Latin vulgaire - latin tardif II: Actes du IIème Colloque International sur le Latin Vulgaire et Tardif (Bologne, 29 août–2 septembre 1988) [Reprint 2019 ed.] 9783111520759, 9783484503014


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French Pages 298 [300] Year 1990

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Table of contents :
TABLE DES MATIÈRES
Préface
'Sermo inliberalis' in cena Trimalchionis
Des faits "apophoniques" en latin vulgaire impérial? Lois phonétiques et règles phonologiques
Vulgärlatein und Griechisch in der Zeit Trajans
Langages techniques et langue commune
El lenguaje de la critica literaria en el Satyricon
Note sur des problèmes de lexicographie médiévale
Remarques sur la simplification morphologique en latin oral
Le témoignage épigraphique des ápices et des I longae sur les quantités vocaliques en latin impérial
La flexion nominale à l'époque du latin tardif: essai de reconstruction
L'intransitivation en latin tardif et la primauté actantielle du sujet
Sur un example de la langue parlée à Rome au VIe siècle
Les suffixes d'élargissement verbaux. (Etat de la question. Evolution sémantique de -ESC/-ISC.)
Phénomènes de la représentation pronominale dans quelques textes latins tardifs
Wissenschaftliche Diskussion oder Monologe? Der Vulgärlatinist zwischen Romanistik und Latinistik
Un texte de Gratien retrouvé
Les verbes en -ěre et -Ire en latin et dans les langues romanes
Le latin de Poggio Bracciolini à la lumière de la tradition manuscrite du de varietate fortunae
Periphrastic use of habere in Tertullian
Die Entwicklung der Artikel in den romanischen Sprachen
Plicare/applicare «se diriger vers»: simplex pro composito?
Le subjonctif de subordination en latin vulgaire: Questions indirectes et adverbiales temporelles
Index des auteurs modernes
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Latin vulgaire - latin tardif II: Actes du IIème Colloque International sur le Latin Vulgaire et Tardif (Bologne, 29 août–2 septembre 1988) [Reprint 2019 ed.]
 9783111520759, 9783484503014

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Latin vulgaire — latin tardif II

Latin vulgaire — latin tardif II Actes du II ème Colloque international sur le latin vulgaire et tardif (Bologne, 29 Août - 2 September 1988)

Édités par Gualtiero Calboli

Max Niemeyer Verlag Tübingen 1990

CIP-Titelaufnahme der Deutschen Bibliothek Latin vulgaire - latin tardif ... : actes du ... Colloque International sur le Latin Vulgaire et Tardif. - Tübingen : Niemeyer NE: Colloque International sur le Latin Vulgaire et Tardif 2. (Bologne, 29 août - 2 septembre 1988). - 1990 ISBN 3-484-50301-7 © Max Niemeyer Verlag GmbH & Co. KG, Tübingen 1990 Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. Printed in Germany. Druck: Weihert Druck GmbH, Darmstadt

TABLE DES MATIÈRES Préface

VII

Tamás ADAMIK, 'Sermo inliberalis' in cena Trimalchionis

1

Frédérique BIVILLE, Des faits "apophoniques" en latin vulgaire impérial? Lois phonétiques et règles phonologiques

9

Gualtiero CALBOLI, Vulgärlatein und Griechisch in der Zeit Trajans

23

Louis CALLEBAT, Langages techniques et langue commune

45

Carmen CODOÑER, El lenguaje de la critica literaria en el Satyricon

57

Giuseppe CREMASCOLI, Note sur des problèmes de lexicographie médiévale

75

Robert de DARDEL, Remarques sur la simplification morphologique en latin oral

89

Pierre FLOBERT, Le témoignage épigraphique des ápices et des I longae sur les quantités vocaliques en latin impérial

101

Paul A. GAENG La flexion nominale à l'époque du latin tardif: essai de reconstruction

111

Benjamín GARCÍA HERNÁNDEZ L'intransitivation en latin tardif et la primauté actantielle du sujet

129

Joseph HERMAN Sur un example de la langue parlée à Rome au VI e siècle

145

VI

Table des matières

Maria ILIESCU Les suffixes d'élargissement verbaux. (Etat de la question. Evolution sémantique de -ESC/-ISC.)

159

Sândor KISS Phénomènes de la représentation pronominale dans quelques textes latins tardifs

171

Bengt LÖFSTEDT Wissenschaftliche Diskussion oder Monologe? Der Vulgärlatinist zwischen Romanistik und Latinistik

183

Leena LÖFSTEDT Un texte de Gratien retrouvé

189

Witold MANCZAK Les verbes en -ere et -Ire en latin et dans les langues romanes

195

Outi MERISALO Le latin de Poggio Bracciolini à la lumière de la tradition manuscrite du de varietate fortunae

201

Pirjo RAISKILA Periphrastic use of habere in Tertullian

209

Maria SELIG Die Entwicklung der Artikel in den romanischen Sprachen

219

Veikko VÄÄNÄNEN Plicare/applicare «se diriger vers»: simplex pro composito?

239

Dieter WANNER Le subjonctif de subordination en latin vulgaire: Questions indirectes et adverbiales temporelles

249

Index des auteurs modernes

281

Préface

Présenter le second volume de la série Latin vulgaire - latin tardif est pour moi un grand honneur qui n'est pas né de mes propres mérites, mais seulement du fait que j'ai été l'organisateur du deuxième 'Colloquium de latin vulgaire et tardif, qui a eu lieu à Bologne du 29 Août au 2 Septembre 1988, dans le cadre des célébrations du neuvième centenaire de l'Université de Bologne. Maintenant nous sommes certains que le prochain colloque aura lieu à Innsbruck en 1991; donc, nous pouvons dire que commence le voyage de cette activité spécifiquement dédiée à l'étude du latin vulgaire et tardif à laquelle travaillent avec moi, dans le Comité International pour l'Étude du latin vulgaire et tardif, mes Collègues Eugenio Coseriu, Paul A. Gaeng, Jôzsef Herman, Bengt Lofstedt, Harm Pinkster, Veikko Vàànànen. Les motifs qui ont amené un groupe de spécialistes du latin vulgaire, des langues romaines ou simplement de langue et linguistique latine à organiser cette activité ont été exposés par Jôzsef Herman avec sa clarté et son acuité d'esprit dans la préface du premier volume de Latin vulgaire - latin tardif, où sont publiés les actes du colloque qui a eu lieu à Pécs en 1985. Je n'ai pas l'intention d'ajouter quoi que ce soit, sauf une considération qui naît des intérêts du latiniste et du linguiste que je suis, plutôt que du spécialiste du latin vulgaire. Le début des années 80 a vu et voit encore se développer un importante opération linguistique, théorique et pratique qui consiste à poursuivre une liaison entre la théorie de la référence et celle de la signification et de la syntaxe.1 La théorie de la référence concerne, dans la matière des langues naturelles, les rapports entre les personnes et les éléments nominaux qui leur font

1. Dans cette direction vont les études de la Grammaire Générative dans la version de la 'Government and Binding Theory' de Noam Chomsky (duquel cf. spécialement Chomsky 1981: 183-222), en employant en particulier le concept de 'c(onstituent)-controF, développé dans beaucoup de travaux à partir de ceux de Tania Reinhardt (1976), et les critères d'assignation des cas par la syntaxe ou la 0-Theory, jusqu'au dernier article de Edwin Williams 1989 ('The Anaphoric Nature of O-Theory'). Même sur l'anaphore la bibliographie récente est énorme; je me borne à citer seulement les travaux de Georges Kleiber (une partie desquelles se trouve aujourd'hui reprise dans G.Kleiber 1989), e v. aussi Marek Kçsik 1989.

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référence à l'intérieur des mêmes phrases et entre phrases différentes, mais reliées entre elles. Les pronoms, l'anaphore (dans le sens de la 'Government and Binding Theory' de Noam Chomsky), les articles et les compléments prédicatifs représentent le matériel linguistique plus directement intéressé à la théorie de la référence. Les autres éléments linguistiques comme les cas, les structures de la phrase, l'ordre des mots, les formules de liaison entre les phrases concernent plutôt la syntaxe et la sémantique, soit dans la théorie traditionnelle, soit dans les syntaxes logiques plus modernes et puissantes, comme la 'Government and Binding Theory' et la 'Montague-Grammar'. Ce matériel intéresse donc la théorie de la syntaxe et de la signification. Maintenant, le passage des langues indo-européennes anciennes au latin vulgaire et ensuite aux langues romanes constitue un fait linguistique, ou mieux, une série de faits qui ont eu une répercussion soit sur le matériel plus spécifiquement attenant à la théorie de la signification et de la syntaxe, soit à ce qui intéresse principalement la référence. En effet, toute la structure syntaxique ancienne de la langue connue, les cas, l'usage des formes nominales du verbe (participes absolus et en accord, constructions infinitives, gérondifs et adjectifs en -ndus) et l'ordre des mots subit des modifications comme le système de référence des pronoms, non seulement avec la naissance d'un outil obligatoire pour exprimer la référence (spécifique ou générale) comme l'article, mais aussi dans l'emploi des pronoms deictiques et démonstratifs, réfléchis et personnels. Ainsi le riche système latin des démonstratifs hic, iste, ille avec la possibilité d'y ajouter un -ce, -c, élément deictique, en donnant lieu aux formes illic, istic, istuc, etc., se développe dans un autre système parfois plus simple, parfois orienté différemment. Les pronoms personnels deviennent obligatoires dans la langue française et des langues configurationnelles (les langues romanes) succèdent à un langage dans l'ensemble non configurationnel, comme le latin. D'ailleurs il est clair que les changements qui se passent dans la syntaxe sont en relation avec ceux qui s'opèrent dans la référence et vice versa. Ainsi nous constatons, nous touchons presque du doit une série de changements linguistiques qui nous aident à comprendre le fonctionnement d'une langue dans ses faits historiques et il s'agit des faits qui ont un grand intérêt pour comprendre aussi la théorie globale de la langue. On se trouve ainsi dans l'heureuse situation de pouvoir continuer à faire de la théorie du langage, vérifiant dans la réalité son fonctionnement et ses modifications. En effet, le

Préface

IX

parallèle ne se fait pas seulement entre le latin et les langues romanes, mais aussi entre le latin vulgaire et le latin littéraire. Mais cela n'est pas tout. Des grands problèmes sociologiques, économiques et politiques intéressent notre temps, des grandes concentrations nationales sont troublées par des divisions qui en atteignant la religion, la culture, la tradition et l'économie montrent quelque analogie, plus ou moins éloignée, avec les événements des derniers siècles de l'Empire Romain (un Etat lui aussi malade de centralisation) et du temps de la 'Völkerwanderung' que nous, romans, appelons 'les invasions barbares'. 2 D'autre part l'intérêt extrême du passage du monde antique à celui du Haut Moyen âge, avec la crise de l'ancien système socio-économique fondé sur l'esclavage, la naissance de la féodalité et puis de la société bourgeoise, n'est pas déterminé seulement par la curiosité ou par les parallèles et les analogies avec notre temps. Mais le fait qui vraiment nous intéresse aujourd'hui en présence des grands changements politiques c'est de constater que dans cette époque de l'humanité, c'est-à-dire dans les derniers temps de l'Empire Romain, s'est formée une grand partie de la structure sociale, culturale et économique où l'on vit encore aujourd'hui, et a été préparée la plus importante révolution de tous les temps, qui a le plus contribué à donner à l'homme liberté et bien être, la révolution bourgeoise, sans laquelle il n'y aurait eu de progrès successifs. Il est donc naturel que le latin vulgaire, qui représente la langue de passage du latin au roman, et ses rapports avec la langue littéraire, qui est resté bien longtemps une grande superlangue commune, provoque un tel intérêt encore de nos jours. Après la disparition du mythe (parfois ensanglanté) qu'il soit possible d'avoir des changements rapides et radicaux, notre temps cherche parallèles et explications tout au long des siècles de l'histoire. A cet intérêt de fond a essayé de répondre notre Colloque, dont nous publions ici les actes, sans, malheureusement, les discussions amples et subtiles qui l'ont caractérisé. L'ordre de présentation des contributions est aussi strictement alphabétique, car le colloque ne s'est pas concentré sur un thème spécifique ou sur un groupe de thèmes. En ayant accueilli la suggestion d'un

2. Sur ces grandes problèmes il y a aussi toute une bibliothèque (ou plusieures bibliothèques), ici je rappelle seulement une oeuvre toute récente et très intéressante, à mon avis, bien que composée dans une perspective strictement marxiste: Burkhard Rode-Siegrid Weber 1988 ('Zur Entstehung des Feudalismus in Europa').

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grand spécialiste de notre secteur et membre du Comité International, Bengt Lôfstedt, les organisateurs du Colloque, le comité international et moimême, avons laissé à tous les auteurs la liberté de choisir le thème désiré. Cette initiative peut sembler source de dispersion, mais par ailleurs, la richesse des thèmes reliés au latin vulgaire et tardif pouvait se perdre avec le choix d'un ou deux thèmes particuliers. Egalement le nombre réduit des participants au congrès, tous des spécialistes du latin vulgaire ou du latin du Moyen âge, ne permettait pas de réduire encore leur nombre avec un choix obligatoire et restrictif. A l'avenir peut-être, on pourra poser le problème de spécialiser les arguments du colloque, qui aura lieu tous les trois ans, mais pour l'instant, je crois qu'il est opportun que cette nouvelle plante acquière force et vigueur. Pour en venir aux explications techniques, en ayant toujours l'intention de laisser la plus grande liberté possible aux participants, je n'ai pas uniformisé les citations des auteurs anciens (qu'il faudrait faire selon les Thésaurus Linguae Latinae) et je n'ai pas imposé la règle de donner la bibliographie employée au terme de chaque contribution. Imposer cette méthode, encore que plus utile et claire, aurait été faire violence à des spécialistes, habitués à suivre la méthode moins facile de citer de façon complète la première fois et de renvoyer après à la première citation. D'ailleurs le volume précédent présente la même variété. Nous espérons que d'ici peu tous les spécialistes se convainquent que la bibliographie employée doit être citée à la fin de chaque contribution. Ainsi je dois exprimer mon regret pour le fait que mes collègues Coseriu et Pinkster n'ont pas eu le temps de composer définitivement leurs importantes interventions. J'ai attendu jusqu'à la fin de juin 1989 et ensuite j'ai leur laissé encore la possibilité de m'envoyer leurs contributions composées dans une disquette; mais notre temps à tous, avec la multiplicité d'engagements de chacun, a, malheureusement, une durée limitée, et, dans l'esprit de liberté dont on parlait, il faut respecter le temps et les engagements de chacun. De même je rappelle que la plus grande partie des communications, et donc des contributions, est en langue française, sauf celles en anglais de Tamâs Adamik et Pirjo Raiskila, celle en espagnol de Carmen Codoiier et celles en allemand de Bengt Lôfstedt, de Maria Selig e de moi même. Il manque, hélas, l'italien, mais le devoir d'hospitalité devait primer.

XI

Préface

Enfin je veux remercier tous ceux qui ont rendu possible l'organisation du Colloque et la publication de ces Actes. Avant tout, je remercie mon collègue Jôzsef Herman, qui m'a donné des suggestions multiples et précieuses et qu'a suivie l'organisation du Colloque avec sagesse et discrétion; ainsi que les autres membres du Comité International pour l'Étude du Latin Vulgaire et Tardif, Eugenio Coseriu, Paul A.Gaeng, Jôzsef Herman, Bengt Löfstedt, Veikko Väänänen (notre ami Harm Pinkster est rentré dans le Comité à la fin du Colloque de Bologne, mais auparavant avait déjà répondu à mon invitation à collaborer). Tout de suite après, je veux remercier tous les participants qui ont animé le congrès et donné des importantes contributions à nos journées, et l'éditeur Niemeyer de Tübingen, qui généreusement a accepté d'imprimer ce livre. Ma fille, Irène Calboli, étudiante en droit et profondément éprise de la langue et de la culture françaises, a composé diligemment tous les textes, sauf trois que j'ai reçus déjà composés sur disque des collègues Gaeng, Wanner et Me. Selig. Le docteur Tommaso Del Vecchio, du Département de Philologie Classique de Bologne, et ma femme, Lucia Montefusco, m'ont aidé dans l'emploi de l'ordinateur IBM et du programme "Nota Bene", selon lequel les textes ont été composés ou convertis. En cet endroit, je leur en témoigne ma profonde reconaissance. Et maintenant, mon cher livre, lève-toi et marche seul dans les vastes sentiers du monde, sans montrer, je t'en prie, à la première page ouverte, encore fraîche d'impression, comme il arrive d'habitude, l'ironique "Druckfehler Teufel". Cache-le, au-moins, dans celles qui suivront! Gualtiero Calboli Bologne, Octobre 1989.

Ouvrages cités CHOMSKY, Noam, 1981. Lectures on Government and Binding, Dordrecht-Cinnaminson, Foris. KÇSIK, Marek, 1989. La cataphore, Paris, PUF. KLEIBER, Georges, 1989. Reprises, Travaux sur les processus référentielles anaphoriques, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, Département de Linguistique Générale.

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REINHART, Tania, 1976. The Syntactic Domain of Anaphora, MIT Phd Dissertation. R O D E , Burkhard-Siegrid WEBER, 1988. Zur Entstehung des Feudalismus in Europa, Studien zur sozialen und juristischen Entwicklung der germanischen Stämme beim Übergang zum Feudalismus, Akademie der Wissenschaften der DDR, Schriften zur Geschichte und Kultur der Antike, 23. Akademie-Verlag, Berlin. WILLIAMS, Edwin, 1989. The Anaphoric Nature of 0-Roles, Linguistic Inquiry 20: 425-456.

Tamils ADAMIK 'Sermo inliberalis' in cena Trimalchionis

1. Written Latin diverged from continuous development Old Latin Spoken Latin - Romance. As Ernst Pulgram writes, «some speakers, given their social and educational condition, functioned only on the lower level, and some only on the higher level, many speakers who were in some measure or totally bidialectical could produce speech that lay somewhere in between or was mixed. As regards the written texts available, it is generally the case that the writer, unless he really wishes to render the low level [which happens but rarely, especially in Latin antiquity], tries to come as close as his education warrants to the upper level» (E.Pulgram 1987: 190). Now the Satyricon of Petronius «really wishes to render the low level», especially in the Cena Trimalchionis, that is, he consciously has the vulgar ex-slaves speak vulgar Latin. It is clear from the Satyricon that its author was a highly cultured man: he was well versed in the arts of language, particularly that of rhetoric. That means that he knew the norms of written Latin, and also, from which norms he deviated. These norms of Written Latin were taught in schools of rhetoric. A typical textbook of Rhetoric is the Rhetorica ad Herennium. How a writer has to write or a speaker has to speak is prescribed by the genera dicendi and the virtutes elocutionis. Under the title genera dicendi our rhetoric treats the theory of three styles: Sunt igitur tria genera, quae genera nos figuras appellamus, in quibus omnis oratio non vitiosa consumitur: unam gravem, alteram mediocrem, tertiam extenuatam vocamus. Gravis est, quae constat ex verborum gravium levi et omata constructione. Mediocris est, quae constat ex humiliore neque tamen ex infima et pervulgatissima verborum dignitate. Attenuata est, quae demissa est usque ad usitatissimam puri consuetudinem sermonis (4,8,11). The author not only defines the genera but also illustrates them with examples. Besides, he speaks about the faults of the genera and he demonstrates these with faulty texts. For example, concerning the faulty simple or plain style he writes: Qui non possunt in ilia fecetissima verborum attenuatione commode versari, veniunt ad aridum et exangue genus orationis,

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quod non alienum est exile nominari, cuiusmodi est hoc: "Nam istic in balineis accessit ad hunc; postea dicit: «Hie tuus servus me pulsavit». Postea dicit hie illi «Considerabo». Post ille convicium fecit et magis magisque praesente multis clamavit". Frivolus hie quidem iam et inliberalis est sermo: non enim est adeptus id, quod habet attenuata figura, puris et electis verbis conpositam orationem (4,11,16). This sermo inliberalis is grammatically correct but stylistically bad: aridum, exangue, frivolum mean 'dry', 'bloodless', 'crumbly' (it is said of vasa fictilia quassa, Paul.Fest.p.90 and translated with the meaning of "inanis, vanus, futtilis" 1 ). But when is a style dry, bloodless and frivolous? We can base our answer to this question on the author's example: "Nam istic in balineis accessit ad hunc; postea dicit; «Hie tuus servus me pulsavit». Postea dicit hie illi: «Considerabo». Post ille convicium fecit et magis magisque praesente multis clamavit". In this text there are two conspicuous characteristics of style: repetition and brevity. As far as repetition is concerned, the author claims that it is avoided in cultured style: Conpositio est verborum constructio, quaefacit omnes partes orationis aequabiliter perpolitas. ea conservabitur ...si eiusdem verbi adsiduitatem nimiam fugiemus (4,12,18). In the example there are such repetitions as postea, postea, post; magis magisque and the pronouns hunc, hie hie, illi, ille. The brevity of sentences and clauses can also be a fault if they are shorter than average. As Cicero writes; Aures ipsae enim vel animus aurium nuntio naturalem quondam in se continet vocum omnium mensionem. Itaque et longiora et breviora iudicat et perfecta ac moderata semper exspectat; mutila sentit quaedam et quasi decurtata, quibus, tamquam debito fraudetur, offenditur (orat.177-178). The sentences and clauses in the faulty text of plain style are very short; that is, they are mutila, decurtata. In my paper I should like to examine whether this sermo inliberalis exists in the vulgar Latin speech of the ex-slaves of the Cena Trimalchionis. My choice of subject can be justified by two reasons: (1) The research concerning the style of Satyricon is very rich and varied, but, to my knowledge, nobody treats the brevity or curtness of sentences and clauses in the style of Petronius; (2) The example of simple style given by the author of the Rhetorica ad Herennium belongs to the narration of parts of speech. The texts in the Cena Trimalchionis which could be characterised as sermo inlibe-

1. Cf. Thes.L.L. VI 1341,57-1342,17; G.Calboli 1969: 298.

'Sermo inliberalis'

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ralis are narrations of ex-slaves and Petronius is conscious of the fact that their language differs from that of educated persons. He lets Echion speak as follows: Videris mihi, Agamemnon, dicere: "quid iste argutat molestus?" Quia tu, qui potes loquere, non loquis. Non es nostrae fasciae, et ideo pauperorum verba derides. Scimus prae iitteras fatuum esse (Petr.46). Although in these sentences there are inflectional mistakes, that is, cases of barbarismus and soloecismus as well, I am not going to deal with them. I shall concentrate on the curtness of sentences and clauses. 2. It is immediately obvious that sentences and clauses in the speeches of ex-slaves are shorter than those in the speeches of educated persons, like Encolpius and Eumolpus. I have chosen, at random, one passage from the speeches of Seleuchus and one from them concerning brevity. Seleuchus says: "Ego non cotidie lavor; baliscus enim fullo est, aqua denies habet, et cor nostrum cotidie liquescit. Sed cum mulsi pultarium obduxi, frigori laecasin dico. Nec sane lavare potui; fui enim hodie in funus. Homo bellus, tam bonus Chrysanthus animam ebulliit. Modo modo me appellavit. Videor mihi cum illo loqui Heu, eheu. Fires inflati ambulamus. Minoris quam muscae sumus, tamen aliquam virtutem habent, nos non pluris sumus quam bullae. Et quid si non abstinax fuisset! Quinque dies aquam in os suum non coniecit, non micam panis. Tamen abiit adplures" (Petr.42,1-5). This passage of twelve lines in the Miiller' edition contains 14 sentences. Encolpius begins the Cena Trimalchionis as follows: Venerat iam tertius dies [id est expectatio liberae cenae\ sed tot vulneribus confossis fuga magis placebat quam quies. Itaque cum maesti deliberaremus quonam genere praesentem evitaremus procellam, unus servus Agamemnonis interpellavit trepidantes et 'quid vos?' inquit 'nescitis, hodie apud quem fiat? Trimalchio, lautissimus homo horologium in triclinio et bucinatorem habet subornatum, ut subinde sciat quantum de vita perdiderit'. Amicimur ergo diligenter obliti omnium malorum, et Gitona libentissime servile officium tuentem [usque hoc] iubemus in balneum sequu Nos interim vestiti errare coepimus, immo iocari magis eqs. (Petr.26,7-10). In this passage of the same length there are four and a half sentences. On the basis of these passages we can conclude that the sentences spoken by the exslaves are twice as short as those of educated people. But one sample is not enough for such conclusions. Therefore I examined three other passages from the speeches of different persons, and the results are just the same in a passage of 25 lines of Ganymedes 23 (Sat.44.1-13) and

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in that of Echion 22 (Sat.45.1-8). On the other hand in a passage of Encolpius there are 11 sentences (Sat. 1-2; 1-3), and in two other passages of Eumolpus there are 11 (Sat.88.1-7) and 12 sentences (Sat. 118.1-6). 3. Now, since the beginning of the century, there have been two trends in the research into the language of the Satyricon. Some scholars - F.Biicheler (1904), F.F.Abbot (1907,43), G.Suss (1926), A.H.Salonius (1927) and others say that in the Satyricon the language of the ex-slaves deviates from that of educated people, others - E.V.Marmorale (1948), L.Pepe (1957) - emphasize that there are no substantial differences between the language of the exslaves and that of educated people. On the basis of my research into the length of sentences in the Satyricon I feel that Marmorale's opinion seems to be untenable. The difference between the length of sentences of these two classes is too big to declare that it does not exist. On the other hand, these differences are not absolute and rigorous, but well discernible tendencies. New researchs of the language of Satyricon - A.Dell'Era (1970, 21-25), H.Petersmann (1977, 23-28), J.Hosner (1984, 7-11) - have the same view: the difference between these two groups does exist, but with certain overlaps and exceptions. However the question arises of what consequences the brevity of sentences have in the speeches of these simple people? The first and most important consequence of this brevity is the lack of complex sentences, especially the lack of subordinate clauses. For example, out of the 14 sentences in the above-quoted speech of Seleuchus, there are only two subordinate clauses and two coordinate clauses, the others are simple sentences. On the other hand, in the text of Encolpius, the whole text consists of only four long complex sentences. If there are more compound sentences in the texts of uneducated people, as in that of Hermerus, they are short, and mainly of paratactic structure. The other important consequence of brevity is that there is no place in the sentence for constructing schemes. As R.L.Kindrick, L R . O l p i n and F.M. Patterson write: "The schema is a figure of speech that has to do with syntax or the make up of sentence, a form of speech artfully varied from common usage. [...] The beginning writer or child usually writes simple declarative sentences and links them into compound sentences, while the experienced writer or professional is likely to use more of the resources of language, to use subordination, absolutes, and relative clauses" (1980, 78). The ex-slaves

'Sermo inliberalis'

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of Satyricon use the same style. They use the most basic types of sentences with a natural and unaffected word order. They use too many simple short sentences, so their speech is choppy. Consider, for example, the speech of Echion: 'Oro te melius loquere. "Modo sic, modo sic" inquit rusticus; varium porcum perdiderat. Quod hodie non est, eras erit: sic vita truditur. Non mehercules patria melior dici potest, si homines haberet. Sed laborat hoc tempore, nec haec sola. Non debemus delicati esse, ubique medius caelus est (Sat.45,1-3). This choppy speech is disagreeable because - as Cicero says - the soul feels it is mutilated. In this choppy style the speaker often avoids the verb and noun-phrase complement and so the relation between the parts of sentences becomes obscure. To avoid this obscurity the speaker uses pronouns too often, as in the faulty example of the Rhetorica ad Herennium: Hie tuus servus me pulsavit. Postea dicit hie illi. Many researchers - H.L.W.Nelson (1947, 153), A.Stefenelli (1962, 37), W.B.Sedgwick (1967, 21), J.Hosner (1984, 31-33) - emphasize that the demostrative pronouns ille, is, iste, hie preponderate in the spoken parts of the Satyricon, and they "als Vorboten des Personalpronomens der dritten Person interpretieren ließen" (writes J.Hosner 1984, 32). Especially, frequent is the pronoun ille and it can be regarded as the beginning of the formation of the personal pronoun of the third person, for example: vides ilium, qui obsonium carpit? (Sat.36,8); nec est, quodputes ilium quicquam emere (38,1); quod ilium sic vides (38,14); medici ilium perdiderunt (42,5) and so on. This change made possible the type of phrase: Dono vobis eum (Sat.30,1). As Hosner writes: "Die syntaktische Abfolge vobis eum entspricht genau der weitaus späteren Regelung" (1984, 35). 4. This simple or plain style of the speeches of uneducated ex-slaves mixed with barbarisms, solecisms, foreign and hybrid words a mixture of Latin and Greek (cf. Sedgwick 1967), forms a peculiar patch of colour in the history of Roman literature. We can rightly ask how Petronius dared to use such language in a literary work, when all grammatical and stylistic faults were forbidden by the rules of grammar and rhetoric? In answer to this question we can say two things: (1) The Satyricon of Petronius is a satirical novel (cf. J.P.Sullivan 1986, 20; P.G.Walsh 1970, 19). The common sense of the Roman allowed some kinds of barbarisms and solecisms and foreign words in the satirical genres because of the realism which this genre strove for. This is the reason why the fragments of mime and Atellana are full of barbarisms and

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T. Adamik

foreign words. (2) Out of the four virtues of style canonized by Theophrastus: purity, clarity, propriety and ornamentation, propriety was very important to the Romans, and they called it aptum or decorum. Propriety meant that a speech had to reflect the age, the character, the mood and the education of the speaker. On the basis of propriety we can rightly suppose that in the Satyricon of Petronius the vulgar parts are genuine and that this vulgar Latin comes near to the sermo inliberalis described by the author of the Rhetorica ad Herennium.

Bibliograph ABBOT, F.F., 1907. The Use of Language as a Means of Characterisation in Petronius, CPh 2, 43 ff. ADAMIK, T., 1987: Cornifici Rhetorica ad C.Herennium, Akademiai Kiadö, Budapest. B U E C H E L E R , Fr., 1904. Petronii Saturac et Liber Priapeorum, Bcrolini. C A L B O L I , G., 1969: Cornifici Rhetorica ad C . H e r e n n i u m , Introduzionc, T e s t o Critico, Traduzione e Commento, a cura di G.C., Patron, Bologna. DELL'ERA, A., 1970. Problemi di lingua e stile in Petronio, Roma. H O S N E R , J., 1984. Studien zur lateinisch-romanischen Sprachentwicklung am Beispiel der gesprochenen Partien in der "Cena Trimalchionis", Bochum. K I N D R I C K , R . L . - L . R . O L P I N - F . M . P A T T E R S O N , 1980. A New Classical R h e t o r i c , Dubuque, Iowa. M A R M O R A L E , E.V., 1948. La questione petroniana, Bari. M Ü L L E R , K., 1961: P e t r o n i i A r b i t r i Satyricon, cum a p p a r a t u c r i t i c o e d i d i t K.M., E.Heimeran, München. NELSON, H.L.W., 1947. Petronius en zijn "vulgair" latijn, Een stilistisch-grammatische Studie over de zoogenaamdc "vulgaire dictie" in de Cena Trimalchionis, Diss. Alphen a. d.R. P E P E , L., 1957. Studi Petroniani, Napoli. P E T E R S M A N N , H., 1977. Petrons U r b a n e Prosa, Untersuchungen zu Sprache und Text (Syntax), Ö s t e r r e i c h i s c h e A k a d e m i e d e r W i s s e n s c h a f t e n , Philos.-Hist.Kl., Sitzungsberichte, 323, Bd., Akademie der Wissenschaften, Wien. P U L G R A M , E . , 1987. T h e R o l e of R e d u n d a n c i e s in t h e History of L a t i n - R o m a n c e Morphology, in: J.Herman (6d.), Latin vulgaire-latin tardif, Actes du I e r Colloque international sur le latin vulgaire et tardif, M.Niemeyer, Tübingen, 189-198.

'Sermo inliberalis'

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Frédérique BIVILLE Des faits "apophoniques" en latin vulgaire impérial? Lois phonétiques et règles phonologiques

1. L'apophonie latine: exceptions et doublets 1.1. L'action de l'apophonie en latin; ses conséquences fonctionnelles

S'il est un fait de phonétique latine qui caractérise on ne peut mieux le latin par opposition à d'autres langues indo-européennes comme le grec, c'est sans nul doute le phénomène connu sous le nom d'"apophonie" qui, avant l'apparition des premiers textes littéraires latins au 3è s. a.C., s'est traduit par la fermeture des voyelles brèves situées à l'intérieur des mots. Ce phénomène phonétique a été lourd de conséquences fonctionnelles: non seulement il a créé à l'intérieur des paradigmes latins et des familles lexicales, des oppositions comme on peut en constater entre le verbe simple facio, foetus et son composé conficio, confectus, mais de plus, il a considérablement réduit, à l'intérieur des mots latins, le rendement des oppositions de timbres brefs, essentiellement au profit de i, la voyelle la plus fermée: Là où le grec distingue les suffixes à voyelle brève -auri, -eur\, -lur^ -ovn, le latin neutralise l'ensemble en une finale unique -ina: Tpurâvr) > trutina, "balance"; KCK|>U/OÇ > cophinus, "panier"; àyxôur\ / angina, "angine";CTipùuri> sybina (avec métathèse), "epieu de chasse". -UI/T),

Nous ne devrions donc trouver, à l'intérieur des mots latins, que des voyelles brèves fermées, essentiellement / et u, e et o selon les contextes phonétiques, mais en aucun cas on ne devrait trouver de a. Or, il suffit de consulter n'importe quel texte latin, littéraire ou épigraphique, et de procéder à quelques rapides relevés et calculs, pour constater que cette situation théorique est loin d'être réalisée. L'apophonie, comme toute règle phonétique, connaît des exceptions, et celles-ci sont relativement nombreuses.

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F. Biville

12 Les exceptions à l'apophonie Ces exceptions sont traditionellement ramenées à trois types de causes: - les faits d'harmonie vocalique, ex. ânas, ânatis, "canard": la voyelle tonique, qui généralement se trouve en syllabe initiale, exerce une action dilatrice sur la brève intérieure atone, l'empêchant de se fermer; - les faits de recomposition: de nombreux composés préfixés, verbaux ou adjectivaux, subissent dans leur vocalisme radical l'influence des mots simples correspondants, ex. rederguere / redarguere:1 - la troisième classe d'exceptions regroupe les nombreux termes qui sont entrés dans le lexique latin après la cessation des effets de l'apophonie, et parmi lesquels figurent de très nombreux emprunts au grec. C'est ainsi que M. Leumann, dans sa Lateinische Grammatik (p.81) oppose les emprunts "anciens" caméra et phalera (gr. Kajxàpa, âXcxpa), qui ont subi l'apophonie, aux emprunts "récents" ("aber jünger") hilarus et barbarus récents parce qu'ils n'ont pas été atteints par l'apophonie. Or nous constatons que bien des exceptions, citées comme telles dans les traités de phonétique latine, n'en sont pas en réalité: des formes qui, dans le latin s t a n d a r d a u q u e l nous ont h a b i t u é s les textes classiques et les inscriptions officielles, ne sont pas touchées par les effets de l'apophonie, présentent occasionnellement, dans un niveau de langue à la fois plus vulgaire et plus tardif, des doublets qui offrent toutes les caractéristiques de formes apophoniques, sans en avoir l'âge.

1.3. Les doublets apophoniques tardifs 1.3.1 Les faits. Parmi les exemples qui ont "la vedette" dans les différents traités, nous pouvons citer: - le nom du canard, ânas, ânatis qui, dans les manuscrits de Plaute et de Cicéron, offre les variantes anites (Capt. 1003) et anitum (Nat. deor. 2,124); - ou encore, le nom de la plante appelée "tussilage", fârfarum, qui se présente toujours dans les manuscrits de Plaute (ex. Poen. 478) sous la forme farferi. Ce sont les seuls doublets apophoniques qui apparaissent dans des textes de l'époque républicaine.

1. Cf. F. Bader, Apophonie et recomposition dans les composés, in RPh 34, 1960, 236-247.

Faits "apophoniques"

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Dans les inscriptions impériales se rencontrent: - Caeseris au lieu de Caesaris, à deux reprises à Pompéi, 2 - et Hilera, cognomen, exceptionnellement atteste dans une inscription tardive des îles Baléares ( C I L 2,3684). Les gloses et les textes tardifs offrent des doublets tels que: castinea (castina, gl.) et ceresia (Anthime) qui sont à l'origine des noms de la châtaigne et de la cerise dans différentes langues romanes, alors que les formes classiques castanea et cerasus (attestées depuis Varron) présentent constamment un vocalisme intérieur fidèle à celui du grec (Kaaxàueia, Képacroç).3 Ce sont parfois les langues romanes qui, seules, nous informent de l'existence de ces doublets "apophoniques": - l'it. allégro, l'a. fr. aliègre, l'esp. alegre, sont issus d ' u n d o u b l e t allomorpnique et allophonique 'atécrum/ -crem du paradigme latin seul attesté alacer, alacrem; - le fr. sevrer, l'it. sceverare proviennent de seperare et non de la forme classique separare; l'it. comp(t)rare et l'esp. comprar supposent de même un doublet comperare. Tous ces exemples sont bien connus: ils font partie de la vulgate phonétique qui gravite autour de l'apophonie. Mais le paradoxe qu'ils supposent ne semble pas avoir été suffisamment mis en valeur. Comment ne pas être intrigué par ces formes qualifiées d' "apophoniques" qui attendent la latinité tardive, voire les langues romanes, pour se manifester? Comment justifier cet immense hiatus chronologique qui sépare l'époque à laquelle l'apophonie est censée avoir cessé de jouer (le 3è s. a.C.), de ces manifestations tardives à l'autre extrémité de la latinité?

1.3.2. Explication proposée. C'est dans le Précis de phonétique latine de M. Niedermann (p.29-30) que le problème se trouve exposé de la manière la plus systématique. L'explication proposée repose sur un raisonnement en trois points:

2. Caesaris, CIL 4,2308; Cesere, t.c. 33,1, cf. V. Vàànânen (1959:19). 3. F. Biville (1983: 800-801).

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- ces variantes tardivement attestées sont anciennes; ce sont les formes primitives (elles sont donc antérieures au 3è s. a.C.); - ces formes apophoniques primitives ont été soumises à des tendances s e c o n d a i r e s telles q u e les dilations v o c a l i q u e s et les faits de recomposition, qui ont "annulé" les effets de l'apophonie; - les formes refaites se sont imposées dans le latin standard, mais les formes primitives, apophoniques, sont restées en usage dans le latin vulgaire, et ont resurgi dans la latinité tardive, lorsque la pression de la norme classique, urbaine, s'est moins fait sentir. Peu importe, dans cette optique, l'attestation tardive de ces doublets "apophoniques". Ce qui distingue la forme apophonique de sa variante non apophonique n'est pas un fait de chronologie opposant le latin tardif aux états de langue qui l'ont précédé, mais une opposition (a-chronique?) de niveau de langue, donc de type socio-culturel, entre le latin standard et le latin vulgaire éventuellement teinté de dialectalismes. Si nous examinons d'un peu plus près cette théorie pour tenter d'en démonter les mécanismes, nous nous apercevons qu'elle repose sur un double postulat néo-grammairien. C'est tout d'abord celui de la régularité des changements phonétiques, que seuls peuvent venir perturber les faits d'analogie ou d'emprunt: l'apophonie est donnée comme une loi phonétique, elle doit donc avoir joué d'une manière systématique. Si certaines formes paraissent y avoir échappé, c'est qu'elles ont été soumises à des tendances secondaires qui sont venues contrecarrer l'action de la loi. Le second postulat, encore plus lourd de conséquences, réside dans la conception uniquement historique des changements phonétiques: une loi phonétique joue à une époque déterminée de l'histoire, elle crée donc, dans l'histoire des langues, un point de rupture (un "avant" et un "après") qui peut dès lors être utilisé comme critère de datation. Dans cette optique, une forme apophonique ne saurait être qu'ancienne, puisque l'apophonie, phénomène historiquement daté, avait cessé de jouer avant l'apparition des premiers textes littéraires latins. Quel que soit le bien-fondé de cette théorie et des deux postulats qui la sous-tendent, on ne peut nier qu'elle fait "bon marché" de la chronologie des attestations. Il vaut donc la peine de reprendre l'examen de cette question en inversant la perspective (pourquoi ne pas considérer qu'il s'agit effectivement de formes tardives?), et en cherchant à élargir le corpus, car il est toujours

Faits "apophoniques"

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dangereux, d'un point de vue méthodologique, de raisonner et de bâtir des théories à partir d'un petit nombre d'exemples stéréotypés qui, au fil des années, se transmettent d'une étude à l'autre. Il se trouve que le phonétisme des mots latins d'origine grecque présente des faits absolument analogues à ceux que fournit le lexique proprement latin (cf. F. Biville, 1983: 743-852). Une étude phonétique des emprunts n'est pas instructive pour la seule connaissance des éléments empruntés; elle l'est tout autant pour la connaissance de la langue emprunteuse. Les emprunts agissent comme des révélateurs des structures linguistiques dans lesquelles ils s'intègrent et des évolutions phonétiques en cours. Ils sont le miroir de la langue qui les accueille.

2.Apophonies "tardives" dans les emprunts latins au grec 2.1. Quelques exemples Nous rencontrons, dans les documents impériaux et pré-romans, deux types d'emprunts qui retiennent l'attention: d'une part des emprunts déjà attestés dans les textes républicains, mais sous une forme non apophonique, et qui, à l'époque impériale, se mettent occasionnellement à présenter un doublet apophonique, comme Hilera au lieu de Hilara (supra, §1.3.1.), ou adama{n)s (attesté depuis Virgile), pour lequel certains représentants romans, dont le fr. aimant, supposent un doublet adimans. Il y a d'autre part des emprunts qui ne se manifestent qu'à l'époque impériale, mais qui néanmoins offrent une forme apophonique, comme le verbe apoculare chez Pétrone, qui n'est pas un hybride gréco-latin constitué de ccno- et de culus, mais qui est emprunté au gr. ànoxotXai/.4 Toutes ces formes sont strictement conformes aux normes apophoniques, comme en témoigne, par exemple, le traitement de à: 1) a se ferme en e en syllabe ouverte devant r: c'est ce qu'illustre la forme citera (au lieu de cithara, Varr.), blâmée par YAppendix Probi, GL 4,197,26; de son côté, le grammairien Consentius (GL 5,392,17) considère la forme Tarterus au lieu de Tartarus (attesté depuis Lucrèce) comme un barbarisme.

4. F. Biville, "Apoculamus nos" (Petr. 62,3): une métaphore nautique en latin vulgaire impérial. Contribution à l'étude des verbes signifiant "partir" en latin, à paraître in RPh.

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F. Biville

2) a se ferme en i en syllabe ouverte devant une consonne palatale: ce traitement est illustré par différentes formes, en particulier monichus, forme sous laquelle apparaît monachus (attesté depuis Vita Anton. ) dans certaines inscriptions de Gaule ( C I L 13,2431; d'où le fr. moine, l'esp. monje, etc.); de même, ce n'est pas ostracum (attesté chez Isidore) qui est à l'origine du nom de l'âtre dans les langues romanes, mais un doublet astricum qui a donné, entre autres, l'it. (l)astrico et le fr. âtre.5 3) a se ferme en u devant un / vélaire: YAppendix Probi (GL 4,198,26) blâme la forme amiddula, variante vulgaire du nom de l'amande, amygdala, attesté depuis le 1er s. p.C. (Col., Pline); les gloses offrent (CGL 5,606,4) pour scybala, "déchets , attesté chez Théodore Priscien, une variante squibula qui, par son phonétisme, se révèle être triplement vulgaire et tardive. 4) La vélarisation de a devant un / vélaire ou une occlusive labiale se limite au stade o dans le cas d'un hiatus ou d'une dilation vocalique:phiala, "coupe", attesté depuis Pline l'Ancien, se présente à très basse epoque, dans la traduction latine d'Oribase et dans les gloses, sous la forme fiola ( a v e c / rendant ), demeurée en roman; les verbes crotolare, "craqueter", en parlant du cri de la cicogne (Suét.) 6 et percolopare "frapper" 7 (Pétr.), respectivement dérivés de crotalum (Scip. Em.) et colaphus (Plt.), n'ont rien de dialectal: leur o bref intérieur résulte d'une double tendance phonétique: la fermeture des brèves intérieures, et les actions dilatrices auxquelles sont soumises les voyelles atones. Nous pourrions poursuivre l'énumération de ces formes. Ces quelques exemples suffisent à montrer l'existence, dès les débuts de l'époque impériale, dans des documents de type "vulgaire" ou tout au moins, moins tributaires de la norme classique, de doublets qui ont toutes les caractéristiques de formes "apophoniques" sans en avoir l'âge. Quelle(s) explication(s) peut-on en proposer? Sont-ils tous à mettre sur le même plan?

2.2 Attestations tardives de formes anciennes? Nous pouvons tout d'abord penser que les textes classiques présentent une forme standard, savante, transcrite du grec (celle qui nous paraît "normale"),

5. F. Biville (1983: 690). 6. F. Biville, "Ciconiarum crotolare" (Suét., Frgt p. 251), ou les dénominations cicogne en latin, in RPh 58,1983,59-65.

du cri de la

7. A . Ernout, Colap(h)us, percolopare, in RPh 25,1951,155-156 (repris dans Philologica 1957, p. 151-152); F. Biville (1983: 827-828).

2,

Faits "apophoniques"

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mais que, parallèlement et antérieurement à cet emprunt savant, existait dans la langue vulgaire une forme apophonique ancienne, que les hasards des attestations dans les textes ou le caractère nécessairement lacunaire de notre documentation, ne nous auraient pas permis de connaître avant la latinité impériale. Ainsi iXapôç serait d'abord entré en latin sous la forme apophonique (vulgaire) hilerus qui, en latin classique, par référence au grec, aurait été ensuite concurrencée par le réemprunt savant hilarus, mais hilerus aurait continué à vivre dans la langue vulgaire. Nous retrouvons ici la théorie traditionnelle précédemment évoquée (§ 1.3. 2). Malgré les postulats qu'elle suppose, cette thèse est loin d'être dénuée de fondement. La langue savante a effectivement procédé à de fréquents réemprunts (ou emprunts parallèles), plus fidèles aux originaux grecs que les formes vulgaires, latinisées: Dans les inscriptions de toutes les époques et de toutes les régions de l'Empire, le cognomen Setus est concurrencé par Zethus, transcrit du gr. Z/rjxoç; pojaaia "épée", est d'abord attesté sous la forme latinisee rumpia (chez Ennius), et n'apparaît qu'au 4è s. p.C. sous la forme rompnaea. Il se peut donc que de nombreux emprunts aient connu, sans que nous le sachions toujours, un doublet apophonique ancien. Il est également vrai que certaines formes ont pu connaître, entre les débuts de la tradition latine et la latinité tardive, une existence "souterraine". Bien des formes latines attestent cet immense trait d'union entre le latin archaïque et le latin tardif, et témoignent, par delà les tendances puristes de l'époque classique, de l'existence d'un latin vulgaire parallèle au latin standard. Dans un papyrus égyptien de comptabilité militaire du début du 2è s. p.C. (Cavenaile, n^ZlÇ),8 nous rencontrons à deux reprises la forme à anaptyxe drachuma pour drachma (gr. ôpamri) qui, sans cette attestation, serait qualifiee d'"archaïque , puisqu elle n'apparaît que chez Ennius, Plaute et Térence, alors qu'il s'agit d'une forme certes ancienne, mais vivante dans la langue courante.

8. R. Cavenaile, Corpus Papyrorum Latinorum,

1958.

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Il se peut donc que certaines formes apophoniques, tardivement attestées, soient en fait anciennes, et constituent de véritables formes apophoniques. Cette explication vaut sans doute pour: apinae, "futilités" igr.à-o ablatif:^

[-u]

accusatif: ablatif:-^

-o [-u]

1. J'ai relevé dans toutes les régions des remplacements sporadiques du nominatif en -us par une forme en -os et en -o/-u. Il n'est pas facile d'évaluer les orthographes en -os qu'on a attribuées à une influence grecque (Prinz 1932: 103; Uddholm 1954: 55), à la fusion de / o / e t / « / en syllabe non accentuée (Carnoy 1906: 215-216; Pirson 1901: 115-116) ou encore, dans le cas de formes telles que parvos et vivos, à un archaïsme dans la langue populaire dû au / v / semivocalique qui précède la terminason. (Pirson 1901: 46; Stati 1961: 77). J'ai quelque peine à croire que les nominatifs tribunos, domesticos, iustos et tuos représentent des formes grécisantes ou archaïsantes et estime plutôt qu'il s'agit d'une tendance d'aligner substantifs et adjectifs sur une forme casuelle unique en -o, issue de la fusion de l'accusatif, du datif et de l'ablatif latins. Quant à -s final, il représenterait une réflexion savante après coup de la part du rédacteur du texte, l'ajoutant à la forme orale (donc tribuno, domestico, iusto et tuo) comme réminiscence scolaire du nominatif du latin classique. En fait, les nominatifs en -o attestés sporadiquement dans toutes les régions me semblent donner créance à ce point de vue. Quoiqu'il en soit, la substitution d'une forme en -o pour le nominatif en -us auquel on s'attend est, à mon avis, une preuve des plus claires de l'interférence de l'orthographe tra-

La flexion nominale

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ditionnelle et les habitudes linguistiques au niveau de la PAROLE. "'Filio' statt 'Filius' zeigt die vulgäre Aussprache" - dit Carola Proskauer (1909:170). Toutefois, compte tenu du maintien de l'orthographe traditionnelle en -us dans la grande majorité des cas, on peut se demander dans quelle mesure l'orthographe traditionnelle cache la situation réelle, en particulier dans les régions où le -s est sensé avoir disparu au niveau de la langue même dès le gème siècle, c'est à dire l'Italie centro-méridionale et l'Est. 6 Les données épigraphiques ne nous fournissent, en effet, que peu d'indications sur la perte du -s et ne nous autorisent guère plus qu'une simple suggestion d'une tendance de la langue parlée vers une forme généralisée en / o / , avec un [u] allophonique, tendance qui ne se révèle qu'occasionnellement au niveau de l'écrit. 2. La terminaison en -i du génitif latin se trouve, de manière tout à fait conséquente, dans toutes les régions. Toutefois, il faut noter l'occurrence en Gaule, dans la région de l'Est et parfois en Italie d'une forme génitive en -o lorsqu'il s'agit d'exprimer un rapport de possession, du type fili Magno (Diehl 150), arca Iucundo puero (Diehl 1298), Vrsiniano subdiacono...ossa (Diehl 3453), etc. Extension du datif possessif latin et du dativus sympatheticus, ce datif adnominal synthétique à sens possessif est un trait caractéristique du latin mérovingien, survivant tant en ancien français qu'en ancien provençal (p. e. li fils le reï).1 En Orient, d'autre part, il est demeuré l'unique possibilité d'exprimer l'ancien génitif possessif (Iliescu-Macarie 1964: 441). "L'absence du datif adnominal des inscriptions ibériques - affirme notre savante collègue, Maria Iliescu - préfigure l'absence de cette construction dans les langues romanes de l'Ibérie. C'est un des cas où les inscriptions 'parlent'" (1986: 209).

6. Il n'y a pas de consensus sur ce point, Iliescu-Macarie (1965:475) voulant placer la perte du s final dans la langue parlée d'Italie et de Dacie vers le 3 è m e siècle, alors que Rosetti (1978: 1.134), par exemple, la place dans la phase romane primitive. Voir en dernier lieu la mise au point de Jôzsef Herman: "il semble acquis que -s se prononçait encore dans la langue vulgaire au cours des premiers siècles de l'Empire; par conséquent, sa chute dans la plupart des dialectes italiens et dans le roumain reflète une innovation plus tardive et locale qui, dans ces conditions, n'a rien en commun avec la chute de -s après o (u) dans la latinité archaïque" (1987:97). 7. Disparu par la suite sous l'impact des constructions analytiques avec de à valeur génitivale (possessive, partitive, de relation, etc.), ce n'est guère que le tour avec la préposition ad [du type la fille au roi de l'ancien français] qui survit en français moderne populaire: p.e. le père à Marie, le fils à papa.

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3. On trouve la construction génitive périphrastique avec de suivie d'une forme en -o [-u] dans toutes les régions occidentales, l'exemple le plus reculé figurant sur une épitaphe romaine du 4ème siècle. Remarquons, toutefois, qu'aucun des exemples relevés ne suggère l'usage de la construction analytique au sens possessif, ceux-ci étant plutôt du type reliquie....de sepulcro dni (Vives 375) et minester de tempulo (Diehl 1303), exprimant ce que le savant doyen de notre discipline, Veikko Vâânânen, appelle un rapport constant (résidence, service, surveillance, etc.) d'un individu avec un lieu (1981:95). 4. Le datif semble être plutôt bien cantonné, surtout dans les régions où il apparaît également dans une fonction génitive. 5. La relation entre accusatif et ablatif et l'émergence d'une forme oblique en -o a fait couler beaucoup d'encre depuis que le savant italien d'Ovidio avait cherché à montrer que le cas unique des formes italiennes servo et buono ne représentaient aucun cas spécial de la déclinaison latine mais plutôt un cas oblique syncrétique issu de la fusion de [-um] > [-o] au niveau de l'expression. L'opinion savante semble s'accorder sur ce dernier point (H.Lausberg 1963-1972:3.17), mais il reste toujours le problème de savoir si ces formes en -o représentent l'accusatif ou l'ablatif latins ou une forme unique de la langue parlée où les relations sémantiques ne sont plus liées à des distinction morphologiques, c'est à dire une sorte de casus obliquus generalis qui remplit les fonctions de datif, d'accusatif, d'ablatif et, dans certains cas, de génitif (Vâânânen 1981:116). Plus vexant est le problème des accusatifs/ablatifs en -u du type titulu fecit et in hoc titulu (titulum = 'pierre tombale'). Prinz, qui s'était évertué à démontrer dans quelles conditions les terminaisons en -u représentaient des accusatifs et des ablatifs, a lui-même dû abandonner la partie quand il déclara: "Dificillimum est iudicare, utrum in U terminatione accusativus an ablativus subsit" (1932:130).8 Comme j'ai essayé de le montrer ailleurs (1979:214-19), il serait, en effet, vain de vouloir s'assurer si la graphie en -u représente un accusatif latin sans m final ou un ablatif (dû à la confusion de / o / et /u/ latins en syllabe inaccentuée), vu qu'avec la chute du m des formes telles que votu

8. Bengt Löfstedt se fait l'écho de Prinz quand il affirme: "wenn es sich um spätere Inschriften handelt [ist es] grundsätzlich verfehlt, in jedem Fall mit Bestimmtheit entscheiden zu wollen, welches u ein Akk. und welches ein Abi. ist: die Steinmetzen hätten es oft selbst nicht sagen können. Der Akkusativ und der Ablativ hatten sich frühzeitig einander syntaktisch angenähert..." (1961:116).

La flexion nominale

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et voto ont fini par coïncider en une forme prononcée [voto], avec un [-u] allophonique que Schuchardt (1866-68: 2.95) avait déjà envisagé, allophone qui, par la suite, a pris une valeur phonémique dans certains dialectes du Midi italien et dans le seul idiome-témoin du latin oriental.

PLURIEL EST

OUEST

nominatif:

-î; -a

nominatif:

-i; -a

génitif:

-oro

génitif:

-oro ad + -os (Gaule)

datif:

datif: ablatif::

ablatif: -os/[-us];-a accusatif:

os/[-usJ; -a accusatif:

7

1. Le nominatif des thèmes en -o du latin classique est bien conservé. Quant aux quelques neutres en -a, il y a évidence de leur intégration au singulier des thèmes féminin en -a, tant dans le latin oriental qu'occidental, p.e. haec cava....continet membra (Vives 287). 2. La forme du génitive en -oro, reflet orthographique de la prononciation de -orum/-oru, est parfaitement stable. Pirson se fait l'écho de la communis opinio quand il affirme que "Orum semble avoir été la désinence préférée de la langue populaire au génitif pluriel" (1901: 125), ce qui expliquerait sans doute son empiétement sur le génitif pluriel féminin -arum, p.e. candelorum > fr. Chandeleur, it. candelora, (Rohlfs 1949-1953: 2.23), sur l'accusatif ou l'ablatif de temps, comme dans vixit annoro III et menses VII dies V (Diehl 2976B) et sur les génitifs de la troisième déclinaison, p.e. decessit Quintus annoro octo mensorum dece (Diehl 2817C). Quant au remplacement du génitif synthétique par une périphrase introduite par ad, je ne l'ai trouvée que sur

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l'épitaphe souvent citée de Briord dans la Lugdunensis: membra ad duusfraires... (Diehl 150). 3. La forme dative en -is n'est attestée que très sporadiquement. Un exemple du datif possessif se trouve sur une épitaphe dalmate: area...fratnbus germanis (Diehl 3639). En revanche, l'ablatif en -is est bien représenté par annis dans les expressions de temps, dans les régions centro-méridionales de l'Italie et les régions de l'Est, contrairement à l'Italie du nord, la Gaule et l'Ibérie qui montrent une nette préférence pour l'accusatif annos (épelé aussi annus). Ce clivage semble confirmer les conclusions de Mihâescu, à savoir que cette préférence pour annis au lieu de annos en Italie et dans les Provinces danubiennes n'est pas fortuite ("întîmplatoare", dit il) car elle montre que dans la langue parlée le pluriel des noms masculins penchait vers une forme unique en -/, aboutissant au roumain ani et à l'italien anni (1959: 89). 9 La substitution sporadique d'ablatifs prépositionnels par des formes de l'accusatif masculin en -os ou le neutre en -a, du type cum filios, de dona deis, est attestée surtout dans les régions occidentales, ce qui suggère la tendance vers l'émergence d'une forme oblique généralisée au pluriel, correspondant à la forme oblique du singulier en -o, tendance qui devait par la suite conduire au casus generalis des thèmes en -o de l'espagnol et du portugais (Menéndez Pidal 1958; 206), alors qu'en italien et en roumain elle devait se renverser (Politzer 1953: 27). 4. J'ai aussi relevé quelques exemples sporadiques du remplacement de l'accusatif en -os par une forme ablative en -is après préposition, p.e. ob meritis (Diehl 821), inter sanctis (Diehl 3315), sur des épitaphes provenant de Rome, d'Italie méridionale et de Dalmatie, marquant le conflit entre accusatif et ablatif au pluriel. Notons, en passant, qu'il s'agit précisément des régions où ce conflit s'est par la suite soldé en faveur de la terminaison -is qui, après la chute du s final, a rejoint le nominatif pour marquer le pluriel des masculins.

9. Voir aussi à ce sujet Bengt Löfstedt qui considère les nominatifs pluriels masculins en -/' de l'italien et du roumain des anciens thèmes en o comme "ein Produkt aus dem durch den Wegfall von -s bedingten Zusammenfall der lat. Dat.-Abl.-Endung -is mit der Nominativendung -i" (1961:238). La dérivation des pluriels italiens des thèmes en o du datif/ablatif en -is avait déjà été postulée par Politzer 1952: 277 sqq.

La flexion nominale

121

TROISIEME DECLINAISON SINGULIER EST nominatif:

OUEST -is;-es (Dalmatie,Pannonie)

nominatif:

-e (Dalmatie, Pannonie) génitif:

-is;-es (Dalmatie);

-is;-es -e (Italie)

génitif:

-i (Dalmatie,Mésie.Macédonie)

-is; -es; -e (Gaule, Italie); de + -e (Gaule)

datif:

-i;-e (Dalmatie,Pannonie)

datif:

ad + -e (Pannonie)

-i; -e (Italie) ad + -e (Gaule, Italie)

accusatif:

accusatif; -e

ablatif:

ablatif:

1. La tendance vers la généralisation de la terminaison en -es tant au nominatif qu'au génitif me semble assez nette dans toutes les régions pour ne laisser aucune place au doute quant à l'extension du / e / thématique de l'accusatif/ablatif qui devait devenir la caractéristique des noms et adjectifs en espagnol, en italien et en roumain.10 Le nominatif en -e est aussi attesté dans les régions où le -s a fini par disparaître de la langue. Les quelques exemples de génitifs en -e trouvés dans la Gaule du sud et dans la région romaine semblent aussi confirmer l'extension du thème en / e / aux divers cas du singulier. 2. Je n'ai trouvé qu'un seul exemple sûr de la périphrase introduite par la préposition de suivie d'une forme en -e, en remplacement du génitif synthétique, sur une épitaphe datant du milieu du 5ème siècle, provenant de Narbonne: Rusticus eps epi Bonosi filius epiAratoris de sorore nepus...(Diehl

10. Stati souligne l'importance morphologique de ce changement orthographique qui est dû à "tendinta de creare a unui caz général in -e " (1961:81).

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P.A. Gaeng

1806) 'l'évêque Rusticus, fils de l'évêque Bonosius, neveu de la soeur de l'évêque Arator'. Il s'agit, une fois de plus, d'un génitif de relation plutôt que d'un génitif carrément possessif. 3. Le remplacement fréquent du génitif possessif par une forme dative en -i n'est guère caractéristique que pour les régions orientales. Ce phénomène est particulièrement répandu en Dalmatie. Je pense qu'il faut y voir la confirmation de l'emploi du datif possessif et adnominal en fonction génitive, dont il a déjà été question en parlant des génitifs de la première et de la deuxième déclinaison. Des exemples tels que fîlius Eufrasio comiti (Diehl 117) et d'autres dans lesquels des datifs des thèmes en o et ceux des thèmes en e s'emploient l'un à côté de l'autre montrent qu'il s'agit bel et bien de datifs en -/', plutôt que de génitifs mal épelés, datifs que le roumain a conservé, selon toute probabilité, au singulier des noms féminin de la troisième déclinaison (Iliescu-Macarie 1965: 482 note #106; de Dardel 1964: 8). 4. Le remplacement occasionnel du datif par une forme en -e constaté principalement dans la région italienne et sur quelques épitaphes de l'Est est, sans doute, dû à l'influence analogique exercée par l'accusatif/ablatif en -e et s'accorde avec la tendance à étendre cette voyelle à tous les cas obliques du singulier; toutefois, en considérant la faible fréquence de ce remplacement, il faut admettre que la forme du datif classique est toujours solidement cantonnée. 5. Le datif périphrastique introduit par la préposition ad est représenté sur trois épitaphes: titulum posuit ad...infante filiam suam (Diehl 2182, Pannonie), ad innocentent et peregrinum Vrsicunum (Diehl 1475, Lugdunensis) et ad fratre et sorore...posuit (Diehl 3749, Italie du nord). 6. Avec la perte du m final, l'accusatif et l'ablatif ont fusionné en une forme oblique générale en -e. Le petit nombre d'ablatifs des thèmes en i trouvés ici et là dans les inscriptions de l'Ouest sont plus généralement épelés avec -e, eux aussi, marquant la tendance générale à créer un casus generalis au singulier.

La flexion nominale

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PLURIEL EST

OUEST

nominatif:^

nominatif: v -es/-is (Gaule,Italie)

> -es/-is /

-es (Ibérie)

accusatif:

accusatif/ génitif:

génitif:

-um;-oru[m] (Gaule,Italie) ad + -es/-is (Gaul)

datif: _

datif: >-ibus;-is

-ibus;-is (dat.,Italie) -es/- is (abl.)

ablatif/

ablatif:

1. Un trait digne de remarque et qui, à mon avis, est tout à fait cohérent avec le développement ultérieur des pluriels italiens et roumains du type i cani, le parti, cîini et parji, est la fréquence marquée de la désinence -is au nominatif et à l'accusatif en Italie, dans les provinces de l'Est et en Gaule, alors que dans les régions ibériques la terminaison en -es semble être la règle. Phénomène bien attesté sur les inscriptions et dans les textes romains de l'ère républicaine (Ernout 1953: 87), il semble s'être étendu à la région danubienne dès le 2 è m e siècle (Stati 1961: 83) - la première attestation sur une inscription chrétienne provenant du Norique ne datant, toutefois, que du 4ème siècle, alors que les premières manifestations en Gaule ne remontent qu'au début du 6ème siècle. Perdue dans la brume qui entoure le passage du latin vulgaire de la Gaule à l'ancien français, 11 la terminaison en -is (-i après la chute de -s) s'est imposée dans le parler populaire de l'Italie et des contrées danubiennes, comme j'ai essayé de le démontrer ailleurs (Gaeng

11. Toutefois, cf. Edouard Bourriez (1956: 229) qui affirme que le nom. pl. canis était devenu *carti déjà à l'époque mérovingienne par analogie de mûri.

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1986: 295-302), suggérant la continuité chronologique entre l'ancien accusatif des thèmes en i et les pluriels en question. 12 2. Dans les régions de la Gaule et de l'Italie, le génitif en -um est parfois remplacé par la forme -oru(m)/-oro de la deuxième déclinaison,pauperorum, martyrorum, parentorum étant des formes fréquemment attestées. Alors que je n'ai pas trouvé d'exemple de ce remplacement sur des inscriptions des provinces danubiennes et balkaniques, le fait que le génitif en -orum se trouve quelques fois remplacé par un génitif en -um semble indiquer une concurrence entre les deux terminaisons dans cette région également. Les spécialistes, d'ailleurs, s'accordent à reconnaître que la désinence orum était préférée de la langue populaire au génitif pluriel (Pirson 1901: 125; Uddholm 1954: 58) vu son corps phonétique plus robuste qui a évité toute confusion avec d'autres terminaisons. A mon avis, à cette époque le génitif en -um n'était probablement qu'une forme orthographique car, au niveau de la parole, il aurait évolué en [-o]: p.e.fratrum > *fratro. 3. Le tour périphrastique introduit par ad en remplacement du génitif synthétique est représenté par membra ad duus fratres dont nous avons déjà parlé (voir ci-dessus, gen. pl. -orum). 4. Il est difficile de dire dans quelle mesure les datifs/ablatifs en ibus demeurent des formes populaires vers le 6ème siècle étant donné qu'ils ne figurent que peu ou pas du tout (p.e. le datif dans les régions hispaniques) dans les matériaux épigraphiques que j'ai examinés. J'ai, toutefois, relevé quelques exemples du remplacement du datif en ibus par celui en is de la deuxième déclinaison (p.e fratris, patris) sur des épitaphes provenant de la région de Rome et de Dacie, c'est à dire là où la terminaison -is se répercute dans les noms italiens et roumains de cette déclinaison. Quant à l'ablatif en ibus, surtout lorsqu'il est employé comme complément prépositionnel, il est souvent remplacé par un accusatif en -es /-is, comme dans roga pro fratres et sodales tuos (Diehl 2343), cum sororis suas (Diehl 808A), bien que dans un cas comme sineparentis (Diehl 2360) on a pu se demander s'il ne s'agirait pas plutôt d'un remplacement de parentibus par un ablatif de la deuxième décli-

12. Dans son compte-rendu de mon étude récente (1984), la savante romaniste, Maria Iliescu, se range à mon avis quant au problème de l'origine de la désinence du nominatif pluriel des noms italiens et roumains de la troisième déclinaison: "Les variantes -ES et -IS ont subsisté l'une à côté de l'autre, jusqu'à ce que celle en -I(S) ait remporté la victoire sous la pression analogique de la deuxième déclinaison" (1986: 209).

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naison. 13 Quelques exemples du remplacement de l'ablatif absolu par l'accusatif, p.e. emerunt presentís omnes fossores (Diehl 3761), semblent appuyer l'affirmation selon laquelle les formes datives et ablatives en ibus étaient appelées à disparaître de bonne heure du sermo cotidianas M 5. Pour le pluriel de la troisième déclinaison on voit donc l'émergence d'un casus generalis en -es/-is distribué à l'échelle régionale le long des frontières représentées, grosso modo, par les aires actuelles du pluriel en -i de l'italien et du roumain et celles en -es des langues romanes occidentales, en particulier l'espagnol, le portugais et le sarde. Ce qui semble ce dégager de l'évidence présentée dans cette enquête, c'est une réorganisation morpho-syntaxique du système latin classique des déclinaisons au niveau de la PAROLE, quoique toujours essentiellement en accord avec le modèle classique au niveau de la LANGUE. Il s'agit d'un processus de déclin progressif du système pluricasuel, un processus par lequel le neuf coexiste avec l'ancien. L'ancien persiste évidemment en accord avec la maîtrise que le sujet parlant a des traditions de la langue écrite et avec le désir qu'il a de faire usage d'un latin correct, tout en ne permettant que de temps à autre que son parler habituel s'immiscie dans les modèles de la langue écrite. Aussi toute tentative de reconstruction d'un stage donné de ce processus ne peut-elle s'appuyer que sur la vision occasionnelle que nous pouvons capter de la vraie nature de l'idiome parlé à travers de "fautes" involontaires et inconscientes de la personne qui écrit. Par exemple, même si au niveau de la parole cum parentes devient la façon normale d'exprimer cette idée, la latin classique parentibus n'est pas pour autant éliminé de la langue écrite tout comme, disons, le passé simple en français est toujours écrit en prose normale, bien qu'il ait disparu du parler contemporain du Français moyen. Certaines terminaisons casuelles, donc, restent inchangées en ce qui concerne le système latin classique, alors que d'autres sont remplacées soit

13. Voilà, en effet, comment Diehl (1899:52) interprète parentis et toutes les autres formes en -is. Toutefois, des tournures telles que cum sororis suas, pro parentis suus (Diehl 2340), de très fratres cursoris (Diehl 381b) et d'autres, où des formes accusatives en -es et -is s'emploient concurremment mettent son interprétation en question. 14. Einar Lofstedt (1933: 2.61) affirme que la terminaison en -bus n'a jamais été populaire étant donné qu'elle n'a pas survécu dans les langues romanes.

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par des terminaisons existantes dont les fonctions morphosyntaxiques sont étendues (par exemple l'emploi du datif synthétique dans une fonction génitive), soit par des constructions nouvelles (par exemple le remplacement du génitif synthétique par une périphrase introduite par ad). Les déviations de la forme classique ont lieu principalement dans les cas obliques où, à la suite de la perte du m final, une forme unique semble émerger au singulier, tandis qu'au pluriel la forme accusative tend à supplanter toutes les autres formes obliques, créant ainsi un Universalkasus là où les cas nominatifs et accusatifs coïncident. Toutefois, même là où les déviations ont lieu avec une fréquence accrue, il est toujours difficile de suivre leur progression chronologique qui pourrait nous donner une idée des stades de l'écroulement du sytème nominal du latin classique et son évolution vers les protosystèmes qui caractérisent les langues romanes modernes. Et, sauf pour quelques phénomènes qui semblent aller dans la direction d'une certaine différentiation régionale - par exemple la prédominance des nominatifs pluriels en as dans le latin d'Italie et de l'Est, l'extension du nominatif/accusatif pluriel en is dans les provinces de l'Est, l'Italie et la Gaule, l'emploi du datif en fonction génitive, en particulier pour le latin de la Gaule et de l'Est - on est obligé de conclure que les caractéristiques linguistiques consignées dans les données épigrahiques ne sont ni spécifiques pour une région donnée, ni uniques, et qu'aucune province en question ne constitue un domaine linguistique isolé. Ceci dit, il faut néanmoins souligner que, pour imparfaites qu'elles soient en tant que sources de connaissances du latin vulgaire dans toutes ses manifestations, les inscriptions nous offrent néanmoins un aperçu occasionnel d'une 'tendance' reflétée dans le conflit des formes qui permet de tirer quelques conclusions, même si elles sont sujettes à des révisions ultérieures, sur la situation probable du système nominal à un certain stade du long et inflexible processus de transition du latin classique vers les langues romanes.

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Benjamín GARCÍA-HERNÁNDEZ L'intransitivation en latin tardif et la primauté actantielle du sujet

1. Transformation diathétique et relation intersubjective 1.0 La diathèse est une catégorie sémantique qui, de même que l'aspect verbal, ne se limite pas au niveau morphématique, mais elle concerne les différents niveaux expressifs de la langue. 1 1.1 II y a diathèse au niveau grammatical: 1.1.1. Entre l'actif et le passif: dux castra

movet-

castra a duce moventur, figulus rotam vertit.rota a figulo vertitur. 1.1.2. Entre l'actif et le moyen, un procédé qui subsiste encore en latin: dux castra movet.catstra moventur, pastor oves pascit.oves pascuntur; figulus rotam vertit.rota vertitur.2 1.1.3. Entre l'actif et le réfléchi: 3 dux castra movet.castra se movent; figulus rotam vertit.rota se vertif,

1. Dans plusieurs études précédentes nous avons soutenu l'unité fondamentale de la diathèse (García-Hernández 1980: 74 s.; 1989: 298 ss.), de même que l'unité fondamentale de l'aspect (García-Hernández 1977: 70 ss.; 1980: 83 ss.; 1985: 515 ss.); tous les deux peuvent être exprimés grammaticalement (voix, aspect) ou lexicalement (complémentarité lexicale; aspect lexical ou Aktionsati). Ce n'est pas le moment de poser à nouveau cette question. 2. Un rapport plus étroit de l'action avec le sujet parait être la marque qui caractérise le moyen (Ruipérez 1988: 256). 3. Le moyen, le passif et le réfléchi sont des procédés grammaticalisés qui fonctionnent comme des "intransitivants" (Flobert 1975: 556).

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B. García-Hernández

dans le bon usage classique, la forme réfléchie suppose une plus grande initiative de la part du sujet que la voix moyenne: 4 mais cette distinction se perd au fur et à mesure que l'emploi de la construction pronominale se généralise. 1.2. Il y a diathèse au niveau lexical: 1.2.1. Dans le même lexème, employé comme transitif et intransitif: dux castra movet.castra movertf, figulus rotamvertitrota vertit.5 1.2.2. Dans le même radical, avec une détermination affixale: tabulam pendit.tabula pender, scutum iacit.scutum iacet. 1.2.3. Entre des lexèmes apparentés étymologiquement: magister discípulos docet.discipuli discunt; te moneo.tu meministi (: tu moneris); et propterea saepius te uti memineris moneo (Plaut. Capt. 240). 1.2.4. Entre des lexèmes sans aucun lien étymologique: fabulam longam/ac/'o.fabula longa fit; erus servum verberat.servus vapulat. 1.3. Au niveau syntagmatique, divers types d'expression s'organisent également, comme: 1.3.1. Des constructions verbales:

4. Richter 1909:136; Ronconi 1968: 20 s.; Flobert 1975: 387. 5. "E siccome anche l'attivo può essere a volte usato intransitivamente, forma attiva e media possono diventare equivalenti" (Ronconi 1968: 26): reverlo ou revertor, moveo ou moveor,flecto ou flector, inclino ou inclinor, praecipito ou praecipitor, lauo ou lauor. Dubois a mis au même rang que la transformation passive le passif proprement dit, la forma pronominale et l'intransitif; ce dernier est aussi un renversement de la phrase transitive: le soleil jaunit les papiers.- les papiers jaunissent au soleil.

L'intransitivation en latin tardif

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fació (ut) + subj.: jacio ut scias.-

scis\ ut ipse scibo, te faciam ut scias (Plaut. Asin. 28); jacio + inf. (plus vulgaire): jacio rotam vertererota vertit. 1.3.2. Des constructions verbo-nominales:

odi.- (in) odio est mihi: se enim scire summo illum in odio juisse Coesori (Cic.Att. XI 9,2);

utor.- usui est mihi: miles gladio utitur.militi gladius usui est. Cependant, utor est un déponent susceptible d'être employé à la voix passive: Nouius in Lignaria verbum quod est "utitur" ex contraria parte dicit: Quia suppellex multa quae non utitur, emitur tamen, id est "quae usui non est" •Geli. XV 13,4). 1.4. Les termes de toute opposition diathétique, que nous symbolisons avec un point et un tiret (.-), sont complémentaires entre eux; 6 et leurs procédés d'expression vont de la différenciation maximale, représentée par l'opposition de deux lexèmes sans lien étymologique (jacio.- fit), à la différenciation minimale ou nulle de l'opposition diathétique existant dans le même verbe qui dispose de l'emploi transitif et intransitif (verto- vertit). 1.4.1. Les grammairiens ont souvent réduit les oppositions diathétiques lexicales à un groupe de verbes qui ont une fonction supplétive et un caractère marginal face à la régularité des oppositions grammaticales (cf. Flobert 1975: 556). Mais en réalité, lorsque l'on accord plus d'attention au lexique, on constate que les oppositions diathétiques lexicales sont présentes dans chaque champ sémantique et qu'elles y constituent des structures fondamentales; en outre, elles suppléent parfois la défectivité grammaticale. 1.4.2. En effet, tout verbe transitif dispose, au moins, d'autant de verbes complémentaires que d'objets; c'est à dire que tout objet direct ou indirect peut devenir le sujet d'une autre unité lexicale complémentaire (GarcíaHernández 1989: 293):

6. Dans un sens moins technique, mais essentiellement concordant avec le nôtre, Flobert (1975:15) parle de "complémentarité de l'actif et du passif.

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B. García-Hernández

paterpecuniam filiodatpecunia filio est.pecuniam filius habef, erus servum mercatori vendit.servus venit.servum mercator emit. Comme on peut le constater, chaque actant devient sujet d'une action complémentaire; la complémentarité lexicale affecte même la transformation de l'objet indirect en sujet, transformation inadmissible en latin et en roman du point de vue grammatical. 1.4.3. Les actions qui intègrent chaque système complémentaire (dat.- est.habet) constituent une unité dramatique. Le drame n'est pas l'action isolée (Alfred donne le livre à Charles), comme l'a pensé Tesnière (1969: 102 ss.), erreur qui l'a poussé à voir dans le soujet un complément comme les autres a c t a n t s . D a n s ce p r o c è s d r a m a t i q u e que c o n s t i t u e n t les actions complémentaires entre elles, tous les actants sont des sujets: chacun de son action respective {pater..dat.- pecunia...est.- filius..Jiabet)', par conséquent, la relation qui s'établit entre des actions complémentaires est une relation intersubjective. Ainsi donc, les oppositions diathètiques, grammaticales ou lexicales, consistent à présenter un procès verbal comme une relation intersubjective entre les actants qui y interviennent; et la diathèse n'est que la disposition du procès suivant les sujets des actions qui le composent. 1.4.4. Les termes d'une opposition complémentaire, grammaticale ou lexicale, ne sont ni équivalents ni interchangeables; 7 ils se réfèrent à la même réalité, selon la perspective différente de chaque actant; par exemple, une relation commerciale peut se présenter du point de vue de celui qui vend (erus... vendit), de l'objet de transaction (servus venit) ou de celui qui achète (mercator...emit). L'équivalence entre deux termes complémentaires ne se produit qu'entre des actions réciproques qui s'expriment par la même unité lexicale: ego cum ilio coniuravi.- ille mecum coniuravit = coniuravimus et inter nos coniuravimus, ego cum ilio et ille mecum (PlautjV/erc. 536). 1.5. La notion d'intransitif s'associe à celle du passif. L'étroite affinité qui existe entre verbe intransitif et voix passive est un fait bien observé en lin-

7. Ernout 1907-8: 326; Flobert 1975: 544.

L'intransitivation en latin tardif

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guistique moderne; 8 mais récemment on a mis en relief la fonction "intransitivante" du passif 9 beaucoup plus que le caractère "passivant" de l'intransitif; néanmoins celui-ci est très opératif en latin vulgaire, où la voix passive du verbe transitif est souvent remplacée par l'emploi intransitif du même verbe. 1.5.1. A vrai dire, le passif et l'intransitif ne sont pas la même chose; ce sont des formes concurrentes; dans ces lexèmes où coexistent les fonctions intransitive et passive, celle-ci est pourvue de la marque stative face au sens dynamique de l'actif: figulus rotam vertit.rota a figulo vertitur;10 par contre, la fonction intransitive est une espèce de terme neutre, indifférent à la polarisation des deux valeurs; elle est non-stative face au passif: rota vertit / rota a figulo vertitur, et non-dynamique face à l'actif transitif: rota vertit / figulus rotam vertit. 1.5.2. Il n'est donc pas vrai que fio soit la forme passive de fado, veneo de vendo, pereo de perdo et vapulo de verbero, comme le dit Ernout (1907-8: 332); ces verbes qui suppléent la voix passive ne sont pas vraiment des passifs, mais des intransitifs complémentaires des transitifs respectifs (GarcíaHernández 1989: 300 ss.). Servus venditur et servus verberatur sont des actions statives, alors que servus venit et servus vapulat n'ont pas en principe ce caractère marqué, bien qu'ils se réfèrent à la même réalité et qu'on ait fini par les remplacer. Dans le meilleur des cas on peut dire que le verbe intransitif qui prend comme sujet l'objet du transitif correspondant constitue un exemple de passivation sans morphologie passive. 1.5.3. Le passif et l'intransitif ne s'identifient pas, mais ce sont des concepts analogues, du fait que tous sont complémentaires de l'actif transitif: magister librum ostendit.liber ostenditur,

8. Bassols 1948: 41; Blinkenberg 1960: 35. 9. Flobert 1975: XVII ss.; 535, 544, 551, 556, 563 s, etc.; Kiss 1982: 20; Touratier 1984: Pinkster 1985:110. 10. "Pues bien, las desinencias verbales "pasivas" colocan a todo verbo afectado por ellas en el extremo de la cópula estática. En otros términos: todo verbo llamado pasivo es verbo de estado y no más pasivo que el verbo estático" (Rubio 1982: 94).

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magister librumostendit.liber apparet; la proportionalité entre ostenditur et apparet par rapport à ostendit (ostendit.ostenditur :: ostendit.- apparet) fait apparaître cette analogie. Cependant, l'analogie entre apparet et ostenditur n'est pas due au fait que le premier soit intransitif, mais à ce que tous deux se trouvent en relation intersubjective avec l'actif ostendit. 1.5.4. En fait, une action transitive, complémentaire d'une autre causative, peut aussi être analogue au passif de celle-ci. C'est ainsi que dans le relation intersubjective doceo- disco: magister discípulos grammaticam docet.discipuli grammaticam discunt, le transitif disco est analogue au passif de doceo: magister discípulos grammaticam docet.discipuli grammaticam docentur; de même que l'intransitif apparet est analogue à ostenditur.

2. L'accroissement intransitif en latin tardif 2.1. L'intransitivation comporte le réduction du nombre d'actants; c'est un processus de simplification syntaxique, du fait que le verbe se passe de complément d'objet, et c'est à la fois un processus d'enrichissement sémantique, du fait que le verbe acquiert une suffissance significative sans une telle détermination (García-Hernández 1990). 2.1.1. Il y a une intransitivation simple qui se limite à la perte de l'objet: nauta (navem) soluit > nauta soluit. Et il y a une intransitivation complexe qui consiste en la préalable perte du sujet et la subséquente tranformaron de l'objet en un nouveau sujet: (nauta) navem soluit > navis soluit. C'est le type d'intransitivation complexe qui attire ici notre attention; il s'y produit une transformation diathétique semblable à celle qui a lieu entre l'actif et le passif: nauta navem soluit.- navis soluitur; nauta navem soluit.- navis soluit. 2.1.2. L'intransitivation est un phénomène caractéristique surtout du latin vulgaire, du latin chrétien et des langues techniques qui a connu son éclosion en bas latin, selon Feltenius (1977: 20 ss., 73 ss.). Mais autant que

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l'accroissement de l'intransitivation, étonne parfois son caractère inusité, insolite et hardi. L'intransitivation des verbes causatifs, nettement transitifs, heurte le bon usage classique et la norme littéraire: aperire = "aperiri": ...foris aperit, eccere autem quem convenire maxume cupiebam egreditur intus (Plaut. Persa 300-1); sedare = "sedari", "sidere": postquam tempestas sedavit, Atherbal taurum immolavit (Gell. hist. 30) cf. tempestas sedatur, Dolabella Delo proficiscitur (Cic. Verr. 146); sidente Noto cum se maria alta reponunt (Sil. XIV 623); appellere - "appelli": ac subinde Alexandrina navis Dertosam appulit armis onusta (Suet. Galba 10,4); cogéré = "cogi": in fulmine cogunt venti (Comm. instr. II 2,13) cf. venti coguntur (Cic. Tusc. I 43); sanare = "sanari": cur non sanaverit filius tuus, ignoramus. At ille intellegens, non ante sanari posse filium, nisi... (Greg.Tur. Mort. I 11). 2.2. Il ne faut pas réduire l'analyse de chaque procès intransitif à l'unité lexicale isolée, et il ne suffit pas, non plus, d'inclure celle-ci dans des groupes, plus ou moins homogènes, de verbes de mouvement, de changement d'état, etc. 11 Par contre, chaque procès intransitif doit être considéré à l'intérieur du champ sémantique où il se produit; c'est dans ce cadre structural que l'on peut déterminer précisément les relations intersubjectives qui naissent entre les emplois transitifs et intransitifs du même verbe ou de verbes différents; et dans ce cadre on peut mieux observer la force analogique qui tend à niveler la construction de verbes appartenant au même champ.

11. Hofraann et Szantyr 1972: 295; Coyaud 1965: 30 ss.; Rothemberg 1974: 132; Flobert 1975: 408 s.; Feltenius 1977:19 s. Le classement le plus détaillé est celui de Sánchez Salor 1981.

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2.2.1. Ainsi accendo, incendo, cremo, flammo , uro, comburo, deuro et exuro deviennent intransitifs, en occupant la position du complémentaire intransitif ardeo (cf. Norberg 1943: 181-83): domus fulmine cremuit (CGL V 206,37); nostrum est... quicquid ardet et flammat (Claud.Don. Aen. V 672 = 1, p. 501,8 s.); et ille correptus febre, sicut vino, ita divino exurebat incendio (Greg.Tur. vit.patr. 8,11); exuro est mis au même rang que exardeo pour gloser la forme moyenne correspondante en grec: èKKaiojioti exardeo exuro (CGL II 290,25). 2.2.2. Et, de même, l'antonyme alternatif extinguo devient intransitif, avec la valeur de extinguor: a divina potentia ignis in se retortus nihil procul damnum fecit, sed per eius merita evidenter extinxit (Vita Hugb. 7 = MGH script.rer.Mer. VI p. 487,9); ou avec la valeur figurée de morion12 vixit et extinxit pauper (Comm. instr. I 30,9). 2.2.3. Les transitifs alo et augeo adoptent la valeur intransitive du complémentaire cresco:13 M.Cato in Originibus (frg. 20): "Eodem convenae conplures ex agro accessitavere. Eo res eorum auxit" (Geli. XVIII 12,7); et, de même, l'antonyme alternatif minuo prend la valeur de l'intransitif decresco: diverso lunae crescentis minuentisque statu (Veg. mil. IV 42). 2.3. L'emploi intransitif n'est pas le seul à concourir avec la voix passive en latin tardif; la construction pronominale est une autre forme assez productive. Kiss (1982: 15 ss.) englobe les trois formes - passive, intransitive et pronominale - sous l'épigraphe de "non-actif'; et, en fait, toutes les trois composent un groupe fonctionnel complémentaire de l'active: figulus rotam vertit.-

12. Löfstedt 1907: 91 s.; 1950: 64 n.l; Norberg 1943: 181. 13. Kühner et Stegmann 1971: 91; Löfstedt 1907: 91 s.; Lundström 1943: 74.

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rota a figulo vertitur / rota vertit / rota se vertit14 2.3.1. La plupart des quatre cents verbes avec un emploi intransitif que Feltenius enregistre disposent à la fois des constructions pronominale et médio-passive. Les formes pronominale et intransitive, de plus en plus puissantes, remplacent d'une manière progressive, le passif synthétique. Il en est ainsi parce que, tant celui-ci que celles-là, tous sont des termes complémentaires de l'actif transitif. On observe les hésitations que le remplacement produit, lorsque l'ancienne et la nouvelle forme alternent dans le même texte: ex sale trito confricas, donec adsiccetur totus humor cum sanguine. Quod cum adsiccaverit, posca calida et sale tardais fovebis (Chiro 476); ibi est uxor Loth, quae facta est statua salis, et quomodo crescit luna, crescit et ipsa, et quomodo minuitur luna, diminuii et ipsa (Theod. itin. 20). 2.3.2. Parfois, dans des contextes où la norme classique imposait la transformation passive (a rege Gothorum Theodorico legati mittuntur), on emploie en latin tardif l'actif transitif (cf. Kiss 1982: 31): Theudericus rex Gothorum legatos mittit. Cet emploi étendu de l'actif transitif rend désuète l'inversion passive qui est normale en latin littéraire. 2.3.3. La perte de l'usage du passif se produit en même temps que son renouvellement expressif. Le manque d'unité morphologique favorise son instabilité fonctionnelle; à Vinfectum, les désinences passives perdent du relief, comme le preuve la prolifération de verbes déponents; et les formes analytiques de perfection, mieux caractérisées, se déplacent vers l'infectum j u s q u ' à constituer les nouvelles voix passives romanes, dans un long processus qui dure presque autant que le Moyen Age (Bastardas 1953: 127 ss.). 2.3.4. Par conséquent, dans le remplacement de la voix passive synthétique d'infectum interviennent au moins quatre formes; deux d ' e n t r e elles analytiques: la construction pronominale (castra se movent) et les périphrases passives de perfectum (castra mota sunt), à partir desquelles on reconstruit la

14. On a signalé que les trois formes sont équivalentes (Miillcr 1924: 72 ss.) et que toutes les trois expriment la participation du sujet dans le procès (Vendryes 1948: 10); mais il n'en est ainsi que dans la mesure où toutes les trois sont des termes complémentaires du transitif vertit et qu'elles se trouvent en relation intersubjective avec celui-ci.

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nouvelle passive; et deux synthétiques: l'emploi intransitif du verbe (castra movent) et son emploi transitif (castra movet) qui évite la transformation diathétique des autres constructions. La concurrence de ces diverses formes a été si forte que la passive analytique n'est pas parvenue dans les langues romanes au grand r e n d e m e n t fonctionnel que les formes synthétiques avaient en latin littéraire. 15 2.3.5. Le recul inévitable de la passive et la progression inéluctable de la construction pronominale et de l'emploi intransitif sont les deux faces opposées du même phénomène. La prolifération de verbes ambivalents, transitifs et intransitifs, rendait inutile le passif en le remplaçant par l'emploi intransitif: in fulmine cogunt venti (Comm. instr, II 2,13); cf. Cic. Tusc. 143 ventique coguntur. Ce processus de remplacement continue en latin médiéval (Bastardas 1953: 115 ss.) et dans les langues romanes (Rothemberg 1974,1 ss.; 130 ss.): fr. Paul commence le travail.- le travail commence', Paul casse la branche- la branche casse; esp. El gobierno no aumenta los salarios.- los salarios no aumentan. Le traducteur avisé sait qu'au passif latin correspond souvent l'emploi intransitif roman ou la construction pronominale: augebantur illis copiae (Caes. civ. I 45,7): "aumentaban los efectivos del enemigo" (S.Mariner, Ed. Aima Mater, 1959); "les effectifs ennemis s'accroissaient" (P.Fabre, Les B.Lettres 1965). 2.3.6. D ' a u t r e part, du déplacement diachronique décrit découle la restructuration des formes qui conçurent comme termes complémentaires de l'actif transitif; entre la construction intransitive ou pronominale et la passive analytique une opposition aspectuelle s'établit: la branche casse -- est cassée-, le soleil se lève -- est levé-, mais cette question mériterait une considération à part. 16

15. "Le passif est la f o r m e la plus nettement délimitée d e s trois diathèscs [actif, medium (réfléchi), passif]. Elle est aussi la forme la moins usitée" (Blinkenbcrg 1960: 38). 16. Cf. Flobcrt 1975: 561; Milner 1986: 38 ss.; Calboli (à paraître).

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3. La primauté actantielle du sujet 3.0. On a signalé plusieurs causes de l'accroissement de l'emploi intransitif. Parmi elles, la valeur moyenne du participe présent (type vertens), la ruine flexionnelle comportant la confusion entre nominatif et accusatif, le nouvel ordre des mots, la plus grande brièveté de la construction intransitive, etc. (cf. García-Hernández 1990). A notre avis, on n'en peut exclure aucune; toutes ont pu contribuer dans une certaine mesure à sa propagation; mais elles ne donnent pas une explication suffissante de l'intransitivation complexe par laquelle l'objet devient sujet. 3.1. On ne peut expliquer cette transformation diathètique que par la prépondérance de la place du sujet sur celle de l'objet; la primauté actantielle du sujet, plutôt que d'autres causes, est le moteur de ce type d'intransitivation. Le verbe en présence d'un seul actant devient intransitif, parce que celui-ci s'érige en sujet; aussitôt qu'un verbe perd le sujet, il tend à le remplacer aux dépens de l'objet. Dans le gouvernement de la phrase il y a un premier ministre qui s'appelle sujet. Sa place vacante crée un vide de pouvoir qui tend à se remplir presque automatiquement par l'actant le plus proche, l'objet direct. Les actants de la phrase sont soumis à une hiérarchie fonctionnelle; c'est pourquoi l'absence de l'actant principal altère la stabilité, et la phrase, pour rétablir l'équilibre, tourne sur elle-même en transformant l'objet en sujet. 17 3.1.1. La thématisation de l'objet qui donne lieu à l'obtention d'un nouveau sujet démontre la primauté de cet actant sur les autres. 18 Nous croyons que cette suprématie est indiscutable, au moins dans les langues indo-européennes. Il est assez significatif que là où l'on trouve une structure objective,

17. D a n s les langues à type accusatif, on peut marquer la prééminence du sujet par divers p r o c é d é s morphologiques ou syntaxiques; mais c o m m e l'a écrit Villar (1983: 19), "en los sintagmas monopolarcs la ausencia de marca formai para S no es inconveniente, ya que al tratarse del actante único es inevitable que a él se atribuya la acción, proceso o e s t a d o expresado por el verbo". 18. M ê m e Tesnière (1969: 108), qui a mis au m ê m e niveau le sujet et les autres actants, le considérait cependant c o m m e prime actant.

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telle que me miseret, me pudet, une nouvelle structure subjective, avec la forme misereor, pudeo, tend à s'imposer. 19 3.1.2. La progression considérable de l'intransitivation en bas latin, particulièrement en langue vulgaire, constitue sans doute la plus grande manifestation diachronique de la subjectivation croissante que connaît la langue latine. L'ambivalence fonctionnelle de verbes qui transforment leur objet en sujet est un phénomène ancien; mais ce qui est surprenant, c'est leur irrésistible progression durant la période tardive, surtout quand on pense que ces verbes disposent en même temps, pour 70 % d'entre eux, de la construction pronominale ou médiopassive. 20 La prééminence de la fonction de sujet se manifeste, donc, avec la plus grande évidence, dans des états de langue plus mouvants, comme le latin populaire et le latin tardif, dans lesquels la différenciation morphologique entre sujet et objet est moins nette; par contre, celle-là est moins marquée dans des états de langue plus consolidés, comme le latin classique. 3.2. Le nivellement morphologique de l'opposition diathétique (figulus rotam) vertit.- (rota) vertit tend à produire par réaction une caractérisation plus grande du premier terme; en effet, l'ambiguïté de vertit se résout en recourant au causatiffacio: figulus rotam vertere facit.- rota vertit] cf. rotam vertere fecit- (Greg. Tur. vit.patr. 18,2). 3.2.1. Il y a plus d'un siècle Thielmann (1886: 180-91) démontra l'augmentation progressive de facio avec infinitif en latin populaire dès l'époque archaïque, face à la construction classique de ce verbe avec ut/ne + subj. Et puis, chez les auteurs chrétiens et dans les traductions bibliques devint fréquent l'emploi de facio + inf. d'un verbe intransitif, en correspondence avec l'opposition actif.- moyen du grec: errare facio ( = TiXavco).- erro ( = nXavCf ai).

19. Malgré tout, la structure objective de la phrase a plus d'importance dans les langues techniques, qui présentent une classification de la réalité plus directe que la langue courante; ainsi dans les textes juridiques où les actions qui correspondent au demandeur (petilor) et au défendeur (reus) ne sont pas équivoques, on se passe de toute référence au sujet (Flobert 1975: 559): si in ius vocat ilo. Ni il, antestamino: igitur em capito (Lex XII Tab. 1,1). 20. Feltenius 1977: 23; Kiss 1982: 21.

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3.2.2. La perte de force transitive de augeo, incendo ou statuo, déplacés à l'emploi intransitif, rendait nécessaire, pour des raisons de clarté, le recours à jacio + inf. du verbe intransitif complémentaire: crescere jacio (= augeo): Cypr. epist. 77,1; Herrn. vis. 11,6; Vulg. gen. 17,6; 28,3, etc. ardere jacio (= incendo): Vulg. lob 41,12;

stare jacio ( = statuo): statuii: stare jecit (Gloss.Reich. 74). 3.2.3. La fréquence de l'emploi de jacio comme verbe auxiliaire causatif, en latin tardif et médiéval, de même que dans les langues romanes, 2 1 est inséparable de l'accroissement parallèle de l'intransitivation. C'est à dire que le principe d'économie est contrebalancé par celui de la clarté expressive; mais surtout le recours à jacio suppose l'intervention d'un nouveau sujet comme agent et promoteur de l'action intransitive complémentaire. 3.3. Nous savons par Flobert (1975: 507 ss.) que le nombre de verbes déponents augmente également à cette époque, mais c'est une croissance artificielle au sein de l'instabilité morphologique générale; en revanche, la propagation des emplois intransitifs est un p h é n o m è n e vivant qui se poursuivra à un rytme croissant dans les langues romanes. Il est curieux d'observer comment certains exemples latins se reproduisent de forme parallèle dans celles-ci. Tel est le cas de capere > esp. caber et de esp. coger. 3.3.1. Outre le sens fondamental de "saisir, prendre en main", capere avait en latin le sens de "contenir" (Ernout et Meillet, s.u.), d'après ce que met en évidence le dérivé capax ("capable, qui peut contenir") et l'emploi même du verbe: (haec annus) capit quadrantal (Plaut, Cure. 110); non tuus hoc capiet venter plus ac meus (Hor. sat. 11,46). 3.3.2. Notamment en espagnol, caber s'est dépacé presque complètement de la valeur transitive de "contenir" à l'intransitive de "pouvoir être contenu", "avoir de la place"; et dans l'ancien emploi transitif il a été remplacé par coger, provenant de colligere. A son tour, dans la langue populaire le substitut coger a connu le même processus d'intransitivation qu'a auparavant connu le verbe remplacé caber (García-Hernández 1980: 19 n.18). Alors que dans la langue courante on dit estos libros no caben en la bolsa ("ces livres ne tiennent

21. Lagane 1967: 28 ss.; Lyons 1969: 354; Rothcmberg 1974: 132.

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pas dans le sac"), à un niveau vulgaire on emploie coger avec la même valeur: estos libros no cogen en la boisa. 3.4. En conclusion, le fait de l'intransitivation est une preuve évidente de la prédominance actantielle du sujet; en revanche, on ne peut dire que le phénomène contraire, la transitivation, démontre la supériorité de l'objet, car la dotation d'objet ne suppose que la projection de l'action du sujet. Dans l'intransitivation, l'objet disparaît par omission (nauta soluit) ou parce que qu'il se transforme en nouveau sujet (navis soluit)-, dans les deux cas, la structure fondamentale de la phase se réduit à verbe et sujet; dans les deux cas, la supériorité du sujet sur les autres actants est manifeste.

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Joseph H E R M A N Sur un exemple de la langue parlée à Rome au VI e siècle A Aurelio RONCAGLIA, en signe d'amitié et de respect. Le titre de cet essai n'est peut-être pas tout à fait heureux: il semble renfermer une présupposition selon laquelle il serait possible de distinguer, grâce aux sources et aux méthodes dont nous disposons, une langue parlée spécifiquement romaine et l'opposer à l'usage d'autres villes ou régions d'Italie. Ce serait là une tentative dans laquelle je n'aurais pas l'audace de me lancer. Car s'il est a priori vraisemblable, sur la base de tout ce que nous savons sur la variabilité de l'usage parlé dans toutes les langues, que la variété parlée par le peuple de Rome avait des traits qui la distinguaient de celle d'autres parties da la Péninsule, il est certain que - jusqu'à nouvel ordre - nos textes ne permettent absolument pas d'entrevoir ces différences. Si j'ai malgré tout choisi d'examiner le cas de Rome, cela a une raison extrêmement simple: c'est à Rome que nous trouvons le plus grand nombre de documents directs - c'est-à-dire des textes écrits au VI e siècle même - et c'est à Rome plus qu'à d'autres parties de l'Italie que se rapportent nos sources de caractère historique. Si nous tenons donc à formuler des constatations d'ordre linguistique concernant un lieu circonscrit et précis, c'est à Rome qu'il y a le plus d'espoir de trouver une mince déchirure dans le voile qui couvre ce qu'on appelle la réalité parlée. J'examinerai dans ce qui suit un fait qui semble extrêmement maigre et dont je me servirai pour tenter des conclusions d'un ordre plus général. Ce sera aussi une audace mais qui me sera, j'espère, pardonnée. Il existe, comme l'on sait, dans la vaste masse des textes latins, de la période classique à l'époque carolingienne, quelques très rares formes, quelques rares passages ou séries de phrases, qui se distinguent par le fait que, pour des raisons diverses, les auteurs des textes dans lesquels ils s'encastraient souhaitaient reproduire par leur intermédiaire la manière même dont ces formes ou ces phrases ont été prononcées, se rapprocher dans la mesure où le permettait le cadre graphique disponible - de la réalité "textuelle" de l'énoncé oral. Il s'agit donc de la reproduction volontaire, dans

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un contexte essentiellement littéraire et latin d'éléments d'une langue parlée dont la conservation conforme à leurs caractéristiques parlées présentait un certain intérêt. Dans les premiers siècles de notre ère, ces "citations" reflétaient, avec plus ou moins de fidélité, un latin parlé distinct du latin écrit, littéraire; au cours de la deuxième moitié du premier millénaire, elles constituaient déjà des spécimens, parfois sans doute déformés, d'un latin "iuxta rusticitatem", 1 précurseur direct de la "rustica romana lingua" évoquée par le Concile de Tours en 813. Les raisons pour lesquelles cette quasi-reproduction du parlé semblait s'imposer aux auteurs sont fort variées. Souvent, la reproduction "iuxta rusticitatem" correspond à la valeur performative de la phrase citée: les paroles prononcées constituent en elles-mêmes un acte dont l'efficacité est liée à l'authenticité textuelle de la formule. C'est le cas des serments, comme le "Breve de Inquisitione" de Siena (a. 715) 2 et plus tard, exemple célèbre entre tous, les Serments de Strasbourg; c'est aussi le cas de certaines formules de bénédiction, comme par exemple les Laudes Regiae de Soissons. 3 La reproduction "littérale" peut s'avérer nécessaire pour sauvegarder le sens d'un jeu de mots, d'une plaisanterie ou d'une interprétation "étymologique"; évoquons, pour prendre deux exemples aussi distants que différents, le cri Cauneas d'un vendeur de figues à Brundisium, que cite Cicéron (Div. 2,84) et qui aurait pu être compris, à ce qu'il paraît, comme "cave ne eas"; citons d'autre part le Daras que donne la Chronique de Frédégaire (II, 62), et qui serait la réponse de Justinien au roi des Perses et en même temps "l'étymologie" du nom de la ville de Daras où l'événement aurait eu lieu. 4 Bien des fois, enfin, il s'agit de la reproduction de chansons ou de slogans, prononcés, chantés ou scandés par le peuple ou par des groupes, et que l'on cite de m a n i è r e en p r i n c i p e t e x t u e l l e p o u r d o c u m e n t e r , j u s t e m e n t , l'importance d'un événement, ou bien la popularité, le cas échéant l'impopu-

1. Le terme a été mis en évidence à juste titre par Avalle (Avalle 1965: p. X). 2. Cf. Schiapparelli 1929:61. 3. Pour le texte, v. Avalle 1965: 25-6; on se reportera au bel article de P.Zumthor (ZRPh 75, 1959, 211-233) pour les questions de langue. 4. Et aussi - rappelons le, bien que le fait soit connu - la première attestation sûre d'un futur roman (dare habes) pleinement constitué.

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larité d'un personnage historique. La cantilène dite de Saint Faron serait l'exemple type de ce genre de citations, d'autant plus que l'auteur ajoute même à la fin du poème (Vita Faronis 78, MGH Script, rer. merov. V, 193): Hoc enim rustico carminé placuit ostendere, quantum ab omnibus celeberrimus habebatur. Cette lignée de "citations parlées" remonte cependant à une longue tradition, puisque les fameux chants et plaisanteries de soldats qui émaillaient les triomphes et dont plusieurs sont reproduits par les historiens en font déjà partie (pensons au fameux couplet cité par Suétone, lui. 51, Urbani, servate uxores: moechum calvom adducimus, etc.). Je souhaiterais, dans ce qui suit, aujouter un petit texte à cette série de "citations de l'usage parlé", texte publié à plusieurs reprises et donc loin d'être inconnu, mais qui n'a pas encore été, à ma connaissance, analysé en tant que monument linguistique. Notre texte se trouve encadré dans un passage du Liber Pontificalis, à l'intérieur du chapitre consacré au pape Vigilius. Nous citons le passage en conformité avec l'édition de Th.Mommsen (MGH, Gesta Pontificum Romanorum, Berlin 1898, p. 151, lignes 8 et ss.), en soulignant la "citation" que nous nous proposons d'examiner: ... miserunt eum in navem. Plebs et populus sequebatur eum adclamantes, ut orationem ab eo acciperent. Data oratione dixerunt omnis populus: amen; et mota est navis. Videntes Romani quod movisset navis, in qua sedebat Vigilius, tune populus coepit post eum iactare lapides fustes cacabos et dicere: 'famis tua tecum! mortalitas tua tecum! maie fecisti cum Romanis, maie invenias ubi vadis'. Pour situer notre texte dans l'histoire, il convient, avant de procéder à une analyse linguistique, de poser la question de l'authenticité des faits relatés. L'arrière-plan, le cadre historique de l'anecdote constituent un chapitre bien connu de l'histoire générale et en particulier de l'histoire de la papauté; nous le résumons brièvement pour mémoire, sans approfondir certains aspects sujets à discussion, qui sortent de toutes manières de notre domaine de compétence.5 Le pape Vigilius était le successeur de Silvère ou Silverius, qui, en conflit de politique ecclésiastique et de doctrine avec Justinien et surtout l'impéra-

5. Les faits sont exposés dans tous les manuels d'histoire ecclésiastique détaillés, je préfère à tous les condensé donné par L.Duchesne (Duchesne 1925:179).

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trice, avait été déposé et exilé en 537 par Bélisaire, sur l'ordre du couple impérial. Vigile ou Vigilius, alors diacre, qui avait séjourné longtemps à Constantinople, joua un rôle peu reluisant dans la déposition de son prédécesseur et fut même, au dire de certains de ses contemporains, responsable de la mort malheureuse et indigne de Silverius exilé. Devenu pape grâce à la pression de la Cour de Constantinople et en tant qu'homme de Byzance (à la différence de Silverius qui avait été accusé de connivence avec les Ostrogots), Vigilius semble avoir cependent embrassé les positions traditionnelles de la papauté et a montré peu d'empressement pour servir d'instrument à Justinien; il semble notamment avoir été récalcitrant à embrasser la cause de Justinien dans la fameuse querelle des "trois chapitres", à la fois doctrinale et politique. Après des péripéties dont les détails n'ont aucun rapport avec notre propos, l'empereur envoie son émissaire à Rome que menace déjà l'armée du nouveau roi ostrogot, Totila, avec l'ordre d'amener Vigilius à Constantinople, dans le dessin évident de le rendre plus docile et de s'assurer de sa conduite. Vigilius quitte donc Rome, le 22 novembre 545, date plus ou moins assurée, 6 et le passage cité nous fait assister à ce départ. Pour le fait essentiel - le départ du pape - l'information contenue dans le Liber Pontificalis, confirmée par d'autres sources indépendantes, 7 est donc parfaitement authentique. En ce qui concerne les détails, le Liber est le seul ou à peu près le seul - à les donner. 8 Pour l'essentiel, ces détails sont parfaitement crédibles. Il est entre autres plus que vraisemblable qu'au moment où le Pape fut emmené - sans doute sous escorte, bien qu'avec des égards dus à son rang - au bateau qui devait l'emporter vers la mer, il y avait autour de l'embarcadère une foule plus ou moins excitée. Rome vivait en effet ces années dans la misère et dans une incertitude continuelle, exposée aux dangers

6. L'année est conjecturale, la date, moins vraisemblable, de 544 a été suggérée par certains; v. la note de L.Duchesne dans son édition du Liber Pontificalis (Réédition Paris 1981), commentaire ad locum. 7. Le fait "nu" que Justinien ait fait venir Vigilius à Byzance est confirmé par plusieurs chroniqueurs de l'époque, v. les données chez Duchesne, I.e. aux notes S et 6. 8. L'atmosphère de la scène est pourtant clairement évoquée dans la lettre adressée par des ecclésiastiques d'Italie aux légats des Francs en route vers Constantinople, et destinée justement à demander leur intervention en faveur de Vigilius, déjà à Byzance: Migne PL 69, 115 veniens enim ibi ante sex annos istos beatissimus papa Vigilius, magis autem, ut quod venus est dicatur, prope violenter deductus...

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les plus extrêmes. Vigilius lui-même, que certains considéraient comme l'ancien homme de main de Justinien et qui devait éprouver maintenant l'hostilité de son protecteur, était un personnage contradictoire, et il y avait certainement de nombreux Romains à le considérer comme en partie responsable non seulement du sort de Silvère, personnage devenu presque légendaire, mais aussi des infortunes de la ville. Il est par conséquent fort probable que son départ, précédé de la venue des émissaires de Byzance, organisé au vu de tous et au grand jour, fut accompagné de mouvements de foule; 9 il est vraisemblable aussi qu'en dehors de ses fidèles, il y avait aussi bon nombre de ses adversaires dans la masse. Tout cela étant, il est plus que vraisemblable qu'il y eut des cris et même des slogans scandés. Nos certitudes ou nos quasi-certitudes s'arrêtent évidemment là. Nous ne savons pas, en particulier, si le texte cité plus haut correspond effectivement aux paroles réellement scandées par la foule en 545, et avouons que c'est, en soi, peu vraisemblable. Ce qui est certain, par contre, c'est que ce morceau de texte - nous le montrerons plus loin - constitue dans l'ensemble du chapitre sur Vigilius et même dans l'ensemble du Liber un élément isolé, une sorte de corps étranger par sa forme versifiée comme par certains traits de sa langue, il est donc improbable que le compilateur - quelle qu'ait été l'époque où ce chapitre a été rédigé 10 - ait inventé de toutes pièces les cris scandés par la masse de gens réunis autour de l'embarcadère. Le texte de cette espèce de slogan a dû arriver jusqu'à lui grâce à une tradition, écrite ou peut-être en partie verbale, qu'il n'est sans doute pas possible de reconstituer dans ses détails. Ce qui est important, pour nous, c'est que cette tradition devait présenter le texte comme un slogan prononcé, et que cette présentation comportait assez de crédibilité pour se maintenir et arriver jusqu'au compilateur de ce chapitre du Liber. Ainsi, même si notre texte n'est pas exactement conforme aux paroles effectivement scandées par une partie du peuple de Rome en 545, il apparaissait aux gens du VII e siècle et même sans doute de la deuxième moitié du VI e comme un slogan pronon-

9. Un contemporain, Facundus semble y faire allusion en rappelant le voyage de Vigilius, Migne PL 67, 624 Romana...universitas egredientem...publico...contestatione pulsaverinl...ut nullatenus novitati quae facta est acquiescat. 10. Les opinions de L.Duchesne et de Mommsen divergent, cf. les préfaces respectives de leurs éditions; la divergence, de notre point de vue, ne tire pas à conséquence: il s'agit sans doute du VIIe siècle.

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çable, la reproduction crédible des cris de manifestants excités. Nous pouvons donc conclure ce raisonnement en disant que notre texte est le résultat d'un effort en vue de rendre les paroles scandées par une foule du VI e siècle, sans doute afin de documenter l'impopularité de Vigilius et la haine dont il était l'objet à Rome, 1 1 il est donc, dans l'intention du rédacteur, un morceau de latin "iuxta rusticitatem" - nous dirions "iuxta plebeiam urbanitatem" - il est donc linguistiquement authentique sans que son authenticité historique soit certaine. II Dans l'analyse des particularités linguistiques du texte, je me bornerai à examiner celles qui permettent d'entrevoir, à titre d'hypothèse au moins, la "réalité parlée" derrière la forme écrite qui nous est léguée. A. Notre texte se décompose en deux parties, une première qui comporte deux imprécations parallèles, se terminant par des mots identiques, relevées par des allitérations de sons durs, d'occlusives sourdes, formant ainsi deux courts énoncés que relient des structures grammaticales semblables ainsi que l'identité des fins d'énoncés fortement rythmées. Malgré ces particularités, il ne s'agit pas, à première vue, d'un "couplet" véritable, d'un slogan versifié: famis tua tecum! mortalitas tua tecum. Sauf le terme mortalitas, sur lequel nous reviendrons, ce fragment de texte ne contient aucun élément qui ne puisse être considéré comme un moyen d'expression de la langue parlée, et la reconstruction - sans doute approximative - de la prononciation ne pose pas de difficulté particulière. En ce qui concerne le vocalisme, notons que les formes tua étaient sans aucun doute monosyllabiques, soit à la suite de la transformation de u en semi-voyelle (dans le sens de Vàànànen 1971: 102), soit - plutôt - par effacement complet de u en hiatus, avec allongement compensatoire de la consonne précédente; il s'agit d'une évolution bien attestée (pour, Rome, v. par exemple l'inscription ICVR, NS 5057, datable à 530 environ: GENNARA = lanuaria; v. à ce sujet, pour la préhistoire de l'italien, Rohlfs 1949: 481). Dans les syllabes finales (nous ne parlons pas de mortalitas en ce moment), le i de

11. Le Liber Pontificalis, comme à sa suite sans doute toute l'historiographie, ou presque, du Haut Moyen Age est très hostile à Vigilius.

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famis (pour le nominatif famés) et le u de tecum représentaient déjà sans doute et depuis longtemps respectivement un [e] et un [o] plutôt fermés (il s'agit d'une évolution universellement connue, citons pourtant, pour fournir des exemples contemporains et romains des flottements graphiques qui en résultent, d'une part l'inscription ICVR NS 12428, année env. 500 REQ...ISCIT et plus loin...ISCE = escit, et d'autre part, pour u ~ o, ICVR NS 4998, a. 498 SE BIBVM CVNPARAVIT en face de ICVR NS 4179, a. 496 SE VIBO CONPARAVIT). Pour dire un mot du consonantisme, rappelons que, de toute évidence, le -m final de tecum ne s'entendait plus et il est tout à fait vraisemblable que, devant initiale consonantique en particulier, le -s de famis était également amuï. 12 Comme le possessif tua, joint directement au nom auquel il se rapportait, était sans doute enclitique, les premiers mots devaient se prononcer, à peu près, [fâmet:a téko] ou [fâmetwa téko]. 13 Mais qu'en est-il, dans cet ensemble qui est prononçable et populaire, du mot savant et abstrait mortalitasl D'un point de vue purement sémantique, la présence de ce mot dans le contexte de cette "malédiction" n'a rien d'absurde: dans un langage un peu relevé, appliquant par euphémisme l'idée de la condition générale des humains au cas individuel, il arrive que mortalitas signifie «mort, décès». Chez Ulpien par exemple, on a des passages comme Dig. 48,4,11 is qui in reatu decedit integri status decedit extinguitur ettim crimen mortalitate, où il faut sans doute traduire «...l'accusation est en effet invalidée par le décès (de l'accusé)». Par ailleurs, on trouve ce mot à époque tardive avec le sens «épidémie, peste» (cf. les données de Du Cange, s.v.; ajoutons Marcellini cont. ad annum 543, MGH Auct. Ant. XI, 107 mortalitas magna ltaliae solum dévastai). Il nous semble néanmoins vraisemblable que ce mot n'avait pas fait partie des paroles effectivement prononcées; dans les acceptions seules possibles dans ce contexte et que nous venons d'indiquer, c'était un euphémisme relevé du langage écrit; sa présence détruisait d'ailleurs le parallélisme rythmi-

12. Il serait inutile de reprendre ici le problème cent fois débattu du -s en latin tardif; je renvoie pour la bibliographie et aussi pour une vue d'ensemble de la question, à Herman 1987. 13. J'emploie les signes de transcription de l'Association Phonétique Internationale, avec un accent aigu pour marquer la place de l'accent d'intensité.

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que que l'on attendrait d'après le parallélisme de structure sémantique et grammaticale des deux parties de l'imprécation. Il reste à supposer que ce terme en remplace un autre que le rédacteur de ce chapitre du Liber ou bien sa source voulait éviter. J'opterais pour ma part pour l'hypothèse un peu osée peut-être, selon laquelle à un certain moment de la transmission de ce passage on a éprouvé le besoin de supprimer, comme trop évidemment incorrect, un nominatif analogique *mortis par un mot grammaticalement acceptable, mais qui ne fût pas simplement mors, d'une part parce que ce monosyllabe était rythmiquement insatisfaisant, d'autre part parce que l'ancien nominatif était déjà, peut-être, peu usité.14 B. La deuxième partie de notre texte - maie fecisti cum Romanis, maie invenios ubi vadis - constitue un tout fermé; il s'agit d'abord, à la différence des imprécations traitées jusqu'ici, d'une phrase complexe, grammaticalement complète, composée de deux coordonnées dont la deuxième exprime - sans conjonction, mais sur la base d'un sémantisme évident - la conclusion à tirer, la conséquence de la constatation contenue dans la première, avec aussi, dans la deuxième proposition, une relative jointe à un antécédent à sens local n'apparaissant pas en surface. Cette phrase cohérente sur les plans grammatical et sémantique constitue, dans sa forme, un couplet nettement versifié, chacune des propositions coordonnées formant un vers. La versification met en oeuvre une rime imparfaite - à la limite de l'assonance - mais évidente; en outre, comme la suppression de -e de maie, devenu intérieur dans le composé malefacere est plus que vraisemblable, et que cette suppression est certaine dans le deuxième maie devant initiale vocalique, nous avons - invenios étant évidemment trisyllabique, avec un i devenu semivoyelle ou bien complètement résorbé dans un n palatalisé précédent - deux vers octosyllabiques à schéma accentuel à la fois simple et rude, avec des accents sur les syllabes 1,3,5, et 7. Le tout présente donc un slogan facile à déclamer, à forme bien adaptée à un message clair et simple dans son aggressivité. Si nous avons si longuement envisagé ces propriétés en somme évidentes de ce morceau de texte, c'est pour plaider en faveur de son authenticité et

14. Je n'ai pas de forme mortis nominatif dans mes relevés, mais je rappellerai avec Väänänen (1971: 190) des formes parfaitement attestées comme mentis pour mens, discordis pour discors, nivis pour nix, curtis, cortis pour cors, cohors, et ainsi de suite; il serait presque anormal que mortis nominatif n'ait pas existé.

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renforcer la crédibilité des remarques linguistiques que nous serons amené à faire: il apparaît en effet que nous avons là une de ces formules réussies et "fonctionnelles" dont les foules qui manifestent - et sans doute les organisateurs de manifestations - ont le secret. Il faut nous arrêter brièvement à maie fecisti, prononcé sans doute en un mot de quatre syllabes, avec un [k] palatalisé, en voie de devenir une afriquée et, dans la désinence, un i bref accentué devenu [e] fermé, et un ancien i long final conservé. Deux remarques s'imposent au sujet de ce composé. Premièrement: maie facere, fort fréquent, semble avoir été d'un usage courant dans la langue de tous les jours, le compilateur de cette partie du Liber l'emploie presque automatiquement dans des contextes semblables, p.e. (éd. citée plus haut, p.147) 158,1 Quo audito Narsis dixit: Si malefeci Romanis, maie inveniam, ou 158,6 Die, sanctisime papa, quid maie feci Romanis? Il est à noter que l'expression synonyme maie agere semble être un concurrent plus littéraire, que le même auteur emploie plutôt dans les cas où il ne s'agit pas de la citation directe des paroles d'un personnage, ibid. 150,12 suggerentes... quia maie agit cum servis tuis Romanis et cum ipsaplebe tua, ou ibid. 155,10 satisfecit cuncto populo quia nullum malum peregisset contra Vigilium. La différence est conforme à ce que l'on attend, puisque non seulement facere lui-même mais, dans certaines formes romanes, le schéma de composition "maie + dérivé ou variante de facere"15 est conservé, tandis que agere n'a pas de continuateurs. L'autre problème à soulever est plus ardu. En général et normalement, maie facere s'emploie avec le datif, comme c'est d'ailleurs le cas dans les autres exemples que nous venons de citer. Le seul exemple de maie facere avec la préposition cum connu par le Thes.L.L. (VIII. 173,53) est celui qui se trouve dans notre texte. Il y a pourtant un autre exemple, plus tardif encore, dans les Gesta Episcoporum Neapolitanorum (MGH Script. Rer. Langobard. et Ital, saec. VI - IX) 412,18 si malefeci cum Romanis, maie inveniam. Il s'agit évidemment d'une compilation du Liber, mais c'est l'exemple 158,1 (Quo audito Narsis dixit...etc.) qui est reproduit avec adjonction de cum. Il devait donc y avoir dans la tradition et peut-être dans l'usage de l'époque un flottement entre le simple datif et l'emploi de cum. La tournure prépositionnelle peut

15. Le REW de Meyer-Liibke connaît (5261) maleficare (qui ne mérite pas, à ce qu'il semble, son astérisque, cf. Schmitt 1974:211), ainsi que (5263) maleficus.

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refléter une analogie avec les tournures de ce type toujours possibles après ago, analogie appuyée d'ailleurs par l'extension inévitable de l'emploi d'une préposition appropriée pour remplacer le datif qui, dans la langue parlée, ne constituait sans doute plus une catégorie autonome. Ajoutons que, dans notre texte, la présence de la préposition était nécessaire pour assurer le nombre de huit syllabes dans le vers, et également pour constituer le rythme souhaité, en postulant une prononciation - vraisemblable - [kôromânis] avec chute de -m et allongement compensatoire de [r], Dans cet essai de transcription, nous avons indiqué un -s final prononcé; il est fort possible qu'il ait été muet (cf. à ce sujet notre note n.12). Le syntagme maie invenias présente un intérêt particulier. Quelque chose de semblable se trouve déjà chez Plaute, Bacch. 546 ex ingenio malo malum inveniunt. s.v. invenire le Thes.L.L. (146,9 sqq.) énumère plusieurs exemples avec le sens général "se trouver dans, arriver à une situation malheureuse", jusque dans la Vulgate, Psalm. 114,3 tribulationem et dolorem inveni. Notre texte est cependant le premier, à ce qu'il paraît, à employer ce tour avec l'adverbe maie au lieu de malum. Il est vraisemblable qu'il s'agit là d'une analogie avec malefacere, maledicere, donc avec des composés qui faisaient partie de la langue de tous les jours. Ajoutons qu'il ne serait pas absurde de supposer que, dans la conscience linguistique des locuteurs, la limite n'ait pas été nette entre maie adverbe et malum accusatif; qu'il y ait eu ici une sorte de "zone grise", est démontré entre autres par une graphie que l'on relève dans une inscription de Rome, bien antérieure d'ailleurs à notre époque: CIL VI, 37529 QVISQVIS HOC MONVMENTO MALEM FECERIT. Une deuxième remarque à ce propos: certes, le verbe invenire n'est conservé tel quel dans aucune langue romane; il semble cependant que, face à d'autres verbes présentant un sémantisme analogue, comme p.e. reperire, le verbe invenire - grâce sans doute aussi à ses liens évidents avec le très courant venire - a été relativement et transitoirement populaire et existait par conséquent dans la langue parlée. Nous le trouvons en effet dans les Gloses de Reichenau comme interpretamentum expliquant entre autres et à plusieurs reprises reperio (v. l'énumeration des cas dans l'Index de Klein-Labhardt 1968: 254). Il existe d'ailleurs un - et tant que je sache, un seul et dernier - cas de représentation populaire, dans un texte français du X e siècle, la Passion de Clermont-Ferrand, ligne 175 non fud trovez ne enuenguz, où le mot ne fait d'ailleurs que reprendre le verbe véritablement populaire trouver.

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Il est donc raisonnable de supposer qu'au VI e siècle invenire, et aussi un composé maie invenire ou plutôt malinvenire «tomber dans le malheur» ait existé dans la langue parlée. Le reste n'est pas particulièrement problématique. Les mots ubi et vadis recouvraient de toute évidence des termes parlés courants; les graphies correspondaient à des formes phonétiques que l'on peut reconstruire d'une manière approximative: étant donné les confusions bien connues des timbres vocaliques, et l'incertitude phonologique entre b et v, notamment à l'intervocalique, on peut postuler une prononciation [ove] pour ubi\ pour vadis, se repose le problème de -s final (v. plus haut, note 12). La valeur [i] de la voyelle de la syllabe finale est assurée par la rime avec Romanis, mais peut être considérée comme établie sur la base, également, d'arguments de morphologie historique.16 III De ce qui vient d'être exposé, il sera permis de tirer avant tout une conclusion spécifique, concernant le texte examiné. Il semble bien que nous avons ici un texte qui, tel quel - sauf le mot mortalitas, dont la présence s'explique - pouvait être un texte prononcé au VI e siècle, par des éléments populaires, donc des gens sans instructions et prétentions littéraires. Tous les éléments et toutes les constructions du texte se situent en effet dans une évolution qui - tout en se rattachant à des traditions qui remontent jusqu'à Plaute - se dessine dans la direction des langues romanes et notamment l'italien. D'un autre côté, il est, je crois, clair que le compilateur et ses sources considéraient ce texte comme du "parlé" authentique, et voulaient le conserver et le présenter comme tel. Ceci ressort avec évidence du soin avec lequel on conserve la forme rythmique et en partie versifiée, forme que l'on ne sacrifie que sur un point, maladroitement d'ailleurs, pour éviter une faute ressentie comme grossière. Cette conclusion spécifique mène cependant à une autre, bien plus générale. Si l'auteur - ou les auteurs - de notre texte reproduisait dans une forme

16. La plupart des dialectes italiens présenteront, dès leur stade le plus anciennement attesté, un -i à cette place et en général à la deuxième personne du singulier de toutes les conjugaisons. Quelle que soit l'explication de ce -i - et il est bien connu que c'est une question controversée - la rime Romanis: vadis est remarquable à cet égard également.

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écrite entièrement latine (malgré des flottements graphiques qui caractérisaient le Liber entier et non seulement notre "citation") des énoncés déclamés, parlés, c'est qu'il considérait comme une évidence, comme un fait inhérent à la nature des choses que l'écrit et le parlé n'étaient que les deux aspects d'une seule et même langue, le latin. Cette évidence se fondait sur un mécanisme de correspondance entre l'écrit et le parlé qui fonctionnait encore d'une manière satisfaisante, malgré un éloignement croissant entre la forme prononcée et la forme graphique; c'était donc une évidence qui n'était trompeuse qu'à peine: le mécanisme comportait des dangers de "panne", là où la distance entre les deux niveaux risquait de fausser des relations grammaticales essentielles. Dans ces cas - lorsqu'on s'en rendait compte - on "trahissait" le parlé pour la logique et la tradition propres de l'écrit; la substitution de mortalitas à autre chose est peut-être un exemple de ce procédé. Mais à notre époque et en Italie, à Rome en particulier, on est encore conscient de parler latin, on en est même complètement sûr, et on ne se trompe qu'à peine.

OUVRAGES CITÉS

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La langue parlée à Rome au VIe siècle

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Maria ILIESCU Les suffixes d'élargissement verbaux. (Etat de la question. Evolution sémantique de -ESC / -ISC.)

L'analyse morphologique du verbe roman montre que dans nombreuses langues une partie des verbes de la I V è m e conjugaison, et dans certains idiomes aussi de la I è r e conjugaison, présentent, à certains temps et modes et à certaines personnes, des éléments qui s'intercalent entre le radical ou la voyelle thématique et les suffixes temporels et modaux. Etant donné qu'au premier abord ces éléments ne sont pas porteurs de sens grammatical ou lexical, il y a oscillation terminologique quant à leur dénomination: suffixe, interfixe, infixe, éléments d'élargissement. Nous adoptons ici le terme de suffixe d'élargissement (SE). Il s'agit d'éléments à statut particulier qui, comme l'a démontré A.Zamboni (1982-83) ne se plient entièrement ni aux règles dérivationelles, ni à celles qui sont flexionneles. Il s'agit, diachroniquement, des suffixes latins -ESCO et -IDIO. Le SE de la conj. IV -ISCO est propre à toutes les langues romanes à l'exception du sarde - où il est fossilisé -, du portugais et de l'espagnol -où il est lexicalisé. La distribution du SE n'est pas parfaitement identique dans tous les idiomes. Sans nous attarder sur ce point, il faut préciser qu'à part quelques exceptions il se trouve aux personnes 1,2, 3 et 6 et ce, généralement au présent de l'indicatif et du subjonctif. Des grandes langues romanes c'est seulement le français qui a éntendu, analogiquement, le suffixe d'élargissement aux personnes 4 et 5. Il se trouve aux mêmes personnes en gascon, en occitan, en franco-provençal et dans des dialectes italiens méridionaux et septentrionaux, comme p. ex. le lucanien et le piémontais. Toute la Gallo-Romania, y compris le gascon, a introduit ce SE à l'imparfait de l'indicatif. Dans cette situation se trouve aussi le lucanien, pour ne donner qu'un exemple des dialectes italiens. Le SE de la conj.I - I D I O est présent dans moins d'idiomes. Des grandes langues romanes il se trouve seulement en roumain. On a cru longtemps que ce SE est spécifique pour la Romania Adriatique (cf. Rohlfs 1968, Tekavôié 1972, Lausberg 1972), c'est à dire pour le roumain, le dalmate, l'istro-roman, le ladin dolomitique, certains

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dialectes italien méridionaux et aussi pour l'ancien vénitien. Déjà MeyerLubke avait noté les réflexes du suffixe dans le corse et dans la Venezia Giulia. Dernièrement A.Zamboni (1980-81) a attiré l'attention sur le fait que le même SE est présent en franco-provençal, 1 en wallon et dans le dialecte bourguignon et lorrain. Si l'interpretation de Zamboni est juste, il s'agit d'une région beaucoup plus vaste qu'on ne l'a cru, région qui comprend toute la Romania à l'exception de la péninsule ibérique. Pour rendre plus complète l'image de la Romania quant à ces SE, il faut encore préciser que le romanche a (formellement) le même SE, -esch < -ESCO pour la conj. IV et I. 2 L'extension des SE dans la Romania actuelle nous permet donc d'admettre qu'ils existaient déjà en latin tardif. Les problèmes qui se posent sont les suivants: 1) Pourquoi et quand les deux suffixes latins sont-ils devenues prolifiques? 2) Quelle était leur valeur au cours de l'évolution de la langue latine? 3) Pourquoi et à quel moment les deux suffixes verbaux se sont-ils transformés en suffixes d'élargissement? 4) Quel est le sémantisme des verbes romans qui disposent de ces éléments? 5) Pourquoi les SE sont-ils distribués a) dans certaines langues b) à certaines conjugaisons c) à certaines personnes d) à certains temps e) à certains verbes? Les recherches entreprises jusqu'aujourd'hui par la linguistique romane ne donnent des réponses qu'à certains points de cette dernière question. Les SE ne sont présents que dans les conjugaisons productives, la I è r e et la IV e avec SE. Je pense avoir montré déjà en 1959, avec données statistiques, que la conjugaison romane en -I- n'a été vivante que par les verbes avec SE. La conjugaison en -I- sans SE a toujours été non-productive, à l'exception du roumain. Dans cette langue la situation a changé à cause de l'impact slave. La IV e conj. s'est enrichie non tant par les mots slaves adoptés, que par les suffixes verbaux productifs d'origine slave et par le renforcement du système de dérivation à partir des substantifs avec l'aide du suffixe

1. Pour une autre explication cf. Iliescu-Mourin (Le franco-provençal). 2. L.Mourin (1980) explique l'identité du suffixe aux deux conjugaisons par une confusion formelle, dûe au développement phonétique du suffixe -IDIO à la conj. I et -ESCO à la conj. IV.

Les suffixes d'élargissement verbaux

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verbal roman -i, redevenu productif. Par la suite se sont ajoutés les emprunts du hongrois et du grec, qui se sont intégrés dans cette même conjugaison. Au XVIe siècle la IVe conj. dépassait la I i r e du point de vue quantitatif. C'est seulement au XIXe siècle, avec l'accroissement énorme des emprunts latino-romans et des formations nouvelles d'après ce modèle que le nombre des verbes de la I ère conj. a commencé à dépasser celui de la conj. IV.

En ce qui concerne les verbes où le SE a été intégré, il est plus aisé de préciser que le SE n'a pas été accepté par les verbes de la IV e conjugaison qui faisaient partie du fond usuel et étaient très fréquemment employés. En grandes lignes, il s'agit des mêmes verbes: APERIRE, COLLIGERE, DEVENIRE, DORMIRE, EXIRE, FUGERE, MORIRE, SENTIRE, SORTIRE, TENERE, VENIRE, TUSSIRE, etc. Ces verbes ne faisaient d'ailleurs pas partie du système essif ou situationnel sur lequel nous reviendrons infra et sauf quelques exceptions - comme p. ex. TUSSIRE - n'étaient pas dénominaux. (Des listes de verbes qui n'ont pas accepté le SE se trouvent chez Blaylock et Zamboni 1980-1981). En ce qui concerne les personnes où on trouve généralement le SE, la meilleure explication donnée jusqu'à présent est celle de la régularisation de l'accent dans le paradigme flexionnel. Il nous semble seulement qu'il faut la compléter en soulignant que la stabilisation de l'accent sur le SE a eu comme conséquence, entre autres, l'impossibilité de la diphtongaison pour les voyelles du radical. Le manque du SE aux pers. 4 et 5 s'explique, selon nous, par la tendance générale d'éviter la flexion imparisyllabique. Le contre-argument à l'hypothèse de la fixation de l'accent, à savoir qu'en français l'accent se trouve sur la syllabe oxitone, ne tient pas compte du fait que les deux phénomènes (adoption du SE et chute et amuïssement des finales en français) ont une chronologie différente. Le problème est discuté avec détails dans Zamboni (1982-83). La réponse à la question pourquoi les SE se trouvent seulement à certains temps tient à l'histoire des langues indo-européennes, qui ont l'opposition verbale primaire aspectuelle entre infectum et perfection. Or les suffixes qui se trouvent à l'origine des deux SE romans ne faisaient partie que du système de l'infectum. Au parfait, les verbes avec suffixe -ISCO avaient la même forme que leur correspondant sans ce suffixe: INVETERASCO, INVETERAVI vs. INVETERO, INVETERAVI, etc. (La question a été élucidée aussi par Blayblock et Zamboni [1982-83]). Un pro-

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blême qui n'a pas encore trouvé de réponse est la distribution des suffixes parmi les différentes langues. Il se pose avec plus d'acuité pour -IDIO. Les recherches sur le sémantisme des verbes à SE dans les langues romanes sont encore à leur commencement; (cf. Iliescu 1981 et Zamboni 19821983). A.Zamboni et moi-même nous sommes arrivés, indépendemment, à la conclusion que les SE n'ont pas seulement une fonction indicative dans les langues romanes, mais qu'ils ont conservé du latin les traits sémantiques «déventif» 3 et/ou «causatif». Ils sont donc restés dans le système "situationnel" (pour lequel cf. infra). Mais il manquent encore des recherches détaillées sur les verbes formés avec les suffixes d'élargissement pour toutes les langues romanes et surtout une analyse pertinente de la situation latine. Le deuxième but de la présente contribution est d'élucider uniquement quels étaient les systèmes dans lesquels étaient intégrés les verbes latins avec le suffixe ESCO, et quelle a été leur évolution sémantique. En ce qui concerne le sémantisme du verbe latin en général, il faut tenir compte 1) de la sémantique lexical du radical; 2) de la sémantique de l'aspectivité objective; et 3) de la sémantique de l'actionnalité. (Voir le schéma à la fin de l'article). Pour élucider ce qui nous intéresse, il nous faut encore jeter un rapide coup d'oeil sur les conjugaisons, sans pourtant entrer dans les détails du verbe latin. - la seule conjugaison caractérisée par un grand nombre de dénominaux était la première; ces dénominaux étaient assez souvent causatif; - le nombre des dénominaux de la II e et de la IV e conj. étaient beaucoup moins nombreux. Dans la II e conj. les causatifs provenaient d'un ancien suffixe causatif i. e. -*io. La plupart des dénominaux de cette conjugaison étaient essifs. Ce type de verbes se trouvait dans une moindre mesure aussi dans la conj. IV, la plus récente des conjugaisons latines (Cfr. Graur). - le suffixe -ESCO était propre surtout aux verbes de la conj. III, ancienne et non productive. Traditionnellement ce suffixe, hérité de l'i. e., a été décrit comme étant "inchoatif' mais l'analyse des verbes latins montre qu'il s'agit le plus souvent d'un sens "déventif, ce qui a été remarqué déjà dans plusieurs articles. (Voir p. ex. Blaylock). Mais le problème qui a préoccupé les chercheurs a été non pas le sens déventif mais causatif du suffixe, sens qu'on trouve dans la grande majorité des verbes romans qui contiennent -ESCO ou

3. Le terme m'appartient et désigne les verbes qui exprime le "devenir".

Les suffixes d'élargissement verbaux

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-ISCO. Blaylock note seulement que quelques inchoatifs ont commencé à acquérir une force causative, vers le V e siècle et qu'un des premiers exemples est INNOTESCERE "publier, rendre connu". A.Zamboni (1982-83: 92) croit "que le fait décisif est que la classe en I contenait un grand nombre de dénominatifs à fonction causative comme MOLLIO, -IRE, LENIO, -IRE, d'où l'extension de ce trait aux formes inchoatives devenues ainsi transitifscausatifs, sur le type de INNOTESCERE". Il est certain que l'existence de ces causatifs n'est pas manqué d'importance. Elle a, sans aucun doute, contribué au passage des verbes en -ËO à la IV e conj. (abstraction faite du motif phonétique) et aussi au passage des verbes en -ESCO à la même conjugaison, mais le point de départ du sens causatif de ces verbes, doit, à notre avis, être cherché ailleurs. Un examen plus attentif des verbes en -ESCO nous permet de voir un peu plus clair. Ces verbes peuvent être classés, selon leur provenance en trois groupes: (1) les anciens verbes hérités (CRESCO, DISCO, etc.), (2) les déverbaux et (3) les dénominaux. Les déverbaux formaient surtout la paire correspondante des verbes essifs et ce sont surtout des verbes de la conj. II. (NITET "il luit" - NITESCIT "il commence à luire"; ABHORREO "j'ai horreur" - ABHORRESCIT "il commence à avoir horreur", etc.). Il y a pourtant aussi des déverbatifs aux autres conjugaisons, comme p. ex. AMO - AMASCO, T R E M O - TREMASCO. Souvent la paire inchoative est parasynthétique et ceci de bonne heure: D O R M I O - OBDORMISCO (saec.I+) "je m'endors", ARDEO - EXARDESCO (saec.I-) "je m'enflamme". En latin tardif ce procédé devient de plus en plus fréquent. Les verbes en -ESCO ne formaient pas seulement des paires inchoatives, mais aussi déventives, des verbes essifs. Souvent les deux valeurs étaient même exprimées par le même verbe: p. ex. AUGESCO "je commence à dévenir grand; je déviens grand", CONVALESCO "je commence à dévenir fort; je déviens fort". Le système était dans ces cas: «essif» vs «inchoatif» + «déventif», où "inchoatif' n'est à interpréter que comme une spécification du classème «déventif». Sous dénominaux nous entendons ici les verbes qui peuvent être dérivés d'un nom (adjectif ou substantif) mais aussi d'un verbe qui, lui, provient de la base nominale. Il est parfois difficile d'établir s'il s'agit, comme point de départ, du nom ou du verbe dérivé de cette base. La seule possibilité d'orientation est la chronologie des attestations, mais les sources sur lesquelles se

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basent les dictionnaires n'enregistrent évidemment pas tous les exemples. Les dénominaux comprennent deux groupes distincts: (a) le premier est semblable, comme comportement, aux déverbaux, avec la différence que les exemples à sens "déventif" sont prépondérants: FLOS F L O R E O - FLORESCO "je commence à fleurir; (fig) fleurir; SENIS SENEO - SENESCO mais "je suis vieux" - "je déviens vieux, je vieillis". Dans un exemple comme LAETOR - LAETISCO il n'y a plus de différence de sens entre le verbe avec et sans suffixe. Les deux ont le sens: "je me réjouis". (A noter que LAETISCOR est attesté au premier siècle avant J.-Ch.). (b) le deuxième groupe de dénominatifs, dont on ne parle point, et qui est le plus important pour expliquer l'évolution sémantique de -ESCO, diffère du premier en ce qui concerne le sens. Les verbes avec suffixe et avec sens "déventif' ont comme correspondant un verbe causatif, qui appartient dans la plupart des cas à la conj. I. DIS - DITO "j'enrichis" - DITESCO "je deviens riche". Les deux verbes sont attestés au premier siècle avant J.-Ch. LASSUS - LASSO "fatiguer" - LASSESCO "devenir fatigué". MITIS - MITIO "rendre doux" (Apicius) - MITESCO "devenir doux, mûr" (Pacuvius, trag.142). SPISSUS - SPISSO "rendre dense, densifier" (saec.I + ) - SPISSESCO "je deviens dense". CRASSUS - CRASSO (saec.II + ) "rendre plus dense, plus gros" - CRASSESCO (saec.I + ) "devenir gros, gras". Les derniers exemples montrent que d'après les attestations le dérivé en -ESCO a été formé avant le verbe simple causatif. Parfois la série n'est pas complète, bien que virtuellement ouverte RUSSUS - RUSSESCO; SANCTUS - SANCTESCO (saec.II-); AURUM - AURESCO (saec.I-). Un grand nombre de ces verbes causatifs transitifs avaient eux-mêmes aussi un sens déventif quand le verbe était employé à la forme intransitive. DURO 1) "faire, rendre dur"; 2) "devenir dur"; DURESCO "devenir dur". La situation était la même pour les paires avec préfixes, surtout avec le préfixe IN-, fréquemment employé pour la dérivation dénominale inchoative- déventive.: INDURO = DURO et INDURESCO = DURESCO. En ce qui concerne la forme, un grand nombre de verbes en -ESCO avait déjà en latin classique des doublets en -ISCO (AUGESCO / AUGISCO, CALESCO / CALISCO, etc.), ce qui a été un des motifs de leur passage à la

Les suffixes d'élargissement verbaux

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IV e conj. où ils se trouvèrent, en latin de basse époque, auprès des anciens verbes essifs en -EO, des verbes en -IO, -ËRE et, évidemment, dans la même catégorie que les verbes de la récente et vigoreuse IV e conjugaison, qui disposait, elle aussi, de verbes essifs et causatifs. En ce qui est du sens, une cause des changements réside dans le fait que l'actionnalité, déjà faible et lacunaire comme système en latin, s'est lentement désintégrée. "Le commencement d'un procèssus" s' exprime dorénavant de plus en plus fréquemment par des moyens lexicaux et syntagmatiques (cf. la fréquence croissante de COEPERE), ce qui a eu comme conséquence, dans beaucoup de cas, la neutralisation de l'opposition essif-inchoatif ou bien causatif-inchoatif. On trouve déjà au premier siècle avant J.-Ch. quelques exemples qui montrent cette tendance. Tenant aussi compte de la tendance générale du latin tardif de remplacer les formes plus courtes avec les plus longues (et plus expressives) - voire p. ex. les diminutifs qui prennent la place des substantifs de base, avec perte du sens diminutifs (on comprend pourquoi les verbes avec suffixe ont eu la tendance de prendre la place des verbes simples). Comme nous l'avons déjà fait remarquer plus haut, pour disposer d'une flexion parisyllabique (cf. le système nominal) les formes sans suffixes aux personnes 4 et 5 se sont maintenues. Le remplacement des formes simples par les formes avec suffixe (et préfixé) a eu comme conséquence qu'un seul verbe pouvait exprimer ce qu'exprimait en latin classique une paire (soit essif vs. inchoatif/déventif, soit causatif - déventif/ inchoatif)En partant de l'exemple donné supra pour le correspondants causatifdéventif le nouveau sens des verbes en -ESCO s'explique aisément:

Première étape:

Deuxième étape 1."faire dur'

2."devenir dur'

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d'où l'identité sémantique des verbes du type DURO et DURASCO. Probablement qu'à cette évolution ont contribué aussi les parasynthétiques, de plus en plus fréquents. Ce cumul de valeurs a pu être départagé dans les langues romanes par les diathèses: l'intransitif et surtout le réfléchi sont déventifs, le transitif peut être causatif. L'essif est exprimé le plus souvent par l'archilexème être et l'adjectif de base. P. ex.: fr. Je suis rouge - Je rougis • Je rougis mes lèvres; et roum. Sînt rosie - Rosesc / Mà roçesc - Imi rosesc buzele. Le système situationnel pouvait donc, en latin, prendre plusieurs formes d'expression. Les termes non marqués du système étaient l'essif et le causatif, les termes marqués l'inchoatif et le déventif. L'inchoatif, faible, a été très souvent accompagné, plus tard remplacé, par le déventif. Les oppositions à exprimer étaient: I. «essif» vs. «inchoatif»; «essif» vs. «inchoatif» + « déventif»; «essif» vs. «déventif». II. «causatif» vs. «inchoatif» + «déventif»; «causatif» vs. «déventif». Ces oppositions étaient exprimées par: 1) Vb. vs. Vb. + -ESCO: TIMEO vs. TIMESCO 2) Vb. vs. Préf. + Vb. + -ESCO: TACEO vs. CONTICESCO, FLOREO vs. INFLORESCO 3) La case vide du système TACEO vs. CONTICEO est remplie par un verbe sans suffixe mais avec préfixe: TACEO CONTICEO TACEO CONTICEO CONTICESCO 4) Généralisation de -ESCO. La seule différence de sens réside dans le préfixe: Vb. + -ESCO vs. Préf. + Vb. + -ESCO 5) Suffixes et préfixes perdent leur valeur lexicale; fusion formelle et sémantique: TREMO = INTREMO = INTREMESCO ont le même sens. D'ailleurs, beaucoup de suffixes avaient un sens diffus et dans cette situation, l'analyse morphologique faite par le locuteur n'était pas toujours accompagnée d'une analyse sémantique nette, (cf. Fischer, p. 177). Le résultat était la

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synonymie entre simple et dérivé, phénomène qui n'était nullement limité aux verbes en -ESCO. (Cf. CONSUERE-SUERE, INTENDERE-TENDERE, etc.). Les possibiltés d'oppositions énumérées ne doivent pas être comprises comme des phases successives. Il s'agit d'une superposition chronologique. Les oppositions ont été concommitantes, mais soumises à la même tendance: la neutralisation et la simplification du système. Les langues romanes ont conservé plus ou moins systématiquement d i f f é r e n t e s p h a s e s de cette évolution. Pour ne d o n n e r que quelques exemples. L'espagnol, qui a lexicalisé le suffixe, p r é s e n t e d u r a n t la période médiévale des doublets, (verbe avec et sans suffixe -ecer) qui ont le même sens: guarir - guarecer "protéger", guarnir - guarnecer "procurer" (cf. Blaylock 1974-75: 438). En roumain et en français on trouve encore aujourd'hui des situations analogues. Il s'agit p. ex. d'un verbe avec préfixe dans les deux verbes: roum. roçesc et inro$esc\ fr. durcir - endurcir. On trouve aussi des cas où il y a encore opposition sémantique entre verbes avec et sans préfixe. Le nombre des dénominaux parasynthétique avec SE est beaucoup plus grand en italien et en roumain qu'en français. En italien on trouve aussi des formations récentes du XIX e siècle, comme p. ex. infantastichire, infanatichire; inebetire, incodardire. etc., tous avec SE. Comme je l'ai déjà montré (Iliescu 1986). l'italien a conservé d'un côté des paires parallèles avec suffixe -ISCO et -ASCO (comme p. ex. intozzire XIX e siècle = intozzare XVII e s.) d'autres paires avec et sans préfixes comme p. ex.: (indolire = doglire XIV e s.) et des paires avec le même SE mais avec deux préfixes différents (p. ex. ingranchire = aggranchire). Mais le problème de la valeur des préfixes des verbes romans avec SE reste encore ouvert et attend des études approfondies comme l'a montré à juste titre Zamboni (1983-1984).

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SCHEMA D E L'EVOLUTION SEMANTIQUE DES VERBES EN -ESCO essif

CALLEO

/-dyn/

FLOREO /inchoative

,

/ FLORESCERE \ /

SITUATION

déventif

MATURESCO(

/ + dyn/

/ + dyn/

CALEFIO

INFLORESCERE\ F L O R E R E COEPI

/-contr/ "Aspectivité

4

terminative

objective

DEFLORESCERE

^action /

té"

DEFLORERE ^ causatif / + dyn/

DURO CALEFACIO

/ +contr/ ^ÉVÉNEMENT

modale

/ +dynamique/

(itération, intensifï cation, etc.) SALTARE,VIBRISSARE, etc.

Le schéma se réfère seulement au sous-système "situationnel" qui nous intéresse ici. (Le sous-système "événement" doit, évidemment, être développé). Nous avons essayé de montrer graphiquement que, à la différence de l'aspectivité, l'actionnalité n'est qu'un reste du système primaire i.e.. L'actionnalité temporelle qui intervient dans le sous-système "situationnel" ne couvre qu'une petite partie du déroulement d'un procéssus. Les possibilités d'exprimer la notion du "commencement d'un procéssus" étaient multiples déjà en ancien latin. Nous avons fait abstraction du perfectif et de l'imperfectif.

4. Les termes "aspectivité" et "actionnalité" traduisent les termes allemands Aspectivität et Aktionalität (cf. Die Deutsche Sprache, Leipzig, Bibliographisches Institut, 1969-1970, vol. I p. 400, vol. II p. 865). A leur tour ces termes sont très probablement, selon la suggestion orale de E.Coseriu, les traductions de deux termes russes.

Les suffixes d'élargissement verbaux

169

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Sândor KISS P h é n o m è n e s de la représentation p r o n o m i n a l e dans quelques textes latins tardifs 1

J e voudrais faire quelques remarques sur le fonctionnement des facteurs de cohérence textuelle - et essentiellement sur la représentation pronominale - en latin tardif, sur la base de certains textes plus ou moins littéraires. J e proposerai d ' u n e part une description synchronique, qui sera ici forcément limitée, et j'esquisserai une comparaison diachronique avec certains faits du système du latin classique. Mon propos implique que je ne peux - ni ne veux d'ailleurs - exclure de cette description les faits de style: il m'a semblé que l'on gagne, à travers eux, une nouvelle lumière sur les virtualités d'emploi d'un ensemble qui est responsable de la continuité organique du texte. Au-delà d ' u n e continuité p u r e m e n t matérielle, quelles sont les marques du caractère suivi du discours? Au niveau de la phrase d'abord: il est bien évident que les règles qui insèrent les fonctions syntaxiques dans la phrase créent elles-mêmes un ensemble cohérent, grâce à une hiérarchie codée des liens; et les schémas prosodiques, notamment les courbes d'intonation comp o r t e n t , d a n s leur signifié, un renvoi à q u e l q u e chose de global, qui est susceptible d'articulation. Nous savons cependant que le langage dispose d'opérations spécifiques qui r e n d e n t possible la reprise complète ou partielle d'un contenu déjà énoncé pour situer par rapport à celui-ci une information nouvelle; ajoutons les moyens qui annoncent un contenu à exprimer par la suite. Il s'agit d'opérations spécifiques dans la mesure où elles créent - en principe i n d é p e n d a m m e n t de la structure syntaxique - un réseau d'identifications, de "partialisations" ou d' "altérations" dépassant les cadres de la p h r a s e 2 . La "macro-syntaxe" qui court ainsi au-dessus de la syntaxe "ordi-

1. Abréviations: BG = C. Iuli Caesaris Commentarli belli Gallici, cd. Alfrcdus Klotz, Lipsiae, Tcubncr, 1957; IE = Itinerarium Egeriae, ed. Otto Prinz, Heidelberg, Winter, 1%()s; SI = Grcgorii episcopi Turoncnsis Liber de virtutibus sancii luliani, ed. Bruno Krusch, Monumenta Gcrmaniac Histórica, Scriptores rerum Mcrovingicarum I, 2, Hannoverae, 1885; VSR = De vita sanclae Radegundis libri duo, cd. Bruno Krusch, M o n u m e n t a G c r m a n i a e Histórica. Scriptores rerum Mcrovingicarum II, Hannoverac, 1888. 2. V. en particulier Roland Harwcg: Pronomina

und Textkonstitution,

München, Fink, l'X>K

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naire" porte l'empreinte de la stratégie par laquelle le locuteur ordonne sur l'axe du temps les identités et les différences de l'univers du discours. Mon propos sera illustré surtout par la Vie de sainte Radégonde, texte du début du VII e siècle, attribué à la religieuse Baudonivia de la Gaule mérovingienne.Nous avons là un texte essentiellement narratif, dont l'auteur n'est certes pas exempt de toute influence littéraire,mais qui est d'une écriture relativement simple et sans artifices de style, donc plus proche en principe de la langue parlée de son époque que ce n'est le cas pour les oeuvres d'auteurs plus cultivés et plus renommés. Avant d'aborder maintenant l'examen de l'appareil grammatical spécifique chargé de la fonction de représentation, je voudrais rappeler une banalité: un réseau d'identités en quelque sorte naturel s'établit dans un texte grâce à la répétition de lexèmes ou - si l'on peut garder ici le terme de "répétition" grâce à celle de traits sémantiques. L'utilisation du nom propre constitue ici un cas extrême: le nom propre X continue à renvoyer au même réfèrent jusqu'à une éventuelle indication contraire. Dans le texte mentionné, Radegundis reste toujours la même personne; cependant, les traits utilisés dans sa description permettent de l'identifier également sous la désignation sancta, nom commun, dont la lecture spécifique est assurée précisément par une règle de cohérence - autrement dit par le fait que le récepteur du message attribue d'emblée à celui-ci un caractère cohérent, qu'il cherche à retrouver à travers le jeu de récurrence de certains traits sémantiques. Soit dit en passant que dans une langue sans article, ce type d'identification requiert seulement l'absence d'indications contraires [tels un "altérateur " ou un contexte généralisant]. Ainsi, dans BG I, 38, Vesontio une fois identifié comme oppidum maximum Sequanorum, l'élément oppidum sans détermination admettra par la suite cette même limitation occasionnelle dans le réfèrent, le contexte restant suffisamment concret: murus [...] arcem [...] cum oppido coniungit; Caesar [...] occupato [,..]oppido ibi praesidium conlocat. L ' a p p a r i t i o n de l ' a r t i c l e introduira ici bien entendu une règle "positive" supplémentaire, et nous verrons dans un instant que les conditions pour la formation d'une telle règle sont données dès la période classique.Pour cette représentation de type "sémantique ", fixons donc ceci: durant la progression du texte, le décodeur ne doit pas exclure la possibilité de rencontrer des lexèmes qui fonctionnent en tant que représentants; pour les reconnaître, il fera valoir une identité com-

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plète ou partielle des matrices des traits sémantiques3, en se faisant aider de sa connaissance des usages linguistiques du terme. Un exemple: dans VSR I, 36, l'expression quaedam monacha est reprise par soror - l'ensemble de traits «personne de sexe féminin, considérée par rapport aux autres enfants des mêmes parents 4 » pourra être appliqué à monacha à condition que l'on connaisse l'usage linguistique des monastères5. De cet arrière - plan émerge le système spécifique de la représentation, chargé de distribuer dans le texte les identités et les différences des signifiés de type nominal: le système des pronoms avec le petit ensemble des démonstratifs au centre.Je négligerai pour le moment les autres types de pronoms latins, sauf le groupe, plus lâchement structuré, des "indéfinis", qui devront nous retenir ici pour une raison particulière.Autre remarque préalable: puisque je m'enferme maintenant dans des textes, je ne considérerai qu'indirectement la manière dont les pronoms organisent 1' "espace pragmatique", pour ainsi dire; je ne parlerai donc pas de la deixis, mais de ses projections dans le texte:de l'anaphore et de la cataphore. Pour construire un pont entre la représentation purement "sémantique" ou répétitive et l'emploi des pronoms, revenons au problème de la limitation du réfèrent, à propos duquel j'ai fait allusion à une sorte de règle "négative". Dans le chapitre cité du BG, le réfèrent de la "ville" en question n'est pas toujours repris par le simple oppidum: on y lit également in eo oppido, c'està-dire que la répétition, ressentie comme insuffisante en elle-même, peut être renforcée par un lien d'identification supplémentaire. Sur le plan général, remarquons tout de suite que le procédé permet une variation du signifié, tout en garantissant le maintien du réfèrent. Un exemple concret avec le relatif: l'explication des noms propres se fait souvent chez César à l'aide de ce procédé, ainsi qui non longe a Tolosatium finibus absunt, quae civitas est in provincia BG I, 10, 1; cf. également hos posse conficere armata milia centum, pollicitos ex eo numéro electa milia sexaginta BG II, 4, 5. En fait, cette sorte de "classement", effectué à l'aide de l'emploi d'un terme générique [civitas pour

3. Cf. Jerrold J. Katz - Jerry A.Fodor: The Structure of a Semantic Theory, in: Language 39 [1963], en particulier les pp. 197 sqq. 4. Définition de Paul Robert: Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, 1962. 5. Cf. Irena Bellert: On a Condition of the Coherence of Texts, in: Semiotica 2 [1970], p. 338.

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Tolosatium fines, numerus pour milia centum], constitue l'occasion la plus fréquente de 1' anaphore "complexe" en question. Le procédé est naturellement connu dans les textes tardifs: tel personnage appelé d'abord la coniux de X sera rappelé comme haec matrona dans SI 5 [p. 116, 27]; les désignations d'un même lieu, gardant la position de thème dans un passage descriptif de 1' Itinerarium Egeriae, sont successivement Heroum [...] civitas, ipse vicus,locus [...] ipse [IE VII, 7-8]. Cependant, la fréquence de ce pronom démonstratif, qui est un représentant non-autonome, est inégale; en tout cas, l'Itinerarium est un texte où la nécessité d'insister sur l'identité des référents commence à devenir une contrainte: sancii monachi prò diligentia sua arbusculas ponunt [...] dederant nobis eulogias sancii illi [...] illi sancii dignati sunt singula ostendere [IE III, 6-7]6. La règle "négative" entre en concurrence avec une règle "positive": la marque du caractère anaphorique de la répétition tend à devenir obligatoire. Constatons donc une tendance à 1' explicitation de la cohérence textuelle. On observe d'ailleurs également une espèce de "surdétermination" pour l'antécédent du pronom relatif: en latin tardif, le type montes illi inter quos ibamus [IE I, 1], simulachra illa quae a gentilibus colebantur [SI 6, p. 117,16] augmente clairement sa fréquence 7 . En ce qui concerne maintenant la forme "forte" de la représentation pronominale, c'est-à-dire l'usage autonome des démonstratifs,on peut tenter de distinguer certaines situations textuelles caractéristiques. Il est d'abord intéressant de séparer la cataphore de l'anaphore. Isolons ici un emploi typique du démonstratif, celui qui consiste à annoncer une subordonnée, complétive ou relative. On trouve dans cette fonction généralement hoc avec les complétives: ad hoc levitas eius [...] convaluit, ut colonicas basilicae [...] pervadere non timeret [SI 15, p. 120, 27] et ille avec les relatives: Fugiens vero ille qui, inrupta aede, caput fuit huius sceleris [ibid., p. 120, 5], cette distinction en impliquant une autre à laquelle je reviendrai bientôt. Je remarquerai ici, en anticipant quelque peu sur mon propos, un renforcement des positions de ille ou mieux, illud, qui est manifeste dans une tournure constante de la Vie de sainte Radégonde. En faisant la liste des vertus et des miracles de cette sainte,

6. Cf. Veikko Väänänen: Le journal-épître d'Égérie [Itinerarium Egeriae], étude Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia, 1987, p. 50.

linguistique,

7. Cf. Bengt Löfstedt: Studien über die Sprache der langobardischen Gesetze, Uppsala, 1961, p. 258.

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le texte répète, comme autant de résumés introduisant certains chapitres, illud [quoque], suivi d'un mot interrogatif et d'une subordonnée complétive: Illud quapietateperagebat sollicita [VRS I, 7, p. 367, 17]; Illud quoque quis explicet, quanto fervore excitata ad coquinam concursitabat [...] ? [ibid.I 24, p. 372, 17]. A l'intérieur de l'anaphore consistant dans la reprise pronominale d'un syntagme nominal (SN) qui précède, je voudrais distinguer les cas où le thème change de ceux où le pronom anaphorique est introduit pour un thème inchangé. En latin classique, la représentation anaphorique dépassant la limite de la phrase [ emploi de is, de hic, plus rarement de ille insistant sur la distance 8 ] signale très souvent un changement de thème: nunc esse regem Galbam; ad hune [...] summam totius belli omnium voluntate deferri BG II, 4, 7; dat negotium Senonibus [...], uti [...] se [...] de his rebus certiorem faciant. Hi constanter omnes nuntiaverunt manus cogi ibid. II, 2, 3-4. En latin tardif, on peut en dire autant, et c'est avant tout ille qui semble chargé de ce rôle de "pivot" introduisant un syntagme nominal dans une fonction nouvelle de l'articulation pragmatique: Quo sanctissima cognito [...] beatissimum Medardum his verbis alloquitur, dicens: [...] Quo ille contestationis concussus tonitruo, manu superposita, consecravit diaconam [VSR 1,12, p. 368,27]; Ministra tamen praesumebat [...] sic appellare: [...] Illa respondit benivole [ibid. I, 19, p. 371, 4], On observe, dans ce même texte, un ipse, ipsa [affaibli par rapport à son emploi classique] qui reprend un ancien thème déjà énoncé, mais provisoirement abandonné: Indicabat adolescens iam tune merita senectutis, obtinens pro parte quae petiit. Denique, dum esset in pace florens ecclesia, ipsa est a domesticis persecutionem perpessa [ibid. I, 2, p. 365, 14], Voici une dernière situation textuelle dont je dirai un mot: la distinction de deux SN, qui se fait en général à l'aide de deux pronoms démonstratifs. L'opposition peut fonctionner entre un hic renvoyant à quelque chose de plus proche dans le texte et un is représentant quelque chose de plus lointain. En parlant de certaines montagnes, le narrateur de Yltinerarium Egeriae nous apprend: non me putarem aliquando altiores vidisse, nisi quod hic medianus eos nimium praecedebat [IE III, 8]. On rencontre également dan ces rôles hic et ille ou éventuellement iste et ille: Nam, veniente Hillidio, haec [se. columba]

8. V. Johann Baptist Hofmann - Anton Szantyr: Lateinische 1%5, pp. 180 sqq.

Syntax und Stilistik, Münchcn,

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in obviam venit; cum ille,ut adsolet, aliquid demoraretur, haec in circuito illius volitabat; illoqueprogrediente, ista praecedebat [SI 7, p. 118, 3]. Ces rapides indications permettent déjà d'apporter quelques nuances au tableau bien connu par lequel on schématise d'habitude la valeur et les oppositions des pronoms démonstratifs en latin tardif. Avant d'en venir cependant aux données de ce tableau et aux décalages diachroniques dont il cherche à cerner les effets, faisons remarquer que, du moins dans les textes plus ou moins littéraires des V e - VII e siècles, la représentation pronominale fonctionne avec une efficacité suffisante. On a même l'impression que la fréquence du pronom démonstratif a augmenté par rapport au latin classique, ce qui peut tenir à deux raisons au moins. D'abord, la liaison effectuée à l'aide d'un pronom relatif semble reculer - phénomène qui s'explique fort bien par ce que nous savons des confusions qui se produisaient graduellement dans le paradigme du relatif. D'autre part, les constructions qui mettent en jeu les participes sont souvent relayées par la juxtaposition et la coordination, ce qui crée des places supplémentaires pour les syntagmes nominaux. Toutefois, pour rendre compte du degré de "finesse" de la représentation pronominale, nous devons introduire ici le paramètre "concret / non-concret" pour le signifié à représenter. En effet, pour reprendre le signifié de toute une construction prédicative, la langue peut élaborer des moyens spécifiques, différents de ceux qui reprennent le signifié d'un SN utilisé auparavant dans le texte. Le latin classique dispose ici, bien entendu, du genre neutre, qui, sans offrir une protection entière contre des confusions éventuelles, renvoie avec un degré de clarté suffisant à un contenu général; encore faut- il préciser que la langue classique semble employer dans ce cas id non marqué et hoc marqué. Je cite au hasard deux débuts de chapitres du BG: Caesari cum id nuntiatum esset I, 7, 1, et [en soulignant en quelque sorte la continuité des discours rapportés]: Ad haec Ariovistus respondit I, 36, 1. En latin tardif, le recul du neutre et l'élimination progressive de is n'empêchent pas que la distinction correspondant au paramètre "concret / non-concret" ne soit plus ou moins maintenue, grâce à la persistance de la forme hoc9. Dans la VSR, le sens pour ainsi dire "non concret" de hoc [ou éventuellement de haec] est ma-

9. Pour le degré de conservation des formes du pronom hic dans les textes mérovingiens, v. Gualtiero Calboli: Aspects du latin mérovingien, in: Jôzsef Herman (Éd.), Latin vulgaire - latin tardif, Tübingen, Niemeyer, 1987, p. 28.

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nifeste, à l'exclusion presque totale de id et de illud: Hoc loco sunt confessons venerandae reliquiae, per hoc aedificatae templum [VSR I, 38, p. 376, 20]; ou pour donner un exemple de contraste avec ipse et ille renvoyant au "concret": Ipsa, quid esset, interrogat; mentiuntur ministri, quod mendicorum turba quaereret elemosinam. Credens hoc Ma [...] [ibid. I, 11, p. 368, 14]. On peut revenir ici, pour un instant, à la forme adjectivale de la représentation. En effet, un "contenu général" peut être repris à l'aide d'un SN introduit par un pronom démonstratif: à un moment donné du récit, le narrateur de la VSR se résumera par un his igitur beatis actibus [I, 11, p. 368, 11]. Dans ce type de tournure, le nom fonctionne comme un "classeur" sémantique, en plaçant le contenu représenté dans une classe plus générale - cela pourrait se faire à l'aide d'un haec verba ou, à un niveau plus général encore, par haec res -, ce qui a pour conséquence que l'emploi du pronom n'est plus nullement redondant: il opère précisément la "mise en classe" en question, tout en faisant office d'instrument de cohérence. A titre d'essai, je me permettrai ici d'élargir provisoirement la sphère du "démonstratif. En effet, je voudrais insister sur la nécessité de prendre en considération, dans l'étude de la représentation pronominale, également la classe des adverbes dont le signifié implique un renvoi à un élément du discours. Les adverbes ibi et inde sont notamment très fréquents dans les textes tardifs; nous savons par ailleurs que leurs continuations romanes pourront être parfois considérées comme des formes casuelles intégrées dans certains paradigmes pronominaux. Les renvois locaux et temporels nous conduisent, d'autre part, à des problèmes sémantiques généraux que nous ne pouvons négliger lors de 1' étude de la cohérence textuelle. En effet, une indication locale ou temporelle de nature rétrospective et en même temps connective peut être introduite dans n'emporte quelle phrase de certains types de textes [notamment narratifs], pour exprimer une relation d'identité ou de différence par rapport à des données non précisées, mais implicitement présentes. C'est ainsi que les expressions du type eo loco, ipso loco, ipso die renvoient généralement à des données implicites de la situation. J'ajouterai tout de suite qu'un renvoi temporel de ce type et notamment un adverbe temporel de nature pronominale peut glisser facilement sur un autre plan, dans la mesure où il devient apte à désigner le temps de l'énonciation même et à assurer ainsi une liaison entre phrases. Dans la VSR, l'adverbe adhuc peut être employé avec cette valeur quasi-copulative; on pourrait réfléchir à partir de là

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sur la perte de l'élément temporel de alors, or, en français, ou de allora, en italien. Bien entendu, c'est là une piste par où l'on arrive à l'ensemble des éléments de coordination proprement dits, dont la fréquence augmente considérablement en latin tardif. Il s'agit là si l'on veut d'un fait de style, car la plupart des textes écrits laissent apparaître des traits propres à la communication orale; cependant, il s'agit d'un fait de style qui tend à se grammaticaliser. En effet, le grand nombre de ergo, de autem et,bientôt, de sic [et sic ou ac sic ergo dans IE] détermine des groupements caractéristiques au début de la phrase, groupements dont l'existence implique naturellement un renvoi à ce qui précède dans le discours: Fecimus ergo et ibi oblationem [...] Facta ergo et ibi oblatione [...] In eo ergo loco [...]petra ingens est [...] Lectus est ergo et ibi ipse locus de libro Moysi [...] ac sic facta oratione descendimus inde [IE IV, 3-4], Ainsi s'amorce une évolution qui semble préparer les règles relatives à si initial en ancien français. Les grandes tendances qui semblent dominer l'évolution des démonstratifs durant la période tardive du latin sont, d'un côté, le recul de is et de hic [ayant des paradigmes phonétiquement très variables], en faveur de iste et de ille\ et de l'autre, un nouveau partage du "terrain" entre ces deux derniers pronoms, se référant respectivement au «plus proche» et au «plus lointain», et concurrencés par l'ancien pronom d'"insistance", ipse. Ce décalage implique, bien entendu, la ruine de la trinité classique hic / iste / ille [système reflétant, en principe, la tripartition de la personne grammaticale); en même temps, il donnera naissance, par contre-coup, à des formations neuves, chargées d'insister sur l'identité des référents [ types metipsimum, istum ipsum ] et remplaçant ipse simple, tout comme idem, qui sort également de l'usage. Bien entendu, ce tableau général des valeurs démonstratives ne met pas à profit exclusivement les données des textes, mais s'inspire largement des développements romans 10 ; il ne pourrait guère en être autrement, vu la nature et le caractère de nos textes; et pourtant, la lecture serrée de mes documents de base permet de commenter brièvement quelques-uns des nouveaux phénomènes apparus en latin tardif. D'abord, on observe que, dans l'anaphore pronominale "pure" [sans substantif], les textes maintiennent assez bien une

10. V. notamment H.Kurzovâ-Jedlièkovâ: Die Demonstrativa im Vulgärlatein {4-6. Jahrhundert), in: Acta Antiqua Academiae Scient. Hungaricae 11, (1963), 121-143; Veikko Väänänen: Introduction au latin vulgaire, Paris, Klincksieck, 19813, pp. 120-3.

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différence entre is et ille, dans la mesure où is représente le plus souvent un SN précédent qui appartient à la même structure grammaticale globale - au même "noeud" dans le sens génératif [là où ce n'est pas se qui apparaît, pronom dont je ne m'occupe pas maintenant] -, alors que ille se "banalise" dans cet emploi assez lentement. De ce point de vue, le passage suivant de la VSR est typique: His igitur beatis actibus occupâtam [se. Radegundem] in tantum provexit divina clementia, ut [...] Domino largiente, declararenturpro ea miracula [...] Credens hoc illa [...] [VSR I, 11, p. 368,11 ]. On voit donc ici le pronom ille fonctionner comme un élément grammaticalement détaché du SN qu'il représente. Deuxième remarque: ipse est à mi-chemin entre son rôle traditionnel d'identification insistante et un rôle nouveau où il fait concurrence à ille, tant substantival qu'adjectival. Néanmoins, les textes sont en désaccord ici, ce qui rappelle d'une façon intéressante la répartition inégale des continuations de ipse dans les langues romanes. Pour prendre une illustration dans le texte de la VSR, on peut concéder à ipse une valeur d'insistance dans le passage suivant, où il s'agit de singulariser le rôle de la protagoniste: ipsa cibos decoquens [...] ipsa calidum porrigens [VSR I, 23, p. 372, 15]; cependant, nous avons vu que dans le même texte, ipse servait déjà d'appui à une "constance du thème", et dans la phrase suivante par exemple, il réalise une anaphore banale: Per somnium tribunus fisci [...] dum graviter [...] languore deficeret, videbatur ipsi [ibid. I, 38, p. 376, 15]. De façon curieuse, ipse cède dans ce texte à ille le rôle d'introduire un thème nouveau, ce qui peut être une sorte de prélude à la distribution de eso / aquello [proche / lointain] en espagnol. D'autre part, nous avons relativement peu d'indications dans les textes pour l'emploi de iste, ce que l'on met généralement en rapport avec le fait que ce pronom avait surtout un emploi déictique, où il était en train de prendre la place de hic. Cela semble ressortir par exemple de cette phrase de PIE: ita infra nos videbantur esse illi montes, quos primitus vix ascenderamus, iuxta istum medianum, in quo stabamus, ac si essent illi colliculi [III, 8]. Néanmoins, comme nous Pavons vu, hic ne sort pas si vite de l'usage, et sa forme neutre s' avérera même indispensable dans certaines langues romanes pour la représentation d'un contenu général. En principe, le problème de la quantification ne se pose pas pour l'anaphore réalisée à l'aide du pronom démonstratif; il est bien évident cependant que l'anaphore peut introduire du même coup une nouvelle donnée de quantification, notamment en cas de choix à l'intérieur d'un ensemble [quidam,

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aliquis] et dans des cas limites comme l'insistance sur la totalité [omnis, totus] ou la négation d'un ensemble donné [nemo, nihil]. Le fonctionnement des "altérateurs" [alius, alter] peut être considéré comme apparenté à la quantification, dans la mesure où il présuppose aussi [implicitement] un ensemble. Je me bornerai ici à deux remarques. D'une part, nous savons que le mouvement diachronique, dans ce domaine, n'a pas été moindre que dans celui des pronoms démonstratifs; et à ce propos se pose une question: où se termine le domaine, si vaguement délimité, des pronoms indéfinis? En effet, leur système entretient un contact permanent avec une sphère nominale et adjectivale au sémantisme général, dans laquelle il puise comme dans un réservoir [ce qui est illustré, entre autres, par l'histoire de quelque chose, personne, rien français, de qualcosa italien, etc.]. Le problème existe déjà en synchronie: est-ce que reliqui ou singuli ne peuvent pas se comporter comme des anaphoriques quantificateurs? - Ma deuxième remarque concerne l'emploi des indéfinis en dehors de l'anaphore. On pourrait dire que quidam, aliquis ou aliquid sont des déictiques qui opèrent sur des ensembles implicitement présents; grâce à leurs propriétés grammaticales, ils représentent des classes déjà constituées linguistiquement, en renvoyant par exemple à des «humains» ou à des «non-humains». Toute conclusion est provisoire; et dans un domaine tellement complexe, je me contenterai, pour terminer, de quelques suggestions relatives au contexte général dans lequel s'insèrent les phénomènes examinés.Il semble, d'un côté, qu'une partie des transformations, dont nous sommes témoins, soit liée à l'allure générale des textes, c'est- à- dire à l'accroissement de la fréquence des éléments de liaison explicites. En dehors des changements de structure d'ordre général, auxquels j'ai déjà fait allusion, il faut probablement faire la part à une nécessité accrue de marquer et de distinguer explicitement le groupe du nom et le groupe du verbe 11 . Ce n'est pas, pour le moment, une question de l'ordre des termes au niveau de la proposition; mais on peut risquer l'hypothèse d'une constitution progressive de blocs avec des espèces de signaux démarcatifs. Les débuts de ce processus doivent remonter au latin classique, où la "détermination" des groupes - une expression explicite de leurs "modalités" à l'aide de pronoms démonstratifs ou de ponoms personnels

11. Cf. Sândor Kiss: Tendances évolutives de la syntaxe verbale en latin tardif, Debrecen, Univ. L. Kossuth, 1982, p. 79.

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- n'était certainement pas étrangère à l'usage. Il s'agit, en dernière analyse, d'une généralisation - donc, sur ce point, la recherche se trouve confrontée au grand problème qu'elle rencontre pour la quasi-totalité des transformations du latin tardif: il s'agit de découvrir les facteurs qui déclenchent, à un moment donné, une généralisation rapide de certains types de constructions allant, dans la plupart des cas, vers une plus grande dépense d'énergie sur l'axe syntagmatique du langage.

Bengt LÖFSTEDT Wissenschaftliche Diskussion oder Monologe? Der Vulgärlatinist zwischen Romanistik und Latinistik

Wir Vulgärlatinisten arbeiten ja auf dem Grenzgebiet zwischen Latinistik und Romanistik. Eigentlich sollten wir auf beiden Forschungsgebieten gleichmässig zu Hause sein, aber den wenigsten von uns gelingt es. Ich werde mich in diesem Vortrag mit den Kommunikationsproblemen der Sprachforscher und Philologen im allgemeinen und der Vulgärlatinisten im besonderen beschäftigen. Als junge angehende Forscher hatten wohl die meisten von uns die Vorstellung, daß die Wissenschaft eine fortlaufende Diskussion ist, an der wir alle teilnehmen, und daß wir durch unsere kleineren oder größeren Beiträge dazu mitwirken, daß wir der Wahrheit etwas näher kommen. Oder wir stellten uns die Wissenschaft als ein grosses Gebäude vor, an dem wir alle mitbauen; unsere Bücher und Aufsätze sind Bausteine, die vielleicht dann und wann nicht passen und weggenommen oder zugehauen werden müssen, aber meistens doch liegen bleiben können, so daß andere weitere hinzufügen können. Je älter ich aber werde, desto mehr habe ich den Eindruck, daß die Wissenschaft - wenigstens auf meinem Gebiet - oft keine Diskussion, sondern vielmehr eine Serie von Monologen ist: viele Forscher scheinen in völliger Isolierung zu arbeiten, ohne sich überhaupt darum zu kümmern, ob ein anderer die Probleme, woran sie arbeiten, vielleicht schon gelöst hat. Nur das in Handbüchern und Standardwerken Aufgespeicherte und bequem Zugängliche wird berücksichtigt (oder wiedergekäut), sonst arbeitet man, als ob man allein wäre; man baut - um die obige Metapher festzuhalten - sein eigenes Häuschen, statt mit anderen am großen Gebäude mitzuwirken. Daß dies zu einem Überfluß von wissenschaftlichen Arbeiten führt, ist selbstverständlich, aber es kann sich auch um einen circulus vitiosus handeln: das Übermaß an Publikationen bringt es mit sich, daß man - trotz gewissenhaftem Suchen in unseren vorzüglichen Bibliographien - Wesentliches übersieht; schon der weise König Salomo klagte: Faciendi plures libros nullus est finis (Eccles. 12, 12), und es ist wahrlich nicht besser geworden.

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Um das oben Gesagte zu beleuchten, gebe ich einige Beispiele für Fälle, in denen die Ergebnisse früherer Forscher unbeachtet (oder ungenügend beachtet) blieben. Ich beschränke mich fast ausschließlich auf solche, bei denen ich das Opfer gewesen bin, und ich tue es natürlich einfach deshalb, weil ich sie besonders gut kenne; ich bin aber sicher, daß viele Kollegen ähnliche Erfahrungen wie ich gemacht haben, und ich möchte sie hiermit ermuntern, meinem Beispiel zu folgen und ihre Nachsager an den Pranger zu stellen. Mein erster Fall betrifft aber nicht mich, sondern R.Düchting, der im Jahre 1968 eine grundlegende Arbeit mit Kommentaren zu den Gedichten des Sedulius Scottus publizierte. 1 In der dänischen Zeitschrift Classica et Mediaevalia 36 (1985: 199 ff.) behandelte sodann John I.McEnerney Sedulius' Gedicht 2,81; in diesem ausführlichen Kommentar wird Düchtings Arbeit überhaupt nicht zitiert, und viele von McErnerneys Ergebnissen sind von Düchting vorweggenommen. Zweitens erwähne ich die grundlegende Untersuchung Alfred Ernouts in der Revue de Philologie 1949 S. 107 ff. über condicio - conditio (wiedergedruckt in Philologica 2, Paris 1957, 157 ff.). Sie wurde von Pierre MichaudQuantin nicht beachtet, als er in den Mélanges Dominique Marie Chenu (Paris 1967) 399 ff. die Vermischung von conditio und condicio im Mittellatein behandelte. Mein dritter Fall betrifft meine Frau. Hélène Vairel-Carron, Exclamation, ordre et défense (Paris 1975), behandelt im großen und ganzen dasselbe Thema wie Leena Löfstedt, Les expressions du commandement et de la défense en latin et leur survie dans les langues romanes (Helsinki 1966). L.Löfstedts Arbeit wird dann und wann in den Anmerkungen zitiert, aber es scheint, daß Vairel-Carron deren Existenz erst während der Drucklegung der eigenen Arbeit kennen lernte: sonst wäre all das überflüßige Wiederholen des von L. Löfstedt Gesagten noch unbegreiflicher und unverzeihlicher. Nun kommen meine eigenen Klagelieder an die Reihe. Mein Aufsatz über "Die betonten Hiatusvokale in Wörtern vom Typus pius, tuus, meus" im 'Eranos' 60 (1962: 80 ff.) wurden von Veikko Väänänen in den Akten des Romanistenkongresses in Strassburg Bd. 2 (1965: 418 f.) und von Guy de Poerck in den Mélanges M.Maurice Delbouille Bd. 1 (1964: 135 ff.) übersehen.

1. Reinhard Düchting, Sedulius Scottus. Seine Dichtungen, München 1968.

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Meine Behandlung des Wortes caminata im 'Eranos' 60 (1962: 108 f.) blieb von Manfred Bambeck, 'Boden und Werkwelt' (1968: 195) unbeachtet. Im Aufsatz "Zur Lexikographie der mittellateinischen Urkunden Spaniens",'ALMA' 29, 1959, 5-89, und in einem anderen mit dem Titel "Lexikographisches zu spanischen und portugiesischen Urkunden", 'Eranos' 58 (1960: 190-205) wurden von mir u. a. mehrere Datierungen in Joan Corominas, Diccionario crítico etimológico de la lengua castellana, korrigiert. Diese Aufsätze wurden in der Neuauflage dieses Wörterbuchs (Joan Corominas & José A.Pascual, Diccionario crítico etimológico castellano e hispánico, 1980 ff.) nicht beachtet und die alten Datierungen beibehalten. Im 'Eranos' 59 (1961), 165 ff. behandle ich den Ausdruck modo sic, modo sie, inquit rusticus: varium porcum perdiderat bei Petron 45,1; ich ziehe eine gleichartige Stelle aus Laberius heran und stelle diese lateinischen Sprichwörter mit anderen des gleichen Typus in anderen Sprachen zusammen. Gilbert Bagnani in 'Classical, Mediaeval, and Renaissance Studies in Honor of Berthold Louis Ullman' (1964) 1,235 f. bespricht dieselbe Petronstelle in ähnlicher (aber weniger gründlicher) Weise, erwähnt aber meinen Aufsatz nicht.2 Ilse Schön, Neutrum und Kollektivum. Das Morphem -a im Lateinischen und Romanischen (Innsbruck 1971) bespricht die Entwicklung der idg. Kollektivendung -a als Pluralendung im Lateinischen und als Femininendung oder Kollektivsuffix im Romanischen. Im 'ALMA' 29 (1959: 14 ff.) hatte ich dasselbe Problem besprochen und erstmalig die Entwicklung vom Indogermanischen über das Latein bis zu den romanischen Sprachen dargestellt. I.Schön zitiert aber diesen Aufsatz nur einmal, und zwar bezüglich einer Einzelheit: s. 'Kratylos' 16 (1971: 182 ff.). Meine Arbeit "Die subjektlose 3. Person im Lateinischen" in 'Kungl. Humanistiska Vetenskaps-Samfundet i Uppsala, Arsbok', 1965-66: 80-107 scheint sofort nach Erscheinen in die Lethe gesunken zu sein. Wenigstens

2. Bagnani versucht auch die Relevanz des Sprichworts an der Petronstelle zu zeigen, wo von Wechsel des Lebens die Rede ist, aber er vermag keine befriedigende Lösung vorzuschlagen. Das Typische an derartigen Sprichwörtern (die in verschiedenen Sprachen vorkommen) ist, daß ein alter Ausdruck in einem neuen und überraschenden Zusammenhang gebraucht wird. Die Phrase modo sie, modo sie "mal so, mal so" würde nicht auffallen, wenn sie bezüglich der Wechselfälle des Lebens gebraucht wäre, aber der Bauer verwendete sie m.E., um eine weggelaufene scheckige Sau zu beschreiben: "teils schwarz, teils weiß", also "mal so, mal so".

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habe ich sie nirgends benutzt gesehen, obgleich sich mehrere Forscher nachher mit ähnlichen Themata beschäftigt haben. Hansjakob Seiler, Issues in Linguistics, 'Papers in Honor of H. and R. Kahane' (1976: 863 ff.) und Haiim B. Rosén in der 'Festschrift Seiler', 'Wege zur Universalienforschung' (1980: 311 ff.) besprechen die Entwicklung von est mihi aliquid emptum zu habeo aliquid emptum. Keiner von ihnen zitiert ihren Vorgänger: B.Löfstedt, 'KZ' 78 (1963: 64-83, bes. 78). Keith E.Karlsson, Syntax and Affixation (1981: 17 ff.) behandelt ausführlich die Adverbbildung im Lateinischen, ohne meinen Beitrag zum gleichen Thema in den ' I F 72 (1967: 79-109) zu berücksichtigen. Georges Merk versucht in seinem Aufsatz Pourquoi un seul r dans père, mère et frère, in der 'Revue de linguistique romane' 47 (1983: 335 ff.), 3 zu zeigen, daß die lateinischen Nominative pater, mater, frater im Französischen weiterleben. Er bemerkt S. 350: "un nominatif latin peut survivre dans les langues romanes si le terme désigne un être animé, suffisamment employé au cas sujet comme être agissant". Er zitiert überhaupt keine Vorgänger, obgleich das Weiterleben des lateinischen Nominativs im Romanischen von vielen Forschern behandelt worden ist. Was pater, mater frater im besonderen betrifft, wäre für seine These wichtig gewesen,darauf hinzuweisen, daß im späten Latein diese Nominative bisweilen für oblique Kasus gebraucht werden; obgleich es sich nicht lohnt, weise ich auf meine Behandlung derartiger Fälle in meinen Studien über die Sprache der langobardischen Gesetze (1961) 215 ff. und in der 'Glotta' 54 (1976:126) hin. In seinem Aufsatz "Trois modèles latino-romanes pour la désignation d'une femelle" in der 'Revue de linguistique romane' 50 (1986: 317 ff.) hat Yakov Malkiel meinen Beitrag zum gleichen Thema "Bemerkungen zum Problem Genus: Sexus im Lateinischen" in den 'Symbolae Osloenses' 38 (1963: 47 ff.) nicht beachtet. Eric Dahlén, 'Eranos' 79 (1981: 137 ff.), bespricht den lateinischen Ausdruckstypus aliquem vivere "wie jemand leben". Er übersah, daß ich derartige Ausdrücke nicht weniger als dreimal früher behandelt hatte: 'Gnomon' 44 (1972: 38); 'Glotta' 54 (1976: 136); 'Acta Classica' 22 (1979: 163). Im 'ALMA' 44-45 (1985: 221) bespricht Dag Norberg die Form praestus, Adjektivierung vonpraesto\ er weiß nicht, daß ich dieselbe Form in der 'Glot-

3. Die Diskussion ging in derselben Zeitschrift weiter: Bd. 48 (1984: 311 ff. und 318 ff.).

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ta' 54 (1976: 124) und im 'Arctos' 15 (1981: 70) behandle; an der letztgenannten Stelle zitiere ich sogar genau dieselben Belege wie Norberg vier Jahre später. Im selben Jahre 1981 haben Benedikt Vollmann (in der 'Festschrift Walter Bulst', "Lateinische Dichtungen des X. und XI. Jhs.", Heidelberg, 230 ff., und ich (in der 'Festschrift Eugeniu Coseriu', "Logos semánticos IV", Berlin, 267 ff.) Ruodlieb XII 22 ff. behandelt und sind unabhängig voneinander zu ähnlichen Ergebnissen gekommen. I.J. 1985 hat Jan Ziolkowski (in seiner Arbeit 'Alan of Lille's Grammar of Sex', Cambridge, Mass., 58 ff.) dieselbe Stelle besprochen, aber keinen der obengenannten Aufsätze zitiert. Meinen Aufsatz über die Briefe des Lupus von Ferriéres in der 'Rivista di Cultura Classica e Medioevale' 24 (1982: 93 ff.) hat Peter K.Marshall für seine Teubner-Edition dieser Briefe (gedruckt 1984) nicht benutzt. Zum Ausgleich erwähne ich einen Fall, bei dem ich nicht das Opfer, sondern der Schuldige war. Im 'Arctos' 16 (1982: 66 ff.) habe ich einige Verbesserungen zum Texte des Asterius publiziert. Erst nachdem mir Isabella Gualandri ihre Sonderdrucke "Sul testo di Asterio Ansedunense" ('Scripta Philologa', Milano 1977, 151 ff.) und "Asteriana" (ib. 2, 1980, 149 ff.) geschickt hatte, wurde mir klar, daß ich eine Vorgängerin übersehen hatte; sie hatte auch einige meiner Emendationen vorweggenommen. Soror, peccavi! Das obige Verzeichnis könnte beliebig erweitert werden, aber dies wird zur Beleuchtung des Problems genügen. Jedermann wird anerkennen, daß die jetzige Situation unbefriedigend ist. Was kann man tun, um sie zu verbessern? Falls ein Forscher es aus irgendwelchem Grunde - Faulheit, Stolz, Furcht davor, einen Aufsatz ungeschrieben lassen zu müssen, weil ein anderer dasselbe früher publiziert hat - es vorzieht, keine Nachforschungen nach Vorgängern anzustellen, ist ihm natürlich nicht zu helfen; man kann nur hoffen, daß die Zeitschrifteneditoren sich weigern, seine Beiträge zu publizieren.Aber auch "wer immer strebend sich bemüht", wird manches übersehen, weil die bibliographischen Hilfsmittel ungenügend sind. Ob die Computers in Zukunft bessere bibliographische Dienste leisten können? Die Sitte oder richtiger Unsitte, seine eigenen kleinen Schriften herauszugeben, wird immer häufiger; 4 zweifelsohne wird dadurch die Chance, daß ein Aufsatz be-

4. Ich habe sie mehrmals kritisiert, s. 'Language' 54 (1978: 1002), 'Vox Romanica' 40 (1981: 289 f.) und 45 (1986: 224).

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achtet und zitiert wird, größer, aber nicht nur ist das nochmalige Drucken seiner eigenen opuscula ein narzissistisches Unternehmen, das an das in der Bibel verpönte redire ad vomitum suum erinnert; es macht auch die erstmalige Veröffentlichung in einer Zeitschrift irgendwie zwecklos: wenn ein A u f s a t z publiziert wird, fängt er im Prinzip ein eigenes Leben an: andere Forscher nehmen darauf bezug, zeigen, daß einiges falsch, einiges verbesserungsbedürftig und wieder anderes gut ist; der gute Stein wird ins Gebäude der Wissenschaft eingefügt und es wird darauf weitergebaut; wenn man einen Aufsatz nach längerer Z e i t wieder abdruckt, ist es, als ob man einen alten Stein des Gebäudes wieder los macht und zur Schau vorstellt. Leider Gottes hapert es jetzt, wie wir oben sahen, mit dieser Idealvorstellung von der Wissenschaft als einem Gebäude oder Dialog. A b e r ich möchte das Ideal noch nicht völlig aufgeben. Wer weiß einen Rat? Vorläufig teile ich hiermit meinen Kollegen mit, daß ich mit einem Computer vollständige Indices rerum et verborum meiner Aufsätze und Besprechungen fertig stelle, die hoffentlich nach meinem Tode zusammen mit meiner Bibliographie gedruckt werden; das wird vielleicht meinen Mitforschern das Auffinden einschlägigen Materials erleichtern.

Leena LÖFSTEDT Un texte de Gratien retrouvé

Mon exposé s'insère assez mal dans le contexte du latin vulgaire ou du latin tardif - le latin que je vais vous esquisser est, d'une part, loin d'être vulgaire, et, de l'autre, il est plus que tardif. Etant donné cependant que le texte concerne cette ville de Bologne, je prends la liberté de présenter mon exposé. Il s'agit du Décret de Gratien, plus exactement d'un ms. ancien et inconnu de ce Décret, que l'on a traduit en français. 1 J'ai étudié cette traduction, que nous a conservée un ms. du XIV e s.2 Un examen graphématique, morpho-syntaxique et lexical du début du texte m'a permis de placer la traduction primitive en Angleterre et de la dater de 1200 environ. Mes résultats seront publiés ailleurs; mon exposé d'aujourd' hui concerne le texte latin du Décret à partir duquel a été faite cette traduction; un texte latin qui existait donc déjà vers la fin du XII e s. Est-il possible d'en déceler des caractéristiques par l'intermédiaire de la traduction française? Notre travail n'est pas facilité par le style du traducteur. En effet, si le ms. utilisé par le traducteur ressemble à la tradition de Gratien 3 parvenue à nous, il faut dire que le traducteur est un homme intelligent, mais d'une grande indépendance d'esprit: il comprend le texte et le rend d'une façon claire et correcte, mais sans le suivre mot à mot:

1. Au sujet de ce texte voir en premier lieu E.Fournier "L'accueil fait par la France du XIII e s. aux décrétâtes pontificales" (lecture faite le 15 nov. 1934 au Congrès juridique international de Rome), Bulletin de la Société d'Etudes de la province de Cambrai, Lille (Janvier-Février 1935, pp.5-28, en part. pp. 6-8). 2. Bruxelles Bibl.Roy. 9084, ff. 1-362, dont nous avons examiné le texte de ff. 7r-19v. - C'est le seul ms. médiéval contenant une traduction française du Décret que nous connaissions: son existence nous a été signalée par le prof. R.Benson, UCLA. 3. Pour le texte de Gratien nous utilisons en premier lieu l'éd. d'Aem. Friedberg (Leipzig, Tauchnitz 1879, unveränderter Nachdruck Graz, Akad. Druck- u. Verlagsanstalt 1959). Nous avons aussi consulté deux mss. latins (Vat.Lat. 2494, Vat.Lat. 3529) mis à notre disposition par l'Institute of Medieval Canon Law, U C Berkeley, Californie; cet Institut nous a aussi permis d'utiliser "l'Index Rambaud", index qui, établi par M m e Jacqueline Rambaud, rend compte des mss. lat. du Décret conservés en France.

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d 18 c 6 Qui vero noluerint convenire...cum sui corporis sanitate consistentes, cum etiam ab omnibus aliis urgentibus necessitatibus et inexcusabilibus negotiis liberisint, licere eosfratemae caritatis admonitionibus corripi. "Et cil qui n'i voldront venir qui seront sain et n'avront resnable escusacion soient chastié par les esvesques". La phrase sui corporis sanitate consistentes est rendu par sain; cum etiam ab omnibus aliis urgentibus necessitatibus et inexcusabilibus negotiis liberi sint devient et n'avront resnable escusacion\ fraterna caritas enfin, est rendu par les esvesques. En fait, pour la hiérarchie ecclésiastique, notre traducteur préfère une terminologie univoque: d 18 c 4 Admoneant autem comprovinciales episcopos hi qui in amplioribus id est in metropolitanis civitatibus degunt. "Et li arcevesque i semoignent les esvesques de lor provinces". Le traducteur évite des apostrophes fleuries: d 19 c 8 sacratissimum serenitatis tuae pectus agnoscat... "Vostre sainte hautesce sache;", de même, il semble éviter les invectives. Dans un passage qui discute l'autorité des conciles célébrés sans la présence du pape, l'ancienne et bonne tradition - et ici, le texte de Gratien remonte à Ennode et à Yves de Chartres 4 utilise un style fort irrévérencieux, ironique et brutal: d 17 c 6 Legite insanissimi aliquando...praeter apostolici apicis sanctionem aliquid esse constitutum... mais le traducteur dit calmement "Leutes vos onques...que aucune chose fust establie sanz le confermement l'apostoile?". Insanissimi a été omis et l'impératif ironique legite a été remplacé par la question leutes VOÎ. Ce dernier changement, question pour commandement, se trouve cependant aussi dans la tradition latine, mais seulement dans certains textes récents qui, eux, donnent legistis au lieu de legite. On se demande s'il existe un rapport entre ces textes récents, et notre traduction. Plus exactement, on se demande si ce legistis figurait déjà dans le ms.-modèle de notre

4. Cf. Libellus d'Ennode, éd. Hartel CSEL 6, pp. 287 sqq.; ou Collectio Tripartita d'Yves de Chartres, inéd., nous avons consulté Robbins MS 102, fol. 64r, conservé à l'Institute of Medieval Canon Law, UCBerkeley, Californie. Nous remercions M. le prof. S.Kuttner de son aide et de sa patience.

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traduction, ce qui en ferait, même dans la tradition latine, une leçon bien plus ancienne que l'on ne l'avait cru. Les exemples cités suffiront à démontrer que la traduction n'est pas littérale, mais que le sens de l'expression latine est en général fidèlement rendu. Les exceptions à cette règle, les différences de contenu entre les expressions françaises et celles de la tradition latine sont rares. Parfois ces écarts peuvent fournir des points de repère pour la description du ms. latin utilisé par le traducteur. La rubrique de d 6 c 1 qui donne De maintes maniérés de commandemenz, alors que le texte lat. a de multiplici genere illusionis, nous informe que le ms.-modèle du traducteur avait iussionis. Les passages dits paleae font défaut, sans que le texte fr. ait l'air lacuneux. Au contraire c'est le texte fr. qui semble rendre l'original plus fidèlement, car pour introduire des paleae, la tradition latine a dû recourir à des répétitions, ce qui ressort d'une comparaison entre le texte de Friedberg et le texte fr., p. ex.: d 19 c l ...restât nimirum quod decretales epistolae Romanorum pontificum sunt recipiendae etiamsi non sint codici canonum compaginatae, quoniam inter ipsos canones unum Beati Leonis capitolum constat esse permixtum, quo ita omnia decretalia constituta sedis apostolicae mandantur ut si quis in illa commiserit, noverit sibi veniam denegari [suit la palea que nous ne reproduisons pas]. Dicendo vero: "omnia decretalia constituta", nullum de decretalibus constitutis pretermisit quod non mandaverit esse custodiendum. Et rursus asserendo; "omnium predecessorum nostrorum", nullum Ponticum Romanorum, qui ante se fuerunt, excepit, cuius ita non perceperit decretalia constituta ab omnibus custodiri, ut si quis in illa commiserit, veniam sibi deinceps noverit denegari. "Par cele meismes raison doivent les descretales estre receues, ja soit ce que els ne sont pas escrites el cors des canons, car entre les canons est escriz .i. chapistre a l'apostoile Leon qui commande que totes les descretales qui sont eissues del siege l'apostoile, soient receues. Quant il dist "totes", il n'en escepta nules, et quant il dist "a toz noz anceiseurs", il n'escepta nul des apostoiles qui furent devant lui de qui il ne commandast que les descretales fussent si gardees que, se nus mes faisoit encontre, pardons li fust deveés". Cette découverte permet de ranger le ms.-modèle du Gratien fr. parmi les mss. les plus anciens du Décret: ceux-ci aussi se distinguent (et nous avons contrôlé Vat. Lat. 2494 et Vat. Lat. 3529) par l'absence des paleae. Dans le texte français, les chapitres ne sont pas marqués et les distinctions (distinc-

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tiones) ne sont notées qu'en marge, avec beaucoup de fautes et d'omissions; le travail rédactionnel est donc bien rudimentaire, ce qui pourra également révéler un ms.-modèle ancien. D'autres traits particuliers dans le texte fr. sont moins facilement attribuables au ms.-modèle latin. La traduction d'un passage discutant les devoirs des évêques d 18 c 13 postpositis omnibus (excepta gravi infirmitate corporis ac perceptione regia) ad constitutum diem adesse non différant n'a rien qui corresponde à ac perceptione regia "Il doivent venir au jor qui leur sera mis sanz nule essoine se ce n'est de grief maladie". Qui a omis cette perceptio regia! Le copiste latin, le traducteur ou le copiste fr.? Ou s'agit-il peut-être d'une addition postérieure dans le texte de Friedberg et dans les mss.qu'il a utilisés? Nous ne saurions le dire. Constatons cependant que l'absence de perceptio regia conviendrait assez bien pour l'Angleterre de la fin du XII e s. Saint Thomas n'avait-il pas revendiqué l'autonomie de l'Eglise vis-à-vis du pouvoir royal? Pour ne pas nuire aux résultats de son travail, le droit ecclésiastique copié ou traduit à l'intention de l'Angleterre aurait mieux fait de ne pas mentionner des perceptiones regiae excusant le clergé de ne pas obéir à leurs supérieurs ecclésiastiques. Le traducteur évite la description détaillée des hérésies: il expédie la plupart par "Un Tel sentoit malement de...". Est-ce par nonchalance ou par prudence? Et comment expliquer l'inverse, la traduction d'un passage concernant l'hérétique Acatius: d 19 c 8 Ideo ergo et hic cuius nomen dicimus reticendum maie bona ministrando sibi tantum nocuit,... "Se Athacius aministra donc malement les bonnes choses, il ne fist mal se a lui non". Le traducteur est-il nonchalant, ne se soucie-t-il pas de la petite admonition du texte latin, le nom du personnage se trouvant ailleurs dans le même chapitre...? Ou son ms.-modèle portait-il Acatius (écrit plus ou moins correctement)? Il faudra évidemment - pourrait-on m'objecter - chercher un ms. latin qui donne les écarts ou la plupart des écarts suggérés par la traduction fr.: le ms.modèle aura été apparenté à ce texte. Un ms.... si la chose était si simple! Mon dernier example vient de d 16 c 9: c'est un long chapitre qui date les synodes. Cependant le passage (§ 3) qui devait dater le troisième synode, ce-

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lui d'Ephèse, fait défaut. Ce passage fait défaut également dans la source de Gratien, Yves de Chartres. 5 Mais notre traduction,non je veux dire: notre ms. fr. a comblé cette lacune par un emprunt fait à d 16 c 10 § 2. Le contenu de d 16 c 10 § 2 est donc traduit deux fois: une fois à sa propre place: c'est la traduction 1, et nous observons que l'hérésie mentionnée a été donnée en raccourci par sentoit malement de\ en plus, le contenu de d 16 c 10 § 2 a été traduit une deuxième fois pour combler la lacune dans d 16 c 9 § 3 - c'est la traduction 2. Voici le texte lat. de Friedberg et les traductions 1 et 2: d 16 c 10 § 2 Tertia in Epheso CCC patrum contra Nestorium Constantinopolitanum episcopum qui dicebat beatam Virginem Mariam non Dei, sed hominis tantummodo genitricem, ut aliam personam camis, aliam faceret Deitatis, temporibus Theodosii principis imperatoris iunioris, Celestini Papae Romani, Iuvenalis Constantinopolitani episcopi, Cirilli Alexandrini; qui XV capitula contra Nestorii blasphemias totidem capitula, auctore eodem sancto Cyrillo, anathematizando conscripserunt. d 16 c 10 § 2 trad. 1 "Tercia. li tierz fu en esphese de CCC peres contre nestoire l'esvesque de costantinoble qui sentoit malement de l'incarnacion el tens l'empereeur theodose le jeune et a l'apostoile celestin et a juvenal l'esvesque de costantinoble et a cirill l'esvesque d'alissandre, qui damnerent I'erisie nestoire et escristrent .XV. chapistres de coi drille fu mestres". d 16 c 9 § 3 trad. 2 Tercia. li tierz fu celebrez en ephese .III. peres contre nestorien esvesque de costantinnoble qui disoit que notre dame n'estoit pas mere dieu mes mere d'ome, que il feist une personne de la char contre la deité (à lire: .i. autre de la deité) el tens theodose qui fu prince le plus juene et celestins qui fu apostoiles de rome et juvenal esvesque de costantinnoble et drille qui fu l'esvesque d'alissandre, qui escristrent en escommeniant de grant escommeniement .XVI. chapistres contre les herisies nestoire, dont saint Cyrille fu aati. Les traductions 1 et 2 ne peuvent guère être l'oeuvre de la même personne: l'expression gauche theodose quifu le prince le plus jeune ne saurait être

5. Coll. Tripartita, Robbins MS 132v.-

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attribuée au traducteur qui donne l'empereeur theodose le jeune (tout comme il venait d'écrire dans d 15 c 1 theodose le jeune). Et pourquoi aurait-il écrit une fois aati et une autre fois mestres? Comparons aussi la phrase lourde escristrent en escommeniant de grant escommeniement de la trad. 2 à damnperent et escristrent de la trad. 1. -Cependant les deux traductions sont anciennes: el tens dans les deux; costantinoble (et non cons-) dans les deux; datif possessif sans préposition dans les deux; aati est le part. parf. à'aatir réfl."être en opposition (avec qqn.), se faire fort de"; qui appartient aux XII e -XIII e siècles (v. T-L s.v. et FEW XVI, p. 179 b). Comparons les deux traductions au texte lat.: la trad. 1 ne rende pas sancto; la trad. 2 omet imperatoris\ et il y a en outre désaccord numérique: 1. XV, 2. XVI. Est-ce le même texte latin qu'il rendent? Probablement pas. Deux textes lat. donc. Alors que la trad. 1, attribuable à notre traducteur principal, remonte au ms. lat. que celui-ci a utilisé et que nous venons d'étudier, que dire du texte lat. qui a été traduit pour notre passage 2 ? Ce ms. lat. "2" portait-il le passage concernant le synode d'Ephèse dans d 1 6 c 9 § 3 a u lieu de la lacune primitive? Pensons à la situation de notre deuxième traducteur, peu expérimenté dans le métier, nous l'avons vu. En effet, si en lisant la trad. fr. exécutée par le traducteur 1 sans le comparer à un autre texte, ce personnage avait remarqué la lacune dans d 16 c 9 § 3 et qu'il ait su que l'on pouvait la combler par d 16 c 10 § 2, il y aurait ajouté (en marge, pour être intégré dans le texte par le copiste suivant) le texte de d 16 c 10 § 2 de la traduction fr. qu'il aurait trouvé en tournant la page. Dans ce cas, nos textes 1 (d 16 c 9 § 3) et 2 (d 16 c 10 § 2) seraient identiques. Si par contre il avait remarqué la lacune en comparant la trad. fr. à un texte lat. où la lacune était déjà comblée, il en aurait traduit le texte (qu'il aurait pris pour authentique), malgré le travail que cela lui aurait coûté. Je me crois donc autorisée à supposer l'existence d'un ms. lat. du Décret, un ms. où la lacune de d 16 c 9 § 3 était comblée, un ms. lat. datant d'une époque où, dans le vernaculaire fr., s'aatirde était le mot juste pour dire «se faire fort de». Un texte de Gratien retrouvé...ou deux? J'espère que l'étude sur le Décret que je viens d'entamer va éclaircir un peu la tradition manuscrite de l'oeuvre de Gratien et ainsi contribuer à l'étude du latin plus-que-tardif, et augmenter la renommée de Gratien et de sa ville. Et non sans raison, car nous devons indirectement à Gratien un texte magnifique de prose française.

Witold MANCZAK Les verbes en -ère et -ire en latin et dans les langues romanes

Au I e r Colloque sur le latin vulgaire et tardif, je me suis occupé d'un grand problème, à savoir de l'origine des langues romanes (Marîczak 1987). C'est peut-être même le plus grand problème dont on puisse traiter dans une conférence de ce genre. Mais je n'ai pas eu de succès, je n'ai réussi à convaincre personne que les langues en question provenaient du latin classique. Dans ces conditions, j'ai décidé de consacrer cette fois ma communication à un problème mineur. Au I e r Colloque, Yakov Malkiel a fait un exposé sur le dernier épanouissement des verbes en -ère, où il affirmait (1987, p. 167) que "les infinitifs en -îre ... firent d'énormes progrès à l'époque du morcellement de l'Empire", tandis que "la classe des verbes en -ëre a subi de grandes pertes". "S'il en est ainsi, quel droit a-t-on", continue le romaniste de Berkeley, "d'invoquer une dernière fleuraison, au seuil du moyen âge, de la conjugaison latine en -ère? La réponse est plus simple qu'on ne s'y attend, dans les broussailles de la forêt linguistique: le nombre absolu de ces verbes, en effet, a diminué radicalement; mais l'importance de quelques-uns d'eux (tels habêre, sedëre et tenëre) a augmenté d'une façon remarquable." Etant donné que, pendant toute ma vie, j'ai eu l'habitude de confronter différentes affirmations avec des faits, j'ai décidé de vérifier l'assertion de Malkiel qui vient d'être citée. Dans ce but, j'ai comparé des fragments de la Vulgate avec des traductions modernes en espagnol, 1 en français, 2 en italien 3 et en roumain. 4 En l'occurrence, j'ai examiné les fragments des Evangiles suivants: Matthieu, chap. II-III, Marc, VIII-IX, Luc, XIV-XV, et Jean, XXXXI (comme on le voit, les fragments ont été choisis comme suit: 3 + 5 = 8, 9 + 5 = 14, 15 + 5 = 20). Dans ces textes, j'ai trouvé les formes suivantes

1. Nuevo Testamento. Versión... por E. Nácar Fuster y A.Colunga Cueto. 35e éd. Madrid, 1980. 2. Le Nouveau Testament. Traduction... par L. Segond. Nouv. éd. revue. Paris, 1953. 3. Il Nuovo Testamento. Versione...dal Dottor G. Luzzi. Roma, 1951. 4. Noul Testament. Societatea Bíblica, 1953.

196

W. Mañczak

qui étaient des continuations des 2 e et 4 e conjugaisons latines (les nombres indiquent la fréquence des formes attestées plus d'une fois): Latin. Adhaerere, adimplere 3, admonere, apparere 4, audere, cavere, compiacere, confiteri, debere, decere, docere 2, egere, exterrere, fiere, gaudere 4, habere 29, implere 3, indigere, manere 2, misereri, movere, oportere 4, perhibere, possidere, prandere 2, prohibere 3, residere, respondere 15, retiñere 2, sedere 3, stridere, sustinere, tacere 2, tenere 2, timere 2, valere, videre 41. Aperire 2, audire 12, condire 2, nescire 2, invenire 11, salire 2, scire 9, servire, venire 51. Italien, vivere 109, contenere, dovere 6, giacere 4, parere, potere 19, ravvedersi 3, riavere, rimanere 4, ritenere, sapere 11, sedere 4, tacere 2, temere 2, tenere, vedere 41, volere 13. Adempire 4, apparire 4, aprire 2, ardire, avvenire 3, avvertire 2, capire 3, comparire, convenire, coprire, divenire, empire, finire 3, fuggire 2, guarire 2, indurire, morire 13, offrire, partire 4, patire, perire, riferire, ristabilire, rivestire, salire 3, sbigottire, seguire 4, soffrire, sopravvenire, sovvenire, spartire, udire 11, uscire 1, venire 40, vestire. Français. Apercevoir 2, asseoir 5, avoir 127, concevoir, devoir 4, émouvoir 2, falloir 3, pouvoir 21, recevoir 4, savoir 13, valoir 4, voir 36, vouloir 14. Accomplir 4, accourir 2, accueillir, aplanir, avertir 2, bâtir 2, blanchir, choisir, contenir, courir 5, couvrir, devenir 4, endurcir, entretenir, fuir 2, guérir 2, haïr, mourir 12, nourrir, offrir, ouvrir 2, partir 4, périr 2, remplir, resplendir, rétablir, retenir 2, réunir 2, revenir 4, revêtir, saisir 3, s'enquérir 2, se réjouir 6, se repentir 3, servir 2, sortir 9, souffrir 2, survenir 2, tenir 2, venir 38, vêtir. Espagnol. Acoger 5, amanecer 2, anochecer, aparecer 6, atrever, barrer, beber, caber, caer 3, coger 13, comer 12, comprender 2, correr 8, corresponder 2, creer 4, desobedecer, detener, doler, encender, entender 3, enternecer, envolver, equivaler, escoger, establecer, exponer, extender, haber 69, hacer 8, merecer 3, nacer 3, ofrecer, ofender 4, padecer 2, parecer 2, perder 10, poder 15, poner 23, proponer 2, querer 19, recoger 4, responder 3, retorcer, saber 8, ser 19, soler, suceder, suponer, tener 37, traer 9, valer 3, ver 38, volver 17. Acudir 3, aludir, añadir 3, arrepentirse, bendecir, ceñir, construir 2, convivir, cubrir 2, cumplir 4, decir 78, despedir 3, dirigir 2, discutir 8, distinguir, disuadir, escribir 6, escupir, huir, impedir 2, insistir, instruir 2, intervenir, ir 10, morir 10, ocurrir, oír 1, partir, pedir 5, permitir, persuadir, preferir 4, prohibir, recibir,

Les verbes en -€re et -ire

197

referir, rendir 3, repartir 4, repetir, reunir 4, salir 17, seguir 5, sentir, servir 6, subir 4, venir 15, vestir, vivir 3. Roumain. Avea 451, bea, câdea 6, parea, putea 21, gedea 5, iacea 2, vedea 38, vrea 79. Acoperi, adeveri, auzi 11, cheltui, cîrti, curâfi, deslu$i, dezvinovâ{i, dori, fi 42, foiosi, fugi 2, gâsi 13, gîndi 3, grâi, hrâni, ie§i 10, isprâvi, iubi 12, îmbatrini, imparati, imparti 3, impietri, împlini 4, îngâdui, jeli, lipi, locui, màrturisi, mîntui, mulfèmi, muri 13, netezi, numi, omorì 6, opri 4, pacatui 2, palimi 2, pàzi 2, pindi, pocai 3, pofti 8, pogorì 3, porunci 6, potrivi, pregati, prihâni 2, primi 6, prìnzi 3, propovâdui, proslâvi, rasplati, risipi, scrigni, sfatui, sfìr$i 2, sili, sluji, smeri 2, stapini, suferi, sui 3, svircoli, sti 13, tagâdui, tâmâdui, trai, trebui 9, trinti, uri, veni 48, veseli 4, vesti 5, voi 6, vorbi 3, zidi 2. Au point de vue statistique, ces données se présentent de la façon suivante:

2 e conjugaison Latin

-ère

Italien

-ère

144 223

4 e conjugaison

Total

-ire

92

236

-ire

126

349

Français

-oir

236

-ir

136

372

Espagnol

-er

379

-ir

235

614

Roumain

-ea

604

-i

289

893

Quand on regarde ces résultats, on est d'abord frappé par de grandes différences en ce qui concerne le nombre total des verbes des 2 e et 4 e conjugaisons dans ces langues. Ils sont 236 en latin, 349 en italien, 372 en français, 614 en espagnol et 893 en roumain. Ces différences s'expliquent de la façon suivante: 1° En latin, les verbes de la 3 e conjugaison sont le plus fréquemment usités, tandis que les verbes des autres conjugaisons, dont ceux des 2 e et 4 e conjugaisons, sont beaucoup plus rares. Le fait que, dans les langues romanes, les verbes des autres conjugaisons l'emportent sur ceux de la 3 e s'expliquent par une loi du développement analogique, loi d'après laquelle les formes plus longues remplacent des formes plus brèves plus souvent que vice-

198

W. Manczak

versa (cf. Manczak 1963, 36), et il ne faut pas oublier que leg-0 < * -0, tandis que laud-ô < * -a-jp, del-eô < * •ê-jp, etc. et que ces différences ne cessent pas d'exister dans la langue classique, cf. leg-imus en regard de lau-dâmus, del-êmus, ven-lmus ou bien leg-ere en face de laud-âre, del-êre, ven-ïre (évidemment les morphèmes toniques ont plus de corps que les atones). 2° D'après une opinion unanime des romanistes, le sarde est la langue romane la plus archaïque, mais cette opinion s'appuie sur l'examen d'un nombre minime de traits phonétiques. Si l'on prend en considération un nombre plus important de traits phonétiques, on voit que l'italien est plus conservateur que le sarde. Mais pour apprécier le caractère plus ou moins archaïque d'une langue, il faut tenir compte du vocabulaire, et non de la prononciation. Or, la comparaison de la Vulgate avec des traductions en langues romanes a révélé qu'au point de vue lexical l'italien était le plus proche du latin. Autrement dit, l'italien est la langue romane la plus archaïque, ce qui n'est pas surprenant si l'on tient compte de l'histoire de l'empire romain (voir Manczak 1985). La constatation que l'italien est la langue romane la plus conservatrice permet de comprendre pourquoi, du point de vue du nombre total des verbes des 2 e et 4 e conjugaisons, l'italien diffère du latin moins que les autres langues romanes. 3° Tandis que l'état de choses que nous constatons en français est relativement proche de celui qui est le propre de l'italien, les verbes des 2 e et 4 e conjugaisons sont beaucoup plus nombreux en espagnol parce que la troisième conjugaison y a complètement disparu et que les verbes appartenant à cette conjugaison sont passés soit à la deuxième soit à la quatrième. 4° La plus grande fréquence des verbes des 2 e et 4 e conjugaisons s'observe en roumain, ce qui s'explique en premier lieu par la substitution du passé composé formé à l'aide du verbe auxiliaire avea au parfait, en deuxième lieu par la formation du futur à l'aide du verbe auxiliaire vrea et en troisième lieu par l'introduction de nombreux verbes d'origine étrangère, surtout slave, qui appartiennent à la 4 e conjugaison. Le fait que, sur la liste présentée ci-dessus, le roumain occupe la dernière place, va de pair avec une nouvelle classification des langues romanes que je voudrais présenter au congrès de linguistique romane à Saint-Jacques-de-Compostelle. D'après cette classification, le roumain est la langue romane la plus aberrante, la plus éloignée du latin. Comme on le voit, en ce qui concerne l'emploi des verbes des 2 e et 4 e conjugaisons, il y a de grandes différences entre le latin et les langues romanes.

Les verbes en -ere et -Ire

199

Pourtant, une ressemblance est frappante: quel qu'ait été le sort de ces verbes dans différentes langues romanes, une régularité s'observe partout, à savoir: les verbes italiens en -ère, français en -oir, espagnols en -er et roumains en -ea sont plus employés que les verbes italiens en -ire, français en -/>, espagnols en -ir et roumains en -/, de même que les verbes latins en -ère sont plus utilisés que les verbes latins en -ïre. Autrement dit, l'état de choses que Malkiel attribue à la période s'étendant du IV e au VI e siècle dure, en réalité, jusqu'à nos jours. 5 Avant de terminer, je voudrais évoquer une question qui dépasse largement le domaine étroit de notre colloque et qui s'applique à la linguistique en g é n é r a l : dans la linguistique, il y a un p r o b l è m e tabou, c'est celui des critères de vérité. E t a n t d o n n é que la linguistique existe depuis deux mille ans et q u e la Bibliographie linguistique a enregistré, p o u r l ' a n n é e 1985, 16000 travaux, il en résulte que les linguistes en ont publié, au total, plusieurs centaines de milliers; et pourtant aucun d'eux n'a été consacré aux critères de vérité. M ê m e le t e r m e "critères de vérité" n'est jamais employé par les linguistes. C'est une chose extrêmement étrange, si l'on considère que tout le monde est persuadé que 1° la science n'est autre chose qu' une recherche de la vérité; 2° la linguistique est une science. Pourquoi donc les linguistes ne s'intéressent-ils pas au problème de savoir c o m m e n t on peut distinguer le vrai du faux dans leur discipline? Depuis déjà longtemps,j'ai réfléchi sur ce problème et suis arrivé à la conclusion que le fait que les linguistes passent le problème des critères de vérité dans la linguistique sous silence s'explique comme suit. Afin de trancher la question de savoir si une thèse est vraie ou non, les linguistes ont recours au raisonnement suivant: X a dit ceci, X est une autorité, par conséquent X a raison; Y a dit cela, Y n'est pas une autorité, par conséquent Y a tort. Evidemment, un tel raisonnement tacite sent le moyen âge, et voilà pourquoi les linguistes préfèrent garder le silence là-dessus. En réfléchissant sur les critères de vérité, je suis arrivé en outre à la conclusion qu'il y avait des critères de vérité dont on pouvait parler à haute voix. A mon avis, la statistique et (exceptionnellement) l'expérience peuvent être

5. Seul le sarde ferait exception, étant d o n n é que la 2 e conjugaison s'v csl c o n l o n d u c avec l;i 3e.

200

W. Marîczak

appliquées comme critères de vérité dans la linguistique. Une affirmation est vraie, si elle est confirmée par la plupart des faits; sinon, elle est fausse. Depuis de longues années, j'ai l'habitude de confronter les opinions des autorités avec la statistique des faits. Dans nombre de cas, j'ai dû constater que les autorités se trompaient. Dans un article (Marîczak 1988), j'ai énuméré un nombre considérable de cas où il y a une contradiction entre les opinions des autorités et les données statistiques ou les données de l'expérience. En terminant ma communication, je voudrais insister sur le fait que la linguistique, y compris les études du latin vulgaire et tardif, se trouve devant une alternative fondamentale: ou bien continuer à croire aux opinions des autorités ou bien soumettre les opinions des autorités à vérification. Personnellement, je ne pense pas que la foi en l'infaillibilité des autorités soit compatible avec la science. Voilà pourquoi j'ai décidé de vérifier la thèse de Malkiel concernant le dernier épanouissement des verbes en -ère. Evidemment, j e ne demande à personne de me croire sur parole. Au contraire, s'il y a quelqu'un qui a le moindre doute sur l'exactitude de mes calculs, je le prie de les vérifier.

Bibliographie MALKIEL, Y., 1987. Le dernier épanouissement des verbes en -ère, in: J.Herman (Éd.), Latin vulgaire - latin tardif, M.Niemeyer, Tübingen: 167-179. MANCZAK, W., 1963. Tendances générales du développement morphologique, Lingua 12: 19-38. - -, 1985. Le sarde est-il la langue romane la plus archaïque?, Actes du X V I I è m e Congrès International de Linguistique et Philologie Romanes, t. 2, Aix-en-Provence: 112-130. - -, 1987. Origine des langues romanes: dogme et faits. Latin vulgaire - latin tardif. Tübingen: 181-188. - -, 1988. Critères de vérité. Leurs conséquences pour la linguistique. Langages 89, 51-64.

Outi MERISALO Le latin de Poggio Bracciolini à la lumière de la tradition manuscrite du de varietate fortunae.1

Dans cet exposé, nous chercherons à donner une description du latin d'un humaniste de la première moitié du XV e siècle. La langue de Poggio (13801459) n'a pas encore fait objet d'une monographe, même si de nombreux auteurs, s'occupant soit de Poggio, soit de son célèbre adversaire Lorenzo Valla, soit de la controverse entre les deux, aient bien fourni des indications sur le sujet. 2 Ici, nous résumerons les données connues et tenterons de les affiner à l'aide des nouveaux résultats obtenus jusqu'à maintenant au cours de notre travail préparatoire d'une édition critique de de varietate fortunae, l'un des plus importants ouvrages de Poggio.3 Poggio, protégé de Coluccio Salutati, ensuite secrétaire apostolique pendant 50 ans, devint célèbre d'abord pour ses découvertes de manuscrits au cours du concile de Constance, ensuite pour ses lettres, sélectionnées et éditées par l'auteur lui-même dès les années trente du XV e siècle, finalement par ses ouvrages de caractère moral et philosophique, écrits surtout dans les années quarante et cinquante, ainsi que sa collection d'histoires plus ou moins obscènes, les facetiae qui connurent une fortune extraordinaire aux XV e et XVI e siècles.4 Pour le XV e siècle en général, il fut un modèle d'auteur de lettres et d'oraisons; 5 de même pour la plupart de ses ouvrages, normalement en for-

1. Je remercie Mlle Brigitte Saouma, docteur en philosophie, de bien avoir voulu réviser mon français, et M.Iiro Kajanto, professeur de latin et de lettres romanes à l'Université de Helsinki, d'avoir discuté certains faits de sémantique latine avec moi. 2. E.Walser, Poggius Florerttinus. Leben und Werke. Leipzig-Berlin 1914 (Hildesheim-New York 1974), 272-273; I.Kajanto, Poggio Bracciolini and Ciassicism. A Study in Early Italian Humanism. A A S F B 232. Helsinki 1987, 21-27; A.Wesseling, Antidotum primum. Prima apologia contro Poggio Bracciolini. Assen-Amsterdam 1978, 38-39. 3. Walser 234-243; Kajanto 33-39. 4. Walser 320. 5. Walser 319-321.

202

O. Merisalo

me de dialogue dont il reconnaît explicitement que les exigences stylistiques sont moins rigoureuses de celles d'une oraison, par exemple. 6 La controverse qu'il eut en 1452-1453 avec le philologue romain Lorenzo Valla (m. 1457), l'auteur des elegantiae linguae latinae, sur le modèle linguistique à suivre, a le mérite d'avoir produit une série de prises de position méthodiques très nettes de la part des deux humanistes. Il est utile de s'attarder sur les cinq orationes (ou invectivae) in Laurentium Vallam de Poggio. L ' a u t e u r des elegantiae p r o p a g e a dans son ouvrage un modèle de latin s'inspirant essentiellement de Cicéron et de Quintilien, mais aussi imprégné d'un fort é l é m e n t p u r e m e n t logique, de sorte q u e le but principal de ses analyses semble être surtout d'apporter une précision sémantique plus grande au latin. 7 Poggio s'attaqua violemment à ce point de vue, dont il ne manqua pas de voir le caractère diamétralement opposé au processus d'aemulatio typique de son p r o p r e latin ainsi que celui de la plupart des autres humanistes de la p r e m i è r e moitié du X V e siècle. Il formule sa prise de position dans la première oraison: Latinorum uerborum proprietas, uis, significado, constructio non tantum ratione, quantu(m) ueteru(nt) scriptoru(m) autoritate co(n)stant. Qua sublata latinae linguae fundamentu(m) (et) sustentaculu(m) pereat necesse est. Latine enim loquendi usus semper fuit magister, qui solum autorum priscoru(m) libris (et) scriptis continetur (opera, Basileae 1538, 203). Ici, ratione renvoie aux règles des grammairiens et au rationalisme de Valla que Poggio mit au même niveau avec celles-là. Le savant romain fut effectivement parfois porté à être, dans sa recherche de précision, en conflit avec le matériel. 8 Le latine loquendi usus est, selon Poggio, défini uniquement par le matériel, la ueteru(m) scriptoru(m) autoritas, les autorum priscoru(m) libri (et) scripta. Les noms qu'il mentionne sont très significatifs: selon lui, Valla critiquerait Priscianu(m) in primis, Donatu(m), Seruium, Pompeium, Festum, Nonium Marcellum, ipsum deniq(ue) Marcum Varrone(m) in gra(m)maticis arguit.[...\

(). H.Harth ed., Pofgio

Bracciolini.

Lettere 1 (...), Firenze 1984, 117 no. 43.

7. L.Ccsarini Martinelli, "Note sulla polemica Poggio-Valla e sulla fortuna delle Inierpres 3/1981), en particulier (>4-79.

Elegantiae»,

S. Ibid. (>8-79. Cf. aussi M.Tavoni, « L o r e n / o Valla e il volgare», O.Bcsomi-M.Regoliosi (éds.), Lorenzo Valla e l'umanesimo italiano (...), M e d i o e v o e u m a n e s i m o 59. Padova 1986, 199-216, en particulier 208-209.

Le latin de Poggio

203

Cicerone(m) ut eloquentiae & praeceptore(m) artis dice(n)di inscium praedicat. Titum Liuium, Salustiu(m), Lactantiu(m), caeterosq(ue) egregios latinae linguç autores neq(ue) elegantes fuisse, (et) plurimis in locis sensa uerboru(m) non recte posuisse testat(ur) [...]. Quanq(uam) (et) Hieronymu(m) improbat, assere(n)s multa ab eo perpera(m) in sacra scriptura esse in latinu(m) traducta (opéra 1538, 189). Afin de défendre son propre usage linguistique dans des expressions critiquées par un élève de Valla, dont les annotations à un volume des lettres de Poggio auraient constitué la causa belli, il cite en outre Ovide, Virgile, Apulée (192), Terence, Aulu-Gelle (193), Macrobe, Salluste, Lactance (195), et Boëce (196). Il s'indigne également pour Pline l'Ancien (198), les juristes Pomponius, Gaius, Ulpien, Paulus, Accurse, Bartole, et Baldo (200), ainsi que pour Albert le Grand (201), dont Valla avait critiqué des expressions dans ses elegantiae. Nous ne nous attarderons pas ici à examiner en détail la justification de ses accusations envers Valla, car on dispose l'analyse précise de Mme Cesarini Martinelli (v. note 6), mais nous contenterons de constater le caractère chronologiquement vaste du modèle linguistique esquissé ici par Poggio et qui semble comprendre tous les auteurs antiques et chrétiens ainsi que certains auteurs médiévaux. En effet, un examen même superficiel laisse facilement reconnaître le caractère composite aussi bien de son vocabulaire que de sa syntaxe, à l'instar de tous les humanistes du premier siècle de la Renaissance. Le latin, langue de communication, fut modelé par chaque auteur, qui, dans un cas idéal, comme celui de Pétrarque ou de Poggio par exemple, réussit à atteindre un style très personnel. Il ne faut pas oublier non plus que ce fut la période de la découverte d'un grand nombre d'ouvrages classiques et donc des textes à imiter, et que l'état des connaissances linguistiques et stylistiques changeait continuellement. Une volonté consciente d'imiter exclusivement Cicéron apparaît avec Bruni et Barzizza qui disposèrent aussi d'un corpus de textes beaucoup plus large que par ex. Pétrarque au siècle précédent. 9 Les recherches grammaticales de Valla furent une contribution très importante à une nouvelle approche méthodologique, mais même

9. Il est connu que le latin de Pétrarque subit des changements au cours de la vie de l'auteur et d e v i e n t p l u s c l a s s i q u e ; v. S . R i z z o , «Il l a t i n o di Petrarca n e l l e Lettere familiari», A.C.Dionisotti - A.Grafton - J.Kraye (éds.), The Uses of Greek and Latin, Historical Essays. London 1988, 41-56.

204

O. Merisalo

lui se révèle un latiniste éclectique dans ses Gesta Ferdinandi régis Aragonum (1445). 10 La bataille entre les Cicéroniens et les "éclectiques" éclata un peu plus tard au XV e s. avec la controverse entre Paolo Cortesi et Ange Politien; 11 l'on revint sur le sujet encore au début du XVI e dans celle de Bembo et de Pic de la Mirandole, et un peu plus tard avec Erasme opposé à Christophe Longueil, à Scaliger et à Dolet. 12 Il convient de regarder un peu plus en détail des mss. de textes de Poggio afin de chercher d'éventuelles indications du travail d'élaboration linguistique du texte par l'auteur. Les 57 mss. (dont nous disposons ici de 35) de de varietate fortunae actuellement connus, écrits pour la plupart entre 1450 et 1500, présentent un matériel chronologiquement compact qui se prête assez bien à une analyse de la langue de l'auteur. Comme nous avons déjà constaté ailleurs, 13 il y a au moins trois versions du texte de l'ouvrage, dont la dernière est attestée dans un ms. avec des corrections, semble-t-il, autographes de l'auteur. La première version est conservée entre autres dans 2 mss. portant la date de 1450. Les difficultés de datation empêchent, dans cette phase, de déterminer, selon des critères extralinguistiques, le rapport de la controverse Poggio-Valla et des corrections. Nous donnerons ici un survol des modifications portées au texte de la première version, contenue dans les mss. Vat.Ott.lat.2134 et Gôtt.UB theol.136, les deux datables de 1450, apparemment produits dans le milieu florentin. Cette version se trouve modifiée, de la main de Poggio lui-même, il nous semble, dans Ricc.871 qui est peut-être le volume cité dans post-mortem des livres de Poggio. 14 Ce ms. comporte un texte de de varietate fortunae qui est essentiellement identique à celui des deux mss. Vat.Ott.lat.2134 et Gôtt. UB

10. V. T.O.Tunberg, «The Latinity of Lorenzo Valla's Gesta Ferdinandi régis Aragonum», Humanística Lovaniensia 37, 1988. Je remercie M. Tunberg d'avoir bien voulu mettre à ma disposition le texte de son article dès Août 1988. 11. R.Sabbadini, Storia del ciceronianismo Torino 1886, 32-42.

e di altre questioni letterarie nell'età della

rinascenza.

12. Ibid. 46-74. 13. « A s p e c t s of t h e T e x t u a l H i s t o r y of P o g g i o B r a c c i o l i n i ' s de varietate fortunae», c o m m u n i c a t i o n t e n u e au VII e Congrès d e s Etudes Néolatines à Toronto, Août 1988, et publiée dans Arelos 22,1988, 99-111. 14. Walser 423 no. 91 Cette identification de mains fut pour la première fois avancée par R.Fubini-S.Caroti, Poggio Bracciolini nel VI centenario della nascita. Firenze 1980, 31-41.

Le latin de Poggio

205

theol.136. En plus, certaines additions, d'origine inconnue, présentes dans la version contenue entre autres dans le Vat.lat.1784 et Paris BN lat. 7854, et Milan, Ambros. G 95 sup.4, semblent avoir été grattées. Une main du type semi-cursif qui nous semble identique à celle de Poggio, a corrigé des passages dans le texte. Il s'agit soit d'omission attribuables au scribe du texte, soit de vraies révisions de la version copiée. Le modifications peuvent se regrouper comme suit: 1. Changements du contenu factuel. Les modifications de ce type sont rares et ne nous concernent pas ici. 2. Changements linguistiques. 2.1. Morphologie. career, neutre dans Vat.Ott.lat.2134 f.37 42v 43 65v mais masculin f.44 48v 6 1 v 7 3 v 76v. V a l l a d i t s u r c e m o t : Sed nescio ampulla

deseruìt

ut diceret

quomodo

eum vel Apollo

«quod career» prò «quem careerem».^

vel

D a n s Ricc.

871, career n'est jamais un neutre. Une autre modification morphologique entre version A et C pyrrhatibus corrigée dans Ricc.871 f.44 en piratis. D'autre part, porticus reste du masculin exactement comme dans Petr. sat. 11 A, curios.arb.p.HN et Isid.orrg.15.7.3. Nous pouvons donc présupposer l'existence, dans la révision du texte, d'une certaine tendance à la correction de formes entièrement idiosyncratiques. 2.2. Syntaxe. Dans la version contenue dans Vat.Ott.lat.2134 et Gòtt.UB theol.136, on rencontre parfois des énoncés privés de verbe et qui ont été complétés dans Ricc.871, par ex. Vat.Ott.lat.2134 f.40: assisium quoq(ue) urbs eandem fortune seuitiam exp(er)ta militari libidine euersa

15. antidotum 1.1.41 (p.92).

206

O. Merisalo

Ricc.871 f.42v:...euersa est..., de la main de Poggio. A la différence de Valla, qui pratique d'une façon modérée la breuitas dans les gesta Ferdinandi,16 Poggio dans de var. fort, ne semble nullement favoriser l'ellipse et la compression de l'expression. Nous n'avons trouvé que quelques cas de modifications qui aboutissent à une plus grande cohérence syntaxique. Il s'agit de Vat.Ott.lat.2134 f.60v-61 ad germanos uia flamina rediit. uir profecto singularis humanitatis (se. l'empereur Sigismond): procul fuit ab omni crudelitate: adeoq(ue) expensis profusus ut prodigus esset. Dans Ricc.871, fuit a été gratté, ce qui fait de toute la période suivante un attribut du sujet, comme le suggère aussi l'absence de la ponctuation entre rediit et uir dans ce ms. Un autre cas est celui de Vat.Ott.lat.2134 f.36, tumultu populi excitato aduersus regem compulsum in arcem obsederunt. Par élimination de aduersus, regem est rattaché à compulsum l'objet de obsederunt.

et devient

2.3. Vocabulaire. Valla critiqua sévèrement Poggio pour son emploi de mots rares, telle la forme potissime pour potissimum qui ne semble être fréquent que chez Serenus Sammonicus, savant des 2-3 e ss. apr.J.-Chr. 1 7 Les modifications du vocabulaire dans Ricc.871 ne semblent présenter aucune concession aux critiques de Valla. Celui-ci fut d'ailleurs encore très éclectique dans les gesta.18 D'une façon générale, il est difficile de déterminer exactement la raison des modifications, à moins qu'il ne s'agisse, dans certains cas, de considérations rythmiques, aspect que nous n'avons pas encore pu étudier pour de var.fort. On trouve ante dans Vat.Ott.lat.2134 (f.66v 114) changé en antea dans Ricc. 871 f.48v; ante est plus fréquent chez les auteurs de toutes les périodes. 19

16. Tunberg, pp.64-67. 17. antidotum 1.2.42 (p.136). 18. Tunberg, pp.34-53. 19. TLL s.v. ante.

Le latin de Poggio

207

L'altération suivante semble modifier une nuance: Vat.Ott.lat.2134 f.l9v comporte la phrase: ita ad certam normam dirigit ( = derigit) actus nostros (soggetto della frase: Cic. de off.). à rapprocher de Catoni vitam ad certam rationis normam derigenti (dirigenti) et diligentissime perpendenti (Mur3). La première version serait l'équivalent de «ainsi rappelle-t-il nos actes à une norme bien définie». En changement dirigit en redigit Poggio se contente d'observer que dans ses écrits d'ordre moral, Cicéron «ramène nos actes à une norme bien définie». Ces considérations, qui sont le résultat de l'examen des mss. avant l'établissement du glossaire, que nous espérons rendre le plus complet possible, permettent, toutes proportions gardées, de formuler les conclusions suivantes: (1) Le latin de Poggio, comme celui de presque tous les humanistes de la première moitié du XV e s., et comme celui des nombreux adversaires des cicéroniens après cette période, est puisé dans toute la littérature antique alors connue. L'imitation est ici conçue en termes créateurs et innovateurs. (2) La controverse entre Valla et Poggio fut surtout une bataille sur le caractère même de cet instrument de communication que fut le latin humanistique. Au rationaliste et logicien Valla, qui recherche une précision extraordinaire dans l'expression, et qui tend parfois à mettre de l'ordre là où le matériel offre des possibilités également acceptables, sans exclure totalement des auteurs médiévaux. Valla ne se conforma pas à son propre enseignement puriste dans tous ses ouvrages, comme par ex. dans la gesta Ferdinandi, sans doute parce qu'il fut assez difficile d'abandonner les habitudes linguistiques inculquées par la formation scolaire de la moitié du XV e s. 20 (3) Poggio modifie quelque peu sa langue dans la dernière rédaction de de var.fort.. Rien ne nous autorise à attribuer l'origine des modifications aux critiques de Valla, même si l'on observe que career accusatif est transformé en carcerem. Le caractère synthétique et créateur de son latin est conservé.

20. Cf. Tunbcrg, p.51.

Pirjo RAISKHA Periphrastic use of habere in Tertullian

In Classical Latin habere was only an independent, transitive verb; today in the Romance languages it is also an important auxiliary verb and a verbal ending. Examples of this development towards the periphrastic use of habere can be found in many Vulgar and Late Latin texts, among which the extensive production of Tertullian occupies an important place. Even though my paper is on the periphrastic use of habere in Tertullian, it should be remembered that the classical, independent use of it is still much wider, as in most Romance languages today. With the periphrastic use of habere I understand it as a verb which is used as an auxiliary or does not have its full lexical meaning. Among the various groups of periphrases formed with habere, I will pay the most attention to the last group, namely habere + infinitive, due to its later importance in the Romance languages and to the many examples that Tertullian offers of this syntagme. I will start with some brief remarks on the other periphrases formed with habere. Most of them can be seen as more expressive substitutes for simple verbs. Such expressive forms are always favoured by the popular language. I habere + abstract noun as an object (1) adversarium non habens, concupiscentiam fructus (virg. 10.4); concupiscentiam habere = concupiscere (2) sed nihilominus necessitatem habeat rursus corporis agitandi (an. 43.12); necessitatem habere = debere (3) sed ad disciplinam legis conservandam habuisse intentionem (Marc. 1.20.4) II habere + predicative dative (4) nec corruptela, inquit, incorruptelam hereditati habebit (res. 51.4 = Vet. 1 Cor. 15.50; Vulg.: possidebit) (5) multos ipse hereditati habebit (Marc. 3.19.9 = Vet. Is. 53.12); hereditati habere = heredare

210

P. Raiskila

(6) odio, inquit habentes malum (Marc. 5.14.11 = Vet. Rom. 12.9; Vulg.: odientes) (7) beatis eritis, cum vos odio habebunt homines (Marc. 4.14.14 = Vet. Luc. 6.22; Vulg.: oderint) (8) odio habemur ab omnibus hominibus nominis causa (scorp. 11.5); odio habere = odisse Note the irregularity of the verb odisse and its lack of the passive voice where the periphrasis formed with habere fills the gap (8). (9) odio habentes traducentem in portis et aspemamento sermonem sanctum (pud 8.5) (10) qui aspemamento habetur a nationibus, famulis et magistratibus (Marc. 4.14.16) (11) notaretur autem etiam carnis in illo novitas miraculo habita (earn. 9.5) III habere + predicative prepositional construction This group is in many cases comparable to the preceding one. (12) ipse multos in hereditatem habebit (lud. 10.16); cf. (5) (13) nemo, inquit, carnem suam in odio habet (Marc 5.18.9); cf. (6)-(9) (14) in deliciis habuerunt Christum (mon. 13.1; cf. Vulg. 1 Tim. 5.11) IV habere + predicative adjective or adverb (15) satis habe gratiam meam (pud. 13.18; cf Vulg. 2 Cor. 12.9: sufficit tibi gratia mea) (16) cur tarn ingratus e s , ut tot et tales voluptates a Domino contributas tibi satis non habeas neque recognoscas? (spect. 29.1) (17) sed aiunt quidam satis dominum habere si corde et animo suscipiatur, licet actu minus fiat (paen. 5.10); note the use of a ¿/-clause as object (18) necesse habeo iam de substantia eius corporali praefinire (Marc. 4.8.2); cf.(2) (19) qui semel lavit, non habet necesse rursum (sc. lavare) (bapt. 12.3; cf. Vulg. Ioh. 13.10: non indiget ut lavet) (20) quis ergo non libentissime tantum pro vero habet erogare, quantum alii pro falso? (mart. 4.9) Note that the object in the last three examples is an infinitive.

Periphrastic habere in Tertullian

211

V habere + past participle A. expressive substitutes for simple verbs (21) suspectum habebitur omne quod exorbitarit a régula rerum (Marc. 3.2.2); suspectum habere = suspicere (22) allegans dominum magis ratum habere matrimonium non contrahi omnino quam disiungi (ux. 2.2.8) (23) quod ecclesia conciliât et... pater rato habeat (ux. 2.8.6); ratum / rato (a more vulgar form) habere = "accept" B. "praesto habere" ("have at one's disposal") (24) satis praescriptum habemus, in omni obsequio esse nos oportere secundum apostoli praeceptum subditos magistratibus et principibus et postestatibus (id. 15.8) (25) habes hanc «ad» "Antithesis" expeditam a nobis responsionem (Marc. 4.2.1) The participle and habere have different agents (in the last example the agent of the participle is clearly expressed), so these cannot be examples of the new perfectum. C. mental action (26) persuasum enim habemus, quod neque mors neque vita ... poterit nos a dilectione dei separare (scorp. 13.4; cf. Vulg. Rom. 8.38: certus sum quia eqs.) (27) ut etiam ab animalibus sit abstinendum propterea persuasum quis habeat (ap. 48.1); persuasum habere = "be convinced" In these examples, the two verbs have the same agent, but the tense is still that of habere, that is present. Note also the use of a quod-clause and of an uf-clause, which have to be seen as objects of the action expressed by the participle rather than that of habere, so the participle and habere do already form one unit, even though there are no examples of the actual perfectum series in Tertullian. VI habere + infinitive This is the most interesting among the periphrastic uses of habere in Tertullian, because it later developed into the Romance future and conditional forms.

212

P. Raiskila

I have found in Tertullian 137 occurencies of this syntagme. Such a high number even in such an extensive production speaks of a personal fondnees for this construction, as in later Christian authors it is not so frequent. In this syntagme in Tertullian habere has five different meanings or functions. These are often very close one to another and difficult to distinguish and are always subject to personal interpretation; but, I believe, these five different groups do exist in Tertullian. They represent both previous and later usages of the syntagme, so that Tertullian is a kind of bridge between the first and the second stage of the development. Functions A and B are already found in Cicero. Function C is found in Seneca the father. Functions D and E are scarcely, if at all, documented before Tertullian, and in his works they cover one half of all the examples. A. "habere" (28) multa habeo quae loquar ad vos (mon. 2.2 = Vet. Ioh. 16.12) (29) multa habeo loqui vobis (praescr. 22.8, virg. 1.5) Here habere is an independent verb retaining its original, possessive meaning, even though it has an infinitive as a determiner. I believe that the origin of the construction is in popular Latin: it is a popular substitute for a relative clause, as the examples (28) and (29) clearly demonstrate. B. "posse" (30) corpus, quod solum ab hominibus habet occidi (scorp. 10.3) (31) quod habebit postea recuperare (pud. 9.10) (32) habens efpcere panes ex lapidibus (ie. 8.2) In these examples habere is a modal auxiliary verb with a potential meaning. This can also be found in Cicero's De natura deorum: (33) de divis neque ut sint neque ut non sint habeo dicere (Cic. nat. deor. 1.63) C. "debere" (34) habes bonitatem dei agnoscere (Marc. 2.6.4) (35) etiam filius dei mori habuit (fem. 1.1.2) (36) etiamnunc luctari habens cum potentibus (res. 22.11) Here habere is also a modal auxiliary verb, now with an obligative meaning, which can also be found in Seneca the father:

Periphrastic habere in Tertullian

213

(37) quid habui facere? (Sen. contr. 1.1.19) D. future (38) si aliter praedicantur quam evenire habent (scorp. 11.8) (39) ira quae revelari habet in ultionem (Marc. 5.13.3) (40) nihil quod fieri habet (Herrn. 19.2) (41) cum corpus cum anima occidi habeat (res. 35.7) (42) nam et homo interior renovari habebit (res. 40.7) Habere is now a temporal auxiliary verb expressing future, and it is in the present tense, except in (42) where it is in the future tense and where the futurity thus has a double expression. The infinitives are in the passive voice or intransitive verbs. E. future-in-past (43) post quem habebat evenire (Marc. 3.20.2) (44) cum tamquam ovis ad victimam deduci habebat (lud. 14.1; cf. Vulg. Is. 53.7) (45) Nazareus vocari habebat secundum prophetiam (Marc. 4.8.1) (46) quod et ipsi occidi haberent (scorp. 9.2) In these last examples, habere is a temporal auxiliary expressing relative futuriry, future-in-the-past (FP). Habere is in a past tense, usually the imperfect, and the infinitives are as in the preceding group. In many examples there is also a strong obligative meaning (something "was to happen" according to the prophecy), which brings these examples close to those in C. In the old functions A-C the syntagme follows mainly the models of the earlier sources. In the new functions D and E it obeys a more rigorous pattern: the two parts of the syntagme are in immediate contact, being separated only by words without stress. In spite of the many different groups, there is not so much confusion as one might think. Namely, there are certain types as table 1 shows.

214

P. Raiskila

Table 1

INFINITIVE

HABERE meaning H

occurences

before

after

active

passive

10

8

2

8

2

P

27

19

8

20

7

D

34

18

16

14

20

F

29

3

26

4

25

FP

37

6

31

9

28

total

137

54

83

55

82

Meaning H and P: habere is in most cases placed before the infinitive, and the infinitive is in the active voice. Meanings F and FP: habere is placed after the infinitive, and the infinitive is in the passive voice or an intransitive verb. Meaning D is more or less neutral to these rules. Judging from Tertullian's examples and from previous and later examples of the syntagme, I believe that the semantic shift of habere from possession to futurity came to be through a modal meaning (table 2). Table 2 SEMANTIC SHIFT FROM POSSESSION TO FUTURITY time semantic shift

H -

->

Tp D Tertullian

S.Fleischman speaks (1982: 16) of the strict connection that exists between the expressions of futurity and modality. The potential meaning "posse" rises very naturally from the original possessive meaning:

Periphrastic habere in Tertullian

215

haec habeo dicere "I have this to say"-»"I can say this" For the later development into futurity, the obligative modality is more important. It is born as a result of a structural reanalysis of the syntagme: (1) habeo haec: dicere "I have this to say", where dicere (the infinitive) determines both habeo and haec. (2) habeo: haec dicere "I have to say this", where the infinitive determines only habeo and the pronoun is the object of the infinitive. (3) habeo dicere "I have to say", where finally the object can be left out. (cf. Leumann 1962: 65; Fleischman 1982: 58-59) In other languages there are many examples of obligative auxiliaries developing into future auxiliaries, as for instance the English shall. In table 2, I have wanted to show the relation between these different meanings of habere and how Tertullian is situated in a time where they are still all in use. As it is known, the Romance languages have later developed syntagmes with prepositions to denote other than future meanings (French j'ai à écrire, Spanish he de escribir). Tertullian's examples of habere + infinitive give the impression that the syntagme was first used more in the function of future-in-the-past than in that of absolute future. The FP is what developed into the Romance conditional that still has the same function besides the modal function it acquired later. Now, the abundancy of FP may be due to the type of material that has been preserved for us, but it is a fact that it filled important gaps in the Latin system to express relative posteriority (see table 3). The syntagme habere + infinitive expressing posteriority appears mostly in oblique and relative clauses. Some gaps of the existing (classical) system using the ACI and the future participle to denote relative posteriority were filled with periphrases formed with the future participle and esse, but they lacked passive forms. The amatum in -type was never a popular form. For the later development the new model is especially important: in this, the accusative with infinitive and the participle constructions are replaced by oblique and relative clauses. There are absolute gaps on the passive side and the syntagme is very likely to have gained ground there first, even though the Latin passive was to

216

P. Raiskila

disappear later. In any case, the syntagme habere + infinitive forms here a harmonious, complete and easy-to-use series. Table 3 RELATIVE POSTERIORITY IN LATIN Classical model A.act. 1) dico/diri me cum AMA TVRVM (ESSE) 2) adsum/aderam ego eum amatums

AMARE HABERE AMARE HABENS AMARI HABERE

B.pass.l) dico/din me AMATVMIR1

AMARI HABENS

2) adsum/aderam ego X New model A.act. 1 pres.) dico quod eum AMA TVR VS SIM 1 past.) dixi quod eum AMATVRVS ESSEM 2 pres.) adsum ego qui eum

AMARE HABEAM AMARE HABEREM

amabo/AMATVRVS SVM

AMARE HABEO

2 past.) aderam ego qui eum AMA TVR VS ERAM

AMARE HABEBAM AMARI HABEAM

B.pass.l pres.) dico quod X 1 past.) dixi quod X

AMARI HABEREM

2 pres.) adsum ego qui amabor

AMARI HABEO

2 past.) aderam ego qui X

AMARI HABEBAM

The tendency in Late Latin to use habere as a temporal auxiliary was also strengthened by its periphrastic use in other types of expression like the ones we have seen in the beginning and the new perfectum series. In fact it was the most popular periphrastic verb after esse. Other facts that contributed to the triumph of the new future form were 1) habere was a regular verb, easy to conjugate and not too short to be clear; and 2) the rising word order favoured analytical expressions. LITERATURE BULHART V., 1936-1942. "Habeo", TLL 6.2395.12 - 2462.44. - -, 1957. Tertullian-Studien, Wien.

Periphrastic habere in Tertullian

217

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Maria SELIG Die Entwicklung der Artikel in den romanischen Sprachen

1

Résumé: On peut distinguer en ce qui concerne le développement des articles dans les langues r o m a n e s deux phases. D a n s u n e phase ultérieure les articles s'emploient dans tous les d o m a i n e s du s y n t a g m e n o m i n a l . Cet évolution a pour origine la généralisation de la détermination du nom référentiel et la nécessité de dévélopper des déterminants non marqués afín de garantir la détermination dans tout contexte. Dans une phase antérieure une extension considérable de l'emploi des déterminant (in)définis amorce la valorisation non-référentielle du n o m n o n - d é t e r m i n é . D e m ê m e , les "précurseurs" de l'article défini perdent le trait sémantique, qui rend le réfèrent spécifique. Les causes du développement de l'article doivent s'insérer dans le contexte de cette première phase: étant donné que l'emploi des déterminants est encore rare, les déterminants (in)définis s'emploient pour mettre en relief des référents jugés essentiels pour la c o m m u n i c a t i o n . C e t t e e m p h a s e favorise dans le d o m a i n e des déterminants définis l'anaphore. Les deux contextes, l'emphase des référents essentiels ainsi que l'anaphore, offrent des conditions favorables, d'une part à une extension importante de la détermination nominale, d'autre part à un affaiblissement sémantique des précurseurs de l'article défini.

0. D i e Herausbildung der romanischen Artikel war bereits mehrere Male Gegenstand sprachwissenschaftlicher Beschäftigung. Es liegt eine Reihe von Beschreibungen der frühen Phasen der Artikelentstehung vor, 2 außerdem

1. Der vorliegende Beitrag ist eine kurze Zusammenfassung einiger zentraler Thesen meiner noch unpublizierten Dissertation Die Entwicklung des Detenninantensysiems im Späilatein, Freiburg 1987. Für die zahlreichen wertvollen Anregungen, die ich anläßlich meines Referates in Bologna aus dem Auditorium erhielt, sei an dieser Stelle nochmals allen Teilnehmern des Kongresses gedankt. 2. Dabei konzentrierten sich die Autoren entweder ausschließlich auf die lateinischen Etyma der Artikel (vgl. etwa Krulla 1907, Meader 1910, Niemöller 1887, Paul 1884, Wolterstorff 1907, 1917, 1920) o d e r analysierten das ganze P a r a d i g m a d e r D e m o n s t r a t i v p r o n o m e n bzw. D e m o n s t r a t i v - und I d e n t i t ä t s p r o n o m e n (vgl. etwa A b e l 1971, Fischer 1908, Kur/.oväJedlidkovä 1963, Meader 1901, Trager 1932).

220

M. Selig

gibt es zahlreiche Ansätze, die die genauen Bedingungen näher zu bestimmen versuchen, die die Entstehung einleiteten. 3 Für nicht wenige dieser Untersuchungen gilt jedoch, daß ihre Aussagekraft durch eine nur mangelnde Klärung des genauen Charakters der Artikelentwicklung eingeschränkt wird. Allzu oft konzentriert sich die Aufmerksamkeit ausschließlich auf die Veränderungen, die die einzelnen Artikelvorläufer erfahren, wobei die Veränderungen des Funktionszusammenhanges, in dem die lateinischen Pronomen bzw. die romanischen Artikel stehen, zu wenig Beachtung finden. Dagegen wird es im folgenden unser Anliegen sein, eine umfassende Betrachtung der Artikelentwicklung zu versuchen und so weitergehende Perspektiven zu eröffnen. 1. Versuchen wir zunächst, den Unterschied zwischen romanischen Artikelsprachen und artikellosem Latein genauer zu charakterisieren und durch diesen Vergleich das Spezifische der Artikelentwicklung herauszuarbeiten. Beachtet man dabei, wie oben gefordert, den Gesamtzusammenhang, so läßt sich in zweierlei Hinsicht eine Veränderung feststellen: a) in den romanischen Sprachen ist der Einsatz eines Determinanten bei referentiell gebrauchten Nomina (NP) weitgehend obligatorisch,4 während im Lateinischen Nomina auch ohne explizite Determination referentiell verwendet werden können; b) die romanischen Sprachen haben drei Nominaldeterminanten entwickelt, den definiten, den indefiniten und den partitiven Artikel, die im lateinischen Determinantensystem keine Entsprechung finden. Beide Unterschiede können noch weitergehend spezifiziert werden. Die obligatorische Nominaldetermination in den romanischen Sprachen bedingt,

3. Es gibt dabei vier generelle Ausrichtungen: a) die Artikelentwicklung ist mit dem Verlust der lateinischen Nominalflexion in Verbindung zu bringen (vgl. etwa Müller 1971, Raynouard 1816, 42, Schmitt 1987), b) die Artikelentwicklung läßt sich in den "analytic drift" einordnen, der das Vulgärlatein kennzeichnet (vgl. etwa Renzi 1979, Wartburg 1946, 40), c) die Artikelentstehung ist durch Adstrateinfluß bedingt (vgl. etwa Bynon 1981, 238-240), d) die Artikelentwicklung hängt mit einer veränderten Haltung der Sprecher hinsichtlich des sprachlichen Gegenstandsbezuges zusammen (vgl. etwa Alonso 1951, Guillaume 1919, Lapesa 1961). 4. Referentiell gebrauchte Nomina ohne Determinant treten nur noch in bestimmten stark eingeschränkten Kontexten auf, einerseits bei Aufzählungen und sprichwortartigen Wendungen, andererseits, und hier mit signifikanten Unterschieden zwischen den einzelnen romanischen Sprachen, bei nicht-spezifischer Referenz auf Teilmengen von Kontinua (Funktionsgebiet des partitiven Artikels).

Die Entwicklung der Artikel

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daß bei jeder NP mindestens ein Vertreter der Determinanten auftritt, ein Vertreter derjenigen Nominalbegleiter, die zur "Identifizierung der Referenz" (im Gegensatz zur "Charakterisierung des Begriffsinhalts") beitragen.5 Die neuentwickelten Nominaldeterminanten, die Artikel, zeichnen sich hinsichtlich ihrer Stellung unter den Determinanten dadurch aus, daß sie weitestgehend merkmallos sind, d.h. den geringsten semantischen Gehalt aufweisen und daher in (fast) allen Kontexten eingesetzt werden können: Die Artikel signalisieren nur die Definitheit (def. Artikel) bzw. die Indefinitheit (indef./part. Artikel) einer NP.6 Alle anderen Determinanten weisen deutlich spezifischere Inhaltsmomente auf. Im Lateinischen ist dagegen der Einsatz eines Nominaldeterminanten noch nicht obligatorisch. Außerdem sind zumindest die lateinischen Vorläufer des def. Artikel inhaltlich spezifizierter, da sie neben der Definitheit auch die Situierung und die Spezifizierung (ille) oder die betonte Spezifizierung (ipse) des Referenten leisten. 2. Wir müssen nun die Bestimmung der Kategorie "(In)Definitheit" nachliefern. Die Definition ist zugegebenermaßen äußerst schwierig und äußerst kontrovers in der Forschung. Für die uns hier interessierende Fragestellung erscheint uns folgende Definition am sinnvollsten: (In)Definitheit ist eine Eigenschaft des Referenzaktes, ist also an die Tätigkeit des Sprechens gebunden. (In)Definitheit resultiert aus dem Zusammenwirken der Art des Referenzbezuges (generische,7 nicht-spezifische, spezifische Referenz) mit der Sprecher-Hörer-Interaktion bei der Identifizierung des Referenten.

5. Vgl. dazu Seiler 1978, vor allem S.319. Seiler verwendet den Terminus "Determinanten", anders als wir, als Oberbegriff im Sinne von "Nominalbegleiter" und nennt die Determinanten "Spezifikatoren". Zu einer Abgrenzung der Determinanten von den übrigen Nominalbegleitern, den Adjektiven, vgl. Raible 1972: 33-59. 6. Dies gilt uneingeschränkt für den def. Artikel. Indef. und part. Artikel sind zusätzlich Quantifikatoren, wobei die Einschränkung des indef. Artikels auf Diskontinua im Zuge der Verallgemeinerung der Nominaldetermination zur Herausbildung des part. Artikels geführt hat. 7. Generische Referenz (auf Diskontinua) müßte streng genommen noch weiter differenziert werden in a) Referenz auf die Intension des Begriffes ("Der Mensch ist sterblich") (generisch def.) und in b) Referenz auf die gesamte Extension des Begriffes ba) qua Referenz auf die Gesamtheit aller Elemente der betreffenden Klasse ("AUe/Die Menschen sind sterblich") ( g e n e r i s c h def.) oder bb) qua distributiver R e f e r e n z auf j e d e s einzelne Element ("Ein/Jeder/Ein jeder/ Jedweder etc. Mensch ist sterblich") (generisch indef.). Vgl. dazu Heinz 1982: 33-37.

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Diese bedingt, daß der Sprecher Vermutungen über die Voraussetzungen anstellt, die der H ö r e r bei der Identifizierung des jeweiligen R e f e r e n t e n mitbringt, und den Referenzakt an diesen Vermutungen orientiert. Entsprechend ist eine Referenz/ein referentiell gebrauchter sprachlicher Ausdruck definit, wenn der Sprecher glaubt und dem Hörer (eventuell) diese Überzeugung explizit signalisiert, daß dieser bei der Bestimmung des intendierten Referenten keine freie Wahl hat, entweder weil a) grundsätzlich eine Wahlmöglichkeit zwischen mehreren in Frage kommenden Referenten weder für Sprecher noch für Hörer besteht (generisch def. Referenz), oder weil b) im Kontext der jeweiligen Referenz für Sprecher und Hörer keine Wahl besteht, da auch der Hörer nach Ermessen des Sprechers Faktoren, die die Referenz eindeutig leiten, kennen kann und es ihm möglich ist, die Identifizierung nach diesen Vorgaben eindeutig vorzunehmen (spezifisch def. Referenz). Die R e f e r e n z ist dagegen indefinit, wenn der Sprecher glaubt und diese Überzeugung dem Hörer (eventuell) auch explizit signalisiert, daß dieser bei der Bestimmung des intendierten Referenten freie Wahl hat, entweder weil a) grundsätzlich eine Wahl unter mehreren möglichen Referenten sowohl für d e n Sprecher als auch für den H ö r e r offen ist (generisch indef./nichtspezifische Referenz), oder weil b) im Kontext der jeweiligen Referenz die Wahl für den Sprecher zwar auf bestimmte Referenten eingeschränkt ist, jedoch der Hörer nach Ermessen des Sprechers irgendwelche die Referenz eindeutig leitende Faktoren nicht kennt und infolgedessen die Referenz ohne Vorgaben vornimmt (spezifisch indef. Referenz). 8 3. Wenn nun der Unterschied zwischen artikellosem Latein und romanischen Artikelsprachen dahingehend beschrieben werden kann, daß das Lateinische noch keine obligatorische Nominaldetermination bei referentiell gebrauchten Nomina kennt und noch keine weitgehend merkmallose (In)Definitanzeiger "Artikel" entwickelt hat, könnte man den Schluß ziehen, die Artikelentstehung sei durch das Bedürfnis eingeleitet worden, die (In)Definitheit einer NP in j e d e m Fall explizit zu signalisieren. 9 Betrachtet man jedoch den Verlauf der Artikelentwicklung genauer, kann man die These so nicht auf-

8. Zu einer Bestimmung der (In)Definithcit vgl. etwa Hawkins 1978, Heger 1983, Heinz 1982, Lyons 1980, O o m e n 1977, Orlandini 1981. 9. So Harris 1980; 1980a.

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rechterhalten. Denn der Einsatz von Nominaldeterminanten nimmt keineswegs gleichmäßig in allen Bereichen referentiell gebrauchter Nomina zu. Vielmehr ist eine deutliche Staffelung zu erkennen. So bleiben NP mit generischer Referenz noch bis in die frühen Phasen der romanischen Sprachen von der expliziten (In)Definitkennzeichnung vollständig ausgespart. Es erscheint daher sinnvoll, die Ausweitung der (In)Definitkennzeichnung auf alle Bereiche referentieller Nomina in einer zweiten Phase der Artikelentwicklung anzusiedeln. Dabei ist die Generalisierung der Artikel weit eher Folgeerscheinung einer anderen sprachlichen Entwicklung: Der Artikelgebrauch wird nicht aus dem Bedürfnis heraus ausgeweitet, die Opposition "def./indef. Referenz" zu nutzen. Statt dessen wird die (In)Definitkennzeichnung ausgeweitet, um die Opposition "referentielles/nicht-referentielles Nomen" zu sichern. Denn da die (In)Definitkennzeichnung weitgehend merkmallos ist, kann sie in allen Kontexten verwendet werden und so die explizite Determination referentieller Nomina ermöglichen. Auch die späte Vervollständigung des Artikelparadigmas durch den Plural des indef. Artikels und den part. Artikel situiert die generelle Anwendung der expliziten (In)Definitkennzeichnung in einer zweiten Phase. Es kristallisiert sich also das Bild einer "zweiphasigen" Artikelentwicklung heraus: eine Phase der abschließenden Generalisierung der weitgehend merkmallosen Artikel und eine erste Phase, in der zum einen der Bedeutungsverlust der definiten lateinischen Determinanten ille und ipse und die Eingliederung von unus in das Artikelparadigma anzusiedeln sind, in der aber auch die Frequenz explizit determinierter NP so stark zunimmt, daß sie zu einer Umwertung der bisher merkmallosen nicht determinierten referentiellen Nomina in adjektivisch gebrauchte führt. Die Bedingungen der Artikelentstehung müssen nun im Hinblick auf diese erste Phase formuliert werden: Welche Motive führen zu einer zunächst beschränkten Ausweitung der lateinischen Artikelvorläufer? Unter welchen Bedingungen tritt der Bedeutungsverlust der Determinanten ein? In welchem Verhältnis steht die Ausweitung der lateinischen (In)Definitdeterminanten zur Frequenzerhöhung der expliziten Nominaldetermination mit der anschließenden Umwertung der nicht determinierten NP? 4. Für die Suche nach diesen Bedingungen ist vor allem eine genaue Klärung der Funktion der Opposition "indefiniter/definiter Determinant" notwendig.

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Welche Folge hat die explizite Signalisierung "freie Wahl/keine freie Wahl des Referenten"? Wenn wir den Bereich der generischen Referenz ausschließen, in dem die Artikel erst sehr spät auftreten und der daher für die Ausweitung der lat. Determinanten nicht in Frage kommt, so lassen sich zwei Oppositionen bei den referentiell gebrauchten Nomina erkennen, die in enger Verbindung mit der Unterscheidung "indef./def. Referenz" stehen: erstens die Unterscheidung zwischen spezifischer und nicht-spezifischer Referenz, zweitens die Unterscheidung zwischen Erstnennung eines Referenten und anschließender Wiedererwähnung. Zunächst zur Trennung von spezifischer und nicht-spezifischer Referenz. Es ist allseits bekannt, daß die romanischen Artikel die Unterscheidung beider Arten von Referenzbezug nicht leisten, sondern daß der indef. Artikel ebenso wie das lat. unus die Opposition systematisch neutralisiert. Für den def. Artikel sowie für ille und ipse gilt jedoch, daß sie die Referenz eindeutig als spezifisch kennzeichnen. Zusätzlich zeigen sie an, daß nur der jeweils intendierte Referent im vorliegenden Kontext möglicher Bezugspunkt des referierenden Ausdrucks ist, d.h. es wird gleichzeitig die Zahl der überhaupt möglichen Referenten eingeschränkt. Dagegen bewirkt das Setzen des indef. Artikels ebenso wie das von unus nur eine prinzipielle Offenheit: so wie der Referent entweder spezifisch oder nicht-spezifisch sein kann, so ist der Referent entweder der einzig im vorliegenden Kontext mögliche Bezugspunkt oder nicht. Zumindest für die definite Kennzeichnung gilt dann jedoch, daß sie zur Unterscheidung spezifischer und nicht-spezifischer NP eingesetzt werden kann, da sie die eindeutige Spezifizierung des Referenten und zusätzlich die Ausschließung anderer möglicher Referenten leistet. Eine solche Funktion ist vor allem im Bereich der Erstnennung zentral: durch den definiten Determinanten wird dem Hörer bereits bei der Einführung des Referenten in den Textzusammenhang Anweisung gegeben, die Referenz als eindeutige Ausgrenzung und Identifizierung vorzunehmen. Die zweite Unterscheidung, die in enger Verbindung mit der (In)Definitkennzeichnung steht, betrifft die zwischen Erstnennungen von Referenten und deren Wiedererwähnungen. Hier ist zunächst zu bemerken, daß der def. Artikel im Romanischen diesen Unterschied nicht wiedergibt, sondern in beiden Bereichen gleichermaßen Verwendung findet. 10 Zusätzlich muß an-

10. Zur Situation im Lateinischen vgl. weiter unten.

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gemerkt werden, daß die definite Kennzeichnung der Wiedererwähnungen eine andere Ausrichtung hat als die der def. Erstnennungen. Denn ein in den Text eingeführter Referent ist für den Hörer schon eindeutig spezifiziert und bereits als der einzig in Frage kommende identifiziert. Die Signalisierung "keine freie Wahl des Referenten" ist deshalb von der Aufgabe der Spezifizierung freigestellt und kann zur Betonung der Kontinuität der Referenz eingesetzt werden. Vor diesem Hintergrund erhält die Entwicklung eines hinsichtlich Spezifität und Ausschließlichkeit der Referenz völlig offenen Indefinitartikels überhaupt erst ihre Begründung. Signalisiert wird mit dem indef. Artikel ja nur, daß der Referent "ausgewählt" werden muß. Die Frage, ob es sich um eine nicht-spezifische oder spezifische Wahl handelt, muß dagegen aus dem Kontext beantwortet werden. Damit signalisiert der indef. Artikel aber vornehmlich "Neuansatz eines Referenzbezuges" bzw. "Diskontinuität des Referenzbezugs": der Referent ist noch nicht spezifisch und noch nicht als einzig möglicher erkannt. Eine solche Ausrichtung der Indefinitkennzeichnung läßt sich jedoch nur aus der Opposition "Erstnennung/Wiedererwähnung", "Diskontinuität/Kontinuität der Referenz" ableiten, nicht aus der Opposition "nicht-spezifische/spezifische Nennung". Für die Situation im Lateinischen gilt außerdem, daß es einen besonderen spezifischen Indefinitdeterminanten, nämlich quidam gibt, der ganz deutlich auf die Opposition "Erstnennung/Wiedererwähnung" verweist. Wir müssen an dieser Stelle noch auf eine weitere Funktion der expliziten (In)Definitkennzeichnung hinweisen. In den frühen Phasen der Artikelentwicklung sind explizit gekennzeichnete NP noch deutlich hervorgehoben, weil Determinanten insgesamt noch selten sind. (In)Definitdeterminanten können also sekundär zur Betonung einzelner NP benutzt werden: die explizite (In)Definitkennzeichnung durch die lateinischen Artikelvorläufer ist bereits so unspezifisch, 11 daß diese bei einer Vielzahl von NP eingesetzt

11. Für ille gilt die Einschränkung, daß es zusätzlich den Referenten situiert. Es erscheint uns hier am sinnvollsten, den Bereich, in dem ille situiert, als "Nicht-Nähe" zur jeweiligen Origo zu definieren, ille ist also nicht von vorne herein merkmalloser Definitdeterminant (vgl. dagegen Harris 1980,1980a), da beim Verweis auf einen Referenten, der in der Nähe der Origo situiert ist, die Signalisierung der "Nicht-Nähe" in die einer "(relativen) Ferne" umgedeutet wird, ille kann das Merkmal der Situierung jedoch gerade in Kontexten, in denen es auf eine nur negativ bestimmte "Nicht-Nähe" verweist, abbauen.

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werden können. Deshalb ist die explizite (In)Definitkennzeichnung ein geeignetes Mittel zur Emphase und Hervorhebung von Referenten. Bei dieser sekundären Nutzung der Determinanten wird nicht mehr die Opposition der einzelnen Determinanten untereinander genutzt, sondern der Einsatz der Determinanten überhaupt zur Lenkung der besonderen Aufmerksamkeit des Hörers verwendet. 5. Wir wollen an dieser Stelle nun die Ergebnisse von Textanalysen vortragen, die die bisher vorgetragene Argumentation stützen und erweitern sollen. Bei den untersuchten Texten handelt es sich um eine Reihe von lateinischen Heiligenviten aus dem 6. - 8. Jhdt., 12 in denen die Verteilung lateinischer Nominaldeterminanten untersucht wurde, und zwar die aller definiten (is, hic, iste, ille, idem, ipse, qui, suprascriptus etc., Possessivpronomen) sowie die der beiden indefiniten Determinanten unus und quidam. Als Ergebnis der Analyse kann zunächst festgehalten werden, daß die Häufigkeit der indef. Determinanten weit geringer als die der definiten Artikelvorläufer ist. In den fünf Texten treten NP, die mit ille oder mit ipse gekennzeichnet sind, insgesamt 258mal auf (129/129), mit quidam und unus gekennzeichnete 64mal (52/12). Für die indef. Determinanten gilt außerdem, daß auch sie nur bei spezifischen NP auftreten. Ein weiteres Ergebnis ist, daß die mit definiten Determinanten gekennzeichneten NP deutliche Frequenzunterschiede hinsichtlich der oben unterschiedenen Kategorien der Erstnennung bzw. Wiedererwähnung erkennen lassen. Wenn wir die Fälle ausnehmen, in denen auch in den romanischen Sprachen aufgrund zusätzlicher Inhaltsmomente spezifischere Determinanten als der def. Artikel eingesetzt würden (deiktische Determinanten, Possessivpronomen), so ergibt sich für die übrigen Determinanten folgendes Bild:

12. Vgl. die Liste der Texte am Ende dieses Aufsatzes. Für die Dissertation wurden außerdem juristische Texte analysiert, die aber in erster Linie der Überprüfung der These von der kasusbedingten Zunahme der Nominaldetermination dienten. Diese These kann nach den Ergebnissen der Textanalysen nicht aufrechterhalten werden. Zum einen leisten die lat. Determinanten die Kasuskennzeichnung am Nomen keineswegs besser als die Nominalflexion selber, da auch sie von der Reduzierung der Endungen betroffen sind, zum andern spricht die Tatsache, daß sich der Determinantengebrauch keineswegs gleichmäßig ausweitet, sondern die NP deutlich differenziert gekennzeichnet werden, gegen eine Nutzung der sekundären, durch die Nominalkongruenz bedingten kasuskennzeichnenden Funktion der Artikel, die ja ein Auftreten der Determinanten bei allen NP voraussetzt.

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def. Erstnennung: 35 gekennzeichnete N P / Wiedererwähnung: 333. Das Übergewicht des Bereiches der Wiedererwähnung und damit der anaphorisch definiten NP ist eindeutig. Die Textanalysen haben jedoch noch weitere interessante Ergebnisse erbracht. In den Viten ist eine deutliche Funktionsaufteilung zwischen ipse und ille, den beiden Etyma des def. Artikels, zu beobachten, die auch von Untersuchungen zu anderen spätlateinischen Texten bestätigt wird. 13 ipse wird fast ausschließlich zur Kennzeichnung anaphorisch definiter NP verwendet. Definite Erstnennungen werden dagegen mit ille gekennzeichnet, ille tritt außerdem im Bereich der Wiedererwähnung auf, weist also das weitere Funktionsgebiet auf. 1 4 Diese Verteilung der beiden Determinanten hängt mit der Bedeutung von ipse zusammen, ipse als "Pronomen des Gegensatzes", "durch welches ein Gegenstand als von allen übrigen ausgeschlossen ausgedrückt wird ( = er selbst und kein anderer)", 15 betont besonders stark die Spezifität des Referenten. Bei definiten Erstnennungen, bei denen der Referent vom Hörer überhaupt erst ausgegrenzt werden muß, hat der Verweis auf den Gegensatz zu anderen Referenten und die Betonung der Spezifität eine außerordentlich starke Kontrastierung zur Folge, die nur in besonderen Kontexten sinnvoll ist. Bei der Wiedererwähnung ist der Referent dagegen in jedem Fall für den Hörer bereits ausgegrenzt und spezifiziert. Ipse kann hier also auch in nicht hervorgehobenen Kontexten verwendet werden. Aus dieser besonderen Funktionsbeschränkung von ipse ergibt sich dann das oben beschriebene Nebeneinander zweier Determinanten: im Bereich der Erstnennung ausschließlich ille, im Bereich der Wiedererwähnung ipse und ille. Noch ein weiteres Ergebnis der Textanalysen kann hier angeführt werden. In den spätlateinischen Texten, so wird in der Forschung oft behauptet, ist in aller Regel ein "pleonastischer" Gebrauch der Determinanten zu beobachten. Wir können diese These noch etwas präziser fassen: In den spätlateinischen Texten hat die Frequenz von expliziter (In)Definitkennzeichnung zu-

13. Die Funktionsaufteilung ergibt sich etwa aus den Beispielen, die Lessing 1901-1906: 250253, 291-292 aus der Historia Augusta oder Blatt 1930:184-185 aus den Acta Andreae zitieren. 14. Eine weitere Funktionsaufteilung der beiden Determinanten läßt sich hinsichtlich der adjektivischen und substantivischen Verwendung erkennen: ipse wird fast ausschließlich adjektivisch, ille adjektivisch und substantivisch gebraucht. 15. So die Definition von Kühner-Stegmann §118, 4.

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genommen, und Determinanten treten, anders als im klass. Latein, nicht nur dann auf, wenn die explizite Signalisierung der (In)Definitheit wichtig und entscheidend ist. Sie begleiten zusätzlich auch solche NP, deren (In)Definitheit vom Hörer aus dem Kontext eindeutig abgeleitet werden kann, weshalb der Einsatz der Determinanten als redundant empfunden wird. Analysiert man nun in den hier untersuchten Texten solche als redundant empfundene Determinantenverwendungen etwas genauer, so zeigt sich, daß sie gehäuft dann auftreten, wenn die jeweiligen NP auf Protagonisten verweisen, d.h. auf Referenten, die für den Fortgang der erzählten Handlung entscheidend sind. Einige Textbeispiele mögen dieses Phänomen verdeutlichen: VWan 16,1-18:16 Dagobertus rex, qui tunc Ulis temporibus aderat, pro eo quod ipsum hominem Dei in iuventute in suo ministerio habuisset, volebat eum inquietare, pro eo quod sine sua iussione se tonsorasset, et ipsum in suo palacio perducere iussit. Qui ipse vir [...] ad aulam regiam perrexit. Qui cum vinisset prope de consisturio princepis, erat quedam pauperculus, qui vehiculum suum ante portam ipsius regis demerserat. [...] Qui adveniens, ipsi sanctus Dei [...] de equum quam sedebat cum velocitate discedens, et pauperi manum porrexit et ipsum plaustrum simul de loco levaverunt. VHug 485, 6-16: Cum esset almificus sacerdos infra parrochia ipsius in villa Wiodh secunda dominica quadragesime tempus, quaedam femina opus servile iniuncta fuerat panem facere: mox, ipsa faciente, manus eius ambae contractae.[...] At ilia continuo velocique cursu heiulando ad sanctum virum perrexit [...]. Ipse vero domnus egrediens erat ab ecclesia, circumdatus plebe; dixit ad illam:[...\ Et statim directi sunt articuli manus illius feminae, et abiit incolomis, quae prius venerat infirma. VTrud 294,15-20: Quidam [...] latro bovem beati viri furto abstulit; quod cum cognovisset servus eius, investigavit eum usque ad locum, in quo absconditus fuerat. Fur vero eum

16. Die Zahlenangaben beziehen sich auf die Seiten und die Zeilen in den jeweiligen Ausgaben.

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a longe conspiciens, puerum, quem secum habebat, ad illum transmisit; qui statim, ut ad ipsum servum pervenit, evaginato cultro eum celeriter interemit. Venit autem ille latro, simulque adprehendentes corpus eius, absconderunt sub palude, quae erat in eodem loco. Explizite (In)Definitkennzeichnung wird, wie die zitierten Beispiele zeigen, sowohl bei der Einführung eines Protagonisten in den Text als auch bei weiteren anaphorischen Nennungen eingesetzt. Die explizite Kennzeichnung der Wiedererwähnungen tritt vor allem dann auf, wenn für die Kohärenz des Referenzbezuges kritische Kontexte, also Wechsel der Erzählperspektive, Beginn eines neuen Abschnittes, Subjektswechsel etc. vorliegen, und die Kontinuität des Referenzbezuges besonders betont werden muß. 6. Wir müssen an dieser Stelle auf einige grundsätzliche Bedenken gegen die Aussagekraft der hier gewonnen Ergebnisse für die Beurteilung der Artikelentwicklung hinweisen. Diese Bedenken gelten vor allem der Übertragbarkeit von Analysen von schriftlichen Texten auf die Kommunikation allgemein, sei sie mündlich oder schriftlich. Der Einwand ist in unserm Fall besonders gravierend, bedenkt man den allseits bekannten großen Abstand des Schriftlateins vom gesprochenen Latein in der ausgehenden Antike und im Frühmittelalter. Die Bedenken gelten jedoch auch außerhalb spezifischer Diglossiesituationen, berücksichtigt man die grundsätzlichen Unterschiede zwischen mündlicher und schriftlicher Kommunikation sowie zwischen gesprochener und geschriebener Sprache.17 Ein weiterer Einwand betrifft die Tatsache, daß die Ergebnisse ausschließlich anhand von Vertretern eines Texttyps, nämlich anhand von narrativen Texten gewonnen wurden, und daher eine Kategorie wie "Protagonist" nur bedingt übertragbar ist. Wir glauben jedoch, daß die Ergebnisse der Textanalyse durchaus allgemeine Aussagen über die Artikelentwicklung zulassen, wobei die eben angeführten Bedenken selbstverständlich mitzuberücksichtigen sind. So ist es durchaus möglich, das in den Heiligenviten aufgedeckte Prinzip, Protagonistennennungen explizit (in)definit zu kennzeichnen, so zu formulieren, daß es ebenso für andere Texttypen zutrifft. Wir müssen nur die

17. Vgl. dazu Koch/Oesterreicher 1985 mit zahlreichen weiterführenden Literaturhinweisen.

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Kategorie des Protagonisten erweitern zur Kategorie der für die Kommunikation relevanten R e f e r e n t e n . 1 8 Das Prinzip, die explizite (In)Definitkennzeichnung bei relevanten Referenten zu verstärken und damit gleichzeitig diese hervorzuheben, kann nun auf schriftliche und mündliche Kommunikation gleichermaßen übertragen werden, ja für mündliche Kommunikation muß von einer starken Tendenz der Sprecher zu großer Expressivität, d.h. zu Redundanz und ausgeprägter Subjektivität, ausgegangen werden. In mündlicher Kommunikation würde somit ein Phänomen wie die Hervorhebung relevant eingestufter Referenten sogar noch günstigere Bedingungen finden. Auch die Frage, inwieweit das Latein der Texte repräsentativ für die Artikelentwicklung sein kann, muß nicht ganz negativ beantwortet werden. Sicherlich weicht die Frequenz des Determinanteneinsatzes, unter Umständen auch die Wahl der einzelnen Determinanten 1 9 bedingt durch die starke Konservativität des Schriftlateins vom "Vorromanischen" stark ab. In dieser Hinsicht sind die Texte also nur eingeschränkt zu verwerten. Jedoch können sie, was das Funktionsprinzip anbelangt, das hinter der in den Texten erkennbaren Ausweitung des Determinantengebrauchs steht, durchaus Aussagen zulassen. D e n n das aufgedeckte Prinzip resultiert aus den für die Kommunikation allgemein gültigen Bedingungen, und es wäre nicht sinnvoll, von den Verfassern der lateinischen Texte, zumal es sich dabei um narrative Texte handelt, eine bewußte Durchbrechung solcher allgemeinen Prinzipien anzunehmen. 7. Welches Bild der Artikelentwicklung ergibt sich nun, wenn wir die Ergebnisse der Textanalyse mit den bisherigen Überlegungen zur Funktion der (In)Definitkennzeichnung kombinieren? Als Motiv der Ausweitung des Gebrauchs der lateinischen Artikelvorläufer können wir die verstärkte Kennzeichnung von Nennungen relevanter Referenten ausmachen. Am Anfang

18. Sicherlich ist die Beantwortung der Frage, ob ein Referent für die Kommunikation wichtig ist, extrem abhängig von der subjektiven Einschätzung des Sprechers. Dies ändert jedoch nichts an der Tatsache, daß es eine Kategorie "relevanter Referent" (im Gegensatz zu "irrelevanter Referent") gibt, nur wird über ihr Zutreffen subjektiv entschieden. 19. Man denke etwa an das in den Texten häufige quidam, das keinen Nachfolger in den romanischen Sprachen gefunden hat. Ähnlich verhält es sich mit iste, das eine deutlich geringere Frequenz als hic aufweist. Auch die Dominanz von ipse kann ein spezifisches Phänomen des Schriftlateins sein. Vgl. jedoch weiter unten.

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der Artikelentwicklung steht also die Nutzung einer sekundären Funktion der expliziten (In)Definitkennzeichnung, die Gegenüberstellung von explizit (in)definit gekennzeichneten vs implizit (in)definiten NP und die daraus folgende Emphatisierung der durch explizit gekennzeichnete NP benannten Referenten. Diese Nutzung der hervorhebenden Funktion der (In)Definitkennzeichnung gilt sowohl für den Bereich der Erstnennung als auch für den der Wiedererwähnung. Die relevanten Referenten werden zum einen bei der Einführung in den Text durch eine gekennzeichnete NP hervorgehoben. Die Erstnennung kann dabei definit oder indefinit sein, wird aber in aller Regel indefinit erfolgen, da die indefiniten Determinanten die Nennung deutlich als Erstnennung kennzeichnen und damit den Aspekt der ersten Erwähnung des relevanten Referenten besonders deutlich hervorheben. Was die Kennzeichnung der Wiedererwähnungen der relevanten Referenten anbetrifft, so werden diese, wie die Textanalyse ergeben hat, vornehmlich dann gekennzeichnet, wenn die Kontinuität des Referenzbezuges kritisch ist und durch einen definiten Determinanten gesichert werden muß. Dabei wird gleichzeitig durch den Einsatz der expliziten Definitkennzeichnung auch signalisiert, daß es sich um einen relevanten Referenten handelt, dessen Identifizierung in jedem Fall gesichert sein muß. Aus der Tatsache, daß die (In)Definitkennzeichnung sekundär zur Hervorhebung wichtiger Referenten eingesetzt wird, geht auch hervor, daß nicht so sehr die spezifizierende Funktion der (In)Definitkennzeichnung ausschlaggebend für die Artikelentwicklung ist, sondern die Betonung des Gegensatzes "Erstnennung/Wiedererwähnung" bzw. "Diskontinuität/Kontinuität der Referenz". Denn der Einsatz der expliziten (In)Definitkennzeichnung zur Hervorhebung relevanter Referenten bedingt eine deutliche Bevorzugung der Anapher. Ein Referent wird dann, wenn er vom Sprecher als zentral für die Kommunikation eingestuft wird, auch verstärkt im Text auftreten, d.h. Anlaß zu zahlreichen anaphorischen Nennungen geben, denen nur eine mögliche Erstnennung gegenübersteht. Im Bereich der Anapher, so hatten wir oben dargelegt, ist aber die spezifizierende Funktion der Definitkennzeichnung redundant und stattdessen die Betonung der referentiellen Kontinuität Motiv des Einsatzes der def. Determinanten. Nochmals soll hier darauf verwiesen werden, daß auch die Entwicklung des indef. Artikels auf eine primäre Ausrichtung der Opposition "def./indef. Referenz" auf die Markierung von Erstnennung und Wiedererwähnung hinweist.

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Wir haben gesagt, daß die Tatsache, daß die (In)Definitkennzeichnung zur Betonung relevanter Referenten eingesetzt wird, auf eine besondere Rolle der Anapher bei der Ausweitung des Gebrauchs der definiten Determinanten verweist. Auf eine große Bedeutung der Anapher verweist außerdem aber auch die hohe Frequenz von ipse in den Texten. Eine Verstärkung des im Bereich der Erstnennung stark eingeschränkten Determinanten und die daraus resultierende Notwendigkeit einer Funktionsaufteilung '7p.se/Wiedererwähnung - /7/e/Erstnennung" ist nur sinnvoll zu erklären, wenn die Zunahme der Definitkennzeichnung in erster Linie den Bereich der Anapher betrifft. Es sei hier außerdem noch angemerkt, daß diese besondere Verteilung der def. Determinanten eine eindeutige Signalisierung der Opposition "Erstnennung/Wiedererwähnung" zuläßt, was sich wiederum in den oben angesprochenen Zusammenhang einer primären Ausrichtung der (In)Definitkennzeichnung auf diese Opposition einfügt. Das Nebeneinander von ille und ipse kann nun durchaus auf das Schriftlatein beschränkt geblieben sein. Ein Nebeneinander zweier def. Artikel ist ja in fast keiner romanischen Sprache zu beobachten. 20 Es bleibt jedoch, daß in einigen romanischen Sprachen und Dialekten 2 1 ipse trotz seiner starken Funktionsbeschränkung zum Artikelvorläufer wurde, obwohl mit ille ein merkmalloserer Determinant bereits zur Verfügung stand. Dieses Phänomen setzt wiederum den häufigen Gebrauch von ipse in Kontexten voraus, in denen die Betonung der Spezifität des Referenten durch ipse redundant ist. Da dies allein bei der Wiedererwähnung gegeben ist, verweist auch die Tatsache, daß ipse zum allgemeinen Definitanzeiger wurde, wiederum auf eine besondere Rolle der Anapher bei der Ausweitung des Determinantengebrauchs. Noch einmal zusammengefaßt die bisherige Argumentation: Zwei Thesen lassen sich zunächst in Bezug auf die Ausweitung des Determinantengebrauchs im Lateinischen formulieren: Zu Beginn der Artikelentwicklung

20. Ausnahme ist das Katalanische der Balearen, in dem die Fortführungen von ipse und ille nebeneinander gebraucht werden. Vgl. dazu Badia Margarit 1951: 282-289, Moll 1960: 163166. 21. Zum Provenzalischen und Gaskognischen vgl. Aebischer 1948: 182-184, FEW IV, 808; zum Dialekt von Grasse, Castellane (Alpes Maritimes) FEW IV, 808; zu den Dialekten Mittelund Unteritaliens Ascoli 1901, Baldelli 1971: 149-150, Rohlfs 1949-1954 II: 137, 247 Anm. 2; zum Sardischen Blasco Ferrer 1984: 85-86, Wagner 1951: 330; zum Katalanischen Badia Margarit 1951: 283-289, Griera 1917: 77-78, Rokseth 1921.

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wird die explizite (In)Definitkennzeichnung zur Hervorhebung relevanter Referenten eingesetzt. Dies bedeutet, daß die explizite (In)Definitkennzeichnung nicht in erster Linie mit der Funktion der Spezifizierung des Referenten und der Ausschließung anderer möglicher Referenten eingesetzt wird, sondern der Betonung der Referenz(dis)kontinuität dienen soll. Es kann nun zum Abschluß noch ein weiteres Argument zur Stützung der hier vorgetragenen Thesen angeführt werden. Wir haben oben mit Bezug auf den Verlauf der Artikelentwicklung davon gesprochen, daß zwei Phänomene eng mit der Generalisierung der (In)Definitkennzeichnung vom Latein zum Romanischen verknüpft sind: eine De-emphatisisierung der expliziten Nominaldetermination und ein Bedeutungsverlust der (In)Definitdeterminanten. Es zeigt sich aber, daß gerade bei einer Ausweitung der lateinischen Artikelvorläufer in dem oben angeführten Kontext die Bedingungen für das Auftreten dieser Phänomene besonders günstig sind. Betrachten wir zunächst nochmals die Kategorie "relevanter Referent". Für sie gilt zum einen, daß sie von Anfang an prinzipiell unbeschränkt ausweitbar ist, so daß es hier zu einer sehr hohen Frequenz des Determinanteneinsatzes kommen kann, die dann zu einer neuen nicht-emphatischen Bewertung der (In)Definitkennzeichnung und zu einer Umbewertung der expliziten Nominaldetermination überhaupt führen kann: nicht (in)definit gekennzeichnete NP werden immer seltener, so daß schließlich nicht gekennzeichnete Nomina als nicht referentiell bewertet werden. Außerdem ist bei relevanten Referenten eine deutliche Redundanz einer ausdrücklichen Spezifizierung der NP gegeben, da die für die Kommunikation relevanten Referenten bereits von vorne herein spezifisch sind. Damit ist gerade hier ein leichter Bedeutungsabbau der def. Determinanten zu Artikeln möglich. Ähnlich verhält es sich mit dem Bereich der Anapher, dem ja durch den Einsatz der Definitkennzeichnung bei relevanten Referenten eine besondere Rolle zugewiesen wird. Zum einen sind anaphorische Nennungen sehr zahlreich, so daß hier eine zum De-emphatisierungsprozeß notwendige hohe Frequenz der Definitkennzeichnung gegeben ist. Wir müssen noch weiter präzisieren. In den hier analysierten Texten sind die explizit gekennzeichneten Wiedererwähnungen gegenüber den Erstnennungen deutlich in der Mehrzahl. Jedoch gibt die Analyse der Texte zunächst nur Auskunft über die Frequenz gekennzeichneter Wiedererwähnungen, nicht über die Frequenz anaphorischer Nennungen überhaupt. Die absolute Frequenz der Anapher dürf-

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te außerdem von der Textsorte abhängen und in narrativen Texten, wie sie hier analysiert wurden, besonders hoch sein. Dennoch dürfte ausgehend von den allgemeinen Erfahrungen der Kommunikation auch eine absolut höhere Frequenz der Anapher gegenüber den Erstnennungen als gesichert angesehen werden. Die Kommunikationspartner pflegen in der Regel längere Zeit bei den jeweiligen Referenten zu verweilen und somit tendenziell mehr Wiedererwähnungen als Erstnennungen vorzunehmen. Daß die explizite Definitkennzeichnung in den hier analysierten Texten nur in besonderen für die Referenz kritischen Kontexten eingesetzt wird, ist kein Hinderungsgrund für eine starke Frequenzerhöhung. Die explizite Kennzeichnung ist bereits in den hier analysierten Texten in gewissem Sinne redundant, da die "vis inertiae" die Kontinuität der Referenz zumeist bereits genügend absichert. Damit liegt auch hier eine potentiell unbegrenzt ausweitbare Kategorie "kritischer anaphorischer Referenzbezug" vor, so daß eine Ausweitung der Kennzeichnung auf anaphorische Nennungen im allgemeinen nahe liegt. Aber auch der Faktor des Bedeutungsverlustes kann bei der Beurteilung der Rolle der Anapher für die Artikelentwicklung angeführt werden. Im Bereich der Erstnennung ist der Einsatz der definiten Kennzeichnung in erster Linie in der Funktion der eindeutigen Spezifizierung begründet. Es ist daher kaum denkbar, daß die spezifizierende Bedeutung der Artikel, deren Abbau ja Vorbedingung der Generalisierung der (In)Definitkennzeichnung ist, in diesem Bereich verloren geht. Dagegen ist bei Wiedererwähnung von Referenten die spezifizierende Funktion der Definitkennzeichnung eher redundant, so daß sich dieser Bereich deutlich mehr für den Bedeutungsabbau der Determinanten eignet.

Verzeichnis der ausgewerteten Texte Gregor v. Tours: Liber de virtutibus S. Juliani. Hrsg. von B. Krusch (MGH Scrip.rer.mer. 1, 2, 562-584). (um 580 n. Chr.) (LibJul) Vita Wandregiseli. Hrsg. von B. Krusch (MGH Scrip.rer.mer. V, 13-24). (um 700 n. Chr.) (VWan)

Die Entwicklung der Artikel

235

Vita Hugberti. Hrsg. von W. Levison (MGH Scrip.rer.mer. VI, 482-496). (um 750 n. Chr.) (VHug) Vita Trudonis. Hrsg. Von W. Levison (MGH Scrip.rer.mer. VI, 273-298). (um 780 n. Chr.) (VTrud) Vita Eufrosine. Hrsg. von A. Boucherie (In: Revue des langues romanes 2/1870, 26-40). (vor 800 n. Chr.) (VEuf)

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Veikko VÄÄNÄNEN Plicare/applicare «se diriger vers»: simplex pro composito?

Le point d'interrogation dans le titre de ma communication est pertinent. En effet, il s'agit d'un problème de lexicologie latine et romane, dont je ne propose qu'une solution provisoire et hypothétique. En plus de leur évident rapport génétique, les verbes latins plicare et applicare se joignent par une convergence sémantique: l'un et l'autre ont acquis un sens figuré correspondant à l'idée de «se diriger vers», «s'approcher de», acception qu'ils ont conservée, l'un comme l'autre, jusqu'à la phase romane, notamment dans l'aire ibéroromane. Seulement, pour applicare, il s'agit d'un simple glissement à partir du sens initial «mettre contre», et qui se produit pour ainsi dire dès le début, alors que plicare a connu très tardivement, paraît-il, le sens figuré dont nous parlons, et qui marque un écart sensible par rapport au sens étymologique de ce verbe. Dans ces conditions, les étymologistes ont considéré le simple plicare comme un corollaire sémantique du composé applicare; en d'autres termes, ce serait un cas du procès simplex pro composito. Post hoc,ergo propter hoc? Cette manière de voir a été émise par l'éminent latiniste Max Niedermann, "Über einige Quellen unserer Kenntnis des späteren Vulgärlateinischen".1 Niedermann reprend les romanistes pour leur tendance à s'en tenir au latin reconstruit et à ne solliciter les témoignages directs qu'accidentellement, au risque de fausser la réalité historique. A ce propos, il cite, comme un "cas typique", esp. llegar et ptg. chegar, qui semblent bien postuler un étymon lat. plicare, attesté effectivement, avec un sens approché, dans Y Itinerarium Egeriae. "Qui ne connaît que le latin vulgaire reconstruit, poursuit Niedermann, ne sait que faire de ce curiosum sémantique", et ajoute, en substance: il suffit d'avoir fréquenté tant soit peu les textes latins teintés de vulgarismes ("vulgärgefärbte lateinische Sprachdenkmäler") pour savoir que très souvent, des verbes et déverbaux sont employés à la place de composés, p. ex.

1. Neue Jahrbücher für das klassische Altertum, Geschichte und deutsche Literatur, 29 (1912), pp. 313-342; réimprime dans Recueil Max Niedermann, Neuchâtel 1954, pp. 29-64.

V. Väänänen

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temperare pour obtemperare, votus pour devotus, et, tout compte fait, plicare pour applicare (dont il rapproche (se) movere, lui aussi chez Egèrie). Ainsi Niedermann, avec renvoi à Max Bonnet et à E.Löfstedt. 2 Précisons que le couple plicare/applicare n'est mentionné, aux endroits cités, ni par Bonnet ni par Löfstedt, ni d'ailleurs par ce dernier, dans son Kommentar sur la langue d'Egèrie, ni non plus dans son ouvrage posthume Late Latin (à propos de plicare = «appropinquare»). 3 M.Leumann 4 cite parmi les formes simples pour composées, plicare pour complicare, mais omet applicare. Par contre, Hofmann-Szantyr 5 se rangent à l'avis de Niedermann. Du côté des romanistes, il y a divergence d'opinion: pour les uns, plicare et applicare sont deux verbes distincts et indépendants, bien que sémantiquement approchés; pour les autres,la forme simple provient de la forme composée. W.Meyer-Lübke, Romanisches etymologisches Wörterbuch, sépare les deux entrées: applicare, trans, «joindre», intrans, «aborder», «arriver», dont il cite des survivances romanes, surtout dialectales; parmi celles-là, on s'étonne de voir esp. llegar, omis sous plicare-, celui-ci est donné comme trans, «plier», en diverses langues romanes, à part le roum. pleca «ployer» (beugen) et «s'en aller», "ursprünglich wohl «die Zelte zusammenschlagen» (plier les tentes)"; et de comparer fr. plier bagage. Cette conjecture me semble infirmée par le fait que pour «plier les tentes», on disait plutôt - témoin Tite-Live - tabemacula detendere. M.-L. se sera inspiré de l'ail, aufbrechen, intrans., "avec omission de l'acc., à valeur intransitive, au lieu de das Lager außrechen" (Grimm; Wb. s.v. aufbrechen). Mais là, le morphème auf- figure, en quelque sorte, le complément sous-entendu et rend raison de l'ellipse. G.Rohlfs, dont on sait l'apport à la lexicologie romane, a consacré 6 un

2. M.Bonnet, Le latin de Grégoire de Tours, Paris 1890, p. 233 sq.; E.Löfstedt, Beiträge zur Kenntnis der späteren Latinität, Thèse d'Upsal 1907, p.83 sq.; ¡dem, Spätlateinische Studien, Uppsala 1908, p. 49 sqq. (refonte de cet ouvrage: Vermischte Studien zur lat. Sprachkunde und Syntax, Lund 1936). 3. E.Löfstedt, Philologischer Kommentar zur Peregrinatio Aetheriae, Uppsala 1911, p. 66; idem, Late Latin, Oslo 1959, p. 45 sq. 4. Lateinische Laut-und Formenlehre, München 1977, p. 562. 5. J.B.Hofmann-A.Szantyr, Lateinische Auflage der Ausgabe 1965), p.299.

Syntax und Stilistik, München 1972 (Unveränderte

6. Romanische Sprachgeographie, München 1971, § 102.

Plicare/applicare

241

chapitre à la notion d'«arriver» et aux termes correspondants. Son point de départ est la restriction sémantique du lat. aduenire qui prend le sens de «se produire», ce qui aurait provoqué divers substituts romans, notamment *ampare que postulent plusieurs langues romanes, et plicare, auquel il donne l'origine nautique, à partir du syntagme plicare vela, au figuré "arriver (au port)". Avant Rohlfs,cette hypothèse avait été proposée par le dialectologue G.Millardet. 7 Il pose cependant une alternative: esp. llegar et port, chegar proviendraient ou bien de plicare {vela), ou bien de (ap)plicare (navem), l'une et l'autre expression signifiant, selon M., «arriver [au port]». Or, tout comme les navigateurs de nos jours, les Romains usaient, pour la manœuvre des voiles, de termes techniques et précis: le fr. «carguer (non: plier!) les voiles», se disait vela contrahere ou legere.8 N'étant pas navigateur moi-même, je me suis laissé dire qu'à l'arrivée au port, les voiles ne sont pas carguées c.-à-d. serrées ou "pliées" contre les vergues ou le mât, mais bien amenées, en latin subductae. Sont partisans de la thèse du simplex prò composito, entre autres, Corominas-Pascual,9 s.v. llegar: pour eux, lat .plicare est un "dérivé régressif et simple variante vulgaire" d'applicare. C.Tagliavini 10 accepte, avec réserve, cette manière de voir, ainsi que l'explication par ellipse du roum. pleca «partir». Récapitulons les principales phases évolutives des deux verbes en latin et en roman. APPLICARE. Du sens primitif, concret, se dégage l'idée de mouvement «pousser vers», «approcher». 1. Transitif: a. castra flumini «adosser son camp à un fleuve» (Liv.); applicuerunt exercitum ad Ierusalem «ils mirent le siège devant J.»(Vulg.). Réfléchi: cum adflammam se applicuerunt(Cic.). 2. Terme nautique, trans, et intrans., «(faire) aborder»: a. naues terrae

7. Linguistique et dialectologie romanes, Problèmes et méthodes, Paris 1923. 8. E.Saint-Denis, "Des vocabulaires techniques en latin", dans Mémorial Marouzeau, 1924, p. 70 sqq.: "Locutions figurant la manœuvre des voiles" 9. J.Corominas & J.A.Pascual, Diccionario Madrid 1980-83.

crítico etimológico

10. Le origini delle lingue neolatine, Bologna 1969, p. 226.

castellano

e hispánico

1-5,

242

V. Väänänen

(Liv.). Emploi absolu: 1 1 quarto die nauigationis..ad terram applicarti (Bellum Hisp.). Au figuré: quo accedamlquo applicem? (Ennius ap. Cic., Tusc.) «où trouver un havre ?». 3. Généralisation de sens, «se diriger vers», «parvenir»: ut applicarent ad castra Iudaeorum «afin de faire irruption dans...» (Vulg.)\ in locum ubi applicuit Moyses cum populo «...était arrivé...» (Vitaepatrum). Cet emploi s'établit en médiolatin, prenant ultérieurement le sens «atteindre un lieu» 12 fréquent dans les chroniques hispanolatines. 13 Par la suite, ce verbe trouvera un terrain propice en ibéroroman. Les Gloses de Silos (2 n d e moitié du X e s.) 1 4 traduisent nunquam accédant par non aplecan. En a. esp., allegar est principalement transitif; réfléchi: Cid 2344 Esto van diziendo e las yentes se allegando. Il survit en espagnol, trans, et intrans., désignant l'idée de «joindre», «ramasser», «approcher» et même «arriver»; en a. port, achegar et en divers dialectes d'Italie du sud, en particulier en sicilien. 15 Enfin, une particularité du gascon-béarnais: aplega-se «se retirer», qui rappelle le roum. pleca «s'en aller». 16 Lat PLICARE n'a pour ainsi dire pas d'histoire. Il est moins usité que ses composés applico, complico, explico, auxquels il doit son vocalisme en -i-, le thème étant plec-; cf. sculpo por scalpo, spicio pour spedo. La latinité proprement dite (depuis Lucrèce?) jusqu'à la Vulgate ne lui connaît que le sens phy-

11. Pour l'emploi absolu (ou réfléchi-intransitif) de verbes transitifs, v. E. Löfstedt, Syntactica, 11. Lund 1933, p. 259 sq.; V.Väänänen, Le Journal-épître d'Egèrie [Itinerarium Egeriae], Etude linguistique (Ann. Acad. Scient. Fenn., B 230), Helsinki 1987, p. 66. J.Bastardas Parera, Particularidades sintácticas del latín medieval [cartularios españoles de los siglos Vili al XI], Barcelona 1953, p. 119, sous-entendrait un complément d'objet nauem ou ñaues, supposition oiseuse. 12. J.F.Niermeyer & C.Van De Kieft, Mediae latinitatis lexicon minus, Leiden 1976, s. v. 13. RJ.Cuervo, Diccionario de construcción y régimen de la lengua castellana, Bogota 1953, s. v. allegar-, Corominas-Pascual, s. v. llegar; M.Alonso, Diccionario medieval español, desde las Glosas Emilianenses y Silenses (sX) hasta el siglo XV, Salamanca 1986, s. v. allegar et llegar. Le basque ailega est un emprunt de applicare. 14. R.Menéndez Pidal, Orígenes del español3, Madrid 1950, pp.16 et 20. U n e datation plus tardive: M.Díaz y Díaz, Las primeras glosas hispánicas, Barcelona 1973, p. 33: ces gloses sont "un producto silense del siglo XI, y no anterior". 15. A.Varvaro & R.Sornicola, Vocabolario etimologico agghicári.

siciliano, vol. I, Palermo 1986, s. v.

16. W. v. Wartburg, Französisches etymologisches Wörterbuch, Band XXV, Lieferung Nr. 135, pp. 37 et 40.

Plicare/applicare

243

sique, en emploi technique ou poétique, «plier», «replier», «enrouler», p. ex. chartam /librum plicare. Tout était pour le mieux dans le meilleur des vocabulaires, jusqu'au moment où G.-Fr. Gamurrini découvre à Arezzo, en 1884, le fragment d'un récit de pèlerinage écrit vers 384 (nous le savons aujourd'hui), par une dame pieuse (que nous nommons Egeria), dans un latin auquel on n'était pas accoutumé. Nous y lisons, à propos de l'arrivée au Mont Sinai": "Nous avons traversé cette vallée et nous sommes pliés vers la montagne de Dieu.". En fait, les trois exemples livrés par Egèrie constituent, jusqu'à plus ample informé, toute la documentation que nous ayons de (se) plicare au sens de «s'approcher». La forme réfléchie se trouve deux fois dans le passage sur le voyage au Sinai: 2,4 Nobis ergo euntibus ab eo loco, ubi uenientes a Faran feceramus orationem, iter sic fuit, ut per medium transuersaremus caput ipsius uallis et sic plecaremus nos ad montem Dei. 6,3 In eo ergo loco de inter montes exiuimus redeuntes, in quo loco et euntes inter montes intraueramus, ac sic ergo denuo plicauimus nos ad mare. Plicare est employé absolument dans le récit que fait l'évêque d'Edesse, sur les effets de la lettre que, d'après la légende, le roi Abgar aurait reçue du Christ: 19,9 tenens manibus leuatis epistolam ipsam apertam rex, ad subito tantae tenebrae factae sunt, foras ciuitatem tamen ante oculos Persarum, cum iam prope plicarent ciuitati..., ut uix castra ponerent et pergirarent in miliario tertio totam ciuitatem. Il n'est pas sans intérêt que le bibliothécaire de Mont-Cassin, Pierre Diacre, dans sa compilation Liber de locis sanctis (du XII e siècle), améliore le texte d'Egèrie qu'il a utilisé parmi d'autres sources, en rendant la fin de la phrase 2,4 par Per medium autem uallis transuersatur et sic ad montem Dei peruenitur.17 Sans doute, le plecaremus nos d'Egèrie lui a-t-il apparu peu approprié.

17. P.Maraval, Egèrie, Journal de voyage (Itinéraire), Sources Chrétiennes, 296, Paris 1982, pp. 41 et 56 sq., n. 1.

244

V. Vaananen

Enfin, un rayon de lumière nous arrive de l'Est, assez tardivement il est vrai, à savoir le verbe TiXriKeûeu/ en grec byzantin, emprunté de toute évidence au lat. plicare.18 E.Lòfstedt, Late Latin, p. 46, prend acte de cet emprunt: "This development also seems to me to indicate that the usage in question [à savoir de plicare intrans.] enjoyed a fairly wide distribution in Late and Vulgar Latin; it cannot have been restricted to a relatively isolated dialect". Faut-il donc faire son deuil de ce bel "hispanisme"? Roma locuta, causa finita? 19 Quoi qu'il en soit, plicare intrans, est demeuré propre à l'ibéroroman, en certaine concurrence avec son composé applicare. Dès les X e -XI e siècles, on l'a attesté dans les contrats de vente d'Asturie et de Léon indiquant l'extension d'un terrain donné. 20 D'autre part, l'emploi transitif de llegar, avec le doublet demi-savant piegar, persiste jusqu'à l'époque classique. En portugais, les verbes chegar (doublet pregar, trans.) et achegar semblent correspondre grosso modo à esp. llegar et allegar.21 Le catalan accuse, dans ce domaine, une situation plus complexe. Le Diccionari catalâ-valenciâ-balear de Antoni, Alcover et Moli réunit aplegar et piegar en un seul article, "parce que - avertit une note terminale - en réalité, les signifiés de plicare se sont entremêlés avec ceux d'applicare de manière à rendre difficile d'établir une distinction décisive entre les représentants de l'un et de l'autre verbe latin". On constate toutefois que cat. aplegar coïncide d'assez près avec esp. allegar, et que piegar s'accorde, en vieux catalan, avec esp. llegar «arriver» (cat. mod. arribar)\ enfin, assez paradoxalement, et non

18. J.Compernas, "Vulgaria", dans Ciotta II, p. 125, donne de ce verbe trois exemples, au sens de «s'approcher» ou «arriver», p. ex. Constantin Porphyrogénète (empereur byzantin 912959): ïua nXryceÚTi ò arpotôç eiç àpauotépouç xônouç. J.Jud, "Problème der altromanischen Wortgeographie", ZRPh 38 (1917), pp. 1-75, p. 28 sq. n. 4, signale l'emprunt néogrec ánXuceúü «kehre ein», «wohne», en Italie du sud, "le centre d'irradiation pour le Balean, la Sicile et la Sardaigne". 19. Cf. V.Vaananen, ouvr. cité ci-dessus, n. 11, p. 154 sq. 20. J.M.Minguez Fernández, Colección diplomática del monasterio de Sahagún (s. IX y X), Léon 1976, p. 88. A.Garcia Leal, El latín de la diplomática asturleonesa(775-1035), vol. II (thèse de l'Université d'Oviedo, inédite), feuille 274. Ce document offre un ex. d'applicare, trans.: Deo auxiljante adplicaui et aucmentaui (le domaine vendu). Je dois ces deux références à Pobligence de J.L.Moralejo, professeur de latin à l'Université d'Oviedo. 21. P.Machado, Dicionario etimológico da lingua portuguesa3, Lisbonne 1977.

Plicare/applicare

245

sans rappeler encore le roum. pleca, cat. piegar a acquis en plus le sens figuré «suspendre le travail». En résumé: Alors que le composé applicare assure la continuité jusqu'à la phase romane de l'acception figurée de mouvement vers un but, d'origine nautique, le simple plicare, lui, se trouve avoir acquis, vers la basse époque seulement, un emploi intransitif diversifié régionalement. La question cruciale est celle de l'origine du plicare intransitif, ce verbe versatile et contradictoire en apparence. La thèse prédominante, nous l'avons vu, le fait venir du composé applicare, en adoptant son sémantisme. Pour expliquer le sens de «partir», qui est également en cause pour plicare en roman, et étranger à applicare sauf en gascon, on a eu recours à une ellipse situationnelle, théorie dont j'ai essayé de montrer la fragilité. Afin de juger de la prétendue filiation des deux verbes en question, il convient d'établir au préalable en quoi consiste le processus de simplex prò composito. On sait que le préverbe sert à spécifier ou à renforcer le morphème radical, ou encore, à lui assigner une valeur aspectuelle. Par conséquent, attribuer au verbe simple le rôle grammatical et sémantique du composé, revient à faire abstraction des caractères spécifiques de celui-ci, à moins de les suppléer par sous-entente. On peut dire que le vieux latin a usé de ce procédé plutôt discrètement. Sont anciens ou archaïsants: spedo (et spicio) pour con-, re-, inspicio (Cato, Varrò, Pl.), (ex)pleo (Festus), (com)plico (Lucr.), (coh)temno (Hor., Verg., Tac.), (re)linquo (Pl., Lucr., Hor.) (ap)propinquo (Caes., Sali., Liv., poètes), (condendo (Caes., Cic.,Att.),(trans)porto (Sali.). Le latin tardif, principalement poétique ou technique, fournit (con)firmo (Greg. Tur.), (im)pono (idem), (ap)pareo (Greg. Tur., Egeria), (con)grego (Statius), (ob)tempero (Lucifer Cal.), (a)uerto (Luc. Cal.) 2 2 On voit que les écarts de signifiés sont faibles ou minimes, sans parler de variantes quasi équivalentes, telles que (ab-, ex-)eo, facio pour efficio, qui sont fréquentes de tout temps. Plutôt que de renouvellement lexical, il s'agit de traits de style individuel plus ou moins passagers. Les motifs pour préférer la forme brève sont variés: souci de concision, recherche d'effets stylistiques,

22. Leumann, 1. c . : "Reaktionen auf die Worteinung der Composita. Verselbständigung von Schwächungsformen als neue Simplicia. Künstlich neue Simplicia.".

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V. Vaananen

hypercorrection, désinvolture ou inattention. Or, plus s'effaçait le sentiment des distinctions spécifiques, plus se manifestait la tendance à affecter les formes à préfixe. Les textes tardifs, y compris le journal d'Egèrie, l'attestent abondamment, d'où la réaction, puriste, allant en sens inverse. Le langage littéraire "affecte souvent de se contenter d'un minimum d'expression, de dire moins pour faire entendre plus, de laisser au lecteur averti quelque chose à deviner".23 Dans ces conditions, comment a-t-on pu parler de vulgarisme? Quel est donc le rapport entre plicare et applicare, ce couple serré que, tout compte fait, nous reconstituons à rebours, en partant des langues (ibéro)romanes? Pour ce qui est de notre unique source directe de plicare intransitif, à savoir Egèrie, il est exclu qu'il puisse s'agir d'affectation littéraire; il est bien acquis que son latin se rapproche du langage spontané et sans apprêt. D'autre part, à supposer que plicare, considéré en soi, ait pris - à quel moment? dans quelles circonstances? - la place (Xapplicare, pour s'instituer comme unité sémantique, quasi-synonyme de celui-ci, ce serait lui prêter, du point de vue sémantique, un rude écart par rapport p. ex. au plicare substitué à complicare, effectivement attesté (Lucrèce). Je ne suis pas plus à l'aise avec l'autre thèse, celle à métaphore nautique et à ellipse, discutée ci-dessus. Ecartées les deux théories relatives à l'origine du plicare intransitif, où trouver un tertium quid, sinon à concéder à ce verbe, recueilli dans le latin d'Egèrie et établi dans le vocabulaire roman, le statut d'une unité sémantique autonome? Ce faisant, on n'élimine pas les problèmes, il faut le reconnaître. Tel est d'abord le passage du sens physique de ce verbe transitif à l'idée de mouvement, en intransitif. Cependant, des parallèles ne manquent pas, notamment en latin tardif: p. ex. mittere a pris le sens de «s'étendre» (/tala, Egèrie); plus proche de notre plicare: iungere «atteindre», «arriver» (p. ex. Chiron; chez Egèrie se iungere), mouere «partir» (Egèrie, absolu et se m.), uertere «s'avancer vers» (Lucr.). Le rapprochement des notions de «plier» et de «se diriger vers» a-t-il de quoi nous rebuter? Or l'ancien espagnol et catalan piegar ménageait les deux acceptions côte à côte: serait-il malavisé d'extrapoler en faisant remonter pareille coexistence idéale jusqu'au latin d'Egèrie et de ses contemporains? Déjà Fr.Diez, dans son Dictionnaire étymologi-

23. J.Marouzeau, Traité de stylistique latine3, Paris 1954, p. 131.

Plicare/applicare

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que, avait envisagé cette association, en proposant la suite «biegen», «wohin biegen», «nähern»; il en rapproche it. piegare, chez Dante, D.C., «ployer», «fléchir», trans. et intrans. (cité par E.Löfstedt, Late Latin, p.45). Reste la question du roumain pleca et des parallèles catalan et gascon. De leur côté, Corominas-Pascual, I.e., tout en considérant plicare comme "une simple variante vulgaire" d'applicare, ont tenté de réconcilier les deux opposés: "Es probable, pues, que hubiese orígenes semánticos multiples, partiendo de la idea general de «arrimar» (approcher), «dirigirse a», de donde por una parte «ponerse en marcha» y por otra «acercar», «hacer llegar», «llegar» ". Rappelons encore la diversité frappante que déploie, au plan paradigmatique, la notion d'«acheminement»: pour nous contenter d'un exemple, le lat. salire a abouti à des unités sémantiques fort dissemblables, en espagnol, français, italien et roumain (ce dernier étant resté, sous forme de sari, le plus proche du latin). La créativité populaire s'en mêle: que l'on songe au roum. a merge du lat. mergere, qui de «plonger» en est venu à signifier - lui aussi - «aller», p. ex. merge a jos «aller à pied», m. à m. «aller par terre»; ou à l'éventail de (quasi-)synonymes, en français familier, de (se) débiner, dérober, déguerpir, et, assez procher de notre plicare, comme image, rappliquer, «(re)venir». 24 Le latin de tous les jours, somme toute assez peu connu, n'aurait-il pas pu garder, sous-jacentes à la langue écrite, des expressions de ce genre, telle (se) plicare, qui serait passé du sens «ployer» à celui de «s'acheminer» (avec des nuances accessoires non repérables pour nous). Ainsi conçu, plicare se joint à applicare, à sémantisme proche mais plus spécifique. Il est fatal que les deux verbes aient agi l'un sur l'autre sémasiologiquement, ce dont témoignent leurs rapports dans la phase romane, singulièrement le chassé-croisé du catalan. Evidemment, nous en demeurons à l'hypothèse de travail, en attendant que soient comblées les lacunes béantes de notre documentation. J'espère qu'à tout le moins, j'aurai prouvé l'existence et la complexité d'un problème de lexicologie latino-romane.

24. Peu importe ici Pétymologie; selon J.Cellard & A.Rey, Dictionnaire du français non conventionnel, Paris, 1980, ce serait une déformation de rapiquer (au vent) «revenir au vent», par attraction de appliquer.

Dieter WANNER Le subjonctif de subordination en latin vulgaire: Questions indirectes et adverbiales temporelles

1. Objet de l'étude Les données linguistiques relatives aux sujets évoqués dans le titre de cette communication sont bien connues. 1 Cela vaut aussi bien pour les détails repérés dans des textes tardifs individuels que pour leur enchâssement dans le cadre de l'usage du subjonctif dans la norme classique et de son évolution. Au lieu de viser à augmenter encore une fois les connaissances spécifiques sur notre thème, j'aimerais présenter un aperçu du problème fondamental que nous présente le subjonctif de subordination en général et dans la période du latin tardif. Le but de ces pages est l'exploration d'une perspective nouvelle de ce subjonctif en tant que phénomène plutôt pragmatique que sémantique (2-3). J'ai choisi deux petits aspects pour une illustration concrète des considérations génériques sur le fonctionnement et la fonctionnalité du subjonctif, c'est-à-dire l'emploi du subjonctif dans les questions indirectes (4) et dans les subordonnées adverbiales temporelles (5) ainsi qu'on le trouve documenté dans une série de textes bas-latins représentatifs. Les matériaux linguistiques proviennent dans la majeure partie des études détaillées de ces textes (cf. la bibliographie), ce qui me permettra de me concentrer sur la synthèse des aspects constitutifs et évolutifs du subjonctif de subordination. Il ne sera évidemment pas possible de rendre justice dans le cadre présent aux innombrables contributions relatives à ce sujet, et surtout à leurs fines observations. Les considérations qui suivront cherchent plutôt à orienter la discussion dans une nouvelle direction, notamment les exigences du (décodage des énoncés dans leur contexte naturel. Ces remarques n'ont pour fonction qu'une initiation au problème sans produire une présentation finalisée.

1. J'aimerais remercier les participants du colloque pour leurs commentaires de la version orale qui m'ont permis de préciser quelques points centraux de mon exposé. Je tiens également à remercier ma collègue Christiane Laeufer des soins d'expression française qu'elle a dédiés à cet article. Les opinions exprimées ici, ainsi que leur forme linguistique, sont de ma propre responsabilité.

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En principe, la trajectoire de l'usage du subjonctif dans les deux catégories structurelles choisies comme objet de cette étude se laisse représenter par les schémas suivants ( l a ) , (lb). ( l ) a . Interrogative indirecte ( H o f m a n n et Szantyr 1972: 536-547; Calboli 1968: 410-416) latin archaïque: indicatif de fait normal, sauf nuance secondaire (dubitative) latin classique: subjonctif normal (sauf exemples sporadiques) latin tardif: réapparition de l'indicatif, les deux modes en alternance (Palmer 1961:328) phase romane: indicatif en usage normalement exclusif (en italien subjonctif variable en style élevé) b. Subordonnée temporelle ( H o f m a n n et Szantyr 1972: 598-665 sub conj.; Calboli 1968: 416-430) latin a r c h a ï q u e : indicatif sauf p o s t é r i o r i t é essentielle (p. ex. après priusquam) latin classique: subjonctif i m p o r t a n t et gagnant en f r é q u e n c e pour simultanéité (Scherer 1975: 236,256-258; Calboli 1968: 416-423) latin tardif: réaffirmation de l'indicatif, conditions du latin archaïque (Vàànànen 1974:281) phase romane: conditions du latin tardif/archaïque (postériorité avec subjonctif; normal avec priusquam etc., invariable avec n'importe quelle référence future en espagnol) En peu de mots, la question qui nous intéresse est l'explication de l'usage du subjonctif dans ces deux genres de subordonnées entre le latin (officiel) de l'Antiquité, et la phase linguistique (paléo)romane. Qu'est-ce qui change dans le système de subordination? Quelles sont les valeurs atteintes et quelles sont les forces responsables des divergences entre l'emploi du subjonctif en latin archaïque, en latin classique, dans le latin tardif et dans les diverses langues romanes? En dépit des nombreuses études spécialisées, monographiques et générales, la compréhension de l'emploi du subjonctif dans la subord o n n é e reste peu sûre du point de vue formel. Les analyses proposées con-

Le subjonctif de subordination

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tiennent toujours un fort dosage de conditions contingentes et énumératives; elles n'atteignent pas un niveau explicatif. E n même temps chaque analyse laisse derrière elle une traînée de cas inexplicables, hors de l'ordinaire, jetant un aspect de déconfirmation sur le résultat descriptif en question. Les grandes lignes d'un usage variable et nuancé dans le détail restent en général les mêmes, mais une détermination définitive et illuminante semble échapper à l'analyse.

2. Quelques dimensions du subjonctif Dans l'emploi du subjonctif il s'agit en principe d'interminables variations sur un thème assez simple, celui d'une opposition binaire au plan formel: subjonctif vs. non-subjonctif (c'est-à-dire indicatif ou infinitif). 2 Après ce choix formel primaire, l'utilisation du subjonctif semble correspondre à des catégories modales dans une perspective proprement sémantique (possibilité, obligation, etc.). S'il s'agit donc d'une distribution complémentaire et catégorique (cf. la volitive (2a) avec la causale (2b)) il est possible de rassembler des arguments en faveur d'une solution cohérente de la signification (ou de la valeur) du subjonctif. Mais avec un usage variable (cf. les deux alternances indicatif - subjonctif pour quatre membres d'une interrogative indirecte (3)) les options d'exégèse se réduisent pour la plupart à la spéculation. La détermination de la valeur du subjonctif ne dépend plus uniquement de la configuration formelle et sémantique stricto sensu , mais la dimension pragmatique, formellement imprévisible, entre en jeu de façon décisive.

(2)

a. vos rogo, amici, ut vobis suavitersit (Cena 75,7) b.

(3)

taceo, quia non sum de gloriosis (Cena 75,11)

quid enim seis, o mulier, a quo accipias aut de cuius diaconia edes aut pro quo ieiunaris aut cui manu[m] commodasti? (Didasc. Apost. 3,26)

La leçon à tirer de l'immense littérature relative à l'emploi du subjonctif de subordination est l'impossibilité d'aboutir à une précision suffisante pour

2. D a n s ce qui suit je laisserai de côté cette deuxième dichotomie entre forme de subordination verbum infinitum vs. verbum finitum, c'est-à-dire infinitif vs. indicatif/subjonctif en me concentrant sur le simple binôme subjonctif - indicatif.

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pouvoir proclamer la réussite d'une analyse formelle du problème. Il faut donc redéfinir les coordonnées de la question en changeant de perspective. Au lieu d'une approche formelle qui postule la valeur positive du subjonctif, supplémentée d'un algorithme syntactico-sémantique pour calculer son exposition sans résidu, je propose de regarder le problème du point de vue fonctionnel du sujet parlant. Au fond, on a affaire à un phénomène de portée assez réduite qui se présente sous forme d'un choix binaire dans chaque instance: subjonctif ou indicatif. Le subjonctif, comme terme marqué de l'opposition,3 ne peut donc avoir une valeur positive définie (hors de la fonction du marquage différentiel). 4 Son contenu sera plutôt oppositif. Le subjonctif de subordination est avant tout une forme linguistique creuse qui n'a ni une valeur fixe ni une fonction déterminée (p. ex. marque invariable de subordination). Tout au plus, elle semble être à la recherche d'une signification. 5

3. L'indicatif est la forme de base qui subsiste dans les systèmes linguistiques qui ont perdu une différence formelle entre les deux formes de subordination (p. ex. dans beaucoup de dialectes italiens et autres; Meyer-Lubke 1899:709). Schwarze 1983:299 définit l'indicatif comme la forme sans implication d'addition sémantique; de même, Lunn 1988. On pourrait aussi envisager une conception des formes modales fondée sur leur contexte spécifique, de façon que la forme marquée serait l'une ou l'autre selon les exigences d'économie sémantique. P. ex. l'indicatif est le mode non marqué pour le discours indirect (ci-inclus l'interrogation indirecte) en fonction du m a n q u e d'incorporation essentielle de la subordonnée dans la principale (absence de restrictions de la consecutio temporum, libre jeu avec le discours direct, cf. le style indirect libre, etc.). Par contre, pour les verbes jussifs caractéristiques on pourrait présenter des arguments pour l'établissement du subjonctif comme f o r m e modale nonmarquée. L'inconvénient d'une telle position est la présupposition inévitable d'une fonction de base pour le subjonctif comme expression modale du lien de subordination, ce qui préjuge outre mesure l'issue du problème. La position neutre est donc celle du subjonctif comme forme dotée d'une nuance syntactico-sémantico-pragmatique additionnelle, mais indéfinie par rapport à l'indicatif. L'indicatif est constitué comme tel uniquement du m o m e n t qu'une deuxième forme concurrentielle existe, c'est-à-dire le subjonctif (ou même plusieurs formes alternatives à la forme de base). 4. Il sera toujours possible de construire une catégorie sémantique artificielle superordinée pour englober l'ensemble des cas d'exposition du subjonctif de subordination. Mais comme de telles catégories (p. ex. 'subjectivité', 'irréalité', 'virtualité', etc.) demandent à leur tour une interprétation substantive en termes sémantiques plus concrets, elles seront sujettes à des explicitations qui ont recours à l'énumération critiquée plus haut. Les valeurs sémantiques interprétatives f r é q u e m m e n t attribuées aux échéances du subjonctif ( = mode) s'étendent typiquement aux termes suivants ( = modalités): subjectivité, incertitude, négation d'existence, indifférence, manque de relevance, émotivité, etc. 5. Schwarze 1983:265 distingue nettement entre l'aspect formel de la désinence verbale, le mode, et le phénomène sur le plan expressif, la modalité. Il n'y a pas de congruence nécessaire e n t r e forme et contenu, ce qui produit des problèmes pour toute analyse qui cherche à imposer un lien de causalité, ou pire, algorithmique, entre les deux plans.

Le subjonctif de subordination

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Cette caractérisation n'annonce nullement une orientation des remarques suivantes vers le structuralisme ou vers le fonctionnalisme. Les idées exposées prennent en considération les résultats acquis dans ces deux approches, mais nous nous proposons tout d'abord de transcender leurs limitations en insistant sur la codéterminaîion de l'usage du subjonctif de subordination par. des forces formelles, structurelles, sémantiques, pragmatiques et expressives. Les solutions habituelles de la signification de ce subjonctif (p. ex. subjectivité, incertitude, négation d'existence, indifférence, manque de pertinence, émotivité, etc.) ne désignent pas des attributs constants et fondamentaux de cette forme, mais seulement des instantiations variables et secondairement interprétatives. En vue de toutes les analyses fragmentaires de l'emploi du subjonctif de subordination il est évident qu'une solution explicative devra dépasser les bornes strictes des dimensions structurelles = syntactiques formelles; on trouve des complétives avec ou sans marque du subjonctif après un verbe de communication tel que suggérer (4). C'est tout au minimum le contenu sémantique spécifique du verbe régissant qui détermine la distribution du subjonctif (cf. les compléments de douter vs. ne pas douter et autres verbes de la catégorie (5)). D'autre part, les subordonnées adverbiales montrent que les aspects pragmatiques s'ajoutent d'une façon centrale aux considérations sémantiques, p. ex. la différence entre (5b) et (5c) se rapportant à l'appréciation subjective du sujet de la phrase. Les mêmes considérations valent pour les concessives en espagnol avec subjonctif si la pertinence de la concession est secondairement dérivable par l'attitude du sujet (6). (4)

(5)

a. On vous a suggéré avec délicatesse que cela ne va pas de soi. b. On vous suggérera que vous sortiez sans vous faire remarquer par les autres invités.6 a. Le gérant de la caisse hypothécaire doute que les nouveauxmariés puissent se permettre le luxe d'acheter une maison moderne à Versailles.

6. A côté de la forme plus courante avec infinitif: "On vous suggérera de sortir sans vous faire remarquer par les autres invités".

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(6)

b. Le gérant de la caisse hypothécaire ne doute pas que les nouveaux-mariés puissent se payer une telle maison, mais il n'a pas l'autorisation de faire le prêt nécessaire pour un tel achat. c. Le gérant de la caisse hypothécaire ne doute pas que les nouveaux-mariés peuvent se payer une telle maison, puisqu'il a étudié leur dossier financier à fond avant d'autoriser le prêt d'une somme considérable. a. No puedo creer estos rumores, aunque me los ha relatado ella. "j'ai mes doutes sur le degré de véracité de ses informations dans ce cas-là" b. No p u e d o creer estos rumores, a u n q u e sea ella a relatarlos "même si elle le disait, je n'accepte pas ces affirmations"

3. Une nouvelle perspective 3.1 II s'ensuit que le subjonctif ne saurait représenter un phénomène unitaire ou même cohérent sur le plan syntactique, sémantique ou pragmatique. La difficulté de la description exhaustive des nuances exprimées par le subjonctif est insurmontable à cause de l'imprévisibilité de la production spontanée d'un sujet parlant et de sa perspective dominante sur la pertinence de la situation concrète. Le calcul logique et infaillible de ces coordonnées ne me semble pas se trouver au centre de la question de distribution superficielle. Au contraire, le flou pragmatique a sa place dans la solution du problème puisque le sujet parlant cherche à communiquer son attitude par rapport à un événement, ce qui constitue un aspect central de la modalité dans les langues naturelles. Ces aspects proprement extra-linguistiques échappent aux analyses trop formelles et structurales. 7 La forme du subjonctif sert à l'expressivité dans une mesure variable d'une langue à l'autre, d'un contexte à

7. U n très bon exemple de la portée possible de cette approche est Suñcr et Padilla-Rivera 1985 qui peuvent se valoir de traits componentiels des prédicats et d'autres raffinements de l'analyse. Mais cette perspective analytique ne peut pas dépasser les limites de leur domaine d e résolution qui reste le prédicat individuel et la structure donnée pour l'apparition du subjonctif. Pour un autre domaine très formalisé et réduit en portée, cf. Farkas 1985.

L e subjonctif d e subordination

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l'autre, m a i s s u r t o u t aussi d'un sujet à l'autre e t d ' u n e s i t u a t i o n à l ' a u t r e . 8 C e l a n ' i m p l i q u e a u c u n e m e n t q u e le choix e n t r e l e s d e u x f o r m e s p o l a r i s é e s d e s u b o r d i n a t i o n soit à p o r t é e du sujet p a r l a n t p o u r d e s m a n i p u l a t i o n s ad libitum. Il existe un grand n o m b r e d e limitations d e t o u s niveaux, syntaxiques, s é m a n t i q u e s e t p r a g m a t i q u e s qui réduisent l'activité créatrice à d e s m a n i f e s t a t i o n s s o u v e n t m a r g i n a l e s . D e m ê m e le n o n - c o n t e n u oppositif du subjonctif n ' e x c l u t p a s du t o u t la r e c o n n a i s s a n c e d ' u n e f o n c t i o n p r o t o t y p i q u e réglant a p p a r e m m e n t u n e g r a n d e partie d e sa distribution o b s e r v a b l e . 9 O n p o u r r a i t i n d i q u e r c e t t e d i f f é r e n t i a t i o n g é n é r i q u e d e f o n c t i o n e n t r e le s u b j o n c t i f e t l'indicatif c o m m e ' r é f é r e n c e s u b j e c t i v e d e p r o j e c t i o n ' vs. 'réf é r e n c e p e r c e p t i v e d'objectivisation', sans e n d é l i m i t e r le p o t e n t i e l d'extension

10

m a i s c e t t e c a t é g o r i s a t i o n n'est ni s u f f i s a m m e n t c o n c r è t e p o u r d é c i d e r

d e s cas limites, ni a s s e z s o u p l e pour e m b r a s s e r la totalité s é m a n t i q u e et référ e n t i e l l e d e la distribution du subjonctif d a n s u n e langue d o n n é e . C e s caractérisations - e t u n e infinité d'autres qu'on pourrait avancer - sont u n i q u e m e n t typiques o u plus s p é c i f i q u e m e n t p r o t o t y p i q u e s . 1 1 E l l e s s'appliquent a i s é m e n t

8. C'est ce qui est démontré définitivement dans l'immense étude de Schmitt-Jensen 1970 (p. ex. 230-240) qui cherche à établir des catégorisations à partir de l'aspect formel, en tenant compte des plus subtiles nuances sémantiques des prédicats étudiés. En somme, outre certaines tendances non-catégoriques d'équivalence mode/modalité le résultat n'est pas convaincant. Ceci appert avec pleine force dans la divergence de comportement modal pour des paires prédicatj/nominalisation de prédicat;, p. ex. it. mostrare/mostra, osservare/osservazione, sentire/sensazione et senso, etc. où les substantifs ont une propensité considérablement réduite pour le subjonctif par rapport aux verbes (338-342). 9. Schwarze 1983:270 insiste avec raison sur la différentiation essentielle entre la distribution observable des formes modales, visant à la totalité des manifestations, et les aspects typiques de l'exposition du mode marqué (subjonctif). 10. Cf. Lunn 1988 pour une caractérisation du subjonctif en espagnol moderne comme marque de la nuance 'action/événement de pertinence informatique moins qu'optimale dans le contexte'. Le subjonctif est donc situé sur une échelle paramétrique d'assertion plus ou moins forte. Les composantes essentielles de cette échelle sont les aspects sémantiques du prédicat et surtout les conditions pragmatiques du discours. En dépit de l'insuffisance de cette solution pour la totalité des manifestations du subjonctif, il faut admettre que pour les données particulières considérées par Lunn (certains subjonctifs de reportage dans le registre journalistique) cette analyse est perspicace et bien fondée. Elle met l'accent sur la liberté productive du locuteur quand il s'agit de valoriser une affirmation subordonnée comme informatiquement pertinente ou non. La détermination du choix individuel par inspection extérieure est impossible. C'est exactement ce qui caractérisera les situations complexes de l'évolution dans le latin tardif examinées ici. 11. Dans le sens technique de Rosch 1978.

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aux cas classiques des prédicats volitifs qui ont pour essence un trait projectif (7a) et des prédicats communicatifs non-volitifs qui rapportent ce que le sujet (grammatical ou parlant) a décidé de considérer comme objectif ou vrai (7b). 1 2 Mais ces mêmes formules échouent face à des subordonnées souvent au subjonctif, préposées à la principale, qui présentent la proposition comme objective (7c), contrastant parfois avec des indicatifs (sémantiquement naturels?) en fonction minoritaire (Grevisse 1961:1002). (7)

a. On nous a demandé avec insistance que nous nous présentions ('présentons) au concours. b. Je lui ai dit mille fois que nous sommes ('soyons) surveillés par des forces extra-terrestres. c. Qu'on puisse agir sur lui par cette crainte, Napoléon en est certain (Bainville) d. Que vous vous battez en duel demain, je le sais. (Bourget)

Comme ces déterminations ne sont que valables en tant que prototypiques, il s'ensuit que leurs extensions seront analogiques et locales, c'est-àdire que la chaîne associative peut contenir des positions incompatibles avec le centre de la classe, p. ex. le groupe d'expressions illustré par (7c). 13 Il serait impossible d'en extraire un noyau sémantique constant et positif sans abandonner toute prétention à une analyse concrétisable. 14 3.2 Le premier jalon sur la route vers une compréhension du subjonctif de subordonnation est donc sa 'valeur' oppositive qui exige pour chaque cas une interprétation positive adaptée aux circonstances formelles, sémantiques et

12. Schwarzc 1983:299-300 établit le rapport entre la perception subjective de pertinence informatique (inscrutable pour l'auditeur/observateur) et des changements historiques qui passeraient donc par la phase latente non détectable avant leur extériorisation macroscopique. - La phrase (7a) n'est qu'une version moins courante de le subordination infinitive: "de nous présenter au concours". 13. Un telle chaîne pour (7c) pourrait être: "vrai - évaluation subjective: sans pertinence irréel/virtuel", d'où une motivation suffisante pour l'emploi du subjonctif en dépit du statut logique de véracité. 14. Schwarze 1983:300 parle de 'Umpolung' dans ce contexte, une expression qui rend l'idée d'incompatibilité de façon graphique.

Le subjonctif de subordination

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pragmatiques de la proposition en question. La force productive est retenue dans les limites de la communication effective par plusieurs vecteurs, dont les exponents bien visibles seront le suivants (8). (8)

a. Convention linguistique: plusieurs degrés de grammaticalisation sur le plan formel b. Convention stylistique: variabilité conditionnée sur le plan sociolinguistique c. Expressivité communicative: variation libre à l'intérieur des limites tracées par les deux conventions linguistique (a) et stylistique (b). Cette variabilité exprime la perspective du sujet par rapport à la mise en relief des aspects disponibles pour une valorisation secondaire

La convention linguistique est responsable pour les catégories du subjonctif de subordination qui ne semblent plus répondre à une analyse sémantique explicite. Ceci est le cas p. ex. avec les subordonnées concessives en latin classique 15 ou en italien moderne standard: toujours subjonctif. A plus forte raison, toutes les subordonnées de contenu volitif demandent le subjonctif dans les deux langues. Le choix de la forme modale dans la subordonnée est figé et ne répondra plus à un calcul sémantique productif; l'indicatif n'est plus une option disponible dans ces cas, et la forme modale impose la perspective de la modalité sans nuances. La convention stylistique est la situation contrôlant l'apparition du subjonctif dans les interrogatives indirectes en italien. Tandis que l'indicatif est toujours une option pour les registres moins formels, c'est plutôt le subjonctif qu'on rencontre dans les styles plus élevés. Finalement, l'expressivité communicative joue dans le cas des interrogatives indirectes en latin non-classique (archaïque, parlé, populaire et tardif): la délimitation entre subjonctif et indicatif est équivalente à la perception individuelle du sujet que la proposition interrogative corresponde ou non à un contenu concret, raisonnable et/ou acceptable, etc. Souvent les coordonnées déterminatives de la polarité subjonctif vs. indicatif se présentent de façon plus compliquée, c'est-à-dire par une combinaison surtout des vecteurs (8a) et (8c). Les concessives en espagnol régissent le

15. Après cum, ut concessivum; cf. Hofmann- Szantyr 1972: 625; 647

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subjonctif si la concession est irréelle, et autrement l'indicatif. Or la différentiation des deux cas imposés par la grammaire normative (vecteur (8a)) n'est pas évidente, de sorte que la taxonomie demande des tours de force interprétatifs qui dépendent uniquement de la perception du sujet parlant (vecteur (8c)). Le locuteur peut suspendre à n'importe quel moment la pertinence d'une nuance sémantiquement ou pragmatiquement facultative, soit pour des raisons intrinsèques de décision créative ou externes de manque d'intérêt pour une situation donnée. Ce sont ces effets de sens qui restent à l'abri d'une classification rigide, qui ne se prêteront jamais à une formalisation structurelle ni en syntaxe ni même en sémantique ou en pragmatique. 16 Si les facteurs décisifs dans la distribution du subjonctif correspondent dans une certaine mesure à des catégories telles que (8a-c), on peut en déduire que la polarité subjonctif vs. indicatif ne peut pas représenter une dichotomie strictement complémentaire (selon le motto du tertium non datur). La réalité linguistique retiendra toujours une ambiguïté essentielle entre exposition du subjonctif (ou de l'indicatif) expressive ou indifférente. Il est évident que cette constellation présente des obstacles énormes pour un calcul défini et unitaire de la forme modale. 3.3 Un tel système d'expression modale présuppose incontestablement un modèle psycholinguistique qui opère avec des classifications prototypiques (plus extensions locales en chaîne) au lieu de catégorisations attributives. La dynamique des vecteurs (8a-c) permet de rendre compte du champ phénoménologique. L'acquisition 17 d'un tel système part de cas hypercaractérisés, p. ex. les complétives volitives après des verbes comme vouloir, les affectives et les dubitatives avec moins de certitude déjà. 1 8 Les extensions s'ajouteront à ces fondations. La consolidation de l'expérience cumulative dans des catégories compréhensives restructurées dépendera de l'expérience linguistique de l'individu. Les grammaires individuelles se distinguent donc par la façon

16. Ces idées sont bien connues dans toute la littérature à ce sujet, cf. Calboli 1968: 435 pour un résumé effectif relatif aux études latines. 17. Il s'agit ici évidemment de la phase d'apprentissage infantile du latin comme Ll. Les problèmes de l'enseignement n'ont pas d'intérêt direct ici. 18. Au moins en français moderne. Pour l'espagnol, ces deux catégories sont encore fortement en vedette dans la langue de tous les jours, et par conséquent elles maintiennent le subjonctif comme forme de base pour les nouvelles générations.

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dont elles organisent p. ex. la distribution du subjonctif vis-à-vis de l'indicatif. Les unes tendent vers des catégories inclusives, assez bien définies et avec une marge de flou considérablement réduite entre le subjonctif et l'indicatif; d'autres partagent avec les premières seulement le noyau évident, tandis que tous les cas moins courants dépendent de l'application d'extensions analogiques moins sûres. Les grammaires hautement restructurées produisent des distributions entre les deux formes de subordination qui permettent une reconstruction linguistique assez poussée dans la direction du calcul logico-sémantique. Les grammaires essentiellement analogistes produisent toutes les données contraires à une analyse systématique par raison du manque d'intégration et d'uniformité dans le choix du mode de subordination. Entre les deux extrêmes on trouvera toute une gamme de variations conduisant, encore une fois, à la conclusion de l'impossibilité d'une systématisation définitive de cette question sur le plan de la grammaire formelle. De l'autre côté le degré d'imprévisibilité n'a pas pour conséquence une fluctuation massive dans la distribution totale du subjonctif de subordination. Les parties centrales et plus visibles de ce phénomène restent essentiellement inaltérables à travers les phases diachroniques du latin et des langues romanes. La macrostructure de l'emploi du subjonctif de subordination est garantie par le degré de saillance des zones prototypiques (attitudes volitives, expression de doute, et en moindre mesure, émotion). La fluctuation porte plutôt sur les microstructures de la distribution détaillée dans un domaine bien délimité. C'est ici qu'on trouve les interminables variations sur la distribution de cette polarité formelle, dans les axes diachronique, diastratique et diatopique. 3.4 II faut aussi envisager des changements diachroniques plus importants, voire même la perte de l'usage du subjonctif dans des zones nucléaires. Ceci est le cas d'abord dans les dialectes qui ont perdu toute distinction de formes modales de subordination. La cause primaire sera une érosion morphophonologique des désinences distinctives qui provoquera ce type de changement (Bossong 1988). Mais comme le montre l'exemple du français où les distinctions formelles entre subjonctif et indicatif sont réduites pour la plupart aux formes avec alternances concomitantes dans la racine verbale (fais - fasse, viens - vienne, savent - sachent, dort - dorme, mais encore parlons - parlions, sortez - sortiez), une telle évolution ne doit pas conduire invariablement à la

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perte de la distinction modale. Ce marquage se maintient en français moderne, même populaire, dans les situations nucléaires et là où les formes plus proéminentes entrent en jeu. La pression exercée par le système scolaire et la conscience d'une grammaticalité prescriptive dans la culture française (au moins métropolitaine) répondent pour une continuation hautement probable de ces conditions dans l'avenir. A l'autre extrême on trouve l'espagnol moderne avec le maintien rigide des formes et de l'usage du subjonctif de subordination. Il n'est guère possible dans cette langue de déclarer des zones d'ambiguïté formelle à l'égard des deux modes. Mais il est connu que la langue parlée offre des situations où le subjonctif cède la place sporadiquement à l'indicatif (mais non pas par erreur accidentielle) après des prédicats jussifs ou émotifs (Blake 1981). Ce n'est pas le système de la distinction formelle entre deux modes de subordination qui est atteint dans ce cas-là. Il s'agit plutôt d'une liberté typique pour le style oral, moins sujet aux forces régulatrices d'une grammaire prescriptive, qui permet au sujet de mettre de côté une considération purement mécanique. Comme le subjonctif est de rigueur dans ces contextes, il ne porte pas de valeur communicative essentielle. Or dans les cas variables l'emploi productif du subjonctif dépend de conditions spécifiques pour son emploi dans des contextes définis; ces conditions se trouvent sous le contrôle du sujet parlant par rapport à la décision de les déclarer opératifs ou non. Il s'ensuit que la non-application de la distinction dans des cas formellement automatiques ne nie pas la validité du système de contrôle ( + subj. impliquant + modalité, ici volitive), mais seulement le degré de conformité du sujet avec les normes en vigueur dans la langue officielle (volition impliquant + subj. obligatoire, donc inexpressif; d'où possibilité de suspendre l'expression de ce trait parfaitement redondant). L'atteinte est donc à l'intégrité de la pertinence de l'acrolecte, une structure toujours exposée au danger d'érosion formelle ou sociologique. La prédiction pour cette situation n'est pas d'abord l'extinction rapide de la différence formelle entre les deux modes, mais une forte réduction dans l'applicabilité pertinente de cette distinction dans des zones périfériques et centrales. Alors que les désinences se maintiendront sans problème, l'intégrité de la distinction souffrira par l'apparition de plus en plus de cas nucléaires (antérieurement automatiques) sans distinction visible. Si les divers registres ne garantissent pas l'unité du langage par leur cohésion verticale, l'effet éventuel (du phénomène de l'indicatif pro

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subjonctif) pourrait être le même que celui de l'érosion formelle employée par le français, et avec succès total, par le rétoroman et dans beaucoup de dialectes italiens septentrionaux. Mais ce même résultat dépend de deux constellations antérieures bien distinctes. Les traces intermédiaires, telles qu'on les observe en espagnol - écart de la norme - ou en français - décadence formelle des terminaisons - offrent les traits diagnostiques décisifs. L'étude concrète que j'ai promise ici se concentrera sur deux de ces questions bien délimitées, dans une période étendue mais cohérente. Ces études de détail serviront à la corroboration de la théorie esquissée ici en observant les conséquences typiques: flottements imprévisibles dans l'emploi du subjonctif, résultats parallèles contradictoires et stabilité essentielle des grandes lignes, sous la dépendance d'un modèle linguistique prédominant. 4. Le mode dans les questions indirectes du latin aux langues romanes 4.1 II y a une nette différentiation à cet égard d'abord entre le latin archaïque et classique, et ensuite entre la période classique et le latin tardif (cf. (la)). C'est seulement la parenthèse classique (avec toutes ses ramifications chronologiques et stylistiques) qui montre un emploi poussé du subjonctif, correspondant à une opération du vecteur de grammaticalisation (8a). 19 Les périodes non-classiques et leur continuation romane se caractérisent par un mode d'emploi du subjonctif plus ou moins fonctionnel, qui représente surtout l'opération du vecteur pragmatique (8c). Seulement en italien on constate l'intervention de la composante sociolinguistique (8b) avec une accentuation du subjonctif. Considérons maintenant les détails comme ils dérivent des sources secondaires. Dans la période préclassique, l'indicatif est de règle pour les questions indirectes de fait, ce que les grammaires mettent en relation avec la nuance de parataxe encore nettement détectable dans cette période (Hofmann et Szantyr 1972: 536-537, Tekavcié 1980: 2.439); cf. (9). Le subjonctif fonctionnel des questions indirectes fortement dubitatives ou obligatives (10a) mène très tôt à une extension du subjonctif à toutes les questions indirectes (10b) et à des contre-tendances (10c). Ceci est déjà le cas chez Plaute, qui montre en plus

19. La s i t u a t i o n e s t b e a u c o u p plus c o m p l i q u é e q u e ne le s u g g è r e n t c e s r e m a r q u e s ; l'interaction entre les divers vecteurs grammaticaux, sémantiques et pragmatiques se trouve décrite d'une façon complète dans Calboli (1966-68).

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le phénomène de la variation apparemment indifférenciée (lOd) (Hofmann et Szantyr 1972: 537, Serbat 1975: 167). (9)

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a. die: quis émit? parataxe b. id tu modo me quid vis facere fac sciam question de fait

(Plt. Pseud. 696a)

a. quid agam nescio dubitative b. scio iam quid velis extension de (9c) c. nescio quis loquitur contre-fonctionnel d. nunc cuius iussu venio et quamobrem venerim dicam (Plt. Amph. 17-18) variation

Dans le latin classique, l'emploi du subjonctif dans la question indirecte est devenu normatif, mais non sans laisser des traces sûres de l'indicatif fonctionnel après si (dans la langue plus spontanée) ou des traces de variation, même chez les auteurs plus soignés et/ou puristes (Calboli 1968: 413). Le subjonctif indique une simple élicitation de constatation, au lieu d'une constatation directe, ce qui expliquerait cet usage à première vue non-fonctionnel (Tekaviié 1980: 2.444). D'après Calboli (1968: 415-416) il s'agirait d'un subjunctif déliberatif-dubitatif indiquant la modalisation de la subordonnée. Le lien de subordination est si fort que la séquence des temps est normalement observée (Serbat 1975: 75). Les exceptions, c'est-à-dire les cas avec l'indicatif, appartiennent généralement à une de ces quatre catégories (Hofmann- Szantyr 1972: 538): (a) dans la langue parlée en dépendance de audin, viden (aussi Ernout et Thomas 1953: 314); (b) après des intimations d'information (die ..., rogo ... etc.); (c) dans des constructions proches d'une relative, p.ex., dicam quod sentio/quid sentiam » dicam quid sentio (Vàànànen 1974: 281), une 'confusion' déjà attestée chez Plaute; et (d) dans des cas de parataxe persistante (cf. aussi Tekavcié 1980: 2.439; Calboli 1968: 415). Dans les textes postclassiques, l'indicatif se réaffirme variablement (le niveau stylistique du texte agissant comme facteur déterminant; HofmannSzantyr 1972: 538, Ernout-Thomas 1953: 314). Le canon stylistique classique maintient le subjonctif inconditionné d'après le témoignage de Diomède (4e siècle, 1,365,16) qui dit que imperitia lapsi[...] dicunt 'nescio quid facis' (Vàânànen 1974: 281). Ce n'est pas seulement la fonctionnalité de la distinc-

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tion qui permet à l'indicatif de regagner le terrain perdu, mais aussi l'influence de la langue des chrétiens qui contribue une pression substratique du grec où l'indicatif se trouve dans les questions indirectes (Vàanànen 1974: 281). 20 Pour des textes bas latins individuels ce sont toujours les observations plus ou moins prévisibles qu'on trouve dans la littérature: langue chrétienne, influence du grec et expression populaire mènent toutes à une importance accrue de l'indicatif, sans que le subjonctif ait disparu sauf dans des cas spécifiques. Les conditions résultantes reçoivent souvent la mention d'équivalence avec les conditions du latin archaïque.21 Le phénomène de la variation de mode produit des cas intéressants, p. ex. dans les Vitae Patrum (Salonius 1920: 310; 312). (11) a. scis quis ego sum? Respondens monachus dixit nescio quis sis, domine. (V. Patr. 3,19) b. scis quis sum ego? Et ille dixit: Deus te scit quis sis (V. Patr. 5,15,66)

20. J'élimine ici de considération les questions additionnelles de l'origine des interrogatives introduites par si qui représente au moins en partie un autre hellénisme (gr. ei avec les deux fonctions de conditionnel et d'interrogatif comme le roman si; mais cf. Calboli 1968: 413-414). Les subordonnées avec si deviennent prédominantes en latin tardif, mais elles sont attestées fragmentairement depuis Plaute. Cf. Hofmann-Szantyr 1972: 543-544 en général; Lôfstedt 1911: 327, Vâànànen 1974: 282, Serbat 1975: 168-169, Vineis 1974: 157-159. La question du subjonctif vs. indicatif se pose de nouveau dans ce contexte avec le même problème de l'indétermination des raisons qui induisent l'une ou l'autre forme modale (Salonius 1920: 313315 plaide pour l'hellénisme). En roman la continuation de si est incontestée, et la syntaxe a imposé l'indicatif ou le conditionnel (sauf pour les exceptions du type italien notées ici pour la construction de la question indirecte). 21. Vâânânen 1974: 281 en général; papyrus de Karanis: Adams 1977:64 quelques indicatifs; Apulée: Médan 1926:92 variation; Excerpta Valesiana II: Adams 1976:98 indicatif gagnant; Didascalia apostolorum Tidner 1938:46 variation; Fulgentius: Friebel 1911:91-93 variation, Grégoire de Tours: Bonnet 1890:675-677 variation. Les Compositiones Lucenses (Svennung 1941:163) manifestent en général l'indicatif de la langue populaire. D'autres textes présentent une conservation du subjonctif (classique), p. ex. Egérie : Vàanànen 1987:76, normalement le subjonctif, ce qui surprend en vue des autres qualités de ce texte; Fredegarius: Taylor 1924:136 subjonctif régulier; Vielliard 1927:237 note l'indicatif seulement deux fois dans les diplômes mérovingiens, et en plus avec des verbes modaux volibat, potibat. Itala: Rônsch 1875:428-429, Vineis 1974:154-155 qui mentionne des divergences considérables par rapport au latin classique; Vulgata: Plater et White 1926:121-123. La situation est en flux, mais le subjonctif semble se trouver en pleine récession, en anticipant les conditions romanes.

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Pour Hofmann (1926: 113) il s'agit dans l'exemple ( l i a ) d'un emploi pleinement fonctionnel du subjonctif par rapport aux deux verbes régissants de certitude (scio) et de doute (nescio), cf. aussi Calboli (1968: 414). Mais reste le deuxième exemple (11b) qui ne se prête pas à une explication si aisée, et où le concept de variation modale semble pertinent, 22 de même que dans les deux expressions contradictoires de Grégoire de Tours (12), citées d'après Bonnet 1890:677. Ici on pourrait attribuer au temps verbal la raison pour la variation ; mais ceci reste spéculatif en l'absence d'études plus systématiques sur ces textes. (12)

a. quid exhibeant narrant (Mart. 47) b. narravit [...] qualiter meruit (Hist. Fr. 2,30)

4.2 L'aboutissement de ces fluctuations est la consolidation du subjonctif employé fonctionnellement. En territoire espagnol, Bastardas Parera 1953: 157 constate la prépondérance de l'indicatif dans les cartulaires latins. Pour la phase proprement romane l'indicatif est de rigueur, même avec un prédicat principal négatif ou dubitatif (13a,b). Le subjonctif se trouve seulement dans des situations d'incertitude expresse de la part du sujet parlant/écrivant (13c), et - condition particulièrement romane - si la subordonnée précède la principale dans la configuration [L'interrogative principale et l'interrogative indirecte se trouve toujours au subjonctif; cf. Keniston 1937: 391-392]. (13)

a. no sabiedes que podia ser (Lazarillo 22,27) b. dubdo si es possible (Elicia 203,2) c. ni entiendo corno te pueda querer mas (Dialogo 13v,19)

De même en français le subjonctif a un emploi fonctionnel pour les énoncés qui impliquent une incertitude subjective (14a) (Foulet 1930: 210), un degré de finalité (14b), d'impuissance (14c) ou d'indifférence de la part du sujet (14d); avec si l'indicatif est pratiquement invariable; cf. Moignet 1973: 227-229.

22. U n e interprétation subjective où le premier locuteur se rapporte à une certitude personnelle et le deuxième insiste sur ses doutes est toujours possible.

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a .je ne sai que face (Charroi 632) (incertitude) b. Enseigne li quel voie il teigne (Troie 29999) (finalité) c. Et si ne set que faire puisse (Guill. d'Angl. 523) (impuissance) d. Ne li chalt, sire, de quel mort nus muriuns (Roland 227) (indifférence)

L'italien connaît depuis les premiers textes une certaine prédilection pour le subjonctif dans les interrogatives indirectes qui déborde les limites de la fonctionnalité et semble se rapprocher des conditions du latin classique, c'est-à-dire d'une certaine grammaticalisation stylistique du subjonctif. On en voit encore l'effet dans la langue écrite moderne. Ainsi dans les interrogatives indirectes préposées le subjonctif est de rigueur (15a), tandis que dans les autres cas il y a variation (15b,c), avec beaucoup de subjonctifs peu motivés (Strohmeyer 1950). Le facteur stylistique est bien visible dans certains textes anciens. Tandis que l'indicatif est normal dans la plupart des documents 2 3 sauf pour des questions délibérément modalisées (finales, dubitatives, etc.), les écrits caractérisés par une volonté stylistique expresse, tel le Decameron de Giovanni Boccaccio, offrent nombre d'exemples avec subjonctif inattendu dans le style élevé (15d). Par contre un passage plus proche de la langue parlée - surtout dans la reproduction du discours direct (15e) contiendra tout naturellement l'indicatif. Pour cet auteur l'indicatif convient parfaitement dans une interrogative se rapportant à une question avec réponse inconnue ( 15f), niais dans un contexte plus aulique 2 4 le subjonctif exprime des questions enchâssées avec réponse tout à fait identifiée (15g,h). (15)

a. Che cosa capisse, lei sola sapeva b. Domandò quanto costava e che cosa fosse

23. Comme vérifié par une investigation du Novellino (XlIIe s.) et de deux textes de Bono Giamboni (m.1292), Della miseria dell'uomo (traduction) et Libro de' vizi e delle virtudi (prose originale); cf. Segre et Marti 1959 pour les textes. 24. Cf. la différence de ton intentionnelle entre la nouvelle III.1 de Masetto da Lamporecchio comme [-élevé], le style haut dans l'histoire tragique de Tancredi e Ghismonda [ +élevé] (IV.l), et le niveau intermédiaire [± élevé] du récit tragi-comique III.7 des amours de Tedaldo et d'Ermelllina: ces différences stylistiques se reflètent directement dans la normalité de l'usage du subjonctif.

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c. Mio fratello mi disse se volevo andare con lui alla posta per vedere se fosse arrivato il pacco dei libri che egli aspettava 2 5 d. A me piace [...] ritornare [...] e come un nostro cittadino la sua donna perduta riacquistasse mostrarvi. (Decameron III.7.202) e. Io non so se tu t'hai posto mente come noi siamo tenute strette (Decameron III.1.168) f. di volere con questo mutolo provare se così è (Decameron III.1.169) g. e domandò di che fosse vestito quel Faziuolo (Decameron III.7.216) h. il qual Masetto domandò, di che egli il monistero servisse. (Decameron III.1.166) De toute façon, l'italien est caractérisé par une distribution du subjonctif dans les interrogatives indirectes qui dépend du niveau stylistique/ sociolinguistique du discours en question. Le subjonctif 'latinisant' est propre à la langue écrite avec des prétensions d'élévation formelle, tandis que la langue parlée se sert des deux modes d'une manière plus ou moins analogue aux autres langues romanes étudiées ici (Battaglia-Pernicone 1970: 343; Herczeg 1972; Regula-Jernej 1975: 265-266; Tekavcic 1980: 2.444). 4.3 Résumons ce que toutes ces observations nous révèlent sur les conditions d'emploi du subjonctif dans les interrogative indirectes du latin archaïque aux langues romanes. Le thème constant est l'usage fonctionnel de la dichotomie des formes modales en associant le subjonctif aux modalités d'incertitude, de doute, de négation, d'ignorance, de finalité etc. L'indicatif apparaît là où ces effets de sens ne sont pas explicables ou ne sont pas requis ou n'intéressent pas le sujet dans un contexte donné. La valeur exacte de la modalité exprimée dans un cas spécifique n'est pas déterminable a priori; elle dépendra toujours d'une interprétation secondaire et peu sûre. C'est le locuteur qui détermine ce qu'une proposition veut exprimer et ce qu'elle comporte de

25. Strohmeyer 1950 donne une explication assez tordue de ces passages de variation en distinguant entre une perspective holistique correspondant à l'indicatif et une focalisation analytique pour le subjonctif, ce qui ne peut convaincre tout à fait dans le contexte des matériels italiens plus complets.

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connotations et effets de sens additionels. Le flou de la description linguistique a posteriori - cherchant à reconstruire l'intention communicative du locuteur inscrutable hors de son comportement linguistique dans un contexte donné - est une composante intégrale du domaine phénoménologique du subjonctif de subordination dans les interrogatives indirectes. Par contre, le latin classique, et dans une moindre mesure l'italien, se distinguent des autres développements linguistiques par une extension de l'application du subjonctif au delà des bornes imposées par la fonctionnalisation modalisée. Le latin classique représente une parenthèse dans le développement 'naturel' des interrogatives indirectes. Ce qui compte davantage dans ce dialecte/style est le marquage du lien de subordination, accompagné d'une perte d'expressivité pour ce qui est des nuances subjectives. L'incorporation plus serrée se manifeste aussi par la perte d'indépendance temporelle de l'interrogative indirecte, accentuée pour le latin classique. Comme avec bon nombre de traits évolutifs du latin, la trajectoire naturelle de notre problème est représentée par la (dis)continuité latin archaïque - latin tardif - langues romanes; le latin classique occupe une place à part comme développement tangentiel sans point de réintégration dans le domaine roman naissant sauf par l'influence exercée sur des styles délibérément latinisants. Les interrogatives indirectes sont fort intéressantes dans la perspective de l'emploi du subjonctif. Ces propositions représentent un lien sémantique et syntactique peu sûr avec la principale; elles conservent des traits d'indépendance visibles (consecutio temporum), deux aspects qui pourraient indiquer que ces subordonnées ne sont pas prédestinées pour une formalisation rigide de la subordination. C'est bien le cas, à l'exception du latin classique qui insiste sur le caractère de subordonnée intégrée pour ces structures. D'autre part, l'aspect sémantique normal pour les interrogatives indirectes se situe définitivement dans la région de l'incertitude, de l'ignorance et de l'insécurité, ce qui impose l'attitude du locuteur comme essentielle. Ceci offre donc à l'interlocuteur des possibilités d'utilisation de la modalité formalisée en applicant une interprétation reconstructive. Tout cela pousse la langue vers une fonctionnalisation du subjonctif, et dans la plupart des phases considérées le résultat est celui prévu par ces considérations et différent d'une grammaticalisation formelle.

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5. Emploi du subjonctif dans les subordonnées adverbiales temporelles 5.1 Le même type d'examen pour les propositions temporelles que pour les interrogatives produira des résultats comparables dans leur teneur générale, mais distincts dans leurs détails motivés par la situation sémantique autonome. Ici l'expression de l'agencement chronologique se rapporte d'abord aux trois catégories essentielles de la simultanéité, l'antériorité et la postériorité. 26 En contraste avec les interrogatives, le lien logico-sémantique avec la principale est exprimé exclusivement par la conjonction subordonnante qui fonctionne de gouverneur lexical de la proposition enchâssée. 27 Les conditions du latin archaïque correspondent à un emploi du subjonctif assez fonctionnel. Ceci veut dire que l'indicatif est le mode préféré dans les constructions de simultanéité et d'antériorité; mais le subjonctif marque la modalisation du futur absolu ou relatif caractéristique du rapport de postériorité. 28 En principe ce subjonctif de postériorité se déduit des contextes avec nuance finale ou au moins volitive (Hofmann-Szantyr 1972: 598-599). Mais le subjonctif s'emploie déjà assez régulièrement dans des cas de pure simultanéité (p. ex. après cum historicum, premier exemple dans Cato, cf. Calboli 1968: 419), toujours flanqué de l'indicatif jusqu' en pleine période classique (Palmer 1961:335). L'indicatif garde dans la période archaïque son affinité pour les relations temporelles de fait, contrairement aux rapports virtuels indiqués par le subjonctif (Ernout et Thomas 1953: 360-361; Calboli 1968: 417-418). L'aspect le plus caractéristique des subordonnées temporelles de la langue classique est le subjonctif de rigueur avec la plupart des conjonctions temporelles cum (narrativum, historicum, iterativum, inversum, primum, cf. Hofmann-Szantyr 1972: 621-627, Ernout-Thomas 1953: 365-366); l'exemple type

26. Ces termes s'appliquent à la proposition subordonnée par rapport à la principale; pour éviter les confusions, soit dit que la postériorité regarde des conjonctions comme priusquam, antequam, usque etc. où l'action décrite par la subordonnée a lieu après celle de la principale. Ménard 1973:151-152 se sert d'une terminologie inverse qui identifie le rapport temporel exprimé par une conjonction telle que a.fr. ainz que 'avant que' comme [antérieur]. 27. En vue du but de ce raccourci évolutif, la présentation se concentrera sur la distribution des deux modes en rapport avec la question de la modalité inhérente (postériorité) et des ses extensions grammaticalisées. Ce cadre omettra tous les autres aspects, en particulier l'évolution des conjonctions subordonnantes; cf. Herman 1963. 28. Cet usage est fréquent jusqu'à atteindre la régularité dans le latin classique, cf. Calboli 1968: 423.

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est Athenae cumflorerent [...]. C'est seulement le cum temporale qui régit l'indicatif, mais la distinction entre ces catégories de conjonctions temporelles cum n'est pas du tout aisée à faire et par conséquent le subjonctif devient également le mode typique de la relation chronologique de simultanéité. L'indicatif est toujours possible en période classique, mais il devient sporadique (Scherer 1975: 257). La même chose arrive avec d'autres conjonctions, comme p.ex. ut (Hofmann-Szantyr 1972: 635-636), ubi (651-652), donec, quoad (628-629, 654-655). Ces deux dernières commençaient leur association avec le subjonctif par les cas avec composante finale, ce qui était peut-être aussi valable pour ut 'aussitôt que'. La conjonction temporelle classique avec persistence de l'indicatif est sans doute dum (Hofmann et Szantyr 1972: 612). Le subjonctif préserve son terrain motivé pour l'expression de la postériorité, absolue ou relative. Le subjonctif accentue la potentialité de l'acte futur, tandis que l'indicatif représente une relation de temps effective (Calboli 1968: 427); cf. les deux exemples (16) avec une futurité purement relative (Ernout et Thomas 1953: 368-370). (16)

a. tempestas minatur antequam surgat (Sen.epist. 103,2) fait d'expérience b. ducentis annis antequam Clusium oppugnarent urbemque Romam caperent in Italiam Galli transcenderunt (Liv. 5,33,3) fait passé

L'époque de la latinité tardive assiste à l'émergence renouvelée de quando plus indicatif (de descendance archaïque et populaire) à côté de cum avec subjonctif (Hofmann-Szantyr 1972: 607). Mais le subjonctif continue à régner dans la plus grande partie des contextes. En particulier il y a une confusion typique de dum avec cum: cela entraîne le subjonctif dans les subordonnées introduites par dum (mais déjà dans Ennius et Bellum Hispaniense, Calboli 1968: 430; cf. aussi Vineis 1974: 163) en conférant à dum la signification de cum et vice versa. De toute façon les deux conjonctions ne se conserveront pas dans les phases romanes postérieures (sauf dum dans les combinasions avec inter: it. domentre, anc. esp. domientre; Vaananen 1974: 281, Serbat 1975: 180). Le subjonctif avec cum s'etend même aux temporelles introduites par quando (17); remarquez le cumul conjonctionnel cum quando (aussi

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quia cum quando dans le même paragraphe pour 'quand') dans les exemples de la Mulomedicina Chironis (17a,b). (17)

a. dissuria appellatur cum quando [...] urinam facit (Mulo. 5,457) cas normal b. cum quando [...] iumentum [...] laboraverit (Mulo. 5,466) cas exceptionnel c. tune quando placuerit domini mei visitare hanc civitatem, tune eqs. (Acta Andreae et Matthiae apud anthropoph. 27) cas exceptionnel

Les conditions naturelles pour le subjonctif, c'est-à-dire pour le marquage de la postériorité, restent inchangées. Voyons la situation un peu plus en détail pour quelques textes représentatifs. Dans Apulée, l'indicatif se répand dans toutes les directions, même pour des expressions de limitation temporelle (sauf quoad qui régit normalement le subjonctif), dum connaît uniquement l'indicatif (Médan 1926:85). Le même phénomène est aussi constaté pour les Excerpta Valesiana II (Adams 1976:77), le (Pseudo-)Fredegarius (Haag 1899:924-925) et les Compositiones Lucenses (Svennung 1941:165-66). Grégoire de Tours est assez traditionnel à cet égard, mais l'indicatif l'emporte toujours (18a). La superposition de dum et cum prend la forme suivante dans des exemples illustratifs (18b,c). (18)

a. cum debui puritatis stolam induere haec mihi vêtus honos ( = onus) exhibuit (Greg.Tur. Hist.Franc. 1,47; cf. Bonnet 1890: 681) indicatif pro subjonctif b. dum ad eum visitandum accessisset [...] pereeptus est (L. hist. Franc. 325,3, cf. Taylor 1924:133) dum = 'cum' c. cum ibidem morarentur de Campania hostem collegunt (ib. 294,32, cf. Taylor 1924:134) cum ='dum'

En même temps et dans les mêmes textes, le subjonctif de postériorité et de limitation subsiste sans difficulté dans ses contextes fonctionnels (références bibliographiques supra). Il est plutôt surprenant de lire que les documents mérovingiens révèlent un usage paraclassique des modes. Effectivement, cum est suivi du subjonctif, dum prend les deux modes, et ubi et

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quando s'associent à l'indicatif (Vielliard 1927: 235-237). En dernière ligne, les cartulaires espagnols manifestent des conditions tout à fait romanes sous forme latinisée, avec la suppléance complète de la conjonction cum par quando et avec la forte présence de quod temporale (Bastardas Parera 1953: 193-196). Les textes d'affinité chrétienne le confirment: confusion de dum et cum, indicatif en progrès un peu dans tous les domaines, et subjonctif conservé dans les contextes fonctionnels. Pour Vítala, Vineis (1974: 163) dessine une situation pareille, qui décrit aussi la Vulgata et en général les écrits originels d'Hieronymus (Ernout et Thomas 1953:37o).29 Pour le Journal d'Egérie Lofstedt (1911:97-99 re 285,322) constate le subjonctif après postquam et ubi, donc pour des rapports d'antériorité. Vàanànen (1987:80-82) ajoute le subjonctif de rigueur pour la postériorité combinée avec une notion modalisée (19a), tandis que la pure succession chronologique entraîne l'indicatif (19b).

(19)

a. Anthiocia [...]feci postmodum septimana, quousque ea quae necessaria erant itineri pararentur (22,1, p. 82) b. dicuntur psalmi et antiphonae, donec commonetur espiscopus (24,3, p. 81)

Les changements observables pour cette époque étendue se résument brièvement en une récession appréciable du subjonctif dans les subordonnées temporelles sauf dans le contexte de la postériorité fonctionnelle. Les fluctuations après les conjonctions de simultanéité mettent en relief le manque de motivation pour le subjonctif imposé par ailleurs par la grammaire classique d'une façon plus ou moins rigide ou opaque (différentiation malaisée entre les divers cum). Ces changements continuent donc les tendances caractéristiques de la période archaïque et constituent un lien naturel avec la phase romane répondant à de pareils schémas distributionnels du mode.

29. Pour la Vulgata, cf. Plater et White 1926:129-134, où l'on constate une certaine contradiction d'un endroit à l'autre. A la p. 125 l'indicatif est indiqué comme normal après priusquam, etc. et à la p. 133 on lit que le subjonctif est invariable dans ce contexte. La situation décrite par Plater et White semble être celle d'un usage fonctionnel du subjonctif dans les temporelles.

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5.2 Les langues romanes continuent cet état de choses d'une manière naturelle: cf. Meyer-Liïbke 1899: 715-716 pour les généralités. L'italien est très conservateur dans l'emploi du subjonctif, indiqué seulement dans la relation de postériorité combinée avec une notion d'hypothèse ou d'autre modalité (comme pour le Journal d'Egérie, supra; Tekavéié 1980:2.449-450, 477). L'ancien français se comporte de la même façon, et le subjonctif de postériorité et limitation est encore réduit aux expressions qui se rapportent à un but non-atteint (20a,b); dans les autres cas, plus 'concrets', la subordonnée est à l'indicatif (20c); cf. Ménard 1973:152,212-218 et Moignet 1973:235-237, ci-inclus les exemples. (20)

a. Mes ainzfu la novele dite Au chastel que il i venissent (Chrétien de Troyes, Yvain 3294) b. Ja fin ne prendra ceste guere tant que j'en veille la pes querre (Guillaume de Loris 2409) c. Puis s'en alerent tant qu'il sont a Poitiers (Cor. Co. 2001)

La simultanéité (que, quand) se trouve dans le domaine de l'indicatif, mais une tendance latinisante conduit à l'emploi du subjonctif après com(e) équivalent de cum (Moignet 1973: 234). L'antériorité n'admet le subjonctif que très sporadiquement, l'indicatif étant le mode indiqué pour cette fonction (236). L'emploi des modes naturels se laisse reconstruire sans problème, et le résultat correspond aux conditions du français moderne (littéraire). L'espagnol enfin, et avec lui les autres langues ibéroromanes (MeyerLiibke 1899: 3.715), offre une variante d'extension pour le subjonctif. Dans la langue de la fin du Moyen Age, une action future, donc virtuelle et modalisée jusqu'à un certain point, demandera le subjonctif même si le rapport temporel est seulement chronologique (p. ex. cuando) et non seulement avec les conjonctions de limitation (p. ex. antes (de) que, hasta que\ cf. Keniston 1937: 404-405). Dans les premiers documents, p. ex. le Cantar de Mio Cid, on trouve encore régulièrement la variante de l'indicatif futur au lieu du subjonctif (cuando los gallos cantaran, 316), une construction qui persiste jusqu'à l'établissement de la langue moderne au 16e et 17e siècle (Menéndez Pidal 1964: 344-345). Le subjonctif en ancien espagnol indique le temps incertain (346), soit dans des contextes de subjonctif de futurité ou d'incertitude (347). Dans l'espagnol moderne les deux types de référence future représentés par les

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deux conjonctions antes (de) que et hasta que ne réagissent pas de la même façon à la modalisation; antes de que demande le subjonctif dans tous les cas (21a,b), tandis que hasta que admet l'indicatif (21c) si l'action de la subordonnée est seulement postérieure dans un sens relatif, c'est-à-dire quand le but indiqué a été effectivement atteint (Kleiman 1974). 30 S'il s'agit seulement de certitude (21c), cet indicatif est plutôt exceptionnel (Meyer-Liibke 1899.3:716).

(21)

a. Insistieron en recibir una copia de la carta hasta que las autoridades se la otorgaron b. El choque ocurrió antes de que hubiera podido ver el obstáculo c. Yo no sosiego hasta que todo me lo explico (Juan Valera)

Il n'y a pas de doute que le subjonctif dans les subordonnées temporelles des langues romanes correspond à un modèle motivé: modalisation du rapport de postérité. Mais les différentes langues peuvent interpréter cette dimension avec quelques libertés dans les axes chronologique et pragmatique (de perspective). 5.3 La classification syntaxique des subordonnées temporelles est différente des questions indirectes: le lien entre la principale et la subordonnée est beaucoup plus fort pour les temporelles. Il dépend entièrement de la conjonction adverbiale de subordination qui sert de centre lexical de la subordonnée. La modalité entre en jeu en fonction du contenu lexical spécifique de la conjonction, p. ex. avec la référence future de priusquam, usque, et aussi de cum/quando selon le modèle espagnol. La modalité sera toujours secondaire et donc partielle. Elle pourra se manifester ou non selon la période et le groupement linguistique. Il y a une latitude considérable dans l'interprétation de cette modalité virtuelle qui dérive de l'ambiguïté du point de référence dans la perspective future: temps effectif du locuteur, ou temps historique de l'énoncé (cf. les deux traitements possibles de la notion de temps limitatif du type usque ad). La modalité des temporelles n'aura jamais

30. S'il y a addition d'une modalité appropriée (finalité dans la plupart des cas) le subjonctif apparaît toujours: Amenazaron entrar en una huelga de hambre hasta que (no) recibieran una copia de la carta incriminante.

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de rapport avec l'attitude individuelle du sujet en ce qui concerne la conception du temps. Ceci est une limitation pragmatique de la catégorie générale du temps. Mais il existe la possibilité d'une superposition d'autres modalités, comme par exemple la finalité, dans les contextes déjà modalisés (priusquam, usque ad). Les conditions fonctionnelles pour une distinction modale sont assez transparentes dans toutes les variantes étudiées ici. Le seul vecteur fort de grammaticalisation (cf. (8a)) est de nouveau propre du latin classique: extension du subjonctif dans un domaine de pure relation de faits (cum historicum etc). Comme pour les interrogatives indirectes ce développement spécial de la grammaire classique ne verra pas sa continuation génétique sauf dans quelques cas de latinisation consciente et évidente. Les divergences entre l'italien et le français d'une part et l'espagnol de l'autre entrent dans le domaine de la microvariation naturelle dans le contexte de la catégorie sémantique du temps dans la subordonnée. Il n'y a pas lieu ici d'insister sur une grammaticalisation qui atteint uniquement les marges du phénomène; la fonctionnalité est dans une grande mesure garantie.

6. Vue d'ensemble 6.1 En comparant les deux dossiers historiques on se rend compte de leur étroite ressemblance. Ceci est vrai d'abord en termes généraux: fonctionnalité du marquage en principe. On le constate ensuite dans la structure de la distribution: le subjonctif s'étendant à des cas analogiques en chaîne locale, mais inconsistents dans le cadre général. En troisième lieu, le parallélisme caractérise les changements: addition de sphères de grammaticalisation dans la phase linguistique plus réglementée, avec perte successive dans la continuation oblique de la langue parlée; et il s'étend même à l'identité des détails, p. ex. dans une certaine classicité inattendue pour le Journal d'Egérie. Les différences sont tout de même nettes; en premier lieu on peut citer la fonction pragmatique indépendante de l'une par rapport à l'autre: dubitative pour les questions, virtuelle pour les temporelles. Les deux aspects ne répondront jamais à une seule catégorie superposée sans que l'archi-notion ne perde tout contenu identifiable. Les manifestations concrètes de la fluctuation dans l'emploi des formes modales suivent toutes la dynamique de leur propre champ d'action, et les textes peuvent aussi différer en ce qui concerne les deux traits du subjonctif (p. ex. le Liber historiae Francorum avec

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caractère avancé pour les temporelles, mais classiciste pour les interrogatives). 6.2 L'impression compréhensive est celle d'une situation plus ou moins stationnaire, ancrée en elle-même par la force de la motivation de l'emploi du subjonctif. La grande ligne de l'évolution naturelle exclut donc le retour à un usage du subjonctif plus conservateur après la phase classique (et en dehors des styles classicisants). L'établissement des conditions du latin classique correspond à une évolution tout à fait dans le cadre des possibilités ordinaires pour le développement linguistique. Mais sa dissolution, qui aboutirait à une négation totale de cette phase plutôt qu'à un changement autochtone parallèle à sa constitution, se comprendra dans la perspective de la succession du latin classique: adhérence qualifiée et variable à des normes figées par des modèles consacrées dans les canons littéraire et stylistique. Au lieu d'évolution, on constate des bonds de niveau d'un texte à l'autre. 31 A part cette complication extérieure, l'emploi du subjonctif correspond à la valorisation fonctionnelle dans un cadre pragmatique de la polarité entre deux formes disponibles pour la subordination propositionnelle. Chaque texte représente un domaine partiellement indépendant en ce qui concerne les forces productives par rapport aux éléments figés transmis par des canaux extérieurs. Par conséquent, chaque texte atteint un niveau de raffinement dans l'exploitation de cette dichotomie individuellement déterminé par la volonté et les capacités de l'auteur. La difficulté d'une vue d'ensemble de ce qui se produit dans la période du latin tardif est une conséquence directe de cette hyperdétermination entre les niveaux stylistiques transmis indépendemment de la faculté naturelle pour le langage, et les modules linguistiques productifs, valables pour un individu donné à une époque déterminée. L'emploi du subjonctif dans les subordonnées, au moins pour ce qui est des interrogatives et temporelles, ne correspond pas à des facteurs substantifs (p. ex. signification constante, de base), formels (représentables essentiellement par des structures linguistiques) ou compréhensifs (description exhaustive des domaines d'inclusion ou d'exclusion). Le cadre linguis-

31. Pour une discussion plus détaillée de ce c o m p l e x e de questions appliquée au développement des pronoms clitiques, et pour des renseignements bibliographiques, cf. Wanner 1987:139-147, 213-225,443-445.

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tique applicable n'est pas celui de la linguistique diachronique représentée dans Lightfoot 1979, mais plutôt celui plus modeste esquissé dans Lass 1980. Les forces en jeu appartiennent au domaine de l'interprétation des structures prédisposées par la (morpho-) syntaxe, s'appuyant sur des facteurs locaux de signification possible. Inévitablement les résultats seront sporadiques (utilisation ou non d'un cas spécifique pour ajouter un effet de sens possible, mais non requis) et tout à fait secondaires (ne m a r q u a n t pas exclusivement une différence catégorielle majeure inexprimée ailleurs avec plus de force). 3 2 Dans le d o m a i n e de l'usage du subjonctif il n'y a donc pas de continuité serrée (comme par exemple dans les questions de l'ordre des mots ou de la place de l'accent dans le mot), mais plutôt une ondulation motivée par des exigences d'expressivité. Il semble emblématique que la 'libération' des forces productives par rapport à l'usage du subjonctif de subordination ait eu lieu dans la période préclassique et dans le latin tardif. De tels textes nous montrent non seulement une langue et un usage plus proche de l'expression q u o t i d i e n n e dans le sens d ' u n e p h a s e p r é a n n o n ç a n t les langues romanes, mais à plus forte raison dans la perspective d'une période de stylisation plus effective par rapport aux moyens expressifs tels que la modalisation secondaire dans la subordonnation. D e pareilles conditions se maintiennent ensuite dans les langues romanes médiévales avant leurs phases individuelles de réglementation prescriptive qui finira par contraindre de nouveau cette fonctionnalité. M ê m e si le latin tardif (tel qu'il est documenté) n'est pas le précurseur direct des langues romanes, il a le potentiel d'illustrer les tendances caractéristiques d'un latin plus naturel. Les recherches sur le latin tardif pourront donc intéresser et mettre en contact les deux domaines des latinistes et des romanistes. La tâche de la reconstruction linguistique se limite en principe au dégagement des grandes lignes et des forces à l'oeuvre. En revanche ce résultat restitue l'autonomie linguistique à des textes qui ne sauraient se comprendre ni comme continuation du latin classique - plus ou moins fautifs - ni comme préfiguration des phases r o m a n e s toujours dévalués comme codes linguis-

32. Dans le cas des subordonnées distinguées seulement par le mode il y a deux possibilités. La distinction peut être secondaire (les concessives en espagnol qui restent des concessives au subjonctif aussi bien qu'à l'indicatif, cf. ( 6 ) ) ou elle peut ctre purement pragmatique ( c o m p l é m e n t s de verbes de c o m m u n i c a t i o n , cf. (4)). Le subjonctif c o m m e tel n'est pas significatif en soi, mais seulement par réaction à une structure ou une situation donnée.

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L e subjonctif de subordination

tiques autonomes. Chaque texte du latin tardif représente un univers d'expression reconstitué à partir de la base linguistique esquissée ici. La compréhension de toutes les nuances d'un cas particulier est rendue à l'érudition philologique comme domaine propre à l'interprétation minutieuse d'un texte, se chargeant de jugements de valeurs sur l'adéquation de la forme à l'intention communicative. La linguistique pourra se contenter de l'étude des forces qui permettent le jeu des variations dans leur application concrète.

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INDEX DES A U T E U R S M O D E R N E S

Aalto, Peniti 33, 43 Abbot, F.F. 4, 6 Abel, Fritz 32, 43, 219, 235 Adamik, Tamâs X, 1, 6 Adams, John N. 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 33, 34, 35, 39, 40, 43, 263, 270, 277 Adrien, M. 80 Aebischer, P. 232, 235 Allen, A.S. 169 Allmer, Auguste 108,110 Alonso, A. 220,235 Alonso, M. 242 André, Jacques 21, 45, 52 Arrowsmith, W. 71 Ascoli, Graziadio Isaia 232, 235 Avalle, D'Arco Silvio 146,156 Bader, Françoise 10 Badia Margarit, A.M. 232, 235 Bagnani, Gilbert 185 Balbi, Jean 83,84,86 Baldelli, Ignazio 232, 235 Bambeck, Manfred 185 Barbaud, Philippe 277 Barnes, E.J. 58, 59 Barwick, Karl 21 Bassols de Climent, Mariano 133,142 Bastardas Parera, J. 137, 138, 142, 242, 264, 271, 277 Battaglia, Salvatore 266, 277 Beck, P. 59,71 Benson, R. 189 Besomi, O. 202 Biville, Fredérique 11, 13, 14, 17, 18, 22

Blake, Robert 260, 277 Blaylock, C. 161,162,163,167,169 Blasco Ferrer, E. 232, 235 Blatt, F. 227, 235 Blinkenberg, A. 133,138,142 Bluhme, F. 86,87 Bonnet, Max 240, 263, 264, 270, 277 Boretzky, Norbert 99,100 Borgato, G. 169 Bossong, Georg 259, 277 Bourciez, Edouard 123,126 Bücheler, Franz 4, 6 Bulhart, Vinzenz 216 Bulst, Walter 187 Bursian, Conrad 46 Bynon, Theodora 220,235 Cagnat, René 110 Cagnon, M. 55 Calboli, Gualtiero VII, IX, X, XI, 2, 6, 25, 28, 29, 35, 36, 43, 44, 138, 142, 176, 250, 258, 261, 262, 263, 264, 268, 269, 277 Calboli, Irene V Callebat, Louis 45, 47, 48, 51, 53, 55, 60 Carnoy, Albert J. 115,116, 126 Caroti, S. 204 Cavenaile, R. 15 Cellard, J. 247 Cesarini Martinelli, L. 202, 203 Chomsky, Noam VII, Vili, XI Christiansen, Jacob 102,110 Cizek, E. 59,60 Claussen, Theodor 22 Codoner, Carmen X, 57 Colcman, Robert 217

282

Collignon, A. 59 Colunga Cueto, A. 195 Compernas, J. 244 Corominas, J. 185, 241, 242, 247 Coseriu, Eugenio VII, X, XI, 32, 37, 43, 168,187 Cousin, V. 51 Coyaud, M. 135,142 Cremascoli, Giuseppe 75,77,86 Cuervo, R J . 242 Dahlén, Eric 186 Dahlmann, Helfried 101,110 Dahmen, Wolfgang 100 Dardel de, Robert 89,95,100,122,126 Delbouille, M.Maurice 184 Dell'Era, Antonio 4,6 Del Vecchio, Tommaso XI Densusianu, Ovide 115,127 Deroy, Louis 22 Diaz y Diaz, M. 242 Diehl, Ernst 26, 43, 111, 114, 117, 118, 119,120,121,122,124,125,127 Diez, Fr. 246 Dionisotti, A.C. 203 Dissard, Paul 108,110 Dubois, Jean 52,130,142 Duchesne, L. 147,148,149,156 Düchting, R. 184 Durry, Marchel 103,110

Index des auteurs modernes

Fink, Robert O. 24,25,43 Fischer, A. 219,235 Fischer, Iancu 22,166,169 Fleischman, S. 214,217 Fleury, Philippe 56 Flobert, Pierre 35, 43, 101, 129,130, 131, 132,133,135,138,140,141, 142 Fontaine, Jacques 76 Fordyce, CJ. 82 Foulet, Lucien 264,278 Fournier, E. 189 Friebel, O. 263,278 Friedberg, Aem. 189,191 Fubini, R. 204

Einstein, Albert 54 Ernout, Alfred 14, 51, 63, 123, 127, 132, 133, 141, 142, 184, 217, 262, 268, 269, 271, 277

Gaeng, Paul A. VII, XI, 111,115,123,124, 127 Gagé, Jean 103,110 Gamurrini, G.-Fr. 243 García Hernández, Benjamín 129, 131, 133,134,139,141,143 García Leal, A. 244 George, PA. 58 Gildersleeve, Basil Lenneau 278 Ginouvès, R. 55 Glorie, F. 81 Goetz, Georg 75, 78, 79,81,86 Gorbatchev, Michail 89 Graftou, A. 203 Grandgent, C.H. 26,43 Graur, AI. 162,169 Grevisse, Maurice 256,278 Griera, A. 232,235 Gualandri, Isabella 187 Guillaume, Gustave 220, 235

Fabre, P. 138 Farkas, Donka 254,277 Feltenius, Leif 134,135,137,140,142

Haag, O. 270,278 Harris, M. 217,222,225,235 Harth, H. 202

283

Index des auteurs modernes

Hawkins, J. 22,236 Heger, K. 222,236 Heinz, S. 221,222,236 Helttula, Anne 34,43 Herczeg, Giulio 266, 278 Herman, Jözsef VII, XI, 6, 28, 44, 100, 106, 110, 111, 117, 127, 145, 151, 156, 176,268,278 Hofmann, Johann Baptist 33, 34, 44, 135, 143, 175, 240, 250, 257, 261, 262, 263, 264,268,269,278 Holtus, Günter 100 Hoppe, H. 217 Hosner, J. 4, 5, 6 Jal, P. 84 Janson, Tore 22 Jernej, Josip 266,279 Iliescu, Maria 114,117,122,124,127,159, 160,162,167,169 Inguanez, M. 82 Jud, J. 244 Juret,A.Abel 22 Ivänescu, Gheorge 113,127 Kahane, H. and R. 186 Kaimio, Jorma 24,28,44 Kajanto, Iiro 201 Kalb, Wilhelm 33,44 Karlsson, Keith E. 186 Keil, Heinrich 101 Keniston, Hayward 264,272,278 Kennedy, George Alexander 59 K?sik, Marek VII, XI Kindrick, R.L. 4,6 Kiss, Sändor 136, 133,137,140, 143, 171, 180 Kleiman, Angela B. 273,278 Kleiber, Georges VII, XI

Klein, H.W. 154,156 Klinck, R. 76 Koch, P. 229,236 Kraye, J. 203 Kramer, Johannes 100 Krulla, H. 219,236 Kühner, Raphael 136,143,227,236 Kurzovä-Jedlitkovä, Helena 219,236 Kuttner, S. 190 Labhardt, A. 154,156 Laeufer, Christiane 249 Lagane, R. 141,143 Lagrange de, Louis 54 Lapesa, R. 220,236 Laplace, Pierre-Simon 54 Lass, Roger 276,278 Latte, Kurt 82 Lausberg, Heinrich 118,127,159,169 Leonardi, Claudio 77 Lessing, K. 227,236 Leumann, Manu 10,22,169,217,240,245 Lightfoot, David W. 278 Lindsay, Wallace Martin 22,76,79 Lodge, Gonzales 278 Löfstedt, Bengt VII, X, XI, 118, 120, 127, 174,184,185,186,187,278 Löfstedt, Einar 125, 127, 136, 143, 217, 236, 240, 242, 244, 247, 263, 271,278 Löfstedt, Leena 184 Lundström, Sven 136 Lunn, Patricia 252,255,278 Luzzi, G. 195 Lyons, C. 222,236 Layons, John 141,143 Macarie, Liliane 114,117,122,127 Machado, P. 244 Mai, Angelo 80,83

284

Malcovati, Enrica 103,110 Malkiel, Y. 169,186,195,199, 200 Mañczak, Witold 195,198,200 Marache, René 85 Maraval, P. 243 Marichal, Robert 104,110 Marigo, A. 77 Mariner, S. 138 Mariotti, Italo 101,110 Marmorale, Enzo Vincenzo 4, 6 Marouzeau, Jules 246 Marshall, Peter K. 187 Marti, Mario 265, 279 Martin, R. 55 Mayser, Edwin 32, 44 McEnemey, John I. 184 Meader, C. 219, 236 Médan, Pierre 263, 270, 278 Meillet, Antoine 97, 100,141,142 Meisel, Jürgen M. 100 Ménard, Philippe 268, 272, 279 Menéndez Pidal, Ramón 120, 127, 142, 272, 279 Meo de, Cesidio 51, 54 Merisalo, Outi 204 Merk, Georges 186 Metzeltin, Michael 100 Meyer-Lübke, Wilhelm 153, 160, 169, 240, 252, 272, 273, 279 Michaud-Quantin, Pierre 184 Mihäescu, H. 111,114,115,120,127 Millardet, G. 241 Milner, Jean-Claude 138,143 Minguez Fernández, J.M. 244 Moignet, Gérard 264, 272, 279 Moll, F. 232,236,244 Mommsen, Theodor 147,149 Montefusco, Lucia XI Moralejo, José Luis 244

Index des auteurs modernes

Mountford, J.F. 79 Mountford, J.F. 79 Mourin, L. 160,169 Müller, B. 217, 220, 236 Müller, H.F. 137,143 Müller, Konrad 3, 6 Nácar Fuster, E. 195 Nelson, H.L.W. 5, 6, 59, 67 Newton, Isaac 54 Niedermann, Max 11,239,240 Niemöller, W. 219,236 Niermeyer, J.F. 242 Nock, A.D. 58 Norberg, Dag 136,143,186 Norden, Eduard 25, 44 Oesterreicher, W. 229,236 Oliver Revillo, P. 101,102, 110 Olpin, L.R. 4,6 Oomen, I. 222,236 Orlandini, Anna 222, 236 Ottolini, A. 277 Padilla-Rivera, José 254, 279 Palmer, Leonard Robert 250, 268, 279 Paratore, Ettore 67 Pascual, JA.. 185, 241, 242, 247 Patterson, F.M. 4, 6 Paul, M. 219,236 Pepe, Luigi 4 , 6 Pernicone, Vincenzo 266, 277 Perret, Jean 85 Petersmann, Hubert 4, 6 Pighi, Giovanni Battista 23, 24, 25, 26, 27, 30, 31, 33, 34, 39, 40, 41, 44 Pinkster, Harm VII, X, XI, 133, 143, 169, 217 Pirson, Jules 115,116,119, 124, 127

285

Index des auteurs modernes

Plater, William Edward 263, 271, 279 Poerckde, Guy 184 Politzer, Robert 120,127 Politzer, Frieda 120,127 Prinz, Otto 116,118,127,171 Proskauer, Carola 117,127 Pulgram, Ernst 1, 6 Rahlfs, Alfred 82 Raible, W. 44,221,236 Raiskila, Pirjo X, 209 Ramat, Paolo 217 Rambaud, Jacqueline 189 Raynouard, F. 220,236 Regoliosi, M. 202 Regula, Moritz 266, 279 Renzi, Lorenzo 220, 237 Reinhart, Tania VII, XII Rey, A. 247 Rich, A. 50 Richter, E. 130,143 Risch, Ernst 33,44 Ritschl, Friedrich Wilhelm 101 Rizzo, Silvia 203 Rode, Burkhard IX, XII Rohlfs, Gerhardt 115, 119, 128, 150, 156, 159,169, 232, 237, 240, 241 Rokseth, P. 232,237 Rolfe, John C. 110 Roncaglia, Aurelio 145 Rönsch, Hermann 263, 279 Ronconi, Alessandro 130,143 Rosch, Eleanor 255,279 Rosén, Haii'm B. 186 Rosetti, Alexandru 115,117,128 Rothenberg, M. 135,138,141,143 Rubio, Lisardo 133, 144 Rudes, B. 169 Rudolph, W. 76

Ruipérez, Martín Sánchez 129,144 Sabbadini, Remigio 204 Salonius, Aarne Henrik 4, 7, 217, 263, 279 Sánchez Salor, E. 135,144 Saouma, Brigitte 201 Scherer, Anton 250,269,279 Schiapparelli, L. 146,157 Schlieben-Lange, Brigitte 99,100 Schmitt, Chr. 156,220,237 Schmitt Jensen, J. 255, 279 Schön, Ilse 185 Schuchardt, Hugo 22, 99,119,128 Schwarze, Christian 252, 255, 256, 279 Sedgwick, W.B. 5,7 Segond, L. 195 Segre, Cesare 265,279 Seiler, Hansjakob 186, 221, 237 Selig, Maria X, XI, 32, 44, 219 Serbat, Guy 262, 263, 269, 279 Sittl, K. 46 Smith, S. 55 Sornicola, Rosaria 242 Soverini, Paolo 58 Stati, Sorin 115,116,121,123,128 Stefenelli, Arnulf 5, 7,97,100 Stegmann, Carl 136,143, 227, 236 Strohmeyer, Fritz 265, 266, 279 Süss, G. 4, 7 Sullivan, J.P. 5,7,58,60,74 Suñer, Margarita 254, 279 Svennung, Josef 263, 270, 279 Szantyr, Anton 33, 34, 44, 135, 143, 175, 240, 250, 257, 261, 262, 263, 268, 269, 278 Tagliavini, Carlo 241 Tavoni, M. 202 Taylor, Pauline 263, 270, 280

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Tekavíié, Pavao 159, 169, 261, 262, 266, 272,280 Temporini, Hildegarde 44 Tesnière, Luden 132,139,144 Theander, C. 82 Thielmann, Philipp 140,144, 217 Thomas, E. 71 Thomas, François 262,268,269,271,277 Tidner, Erik 263,280 Touratier, Christian 133,144 Trager, George 219,237 Tunberg, V.T.O. 204, 206, 207 Uddholm, A. 116,124,128 Ullman, Berthold Louis 185 Väänänen, Veikko VII, XI, 11,19, 22, 35, 44, 102, 110, 118, 128, 150, 152, 156, 174, 178, 184, 242, 244, 250, 262, 263, 269,271,280 Vairel-Carron, Hélène 184 Valesio, Paolo 217 Van De Knieft, C. 242 Varvaro, Alberto 242 Vater, H. 237 Vendryes, Joseph 22, 137,144 Veyne, P. 58 VieUiard, Jeanne 263,271,280 Villar, F. 139,144 Vincent, N. 217 Vineis, Edoardo 263,269,271,280 Vives, José D. 111,118,119 Vollmann, Benedikt 187 Wagner, M.-L. 232, 237 Walser, E. 201,204 Walsh, Patrick G. 5,7,58 Wanner, Dieter XI, 275, 280

Index des auteurs modernes

Wartburg von, Walther 97, 100, 220, 235, 237,242 Watson, George Ronald 24,25,44 Weber, R. 78 Weber, Siegrid IX, XII Weise, Oscar 22 Wesseling, A. 201 Whatmough, Josua 79 White, H J . 263,271,279 Willis, Jacob 83 Williams, Edwin VII, XII Winter, John Garret 23, 25, 27, 28, 33, 34, 36,44 Wistrand, Erik 103,110 Woodcock, Eric Charles 280 Wolterstorff, G. 219, 237 Wüest, Jakob 90 Zamboni, Alberto 159,160,161, 162, 163, 167,169 Zeitlin, E.I. 58 Ziolkowski, Jan 187 Zumthor, P. 146 Youtie, Herbert Chayyim 23, 25, 27, 28, 33, 34, 36, 44