les victimes avoisinent le millier.

Sur le plan chrétien, que faire ? Beaucoup prier pour les victimes, car ce qu’elles ont vécu est diabolique. Les assister par le soutien psychologique, médical et social. Plaider auprès des autorités politiques pour le retour à la paix définitive. Envisager à moyen terme, voire à court terme, des actions de réinsertion dans la vie socio-économique. Assister financièrement les victimes, si possible. Plaider auprès des Nations Unies pour le respect du Droit international, applicable aux Droits, à la protection des femmes et des filles sans les conflits armés15. Intensifier les campagnes de sensibilisation sur la nonviolence, la tolérance et la paix dans les Eglises, les Ecoles chrétiennes. Ces deux événements sont sans précédent dans l’histoire de la RCA depuis l’indépendance jusqu’à nos jours par leur ampleur géographique et leur durée d’une part, par les pertes humaines et les dégâts économiques qu’ils ont provoqués d’autre part. Plus graves encore, ces deux coups d’Etat ont failli se transformer en guerre entre la RCA et le Tchad. Les causes de ces conflits sont complexes et leurs conséquences sont immenses.

Le 3 janvier 2005, la Centrafrique demande à la Cour pénale internationale d’enquêter et de juger les auteurs des exactions. Jean-Pierre Bemba, arrêté à Bruxelles le 24 mai 2008, est déféré à la Cour pénale internationale le 4 juillet où il est inculpé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour les exactions commises en RCA du 25 octobre 2002 au 15 mars 2003. Il a été déclaré coupable le 21 mars 2016.

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Les causes : elles demeurent complexes Evidemment les discours divergent : * Ange Félix Patassé : « Ceux qui ont échoué aux élections de 1993 et 199916 saisissent toute opportunité pour que le pays n’ait pas accès aux aides extérieures… » « C’est à cause du pétrole centrafricain que le Tchad tente d’annexer la RCA » devait-il conclure. * Certains leaders politiques : « C’est l’intransigeance du Président Patassé qui est à l’origine de ces coups de force ». * D’autres pensent : « C’est sa mauvaise gouvernance » traduite entre autres par les détournements des deniers publics par des proches, le non-paiement des salaires, des bourses et des pensions pendant plusieurs mois qui sont à l’origine de ces tentatives de coup d’Etat ». * Pour le Général François Bozizé : « C’est de la haute trahison » traduite dans les faits par l’humiliation des Forces Armées Centrafricaines au détriment des Forces étrangères (libyennes, congolaises) par le Président Patassé qui est l’origine de ces actions ». * Pour le Premier Ministre Martin Ziguélé17 : « Le Général Bozizé n’est qu’un homme de service qu’on manipule… »

16 Aux élections présidentielles du 22 août 1993, Goumba, Dacko, Bozizé ont échoué ; à celles du 19 septembre 1999 Kolingba, Dacko, Goumba ont à nouveau échoué. Patassé a été élu dans les deux cas. 17 Premier ministre de Patassé du 1er janvier 2001 au 15 mars 2003. Il se présente sans succès aux élections présidentielles du 13 mars 2005 et de 2015.

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La situation socio-politique de la RCA à compter du 15 mars 2003 à nos jours La RCA, à travers ces multiples événements militaropolitiques, va assister à celui du 15 mars 2003 portant le Général François Bozizé au pouvoir. Six mois seulement après la légitimation électorale du régime actuel par le biais des élections organisées au sein du pays, la RCA va encore connaître de nouvelles crises militaro-politiques qui vont aboutir à l’organisation du Dialogue Politique Inclusif (D.P.I). Il s’agit, en effet, d’une rébellion fractionnelle à Birao dans la Vakaga, à Paoua dans l’OuhamPéndé. Ces différentes rébellions s’appuyaient sur l’absence d’une vision nationale de gestion des choses publiques, contre la personnalisation du pouvoir, et surtout l’inapplicabilité ou la non-application des recommandations du précédé Dialogue national. C’est de cette manière que les protagonistes justifiaient leurs entreprises. On comprend alors que la solution militaire envisagée par le Général Bozizé dans un premier temps est devenue inadaptée aux aspirations sociopolitiques et économiques des Centrafricains, dans la zone CEMAC, des bailleurs et certains partenaires privilégiés de la RCA à l’instar de la France, et aussi à la Communauté internationale. Au lendemain de tous ces événements, et conscients que le dialogue et la tolérance constituent le socle de la paix et de l’unité nationale, les pouvoirs publics et l’opposition démocratique ont fini par se concerter. Ce qui a permis de jeter les bases du Dialogue Politique Inclusif18. Sans aucun doute, chaque acteur du conflit va jouer un rôle capital dans les débats engagés. L’éclatement des différentes rébellions au Nord du pays et l’accentuation des difficultés sociopolitiques 18

Qui se tiendra du 8 au 20 décembre 2008 à Bangui.

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amènent les Centrafricains à se pencher résolument sur les destinées du pays en prônant le dialogue. C’est ainsi que les négociations engagées entre le gouvernement et les différents groupes armés vont finalement aboutir à un accord global de paix signé par les principaux protagonistes à Libreville le 21 juin 2008 au Gabon. Pour consolider les chances d’une mise en application des recommandations desdits dialogues, un Comité préparatoire du Dialogue Politique Inclusif a été créé. Appuyé par le Centre pour le Dialogue Humanitaire et le Bureau de l’Organisation des Nations Unies en Centrafrique (BONUCA19) sans oublier le rôle déterminant de l’Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F), ce comité a pu identifier trois axes thématiques et de gouvernance : - les questions politiques et de gouvernance - la situation sécuritaire et les groupes armés ; - le développement socio-économique dont l’examen a permis de trouver une solution globale au problème actuel du pays. L’instauration de la sécurité et de la stabilité en terre centrafricaine doit obéir à des conditions d’ordre interne et externe. La condition interne n’est rien d’autre que la mise en exécution des recommandations du Dialogue Politique Inclusif. La condition d’ordre externe se rapporte à l’engagement de la Communauté internationale qui devra aider d’une manière ou d’une autre des pouvoirs publics à appliquer ou faire appliquer et respecter toutes les recommandations du-

Le Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Centrafrique a été créé le 16 février 2000, après une déclaration du Conseil de Sécurité. Il a été remplacé en janvier 2010 par la BINUCA, Bureau Intégré des nations Unies pour la consolidation de la paix en Centrafrique.

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dit dialogue. Voici, quelques idées concernant les conditions internes : Le Comité de suivi du D.P.I est chargé de veiller à l’exécution des recommandations assorties des débats. A ce titre, il doit : - Conseiller le Gouvernement et autres ; - Informer la population, les acteurs sociopolitiques, l’opinion nationale et internationale ; - Faire le plaidoyer et stimuler le gouvernement en vue de mobiliser les ressources nécessaires en faveur de la mise en œuvre ; - Organiser des séminaires, des ateliers et des campagnes d’information et de sensibilisation à propos ; - Promouvoir des occasions d’échanges sur les questions relatives aux recommandations et à leur application ; - Eduquer au civisme ou au patriotisme les populations dans l’ensemble du pays.

2- Anecdotes Education Privatisation de l’enseignement puis convention En 1961, l’Etat unifie l’enseignement. Les bâtiments des écoles de la Mission sont vendus un franc symbolique à l’Etat. La plupart des religieux : pères, frères, sœurs quittent l’enseignement pour d’autres tâches. Je reste et deviens en quelque sorte « fonctionnaire » ou du moins sous la tutelle du gouvernement. Je recevrai un petit salaire comme mes frères et sœurs centrafricains et j’accumulerai aussi des arriérés de salaire. En 1994, se tiennent les Etats généraux de l’Education nationale. A ce moment-là, les parents demandent à corps et à cris que la Mission catholique reprenne ses écoles.

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L’archevêque, Monseigneur N’Dayen20 refuse. Depuis trente-trois ans, les bâtiments n’ont pas été entretenus. Les Missionnaires enseignants occupent d’autres postes, l’Eglise n’a plus les moyens de payer les enseignants, etc.… Mais les parents discutent, s’obstinent. Finalement, un accord va se faire entre l’Eglise et l’Etat. Ce dernier prendrait en charge les frais de l’eau, de l’électricité, il accorderait des subventions, etc. Tout cela ne sera que de belles promesses, c’est tout. Cependant, depuis quelques années nous pouvons bénéficier de quelques exonérations pour les constructions, matériel scolaire ou achat de véhicules. Mais les démarches sont tellement fastidieuses et longues, que parfois on abandonne ! Comme dans toutes les écoles privées, les parents devront s’acquitter des frais de scolarité de leurs enfants et c’est loin d’être facile : 12 à 15 % des enfants sont pris en charge par l’établissement (réfugiés, orphelins du sida, et cas avérés de pauvreté), car, ici, dans cette école, chacun a droit à l’éducation, à l’instruction. Propreté et respect de l’environnement L’éducation est très importante. Les vertus familiales se perdent. Plus de vie vraiment intense à l’intérieur des familles. Il faut tout faire à l’école ! Avec les enfants, nous travaillons sur l’environnement. Comment faire pour que tout soit propre sur la cour de récréation et dehors, pour éviter la pollution ?? Chacun jette par terre papiers, plastiques, pelures de bananes, d’oranges, les noyaux, etc.… du plus grand au plus petit, aucun respect. Ne parlons pas de l‘invention des mouchoirs en papier ! Un jour, un parent d’élève arrive en moto sur la cour de l’école et en attendant que je termine mon entretien avec un autre, il se mouche et jette son mouchoir par terre. Je 20 Joachim Ndayen, né en 1934, devient archevêque en 1970. Il se retire en 2003, pour raison de santé.

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m’approche de lui et lui dit : « Monsieur, veuillez ramasser ce mouchoir que vous venez de jeter et allez le déposer dans la poubelle là-bas ! » Il se baisse et le ramasse sans mot dire. « Regardez la propreté de la cour, pas un seul morceau de papier par terre. Vous avez une fille ici, donc vous êtes un éducateur. Je serais curieuse de savoir quelle éducation vous donnez à vos enfants ? » Il est allé jeter le papier dans la poubelle. J’espère qu’il aura compris ! Un matin j’accompagne cinq ou six fillettes pour une répétition de théâtre que nous devons jouer. Arrivées au Lycée protestant, il y avait plein d’ordures partout et comme nous étions en avance, je dis aux enfants : Allez ramasser les papiers. Et une petite de me répondre : toute la journée ne nous suffirait pas pour tout ramasser et que tout soit propre, il y en a trop. C’est vraiment trop sale. Malheureusement, c’est le lot de beaucoup d’établissements. Visite de l’inspecteur primaire Un matin, l’inspecteur primaire vient à l’école, sans prévenir bien sûr. - « Je viens pour l’inspection » dit-il. - « Oui, ici, tout marche bien, pas de problèmes ! » - « Mais ma sœur, j’ai quand même quelque chose à vous reprocher : « vous avez trop de discipline ! » Je n’en reviens pas. Trop de discipline ? Çà alors, c’est incroyable. - « Mais Monsieur l’Inspecteur, ne connaissez-vous pas l’adage qui dit : sans discipline, pas de travail. Cela fait cinquante ans que je fonctionne comme cela et tant que je serai là, je ne changerai pas ! Si vous n’êtes pas content, renvoyez-moi, j’irai me reposer. Non, je n’ai aucun pouvoir pour le faire ! Prenons votre cas : vous devez être au bureau à 7 h 30. Si j’arrive à 8 heures, vous n’êtes pas encore arrivé. Je repars et reviens à 10 heures, c’est la pause, vous êtes absent ! Je reviens à midi, c’est fini, vous êtes déjà parti ! Et de votre fenêtre, vous regardez dans la cour, c’est la récréation perpé39

tuelle et quand est-ce que les élèves travaillent ? Dites-vous bien que ce sont des gens comme vous qui mettent le pays au fond du trou ! Ce matin, à la radio j’entendais quelqu’un qui affirmait que si l’on veut avancer, il faut deux choses : ce qui est important pour toi, ce n’est pas l’argent, mais la matière grise que tu as dans la tête et il faut de la rigueur ». C’est aberrant d’entendre un inspecteur primaire me reprocher d’avoir trop de discipline ! Va-t-on travailler dans un laxisme généralisé ? Manque de motivations, absence et nonrespect des horaires, manque d’esprit de service ? Aucune conscience professionnelle, le manque de civisme, d’intégrité. L’inspecteur est parti, pas très content et sans me saluer ! Avec le ministre de l’Education * En 2008, avant la rentrée scolaire, le ministre de l’Education nationale convoque le représentant de parents d’élèves, les syndicats, quelques proviseurs et directrices d’école et le secrétaire national des écoles catholiques associées. Le ministre entouré de son staff, annonce que cette année, la rentrée scolaire ne pourra pas se faire le 15 septembre. Personne n’est prêt, les fonctionnaires ne sont pas payés, ceux qui travaillent en province ne peuvent pas rejoindre leur poste, faute de moyens financiers, les arriérés de salaires ne sont pas payés ! La rentrée aura lieu le 6 octobre et il commence à demander l’avis de chacun. Evidement, tous sont d’accord et semblent très contents de prolonger les vacances ! il ne reste que moi : « - Et vous ma sœur ? - Monsieur le Ministre, je ne suis pas du tout d’accord de rentrer le 6 octobre. Je vous dis que si je ne rentre pas le 15 septembre, le 25 septembre je pars en France pour un contrôle médical et je ne reviens pas. Je reste à me dorer au soleil de France. Et je voudrais vous demander si vous êtes vraiment responsable parce que lorsque vous aviez l’âge des 40

enfants actuels, on s’est occupé de vous et pourtant il y avait déjà des grèves, et des arriérés de salaires, car il y a toujours eu des grèves et cependant, on vous a fait travailler, pour être actuellement à ce poste-là. A vous de réfléchir ! Notre pays va-t-il toujours être parmi les derniers des pays d’Afrique ? » Le ministre et son staff se sont retirés quelques minutes et au retour ils ont dit : « Ma sœur vous pouvez ouvrir le 15 septembre, mais c’est la seule école qui fonctionnera ». Je les ai remerciés. Au moment du départ, le ministre m’a demandé : « - Est-ce que vous allez vraiment revenir après ? - Oui, je reviendrai ». * Quelques jours plus tard, encore une réunion avec le ministre, mais cette fois-ci, nous sommes très nombreux : tous les chefs d’établissements. C’est le problème des assurances scolaires. L’Etat a inventé une assurance depuis des décennies : la Masca21. Jamais de remboursements, chacun en tire du profit : proviseur, directeur, inspecteur, ils se taillent la part du lion. Le ministre commence à expliquer le bien fondé de cette assurance, obligatoire pour tous les établissements scolaires de R.C.A. Après toutes ces explications, il dit qu’il ne peut pas donner la parole à tout le monde, nous sommes trop nombreux, mais il va s’adresser à quatre d’entre nous. Du regard, il parcourt la salle et il s’arrête sur moi : « - Ma sœur, à vous la parole ! - Monsieur le Ministre, autrefois et pendant de longues années, nous étions assurées à la Masca. Mais je peux dire que dans l’histoire, pas une seule fois il y a eu remboursement. C’est pourquoi, maintenant, nous sommes dans une assurance privée. Il n’y a plus de problèmes. Je ne me déplace même plus. Je prends le téléphone, j’appelle l’assurance, les parents se rendent sur les lieux et sur le champ, les remboursements sont effectués. D’ailleurs, ne 21

Mutuelle d’Assurance Scolaire Centrafricaine.

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sommes-nous pas un pays démocratique, donc libre de choisir l’assurance qui nous convient ? Dans tous les cas, pour nous, jamais plus la Masca ! » Et je me suis assise. Quelques minutes plus tard, le ministre est sorti, disant qu’il avait des obligations ailleurs. Je l’ai suivi et l’ai retrouvé près de sa voiture. Je lui ai dit : - « Monsieur le Ministre, il ne faut quand même pas exagérer, n’oublions pas que nous sommes en démocratie ! Non, jamais plus la Masca ! - Oui, ma sœur, vous avez raison et si vous avez des problèmes, venez me voir. - D’accord Monsieur le Ministre. Au revoir ! » * Une de nos sœurs centrafricaines doit partir en Mission. Elle a besoin de récupérer le diplôme de son baccalauréat. Elle aura le temps pendant les trois mois de son congé. L’heure du départ approche et elle ne l’a pas récupéré. Elle a demandé à sa famille de s’en occuper. Après plusieurs mois, la famille n’a toujours rien récupéré. Alors la responsable de la communauté les relègue, mais en vain. Elle prévient les autorités à Paris qui propose que ce soit moi qui fasse les démarches. Le lundi, on me demande ce service. J’accepte, mais le mardi j’ai un programme chargé et ce n’est que le mercredi que je pourrai y aller. A 9 heures, je me dirige vers le ministère de l’Education nationale. Une personne est là dans la salle d’attente. Je la salue et je m’exclame : - « Cela tombe bien aujourd’hui, le ministre reçoit » et la dame surprise : - Mais ma sœur vous n’avez pas de rendez-vous ? - Non !! » Quelques instants après, le chef de cabinet arrive. - « Bonjour, ma sœur. Vous voulez voir le ministre ? » Après ma réponse affirmative, il dit : - « Vous avez un rendez-vous ? - Non, Monsieur le Chef de cabinet ». Il entre dans le bureau du ministre et revient aussitôt : 42

« Entrez, ma sœur ! - Merci. Bonjour, Monsieur le Ministre, - Bonjour, ma sœur ! - Vous vous rendez compte, on me demande si j’ai un R.V. pour venir vous voir, mais lorsque vous veniez au bureau à l’école, vous n’aviez pas de R.V et pourtant, je vous recevais bien. - Mais, oui, ma sœur, vous êtes là chez vous. - Merci. Mais quelle pagaille ici, dans votre ministère, cela fait des mois et des mois qu’une de mes sœurs court après son diplôme de bac et elle ne peut pas l’avoir, impossible. Et pourtant, elle en a besoin c’est urgent. Je dois lui envoyer samedi ». Il appelle son chef de cabinet. Je lui tends la feuille des renseignements de la personne. Je lui demande à quelle heure je dois revenir pour prendre le diplôme. Il me dit de ne pas me déranger qu’il me l’apportera lui-même. Je le remercie. Effectivement, en début d’après-midi, une voiture arrive et il me tend une enveloppe, c’est le diplôme. Ouf ! Pas facile les démarches ! Colonies de vacances. Autrefois, chaque année, pendant les vacances scolaires, nous organisons des colonies de vacances pour 125 fillettes, accompagnées de personnes pour les encadrer. Nous partions en province. C’était toute une aventure. Il fallait trouver des camions pour le transport des enfants et du ravitaillement : nourriture viande, huile, manioc, savon, médicaments et tut le matériel pour la cuisine et les jeux. Il y avait beaucoup de joie. Les fillettes apprenaient des danses, des chants, des poèmes, des jeux. Mais le matin, il fallait s’atteler au ménage, faire la provision d’eau et de bois, préparer la nourriture. Une fois, nous étions dans la forêt et les villageois nous ont offert un morceau de viande de panthère. Surprise et fou rire lorsque la sœur centrafricaine refusa de manger sa part et 43

de manger les aliments cuits dans cette marmite qui avait servi à la cuisson. Pourquoi les femmes n’en mangeaientelles pas ? Parce que cela rendait stérile. Nous n’avons pas pu vérifier si cela était vrai ! 2002. Compte rendu de la visite de la première dame22 de Côte d’Ivoire. Quatre ou cinq jours avant l’arrivée de la première dame de Côte d’Ivoire, nous avons été contactés par le secrétaire du CNLS (Centre national pour la lutte contre le SIDA) de Bangui, Monsieur Jean Willybiro-Sako. Il nous demandait de présenter des chants, poèmes sketchs... sur le SIDA. C’était le temps des vacances. Nous avons pu appeler dixhuit fillettes qui, en un temps record, ont appris le poème de Salim, un enfant de sept ans de l’Ouganda. Ce poème étant en anglais, nous l’avons fait traduire. Une autre fillette a récité de poème de Zita Frank « SIDA » Un jeu scénique sur le thème SIDA était joué par les dixhuit fillettes. Il y avait deux journalistes qui posaient des questions sur le SIDA (texte venant de Madagascar) Puis le groupe a chanté en français et le refrain en anglais d’Alone (seul), chant composé et chanté (avant de mourir) par un artiste ougandais atteint du SIDA. Un invité, haute personnalité camerounaise, s’est levé. Il a dit son admiration devant les prestations de ces fillettes et leur a remis une enveloppe. L’après-midi, Monsieur Martin Koye23, sous-directeur des Relations extérieures, de la Culture et de la Communication de Côte d’Ivoire, est venu demander, de la part de la première dame, les textes de tout ce que les enfants avaient réalisé. Ce qui a le plus frappé, ce sont les belles voix des enfants et leur conviction pour faire passer le message. 22 23

Madame Simone Gbagbo. Directeur de la communication au cabinet de la Première dame.

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Le premier message, déclamé par une fillette de sept ans, a beaucoup ému l’assistance et fait venir les larmes aux yeux, lorsqu’elle a dit lentement et distinctement : « je suis ici debout, seule au monde ». Les deux journalistes en herbe ont posé tout à tour des questions aux enfants. C’était avec assurance et conviction que les enfants ont répondu. Aucune hésitation, très convaincantes, elles ont étonné les invités. Le message qui ressortait, c’était la détermination pour lutter, en employant les seuls et vrais moyens à savoir : la fidélité, l’amour dans le couple, et surtout que la vraie protection se trouve dans la Volonté et le cœur de l’homme, dans le respect de la personne, le respect des lois de la vie.. En conclusion : le véritable amour se vit dans le mariage vrai et une union stable et fidèle. Le chant plut à la première dame et il a été enregistré pour elle dans une des salles de l’Assemblée nationale. Avant de se retirer, une photo de famille a été prise avec le Président de la République, les deux dames et les enfants.

Les policiers * Circuler à Bangui, ce n’est pas évident. Une fois, j’arrive au rond-point et me fais arrêter : « - Ma sœur, vous n’avez pas respecté la priorité à droite. - Monsieur, la voiture était à deux cents mètres. - Donnez vos papiers. Savez-vous que vous êtes en tort. ? - Non, je n’étais pas en tort. Je peux vous donner un P.V. ? - D’accord, mais dépêchez-vous, je n’ai pas de temps à perdre, dépêchez-vous. - Si je vous donne un P.V., vous allez vous le faire enlever. - Mais bien sûr, je vais aller directement à la Direction générale de la police, car je ne vais pas payer une faute que je n’ai pas commise. » Il me rend mes papiers et me dit méchamment : « - Partez ! 45

- Merci, Monsieur ». * Une autre fois, j’arrive devant la cathédrale. Un policier m’arrête : - « Bonjour, ma sœur, - Bonjour, monsieur ; - Et votre ceinture ? - Ma ceinture ? Je ne peux pas la supporter à cause de ma maladie du cœur. - Bon et la petite dame à côté de vous ? Elle est trop âgée. Ah bon ! J’ai soif. Est-ce que je ne pourrais pas avoir du vin de Messe. - Mais, oui, allez juste en face », en lui montrant la cathédrale ». Et j’ai appuyé sur l’accélérateur et j’ai démarré. Le laissant sur sa soif ! * Une autre fois, deux policières m’arrêtent. Les femmes sont plus méchantes que les hommes ! « - Vous savez pourquoi, je vous arrête ? - Non, aucune idée. - Et votre ceinture ? - Ma ceinture ? - Oui, vous n’avez pas mis votre ceinture ; - Ah oui, tant que mes frères centrafricains ne mettront pas leur ceinture, moi non plus je ne mettrai pas la mienne ». Elle est furieuse. - « Attendez ici ! », elle traverse la rue et un policier, sans doute son chef, vient près de moi. - Bonjour, ma sœur, - Bonjour, Monsieur, ça va bien ? - Oui, merci. - Allez, partez », me dit-il gentiment et je suis partie. Merci. En cinquante-deux années de présence ici, je n’ai jamais payé de contravention et souvent, j’ai aidé mes frères et sœurs qui avaient des problèmes de ce genre. Les policiers prennent un plaisir fou à nous arrêter pour essayer d’en tirer quelque chose. Je n’ai jamais donné un sou. 46

Et les ceintures, quel problème ! On la demande surtout aux blancs.

Les visas de l’Ambassade de France * Un jour, un prêtre centrafricain m’appelle au téléphone, c’est un vendredi, il est déjà plus de 12 heures passées. - « Où êtes-vous ? - Je suis à Saint Paul (à 5 km), je travaille au Cameroun et je dois vous voir tout de suite. - Bon, venez, je vous attends, je suis à la Mission ». Quand il arrive, il est déjà 12 h 15. - « Que désirez-vous ? - Voilà, je dois partir en France demain, mais je n’ai pas pu avoir mon visa pour demain soir ! - Mais, Monsieur l’abbé, pour un visa il faut au moins 15 jours. Et qui vous a dit de venir me voir ? - La personne a dit de ne pas le dire ! - A cette heure-ci, il est inutile d’aller à l’Ambassade de France, c’est fermé. Revenez à 16 heures, nous irons ensemble ». Nous partons à l’heure indiquée ? Le vendredi après-midi, ils ne reçoivent pas. Nous faisons demi-tour. Et je le ramène. - « Je n’ai jamais vu cela, dit-il ! - Mais quoi donc ? - Vous ne me connaissez pas et vous me conduisez là où je vous demande d’aller ! - Mais, c’est mon habitude de rendre service lorsque je peux, c’est normal, vous êtes une personne qui a besoin d’un service et je le fais même si je ne vous connais pas. C’est normal pour moi. Demain matin, nous nous retrouverons à 8 h 30 pour retourner au consulat ». Le soir, il avait son visa pour partir en France. * Un jour, un autre prêtre centrafricain m’appelle et me dit :

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« - Tel jeune séminariste est à Brazzaville ; il doit partir en France pour faire des études et là-bas, on lui a refusé le visa. C’est un jeune très intelligent et très sérieux, c’est vraiment dommage : que me conseilles-tu de faire ? » - La première chose, c’est de le faire revenir à Bangui. Pendant ce temps, tu prépares tous ses papiers et après je t’aiderai. N’oublie pas de faire la réservation de son billet et vérifie bien un à un tous ses papiers et après, il viendra me voir. Pendant ce temps, je contacte le consul et lui explique le cas. Pour les Missionnaires, pas de problèmes. Le jour J arrive et le jeune est inquiet. Nous allons ensemble au consulat, au service des visas. On nous fait entrer dans la salle d’attente des autorités et là nous sommes bien assis dans de bons fauteuils ! Le jeune n’a pas de place, je le fais asseoir sur le bras du fauteuil. Je le sens nerveux : « N’aies aucune criante, prie et garde confiance !» Notre tour arrive nous sommes bien reçus. Le dossier est étudié minutieusement, comme chaque fois. « C’est d’accord, dans dix jours, il pourra partir, qu’il repasse la semaine prochaine et il aura son visa ». Quelle joie ! De retour à la maison, c’est la joie de tous. Mais le lendemain, le Père revient me voir : « Tu vois, dit-il. Il va perdre encore une semaine, si tu pouvais faire avancer la date ? » Je retourne au consulat et j’explique encore son retard. Par gentillesse, ils acceptent de délivrer le visa dans trois jours. Ce jeune est en France. Il étudie très bien et il est très reconnaissant. * Un matin, je pars à l’ambassade de France et en passant devant la salle d’attente du consulat, je vois un grand nombre de personnes qui attendent. J’aperçois une personne que je crois connaître. J’entre et je dis : « Bonjour, Monsieur. Etes-vous un abbé ? Il me répond, je suis l’évêque de Bossangoa ». Je lui demande de me suivre. Une fois dehors, je lui demande ce qu’il attend : « - Depuis huit jours, je viens sans arrêt pour avoir un visa pour la France, mais je ne pourrai pas l’avoir pour demain ! 48

- Donnez-moi vos papiers et votre numéro de téléphone. Demain, vous aurez le visa et vous irez le chercher à la Mission Notre-Dame ». Je suis partie voir les responsables par derrière, j’ai expliqué la situation et ils m’ont dit de revenir le lendemain matin. Comme promis, j’ai eu le passeport avec le visa. Je l’ai déposé à la Mission et j’ai dit aux sœurs d’appeler l’évêque pour qu’il vienne le chercher. Jusqu’à ce jour j’attends un petit merci !!! Au mois de juillet, je fais ma retraite au foyer de Charité. Il est 10 h 45 j’attends l’heure d’adoration à 11 heures. Je sens quelqu’un qui me touche l’épaule. Je me retourne. C’est un abbé ! « Que se passe-t-il ? » Il me fait signe de sortir. Il est avec un autre abbé qui doit partir en France le soir même et qui n’a pas eu son visa. Il n’a pas de téléphone, moi non plus. Le personnel du foyer n’est pas là, il faut user de toupet pour aller téléphoner sans autorisation. J’appelle le consulat. Une gentille dame qui me connaît me demande ce qui se passe. Je lui explique. Elle me dit de lui dire de venir tout de suite, car le consulat ferme dans une heure et nous sommes à plus de 10 km de là. Ce jeune prêtre a pu avoir son visa et partir le soir même. Combien de fois cela m’arrive ? Très souvent et c’est toujours en priant très fort dans mon cœur que je fais ces démarches. Avec beaucoup de confiance dans le Seigneur, sinon, c’est impossible. Quelques années plus tard, un matin, en sortant de la Messe, je vois un prêtre qui s’approche de moi et me dit : « merci ! » Surprise. « Mais qui êtes-vous et qu’est-ce que j’ai fait pour vous ? » Et il est tout heureux et me rappelle que c’est grâce à ce visa qu’il a pu étudier en France. « Je suis contente pour vous ». Même après plusieurs années, il n’avait pas oublié !

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Les gardiens * Elias. Pendant les vacances, mes sœurs avaient trouvé un gardien de jour pour l’école ; c’était un Tchadien. Il passait des heures assis sous un manguier. Il ne parlait presque pas, jamais il ne souriait. Je le trouvais très triste. En ce temps-là, je faisais de l’élevage : poules, poulets, lapins et le bénéfice servait à aider mes frères et sœurs centrafricains et autres. C’est ainsi que j‘ai fait construire 6 maisons de 12 m sur 7, tout en dur et toit de tôle, plus une case. Je lui ai acheté un terrain et commencé à construire sa maison ; mais je pensais en moimême : il est encore jeune, il ne va pas passer toute sa vie assis sous un arbre. Il faudra qu’il fasse autre chose. La mairie construisait des petites baraques dans un marché pour vendre des marchandises : lait, savon, cigarettes, etc. J’ai appelé Elias et je lui ai dit : « Veux-tu faire un petit commerce au lieu de rester sous ton arbre ?» Il était d’accord, alors je lui ai acheté la baraque. Ensuite, je lui ai dit: «je vais te donner une certaine somme d’argent pour débuter, puis après, tu vas te débrouiller. Mais il faut que tu prennes ton congé maintenant avant de commencer». Au bout de trois semaines, il revient pour travailler. «Non, Elias, maintenant, tu ne travailles plus ici, tu fais ton petit commerce ». Dans le bureau, il y a une institutrice qui entend la conversation. Et lui de répondre : « J’aurai ta peau ! » Propos surprenant, car nous n’avions jamais eu de problèmes, et il part ! Chaque après-midi, je vois deux enseignantes qui restent assises sous la véranda. Au bout de quelques jours, je suis intriguée et je leur demande pourquoi elles sont là tous les jours ? - « Mais c’est pour te protéger ! Me protéger pourquoi ? Mais Elias risque de venir te tuer ! - Mais vous plaisantez ? 50

- Non, il a dit qu’il aurait ta peau et il l’aura ! Quand un Tchadien dit des choses comme celles-là, il les met à exécution ! - Il faut que je prenne des précautions ? » Je raconte cette histoire aux sœurs. La responsable me dit : « Il vaut mieux que tu partes, puisque tu es en danger ! » Je rétorque : « Non, je reste ici, même si je meurs, ce n’est pas grave ». C’est vrai que, lorsque je suis à la chapelle, il est facile de m’envoyer une flèche. Je vais à la brigade criminelle et je leur explique ce qui m’arrive. Ils me répondent de leur amener le gars. - « Mais comment ? Envoyez-moi demain matin, deux policiers en civil. - C’est d’accord ». Le matin, les deux policiers sont là. Je les fais asseoir sur le banc. Je vais emprunter la voiture de la communauté. J’appelle le gardien et lui dit de venir avec moi au marché. Lorsqu’il arrive près de la voiture, j’interpelle les deux policiers et leur dit : - « Messieurs, vous n’allez pas en ville ? - Si, répondent-ils. - Venez avec nous ». Et les voilà, tous les trois assis sur le siège arrière. Nous filons au commissariat. Arrivés sur place, ils descendent et très vite Elias se trouve avec les menottes ! Il sera interrogé par plusieurs personnes et sa réponse est toujours la même, il veut ma peau. Il restera au commissariat, avec les menottes et les pieds attachés pendant près d’un an. Après, il sera jugé. Il dira que c’est moi qui ai pris en charge sa femme et ses deux enfants. Cela veut dire que je ne lui en veux pas, alors il sera condamné à dix mois d’emprisonnement et comme il en a déjà fait douze, il est libéré, mais avec interdiction de revenir à l’école. Un jour, quand même il repassera à l’école pour me saluer et me demander comment je vais. Ensuite, après quelques années, il mourra du sida. 51

* Abel. Abel, est un gardien de nuit à l‘école. Il est très gentil, très amusant et souriant. Ses enfants passent leur journée à l’école et la nuit aussi. Ils mangent là et dorment sous la véranda. Ils rentrent le samedi à midi pour revenir le lundi matin. Abel me demande tous les jours 50 fr. CFA pour acheter un pain. Très longtemps, je n’ai pas posé de questions, puis un jour, je lui ai dit : - « Mais que fais-tu de ce pain tous les jours ? - Je le glisse sous la toiture de paille de la maison d’une femme. - Comment s’appelle-t-elle ? - Je ne sais pas ? - Est-elle mariée ? - Je ne sais pas ! - A-t-elle des enfants ? Quel âge a-t-elle ? » Toujours les mêmes réponses négatives ! Il ne sait rien de cette femme, mais chaque jour, il lui donne un pain ! Et lui de me dire dans un grand éclat de rire : « C’est ma roue de secours ! » Roulant en mobylette, il connaissait bien la roue de secours ! Il fallait y penser. Autrefois, ces messieurs parlaient de premier bureau, deuxième bureau. Maintenant, ils disent : première ambassade, deuxième ambassade. Voyez comme on évolue ici ? Ah, pas sérieux ces messieurs.

Filous, escrocs et voleurs Imitation de Monseigneur N’Dayen Un bruit court dans les Missions : un gars se fait passer pour l’archevêque et il ramasse de l’argent. Lorsque la sœur x raconte cette histoire, je lui dis de ne pas se laisser prendre. Comment faire ? S’il téléphone, tu lui dis que l’économe n’est pas là, mais qu’elle reviendra à 13 heures et qu’il appelle à ce moment-là. Dans la matinée, je vais rencontrer le D.G. de la gendarmerie qui est le frère de l’archevêque et je lui 52

explique l’histoire. Il me dit qu’il n’a pas de véhicule à mettre à ma disposition, mais qu’il peut me donner trois gendarmes. OK, je les prendrai à l’heure prévue. Effectivement à 13 heures, le téléphone sonne. La sœur m’appelle. Je réponds au gars que je suis d’accord pour lui prêter cet argent puisqu’il est le cuisinier de l’archevêque et que celui-ci est absent pour l’instant. Mais où le rencontrer et comment le reconnaître ? Je serai, me dit-il, devant le lycée Boganda, habillé d’une chemise blanche et d’un pantalon noir. Je lui dis que j’arriverai dans une R.5 camionnette de couleur bleue et que j’agiterai l’enveloppe. J’arrive dans un quart d’heure. Je pars chercher les trois gendarmes. Je demande à deux de se coucher dansa le coffre à l’arrière et je rabats le siège avant et l’autre se cache là. Et nous partons. Bientôt, j’aperçois le gars au bord de la route. J’agite l’enveloppe et je m’arrête. Je descends de voiture et tout en reculant le long de la voiture pour ouvrir la portière arrière, car elle ne s’ouvre pas de l’intérieur. L’homme traverse la route ; mais voyant les gendarmes, il s’enfonce dans les hautes herbes. Les gendarmes auront vite fait de le rattraper et de le mettre dans la voiture et, en route pour la gendarmerie. Il avait sur lui, tous les numéros de téléphone des Missions. Dans sa jeunesse, il était scout et il avait appris à imiter les gens. Le scoutisme a quand même quelque chose de bon ! ! ! * Un jour, deux faux policiers arrivent à l’école me disant que je ne suis pas en règle auprès de l’administration et qu’ils viennent pour faire le contrôle. Je risque d’être arrêtée. Comme ils veulent de l’argent, je leur explique que je ne garde jamais d’argent ici, qu’ils reviennent lundi à 8 heures avec les papiers et je règlerai. Ils emportent un dictionnaire et un autre livre. Ils ont l’air très méchant. Après leur départ, je vais voir le D.G de la police et je lui explique la situation. Pourrait-il, lundi matin, m’envoyer un policier en civil à 7 heures ? Il est d’accord. Lundi 7 heures, le policier est là. Je le cache dans une salle, lui disant qu’au premier signal que je lui donnerai, il appelle la voiture de la 53

police. A 8 heures, les gars arrivent. Je les fais asseoir et m’excuse une minute, juste le temps de biper le policier qui attend. Ce dernier appelle le D.G. pour qu’il envoie la voiture et les policiers. Je bavarde avec les faux policiers. Je leur dis que j’attends l’arrivée de mon comptable qui est parti à la banque, pour chercher l’argent. Ils s’impatientent, je leur dis que cela ne saurait tarder. J’entends le bruit de la voiture. Les policiers arrivent aussitôt au bureau. Surprise des deux voleurs ! L’un d’eux est un vrai policier et un gradé, en plus ! Ils les emmènent tous les deux. Ils ont dû passer un sale quart d’heure ! Elle s’appelle Chanelle La famille de Monsieur B. est très connue à Bangui. Monsieur B. a occupé des postes importants dans le pays. Il est devenu ministre aussi. Il est très accueillant. Nous nous retrouvons souvent chez lui, pour des repas familiaux. Un après-midi, alors que j’étais à l’école, une jeune fille arrive à mon bureau. - Bonjour, Tantine, me dit-elle, tu vas bien ? - Oui, je vais bien. Mais qui es-tu, je ne te reconnais pas. - Mais si, je suis la fille de B. ! Je ne vis plus avec mes parents, à la maison. - Alors que fais-tu ? - Je suis hôtesse de l’air sur telle ligne. - Mais je n’ai jamais su que tes parents avaient une fille hôtesse de l’air ! Et que t’arrive-t-il ? - Ma mère est très malade, alors je l’emmène à la clinique à côté d’ici. Je viens de tomber en panne d’essence. Je viens de te demander de me prêter 20.000 FCFA jusqu’à demain matin. - Je ne pense pas avoir cette somme ici, je vais regarder ce qui me reste. Je me lève et vais à l’arrière du bureau. Je prends mon porte-monnaie et ne laisse que 6.000 F dedans. - Cela va me dépanner et demain je te rapporterai ton argent. Mais quel est ton parfum ? 54

- Mon parfum ! Mon parfum ! Je cherche dans ma tête (je ne mets pas de parfum, sauf exception de l’eau de Cologne !). Mon parfum, je ne sais pas trop. Ah si, c’est Chanel ! (J’avais entendu ce nom !) - Au revoir et salue bien ta mère et meilleure santé et à demain. Et la voilà partie. A peine une minute écoulée, j’ai eu l’impression que je me suis fait avoir. Je sors sous la véranda, elle n’est plus là, elle a déjà disparu ! Aussitôt, j’appelle la fille de Monsieur B.A. qui travaille dans un magasin. - Est-ce que ton père a une fille qui est hôtesse de l’air ? - Mais non, tu connais bien toute la famille. Et je lui raconte mon histoire. - Tu t’es fait avoir, c’est une voleuse. Deux jours plus tard, je rencontre l’évêque de Bangassou, Monseigneur Maanicus, devant un magasin. Et je lui raconte mon histoire. Il me dit : « Moi aussi, je l’ai trouvée dans un magasin. Elle s’est présentée comme la fille de notre ami B.A. Elle m’a demandé 30.000 F pour faire le plein d’essence. Après elle m’a dit : « Tonton, quand je te rendrai l’argent je t’apporterai une bouteille de champagne. Je lui ai répondu, non pas une, mais deux, car nous sommes très nombreux à la Mission. OK pour deux ! » Il est mort24 avant d’avoir bu le champagne ! Un autre jour, Sœur F. la rencontre dans un magasin. En la voyant, la fille se précipite près d’elle : « Bonjour Tantine ! » Aussitôt, la sœur lui dit : « c’est toi la voleuse ? » Et elle disparaît aussitôt. Quelques jours plus tard, je rencontre B.A. et je lui dis comment j’ai été volée. J’ajoute que, si elle n’avait pas parlé de toi, jamais je ne lui aurais donné quelque chose, mais à cause de lui, j’ai fait ce geste. Je ne pouvais, pas refuser. Demain, me dit-il, je t’enverrai l’argent. Monseigneur Antoine Maanicus, né à Amsterdam en 1924, prêtre spiritain, est arrivé en Oubangui-Chari en 1951. Il devient évêque de Bangassou en mars 1964. Il est décédé en 2000. 24

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Effectivement, le lendemain je reçois l’enveloppe avec 10.000 fr alors que je n’ai donné que 6.000 fr. En conscience, je me dis : je ne peux pas garder tout cet argent pour moi, je vais donner le supplément à mon gardien en lui disant, j’ai reçu 4.000 fr, je te les donne pour acheter de la nourriture pour ta famille. Le lendemain, il arrive saoul à son lieu de travail ! Suite à cette histoire, nous avons donné le nom de Chanel à notre petit chaton qui venait de naître ! * Un soir une sœur âgée veut aller se doucher. Elle ouvre la porte de la douche. Un gars est là. La sœur l’interpelle. - « Mais que faites-vous là ? » - « Je pars tout de suite » dit-il. Et il s’enfuit. Il se retrouve devant la porte fermée à clé. Il essaie d’escalader le mur. Il se blesse avec les morceaux de verre que l’on a mis sur le haut du mur, contre les voleurs. Une sœur l’aperçoit et lui crie : « Attendez Monsieur, je vais vous ouvrir la porte, c’est trop haut, vous n’allez pas pouvoir sauter le mur », et c’est ce qu’elle fit !! Sympathiques avec les voleurs, nos sœurs anciennes ! Le lendemain, il est venu se faire soigner, car il était blessé à la main et au coude !

Mésaventures du nonce apostolique Nous avions un Nonce apostolique de nationalité italienne. En ce temps-là, la communauté italienne était assez nombreuse. Le Nonce avait sympathisé avec ses compatriotes. Ces derniers l’ont invité à passer un moment de détente avec eux, un dimanche. Ils sont allés à la ‘plage’ à la Pama. Après le repas de midi, les hommes en maillot de bain sont montés à bord d’un hors-bord, petite embarcation. Doucement, ils se sont approchés de la rive du Congo démocratique et ils ont poussé leur curiosité jusqu’à mettre le pied chez ce voisin, qui n’est qu’à 1 km de notre rive. Ils ont 56

été surpris par la police congolaise qui n’a rien voulu savoir. Ils les ont embarqués à quelques kilomètres de là, face au port de Bangui, à Zongo. Nos prisonniers sont arrivés à prévenir l’archevêque de Bangui qui réfléchissait à une solution pour les récupérer ! D’autre part, les prisonniers se demandaient comment allait se terminer leur aventure. Aucune discussion n’était possible, quand, tout à coup, un homme passe près du commissariat. Il reconnaît le Nonce et lui dit « Bonjour, Monseigneur, que faites-vous là ? » Surprise de la police : ils ont arrêté le Nonce apostolique de la R.C.A., il faut le libérer ! C’est ce qu’ils ont fait. Il fut accueilli par l’archevêque qui l’attendait de l’autre côté. Si le Nonce Apostolique avait pensé à écrire « C.D. Corps diplomatique » sur son maillot de bain, il aurait évité tous ces ennuis !

Petits problèmes de santé Autrefois dans la congrégation, nous allions en congé tous les six ans pendant ce temps, il se passait beaucoup de choses dans les familles. Les frères et sœurs se mariaient, les enfants qui n’étaient pas nés à notre départ, allaient déjà à l’école à notre retour, etc. Puis le temps de séjour fut réduit : retour en famille tous les quatre ans et maintenant, c’est tous les trois ans ! Ainsi, en 1975, c’était mon année de congé. Je tombe malade lors de ce congé en famille. Le médecin de la famille vient, m’ausculte et il dit simplement : elle a failli « sauter les piquets ! » Dans le Doubs, les vaches vont dans las pâturages, entourés de fil de fer, retenus par les piquets en bois. Alors, « sauter les piquer, » cela veut dire, sauter par-dessus la barrière et dans mon cas, j’ai failli mourir, mais sans savoir ce qui m’était arrivé. Ce n’est qu’en 1982, grâce à un cardiologue que j’ai appris que j’avais fait un infarctus du myocarde et que j’ai eu un traitement.

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Ce cardiologue était responsable d’un service à l’hôpital général et un jour sur les ondes il a dit lors de son interview qu’il y avait treize personnes infectées par le VIH dans son service. Dans la semaine, il a été expulsé, parce que, soidisant, il n’y avait pas de SIDA dans le pays ! ! ! Quel dommage pour nous tous.

Aide aux femmes d’Europe de l’Est mariées à des Centrafricains En 1992, j’ai fait un angor instable. J’ai été hospitalisée pendant 20 jours à l’infirmerie militaire du camp Béal. Un samedi, une femme russe est venue me supplier d’aller chercher ses bagages au quartier. Elle était mariée avec un Centrafricain et elle voulait fuir avec ses enfants. C’était pour elle une question de vie ou de mort, alors je l’ai accompagnée pour chercher ses bagages. Peu de temps après, j’ai été rapatriée, accompagnée d’un médecin militaire français et directement au Val de Grâce. Quelques jours après mon retour, j’ai eu ma visite d’un homme furieux prêt à me faire du mal, parce qu’il savait que c’était moi qui avais aidé sa femme à se sauver. Oui, les gens du quartier ont vu votre R.5 bleue ! Pendant plus d’un an, il n’y avait qu’une R5 à Bangui et bleue de surcroît ! ! Et c’est ainsi qu’on me disait - « Tiens, hier soir, vers 21 heures, nous avons vu ta voiture devant un bar au km5 ! » - « Moi, au km 5 à cette heure et devant un bar ? Non ! » Effectivement, il y avait une deuxième voiture bleue ! ! Pour revenir à ce monsieur, mon cœur battait très fort, mais je suis restée calme et je lui ai simplement dit : « Allez jusqu’au camp Béal et vous demanderez à l’infirmerie où j’étais de telle à telle date là ? » Je n’ai plus eu de nouvelles de ce monsieur. * Une autre femme, roumaine, est aussi mariée avec un Centrafricain !

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Un docteur m’appelle et me demande de faire partir cette femme, car pour lui, c’est très dangereux de l’aider. Il doit penser que pour moi, ce n’est pas grave s’il m’arrive quelque chose ! Normalement, tous les soirs le mari sort autour des 17 heures pour ne revenir qu’à 4 ou 5 heures le matin. Donc R.V est pris pour 18 h. Malheureusement ce jour-là il n’est pas encore parti et je devrai revenir le matin, assez tôt, vers 6 heures. J’ai garé ma voiture et attends le neveu de la dame qui doit m’apporter d’abord les valises. Un policier arrive et me demande mes papiers, car je suis mal garé. Je dois aussi prendre l’avion ce jour-là et j’ai déjà remis les papiers à la maison. Discussion. Je lui explique qui je suis. Au même instant le jeune arrive, le policier l’interpelle lui aussi. Il n’a pas ses papiers sur lui. Enfin, on s’en tire pas mal ! Je dépose les bagages à la Mission et un peu plus tard, je retourne chercher la femme et les enfants. Pas de chance, l’avion a plusieurs heures de retard. Et les gosses n’arrêtent pas de sortir dehors. Il faut les surveiller sans cesse. Enfin, l’heure approche. Le chauffeur l’accompagne avec les enfants. Nous allons nous retrouver à l’aéroport pour voyager ensemble. Ouf ! Tout se passe bien. Mais je vis souvent « dangereusement » pour les autres !

Complication culturelle Il y a quelques années, la France devait accueillir pour dix jours, quelques enfants de tous les pays du monde, pour la Paix. Je désigne un maître pour accompagner ces quatre fillettes. Les enseignants logent chez l’habitant. La famille qui accueille Monsieur X, lui indique la salle de bain. Il se déshabille. Va-t-il aller dans la grande cuvette ? (La baignoire !) Peut-être qu’à côté (la douche) c’est plus facile ? Il ouvre les robinets et se fait échauder, ébouillanter. Il se rhabille en vitesse et va chercher l’enfant de sept ans qui va lui expliquer comment cela fonctionne. C’est quand même plus simple avec un seau d’eau et un gobelet !!! 59

3- Les réfugiés rwandais 1994 Accueil des réfugiés rwandais. Depuis le 6 avril 1994, le jour où l’avion qui transportait les présidents rwandais et burundais a été abattu à Kigali25 (capitale rwandaise), se sont déclenchés au Rwanda et au Burundi les massacres qui ont provoqué environ un million de morts. Durant cette période sombre de l’histoire et de l’humanité, dans les deux pays en général et au Rwanda en particulier, des milliers d’enfants ont suspendu leurs études pour des raisons d’insécurité extrême. Après le déplacement des populations dans le Nord-Est du Rwanda en octobre 1990, puis celui plus massif de mars 1993, la guerre et les massacres d’avril juillet 1994 ont déplacé dans tous les sens une population estimée à cinq millions sur huit que comptait le Rwanda. Trois millions se sont déplacés à l’intérieur du pays et deux se sont enfuis vers l’extérieur, ce qui a constitué « le plus rapide et le plus massif mouvement de réfugiés de l’histoire » L’exode des populations rwandaises vers les pays d’accueil dont quelques-uns connaissaient un climat d’insécurité (ex-Zaïre, Burundi, Tanzanie, Ouganda, Congo Brazzaville, République centrafricaine, etc.) a imprimé au monde une vision dramatique du peuple rwandais en fuite, surtout en ce qui concernait les enfants en âge de scolarisation qui ont connu de grands retards. Ainsi, selon la situation en 1994, la détresse et l’intense misère de dizaines de familles régnaient chez les réfugiés rwandais et burundais qui ont pu s’exiler en République centrafricaine en passant par la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et le Congo Brazzaville. Ce sont des moments terribles vécus par les réfugiés rwandais. Ils ont dû L’avion, transportant les présidents rwandais Juvénal Habyarimana et burundais Cyprien Ntaryamira, est touché par deux missiles en atterrissant à Kigali. 25

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quitter leur pays pendant la guerre. Leur exode a duré des jours, des semaines, des mois. Pas facile de traverser les pays à pieds, dans la forêt. Ils sont partis en hâte, sans rien emporter ou presque. L’un a fui en emportant un livre Puissance de la Louange du pasteur Merlin Carothers26. C’est en priant en lisant et relisant sans cesse ce livre qu’il a trouvé le courage et la force de poursuivre sa route. Je dois dire que j’ai lu et relu bien des fois ce livre et cela m’a aidé à vaincre de grandes difficultés rencontrées par les autres. Combien des leurs ont dû abandonner les cadavres de leurs enfants ou d’autres personnes faisant route avec eux. Ils sont arrivés à Bangui. Provisoirement, ils sont hébergés au centre d’accueil : lieu réservé aux Missionnaires venant de la province pour faire leurs démarches ou leurs courses. En ville, l’école Sainte-Thérèse que je dirige depuis très longtemps est située juste derrière ce centre. Un jour, j’entends des enfants qui pleurent. Intriguée, je vais voir ce qui se passe et la misère est là, devant mes yeux. Beaucoup de monde : adultes, enfants, en haillons, la faim au ventre et la fatigue se lisent dans leurs yeux. Je pose des questions. J’interroge. Ce sont les réfugiés qui ont fui leur pays. Ils sont en attente de logements, d’écoles pour leurs enfants. Apprenant que je suis la directrice de l’école, ils se précipitent pour implorer, pour supplier de leur accorder une place pour leurs enfants. C’est la première quinzaine d’octobre. Cela fait des semaines que la rentrée est faite et l’école a fait son plein et fonctionne depuis le 15 septembre. Il n’y a plus de places. Je retourne à l’école et réunis les collègues pour voir ce que l’on peut faire. Ils acceptent que nous prenions quarante filles (nous sommes une école de filles).

Merlin Carothers (1924-2010), officier et aumônier de l’armée de l’air des USA : son livre Puissance de la Louange (traduction française 2007 aux éditions Foi et Victoire en Suisse) est la suite de De la Prison à la Louange. Il a écrit d’autres livres qui ont connu un grand succès soit : 19 millions d’exemplaires, traduits en 59 langues.

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Dans chaque classe l’enseignant va faire la sensibilisation pour que les enfants accueillent bien leurs « sœurs ! » Tout se passera très bien. A la récréation, certaines fillettes partagent un beignet, donnent à boire à la même gourde, donnent un crayon, un cahier. Mais au bout d’une semaine, les parents reviennent pour nous supplier de prendre aussi leurs garçons. Ils sont trente-cinq. Ils les ont mis dans les écoles publiques. Les autres élèves leur ont tiré les cheveux, déchiré leur vêtement, arraché leur seul cahier. Nous refaisons une réunion. Il faut bien réfléchir, car nous ne sommes pas une école de garçons. Finalement, je craque et je prends encore les trente-cinq garçons. Donc voilà soixante-quinze enfants qui pourront suivre une scolarité normale. Depuis cette date, tous les enfants réfugiés rwandais et burundais sont acceptés gratuitement à l’école. Cette année nous en avons accepté quatre-vingt-huit : scolarité gratuite ; don de fournitures scolaires, deux tenues, assurances. Tout cela est totalement à notre charge. Aucune aide du H.C.R. (Haut Commissariat aux Réfugiés). Après avoir résolu le problème des enfants réfugiés, se présentait celui des parents. Comment allaient-ils survivre ? Il fallait chercher des petits emplois : gardien, jardinier, gardienne d’enfants, cuisinier, femme de ménage. Grâce aux connaissances, nous avons trouvé du travail pour plusieurs. A l’école, nous avons triplé le nombre de gardiens de jour et de nuit : un Centrafricain et deux réfugiés. Nos avons embauché un économe, une secrétaire, alors qu’avant je faisais seule ce travail ! Un artiste pour le dessin, et un pour le solfège, un bibliothécaire et un informaticien. Grâce à ces gens pleins de diplômes et de connaissances, nous avons beaucoup évolué dans le dessin, le chant et aussi dans l’enseignement où ils sont nombreux dans les classes. Grâce à ces connaissances du dessin, depuis deux ans, quatre dessins sur faïence se trouvent à l’intérieur du stade Laurent Garros. Le thème des dessins était celui de la Paix.

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C’est grâce à la connaissance du solfège que les enfants chantent bien et chaque année, nous sommes appelés à l’Assemblée nationale, à l’UDEAC27, ou ailleurs, lors de grandes manifestations ou événements, pour aller chanter sur la Paix, la Tolérance, la non-Violence les Droits de l’Homme ou de l’Enfant, sur le SIDA. Il faut savoir ce qu’est un réfugié ? C’est une personne très vulnérable qui a tout perdu : sa famille, ses biens, son travail, son pays. A qui il ne reste rien, sinon son intelligence et son cœur. C’est une personne exposée à tout et à tous. Qui va les soutenir ? Qui va les aider et les aimer ? Ils sont particulièrement la cible des policiers. Ce qu’on leur reproche, leur plus grand défaut, c’est d’être réfugié ! c’est-àdire, sans défense. Ils sont facilement repérables, surtout s’ils vont faire leurs achats au marché. Les policiers sont là à l’affût. Il leur demande leurs papiers : carte de réfugié et de l’argent. Ils n’en ont pas ou si peu, alors le policier s’énerve, ne rend pas les papiers et les emmène au poste de police. Qui va les faire sortir ? Le Haut Commissariat aux Réfugiés ? Le responsable des réfugiés ? Oui, il essaiera, il fera tout ce qu’il peut, mais derrière tout cela, il y a l’argent que les policiers attendent ! Je suis mise au courant de cette arrestation. Je demande des explications : le lieu, l’heure, le motif, etc. J’appelle le D.G. de la police ou le D.G. de la gendarmerie. Je leur explique ce qui s’est passé et ce que j’attends d’eux et dans le plus bref délai. En général, cela marche assez bien, jusqu’à la prochaine fois. Voici quelques exemples. * Un jour G. veut partir en Belgique, avec de faux papiers. (Ils n’ont pas de vrais papiers, tout est resté dans leur pays). Il part avec un enfant de cinq ans, fils de son amie. Ils sont arrêtés à l’aéroport. Ils sont emmenés tous les deux au poste de police du port et enfermés. L’enfant à 5 ans connaît 27 Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale : créée en 1964.

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l’emprisonnement ! Chaque jour, je leur rends visite. La situation est délicate ; impossible de négocier. Un jour, je leur rends visite au commissariat. L’enfant n’est pas là. La policière l’a emmené pour s’amuser avec ses propres enfants. J’ai admiré le geste de cette femme qui a eu pitié de cet enfant. A force de démarches, j’arrive à le faire sortir. Plus tard, il repartira en Belgique. Maintenant, il a obtenu la nationalité et il est chauffeur de taxi. Lorsque je suis en France, il ne manque pas de venir me voir. Souvent les réfugiés ont été parqués au commissariat du port. Lorsque je le pouvais, j’achetais des sardines, du riz, de l’huile, du savon et j’allais leur porter. Les prisonniers, comme les malades sont nourris par la famille et non par l’hôpital ou la police ! Je connaissais bien les policiers. * Un certain dimanche matin, vers 8 heures, je reçois un coup de fil. J’apprends que quatre réfugiés ont été arrêtés au quartier, à vingt-trois heures, devant chez eux. Ils sont à L’OCRB : Office Central de Répression du Banditisme ! C’est le jour des baptêmes à la Cathédrale de Bangui. Je pars voir les quatre jeunes. Ils ont payé le gardien qui les surveille dehors, sinon, ils seraient entassés dans une petite pièce avec beaucoup d’autres. Ils sont là et ils chantent des cantiques. Ils me racontent qu’ils sont accusés de piratage du téléphone alors qu’ils étaient chez eux. Je leur demande de me dire la vérité. - « Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Avez-vous piraté le téléphone oui ou non ? - Nous étions assis devant notre maison et nous buvions une bière. Les policiers sont passés et ils nous ont demandé de l’argent. Comme nous n’en avions pas, alors ils ont pris le téléphone portable et nous ont emmenés en ramassant sur la route un Soudanais qui se promenait ». Je leur demande qui les a fait arrêter. Ils me donnent le nom du colonel, qui m’a invitée, à 13 h pour le repas de fête, pour le baptême de ses filles. Je leur dis de patienter, de con-

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tinuer à chanter, de prier avec beaucoup de confiance et qu’à 13 heures, je vais voir ce colonel. Qu’ils gardent espoir. A 13 heures, j’arrive chez le colonel. Une de ses femmes, une ancienne élève, me reçoit. -« Bonjour, maman, venez vous asseoir. - Non. Où est ton mari ? Il est là-bas, sur la terrasse » Et de ce pas, je le rejoins. - « Bonjour, Colonel. - Bonjour, ma Sœur, ça va ? - Non pas du tout. - Qu’est-ce qu’il y a ? - Cette nuit, vous avez fait arrêter 4 de mes enfants et ils sont à OCRB. Pourquoi les avez-vous fait arrêter ? - Ils pirataient le téléphone ? - Vous les avez vus pirater le téléphone ? - Non, mais on m’a dit. - Alors c’est sur des On dit que vous faites arrêter les gens ; vous colonel, sur des On dit sans preuve ? Alors je vous demande de les faire libérer tout de suite. - Mais, ma sœur, vous voyez tous mes invités ! - J’ai pitié de vous, je vous fais une faveur, mais si demain matin à 7 heures, ils ne sont pas devant mon bureau, ce ne sera pas la peine d’amener vos filles à l’école ». J’ai secoué la poussière de mes pieds et je suis partie. Le lendemain matin, à 7 heures, les réfugiés étaient là, devant mon bureau. Les policiers nous ont demandé de retourner après. Non, rentrez chez vous directement. Ne vous occupez pas des policiers. * Parmi les gardiens que j’avais embauchés se trouvait un colonel rwandais. Chaque jour, il arrivait avec son chapeau de paille sur la tête et il travaillait avec les autres. Malheureusement, un jour, il fut arrêté et enfermé à la gendarmerie. Les démarches étaient délicates et difficiles. Il n’avait droit à aucune visite. Je le rencontrais assez régulièrement. L’après65

midi, sur un banc devant sa cellule, dans un coin retiré, moyennant quelques bières au gardien. Je priais beaucoup, et je me demandais si le Seigneur allait m’écouter ! Mais un jour, ce colonel fut appelé par le colonel de gendarmerie qui lui demanda de signer un papier et de partir. C’était un Vendredi Saint à 15 heures et six minutes. Et à 15 heures quinze minutes, il était chez moi à l’école, pour me remercier, me dire au revoir et s’empresser d’aller jusqu’au fleuve pour rejoindre le Congo Démocratique. Gardons confiance dans le Seigneur et prions-Le avec une grande confiance. Cependant, en amont les problèmes restent non résolus. Autrement dit, ces enfants vivent une précarité familiale qui ne permet pas aux parents de mettre à leurs dispositions des biens essentiels : l’alimentation quotidienne, la santé primaire, les frais de transport, le logement, etc., ce qui se traduit par des absentéismes non justifiés de ces enfants durant l’année scolaire. 19 octobre 2009 J’arrive à l’école, ce lundi matin, il fait bon, la chaleur ne se fait pas encore trop sentir. B. (Bernard) me dit : - « Ma sœur, mon voisin a eu un problème hier matin. C’est un réfugié rwandais. Il est musulman. Chaque jour, il vend du pain pour un Libanais. Souvent, un jeune vient, prend le pain et ne paie pas. Il lui a demandé de payer et alors, il l’a arrêté et fait mettre au commissariat. Il l’a accablé par ses mensonges : « ce gars est sans cesse en relation avec les rebelles. Il leur fournit des renseignements. Il leur téléphone. Il fait partie des services secrets, etc.… » Le patron du vendeur est allé au commissariat et il a donné 50.000 Fr. CFA aux gardiens pour le laisser sortir. En vain. En cette période pré-électorale, il faut se méfier de tout le monde ! Le Haut Commissariat aux Réfugiés a fait des démarches. Inutile. La situation est tendue.

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J’appelle le responsable des réfugiés. Je lui demande s’il est au courant. Oui, il le sait. Et qu’as-tu fait ? Rien, aucune démarche. ! Je dis à B qu’il faut que j’attende 9 h pour que les patrons arrivent au travail. Je commence à appeler un ancien parent d’élève, bien gradé. Il me demande si le prisonnier est en possession d’une carte de réfugié. Enquête faite, il a sur lui une photocopie. Il exige l’original. « Il faut rappeler l’épouse et que l’on m’apporte ce document ». Je pars avec la carte de réfugié. Arrivée devant le commissariat, je rencontre une parente d’élève qui est « gendarmette ». Elle me fait entrer dans la salle d’attente et m’introduit chez le lieutenant, qui est, lui aussi, parent d’élèves depuis cette année. Je lui parle de ce jeune qui a été arrêté, qui vend quelques pains pour survivre et insiste pour dire que, lui, la politique, cela ne l’intéresse pas. D’ailleurs, ce n’est pas un intellectuel, mais un villageois et qui ne sait pas plus que moi ce qu’est la rébellion, ni le travail des rebelles. Il ne cherche qu’à survivre. J’insiste aussi sur la méchanceté de ce militaire qui veut sans cesse racheter ce jeune, en ne payant pas le pain ! Le jeune est appelé et interrogé pendant plus d’une heure et demie. Enfin, on me le remet. Ses frères musulmans sont dehors et heureux de le revoir. Et me remercient beaucoup. Deux jours plus tard, le jeune musulman vient me remercier et me dire que ce jeune recommence à l’embêter, qu’il lui a dit qu’il le ferait encore arrêter. Il faut que je retourne encore à la gendarmerie et déposer une plainte. Jeudi 9 novembre 2009. Il est 5 h 20 et je sors de la maison pour aller ouvrir l’école. Mon téléphone sonne. C’est un réfugié rwandais qui me prévient qu’il vient d’être arrêté par la gendarmerie. Il est dans un camion. Je pars directement à la gendarmerie après avoir ouvert mon bureau. Je vais au poste central. Les gendarmes me disent que ce n’est pas là, mais derrière cette barrière. J’arrive et quel spectacle : une trentaine de filles crient, 67

hurlent. Les gendarmes les font asseoir. Il y a cent ou cent cinquante personnes arrêtées, ou plus, assises par terre dans l’herbe mouillée. Des gendarmes assis sur des chaises les interrogent. On me demande d’attendre. Puis je demande à voir le chef. Ils m’indiquent un endroit, derrière le stade. Je me rends sur les lieux. Je salue le colonel et le lieutenant colonel. Ils sont surpris de me voir si tôt. J’explique mon cas : - « Vous avez arrêté un de mes enseignants, réfugié, et aussi le gardien. Si vous ne le relâchez pas qui va prendre en charge ces soixante-cinq enfants ? - Oui, nous allons contrôler ses papiers, ses papiers et nous les relâcherons ». Je repars pour la Messe et j’arrive en retard ! Après la Messe je rappelle l’enseignant qui me dit arriver bientôt. Je lui demande s’il n’avait pas sa carte de réfugié. Il en était bien en possession, mais les gendarmes lui ont dit que c’était des faux papiers, qu’il était un rebelle et l’ont fait monter dans le camion. Nous apprenons qu’ils sont encore six dans les camions. Vers 9 h je me rends à la gendarmerie, il n’y a plus personne. Ils sont soit au commissariat central, soit à l’O.C.R.B. (office de répression du banditisme). J’appelle le commissaire, puis son adjointe. Ils vont vérifier. Pas de réponses. Je rappelle, on me demande d’attendre encore. Finalement, ils devront passer la nuit, enfermés avec beaucoup d’autres réfugiés de tous pays ! Vendredi matin, j’appelle le D.G. de la police et je lui explique la situation et en plus le fils du cuisinier a été arrêté, alors qu’il n’a que seize ans. Il se trouve à six kilomètres de Bangui ! Je passe au bureau du D.G de la police. Son adjoint me demande de le rejoindre au commissariat du port. Là, je passerai encore plus de deux heures et demie de temps à expliquer la situation et attendre qu’on les « élargisse », qu’on leur rende leurs vêtements et chaussures et quelque argent. Je pourrai en ramener seulement quatre à l’école pour leur donner un peu à manger et un peu d’argent pour qu’ils puis68

sent rentrer chez eux. Il en restera encore deux autres à libérer dans la journée. Pas drôle d’être réfugié et soupçonnés de rebelle. 14 janvier 2010. François, un réfugié rwandais, arrive à l’école. Il a une convocation du tribunal pour le lendemain. En décembre, nous avions déjà vu son problème. Quatre voleurs lui ont arraché tous ses biens. Et c’est depuis 2006 qu’il court du tribunal, à la Cour d’appel, de la Cour d’appel à la Cour de cassation. L’affaire est jugée, mais il ne reçoit toujours rien, alors qu’il a gagné les procès. Le commissaire du tribunal de la Cour criminelle le convoque encore, le menaçant s’il n’apporte rien. Il veut lui extorquer encore de l’argent ; heureusement, grâce à la compétence et la droiture du D.G. de la police qui lui « remontera les bretelles », l’affaire semble classée et aujourd’hui, elle rebondit ! Je l’accompagne pour aller voir le Président de la Cour d’appel. Il prend l’affaire en mains et un rendez-vous est fixé pour le lendemain. Quand est-ce que ces pauvres réfugiés pourront vivre en paix et tranquillité ? * Un jour, un instituteur rwandais m’apprend que trois de ses compatriotes sont emprisonnés au Camp de Roux. Ils sont restés quatre jours sans manger ni boire (malgré la grande chaleur qu’il faisait) et maintenant lorsque leurs frères leur portent à manger, il faut payer 10.000 Fr. CFA. Je décide donc d’aller voir le ministre de la Justice. J’arrive à son bureau, bien gardé par les militaires centrafricains. - « Avez-vous un rendez-vous, me demandent-ils ? - Non, mais dites au ministre que c’est la Directrice de l’école Sainte-Thérèse qui veut le voir ». Aussitôt, il me fait rentrer dans son bureau et après l’avoir salué, je lui dis : - « Tu sais, je ne viens pas te voir pour rien. Trois réfugiés rwandais sont enfermés au Camp de Roux et ils sont maltrai69

tés. Ils sont restés quatre jours sans manger ni boire et maintenant, chaque fois qu’un de leur frère apporte à manger, ils leur font payer 10.000 Fr. C.F.A. Alors, je te demande de les faire sortir tout de suite... - Je ne peux pas les faire sortir tout de suite, me dit-il, il faut que je les fasse juger, mais si tu es d’accord, je les mets à la gendarmerie, car maintenant ce sont les Centrafricains qui ont repris leurs places ». Je suis d’accord. Leur seule faute, c’est d’être réfugiés rwandais. Et je suis repartie. Trois jours après, ils étaient chez eux. * Quelque temps avant, un réfugié s’occupant de la bibliothèque me demande la permission d’aller chercher son fils qui est à Sibut et qui est malade. Je lui donne mon accord. Mais le lendemain, sa femme qui enseigne au C.P. est absente, puis deux jours, trois jours quatre jours, etc. Ils ont disparu tous les deux. Après trois semaines, un enseignant aperçoit son compatriote engagé dans l’armée rwandaise. J’ignorais totalement qu’il était tutsi ! Un jour, je trouve sur mon bureau, une lettre de lui, me disant qu’il a parlé à ses chefs et qu’ils seraient contents de faire ma connaissance. Cela me paraît louche. J’appelle l’ambassadeur de France qui me dit qu’il va m’envoyer deux militaires français. Ils arrivent et je leur fais lire ma lettre. Ils me disent : - « Ne sortez plus d’ici, n’allez pas en ville avant trois mois. Car ils veulent vous couper la tête. Allez seulement à la cathédrale, à la Mission et à l’école ». Et c’est ce que j’ai fait. Ce réfugié tutsi connaissait bien toutes les maisons de ses compatriotes et leurs horaires aussi. Il était revenu pour tuer ses frères. Un soir, vers 17 h 30, 18 heures, à la tombée de la nuit, trois militaires sur une moto. Ils s’arrêtent devant la maison d’un des réfugiés qui venaient d’être libérés. Ils l’appellent : « Viens chercher un courrier urgent pour toi ». Il ne sort pas, mais sort seulement sa tête pour voir. Mais deux militaires 70

armés lui tirent dessus et l’abattent. ! Stupeur dans le village. Le réfugié est mort, tué par son frère. A partir de cette date-là, tous les hommes réfugiés dorment dans les arbres et changent d’arbres chaque nuit. Le Haut Commissariat aux Réfugiés Un matin, deux Français arrivent à l’école. Ils sont en costume, et cravates. Après les avoir salués et fait entrer au bureau, je leur demande : - « Avez-vous des enfants dans cette école ? - Non, nous sommes du H.C.R. (Haut Commissariat auprès des Réfugiés) et nous venons faire une enquête sur les réfugiés qui sont au port ». Je leur dis : « Le bureau du H.C.R. est en ville ? » Ils répondent : - « Nous sommes allés avec le représentant du H.C.R, mais nous avons été refoulés par les policiers. C’est pourquoi nous sommes venus vers vous ». Je leur dis : - « Laissez-moi réfléchir deux minutes. Où logez-vous ? - Au centre d’accueil. - Alors, retournez là-bas. Ôtez vos costumes, habillezvous en short et en T-shirt et sandales. Quant à moi, je vais faire un saut en ville pour acheter de la nourriture : lait, sardines, savon, sucre, riz et vous venez m’attendre ici, à l’école ». Après avoir fait les achats, je leur demande de monter dans la voiture (ma vieille R.5. a 35 ans), de se mettre à l’arrière et nous voilà partis vers le port. Je suis seule devant et nous arrivons au barrage. Les policiers me demandent : - « Où allez-vous ma sœur ? - Vous le savez bien je viens apporter de la nourriture pour les réfugiés - Et ces blancs ?

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- Ils viennent m’aider à porter les cartons qui sont trop lourds, je n’ai plus de force. - Bon, allez-y ». Nous avançons un peu. Nous descendons de voiture et les deux hommes portent les cartons. Je leur indique le chemin et je reste là, car les policiers arrivent. Nous parlons de tout et de rien ; puis ils commencent à s’impatienter. Je leur dis : « Patientez un peu. Vous savez je n’ai pas apporté beaucoup de nourriture par rapport au nombre de personnes et il faut être juste et que chacun reçoive un peu de nourriture ». Puis j’attire leur attention sur un bateau qui est sur le fleuve… et enfin, les deux hommes arrivent. Je leur ouvre la portière et nous partons. Ils ont l’air satisfait : ils ont pu enquêter sur la situation des réfugiés rwandais. Mais c’est quand même un peu fort que le H.C.R. ne puisse pas faire son travail et que la petite paysanne du hautDoubs doit le faire à sa place.

4- Les adoptions d’enfants A un moment donné, j’ai réussi à faire adopter une petite fille. Elle se trouve en Franche-Comté et elle est très heureuse ainsi que sa famille d’adoption. Ce n’est pas une chose facile à faire. Il m’est arrivé de suivre des adoptions et de dénoncer les faits de cette personne qui servait d’intermédiaire. Voici ce que j’ai écrit le 28 décembre 2008 : « Madame la Présidente de Rayon de soleil28, Par la présente lettre, je viens vous faire part de ce que j’ai constaté d’anormal, à propos du centre ‘Rayon de soleil’ à Bangui.’ Les parents adoptifs vous feront sans doute part de ces remarques. Il semble qu’il n’y avait aucun suivi médical dans L’association Le Rayon de Soleil de l’enfant étranger a été créée en 1976 et autorisée, en juillet 1978, à servir d’intermédiaire pour l’adoption des enfants mineurs originaires de pays étrangers.

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ce centre. Les vaccinations n’ont pas été faites en temps opportun. Certains enfants n’avaient eu que deux vaccinations. Aucun médecin centrafricain n’a été mis en contact avec les parents adoptifs pour leur faire part de l’évolution de l’état de santé des enfants. Tous les enfants étaient mal nutris, parasités, pleins de gale et anémiés. Le petit Rémi était sur le point de mourir, totalement anémié. Il n’a pas pu prendre l’avion au bout d’une semaine. Agé de trois ans, il en paraissait un an et demi ! Lorsque le premier groupe de parents s’est présenté au centre, il n’a rencontré aucun enfant du deuxième groupe… Où se trouvaient ces enfants ? Ces responsables ont également réclamé de l’argent, soidisant pour permettre le départ plus facile. Les parents adoptifs ont dû envoyer des caisses, des cartons de vêtements et même de l’argent pour l’entretien des enfants. Or aucun enfant ne portait ces vêtements envoyés. Sur les photos envoyées, les enfants se trouvaient devant une belle maison. En réalité, ils logeaient dans une maison en parpaings de terre, sans eau ni électricité, habillés de haillons. C’était insalubre comme dans un bidonville ! Malgré les réclamations des parents adoptifs, aucun dossier complet ne leur a été fourni. D’où venaient ces enfants ? Etaient-ils orphelins de père, de mère ? Depuis quand ? A quel âge étaient-ils venus au centre ? Ils ne possédaient pas de vrais actes de naissance. Madame Marion Mounon a dit à chaque parent : « la prochaine fois, si vous voulez adopter des enfants, ne passez pas par l’association, mais directement par moi. » Le 28/12 /2002, j’adressais une correspondance à la responsable de Rayon de Soleil, en France : « Suite aux deux vagues d’adoption organisées par votre association ces derniers jours à Bangui, je voudrais vous mettre en garde quant aux conditions dans lesquelles les

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enfants adoptés ont été pris en charge par votre antenne centrafricaine. Les parents adoptifs ont dû vous en faire part à leur retour et vous connaissez sans doute certains détails. Au-delà du fait que les enfants ne sont pas pris en charge comme il se doit, cela dénote un manque total de conscience de la part des responsables centrafricains ce qui pourrait directement se retourner contre votre association pour trafic d’enfants. En effet, l’adoption internationale est encore balbutiante en Centrafrique et il est hasardeux d’engager des procédures d’adoption si toutes les règles humanitaires de survie ne sont pas respectées. Il semble que le Consul de France soit alerté de ces dysfonctionnements, sans peut-être en connaître les détails. Comme il est absent en ce moment, j’attends son retour pour vous adresser une correspondance plus officielle sous son couvert. Dans cette attente, je vous prie d’agréer, madame la présidente, l’expression de mon profond respect ». Pendant un certain temps, je suis restée en contact avec les parents adoptifs. Une famille a eu de très gros problèmes avec les deux enfants : un garçon soit disant de cinq ans (il en avait dix ou onze) et sa sœur. Un jour le garçon dit : - « Je veux retourner chez mes parents ! - Tu sais bien que tu n’as plus de parents. - Mais répond le gamin, j’ai mes parents à M’Baïki. Ils m’ont dit : va en France, tu vas revenir avec des diplômes et nous aurons beaucoup d’argent. Et d’ajouter, ce n’est que deux jours avant notre départ que nous sommes venus à Bangui ». * Un jour, R.F.I. a débarqué à Bangui pour l’enquête. Je les ai reçus à l’école e je leur ai expliqué cette vaste magouille ! * Lorsque les parents adoptifs arrivaient à Bangui, je les voyais souvent. Nous échangions sur le pays, sur l’éducation, 74

les habitudes, etc. Un couple allait adopter deux enfants. Ils étaient très contents, eux qui avaient parcouru plusieurs continents, en vain. Ils étaient ravis, à tel point que l’homme a « disjoncté ». En fin d’après-midi, il est entré dans la chapelle du centre d’accueil et s’est enfermé. Il a commencé à crier, crier sans s’arrêter. Les sœurs affolées ont appelé le médecin français et son adjointe camerounaise. A la nuit tombante, à 18 heures, je suis allée voir ce qui se passait. Le médecin m’a dit qu’il faudrait pouvoir lui donner deux comprimés pour le calmer. Eux, lui et la Camerounaise ne pouvaient pas le faire, parce qu’il allait se douter de quelque chose, mais que moi, qui m’y connaissais un peu, je pourrais lui faire avaler les comprimés, sans problème. Tous les gens de passage s’étaient retirés dans leur chambre. J’arrive à la chapelle, je l’appelle et lui demande de m’ouvrir. Je tiens les comprimés de la main gauche et un gobelet d’eau de la main droite. Je lui parle doucement. Il me dit de partir, il sait ce que je viens faire, me dit-il ! Je continue à lui parler gentiment. Il semble réfléchir. Il m’arrache les comprimés de la main et les jette dehors, il prend le gobelet d’eau et le vide sur ma tête en disant : « je te baptise » et il ferme la porte derrière moi ! Je vais rendre compte au médecin. Il dit qu’il faut absolument lui faire une piqûre. Je lui fais comprendre que ce n’est pas mon travail. J’ai appelé trois ou quatre hommes qui étaient de passage. Je leur ai dit : « Venez avec moi, je vais lui faire ouvrir la porte, je me retirerai en vitesse et vous l’attraperez. Entre temps, il avait renversé l’autel et toutes les chaises et il hurlait de plus belle.. » Les hommes se sont mis de chaque côté de la porte. Je l’ai appelé doucement, gentiment et finalement il m’a ouvert. J’ai reculé en vitesse et les hommes lui ont sauté dessus et l’ont maîtrisé. Les courageux docteurs lui ont fait une piqûre pour le calmer. Le lendemain, un petit avion l’emmenait sur le Cameroun, avant de regagner la France.

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5- La nature Mes animaux. J’ai toujours eu une attirance pour les animaux. Un jour, une personne m’a offert une petite antilope, « une Ouga29 », antilope naine. Elle venait de naître depuis quelques jours seulement : le cordon ombilical n’était pas encore détaché. Je la nourrissais au biberon et pendant les heures de classe, elle était enveloppée dans une serviette et elle passait son temps sur les genoux de deux petites filles. Elle était belle et très douce et bien vivante. Quand elle fut sevrée, elle passait son temps dans la cour ou dans ma classe de C.M.2. Elle aimait me lécher les mollets. Elle devait manquer de sel. Elle avait sa petite case où nous la mettions à midi et le soir pour la nuit. Tout se passait bien. Tout le monde connaissait et aimait Bambi. Un jour en revenant l’après-midi, à14 heures, Bambi n’était plus là. Le gardien avait oublié de l’enfermer. Il l’a cherchée en vain. Je suis allée emprunter la voiture de la Mission (car je roulais en mobylette) et j’ai commencé à faire le tour de la ville, sans succès. Finalement, je suis allée voir le Directeur général de la police qui connaissait bien Bambi. Sa fille l’avait gardée pendant des heures sur ses genoux. Il a commencé à appeler dans les commissariats et finalement, elle était dans l’un d’eux. Descendant le long de la cathédrale, elle avait suivi le chemin et au croisement, elle avait été attrapée par les policiers. L’un voulait la tuer et la manger, l’autre voulait la garder et le troisième l’a prise et l’a déposée au commissariat. C’est là que je l’ai retrouvée, les pieds sauvagement enlacés par une corde. Tout le monde était heureux de revoir Bambi. Elle a vécu encore de nombreuses années, mais malheureusement au retour d’un de mes congés, elle n’était plus. (Le gardien l’avait tuée et mangée). 29

‘ouga’ est le nom banda d’une variété de céphalophe.

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Pour combler ce vide, une autre personne m’a offert un petit cabri. Je l’ai appelée Gypsy. Elle était toujours dans la cour de l’école, mais elle mangeait les fleurs. Je l’ai gardée longtemps, puis un jour, elle est morte de vieillesse. Puis j’ai eu une chienne, berger allemand, très intelligente. Bonne gardienne. Lassy était très belle et faisait bien son travail. Longtemps elle a fait ma joie et m’a laissée Dolly. Cette dernière n’a pas vécu longtemps. J’avais donné plusieurs chiots de Lassy, dans les Missions. A la mort de Dolly, une famille m’a donné un chiot berger allemand, mais pure race, que j’ai appelé Barry. Il était de toute beauté et très grand, toujours à mes côtés et d’une obéissance exemplaire. Mais comme tous les chiens de race, il n’a pas supporté le climat et pas de vétérinaires assez compétents pour le sauver de la mort à dixhuit mois seulement. Heureusement, j’ai pu récupérer Jody, petite fille de Lassy. Comme cette dernière, elle était fort intelligente. Elle a fait de beaux chiots. La dernière portée, elle n’avait que deux chiots. J’ai appelé le vétérinaire lui demandant de lui faire une piqûre, car il restait des bébés dans le ventre. Il a refusé, disant qu’il repasserait le lendemain. Quand je suis arrivée le matin à 5 h 30, elle m’attendait pour mourir dans mes bras. Toute la journée je suis restée enfermée au bureau pour la pleurer. Jamais plus ce vétérinaire incompétent n’a remis les pieds ici. Sur les deux chiots survivants, le mâle est mort le lendemain et il ne restait que la petite Je l’ai élevée au biberon, couchée dans une corbeille et recouverte d’une couverture. Elle n’avait que quatre ou cinq mois, lorsque je l’ai abandonnée pour aller en congé de trois mois. Pendant ce temps, elle n’a pas vu un seul visage pâle (un blanc). A mon retour, elle ne me reconnaissait pas. Il a fallu que j’aille chercher ma voiture et que je la fasse monter dedans pour qu’elle me reconnaisse. Mais quand elle voit un blanc, elle n’est pas contente. Elle aboie beaucoup. En plus des chiens, il y a toujours eu à l’école des chats, surtout des siamois. Ce sont d’excellents chasseurs. J’ai tou77

jours aimé les beaux chats. Souvent, dans la journée, leur place est sur mon bureau comme presse-papier. C’était toujours une entente parfaite avec le chien. Ils mangeaient dans la même assiette, le chat tétait la chienne et ils se faisaient leur toilette mutuellement. Incroyable, mais vrai. A la Mission, nous avons eu des chats très beaux : des chartreux, aux longs poils gris cendré. Qu’ils sont beaux, doux et calmes ! Je ne me lasse pas de les regarder de les admirer, de les aimer. Lorsque nous habitions au quartier, un ami nous avait offert un singe, un « Colobe Géréza » que l’on appelle « manteau blanc ». C’est une race très protégée. Le chasseur avait tué sa mère le lendemain de la naissance du bébé. Nous l’avions appelé Doudou. Nous lui mettions des couches et des brassières. Il était si fragile. En grandissant ; il est devenu très intelligent, très malin aussi. Pour les repas, il se mettait au bout de la table. Il tenait sa petite tasse des deux mains et il buvait comme nous. Lorsque nos devions sortir sans lui, il se fâchait. Je le mettais au-dessus de la moustiquaire pour le bercer et pensant qu’il dormait, je partais, mais il avait rejoint la sortie avant moi ! Restant seul, il montait au-dessus du meuble et il croisait les bras et quand nous arrivions, il ne voulait plus descendre, il boudait ... Il aimait beaucoup se promener en voiture.

6- Jubilé et départ de Centrafrique - Le Jubilé Samedi 2 juin 2007 Cinquantième Anniversaire de vie religieuse de Sœur Milou « Lorsque sœur Milou m’a demandé de présider à cette célébration, je me suis demandé ce que je pouvais partager. Je me suis mis à penser, à réfléchir, à prier. Et je voudrais commencer par rappeler une histoire. C’est l’histoire d’un 78

prêtre, d’un religieux que je ne connais pas, que je ne connaîtrai certainement pas ! Il s’agit du prêtre, du religieux le plus vieux du monde. Il habite en Chine continentale. Son histoire est très simple. J’en rappelle quelques traits. Il s’appelle : Père Nicolas Kao Shi Qian. Mais croyez-moi, il n’est pas si K.O. que ça. Après trente-neuf ans de ministère sacerdotal dans son diocèse, voilà qu’il décide de devenir moine. Il regagne la communauté des moines trappistes. Il avait 75 ans. Il a prononcé ses vœux perpétuels à l’âge de cent ans, en 199730 ! Lorsqu’on lui demande son secret, il répond en disant : « Je ne fume pas, je ne m’énerve pas, je ne bois pas, je ne mange pas trop, je n’arrête pas de prier, je n’arrête pas de faire du sport, je me couche et me lève tôt ». Montrant son chapelet, il ajoute : « Le chapelet m’accompagne depuis bientôt soixante-quatorze ans. Tous les jours, je récite de nombreuses fois le chapelet. Ma Maman Marie a peut-être pensé que je suis un fils obéissant alors elle a intercédé pour m’accorder une longue vie devant Jésus ». Et à la question comment il a fait pour vivre si longtemps, il répond qu’il n’a rien fait, que tout est grâce ! Père Kao dit qu’il mange peu. Mais je ne suis pas certain qu’il résisterait à la tentation d’un bon fromage franccomtois ! Magnificat anima mea Dominum et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo : Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit exulte en Dieu mon sauveur. (Luc 1 46-47). « Mon Dieu, je veux te rendre grâce et te louer, je veux bénir le Nom du Seigneur » (Ben Sira le Sage 51,12). Voilà deux textes qui encadrent l’Action de grâce pour le don de la vocation à la vie consacrée. Ce sont deux expériences bien différentes distantes dans le temps. La première, c’est Marie de Nazareth, dans sa jeunesse lorsqu’elle accueille dans sa vie « le risque de Dieu ». Dans Il est mort à l’âge de 110 ans, le 11 décembre 2007. Baptisé en 1915, il avait été ordonné prêtre en 1933.

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l’accueil réciproque de l’autre, le chant de joie monte du cœur : Magnificat anima mea Dominum. La deuxième, c’est l‘expérience de l’homme mûr au seuil du coucher du soleil : Jésus Ben Sira, un scribe, qui unit l’amour de la sagesse à celui de la Loi, dont la liturgie nous propose les versets du dernier chapitre de son œuvre. Sa prière est une prière d’Action de grâce pour le don de la sagesse. Entre la jeunesse de Marie et l’âge adulte de Ben Sira, un trait d’union commun : la confiance que rien n’est impossible à Dieu Marie de Nazareth a été témoin de grandes transformations dans son cœur d’abord, et ensuite dans le cœur de toutes celles et de tous ceux qui se sont mis à l’école de Jésus de Nazareth. Ben Sira31, quant à lui, a été aussi témoin de grandes transformations, mais il a surtout conseillé et éveillé le goût pour la sagesse divine. Tout comme Marie de Nazareth et Jésus Ben Sira, bien que sur un plan bien différent, Milou, tu as été témoin des transformations sociales, politiques survenues en R.C.A. Mais pas seulement. Je pense que les transformations les plus belles dont tu as toujours été témoin, ce sont celles d’avoir vu grandir et s’épanouir des générations entières de jeunes enfants de l’école Sainte-Thérèse et des adultes qui se sont approchés de toi cherchant conseil, soutien ou tout simplement une oreille attentive pour les écouter. En fait, c’est cela un trait important de la vie consacrée : se rendre disponible à écouter les palpitations d’un Dieu qui fait irruption dans la trame que vivent les femmes et les hommes de toute génération et de toute époque. Nous confions à Dieu dans le sacrifice de cette Eucharistie toutes les personnes à travers lesquelles Dieu t’a « emboîté le pas » pour venir tout simplement, et à ta rencontre. 31 Ben Sira vivait un siècle et demi avant notre ère, auteur de l’Ecclésiastique.

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La conscience d’avoir été choisi par Dieu devient force quotidienne pour aller toujours au-delà au fil des semaines, des mois, des années. (Une année est composée de douze mois, 52 semaines, 365 jours. Faisons le compte : 50 ans = 600 mois = 2.600 semaines = 18.250 jours). Je ne voudrais pas donner des mauvaises idées à l’économe de ta communauté pour ne pas qu’elle se mette à faire le compte et d’arriver à savoir combien tu as coûté à la congrégation des sœurs missionnaires du Saint-Esprit, ces cinquante années durant ! Aujourd’hui, Sœur Milou nous invite à exulter de joie et à faire mémoire avec elle. Cinquante ans de vie consacrée dans la famille des sœurs missionnaires du Saint-Esprit. Cinquante ans aussi de vie communautaire. Mon Dieu que ce n’est pas facile ! N’est-ce pas ? Je voudrais encore, si vous me le permettez, prendre deux images afin d’illustrer ce que nous vivons. La première image est celle de la montagne. Oui, la vie consacrée est une montée. Une montée sur la montagne de la transfiguration. Cette montagne, tu l’as déjà commencée, il y a de cela 50 ans. Gravir progressivement marche après marche tout en étant tenté de revenir en arrière, car parfois la fatigue et les épreuves, pour ne pas dire les croix, se font sentir ! C’est comme si là on a oublié de dérouler devant toi le tapis rouge, style festival de Cannes. A cela s’ajoutent parfois aussi les nuits obscures et les jours de grisaille. Mais tout cela s’évapore à la rencontre d’un sourire, d’une main amie qui renouvelle la confiance et l’envie de jeter encore un regard vers le sommet de la montagne. Continue donc à gravir la montagne. La deuxième image est celle de la plaine. Sur cette montagne de la vie consacrée, au point où tu en es, tu nous invites à jeter, avec toi, un regard sur la plaine. Un regard de reconnaissance. Ce que tu vois, nous ne le voyons pas. Non parce que nous serions atteints de myopie ou d’un certain stigmatisme aigu. C’est tout simplement parce que Dieu seul 81

regarde la profondeur du cœur. Et là, il y a une certaine complicité entre toi et Dieu. Entre chacun de nous et Dieu. C’est un trésor ! Le trésor de souvenirs. Ne dit-on pas que le cœur d’une femme est un océan immense de secrets ? (« Marie gardait fidèlement toutes ces choses dans son cœur ». (Luc. 2, 51). Là aussi, continue à regarder sur la plaine de ton histoire, tu y trouveras encore des traces de ton Dieu. Les multiples visages rencontrés venant d’horizons bien divers et qui t’ont fait découvrir la présence de l’Invisible. Sœur Milou, si j’ai accepté, sur ta demande, de présider à cette Eucharistie c’est pour manifester ma reconnaissance et me faire le porte-parole de toutes celles et tous ceux qui sont ici présents et te dire tous ensemble en gros caractères, MERCI ! MERCI pour ce que tu es, ce que tu fais, ce que tu signifies pour nous. Bon jubilé d’or ! Père Victor-Hugo Castillo ». La Messe se célébrait en plein air. Au moment de la Communion, l’orage est arrivé et la pluie est tombée très fort, chacun essayait de trouver un endroit où se protéger. C’est ainsi qu’au moment du repas, il n’y avait plus de protocole. Le repas a été très sympathique comme cela. Ce n’est que vers les 15 heures que la pluie a cessé et j’ai pu dire deux mots aux amis, comme témoignage : « Cinquante ans de vie consacrée, c’est le moment de faire une pause, de contempler le paysage, de regarder le chemin parcouru. De réfléchir et de repartir avec plus de Foi, d’élan, de conviction que le Seigneur nous aime. Un coup d’œil en arrière : Un an à Paris, huit ans à Saint Charles, quarante et un ans à Sainte-Thérèse. Vie active : les enfants à l’école, les parents à visiter, les mouvements de jeunesse, les colonies de vacances, etc. En 1994. J’ai été bouleversée par l’arrivée des réfugiés rwandais. Les portes de l’école se sont ouvertes pour scolariser gratuitement soixante-quinze enfants. 82

Je fus vraiment choquée, complètement saisie par ces gens à la dérive, sans nourriture, sans rien, sinon leur cœur et leur intelligence. Ces années sont comme un cadeau merveilleux dans ma vie. J’ai vu des gens anéantis se remettre debout, inventer mille activités pour survivre. J’ai vu les enfants grandir, occuper les premières places en classe. Et je reste là pour les écouter, les aimer, les protéger, les défendre. En 2003, un nouvel appel : l’Association Mama Thérésa32 : les orphelins du SIDA et les femmes infectées. Il faut aider, écouter. J’ai beaucoup appris en regardant ce jeune prêtre : Père Gustave Chisenga, animateur, travailler et aimer les pauvres. Il y a quelque temps j’ai rencontré un prêtre que je ne connaissais pas. Je n’avais jamais échangé avec lui. Je lui ai remis l’invitation pour le jubilé et ce jour-là il m’a dit : « Cinquante ans ! Dites-le en une phrase ! » J’ai réfléchi une minute et j’ai dit : « La Joie ! » J’aurais pu ajouter « l’Amour, la Miséricorde du Seigneur pour moi ». J’aurais pu ajouter encore que ces réfugiés que je porte dans mon cœur m’ont appris la confiance sans borne en la Vierge Marie et en la petite Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus. Dans les moments difficiles, mes jeunes frères étaient là. Ils m’ont aidée et m’aident encore, ils me conseillent et m’accom-pagnent, jusqu’à ce jour. Leur Amour du Seigneur, leur vie missionnaire sont un vrai témoignage qui m’encourage à aller de l’avant. Il y a aussi cette jeunesse que j’ai formée, aimée. Elle fait ma joie. Joie d’avoir réalisé mon rêve d’enfant : d’aller en Afrique et, qui plus est, d’aller en Oubangui-Chari, là où se 32 Association créée en 2002 à Begoua par un prêtre des Missions Africaines de Strasbourg, originaire de Zambie, le Père Gustave Chisenga Mukosha. L’objectif est d’aider les femmes vivant avec le VIH/SIDA et de s’occuper des orphelins. L’association porte le nom de Mama Theresa d’après le nom de la Mère Thérésa. Un reportage de France 2 a présenté son travail en liaison avec celui de Sœur Paulette Petit.

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trouvait Monseigneur Cucherousset, premier archevêque, qui est venu m’attendre au pied de l’avion un certain 16 septembre 1958. Joie et remerciements de vous voir tous ici, mes amis. Oui, qu’il est bon d’avoir des amis. Merci de votre amitié, de votre aide et de vos prières ».

- LE DÉPART : Bangui le 21 Mai 2016 Discours d’adieu. Qu’il est beau, qu’il est doux pour des frères d’être ensemble et d’être unis. Révérende Sœur Paulette Petit, Chers parents, chers frères et sœurs, distingués invités, bonjour ! Voici une communauté qui se rassemble ; chose rare, mais qui témoigne toujours et toujours de son unité comme le dit l’allocution introductive. Révérende sœur Paulette Petit, le sens élevé d’humanisme, qui a caractérisé votre personnalité, nous a tous suscités à la nouvelle de votre visite éclair de vous témoigner, aux souvenirs de vos bienfaits, notre gratitude. C’est dans ce sens que je prends la parole au nom du collectif rwandais ressortissant de l’école Sainte-Thérèse dont vous avez été directrice. En effet, si aujourd’hui un certain Révocat est capable de se frapper la poitrine et de s’enorgueillir de ses connaissances, il peut sans hésiter dire qu’il vous est redevable, car la gratuité de son éducation de base et la qualité de son apprentissage dans votre école, rend de vous responsable de sa formation sur tous les plans ou encore de Vanessa, Josiane, Aïcha, Merveille… qui sont capables de défendre leur identité intellectuelle grâce aux savoirs acquis. Révérende sœur Paulette Petit, nous ne pourrons jamais assez vous dire combien nous sommes reconnaissants en présence de nos parents ici et de vous comme entité de 84

notre formation à l’entrée de la vie estudiantine. Il serait souhaitable que tous ceux pour qui vous avez témoigné de la vie évangélique soient ici présents pour vous dire par euxmêmes leur remerciement. Mais à défaut, nous tenons de leur part à vous remercier et seule l’histoire saura juger les événements avenir qui nous séparent ou qui nous lient. En dépit de vos bienfaits, vous avez supporté nos caprices, comme une mère c’est pourquoi nous tenons cette opportunité pour vous exprimer nos sincères pardons pour toutes les fois que nous n’avons pas répondu à vos attentes de succès et d’exemplarité. En outre, je pense que votre sens dévolu à notre service me donne l’audace de croire que désormais vous n’êtes pas seulement une mère bienfaitrice, mais une mère spirituelle et que vous devez savoir que vous avez des enfants qui attendent beaucoup de vos prières. Nous vous remercions pour la formation que vous nous avez permis d’avoir à l’école Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face et sachiez dès aujourd’hui que le proverbe Africain qui dit : « Un bienfait n’est jamais oublié » n’est plus une idée, mais une réalité. Pour finir, Révérende sœur Paulette Petit, nous vous souhaitons du plus profond de notre cœur la bénédiction de Dieu, la force qui vous permettra de répondre favorablement à la vocation pour laquelle vous avez été appelée dans l’Eglise et dans le monde, qu’il vous donne la santé du corps et de l’âme. Et s’il y a un mot qui résumerait l’affection d’un enfant envers sa mère et qui témoignerait sa gratitude se serait de vous dire : merci ! merci ! merci ! Pour le reste nous vous souhaitons une bonne Mission et un bon voyage. Au revoir ! Adieu à la R.C.A. Mot de circonstance de la communauté rwandaise - burundaise à l’occasion d’un goûter et d’une cérémonie de gratitude à la révérende sœur Paulette Petit. 85

« Sœur Paulette Petit, C’est pour toute cette assemblée ici présente une occasion plus précieuse que l’or et l’argent de noter encore une fois votre présence très souhaitée. En effet, qui pouvait imaginer parmi nous tous qu’un moment de joie très intense comme celui de vos anniversaires pourrait être vécu avec vous aujourd’hui ? C’est une occasion de dire cette belle histoire qui a associé très positivement votre vie aux nôtres depuis l’année 1994 à ce jour. (Merci à Dieu de l’avoir accepté). La plupart des réfugiés ou ex-réfugiés rwandais le répètent et le disent encore. Tout comme nous n’avons pas pris un temps de nous asseoir et choisir la R.C.A., c’est Dieu qui nous a guidés vers votre bienveillant cœur de mère, de grand-mère ? Nos soucis et nos peines vous ont préoccupé plus qu’à nousmêmes parfois. Quand des arrestations arbitraires de certains de nous ont eu lieu, vous n’avez ni sommeillé ni dormi jusqu’à ce que le réfugié arrêté soit mis en liberté. Quand nos enfants n’avaient pas de bonne école où aller en sécurité, vous nous avez manifesté un accueil sans nul autre pareil. Lorsqu’un emploi rémunéré manquait à certains, vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir pour aider. Révérende sœur, Chers frères et sœurs, Il y a des bienfaits parfois si parlants que des expressions de gratitude sont très faibles pour témoigner de la reconnaissance. Dieu nous a donné une Mère, une grand-mère que nous n’oublierons jamais. La seule chose que nous pouvons, c’est de confier à Dieu votre cœur aimant à Dieu qui vous a donné à nous. Que cette photo de la famille que vous avez tant aimée, sœur Paulette reste devant Dieu ! Nous pouvons dire avec une entière assurance : la félicité de Dieu est pour vous. Je vous remercie.

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Ce que je crois Conférences, exposés 1- L’Ecole Sainte Thérèse Créée en 1933, à Bangui, capitale de la R.C.A, ancienne colonie française de l’Oubangui-Chari, l’école Sainte-Thérèse est la première école de filles du pays, un des plus anciens bâtiments. Mais elle garde toujours un air de jeunesse, grâce à ses nombreux parterres de fleurs et au soin que lui apporte l’équipe enseignante. A l’origine elle accueillait en priorité les élèves catholiques, mais au fil des ans elle s’est ouverte à toute dénomination religieuse : protestants, musulmans. Du côté humanitaire, elle a su accueillir, en 1994 soixante-quinze réfugiés rwandais, les scolariser, leur donner les fournitures scolaires et les habiller. Jusqu’à ce jour, ils ont toujours été acceptés gratuitement. Aujourd’hui, nous en comptons quatre-vingt-huit. Parmi les enseignants, nos avons cinq réfugiés, plus le personnel d’appui ainsi que les professeurs de : musique, solfège, dessin, informatique et bibliothécaire, comptable et couture. Suite à cet accueil des réfugiés, l’école avait émis l’idée de promouvoir un programme destiné à éveiller chez lez élèves l’esprit de cohabitation pacifique et de tolérance mutuelle. Cette initiative avait retenu l’attention du Bureau des Nations Unies pour la Centrafrique (BONUCA) qui a appuyé l’école moralement pour pouvoir développer davantage d’activités en faveur de la paix dans le pays.

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Sur les conseils de l’UNESCO, nos avons mis en place des « Ambassadrices de la Paix » qui ont joué un rôle important en faveur de la cohabitation pacifique entre les individus. Ce groupe de fillettes avait mené des campagnes de sensibilisation dans les différents établissements scolaires de la capitale centrafricaine sur les divers sentiments humains qui empêchent les êtres humains de vivre pacifiquement : la haine, la jalousie, l’intolérance, l’ethnocide, le tribalisme, le régionalisme, la xénophobie ; etc.… Education de la jeune fille en Centrafrique. Quand on aborde le problème de l’évolution de la société, on évoque implicitement la place qui revient à la femme en temps qu’élément dynamique dont l’apport est déterminant dans cette évolution. Celle-ci serait harmonieuse et équilibrée si le rôle qu’assume la femme est positif, complémentaire de celui de l’homme. Sinon les tares, telles que l’inégalité, la primauté de la force sur le droit, la discrimination liée au sexe sapent le fondement de la société et l’affaiblissent dans ses structures. Pour jouer positivement son rôle social, la femme doit y être préparée dès son jeune âge, être formée par rapport au milieu où elle vit. D’où l’importance de l’éducation de la jeune fille, appelée à assumer demain la triple mission de mère de famille, de maîtresse de maison et de bonne citoyenne. En tant que future mère, la jeune fille doit être préparée à la fonction de procréation par une parfaite connaissance de sa morphologie et des soins à y apporter. En tant que maîtresse de maison et future citoyenne, elle doit acquérir des connaissances appropriées à cet élément dynamique de la Société dont nous parlions tantôt. Cette double fonction fait d’elle l’égal de l’homme, point de vue de la pérennité de la famille et de l’évolution continue de la société. C’est dès son jeune âge que la fille doit être prise en main, au même titre que le garçon, pour recevoir une éducation à 88

la fois intellectuelle, familiale et sexuelle. Chez la fille plus que chez le garçon, cette trilogie de l’éducation est fondamentale, car elle intègre tous les aspects de l’être et de son devenir. Education sur le plan familial. Encouragée moralement par les partenaires au développement, nous avions organisé la journée mondiale pour la prévention des conflits dans les locaux des Affaires étrangères en décembre 2004 : beaucoup de participants ont suivi avec attention et intérêt les conférences-débats dirigées par les ambassadeurs de la Paix que sont les filles de l’école Sainte-Thérèse, appuyés pare les enseignants du dit établissement. Cela lui a valu une reconnaissance de la part du gouvernement centrafricain et de l’ambassade de France à Bangui. L’équipe des enseignants et des élèves organise des manifestations culturelles à l’endroit des autorités politiques, à l’Assemblée nationale… avec des présentations de sketches, de chansons, sur le respect des Droits de l’Homme. L’école a été reconnue officiellement comme « Ecole pilote des Droits de l’Homme et de l’Enfant, par les Nations Unies, en l’an 2001 » L’école espère qu’avec le concours des partenaires nationaux, elle pourra atteindre des objectifs et aussi contribuer d’une manière plus efficace, à former les citoyens de demain, digne et responsable, capable de relever le défi de la pauvreté, du sida et du sous-développement. Ainsi avec l’aide de la MINURCA (Mission de Nations Unies en Centrafrique), de médecins du monde et d’autres partenaires, l’école a mis en œuvre un vaste programme de sensibilisation et de formation dans divers domaines Education intellectuelle de la jeune fille. La législation de la République centrafricaine accorde une égalité de droit et de chance au garçon comme à la fille. Pour 89

accéder aux sources du savoir, aucune discrimination n’est autorisée, et l’Etat se porte garant d’assurer l’éducation des filles et des garçons dans les mêmes conditions de traitement. Cependant dans les faits, la mise en œuvre de l’éducation des filles requiert des dispositions supplémentaires, qui tiennent compte de l’environnement social et familial, de la nature même du sujet, des objectifs à atteindre. Si on ne se penche pas sur l’éducation intellectuelle des filles, on voit qu’il y a d’une part des obstacles, des freins, cause des échecs et des déperditions, et d’autres parts des réussites liées à divers facteurs. S’agissant des obstacles et d’échecs les premières causes viennent d’une mauvaise fréquentation scolaire, d’un manque de volonté et de motivation, d’un relâchement du rôle des parents, des difficultés matérielles et / ou financières soit liées aux salaires, soit à la conjoncture du moment, ou tout simplement d’excès des travaux domestiques à la maison finit par ôter chez l’enfant tout goût pour le travail scolaire. Toute concentration, toute motivation. Tout pousse à la recherche d’une vie facile, à la débauche, à la prostitution précoce. Toutefois, il convient de noter que les deux dernières décennies ont vu une nette émergence de la promotion des filles, aboutissant à une classe de femmes centrafricaines d’un rang social digne de considération. A certains niveaux, les filles rivalisent d’égal à égal avec les garçons, tant dans le secondaire général, le technique et le supérieur. Des progrès notoires sont notés par-ci, par-là dans divers milieux socioprofessionnels où on trouve des femmes à de hauts postes de responsabilité : médecin, radiologue, sage-femme, infirmière, universitaire, avocate, architecte, directrice de société, secrétaire, etc. et Lions club féminin sont une belle illustration de la réussite de nos jeunes filles. Ce sont là des raisons suffisantes de motivation pour nous mobiliser encore davantage dans l’effort d’éducation de 90

nos jeunes filles. Nous ne devons pas baisser les bras devant les aléas de l’environnement, mais au contraire mobiliser les énergies nécessaires pour briser les contraintes. Les instances de décision du pays doivent initier et promouvoir une politique éducative pertinente et dynamique en faveur des filles. Des efforts constants doivent être engagés pour maintenir une courbe ascendante de l’éducation intellectuelle de la jeune fille. Les programmes de cette éducation doivent certainement réserver une place spéciale à la notion et au concept de respect mettre en évidence la réalité qu’elle recouvre dans la vie de tous les jours. Nous pensons ici : Au respect de soi-même, au respect de l’autre Au respect dans les relations entre individus, Au respect de la pensée et de l’opinion de l’autre, Au respect de la parole donnée, Au respect des réactions du prochain, Au respect de l’environnement, c'est-à-dire, de la nature, des animaux, du matériel de travail, etc. Au respect des lois et du règlement établis, Au respect des institutions du pays. Tous ces respects bien observés aboutissent à la Paix, au Pardon, en un mot à la construction d’une société humaine et harmonieuse. Education à la Paix. A l’école nous attachons une importance particulière à ce respect, à la culture de la Paix. L’éducation à la paix a pour but de transformer les mentalités Les crises militaro-politiques à répétitions qu’a connues la République centrafricaine ont eu des effets pervers sur la population. Les effets collatéraux de ces conflits ont entraîné : - d’importants mouvements des populations, notamment dans les zones où ils ont été intensifs, - la séparation des familles, 91

- le morcellement t des quartiers, - l’incompréhension des voisins, - le traumatisme moral des enfants. Ce changement de mentalités et des comportements n’a pas épargné le milieu scolaire. On a constaté qu’au sein d’une même classe, les élèves, qui jusque là fréquentaient dans un climat d’amour et de fraternité, développent de nos jours l’esprit de division, la haine, la violence, la méchanceté, l’intolérance… bref, un comportement hérité des parents. Dans cet état de fait, notre école, en jouant pleinement son rôle d’éducatrice, a réagi, en premier lieu en promouvant une culture de la Paix et de la non-violence. Actions réalisées. - sensibilisation des enseignants par moi-même, puis par un intervenant extérieur. - participation de l’école à des séminaires de mobilisation des responsables d’éducation à la culture de la Paix, organisés simultanément par l’UNESCO et d’autres partenaires. - tenue d’une journée pédagogique au sein de l’école, regroupant les chefs de circonscription et d’établissements scolaires à l’issue de laquelle une leçon modèle a été présentée par l’un de nos enseignants. - intégration de la culture de la Paix dans notre programme d’enseignement - implication des élèves par l’élection des Ambassadrices de la Paix, dont la mission est de prévenir et de trancher les petits litiges inter élèves et qui sont chargées d’en rendre compte à l’administration de l’école. - mise en place d’une équipe de poésie, de sketches et d’une chorale en vue de sensibiliser le grand public. - Participation à un colloque organisé en partenariat avec le réseau « Foi, Culture et éducation » le 16 avril 2004 (journée mondiale de la Tolérance). Au cours de ce colloque, des

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prix ont été gagnés par les lauréats, suite à des jeux-concours (dessins, lettres sur le thème de la tolérance) - L’école a tenté de récupérer par la vulgarisation de la culture de la paix ses élèves, qui, à l’heure actuelle, partent et discutent de paix, d’Amour et de Tolérance, avec aisance. Le bilan des actions menées révèle que le programme a eu bel et bien un impact positif sur le comportement de ces futurs citoyens par le processus de sensibilisation. - Mais si les changements attendus ont été remarqués dans le comportement et les attitudes des élèves, la lutte devra être continue en adoptant de nouvelles stratégies d’action. Ainsi donc, de nouvelles perspectives méritent d’être envisagées. Perspectives d’avenir. - approfondir la sensibilisation au sein de l’établissement - élargir les activités en dehors de l’école - organiser des campagnes de sensibilisation sur la Paix à l’intention de la population civile dans les arrondissements, municipalités, communautés… Initier les enfants à la culture de l’amour par la lecture de bandes dessinées par des sketches pour limiter les dégâts de la violence. Une amie qui a travaillé à la croix rouge apportera son expérience De concert avec l’UNESCO, la MINURCA et le BONUCA, elle enseigne dans chaque matière les valeurs et les comportements sociaux essentiels. Tous les petits problèmes des enfants sont réglés par les ambassadrices de la Paix et débouchent sur le pardon l’amour fraternel. Nous faisons intervenir les hautes personnalités : Monsieur Diallo [Minurca], Madame Eliane Mokodopo [ministre de la Promotion de la famille, des Affaires sociales et de la Solidarité nationale en 1998] pour discuter avec les enfants des thèmes suivants, en un mot : changer les mentalités.. Ce sont des éducatrices en herbe, c’est-à-dire des élèves, qui sensibilisent leurs pairs au sein même de l’établissement, 93

dans les quartiers et les autres écoles sur la consolidation de la Paix et de l’unité nationale. C’est une vraie école de « Paix, de non-violence » au service de la communauté. Notre action, comme chacun le sait est la suivante : les enfants vont chanter la paix, la Tolérance, la non-Violence, l’Amour, le Pardon dans les lieux publics où les grands se réunissent. Ils ont un message à faire passer, pour toucher les cœurs. En résumé, tout l’enseignement est basé sur ces grands problèmes : RESPECT - PAIX. La non-Violence Suite aux nombreuses mutineries qui ont secoué le pays en 1996 ainsi que les crises socio-économiques qui en découlent, les habitants d’un même quartier qui s’entretuent, se livrent à des destructions des biens de leurs voisins, bref, aucun esprit de tolérance ou de pardon n’anime les esprits des gens : telle personne est du nord, telle autre est du sud ou de l’est, telle personne est de tel groupe ethnique, donc, il n’est plus mon frère ni ma sœur, etc. Ces actions ont permis aux enfants de prendre conscience du danger d’une guerre tribale qui guette la nation. Nous avons organisé la semaine de la non-violence, pendant laquelle les enfants ont sillonné la plupart des établissements scolaires privés ou publics de Bangui, où les enfants expliquaient à leurs camarades le bien-fondé de la nonviolence. Ils ont chanté la paix, la tolérance, la non-violence, l’amour, le pardon dans les lieux publics, où les grands se réunissent : Assemblée nationale, Affaires étrangères, etc. Ils ont un message à faire passer, pour toucher les cœurs. En résumé, tout l’enseignement est basé sur ces grands problèmes : Respect, paix. Au niveau familial, l’éducation de la jeune fille est liée à la vie, elle prépare la future mère de famille au rôle qu’elle sera appelée à jouer demain. Elle est complémentaire à 94

l’éducation qui se donne à l’école, en faisant aussi des parents les premiers partenaires du système éducatif national. Dans cette éducation, au plan familial, une place importante est faite à l’économie familiale, à la puériculture, à la cuisine, au jardinage. Education sexuelle Aujourd’hui quand on parle de l’éducation sexuelle, d’aucuns ne voient en premier lieu que la campagne contre les MST et la lutte contre le SIDA. La première image que l’on perçoit et celle des préservatifs et des démonstrations qui y sont liés. C’est là une erreur de jugement qui réduit à un seul point, quoique crucial, l’éducation sexuelle de la jeune fille, pourtant fondamentale parce que tout son avenir de femme en dépend. Certes, la prévention contre les MST et la pandémie du sida est primordiale à l’heure actuelle, mais elle ne constitue qu’une partie de l’éducation sexuelle dans son ensemble. Celle-ci est d’abord le respect. Respect de son corps et le respect de l’autre, la prise de conscience des soins à apporter à son corps. Savoir que c’est un bien précieux qui doit être protégé contre les agressions extérieures de tous genres. Il faut donc développer chez la jeune fille de meilleures dispositions mentales, et une conscience élevée de sa propre responsabilité vis-à-vis de son corps. Savoir que son corps lui appartient et que personne ne doit en disposer si cela ne vient de son tréfonds. Lutter contre les tentations passagères et savoir dire non quand il le faut. Non, aux relations inconsidérées et précoces, non à l’attrait de l’argent et au mariage forcé ou précoce. Avoir des réflexes défensifs nécessaires, sans quoi la jeune fille va à la catastrophe. L’éducation sexuelle est un processus qui a des exigences, ses méthodes, ses principes. Elle doit être conduite conjointement par l’école et la famille. A l’école, elle est intégrée au programme scolaire au même titre que les autres disciplines et est dispensée avec la 95

même rigueur et application, grâce à médecines du Monde. La théorie et la pratique doivent se combiner pour offrir un enseignement vivant et attrayant. Ne pas craindre de parler d’abord de respect, de fidélité, d’abstinence, de volonté. Après deux années de formation, l’évaluation s’avère vraiment concluante à l’école Sainte-Thérèse. Bien conduite, l’éducation sexuelle constitue le fondement de l’éducation globale de la jeune fille qui disposera d’un corps sain, favorable à l’épanouissement harmonieux de la personne. C’était dans les années 1960. Beaucoup d’enseignants étaient des Français, plus spécialement dans les lycées ou les collèges. Le lycée « Emile Gentil33 » [actuellement lycée Boganda] était dirigé par un Français. Un jour, un professeur est convoqué par l’inspecteur, accompagné de son proviseur. Un jeune est là avec son père : - « Monsieur, vous avez insulté cet élève ! » Surprise de l’enseignant : - « Non jamais je ne l’ai insulté ! » Et s’adressant au jeune : - « Qu’est-ce que je vous ai dit pour vous insulter ? » Le jeune dit : - « Vous m’avez dit de changer de branche. - Et alors, ce n’est pas une insulte. - Si, Monsieur, vous m’avez traité de singe, parce que ce sont les singes qui changent de branche ! » Cet élève ayant des problèmes pour suivre les cours, le maître lui avait dit de changer de branche ! ! ! Conclusion, il faut faire attention à ce que l’on dit. Je suis arrivée en Oubangui-Chari le 16 septembre 1958. C’était encore le temps de la colonisation, puis, j’ai assisté à 33 Emile Gentil (1866-1914) a remonté l’Oubangui et le Chari en 1895 ; il a participé activement à la chute de Rabah (1899-1900) ; il est commissaire général du Congo français en 1905. Son nom a été donné à un port du Gabon (Port Gentil) et au lycée de Bangui pendant la période coloniale.

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la naissance de la République le 1er décembre 1958, puis à l’Indépendance le 13 août 1961, puis à toutes les mutineries, les coups d’Etat, les grèves, j’étais toujours là. Il y a eu trois années blanches pour le pays : les établissements scolaires étaient fermés pendant des mois et des mois, donc pas d’examens à aucun niveau. Je pense qu’il est bon d’être solidaires et de faire aussi la grève. Les revendications étaient fondées : de nombreux mois d’arriérés de salaires, les bourses universitaires ne sont pas payées. Au bout d’une semaine, je m’aperçois que ces grèves prennent une allure politique, alors j’appelle mes enseignants volontaires et leur demande de reprendre le travail sans salaire. Ils acceptent. C’est ainsi que nous nous attirons la foudre des syndicats. Chaque samedi, ils se réunissent et le lundi, je reçois de leur part un coup de fil. Ce ne sont que des menaces : - « Nous allons venir chasser vos élèves, nous allons saccager l’école, la brûler, vous taper, vous expulser ». Invariablement, je leur réponds : - « Venez, je suis là, je vous attends ! » Mais avec le temps et la fatigue et la force des menaces, je demande des policiers. Ils passent leur temps, couchés dans les caniveaux. Donc présence inutile. Je m’adresse à l’armée française qui me donne des éléments qui seront sur la terrasse de la maison de Catherine Bokassa, à l’angle de l’école. De là-haut, ils peuvent bien surveiller et nous travaillons tranquillement. Autrefois, nous avions une école maternelle et primaire dirigée par une sœur. C’était une école libre payante. On pouvait y voir les enfants des expatriés et ceux du Président Bokassa et d’autres ministres. Le président payait régulièrement la scolarité de ses nombreux enfants, mais le Premier ministre ne payait pas. A la rentrée scolaire, la sœur a décidé de mettre à la porte des enfants dont les parents ne payaient pas. Ils étaient prévenus d’avance. C’est ainsi que les enfants du Premier ministre ont été mis à la porte. Le lendemain 97

matin, à 8 heures, les militaires sont venus chercher la sœur et baïonnette au dos, ils lui ont laissé vingt minutes pour faire ses bagages et l’ont emmenée au commissariat. Le soir même, elle a été mise dans l’avion. Tous les missionnaires de Bangui l’ont accompagnée à l’aéroport. Certains ministres ont essayé de plaider sa cause, mais en vain. Quelques années plus tard, après un coup d’Etat, le Premier ministre a été arrêté et mis en prison. Je le connaissais très bien. Au temps de sa jeunesse, il était au séminaire et faisait partie de la paroisse. Pendant les vacances, nous lavions le linge des prêtres et des sœurs avec eux. Il n’y avait pas de machine à laver en ce temps-là et c’était le temps des soutanes ! Quel travail ! ! ! Alors, j’ai décidé d’aller voir notre prisonnier. Il se plaignait. Je lui ai dit : « Chacun son tour ! Ne te rappelles-tu pas la sœur que tu as fait expulser ? »

2 - Message adressé aux femmes de Centrafrique. Née en Franche-Comté, dans une grande ferme à quatre kilomètres de la ville, j’ai passé mon enfance et mon adolescence, dans un climat rude. Chaque jour, pendant de longs mois d’hiver, il fallait parcourir tous ces kilomètres à pieds dans la neige et le froid. Cela m’a permis d’avoir de l’endurance, du courage, de l’énergie. Nous étions une famille nombreuse : dix enfants, cinq filles et cinq garçons. Ceci a éveillé en nous le partage, la générosité, l’amour fraternel La ferme était un lieu de promenade pour les citadins et les visites ne manquaient pas. L’accueil était là : la cafetière restait sur le coin de la cuisinière toute la journée et les gens venaient à l’heure du goûter, à 4 heures. D’un milieu modeste, mes parents étaient généreux. Je suis restée à la ferme jusqu’à vingt ans et je suis partie chez les sœurs Missionnaires du Saint-Esprit. J’aimais les travaux des champs, toute cette belle nature, avec ses beaux sapins, si droits, toujours verts. J’aimais conduire les chevaux, le tracteur, faire du ski, du cheval, grimper dans les 98

arbres, conduire la voiture. Avec un gros pincement au cœur, j’ai tout laissé : les vaches, les chevaux et tous les animaux, les beaux sapins, la neige… pour partir ! L’Afrique dont je rêvais depuis longtemps, me souriait, m’appelait… En 1958, je débarquais, pour la première fois en Afrique, en Oubangui-Chari. J’ai connu Barthélemy Boganda. J’ai eu la joie d’assister à la naissance de la République centrafricaine, à l’Indépendance. J’ai vécu tous les coups d’Etat, les mutineries, les trois années blanches : 1991, 1992, 1994. A mon arrivée, j’étais jeune, pleine d’entrain, heureuse d’être là ! Bien vite je me suis aperçue que je manquais de formation, d’expérience. Il a fallu que je me batte pour apprendre seule la langue sango, pour affronter un nouveau mode de vie, prendre de nouvelles habitudes. Affectée dans l’enseignement primaire, j’ai eu la chance de rencontrer Monsieur Pierre Sammy-Mackfoy34, qui malgré son poste de directeur de l’enseignement, puis ministre de l’Education nationale, m’a guidée, m’a soutenue. J’ai enseigné à l’école Saint Charles et en 1967, je suis devenue directrice à l’école Sainte-Thérèse, que je dirige jusqu’à ce jour. J’enseignais au C.M.2 et assurais la Direction ainsi que le secrétariat et la comptabilité. Enseigner dans le primaire est passionnant. Mais en ce temps-là, ce n’était pas facile d’intéresser les enfants. Ils ne parlaient pas le français ou très peu et les parents ne s’occupaient pratiquement pas de leurs études et surtout pour les filles ! Il fallait se battre seule et beaucoup de parents ne voyaient pas l’intérêt de l’éducation des filles. Petit à petit, les mentalités ont changé. Il fallait offrir aux filles des moyens d’expression, leur apprendre quelques éléments essentiels d’un langage qui leur permettent de parler. Beaucoup ont commencé… mais très vite elles ont piétiné et se sont découragées, car elles n’ont pas appris l’alphabet. 34 Pierre Sammy-Mackfoy (1935-2014) est l’auteur d’une douzaine de livres (romans, contes, ouvrages scolaires).

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C’est rendre un service important aux filles que d’insister pour qu’elles apprennent, même, si au départ elles sont récalcitrantes. Il existe sûrement beaucoup de femmes qui sont de grandes mutilées. Ce sont celles dont l’imagination et la sensibilité n’ont à leur disposition d’autres moyens que la violence, la sensualité, la volonté de puissance. Peu à peu, les parents ont vu l’importance d’envoyer leurs filles à l’école, de s’en occuper comme ils le feraient pour les garçons. A cet âge-là, les enfants sont réceptifs, attentifs. Tout les intéresse. Depuis vingt-cinq ans, j’ai laissé la craie pour pouvoir mieux m’occuper de la formation des fillettes, mieux suivre les enseignants. Depuis trente ans, nous faisons partie des écoles associées de l’UNESCO. Nous enseignons la culture de la Paix, la Tolérance et la non-Violence. Nous avons formé des ambassadrices de la Paix qui prennent en charge les petits conflits entre élèves et les règlent à leur niveau, ainsi que dans leur communauté du village. La génération des enfants que nous avons maintenant n’a connu que les conflits, les coups d’Etat, les mutineries, l’insécurité, le tribalisme. Certains sont traumatisés. Nos efforts se portent sur l’amour des uns pour les autres. Il importe de leur enseigner comment s’accepter, comment s’aimer. C’est un travail en profondeur que nous faisons. Il faut lutter contre les clivages ethniques, et c’est dès leur jeune âge qu’il faut les éduquer pour cela. En 1994, suite à tous les problèmes du Rwanda, nous avons pu accueillir à l’école soixante-quinze enfants réfugiés rwandais, complètement traumatisés. Beaucoup avaient perdu leurs parents, tous avaient quitté le pays sans rien emporter avec eux, les parents étaient complètement démunis. Il fallait voir comment les fillettes de l’école ont accueilli tous ces enfants : c’était le vrai partage. Et plus surprenants encore, ces enfants qui ne parlaient que le kinyarwanda en arrivant, au bout de quelques mois, étaient les premiers de 100

classe. Il fallait ensuite trouver du travail aux parents. Cette période a été pour moi un temps très fort d’écoute, de partage, de générosité. Les plus pauvres ont été bien accueillis, et ce, jusqu’à ce jour, je les porte tous dans mon cœur. Il en reste encore 88 à l’école cette année. Dans notre établissement, les démunis trouvent toujours une place. En 1997, nous avons été formés par Médecins du Monde35 pour lutter contre le VIH/SIDA. J’y reviendrai tout à l’heure. En l’an 2000, nous avons été reconnus officiellement comme école pilote des Droits de l’Homme et de l’Enfant par les Nations-Unies. Les élèves connaissent bien leurs droits et leurs devoirs. Parfois, elles interviennent sur les ondes, à travers des interviews, de sketches, des poèmes, des chansons. Nous travaillons sur l’environnement. Il faut apprendre à respecter la nature, à l’aimer, à la respecter, à l’admirer. Cela aide à vivre. Il faut leur donner l’amour du travail de la terre, leur en montrer la noblesse. Nous travaillons aussi avec les programmes intégrés à la vie familiale et en matière de population dans le système formel de l’éducation. Grande est ma joie, lorsque je vois ce que sont devenues certaines de nos élèves : directrice générale du Fonds et de l’entretien routier, première radiologue, première architecte, de nombreuses infirmières, médecins, pédiatres, enseignantes, directrice de la radio nationale, avocate, directrice des douanes, ministre de la Justice, des Affaires sociales. Et la liste est longue de celles qui ont réussi. Ce n’est pas seulement la réussite sociale qui importe pour moi, mais c’est ce qu’elles sont devenues : femmes engagées dans la lutte, des battantes, de bonnes mères de famille responsables, des personnes capables de défendre leurs intérêts, de se faire respecter, de bien éduquer leurs enfants, d’occuper des postes de responsabilités. 35

Association de médecins, créée en 1980 par Bernard Kouchner.

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Notre principal travail c’est d’inculquer à ces enfants, les grandes valeurs : l’amour du prochain, la droiture, la justice, le respect dans toutes ses dimensions, la vérité, le courage, la responsabilité. Nous les préparons à leur rôle de citoyenne de demain. Depuis des générations le rôle de la fille est le travail ménager : cuisine, vaisselle, puiser de l’eau, chercher le bois, faire la lessive. L’école est avant tout réservée pour les garçons. Nous remarquons qu’il y a une certaine inégalité sociale. La femme est encore trop soumise au mari. Beaucoup de femmes ont peur d’être rejetées, de subir des violences ou un abandon total qui les conduirait à l’insécurité socioéconomique. C’est une grande stigmatisation et discrimination de la femme centrafricaine. Cela cause un impact négatif et préjudiciable pour ce groupe de personnes, que sont les femmes. En tant qu’école de filles, nous organisons des sessions avec nos fillettes de neuf à onze ans, avec le père Gustave Chisenga, pour la sensibilisation sur les thèmes suivants : - La culture de la Paix, la tolérance, la non-Violence - Les Droits de l’Homme et de l’Enfant - Le SIDA et son impact sur la société - La discrimination des sexes - La stigmatisation des personnes vivant avec le VIH - Le droit humain qui reconnaît le statut de la femme comme partie prenante aux décisions de la société - L’égalité de la femme dans le foyer, dans la vie sociale - La femme ne doit pas avoir peur, ni honte, ni se sentir coupable en toute circonstance. - Elle doit s’affirmer, car le pays a besoin d’elle - Avec les enfants, le Père aborde les problèmes de la puberté, de la discrimination, de l’excision, de la stigmatisation, le concept genre, la connaissance de soi : corps, intelligence, volonté, liberté, changement de comportement. Il les prépare à la vie de demain. 102

Ma conviction est que la femme a un rôle très important à jouer dans la société. La femme est bien l’égale de l’homme. Elle doit jouer son rôle sans complexe. J’ai le sentiment que les choses bougent en R.C.A. et c’est pour cela que je suis encore là pour accompagner jusqu’au bout ces changements (en dépit de mon âge) ! Depuis longtemps, comme je le disais plus haut nous avons introduit dans l’enseignement, la lutte et la prévention du SIDA, dès le cours d’initiation, c’est-à-dire dès six ans ; tous les enseignants ont reçu une formation à ce sujet et récemment, nos fillettes ont remporté un prix dans le théâtre scolaire, sur ce thème. Le message qu’elles ont véhiculé, c’est le changement de comportement par le respect de soi et de l’autre. C’est ce type de changement de comportement que nous voulons inculquer et nous y croyons. Les enfants de l’école Sainte-Thérèse ont conscience des discriminations et des stigmatisations à l’encontre de la femme. Elles ne sont pas découragées, mais au contraire, très engagées à assumer leur rôle dans la société. Nous pensons qu’ensemble nous vaincrons tous les tabous, nous serons assez fortes pour relever tous les défis qui nous pénalisent et nous tiennent en dehors des grandes décisions. Pour finir, je lance un appel à toutes les femmes du monde pour que nous nous prenions par la main et que nous allions d’un pas ferme vers un avenir meilleur. Je vous remercie.

3- Les parents et la société face à l’éducation des enfants Conférence-débat animée par Sœur Paulette PETIT. Cathédrale Notre Dame, Bangui le 27 avril 1999. Chers Parents, chers Amis, En cette occasion unique, c’est pour moi un bonheur de me trouver parmi vous, en tant que frères, sœurs et amis, 103

mais c’est aussi un honneur pour avoir été désignée pour vous exposer un thème aussi capital à savoir : « Les parents et la société face à l’éducation des enfants. » Pour cela, les spécialistes, tels que : les psychologues, les médecins, les responsables de l’éducation au niveau de l’Etat, ainsi que les parents des enfants, vos êtes spécialement invités à prendre la parole pour dégager vos idées à ce sujet. Enfin, toute l’assemblée présente est particulièrement invitée à informer et à compléter ces informations. * Dans tous les pays du monde, l’éducation est le fondement de la société humaine ; c’est-à-dire que dès la naissance l’enfant bénéficie de ses parents des soins éducatifs appropriés, complétés par ceux de l’école jusqu’à l’âge de la sortie de l’enfance. On aura alors un individu mûr qui sait lire, écrire et compter, mais qui a appris aussi à se débrouiller dans la vie en vivant honnêtement avec les autres dans la société. D’où les trois aspects de l’éducation, à savoir : L’éducation morale ou l’intégration de l’enfant qui doit avoir un caractère à la fois pratique et théorique dans l’éthique sociale, d’une part, L’instruction de l’enfant qui doit avoir un caractère à la fois pratique et théorique et enfin La formation. Comme on le voit, il s’agit ici du domaine particulièrement réservé à l’école. Dans l’éducation moderne, l’école occupe une phase particulièrement importante dans la vie d’une nation. C’est la raison pour laquelle dans notre pays, les autorités de l’Etat ont récemment adopté la loi du 10 décembre 1997 portant orientation, de l’éducation. Il s’agit pour le gouvernement centrafricain de protéger l’éducation et l’instruction dans les établissements publics reconnus par l’Etat. Dans mon exposé, il sera question de

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décrire le système éducatif centrafricain et de savoir qui doit participer à l’éducation de l’enfant.

Le système éducatif centrafricain Nous parlerons de l’évolution du système éducatif de notre pays et des obstacles qu’il rencontre actuellement. L’évolution historique Nous pouvons affirmer que le système éducatif centrafricain a connu son apogée entre 1966 et 1977, sous le règne de Bokassa. En effet, paradoxalement à sa politique de répression et de confiscation des libertés, Bokassa a porté beaucoup d’attention à l’éducation et a mis tout en œuvre pour améliorer ce secteur, tant au niveau du personnel enseignant qu’au niveau des infrastructures, à tous les niveaux. Au niveau du primaire : trois grands projets ont vu le jour couvrant pratiquement les deux tiers du territoire en infrastructures modernes. Il s’agit notamment du deuxième projet Banque Mondiale qui a érigé les écoles dans l’Ouham, l’Ouham-Pende, la Mambéré –Kadéi et la Basse-Kotto ; le projet FAD-BAD, couvrant la Kémo, Kaga-Bandoro, le Bamingui-Bangoran, la Ouaka et le M’Bomou. Le projet OPEP s’est occupé de la Nana-Mambéré et la Lobaye. Seules les régions périphériques n’ont pas bénéficié de l’apport de ces projets. Mais une première phase devait leur être destinée. Il s’agit de la Vakaga, de la Haute-Kotto et du Haut-M’Bomou. L’Université de Bangui a été construite dans cet élan, en 1969. Il est de même de l’ISDR36 de M’Baïki et des axes de l’Université à Bouar pour les sciences vétérinaires et à Bambari pour les auxiliaires de santé.

L’Institut Universitaire de Technologie Agronomique ouvert en 1971 aux pays de l’Afrique centrale se transforma en Institut Supérieur de Développement Rural, rattaché à l’Université de Bangui en 1975.

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Dans le souci d’assurer l’efficacité de l’éducation au niveau primaire et secondaire, il a été créé l’enseignement pédagogique national avec les annexes en province qui sont les centres pédagogiques régionaux, CPR, par ailleurs, le pays a été subdivisé en circonscriptions d’inspections académiques. D’une manière générale, on peut estimer que pendant cette période, l’éducation nationale avait atteint son apogée, dans tous les secteurs. L’effectif des enseignants était presque suffisant au besoin de l’enseignement et leur qualification d’améliorant d’année en année, parce que progressivement, les cours normaux ont été leur place aux écoles normales supérieures et le niveau de recrutement est passé du brevet élémentaire au baccalauréat. Après, on assiste à une descente, d’abord lente, puis de plus en plus accélérée, de la qualité de l’enseignement, des conditions de travail des enseignants, des besoins et des structures. Cette dégradation du système coïncide avec une explosion démographique galopante à tel point que l’éducation n’est plus en mesure d’absorber le flux des enfants à scolariser. Il y a d’abord, la dégradation des structures existantes : bâtiments vétustes et insuffisants, pénurie ou carence du personnel enseignant, démotivation de ceux-ci, départ massif à la retraite ou D.V.A., changement de corps et mortalité due au SIDA, à l’alcool, misère, salaires non payés. A cela s’ajoutent les remous politiques, qui perturbent le bon fonctionnement des écoles, d’où années blanches, mutineries, grèves ininterrompues, baisse généralisée des niveaux, déperdition scolaire, parce que les enfants n’ont plus le cœur aux études, attirés par d’autres loisirs, tels que vidéo, petits commerces à la sauvette, délinquance. Ils acquièrent de mauvaises habitudes, telles que le penchant à la tricherie, l’école buissonnière. Tout cela est lié à la dégradation générale du pays dont l’économie décline d’année en année, tandis que les structures de l’Etat manquent de solidarité dans leur fonctionnement. 106

Autant le système éducatif centrafricain était solide et performant avant l’unification (1962) autant il est devenu précaire, notamment après les années 1977. Obstacles au système éducatif et moyens de les écarter Aux vieux problèmes s’en ajoutent beaucoup d’autres, qui naissent tous les jours. Mais il y a des possibilités de trouver des solutions appropriées. Obstacles au système éducatif Il s’agit notamment de : l’appauvrissement, la négligence des parents, les divorces des familles, la discrimination basée sur le sexe, la dépravation des valeurs morales, les conflits internes. Tels sont parmi tant d’autres, les principaux obstacles qui entravent l’éducation de l’enfant africain en général et centrafricain en particulier. En effet, aujourd’hui, de nombreuses familles se sont appauvries et les enfants en sont les premières victimes. En conséquence, les parents sont obligés de confier l’éducation de leurs enfants aux grands-parents ou à des personnes sans formation adéquate. La négligence des parents et de la famille conduit le plus souvent à la violence physique, morale, sexuelle des adultes sur l’enfant qui leur est confié par la belle-famille, ce qui provoque une carence dans l’épanouissement de l’enfant. Autrefois, l’éducation première de l’enfant était dispensée par les parents et toute la famille. Cette éducation permettait à l’enfant de devenir un adulte responsable et respecté. De nos jours, de nombreuses familles sont éclatées par les divorces et les séparations de corps. Par conséquent, on a de plus en plus de familles monoparentales qui ne favorisent pas une éducation harmonieuse et équilibrée de l’enfant. Celui-ci est privé d’affection, de sécurité morale et souvent même financière.

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Dans le domaine de l’éducation, on déplore encore, aujourd’hui dans de nombreuses familles, la discrimination entre fille et garçon et la déperdition scolaire à cause de grossesses précoces et mariages pour avoir de l’argent. De nombreuses filles sont retenues au domicile pour les travaux ménagers, donc privées de scolarité. Dans les zones urbaines on assiste à la dépravation des valeurs morales et humaines qui se manifestent par l’abandon de l’enfant à l’éducation incontrôlée de la rue et par certaines activités ludiques des enfants tendant à entretenir en eux un climat permanent de violence, ex : cadeau des armes à feu en plastic, offert aux enfants pour les fêtes de fin d’années. Très souvent encore, les conflits interethniques familiaux et religieux ont une influence négative sur l’éducation, sur le rapport entre enfants. Moyens d’écarter les obstacles Mes chers parents, y a-t-il un moyen de les combattre ? Les conventions qui régissent l’éducation dans notre pays notamment celle conclue entre l’Etat et l’Eglise, le 12 janvier 1997, répondent à la préoccupation du pays de relancer le système éducatif sur de nouvelles bases plus saines et plus dynamiques. Cette situation tente de récupérer l’enfant en associant l’éducation scolaire avec l’éducation morale et religieuse. Ce qui permettrait à terme de rétablir l’équilibre école-famille, ainsi que les traditions d’éducation combinées pour le plus grand bien de l’enfant. L’effet bénéfique attendu de cette nouvelle démarche est de lutter contre les influences néfastes de la rue et retrouver l’autorité des parents sur leurs enfants. Loin de faire l’apologie du châtiment corporel, comme le souhaiteraient certains parents, il faut plutôt mettre l’accent sur l’éducation morale, civique, religieuse, associer les pa108

rents à l’action de l’école et leur faire partager la responsabilité intégrale de l’enfant. C’est ici que le partenariat écolefamille a tout son sens. La reprise des écoles catholiques associées est une réponse concrète à tous ces soucis, pour peu que les parents comprennent parfaitement le bien-fondé de ce choix et apportent leur soutien du système ainsi mis en place. Il faut souligner que le tarif de nos écoles est calculé de sorte que l’enseignant puisse être régulièrement payé, ce qui le détourne de toute velléité de protestations conduisant aux grèves. Les conditions de travail des élèves et des maîtres sont excellentes, ce qui favorise la fréquentation scolaire et donne aux enfants le goût des études. C’est un faux débat que de dire que l’école catholique associée est l’école des riches. Ce sont plutôt les difficultés économiques qui conduisent à ce genre de jugement, car on voudrait faire porter à l’école, la responsabilité d’un déficit de gestion. Aujourd’hui, l’école catholique associée est largement ouverte à toutes les couches de la population, sans discrimination de niveau social, puisqu’elle reçoit même les réfugiés et accorde des facilités aux plus démunis. Depuis les Etats généraux de l’Education nationale, un accent est mis sur l’uniformisation des programmes scolaires. Cependant, les instruments de travail qui sont notamment les livres sont régis par le seul critère d’efficacité, c’est-à-dire en raison de la méthodologie qu’ils proposent et de l’efficacité qu’ils garantissent dans l’apprentissage chez l’élève, car ce qui importe, c’est le résultat final. Toutefois, si l’élaboration et le choix des manuels se font entre toutes les écoles, il serait tout à fait logique d’imposer l’uniformisation des livres.

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Qui doit participer à l’education de l’enfant ? Eu égard à la situation que je viens d’évoquer, les différents partenaires de l’éducation et de l’encadrement de la jeunesse devraient mobiliser leurs énergies pour donner un peu plus d’espoir à nos enfants et les aider à préparer un meilleur avenir avec sérénité et confiance. Cet appel s’adresse spécialement aux enseignants, aux parents, aux différentes confessions religieuses, aux autorités gouvernementales sans oublier le rôle que peuvent jouer les médias tant publics que privés dans l’œuvre éducative. L’Ecole La part de l’école dans l’éducation consiste tout d’abord à concevoir un programme cohérent et progressif qui amènera l’enfant à acquérir des règles, des habitudes, des comportements, répondant à l’attente de son milieu. Outre l’aspect moral de l’éducation dispensée à l’école, il y a naturellement l’instruction qui semble être le premier objectif de l’école. En effet, la scolarisation de l’enfant vise en premier lieu l’acquisition des connaissances théoriques et pratiques, qui se résument habituellement dans ces trois dimensions à savoir : lire, écrire et compter. Il s’agit de faire acquérir à l’enfant des connaissances utiles, pratiques, qui le préparent à l’intégration à la vie. Comme disait Montaigne : Former chez l’enfant « une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine ». Cela implique le choix des connaissances à faire acquérir, le dosage selon l’âge de l’enfant et de sa réceptivité d’où l’importance des programmes scolaires bien adaptés. En plus de la formation morale et des acquisitions des connaissances, l’école a aussi le devoir de former les enfants dans leur intégralité pour la vie. C’est-à-dire de faire acquérir aux enfants une habileté manuelle, artistique, le sens de la créativité et l’effort physique. Cela suppose l’apprentissage 111

des activités utiles à l’existence de l’homme : agriculture, élevage, couture, cuisine, pharmacopée, l’artisanat, etc. Il ne s’agit pas d’en faire des professionnels, mais de leur donner le goût de ces activités, pour que plus tard, ils les exercent non comme une contrainte, mais comme un plaisir. Tout cela nous amène à dire avec force que la meilleure éducation, l’éducation équilibrée et positive est celle qui intègre l’esthétique, l’éthique, le savoir, le savoir-faire et le savoir-être… Dans le domaine de l’éducation, la responsabilité des enseignants est immense. En effet, c’est en participant effectivement à la vie scolaire que l’enfant acquerra la compétence et les attitudes qui feront plus tard de lui, un citoyen actif et vigilant. En définitive, l’enseignant doit connaître : - Les enfants qu’il éduque, - Les méthodes et les techniques qu’il utilise - L’institution dans laquelle il sert - Le village, le quartier, la ville où il exerce - Les savoirs, les savoir-faire, le savoir-être à faire assimiler. Si l’on doit comparer les élèves d’autrefois à ceux d’aujourd’hui, on pourrait relever ceci : Autrefois, les élèves avaient conscience de poursuivre un objectif et d’accéder à un rang social acceptable. Cela les obligeait à faire de gros efforts, à apprendre leurs leçons, à respecter la discipline de l’école et à se comporter comme cela doit plaire aux maîtres et aux parents. Le châtiment corporel qui était d’usage, était une espèce d’aiguillon qui poussait l’enfant à l’effort et s’accrocher à ses études. Ainsi donc, on peut dire que l’école peut être considérée comme un levain pour réaliser ses objectifs. Aujourd’hui, il est difficile de porter un jugement absolu sur le travail et le comportement des élèves, parce que les situations varient d’un centre à l’autre, d’un type d’école à un autre, d’une famille à une autre… Les élèves des centres urbains sont dans un environnement plus favorable aux 112

études, mais dont ils ne profitent pas toujours parce qu’il y a d’autres facteurs qui les détournent de l’effort. Les enfants du milieu rural vivent dans un cadre plus restreint, mais ils s’efforcent de profiter au mieux de l’enseignement qui leur est dispensé. Malheureusement, ils souffrent de la pénurie de manuels scolaires, du petit matériel d’écolier et de l’insuffisance de personnel enseignant. Leur comportement est parfois fonction du milieu où ils vivent et c’est là où l’enfant peut parler d’un certain déterminisme. Globalement, on peut conclure que chaque époque et chaque milieu façonnent le type d’élève qui correspond. Dans le contexte actuel de notre pays, l’enseignant, dans sa classe, doit être : « un artisan de Paix ». Son rôle d’enseignant doit aller au-delà des cours qu’il donne : il s’efforce de construire la paix dans le cœur de ses élèves. En effet, l’enseignant s’efforce de trouver des moyens de montrer aux enfants comment respecter ceux qui sont différents d’eux. Dans les situations de conflits armés ou de rivalité ethnique, il inculque à ses élèves les valeurs de la paix et de la tolérance. Mais, c’est avant tout par exemple que l’enseignant a une influence sur ses élèves. C’est l’enseignant qui donne le ton de la classe et dans son entourage. S’il porte la paix dans son cœur, il apaise les gens et tout ce qui l’entoure. Aussi faut-il former des enseignants capables consciencieux et améliorer les programmes d’enseignement, le contenu des manuels et des cours à donner aux enfants. Il faut s’assurer si ces manuels ne risquent pas de transmettre des mensonges ou des préjugés qui iraient à l’encontre de la paix. Il faut donc aider les enseignants, les soutenir dans leur mission et les former à enseigner des valeurs universelles de la paix, de la tolérance et de la non-violence. C’est pourquoi dans ce cadre, la responsabilité de l’Etat est immense et multiforme. En effet, l’Etat a l’obligation 113

d’assurer la scolarité de tous les enfants centrafricains, en âge d’y aller, de les accompagner dans toute leur scolarité, jusqu’à la fin de leurs études. Il a aussi l’obligation de créer les conditions acceptables d’une bonne scolarité au niveau des infrastructures, du personnel enseignant, du matériel didactique et en cas de convention avec les établissements privés, leur accorder des subventions conséquentes. Jusqu’à ce jour, l’on ne sent pas, d’une manière incisive, l’impact des Etats généraux sur l’éducation ou sur la marche de l’éducation. L’on a l’impression à gérer le système éducatif comme autrefois. Rien n’a changé, ni dans les structures, ni dans les systèmes, ni dans les méthodes, ni dans les objectifs globaux. Les mêmes examens demeurent, les mêmes filières, les mêmes incertitudes. On aurait aimé qu’il y ait un point o du démarrage des orientations des Etats généraux et que l’on commence à vivre les mutations et les améliorations prévues ou arrêtées lors des assises. Les droits de l’enfant L’enseignement préconisé par UNICEF sur les droits de l’enfant est bien venu. Il apporte un complément très utile à la formation de l’enfant qui acquiert de nouveaux comportements qui le préparent à sa vie de citoyen. Mais il importe aussi que les parents soient initiés à cet enseignement, car cela crée de nouveaux rapports entre ces parents et leurs enfants. En effet, passant des relations naturelles et traditionnelles à une relation codifiée, normalisée, cela crée nécessairement des heurts et parfois des incompréhensions regrettables. En effet, les droits de l’enfant introduisent un nouveau type de relation qui doit obliger les parents à rompre avec certaines habitudes du passé. Si donc, cette éducation sur les droits de l’enfant est bien menée, cela ne peut qu’amener du bien dans la famille et peut-être, renforcer les sentiments d’amour et de respect entre les parents et les enfants.

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Il nous faut donc conclure en soulignant encore une fois le rôle primordial des enseignants dans leur fonction d’éducateurs et de constructeurs de la paix. Nous devons les aider à façonner l’avenir, à former des citoyens de demain. Les parents Cependant, nous devons reconnaître que l’école, à elle seule, ne suffirait pas à donner cette éducation à l’enfant. C’est pourquoi elle s’associe à tous ceux qui ont une part de responsabilité dans l’éducation et l’encadrement de l’enfant. En premier lieu, il y a les parents, nous disons même qu’ils sont les premiers éducateurs de leurs enfants. D’abord du berceau à l’âge scolaire, ensuite, tout au long de la scolarité primaire et secondaire. Théoriquement, ce rôle pourrait s’arrêter avec l’adolescence, mais en pratique, il se poursuit parfois jusqu’à 18 ou 20 ans. Dans l’œuvre éducative, la responsabilité des parents se situe donc à deux niveaux : - D’abord en tant que responsables physiologiques de l’enfant, les parents ont l’obligation de participer pleinement à l’éducation de l’enfant au niveau de la famille, c’est-à-dire de pourvoir aux besoins de l’enfant sur le plan de la nutrition, de l’habillement, de la santé et ensuite de veiller sur leur formation morale et si possible religieuse. Dans le dernier cas, il y va du modèle ou des exemples qu’on donne à l’enfant, mais aussi de l’autorité mesurée des parents dans leur rapport avec les enfants. D’une manière générale, une bonne éducation dans la famille découle de l’environnement social et affectif dont est entouré l’enfant. - Mais les parents ont aussi une responsabilité dans l’éducation scolaire de leurs enfants. La première c’est de veiller à ce qu’ils aillent à l’école, sur leur fréquentation, leur assiduité. Ensuite, à ce qu’une fois à la maison et après avoir mangé et pris un peu de repos ; ils reprennent les livres et les cahiers, pour une brève révision des leçons et maintenir en éveil sa curiosité. Il ne s’agit pas de transposer à la maison, 115

toute l’ambiance qui se déroule à l’école, à savoir, le travail écrit, oral, discipline, etc.… Il s’agit d’un juste complément pour ne pas rompre le lien ou l’habitude acquis à l’école. L’action menée à l’école doit donc trouver son prolongement dans la famille non par un enseignement systématique, mais par l’exemple de ses parents, des aînés, des camarades. Par ailleurs, les parents ne doivent pas se décharger sur l’école. Ils doivent assurer leurs parts de responsabilités dans l’édification de l’homme en devenir, qu’est l’enfant. Il est même à remarquer que sur le plan de l’éducation morale, l’influence est beaucoup plus grande, beaucoup plus déterminante parce que l’enfant y passe plus de temps qu’à l’école. De nos jours, la tendance est de plus en plus forte de voir les parents se regrouper en associations pour une meilleure éducation des enfants. Tout n’est pas parfait, mais l’essentiel est de trouver un terrain d’entent pour poursuivre une action commune. Comment concevons-nous cette collaboration ? - D’abord à travers de fréquents contacts, c’est-à-dire de visite des parents à l’école, entretien avec les enseignants, participation aux manifestations scolaires. - Ensuite, la prise en mains des besoins de l’école, qui peuvent se manifester à travers l’état des locaux, du matériel didactique, des fréquentations défectueuses des enfants, organisation du travail au sein de l’établissement, conseil, etc. Si tout à l’heure, j’ai souligné que l’action menée à l’école doit trouver son prolongement dans la famille, par exemple des parents, ces derniers doivent en outre prolonger la même action au village dans le suivi des devoirs et leçons des enfants et la surveillance des fréquentations des lieux publics (vidéothèque avec films malsains, distraction néfaste du quartier, le temps du repos, le temps du jeu, la nourriture, l’hygiène, etc. ). Cependant, si nous reconnaissons que la première responsabilité, dans le domaine de l’éducation et de 116

l’orientation des enfants, revient aux parents, ceux-ci doivent dispenser cette éducation à tous les enfants sans aucune préférence liée au sexe. Les parents devraient éviter de porter plus d’intérêt à leurs fils qu’à leurs filles. Il faut donner à ses enfants les mêmes chances en matière de scolarité, les encourager tous dans les mêmes conditions, corriger leurs erreurs avec justice, récompenser leurs efforts avec équité. Exemple du père qui veut inscrire son enfant… Je constate que, malheureusement, beaucoup de parents marquent encore des préférences entre leurs enfants. Ils portent souvent un regard très attentif à leurs fils qu’à leurs filles. Il est à noter que, dans la plupart des cas, cette discrimination commence dès la naissance ; on se réjouit souvent de la naissance d’un garçon tandis qu’à la naissance d’une fille, toute la famille prend une triste mine. La plupart des travaux ménagers et autres corvées domestiques sont uniquement réservés aux filles au moment où, les garçons se livrent aux jeux et autres activités de loisirs. Les parents ne devraient pas traiter différemment leurs enfants suivant qu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. Malheureusement encore, il a été constaté que certains parents inculquent à leurs fils, dès leur jeune âge, la conviction qu’ils sont plus forts que leurs sœurs. Cette situation donne à la fille la conviction de sa propre faiblesse, voire même de son infériorité de sorte qu’elle éprouve un sentiment de frustration et de traumatisme. Les parents ne sont pas sans savoir qu’éduquer un garçon, c’est éduquer une personne et éduquer une fille c’est éduquer une nation. Très souvent encore, on constate un déficit de communication entre parents et enfants. Les parents doivent porter intérêt aux questions de leurs enfants même si elles sont posées à un âge précoce. Il faut donner à l’enfant des informations en fonction de son âge et de son niveau de compréhension. Dans le domaine de l’éducation sexuelle par exemple, certains parents hésitent à donner des informations exactes sur la sexualité et la façon de l’envisager pour les 117

filles et les garçons à un âge mûr afin de garantir le succès de leur vie familiale et conjugale en faisant prendre conscience, à chacun, de ses droits et responsabilités. L’éducation de la sexualité à l’école reste aujourd’hui un sujet à controverse. Elle est d’autant plus d’actualité que d’infection à VIH/SIDA fait de plus en plus de ravage dans les pays en voie de développement particulièrement en Afrique, singulièrement chez les filles et les femmes. Cet enseignement vise à faire acquérir à l’enfant non seulement des connaissances, mais aussi, et surtout, constitue un apprentissage à la vie. L’enseignement sur le VIH/SIDA est indissociable de celui de la sexualité. En période de préadolescence, en plus des problèmes d’instruction scolaire, les enfants et les adolescents subissent des modifications physiques et psychologiques qui caractérisent la puberté. L’apparition de ces changements et / ou leur absence par comparaison aux autres jeunes peuvent être source d’anxiété et entraîner des tensions qui se manifesteront dans les communications interpersonnelles avec la famille, les autres adultes, et les autres jeunes. Par ailleurs, ces modifications physiques peuvent susciter chez les adultes une anxiété en rapport avec le risque de grossesse qui accompagne le développement de l’appareil reproducteur et les risques de maladies sexuellement transmissibles (MST) liés au changement de comportement. Tandis que les parents ne voient que les conséquences d’un rapport sexuel précoce, les enfants se voient submergés de questions susceptibles d’entraver le déroulement normal de leur scolarité, si rien n’est fait. Aussi nous semble-t-il utile de parler de la nécessité d’introduire, à l’école l’enseignement sur le SIDA et la sexualité. L’éducation sur le VIH/SIDA en milieu scolaire est un sujet à controverse dans le monde entier. Ceux qui s’y opposent craignent le plus souvent que cet enseignement n’encourage une sexualité précoce. Mais des 118

études faites en Europe et aux Etats-Unis pour apprécier l’impact de l’éducation sexuelle sur le comportement des étudiants, d’après les taux de grossesses, d’avortement, de natalité, de maladies sexuellement transmissibles et d’activité sexuelle auto-signalée chez les adolescentes, ces études ont montré qu’il était possible d’avoir un comportement « responsable et sûr ». Ces mêmes études ont en outre montré que l’éducation sexuelle et / ou sur le VIH/SIDA n’encourage pas de surcroît d’activité sexuelle. Ceux qui encouragent l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école soutiennent que les programmes de qualité aident en fait à différer les premiers rapports sexuels et à partager ceux qui ont une activité sexuelle contre les MST et le SIDA. Les programmes de qualité présentent notamment l’avantage : - d’expliquer clairement les risques que présentent les rapports sexuels non protégés (grossesse et maternités non désirées ou précoces, interruption volontaire de grossesse, avortements provoqués à haut risque, stérilité). - d’expliquer les méthodes, dont l’abstinence, qui permettent de les éviter. - d’aider les jeunes à pratiquer la communication et la discussion pour convaincre leur partenaire. Quand commencent l’éducation sexuelle et l’information sur le VIH/SIDA ? De préférence avant le début de l’activité sexuelle. Cette éducation est d’autant plus importante dans les pays en voie de développement où la majorité des enfants de moins de 15 ans surtout les filles ont déjà quitté l’école. Atteindre suffisamment tôt les enfants, dont beaucoup sont pauvres, ne savent ni lire ni écrire et sont parmi les plus vulnérables face à l’infection du VIH/SIDA, peut être considéré comme une priorité absolue pour la prévention de l’infection de VIH/SIDA. 119

Quel est l’objectif de ce type d’enseignement sur la sexualité ? Il s’agit de donner des informations qui aident l’enfant à savoir qui il est et comment il peut mieux se protéger. Nous voulons que chaque enfant puisse dire « C’est mon corps, personne n’a droit sur mon corps ! » Si quelqu’un veut me toucher, je dois prévenir papa et maman et je serai protégé. Cet enseignement doit aider l’enfant à donner des arguments pour retarder l’activité sexuelle, pour résister aux propositions faites par les jeunes de leur âge ou des personnes plus âgées. Un tel enseignement ne peut aboutir que s’il est dispensé par un personnel qualifié qui connaît les problèmes de l’enfant, les préoccupations des parents d’élèves, qui à la fois les premiers éducateurs et les partenaires indispensables. La mobilisation sociale et communautaire autour de la conception du programme est nécessaire afin de donner aux enfants des messages non contradictoires, mais qui se renforcent mutuellement. Cette mobilisation sociale doit faire évoluer des concepts tels que la défense des droits de l’enfant dans nos sociétés. En Conclusion de ce qui précède, je dirai que : les parents et la société se doivent de faire face aux nombreux défis (grossesse précoce avec leurs répercussions néfastes sur la scolarisation, sur la santé, sur l’avenir, l’infection du VIH/SIDA, qui interpellent leurs enfants en leur prodiguant l’enseignement le plus complet possible, en évitant d’éluder des questions sensibles, mais déterminantes telles que l’enseignement et la sexualité. En outre, dans un pays comme le nôtre déchiré par la crise sociopolitique, les parents devraient mettre l’accent sur l’assainissement moral de leurs enfants pour les préserver de ces maux qui minent notre jeunesse à savoir : le banditisme, la violence sexuelle, la drogue et la prostitution.

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Je m’en voudrais de terminer ce chapitre sur le partenariat des parents sans faire remarquer qu’un danger guette nos enfants ces dernières années, c’est la politique dans le sens négatif telle qu’elle se développe de nos jours avec un relent de tribalisme, de régionalisme et de haine. C’est pourquoi les parents doivent aider l’école à développer la culture de la paix, de l’amour du prochain, du pardon. Les Confessions religieuses Dans le domaine de l’éducation, loin d’affaiblir ou d’amoindrir l’effort, la religion apporte une force supplémentaire à l’enfant pour l’engager dans la voie du travail, de l’effort, du respect, de l’épanouissement de tout être… Toutes les religions concourent vers le même but : la recherche de Dieu et la vie en harmonie avec Lui. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme37 ». Nous pouvons dire, quant à nous, qu’une « éducation sans Dieu n’est qu’une perte de l’âme ». C’est pourquoi, dans les temps actuels, les confessions religieuses doivent user de leur autorité morale et spirituelle auprès des parents pour les amener à éduquer convenablement leurs enfants : « Parents, élevez vos enfants en leur donnent une éducation et une discipline inspirée par le Seigneur » [Ephésiens VI.4]. En s’appuyant sur les Saintes Ecritures, celles du Christianisme, de l’Islam, et d’autres religions dans notre pays, toutes ensembles, doivent toutes contribuer à la culture de la Paix. Dans la Bible, Jésus dit : « Heureux ceux qui procurent la Paix, car ils seront appelés fils de Dieu » [Mathieu V.9]. Ailleurs, dans la Bible, Jésus déclare : « C’est ici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » [Jean XV.12]. Notre foi de croyants devrait nous inviter à mettre en pratique les paroles des Saintes Ecritures. Nous le manifeste37

La formule est de Rabelais.

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rons par nos actes et nos paroles en cultivant dans nos cœurs, et ceux de nos enfants cet « amour » et cette paix. Mère Térésa disait : « l’amour se construit d’abord dans la cellule familiale et prend une autre dimension dans la prière commune. Quelle que soit notre religion, nous devons prier ensemble ». Les Médias Le rôle des médias est essentiel dans le développement et l’animation de la vie du pays. Les médias, qui sont généralement la voix de la population, doivent exprimer ses aspirations, en toute honnêteté et liberté. L’information ne doit pas être déformée en fonction des appartenances ethniques, régionales, religieuses ou en fonction de différentes familles politiques auxquelles appartiennent les responsables des médias. L’objectif des médias, c’est dire la vérité sans animosité ni parti pris. C’est informer pour former et éduquer : éduquer aux valeurs morales et humaines et favoriser un climat de confiance, de tolérance, de solidarité et de paix. Ce sont là les leçons que la radio, la télévision, les journaux et autres médias doivent diffuser en faveur de nos enfants. Les images, les textes, les chansons, les danses transmis par les médias élargiront le champ d’expérience des enfants, susciteront leur curiosité, provoqueront des discussions, motiveront et enrichiront leur développement intellectuel tout en mettant un accent en particulier sur la réhabilitation des valeurs morales et humaines. C’est pourquoi les informations à caractère pédophile doivent être combattues avec toute rigueur de la loi. Il s’agit par ex. d’exposer, vendre, louer, distribuer ou remettre des emblèmes, des objets, des films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique impliquant des mineurs. Ces informations dérogent aux droits de l’enfant exprimés par l’article 34 de la Convention internationale relative 122

aux droits de l’enfant [ONU, novembre 1989]. Je cite : Les Etats s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle ou de violence sexuelle. A cette fin, les Etats prennent en particulier toutes les mesures appropriées pour empêcher : - que les enfants soient incités ou contraints à se livrer à une activité illégale - que les enfants soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques illégales. - que les enfants soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel de caractère pornographique.

Conclusion Voilà mes chers amis, l’idée centrale à retenir de notre exposé est que l’éducation est une nécessité incontournable pour tout être en devenir, car, elle seule, le prémunit des acquis nécessaires pour son adaptation, son intégration dans la société. Dans le monde moderne, l’institution appropriée pour dépenser cette éducation est l’école, mais elle n’en a pas l’exclusivité. Elle travaille en étroite collaboration avec des partenaires sociaux, dont les parents, les responsables religieux et les pouvoirs publics appuyés par les médias. Chacun de ces partenaires doit jouer pleinement son rôle et évoluer dans un esprit de partage dont l’enfant profite au milieu de tous les apports extérieurs. Nous pensons insister sur l’importance du partenariat éducatif, car aujourd’hui, plus que jamais, la conjugaison des efforts est indispensable pour transformer notre société et construire, par la culture de l’amour et de la paix, un avenir meilleur pour nos enfants.

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4- Entretien sur le SIDA avec les parents d’élèves (2005) Le Centrafrique, comme beaucoup de pays de l’Afrique subsaharienne, connaît depuis un peu plus de vingt ans, un des fléaux les plus meurtriers qui vient de décimer des milliers de personnes, laissant un nombre important d’orphelins, de veuves et de veufs, atteints du VIH/SIDA pour la plupart, et dont l’avenir est incertain, hypothéqué L’Etat centrafricain a initié, avec l’aide de la communauté internationale, un vaste programme de sensibilisation et de prévention contre le SIDA - programme qui est rendu difficile par la pauvreté et l’insécurité récurrente que connaît le pays depuis plus de deux décennies ; les résultats sont mitigés. Et c’est pourquoi, il a fallu des programmes ponctuels à petite échelle et issus des initiatives privées comme celle de notre école de Bangui qui s’est concentrée sur ses huit cents écolières. Ceux qui ont été branchés sur la chaîne T V 5, le lundi de Pâques à 20 heures, cette année-ci, en savent plus sur cette école et sur les programmes dont celui-ci : sensibilisation et prévention contre le SIDA Il m’a fallu, en tant que directrice de l’école, braver et briser certains tabous : « parler de sexe et de maladies sexuellement transmissibles à l’école primaire ! » Ma conviction est que, quand on n’en parle pas, on donne l’impression que ça n’existe pas ; or, le SIDA existe bel et bien en RCA, et il fait des ravages. Des difficultés, il y en a eu, nous avons essayé de les surmonter, et cela bien entendu, dans la limite de nos possibilités, financières et matérielles. Le bénévolat a compté et compte beaucoup, avec comme conséquences : la précarité et la dépendance. Je suis néanmoins satisfaite des résultats que je peux illustrer para l’exemple suivant :

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Un parent d’élève ayant terminé son travail à 15 h 30, rentre à la maison à 21 heures après une virée dans les bistrots et ailleurs. Il est interpellé par sa fille de sept ans qui fréquente ici le cours élémentaire première année : « Papa tu quittes le travail à 15 h 30, vois à quelle heure tu arrives. Tu vas attraper le sida, tu vas le donner à maman tous les deux vous allez mourir. Je serai orpheline avec ma sœur et mon frère et nous sommes encore tout petits. Qu’allons-nous devenir sans vous ? » Le papa est bouleversé et hébété d’entendre sa petite fille lui parler ainsi. Il est venu me voir. Nous avons discuté longtemps et, finalement, il est rentré serein et fier de sa fille. Ou alors cet universitaire, célibataire de trente ans, éberlué par les propos et les mises en garde d’une fillette de sept ans qui a remarqué beaucoup de mouvements de va-et-vient de ses nombreuses copines. « J’ai peur et surtout, j’ai honte chaque fois que je la vois » m’a-t-il dit ; « ç’eut été un adulte, j’aurais peut-être tout simplement haussé les épaules, mais… une gamine ? La décision est prise : plus jamais. » Les enfants apprennent vite, ils oublient vite aussi, ne l’oublions pas. C’est pourquoi je plaide pour une action continue, permanente parce que, quand on n’en parle plus, on donne l’impression que ça n’existe plus, que le fléau est écarté, qu’il est vaincu, ce qui n’est pas le cas en RCA. Aussi, baser nos actions et nos résultats sur le bénévolat revient à hypothéquer l’avenir, nous devrions, avec votre compréhension et votre appui, baser nos actions sur quelque chose de solide, du durable. Une éducation permanente, un éducateur permanent, grâce à vous, du matériel didactique adéquat. Je vous remercie d’être venus.

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5- Conférence à Strasbourg (2007) Une semaine avant de partir en vacances en 2007, un coup de fil de France me demande de faire une conférence à Strasbourg sur le thème : « Les freins au développement et l’avenir de la scolarisation en Centrafrique ». Pas évident en si peu de temps de faire quelque chose qui tienne la route. Voici ce que j’ai dit. J’ai donné les grandes idées, sans trop les développer. Les contraintes géographiques de ce pays La RCA est un peu plus grande que la France pour 3.000.000 d’habitants. Elle s’insère dans la zone équatoriale au sud, tropicale sèche au nord. Elle est enclavée au milieu de l’Afrique centrale, sans accès à la mer. Elle a été peu colonisée donc a bénéficié de peu d’infrastructures, peu d’usines. Il y a des ressources en uranium, en or, peu exploitées, à part le diamant. C’est un pays essentiellement agricole à une échelle modeste avec la disparition des filières traditionnelles, coton, café, tabac, bois… Les contraintes politiques du pays : La RCA est menacée - par les conflits régionaux : instabilité du Darfour à l’est, échauffourées au nord sur la frontière tchadienne. - par les conflits intérieurs essentiellement ethniques, banditisme armé sur les routes qui produit une insécurité dangereuse à tout moment. Pour résumer et donner une image de la pauvreté en RCA aujourd’hui, on peut dire que : - le revenu réel par habitant a baissé de 32 % entre 1980 et 2004, - l’espérance de vie a chuté : de 49 ans en 1988, elle est passée à 43 ans en 2003,

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- le retrait des coopérations (américaine, allemande, russe, japonaise) est réel et il ne reste que la France et un peu la Chine (construction d’un grand stade, dernièrement). Tout cela sur fond d’épidémie galopante du SIDA, qui touche le chiffre effarant de près de 20 % de toute la population !

Les freins au développement Les raisons qui concernent la personne : L’homme, personne humaine : Sa formation, son ouverture d’esprit, son choix et son engagement pour un environnement favorable à sa vie, à la vie de société et au progrès de son pays. Sa moralité, son sens du devoir, du respect de l’autre et de son droit. Les freins sont nombreux, on peut citer : - mentalités fortement influencées par la coutume (place de la femme, soumission, polygamie, primauté du lien du sang sur le lien de l’amour), - manque du sens civique (confusion entre le bien privé et le bien commun), - donc absence de conscience pour le bien commun ; le champ appartient au premier qui le débroussaille, - penchant à la confiscation des biens pour soi-même ; sa famille au détriment des autres (à tous les niveaux de responsabilité y compris dans la hiérarchie de l’Eglise !), - absence du sens du devoir, - recherche de la facilité, - manque de probité et de loyauté envers son prochain et envers son pays, - penchant à trahir son pays pour de l’argent, - avantage matériel égoïste, absence de solidarité, pesanteur des traditions négatives,

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- et quand il y a solidarité, celui qui travaille prend en charge les autres membres de la famille (liens du sang) e s’appauvrit, - impossibilité d’économiser et de gérer l’argent, les récoltes : incapable de prévoir (fin de carrière sans avoir une maison), - gaspillage, nourriture, vêtements : pas le sens de l’économie, raccommodage des vêtements) - envie de paraître, - la mort a plus d’importance que la vie, - les jeunes doivent tout aux anciens (premier salaire et le reste), - la vie des couples : tout repose sur la femme, l’homme n’assume pas ses responsabilités de protection à l’égard des enfants, - polygamie de fait. (L’homme ne pense qu’à son plaisir), - corruption à tous les niveaux, - injustice (embauche à diplômes égaux on favorise les membres de la famille), - les dons des ONG ne sont pas bien gérés.

Freins qui tiennent à la société (politiques) - la situation politique est très instable et peut devenir dangereuse ; - bonnes intentions non durables, peu de suivi - administration instable et corrompue - favoritisme, impunité (faire n’importe quoi) - problème de race, égoïsme pour son ethnie (ex. dans la hiérarchie diocésaine) - guerre interne, - régionalisme politique de clan et de famille. - destruction des infrastructures : écoles, maisons, lors des grèves ou mutineries ! - la part de responsabilité des dirigeants d’un pays et des homes politiques

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- non-respect des lois et des règlements établis par l’Etat, surtout par les dirigeants qui ne montrent pas l’exemple - volet social/santé : sida, paludisme malnutrition.

Mauvais choix de partenaires au développement (économiques) - les richesses du pays sont gérées par l’étranger. - des partenaires qui ne participent pas au développement : l’exploitation des richesses pas au bénéfice du pays, mais au profit d’un petit groupe (bois, diamant) - du côté des organismes internationaux : manque de franchise, manque de rigueur dans leur assistance auprès des autorités locales. - non investissement dans le pays, car pas sûr de trouver l’argent (exemple des cinq milliards CFA pour 500 chambres, les investisseurs fuient). - dans le pays : extrême pauvreté. - manque d’un plan cohérent de développement du pays - manque de travail et d’organisation. - mauvaises infrastructures routières peu entretenues. - abandon des principales cultures qui rapportent aux paysans (ventes difficiles, car pas de collectes) d’où accroissement notoire de la misère des paysans. - en plus, insécurité sur les routes, phénomène momentané lié à ce désordre.

Qu’en est-il de la scolarisation ? 1-Education et scolarisation. - manque de locaux, pas de politique cohérente de l’éducation c’est-à-dire pas de préoccupation générale au niveau de l’Etat pour l’amélioration du système scolaire. D’où dysfonctionnement du système, - état des écoles, des dizaines d’années sans aucune réparation, on attend que ça tombe pour refaire : pas de tables, de chaises, manque de surveillance sur le matériel, - disparité des niveaux, des structures d’enseignement, 129

- programmes non respectés, ne vont pas jusqu’au bout, - manque de rigueur : fonctionnaires non payés (40 mois d’arriérés de salaire), instituteurs nommés en fonction des liens familiaux, - disparité des ratios maîtres – élèves (1 maître pour 200 élèves), - des effectifs pléthoriques par rapport à la disponibilité des locaux, - faiblesse du niveau des enseignants : beaucoup sans formation initiale, - est-ce que les maîtres sont capables d’apporter quelque chose ? - pénurie du matériel pédagogique : livres, outils de travail, - manque de motivation chez beaucoup de parents qui ne suivent plus la scolarisation de leurs enfants, absence de débouchés, d’intégration sociale après l’école. Certains parents non sensibles à la scolarisation, est-ce que ça vaut la peine d’envoyer les enfants à l’école ? - mauvaise orientation des élèves liée à l’absence d’écoles techniques, d’où prédominance de la formation générale dans les lycées, collèges ou même à l’université ; et après ? - formation professionnelle aujourd’hui quasiment impossible. Pas de professionnels. Manque d’équipements et d’outils. : à l’école technique : ni truelle, ni niveau, tout a été volé par les élèves ou les professeurs ! - fuite des « cerveaux » vers l’étranger. De façon plus large, la population de Bangui vit sous la menace permanente des coupures d’eau et d’électricité (nombreux délestages parfois imprévisibles) ; au-delà de Bangui dans un rayon de dix kilomètres, il n’y a plus d’eau, il faut aller la chercher au marigot. Si on travaille avec les enfants sur ordinateur, l’électricité est soudainement coupée, etc.… Peu d’espoir, sauf avec des solutions pratiques, fiables qui ont fait leur preuve sur le terrain, exemple de la permanence des actions de l’Eglise. 130

2- Rôle de l’Eglise dans l’enseignement. L’éducation nationale publique s’affaiblit de plus en plus par manque de rigueur, de gestion en faveur des privés, notamment privés catholiques qui apportent réellement un développement notoire dans le pays. A propos d’écoles privées ou confessionnelles : il y a des établissements créés par des non-pédagogues, nonenseignants et le seul objectif est de faire de l’argent au grand détriment des enfants et des parents. Ces grands établissements mettent leurs enfants chez nous ! Objectif : participer au renouvellement et à la formation des élites. 3- Les propositions de solutions ? L’avenir dépendra : - d’une reprise rigoureuse en main de tout le système par le département de tutelle. - de la construction des locaux en nombre suffisant. - de la réduction des effectifs par enseignant ; - de l’amélioration du niveau des enseignants. - de la régularité des salaires - de la dotation de matériel didactique - de la promotion de l’enseignement technique et professionnel - de la Lutte contre la suspension intempestive des cours liés à l’argent. - du renforcement de l’encadrement pédagogique de contrôle : effectif des inspecteurs, leurs moyens de travail, passage fréquent dans les écoles surtout à l’intérieur du pays. En un mot : assainir le secteur de l’école.

6- La pharmacopée : L’aloès et le miel Dans la cour de l’école, vous pouvez voir l’aloès. Je joins dans ce livre, une recette avec le miel et l’aloès.

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Cet article signé par le Père Vittorio Bosselio, O.F.M., porte comme titre : « Comment le père Romain a guéri de nombreux cancers ? » Prenez une livre de pur miel d’abeilles, deux grandes feuilles d’aloès ou trois petites, nettoyées et débarrassées de leurs épines, trois ou quatre cuillerées de whisky, d’arak ou d’eau de vie. Passez le tout au mixeur, et vous obtiendrez la crème grâce à laquelle le Père Romain a guéri les cancers. Brésilien de souche italienne, le Père Romain Zago38 est né en 1932 dans le diocèse de Porto Alègre. Au service de la Custodie de Terre Sainte, il enseigne à Bethléem le latin et la philosophie aux futurs théologiens qui poursuivent leur cursus au couvent Saint Sauveur de Jérusalem. Il n’a rien d’un sorcier et son laboratoire ne montre aucune ou quelque autre appareil. S’il a besoin d’un mixeur, il emprunte celui de la sœur cuisinière. Son pouvoir, il le tient de sa fréquentation au Brésil de l’école des pauvres. « Là-bas, dit-il, nombreux sont les gens qui, faute d’argent, ne peuvent se procurer les médicaments coûteux de la pharmacopée moderne. Ils s’adressent donc directement au Bon Dieu, créateur des plantes et, notamment, de l’aloès, qui fleurit partout ». Posologie : Si vous lui demandez s’il peut guérir le cancer, il répond : « Toi aussi, tu le peux, et n’importe qui le peut, car la force mystérieuse se trouve dans la mère Nature. L’important est de bien mélanger le triple ingrédient : miel, whisky, aloès, et de bien agiter le flacon à chaque usage. La dose recommandée est de trois cuillerées à soupe par jour., à prendre un quart d’heure avant les repas, une très tôt le matin, une à midi et l’autre le soir, pour avoir l’estomac vide et permettre ainsi aux pepsines d’entrer aussitôt en action et de se répandre jusqu’aux extrémités du corps. La cure dure habituellement 10 jours ». Certes, La deuxième édition de la traduction française du livre du Père Romano Zago Du cancer on peut guérir est parue en 2012 (édition des Landes du Sud). Il existe aussi une édition en français publiée par ADLE Edizioni à Padoue (Italie) en 2015. 38

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ne vous attendez pas à une guérison immédiate. Le Père Romain met en garde contre toute illusion de type miraculeux. Si ma première cure n’obtient pas le résultat souhaité, le patient devra subir de nouveaux examens, afin de savoir si l’on peut procéder à une deuxième et troisième cure jusqu’à complète guérison. Bien des malades se sentent rapidement soulagés, ce qui ne signifie pas la guérison. C’est le médecin qui constatera l’amélioration. Patience et persévérance sont de rigueur ; en tout cas, le remède est efficace pour toute espèce de cancer, interne ou externe : cancer de la peau, de la gorge, du sein, de l’utérus, de la prostate, du foie. Plusieurs leucémiques ont été guéris. Et voici comment le Père Romain explique les effets de sa mixture : « Le remède nettoie complètement l’organisme grâce du miel, qui atteint les zones les plus lointaines du corps. Véhiculé par le miel, l’aloès se révèle un agent important de la cicatrisation. L’alcool en effet en dilatant les vaisseaux sanguins facilite le nettoyage général. En dix jours, le sang s’est lentement purifié. On peut même ajouter que le remède exerce une action préventive. En effet, grâce à la purification du sang, l’organisme fonctionne à merveille comme un moteur alimenté en super ». Témoignage. Le premier cas de guérison remonte à six ans. Un septuagénaire atteint d’un cancer de la prostate à un stade ultime fut renvoyé chez lui, le médecin jugeant son cas désespéré. On appela le Père Romain pour administrer le mourant. Après la cérémonie, il proposa à l’agonisant son remède. A l’heure présente, soit, répétons-le six ans après la cure, le vieillard devenu octogénaire se porte comme un charme. Et voici une guérison extraordinaire. Un petit argentin, Gérard, âgé de cinq ans, était victime de leucémie, et, après de vaines tentatives, les médecins de son pays n’envisageaient plus en dernier recours qu’une greffe osseuse. L’opération eut lieu à Barcelone, en Catalogne. Après une 133

brève rémission, le mal réapparut, au désespoir des médecins et des parents. Ceux-ci entreprennent alors un pèlerinage en Terre Sainte. Ils priaient à la grotte de la Nativité, alors que se déroulait la procession quotidienne des franciscains. Témoin de leur affliction, le Père Romain s’approcha d’eux et reçut leur confidence. Il ne leur fit aucune promesse, mais les invita à essayer un remède. Dès le premier mois, la cure commença à opérer. Le mois suivant, le père de Gérard assista à la procession franciscaine accompagnée de ses parents et du frère dont il avait reçu la moelle. La santé de l’enfant s’était nettement améliorée. L’enfant finit par guérir totalement. A vous d’essayer!

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Entretiens 1 - Radio Notre-Dame Pouvez-vous présenter à nos auditeurs, votre nom ainsi que le nom de votre Congrégation ? Je suis Paulette Petit, Française d’origine. Je fais partie de l’Institut des Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit qui a vu le jour le 6 janvier 192139, en la fête de l’Epiphanie. Notre esprit est celui du Père Libermann40, un juif converti qui a fondé la Congrégation des Pères missionnaires du SaintEsprit et du Saint Cœur de Marie. Notre charisme est l’évangélisation des pauvres. Au départ, nous avons surtout travaillé en Afrique Noire. Ces dernières années, nous nous sommes aussi tournées vers l’Amérique du Sud. Au Brésil surtout. En règle générale, quand nous voyons qu’une Mission : avec école et dispensaire… fonctionne bien, nous la laissons entre les mains des congrégations du pays et nous allons ailleurs. C’est ainsi qu’au Cameroun, nous avons remis nos écoles entre les mains des congrégations diocésaines. Nous allons là, où les besoins se font le plus sentir et où personne ne va. En quelle année êtes-vous arrivée en R.C.A. ? Je ne suis pas arrivée en R.C.A,, mais en Oubangui – Chari en 1958. C’est alors que j’ai eu la grande joie d’assister à la naissance de la République centrafricaine et ensuite à l’Indépendance. J’ai assisté à tous les coups d’Etat, toutes les

Fondé par Eugénie Caps (1892-1931) et ses deux compagnes Elise et Lucie, en Lorraine. Les sœurs arrivent en Oubangui-Chari en 1929. 40 F. Libermann (1802-1852) se préoccupait principalement des populations africaines et de la façon dont l’évangélisation se faisait à leur égard. 39

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mutineries, aux trois années blanches, à tous les tristes événements vécus dans le pays. Pouvez-vous nous dire les motivations qui vous ont amenées à œuvrer dans le secteur de l’éducation ? Au départ, je n’avais pas choisi d’enseigner. En ce tempslà, c’étaient les supérieures qui décidaient de vous envoyer dans tel pays, en fonction des possibilités et des besoins de la Mission. J’étais très contente d’arriver ici, car à cette époque l’évêque était Monseigneur Joseph Cucherousset, originaire comme moi, de Franche-Comté. La première année, je m’occupais de deux jardins d’enfants, mais dès la deuxième année, j’ai commencé à enseigner au C.E.2, à l’école Sainte-Thérèse et j’en étais ravie. Je suis revenue ici comme directrice en 1967, après avoir passé sept années à Saint Charles. Quelle relation pouvez-vous faire entre Mission et éducation ? Je pense sincèrement qu’il ne peut pas y avoir de Mission sans éducation. Le Missionnaire a pour rôle de porter la bonne nouvelle du salut, c’est-à-dire de donner à chacun la possibilité de grandir et de s’épanouir dans toutes ses dimensions, non seulement spirituelle, mais aussi intellectuelle et morale. Pour cela il n’existe pas d’autre moyen que l’éducation sous toutes ses formes et à tous les niveaux : enfants, femmes, adultes. Cela peut-être non seulement dans l’enseignement, mais aussi dans le domaine de la santé. - Notre Mission prend sa source dans la Mission du Christ : envoyé par le Père pour annoncer la Bonne nouvelle. Il allait à travers villes et cités et enseignait cette parole de Dieu qui est bonne nouvelle pour l’homme. - Jésus est donc le premier enseignant, le premier éducateur des hommes parce qu’Il les instruisait et les édifiait sur

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les principes de la vie terrestre pour accéder au Royaume des cieux : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’étais étranger et vous m’avez accueilli », et la charité, l’hospitalité, le pardon, l’amour et la réconciliation, voilà les grands thèmes de l’Amour de Jésus. - A ses disciples Jésus a donné comme mission « Allez dans le monde entier, faites des disciples (enseignez, instruisez-les) les baptisant au nom du Père et du Fils et du SaintEsprit…. » (Mathieu 28, 19) L’éducation et l’enseignement font donc partie de la Mission de l’Eglise, il n’y a pas de Mission sans instruction ni formation des baptisés à une vie d’adultes, mûrs et responsables. Cette éducation et cette formation sont globales : religieuse, civile, culturelle, sanitaire, en vue de la construction d’un édifice complet et solide qu’est la personne humaine capable de devenir libre et autonome. Cela fait partie de la tâche que le Christ nous a confiée dans l’annonce de l’Evangile : l’évangélisation et l’éducation ont en commun la libération de l’homme et sa construction en homme mûr et adulte. Comment vivez-vous et partagez-vous la spiritualité de votre Congrégation dans votre école ? Je pense que je vis à plein la spiritualité de notre Institut, à l’école. Jésus a dit : « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ». Le Père Libermann disait : « Se faire pauvre avec les pauvres, serviteur de tous, tout à tous. L’Esprit m’a envoyé évangéliser les pauvres ». Mais qui sont les pauvres ? Il y a pauvreté et pauvreté : pauvreté matérielle, mais aussi morale, spirituelle, et intellectuelle. ! Et c’est cela que j’essaie, dans la vie pratique, d’inculquer à nos élèves. Les pauvres ce sont ceux qui n’ont rien, ceux qui sont abandonnés, rejetés, qui sont ignorants, ceux qui ne trouvent pas de travail, ceux qui n’ont personne pour les 137

défendre, ceux qui sont malades, surtout ceux atteints par le VIH/SIDA… Avec les enfants, nous avons vécu des moments très forts « avec les pauvres ». En 1994, c’est l’arrivée des réfugiés rwandais. Nous avons sensibilisé les enfants. Nous leur avons expliqué ce que c’était qu’un réfugié, quelqu’un qui a perdu sa famille, ses biens, son pays, etc. et que, maintenant, nous allions l’accueillir et comment. C’était émouvant de voir ces jeunes enfants partager un beignet, boire à la même gourde, donner un bic ou un cahier, accueillir l’autre, le pauvre, et l’aimer Avec le Père Gustave. En 2003, c’est la création de l’Association Mama Thérésa par le Père Gustave Chisenga, originaire de Zambie. Il a commencé les sessions sur le VIH/SIDA. Les enfants ont compris et ils sont parts comme des missionnaires, pour parler de cette pandémie, les précautions à prendre pour se protéger en tant qu’enfant, adolescent ou adulte. Ils sont allés dans les familles, les quartiers. Ils sont allés vers les pauvres, ceux qui sont atteints par cette maladie. Dans la catastrophe du Tsunami en 2004 dans l’Océan Indien Les enfants ont cotisé pour aider d’autres enfants en difficultés, ils ont fait des dessins, ils ont écrit des poèmes, de lettres, pour les enfants en détresse. Pour le Noël des enfants Chaque année, les enfants cotisent, puis, avec le Père, ils vont faire les achats et le 26 décembre, ils vont à l’hôpital, offrir quelques cadeaux aux enfants malades. Ils chantent pour eux. Souvent, le Nonce apostolique va célébrer la Messe avec eux pour donner de la joie.

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C’est ainsi que je partage en éduquant cette jeunesse, notre esprit de pauvreté, de partage, d’amour, que je leur apprends à aller vers les autres. Nous allons aussi vers l’autre par la culture de la Paix, de la Tolérance, de la non-violence, les Droits de l’homme et de l’Enfant, la lutte contre le sida et aussi le respect de la nature, de l’environnement qui sont inscrits au programme. Depuis que vous travaillez dans le secteur de l’éducation, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées et qui ont empêché de vivre votre spiritualité dans ce milieu ? La situation financière, dans laquelle les gens vivent maintenant, les empêche de venir au secours de l’autre. Ils ne sont pas sûrs du lendemain, donc, ils s’enferment et ils deviennent plus individualistes, plus repliés sur eux-mêmes. L’esprit de famille se perd. Je pense que cette jeunesse que nous formons ne va pas réagir de la même façon. C’est l’avenir !

2 - Radio Notre-Dame 75 ans de mission de l’Ecole Sainte-Thérèse Pouvez-vous nous dire qui vous êtes ? Je suis Missionnaire du Saint-Esprit, sœur Paulette Petit, directrice de l’école Sainte-Thérèse depuis 45 ans Sœur Paulette, votre institut vient de célébrer ses 80 ans de présence en R.C.A et 75 ans de fondation de l’école Sainte-Thérèse. Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances cette école a été créée ? Lorsque nous fouillons les archives de l’école, nous constatons que les filles qui arrivaient à l’école n’étaient pas jeunes, la plupart avaient dix, douze ans et plus. Certaines d’entre elles ne passaient que quelques mois et partaient, d’autres étudiaient plusieurs années, mais après ce temps, c’était le mariage. Le nombre d’inscriptions en 1933 était de 120 élèves. 139

Je pense que la préoccupation spéciale des sœurs était de donner les bases pour savoir lire, compter, écrire et aussi la problématique de l’hygiène dans le ménage. Les sœurs devaient passer beaucoup de temps à la formation pour que ces filles deviennent de bonnes mères de famille Quelle était la sœur fondatrice de l’école Sainte-Thérèse à cette époque ? C’est Sœur Christiane Masseguin41 qui a fondé cette école. C’est une sœur Missionnaire du Saint-Esprit. Elle a été directrice de 1933 à 1937. Est-ce que, selon vous, on peut séparer éducation et promotion humaine ? Depuis toujours, nous avons eu le souci de donner à nos filles une formation solide, par l’instruction, mais surtout par l’éducation : faire de ces jeunes qui nous sont confiés, de futures mères de famille qui tiendront la route, qui seront capables d’éduquer leurs enfants, de se battre contre les injustices, et qui s’émanciperont. Le 31 décembre, deux anciennes élèves sont venues me saluer, me remercier. L’une est à l’université et l’autre termine sa formation de médecine. Elles me disaient que ce qui faisait la différence avec leurs collègues et les ressortissantes de Sainte-Thérèse et Pie XII42, c’était le respect et le travail. Le respect Respect de soi, de l’autre. Si on se respecte, si on respecte son corps, on évite le sida. Respect de toutes personnes humaines, de leur manière de faire, de réagir, de penser, d’être, de leurs convictions, de leur religion, etc. Respect des horaires, c’est très important ! Respect du matériel que l’on met à leur disposition : les livres, les tables, 41 Christiane Masseguin (1905-1967) est arrivée à Bangui à l’âge de 24 ans. Elle a servi en Oubangui-Chari de 1929 à 1937. En 1942, elle a publié A l’ombre des palmiers, l’œuvre familiale et missionnaire des Sœurs du SaintEsprit, préface de Philippe Renaudin (éditions SPES). 42 L’établissement comme collège (avec internat) est ouvert par les Spiritaines en octobre 1957. Il devient lycée en 1970.

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etc. Respect de l’environnement : ne pas jeter des plastics à terre, des papiers, car les maisons, les rues ne sont pas des poubelles, des tas d’ordures ! Respect et amour de la nature : à Sainte-Thérèse, il y a plein de fleurs, aucun enfant n’y touche, mais elles les admirent. Respecter les arbres, ne pas les entailler. La politesse Ce n’est pas superficiel, mais une grande marque de respect à l’égard les uns des autres. Il est agréable d’entendre les enfants saluer, dire merci ou s’excuser lorsqu’ils passent devant une grande personne. Le travail Les bonnes habitudes s’acquièrent dès le jeune âge. Bien travailler à l’école, être attentif, faire des efforts pour comprendre, ne pas penser qu’à jouer. Le savoir ne s’achète pas, même si malheureusement les ‘o’ se transforment en ‘6’ en ‘9’ ou en ‘10’ ? Je dirai à tous ceux qui font cela qu’ils sont des irresponsables, en train de tuer la jeunesse de ce pays ; ce sont des assassins. Pouvez-vous nous montrer un peu comment fonctionne l’école SainteThérèse ? Notre école ne fonctionne qu’avec du personnel qualifié et en nombre suffisant. Elle fonctionne dans la rigueur (par exemple, tout le monde doit arriver à l’école à 6 h 45, même les enseignants), d’où ponctualité, assiduité L’ordre, la discipline, le travail exigeant, le dévouement, l’amour fraternel. Une très bonne entente règne au sein de l’établissement. Je reste attentive au besoin et au désir de chacun, dans la mesure de nos possibilités. Nous avons aussi beaucoup d’activités : jardinage, couture, informatique, bibliothèque, solfège, dessin, formation sur le sida, pour la culture de la Paix, les Droits de l’Homme et de l’Enfant 141

Généralement, dans tout ce que l’homme entreprend sur cette terre, les difficultés ne manquent pas. Pouvez-vous nous montrer quelques-unes de ces difficultés qui ont failli entraver le bon fonctionnement de l’école Sainte-Thérèse ? Ce qui a failli entraver le bon fonctionnement de l‘école, ce sont les trois années blanches : 1991, 1993, 1994. Il a fallu se battre, tenir tête pour ne pas perdre ce temps précieux. Trois années, cela fait reculer le pays de quinze ans. Nous n’avons pas de temps perdre ! Malgré les menaces répétées des syndicats qui nous menaçaient de venir nous chasser, de brûler l’école, je leur répondais simplement que j’étais là et que je les attendais. Nous avons tenu avec l’équipe d’enseignants. Des jours, des mois, des semaines, ils ont travaillé sans salaires, pour sauver les enfants le pays, sous la menace continuelle des syndicats Mais ce qu’il faut, c’est y croire, ne pas baisser les bras, être des battants. Quelles sont les initiatives instaurées pour pallier souvent ces difficultés ? Je pense qu’il faut beaucoup de détermination, de volonté ; il faut y croire, croire que tout n’est pas perdu que la balle est dans notre camp. Il faut savoir ce que l’on veut ? La réussite ou laisser le pays plonger au fond du trou. Il y a beaucoup de défis à relever. Malheureusement, beaucoup n’y croient pas et, ne pense qu’à leur intérêt personnel, ils n’aiment pas leur pays. Puis il y a eu toutes ces mutineries. Il fallait combattre la peur, aller de l’avant dans la Foi et l’Espérance. Les militaires français sont venus nous chercher pour nous rapatrier. J’ai refusé de partir. J’ai voulu rester pour reprendre le flambeau avec les enfants. A votre connaissance, de nos jours existe-t-il certaines de vos élèves comme cadres dans l’administration africaine ? Oui, beaucoup de nos anciennes élèves ont occupé et occupent encore des postes de responsabilité dans l’adminis142

tration. A l’étranger, il y a la première radiologue, première architecte et d’autres occupent des postes importants surtout dans le social. Ici, aussi, les anciennes ont occupé et occupent encore des postes comme ministre, directrice de cabinet et bien d’autres postes, même dans les organismes internationaux. Avez-vous un dernier message à lancer à l’endroit de nos auditeurs avant de terminer cette émission concernant le 75ème anniversaire de l’école Sainte-Thérèse ? J’entendais à la radio quelqu’un qui affirmait que si l’on veut avancer, il faut deux choses : ce n’est pas l’argent, mais de la matière grise et la rigueur. Il est aberrant d’entendre un inspecteur primaire me reprocher d’avoir trop de discipline. Va-t-on travailler dans un laxisme généralisé, manquer de motivation, absence et non-respect des horaires, manque de civisme, d’intégrité où le tribalisme bat son plein ? Non. Je pense qu’il faut regarder l’avenir avec espoir. Je pense de plus en plus que tout l’espoir de notre pays est dans la tête et le cœur de cette jeunesse montante, qui apprend à travailler, à être honnête et à aimer son pays. Que de ressources pour l’avenir, que d’espoir, que joie. Mais il faut y croire. Il faut se battre, ne pas baisser les bras ; mais fixer les yeux sur l’étoile qui nous guidera vers un avenir meilleur. Je vous remercie.

3 - Entretien sur l’environnement Vous désirez nous parler de l’environnement. Et pourquoi aimez-vous tant la nature et les bêtes ? Je suis née dans une grande ferme de 118 ha « La Malmaison « dans le haut Doubs, à 1036 m d’altitude. Nous étions à quatre kilomètres de la ville, où nous allions à l’école et à la Messe. J’ai grandi au milieu des sapins, des vaches, des chevaux, des moutons et de tous les animaux de la ferme.

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J’ai beaucoup aimé les chevaux, les étriller, les caresser, chacun avait son nom au-dessus de son râtelier. Nous avions une cinquantaine de bêtes à cornes, elles aussi avaient chacune leur nom au-dessus de leur râtelier. A chaque naissance d’un veau femelle, la famille se réunissait pour lui donner un nom. Nous avions un album de noms et ils étaient classés par lettre alphabétique, car dans la même année, les noms commençaient tous par la même lettre, par exemple en 2008, c’est la lettre b, en 2009 ce sera c et ainsi de suite. Ces bêtes étaient pour moi de vrais amis. Lorsque l’on me punissait, j’allais pleurer près d’elles et tout en les tenant par le cou, je leur racontais ce qui m’était arrivé. Si on me cherchait, c’était à l’étable ou à l’écurie que l’on me trouvait Le paysage était magnifique. L’hiver il y avait entre un mètre et demi et deux mètres de neige et quelle beauté lorsque le soleil la faisait briller de ses milliers de diamants qui scintillaient. C’était féerique. Nous avions un joli perroquet du Brésil. Cela n’a rien à voir avec les perroquets gris que nous trouvons ici. Il était vert, lorsqu’il ouvrait ses ailes, les plumes rouges apparaissaient. Sur sa tête, les plumes étaient rouges, bleues, jaunes et vertes. Quelle beauté. Il nous appelait par nos prénoms, il parlait, il chantait et sifflait. Lorsque nous faisions les travaux des champs, nous poussions la porte sans la fermer à clé. Des amis ont frappé. Il a répondu « entrez ! » et les personnes sont entrées et il leur a dit : « Fermez la porte ». Ils étaient surpris de ne voir personne et ils ont compris que c’était le perroquet. Il est mort à plus de 75 ans. Vous aimiez bien Saint François d’Assise ? Oui. Une petite anecdote. Lorsque j’ai voulu faire profession, il fallait à l’époque se détacher de tout, même de son prénom de baptême et en choisir un autre. C’est alors que j’ai demandé celui de François d’Assise, car il aimait bien la nature. J’ai repris mon prénom en 1972.

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Parlez-nous un peu de l’environnement ! L’amour et le respect de nature exigent un combat. Il faut venir en aide à nos sœurs, les autres créatures, à tous nos frères inférieurs qui sont les animaux. Tant que la création souffrira d’une injustice (par exemple, un chien attaché ou enfermé toute la journée) cette injustice, fruit d’une infidélité au dessein créateur, et quelles qu’en soient les victimes humaines ou non, il ne faudra pas dormir. Nous, chrétiens, nous devrions apporter une attention plus grande envers l’ensemble de la création. L’environnement est un sujet qui me tient à cœur. Nous faisons partie de R.I.A.T. : Réseau International des Arbres Tropicaux43. D’abord, je pense au risque que Dieu prend en nous faisant confiance, en nous confiant la terre, l’univers. Et qu’en faisons-nous de cette terre, de cet univers ? Les respectonsnous ? Et nous éducateurs, est-ce que nous essayons d’éduquer la jeunesse dans ce sens ? Je suis toujours admirative, à l’école Sainte-Thérèse, de voir comment les jeunes enfants respectent les fleurs, les plantes. Jamais, ils ne les cueillent ou les arrachent. Une fois cependant une fillette est montée dans le frangipanier et a cassé une branche. Elle était au milieu de la cour quand une maîtresse lui demanda pourquoi elle pleurait en serrant une branche sur son cœur. Elle répondit : - « J’ai cassé la fleur de la sœur ». La maîtresse l’envoya pour s’excuser. Lorsqu’elle arriva au bureau, je lui dis : - « Mais qu’as-tu fait ? - J’ai cassé ta fleur et je viens te demander pardon ! - Mais comment as-tu fait pour casser ma fleur ? - Je suis montée dans l’arbre.

Réseau International Arbres Tropicaux a été créé en 1987. Son secrétariat se trouve à Paris, mais il concerne essentiellement l’Afrique. Il a un journal Le Flamboyant. 43

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- Tu regardes la télévision à la maison. ? Et qui est-ce qui monte dans les arbres ? - Ce sont les singes ! - Donc, les arbres ce sont pour les singes et non pour les petites filles. As-tu compris ? - Oui, je te demande pardon. - Alors, viens m’embrasser ! » Et elle de me redire : - « Tu me pardonnes vraiment ? - Oui, vraiment, mais à condition que tu ne recommences plus ». Elle le promit et elle partit. Nous essayons de leur apprendre à admirer ces beautés que le Seigneur nous donne. Nous allons plus loin. Nous leur disons que chaque fleur à un nom, que nous écrivons sur de petites pancartes afin qu’elles les apprennent. Et que doit penser cette jeunesse lorsqu’elle va à la cathédrale ou ailleurs et qu’elles voient dans le chœur, des fleurs artificielles ? N’est-ce pas une injure au Créateur ? Oui, c’est vraiment une injure, lui qui nous donne tant et tant de belles fleurs à Bangui. Regardez à droite, regardez à gauche, partout des fleurs ! Et nous Lui donnons des fleurs en papier, en chiffon, en plastic. N’est-ce pas se moquer de Lui. Or, on ne se moque pas de Dieu. Les fleurs artificielles encouragent la paresse. Aujourd’hui, je les mets dans un vase, dans une semaine je les retrouve, dans un mois, dans un an, elles sont toujours là, pleines de poussière. Sommes-nous là pour encourager la paresse ou au contraire pour dynamiser, stimuler cette jeunesse ? Les fleurs naturelles sont vivantes, elles dégagent de l’oxygène. Elles remplissent le cœur de joie, elles nous aident à vivre à condition que nous sachions leur parler, les cares-

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ser, les aimer, nous occuper d’elles. Et n’oublions pas ce que disait un grand écrivain : « La beauté sauvera le monde44 ». J’ai connu Bangui « La Coquette »45 avec ses belles avenues bordées d’arbres fleuris : ses magnifiques flamboyants, ses strélisias, ses tabébouyas, ses frangipaniers, ses cassias de Java, etc. Et aujourd’hui ? De la peinture, des statues inertes, des bancs, car les gens sont fatigués ! Où est la vie ? Il ne reste autour de la cathédrale que quelques tabébouyas qui ne fleurissent que dix jours par an et nous donnent des fleurs violettes, mauves, c’est de toute beauté. J’ai surpris une employée de la mairie, avec une machette, en train d’écorcer cet arbre qui va ensuite mourir. Je l’ai chassée et j’ai écrit au maire, lui disant qu’avant d’envoyer des gens dans les rues, il ferait bien d’abord de les éduquer, de les former. J’attends sa réponse ! Pourquoi gâcher ainsi la nature ? Autrefois, au séminaire de Sibut, on pouvait trouver des essences très rares et les touristes ne manquaient pas de s’y rendre pour aller les admirer ! Les Missionnaires les gardaient jalousement. Après leur départ, malheureusement par ignorance ou autre motif, tous ces arbres ont été détruits et pas remplacés. Quel gâchis ! ! ! Les actuels disciples de Saint François d’Assise ont non seulement à veiller à la santé du monde, mais aussi à sa beauté. Il n’est pas suffisant de lutter contre la pollution, la déforestation et le pillage dont souffre la planète. Il faut se battre pour que les traits ne soient pas défigurés, ne perdent littéralement leur visage, leur figure. Au nom de la beauté, de la source en référence au Verbe fait chair dans Jésus « Le plus beau des Enfants des Hommes ». A propos d’arbres ou de plantes qui peuvent être utilisées en pharmacopée, j’en profite pour remercier les professeurs Phrase de Dostoïevsky dans L’Idiot. L’expression est de Boganda, qui fut le premier Oubanguien élu maire de la capitale (23 novembre 1956 - 29 mars 1959).

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Abel Goumba46, Jean Koudou47 et Jean Abeye48, de nous avoir initiés à cette science. Nous avions participé au colloque du 17 au 22 décembre 2000 sur la pharmacopée et les médicaments traditionnels. Je voudrais aussi vous parler de protection des animaux. C’est toujours très douloureux pour moi quand j’entends parler de la destruction de la faune et de la flore. Dans les années 1980, j’étais allée dans la réserve à la Gounda. J’en ai gardé un souvenir merveilleux. Quelle diversité d’animaux: combien d’espèces d’antilopes, les élégantes girafes, le sommeil paisible des lions et des léopards, la course des éléphants. C’était féerique. Oui, beauté, tu n’es qu’un mot. Et Dieu vit que cela était bon et beau ! Et que faisonsnous pour glorifier Dieu le Père de tous ? Dans le Cantique des cantiques, un verset est dédié à « notre sœur la terre qui nous entretient et nous gouverne ». Je reviens aux animaux domestiques, à nos frères inférieurs ! Saint François ne disait-il pas : ma sœur l’eau, mon frère le soleil, mon frère le loup ! Donc nos frères inférieurs : chats, chiens, etc., comment les traitons-nous ? Ce sont des créatures sans voix que Dieu a mises sous la protection de l’homme. Il y a un mois, j’ai donné un chaton. Pour ne pas le traumatiser, j’ai demandé à un de mes gardiens de l’emporter dans ses mains, sans le serrer et surtout de dire de ne pas l’enfermer. Plusieurs fois par jour, j’ai eu une petite pensée pour lui. Vers 17 heures, je n’ai pu résister et je suis partie le voir. A peine dans la cour, je l’entends pleurer, crier, hurler. Depuis le matin, il était enfermé dans un carton de trente 46 Abel Goumba (1926-2009) « docteur en médecine, agrégé de médecine de santé publique et homme politique centrafricain, ancien Premier ministre à deux reprises (1959 et 2003) et ancien vice-président de la République centrafricaine du 12 décembre 2003 au 14 mars 2005 ». 47 Professeur de chimie à l’Université de Bangui. 48 Le Docteur Jean Abeye est spécialiste des sciences bio-médicales à l’Université de Bangui.

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centimètres de côté. Je suis allée sortir cette pauvre bête de sa prison. J’étais prête à le ramener à la maison, pauvre chaton privé d’air, de lumière, de liberté ! Pouvez-vous parler de l’Association R.I.A.T. et que faites-vous avec les élèves ? L’Association RIAT est une association française qui travaille pour la protection de la nature. Nous sensibilisons les enfants sur la protection de la nature. Cette année, nous étudions le palmier, le raphia, les éléphants et les gorilles. Le raphia et l’utilisation de ses fibres ont été une vraie découverte pour nous : tout ce que l’on peut réaliser, de la confection des sacs aux chaussures, du napperon brodé à la robe en raphia. Quelle richesse et quelle beauté ! Nous apprenons aux élèves à ne pas polluer l’atmo-sphère avec tous ces sachets en plastique. Attention à l’utilisation des mouchoirs en papier que les gens jettent partout et n’importe où ! Que devons-nous faire des ordures ? Pour terminer, je vous dirais que le Pape Jean-Paul II dénonçant « l’usage insensé des ressources et le recours à des formes d’arbitraires violences à l’égard du monde animal comme tout le reste de la création » rappelait en 1984 : « le monde est destiné à une mystérieuse transformation finale qui le prépare à entrer dans la liberté de la Gloire des Fils de Dieu. Il faut donc procéder de manière à ne pas bouleverser le plan divin ». L’amour et le respect de la nature exigent un combat. Il faut venir en aide à nos sœurs les autres créatures. Tous les animaux, toute cette nature sont des témoins d’une jubilation concrète de Dieu en son Royaume terrestre. Oui, beauté de la nature, mais aussi fragilité. Le 28 septembre 2001, j’ai créé une association : « Jeunesse en Fleurs » : Il est créé en République centrafricaine, une association d’utilité publique dénommée « Jeunesse en Fleurs ». Le siège de « Jeunesse en Fleurs » est à Bangui, il peut être transféré en tout autre territoire national sur décision de l’Assemblée générale 149

L’ONG a une durée illimitée. « Jeunesse en Fleurs » a pour buts L’éducation des enfants aux droits de la personne en application du programme décennal des Nations Unies couvrant la période de 1995-2004. La promotion des droits humains par la vulgarisation des pactes et des conventions de l’ONU sur les libertés civiles, politiques, sociales, culturelles et économiques d’une par, des réfugiés, les conventions contre la torture et toutes les formes de discriminations. Les conventions qui protègent les droits des femmes, des enfants, des peuples autochtones et des réfugiés d’autre part. Et de façon générale, tous les instruments internationaux du domaine du droit international humanitaire, la promotion de la démocratie et du développement durable, la mise en œuvre des mécanismes d’enquêtes et de recours au plan local, international, en cas de violation grave des droits de la personne ou d’atteinte aussi grave du domaine du droit international humanitaire. Les trois objectifs de Jeunesse en Fleurs sont : - Promouvoir la collaboration, la solidarité, la cohésion et le respect entre membres et la culture de la paix et des Droits de l’Homme dans la communauté. - Contribuer au renforcement des capacités, d’écoute, de compréhension et d’intervention des membres en matière des droits de la personne. - Pérenniser les activités d’éducation et de sensibilisation sur les Droits de l’Homme et de l’Enfant au sein de la communauté. L’environnement est très ancré en moi. Dans les années 1992, j’ai acheté un terrain de quatre hectares à Ngola, à treize kilomètres d’ici. Nous avons planté quatre-vingts arbres fruitiers (papayers, citronniers, orangers, pamplemoussiers, etc.) et fait creuser trois étangs de vingt-cinq mètres de long sur quinze de large. Nous y élevions des tilapias. Nous avions trois cents pieds d’ananas et les enfants y faisaient du maraîchage : salade, carottes, tomates, ignames, 150

patates douces, etc. Nous avons construit une case, une porcherie, une paillote, grâce à l’aide des militaires français. Le consulat d’Autriche a mis à notre disposition une camionnette et un chauffeur pour le transport des enfants. Pourquoi cette plantation ? Pour redonner aux enfants l’amour de la terre. Et qui allait à la plantation pour travailler le jour des activités ? Ce n’était pas une punition, mais au contraire, une récompense. L’élève qui a bien travaillé, qui a été gentille avec ses camarades, qui a rendu service, qui a été polie, etc. C’est celle-là qui ira à la plantation. Lorsque le temps de la récolte arrivait, les enfants faisaient la cueillette et ramenaient les produits vivriers à l’école pour l’apprentissage de la cuisine: comment préparer les carottes, la salade, les choux, les poireaux, les ignames. Au lieu de consommer tous les jours du manioc dont la production est abondante. Mais la préparation pour retirer le cyanure est difficile. Donc le danger persiste. Le résultat est que le cyanure qui se trouve dans le manioc détruit lentement le cerveau de celui qui en consomme chaque jour. Il bloque sa capacité d’auto développement. Nous leur apprenions aussi comment faire des composts, des confitures. Ce temps était un bon moment de joie de détente. Nous avons travaillé pour la promotion de l’horticulture scolaire. La réalisation du projet a donné une bouffée d’oxygène aux élèves. Quelle joie de se retrouver dans la nature ! Durant les années 1992 jusqu’en 2003, les enfants allaient à la plantation.

 La serre. Nous avons construit une serre à l’école. Quelle joie d’apprendre à faire des semis dans des petits pots en plastique. Ils ont pu voir grandir les fleurs et apprécier les installations à l’intérieur de la cour de récréation (bacs à fleurs, poterie)

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Ils ont pu emporter chez eux des plants pour embellir leurs concessions. Chaque jour, il fallait arroser, enlever les mauvaises herbes, veiller à leur entretien. Les enfants portent beaucoup d’intérêt à l’horticulture. Ils apprécient un cadre agréable. Ils apprennent regarder les fleurs, à les connaître par leurs noms ; à sentir leur parfum, à les caresser, à les aimer, à leur parler. Ils sont capables de les apprécier et réalisent que les fleurs artificielles ne sont que des nids à poussière engendrant la paresse, car, mises dans un vase. Elles peuvent y rester des jours, des mois, des années, sans intérêt Ce qui est très beau c’est le respect que les élèves portent aux fleurs. Ils ne les arrachent pas. Ils les admirent et respectent la nature. A l’école, plus de quatre-vingts plantes tropicales et autres, ont été répertoriées et portent chacune une plaquette avec leur nom scientifique49 : datura maranta, tiare (venant de Tahiti, ainsi qu’un superbe frangipanier jaune), euphorbia dracaena, sandériana, capillus veneris, hippeastum amaryllis, clerodendrum thomsoniae, adiantum capillus veneris, begonia rex, sanseviera, syngonium, cleome hassleriana trascantia, zebrine pendula, orchidées etc. A la fin de l’année scolaire, un petit concours est organisé sur la connaissance des plantes. Il est regrettable que l’on ne trouve pas dans le pays, un pépiniériste, qui pourrait vendre régulièrement de nouvelles plantes ! Cela pourrait être un projet intéressant.

 Le jardin. Les enfants ont eu la joie d’apprendre à faire des semis dans des petits pots en plastique. Ils ont vu grandir les fleurs 49 On se rappelle qu’un Père spiritain, Charles Tisserant (1886-1962), parti en Oubangui-Chari en 1911, où il resta quarante ans, a publié en 1950 Catalogue de la flore de l’Oubangui-Chari (Institut d’Etudes Centrafricaines, Brazzaville), sans compter de nombreux articles de botanique. Pour ne pas parler des travaux du botaniste Auguste Chevalier (18731956).

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et apprécier les installations à l’intérieur de la cour de l’école (bacs à fleurs, poterie). Ils ont pu emporter chez eux, des plants pour embellir leurs concessions. Chaque jour, il fallait arroser, enlever les mauvaises herbes, veiller à l’entretien. Ils ont appris à fabriquer du compost. Ils l’ont utilisé pour une partie du jardin. L’autre partie a reçu des produits chimiques. Il y a eu comparaison entre les deux. Les enfants ont suivi la croissance des plantes : de la germination à la floraison. Ils ont fait la récolte. Les légumes récoltés ont été utilisés en cuisine, par les plus grandes, manière de lutter contre la malnutrition en utilisant d’autres aliments que le manioc… La nature est certes célébrée dans sa beauté propre, mais jamais pour sa gloire. Les animaux de la ferme et les bêtes sauvages, les campagnes et les forêts, les montagnes et les mers sont autant de témoins d’une jubilation concrète de Dieu en son royaume terrestre. Il faut veiller non seulement à la santé du monde, mais à sa beauté. Il n’est pas suffisant de lutter contre la pollution, la dévastation et le gaspillage dont souffre la planète. Il faut se battre pour que ses traits ne soient pas défigurés et ne perdent pas définitivement leur figure, leur visage. Au nom de la beauté de la source en référence au Verbe fait chair dans Jésus « le plus beau des enfants des Hommes ». Le cantique des créatures à sœur notre mère la terre qui nous entretient et nous gouverne. Le respect et l’amour de l’Univers exigent un combat. Tant que la création souffrira d’une injustice, fruit d’une infidélité au dessein créateur, et quelles qu’en soient les victimes, humaines ou non humaines, il ne faudra pas dormir ; Au crépuscule de sa vie, le pape Jean-Paul II en « remontant aux sources du christianisme » a-t-il été « éclairé » par l’Esprit-Saint sur la réalité des souffrances pour les créatures sans voix que Dieu a mis sous la protection de l’homme. Depuis plusieurs années, je fais partie de l’association : pour la protection des animaux et de la nature. 153

En ce début du mois de mai 2010, avec les services de l’Environnement, nous venons de créer une association pour l’école. Que cette dernière puisse mettre à profit toutes ses connaissances sur la protection de l’environnement. En mars 1994. Nous avons fait un projet pour l’exploitation et l’utilisation naturelle des plantes médicinales locales50, cultures maraîchères, verger et pisciculture scolaires, pour un meilleur enseignement des élèves et le renforcement des soins de santé en RCA. Actuellement la R.C.A., comme chacun le sait, ne dispose pas de moyens nécessaires pour assurer la couverture sanitaire de sa population, et ce, malgré les objectifs qu’elle s’est fixés. En dépit du développement et de l’amélioration des programmes de santé primaire déjà existants, les populations restent souvent démunies devant la maladie pour diverses raisons : Manque de moyens pour l’achat de médicaments ; difficultés d’accès aux structures sanitaires ; alimentation déséquilibrée. Compte tenu de cette situation et pour pallier les insuffisances en matière de santé, une des solutions serait de sensibiliser la population à l’alternative des plantes médicinales. C’est dans ce cadre de « la santé pour tous en l’an 2.000 » que l’école Sainte-Thérèse voudrait inclure, dans son programme d’enseignement, d’éducation et de formation, des activités pratiques, visant à éveiller et à sensibiliser les élèves à l’utilisation des plantes médicinales et à leur inculquer les techniques des cultures vivrières. Etant dans le pays depuis 1958 et constatant l’état de malnutrition dans lequel se trouvent les gens e les nombreuses maladies contractées par les enfants, j’ai pensé qu’il était urgent de faire quelque chose. J’ai rencontré un parent d’élèves, le professeur Abel Goumba, agrégé en médecine Le Père Pierre Saulnier, des Missions africaines, qui a fait un long séjour en RCA, a publié Plantes médicinales et soins en Afrique (Sépia, 2015). 50

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tropicale, professeur de la médecine traditionnelle à la faculté de sciences et de la santé de Bangui. Il m’a encouragée à étudier les plantes. J’en ai parlé à quelques institutrices qui se sont intéressées aussitôt à ce sujet. Dans le même temps, l’UNESCO nous proposait un questionnaire à emplir pour faire partie des écoles associées de l’UNESCO. A l’université, c’est le sujet « environnement » qui a été retenu. La pharmacopée coïncide exactement avec le thème choisi. Peu à peu, tout le personnel enseignant s’est intéressé aux plantes d’autant plus que la situation financière (de longs mois sans salaire) et économique se dégradait de plus en plus. Les objectifs du projet consisteront à : - Mener des opérations de recherche en contactant des tradipraticiens locaux. - Collecter les recettes médicinales. - Identifier les plantes. - Confectionner un herbier et des fiches pédagogiques. - Cultiver des plantes médicinales et des plantes maraîchères en vue de faire de la démonstration d’un jardin modèle pour la promotion des plantes médicinales et maraîchères. Ce jardin permettra aux enfants et aux éducateurs d’apprendre à connaître les plantes et éventuellement, à les cultiver eux-mêmes. - Assurer la fourniture de plantes médicinales pour les soins des élèves et de leur famille. - Photographier ces plantes pour les identifier. - Faire des expositions permanentes pour familiariser les enfants sur l’utilisation de ces plantes. - Initier les enfants aux problèmes de santé afin d’éviter certaines maladies. - Améliorer l’hygiène, éviter les problèmes de malnutrition - Aider à la prévention (information sur la vaccination, dépistage des malnutris)

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- Mettre en place une éducation sanitaire adaptée, car l’éducation pour la santé doit porter sur la nutrition, l’hygiène, l’environnement, pour nous permettre de participer à la construction d’une communauté plus saine, pour eux-mêmes et leur famille. - Apprendre aux enfants à donner les premiers soins en cas d’accident ou à demander de l’aide. - Sensibiliser les enfants aux problèmes de l’eau. Pour la formation, nous avons eu le professeur Abel Goumba professeur à l’université, Monsieur Gabriel Tandeau de Marsac, ingénieur des eaux et forêts51 (CREF), Madame Quetier qui cultive les plantes médicinales et soigne la population de son quartier. L’école, située au centre de la ville de Bangui, ne dispose pas d’une superficie suffisante pour la réalisation ce projet. C’est pourquoi elle a acquis un terrain d’une superficie de quatre hectares, en dehors de la ville, à N’Gola qui sera exploité pour les plantes médicinales, pour le verger, les cultures maraîchères et la pisciculture. Le terrain étant situé à proximité de la rivière N’Gola, cela a permis l’arrosage et la pisciculture (quatre bassins de vingt-cinq sur vingt mètres). Pour donner une formation plus complète en environnement, on a envisagé le maraîchage. Les légumes récoltés seront ensuite apportés à l’école où les élèves, elles–mêmes, les cuisinent. Ce site est resté productif jusqu’aux événements de 2003, où tout a été saccagé. Les bêtes ont été volées ou tuées (porcs, chèvres, lapins). La voiture qui nous était prêtée a été complètement abîmée. Donc, plus de moyens pour continuer et c’est à regret que nos avons dû tout abandonner.

51 Né en 1942, ingénieur du génie rural des Eaux et Forêts. Conseiller du ministre centrafricain des Eaux et Forêts de 1990 à 1996.

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4- Réponses à un questionnaire Ce qui est le plus important dans ma vie, c’est d’être au service des autres : « Aime ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et le prochain comme toimême ». Ce qui est très important pour moi, c’est la vie, l’éducation des filles pour les préparer à leur futur rôle de femmes responsables dans la société et de bonnes mères de famille. Ce sont les femmes qui sortiront le pays du sousdéveloppement. L’avenir est entre leurs mains. Il faut qu’elles soient reconnues à cause de leur valeur et non traitées comme des objets. Ici, la fille n’a pas beaucoup d’importance, l’éducation, l’instruction, c’est d’abord pour le garçon. Elle n’a pas le droit à l’héritage. Elle est très vulnérable, par ex. pour le sida, elle est 5 fois plus infectée que le garçon. Eduquer un garçon, c’est éduquer un homme. Eduquer une fille, c’est éduquer une Nation. C’est la devise de l’école Sainte-Thérèse. Je me vois moi-même comme une femme dynamique, pleine d’entrain, généreuse, aimant partager avec les plus démunis. Je suis une battante, mais je me vois toute petite devant la situation du pays, devant tout le travail à faire pour les filles Je suis joyeuse de vivre et j’ai une grande foi dans ce que je fais. J’aime tout ce qui est beau dans la création, cela me permet de louer le Seigneur sans cesse. Harmonie des couleurs, les variétés de fleurs. L’école Sainte-Thérèse est un vrai paradis, un vrai jardin botanique. Chaque espèce de fleur porte un nom scientifique. J’aime donner de la joie aux enfants, leur donner le goût du beau, du travail bien fait, du dévouement, de l’honnêteté, la vérité, l’amour des autres, les grandes vertus. 157

Le travail le plus important, c’est : - L’éducation des filles, - La lutte contre le SIDA (en formant des pairs éducateurs), - L’amour du travail de la terre. A Bangui, le nombre des écoles privées augmente de jour en jour. Ce n’est pas le souci de l’avenir des enfants qui compte, mais c’est plutôt le côté financier ! Il y a des écoles protestantes un peu partout, mais chose surprenante, beaucoup de pasteurs mettent leurs enfants dans nos écoles. Un jour, j’en ai interpellé un en lui disant : - « Je pense que vous n’avez pas bien réfléchi. Voyez les économies que vous pourriez faire en gardant votre fille dans votre établissement ? Pas de frais de transport ni de scolarité, le matériel scolaire lui serait fourni sur place. Et vous pourriez mieux la suivre dans ses études ». Et lui de me répondre : - « Oui, mais l’éducation ? » Ce pasteur n’était-il donc pas capable d’éduquer sa fille ?

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Témoignages

Articles 1 - Reportage de Famille chrétienne n° 1583 DU 17 au 23 MAI 2008

Afrique : l’église en dernier recours Dans plusieurs pays du continent africain touchés par des conflits à répétition, l’Etat n’assure plus des missions. Omniprésente par son action sociale, décisive dans son rôle de médiateur politique, l’Église Catholique semble l’avoir remplacé. Est-ce bien son rôle ? Reportage en Centrafrique, champion emblématique du mal développement. La nuit vient à peine de tomber et les longues avenues de Bangui, capitale de la Centrafrique, sont déjà presque désertes. Ça et là, des groupes armés sont postés le long des routes. Les rares taxis déglingués qui roulent encore à cette heure font des détours sans fin pour éviter les militaires. Pourtant, il s’agit de l’armée légale : des hommes illettrés, à peine sortis de l’adolescence, qui font régner la terreur en rançonnant les malheureux qui échouent devant leur barrage. L’Etat laisse faire. Ses caisses sont vides ; les fonctionnaires se payent sur le dos de la population. Au cœur même de la capitale, l’Etat n’est pas capable d’assurer la sécurité de ses citoyens. Même situation dans les autres champs d’intervention du pouvoir. « A l’hôpital public, on ne laisse entrer un malade que s’il a de l’argent », enrage un Centrafricain. 159

L’école ? Les familles se cotisent pour payer l’un des parents qui fera office de précepteur. Le système en devient absurde : un crime a lieu, mais le commissaire ne se déplacera que si la famille du défunt apporte « une aide financière à l’enquête ». Dans ce pays frappé par la misère, l’Etat est au mieux absent. Au pire, il devient prédateur - la corruption est omniprésente – et meurtrier. Dans le nord, des mouvements rebelles cherchent à renverser le dictateur en place, François Bozizé. En attendant, ils harcèlent les populations locales : pillages, viols et meurtres. L’armée légale qui les affronte se comporte de la même façon, comme l’a révélé l’ONG Human Rights Watch en 2007. La Centrafrique est à genoux, ravagée par une série de régimes dictatoriaux, champions toutes catégories du mal développement. Et ce pays est coincé entre des voisins agités, Soudan, Tchad et Congo (Ex Zaïre). Pourtant, il est loin d’être une exception. Il appartient à cette frange de l’Afrique à la dérive : Côte d’Ivoire, Congo, Burundi, Rwanda, Kenya ; et plus au nord : Tchad, Soudan. Des pays en proie de la violence, où l’Etat est incapable de remplir son rôle. Qui donc agit pour aider ces millions d’Africains à vivre ou survivre ? Ce sont d’abord les Africains eux-mêmes, sauvés par leur génie de la débrouillardise, leur sens du partage, et un optimisme quasi surnaturel. Pour le reste, il existe bien sûr les fonds de l’aide extérieure. Mais trop souvent, cet argent est détourné par les officiels gourmands. L’action des ONG ? Pour reprendre le cas centrafricain, en juin 2007, une jeune volontaire de Médecins sans frontières (MSF), Elsa Serfass52, est assassinée. Depuis, toutes les ONG ont déserté le nord du pays. De son côté, l’ONU reste malheureusement limitée dans son action, comme en témoigne l’enlisement de la situation 52 Agée de 27 ans, logisticienne et administrateur du projet Paoua de MSF/France, elle a été tuée le 11 juin par des hommes de l’APRD.

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au Darfour. Et ce, malgré les milliers de Casques bleus présents. Quant aux ex-puissances coloniales, leur rôle reste décidément ambigu, oscillant entre intérêts géostratégiques et action humanitaire. L’action de la France au Tchad l’a rappelé récemment.

Un rare passeport pour L’Ecole Sainte-Thérèse,

la

réussite.

Alors qui ? En Centrafrique, un nom est sur toutes les lèvres : Milou : « Pour avoir une bonne éducation il faut aller chez Sœur Milou », explique-t-on à Bangui. Une religieuse qui porte le nom du plus célèbre des chiens de bandes dessinées ? Directrice de l’Ecole Sainte-Thérèse. Une petite dame, suivie d’un énorme chien-loup, accueille le visiteur. Robe à fleurs, voix haut perchée et une énergie à déplacer les montagnes : voici donc Sœur Milou. « En 2008, je fêterai mes 50 ans d’Afrique et pourtant j’ai l’impression d’arriver ! », s’exclame-t-elle. A 24 ans, la religieuse débarque sur le continent. Un peu perdue, elle suit alors « comme un petit chien » l’une de ses aînées de l’ordre des Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit. D’où son surnom qui, depuis, lui est resté collé à la peau. Son école, des bâtisses impeccablement entretenues, accueille plus de huit cent cinquante élèves. Tout le monde le sait à Bangui, Sainte-Thérèse est la seule école primaire qui tienne la route. Associé à des programmes de l’UNESCO, de l’ONU, l’établissement est un passeport vers la réussite. La première femme radiologue du pays, la première architecte et plusieurs ministres : toutes sortent de l’école de Milou. Parmi les écoliers, des réfugiés rwandais La scolarité coûte 65.000 Fr. CFA (100 euros) l’année. Un budget accessible aux classes moyennes. « Pour les familles démunies, on s’arrange », glisse une religieuse. Même les ministres veulent y faire entrer leurs enfants. Dans cette 161

école de filles, une présence incongrue à l’heure de la récréation : quelques garçons jouent dans la cour. « J’ai craqué en 1994, confie Milou, quand sont arrivées des familles fuyant le génocide rwandais. » Milou a pris sous son aile quarantecinq filles et trente-cinq garçons. N’est-ce pas le travail du Haut Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU ? « Ils sont encore venus de l’autre jour pour me demander de prendre quelqu’un. Bien sûr, je ne peux pas refuser. Mais en contrepartie, ils ne font jamais de dons qui nous permettraient pourtant de continuer notre action. » La petite sœur est très respectée ici. Quand la guerre éclate, les Blancs fuient, mais elle reste. « La petite Thérèse (de Lisieux) nous a protégés plusieurs fois ! » L’action de la Sœur Milou va bien au-delà de l’école. Grâce à son réseau des parents et d’anciens élèves, elle a une grande influence, jusque dans le gouvernement. Des personnes injustement emprisonnées ? « Face aux injustices je deviens comme un tigre ! » La religieuse téléphone aussi sec au colonel, un parent d’élève, qui débloque la situation. La petite sœur fait le travail de la Justice… Un militaire centrafricain, parent d’élève, va chaque matin à la Messe à la Cathédrale. Un matin, je ne le vois pas. Quelques jours après, son épouse m’apprend qu’il a été arrêté et qu’il est à la gendarmerie. Je me renseigne pour savoir de quoi il est accusé : soi-disant que chaque nuit, il part dans la brousse rejoindre les rebelles ! Cela n’est pas possible, puisque chaque matin à 5 h 30, il est déjà à l’église. Je pars à la gendarmerie voir le général pour lui dire que ces accusations sont fausses, que je connais très bien ce parent d’élève et qu’il est innocent. Cela ne peut être que par jalousie et méchanceté qu’il a été arrêté. Je dois demander un papier officiel à la paroisse, comme témoignage de ce que j’ai dit. Finalement, il sort, mais nu comme un ver, les gardiens se sont emparés de ses chaussures, ses vêtements, son télé162

phone : il retrouve la liberté, mais ne pourra pas retrouver son travail ! Concernant l’éducation, le reste du pays est à l’image de la capitale. C’est avant tout l’Église qui forme les « parents maîtres ». L’Etat a rendu public l’enseignement dans les années 1960 ; certains murmurent que face aux résultats déplorables, le régime est venu « implorer à genoux » l’Église pour qu’elle reprenne le flambeau.

L’Église est un partenaire de choix pour les donateurs Dans la banlieue de Bangui, Pulchérie baisse les yeux quand elle parle. Par habitude. Lorsqu’elle a appris qu’elle était atteinte du Sida, son mari l’a quittée. « On m’a dit : tu es foutue, inutile ! » Pour obtenir les médicaments, il faut payer. Pulchérie n’en a pas les moyens. Un proche lui parle de l’Association « Mama Thérèsa ». L’ONG catholique lui fournit les antirétroviraux. Elle a également reçu un microcrédit qui lui a permis d’ouvrir un petit commerce. Aujourd’hui, elle reprend enfin espoir : « Je peux vivre encore vingt ans grâce aux soins, et mon fils de 8 ans n’est pas contaminé. » Elle retrouve souvent les autres membres de Mama Thérèsa avec qui elle plaisante sous le soleil. « Vatican II nous appelle à prendre l’être humain dans son intégralité, au niveau spirituel et intellectuel, mais aussi social, économique et matériel » explique le Père Gustave, de la Société de la Mission africaine, qui dirige Mama Thérèsa. Une ONG qui prend en charge trois cent neuf orphelins, et donne des champs à cultiver à quatre-vingt-dix-neuf veuves. Preuve du sérieux de Mama Thérèsa : les dons proviennent en grande partie de la Banque mondiale. Les organismes internationaux font confiance au travail social de l’Église : « L’Église catholique a l’avantage d’avoir une longue expérience sur le terrain, d’être une structure bien identifiée et hiérarchisée avec qui il est possible de discuter, 163

ce qui en fait un partenaire de choix pour les donateurs », souligne Cédric Mayrargue, chercheur associé au Centre d’études d’Afrique noire de Bordeaux, spécialiste des rapports entre religion et politique53. Dans les couloirs des ministères, on avoue discrètement qu’il vaut mieux travailler avec les évêchés plutôt qu’avec les préfectures. « Ils ont plus de moyens, agissent avec efficacité, et rendent des comptes propres ». Même le ministre français des Affaires étrangères s’adresse à l’Église, et non au Gouvernement, pour implanter un réseau de cybercafés. La densité de son réseau et le mélange entre acteurs locaux et expatriés semblent être des facteurs de la bonne marche de son action sociale. Presque partout en Afrique, là où l’Etat fait défaut, l’Église agit : la liste serait longue : sensibilisation à la vaccination, médias d’information, voirie, assainissement… « Cette action est très visible dans les zones en conflit, quand il n’y a plus rien. L’Église devient le dernier recours, analyse Cédric Mayrargue. Dans les pays où l’Église catholique est fortement implantée, comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, ou le Cameroun, elle a pallié les défaillances de l’Etat depuis les années 1980. Mais elle n’est pas présente partout en Afrique, et d’autres acteurs agissent également. » L’Église se révèle aussi un partenaire politique précieux, qui s’efforce de reconsolider ces régimes. Rendez-vous est pris à l’ONU avec un spécialiste des pays en crise, qui tient à se présenter d’emblée comme un « bouffeur de curés ». En étalant fébrilement les cartes de la région qui signalent les mouvements militaires ; il explique la présence de l’Église est un « indice de sécurité » précieux : « Quand eux partent, c’est que ça va vraiment chauffer dans la zone. Car ils sont toujours les derniers à partir ». Et les mieux renseignés : l’Église est l’un des informateurs clés de l’ONU dans la région. « Nous travaillons beaucoup avec les structures catho53 Cf Les Afriques dans le Monde. http://www.lam.sciencespobordeaux.fr

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liques pour faire tenir ce pays. Moi qui suis anticlérical, je dois pourtant vous avouer qu’on se complète bien ! », grommelle ce haut responsable de l’ONU. Dans les bureaux des autres institutions internationales, des ambassades et des ONG, même réponse : « Sans l’Église ça serait chaos ici »

Un travail de médiation largement reconnu Est-ce le rôle de l’Église ? A prendre trop de place, n’empêche-t-elle pas finalement l’Etat de se relever ? A travers sa courte présence en Afrique, à peine plus d’un siècle en Centrafrique. L’Église a été très liée à l’Etat. D’abord à la puissance coloniale, puis aux Etats nouvellement indépendants. Parfois pour le pire : « L’Eglise a été très silencieuse, voire complice de certains régimes autoritaires. », rappelle Cédric Mayrargue. Mais elle a aussi fait bouger les choses dans le bon sens sur le continent. Dans les années 1990, des chrétiens ont joué un rôle essentiel dans la vague de la démocratisation : ce sont par exemple des prêtres catholiques qui président les « conférences nationales » accouchant de régimes démocratiques. Depuis, son travail de médiation est reconnu, par exemple, le Mozambique retrouve la paix en 1992 grâce à l’action de Sant Egidio54, une communauté qui a depuis multiplié les médiations – son dernier succès est la signature d’accord de paix en Ouganda début 2008. A travers ce « cas centrafricain » se précise la position de l’Eglise dans cette Afrique qui va mal. Plus que s’y substituer, l’Église tente au contraire de soutenir le rétablissement de l’Etat dans ce pays en crise. Elle remplace de facto dans le domaine social, « en attendant que le gouvernement soit assez fort ». Dans le même temps, elle soutient pour qu’il recouvre ses pouvoirs régaliens.

54 Communauté créée en 1986 par Andrea Riccardi. Parmi ses activités, elle s’occupe de la prévention et de la résolution des conflits.

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A Bangui, des camions militaires avec le drapeau de l’Union européenne débarquent dans le centre-ville. Bientôt, une force européenne, sous mandat onusien, va se déployer au nord du pays. A la radio locale, on dénonce de nouvelles exactions de la part de l’armée sur des civiles. Alors jusqu’où l’Église doit-elle dialoguer avec les régimes dictatoriaux ? Le Père Gustave, de l’Association Mama Térésa, donne sa réponse : « l’Eglise n’hésite pas à interpeller l’Etat. Mais elle attaque les idées et les actes, jamais les personnes. Dans Luc 18, Jésus compare le royaume de Dieu à un arbre dans lequel les oiseaux du ciel ont fait leur nid. Ainsi, l’Église laisse venir à elle tous les oiseaux, bons ou mauvais. Mais jusqu’où dénoncer ? Parfois il faut savoir danser avec la folie de quelqu’un pour sauver des vies ». L’Église ne peut en effet attaquer frontalement les régimes durs, les risques seraient grands aux fidèles. « L’Eglise c’est-à-dire chacun de ses membres a sa part de responsabilité quand un pays se porte mal. Mais elle ne peut éviter le mal, il existe des contre forces à notre force. » Le Père Gustave s’éloigne pour réfléchir à l’ombre des palmiers, puis ajoute une dernière chose : « Vu la grande influence qu’a l’Église catholique dans ce pays en lambeaux, on pourrait en déduire qu’elle a en partie échoué. Mais n’oublions pas que Jésus sur le Golgotha, c’était aussi apparemment un échec ». Sa cravate ornée de mains tenant des chapelets s’envole par-dessus de son épaule, un vent chaud caresse la capitale centrafricaine. Et le prêtre repart travailler pour « sa petite Association »

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2 - Les élus de Chécy55 et les cadres du GRAP56 visitent les écoles de Bangui. Cette activité s’est déroulée le vendredi 20 février 2009, de huit heures à quatorze heures. Menée au pas de charge, elle s’est soldée sur la satisfaction de toutes les parties, les hôtes et les visiteurs. Nous vous en rendons compte de deux parties. La première concerne l’école Sainte-Thérèse et le lycée technique. La délégation est conduite par Théodore Toulougoussou, Centrafricain, mais conseiller municipal de Chécy et ancien élève du lycée Boganda. A l’école Sainte-Thérèse, la délégation a été accueillie par le premier vice-président de la ville de Bangui, en l’absence du président. La directrice de l’école Sainte-Thérèse, sœur Paulette Petit (en fonction depuis 1967 dans cette école) était entourée dans cette belle cour fleurie et ensoleillée, de tous les enseignants et élèves. Rappelons que cette visite à l’école Sainte-Thérèse dans le cadre de R.I.A.T. (Réseau international des arbres tropicaux). Elle a été créée en 1933 par les sœurs Missionnaires du SaintEsprit. Elle est affiliée à l’UNESCO depuis 25 ans. En 2000, elle a été reconnue comme école pilote des Droits de l’Homme et de l’Enfant. Depuis 2006, elle est membre de RIAT. Les élèves de l’école la « chorale de la Paix », en particulier, ont égayé les visiteurs d’une batterie de chants, danses, déclamations de sketches, dix-huit au total, largement applaudis. Dans son mot de bienvenue, la directrice s’est réjouie de cette venue. Tranquillement et durablement.

55 Chécy est une commune du Loiret jumelée avec Bangui depuis 2010 (signature de la coopération décentralisée), mais la coopération avec l’école primaire Sainte Thérèse a commencé en 2009. 56 Groupe de réflexion, action et proposition présidé par Théodore Toulougoussou, conseiller municipal de Chécy.

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Pour le maire de Chécy, drapé de l’écharpe tricolore des élus de France, l’heure n’était pas au discours. En se laissant porter par la chaleur de la rencontre et du moment partage, il a déclaré que l’objet de cette venue était de rencontrer des hommes, des femmes et des enfants qui font la R.C.A. Il a loué la qualité de l’accueil reçu ce jour-là par lui-même et sa délégation. Il a proclamé que la coopération scolaire va se développer à travers les actions éducatives autour de l’eau, une richesse inestimable que ce soit en RCA ou en France. Avec le concours de l’association GRAP, la mairie de Chécy désire établir avec les écoles centrafricaines installées à Bangui un partenariat doux, tranquille et durable. La délégation a ensuite regagné le lycée technique avant de poursuivre son périple.

3 - L’école Sainte-Thérèse promeut l’environnement Par Nicolas Ndagiyé (journaliste) L’école Sainte-Thérèse, sise en face du lycée (français) Charles de Gaulle, accueille ce vendredi 20 février 2009 une délégation de Réseau International des Arbres Tropicaux (RIAT), grâce au dévouement de sa directrice, sœur Paulette Petit. Cette école de l’enseignement catholique associé est dotée de la section primaire. Elle est vouée à la promotion de l’environnement grâce à la sœur directrice qui a eu la passion des plantes et des animaux dès sa tendre enfance. Elle est tout acquise à la cause des fleurs, des arbres et des animaux, qu’elle considère comme un cadeau de Dieu aux êtres humains. Nous l’avons rencontré dans son bureau, lundi matin, en début de semaine. A la question de savoir pourquoi elle aime tant parler de la nature et des bêtes, elle répond : Je suis née dans une grande ferme de 118 hectares dans le haut Doubs. Nous étions à quatre kilomètres de la ville où nous allions à l’école. J’ai grandi au milieu des sapins et des vaches et des chevaux, 168

de tous les animaux de la ferme. J’ai beaucoup aimé les chevaux et les vaches. J’aimais les étriller, les caresser, leur parler. Chacun avait son nom écrit sur une petite pancarte audessus de son râtelier. C’était de vrais amis pour moi… J’ai toujours aimé la nature. Quant à l’environnement, c’est un sujet qui lui tient à cœur. Selon la directrice, « l’amour et le respect de la nature exigent un combat « Il faut venir en aide à nous sœurs les autres créatures, à tous nos frères inférieurs que sont les animaux. Tant que la création souffre d’une injustice (par exemple un chien attaché ou enfermé toute la journée) cette injustice, fruit d’une infidélité au dessein du Créateur, et quelques soient les victimes humaines ou non, il ne faut pas dormir. Nous, chrétiens, nous devons apporter une attention plus grande envers l’ensemble de la création » Et qu’en est-il de son école ? Je suis toujours admirative, à l’école, de voir comment les jeunes enfants respectent les fleurs, les plantes. Jamais ils ne les cueillent ou les arrachent. Nous essayons de leur apprendre à admirer ces beautés que le Seigneur nous donne. Nous allons plus loin. Nous leur disons que chaque fleur a un nom, que nous écrivons sur des petites pancartes afin qu’ils les apprennent. La faune et la flore sont un don de Dieu. Elle parle des plantes médicinales : « A propos d’arbres ou de plantes, qui peuvent être utilisés en pharmacopée j’en profite pour remercie les professeurs Abel Goumba, Jean Koudou et Jean Abeye, de nous avoir initiés à cette science. Nous avons participé au colloque du 17 au 20 décembre 2000, sur ma pharmacopée et les médicaments traditionnels. La protection des animaux, « En ce qui concerne c’est toujours douloureux pour moi quand j’entends parler de la destruction de la faune. Dans les années 1980, je suis allée à la réserve de la Gounda. J’en ai gardé un souvenir merveilleux. Quelle diversité d’animaux, combien d’espèces d’antilopes ? 169

Les élégantes girafes, le sommeil paisible des lions et des léopards ! la course des éléphants c’était féerique ! Oui, beauté, tu n’es qu’un mot ! » Comment les élèves peuvent-ils tirer profit de RIAT ? « L’Association RIAT travaille pour la protection de la nature. Nous sensibilisons les enfants sur la protection de la nature. Cette année, nous étudions le palmier, le raphia, les éléphants et les gorilles. Le raphia avec l’utilisation de ses fibres a été une vraie découverte pour nous. Tout ce que l’on peut réaliser avec le raphia, de la confection des sacs aux chaussures, du napperon brodé à la robe en raphia ! Quelle richesse et quelle beauté ! Nous apprenons aux élèves à ne pas polluer l’atmosphère avec tous ces sachets en plastique ! Attention à l’utilisation des mouchoirs en papier que les gens jettent partout et n’importe où ! Que devons-nous faire avec les ordures ? Sœur Paulette témoigne beaucoup d’admiration pour Saint François d’Assise, car il aimait la nature et les animaux. Elle cite aussi le pape Jean-Paul II qui, en 1984, dénonçait « l’usage insensé des ressources et le recours à des formes d’arbitraires violences à l’égard du monde animal comme tout le reste de la création. Enfin, Sœur Paulette est ardemment convaincue que l’amour et le respect de la nature exigent un combat. Car, pour elle, la nature est belle, mais aussi fragile.

4 - Le 5 mars 1995 : L’arbre aux chiffons. Il y avait à Bangui à l’angle de notre villa, tout à côté du parking raviné, un arbre malingre et assez ordinaire malgré ses quelques belles feuilles colorées. Il aurait pu passer totalement inaperçu et continuer sa vie d’arbustes africains ruisselants de soleil ou de pluie selon les saisons et assailli toute l’année par de voraces bataillons de termites si un autre destin ne lui avait été promis.

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Le boy qui, dès le point du jour, arrosait copieusement nos voitures de fonction afin de justifier pleinement son maigre salaire, s’était accaparé ce malheureux végétal pour en faire son étendoir à chiffons. Piteuse destinée au pays des grands arbres de la forêt équatoriale que de se trouver draper de cet étalage de guenilles en lambeaux qui marron latéritique, qui gris indéfinissable, qui rouge rayé de sale, tous pauvres ersatz de chamoisine ou autres éponges naturelles indispensables à la toilette intime des ses belles dames occidentales. Planté sur un parterre fait de cailloux plus que de grasse terre végétale, avoisinant les crotons, les hibiscus et autres frangipaniers cet arbuste qui prenait des allures de gibet projetait son ombre sur la peinture décrépie du pignon en béton, ajoutant ainsi un peu plus de pitoyable au spectacle déjà navrant. Témoin jour après jour de cet affront à la nature luxuriante et colorée de l’Afrique, plusieurs fois j’ai tenté de mettre fin à cette parure de misère et d’envoyer boy et chiffons voir si les fils à linge ne convenaient pas mieux à l’usage du séchage sans froisser l’éthique des lieux. Et brusquement la lumière a jailli de l’ombre du cloaque et un semblant de vérité m’est apparu : et si la présence de cet arbre n’était pas si anodine qu’il ne paraissait de prime abord. ? C’est par delà ce spectacle des lambeaux de tissus, virant du mouillé au sec et réciproquement avec l’avancement des heures de la journée et des lavages successifs, c’est sur les branches qui soudain m’ont intrigué. En effet, sous son aspect loqueteux, cet arbre apparaissait comme bien décidé à vivre coûte que coûte et avec une vitalité à peine entamée par les pseudo outils que le service de l’Occident y accrochait journellement. D’arbre misérable, il était ainsi devenu le symbole de toute l’Afrique bouillonnante de vie. De cette Afrique éternelle qui offre ai voyageur peu averti, venu des brumes du Nord, le spectacle de son sous-développement chronique où 171

sont plaqués, de-ci de-là, sur les paysages de lumière, les vestiges des grands projets sans lendemain comme autant de chiffons sur les branches de l’arbre. Mais sous les chiffons, il y a la sève bouillonnante et tous les bourgeons de l’arbre de demain qui cherchent leur chemin de vie dans la voie immuable où il est inscrit pour l’éternité. Sans doute que le boy n’a jamais pensé, mais toi qui passes et qui sais, prends le temps de t’arrêter et de méditer sur l’arbre aux chiffons, celui des quatorze villas qui ont vu le couronnement de l’empereur Bokassa, à l’angle de celle qui abrita le défunt Léopold Senghor. Et alors, dis-moi : doit-on continuer d’accrocher des chiffons sur cet arbre de vie ? Serge Laycuras

5 - A la lecture de ce livre « A l’ombre de la colline de Bazoubangui » par Patrick Omer MBEA, c.s.sp, 2017 La Sœur Paulette Petit, appelée affectueusement Milou, est l’une des pionnières dans l’aventure missionnaire en Centrafrique. De nationalité française, appartenant à la congrégation des sœurs missionnaires du Saint-Esprit, Sœur Paulette est une figure remarquable qui a compris très tôt en arrivant que l’évangélisation doit passer par l’éducation pour libérer l’homme de l’ignorance. Elle a consacré toute sa vie de religieuse missionnaire à la tâche combien noble de l’éducation de la jeune fille centrafricaine, capable d’assumer valablement des responsabilités dans la construction de son pays. Au fil des temps, elle s’est investie à fond dans l’école Sainte-Thérèse, devenue une référence en matière d’excellence. Sous son impulsion, l’école Sainte-Thérèse, créée en 1933, a connu un rayonnement non seulement à Bangui, mais dans toute la République centrafricaine. Elle a servi de modèle pour les écoles catholiques en Centrafrique. Sœur Milou a réussi à réunir autour 172

d’elle une équipe d’enseignants dévoués, assidus au travail, dotés des vertus éthiques pour transmettre aux enfants la connaissance et les valeurs humaines fondamentales telles que la ponctualité, la discipline, l’amour du travail, le respect et l’honnêteté. Sœur Milou est une femme courageuse qui n’a pas peur de combattre toutes formes d’injustices en affrontant les institutions et les autorités corrompues qui n’assument pas bien leur responsabilité. Elle a milité pour la défense des droits humains en Centrafrique, en particulier des pauvres, des marginalisés, des étrangers, des réfugiés. Elle a appris aux élèves à être des ambassadeurs de la réconciliation, de la justice, de la paix et de la sauvegarde de l’environnement. Pour ceux qui connaissent l’école Sainte-Thérèse, son jardin floral est un petit paradis, riche en diversité des plantes. Les élèves y découvrent chaque jour la beauté de la création et apprennent à respecter la nature. Au niveau humain et religieux, je puis témoigner que la Sœur Paulette est une personne de foi et de générosité débordante. Elle croit au bien à réaliser et y investit tous les moyens nécessaires. Elle déborde d’énergie et de créativité au sein de l’école Sainte-Thérèse et bien au-delà, quand il faut sauver des personnes en difficulté. La Sœur Milou lègue à l’Eglise et à la société centrafricaine un héritage précieux de modèle d’éducation et de formation pour la jeunesse, avenir du renouveau en Centrafrique. Je reste convaincu comme elle que l’éducation et la formation des jeunes sont indispensables pour le relèvement de la Centrafrique après de multiples crises socio-politiques. Pour ma part, je suis reconnaissant à la Sœur Milou pour son soutien moral et humain en tant que grande sœur durant mes années de service comme supérieur majeur des spiritains en Centrafrique. Que le Seigneur continue de la combler de ses grâces. Puisse son témoignage dans ce livre nous encourager et nous galvaniser dans la mission de libération intégrale de l’homme. 173

Discours 6 - Remise des insignes de chevalier de la Légion d’Honneur Jean-Pierre Vidon57, Ambassadeur de France, Résidence de France, le jeudi 20 octobre 2011 Il y a exactement vingt-cinq ans, le Premier conseiller de l’ambassade de France soumettait à l’Ambassadeur JeanJacques Mano58 le projet de présenter Sœur Paulette Petit pour une nomination dans l’ordre National du Mérite. Religieuse de la Congrégation des Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit, entrée dans les ordres en 1954, cette religieuse avait rejoint le territoire de l’Oubangui-Chari, le 16 septembre 1958, quelques mois avant la proclamation de la République centrafricaine dans la Communauté. Elle y était demeurée depuis lors, exerçant comme enseignante, deux années durant, avant de prendre la direction de l’école SaintCharles puis de l’école Sainte-Thérèse, établissement scolaire de filles créé en 1933, le premier qui leur ait été destiné dans ce pays. Elle était alors à la tête de cet établissement depuis dix-sept ans. De cette école, religieuse d’abord, puis nationalisée en 1961 avant d’être rétrocédée à l’Eglise en 1994, Sœur Paulette avait fait un établissement d’excellence et, dès lors, de référence. La directrice y maintenait, envers et contre tout, une politique de rigueur qui, déjà, avait porté des fruits et permis à ses jeunes élèves d’acquérir des méthodes, des con-

57 Jean-Pierre Vidon, né en 1951, a été ambassadeur de France à Bangui de 2008 à 2012. Il sera en poste à Nairobi (2012-2013), Paris (20132014), Brazzaville (2014-2016). Il a pris sa retraite en 2016. 58 Jean-Jacques Mano a été ambassadeur de France à Bangui de 1985 à 1987.

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naissances, et des règles de vie qui les préparaient pour l’avenir. Ce contexte avait justifié, immédiatement, l’accord de l’Ambassadeur pour la préparation d’un mémoire de proposition puis la nomination de Sœur Paulette au grade de chevalier de l’Ordre national du Mérite, distinction qui lui avait été remise le 22 décembre 1986 - cérémonie qui demeure dans mon souvenir. Vous l’aurez sans doute compris, le Premier conseiller d’alors est devenu l’Ambassadeur d’aujourd’hui. De retour à Bangui, le 4 septembre 2008, je l’ai été précisément au moment où Sœur Paulette atteignait son demisiècle de présence engagée en République centra-fricaine, événement que nous n’avons pas manqué de célébrer en cette maison. Quelques mois plus tard, une autre occasion m’était donnée de saluer l’œuvre accomplie par cette religieuse : soixante-quinze ans de l’Ecole Sainte-Thérèse, célébrés en présence de mon collègue et ami, le Nonce apostolique, Monseigneur Jude Okolo. Vingt-et un an après mon départ de Bangui, j’ai pu alors mesurer combien les mérites de ma compatriote, déjà reconnus en 1986, avaient pris, au fil des années une nouvelle ampleur et tout naturellement m’est venue à l’esprit l’idée d’une proposition pour une nomination dans la Légion d’Honneur ; idée dont je me suis ouvert à l’intéressée ; celle-ci a eu la délicatesse de ne pas se hâter à mettre à jour l’état remarquable de ses services rendus à la collectivité. Dans le même temps, je savais qu’un nombre significatif de religieux et de religieuses, souvent dans l’arrière-pays, avaient été quelque peu oubliés alors qu’ils avaient œuvré pendant des décennies en faveur de leur prochain. C’est dire que, depuis trois ans, je me suis efforcé de combler ces lacunes, de les combler aussi dans d’autres domaines d’activités en honorant à la fois mes compatriotes et des Centrafricains. Il n’en demeurait pas moins pertinent de reprendre le projet légitime concernant 175

Sœur Paulette. La Légion d’Honneur est une distinction conférée avec mesure, ce qui en fait toute la valeur ; elle récompense des mérites éminents. De mérites éminents, il s’agit, en ce qui concerne Sœur Paulette, des mérites nouveaux acquis depuis, déjà, un quart de siècle. Comment ne pas commencer en citant la sensibilisation accrue de ses élèves au respect des valeurs universelles, quelle que soit la religion ou la nationalité des intéressées. Ainsi les droits de l’Homme en général et les droits de l’Enfant en particulier, au lendemain de la signature de la Convention en 1990, ont fait l’objet à l’école Sainte-Thérèse, d’une appropriation par les jeunes élèves, très tôt, dans leur cursus. En 2001, l’établissement est reconnu et récompensé par les Nations Unies comme école pilote dans ce domaine. Dans le cadre ces actions de l’UNESCO, c’est la culture de la Paix qui est aussi cultivée dans l’établissement. L’environnement n’est pas non plus négligé avec une implication de l’école et de ses élèves, depuis 2006, dans le « Réseau International des Arbres Tropicaux ? » Dans le même temps, d’autres défis ont surgi. Celui de la lutte contre le SIDA qui a justifié des formations spécifiques pour les enseignants. En, 1994 une situation nouvelle de détresse ne peut laisser indifférente Sœur Paulette. : L’arrivée de plusieurs centaines de réfugiés Rwandais qui ont cheminé ; des mois durant dans des conditions éprouvantes pour gagner la R.C.A. Dans le contexte délicat d’un pays d’accueil qui souffre d’une extrême pauvreté ; la religieuse se porte à leur secours et accueille, sans aucun moyen additionnel, non seulement une quarantaine de filles, mais aussi, dérogeant aux règles de l’établissement, trente-cinq garçons. Parmi les adultes, une dizaine intègre l’équipe enseignante. Cette situation perdure aujourd’hui, l’action de sœur Paulette ne se limitant pas à l’éducation des enfants et allant à de nombreuses tâches de protections des adultes réfugiés. Ainsi, Sœur Paulette Petit, figure emblématique de la communauté française en R.C.A., déploie, depuis plus d’un 176

demi-siècle, une action infatigable au service de la jeunesse centrafricaine et apporte la preuve des résultats qui peuvent être obtenus dès lors que sont respectés les fondamentaux de la mission éducative. Cette exemplarité est à l’honneur de l’intéressée, comme elle l’est de mon pays qu’elle n’a cessé d’illustrer en dépit des multiples difficultés qu’elle a dû affronter. Aussi était-il légitime qu’une nomination au grade de chevalier de la Légion d’Honneur vienne lui témoigner toute l’estime qu’elle ne cesse de mériter. Pour toutes ces raisons, Paulette Petit, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur.

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Epilogue Petites histoires pour rire. Pendant les mutineries, j’allais au centre d’accueil des Missionnaires qui, souvent, avaient peur. Je leur racontais de, petites histoires pour les détendre. Le français tel qu’on l’écrit Transmis par le directeur de la Sécurité sociale. (Phrases rigoureusement authentiques) J’ai ma femme à l’état de grossesse et désire m’inscrire à la pré natation. Mon mari souffre d’un abcès sédentaire. Je vis maternellement avec ma concubine. Quand mon petit a eu cinq ans, la caisse m’en a coupé la moitié. Faites un effort, mon enfant va naître. Suite au passage du contrôleur, veuillez m’envoyer un carnet de maternité. Orphelin à l’âge de 13 ans, j’ai vécu de droite et de gauche, mais toujours dans le droit chemin. Mon mari pour le moment est décédé et jusqu’au 20, la quinzaine est loin. Je suis restée malade à cheval sur deux mois. Je possède quelques pieds de vigne que mon fils fait marcher. N’étant pas chômeur, je me suis mis à ramasser quelques morceaux de tôle pour faire manger mes enfants.

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J’espère que vous aurez pitié d’un pauvre homme qui a sept enfants à manger plus sa femme et sa belle-mère. Comme mon mari doit partir chez les fous, je l’envoie à votre bureau. Mon mari est en créventorium, on lui fait un plumeau au thorax. Mon mari est mort depuis deux mois, que dois-je faire pour le sortir de la caisse ? Depuis que le médecin a dit à mon mari de prendre de la courtisane, il va beaucoup mieux. Je nourris mon enfant au sein. On arrive à joindre les deux bouts. Mon enfant n’a pas une bonne glande tyrolienne. Je me suis soigné avec les feuilles de maladies. J’ai été victime d’un accident de circulation, provoqué par un chien en bicyclette. Cher fils Noumbada, Je t’écris ces lignes pour que tu saches que je t’écris. Alors si tu reçois ce lette, c’est qu’elle est bien arrivée. Si tu ne la reçois pas, tu me préviens pour que je te la renvoie. Je t’écris lentement parce que je sais que tu ne lis pas très vite. L’autre jour, ton père a lu que, selon les enquêtes, la plupart des accidents arrivent à 1 km de la maison. Alors, nous nous sommes décidés à déménager. La maison est superbe. Elle a une machine à laver, mais je ne suis pas sûre qu’elle fonctionne. Hier, j’ai mis le linge dedans et j’ai tiré la chasse et je n’ai plus de linge depuis. Mais bon. Le temps ici n’est pas très mauvais. La semaine dernière, il n’a plu que deux fois. La première fois la pluie n’a duré que trois jours et la deuxième fois quatre jours. A propos de la veste que tu voulais, ton oncle Ibrahima m’a dit que si nous l’envoyions avec les boutons, ça coûterait plus cher. Alors nous avons enlevé les boutons et les avons mis dans la poche.

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Je te raconte que l’autre jour, il y a eu une explosion à gaz dans la cuisine, et ton père et moi sommes sortis propulsés dans l’air au dehors de la maison. Quelle émotion ! C’est la première fois que ton père et moi sortons ensemble depuis des années. Le médecin est venu pour voir si nous étions bien et il m’a mis un tube en verre dans la bouche. Il m’a dit de me taire pendant dix minutes. Ton père lui a proposé de lui racheter le tube. Et puisqu’on parle de ton père, je t’annonce qu’il a du travail et il en est fier. Il travaille au-dessus d’à peu près cinq cents personnes. Ils l’ont pris pour tondre le gazon du cimetière. Ta sœur Youmané, celle qui s’est mariée avec son mari, elle a enfin mis au monde, mais on ne sait pas encore le sexe. Je ne saurai te dire si tu es oncle ou tante. Ton cousin Poulkho s’est marié et il prie tous les jours devant sa femme, car elle est vierge. Ton chien Gnouki nous inquiète, il continue à poursuivre les charrettes à l’arrêt. Mais ton frère, c’est pire. Il a fermé la voiture et il a laissé les clés à l’intérieur. Il a dû aller chercher le double à la maison pour pouvoir nous sortir tous de là. Bon, mon fils, je ne t’écris pas l’adresse sur la lettre, je ne la connais pas. En fait, la dernière famille qui a habité ici est partie avec les numéros pour les mettre sur leur nouveau domicile. Si tu vois Fatima, passe-lui le bonjour. Si tu ne la vois pas, ne lui dis rien. Ta mère qui t’adore. P.S. J’allais mettre quelques sous, mais j’ai fermé l’enveloppe. Koudeja Bulletin scolaire de Jésus Jésus, qui est élève à l’école de Nazareth, rentre chez lui avec son bulletin scolaire. Franchement, ce n’est pas très 181

bon. Sa mère a déjà vu son mauvais bulletin, et elle n’a rien dit. Méditant toutes ces choses dans son cœur. Mais aujourd’hui, le plus difficile reste à faire : il faut le montrer à Joseph. Expéditeur : Ecole Siméon de Nazareth Destinataire : Joseph et Marie Ben David Objet : Bulletin de Jésus. Mathématiques : ne sait quasiment rien faire à part multiplier les pains et les poissons. Le sens de l’addition n’est pas acquis : Affirme que son Père et lui ne font qu’un ! Ecriture : N’à jamais ses cahiers et ses crayons ; est obligé d’écrire sur le sable. Géographie : N’a aucun sens de l’orientation : affirme qu’il n’y a qu’un chemin et qu’il conduit au Père. Chimie : Ne fais pas les exercices demandés, dès qu’on a le dos tourné, transforme l’eau en vin pour faire rigoler ses camarades. Education physique : Au lieu d’apprendre à nager comme tout le monde, marche sur les eaux Expression orale : Grosses difficultés à parler clairement : s’exprime en paraboles. Ordre : A perdu toutes à l’école et déclare sans vergogne qu’il n’a même pas une pierre comme oreiller. Conduite : fâcheuse : fréquente les étrangers, les pauvres, les galeux et même les prostituées. Joseph se dit que vraiment ça ne peut pas durer, qu’il doit prendre des mesures sévères : « Eh bien, Jésus, puisque c’est comme ça tu peux faire une croix sur tes vacances de Pâques ». Divers - Prière hindoue : Seigneur donne-moi chaque jour quelque chose à donner. - Comment on attrape le singe en Orient. On fixe au sol un vase au fond duquel on dépose un fruit 182

Le col du vase laisse passer la main vide, Mais pas la main pleine, que le singe, avide, n’a pas l’idée de desserrer… L’homme aussi meurt de ne pas savoir ouvrir les mains ! - Proverbe bantou : « L’amitié est une trace qui disparaît dans le sable si on ne la refait pas sans cesse. » Club des fatigués Sois infatigable au repos. Si tu vois quelqu’un se reposer, aide-le. Rappelle-toi que le travail est sacré, n’y touche jamais. Si par hasard tu trouves du travail, avise le bureau des objets trouvés. Ce que tu ne peux éviter de faire, fais le faire par quelqu’un d’autre. Ne te fatigue même pas à tuer le temps, puisque le temps travaille pour toi. Si l’envie de travailler te vient, assieds-toi et attends que ça passe. Si par mégarde, tu tues le temps, utilise les temps morts pour ne rien faire. Ne reste jamais debout quand tu peux t’asseoir et ne reste jamais assis quand tu peux te coucher. Si tu es victime d’une farce, surtout ne marche pas, reste assis. N’écoute que les histoires à dormir debout. Pour ceux qui se croient toujours jeunes Le coin de ma rue est deux fois plus loin qu’avant ! Et ils ont ajouté une montée que je n’avais jamais remarquée ! J’ai dû cesser de courir après le bus parce qu’il démarre bien plus vite qu’avant ! Je crois que l’on fait maintenant les marches d’escalier bien plus hautes que dans le temps ! 183

L’hiver, le chauffage est beaucoup moins efficace qu’autrefois. Et vous remarquerez les petits caractères que les journaux se sont mis à employer ! Cela ne sert à rien de demander aux gens de parler clairement. Tout le monde parle si bas qu’on ne comprend quasiment rien ! On voit faire maintenant des vêtements si serrants, surtout à la taille et aux hanches, que c’est désagréable ! Les jeunes gens eux-mêmes ont changé : ils sont bien plus jeunes que quand j’avais leur âge ! Et d’un autre côté, les gens de mon âge sont bien plus vieux que moi ! L’autre jour, je suis tombée sur une vieille connaissance, elle avait tellement vieilli que je ne la reconnaissais pas ! Je réfléchissais à tout cela en faisant ma toilette ce matin. ! Eh bien ! Ils ne font plus d’aussi bons miroirs qu’il y a soixante ans ! * Postface L’album de Sœur Paulette se referme ainsi. On a suivi des scènes particulières, parfois drôles, parfois bien dures, de son long séjour centrafricain et on l’a écoutée nous parler de certaines de ses idées majeures sur l’éducation des filles, sur les problèmes du développement, sur la place de la nature. Elle ne se donnait pas pour but de tout raconter de sa vie et de ses idées, mais d’en donner des aperçus saillants, qui nous font comprendre l’attachement qui la lie à ce pays et à ses habitants : il faut aimer Centrafrique pour ne pas désespérer de la situation et croire au changement. *

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Remerciements Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont encouragée à écrire ces lignes et qui m’ont soutenue jusqu’au bout. Merci aussi à JD. Pénel et à Claire Marie Jouis pour la relecture et la mise en page.

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Annexe Quelques repères historiques Sœur Paulette 1958 16 septembre arrivée à Bangui 1959

Oubangui-Chari/RCA 1er décembre proclamation de la République centrafricaine 16 février Constitution de la 1ère République 29 mars, mort de B.Boganda D. Dacko remplace Boganda

1960 Ecole Saint-Charles

- 13 août Indépendance de la RCA - 13 décembre Constitution de la 2° République Nationalisation des écoles religieuses 26 novembre révision de la Constitution

1962 1964 1966 1967 Ecole Sainte-Thérèse 1969 1976 1977 1979 1980 Voyage à la Gounda

31 décembre coup d’Etat de J.B. Bokassa Création de l’Université de Bangui 4 décembre Constitution (monarchie parlementaire) 4 décembre : J.B. Bokassa empereur 20/21 septembre Bokassa renversé par Dacko et l’armée française

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1981 1982 1986 1990 1992 Achat d’un terrain à Ngola pour jardin et élevage 1993

1994 - Arrivée des réfugiés rwandais Mars, projet sur les plantes médicinales locales 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Colloque pharmacopée 2001 28 septembre création de « Jeunesse en fleurs »

- 15 mars Dacko élu président - 1er septembre coup d’Etat du général Kolingba (tentative ratée d’A.F. Patassé pour prendre le pouvoir). 28 novembre Constitution de la 4° République Année blanche à l’école Année blanche à l’école

- Année blanche à l’école - 19 septembre : A. Kolingba échoue aux élections. Patassé président

15 janvier Constitution de la 5° République Avril et mai : mutineries contre Patassé 12 février Mutinerie contre Patassé 12 janvier accord Etat /Eglise sur les écoles 15 avril MINURCA (troupes de l’ONU) 19 septembre Patassé réélu - 28 mai Tentative échouée de coup d’Etat par Kolingba - octobre Bozizé se réfugie au Tchad

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2002

- 25 octobre Bozizé aux portes de Bangui - Patassé appelle les troupes congolaises de J.P. Bemba - décembre : FOMUC force africaine multinationale

2003 Destruction du jardin scolaire 2004

15 mars coup d’Etat de F. Bozizé

2005

2007 2 juin Jubilé de vie religieuse 2008 75 ans de l’école Sainte-Thérèse

27 décembre Constitution de la 6° République - 3 janvier : la RCA accuse les partisans de Patassé et JP Bemba auprès de la Cour Pénale Internationale - 8 mai : Bozizé élut président. - Libreville : accords entre le gouvernement et les mouvements rebelles d’opposition - Bangui 1-20 décembre : dialogue politique inclusif

2011 20 octobre Légion d’honneur 2013

- 24 mars Djotodia se proclame président - 18 juillet Charte constitutionnelle de transition

2014

- 10 janvier démission de Djotodia - 20 janvier Catherine SambaPanza présidente de transition

2016 21 mai départ de RCA

- 14 février élection de F.A. Touadera - 30 mars Constitution de la 7° République

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Table des matières Préface................................................................................ 9 Un peu de ma vie ............................................................. 15 1- De Pontarlier à Bangui ........................................ 15 2- Anecdotes ............................................................ 37 3- Les réfugiés rwandais .......................................... 60 4- Les adoptions d’enfants ....................................... 72 5- La nature .............................................................. 76 6- Jubilé et départ de Centrafrique ........................... 78 Ce que je crois .................................................................. 87 Conférences, exposés ................................................... 87 1- L’Ecole Sainte Thérèse ........................................ 87 2 - Message adressé aux femmes de Centrafrique........ 98 3- Les parents et la société face à l’éducation des enfants .............................................................. 103 4- Entretien sur le SIDA avec les parents d’élèves (2005) ..................................................................... 124 5- Conférence à Strasbourg (2007) ........................ 126 6- La pharmacopée : L’aloès et le miel .................. 131 Entretiens ................................................................... 135 1 - Radio Notre-Dame. ........................................... 135 2 - Radio Notre-Dame ............................................ 139

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3 - Enretien sur l’environnement ........................... 143 4- Réponses à un questionnaire.............................. 157 Témoignages .................................................................. 159 Articles ....................................................................... 159 1 - Reportage de Famille chrétienne ...................... 159 2 - Les élus de Chécy et les cadres du GRAP visitent les écoles de Bangui. .............................................. 167 3 - L’école Sainte-Thérèse promeut l’environnement ..... 168 4 - Le 5 mars 1995 : L’arbre aux chiffons. ............ 170 5 - A la lecture de ce livre « A l’ombre de la colline de Bazoubangui » ................................................... 172 Discours ..................................................................... 174 6 - Remise des insignes de chevalier de la Légion d’Honneur .............................................................. 174 Epilogue ......................................................................... 179 Petites histoires pour rire. .......................................... 179 Remerciements ....................................................... 185 Annexe ........................................................................... 187 Quelques repères historiques ..................................... 187

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Récits, Mémoires, Témoignages aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

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LES MASQUES SONT SILENCIEUX Chronique familiale au fil du xx e siècle – Récit romancé

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Ce récit romancé est l’histoire d’une famille du Nord de la France, sur trois générations, au travers des parcours de vie noués aux grands mouvements de l’Histoire qui ont marqué cette région. C’est Anne, enfant de cette lignée, qui questionne les absents pour tenter de suivre au plus près ces fragiles humains de bonne volonté ballottés dans les tourmentes du xxe siècle. (Coll. Rue des écoles, 20,5 euros, 238 p., octobre 2014) EAN : 9782343043586 EAN PDF : 9782336358994 DU MAQUIS CREUSOIS À LA BATAILLE D’ALGER Albert Fossey dit François - De la Résistance à l’obéissance

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Nous découvrons ici le parcours atypique d’Albert Fossey. Destiné à la prêtrise, sa personnalité et la Seconde Guerre mondiale ont bouleversé son parcours. Engagé dès 1941 dans la résistance creusoise, il en devient chef militaire en 1944 et sera fait Compagnon de la Libération. Son entrée dans l’armée professionnelle remet en cause ses choix d’avant-guerre. Devenu officier parachutiste, il connaîtra tous les champs de bataille de l’Indochine à l’Algérie jusqu’à sa mort en 1958. (Coll. Graveurs de Mémoire, 33 euros, 328 p., septembre 2014) EAN : 9782343041742 EAN PDF : 9782336356716 ENTRE DEUX LONGS SILENCES Récit

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Au fil des pages de ses souvenirs d’adolescente solitaire, rêveuse et révoltée, l’auteure évoque la relation avec sa mère, rendue plus difficile par sa perte d’autonomie et son entrée tardive en maison de retraite, et celle avec son père, timide et réservé, dont la réminiscence est à la fois douloureuse et lumineuse. Elle met ainsi en avant la préoccupation partagée par de nombreux adultes qui doivent gérer la fin de vie parfois complexe de leurs parents. (Coll. Rue des écoles, 24 euros, 292 p., septembre 2014) EAN : 9782343042411 EAN PDF : 9782336356310 GILBERT PÉROL Un diplomate non conformiste

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Si les écrits de Gilbert Pérol, ici réunis et présentés par son épouse, méritent de retenir l’attention, c’est d’abord parce que cet ambassadeur de France accomplit ses missions en un temps où se produisaient dans le monde de grands évènements, mais aussi parce que ce «diplomate non conformiste» était un homme libre, aussi exigeant envers lui-même qu’attentif et accueillant aux autres. Il contribua au développement des relations entre la Chrétienté et l’Islam. Son message reste d’une grande actualité. (Coll. Graveurs de Mémoire, 30 euros, 312 p., septembre 2014) EAN : 9782343038094 EAN PDF : 9782336353265

HISTOIRE DE MA VIE

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L’auteur se lance dans une aventure qu’il n’avait pas prévu : raconter sa vie. Qu’estce que j’ai réalisé dans mon existence ; comment en suis-je venu à gravir un à un ces degrés d’une renommée relative, cela passant par mon enfance, l’épreuve de l’adolescence, la chance de la Libération, l’aide des Dominicains, la protection d’Hubert Beuve-Méry, et une existence de travail monumental, doublée d’un sentiment de liberté complète. Cette vie ne peut-elle pas se résumer que par la joie et la reconnaissance ? (17,5 euros, 138 p., septembre 2014) EAN : 9782343040226 EAN PDF : 9782336355030 ITINÉRAIRE D’UN HARKI, MON PÈRE De l’Algérois à l’Aquitaine - Histoire d’une famille

Michel Messahel

Durant cinq ans, l’auteur a collecté les témoignages de ceux qui ont connu, parfois en payant de leur personne, cette part d’ombre du xxe siècle : l’histoire des Harkis. Il s’est attaché à restituer la tragédie des siens, de la vie paisible de Borély-la-Sapie, petit village d’Algérie marqué par les traditions orales, jusqu’à l’arrivée en métropole, en passant par les événements tragiques de la guerre d’indépendance. (Coll. Graveurs de Mémoire, 36 euros, 350 p., septembre 2014) EAN : 9782343037387 EAN PDF : 9782336355979 J’AI TANT AIMÉ LA PUBLICITÉ Souvenirs et confidences d’un publicitaire passionné

Bernard Moors

Derrière chaque campagne de publicité, il y a une histoire et des rebondissements que le public n’imagine pas. Dans cette autobiographie, Bernard Moors nous fait découvrir à travers de nombreuses anecdotes jusqu’ici restées confidentielles les dessous d’un métier qu’il a exercé avec passion. (Coll. Graveurs de Mémoire, 12 euros, 98 p., septembre 2014) EAN : 9782343039633 EAN PDF : 9782336354460 PETITES CHOSES SUR L’ÉCOLE Mémoires et réflexions d’un enseignant

François Augé

Plus qu’un livre « sur » l’école, cet essai est un plaidoyer « pour » l’école. À la fois mémoires et réflexions sur l’avenir de l’École fondée par Jules Ferry, le texte explore trois piliers majeurs : d’abord les acteurs : enseignants, élèves, parents ; ensuite le système très français de l’Éducation nationale ; enfin le principe de laïcité, à la fois méconnu et bafoué, pourtant garant du triptyque « Liberté Égalité Fraternité ». (Coll. Graveurs de Mémoire, 22 euros, 224 p., septembre 2014) EAN : 9782343042022 EAN PDF : 9782336354958 POURQUOI ON JETTE LES ORANGES À LA MER COMME ÇA ?

Jean-Guillaume Coste

Dire «je» à la place de l’autre. Mon père est aveugle à la fin de sa vie. Pour l’occuper, mais aussi pour apprendre quelque chose de lui, je lui offre un magnétophone, des cassettes et lui demande de se raconter. En échange, je lui promets d’écrire

un livre. Il se prête au jeu et, quinze ans plus tard, je tiens ma promesse. Et je dis «je» à la place du père. (Coll. Rue des écoles, 14,5 euros, 146 p., septembre 2014) EAN : 9782343037035 EAN PDF : 9782336354125 LETTRES À RENÉ-JEAN Bibliothécaire, critique d’art, et conservateur français

Jean Bergeron Lettres choisies et présentées par Sylvie Maignan et Jean Bergeron

Après un début de carrière comme peintre et théoricien de l’art à Moscou, le peintre ukrainien Alexis Gritchenko arrive à Paris au début des années 20. Il s’intègre rapidement parmi les artistes de l’École de Paris et expose au Salon d’Automne. Là, il rencontre René-Jean, critique à Comoedia et par la suite au Temps puis au Monde. C’est le commencement d’une solide amitié. Dans un style vivant et coloré, ces lettres sont le reflet de la vie du peintre avec ses succès et ses aléas. (Coll. Graveurs de Mémoire, 15 euros, 132 p., juillet 2014) EAN : 9782343037295 EAN PDF : 9782336351575 CHRONIQUE DES ANNÉES 1940-1970 Une époque bien tranquille

Claude Rosales

Le bon sens populaire dit que nul n’est prophète en son pays. Jeune garçon, Claude Rosales était persuadé d’appartenir au pays où l’on vivait le plus heureux. La fin des années trente ne lui laissait augurer d’aucun événement important. Mais qu’en serait-il de la prochaine décennie ? En acceptant de le suivre, nous allons vivre (ou revivre) cette proche et relativement courte mais si importante période de notre histoire, qui a vu tant de si profonds bouleversements. (Coll. Graveurs de Mémoire, 25 euros, 286 p., mars 2013) EAN : 9782296966284 EAN PDF : 9782296530669 EAN ePUB : 9782336660332 J’IRAI DANSER RUE ROSSI Parcours d’une danseuse du Brésil au Kirov sous l’ère soviétique

Suzanne Oussov Paroles recueillies par Monique Panisset

À dix-sept ans, Suzanne Oussov quitte sa famille pour suivre des études de danse classique en Union soviétique. Rue Rossi, à l’école du Kirov, elle apprend pendant six ans la technique, la rigueur et la force de la méthode Vaganova. Mariée à un soviétique, elle va connaître le quotidien de l’URSS des années soixante : appartement communautaire, pénurie de denrées alimentaires... Plus tard, elle s’oriente vers l’enseignement. Elle nous fait partager dans ce livre son parcours riche et mouvementé. (Coll. Graveurs de Mémoire, 23 euros, 224 p., mars 2013) EAN : 9782336293462 EAN PDF : 9782296531789 EAN ePUB : 9782336661469

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Paulette Petit

À l’ombre de la colline de Bazoubangui 57 ans d’une Spiritaine en Centrafrique

Originaire d’une ferme de la région de Pontarlier, Paulette Petit a choisi d’être Sœur spiritaine en Afrique. La Centrafrique, où elle a vécu de 1958 à 2016 à travers de multiples péripéties politiques, est devenu son pays d’affection. Elle s’est essentiellement occupée de l’enseignement primaire des jeunes filles – ce qui lui a donné quelques satisfactions, malgré tous les drames qu’a subis ce pays.

ISBN : 978-2-343-12908-2

18,50 E

À l’ombre de la colline de Bazoubangui 57 ans d’une Spiritaine en Centrafrique

À l’ombre de la colline de Bazoubangui

Parler de la République centrafricaine, quand on y a passé 57 ans, n’est pas une petite affaire. Ce livre présente d’abord quelques souvenirs personnels avec des anecdotes de la vie quotidienne ; ensuite des réflexions sur l’enseignement primaire des jeunes filles, sur le problème du développement et les questions liées à l’environnement ; enfin des témoignages éclairent l’action menée par Paulette Petit au cours de ces longues années à l’ombre de la colline de Bazoubangui, qui surplombe la capitale de ce pays.

Paulette Petit

Préface de J.D. Pénel