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French Pages [171] Year 2014
Philippe Clergeau Nathalie Machon
Où
se cache la
biodiversité en ville
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clés pour comprendre la nature en ville
Où se cache la biodiversité en ville ? 90 clés pour comprendre la nature en ville
Collection Clés pour comprendre Les eaux souterraines sont-elles éternelles ? 90 clés pour comprendre les eaux souterraines Jean Margat, Thierry Ruf, 2014, 152 p. Tous les champignons portent-ils un chapeau ? 90 clés pour comprendre les champignons Francis Martin, 2014, 184 p. Où le monde minéral choisit-il ses couleurs ? 100 clés pour comprendre les roches et minéraux Martial Caroff, 2014, 184 p. Pourrons-nous vivre sans OGM ? 60 clés pour comprendre les biotechnologies végétales Yvette Dattée, Georges Pelletier (coord.), 2014, 144 p. Mais que fait donc ce gendarme dans mon jardin ? 100 clés pour comprendre les petites bêtes du jardin Patrice Leraut, 2014, 160 p. Le jardin suit-il des modes ? 90 clés pour comprendre les jardins Yves-Marie Allain, 2013, 136 p. Les chauves-souris ont-elles peur de la lumière ? 100 clés pour comprendre les chauves-souris François Prud’homme, 2013, 208 p. Les oiseaux ont-ils du flair ? 160 clés pour comprendre les oiseaux Luc et Muriel Chazel, 2013, 240 p. Le sel pousse-t-il au soleil ? 120 clés pour comprendre le sel Pierre Laszlo, 2012, 128 p.
Éditions Quæ RD 10 78026 Versailles Cedex, France www.quae.com © Éditions Quæ, 2014 ISBN 978-2-7592-2215-5 ISSN 2261-3188 Le Code de la propriété intellectuelle interdit la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Le non-respect de cette disposition met en danger l’édition, notamment scientifique, et est sanctionné pénalement. Toute reproduction, même partielle, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20 rue des Grands-Augustins, Paris 6e.
Philippe Clergeau Nathalie Machon
Où
se cache la
biodiversité en ville
Éditions Quæ
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clés pour comprendre la nature en ville
Table des matières
Introduction : pourquoi s’intéresser à l’écologie en ville ?
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Un refuge pour la biodiversité ?
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Des espaces verts dans la ville
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La course des plantes sauvages
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Les animaux sauvages, de nouveaux résidents
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Les envahisseurs
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La ville de demain est-elle verte ?
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Espèces et espaces : définitions 163 Bibliographie 164 90 clés pour comprendre la nature en ville 165 Crédits iconographiques 168
Pourquoi s’intéresser à l’écologie en ville ?
Notre société évolue très vite et s’est donné de nouveaux objectifs permettant à la fois une survie de l’Homme dans les conditions les meilleures et un développement cohérent de sa société en harmonie avec son environnement. Cet objectif, qui a surtout été formalisé lors du Sommet de la Terre de Rio (1992), a pour nom le développement durable. Ce fantastique enjeu a été entériné dans le monde entier : c’est bien en tendant vers un équilibre entre les sphères économiques, sociales et environnementales qui implique aussi démocratie et plus d’équité, que notre société pourra survivre. Pour le moment, même si beaucoup de discours s’y réfèrent, le cheminement est très lent, notamment en ce qui concerne l’environnement et l’écologie. La ville est l’établissement humain par excellence. C’est là où la grande majorité des Hommes vit et vivra. La taille des villes s’accroît et leur impact sur les autres systèmes (naturels, agricoles, marins…) est considérable. Les services rendus par la nature aux activités humaines sont maintenant de plus en plus identifiés et l’avenir de la ville durable ne semble pas pouvoir se dessiner sans la prise en compte d’une biodiversité qui rafraîchira sa température, régulera ses pollutions atmosphériques ou hydrologiques, limitera la gestion de ses sols et des invasions biologiques, abaissera le CO2 tout en maîtrisant l’apparition de maladies et en fournissant aux citadins un indispensable bien-être. Pour cela, il faut comprendre l’évolution des pratiques, perceptions et désirs des citadins, mais aussi connaître les espèces qui peuvent participer à cette nouvelle forme urbaine. Débutées depuis quelques décennies, des recherches menées par des naturalistes et des écologues commencent à permettre d’expliquer que la ville n’est pas une non-nature et accueille déjà beaucoup d’espèces animales et végétales. Progressivement, les connaissances acquises participent à 7
d’autres objectifs de paysage pour la ville de demain. La mise en place de trames vertes et bleues donne par exemple un nouveau sens au projet urbain de ville durable. À l’échelle mondiale, la ville, qui occupe une proportion de plus en plus importante du sol, a aussi un rôle à jouer dans l’écologie : au même titre que l’agriculture ou la foresterie, l’urbanisme doit intégrer à son cahier des charges cette composante, essentielle au maintien des biodiversités locales.
L’écologue est un scientifique qui essaie de déterminer quelles lois expliquent la composition et le fonctionnement des écosystèmes. Pourquoi et comment telle espèce vit-elle tel ou tel endroit ? Comment interagit-elle avec telle autre ? Quels sont les facteurs qui permettent l’existence d’écosystèmes sains et producteurs de services utiles à l’humanité ? Dans la ville, le travail de l’écologue est particulier parce que le milieu est extrêmement complexe. La juxtaposition de petits éléments de paysage variés impose aux êtres vivants un passage abrupt entre des lieux de vie radicalement différents. Dans une forêt, une fois la lisière passée, on peut considérer que le milieu reste relativement uniforme sur des hectares. En ville, on passe brutalement Métier : d’une dalle de parking à un fossé, un jardin puis une route, écologue en un bâtiment, un parc public, une autre route, une friche… Chacun de ces espaces a des caractéristiques propres biodiversité (sol, histoire, usage), une façon particulière d’être géré, et urbaine donc son propre cortège d’espèces animales et végétales. Cet ensemble complexe d’écosystèmes forme le paysage urbain, où le rôle de l’Homme est prépondérant. Comprendre les lois qui régissent ce super écosystème nécessite d’étudier chacun des milieux avec précision et d’analyser ensuite comment ils agissent les uns sur les autres, comment les espèces s’accommodent de la mosaïque des milieux. Ainsi l’écologue parcourt la ville, inventoriant jardins, friches et même trottoirs, murs et toitures. Il apprend comment les différentes espèces se distribuent dans ce territoire et quelles sont celles qui cohabitent dans les mêmes lieux. Il détermine quelles sont les voies empruntées par les espèces animales et végétales pour se déplacer d’un endroit à l’autre de la ville, et surtout il essaie de comprendre quels sont les facteurs qui favorisent la biodiversité dans la ville. Une fois qu’il a acquis des bases solides sur le fonctionnement écologique du milieu urbain, il doit travailler avec ses collègues des sciences humaines (sociologues, psychologues, géographes, urbanistes, économistes…) pour analyser les autres facteurs d’installation liés aux comportements humains. Enfin, outre la connaissance de ce milieu, son objectif est de définir les meilleurs compromis en termes d’aménagement et de gestion de l’espace urbain pour à la fois préserver au mieux la biodiversité et satisfaire aux besoins des citadins.
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titre courant à compléter xxxxxxxxxx
Un refuge pour CPC-Nat-entree-chap1auchoix-a-b-c : 3 photos au choix d’espaces verts urbains morcelés, à traiter comme Jardins page 9 (passer les arbres ou les éléments urbains par-dessus les pastilles
la biodiversité ?
1 La ville, un monde à part ? La ville n’a jamais été considérée comme un espace de nature, tout au moins jusqu’à il y a quelques années. On a construit les villes d’abord pour se protéger des barbares et des animaux sauvages. La ville est le symbole de la culture et des relations humaines que tout oppose à la nature et sa sauvagerie ! Il n’y avait pratiquement pas d’espace de nature en ville avant le xixe siècle, et la biodiversité y était très faible. Depuis la fin du xixe siècle, la nature réinvestit la ville. Comme le suggérait la pensée hygiéniste de l’époque, la cité s’est agrémentée de parcs publics et des arbres ont été plantés sur ses places et le long des voies de communication. C’est surtout depuis le milieu du xxe siècle que la nature commence à s’installer en milieu urbain, et tout particulièrement après les récents abandons ou limitations de l’usage des pesticides dans l’entretien des espaces publics. La ville est devenue un nouveau système écologique avec ses propres règles de fonctionnement et ses propres communautés végétales et animales. 9
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
La ville, un monde à part ?
Le milieu urbain est caractérisé par un ensemble de facteurs qui lui sont particuliers. La température y est généralement plus élevée qu’en campagne (il y gèle beaucoup plus rarement), les vents et tempêtes sont moins forts, les pollutions atmosphériques (du particulaire, lié notamment aux véhicules diesels, Selon la taille de la ville, les conditions changent. Dans un village, des espèces très mobiles comme les oiseaux pourront faire des va-et-vient car la campagne est proche, avec ses ressources complémentaires. Dans les villes moyennes et grandes, on observe que beaucoup d’espèces, notamment les vertébrés le plus étudiés, restent inféodées au quartier où elles sont installées, même les oiseaux quand ils nourrissent leurs petits. Il y a donc un effet d’isolement lié à la distance entre les ressources alimentaires disponibles en ville et à la campagne. Les conditions vont aussi devenir de plus en plus particulières au fur et à mesure que l’on s’approche du centre-ville. La chaleur, la luminosité, la pollution, le dérangement sont de plus en Vivre en ville plus forts et limitent les espèces animales et végétales qui peuvent s’installer (voir questions 39 et 53). La dispersion ou dans un elle-même des espèces devient de plus en plus difficile à village ? cause des barrières que forment les immeubles, maisons et rues, de plus en plus denses. Même si le cœur d’une grande ville était très accueillant, son éloignement par rapport à des zones sources d’espèces contraint la biodiversité. Ainsi, l’abondance en insectes et la pluie de graines diminuent vers le centre-ville. L’effet de bordure, c’est-à-dire l’impact que peut avoir un système sur un autre (ici l’effet d’un périurbain rural sur la ville) diminue aussi très rapidement vers le centre-ville. Dans les parcs publics du centre d’une très grande ville comme Paris, il y a beaucoup moins d’insectes que dans le même type de parc au centre-ville d’une plus petite ville comme Rennes ou Angers.
Un village est intégré à sa campagne.
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Peut-on vraiment parler de biodiversité en ville ?
jusqu’aux composés chimiques de toute nature) beaucoup plus importantes, et les dérangements (lumineux, sonores, humains…) constants. Ce monde est avant tout minéral, et il va bloquer l’installation et la dispersion de très nombreuses espèces. En outre, la présence humaine à forte densité contraint les densités d’espèces présentes, à la fois par ses choix (on aime telle ou telle espèce) et ses comportements (le nourrissage de certains animaux ou les translocations de plantes). Oui, il s’agit bien d’un monde à part. On parle souvent d’écosystème. La forêt, le marais ou la prairie sont des écosystèmes différents, ayant chacun leur propre jeu d’espèces et de facteurs du milieu. En fait, la ville est plutôt un complexe d’écosystèmes, comme l’est un territoire rural avec ses différentes composantes. Pour l’écologue, il s’agit d’un paysage écologique, à un niveau d’organisation au-dessus de l’écosystème. Avoir reconnu un fonctionnement de l’espace à l’échelle des territoires, avec notamment ses mécanismes de dispersion des espèces qui tiennent compte de l’organisation des écosystèmes entre eux, constitue une des avancées de l’écologie récente. La ville est bien plurielle, avec différents écosystèmes en interaction : grands parcs et jardins, zones de lotissement, sites industriels ou centres-villes, fleuves, etc.
2 Peut-on vraiment parler de biodiversité
en ville ?
Trop souvent, la biodiversité est décrite comme l’ensemble et la diversité en gènes, espèces ou écosystèmes d’un site ou d’un milieu : on oublie qu’une de ses composantes majeures est l’interrelation des espèces entre elles et avec leur milieu. On ne peut donc pas parler de biodiversité sans faire référence à son fonctionnement (chaîne alimentaire, bénéfices mutuels ou indirects…). Avoir plus d’espèces sur un site, c’est facile : il suffit d’en introduire ou de perturber le milieu. Mais le fonctionnement de la biodiversité est lié aux notions d’équilibre et de dynamique cohérente et harmonieuse entre les espèces. Pensons aux chaînes alimentaires (producteurs-consommateurs-prédateurs) ou aux relations complexes sol-plante. La biodiversité est tout autant un ensemble d’espèces qu’un jeu d’interactions. 11
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Peut-on vraiment parler de biodiversité en ville ?
Traditionnellement, l’écologie scientifique prend avant tout en compte les espèces sauvages et locales (on dit aussi « spontanées » ou « autochtones »). Car celles-là participent à l’originalité de nos communautés écologiques et, rares, remarquables ou ordinaires, il faut les protéger. Mais en ville, le panel diffère. La plupart des espèces sont horticoles ou domestiques. Le naturaliste ne sera guère intéressé par ces espèces. Pourtant, l’écologue y voit des éléments Chat et constitutifs d’une biodiversité qui fonctionne. En pigeons : des effet, le principal prédateur en ville est le chat, espèces parmi les plus répandues espèce domestique. Et le pétunia et le géranium de en ville. nos jardinières participent activement au processus de pollinisation. Il n’est alors plus tout à fait possible de rester sur l’observation et la considération des seules espèces « sauvages », minoritaires dans la ville. Même si l’écologue privilégiera toujours les espèces sauvages et les sites les moins entretenus, la biodiversité ne peut donc pas être restreinte à un seul type d’espèces. La biodiversité urbaine, avec une prédominance d’espèces végétales et animales horticoles ou domestiques, intègre toutes les formes de vie qui participent au fonctionnement écologique du lieu. Cependant, la biodiversité n’y atteindra jamais le niveau de fonctionnement existant dans les systèmes plus naturels. Du fait des déséquilibres, notamment liés aux très fortes perturbations, certaines espèces deviennent envahissantes, comme l’ailante (un arbre importé de Chine) ou la vergerette du Canada (provenant d’Amérique du Nord), ou bien certaines espèces inattendues apparaissent près de l’Homme, qui ne souhaite pas toujours leur proximité (grands mammifères, comme les sangliers, ou étourneaux dans des « dortoirs urbains »). Le développement d’une biodiversité urbaine impliquera donc aussi des actions de gestion pour qu’elle reste acceptable en ville. Il faudra limiter les dispersions d’espèces sauvages proliférantes ou non désirées, et ne plus introduire d’espèces exotiques envahissantes. Néanmoins, quand les écologues parlent de nature dans la ville ou de biodiversité urbaine, ils font référence surtout aux espèces sauvages qui colonisent progressivement nos villes. 12
Peut-on vraiment parler de biodiversité en ville ?
Puisque la biodiversité se définit à la fois par les espèces et leurs interrelations, on doit aborder cette problématique sous ces deux aspects. • Identifier les espèces présentes C’est un travail impossible dans sa globalité. Depuis les microorganismes jusqu’aux plus grandes espèces de vertébrés, il y a des dizaines de milliers d’espèces potentiellement présentes dans un habitat. Les scientifiques ont donc contourné cette difficulté en choisissant des groupes d’espèces animales ou végétales qui peuvent traduire aussi la présence d’autres espèces. Par exemple, en choisissant le groupe des oiseaux, on sait que leur présence implique largement celle d’insectes dont ils se nourrissent et de plantes où ils peuvent nicher ou se cacher. De plus, les espèces d’oiseaux sont peu nombreuses Comment et faciles à reconnaître, ce qui n’est pas le cas des araignées, aussi mesurer la prédatrices d’insectes mais beaucoup plus compliquées à détermibiodiversité ner. Dans notre culture, les oiseaux sont tellement appréciés qu’ils en ville ? peuvent plus aisément aussi justifier d’un développement de nature. Cependant, les groupes répondent très différemment aux facteurs environnementaux et un objectif de multiplier les groupes étudiés est aujourd’hui affiché dans les recherches en écologie urbaine. On identifie aujourd’hui beaucoup d’invertébrés (insectes, mollusques…) qui ont des rôles forts dans le fonctionnement d’un habitat (cycle de la matière notamment). Les végétaux ont d’emblée été étudiés dans leur globalité, même si les espèces microscopiques sont encore peu connues. Les études permettent généralement de fournir le nombre d’espèces appartenant à un groupe ou à une famille et les effectifs correspondants. Les méthodes diffèrent selon les groupes étudiés (observation simple, capture, comptage…). En ville, on pourra utiliser aussi les sciences participatives pour acquérir des données. • Prendre en compte les interrelations entre les espèces Là encore, le chantier est énorme et les scientifiques ont contourné la difficulté en s’intéressant aux caractères des espèces qu’ils étudiaient (on parle aussi de « traits d’histoire de vie »). Ils définissent des groupes fonctionnels, par exemple par rapport à l’alimentation, et s’assurent que la chaîne alimentaire est cohérente (décomposeur, producteur, consommateur, prédateur). Ainsi, la présence de certains prédateurs explique la présence de proies insectivores ou herbivores. Le statut des espèces et les modalités de gestion permettent aussi de comprendre les articulations entre toutes les espèces (végétales comme animales) ou bien les ruptures. Par exemple, le nettoyage systématique des feuilles mortes sous les arbres ne contribue pas à la formation d’une communauté animale fonctionnelle dans le sol. Autre exemple : en ville, de nombreuses espèces végétales exotiques (voir question 64), comme les bambous ou les magnolias, dont les feuilles ne se décomposent pas rapidement, ne participent pas obligatoirement au fonctionnement de l’écosystème. Enfin, il existe des méthodes statistiques pour évaluer l’organisation de la communauté analysée. On dispose notamment d’indicateurs directs, qui calculent des indices de diversité ou de rareté à partir du nombre d’espèces et d’individus (l’indice de Shannon est parmi le plus connu), et des indicateurs indirects, qui se basent plutôt sur les structures paysagères (isolement, taille et usages des habitats…) pour définir des potentiels de biodiversité. Mais, dans tous les cas, on sait que la biodiversité ne se résume pas à ces quelques indicateurs et on doit rester modeste avec les résultats obtenus.
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UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Peut-on vraiment parler de biodiversité en ville ?
Depuis seulement quelques années, les « sciences citoyennes » permettent de collecter des données en grand nombre. En ville, cette participation des citadins est fondamentale tant il est difficile d’analyser et de recenser les espèces présentes. Difficultés d’accès aux jardins privés, difficultés d’instrumentation à cause du vandalisme : autant de facteurs encourageant cette démarche qui alimente d’importantes bases d’observation et qui sensibilise le citadin à son environnement. Il existe aujourd’hui plusieurs appels à contribution L’avènement concernant les animaux (Escargots des jardins, Oiseaux des jardins, Spipoll) ou les plantes (Sauvages de ma rue). des sciences Vigie-Nature est un programme de science participative participatives fondé et porté par le Muséum national d’histoire naturelle, pionnier des sciences participatives en France, animé par des associations et mis en œuvre grâce à des réseaux d’observateurs volontaires. Ce programme est ouvert à tous, du débutant au naturaliste le plus expérimenté (voir http://vigienature.mnhn. fr). En s’appuyant sur des protocoles simples et rigoureux, il propose aux observateurs volontaires de contribuer à la recherche en apprenant à reconnaître les espèces de notre pays. Initié il y a plus de vingt ans avec le suivi temporel des oiseaux communs (STOC), le programme Vigie-Nature s’est renforcé avec de nouveaux groupes : suivis des papillons, des chauves-souris, des escargots, des insectes pollinisateurs, des libellules, des plantes sauvages des villes…. En offrant aux scientifiques des données de terrain en grand nombre, les observateurs participent à l’amélioration des connaissances sur la biodiversité ordinaire et ses réponses face aux changements globaux. Ces suivis permettent en particulier de mieux connaître la distribution en ville des espèces faisant partie des groupes cités, ainsi que les facteurs qui favorisent leur présence. « Sauvages de ma rue » (http://sauvagesdemarue.mnhn.fr), le projet le plus dédié à l’environnement urbain, demande aux citadins de faire l’inventaire floristique de leur rue et d’envoyer les données sur un site développé par Tela Botanica, partenaire associatif du projet. Deux objectifs, pédagogique et scientifique, animent ce programme : apprendre aux citadins à reconnaître les espèces végétales qui poussent dans leur quartier et comprendre le rôle écologique de la flore éparse qui pousse au sein de la matrice urbaine la plus dense, dans le fonctionnement global de la biodiversité de la ville. Les premiers résultats montrent que la qualité de la flore des trottoirs dépend fortement de la qualité de la faune pollinisatrice du quartier. Une observatrice bénévole relève la liste des plantes présentes dans des quadrats, selon le protocole Vigie-Flore.
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Vivre en ville, c’est vivre mieux ?
3 Vivre en ville, c’est
vivre mieux ?
En général, les plantes s’installent de préférence sur des sols riches et bien arrosés. Cependant, un grand nombre d’espèces vit naturellement sur des sols pauvres en nutriments, secs, ou même dans des anfractuosités de rochers dans les falaises, grâce à des adaptations particulières qui les rendent performantes Plante poussant dans une fissure. dans les milieux extrêmes. Ce sont des espèces spécialistes. D’autres espèces sont capables de s’accommoder de conditions écologiques très variées ; on les dit généralistes. Pour les animaux, c’est pareil : il y a des espèces spécialistes très adaptées à un type d’habitat et de nourriture (les pics par exemple) et des espèces très généralistes au régime quasi omnivore et s’accommodant de tous les milieux (les renards par exemple). En ville, les contraintes du milieu sont fortes, si bien qu’un grand nombre d’espèces ne peuvent y vivre. Outre les difficultés de dissémination des graines de proche en proche dues à la minéralisation des sols (bâti, goudron), les pollutions atmosphériques et de l’eau, le sel, le piétinement et les produits de désherbage sont autant de freins au maintien de populations pérennes de plantes. Même si les herbivores et autres mangeurs de bourgeons sont nettement moins présents en ville, il faut encore ajouter à ces contraintes le problème majeur de la sécheresse des sols. La ville est plus chaude et plus sèche. L’eau ne s’infiltre pas sous le goudron et les multiples réseaux souterrains sont autant de drains efficaces à assécher les horizons superficiels du sol. Peu d’espèces supportent ces contraintes. Néanmoins, les plantes spécialistes des milieux rocheux ou les espèces généralistes peuvent s’y plaire. Pour les animaux qui cherchent des gîtes au ras du sol, les abris sont très limités. Ceux qui peuvent nicher, comme les oiseaux et les chauves-souris, vont utiliser les bâtiments. Car, à cause des risques qu’ils présentent pour la sécurité humaine, 15
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Vivre en ville, c’est vivre mieux ?
les vieux arbres offrant du bois mort pour les invertébrés et des cavités pour les oiseaux sont rares en ville. Beaucoup de mammifères et de gros insectes ont du mal à se disperser à cause des barrières physiques que forment les bâtiments, et la mortalité par écrasement dans les rues est importante. En toute saison, la ville est plus chaude que la campagne environnante. L’îlot de chaleur urbain, caractérisé par une température plus élevée de quelques degrés, est dû à la fois aux activités humaines (chauffage, émission de gaz, industries…) et à l’urbanisme avec des bâtiments et du goudron accumulant puis restituant de la chaleur. La température dépend directement de la minéralité et de la densité du bâti : elle varie selon les quartiers. La restitution de la chaleur la nuit et les quasi-absences de gel vont bien sûr influencer la biodiversité. Certaines espèces végétales s’installent dans des villes beaucoup plus au nord que leur limite de reproduction naL’hiver, moins turelle. On attribue ce fait et le maintien de ces espèces à rude qu’à la la température ambiante qui leur permet de subsister. Un campagne exemple récent est une petite fougère méditerranéenne (le polypode du Sud) qui réussit à s’épanouir jusque dans le centre-ville d’Angers. Les animaux aussi bénéficient de ce réchauffement en hiver. Ainsi, certains oiseaux restent dans les villes En hiver, couvertes de neige au lieu de migrer car il y a encore des les pigeons des villes se regroupent zones avec de l’eau libre (pour les casur des plaques nards, par exemple) ou des pelouses d’où la chaleur peu gelées (pour les étourneaux, par émane. exemple). Il a été montré que les sites choisis par les étourneaux pour dormir en ville présentent 2 à 5 degrés de plus que les sites de dortoir qu’ils occupaient en campagne proche de la ville. C’est une des clés expliquant le succès des villes à constituer de plus en plus de dortoirs d’étourneaux venant parfois de fort loin.
Mais ce sont les ressources alimentaires qui semblent orienter le plus la présence des espèces. Soit les animaux arrivent à trouver de quoi se nourrir de la même façon que dans leur habitat d’origine, comme le merle qui trouve sous les buissons et sur les pelouses les mêmes proies qu’en forêt. Soit ils modifient leur comportement pour accéder à de nouveaux aliments, comme le font les corneilles en fouillant les poubelles. Beaucoup de ressources alimentaires n’ont pas de substitut, ni 16
Vivre en ville, c’est vivre mieux ?
en disponibilité ni en valeur nutritive. En ville, les ressources, qu’il s‘agisse de proies, de végétaux ou de déchets, ne sont pas réparties aussi uniformément qu’en campagne. Les animaux doivent rechercher une nourriture très dispersée dans le temps (selon son accessibilité dans la journée ou la saison) et dans l’espace (jardins distants les uns des autres). Le nourrissage (voir question 70) modifie les conditions de vie des animaux et augmente rapidement la densité de certaines populations. Pourtant, une large part des aliments donnés (pains et déchets) ont une faible valeur nutritive et ne permettent souvent pas de nourrir les jeunes correctement. Cependant, d’autres animaux plus petits, comme les termites ou les fourmis, ont trouvé immédiatement leur bonheur dans cet écosystème chaud qui leur offre des ressources (voir questions 54 et 60). En hiver, les villes recouvertes de neige recueillent de nombreuses espèces d’oiseaux. Les sols moins souvent gelés leur apportent de la nourriture plus disponible (voir l’encadré page ci-contre). On a longtemps dit que la ville était accueillante parce qu’il n’y avait pas de prédateurs pour la faune. C’est loin d’être exact si l’on considère le comportement du chat domestique à l’égard des petits oiseaux et des petits mammifères. Même si beaucoup d’animaux réduisent considérablement leur distance de fuite en ville et se rapprochent physiquement de l’Homme, le dérangement reste une des perturbations majeures pour de nombreuses grosses espèces d’animaux. Chez les animaux, on observe tous les types de réponses à un système plus chaud et plus éclairé. Certaines espèces vont nicher plus tôt, comme certains oiseaux sédentaires, le merle noir par exemple, mais d’autres plus tard, comme l’étourneau. Les mammifères vont hiberner moins longtemps (hérissons) ou avoir des périodes d’inactivité plus courtes (écureuils), ils peuvent alors entrer en reproduction plus tôt. Mais en fait peu de recherches sont effectuées et pour les insectes ou les amphibiens on sait encore très peu de choses sur les Le printemps différences temporelles d’activité entre ville et campagne. est-il précoce ? Dans les arbres, le débourrage des bourgeons est en avance de quelques jours au centre des grandes agglomérations par rapport à des zones rurales alentours. Les plantes herbacées fleurissent également plus tôt. À certaines périodes, ce phénomène est particulièrement visible sur les plantes qui poussent le long des autoroutes, comme certains chardons. On peut voir ces espèces en bouton pendant des kilomètres, jusqu’aux portes de Paris, où on les trouve en fleur. En ville, leur floraison durera plus longtemps.
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UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
À quoi ressemble l’automne sous les lampadaires ?
4 À quoi ressemble l’automne sous
les lampadaires ?
L’effet de la lumière sur la flore et la faune urbaines est certainement tout aussi important que la température mais a très peu été étudié. En revanche, les effets des lampadaires sur les arbres des avenues sont visibles par tous. Les zones les plus éclairées restent plus vertes plus longtemps et les feuilles y sont les dernières à tomber. En effet, dans les forêts c’est la baisse de lumière qui entraîne le vieillissement des feuilles puis leur chute. Avec la lumière des lampadaires, ces processus hormonaux sont retardés de plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ce phénomène, sans être trop dommageable pour l’arbre, peut tout de même avoir un effet d’affaiblissement. En effet, si la lumière artificielle empêche la chute des feuilles, elle n’est pas suffisante pour permettre une photosynthèse très efficace, productrice de réserves pour l’arbre. L’impact semble beaucoup plus ténu La lumière des lampadaires sur les plantes poussant au ras du sol dans les rues a un effet sur des villes. C’est davantage la chaleur urbaine qui les arbres. agit sur leur phénologie. La lumière a également des effets sur les comportements des animaux. On a montré que les routes des oiseaux migrateurs étaient perturbées par les lumières de la ville, qui retardent ou dévient les axes classiques de migration. Pour beaucoup d’oiseaux, elles sont aussi attractives. C’est le cas des étourneaux, qui installent des dortoirs en ville plus facilement là où il y a de la lumière, car elle permet de voir arriver des prédateurs potentiels tout au long de la nuit. Cependant, ces oiseaux dorment beaucoup moins bien. Alors qu’en campagne, dans le noir absolu, plus aucun cri ou chant n’est détectable même quand plusieurs milliers d’oiseaux sont réunis, en ville les étourneaux continuent à babiller toute la nuit à tour de rôle… Les pigeons des villes montrent aussi des 18
La cité fait-elle peur aux prédateurs ?
activités de recherche de nourriture après le coucher du soleil, en contradiction complète avec un cycle nycthéméral classique. Les insectes volants sont attirés en toute saison par les lumières et souvent de fort loin. Cela perturbe les comportements de ces insectes (notamment leurs déplacements), mais aussi ceux de leurs prédateurs. De plus, ces insectes (surtout des lépidoptères nocturnes et de nombreux diptères) peuvent devenir des proies faciles pour des animaux nocturnes comme les pipistrelles et les sérotines, qui trouvent alors en ville gîte et couvert. Dans le sud de la France, le suivi de chauves-souris équipées d’émetteurs radio a permis de constater qu’elles quittaient leur gîte pour des zones de chasse éloignées de plusieurs kilomètres dans la ville proche. Cette étude, visant à définir les lieux de gagnage naturel à protéger, pour la conservation du minioptère de Schreibers, espèce très vulnérable, devrait donc intégrer les lampadaires de la ville ! La densité de proies et leur accessibilité devaient être plus fortes en bordure de ville et compenser ainsi un déplacement plutôt coûteux en énergie. Les lignes d’éclairage sont en revanche de vraies barrières pour toutes les espèces de rhinolophes et la plupart des murins.
5 La cité fait-elle peur aux prédateurs ? La ville abrite encore peu de prédateurs sauvages, mais les prédateurs domestiques sont nombreux. En fait, la diversité en espèces et les densités de populations dépendent beaucoup des ressources alimentaires présentes. Comme les villes sont peu riches en espèces et que celles-ci sont généralement en faible densité, il y a logiquement peu de prédateurs sauvages. En ville, le principal prédateur est le chat. Beaucoup de travaux scientifiques ont compté le nombre de proies des chats : selon la taille des villes, il atteint entre plusieurs dizaines de milliers et plusieurs millions de proies par an. Par exemple, au Royaume-Uni, une étude de 1987 extrapole le régime alimentaire de 78 chats aux 5 millions de chats domestiques, et estime un total de 70 millions de proies tuées, toutes espèces confondues, dont 35 % d’oiseaux (46 % d’hirondelles). Les proies sont surtout des micromammifères et des petits oiseaux mais aussi des amphibiens, des reptiles et des mammifères comme les écureuils et les chauves-souris. 19
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
La cité fait-elle peur aux prédateurs ?
L’impact des chats est énorme (en campagne aussi) et explique l’absence de certaines espèces déjà peu présentes dans la région. Par exemple, il y a peu de lézards des murailles dans la région de Rennes, et dans la ville pratiquement aucun. Les chats les détruisent au fur et à mesure de leur installation. Un herpétologue en a fait l’expérience en déplaçant quelques individus depuis la campagne vers son jardin de ville. Ils ont tous été tués par les chats qui, même s’ils ne les mangeaient pas, jouaient avec… Les autres prédateurs, peu nombreux, sont généralement très discrets. Le renard est cependant présent dans la plupart des villes. Il peut devenir même abondant dans certaines grandes Lézard villes comme Londres. Des suivis réalisés des murailles. à Nantes ont montré qu’il restait surtout lié aux parcs publics et grandes zones de jardins. Les renards circulent beaucoup. Leur territoire réduit se déforme régulièrement et ils gîtent rarement plus de quelques jours au même endroit. La fouine est certainement le prédateur sauvage le plus courant en ville mais elle a du mal à se faire une place au milieu des chats. Ce carnivore explore essentiellement les toitures. Il se repose dans les greniers et les combles où il adore les couches d’isolation. Depuis quelques années, les rapaces s’installent progressivement dans la ville. Les rapaces nocturnes (chouettes et hiboux) sont présents dans de nombreux parcs et ils vont chasser la nuit dans les jardins privés environnants. Même le grand duc est signalé dans des quartiers de Marseille. Le faucon crécerelle s’est progressivement installé dans de nombreuses églises en Europe et a changé son régime alimentaire, chassant les moineaux plutôt que les rares campagnols ou musaraignes, qui constituent pourtant son régime principal en campagne. Depuis une vingtaine d’années, des rapaces plus impressionnants arrivent aussi Hibou dans de nombreuses villes, comme le faucon pèlerin, grand duc. qui chasse des gros oiseaux, ou l’épervier d’Europe. 20
Qui visite nos poubelles ?
En ville comme en zone naturelle, les prédateurs apparaissent au fur et à mesure que la chaîne alimentaire se construit : les plantes attirent les insectes phytophages qui attirent les insectes prédateurs qui attirent les passereaux insectivores qui attireront à leur tour les rapaces. Mais même quand les prédateurs sont attirés en plus par d’autres ressources de la ville (par exemple les poubelles), ils restent méfiants et n’approchent l’Homme que très progressivement et plutôt la nuit.
6 Qui visite nos poubelles ? Les déchets et ordures ménagères sont des ressources très attractives pour de nombreuses espèces, qui Les corneilles trouvent là une alimentation régulière et bien réexploitent régulièrement nos partie dans la ville. Depuis toujours, les insectes, poubelles. rats et souris ont exploité les décharges d’ordures, mais aussi les poubelles de la rue. Depuis le Moyen Âge, les pigeons s’y sont mis également. Ces espèces dites anthropophiles profitent essentiellement de nos déchets. Leur surabondance s’explique largement par ces sources de nourriture constantes et disponibles jusqu’à il y a peu de temps encore. Plus récemment, d’autres arrivants en tirent aussi une alimentation importante. Par exemple, les goélands réfugiés dans les villes en hiver font les marchés et les lignes de poubelles. Aujourd’hui, les poubelles fermées en conteneur freinent l’exploitation par ces oiseaux qui, comme les corneilles, n’hésitent pas à déchirer les sacs poubelles transparents. Le plan Vigipirate français, en supprimant les poubelles et imposant les sacs plastiques transparents, a favorisé énormément l’installation de ces oiseaux. Les grands mammifères ne sont pas en reste : renards et sangliers chez nous, ours et coyotes en Amérique du Nord. Dans beaucoup d’autres pays où 21
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Où se cache la biodiversité en ville ?
la gestion des poubelles n’est pas très efficace, l’amoncellement de déchets entraîne la présence de très nombreuses espèces d’oiseaux et en très grand effectif, par exemple ibis et pélicans en Australie, vautours et marabouts en Afrique. En ce qui concerne les insectes, on pense bien sûr aux multiples espèces de mouches (diptères), mais de nombreux invertébrés détritivores utilisent aussi les ordures ménagères, comme les blattes ou les cloportes. Le célèbre grillon du métro de Paris qui se nourrissait, semble-t-il, essentiellement des mégots de cigarettes a disparu de la plupart des souterrains depuis l’interdiction d’y fumer ! Aujourd’hui, l’accès aux poubelles et décharges s’est fortement restreint et devrait donc limiter le développement de ces espèces animales. Mais une armée de nourrisseurs pourvoit largement à l’alimentation de ces animaux (voir question 70). Certaines plantes aussi profitent indirectement de nos déchets et poubelles. L’amendement des sols par décomposition des déchets favorise l’installation des plantes nitrophiles, comme les orties dans les espaces délaissés, les friches, les anciennes décharges.
7 Où se cache la biodiversité en ville ? La biodiversité est partout dans la ville, surtout si on y inclut les microorganismes, présents aussi sur les trottoirs et les jardinières. Mais, si on s’intéresse aux espèces les plus visibles, on observe que plantes et animaux s’installent plutôt dans tous les espaces de verdure qui ne sont pas trop nettoyés ni même gérés. La notion de biodiversité est essentiellement liée aux espaces verts. Les écologues ont d’ailleurs globalisé tous ces espaces de pleine terre pourtant très différents sous un seul terme, celui d’« espace à caractère naturel ». Ils ont montré que les espèces sont plus nombreuses et plus abondantes surtout en fonction de la gestion des sites. Plus elle est écologique, c’est-à-dire sans pesticide, privilégiant les plantations d’espèces locales et limitant les tailles et le nettoyage de sol, plus elle favorise l’installation d’un grand nombre d’espèces. Cette politique fait maintenant partie des gestions différenciées mise en œuvre par de nombreuses municipalités pour des raisons économiques mais aussi de développement de la biodiversité. Avant tout, on trouvera 22
Où se cache la biodiversité en ville ?
donc une biodiversité dans les jardins et parcs publics et privés, dans les friches, les espaces délaissés au bord des routes et des rails, dans tous les points d’eau un peu sauvages et même sur les ronds-points et bordures de rues avec des arbustes. Il est vrai aussi que plus le site sera étendu plus il accueillera d’espèces.
La gestion différenciée du parc de l’île Saint-Germain, près de Paris, permet la coexistence de différentes strates végétales.
En ville, les espaces construits sont très prégnants. C’est pourquoi la présence d’un pot de fleurs, qui ne présente pratiquement aucun intérêt en zone naturelle ou agricole, peut, en milieu urbain dense, représenter un refuge pour quelques très petites espèces et participer à la pollinisation si les fleurs sont visitées. Les Un balcon ou une terrasse peuvent donc jouer un petit rôle jardinières dans l’accueil, en général provisoire, de quelques espèces sont-elles animales voire végétales capables de voyager facilement des terres dans la ville (qu’elles volent ou qu’elles soient transportées passivement). Des graines dispersées par le vent, voire par d’accueil ? des oiseaux (fientes) ou des insectes (transportées par les fourmis, par exemple) peuvent trouver le bout de sol nécessaire à leur germination et leur floraison. La plante pourra à son tour diffuser dans le quartier ses nouvelles graines. C’est un peu le même principe, démontré par des scientifiques pour certaines fleurs, que le passage d’un pied d’arbre à un autre le long des boulevards. En verdissant la ville, le citadin collabore à l’amélioration de son cadre de vie. Les jardinières peuvent donc aussi avoir un impact indirect sur la biodiversité. En multipliant ces tous petits bouts de nature, on participe au rafraîchissement de l’air, aux limitations des pollutions atmosphériques, et surtout à la qualité visuelle de l’espace et au bien-être du quartier et de ses habitants, à condition de ne pas utiliser de produits phytosanitaires pour les entretenir...
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UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Où se cache la biodiversité en ville ?
Les sites urbains ayant le plus d’espèces et un fonctionnement écologique intéressant sont les grands et vieux parcs avec des zones « sauvages » peu entretenues et présentant toutes les strates végétales. Il est préférable de conserver une strate muscinale (les mousses et le lierre rampant), une strate herbacée (les grandes herbes et les petites plantes annuelles), une strate arbustive (les buissons et les plantes vivaces) et une strate arborescente (différentes espèces de grands arbres). C’est dans ce complexe que s’installeEn ville aussi, le lierre ront le mieux vertébrés et invertébrés, et peut assurer aux que de nouvelles espèces de plantes gendarmes un couvert. viendront s’épanouir. Mais la biodiversité apparaît aussi spontanément dans des lieux inattendus où poussent les plantes pionnières (toitures ou des bâtiments désaffectés). Premières espèces à s’installer, elles peuvent retenir ou fabriquer du sol qui, à son tour, accueillera d’autres graines vagabondes. C’est l’humidité (ombrage, fuite...) qui va généralement permettre l’implantation des premiers végétaux. Enfin, le moindre trou (grenier, corniche, cheminée) peut accueillir quelques espèces animales qui y dormiront (pigeons, chauves-souris,…) ou s’y reproduiront (chouettes, martinets, abeilles…). Les arbres d’une avenue peuvent aussi n’être utilisés que pour quelques nuits, comme halte migratoire (dortoir d’étourneaux). Aujourd’hui apparaissent des jardins « nature » avec des fouillis d’arbustes sauvages, des tas de bois et des sites d’accueil pour la faune, parfois une mare. Le site devient alors un véritable havre. Les jardins les plus riches ont une gestion écologique (pas de pesticides, pas trop d’espèces exotiques, des coins peu entretenus, des plantes mellifères et des abris pour la faune) et permettent une cohérence de fonctionnement écologique. Et la biodiversité est optimisée dans ceux qui sont situés en périphérie de la ville ou au bord de corridors verts (voir question 87) car les prédateurs peuvent s’installer : oiseaux insectivores bien sûr, mais aussi hérissons ou musaraignes (s’il n’y a pas trop de chats dans le quartier !). Aujourd’hui, dans certaines 24
Où se cache la biodiversité en ville ?
villes comme Nantes et Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-etVilaine), on réfléchit à des aménagements entre autres pour les crapauds et les hérissons. On fait des trous dans les murs ou les grillages, juste pour rendre possibles ces passages. Ils peuvent alors s’installer en exploitant un domaine comprenant plusieurs jardins bien accessibles. Les cimetières sont vraiment des espaces verts à part. Tout d’abord, il existe une multitude de types de cimetières. Très différents selon les cultures et les religions, ils représentent donc des sites d’accueil très variés. En France, les cimetières sont très entretenus : pas d’herbes folles, des allées gravillonnées et traitées, des tombes propres. L’ordre et la minéralité étant de rigueur, il y a très peu de nature en général. Dans les pays anglo-saxons, les cimetières comportent de vastes pelouses arborées, parfois des jardins anglais. Dans le L’évolution centre de l’Europe, comme en Autriche, les cimetières sont des « fouillis » de plantes et de fleurs. Leur exubérance les lente des rend très hétérogènes et attirants pour de nombreux insectes cimetières et oiseaux. Ils sont de véritables jardins. En France, ces espaces sont encore les plus traités. Beaucoup de municipalités n’utilisent plus de pesticides dans leurs « espaces verts »… sauf dans les cimetières. Notre culture peine à intégrer une autre forme de présentation des tombes. Les souillures (par exemple les fientes d’oiseaux) sont très vite intolérables pour les visiteurs. Les choses évoluent tout doucement et les services des espaces verts mènent actuellement des réflexions pour proposer des alternatives de gestion. Quelques villes comme Versailles franchissent le pas de ne plus désherber systématiquement et leurs cimetières commencent à présenter un nouveau visage. Dans les très vieux cimetières, comme celui du Père-Lachaise à Paris, de nombreuses espèces d’insectes et d’oiseaux se sont installées ou passent. Cela malgré la présence exagérée des chats et de leurs nourrisseurs, mais grâce à la multiplication des habitats (vieux murs, pelouses, vieux arbres…), sa grande surface (plus de 40 Un hectares) et son âge (plus de 200 ans). cimetière Par leur surface et leur situation dans la ville, foisonnant de végétation les cimetières devraient pouvoir être consià Salzburg dérés comme tout autre espace vert ayant un rôle écologique (Autriche). tant local (installation d’une biodiversité dans le quartier) que global (rôle dans la dispersion des espèces en ville).
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UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Qui a fui la ville ?
8 Qui a fui la ville ? Quand on met de la nature dans la ville, sous différentes formes (de la plantation d’arbres à la création de jardins publics ou privés), et qu’on la gère de façon plus écologique qu’auparavant, on constate globalement que de plus en plus d’espèces animales et végétales venant de la campagne s’installent. Il faut aussi ajouter l’apport croissant d’espèces exotiques relâchées en ville (voir question 57). Même si l’étude de la flore et de la faune urbaines est récente (2e moitié du xixe siècle), les scientifiques observent que le nombre d’espèces en ville est certainement plus important maintenant qu’il y a quelques siècles. Première remarque : quand il y a peu d’espèces végétales et animales dans un quartier, c’est généralement lié à la destruction de sites à caractère naturel dans le secteur, soit dans le quartier lui-même soit à proximité. Mais quand on parle d’espèces disparues à cause de l’urbanisation, on fait généralement référence à deux processus. Le premier et le plus ancien dans les écrits, c’est la disparition des espèces par la destruction de leurs habitats. Quand la ville croît et s’étend géographiquement, elle « bétonne » des espaces ruraux ou naturels. Cette urbanisation est inévitablement destructrice d’espèces dans le sens où le changement d’occupation du sol s’accompagne d’une minéralisation des sols et d’une suppression des végétaux. Quand on évoque une disparition de mammifères, d’oiseaux ou d’insectes dans une forêt urbaine, en général cette forêt s’est retrouvée progressivement englobée dans un tissu urbain qui ne permet plus la dispersion de graines et d’animaux. Par exemple, près de Paris, les bois de Vincennes et de Boulogne ont perdu beaucoup d’espèces animales au fur et à mesure qu’ils se retrouvaient isolés des autres forêts. Nous observons d’ailleurs que le bois de Vincennes présente beaucoup moins d’insectes que le bois de Boulogne (alors qu’ils ont à peu près la même histoire), en relation avec son plus grand éloignement des bois et forêts les plus proches. De la même façon, un parc ou un ensemble de jardins peut abriter moins d’espèces aujourd’hui alors que sa gestion est identique. La cause en est l’éloignement progressif des sites campagnards sources de biodiversité. Le deuxième processus est plus difficile à décrire et à quantifier et il est lié à l’histoire récente des villes. À la suite de la construction de parcs (fin du xixe siècle), puis des plantations 26
Les pollinisateurs trouvent-ils de quoi butiner ?
d’arbres (début du xxe siècle), les effectifs des insectes en ville ont fortement augmenté. Mais, dans les années 1960-1980, la pollution automobile et l’utilisation massive des insecticides ont énormément impacté les communautés d’insectes, et en conséquence certaines espèces d’oiseaux insectivores. Dans ce cas, il y a bien eu disparition d’espèces au sein même de la ville dans la deuxième moitié du xxe siècle. On manque de données antérieures sur les oiseaux ou les chauves-souris pour établir des comparaisons, car la faune urbaine n’était guère étudiée avant les années 1970. Actuellement, l’arrêt des pesticides dans de nombreux espaces publics est récompensé par le retour de plantes ou d’insectes qui avaient disparu. Il s’agit toujours d’espèces très communes à large diffusion, mais elles ont un rôle dans le fonctionnement des systèmes. La pollution chimique des eaux a aussi changé les communautés de poissons au cours des xixe et xxe siècles. On assiste seulement aujourd’hui au retour de quelques espèces migratrices comme les saumons dans la Seine.
9 Les pollinisateurs trouvent-ils
de quoi butiner ?
Depuis l’avènement des parcs publics au xixe siècle, les pollinisateurs ont progressivement trouvé de plus en plus de fleurs à butiner en ville. Les jardins du début du xxe siècle, essentiellement des potagers, comportaient peu d’espèces sauvages car ils se devaient d’être très entretenus. Puis sont apparus les jardins « détente », c’est-à-dire conçus pour le loisir, avec de la pelouse ; ils n’accueillent pas beaucoup plus d’espèces, sauf dans les recoins peu nettoyés. Il y a cependant beaucoup plus de fleurs dans un jardin urbain aujourd’hui qu’il n’y en avait dans les potagers anciens. L’horticulture a pris un essor formidable. Les fleurs ont été sélectionnées et importées de façon à ornementer la plupart des espaces. Mosaïques, plates-bandes, bordures de fleurs mélangées, jardinières, balcons et terrasses impliquent des centaines de variétés qui s’épanouissent une grande partie de l’année. Certaines s’échappent des jardins et vont coloniser les espaces libres ou délaissés de la ville. Les pollinisateurs, bourdons et abeilles solitaires notamment, ont donc bien de quoi butiner et ne font pas tous la différence entre espèces exotiques ou locales dans leur choix. Ils ne sont 27
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Les pollinisateurs trouvent-ils de quoi butiner ?
cependant pas très nombreux et des travaux ont commencé depuis quelques années seulement pour les connaître un peu mieux. On sait que les papillons ne sont pas, eux, de très bons pollinisateurs. On sait aussi que trop d’abeilles domestiques pourraient entrer en compétition avec les populations fragiles d’abeilles solitaires. Cependant, hors des parcs et jardins, les pollinisateurs ont plus de mal à trouver des végétaux qui les nourrissent, car ces derniers sont trop disséminés pour fournir une nourriture abondante. Les trajets à effectuer par les insectes pour trouver les plantes leur coûtent beaucoup d’énergie Le bilan n’est pas rentable. Si bien que dans les quartiers très minéraux, plantes entomophiles et insectes sont rares. Aujourd’hui, pour lutter contre la pauvreté urbaine en insectes, notamment en pollinisateurs, on installe des « hôtels à insectes » dans des parcs publics ou privés. Il s’agit d’un regroupement de pailles creuses, de bois et briques percées, de différents diamètres, qui permettent à plusieurs espèces de se réfugier et se reproduire. Les abeilles solitaires pondent dans ces cavités, qu’elles rebouchent avec un peu d’argile. On leur adjoint parfois des semis de plantes nectarifères. Ces mesures sont des coups de pouce à la reprise d’une certaine dynamique pour la biodiversité. Depuis peu de temps, des « hôtels à insectes » de différentes formes apparaissent en ville. L’hôtel se présente sous forme d’une accumulation de petits fagots de brindilles et tiges avec un toit. Il peut être modeste, avec une boîte en bois de quelques dizaines de centimètres de hauteur, ou atteindre plus de 2 mètres, avec une construction spectaculaire. Son objectif : permettre la ponte d’abeilles solitaires et d’autres petits insectes dans des tiges de graminées de différentes largeurs. Les hôtels ont des bois de différentes duretés, voire des blocs en argile ou en brique pour que des Installer espèces très différentes y installent des hôtels à leur ponte, en général un seul œuf insectes qui sera muré dans la tige. Une expérience en cours à Lyon montre que les abeilles utilisent surtout ce genre de nichoir dans les secteurs très construits, très pauvres en végétation mais, dans le Jardin Hôtel à des plantes de Paris, les grands hôtels à ininsectes dans sectes fonctionnent bien s’ils sont au soleil. un parc public de Lyon.
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Les abeilles de la cité sont-elles en meilleure santé ?
10 Les abeilles de la cité sont-elles
en meilleure santé ?
Les abeilles sauvages, souvent solitaires, sont représentées par des centaines d’espèces mais elles sont encore très peu connues par rapport aux abeilles domestiques. Aujourd’hui, les ruchers urbains connaissent un véritable engouement. Toutes les municipalités en veulent sur les toits de leur ville, et beaucoup d’entre elles les considèrent comme un symbole de la biodiversité. Pourtant, les abeilles mellifères sont des espèces domestiques, donc pas vraiment un pilier de la biodiversité ! Ce sont les associations d’apiculteurs professionnels ou amateurs qui gèrent les ruchers. Les municipalités ont donc choisi un symbole de nature peu dérangeant, peu coûteux et qui fait consensus. Les abeilles domestiques jouent cependant un rôle important, à deux titres. D’abord, les vergers et jardins urbains profitent de ces insectes pour produire les graines et les fruits. Mais ils permettent aussi de sensibiliser le public à la nature en ville : les citadins apprécient bien ces insectes et font immédiatement la relation avec les fleurs. Quand les insecticides étaient très utilisés partout il y a quelques années, il était quasi impossible d’avoir de beaux ruchers en ville. Aujourd’hui, c’est grâce à une gestion plus écologique des espaces verts que les abeilles peuvent si bien s’implanter, même en milieu urbain très dense. De plus, le miel de la ville est fabriqué à partir de nombreuses espèces présentes dans les jardins. En effet, l’horticulture a rendu la diversité en espèces mellifères plus grande en ville qu’à la campagne. La Société centrale d’apiculture, qui contrôle régulièrement le miel, ne trouve pas de concentrations importantes en plomb, même au cœur de Paris. Malgré un usage bien moindre en ville, d’autres travaux montrent des traces de plusieurs pesticides, mais jamais en forte concentration. Pour suivre la qualité de l’environnement urbain, des analyses régulières, notamment à Lyon et à Grenoble, sont réalisées à partir de miels ou de pollens. Les abeilles deviennent ainsi des bio-sentinelles pour des zones peu étendues ; elles vont butiner en moyenne jusqu’à 1 kilomètre de la ruche mais peuvent tout à fait en faire plus de 5 si nécessaire. On a dénombré jusqu’à plusieurs centaines de pollens différents en ville contre quelques dizaines en campagne. Cette variété 29
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Qui sont les nouveaux venus ?
profite à la qualité du miel, mais aussi semble-t-il à sa quantité puisque les productions sont parfois plus fortes en ville. Le miel « béton » est devenu le symbole d’une nature en ville. En tant qu’écologues, après avoir promu personnellement ces installations de ruches, nous revenons un peu en arrière pour les limiter. Trop de ruchers trop proches (à moins de 1 kilomètre les uns des autres), limiterait de facto la présence fragile des bourdons et petites abeilles solitaires dans la ville.
Rucher du parc Georges-Brassens, à Paris.
11 Qui sont les nouveaux venus ? De nouvelles espèces de plantes ou d’animaux arrivent dans la ville. Moins de pesticides dans les espaces publics, une gestion plus écologique et des plantations d’espèces locales, moins de remaniements des sols, et surtout plus de verdissement de certains espaces urbains (hélas pas partout !), notamment depuis le début du xxe siècle puis dans les années 1970, où des 30
Qui sont les nouveaux venus ?
milliers d’arbres et des dizaines d’hectares de pelouse ont été plantés, sont autant de facteurs favorables. La gestion écologique a aussi entraîné une attention particulière à toutes les petites plantes et autres « mauvaises herbes » qui étaient systématiquement arrachées ou traitées auparavant. Du coup, des petites espèces comme le mouron rouge ou la renouée des oiseaux sont en pleine recrudescence. Chez les animaux aussi, de nouvelles têtes apparaissent. Les rapaces ou le renard (voir questions 50 et 59), mais aussi de nombreux insectes, progressent dans la ville, au gré des possibilités de cheminement. Nous avions démontré, il y a quelques années, que les espèces de petits passereaux étaient de plus en plus nombreuses, en relation avec la qualité des jardins urbains, même en plein centre-ville. Nous avions conclu à l’intérêt de développer une gestion écologique des espaces verts, même en centre-ville, pour accueillir insectes et oiseaux. Les écureuils trouvent eux aussi de plus en plus d’intérêt à venir s’installer en ville où grands jardins et nombreux conifères leur offrent gîte et couvert. Mais, pour que de nouvelles espèces moins mobiles progressent dans le milieu urbain, il faut des continuités, des couloirs (voir questions 86 et 87). Enfin, parmi les nouveaux venus, il y a de plus en plus d’espèces exotiques, liées à l’horticulture ou aux nouveaux animaux de compagnie et qui s’échappent pour s’installer où Les tortues elles le peuvent (voir question 57). Les espèces aquade Floride, relâchées partout tiques relâchées par les aquariophiles sont les plus en France, ne se nombreuses (plantes comme les hygrophiles reproduisent pas encore au nord ou animaux comme les tortues de Floride) de la Loire. mais les spectaculaires écureuils gris et perruches à collier semblent bien s’adapter à notre climat ! Les espèces végétales importées à des fins ornementales, comme la renouée du Japon, ou pour leur capacité à fixer les talus des voies ferrées, comme l’ailante, se sont évadées des lieux de plantation pour envahir des bords de rivières, des parcs et jardins, et des friches. Le séneçon du Cap, une petite marguerite jaune, est la dernière exotique qui s’implante notablement : arrivée sous forme de graines dans la laine des moutons importée d’Afrique du Sud, 31
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
La ville étouffe-t-elle le sol ?
elle a ensemencé les bords de voies de chemin de fer de plusieurs villes d’Europe et a fini par envahir à peu près tous nos milieux urbains. Elle n’est pas très gênante car elle a tendance à occuper les espaces laissés vacants par les autres espèces.
12 La ville étouffe-t-elle le sol ? Le sol est une composante fondamentale de la vie. Les plantes y trouvent leurs substances nutritives et leur support physique. De nombreux organismes le travaillent en permanence, l’aèrent et recyclent la litière. En ville, il n’y a plus d’organisation des couches de sol. À force d’être creusé, déplacé, mélangé aux gravats, le sol est complètement déstructuré et ne possède plus les caractéristiques indispensables à la vie de beaucoup d’organismes. Néanmoins, grâce à la pollution due aux gaz d’échappement et aux déjections animales, il est souvent relativement riche Un arbre en nitrates. Inutile de l’amender par des fertilisants d’alignement artificiels ! Quelle que soit sa qualité et même dans sort de son le cas des sols les plus pollués, il se trouve touespace. jours des espèces végétales pour s’y plaire et s’y installer. Mais ce qui lui porte le plus préjudice est le piétinement incessant et le passage de véhicules, qui le tassent durablement, empêchant le développement des organisme les plus résistants. Même si quelques scientifiques travaillent sur les arbres urbains (choix des essences les plus adaptées, rôle des mycorhizes) et sur les pollutions des sols (écotoxicologie, métaux lourds), le problème des sols urbains est encore trop peu étudié et peu pris en compte dans les conservations d’habitats. De plus, les espèces qu’ils abritent sont peu emblématiques ou appréciées par le citadin. Les coléoptères ou les cloportes ont moins la cote que les papillons ou les oiseaux. Seuls les vers de terre, dont l’activité sur la qualité du sol est reconnue, bénéficient d’une attention particulière allant parfois jusqu’à leur élevage, pour les diffuser ultérieurement (lombriculture). 32
La ville étouffe-t-elle le sol ?
Le goudronnage et la construction des bâtiments imperméabilisent les sols et suppriment leur rôle d’absorption des eaux de pluie, de filtre et de support de vie. En Allemagne, les sols goudronnés ou bâtis, à l’origine de nombreuses inondations (notamment dans la Ruhr), sont aujourd’hui l’objet d’une taxe proportionnelle à leur taux d’imperméabilisation. Du coup, les toitures s’habillent de vert et les parkings dits « drainant » deviennent des pelouses (dalles evergreen). La mode des paillages de plates-bandes impacte aussi le fonctionnement du sol. On bâche à tout-va pour éviter l’usage des herbicides et conserver l’humidité du sol. C’était un bon geste écologique mais la microfaune y survit difficilement. Les paillages en écorce ou en paille semblent bien adaptés mais nous observons peu d’invertébrés dans les couches supérieures. En fait, le paillage devrait surtout être composé des feuilles des arbres qui, en se décomposant doucement, reforment un horizon superficiel riche pour la flore comme pour la faune. Bien évidemment, les premiers animaux touchés par la déstructuration du sol sont les vers de terre. Les lombrics sont les artisans essentiels de la vie du sol. À la fois transformateurs et décomposeurs, aérateurs et décompacteurs, les quelques dizaines d’espèces de lombric sont indispensables au cycle biologique et à la mise à disposition d’éléments nutritifs à partir des végétaux morts. Leur densité au mètre carré peut être énorme, traduisant alors une richesse organique locale. En ville, ils sont peu nombreux et fragilisés par les pollutions. En 1981, nous avions étudié les vers de terre d’une pelouse urbaine complètement récréée sur une zone humide dans Que sont la ville de Rennes. Les pelouses de moins de 2 ans présendevenus les taient une biomasse en lombrics (g/m²) 100 fois plus faible lombrics ? que les pelouses de plus de 10 ans. Avec le temps, elles semblent avoir retrouvé leurs différents horizons de sol et leurs lombrics : ceux-ci ont fait leur travail de réorganisation du sol et se sont multipliés. On n’en trouve pas sous les pavés ou le goudron, mais dans les plus anciens parcs, surtout depuis que les pesticides sont supprimés. Aujourd’hui, la place des vers de terre dans une aide à la gestion des déchets est de plus en plus prise en considération. Certaines stations d’épuration « travaillent » avec la capacité des lombrics à décomposer les déchets organiques présents dans les eaux usées, ce qui limite les consommations d’énergie, les boues d’épuration et les odeurs. De plus en plus de lombricomposteurs sont installés aussi dans les jardins publics et privés. Les vers de terre seront de toute évidence un des piliers des éco-cités de demain.
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UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Y a-t-il plus de rhumes des foins dans la cité ?
13 Y a-t-il plus de rhumes des foins
dans la cité ?
Le rhume des foins est une allergie à des pollens d’une famille de plantes très répandue dans certains habitats : les poacées, anciennement appelées graminées, qui composent une part importante des pelouses et des prairies plus ou moins naturelles. Dans les villes où le principal type de végétation rencontré est la pelouse urbaine, presque tous les pollens qui se promènent dans l’atmosphère sont allergènes et le rhume des foins peut accabler un grand nombre de citadins. Mais en tondant très régulièrement les pelouses, on limite fortement la reproduction des graminées. D’autres plantes sont aussi responsables d’allergies, notamment les bouleaux, qu’on évitera de planter en ville, les pariétaires de Judée qui ont tendance à envahir les micro-espaces urbains délaissés (pieds de murs, friches
). Le Réseau national de surveillance aérologique (RNSA) a pour mission d’établir la carte des territoires où les plantes sont les plus susceptibles de provoquer des allergies. Dans les quartiers où la végétation est bien diversifiée, un phénomène de dilution des pollens allergènes doit avoir lieu car on observe beaucoup moins d’allergies. Néanmoins, qu’il y ait ou non des pollens allergènes, les problèmes respiratoires sont largement majorés par l’inhalation des particules fines qui sont en suspension dans l’atmosphère et entraînent une augmentation de mortalité, surtout les jours de pics de pollution. Ce n’est pas la flore qui est à incriminer, mais les rejets industriels, fumées des cheminées et les échappements des moteurs diesel qui sont maintenant reconnus comme fortement cancérigènes.
14 Pleut-il des pesticides sur la ville ? La pollution urbaine est énorme : elle concerne l’air, l’eau, la production de déchets, etc. La plus préoccupante est celle de l’air. Dioxyde de soufre (SO²), oxyde d’azote (NOx), hydrocarbures, particulaires, monoxyde d’azote (NO), métaux comme le plomb sont parmi les principaux polluants. Les pluies acides, médiatisées dans les années 1980 avec la mort des arbres de la forêt vosgienne, sont d’origine industrielle 34
Pleut-il des pesticides sur la ville ?
(notamment minière) et urbaine. Cet exemple illustre aussi les transformations chimiques qui s’opèrent dans l’atmosphère… L’usage des pesticides (herbicides, insecticides, fongicides) était très fort en ville jusqu’à ces dernières années. Les services municipaux les utilisaient aussi bien pour gérer les jardins publics que les trottoirs. Comme en agriculture, les quantités étaient importantes, garantes d’une propreté de la voirie et d’une santé des plantes ornementales. On peut dire qu’une révolution a eu lieu dans la très grande majorité des services des collectivités, qui n’emploient plus que très ponctuellement les herbicides (mais encore beaucoup dans les cimetières !). Le « zérophyto » est devenu un label de qualité d’environnement d’une ville et de l’effort écologique des jardiniers. Cependant, il pleut beaucoup de nitrates en ville ! En 2005, lors d’une étude comparative de la dynamique de végétation entre la ville de Rennes et la campagne proche, l’eau de pluie avait été analysée. Au centre-ville, elle contenait deux fois plus de nitrates qu’à la campagne. Ce résultat fournissait une des explications de la dominance d’espèces nitrophiles (graminées comme les Poa et les Agrostis) en ville alors que les sols n’étaient pas amendés ! Ces nitrates s’ajoutent aux pesticides présents dans les eaux de pluie. En 2006, une étude menée sur l’air de Paris montrait la présence, en plein centre-ville, de 19 pesticides utilisés par l’agriculture intensive pratiquée autour de Paris, en moins forte dose qu’à la campagne il est vrai. Des herbicides très volatils utilisés pour la culture du colza ou du tournesol sont ainsi présents toute l’année dans l’air francilien.
15 Habiter en ville change-t-il
les habitudes ?
De toute évidence, une espèce ne peut pas s’installer en ville sans un minimum de modifications, soit dans sa morphologie, soit dans son comportement. Une grande partie des espèces dites généralistes tolèrent des habitats variables et ont souvent des exigences de sol (pour les plantes) ou un régime alimentaire (pour les animaux) leur permettant de s’accommoder rapidement de fortes contraintes. Certaines plantes par exemple sont capables de répondre, 35
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Habiter en ville change-t-il les habitudes ?
au cours de leur croissance, au piétinement, et développent des feuilles en rosette au ras du sol, beaucoup moins fragiles que les tiges trop longues (par exemple des pâquerettes). Des animaux aussi présentent une « plasticité » qui leur permet d’être à l’aise partout. Par exemple les goélands, qui sont déjà des éboueurs des mers, n’ont pas eu de mal à exploiter nos décharges d’ordures et nos poubelles. De la même façon, nombres d’insectes vont supporter un peu plus de chaleur urbaine mais sans vraiment changer d’alimentation ou de période de reproduction. À côté de ces espèces « plastiques », qui présentent donc une grande fenêtre de capacités, même si elles n’en utilisent qu’une partie, d’autres espèces vont s’adapter. L’« adaptation » fait référence plutôt à un processus long qui va mettre, génération après génération, la plante ou l’animal dans une relation différente avec son environnement. Chez les plantes, un exemple récent illustre cela parfaitement : la qualité des graines produites par un crépis, sorte de pissenlit, à la fois dans la ville au pied des arbres des boulevards et dans la campagne proche. Les individus émettent plus de graines lourdes en ville qu’à la campagne, où les graines produites sont plutôt celles qui s’envolent. En fait, la population urbaine a sélectionné génération après génération les graines les plus efficaces à se pérenniser en ville : pas celles qui volent et se perdent dans les goudrons mais celles qui restent à proximité du pied mère, là où il y a de la terre. Chez les animaux, les exemples d’adaptation sont plus nombreux. Par exemple, le faucon crécerelle, qui s’installe dans les grandes villes européennes en nichant notamment dans les églises, a modifié son régime alimentaire. Le raton-laveur, qui vit de plus en plus dans les lotissements américains, change aussi progressivement de comportement. Il était nocturne, timide, carnivore, territorial. Il devient diurne, proche de l’Homme, omnivore, et plusieurs couples peuvent investir une même maison. Les insectes évoluent également, mais cela a encore peu été étudié. On pense aux célèbres papillons anglais qui ont changé progressivement de couleur avec la modification de couleur des troncs d’arbres et des murs. Nous sommes aussi en train de montrer que certains individus de coléoptères sont plus gros en ville qu’à la campagne. Néanmoins, beaucoup d’espèces ne vont présenter que quelques signes de modifications. Par exemple, les passereaux chantent plus fort en ville pour émerger du bruit de fond des 36
Qui a droit de cité ?
véhicules. Les étourneaux vont orner leur nid de papier brillant au lieu de fleurs. Les renards vont être plus mobiles et avoir des territoires plus petits qu’à la campagne. Enfin, beaucoup d’animaux vont modifier plus ou moins fortement leur régime alimentaire. Les étourneaux, avant tout insectivores, vont intégrer facilement les frites et les pizzas dans leur menu, tout comme les pigeons ramiers, qui sont pourtant granivores. Oui, pour vivre en ville, il faut changer ses habitudes ! On interroge souvent les écologues sur le pouvoir de la ville à fixer les espèces. En termes scientifiques, cela voudrait dire que des animaux erratiques ou migrants sont devenus sédentaires et inféodés à un milieu urbain. En l’état des connaissances actuelles, il est difficile de répondre à cette question, mais certains exemples montreraient que la ville accueille des oiseaux à des périodes où on ne les Vivre en voyait pas avant. Ainsi, les étourneaux, qui se sont adaptés ville rend-t-il à tous les types de milieux, semblent rester dans les villes du Canada où ils trouvent des sites de gagnage non gelés. casanier ? Certains de ces oiseaux ne migrent donc plus vers le sud en hiver. En Australie, les ibis à cou noir ont quitté en partie les zones humides pour se réfugier à Sydney, qui leur offre à la fois des arbres pour nicher et des sources d’alimentation faciles, comme de nombreuses décharges d’ordures permanentes. Du coup, ces oiseaux ne quittent plus la ville. Une autre question sous-jacente est de savoir si les populations urbaines sont indépendantes des populations rurales proches. Là encore, on manque de résultats. Des travaux anglais sur la pie ont montré que la dynamique de reproduction (date, taille des nichées, taux de réussite) était complètement différente selon qu’il s’agissait de populations urbaines ou rurales. Cela suggérait donc que ces populations n’avaient pas de relations. Il semble que cela soit pareil pour d’autres oiseaux et aussi pour les mammifères comme les renards ou les écureuils.
16 Qui a droit de cité ? La perception et le jugement des citadins favorisent ou limitent la présence de certaines espèces en ville. La plupart des gens ne font guère attention aux différentes espèces végétales et animales qui les entourent, surtout en ville où elles sont souvent discrètes. L’attention se porte plus volontiers sur le spectaculaire et l’inattendu, sensibilité avec laquelle les paysagistes savent en général bien jouer en faisant planter arbres et fleurs surprenants. 37
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Qui a droit de cité ?
Les sociologues ont étudié ce rapport à l’animal et montrent que les oiseaux et les rongeurs sont plus repérés que les végétaux. Le rouge-gorge compte parmi les oiseaux les mieux reconnus. Les végétaux sont très appréciés et, pour de nombreux citadins, l’arbre est le symbole de la nature dans la ville. Les arbres désirés ne sont pas toujours les mêmes selon les acteurs de la ville. Selon une étude réalisée dans les années 1990 en région parisienne, les élus préféraient les arbres à fleurs, qui magnifient le boulevard, alors que les habitants préféraient les arbres de la région, qui perdent leurs feuilles et soulignent la temporalité. Dans tous les La mésange charbonnière est aucas, les travaux pluridisciplinaires à Rennes ou à jourd’hui le passereau Paris ont montré le poids de l’histoire personnelle le plus commun en ville. des citadins dans leur vision et leur appréciation de la nature, un facteur plus important que le lieu où ils habitent. Un citadin sera plus attentif à son environnement et aux détails des espèces s’il a une culture rurale. Néanmoins, les schémas perdurent : les chauves-souris sont très peu aimées, les insectes et les reptiles sont les moins appréciés. Il semble évident que l’information et la sensibilisation aux plantes et aux animaux, comme aux fonctionnements écologiques, doivent accompagner les évolutions d’une ville qui accueille de plus en plus de nature en son sein. L’inconnu fait peur et le sauvage est, par définition culturelle, une source d’inquiétude. L’arrêt des désherbages au pied des arbres dans de nombreuses villes en est un bon exemple. L’objectif était à la fois de remettre un peu de nature au pied de ces arbres des avenues et de limiter les coûts d’entretien. Cela a tout de suite été perçu comme un abandon des nettoyages et une atteinte à la propreté des villes. Les riverains n’ont absolument pas accepté de voir pousser ronces, orties ou pissenlits devant leur porte. La pression s’est calmée quand quelques coquelicots ont émergé, puis les plaintes ont cessé quand une communication sur les gestions écologiques a été faite par les municipalités. Or, en plus de l’effet « nature de proximité », ces tout petits espaces peuvent jouer un rôle dans la dispersion de certaines espèces (plantes, insectes) le long des boulevards (voir question 88). 38
Qui sont les indésirables ?
Un choix de planter des marronniers et de ne pas désherber à leur pied.
17 Qui sont les indésirables ? Certaines espèces, animales comme végétales, ne sont pas vraiment souhaitées en ville. La première contrainte vient de la cohabitation : quand espèces sauvages et humains sont trop nombreux ensemble sur un même espace, cela cause des concurrences et des problèmes. Quelques oiseaux ne sont guère remarqués ou ne gênent personne, ils sont même souvent plutôt appréciés. Mais quand ils deviennent trop nombreux, il y a perception négative, inquiétude, rejet et plaintes. C’est le cas des dortoirs de passereaux ou des colonies de goélands, mais aussi de certaines plantes trop abondantes. En fait, la motivation des inquiétudes est très différente selon les acteurs de la ville. Le citadin nomme rarement les espèces et, quand il le fait, c’est parce qu’il a eu affaire à elles (termites, blattes, rats, pigeons…). Tout ce qui pique est a priori indésirable pour soi ou ses proches. Aussi bien les plantes comme les ronces ou les orties, que les animaux comme les guêpes, les tiques ou les 39
UN REFUGE POUR LA BIODIVERSITÉ ?
Qui sont les indésirables ?
araignées (qui ne piquent pourtant pas !). La peur du sauvage est forte et renforcée par l’agression possible. Tout ce qui fait sale est aussi indésirable. Plantes et animaux sont d’autant plus refusés que l’espèce est liée à l’abandon (plantes des décombres, par exemple) ou à une alimentation de déchets (rats ou pigeons). Certaines espèces s’en tirent mieux que d’autres car elles ont un fort capital de sympathie. C’est le cas du goéland, pourtant éboueur dans nos villes, mais avant tout symbole de bord de mer. Cependant, le capital s’effrite encore plus quand l’espèce s’accouple bruyamment sur les toits des immeubles. Le citadin développe aussi des phobies (par exemple à l’égard des blattes, cafards, chauves-souris ou araignées), liées essentiellement à sa propre éducation et sans aucune base biologique ou sanitaire !
L’ambroisie, espèce invasive au pollen très allergène.
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Qui sont les indésirables ?
Pour le jardinier, les espèces indésirables se rapportent à sa production de fleurs et de légumes. Les insectes ravageurs des cultures sont en première ligne de sa guerre acharnée contre les escargots et les limaces, les taupes et parfois les lapins. Il désherbe activement toutes les plantes concurrentes de celles qu’il a lui-même plantées. Pour le naturaliste, il y a peu d’espèces indésirables puisque son souhait est de voir le plus d’espèces possible. Mais il voudrait bien limiter les espèces domestiques, notamment les chiens et chats redevenus sauvages, qui chassent ou concurrencent les espèces sauvages. Le naturaliste est pourtant le premier à favoriser les ruchers urbains, ce qui peut poser problème aux abeilles solitaires. Pour l’écologue, attentif au fonctionnement écologique global, les indésirables représentent plutôt les espèces exotiques envahissantes, dites invasives, espèces échappées de jardins ou relâchées dans la nature. Ces espèces peuvent entrer en concurrence avec des espèces locales, jusqu’à les éliminer localement. Les espèces allergènes sont sans doute dans le collimateur du médecin. Les spores de moisissures et surtout le pollen des arbres comme les cyprès, les oliviers ou les bouleaux, les plantes comme les ambroisies (invasives) et beaucoup de graminées contribuent au développement d’allergies respiratoires, les célèbres « rhumes des foins ». Aujourd’hui, de plus en plus de jardiniers municipaux sélectionnent les essences en fonction de ce critère. Les animaux peuvent aussi être source de maladie en ville, donc indésirables. Outre La jolie tourterelle turque est présente les cas graves connus depuis longtemps comme dans nos villes mais les rages, échinococcoses ou pestes transportées plus admise dans les classes enfantines. par certains mammifères, il existe des vecteurs plus subtils dont on ne souligne pas toujours assez l’action aujourd’hui. Par exemple, les pigeons des villes sont très porteurs de cryptocoques à l’origine de cryptococcoses pulmonaires touchant facilement des immunodéprimés, comme les porteurs de VIH. Les columbidés (pigeons, tourterelles) sont aussi vecteurs de psittacoses et d’allergies. Les cages de ces oiseaux, très courantes dans les classes de maternelle dans les années 1960, ont d’ailleurs été très fortement limitées. 41
TITRE DU CHAPITRE À COMPLÉTER
titre courant à compléter xxxxxxxxxx
Platanes et gazon le long de l’avenue Jourdain, à Paris.
42
Des espaces verts dans la ville
18 Quelle est la ville la plus verte
du monde ?
Les grandes villes citées en exemple pour leur bonne gestion écologique sont les suivantes : Portland (États-Unis), Londres (Royaume-Uni), Curitiba (Brésil), Bogota (Colombie), Sydney (Australie), Vancouver (Canada), Bahia de Caraquez (Équateur). Ces villes ne contiennent pas seulement de grandes surfaces d’espaces verts, elles ont aussi des pratiques vertueuses en gestion de l’énergie et traitement des déchets. La ville de Portland, en Oregon, utilise par exemple de grandes rangées de jardinières le long des trottoirs : elles décorent les rues et en même temps captent les eaux de ruissellement au moyen de rigoles. L’eau passe à travers la terre et un géotextile avant de gagner la nappe phréatique. Elle est ainsi dépolluée par les bactéries présentes dans la terre des bacs. Les plantes utilisées appartiennent à la flore de la région et sont choisies pour leur affinité à l’environnement urbain et leur capacité d’absorption des polluants. 43
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Quelle est la ville la plus verte du monde ?
Curitiba a su également faire preuve de beaucoup de créativité pour un aménagement urbain modèle. Son réseau de transports en commun, lignes de bus et de métros aériens, est si bien conçu que 85 % des habitants l’utilisent, et qu’il reste de la place pour offrir 50 m² d’espace vert par personne ! À Vancouver, ville verte grâce aux 200 parcs urbains qui s’y trouvent, et notamment Stanley Park, l’un des plus grands d’Amérique du Nord, 90 % de l’énergie utilisée par la ville est propre : éoliennes, énergie marémotrice ou solaire. Pour laisser de la place aux espaces verts et aux piétons, cette ville comporte beaucoup d’immeubles de plus de 100 m de hauteur. Une récente étude sur les grandes villes européennes a montré que les espaces verts représentaient entre 1,9 % du territoire urbain (à Reggio Emilia, en Italie), à 46 % (à Ferrol, en Espagne). C’est donc cette ville que l’on peut considérer la plus verte d’Europe. En général, c’est dans le nord du continent que l’on trouve les villes les mieux pourvues en espaces verts (Royaume-Uni, Finlande ou Belgique), tandis que les villes méditerranéennes sont à la traîne. Pour ce qui est du nombre de mètres carrés d’espaces verts par habitant, ce sont également les pays du Nord les grands gagnants : plus de 300 m² pour les habitants de Liège, en Belgique, ou d’Oulu, en Finlande, alors qu’en Espagne, en Grèce ou en Italie, beaucoup de villes n’offrent que 3 ou 4 m² d’espaces verts par habitant (par exemple, 2,5 m² à Athènes). En France, les situations sont contrastées. D’après L’Expansion en 2009, les plus mauvaises élèves seraient Nice et Lyon (8,6 m² d’espaces verts/hab.). Paris n’est pas très loin (10 m²/hab. avec les bois de Boulogne et de Vincennes). La palme des bons élèves revient sans conteste à Strasbourg (68 m²/hab.) suivie du Mans (60,7 m²/hab.) et de Dijon (47,5 m²/hab.). L’Union nationale des entreprises du paysage déclare en 2014 les villes de Nantes, Angers et Limoges comme les plus vertes… Tout dépend de ce que l’on compte comme espaces verts !
19 À quoi servent les jardins ? Les jardins ont eu de nombreux usages à travers les âges. À l’heure actuelle, dans les villes françaises, on peut distinguer différentes sortes de jardins. En voici les plus courantes. 44
À quoi servent les jardins ?
• Les jardins privés des particuliers ont plusieurs fonctions selon le désir des propriétaires. Ce sont des jardins d’agrément où ils peuvent se reposer, déjeuner en extérieur, produire des fruits et légumes, permettre aux animaux domestiques de s’ébattre… Quelles que soient leurs fonctions, ils demandent un minimum d’entretien, ce qui donne l’occasion aux citadins de s’adonner au jardinage, activité très en vogue actuellement.
Jardin privé jouxtant un bois, en banlieue parisienne.
• Les jardins partagés ou collectifs sont des espaces dédiés à la production horticole ou potagère de collectifs d’habitants. Ils servent donc à fournir des compléments alimentaires aux citadins et leur permettent également d’assouvir leur envie d’activité en relation avec la nature.
Jardin collectif à Roubaix.
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À quoi servent les jardins ?
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Entrée du siège de BNP Paribas Real Estate, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
• Les entreprises privées possèdent aussi des jardins. Ils ont pour objectifs d’offrir des espaces récréatifs aux employés et de constituer une vitrine esthétique pour la firme. • Il y a enfin les jardins et parcs publics dont les vocations sont clairement récréatives et culturelles pour les citadins. Suivant leur composition, l’accent est mis sur le côté ludique (espace de jeux pour enfants, terrains de sport…), esthétique (plates-bandes, serres…) ou naturel (gestion différenciée). Tous ces jardins sont autant d’espaces dédiés à la flore et la faune, accomplissant un rôle très important pour le citadin et pour la biodiversité des villes. Ils abaissent la température des quartiers, jouant ainsi sur le phénomène d’îlot de chaleur, ils absorbent une partie des gaz à effet de serre, fournissent des habitats aux espèces sauvages, etc. C’est leur surface cumulée, leur gestion douce et l’exisVue vers Paris tence de corridors écologiques (voir question 87) depuis le square pour les relier entre eux qui seront déterminantes Maurice-Berteaux, pour la qualité écologique de chaque ville. à Montmorency (Val-d’Oise).
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Pourquoi planter des arbres en ville ?
Comme les espaces verts ont pour objectif de fournir des espaces de nature à proximité des habitations, ils sont beaucoup moins nécessaires dans les villages que dans les grandes villes. Néanmoins, le nombre et la taille des espaces verts ne dépendent pas forcément de la taille de la ville, mais surtout de son histoire et des volontés politiques. À l’heure actuelle, la construction de nouveaux quartiers tient compte du besoin qu’éprouvent les citadins en « verdure ». On estime que chaque habitant doit pouvoir accéder à un espace de nature en moins de 10 minutes à pied.
Les grandes villes ont-elles plus d’espaces verts que les villages ?
D’après certaines croyances, le premier jardin du monde est le jardin d’Eden. On en a de multiples représentations grâce aux nombreuses peintures qui l’ont pris pour thème. Ce jardin paradisiaque aurait hébergé une profusion d’animaux et de végétaux censée combler tous les besoins sans efforts. Si l’on se base sur des données archéologiques, on sait qu’il y a environ 10 000 ans, certains groupes humains sont passés des activités de chasse et de cueillette à l’agriculture et l’élevage. Pour ce faire, ils ont défriché des espaces et en ont fait des champs ou des jardins à production alimentaire voire médicinale, à proximité de leurs habitations. Ils prélevaient des graines dans la nature, sur les plantes sauvages qui leur paraissaient les plus intéressantes et les semaient Les premiers dans des sols modestement travaillés. Les premiers jardins jardins étaient-ils devaient être bien différents de nos espaces verts actuels ! à Babylone ? Les jardins suspendus de Babylone, premiers jardins urbains connus, dateraient du viie siècle av. J.-C. Les historiens pensent qu’ils étaient plutôt situés à Ninive, ancienne ville du nord de la Mésopotamie. La légende prétend qu’ils étaient composés de quatre terrasses plantées de grands arbres, d’arbres fruitiers et de fleurs plus ou moins exotiques. Ils reproduisaient des paysages montagneux et luxuriants, contrastant avec les paysages plats et secs entourant la ville.
20 Pourquoi planter des arbres en ville ? Le but des plantations d’arbres d’alignement est de décorer les rues et de produire de l’ombre. Leur installation à Paris date en grande partie du xixe siècle, le long des grandes avenues percées par le baron Haussmann dans le souci d’améliorer la qualité de vie et la santé des citadins. Les essences ont été choisies pour leur capacité de résistance à des conditions difficiles : sols tassés, manque d’eau et de lumière, dégradations... Elles doivent aussi supporter l’élagage et ne pas produire de fruits salissants ou toxiques. 47
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Pourquoi planter des arbres en ville ?
Les arbres décorent agréablement le paysage urbain. Les espèces les plus appréciées en France sont le platane, le marronnier d’Inde et le tilleul. Dans des villes au climat plus chaud, au sud de notre pays, on plante souvent des palmiers. Ces espèces répondent le mieux aux critères esthétiques des époques auxquelles elles ont été plantées. Les arbres fournissent une ombre dense en été, très agréable notamment lors des épisodes de fortes chaleurs. Leur feuillage arrête une grande partie des rayons du soleil et rafraîchit ainsi les promenades des citadins. De plus, hors de leur ombrage, le bitume emmagasine de la chaleur qu’il restitue la nuit, rendant l’atmosphère de la ville étouffante. Ce phénomène crée ce qu’on appelle « l’îlot de chaleur urbain ». À l’ombre des arbres, ce phénomène n’a pas lieu. Grâce à eux, la ville ne monte pas trop en température le jour et peut se refroidir la nuit, rendant les canicules plus supportables et, pour les personnes de santé fragile, moins meurtrières. Enfin, les arbres contribuent à assainir l’air en aspirant une partie des polluants atmosphériques et des gaz à effet de serre. Pour vivre et croître, par exemple, ils absorbent du dioxyde de carbone, gaz largement responsable du réchauffement climatique. Les arbres à feuilles caduques, en particulier, jouent un rôle dans l’absorption des composés organiques volatils (COV) oxygénés. Ceux-ci sont produits par la combustion d’hydrocarbures ou d’autres composés chimiques émis par les transports ou l’industrie et considérés comme cancérigènes ou mutagènes. Les arbres sont donc très utiles pour la santé humaine. Plus il y a d’arbres dans une ville, plus c’est bénéfique pour la qualité de l’air et la température atmosphérique. Cependant, certaines espèces sont à privilégier par rapport à d’autres qui auraient des propriétés moins avantageuses et pourraient même aggraver le phénomène de pollution atmosphérique. FautÀ Los Angeles, ville très polluée des États-Unis, les eucalypil planter tus plantés en trop grand nombre émettent d’importantes plus d’arbres quantités de composés volatils qui, mélangés aux gaz dans les d’échappement, conduiraient à la formation d’ozone, gaz toxique qui provoque des troubles respiratoires. À Atlanta et villes ? Saint-Louis, les chênes ont également été rendus en partie responsables de la mauvaise qualité de l’air. Néanmoins, de nombreuses espèces émettent beaucoup moins de composés volatils que les eucalyptus et les bienfaits de leur présence contrebalancent grandement les inconvénients.
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Comment un arbre peut-il vivre dans un trottoir ?
21 Comment un arbre peut-il vivre
dans un trottoir ?
Pour vivre, un arbre doit être planté dans un sol aéré et de bonne qualité. En effet, le substrat permet aux racines de se développer correctement pour apporter eau et éléments nutritifs jusqu’au bout des branches. Le tronc de l’arbre doit pouvoir croître en diamètre année après année, et son écorce être protégée de dégradations humaines trop intenses. Quant au feuillage, il lui faut de la lumière pour que la photosynthèse se fasse. Les arbres d’alignement ne se trouvent pas forcément dans les meilleures conditions pour pousser, sauf si certains aménagements sont opérés : lors de la transplantation, apport d’un grand volume de terre végétale autour des racines et aménagement d’une large surface libre autour du tronc, au niveau du sol, pour que Camomilles le bitume n’empêche pas sa croissance au pied d’un arbre parisien. en diamètre et que l’eau puisse s’infiltrer jusqu’aux racines. Pour ce faire, les municipalités posent une grille autour du tronc. Elle empêche le tassement du sol par le piétinement, mais laisse passer l’eau. Ces grilles peuvent être changées au fur et à mesure que le tronc augmente en circonférence. Des revêtements stabilisés faits de ciment à forte teneur en sable, poreux à l’eau mais inhibant toute végétation spontanée, sont aussi utilisés. Le houppier, c’est-à-dire les branches et le feuillage, devra être élagué régulièrement afin de ne pas toucher les bâtiments ou le mobilier urbain, ce qui ne pose pas trop de problèmes pour beaucoup d’espèces. 49
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Comment un arbre peut-il vivre dans un trottoir ?
Lorsqu’on fait le tour de France des arbres remarquables, on peut trouver des chênes ou des ifs qui ont certainement plus de 1 500 ans. Cela donne une idée des espèces qui pouvaient être plantées à ces époques. Il existe encore de très vieux châtaigniers, dont on sait qu’ils ont été propagés par les Romains pour les fruits et le bois imputrescible. On peut citer en exemple le châtaignier Quels des Nonneries, à Abbaretz (Loire-Atlantique), qui est un sont les plus arbre millénaire. Il mesurait 20 m de hauteur et plus de 8 m anciens arbres de circonférence. Selon la légende, il aurait reçu la visite plantés ? du roi Henri IV. Il est mort dans un incendie le 31 juillet 1985. Des tilleuls et des ormes pluri-centenaires témoignent des essences en vogue aux xvie et xviie siècles. Ainsi, le tilleul de Grange-Sauvaget (Jura) aurait été planté en 1477 pour célébrer le mariage de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, avec l’empereur Maximilien d’Autriche. Sa circonférence actuelle à 1 m de hauteur est d’environ 13 m, et sa hauteur d’environ 20 m.
Ce sophora du Japon, au Jardin des plantes de Paris, a plus de 260 ans.
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Y a-t-il des OGM en ville ?
22 Y a-t-il des OGM en ville ? Les OGM (organismes génétiquement modifiés) sont des espèces (souvent végétales) dans le génome desquelles on a inoculé des gènes particuliers pour améliorer leurs performances, leurs propriétés et leur résistance à des maladies ou à des produits chimiques, prétendument au profit des producteurs ou des consommateurs, plus généralement au profit des industries des semences. La culture de ces organismes est controversée car son innocuité vis-à-vis de l’environnement et de la santé publique n’a pas été démontrée. Comme ils concernent principalement les productions agricoles alimentaires commerciales, les OGM ne se trouvent pas en ville. Sur le plan législatif, les autorisations de culture sont régies par des directives européennes. Cependant, en France, des interdictions ont été décidées au plan politique, à la suite de campagnes anti-OGM menées par des ONG. Au début des années 2000, une variété de semences de maïs transgénique a été temporairement autorisée à la culture, mais, face à des réactions violentes et au rejet des consommateurs, aucune espèce d’OGM n’est actuellement cultivée en France pour le commerce. Les espèces transformées génétiquement sont donc des variétés de grandes cultures (colza, maïs, pomme de terre) et n’impliquent en aucun cas des espèces maraîchères ou ornementales susceptibles d’être dans des jardins urbains.
23 Les géraniums comptent-ils dans
la biodiversité ?
La qualité de la biodiversité dépend de la variété des espèces qui vivent dans les villes. Les espèces cultivées pour des raisons horticoles ou alimentaires font partie de la biodiversité des villes au même titre que les espèces spontanées. Néanmoins, en général, chaque espèce cultivée renferme assez peu de diversité génétique car la sélection variétale opérée par les pépiniéristes, ainsi que les méthodes de production à grande échelle, conduisent à la production de plantes très proches génétiquement les unes des autres. Ainsi, les géraniums (de leur vrai nom scientifique, Pelargonium) des jardinières, produits à des milliers d’exemplaires à partir de boutures de quelques 51
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Les géraniums comptent-ils dans la biodiversité ?
individus, sont donc tous plus ou moins des clones. Question biodiversité, ils comptent pour quantité négligeable. Mais leurs qualités esthétiques doivent correspondre au goût actuel des citadins, tant leur présence sur les fenêtres et les balcons est importante dans certaines villes. Sur le plan écologique, ils hébergent et nourrissent souvent quelques insectes, dont le papillon appelé brun des pélargoniums. Leur apport écologique n’est donc pas complètement nul.
Géranium en pot sur la terrasse d’une maison de ville.
24 Plantes d’ici ou d’ailleurs ? Depuis Darwin (1809-1882), nous savons que toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d’un seul ou de quelques ancêtres communs grâce au processus appelé « sélection naturelle ». En réalité, le hasard a aussi contribué à la différenciation des espèces entre elles. Comment les différentes espèces émergent-elles ? Un des phénomènes menant à la « spéciation » a lieu lorsque des groupes d’individus de la même espèce sont isolés les uns des autres par la survenue plus ou moins brusque d’une barrière géographique qui les empêche d’échanger des gènes. De ce fait, avec le temps, chaque groupe dérive génétiquement sous l’effet du hasard et de sélections naturelles différentes, liées à chaque contexte environnemental. Ainsi, au gré des événements de spéciation ayant eu lieu à la surface du globe, on assiste à une distribution des espèces très hétérogène selon les régions. Telle ou telle espèce a évolué et s’est retrouvée en Amérique du Nord, telle autre se trouve en Europe ou en Australie, chacune étant plutôt bien adaptée à la région dans laquelle elle se trouve naturellement. Certaines espèces sont très largement distribuées tout autour du globe, d’autres sont restreintes à de tout petits espaces géographiques (on les appelle « endémiques restreintes »). Mais la distribution des espèces n’est pas figée dans le temps. Elle varie grâce aux phénomènes de migration, et ce d’autant plus que les conditions environnementales sont changeantes. 52
Plantes d’ici ou d’ailleurs ?
Les plantes colonisent des espaces qui leur sont favorables et meurent aux endroits qui ne leur conviennent plus. Ainsi, de proche en proche, elles ajustent leur aire de distribution aux contrées qui correspondent le mieux à leurs besoins. Néanmoins, consciemment ou inconsciemment, un grand perturbateur intervient dans la migration des espèces : l’humain. Les grands explorateurs des siècles passés ont rapporté beaucoup de végétaux depuis les pays lointains dans le but de les planter dans les jardins, en France, à des fins ornementales (jasmin, buddleia) ou bien alimentaires (pomme de terre, tomates…). Depuis, ce phénomène a été amplifié par la multiplication des échanges commerciaux à l’échelle internationale. Plus efficace encore, les mouvements des espèces transportées par des graines sur les trains, les voitures, dans les cargaisons des avions ou sur les chaussures et vêtements des voyageurs, occasionnent le mélange de flores qui, jusqu’alors, se trouvaient éloignées les unes des autres. Dans les villes, ce phénomène est exacerbé par la multiplicité des voies de transport, et de nombreux citadins y participent, activement ou passivement. Buddleia, ou arbre aux papillons.
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DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Plantes d’ici ou d’ailleurs ?
Étant donné les mouvements naturels des plantes (sans intervention humaine), comment juge-t-on qu’une plante est indigène ou exotique ? Il y a plusieurs courants de pensée. Le plus généralement admis est qu’une plante connue pour exister naturellement dans la région depuis l’époque romaine est considérée comme indigène. Celles qui sont arrivées depuis la découverte du Nouveau Monde et les grandes explorations sont appelées exotiques ou naturalisées. On estime que, sur 1 000 espèces déplacées, 100 survivront dans leur nouvel environnement, 10 s’y établiront durablement, et 1 deviendra invasive, c’est-à-dire qu’elle se mettra à proliférer au point d’avoir des impacts négatifs sur la biodiversité ou les activités humaines. Les plantes tropicales sont originaires des pays qui se trouvent autour des tropiques du Cancer et du Capricorne. Elles viennent, pour la plupart, de régions où le climat est humide, où la température moyenne mensuelle ne descend pas en dessous de 18 °C et où la pluviosité définit les saisons. Il existe une saison sèche (fraîche et sèche) et une saison humide (chaude et pluvieuse). Les formations Où se sont végétales tropicales de ces pays sont souvent des forêts installées luxuriantes extrêmement riches en biodiversité. Les plantes les plantes de sous-bois aiment l’ombre et l’humidité. On peut citer en tropicales ? exemple l’anthurium ou le sanseveria. Les arbres sont très hauts, leurs cimes atteignent des dizaines de mètres de hauteur. Parmi les milliers d’espèces d’arbres tropicaux, tout le monde connaît les ficus. Ces arbres portent sur leurs troncs et leurs branches de nombreux épiphytes. Cette catégorie de plantes pousse en se servant d’autres plantes comme support. Elles ne sont pas des parasites car elles ne prélèvent pas de nourriture sur leur hôte mais absorbent l’humidité de l’air grâce à leurs racines aériennes et trouvent les sels minéraux dans l’humus qui peut se former à la base des branches. Les phalaenopsis, ces magnifiques orchidées roses ou blanches, se vendent énormément chez les fleuristes. Les plantes tropicales ne peuvent pas vivre en extérieur sous nos climats tempérés, ou alors elles nécessitent des soins spéciaux pour ne pas mourir de froid pendant l’hiver. C’est donc dans nos maisons que nous les hébergeons. Là où l’apport d’eau sera régulier et la température au moins douce toute l’année. Ces espèces sont privilégiées pour décorer nos salons car elles y trouvent les conditions écologiques qui leur sont favorables et elles nous apportent l’exotisme dont nous sommes friands.
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Peut-on tout faire pousser dans un milieu artificiel ?
On pourrait identifier trois raisons pour lesquelles des espèces exotiques sont souvent choisies pour fleurir les maisons, parcs, jardins : – La première viendrait du caractère biologique des espèces exotiques. La plupart d’entre elles ont un grand feuillage et des fleurs épanouies sur de longues périodes parce qu’elles viennent de régions où les saisons sont moins marquées que chez nous et que la Pourquoi pollinisation les a fait évoluer vers des fleurs colorées et de planter grande taille. Les orchidées exotiques, par exemple, ont des fleurs et des hampes florales beaucoup plus spectaculaires exotique ? que celles de nos contrées. – La deuxième raison serait le contraste avec les espèces indigènes qui nous paraissent trop banales. Yuccas ou anthuriums ont des morphologies sans équivalent dans nos paysages. – La dernière raison serait un effet du développement de la filière horticole. Le commerce des espèces exotiques, très lucratif, fait vivre divers corps de métier et offre de par le monde des centaines de milliers d’emplois. Favoriser le goût des consommateurs pour les espèces exotiques permet d’entretenir ce secteur commercial, alors que les espèces locales demandent des étapes de production moins complexes et par conséquent rétribuent moins d’intermédiaires que les plantes venues d’ailleurs.
25 Peut-on tout faire pousser
dans un milieu artificiel ?
Les plantes ont essentiellement besoin d’eau, de sels minéraux et de lumière pour pousser. De ce fait, il est tout à fait possible de les faire pousser dans un milieu artificiel, dès lors que tous ces éléments leur sont apportés. Les producteurs de nombreux fruits et légumes ou de fleurs coupées l’ont bien compris. Fraises, tomates, salades sont, pour beaucoup, produites en culture hors-sol, ou hydroponique. La culture est réalisée sur un substrat comme le sable, la pouzzolane, les billes d’argile ou la laine de roche, régulièrement arrosé avec une solution qui apporte des sels minéraux et des nutriments essentiels à la plante. Pour empêcher les maladies, très fréquentes dans ce type de culture, de fortes doses de pesticides sont utilisées. Les cultures hors-sol libèrent l’agriculteur des contraintes liées à la culture en pleine terre : problèmes de place, de saisons, coût et pénibilité du travail. Les rendements sont mieux contrôlés et notablement plus importants que ceux de la culture en pleine terre. Néanmoins, les aliments produits ainsi ont souvent peu de saveur et sont très riches en résidus 55
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Les jardins sont-ils trop propres ?
de pesticides. Les coûts d’installation prohibitifs découragent les jeunes agriculteurs de se lancer dans de telles pratiques. De plus, elles engendrent une consommation électrique importante et l’utilisation de grandes quantités de matière plastiques (bâches, pots, tuyaux…). Les adeptes prétendent que la culture hydroponique devrait être largement encouragée car elle permettrait de résoudre les problèmes actuels et à venir du manque d’eau ou de malnutrition sur notre planète. C’est aussi une solution envisagée pour les voyages spatiaux de longue durée, et la colonisation de Mars ou de la Lune. On pourrait utiliser ce type de culture pour faire des fermes urbaines verticales ; certaines sont actuellement à l’étude à Vancouver, Londres et Abu Dhabi. Néanmoins, étant donné les besoins techniques à mettre en œuvre, ce n’est pas une solution envisageable pour sortir de la misère les paysans pauvres des pays du Sud.
26 Les jardins sont-ils trop propres ? La notion de propreté est extrêmement subjective. Il suffit de constater la diversité des comportements concernant l’hygiène corporelle ou les espaces domestiques. Pour les jardins, c’est la même chose. Certaines personnes ne supportent que des allées de graviers vierges de toute herbe folle et des gazons ras, bien tondus et uniquement L’orangerie du château de composés des quelques espèces d’herbes choisies Versailles, un exemple pour leur couleur uniforme et leur capacité de de jardin à la française.
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Les jardins sont-ils trop propres ?
recouvrement. D’autres trouvent leur plaisir dans la diversité des espèces qui peuplent leur espace vert, la variété de couleurs et de formes et les changements saisonniers. Tout est affaire de goût et de culture. Certaines régions de France ou du monde sont connues pour la propreté des jardins. On oppose souvent les jardins à la française, exemples mêmes des jardins très propres et aux formes parfaites, aux jardins à l’anglaise qui recherchent davantage la variété des formes, des coloris et des matières végétales.
Au parc de l’île Saint-Germain (Hauts-de-Seine).
En matière de jardins, la propreté a un prix, et d’abord celui de la gestion. Si l’entretien est manuel, le temps dédié à l’arrachage de toutes les espèces indésirables peut être important, selon la météo et le nuage de graines en provenance des parcelles voisines. Si l’entretien est chimique, le prix à payer sera la pollution de l’environnement et l’exposition de soi-même et ses proches, notamment enfants et animaux domestiques, à des produits toxiques dangereux pour la santé. Les études scientifiques ont mis en évidence de façon incontestable la nocivité des herbicides et autres pesticides et leur responsabilité dans les maladies de Parkinson et certaines formes de cancers. Heureusement, les lois interdisant l’utilisation de tels produits sont en cours de promulgation, car la propreté des jardins justifie-t-elle l’emploi de tels poisons ? 57
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Le potager participe-t-il à la biodiversité urbaine ?
L’autre prix à payer est celui de l’appauvrissement de la biodiversité. Lorsque les jardins sont trop propres, cela signifie qu’ils accueillent moins d’espèces végétales, donc moins d’espèces pollinisatrices ou phytophages, moins d’oiseaux ou de petits mammifères, comme des hérissons et des chauves-souris. Étant donné l’importance des surfaces dédiées aux jardins dans les villes, s’ils sont tous « trop propres », la biodiversité générale de la ville en sera appauvrie. La formule « mauvaise herbe » a surtout été utilisée par les jardiniers et les agriculteurs. Elle a donné naissance à la science agronomique appelée « malherbologie », qui étudie les espèces indésirables poussant dans les champs cultivés et les façons de les éliminer. Les mauvaises herbes représentent donc les espèces qui font concurrence aux espèces cultivées en absorbant une partie des nutriments du sol et en leur faisant de l’ombre. Certaines d’entre elles calquent leur cycle de vie sur celles des cultures, si bien que leurs graines sont ramassées en même temps que les récoltes et sont ressemées avec la culture l’année suivante. On les appelle « plantes messicoles ». Les nouvelles pratiques d’agriculture intensive ont finalement eu raison de ces espèces qui sont maintenant, pour la plupart, menacées d’extinction et font l’objet de plans de conservation, comme le bleuet. C’est quoi une Dans la ville, les « mauvaises herbes » – le liseron par mauvaise herbe exemple – se trouvent dans les jardins potagers et les en ville ? jardins ornementaux, entre les légumes ou dans les plates-bandes de rosiers. Par extension, on peut considérer comme « mauvaises » les herbes qui poussent à des endroits où elles ne sont pas appréciées – dans les allées des parcs, sur les trottoirs –, c’est le cas du séneçon commun et du mouron des champs. On peut aussi englober dans les « mauvaises herbes » celles qui ont des caractéristiques désagréables : celles qui piquent, comme les orties, ou celles qu’on juge inesthétiques, comme les vergerettes. Pour l’écologue, il n’y a pas de bonnes et de mauvaises herbes : il y a celles qui sont appréciées des humains et celles qui ne sont pas désirées, mais toutes jouent un rôle dans l’écosystème urbain.
27 Le potager participe-t-il
à la biodiversité urbaine ?
Par définition, un potager a pour objectif de produire des fruits, des légumes ou des fleurs et a donc toujours exclu les ravageurs quels qu’ils soient. A priori, une biodiversité semble difficile à imaginer tant les « mauvaises herbes », les insectes ou 58
Le potager participe-t-il à la biodiversité urbaine ?
les mollusques sont détruits assez systématiquement. Où une biodiversité pourrait-elle alors se nicher dans de tels espaces, qui se développent de plus en plus jusqu’au sein de la ville ? Tout d’abord, les comportements de gestion constituent des choix fondamentaux, et l’abandon progressif des pesticides au jardin est un virage essentiel. La façon « bio » de travailler ce sol – paillage, rotation de cultures, acceptation d’adventices – sont autant d’options favorables à la présence d’une microfaune (des collemboles aux lombrics) fonctionnelle, c’est-à-dire, notamment, qui aère le sol et décompose les matières organiques. L’humidité quasi constante, nécessaire aux cultures, représente l’un des atouts forts du potager. Notre équipe de chercheurs du Muséum a vu, sur les espèces d’arthropodes, des différences flagrantes entre toitures en herbe et potagers en hauteur. Sur un même type de substrat, les premiers sont le siège de communautés animales typiques des milieux secs et chauds, avec peu d’espèces et d’individus ; les seconds, plus humides, accueillent une richesse spécifique plus forte avec beaucoup plus d’individus. Le constat est similaire entre friches sèches et friches humides. Mais les facteurs de biodiversité les plus importants résident dans l’organisation des cultures (alternées, Potager en bandes…), le choix et la gestion des haies pédes Jardins de riphériques. Des haies champêtres, c’est-à-dire la lune, à Montreuil avec de petits arbres et des arbustes variés gérés (Seine-St-Denis).
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DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Le potager participe-t-il à la biodiversité urbaine ?
écologiquement (par exemple, en laissant les feuilles mortes sous les arbustes) permettent l’installation d’une flore spontanée peu dérangeante pour les cultures (souvent fixatrice des ravageurs comme les pucerons) et d’une faune diversifiée (incluant oiseaux et hérissons). Cultiver biologique signifie ne recourir à aucun produit chimique de synthèse et ne pas employer d’organismes génétiquement modifiés. Cette culture s’oppose à l’agriculture industrielle et intensive, qui utilise des quantités massives d’intrants. Elle est censée mieux respecter le vivant et les cycles naturels car elle vise à respecter la biodiversité, les activités biologiques des sols et les cycles biologiques. Les jardiniers qui mettent en œuvre ce choix s’appuient sur la rotation des cultures, l’engrais vert, le compostage, la lutte biologique, l’utilisation de produits naturels, comme le purin d’ortie, et le désherbage mécanique pour produire leurs légumes ou leurs fleurs et contrôler les maladies et parasites. Étant donné la densité humaine dans les villes, l’utilisation des produits chimiques dans les jardins est à proscrire et planter bio doit être largement encouragé. Diverses techniques aident le jardinier à s’affranchir des désagréments liés à la non-utilisation des proCultiver bio duits de synthèse. La lutte biologique et la confusion sexuelle en ville peuvent protéger les cultures des parasites et des insectes ravageurs. Par exemple par l’emploi d’insectes entomophages (les coccinelles contre les pucerons), l’utilisation de produits autorisés en agriculture biologique (cuivre, soufre, pyréthrines, etc.) et la culture combinée de différentes espèces végétales sur une même parcelle limitent la prolifération des parasites et ravageurs, et permettent tout de même de produire de beaux fruits et légumes. Le compostage et le paillis peuvent apporter des nutriments au sol. Attention, « naturel » ne signifie pas forcément « sans danger » : les produits autorisés en culture bio ne sont pas forcément anodins. De façon générale, herbicides, insecticides, anti-limaces ou anti-mousses sont à éviter le plus possible. De même, l’emploi de fertilisants organiques peut amener des germes pathogènes pour l’Homme et provoquer des gastro-entérites. Mais la culture biologique supprime, pour les nappes phréatiques et les eaux de surface, la faune et la santé humaine, une grande partie des nuisances liées à l’utilisation de pesticides de synthèse. Il y aurait 200 fois moins de résidus de pesticides dans les aliments bio. De plus, la culture bio protège les populations d’abeilles et permet l’installation d’une biodiversité riche dans les sols et les haies voisines de leur habitat. La permaculture est une stratégie très poussée, qui prend en compte toutes ces réflexions en privilégiant la complémentarité écologique des plantes (d’ornement, sauvages, alimentaires) pour un fonctionnement durable du site cultivé. On peut donc tout à fait produire bio en ville, mais on ne consommera les produits que s’ils ont poussé dans un sol sain et à l’abri des pollutions atmosphériques, industrielles et automobiles.
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Les plantes en ville sont-elles plus ou moins malades que les autres ?
Le potager n’est pas un lieu de biodiversité par excellence, mais une gestion écologique du site le fera participer activement (aussi selon la taille de l’espace) à la dispersion des grosses espèces (refuges temporaires) et à la reproduction d’espèces végétales ou de microfaune en milieu urbain.
28 Les plantes en ville sont-elles plus
ou moins malades que les autres ?
La maladie est une altération des fonctions ou de la santé d’un organisme vivant. Les plantes en ville peuvent être sujettes à un certain nombre de maladies. La vulnérabilité des végétaux citadins, comme pour les humains, vient des conditions de vie parfois difficiles (dues à la pollution, par exemple) qui contribuent à les fragiliser. Cependant, la pollution affecte aussi des populations de pathogènes des plantes et des animaux qui sont connus pour être un peu moins virulents en ville. Si on connaît mal l’état sanitaire des plantes d’ornement, ce n’est pas le cas pour les arbres car il en va de la sécurité des humains. En effet, les arbres détériorés par des attaques de parasites ou de pathogènes peuvent laisser tomber des branches sur des passants, voire se coucher lors d’un fort coup de vent. Les services municipaux, responsables des arbres des espaces publics, évaluent donc régulièrement leur état. Quelles sortes de maladies les affectent ? Des insectes, dont les chenilles mangent les feuilles. Ou bien, souvent, des champignons microscopiques font pourrir l’intérieur du tronc et bouchent les vaisseaux du bois. Les platanes de nos villes sont ainsi victimes de la maladie du chancre coloré provoquée par un microchampignon, Ceratocystis platani. Lorsque ses spores s’introduisent dans une blessure de l’arbre, ils le contaminent et la mort de l’arbre survient en quelques années. Ce parasite serait venu des États-Unis, lors des opérations militaires de la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec les caisses en bois d’armement américain. En France, près de 50 000 arbres ont déjà disparu à cause de cette maladie. De façon générale, il n’est pas facile de mettre en œuvre des traitements en ville car les citadins risquent d’y être exposés. La meilleure précaution est d’éviter de planter la même espèce dans tout un quartier, pour éviter les phénomènes d’épidémie. 61
DES ESPACES VERTS DANS LA VILLE
Y a-t-il trop de sel en hiver ?
29 Y a-t-il trop de sel en hiver ? Le problème de l’impact du salage des voiries est connu, et certaines municipalités optent plutôt pour le sablage. Le stress salin pose deux problèmes à l’organisme végétal. D’une part, le sel abaisse le potentiel hydrique du sol et menace l’approvisionnement en eau de la plante. D’autre part, la présence de sel dans les tissus de la plante perturbe son fonctionnement physiologique. Donc, hormis pour les plantes halophytes (végétaux poussant naturellement dans les milieux salés), le sel est un véritable poison pour les plantes des jardins ou des bords de voiries. Les symptômes ressemblent à ceux d’une sécheresse : jaunissement, chute des feuilles, mort de la plante ou de l’arbre sont ainsi couramment observés sur les fossés des routes.
30 Peut-on cultiver des plantes
sauvages en ville ?
Il est tout à fait possible de cultiver des plantes sauvages. D’autant que certaines d’entre elles n’ont rien à envier à l’esthétique des espèces ornementales sélectionnées et cultivées par les professionnels. Intégrer des plantes sauvages à son jardin lui donnera une beauté rustique et, de plus, attirera papillons et oiseaux d’un intérêt écologique indéniable. Cultiver des plantes sauvages n’est pas difficile à mettre en œuvre et ne coûte rien puisque la nature fournit gratuitement les semences ou boutures nécessaires. Beaucoup d’espèces se reproduisent de façon autonome et demandent peu de soins, pour peu qu’elles trouvent les conditions écologiques qui leur conviennent. Cependant, prélever des semences peut avoir une incidence sur la viabilité de la population dans laquelle s’effectue le prélèvement. En effet, en réduisant la production de graines, on empêche la population de se renouveler naturellement. Il faut donc modérer les récoltes dans les populations de plantes rares. Certaines espèces sont protégées par la loi (liste sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel du Muséum national d’histoire naturelle : http://inpn.mnhn.fr/ reglementation/protection). Il est interdit de les cueillir ou de 62
Peut-on cultiver des plantes sauvages en ville ?
prélever leurs graines, sous peine de contravention. Mieux vaut donc privilégier les espèces les plus courantes et ne récolter que quelques graines par plante, sur plusieurs plantes. Ainsi, le préjudice porté au fonctionnement de la population sera moindre. Il est conseillé de privilégier la culture des espèces locales, qui sont certainement bien adaptées au climat et au sol de la région, et d’éviter les plantes proliférantes envahissantes ou invasives. Les plantes annuelles ou bisannuelles se multipliant exclusivement par graines, il est possible de les introduire au jardin sous cette forme ou en transplantant des plantes entières. Les plantes vivaces peuvent y être intégrées sous forme de graines, de boutures, de fragments de rhizomes ou de plante entière. Les graines doivent être récoltées bien mûres et sèches, par beau temps. Après récolte, il faut faire sécher les graines sur du papier absorbant, à l’abri de la lumière et dans un lieu aéré. Les graines sèches se conservent bien rangées au sec et au frais. Pour pouvoir germer, la plupart des graines de plantes annuelles de nos régions doivent être exposées au froid pendant quelques semaines. Il est parfois utile de les placer au réfrigérateur pendant deux semaines pour lever ce processus de dormance. Les boutures ou des fragments de rhizomes se prélèvent sur certaines plantes ligneuses ou herbacées vivaces. Les plantes sauvages doivent recevoir les mêmes soins que les plantes cultivées (arrosage, protection contre le froid), même si elles sont souvent plus rustiques. Les fraisiers Lorsqu’elles se plaisent dans un jardin ou sur des bois peuvent être cultivés une terrasse, elles peuvent vivre longtemps ou se en ville. ressemer d’une saison à l’autre et former ainsi des plantations de longue durée. 63
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
titre courant à compléter xxxxxxxxxx
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titre courant à compléter xxxxxxxxxx
La course des plantes sauvages
31 Quelles sont les perce-bitume ? De façon générale, les plantes recèlent une vigueur insoupçonnée. Ne dit-on pas que, laissés à l’abandon, les bâtiments sont détruits par la végétation en quelques décennies ? Il faut dire que les végétaux sont composés de molécules aux propriétés physiques exceptionnelles. Ainsi, les fibres végétales sont des expansions cellulaires composées de cellulose, de lignine et de pectine, molécules ayant de très bonnes propriétés mécaniques. La cellulose, un sucre qui constitue la paroi des cellules végétales, est une molécule longue qui s’organise en 65
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Quelles sont les perce-bitume ?
microfibrilles, elles-mêmes capables de former des structures linéaires fibreuses très solides grâce à des liaisons chimiques de grande force (voir dessin ci-dessous). Quant à la lignine, un des principaux composants du bois donc des arbres, on la trouve aussi dans les plantes herbacées. Cette molécule complexe et très solide, autre constituant de la paroi des cellules végétales, participe au maintien de la plante et au transport de la sève. Grâce à elle, les plantes terrestres peuvent pousser en hauteur et capter efficacement l’énergie solaire. Associée à la cellulose, la lignine rend les Molécule fibres végétales très résistantes. de cellulose. OH
OH O
O
OH OH
O OH
O
O OH
La turgescence des cellules végétales est une autre propriété qui permet aux plantes d’exercer des pressions importantes sur leur environnement. Les cellules peuvent en effet s’allonger lorsqu’elles sont gorgées d’eau sous pression. Ce phénomène a lieu par osmose (c’est-à-dire par passage de l’eau des milieux les moins concentrés aux milieux les plus concentrés), lorsque la plante est convenablement arrosée. Ainsi, elle tient bien dressée et peut même transpercer certains matériaux pour accéder à la lumière. C’est le cas de certaines plantes installées dans des fissures du bitume ou de murs, mais aussi
La vergerette du Vergerette Canada colonise Canada. toutedu sorte de milieux urbains grâce à sa remarquable capacité de germination.
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Où vivent les sauvageonnes ?
de beaucoup de rejets d’arbres (ailante ou érable sycomore) et d’espèces arbustives robustes. Pour d’autres plantes, une crevasse déjà faite offre l’opportunité de s’installer puis de se développer (vergerettes du Canada, ou capselle bourse-à-pasteur), parfois au détriment des structures qu’elles colonisent. Des fougères, celles du genre des aspléniums par exemple, sont capables d’abîmer les murs sur lesquels elles poussent. Lorsque le revêtement du sol est complètement étanche, aucune plante ne peut pousser. En effet, les graines doivent au moins trouver un minimum de substrat pour germer. Donc toutes les surfaces couvertes de ciment, bitume ou autre asphalte sont censées être impropres à la végétalisation. Rues, trottoirs, murs, toits sont des endroits où rien ne devrait pousser. Néanmoins, ces revêtements s’alY a-t-il des tèrent avec le temps et se fissurent. Ils permettent alors à lieux où rien quelques plantes de s’insérer. Les autres lieux urbains décourageant ne pousse ? Berce la colonisation végétale sont les escommune paces piétinés ou régulièrement écrapoussant dans sés par les roues des véhicules. Le du bitume. sol, trop tassé, ne permet pas le développement des racines ni leur bon fonctionnement pour alimenter en eau et nutriments le reste de la plante. Même si des graines s’essaient tout de même à germer, les plantules sont systématiquement détériorées par le passage des piétons ou des voitures.
32 Où vivent les sauvageonnes ? En ville, les plantes sauvages utilisent le moindre interstice pour pousser. Dans n’importe quel quartier, les pissenlits ou le pâturin annuel forment de petites touffes au pied des murs et des clôtures. Mais c’est dans les surfaces assez grandes pour constituer des milieux complexes, et où la présence humaine est faible, que la flore se développe en abondance : ronces, chélidoines, orties… dans les friches, terrains vagues, espaces verts peu entretenus, bois et forêts. En effet, les deux facteurs 67
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Où vivent les sauvageonnes ?
les plus déterminants sur le nombre d’espèces hébergées sont la place disponible et les pratiques mises en œuvre pour gérer ces espaces. La relation entre l’aire et les espèces qu’elle accueille a été le sujet de nombreux travaux de recherche. Elle varie beaucoup d’un milieu à l’autre mais sa représentation sous forme de courbe garde toujours plus ou moins le même aspect (voir la figure ci-dessous). Relation aire-espèces.
Richesse = nombre d’espèces
Taille de la zone étudiée
Par ailleurs, la gestion des espaces verts peut être très bénéfique à la flore ou, au contraire, fortement délétère. Un fauchage ou un débroussaillage délicat, en fin de saison, avec exportation des végétaux coupés a pour conséquence de favoriser une flore herbacée variée. Le passage hebdomadaire de la tondeuse et l’emploi de pesticides appauvrissent considérablement les espaces verts pour ne laisser la place qu’à quelques plantes particulièrement robustes mais banales : les herbes de gazon. Néanmoins, les trottoirs, les toits, les murs des bâtiments, beaucoup moins adaptés à l’accueil de la flore et parfois davantage soumis à la gestion des services techniques ou des citadins eux-mêmes, abritent aussi des « sauvageonnes » variées. Sur ces supports avec très peu de sol et souvent desséchés, peuvent pousser des plantes qui sont adaptées à la vie dans les rochers et les falaises, par exemple les orpins ou autres plantes grasses (voir question 38). Entre ces deux types de milieux, on trouve les espèces sauvages dans des endroits plus ou moins dédiés à une végétation entretenue : entre les rangs de légumes des potagers, sous les fleurs des plates-bandes, dans le gazon des pelouses, voire dans les jardinières des balcons. Les espèces aimant les terres remaniées vont s’y implanter, au désespoir des jardiniers les plus vigilants : le lamier pourpre et le séneçon commun en sont des exemples très répandus. 68
Quelles sont les plus grandes baroudeuses ?
Friche au cœur de la ville de Porto (Portugal).
33 Quelles sont les plus grandes
baroudeuses ?
Les espèces végétales peuvent se déplacer d’un endroit à un autre par divers moyens. Cela peut se faire par les graines ou les fruits, grâce aux différents équipements dont ils sont pourvus et qui leur permettent d’être transportés soit par le vent et sur de longues distances, soit par les animaux, accrochés à leur pelage ou dans leur tube digestif (voir question 41). Mais beaucoup de végétaux ont aussi la capacité de migrer grâce à des fragments de tiges ou de rhizomes qui, emportés par l’eau des rivières par exemple, donnent de nouvelles plantes là où ils se fichent dans la terre. C’est le cas de la renouée du Japon, qui se propage de berge en berge sous forme de morceaux de rhizomes aptes à reformer de nouvelles tiges dès que les conditions sont bonnes. Néanmoins, depuis que l’Homme a découvert l’agriculture, c’est lui qui propage de nombreuses espèces vers des territoires où elles n’existaient pas auparavant. 69
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Y a-t-il moins de plantes en ville qu’à la campagne ?
En ville, les espèces végétales arrivent par ces deux moyens : soit de façon involontaire, amenées par le vent, les animaux, les véhicules de transport, soit intentionnellement parce que des humains ont choisi de les introduire pour leurs qualités esthétiques ou physiques. Celles qui viennent de loin font souvent partie de cette dernière catégorie : les renouées asiatiques ou l’impatiente glanduleuse viennent de l’Extrême-Orient et ont été amenées sciemment pour la beauté de leurs fleurs.
34 Y a-t-il moins de plantes en ville
qu’à la campagne ?
Si l’on compte le nombre de plantes par mètre carré, il y a beaucoup plus de plantes à la campagne, où les milieux végétalisés sont omniprésents, qu’à la ville, composée de grandes surfaces « désertiques » (parkings, chaussées bitumées, toits des maisons ou des magasins, trottoirs…). Cependant, en nombre d’espèces de plantes sauvages, la ville n’est pas si pauvre. La grande variété des milieux en ville permet la diversité de plantes sauvages : plantes des friches, des parcs et jardins, des forêts urbaines, des pelouses. Dans Paris intra muros, on estime à un millier le nombre d’espèces de plantes sauvages spontanées. Si l’on compare la richesse de la flore des villes à celle des champs cultivés, on trouve des valeurs comparables. Mais par rapport à des espaces plus naturels, la ville ne fait pas le poids. Grâce au programme des suivis Vigie-Flore, nous savons qu’en moyenne une vingtaine d’espèces – parfois jusqu’à 50 – sont observées dans 10 m² d’inventaire en milieu naturel ; dans les parcs urbains, 10 à 15 espèces sont trouvées dans 10 m². Hors des parcs, seules 3 à 4 espèces sont dénombrées, comme au milieu des champs cultivés.
35 Y a-t-il des plantes rares en ville ? Les plantes les plus rares poussent généralement dans des milieux naturels très particuliers : dans des zones humides non polluées, sur des éperons rocheux inaccessibles, sur des dunes de sables préservées, dans des prairies naturelles à 70
Y a-t-il des plantes rares en ville ?
On appelle généralistes les plantes qui ont la possibilité d’endurer des conditions de vie très variées. Elles aiment la chaleur mais ne meurent pas s’il fait froid. Elles apprécient d’être arrosées mais supportent la sécheresse. Elles poussent bien dans les sols riches mais Espèces se contentent de peu lorsque le sol est pauvre. De ce fait, généralistes si les conditions changent, elles s’adaptent. Elles poussent peut-être moins vite et moins haut, mais elles résistent. versus espèces Celles qui ne sont pas généralistes sont appelées spéciaspécialistes listes. Elles sont très fragiles car elles ne supportent qu’un type d’environnement. On ne les trouve chacune que dans un habitat bien particulier. Dès que cet habitat se modifie (par la pollution ou les changements climatiques, par exemple), elles meurent. C’est le cas de beaucoup d’orchidées, qui ont besoin de conditions stables dans le temps et ne supportent pas le milieu urbain. Une espèce généraliste est donc une espèce qui sait exploiter un peu tous les milieux avec plus ou moins de succès. Une espèce spécialiste est liée à un type de milieu et y est très performante. Évidemment, comme chez tous les êtres vivants, le degré de spécialisation des espèces est un continuum. S’il y a des espèces très spécialistes et d’autres très généralistes, on trouve surtout toute une gamme de plantes qui apprécient plus ou moins les modifications de leur habitat. Les études ont montré qu’en environnement très stable, les plus spécialistes sont les plus compétitives. En revanche, lorsque les conditions environnementales changent, les plus généralistes gagnent la partie, elles remplacent les spécialistes, qui disparaissent. C’est ainsi qu’en ville les généralistes sont les plus fréquentes, même si certaines spécialistes des milieux rocheux y trouvent leur compte (voir question 37).
Les orpins, des plantes bien adaptées aux habitats secs avec peu de sol.
L’ophrys abeille, une espèce d’orchidée parfois présente en ville.
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LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Quelles plantes préfèrent vivre en ville ?
l’écart du pâturage. Leur présence est due souvent à des conditions écologiques plutôt difficiles, mais stables dans le temps. L’environnement des espaces cimentés, bitumés, asphaltés a des points communs avec l’environnement rocheux. Certaines plantes spécialistes de ces milieux se trouvent alors volontiers en ville, comme l’ombilic de Vénus ou les sedums. La généralisation de ce type de milieu urbain a rendu ces espèces communes. L’influence de l’Homme a cependant pour effet d’aider les espèces les plus généralistes à se répandre aux dépens d’espèces plus spécialisées. Ce phénomène s’appelle « homogénéisation biotique ». Il est dû au fait que les humains perturbent constamment leur environnement et empêchent les espèces spécialistes d’un type de milieu de perdurer. En revanche, ils favorisent des espèces très plastiques par rapport à une grande gamme de conditions écologiques ; celles-là sont donc très répandues dans les villes, alors que très peu d’espèces rares y poussent.
36 Quelles plantes préfèrent vivre en ville ? Il est assez difficile de parler de préférence pour des plantes, organismes qui a priori ne choisissent pas délibérément leur lieu de vie. Les graines, une fois produites, tombent plus ou moins loin de la plante mère, sont emportées par le vent ou les animaux et, si elles trouvent de bonnes conditions Pissenlit et tussilage paspour germer, se mettent à pousser. Si les conditions d’âne produisent ne sont pas réudes graines pourvues nies, leur dévede petites ailes, d’où leur capacité de loppement ne se colonisation. fait pas. Lorsque les conditions sont favorables, les individus s’implantent plus ou moins durablement, ainsi que leur descendance. Dans les villes, ne peuvent « se plaire » que les espèces tolérantes à 72
Quelles plantes préfèrent vivre en ville ?
la dureté de la vie citadine : climat chaud et sec, sols déstructurés, eau et air pollués, perturbations fréquentes, isolement visà-vis des congénères… Dans les parcs et les jardins, on trouve plutôt des plantes de prairies riches en nutriments (grâce aux déjections canines et à l’azote de l’atmosphère urbain). Au milieu des plantes semées pour le gazon, on peut rencontrer des pâquerettes, des pissenlits ou des plantains. Dans les friches, ce sont plutôt les espèces de lisière et de sous-bois qui se plaisent : ronce, aigremoine, eupatoire, ortie, armoise, tussilage… ainsi que des arbustes comme le cornouiller sanguin ou le prunelier. Mais si on leur demandait leur avis, il est probable qu’elles préféreraient vivre dans des milieux plus naturels ! Peut-on dire que les plantes des villes sont stressées ? Le stress est une notion toute relative pour les plantes, même s’il a été montré que, sous l’action du broutage de certains herbivores ou de la piqûre de certains insectes aux larves phytophages, certaines plantes (des acacias par exemple) réagissent en Les hormones animales sont des substances chimiques sécrétées par des glandes. Elles sont transportées par le flux sanguin vers des récepteurs sur des cellules cibles, qui réagissent à leur contact. Elles sont ensuite éliminées dans les excréments. Les hormones interviennent dans de nombreux processus comme la reproduction, la différenciation cellulaire, la régulation des rythmes chronobiologiques… Par exemple, chez l’être humain et de nombreux autres animaux, la manifestation d’un stress résulte de réactions hormonales en chaîne qui impliquent plusieurs hormones. Parmi elles, le cortisol, qui apporte au cerveau une énergie suffisante pour le préparer à affronter le stress. Il régule Les la tension artérielle et permet une bonne oxygénation du cœur. L’adrénaline, elle, prépare l’organisme à répondre au phytohormones, stress. Elle permet l’accélération du rythme cardiaque et différentes des de la respiration. C’est grâce au dosage de ces hormones hormones dans le sang ou les excréments que l’on peut déterminer si animales les animaux ont été victime d’un stress ou non. Chez les plantes, la production d’hormones est très différente car elle ne se fait pas dans un organe particulier. Ces molécules sont synthétisées et diffusées par les cellules des tissus du végétal. Elles peuvent entraîner des émissions gazeuses, comme de l’éthylène, dans l’atmosphère ou dans le sol par les racines. Les hormones végétales, ou phytohormones, assurent la croissance de la plante et contribuent à la formation de ses organes. On parle parfois d’hormones de stress pour désigner les molécules émises par les végétaux blessés ou stressés. Ces molécules auraient pour vertu de repousser les prédateurs ou d’attirer les prédateurs de leurs prédateurs.
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LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Quelles sont les 10 plantes sauvages les plus fréquentes en ville ?
produisant des hormones volatiles un peu similaires aux hormones de stress des animaux blessés ou effrayés. Cependant, cette découverte n’a pas été généralisée à l’ensemble des plantes qui existent dans la nature. En l’absence de toute démonstration de malaise, il est donc impossible de dire si les plantes des villes sont stressées ou non. Mais on peut affirmer que la cohabitation avec les innombrables citadins et la confrontation à leurs activités intenses sont autant de sources de perturbation pour les plantes urbaines : piétinement, arrachage, épandage de produits herbicides… qui les empêchent de mener une « vie paisible ».
37 Quelles sont les 10 plantes sauvages
les plus fréquentes en ville ?
Les dix plantes les plus fréquentes ne sont pas les mêmes dans toutes les villes de France car la liste dépend de la structure de la ville (nombre de parcs urbains, de jardins, de boisements…) et de sa localisation (près des monLaiteron poussant tagnes, de la mer, d’un fleuve). La liste dépend aussi dans un mur. des données climatiques et des modes de gestion (utilisation de désherbants, d’insecticides). D’après le programme « Sauvages de ma rue », projet Vigie-Nature du Muséum national d’histoire naturelle, voici le hit-parade des plantes de quelques villes en 2012. • Dans les rues de Paris : 1- Poa annua L. (pâturin annuel), 2- Erigeron canadensis L. (vergerette du Canada), 3- Parietaria judaica L. (pariétaire de Judée), 4- Sonchus oleraceus L. (laiteron maraîcher), 5- Taraxacum campylodes G.E. Haglund (pissenlit), 6- Stellaria media (L.) Vill. (mouron des oiseaux), 7- Plantago major L. (plantain majeur), 8- Polygonum aviculare L. (renouée des oiseaux), 9- Oxalis corniculata L. (oxalis corniculé) et 10- Senecio vulgaris L. (séneçon commun). • À Chamalières, ville proche de Clermont-Ferrand : 1- Erigeron canadensis L. (vergerette du Canada), 2- Senecio vulgaris L. (séneçon commun), 3- Cymbalaria muralis P. Gaertn., B. Mey. & Scherb. (cymbalaire des murailles), 4- Sonchus oleraceus L. (laiteron maraîcher), 5- Stellaria media (L.) Vill. (mouron des oiseaux), 6- Poa annua L. (pâturin annuel), 7- Chelidonium majus 74
Quelles plantes poussent sur les toits ?
L. (chélidoine), 8- Hordeum murinum L. (orge aux rats), 9- Oxalis corniculata L. (oxalis corniculé) et 10- Hedera helix L., (lierre). • À Vannes, en Bretagne : 1- et 2- Plantago major L. et Plantago lanceolata L. (plantains commun et lancéolé), 3- Senecio vulgaris L. (séneçon commun), 4- Sonchus oleraceus L. (laiteron maraîcher), puis en fréquences équivalentes Poa annua L. (pâturin annuel), Hordeum murinum L. (orge aux rats), Lysimachia arvensis (L.) U. Manns & Anderb. (mouron des champs), Parietaria judaica L. (pariétaire de Judée), Crepis capillaris (L.) Wallr. (crépis capillaire) et Galium aparine L. (gaillet grateron). On le voit, certaines d’entre elles comme le pâturin ou le laiteron sont des constantes, mais la liste varie tout de même un peu d’une ville à l’autre.
38 Quelles plantes poussent sur les toits ? Comme dans tous les écosystèmes, les espèces qui s’implantent sur les toits sont celles qui ont pu y arriver sous forme de graines et y pousser, le milieu leur ayant convenu. Ce sont souvent les oiseaux ou le vent qui apportent ces graines. Sur les toits en pente, non aménagés pour accueillir des plantes, on trouve presque exclusivement des bryophytes, c’est-à-dire des mousses. Lorsque les toitures sont planes, plusieurs types de végétation peuvent s’installer, selon l’épaisseur de terre qui y est placée. Quand il y a très peu de sol, les mousses et les plantes rases et succulentes comme les orpins, peu exigeantes en eau et en nutriments, peuvent venir s’implanter. Si le toit permet la présence d’un sol plus substantiel, des communautés plus complexes peuvent se mettre en place, avec des espèces herbacées et arbustives. Une étude récente en région parisienne a montré que les espèces les plus fréquentes sur ces toits aménagés sont Lierre couvrant un toit naturellement végétalisé.
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LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Quelles plantes poussent sur les toits ?
Vigne vierge couvrant des murs, au Jardin des Plantes, à Paris.
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La pollution gêne-t-elle les plantes ?
le céraiste aggloméré, le pissenlit, le pâturin annuel, le laiteron maraîcher et l’épilobe à quatre angles. Quelques pieds d’Orchis laxiflora, l’orchis à fleurs lâches, ont également été vus. Des buddleias, renouées du Japon et séneçons du Cap, espèces réputées invasives (voir questions 63 et 76), y ont aussi été observés. Depuis quelques décennies, des pépiniéristes et des jardineries proposent des tapis ensemencés prêts à être posés sur les toits pour favoriser leur végétalisation. Cette pratique a tendance à exclure l’arrivée spontanée d’espèces sauvages et à homogénéiser la flore des villes, car ces tapis, tous identiques, comportent peu d’espèces différentes (essentiellement des sedums). Ce n’est pas une pratique favorable à la biodiversité : mieux vaut étaler de la terre et laisser la nature se débrouiller. Une gestion légère est à prévoir pour empêcher un embroussaillement et des enracinements trop importants. Utiliser les toits pour démultiplier les surfaces végétalisées en ville aide à lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur (voir question 20).
39 La pollution gêne-t-elle les plantes ? La pollution peut prendre différentes formes : pollution de l’air, de l’eau, du sol. Elle constitue une perturbation dans un milieu sain et, comme toutes les perturbations, porte atteinte aux espèces les plus fragiles, les plus dépendantes de conditions particulières. L’ozone, par exemple, est un polluant de l’atmosphère dont la concentration augmente régulièrement depuis des décennies. Comme les animaux, les plantes peuvent se montrer assez sensibles à ce type de pollution. Ce gaz est un oxydant puissant, qui occasionne des taches ou des nécroses à la surface des feuilles, provoque leur vieillissement accéléré et peut ainsi conduire à une diminution de la croissance des plantes. Certaines plantes plus particulièrement sensibles, les trèfles par exemple, peuvent servir de bio-indicateurs des pics d’ozone, car leurs feuilles exposées à de fortes concentrations en ozone se couvrent rapidement de taches. La pollution en ville est souvent permanente. Elle provient essentiellement des rejets industriels et des pots d’échappement des véhicules. Néanmoins, de nombreuses plantes, tant qu’elles peuvent disposer de CO2, de lumière et d’eau, survivent à des concentrations très élevées de polluants. 77
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
La pollution gêne-t-elle les plantes ?
Certaines ont même la caractéristique d’absorber les polluants et sont utilisées pour participer à la dépollution de l’air, de l’eau ou du sol des villes. Ainsi, le lierre est capable d’absorber le formaldéhyde, le benzène ou le trichloréthylène. De même, autour des agglomérations, des zones humides (marais, cours d’eau, lacs) qui existaient préalablement à la ville ou qui ont été aménagées recèlent des plantes qui rendent un service Si l’herbe est verte, c’est que, comme la plupart des végétaux, elle contient dans ses cellules un pigment vert : la chlorophylle. La chlorophylle (du grec ancien χλωρός « vert », et φύλλον « feuille ») est située dans les chloroplastes. La longueur d’onde que l’œil humain absorbe le moins étant le vert, c’est donc cette couleur que nous percevons quand nous regardons une feuille. La chlorophylle joue un rôle majeur dans la photosynthèse, ce processus qui permet aux plantes de synthétiser de la matière organique en utilisant la lumière du soleil. L’herbe estD’abord, la chlorophylle absorbe de l’énergie lumineuse et la elle plus verte transforme en énergie utilisable par la cellule pour convertir le CO2 atmosphérique en sucres. La photosynthèse est ainsi la en ville ? principale voie de transformation du carbone minéral en carbone organique. L’équation simplifiée de la photosynthèse peut s’écrire : dioxyde de carbone + eau + lumière –> sucre + oxygène. Chez les plantes, la photosynthèse se déroule dans des organites appelés chloroplastes. Une cellule de plante contient entre dix et cent chloroplastes. Les sucres produits sont ceux qui constituent les tissus de la plante et leurs réserves (amidon, saccharose, cellulose). La photosynthèse peut être inhibée par des causes externes. Lorsque la pollution en microparticules est importante, les poussières peuvent empêcher l’absorption des rayons solaires par la chlorophylle. Par ailleurs, certains pesticides détruisent des mécanismes biochimiques, enzymatiques ou métaboliques nécessaires à la photosynthèse. Enfin, le manque d’eau entraîne également l’arrêt de la photosynthèse, et les végétaux se dessèchent. Lorsque la photosynthèse ne se fait pas, la chlorophylle se détruit et les feuilles jaunissent. Ainsi, dans les villes où la pollution est trop importante, et où le sol est trop sec, l’herbe est plutôt moins verte qu’ailleurs.
Pelouse en hiver à Berlin.
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Qui pollinise les fleurs des villes ?
écologique très prisé : participer à l’assainissement pour la production d’eau potable. Scirpes lacustres, phragmites, massettes, iris et joncs sont connus pour leur rôle d’épurateurs. D’autres plantes sont utilisées pour dépolluer les sols des friches industrielles. Des fétuques et des canches, par exemple, ont montré leur efficacité à éliminer de l’arsenic, du plomb, du zinc, du cadmium contenus dans des sédiments pollués. Elles absorbent les polluants par leurs racines et les concentrent dans leurs tissus. Il suffit d’arracher les plantes et de les envoyer à des usines de traitement des déchets pour que peu à peu le sol redevienne apte à l’implantation d’habitations ou de jardins. Une extrême méfiance est de rigueur vis-à-vis des légumes cultivés dans les villes. De la même façon que les plantes détoxifiantes décrites ci-dessus, ils peuvent emmagasiner de fortes concentrations de métaux lourds. Pour l’alimentation, il faut choisir des végétaux cultivés sur des sols sains, loin des autoroutes et routes à fort trafic. Comme les légumes produits dans les jardins des citadins, les pissenlits et autres plantes sauvages comestibles des villes peuvent être consommés à condition qu’ils poussent à l’écart des gaz d’échappement et dans des sols relativement sains.
40 Qui pollinise les fleurs des villes ? En région tempérée, les pollinisateurs naturels des plantes sont des insectes ou le vent. Sous les tropiques, des chauves-souris et des oiseaux (les colibris par exemple) peuvent aussi jouer ce rôle. Dans nos villes, les insectes assurent ce service auprès des plantes (environ 30 % des espèces poussant dans les villes d’Île de France sont entomophiles). Ils prélèvent du nectar et du pollen dans les fleurs, qui les attirent grâce à des couleurs voyantes ou des odeurs particulières. En butinant de fleur en fleur, les insectes transportent malgré eux du pollen (gamètes mâles des fleurs) sur leurs pattes ou sous leur ventre, et en déposent sur le style (partie femelle) des fleurs
Une piéride du chou sur un massif ornemental.
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LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Comment voyagent les graines des immigrantes ?
suivantes. Ils assurent ainsi la fécondation des espèces dites « entomophiles » (coquelicots ou chélidoines, par exemple). Cependant, dans les quartiers les plus densément urbanisés, ils se font rares, et les plantes qui nécessitent absolument l’intervention des pollinisateurs pour se reproduire sont moins nombreuses que dans les quartiers plus « verts ». Parmi tous les insectes pollinisateurs, les bourdons et les abeilles sont les plus nombreux en ville et effectuent la majorité du travail, alors qu’à la campagne les pollinisateurs sont aussi des mouches, des papillons ou des scarabées. Il faut noter que ce sont des abeilles domestiques qui vivent en ville. Elles proviennent des ruches des apiculteurs urbains qui produisent un miel abondant, riche en pollen d’arbres ornementaux. Le vent contribue aussi à la pollinisation. Les plantes dites « anémophiles » produisent des quantités massives de pollen qui, durant leur trajet dans l’atmosphère, vont rencontrer le style d’une plante de la même espèce et la féconder. Ces espèces, comme l’ortie ou le plantain, uniquement dépendantes des courants d’air, peuvent se plaire en centre-ville, même si ce sont les plantes autogames – c’est-à-dire capables de s’autoféconder (chez les pâquerettes par exemple, les ovules d’une plante sont fécondés par les pollens de la même plante) – qui tirent le mieux leur épingle du jeu.
41 Comment voyagent les graines
des immigrantes ?
Les graines sont le résultat de la fécondation des plantes dites « phanérogames », c’est-à-dire qui portent des organes sexuels visibles, comme les fleurs. Elles se forment à la suite de la fécondation des ovules par du pollen et sont en général produites au sein d’un fruit qui peut avoir des formes très diverses : gousses, capsules, baies… Les dispersions les moins lointaines sont plutôt liées à la gravité (on parle de « barochores ») : les graines tombent au pied de l’arbre ou de la plante, et sont transportées par la rivière. Certaines gousses explosent en séchant, et envoient les graines à plusieurs mètres. Les graines peuvent comporter des dispositifs qui leur permettent de s’éloigner beaucoup plus de la plante mère : des ailettes ou des plumes qui les font s’envoler dans les 80
Comment voyagent les graines des immigrantes ?
courants d’air, des crochets ou de la glu qui les font s’accrocher aux plumes des oiseaux ou aux bas des pantalons des piétons. Les plus légères, fines comme de la poussière, s’élèvent dans l’atmosphère sans être équipées d’accessoires de vol. Elles retombent sur le sol et se fixent à la faveur des pluies, ou adhèrent plus ou moins durablement à la carrosserie des véhicules de transport. À Berlin, des chercheurs ont montré que les voitures pouvaient faire entrer en ville des dizaines d’espèces. Que dire alors des trains, qui parcourent des distances souvent plus longues ? Les graines de certaines espèces dites « endozoochores » ou « ornithochores » voyagent dans le tube digestif des oiseaux qui les ont avalées et tombent au sol avec leurs fientes. L’action du système gastrique attaque la paroi des graines, rendant cellesci aptes à germer, à la sortie. C’est le cas du gui. En fonction de l’oiseau qui les a gobées, les graines parcourront des distances plus ou moins grandes… comme d’autres qui seront transportées par l’eau des rivières ou des caniveaux, moyen principal de dispersion de nombreuses plantes aquatiques ou même seulement hygrophiles.
Graines de pissenlit.
Gousses de catalpa.
Le dernier vecteur de transport des graines est la terre de remblai. À l’occasion de travaux, ou de plantations dans le milieu urbain, de la terre peut être apportée en provenance 81
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Les plantes citadines vivent-elles au même rythme que dans la nature ?
de terrains plus ou moins ruraux. Si la végétation de surface a souvent été décapée avant que la terre ne soit transportée, il y reste de nombreuses graines, qui vont arriver en ville et germer. Quand les plantes ainsi déplacées se plaisent dans leur nouvel environnement, elles s’implantent durablement. Si les conditions leur sont trop défavorables, elles ne survivent pas plus d’une saison. Par ces phénomènes, les graines peuvent voyager sur des distances très grandes et entrer dans la ville. Néanmoins, une grande proportion des graines qui germent en milieu urbain ont été produites sur place, par la végétation locale. Ainsi, chaque année, de subtils mélanges de graines se créent, qui renouvellent peu à peu la végétation de la cité, en fonction des hasards des apports, de la météo (qui va sélectionner chaque année les espèces les mieux adaptées aux pluies et températures du moment) et de la gestion opérée par les services municipaux et les citadins.
42 Les plantes citadines vivent-elles
au même rythme que dans la nature ?
Dans la nature, c’est-à-dire dans les lieux où la gestion humaine n’intervient pas ou peu, si les plantes ne se font pas manger par un prédateur, elles germent, poussent, fleurissent, sont fécondées, produisent des graines. Suivant les espèces, elles peuvent boucler ce cycle une ou plusieurs fois avant de mourir. Ce sont souvent des signaux de l’environnement qui règlent leur pendule : les graines germent après une période de froid, quand la température remonte et que les jours rallongent. Les feuilles ou les fleurs sortent également, en réaction à des changements de luminosité ou de chaleur. Dans la ville, ces conditions environnementales sont modifiées par la chaleur et les lumières artificielles produites par les activités humaines (voir question 39). De ce fait, les espèces ne sont pas forcément en phase avec leurs congénères des milieux naturels. De plus, bien souvent, le couteau d’une tondeuse, la semelle d’une chaussure ou la main d’un jardinier les empêche de boucler leur cycle de vie. Dans le meilleur des cas, si elles survivent, elles devront attendre une prochaine saison pour fructifier. 82
Les lichens ont-ils déserté les grandes villes ?
43 Les lichens ont-ils déserté
les grandes villes ?
Les lichens ne sont pas des plantes mais des organismes composés de cellules de champignons associées à des cellules d’algue verte ou de cyanobactérie possédant de la chlorophylle, donc capables de photosynthèse. Le lichen s’implante sur des supports variés dans des conditions souvent hostiles (sécheresse, chaleur) car ses besoins sont assez limités et il peut interrompre sa croissance lorsque les conditions sont trop difficiles. Il se nourrit des sels minéraux contenus dans l’eau de pluie ou bien des éléments de son substrat qu’il dissout. Il a une croissance très lente (quelques Lichen sur un millimètres par an). tronc d’arbre. On trouve des lichens sur différents substrats : troncs ou branches d’arbres, sur ou sous les rochers, sur la terre et sur toutes sortes de surfaces artificielles en béton ou en ciment. Ils vivent souvent plusieurs dizaines d’années. Ils représentent une source importante de nourriture pour de nombreuses espèces, comme les chenilles de certains papillons (lichens manteaux jaunes, ou ménagères). Ce sont des indicateurs de pollution utilisés en biosurveillance car beaucoup d’espèces sensibles, notamment au dioxyde de soufre, régressent à l’approche des villes. Cependant, d’autres comme les espèces nitrophiles (lichens orange ou gris sur les arbres) se développent, montrant l’augmentation de la pollution par les oxydes d’azote. En zone très polluée, on trouve surtout des lichens incrustés sur leur support, alors qu’en zone moyennement polluée, on peut rencontrer des lichens en forme de petites feuilles. En résumé, les lichens en général n’ont pas déserté les grandes villes mais certaines espèces les ont fuies à cause de la pollution de l’air. 83
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Pourquoi les vieux murs accueillent-ils les mousses ?
44 Pourquoi les vieux murs accueillent-ils
les mousses ?
Les mousses sont des végétaux particuliers qui n’ont pas de vaisseaux pour transporter l’eau d’un tissu à l’autre de la plante. Pour vivre, elles doivent donc se trouver dans des environnements assez humides pour hydrater toutes leurs cellules. D’autre part, elles ne possèdent pas de véritables racines, mais des structures très grêles qui leur permettent de se fixer superficiellement sur leur support. Certaines d’entre elles n’ont pas besoin de beaucoup de sol pour s’implanter. C’est ainsi qu’on peut les trouver sur des murs humides, à des endroits ombragés. Lors des périodes de sécheresse, elles ont la capacité de se dessécher sans mourir. À la faveur d’une pluie, elles reverdissent et reprennent le cours de leur vie. Elles poussent aussi dans d’autres types d’habitats (dans les pelouses ombragées Mousses par exemple) où elles passent plus inapersur un mur. çues car leur taille est souvent réduite.
45 Peut-on manger les champignons
des villes ?
Les champignons ne sont pas des plantes. Il en existe plusieurs grandes familles, dont les saprophytes, qui poussent sur des végétaux en décomposition. Les plus connus sont les champignons à chapeau (comme les cèpes ou les amanites), dont l’habitat favori est le sous-bois. Le bois mort et les feuilles tombées à terre leur fournissent des éléments nutritifs nécessaires. Certains se rencontrent plus fréquemment dans les espaces herbacés (comme les agarics). En ville, on peut en trouver dans les bois ainsi que dans les pelouses des parcs ou même les jardins. Cependant, la forte fréquentation de ces espaces et leur réaménagement régulier ne leur laisse guère le temps et la place de pousser. C’est pourquoi on en voit moins que dans les forêts. D’autres formes de champignons très fréquents en ville sont les moisissures. Il arrive que l’on en voie se développer, entre autres sur les murs des maisons mal aérées. 84
Peut-on manger les champignons des villes ?
Les champignons ont tendance à accumuler dans leurs tissus les métaux lourds qui se trouvent dans le sol. Dans les villes, la probabilité de trouver des champignons pollués est donc très forte et il est préférable de ne pas les consommer.
46 Quelles plantes vivent dans le lit
des rivières ?
La végétation des lits des rivières dépend étroitement de nombreux facteurs, parmi lesquels la qualité de l’eau (en particulier la concentration en éléments nutritifs), sa température et les animaux qui y vivent. Les cours d’eau hébergent trois groupes principaux de végétaux : • Les algues Ces plantes particulières, sans feuilles à proprement parler, sans tiges et sans racines, ne produisent pas de fleurs. Elles ont des appareils reproducteurs cachés (comme les mousses ou les fougères). Selon les espèces, elles sont composées d’une seule cellule (algues microscopiques) ou de plusieurs cellules organisées en filaments ou en lames. Elles vivent grâce Algues et à la photosynthèse et ont donc besoin de lumière.
plante à fleurs dans un lit de rivière.
Les algues qui habitent les rivières sont surtout des algues microscopiques. Lorsque l’eau est riche en nitrates ou en phosphates, du fait de pollutions souvent agricoles, elles peuvent se développer de façon importante et gêner la vie des autres êtres vivants. Certaines produisent des toxines qui empoisonnent l’eau pour les animaux et les humains qui la consomment. 85
LA COURSE DES PLANTES SAUVAGES
Quelles plantes vivent dans le lit des rivières ?
De façon générale, les algues jouent cependant un rôle très important dans l’écosystème aquatique car elles participent activement à l’équilibre biologique du milieu. • Les mousses Ce sont également des plantes sans fleurs et sans tissus conducteurs. Les échanges gazeux et hydriques se font directement au travers de leurs cellules. Elles sont souvent implantées sur des rochers au fond de l’eau ou sur des structures artificielles en béton ou en ciment (piles de pont, barrages…). Elles préfèrent la fraîcheur (moins de 25 °C) et on les trouve à faible profondeur car elles ont besoin de lumière. • Les plantes à fleurs Les espèces concernées s’implantent selon la vitesse du courant et la profondeur de l’eau. Les « hydrophytes » vivent immergées dans l’eau, ou à sa surface comme les lentilles d’eau ou les élodées ; les « hélophytes », par exemple les roseaux, n’ont que les pieds dans l’eau, leurs tiges et feuilles poussant dans l’air. En ville, des végétaux comme la callitriche à angles obtus (Callitriche obtusangula Le Gall), le potamogéton crépu (Potamogeton crispus L.) ou la zannichellie des marais (Zannichellia palustris L.) peuvent se développer, si l’eau n’est pas trop polluée.
Promenade plantée à Bruxelles.
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La friche a-t-elle encore sa place en ville ?
47 La friche a-t-elle encore sa place
en ville ?
En tant qu’espace laissé à l’abandon entre deux projets d’aménagement, la friche représente un habitat assez transitoire dans les villes. La végétation a plus ou moins le temps de se développer en fonction de la durée de cette transition. Les friches peuvent abriter plus de la moitié des espèces végétales des villes, même si une forte proportion des espèces est très banale voire exotique. On y trouve le plus fréquemment l’armoise commune, le cirse des champs, les plantains ou les orties. Le buddleia, le robinier faux acacia, l’ailante, les arbres ou arbustes exotiques envahissants peuvent y être très présents. Mais on peut aussi y rencontrer quelques espèces rares, surtout lorsque les friches ne sont pas trop isolées les unes des autres. Ainsi, dans les friches des Hauts-de-Seine, la menthe Nepeta cataria L., la chondrille (Chondrilla juncea L.) et le torilis noueux (Torilis nodosa L.), espèces rares dans le département, ont été observées. Les études ont bien démontré à quel point les friches sont des habitats primordiaux pour la qualité de la biodiversité des villes, pour peu que leur destruction ne soit pas trop rapide. Elles peuvent fournir un accueil temporaire à beaucoup d’animaux sauvages et favorisent les échanges biologiques entre les différents types d’espaces verts des villes. La surface des friches, la qualité écologique du quartier dans lequel elles s’insèrent, leur âge et l’intensité de la présence humaine constituent des paramètres qui déterminent la flore. Les friches d’une dizaine d’années, à proximité d’autres espaces verts ou, mieux, proches de cours d’eau, sont les plus riches en espèces. Friche à Roubaix.
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Les animaux sauvages, de nouveaux résidents
48 Les villes sont-elles devenues un asile
pour les oiseaux migrateurs ?
La migration est un processus biologique qui permet à des espèces d’échapper aux réductions de nourriture en accomplissant des dispersions saisonnières et orientées, en général, vers le sud. Certains de nos oiseaux nicheurs, notamment les insectivores, quittent nos contrées en fin d’été ou en automne pour rejoindre des quartiers hivernaux africains, par exemple les hirondelles. On parle souvent de « visiteurs d’été », ce qui prête à confusion, mais cela permet de les distinguer des nicheurs sédentaires qui, eux, restent toute l’année dans la même région. La fauvette à tête noire, très commune dans nos parcs, migre vers l’Afrique tropicale. Cette migration concerne au moins les populations du nord de la France car les fauvettes du sud du pays ont tendance à rester sur place l’hiver. On parle alors de migrateurs partiels. 89
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Les villes sont-elles devenues un asile pour les oiseaux migrateurs ?
D’autres oiseaux sont des visiteurs hivernants chez nous. Ils se reproduisent dans des pays de l’Europe du Nord (Scandinavie, Russie, pays de l’Est…) et, aux premières neiges, quittent leurs zones de reproduction pour venir passer l’hiver dans notre pays, au climat plus doux. C’est le cas de nombreux canards nordiques, mais aussi des vanneaux ou des grives mauvis. Mais il faut beaucoup de place à ces dernières espèces de milieux ouverts car elles se trouvent toujours en grandes bandes. Enfin, de nombreuses espèces ne font que passer par l’Hexagone : les migrateurs qui nichent au nord de l’Europe et hivernent au sud, ou plus bas en Afrique. Les passages ont lieu en début d’automne et en fin de printemps (retour). Les dates évoluent avec le réchauffement climatique, qui entraîne des hivernages plus courts, notamment pour les cigognes, les grues, certains canards, les bécasses et les oies, qui ne s’arrêtent plus en ville. Non, les villes ne sont pas des haltes faciles et intéressantes pour les oiseaux migrateurs. Qu’il s’agisse de grands oiseaux tels les rapaces ou de petits comme certains passereaux, la ville n’est guère attirante pour ceux qui voyagent la plupart du temps la nuit en groupe de plusieurs milliers et ont besoin d’espace de repos dans la journée. Pour Envol d’étourneaux reprendre des forces, il faut un endroit à Rennes. calme, accessible et fournissant de la nourriture. Peu de villes offrent des sites remplissant ces conditions. Pourtant, la lumière attire certaines espèces et peut modifier les trajectoires des migrateurs. On retrouve ainsi parfois, en pleine ville, des oiseaux migrateurs exténués qui s’approchent des lumières et souvent se cognent sur les vitres qu’ils ne voient pas. Cela a été le cas de bécasses des bois retrouvées en plein cœur de Paris. Même en ville, on peut observer des passages d’oiseaux migrateurs en automne. À Paris, on réussit à entendre ou à voir, la nuit, des vols de gros oiseaux : milans, cigognes, oies ou grues. La température moins froide et 90
Qui vit en permanence dans nos cités ?
l’existence d’espaces pourvus en nourriture, comme de grandes pelouses (jardins d’administration, terrains de sport…) ou des vergers, permettent cependant à certains oiseaux (les grives ou les étourneaux, par exemple) de s’alimenter. On peut alors voir plusieurs milliers d’oiseaux en recherche alimentaire pendant des périodes en général très courtes (souvent quelques journées). Plusieurs milliers d’étourneaux (voir questions 54 et 71) ensemble s’installent parfois en dortoirs pour quelques jours dans un parc ou un bois urbains, notamment s’ils sont situés sur les couloirs de migrations, par exemple Rennes et La Roche-sur-Yon. À côté des migrations célèbres, comme celle du monarque Danaus plexippus aux États-Unis ou du criquet pèlerin Schistocerca gregaria en Afrique, plusieurs dizaines d’espèces de papillons migrent dans l’ouest de l’Europe et peuvent être vues dans nos villes. Presque toutes les familles sont représentées, depuis les piérides, les azurés, jusqu’aux sphinx Des en passant par les vulcains. Les migrations de belles-dames migrateurs Vanessa cardui sont spectaculaires. Cette espèce se reproduit aussi chez les plutôt en Afrique du Nord, mais migre périodiquement vers le insectes nord, en Europe. En 1996, une migration de belles-dames a été suivie de son départ d’Algérie jusqu’à son arrivée dans le sud de l’Angleterre, quatre jours plus tard. En 2009, cette espèce a aussi été observée en Suisse et un peu partout en France, dont plusieurs individus ensemble dans un parc parisien.
49 Qui vit en permanence dans nos cités ? Le panel des animaux présents au sein des villes est large. On peut citer les espèces domestiques (chient et chat, notamment), les espèces maronnes (qui se sont échappées ou ont été relâchées, comme les tortues de Floride) et des espèces sauvages, spontanées, de plus en plus nombreuses. Outre les espèces domestiques, certaines espèces ont toujours été proches de l’Homme, elles l’ont suivi dans ses déplacements et se sont installées aux mêmes endroits que lui. Il s’agit aussi bien de mammifères, comme la souris et plus récemment les rats, que d’oiseaux (pigeons) ou d’insectes, par exemple les blattes et les poux. Ces espèces qu’on dénomme synanthropiques ou anthropophiles profitent de l’Homme sans réelle contrepartie. La plupart sont d’ailleurs qualifiées de « nuisibles ». 91
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Qui vit en permanence dans nos cités ?
Si on se réfère au nombre d’individus, ce sont certainement les plus petites espèces qui sont les plus abondantes. On peut penser aux drosophiles, petites mouches dites du vinaigre, qui se reproduisent en grand nombre, avec des générations courtes, sur les fruits et Les les légumes. Dans le sol, même si en ville elle est plus limitée, animaux la microfaune d’un jardin peut être très abondante (colsauvages les lemboles) et, dans les tailles juste au-dessus, les petites espèces mobiles qui supportent les perturbations urbaines plus nombreux (arthropodes, comme les fourmis qui se dispersent lors de en ville l’essaimage en été ou les araignées qui s’envolent au gré du vent en s’accrochant à leur fil de soie). Mais nos recherches donnent parfois des résultats surprenants. Par exemple, nous avons étudié les coléoptères dans le jardin très fermé de la bibliothèque François-Mitterrand. Il n’y a eu aucun apport de terre depuis 1994, date de sa création, et la hauteur des bâtiments qui l’entourent empêche l’arrivée des espèces peu mobiles. Nous y avons trouvé quelques espèces, notamment de la famille des carabes (6 espèces sur plus d’une vingtaine présentes à Paris) et une douzaine d’espèces de la famille des staphylins, dont le gros diable noir Ocypus olens. Ce dernier a été rencontré dans des densités jamais observées (8 fois plus abondant que dans les grands parcs parisiens). Il semble que l’isolement ait favorisé cette espèce prédatrice à la place d’un panel de prédateurs qui se partagent généralement le milieu (araignées, fourmis, carabes).
Inventaire à la bibliothèque François-Mitterrand (Paris).
Aujourd’hui, de nombreuses espèces animales « exotiques » occupent une partie de l’espace urbain non minéralisé (voir question 71). Mais, dans la dynamique actuelle des espèces vivant en ville, il y en a de plus en plus de sauvages qui colonisent la ville depuis la campagne proche. Des espèces communes – on parle de biodiversité ordinaire –, mais elles ont toutes un 92
Qui vit en permanence dans nos cités ?
rôle dans le fonctionnement écologique. Quelques-unes font des allers-retours entre ville et campagne (essentiellement des oiseaux, mais aussi des insectes et des chauves-souris qui viennent chasser sous les lampadaires). En hiver, certains oiseaux comme les étourneaux arrivent juste pour dormir en ville et retournent s’alimenter la journée dans la campagne, d’autres font l’inverse, comme les goélands qui dorment sur les grands étangs, parfois loin de la ville, puis vont se nourrir sur les marchés et dans les poubelles dans la ville au cours de la journée. La majorité des espèces que l’on observe en ville y sont cependant présentes en permanence, il est vrai, sous des formes discrètes (chenilles ou larves pour les insectes, graines pour les plantes). Une grande partie de la faune sauvage est nocturne : les oiseaux, comme les chouettes et hiboux, les mammifères, comme les renards et les chauves-souris, les amphibiens, comme les crapauds, ou les insectes, comme les papillons de nuit. En ville, une proportion importante de ces mêmes animaux s’active à la tombée de la nuit. C’est aussi le moment où certaines espèces tentent de rentrer dans la ville, La nuit devenue plus calme, par exemple le sanglier ou le renard. Les rencontres avec la faune nocturne sont souvent forfavorise-t-elle tuites, surtout quand la densité de ces populations est les rencontres faible. Voir un renard, une fouine ou une chouette hulotte avec la faune dans la ville est peu aisé, même si ces espèces sont bien sauvage ? présentes dans le quartier. En revanche, on aura toute facilité à observer la pipistrelle commune, chauve-souris présente dans toutes les villes, ou bien le crapaud, qui utilise toujours les mêmes circuits de jardins. En bordure de ville, on notera aussi le passage des hérissons, des salamandres, de gros insectes nocturnes comme le lucane cerf-volant ou de papillons comme le sphinx.
Fouine au parc de Bercy (Paris).
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LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Qui a changé son menu pour vivre en ville ?
50 Qui a changé son menu
pour vivre en ville ?
Beaucoup d’espèces animales ont modifié leur régime alimentaire en entrant dans la ville. Quelques-uns en changeant de proies, par exemple les faucons ; la majorité en exploitant de nouvelles ressources, propres à la ville, comme les déchets et ordures ménagères. Le faucon crécerelle est un petit rapace très commun. On le voit faire du vol battu en surplace au bord des autoroutes et Que au-dessus des prairies (on parle de vol « en Saint Esprit »). Il s’est installé petit à petit dans beaucoup de grandes villes mangent européennes. On en trouve aujourd’hui plusieurs dizaines les faucons de de couples à Bruxelles, Prague, Florence, Lisbonne, Vienne, Notre-Dame ? Moscou et Paris. On peut notamment étudier leur régime alimentaire grâce à leurs pelotes de réjection, c’est-à-dire ce que la plupart des oiseaux recrachent quand ils ne peuvent pas digérer sous forme de boulettes les plumes, os et poils. Ce rapace se nourrit essentiellement de micromammifères comme les campagnols ou les musaraignes, très abondants dans les herbes des zones rurales. Mais, en ville, il a progressivement intégré des oiseaux dans son régime alimentaire. Les moineaux par exemple sont plus abondants et plus accessibles en ville que les campagnols ! Dans le grand Berlin, où on compte plus de 200 couples nicheurs, une étude récente montre que leurs proies en centre-ville sont à 70 % des oiseaux (aux 3/4 des moineaux) contre 7 % en périphérie de la ville. À Paris, on trouve dans les pelotes de réjection autant d’oiseaux que de micromammifères, alors qu’à la campagne on n’observe que ces derniers (campagnols, musaraignes, souris).
Ainsi, le renard et le raton-laveur, qui sont des carnivores, apprennent à faire les poubelles, tout comme les goélands et les corneilles. Ils y trouvent notamment des restes carnés. Les petits oiseaux tels les moineaux domestiques ou les étourneaux sansonnets, mais aussi les plus gros comme les pigeons et les mouettes, recherchent les déchets dans les caniveaux et sur la chaussée. Ils se nourLe moineau rissent des miettes de pain et de tout domestique a ce que l’homme pressé laisse tomber décliné en ville de son sandwich ou de son gâteau. depuis qu’on n’y 94
utilise plus les chevaux.
Qui préfère se marier à la campagne ?
En étudiant ce qu’apportent les étourneaux adultes vivant en ville à leurs nichées, on trouve des miettes de pain et des bouts de frites, des restes de viande et même des morceaux de pizza. C’est pourtant un insectivore ! De la même façon, le pigeon ramier, un granivore qui niche dans les arbres, s’installe en ville en accompagnant progressivement son régime alimentaire de déchets divers. Il tend vers la même alimentation omnivore que son cousin, le pigeon des villes. En outre, dans ces changements de comportements alimentaires, le nourrissage joue un rôle important (voir question 70).
51 Qui préfère se marier à la campagne ? De très nombreuses espèces ne supportent pas le dérangement ou bien ne peuvent pas trouver un habitat en ville. On les appelle des « urbanophobes ». Dans tous les groupes d’animaux, certaines espèces ne sont jamais observées ni comptabilisées dans les inventaires naturalistes urbains. Au début des années 2000, une analyse de l’avifaune dans la ville de Rennes et sa campagne proche montrait que 59 espèces d’oiseaux étaient établies en ville (merle noir, mésange charbonnière, pie bavarde…) et 28 autres semblaient strictement rurales (alouette des champs, bergeronnette printanière, fauvette des jardins…). On a pu typer les caractéristiques de ces deux groupes : les espèces urbanophiles sont plutôt sédentaires, forestières, nichant haut, souvent en cavité, alors que les espèces urbanophobes sont plutôt des espèces de milieu ouvert, migratrices, nichant au sol. On comprend aisément que des espèces de grande culture et de plaine, comme l’alouette ou la perdrix, aient du mal à s’implanter et encore plus à se reproduire dans la ville. L’habitat est trop peu disponible et le dérangement permanent. Mais l’évolution de nos villes intégrant de plus en plus de nature et de moins en moins de pesticides (voir question 81) nous réserve encore des surprises, et de nouvelles espèces pas encore observées en ville pourront peut-être s’y installer comme le font certains rapaces depuis quelques années. Le changement est notable, par exemple, à Paris intra muros, où l’on comptait une quarantaine d’espèces nicheuses dans les années 1980, contre 59 aujourd’hui (CORIF, Atlas parisien de l’avifaune). 95
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Pourquoi de plus en plus de corneilles et de pies ?
52 Pourquoi de plus en plus de corneilles
et de pies ?
Dans de nombreuses villes, les citadins constatent une augmentation des pies et des corneilles. Ces oiseaux, qui étaient appelés des « becs droits » par les anciens piégeurs, ont toujours mauvaise réputation. Les pies sont des insectivores des prairies, mais aussi des prédateurs pour les nichées de leur territoire. Elles détruisent couramment des couvées de merles ou de tourterelles mais une étude récente montre que leur impact sur les populations de passereaux en ville n’est pas significatif. L’espèce s’installe quand les arbres ont plus de 10 m de hauteur. Si l’on veut de grands arbres, on aura donc des nids de pies ! La corneille noire est classée comme « nuisible ». De régime plus omnivore que la pie, elle cause des dégâts en consommant des graines et de jeunes plants de culture et en exerçant une prédation sur les élevages de volailles en plein air. Elle montre une remarquable adaptation à l’environnement et apprend très vite à tirer profit des activités humaines en ville. Ainsi, les corneilles bénéficient du Corneilles plan Vigipirate qui a imposé partout des sacs inspectant une poubelles transparents. On les voit tourner aupoubelle. tour des sacs en plastique, choisir l’endroit intéressant pour les ouvrir et tirer à l’extérieur un morceau de pain ou de viande. Elles savent aussi casser des noix ou des noisettes en les laissant tomber de très haut sur un rocher ou un trottoir. Au Japon, pour écraser ces fruits durs, la corneille utilise les voitures aux carrefours avec feu tricolore. Elle profite de l’arrêt des automobiles pour descendre de son perchoir d’observation et récupérer son fruit éclaté. Au Jardin des plantes de Paris, une corneille a trouvé de grosses larves à une faible profondeur sous une pelouse arrosée ; les jours suivants, toute la pelouse était retournée par les corneilles à la recherche de ces proies. Ces gros oiseaux sont très vite perçus, et leurs dégâts tout de suite remarqués. Pour éviter leur surnombre, il faudrait agir sur leurs sources de nourriture, parmi lesquelles le nourrissage des pigeons, dont elles bénéficient largement (voir question 70). 96
La pollution gêne-t-elle les animaux ?
53 La pollution gêne-t-elle les animaux ? De toute évidence, la pollution gêne les animaux. Il y a cependant peu d’études sur les effets directs des pollutions urbaines. Cependant, on retrouve en concentrations, parfois fortes, différents composés chimiques et métalliques de l’atmosphère ou du sol dans les œufs des oiseaux qui nichent en ville. Le faible taux de reproduction des étourneaux en ville, où ils sont pourtant bien installés, pourrait s’expliquer par une faiblesse de l’alimentation apportée aux jeunes mais aussi peut-être par les concentrations de pesticides bloquant le développement des poussins. En effet, on a fait des corrélations entre des teneurs en herbicide et des mortalités de jeunes étourneaux plus fortes en ville. Depuis la restriction de l’usage des organochlorés, trop nocifs pour l’environnement et la faune sauvage, l’emploi des organophosphorés et des carbamates s’est largement répandu du fait de leur faible rémanence dans l’environnement. Ces produits alternatifs sont des insecticides et acaricides neurotoxiques, inhibiteurs des cholinestérases. Ils sont utilisés dans la lutte contre les parasites et les ravageurs des cultures, mais en fait ils affectent toute la faune sauvage. Les conséquences dépendent de nombreux facteurs liés à l’insecticide, à l’environnement et à l’espèce. Mais un travail de synthèse que nous avions réalisé souligne l’impact général de ces substances, non seulement par leurs effets physiologiques ou comportementaux, mais aussi par les risques sur les dynamiques de populations. En ville, les pesticides ont été longtemps usités et le sont encore aujourd’hui dans certains cas (jardins privés, potagers urbains, cimetières…). La pollution atmosphérique entraîne des modifications dans la phénologie des plantes, et parfois leur mort (voir question 14). Les invertébrés, qu’ils soient touchés par la disparition de ces supports alimentaires (au premier rang desquels figurent toutes nos mauvaises herbes) indirectement, ou bien directement par les pesticides, sont évidement les premiers animaux affectés. Bien que non quantifiés, leurs prédateurs sont alors directement concernés. Dans la deuxième moitié du xxe siècle, on a attribué la disparition de certains passereaux insectivores des villes à la pollution automobile qui avait causé une mortalité forte chez certains insectes. Aujourd’hui, l’usage des herbicides est de plus en plus limité dans presque tous les espaces publics. 97
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Qui s’installe en colonie dans la ville ?
Il existe d’autres pollutions, comme la pollution lumineuse. L’effet d’une lumière permanente modifie les cycles des animaux, qu’ils soient diurnes ou nocturnes. Elle provoque des perturbations endocriniennes ou comportementales, notamment liées aux phénomènes de « phototaxie positive » (attraction irrésistible vers la lumière) ou de « phototaxie négative » (répulsion). Certaines chauves-souris changent leurs domaines vitaux pour chasser sous les lampadaires, au contraire d’autres, pour les éviter (voir question 4). Les pigeons, les étourneaux ou les corneilles sont actifs plus longtemps en soirée dans la ville éclairée. Enfin, les répercussions de la pollution sonore n’ont guère été analysées sur les capacités auditives des oiseaux ou des mammifères. Pourtant, comme l’Homme, les animaux semblent être sensibles au bruit. Plusieurs travaux réalisés sur la mésange charbonnière montrent que son chant en ville est modifié tant dans sa structure (plus court et plus rapide) que dans sa puissance. Oui, pour se faire entendre les oiseaux chantent plus fort en ville qu’à la campagne.
54 Qui s’installe en colonie dans la ville ? La notion de colonie s’applique plutôt à la reproduction. On parle d’une colonie de reproduction dans le cas des oiseaux ou des insectes, mais ce terme désigne également des rassemblements pour dormir. Les dortoirs urbains d’oiseaux (c’est-à-dire des sites accueillant de grands rassemblements tels ceux des étourneaux) ou de chauves-souris sont souvent appelés colonies. Presque tous les animaux peuvent s’installer en ville, même ceux qui vivent en colonie, à partir du moment où ils ont suffisamment d’espace pour accomplir leurs activités seuls ou en groupe. Des insectes, avec les nids de frelons, d’abeilles, de guêpes, de fourmis, jusqu’aux colonies d’oiseaux comme les goélands, les hirondelles ou les moineaux en passant par les mammifères comme les rats ou les souris, les animaux peuvent faire colonie. La grégarité a montré son intérêt chez les animaux, notamment dans les milieux contraints et difficiles tels que la ville. Le bénéfice de la collectivité s’observe dans la rapidité des découvertes de nourriture et de nouveaux abris. Plusieurs recherches éthologiques, par exemple sur les 98
Y a-t-il pour l’Homme des risques de promiscuité avec la faune ?
corvidés, ont prouvé la rapide acquisition de nouveaux items alimentaires grâce à l’imitation entre individus : un oiseau trouve un nouvel aliment, son comportement est vite imité par les autres congénères présents. Les termites, insectes très sociaux, sont surtout présents dans les pays chauds. Ils se nourrissent essentiellement de bois et de feuilles (xylophages). Ils construisent souvent de grands nids en terre où vivent les colonies, les termitières. Les En France, plusieurs espèces existent, généralement introduites dans les ports du sud-ouest de la France avec le transtermites des port des bois exotiques aux xviiie et xixe siècles. Présentes cités ont-ils essentiellement au sud d’une ligne Lorient-Menton, elles sont faim ? les plus nombreuses en Aquitaine. Les termites peuvent occasionner de gros dégâts aux habitations. Ils creusent des galeries dans le bois d’œuvre, dont ils se nourrissent. Cependant, ils n’attaquent que les bois ayant une certaine humidité avec une température plutôt chaude. La présence de ces insectes dans un immeuble doit être déclarée auprès des autorités, notamment en cas de vente. Les campagnes d’éradication utilisent des insecticides sur les charpentes mais aussi des pièges et des boîtes avec des appâts.
55 Y a-t-il pour l’Homme des risques
de promiscuité avec la faune ?
La densité d’individus cause des problèmes en ville. Il y a une concentration humaine et, quand il y a aussi concentration d’animaux, les risques liés à cette promiscuité peuvent être importants : dégâts sur les bâtiments (rats, termites, etc.), sur les jardins (accumulation des fientes d’étourneaux, etc.), sur les zones de production (prédations sur les cultures, les maraîchages, dans les pêcheries, etc.), sur les aéroports (collision avec les avions), etc. Les risques évoqués le plus souvent tant par les gestionnaires que par le grand public concernent l’aspect sanitaire. Les animaux peuvent être responsables de maladies humaines aux degrés très variables allant de la simple gêne jusqu’à la mort. Plusieurs espèces ont été impliquées dans des pathologies humaines : pigeons des villes, goélands, mouettes et étourneaux, mais aussi la plupart des mammifères sauvages. Ils peuvent constituer des maillons essentiels de diverses 99
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Les chauves-souris sont-elles citadines ?
maladies virales (grippe, paramyxoviroses, arborviroses), bactériennes (ornithoses, mycobactérioses, salmonelloses), parasitaires (téniases, ectoparasitoses), fongiques (cryptococcoses, histoplasmoses, candidoses) et immunologiques (maladie du poumon d’éleveur d’oiseaux). Le pigeon fait l’objet de nombreuses recherches tant sa proximité avec l’Homme est forte. Il est, par exemple, le premier vecteur de Cryptococcus neoformans, qui affecte les sujets immunodéprimés. Le rat et d’autres mammifères (raton-laveur, renard…) peuvent aussi jouer des rôles essentiels dans l’épidémiologie de la rage, de la peste, de l’échinococcose, de la gale, etc. (voir question 69). Les animaux ont donc un impact non négligeable sur la santé des citadins. À cause de son portage important de germes divers, le pigeon des villes apparaît comme l’une des espèces les plus préoccupantes. Cependant, le nombre de cas médicaux imputables aux animaux, encore restreint, doit tempérer une légitime inquiétude sanitaire.
56 Les chauves-souris sont-elles citadines ? Les chauves-souris aiment bien les villes. Elles y trouvent le gîte et le couvert. Dans des villes moyennes comme Rennes, Nantes, Angers, nous avions trouvé 8 espèces de chauves-souris (rhinolophes, pipistrelles, noctules, murins, oreillards, barbastelles) sur les 16 présentes dans la région. Comme cela représente la moitié, on peut attribuer aux villes un rôle certain pour la conservation de cette richesse. Des travaux récents montrent la même tendance à Bourges. Dans les très grandes villes, le nombre d’espèces chute complètement. Il n’y a plus assez d’insectes présents et, à Paris, seule la petite pipistrelle commune est observée. En ville, les chauves-souris trouvent des sites pour s’abriter le jour et se reproduire : greniers ou bâtiments abandonnés, fissures et cavités dans les bâtiments ou les arbres… La modernisation du bâti, l’abattage des vieux arbres à cause des risques de chute et la relative répulsion des humains à l’égard de ces espèces limitent leur installation effective dans le milieu urbain. Mais c’est surtout la nourriture qui semble limiter leur présence. Elles cherchent leur proies dans les parcs, les 100
Peut-on vraiment croiser un crocodile dans les égouts ?
jardins, mais aussi dans les rues sous les lampadaires. Elles font cependant des incursions dans la campagne proche. Quand la ville est trop étendue, il y a moins d’insectes dans le centre-ville et les chauves-souris ont du mal à parcourir une distance trop grande jusqu’à la campagne. Menacés, ces animaux le sont aussi par l’usage des pesticides. Aujourd’hui, on installe un peu partout des nichoirs à chauve-souris, essentiellement pour permettre à certaines espèces de trouver des gîtes diurnes dans les secteurs urbains dépourvus de cavités. Selon les espèces, les chauves-souris restent solitaires (trous d’arbres ou de bâtiments suffisent alors) ou grégaires (dans ce cas, grottes et caves sont indispensables – voir, aux éditions Quæ, Les chauves-souris ont-elles peur du noir ?). Dans certains jardins publics, comme à Bruxelles (Belgique), ou dans l’université de Wageningen (Pays-Bas), on a construit de véritables grottes pour permettre à de grandes colonies de se reproduire.
57 Peut-on vraiment croiser un crocodile
dans les égouts ?
À New York ou à Paris, les égoutiers en parlent toujours : on trouve de tout dans les égouts des grandes villes. Beaucoup d’animaux relâchés ou bien échappés. La mode des nouveaux animaux de compagnie (les « NAC ») a permis la vente, autorisée ou non, de très nombreuses espèces exotiques complètement originales par rapport aux classiques chats, chiens, poissons rouges, serins ou perruches. Aujourd’hui, certains achètent des reptiles, des mygales, des mammifères exotiques, qui parfois s’échappent ou qui, presque toujours, grossissent dans des proportions inattendues par leur propriétaire. Celui-ci va alors tout faire pour s’en débarrasser. On voit par exemple des caméléons sur les bords de l’Erdre à Nantes, des tortues de Floride dans les champs de maïs du Finistère, des tamias de Sibérie dans la forêt de Sénart en Seine-et-Marne ou des perruches à collier dans le parc de Sceaux, près de Paris. La majorité des animaux qui posent des problèmes aujourd’hui représentent des espèces relâchées ou échappées de captivité en nombre suffisant pour former une petite population initiale. 101
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Peut-on vraiment croiser un crocodile dans les égouts ?
Cependant, ces animaux venant de zoos, volières, élevages, sont généralement solitaires et n’arrivent pas à se reproduire. La plupart vont avoir du mal à se nourrir et généralement ne survivent pas aux rigueurs d’hivers auxquelles ils ne sont pas habitués. Ce qui est surprenant, ce n’est pas le nombre d’introductions d’espèces, qui croît normalement avec la multiplication des transports et la mondialisation, mais le nombre d’espèces concernées par la mode des NAC. Le ministère de l’Écologie prend enfin en compte le problème des ventes d’espèces exotiques. Il existait déjà des listes d’animaux interdits aux transports et à la vente parce qu’en danger dans leurs aires d’origine (notamment les tortues terrestres), elles seront augmentées de celles des animaux jugés trop invasifs s’ils s’échappent (tortues de Floride ou écureuils gris, par exemple). Néanmoins, Internet permet d’outrepasser les lois et de commander n’importe quoi ! Mais les destinataires risquent de très fortes amendes si ces colis sont ouverts par la douane. La définition des « nouveaux animaux de compagnie » pourrait être simplifiée ainsi : espèces autres que celles soumises à la législation sur les carnivores domestiques (chiens, chats et furets) et détenus par l’Homme comme animaux d’agrément, dans le but précis d’en faire des animaux de compagnie. Cependant, cette expression Le désigne aussi et surtout des animaux exotiques sauvages hit-parade inhabituels aux côtés de l’Homme. Les NAC peuvent être des NAC des animaux capturés dans la nature, des individus issus d’élevages spécialisés ou encore des animaux domestiques détournés de leur emploi traditionnellement utilitaire, comme le poisson zèbre de laboratoire. Sont considérés comme NAC par exemple des oiseaux (aras, perroquets, cacatoès, perruches…), des mammifères (singes, fennecs, chinchillas, hamsters, octodons, écureuils de Corée, gerbilles…), des reptiles et des amphibiens (boas, pythons, tortues de Floride, iguanes, geckos, caméléons, dendrobates, axolotls…), des arthropodes (scorpions, araignées…), mais aussi des poissons (poissons de corail…), des mollusques (bernard-l’ermite terrestres…), etc. Le nombre de NAC est en constante augmentation dans le monde et concerne parfois des espèces en danger d’extinction. On estime qu’il y a environ 5 millions de NAC en France, dont 3,5 millions de petits mammifères et 1,4 million d’autres animaux. Outre les problèmes de destruction des populations sauvages et de relâchers d’animaux exotiques, il existe des risques sérieux de morsures, venimeuses ou non, et de griffures. Ces animaux peuvent véhiculer des pathogènes auxquels notre système immunitaire n’est pas préparé et infecter d’autres espèces animales.
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Les sangliers sont-ils les nouveaux vandales ?
58 Les sangliers sont-ils les nouveaux
vandales ?
Le cas des sangliers est symptomatique de la ville. Voici une très grosse bête qui parfois s’égare en ville. Sa taille et son comportement de fonceur (il détruit tout sur son passage) le font tout de suite repérer, même s’il est nocturne. Les élus, surtout, s’appuient sur les quelques cas observés dans leur ville pour remettre en cause l’intérêt et les limites d’une nature sauvage en ville. Le sanglier, qui peut atteindre 200 kg, est un omnivore forestier. Les poubelles et décharges d’ordures ménagères l’attirent et l’animal entre parfois dans la ville en suivant les lignes de poubelles. C’est aussi un excellent nageur, qui peut remonter les rivières et canaux urbains. La multiplication de zones naturelles aux abords et dans la ville favorise le déplacement d’animaux comme celui-là. Même dans la perspective de développer la présence d’un maximum d’espèces, il convient de rester cohérent sur les relations Homme-nature, donc d’encourager les petites espèces mais d’éviter la présence des grandes espèces (voir questions 55 et 70).
59 Les renards font-ils leurs courses
au centre-ville ?
Le renard est un animal généraliste, c’est-à-dire qu’il loge dans de nombreux habitats depuis les bois et les landes jusqu’au littoral, à la montagne et au désert. Depuis quelques décennies, il a progressivement colonisé aussi les franges urbaines puis les villes elles-mêmes. Il est aujourd’hui observé à Londres et Bruxelles, mais aussi à Copenhague, Madrid et Paris. Il est vrai, en densités très différentes : certainement quelques milliers d’individus dans la ville très étendue de Londres et seulement quelques dizaines sur Paris, trop dense et offrant peu de refuges. Mais les dénombrements restent difficiles tant cette espèce est discrète en ville. Il a fallu un épisode de neige pour identifier des traces de renard dans le Jardin des plantes de Paris ! Cette colonisation est liée à deux facteurs : d’abord, la ville qui s’étend et comporte des lotissements avec des jardins propices. Ensuite, la nourriture qui lui a été mise indirectement à 103
LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Les renards font-ils leurs courses au centre-ville ?
disposition pendant des années au bord des villes : décharges d’ordures ménagères et poubelles. Comme pour le sanglier, ces éléments attractifs ont contribué à l’entrée progressive du renard dans la ville. Il se cantonne cependant essentiellement aux zones pavillonnaires et résidentielles mais aussi administratives et industrielles, s’aventurant peu dans les secteurs trop bâtis où il ne pourrait pas trouver de gîte. Quand l’école vétérinaire de Nantes a suivi dans cette ville des renards équipés d’émetteurs radio, nous avions observé qu’ils dormaient dans la journée (le renard est un nocturne) un peu partout, parfois sans terrier réel : canalisations, caves, tas de bois (même sous la première marche de l’escalier de la bibliothèque de l’université !). Nous avions trouvé les mêmes résultats que les travaux d’envergure meLe renard nés sur les populations de Londres : en ville, leur investit les marges territoire est plus petit et change régulièrede la ville, où il peut se reproduire. Ici, un ment en fonction du dérangement et renardeau. des ressources alimentaires. Le renard est un omnivore opportuniste, même si c’est avant tout un prédateur de rongeurs. À la campagne, il se nourrit essentiellement de campagnols (jusqu’à 10 000 par an selon les experts !) mais aussi d’invertébrés (insectes, vers de terre…) et de fruits, parfois de charognes. En ville, les restes alimentaires vont essentiellement servir de base à son alimentation, même si fruits et souris sont recherchés. Les renards se rapprochent de plus en plus de l’Homme et ils sont facilement apprivoisables, ce qu’il faut éviter, pour lui (dépendance trop forte au nourrisseur) comme pour l’Homme (transfert de maladies, dégâts sur les élevages). Aujourd’hui, le renard circule la nuit de jardin en jardin et s’aventure parfois loin vers le centre-ville. Mais la circulation routière est la cause d’une mortalité forte qui, en ville comme à la campagne, touche en premier lieu les jeunes adultes en dispersion. 104
Où se cachent les fourmilières ?
60 Où se cachent les fourmilières ? Presque toutes les familles d’insectes sont représentées en ville, mais souvent par peu d’espèces ou en faible abondance. Les insectes qui se déplacent le plus facilement sont les plus fréquents (mouches, papillons, punaises, fourmis…). Sous nos latitudes, seules les fourmis des bois construisent de très grands dômes. Dans les forêts proches des villes, il est possible d’en rencontrer. Les fourmis ouvrières sont incapables de voler, par contre, les reines et les mâles volent en très grand nombre lors des essaimages, en été. Les fourmis peuvent donc se disperser aussi en ville. Elles sont ainsi capables de coloniser jusqu’aux jardinières des balcons. Certaines espèces sont particulièrement tolérantes aux conditions difficiles des villes et en tirent même profit. C’est le cas de la fourmi noire des jardins, Lasius niger, la plus fréquente en milieu urbain. La moindre fissure dans le béton, un mur ou un trottoir, est exploitée et permet à une nouvelle colonie de s’installer ou à une plus ancienne de s’étendre. Dans les jardins ou sur les trottoirs, des monticules de terre et de débris trahissent l’entrée de ces fourmilières. Certaines espèces de fourmis sont invasives et leur présence a des conséquences écologiques mais aussi économiques et sanitaires. Chez ces espèces, il n’y a pas d’essaimage, mais les colonies, de très petite taille (parfois une coquille de noix) sont accidentellement déplacées par l’Homme. L’explosion du commerce international a renforcé ces introductions accidentelles. Concentrant une grande partie de ces échanges, les villes sont des portes pour les espèces exotiques, comme Linepithema humile. Cette fourmi, particulièrement remarquable par sa petite taille (1-3 mm), est très agressive ; elle a été introduite en France dans des pots de lauriers-roses venus d’Argentine. Les grosses fourmis des bois ne sont présentes que dans quelques grands parcs urbains.
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LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Y a-t-il trop de pigeons ?
61 Y a-t-il trop de pigeons ? La perception des pigeons des villes est très variable, parfois positive, parfois très négative. On oublie souvent les pigeons dans les enquêtes sociologiques car, pour beaucoup de citadins, il s’agit plus de « volailles » ou de « rats du ciel » que d’oiseaux sauvages. En fait, plus les citadins côtoient cette espèce moins ils l’apprécient. En effet, elle devient très rapidement abondante et concurrence pour la nourriture les moineaux et autres petites espèces. Pourtant, les envolées de pigeons sur la place Saint-Marc, à Venise, ou dans Trafalgar Square, à Londres, font partie du folklore touristique. Le problème des pigeons en ville, c’est avant tout leur nombre. Leur présence y est très ancienne mais, depuis quelques décennies, leur démographie explose, et ils sont ardemment défendus par des personnes en mal de relation qui les nourrissent, directement ou indirectement (voir question 70). Le débat sur la gestion du pigeon des villes, arrière-cousin du pigeon biset, Columba livia, croisé avec de nombreuses variétés sélectionnées au cours de l’histoire, est vif Les statues entre certaines associations et les gesdoivent régulièrement être nettoyées tionnaires de l’espace. Pour les premières, le pigeon de la fiente de a sa place en ville et représente la nature jusqu’en pigeon. plein centre-ville. Pour les seconds, leur surnombre oblige à des protections continuelles des sites historiques (filets, pics…) et des nettoyages de balcons et statues. L’idée d’une réduction des effectifs a été retenue par de très nombreuses villes, qui capturent puis euthanasient ces oiseaux (avec une méthode accréditée par les associations de protection des animaux). Mais le nourrissage garantit aux pigeons un succès de survie même en condition hivernale, et un fort succès de sa reproduction (5 à 6 pontes par an) avec d’autant plus de jeunes à l’envol. Bien que la loi l’interdise, les citadins nourrissent les pigeons, chez eux, sur leur balcon ou dans leur jardin, dans la rue ou les parcs. Si l’on veut réguler durablement et écologiquement ces populations, c’est la cause du succès qu’il faut toucher, 106
Y a-t-il trop de pigeons ?
c’est-à-dire l’accès à toute cette nourriture distribuée. Les exemples de destruction de pigeons à Barcelone avant les Jeux olympiques de 1992 montrent qu’en peu de temps la population peut se reconstituer. En revanche, à Bâle, où l’interdiction de nourrir les pigeons a été respectée, la population a de ce seul fait diminué de moitié et est restée stable ! L’idée du pigeonnier, qui plaît beaucoup à de très nombreux élus de grandes villes (on montre qu’on fait quelque chose !), peut être critiquée dans le sens où l’on donne encore plus de possibilités de nicher à cette espèce. Cependant, son but initial de limiter le nombre d’œufs et d’adresser une communication aux nourrisseurs est tout à fait intéressant (voir question 70).
Pigeonnier à Paris.
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LES ANIMAUX SAUVAGES, DE NOUVEAUX RÉSIDENTS
Comment les mouettes sont-elles arrivées à Paris ?
Face aux problèmes soulevés par les pigeons, deux méthodes ont été testées par quelques villes pendant plusieurs années. La première est la capture puis l’euthanasie des oiseaux, méthode qui a montré ses limites dans de nombreux cas, notamment à cause des déplacements des pigeons entre les villes. Le coût était élevé, et l’indice de satisfaction seulement proche de 50 % (enquête de la mairie du Havre). La seconde, qui semblait prometteuse et était mieux acceptée par Une le public, consiste à stériliser les individus. Entre 1982 et 1992, Rennes a été parmi les villes qui ont expérience distribué quotidiennement du maïs enrobé d’une hormone de stérilisation contraceptive. En matinée, le personnel municipal répartisdes pigeons à sait entre 3 et 5 tonnes de maïs sur une dizaine de lieux Rennes urbains (choisis pour leur fréquentation par les pigeons). La méthode a été évaluée à la fois par le comptage des pigeons et les réactions des citadins. Les comptages ont fait état d’une baisse de 1 600 oiseaux à 900 sur les quatre premières années, puis une augmentation avec stabilité autour de 1 500 oiseaux. Les citadins sont partagés car l’action (qui coûtait entre 5 000 et 15 000 euros par an) est peu visible, d’ailleurs le nombre de plaintes n’a pas évolué au cours de cette expérimentation. Une analyse fine de la méthode montre également que, d’une part, les pigeons mâles sont souvent les premiers sur les tas de graine (or la progestérone ne leur fait rien !) et que plusieurs habitants, prenant ces graines colorés pour du poison, s’empressaient de débarrasser les sites de ces appâts. Quoi qu’il en soit, la municipalité de Rennes a décidé de suspendre cette stratégie et s’est orientée surtout vers un contrôle des ressources alimentaires (panneau expliquant pourquoi ne pas nourrir les pigeons) et de nidification (protection des cavités dans les bâtiments qui accueillaient les oiseaux).
62 Comment les mouettes sont-elles
arrivées à Paris ?
Depuis fort longtemps, les mouettes (mouette rieuse Chroicocephalus ridibundus essentiellement) et les goélands (d’abord les goélands argenté Larus argentatus, et leucophée, Larus michahellis, puis plus récemment les goélands brun Larus fuscus, et marin Larus marinus), espèces marines s’il en est, se réfugient l’hiver à l’intérieur des terres, soit pour dormir sur les plans d’eau soit pour rechercher une nourriture (surtout des vers de terre) dans les labours, les prairies… Depuis le xixe siècle, ces espèces sont entrées dans les villes, qui offrent une nourriture d’appoint à travers les déchets et les ordures ménagères. Il s’agit majoritairement d’omnivores 108
Comment les mouettes sont-elles arrivées à Paris ?
détritivores très opportunistes, qui profitent des laisses de mer et des cadavres de poissons à la surface de la mer. C’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que les goélands argentés, qui étaient en faible effectif (moins de 7 000 couples en France en 1950), ont commencé à exploiter systématiquement les décharges d’ordures, de plus en plus nombreuses, puis les poubelles des rues. Leur nombre atteint 100 000 couples dès la fin des années 1990. Très vite, ces oiseaux ont aussi appris à tirer parti des marchés. À Rennes ou à Paris, il faut voir, au cours de la matinée, les goélands constituer des lignes à proximité d’un marché et attendre la fin des ventes pour venir explorer Mouettes au jardin des les restes alimentaires (poisTuileries. sons, mais aussi viandes et fruits) au sol. L’un des modes de gestion de cet oiseau, que de nombreuses personnes trouvent impressionnant et bruyant, consiste à limiter son accès aux déchets d’après marché en activant le nettoyage du site ! L’attrait alimentaire explique partiellement l’installation de ces oiseaux marins en ville et même parfois très loin du bord de mer. Les goélands argentés ont commencé à nicher à Rennes et à Toulouse. Quelques goélands vivent à Paris, mais ce sont surtout les mouettes rieuses qui se reproduisent en ville. Elles peuvent profiter, comme les pigeons, d’un nourrissage régulier par des citadins et des touristes. Ces oiseaux se déplacent intra muros, ou entre ville et campagne, en utilisant de préférence les canaux, rivières et fleuves. Même si goélands et mouettes sont capables d’exploiter aujourd’hui presque tous les types de milieux, l’eau reste leur élément de prédilection ! 109
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Les envahisseurs
63 Les exotiques sont-ils
des envahisseurs ?
Les termes utilisés par les scientifiques ont des définitions précises. • Une espèce autochtone (ou locale) est une espèce qui est présente sur son aire de répartition naturelle et s’y reproduit. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les espèces dont l’aire naturelle de répartition augmente sans l’intervention de l’Homme sont autochtones, même si cet accroissement peut être induit par une modification du milieu consécutive aux activités humaines. • Une espèce allochtone (ou exotique) est, à l’inverse d’une espèce autochtone, une espèce présente hors de son aire de répartition naturelle et qui y forme des populations pérennes. D’après l’UICN, les espèces allochtones ont été introduites par l’Homme intentionnellement (dans un but d’élevage ou de culture, par exemple) ou non (individus transportés à l’insu de l’Homme dans une cargaison de bateau, par exemple) dans une nouvelle aire géographique. D’autres espèces ont également été transportées d’une région à l’autre car elles vivent en commensales de l’Homme, c’est-à-dire qu’elles trouvent dans l’entourage 111
LES ENVAHISSEURS
Les exotiques sont-ils des envahisseurs ?
de celui-ci les ressources nécessaires à leur survie. C’est le cas du rat surmulot, qui a colonisé la planète en se déplaçant avec l’Homme. Une espèce introduite est donc par définition une espèce allochtone. • Une espèce envahissante est une espèce qui a agrandi son aire de répartition naturellement ou à la suite d’une modification du milieu, qu’elle soit anthropique ou naturelle. Nous considérons qu’une espèce envahissante peut être autochtone ou allochtone de la zone considérée. • Une espèce proliférante est une espèce qui présente des proliférations ou des pullulations dans une zone déterminée. Ces proliférations peuvent survenir pour des espèces autochtones ou allochtones. • Une invasion biologique est l’accroissement durable de l’aire de répartition d’une population, soit naturellement (invasion biologique spontanée) soit due à l’action de l’Homme (introduction volontaire ou fortuite, commensalisme). • Enfin, une espèce est dite invasive quand elle est allochtone et a un effet négatif sur les autres espèces, les écosystèmes ou les activités humaines. Le terme « invasive » est un néologisme d’origine anglaise qui signifie littéralement « envahissant ». Les Anglo-Saxons parlent d’alien invasive species, littéralement « espèce allochtone envahissante », mais utilisent aussi souvent le raccourci invasive. En France, très rapidement, l’expression « espèce invasive » a été utilisée pour désigner une population introduite envahissante avec une notion d’impact tel que l’UICN l’avait aussi défini. On estime que 1 plante introduite sur 100 pourra poser problème, mais que 50 % des mammifères et environ 15 % des oiseaux introduits deviendront des espèces exotiques problématiques. Pour les plantes invasives, et plus récemment pour les animaux invasifs, on gradue le problème en distinguant les invasifs avérés des invasifs potentiels et des invasifs à surveiller. Aujourd’hui, la limitation des espèces invasives implique de la rigueur dans les comportements d’introduction, de la part des particuliers comme des collectivités. Des listes de plantes et d’animaux sont en cours d’élaboration pour réglementer leur vente et leur transport en fonction de leurs caractères d’invasion et d’impact avérés ou potentiels. Elles sont déterminées d’après des rapports scientifiques européens (dont le programme Daisie : http://www.europe-aliens.org) et des consortiums nationaux de chercheurs issus de nombreux organismes de recherche. 112
Où se cachent les plantes exotiques ?
64 Où se cachent les plantes exotiques ? On appelle plantes exotiques les plantes dont la région d’origine n’est pas notre pays. Ce sont des plantes qui viennent d’ailleurs, parfois de loin (Extrême-Orient, Amérique). Elles sont arrivées chez nous de diverses manières qui ont déterminé leurs lieux d’implantation. Certaines personnes avaient choisi d’en faire commerce ou bien de les introduire dans leur jardin pour leur attrait ornemental (géraniums en provenance d’Afrique du Sud, philodendrons d’Amérique centrale, palmiers indiens ou népalais) ou pour les fruits ou les légumes qu’elles peuvent produire (pommes de terre ou tomates, toutes deux d’Amérique du Sud). Le prélèvement de graines ou le bouturage ont permis de les multiplier en serres ou jardins. Ces plantes exotiques se trouvent donc aujourd’hui partout où les citadins cultivent des plantes potagères ou ornementales : dans les massifs des espaces La verts, dans les plates-bandes des jardins privatifs, phytolaque dans les pots ou les jardinières sur les balcons ou américaine envahit aussi les bords dans les maisons. Elles peuvent évende routes et les tuellement s’échapper de leur lieu de sous-bois. culture vers des milieux plus naturels. La phytolaque américaine a probablement été introduite dans le Bordelais pour ses qualités ornementales ou tinctoriales (on en tire une teinture violette). Depuis, elle court le long des routes dans les endroits boisés. D’autres plantes exotiques sont entrées sur notre territoire sans y avoir été invitées : des plantes dont les graines ont été transportées par des véhicules, par les vêtements ou les chaussures des voyageurs, par les conteneurs de marchandises… À leur arrivée dans nos régions, elles sont tombées, et celles qui ont trouvé des conditions favorables à leur germination se sont implantées, de manière plus ou moins durable selon l’adéquation entre leurs besoins écologiques et les caractéristiques environnementales du lieu de germination. 113
LES ENVAHISSEURS
Les perroquets vont-ils détrôner les moineaux ?
C’est ainsi que ces plantes peuvent se trouver le long des voies de transport : sur les bords des routes, des autoroutes et des voies ferrées, le long des trottoirs et sur les rives des cours d’eau. Une fois établies sur leur lieu d’arrivée, si elles ont de bonnes capacités reproductives, elles peuvent étendre leur aire vers d’autres territoires grâce à l’intervention du vent ou des animaux transporteurs de graines. On peut citer en exemple le séneçon du Cap ou les vergerettes américaines aux graines très légères qui propagent l’espèce sur des centaines de kilomètres carrés en très peu de temps. Ces plantes exotiques, sauvages ou échappées des jardins, peuvent se trouver dans tous types de milieux et surtout dans les villes.
65 Les perroquets vont-ils détrôner
les moineaux ?
Depuis quelques années, la perruche à collier (Psittacula krameri) a fait son apparition dans de nombreuses villes européennes. On peut parfois aussi apercevoir des perroquets ou des perruches échappés d’une volière, qui parcourent la ville, en général bruyamment, pendant quelques jours voire quelques semaines, mais ils sont recapturés ou succombent aux méfaits de l’hiver. Dans les villes plus chaudes, par exemple à Barcelone (Espagne) ou Bari (Italie), on peut également voir de grosses perruches originaires d’Amérique du Sud, les conures veuves (Myiopsitta monachus), elles aussi échappées des volières. L’originalité des perruches à collier tient à leur implantation même dans les pays du nord de l’Europe. Aujourd’hui, cette espèce, qui s’est échappée d’un zoo (Bruxelles), de volières de particuliers (Marseille), de cages de transport (Paris), s’installe dans de très nombreuses villes européennes. Elle brave les rigueurs de l’hiver et se multiplie rapidement. On en compte aujourd’hui plus de 30 000 à Londres, où elles sont apparues il y a une centaine d’années, plus de 8 000 à Bruxelles et déjà plus de 3 000 à Paris, où on les a observées pour la première fois dans les années 1970. C’était l’époque où il y a eu le plus de transports de ces nouveaux animaux de compagnie (voir question 57). 114
Les perroquets vont-ils détrôner les moineaux ?
Le cas de la perruche à collier motive actuellement des recherches scientifiques, à la fois parce que c’est un exemple intéressant d’adaptation, mais aussi parce que cet oiseau inquiète les gestionnaires des espaces et des espèces. Est-ce que cette espèce assez agressive ne va pas prendre la place d’espèces locales ? On commence La perruche à collier est une à comprendre la capacité de résisespèce invasive. tance de cette espèce venant d’Inde. Dans son aire d’origine, c’est un ravageur important des cultures (fruits et céréales) et ses populations exploitent les vergers jusqu’à une haute altitude dans l’Himalaya. En Europe, ce bel oiseau vert à la longue queue ne laisse pas indifférent les citadins, qui le nourrissent sur leurs terrasses ou dans leurs jardins. Le revers de la médaille, c’est que cet oiseau grégaire devient vite très bruyant, qu’il pille les vergers et pourrait prendre la place de nos sittelles torchepots, moineaux friquets, pigeons colombins et autres espèces utilisant les cavités d’arbre, comme les chauves-souris. En effet, cet oiseau qui niche très tôt accapare, pour se reproduire, les trous d’arbre, dont il est capable d’agrandir l’entrée de son bec puissant. Les impacts de cette nouvelle espèce sont en cours d’étude mais ne se feront sentir que quand ils seront trop nombreux. Londres entame aujourd’hui des campagnes de limitation d’effectif des conures veuves, ce qui n’avait pu se produire auparavant pour des perruches à collier. Elles étaient en effet défendues par des citadins et des associations de défense des animaux, repoussées par d’autres, et les controverses ont entravé toute décision. Aujourd’hui, les perruches à collier sont au début de leur installation en France, où le sentiment est plus à l’émerveillement qu’à la gestion. 115
LES ENVAHISSEURS
Les écureuils roux ont-ils du souci à se faire ?
66 Les écureuils roux ont-ils du souci
à se faire ?
Oui car, introduit en Angleterre au début du xxe siècle, l’écureuil gris (Sciurus carolinensis), d’origine nord-américaine, a conquis progressivement l’ensemble du pays, prenant la place de l’écureuil roux (Sciurus vulgaris), plus petit. Aujourd’hui, on peut dire que l’écureuil gris a fait disparaître presque complètement l’écureuil roux des forêts anglaises, à la fois en détruisant l’habitat de ce dernier, mais aussi en propageant un virus fatal pour son cousin européen. En 2009, on comptait 2,5 millions d’écureuils gris en Angleterre pour 160 000 écureuils roux. De plus, l’écureuil gris écorce beaucoup les arbres L’écureuil gris a envahi l’Angleterre sains et détruit les hêtraies. En Angleterre, et se propage dans comme en Italie du Nord où il a été le nord de l’Italie. introduit en 1948, les dégâts sont jugés très importants pour la foresterie. En toute logique, il devrait finir par traverser la frontière et envahir le sud de la France. Comme pour beaucoup d’espèces invasives, les citadins étaient plutôt émerveillés par ce gros écureuil et le nourrissaient. Et on pensait que cette espèce trop inféodée au confort urbain ne modifierait pas significativement la présence des écureuils roux dans les parcs urbains et l’écosystème forestier. C’était sans imaginer les caractères inattendus d’adaptation et de résistance de certaines espèces déplacées dans de nouvelles contrées ! En fait, on manque de recul pour appliquer plus sereinement un principe de précaution sur les introductions d’espèces exotiques. En 2008, une étude allemande soulignait que 79 % des mammifères introduits s’installent et que, parmi ceux-ci, 63 % deviennent invasifs. Cette analyse contredit aussi l’hypothèse que les succès d’invasion sont plus nombreux sur les îles que sur le continent. 116
Le ragondin est-il dangereux ?
En France, deux autres espèces d’écureuils introduits se sont installés. Il s’agit d’abord de l’écureuil à ventre rouge (Callosciurus erythraeus), originaire de l’est de l’Asie, qui a été introduit dans les années 1960 au cap d’Antibes et ne se disperse que doucement vers le nord. Son caractère envahissant et l’intervention des particuliers pour contrôler cette espèce ont cependant incité le ministère en charge de l’Écologie à mettre en place un plan de lutte. L’autre espèce est le tamia de Sibérie (Tamias sibiricus), ou Les tiques écureuil de Corée, vendu depuis les années 1970 dans les animaleries et facilement reconnaissable à son pelage rayé. du tamia Les animaux échappés ou relâchés ont formé de petites populations, notamment dans le sud de Paris (voir http:// ecureuils.mnhn.fr). Le tamia de Sibérie peut être localement abondant, comme en forêt de Sénart, et il est l’objet de recherches au Muséum national d’histoire naturelle pour comprendre les dynamiques de ses populations, mais aussi Tamia les conséquences de son introduction aux de Sibérie. plans de la biodiversité et de la santé humaine. Des analyses récentes ont montré qu’il pourrait jouer un rôle dans la propagation d’une maladie transmise par les tiques, la borréliose de Lyme, qui touche l’Homme. En effet, il est devenu un hôte intermédiaire, à la place d’autres rongeurs, et lui, il peut supporter plusieurs dizaines de tiques. Ce résultat a changé le capital de sympathie de cet animal, auparavant très apprécié par le public, qui venait l’observer et le nourrir en famille.
67 Le ragondin est-il dangereux ? Le ragondin est un gros rongeur (7 kg) originaire d’Amérique du Sud et introduit au xixe siècle en Europe pour sa fourrure bon marché. On observe des ragondins en liberté dès 1880 en France et plus couramment depuis que la pelleterie a périclité, dans les années 1930, et qu’on a relâché ces animaux dans la nature. En moins d’un siècle, cette espèce a colonisé l’ensemble des marais et étangs de France. Bien que sensible aux fortes gelées (mais nos hivers sont de moins en moins rigoureux), cette espèce est prolifique : 3 portées par an de 5 jeunes et pas de prédateur dans notre pays. 117
LES ENVAHISSEURS
Y a-t-il des rats dans le métro ?
Ce mammifère herbivore fait localement des dégâts aux céréales et peut modifier fortement la communauté végétale de certains étangs en sélectionnant des plantes pour son alimentation. Il est aussi porteur de maladies transmissibles aux animaux domestiques et à l’Homme, comme la leptospirose. Mais il a surtout un impact sur les berges des canaux, étangs et marais, et sur les ouvrages hydrauliques. En creusant son terrier, il mine les digues en terre et les routes de marais car ces terriers aux nombreuses entrées et parfois longs de plusieurs mètres provoquent régulièrement des effondrements. Le ragondin ne s’éloigne jamais vraiment de l’eau mais peut être très présent aussi en milieu urbain s’il y a des canaux, rivières lentes ou étangs, posant alors les mêmes problèmes aux voiries et aménagements publics. À Lyon, on en a retrouvé un individu dans une entrée d’immeuble bordant un canal, cherchant visiblement à explorer d’autres eaux. En Allemagne, l’espèce est souvent nourrie par les citadins. On voit les ragondins attendre, sur la berge, les épluchures que leur apportent les riverains. En ville comme à la campagne, les dégâts occasionnés par ces animaux entraînent des actions pour limiter les effectifs. Longtemps réalisée par l’empoisonnement (qui tuait nombre d’autres espèces animales), la lutte contre les ragondins s’effectue aujourd’hui par captures avec des pièges appâtés.
68 Y a-t-il des rats dans le métro ? Il y a deux espèces principales de rats commensaux de l’Homme, c’est-à-dire bénéficiant des ressources qu’il lui fournit : le rat noir (Rattus rattus) et le rat surmulot (Rattus norvegicus). Le rat noir, sans doute originaire du sud de l’Asie, semble avoir colonisé de façon stable le bassin méditerranéen dès le Ier millénaire avant J.-C. L’étude des assemblages archéologiques montre qu’il s’est implanté rapidement en Europe occidentale en restant surtout à proximité des voies de communication, notamment des ports. Aujourd’hui, il est présent partout ; le commerce et les transports ont rapidement permis la dissémination de cette espèce, y compris sur la plupart des îles. Vivant dans les villes, il a néanmoins beaucoup reculé vers les campagnes à l’arrivée du rat surmulot, plus gros et très prolifique. Les archéozoologues et les écologues ont souligné l’impact du rat noir sur les 118
Les anciennes épidémies sont-elles de retour ?
écosystèmes, notamment à travers ses prédations et compétitions avec les autres vertébrés (déclin des mulots, par exemple), mais aussi prédation des oiseaux de mer comme les puffins sur les îles Lavezzi (Corse). Ses impacts sanitaires (voir question 69) et économiques sont également reconnus. Le rat surmulot, lui, est arrivé en Europe au cours du xviiie siècle, et les historiens datent à 1750 son apparition à Paris. Il est aujourd’hui établi sur l’ensemble du territoire français, mais plutôt dans les villes et les îles. Ses impacts sont proches de ceux du rat noir, tant sur les biodiversiUn tés locales et la santé humaine que sur l’économie surmulot. (destruction des câblages, perforation des silos de grains, etc.). Le surmulot explore activement la ville, où on peut le voir en maints endroits à la nuit tombée. Bien sûr, il fréquente assidûment les décharges d’ordures ménagères encore existantes (normalement, elles devraient toutes être fermées depuis quelques années), et les problèmes de collecte de nos sacs poubelles l’attirent très rapidement, même dans les rues de quartiers habituellement exempts de rats. Dès lors qu’il y a quelque nourriture à glaner, les rats font des investigations sur un site. C’est vrai sur les ports et même en plein centre-ville dans les gares. Dans le métro qui est leur habitat, le nettoyage régulier des stations limite aujourd’hui leur présence, dans les métropoles européennes. Rats et souris sont parfois sources de vraie phobie (musophobie).
69 Les anciennes épidémies sont-elles
de retour ?
Du fait de la concentration humaine, la ville est certainement plus propice que tout autre milieu à la propagation d’épidémies. De nouvelles épidémies comme celles de grippes apparaissent régulièrement (les virus de grippes porcine, aviaire ou humaine se recombinant), mais d’anciennes épidémies persistent ou reviennent. 119
LES ENVAHISSEURS
Les anciennes épidémies sont-elles de retour ?
Ainsi la peste, qui a tant sévi au Moyen Âge, est aujourd’hui considérée par l’OMS comme une maladie réémergente. Elle est véhiculée par le rat noir et d’autres rongeurs, qui la transmettent à l’Homme par l’intermédiaire de puces infectées. La peste touche essentiellement les continents africain et asiatique, mais plus récemment des cas ont été observés en Amérique du Sud. En France, il y a eu de grands épisodes de peste jusqu’au xviiie siècle (Marseille) mais le dernier cas date de 1946. L’accroissement régulier du nombre de cas en Afrique alarme les autorités sanitaires sur de possibles pandémies. La diphtérie, liée à un bacille produisant des toxines, a été une des grandes causes de mortalité infantile au xixe siècle, et même jusque dans les années 1920 en France. La vaccination antidiphtérique devenue obligatoire a stoppé les épidémies. Cependant, dans les années 1990, on a observé une forte recrudescence des cas dans les pays de l’ex-URSS et en Amérique Les poux sont de petits insectes piqueurs qui se nourrissent de sang. Chez les animaux, il existe des poux différents de ceux de l’Homme, pour lequel la prolifération est intimement liée à l’école. En fait, la vie en collectivité et les contacts entre personnes favorisent la contamination. La transmission des poux est donc uniquement interhumaine et se fait directement par contact entre cheveux, beaucoup plus rarement via des vêtements comme les bonnets et les écharpes. Les poux de la tête ne sont pas un signe de mauvaise hygiène, à la différence des poux du corps, qui sont d’une autre espèce mais heureusement peu répandus. La plupart des écoles, et donc des familles, ont connu un épisode d’invasion de poux. Les poux peuvent entraîner une pédiculose, qui est une parasiDes poux et tose généralement bénigne, mais les poux du corps peuvent des puces ! aussi être vecteurs du typhus dans les milieux où l’hygiène n’est pas correcte. Les puces sont aussi des piqueurs-suceurs qui infestent la plupart des mammifères, le plus fréquemment les carnivores, dans tous les milieux (forestier, rural, urbain). Il y a plusieurs espèces de puces mais la puce du chat est la plus courante sur nos animaux domestiques. C’est un insecte aptère mais qui est surtout connu comme un sauteur (jusqu’à 30 cm !). Selon les espèces et leur hôte, les puces véhiculent et peuvent transmettre différentes maladies : tularémie et myxomatose chez le lapin, filaires et bactérie de la maladie des griffes du chat chez les carnivores, peste entre rongeurs qui peut passer accidentellement chez l’Homme. Mais toutes ces transmissions sont de plus en plus rares, l’hygiène corporelle, des habitations et des literies limitant fortement l’apparition de ces vecteurs dans la plupart des pays développés.
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Donner à manger aux oiseaux est-il un acte civique ?
du Sud. En France, en 2012, un homme a été hospitalisé dans l’Oise à la suite d’une diphtérie sans doute transmise par un animal de compagnie. La tuberculose et certaines méningites bactériennes sont aussi des maladies anciennes qui persistent, notamment dans les pays les plus pauvres. La tuberculose se transmet des animaux à l’Homme principalement par inhalation d’aérosols ou de poussières contaminés par les animaux de rapport (ovins, bovins, caprins), mais aussi par certains grands mammifères sauvages comme le sanglier. Les veilles épidémiologiques basées sur les réseaux de médecins permettent de contrôler le nombre de ces cas. Aujourd’hui, les nouvelles formes d’épidémies sont les plus angoissantes. La grippe espagnole qui a fait 50 millions de morts en 1918 semble écartée, mais les mutations des grippes aviaires H5N1 (qui pour l’instant ne sont transmissibles que de l’animal à l’Homme) pourraient changer la donne.
70 Donner à manger aux oiseaux
est-il un acte civique ?
Si certains scientifiques ont bien montré (travaux scientifiques sur les mésanges en Scandinavie) que le nourrissage des petits passereaux permet à ceux-ci de supporter les effets des hivers les plus rigoureux, ce n’est pas une raison pour généraliser les comportements de nourrissage comme certaines associations le font. En effet, ils favorisent des espèces pas toujours désirées. L’exemple le plus connu est celui des nourrisseurs de pigeons, qui contribuent largement à leur succès reproducteur et leur prolifération dans la ville. Si autant de municipalités posent des affiches dénonçant ces nourrissages (même aux alentours de sites à pigeons mondialement connus comme la place Saint-Marc ou Trafalgar Square), c’est que les nettoyages et les limitations d’effectifs reviennent très chers. Les interdictions sont délicates à mettre en œuvre socialement et les services municipaux tentent de contourner le problème en installant des pigeonniers censés rassembler les nourrisseurs et permettre le contrôle des reproductions. Pour limiter le nombre de jeunes à l’envol, on ôte les œufs régulièrement 121
LES ENVAHISSEURS
Donner à manger aux oiseaux est-il un acte civique ?
des nids. Reste à savoir si on ne fournit pas aussi de nouveaux sites de reproduction à un oiseau cavernicole toujours à la recherche de trous pour se reproduire. D’un point de vue social, le nourrissage se décline selon différents degrés d’investissement, depuis les quelques miettes du repas sur le rebord de la fenêtre jusqu’à l’achat coûteux de graines et préparations pour les oiseaux. Ces derniers cas, qui sont surtout le fait de gens âgés et seuls, correspondent à une activité à la fois dirigée vers l’autre – ici vers un oiseau qui a besoin de l’Homme (on rejoint la notion de don et d’attention aux plus nécessiteux que soi) – et vers soi-même (on s’approprie l’oiseau qui devient dépendant, on se fait plaisir en se donnant un statut). Ces enjeux ne sont pas ceux des nourrisseurs occasionnels qui disposent quelques boules de graisse ou des graines dans leur jardin pour les mésanges. D’un point de vue comportemental, il faudrait éviter de nourrir les animaux sauvages (aussi bien pigeons qu’écureuils ou mésanges), que l’on habitue ainsi à une ressource (dépendance alimentaire) et que l’on fixe spatialement. Mais la vue d’un petit oiseau s’alimentant à quelques mètres de soi procure un plaisir mêlant Nourrissage observation de nature et satisfaction de l’action. de pigeons dans le square de D’un point de vue technique, ce comporNotre-Dame tement explique certaines concentrations de Paris. d’animaux (par exemple de ragondins), mais aussi des effets indirects sur d’autres espèces. Ainsi, dans les parcs publics comme dans les jardins privés, et en ville moyenne autant qu’en région parisienne, nous avons observé cet effet des nourrissages réguliers et abondants, même avec du pain dur destiné aux pigeons ou aux moineaux : les aliments sont rapidement prélevés par des corneilles et des rats. Pour éviter de favoriser des espèces envahissantes ou invasives, il convient donc de limiter leur nourrissage. Donner à manger aux petits oiseaux (mésanges, rouges-gorges, pinsons…) en hiver avec des mangeoires adaptées, c’est bien, mais il faut s’abstenir de nourrir les grosses espèces, souvent grégaires (pigeons, perruches, goélands, corneilles…). 122
Quels sont les nouveaux envahisseurs ?
Favoriser les animaux dans son jardin ou bien sur son balcon est une pratique ancienne partout dans le monde, mais surtout développée dans les pays anglo-saxons. Mettre en place des nichoirs qui permettent la reproduction des oiseaux compense la difficulté des espèces à trouver une structure adéquate dans la ville. Ayant de petites ouvertures, ils limitent l’entrée de plus grosses espèces. Aujourd’hui, on installe Installer aussi d’autres nichoirs, par exemple pour les rapaces ou les pigeons colombins, de façon à faciliter leur implantation dans les nichoir et parcs et sur certains bâtiments, mais ces actions sont plutôt mangeoire du ressort des associations. Le particulier se contentera de dans son poser des nichoirs pour de petites espèces qui acceptent facijardin lement des logements neufs (http://lahulotte.fr/img_lh/pdf/notice_nichoir.pdf). Dans le même but, des dortoirs à chauve-souris (avec une entrée par le bas !) et des hôtels à insectes (voir question 9) sont souvent aménagés. Il faut éviter les caisses pour les pigeons, qui sont déjà trop nombreux en ville. L’installation de mangeoires pour les oiseaux est aussi une activité répandue. Comme il convient d’éviter de nourrir les rats et les grosses espèces déjà abondantes (corneilles, goélands), la mangeoire devra avoir une (ou des) petite(s) entrée(s) et être attachée au bout d’un fil. Les boules de graisse constituent également un bon moyen d’observer et d’aider les mésanges. Il ne faut les nourrir qu’en hiver et cesser dès les premiers beaux jours car les individus s’habituent à Nichoir ce genre d’alimentation, devenant complètepour petits ment dépendants et modifiant leur occupation de passereaux. l’espace et de la nourriture qu’ils apportent à leurs oisillons.
71 Quels sont les nouveaux envahisseurs ? La ville évolue, ainsi que les espèces animales et végétales qui la peuplent. L’examen de ce qui a changé en quelques décennies dans la ville explique la présence de nouvelles espèces animales et végétales (voir question 81) et, parmi celles-ci, des espèces envahissantes ou invasives. La ville a développé toute une gamme de nouveaux habitats, peu présents jusqu’alors : des étangs, des zones naturelles, des grands parcs boisés, etc. Dans les années 1970, des milliers d’arbres et des kilomètres carrés de pelouse ont été plantés 123
LES ENVAHISSEURS
Quels sont les nouveaux envahisseurs ?
dans la plupart des grandes villes. Ce verdissement fournit abri ou alimentation à des espèces qui n’y étaient que peu présentes. Parmi les envahisseurs venant de la campagne proche, étourneaux et corbeaux ont pu profiter des grands arbres installés jusqu’au cœur des villes pour dormir ou se reproduire. Il y a aussi de nouvelles plantations, notamment pour faire des haies, de plantes et d’arbustes costauds et résistants. Quand ces végétaux horticoles sortent des jardins, ils deviennent vite envahissants dans les zones plus naturelles alentour. Ainsi le baccharis sur le littoral breton ou le pyracantha sur l’arrière-pays marseillais sont-ils des invasifs aujourd’hui combattus. Les comportements humains ont également beaucoup changé : nourrissages directs qui profitent aux ragondins ou aux goélands, nourrissages indirects avec l’entassement des déchets qui attirent les corneilles, nouveaux animaux de compagnie dont on se débarrasse trop facilement, vidages d’aquarium dans les pièces d’eau et canaux (introduction de poissons, de mollusques et de plantes exotiques), etc. Depuis les années 1950, les ordures ménagères produites par le citadin sont considérables et représentent une alimentation toute trouvée pour beaucoup d’animaux. Les décharges d’ordures mais aussi les sacs poubelles et plus récemment les bacs sont des tables ouvertes. Aux espèces de la région et aux espèces exotiques échappées, la ville offre aujourd’hui de nouvelles ressources. En Amérique du Nord, les mammifères investissent pareillement la ville. Les ours font les poubelles des grandes villes (ils sont passés de 50 individus dans les années 1970 à plus de 3 500 aujourd’hui dans l’État très urbanisé de New York !) ; les cerfs de Virginie se multiplient dans les parcs et profitent des jardins privés, la nuit ; le raton-laveur se rencontre dans de nombreuses villes américaines. L’augmentation des transports est à l’origine de nombreuses introductions, souvent involontaires, d’espèces exotiques issues de lointaines contrées : frelon asiatique, moustique tigre, séneçon du Cap, etc. Ces envahisseurs qui s’installent en ville préoccupent les gestionnaires des espaces naturels périurbains, mais d’autres espèces viennent de la campagne proche et investissent la ville. La démarche de favoriser des corridors écologiques entre ville et campagne doit donc inscrire ces flux d’espèces non désirées dans ses diagnostics et ses modes de gestion, en s’interrogeant sur les deux sens de dispersion. 124
Comment les ratons-laveurs s’installent-ils en ville ?
Le frelon asiatique (Vespa velutina) a été observé pour la première fois en France dans le Lot-et-Garonne en 2004 (peut-être introduit avec des poteries chinoises). Fin 2006, l’espèce avait colonisé quasiment toute l’Aquitaine. Des nids sont découverts au nord-est de Paris en 2009, puis en 2012 au sud de Paris et en Anjou. Le déplacement est suivi grâce aux sciences participatives, le public faisant part de ses observations, notamment sur le site de l’INPN (http://inpn.mnhn.fr/accueil/ index). Aujourd’hui, ce frelon couvre tout l’ouest de la France Le frelon jusqu’à une ligne Marseille-Dunkerque. La progression de l’invasion est estimée à 100 km par an. asiatique Outre sa rapidité de colonisation, qui en fait un cas d’école, cet insecte est un prédateur redouté des apiculteurs car les abeilles domestiques composent une bonne part de son régime alimentaire. Il est plus petit que le frelon d’Europe et, comme lui, n’est pas particulièrement agressif envers l’Homme. Son nid peut être d’une taille impressionnante et accueillir plus de 2 000 individus. Certains spécialistes alertent cependant aujourd’hui sur les destructions expéditives de nids, qui toucheraient souvent d’autres espèces, comme les guêpes ou les frelons d’Europe.
Ouvrières défendant l’entrée d’une ruche contre un frelon asiatique.
72 Comment les ratons-laveurs
s’installent-ils en ville ?
Originaire du nord de l’Amérique, où il continue d’habiter, le raton-laveur a récemment colonisé la plupart des villes américaines et canadiennes. L’histoire du raton-laveur est intéressante à plus d’un titre. Elle semble commencer avec le nourrissage des chiens dehors par des familles américaines qui mettent la gamelle de croquettes dans le jardin, sous un auvent ou sur la terrasse couverte. 125
LES ENVAHISSEURS
Comment une espèce peut-elle proliférer ?
Des ratons-laveurs qui commençaient à faire les poubelles la nuit se sont alors rapprochés des habitations pour profiter des croquettes. Quand les propriétaires s’en sont aperçus, ils ont eu envie de les observer et de plus en plus de ménages se sont mis à nourrir directement des ratons-laveurs. Ceux-ci ont commencé à s’installer dans le grenier ou dans la cave, au plus près des repas, acceptant cette promiscuité avec l’Homme, qui pouvait les caresser. De nombreuses familles américaines ont laissé le raton-laveur vivre dans la maison, avec ou à la place du chien. À la fin des années 1990, il était du dernier chic de se balader avec un raton-laveur dans son pick-up, même pour faire les courses ou emmener les enfants à l’école. L’espèce s’est ainsi complètement établie en ville, avec des couples reproducteurs dans de très nombreuses maisons. La promiscuité, notamment avec les enfants, et le portage connu de nombreuses maladies par cet animal (rage, leptospirose, maladie de Carré…) ont amené les services sanitaires américains à tirer la sonnette d’alarme. Mais les propriétaires de ce nouvel animal de compagnie n’étaient pas d’accord pour le faire vacciner : cette une espèce sauvage est venue toute seule, on ne veut pas la faire vacciner comme n’importe quel chien ! Ce mammifère installé au sein du noyau familial humain représentait donc l’entrée du sauvage et du naturel dans un cercle fermé urbain. Le raton-laveur semble ainsi bénéficier d’un statut assez particulier, qui peut faire penser à la domestication ancienne des genettes et des chats en Europe. Le raton-laveur, nouvelle espèce domestique du xxie siècle ? Cette histoire est édifiante non seulement sur les rapports du citadin avec la nature, mais aussi sur l’extraordinaire adaptation de cet animal nocturne, carnivore, solitaire, arboricole et timide, qui devient diurne, omnivore et apprivoisé. Introduit en plusieurs points de l’Europe, il y est aujourd’hui plutôt surveillé et contrôlé car c’est une espèce invasive sur notre continent.
73 Comment une espèce peut-elle
proliférer ?
Les conditions de prolifération d’une espèce sont les suivantes : se reproduire souvent, c’est-à-dire avoir des cycles de vie courts, donner des descendances abondantes, être capable de vivre 126
Comment une espèce peut-elle proliférer ?
dans des conditions variées et de se disperser sur de grandes distances. C’est le degré de ces différentes capacités qui donne aux espèces des compétences plus ou moins importantes à la prolifération. Les pissenlits, avec leurs graines abondantes et particulièrement mobiles, sont en train d’envahir des contrées d’où ils étaient exclus à cause du froid. Avec le réchauffement de la planète, ils prolifèrent jusque vers les pôles. On utilise les termes « proliférer » ou « pulluler » avec le même sens de désigner une forte capacité de colonisation. Pour le scientifique, l’invasion est toujours liée à la conquête d’un nouvel espace, soit hors de la zone classique de répartition, soit d’un nouveau milieu dans cette zone (voir question 63). Chez les animaux, les lapins de garenne sont un bon exemple d’espèce proliférante. Avec en moyenne cinq portées par an et par femelle et cinq lapereaux à chaque portée, les pullulations de lapins sauvages sont souvent à déplorer, à cause de la multitude de terriers creusés dans les sites qu’ils envahissent : talus de voies ferrées, espaces verts d’entreprises... Certaines espèces végétales produisent des substances affaiblissant les espèces qui poussent à leur contact. C’est le cas des ailantes, qui émettent des composés inhibant la germination des autres espèces. Ainsi, à leur pied, la biodiversité est beaucoup moins importante qu’au pied des chênes, par exemple. Cette capacité d’« allélopathie » est un atout pour proliférer ! L’ailante colonise tous les interstices de la ville.
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LES ENVAHISSEURS
Les invasives finissent-elles par s’intégrer aux populations locales ?
Ce terme désigne les interactions biochimiques pouvant exister entre plantes ou entre plantes et microorganismes. Les plantes produisent des substances qui leur permettent de gagner la compétition pour l’eau, la lumière ou les substances nutritives, ou bien qui les défendent des prédateurs. Ces composés chimiques appartiennent aux familles des acides phénoliques, des flavonoïdes, des terpénoïdes, des alcaloïdes et des glucosinolates. Ils peuvent être présents dans tous les tissus des plantes. Ils sont libérés dans l’environnement de la plante de quatre façons : par volatilisation dans l’atmosphère, par lixiviation c’està-dire à travers l’eau de pluie ou d’arrosage qui ruisselle sur la plante et tombe au sol en contenant ces produits, par exsuQu’estdat racinaire ou par décomposition des résidus de la plante ce que (les feuilles tombées à l’automne par exemple). l’allélopathie ? Ainsi, de nombreuses plantes produisent des molécules capables d’empêcher la germination et la croissance des plantes poussant dans leur voisinage. Elles agissent comme des herbicides en inhibant la photosynthèse, en perturbant l’absorption des sels minéraux ou en agissant sur l’expression des gènes. Les composés allélopathiques peuvent aussi avoir une action de défense contre les pathogènes et les prédateurs. Comme elles sont immobiles, les plantes sont très sensibles aux attaques des maladies et des herbivores. Certaines utilisent des composés toxiques pour survivre aux attaques d’insectes, de bactéries et de champignons. Ces composés attaquent directement les prédateurs ou bien attirent les ennemis des prédateurs. À titre d’exemple, l’ailante, arbre très planté dans nos villes, émet de l’ailanthone, inhibiteur de croissance et de germination de beaucoup d’espèces végétales de nos régions, mais également inhibiteur du développement d’insectes comme les pucerons. L’allélopathie n’est pas un phénomène observé chez toutes les espèces végétales mais elle explique en partie le caractère invasif de certaines espèces.
74 Les invasives finissent-elles par
s’intégrer aux populations locales ?
Il arrive que des populations d’espèces invasives, après avoir envahi des territoires entiers, se mettent à régresser. Il est même probable que ce soit le destin de nombreuses invasives, à la longue. En effet, les espèces avec lesquelles elles cohabitent s’adaptent à leur présence et s’« arment » en conséquence, au cours de processus évolutifs. Néanmoins, ces processus adaptatifs sont très lents à se mettre en œuvre. Il n’est souvent pas possible de subir les dégâts occasionnés par la présence des espèces invasives sur des périodes suffisamment longues pour attendre leur déclin naturel. 128
Est-il interdit de cultiver certaines plantes ?
Certaines espèces végétales introduites ne régressent pas et ne semblent pas former une communauté de relations avec les autres espèces, même après de longues années d’installation. C’est le cas de l’ajonc, qui a été introduit à La Réunion (au xixe siècle) et en Nouvelle-Zélande (au xviiie siècle). En revanche, d’autres plantes introduites depuis moins longtemps régressent lentement après un stade important de colonisation, par exemple la caulerpe. La caulerpe est une algue verte d’origine tropicale présente naturellement sur les côtes australiennes, africaines et d’Amérique centrale. Cette plante a été introduite accidentellement en Méditerranée à partir de l’aquarium de Monaco. Elle a rapidement envahi les côtes, avec un impact très négatif pour la biodiversité de ces espaces. Elle a été repérée en 1984 en face du musée océanograLa phique de Monaco alors qu’elle couvrait environ 1 m². Vingt régression de ans plus tard, elle occupait 15 000 ha de côtes au large de la caulerpe en cinq pays : France, Italie, Croatie, Espagne et Tunisie. Elle Méditerranée a été certainement disséminée sous forme de fragments végétaux accrochés aux ancres ou aux filets de pêche des bateaux. Très plastique (elle supporte de grandes variations environnementales (température, salinité, lumière…), elle est, de plus, toxique pour les animaux brouteurs comme les oursins, et elle n’a pas de prédateurs en Méditerranée. Son développement rapide empêche la survie des autres espèces d’algues. Pour juguler l’invasion, de nombreuses méthodes de lutte ont été essayées sans qu’aucune ne soit vraiment concluante. Contre toute attente, entre 2004 et 2011, la caulerpe a fortement régressé et serait en train de disparaître d’elle-même de certains fonds marins du nord de la Méditerranée, sans que l’on sache encore pourquoi.
75 Est-il interdit de cultiver
certaines plantes ?
Peu d’espèces sont interdites à la culture, mais beaucoup sont déconseillées. Pour des raisons de santé publique, seul le cannabis est interdit sous toutes ses formes, contrairement au pavot (qui donne l’opium), à l’absinthe ou à d’autres plantes très toxiques (comme le datura, la mandragore ou la digitale), qui sont tout à fait légales. Mais d’autres espèces posent des vrais 129
LES ENVAHISSEURS
Est-il interdit de cultiver certaines plantes ?
problèmes, notamment l’ambroisie, dont le pollen provoque des allergies graves. De nombreux arrêtés préfectoraux ont rendu sa lutte obligatoire, il est donc interdit de la laisser fleurir et se ressemer. Le chardon est lui aussi interdit, depuis de nombreuses années, à cause de sa rapidité de prolifération dans les cultures. Par ailleurs, certaines espèces ayant un impact négaLa jussie tif dans les milieux naturels ne doivent pas être colonise les propagées. La plus célèbre est la jussie, plans d’eau. espèce invasive des étangs, pour les dégâts qu’elle cause aux plans d’eau. En effet, sa présence rapidement massive est source de nuisances extrêmes pour la pêche, la navigation et la baignade. De plus, cette plante produit des substances allélopathiques (voir question 73) inhibant la biodiversité aquatique. Buddleias, ailantes et robiniers sont également à éviter, même si leur culture n’est pas interdite. De fait, ces arbres vigoureux poussent très vite, forment des rejets robustes et innombrables chaque fois qu’on les coupe, envahissent rapidement de grands territoires et sont donc incontrôlables.
L’aconit napel, plante la plus toxique de France.
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Est-il interdit de cultiver certaines plantes ?
Plus de 20 % de la population française souffre d’allergies respiratoires. Elles sont dues à l’inhalation d’éléments en suspension soit dans l’air des habitations (acariens, moisissures, poils de chat, etc.), soit à l’extérieur (pollution, pollens ou moisissures). Les pollens sont des organismes très petits (10 à 100 μm environ) L’allergie à qui se dispersent dans l’air. Ils pénètrent dans les bronches et l’ambroisie peuvent être responsables de réactions allergiques, appelées « rhumes des foins », ou même de crises d’asthme plus ou moins graves. Chez les sujets sensibles, l’atteinte se déroule en plusieurs étapes. À la première rencontre avec l’allergène, les globules blancs se mettent à produire des anticorps qui se fixent dans la paroi des bronches, des intestins ou de la peau. À partir du second contact, les allergènes rencontrent les anticorps et la réaction allergique apparaît avec la libération d’une substance, l’histamine, responsable des symptômes. Les pollens ne sont pas tous dangereux. Ce sont surtout les pollens d’arbres ou d’herbacées émis en grandes quantités qui favorisent les allergies : cyprès, bouleau, graminées ou ambroisies. L’ambroisie à feuille d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) fait partie de ce que l’on appelle couramment les « mauvaises herbes ». Elle a été introduite sans doute avec des semences de céréales, depuis l’Amérique du Nord, dans les années 1860. Elle devient un buisson qui peut atteindre un mètre de haut à la floraison et s’est propagée dans une grande partie de la France par le transport de terres contaminées ou de semences. Mais on estime que les véhicules et les bottes sont aussi des moyens de diffusion de ces petites graines de proche en proche. L’ambroisie présente une forte densité surtout dans les régions RhôneAlpes et Centre. L’impact majeur de cette espèce est lié à son pollen provoquant des réactions allergiques (rhinite, conjonctivite, trachéite, asthme, urticaire) que les médecins estiment toucher de 6 à 12 % de la population. Alors que les rhumes des foins apparaissaient plutôt au printemps, les allergies provoquées par le pollen d’ambroisie sont plus tardives (été-automne). Plusieurs associations et observatoires médicaux se sont organisés pour suivre et prévenir ce problème (voir par exemple http://www.stopambroisie. com/index.html). Non, l’ambroisie n’est pas une « belle vagabonde » !
Ambroisie.
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LES ENVAHISSEURS
Quelles sont les principales pestes végétales des cités ?
Pour des raisons paysagères, certains végétaux ne peuvent pas être utilisés pour composer des haies. Ces interdictions dépendent des mairies ou des règlements de copropriété. Les thuyas par exemple, considérés comme inesthétiques et par ailleurs sans intérêt pour la biodiversité (rien ne pousse sous leur couvert), sont parfois jugés indésirables. La dernière catégorie des plantes interdites à la culture est celle des espèces protégées par la loi. Les textes stipulent que « la destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel » sont interdits (Code de l’environnement). La protection peut être nationale ou régionale. En France, elle concerne quelques centaines d’espèces (liste sur le site inpn.mnhn.fr). Les plus connues sont le sabot de vénus Cypripedium calceolus L., cette jolie orchidée jaune et pourpre, ou l’aconit napel (photo p. 130), casque de Vénus Aconitum napellus L., espèce violette de la famille du bouton d’or.
76 Quelles sont les principales pestes
végétales des cités ?
Lorsqu’on parle de « peste végétale » aux jardiniers, ils n’hésitent pas une seconde : la renouée du Japon. Originaire d’Asie, elle a été introduite en Amérique du Nord à des fins ornementales au xixe siècle. Elle a une croissance très rapide puisqu’elle atteint 2 à 3 m de hauteur pendant l’été. À la fin de la saison, elle produit de jolies inflorescences blanc crème. Ces caractéristiques devraient séduire le jardinier, mais la renouée possède des rhizomes qui peuvent s’enfoncer à plus de 2 m de profondeur et s’étendre latéralement sur plusieurs mètres. Ces tiges souterraines libèrent des toxines qui empêchent l’établissement d’autres plantes. Ce mode de reproduction est très efficace : un petit fragment de rhizome peut donner naissance à de nombreuses tiges. Elle colonise très facilement les milieux urbains grâce à la terre qui y est apportée pour les plantations. Elle est très vigoureuse et l’on peut parfois voir ses rhizomes percer le bitume. Elle forme des peuplements denses qui étouffent les autres espèces. Son 132
Y a-t-il plus de moustiques en ville ?
éradication est extrêmement difficile, aussi faut-il éviter à tout prix de la propager. La seule façon de l’anéantir est de couper ses tiges au ras du sol dès qu’elles sortent de terre, et ce, pendant plusieurs années, pour épuiser ses réserves. D’autres espèces sont assez indésirables. Le buddleia, ou arbre aux papillons, envahit facilement de grandes zones, exclut les herbacées indigènes des sites où il s’installe et est très difficile à éliminer. La grande berce du Caucase, très urticante, peut causer d’importantes brûlures par simple contact avec la peau. L’herbe de la pampa qui colonise tous les terrains, est extrêmement allergène et se multiplie très vite.
Renouée du Japon.
L’herbe de la pampa se propage dans tous les milieux ouverts.
77 Y a-t-il plus de moustiques en ville ? Non, il n’y a pas plus de moustiques en ville, mais nous les y remarquons davantage. La présence des moustiques est liée à celle de l’eau, surtout croupissante. Étangs, marais, canaux peuvent accueillir des moustiques, mais aussi toutes les retenues d’eau temporaire, même limitées. En France métropolitaine, les moustiques causent surtout un dérangement (parfois accompagné d’allergie) mais, quand chaleurs et eaux croupissantes sont réunies, on constate des invasions importantes. Il y a une quinzaine d’années, certaines villes situées près de zones marécageuses, comme La Baule, utilisaient des méthodes draconiennes pour diminuer les dérangements liés aux moustiques (épandage aérien d’insecticides par exemple). Le moustique tigre (Aedes albopictus) est une espèce tropicale qui s’installe aujourd’hui dans le sud de la France après une 133
LES ENVAHISSEURS
Y aura-t-il encore des palmiers à Nice en 2020 ?
introduction dans la région de Nice (vers 2004). En France métropolitaine, on le trouve maintenant dans 17 départements du Sud-Est et sa progression est constante. Ce moustique est vecteur des maladies de chikungunya et de dengue dans les départements d’outre-mer. Sur l’île de La Réunion, sa gestion a impliqué une sensibilisation de la population à la présence d’eau dans les pneus de voitures utilisés dans les jardins. En Martinique, le chikungunya continue à se propager et les consignes portant sur le choix de vêtements longs, l’emploi raisonné de pesticides et l’usage systématique de moustiquaires sont plus importantes que jamais. Le chikungunya se manifeste généralement par une fièvre élevée soudaine, associée à des douleurs articulaires (arthralgies) intenses, parfois musculaires, et à une éruption cutanée transitoire. La maladie peut avoir des formes sévères. Quelques décès sont survenus chez des patients infectés.
78 Y aura-t-il encore des palmiers à Nice
en 2020 ?
Depuis 2006, un petit insecte de la famille des coléoptères appelé charançon rouge des palmiers attaque ces arbres dans la région méditerranéenne de notre territoire. Il se propage très rapidement et pose de gros problèmes de gestion. Il mesure de 3 à 3,5 cm de long. Les larves sont brun clair avec une tête brun foncé. Originaire d’Asie, il pourrait être arrivé en Europe par la Grèce avec les palmiers importés pour embellir Athènes à l’occasion des Jeux olympiques d’été en 2004. En France, il a été vu pour la première fois dans un jardin privé Charançons du Var. Depuis, il s’est propagé aux palmiers de nomrouges des breuses communes dans toute la région PACA, en palmiers. Corse, dans le Languedoc, et menace les quelque 100 000 palmiers (des whashingtonias) qui ornent les villes du sud de la France. Les premiers symptômes d’une attaque par le charançon rouge n’apparaissent que bien après le début de l’infestation. Les arbres attaqués perdent leurs palmes, mangées par les chenilles. Leur tronc creusé de galeries pourrit et ils meurent en deux à cinq ans. Il existe des moyens de lutte biologique, notamment 134
Comment contenir les envahisseurs ?
l’emploi d’un ver microscopique qui colonise la larve du charançon rouge, entraînant sa mort de façon certaine. Cependant, le ver ne survivant pas à la mort de la larve, il faut sans cesse relâcher des vers. Un champignon pathogène peut également tuer les larves du charançon. Pour agir, ses spores doivent être épandues sur le tronc des palmiers. Dans la ville de Nice, quelques arbres ont été désignés comme infestés. Une politique de lutte a immédiatement été mise œuvre avec l’abattage systématique des palmiers infestés jusqu’au bourgeon terminal et le traitement par douche d’insecticides des arbres moins touchés. Il reste à espérer que toutes ces mesures permettront à certains palmiers niçois d’en réchapper. Pour le moment, il semble que toutes les espèces de palmiers soient sensibles à cet insecte. Ces infestations massives montrent à quel point il est primordial de diversifier les espèces d’arbres plantés dans les villes, sans quoi des catastrophes économiques et écologiques majeures peuvent avoir lieu.
Des palmiers, espèces exotiques, attaqués par une autre espèce exotique !
79 Comment contenir les envahisseurs ? Ces espèces qui prolifèrent et qui parfois posent des problèmes à l’Homme ou aux écosystèmes nécessitent souvent l’organisation d’une gestion particulière, décidée par des autorités compétentes (en général sous décisions ministérielles), à l’encontre de l’espèce, ou portant sur le milieu où elle vit ou les comportements humains favorisant le problème. Les actions seront très différentes selon les espèces, les densités d’individus, l’ampleur des répartitions et l’ancienneté du problème. En fait, à part quelques grands principes que nous pouvons résumer et illustrer ici, le traitement appliqué à chaque cas pourra difficilement se transposer partout. L’expérience montre qu’il vaut mieux agir sur les causes : ressources trop disponibles, comportements humains non adaptés, 135
LES ENVAHISSEURS
Comment contenir les envahisseurs ?
introductions trop nombreuses. Il y a deux grandes orientations de gestion pour contenir les invasions et leurs impacts : une action de protection ou de limitation d’accès aux ressources (opérant plutôt pour les animaux) ou une action directe sur les populations en cause (limiter les effectifs d’une manière ou d’une autre). L’action sur les ressources peut revêtir de multiples formes : mise en place de barrières réduisant l’accès (filets sur les fruitiers pour limiter les déprédations et l’installation de l’espèce prédatrice, par exemple les passereaux ébourgeonneurs), effarouchements divers pour empêcher l’utilisation des arbres comme dortoirs (étourneaux) ou celle des statues comme perchoirs (pigeons), incitation aux modifications de comportements citadins comme le nourrissage (ragondins, goélands, pigeons), gestion de nos déchets ménagers (rats, diptères), sensibilisation du public à certaines espèces, etc. On peut aussi agir directement sur les populations invasives, ce qui est souvent le plus attendu par les décideurs ! Si l’espèce connue pour être « à risque » est installée depuis peu et n’a qu’un petit effectif, on pourra envisager la suppression des individus. C’est une décision parfois coûteuse à court terme, tant par les moyens nécessaires que À Rennes, parce qu’elle implique une analyse complète
arbres équipés de filets empêchant le perchage des étourneaux.
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Comment contenir les envahisseurs ?
du problème (impacts écologiques, sociologiques, économiques négatifs ou positifs). S’il y a beaucoup d’individus, on s’orientera plutôt vers des limitations locales d’effectifs (par exemple de ragondins ou de pigeons) qui permettent de contrôler le poids des impacts. Toutes ces interventions sont Quand les étourneaux migrateurs venant du nord de l’Europe arrivent en nombre dans nos contrées, l’hiver, on en observe de grandes concentrations, surtout le soir, car ils se regroupent pour dormir. Jusque dans les années 1970, la majorité de ces rassemblements – qui pouvaient compter plusieurs centaines de milliers d’oiseaux – se localisait dans des boisements ou des marais, où les oiseaux trouvaient calme et surface. Puis ils ont investi la ville, qui dispose de lumières (cet oiseau qui ne voit pas bien la nuit peut s’envoler s’il y a du dérangement grâce aux lumières de la ville) et de grands arbres pour se percher. Principales causes de ce changement : les persécutions Une gestion dont ils faisaient l’objet, à la campagne, et la disparition intégrée de la plupart des sites naturels utilisés comme dortoirs. des dortoirs Les rassemblements urbains dépassent rarement d’étourneaux quelques dizaines de milliers d’étourneaux mais leurs impacts sur la ville sont importants : bruit et saleté liée aux déjections. À la fin des années 1990, les dortoirs urbains posant de gros problèmes, l’Inra a travaillé sur des stratégies de gestion. Une des actions les plus efficaces, la gestion globale, testée avec succès à Rennes et La Roche-sur-Yon (http://w3.rennes.inra.fr/etourneau/ index.htm), implique de connaître tous les dortoirs de la ville et d’agir simultanément sur tous ces sites (notamment avec des effarouchements appropriés). Le but n’est pas de protéger un seul site mais de faire sortir les étourneaux de la ville, ce qui nécessite du personnel. L’étape suivante consiste à trouver un site pérenne qui serve de dortoir traditionnel pour les étourneaux, ce qui est du ressort des décisions politiques (« geler » une friche, un petit bois…).
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LES ENVAHISSEURS
Le changement climatique va-t-il modifier la biodiversité dans les villes ?
délicates et parfois sans exemple antérieur. Il y a chaque fois des avantages (en général sur le long terme) et des inconvénients (en général sociaux ou économiques). Les pays anglo-saxons ont développé une « gestion adaptative » qui évolue dans le temps : à la suite d’un problème d’invasion, on décide d’un plan de gestion qu’on remet en question tous les deux ans, à la lumière des résultats obtenus et des problèmes rencontrés. Cette méthode a fait ses preuves sur les opossums en Nouvelle-Zélande et sur les roseaux australiens aux États-Unis. Dans tous les cas, on sait aujourd’hui que le principe de précaution est le plus efficace des moyens de limitation : éviter les introductions d’espèces exotiques, éviter les mauvaises gestions des déchets, éviter les ventes d’espèces animales ou végétales susceptibles de proliférer, etc. Mais c’est aussi la gestion qui entraîne le plus de méfiance car on doit agir avant qu’une espèce potentiellement invasive ou qui a créé des problèmes ailleurs devienne significativement problématique : pourquoi investir s’il n’y a pas de problème, se demandent certains décideurs et défenseurs de la cause animale ?
80 Le changement climatique va-t-il
modifier la biodiversité dans les villes ? Le changement climatique est en train de changer toutes les biodiversités, y compris en ville. Les habitats des oiseaux et des papillons ont « glissé » vers le nord : il ne s’agit pas d’une extension de leur aire géographique classique mais bien d’un déplacement, de 20 km vers le nord en vingt ans pour les oiseaux, par exemple. Les très grandes villes peuvent constituer une barrière physique à ce déplacement, pour les espèces qui ne volent pas ou ne se déplacent pas avec le vent. Certaines espèces animales et végétales vont donc apparaître dans des villes, d’autres disparaîtront. Les communautés seront donc différentes, avec peut-être des déséquilibres écologiques et des proliférations inattendues. Les derniers travaux du Muséum ont notamment montré que les oiseaux réagissaient plus vite que les papillons au réchauffement. On peut donc supposer des décalages entre les compositions des communautés actuelles et celles du futur. 138
Le changement climatique va-t-il modifier la biodiversité dans les villes ?
Autre impact du changement climatique : l’accélération des cycles, notamment une précocité des phénologies de plantes (débourrage et floraison plus tôt). Pour certaines espèces, la question est de savoir si elles vont pouvoir adapter leur reproduction aux ressources disponibles. Les mésanges dépendent des chenilles pour alimenter leurs poussins, et celles-ci dépendent du débourrage des feuilles, très lié à la température. Des recherches avaient démontré que, dans le sud de la France, les mésanges ajustaient leur reLe merle noir, production selon qu’elles étaient en Corse espèce forestière, ou sur le continent, mais cet ajusteexploite jusqu’au plus petit jardin. ment s’est construit sur de nombreuses générations. Qu’en sera-t-il en quelques années de réchauffement ? Sous l’effet de changements climatiques, la ville peut aussi être à l’origine de changements dans la biodiversité de la région environnante. En effet, les villes représentent des refuges climatiques pour certaines espèces méditerranéennes. Introduites volontairement ou non, des espèces animales ou végétales survivent et se reproduisent en ville car il y fait plus chaud qu’à la campagne : blattes et termites, par exemple, mais aussi des végétaux, comme le polypode du Sud, petite fougère méridionale présente dans la ville d’Angers. Avec le réchauffement, ces espèces vont pouvoir sortir plus facilement de la ville et rapidement coloniser des secteurs hors de leur aire naturelle. On devrait obtenir ainsi des répartitions d’animaux et de végétaux dans des régions plus septentrionales qu’habituellement et déconnectées de leurs aires géographiques. Cependant, les scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire qu’une biodiversité conservée dans sa richesse et son hétérogénéité constitue un élément fort pour limiter le réchauffement climatique, et cela semble pouvoir s’appliquer aussi à la ville, où une bonne couverture végétale sera garante d’une limitation des températures urbaines. 139
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La ville de demain est-elle verte ?
81 La ville a-t-elle changé, ces dernières
décennies ?
Tout ce que nous avons observé, décrit et analysé dans les questions précédentes a-t-il toujours existé ? Pas du tout. Vous avez pu sentir dans nos propos le caractère récent et parfois émergent d’une nature en ville. Traditionnellement, la ville était définie comme un territoire dédié à la population humaine. Dans les cités, les humains aménageaient l’espace pour leur seul intérêt, ce qui avait pour avantage de les protéger contre une faune sauvage parfois dangereuse, mais aussi pour inconvénient d’encourager la propagation des épidémies et de poser de graves problèmes d’hygiène et de santé publique. En fait, la dynamique 141
LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
La ville a-t-elle changé, ces dernières décennies ?
de la ville s’est mise à favoriser la végétalisation seulement depuis la fin du xixe siècle, notamment avec l’apparition des grands parcs publics et du courant de pensée hygiéniste. Un virage important a été amorcé avec la plantation massive d’arbres d’alignement et l’émergence d’une politique de verdissement dans les années 1970 puis, dès la fin du xxe siècle, le choix, alors audacieux, de suspendre l’usage des pesticides. Ce choix, qui sera bientôt obligatoire dans la majorité des municipalités (2020), a créé une dynamique complètement nouvelle des pratiques de jardinage, donc des présences floristique et faunistique. Plantes spontanées et insectes ont commencé à investir les espaces verts de la ville et, logiquement, les autres espèces, consommateurs et prédateurs, comme les oiseaux, ont suivi. Un autre virage a été pris plus récemment, celui du Grenelle de l’Environnement en 2007, qui a permis une prise en compte non plus seulement de la qualité des sites mais aussi de leur disposition et des connections qui pourraient exister entre eux, au sein des territoires (voir questions 86 et 87). Même si la plupart des services municipaux en charge des jardins et des espaces verts étaient conscients des enjeux du développement d’une biodiversité spontanée en ville, le Grenelle a directement interpellé sur le sujet les politiques puis, encore plus récemment, les acteurs de l’aménagement tels que les urbanistes et les paysagistes. On assiste ainsi à une modification essentielle des paysages urbains, beaucoup moins gérés, permettant ici et là la présence de touffes de plantes plus fleuries sur les trottoirs ou les murs. Le plus important, c’est le changement progressif de perception des citadins, qui acceptent de mieux en mieux cette incursion de la nature dans leur environnement urbain.
Pelouse et prairie de fauche, à Rennes.
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La ville grignote-t-elle trop la campagne ?
L’histoire des jardins publics français n’a vraiment commencé que vers les années 1850 avec les frères Bühler, paysagistes de renom qui ont mis en place les premiers grands parcs publics du xixe siècle (parcs du Thabor à Rennes, de la Tête d’Or à Lyon, Borély à Marseille, etc.). Auparavant, hormis les mails plantés d’arbres pour l’ombrage et quelques places arborées, il n’y avait que très peu d’espaces verts publics. Ces parcs, qui sont devenus des objets de patrimoine à juste titre (mosaïque de fleurs, architecture et statuaires, acclimatation d’arbres exotiques, etc.), demandaient (et demandent toujours) une gestion précise et coûteuse pour constituer un cadre Petite agréable aux promenades de la bourgeoisie. Plus tard, les histoire des parcs se feront plus accessibles à tous et certaines pejardins publics louses ne sont plus interdites. Dès le début, on y installe des aires de jeux pour les enfants et des boulodromes. Ces parcs plus récréatifs sont considérés comme les poumons des nouveaux quartiers populaires. Dans le même temps, des squares accompagnent l’étalement urbain et les requalifications des quartiers, et les espaces verts apparaissent comme matrice aux grands collectifs des années 1970. Dans les années 1980-1990, des parcs d’une nouvelle conception apparaissent en bordure de la ville : ce sont à la fois des bases de loisirs (de grandes étendues de pelouse avec des complexes sportifs et de camping) et des parcs plus naturels avec de grandes surfaces d’habitats « sauvages », par exemple des lacs, des boisements ou des zones humides. Actuellement, des parcs à but éducatif sont prévus. Ils mettent en valeur des parcours existant déjà dans des milieux d’intérêt écologique. Par exemple, l’île Saint-Aubin, à Angers, aura cette vocation. Enfin, les friches sont reconnues comme des éléments de fonctionnement écologique (voir question 47) et leur intégration engendre des réflexions sur l’aménagement des trames vertes en ville. Cette évolution des espaces publics, synthétisée trop rapidement ici, souligne un changement d’usage humain (aujourd’hui, on se promène différemment d’hier) et l’intégration d’une dynamique écologique (les espaces sont de plus en plus accueillants pour les espèces végétales et animales spontanées en provenance de la campagne proche).
82 La ville grignote-t-elle trop
la campagne ?
L’étalement urbain constitue l’un des problèmes environnementaux majeurs, parmi les plus cités, avec la pollution. Les villes détruisent la nature sous toutes ses formes en s’étendant sur des espaces naturels ou ruraux. Au regard des destructions, quelques espaces verts trop gérés ou quelques replantations 143
LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
La ville grignote-t-elle trop la campagne ?
d’arbres représentent des compensations ridicules. Au niveau mondial, l’urbanisation est reconnue comme l’un des facteurs les plus impactants pour expliquer les baisses de biodiversité. La destruction des habitats (haies, prairies, zones humides, bois…) entraîne la disparition des espèces qui y vivaient. Seules quelques espèces mobiles (oiseaux, mammifères et insectes volants) peuvent échapper à la pelleteuse. La ville s’étend en superficie proportionnellement plus vite que son nombre d’habitants ne croît. Le citadin a besoin de plus en plus de place. Les villes deviennent des mégapoles atteignant plusieurs millions d’habitants sur des surfaces de plusieurs milliers de kilomètres carrés, comme Mexico, Manille ou Shanghai. Les villes françaises continuent à s’agrandir au détriment des zones agricoles. Selon l’Insee, en France métropolitaine, 600 km² par an sont artificialisés. Selon le dernier bilan (2011), plus de 20 % du territoire métropolitain peut être considéré comme urbain. Les problématiques ne sont pas qu’environnementales (empreinte écologique, consommation d’énergie et de sol…) mais aussi sociales (appartenance à une comAu bout de la Coulée munauté...) et techniques (longueur des réseaux verte (Paris), un jardin et coût des services...). Densifier la ville pour potager partagé et une prairie fauchée annuellelimiter l’étalement urbain ment, qui sert de « résera une contrepartie sociale. voir biologique ». Notre culture ne permet pas d’entasser les familles en trop grand nombre. Les personnes interrogées dans des enquêtes disent toute leur envie de maison et de verdure (par exemple, dans l’enquête Ipsos-Union nationale des entreprises du paysage de février 2008). Il apparaît aujourd’hui que le bien-être impose sans doute une forme urbaine intermédiaire entre un trop grand étalement éloignant les citadins des centres et des services, et une trop forte densité exacerbant les problèmes de voisinage. 144
Les services écologiques, c’est quoi ?
Les organes de décision et de recherche, comme le Plan urbanisme-construction-architecture (PUCA), multiplient les réflexions pour refaire la ville sur la ville, et non plus la ville sur la campagne. Cette perspective permet aussi de limiter le zonage (bureaux ici, commerces là et habitations ailleurs…) en faveur d’un développement harmonieux pour tous, y compris pour l’environnement.
83 Les services écologiques, c’est quoi ? En 2000, l’ONU a demandé une évaluation de la qualité des écosystèmes pour le millénaire. Le rapport, fruit du travail de plus de mille experts internationaux, a notamment identifié les services fournis par la nature aux activités humaines. Au vu de la rapide érosion de la biodiversité et de l’écroulement de nombreux fonctionnements écologiques (notamment des relations entre espèces et entre celles-ci et leur habitat), l’investigation visait à mettre en lumière le rôle fondamental d’une nature qui agit sur le devenir humain. Ses services écosystémiques (on dit aussi écologiques) ont ainsi été regroupés en quatre catégories. Trois services influent directement sur les activités humaines et les biens : les services culturels, d’approvisionnement et de régulation. Le quatrième service est un service de soutien, base des trois autres. – Les services culturels concernent l’esthétique, l’éthique, la récréation, et concourent au bien-être de l’Homme. – Les services d’approvisionnement fournissent la plupart de nos ressources, comme la nourriture, l’eau, le bois, les fibres… – Les services de régulation environnementale interviennent sur les cycles et tamponnent les excès. Ils régissent les inondations, les climats, les propagations de maladies… – Les services de soutien comprennent les formations des sols, la photosynthèse, les cycles de nutriments, mais aussi des mécanismes écologiques fins comme la pollinisation. Cette idée de qualifier les services que rend la nature à un Homme tout-puissant a eu l’énorme mérite de poser concrètement la place de l’Homme dans un environnement qu’il a trop tendance à exploiter sans se soucier de son fonctionnement et de faire comprendre à quel point le sort de l’Homme est lié à celui de la biodiversité. L’intérêt était aussi de donner une valeur 145
LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Les services écologiques, c’est quoi ?
quantifiable et discutable au rôle de la nature. Dès lors, la question « Combien coûte la destruction d’une zone humide ? » implique non plus seulement la disparition locale d’espèces et d’un élément du paysage, mais aussi un ensemble de services rendus par cet écosystème : l’eau et les poissons qui nous nourrissent, l’autoépuration grâce aux plantes aquatiques, les matériaux comme la tourbe et les chaumes, un espace de loisirs, etc. Au niveau mondial, une étude des bénéfices économiques de la biodiversité est en cours, comparant les coûts de protection avec ceux des pertes de service. Un premier rapport fait état de 50 milliards d’euros de perte annuelle mondiale de services écologiques pour la période 2000-2010 (Union européenne, COM400). Cependant, les évaluations sont très délicates, notamment à cause d’interrelations méconnues entre services connus et services non détectés. En particulier, les coûts de santé publique sont très mal évalués.
La mare de l’île Saint-Germain (Hauts-de-Seine) a été restaurée en tant que zone humide à préserver.
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Un urbanisme plus vert, pourquoi ?
Cette démarche basée sur la monétarisation des services est éloquente pour des décideurs qui ont l’habitude de construire leurs raisonnements sur des bases économiques. Cependant, quels sont les effets pervers d’un tel concept ? Peut-on tout estimer économiquement? Ces évaluations doivent-elles toutes être monétarisées ? Peut-on donner une valeur marchande à ces éléments de patrimoine ? Chiffrer la valeur d’une forêt ou d’une cathédrale a-t-il un sens ? Le débat s’avère autant philosophique que politique !
84 Un urbanisme plus vert, pourquoi ? Par essence même, la ville c’est la non-nature. L’Homme l’inventa d’abord pour se protéger de ses ennemis et d’une nature « hostile »… Aujourd’hui, on reconnaît l’existence d’une biodiversité dans la ville. Et on va largement au-delà en voulant favoriser l’installation de cette biodiversité. Plusieurs discours motivent ce choix : poétique, avec les notions de beauté et de qualité de l’environnement proche ; sociologique, avec la création de liens sociaux ; sanitaire, avec l’effet reconnu des espaces verts sur la limitation de certaines maladies ; environnementale, avec l’effet des arbres sur la température urbaine ; écologique, avec la conscience que la diversité des espèces permet de freiner des proliférations, etc. Ce sont essentiellement les services culturels et de régulation qui sont en jeu. Au titre des services culturels, on peut souligner l’importance de la nature dans l’amélioration du cadre de vie urbain : bien-être, santé, récréation, loisir, éducation, mais aussi création de liens sociaux autour de certains espaces comme les jardins partagés.
Strasbourg tente de ménager des espaces cultivés ou naturels entre les ZAC.
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LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Les paysagistes prennent-ils le virage de l’écologie urbaine ?
Parmi les services de régulation, citons le rôle des espaces verts et des arbres dans l’infiltration des eaux de pluie, la fixation du particulaire atmosphérique, le stockage de CO2, la microclimatologie et notamment la baisse de la température urbaine. Mais on peut avancer aussi des considérations plus indirectes. Par exemple, le citadin recherche activement la nature, ce qui expliquerait des migrations régulières vers le périurbain, des mal-être urbains et des choix d’habitations avec jardin. En augmentant la part de nature au sein même des villes, nous pouvons induire une pondération de l’étalement urbain, destructeur d’habitat naturel et de production. Dans un milieu urbain agréable, les citadins resteraient plus longtemps sans partir en week-end. En développant des espaces à caractère naturel au sein des villes, on participe au maintien régional de la biodiversité. Par exemple, le réchauffement climatique fait glisser les aires de distribution des espèces vers le nord de plusieurs dizaines de kilomètres. Cela est bien démontré chez plusieurs groupes comme les oiseaux ou les papillons. Mais, pour les espèces qui ne volent pas, les villes constituent de véritables barrières aux déplacements. Augmenter les espaces à caractère naturel peut donc favoriser les transits dans les zones suburbaines d’une petite faune et de plantes peu mobiles. Il est donc urgent que l’aménagement écologique des territoires s’inscrive dans l’avenir des villes comme il s’est appliqué à l’agriculture et à la foresterie. Cette problématique doit être déployée à toutes les échelles, depuis le jardin et le parc jusqu’au projet d’urbanisme intégrant les espaces bâtis et non bâtis.
85 Les paysagistes prennent-ils le virage
de l’écologie urbaine ?
Parmi les acteurs principaux attendus dans le processus d’amélioration d’une biodiversité urbaine, on pense bien évidemment aux paysagistes, qui façonnent des espaces et choisissent les espèces. Pourtant, même s’ils intègrent à leurs projets plus de noues (fossés en herbe permettant l’infiltration des eaux de pluie) et d’espèces locales, leur implication reste difficile. La plupart d’entre eux ne sont absolument pas dans une démarche écologique. Pour ces concepteurs, il n’est 148
Les paysagistes prennent-ils le virage de l’écologie urbaine ?
pas aisé de concilier des projets esthétiques et originaux avec des exigences écologiques et des espèces locales parfois peu spectaculaires. De plus, les pépiniéristes ne fournissent que très peu d’espèces locales. On constate aujourd’hui les limites d’un raisonnement qui a été trop axé sur l’objectif esthétique. Deux exemples illustrent de réels retournements de tendance. Le premier concerne l’engouement pour certaines plantes qui ont été plantées, et le sont d’ailleurs encore, et qui se sont révélées des espèces exotiques envahissantes, concurrençant les espèces locales quand elles s’échappent des lieux où elles sont cultivées. C’est le cas des herbes de la pampa Cortaderia selloana et des séneçons en arbre Baccharis halimifolia. À présent, les services municipaux eux-mêmes restreignent certains choix de paysagistes. L’autre exemple concerne la végétalisation des bâtiments. L’heure des murs végétalisés est passée de mode tant qu’on n’aura pas trouvé des moyens plus économes de magnifier une façade. Utilisation trop fréquente d’espèces exotiques, alimentation en eau constante difficile à gérer, substrat mal adapté sont autant de facteurs freinant de nouvelles installations. Pour les toitures végétalisées, en pleine vogue aujourd’hui, on peut faire un constat proche puisque les sedums plantés n’ont pas toujours l’aspect esthétique espéré et le bilan est quasi nul pour la biodiversité.
Toiture végétalisée.
Façade en cours de végétalisation au parc de ClichyBatignolles.
L’intégration de l’écologie dans les cours de formation des écoles du paysage est récente en France, tout comme l’implication récente de paysagistes en amont dans des projets d’urbanisme. Le virage est pris mais nous n’en sommes qu’au tout-début. Un grand chantier s’ouvre à cette profession… 149
LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Qu’est-ce que les trames vertes et bleues ?
86 Qu’est-ce que les trames vertes
et bleues ?
L’Europe avait, dès 1996, demandé à tous les États de faire un bilan des grandes connexions biologiques permettant la circulation des espèces. Avec le Grenelle de l’Environnement, la France répond en lançant une concertation nationale et des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE). Les trames vertes et bleues, qui doivent être favorisées à toutes les échelles (de la commune à la région), font partie des nouveaux termes apparus en 2007. Une trame est un réseau, ou maillage, qui peut être défini par deux éléments principaux : le noyau d’habitat (là où vivent les espèces) et le corridor, qui joint les habitats entre eux. Le noyau (ou tache) d’habitat, ou réservoir de biodiversité, consiste en un écosystème assez grand et naturel pour accueillir de nombreuses espèces en relation cohérente. Il peut s’agir d’un bois, d’un étang, d’une lande, d’une prairie permanente… Beaucoup de ces habitats sont déjà reconnus comme espaces d’intérêt écologique. Le corridor doit être assez large pour permettre à un maximum d’espèces animales Une trame est et végétales de circuler.
composée de noyaux d’habitat et de corridors écologiques qui les relient.
Noyau secondaire isolé
Noyau primaire d’habitat
Corridor discontinu en « pas japonais »
Noyau secondaire d’habitat
Noyau primaire d’habitat Corridor continu
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Matrice
Qu’est-ce que les trames vertes et bleues ?
Le rôle fondamental de ces éléments qui limitent l’effet des fragmentations a bien été démontré. Sous l’impact des activités humaines, les habitats des végétaux et des animaux deviennent en effet de plus en plus petits et de plus en plus distants les uns des autres. Les chercheurs ont montré comment de petits mammifères, des oiseaux ou des insectes utilisaient ces corridors pour se disperser dans une matrice (le tissu urbain) souvent hostile. Plus les corridors seront continus et proches des caractères de l’habitat concerné, plus ils seront efficaces, mais des corridors plus discontinus (on parle de « pas japonais ») peuvent être néanmoins très importants pour de très nombreuses espèces capables de passer d’un « pas » à l’autre grâce à leurs graines (plantes) ou à leurs ailes (oiseaux, insectes...) ou lorsque la matrice est un peu « traversable ». Une trame verte (composée d’éléments arborés, arbustifs ou herbacés) ou bleue (composée des eaux courantes, stagnantes et des marais) est donc l’ensemble des taches (ou noyaux) d’habitat et des corridors qui les relient. On a souvent intérêt à développer différentes sous-trames (trame forestière, trame prairiale, trame cours d’eau…) car elles ne permettent pas l’accueil et la mobilité des mêmes espèces. Vue aérienne montrant une « matrice » urbaine…
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LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Qu’est-ce que les trames vertes et bleues ?
Mais peut-on appliquer en ville tous ces résultats scientifiques obtenus dans les milieux ruraux ? Nous nous sommes très rapidement opposés à cette simple transposition. Ville et campagne sont a priori trop différentes pour généraliser des résultats acquis dans l’une à tous les autres systèmes. La ville est un ensemble d’écosystèmes très particuliers et de nombreux facteurs changent le fonctionnement des systèmes écologiques. Par exemple, en ville, la matrice est faite de bâtiments ou de zones bitumées très hostiles à beaucoup d’espèces et infranchissables. De ce fait, sa traversée est plus difficile que la matrice en zone agricole, qui est faite de prairies ou de cultures, pour rejoindre un autre corridor. De plus, en ville, les corridors ont des usages différents de ceux des milieux ruraux. Par exemple, les corridors boisés en zone rurale sont en général des haies ou des chemins creux peu fréquentés par l’Homme. En ville, les corridors boisés, quand ils existent, sont toujours très nettoyés et très fréquentés par les citadins. Ces différences de pression anthropique interviennent de toute évidence sur les comportements de dispersion des espèces. Cependant, les corridors urbains peuvent parfois être efficaces. Dans le cadre d’un programme de recherche Trames vertes urbaines, notre équipe vient de montrer, en étudiant des insectes et des musaraignes, que ces corridors permettent la dispersion des espèces. En effet, lorsque les corridors jouxtent des jardins, ceux-ci accueillent un certain nombre d’espèces peu mobiles. Pour les jardins plus éloignés, ces espèces ne sont pas trouvées. Les continuités vertes dans la ville sont donc importantes pour l’Homme comme pour la biodiversité. Les services rendus par la nature dans la ville peuvent bien sûr s’appliquer aux corridors écologiques en milieu urbain. Mais un des intérêts supplémentaires de ces formes linéaires de végétalisation est d’augmenter la nature de proximité appelée de tous ses vœux par le citadin (on augmente l’interface entre les bâtis et la nature plus que dans le contexte d’un parc) sans grandes emprises foncières. On peut alors proposer de développer ces corridors écologiques pour répondre en partie au dilemme de la ville compacte qui doit aussi être verte. Les corridors écologiques en ville peuvent participer au verdissement sans s’opposer à la densification souhaitée. La création d’infrastructures vertes entre des taches d’habitat intra-urbain (comme les parcs) et des taches d’habitat périurbain (bois ou forêt, par exemple) relève de l’ingénierie 152
Qu’est-ce que les trames vertes et bleues ?
écologique. De la même façon qu’il est nécessaire de gérer ces espaces (en les créant, en les protégeant), il est aussi indispensable de gérer les espèces pour limiter certaines pullulations, l’arrivée ou le départ intempestif d’espèces invasives qui pourraient sortir de la ville vers des zones plus naturelles. Trames vertes et bleues sont un beau projet d’aménagement du territoire dans une perspective de durabilité et de fonctionnalité. Mais des difficultés majeures de hiérarchisation des enjeux et d’intégration des différents niveaux spatiaux de fonctionnements écologique et administratif subsistent. Par exemple, les articulations opérationnelles entre les échelles cartographiques et les organisations administratives (schéma régional/ schéma de cohérence territoriale/plan local d’urbanisme) ou entre les différents acteurs restent encore à construire. Le plan local d’urbanisme (PLU) est le principal document de planification urbanistique au niveau communal ou éventuellement intercommunal (PLUi). Il remplace l’ancien plan d’occupation des sols (POS). Il intègre de nombreux plans, comme le plan de déplacement urbain (PDU), le programme local d’habitat (PLH)… Depuis le Grenelle de l’Environnement, le PLU doit prendre en compte les trames vertes et bleues. Il doit aussi suivre un document de politique générale exprimant les objectifs et les projets de la collectivité locale en matière de PLU, PLUi développement économique et social, d’environnement et d’uret SCOT banisme à l’horizon de dix à vingt ans. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui remplace l’ancien schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU), est aussi un document qui détermine, à l’échelle de plusieurs communes ou groupements de communes, un projet de territoire visant à harmoniser l’ensemble des politiques sectorielles en matière d’urbanisme, d’habitat, de déplacements et d’équipements commerciaux, dans un environnement préservé et valorisé. Ces schémas, surtout réalisés autour de grandes villes, couvrent aujourd’hui moins de la moitié de la surface de la France. À terme, toute la France devrait être impliquée dans des SCOT, qui apparaissent comme une échelle de programmation très pertinente pour les objectifs de développement durable et de trames vertes et bleues.
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LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Comment intégrer des corridors écologiques en ville ?
87 Comment intégrer des corridors
écologiques en ville ?
Nous avons vu qu’à l’échelle du parc ou du jardin, il existait différentes méthodes visant à accroître la biodiversité animale et végétale (gestion écologique avec suppression des pesticides, espèces locales privilégiées, tailles douces, fauches tardives, etc.). La démarche doit être complétée par une réflexion à des échelles plus larges : il faut se placer au niveau de la ville ou de l’agglomération, et de l’intercommunalité, du SCOT ou du projet de pays. On identifiera alors les zones sources de biodiversité en dehors de l’agglomération : bois ou zones humides par exemple, et leurs possibles relations avec les parcs de la ville. Des métropoles telles que Nantes, Rennes ou Strasbourg appliquent cette démarche, et des intercommunalités comme Plaine-Commune (en Seine-Saint-Denis) développent une programmation cartographique fine qui sera injectée dans le futur SCOT. Au cœur de Nantes, un bras de l’Erdre aménagé écologiquement.
Le fonctionnement de la biodiversité, c’est-à-dire son maintien durable et cohérent, ne peut se faire qu’en prenant en compte ces différents niveaux de fonctionnement écologique, du site (qualité biologique intra-parc) jusqu’à la région (identification et éloignement des sources d’espèces). L’idée, appliquée depuis longtemps dans plusieurs villes européennes, de liaisons vertes avec des objectifs premiers de paysage et d’ambiance (comme à Oslo et à Copenhague) doit donc être dépassée pour accéder à un fonctionnement écologique. 154
Comment intégrer des corridors écologiques en ville ?
Ce jeu d’échelle est également fondamental pour rendre toute action locale cohérente avec son environnement. Ainsi, la gestion écologique d’un jardin sera d’autant plus efficace que de nombreuses espèces pourront venir coloniser ce jardin. La diversité peut permettre de rétablir certains équilibres écologiques (ou tout au moins y tendre) et de limiter les efforts de gestion. Par exemple, un sol accueillant davantage de microfaune est plus efficace qu’un sol déstructuré sans faune. Ou encore une communauté végétale riche laissera moins de place aux espèces exotiques envahissantes. Il faut donc absolument contextualiser les différents espaces et identifier les zones à favoriser ou à construire. Il s’agit d’un travail de géographie et d’écologie spatiale impliquant de grandes phases d’analyse : d’abord, examiner les cartes des usages du sol pour identifier les taches d’habitat (voir question 86) dans la zone d’étude et autour de celle-ci, et évaluer leur qualité générale. Ensuite, dessiner les couloirs entre ces taches en fonction des contraintes des usages réels. L’exercice est délicat à plus d’un titre car les valeurs réelles sont inconnues et le rôle de l’écologue consiste entre autres à donner une valeur de qualité à un habitat sans avoir fait d’inventaire. Beaucoup de sites sont cependant déjà répertoriés qualitativement, comme les zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff), les sites Natura 2000, les espaces boisés classés, les arrêtés de biotope, etc. Ces catégories prennent généralement en compte l’intérêt des Le parc espèces animales et végétales présentes. des Beaumonts, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), fait partie d’un réseau Natura 2000 et comporte une vaste zone de « gestion écologique » à l’abri d’une clôture où paissent quelques vaches et chèvres.
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LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Comment assurer la dispersion d’espèces dans la ville dense ?
Une fois les taches d’habitat identifiées, on peut étudier les corridors existants et leur qualité (largeur, continuité spatiale, type de végétaux, nombre de strates). Dans le cas de continuités forestières, il peut s’agir de haies, de balades plantées, de bords de rivières, de chemins creux, mais aussi d’îlots de jardins privés, de jardins collectifs dès lors qu’ils sont gérés de manière écologique et qu’ils disposent de suffisamment d’arbustes et d’arbres. L’idéal est de prévoir l’évolution du foncier et d’investir dans une communication forte vis-à-vis des riverains concernés pour que leur jardin participe à ces continuités. Il faudrait alors dessiner de vrais périmètres d’objectif encadrant la continuité et faire en sorte que tous les espaces à caractère naturel le bordant ou y participant (quand il a des coupures) soient soumis à contrat d’objectif (cahier des charges). Pour sensibiliser la population à la nécessité de participer au réseau par des actions de gestion pertinentes, l’utilisation d’espèces emblématiques est indispensable, à l’image de Nantes, qui a choisi le hérisson pour communiquer sur les continuités écologiques. L’outil principal pour installer des corridors écologiques en ville reste le plan local d’urbanisme. Des guides réalisés par la municipalité et basés sur son PLU peuvent devenir des moyens puissants de mise en œuvre, tant à l’attention des citadins que des constructeurs. Par exemple, le guide ABC de la qualité environnementale, architecturale et urbaine de la ville de Grenoble devient peu à peu contractuel.
88 Comment assurer la dispersion
d’espèces dans la ville dense ?
On peut concevoir des corridors écologiques sur les marges des villes et parmi les zones pavillonnaires ou les grands ensembles. Mais en ville dense, cela a-t-il un sens de vouloir favoriser une nature sauvage ? Et comment y arriver alors que la pression du foncier ne laisse pas de place pour des espaces verts ? Pourtant, implanter des écosystèmes susceptibles de rendre des services écosystémiques aux citadins est possible, même en centre-ville (services culturels de bien-être et de santé et services de régulation comme l’aide à la dépollution de l’air et l’abaissement de la température). Il n’est bien évidemment pas question d’y faire venir des espèces dangereuses pour l’Homme 156
Comment assurer la dispersion d’espèces dans la ville dense ?
comme les grands mammifères ou certains insectes. Mais un plus grand nombre d’espèces végétales et leur cohorte d’animaux (des pollinisateurs tels que les bourdons jusqu’aux prédateurs d’insectes, par exemple les oiseaux) permet un meilleur fonctionnement écologique des sites. Ici encore, il faudra cependant gérer cette nature en contrôlant certaines espèces trop envahissantes ou problématiques pour la santé de l’Homme, et en favoriser d’autres. Dans tous les cas, il s’agira de trouver un consensus entre horticulture et écologie des espaces. Concrètement, les pistes pour développer une nature sauvage en centre-ville sont peu nombreuses et encore très peu explorées. On retiendra plus particulièrement deux entrées : la végétalisation des trottoirs et des avenues, et celle des bâtiments. Pour le moment, de rares actions sont entreprises sur les trottoirs et avenues. On peut suggérer l’installation de strates supplémentaires sous les arbres d’alignement : arbustes divers, herbes, etc., si les largeurs le permettent. Il faut en effet dépasser 10 m pour que l’impact sur la biodiversité soit sensible. Les noues (ces fossés de pleine terre) représentent un bon moyen de concilier récupération et infiltration des L’orge eaux de pluie, et plantation d’arbustes favorables des rats est arriaux passereaux. La ville de Boston envisage un tel vée spontanément au pied de cet projet. Une des applications les plus suivies auarbre. jourd’hui, dans de nombreuses villes européennes, réside dans la gestion écologique des pieds d’arbres, c’est-à-dire un désherbage limité et des fauches moins régulières. Ainsi, la succession des arbres le long d’avenues et de rues sert de base à la progression par sauts de puce de nombreux insectes et graines. La végétalisation des bâtiments est sans doute l’avenir de la nature en centre-ville mais les toitures végétalisées installées de nos jours ont pour objectif la régulation des eaux de pluie ou l’esthétique, et non pas la biodiversité. Les travaux en cours montrent pourtant qu’il faut peu de choses pour que ces toitures plates deviennent des éléments de corridors écologiques : des épaisseurs de sol plus importantes, et surtout permettre à de grandes herbes et à des arbustes de se développer. Les insectes et oiseaux pourront alors s’y alimenter, voire s’y reproduire, et circuler dans la ville grâce à cette multiplication de « taches » 157
LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Comment assurer la dispersion d’espèces dans la ville dense ?
proches. Des recherches sont également en cours sur la végétalisation des murs, qui peut être très horticole comme on le fait aujourd’hui, mais aussi plus écologique, avec des plantes et des structures ad hoc (enduit particulier…). L’arrosage de ces murs verts reste un des problèmes principaux, qui conduit souvent les réflexions vers l’utilisation d’espèces méditerranéennes ou de falaise. Dans notre équipe du Muséum, Frédéric Madre a conduit une recherche pendant trois ans sur 115 toitures végétalisées au nord de la Loire, de Brest à Strasbourg, puis sur 35 toits et 33 murs en Île de France. Il montre qu’en végétalisant un bâtiment on augmente très significativement la présence des animaux, et donc la possibilité d’un fonctionnement écologique à ces micro-échelles (depuis l’installation des oiseaux et des insectes pollinisateurs jusqu’à la décomposition de litière par des invertébrés). L’épaisseur du substrat et le mode de gestion a une importance fondamentale pour la présence de végétaux spontanés. Parmi ces derniers, même si nous avons identifié quelques espèces rares (des orchidées !), il s’agit surtout d’espèces communes qui Favoriser se déplacent facilement. la biodiversité Sur les toitures, ces espèces sont caractéristiques d’essur les toitures paces ouverts et secs. Le problème du maintien de la végétation se pose à la fois au niveau hydrique (la sécheresse et les murs constitue la cause première des disparitions de plantes) et au végétalisés niveau des nutriments (on met régulièrement de l’engrais pour maintenir sedums ou graminées dans des épaisseurs de substrat insuffisantes pour que le sol fonctionne réellement). Nous suggérons de concevoir à la fois un développement de biodiversité spontanée en laissant des espaces libres et une végétalisation mixte avec quelques herbacées et arbustes. Un buttage peut permettre, avec une même charge de substrat (20 cm en moyenne avec des variations entre 5 et 25 cm), la coexistence de zones plus ou moins profondes et donc plus ou moins humides. Les arbustes sont installés en sommet de butte. En automne, les graminées et les feuilles mortes des arbustes contribuent à l’enrichissement du substrat au même titre que l’apport par la faune (mortalité des espèces, fèces, transport de matériaux, etc.). Un écosystème du sol performant est la meilleure garantie du bon maintien des plantes. Quant aux murs, l’exercice est plus délicat tant le problème de l’eau est primordial pour les plantes en situation verticale et explique que la plupart des murs végétalisés sont aujourd’hui irrigués. Les invertébrés que nous avons identifiés sont d’ailleurs majoritairement des espèces d’espaces humides et confinés. Compte tenu des surfaces potentielles, en ville dense, des pignons et façades végétalisables, et l’enjeu qu’elles représenteraient dans une ville plus écologique (ambiance, bien-être mais aussi tamponnage des pollutions atmosphériques, régulation thermique et filtration des eaux de pluie), les recherches sur le choix des espèces,
158
Quel rôle peut jouer le citadin ?
l’organisation des plantations et les limitations d’alimentation en eau doivent être largement encouragées pour trouver des solutions intermédiaires entre la plantation de végétaux grimpants en bas du mur et l’installation d’un mur hydroponique coûteux avec nombreuses espèces exotiques. Éléments en céramique, bétons poreux, Exemple enduits ensemencés, grandes jardinières, etc. : ces matériaux d’une toiture végétalisée favorisant et méthodes innovants font actuellement l’objet de tests.
Nichoirs pour différentes espèces d’oiseaux
Dortoir à chauve-souris
Hôtel à insectes
Plantation d’arbustes (sélection d’espèces locales adaptées)
le développement d’une biodiversité spontanée.
Structures permettant l’installation d’espèces animales particulières : bois mort, tas de pierres, zones sableuses…
Buttage permettant l’implantation d’arbustes (épaisseur du sol sur le toit entre 5 et 25 cm) Zone humide créée grâce à une membrane dans le substrat
Grandes zones de substrat laissées nues pour accueillir les espèces végétales spontanées
89 Quel rôle peut jouer le citadin ? Ici encore, on peut avoir une lecture à deux échelles. Un petit jardin ou une grande terrasse peuvent jouer un rôle en tant que ressource ponctuelle et refuge local pour de petites espèces sauvages, animales ou végétales, mais aussi participer plus largement au verdissement du quartier et au fonctionnement des corridors écologiques urbains. La gestion des espaces publics, même si elle était totalement écologique, ne suffirait pas à permettre la dispersion des espèces dans tous les quartiers de la ville, y compris dans le centre. Ce sont bien les propriétaires privés de jardins, terrasses, grands balcons, 159
LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Quel rôle peut jouer le citadin ?
façades, toitures plates, qui peuvent, en choisissant les « bonnes » plantes (plantes non invasives, locales, bien adaptées aux conditions écologiques du jardin…) et les « bonnes » méthodes (abandon des produits phytosanitaires et destruction au moins partielle des murs qui délimitent les parcelles), verdir la ville elle-même. L’action de chacun contribuera à cette ville de demain. Nous défendons aujourd’hui une mise en œuvre de trame verte par les municipalités avec une gestion écologique des espaces publics, complétée par une action participative des citadins, notamment les D’un noyau propriétaires de jardins, qui représentent les plus d’habitat à un grandes surfaces de végétation dans une ville. autre, les jardins urbains (ici à Madrid) composent des « pas japonais » utiles à la circulation des animaux.
L’expérience des jardins naturels de la ville de Bruxelles présente de multiples intérêts. Une association de protection des oiseaux a incité les citadins à laisser en friche une petite partie de leur jardin, généralement trop entretenu. L’objectif était d’augmenter localement les insectes et oiseaux, qui trouveraient alors refuge dans ces petits bouts de nature sauvage. Les citadins ont joué le jeu et les résultats semblent avoir dépassé les espérances de l’association puisque, non seulement le nombre d’espèces dans les îlots concernés s’est accru, mais 160
Quel rôle peut jouer le citadin ?
l’initiative a engendré un sentiment d’appartenance à une action collective quand les gens ont discuté des écureuils ou des oiseaux qui passaient d’un jardin à l’autre. Tout comme les jardins partagés, cette action a construit du lien social. Oui, la nature peut être un élément fort de sociabilité… un service écologique à ajouter à notre liste ! Le jardin des particuliers a longtemps été un potager. Sa fonction essentielle était de produire des fruits et des légumes. Ces jardins, courants en milieu rural, étaient aussi présents en ville au début du xixe siècle. D’autres jardinets existaient, plutôt proches des centresvilles : ceux des demeures bourgeoises qui, sur quelques Petite mètres carrés parfois, montraient quelques belles espèces histoire exotiques (palmier, araucaria…) rapportées peu avant par des jardins les explorateurs. Les jardins ouvriers, qui devinrent plus tard des « jardins familiaux », apparaissent dès le début du xxe privés siècle en lisière des villes et le long des voies de chemin de fer. L’image et l’usage du jardin change sensiblement dans la deuxième moitié du xxe siècle : les maisons individuelles, construites en très grand nombre pour répondre aux besoins d’individualisme et de confort, vont toutes s’entourer de jardins avec pelouse rase, saule pleureur et haie limitrophe de persistants (thuyas). Ce jardin, que nous dénommons « jardin détente », devient une constante de la plupart des extensions urbaines. Aux États-Unis, la pelouse est promue comme vitrine de la propreté de la maison et la tonte comme exercice salutaire du week-end ; en surface, la pelouse tondue est la première culture des États-Unis, avec 10 millions d’hectares ! Aujourd’hui, ces jardins de détente sont les plus nombreux dans le milieu urbain et continuent à former le système normatif de tout lotissement ou ZAC. Il existe cependant toujours des jardins familiaux, et les municipalités encouragent vivement les « jardins partagés » qui, notamment au sein de quartiers denses, constituent des zones de respiration et surtout créent du lien social. Les voisins se retrouvent autour d’activités communes de jardinage, production de fruits, légumes ou fleurs. Enfin, dans les années 1980 sont apparus des « jardins naturels ». Souvent initiés par des associations naturalistes (Ligue royale belge pour la protection des oiseaux), et en France, la Société nationale de protection de la nature), ils préconisent que les particuliers laissent une partie de leur jardin devenir un secteur sauvage, avec une gestion minimale permettant l’arrivée progressive de nombreuses espèces végétales spontanées. La création d’une mare avec des bordures plantées de roseaux favorise aussi l’installation d’animaux. Même si le jardin est petit, la succession ou la juxtaposition de telles surfaces maintient une biodiversité dans certains îlots urbains. Cette tendance reste marginale mais prend de l’ampleur depuis quelques années.
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LA VILLE DE DEMAIN EST-ELLE VERTE ?
Un nouvel urbanisme pour une ville durable ?
90 Un nouvel urbanisme pour une ville
durable ?
Pour nous, la ville durable est une ville qui, bien sûr, tient compte des objectifs d’équilibre entre économie, social et environnement. Aujourd’hui, l’environnement est surtout abordé à travers les préoccupations légitimes de limitation des dépenses énergétiques face à la réduction des ressources non renouvelables (eau, gaz, pétrole…). On n’entend donc plus seulement « environnement » au sens d’une réduction des pollutions urbaines, mais aussi, aujourd’hui, à celui de précaution énergétique, notamment pour la construction des bâtiments. C’est ce que traduit la norme haute qualité environnementale (HQE) avec ses 14 cibles d’éco-construction, d’éco-gestion, de confort et de santé. Nous pensons que cet exercice est bien évidement fondamental mais qu’il faut le dépasser : on doit inclure la nature avec sa composante de biodiversité dans les réflexions actuelles d’architecture et d’urbanisme. Et ce, à l’échelle du bâtiment avec ses murs ou toitures végétalisées comme à l’échelle du quartier avec ses parcs, corridors écologiques et jardins naturels. À l’échelle du bâti, peu de choses sont réalisées, même si quelques artistes verdissent des pignons. Des discussions sont cependant en cours pour intégrer les objectifs de protection et de développement de la biodiversité aux projets d’architecture. À l’échelle de l’urbanisme, il faut impliquer bâti et non-bâti en amont de la réflexion, et non plus comme la dernière préoccupation de l’urbaniste, qui répond la plupart du temps à un cahier des charges uniquement ciblé sur le nombre de logements ou de places de parking. L’aménagement ne sera durable que si le projet urbain est construit par une équipe composée, à la base, d’urbanistes, de paysagistes, d’écologues, de jardiniers et de sociologues. Enfin, il faut que, dans l’éco-bâtiment, l’éco-quartier ou l’éco-ville, « éco » ne soit pas juste un adjectif vendeur motivé par un bâtiment HQE ou une récupération centralisée des déchets, mais représente l’ensemble de ce qui construit la durabilité (co-construction avec les citadins, prise en compte des éléments naturels et des flux, équilibre entre esthétisme et bien-être, réduction maximale de la présence des voitures, etc.). Cessons d’opposer à toute modification d’objectif écologique le prix du foncier. Il s’agit bien d’un projet de société ! 162
Espèces et espaces : définitions Une espèce dite sauvage ou spontanée se reproduit et maintient des populations viables régionalement sans l’aide de l’Homme. Une espèce exotique est une espèce originaire de contrées lointaines et qui a été introduite par l’Homme. Des espèces animales (pour la chasse par exemple) ou des plantes (pour les jardins par exemple) ont été acclimatées et parfois sélectionnées pour certains de leurs caractères. Une espèce généraliste est une espèce qui peut accomplir son cycle de vie dans des milieux très différents. Par exemple, on retrouvera les ronces ou le lierre aussi bien en forêt qu’en milieu agricole ou humide. Les espèces généralistes animales sont souvent omnivores, comme le renard ou la corneille. Une espèce spécialiste est, elle, inféodée à un seul type de milieu. Elle est plus performante dans son exploitation de l’habitat mais plus sensible à la fragmentation. Par exemple, le muguet typiquement forestier ou le busard, familier des marais. Un biotope est l’ensemble des caractéristiques abiotiques (composantes minérales, atmosphériques, chimiques, etc.) de l’écosystème. Une biocénose est l’ensemble des espèces vivantes dans un écosystème. Cette notion intègre donc aussi les interactions entre ces espèces. Un écosystème est une unité fonctionnelle écologique, composé d’une biocénose et d’un biotope. Il se caractérise par un ensemble d’interactions fortes entre ces différents éléments. La notion d’habitat, qui peut être parfois identique à la notion de milieu, correspond au support, donc au biotope, mais on peut parler d’un habitat très restreint pour certaines espèces (l’habitat du pou, c’est les cheveux). L’habitat est la partie d’un biotope utilisée par une espèce, ou un groupe d’espèces.
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Bibliographie
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90 clés pour comprendre la nature en ville
Un refuge pour la biodiversité ? 1
La ville, un monde à part ?
9
2
Peut-on vraiment parler de biodiversité en ville ?
11
3
Vivre en ville, c’est vivre mieux ?
15
4
À quoi ressemble l’automne sous les lampadaires ?
18
5
La cité fait-elle peur aux prédateurs ?
19
6
Qui visite nos poubelles ?
21
7
Où se cache la biodiversité en ville ?
22
8
Qui a fui la ville ?
26
9
Les pollinisateurs trouvent-ils de quoi butiner ?
27
10 Les abeilles de la cité sont-elles en meilleure santé ?
29
11 Qui sont les nouveaux venus ?
30
12 La ville étouffe-t-elle le sol ?
32
13 Y a-t-il plus de rhumes des foins dans la cité ?
34
14 Pleut-il des pesticides sur la ville ?
34
15 Habiter en ville change-t-il les habitudes ?
35
16 Qui a droit de cité ?
37
17 Qui sont les indésirables ?
39
165
Des espaces verts dans la ville 18 Quelle est la ville la plus verte du monde ? 19 À quoi servent les jardins ?
43 44
20 Pourquoi planter des arbres en ville ?
47
21 Comment un arbre peut-il vivre dans un trottoir ?
49
22 Y a-t-il des OGM en ville ?
51
23 Les géraniums comptent-ils dans la biodiversité ?
51
24 Plantes d’ici ou d’ailleurs ?
52
25 Peut-on tout faire pousser dans un milieu artificiel ?
55
26 Les jardins sont-ils trop propres ?
56
27 Le potager participe-t-il à la biodiversité urbaine ?
58
28 Les plantes en ville sont-elles plus ou moins malades que les autres ?
61
29 Y a-t-il trop de sel en hiver ?
62
30 Peut-on cultiver des plantes sauvages en ville ?
62
La course des plantes sauvages 31 Quelles sont les perce-bitume ?
65
32 Où vivent les sauvageonnes ?
67
33 Quelles sont les plus grandes baroudeuses ?
69
34 Y a-t-il moins de plantes en ville qu’à la campagne ?
70
35 Y a-t-il des plantes rares en ville ?
71
36 Quelles plantes préfèrent vivre en ville ?
72
37 Quelles sont les 10 plantes sauvages les plus fréquentes en ville ?
74
38 Quelles plantes poussent sur les toits ?
75
39 La pollution gêne-t-elle les plantes ?
77
40 Qui pollinise les fleurs des villes ?
79
41 Comment voyagent les graines des immigrantes ?
80
42 Les plantes citadines vivent-elles au même rythme que dans la nature ?
82
43 Les lichens ont-ils déserté les grandes villes ?
83
44 Pourquoi les vieux murs accueillent-ils les mousses ?
84
45 Peut-on manger les champignons des villes ?
84
46 Quelles plantes vivent dans le lit des rivières ?
85
47 La friche a-t-elle encore sa place en ville ?
87
Les animaux sauvages, de nouveaux résidents 48 Les villes sont-elles devenues un asile pour les oiseaux migrateurs ?
166
89
49 Qui vit en permanence dans nos cités ?
91
50 Qui a changé son menu pour vivre en ville ?
94
51 Qui préfère se marier à la campagne ?
95
52 Pourquoi de plus en plus de corneilles et de pies ?
96
53 La pollution gêne-t-elle les animaux ?
97
54 Qui s’installe en colonie dans la ville ? 55 Y a-t-il pour l’Homme des risques de promiscuité avec la faune ? 56 Les chauves-souris sont-elles citadines ?
98 99 100
57 Peut-on vraiment croiser un crocodile dans les égouts ?
101
58 Les sangliers sont-ils les nouveaux vandales ?
103
59 Les renards font-ils leurs courses au centre-ville ?
103
60 Où se cachent les fourmilières ?
105
61 Y a-t-il trop de pigeons ?
106
62 Comment les mouettes sont-elles arrivées à Paris ?
108
Les envahisseurs 63 Les exotiques sont-ils des envahisseurs ?
111
64 Où se cachent les plantes exotiques ?
113
65 Les perroquets vont-ils détrôner les moineaux ?
114
66 Les écureuils roux ont-ils du souci à se faire ?
116
67 Le ragondin est-il dangereux ?
117
68 Y a-t-il des rats dans le métro ?
118
69 Les anciennes épidémies sont-elles de retour ?
119
70 Donner à manger aux oiseaux est-il un acte civique ?
121
71 Quels sont les nouveaux envahisseurs ?
123
72 Comment les ratons-laveurs s’installent-ils en ville ?
125
73 Comment une espèce peut-elle proliférer ?
126
74 Les invasives finissent-elles par s’intégrer aux populations locales ?
128
75 Est-il interdit de cultiver certaines plantes ?
129
76 Quelles sont les principales pestes végétales des cités ?
132
77 Y a-t-il plus de moustiques en ville ?
133
78 Y aura-t-il encore des palmiers à Nice en 2020 ?
134
79 Comment contenir les envahisseurs ?
135
80 Le changement climatique va-t-il modifier la biodiversité dans les villes ?
138
La ville de demain est-elle verte ? 81 La ville a-t-elle changé, ces dernières décennies ?
141
82 La ville grignote-t-elle trop la campagne ?
143
83 Les services écologiques, c’est quoi ?
145
84 Un urbanisme plus vert, pourquoi ?
147
85 Les paysagistes prennent-ils le virage de l’écologie urbaine ?
148
86 Qu’est-ce que les trames vertes et bleues ?
150
87 Comment intégrer des corridors écologiques en ville ?
154
88 Comment assurer la dispersion d’espèces dans la ville dense ?
156
89 Quel rôle peut jouer le citadin ?
159
90 Un nouvel urbanisme pour une ville durable ?
162
167
Crédits iconographiques Photos de Philippe Clergeau : pages 5 bas milieu et droite, 12, 16, 20 haut, 24, 25, 28, 31, 32, 38, 39, 41, 45 bas, 53, 69, 78, 79, 81 gauche, 83, 84, 86, 87, 90, 92, 93, 94, 96, 106, 107 haut, 109, 111, 115, 116, 123, 130 haut, 133, 136, 137, 139, 141, 142, 147, 149, 151, 154, 157 et 160. Photos de Nathalie Machon : pages 5 haut, 10, 49, 63, 65, 66, 67, 71, 72, 74, 75, 76, 113, 127 et 130 bas. Photos de Jean Weber/Inra : 1re de couverture et, en 4e de couverture, mésanges et rucher. Pages 4, 5 bas gauche, 6, 9, 18, 20 bas, 21, 30, 42, 43, 45 haut, 46 haut et bas, 50, 52, 54, 56, 81 droite, 88, 89, 107 bas, 110, 122, 140, 144, 153, 163 et 165. Photos de Sylvie Blanchard : pages 23, 57, 59, 64, 85, 146 et 155. Autres photos : 4e de couverture haut gauche : Paul Mounier-Piron ; p. 104 : René Canta/Inra ; p. 14 : Laure Turcati ; p. 40 et 131 : photothèque Inra ; p. 105 : Marie-Christine Lhopital/Inra ; p. 117 : J.-L. Chapuis ; p. 119 : Michel Pascal/Inra ; p. 125 : Denis Thiery/Inra ; p. 134 et 135 : Catherine Ducatillon. Dessin page 159 : Frédéric Madre.
Illustrations photographiques En couverture : aire de jeux sur la Coulée verte (Paris 12e). Page 4 : la promenade plantée de la Coulée verte. Page 5 haut : cymbalaire des murailles. Page 6 : barge plantée, sur la Seine, à Paris. Page 9 : Enghien-les-Bains (Val-d’Oise). Page 43 : Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Page 64 : parc de l’île Saint-Germain (Hauts-de-Seine). Page 65 : vieux mur colonisé par des centranthes à Ouessant (Finistère). Page 88 : avenue Charles-de-Gaulle, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Page 89 : mésanges charbonnières et moineau en hiver. Page 110 : musée du Quai Branly (Paris 15e). Page 111 : ailante. Page 140 : Jardin des senteurs, à Versailles (Yvelines). Page 141 : potager sur le toit de l’école AgroParisTech (Paris 5e).
Coordination éditoriale : Véronique Leclerc Édition : Sylvie Blanchard Création maquette : Gwendolin Butter Mise en page et couverture : Paul Mounier-Piron Imprimeur : BETA Barcelone
L
a nature est de plus en plus présente dans la ville, non seulement parce qu’on y plante de plus en plus d’arbres, d’arbustes et de fleurs, mais surtout parce que la gestion des espaces verts et des jardins devient plus écologique. De ce fait, des végétaux et animaux inhabituels profitent de ces lieux. À côté de nos espèces horticoles et domestiques, on peut ainsi observer des espèces sauvages. Certaines d’entre elles s’adaptent, d’autres pullulent, beaucoup nous surprennent…
Même en ville, la nature nous rend des services, comme offrir des espaces de détente ou abaisser la température ambiante. L’enjeu d’améliorer la qualité de vie des citadins, de plus en plus nombreux dans le monde, compte parmi les multiples raisons d’imaginer une ville écologiquement durable. La pollution gêne-t-elle les plantes ? Les abeilles de la cité sontelles en meilleure santé ? Comment mesurer la biodiversité en ville ? Quelle est la ville la plus verte du monde ? Les réponses aux 90 questions de ce livre permettront de ne plus simplement considérer la nature en ville comme une présence de verdure mais de la comprendre en tant que milieu complexe, centre d’intérêt tant pour le naturaliste, le chercheur et le gestionnaire que pour le citadin, qui pourra contribuer aux sciences participatives. Les auteurs, tous deux professeurs au Muséum national d’histoire naturelle, sont spécialistes de la biodiversité urbaine. Philippe Clergeau consacre ses recherches aux modalités d’installation de la biodiversité, depuis les bâtiments végétalisés jusqu’aux trames vertes urbaines. Il anime de nombreux travaux interdisciplinaires sur le projet urbain écologique. Nathalie Machon travaille sur le fonctionnement écologique des populations et communautés végétales en ville, ainsi que sur les pratiques de gestion qui améliorent la qualité de la biodiversité.
20,50 € ISBN : 978-2-7592-2214-8
Éditions Cirad, Ifremer, Inra, Irstea www.quae.com
ISSN : 2261-3188 Réf. : 02446