Organisation et aménagement de l'espace rural au Maroc: Recherches et Actions Fr [2] 9789981593251


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Table of contents :
SOMMAIRE
􀁑 Remerciement
Préambule
􀁑 Recherche scientifique sur le monde rural : expérience d'un groupe de recherche
Mohamed HANZAZ, Abdelali FATEH,
􀁑 Quelle place pour la géographie rurale dans l'enseignement universitaire?
Pascale GOUIN LEVEQUE
􀁑 Périurbanisation au Maroc : concepts et réalités
Abdelkhaleq KHALIL
􀁑 Urbanisation et empiétement sur les terres irriguées de Tadla : cas de Fkih Ben Salah et
de Sebt Ouled Nemma.
Abdelmajid ZMOU
􀁑 Centres ruraux et développement des montagnes au Maroc : cas du Haut Atlas Central
Abderrahim MARZOUKI
􀁑 Littoralisation des provinces du sud marocain: cas d' Eddakhla - Oued Eddahab
Abdelkabir BAHANI
􀁑 Projet de Développement Rural Intégré dans le Haut Atlas Occidental: cas de
la commune Ouneine,
Mohamed JADAOUI.
􀁑 Contribution des associations de proximité au développement de la Province de Zagora
Ahmed Toufik ZAINABI
􀁑 La région comme cadre de développement: apport du regard français sur sa pertinence
Pascale GOUIN LEVEQUE

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Organisation et aménagement de l'espace rural au Maroc: Recherches et Actions Fr [2]
 9789981593251

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Titre de l'ouvrage :

Organisation et aménagement de l'espace rural au Maroc: Recherches et actions

Coordination:

Mokhtar LAKHAL, Abdelali FATEH, Mohamed HANZAZ

Couverture:

Abdelali FATEH

Editeurs:

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines- Rabat, Institut des Etudes Africaines, Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme,

Série:

Colloques et Séminaires n°186

Edition:

1ère édition 1437/2016

© Droits de publication:

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines- Rabat, Institut des Etudes Africaines, Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme,

Dépôt légal:

2015MO3786

ISBN:

978-9981-59-325-1

Imprimerie :

El Maarif Al Jadida - Rabat - 2016

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Comité scientifique

• Ismail ALAOUI • Moussa KERZAZI • Mokhtar LAKHAL • Mohamed AIT HAMZA • Mohamed TAILASSANE • Brahim AKDIM

• Driss CHAHHOU • Miloud CHAKER • Mohamed EL ASSAAD • Abdelaziz ADIDI • Yahya ABOU EL FARAH • Hassan EL MBARKI

• Mohamed HANZAZ

Comité de lecture

• Moussa KERZAZI • Mokhtar LAKHAL

• Mohamed HANZAZ • Abdelali FATEH

• Mohamed AIT HAMZA

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SOMMAIRE Remerciement

.................................................................................................................................................................. 9

Préambule.............................................................................................................................................................................. 11 Recherche scientifique sur le monde rural : expérience d'un groupe de recherche Mohamed HANZAZ, Abdelali FATEH, ................................................................................................ 15 Quelle place pour la géographie rurale dans l'enseignement universitaire? Pascale GOUIN LEVEQUE................................................................................................................................ 23 Périurbanisation au Maroc : concepts et réalités Abdelkhaleq KHALIL ............................................................................................................................................ 31 Urbanisation et empiétement sur les terres irriguées de Tadla : cas de Fkih Ben Salah et de Sebt Ouled Nemma. Abdelmajid ZMOU.................................................................................................................................................... 43 Centres ruraux et développement des montagnes au Maroc : cas du Haut Atlas Central Abderrahim MARZOUKI .................................................................................................................................. 55

Littoralisation des provinces du sud marocain: cas d' Eddakhla - Oued Eddahab Abdelkabir BAHANI ............................................................................................................................................... 71 Projet de Développement Rural Intégré dans le Haut Atlas Occidental: cas de la commune Ouneine, Mohamed JADAOUI............................................................................................................................................... 85 Contribution des associations de proximité au développement de la Province de Zagora Ahmed Toufik ZAINABI ...................................................................................................................................... 99 La région comme cadre de développement: apport du regard français sur sa pertinence Pascale GOUIN LEVEQUE................................................................................................................................ 111 Dossier spécial sur le 10ème aniversaire du Groupe de Recherche sur le Monde Rural (GREMR) ............................................................................................................................................................................. 121 Articles en arabe

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Remerciement L'ouvrage que nous présentons à nos chers lecteurs, intitulé «ORGANISATION ET AMENAGEMENT DE L'ESPACE RURAL AU MAROC : RECHERCHES ET ACTIONS», est le fruit des travaux du colloque national, tenu les 17 et 18 mai 2012 à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Mohammed V-Rabat. Les réflexions scientifiques sur la dynamique des campagnes que cet ouvrage synthétise ont été présentées et discutées par des professeurs universitaires, des acteurs politiques, associatifs et des doctorants relevant de plusieurs universités et instituts supérieurs marocains et étrangers. Le colloque était un évènement distingué. Il coïncidait avec la célébration du dixième anniversaire du « Groupe de Recherche sur le Monde Rural» (GREMR). Ses membres ont saisi cette occasion pour présenter le bilan de leurs travaux scientifiques et pédagogiques sur les campagnes marocaines, et pour rendre hommage au coordinateur du groupe et l'un de ses principaux fondateurs, le Professeur Moussa KERZAZI qui a assumé plusieurs responsabilités, entre autres : ancien Chef du Département de Géographie (2007-2011), membre du Conseil de la FLSH, Université Mohammed V-Rabat, Conseiller communal à Rabat (20032009), acteur associatif, syndicaliste engagé durant trois décennies au sein du « Syndicat National de l'Enseignement Supérieur ». Profitant de la publication de cet ouvrage, nous adressons nos vifs remerciements à tous les participants à la cérémonie d'hommage au Professeur Moussa KERZAZI, en particulier, Messieurs Mohamed Amine SBIHI, Ministre de la Culture, Ismail ALAOUI, ex-ministre, successivement, de l'Education Nationale et de l'Agriculture, le Professeur Brahim AKDIM, Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Fès-Saïs, le Professeur Mohamed REFFAS, ex -Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Meknès et à ceux qui ont présenté des témoignages de reconnaissance en sa faveur : à savoir Messieurs Driss FASSI, Ismaïl ALAOUI, Mohamed MOKTARY, Mohamed TAILASSANE, Abdelaziz ADIDI, Yahya ABOU EL FARAH, M'hamed GRINE, Mokhtar LAKHAL, Abdelali FATEH, Mohammed EL ASSAAD, Abdelkebir BALAOUCHOU et Moussa EL MALKI. A la même occasion, nous présentons nos marques de gratitude à tous nos partenaires et tous ceux qui ont déployé des efforts louables pour la réussite de cet évènement, tant au niveau scientifique qu'organisationnel, en premier lieu, les membres du comité d'organisation du colloque, les Professeurs Mohamed MOKTARY, Mohamed TAILASSANE, Abdelali FATEH, Mohamed AÏT HAMZA, Mohamed HANZAZ, Mokhtar LAKHAL, Driss CHAHHOU, Mohamed SAIDI, Abdelmajid SAHNOUNI, Mohammed EL ASSAAD, Miloud CHAKER, Moussa KERZAZI et les étudiants actifs du « Forum des Jeunes Géographes pour la Recherche et le Développement ».

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Nous tenons, aussi, à présenter notre sincère reconnaissance aux collègues et étudiants-chercheurs relevant de différentes universités et instituts supérieurs qui ont répondu favorablement à notre invitation, en vue de participer audit colloque. Il s'agit, des universités Mohammed V, Ibnou Zohr, Cadi Ayyad, Sidi Mohammed Ben Abdellah, Hassan II de Casablanca et Mohammedia, Abdelmalek Essaâdi, Moulay Ismail, Ibnou Tofaïl, Chouaïb Doukkali; en plus de l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme et l'Institut des Etudes Africaines. Notre haute considération va, également, à tous les établissements qui ont contribué à la publication de cet ouvrage, la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, en la personne de son Doyen Monsieur Jamal Eddine EL HANI, l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme, en la personne de son Directeur Monsieur Abdelaziz ADIDI, et l'Institut des Etudes Africaines, en la personne de son Directeur Monsieur Yahya ABOU EL FARAH

Les coordonnateurs: Mokhtar LAKHAL, Abdelali FATEH,

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Mohamed HANZAZ

Préambule Les campagnes marocaines ont été le théâtre d’une série d’actions publiques qui ont foncièrement impacté l'organisation de l'espace. La politique rurale au Maroc a connu, globalement, trois grandes phases. Jusqu’aux années quatre-vingt, l'aménagement rural était une affaire de l'Etat dans la mesure où il a pris en charge, non seulement la réalisation des grands projets structurants, mais aussi des équipements de proximité. Cependant, la mise en œuvre du programme d'ajustement structurel en 1983 a dissuadé l’Etat de changer sa stratégie en abandonnant peu à peu sa fonction d’aménageur potentiel pour se contenter d’un rôle de facilitateur au profit du secteur privé qui a bénéficié de plusieurs avantages en vue de booster le développement rural. En l’an 2000, avec la libéralisation des échanges, la privatisation du patrimoine foncier de l’Etat (SODEA, SOGETA), la pression continue des investisseurs agricoles et la complexité des relations dialectiques entre le pouvoir central et le pouvoir local à la suite de la montée vertigineuse du nombre des associations et des coopératives locales, l’Etat se positionne, à la fois, en tant que régulateur et meneur du développement territorial. Il va sans dire que la multiplicité des politiques rurales et la diversification de leurs programmes ont entraîné des mutations sociales et spatiales continues, auxquelles les populations rurales tentent de s'adapter, en tirant profit des opportunités qui leur sont offertes, selon les modes de production et de consommation spécifiques à chaque région. De ce fait, les changements constatés dans les campagnes marocaines sont, à l'origine, propulsés par une politique publique volontariste, qui consiste à renforcer la compétitivité des espaces ruraux tout en s’appuyant sur des actions tantôt ascendantes, tantôt partagées. Il s’agit de consolider le rôle des communes territoriales en tant qu’unités administratives de base et locomotives de développement rural, de promouvoir les grands centres ruraux au rang de municipalités, dans le cadre de l’urbanisation intermédiaire, de renforcer les équipements de proximité, de généraliser l’accès à l’eau potable et à l'électricité, de désenclaver les zones inaccessibles. A ceux-ci s’ajoutent les actions d'envergure menées dans le cadre du Plan Maroc Vert, de l'Initiative Nationale du Développement Humain (INDH) et des chantiers de développement dans les provinces du sud (2016). Par la réalisation de ces projets, les pouvoirs publics sont en passe de mettre en place une politique qui ambitionne, à la fois, la structuration de l'espace rural, l'amélioration des conditions de vie des ruraux et le renforcement de la compétitivité territoriale des campagnes dans le cadre d’une approche de développement durable. Toutefois, ces interventions ponctuelles n'ont pas été opérées d'une manière équitable sur l'ensemble du territoire marocain, dans la mesure où elles diffèrent d'un territoire à l'autre selon les potentialités économiques disponibles. Ceci a accentué le degré des déséquilibres entre les espaces ruraux en termes d’infrastructures et de services sociaux de base, tant dans les domaines de l’enseignement et de la santé, qu’en ce qui concerne l’eau, l’électricité, les routes rurales ; et a provoqué la précarité, voire la vulnérabilité d’un nombre important des ruraux. En 2015, plus de 29 mille Douars, soit environ 8 millions d’habitants, répartis dans

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1272 communes, souffrent d’un tel déficit, notamment dans les zones de montagnes, les hauts plateaux et les oasis. Pour appréhender les aspects de l’organisation de l’espace rural marocain, les processus de son évolution temporelle et spatiale et mettre en évidence ses défis à différentes échelles, il s'avère nécessaire que la dynamique de ses espaces fasse l'objet de recherche permanente. L’approche systémique qui privilégie l’analyse des phénomènes socioéconomiques et spatiaux dans leur complexité semble un outil de grande utilité à ce sujet. Sa déclinaison en diagnostic territorial permettra de déterminer les potentialités à valoriser, les contraintes à atténuer, ainsi que les enjeux qui les transcendent, afin d'assurer un développement harmonieux et durable des espaces ruraux. Le diagnostic constitue une condition préalable à l'élaboration de toute stratégie de développement territorial. C'est dans ce cadre que des chercheurs universitaires et des acteurs politiques et associatifs se sont rencontrés les 17 et 18 mai 2012 à Rabat, à l'occasion du 10ème anniversaire du Groupe de Recherche sur le Monde Rural (GREMR), pour approfondir le débat sur la recherche en géographie et son apport en ce qui concerne le développement du monde rural. Les participants à cette rencontre scientifique ont présenté des communications portant sur les problématiques majeures des campagnes marocaines. En outre, certaines études de cas ont analysé les contraintes qui entravent le développement rural, d’autres ont mis l’accent sur les actions menées par les organismes internationaux, les acteurs locaux, et ce, dans leur relation avec la politique de développement rural au Maroc. Dans un souci de diffusion et de partage, le présent ouvrage présente l'essentiel des travaux et des débats de ce colloque qui a fait appel, sans prétention à l'exclusivité, à une trentaine d'auteurs, particulièrement impliqués dans la réflexion sur la dynamique des espaces ruraux. Cet ouvrage fait une grande place à la recherche en géographie sur l'espace rural. En raison de ses méthodes et ses approches, la géographie a été analysée sous l'angle de son positionnement eu égard aux différentes disciplines inhérentes à la planification et à l'aménagement, ainsi que son accompagnement des transformations sociospatiales et ses perspectives d’avenir. Par ailleurs, l'urbanisation des campagnes, notamment des zones périphériques de grandes villes, a été développée sous de nouvelles méthodes, mettant en avant les facteurs intrinsèques d'ordre juridique, urbanistique et foncier, responsables des transformations rapides des espaces ruraux. Les changements ont été discutés à la lumière des enjeux liés à la gestion des banlieues et des zones périurbaines, à la complexité de leurs positions entre le rural et l'urbain, et à la diversité de leurs fonctions. Le développement durable, dans sa relation étroite avec l'efficacité économique et sociale, a été profondément étudié. A ce propos, il a été noté l'intérêt que revêtent l’économie sociale et les produits de terroir dans la stabilité des revenus des populations rurales. Le but est de valoriser la production agricole et artisanale, en relation avec le tourisme rural, de garantir la durabilité des ressources naturelles, de préserver le savoir-faire local et de promouvoir le 12

patrimoine culturel. Ce système productif est soutenu par l'existence d'une demande grandissante du marché mondial et national, qui encourage, de plus en plus, la consommation des produits « bio », portant le label de l'Identification Géographique Protégée (IGP). Le rôle primordial que joue la société civile impliquée dans les actions relatives à l'économie solidaire et sociale a été analysé à partir des expériences vécues dans différentes régions du Maroc (Haut, Moyen Atlas et oasis…). En vue de maîtriser les différents aspects de l'action associative, les auteurs ont fait recours au diagnostic participatif, en tant qu'approche efficiente, pour évaluer l'impact des activités des associations sur le développement local. L'ouvrage s'est consacré, également, à la question de la région et de la régionalisation (l’expérience française), à la problématique de l’urbanisation dans les périmètres irrigués (cas de Tadla), à la participation de la femme rurale au développement, et à la requalification des ressources humaines, en tenant compte de l'approche genre. Vu l'importance de l'évènement du 10ème anniversaire du GREMR qui a donné naissance à cet ouvrage, celui-ci comprend un dossier spécial, faisant référence aux allocutions rendant hommage au Professeur Moussa KERZAZI et le bilan décennal du « Groupe de Recherche sur le Monde Rural ». Ce 7ème ouvrage, que nous avons l'honneur de présenter aux chers lecteurs, s'inscrit dans une logique de continuité d'une série de publications coordonnées et éditées par le « GREMR » relevant de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Mohammed V-Rabat.

Les coordonnateurs: Mokhtar LAKHAL, Abdelali FATEH, Mohamed HANZAZ

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Recherche scientifique sur le monde rural : expérience d'un groupe de recherche Mohamed HANZAZ*, Abdelali FATEH **

Résumé : Les espaces ruraux marocains connaissent des changements accélérés, liés à l’intervention de plusieurs acteurs publics et privés. Ces interventions ponctuelles et sélectives ont créé un déséquilibre spatial flagrant entre les différentes régions. Pour appréhender les mécanismes de ces mutations, le Groupe de Recherche sur le Monde Rural (GREMR) a focalisé ses travaux sur les problématiques relatives aux campagnes marocaines. L’objectif de cet article est de partager avec les chercheurs et les acteurs l'expérience dudit groupe, dans le domaine de la recherche et la formation pédagogique afférentes à l'espace rural. Mot clès : La recherche géographique sur l’espace rural, développement du territoire, Groupe de Recherche sur la Monde Rural (GREMR).

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* Enseignant - chercheur, Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme - Rabat, et membre du GREMR ** Enseignant - chercheur, coordinateur du GREMR (2015), Département de géographie - Université Mohammed V, FLSH - Rabat.

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systémique leur présente une utilité grandissante, du fait qu’elle offre la possibilité d’étudier le territoire dans ses divers aspects et ses différentes échelles (Pierre George et Fernand Verger, 2006). Elle fait appel, également, aux systèmes d’informations géographiques (SIG) qui permettent d’associer et d’analyser, à la fois, les données du milieu physique, démographiques, économiques,… pour les traduire en cartes et plans, simplifiant ainsi la compréhension des territoires objet de recherche. C’est dans cette ambiance et pour être au diapason des changements entamés par l’université en l’an 2000, des chercheurs géographes se sont organisés en équipe pour approfondir la recherche géographique sur les campagnes marocaines en perpétuelles mutations. Il s’agit du Groupe de Recherche sur le Monde Rural (GREMR) qui a été créé en 2001. Nous essayons dans cet article de retracer le processus de la création de ce groupe, ses principales activités scientifiques et pédagogiques, ainsi que ses diverses actions qui s’inscrivent pleinement dans la dynamique de la recherche universitaire. L'élaboration du bilan global scientifique et pédagogique GREMR, est une étape qui s'avère nécessaire, après plus de 14 ans de recherche sur le monde rural (2001-2016).

1- Ambitions et objectifs de la création du groupe de recherche Il faut rappeler, moralité oblige, que la création de ce groupe est le fruit d'une assez longue expérience remontant aux années 80. C'était une période de ruralisme par excellence au Maroc (Pascon, P., 1980 ; Bouderbala, N., Chraïbi, M., Pascon, P., 1983). Elle a donné naissance au premier laboratoire de la géographie rurale, au sein de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines (FLSH) de Rabat, sous la responsabilité des Professeurs Ismail ALAOUI et Abdellatif BENCHRIFA, chercheurs éminents, spécialisés dans l'aménagement et l'organisation de l'espace rural. La volonté qui anime l'équipe du laboratoire, espace de réflexion sur les différentes thématiques portant sur la dynamique de l'espace rural, a été fructifiée par la mise en place d'une action intégrée (1988-1992) entre la FLSH-UM5 de Rabat et l'université Paul Valéry, Montpellier III- France, sous la responsabilité respective du Professeur Ismail ALAOUI et de Feu Jean LE COZ, Professeur émérite, à l'époque. Cette action a été couronnée par la publication d’un ouvrage commun qui porte sur l’agriculture irriguée au Maroc (Alaoui, I., et Carrière, P., 1992) C'est dans cet environnement favorable de recherche scientifique que le GREMR a été créé par les Professeurs Moussa KERZAZI et Mohamed AÏT HAMZA, avec l'appui de quelques chercheurs relevant de certaines universités (Hassan II à Casablanca, Cadi Ayyad à Marrakech,…). Les objectifs de ses actions sont, entre autres : • Appréhender les connaissances sur les traits, les mécanismes et les tendances des mutations que connaît l'espace géographique marocain ; • Réaliser des recherches géographiques appliquées à l'aménagement et au développement des espaces ruraux, ainsi que l'interaction ville-campagne;

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• Mettre à la disposition des décideurs des idées innovantes et des propositions pertinentes leur permettant la prise de décisions adéquates et nécessaires, en matière d'aménagement et d’organisation de l'espace et de montage de projets ; • Contribuer à la publication et à la diffusion des travaux de recherches et des manuels universitaires, ayant trait au développement des milieux ruraux et périurbains marocains.

2- L’appui à la recherche et la formation universitaires S'inscrivant, avec dynamisme, dans la politique de la réforme universitaire entamée en 2000, le GREMR a ouvert son unité de formation et de recherche doctorale « Développement Local et Aménagement du Milieu Rural dans les pays du Maghreb Arabe », sous la houlette du Professeur Mohamed AÏT HAMZA et l'encadrement des Professeurs Moussa KERZAZI, Mokhtar LAKHAL et Mohammed AL ASSAAD. Grâce à cette UFR doctorale, 13 docteurs ont soutenu leurs doctorats, dont 9 sont actuellement des Enseignants-Chercheurs, dans différentes universités (Voir dossier spécial du 10ème anniversaire du GREMR sur le site www. gremr.ma). Ces efforts louables ont été couronnés par l'accréditation du groupe en 2006, par l’Université Mohammed V, ce qui lui a conféré une place méritée dans la sphère de la recherche scientifique. Vu la diversité de la campagne marocaine, la rapidité de ses changements et l'importance de ses contraintes, ainsi que la complexité de ses mécanismes d'organisation et d'aménagement, le GREMR a focalisé son centre d’intérêt scientifique et son encadrement doctoral sur plusieurs axes de recherche couvrant un éventail de thématiques très large, partant de l'analyse du milieu physique, de la dynamique démographique, aux mutations socio-spatiales et économiques ; outre les différents aspects de l'aménagement du territoire. Parmi les grandes problématiques abordées, nous citons : • l'aménagement et le développement des espaces agricoles et ruraux fragiles ; • les relations ville-campagne et la gestion des banlieues de grandes villes (Rabat, Casablanca...), les centres ruraux émergents ; • les migrations interne et externe ; • la protection et la valorisation des ressources (développement local durable) ; • le développement participatif, acteurs locaux, gouvernance et femme rurale ; • le tourisme et le patrimoine culturel ; • l’approche genre ; • le développement des méthodes, des outils et des techniques de recherche (Enquête, SIG, télédétection).

3- Une production scientifique confirmée Durant plus de 14 années de recherche scientifique, le groupe a pu édifier un espace instructif de formation et d'échange permettant aux différents chercheurs et spécialistes, dans le domaine de la géographie rurale, de mettre à contribution leur expérience et leur réflexion,

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en vue de décortiquer les mécanismes de mutations que connaît la campagne marocaine ; et par là, asseoir un savoir et un savoir-faire autour des questions afférentes à la dynamique des espaces ruraux. Ainsi, le GREMR a organisé une série de tables rondes, séminaires et colloques nationaux et internationaux. Les participants à ces manifestations scientifiques ont pu débattre plusieurs thématiques dans un souci d’approfondir la recherche sur le monde rural et de proposer des pistes de réflexion susceptibles de promouvoir les campagnes marocaines. • Méthodologie et approches dans le domaine de la géographie rurale La crédibilité de la recherche scientifique dépend principalement de la pertinence de la méthodologie et des approches adoptées (Luc Van Campenhoudt et Ramond Quivy, 2011). Celles-ci servent de base pour assurer la cohérence de tout travail scientifique (mémoire, doctorat,...) et clarifier la problématique du thème traité. Dans le but d’aider les étudiants à mener à bien leurs travaux de recherches scientifiques, le GREMR a organisé, en collaboration avec la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Rabat et l’appui de la Fondation Konrad Adenauer, la première table ronde sur la méthodologie de recherche dans le milieu rural marocain, qui s’est déroulée à Marrakech les 10- 11 et 12 octobre 2002. Durant cet évènement, les participants, principalement des géographes et des sociologues, ont présenté aux doctorants la démarche de la réalisation de leurs thèses de Doctorat en s’appuyant sur des études de cas. Les travaux de cette table ronde ont été publiés dans un ouvrage intitulé « Méthodes de recherche dans le monde rural marocain», en 2004, comprenant 12 articles. L’ouvrage constitue, sans prétention à l’exclusivité, un guide pratique pour tout chercheur dans le domaine des sciences humaines et sociales et en géographie. Il a répondu aussi à un besoin méthodologique tant attendu par les jeunes chercheurs marocains. • Géographie appliquée La géographie au Maroc a connu de profondes mutations (Mohamed NACIRI, 1989). D’abord, de la géographie de découvertes et d’exploration, à caractère descriptif, à la géographie militaire, marquée par les monographies régionales ; ensuite de la géographie critique qui s’oppose à la géographie coloniale (Jean DRESCH , 1979) à la géographie pour le développement (Gérard FAY, 1989), et enfin, à la géographie de développement territorial qui repose sur le diagnostic territorial par le biais des outils d’analyse géographique, à savoir le système d’informations géographiques (SIG), la statistique…(Mokhtar LAKHAL, 2005). Le débat national sur l’aménagement du territoire, lancé en 2000 sous les auspices du Ministère de l'Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement, a impulsé cette tendance. Pour sensibiliser le grand public des professeurs, des chercheurs et des étudiants à l’importance de la géographie appliquée dans la prise de décisions pour un développement rationnel des espaces, le Groupe de Recherche sur le Monde Rural a organisé à Marrakech, du 09-12 octobre 2003, une Table ronde sous le thème « Rôle de la géographie appliquée dans le développement », GREMR (FLSH, UMA5- Rabat),

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Les travaux de cette table ronde ont été couronnés par la publication d’un ouvrage comportant 12 articles, intitulé « La géographie appliquée au Maroc », en 2005, (Pub. FLSH, Rabat). Ledit ouvrage met en exergue les domaines d’application de la géographie, ses champs d’analyse territoriale, son rôle dans le développement local,… et ce, à partir des expériences vécues et des études pratiques réalisées par des géographes. • Dynamique des espaces agraires La question agraire, au Maroc, est toujours d’actualité. Elle détient une place importante dans les différentes politiques agricoles, voire, rurales (Grigori LAZAREV, 2014). La structure agraire constitue la base sur laquelle repose l'activité agricole, toutes filières confondues. Toutefois, de par la diversité du statut foncier et l’exiguïté de la superficie des exploitations agricoles, en moyenne 2 hectares à l’échelle nationale, la structure agraire demeure parmi les principaux obstacles qui entravent le développement rural (Aziz IRAKI et Mohamed TAMIM, 2013). Compte tenu de l’importance de la structure agraire dans l’appréhension des mutations que connaissent les campagnes marocaines, le GREMR a organisé, les 7 et 8 mars 2003 à Marrakech, la 4ème rencontre nationale des géographes ruralistes marocains, portant sur les dynamiques des espaces agraires au Maroc (FLSH, Rabat). Le débat a été focalisé sur les transformations ayant marqué le monde rural et leurs différentiations d’une région à l’autre, qui traduisent les spécificités de chacune. Il s’agit d’analyser les mécanismes de l’évolution des campagnes marocaines dans une logique dialectique qui oppose les espaces ruraux à hautes potentialités agricoles aux espaces pauvres enregistrant un déficit en équipement, et un dépeuplement flagrant dû principalement à l’exode rural. Les travaux scientifiques présentés lors de cette table ronde ont fait l’objet d’une publication dans d’un ouvrage, comportant 18 articles, intitulé « Dynamique des espaces agricoles au Maroc », Pub. FLSH Rabat, 2005.

• Urbanisation des campagnes Malgré le progrès enregistré dans les campagnes marocaines, de nombreuses zones rurales accusent un retard notoire à tous les niveaux de la vie rurale. Les aspects de pauvreté, de précarité et d’exclusion sont très manifestes (Mekki BENTAHAR, 2002). Conscient de ce retard, l’Etat s’est engagé dans une politique de resserrement du maillage administratif et de consolidation des équipements des communes rurales. Ainsi, plusieurs douars ont été promus au rang des « Centres délimités », avant d’être érigés en municipalités, tout en les faisant bénéficier des équipements sociaux, éducatifs, sanitaires.... Le renforcement du rôle des communes par le lancement de plusieurs programmes, tels que le programme national des routes rurales (PNRR), la généralisation de l’électricité et de l’eau potable ont accéléré le processus d’urbanisation des campagnes. Cependant, cette urbanisation rapide, souvent orchestrée par des enjeux politico-électoraux a donné naissance à des villes inachevées, où la qualité urbaine fait défaut (Mohamed HANZAZ, 2010). Dans le but d’analyser et discuter les effets de la bétonisation qui affectent les espaces ruraux, le GREMR a organisé une table ronde, où les participants ont interrogé la pertinence de la politique publique consacrée à l’urbanisation des campagnes, aussi bien au Maroc qu’en France. Les travaux de cette table ronde ont fait l’objet d’une publication d’un ouvrage inti-

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tulé : « L’urbanisation des campagnes au Maroc », coordonné par le Professeur Moussa KERZAZI (Pub. FLSH, Rabat, 2010). • Production agricole et développement local Dans les pays en voie de développement, à l’exception des pays pétroliers, l’agriculture et le tourisme demeurent les secteurs structurants de l’économie. Toutefois, les périodes de sècheresse récurrentes, les traités de libre-échange, le retard technologique… exposent les produits agricoles et touristiques, desdits pays, à de sérieux problèmes qui affectent négativement leur compétitivité économique, et déstabilisent leur système productif. Les interventions correctives menées d’une manière ponctuelle, voire sélective, faute d’une vision globalisante, ont eu pour résultat la création d’espaces ruraux différenciés et inégalement développés. Il va sans dire que cette situation a eu des effets pervers sur l’équilibre ville-campagne, sur l’emploi et le bien-être des paysans. Conscient de l’importance des liens entre production agricole et développement local, le GREMR a mobilisé l’Union Géographique Internationale (UGI), à travers sa Commission «Développement Durable et des Systèmes Ruraux», en vue de mener une réflexion commune à ce sujet. La coopération scientifique entre les deux partenaires a été concrétisée de l’organisation d’un colloque international à Rabat. Cette activité fort intéressante, tenue à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, (Rabat 9-15 juillet 2007), en collaboration avec l'Association Nationale des Géographes Marocains (ANAGEM) et (UGI- CDDSR ), a rassemblé des géographes et chercheurs ruralistes éminents de plusieurs pays (Canada, Japon, Australie, Brésil, France, Espagne, Portugal, Slovénie…), outres ceux des universités marocaines. Durant une semaine de débats, les participants ont soulevé les grandes questions de la planète portant sur le développement durable. Les articles issus des actes de ce colloque ont été publiés dans un ouvrage intitulé « Produits agricoles touristiques et développement local » (Pub. FLSH, Rabat, 2011).

Conclusion En somme, ce patrimoine scientifique et pédagogique collectif contribue, certes, à la formation des chercheurs et des étudiants intéressés par les thématiques de l'aménagement des espaces ruraux et par leur organisation territoriale. La diversité des thématiques étudiées, la multiplicité des approches et des méthodes employées ne peuvent qu’approfondir la recherche universitaire. Par ailleurs, il convient de noter que le produit scientifique du GREMR est le résultat de l’ouverture de ses membres sur plusieurs départements ministériels, établissements publics, associations locales, organisations internationales… Une ouverture qui leur a permis de développer un savoir-faire et une expertise dans le domaine de recherche sur les campagnes marocaines. Ainsi, le groupe a franchi l'étape de la construction pour entamer celle de la consolidation et de l'épanouissement.

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Bibliographie • Alaoui,

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Quelle place pour la géographie rurale dans l'enseignement universitaire ? Pascale GOUIN LEVEQUE*

Résumé La géographie rurale en France a connu, depuis des décennies, de profondes transformations en tant que discipline et matière d'enseignement à l'université. L'évolution de l'espace rural, dans ses différentes dimensions, l'a foncièrement influencé. Ainsi nous tentons, dans le présent article, de positionner la géographie rurale en France dans son contexte temporel et spatial pour appréhender le rythme de son évolution tout en s'interrogeant sur sa définition et sa place dans les études et les recherches universitaires françaises. Mots clés : France, géographie rurale, espace rural, relations villes - campagnes.

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* Enseignante-Chercheure, Département de géographie- RESO-ESO, UMR 6590 Université du Maine – Le Mans, France.

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Si l'on considère qu'un des objectifs de l'enseignement de la géographie est de donner une certaine intelligibilité au monde dans lequel vivent les étudiants, on comprend alors aisément que l'enseignement de la géographie rurale va progressivement rendre compte des mutations de ce monde rural, qui devient un espace d'enjeux et de conflits, en privilégiant ces dernières années une lecture dynamique. Etudiante en Géographie au début des années 80, puis enseignante à l'université, dans cette même discipline, depuis 1994, j'ai vu la place de la géographie rurale progressivement évoluer au sein de l'enseignement dispensé aux étudiants. L'enseignement est certes différent, mais son existence ne semble pas en péril. D'ailleurs, comme Robert Chapuis l'avait déjà annoncé dans les années 80(1), tant que «nous reconnaissons l'existence des espaces ruraux, la géographie rurale perdure». Après avoir précisé le terme « rural », nous rappellerons les géographes français qui ont marqué la géographie rurale, avec notamment Albert Demangeon, qui peut être, considéré comme le fondateur de cette branche de la géographie, ou encore Pierre Georges, qui a été l'initiateur du renouvellement des problématiques et qui a diffusé le terme même de géographie rurale. Enfin, pour connaître la place de la géographie rurale dans la formation des jeunes étudiants, non seulement nous analyserons l'intitulé des cours, mais aussi les termes utilisés dans la présentation des modules d'enseignement.

Qu'est-ce que la géographie rurale? Pour comprendre la place qu'elle a dans l'enseignement universitaire aujourd'hui, nous tentons de définir ce qu'est la géographie rurale en France. Issu du latin ruralis, le terme «rural» apparaît dès le XIVème siècle, vers 1350. Mais il faudra attendre le XIXème pour qu'il soit employé par les spécialistes qui se sont intéressés à la campagne (habitat rural, paysage rural, histoire rurale, ethnologie rurale, géographie rurale etc.). Est « rural », tout ce « qui relève de la campagne » (Brunet, 2009). L'expression «espace rural» n'est devenue courante qu'à partir des années 1960. Le mot campagne lui ayant été préféré jusqu'alors pour désigner le « territoire » concerné ; et c'est en 1970 que Pierre George va donner une définition d'ensemble(2) « La géographie rurale étudie la campagne [...]. Le sens du mot “rural” est toujours plus large que celui d'agricole. La population rurale comporte une population vivant de l'agriculture, mais aussi des commerçants, des ouvriers, des retraités vivant à la campagne. Le monde rural n'est plus exclusivement le monde agricole d'autrefois, son économie comme sa population se sont profondément diversifiées. L'espace rural n'est pas seulement le siège des activités agricoles, mais aussi de l'industrie rurale, de l'artisanat rural, du tourisme rural … etc. ». Yves Jean, dans son ouvrage paru en 2009(3), considère que la notion de ruralité joue encore un rôle essentiel pour la géographie française. Cette branche «spécialisée» de la géographie se maintient, notamment parce qu'elle a des assises territoriales. Sachant que la moitié des habitants de la planète vivent à la campagne, il est somme toute logique que la géographie s'intéresse aux espaces ruraux. 1. Cf. R. Chapuis, In: La Géographie agraire et la géographie rurale. 2. Cf. Pierre George, In: Dictionnaire de la géographie, Paris, PUF, p. 376 3. Cf. Yves Jean et Michel Périgord, La géographie rurale

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La géographie rurale continue d'affirmer sa spécificité, notamment avec la commission rurale du Comité national de Géographie qui regroupe des chercheurs dont les positions sont diverses et qui pourtant, aiment se retrouver comme «ruralistes» dans cette structure disciplinaire comme d'ailleurs dans l'Association des ruralistes français (ARF) où se côtoient sociologues, historiens, ethnologues, agronomes. Ainsi, aujourd'hui, « la Commission de Géographie rurale réunit les universitaires intéressés par les dynamiques des campagnes des pays développés (Europe, Amérique du nord). »(4). Chaque année, cette commission organise les Journées Rurales qui comprennent un colloque sur une thématique rurale et du travail de terrain. Ces journées se font alternativement en France et à l'étranger. Depuis 2005, cette commission, dont le rôle fédérateur n'est pas négligeable, permet aussi aux doctorants travaillants et/ou intéressés par le monde rural de se rencontrer. Quant à l'ARF, créée en 1974, « elle a pour mission de favoriser la recherche, l'information et les échanges scientifiques, tant nationaux qu'internationaux, dans le domaine rural, ceci, dans un cadre pluridisciplinaire. Elle se veut un lieu de rencontre et de débat entre spécialistes des recherches en sciences sociales, praticiens et organismes intéressés par les problèmes du monde rural. »(5). En France, certains laboratoires de recherche universitaire travaillent plus particulièrement sur le rural, et sont très dynamiques. - A Toulouse, depuis sa création, en 1991, le laboratoire Dynamiques Rurales, qui comporte une quarantaine de chercheurs, analyse les transformations agricoles et spatiales des sociétés rurales, dans les pays du Nord, comme dans les pays du Sud. - Les axes de recherches du CERAMAC (Centre d'Etudes et de Recherches Appliquées au Massif Central) à Clermont Ferrand portent aussi sur les espaces ruraux. Les chercheurs de ce laboratoire, créé en 1989, travaillent sur les dynamiques et la gestion des territoires sensibles et encadrent des doctorants et les étudiants du master intitulé: «Développement des Territoires et Nouvelles Ruralités». - Citons aussi le laboratoire de recherche Métafort (Mutations des activités, des espaces et des formes d'organisation dans les territoires ruraux), relevant des établissements AgroParisTech, Cemagref, Enita et Inra.

De Vidal de la Blache à aujourd'hui … Difficile de dire quand est née la géographie rurale et quel géographe a été précurseur dans ce domaine… mais si l'on considère qu'un « géographe est forcément de son temps … »(6), alors nous pouvons considérer que les travaux de Paul Vidal de la Blache (1845-1918), fondateur avec Elysée Reclus (1830-1905) de l'école de Géographie française, qui se résument notamment à toute une série de monographies régionales, peuvent être assimilés à une démarche de géographie rurale qui correspond à la situation du pays à cette époque. En effet, du début 4. Cf. Le site du Comité National de la Géographie, www.cnfg.fr/ 5. Cf. Le site http://agriculture.gouv.fr/arf-association-des-ruralistes 6. Selon l'expression d'André Meynier, géographe français (1901-1983).

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de la géographie jusque dans les années 1960, ne peut-on pas considérer que la majorité des géographes sont ruralistes, à partir du moment où la société, elle-même, était pour l'essentiel agricole et rurale ? Plus tard, le géographe Albert Demangeon (1872-1940), l'élève de Vidal de la Blache à l'École Normale Supérieure, a joué un rôle essentiel dans l'école française de géographie. Même si il n'a écrit aucun ouvrage de géographie rurale, dans ses travaux de géographie régionale, dont sa thèse sur la Picardie, il accordera une place importante aux campagnes et aux ruraux. A partir des années 20, ses publications dans les Annales de géographie donnent naturellement une dimension rurale à son activité. Il initia notamment des travaux d'enquêtes sur les formes d'habitat rural. Plus tard, Pierre George (1909/2006) jouera, lui aussi, un rôle important dans la progression de la géographie rurale. En 1963, il publia son précis de géographie rurale. Selon Jean Renard (2008), « il a été à l'initiative du renouvellement des problématiques dans le champ de la géographie rurale… C'est lui qui a diffusé le terme de géographie rurale. Jusqu'alors, on utilisait plus volontiers le mot campagne ». Quels chercheurs et enseignants-chercheurs classe-t-on dans les ruralistes ? Pouvons-nous faire simple et dire que sont ruralistes tous ceux dont l'activité scientifique s'intéresse aux sociétés rurales? Une analyse intéressante a été faite en 2009 par la commission française de géographie rurale qui a analysé les recherches de huit doctorants, dont les études portent sur l'espace rural afin d'observer la tendance des recherches contemporaines en géographie rurale. Parmi les conclusions, nous pouvons lire que « Finalement, les travaux de la jeune génération de la commission française de géographie rurale restent dans la lignée de ceux qui les ont précédés, y compris depuis l'avènement de la géographie universitaire nationale : les tenants de l'école vidalienne avaient déjà intégré, notamment, l'importance de la fréquentation approfondie du terrain. Les nouvelles démarches développées ces dernières décennies, si elles permettent d'élargir les modes d'investigation, notamment en matière de délimitation des territoires de recherche, restent complémentaires avec les héritages précédents. »(7). Nous pouvons aussi citer le travail d'Emmanuelle Bonerandi(8) qui dresse une analyse pertinente des 46 thèses de géographie, soutenues entre 2003 et 2008, thèses qui portent sur l'espace et les sociétés rurales et qui ont été qualifiés dès leur première candidature par le CNU (9). Nous n'allons pas dresser ici une liste exhaustive des géographes ruralistes français, mais toutefois, nous nous permettons de citer ceux qui nous semblent avoir marqué les générations d'étudiants géographes ces dernières décennies, cette liste étant inévitablement influencée par notre propre parcours de géographe. Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté, ni un quelconque classement, les noms des enseignants-chercheurs sont mis par ordre alphabétique : 7. Cf. Les recherches contemporaines en géographie rurale : territoires, ressources et pratiques du terrain par J-B. Grison (coord.), S. Girard, M. Guitton, L.Hadjou, C. Hochedez, M. Kowasch, I. Mallet, A. Schindler. 2009. 8. Emmanuelle Bonerandi, « Une géographie rurale active. Revue des thèses soutenues de 2003 à 2008 dans les universités françaises », Géocarrefour, Vol. 83/4, 2008, [En ligne], mis en ligne le 08 juin 2009. 9. Le CNU, Conseil National des Universités e l'in ance nationale qui se prononce sur les mesures relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des enseignants-chercheurs (Professeurs et Maîtres de Conférences) de l'Université française.

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Roger BÉTEILLE, Jacqueline BONNAMOUR, Pierre BRUNET, Jean Louis CHALEARD, Jean Paul DIRY, Pierre FLATRÈS, Bertrand HERVIEU, Bernard KAYSER, René LEBEAU, Nicole MATHIEU, Henri MENDRAS, Jean RENARD, Violette REY. Et pour les plus jeunes générations, nous pouvons citer Emmanuelle BONERANDI, Olivier DESLONDES, Valérie JOUSSEAUME, Yvon LE CARO, Guillaume LACQUEMENT, Lucette LAURENS, Philippe MADELINE, Christine MARGETIC, Laurent RIEUTORT Un de ces géographes m'a particulièrement marqué. En effet, au début des années 90, alors doctorante, j'ai participé à un groupe de travail pour le compte du Ministère de l'Agriculture et de la Forêt. Ce groupe de recherche appelé « réseau BOURGS », qui rassemblait des chercheurs de 8 régions françaises, était placé sous la responsabilité de Bernard KAYSER. Pendant plus de deux ans, nous nous sommes réunis régulièrement à la sous-direction de l'espace rural (Paris). Je fus marquée par le dynamisme intellectuel de Bernard KAYSER et son intérêt particulier pour le monde rural. Il a su créer un véritable débat interdisciplinaire sur la question rurale. Il est certain que mes premiers enseignements de géographie rurale à l'université ont été inspirés par cet enseignant chercheur que j'ai eu la chance de côtoyer. Y a-t-il de grands auteurs français en géographie rurale au sens où leur renommée serait internationale ? Cette question serait à poser à nos collègues étrangers ! La lecture de leurs travaux montre qu'ils sont assez cloisonnés selon les aires géographiques sur lesquelles ils travaillent, ou bien selon les sous thématiques qu'ils abordent dans leurs recherches. Ainsi, CHARVET travaille surtout sur l'agriculture et s'est spécialisé dans le marché des céréales alors que les recherches de BÉTEILLE portent plus sur la géographie humaine et sociale, et notamment, sur la connaissance des migrations intérieures françaises et celle du milieu rural. Quant à notre collègue de l'université de Rennes, Yvon Le CARO, il aborde, plus particulièrement, les rapports entre agriculteurs/agriculture et les «autres» (consommateurs, urbains…). Précisons que dans la France de l'Ouest, depuis plusieurs générations, des chercheurs ruralistes s'intéressent particulièrement à la place accordée à l'agriculture dans le développement territorial local (10).

Quelle place de la géographie rurale dans l'enseignement universitaire français? Avant même de voir la place de la géographie rurale au sein de l'enseignement universitaire français, faut-il rappeler que depuis un certain temps, peut-être en raison de l'exode rural, de l'urbanisation, ou encore des transformations subies par l'agriculture, l'espace rural, comme objet d'étude, est devenu marginal bien que ce soit un espace très important, ne serait-ce que par ses fonctions résidentielle, récréative ou encore patrimoniale.

10. Cf. Les travaux de Geneviève Pierre, Philippe Madeline, Christine Margetic, Nicole Croix, Michael Bermond et Christian Peltier. « Durabilité, agricultures et territoires : quels questionnements pour les ruralistes d'universités de l'Ouest ? ».

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L'exemple du Mans Afin de comprendre la place que tient la géographie rurale au sein de l'enseignement universitaire aujourd'hui, nous nous sommes intéressés aux enseignements proposés aux étudiants de géographie de l'Université du Maine au Mans (11). Ainsi, pour l'année universitaire 19701971, alors que l'Institut de géographie attire ses premiers étudiants, il est proposé deux cours intitulés « Géographie rurale », un en deuxième année, l'autre en troisième. A cette époque l'examen des différents intitulés montre une répartition très classique des cours : Géographie physique, Géographie humaine, Géographie régionale, Géographie urbaine et Géographie rurale. Trois années plus tard, à la rentrée 1973, l'Institut de géographie qui va accueillir pour la première fois des étudiants inscrits en Maîtrise (Bac +4) précise qu'au Mans, les sujets ne peuvent s'inscrire que dans la thématique « géographie rurale ». En 1975, nous retrouvons le cours de géographie rurale seulement en troisième année. Il va alors aborder l'agriculture et la société rurale dans les Pays de climat océanique avec une initiation à l'économie rurale. Là, l'enseignement décrivait notamment les espaces ruraux en tant qu'espaces productifs agricoles. Globalement, ces enseignements présentaient les concepts de la géographie rurale, les facteurs et les éléments de caractérisation des espaces ruraux. Par opposition aux espaces urbains, il s'agissait alors de comprendre et d'identifier les enjeux de ces espaces. Puis, progressivement, nous voyons le terme de géographie rurale disparaître des intitulés. Ainsi, à la lecture du livret de l'étudiant pour l'année universitaire 1997/1998, il faut aller voir le contenu de chacun des modules d'enseignement pour comprendre que la géographie rurale est présente dans un certain nombre, même si le terme « rural » n'est pas systématiquement utilisé. Tableau 1 : Contenu pédagogique des modules enseignés en rapport avec la géographie rurale, (1997 / 1998)

INTITULE DU MODULE

Niveau La géographie rurale est-elle présente ? D'étude

Milieux naturels et environnement, peuplement.

1ère année

Dans le chapitre 1 « Les paysages agraires, les paysages et leurs mutations ». Les paysages étaient abordés par le biais de l'organisation des parcellaires et des morphologies agraires.

Régionalisation des pays industriels et en voie de développement.

3ème année

Un chapitre sur les problèmes agraires.

Organisation de l'espace : les espaces ruraux à faible densité.

3ème année

Les thèmes traités sont : l'évolution de l'occupation des sols, les aspects démographiques, l'exode rural, la protection de l'environnement, l'agriculture de qualité, le tourisme rural, les activités économiques dans les campagnes profondes.

Méthodes de recherche appliquées aux espaces ruraux et petites villes

3ème année

Un chapitre sur les bourgs et petites villes. Un chapitre sur les politiques agraires.

11. Nous avons étudié les « livrets de l'étudiant » du département de géographie de l'Université du Maine pour les années universitaires 1970/1971, 1973/1974, 1975/1976, 1997/1998 et ceux depuis 2008. Ces livrets destinés aux étudiants décrivent chacun des cours enseignés.

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Lorsque nous analysons les cours proposés aux étudiants de 2008, à 2011, il est clair que la classique distinction rurale/urbaine ou ville-campagne est dorénavant moins fondamentale. Elle n'est plus clairement affichée, ni soulignée, du fait de leurs évolutions interdépendantes, même si le rural représente encore les racines de notre société. Les thèmes de l'environnement et du paysage, celui du développement local, sont devenus essentiels, tandis que s'efface l'expression « géographie rurale ». Nous pourrions avoir l'impression d'un certain saupoudrage ; en effet, en première année, des éléments de géographie rurale sont présents dans : - Le cours de «Fonctionnement de la Terre», surtout dans la partie TD, avec l'étude de cartes topographiques d'espaces ruraux ou périurbains. - Le cours «Dynamiques des paysages» où l'on aborde notamment les formes d'organisation agraire des paysages, liées aux sociétés agraires et à leurs évolutions vers des sociétés non agraires (pour nos pays industrialisés). - Ou encore le cours « Dynamique du peuplement » lorsque l'on évoque les disparités territoriales ou encore dans « Géographie de la France » A partir de septembre 2012, les enseignements proposés qui s'inscrivent dans un nouveau quadriennal affichent avec plus de clarté les cours abordant « le rural ». Ainsi dès la première année les étudiants auront un cours sur : « Villes et campagnes dans le monde », pour lequel il s'agit de préciser ce qu'est la ville, la campagne et les concepts qui sont associés. Ce cours donne aussi des clés de lecture pour comprendre les relations entre ville et campagne et les enjeux des ruralités actuelles. Les notions de limites et de frontières entre ville et campagne permettent de mettre en évidence les liens sociaux, économiques et politiques qui unissent ces espaces dans les territoires. La même année, mais au deuxième semestre, avec le module « Campagnes et espaces ruraux », il s'agit d'aborder la dimension agricole de l'espace rural et la dimension sociétale de l'espace rural en traitant des thèmes comme : - Le renouveau des paysans pour quels territoires ? L'enjeu foncier. - Ecoles et sociétés rurales. - Habiter le rural. - Ou encore pauvreté et précarité rurale. Ce ne sont pas les seuls cours ou seront évoqués les espaces ruraux. Ainsi, dans « Lire et analyser les paysages », dans « Savoir interpréter le territoire » ou encore dans « Dynamique des paysages », les paysages agraires et les paysages ruraux seront abordés. Avec ce nouveau quadriennal, il semble qu'il y ait un meilleur équilibre et le rural semble réapparaître avec un meilleur affichage.

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Conclusion Depuis les années 1980 et surtout depuis 1990, nous assistons à de profondes transformations de la géographie rurale qui appréhende la campagne de façon globale. Progressivement, les géographes se sont adaptés aux réalités complexes des espaces ruraux. Au terme de notre analyse, il apparaît clairement que l'enseignement de la géographie rurale est intimement lié à l'évolution de nos campagnes. Ainsi, il ne s'agit plus d'analyser les espaces ruraux essentiellement au travers de l'agriculture, mais de tenir compte des nouvelles fonctions de ces espaces et de la société rurale dans sa globalité. La géographie rurale est vraiment devenue une géographie sociale (ce qui ne veut pas dire assimilée à la sociologie) et de nouveaux champs sont à explorer régulièrement, car elle doit absolument s'inscrire dans le temps présent, même si elle ne peut effacer le passé.

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Périurbanisation au Maroc : concepts et réalités Khalil Abdelkhaleq*

Résumé La dynamique urbaine en cours interroge la pertinence des définitions du fait urbain au Maroc. Depuis peu, les grandes villes ont toujours fusionné les établissements humains suburbains. Aujourd'hui, les progrès socio-économiques ont engendré, peut-être, une nouvelle phase d'urbanisation ; celle qui se diffuse au voisinage des grandes agglomérations urbaines. Elle est désignée sous le néologisme de périurbanisation, qui signifie un redéploiement de la population de la ville-centre vers ses périphéries. Ses modalités sont diverses : construction de maisons individuelles en raz campagne, ouverture de lotissements au sein des centres existants, création ex nihilo de nouvelles villes… Connaissons-nous ce phénomène, tel qu'il est compris dans les pays occidentaux ? Si la périurbanisation existe au Maroc, elle est à quel stade ? Comment se manifeste-t-elle ? Quels sont ses facteurs ? Comment la mesurer ? Et finalement comment la conceptualiser ? La problématique est très complexe et exige des études approfondies. Il est sûr que la périurbanisation est un processus universel. Tout pays est appelé, à un moment de son histoire, à connaître et à développer ce phénomène. Le présent article vise à lancer dans la réflexion géographique ce nouveau mode d'urbanisation, afin d'unifier les indicateurs et délimiter une terminologie fédérant tous les géographes. Mots clés : Rural, Urbain, Centre, Banlieue, Périphérie, Périurbanisation.

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Introduction La périurbanisation est un terme de plus en plus utilisé de nos jours, ce qui révèle sa pertinence actuelle. Qu'on la désigne sous les termes de périurbanisation, suburbanisation, rurbanisation ou exurbanisation, l'extension de l'habitat et des activités urbaines vers les zones rurales limitrophes, est un processus général. Toutefois, l'importance qu'on lui attribue dans la production de l'espace urbain diffère généralement, entre pays industrialisés et pays en voie de développement. La périurbanisation telle qu'elle est saisie dans les pays développés existe-t-elle dans les pays du sud ? A priori, le niveau de développement territorial dans ces derniers n'est pas encore arrivé au stade de développer une tendance à la périurbanisation.

1. Cadrage des concepts L'étalement des villes à l'époque contemporaine est global, mais ses modalités diffèrent entre pays à économie développée et le reste du monde. Si la périurbanisation est apparue dans les premiers(1) depuis plus d'un demi-siècle, elle est en revanche, soit mal connue, soit à ses débuts, voire inexistante, dans le dernier. Afin d'identifier les différents espaces urbains, nous retenons la typologie préconisée par l'INSEE de France (2).

1.1. Evolution du fait urbain et définition des espaces urbanisés. - La ville centre, avec son cœur historique et ses anciennes banlieues ouvrières, est la commune représentant plus de 50% de la population de l'unité urbaine, et à défaut la commune la plus importante ; - La banlieue est constituée d'espaces périphériques par rapport au centre. Elle forme une couronne autour d'une ville qui commence là où s'achève le centre et finit là où débute la campagne. Elle est liée donc à la ville par la continuité du bâti, avec moins de 200 mètres entre les habitations. Enfin, elle peut aussi correspondre à une commune indépendante administrativement du centre, mais liée à lui sous bien des aspects. - Le pôle urbain (rassemblant la ville centre et sa banlieue) est défini en tant qu'unité urbaine, qui est une notion reposant sur la continuité du bâti et l'offre de plus de 5000 emplois.

1. On parlait de la périurbanisation aux USA depuis les années cinquante et en Europe, en France par exemple, depuis les années soixante-dix. 2. Nous retenons les définitions du phénomène adoptées par les pays occidentaux. A moins de décider en commun accord d'établir des critères clairs pour délimiter l'aire urbaine marocaine. Généralement, une aire urbaine englobe une agglomération et les zones périphériques qui lui sont liées. Reste à préciser les types de ces liens et les seuils minimaux de la taille, de la densité de la population et des habitations, du nombre d'emplois, des commerces, des actifs travaillant dans le pôle urbain et la proportion des pendulaires.

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- La périurbanisation est une expansion de la ville vers les campagnes environnantes, mais qui se fait de manière relativement diffuse dans un espace qui garde partiellement son caractère rural. Cet espace est, cependant, fonctionnellement urbain : une forte majorité de la population active (au moins 40%) travaille dans le pôle urbain et y trouve la plupart de ses services. Ceci se traduit dans le paysage par une série de modifications au niveau de la voirie et des équipements. - L'aire urbaine (rassemblant le pôle urbain et sa couronne périurbaine) est un continuum de communes urbaines d'un seul tenant. Elle répond au souci d'identifier plus strictement l'espace à dominante urbaine. De ce qui précède, nous pouvons retenir deux principales caractéristiques de la périurbanisation qui sont : Un redéploiement de la population vers les couronnes périurbaines ; Un desserrement qui n'entraîne pas un changement des lieux de travail. Les habitants continuent à travailler dans la ville-centre et, de ce fait, s'y rendent quotidiennement, ce qui crée un flux important de migration pendulaire. La périurbanisation fait désormais l'objet d'une définition. Si les transformations quantitatives et qualitatives liées à l'expansion urbaine ont incité les organismes statistiques occidentaux à redéfinir la ville, la ville marocaine n'a pas fait l'objet d'une telle définition. A défaut, les définitions occidentales présentent-elles aujourd'hui le même degré de pertinence pour étudier nos villes ? Pour aborder cette question, nous partons des délimitations de la statistique de l'espace urbain produites par les services des statistiques marocains.

1.2. La définition du fait urbain au Maroc Bien que, la poursuite de l'urbanisation au Maroc soit confirmée par les résultats des recensements, puisque la part de la population urbaine est passée de 29,2% en 1960 à plus de 60% en 2014, les définitions officielles du Haut-Commissariat au Plan demeurent figées, au moins depuis l'indépendance(1). Selon la nomenclature marocaine, est urbain les municipalités. Leur évolution se fait par le biais de l'accroissement naturel et surtout de l'exode rural, de l'urbanisation de certaines zones rurales à travers l'élargissement des périmètres urbains, et enfin, de la promotion de nouveaux centres. La répartition de ces villes et centres selon la taille/rang est également ventilée en trois niveaux : la grande ville est celle dont la taille est égale ou supérieure à 100 000 habitants, la moyenne est celle dont la population se situe entre 20 000 et 100 000 habitants, et enfin, la petite ville est celle dont la population est en dessous de 20 000 habitants. Il est toujours utile de s'interroger s'il existe un décalage entre les instruments de gestion et de production de l'urbain et les formes concrètes d'évolution de cet espace urbain.

1. Il y'avait aussi les centres autonomes qui ont disparu depuis le recensement 1994.

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2. Les facteurs de la périurbanisation Dans les pays riches, le desserrement urbain s'est traduit par le développement des banlieues et des couronnes périurbaines au détriment des villes centres. Ce redéploiement, qui conduit les ménages à quitter le cœur des villes pour la périphérie, n'est devenu possible que grâce à de multiples facteurs dont les principaux sont : - La possession et l'usage régulier de la voiture ont permis aux ménages de résider à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de travail (la multi-motorisation des ménages est un phénomène fréquent) ; - La densification des réseaux autoroutiers a multiplié les lieux de forte accessibilité, ce qui provoque le phénomène d'étalement de l'habitat et des zones d'activités ; - L'efficacité et la densité des transports collectifs ont permis une bonne desserte ; - La saturation du marché foncier dans les banlieues et dans les couronnes anciennes a poussé les ménages plus loin, là où les possibilités d'installation sont très grandes ; - Les autorités publiques ont joué en faveur du mouvement de la croissance périphérique par la construction ou la promotion des villes afin de résoudre le problème des logements. Dans le cas du Maroc, le territoire est moins soumis au processus de la périurbanisation pour les principales raisons suivantes : - La possession et l'utilisation de la voiture demeurent un bien de luxe. La motorisation des ménages, bien qu'elle ait connu un certain essor ces deux dernières décennies, n'est pas à même de déboucher sur un desserrement de la population ; - Le poids important des dépenses lié aux déplacements quotidiens dans le budget des ménages dissuade une implantation lointaine ; - Le caractère tardif de l'exode rural et la quasi-absence de l'exurbanisation ont jusqu'à maintenant retardé les transformations des périphéries urbaines ; - Le renouvellement urbain dans les centres des villes par extension verticale permet encore une grande possibilité d'absorption des nouveaux ménages ; - Le sous-équipement des campagnes : infrastructure routière peu dense et vétuste, le lancement tardif des programmes, encore inachevés, d'adduction de l'eau potable (PAGER) et d'électrification (PERG) ; - L'existence d'une importante spéculation foncière à la lisière des villes : les propriétaires fonciers classent un maximum de terrains en zone à urbaniser afin de profiter d'une

substantielle plus-value.

3. Les modalités de production de l'espace urbain La périurbanisation dans les pays occidentaux est visible, révélatrice d'une ville atomisée, éclatée par multiplication d'îlots urbains. Elle est considérée comme un processus de fracture de la structure physique de la ville.

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Les zones périphériques des villes progressent. Il s'agit d'un territoire qui a connu un dynamisme démographique important et qui s'étale, de plus en plus aujourd'hui, sous l'influence grandissante des villes. Ce territoire est vécu comme une possibilité d'accéder à la propriété et à un logement plus grand, le plus souvent individuel, dans un environnement naturel. C'est, donc, un territoire qui a une vocation résidentielle fortement marquée. Les emplois restent essentiellement concentrés sur le pôle urbain. Ce qui se traduit par un lien important entre ce dernier et sa couronne périurbaine, accentué par le développement des techniques et des réseaux de communication et par une mobilité de plus en plus facilitée par l'usage, notamment, de la voiture.

Quatre définitions officielles de la ville de Toulouse en 1999

Commune-centre (Toulouse) Banlieue Couronne périurbaine Extension de la ZPIU

Source : Commune centre, agglomération, aire urbaine : quelle pertinence pour l'étude des villes ; Cybergeo, N°212, 2002. Carte simplifiée par l'auteur.

Dans les pays du sud, notamment au Maroc, l'urbanisation se présente sous forme de ville dense, étalée et isolée en milieu rural. La mobilité résidentielle des citadins ne se fait qu'à l'intérieur du périmètre urbain, qui s'élargit au gré des besoins de terrains à bâtir. La ville apparaît donc comme une zone de croissance démographique et économique continue par rapport à un environnement rural peu dense. La continuité du cadre bâti permettait encore de bien rendre compte de la limite entre la ville et la campagne. Depuis l'indépendance, les résultats successifs des recensements de la population confirment la poursuite d'une urbanisation du Maroc qui procède par concentration de la population. L'observation de l'expansion des villes témoigne de cette tendance. En effet, la trame urbaine marocaine peut se lire comme la superposition de différents âges de la ville ; celui de la médina (ville pédestre) jusqu'au début du 20ème siècle, celui de la «ville européenne» jusqu'à l'indépendance, celui des quartiers populaires jusqu'aux années soixante-dix, et enfin, la ville

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tentaculaire à partir des années quatre-vingt. Ainsi, l'étalement urbain se fait par juxtaposition des quartiers et lotissements constitués essentiellement de villas de haut standing, de maisons individuelles et des petits collectifs. Le plan d'ensemble indique la part prise par les pouvoirs publics dans la conception de ces quartiers. De fait, il s'agit de quartiers réglementaires lotis par un établissement public(2). Plus loin se côtoient des douars ruraux avec des extensions de types bidonvilles, des quartiers insalubres en attente d'intégration et de restructuration ou des friches sociales, en attente d'une substantielle plus-value liée à l'urbanisation.

Modélisation de la ville marocaine

Source : L'Auteur

Sur le plan démographique, la ville n'expédie pas ses habitants vers sa périphérie, mais au contraire elle continue à les attirer. En attendant une étude fine, nous émettons l'hypothèse que l'évolution du poids démographique relatif de la ville au sein de sa province ne souligne pas un processus de déconcentration de la population. En témoigne le cumul des soldes naturel et migratoire largement positifs. A l'échelle nationale, 10% seulement des migrants ont quitté les espaces urbains vers les espaces ruraux périphériques (3). L'exurbanisation, qui est un mouvement par lequel la population urbaine quitte la ville pour s'installer dans les espaces périurbains, est très faible. Selon trois études (4) qui ont concerné Mograne et Ouled 2. La superficie lotie, dans la région Gharb Chrarda Bni Hssen, par le secteur public en 1999 est de l'ordre de 81,5% contre 18,5 pour le secteur privé 3. Peut-être qu'il s'agit ici d'une migration indirecte, celle qui concerne les migrants ruraux qui n'ont pas pu s'adapter à la vie citadine dans les grandes villes, retournent s'installer dans les petits centres limitrophes. 4. Agence urbaine de Kénitra et Sidi Kacem ; P.A.C de Oulad Slama, P.A. de Mograne et de Sidi Taibi.

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Slama, deux communes périphériques de Kénitra, nous avons pu constater la quasi-absence des originaires de celle-ci. De même, leur représentativité à Sidi Taibi (5), ville champignon sous-normative, est moins de 1%. Evolution de la population des villes et centres urbains du Gharb-Chrarda-Bni Hssen Villes et centres

TAAM 04-14

Poids démographique (2014)

47

1994

2004

2014

TAAM 94-04

Kénitra

292453

359142

431282

2,1

1,8

Sidi Slimane

69645

78060

92989

1,1

1,8

10

Souk Larbâa

37216

43392

69265

1,5

4,8

75

Sidi Yahya

29965

31705

37979

0,6

1,8

41

Belakssiri

23876

27630

31497

1,5

1,3

34

Mehdia

5905

16262

28636

10,7

5,8

31

Lalla Mimouna

19843

24833

29479

2,3

1,7

32

My Bousselham

-

5693

7372

-

2,6

08

Sidi Kacem

67622

74062

75672

0,9

0,2

82

Ouezzane

52168

57972

59606

1,1

0,3

65

Jorf El Melha

10187

20581

28681

7,3

3,4

31

-

7936

10293

-

2,6

11

Dar Gueddari

5403

6011

6643

1,1

1

07

Had Kourt

4296

5051

7843

1,6

4,5

09

urbains

Kénichat

Source : RGPH 1994-2004-2014

L'essentiel de la croissance de la population urbaine est le fait de la capitale régionale Kénitra, qui regroupait en 2014, 71% de la population urbaine de sa province et 47% de la population régionale. Le poids démographique relatif est donc plus important dans la ville de Kénitra; et il est encore plus élevé en matière d'emploi. Sur le plan fonctionnel, la quasi-totalité des emplois se trouve également concentrée à l'intérieur des limites du périmètre urbain. En effet, les activités économiques urbaines ne se développent que rarement dans la périphérie, exception faite de quelques grandes métropoles du royaume où les besoins en espace concourent aux localisations périphériques. Le résultat est le faible mouvement pendulaire entre la ville et les centres se trouvant sous son influence. Ces centres ne dépendent de la ville que sous peu d'aspects ; peu de navettes pour les loisirs, les achats, et encore moins, pour le travail. A titre d'exemple, Mograne à 25 Km au nord de Kénitra, envoie moins de 12% de ses actifs pour travailler dans cette dernière. En outre, beaucoup

5. Ville apparue et grandie en l'espace de trois mois, attirant environ 20 000 habitants.

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de jeunes employés dans des petits centres préfèrent habiter à proximité des commerces, des écoles et des services en général, bref habiter la grande ville.

4. Périurbanisation ou banlieue ? Toute évolution est universelle; sa diffusion n'est qu'une question de degré de développement. Notre pays n'échappera pas, dans un monde globalisé, au phénomène d'élargissement du champ urbain de la ville vers la campagne. Le développement d'une couronne périurbaine dépend de facteurs locaux, tels que, l'importance des revenus des ménages, la croissance de leur nombre et leur nucléarisation et la localisation des activités économiques dominantes. Partant de là, peut-on affirmer l'existence d'une certaine manifestation même balbutiante de la périurbanisation au Maroc? Certaines régions très attractives dans lesquelles s'inscrivent des villes invoquent de fortes densités de population, avec cependant des variétés de formes et de rythmes de croissance des villes. Des villes plus dynamiques et attractives, des villes millionnaires, telles que Casablanca, Agadir, Marrakech, Fès, Tanger et le littoral les reliant(6), présentent actuellement une dynamique d'étalement; le nombre de résidences principales croît à la périphérie. Il est intéressant d'observer le développement sur les marges de ces villes de quartiers ou groupements résidentiels qui s'organisent en cul-de-sac, loin des services et des équipements (Hay Haj Mansour à Kénitra). Mais la mobilité de la population du centre vers la périphérie demeure moins marquée. C'est un desserrement de la population qui, à notre avis, ne va pas plus loin que la banlieue: c'est une urbanisation de propagation, en tache d'huile. Le périmètre urbain est perpétuellement repoussé un peu plus loin chaque fois que le besoin se fait sentir. La banlieue est un phénomène récent et n'émerge véritablement qu'autour de très grandes agglomérations. La hausse des prix du foncier repousse les nouveaux ménages à revenu modeste à la marge des villes. Mais ces derniers ne s'éloignent pas trop; ils s'installent à la limite du périmètre urbain. Car, la notion de distance demeure fortement présente dans l'esprit du marocain, accentuée par la faible motorisation des ménages. Sa quête de localisation de l'habitat conjugue le souci de bénéficier de la proximité du lieu du travail, des écoles, des magasins et des services ou de la ville en général, mais également d'une possibilité de restructuration et d'intégration complète à la ville. Le marché de la maison individuelle en périphérie n'est pas encore investi par des lotisseurs bâtisseurs. Quant à l'Etat, dont le souci est d'empêcher l'éparpillement périurbain, est très investi dans la production des terrains destinés à l'urbanisation. Il contribue notamment au développement des non moins contestables villes nouvelles (Tamasna à Rabat et Tamansourt à Marrakech), qui malgré tout, restaient modestes en taille et en activité. Le périurbain à proprement parler ne concerne pour le moment que quelques pionniers. Des ménages aisés, dont les moyens facilitaient l'accession à la propriété individuelle sur un lot de 6. Les périphéries, au sens géographique du terme, ayant le plus progressé sont les littorales.

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terrain plus grand, quittent le cœur de la ville pour s'installer à quelques centaines de mètres du périmètre urbain. A titre d'exemple, nous pourrions évoquer le kilomètre neuf au nord de Kénitra et la commune d'El Menzah à l'Est de Rabat (7). Dans cette dernière, on peut considérer les constructions de villas de haut standing sur de grands terrains comme un prolongement naturel du chic quartier de Souissi déjà saturé. Mais la représentativité de ces constructions est extrêmement faible pour parler de périurbanisation (8). Bien que son rôle se borne à délivrer les autorisations de construire(9) une habitation et parfois à acheminer les réseaux urbains, les pouvoirs publics préfèrent ce genre d'étalement, par nature non réglementaire, que celui des quartiers insalubres ou des bidonvilles, sans pour autant leur offrir une alternative. Sur le plan fonctionnel, l'emploi reste encore largement concentré dans la ville. La représentativité des activités économiques en périphérie est faible. Il s'agit d'unités industrielles polluantes ou consommatrices d'espace, notamment dans les environs de Tanger, Fès, Rabat et Casablanca, ou de complexes touristiques sur de vastes étendues autour de Fès, Agadir et Marrakech. Leur main-d'œuvre est recrutée dans la ville elle-même et surtout des douars ruraux environnants.

Conclusion Le processus d'étalement urbain sur les campagnes environnantes est finalement assez mal connu, même dans les pays qui semblent le vivre depuis plusieurs décennies. Car la délimitation des espaces périurbains est très difficile à effectuer (Brück Laurent, 2002). Même s'elle fait désormais l'objet d'une définition, qui demeure par ailleurs contestable. Ces définitions occidentales ne présentent pas aujourd'hui le même degré de pertinence pour étudier nos villes. La problématique est très complexe: faut-il admettre l'existence d'une périurbanisation même embryonnaire ou défendre la persistance d'une dichotomie du rural/urbain. Présentement, nous penchons pour cette dernière idée. C'est peut-être, pourquoi les définitions marocaines du fait urbain sont toujours opérantes depuis l'indépendance. Toutefois, une analyse en termes de centre et périphérie dans ce domaine semble pertinente et utile. Il est sûr que la périurbanisation est un processus universel. Ainsi, il ne tardera pas à faire son apparition et à se développer dans notre pays. Pour le moment, la tendance est à la concentration croissante de la population dans les villes. En même temps, les villes s'étalent de plus en plus pour occuper une superficie encore plus grande. 7. Parce qu'elle n'a plus de terrain à offrir, Rabat envoie ses habitants vers les communes urbaines voisines, notamment, à Salé et Témara. 8. La périurbanisation couvre un vaste périmètre géographique. Il faut comprendre que la carte de Toulouse reproduite ici couvre des centaines de communes réparties comme suit : la banlieue s'étale sur 54 communes ; la couronne périurbaine sur 198 communes ; la ZPIU sur 160 communes. 9. Les organismes de l'urbanisme ont certes le droit de regard sur 15 km de profondeur au-delà du périmètre urbain, mais leur action se limite à faire respecter la loi de disposer d'un hectare et plus pour avoir l'autorisation de construire.

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Est-ce-qu'on peut considérer l'absence ou le peu de développement de la périurbanisation dans notre pays un retard? De ma part, ce retard est une chance. Car, nous devons tirer les leçons des expériences des pays développés pour en tirer les conséquences. La périurbanisation incontrôlée a des effets pervers: - Elle est non-réglementaire; - Elle coûte chère pour les ménages et les collectivités locales; - Elle porte atteinte à l'environnement. De ce fait, il semble impératif de redéfinir la ville et le territoire et de créer de nouvelles conditions d'exercice d'un pouvoir urbain local, afin de prendre en compte l'ensemble du système territorial (urbain/périurbain/rural). Autrement dit, les villes ne doivent plus continuer à ignorer ce qui se passe dans les campagnes environnantes.

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Urbanisation et empiétement sur les terres irriguées de Tadla : cas de Fkih Ben Salah et de Sebt Ouled Nemma. Abdelmajid ZMOU*

Résumé Le présent article traite la problématique de l'extension urbaine et l'empiétement sur des terres agricoles dans le périmètre irrigué de Tadla. Deux centres urbains ont retenu notre attention à savoir, Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma. Ces deux villes ont connu, ces dernières années, une urbanisation rapide, à la fois contrôlée et clandestine, au détriment des terres agricoles irriguées. Parmi les facteurs qui ont contribué à ce phénomène, on note la forte demande en matière de logement, la spéculation foncière et les faibles incidences des plans d'aménagement de ces villes sur la préservation des terres agricoles. Vu l'impact néfaste de la déperdition des terres sur l'agriculture régionale, le dernier Schéma Directeur d'Aménagement Urbain homologué en 2001, a préconisé pour la première fois, des orientations concernant la préservation des terres irriguées, mais son application demeure très limitée. La bétonisation des terres de haute potentialité agricole interpelle tous les responsables et les acteurs de diverses catégories, voire même, le citoyen à s'interroger sur la manière et les possibilités susceptibles de concilier entre les extensions urbaines inévitables et la nécessité de préserver des terres agricoles fertiles en périmètres irrigués. Mots clés: Urbanisation, Lotissements, Empiétement sur les terres irriguées, Spéculation foncière, Documents d'urbanisme.

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* Enseignant - chercheur, Département de géographie, FLSH, Beni Mellal.

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Introduction Le périmètre irrigué de la plaine du Tadla, aménagé par l'Etat pour promouvoir une agriculture moderne capable de participer à l'autosuffisance alimentaire du pays, s'est trouvé ces dernières années, et la suite d'une urbanisation rapide et spontanée, confrontée au problème de l'empiétement sur les terres agricoles irriguées. Le phénomène a touché presque tout le périmètre irrigué, mais particulièrement les zones limitrophes des centres urbains, notamment de Béni Mellal, de Fkih Ben Salah, de Sebt Ouled Nemma et d'Ouled Ayad.(1) Durant ces dernières années, la croissance rapide de la population de ces centres a entraîné une forte demande en logement et en équipements. En même temps, elle a engendré un développement sans précédent des constructions anarchiques. Le grignotage de ces terres fertiles s'effectue au moment où l'Etat déploie des efforts colossaux en vue de mobiliser les ressources humaines et financières, ainsi que les eaux d'irrigation potentielles, pour aménager et équiper d'autres terres irrigables. La bétonisation des terres de haute potentialité agricole interpelle tous les responsables et les acteurs de diverses catégories, voire même, le citoyen à s'interroger sur la manière et les possibilités susceptibles de concilier entre les extensions urbaines inévitables et la nécessité de préserver des terres agricoles fertiles en périmètres irrigués. Nous essaierons, à partir de l'étude de cas des deux centres urbains, Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma, de définir les facteurs et les mécanismes qui ont contribué au grignotage des terres irriguées tout en esquissant quelques pistes de réflexion pour remédier à cette situation.(2) Le présent article s'est basé sur une recherche bibliographique, l'analyse de différentes photos aériennes (depuis 1963) et images satellitaires (google earth juin 2013), ainsi que sur les enquêtes de terrain et les entretiens que nous avons effectués auprès des lotisseurs, des promoteurs immobiliers et des propriétaires de terres situées dans les périphéries urbaines desdites villes. Les deux villes se trouvent à l'intérieur du périmètre irrigué. Elles sont complètement ou partiellement, entourées par des terres à haute potentialité agricole. Leur naissance est étroitement liée aux transformations économiques, sociales et spatiales qu'a connues la plaine de

1. Selon une étude réalisée par l'ORMVAT en 2006, la superficie occupée par les constructions dispersées est passée de 932 ha en 1986 à 2747 ha en 2005, soit une extension moyenne de 96 ha chaque année. La superficie des villes situées à l'intérieur de périmètre a totalisé 4467 ha en 2005 au lieu de 2747 ha en 1986 ; soit une extension moyenne de 75 ha/an. 2. Les résultats présentés dans cet article font partie de notre thèse de Doctorat d'Etat en géographie, intitulée : Extension urbaine et Empiétement des terres agricoles dans le Tadla : cas des villes de Béni Mellal, Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma; soutenue en 2006 à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Béni Mellal, (en arabe ; non publiée).

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Tadla, suite à l'introduction du système d'irrigation moderne. Elles enregistrent une dynamique démographique importante. Notre article est articulé autour deux parties. La première est consacrée aux formes d'urbanisation qui ont contribué au grignotage des terres agricoles irriguées situées dans les environs immédiats des centres urbains de Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma et les différentes périodes de l'extension urbaine. La seconde, analyse les facteurs majeurs qui ont entraîné l'étalement de l'espace bâti et la disparition des terres agricoles et les perspectives du développement des deux centres urbains, ainsi que les mesures pour la sauvegarde des terres irriguées.

1. Les terres irriguées sous la pression de l'urbanisation réglementaire et/ou illégale A l'instar de toutes les villes marocaines, la production de l'espace urbain à Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma, est le résultat à la fois d'une urbanisation légale/ contrôlée et clandestine/ spontanée(3). Le développement rapide de ces deux catégories d'urbanisation a engendré, durant ces dernières années, la bétonisation d'une grande partie des terres agricoles irriguées.

1.1. Une urbanisation planifiée, consommatrice des terres agricoles irriguées Face à la demande croissante exprimée par la population urbaine en logement et en équipements collectifs, plusieurs lotissements autorisés par la municipalité de Fkih Ben Salah et par celle de Sebt Ouled Nemma ont été créés à l'intérieur de leur périmètre urbain. Ce type de production foncière qui consiste à produire des lots de terrains viabilisés et de tailles variée a connu entre 1986-2013 un développement important dans les deux centres urbains. Les lotissements créés durant cette période ont constitué environ 84% de l'ensemble des subdivisions autorisées dans la ville de Fkih Ben Salah et presque 85% de la totalité des lotissements créés dans la ville de Sebt Ouled Nemma (Carte 1). A Sebt Ouled Nemma, environ 93 lotissements réguliers ont vu le jour entre 1975 et 2013 couvrant presque 71 ha. Un seul lotissement, dit Hassania, a été créé en 1988 par l'Etat sur une superficie de 10,34 ha. Le reste a été réalisé par des promoteurs fonciers privés. Pour la même période, Fkih Ben Salah a connu la réalisation de 292 lotissements, totalisant une superficie de 470 ha, dont 9 ont été créés par l'Etat sur des terrains agricoles d'une superficie de 155,8 ha. Le reste, soit 97% des lotissements, a été opéré par des particuliers(4). Deux principaux facteurs expliquent l'importance des lotissements privés et publics dans les deux villes, à savoir : la forte demande en terrains urbanisables exprimée par les salariés du

3. Malgré le fait que chaque forme d'urbanisation est due à des mécanismes spécifiques et que chacune d'elle se caractérise par sa propre dynamique, par ses intervenants, il existe une corrélation entre elles. La hausse des prix des lots équipés produits par les promoteurs fonciers oblige certains ménages en quête d'un terrain pour construire leur logement à se diriger vers la périphérie où un marché foncier parallèle, offre des lots à des prix abordables. 4. La majorité des lotisseurs privés dans les deux villes était des propriétaires terriens (90% à Fkih Ben Salah et 100% à Sebt Ouled Nemma). Parmi eux, on trouve plusieurs agriculteurs.

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secteur privé, les fonctionnaires de l'Etat et les Ressortissants Marocains Résidant à l'étranger, outre la spéculation foncière qui a atteint un degré de frénésie sans précédent. Malgré l'évolution rapide du nombre des lotissements autorisés, leur équipement accuse des retards considérables. De nombreuses parcelles demeurent partiellement loties et non viabilisées. Elles constituent des chantiers ouverts pendant plusieurs années, sans que leurs propriétaires puissent les valoriser, soit, faute de moyens financiers, ou à cause de la forte spéculation foncière.

1.2. Une urbanisation spontanée, très concurrente Parallèlement au développement spatial de l'habitat réglementé, les terres agricoles situées dans les périphéries immédiates des deux centres urbains ont connu la prolifération d'un habitat spontané et incontrôlé. L'afflux de nombreux migrants originaires des communes rurales proches ou lointaines vers Fkih Ben Salah et vers Sebt Ouled Nemma, a entraîné depuis les années soixante, l'apparition de nombreux douars périphériques, dont certains ont été construits sur des terres irriguées. Il s'agit des douars : Sidi Ahmed Daoui, Larmoud, Draou, Lamasalla situés à Fkih Ben Salah et des douars Dranha, Rouajeh, Khalouta, Khrabcha et Laalaoua à Sebt Ouled Nemma. La demande croissante de terrains à bâtir, à bon marché, exprimée par les immigrés ruraux et les petits fonctionnaires de l'Etat(5), a propulsé le développement de plusieurs centres dans les zones périphériques. Ils constituent un marché foncier parallèle et concurrent aux lotissements réglementaires. Les propriétaires fonciers sont devenus, dans un laps de temps, des lotisseurs. Ces derniers ont procédé, pour des raisons diverses (possession de micropropriétés, manque d'eau d'irrigation, problème d'héritage, besoin d'argent…), à lotir illégalement leurs terres en lots non équipés, de tailles variées (de 30 à 100 m²). La quasi-totalité des lots sont vendus à bas prix et avec des facilités de paiement, à des ménages à faible revenu ou dépourvus de moyens financiers suffisants pour acquérir des lots dans des lotissements réguliers(6). A noter que plus de la moitié des lotisseurs sont des agriculteurs. Ils représentent environ 65% des lotisseurs clandestins recensés à Fkih Ben Salah et environ 53% de ceux enquêtés à Sebt Ouled Nemma. Le reste des lotisseurs regroupe des fonctionnaires, des commerçants, des ouvriers ou des retraités.

2. Une extension urbaine considérable et un grignotage important des terres agricoles Il ressort de l'analyse des différentes photos aériennes, des images satellitaires (Google earth 2013) et des statistiques concernant les autorisations de construire délivrées par les deux 5. Les ménages de fonctionnaires ou de commerçants représentent entre 10 et 12% des ménages installés dans les quartiers périphériques de la ville de Fkih Ben Salah. 6. Dans les deux centres, les prix du terrain dans ces quartiers étaient toujours inférieurs à ceux pratiqués dans les lotissements autorisés. Ils n'ont pas dépassé 20 dirhams durant les années soixante-dix, 90 dhs pendant les années quatre-vingts et 500 dhs durant les années quatre-vingt-dix.

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conseils communaux, que le tissu urbain des deux centres a connu, durant les quatre dernières décennies, une croissance spatiale remarquable. La superficie bâtie de la ville de Fkih Ben Salah a été multipliée par plus de six. Elle est passée, d'environ 150 ha, en 1964, à environ, 1027 ha en 2013. Celle de Sebt Ouled Nemma a été multipliée par onze. Elle a atteint presque les 564 ha en 2013 contre 51 ha en 1963. Le développement du cadre bâti à Fkih Ben Salah et à Sebt Ouled Nemma s'est développé d'un rythme temporel et spatial très diversifié. Ainsi, trois grandes périodes peuvent être distinguées (Cartes 1 et 2).

2.1. Avant 1964 : une faible dynamique spatiale Avant les années soixante, la superficie bâtie de Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma dépassait à peine 200 ha, respectivement, 150 ha et 51 ha. A Fkih Ben Salah, des logements de fonction et des équipements administratifs ont été édifiés dans le quartier administratif et dans la cité européenne. Au nord de ce noyau urbain, l'Etat a construit des unités agro-alimentaires et des entrepôts pour le stockage et le conditionnement des denrées agricoles. Au sud et à l'ouest de la ville, plusieurs douars périphériques ont été implantés, tels que, Nouail, Raja, Ouled Sidi Chenan, Ait Hdidou, Radi,... En revanche, le centre de Sebt Ouled Nemma a gardé son aspect rural. L'ensemble des douars dispersés qui faisaient partie de la commune rurale de Sebt Ouled Nemma n'ont connu à cette époque aucune évolution, ni spatiale ni démographique.

2.2. Période 1965 -1986: une extension remarquable du cadre bâti Durant cette période, la superficie bâtie des deux centres a enregistré une évolution rapide. Elle a atteint environ 103 ha à Sebt Ouled Nemma, en 1986. A Fkih Ben Salah, la superficie ouverte aux constructions a totalisé environ 283 ha, soit une augmentation de 88% par rapport à la période précédente. En réalité, le développement du cadre bâti des deux villes n'est devenu important, qu'à partir des années soixante-dix, et ce, pour les raisons suivantes : - évolution de la demande en logement, suite à la croissance démographique de la population urbaine. - l'intérêt porté, de plus en plus, par les particuliers à la création de lotissements et à la construction de l'habitat destiné à la location. - la multiplication des lotissements publics. - l'évolution des moyens de transport public et privé. Pendant cette période, de nouveaux douars ont vu le jour autour des deux villes. Certains ont été construits sur des terres agricoles, tels que, Sidi Ahmed Daoui, Kouassim Jdad, Larmoud à Fkih Ben Salah et Hay El-Massira, Dakhla, La Suta, Takdoum, El houda, Atlas, Khalouta et Rouajeh... Il en est de même, pour Sebt Ouled Nemma.

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2.3. Période 1986-2013 : une extension époustouflante des constructions urbaines Durant cette période, la superficie bâtie a augmenté d'environ 186% au centre urbain de Fkih Ben Salah, et presque de 80% à celui de Sebt Ouled Nemma L'extension spatiale de la ville de Fkih Ben Salah à cette période est due, d'une part, à la création par l'Etat, aux marges des quartiers existants, de nouveaux lotissements, tels que, El Majd, Zohour, Yasmine, Badr, Safa, Draou et d'autre part, à l'augmentation de l'effectif des lotissements privés, puisque ces derniers ont représenté environ 85,6% de l'ensemble des lotissements crées depuis 1975(7). Au centre urbain de Sebt Ouled Nemma, deux facteurs ont contribué largement à l'expansion du cadre bâti : la création de nombreux lotissements réguliers (80 unités) et le développement de l'habit non réglementaire, notamment, au Douar Rouajeh.

- Elaborée par : ZMOU, A., Cartographie : Fateh A.

Carte 1 : Evolution du cadre bâti de la ville de Fkih Ben Salah entre 1964 et 2013

7. L'Etat a subdivisé et a équipé plus de 129,21 ha, soit 35% de l'ensemble des terrains lotis entre 1986 et 2013.

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- Elaborée par : ZMOU, A., Cartographie : Fateh A.

Carte 2 : Evolution du cadre bâti de la ville de Sebt Ouled Nemma entre 1964 et 2013

3. Les facteurs majeurs de l'étalement urbain sur les terres agricoles 3.1. Une croissance rapide de la population urbaine Durant les dernières décennies, la population des deux villes a évolué rapidement, suite à la hausse de la croissance naturelle et à l'afflux de nombreux ruraux(8). Le nombre des habitants de la ville de Sebt Ouled Nemma a été presque multiplié par 10 fois. Il est passé de 6080 habitants en 1971 à 60076 habitants en 2014. L'effectif de la population de Fkih Ben Salah a presque quadruplé durant la même période. Les habitants de ce centre urbain comptaient 102019 personnes en 2014 contre 26918 habitants en 1971. La croissance démographique de

8. Les nouveaux installés à Fkih Ben Salah et à Sebt Ouled Nemma ont représenté environ 57% de l'accroissement global enregistré entre 1982 et 1994 dans le premier centre urbain et 73,2 dans le second.

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la population urbaine des deux villes a été importante, notamment durant les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, comme l'indique les taux d'accroissement moyens annuels enregistrés. Tableau 1 : Evolution de la population des villes de Fkih Ben Salah et de Sebt Ouled Nemma 1960

F.B Salah S.O. Nemma

1971 TAMA* 1982 TAMA 1994 TAMA 2004 TAMA 2014 TAMA 60/71 71/82 82/94 94/04 04/14

13484 26918 -

6080

6,48

47540

5,31

74697

3,84

82446

0,99 102019 2,15

-

22687

11,6

40339

4,9

51049

2,38

60076

1,64

Source : RGPH 1960, 1971, 1982, 1994, 2004, 2014. TAMA : Taux d'accroissement moyen annuel.

Suite à cette croissance démographique, la production des logements et des équipements collectifs a augmenté considérablement dans les deux centres. La superficie bâtie de chaque ville a évolué rapidement. Ainsi, de nouveaux quartiers ont vu le jour, sur des terres qui étaient autrefois cultivées en betterave, en luzerne, en arboriculture... (cartes 1 et 2). Malgré la baisse enregistrée ces dernières années du taux d'accroissement annuel de la population de Fkih Ben Salah et de Sebt Ouled Nemma, la demande en terrain à bâtir reste importante, et le déficit en logement n'est pas encore comblé.

3.2. Une domination des petites propriétés foncières privées dans l'arrière-pays des deux villes En effet, les propriétés, dont la taille ne dépasse pas les 4 ha, représentent environ 72% de l'ensemble des propriétés situées dans les zones périphériques de Fkih Ben Salah et 82% à Sebt Ouled Nemma. Les propriétés ayant une superficie inférieure ou égale à 2 ha représentent environ 38,6 % des propriétés qui existent dans l'arrière-pays immédiat de la ville de Fkih Ben Salah et environ 64,1% des propriétés situées dans la zone agricole qui encercle la ville de Sebt Ouled Nemma(9). L'étroitesse de la superficie de ces propriétés, le manque d'eau d'irrigation, les conflits entre héritiers ont souvent constitué des prétextes pour ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation. Cependant, plusieurs petits propriétaires ont préféré lotir eux-mêmes leurs propriétés ou les vendre à des lotisseurs, au lieu de continuer à les cultiver ou les laisser en jachère (10).

9. L'importance de ce type de propriété est due, essentiellement, au morcellement successif qu'a subi la propriété foncière, à la suite de nombreuses opérations de l'héritage, mais aussi de la vente et de l'achat. 10. En effet, si on prend en considération la taille de la majorité des lotissements réalisés à Fkih Ben Salah ou à Sebt Ouled Nemma, on constate que les lotissements ayant une taille inférieure ou égale à 3 ha représentent environ 96% des lotissements dans le premier centre et 94% dans le second.

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4. Une spéculation foncière en croissance soutenue La croissance de la demande en terrain à bâtir à Sebt Ouled Nemma et à Fkih Ben Salah a provoqué, durant ces dernières années, une hausse des valeurs foncières et l'apparition d'une minorité de spéculateurs, notamment des lotisseurs et des revendeurs de lots. De nombreux propriétaires terriens, locaux ou citadins, ont participé à l'effervescence de la spéculation foncière dans les deux villes, une activité qui ne nécessite aucune compétence et ne comporte aucun risque, mais qui garantit de gros gains. Certains lotisseurs n'ont pas cessé de créer des lotissements ou d'acheter des terrains agricoles dans le but de constituer d'importantes réserves foncières à l'intérieur du périmètre urbain.

4.1. Des documents d'urbanisme autorisant la consommation des terres fertiles On constate que la planification urbaine à Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma a demeuré, pour longtemps, incapable de protéger les terres agricoles. Les plans d'aménagement qui ont été établis depuis les années soixante ont continué à étendre le périmètre d'aménagement au détriment de l'espace agricole, et n'ont jamais opté pour la construction d'un habitat à plusieurs niveaux, peu consommateur d'espace. Au niveau de la ville de Fkih Ben Salah, le 1er plan d'aménagement élaboré en 1962 avait introduit environ 400 ha de terres agricoles dans le périmètre d'aménagement. Celui de 1974, qui a gardé le même périmètre, a ouvert à l'urbanisation environ 174 ha de terres agricoles situées dans la zone qu'occupent actuellement les quartiers Sidi Ahmed Radi, Lamsella, Hafir et Nezha. Le plan d'aménagement de 1977 et celui de 1982 n'ont autorisé à la construction qu'une superficie de 48 ha. Le plan d'aménagement de 1999, malgré le fait que la superficie à aménager a atteint 1500 ha, une grande partie des terres agricoles introduites dans le périmètre d'aménagement a été retenue comme des espaces verts ou agricoles, ou comme des réserves stratégiques. Seulement de petites superficies ont été ouvertes à l'urbanisation(11). A Sebt Ouled Nemma, le premier plan d'aménagement élaboré en 1965 a couvert environ 530 ha de terres agricoles. Si ce plan n'a réservé que quelques terrains au nord du douar à l'implantation du souk et à la création de quelques lotissements, on constate que le plan d'aménagement de 1987 a ouvert à l'urbanisation toutes les terres agricoles situées dans le périmètre d'aménagement. En 1999 une superficie de 350 ha a été introduite dans le périmètre d'aménagement. Conscient de l'importance de l'environnement, le nouveau plan d'aménagement a réservé environ 121 hectares à des espaces verts, et 170 hectares comme zone stratégique.

4.2. Perspectives de développement des deux villes et protection des terres irriguées Dans le cadre des discussions des SDAU des villes de Fkih Ben Salah et de Sebt Ouled Nemma, validés en 2001, des mesures ont été prises pour assurer une assiette foncière nécessaire au développement futur des deux villes, d'une part, et pour sauvegarder les terres irriguées qui les entourent de l'autre. 11. Il s'agit du Plan d'aménagement qui a mis en application les grandes orientations du SDAU du périmètre irrigué homologué en 2001, telles que la sauvegarde des terres agricoles irriguées.

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- Orientation de l'urbanisation vers les terres non agricoles C'est une option qui a été choisie pour permettre à la ville de Fkih Ben Salah de s'étendre vers le sud-ouest, sur les terres collectives des Ouleds Haten et éviter tout empiétement sur les terres irriguées qui encerclent la ville du Nord, du Sud et de l'Est. Une importante superficie de ces terres bours a été utilisée pour abriter le souk hebdomadaire, le stade de football, les équipements collectifs et les lotissements publics(12). Mais vu leur statut juridique, ces terres restent inaccessibles pour les lotisseurs et les promoteurs immobiliers privés. - Développement de la construction des immeubles optimisant l'utilisation des sols A Fkih Ben Salah comme à Sebt Ouled Nemma, l'habitat économique (R+2) est le plus répandu. A la fin des années quatre-vingt-dix, ce type d'habitat a constitué 71% des habitats existants à Fkih Ben Salah et 44% à Sebt Ouled Nemma. Par contre, la part des constructions de quatre niveaux (R+3) ne représente que 2.5% dans le premier centre, et 3,9% dans le deuxième(13). A partir de 2001, les responsables des deux centres ont autorisé la construction d'immeubles de cinq niveaux et plus dans certains quartiers, et le long des grandes artères. Le but est de satisfaire une partie de la demande en logement et alléger le problème de l'expansion des deux villes. Cependant, la production de ce type d'habitat est insignifiante au centre urbain de Sebt Ouled Nemma et peu importante à Fkih Ben Salah, car ce type d'habitat qui exige des investissements importants ne peut se développer dans des villes où les gens préfèrent un habitat individuel. - Transfert des souks hebdomadaires La ville de Fkih Ben Salah et celle de Sebt Ouled Nemma disposent de deux grands souks d'intérêt régional et national. Ces derniers contribuent beaucoup aux recettes des deux municipalités. Le transfert du souk de Fkih Ben Salah a été décidé en 1995, mais cette opération n'a eu lieu qu'en 2007. Le souk se tient actuellement tous les mercredis, au sud-ouest de la ville, sur une superficie d'environ 30 ha. Sa délocalisation a permis la libération d'une superficie de 14 ha. Sur une partie de ce domaine municipal, la commune a édifié un grand complexe culturel. Par contre, le souk de Sebt Ouled Nemma est toujours à sa place. Il occupe une superficie de 9 ha. Le jour du souk, plusieurs commerçants ambulants qui n'arrivent pas à y avoir une place, s'installent dans les rues des quartiers limitrophes. Le transfert de ce souk vers une commune rurale voisine, comme le préconise le SDAU, serait une bonne solution. Mais il parait, pour l'instant, que la municipalité n'est pas prête à délocaliser son souk qui incarne l'identité initiale de la ville. En revanche, la ville de Sebt Ouled Nemma a perdu sa sucrerie, une unité industrielle qui occupait une superficie d'environ 65 ha. Depuis sa création par l'Etat en 1966, elle a contribué largement au développement du centre urbain. En 2005 l'usine a été achetée par la société 12. La superficie de ces terres est d'environ 709 ha. 13. Plan d'aménagement de Fkih Ben Salah et de Sebt Ouled Nemma « Rapport de synthèse intermédiaire».

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COSUMAR, une filière du groupe ONA. Pour des raisons économiques, la société a mis fin au fonctionnement de l'unité. Le démantèlement de cette dernière permettra à la société, connue pour ses activités immobilières commerciales, de disposer d'une assiette foncière qu'elle pourrait lotir dans les années à venir et mettre sur le marché foncier de la ville des lots de terrain(14). En outre, la préservation des terres irriguées contre la poussée urbaine de la ville de Fkih Ben Salah et de celle de Sebt Ouled Nemma, nécessite la mobilisation des terrains nus qui existent encore à l'intérieur des quartiers, l'application de la taxe urbaine sur les lots non construits, la lutte contre l'habitat non réglementaire qui se propage dans les zones périphériques et la dotation des centres urbains et des communes rurales proches des équipements collectifs, pour améliorer les conditions de vie de leur population et maintenir sur place une grande partie de leurs habitants. La Sauvegarde des terres irriguées à haute performance agricole exige l'implication de l'office régional de mise en valeur agricole du Tadla, dans l'élaboration de tous les documents d'urbanisme.

Conclusion En l'absence d'une planification urbaine protectrice des terrains agricoles, les terres irriguées limitrophes des centres urbains de Fkih Ben Salah et Sebt Ouled Nemma ont été l'objet d'empiétement durant ces dernières années. Le grignotage de ces terres a pris de l'ampleur à partir de la moitié des années quatre-vingt, à cause de l'évolution de la demande en logements et en équipements, mais aussi, de la spéculation. Malgré les mesures qui ont été prises pour préserver les terres irriguées, la consommation de celles-ci est inévitable. En réalité, le développement futur des deux villes ne pourra pas se faire sans toucher aux terrains agricoles, surtout pour la ville de Sebt Ouled Nemma qui est complètement encerclée par les terres irriguées. La pression à laquelle sont soumises les terres irriguées situées aux périphéries de Fkih Ben Salah, Sebt Ouled Nemma et des autres centres urbains voisins, remet en cause la durabilité du périmètre irrigué du Tadla. Cette situation demande une intervention urgente, qui prend en considération la nécessité de l'urbanisme sans négliger le côté environnemental.

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Vallette, E. et autres, (2013): «Urbanisation en périphérie de Meknès et avenir des terres agricoles; l'exemple de la coopérative agraire Naiji». Cahier agric. vol 22, n°6. Nov-déc pp. 535-543.

• Ministère de l'agriculture, du développement rural et des pêches maritimes et Ministère de

l'aménagement du territoire, de l'environnement de l'urbanisme et de l'habitat : Actes de la journée de réflexion sur l'urbanisation et la sauvegarde des Terres agricoles organisée à l'IAV Hassan II, le 19 Mai 1999.

Óe »æH ä’ÉM,qádOÉJ ¡°ùH »MÓØdG ÉéŸG Ó¡à°SGh …ö† G ™°SƒàdG :(2006) ,ƒeRCG ó«éŸG óÑY • ÜGOB’G á« c .É«aGô¨L ¢ü°üîJ .ádhódG GQƒàcO «æd áMhôWCG .áªædG O’hCG âÑ°ùdGh ídÉ°U øH ¬« ØdGh .(IQƒ°ûæe ÒZ). Óe »æH á«fÉ°ùfE’G ƒ ©dGh ¿Éàæjóe :áªædG O’hCG âÑ°ùdG ¥ƒ°S ídÉ°U øH ¬« ØdG :ádOÉàH …ö† G RÉ¡÷G :(1990),OGóe óªfi • áÑ©°T,á«fÉ°ùfE’G ƒ ©dGh ÜGOB’G á« c.É«aGô¨L ¢ü°üîJ,É« ©dG äÉ°SGQódG ƒ HO,•ôØe ™°SƒJ ‘ .(IQƒ°ûæe ÒZ).•ÉHôdG,É«aGô¨÷G

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Centres ruraux et développement des montagnes au Maroc : cas du Haut Atlas Central Abderrahim MARZOUKI*

Résumé L'article met en exergue le rôle des centres ruraux dans le développement des zones de montagne, en prenant le Haut Atlas Central marocain, qui souffre d'une sous-urbanisation remarquable, comme exemple. Vu l'importance de la ville en tant que vecteur et facteur de développement territorial de tout espace, ce vide constitue un handicap majeur au développement de la zone. L'existence d'un nombre important de centres ruraux sur le territoire du Haut Atlas Central constitue un facteur déterminant dans l'organisation et la structuration de cet espace, à travers les équipements et les services publics et privés qu'ils offrent à leurs propres populations et à celle de leurs arrière-pays. Ainsi, en l'absence d'un système urbain solide, ces centres présentent un levier pour un développement viable et équilibré de ce territoire. Mots clés: Centres ruraux, zones de montagne, développement territorial, Haut Atlas Central.

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* Chercheur à INAU/CERAU-Rabat et Doctorant (FLSHR).

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Introduction Depuis l'indépendance du Maroc, le développement rural était, et demeure, au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Une bonne partie des programmes étatiques ont concerné le monde rural. Toutefois, ces interventions ont été sélectives. La majeure partie des actions d'équipement et de développement rural ont été destinées aux régions rurales riches, notamment les plaines agricoles qui ont bénéficié de la réalisation de grands investissements pour l'équipement hydroagricole. Les autres zones, en particulier les montagnes, sont restées en marge de tout effort de développement significatif. Les différents programmes et politiques étatiques qui ont touché les espaces de montagnes depuis l'indépendance, aussi limités soient-ils, ont eu un caractère sectoriel, et se sont basés sur une approche techniciste. Ils n'ont pas permis de faire sortir ces espaces de la situation de léthargie dans laquelle ils se trouvent actuellement, d'où l'existence d'une grande fracture socioéconomique et spatiale, traduite par des carences importantes à tous les niveaux. Par ailleurs, le développement d'un espace donné est lié à un ensemble de facteurs interdépendants, à même de parvenir à offrir à la population un cadre de vie adéquat, et une base économique solide et variée, permettant la création des richesses. La multiplication des centres urbains constitue à cet effet, un véritable levier de développement socioéconomique et spatial. Au Maroc, les spécificités physiques et naturelles qui marquent les espaces de montagnes influencent largement le système urbain qui demeure incapable de jouer le rôle de locomotive de développement socioéconomique et spatial dans ces zones. Le faible taux d'urbanisation dans la majeure partie des montagnes marocaines confirme ce constat. L'objectif de cet article est de démontrer la place qu'occupent les centres ruraux de services dans la structuration et l'organisation de l'espace du Haut Atlas Central, qui se caractérise par un manque flagrant en matière d'encadrement urbain. Les deux villes existantes dans ce territoire, Azilal et Demnat, demeurent de moindre importance, aussi bien sur le plan démographique, que sur le plan économique. Ainsi, les centres ruraux de services constituent la base de l'armature urbaine et l'échelon élémentaire de la centralité au niveau de cet espace. Ils coïncident souvent avec le cheflieu d'une commune rurale et assurent la fonction d'encadrement territorial dans les espaces ruraux. Ils sont les lieux de transition entre l'espace rural et l'espace urbain. Quel rôle jouent les centres ruraux de services dans le développement socio-économique et spatial du Haut Atlas Central ? Sont-ils en mesure de combler le manque remarquable au niveau du système urbain ? Sont-ils capables de résorber la fracture socioéconomique et spatiale dont souffre ce territoire ? L'article présente, dans un premier lieu, les caractéristiques du phénomène urbain dans le Haut Atlas Central et son faible encadrement de l'espace. Ensuite, le rôle que jouent les centres ruraux de services dans la structuration de l'espace, et enfin, le potentiel de développement qu'ils offrent et leur aptitude à remplacer partiellement le rôle des villes quasi rares dans la zone.

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1. Le Haut Atlas Central: un espace peu urbanisé Le Haut Atlas Central enregistre une faiblesse notoire en matière d'urbanisation. L'existence de deux villes seulement, sans complémentarités spatiales et fonctionnelles, entrave le développement économique et social, voire territorial, de tout cet espace.

1.1. Un espace imprégné d'histoire: de la zaouïa au centre rural de service Le Haut Atlas Central est un espace d'ancien peuplement, caractérisé par la prédominance de l'habitat dispersé, avec l'existence de plusieurs établissements humains qui jalonnaient les anciens axes de commerce caravanier et s'articulaient autour des souks (TAOUFIK Ahmed, 1983, p. 53 et p.100). Il s'agit des agglomérations d'Ouaouizaghte, d'Ait Attab et de Tabia sur la moyenne montagne et les agglomérations de Bzou, Jemâat N'Tifa (Foum Jemâa actuellement), Demnat, (DE FOUCAULT Charles, 1988, pp. 69-78), Ait Taguella et Tabaroucht (OUAHMI Ould Braham, 1995, p. 35), dans la basse montagne et le dir. Ces groupements humains, qui ont structuré l'espace du Haut Atlas Central à l'époque, ont été renforcés par l'implantation des zaouias(1). La mixité entre les fonctions commerciale et religieuse a permis l'épanouissement et le développement desdits centres, notamment les plus grands de taille, qui ont joué un rôle administratif en abritant les sièges de commandement du Makhzen. Les centres de Bzou, Foum Jemâa, Demnat, Ouaouizaghte, Azilal abritaient des sièges de caids et avaient, de ce fait, un rôle administratif et sécuritaire à l'époque. En somme, le Haut Atlas Central était encadré, durant la période précoloniale, par une armature rurale assez bien diversifiée, qui se compose de centres soukiers, de centres routiers (commerce caravanier), des agglomérations sièges de marabouts et de zaouïas et des centres symbolisant le pouvoir central. Parfois, tous ces facteurs peuvent se regrouper dans un seul centre (Demnat, Ouaouizaghte et Bzou (2)….). Durant la période coloniale, les actions et les interventions des autorités du protectorat ont permis la consolidation d'un ensemble d'agglomérations préalablement existantes et l'apparition d'autres. Les bureaux de commandement et les postes de contrôle, avec tout ce qu'ils ont entraîné comme équipements publics de base, ont constitué le point de départ pour un nombre

1. BOULIFA Saïd et DE FOUCAULT Charles, qui ont visité le territoire de la province peu de temps avant l'arrivée du protectorat, ont cité l'existence des Zaouias suivantes : La zaouia Naciria qui se trouve à Bzou ; la zaouia des Ait Si Mhand sur le territoire des Aït Majden ; la zaouïa de Bouanter située non loin de la précédente face à la chaîne des Intift ; la zaouïa de Ait Ali ou Mhand se trouvant à Ouaouizaghte ; la zaouïa de Tanaghmelt près de la ville actuelle d'Azilal, la zaouïa des Intift à Foum Jemâa ; la zaouïa des Ait Ikhelf sur le territoire des Ait Meççad ; la zaouïa de Sidi Mohammed Ahançal, succursale de la zaouïa d'Ahançal, se trouvant sur les territoires des Ait Choukhman ; la zaouïa de Sidi Mohammed Lhoussain, succursale de la zaouïa-mère d'Ahançal, située à Tabaroucht sur la rive gauche de l'oued Lâabid... 2. L'importance de ces centres se différencie spatialement et temporellement. Pendant les périodes de la puissance du pouvoir central, se sont les centres où siègent les caïds et les centres soukiers qui structurent l'espace provincial le plus. En périodes de sa faiblesse, les centres qui s'articulent autour des marabouts et des zaouïa qui prennent le relais.

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important de centres ruraux (Anergui, Zaouit Ahansal, Tagleft, Tilouguite, Aït Mhammed, Aït Attab, Tanant….)(3). Dans ce cadre, une logique claire a dominé l'action des autorités du protectorat : d'abord la pacification de la zone en s'appuyant sur un réseau de postes de commandement, liés entre eux par un réseau de routes et de pistes carrossables. Ensuite, le contrôle et la gestion du territoire se sont appuyés sur une infrastructure administrative et technique que l'Etat colonial a créée sur place. Petit à petit, des flux de communication et de commerce ont commencé à se développer entre les différents centres, abritant les structures de la puissance coloniale, et les centres de plaines, tels que Béni-Mellal, Tadla, Kelaa des Sraghna et Marrakech.

1.2. Une sous-urbanisation flagrante Le Haut Atlas Central est un espace fortement rural. Il englobe 42 communes rurales et deux communes urbaines seulement. Il ne comporte que deux petites villes, Azilal et Demnat. Ce sont les centres ruraux de services qui structurent l'ensemble des communes rurales situées au cœur de la montagne profonde (TROIN Jean-François (S. dir.), 2002, p. 360). D'après le RGPH de 1971, le taux d'urbanisation dans le Haut Atlas Central ne dépassait pas 4%, 8.6% en 1982, 13.6%. En 1994. Il atteint à peine 16%(4) en 2004, pour se fixer en 2014 à 18.17%. Ceci dénote du décalage important dont souffre cet espace en termes d'urbanisation par rapport à l'ensemble du pays, qui est de 60,3%(5). Population et taux d'urbanisation dans le Haut Atlas Central (1971-2014) Population

1971

1982

1994

2004

2014

Population du Haut Atlas Central

319000

377000

455000

504 501

554001

Taux d'urbanisation du Haut Atlas Central

3.64%

8.58%

13.62%

16.20%

18.17%

Population du Maroc Taux d'urbanisation à l'échelle nationale

15379259 20419555 26073717 29891708 33848242 35.1%

42.6%

51.5%

55.6%

60,3%

Source : Direction de la Statistique (RGPH 1971, 1982, 1994, 2004 et 2014)

3. Dans toutes les agglomérations devenues des sièges de l'autorité coloniale, l'installation du quartier administratif a eu lieu, avec une position de « domination » topographique, sur les collines (Aït Attab, Tanant, Tagleft, Azilal, Ouaouizaghte, Demnat, Tilouguite) ou sur les versants (Zaouiat Ahansal, Bzou, Anergui). 4. Le RGPH 1982 a classé quatre centres ruraux parmi les centres urbains (Ouaouizaghte, Bzou, Afourar et Foum Jemâa) et a compté leurs habitants en tant que populations urbaines. 5. Le taux d'urbanisation au niveau national s'est développé d'une manière rapide ces dernières décennies passant de 35.1% en 1971, à 42.6% en 1982, puis à 51.5% en 1994, à 55.6% en 2004 et 60,3% en 2014 (Tab). 58

Ce faible taux d'urbanisation est dû à la fois au nombre limité des villes et centres urbains, mais aussi à l'émigration vers les régions les plus dynamiques du Royaume. Cette migration touche à la fois la population rurale et urbaine. Ce qui traduit la faible capacité d'attraction du milieu urbain de la province. Plusieurs facteurs expliquent cette sous-urbanisation (schéma page suivante). D'abord, l'enclavement d'une bonne partie de la zone, notamment les parties Sud et Est. Le caractère accidenté de ce territoire accentue ce problème. Les carences sociales, dont souffre la population du Haut Atlas Central compliquent encore plus la situation, vu qu'elles constituent un facteur déterminant de la migration vers l'extérieur de ce territoire. Mais, l'élément principal de cette sous-urbanisation est la faiblesse de la base économique locale, car le fait urbain est avant tout un phénomène économique. Cette faiblesse est le résultat des constats suivants : - le caractère accidenté du territoire de la province a fait que la surface agricole utile ne dépasse pas 21% (203.094 Ha) de sa superficie, située en grande partie sur des pentes, en plus de la faiblesse de l'utilisation des techniques modernes dans l'exploitation des terrains agricoles ; - la dégradation des parcours par surpâturage et des ressources forestières par défrichement (environ 6000 ha disparaissent chaque année) ; - le caractère traditionnel et anarchique du secteur de l'élevage, qui reste dominé par les races locales et sa très faible intégration avec le secteur agricole ; plus 50% du cheptel est constitué de caprins, alors que les bovins ne représentent que 3% ; - le caractère embryonnaire du secteur du tourisme, même si la province dispose d'un potentiel important qui reste largement sous-exploité ; les structures d'accueil touristique existantes n'offrent que 1884 lits (6) ;

- la faiblesse du secteur de commerce et services est naturellement liée aux autres secteurs économiques globalement fragiles, ce qui limite ces activités dans les souks hebdomadaires.

6. Délégation provinciale du tourisme d'Azilal (2013).

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Processus de sous-urbanisation dans le Haut Atlas Central

Enclavement remarquable

Topographie accidentée Faiblesse du phénomène urabain Carences sociales Sous-encadrement de la population

Base économique fragile

Sous développement territorial Exode rural vers d'autres régions

Cette sous-urbanisation a un effet négatif sur le développement de la zone, car l'importance relative de la population habitant les campagnes est signe incontestable du sousdéveloppement (NOIN Daniel, 1967, p. 70). Vue la situation actuelle marquée par un taux d'urbanisation faible, l'évolution lente de la population urbaine et l'essoufflement de la base économique locale, les centres ruraux de services, qualifiés « d'urbanisation intermédiaire » (KERZAZI Moussa, 2010, pp. 9-12) ou d'urbanisme de proximité (GOFFETTE-NAGOT Florence et SHMITT Bertrand, 2005, p. 18), demeurent le seul moyen pour le développement territorial et la structuration de l'espace dans la zone.

2. Les centres ruraux, un levier pour le développement territorial dans le Haut Atlas Central 2.1. Des politiques publiques confortant les centres ruraux de services L'intervention de l'Etat marocain dans l'aménagement et le développement du monde rural depuis l'indépendance revêt une importance stratégique. Dans ce sens, la charte communale de 1976, qui constitue le point de départ de la politique de décentralisation et de déconcentration, a renforcé le rôle que jouent les centres ruraux, à travers les équipements publics qui y sont implantés. Les différents découpages administratifs successifs ont conforté cette tendance. A cet effet, le découpage communal de 1992 a permis de créer 15 nouvelles communes. Ainsi, le nombre total des communes dans le Haut Atlas Central a passé de 29 à 44, soit une augmentation de 51,7%. Ces 15 nouvelles communes ont été dotées d'un chef-lieu, plus ou moins pourvu en équipements publics de base. L'implantation des équipements publics dans les chefs-lieux des communes rurales a eu un effet direct sur l'émergence et la consolidation d'un nombre important de centres ruraux. 60

A partir des années 1990, les centres ruraux de services ont connu un nouvel élan, suite au lancement de plusieurs programmes d'équipement rural initiés par l'Etat. Il s'agit du programme national des routes rurales (PNRR) visant le désenclavement du monde rural, des programmes socio-éducatifs visant à améliorer le taux d'accès à l'enseignement et aux services de santé de base et des programmes d'amélioration des conditions de vie des populations rurales, à savoir le programme de généralisation de l'accès à l'eau potable (PAGER) et le programme d'électrification rurale (PERG). Ces programmes ont permis d'étoffer la gamme d'offre des centres ruraux en équipements publics. Ce qui a permis de consolider leur rôle dans le Haut Atlas Central. Pour contrecarrer les carences sociales et la faiblesse de la base économique locale, les pouvoirs publics ont lancé, en 2005, l'Initiative Nationale de Développement Humain (INDH). Ses actions ont touché la quasi-totalité des communes de la zone, vu la situation socioéconomique fragile dont elle souffre. Parmi les objectifs de cette initiative, on cite le renforcement des activités génératrices de revenus. Ce qui a eu un effet positif sur la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité de la population, et l'amélioration de quelques activités économiques, y compris dans les centres ruraux de services. In fine, les interventions de l'Etat ont eu un effet décisif sur le rôle et les fonctions des centres ruraux de services dans le Haut Atlas Central.

2.2. Les centres ruraux de services : des micros pôles de concentration démographique Suite à la mise en œuvre de ces différents programmes de développement, les centres ruraux du Haut Atlas Central ont enregistré une augmentation manifeste de leurs populations. Ainsi, cette population est passée de 70511 habitants en 1994 à 88334 habitants en 2004, soit un taux d'accroissement annuel moyen de 2.28%. En 2014, cette population a atteint 107996 habitants, soit un taux d'accroissement annuel moyen de 2,03% entre 2004 et 2014. Ainsi, la population installée dans les centres ruraux de l'espace étudié, qui représentait 17.5% de la population totale en 2004, a atteint 19.49% en 2014, soit le 1/5ème de la population globale du Haut Atlas Central.

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Carte 1 : Groupes de centres ruraux selon la taille démographique en 2014(7)

Source : RGPH 2014 et Direction Régionale du Plan de Beni Mellal-khnifra

La population installée dans chaque centre rural varie selon sa taille et son emplacement sur l'espace d'étude. Ainsi, trois catégories de centres peuvent être distinguées selon la taille démographique ( carte 1) : des centres ruraux embryonnaires ayant une population inférieure à 1500 habitants, se trouvant généralement dans des communes enclavées (Ait Bououlli, Ait Tamlil, Ait Oumdis, Sidi Yacoub, Zaouit Ahansal, Anergui, Ait Blal….). Ces centres, au nombre de 21, sont en majorité situés dans les zones de haute montagne, dans la partie sud et Est de l'espace étudié. Un deuxième groupe est composé de 18 centres ruraux de taille démographique intermédiaire, entre 1500 et 5000 habitants. Ils sont globalement situés sur la moyenne et la basse montagne (Tabant, Tanant, Tilouguite, Moulay Aissa Ben Driss, Bzou, Bni Ayat, Afourar, Tagleft, Tiffert N'Ait Hamza…). Un troisième groupe comporte trois centres, dont la taille démographique dépasse 5000 habitants. Il s'agit d'Afourar, Foum Jemâa et Ouaouizaghte. A l'exception de ce dernier qui se localise dans la moyenne montagne, les autres centres ruraux sont situés dans la basse montagne et le « dir ». 7. Le RGPH 2014 donne la taille démographique de quatre centre seulement (Ouaouizaght, Afourar, Foumjemâa et Bzou), les tailles démographiques des autres centres ont été obtenus auprés de la Direction Régionale du Plan de Bni-Mellal- Khenifra.

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3. Une multitude de centres ruraux, en majorité de petite taille 3.1. Les équipements publics, un indicateur de hiérarchisation des centres Les équipements publics jouent un rôle déterminant dans le développement des centres ruraux, que l'Etat renforce au fur et à mesure pour structurer l'espace rural. Ils constituent un indicateur significatif pour hiérarchiser les centres ruraux selon leur importance. Notre analyse a porté sur l'existence ou non de chacun des 10 équipements publics les plus structurants de l'espace rural marocain. Il s'agit de la maison communale, de caïdat, du lycée, du collège, du centre de santé, du centre de formation professionnelle, du souk, de la route revêtue, de la poste et du centre de travaux agricoles (8). L'analyse de ces équipements permet de distinguer trois groupes (Carte 2). Un premier groupe de centres ruraux dont le taux d'équipement est faible, ne disposant que de quatre équipements publics ou moins. Ce groupe comporte 14 centres ruraux élémentaires, de faible taux d'équipement. A vrai dire, ce sont des pseudo-centres. Ce constat peut être expliqué, soit par leur enclavement (Ait Oumdis, Sidi Yacoub, Tabaroucht…), soit par l'effet de l'influence des centres urbains qui entravent leur développement (Agoudi N'Lkhir et Tamda N'Oumarcid, proches de la ville d'Azilal ; Tabaroucht et Issekssi, proches du grand centre d'Ouaouizaghte….). Le deuxième groupe, en position intermédiaire (de 5 à 7 équipements), comporte 17 centres ruraux (Anergui, Tilouguite, Ait Mhammed, Ait Taguella, Ait Abbas, Beni Ayat…), soit plus de la moitié des centres ruraux existants dans le Haut Atlas Central (40.5%). Mieux dotés en équipements publics, ces centres jouent un rôle plus important dans la structuration de l'espace rural de la zone. Mais, ils souffrent de plusieurs handicaps qui limitent leur rayonnement, notamment, l'enclavement. Le troisième groupe est composé de 7 centres ruraux, les plus dotés en équipements publics dans le Haut Atlas Central ( de 8 à 10 équipements publics). Ils disposent d'une gamme d'équipements publics étoffée, leur permettant de mieux polariser et structurer l'espace rural (Ouaouizaghte, Afourar, Bzou, Foum Jemâa, Aït Attab, Tagleft, et Tabant). A l'exception de Tabant, ils sont tous situés sur la moyenne montagne et le dir.

8. Nous avons exclu d'autres équipements de la liste. L'école et le dispensaire rural, par exemple, ne sont plus des équipements polarisateurs de l'espace rural, car ils se trouvent même dans les douars.

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Carte 2 : Groupes de centres ruraux selon le nombre des équipements publics en 2013 BENI BENI MELLAL MELLAL

Aït Aït Oukabli Oukabli Tifferte Tifferte N'Aït N'Aït Hamza Hamza

Afourar Afourar Bni Bni Ayat Ayat

Vers Marrakech Rfala Rfala

Moulay Moulay Aissa Aissa Ben Driss Driss Tisqui Tisqui Ben

Tagleft Tagleft Aït Aït Ouarda Ouarda Tabarouchte Tabarouchte

Ouaouizaghte Ouaouizaghte

Bzou Bzou Taounza Taounza

Tabia Tabia

Issekssi Issekssi

Timoulilte Timoulilte

Aït Aït Mazigh Mazigh

Tilouguite Tilouguite Anergui Anergui

Bni Bni Hassane Hassane Aït Aït Taguella Taguella

Foum Jemâa Foum Jemâa

AZILAL AZILAL

Tabarouchte Tabarouchte Agoudi Agoudi N'Lkhir N'Lkhir

Tamda Tamda N'Oumarcid N'Oumarcid

Tanante Tanante Aït Aït Oumdis Oumdis Imlil Imlil Tidili Tidili Fetouaka Fetouaka

Ouaoula Ouaoula

Aït Aït Mhammed Mhammed Zaouit Zaouit Ahansal Ahansal

Aït Aït Abbas Abbas

DEMNATE DEMNATE

Sidi Sidi Boulkhalef Boulkhalef

Anzou Anzou

Aït Aït Blal Blal

Nombre d'équipements publics Tabant Tabant

Sidi Sidi Yacoub Yacoub

De 8 à 10 Tifni Tifni

De 5 à 7 De 1 à 4 équipements publics

Aït Aït Bououlli Bououlli

*

Aït Aït Oumdis Oumdis Aït Aït Tamlil Tamlil

0

15

Ville 30

Kilomètres

Source Source :: Direction Direction des des collectivités collectivités locales locales (Province (Province d'Azilal) d'Azilal)

Elaborée par Abderrahim Marzouki

Route nationale Route régionale Route provinciale

3.2. Les équipements privés(9) : une offre liée à la taille des centres L'examen et l'analyse des équipements privés fixes(10) permettent de dégager trois groupes de centres (carte 3) : un groupe composé de 18 centres ruraux élémentaires, caractérisé par une faible offre en commerce et services privés fixes(11) (15 équipements privés ou moins). Il s'agit de centres de faible consistance, abritant une population de quelques centaines d'habitants. Leur situation s'explique, soit par la prédominance de l'activité soukière, telle que Sidi Boulkhalef et Sidi Yacoub, soit par leur situation près d'un centre important ou une ville qui compensent le manque constaté dans ces centres(12).

9. Le nombre des équipements privés fixes a été obtenu auprès de la Direction des Collectivités Locales de la province d'Azilal, dans le cadre d'un stage de terrain effectué au profit des étudiants de l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanism en juin 2013. 10. On entend par équipement privé fixe tous les équipements marchands (commerces et services) dispensés par le secteur privé. 11. La taille démographique et les équipements publics existant dans chaque centre rural sont des facteurs déterminants dans la diversification de la gamme des équipements privés (nombre et type) dans les centres ruraux et, de ce fait, dans le renforcement de leur place dans la structuration et l'organisation de l'espace. 12. Cas d'Agoudi N'Lkhir et Tamda N'Oumarcid proches de la ville d'Azilal et le cas d'Aït Mazigh et Tabarouchte, proches du grand centre d'Ouaouizaghte.

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Le deuxième groupe, composé de centres ruraux qui disposent de plus de 50 points de commerces et services privés fixes. Ce groupe, le plus dynamique parmi les centres du Haut Atlas Central, comporte 7 centres : Ouzoud, Ouaoula, Aït Attab, Foum Jemâa, Bzou, Afourar et Ouaouizaghte. Cette catégorie, qui abrite une population de plusieurs milliers d'habitants, joue un rôle primordial dans la structuration de l'espace provincial. Le troisième groupe, de 16 centres, dispose d'une offre privée intermédiaire et d'un nombre de points fixes de commerce et de services privés variant entre 15 et 50 points. Cette offre, même s'elle est moins importante en comparaison avec les grands centres ruraux de la province, constitue un noyau d'équipements et de services privés leur permettant de polariser leurs espaces de proximité et de se détacher petit à petit de l'activité du souk (Tagleft, Beni Ayat, Tabant, Tilouguite, Tanant, Aït Mhammed, Timoulilte, Imlil, Anergui, Anzou …). Du point de vue géographique, les centres les plus dotés en commerce et services privés sont situés dans la moyenne montagne (Ouaouizaghte, Ouaoula, Ouzoud, Tagleft…), et surtout dans la basse montagne et le dir (Afourar, Bzou, Foum Jemâa, Aït Attab, Beni Ayat, Timoulilte…). Carte 3 : Groupes de centres ruraux selon le nombre des équipements privés fixes(13) en 2013

13. Un point vaut un équipement privé fixe. Ces derniers représentent les différents types de commerces et services marchands (commerce des produits de consommation courante, de boucherie, de légumes et fruits, coiffeur, tailleur, gargote, café...).

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3.3. Les centres ruraux du Haut Atlas Central : essai de typologie(14) La combinaison entre les trois facteurs, en l'occurrence les équipements publics, les équipements privés et la taille de la population, permet de ressortir trois groupes de centres plus ou moins homogènes (carte 4). Le premier est composé de trois gros centres : Afourar, Foum Jemâa et Ouaouizaghte. Ces centres sont les plus dynamiques dans le territoire étudié. Ils disposent d'une taille démographique importante ( plus de 5000 habitants) et d'une offre étoffée en équipements et services publics (8 équipements et plus) et privés (plus de 50 commerces et services). Ce qui les prédispose à jouer un rôle majeur dans l'organisation et la structuration du territoire d'étude. Un ensemble de centres ruraux dynamiques, au nombre de 15, se trouvent dans une situation intermédiaire. Ils ont une taille démographique assez importante, dépassant 1500 habitants. Ce groupe offre une gamme étoffée et un nombre important d'équipements et de services publics et privés (Tabant, Beni Ayat, Tagleft, Ayt Attab, Bzou, Foum Jemâa, Tanant…). Ce groupe joue un rôle vital dans la province, surtout qu'une bonne partie de ce territoire est encore enclavée. Il constitue donc la seule alternative pour subvenir aux besoins des populations locales en produits et services de base. Carte 4 : Typologie des centres ruraux dans le Haut Atlas Central

14. La typologie des centres a été obtenue par le croisement d'un ensemble de facteurs, à savoir: la taille démographique, les équipements publics et les équipements privés fixes existant dans chaque centre. Dans ce cadre, une grille de notation à été appliquée pour distinguer les tailles des centres existant dans l'espace étudié. Cette méthode a été adoptée pour faire la typologie des centres ruraux de la région économique du nord-ouest dans le cadre de l'élaboration de son schéma d'armature rurale.

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Un troisième groupe est composé de centres embryonnaires. Il s'agit plutôt, de pseudocentres, vu qu'ils ont une petite taille démographique, moins de 1500 habitants, et leur offre en équipements et services publics (quatre équipements et plus) et privés (15 équipements privés ou moins) demeure très modeste. De ce fait, ils ont un rôle limité dans la structuration de l'espace concerné. Du point de vue spatial, les centres les plus importants se localisent dans la moyenne montagne (Ouaouizaghte, Tilouguite, Tagleft, Ouaoula, Ouzoud), et dans le dir (Bzou, Afourar, Foum Jemâa, Aït Attab, Tanant, Timoulilte, Bni Ayat…). Le reste de ce territoire renferme des centres ruraux d'intérêt surtout local, appuyés sur des souks (15) et dont l'importance varie selon leur localisation par rapport au réseau routier. En effet, le développement des axes routiers agit directement sur la configuration de l'organisation de l'espace du Haut Atlas Central en s'appuyant sur les centres ruraux y existent. Le réseau routier actuel ne permet pas de relier convenablement entre les centres ruraux et les différentes composantes de l'espace. Et, de là, l'intégration régionale de la zone. Les parties Sud et Est de la zone d'étude restent largement enclavées, alors que les parties Nord et Ouest sont les plus accessibles. D'une manière générale, deux cas de figure peuvent ressortir de l'analyse des centres ruraux du Haut Atlas Central : un centre rural embryonnaire, avec une taille démographique limitée, ne disposant que d'un petit nombre d'équipements et de services publics et privés. Ce type de centres exerce une influence et un rôle élémentaire sur l'organisation de l'espace. Dans un deuxième cas de figure, on trouve un centre rural dynamique, développant des complémentarités avec son environnement. Dans ce cas, les centres ruraux constituent des niveaux potentiels d'action, permettant d'instaurer une organisation fonctionnelle de l'espace ; et ce, à travers un maillage territorial en mesure de mieux maîtriser et organiser les flux d'hommes et des produits dans l'aire d'étude. Pour comprendre encore plus le rôle effectif assuré par les centres ruraux, il faudrait préparer une étude plus approfondie de leurs fonctions, sur la base d'un échantillon représentatif des centres ruraux. Chose que nous sommes en train de réaliser dans le cadre de notre travail de recherche doctorale (16).

Conclusion Le Haut Atlas Central est un espace fragile en cours de dévitalisation. Il souffre actuellement d'enclavement et de sous-équipement remarquables et d'une base économique faible et fragile. La faiblesse du phénomène urbain constitue un autre obstacle, si ce n'est pas le principal handicap devant le développement de la zone. Ces facteurs, entre autres, favorisent 15. Pour les deux villes et les centres ruraux existant dans l'aire d'étude, les souks sont un facteur essentiel pour le développement des centralités. 16. Sous l'encadrement du Professeur Moussa KERZAZI, nous sommes en cours de réalisation d'une Thèse de Doctorat intitulée « Centres ruraux et développement local dans le Haut Atlas Central ». Cette recherche vise à définir la place effective des centres ruraux dans le développement local dans un espace périphérique qui est le Haut Atlas Central.

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l'exode rural vers d'autres régions du Maroc, ce qui accentue davantage la marginalisation et la léthargie dont elle souffre. Par ailleurs, la zone abrite un nombre important de centres ruraux de services, qui peuvent compenser la fracture territoriale qui affecte l'espace du Haut Atlas Central. Ils constituent un levier pour éviter la dévitalisation de la zone, en fixant sur place une bonne partie de la population rurale, candidate à l'émigration vers d'autres régions du Maroc. La consolidation de ces centres ruraux, à travers la réalisation et la multiplication des équipements publics et privés et, de là, le renforcement et la dynamisation de la base économique locale, constituent un facteur indispensable pour leur permettre de jouer le rôle de véritables leviers de développement territorial. Enfin, l'importance de cette problématique réside dans le fait que le développement des zones de montagne devient une nécessité sociale, économique et environnementale, indispensable au fonctionnement harmonieux de l'espace national et du maintien de la population rurale sur place; car, sans développement préalable des campagnes, il n'y a pas de développement possible de l'ensemble du pays (NACIRI Mohammed, 1996, pp. 185-205).

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Littoralisation des provinces du sud marocain: cas d'Eddakhla - Oued Eddahab Abdelkabir BAHANI*

Résumé Située dans une zone subsaharienne, la région d'Eddakhla - Oued Eddahab ne comptait, jusqu'à la fin des années soixante-dix, que quelques établissements humains. Les infrastructures et les équipements socioculturels étaient quasi-absents. Ses populations pratiquaient, essentiellement, la transhumance, tout en s'adaptant à la rigidité du climat et à l'insuffisance des ressources hydriques. Toutefois, la région dispose, grâce à sa situation géographique, de plusieurs atouts : un littoral qui recèle d'importantes ressources halieutiques diverses ; un écosystème marin favorable à la reproduction des espèces marines, ainsi que des potentialités naturelles et humaines pour le développement du tourisme (sport nautique, éco-tourisme, découverte…), sans omettre les conditions climatiques qui sont favorables à la production des énergies renouvelables. Depuis la récupération de la région, la population a été regroupée, en raison des conditions géopolitiques et de développement continu, dans la ville de Dakhla, située sur une presqu'île, ce qui a nécessité la réalisation d'infrastructures de base, des équipements socioculturels et des projets structurants susceptibles de développer l'économie de la zone à partir des ressources locales, notamment, halieutiques. Ainsi, l'épanouissement économique de la ville a fait de la région, en particulier dans sa bande littorale, un espace très attractif, attirant de nombreuses personnes des régions septentrionales du pays pour travailler dans le secteur de la pêche. Ceci a entraîné, par conséquent, un passage rapide du nomadisme à la sédentarisation et une urbanisation sans précédent le long du littoral, caractérisée par l'évolution rapide des anciens centres et la création d'autres, dont la plupart sont des villages de pêcheurs. Les agglomérations urbaines abritent, aujourd'hui (2014), 74% de la population régionale. Pour remédier aux effets pervers de ces nouveaux changements, les pouvoirs publics ont adopté une stratégie de développement globale permettant, à la fois, le progrès de l'économie et l'organisation de l'espace. L'objectif est de répondre aux attentes de la population et faire de la région un pôle économique émergent. Mots clés : Région de Eddakhla - Oued Eddahab, Sahara, aménagement littoral, écosystème marin, urbanisation.

* Chercheur-Enseignant, Institut Universitaire de la Recherche Scientifique, Université Mohammed V Rabat.

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Carte 1: Situation et découpage administratif de la région de Oued Eddahab-Lagouira

Source : CRI de la région d'Oued Eddahab-Lagouira à Dakhla, 2010, p. 22.

Au début des années quatre-vingt, la zone ne comptait que quelques centres de regroupement de la population, où résidaient des dizaines de familles, alors que la majorité de la population pratiquait la transhumance. Les conditions climatiques, relativement clémentes de la bande littorale et l'importance des investissements dans le secteur de la pêche maritime ont fait de la région un espace de grande attractivité à avenir prometteur. En effet, la région a enregistré, ces dernières décennies, un développement économique et urbanistique important, qui a transformé, totalement, son armature urbaine, et ce, grâce aux activités économiques, nouvellement, développées au niveau régional liées à la pêche, à l'agriculture, au tourisme et au bâtiment. Cependant, cette dynamique économique et démographique n'a pas été accompagnée sur le plan social, ce qui a provoqué une demande de plus en plus croissante en logements, services, équipements de base et un déséquilibre au niveau spatial. Cette situation a, certainement, placé l'urbanisation comme le changement socio-économique le plus marquant dans la zone. Conscientes des effets pervers de cette concentration rapide le long du littoral, les autorités publiques et locales ont entrepris plusieurs actions pour mieux orienter l'aménagement territorial de la région et rationaliser l'exploitation des ressources halieutiques afin d'atténuer les effets négatifs qui pourraient hypothéquer l'avenir de la région.

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1. Des potentialités diverses à valoriser La région de de Eddakhla - Oued Eddahab, recèle des potentialités halieutiques, agricoles et touristiques très variées. Ces potentialités ont fait de la pêche maritime et du tourisme deux secteurs prometteurs pour l'économie régionale, fondée auparavant, sur la transhumance et l'agriculture.

1.1. Le secteur agricole entre tradition et modernité La population locale était une population nomade et l'élevage transhumant dans un espace, actuellement, réduit en raison des frontières, constituait la principale ressource de revenu. L'élevage, dont une partie se pratique en mode intensif, se compose, de près 25000 têtes des camelins, 300 têtes des bovins, 40000 des ovins, 30000 têtes des caprins et 500 autruches (1). L'agriculture est une activité limitée en raison de l'insuffisance des ressources hydriques. Toutefois, des périmètres irrigués sont aménagés, dans un rayon de 70 km aux alentours de la ville de Dakhla, destinés à la production des cultures maraichères et fourragères (Tableau 1). Les conditions naturelles permettent la production, même, de cultures à haute valeur commerciale sous serres et hors-sol (bananes, melon, tomates…). Tableau 1 : Périmètres et espaces agricoles dans la zone d'Eddakhla - Oued Eddahab

Désignation

Périmètres Périmètres disponibles exploités (en ha) (en ha)

Nature des cultures

Périmètre de Tiniguir

2400

45

Tomate-pa èque-meloncultures maraîchères

Périmètre Dhar Lhouli

500

40

cultures maraîchères

Périmètre Tawarta

94

37.5

Culture fourragère et maraîchère

Société de production agricole Tawarta

100

100

Tomate de inée au marché d'USA ou d'Europe

Source : Centre Régional d'Inve issement à Dakhla (2010).

En plus de ces périmètres, la population cultive des cultures céréalières, dans des espaces nommés « grarat», quand les conditions climatiques le permettent.

1.2. Le tourisme : un secteur prometteur La région dispose d'un réel potentiel touristique : ensoleillement le long de l'année, vents permanents créant des conditions favorables aux sports nautiques, l'existence de vastes plages variées et attirantes jalonnant le littoral, la baie de Oued Eddahab recelant une faune diverse, le bain minéral naturel de Tawarta, l'existence des sites archéologiques (grottes, cavernes, 1. Wilaya Oued Eddahab Lagouira, 2010.

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gravures rupestres et des sculptures), un aéroport international et la présence d'une faune unique (le phoque moine)(2). Ce capital naturel, et le capital humain très riche (culture, traditions, folklore et artisanat), constituent des potentialités importantes pour le développement de l'écotourisme, du tourisme de découverte, balnéaire, archéologique et des sports nautiques… Les opportunités qu'offre, encore, cette région pourront être développées davantage, en particulier celles liées au secteur halieutique et au tourisme, avec d'une part, l'entrée en service du nouveau port de la ville de Dakhla, de sa zone industrielle et les nouveaux pôles d'urbanisme, centres et villages de pêcheurs et, d'autre part, les atouts géographiques et climatiques de la région. Nous focalisons notre analyse, dans le volet suivant, sur le secteur de la pêche, en raison de son rôle central dans l'économie de la région et dans l'évolution et le développement socioéconomique et spatial que connaît la région de Oued Eddahab-Lagouira.

1.3. Des potentialités halieutiques, une richesse à préserver La région possède un littoral qui s'étend sur une distance de 667 km, où se situe une baie (baie d'Oued Eddahab) entre la péninsule de Dakhla et le continent, fermée et connue en tant que milieu très productif doté d'une biomasse et d'une productivité biologique considérable(3). Les eaux atlantiques recèlent des ressources halieutiques très importantes, représentant 65% du potentiel halieutique national exploitable (Carte 2), estimé à 3 millions de tonnes par an. Ce potentiel est constitué de 80% de poissons pélagiques et 20% de poissons démersaux. L'activité de la pêche maritime est devenue le pilier de l'économie, en raison du potentiel des ressources halieutiques d'une part, et de la demande internationale croissante pour les produits de mer de cette région, d'autre part. Malgré la richesse et la diversité du stock des ressources halieutiques: poissons pélagiques (sardine, maquereau, thonidés, mulets, espadon,…), crustacés (langouste verte, etc.), coquillages (palourde, moule, couteau…) ; l'espèce la plus ciblée par les pêcheurs est les céphalopodes, en particulier le poulpe, en raison de sa valeur marchande. 2. Le phoque moine est un mammifère marin, qui vit en colonie dans les grottes de la côte des phoques, au sud de la région entre Guereguerat et Lagouira, c'est une espèce rare et menacée d'extinction. La population totale de l'espèce dans le monde est d'environ 300 individus, 100 à 120 individus vivent dans les grottes de la région, dont la sauvegarde constitue une préoccupation, majeure, aussi bien au niveau national, qu'international. 3. La baie d'Oued Eddahab, de forme allongée, orientée du Nord-est vers le Sud-ouest parallèlement au littoral, d'une superficie atteignant les 400 km², avec 37 km de long et 10 à 12 km de large, est l'un des meilleurs sites marocains d'hivernage pour les oiseaux aquatiques. C'est aussi une zone d'escale migratoire de premier ordre pour la plupart des oiseaux d'eau paléarctiques et site de reproduction et de nidification pour plusieurs espèces. (Source : Fiche descriptive sur les zones humides RAMSAR (FDR), Catégories approuvées dans la Recommandation 4.7 modifiée par la Résolution VIII. 13 de la Conférence des Parties contractantes. Elaborée par : Qninba A. et autres). La faune identifiée jusqu'à présent au niveau du site de Oued Eddahab se compose de plusieurs espèces notamment : 41 espèces de poissons, 120 espèces de mollusques, dont le gastéropode et le céphalopode (des invertébrés aquatiques) et plus d'une quarantaine de crustacés,...

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Concernant la flotte, le nombre de barques autorisées dans le domaine de la pêche artisanale, qui était au nombre de 5754 barques en 2000, s'est élevé à 5987 en 2002, pour atteindre les 9088 barques en 2004 (4) et de baisser à 3250 barques en 2010(5). En 2008, le nombre de la flotte de la pêche côtière et de la pêche hauturière était de 153 navires et chalutiers congélateurs, en plus de 11 navires RSW pour le secteur des petits pélagiques. Cette flotte atteint, actuellement, le nombre de 164 navires et chalutiers congélateurs, et 06 navires de pêche pélagiques de type RSW (6) … Carte 2 : Potentialités halieutiques des côtes atlantiques marocaines

Source : Etude du SSO de la Zone de Dakhla, 2002

4. Guide de l'Investisseur, Centre Régional d'Investissement (CRI) à Dakhla, 2010 5. Monographie de la Région Oued Eddahab Lagouira, HCP, 2013 6. Site de la Wilaya Oued Eddahab Lagouira

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A propos de la production de la pêche halieutique, le volume de celle de la pêche côtière a atteint 188574 tonnes en 2008 et 558840 tonnes en 2013(7), toutes espèces confondues (céphalopodes, poisson blanc, petit pélagique, crustacés et coquillages). Le volume de certaines espèces connaît des variations d'une année à l'autre ; c'est l'exemple de celui des céphalopodes qui a enregistré 27710 tonnes en 2002, 4888 tonnes, seulement en 2007 (8), s'est élevé à 13950 tonnes en 2009(9) puis à 15505 tonnes en 2014 (Wilaya Oued Eddahab Lagouira). Ces variations s'accentuent pour le volume du poulpe, la principale composante des céphalopodes : 27185,1 tonnes en 2002 contre 8062,5 tonnes en 2004 (10). Ceci, s'explique par : les aléas du marché, l'instauration d'une politique d'exploitation imposée aux pêcheurs, ou tout simplement à cause de la baisse du stock de cette espèce. En dépit de sa vocation saisonnière, la pêche contribue au développement du tissu économique de la région, et en particulier à la promotion de l'industrie régionale à travers les unités de congélation des céphalopodes. La production débarquée est traitée et conditionnée par : 47 unités de congélation de tous les produits de la mer, 30 unités de congélation des petits pélagiques, 07 centres d'expédition des coquillages, 01 unité de cuisson crustacés et coquillages, en plus de 02 fabriques de glace. Le secteur de la pêche maritime, avec ses trois composantes (artisanale, côtière et hauturière), absorbait une main d'œuvre importante estimée à 17125 employés en 2000, 23657 employés en 2002(11) et 28185 employés en 2014(12). Ces emplois en plus des emplois indirects sont estimés, par la Délégation de la Pêche Maritime, en 2008 à 59979 postes, répartis comme suit : 14 380 marins pêcheurs, 6259 postes d'emplois dans l'industrie de la pêche et 39340 emplois indirects. Le secteur de la pêche artisanale est considéré comme le secteur qui crée le nombre le plus important d'emplois avec 96% en 2000, 86% en 2002, 76% en 2009 et près de 67,5% en 2014.

2. Des conditions préalables à un aménagement équilibré de la région Dans l'objectif de faire de cette région un pôle de développement dynamique ayant une capacité concurrentielle, de redéployer la population et d'amortir la pression démographique sur la ville de Dakhla, les pouvoirs publics ont adopté une stratégie globale basée sur plusieurs actions. Ces actions, régies des orientations stratégiques en matière de développement économique et spatial, œuvrant pour un développement régional et local concerté, ont concerné principalement, la réalisation d'infrastructures du transport, les équipements de base, l'aménagement et l'urbanisme dans la région. 7. Monographie de la Région Oued Eddahab Lagouira, HCP, 2013 8. Le secteur des pêches maritimes dans la région d'Oued Eddahab-Lagouira, Département des Pêches Maritimes, Délégation des Pêches Maritimes de Dakhla, par Aïssaoui N., Dakhla-2009 (on line). 9. Monographie de la Région Oued Eddahab Lagouira, HCP, 2013. 10. Investir dans la région de Oued Eddahab – Lagouira, CRI, 2006. 11. Brochure de la région d'Oued Eddahab-Lagouira : éléments introductifs, Inspection Régionale de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement à Dakhla (IRATE), 2005. 12. Site de la Wilaya Oued Eddahab Lagouira.

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2.1. Nécessité d'infrastructures du transport A la veille de la récupération de la région, le réseau routier était limité à 67 km de routes en mauvais état (13), composé de pistes et de sentiers qui s'effacent après le passage de la première tempête de sable. L'autre infrastructure existante, au début des années quatre-vingt, était l'ancien port de Dakhla réalisé en 1960 sur la baie de Oued Eddahab, où accostaient des bateaux liant la région aux autres ports du pays, en particulier ceux de Casablanca et d'Agadir et qui transportaient les voyageurs et les marchandises. Ainsi, les pouvoirs publics ont mis en place un programme urgent d'amélioration et de réhabilitation du réseau routier pour relier le territoire au reste du pays et désenclaver les espaces isolés. Ce réseau atteint actuellement une longueur totale de 3393 km, dont les routes nationales représentent 1298 km, avec plus de 52% revêtus et les routes provinciales 2071 km (Tableau 2). L'axe principal dudit réseau est la route nationale n°1 qui longe la zone côtière de la région jusqu'aux frontières maroco-mauritaniennes, appelée la route transmaghrébine ou transafricaine. Cette route connait, aujourd'hui, un flux des personnes et des marchandises entre le Maroc et la Mauritanie, voire, des pays de l'Afrique de l'Ouest. Tableau 2: Réseau routier dans la région d'Eddakhla - Oued Eddahab(en km) Catégorie

Routes non revêtues

Routes revêtues

Total

Routes nationales

621

677

1298

Routes provinciales

1855

216

2071

Total

2476

893

3369

Source : Annuaire statistique régional, région Oued Eddahab Lagouira, HCP, 2010

Le réseau routier a été renforcé par l'installation d'infrastructures structurantes, en particulier, la réalisation d'un aéroport situé à Dakhla, disposant d'une nouvelle aérogare, ouvert au trafic national et international. Cet aéroport participe, en plus du transport de passagers, au transport des marchandises (embarquement et débarquement) constituées, essentiellement, de produits de mer exportés aux îles Canaries et de produits importés de ces îles. En outre, les travaux d'un nouveau port sur la baie, visant à soutenir le développement de la région, ont été achevés en 2001. Ce port dispose d'infrastructures pouvant recevoir un chantier naval doté d'un élévateur à bateaux de 1200 tonnes. Depuis l'ouverture de ce port, une vingtaine de chalutiers congélateurs de la pêche hauturière débarquent une partie ou la totalité de leurs captures. Aussi, ce port joue un rôle très important dans l'économie et le développement de la région, en raison des activités de pêche et de commerce.

13. Brochure de la région Oued Eddahab-Lagouira : éléments introductifs, IRATE, p. 38, 2005

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2.2. Une couverture assez importante en eau potable et en électricité L'alimentation en eau potable est assurée par 337 points d'eau, mobilisant une quantité d'eau de 36288 m3/j des nappes profondes pour l'alimentation de la ville de Dakhla, l'approvisionnement du milieu rural, l'abreuvement du cheptel et l'irrigation des périmètres agricoles (14) . Cependant, cette eau brute a une grande contenance en hydrogène sulfuré et en dioxyde de carbone (2 à 5,5 g/l), en plus d'une température élevée (36° C) lors de son extraction. La ville de Dakhla a connu la mise en service, depuis le début des années 2000, d'une station de traitement biologique d'eau captée et les travaux de la réalisation d'une station d'approvisionnement en eau potable du Centre d'Aousserd, à partir des puits de Boulryah et de Oued Chiyaf, ont été achevés. Les autres nouveaux pôles d'urbanisme et centres émergents sont alimentés par des puits artésiens. L'approvisionnement de la ville Dakhla en éléctricité est assuré par une centrale comprenant six groupes de diesel, d'une puissance totale de 7.9 MW fonctionnant au gasoil. Pour répondre à la demande croissante en matière de l'énergie et renforcer la capacité de la production en éléctricité, une nouvelle centrale électrique a été lancée ces dernières années. Les autres centres de la région sont, aussi, dotés des centrales. Il s'agit des centrales de 2x500 KVA (gasoil) chacun à : N'Tireft, Labouirda et Lamhiriz.

3. Une urbanisation accélérée et peu maîtrisée Lors de son retour à la mère-patrie, la région était privée des équipements : quasi absence de réseau routier, sans équipements socio-économiques,… La ville de Dakhla constituait l'unique pôle avec une urbanisation limitée qui s'est développée d'une façon spontanée et anarchique suite à la conjoncture particulière des provinces récupérées. L'urbanisation galopante, qu'a connue la région, a entraîné un changement radical, tant sur le niveau socio-économique de la population que sur l'aspect architectural de la ville ; ce qui a conduit à une urbanisation inadaptée, caractérisée par la dégradation des noyaux urbains hérités de la période coloniale et la prolifération accrue des différents types d'habitat insalubre. Cette situation est le résultat de l'augmentation spectaculaire du nombre de sa population, passé, de 21496 en 1982 à 99367 personnes en 2004, pour atteindre 142.955 habitants en 2014. La région a connu, entre 1994 et 2004, le taux d'accroissement annuel moyen le plus élevé au niveau national (10,5%). Cette augmentation est due au taux d'accroissement démographique naturel et, surtout, à l'immigration venant d'autres régions du pays. En effet, cette région a accueilli, entre 1999 et 2004, 12966(15) personnes (soit plus de 13% de l'ensemble de la population recensée en 2004) qui s'y sont installées.

14. Brochure de la région Oued Eddahab-Lagouira : éléments introductifs, p. 33, 2002 . 2007 !"#$%&'() "*+,-% "*.*&/% !01234#' "15(6'% "1)7&8/% !"1984'%7 :.;