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French Pages 224 [221] Year 2003
François-Xavier Verschave
L’envers de la dette Criminalité politique et économique au Congo-Brazza et en Angola
La collection des « Dossiers noirs », en coédition avec Survie, est issue d’une collaboration avec Agir ici. Survie est une association (loi 1901) créée en 1984 qui mène des campagnes d’information des citoyens et d’interpellation des élus pour une réforme drastique de la politique de la France en Afrique et des relations Nord-Sud. Elle fonde son action sur la légitimité qui incombe à chacun d’interpeller ses élus et d’exiger un contrôle réel des choix politiques faits en son nom. L’engagement de Survie repose sur un constat : les problèmes de développement et la pauvreté dans les pays du Sud ont avant tout des causes politiques. C’est donc dans le champ politique qu’il convient d’agir. Survie réalise un travail d’enquête et d’analyse critique, dénonce les agissements de la Françafrique et promeut auprès des décideurs une autre relation France-Afrique. Elle publie une revue mensuelle, Billets d’Afrique et d’ailleurs, accessible sur abonnement et en partie en ligne : . Son travail s’appuie sur des partenariats, en France et en Afrique, qui permettent de mener des actions conjointes : campagnes de sensibilisation et de mobilisation (sur le pillage des ressources naturelles, le soutien aux dictateurs, les élections truquées, le génocide des Tutsi du Rwanda, etc.), manifestations en marge des sommets officiels de chefs d’État (notamment à Nice en 2010), plaidoyer, etc. Survie refuse tout don de parti politique, de mouvement religieux ou de syndicat. Les cotisations des adhérents assurent l’indépendance financière et par conséquent la liberté de ton et d’analyse de l’association. Association Survie 107, boulevard de Magenta 75010 Paris Tél. (0)1 44 61 03 25 – Fax (0)1 44 61 03 20 Courriel Site Internet
© Agone, 2001 BP 70072, F-13192 Marseille cedex 20 www.agone.org ISBN 2-910846-83-0
On trouvera en annexe une chronologie du Congo-Brazzaville (p. 198), les notices biographiques des protagonistes (p. 200) et la liste des principaux sigles utilisés dans ce livre (p. 203). Les notes en chiffres arabes, reportées en fin d’ouvrage (p. 205), donnent les références des textes et propos cités ; elles sont numérotées par chapitre.
Introduction
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l ne manque pas d’ouvrages sur le pétrole, sur la dette, sur les trafics d’armes, sur les guerres au Congo-Brazzaville et en Angola, avec leurs cortèges d’horreurs et de destructions. Il manquait de tisser ensemble ces divers éléments. C’est l’objet de ce « Dossier noir ». Le brassage continu de l’or noir et de « l’argent noir I», du pétrole offshore (au large) et des capitaux offshore (dans les paradis fiscaux), des spéculations inavouables sur le pétrole, la dette et les fournitures de guerre dessine alors un paysage où criminalités économique et politique entrent en synergie. Il devient évident qu’un certain nombre d’acteurs, les plus conscients, participent à un « groupe criminel organisé », au sens où le définit la future Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme. Ils n’ont pas conscience, en revanche, que peut leur être collée cette étiquette, car ils évoluent depuis trop longtemps dans les espaces sans loi, les no man’s land déshumanisants d’une mondialisation dérégulée, avec la quasi-assurance de l’impunité. Ce dossier voudrait aider à une prise de conscience, de la part notamment des victimes et des ingénieurs de ces machines à piller, à ruiner, à broyer. Les victimes découvriront que ces mécaI. L’argent sale franco-africain, selon le titre du livre de Pierre Péan, L’Argent noir, Fayard, 1988.
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niques ne sont pas si lointaines que ça, incompréhensibles, anonymes, insaisissables : les flux mortifères impliquent des personnes et des sociétés précises, l’argent passe inévitablement par des comptes archivés, dans des banques “honorables”. La dette apparaît comme une “double peine”, s’ajoutant à tous les malheurs et préjudices qu’infligent à la population la razzia, l’extorsion, l’exploitation inique de ses matières premières. Décrire les articulations de ces dispositifs ne permet pas seulement d’illustrer leur caractère moralement insoutenable : cela multiplie les motifs d’incrimination. Manifestement, la quasi-totalité des contrats sous-jacents sont illégitimes, illégaux, peuvent être frappés de nullité et donner lieu à réparations. Les victimes peuvent demander beaucoup mieux que l’effacement charitable de leurs dettes : elles peuvent exiger d’être rétablies dans leurs droits I. Une bataille juridique qui est aussi politique, puisqu’elle contribuera à asseoir un nouveau droit international. Les désagréments subis par Pierre Falcone (présumé innocent) à l’occasion de l’“Angolagate” ont sans doute inquiété les trop habiles profiteurs des opportunités d’un “monde sans loi II” : le temps des incriminations a commencé. Leur impudence a été trop loin, la logique de leurs jeux cyniques et pervers est peu à peu mise au jour. Ils ne pourront plus empêcher que les juges et les mouvements de I. Lire en annexe les pistes juridiques. Cela n’empêche pas de réclamer d’ores et déjà l’effacement de la dette comme le font les campagnes internationales auxquelles Agir ici et Survie prennent part. Notre conviction est politique et non “charitable” : les débiteurs ont déjà beaucoup trop “payé”. II. Titre d’un ouvrage sur les paradis fiscaux, dirigé par Jean de Maillard (Stock, 1998).
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citoyens, au Nord comme au Sud, interfèrent dans leurs trafics. Alors, ils feraient mieux de se reconvertir dans du business plus légal : il y a des manières bénéfiques de gagner de l’argent, des jeux commerciaux à somme positive, des utilisations intelligentes de la “rente” des matières premières. S’ils investissaient là leur ingénierie, ils mériteraient peut-être un jour la reconnaissance générale, au lieu de mandats d’arrêt internationaux. Deux mots encore, sur les services secrets et les banques. La dimension financière de l’activité des premiers a été jusqu’ici sous-estimée ; ils sont omniprésents derrière les événements que nous allons décrire, avec des moyens parallèles qui leur permettent d’échapper de plus en plus au contrôle démocratique – une “dérégulation” vraiment problématique. Quant aux grandes banques commerciales, il s’avère qu’elles n’ont pas su résister aux tentations de l’argent facile, même s’il favorise le pire : elles devraient prendre conscience que tôt ou tard leur image, et donc leur crédit, pourraient gravement en pâtir.
Grandes banques
Régimes néo-coloniaux Parrains politiques occidentaux Traders Trafiquants
Réseaux mafieux transnationaux Courtiers Trafiquants Traders
Courtiers
Paradis fiscaux Traders
Courtiers Trafiquants Courtiers
Trafiquants Traders
Multinationales du pétrole, du bois, du diamant, etc.
Services secrets et mercenaires
Vendeurs d’armes
Essoreuse de richesses africaines
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Note méthodologique Comme souvent, les « Dossiers noirs » s’efforcent de mettre en perspective l’information disponible sur les sujets abordés. Bien entendu, fort peu de publications évoquent les aspects officieux sousjacents aux tractations officielles, dans la pétrofinance ou les ventes d’armes. Pour certains opérateurs ou décideurs, économiques ou politiques, ce dessous des choses est pourtant essentiel. Le besoin d’information à son sujet suscite ce qu’on appelle des “lettres confidentielles”, des bulletins périodiques brefs au coût d’abonnement élevé, destinés à un cercle d’initiés. Sur les sujets qui nous concernent, la plus connue est La Lettre du Continent. Plus spécialisée encore est La Lettre Afrique Énergie, également éditée chez Indigo Publications. Celles-ci publient encore (entre autres) la traduction française de l’une des lettres confidentielles britanniques les plus réputées, Africa Confidential. La première des deux parties de ce livre est très dépendante de ces sources. Elles sont incontournables. Nous avons pu souvent vérifier leur qualité factuelle par nos propres sources. Celles-ci sont nombreuses pour le Congo-Brazzaville, mais ne peuvent le plus souvent être citées en raison des risques encourus, par elles-mêmes ou leurs proches. On comprend que des publications fournissant des informations “décisionnelles” à des initiés ne puissent raconter n’importe quoi : elles y perdraient leurs clients. Les citoyens et leurs associations ne sont pas leur cible de clientèle. C’est un atout supplémentaire : les tentatives de désinfor-
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Note méthodologique
mation dont ces lettres influentes peuvent être de temps à autre l’objet ne nous sont pas en principe destinées. Tamiser sur plus de quinze ans leurs collections à la Bibliothèque nationale I nous permet d’observer des jeux auxquels nous n’étions pas invités, et de les mettre en perspective. Merci à Indigo Publications pour ces “nouvelles du front”… La deuxième partie aborde les maux de l’Angola à partir des “aventures” du duo Falcone-Gaydamak, qui ont débouché sur le scandale de l’“Angolagate” et l’arrestation de Jean-Christophe Mitterrand. Le juge Courroye a fait très fort. Craignant l’étouffement d’une affaire aux dimensions himalayennes, ce stratège a assuré sa première “prise” : un rejeton de la monarchie élyséenne. L’affaire est entrée du coup dans la rubrique people, suscitant de nombreuses enquêtes de journalistes non spécialisés. L’éventail des sources est par conséquent beaucoup plus grand. Elles confirment ce qui ressort de la première partie de ce livre : les mécanismes de spoliation financière, les enchaînements pétrole-detteparadis fiscaux-armes-guerre civile… Nos exemples seront souvent exposés de manière partielle, voire lacunaire. Les opérations en question n’étant pas censées être divulguées, n’en affleurent que des morceaux. Nous sommes un peu comme des paléontologues à la recherche d’ossements de dinosaures. Il est rare qu’ils trouvent un squelette entier. Mais l’accumulation des découvertes parcellaires – un tibia ici, une mâchoire là, ailleurs une empreinte fossile – permet la mise en perspective. On peut alors reconstituer I. Un travail de chercheur de pépites mené par Simon Richard, sans qui ce dossier n’aurait pas vu le jour.
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l’allure de l’animal, et même sa dynamique : ce qu’ont réalisé de manière très scientifique des documentaires en images de synthèse, dont s’est inspiré Jurassic Park. Notre dossier n’a pas le degré d’aboutissement de ces documentaires. Sur des terrains minés par les enjeux d’argent et de pouvoir, l’investigation et la recherche scientifique sont beaucoup moins développées qu’en paléontologie, les consensus demeurent prématurés. Ce livre n’a donc pas l’aisance d’une fiction linéaire, il nécessitera peutêtre deux lectures. Mais au terme de cet effort, le lecteur aura accès à une compréhension personnelle, voire à des instruments pour l’action. Le schéma qui ouvre cette note méthologique lui propose dès à présent une idée du décor.
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P
rincipale richesse du Congo-Brazzaville, le pétrole pourrait y financer des biens publics tels que l’éducation et la santé, au bénéfice de ses quelque 3 millions d’habitants. Il a plutôt surchauffé les appétits extérieurs et intérieurs. Elf et les réseaux françafricains I ont considéré cette richesse comme la leur. Ils ont fait main basse sur elle avec le concours d’une série d’intermédiaires, spécialistes de l’escamotage financier, et la complicité goulue des plus grandes banques françaises. Sur place, les hommes au pouvoir s’acoquinaient I. La “Françafrique” est un concept forgé à partir de 1994, au fil des explorations de la lettre mensuelle Billets d’Afrique (Survie) et des Dossiers noirs de la politique africaine de la France (Agir ici et Survie), pour tenter d’expliquer comment la France est capable de faire en Afrique l’inverse exact de sa devise républicaine. Ce concept a été amplement développé dans deux de mes ouvrages, La Françafrique et Noir silence 1. Il subvertit une notion brièvement utilisée avant les “indépendances” par le leader néocolonial franco-ivoirien Félix Houphouët-Boigny, dans une perspective fusionnelle. C’est la “France à fric” qui s’exporte en Afrique, et s’en réimporte. La Françafrique est la face immergée de l’iceberg des relations franco-africaines. En 1960, l’histoire accule De Gaulle à accorder l’indépendance aux colonies d’Afrique noire. Tout en proclamant cette nouvelle légalité internationale, immaculée, il charge Foccart de maintenir la dépendance, par un ensemble de moyens forcément illégaux, occultes, inavouables, s’attachant ou circonvenant les pouvoirs locaux. « La Françafrique désigne une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur l’accaparement de deux rentes : les matières premières et l’aide publique au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative hors du cercle des initiés. Le système, autodégradant, se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie. 2 »
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bon gré mal gré avec cette Françafrique prédatrice, soit qu’ils y aient depuis longtemps adhéré, soit qu’ils aient cru inévitable de la rejoindre. Mais le cumul des appétits excédait largement les marges officielles et parallèles : d’où un recours effréné à l’endettement, croquant et hypothéquant les recettes futures. Cette fuite en avant n’a cessé d’avoir deux carburateurs : l’état de “manque” des “responsables” congolais, avides de comptes en Suisse, de propriétés en France, d’armes et de miliciens, mais aussi étranglés par la gabegie antérieure (la leur, ou celle de leurs prédécesseurs) et le surendettement qui en a résulté ; la cour industrieuse d’une nuée de prêteurs, bradeurs, escrocs ou usuriers. Pillé, ravagé, criminalisé, l’État congolais est devenu la proie des luttes de clans, malgré une brève éclaircie démocratique. La Françafrique a attisé ces luttes intestines, qui ne cessaient d’affaiblir l’État propriétaire du pétrole convoité. Elle a encouragé leur dérive ethniste, jusqu’à l’horreur d’une guerre civile occultée par les médias occidentaux 3– une guerre que l’on pourrait sommairement qualifier de “yougoslave” pour évoquer au lecteur français les images d’un conflit mieux connu, objet lui aussi de plusieurs rechutes. Avec une issue différente : s’est installée à Brazzaville la dictature d’un régime criminel contre l’humanité, alors qu’en Yougoslavie ses homologues ont été relégués par les peuples, les fauteurs de guerre sont poursuivis, le principal d’entre eux a été arrêté et sera jugé. La dictature congolaise se double d’une occupation étrangère : le pays est quasi annexé par la pétrodictature angolaise voisine, où nous ver-
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rons que se concentre une partie des grands acteurs de la mondialisation de l’argent sale. Bref, le pétrole et les pétroliers ont ruiné le Congo, suscitant l’enrichissement sans cause d’un cercle d’initiés français et africains. S’est ainsi creusée une première dette. Puis ils ont financé à crédit les achats d’armes et les milices qui ont exacerbé la guerre civile, terriblement meurtri la population du Congo, détruit une partie de ses infrastructures, relégué sa démocratie. C’est cette dette-là, ce crédit-là, perclus d’escroqueries et de crimes, que les Congolais devraient rembourser ?
La dette du Congo-Brazza Le Congo-Brazzaville doit composer avec une dette extérieure de près de 36 milliards de francs. Les créances détenues par la France – principalement d’origine commerciale – se montent à 11 milliards de francs. Contrairement à l’Angola, le CongoBrazzaville devrait recevoir des allégements de dette dans le cadre de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Cependant, il n’a pas encore rempli certains critères lui permettant d’atteindre son « point de décision » ouvrant droit à des allégements transitoires. Actuellement sous programme post-conflit financé par le FMI (à hauteur de 100 millions de francs), le CongoBrazzaville fait partie, pour les bailleurs, des pays en phase de « normalisation » et de « stabilisation ». C’est pourquoi le calendrier du processus d’allégement est pour l’heure plus qu’incertain. Source : Rapport sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale 2001, Gouvernement français, 2001.
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1. Le pétrole fait flamber la dette L’abbé Fulbert Youlou, premier président de l’exCongo français (à côté de l’ex-Congo belge I), était trop “faible” pour correspondre à l’idéal foccartien : il laissait subsister une relative démocratie – libertés syndicales, d’association et d’expression. Paris le laisse donc renverser, mi-1963, par un accès de fièvre proclamé “révolution”. Les principaux personnages politiques du Congo vont gravir les échelons de ce nouveau régime, s’y tailler des fiefs – idéologiques, puis claniques et ethnistes –, acquérir les détestables habitudes qui feront la tragédie de leur pays, tandis que s’annonce puis monte en charge l’exploitation de l’or noir. Il est nécessaire de résumer cette histoire parallèle, politique et pétrolière 4, pour mieux percevoir les brèches néocoloniales où va couler la dette. Les “révolutionnaires”, parmi lesquels Pascal Lissouba, adoptent l’idéologie du “socialisme scientifique” et créent un parti unique. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Alphonse MassambaDébat, devient président de la République. Lissouba sera l’un de ses Premiers ministres. Un groupe remuant d’officiers “progressistes”, dont le souslieutenant Denis Sassou Nguesso, cherche à imposer sa loi. Il y parvient en juillet 1968. Marien Ngouabi, l’un des putschistes, est porté à la tête du Conseil national de la Révolution. I. Depuis que le Zaïre est redevenu Congo, il n’est pas simple de le distinguer clairement et sans périphrase de son voisin homonyme. Le caractère “démocratique” de la République de Kinshasa n’étant pas vraiment assuré, on parlera de CongoKinshasa ou Congo-K – plutôt que de “République démocratique du Congo”, ou RDC. Et, au nord-ouest, de Congo-Brazza ou Congo-B.
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Le parti unique s’appelle désormais parti congolais du travail (PCT). L’Internationale et le drapeau rouge deviennent l’hymne et l’emblème nationaux. L’économie est étatisée. Premier pays marxiste-léniniste d’Afrique, le Congo le restera officiellement pendant 23 ans. Un savoureux passage de la confession de l’ancien PDG d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent 5, permet de relativiser l’idéologie affichée : soulignant le rôle central d’Elf dans la présence française en Afrique francophone, il donne l’exemple « du Congo, devenu quelque temps marxiste, toujours sous contrôle d’Elf ». L’identité du contrôleur local (Denis Sassou Nguesso) n’est pas un mystère. Le régime est policier. Les luttes de coterie s’achèvent en “rectifications idéologiques” – des purges sanglantes. Sassou Nguesso en est déjà l’un des arbitres : il commande une unité d’élite, le Groupe aéroporté (GAP) ; il organise et dirige la sécurité d’État ; il coordonne les “organisations de masse”. Elf a trouvé une pierre précieuse, le gisement “Émeraude”. La première d’un collier de gisements au large des côtes congolaises. En 1976, le président Marien Ngouabi commet l’erreur de se chamailler avec Elf : « Il accuse la compagnie de “mauvaise foi” dans l’exécution des contrats et de rétention dans la production. Le 10 octobre 1975, il décide d’augmenter la fiscalité sur le pétrole. Elf n’apprécie pas. Cela pourrait donner des idées à d’autres pays, et donc minorer durablement les bénéfices. Le général en chef d’Elf, Pierre Guillaumat, organise l’asphyxie financière du régime. En mars 1977, Marien Ngouabi est assassiné. Il est la première victime d’un complot à
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tiroirs [… que laisse ou fait prospérer] le chef des services de sécurité, le colonel Sassou Nguesso. S’ensuit l’élimination de deux personnalités influentes, et donc gênantes : le cardinal Émile Biayenda et l’ex-président Massamba-Débat. Les assassins ne pourront pas parler : Sassou les fait exécuter sans jugement. Il promeut à la présidence le général Jacques-Joachim Yhombi Opango. Les revendications congolaises sur le pétrole d’Elf sont abandonnées, les vannes pétrolières et financières se rouvrent. […] Le 5 février 1979, Sassou accède enfin officiellement au sommet de l’État. Il embastille pour 13 ans Yhombi Opango. Le pétrole coule à flots sous le règne de Sassou I (1979-1991) I, qui n’est pas cependant un long fleuve tranquille. La Conférence nationale souveraine lui imputera trois mille assassinats. 6 » Rival de Sassou, Pascal Lissouba subit une dure période d’incarcération, qui le marque psychologiquement et explique en partie la haine future entre leurs clans.
La dette de Sassou I La production pétrolière (officielle) double de 1979 à 1991. Le budget passe de 1,37 milliard de francs en 1979 à 10,35 milliards en 1985 – avant de redescendre à 5 ou 6 milliards de 1989 à 1992, suite à la chute conjointe des cours du baril et du dollar. La première moitié des douze années de I. Il est convenu de désigner ainsi la première présidence de Denis Sassou Nguesso (négligeant son intérim très court mais très sombre après l’assassinat du président Ngouabi). Restauré par une guerre civile et des alliances étrangères, à dominante francoangolaise, il inaugurera six ans plus tard un second règne : Sassou II.
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règne de Sassou I (1979-1991) a coïncidé avec les vaches grasses de la rente pétrolière. Elf est chez elle. Nous verrons qu’elle utilise toutes les astuces pour s’arroger l’essentiel de la rente. Mais Sassou est lui aussi largement servi. Il a de l’État une représentation néo-patrimoniale 7, l’argent public est “sa chose” – qu’il s’agisse d’affecter à ses intérêts l’argent du budget ou d’accroître à son profit le volume des royalties, bonus et autres commissions non déclarés. Avec l’argent public, il se taille une armée sur mesure, recrutée sur une base ethniste dans son Nord natal. Avec l’argent parallèle, il se constitue une fortune évaluée à plus d’un milliard de francs 8. Dès 1979, il claque un argent qui le grise, privilégie à outrance sa région d’origine – qu’il s’agisse d’investissements de prestige ou d’embauche dans la fonction publique –, se laisse fourguer des projets immobiliers ou industriels disproportionnés (les “éléphants blancs”). Telle la Sucrerie du Congo (SUCO), qui accuse en 1984 un déficit de 118 millions de francs 9. En 1985, la dette franchit la barre des 10 milliards de francs. Le Congo est déjà en cessation de paiements : il ne peut plus régler la somme des échéances que lui présentent au long de l’année ses nombreux créanciers extérieurs, privés et publics, français ou autres. Certes, le budget prévoit 4 milliards de francs de ressources pétrolières (43 % en redevances sur les quantités produites, le reste en impôts et taxes), mais le service annuel de la dette I atteint 4,4 milliards : 2,2 milliards I. Le total des échéances exigibles : les intérêts et la part du capital à rembourser.
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pour le service ordinaire de la dette extérieure, plus 1,2 milliard d’arriérés, plus encore un milliard au titre de la dette intérieure. Il ne reste plus rien pour assurer le fonctionnement de l’État. Même les institutions financières françaises boudent : l’assurance publique des exportations, la Coface, bloque toute opération vers le Congo depuis septembre 1984. La Caisse centrale de coopération économique (CCCE, future CFD, puis AFD, Agence française de développement), qui a accordé 440 millions de francs de concours en 1984, estime ne pas pouvoir continuer à ce rythme. Le Congo est obligé de se tourner vers la Banque mondiale et le FMI 10. Au même moment, Elf s’apprête à « réaliser l’un des rêves les plus “chers” des responsables congolais : la construction d’une tour d’une vingtaine d’étages à Brazzaville qui fasse “la pige” aux immeubles de Kinshasa 11». La rigueur financière subit des accommodements : « une renégociation d’ensemble avec les principaux bailleurs de fonds du Congo s’esquisse afin de préserver l’ouverture du pouvoir actuel à l’égard des pays occidentaux 12»… Autrement dit : il ne faudrait pas que le “marxiste” Sassou se braque contre le capitalisme pétrolier. En attendant, il brade quelques bijoux de famille à des ploutocrates “socialistes” : « de substantielles rentrées d’argent vont d’autre part être réalisées par la vente de concessions forestières au groupe Doumeng I, à l’Algérie et à la Libye avec lesquels I. Jean-Baptiste Doumeng, magnat du commerce agroalimentaire avec les pays “socialistes”, était surnommé « le milliardaire rouge ».
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des sociétés mixtes seront constituées. 13» Denis Sassou Nguesso noue également une alliance précoce avec les Feliciaggi, qui amorcent la constitution d’un empire corsafricain des jeux – le black cash –, dans la mouvance du réseau Pasqua : ce « sont des Corses… du Congo où ils ont suivi toutes leurs études. Après avoir fait fortune dans la pêche et l’hôtellerie, [… ils] sont devenus des intimes et des conseillers financiers de […] Denis Sassou Nguesso 14». Ils vont devenir, aussi, les seconds clients de la Fiba, la banque d’Elf et des valises à billets 15. Le raffinage de l’or noir en argent liquide ne va cesser de se moderniser. La fin du règne de Sassou I (1986-1990) est financièrement assombrie par la chute libre des cours du pétrole, exprimés en francs. Elf, et Agip (principale société pétrolière italienne) dans son sillage, ont “obtenu” lors de leur installation des conditions très privilégiées, pour ne pas dire exorbitantes, leur garantissant une marge de 5 dollars par baril. On en arrive au point où « le Congo ne dégagerait pratiquement plus de bénéfice sur le pétrole vendu. Le Congo se trouvera-t-il dans la même situation paradoxale que le Tchad où chaque balle de coton vendue coûte à l’État ? 16» Tout compris (royalties et impôts), les recettes pétrolières publiques de 1988 (780 millions de francs) ne représentent plus qu’un cinquième de celles de 1985. Sans surprise, le FMI demande des coupes claires dans le budget et la liquidation de nombreuses entreprises publiques 17. Mais déjà les banques commerciales se glissent dans la spéculation sur les ressources à venir, aussi impatiemment attendues par le régime étranglé
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que des secouristes avec une bouteille d’oxygène. Mi-1986, 400 millions de francs “d’argent frais” auraient été insufflés 18. Il faut bien que les affaires continuent : investissements fastueux, bradage des ressources naturelles, etc. Le premier patron privé du Congo, Pierre Otto Mbongo, « ne travaille plus qu’avec les plus grands : Bouygues pour le palais présidentiel, la […] GMF pour une concession forestière, […] la CGE I pour la maintenance… 19». La maintenance des immeubles et installations modernes est sous-traitée à l’étranger, confinant l’esprit d’entreprise des Congolais dans la politique et la fonction publique. Otto Mbongo, lui, a installé ses bureaux parisiens dans la prestigieuse avenue Marceau. Au Congo, il spoliera et ruinera un complexe avicole d’une valeur de 150 millions de francs, dont les produits bon marché concurrençaient les filières d’importation. Il faut s’attarder quelque peu sur la proximité entre Michel Baroin, patron de la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF), bizarrement diversifiée dans l’exploitation forestière, et Denis Sassou Nguesso : on peut y deviner la force du lien qui unit le second à ses créanciers français, qui ont aussi envers lui, sans doute, quelque dette stratégique. Cet attachement, si fort qu’il demeure en partie mystérieux, est l’une des clefs du sujet dont nous traitons ; tout ne se réduit pas seulement à des affaires d’argent. Outre ses fonctions à la GMF, Michel Baroin était Grand Maître du Grand Orient de France. I. La CGE est ici, semble-t-il, la Compagnie générale des eaux (future Vivendi) plutôt que la Compagnie générale d’électricité.
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C’était aussi un agent secret de grande envergure, au cœur des financements parallèles et des affaires militaro-nucléaires, et un ami du Premier ministre Jacques Chirac. Il est mort le 5 février 1987, dans l’accident très suspecté de l’avion privé qui le ramenait d’une mission urgente en Afrique centrale. La veille, il avait obtenu de Denis Sassou Nguesso « une concession forestière de plus de 300 000 hectares dans le nord du pays, autour de la région de Bétou. […] Il s’agit là de l’une des plus belles, sinon la plus belle forêt d’Afrique, constituée à 70 % de bois précieux (acajou, sipo, etc.). Pour ce projet, la GMF s’est associée avec […] Pierre Otto Mbongo 20». Mais « Michel Baroin n’était pas au Congo “que” pour la signature de ce contrat forestier. […] Il avait passé, dans l’après-midi et dans la soirée de ce 4 février, quatre heures en tête à tête avec le chef de l’État congolais. […] On note, parmi les victimes de l’accident, Georges Gavarry, très connu dans les milieux d’affaires franco-africains et dont la société, la Setimeg, filiale de la GMF, a participé à tous les grands projets du Gabon, depuis le palais présidentiel jusqu’au Transgabonais 21». En fait, Baroin était le patron de Gavarry, et avait cofondé la Setimeg avec le créateur d’Elf, Pierre Guillaumat. La Setimeg a édifié un centre de recherches médicales à Franceville, fief du président gabonais Omar Bongo. Ce centre, le CIRMF, fut le probable camouflage d’une unité d’enrichissement d’uranium. Le devis pharaonique du Transgabonais a vraisemblablement concouru à payer cette unité secrète. Le trajet à rallonge de ce chemin de fer a dû servir des objec-
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tifs stratégiques, le transport du manganèse gabonais couvrant sans doute celui de l’uranium 22. Extrait par la société française Comilog, bastion françafricain, le manganèse gabonais transitait par le Congo sur une voie ferrée dite “Comilog”, branchée sur le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO). Ce transit s’interrompt en 1991, suite à un « sabotage » jamais réparé. Au même moment était remis en cause le pouvoir de Sassou I – devenu un an auparavant le beau-père de Bongo. Comme si ce trafic ferroviaire supposait la complicité d’un pouvoir ami… 23 Revenons à février 1987. Denis Sassou Nguesso débarque à Matignon, chez Jacques Chirac, quelques jours après la mort de Michel Baroin. La Lettre du Continent commente, le 18 février : « Le président Sassou Nguesso a bien sûr reçu, lors de sa visite à Paris la semaine dernière, toutes les assurances sur le soutien financier de la France. 24» Comme si, tout d’un coup, il se retrouvait en position de force face à ses interlocuteurs français : un accord bilatéral est signé en septembre 1986, portant sur 2,2 milliards de francs 25. La dette envers la France est rééchelonnée – c’est-à-dire que les échéances sont reportées sur une plus longue durée, avec un soulagement immédiat. Mais le total de la dette du Congo atteint déjà 2,5 milliards de dollars (15 milliards de francs). Ce total bondit à 4,6 milliards de dollars fin 1987, dont 944 millions de dette à court terme. Brazzaville est devenu, par rapport à sa production (PIB), le pays le plus endetté du monde. D’où vient ce grand bond en avant, cette « progression foudroyante 26» ? Il y a eu, par exemple, 295 mil-
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lions de dollars d’achats d’armes aux pays de l’Est. Pour faire face à quelle menace extérieure ? En 1989, le Congo, qui ne rembourse plus ses créanciers depuis 1987, essaie d’obtenir la remise de la moitié de sa dette à l’instar des pays les moins avancés (PMA) 27. Mais symétriquement s’accentue l’échappée belle : « Les responsables de la Banque mondiale s’inquiètent […] de la poursuite par les autorités congolaises d’une politique d’endettement auprès des banques commerciales. Celles-ci ne consentent leurs crédits qu’avec des garanties sur le pétrole, ce qui achève de déstabiliser toutes les stratégies de remboursement indexé sur les recettes tirées des ventes d’hydrocarbures. 28» Nous traiterons plus loin de l’offre de ces banques et des méthodes de leurs intermédiaires : une association de malfaiteurs détrousse tel un orphelin le Congo néocolonisé, avec la complicité du parâtre… Tout cela va s’emballer en cette fin des années 1980, et ne s’est toujours pas calmé au début du troisième millénaire. Les financiers ne sont pas seuls à pousser au creusement de la dette. La corruption galopante a aidé les entreprises françaises à décrocher de beaux marchés au Congo. Encore faut-il se faire régler : leur club, le Conseil des investisseurs français en Afrique noire (CIAN), déplore 600 millions de francs d’impayés. Il demande donc que Paris apporte 400 millions de francs de nouveaux concours (dont 250 millions de prêts)… pour que les entreprises se fassent rembourser une partie au moins de ces créances. Des “concours” dont les Congolais ne verront pas la couleur… Imaginatif et précurseur, Pierre Otto Mbongo a déjà
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une autre solution, juteuse, à proposer aux créanciers français : convertir les dettes en actions dans les entreprises privatisables 29– solution devenue quelques années plus tard un leitmotiv de la Banque mondiale. Nul expédient ne peut suffire. Le différentiel s’accroît entre la boulimie françafricaine et les ressources disponibles. Début 1990, les recettes pétrolières ont déjà été hypothéquées jusqu’en 1994. Sassou I ne sait plus comment payer ses fonctionnaires. « On semble maintenant compter à Brazzaville sur les opérations de swaps I de la Banque française intercontinentale [Fiba, la banque d’Elf] pour renflouer les caisses de l’État… 30» D’un côté, le pays s’aliène de plus en plus à Elf. De l’autre, Sassou I s’en va recevoir à Washington l’onction de George Bush : il est le premier chef d’État africain reçu par ce dernier en visite officielle. Pourquoi tant d’égard envers un allié de Kadhafi ? Bush, l’ami des pétroliers, est ravi d’une médiation de Sassou : celui-ci, avec son poissonpilote, l’agent français Jean-Yves Ollivier, a facilité un grand marchandage entre l’Afrique du Sud, l’URSS, Cuba, les États Unis, la France et l’Angola 31. Beaucoup de rivaux, voire d’ennemis, dans ce sextuor. Mais un attrait commun pour les dividendes du pactole angolais : de gigantesques gisements de pétrole, en partie frontaliers du Congo. George Bush est ravi, pour les Exxon, Chevron et compagnie, que le président congolais convainque son collègue “marxiste” angolais, José I. Échanges d’actifs financiers ou de rémunérations, selon des montages plus ou moins sophistiqués. S’agissant du Congo, il s’agit toujours, in fine, de vendre son pétrole par anticipation ou de l’endetter davantage.
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Eduardo Dos Santos, d’oublier le soutien américain aux rebelles de l’Unita (Union pour l’indépendance totale de l’Angola). Une paix précaire va précéder le lâchage progressif, par l’Occident, du leader de l’Unita “anti-marxiste”, Jonas Savimbi. Passant outre l’anti-américanisme subalterne, Elf et la Françafrique, sa marraine, sont ravies elles aussi de suivre le mouvement et de se faire pardonner le même méfait. André Tarallo et le réseau Pasqua vont permettre à Elf d’être invitée, au côté des majors US, au jackpot du pétrole offshore angolais. Sassou et son homme d’affaires Pierre Otto Mbongo ont également bien mérité d’Elf – et en seront récompensés. Le second a été en 1989 « l’homme clé de l’attribution du bloc 7 à la compagnie pétrolière française 32», laissant dans l’antichambre, pendant un tête-à-tête avec le président Dos Santos, Jean-Christophe Mitterrand et André Tarallo I… Selon Claude Angeli, directeur du Canard enchaîné, Denis Sassou Nguesso est intervenu en une autre occasion « pour qu’Elf dispose d’un bassin offshore en Angola, le [fabuleux] bloc 17. M. Sassou a ensuite touché une redevance régulière sur ce bloc, ce qui lui a sans doute permis de vivre et de maintenir ses partisans en activité pendant qu’il était dans l’opposition 33». Si l’intermédiation de Sassou a été aussi efficace, c’est qu’il connaît de longue date le président angolais : « Denis Sassou Nguesso distribuait dans les années 1970, en qualité de patron de la sécuI. Otto Mbongo avait bien des cartes dans son jeu : transporteur aérien, il était l’un des principaux intermédiaires de la vente des diamants centrafricains et zaïrois – un commerce qui intéresse beaucoup Dos Santos. Il lui aurait aussi proposé des missiles solair Matra
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rité d’État, les bourses offertes par les pays de l’Est aux jeunes Africains réfugiés au Congo. La jeunesse du MPLA [l’un des partis indépendantistes angolais en lutte contre le colonisateur portugais], la JMPLA, avait sa direction dans le quartier Mpila de Brazzaville. Elle était présidée par un certain… José Eduardo Dos Santos. 34» Lors de sa visite aux États Unis, Sassou I n’a pas été choyé que par les Républicains. Il a été l’invité d’un dîner offert en son honneur par la famille Kennedy, en particulier la veuve de Bob, Ethel, dont le fils Michael possède une “société sans but lucratif”, Citizens Energy Group, qui importe du pétrole, le raffine et le distribue aux personnes démunies. En août 1989, Michael avait conduit avec sa mère une mission de personnalités américaines au Congo. Ethel avait offert 2 millions de dollars à l’association Congo-Assistance, présidée par Antoinette Sassou Nguesso, l’épouse de Denis. Début février 1990, Citizens Energy a signé un accord de 50 millions de dollars avec le Congo. Amoco s’apprêtait à exploiter en 1991 un gisement très important 35 (2 millions de tonnes par an). Manifestement, des fées françaises et américaines (républicaines et démocrates) témoignent leur bienveillance envers la dictature congolaise alors qu’elle est au plus mal financièrement, et menacée d’une poussée démocratique. Il faudra s’en souvenir. Le successeur de Sassou I, Pascal Lissouba, fera aussi mousser la dette. Mais il ne sera jamais le favori de l’establishment politico-financier, resté “accro” à son prédécesseur. On lui mettra régulièrement des bâtons dans les roues, le rendant plus vulnérable aux usuriers non patentés.
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L’obsession de l’amnistie Miné par la dette, la crise budgétaire, l’impossibilité de payer les fonctionnaires, le régime Sassou ne va pas pouvoir résister à la jonction d’une fronde syndicale et de la lame de fond démocratique qui envahit l’Afrique après la chute du mur de Berlin. Elles lui imposent une Conférence nationale souveraine (CNS). « Durant un peu plus de cent jours (25 février10 juin 1991), le peuple suit passionnément un débat politique de haute tenue. Un moment fondateur. Le bilan est tiré de trois décennies d’indépendance. Le dictateur est formellement condamné pour ses turpitudes, ses crimes et ses détournements, mais l’ambiance n’est pas à la vengeance. Il bat sa coulpe : “L’avenir de la démocratie appartient non à ceux qui prétendent être innocents, purs et sans tache, mais à ceux qui sauront se convertir à cette nouvelle exigence. I” « Sensible à cette offre de conversion, la CNS maintient Sassou à la tête de l’État. Elle transfère cependant ses prérogatives à un Premier ministre de transition. Elle élit à ce poste André Milongo et décrète la fin du parti unique. Elle demande aussi un audit sur la gestion de l’or noir : la Banque mondiale a fait remarquer que le rendement de l’exploitation pétrolière était, curieusement, “l’un des plus bas du monde. 37” » 38 Cette observation suggère une considérable dérive des flux physiques (cargaisons non déclarées) et financiers du pétrole : le « rendement » évaporé I. Denis Sassou Nguesso est cité ici par un admirateur, l’ancien ministre Bernard Debré 36.
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ne l’est pas pour tout le monde, et une partie des milliards de la dette, peu ou prou gagée sur l’or noir, est planquée à l’étranger. Ni Jacques Chirac, héritier du réseau Foccart, ni Charles Pasqua, ni Elf, ni Omar Bongo, gendre de Sassou, n’admettent la perspective d’un examen à livres ouverts des comptes du pétrole – et de la dette qui lui est intimement liée. « Le général-président complote immédiatement avec eux. Leur implication concertée est démontrée. En perquisitionnant la Tour Elf, les juges Joly et Vichnievsky ont saisi dans le coffrefort du colonel Jean-Pierre Daniel, responsable de la sécurité du groupe pétrolier, deux notes rédigées en 1991 […] : “23 avril 1991. Compte-rendu entrevue avec M. Tarallo. […] B. […] vient de voir Sassou et lui a proposé d’exécuter les opposants qui lui seraient désignés. Sassou vient de recevoir les pièces des blindés achetés par l’intermédiaire de M’Baye [directeur du Renseignement gabonais]. Transport aérien de Genève à LBV [Libreville], puis ensuite LBV-Brazza.” » 39 Autrement dit, le patron d’Elf en Afrique, André Tarallo, s’intéresse jusque dans le détail à l’armement d’un président en sursis, en principe soumis à l’instance suprême de la transition démocratique, la Conférence nationale souveraine. Tarallo est très proche de Charles Pasqua, et en bons termes avec Jacques Chirac. Il suit l’activité de l’exécuteur B. On s’oblige à ne pas penser au capitaine Barril. Pure coïncidence, le 4 avril 1991, un article de Libération signé du pseudonyme Éric Landal (en réalité Pierre Péan) signalait que quatre mercenaires, recrutés par la société SECRETS de
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Barril, étaient allés donner un coup de main au général Sassou I. Cet article est à rapprocher de la seconde note du colonel Daniel, datée du 27 novembre 1991 et tout à fait explicite : Le chef d’état-major congolais Jean-Marie Mokoko « a rejoint Brazza le 26 novembre. Sassou doit essayer de le persuader d’agir. Bongo, dès son retour le 25, avait téléphoné à Sassou dans le même sens. L’entretien du 24 novembre chez A.T. [André Tarallo] n’avait pas atteint le but recherché. Mokoko reste légal mais ne va rien entreprendre… sauf si le gouvernement [installé par la CNS] ne tient pas ses promesses. […] Une équipe de mercenaires est prête à agir depuis LBV-Marchiani-[Daniel] Leandri [le tandem de pointe du réseau Pasqua 41]. […] Appel de Maurice [Robert, prédécesseur du colonel Daniel à la sécurité d’Elf, ancien chef des services secrets français en Afrique, pivot du réseau Foccart-Chirac] le 27 novembre : Leandri vient de rentrer de Brazza avec vraisemblablement Marchiani ». La note signale ensuite l’arrivée de quatre Corses dans l’île de Sao Tomé, où se préparait l’opération pro-Sassou. Le 15 janvier 1992, le président Sassou… tente un coup d’État II , qui échoue grâce à la mobilisation de la population. La frénésie putschiste d’Elf et des réseaux se réitérera un peu plus tard, après cet échec et l’élection démocratique du président Pascal Lissouba. C’est Alfred Sirven qui, cette fois, est à la maI. Paul Barril a attaqué cet article en diffamation, jusqu’en appel et cassation : par trois fois, il a été condamné à verser des dommages et intérêts à Libération 40. II. Une personnalité de la transition nous a assuré que la tentative de putsch a suivi un pré-accord de prêts gagés américains.
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nœuvre. Christine Deviers-Joncour était entrée dans son bureau à la Tour Elf : elle surprend Sirven « donnant des ordres au téléphone comme un véritable chef de guerre : “Il faut garder des réserves, surprendre à tel endroit, attaquer à tel autre…” “Je me suis aussitôt précipitée au Quai d’Orsay et j’ai mis Roland en garde : ‘Fred est en train de monter un coup d’État au Congo.’ […] Mais Roland a pris cela à la rigolade : ‘Ne t’en occupe pas’, m’a-t-il dit. J’ai alors compris qu’il était parfaitement au courant, et que Sirven agissait avec son plein accord, si ce n’est à son initiative.” 42». Le souvenir de Christine Deviers-Joncour est confirmé par son amant Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand : « C’est vrai que Christine est venue me raconter cela et que je lui ai dit de ne pas s’en occuper. C’était Omar Bongo qui voulait écarter Pascal Lissouba pour remettre son beau-père Sassou Nguesso en selle. Vous vous souvenez ? Les armes transitaient par le Gabon ! 43» – Éric Fottorino précise que « le lieu de passage se situe à la frontière du Gabon et du Nord congolais, à hauteur d’un campement de la garde présidentielle d’Omar Bongo 44». Le ministre des Affaires étrangères et du bon plaisir I traite cette affaire sur le ton de la plaisanterie. Nul n’ignore pourtant que le Gabon de son I. La complicité avec François Mitterrand a plus compté que le talent diplomatique dans l’attribution à Roland Dumas du portefeuille des Affaires étrangères – traitées pour l’essentiel depuis l’Élysée. D’innombrables épisodes le montrent, les pressions et chantages induits par le libertinage et les partouzes sont une composante importante, mais négligée ou traitée sur le mode de la plaisanterie, des jeux de pouvoir dans notre monarchie républicaine, a fortiori en Françafrique. Elf y a largement cotisé.
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très grand ami français I, Omar Bongo, est une plate-forme françafricaine. Ni que les armes en question ne peuvent qu’avoir été payées par sa caisse pétrofinancière – cette « indivision africaine » invoquée par André Tarallo devant le juge suisse Paul Perraudin, le 9 mars 1999 45. Ainsi, incontestablement, la Françafrique indivise est montée à l’assaut d’une démocratie naissante. Sassou et ses amis sont d’autant plus dépités du cours démocratique qui leur arrache le Congo que la guerre du Golfe fait flamber les cours du pétrole et que plusieurs découvertes pétrolières majeures s’annoncent au large des côtes congolaises. Début 1991, le Congo apparaît, dans les milieux pétroliers, comme « l’un des pays les plus prometteurs du golfe de Guinée 46». Escomptant peut-être que la démocratie amènera une gestion plus transparente, la CCCE (future AFD, Agence française de développement) estime que le Congo devrait se remettre « assez vite » de sa crise financière, avec des recettes pétrolières de l’État de 3,7 milliards de francs dès 1992 47. Cette perspective optimiste sera tôt démentie. Les protagonistes de la Conférence nationale souveraine céderont pour la plupart, les uns après les autres, aux contraintes du réalisme financier (la faillite du pays le contraint à mendier auprès des partisans de son pillage) et/ou aux pressions multiformes de la Françafrique, corruption comprise. Symptomatiquement, le cabinet Arthur Andersen, chargé de l’audit pétrolier par la Conférence I. Omar Bongo a la nationalité française. Il a beaucoup d’amis, au tout premier rang desquels Roland Dumas.
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nationale souveraine, y renonce. Il invoque la « force majeure » 48 : les compagnies, Elf en tête, bloquent systématiquement l’accès aux éléments comptables et aux données financières I. Le PDG d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, osera déclarer que si l’audit demandé par le gouvernement Milongo a été « “mis sous le coude” », c’est parce que, finalement, il « démontrait que les Américains sont mieux traités que nous et que nous avons, de façon transparente, donné une forte rétribution à l’État congolais 50». Au nom de la CNS, le Premier ministre André Milongo a, mi-1991, livré un baroud d’honneur. Il est venu affronter les pétroliers à Paris. La Lettre du Continent ironise sur celui qui se permet « de demander, en début de conversation, la transparence absolue aux compagnies pétrolières étrangères – et ce avec beaucoup de sous-entendus sur le passé – pour réclamer ensuite de l’argent au moment de se quitter… Surtout lorsque l’on sait que ses interlocuteurs vont toujours à la pêche en rivière sur le yacht du chef de l’État », Denis Sassou I. Au même moment, La Lettre du Continent donne une idée de l’arbitraire du calcul des redevances : entre le Gabon et le CongoB, « les taux d’imposition et les avantages concédés aux compagnies [pétrolières] sont comparables. […] Toute la subtilité est dans le calcul de base : le Gabon prend comme référence de calcul le prix Opep tandis que le Congo doit se contenter du prix du marché affecté d’une décote. Mais les frais de recherche sont plus généreusement (30 % en moyenne) et forfaitairement soustraits du résultat d’exploitation au Gabon, ce qui n’est pas le cas au Congo. [… Cette] soustraction libérale […] à l’imposition permet donc un partage de la marge réalisée sur chaque baril entre quelques initiés du système. Par contre, au Congo, les pétroliers compensent la faible marge d’exonération par des coûts de production fixes plus élevés (environ 7 à 8 dollars) qui, eux, ne sont pas négociables car il ne présentent pas le côté “immatériel” des frais de recherche… Simple, non ? 49».
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Nguesso, non encore remplacé – qui continue de bénéficier « de l’appui de l’Élysée 51». L’heureux plaisancier a légué au gouvernement Milongo une dette flirtant avec les 6 milliards de dollars. Il s’est payé un yacht, mais a accumulé sur la tête des Congolais 6,8 milliards de francs d’échéances impayées 52. La Meridian Bank obtient ainsi « d’un tribunal français le blocage des comptes bancaires congolais pour récupérer des créances impayées de l’État 53». On imagine la détresse politique et financière de ce gouvernement quand on lit qu’« André Milongo est allé chercher à Washington “l’appui moral, diplomatique et financier des États-Unis à la démocratisation du Congo”. […] Le premier ministre, qui ne dispose que de 7 milliards de francs CFA [140 millions de francs] pour boucler les fins de mois de sa fonction publique pour 14 milliards de dépenses, a également pré-vendu une partie de l’importante production attendue du gisement de Yombo (Amoco opérateur) pour effacer une dette de 30 millions de dollars envers des créanciers américains 54». Dans la foulée, le ministre des Finances de Milongo négocie « avec Agip à Milan […] 20 millions de dollars gagés en partie sur le gisement de Sendji. Les responsables d’Elf, qui n’étaient pas très heureux de cette transaction, se sont finalement rattrapés en acceptant de leur côté d’avancer 200 millions de dollars gagés sur le gisement de Nkossa auquel ils tiennent 55». Cette avance scelle l’abandon par le gouvernement Milongo de l’une des principales revendications de la CNS : « La renégociation des accords avec les deux compagnies pétrolières exploitantes (Elf et Agip). 56»
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Avec la bénédiction du président de la CNS, Monseigneur Kombo, les ténors de la politique congolaise poussent cette instance de transition sur la voie d’une amnistie généralisée : amnistie des pratiques des pétroliers, qui pourront continuer les mêmes ponctions opaques et occultes ; amnistie des détournements et de la corruption I ; amnistie de la criminalité politique françafricaine. Olivier Vallée dénonce cette « obsession de l’amnistie 58», grosse de tous les excès ultérieurs. La voie est prête pour l’élection, avec l’appui éphémère de Sassou Nguesso, d’un président qui ne remettra pas en question le système d’extorsion qui mène le Congo à l’abîme. Avant même le scrutin, le futur vainqueur s’était d’ailleurs opposé à Milongo sur cette question d’audit, déclarant qu’il ne fallait pas chercher de « bouc émissaire », et que les accords pétroliers devaient « être révisés, mais de manière consensuelle 59».
La dette des Lissoubistes Largement battu au premier tour de l’élection présidentielle, Sassou s’allie avec son vieil ennemi Pascal Lissouba pour barrer la route à l’homme du Pool (la région autour de Brazzaville), Bernard Kolelas. L’électorat est pris (se laisse prendre) au piège de cette manœuvre. Lissouba est confortablement élu, mais commet aussitôt une “double faute” : il évince Sassou, le I. Ainsi, l’un des proches de Pierre Otto Mbongo a expliqué à la Conférence nationale souveraine (CNS) « le système de répartition des commissions versées par des entreprises étrangères lors de rachat d’entreprises d’État congolaises » 57.
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chouchou d’Elf, du partage du pouvoir promis entre les deux tours du scrutin ; puis, pressé par la nécessité, il se résout à entamer le monopole de la major tricolore : « Répondant aux questions de la mission [parlementaire] sur les relations avec la France et Elf, M. Pascal Lissouba a donné les explications suivantes : “À son arrivée au pouvoir, les caisses de l’État étaient vides et la dette […] s’élevait à 6 milliards de dollars. […] Il devait faire face à cinq mois de retard dans le paiement des salaires de fonctionnaires. […] Elf lui avait refusé un crédit-relais. […] Finalement, il a obtenu le relèvement de la redevance [pétrolière] de 17 à 33 % et il craint que ce relèvement n’ait été le facteur déclenchant du drame congolais. Il obtient à la même époque une avance de 150 millions de dollars de la compagnie américaine Occidental Petroleum [Oxy].” […] Lors d’une visite en France en novembre 1992, “il a […] tenté d’obtenir un accord de coopération en matière militaire et de sécurité. La réponse du Président Mitterrand fut brutale : ‘La France ne fait plus cela.’ […] D’un côté, Elf se livrait à un blocus financier, de l’autre le gouvernement français ne semblait pas vouloir l’aider sur les questions de sécurité. […] L’ambassadeur de France, M. Raymond Césaire, ne cachait pas ses amitiés pour M. Sassou Nguesso.” 60» Même si Lissouba résume les faits à son avantage, il est difficile de mieux dire à quel point la politique intérieure du Congo est commandée par le pétrole, son argent, ses armes, ses parrains. Le nouveau président ne va cesser de courir après les uns et les autres.
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En avril 1993, donc, ne trouvant aucune compréhension chez Elf qui a déjà dépensé le maximum pour son prédécesseur, Lissouba négocie un accord-cadre d’un milliard de dollars avec Oxy, via des intermédiaires sud-africains, angolais… et de Pierre Otto Mbongo, décidément multicarte. Sont également impliqués des hommes d’affaires libanais, espérant se faire rembourser en totalité des créances qu’ils avaient, pour certains, rachetée avec une forte décote sur le “marché gris” de la dette (où l’on rachète au rabais des créances douteuses). Objet de la transaction : gager les parts détenues par la société d’État Hydro-Congo dans les gisements de Yandga, Sendji, Nkossa et Kitina. Bref, les bijoux de famille 61. L’accord incluait une avance de 150 millions de dollars. Oxy en verse aussitôt la moitié, permettant à Lissouba de payer un mois de salaire aux fonctionnaires à la veille des élections législatives, et de rétribuer la filière libanaise qui a effectué le “branchement” de Lissouba sur Oxy. Cette firme est présentée comme américaine, mais ses capitaux et son management sont en grande partie originaires du Moyen-Orient. Son fondateur, Armand Hammer, était extraordinairement bien introduit en URSS, dont les créances sur l’Afrique font l’objet d’une fructueuse spéculation. Ainsi, malgré la posture nationaliste de Lissouba, l’opération Oxy ressemble à un vol de vautours 62. La transaction valorise le baril congolais à 3 dollars I ! (En 2001, le baril a maintes fois dépassé le cours des 30 dollars.) Mais ce n’est pas cela qui choque Elf et la fait brutalement réagir : I. « 2 dollars », affirmera même Sassou II 63.
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« Pourquoi le groupe Elf a-t-il déclenché l’alerte rouge à l’apparition d’Oxy ? Habituée à travailler en solo dans les pays du Golfe de Guinée, la compagnie pétrolière française a toujours été le pétrotrésorier de ces pays avec un poids politique à la hauteur de ses redevances pétrolières. Trésorierpayeur du Congo, Elf n’a pas échappé au clientélisme du “Qui paie, commande”. Les avances sur recettes pétrolières et les emprunts sur gisements en terre font l’objet de négociations secrètes qui posent problème quand le “client” change. […] Exemple : début 1990, le brut congolais se vendait à 13 dollars le baril, soit le prix du Brent sur le marché (15 dollars), moins deux dollars : un dollar de moins pour la qualité et un autre dollar de moins pour la distance. Mais en décembre 1990, Elf et les autorités de l’époque ont décidé de vendre le brut congolais à 11,25 dollars, soit 1,75 dollars de moins qu’au début de l’année… I […] Ces “arrangements” ne seront plus possibles si le renard Oxy “entre dans le poulailler”. 64» Pour bloquer le renard et aider Lissouba à se dédire, Elf consent, bien à contrecœur, 180 millions de dollars d’avances sur les recettes du puits de Nkossa (le plus important des quatre gisements partiellement cédés à Oxy). Le ministre de la Coopération, Michel Roussin, demande à la Caisse française de développement d’ajouter un prêt de 20 millions de dollars. Lissouba croit avoir compris les règles de la surenchère : il “taxe” presque aussitôt Elf d’un redressement fiscal d’un milliard I. Les « autorités de l’époque », c’était Sassou I. Comment auraitil pu prendre une décision aussi défavorable pour son pays sans être associé, en Suisse ou ailleurs, au partage de la différence (plusieurs centaines de millions de francs par an) ?
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de francs. Puis il fait réclamer la comptabilité en dollars d’Elf-Congo, pour en vérifier le résultat fiscal… Le rappel est justifié, évidemment, vu l’ampleur de la fraude d’Elf sur les calculs de prix, de coûts et de quantités. Encore faut-il avoir les moyens politiques d’imposer ce contribuable audessus des lois, tellement plus puissant que l’État congolais 65. Le plus efficace aurait été sans doute de rallier les Congolais à un projet de réappropriation de leurs richesses, de prolonger aux plans économique et financier la reconquête d’une légitimité politique amorcée par la Conférence nationale souveraine. Mais Lissouba n’est pas un produit de la CNS, c’est plutôt un adepte des manipulations antérieures. Il est de surcroît velléitaire, brouillon, incapable de tenir une équipe. Il engage bien « un programme de restructuration des obligations financières du pays avec, à court terme, la mise en place d’un crédit financier relais de 800 millions de dollars et d’une fiduciaire I autonome pour restructurer la totalité de la dette gagée sur du pétrole ». Mais, pour réaliser ce plan, il n’engage pas moins de « trois équipes de financiers » 66. Les uns (pour la façade) exploreront les voies d’un assainissement hautement louable, où cette fiduciaire autonome gérerait les recettes pétrolières sous le contrôle de deux représentants du Parlement. Les autres se serviront de ce beau projet pour essayer de décrocher plusieurs fois des montants analogues (entre 600 I. La société fiduciaire est une forme juridique organisant le “portage” par un tiers d’un patrimoine, en vue de protéger les intérêts du bénéficiaire. Très répandues en Suisse ou dans les paradis fiscaux, les fiduciaires ont une fâcheuse tendance à devenir des sociétés-écrans.
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millions et un milliard de dollars), auprès de plusieurs prêteurs différents, sollicités indépendamment, pour de nouveaux emprunts très peu publics, aussi volatils que les précédents. « La présidence congolaise qui vient de boucler un emprunt de 600 millions de dollars sur le marché de Hong Kong, à l’initiative de Claudine Munari et de Pierre-Yves Gilleron I, prépare la même opération pour 1 milliard de dollars… Le premier était gagé sur du pétrole d’Agip. [Il aurait finalement échoué, Agip ayant refusé son accord… 67] Les conseillers financiers de Pascal Lissouba – Édouard Lemaire et Michel-Henry Bouchet – montent de leur côté une fiduciaire qui serait chargée d’un crédit financier de 800 millions de dollars (environ 200 milliards de francs CFA) pour permettre, en particulier, de libérer les redevances pétrolières déjà gagées. 68» Les « mandataires financiers du président Lissouba […] sillonnent Jersey, Gibraltar et d’autres places financières offshore pour monter un créditrelais d’un milliard de dollars 69». Par sa démesure, la dette congolaise multiplie les déséquilibres à haute tension… pétrolière : elle « constitue avec le second marché des créances [leur revente au rabais] une vaste opportunité ». La Fiba s’est lancée sur ce terrain. Elle a demandé à la banque américaine Bankers Trust de racheter au rabais, pour son compte, les créances détenues par les banques étrangères sur le Congo. Elle confie à la Swiss Bank ces créances obtenues à vil prix en attendant de se les faire rembourser à taux plein I. Conseiller “spécial” de plusieurs présidents : Mitterrand, Habyarimana, Lissouba…
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par la Caisse congolaise d’amortissement. Une culbute qui suppose évidemment la complicité de toutes les parties prenantes, sur le dos des finances publiques. Grâce à Elf, sa maison mère, la Fiba est aux premières loges pour récupérer l’intégralité de ces dettes gagées sur le pétrole et empocher le rabais – une décote de 90 à 95 % 70 ! Mais même les banques commerciales créancières ne sont pas fâchées de se débarrasser de vieilles créances provisionnées qui encombraient leur bilan et les empêchaient de prêter de nouveau au Congo – donc de participer au festin des gages sur l’or noir. Ainsi, Elf « a convaincu les banques françaises de prêter de nouveau 150 millions de dollars 71». On se bouscule pour « la gestion de ces dossiers, à la fois sensibles et fructueux ». Pascal Lissouba a mis sur le coup la firme Stanley Owen de MichelHenry Bouchet. Interviennent aussi Jean-Claude Boucher, fondateur de l’Association des créanciers du Congo, le groupe Hojeij, l’ambassadeur du Congo à Bruxelles (Jacques Bouity), associé à Christophe Bonnafous, un ancien de la banque Worms. Édouard Lemaire devient « le nouveau gourou financier du président Lissouba 72». Comme si cela ne suffisait pas, ce dernier embauche début 1994 quatre conseillers financiers hautement soucieux du bien public africain : les deux barons chiraquiens Michel Aurillac et Robert Bourgi, Pierre Moussa, ancien PDG de Paribas, initiateur de sa dérive offshore (en alliance avec Nadhmi Auchi, l’ami de Pasqua et Sirven), et l’ex-patron du CIAN, Jean-Pierre Prouteau 73. Comme au plan financier, le clan Lissouba va manipuler à son profit la fibre nationaliste de ses
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compatriotes dans l’affaire du nouveau Code pétrolier. Ce nouveau texte, mis au point par le ministère des Hydrocarbures, prévoit de rétribuer l’État congolais davantage par le partage de production que par un pourcentage (une redevance) sur les quantités produites ; et un “bonus” devra être versé lors de l’octroi d’un permis d’exploration 74. Ces deux modalités facilitent en fait l’enrichissement personnel du président en place et de son entourage, d’autant que les contrats sont souvent très complexes : « Seuls des experts peuvent réellement jauger les effets de tels accords 75», ce qui rend très difficile le contrôle démocratique. À propos d’Elf aussi, Lissouba tient un double langage. D’un côté il la défie, avant de la vilipender, de l’autre il en fait sa banque de plus en plus “centrale” : non seulement elle lui sert de caisse (y compris pour les achats d’armes), mais, renonçant à ses velléités de fiduciaire autonome, il lui confie à l’été 1994 le soin de gérer la dette pétrolière congolaise. Elf « a monté, auprès d’un syndicat de banques françaises » emmené par la Société générale, « un emprunt à court terme de 180 millions de dollars ». « Elf a, par ailleurs, réaménagé la dette gagée pétrolière sous la forme de trois prêts de respectivement 125 millions de dollars (auprès de l’Industrie und Handelsbank de Zurich [IHAG]), 45 millions de dollars et 185 millions de francs (auprès de la Canadian Imperial Bank of Commerce). La commission de montage et les frais juridiques sont de 2,5 % à la signature. 76» Cette dette gagée, « c’est-à-dire prélevée directement à la source et créditée dans les comptes de banques suisses d’heureux bénéficiaires 77», hypothèque les
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futures recettes budgétaires du pays. Elle « a bondi sous Lissouba, de 1,4 milliard de francs mi1992 à près de 3 milliards fin 1994 78», et 3,8 milliards début 1996, après le rachat de la dette vis-à-vis d’Oxy via un emprunt de 1,11 milliard de francs « dont s’est chargé un homme d’affaires libanais avec un montage FIBA 79». Toute l’équipe Lissouba est en chasse. Avec les pleins pouvoirs du Président, le ministre des Finances Nguila Moungounga-Kombo et le président de l’Union congolaise de banques (UCB) ont signé des billets à ordre I pour plusieurs centaines de millions de dollars. « Quand on sait que près d’une vingtaine de lettres de crédit du même type sont en circulation, c’est près d’un milliard de dollars que des personnalités congolaises ont “engagé” en échange de quelques dizaines de millions de dollars en cash immédiat. » Trois “bénéficiaires” américains de ces lettres se sont, un peu tard, inquiétés de savoir s’ils seraient payés 80. D’un côté on endette le pays, de l’autre on remet la dette des particuliers. Au second semestre 1994, l’État a effacé une dette bancaire de 2,25 millions de francs de Claudine Munari, la très proche conseillère de Pascal Lissouba, et une autre de 20,4 millions du groupe GPOM de Pierre Otto Mbongo. Plombé par les défauts de remboursement, le secteur bancaire congolais est à l’agonie 81. Olivier Vallée, qui fut un observateur privilégié de la finance brazzavilloise au ministère congolais du Plan, parle du « grand banditisme des séides de Lissouba 82». I. Écrits par lesquels le signataire reconnaît une dette et s’engage à la régler à une échéance définie.
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Au printemps 1995, toujours acculé financièrement, Lissouba brade à Elf les parts de son pays dans Elf-Congo (25 %). Le prix officiel de la vente, 270 millions de francs, est crédité à la Canadian Imperial Bank of Commerce (CIBC) – ce chiffre annoncé en 1995 deviendra par la suite (par arrondi ?) 250 millions… Les estimations de la valeur réelle de ces parts sont de 4 à 16 fois supérieures 83 ! En prime, Elf Congo « va voir ses privilèges fiscaux et douaniers […] prolongés jusqu’en l’an 2010 84». Puis l’État congolais cède ses parts dans l’important gisement de Kitina, opéré par Agip, « en échange de paiement en cash et d’une garantie de la compagnie pétrolière italienne pour le remboursement d’un crédit de 50 millions de dollars ». « De son côté, Elf aurait récemment versé sur un compte au Luxembourg une partie de sa dette fiscale » – estimée à un milliard de francs par Brazzaville, ramenée finalement à 350 millions 85. En échange de cette réduction, Elf a accepté de créer une « Provision pour investissements diversifiés » (dans le développement d’activités non pétrolières), comme celle qu’a obtenue Omar Bongo au Gabon 86. De quoi « réaliser quelques menus projets, bienvenus en période électorale 87». Mais ces rentrées sont aussitôt menacées par la résurrection de vieilles dettes ou la surrection de nouvelles. Oxy réclame ses 150 millions de dollars, menaçant d’un procès. Depuis des années, indifférent à la conjoncture financière, le groupe d’Antoine Tabet I “construit” des routes avec la garantie I. Un observateur bien placé dit Antoine Tabet plus spécialisé dans l’ouverture des chantiers que dans leur bonne fin. Antoine
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d’Elf. D’où une nouvelle dette gagée de 500 millions de francs 89. Comme Elf continue de découvrir du pétrole, elle invente de nouvelles astuces pour prolonger quelque peu l’État congolais déliquescent, tout en l’enfonçant davantage dans le moyen et long terme. André Tarallo trouve à cet égard une idée de génie : « Au nom de la souveraineté, il a rétrocédé au Congo les actifs d’exploitation – c’est-àdire la propriété – des équipements pétroliers de Nkossa. L’envers du décor, c’est la nécessité pour le Congo de provisionner [les coûts futurs et les risques de] cette plate-forme dans ses comptes (démantèlement après épuisement du champ, assurances). Le coût de l’opération serait de 250 milliards de francs CFA [2,5 milliards de francs]. “Bon prince”, Elf avancera cette enveloppe au président Lissouba sous forme d’un prêt spécial. Cela allégera d’autant les contributions en trésorerie de la compagnie pétrolière au budget de l’État, au titre du partage de la production. 90» Du coup, le bénéficiaire de ce prêt “spécial” ne tarissait plus d’éloges envers celui qu’il nommait « le Foccart du pétrole » : sans lui, « la coopération pétrolière entre la France et l’Afrique s’écroulerait. […] L’inculpation d’André Tarallo est une injure, une humiliation 91». Elf convainc aussi le tandem Chirac-Juppé de peser sur les prêteurs institutionnels. Mi-1996 , le Club de Paris I remet 5 milliards de créances Tabet est par ailleurs qualifié par Olivier Vallée d’« affairiste de Sassou » 88. I. Regroupement des principaux créanciers publics, où sont octroyés remises et délais. Le Club de Londres réunit dans le même but les créanciers privés.
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publiques bilatérales, en grande partie françaises, après que le FMI a prêté 100 millions de dollars. Un coup d’accordéon aux allures d’amnistie partielle, qui n’arrête pas la valse des milliards. La même année, le Congo est redevenu le premier client français d’Afrique noire… Il fallait réamorcer la pompe, au moment d’inaugurer le mégagisement offshore de Nkossa 92. Le Congo achète, mais pas n’importe quoi. Pour le premier semestre 1996, la Banque mondiale pointe l’envolée des dépenses liées à l’armée, à la sécurité et à la présidence, ainsi qu’aux “études” du conseiller pétrolier Samuel Dossou. Claudine Munari, “l’homme fort” du régime, se déplace en Falcon 900. Le ministre des Finances Nguila Moungounga-Nkombo multiplie les virements hors budget à l’étranger (Bahamas, Monaco… ) 93. Pendant ce temps, les maigres crédits budgétaires destinés aux fournitures de santé ou de l’éducation nationale n’ont été décaissés, respectivement, qu’à hauteur de 11 % et de 5 % – 1 600 000 francs et 700 000 francs… 94 Denis Sassou Nguesso porte certes une responsabilité majeure dans la ruine actuelle du Congo, financière, politique et morale, mais l’on voit que le président légitime Pascal Lissouba a galvaudé ce titre durant son mandat (1992-1997), en adhérant pleinement au système d’escroquerie généralisée qu’il dénoncera plus tard – trop tard. Il a laissé l’éducation et la santé dans un état lamentable, et accentué le pillage des finances publiques. Cela aussi a précipité sa chute. Certains ont cru qu’ils seraient plus facilement remboursés par Sas-
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sou : « Affrétés par des opposants au régime du président Lissouba, des bateaux sont actuellement en cours d’équipement en Afrique du Sud pour prendre, au passage, des mercenaires dans une île du golfe de Guinée [Sao Tomé ?]. Le financement de cette “armada” est monté à partir de Londres par la S.I.C. dont le correspondant en France est J.-C. B., un spécialiste des montages financiers. 95» Ce financement d’une opération putschiste de rétablissement de la dictature sassouiste n’était qu’un avant-goût de ce qui allait suivre, et qui s’inscrit dans les stratégies des principaux responsables de cette ruine multiforme, les compagnies pétrolières. L’embellie financière qu’a connue sur la fin le régime Lissouba, avec au moins 80 millions de dollars de bonus sur de nouveaux gisements très importants, en mer profonde, cachait de nouvelles alliances : Elf « a trouvé un modus vivendi avec Chevron sur le Congo et le Cabinda [enclave angolaise entre les deux Congo]. Les gisements sont les mêmes des deux côtés de la frontière maritime… […] Quand Chevron est devenu au Congo le partenaire d’Elf sur Nkossa, elle n’a pas payé sa quote-part des droits d’entrée et des travaux préalables. De bonne guerre… 96». Les relations deviennent également amicales avec Exxon. Des deals régionaux ont été passés au Tchad, au Congo et en Angola. Des participations croisées sont par ailleurs prévues entre les deux compagnies sur les permis Mer profonde sud (Elf) et Mer profonde nord (Exxon) 97. On le voit, Denis Sassou Nguesso, l’ami de l’Angolais Dos Santos, devenait plus indispensable que jamais.
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2. Les flambeurs entrent en guerre Nous ne décrirons pas ici la guerre civile à épisodes qui a démoli le Congo et sa démocratie en deux salves, correspondant grosso modo à l’été 1997 et à l’année 1999. Nous nous attacherons spécialement aux aspects financiers de cette période. D’un point de vue politique, il faut seulement redire la certitude historique : la Françafrique s’est clairement engagée dans ce conflit, et a penché massivement durant l’été 1997 pour Denis Sassou Nguesso, l’allié des Angolais – contre la grande majorité du peuple congolais. Mais elle n’a pas pour le moment l’intention de payer la note. Le préfet Jean-Charles Marchiani, député européen du parti de Charles Pasqua, a fait aux enquêteurs de l’affaire Falcone-Gaydamak un aveu extraordinaire : « Nous, c’est-à-dire moi pour le compte de Charles Pasqua, avons négocié publiquement avec le président Dos Santos l’aide politique et économique de l’Angola à l’action de la France dans cette partie de la région, qui s’est concrétisée par l’envoi de troupes dans les deux Congos. 98» Un deal global, qui engageait la France dans trois guerres civiles (les deux Congos après l’Angola) et incluait un « accord de sécurité », signé par la France et l’Angola sous l’autorité de Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur. Jean-Charles Marchiani a détaillé devant les juges « les conditions dans lesquelles il avait été amené à négocier ledit accord, en relation avec le conseiller de la Sofremi pour les affaires angolaises, un certain… Pierre Falcone 99». Celui-ci, associé à Arcadi Gaydamak, a conclu en urgence « deux nouveaux
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contrats d’armements d’un montant global de 420 millions de dollars », près de 3 milliards de francs. « La deuxième tranche a démarré fin juillet 100», sept à huit semaines après le début de la guerre civile congolaise, deux mois avant l’invasion du Congo par les troupes angolaises. Marchiani a enfoncé le clou dans une interview au Monde du 13 janvier 2001 : « À sa façon, M. Falcone a défendu les intérêts français dans la région. » Puis est venu, tel un lapsus, l’aveu de la “Grande muette” : « Plusieurs généraux et colonels français sont restés de marbre, le 16 janvier, lors d’une étonnante réunion, à Paris, au Collège interarmées de défense, nouvelle dénomination de l’École de guerre. Trois cents militaires y participaient, dont environ un tiers d’officiers venus d’Afrique, des États arabes ou asiatiques, et des États-Unis. Au détour d’un échange, il a été soudain question de l’intervention de l’armée angolaise pendant la guerre civile du Congo-Brazzaville, en 1997 […]. Et mention était faite que cette opération militaire avait été menée à la demande expresse de la France I. Les officiers angolais présents ont fait semblant de ne pas entendre. Comme les généraux français, frappés eux aussi d’une subite surdité. 101» La lutte à mort Sassou-Lissouba s’est déclenchée le 5 juin 1997 à Brazzaville, aux petites heures II. Deux semaines plus tard, La Lettre du Continent écrivait : « Sassou est tellement sûr de prendre le I. Le conseiller Afrique de Matignon, Serge Telle, a bonne mine avec son courrier “historique” : « Les problèmes du Congo relèvent de la seule responsabilité des Congolais » (29.06.1998). II. Mais dès 1994, selon un témoignage, le régime angolais aurait parachuté près du fief sassouiste d’Oyo cinq conteneurs emplis d’armes, dont deux se seraient égarés.
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pouvoir qu’il a déjà demandé à Paribas et Suez d’enquêter sur d’éventuels comptes privés de Lissouba. 102» Cela veut dire deux choses : premièrement, si un président pétrolier a des comptes privés dans des banques françaises, c’est plutôt dans ces deux là ; deuxièmement, Sassou est en si bons termes avec ces deux banques qu’il peut se permettre de leur demander ces renseignements trois mois avant le succès de son coup de force. Mais son adversaire n’est pas né de la dernière pluie : pour échapper à d’éventuels blocages de ses comptes, « Pascal Lissouba vient de déplacer, en plusieurs fois, 150 millions de francs, à son nom et à ceux de sa femme “Jocelyne” et de sa fille “Mireille”, qui ont été “adossés” sur des prêts nantis par la BNP I et donc intouchables 103». Par la suite, il cherchera à « faire modifier les actes de propriété de son hôtel particulier de la rue de Prony II, acquis en son nom et celui de sa femme, Jocelyne 104».
La facture de l’été 1997 Il n’y a pas que les besoins familiaux. La guerre rendait urgents les achats d’armes. Côté Lissouba, le principal fournisseur a été le Belge Jacques Monsieur – un cador du trafic d’armes, qui a longtemps opéré sous couvert de la Direction de la survaillance du territoire (DST), du Mossad et de I. L’argent, si l’on comprend bien, s’est mué en prêts de la BNP, qui se couvre (se “nantit”) sur des sommes équivalentes placées dans des paradis fiscaux. Un procédé classique, l’un des premiers utilisés pour le blanchiment. II. C’est aussi rue de Prony que se trouvait à l’époque le domicile parisien de Jacques Foccart.
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l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), notamment en Iran et en Bosnie. Au pouvoir congolais menacé, il livre rapidement « hélicoptères de combat, roquettes, missiles et bombes ». « Du 23 juin au 28 septembre », Monsieur adresse 12 factures au directeur de la Fiba, Pierre Houdray. « Côté finances, Lissouba tente avec l’expertise de Jack Sigolet (devenu, depuis sa retraite d’Elf I, son conseiller) un nouveau préfinancement pétrolier : c’est l’opération “Darrow” 105». Manifestement, “on” a profité de la défaite de Lissouba pour ne pas payer une partie des armes livrées par Monsieur. Ce sont les risques du métier de trafiquant. Monsieur, qui connaît son monde, a accumulé sur Elf et Sigolet des documents compromettants. Il a écrit à ce dernier des courriers qui ressemblent fort à du chantage. Ces lettres, assorties de fax confirmant les achats d’armes de Lissouba dans des circuits parallèles et l’implication d’Elf dans leur financement, sont bien utiles aux ennemis de Lissouba, à commencer par “Sassou II” II, et aux règlements de comptes dans le milieu pétrolier. On conçoit qu’ils aient été adressés à des journalistes. Plusieurs n’en ont pas fait usage. Alain Lallemand, du Soir de Bruxelles, a mené une enquête insistante. Mis en cause dans l’affaire, Jack Sigolet s’est confié à lui 106: « En juin-juillet 1997 – c’était pendant un week-end – j’ai reçu deux lettres du ministre des Finances Nguila Moungounga, parce qu’il ne pouvait pas joindre Pierre Houdray, charI. Il dirigeait la banque d’Elf, la Fiba, sous la houlette d’André Tarallo. II. C’est ainsi que l’on a coutume de désigner le second règne de Denis Sassou Nguesso, à partir d’octobre 1997.
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gé de la gestion, à Paris, du compte “MinFin Congo” auprès de la Fiba – […] un dépôt au nom de la République du Congo, [… destinataire] d’une partie de la redevance payée par Elf-Congo (17,5 % de la valeur marchande du brut exporté). Moi, à ce moment, j’étais en Suisse, et le ministre a pu m’atteindre. J’avais même reçu un appel de Pierre-Yves Gilleron, alors conseiller de Lissouba, disant que Moungounga allait m’appeler. Et je reçois […] deux fax que j’ai transmis de suite à Houdray. À l’époque, j’étais conseiller financier de Lissouba : je n’avais pas à refuser cette demande. […] Il est possible que j’aie pu mettre “vu”. […] Généralement, je mets “vu” avec mon paraphe. […] Qui a détourné [ces fax…] ? Les a-t-on dérobés à la Fiba I ? […] Il fallait payer les factures [d’armes] Matimco […] en Autriche, au bénéfice de la société Joy Slovakia. […] Fin juillet [1997], les responsables congolais m’interrogeaient déjà sur la possibilité de monter un préfinancement sur du brut. Moungounga a été le premier à m’en parler. Les Congolais viennent me voir au mois d’août. […] Ils avaient besoin d’une enveloppe de 50 millions de dollars. Ma préoccupation était de savoir le nombre de barils dont ils disposaient. Ils m’ont indiqué qu’il s’agissait de 10 000 barils par jour, qui pourraient éventuellement être portés à 15 000 par la suite [750 000 tonnes par an…]. J’ai préparé un contrat de brut classique, ignorant qui serait l’acheteur. Je l’ai rédigé en blanc. […] Nous nous sommes revus une seconde fois en septembre, réunion au cours de laquelle ils feront clairement référence à la situation militaire du pays. Le nom I. Mystérieusement cambriolée dans la nuit du 9 au 10 mars 2000.
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“Darrow” est celui de l’offshore créée pour l’opération, dont je ne connais pas l’ayant-droit économique. À ma connaissance, ce préfinancement ne s’est jamais réalisé, mais il sera proposé en fin 1997, et même 1998, par Pascal Lissouba, qui disait être toujours le président de la République en titre. Avec le recul, je crois que [si Jacques Monsieur avait en main ce contrat] c’était pour se faire payer les armes qui avaient été livrées. J’imagine. On m’a parlé de 40 millions de dollars d’armes… » Sigolet cherche à se défendre. Mais il ne cesse de révéler, dans ses propos de financier du pétrole basé à Genève, son rôle d’interface entre l’or noir et les caisses noires, les cargaisons de pétrole et les avions-cargos bourrés d’armes, son rôle de catalyseur d’une dérive exponentielle de la dette congolaise, par la facilité avec laquelle il monte de nouveaux crédits exotiques. Avec la guerre civile, on trouvera et dépensera encore beaucoup d’argent sur les comptes de ce pays déjà hyperendetté. Le montage proposé par Sigolet a sans doute à voir avec ce que Sassou II jettera plus tard sur la table de la négociation avec Elf, « tous les contrats d’armements signés par son prédécesseur et “cautionnés” directement par la compagnie pétrolière française. [… Des] contrats “garantis” par la compagnie, et montés avec des préventes de brut par des anciens dirigeants d’Elf et l’intermédiation d’une compagnie de maintenance aéronautique de l’avenue Marceau, dont les responsables travaillent quasi exclusivement pour Elf 107». Dès l’automne 1997, La Lettre du Continent nous avait renseignés sur « le nerf de la guerre » de l’été précédent. Pour son camp, Lissouba dispose
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des bonus des nouveaux permis, des parts bradées de l’État congolais dans Elf-Congo et Agip, de quelques redevances payées par Elf sur le compte Fiba, de la vente de la part congolaise de la production, « commercialisée à Genève par son conseiller Samuel Dossou (qui est également celui d’Omar Bongo) à travers Petrolin. Les forces de Lissouba ont aussi récupéré l’argent qui restait dans les coffres des établissements bancaires de la place, en particulier celui de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC). Autre source d’enrichissement : le traitement de la dette gagée pétrolière » (commissions multiples, spéculations sur les décotes) 108. Au total 109, l’équipe Lissouba aurait levé 1 milliard de francs de juin à septembre 1997 pour des achats d’armes I. « Denis Sassou Nguesso n’a, de son côté, jamais été “oublié” par Elf et émargerait toujours sur les retombées financières de la production d’un gisement angolais. Il avait contribué à l’attribution de ce permis à la compagnie pétrolière française par le président José Eduardo Dos Santos. Son bras droit, l’ancien ministre du pétrole Rodolphe Adada, était par ailleurs partie prenante dans la société ORCA, basée à Jersey, qui revendait les produits raffinés de CORAF [la raffinerie de Pointe-Noire] sur le marché américain, avec une confortable marge, en raison de leur basse teneur en soufre. Cette marge était partagée entre Elf Trading (Genève) et des hommes d’affaires proches de Sassou. Après […] l’arrivée au pouvoir I. Mais Sassou II récupèrera auprès du marchand d’armes Rudolf Wollenhaupt plusieurs équipements militaires commandés par Lissouba – dont un Canadair Swingtail et plusieurs centaines de camions 110.
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de Lissouba, le mécanisme a perduré avec une redistribution “équilibrée”. Les deux “frères” ennemis s’arrêtent bien tous les deux à la même stationservice. 111» Enseigne de cette station : Elf. Des deux côtés, l’argent de la guerre transite par les paradis fiscaux – points aveugles de la dette. La dimension régionale du financement du camp Sassou se confirme, et son insertion dans une vaste pétrostratégie, le “Cangola” : « On comprend l’intérêt du président José Eduardo Dos Santos d’avoir son “ami” Denis Sassou Nguesso de retour au pouvoir à Brazzaville, pour gérer avec lui tous les méga-gisements découverts en eaux profondes sur la frontière maritime entre les deux pays par Elf et Chevron. […] ElfCongo […] détient les permis […] qui jouxtent la frontière cabindaise. De l’autre côté se trouve […] la compagnie Chevron sur l’ensemble des permis. Au cours de ces dernières années, Elf a fait entrer Chevron sur ses intérêts au Congo, et Chevron a fait de même pour laisser une petite place à Elf au Cabinda. […] La dernière découverte de Chevron sur les puits D 17 a forcément des prolongements en territoire congolais. Mieux vaut être bien avec les voisins. […] Les alliances ethniques de la région vont désormais devoir suivre le tracé des “patates” d’or noir 112». « Désormais baptisé “Cangola” ou “Congola”, le nouvel empire pétrolier à la frontière maritime du Cabinda et du Congo a désormais deux “frères amis” au pouvoir.113» Chevron et Elf, qui contrôlent cette éponge pétrolière transfrontalière, « y vivent en “bonne intelligence” pétrolo-financière ». « Ces données
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pétrolières ont beaucoup incité Paris et Washington à regarder ailleurs quand les troupes angolaises ont envahi Pointe-Noire. 114» En destructions seulement, pour le seul été 1997, la conquête du Congo par le tandem Sassou-Dos Santos aura coûté 5 milliards de francs, soit 37 % du PIB I. Si la facture des guerres civiles est inscrite au débit des peuples, l’accroissement du débit de pétrole est tout bénéfice pour les majors occidentales et leurs parrains politiques. Ils ne pourraient rien toutefois sans la complicité de certains Africains. Il est paradoxal de voir cette alliance perverse dénoncée par ceux qui en sont les plus gros profiteurs (mais il faut bien qu’ils se refassent chaque matin une virginité politique). Ainsi Sassou s’exclamait, au lendemain de sa victoire d’octobre 1997 : « Nous pourrons prouver que c’est avec l’argent du pétrole, et par les voies les plus brumeuses, que l’on a acheté les hélicoptères de combat et les bombes. Nous avons des documents que nous avons pris dans les bureaux mêmes de la présidence. […] L’ancien pouvoir a gagé comme blé en herbe 300 milliards de francs CFA sur les recettes pétrolières attendues, indépendamment même de ce qu’il recevait en impôts et autres redevances ordinaires, selon les sources des compagnies pétrolières elles-mêmes. 116» Interrogé sur les relations que son propre camp a pu entretenir avec les compagnies pétrolières, Sassou II a une réponse hautement significative : « Nous n’avons pas beaucoup de leçons à recevoir, quand on sait que, de 1979 à 1992, nous avons pu
I. Selon un bilan établi au printemps 1998 115.
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faire que le Congo devienne un pays pétrolier. » Autrement dit : c’est nous qui avons livré ce pays aux contrats léonins des pétroliers, il est normal qu’ils nous rétribuent – et pas ceux qui n’auraient d’autre légitimité que la volonté du peuple.
Sassou II pompe comme Sassou I Denis Sassou Nguesso n’avait, lorsqu’il a entrepris de se réinstaller, par la force, à la tête du CongoBrazzaville, pas d’autre projet politique que de reprendre possession de l’État et de ses rentes, pour lui-même et son clan. Il a tenté de faire croire qu’il avait changé, qu’il avait accepté les leçons démocratiques de la Conférence nationale souveraine. Certains y ont cru. Mais l’exercice de son nouveau pouvoir s’est vite avéré comme une répétition des dérives criminelles et ruineuses de son premier règne – en pire. Symptomatiquement, il a fêté son sacre par les armes angolaises en livrant Brazzaville, durant cinq jours, au pillage de ses miliciens. Elf a été priée de passer à la caisse. Un temps, les documents attestant la fourniture d’armes au président chassé, Pascal Lissouba 117, et son mauvais usage de l’argent du pétrole, ont servi de moyen de pression. Mais l’arme était à double tranchant. « Sassou I avait lui-même par le passé bénéficié des “bienfaits” du système mis en place (notamment des préfinancements) par le groupe pétrolier et ses réseaux financiers (comme le compte ORCA). Dans le genre “je te tiens, tu me tiens par la barbichette”, il est difficile de faire mieux. 118» Alors Sassou II, entouré d’une batterie de conseillers et d’une cour d’intermédiaires, a orga-
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nisé son programme de prédation sur trois fronts : les bonus, le partage de production, les nouveaux emprunts gagés. Il y a deux manières complémentaires de se faire payer la production d’un nouveau gisement : un acompte à la signature ou droit d’entrée ; une rémunération liée aux quantités extraites. Le premier mode est appelé “bonus” : il ampute évidemment le second – le seul pourtant qui permette de financer un budget dans la durée. Mais on est ici dans une logique inverse du bien public : deux des parties, la compagnie pétrolière et le clan au pouvoir, ont intérêt à évincer au maximum le propriétaire officiel du pétrole, le peuple chez qui on extrait l’or noir. Toutes les combinaisons sont bonnes qui avantagent ces deux parties au détriment du budget de l’État. Or les bonus sont largement parallèles, versés dans des paradis fiscaux sur des comptes “présidentiels”. Un gros bonus est le gage d’une moindre exigence sur les rétributions ultérieures au pays producteur. Pour 1998, Sassou II demandait un bonus de 60 millions de dollars, lié au gisement de Moho, et une “réparation” de 100 millions de dollars 119. Elf et Sassou se sont mis d’accord sur le principe d’un gros bonus initial et d’un passage du régime de concession au partage de production I: au lieu de toucher un pourcentage sur les quantités extraites, le Congo en reçoit une partie, à charge pour lui de la commercialiser au mieux. Un vrai miracle pour les intermédiaires de tout poil, l’objectif étant de I. Mais avec un taux de partage étonnamment bas : Elf voudrait le ramener de 31 % à 25,5 % (il est de 38 % au Gabon), alors que « la part de l’État congolais dans sa production pétrolière [… est] l’une des plus faibles du monde selon le FMI » 120.
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payer le moins possible l’État congolais afin de dégager et répartir la plus grande marge possible. Nous reviendrons plus loin sur ces intermédiaires, qui sont aussi liés, souvent, à des prêteurs sur gage. Car le prêt sur productions futures est, lui aussi, une activité hautement spéculative et lucrative. Bien sûr, il faut payer le pouvoir qui vous fournit la matière première de cette activité. Cela transparaît dans la manière même de rendre compte de ces opérations : ainsi, le courtier Glencore est « prêt à déposer chez le “patron”… 300 millions de dollars 121». Pour toutes ces négociations, Sassou II est aidé de conseillers au passé instructif 122 : Loïk Le FlochPrigent, l’ex-PDG d’Elf, que l’on ne présente plus, Élie Khalil et Gilbert Chakoury, anciens conseillers du dictateur nigérian Abacha (un hercule du pillage), Pierre Aïm, ex-armateur, apporteur d’affaires à quelques-uns des pires dictateurs africains. L’éminence françafricaine Jean-Yves Ollivier, qui traita aussi de pétrole dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, sert de poisson-pilote à un niveau plus stratégique. Sassou présente les deux derniers nommés « comme les seuls “vrais amis” français de sa traversée du désert 123». Pour gérer le pétrole reçu en partage de production par le Congo, le régime crée une Société nationale pétrolière congolaise (SNPC), « à l’image de la Sonangol [la société nationale pétrolière angolaise] – le modèle pour Sassou II ! 124». Encore un modèle de pillage… Cette SNPC reste dans la famille : elle est dirigée par un neveu de Sassou, Bruno Itoua. Un témoin évoque, écœuré, le ballet des valises à billets. Comme la Sonangol, la SNPC a installé « une structure de trading dans la capitale
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britannique avec l’assistance des sociétés TRAFIGURA et ARCADIA. La première […] regroupe des anciens de Marc Rich 125» – l’écumeur des États-épaves, pourris par leur pétrole. Les courtiers floueront plus facilement l’État congolais que son chef : « Sassou II suit personnellement le dossier avec son fidèle Bruno Itoua […]. Même le ministre de l’Économie et des Finances, Mathias Dzon, ne semble pas toujours au parfum des cargaisons d’or noir qui quittent le terminal [congolais] de Djeno. 126» En 2000, avec la brusque remontée des cours du pétrole, les traders affluent de toutes parts. La Lettre du Continent ne cache pas sa perplexité : « Le grand mystère du Congo est la destination de tous ces préfinancements pétroliers. Plusieurs projets stratégiques piétinent 127» dans le transport, la distribution, l’énergie. Le mystère est-il si grand ? « Sassou multiplie ses luxueuses propriétés à l’étranger. Il fait de fréquents allers-retours en Suisse, transporté par la compagnie aérienne Occitania. Le pilote, Alain Jacquemont, est un ancien parachutiste français. 128» L’exemple est largement suivi. « Maquillées en dépenses d’investissements, les dépenses courantes se sont emballées avec les exigences de certains ministres… 129», qui dévalisent les boutiques de luxe parisiennes. Une commission d’enquête sur les pénuries de carburants a révélé « un vaste détournement à Brazzaville de produits pétroliers par des ministres et des proches du pouvoir. […] Une quinzaine de dépôts clandestins ont servi à alimenter les besoins personnels de plusieurs ministres, [généraux et colonels] […]. Convoqué,
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André Obami-Itou, le DG [directeur général] d’Hydro-Congo [la compagnie nationale de distribution], a déclaré que “les comportements mafieux existent à Hydro-Congo depuis fort longtemps et qu’il éprouve des difficultés à démanteler le réseau des voleurs”. On le comprend. À moins de remanier le gouvernement ! 130» Ce qui se fait pour le pétrole s’applique aussi au bois : Sassou II a brutalement accéléré la mise en coupe de la forêt équatoriale – avec l’aide de personnages comme Jean-François Hénin 131, ancien virtuose de la spéculation au Crédit Lyonnais, et de Francis Rougier, PDG d’un grand groupe forestier I. Il ne recule pas devant les dépenses vitales : il a chargé le groupe portugais Espirito Santo « de lui construire un aéroport international “stratégique” à Ollombo, près de son fief d’Oyo, dans le nord du pays, pour […] 370 millions francs, sans doute financé en […] pétrole 132». Un “éléphant blanc” d’un point de vue économique, dans une région très peu peuplée. Mais la possibilité d’un approvisionnement aérien en armes lourdes n’a pas de prix. Alors que le pétrole afflue, à haut prix, que les préfinancements abondent (en particulier par la Société générale), que Lissouba a obtenu 5 milliards de francs de remises de dettes, la dette totale du Congo se maintenait autour de 5 milliards de dollars mi-2000 (12 000 francs par habitant). Certains créanciers, comme Hassan Hodjej, n’étaient pas loin de pouvoir faire bloquer les
I. Le siège de ce groupe (75, av. des Champs Élysées) héberge aussi celui du CIAT, une société dirigée par Toussaint Luciani, vieil allié des Feliciaggi. (Lire p. 108, note II.)
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comptes de l’État congolais… 133. Et Sassou II, quatre ans après sa victoire, n’avait toujours pas rétabli les ascenseurs au centre hospitalier universitaire de Brazzaville, qui fut un équipement sanitaire de pointe : il faut porter les malades jusqu’au cinquième étage.
1999 : finance & crimes contre l’humanité Sassou et son clan ayant repris leurs habitudes autocratiques et prédatrices, la guerre renaît de ses cendres, entraînant fin 1998 une répression épouvantable. Les troupes ou plutôt les milices de Sassou II y sont secondées par une coalition françafricaine de circonstance : un corps expéditionnaire venu de l’Angola – un régime allié d’Elf, de Chirac et des réseaux Pasqua ; un contingent tchadien de l’ami Idriss Déby ; des restes des forces rwandaises qui encadrèrent le génocide ; des mercenaires français, et de “vrais-faux mercenaires”, c’est-à-dire des militaires tricolores déguisés en mercenaires ; le tout avec l’argent d’Elf, de grandes banques et entreprises françaises. Entre décembre 1998 et décembre 1999, les agressions à connotation ethniste contre les populations civiles, au sud de Brazzaville et du pays, ont fait au moins autant de victimes (en nombre de morts ou de viols) que, durant la même période, les conflits au Kosovo, à Timor Est et en Tchétchénie réunis 134. Plusieurs témoignages reçus en 2001 laissent à penser que le bilan de cette entreprise criminelle est plus atroce encore qu’on ne le croyait : dans le sud du pays, un certain nombre de villages
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auraient été rayés de la carte, et le bilan de cette année de guerre pourrait atteindre ou dépasser les 100 000 morts. Bien entendu, nulle enquête internationale sérieuse n’a été menée à ce sujet dans cette pétrodictature tellement en phase avec Paris, mais aussi Washington, Londres et Moscou. Certes, les médias français ont suffisamment peu parlé de l’entreprise abjecte de nettoyage du Sud congolais pour qu’elle soit restée ignorée de l’opinion publique hexagonale. Mais elle ne pouvait l’être de l’exécutif français, largement informé par les Services, ni des grandes banques et entreprises impliquées au Congo : elles ne pouvaient ignorer les dénonciations et les rapports des ONG, les protestations des Églises, les informations de leurs réseaux. Quand elles ont soutenu financièrement ce régime, c’était en connaissance de cause, par un calcul cynique qui les rend complices de crimes contre l’humanité. Quelle valeur peuvent bien avoir les créances qu’elles ont alors acquises sur le Congo ? Laissons Elf provisoirement de côté, puisque sa complicité est permanente : nous l’examinerons par la suite. Paribas est naturellement sur les lieux. Sa familiarité avec les paradis fiscaux, ses liens avec l’un de leurs meilleurs connaisseurs, le milliardaire Irako-Britannique Nadhmi Auchi, l’ont naturellement placée au top du préfinancement pétrolier. Elle avance 30 millions de dollars en mars 1999 à Sassou II 135. Cela va s’amplifier durant l’été : « Le ministre des Finances Mathias Dzon a confié à Paribas un montage financier de 80 millions de dollars (dont 50 à décaissement rapide) pour la vente par anticipation de cargaisons de pétrole. Inespéré… Il a fallu tout le doigté des équipes de
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Paribas (déjà très inspirées sur l’Angola) pour verser l’argent sur des comptes qui ne peuvent pas être saisis par les créanciers du Congo, comme la famille Hojeij ou Serge Berrebi. Ce montage, qui pourrait être réutilisé sur d’autres cargaisons, […] échappe au circuit traditionnel de l’actuelle dette gagée pétrolière qui passe par FIBA-CIBC-IHAGSEB sous le contrôle d’Elf. 136» Il est plus étonnant de découvrir qu’en fait la Société générale avait une longueur d’avance, et qu’elle n’a laissé l’opération à Paribas que durant la période de leur fusion éphémère (Paribas étant finalement captée par la BNP) : « Paribas a trouvé, dans sa corbeille de noces avec la Société Générale, une synergie en or au Congo-B. De toutes les banques d’affaires qui tentent de monter un crédit gagé sur du pétrole avec Sassou II, c’est en effet la Société Générale qui était la plus avancée. Avec sa filiale américaine, la Générale avait en effet monté un prêt de 22,8 millions de dollars sur un an avec, pour compensation, 2 900 barils par jour de brut de Nkossa et 4 700 barils par jour de brut de qualité Djenno, soit 4 cargos par an. C’est ce montage que Paribas vient de récupérer. 137» Nous reviendrons sur le rôle de pousse-à-la-dette de ces deux établissements. À plus petite échelle, nombre d’émissaires françafricains se sont précipités en pleins massacres pour secourir financièrement le massacreur : « Même si la dette gagée pétrolière et les cargaisons enlevées par Elf ne laissent actuellement pas grand chose – environ 20 000 barils par jour – à commercialiser en direct, ils restent très nombreux à venir à Brazza dans ce but : de vieilles connaissances comme les couples
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Tarallo/Sigolet ou Lacaze/Le Floch-Prigent. 138» Il n’est plus besoin de présenter Loïk Le Floch, André Tarallo et Jack Sigolet. Il est quand même stupéfiant de voir le prompt rétablissement de ce dernier, encore accusé par Sassou II d’avoir financé l’armement de Lissouba. Mais cela prouve qu’il sait financer, et qu’il n’a pas d’états d’âme. Sassou II non plus : il a eu tôt fait de le réinviter à sa table, avec Tarallo et leur “Monsieur sécurité”, PierreYves Gilleron – qui avait su garder, comme on dit au Congo, « un pied dans chaque pirogue ». Quant au général Jeannou Lacaze, ancien haut barbouzard, puis chef d’état-major de François Mitterrand et de Mobutu, conseiller de la plupart des généraux-dictateurs francophones, il est dans son élément. Accessoirement, on s’indigne un peu moins que les juges d’instruction de l’affaire Elf aient confisqué le passeport de son compère Le Floch I. Les Français n’étaient pas seuls sur le coup. En février 1999, Texaco négocie l’accès à 4,5 millions de tonnes de pétrole contre la mise en place d’un prêt de l’Union des banques suisses (UBS) permettant de rembourser une partie de la dette pétrolière, et une enveloppe de 40 millions de dollars 140.
I. Qui commente : « Il y a dans tout cela quelque chose de profondément inhumain. 139» Quels mots reste-t-il alors pour parler des atrocités subies par les Congolais, par la vertu de l’ami Sassou ?
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3. Les allumeurs … Elf « C’est clair, au Congo-Brazzaville, chaque balle a été payée par Elf », confiait une personnalité socialiste. Sa phrase fait un étrange écho à celle proférée le 24 janvier 1993, sur RTL, par le PDG d’alors, Loïk Le Floch-Prigent : « Elf a fait le maximum pour le développement du Congo. 141» « La stratégie du groupe pétrolier [Elf] a été déterminante. Alors qu’il vient d’enchaîner les découvertes de champs pétroliers majeurs au large des côtes angolaise et congolaise, il voyait cet eldorado marin exposé à la vague révolutionnaire issue de la région des Grands Lacs. Les régimes corrompus du Gabon, du Cameroun et de Guinée équatoriale étaient menacés. Celui de Brazzaville sombrait… Il y avait le feu au lac… de pétrole ! Des bateaux-navettes ordinairement utilisés par Elf ont débarqué des unités angolaises et des “Cobras” de Nguesso pour s’emparer du port de Pointe-Noire, centre névralgique de l’exploitation pétrolière et clef de la conquête du Congo […]. Opportunément, en 1996, le réseau PasquaMarchiani avait gavé d’armements russes les troupes angolaises. […] À l’Élysée, Jacques Chirac n’avait donc plus, en ligne directe avec l’ami Bongo, qu’à sceller la coalition anti-Lissouba, sans lésiner sur les moyens proprement français : l’armée de l’Air et les Services spécialisés dans les trafics d’armes. Les services secrets de l’État et ceux d’Elf, rappelons-le, ont beaucoup d’agents en commun. Depuis le temps du Biafra, ils savent organiser conjointement des livraisons occultes d’armements. 142»
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Plus précisément – on l’a vu au chapitre précédent –, Elf a armé les deux côtés. Elle le fit jadis dans la guerre civile angolaise, et l’a fait encore au moins jusqu’en 1998 143. Elle a continué de verser des redevances mensuelles au gouvernement de Lissouba, jusqu’à ce que sa chute soit assurée. Elle a financé ou garanti ses achats d’armes, via la Fiba. Toutes les victimes de la guerre civile peuvent donc remercier Elf… « Fin 1998, un haut responsable d’Elf est interpellé dans l’émission Capital, sur M6 : “C’est quand même malheureux qu’ils [les Brazzavillois] se soient massacrés avec notre argent !” C’était le 29 novembre, trois semaines avant des massacres encore plus épouvantables. Réponse de “Monsieur Elf” : “Dans ce cas, oui, c’est un gâchis. Mais nous ne sommes pas des sentimentaux ! Nous sommes des gens réalistes, qui gagnons de l’argent : avec qui, ça nous est égal.” Il n’y a pas de raison que ça s’améliore. Dans ses négociations africaines, de l’Angola au Tchad, Elf s’en tient à une stratégie de négociation éprouvée : moins l’État producteur est exigeant, plus s’élève le “bonus présidentiel” à la signature du contrat. 144» Le Floch mentait outrageusement quand il affirmait en 1993, toujours sur RTL, qu’Elf offrait au Congo « une rétribution plus importante que dans beaucoup de pays et dans la plupart des pays africains 145». Le FMI n’est pas seul à s’étonner, au contraire, de la faiblesse de cette rétribution. La Conférence nationale souveraine a été dissuadée de chercher à en savoir davantage. Elf invente sans cesse de nouvelles astuces pour payer le moins possible. Parmi les dernières trouvailles : amortir sur
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un seul puits les méga-barges réutilisables, de façon à minorer les bénéfices et donc l’impôt I. Ces astuces sont souvent négociées en secret avec le président en place, abreuvé de bakchichs et “fonds de souveraineté” II. Cela suppose que ni des importuns genre Oxy ni des parlementaires intègres ne viennent se mêler des comptes de l’or noir. Pascal Lissouba s’est bien gardé de donner suite à son projet d’un contrôle parlementaire des comptes du pétrole. Quand en 1995 il vend « pour des clopinettes 148» les 25 % de son pays dans ElfCongo, il y a bien entendu une opération occulte sous-jacente, portant sur un ou plusieurs milliards de francs. Négociant âprement avec Elf, Sassou II savait qu’il la mettrait en difficulté en réclamant la rétrocession de ces 25 %, à leur prix de vente. Elf a d’ailleurs curieusement expliqué « que cette opération “retour” pourrait mettre en péril le montage financier du Crédit Lyonnais sur le développement de Nkossa… ». Comme si le ou les milliards spoliés en cette affaire à l’État congolais étayaient tout un montage parallèle… III Compte tenu des risques et des investissements en jeu, l’activité pétrolière génère un volumineux marché d’assurances. C’est encore l’opportunité de I. Les amortissements sont déductibles du bénéfice imposable. D’où l’intérêt d’amortir un matériel de plusieurs milliards de francs sur une seule opération, et non sur plusieurs 146. Certains mauvais esprits en rajoutent : ils émettent « l’idée d’une surfacturation » de la méga-barge installée sur le puits de Nkossa. II. « Les dirigeants de pays producteurs peuvent utiliser à leur profit un pourcentage de la redevance pétrolière : les “fonds de souveraineté”. […] Selon M. Claude Angeli, “les fonds de souveraineté sont disponibles pour le chef de l’État […] à titre personnel : leur existence n’est pas secrète, leur montant l’est”. 147» III. Porté peut-être par l’ancien Crédit Lyonnais, “victime” d’une faillite insondable…
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juteux prélèvements. Ainsi, Lissouba comme Sassou ont créé une société d’assurances “maison”, bénéficiant d’un monopole de droit ou de fait sur les primes liées à l’exploitation du pétrole congolais. Le nouveau directeur financier de TotalFinaElf, Philippe Laroque-Laborde, a jadis aidé son ami Roger Azar à monter la société d’assurances CSAR 149 au service de Lissouba et de son ministre des Finances Moungounga-Nguila – « actionnaire de la CSAR via une société irlandaise I». Un gage de continuité, d’Elf à Total… Et puis il y a les fameuses cargaisons non déclarées, que les initiés disent fréquentes au Congo. Sur la production du premier gisement de ce pays, Émeraude, Elf est toujours restée évasive. La Lettre Afrique Énergies ironise sur ce flou 151 : « Le pétrole, c’est pas facile ; […] si l’on veut être précis, […] on risque, dans la séquence des rotations de tankers, de ne pas tomber juste, en oubliant la dernière ». Loïk Le Floch Prigent l’admet : « Il est arrivé que des cargaisons “fantômes” [d’une valeur de 10 à 12 millions de dollars] échappent aux comptabilités officielles et soient partagées entre hommes de l’ombre. 152» Pascal Lissouba avait fini par le comprendre (et en profiter) : la rétribution de son pays par Elf ressemblait à une passoire. C’est donc en expert qu’il a pu évoquer quelques trous devant la mission parlementaire d’information sur les compagnies pétrolières : « Le mécanisme de versement de la rente pétrolière est difficile à décrire. Les redeI. Olivier Vallée présente Roger Azar comme un « collectionneur d’art africain et esthète de la finance ». Ce n’est pas incompatible, les deux comportements supposant d’être éthiquement peu sensible au concept de prédation 150.
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vances sont dues à des filiales d’Elf Aquitaine, ElfCongo et Elf-Gabon […]. Mais le fonctionnement d’une autre société, Elf Trading, qui effectue des transactions reste obscur I. Les fluctuations du dollar jouent sur le montant de la redevance. […] Qui gère le différentiel provoqué par ces fluctuations portant sur des sommes considérables ? Qui peut contrôler cela ? […] Le Congo recevait des redevances d’exploitation dont il était difficile de suivre le cheminement. Les sommes provenant des marges de fluctuation pouvaient être élevées et suffisaient à financer un mouvement de déstabilisation. Il pouvait donc s’agir d’une sorte de pacte de corruption soutenant un complot. […] « Il y a plusieurs formes de tricherie sur la rente pétrolière : on peut s’entendre avec les pétroliers par des cheminements divers ; ils passent par la Fiba. Autour de cette banque, il y a d’autres filières pour faire passer les commissions dont les montants sont évalués en fonction d’un processus difficilement décryptable. […] Le ministre des Finances peut placer l’argent de la rente pétrolière dans des banques spécialisées où il rapporte des intérêts sans les reverser à l’État. Normalement, cela irait dans les caisses noires du Président. II» I. Il n’y a pas de raison que cela cesse : directeur d’Elf-Trading sous Le Floch et Jaffré, Bernard Polge de Combret a été nommé en 2000, par Thierry Desmarest, vice-président de TotalFinaElf. II. On peut s’interroger sur les motivations de cette vigoureuse dénonciation 153 des pratiques d’Elf, dont Pascal Lissouba se pose en victime. Dans les protectorats des compagnies pétrolières, les chefs d’“État” sont dans une position paradoxale : d’un côté ils sont personnellement gavés par la ou les majors qui patronnent le pays, de l’autre il leur faut tenter de préserver un minimum de légitimité politique, généralement par un discours de surenchère nationaliste. Ce grand écart est difficile : il peut conduire à “péter les plombs”, voire à la paranoïa. Il faut, pour le tenir durablement, être armé d’un cynisme impitoyable et
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On peut aussi, pour comprendre ce qui s’est passé au Congo, regarder ce qui a transpiré des pratiques d’Elf dans les pays voisins. La Lettre du Continent a produit sur son site Internet des documents impliquant la CIBC et Elf dans la savante évasion, en 1992, de 180 millions de pétrodollars camerounais (un bon milliard de francs) 154. L’argent, un crédit gagé sur du pétrole futur, s’égaille entre les îles Vierges, la Suisse et le Liechtenstein. Le Cameroun n’en a pas vu la couleur. L’opération a été garantie par Elf. Signataire : Philippe Hustache, directeur financier (19851994), devenu depuis directeur général de Dassault… Le même a été interrogé lors du procès Elf à propos de deux virements à Christine DeviersJoncour, de 14 et 45 millions de francs, via la filiale suisse d’Elf Rivunion : « Nous faisions chaque année plusieurs dizaines d’opérations de ce type. Il n’y avait aucune trace à Paris. […] Je n’ai pas le souvenir une par une de ces opérations. Je mentirais si j’étais capable de me souvenir de 350 commissions. 155» À 30 millions en moyenne, cela représente plus de 10 milliards – 175 affaires Dumas. Un ancien cadre d’Elf a publié, sous le pseudonyme de Jean-Pierre Vandale, un roman à clefs très transparent, L’affaire totale. Au Gabon, raconte-til, « il n’était pas possible de jouer uniquement sur les quantités [de pétrole], alors on trichait sur les qualités. […] On annonçait à Macaya [Omar d’une fibre policière. Contrairement à ce que prétend Pascal Lissouba, ce n’est pas le niveau de ses exigences envers Elf qui a conduit cette dernière à le lâcher (puisque les arrangements officieux permettent toujours de corriger les exigences officielles), mais le fait que, dans l’exercice d’acrobatie politique requis, Denis Sassou Nguesso ait été jugé globalement plus fiable.
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Bongo] que le puits démontrait bien l’existence d’un gisement mais qu’il était faillé et difficile et que son brut n’était pas bon : trop de cobalt, trop de soufre, trop d’hydrates, trop de paraffine, trop lourd, […] trop épais. […] Ce brut, en fait excellent, était donc racheté quatorze dollars [le baril] par notre filiale de négoce pétrolier qui le revendait dix-sept sur le marché international. Il vaut mieux gagner de l’argent aux Bermudes et en Suisse que de le filer au fisc ». Macaya sait qu’il se fait avoir, mais Nap (Tarallo) lui « rétrocède un droit personnel » sur le pétrole – sans parler des « jolis costumes », « livrés par une jolie couturière ». Sur le total de la production gabonaise, cette tricherie sur la qualité fait gagner à Elf plus de 200 millions de dollars par an 156. Vandale évoque aussi l’incertain Congo. « Quand la révolte gronderait dans les rues de Brazza, dans le Groupe quelqu’un pouvait toujours utiliser la petite souplesse de manœuvre qu’on avait dans la détermination du prix du pétrole, une sorte d’avance sur recette, de quoi permettre d’anticiper le cours de l’histoire qui donnait Sassou gagnant et de donner un peu d’oxygène aux trafiquants d’armes russes, des vieux amis de Sassou. 157» Quelques mois après la parution de ce “roman”, une série de documents parvenus au journaliste Nicolas Beau déclenchent un nouveau flash : « En juillet 1995, une mission est envoyée en Suisse [par le président d’Elf Philippe Jaffré], conduite par le directeur financier du groupe, Bruno Weymuller, alors que l’instruction d’Éva Joly débute […]. Objectif […] : recenser toutes les opérations de
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financement montées avec les pays africains à partir des sociétés offshore les plus secrètes. « Plusieurs banques suisses sont associées à ces montages : la CIBC, basée à Genève, la banque Ihag à Zurich I, et la BDG II à Lausanne. […] Ladel Holding Inc [est] la principale des sociétés panaméennes mêlées à ces opérations. […] Dans le rapport rendu à son retour de Suisse, Didier Chanoine, un des membres de la mission […], écrit : “[…] Ladel a servi de support […] pour l’opération Gabon et onze opérations au Congo […]”. […] « La filiale suisse [d’Elf] Rivunion […] a participé à de nombreuses opérations africaines. […] Les limiers helvètes ont notamment découvert qu’en 1997 des dirigeants du groupe avaient financé l’une des milices engagées dans la longue guerre civile du Congo-Brazzaville. 160» III Au Gabon et au Congo, « Elf est depuis les années 1960, années des indépendances, plus I. La Ihag Handelsbank est un « vieil établissement familial fondé par la famille de Dieter Bürhle, qui fut le plus important marchand d’armes de Suisse » 158. II. Banque de dépôt et de gestion, où se géraient des dépôts très liquides : « “Allô ! J’ai besoin des services d’Oscar”. C’est ainsi, à l’aide de ce patronyme sympathique, que les dirigeants d’Elf réclamaient un peu de fraîche à une discrète société suisse, Comitex SA, chargée d’acheminer les valises de billets en France. La Banque de dépôts et de gestion (BDG) de Lausanne […] servait complaisamment d’intermédiaire. Au total, près de 220 millions de liquide auront transité de 1989 à 1993 vers Paris. […] De quoi se faire des amis à gauche et à droite. 159» À la BDG, Elf entretenait, entre autres, les succulents comptes “Langouste” et ”Lille”. (Lire p. 187, note I.) III. C’est cela la Françafrique : les mêmes comptes qui financent la guerre au Congo-B achètent les “consciences” des “décideurs” politiques français. Nicolas Beau souligne que la juge Joly s’est bien gardée de suivre les pistes africaines, finalement explorées par ses confrères genevois.
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qu’une simple compagnie pétrolière : tout à la fois la banque et le parrain des pouvoirs locaux 161». C’est toujours vrai. Cela risque de l’être davantage avec le doublement de puissance issu de la fusion TotalFinaElf. En 1994, rappelons-le, le groupe pétrolier a même entrepris de gérer directement la dette congolaise. L’expert Jacques Sabatier, très cher payé par Elf, suit la dette gagée pétrolière ; selon un témoignage, il a sur son ordinateur l’image de tous les flux financiers du pays. Mais en ce cas, comment la major pétrolière ne serait-elle pas le premier comptable et responsable de la faillite financière des pouvoirs qu’elle parraine ?
Traders & intermédiaires Une “dette odieuse” I s’accroît sans cesse, elle se reconstitue sitôt que les créanciers ont accordé de “généreuses” remises, restreignant donc indéfiniment l’argent disponible pour servir aux Congolais un minimum de bien public. Au fil de l’inventaire de ces déboires financiers, nous avons croisé à maintes reprises de petits et gros malins, des “génies” autoproclamés de la finance, en fait des vendeurs de tricherie. Bien des dirigeants africains se laissent tenter par l’argent facile. Encore faut-il des tentateurs, des conseillers en dilapidation. Les traders, courtiers et autres intermédiaires se font insistants. Leurs méthodes, assurent-ils, ne sont pas forcément illégales, du point de vue de la justice dominante – occidentale. L’Occident a en effet multiplié à travers le monde les paradis fiscaux, I. Cette expression renvoie à de nombreux travaux sur l’iniquité de la dette 162.
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“États” de non-droit, d’où l’on peut impunément organiser toutes sortes d’arnaques. Mais ce qui est “légal” depuis Jersey, Monaco ou les îles Caïman est forcément criminel pour le pays victime de ces propositions : sa législation sanctionne en principe le détournement des fonds publics, et c’est toujours de cela qu’il s’agit. Cela peut passer par le détournement d’une partie du pétrole national, vendu au profit des dirigeants, ou d’une partie des redevances. Il peut s’agir aussi des innombrables opportunités de commissions, en cascade. Mais le plus scandaleux est l’enrichissement sur la dette : la plupart des opérations sur ce cancer du tiers-monde sont en effet elles aussi l’occasion de formidables spéculations, accompagnées d’une noria de bakchichs. Nous l’avons vu sous Lissouba, où Elf elle-même, via la Fiba, s’est fortement impliquée dans le marché gris de la dette décotée du Congo. Dessinons quelques profils des intermédiaires qui ont fait le malheur de ce pays, en commençant par un duo qui ne nous éloignera guère d’Elf. andré tarallo & jack sigolet André Tarallo a été pendant plusieurs décennies rien moins que le “Monsieur Afrique” d’Elf, le « Foccart du pétrole », en lien étroit avec Charles Pasqua : « Des “bonus” […] que l’on dit “parallèles” peuvent être versés […] pour avoir une chance plus affirmée d’obtenir un permis. Ces versements s’inscrivent dans une continuité, dans le cadre des relations sur le long terme entre la compagnie et le pays considéré et dans un climat de
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confiance avec les dirigeants de cet État. Une de mes missions, au sein du groupe Elf, consistait à entretenir ces relations et à être le garant de l’exécution des engagements pris. 163» Sous la présidence de Mitterrand, indique Loïk Le Floch-Prigent, « le système Elf-Afrique [est resté] managé par André Tarallo (PDG d’ElfGabon), en liaison avec les milieux gaullistes. […] Les deux têtes de pont étaient Jacques Chirac et Charles Pasqua. […] Tarallo est […] en liaison quotidienne à l’Élysée avec Guy Penne […] qui est le Foccart de Mitterrand, tout en maintenant des liens permanents avec Foccart, Wibaux, etc. L’argent du pétrole est là, il y en a pour tout le monde. 164» Y compris pour le manager : il a construit en Corse, avec les caisses noires d’Elf, une “case” françafricaine de 90 millions francs. Sur ses seuls comptes suisses, le juge de Genève Paul Perraudin a observé le passage de plus de 600 millions francs 165. « Tarallo me disait que j’étais naïf, que l’important était de circonvenir les gens », se souvient Loïk Le Floch-Prigent 166. L’énarque André Tarallo faisait l’interface entre Elf, au sens large, la Grande Loge Nationale Française (GLNF) – omniprésente en Françafrique I –, le néogaullisme chiraquien 168, le clan I. La GLNF est la plus à droite des obédiences franc-maçonnes. Elle s’appelait au départ « Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies ». « La maçonnerie est devenue un instrument de puissance pour des dirigeants africains qui ont parfois hérité de pays sans frontières ni institutions légitimes. Mieux encore que la tribu, elle permet de quadriller un territoire. À défaut de légitimité, la maçonnerie apporte un semblant de cohérence aux hiérarchies parallèles. Surtout, elle maintient le lien avec l’ancienne puissance coloniale. Et c’est pourquoi il doit
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Pasqua et sa composante corse. C’est lui qui a béni l’attribution d’Elf-Corse aux chefs de file pasquaïens Noël Pantalacci et Toussaint Luciani, qui l’ont refilée aux frères Robert et Charles Feliciaggi 169. Le monde est petit : les Feliciaggi sont des intimes de Sassou Nguesso, “frère” de Tarallo à la GLNF. Robert est le plus connu, depuis que l’on sait que Charles Pasqua se fit le promoteur de son empire françafricain des jeux, lequel finança les campagnes politiques pasquaïennes. Charles Feliciaggi est très introduit auprès de la présidence angolaise. Rien d’étonnant dès lors qu’en Angola, où Elf finançait les deux côtés de la guerre civile, André Tarallo ait préféré orchestrer les bonnes relations franco-pétrolières avec le régime de son « ami président Eduardo Dos Santos 170», tandis qu’Alfred Sirven se chargeait de l’Unita. Lors du mouvement de démocratisation au Congo, au début de la décennie 90, Tarallo, on l’a vu, suivait de près l’armement du président Sassou marginalisé et incitait le chef d’état-major à faire un putsch pour restaurer la dictature. Plus tard, il séduira le président élu Lissouba tout en réservant l’essentiel de ses faveurs à ceux qui fourbissaient sa perte. Ainsi, alors que son bras droit Jack Sigolet était devenu conseiller de Lissouba et lui avait procuré des armes pendant la guerre civile de 1997, « le couple Tarallo/Sigolet » fut rapidement réintégré par Sassou II dans le business pétrolier : officiellement retraités d’Elf, ils se sont mués en magiciens du trading. Jack Sigolet est « entré à la trésorerie d’Elf en 1962, il est l’un des inventeurs du “préfinancement pétrolier”, ce montage financier qui permet
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aux États – notamment africains – de gager le pétrole enfoui, en contrepartie d’avances confortables de trésorerie 171». « Tout le monde avait à y gagner, sauf peut-être les principaux intéressés : les populations d’Afrique. 172» Sous les ordres de Tarallo, Sigolet a géré jusqu’en mai 1996 la fameuse banque Fiba – ce « terminal des valises, des sacs et des cantines » de billets, selon un proche collaborateur d’Omar Bongo 173. Il avait établi aux îles Vierges, sous protectorat britannique, « une belle collection de tirelires » françafricaines, dont Le Canard enchaîné reproduit la liste. Par exemple : « Tauron Business Corp, Congo, 125 millions de dollars ; Miniotta Enterprises, Gabon, 220 millions de francs ; Nivorano Co, Cameroun, 100 millions de dollars… 174» Ces pays pétroliers très endettés seraient donc titulaires de cagnottes au soleil ? Sigolet, très au fait du monde des trafiquants d’armes, n’est pas pressé de les payer lorsque leurs clients pétroliers ont perdu la bataille. On a lu plus haut ses laborieuses explications à propos des armes livrées à Lissouba. 42 millions de dollars sur 69 restaient dus aux fournisseurs de la filière serbocroate 175. Sigolet admet avoir subi alors ce qu’il appelle « un conditionnement psychologique : on a fait brûler ma voiture. […] L’explosion s’est passée devant chez moi, à Vaucresson. […] Puis une deuxième voiture a sauté : celle de mon épouse. Cela s’est passé dans le Midi, le 2 septembre 1999, à côté de Sainte-Maxime 176». Les mœurs du “milieu” gagneraient-elles la pétrofinance ? À moins que celle-ci ne cousine avec lui depuis longtemps…
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Le courtier belge, Jacques Monsieur, avait pour sa part adressé une lettre non datée à « A. T. » (André Tarallo) et « J. S. » (Jack Sigolet) 177: « Messieurs, […] Fin octobre 1997, le montant des factures impayées envers mon associé (A.I.) [Andrezj Izbedski, dirigeant de la société slovaque Joy Slovakia] et moi-même pour diverses livraisons et fournitures de services s’élevait à 14,8 millions de dollars US. […] Il manque actuellement le […] dernier règlement [qui] permettrait d’enterrer définitivement un dossier que tout le monde souhaite enterrer au plus vite, d’autant plus qu’il semble maintenant intéresser quelques autorités françaises. Il se fait que, par un concours de circonstances, je dispose d’un nombre important de documents vous concernant, et notamment : – ordres d’achats d’armes et munitions pour compte de gouvernement Lissouba, certaines signées J. S., d’autres paraphées J. S., envoyées par fax du bureau d’ADFIN-GEN, de même que les instructions de paiement adressées à la Fiba ; – toutes les transactions ACHAT et REVENTE des avions Elf (contrats et factures) [une opération réputée miraculeuse] y compris les marchés (commissions), le split des marchés, leurs bénéficiaires et leurs paiements ; – toute l’exploitation des avions Elf, contrats (y compris des contrats d’entretien), factures, split des marchés (plus de 10 millions de dollars/an), leurs bénéficiaires et les ordres de paiement signés par J. S. ; – détail de tous les vols gouvernementaux africains sur les avions d’Elf (à partir de 1991 jusqu’en
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1997), facturés mais non comptabilisés chez Elf [une belle différence comptable] ; – détail de tous les vols privés d’A.T. (une centaine) + date/heure de décollage, destination, nom des personnes à bord [! !] + factures et modes de paiement (effectués par J. S.) ; – affrètement d’un hélicoptère pour la campagne électorale au Gabon, financé par Elf pour 9 millions de francs suisses et retour vers J. S. ; – affaire Aeroleasing. Elf achète 5 % du capital de Aeroleasing pour un montant de 10 millions de francs suisses, malgré un audit totalement défavorable […]. Trois mois plus tard, Aeroleasing est mise en faillite. Afin de cacher l’implication d’Elf dans cette faillite, un dossier est monté de toutes pièces. L’investissement d’Elf est transformé en un prêt bancaire via la société offshore “Cloé” (Cloé, comme le nom de la fille de Stéphane Valentini). Dossier monté par J. S. et Roger Aiello […] ; – un compte bancaire de J. S. auprès de la […] CIBC. Les documents démontrent entre autres la réception de : • les retours de financement par Elf de la campagne électorale de Bongo ; • certains retours sur la vente des appareils Falcon appartenant à Elf ; • les retours des commissions lors de la campagne militaire de Lissouba ; • un retour lors de la prise de participation de Elf dans Aeroleasing ; • tous les détails sur le circuit de livraison de pétrole et le circuit financier Sonangol Angola [société pétrolière publique]-Crossoil (J.S.) au compte Sonangol CCF [Crédit commercial de France] (N° 280695) - Sonangol Londres - etc. […] ».
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Ce Monsieur qui depuis deux décennies, sous la protection des Services occidentaux, vend des armes iraniennes, livre le Qatar, les Croates, le Congo-B (Lissouba, puis Sassou), n’hésite pas à pratiquer le chantage avec apparemment un stock d’informations “secret défense”, capables si nécessaire de booster l’affaire Elf. Installé fin 1999 en Côte d’Ivoire, où il a obtenu deux passeports diplomatiques, il se disait mi-2001 prisonnier en Iran. Ou abrité ? Au vu de ce courrier, « J. S. » n’apparaît pas très “clair”. Ni « A. T. », son patron I. Sigolet, dans un long entretien au Soir 179, a bien du mal à contester la missive menaçante de Monsieur. D’autant que le journaliste Alain Lallemand apporte d’autres documents compromettants, montrant que les paiements de factures mixtes “armes + avions” envoyées par Jacques Monsieur ont transité curieusement par une société basée aux îles Vierges, dénommée… Telogis, l’anagramme-miroir de Sigolet ! Ce dernier ne trouve rien de mieux que de mouiller d’autres personnages, à propos par exemple des “acrobaties aériennes” d’Elf : « En tant que directeur financier de la Sofineg [une financière genevoise d’Elf], j’avais à payer un certain nombre de factures de vols d’un avion Falcon-50 basé à Genève [… et géré par] Aeroleasing. […] Aeroleasing s’est porté acheteur [de cet avion d’Elf]. être caché. 167» I. Il dénonce dans Le Monde (22.03.2001) la « confusion absolue » du dossier du Soir. Ce dossier passionnant est, il est vrai, affaibli en un passage par une confusion entre Sassou et Lissouba. Le genre d’erreur qu’A. T. ne fait pas… Mais Jack Sigolet ne conteste pas l’existence de la lettre de Jacques Monsieur : « Gilleron me l’a montrée la veille même de notre
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[…] Le montage était le suivant : un prêt était accordé par la société offshore “Cloé” à la Société de Banque Suisse, qui reprêtait à Aeroleasing. Le montant était de 3 millions de francs suisses. Ceci a été autorisé […] par le président [d’Elf] Jaffré et [son adjointe] Mme Gomez I. Com-plè-te-ment. J’ai monté l’opération “Cloé”, c’est vrai. » Sigolet ne cache pas qu’il évolue dans « un monde sans loi 180» où il peut à tout moment monter des opérations hors la loi des pays avec lesquels il travaille. Il apparaît comme un outlaw financier jonglant entre pétrole offshore et paradis fiscaux, au grand dam des États dont il “gère” l’endettement. michel pacary Il s’agit d’un pionnier, initié lui aussi à la GLNF : « Ce spécialiste du refinancement de la dette des collectivités locales a contribué au financement occulte du Rassemblement pour la République (RPR), du parti républicain (PR) et de personnalités socialistes, avant de déployer ses talents d’ingénierie et d’évasion financières au profit des dirigeants congolais. […] « Pacary avait aussi monté sa propre association “humanitaire”, Congo-Renaissance. De source judiciaire, cette “ONG” a été financée par Coopération 92, une Société d’économie mixte du département des Hauts-de-Seine présidé par Charles Pasqua. À son tour, elle a aidé des mouvements de sécession de l’enclave de Cabinda, le mini-Koweït angolais au sud de Pointe-Noire.
deuxième rencontre au Noga, en juillet 2000. 178» I. Geneviève Gomez est la sœur d’Alain, qui concocta en 1993 avec Édouard Balladur le remplacement de Loïk Le Floch-Prigent,
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Michel Pacary était très proche du financier politique pasquaïen Didier Schuller, un “frère” de la GLNF, intéressé lui aussi par Congo-Renaissance. “Au Congo, confesse son épouse Chantal 181, il [Pacary] a financé les campagnes électorales des trois prétendants, il était sûr de gagner. Il n’était jamais mandaté officiellement, mais, là-bas, chacun savait qu’il représentait la France et que sa parole valait une signature.” Peu avant la guerre civile de 1993, il aurait envoyé une cargaison d’armes à l’une des factions, sous couvert de… ballons de football. Décédé en 1999, Pacary avait de quoi faire chanter un grand pan de la classe politique française. Y compris par tout un arsenal, très françafricain, de chantage aux partouzes – dans le château de Chabrol près de Tours. Malgré un dossier accablant, la juge Édith Boizette a fini par le libérer, suite à “des pressions énormes”. 182» Ce spéculateur de la dette, partageant une grande partie des allégements qui auraient pu résulter de la baisse des taux d’intérêt, « représentait la France » – jusque dans les trafics d’armes barbouzards. Il participait aussi, dans la mouvance pasquaïenne, à ce jeu classique consistant à armer les deux côtés d’une guerre : d’un côté on aide les indépendantistes de Cabinda, dominée par le pétrolier américain Chevron, de l’autre on s’amourache et on fournit des armes au régime angolais, qui s’y comporte comme l’armée indonésienne à Timor-Est. hassan hojeij La société Commissimpex de Hassan Hojeij – le partenaire privilégié de Charles Pasqua et de
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Coopération 92 au Gabon – a creusé la veine financière des crédits gagés sur les futures redevances pétrolières. Elle a conclu de mirobolants contrats de prêts en dollars entre 1984 et 1988, au temps de Sassou I. Celui-ci, alors conseillé financièrement par les frères Feliciaggi, a accordé à Hojeij une priorité de remboursement et la garantie de l’État congolais, lequel « “a renoncé à ses immunités de juridiction et d’exécution” dans cette affaire. En clair, Hassan Hojeij peut faire saisir des biens congolais où il veut… 183». Il réclame 180 millions de dollars ! En 1998, l’ami Bongo se faisait fort de faire payer son beau-père, Sassou II. Mais cela n’empêchait pas Hojeij de pousser très loin la procédure judiciaire, jusqu’au blocage des comptes du Congo. Fin 2000, il se voit reconnaître par le Tribunal arbitral de Genève une créance congolaise de 350 millions de francs 184. Tout ça n’est quand même pas très net : Hojeij travaillait avec l’argent de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI), la célèbre narco-banque démantelée au début des années 1990, après un énorme scandale financier. Dans leur livre Révélation$ 185, Denis Robert et Ernest Backes montrent à quel point le Luxembourg fut complaisant envers la BCCI I. Après sa fermeture judiciaire, celle-ci a continué à fonctionner comme si de rien n’était : elle louait un étage entier de l’hôtel Intercontinental, propriété de…
ami de Mitterrand et Chirac, par Philippe Jaffré. I. Sur la BCCI, les auteurs citent un ouvrage américain de référence : il s’agissait « depuis l’origine d’une gigantesque machine à frauder : derrière une façade présentable, un groupe de financiers de l’ombre originaires du Pakistan et de cheiks du golfe
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Nadhmi Auchi, influentissime au Grand Duché, ami de Charles Pasqua. Durant l’été 1991, un proche de Sassou, Lekoundzou Ithi-Ossetoumba, ancien n° 2 du parti unique (PCT), est inculpé pour avoir « géré un prêt de 45 millions de dollars accordé par la BCCI à l’homme d’affaires libanais M. Hodjeij, via la société Commissintex [sic]. Petit problème : les deux tiers du prêt ont disparu… 184». IthiOssetoumba a contacté pour sa défense Michel Aurillac, ancien ministre néogaulliste de la Coopération, et Jacques Vergès. samuel dossou D’origine béninoise, Samuel Dossou-Aworet était le “Monsieur pétrole” de Bongo et l’associé de Tarallo jusqu’à ce que l’affaire Elf ne sème quelque zizanie dans le trio I. Sa femme, Honorine DossouNaki, est l’ambassadrice de Bongo à Paris, à Londres, et en Suisse. Il « a ouvert un cabinet à Genève non loin des grands traders (Marc Rich, Phibro, etc.) et de l’antenne financière d’Elf 188» . Il a exercé ses compétences de courtier en cargaisons pétrolières au service de Lissouba, via la société Petrolin, et a bénéficié alors de “largesses budgétaires”, stigmatisées par la Banque mondiale. Selon La Lettre du Continent, il a ainsi concouru à payer les armes lissoubistes. Cela ne l’a pas empêché de figurer ensuite parmi les happy few agréés par Sassou II au festin pétro-congolais – à propos Persique avaient mis sur pied une entreprise criminelle d’une envergure sans précédent ». I. Dans le quotidien gouvernemental L’Union, l’éditorial du 05.03.1998 signé “Makaya” – c’est-à-dire rédigé ou inspiré par Omar Bongo – reproche à Samuel Dossou d’avoir gaspillé les
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notamment de la récupération du gisement Émeraude 189. loïk le floch-prigent Lui n’a pas varié : il a toujours favorisé la dictature sassouiste. Il a admis, dans le documentaire d’Arte sur Elf, avoir essayé d’empêcher le succès de Pascal Lissouba aux élections législatives en faisant retenir à la Banque de France l’avance d’Oxy qui permettait de payer les fonctionnaires I. C’est en grande partie au Congo qu’il s’est “refait une santé” après son incarcération. Il y joue au tennis avec Sassou. Mais pas seulement. Selon Philippe Madelin, en mars 1998, Sirven « s’envole vers les Philippines en suivant un itinéraire compliqué, via Brazzaville probablement. Il y aurait été accueilli discrètement, par l’entremise de Loïk Le Floch-Prigent, qui conseille désormais la République du Congo pour les affaires pétrolières 190». L’escale de Sirven à Brazzaville est controversée 191, mais pas le rôle de pétro-conseiller. Il officie parfois, on l’a dit, en tandem avec le général Jeannou Lacaze. À 76 ans, celui-ci n’est pas que le conseiller militaire des dictateurs africains, et une éminence militaire (ancien patron du service Action de la DGSE, où le précéda Paul Aussaresses ; ancien chef d’état-major). Surnommé le “Sorcier aztèque”, c’est aussi une éminence parallèle : « Au Congo, Denis Sassou Nguesso vient d’être intronisé Grand Maître de la Grande Loge de Brazzaville. Jusqu’à présent, il n’était que simple maçon, mais un président africain se doit revenus pétroliers gabonais dans « le renflouement insensé du Titanic Biderman 187».
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d’être seul maître en sa maison. […] “Promotion normale, diagnostique un frère africain. Sassou n’est pas un franc-maçon comme les autres : c’est un dictateur.” Son intronisation s’est faite en présence d’une délégation française de la GLNF qui pour rien au monde n’aurait manqué cet événement. […] Elle dépêchera ses hauts spécialistes de l’Afrique et du BTP [bâtiment et travaux publics] : Jean-François Humbert et Pierre Boireau, anciens dirigeants de chez Bouygues, […] Jeannou Lacaze […]. Tous trois membres de la très secrète loge La Lyre, non numérotée dans l’annuaire de la GLNF, de peur que des frères encore ingénus ne puissent en connaître la composition… 192» Rappelons que le nouveau Grand-Maître venait de commettre une série de crimes contre l’humanité. Le Grand Orient, obédience rivale de la GLNF, déclara dans un communiqué : « Les frontières de l’inacceptable ont été franchies au CongoBrazzaville. 193» Le Floch, ainsi chaperonné par Lacaze I, aide Sassou II à commercialiser la production qui lui est laissée en partage. Il reprend aussi de vieux gisements qui n’intéressent plus les majors, mais que l’augmentation des cours rend encore attractifs 195. De quoi permettre à Sassou d’élargir à son profit la capacité d’endettement du Congo. marc rich & glencore Avec Marc Rich, on change d’échelle. Cela vaut la peine de retracer brièvement l’itinéraire de ce perI. La zone franc est ainsi faite qu’elle implique ce passage par Paris. I. « Parmi les multiples protagonistes mis en cause dans l’affaire
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sonnage de toute première importance qui a su, avec une sorte de génie, “ouvrir” tant de pays à la grande prédation des matières premières : « Marc Rich est né Marc Reich en Belgique, en décembre 1934. Fuyant le nazisme, sa famille s’installe aux États-Unis en 1941. [… Après des débuts] chez Philipps Brothers, une société de négoce en matières premières, […] il se lie avec celui qui va devenir son partenaire de toujours, Pinky Green […]. Les deux hommes deviennent vite des traders de premier plan sur le marché pétrolier […] et montent leur propre entreprise, Marc Rich & Co. […] « Au début des années 1990, Rich devient très actif en Russie, un terrain de jeu à sa mesure : […] il permet toutes les culbutes. Certains traders racontent que, lors d’une opération légendaire, Rich a trouvé et acheté du pétrole à 1 % de son prix ! Marc Rich a vendu son affaire en 1994 (c’est aujourd’hui le puissant groupe Glencore) et, deux ans plus tard, il a lancé un nouveau groupe de négoce, Marc Rich Investments. […] Aujourd’hui le financier négocie la vente de son groupe à Crown, une filiale du groupe russe Alfa. 196» « Marc Rich est l’un des grands concepteurs des schémas d’utilisation de cash offshore largement employés par les magnats russes des matières premières entre 1985 et 1992. Il leur a appris à échapper à la tutelle de l’État pour écouler leur pétrole. Par la suite, ils ont volé [sic] de leurs propres ailes. 197» Ces schémas financiers parallèles, Marc Rich les a rodés en couvrant à lui seul la moitié des besoins pétroliers du régime sud-africain d’apartheid, placé
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sous embargo 198. Avec les savoir-faire de Marc Rich & Co et de Paribas, partenaire bancaire privilégié, quelques décideurs moscovites ont pu brader des dizaines de millions de tonnes de pétrole russe, ce qui a creusé d’autant la faillite financière de leur pays. Ils ont aussi bradé l’arsenal de l’Armée rouge, les stocks stratégiques d’aluminium et d’engrais, quantité de diamants, les créances de la Russie, plus dix milliards de dollars du FMI. La somme des profits amassés, placés en Suisse puis en d’autres paradis fiscaux, avoisine les 500 milliards de dollars. Proche des ex-Premiers ministres Gaydar et Tchernomyrdine, Alfa est l’un des grands « groupes financiaro-industriels » issus de ce geyser. Plusieurs d’entre eux lorgnent le pétrole africain, à commencer par l’angolais. Dans le golfe de Guinée, les méthodes de Rich et de ses élèves se sont imposées. « Sur le marché congolais du spot I, […] Glencore semble le maître incontesté des traders. 199» « Le trading du pétrole dans les pays du Golfe de Guinée s’opère, dans le plus grand secret, entre une poignée de grands “joueurs”. Ces traders et leurs banquiers montent de vraies raffineries financières pour dégager du cash en dollars. […] Le plus puissant trader de la région est Glencore, créé à l’origine par Marc Rich, toujours lui-même actif sur le brut africain : il a notamment fourni des cargaisons de produits pétroliers au Congo-K, en Côte d’Ivoire et au Cameroun. En Angola, Glencore a travaillé avec Paribas […], pour, notamment, préfinancer les achats d’armements de ZTS-Osos (Falcone/ Gaydamak). Indirectement. Au Congo-B, Elf, directement ou indirectement, on aurait bien du mal à trouver un profane. L’ex-PDG Loïk Le Floch, peut-être… 194»
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Glencore a pour partenaire financier la Société générale. Sa plus belle opération a été le rachat, pour 200 millions de dollars, de la créance pétrolière d’Agip sur l’État congolais. En contrepartie, le trader va enlever, selon nos informations, 18 cargaisons de brut congolais jusqu’en juin 2003. L’autre trader de référence dans ce pays est Trafigura, créé par des anciens de Glencore comme Claude Dauphin et Alain de Turckeim. 200» Avec cette citation de La Lettre du Continent, on assiste presque en direct – dans le sillage de Rich, l’homme aux marges fabuleuses qui “saigna” le pétrole russe – à la prédation de l’or noir africain. Qui peut croire que les opérations pétrolières au Congo-B et au Cameroun peuvent se faire sans l’agrément grassement rémunéré de Denis SassouNguesso et Paul Biya ? Qui peut imaginer que ces créatures de la Françafrique ne rétribuent pas leurs créateurs – dont un Sassou, par exemple, demeure si dépendant ? Dans ce contexte, comment penser que les Glencore, Paribas, Société générale et autres Trafigura ne bénéficient pas d’un accès protégé à la commercialisation du pétrole local, d’une “rente de situation” ? Cela n’exclut pas que, en période de tension, les alléchantes propositions des traders puissent être avancées comme une alternative au monopole d’Elf. Ainsi début 1998, lorsque Sassou II discutait âprement avec Philippe Jaffré le nouveau bail de sa compagnie : « Le deal est le suivant : soit Elf met immédiatement sur la table 180 millions de dollars correspondant non seulement à des cargaisons de brut mais également à la concession de Moho, soit Sassou laisse son nouveau conseiller, Élie Khalil,
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négocier les cargaisons avec Glencore (Marc Rich) I, qui est prêt à déposer chez le “patron”… 300 millions de dollars. 201» Cinq semaines plus tard, comme ça coince avec Elf, Khalil « se dit toujours prêt, avec Glencore […], à enlever une partie des cargaisons de brut congolais en avançant 300 millions de dollars à Sassou 202». Aux États-Unis, Marc Rich faisait jusqu’à récemment figure de délinquant. Mais il s’en est spectaculairement sorti : « Le jour de son départ, Bill Clinton a gracié 140 personnes, [… dont] Marc Rich, 66 ans, ex-roi des matières premières, […] qui a carotté 48 millions de dollars au fisc, violé la réglementation américaine sur les prix du pétrole, commercé avec l’Iran […]. Profitant de l’hospitalité helvétique […], il nargue depuis 1983 la police américaine. Et continue de s’enrichir : sa fortune est estimée autour d’un milliard de dollars. […] « Pour convaincre qu’il méritait cette grâce, Rich a [entre autres cadeaux et recommandations …] fait intervenir […] l’ancien chef du Mossad, Shabtai Shavit, […] pour expliquer combien Rich avait aidé – financièrement s’entend – les services de renseignement israéliens. […] Rich a la nationalité américaine, israélienne, mais aussi espagnole. [… Il] ne se montre jamais, sauf pour un ou deux passages éclairs chez les maîtres du monde, à Davos. 203» La grâce a fait scandale, le couple Clinton ayant apparemment obtenu quelques contreparties. Mais le plus intéressant est l’intervention du I. Le marché instantané des quantités de pétrole non traitées après la satisfaction des contrats prédéfinis. I. Marc Rich a alors vendu Glencore depuis quatre ans, mais il ne
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Mossad (nous le retrouverons à propos de l’Angola) et « l’hospitalité helvétique ». Par sa filiale Warburg, l’Union des Banques suisses « a des intérêts dans Glencore 204»… quelques autres… Nous ne reviendrons pas sur quelques fauteurs de dette épinglés précédemment, les Gilbert Chakoury, Élie Khalil, Pierre Aïm… Ou encore Antoine Tabet I et Pierre Otto Mbongo. Ces deux « affairistes de Sassou » ont aussi, selon Olivier Vallée, ponctionné la Banque internationale du Congo (BIDC) 206. Le second l’a “plantée” de 100 millions de francs 207 – sa contribution à la ruine du secteur bancaire. On ne sait pas, par ailleurs, quels sont ces « hommes d’affaires libanais » qui, en 1992, étaient en train de racheter les 350 millions de dollars de la dette russe, « avec une sérieuse décote 208». Compte tenu de ce que l’on sait d’une opération du même genre réalisée par Arcadi Gaydamak sur la dette angolo-russe II, on craint le pire pour les finances congolaises. Signalons seulement, pour clore ce sous-chapitre, trois cas emblématiques : Jacques Attali, Michel Dubois, et les mésaventures de Francis Le Penven. Jacques Attali se verrait bien, lui aussi, en esthète de la finance. Mais il s’est retrouvé orphelin à la fois de son maître François Mitterrand et du marbre de la BERD (Banque européenne de reconstruction et de développement). Trop immosemble pas que cette cession ait eu des effets susceptibles de marquer les esprits… I. Antoine Tabet est en relation avec Rafic Hariri, le Premier
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deste dans ses besoins et dispersé dans ses ambitions, il s’est retrouvé épinglé dans l’“Angolagate” I, pour des “études” macro-payées sur le micro-crédit, via le mirifique Pierre Falcone. Mais il n’a pas servi que celui-ci. Au Congo, il s’est posé en intermédiaire d’un autre milliardaire de la GLNF, Sassou II, boudé par les bailleurs de fonds européens : « L’ex-conseiller spécial de François Mitterrand est devenu celui de Sassou II. Il a un mandat de “conseiller général” (politique, économie, culture) et est devenu un aficionado du général-président. […] Il était encore à Brazza [fin août 1998] accompagné de la belle Ingrid Van Galen, qui va s’occuper des dossiers “architecturaux” du cabinet Attali & Associés. […] Jacques Attali devait être reçu le 8 septembre […] par Charles Josselin [… et] doit ensuite se rendre auprès de la Commission européenne : il a promis à Sassou de faire débloquer des fonds en faveur du Congo… 209» C’est Ingrid Van Galen, conseillère hyperactive en relations publiques et culturelles, qui avait introduit Attali à Brazzaville et lui avait obtenu ce gros contrat de lobbying financier françafricain. Elle-même affirme avoir touché en sept mois 1,4 million de francs d’honoraires. Elle aurait travaillé pour Jacques Attali lorsqu’il présidait la BERD, mais aussi pour Roland Dumas. Du classique, mais pas très glorieux pour un ancien stratège élyséen. Surtout, le néo-prosélyte de Sassou mettait sa réputation et son carnet d’adresses au service d’un tyran dont il aurait pu connaître les crimes. Un de
ministre libanais très lié à Jacques Chirac 205.
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ses amis assure qu’il a rompu ce contrat en 1999, lorsqu’il a découvert la nature du régime. Celui qui se voulait l’un des hommes les mieux informés de France aurait eu un trou noir sur la Françafrique ? Ou a-t-il arrêté, comme le prétend un proche de Sassou, parce qu’on « ne pouvait plus le payer » 210 (faute de résultat, probablement, le régime étant alors indéfendable à Bruxelles) ? Ami de Gnassingbé Eyadema et Omar Bongo, partisan des dictateurs tchadien, comorien et congolais, Michel Rocard se découvre lui aussi un penchant pour la Françafrique. Sans doute sous l’influence de son “Monsieur Afrique”, Michel Dubois 211. Celui-ci « a toujours travaillé la mano en la mano avec des proches de Jacques Foccart 212». Il a « des entrées multicartes dans tous les palais du bord de mer du golfe de Guinée 213». Il a été prêté à Lionel Jospin pour le scrutin présidentiel de 1995 : « Michel Rocard a en effet mis tous ses moyens financiers au service de Lionel Jospin. 214» Michel Dubois s’est ainsi trouvé idéalement placé pour s’entremettre dans plusieurs affaires financières à Brazzaville. Le financier Charles Robert Pouchet a prêté en 1989 plus de 75 millions de dollars à Sassou I et peine à se faire rembourser le solde, 27 millions de dollars, par Sassou II ? Dubois est son intermédiaire. Les négociations financières se compliquent-elles entre Elf et Sassou II ? Dubois est le médiateur tout trouvé 215. Durant l’été 1998, la justice française a fait saisir les comptes de trois filiales d’Elf, dans une affaire à
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rebondissements : « En septembre 1993, par l’entremise d’une société luxembourgeoise LMC, l’État brazzavillois obtient de plusieurs banques internationales un “prêt” de 150 millions de dollars, en principe destiné à construire des lycées, moderniser la justice et relancer l’économie. Le prêt est garanti, entre autres, par Elf-Congo [sur des royalties futures]. Ni les lycéens ni les juges congolais ne voient la trace de cet argent. À Brazzaville, l’État ne l’a pas vu passer, mais ne porte pas plainte ! Les banques non plus, sans doute discrètement remboursées. Seul s’agite l’intermédiaire, le gérant de LMC, Francis Le Penven, floué de sa commission. Victime d’intimidations, convoqué par la DST, il finit pourtant par obtenir un jugement qui contraint la caution – le groupe Elf – à le dédommager. C’est ainsi qu’on apprend, par des familiers du dossier, que l’argent du prêt a “abouti chez des proches de Pascal Lissouba, mais aurait également servi à financer des campagnes électorales françaises”. Avec près d’un milliard de francs, on peut en effet diversifier les “investissements”. Elf, garant de l’opération, n’en aurait rien su ? 216» Francis Le Penven nous a décrit les agressions ou attentats, effectifs ou avortés, qu’il a subis depuis qu’il a rompu l’omertà sur les courts-circuits françafricains…
Les banques Mi-2001, le journaliste Christian Chavagneux se rend à l’évidence : « On s’en doutait sans oser y croire. Grâce à un ensemble d’enquêtes menées en Suisse, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les
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preuves sont désormais là : les plus grands noms de la banque internationale jouent un rôle majeur dans la circulation mondiale de l’argent sale. 217» Olivier Vallée 218, qui intervint notamment comme consultant au Congo, a observé que la BNP, la Société générale et le Crédit Lyonnais bénéficiaient « dans leurs filiales de Monte-Carlo des dépôts des riches Africains ». Le fruit de spoliations, pour l’essentiel – d’où le besoin d’un paradis fiscal. Nous nous limiterons dans ce qui suit au rôle de prêteur joué par trois grands groupes bancaires français, en commençant par ceux déjà pointés pour avoir frayé avec Sassou II durant l’année cruciale de 1999 : Paribas et la Société générale. Ces deux établissements envisageaient de fusionner… mais Paribas, on le sait, a été finalement croquée par la BNP I. paribas & la bnp Auparavant, lors de son existence “autonome”, Paribas avait été très liée à un personnage encore trop peu connu, fanatique de la discrétion des paradis fiscaux. Une liaison qui a beaucoup compté. Dans un rapport confidentiel envoyé à son ministère, le 26 novembre 1996, l’ambassadeur de Belgique au Luxembourg explique qu’existe au Grand-duché « un circuit dans lequel de “l’argent criminel” est blanchi ». Il passe par la Banque Continentale du Luxembourg (BCL), ou “Conti”. II. Voir la deuxième partie de ce livre. I. Sur lequel nous reviendrons longuement dans la seconde partie de ce livre. I. Nous aborderons aussi le cas du Crédit agricole, mais pas celui du Crédit Lyonnais, faute d’éléments suffisants dans l’exemple
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Celle-ci a appartenu conjointement à Paribas et au groupe Auchi de 1982 à octobre 1994. À cette date, Paribas a repris les parts de son associé Auchi, avant de céder le sulfureux établissement en 1996 à une consœur flamande, la Krediet Bank (KB) I. Selon la note diplomatique belge, « des analystes financiers au Luxembourg ont l’impression que, via la “Continentale”, de grandes banques telles que la […] KB, Paribas, Suez… profitent chacune à leur tour de ce circuit noir ». Longtemps copropriétaire de la “Conti”, Nadhmi Auchi en était aussi l’ingénieur financier. Ce multimilliardaire irako-britannique partageait avec Pierre-Philippe Pasqua (le fils de Charles) un grand ami commun : Étienne Leandri 220, décédé en 1995. Le trio représentait un capital exceptionnel d’expérience dans les ventes d’armes et leur financement. Auchi a « fait fortune dans le commerce des armes pendant la guerre Iran-Irak, explique un businessman moyen-oriental installé à Paris. Les contrats transitaient par la société Tradinco, rebaptisée plus tard Concepts in Communication » – la société fétiche de Leandri. Auchi avait commencé de s’enrichir en construisant des pipelines dans son pays natal, l’Irak, avec une filiale d’Elf. Puis il est devenu un acrobate de la finance, un précurseur de la connexion entre paradis fiscaux. « Ses sociétés sont domiciliées au Luxembourg et à Panama, ce qui soulage considérablement les démarches administratives… 221», congolais. Rappelons toutefois que cette banque, goulue de paradis fiscaux, a présidé au montage financier de l’exploitation de Nkossa, qui a suscité des questions gênantes (lire p. 71). I. Devenue KBC suite à une fusion avec Cera Bank et l’assureur ABB. La Lettre du Continent 219 nous rassure sur le savoir-faire de
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mais ne l’aide pas à démentir les accusations de blanchiment dont il est régulièrement l’objet. Dans une de ses sociétés luxembourgeoises, la Pan African Invest, Auchi domicilie une filiale d’Elf. Il est devenu le cinquième actionnaire de la compagnie pétrolière, avec 1 % des parts. Il a succédé à son mentor, le marchand d’armes et de matières premières américano-luxembourgeois Henry Leir, comme “parrain” de la finance luxembourgeoise et de son navire-amiral, la société de compensation internationale Clearstream. Celle-ci a été mise en cause dans le livre Révélations$, puis par une enquête de la justice luxembourgeoise. Elle brasserait des milliers de milliards d’euros non déclarés. Paribas était l’un des pivots de son conseil d’administration I. Le rapport de l’ambassadeur belge a suscité une enquête de l’hebdomadaire bruxellois Le Soir illustré 222: « Sous “l’ère Auchi”, la Banque continentale du Luxembourg a accueilli les comptes en banque de dictateurs notoires : Saddam Hussein, Bokassa, Houphouët-Boigny, Bourguiba, Kadhafi et l’inévitable Mobutu. […] Plusieurs holdings de droit luxembourgeois auraient été créés par un de ses hommes de confiance […] Jean-Pierre Bemba, le fils du patron des patrons zaïrois : Saolona Bemba [aujourd’hui ministre de Kabila]. […] La tristement célèbre Radio Mille Collines […] était ce repreneur : la Krediet Bank du Luxembourg était « spécialisée dans le financement des ventes d’armes triangulaires avec les firmes françaises ». I. Les enquêteurs luxembourgeois ont trouvé dans le système informatique de Clearstream un chemin parallèle relié aux patrons d’un certain nombre de très grandes banques, leur permettant d’opérer des transactions sans trace comptable. 15 % des flux annuels de Clearstream auraient transité par ce circuit
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financée par des capitaux provenant des comptes ouverts auprès de la Banque Continentale du Luxembourg qui possède, soit dit en passant, des filiales au Zaïre et au Rwanda. […] La Conti semble donc être le passage obligé, depuis une quinzaine d’années, d’opérations de blanchiment à l’échelle internationale. » Auchi est un relais considérable des réseaux françafricains. Paribas est fortement engagée dans leurs acrobaties financières. Elle n’a pas son pareil pour surendetter les pays en guerre civile, comme le Congo-Brazzaville ou l’Angola, où le mélange armes-pétrole domine les flux financiers. Jusqu’à son absorption en 1999 par la BNP, son actionnaire de référence était… Nadhmi Auchi, avec 7,1 % du capital. C’est en Russie et en Angola que Paribas a le mieux aiguisé ses méthodes. Cela lui valu les élogues du franco-angolais Arcadi Gaydamak, cet “inventeur” de milliards d’origine russe dont nous allons beaucoup parler : « Paribas est la principale banque au monde pour les préfinancements pétroliers. 223» Elle a mis en place « une cellule spécialisée […] dans la compensation pétrolière 224». Le terme de “compensation” couvre un éventail infini de deals, de trocs, de transferts, impliquant des quantités physiques ou monétaires. Il s’agit de s’attacher les clients, de répondre aux besoins les plus pressants, voire aux caprices, d’un émir, d’un pétrodictateur ou de leurs fondés de pouvoir. Les envies basiques sont assez monotones : beaucoup d’argent aisément disponible dans un paradis fiscal, les éléments d’un train de vie luxueux (palais,
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villas à l’étranger, jets, flotte automobile…), des armes pour conserver le pouvoir et ses avantages. De l’Angola de Dos Santos au Congo du vassal Sassou II, il n’y a littéralement qu’un pas. Le second est traité par la même “cellule” de Paribas qui flamba avec le premier. En 1999 elle dégaina, on l’a vu, deux financements à décaissement rapide (plus d’un demi-milliard de francs au total), au profit de la coalition angolo-sassouiste en plein nettoyage ethnique. L’habileté des hommes de Paribas – Guillaume Leenhardt et Jean Talbot, notamment, avec l’aide du trader Trafigura 225 – a pallié les scrupules des bailleurs de fonds traditionnels et déjoué provisoirement la vigilance des créanciers. La remontée ultérieure des cours du pétrole a rendu l’opération encore plus juteuse. Cela valait bien quelques risques juridiques : fin 2000, « la société Berrebi & Associés, dont le Tribunal d’Aix-en-Provence a reconnu une créance congolaise de plus de 27 millions de francs, assigne la BNP-Paribas, qui a monté d’importants emprunts adossés à du pétrole en faveur de l’État congolais 226». En 1997, la BNP avait adossé 150 millions de francs de prêts au nom de Pascal Lissouba, sa femme et sa fille, protégeant ainsi un argent soustrait frauduleusement au Congo. Comme disait Le Floch, « l’argent du pétrole est là, il y en a pour tout le monde ». société générale Les profits réalisés par Paribas dans le gavage de crédits aux pétrodictatures n’ont pas échappé à la Société générale : elle aussi a voulu faire son foie
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gras au Congo. En 1994, de concert avec les financiers d’Elf, elle emmenait un syndicat de banques françaises dans un prêt à court terme de 180 millions de dollars au gouvernement lissoubiste 227. Début 1999, elle aurait même devancé Paribas dans la fourniture de “carburant” au rouleau compresseur sassouiste, si elle n’avait finalement laissé l’affaire à cette dernière, qu’elle croyait avoir épousée en justes noces. « Compensation » prévue : 2,8 millions de barils contre 22,8 millions de dollars, soit 8,2 dollars le baril 228. Beau cadeau ! La Société générale s’est tôt fait connaître du nouveau régime congolais « grâce aux bons offices de Charles Robert Pouchet », financier de Sassou I puis de Sassou II. Sa bonne implantation dans la pétrofinance angolaise n’a pu que faciliter les choses. Pour s’approcher encore de la source d’or noir, elle négociait en 2000 « la reprise de la Banque internationale du Congo (BIDC) que le ministre des Finances, Mathias Dzon, connaît bien pour en avoir été le directeur général 229». Dans la foulée, elle travaillait avec trois autres banques – Natexis (groupe Banques populaires), Warburg (groupe Union des Banques suisses) et West LB – sur un préfinancement pétrolier de plus de 200 millions de dollars. cibc & le crédit agricole-indosuez Les agriculteurs français seraient peut-être surpris de savoir que les états-majors de leurs caisses coopératives spéculent en Afrique. Cela a commencé marginalement avec les produits alimentaires ou le bois. Mais la « banque verte », étonnée puis enivrée par sa dimension de « banque mon-
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diale », a pris goût aux jeux capitalistes les plus hard. Elle s’est éprise de l’héritière des financements coloniaux, la banque Indosuez, puis en 2000 de la sulfureuse CIBC, la banque préférée des pétrodictateurs africains. Elle a également récupéré la Belgolaise, rejeton de la colonisation belge. En peu de temps, le Crédit agricole s’est imposé en Suisse comme l’un des leaders de la gestion de fortunes. On appelle cette activité la “banque privée”. Elle est présentée par un rapport du Congrès américain 230 comme l’un des instruments privilégiés du blanchiment de l’argent. La Commission fédérale des banques helvétiques a épinglé le Crédit agricole-Indosuez à propos des fonds détournés par feu Sani Abacha, l’ex-dictateur nigérian : c’est l’un des quatre établissements bancaires « ayant montré des défaillances plus graves », avec des « comportements individuels erronés crasses » ! À lui seul, le Crédit agricole I a planqué plus d’un milliard de francs 232. Avec la gratitude de Ken Saro Wiwa, des Ogonis exécutés II, et des 100 millions de Nigérians escroqués. caché – de l’ordre de 20 000 milliards de francs, près d’un dixième du produit intérieur brut (PIB) mondial : le trou noir de la mondialisation financière. Un “système Elf” à la puissance cent. I. Le Crédit agricole a aussi de curieuses accointances en Corse – qu’annexerait volontiers la Corsafrique (les Françafricains originaires de l’île). Le Crédit agricole de Corse est systématiquement cité « dans toutes les enquêtes sur les organisations criminelles de l’île, en premier lieu la “Brise de mer” », affirment les Notes du Réseau Voltaire (01.10.2000). Selon le journaliste Alain Laville 231, lorsque le président de la Coordination rurale insulaire, Jean Cardi, a osé demander un audit du Crédit agricole, « il a reçu des explosifs en retour, puis a été menacé de mort par Jean-Angelo, l’un des frères Guazzelli, membre présumé de la Brise de mer ». II. La junte dirigée par le général Abacha a fait pendre le 10 novembre 1995, après une parodie de procès, le célèbre écrivain non violent Ken Saro Wiwa et huit autres opposants du Mouvement de survie du peuple ogoni (Mosop) – une commu-
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Comme Paribas, le Crédit agricole s’est intéressé aux montages financiers de la présidence angolaise avant de venir en aide à l’allié Sassou II. Deux dictatures en guerre civile. Fin 1998, avec l’appui de l’Élysée, il a monté un préfinancement de 60 millions de dollars en faveur de Sassou II, basé sur 1 200 000 tonnes de pétrole. L’opération s’est réalisée avec la Banque française de l’Orient, installée avenue George V… dans le même immeuble que la Fiba 233. De quoi conforter le régime qui presque aussitôt, vers Noël 1998, entreprendra la “solution finale” des résistances sudistes. Indosuez est une spécialiste de la pétrofinance. Elle détenait 5,26 % de la Fiba, la banque d’Elf et Bongo, où elle était représentée par Philippe Brault. La Fiba se servait d’Indosuez pour l’accès aux marchés internationaux 234. En 1996, la Belgolaise a jeté son dévolu sur un établissement privatisable, l’UCB (Union congolaise de banques). En tandem avec la Proparco, une institution financière filiale de la Caisse française de développement. L’année suivante, la Belgolaise a été accusée par le président évincé Pascal Lissouba d’avoir permis à Elf (avec ElfTrading et la Fiba) de financer le « complot terroriste du général Sassou Nguesso » 235. Venons en à la CIBC, nouveau fleuron du groupe Crédit agricole. Cette banque “canadienne” travaille volontiers depuis la Suisse. Comme le magicien de la pétrofinance Jack Sigolet, ex-président de la Fiba. Celui-ci avoue une sorte d’addiction 236: « Elf a énormément utilisé la CIBC, pour au moins nauté ethnique du Sud-Est nigérian sacrifiée au nom de son pétrole, victime d’une pollution intense et cruellement réprimée
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30 % des préfinancements que j’ai montés. Et il n’y a pas qu’Elf qui l’utilise, puisque Total a monté l’an dernier un préfinancement pour l’Angola à la CIBC, devenue Crédit Agricole International. » La CIBC a, on l’a vu, permis à Elf d’exfiltrer en 1992 180 millions de pétrodollars camerounais, dans un dédale de paradis fiscaux. Philippe Hustache, le directeur financier d’Elf qui a cautionné cette opération, n’est pas seulement devenu directeur général de Dassault : il est entré au conseil d’administration du Crédit agricole. Il serait intéressant de savoir ce qui attire le vendeur de Mirage chez la banque des agriculteurs, et réciproquement. Quand Elf a obtenu de gérer elle-même la dette congolaise, la CIBC est bien sûr devenue l’un de ses relais privilégiés. Un moment impliquée, la Société générale lui a refilé sa créance. En 1994, la CIBC détenait 28 % des 3 milliards de francs de la dette gagée du Congo 237. En 1995, lors du bradage scandaleux par Lissouba des parts de l’État congolais dans Elf-Congo, les 270 millions de francs de la vente ont atterri à la CIBC 238. La Lettre du Continent récapitule cette emprise de la CIBC au Congo : « La CIBC gère depuis des années – à la demande d’Elf – la dette gagée pétrolière du pays. À chaque fois que les dirigeants congolais ont eu quelques soucis de liquidités, Elf a demandé à la CIBC d’avancer “l’argent frais”, qui sera par la suite remboursé sur les propres redevances pétrolières de la compagnie. À la fin 1994, la CIBC gérait ainsi près de 100 milliards de francs CFA [1 milliard de francs] de prêts sur la dette gagée pétrolière et remboursait chaque mois
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sur les redevances de nombreux prêts, dont 2,2 milliards francs CFA à l’entrepreneur Tabet pour la construction de la route de Mayumba et, tous les six mois, 6,5 milliards au même Tabet (de juin 1994 à juillet 1999) pour d’autres infrastructures routières (ce dernier prêt aurait été remboursé par anticipation […]). Elf a par ailleurs avancé en 1993 150 millions de dollars à la trésorerie congolaise – sur les futures productions du gisement de Nkossa […] – par l’intermédiaire de la CIBC. En septembre 1994, la compagnie pétrolière française a […] réaménagé – sous la haute main de Jack Sigolet […] – la dette gagée pétrolière congolaise en “montant” trois prêts […], [dont un de] 185 millions de francs auprès de la… CIBC. Décidément, une banque incontournable. Seuls les mauvais esprits et les banques concurrentes font perfidement remarquer que l’anagramme de CIBC est BCCI… I » 239 Mais quelle mouche a piqué le Crédit agricole, pour avoir eu ainsi envie de se doper à la CIBC ? Peut-être a-t-il pris goût à la gestion exotique des fortunes en devenant le principal actionnaire du Crédit foncier de Monaco, la banque des Feliciaggi II, Sirven et Cie ? (2 000 tués entre 1990 et 1995). Cette exécution avait mis la junte au ban du Commonwealth – et l’avait du coup rapprochée de la Françafrique. I. Sur cette narco-banque, lire p. 87-88. II. Le Crédit foncier de Monaco hébergeait une série de comptes de la SED (Société d’Études pour le Développement), contrôlée par les Feliciaggi et Tomi. Jusqu’en 1999, la SED était détenue à 65 % par le CIAT (Comptoir international d’achat et de transit Afrique export), managé par Toussaint Luciani. De 1985 à 1994, l’un des principaux actionnaires du CIAT a été André Janot, président du Crédit agricole mutuel du Cantal. La banque du CIAT était la Fiba. Jusqu’en juillet 2000, la SED avait la même adresse parisienne (34, rue des Bourdonnais) qu’Agricongo – chouchou
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4. Paris complice La France des “décideurs” est et reste indissociable de TotalFinaElf. Visé lui aussi par les enquêtes des magistrats financiers Joly et Vichnievsky alors qu’il était encore président du Congo, Pascal Lissouba se serait rebiffé : « Si je suis impliqué officiellement, je ferai des révélations fracassantes qui ne manqueront pas d’avoir de graves répercussions intérieures françaises. 240» Dans l’affaire du “prêt” de 150 millions de dollars échafaudé en 1993 par la société luxembourgeoise LMC I, garanti par Elf-Congo et très largement évaporé, le dossier conduit entre autres au financement de campagnes électorales françaises. À notre connaissance, l’État congolais non plus n’a pas porté plainte dans ce dossier précis. Il s’agit pourtant de la période Lissouba. Son ministre des Finances, Moungounga Nguila, est considéré par les connaisseurs comme le principal bénéficiaire, sur cette période, de l’égarement d’une partie de l’argent du pétrole et de la dette – avec la maîtresse femme de la présidence, Claudine Munari, et le ministre des Hydrocarbures, Benoît Koukébéné. Trois banquiers consultés séparément par un spécialiste sont arrivés à la même estimation du magot : de l’ordre de 400 millions de dollars (3 milliards de francs). Ce genre d’évaluation n’a évidemment aucune valeur probante II. Mais on obserd’Elf, de Denis Sassou Nguesso, d’Omar Bongo et de l’Agence française de développement. I. Lire p. 98. II. Relevons seulement un premier aveu : « interrogé par [le juge suisse] Perraudin, Nguila Moungounga-Kombo a admis avoir reçu, sur un compte de la Banque du Gothard, […] 10 millions de francs provenant de Finego Business… », un compte au Crédit foncier de Monaco sur lequel ont transité plus de 100 millions de francs et qu’il pouvait « actionner » à l’instar d’Alfred Sirven 241.
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vera quand même que, après le putsch de Sassou, le Président et le Premier ministre du Congo, Pascal Lissouba et Bernard Kolelas, ont été interdits de séjour en France, tandis que Moungounga Nguila et Claudine Munari y évoluaient à l’aise. Le premier a des bureaux près de l’Étoile. La seconde a rallié le nouveau régime. Avant la présidentielle française de 1995, un ami du ministre Moungounga « a présenté une créance bancaire de 7 milliards de francs CFA [70 millions de francs] », relate Olivier Vallée 242. « Le règlement de cette créance, présentée vaguement comme destinée à des créanciers ordinaires du Trésor, aurait été affecté partiellement aux frais de campagne d’un candidat aux présidentielles françaises… » En 1989 déjà, le Conseil des investisseurs français en Afrique noire (CIAN) faisait pression pour de nouveaux concours de la France : 250 millions de francs de prêts et 150 millions de francs de dons. Il faisait état de 600 millions de francs d’impayés congolais envers les membres de leur club 243. Autrement dit, ceux qui avaient bénéficié de contrats le plus souvent largement surévalués et commissionnés s’apprêtaient à se faire rembourser les deux tiers de leurs créances par les contribuables français, tout en accroissant de 250 millions la dette du Congo. À Paris, les décideurs politiques de ce genre de bonne action savent qu’ils n’ont pas affaire à des ingrats. Soulignons aussi que l’argent expatrié dans des banques occidentales n’est plus forcément très disponible. Après le renversement du régime Lissouba et l’éviction de son ministre Moungounga, les banques ont pu “déclasser” les sommes en question, exigeant des formalités plus rigoureuses avant tout retrait ou transfert. Tels des galions échoués avec leur trésor, ces
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À Brazzaville aussi il fallait arroser pour accélérer le pillage des biens publics. L’un des proches de Pierre Otto Mbongo a expliqué à la Conférence nationale souveraine « le système de répartition des commissions versées par des entreprises étrangères lors de rachat d’entreprises d’État congolaises… 244». Tout se mêle à la fin, en une partouze financière entre corrupteurs et corrompus, décideurs politiques et économiques, voire militaires, français et congolais. Un député gaulliste, informateur de deux journalistes du Canard enchaîné, leur expliquait que les fausses factures du RPR parisien (des milliards de francs I) font de fréquents détours par le Congo. L’auteur présumé de certains de ces documents de complaisance, l’entrepreneur Francis Poullain, s’y rendait volontiers en compagnie de Philippe Jehanne II, bras droit de Michel Roussin à la Coopération 245. Dans une ambiance très fraternelle : la plupart des invités à ce genre d’agapes appartiennent à la Grande Loge Nationale Française (GLNF). En permanence, un banquier public, l’Agence française de développement (AFD, ex-CFD, exCCCE III), est “pressé” de prêter de nouveau, de
comptes en suspens suscitent toutes les convoitises. I. Entre 2 et 5 % des marchés publics de Paris et de l’Île-deFrance, sur deux décennies. II. Philippe Jehanne, de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), opérait dans les champs politique, économique et militaire, tout comme Michel Roussin, ancien n° 2 de la Piscine, devenu le représentant des patrons français en Afrique et le viceprésident du groupe Bolloré ; de même André Tarallo, Jack Sigolet ou Pierre-Yves Gilleron, impliqués dans des trafics d’armes. Le général Sassou opère également dans ces trois domaines, comme nombre d’officiers et chefs miliciens congolais.
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creuser le puits d’une dette sans fond, presque entièrement infondée. « Au printemps 1998, c’est par l’intermédiaire de Michel Dubois, le “Monsieur Afrique” de Michel Rocard, qu’Elf a négocié ses retrouvailles avec Sassou : la compagnie proposait de décaisser 310 millions de dollars, et d’obtenir un nouveau rééchelonnement de la dette du pays. Autrement dit, Elf ajoutait de l’argent public dans la balance : le coût financier de ce rééchelonnement, compté une fois de plus en “aide au développement”. Elf est abonnée aux guichets publics. En 1995, la Caisse française de développement a prêté 440 millions de francs à Elf-Congo. Une filiale qui, on l’a vu, est prête à cautionner n’importe quoi. 246» On le sait maintenant, la très opaque Banque française intercontinentale (Fiba), les société genevoises d’Elf, les comptes suisses d’Alfred Sirven (au moins 3 milliards de francs), André Tarallo, Jack Sigolet, etc. ont arrosé un très large spectre de la classe politique française I, achetant son silence sur la criminalité françafricaine. La Fiba, admettent Les Échos 247, c’était « une sorte de tiroir-caisse qui permet des mouvements de fonds, souvent en liquide, à coups de valises bourrées de billets, entre la France, le Gabon, le Congo et la Suisse ». Cela peut expliquer deux événements décisifs de l’histoire récente du Congo : d’une part, de juin à octobre 1997, le soutien politico-militaire de la France au renversement de la démocratie constitutionnelle et à la restauration de Denis Sassou Nguesso avec le concours des Angolais II ; d’autre III. Le mot « Caisse » du « C » initial évoquait-il trop les « caisses noires » ? I. Au minimum par la rémunération d’emplois fictifs (parents,
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part, en 1999, le « noir silence », le blanc-seing et même l’appui (diplomatique, financier, militaire, barbouzard, comme lors du génocide au Rwanda) à un “nettoyage ethnique” d’une rare sauvagerie, à une série de crimes contre l’humanité achevant de terroriser un pays rétif. Cela n’a pu se faire qu’avec la complaisance internationale : « Le lobby pétrolier de Washington suit le présumé “homme fort”. “Les États-Unis nous ont abandonnés, a répété […] l’ex-Premier ministre Kolelas. L’abandon de Lissouba par les Américains est comme un permis de tuer accordé à Sassou. Une fois qu’il a commencé de tuer, il ne peut plus s’arrêter car il sait qu’il a tué beaucoup d’innocents et que, si jamais il s’arrêtait, la vengeance s’exercerait contre lui.” « Quant au Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, il confie à un ami diplomate qu’il ne peut rien faire pour ce pays : “Le problème congolais, c’est la France”, membre permanent du Conseil de sécurité, avec droit de veto. L’Élysée, Elf et l’état-major ont donc eu quartier libre dans leur pré carré. 248» Ainsi atteignit-on l’apogée d’un quart de siècle de criminalité pétrofinancière françafricaine. Dans ce contexte, ce n’est pas le Congo qui a une dette vis-à-vis de la France, c’est la France qui, un jour, devra payer la reconstruction d’un Congo qu’elle a détruit. « Criminalité » ? Quel gros mot, objectera le lecteur, et si peu fondé. À ce stade, il nous faut citer un raisonnement développé par l’économiste François Lille. Il part du naufrage de l’Erika, mais
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sa perspective est beaucoup plus vaste I. Il constate l’irresponsabilité organisée, systématique, toujours plus sophistiquée, du transport maritime : pour envoyer une cargaison de France en Italie, l’affréteur TotalFinaElf « a activé Total-Bahamas (qui est en réalité à Londres) qui, par un courtier maritime londonien et un autre courtier vénitien, trouve en Suisse un bateau maltais dont dispose une sociétéécran bahaméenne appartenant (?) à un trust bermudien géré par une officine panaméenne, […] etc. etc. 250». Le seul objectif est une fuite en avant dans la surexploitation du travail et le mépris de l’environnement. « Ce “capitalisme de casino” conduit tout naturellement aux activités proprement criminelles : blanchiment, naufrages pour l’assurance, abandons frauduleux de navires et d’équipages, trafics en tous genres. « La participation constante des professions juridiques et financières à ces montages assure la légalité ou la “non-illégalité” de chaque pièce du puzzle. Mais la non-illégalité de chaque pièce ne préjuge pas plus de la légitimité de l’ensemble que l’innocuité individuelle des constituants d’une mitrailleuse ne l’empêche d’être une machine à tuer. Condamner un type de société, de pavillon [de complaisance], de paradis, peut être nécessaire, mais est de peu d’effet durable dans un monde aussi mobile. […] « Il faudra donc en arriver à incriminer ces pratiques en elles-mêmes, par delà leurs applications multiples et variées. […] Nous sommes devant un amis, ou collaborateurs). II. Lire p. 51-52. I. C’est celle de l’association Bien public à l’échelle mondiale, initiée par Survie et que préside François Lille. Ancien marin, il est
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système permanent permettant des montages circonstanciels, selon quelques principes simples d’organisation, et dont l’intention est inscrite dans ces principes mêmes : échapper aux lois sociales, aux lois fiscales, aux règles de sécurité, aux lois pénales enfin, des pays réels des divers acteurs et des pays (virtuels) d’accueil offshore. Échapper aussi et ainsi aux conventions internationales, ratifiées ou non par ces pays, […] aux conséquences civiles et pénales éventuelles des actions entreprises. « L’intention est donc implicite dans le système général, […] explicitement renouvelée dans chacune de ses applications particulières. On est de ce fait fondé à s’appuyer sur le concept de “participation à groupe criminel organisé”, au sens où le définit la future Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme I. […] Il en résulterait que chaque montage engagerait la responsabilité solidaire de ses acteurs, à commencer par le donneur d’ordre principal. […] Il ne […] manque […] que la qualification des types d’infractions graves dont l’intention avérée conférerait son caractère criminel à l’association. […] « Il suffirait de reconnaître que le principe général de ces organisations et pratiques interlopes est la négation des droits humains les plus fondamenaussi l’auteur de Pourquoi l’Erika a coulé 249 et de contributions sur les paradis fiscaux pour le comité scientifique d’Attac. I. « L’expression “groupe criminel organisé” désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves […] pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel. […] L’expression “groupe structuré” désigne un groupe qui ne s’est pas constitué par hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement établis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée. » (Article 2)
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taux, obtenue en neutralisant en priorité les lois nationales et internationales garantissant égalité, liberté et dignité humaines. » Il est tout à fait clair que ce sont ces types de pratiques et de groupes qui ont creusé la dette du Congo, que cela a provoqué sciemment une série d’« infractions graves », et relève donc de la criminalité transnationale organisée. Il s’en suit que les donneurs d’ordre, économiques et politiques, sont solidaires des intermédiaires et des exécutants.
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Notes de la première partie Congo : pétrole, dette, guerre 1. François-Xavier Verschave, La Françafrique, Stock, 1998 ; Noir silence, Les Arènes, 2000. 2. Agir ici et Survie, France-Cameroun. Carrefour dangereux, L’Harmattan, 1996, p. 8-9. 3. Cette guerre et les complicités françaises sont décrites dans le premier chapitre de Noir silence, op. cit. 4. Ce résumé emprunte largement à François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 46-48. 5. Dans L’Express du 12.12.1996. 6. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 47. Sur les crimes commis par Denis Sassou Nguesso, ses amis, ses alliés et ses sbires durant les décennies 1970 et 1980, lire Albert-Roger Massema, Crimes de sang et pouvoir en Afrique noire, à paraître chez Karthala. Massema présidait, lors de la Conférence nationale souveraine de 1991, la Commission sur les crimes impunis. 7. Décrite par un spécialiste de la corruption, Jean-François Médard, in François-Xavier Verschave et Laurent Beccaria (dir.), Noir procès, Les Arènes, 2001, p. 291-293. 8. Selon L’Événement du 22.05.1997. 9. Lire « Congo : Les infrastructures à plat », in La Lettre du Continent (LdC) du 09.09.1985. 10. Lire « Le Congo en cessation de paiement », « Congo. L’improbable rééchelonnement “à la gabonaise” », « L’exploration coûte cher au budget de l’État », in LdC des 13.05.1985, 22.07.1985 et 11.02.1986. 11. « Congo. Une mini-tour Elf à Brazza ? », in LdC du 10.06.1985. 12. « Congo. L’improbable rééchelonnement “à la gabonaise” », in LdC du 22.07.1985. 13. Lire « Congo : les infrastructures à plat », in LdC du 09.09.1985. 14. Antoine Glaser et Stephen Smith, L’Afrique sans Africains. Le rêve blanc du continent noir, Stock, 1994, p. 125. 15. Sur ce coffre-fort, lire entre autres A. Glaser et S. Smith, Ces Messieurs Afrique, tome 2, 1997, Calmann-Lévy, p. 118-124. 16. « Congo : le pétrole à perte », in LdC du 07.04.1986. 17. Lire « Congo : nouveau budget de crise » et « L’analyse du FMI », in LdC des 23.12.1987 et 12.05.1986. 18. Lire « Congo : un peu “d’argent frais” », in LdC du 22.07.1986.
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Notes
19. « Congo : Otto Mbongo se passe de la Coface », in LdC du 04.02.1987. 20. « Congo : Michel Baroin et Sassou Nguesso », in LdC du 18.02.1987. 21. Ibid. 22. Lire Dominique Lorentz, Une guerre, Les Arènes, 1997, p. 141-150. 23. Ibid., p. 150-152 et « Congo : haute tension à Pointe-Noire », in LdC du 18.10.1990. 24. « Congo : nouvelle mission du FMI », in LdC du 18.02.1987. C’est moi qui souligne. 25. Lire « Congo : pas de changement », in LdC du 15.04.1987. 26. « Congo : inéligible à la Banque mondiale ? », in LdC du 27.10.1989. 27. Lire « Le Congo, un futur PMA ? », in LdC du 16.02.1989. 28. « Congo : inéligible à la Banque mondiale ? », in LdC du 27.10.1989. 29. Lire « À noter. Congo » et « Congo : à la recherche de 80 milliards francs CFA », in LdC des 24.11 et 07.12.1989. 30. « Congo : Visite d’État à Washington du président Sassou Nguesso », in LdC du 08.02.1990. 31. Lire ibid. et « Congo : Sassou l’Américain », in LdC du 08.03.1990. 32. « Congo. La chute de Pierre Otto Mbongo », in LdC du 08.12.1994. 33. Audition devant la mission d’information parlementaire « sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son impact social et environnemental », in Pétrole et éthique : une conciliation possible ?, rapport de la mission, tome 1, p. 151-152. 34. « Congo-Angola. Amitiés congolo-angolaises », in LdC du 30.10.1997. 35. « Congo : 50 millions de dollars de Citizens Energy Group », in La Lettre Afrique Énergies (LAE) du 01.03.1990. 36. Bernard Debré, Le Retour du Mwami, Ramsay, 1998, p. 250. 37. Selon Martial Cozette, auditionné par la mission d’information sur le rôle des compagnies pétrolières, Pétrole et éthique, op. cit., t. I, p. 119. 38. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 50. 39. Ibid., p. 50-51. La page suivante puise dans cet ouvrage. Les extraits des deux notes du colonel Daniel, cités ici et plus bas, ont été publiés par Karl Laske, « Chute d’une barbouze », in Libération du 21.07.1998.
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40. Lire Frank Johannès, « Le journaliste Pierre Péan mis en examen », in Libération du 02.04.1996. 41. Lire François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 428431 (entre beaucoup d’autres occurrences). 42. Sara Daniel et Airy Routier, « Roland Dumas. Comment l’affaire a basculé », in Le Nouvel Observateur du 25.03.1999. Christine Deviers-Joncour m’avait tenu les mêmes propos début 1999. 43. Cité par Sara Daniel et Airy Routier, ibid. 44. Éric Fottorino, « Charles Pasqua l’Africain », in Le Monde du 04.03.1995. 45. Lire Nicolas Beau, « 3,5 milliards distribués par Elf en Afrique et ailleurs », in Le Canard enchaîné du 27.10.1999. 46. « Congo : beaucoup de pétrole en toile de fond », in LdC du 14.03.1991. 47. « Congo : les comptes du pétrole », in LdC du 18.10.1990. 48. Lettre du 18.12.1991, publiée par Les Notes d’information du Réseau Voltaire, janvier 1998. 49. « Gabon/Congo, la différence », in LdC, 05.12.1991. 50. « Congo. Bonne surprise, au pied du mur », in LAE du 16.09.1992. 51. « Congo : l’heure des comptes pour Milongo », in LdC du 25.07.1991. 52. Ibid. 53. « Congo : la guerre des finances », in LdC du 12.09.1991. 54. « Congo/Gabon : voyages aux USA », in LdC du 19.12.1991. 55. « Congo. Le retour du Grand argentier », in LdC du 18.06.1992. 56. « Congo. Elf : Nkossa for ever », in LdC du 16.07.1992. 57. « Congo : grand pardon et caisses vides », in LdC du 29.08.1991. 58. Olivier Vallée, Pouvoirs et politiques en Afrique, Desclée de Brouwer, 1999, op. cit., p. 113 et 121. 59. Cité dans « Congo : l’impasse », in LAE du 30.01.1992. 60. Pétrole et éthique, op. cit., tome 1, p. 120-121. 61. Ce paragraphe et le suivant se réfèrent à « Congo. Politique sous influence pétrolière », « La guerre politico-financière » et « Pour quelques dollars de plus », in LdC des 26.11.1992, 06 et 27.05.1993 ; Olivier Vallée, Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 70. 62. Lire « Oxy en procès », in LdC du 30.11.1995. 63. Cité par LAE du 12.11.1997, « Sassou veut revoir la privatisation ».
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Notes
64. « Congo. Pour quelques dollars de plus », in LdC du 27.05.1993. 65. Lire « Congo. Nkossa : le bon choix des partenaires », « Oxy Super star » et « Elf dans la finance », in LdC des 07 et 21.10.1993 et 31.03.1994. 66. « Congo. Pour quelques dollars de plus », et « Le plan secret du Professeur », in LdC du 27.05.1993. 67. Lire « Congo-B. La troisième équipe financière », in LdC du 03.02.1994. 68. « Congo. Les dollars de Hong Kong », in LdC du 16.12.1993. 69. « Congo. La troisième équipe financière », in LdC du 03.02.1994. 70. Lire « Congo : le nerf de la guerre », in LdC du 02.10.1997. 71. « Congo. Les cavaliers de la dette », in LdC du 06.01.1994. 72. Ibid. 73. Lire « Congo. Les conseillers de Lissouba », in LdC du 31.03.1994. 74. Lire « Congo : Le nouveau code pétrolier », in LAE du 01.06.1994. 75. Lire « Congo. Le “plus” de N’Kossa et Kitina », in LAE du 31.08.1994. 76. Lire « Congo. 180 millions de dollars de prêts Elf », in LdC du 15.09.1994. 77. Lire « Congo-B. Dzon fait les comptes », in LdC du 11.12.1997. 78. Lire « Congo. Les jeux de la dette gagée pétrolière », in LdC du 10.11.1994. Il faut cependant tenir compte de la dévaluation de 50 % du franc CFA en janvier 1994. 79. Lire « Congo-B. Dzon fait les comptes », in LdC du 11.12.1997. 80. David A. Mallard, George F. Tolmay et Louis J. Vadino, lire « Congo. Nouvelles lettres de crédit », in LdC du 12.01.1995. 81. Lire « Congo. Comptes privés » et « Les banques agonisent », in LdC des 22.12.1994 et 06.04.1995. 82. Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 123. 83. Lire « Congo. FMI et pétrole », « L’affaire Elf… Congo » et « Négociations secrètes avec Elf », in LdC des 06.04.1995, 27.11.1997 et 26.02.1998. 84. Lire « Congo. FMI et pétrole », in LdC du 06.04.1995. 85. Lire « Congo. Kitina gagé pour 50 millions de dollars », in LdC du 21.09.1995. 86. Lire Antoine Glaser et Stephen Smith, Ces Messieurs Afrique, op.cit., tome 2, p. 127.
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87. Lire « Congo. Sassou met Elf à l’amende », in LdC du 07.05.1998. 88. Olivier Vallée, Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 59. 89. Lire « Congo. Tabet, Elf et les routes », in LdC du 20.07.1995. 90. Lire « Congo. Jongleries financières », in LdC du 25.04.1996. 91. Cité par Antoine Glaser et Stephen Smith, Ces Messieurs Afrique, op. cit., tome 2, p. 128-129. 92. Lire « Congo. Un Club de Paris inespéré » et « Le Congo, premier client de la France en Afrique noire en 1996 », in LdC des 25.07 et 07.11.1996. 93. Lire « Congo : des pétro-dollars et des larmes », in LdC du 23.04.1998. 94. Lire « Brazzaville. Claudine Munari en voyage » et « Congo. Dépenses exceptionnelles », in LdC des 24.10 et 05.12.1996. 95. Lire « Congo. Bateaux pour mercenaires en Afrique du Sud », in LdC du 24.10.1996. 96. Lire « Elf superstar », in LdC du 17.07.1997. 97. Ibid. 98. Cité par Fabrice Lhomme, « Trafic d’armes vers l’Angola : les comptes de la liste de M. Pasqua aux européennes placés sous séquestre », in Le Monde du 07.01.2001. 99. Jean Chichizola, « Jean-Christophe Mitterrand écroué », in Le Figaro du 22.12.2000. 100. « Angola. Opération “Falcone/Gaydamak” », in LdC du 18.09.1997. 101. « L’Angola au service de la France », in Le Canard enchaîné du 31.01.2001. 102. Alain Lallemand, « Brazzaville. Sassou surveille déjà les comptes de Lissouba », in Le Soir (Bruxelles) du 19.06.1997. 103. « Congo-Brazza. 150 millions de francs de prêts “adossés” à la BNP pour Lissouba », in LdC du 31.07.1997. 104. « À la recherche des comptes », in LdC du 06.05.1999. 105. « Juin 1997, la guerre civile : Lissouba a besoin d’armes et d’argent », in Le Soir du 07.07.2001. 106. In Le Soir du 07.07.2001. 107. « Congo. Sassou met Elf à l’amende », in LdC du 07.05.1998. 108. Lire « Congo : le nerf de la guerre », in LdC du 02.10.1997. 109. Lire « Congo-B. Dzon fait les comptes », in LdC du 11.12.1997. 110. « Des pétro-dollars et des larmes », in LdC du 23.04.1998. 111. « Congo : le nerf de la guerre », in LdC du 02.10.1997.
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Notes
112. « Congo/Angola. Chevron et Elf à cheval… », in LdC du 16.10.1997. 113. « Congo/Angola : la “pax pétrolière” », in LdC du 30.10.1997. 114. Ibid. 115. Lire « Congo-B. Le dossier financier », in LdC du 11.06.1998. 116. Cité in « Congo-Brazzaville. Sassou veut revoir la privatisation », LAE du 12.11.1997. 117. Lire « Congo-B. Sassou met Elf à l’amende », in LdC du 07.05.1998. 118. « Congo-B. À la recherche des comptes », in LdC du 06.05.1999. 119. « Congo. Au jeu de “qui perd gagne” », in LdC du 09.07.1998. 120. In « Négociations avec Elf (II) », LdC du 23.07.1998. 121. « Congo : des pétro-dollars et des larmes », in LdC du 23.04.1998. 122. Lire entre autres « Congo-B. Négociations secrètes avec Elf », in LdC du 26.02.1998. 123. « Congo-B. Un mardi peu ordinaire », in LdC du 11.12.1997. 124. « Congo-B. Des traders sur le gril », in LdC du 06.05.1999. 125. Ibid. 126. « Congo-B. Les émirs de Brazzaville », in LdC du 20.07.2000. 127. Ibid. 128. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 62. 129. « Congo. Premier anniversaire », in LdC du 10.09.1998. 130. « Congo-B. Carburant clando ministériel », in LdC du 04.01.2001. 131. Lire « Sassou à Oyo avec ses amis », in LdC du 12.03.1998. 132. « Escom. Présence renforcée en Angola et au Congo », in LdC du 31.05.2001. 133. Lire « Créanciers cherchent comptes congolais », in LdC du 04.01.2001. 134. Lire François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 17-22 et 26-35 ; François-Xavier Verschave et Laurent Beccaria (dir.), Noir procès, op. cit., p. 37-44, 112-114 et 145-157. Lire aussi plusieurs des pièces fournies lors de ce procès : FIDH/OCDH, CongoBrazzaville. L’arbitraire de l’État, la terreur des milices, rapport du 17.06.1999 ; Henrik Lindell, « Quand l’armée sombre dans la délinquance », in Témoignage chrétien du 15.07.1999 ; Joèl
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Nsoni, « Un jeune sort vivant d’une exécution sommaire », in La Semaine africaine (Brazzaville) du 22.07.1999 ; témoignage de Patrice Mangin, in Réforme du 14.10.1999 ; « République du Congo » : interview de Jean-Claude Mouanda, ancien maire de Dolisie, in Afrique-Éducation, 12.1999 ; Roger Mvoula Mayamba, « Juger les crimes au Congo-Brazzaville », in Rupture, n° 2, 2000, p. 137s ; « “Des dizaines de milliers de viols“ selon l’ONU », dépêche AFP citée par Le Monde du 26.02.2000 ; Frédéric Fritscher, « La quête douloureuse des fils disparus, enlevés ou assassinés par la Garde républicaine », in Le Monde du 26.02.2000 ; François Bourdillon, « Stigmates de viols à Brazzaville », in Messages de MSF, novembre 2000. 135. Lire « Congo-B. Montage financier Paribas », in LdC du 01.04.1999. 136. « Congo-B. 50 millions de dollars de Paribas », in LdC du 30.09.1999. 137. « Congo-B. Montage financier Paribas », in LdC du 01.04.1999. 138. « Congo-B. Des traders sur le gril », in LdC du 06.05.1999. 139. Interview donnée à Marianne, 23.07.2001 140. Lire « Congo-B. Cherche barters de pétrole… » et « Les happy few du pétrole », in LdC des 04 et 18.03.1999. 141. « Congo. Elf vise les 10 Mt pour 1996 », in LAE du 27.01.1993. 142. F.-X. Verschave, La Françafrique, op. cit., p. 313-314. 143. Lire « Total/Elf, guerre de l’ombre », in LdC du 02.09.1999 et le chapitre 5. 144. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 62. 145. « Congo. Elf vise les 10 Mt pour 1996 », in LAE du 27.01.1993. 146. Lire « Congo-B. Montage financier Paribas », in LdC du 01.04.1999. 147. Pétrole et éthique, op. cit., tome 1, p.151-152. 148. « Congo-B. Négociations secrètes avec Elf (suite) », in LdC du 09.04.1998. 149. Lire « Congo-B. 50 millions de dollars de Paribas », in LdC du 30.09.1999. 150. Olivier Vallée, Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 62-63. 151. « Congo-Brazzaville. Un petit plus pour Émeraude », in LAE du 12.11.1997. 152. Interview donnée à Marianne, 23.07.2001. 153. Pétrole et éthique, op. cit, tome 1, p.121-122 et 152. 154. Cité par Billets d’Afrique, novembre 2000.
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Notes
155. Cité par Libération du 15.03.2001. 156. Jean-Pierre Vandale, L’Affaire totale, Écrire, 2001, p. 63-65. 157. Ibid., p. 157. 158. Nicolas Beau, « L’odeur du pétrole d’Elf flotte aussi autour des amis de Pasqua », in Le Canard enchaîné du 02.06.1999. 159. Nicolas Beau, « Les valises d’Oscar », in Le Canard enchaîné du 06.09.2000. 160. « Quand Elf égarait la justice », in Le Canard enchaîné du 12.09.2001. 161. Antoine Glaser, Stephen Smith et Sylvaine Villeneuve, « La saga africaine d’un géant français », in Libération du 20.01.1994. 162. Lire par exemple Archimède et Léonard, n° 9, hiver 1992. 163. Interview d’André Tarallo au Monde du 25.10.1999. 164. « La “confession“ de Loïk Le Floch-Prigent », in L’Express du 12.12.1996. 165. Lire Nicolas Beau, « 3,5 milliards distribués par Elf en Afrique et ailleurs », in Le Canard enchaîné du 27.10.1999. 166. Cité par Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les Frères invisibles, Albin Michel, 2001, p. 24. 167. Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les Frères invisibles, op. cit., p. 90 et 174. 168. Dont Philippe Madelin détaille la délinquante boulimie financière in Les Gaullistes et l’argent. Un demi-siècle de guerres intestines, L’Archipel, 2001 169. Alain Laville, Un crime politique en Corse. Claude Érignac, le préfet assassiné, Le Cherche-Midi, 1999, p. 119. 170. « Angola : tensions franco-américaines », in LdC du 21.11.1996. 171. Alain Lallemand, « Comment “M. Pétrole” a croisé “M. Armes” », in Le Soir du 07.07.2001. 172. Alain Lallemand, « Exclusif : Jack Sigolet parle », in Le Soir du 07.07.2001. 173. Cité par Antoine Glaser et Stephen Smith, Ces Messieurs Afrique, tome 2, Calmann-Lévy, 1997, p. 119. 174. Nicolas Beau, « Encore un système de caisses noires mis au jour chez Elf », 23.08.2000. 175. Lire « Congo. Sassou met Elf à l’amende », in LdC du 07.05.1998. 176. Interview par Alain Lallemand, in Le Soir du 07.07.2001. 177. Publiée par Le Soir du 20.03.2001. 178. Interview au Soir du 07.07.2001. 179. Du 07.07.2001.
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180. Lire l’ouvrage de ce nom, déjà cité (Jean de Maillard dir.) 181. Dans Tout va bien puisque nous sommes en vie (Stock, 1998, p. 58), un vrai-faux roman de Denis Robert, fondé sur la longue confession enregistrée de Chantal Pacary. 182. Voir aussi p. 234. Lire également François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 60-61. 183. « Congo-B. Procès financiers à Paris », in LdC du 23.07.1998. 184. Lire « Congo-B. Sassou à Oyo avec ses amis », « Créanciers privés à l’offensive » et « Créanciers cherchent comptes congolais », in LdC des 12.03.1998, 28.05.1998 et 04.01.2001. 185. Les Arènes, 2001, p. 143-156. 186. « Congo : grand pardon et caisses vides », in LdC du 29.08.1991. 187. « Gabon. Elf, Dossou, Bongo… », in LdC du 12.03.1998. 188. Olivier Vallée, Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 71-72. 189. Lire « Congo. Dépenses exceptionnelles », « Le nerf de la guerre » et « Au pays des traders heureux », in LdC des 05.12.1996, 02.10.1997 et 11.05.2000.. 190. Les Gaullistes et l’argent, op. cit., p. 384. 191. Lire François-Xavier Verschave et Laurent Beccaria, dir., Noir procès, op. cit., p. 44-47. 192. Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les Frères invisibles, op. cit., p. 175. 193. Cité par G. Ottenheimer et R. Lecadre, op. cit., p. 176. 194. Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les Frères invisibles, op. cit., p. 177. 195. Lire « Congo-B. Des traders sur le gril » et « Négociations secrètes », in LdC des 06.05 et 09.12.1999. 196. Pascal Riché, « Rich et sauvé par le gong Clinton », in Libération du 10.02.2001 197. Un ancien cadre de la BERD (Banque européenne de reconstruction et de développement), cité par Les Échos du 04.04.2001. 198. Lire le rapport de l’ONG Global Witness, « A Crude Awakening. The Role of the Oil and Banking Industries in Angola’s Civil War and the Plunder of State Assets » [Un réveil brut. Le rôle du pétrole et de la banque dans la guerre civile angolaise et le pillage des biens publics], décembre 1999. 199. « Congo-B : Au pays des traders heureux », in LdC du 11.05.2000. 200. « Traders de brut et de cash », in LdC du 01.03.2001.
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Notes
201. « Congo : des pétro-dollars et des larmes », in LdC du 23.04.1998. 202. « Congo. Sassou met Elf à l’amende », in LdC du 07.05.1998. 203. Pascal Riché, « Rich et sauvé par le gong Clinton », in Libération du 10.02.2001 204. « Congo-B : au pays des traders heureux », in LdC du 11.05.2000. 205. Lire Agir ici et Survie, France-Sénégal. Une vitrine craquelée, L’Harmattan, 1997, p. 44. 206. Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 59. 207. Lire « Congo. La chute de Pierre Otto Mbongo », in LdC du 08.12.1994. 208. « Congo. Politique sous influence pétrolière », LdC du 26.11.1992. 209. « Congo. Jacques Attali, mandataire général », in LdC du 10.09.1998. 210. Lire François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 42 et 452. 211. Ibid., p. 455-457. 212. « Les Africains du Président », in LdC du 04.05.1995. 213. « Pas de “cellule” pour Jospin », in LdC du 09.03.1995. 214. Ibid. 215. Lire « Congo-B. Procès financiers à Paris » et « Négociations avec Elf (II) », in LdC du 23.07.1998. 216. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 58. Lire Le Parisien du 10.08.1998 et « Créanciers privés à l’offensive », in LdC du 28.05.1998. 217. « Des banquiers aux mains sales », in Alternatives économiques, juillet 2001. 218. Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 68. 219. « Congo : des Mistral encore dans l’air », 24.10.1991. 220. Sur ces liens d’amitié, lire Julien Caumer, Les Requins, Flammarion, 1999. 221. Ibid., p. 241 et 127. 222. Jean-Frédérick Deliège et Philippe Brewaeys, « Cocktail explosif autour de la KB et Paribas », 02.03.1999. 223. Interview à Libération du 06.03.2001. 224. « Angola. Jaffré… et Monory à Luanda », in LdC du 20.02.1997. 225. Lire « Congo-B. Les émirs de Brazzaville », in LdC du 20.07.2000.
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226. Lire « Congo-B. Créanciers cherchent comptes congolais », in LdC du 04.01.2001. 227. Lire « Congo. 180 millions de dollars de prêts Elf », in LdC du 15.09.1994. 228. Lire « Congo-B. Montage financier Paribas », in LdC du 01.04.1999. 229. « Congo-B : Au pays des traders heureux », in LdC du 11.05.2000. 230. Minority Staff Report for Permanent Subcommittee on Investigations, Hearing on Private Banking and Money Laundering : a Case Study of Opprtunities and Vulnerabilities, 09.11.1999. 231. Un crime politique en Corse, op. cit., p. 141. 232. Lire « Banque. Le Crédit agricole s’offre la CIBC » et « Secret bancaire. Les Suisses lâchent leurs banques ! » in LdC des 19.10 et 06.09.2000. 233. D’après « TotalElfina : l’Afrique est à nous… » et « Crédit agricole. Préfinancement de 60 millions de dollars pour Sassou II », in LdC des 16.09.1999 et 03.12.1998. 234. Lire « Congo. FIBA : petite banque, gros clients », in LdC du 10.11.1994. 235. Lire « Congo. Profession : privatiseurs » et « Elf pris en otage par les “frères ennemis” Sassou/Lissouba », in LdC des 13.06.1996 et 27.11.1997. 236. Interview au Soir du 07.07.2001. 237. Lire « Congo. 180 millions de dollars de prêts Elf » et « Les jeux de la dette gagée pétrolière », in LdC des 15.09 et 10.11.1994. 238. Lire « Congo. FMI et pétrole », in LdC du 06.04.1995. 239. « Congo. Le volet CIBC de l’affaire Elf », in LdC du 11.07.1996. 240. Selon Le Nouvel Afrique-Asie, mai 1997. 241. Gilles Gaetner et Jean-Marie Pontaut, « Les amis en or d’Alfred Sirven », in L’Express du 28.06.2001. 242. Pouvoirs et politiques en Afrique, op. cit., p. 178-179. 243. Lire « À noter. Congo » et « Congo : à la recherche de 80 milliards de francs CFA », in LdC des 24.11 et 07.12.1989. 244. « Congo : grand pardon et caisses vides », in LdC du 29.08.1991. 245. Lire Alain Guédé et Hervé Liffran, La Razzia, Stock, 1995, p. 9-16 et 164. 246. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 61. 247. Denis Cosnard, « Thierry Desmarest veut se défaire de la sulfureuse banque gabonaise d’Elf », le 04.01.2000 – citant Le
Notes
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Canard enchaîné ! 248. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 40. 249. François Lille, Pourquoi l’Erika a coulé, L’Esprit frappeur, 2000. 250. Citation extraite, comme celles qui suivent, d’un projet de communication au colloque « Que faire contre la criminalité financière et économique en France et en Europe ? », organisé le 30.06.2001 à Paris par Attac, le Syndicat de la magistrature et Alternatives économiques.
Notes de la seconde partie Angola : pétrole, guerre, dette 1. Certains passages de cette partie empruntent à François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 338-346. 2. « Angola : Opération “Falcone/Gaydamak” », in LdC du 18.09.1997. 3. Lire Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les frères invisibles, op. cit., p. 131-132. 4. Lire Hervé Gattegno, « De Londres, Arcadi Gaydamak défie les juges français », in Le Monde du 09.12.2000. 5. « Un homme bien sous toutes latitudes », in Le Canard enchaîné du 01.10.1997. 6. « France : “Affaires africaines” d’État ? », in LdC du 14.12.2000. 7. Colette Braeckman a résumé cette histoire dans L’Enjeu congolais, Fayard, 1999, p. 102-105 et 251-267. 8. Lire le rapport de l’ONG Global Witness, « A Crude Awakening. The Role of the Oil and Banking Industries in Angola’s Civil War and the Plunder of State Assets » [Un réveil brut. Le rôle du pétrole et de la banque dans la guerre civile angolaise et le pillage des biens publics], décembre 1999. 9. Pétrole et éthique, op. cit., tome 1, p. 149. 10. Lire In an Angolan jail, “you are below a dead dog”, it is sometimes like a horror movie [Dans une prison angolaise, “vous êtes moins qu’un chien mort”, c’est parfois comme un film d’horreur], NCN, 27.11.1999. 11. Lire Roger Faligot et Pascal Krop, La Piscine, Le Seuil, 1985, p. 360. 12. Lire « Angola : Hélicoptères français détruits » et « Parrainage français pour le FMI ? » in LdC des 14.10.1985 et 02.09.1987 ;
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C
’est apparu maintes fois au fil des pages précédentes : le sort politique du CongoBrazzaville, son pétrole et donc sa dette sont de plus en plus dépendants de ceux d’un État voisin plus grand, plus peuplé et mieux doté, l’Angola. Nous compléterons donc cet aperçu du contexte criminel de la dette congolaise par une plongée dans l’histoire contemporaine de l’Angola. Ce pays est lui aussi très endetté, payant les armes d’une guerre civile qui le met à la torture depuis 1975, entretenue par le pétrole et les pétroliers (plus les diamants et les diamantaires). Notre incursion dans ce paysage se fera pour l’essentiel à travers l’itinéraire de deux associés, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak. La justice française les a placés sous les feux de l’actualité, au cœur de ce que l’on appelle l’“Angolagate” ; au cœur aussi des dérives que nous dénonçons dans ce dossier. Pierre Falcone a été incarcéré en décembre 2000. Arcadi Gaydamak fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Tous deux appartiennent à la Grande Loge nationale française (GLNF). Gaydamak en est un « haut gradé 2». Il a gagné jusqu’ici tous ses procès en diffamation I, et obtenu I. Il me fait aussi un procès pour Noir silence, ce qui m’a conduit à développer une abondante documentation.
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de l’état-major de TF1 (GLNF I) un plaidoyer au journal de 20 heures. Ce milliardaire d’origine russe, qui possède quatre passeports (français, israélien, canadien et angolais) 4, se prétend persécuté par le fisc et les juges parisiens. Il a été décoré de l’Ordre national du mérite par le préfet Marchiani pour son aide dans la libération des pilotes français en Serbie II – « à la grande fureur de la DGSE et de la DRM [Direction du Renseignement militaire] qui avaient préparé de leur côté une action, sans contrepartie… 6». Qui sont donc et qu’ont fait ces personnages si controversés ?
I. Le PDG Patrick Le Lay a été promu au plus haut degré, le 33e, sitôt son initiation. Son état-major est presque exclusivement composé de frères de la même obédience 3. II. « Une breloque prise sur le contingent personnel du président de la République Jacques Chirac. 5»
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5. Douteuses connexions d’une pétrodictature Depuis l’indépendance angolaise en 1975, Français et Américains ont, grosso modo, partagé la même stratégie. Pendant quinze ans, avec le régime sud-africain d’apartheid, ils ont nettement soutenu les rebelles de l’Unita, contre Cuba et l’URSS ; avec la chute du mur de Berlin, la fin de l’apartheid et le boom pétrolier, ils se sont mis à armer aussi le gouvernement de Luanda, puis à miser sur sa victoire dans l’interminable guerre civile qui déchire le pays. Fin 1999, TotalFinaElf et les majors américaines se partagent l’essentiel des énormes gisements de pétrole sous-marin. Mais justement, la différence est éclairante entre les méthodes des uns et des autres. Le régime angolais avait deux ennemis, Washington et Paris, qui sont devenus ses associés. Pourquoi s’est-il trouvé beaucoup plus en phase avec le second ? La réponse tient à la spécificité des réseaux françafricains de corruption, dont l’imagination a été cette fois jusqu’à se brancher sur l’argent russe. Non que les Américains ne corrompent pas, mais ils ne procèdent pas de manière aussi “intime”, ils sont incapables du “paternalisme à la française”. Plus brutales et agressives, leurs méthodes sont du coup plus visibles et plus facilement répudiables.
La “sale guerre” Rappelons à grands traits l’histoire récente, complexe, d’un pays qui a la malchance d’être trop riche en pétrole et en diamants 7. En 1975, trois
La dette en Angola En 1999, la dette publique extérieure de l’Angola s’élevait à près de 79 milliards de francs, le service de la dette représentant 13,4 % de son produit national brut et 21,4 % de ses exportations de biens et services. Les créances publiques détenues par la France sur l’Angola – créances d’aide publique au développement mais surtout créances publiques d’origine commerciale – s’élèvent à plus de 5 milliards de francs. L’Angola faisait à l’origine partie des 41 pays considérés comme éligibles à l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), lancée en 1996 et confiée par les pays riches aux bons soins de la Banque mondiale et du FMI. Mais selon de savants calculs, il se retrouve désormais classé dans les pays qui « n’atteignent pas les critères d’endettement » nécessaires pour bénéficier d’allégements de dette particuliers. L’Angola est 146e sur 162 à l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement. L’absence de chiffres précis en raison d’un contexte troublé ne peut occulter la situation sanitaire et sociale préoccupante dans laquelle se trouve le pays. Sources : Rapport sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale 2001, Gouvernement français, 2001 ; Rapport sur le développement humain, PNUD, 2001.
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mouvements indépendantistes luttent pour prendre le pouvoir laissé par le Portugal, où la “révolution des œillets” tourne la page des longues guerres de décolonisation : le FNLA (Front national de libération de l’Angola) de Roberto Holden, le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola) d’Agostinho Neto et l’Unita (Union pour l’indépendance totale de l’Angola) de Jonas Savimbi. Le second conquiert de justesse Luanda contre le premier, qui ne se remettra pas de son échec. D’inspiration marxiste, le MPLA a une base étroite, l’élite urbanisée d’une très ancienne colonie. Il obtient très vite le renfort du “camp progressiste” : contingents cubains, argent soviétique. Savimbi, de son côté, recrute à l’intérieur du pays. Il entreprend une guerre de harcèlement sur un schéma maoïste. Ce qui ne l’empêche pas d’être fortement soutenu par le camp occidental, ÉtatsUnis en tête, suivis de la France, du Zaïre mobutiste et de l’Afrique du Sud – puisque le MPLA participe au front anti-apartheid. Ces quatre pays, plus Cuba, la Russie, l’ancienne métropole portugaise et les milieux d’affaires brésiliens, cela fait au moins huit sources permanentes d’ingérence. De quoi relancer indéfiniment la guerre entre MPLA et Unita – une lutte à mort pour le pouvoir. Les horreurs vont s’enchaîner, se répondre : civils massacrés, campagnes ravagées et minées, mutilés innombrables, villes assiégées et affamées. Bref, une guerre effroyable. Payée par l’argent du pétrole offshore et des diamants – parmi les plus beaux du monde. Deux matières premières faciles à écouler, éminemment corrup-
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trices. Les dividendes de l’or noir vont plutôt au MPLA, tandis que l’Unita contrôle de riches zones diamantifères. Mais il existe des croisements financiers souterrains, affaires obligent : les compagnies pétrolières et la De Beers ont fricoté avec les deux camps. Côté Unita, il y a une seule caisse, celle du chef totalitaire, qui purge régulièrement son entourage. Côté MPLA, la corruption s’installe. Elle va croître démesurément avec les découvertes des immenses champs de pétrole au large des côtes. L’on vérifie encore que les guerres civiles trop prolongées ont de profonds effets mimétiques : plus que d’autres, ces guerres grouillent de saloperies ; sur un quart de siècle, seuls les “salauds”, ou ceux qui le deviennent, peuvent encore s’accrocher aux manettes ; les idéalistes, les humanistes, et jusqu’aux gens “normaux” sont éliminés ou relégués. Savimbi impose sa conception paranoïaque du pouvoir et une stratégie de guérilla à la vietnamienne, terriblement coûteuse pour la population rurale et, plus tard, pour les habitants des villes encerclées. Son adversaire le MPLA n’a, bien sûr, plus rien de progressiste. Il s’acoquine avec le trader Marc Rich, le plus important peut-être des “briseurs de boycott” qui approvisionnèrent le régime sud-africain d’apartheid 8. Ou il recourt à la firme mercenaire Executive Outcomes, dirigée par un ancien responsable des services spéciaux de l’apartheid. À Luanda, le pactole pétrolier et la police politique sont les deux obsessions du pouvoir. L’économie de guerre va très bien à ses occupants : le Président, son entourage, et quelques généraux influents.
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Leur luxe contraste avec la misère du pays, jusque dans la capitale pourtant épargnée par la guerre. Trois enfants sur dix n’atteignent pas cinq ans. « Bien que l’Angola soit potentiellement l’un des pays les plus riches d’Afrique (richesses minières et pétrole), sur onze millions d’habitants, moins de 50 000 Angolais vivent plus ou moins selon les standards occidentaux. La guerre absorbe 40 % du budget de l’État ; la production agricole ne couvre plus les besoins alors qu’avant l’indépendance l’Angola était exportateur net de produits agricoles. Le tissu industriel, le second d’Afrique avant 1975, est en ruines. 9» C’est dans ce contexte qu’ont échoué deux accords de paix successifs, conclus sous les auspices des Nations unies avec un triple parrainage : Portugal, États-Unis, Russie. En 1991 sont signés à Lisbonne les accords dits de Bicesse, qui prévoient la tenue d’élections libres en septembre 1992. Eduardo Dos Santos, le successeur de Neto à la tête du MPLA, devance Jonas Savimbi dans un scrutin présidentiel très serré et contesté. Le second reprend le maquis. Le MPLA lance dans Luanda une chasse à l’homme où périssent deux mille cadres et militants de l’Unita. En 1994, un nouveau protocole de paix est signé à Lusaka, la capitale zambienne. Il tente d’aménager un gouvernement d’unité nationale : Savimbi reçoit le statut de chef de l’opposition, l’Unita envoie 70 parlementaires à l’Assemblée. Mais la méfiance réciproque est devenue insurmontable, les enjeux de pouvoir et d’argent trop énormes. La police politique du régime, qui poursuit ses basses œuvres, bouche les perspectives. En
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face, Savimbi entretient sa machine de guerre, en autocrate impitoyable. Il esquive les mesures de désarmement, et ne se décide pas à gagner Luanda. La paix pourrit sur pied. Les marchands d’armes sont aux anges. L’Organisation des Nations unies (ONU) quitte le pays. Les trois “parrains de la paix” choisissent de soutenir à fond le régime Dos Santos dans son option de guerre totale. Ils tiennent pour négligeable le Manifeste pour la paix signé courageusement par des représentants de la société civile angolaise I : ceux-ci prônent des négociations plutôt que le passage en force, ils doutent qu’une victoire militaire, ou même l’élimination de Savimbi, puissent apaiser le pays. Paris, non sans un reste de double jeu, apporte son soutien à l’offensive “finale”.
Pétrole & Françafrique Comment Elf et la France se sont-elles insinuées dans ce jeu mortifère ? Dès 1976, le président Giscard d’Estaing demande au patron du Sdece, Alexandre de Marenches, de fournir l’Unita en armes et en instructeurs (une trentaine), parallèlement à la CIA (Central Intelligence Agency). Bob Denard est de la partie. En 1981, Mitterrand ordonne la cessation du soutien français. Le Sdece, devenu DGSE, est relayé par les Services marocains et sénégalais. Elf paie. Mitterrand change I. Il leur faut du courage en effet, au vu du sort réservé aux contestataires. La situation des prisonniers politiques est innommable, comme le rapporte le journaliste Raphael Marques, incarcéré pour ses critiques du régime. Un prisonnier avec lequel il jouait habituellement aux cartes a dû dormir pendant trois jours dans une cellule sans fenêtres au milieu des corps de trois détenus décédés 10.
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bientôt d’avis : la DGSE peut reprendre une aide directe 11. À Paris, le lobby pro-Unita est alors au zénith : on y trouve les héritiers libéraux de Giscard – François Léotard, Gérard Longuet, Claude Goasguen, Jean-Pierre Binet (beau-frère de Vincent Bolloré) –, mais aussi des Chiraquiens comme Jacques Toubon. En Afrique, les Hassan II, Houphouët, Eyadema et Compaoré sont du même bord. Chez Elf, on a partagé les rôles : Alfred Sirven côté Unita, André Tarallo côté MPLA. Parallèlement au soutien à l’Unita, Paris ne manquait pas de fournir au MPLA des armes coûteuses : des hélicoptères, par exemple, livrés en 1985, vite détruits pour la plupart par l’aviation sud-africaine. En 1987, Paris contribue au sauvetage financier de ce bon client, d’autant que se profile la fourniture d’une couverture radar par Thomson. En 1989, le ministre angolais de la Défense négocie avec Aérospatiale l’achat d’hélicoptères et d’artillerie pour un montant de 2 milliards de francs 12. Le vent tourne en faveur des dirigeants de Luanda (MPLA). Leur allié Denis Sassou Nguesso, provisoirement écarté du pouvoir, facilite le glissement des préférences françaises. Son ami Charlie Feliciaggi s’insinue dans les circuits d’approvisionnement de la Garde présidentielle, et le Franco-Brésilien Pierre Falcone dans ceux de l’armée. Le milliardaire Arcadi Gaydamak acquiert la nationalité angolaise, devenant même « conseiller aux Affaires étrangères 13». Ces trois-là constituent, avec Jean-Charles Marchiani et André Tarallo, une tête de pont pasquaïenne en Angola. Au printemps 1994, Dos Santos ne cache plus son at-
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tirance pour le ministre de l’Intérieur de l’époque, qu’il invite à Luanda 14. Cela n’empêche pas les bonnes manières à l’égard de Jacques Chirac : son ami Sassou l’a rapproché d’Eduardo Dos Santos. Loin des côtes et de la guerre, les découvertes pétrolières se succèdent dans les eaux angolaises. Chance ? Talent ? Savoir-faire ? Elf est très souvent en pole position. Elle décroche le prodigieux bloc 17 I. L’habitude est prise cependant de partager les risques, y compris politiques, en croisant les participations entre grandes compagnies. Il faut investir en effet quelque 300 milliards de francs pour faire de l’Angola le premier producteur africain, avec près de 120 millions de tonnes par an en 2005, et une recette annuelle qui pourrait dépasser les 100 milliards de francs. Dont environ un tiers pour TotalFinaElf. Négociés en 1999, les trois blocs en eau ultraprofonde 31, 32 et 33 renfermeraient les plus vastes réserves mondiales encore inexploitées. Elf a été désignée comme l’opérateur principal du bloc 32, BP-Amoco est chef de file sur le 31, Exxon sur le 33.
L’argent de la guerre & de la corruption Elf est associée à une société suisse, Pro-Dev, dirigée par un homme d’affaires syrien. Celle-ci a servi d’intermédiaire pour d’importantes livraisons d’armes au Moyen-Orient. Elle aurait fait de même en Angola – ses 15 % dans le bloc 32 garanI. Ses réserves sont estimées à 600 millions de tonnes, quarante fois la production annuelle de tout le Congo-Brazzaville.
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tissant la transaction. Les responsables d’Elf affirment ne rien savoir sur Pro-Dev… Évidemment : c’est un pétrolier de raccroc. Tout comme Pierre Falcone, dont la société Falcon Oil & Gas s’est mise à jouer dans la cour des grands : elle a obtenu 10 % dans le bloc 33. Levdan, une grosse société de mercenariat israélienne, en a obtenu la moitié 15. Ainsi, 15 % de l’exploitation future de l’une des zones les plus riches en pétrole de la planète est gagée dans la fourniture de biens et services de guerre. Quel destin pour le peuple angolais ! Tant de pétrole autorise des prêts considérables. L’argent se partage pour l’essentiel entre les fortunes privées, les dépenses de luxe, les achats d’armes ou de fournitures pour l’armée angolaise I. Les commissions sur ces importations publiques sont de l’ordre de 40 à 50 %. Elles s’ajoutent aux droits d’entrée, ou “bonus”, obtenus par le clan au pouvoir : un milliard de dollars pour les seuls blocs 31 à 33 17 ! Ce paiement de “bonus” hors budget, « c’est comme payer des gangsters pour obtenir un service », s’indigne un observateur 18. Sans parler de la part des ventes courantes de pétrole qui alimente directement les comptes présidentiels. « Les dirigeants angolais participent à un “vol légal”. 19» Leur peuple est littéralement déshérité. Dans Politique africaine, Christine Messiant, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dénonce « le “culte de la personnalité” », « la privatisation du “bien public” au profit de la I. La Compagnie angolaise de distribution alimentaire (CADA), basée aux Îles Vierges, a obtenu un contrat de 720 millions de dollars pour nourrir les Forces armées angolaises. Le président Dos Santos a pris le contrôle de la CADA juste avant la relance de la guerre civile, fin 1998… 16
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nomenklatura du parti-État », le renforcement de « la prédation sur le pétrole », « un ordre sécuritaire entretenant la peur », l’opacité « dans tous les comptes cruciaux », « les délits économiques majeurs », la continuation des « grands trafics, notamment de devises et de diamants », « les plus grandes dilapidations de fonds publics et de l’aide internationale, les détournements dans les banques et les entreprises publiques, ainsi que ceux, massifs, de marchandises », « la généralisation de la corruption » 20. Le journaliste-écrivain Pedro Rosa Mendes, du très respecté quotidien portugais Publico, a dressé début 2000 un tableau pénétrant de l’évolution de ce système – attaqué en diffamation, on le comprendra, par Eduardo Dos Santos. Nos lecteurs le liront avec la prudence nécessaire : « José Eduardo Dos Santos est au centre d’un réseau international d’affaires qui lie le sommet de la hiérarchie angolaise à des entreprises et personnalités suspectées de relations avec le pouvoir parallèle russe et à des institutions qui sont sous investigation dans le cadre du “Kremlingate”. Armes, pétrole et diamants constituent le terrain privilégié des intérêts étrangers en Angola, mais les tentacules émanant du Futungo de Belas (siège de la Présidence et du gouvernement) s’étendent à d’autres secteurs très rentables. Un des meilleurs exemples est la société CADA, actuel fournisseur des Forces armées angolaises, qui lie le président de l’Angola à des partenaires au Brésil, en France, en Slovaquie et en Russie. « L’Angola – à travers les contrats de l’entreprise publique Simportex [anciennement Ematec], qui
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impliquent le sommet de ses structures gouvernementales, financières et militaires – a payé à l’entrepreneur franco-russe Arkadi Gaidamak I 135 millions de dollars en sus de ce qu’il devait recevoir pour une livraison de matériel militaire. Ce montant, versé en équivalent pétrole, a été transféré par la [société pétrolière nationale] Sonangol sans justification économique, puisqu’il s’agissait de la fourniture d’armements, ni justification formelle, puisqu’il s’est effectué hors cadre budgétaire. Il a été payé fin 1996, selon des documents auxquels Publico a eu accès. L’affaire a été bouclée par un ensemble d’institutions bancaires presque toutes européennes (France, Suisse, Allemagne, Autriche… ) sous le leadership de la banque Paribas – une des banques que Luanda a utilisées de façon de plus en plus fréquente pour ses transactions et emprunts ces dernières années. « Les documents consultés par Publico ne confirment pas seulement un élément clef du processus angolais : le gouvernement, y compris après la signature des accords de Lusaka (la paix a été signée en novembre 1994), a continué à investir par centaines de millions en “matériel létal”, à une période où l’option politique officielle était la reconstruction du pays. Mais les documents de Publico prouvent aussi qu’à partir de 1996 au moins l’Angola a pu effectuer des transferts nets à l’étranger en direction de personnalités très proches du président José Eduardo Dos Santos, tel que Gaidamak.
I. Les prénom et nom d’Arcady Gaydamak ont plusieurs retranscriptions possibles en alphabet latin. De même pour Lev Leviev ou la banque Menatep. Dans les citations, nous respectons en principe la graphie employée par l’auteur.
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« Selon une source de Publico, qui suit de près les affaires de Futungo de Belas, le paiement à Arkadi Gaidamak “indique une novation des relations” entre l’Angola et quelques-uns de ses mystérieux partenaires : le transfert de fonds s’effectue de l’intérieur vers l’extérieur, au travers de très nombreux réseaux financiers qui facilitent par exemple l’achat d’armes ; le paiement à Gaidamak indique un transfert nouveau en sens inverse […]. L’Angola n’est plus seulement un endroit pour des affaires rentables ; Luanda fonctionne aussi comme un “pipe-line” pour des sommes élevées qui pourront passer par Gaidamak, mais continueront plus loin vers les secteurs obscurs de l’ex-URSS. « Arkadi Gaidamak et son associé français Pierre Falcone ont assuré, depuis 1993, la fourniture d’armements (ou “matériel létal”) aux Forces armées angolaises. Un commerce juteux : depuis lors, les FAA sont passées par un processus de modernisation et se sont équipées pour deux guerres civiles (la dernière en date n’est toujours pas terminée). Interrogés sur la relation privilégiée de l’Angola avec Gaidamak et Falcone, les responsables angolais se justifient en privé, au sein des circuits diplomatiques internationaux, en faisant remarquer que les deux associés ont avancé à Luanda les moyens financiers pour réaliser des achats d’armes. Cela, toutefois, n’explique pas le paiement de 135 millions de dollars. « La capacité financière de Gaidamak, d’un autre côté, n’avait rien à voir avec son succès en tant qu’homme d’affaires. Arkadi Gaidamak a été pendant 5 ans débiteur de Menatep, la banque où il a pu obtenir plusieurs millions de dollars pour
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des investissements – pour la fourniture d’armes à l’Angola, par exemple. Menatep, qui a exporté vers l’Occident des capitaux de la nomenklatura de Moscou (et a fait faillite lors de la crise de 1998), est à l’origine de l’investigation pour détournement de fonds appelée “Kremlingate”. « Il ne serait pas surprenant, selon les sources de Publico I, que le paiement des 135 millions de dollars à Gaidamak ait été effectué à travers un compte ouvert par la Sonangol à la Bank of New York – institution suspectée de relation avec le blanchiment d’argent et qui depuis l’année dernière attire l’attention de l’enquête internationale sur le scandale du “Kremlingate”. […] « La relation privilégiée de Gaidamak et Falcone auprès de la présidence angolaise permet de donner sens aussi à une autre innovation du contexte angolais : l’entrée de sociétés inconnues et liées au trafic d’armes dans l’offshore de l’Angola, au côté de compagnies pétrolières internationales exploitant les blocs en eaux ultra-profondes. Le gouvernement angolais avait déjà mis ses diamants dans des mains russes, par un contrat d’exclusivité signé entre la société Endiama et un citoyen russe émigré en Israël, Leviev. Maintenant, l’Est arrive dans le monde du pétrole angolais, avec des concessions qui prétendent remédier à l’énorme manque de liquidités de Luanda. « En décembre, le rapport de l’organisation britannique Global Witness sur le pétrole et la corruption posait la question de la présence d’entreprises comme Prodev et Falcon Oil dans les I. Pedro Rosa Mendes, avec lequel nous avons été en contact, ne peut en dire plus sur ses sources, qui craignent pour leur sécurité.
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blocs concédés en 1999. Publico confirme que les nouveaux opérateurs ont été guidés par la main présidentielle angolaise, qui les a “introduits comme un fait accompli”. 21» Des flux considérables (pétrole, armes, dettes) ont été brassés entre la Bank of New York et les eaux profondes de l’offshore angolais. Elf et les réseaux français sont aux premières loges, au mieux avec le président Dos Santos et les dirigeants de Luanda. Leur créativité financière a été déterminante, tandis que le jeu français en Angola conservait sa duplicité. Au moins jusqu’à la mort de Hassan II, le Maroc fournissait un appui considérable à l’Unita. Le Burkina de Compaoré est un havre pour les recrues de Savimbi, pour sa famille et ses affaires. Le Togo d’Eyadema est plus qu’hospitalier. Or Jacques Chirac était ou est très proche de ces trois chefs d’État. Paris « tente de parvenir à un équilibre entre ses alliés historiques au sein de l’Unita I et ses intérêts pétroliers à Luanda », écrit Africa Confidential 22 mi-1999. Au même moment, Elf et Total étaient en pleine bataille boursière. « Des émissaires des deux compagnies sont allés, preuves à l’appui, raconter au président angolais Eduardo Dos Santos que “l’autre camp” avait des contacts coupables avec la rébellion de Jonas Savimbi… 23» Ces connexions avec l’Unita n’ont pas empêché Jacques Chirac de se rendre à Luanda en juillet 1998, y féliciter l’armée angolaise d’avoir envahi le Congo-Brazzaville. Au passage, il décroche pour I. Le député européen Yves Verwaerde, du Parti républicain, était appointé par Alfred Sirven pour garder le contact avec l’Unita.
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les groupes Bouygues et Lyonnaise des Eaux une partie du marché d’équipement du gisement sousmarin Girassol, d’un coût total de plus de 10 milliards de francs. Puisqu’il convient de mélanger la guerre, la politique et les affaires, l’ancien responsable des services économiques de l’ambassade de France à Luanda, Alain Pfeiffer, est promu directeur Afrique à Paribas 24. Le peuple angolais, l’un des plus misérables et maltraités de la planète, n’a que le sang et les armes. Plus une dette exponentielle. Les budgets sont de pures fictions I. « La situation économique du pays est de plus en plus désespérée. 26» Le régime pratique la fuite en avant par l’émission effrénée de papier monnaie, par la guerre civile et la guerre extérieure. Selon l’ancien président congolais Pascal Lissouba 27, Jonas Savimbi lui aurait expliqué « qu’il avait compris petit à petit qu’il ne terminerait jamais cette guerre car on aidait les Angolais à s’entre-tuer II. Un trop bref moment de lucidité. De l’autre côté du miroir, Jean-Christophe Mitterrand se souvient : « En tant que consultant, à tous ceux qui me demandaient quel pays du continent africain était le plus intéressant, je répondais invariablement : l’Angola. 29» I. Un simple exemple : en 1996, « les revenus du pétrole (90 % des recettes de l’État) sont calculés sur un taux de change de 265 000 kwanzas pour un dollar alors que le taux pratiqué dans la rue est de 470 000 kwanzas 25». Soit une “marge” de 44 %. II. L’ancien cadre d’Elf Jean-Pierre Vandale résume l’arnaque dans un langage moins châtié : « Nap [Tarallo], Caro Papa [Pasqua] et même les socialistes avaient consolidé le pouvoir de l’homme-lige de Luanda [Dos Santos] en lui évitant la déroute quand il fut lâché par ses alliés, Cuba et l’URSS. […] Sire Veine avait joué Sam Vimbi. Finalement ils les avaient sucrés tous les deux, selon les vieilles règles du jeu africain. 28»
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6. Sous Gaydamak, Falcone Pierre Falcone est le fils d’un autre Pierre Falcone, né en 1923 près de Naples. Parti s’établir en Algérie, il fit fortune dans la pêche et la conserverie sous la marque “Papa Falcone” 30. Conseillé par l’avocat Georges Dayan, il aurait été l’un des rares pieds-noirs à soutenir la carrière de François Mitterrand 31. À la fin de la guerre d’Algérie, il rapatrie sa société à Port-Vendres, où la “Société nouvelle Papa Falcone” est désormais gérée par François Frezouls. Pierre Falcone senior est un vieil ami d’Étienne Leandri 32. Cet intermédiaire de haut vol, proche de Pierre-Philippe et Charles Pasqua, ainsi que de Jean-Charles Marchiani, était jusqu’à sa mort, en 1995, un personnage central des affaires d’armes et de corruption en France. Collaborateur notoire, doté d’un uniforme de la Gestapo, il s’était enfui en Italie après la guerre. Il y était devenu trafiquant de cigarettes, de fausse monnaie et de drogue, branché sur la filière corse de trafic d’opium. Ami de Jo Renucci et d’Antoine Guerini, il se lie aussi au chef mafieux Lucky Luciano : il le représente auprès de la CIA, dont il rencontre plusieurs fois le patron, Allen Dulles. L’agence américaine apprécie son anticommunisme. Elle obtient en 1955 l’annulation de sa condamnation à vingt ans de travaux forcés pour collaboration. Étienne Leandri rentre en France, il est avec son compatriote corse Charles Pasqua l’un des cofondateurs du célèbre SAC (Service d’action civique). Il se lance dans l’immobilier, puis dans les contrats d’armement, avec sa société Tradinco. C’est alors qu’il devient l’ami inséparable du milliardaire
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irako-britannique Nadhmi Auchi. Opérant souvent depuis Londres, comme Auchi, il y représente officiellement les intérêts d’Elf, Dumez et Thomson – trois groupes où les commissions dépassent parfois allègrement la centaine de millions de francs. Ses propres pourcentages le transforment en nabab, intime entre autres du roi Fahd d’Arabie saoudite. En fait, malgré les inquisitions du fisc, Leandri vit en France. Vu ses clients, il y bénéficie des plus hautes protections. Et même d’un droit de regard sur la Sofremi, une officine parapublique de vente d’armes et d’équipements, sise rue de Messine et dépendant du ministère français de l’Intérieur. Il a par ailleurs initié au monde des ventes d’armes le fils de Charles Pasqua, Pierre-Philippe. La famille Falcone, comme la famille Pasqua, est donc l’amie de cet Étienne Leandri – allez savoir pourquoi I. Elle serait aussi au mieux avec la famille Bush, selon le journaliste Airy Routier 34. Avant de devenir président des États-Unis, George Bush senior dirigea la CIA. Avant d’accéder à son tour à la Maison blanche, George Bush junior, gouverneur du Texas, aurait fréquenté, à Scottsdale en Arizona, le somptueux ranch des Falcone II – qui ont « généreusement contribué à financer 36» sa campagne. Son épouse serait d’ailleurs devenue l’amie I. Simples coïncidences ? Port-Vendres, où la famille Falcone a rapatrié ses affaires algériennes, est présenté par des spécialistes comme un port d’attache du trafic de drogue. C’est là aussi que Jean-Claude Méry a racheté en 1990 les terrains d’une usine d’explosifs, pour 27 millions de francs. Il projetait d’y réaliser un port de plaisance de 9 ha, avec 1 000 logements et une marina pour 500 bateaux. Coût du projet : 500 millions de francs 33. II. Stephen Smith juge utile de préciser, en sens inverse, que « George W. Bush n’y a jamais pris le thé, contrairement à une légende un peu vite colportée 35».
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de Sonia Falcone, l’épouse d’origine bolivienne de Pierre Falcone junior. Les Bush sont très proches du lobby pétrolier américain, surinvesti 37 en Angola I. Les Falcone surarment le régime angolais. En 1985, les Falcone créent à Paris la société Brenco, une SARL au capital initial de 50 000 francs, puis deux ans plus tard Brenco Trading International Limited, « basée sur l’île de Man 39» – dont la SARL parisienne devient la filiale, sous le nom de Brenco-France. Les Falcone se lancent dans les ventes d’armes, en commençant par la Colombie 40. Puis ils représentent la Sofremi en Amérique latine (notamment, outre la Colombie, en Argentine, en Équateur et au Mexique). Ils acquièrent le statut de résident à vie au Brésil, mais peuvent aussi mobiliser des capitaux équatoriens et colombiens 41. Ils sont présents à Londres et Montréal. Ils étendent leurs activités commerciales vers l’Asie, puis vers l’Afrique. Brenco aurait traité vers 1988 un marché de gaz de combat avec l’Irak (dont est originaire l’ami Auchi). À Pékin, elle est représentée par Thierry Imbot, fils de René Imbot, ancien directeur de la DGSE 42. Au Vietnam et en Birmanie, Brenco et Setraco mêlent leurs savoir-faire pour placer des équipements militaires est-européens. C’est Étienne Leandri qui fait se rencontrer Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak 43. C’est encore lui qui, en 1993, via Charles Pasqua, fait nommer deux hommes sûrs à la tête de la discrète Sofremi : I. « Le vice-président, Dick Cheney, dirigeait Halliburton, une multinationale spécialisée dans les hydrocarbures. Pour sa part, Conzoletta Rice, la conseillère du président pour la sécurité nationale, a siégé au conseil d’administration de Chevron. Ces deux sociétés sont d’ores et déjà très bien implantées en Angola. 38 »
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deux anciens de Thomson, Bernard Poussier (corse par sa mère, originaire du même village que Charles Pasqua) I et Bernard Dubois. Après coup, Poussier admet 45 que la Sofremi n’est qu’« un outil dont le seul but est d’éviter les appels d’offres internationaux », « une imposture commerciale et juridique ». Le jeune Falcone est en cheville avec la Sofremi depuis 1989, sur la recommandation d’un collaborateur de Charles Pasqua, Yann Guez II. Dans ce qui est devenu un cocon pasquaïen, où il est désormais « l’unique interlocuteur 47», omniprésent, il peut donner la mesure de son talent : « Avec Marchiani, Pierre Falcone a contribué à la conclusion d’un accord franco-angolais de sécurité et de police conclu, avec l’aval de la présidence de la République française, après le retour de Pasqua au ministère de l’Intérieur, en mars 1993. Négocié sur place par Marchiani, il comprenait notamment un volet “technique” géré par la Société française d’exportation de matériels, systèmes et services (Sofremi) relevant du ministère de l’Intérieur. […] À l’époque, son conseiller pour les affaires angolaises n’est autre que Pierre Falcone qui, avec son partenaire Gaïdamak, va veiller à la livraison d’armes. L’accord passé entre les sociétés angolaises et françaises stipulait alors que les armes en question ne devaient pas transiter par la France, que les exportations devaient être en règle et enfin que les sociétés d’exportation mises à contribution ne devaient pas avoir leur siège en France. 48» I. Bernard Poussier dément être un proche de Charles Pasqua, tout en admettant qu’en 1993 celui-ci « cherchait des gens de confiance 44». II. Selon le prédécesseur de Bernard Poussier, Philippe Melchior 46.
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Il n’était pas interdit, par contre, de “dégager” de belles marges en fourguant des matériels de fin de série ou d’occasion. Pierre Falcone Jr a bien appris les leçons de Leandri. Ayant déniché en Italie du matériel de communication soldé, il l’aurait revendu pour 300 millions de francs à l’Angola, via la Sofremi. Trois fois le prix. 50 % de commissions 49. Falcone obtient de la Sofremi « des commissions exorbitantes », confirme le préfet Henri Hurand 50, futur directeur de cet office. Peut-on faire des affaires en Angola sans négocier du pétrole ? Depuis son ranch en Arizona, Pierre Falcone a compté parmi les chauds supporters de George W. Bush… tout comme les pétroliers américains. Il a établi à Panama une holding pétrolière, Falcon Oil & Gas. Avec les 10 % obtenus dans le bloc 33, opéré par Exxon, ce pétrolier d’occasion a décroché un pactole 51. Falcone codirige aussi la société angolaise Simportex, qui avait le quasi-monopole de la nourriture et de l’habillement des Forces armées angolaises (FAA) I. Simportex est étroitement liée au principal acheteur d’armes des FAA, le général Manuel Helda Vieira Dias, alias Kopelipa. En 1997, Simportex et Kopelipa ont acheté en Europe de l’Est pour quelque 3 milliards de francs d’armes, munitions et fournitures diverses. Heureux courtiers : Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak (ce qui conduit le fisc français à leur réclamer 1,25 milliards de francs 53 ). Ingénierie financière : Glencore et Paribas (chef de file d’un I. Jusqu’à ce qu’elle soit supplantée par la CADA du président Dos Santos 52.
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pool d’une dizaine de banques dont la BNP, Worms, la Banque populaire… ) 54. Cette société suisse et cette banque française sont au cœur du système de prêts gagés sur le pétrole futur de l’Angola. On peut bien appeler cela une pompe à fric, vu les usages de ces prêts, et leur taux élevé. L’ancien “Monsieur Angola” de Paribas, Jean-Didier Maille, est devenu le directeur financier de Glencore. Après la chute du mur de Berlin, celle-ci a gagné des milliards de francs suisses sur le pétrole de l’ex-URSS, en association avec Menatep, la banque russe au cœur du “Kremlingate”. Glencore a transféré son expertise en Angola, au service de l’équipe Falcone 55. En septembre 1999, cette sympathique prospérité a été troublée par une alerte rouge. Dix ans plus tôt, les États Unis avaient battu l’URSS par jet de l’éponge. Depuis, la mafia tenait le haut du pavé dans une Russie exténuée – qu’il fallait quand même aider. D’un coup, la réalité est revenue en boomerang : la mafia captait l’essentiel des prêts du FMI, elle a “recyclé” 10 milliards de dollars d’aide internationale, elle s’est même permis, avec cet argent, de circonvenir l’une des plus vieilles banques américaines. Nombre de dirigeants occidentaux se laissent volontiers corrompre, avec leurs amis du Sud, par les facilités paradisiaques des îles Vierges ou Caïman. Mais ils découvrent qu’à ce jeu-là – la loi de la jungle – les mafieux russes sont aussi coriaces que leurs compatriotes aux échecs. Les Américains et le FMI s’agitent. Ils ne sont pas les seuls. Le 30 septembre 1999, La Lettre du Continent publiait un éditorial, « Angola : une af-
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faire “franco-russe” ? », où elle signalait d’autres gens soucieux. Arcadi Gaydamak en a fait condamner certains termes. Mais pas d’autres : « Depuis que l’affaire du “Kremlingate” a éclaté à Moscou, on dort mal au Palais de Futungo, à Luanda, et on s’inquiète à Paris chez les initiés du village francoangolais. […] Une réunion informelle sur ce dossier s’est même tenue à l’Élysée […] entre des militaires de haut rang, des responsables des services de renseignement et des diplomates. La lancinante question était de savoir si la France ne risquait pas, un jour, d’être impliquée dans une extension du “Kremlingate” en Angola. […] « À l’origine de ce malaise, on trouve l’équipe franco-russe constituée dans les années 80 entre Arcadi Gaïdamak, très actif dans le complexe militaro-financier russe […], et l’homme d’affaires français Pierre J. Falcone, président de Brenco […]. Les deux hommes sont devenus les piliers incontournables des relations franco-angolaises […]. Le vrai patron de l’équipe est […] Arcadi Gaïdamak […], ancien émigré russe en Israël, naturalisé français en 1975 sur l’intervention de Robert Pandraud […]. « Plusieurs grands groupes angolais ont leurs comptes à la Bank of New York qui est accusée par le FBI (Federal Bureau of Investigation) d’avoir “recyclé” 10 milliards de dollars d’argent russe. […] Des sociétés liées à Menatep ont aussi opéré dans les circuits de financement du pétrole angolais ». Depuis lors ont été publiés, par Le Parisien du 23 mars 2001, des documents de la DGSE – une autre bête noire de Gaydamak – décrivant une
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chaîne d’« opérations de blanchiment » : l’équipe Falcone-Gaydamak aurait investi en Angola « des fonds en provenance de Russie, de l’Équateur et de Colombie » ; le pétrole angolais fourni en compensation des achats d’armes par l’entremise de Paribas serait « revendu sous l’étiquette “brut russe” par Brenco », avec l’assistance de Glencore. Résumons : Glencore a gagné des milliards sur le pétrole russe, de concert avec les héritiers de la nomenklatura soviétique. L’immense bradage des hydrocarbures est l’une des causes de la faillite de la Russie. Le même groupe d’héritiers sans scrupules a aussi dilapidé l’arsenal de l’Armée rouge, les énormes stocks d’aluminium, d’engrais I, etc. (avec des profits astronomiques II), mais aussi les créances du pays III et les milliards de dollars du FMI. Une part de ces flux (pétrole, armes, dettes) a pu être brassée entre la Bank of New York et les recettes du pétrole angolais, grâce à la gestion parfaitement occulte du régime de Luanda. Pierre Falcone est constamment en affaires avec Glencore et Paribas – entre lesquels Jean-Didier Maille a fait la navette. Au printemps 2000, Glencore a encore levé 3 milliards de dollars de prêts gagés à l’Angola, avec des banques comme Paribas, la Société générale, la Dresdner Bank Luxembourg IV, etc. 58
I. Arcadi Gaydamak « se présente aujourd’hui comme “le numéro un mondial de l’engrais” 56». II. Vitaly Chlykov, ancien officier de l’état-major, estime que, « en tout, ce pillage a spolié le pays d’environ 300 à 400 milliards de dollars 57». III. Lire chapitre 9, « Drôle de dette ». IV. Comme Paribas, la Dresdner Bank est l’un des pivots du conseil d’administration de Clearstream.
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7. Armes, services, fisc, médias, justice Revenons à Pierre Falcone. Par-delà la Sofremi, il est surtout le dirigeant du groupe Brenco International – une société « très proche de M. JeanCharles Marchiani 59», le négociateur tout-terrain de Charles Pasqua. La filiale Brenco-France, dont le capital a été porté à 1 500 000 francs, est installée 64 avenue Kléber, Paris 16e, dans des locaux somptueux. Grâce à ses « appuis au sein de la DST ou dans des groupes comme Thomson, le Giat ou la Compagnie des Signaux », Falcone est devenu « l’un des plus grands marchands d’armes du monde 60» I et, depuis Paris, « le chef d’orchestre incontestable » des ventes d’armes à l’Angola 62. Via Brenco. Ou la société de droit slovaque ZTSOsos II, « dont Brenco pourrait n’être qu’une “excroissance” française 66» : « Les juges ont découvert effectivement des versements sur son compte [ZTS-Osos] dans une agence parisienne de Paribas, I. « Dans son bureau, il y avait un coffre-fort plus grand qu’un homme, tout plein de liasses de billets », assure un témoin 61. II. Hasard ? Le général Christian Quesnot, ancien chef d’étatmajor de François Mitterrand, et qui joua un rôle majeur dans l’engagement de la France au Rwanda, préside depuis 1998 une “Association pour le développement des relations franco-slovaques”. Selon Jean Chichizola 63, ZTS-Osos associe en fait la firme d’armement slovaque ZTS à son homologue tchèque Osos Praha. ZTS emploie 3 000 personnes. Elle a été privatisée « de gré à gré. Et Falcone n’est pas loin. “Tout le monde admet qu’il contrôle ZTS, admet un expert. Avec son carnet d’adresses international, il a été reçu comme un homme providentiel.” […] À Bratislava, les privatisations ouvrent des appétits. Une dizaine de personnes convoitant ces marchés seront abattues en Slovaquie entre 1995 et 1997. 64» Falcone, mais aussi l’ex-KGB. Selon un journaliste russe, Andreï Stotnik, « les racines russes de ZTS-Osos Rudka sont évidentes. Nos services secrets avaient acheté, dès 1993, à travers la société d’État Spetsvnechtekhnika, 67,5 % des parts de cette société 65».
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et une impressionnante série de marchés d’armes (chars, bazookas, missiles, orgues de Staline) avec l’Angola. 67» « En septembre dernier [2000], les juges avaient mené de discrètes perquisitions dans les superbes appartements de Falcone, avenue Montaigne et avenue Kléber. […] Les logiciels de ses principaux collaborateurs (eux aussi incarcérés) livrèrent des comptes rendus fort instructifs de réunions, dont certaines tenues en présence du président angolais Dos Santos. Il y était question de ventes d’armes pour la bagatelle de quelques centaines de millions de dollars, de mouvements de fonds associés au nom de Marchiani et plus généralement de bienveillance pour Pasqua et ses amis. 68» Il y en a eu au total pour 633 milliards de dollars : des hélicoptères et des chasseurs Mig ont été rajoutés au menu 69. Les premiers sont une spécialité maison : Brenco en avait déjà équipé la narcodictature birmane, en affaires avec Total. Le tout « a été vendu au moins quatre fois le prix habituel du marché pour de tels matériels ! De plus, les armes censées être neuves se révéleront souvent être du matériel d’occasion, ou ne pas correspondre aux commandes, voire être carrément défectueuses. Peu importe… Point n’est besoin de matériel sophistiqué pour raser des villages 70». Ainsi, près d’un demi-milliard de dollars (plus de 3 milliards de francs) ont arrosé les hommes politiques, les officiers, les réseaux et les services secrets concernés I, d’un bout à l’autre de ce trafic mortiI. Les disquettes conservées par la secrétaire de Falcone ont livré environ 300 noms de personnalités et organismes “arrosés” par Brenco entre 1997 et 1999. Dont, inévitablement, une agence d’“hôtesses”.
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fère armes contre pétrole. « L’“affaire Falcone”, saisissant raccourci de la corruption à l’échelle internationale, donne le vertige. 71» Pas seulement par le montant des commissions en jeu I, mais par la multiplicité des connexions, avec tant de pays et de trafics. « De nombreux anciens des services travaillaient pour Brenco comme Thierry Imbot, décédé le 10 octobre [2000]. Le fils de l’ancien patron de la DGSE était ces derniers temps chargé d’opérations de change – de francs CFA en dollars – pour des chefs d’État africains comme le président congolais Sassou II, grand ami du président angolais. 73» L’on restait très proche des affaires d’État dans la nébuleuse Falcone-Brenco : « les frontières entre Brenco et la Sofremi ont longtemps été plus que floues, Falcone, le patron de Brenco […], ayant longtemps joué quasiment officiellement les VRP [agents commerciaux] pour la Sofremi. 74» Falcone s’est vu confier un garde du corps peu commun : celui de Jean-Christophe Mitterrand lorsqu’il dirigeait la cellule africaine de l’Élysée 75 ! « Brenco et la Sofremi collaboraient tant et si bien qu’ils ont offert conjointement une voiture blindée [une Safrane] au président angolais, en marge des contrats de “sécurité”. 76» Pierre Falcone a servi aussi d’intermédiaire dans une exportation illégale de matériels d’interception de sécurité par la société Communication & Systèmes (CS, ex-Compagnie des Signaux), « ayant donné lieu à 7 millions de dollars de commissions occultes. Ces matériels, officiellement I. Elisio Figueiredo, par exemple, émissaire parisien du président angolais Dos Santos, aurait reçu « plus de 18 millions de dollars 72».
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destinés à l’Angola, auraient été finalement livrés à la Yougoslavie, fin 1999 77». Le juge Marc BrissetFoucault enquête sur cette affaire. En perquisitionnant le 9 mai 2000 au siège de CS, il ne pensait pas déclencher un tel hourvari. C’est que CS est une firme spéciale, où ont “pantouflé” d’anciens hauts responsables de la DST (l’ancien numéro deux Raymond Nart et son adjoint Jacky Debain), ainsi qu’un brillant stratège du secrétariat général de la Défense nationale, le général de division Claude Mouton. Sous la houlette d’un ancien du groupe Bolloré, Yazid Sabeg. Lorsque Arcadi Gaydamak intente un procès en diffamation – une arme qu’il dégaine systématiquement –, Raymond Nart vient volontiers témoigner « des nombreux services » que le RussoIsraélien, né en Ukraine, a rendus à la France et de « son parfait loyalisme » 78. Le général Mouton, quant à lui, deviendra carrément, en juillet 2000, directeur général de Brenco-France I. La réexportation vers la Serbie d’une partie des matériels d’écoute ultra-perfectionnés livrés au régime angolais n’a rien d’invraisemblable. On est très serbophile chez les anciens de la DST, comme dans le réseau Pasqua. Gilles-William Goldnadel, l’avocat commun à Nart et à Gaydamak, préside aussi une “Ligue internationale contre la désinformation” qui a organisé fin 2000 au Sénat un colloque historique 80. Vladimir Volkoff y a assuré qu’au Kosovo « on a péniblement trouvé deux cents cadavres dont on ne sait s’ils sont serbes ou I. « Quand il était au sein de Communication et systèmes, a expliqué Falcone aux policiers, il recevait les Angolais qui étaient en formation chez CS, je proposais des espèces pour s’occuper [d’eux]. » L’intitulé du compte de Mouton ? “Panurge” 79.
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albanais » (les enquêteurs approchent en fait du chiffre de 10 000 victimes albanaises). D’ailleurs, « en Russie la liberté de la presse est incroyable, alors que tout est manipulé en France » I. Le même avocat a participé à la fameuse mission d’observation partie cautionner au Gabon la réélection truquée d’Omar Bongo, fin 1998. Le foccartissime Robert Bourgi a dépêché aux frais de la princesse une escouade de treize gens de robe, dont l’avocat élyséo-africain Francis Szpiner et Gilles-William Goldnadel, conduite par le magistrat Georges Fenech, président de la très droitière APM (Association professionnelle des magistrats). L’équipée fit scandale pour diverses raisons. Entre autres parce que fut intercepté à Roissy « un familier des dossiers africains […], porteur d’une mallette contenant une très importante somme en argent liquide. Il avait expliqué que ces fonds provenaient de la “présidence du Gabon” et qu’ils étaient destinés au Club 89 81», animé par Robert Bourgi. En 1997 déjà, un compte suisse de la société Brenco, du tandem Falcone-Gaydamak, a versé 100 000 francs à la revue Enjeu justice de l’APM… 82 Ce tandem pourtant, malgré sa générosité et la protection d’une importante faction de la DST, n’a pas que des amis. Dès « le 12 décembre 1996, une centaine de policiers ont perquisitionné simultanément tous les locaux professionnels et privés de Falcone et Gaydamak à Paris, ainsi qu’à la banque Paribas (où étaient ouverts les comptes de
I. Dans la même veine, les propos du professeur de criminologie Xavier Raufer comparant SOS Racisme à « une association de malfaiteurs » ont soulevé les applaudissements de la salle.
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ZTS-Osos, contrôlée par le Russe) 83». Lors de ces perquisitions, « selon certains, des documents et des bandes magnétiques “gênantes pour certains hommes politiques français” ont été saisis 84». Il faudra attendre près de quatre ans et une nouvelle perquisition pour que ces noms-là ressortent… Une semaine plus tôt, le 5 décembre 1996, L’Événement du Jeudi avait publié la photocopie d’un contrat de fourniture de matériel militaire russe d’un montant de 47 151 550 dollars, signé par Falcone avec le cachet de ZTS-Osos. De quoi équiper une division motorisée de 8 000 combattants, à vocation offensive (alors qu’en principe le gouvernement angolais appliquait l’accord de paix de Lusaka, avec la rébellion Unita) : « Voilà deux mois, L’Événement du jeudi (n° 622) a raconté dans quelles circonstances Falcone, associé à un ressortissant russe naturalisé français, Arkady Gaydamac, avait vendu des milliers de camions russes à l’Angola – les mêmes que ceux qui équipent l’armée russe. Nous avions déjà évoqué dans l’article l’existence du contrat d’armement entre la Russie et l’Angola. « Falcone et Gaydamac avaient juré le cœur sur la main n’être aucunement liés à ce marché, expliquant même que “le commerce des armes les révulsait”. Gaydamac, que plusieurs services français soupçonnent d’avoir des liens avec la mafia russe, reconnaissait simplement avoir mis les Angolais en rapport avec les bons interlocuteurs moscovites, “mais à titre purement gracieux”. Le contrat que nous publions le prouve : ils ont menti. [… Jusqu’en 1993], la France […] a continué de privilégier l’Unita. [… Puis Paris a résolu d’aider aussi] discrètement Dos Santos sans que la France appa-
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raisse officiellement. […] « Cette assistance militaire clandestine, ce sont Gaydamac et Falcone qui la mettent en place. Le tandem était en service commandé. D’ailleurs, ils s’en cachent à peine : “Il faut lire entre les lignes de ce contrat”, tempête Falcone quand on le compare à un marchand d’armes. “Nous sommes venus au secours d’un gouvernement légal, celui du président Dos Santos. La morale est dans notre camp.” Plus rusé, Gaydamac affirme ne pas avoir connaissance du contrat d’armement signé par son associé. “Mais si, d’aventure, il existe, souligne-t-il, vous remarquerez qu’il a permis de rétablir la paix. Cela seul compte.” […] « Hélas, la République est parfois ingrate avec ses serviteurs de l’ombre. Le fisc français estime que Falcone et Gaydamac, résidents français, doivent acquitter des impôts sur les 47 millions versés par l’Angola. 85» Le lendemain 6 décembre, le fisc perquisitionnait chez Brenco (6 jours avant la police). « La moisson est considérable. Mais surprise ! Selon nos informations, les enquêteurs du fisc auraient reçu quelques heures plus tard une visite inattendue dans leurs locaux, celle de plusieurs hommes se présentant comme des fonctionnaires de la DST. Qui sélectionnent certains des documents saisis et les emportent. 86» Ce coup du fisc, comme la descente de police qui a suivi, montrent que la République légaliste commençait d’affronter la “République souterraine” – celle qui, entre autres, gère les rentes pétrolières et les rétro-commissions sur contrats d’armement. Gaydamak a été « protégé au-delà de toute prudence par la DST, en rai-
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son des portes qu’il lui ouvrait en Russie 87». « Falcone fut longtemps intouchable. » Mais « un Pasqua vous manque et tout est dépeuplé 88» I. On est monté d’un cran deux ans plus tard, fin 1998 : selon Le Canard enchaîné du 23 décembre, Falcone « vient de se voir menacer par les douanes d’une amende de 1,5 milliard de francs à la suite d’un achat d’armes en République tchèque pour le compte de l’Angola 89». Ce qui donne un ordre de grandeur des transactions ainsi mises à l’amende… Fin 2000, le tandem Falcone-Gaydamak est encore davantage “agressé”. Pierre Falcone est arrêté et incarcéré le 1er décembre, après la secrétaire de Brenco, Isabelle Delubac, et son gérant Jérôme Mulard. Bernard Poussier, l’ex-directeur de la Sofremi conseillé par Falcone, est mis en examen et écroué du 16 décembre 2000 au 12 janvier 2001 : le fisc a mis en évidence des « transferts de charges et de produits » entre Brenco et la Sofremi II. Arcadi Gaydamak fait l’objet, le 6 décembre, d’un mandat d’arrêt international 92. Il préfère se plaindre au Monde 93 depuis Londres, avant de se réfugier en Israël : « En France, gagner de l’argent trop vite est suspect. […] Depuis des années, des dizaines de journaux m’ont présenté comme un trafiquant d’armes ou un mafieux. Je les ai tous fait condamner en diffamation par les tribunaux français. […] La France devrait me traiter en I. Le fait que la DGSE ait pu communiquer à la justice ses synthèses sur Gaydamak et Falcone traduit le lâchage conjoint de Charles Pasqua par l’Élysée et Matignon. II. Bernard Poussier aurait reconnu, entre autres, « avoir perçu près de 1 million de francs en liquide de M. Falcone 90». Devenu avocat après avoir quitté la Sofremi, il n’avait qu’un seul client : Pierre Falcone Jr 91.
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héros et elle me traite en bandit. » Cette fois, la menace de procès en diffamation n’arrête plus la presse. Des noms sortent. « Les enquêteurs soupçonnent le parti de Charlie [Pasqua] d’avoir bénéficié de largesses indues venant des sociétés créées par Falcone et par son associé Arkadi Gaïdamak. 94» Ils perquisitionnent le parti pasquaïen, le Rassemblement pour la France (RPF) et les bureaux du président du conseil général des Hauts-de-Seine. L’occasion de découvrir qu’une résidente gabonaise, Marthe Mondoloni-Tomi, a fait un don de 7,5 millions de francs pour la campagne européenne du RPF, et s’est portée caution d’un prêt de 4 millions par une banque monégasque. Ce n’est pas n’importe qui. À la tête du Pari mutuel urbain (PMU) gabonais, elle est la fille de Michel Tomi, général au Gabon de l’empire corsafricain des jeux des frères Feliciaggi : tout un pan du clan Pasqua, très proche de la sulfureuse banque Fiba et du régime angolais. Leurs comptes à Monaco sont l’objet d’une instruction pour « blanchiment » 95, par une justice locale guère réputée pour ses excès de zèle. Elle y a repéré d’importants virements I, provenant notamment de la banque nationale angolaise. Jean-Christophe Mitterrand, son ami Jean-Noël Tassez et Jacques Attali apparaissent eux aussi sur l’inventaire des commissions 97. Ils sont perquisitionnés les 30 novembre et 1er décembre. Les réseaux de la gauche mitterrandienne en prennent donc aussi pour leur grade. Et Yves Thréard, dans Le Figaro 98, fait une découverte : « Longtemps, les Français se sont demandés I. Au moins 15 millions de dollars sont arrivés sur le compte d’une société de Charles Feliciaggi au Crédit foncier de Monaco 96.
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pourquoi François Mitterrand et Charles Pasqua entretenaient l’un pour l’autre une estime empreinte d’admiration. Quatre ans après la disparition du chef de l’État, l’actualité vient peut-être d’apporter une réponse. Et si le dénominateur commun était la face cachée des relations francoafricaines ? […] « Tous les personnages de ce nouveau feuilleton judiciaire sont bien connus du cercle de la “Françafrique”, espèce de société secrète et informelle qui fit la pluie et le beau temps entre Paris et le continent noir jusqu’au milieu des années 1990. […] L’Afrique, “pompe à fric” des partis politiques français ? On peut le dire. » À peine perçue, cette réalité serait dépassée, d’au moins cinq années. Comme le truquage des marchés publics… Pour corser le tout, « l’enquête des policiers de la brigade financière […] les entraîne jusqu’à un réseau de call-girls. L’ensemble du système Falcone apparaît peu à peu. Des relations à bases financières, bâties dans les milieux les plus divers : show-biz avec Paul-Loup Sulitzer, médias avec l’ancien directeur général de la Sofirad, Jean-Noël Tassez 99». La relance de l’enquête sur Falcone et Gaydamak se rapproche curieusement de l’affaire de la cassette de Jean-Claude Méry, avec son exposé posthume, explosif, des financements politiques occultes en Île-de-France. Brenco International et Jean-Claude Méry ont le même avocat, Allain Guilloux. Celui-ci est soupçonné de « blanchiments de fonds entre la France et le Maroc 100», en liaison avec un autre de ses clients, Henri Ben-
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hamou, mis en examen avec son partenaire Steve O’Hana pour « blanchiment aggravé en bande organisée 101» – de l’argent présumé « issu du trafic de drogue 102». En perquisitionnant chez Me Guilloux, les juges Courroye et Prévost-Desprez ont découvert « plusieurs dossiers concernant MM. Falcone et Gaydamak 103». « Guilloux avait monté des structures immobilières sophistiquées avec le duo Falcone-Gaidamak, via des paradis fiscaux. Ainsi, le Russe serait le vrai propriétaire, via la SCI Point Carré, de l’appartement de l’avenue Raymond Poincaré gracieusement prêté à Allain Guilloux 104. C’est lui aussi qui a racheté, grâce à une cascade de sociétés écrans, la vaste demeure du promoteur Pellerin dans le Midi 105» – aussi pharaonique que la faillite dudit Pellerin. Émerge encore, dans le rôle du caissier, un certain Sam Mandelsaft, « intime de Pierre Falcone 106 ». L’homme d’affaires Jean-Claude Alcaraz, autre proche de Falcone, en a fait aux juges une description éloquente 107 : « On lui demandait de grosses sommes. Il prenait 3 à 4 % des commissions sur les liquidités ainsi apportées. Je le surnommais Plastic Bertrand, parce qu’il apportait toujours l’argent dans des sacs en plastique. […] Il est clair que Sam prenait ses ordres auprès de Falcone. I» Mandelsaft s’est volatilisé en novembre 2000, peu avant l’arrestation de Falcone. Il serait
I. Pierre Falcone admet ces recettes en espèces. Mandelsaft, prétend-il, allait les chercher chez un Angolais de l’avenue Foch. Falcone, lui, aurait servi de caissier aux séides de Dos Santos : « Cet argent était nécessaire aux déplacements de leurs équipes »… Avis aux Angolais nécessiteux.
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allé, comme Gaydamak, « s’installer en Israël 108».
8. Gaydamak, Menatep, la Russie & Israël Gaydamak est au mieux avec la nomenklatura qui a autorisé le “Kremlingate”. En octobre 1994, alors qu’il cherchait encore à susciter la curiosité des médias, il a emmené la journaliste du Nouvel Observateur Natacha Tatu pour un voyage de découverte de “sa” Russie 109. En jet privé : « Maintenant que j’ai goûté au jet privé, impossible de reprendre un avion de ligne. » Il assure à la journaliste qu’il peut, sur un coup de fil, obtenir un rendez-vous avec le maire de Moscou Iouri Loujkov I ou le ministre des Finances. Il se dit sur le point de signer un énorme contrat avec des banquiers français. Il déclare brasser des milliers d’activités et les dollars par millions. Il se targue d’avoir été « le premier au monde à obtenir des licences d’exportation des matières premières » russes, et d’être devenu, à 42 ans, « le plus gros propriétaire foncier de Moscou, l’un des principaux exportateurs de métaux non ferreux, le géant de l’importation de viande et de lait et le plus gros transporteur du pays ». Soit un chiffre d’affaires mensuel de près de 100 millions de dollars. Pour une activité à objet variable, puisqu’il se présente aujourd’hui comme « le numéro un mondial de l’engrais ». « Il collectionne les milliards 111», jonglant entre « ses sociétés luxembourgeoises, hollandaises, russes, anglaises 112»… Vingt-trois ans plus tôt, cet « émigrant russe I. « Dont la fortune, rapidement acquise, est estimée à 300 ou 400 millions de dollars. 110»
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courageux » était « arrivé en France à 19 ans, via Israël, avec trois roubles en poche 113». Et il n’était longtemps resté, en apparence, qu’un simple interprète – seul d’abord, puis dans une société à laquelle était associé Olivier Dassault 114, « qui assurait la traduction simultanée de rencontres internationales et de pourparlers d’affaires de Russes haut placés 115». « Nous avons bâti en quelques années des fortunes que d’autres ont mis des décennies à accumuler », résume Gaydamak à Natacha Tatu. Comment s’enrichir aussi vite dans un pays en pleine décomposition juridique, dont le pétrole, les stocks d’armes et les finances sont largement passés sous la coupe des mafias postcommunistes ? La DST, qui se fait l’avocate de Gaydamak, “justifie” dans un rapport du 24 octobre 1997 la fortune subite de son protégé : il a « su remarquablement tirer profit des opportunités politiques et commerciales offertes par la dislocation de l’ex-URSS 116». « Pour faire fortune, il suffisait d’acheter des dollars le lundi et de les revendre le vendredi », confie encore Gaydamak à Natacha Tatu. En 1994, il crée un fonds de retraite, Dobriedelo, qui offre un taux d’intérêt de 17 % par jour ! Tout cela n’est guère moral, alors que la population s’enfonce dans la misère. Et sans doute pas très légal : « Il faut admettre les injustices économiques. Les plus forts profitent d’une législation qui est à leur avantage »… puisqu’ils ont fait main basse sur l’État. Le FMI pouvait payer, le rouble fondait, les caisses publiques se vidaient. Mais la spéculation monétaire n’a pas suffi.
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Gaydamak emmène la journaliste à un « rendezvous dans une datcha retirée de Moscou. Un dîner confidentiel avec un jeune homme d’à peine 30 ans, numéro un du groupe Menatep, une des toutes premières banques du pays. Ce grand ami de Gaydamac est aussi son premier créancier : “Dans ce pays, je peux lever des millions de dollars pour financer mes projets. Aujourd’hui, je suis le Bernard Tapie de Ménotep. Sauf que moi, je rembourserai mes dettes” ». Il aurait été imprudent d’annoncer le contraire. À l’époque, certes, peu de gens en Occident savaient que Menatep était au cœur du système mafieux de pillage de la Russie. Gaydamak s’affichait en intime de son jeune patron, en voltigeur de cette banque très spéciale, qui organisait déjà depuis plusieurs années la mise à sac du pays. Lui, Gaydamak, l’intermédiaire si informé du dessous des choses, pouvait-il ne pas savoir la nature des activités de son premier créancier ? Le journaliste portugais Pedro Rosa Mendes connaît intimement l’Angola. De son point de vue, Gaydamak apparaît comme le point nodal d’un pipeline reliant l’Angola aux secteurs obscurs de l’ex-URSS. Un mirage ? Il en dresse un portrait peu flatteur 117. Déformé ? Nous lui en laissons la responsabilité, puisqu’il invoque, entre autres, les analyses de certains services secrets français – qui valent ce qu’elles valent : « Gaidamak est né en exURSS et venu dans les années 1970 en Occident – “intéressé par ses relations avec le KGB”, selon une source. Il a travaillé comme traducteur à l’ambassade soviétique à Paris. Sa “force est d’avoir prévu avant les autres le passage de la Russie au
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capitalisme”, comme le cite en 1996 le périodique français L’Événement du Jeudi. Doté de relations privilégiées dans l’ex-bloc de l’Est, il s’est lancé avec succès dans le monde des affaires, d’abord dans le secteur agroalimentaire et les transports, avec la société Vantana. Parmi ses clients, la compagnie d’aluminium Trans World Metal, des frères Tchiorni (qui ont quitté la Russie pour Israël à la même période que Gaidamak). « Cette dernière entreprise est un des liens de Gaidamak avec un des plus influents oligarques de Russie, Boris Berezovski, un proche de la famille Eltsine et habituellement appelé “l’homme du chaos” russe, de Moscou au Caucase. Arkadi Gaidamak est aussi lié, personnellement et professionnellement, à deux figures emblématiques que les services secrets français estiment être en relation avec le sommet de la mafia russe en Europe : le Russe Gorchkov et l’Ouzbek Aljiman Tokhtakhunov. » Le journaliste russe Vladimir Ivanidze est plus précis : « Il y a six ans, il [Gaydamak] avait ouvert, dans une agence parisienne de la Barclay, des comptes pour Alimjan Tokhtakhounov, également connu sous le nom de Taïvantchik, dont il a fait rénover à ses frais le luxueux appartement, situé dans le quartier le plus bourgeois de Paris. […] Dès qu’il a eu des ennuis avec la police française, Gaydamak, comme par miracle, a sorti de captivité des pilotes français abattus au-dessus de la Bosnie. […] Ensuite, les membres les plus en vue de la mafia russe se sont précipités pour lui offrir leurs services afin de sauver les otages français détenus en Tchétchénie. 118»
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Même si ce n’était pas exact, Gaydamak ne pourrait passer pour une oie blanche. Le Kremlin de Boris Eltsine était lui-même impliqué dans les gigantesques trafics et détournements de fonds de la Russie, via les Berezovski, Bexhet Pacolli et consorts. Selon le quotidien américain USA Today du 26 août 1999, citant des responsables américains, britanniques et russes, c’est au total 15 milliards de dollars qui auraient été détournés lors d’opérations complexes impliquant des proches de Boris Eltsine et une série de membres de ses gouvernements successifs (une douzaine). Il est désormais admis que la haute finance moscovite est gangrenée – jusqu’au sommet de l’État. Richard L. Palmer, grand spécialiste de la question, en a fait une démonstration implacable devant le Comité sur les services bancaires et financiers du Congrès américain 119. La “bénédiction” accordée par le Kremlin à Gaydamak pour le rachat à vil prix de la colossale dette angolaise envers la Russie (quelque 35 milliards de francs) I révèle un rang élevé dans la nomenklatura kleptocrate. Gaydamak a fait condamner La Lettre du Continent au motif, entre autres, qu’elle n’avait pu démontrer ses liens avec Konstantin Kagalovsky, numéro 2 de Menatep en 1994. Cette annéelà, il banquetait avec le numéro 1 de Menatep, Mikhail Khordokovsky. Fin 1996, quand il propose de racheter la dette angolaise vis-à-vis de la Russie pour 15 % de sa valeur (900 millions de dollars sur 6 milliards), c’est encore « la Menatep, la banque fétiche d’Arcady Gadamac [sic], qui se propose d’avancer l’argent et de “porter” la dette I. Voir chapitre 9, « Drôle de dette ».
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décotée angolaise en compensation de cargaisons de pétrole. Une bonne action qui rapporterait plus de 100 millions de dollars à ses auteurs ». Gaydamak peut contester le qualificatif « fétiche ». Mais il n’a pas attaqué cet article de La Lettre du Continent 120. Trois semaines plus tard, un article de Libération précise : « Arcadi Gaydamac a des liens étroits avec cette banque [Menatep] et détient 10 % du capital de la toute nouvelle Banque africaine d’investissement (BAI), inaugurée à Luanda le 12 novembre [1996]. La BAI, qui disposerait de succursales à Lisbonne et à New York, associe des capitaux sudafricains et français, notamment Paribas et… Pierre Falcone. 121» En août 1999 éclate le “Kremlingate”. Il s’avère que tous les comptes concernés par ce scandale ont été ouverts dans cinq banques new-yorkaises par la société Benex Worldwide Ltd, contrôlée par l’un des grands patrons de la mafia russe, l’UkrainoIsraélien Semion Mogilevitch. « La plupart des transactions sur les comptes de cette société (dûment répertoriées sur plus de 3 500 pages du FBI) sont sourcées auprès de [Menatep]. […] Les enquêteurs pensent que la Menatep fut le “point d’origine principal de l’argent blanchi”. 122» Enfin, « Menatep aurait continué à fonctionner en sous-main en 1998 I et transféré des fonds suspects […] vers des compagnies offshore basées sur des territoires aussi lointains que les îles Vierges 124» – I. Alors que Menatep est officiellement en faillite depuis 1998, Ernest Backes a trouvé dans le répertoire 2000 de la société internationale de compensation Clearstream un compte non publié n° 81738 au nom de Menatep, client « non référencé » 123.
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où se trouve aussi le siège de la société CADA, contrôlée par la Présidence angolaise. Sa partenaire en blanchiment (15 milliards de dollars dans la seule année 1998), la Bank of New York, possède de nombreux comptes non publiés dans la nébuleuse société de compensation financière Clearstream. Autre client russe de Clearstream, lui aussi non référencé : la Rossiyski Kredit, qui possède deux comptes non publiés. Parmi ses dirigeants : Lev Leviev et le conseiller présidentiel Alexandre Livchits. Mikhail Khordokovsky et Konstantin Kagalovsky se sont tous deux reconvertis dans… le pétrole. Ils se sont retrouvés à la tête de la première compagnie pétrolière privée de Russie, Youkos 125, rebaptisée Yuksi – dont Elf a pris 5 % du capital en mars 1998, en versant cash 528 millions de dollars 126… Yuksi est très intéressée par l’Angola, qu’elle a visité au printemps 1999. Cet Angola dont Gaydamak est une des clefs d’entrée. La Russie a été placée par le Gafi (le Groupe d’action financière créé par le G7), avec entre autres le Liechtenstein, les Bahamas et Israël, sur la liste noire des “paradis fiscaux” refusant toute coopération dans l’identification des centaines de milliards de dollars de l’argent du crime. Or Gaydamak a un autre branchement très liquide avec le régime angolais, l’écoulement des diamants par son ami russo-israélien Lev Leviev, lui-même très branché sur les vendeurs d’armes ukrainiens : « Lev Leviev symbolise la montée en puissance de cette nébuleuse [russo-israélienne dans le diamant]. Originaire d’Ouzbékistan, émigré en Israël
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en 1971, ce juif ultrareligieux de 44 ans se présente comme un “homme d’affaires international et un philanthrope”. À la tête de sa société LDD Diamonds, Leviev est devenu, en quelques années, le deuxième industriel israélien du diamant, avec un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dollars. En 1996, cet allié des travaillistes a pris le contrôle du groupe Africa-Israël, un gros conglomérat aux activités variées (centres commerciaux, tourisme, construction, industrie) qui a multiplié les investissements dans l’ancien empire soviétique. Président et grand mécène de la Fédération des communautés juives de l’ex-URSS, Leviev est protégé par les plus hautes autorités israéliennes. Et il s’active beaucoup comme président de la chambre de commerce russo-israélienne, cultivant d’étroites relations avec les oligarques de l’ex-URSS, notamment des marchands d’armes ukrainiens, capables d’équiper les armées angolaises. « En février dernier [2000], à la surprise générale, Lev Leviev a été choisi par le gouvernement de Luanda comme acheteur exclusif des diamants du pays I. Négocié avec l’aide de diplomates de l’État hébreu, de proches du président Dos Santos II et d’un homme d’affaires russo-israélien très introduit en Angola, Arkady Gaydamak, ce contrat providentiel de 1 milliard de dollars par an a été soufflé à la barbe de De Beers et du vieux diamantaire américain Maurice Tempelsman, I. Il est aussi l’« un des principaux investisseurs de la mine de kimberlite [gangue du diamant] de Catoca, à travers sa société britannique, Daumonty Financing 127». II. En particulier « Isabelle Dos Santos, fille à moitié russe du président angolais 128».
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protégé du Département d’État et ami intime des Clinton, naguère très en cours à Luanda. « Avec cette percée angolaise, Leviev accède au rang de véritable challenger mondial de De Beers. Il ne s’arrête pas là. Fin juillet, il acquiert un centre de taille et de polissage en Arménie, complétant ses usines russe, ukrainienne, indienne, chinoise, sud-africaine…. Et, ces derniers mois, Leviev multiplie les voyages à Moscou. Non seulement il souhaite développer les expéditions directes des pierres extraites des mines de Sakha (ex-Iakoutie) vers le centre israélien Ramat Gan, court-circuitant ainsi De Beers. Mais il rêve surtout de devenir le partenaire exclusif d’Alrosa [Almaji Rossi Shaka], quand le contrat signé par le monopole russe avec De Beers arrivera à échéance, fin 2001. À la clef, le contrôle de 1,5 milliard de dollars d’exportations ! […] “Ce n’est qu’une question de temps, nous aurons la Russie”, murmure, sûr de lui, un associé de Leviev I. “Si Alrosa signe son futur accord d’exportation avec Leviev plutôt qu’avec De Beers, ce sera une victoire déterminante pour le camp russo-israélien”, estime Olivier Vallée. 130» Judy Dempsey précisait, dans le Financial Times 131, que l’accord de Leviev avec le gouvernement angolais passait par une joint-venture entre eux, Ascorp (Angola Selling Corporation), et que Gaydamak avait « récemment acquis 15 % d’Africa-Israël », le holding de Leviev. Une fois encore, le journaliste Vladimir Ivanidze apporte I. En mai 2001, le quotidien israélien Haaretz annonçait que Leviev était sur le point d’acquérir en Russie, près d’Archangelsk, une mine susceptible de produire à elle seule près d’un milliard de dollars de diamants bruts par an 129.
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des précisions éclairantes : « L’État d’Israël pourrait bénéficier de la production des gisements d’uranium que possèdent Arcadi Gaydamak et Lev Levaev au Kazakhstan. En effet, leur compagnie Africa-Israël a fait l’acquisition, en 1999, par l’intermédiaire de la filiale Sabton, du Combinat d’extraction minière et de traitement chimique de Tselina, baptisé Kazsabton, qui fut l’une des entreprises clés de la production d’armes nucléaires d’URSS. 132» Mais le rapprochement Gaydamak-Leviev ne se réduit pas à ces colossales affaires : « Il y a aussi un lien religieux I. Gaydamak […] est un juif charismatique [born again]. “Leviev a été fasciné par le parcours de Gaydamak”, selon un ancien agent du Mossad. “Par son retour au judaïsme. Par son implication en Afrique. C’est une sorte de ‘portier’ [gatekeeper] de l’Angola.” « Leviev est un fidèle de Chabab Loubavitch, un mouvement ultra-orthodoxe qui vise à ramener les juifs à leur religion. “Il est extraordinaire”, commente un responsable israélien. “À travers sa Fédération des communautés juives dans l’ancienne Union soviétique (FCJ), Leviev a distribué de l’argent aux nouvelles écoles juives, aux synagogues, aux camps d’été et aux soupes populaires. Il est en train de rebâtir les communautés juives.” “Gaydamak a été fasciné par Leviev, par ce qu’il fait pour les juifs de Russie”, poursuit l’ancien du Mossad. « L’influence de la FCJ de Leviev est si météoI. Si nous évoquons ici cette dimension religieuse, c’est parce que, loin d’être seulement privée, elle est instrumentalisée dans le contexte politique russe et les relations russo-israéliennes (Israël ayant accepté de jouer un rôle d’interface financière offshore entre l’ex-URSS et le système bancaire occidental).
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rique qu’elle a réussi le mois dernier à faire élire son grand rabbin, Berl Lazar, grand rabbin de Russie. Un camouflet pour Vladimir Goussinski, propriétaire du puissant groupe Media Most. Leader du Congrès juif russe, rival de la FCJ, il soutenait son propre candidat. « “La FCJ a eu l’appui des oligarques”, selon un responsable israélien. […] “Les intérêts de Poutine et Leviev coïncident.” 133» Peu de temps après, Goussinski était poursuivi par la justice russe, obligé de s’enfuir, arrêté au Portugal… Gaydamak, par ailleurs « passe pour un proche du conseiller pour la sécurité de […] Ehoud Barak, le général Danny Yatom, un ancien patron du Mossad 134». Un journaliste russe précise que, dans son business angolais, Gaydamak « aurait étroitement coopéré avec d’anciens agents du Mossad. Selon certaines sources, ce seraient eux qui l’auraient présenté à Lev Levaïev. […] Ce même Levaïev se trouvait, fin décembre, auprès du président Poutine pour la célébration de Hanoukka [la fête juive des Lumières] à Moscou 135». Africa Confidential est plus actuel encore : « Les intérêts de Gaydamak dans l’armement et les diamants sont surveillés de près par le Mossad. 136» La société Brenco a effectué 29 virements sur un compte “Cascade”. Falcone a déclaré aux policiers qu’« ils ont tous été payés à la banque Leumi de Tel Aviv 137». « Selon les enquêteurs, l’ayant droit du compte Cascade […] serait Arcadi Gaydamak. 138» Résumons. La Russie et Israël sont au top du classement mondial de l’opacité financière. Le diamant est l’un des principaux vecteurs des trafics
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illicites et du blanchiment d’argent. Le diamant angolais, et bientôt le russe, vont passer sous la coupe d’une nébuleuse russo-israélienne I, soutenue par les autorités de Tel Aviv et par Poutine II. Au sommet de cette nébuleuse, on trouve des hommes comme Leviev et Gaydamak… Manifestement, cette vaste stratégie a le soutien d’une Françafrique pro-Gaydamak, de Raymond Nart à Jean-Charles Marchiani. Elle a aussi des ennemis, « des gens qui m’en veulent pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la loi ni avec la vérité 140» III Pas forcément… Il y a aussi des juges et des citoyens qui estiment que l’interconnexion en cours des immenses nappes financières parallèles illégalement constituées sous l’égide ou la bienveillance de services secrets français, russes, israéliens, britanniques, américains, brésiliens IV, etc. représente l’une des faces les plus dangereuses de la mondialisation.
I. Le monopole israélien du diamant congolais, via IDI Diamonds de Dan Gertl, n’a été que de courte durée. Il a été remis en cause par Joseph Kabila. II. Les fortunes rapides, colossales et douteuses des stars de cette nébuleuse nourrissent malheureusement en Russie un antisémitisme toujours en recherche de combustible 139. III. Le premier “aviseur” du fisc, en 1994, était « lié à la Mairie de Paris », à l’époque du divorce entre les tandems Balladur-Pasqua et Chirac-Juppé 141. IV. Rappelons que Gaydamak, d’origine russe, est français et israélien, et qu’il s’était établi à Londres ; le Franco-Brésilien Falcone était installé aux États-Unis, à proximité de la famille Bush (ex-CIA). Au niveau où il est pratiqué, leur cocktail d’activités (finance offshore, armes, pétrole, diamants, etc.) suppose de hautes protections.
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9. Drôle de dette Revenons à notre sujet principal, la dette causée par le pétrole, partagée entre les paradis fiscaux et les achats d’armes. L’ennui avec des personnages aussi riches que Gaydamak, c’est qu’ils ont tendance à déborder du cadre de l’épure. En 1997, avec son compère Falcone, il a obtenu de la Russie qu’elle divise par quatre ou six (selon les sources) ses 5 (ou 7) milliards de dollars de créances sur l’Angola. Si son pétrole n’était pas pillé, l’Angola serait pourtant loin d’être insolvable. La nomenklatura moscovite a dû se faire payer très cher ce cadeau colossal. L’État russe, lui, s’est retrouvé le plus mal servi dans le partage du pactole angolais. Outre les réseaux russes impliqués dans ce vaste marchandage, on devine entre qui se sont partagés les milliards manquants : les dirigeants de Luanda, des compagnies pétrolières occidentales, les intermédiaires, les banques… « Arkadi Gaidamak n’est pas qu’un simple vendeur d’armes à l’Angola à travers la ZTS-Osos Rudka, entreprise slovaque dirigée par Pierre Falcone […]. L’entrepreneur franco-russe […] a acheté la dette de l’Angola à la Russie […], payant seulement 16 pour cent de la valeur nominale, 7 milliards de dollars. […] Cette négociation “a eu la bénédiction du Kremlin”, selon une source diplomatique russe. Dans le contrat de “remise” de la dette était prévue, en contrepartie, la construction en Angola d’usines d’armement – “à cette période, estimait-on à Paris, l’Angola avait vocation à devenir un fabricant de munitions”, commente une source gouvernementale angolaise. 142»
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La “vocation” de l’Angola, entre pétrole et munitions… Dès 1997, sous le titre « Opération “Falcone/ Gaydamak” », La Lettre du Continent 143 détaillait ce rachat de la dette russe, jumelé à des achats d’armes : « Cette équipe franco-russe vient coup sur coup de remporter deux nouveaux contrats d’armements d’un montant global de 420 millions de dollars (la deuxième tranche a démarré fin juillet I […]) et une opération de rachat de la dette angolaise à l’égard de l’ex-URSS (5 milliards de dollars). Pour ce rachat, l’Angola a déjà promis 300 millions de dollars et 30 000 barils par jour [1,5 million de tonnes par an] dans le cadre d’un montage parrainé par un consortium formé de Menatep, Onexim, Glencore et Zuc, spécialistes des barters II pétroliers. Paribas et ses deux experts des “opérations spéciales” (Jean-Didier Maille et Alain P. Bernard), qui travaillent à Paris avec P. J. Falcone, seraient aussi associés à l’opération. Arcadi Gaydamak et Jean-Charles Marchiani devaient se rendre fin août à Moscou pour conclure ce vaste montage pétrolo-financier. […] « Du côté angolais, l’équipe franco-russe peut compter sur deux “correspondants” au top niveau : José Leitao, le secrétaire général de la présidence et Elisio Figueiredo, le “troisième” ambassadeur d’Angola à Paris. Homme des affaires privées du président, Elisio Figueiredo dispose, comme l’ambassadeur officiel et celui qui représente l’Angola auprès de l’Unesco, de toutes les I. Au milieu, rappelons-le, d’une phase décisive de la guerre civile congolaise (5 juin-15 octobre 1997). II. Trocs élaborés, jouant sur les quantités et les dates.
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immunités d’un diplomate en poste. C’est en 1993 que Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères, avait exceptionnellement accordé cette faveur à l’homme de Dos Santos à Paris pour faciliter les premières opérations de livraisons d’armes et de produits alimentaires à l’Angola par l’équipe Falcone/Gaydamak (plus de 400 millions de dollars de contrats). » On retrouve, et ce n’est pas un hasard, un autre protagoniste de l’affaire Elf. Et bien sûr JeanCharles Marchiani, l’émissaire polyvalent de Charles Pasqua. Peu après ces prouesses angolocongolaises, il décora Gaydamak de l’ordre du Mérite. Lorsqu’il déclare au Monde 144 que « M. Falcone a défendu les intérêts français dans la région », cela n’exclut pas les intérêts particuliers de certains Français. « Dans un document saisi chez son assistante, Falcone explique en des termes parfaitement clairs au président angolais qu’“une avance de 450 000 dollars”, sur 1,5 million au total, a été versée à un certain “Robert”. Or ledit Robert, trahi par les numéros de téléphone accolés à son nom sur l’agenda de Falcone, n’est autre que Jean-Charles Marchiani », assure Nicolas Beau 145. Ce document entre les mains des juges est une note intitulée “Robert”, rédigée début 1999. La secrétaire, Isabelle Delubac, résume les propos tenus par Falcone en présence du président angolais Dos Santos : « Un accord politique a été passé. Nous avons avancé à titre personnel 450 000 dollars. De ce qu’ils nous disent, ils en attendent encore 6 à 7 millions de francs […]. Je crois savoir que cet argent devrait être utilisé dans sa totalité pour la campagne des élections européennes. […]
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Cela assurerait le début d’un vrai lobby immédiatement opérationnel auprès du Parlement européen. 146» Une pétrodictature se serait payé un groupe d’eurodéputés ? Marchiani est explicitement visé dans le libellé de la mise en examen de Falcone, « ce qui est très exceptionnel. […] Avec cette précision : “Versements à Jean-Charles Marchiani” 147». Celui-ci dément, ou se tait, fidèle à la logique de l’action secrète dont il est issu. Hommes de l’ombre, circuits financiers mystérieux. Si l’on s’en tient aux chiffres de Rosa Mendes, 84 % des créances russes se sont évaporés. L’Angola a commencé à payer le solde, par tranches de 40 millions de dollars : déjà 1 milliard de dollars (7 milliards de francs). Or cet argent s’est lui aussi volatilisé ! « Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak […] se chargent de “restructurer” la dette angolaise […] vis-à-vis de la Russie […] à partir de la Suisse où ils bénéficient des précieux conseils de ParibasGenève, sans parler des montages de Glencore, […] dirigée jusqu’en 1996 par le désormais célèbre Marc Rich. […] « La justice suisse enquête depuis la fin de décembre [1999], dans le cadre d’une procédure anti-blanchiment […], sur une cinquantaine de comptes. Lesquels appartiennent à Falcone, Gaydamak et à quelques-uns de leurs obligés – dont l’ambassadeur angolais Eliseo de Figueredo ou le français Paul-Loup Sulitzer. […] « Les Suisses ont découvert que plusieurs de ces comptes présentaient des “montages ahurissants”, pour reprendre l’expression d’un des enquêteurs.
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Ainsi le milliard de dollars déjà remboursé ne se retrouve pas, pour la plus grande part, dans les caisses de Moscou. Ce versement a profité à une mystérieuse société offshore […] dont Gaydamak, Falcone et leurs amis sont les principaux opérateurs. “Les amis de Falcone ne sont pas des manches, commente un banquier suisse, ils ont mis en place des écrans subtils”, [… le] genre de montage [qui] favorise les “pertes en ligne.” 148» Faut-il dès lors s’étonner quand Gaydamak se flatte d’avoir multiplié « de façon importante ses revenus tous les ans 149» ? C’est quand même extraordinaire : avec ses associés Falcone et Leviev, Gaydamak est gavé de pétrole et de diamants, et en plus il reçoit de l’argent sans contrepartie apparente ! On ne peut s’empêcher de penser à des contreparties non déclarées, à des deals différés. Selon Africa Confidential du 2 mai 2000, « un accord sur la dette angolaise envers la Russie serait sans doute basé sur un troc contre du pétrole et des diamants. […] En décembre dernier, […] Moscou et la compagnie russe Alrosa ont fait pression sur le gouvernement angolais pour qu’il vende la totalité de sa production de diamants à la Russie pour régler sa dette 150». Et nous qui croyions que cette dette avait été réglée lors du grand marchandage de 1997 ! On comprend mieux les affirmations de Pedro Rosa Mendes : « À partir de 1996 au moins, l’Angola a pu effectuer des transferts nets à l’étranger en direction de personnalités très proches du président José Eduardo Dos Santos, tel que Gaidamak […], au travers de très nombreux réseaux financiers. […] L’Angola n’est plus seulement un endroit
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pour des affaires rentables ; Luanda fonctionne aussi comme un “pipe-line” pour des sommes élevées qui pourront passer par Gaidamak, mais continueront plus loin vers les secteurs obscurs de l’ex-URSS. » On devine mieux, du coup, ce que cache cette phrase sibylline de La Lettre du Continent 151 : « Le recyclage de l’or noir des pays du golfe de Guinée n’a pas fini de remplir les dossiers de la brigade financière. Surtout si les magistrats “croisent” les dossiers : ventes d’armes à l’Angola par Brenco International (dont Pierre Falcone est le patron), affaires Méry I et “Sentier” II chez Me Allain Guilloux et trafic des vrais-faux dinars de Bahreïn », une opération de deux milliards de francs mouillant plusieurs gouvernements 154. En plus clair : si les remontées ne passent pas par des circuits officiels, elles sont forcées d’emprunter ou de susciter des circuits occultes. L’on peut craindre cependant, à ce jeu, de rencontrer la loi : « L’année de la renégociation de la dette angolaise, Falcone décide de s’installer en Suisse. […] Sa demande de permis de résident I. Le racket chiraquien des marchés d’Île-de-France, avec branchement partiel sur les pays pétroliers du golfe de Guinée. Selon une ordonnance des juges d’instruction Armand Riberolles, Marc Brisset-Foucault et Renaud Van Ruymbeke, en date du 17.07.2001, l’ancien numéro 2 de la DGSE Michel Roussin (présumé innocent) « a été décrit par de nombreux protagonistes du dossier comme ayant joué un rôle central dans la mise en place et le fonctionnement du dispositif de financement des partis politiques, et plus particulièrement du RPR 152». II. Une escroquerie en chaîne de 540 millions de francs “au détriment” de grandes banques françaises, organisée depuis le quartier parisien du Sentier. Treize des protagonistes de l’affaire se sont enfuis en Israël. Au procès, le procureur François Franchi a accusé ce pays de se mettre « au ban de la communauté internationale en matière de blanchiment » 153.
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permanent est appuyée par les dirigeants de Matra, autres marchands d’armes de ses amis. […] [Il] installe […] sa société Montaigne Financial Service […] sur les bords du lac Léman, au domicile d’un ancien cadre de la banque israélienne Leumi. […] Coup du sort : à peine vient-il d’obtenir son permis de résident que Falcone est incarcéré. 155» Gaydamak s’épargnera ce triste sort en fuyant en Israël – d’où il poursuivra en diffamation la DGSE et les Renseignements généraux I ! Leurs notes distillées dans les journaux sont, prétend-il, la principale cause de ses déboires 157. C’est trop injuste d’avoir si mauvaise presse quand on a si grande fortune. Mais il n’y a pas, évidemment, que la dette russe. À Luanda, la comptabilité publique est considérée comme un art abstrait, un luxe superflu. Les trous peuvent s’y creuser encore plus vite qu’à Brazzaville. Plus ça rentre, plus ça fuit. Fin 1998, « le total des bonus pétroliers offerts par les trois chefs de file des blocs 31 à 33, British Petroleum (BP), Exxon et Elf, approche déjà le milliard de dollars – sans compter les opérateurs associés… Chevron atteint 25,5 millions de tonnes par an sur le seul bloc 0, au Cabinda. Mais le système bancaire est à genoux et le déficit budgétaire béant 158». Cependant, le gage pétrolier surabonde. Paribas (avec Alain Bernard 159), la BNP et la Société générale sont en première ligne du secourisme finanI. Pour faire bonne mesure, il indique qu’il va porter plainte contre le ministre de la Défense Alain Richard, un conseiller du ministre des affaires étrangères, Georges Serre, et le juge Philippe Courroye 156.
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cier… Tout comme le “retraité d’Elf” Jack Sigolet, qui « consacre désormais la majorité de son activité à l’Angola 160». Mi-1998, « le nouvel accord passé avec le négociant Glencore vient d’hypothéquer virtuellement la totalité de la part pétrolière du gouvernement en échange du versement anticipé de 900 millions de dollars. […] Les conditions de cet accord, énoncées dans un mémorandum confidentiel […], témoignent de la gravité de la crise financière que traverse le gouvernement. [… Pourtant,] l’accord […] passe par Sonangol et la présidence plutôt que par le ministère des Finances. […] La dette extérieure angolaise [atteint …] 11,5 milliards de dollars 161». Les dettes angolaises ont toujours besoin de sang neuf. Sinon les créanciers se paralysent entre eux : « Le tribunal de commerce de Nanterre a autorisé, le 6 juin 1997, la société Crescent Oil Shipping Services à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens d’Elf Exploration Angola et Total Angola I pour une ardoise de 22,1 millions de dollars que lui doit la Sonangol 162» ! Dès 1992, on a bradé le patrimoine public : le Crédit commercial de France (CCF) – une banque chère à Sigolet – s’associe « à des Portugais pour réaliser des opérations de privatisation par rachat de dettes 163». Rappelons qu’au printemps 2000 Glencore a encore levé 3 milliards de dollars de prêts gagés à l’Angola, avec des banques comme Paribas et la Société générale. I. La justice est toujours aussi inopportune : faire des soucis financiers à Elf et Total alors que s’amorçait depuis la veille l’accouchement du Congola !
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Toute cette ingénierie financière privée, plus les prêts à tout va de l’Agence française de développement I, plus l’alliance politico-militaire scellée en 1997 dans la mise sous tutelle du Congo, ont ouvert de vastes opportunités aux entreprises tricolores. Cette année-là, le BTP français a décroché 1,3 milliard de francs de travaux en Angola. Thomson a bénéficié de gros projets civils et militaires. France Telecom est le partenaire attitré des télécommunications angolaises, dont Alcatel est l’un des principaux fournisseurs 165. Rappelons que le taux global des commissions sur l’Angola atteint les 40 ou 50 %. Autrement dit, sans préjuger de l’utilité des projets mis en œuvre à crédit, on sait dès le départ que le débiteur ultime, le peuple angolais, est spolié de près de la moitié de ce qui a été emprunté en son nom. L’essentiel de l’autre moitié paie l’effort de guerre, la construction des infrastructures de l’exploitation pétrolière et de sa logistique, y compris les ghettos du personnel expatrié. Pour les Angolais, la contrepartie de leur pétrole, et de la dette qu’il a permise, se résume à une succession de drames, la misère, le handicap, un océan de souffrance. Quelle instance internationale pourra envisager de les contraindre à payer cette dette ? Quel tribunal pénal international jugera un jour leurs tortionnaires ?
I. Avec d’étranges tours de passe-passe : début 1993, la CFD (future AFD) prête 553 millions de francs à Elf Exploration Angola ; en octobre 1994, lors d’une échéance de remboursement de 6 millions de dollars à la CFD, Elf se substitue à l’État congolais défaillant afin de faciliter le déblocage de nouveaux prêts… 164
Dette & ajustement structurel : le cercle vicieux Les pays pauvres ayant accumulé des niveaux de dette insupportables n’ont pas accès au marché classique des capitaux. Ils sont tributaires d’institutions telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour obtenir des prêts à taux concessionnels. En échange, ils s’engagent à mettre en œuvre des programmes d’austérité budgétaire et de réformes structurelles : les tristement célèbres plans d’ajustement structurel. Plans qui sont définis en réponse aux exigences des institutions financières internationales et qui ont comme priorité absolue le rétablissement des équilibres macro-économiques, quel qu’en soit le coût social et humain. Coupes claires dans les budgets sociaux et environnementaux, privatisations et licenciements massifs en sont les composantes habituelles et ne font qu’enfoncer les pays dans la récession et la spirale de la dette. Les changements cosmétiques du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, qui entendent depuis 1999 mener des programmes de « croissance et réduction de la pauvreté », ne suffisent pas à masquer le fait que l’ajustement est encore et toujours à l’œuvre, continuant de creuser les inégalités à l’échelle nationale et mondiale. Source :
Notes
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Canard enchaîné ! 248. François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 40. 249. François Lille, Pourquoi l’Erika a coulé, L’Esprit frappeur, 2000. 250. Citation extraite, comme celles qui suivent, d’un projet de communication au colloque « Que faire contre la criminalité financière et économique en France et en Europe ? », organisé le 30.06.2001 à Paris par Attac, le Syndicat de la magistrature et Alternatives économiques.
Notes de la seconde partie Angola : pétrole, guerre, dette 1. Certains passages de cette partie empruntent à François-Xavier Verschave, Noir silence, op. cit., p. 338-346. 2. « Angola : Opération “Falcone/Gaydamak” », in LdC du 18.09.1997. 3. Lire Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les frères invisibles, op. cit., p. 131-132. 4. Lire Hervé Gattegno, « De Londres, Arcadi Gaydamak défie les juges français », in Le Monde du 09.12.2000. 5. « Un homme bien sous toutes latitudes », in Le Canard enchaîné du 01.10.1997. 6. « France : “Affaires africaines” d’État ? », in LdC du 14.12.2000. 7. Colette Braeckman a résumé cette histoire dans L’Enjeu congolais, Fayard, 1999, p. 102-105 et 251-267. 8. Lire le rapport de l’ONG Global Witness, « A Crude Awakening. The Role of the Oil and Banking Industries in Angola’s Civil War and the Plunder of State Assets » [Un réveil brut. Le rôle du pétrole et de la banque dans la guerre civile angolaise et le pillage des biens publics], décembre 1999. 9. Pétrole et éthique, op. cit., tome 1, p. 149. 10. Lire In an Angolan jail, “you are below a dead dog”, it is sometimes like a horror movie [Dans une prison angolaise, “vous êtes moins qu’un chien mort”, c’est parfois comme un film d’horreur], NCN, 27.11.1999. 11. Lire Roger Faligot et Pascal Krop, La Piscine, Le Seuil, 1985, p. 360. 12. Lire « Angola : Hélicoptères français détruits » et « Parrainage français pour le FMI ? » in LdC des 14.10.1985 et 02.09.1987 ;
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brève « Angola » du 13.10.1989. 13. Hervé Gattegno et Fabrice Lhomme, « Une enquête sur une société de vente d’armes vise des personnalités politiques », in Le Monde du 09.12.2000. 14. Lire « Charles Pasqua, le “chouchou” de Dos Santos », in LdC du 03.03.1994. 15. D’après « Angola : le pétrole et la guerre », in Africa Confidential, édition française (ACf), 17.05.1999. 16. Global Witness, The Role of the Oil and Banking, op. cit. 17. « 1 million de dollars de prêts gagés en quelques mois », in LdC, 31.03.1999. 18. Interrogé par Global Witness, The Role of the Oil and Banking, op. cit. 19. Idem. 20. « La Fondation Eduardo dos Santos », in Politique africaine n° 73, 03.1999, p. 83-88. 21. Pedro Rosa Mendes, avec Jose Milhazes, « Ligaçoes perigosas de Luanda a Russia e ao “Kremlingate” » [Liaisons dangereuses de Luanda à la Russie et au “Kremlingate”], in Publico du 14.01.2000. Le journaliste a publié par ailleurs sur son expérience angolaise un livre exceptionnel, Baie des tigres (Métaillé, 2001), qui lui a conféré au Portugal le statut d’une sorte d’Albert Camus. 22. « Congo-Brazzaville : négociations secrètes », ACf, 12.07.1999. 23. « Total/Elf, guerre de l’ombre », in LdC du 02.09.1999. 24. Lire « Eaux profondes », in Acf du 12.10.1998 ; « La Société Générale hérite du réseau angolais de Paribas », in LdC du 18.02.1999. 25. « Angola : pauvre pays riche », in ACf du 18.05.1996. 26. « Angola : le pétrole et la guerre », in ACf, 17.05.1999. 27. Audition, Pétrole et éthique, op. cit., tome 1, p. 148. 28. L’Affaire totale, op. cit., p. 151. 29. Mémoire meurtrie, Plon, 2001. Bonnes feuilles in Le Vrai Papier journal, septembre 2001. 30. Lire « France : “Affaires africaines” d’État ? », in LdC du 14.12.2000. 31. Si l’on en croit les “confessions” très renseignées de son labrador Baltique (Aboitim, tome 4, Oua Oua m’a dit. Vingt ans de secrets d’État, Éditions 1, 2001, p. 72-73). 32. Les informations de ce paragraphe et du suivant sont issues de l’enquête du journaliste Julien Caumer : Les Requins, Flammarion, 1999. 33. Lire Karl Laske, « “Méry de Paris”, acteur du mélodrame gaul-
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Notes
liste », in Libération du 22.09.2000. 34. « Enquête sur une affaire d’État », in Le Nouvel Observateur du 28.12.2000. 35. « Les hommes de l’“Angolagate” », in Le Monde du 13.11.2001. 36. Dennis Wagner, « Pierre Falcone, enfant chéri de l’Arizona », in The Arizona Phœnix, cité par Courrier international du 18.01.2001. Selon un habitant de Phœnix, les Falcone « ont l’air plus riches que Dieu lui-même ». 37. Sur ce surinvestissement, lire par exemple Jon Lee Anderson, « Letter from Angola. Oil and Blood » [Lettre d’Angola. Pétrole et sang], in The New Yorker, 14.08.2000. 38. The New York Times, cité par Courrier International du 18.01.2001. 39. Comme le précise aimablement l’avocat de Jean-Christophe Mitterrand, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, cité par Fabrice Lhomme, « La libération de M. Mitterrand suspendue au versement d’une caution », in Le Monde du 04.01.2001. 40. Lire Geoffroy Tomasovitch, « Pierre Falcone, homme d’affaires et de relations », in Le Parisien du 22.12.2000. 41. Lire « Angola. L’équipe franco-russe », in LdC du 03.07.1997. 42. Lire Laurent Léger, « La vente d’armes russes à l’Angola faite depuis la France va peser très lourd », in Paris-Match du 04.01.2001. 43. Selon Denis Demonpion et Jean Guisnel, « Les mauvaises fréquentations de Mitterrand l’Africain », in Le Point du 05.01.2001. 44. Interview au Monde du 17.01.2001. 45. Dans une note à son avocat, citée par Marie-Amélie Lombard, « La note secrète de l’ancien dirigeant incarcéré », in Le Figaro du 05.01.2001. 46. Cité par Karl Laske et Armelle Thoraval, « L’étrange don du marchand d’armes », in Libération du 21.12.2000. 47. Interview du préfet Henri Hurand, directeur de la Sofremi depuis 1997, au Figaro du 09.01.2001. 48. Jean Chichizola, « Les ramifications de l’affaire Falcone », in Le Figaro, 11.12.2000. 49. Lire Nicolas Beau, « Chevènement veut nettoyer sa vitrine à l’export », in Le Canard enchaîné du 01.10.1997. 50. Interview au Figaro du 09.01.2001. 51. D’après « Angola : Le pétrole et la guerre », in ACf, du 17.05.1999 et Nicolas Beau, « La Falcone connection servait la France », in Le Canard enchaîné du 27.12.2000. 52. Global Witness, The Role of the Oil and Banking, op. cit. 53. Lire Stephen Smith et Antoine Glaser, « Les hommes de
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l’“Angolagate” », in Le Monde du 13.01.2001. 54. Lire « France : “Affaires africaines” d’État ? », in LdC du 14.12.2000. 55. Lire « Angola : Une affaire “franco-russe” ? », in LdC du 30.09.1999. 56. Hervé Gattegno, « De Londres, Arcadi Gaydamak défie les juges français », in Le Monde du 09.12.2000. 57. Cité par Sylvaine Pasquier, « Le tsar pervers et corrompu », in L’Express du 23.09.1999. 58. Lire « Glencore. 3 milliards de dollars de crédits syndiqués », in LdC du 08.06.2000. 59. Francis Christophe, « Total : les dessous du chevalier blanc du pétrole », in Golias Magazine, septembre 1999, p. 35. 60. Airy Routier, « Enquête sur une affaire d’État », in Le Nouvel Observateur du 28.12.2000. 61. Cité par Stephen Smith, « Pierre Falcone, marchand d’armes prospère aux relations diverses et haut placées », in Le Monde du 04.01.2001. 62. Nicolas Beau, « Du beau monde sur la piste angolaise », in Le Canard enchaîné du 06.12.2000. 63. « Les ramifications de l’affaire Falcone », in Le Figaro du 11.12.2000. 64. Karl Laske, « Falcone et compagnie, fournisseurs d’armes en gros », in Libération du 03.01.2001. 65. Andreï Sotnik, « Et si la piste angolaise menait au Caucase ? », in Moskovskié Novosti, cité par Courrier international du 11.01.2001. 66. Hervé Gattegno et Fabrice Lhomme, « Une enquête sur une société de vente d’armes vise des personnalités politiques », in Le Monde, 09.12.2000. Lire aussi Laurent Valdiguié, « Pasqua rattrapé par l’affaire Falcone », in Le Parisien du 04.12.2000. 67. Laurent Valdiguié, « Les “affaires” africaines d’Attali, de Pasqua et du fils Mitterrand », in Le Parisien du 02.12.2000. 68. Nicolas Beau, « Du beau monde sur la piste angolaise », in Le Canard enchaîné du 06.12.2000. 69. Lire Stephen Smith et Antoine Glaser, « Les hommes de l’“Angolagate” », in Le Monde du 13.01.2001 ; Fabrice Lhomme, « Trafic d’armes en Afrique : Jean-Christophe Mitterrand écroué », in Le Monde du 23.12.2000. 70. Denis Demonpion et Jean Guisnel, « Les mauvaises fréquentations de Mitterrand l’Africain », in Le Point du 05.01.2001. 71. Fabrice Lhomme, « L’enquête sur l’Angolagate dévoile l’ampleur du “système Falcone” », in Le Monde du 24.01.2001.
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Notes
72. Ibid. 73. « France : “Affaires africaines” d’État ? », in LdC du 14.12.2000. 74. Stéphane Johanny, « Jean-Christophe Mitterrand, du fait divers à l’affaire d’État », in Le Journal du Dimanche du 24.12.2000. 75. Lire « Garde du corps », in LdC du 01.07.1999. 76. Karl Laske, « L’État rattrapé par ses offices de sécurité », in Libération du 23.12.2000. 77. « Affaire Communication & Systèmes », in Notes du Réseau Voltaire du 01.06.2000. 78. Cité par Nicolas Beau, « Arcadi Gaydamak. Russe de Sioux », in Le Canard enchaîné du 03.01.2001, et Jean Guisnel, « Quand la DST couvait Arcadi Gaydamak », in Le Point du 12.01.2001. 79. Lire Fabrice Lhomme, « L’enquête sur l’Angolagate dévoile l’ampleur du “système Falcone” », in Le Monde du 24.01.2001. 80 Lire Jean-Dominique Merchet, « Messieurs les désinformateurs au Sénat », in Libération du 08.11.2000. 81. « Soupçons sur les observateurs français des élections gabonaises », in Le Monde du 09.12.1998. 82. Lire Karl Laske et Armelle Thoraval, « L’étrange don du marchand d’armes », in Libération du 21.12.2000. 83. « Un homme bien sous toutes latitudes », in Le Canard enchaîné du 01.10.1997. 84. Nicolas Beau, « Les douanes persécutent un honnête marchand d’armes », in Le Canard enchaîné du 23.12.1998. 85. Serge Faubert, « Des marchands d’armes au service d’Elf », in L’Événement du Jeudi du 05.12.1996. 86. Jean Guisnel, « Quand la DST couvait Arcadi Gaydamak », in Le Point du 12.01.2001. 87. Jean Guisnel, « Le début d’une nouvelle affaire d’État », in Le Point du 22.12.2000. 88. Nicolas Beau, « Les douanes persécutent… », op. cit. 89. Ibid. 90. Fabrice Lhomme, « Une nouvelle mise en examen dans une enquête sur un trafic d’armes », in Le Monde du 16.12.2000. 91 Lire « En tirant sur le pétrole », in Le Pli du 19.12.2000. 92. Lire Hervé Gattegno et Fabrice Lhomme, « Une enquête sur une société de vente d’armes vise des personnalités politiques », in Le Monde du 09.12.2000 ; Karl Laske, « Falcone et Cie, armes en tous genres », in Libération du 13.12.2000. 93. Du 09.12.2000.
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94. Nicolas Beau, « Du beau monde sur la piste angolaise », in Le Canard enchaîné du 06.12.2000. Lire aussi Laurent Valdiguié, « Les “affaires” africaines d’Attali, de Pasqua et du fils Mitterrand », in Le Parisien du 02.12.2000. 95. Lire Nicolas Beau, « Les jeux d’argent des amis de Pasqua en Afrique » et « Sauve qui peut à Monaco », in Le Canard enchaîné du 10.01.2001. 96. Lire Jean Chichizola, « D’Annemasse à l’Angola, le jeu de piste des enquêteurs », in Le Figaro du 19.06.2001. 97. Lire Hervé Gattegno et Fabrice Lhomme, op. cit., 09.12.2000. 98. « Perquisitions chez Jacques Attali et Jean-Christophe Mitterrand », 02.12.2000. 99. Jean Chichizola, « Les coûteux conseils d’un fils de président », in Le Figaro du 23.12.2000. 100. Laurent Valdiguié, « Les “affaires” africaines d’Attali, de Pasqua et du fils Mitterrand », in Le Parisien du 02.12.2000. 101. Lire Karl Laske, « À l’origine, un fait divers », in Libération du 23.12.2000, et Stéphane Johanny, « Jean-Christophe Mitterrand, du fait divers à l’affaire d’État », in Le Journal du Dimanche du 24.12.2000. 102. Fabrice Lhomme, « Les conditions confuses du passage d’un fait divers à une affaire d’État », in Le Monde du 04.01.2001. 103. Hervé Gattegno et Fabrice Lhomme, « Une enquête sur une société de vente d’armes vise des personnalités politiques », in Le Monde du 09.12.2000. Lire aussi Jean Chichizola, « Les ramifications de l’affaire Falcone », in Le Figaro du 11.12.2000. 104. Lire Fabrice Lhomme, « Les conditions confuses… », op. cit. 105. Nicolas Beau, « Du beau monde sur la piste angolaise », in Le Canard enchaîné du 06.12.2000. 106. Éric Decouty, « Jean-Christophe Mitterrand de nouveau entendu », in Le Figaro du 29.08.2001. 107 Procès-verbal cité par Éric Decouty, ibid. 108. Ibid. 109. Natacha Tatu, « Une journée avec un milliardaire russe », in Le Nouvel Observateur du 20.10.1994 . 110. Sylvaine Pasquier, « Le tsar pervers et corrompu », in L’Express du 23.09.1999. 111. Hervé Gattegno, « De Londres, Arcadi Gaydamak défie les juges français », in Le Monde du 09.12.2000. 112. Laurent Léger, « La vente d’armes russes à l’Angola faite depuis la France va peser très lourd », in Paris-Match du 04.01.2001. 113. Nicolas Beau, « Arcadi Gaydamak. Russe de Sioux », in Le
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Notes
Canard enchaîné du 03.01.2001. 114. Lire Laurent Léger, « La vente d’armes russes à l’Angola faite depuis la France va peser très lourd », in Paris-Match du 04.01.2001. 115. Andreï Sotnik, « Et si la piste angolaise menait au Caucase ? », op. cit. 116. Cité par Pascal Ceaux et Fabrice Lhomme, « Les services secrets français s’opposent sur le cas de l’homme d’affaires », in Le Monde du 10.04.2001. 117. « Ligaçoes perigosas… », op. cit. 118. « Le “surdoué du diamant” et les camarades angolais », in Soverchenno Sekretno. L’article est traduit et publié par Courrier international (18.01.2001), dont le directeur, Alexandre Adler, a été cité comme témoin de moralité par Gaydamak ! 119. Statement on the Infiltration of the Western Financial Systems by Elements of Russian Organized Crime, 21.09.1999. 120. « Angola. Opération “Dette russe” (II) », 21.11.1996. 121. Stephen Smith, « Tripatouillages franco-russes pour armer l’Angola », in Libération du 11.12.1996. L’implication de Menatep dans l’opération “Dette russe” de Gaydamak est confirmée par Le Canard enchaîné (« Un homme bien sous toutes latitudes », 01.10.1997). 122. Fabrice Rousselot, « L’écheveau qui vaudrait 15 milliards », in Libération du 31.08.1999. 123 Lire Révélation$, op. cit., p. 216. 124. Fabrice Rousselot, « Le clan, le parrain, et les 15 milliards de dollars », Libération, 27.08.1999. 125. Lire Patrick Sabatier, « Zigzags bancaires de l’aide à la Russie », in Libération du 24.08.1999. 126. Lire Dominique Gallois, « Elf s’appuie sur Yuksi pour développer les gisements de Sibérie », in Le Monde du 08.04.1998. 127. « Angola : Des pierres précieuses et des armes », in ACf du 02.05.2000. 128. Marc Roche, « Lev Leviev, un franc-tireur des gemmes africaines en chasse sur les terres de la De Beers », in Le Monde du 05.07.2001. 129. Lire Pascal Lacorie, « La Russie veut s’allier avec les lapidaires israéliens », in La Tribune du 23.05.2001. 130. Vincent Hugeux et Vincent Nouzille, « Diamants. La guerre secrète », in L’Express du 07.12.2000 – une enquête exceptionnelle. 131. « Upstart Dealer Muscles into Market », 11.06.2000. 132. « Le “surdoué du diamant”… », op. cit.
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133. Judy Dempsey, « Upstart Dealer Muscles… », op. cit. 134. Lire Stephen Smith et Antoine Glaser, « Les hommes de l’“Angolagate” », in Le Monde du 13.01.2001. 135. Andreï Sotnik, « Et si la piste angolaise menait au Caucase ? », op. cit. 136. « Angola : des pierres précieuses et des armes », in ACf du 02.05.2000. 137. Cité par Fabrice Lhomme, « L’enquête sur l’Angolagate dévoile l’ampleur du “système Falcone” », in Le Monde du 24.01.2001. 138. Ibid. 139. Lire Clément-Marie Vadrot, « Vladimir Poutine, le nouveau tsar » in Le Journal du Dimanche du 17.12.2000. 140. « De Londres, Arcadi Gaydamak défie les juges français », in Le Monde du 09.12.2000. 141. Nicolas Beau, « La Falcone connection servait la France », in Le Canard enchaîné du 27.12.2000 ; lire aussi Stephen Smith et Antoine Glaser, « Les hommes de l’“Angolagate” », in Le Monde du 13.01.2001. 142. « Ligaçoes perigosas… », op. cit. 143. Du 18.09.1997. 144. Du 13.01.2001. 145. « L’Angola soupçonné d’avoir versé 450 000 dollars au parti de Charlie », in Le Canard enchaîné du 20.12.2000. 146. Nicolas Beau et Hervé Martin, « Quand Falcone demandait aux Angolais de financer la liste Pasqua », in Le Canard enchaîné du 17.01.2001. 147. Nicolas Beau, « La Falcone connection servait la France », in Le Canard enchaîné du 27.12.2000. 148. Nicolas Beau, « Le milliard de dollars introuvable de l’affaire Falcone », in Le Canard enchaîné du 14.03.2001. 149. Interview à Libération du 06.03.2001. 150. « Angola : Des pierres précieuses et des armes ». 151. « France : “Affaires africaines” d’État ? », 14.12.2000. 152. Cité dans Le Monde du 25.07.2001. 153. Renaud Lecadre, « Début sinueux pour le procès du Sentier », in Libération du 21.02.2001. 154. Lire Noir silence, op. cit., p. 161-165 et Noir procès, op. cit., p. 174-177 et 231-234. 155. Nicolas Beau, « Le milliard de dollars… », op. cit. 156 Interview au Parisien du 28.06.2001. 157. Lire Pascal Ceaux, « Arcadi Gaydamak part en guerre contre
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les services secrets », in Le Monde du 02.06.2001. 158. « Angola. Entre le FMI et les “préfis”… », in LdC du 17.12.1998. 159. Lire « Angola. Un séminaire “opportun” le 26 mars 1997 au CFCE », in LdC du 06.03.1997. 160. Alain Lallemand, « Exclusif : Jack Sigolet parle », in Le Soir du 07.07.2001. 161. « Angola : hypothèque sur le futur », in ACf du 13.07.1998. 162. « Luanda. José Eduardo dos Santos “l’Italien” », in LdC du 03.07.1997. 163. « Angola. Le CCF dans les privatisations », in LdC du 09.01.1992. 164. Lire « La “Caisse française d’or noir” sur le bloc 3 » et « Elf rembourse les arriérés de Luanda auprès de la “Caisse” », in LdC des 28.01.1993 et 02.11.1995. 165. Lire « Angola. BTP français en flèche de grue » et « L’enjeu des télécoms », in LdC des 09.04 et 09.07.1998.
Notes de la conclusion 1. Association Bien public à l’échelle mondiale, 57, av. du Maine, 75014 Paris, tél. 33 (0)1 43 27 76 72. 2. Jean-Christophe Mitterrand, Mémoire meurtrie, op. cit. 3. Billets d’Afrique n° 5. 4. « Les dérives mafieuses de la Françafrique », janvier 1995, publié in Agir ici et Survie, « Dossiers noirs n° 1 à 5 », L’Harmattan, 1996. 5. Agir ici et Survie, France-Cameroun, « Dossier noir n° 7 », L’Harmattan, 1996, p. 8-9. 6. « Genova. Dette illégitime ou criminalité financière contre développement humain », in Grain de sable du 06.07.2001. 7. Voir le site . 8. Entretien avec le magazine du PNUD, Choix, 22.06.2000. 9. Courrier du 09.04.2000. 10. Hervé Gattegno, « Un nouveau circuit financier secret d’Alfred Sirven découvert au Liechtenstein », Le Monde, 04.04. 2001. 11. Lire supra, p. 113-116.
Conclusion La “Mafiafrique” pour horizon ?
R
epartons de la « Françafrique », cette face immergée de l’iceberg des relations francoafricaines. En 1960, l’histoire accule De Gaulle à accorder l’indépendance aux colonies d’Afrique noire : telle est la nouvelle légalité internationale proclamée, la face émergée, immaculée (la France meilleure amie de l’Afrique, du développement et de la démocratie). En même temps, Foccart est chargé de maintenir la dépendance, par des moyens forcément illégaux, occultes, inavouables. Il sélectionne, par la guerre (plus de 100 000 civils massacrés au Cameroun), l’assassinat ou la fraude électorale, des chefs d’État “amis de la France”. À ces gardiens de l’ordre néocolonial, il propose un partage de la rente des matières premières et de l’aide au développement. Les bases militaires, le franc CFA convertible en Suisse, les services secrets et leurs faux-nez (Elf et de multiples PME, de fournitures ou de “sécurité”) complètent le dispositif. Lequel tendra aussi constamment à grignoter les anciennes colonies belges (Congo, Burundi, Rwanda), espagnole (Guinée équatoriale), portugaises (surtout l’Angola), voire britanniques (sud-est du Nigeria, Sierra Leone), ou le Liberia sous tutelle américaine. C’est parti pour quarante ans de pillage, de soutien aux dictatures, de coups fourrés, de guerres secrètes – du Biafra aux deux Congos. Le Rwanda, les Comores, la Guinée-Bissau, le Liberia, la Sierra
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Leone, le Tchad, le Togo, etc. en conserveront longtemps les stigmates. Les dictateurs usés, boulimiques, dopés par l’endettement, ne pouvaient plus promettre le développement. Ils ont dégainé l’arme ultime, le bouc émissaire : « Si je prolonge mon pouvoir, avec mon clan et un discours ethnisant, c’est pour empêcher que vos ennemis de l’autre ethnie ne m’y remplacent ». On connaît la suite. La criminalité politique est entrée en synergie avec la criminalité économique. De telles dérives n’ont pas été sans déteindre sur la France : on est passé de la “raison d’État” foccartienne, très contestable, aux frères et neveux de Giscard, aux fils de Mitterrand et Pasqua… Les milliards dispensés par les Tarallo, Sirven et compagnie ont connu une inflation sans mesure, bien au-delà du seul financement des partis. Les mécanismes de corruption ont fait tache d’huile en métropole, avec les mêmes entreprises (Bouygues, Dumez), les mêmes hommes (Étienne Leandri, Roger-Patrice Pelat, Michel Pacary, Michel Roussin, etc.), les mêmes fiduciaires suisses, banques luxembourgeoises, comptes panaméens. Une partie du racket des marchés publics franciliens était recyclée via la Côte d’Ivoire ou l’Afrique centrale. Mais plusieurs pas supplémentaires ont été franchis en Angola. Désormais, les trafiquants d’armes comme Falcone ou les sociétés de mercenaires ont officiellement leur part dans les consortiums pétroliers : la guerre est programmée avec l’exploitation pétrolière. Il est significatif d’ailleurs que nombre de personnages clefs du pétrole français aient été également vendeurs d’armes, membres ou proches
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des services secrets : les Étienne Leandri, Alfred Sirven, Pierre Lethier, Jean-Yves Ollivier, Arcadi Gaydamak… La Fiba, banque fétiche du pétrole, abritait encore les comptes de l’empereur des jeux Robert Feliciaggi, éminence du réseau Pasqua. Des députés, des journalistes, des enquêteurs de la police judiciaire soulignent à satiété les liens financiers des frères Feliciaggi avec Jean-Jé Colonna, présenté comme le « parrain » de la Corse. Enfin, plusieurs affaires en cours établissent des connexions entre le recyclage des pétrodollars et le faux-monnayage ou le narcotrafic – à commencer par la Birmanie, dont la junte a rallié la Françafrique avec enthousiasme. Ce n’est pas d’aujourd’hui que datent les liens entre le pétrole, les ventes d’armes et les Services, ni les accointances de ces derniers avec le narcotrafic et les mafias. La plupart des Services estiment que leurs besoins excèdent très largement les budgets qui leur sont votés. Au-delà du renseignement, ils estiment de leur rôle de surveiller, contrôler, infiltrer la criminalité organisée qui tient des régions ou des secteurs entiers, et de négocier avec elle. Pour la constitution et la circulation de leurs cagnottes, ainsi que l’efficacité de leurs alliances, ils ont beaucoup contribué à l’essor des paradis fiscaux. Au nom de la sécurité nationale. Mais la mondialisation dérégulée des moyens de paiement, l’explosion de l’argent sale et des volumes traités par ces territoires hors la loi ont fait céder les digues. Quand “l’honorable correspondant” Sirven, jongleur de milliards, se vante d’avoir vingt fois de quoi faire sauter la classe politique, il résume malheureusement l’inversion des pouvoirs : la Françafrique prônait la raison d’État avec des méthodes de voyous,
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ceux qui les ont appliquées sont devenus des voyous qui font chanter la République. Autre enseignement angolais : derrière Falcone, se profile Arcadi Gaydamak, proche des Services français (la DST, du moins), russes, israéliens. Cet homme aux quatre passeports est une figure de la mondialisation, à l’instar des Henry Leir, Étienne Leandri, Marc Rich, Nadhmi Auchi. Le multimilliardaire Gaydamak apparaît branché sur les circuits de vente à vil prix du pétrole, des engrais, des diamants, des armements, des créances de l’exURSS. On sait que ces circuits, organisés offshore avant même la chute du mur de Berlin, ont généré une gigantesque et très inquiétante nappe de liquidités. Les protagonistes du pétrole angolais se sont branchés sur ce pactole. Bref, ce pays est devenu le champ expérimental d’un passage de la Françafrique à la “Mafiafrique”. La Françafrique s’y connecte avec ses homologues américain, britannique, russe, israélien, brésilien… Plus à l’est, elle rencontre ses homologues chinois, sud-africain, etc. De temps à autre, ce difficile partage mafieux des richesses africaines nourrit une effroyable guerre civile. Ainsi dans l’ex-Zaïre.
Bien public ou criminalité financière C’est bien loin, diront certains. Pas si sûr. La France est duelle. Le cynisme françafricain s’inspire des slogans anti-dreyfusards : la grandeur, l’honneur, l’intérêt “supérieur” de la nation. Mais beaucoup de Français se sentent davantage héritiers de ceux qui placèrent plus haut la vérité et la justice. S’il est des Africains qui aiment la France, c’est
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aussi pour cela. Nous sommes également les héritiers de deux cents ans de mouvement social. Nos ancêtres ont bâti un socle de biens publics, de biens de civilisation surplombant la logique marchande : l’éducation, la santé, la retraite, les congés payés, etc. Seuls quelques idéologues bornés contestent leur efficacité économique : un peuple éduqué et en bonne santé est plus efficace qu’un peuple maltraité. Jusqu’à un certain pourcentage de prélèvements obligatoires, l’élargissement des biens publics est un jeu à somme positive. Il élargit aussi la richesse privée. Tout le monde y gagne. C’est ce que nous ont écrit prophétiquement les deux jeunes Guinéens qui, durant l’été 1999, sont morts de froid dans une soute d’avion, demandant en tant qu’êtres humains le droit à l’éducation. Leur questionnement désigne un champ immense de mondialisation positive, prenant aussi en compte d’autres défis planétaires (effet de serre, sida, pollution des mers, accès à l’information, justice pénale, droit économique et social, etc.). Survie a ouvert un chantier scientifique et militant pour accélérer la conquête collective de ces biens publics mondiaux, via l’association Bien public à l’échelle mondiale 1. Une formidable perspective pour un nouvel élan de la solidarité internationale. Les paradis fiscaux ne sont pas seulement les réceptacles de la criminalité, les sièges des sociétés de mercenaires, les coffres-forts des pilleurs de l’Afrique. Si même un Jean-Christophe Mitterrand, qui se présente au juge comme un grand naïf I, est capable de cacher au fisc 13 milI. Il considère cependant, dans Mémoire meurtrie 2, que « RogerPatrice Pelat, aventurier flamboyant », a été pour lui « un second
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lions de revenus, il n’y aura bientôt plus que les pauvres et les imbéciles pour payer les impôts ! Nous aurons perdu deux cents ans de conquêtes sociales, gâché le combat collectif pour la dignité. Adieu l’école gratuite et la couverture maladie universelle ! En appelant un crime un crime, sans l’autorisation du gouvernement, le juge Courroye a aidé les Français à comprendre le monde où ils vivent, tel qu’il est et non tel qu’on nous le dépeint.
N’enterrons pas trop vite la Françafrique L’incarcération de Jean-Christophe Mitterrand, après celle de Pierre Falcone, a comme débondé les médias, débordant le cercle des spécialistes de l’Afrique. Télés, radios, hebdomadaires, journaux ont déversé les informations, parfois les scoops, sur les trafics d’armes mortifères, l’action délétère des réseaux, la noria des valises à billets. “La Françafrique, le plus long scandale de la République”, est sortie du “Noir silence” où elle était plongée. Elle a fait, longuement, la une de l’actualité. Les intérêts en jeu sont énormes, notamment dans le pétrole et la privatisation des services publics. La carte des réseaux et lobbies françafricains est en pleine mutation, mais leur puissance financière et médiatique reste dominante dans le paysage français. Plusieurs des principaux leaders politiques sont mouillés jusqu’au cou. La plupart des autres, et l’essentiel de la classe politique, sont intimidés. Comptez le reste, ceux qui se sont oppopère ». Avant de passer à un autre parrain interlope : « Avec Falcone, nous faisons très régulièrement le point ensemble à Paris, Londres ou Phoenix. »
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sés publiquement à la persistance de ce système : sur les doigts d’une main. Bref, il fallait tenter de bloquer le déferlement des révélations. Et d’abord discréditer l’action des juges, dont certains, enfin, intervenaient en liberté dans ce “domaine réservé”. Haro sur le troisième pouvoir ! Montesquieu n’est pas la tasse de thé des Charasse, Pasqua, Mitterrand, etc. Une armée d’avocats abusait de la stratégie de rupture I, théorisée jadis par Jacques Vergès au service des peuples opprimés, pour secourir les réseaux milliardaires II. Les vendeurs d’armes et leurs amis ont été transformés en victimes. Depuis les plus gros médias, un tombereau d’insultes a été déversé sur le juge Courroye, interdit de réponse : s’il esquissait une réaction, il serait dessaisi pour partialité. Et puis, “on” a ressorti un décret de 1939 interdisant à la justice de se mêler des trafics d’armes sans le feu vert du gouvernement. En même temps était déclenchée une magistrale entreprise de “communication” autour du mot “Françafrique”. Dès 1994, Survie avait inventé et forgé ce concept dans son sens actuel III. Nous avions signalé que nous reprenions, en la détournant, une expression utilisée en quelques discours, autour des années 1960, par l’Ivoirien HouphouëtI. Stratégie judiciaire qui privilégie la contestation des juges par rapport à l’objet du procès. II. Ce renversement reflète la trajectoire personnelle de Jacques Vergès, transformé en défenseur des Bongo, Sassou, Déby et autres Eyadema. III. Nous avons utilisé le terme pour la première fois, incidemment, en janvier 1994 3. Nous l’avons développé à partir du génocide du Rwanda, affiché dans le titre du « Dossier noir n° 2 », Les Dérives mafieuses de la Françafrique 4. Nous en avons donné une première définition dans le « Dossier noir n° 7 », FranceCameroun 5.
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Boigny. Cet indépendantiste “retourné” y fantasmait une relation fusionnelle avec la métropole. L’ennui, c’est que le terme, désormais incontournable, renvoie quasi automatiquement à nos travaux, qui en exposent les acteurs et les rouages, et qui montrent surtout que le système est loin d’avoir perdu sa nuisance. Au contraire : en Afrique centrale ou sur l’océan Indien, l’iceberg a tendance à s’enfoncer, la Françafrique passe des alliances avec ses homologues, adossées à d’autres métropoles. On a donc vu fleurir à longueur d’éditoriaux et d’articles, à commencer par Le Monde, de savantes étymologies de la “Françafrique” renvoyant uniquement à Houphouët – qui voulait dire le contraire de l’acception présente ! Il s’agit d’ôter au concept sa virulence, son tranchant, en le coupant de la source qui l’actualise… Simultanément, les médias bombardent le même refrain : la Françafrique, c’est fini – depuis l’arrivée de Chirac ou celle de Jospin, selon que le locuteur penche à droite ou à gauche. Partout, l’on conjugue le terme au passé révolu. « La page de la Françafrique est tournée », a “martelé” I le ministre de la Coopération Charles Josselin à l’occasion du Sommet franco-africain de Yaoundé – chez le très françafricain Paul Biya. De fait, la Françafrique a pris des coups. Le “secret défense” qui la protège est percé, les révélations vont se poursuivre, les Français paraissent plus réceptifs à la proposition d’un assainissement. Mais la pire erreur serait de croire qu’elle est déjà I. Les journalistes ont été si percutés par l’insistance du discours ministériel que plusieurs ont utilisé ce verbe pour en rendre compte.
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vaincue. Dans Le Monde du 16 mars 2001, Stephen Smith (après avoir épinglé au passage « les pourfendeurs de la vingt-cinquième heure du néocolonialisme français, […] de la “Françafrique” ») nous explique qu’il serait bien naïf de croire que la France peut opérer dans un pays comme l’Angola sans enfreindre la légalité internationale. Disparue, la Françafrique ? Non. Son sort est lié à une conviction persistante : l’on ne peut pas traiter les États africains comme des États de droit, avec lesquels passer des contrats équitables.
Les voies du droit À la conquête de l’État de droit, national et international, il n’y a d’alternative que la “loi de la jungle”, l’arbitraire du plus fort et du plus riche. À ceux qui douteraient de l’efficacité d’une telle approche, rappelons ce renversement récent : ce sont désormais les avocats des riches et des criminels contre l’humanité qui sont contraints d’inventer des “stratégies de rupture”, alors que c’étaient autrefois les avocats des opprimés. Les mouvements citoyens l’ont compris. Arnaud Zacharie, chercheur au Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), pointe la criminalité financière qui a surendetté l’Argentine, dans une approche voisine de celle de ce Dossier noir 6. La Campagne française pour l’annulation de la dette des pays pauvres très endettés 7, coordonnée par le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement), propose entre autres la création d’une Cour internationale d’arbitrage « pour juger des responsabilités des emprun-
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teurs, des prêteurs et des fournisseurs, les ONG pouvant se porter partie civile ». Une révolution ! Elle est en germe dans les attendus du “Tribunal de la dette extérieure”, institué en 1999 par la société civile brésilienne. Il considérait entre autres que « la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés a déjà été payée » ; « que cet endettement a été créé par des gouvernements dictatoriaux, donc illégitimes et anti-populaires, et que les créanciers de ces gouvernements, en plus d’être leurs complices, étaient au courant des risques qu’impliquaient ces prêts » ; « que l’expansion de la dette est liée aux élites brésiliennes qui, dans toute l’histoire et actuellement, ont été complices avec les institutions financières de l’étranger, privées, officielles et multilatérales ». Le “Tribunal” demandait « l’audit de la dette publique extérieure et de tout le processus de l’endettement brésilien, […] afin de vérifier financièrement et juridiquement s’il existe encore une dette à payer, qui doit la payer, et d’établir des normes démocratiques de contrôle et d’endettement ». Odile Biyidi, qui fonda la revue Peuples noirs avec son mari l’écrivain camerounais Mongo Béti, résume de manière percutante l’illégitimité de la dette et suggère une attitude plus offensive que la simple demande d’une amnistie I : « Qu’est-ce que c’est que ces pays où il faut tout contrôler, où il faut que le FMI fasse les comptes, que les missionnaires des ONG soignent et éduquent ? Ils ont des dirigeants incapables ? Oui, et on sait pourquoi, parce qu’ils ont été mis là, par les bailleurs de I. Selon Jacques Chirac 8, « depuis le début de la crise de la dette […], la France défend une politique généreuse ».
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fonds, en raison même de leur incapacité à gérer ces fonds autrement que pour les retourner au centuple à certains malins, en se servant bien sûr grassement au passage. « Ce qui serait plus logique et plus sain, ce serait de faire rembourser la dette non pas par des populations qui n’ont rien reçu, mais d’abord par tous ceux qui ont profité de l’argent indûment : entreprises surpayées, commissions pharaoniques d’un lot d’intermédiaires véreux, trésors de guerre des dictateurs, fonds secrets des partis politiques. Ce sont tous ces gens-là qui sont pour qu’on efface tout. […] La remise de la dette doit […] être accompagnée d’enquêtes et de poursuites internationales pour faire la lumière, sinon c’est une prime à la délinquance. C’est l’argent du peuple, le peuple doit savoir ce qu’il en fait. 9» Une illustration parmi d’autres de la complicité des créanciers. Le 4 avril 2001, Le Monde titrait : « Un nouveau circuit financier secret d’Alfred Sirven découvert au Liechtenstein 10», avec le retrait de 200 millions de francs d’argent liquide. La somme provenait entre autres d’un compte “Lille” I, ouvert par Alfred Sirven à la Banque de dépôt et de gestion (BDG) de Lausanne. Le 1er mars précédent, Sirven avait déclaré au juge Van Ruymbeke, à propos de sa fuite aux Philippines : « Il m’avait été vivement conseillé de m’éloigner. […] En retour, il m’a été assuré que je pourrais séjourner à l’étranger sans risque particulier… » Face à cette impudence, l’envie est forte d’engager des plaintes devant les juridictions pénales. I. Coïncidence : le parti de l’actuel président de la République française avait, jusqu’à une date récente, son siège rue de “Lille”.
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Mais la répression de la criminalité financière internationale est encore dans les limbes. Elle devrait être à notre avis un objectif majeur des mouvements civiques. Il faudrait d’une part faire reconnaître à certaines pratiques prédatrices le caractère d’« infractions graves » relevant de la « participation à groupe criminel organisé », comme le suggère François Lille 11. Des voies sont d’autre part explorées pour obtenir des incriminations pénales devant la justice française, mais il serait contreproductif d’en faire état prématurément. Il est possible aussi dès aujourd’hui, sur la base des éléments signalés dans le présent livre, d’engager des procédures de droit civil contre les escroqueries de la dette et de marquer peut-être, politiquement, des points décisifs. Des associations de contribuables congolais ou angolais pourraient se constituer et faire constater la nullité de certains prêts à leur pays. Les causes de nullité ne manquent pas. Il y a “vice du consentement” quand il est fait violence à l’emprunteur, par exemple lorsqu’on l’a acculé à une situation financièrement ou militairement désespérée. Il y a “absence de cause” quand l’argent prêté à un État est allé directement sur les comptes personnels de ses dirigeants, sans passer par les caisses publiques : dans une jurisprudence retentissante, la Suisse a admis qu’en ce cas il fallait distinguer entre patrimoines privé et étatique. Dès lors, ce serait aux destinataires des sommes à les rembourser… Il y a “cause illicite” dans le cas d’un achat illégal d’armes : le contrat est également nul. Les demandes en annulation pourront par ailleurs être agrémentées de demandes en répara-
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tions si l’on peut établir la mauvaise foi des prêteurs. Pour certains que nous avons cités, ce ne devrait pas être trop difficile… De même, nombre des commissions évoquées pourraient être réclamées, avec dommages et intérêts, pour absence de cause (service insignifiant ou inexistant), cause illicite, dol (tromperie) ou “violence”… Nous ne croyons certes pas que ces voies juridiques suffiront à elles seules. Mais elle peuvent procurer aux mouvements d’opinion quelques positions inexpugnables. On le voit, ce ne sont pas les chantiers qui manquent. Plutôt, pour le moment, les ouvriers – même s’ils sont déjà nombreux sur plusieurs continents.
Notes
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les services secrets », in Le Monde du 02.06.2001. 158. « Angola. Entre le FMI et les “préfis”… », in LdC du 17.12.1998. 159. Lire « Angola. Un séminaire “opportun” le 26 mars 1997 au CFCE », in LdC du 06.03.1997. 160. Alain Lallemand, « Exclusif : Jack Sigolet parle », in Le Soir du 07.07.2001. 161. « Angola : hypothèque sur le futur », in ACf du 13.07.1998. 162. « Luanda. José Eduardo dos Santos “l’Italien” », in LdC du 03.07.1997. 163. « Angola. Le CCF dans les privatisations », in LdC du 09.01.1992. 164. Lire « La “Caisse française d’or noir” sur le bloc 3 » et « Elf rembourse les arriérés de Luanda auprès de la “Caisse” », in LdC des 28.01.1993 et 02.11.1995. 165. Lire « Angola. BTP français en flèche de grue » et « L’enjeu des télécoms », in LdC des 09.04 et 09.07.1998.
Notes de la conclusion 1. Association Bien public à l’échelle mondiale, 57, av. du Maine, 75014 Paris, tél. 33 (0)1 43 27 76 72. 2. Jean-Christophe Mitterrand, Mémoire meurtrie, op. cit. 3. Billets d’Afrique n° 5. 4. « Les dérives mafieuses de la Françafrique », janvier 1995, publié in Agir ici et Survie, « Dossiers noirs n° 1 à 5 », L’Harmattan, 1996. 5. Agir ici et Survie, France-Cameroun, « Dossier noir n° 7 », L’Harmattan, 1996, p. 8-9. 6. « Genova. Dette illégitime ou criminalité financière contre développement humain », in Grain de sable du 06.07.2001. 7. Voir le site . 8. Entretien avec le magazine du PNUD, Choix, 22.06.2000. 9. Courrier du 09.04.2000. 10. Hervé Gattegno, « Un nouveau circuit financier secret d’Alfred Sirven découvert au Liechtenstein », Le Monde, 04.04. 2001. 11. Lire supra, p. 113-116.
Annexes Pistes juridiques pour une remise en cause de la dette Cette note I n’aborde pas la très importante et plus médiatique question de la responsabilité pénale des divers acteurs de la dette. Cependant, il va sans dire que, par commission directe, par complicité ou par recel, les infractions d’abus de biens sociaux, de corruption, de crime contre l’humanité, diverses infractions fiscales, ou diverses infractions à la législation sur l’importation ou l’exportation de biens peuvent notamment être constituées. Cette responsabilité pénale peut s’apprécier non seulement au regard du droit pénal français, mais aussi au regard du droit pénal d’un pays dans lequel un élément de l’infraction est présent. Il est à noter que les tribunaux de certains pays peuvent se reconnaître compétents pour juger certaines infractions alors même qu’aucun élément de l’infraction n’a été commis sur le territoire de ce pays (compétence dite universelle pour les crimes contre l’humanité). En conséquence, cette note n’aborde que des questions de nullité des engagements et de responsabilité civile des acteurs de la dette. Ce n’est qu’une première étape, peut-être un peu frustrante : par principe, les dispositions pénales sont I. Rédigée par un ami juriste.
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d’ordre public, et peuvent être mises en branle aussi bien par les victimes (souvent) que par des autorités publiques de poursuite (toujours) ; au contraire, si les nullités de droit civil frappant un contrat peuvent être d’ordre public, encore faut-il que ces nullités soient amenées devant le juge, ce qui ne peut être fait souvent que par les parties elles-mêmes. Dans nos espèces, on peut douter que les parties viennent à contester judiciairement les contrats passés entre elles. À la lecture de ce « Dossier noir », il apparaît que diverses opérations ont été mises en place, qui ont, pour certaines, donné lieu à la signature de contrats. On supposera que ces engagements ont été soumis au droit français par les parties signataires, ce qui doit être vérifié. Si des éléments restent encore à étudier, on peut évoquer des pistes tendant à conclure à la nullité de certains des engagements pris dans le cadre de ces opérations. En droit français, les nullités pouvant affecter les engagements évoqués proviennent principalement d’un vice du consentement (en l’espèce, dol ou violence), de l’absence d’objet de la convention, ou d’une absence de cause ou de la cause illicite d’un engagement. Plusieurs types d’opérations ou d’engagements peuvent être distingués : – des prêts, cautionnés ou non, gagés ou non sur des matières premières ; – des ventes de matières premières ; – des ventes d’armes ; – le versement de commissions fictives dans le cadre de ces différentes opérations. Plus spécifiquement, on étudiera les prêts, ainsi que les opérations les accompagnant.
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Sur les prêts, cautionnés ou non, gagés ou non sur des matières premières Le dossier mentionne à plusieurs reprises l’existence de prêts d’argent mis en place par des organismes de droit privé II. Ces prêts sont parfois accompagnés de garanties, tels le cautionnement d’une autre société (souvent une société pétrolière ou cotonnière) ou le gage d’une partie de la production future de pétrole ou de coton du pays. Même si les éléments ne paraissent pas très clairs, on peut concevoir que des sociétés, par exemple pétrolières ou cotonnières, rapprochent des organismes prêteurs des pays emprunteurs et fournissent leur cautionnement aux crédits accordés. Les matières premières peuvent soit servir directement de garantie aux banques, sous la forme d’un gage, à charge pour elles de se faire promettre l’achat de ces matières premières par une société ou de les vendre directement sur le marché, soit être promises à la société pétrolière ou cotonnière apportant son cautionnement, à un prix permettant à ces dernières de réaliser un substantiel bénéfice, ou aux banques d’être remboursées du montant du prêt. Ces opérations pourraient être remises en cause sur les bases suivantes : vice du consentement On peut soutenir qu’il y a violence à accorder des prêts à un emprunteur qui se trouve dans une situation financièrement ou militairement désesI. Il conviendra d’étudier par ailleurs le régime des prêts accordés par des organismes publics (comme l’Agence française de développement).
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pérée. En effet, la violence, cause de nullité des engagements, se définit en droit français comme un acte « de nature à faire impression sur une personne raisonnable » et pouvant inspirer « la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ». Une situation économique ou militaire désespérée semble donc de nature à constituer une violence, compte tenu du fait que le prêteur et/ou la société pétrolière ou cotonnière participe à la réalisation de cette situation (en soutenant l’adversaire, en boycottant le pays, etc.). D’autre part, les agissements d’un prêteur sachant que l’argent prêté sera détourné peuvent être qualifié de dol. Le dol peut alors constituer une cause de nullité si « les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté I ». Cependant, le détournement d’argent semble être le fait d’une complicité des deux parties, ce qui laisse penser qu’il n’y a pas véritablement dol, les manœuvres étant connues. D’autres qualifications semblent plus adaptées. absence de cause, cause illicite Le Code civil français précise qu’un engagement sans cause ou ayant une cause illicite est nul. La cause du contrat de prêt est la mise à disposition des fonds. Cette mise à disposition donne aussi naissance à l’obligation de restitution des sommes prêtées et au versement des intérêts. Dans le cas du détournement des sommes prêtées avec l’assentiment du prêteur, on peut considérer I. Article 1116 du Code civil.
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que les sommes n’ont jamais été mises à disposition de l’État emprunteur. Le prêt pesant sur l’État n’a donc pas de cause, et partant pour un contrat réel, pas d’existence. L’État en question n’a donc en théorie aucune obligation de remboursement des fonds, si ces fonds n’ont pas été mis à disposition. Plus encore, on pourrait soutenir qu’il existe un contrat de prêt entre les particuliers ayant détourné les sommes prêtées, lorsque ces sommes ont été directement mises à disposition de ces personnes. Dés lors, l’obligation de restitution de ces sommes pèse sur les particuliers ayant détourné l’argent. Par extension, la cause d’un financement affecté peut être l’utilisation finale des sommes empruntées. Si l’on prouve que le prêteur connaît la destination des fonds et que cette utilisation est illicite, on peut également soutenir que la cause de ces prêts est donc elle-même illicite, car servant à un enrichissement personnel d’une partie des dirigeants des pays concernés, à l’achat illégal d’armes, etc. Dans ce cas, le prêt est également nul. infraction à la réglementation bancaire Un prêt accordé en infraction à la réglementation bancaire française est nul. Cependant, cette réglementation n’est applicable que lorsque l’opération de crédit est faite ou réputée faite en France. On peut toutefois examiner la conformité des opérations au regard de la réglementation bancaire locale. Pour conclure, même temporairement, il convient d’examiner les conséquences de ces nullités. La nullité d’un engagement remet les parties
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dans l’état dans lequel elles étaient avant la conclusion du contrat. En pratique, l’annulation d’un prêt entraîne pour l’emprunteur la restitution du capital restant dû et, pour le prêteur, la restitution des intérêts déjà perçus. Ainsi, la nullité ne peut être “intéressante” pour un pays que si le montant des intérêts déjà versés dépasse le montant du capital restant dû – sauf à tenir compte des éventuels dommages et intérêts qui pourraient augmenter ces restitutions. Sans préjudice d’une action contre des tiers non contractants en responsabilité délictuelle, le pays emprunteur pourrait donc engager la responsabilité du prêteur, notamment pour mauvaise foi dans l’exécution (ou dans la conclusion) du contrat I.
Sur le rachat de la dette Le “commerce” des dettes de mauvaise qualité (Distressed debt) est une activité paradoxalement très lucrative. La contestation peut notamment porter sur les points suivants : bonne foi des prêteurs & des garants Les bénéfices importants réalisés par certains acteurs de la dette, et notamment par des sociétés pétrolières, peuvent permettre d’engager leur responsabilité sur la base de la mauvaise foi dans l’exécution des contrats. En effet, ces sociétés rachètent des dettes avec décote, afin de compenser celles-ci avec le prix dû pour l’acquisition de matières premières. Si les prêts et les contrats de vente sont conclus de concert avec un débiteur que l’on sait défaillant, il est clair que le but de l’opération est I. Article 1134 du Code civil.
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de permettre à la société d’acheter du pétrole à vil prix. Cependant, cette voie semble difficile. le retrait litigieux Cette institution permet au débiteur d’une créance cédée de se libérer de sa dette en payant au cessionnaire de la créance le prix de cession et non le montant nominal de la dette I. Cependant, cette disposition ne peut être mise en place que s’il y a procès et contestation sur le fond du droit touchant cette créance. Si elle trouve à s’appliquer, cette disposition permet de limiter les bénéfices réalisés par le cessionnaire de la créance, égaux au montant de la décote.
Sur le versement de commissions fictives dans le cadre de ces différentes opérations Il apparaît que de nombreuses commissions sont versées à de multiples agents, sans rapport avec des services en réalité insignifiants ou inexistants. On peut ici reproduire le raisonnement sur la cause illicite ou inexistante du versement de ces commissions, soit que les prestations soient illicites, soit qu’elles soient inexistantes. On peut aussi penser que ces commissions ne sont pas librement consenties, mais données par dol ou violence. Là encore, les pistes sont nombreuses, à condition de préciser un peu les choses. I. « Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite. » (Article 1699 du Code civil)
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Repères chronologiques Congo-Brazzaville 15 août 1960. Proclamation de l’indépendance du Congo. L’abbé Fulbert Youlou est élu président de la République. 1963. Une insurrection provoque la démission de l’abbé Fulbert Youlou. Alphonse MassambaDébat devient président de la République. Pascal Lissouba est nommé Premier ministre. 1969. Proclamation de la République populaire du Congo. Le parti congolais du travail (PCT) remplace l’ancien parti unique et le président de son Comité central, Marien Ngouabi, est nommé à la tête de l’État. 18 mars 1977. Assassinat de Marien Ngouabi. L’ancien président Massamba-Débat, mis en cause dans cet assassinat, est exécuté le 25 mars. Un comité militaire présidé par le commandant Sassou Nguesso déclare assumer tous les pouvoirs. Le colonel Joachim Yhombi-Opango devient chef de l’État. 5 février 1979. Destitution de Yhombi-Opango. Le colonel Denis Sassou Nguesso est nommé chef de l’État par le PCT. 30 juillet 1984. Le colonel Denis Sassou Nguesso est reconduit à la présidence de la République par le PCT. 25 février - 10 juin 1991. Organisation d’une conférence proclamée « nationale et souveraine ». Nomination d’André Milongo au poste de
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Premier ministre de la Transition. Sassou Nguesso, chef de l’État, reste au pouvoir avec des prérogatives réduites. 16 août 1992. Élection présidentielle. Pascal Lissouba est élu avec 61,32 % des suffrages au second tour avec le soutien de Sassou Nguesso. Les deux leaders ne vont pas tarder à se brouiller. Juin-juillet 1997. Affrontements à Brazzaville entre l’armée et la milice de l’ancien président Denis Sassou Nguesso. Le Conseil constitutionnel décide de reporter l’élection présidentielle, initialement prévue le 27 juillet, et de proroger le mandat du Président. 25 octobre 1997. Denis Sassou Nguesso, soutenu entre autres par des contingents angolais et tchadien, des résidus des armées de Mobutu (Zaïre) et d’Habyarimana (Rwanda), ainsi que par des mercenaires de diverses nationalités, y compris française, sort vainqueur de ces affrontements. Il s’investit président de la République. Le lendemain, Philippe Jaffré, président d’Elf, se rend à Brazzaville pour féliciter le vainqueur. 30 juin 1998. Jacques Chirac en visite à Luanda se « réjouit de l’intervention de l’Angola au CongoBrazzaville » qui a permis à Denis Sassou Nguesso de reprendre le pouvoir. 29 décembre 1999. « Accord de cessation des hostilités » entre le pouvoir et les oppositions armées.
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Biographies de quelques protagonistes Barril (Paul) Numéro 2 du GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale), puis de la « cellule » de l’Élysée sous François Mitterrand. Il multiplie ensuite les missions en Afrique et au Moyen-Orient, avec le groupe de sécurité privé qu’il a fondé. Bongo (Omar) Président du Gabon depuis 1967 et chef du parti unique, le parti démocratique congolais (PDG). Élu et réélu au premier tour grâce à des élections truquées. Ancien sous-officier de renseignement dans l’armée française. Gendre de Denis Sassou Nguesso, président du Congo-Brazzaville. Compaoré (Blaise) Président du Burkina Faso depuis 1987, après le complot qui abattit Thomas Sankara. Dos Santos (José) Président de l’Angola, chef du MPLA (Mouvement pour la libération de l’Angola). Ce parti, qui s’est longtemps réclamé du marxisme, est au pouvoir depuis l’indépendance (1975). Foccart (Jacques) Homme de l’ombre du gaullisme, il est l’ancêtre de tous les réseaux franco-africains depuis l’indépendance. Secrétaire général de l’Élysée sous la présidence du général De Gaulle, chargé du domaine réservé (Afrique et Services), puis conseiller pour l’Afrique de Georges Pompidou, il est devenu le conseiller personnel de Jacques Chirac à Matignon (1986-88), puis à l’Élysée de mai 1995 jusqu’à sa mort en 1997.
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Kolelas (Bernard) Maire de Brazzaville depuis 1995, il est entré en politique dans les années 1950. Après la chute en 1963 du premier président du Congo, l’abbé Fulbert Youlou, il brave le système socialiste instauré dès lors, et tente un coup d’État en 1969. Il est aujourd’hui le chef du Mouvement congolais pour le développement et la démocratie intégrale (MCDDI), deuxième parti du Congo, dont le fief est la région du Pool. Ses milices s’opposèrent violemment à celles de Sassou Nguesso durant les guerres de 1997 et 1999. Le Floch-Prigent (Loïk) Directeur de Rhône-Poulenc de 1982 à 1986, il est nommé PDG d’Elf en 1989 et reste à la tête du groupe jusqu’en 1993. En 1997, dans le cadre de l’affaire Biderman, il est mis en examen et incarcéré. « Lâché » par ses amis politiques lors de l’« affaire » et du procès Elf, il fait de nombreuses révélations qui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement d’Elf. Il conseille aujourd’hui Denis Sassou Nguesso en matière d’exploitation pétrolière. Lissouba (Pascal) Président du Congo-Brazzaville (1992-1997). Élu à la suite de la Conférence nationale souveraine, il est renversé par la guerre civile de 1997. Milongo (André) Président de l’Assemblée nationale, ex-Premier ministre et ministre de la Défense du gouvernement de transition de 1991. Candidat indépendant, il partage son fief avec Kolelas. Son parti est l’Union pour la démocratie et la République (UDR-Mwinda). Il participe au gouvernement de Lissouba. Il vit aujourd’hui en exil en France. Roussin (Michel) Officier de gendarmerie, puis numéro 2 de la DGSE. Évincé par François Mitterrand, il devient directeur de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris. Ministre
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de la Coopération (1993-1994) du gouvernement Balladur, puis « Monsieur Afrique » du patronat et du groupe Bolloré. Sassou Nguesso (Denis) Officier de l’armée congolaise, puis responsable de la sécurité sous la présidence de Marien Ngouabi, il devient président du Congo-Brazzaville en 1979. Détrôné par la Conférence nationale souveraine de 1991, il revient au pouvoir en 1997, à la tête de ses miliciens Cobras et d’une coalition étrangère. Savimbi (Jonas) Chef de l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola), mouvement rebelle en lutte depuis 1975 contre le régime MPLA. Sirven (Alfred) Après quinze ans passés au sein de Mobil Oil, Sirven rejoint le groupe Avon, puis Bendix, avant d’être promu, en 1978, directeur des relations humaines de Moulinex. En 1982, il est nommé par le nouveau PDG de RhônePoulenc, Loïk Le Floch-Prigent, pour diriger les relations sociales de l’entreprise nouvellement nationalisée. Quand ce dernier est nommé président du groupe Elf, Sirven le rejoint au poste de directeur des affaires générales. Il est son éminence grise et le généreux distributeur de commissions, via notamment une filiale suisse qu’il préside. En 1993, la direction d’Elf change. Il quitte le groupe pour fonder, à Genève, une société de conseil, Interénergie. En 1997, l’affaire des frégates vendues à Taïwan éclate. Inquiété par la justice, Sirven quitte la France et fait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt. Sa cavale prend fin en février 2001. Tarallo (André) « Monsieur Afrique » officiel d’Elf jusqu’en 1993, resté ensuite conseiller officieux de Philippe Jaffré – le successeur de Loïk Le Floch-Prigent à la tête de la compagnie pétrolière.
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Principaux sigles AFD : BCCI : CADA : CCCE : CFA : CFD : CIAN : CIBC : CNS : DGSE : DST : CFA :
Fiba : FMI : GLNF : GMF : KGB : MPLA : PCT : UCB : Unita :
Agence française de développement (ex-CFD) Bank of Credit and Commerce International Compagnie angolaise de distribution alimentaire Caisse centrale de coopération économique (future CFD) Communauté financière africaine Caisse française de développement (future AFD) Conseil des investisseurs français en Afrique noire Canadian Imperial Bank of Commerce Conférence nationale souveraine Direction générale de la sécurité extérieure Direction de la surveillance du territoire Communauté financière africaine. Le franc CFA valait 0,02 de francs jusque début 1994 puis 0,01 francs après. Banque française intercontinentale Fonds monétaire international Grande Loge nationale française Garantie mutuelle des fonctionnaires Komitet Gossoudartsvennoï Bezopasnosti (services secrets de l’ex-URSS) Mouvement populaire pour la libération de l’Angola Parti congolais du travail Union congolaise de banques Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola
Table des matières Introduction Note méthodologique, schéma général
I. Congo : pétrole, dette, guerre La dette du Congo-Brazza
1. Le pétrole fait flamber la dette La dette de Sassou I L’obsession de l’amnistie La dette des Lissoubistes
2. Les flambeurs entrent en guerre La facture de l’été 1997 Sassou II pompe comme Sassou I 1999 : finance & crime contre l’humanité
3. Les allumeurs … Elf Traders et intermédiaires : Sigolet-Tarallo, Michel Pacary, Hassan Hojeij, Samuel Dossou, Loïk Le Floch-Prigent, Marc Rich & Glencore, etc. Les banques : Paribas & BNP, Société générale, CIBC & Crédit agricole-Indosuez
5 9 13 16 17 19 30 37 51 53 60 65 69 69
77
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4. Paris complice
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II. Angola. Pétrole, guerre, dette
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5. Douteuses connexions d’une pétrodictature
119
La “sale guerre”
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La dette de l’Angola
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Pétrole & Françafrique L’argent de la guerre & de la corruption
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6. Sous Gaydamak, Falcone
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7. Armes, services, fisc, médias, justice
143
8. Gaydamak, Menatep, la Russie & Israël
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9. Drôle de dette
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Dette & ajustement structurel : le cercle vicieux
Conclusion. La “Mafiafrique” pour horizon ? Bien public ou criminalité financière N’enterrons pas trop vite la Françafrique Les voies du droit Annexes Pistes juridiques Repères chronologiques Congo-Brazzaville Biographies des protagonistes Principaux sigles Notes Chap. I. Congo : pétrole, dette, guerre Chap. II. Angola : pétrole, guerre, dette Conclusion
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191 198 200 203
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