La Lettre Aux Galates: Deuxième Édition Revue (Rhetorica Biblica et Semitica) (French Edition) [2 ed.] 9042944552, 9789042944558

Chere a Luther, qui l'appelait sa petite fiancee , la Lettre aux Galates est, malgre sa brievete, un texte majeur,

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French Pages 279 [284] Year 2021

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La Lettre Aux Galates: Deuxième Édition Revue (Rhetorica Biblica et Semitica) (French Edition) [2 ed.]
 9042944552, 9789042944558

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pontificia universitas gregoriana rhetorica biblica et semitica

Roland Meynet

LA LETTRE AUX GALATES Deuxième édition revue

PEETERS

LA LETTRE AUX GALATES

Roland Meynet

LA LETTRE AUX GALATES Deuxième édition revue Rhetorica Biblica et Semitica XXVI

PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT 2021

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BlBLIQUE ET SÉMITIQUE

Il existe de nombreuses sociétés savantes dont l’objet est l’étude de la rhétorique. La plus connue est la « Société internationale pour l’histoire de la rhétorique ». La RBS est la seule : • qui se consacre exclusivement à l’étude des littératures sémitiques, la Bible essentiellement, mais aussi d’autres, des textes musulmans par exemple ; • qui s’attache par conséquent à inventorier et à décrire les lois particulières d’une rhétorique qui a présidé à l’élaboration des textes dont l’importance ne le cède en rien à ceux du monde grec et latin dont la civilisation occidentale moderne est l’héritière. Il ne faudrait pas oublier que cette même civilisation occidentale est héritière aussi de la tradition judéo-chrétienne qui trouve son origine dans la Bible, c’est-à-dire dans le monde sémitique. Plus largement, les textes que nous étudions sont les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam. Une telle étude scientifique, condition première d’une meilleure connaissance mutuelle, ne saurait que contribuer au rapprochement entre ceux qui se réclament de ces diverses traditions. • • •

• •

La RBS promeut et soutient la formation, les recherches et les publications : surtout dans le domaine biblique, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament ; mais aussi dans celui des autres textes sémitiques, en particulier ceux de l’islam ; et encore chez des auteurs nourris par les textes bibliques, comme saint Benoît et Pascal. Pour cela, la RBS organise les années paires un colloque international dont les actes sont publiés dans la présente collection ; chaque année des séminaires de formation à sa méthodologie, en différentes langues.

La RBS accueille et regroupe d’abord les chercheurs et professeurs universitaires qui, dans diverses institutions académiques, travaillent dans le domaine de la rhétorique biblique et sémitique. Elle encourage de toutes les manières les étudiants, surtout de doctorat, dans l’apprentissage de sa technique propre. Elle est ouverte aussi à tous ceux qui s’intéressent à ses activités et entendent les soutenir. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BIBLIQUE ET SÉMITIQUE Pontificia Università Gregoriana — Piazza della Pilotta, 4 — 00187 Roma (Italie) Pour plus de renseignements sur la RBS, voir : www.retoricabiblicaesemitica.org. ISBN 978-90-429-4455-8 eISBN 978-90-429-4456-5 D/2021/0602/3 A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2021, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.

Rhetorica Biblica et Semitica Beaucoup imaginent que la rhétorique classique, héritée des Grecs à travers les Romains, est universelle. C’est en effet celle qui semble régir la culture moderne, que l’Occident a répandue sur l’ensemble de la planète. Le temps est désormais venu d’abandonner un tel ethnocentrisme : la rhétorique classique n’est pas seule au monde. La Bible hébraïque, dont les textes ont été écrits surtout en hébreu mais aussi en araméen, obéit à une rhétorique bien différente de la rhétorique gréco-romaine. Il faut donc reconnaitre qu’il existe une autre rhétorique, la « rhétorique hébraïque ». Quant aux autres textes bibliques, de l’Ancien Testament et du Nouveau, qui ont été soit traduits soit rédigés directement en grec, ils obéissent largement aux mêmes lois. On est donc en droit de parler non seulement de rhétorique hébraïque, mais plus largement de « rhétorique biblique ». En outre, ces mêmes lois ont ensuite été reconnues à l’œuvre dans des textes akkadiens, ougaritiques et autres, en amont de la Bible hébraïque, puis dans les textes arabes de la Tradition musulmane et du Coran, en aval de la littérature biblique. Il faut donc admettre que cette rhétorique n’est pas seulement biblique, et l’on dira que tous ces textes, qui appartiennent à la même aire culturelle, relèvent d’une même rhétorique qu’on appellera « rhétorique sémitique ». Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition toutefois de les analyser en fonction des lois de la rhétorique qui les gouverne. On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux différents niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.

In memoriam des petites sœurs de Jésus Alisa et Guila

INTRODUCTION

Quand, après vingt ans de séjour au Proche-Orient, au tournant des années 1991-92, je suis revenu en Europe, plus exactement quand je suis passé de Jérusalem à Rome, j’ai été amené à faire une pause d’un semestre à Paris. La faculté jésuite de théologie du Centre Sèvres m’avait demandé d’assurer un cours et un séminaire. Pour le séminaire, on m’avait donné le choix entre trois lettres de Paul : Galates, Éphésiens ou Philippiens. J’éliminai d’entrée de jeu la première. Elle me faisait peur. C’est en effet toute la question, difficile, du rapport entre la Loi et la foi qui est posée dans cette lettre, même si Paul devait ensuite la reprendre et la développer dans la Lettre aux Romains. Les lettres aux Philippiens ou aux Éphésiens me semblaient moins dangereuses à manipuler. Puis je me souvins de ce qui m’était arrivé à Jérusalem à propos de la Lettre aux Galates. À l’Institut biblique, mon vieil ami Sévillan, Juan Esquivias, qu’on appelait Yohanan ha-qatan, m’avait raconté qu’un soir, alors qu’il s’apprêtait à célébrer la messe en hébreu avec la petite communauté de Saint-Isaïe, une religieuse, juive devenue chrétienne, vint lui demander : « Yohanan, on peut changer la première lecture ? » Peu contrariant de nature, il accepta aussitôt. Mais, après la messe, tout de même un peu intrigué, il voulut savoir quel était le texte qui avait été écarté. C’était un passage de la Lettre aux Galates ! Il me raconta le fait une deuxième fois, ajoutant encore : « Il faudra bien qu’un jour, lorsque l’occasion se présentera, j’aborde la question avec ces religieuses... ». Peu de temps avant de quitter la Ville sainte, il m’arriva la même aventure. Dans la même situation, une autre sœur vient me dire : « Roland, c’est encore les Galates ! On change, non ? » — « Non, Guila, on lit les Galates ! » J’avais été bien préparé pour donner une telle réponse. Je laisse de côté l’homélie que j’avais préparée et en improvise une autre, sur l’esprit d’enfance... Certes, il n’est pas difficile de comprendre que, pour des juifs, cette lettre de Paul est bien difficile à entendre. Toutefois, si l’enfant ne comprend pas ce que disent ses parents, il ne doit pas rejeter leurs paroles ; il lui faut patienter et faire confiance : il comprendra plus tard. Et si on ne comprend pas en ce monde ci, on comprendra à coup sûr dans le monde qui vient. En attendant, on écoute. À plus forte raison quand il s’agit de ce que l’on tient pour Parole de Dieu. Et davantage encore si ça dérange ! Je voulais donc en avoir le cœur net, et pour cela il me fallait étudier. D’autant plus que, même pour des chrétiens non juifs, les questions que Paul aborde dans sa Lettre aux Galates ne sont pas sans actualité. S’ils ne sont pas tenus par les prescriptions de la Loi de Moïse, circoncision, sabbat et fêtes, interdits alimentaires, seraient-ils affranchis de toute loi ? Telle est donc la raison fondamentale pour laquelle j’ai entrepris l’étude de ce texte.

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La Lettre aux Galates

Mais il en est aussi une autre, surgie après coup, mais qui n’est pas sans importance. La Lettre aux Galates n’est pas facile à comprendre. Un des aspects majeurs du problème est de savoir de quel outil Paul s’est servi pour l’écrire, car il faudra utiliser le même pour la lire. Comme tous les auteurs du Nouveau Testament et déjà ceux des derniers livres de l’Ancien Testament — Tobit, Judith, les deux livres des Maccabées, Sagesse de Salomon, Ecclésiastique et Baruch —, Paul écrit en grec. Il est donc tentant de recourir aux catégories de la littérature grecque de son époque pour analyser ses écrits. Il était né à Tarse, ville importante d’Asie mineure où fleurissaient les écoles de rhétorique, ce qui induit plusieurs à penser qu’il les avait probablement fréquentées et était donc rompu aux règles de la rhétorique classique gréco-romaine. Même si les études sur l’épître aux Galates menées en fonction des règles de cette rhétorique se sont multipliées et diversifiées depuis trente-cinq ans, elles ne sont pas les premières, tant s’en faut. Déjà au moment de la Réforme, Melanchthon analysait la lettre de Paul de cette façon1. Toutefois, en 1975 Hans Dieter Betz a été l’initiateur des études modernes sur l’épître aux Galates selon les catégories de la rhétorique classique2. Dans son commentaire de 1979 il se réfère constamment à Cicéron et Quintilien3. En les suivant, il entend déterminer à quel genre appartient la Lettre aux Galates. Les trois genres littéraires de la rhétorique antique sont : le genre judiciaire qui est prononcé devant le juge, lequel doit statuer sur ce qui s’est passé ; le genre délibératif, qui regarde le politique, prépare la décision pour le futur ; enfin le genre démonstratif (ou épidictique), dont la fonction est, dans le présent essentiellement, de blâmer, de louer ou de conseiller. Betz est d’avis que Galates relève du genre judiciaire4. On n’a pas manqué d’opposer à Betz certaines objections. La plus importante sans doute est que Paul ne parle pas devant un juge auquel il exposerait sa défense ; il s’adresse directement à ceux avec lesquels il est en conflit. Et c’est ainsi que d’autres, comme Georges Kennedy, pensent que la lettre ressortit au genre délibératif, à cause des exhortations que Paul développe dans la dernière partie de la lettre5. Enfin il ne manque pas d’auteurs, comme Antonio Pitta, pour soutenir que l’écrit de Paul relève plutôt du genre démonstratif 6. En effet, Paul n’entendrait pas se défendre ou attaquer ses adversaires, comme dans le genre judiciaire ; il n’aurait pas davantage en vue la prise de décision pour ou contre la circoncision en particulier et la Loi juive en général, comme dans le genre délibératif. Son but serait, par ses reproches comme par ses éloges, ainsi que par ses

1

C. J. CLASSEN, « St. Paul’s Epistles and Ancient Greek and Roman Rhetoric ». « The Literary Composition and Function of Paul’s Letter to the Galatians ». 3 Galatians. A Commentary on Paul’s Letter to the Churches in Galatia. 4 Par ailleurs Betz se réfère aussi à l’épistolographie classique : selon lui la Lettre aux Galates appartient au genre de la lettre apologétique. 5 New Testament Interpretation through Rhetorical Criticism, 144-152. 6 En 1992, Disposizione e messaggio della lettera ai Galati; en 1996, Lettera ai Galati. 2

Introduction

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conseils, de détourner ses destinataires de Galatie de leur conduite erronée et de les convaincre de se ranger à ses avis. Il en est aussi plusieurs qui, à la suite de Betz, se réfèrent à l’épistolographie de l’époque, laquelle obéit à des règles qui ne sont pas celles des discours, qu’ils soient judiciaires, délibératifs ou démonstratifs7. Mais là encore, c’est toujours à des catégories grecques que l’on a recours. Tous les auteurs dont il a été question jusqu’ici, ainsi que bien d’autres qui suivent la même voie, se situent, sans même le discuter, dans une perspective purement occidentale, gréco-romaine. Or il est possible, et même souhaitable, de remettre en cause les fondements mêmes d’une telle position. Paul était-il vraiment un rhéteur grec ou n’était-il pas plutôt un rabbin juif ? Lui-même dit qu’il a étudié à Jérusalem aux pieds de Gamaliel. On peut penser qu’il ne le dirait pas s’il avait suivi une session intensive de quelques semaines seulement. S’il tient à le dire, c’est que Gamaliel fut son maître, son rabbi. S’il lui arrive une fois de citer un vers d’un poète grec, à Athènes, les nombreuses citations de ses lettres sont tirées de la Bible : il est nourri essentiellement de Bible, sa culture est biblique avant tout. Or la littérature biblique, surtout la Bible hébraïque qui en constitue la quasi-totalité, appartient au monde sémitique et non pas au monde occidental. La rhétorique classique, gréco-latine, n’est pas la seule au monde. Il existe une rhétorique sémitique dont les lois diffèrent notablement des règles de la rhétorique grecque. Même si la Lettre aux Galates fut rédigée directement en grec, on est donc en droit de se demander si elle n’obéit pas plutôt à la rhétorique de la Bible hébraïque dont Saul était imprégné jusqu’aux moelles. Si un modèle de composition doit être cherché ailleurs que dans le texte de l’Épître lui-même, ne serait-ce pas dans les écrits de l’Ancien Testament qu’il faudrait le chercher ? Si l’on tient à parler de genre littéraire, ce n’est pas à Athènes ou à Tarse qu’on le trouvera mais à Jérusalem. Il ne saurait être question de nier la double culture de Saul-Paul8. Il s’agit seulement de reprendre à nouveaux frais l’étude de son Épître pour vérifier si elle ne serait pas, elle aussi — comme les évangiles, comme les prophètes —, composée selon les lois de la rhétorique biblique, et plus largement sémitique. Le jeu en vaut la chandelle, dans la mesure où la mise en évidence de la composition permet d’arriver à une meilleure compréhension du texte. Si l’on veut comprendre plus sûrement, il est important, et même décisif de délimiter les unités littéraires, aux différents niveaux de leur organisation, et d’identifier les relations que ces unités entretiennent entre elles. Il ne s’agit donc pas ici de susciter quelque controverse que ce soit entre deux « méthodes », telles que la Commission biblique pontificale les a présentées en 1993 dans L’Interprétation de la Bible dans l’Église : l’application aux textes bibliques de la rhétorique classique gréco-romaine (connue sous l’appellation Américaine de Rhetorical Criticism) et l’utilisation des procédés sémitiques de 7 8

Voir, par exemple, A. PITTA, Lettera ai Galati, 37-40. Voir M. RASTOIN, Tarse et Jérusalem : la double culture de l'apôtre Paul en Galates 3,6-4,7.

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La Lettre aux Galates

composition (ou « analyse rhétorique biblique (et sémitique) »9. Pas de Contra Betzium ! Les études qui suivent la première de ces deux méthodes sont nombreuses, celles qui mettent en œuvre la seconde sont en revanche presque inexistantes. À ma connaissance, seul un jésuite Anglais, John Bligh, s’y est essayé10. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’était pas inutile de reprendre le travail. Le seul ouvrage méthodologique auquel il se réfère, en passant, dans une note, est celui de N.W. Lund, Chiasmus in the New Testament11. Il semble qu’il soit difficile de mener ce genre de recherche sans un appareil méthodologique solide, lequel ne saurait faire l’impasse sur l’histoire, déjà longue, de sa découverte. L’analyse ici proposée suit la méthodologie exposée dans mon Traité de rhétorique biblique. La rédaction de ce commentaire s’est étirée sur vingt ans. Dans un premier temps, j’avais consacré une première rubrique au « Texte », où je traitais les questions de critique textuelle, de lexicographie, de grammaire, comme nous l’avions fait dans notre commentaire d’Amos12 ; par ailleurs, je renvoyais souvent aux commentaires et autres études sur l’Épître. J’ai renoncé radicalement à tout cela, parce qu’on le trouve, très bien fait, dans les commentaires sérieux13. Cela m’a permis d’alléger notablement le présent ouvrage. Sa scientificité ne tient donc pas au nombre des ouvrages cités, mais à l’application rigoureuse d’une méthodologie particulière14. Quelque précision sur cette méthodologie ne sera pas inutile. L’analyse rhétorique biblique s’entend souvent dans le sens restreint de l’étude de la « Composition » du texte. Dans un sens plus large, le « Contexte » peut être considéré en faire partie intégrante15. Ce n’est pas que ces deux opérations soient réservées à l’analyse rhétorique. Pratiquement tous les auteurs donnent un « plan » du texte qu’ils commentent. Tous signalent des références intertextuelles. La spécificité de l’analyse rhétorique biblique est qu’elle accorde une grande importance à la composition, au point d’y consacrer une rubrique, s’attachant à la décrire et à la justifier à tous ses niveaux, segment, morceau, partie, passage, séquence, section, livre — et, éventuellement, sous-partie, sous-séquence et sous-section —, à savoir dix niveaux. En outre, elle le fait en suivant les lois de composition propres aux textes sémitiques. Elle est en effet convaincue que la délimitation des unités rhétoriques est essentielle pour l’interprétation, comme l’est la délimitation des phrases et de leurs constituants pour en comprendre le sens. Si tous les commentateurs 9

COMMISSION BIBLIQUE PONTIFICALE, L’Interprétation de la Bible dans l’Église, 35-37. Galatians in Greek. A Structured Analysis of St. Paul’s Epistle to the Galatians with Notes on the Greek; ID., Galatians. A Discussion of St Paul's Epistle. 11 Galatians, 41, n. 84. 12 P. BOVATI – R. MEYNET, Le Livre du prophète Amos. 13 Qu’il me soit permis de nommer ceux que j’avais constamment sous la main : Betz (1979), Mussner (1981), Ebeling (1981), Vanhoye (1989.2000), Corsani (1990), Pitta (1992.1996), Légasse (2000), Lémonon (2008). 14 Cette méthodologie est exposée en détail dans R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique. 15 Voir Traité, 377-378. 10

Introduction

13

signalent les liens intertextuels qui relient le texte commenté avec d’autres textes qui lui font écho par citation — explicite ou implicite —, par référence ou par allusion, l’analyse rhétorique biblique se caractérise par le fait qu’elle consacre une rubrique spécifique à cette opération. Elle ne le fait pas toujours et systématiquement, mais quand le « co-texte » est indispensable ou simplement utile pour éclairer le sens du texte commenté. La rubrique du « Contexte » comprend aussi ce que les exégètes appellent les realia — réalités de tous ordres, géographiques, archéologiques, historiques, institutionnelles — qui sont indispensables pour mieux comprendre les documents écrits16. L’anthropologie culturelle représente aussi une source de réflexion qu’il n’est guère possible de négliger. On le verra en particulier pour les institutions d’Israël, telles que la circoncision, telles que le sabbat, la néoménie et toutes les autres occurrences qui scandent l’organisation du temps, ou telles que les interdits alimentaires, dont la compréhension est éclairée par les travaux des sciences humaines que sont la sociologie, l’anthropologie culturelle et la psychanalyse17.

Préface à la deuxième édition Cette nouvelle édition a permis de corriger un certain nombre de coquilles, d’améliorer la présentation graphique, mais surtout de reprendre l’analyse d’un passage (5,7-12). Il a paru bon d’ajouter, en Appendice, la traduction française de deux articles parus en italien dans La Civiltà Cattolica : le premier traite du rapport entre les institutions fondamentales de l’Ancien Testament — circoncision, sabbat, cacherout et temple — et la Croix du Christ ; le second poursuit la réflexion, montrant comment la vie consacrée obéit à la même logique que celle de la Croix18.

16

Voir, par exemple, R. MEYNET, Lire la Bible, 2003, 45-55. Voir COMMISSION BIBLIQUE PONTIFICALE, L’Interprétation de la Bible dans l’Église, 49-55. 18 R. MEYNET, « Circoncisione e croce di Cristo » ; « Circoncisione, croce di Cristo e vita consacrata ». 17

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Abréviations ACFEB BJ chap. col. etc. ed. Éd. EDB Id. Légasse n. NA27 Osty p. PIB PUG ser. TOB trad.

Association catholique française pour l’étude de la Bible Bible de Jérusalem chapitre colonne(s) et cetera edidit, ediderunt Éditions Edizioni Dehoniane Bologna Idem LÉGASSE, Simon, L’Évangile de Marc, Paris, Éd. du Cerf, LeDiv Commentaires 5, 1997 note, notes NESTLE-ALAND, Novum Testamentum Graece, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 199327 La Bible Osty, Paris, Éd. du Seuil, 1973 page(s) Pontificio Istituto Biblico Pontificia Università Gregoriana série Traduction œcuménique de la Bible traduction

Livres bibliques Les abréviations des livres bibliques sont celles de la Bible de Jérusalem, Paris, Éd. du Cerf. Commentaires Les références aux commentaires ne comportent que le nom de l’auteur en minuscules, suivi du numéro des pages. Par ex.: Betz, 54-55.

16

La Lettre aux Galates

Sigles des périodiques et des collections AnBib Bib CTNT CSANT.NT Gr. JBL LeDiv NT NTS ReBib RhBib RHR RhSem StMiss StRh

Analecta Biblica Biblica Commentario teologico del Nuovo Testamento Commentario storico ed esegetico all’Antico e al Nuovo Testamento Gregorianum Journal of Biblical Literature Lectio Divina Novum Testamentum New Testament studies Retorica biblica Rhétorique biblique Revue de l’histoire des religions Rhétorique sémitique Studia missionalia Studia Rhetorica : www.retoricabiblicaesemitica.org : Publications

LEXIQUE DES TERMES TECHNIQUES

1. TERMES QUI DÉSIGNENT LES UNITÉS RHÉTORIQUES Il arrive souvent, dans les ouvrages d’exégèse, que les termes « section », « passage », mais surtout « morceau », « partie »..., ne soient pas utilisés de façon univoque. Voici la liste des termes qui désignent les unités textuelles à leurs niveaux successifs. Les niveaux « inférieurs » (ou non autonomes) À part les deux premières (le terme et le membre), les unités de niveau inférieur sont formées de une, deux ou trois unités du niveau précédent. TERME

le terme correspond en général à un « lexème », ou mot qui appartient au lexique : substantif, adjectif, verbe, adverbe.

MEMBRE

le membre est un syntagme, ou groupe de « termes » liés entre eux par des rapports syntaxiques étroits. Le « membre » est l’unité rhétorique minimale ; il peut arriver que le membre comporte un seul terme (le terme d’origine grecque est « stique »).

SEGMENT

le segment comprend un, deux ou trois membres ; on parlera de segment « unimembre » (le terme d’origine grecque est « monostique »), de segment « bimembre » (ou « distique ») et de segment « trimembre » (ou « tristique »).

MORCEAU

le morceau comprend un, deux ou trois segments.

PARTIE

la partie comprend un, deux ou trois morceaux.

Les niveaux « supérieurs » (ou autonomes) Ils sont tous formés soit d’une, soit de plusieurs unités du niveau précédent. PASSAGE

le passage — l’équivalent de la « péricope » des exégètes — est formé d’une ou de plusieurs parties.

SÉQUENCE

la séquence est formée d’un ou de plusieurs passages.

SECTION

la section est formée d’une ou de plusieurs séquences.

LIVRE

enfin le livre est formé d’une ou de plusieurs sections.

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La Lettre aux Galates

Il est quelquefois nécessaire d’avoir recours aux niveaux intermédiaires de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « sous-section » ; ces unités intermédiaires ont la même définition que la partie, la séquence et la section. VERSANT

ensemble textuel qui précède ou qui suit le centre d’une construction ; si le centre est bipartite, le versant correspond à chacune des deux moitiés de la construction.

2. TERMES QUI DÉSIGNENT LES RAPPORTS ENTRE LES UNITÉS SYMÉTRIQUES Symétries totales CONSTRUCTION PARALLÈLE

figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière parallèle : A B C D E | A’B’C’D’E’. Quand deux unités parallèles entre elles encadrent un élément unique, on parle de parallélisme pour désigner la symétrie entre ces deux unités, mais on considère l’ensemble (l’unité de niveau supérieur) comme une construction concentrique : A | x | A’. Pour « construction parallèle », on dit aussi « parallélisme » (qui s’oppose à « concentrisme »).

CONSTRUCTION SPÉCULAIRE

figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière antiparallèle ou « en miroir » : A B C D E | E’D’C’B’A’. Comme la construction parallèle, la construction spéculaire n’a pas de centre ; comme la construction concentrique, les éléments en rapport se correspondent en miroir. Quand la construction ne comprend que quatre unités, on parle aussi de « chiasme » : A B | B’A’.

CONSTRUCTION CONCENTRIQUE

figure de composition où les unités symétriques sont disposées de manière concentrique : A B C D E | x | E’D’C’B’A’, autour d’un élément central (cet élément peut être une unité de l’un quelconque des niveaux de l’organisation textuelle). Pour « construction concentrique », on peut dire aussi « concentrisme » (qui s’oppose à « parallélisme »).

CONSTRUCTION ELLIPTIQUE

figure de composition où les deux foyers de l’ellipse articulent les autres unités textuelles : A | x | B | x | A’.

Lexique des termes techniques

19

Symétries partielles TERMES INITIAUX

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent le début d’unités textuelles symétriques ; l’« anaphore » de la rhétorique classique.

TERMES FINAUX

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’unités textuelles symétriques ; l’« épiphore » de la rhétorique classique.

TERMES EXTRÊMES termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les extrémités d’une unité textuelle ; l’« inclusion » de l’exégèse traditionnelle. TERMES MÉDIANS

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’une unité textuelle et le début de l’unité qui lui est symétrique ; le « mot-crochet » ou « mot-agrafe » de l’exégèse traditionnelle.

TERMES CENTRAUX termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les centres de deux unités textuelles symétriques. Pour plus de détails, voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Paris, Lethielleux, RhSem 4, 2007.

Principales règles de réécriture – à l’intérieur du membre, les termes sont généralement séparés par des blancs ; – chaque membre est généralement réécrit sur une seule ligne ; – les segments sont séparés par une ligne blanche ; – les morceaux sont séparés par une ligne discontinue ; – la partie est délimitée par deux filets ; il en va de même pour les sous-parties. – à l’intérieur du passage, les parties sont encadrées (sauf si elles sont très courtes, comme une introduction ou une conclusion) ; les éventuelles sousparties sont disposées dans des cadres contigus ; – à l’intérieur de la séquence ou de la sous-séquence, les passages, réécrits en prose, sont disposés dans des cadres séparés par une ligne blanche ; – à l’intérieur de la séquence, les passages d’une sous-séquence sont disposés dans des cadres contigus. Sur les règles de réécriture, voir Traité, chap. 5, 283-344 (sur la réécriture des tableaux synoptiques, voir chap. 9, 471-506).

PERSPECTIVE CAVALIÈRE DE L’ENSEMBLE DE LA LETTRE Comme nos lettres d’aujourd’hui, celle de Paul aux Galates comprend deux éléments, l’adresse et le corps de la Lettre ; en termes modernes, l’enveloppe et le texte proprement dit de la missive contenu dans l’enveloppe. Le corps de la Lettre est organisé en trois sections : Les titres donnés aux trois séquences entendent faire apparaître les rapports essentiels qu’elles entretiennent entre elles : Adresse A. C’est l’Évangile

1,1-5 du Christ

que j’ai annoncé

1,6–2,21

B. C’est la Croix du Christ

qui nous justifie

3,1–5,1

C. C’est la Loi

du Christ

qu’il faut accomplir

5,2–6,18

– Dans la section A le mot « Évangile » revient neuf fois (1,6.7.8.9.11 ; 2,2.5.7. 14) et ne sera jamais repris ailleurs dans le reste de la Lettre ; dès le second verset de la section, l’unique occurrence de « l’Évangile du Christ » (1,7). Cette section est essentiellement le récit que Paul fait de sa mission depuis sa conversion, pour montrer que l’Évangile qu’il prêche ne lui a pas été enseigné par des hommes, pas même les apôtres de Jésus, mais par une révélation du Christ et de Dieu. C’est cet « Évangile du Christ » qu’il a non seulement prêché, mais aussi défendu, à Jérusalem et à Antioche, contre ceux qui voulaient le dénaturer en revenant à la Loi et à ses préceptes, en particulier à la circoncision et aux lois alimentaires. – La section B commence avec l’image de la croix du Christ : « Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? » (3,1 ; avec écho en 13) ; au début de la séquence centrale, l’unique mention du baptême, participation à la croix du Christ (3,27) ; à la fin, la mention de la persécution (4,29).

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La Lettre aux Galates

Dans la section centrale Paul abandonne le récit pour argumenter et exposer le contenu de l’Évangile. Il explicite de diverses manières les rapports entre la Loi et la foi, l’une incapable de procurer la justice et la vie par ses œuvres, l’autre au contraire en assurant le don gratuit, grâce à l’action rédemptrice du Christ qui s’est opérée par sa crucifixion. La Loi a joué le rôle du pédagogue qui devait conduire au temps de la grâce de Jésus Christ, et ce temps est maintenant révolu. – La section C oppose la circoncision, emblématique de toute la Loi, à la croix du Christ. La circoncision comme l’incirconcision n’ont pas de valeur, mais « la foi opérant par l’amour » (5,6), qui est « création nouvelle » (6,15) ; ainsi toute la Loi s’accomplit dans l’amour (5,14) qui est « la loi du Christ » (6,2). La section finale se focalise sur les modalités concrètes de la vie de « ceux qui sont au Christ » (5,24). Libérés des préceptes de la Loi, et en particulier de la circoncision, les disciples sont appelés à se conduire selon « la loi du Christ », qui est celle du service mutuel, de l’amour en quoi se résume et s’accomplit toute la Loi.

Chacune des trois sections compte cinq séquences. La première section est formée de deux sous-sections comprenant deux séquences (A1-A2 et A4-A5) qui encadrent une courte séquence centrale (A3). Il en va de même pour la section centrale où la séquence centrale (B3) est encadrée par deux sous-sections (B1-B2 et B4-B5). La dernière section au contraire comprend une sous-section centrale formée de trois séquences (C2-C3-C4), encadrée par deux séquences (C1 et C5) qui se correspondent de manière étroite.

1

L’ADRESSE (Ga 1,1-3)

Comme il était de coutume à l’époque, l’adresse de la Lettre aux Galates, comprend trois éléments : nom de l’expéditeur —

nom du destinataire



salutation.

Dans le Nouveau Testament l’adresse la plus simple est celle de la lettre que le tribun Lysias adressa au gouverneur Félix : Claudius Lysias



au très excellent gouverneur Félix,



salut ! (Ac 23,26).

Étant donné l’importance de ce texte, qui introduit toute la lettre, chacune des parties extrêmes, qui sont relativement développées, sera d’abord analysée en elle-même. COMPOSITION La première partie (1-2a) 1 * PAUL

apôtre ············································································

– non – et non

de la part par

+ mais par + et = qui a relevé *

2

des hommes un homme JÉSUS DIEU lui

CHRIST PÈRE des morts

············································································ ET CEUX AVEC MOI TOUS frères,

Chacun des morceaux extrêmes est de la taille d’un segment unimembre : ils coordonnent « Paul » et « tous ceux avec moi », le premier appelé « apôtre », les autres qualifiés de « frères ». Le morceau central est plus développé qui est une série d’expansions du premier morceau. Les deux premiers membres du second segment (1de) s’opposent à ceux du premier segment (1bc)1. La même préposition « par » (dia) est utilisée pour introduire aussi bien « un homme » que « Jésus Christ » (1c.d) et aussi « Dieu Père ». 1

Les lettres a, b, c... qui suivent les numéros des versets indiquent les lignes de la réécriture.

24

La Lettre aux Galates

1 * PAUL

apôtre ············································································

– non – et non

de la part par

des hommes un homme

+ mais par + et = qui a relevé

JÉSUS DIEU lui

CHRIST PÈRE des morts

············································································ 2 * ET CEUX AVEC MOI TOUS

frères,

Cette partie pose un problème qui n’est pas tant grammatical que d’interprétation. Il serait possible de comprendre que le morceau central est une expansion de l’ensemble du premier morceau, « Paul apôtre », peut-être même des deux morceaux extrêmes, Paul et tous ses frères : ce qui voudrait dire que la lettre est adressée de la part de Jésus Christ et de Dieu le Père. Étant donné la suite de l’épître, en particulier la première section où Paul défend sa vocation et sa mission qu’il ne tient de personne d’autre que du Christ et de Dieu lui-même, il pourrait sembler plus probable que les expansions du morceau central se rattachent à « apôtre ». Si bien qu’il eut été préférable de placer ce dernier mot en tête du second morceau : « apôtre non de la part des hommes... ». Toutefois, le parallélisme des morceaux extrêmes, lesquels s’achèvent avec une qualification des expéditeurs, « apôtre » et « frères », peut être une bonne raison, d’ordre rhétorique, pour retenir la réécriture ci-dessus. Quoi qu’il en soit, quand un texte présente quelque ambiguïté, la traduction et la réécriture doivent la respecter. La troisième partie (3-5) Du point de vue syntaxique, la phrase s’analyse ainsi : Texte

nature

0. 3 grâce à vous et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ

PRINCIPALE

1. 4 le s’étant donné lui-même pour nos péchés 2. pour nous arracher au siècle présent mauvais selon la volonté de Dieu et notre Père 3. 5 à qui la gloire dans les siècles des siècles, amen !

fonction

participiale

qualifie « le Seigneur J.-C. »

finale

complément de la participiale

relative

qualifie « Dieu et notre Père »

L’adresse : Ga 1,1-5

25

La composition rhétorique ne s’identifie pas exactement ni avec le découpage syntaxique ni avec la hiérarchisation des propositions. 3 * GRÂCE

À VOUS et PAIX ······················································································································ + de la part de DIEU PÈRE de nous

:: et = 4 qui s’est donné = pour arracher

*

du Seigneur lui-même nous

Jésus Christ pour les péchés de nous au siècle présent mauvais

+ selon la volonté du DIEU et PÈRE de nous ······················································································································ 5 À QUI la GLOIRE dans les siècles des siècles. Amen !

De la taille d’un segment unimembre, les morceaux extrêmes (3a.5) se répondent de manière complémentaire : la « grâce » et la « paix » sont des dons de Dieu aux hommes (« à vous »), tandis que « la gloire » est rendue par les hommes à Dieu (« à qui »)2. Dans le morceau central, les segments extrêmes (3b.4c) sont parallèles et concernent Dieu3, ce qui laisse au centre un segment consacré à l’œuvre rédemptrice du Seigneur Jésus Christ (3c-4b). Ce segment est de type ABB’ : « péchés » et « mauvais » appartiennent au même champ sémantique. « De nous » revient trois fois, à la fin des unimembres extrêmes et du membre central (3b.4a.4c) ; ce pronom de première personne pluriel se distingue du pronom de deuxième personne pluriel du premier morceau, « à vous » (3a) et de la troisième personne du dernier morceau « à qui » (5)4. Comme il arrive souvent dans les textes bibliques, les extrémités et le centre sont en relation : en effet, c’est par l’action du Christ (sa passion, sa mort et sa résurrection) que « grâce et paix » sont acquises aux hommes (3a) et que « gloire » est rendue à Dieu (5).

2 Le mot aiōn (qui traduit l’hébreu ‘ôlām) peut être rendu soit par « monde » (hā-‘ôlām ha-zeh est « le monde présent », opposé à hā-‘ôlām ha-bā’, « le monde à venir ») soit par « siècle ». La traduction adoptée a voulu respecter l’identité des trois occurrences du mot. 3 Plusieurs manuscrits rattachent le pronom hymōn (3b) non pas à « Père » mais à « Seigneur » : « de la part de Dieu Père et du Seigneur de nous Jésus Christ. » Étant donné le parallélisme avec la fin du verset 4, il est préférable de suivre NA27, même si la variante est bien attestée. 4 Du point de vue syntaxique, il ne fait guère de doute que le dernier membre du morceau central (4c) est un complément de la proposition relative de 4a suivie de la finale de 4b. Il eut donc été possible de considérer que 4abc forment un trimembre, auquel cas 3bc seraient un bimembre. Toutefois, la construction concentrique paraît indéniable ; malgré la position symétrique de 3b et 4c, il semblerait artificieux de faire de 4c une apposition à 3b, concernant donc le souhait de 3a. Cela n’exclut pas que la volonté de Dieu soit que les communautés de Galatie reçoivent « grâce et paix » : la volonté de Dieu est d’arracher au péché et au monde mauvais (4ab ; côté négatif) pour donner grâce et paix (3a ; côté positif de la même action de salut).

26

La Lettre aux Galates

L’ensemble du passage (1,1-5) 1 * Paul

apôtre ·································································································

– non de la part – et non par + mais par + et = qui a relevé

des hommes un homme JÉSUS DIEU lui

CHRIST PÈRE des morts,

································································································· 2

AVEC MOI

* et ceux

tous

aux communautés 3 * grâce

À VOUS

frères, de la Galatie, et paix

·································································································

::

de la part de DIEU

PÈRE

DE NOUS

+ et du Seigneur JÉSUS CHRIST = 4 qui s’est donné lui-même pour les péchés DE NOUS = afin d’arracher nous de ce siècle présent mauvais :: selon la volonté du

DIEU

PÈRE

DE NOUS

································································································· 5

* à qui

la gloire

dans les siècles des siècles. Amen !

Avec la partie centrale (2b) les premiers membres des parties extrêmes constituent le noyau de l’adresse : expéditeur, destinataire, salut. Les parties extrêmes se répondent. Les prépositions par lesquelles commencent les morceaux centraux sont identiques (1b.3b), « de la part de » (apo). Le couple « Dieu Père » et « Jésus Christ » se retrouve dans les deux parties, chaque fois présenté comme origine, et de l’apostolat de Paul (et de sa lettre), et de la grâce et de la paix. Les actions de Dieu (1f) et de Jésus (4ab) sont complémentaires : Dieu a ressuscité celui qui s’était donné lui-même ; les termes finaux de ces membres sont tous les trois négatifs : « morts » (1f), « péchés » (4a) et « mauvais » (4b). On notera aussi que la même préposition (ex ; litt. « hors de ») se retrouve en 1f où elle introduit « des morts » et en 4b où elle introduit « de ce siècle présent mauvais » ; ainsi Jésus est arraché à la mort, comme il nous a libérés de ce monde mauvais.

L’adresse : Ga 1,1-5

27

Alors que la première partie s’achève avec le pronom de première personne singulier (« moi »), la troisième partie commence avec le pronom de seconde personne pluriel (« vous ») ; toutefois, au centre de cette dernière partie, le pronom de première personne pluriel, « nous », répété trois fois, inclut les deux pronoms précédents : ainsi ce ne sont pas seulement ceux avec qui Paul envoie la lettre qui sont ses « frères » mais aussi leurs destinataires de Galatie. CONTEXTE Une comparaison avec les adresses des autres lettres pauliniennes permet de mieux cerner la spécificité de celle de Galates. Joie ou Grâce ? Le salut habituel — comme en Ac 23,26, mais aussi en Ac 15,23 et dans l’adresse de la Lettre de Jacques (Jc 1,1) — s’exprime par le verbe grec chairein, à l’infinitif, que l’on traduit généralement par « salut », mais qui signifie « se réjouir » ; à l’impératif, c’est le premier mot que l’ange Gabriel adresse à Marie à l’Annonciation (Lc 1,28). En rapport de paronomase avec chairein, charis a un sens bien différent : il signifie la « grâce », ce qui n’est pas sans lien avec la suite de l’épître où il s’agira de savoir si le salut s’obtient par la pratique de la Loi ou s’il est don gratuit de Dieu. « Grâce à vous et paix... » Ce souhait se retrouve dans la plupart des adresses des lettres pauliniennes5 ; le plus souvent il est suivi par le même complément d’origine : « de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ »6. La lettre aux Galates est la seule qui poursuit avec trois membres qui disent l’œuvre rédemptrice et libératrice de Jésus (1,4abc). Une doxologie finale Mais ce n’est pas tout. Paul ajoute encore une doxologie (5), qui ne se retrouve dans aucune autre lettre. Celle-ci substitue en quelque sorte la bénédiction par laquelle, dans les autres lettres, commence le corps de la lettre, immédiatement après l’adresse. Ainsi en Rm 1,8 : « Et d’abord je remercie mon Dieu par Jésus Christ à votre sujet à tous, de ce qu’on publie votre foi dans le monde entier... ». Dans la lettre aux Galates au contraire, le corps de la lettre commence par un reproche, ce qu’on appelle jusqu’aujourd’hui dans le langage ecclésiastique un miramur, du terme latin qui traduit celui par lequel commence le corps de la lettre : « Je m’étonne que si vite vous abandonniez Celui qui vous a appelés par la grâce du Christ... » (Ga 1,6). 5

Rm 1,7 ; 1Co 1,3 ; 2Co 1,2 ; Ep 1,2 ; Ph 1,2 ; Col 1,2 ; 1Th 1,1 ; 2Th 1,2 ; Phm 3. Tt 1,4 a simplement « grâce et paix ». Les deux lettres à Timothée ont « grâce, miséricorde, paix ». 6 Seule 1Th en est dépourvue.

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La Lettre aux Galates

INTERPRÉTATION Tous « frères » C’est Paul qui écrit mais il n’est pas seul ; il le fait, de manière explicite, en compagnie et en collaboration avec tous ceux qu’il qualifie de « frères » ; il ne donne aucun nom, comme dans d’autres lettres7, de sorte que c’est l’ensemble de la communauté qui est impliquée, sans distinction possible d’origine, juive ou païenne. Il annonce ainsi ce qui constituera le cœur de sa lettre : « Tous en effet vous êtes fils de Dieu [...] Il n’y a pas de juif ni de grec [...] Tous en effet vous êtes un seul dans le Christ Jésus [...] » (3,26-29). De même, le triple « nous » de la dernière partie englobe non seulement le « je » de Paul ou le « nous » de tous les frères qui sont avec lui, mais aussi le « vous » des destinataires (3a), ce qui est une manière de les intégrer tous dans l’unique communauté de ceux pour qui Christ Jésus « s’est donné lui-même » pour les sauver du mal et du péché. « De la part de Dieu Père et du Seigneur Jésus Christ » On peut se demander à quoi se rattache exactement la série des expansions qui constituent le morceau central de la première partie : « non de la part des hommes... » (1b-f). Elle peut qualifier le titre d’« apôtre » qui la précède immédiatement : l’auteur revendiquerait ainsi d’être apôtre, envoyé de la part de Jésus et du Père. En effet, dans toute la première section de l’épître, Paul va raconter avec force comment il a été institué « apôtre », directement par Dieu et Jésus Christ, et non par les hommes, pas même par les premiers apôtres. Toutefois on pourrait comprendre aussi que ces expansions se réfèrent à l’expéditeur, à « Paul », et même à l’ensemble qu’il forme avec « tous ceux qui sont avec lui »8, ce qui signifierait que c’est la lettre qui est envoyée « de la part » de Jésus Christ et de Dieu le Père. Les deux interprétations ne s’excluent pas l’une l’autre. Il est certain qu’avec une telle adresse, si différente de toutes les autres, l’apôtre entend donner à sa lettre un poids tout à fait exceptionnel. Dès les premières lignes ses lecteurs sont avertis de l’importance de ce qui va suivre. À l’expansion sur laquelle est focalisée la première partie correspond une autre expansion, du même type, au cœur de la dernière partie (3b-4c). C’est « de la part de Dieu et du Christ » que Paul souhaite « grâce et paix » aux destinataires de sa lettre, ce qui laisse entendre que la lettre de Paul, aussi bien que la « grâce » et la « paix » qu’il entend procurer à ses destinataires, n’ont pas leur source en l’homme mais en Dieu. L’insistance de ce second « de la part de », confirme que sa lettre — qui certes est écrite par lui — n’en est pas moins inspirée par Jésus Christ et par Dieu le Père, qu’elle leur est envoyée « de leur part ». La rédaction et l’envoi de sa lettre aux Galates, comme le don de la grâce

7 8

Par exemple en 1Co 1,1 (Paul et Sosthène), en 2Co 1,1 (Paul et Timothée), etc. « Apôtre » serait alors considéré comme un simple titre, équivalant à « l’apôtre Paul ».

L’adresse : Ga 1,1-5

29

et de la paix, font partie intégrante de sa mission d’apôtre, appelé et envoyé par Dieu porter aux nations la bonne nouvelle du salut.

PREMIÈRE PARTIE C’est l’Évangile du Christ que j’ai annoncé La section A (Ga 1,6– 2,21)

32

La section A

La première section (1,6–2,21) se développe en cinq séquences. Les deux premières (A1 et A2) forment une sous-section, et de même les deux dernières (A4 et A5). La séquence centrale (A3) articule les deux autres sous-sections.

A1 Paul reproche

aux Galates

de suivre un Évangile

venant des hommes

A2 Paul fait savoir

à ses frères

que son Évangile

vient de Dieu

A3 Inconnu des Églises de Judée, Paul fait la connaissance de Képhas

A4 À Jérusalem

Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile

A5 À Antioche

Paul défend

contre Képhas la vérité de l’Évangile

1,6-10

1,11-17

1,18-24

2,1-10

2,11-21

2 Paul reproche aux Galates de suivre un Évangile venant des hommes Séquence A1 : Ga 1,6-10

Dans cette courte séquence de cinq versets seulement, après avoir reproché à ses correspondants leur infidélité au véritable Évangile (6-7), Paul affirme sa détermination à rester serviteur du Christ (10). Au centre (8-9), un double anathème qui le vise hypothétiquement lui-même avant de concerner ceux qui troublent les Galates.

Vous vous êtes laissés

détourner

de l’Évangile

du Christ

Quiconque se détournerait de l’Évangile reçu et transmis, qu’il soit anathème ! Je ne me laisserai pas

détourner

du service

du Christ

1,6-7 8-9 10

34

Paul reproche aux Galates de suivre un Évangile venant des hommes

COMPOSITION + 6 Je m’étonne – qu’aussi

rapidement

vous désertiez

dans la grâce [du CHRIST] UN ÉVANGILE DIFFÉRENT, ····································································································· .. 7 lequel n’est pas UN AUTRE, : .. vers

CELUI-QUI-VOUS-A-APPELÉS

: sinon qu’il en est CERTAINS + et qui veulent – détourner

qui-vous-troublent du CHRIST.

L’ÉVANGILE

= 8 Même si NOUS-MÊMES ou UN ANGE DU CIEL . CONTRAIRE À ce que nous - qu’il soit anathème !

[vous] vous

ANNONÇAIT-UN-ÉVANGILE AVONS ANNONCÉ,

: 9 Comme déjà NOUS AVONS DIT, : à présent encore à nouveau JE DIS : =

si QUELQU’UN . CONTRAIRE À ce que - qu’il soit anathème !

:: 10 À présent donc, (sont-ce) . ou bien (serait-ce)

DES HOMMES DIEU ?

vous vous

ANNONCE-UN-ÉVANGILE AVEZ REÇU,

(que j’entends)

PERSUADER

(que j’entendais) je ne serais plus

PLAIRE,

= Ou alors est-ce que je cherche = à PLAIRE à DES HOMMES ? :: Si (c’était) encore à . du

DES HOMMES CHRIST

le serviteur.

Dans la première partie, « déserter » et « détourner » (6b.7d), qui, en grec, comportent le même préfixe meta-, expriment tous deux une déviation. « Certains qui vous troublent » (7b) s’opposent à « Celui qui vous a appelés » (6b). « Différent » (heteron) et « un autre » (allo) sont pratiquement synonymes1. Dans la deuxième partie, la première conditionnelle est une irréelle (8a), l’autre est réelle (9c). « Nous avons annoncé » et « vous avez reçu » (8b.9d) sont complémentaires. Au centre (9ab), les verbes sont d’abord au passé puis au présent2. La première question de la dernière partie (10ab) est une « croix exégétique » sur laquelle il faut donc s’arrêter. Tout dépend du sens donné au verbe peithō. 1

Voir 2Co 11,4, ci-dessous p. 36. Le moment de cet avertissement n’est pas précisé. Il ne semble pas que ce passé renvoie au verset 7, car Paul n’aurait pas utilisé ensuite l’adverbe « à présent ». Il s’agit probablement du temps de sa seconde visite aux Galates, en tout cas une époque où la menace de ses adversaires se faisait déjà sentir. 2

Séquence A1 : Ga 1,6-10

35

En effet, ou bien l’on traduit peithō + accusatif de la personne par « convaincre » (comme en 2Co 5,11 ; Ac 13,43 ; 18,4 ; 19,8) ou bien, dans un sens péjoratif, par « gagner », « s’acquérir », « se rendre favorable » (comme en Ac 12,20 ; 14,19). On en fait alors pratiquement un synonyme de areskō (« plaire » en 10c.10d) : la TOB traduit par « chercher la faveur de », la BJ et Osty par « gagner la faveur de ». Betz voit dans ces deux verbes les deux aspects de la définition de la rhétorique classique qui consiste à plaire et à persuader ; la réponse aux deux termes de l’alternative serait une vigoureuse dénégation, car Paul ne voudrait ni plaire ni persuader, encore moins persuader Dieu que les hommes3. André Feuillet4 pense que « persuader les hommes » décrit l’activité normale d’évangélisation et que l’accent porte sur la deuxième partie de la question : il n’est pas question pour Paul, évidemment, de vouloir « persuader Dieu », c’est-à-dire prétendre vouloir le faire changer d’avis pour l’amener à se ranger à ses propres positions. Les deux verbes sont complémentaires : « plaire » c’est aller dans le sens de celui qui m’écoute, « persuader » c’est vouloir l’amener à aller dans mon sens. Le segment central articule les deux autres : d’une part, cette deuxième question s’oppose à la précédente, ce que signale le « ou » par lequel elle commence, car « plaire à des hommes » est le contraire de « persuader des hommes » ; d’autre part, la question trouvera sa réponse dans le segment suivant qui reprend le même « plaire à des hommes ». Les parties extrêmes se correspondent de manière complémentaire : dans la première Paul invective ceux qui sont infidèles à l’évangile, dans la dernière il se défend de l’être lui-même. La même alternance entre « Dieu » et « le Christ » (10b.10f) qui marque la dernière partie se retrouve dans la première avec « Celui qui vous a appelés » et « le Christ » (6c.7d). « Ne plus être le serviteur du Christ » (10f) est l’équivalent de « déserter » Dieu (6b) ; quant à « détourner l’Évangile du Christ » (7d) c’est vouloir « persuader Dieu » (10ab). Le double anathème central renvoie aux parties qui l’encadrent de manière croisée : en effet, le premier (8) où Paul appelle la malédiction divine sur luimême au cas où il annoncerait un autre évangile correspond à la dernière partie où Paul se défend de le faire5. En revanche, le deuxième anathème (9cde) est porté contre celui (« quelqu’un », tis) qui s’en rendrait effectivement coupable, comme ceux (« certains », tines) que met en cause la première partie (7b)6. Dans la formule d’insistance au centre de la partie centrale (9ab), et donc de toute la séquence, Paul exprime sa constance, en opposition à la versatilité de ses destinataires.

3

Betz, 54-55. A. FEUILLET, « “Chercher à persuader Dieu” (Ga 1,10a) ». 5 La première personne du pluriel de 8b annonce la première personne du singulier qui marque toute la dernière partie. 6 La deuxième personne du pluriel de 9cd rappelle celle de la première partie. 4

36

Paul reproche aux Galates de suivre un Évangile venant des hommes

CONTEXTE Contre les faux prophètes En 2Th 2,2 Paul met en garde ses correspondants contre des propos qui ne viennent pas de lui et annoncent des choses différentes de ce qu’il leur a enseigné. En 2Co 10,12-18, il se voit obligé de « se vanter » contre les « faux apôtres [...] qui se déguisent en apôtres du Christ » (10,14) ; les termes qu’il utilise en 2Co 11,3-5 sont très proches de ceux de Ga 1,6-9 : 3

Mais j’ai bien peur qu’à l’exemple d’Ève, que le serpent a dupée par son astuce, vos pensées ne se corrompent en s’écartant de la simplicité envers le Christ. 4 Si le premier venu en effet prêche un autre (allon) Jésus que celui que nous avons prêché (Ga 1,8b), s’il s’agit de recevoir un Esprit différent (heteron) de celui que vous avez reçu (Ga 1,9c), ou un Évangile différent (heteron) de celui que vous avez accueilli (Ga 1,6c), vous le supportez fort bien. 5 J’estime pourtant ne le céder en rien à ces « archiapôtres ».

L’attaque contre les faux prophètes est un thème récurrent dans l’histoire et les écrits prophétiques. Le faux prophète est celui qui annonce ce qui plaît aux hommes. Ainsi, en 1R 22,1-38 (= 2Ch 18), au roi d’Israël Achab qui veut arracher Ramot de Galaad des mains du roi d’Aram, les quatre cents prophètes consultés prédisent que le Seigneur lui livrera la ville. Sur le conseil de Josaphat roi de Juda, Achab consulte ensuite Michée fils de Yimla, bien qu’il le haïsse parce qu’il ne prophétise jamais le bien à son sujet, mais seulement le mal (1R 22,8. 18). Achab ne l’écoutera pas et, malgré la ruse de son déguisement — de son mensonge — il sera tué au combat. Outre Os 4,5, Mi 3,5-8.11 et Ez 13, c’est surtout dans le livre de Jérémie que l’on trouve le plus de conflits avec les faux prophètes : en 14,13-16, Jérémie se plaint auprès de Dieu que les faux prophètes annoncent la paix (13), mais le Seigneur lui répond qu’ils périront avec ceux qui les écoutent (14-16) ; au chapitre 27, Jérémie prédit que Juda ainsi que tous ses voisins devront se soumettre au joug de Nabuchodonosor roi de Babylone et il les met en garde contre les prophètes qui prétendent le contraire (9-19.14-15 ; voir aussi 16-18) ; il en est de même au chapitre 28 lors de l’affrontement avec le prophète Hananya. Un des traits communs à ces textes (aussi Jr 23,9-40) est que les faux prophètes annoncent toujours la paix et le bonheur, c’est-à-dire ce qui va dans le sens des désirs humains (voir aussi Jr 23,17) : ils cherchent à plaire aux hommes et ne sont plus les serviteurs de Dieu (Ga 1,10). L’anathème Ce mot technique signifie : promis à la colère destructrice de Dieu, ou mis à part pour être sacrifié totalement au Seigneur (Dt 27,15-26 ; 29,19.27 ; Jos 6,17– 7,26). La traduction par « maudit » rend le sens mais l’atténue par trop.

Séquence A1 : Ga 1,6-10

37

Selon Dt 13,2-6, le faux prophète « devra mourir » ; de même le parent qui entraînerait à servir d’autres dieux (7-12) ; la ville des concitoyens qui feraient de même doit subir « l’anathème », c’est-à-dire être détruite avec tous ses habitants (13-19). Quoi que le mot « anathème » ne soit pas prononcé dans les textes prophétiques cités dans le paragraphe précédent (« Contre les faux prophètes »), il n’en demeure pas moins que les faux prophètes sont promis à la mort. Ainsi en Jr 28 : 15

Et le prophète Jérémie dit au prophète Hananya : « Écoute bien, Hananya : le Seigneur ne t’a point envoyé et tu as fait que ce peuple se confie au mensonge. 16 C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur. Voici que je te renvoie de la face de la terre : cette année tu mourras, car tu as prêché la révolte contre le Seigneur ». 17 Et le prophète Hananya mourut cette année même, au septième mois.

L’idolâtrie Il arrive que les faux prophètes soient accusés de se détourner du Seigneur pour servir d’autres dieux (comme en Dt 13,2-6). « Ils prétendent, avec les songes qu’ils se racontent l’un à l’autre, faire oublier mon Nom à mon peuple : ainsi leurs pères ont oublié mon Nom au profit de Baal » (Jr 27,27 ; voir aussi Jr 23,13). Paul va même plus loin en les comparant à Satan : 13

Car ces gens-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se déguisent en apôtres du Christ. 14 Et rien d’étonnant : Satan lui-même se déguise bien en ange de lumière. 15 Rien donc de surprenant si ses ministres aussi se déguisent en ministres de justice (2Co 11,13-15).

INTERPRÉTATION Serviteurs de Dieu Il est serviteur de Dieu celui qui lui obéit. Il cherche au contraire à s’en instituer le maître celui qui tente de lui imposer ses vues humaines, qui veut le « persuader » de se soumettre à ses propres pensées. Paul avait réussi à persuader les Galates de la vérité de l’Évangile du Christ qu’il leur avait annoncé (8b). Ainsi, tous s’étaient manifestés serviteurs du Christ (10f), aussi bien celui qui avait annoncé l’Évangile (8b) que ceux qui l’avaient reçu (9d). En s’attachant à « l’Évangile du Christ » (7d), ils avaient suivi les voies de Dieu, de « Celui qui les avaient appelés » (6c). Ils avaient reconnu qu’en réalité, par l’intermédiaire de l’apôtre, c’était Dieu lui-même qui les avait appelés dans la grâce du Christ (6c). Paul n’avait pas cherché à leur plaire quand il leur avait annoncé l’Évangile, puisqu’il avait fallu les détourner ainsi de leurs croyances anciennes, de tout ce qui jusqu’alors leur avait plu. Il ne cherche toujours pas à leur plaire maintenant (10cd), dans la mesure où il n’hésite pas à contrer leur désir de changer de voie (6). Il ne va pas se faire leur serviteur en abondant dans leur sens, mais, restant fidèle au seul Évangile véritable, il manifeste qu’il demeure le

38

Paul reproche aux Galates de suivre un Évangile venant des hommes

serviteur du seul Christ. Ainsi il les invite à l’imiter et à se détourner de ceux qui veulent les faire déserter leur unique maître, le Christ Jésus. Les faux prophètes On ne sait encore rien du contenu de l’Évangile que prêchent ceux que Paul attaque, sinon qu’il est autre que l’Évangile du Christ que lui-même avait annoncé (6d). Ce que l’on peut constater en revanche, c’est que Paul ne les présente pas comme ses adversaires — ainsi qu’on le dit trop souvent — mais comme les adversaires de Dieu lui-même. Voulant flatter les penchants naturels des Galates, voulant leur « plaire », ils entendent « persuader » Dieu, comme pour l’obliger à aller dans leur sens : en effet, avec les questions que Paul pose sur sa propre conduite présente (10a-d) et auxquelles ses correspondants seront bien obligés de répondre par la négative, Paul dépeint en réalité l’attitude de ceux qui manifestent leur complaisance envers les hommes (10cd) et leur arrogance vis-à-vis de Dieu (10b). Détournant l’Évangile du Christ (7d), c’est Dieu lui-même qu’ils entraînent les autres à déserter (6). Ils ont beau tenter de se déguiser en « anges de lumière », en « anges du ciel » (8a), s’ils ne sont pas de véritables « serviteurs du Christ » (10f), ils doivent être démasqués. Question de vie ou de mort L’anathème est une destruction totale, une mise à mort du coupable : « Tu feras disparaître le mal d’au milieu de toi » (Dt 13,6). L’Évangile au contraire est la bonne nouvelle de la vie éternelle. Le double anathème sur lequel Paul focalise son attaque (8-9) est une menace qui vise Paul lui-même avant de s’appliquer aux fauteurs de trouble qu’il vient de dénoncer. On ne saurait exprimer plus clairement que c’est une question de vie et de mort. Non seulement pour ceux qui détournent l’Évangile du Christ (7cd), mais aussi, de manière indirecte, pour ceux qui suivraient leurs enseignements, ceux qui « désertent » l’auteur de « la grâce » (6abc).

3 Paul fait savoir à ses frères que son Évangile vient de Dieu Séquence A2 : Ga 1,11-17

Dans cette courte séquence, Paul rappelle à ses destinataires des églises de Galatie que la révélation de l’Évangile qu’il a reçue ne vient pas des hommes (11-12), pas même de ceux qui étaient apôtres avant lui (15-17) mais de Dieu seul ; preuve en est qu’avant de devenir disciple du Christ, en sincère fidèle du Judaïsme, il persécutait son Église.

C’est de Jésus Christ et non des hommes que j’ai reçu la révélation de l’Évangile Avant cela, fidèle je persécutais

du Judaïsme, l’Église de Dieu

C’est la révélation de Dieu et non des apôtres qui me permet d’annoncer l’Évangile

1,11-12

13-14

15-17

40

Paul fait savoir à ses frères que son Évangile vient de Dieu

COMPOSITION + 11 Je FAIS-SAVOIR à vous, : l’Évangile qui A ÉTÉ ANNONCÉ par moi, – qu’ il n’est pas

FRÈRES,

,

– 12 car moi non plus : ni j’en + mais par une

AI ÉTÉ INSTRUIT, RÉVÉLATION

de JÉSUS

CHRIST.

+ 13 Car vous avez appris ma conduite jadis . qu’à outrance je persécutais L’ÉGLISE . et je cherchais-à-ruiner ELLE. + 14 Et je progressais . plus que beaucoup . étant beaucoup plus

, DE DIEU

, des contemporains zélé pour

, .

= 15 Mais quand il plut à [Dieu] : lui qui m’a mis à part dès le sein de ma mère : et qui m’a appelé PAR SA GRÂCE – 16 de – afin que

RÉVÉLER SON FILS en moi J’ANNONCE lui CHEZ LES NATIONS, ··································································································

=

aussitôt, :: je ne consultai pas : 17 et je ne montai pas – mais – et de nouveau

, je partis je retournai

EN ARABIE À DAMAS.

Dans la première partie1 le dernier membre du premier segment et le premier du second segment se répondent en miroir (« il n’est pas / selon un homme // non plus d’un homme / je l’ai reçu »)2. Dans les membres centraux, les deux passifs sont complémentaires. Dans les membres extrêmes enfin « fais-savoir » correspond à « révélation » ; d’autre part « vous, frères » et « Jésus Christ » marquent les deux bouts de la chaîne de transmission. 1 Les manuscrits se partagent à égalité entre ceux qui ont, au début de 11, la conjonction gar et ceux qui ont de. Cette dernière conjonction s’accorde mieux avec le début d’une séquence. J.L. White (« Introductory Formulae in the Body of the Pauline Letter ») reconnaît là une « formule d’ouverture », analogue à celles de Rm 1,13 ; 1Th 2,1 ; Phm 12 ; 2Co 1,8. Comme dans beaucoup d’autres cas du même genre, il a semblé inutile de traduire ce de. 2 Les prépositions kata (« selon ») et para (« de », « par l’intermédiaire de ») sont à distinguer. « Selon un homme » signifie « de type humain » : Paul semble répondre à l’objection que son Évangile serait une invention humaine. « D’un homme » indique le moyen de transmission (et non pas l’origine dernière, ce qu’exprimerait la préposition apo, comme en 1,1).

Séquence A2 : Ga 1,11-17

41

Dans la deuxième partie les deux segments s’opposent de façon complémentaire : c’est dans la persécution de l’Église (13bc) que Paul se montrait zélé pour ses traditions (14bc). Les syntagmes « l’Église de Dieu » et « les traditions de mes pères » (litt. « mes paternelles traditions ») sont opposés. La troisième partie comprend une unique phrase. Ses deux morceaux sont parallèles : « aussitôt » (16c) répond à « quand » (15a), « la chair et le sang » (16d) s’oppose à « sa grâce » (15c) de même que « à Jérusalem vers ceux (qui furent) apôtres avant moi » (17a) s’oppose à « dès le sein de ma mère » (15b) dans la mesure où l’origine de la vocation de Paul est ainsi dite antérieure à celle même des apôtres ; « en Arabie »3 et « à Damas » (17bc) qui s’opposent à « à Jérusalem » (17a) correspondent à « chez les nations » (16b). Les deux membres de 16ab à la fin du premier morceau de la dernière partie correspondent aux extrémités de la première partie : « révéler son Fils » renvoie à « révélation de Jésus Christ »4 (12c). Le même verbe « annoncer » (litt. « évangéliser ») est utilisé en 11b et 16b, ce qui suggère une relation d’équivalence entre les objets de l’annonce, « l’Évangile » dans le premier cas, le « Fils » de Dieu (« lui ») dans le deuxième cas. On peut aussi voir une relation entre les destinataires de l’annonce, les « frères » Galates au début (11a), « les nations » en 16b, car les Galates en font partie. « La chair et le sang » (16d) et les deux occurrences de « un homme » (11c.12a) sont synonymes5. Dans la partie centrale, l’opposition entre « l’Église de Dieu » et « les traditions de mes pères » reprend celle des deux autres parties entre la transmission humaine et la révélation divine, mais en les renversant. Par ailleurs, « ma race » (14b) s’oppose non seulement à « l’Église de Dieu », mais aussi aux « nations » (16b) dont font partie les « frères » Galates auxquels l’apôtre s’adresse (11a). Enfin « frères » (11a), « pères » (14c), « mère » (15b)6 et « Fils » (16a) font partie du champ sémantique de la parenté. CONTEXTE Récits de vocation En 15-16 Paul reprend des expressions semblables à celles du récit de la vocation de Jérémie : « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai

3

Il s’agit de la Jordanie actuelle, à l’Est du Jourdain. L’expression est ambiguë : il peut s’agir en effet d’un génitif objectif (« Jésus Christ » est l’objet de la révélation) ou d’un génitif subjectif (c’est « Jésus Christ » qui est l’auteur de la révélation). Étant donné l’opposition entre « reçu par un homme » et « révélation de Jésus Christ », il semble que c’est la deuxième solution qui doit être retenue, même si dans la dernière partie c’est Dieu qui est l’auteur de la révélation de son Fils. 5 L’expression « la chair et le sang » est une manière habituelle de désigner « un homme » (Si 14,18 ; 17,31 ; Mt 16,17 ; Ep 6,12). 6 Il est possible de considérer ces deux mots comme jouant le rôle de termes médians entre la deuxième et la troisième partie. 4

42

Paul fait savoir à ses frères que son Évangile vient de Dieu

connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré ; comme prophète des nations, je t’ai établi » (Jr 1,5). De même en Isaïe : Iles, écoutez-moi, soyez attentifs, peuples lointains ! Le Seigneur m’a appelé dès le sein maternel, dès les entrailles de ma mère il a prononcé mon nom. [...] Et maintenant le Seigneur a parlé, lui qui m’a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob, et qu’Israël lui soit réuni : « C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » (Is 49,1.5-6).

Deux thèmes sont communs à ces récits : d’une part le fait que le dessein de Dieu remonte avant même la naissance (voir aussi Ps 71,5-6), d’autre part que la mission du prophète ne concerne pas seulement Israël mais aussi les nations. La défense d’Amos Alors que le récit de la vocation de Jérémie est placé au début de son recueil, le prophète de Téqoa ne raconte son appel que lorsqu’il est confronté au prêtre Amasias qui veut le chasser de Béthel (Am 7,10-17)7. À Amasias qui lui enjoint d’aller gagner son pain en prophétisant au pays de Juda, Amos rétorque : « Je ne suis ni prophète ni fils de prophète, moi, mais je suis bouvier et cultivateur de sycomores. Le Seigneur m’a pris de derrière le bétail et le Seigneur m’a dit : “Va, prophétise à mon peuple Israël” » (Am 7,14-16). Le chemin de Damas Les Actes des Apôtres donnent trois versions de la vocation de Saul. En Ac 9,1-19, c’est le narrateur qui rapporte comment le persécuteur acharné des disciples du Christ8 est complètement retourné par le Seigneur ; à peine baptisé par Ananie trois jours après son arrivée à Damas, « aussitôt il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu » (9,20). Le deuxième récit est fait par Paul lui-même dans son discours aux juifs qui viennent de l’arrêter (Ac 22,1-16) ; de même le troisième, lorsqu’il comparaît devant le roi Agrippa (Ac 26,1-23). Ainsi Paul fait le récit de sa vocation quand il est attaqué et qu’il doit non seulement se défendre lui-même mais surtout justifier son apostolat.

7

Voir P. BOVATI et R. MEYNET, Le Livre du prophète Amos, 297-311. La première fois qu’il est nommé, en Ac 7,58, c’est lors de la lapidation d’Étienne : « Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul » ; en 8,1, il est dit « approuver ce meurtre » et au verset 3 du même chapitre il est précisé : « Quant à Saul, il ravageait l’Église ; allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison. » 8

Séquence A2 : Ga 1,11-17

43

INTERPRÉTATION Le persécuteur de l’Église Si Paul affirme haut et fort qu’il fut un des partisans les plus zélés des traditions du judaïsme (14), ce n’est évidemment pas pour s’en vanter ; quand il rappelle avoir été un féroce persécuteur de l’Église de Dieu (13), rien dans ses paroles qui ressemble en quoi que ce soit à une confession des péchés. L’objection de Jérémie — « Je ne sais pas parler, je suis un enfant » — avait pour fonction de montrer que sa vocation n’était pas le fruit de qualités personnelles ou d’une quelconque préparation humaine, et la réponse du Seigneur, qui lui met ses propres paroles dans la bouche, dit de manière complémentaire que la vocation prophétique n’est due qu’à l’initiative et à la puissance de Dieu. De même, quand Amos fait état devant Amasias de sa profession de bouvier et de cultivateurs de sycomores, c’est pour souligner que sa vocation et sa mission ne viennent pas de lui-même, mais seulement de Celui qui l’a pris, comme David, de derrière le bétail ; ajouter qu’il n’était ni prophète ni fils de prophète signifie que sa prédication ne doit rien à un homme et n’est pas le fruit d’un enseignement, mais d’une révélation divine. La vocation de Paul est encore plus inattendue, puisque non seulement il était totalement étranger à la foi en Christ mais qu’il s’en était fait le plus ardent adversaire. Le rappel de son passé de zélateur du judaïsme et de persécuteur acharné de l’Église n’a d’autre rôle que de manifester avec plus de clarté et de force que sa vocation ne saurait venir que de Dieu. La révélation de Dieu Ce n’est certainement pas la science qui avait manqué à Paul. Son zèle pour les traditions de ses pères était éclairé par une étude assidue du judaïsme dans laquelle il excellait (14). En bon persécuteur de la nouvelle doctrine, il lui avait certainement fallu la connaître de très près pour pouvoir la combattre et la réfuter plus efficacement (13). Or, rien de ce qu’il avait entendu, de la bouche même de ceux qu’il persécutait, n’avait eu de prise sur son intelligence et sur sa foi. Sa soudaine conversion, le bouleversement radical de tout ce qu’il croyait jusque-là, n’avait donc pu être le fruit de quelque influence humaine (12a). Il n’y avait fallu rien moins qu’une intervention divine directe (12b) qui lui montre de façon éblouissante que ce Jésus était bien le Messie qu’avec tout son peuple il attendait, qu’il était le Fils de Dieu et qu’il avait été envoyé pour le salut de toutes les nations (15-16b). Après coup, il se voit donc comme obligé de reconnaître que, à travers toutes les vicissitudes de sa vie et de ses engagements, c’était le Seigneur qui menait les événements et même que le côté tout à fait surprenant de sa vocation ne pouvait pas ne pas entrer dans un plan de Dieu qui le dépassait de toute part, et jusqu’avant sa propre naissance.

44

Paul fait savoir à ses frères que son Évangile vient de Dieu

L’apôtre des nations Comment donc, après qu’il eût été retourné de cette manière, par Dieu luimême (15), aurait-il eu besoin d’un enseignement humain (11) ? Même les apôtres de Jérusalem n’auraient rien pu lui transmettre de plus que ce que le Seigneur en personne lui avait révélé (16c-17). S’il est vrai qu’ils ont été appelés par Jésus et qu’ils ont été institués apôtres avant lui (17b), les racines de la vocation de Paul sont antérieures à la leur, car il a été mis à part « dès le sein de sa mère » (15a). S’il est vrai que l’Évangile annoncé par Paul ne vient pas d’un homme (11), mais de Dieu en personne (12b), cela signifie pour les Galates qu’à travers Paul ils l’ont reçu eux aussi d’une révélation d’en haut. Comme ceux que Paul a évangélisés en Arabie et à Damas, ils ne sauraient avoir besoin d’une autre révélation que celle de Dieu, telle que Paul la leur a transmise.

4 Inconnu des Églises de Judée, Paul fait la connaissance de Képhas Séquence A3 : Ga 1,18-24

Dans la première partie, Paul réfère sa première rencontre avec Képhas et Jacques à Jérusalem ; dans la dernière il rapporte l’effet positif de cette visite sur les communautés de Judée. Au centre, une sorte de serment, qui peut surprendre.

À Jérusalem

Paul rencontre Képhas et Jacques

Paul jure qu’il dit la vérité Les Églises de Judée

louent Dieu à propos de Paul

1,18-19 20 21-24

46

Inconnu des Églises de Judée, Paul fait la connaissance de Képhas

COMPOSITION + 18

, après trois : pour FAIRE-CONNAISSANCE : et je restai

ans, de Képhas auprès de lui

19

- un autre des apôtres - mais seulement Jacques le frère du 20

Ce que j’écris voici que je ne mens pas.

+ 21

à vous, devant

JE MONTAI

À JÉRUSALEM

quinze

jours ;

JE NE VIS PAS SEIGNEUR.

DIEU

, J’ALLAI DANS LES RÉGIONS DE LA SYRIE ET DE LA CILICIE. ··································································································· - 22 J’ÉTAIS - pour les églises

INCONNU de Judée

de visage dans LE CHRIST ;

···································································································

: 23 seulement . « le persécutant . maintenant . que : 24 et elles glorifiaient

ELLES ÉTAIENT

ENTENDANT que

nous annonce alors

alors, la foi il cherchait-à-ruiner » ;

à mon sujet

DIEU.

Au début de la première partie « quinze jours » (18c) marque la brièveté du séjour à Jérusalem par rapport aux « trois ans » (18a) qui l’ont précédé. En 18b et 19b les noms des deux seules personnes que Paul rencontra à Jérusalem1. Dans les deux derniers morceaux de la troisième partie, « j’étais inconnu de visage » (22a) s’oppose à « elles étaient entendant » (23a)2. La partie centrale est le seul endroit où est utilisé le pronom de deuxième personne du pluriel (« vous ») ainsi que le présent. « Jérusalem » et « les régions de la Syrie et de la Cilicie » sont complémentaires : du point central des églises judéo-chrétiennes, Paul repart vers les communautés ethnico-chrétiennes. Des limites analogues caractérisent les rapports de Paul avec les autorités (18-19 : il reste « quinze jours » seulement et 1 En ce qui concerne Jacques, si l’on traduisait ei mē au début de 19b par « si ce n’est », cela laisserait entendre que « Jacques » est l’un des apôtres ; or « Jacques le frère du Seigneur » n’est pas du nombre des Douze comme le frère de Jean (dit « Jacques le majeur ») et le fils d’Alphée (dit « Jacques le mineur ; voir Ac 1,13 ; en Ac 12,2 Hérode fait mettre à mort par le glaive le frère de Jean), mais ce parent de Jésus qui joua un rôle important dans la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem (en Ac 12,17 ce Jacques est informé de la libération de Pierre qu’Hérode voulait tuer juste après l’exécution de Jacques frère de Jean : 12,3 ; voir aussi Ac 15,13 ; 21,18). 2 D’autant plus que les deux syntagmes verbaux sont également des tournures périphrastiques (« être » + participe).

Séquence A3 : Ga 1,18-24

47

ne voit que Képhas et Jacques) et avec les communautés en général (22-23 : il est « inconnu de visage » et elles ne le connaissent que par ouï-dire). Alors qu’au début Paul reste extrêmement discret sur ses échanges avec Képhas3, le passage débouche au contraire — comme s’il avait voulu maintenir le suspens jusqu’au bout — sur la louange de Dieu pour l’œuvre accomplie par l’intermédiaire de l’apôtre des nations. INTERPRÉTATION Paul, Képhas et Jacques À Jérusalem, où il monte enfin, après avoir attendu trois ans après sa conversion, Paul ne reste que deux semaines et il n’y voit que deux personnes. Mais ceux à qui il rend visite ne sont pas des personnages mineurs : c’est Képhas, la « pierre » sur laquelle Jésus avait fondé son Église, et Jacques le propre « frère » de Jésus : l’évêque de Jérusalem et le garant de la communion universelle, celui qui est un des plus proches de Jésus selon la chair et celui qui préside à l’assemblée de tous les disciples. Paul ne rapporte rien de ce qu’ils se sont dit. D’après ce qu’il vient d’affirmer dans la séquence précédente, il est clair qu’il n’avait pas besoin de s’informer ni sur la vie de Jésus ni sur son enseignement. Si durant les deux dernières années il avait annoncé la foi sans les consulter d’abord, on ne voit pas pourquoi il le ferait maintenant. Outre le fait qu’en bon persécuteur il devait tout connaître de ce qui s’était passé et du contenu de la nouvelle doctrine, la révélation directe dont il vient de se réclamer le dispense d’avoir recours aux hommes, fussent-ils apôtres ou parents du Seigneur. Cela dit, comment imaginer qu’avec Képhas puis avec Jacques ils n’aient pas parlé entre eux — comme les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs à Jérusalem — de Celui en qui tous trois avaient mis leur foi et qu’ils annonçaient ? Paul et les églises de Judée Si Paul reste discret sur le contenu de ses entretiens avec Pierre et Jacques, en revanche il est tout à fait explicite sur le retentissement que sa conversion et son activité apostolique ont sur les églises de Judée — dont Képhas et Jacques font partie : elles en rendent gloire à Dieu (24). En ont-elles été informées par Képhas et Jacques après leur rencontre avec Paul ? Ce dernier ne prend pas la peine de le spécifier explicitement, mais la manière dont il organise son récit peut le donner 3 Le verbe historeō + accusatif de la personne (dont c’est le seul emploi dans le Nouveau Testament) peut signifier soit « s’informer auprès de quelqu’un » soit « informer quelqu’un ». Étant donné qu’il n’a pas ici de second accusatif de la chose dont on s’informe ou informe, il n’est pas possible de déterminer l’acception précise du verbe. « Rendre visite à » (BJ) est trop neutre et élimine pratiquement le sens de récit ; « faire la connaissance de » (Osty, TOB) semble impliquer seulement que c’est Paul qui s’est informé auprès de Képhas ; « faire connaissance avec » respecte sans doute mieux l’ambiguïté du verbe et rend mieux la réciprocité des échanges d’information entre les deux apôtres, informations qui, par conséquent, paraissent porter sur l’évangélisation et ses progrès plutôt que sur la vie et l’enseignement de Jésus.

48

Inconnu des Églises de Judée, Paul fait la connaissance de Képhas

à entendre. Quoi qu’il en soit, du contenu de cette première entrevue, c’est la seule information qu’il juge bon de signaler et qu’il place en évidence en finale, comme pour lever enfin le suspense. Paul est retourné parmi les nations, mais ce qui reste de son passage c’est la joie des judéo-chrétiens de Judée pour ce que le Seigneur a fait pour lui et ce qu’il accomplit par son intermédiaire. Paul et Dieu Le retournement complet que ses interlocuteurs de Jérusalem, et par voie de conséquence l’ensemble des communautés de Judée, ont pu constater chez celui qu’ils connaissaient comme un de leurs persécuteurs les plus acharnés, ils l’interprètent comme une action divine. Cela est encore une nouvelle manière pour Paul de démontrer à ses correspondants de Galatie que c’est bien le Seigneur luimême qui accrédite son Évangile. Quant à l’affirmation solennelle sur laquelle est focalisée la séquence (20), cette déclaration de véracité prononcée « devant Dieu », il n’est guère possible de croire qu’elle ne s’applique qu’au verset précédent, comme si c’était seulement le fait que Paul rapporte n’avoir rencontré personne d’autre que Jacques en plus de Pierre qui pouvait faire difficulté pour les destinataires de sa lettre. Placée en plein centre, cette sorte de serment porte sur l’ensemble du passage et — comme on le verra plus loin — concerne la totalité du témoignage de Paul.

5 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile

Séquence A4 : Ga 2,1-10

Le premier passage (1-5) raconte les différentes étapes de la visite de Paul et de ses compagnons à Jérusalem : le rapport qu’il monte faire aux notables (1-2), la décision concernant Tite (3), à l’issue du conflit surgi à propos de la nécessité de la circoncision des disciples d’origine païenne (4-5). Le second passage (6-10) expose l’accord final conclu entre les deux groupes : d’une part Paul et Barnabé continueront à annoncer l’Évangile aux nations, d’autre part Pierre, Jacques et Jean poursuivront l’apostolat auprès des juifs. La seule loi imposée à Paul est le souci des pauvres.

Le grec Tite n’est pas contraint

de se faire circoncire

2,1-5

Les notables n’imposent rien d’autre que

de penser aux pauvres

6-10

50 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile A. LE GREC TITE N’EST PAS CONTRAINT DE SE FAIRE CIRCONCIRE (2,1-5) COMPOSITION = 1 Ensuite, . de nouveau

après quatorze je montai

= . prenant-

(moi)

années, À JÉRUSALEM,

BARNABÉ aussi TITE.

··································································· 2

Je montai

à la suite d’une révélation.

···································································

= J’exposai que je proclame = mais en privé pour qu’en vain 3

Or pas même TITE qui était ne fut contraint

– 4 À cause des infiltrés – lesquels · pour espionner - que nous avons · afin que nous

L’ÉVANGILE

À EUX

CHEZ LES NATIONS, AUX NOTABLES

je ne coure qui (était)

ou n’aie couru. moi,

GREC, D’ÊTRE CIRCONCIS. FAUX-FRÈRES

s’étaient introduits, la liberté de nous dans LE CHRIST JÉSUS ils réduisent-en-esclavage,

······························································································ 5

+ auxquels pas même . afin que la vérité

une heure nous acceptâmes de L’ÉVANGILE demeure

la soumission, pour VOUS.

Dans la première partie, le premier morceau (1) présente le voyage, le dernier (2b-e) son but. Dans le premier morceau le premier segment (1ab) précise d’abord le temps, puis le lieu du déplacement de Paul ; les deux membres du second (1cd) nomment les deux compagnons de Paul1. Dans le dernier morceau les premiers membres des deux segments forment la principale, tandis que les seconds sont des subordonnées. Le segment central (2a) donne la raison qui a poussé Paul à « monter » à Jérusalem ; il fait intervenir, implicitement, un nouveau personnage, Dieu lui-même. « Les notables » (2d) de « Jérusalem » (1b) accueillent non seulement Paul et Barnabé qui sont juifs comme eux, mais aussi « Tite » (1d) qui fait partie « des nations » (2c).

1

Le premier « avec » est une préposition (meta), le second un préfixe (syn).

SÉQUENCE A4 : Ga 2,1-10

51

Les deux morceaux de la dernière partie2 opposent ce que cherchent les faux frères et ce que refusent Paul et ses compagnons. Le premier segment du premier morceau (4ab) présente ceux qui s’opposent à Paul3, le second énonce leur visée (« réduire en esclavage » s’oppose à « la liberté »). Le second morceau (5) présente d’abord la réaction de Paul et de ses compagnons (5a), puis le but de leur refus (5b). Ce dernier membre est une finale qui s’oppose aux deux finales de la fin du premier morceau (4c.4e). « La vérité de l’Évangile » (5b) rappelle « la liberté que nous avons dans le Christ Jésus » (4cd). Noter le passage au « vous » — c’est-à-dire les Galates — tout à la fin ; le « nous » qui lui correspond en 4c peut donc inclure aussi les Galates dans le groupe formé par Paul, Barnabé et Tite. La partie centrale (3) est très courte. « Celui avec moi » (souvent traduit à juste titre par « mon compagnon ») dans le premier membre rappelle la première partie, spécialement 1d (« prenant-avec ») ; « grec » au centre renvoie à la fois à « les nations » de 2c et à « vous » de 5b (c’est-à-dire les Galates d’origine païenne) ; quant au dernier membre (3c), il annonce la suite dans la mesure où c’était manifestement ce que réclamaient les « faux frères » de 4a. Cette partie n’est pas seulement de transition entre les deux autres ; elle exprime le résultat du conflit, ou la décision prise à son issue. Les parties extrêmes s’achèvent par une finale (2e.5b). « Contraindre » au centre du passage (3c) annonce « réduire-en-esclavage » à la fin du premier morceau de la troisième partie (4e) ; à cette volonté des faux-frères semble s’opposer celle de Dieu qui pousse Paul à monter à Jérusalem (au centre de la première partie : 2a). CONTEXTE Barnabé et Tite De Barnabé, lévite originaire de Chypre dont le nom araméen signifie « fils d’encouragement » (Ac 4,36), les Actes rapportent qu’il fut celui qui introduisit Paul auprès des apôtres quand il vint pour la première fois à Jérusalem, après qu’il ait fui Damas (Ac 9,27). C’est lui que les apôtres députent ensuite à Antioche pour examiner le cas des grecs qui avaient embrassé la foi chrétienne (11,22) ; après quoi il va chercher Paul à Tarse et œuvre avec lui durant un an à 2 La particule de marque clairement que c’est une nouvelle phrase qui commence au début du verset 4. Elle continue jusqu’à la fin du verset 5 car « auxquels » du début de 5 est un pronom relatif qui, comme « lesquels » de 4b, a pour antécédent « les faux-frères ». Les commentateurs relèvent le caractère étrange de cette phrase qui ne comporterait pas de proposition principale, le premier membre (4a) étant un syntagme prépositionnel : « À cause des... ». Il est cependant possible de considérer ce syntagme comme le prédicat de la phrase, son sujet étant sous-entendu avant « à cause de », si bien que l’on peut traduire : « Or (cela) à cause des faux-frères... » ou « (C’était) à cause... ». Tout se passe comme si la phrase commencée en 2b était suspendue le temps du verset 3 et continuée à partir de 4a. 3 Les verbes traduits par « s’infiltrer » et « s’introduire » ont un double préfixe identique (pareis-aktous et par-eis-ēlthon ; la traduction tente de rendre ce rapport en utilisant le même préfixe.

52 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile Antioche ; une famine étant survenue, ils organisent une collecte et en portent le fruit à Jérusalem (11,27-30) ; en Ac 13, Barnabé et Paul sont mis à part et envoyés par la communauté d’Antioche évangéliser les païens ; tous deux sont appelés « apôtres » (14,14) ; avec quelques autres qui ne sont pas nommés, ils sont délégués par l’église d’Antioche pour aller traiter à Jérusalem la question controversée de l’intégration des païens et de leur soumission à la Loi juive (15,1-2) ; ils se sépareront ensuite à cause de Marc que Barnabé voulait s’adjoindre et que Paul refuse de prendre avec eux pour une nouvelle mission (15,36-41). Il n’est pas fait mention de Tite dans les Actes ; on ne connaît ce personnage que par les lettres de Paul qui considère ce grec (Ga 2,3) comme son frère (2Co 2,13), son compagnon et collaborateur (2Co 8,23), son véritable enfant dans leur foi commune (Tt 1,4). Paul l’envoie en mission à Corinthe (2Co 7,5-16) et en Crête (Tt 1,5) ; de Rome où il est prisonnier, il l’enverra en Dalmatie (2Tm 4,10). La rencontre de Jérusalem selon Galates et selon Actes Il est généralement admis que la rencontre de Jérusalem de Ga 2,1-10 est la même que celle qui est rapportée par Ac 15, malgré les différences entre les deux récits. Les plus importantes sont que les Actes ne parlent pas du tout de Tite, que c’est après délibération de l’église d’Antioche que Paul, Barnabé et quelques autres sont délégués auprès des apôtres, et non pas « à la suite d’une révélation » (Ga 2,2). INTERPRÉTATION La révélation Au cœur de la première partie, Paul tient à préciser que, s’il est monté à Jérusalem avec Barnabé et Tite, ce fut à la suite d’une révélation (2a). S’il est bien clair qu’il ne saurait y avoir de révélation que divine, il faut remarquer que Paul ne dit rien des circonstances dans lesquelles elle eut lieu ni de ses modalités, ni même qu’elle lui fut adressée à lui exclusivement. Il n’est pas interdit de penser que Dieu puisse se servir des évènements et des hommes pour faire entendre sa volonté et on ne voit pas pourquoi « une agitation et une discussion assez vive » entre deux groupes, suivie d’une décision d’en référer à Jérusalem (Ac 15,2) ne pourrait pas être interprétée par Paul comme une « révélation ». Un peu comme, après délibération, « les apôtres et les anciens, d’accord avec l’Église tout entière » (Ac 15,22), écrivent dans la lettre envoyée à la communauté d’Antioche : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé... » (Ac 15,28). La conviction de Paul est certainement que c’est le Seigneur lui-même qui, à travers et au moyen des vicissitudes humaines, le guide et conduit son Église. La révélation qui l’a poussé à monter à Jérusalem est exactement de même nature que celle qui l’avait amené à prêcher l’Évangile et que les notables ne tarderont pas à reconnaître (2,7-9).

SÉQUENCE A4 : Ga 2,1-10

53

La circoncision Si le passage tout entier est focalisé sur la décision de ne pas imposer la circoncision à Tite (3), c’est que le problème de la circoncision des disciples de Jésus d’origine païenne était effectivement au cœur des débats, parce que c’était le point crucial dont tout dépendait4. Le rite de la circoncision marquait en effet l’entrée des « craignant Dieu » — ces païens attirés par le judaïsme et qui adoraient déjà le Dieu d’Israël — dans l’alliance d’Abraham et leur appartenance à part entière au peuple élu. À partir de ce moment-là, au même titre que les juifs de naissance, ils étaient tenus d’observer tous les commandements de la Loi. La circoncision n’est donc pas un commandement parmi d’autres, elle est le signe inscrit dans la chair qui marque la soumission au régime de la Loi. Rien d’étonnant donc que toute la discussion se cristallise sur ce seul point, emblématique de tout le reste. C’est lui qui opère la distinction — la division — entre juifs et nations. Imposer aux chrétiens d’origine païenne la circoncision, ce serait leur imposer toutes les pratiques juives ; les en dispenser, c’est les délivrer de toutes les obligations de la Loi de Moïse. Paul est tellement persuadé que le Christ a libéré ses disciples (4b) qu’il ne veut à aucun prix qu’ils retombent dans « l’esclavage » de la Loi (4c). En menant cette bataille, il n’entend pas seulement protéger les ethnico-chrétiens, dont les Galates, contre les visées des faux frères (5b) ; le « nous » qu’il emploie de manière insistante (4b.4c.5a) montre bien que ce sont tous les disciples du Christ, quelle que soit leur origine, qui relèvent non plus de l’économie de la Loi mais de celle de « l’Évangile » (2c et 5b). Les frères et les faux-frères Pour monter à Jérusalem Paul a pris avec lui un juif et un grec, tous deux disciples de Jésus ; par deux fois, et surtout au centre du passage, il insiste sur le fait que Tite est « avec » lui (1d.3a), comme Barnabé (1c). Ces deux compagnons de l’apôtre représentent les deux composantes de la même Église du Christ. Ils sont donc frères dans la foi, frères entre eux, frères de Paul et des notables qu’ils sont venus rencontrer ensemble. En revanche, les judaïsants qui voudraient soumettre les disciples d’origine païenne à la Loi, se révèlent des « faux-frères5 ». En effet, ils ne sauraient reconnaître ceux qui ont suivi Jésus aussi bien qu’eux, sans toutefois s’être soumis au rite de la circoncision, comme appartenant à la même famille de l’Église du Christ, comme leurs frères.

4 Ainsi qu’en témoigne clairement Ac 15,1-2 : « Cependant certaines gens descendus de Judée enseignaient aux frères : “si vous ne vous faites pas circoncire suivant l’usage qui vient de Moïse, vous ne pouvez être sauvés” ». 5 Ce mot n’est utilisé ailleurs qu’en 2Co 11,26 (il a déjà été fait référence à 2Co 11,4, p. 36)

54 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile B. LES NOTABLES N’IMPOSENT QUE LE SOUVENIR DES PAUVRES (2,6-10) COMPOSITION : 6 De CEUX CONSIDÉRÉS

être

– quels qu’ alors ils aient été, rien à moi importe : Dieu à l’apparence de l’homme : à moi en effet

ne regarde pas –, n’imposèrent.

LES NOTABLES

+ 7 Mais au contraire :: que j’avais été chargé – comme – 8 car celui qui a agi :: a agi + 9 et :: la grâce

quelque chose

voyant de l’Évangile Pierre en Pierre

en moi aussi

DU PRÉPUCE

de la CIRCONCISION, pour l’apostolat pour

de la CIRCONCISION LES NATIONS,

reconnaissant donnée

à moi,

···············································································································

= Jacques = CONSIDÉRÉS = donnèrent

et Képhas et Jean, être colonnes, les droites à moi

:: AFIN QUE (nous soyons) – : 10

nous eux

et à Barnabé

en (signe de) communion,

pour pour

LES NATIONS

la CIRCONCISION.

des pauvres - AFIN QUE nous nous souvenions,

: ce que je me suis empressé - précisément cela

de faire.

Les parties extrêmes sont complémentaires : la dernière mentionne la seule chose qui ait été recommandée à Paul et Barnabé par les notables, alors que la première disait que les notables ne lui avaient rien « imposé » (6e). La partie centrale est une unique phrase développée, formée de deux morceaux : le premier (7-9b) coordonne deux participiales de sens causal (« voyant » en 7a et « connaissant » en 9a) accompagnées de leurs subordonnées — et d’une incise (8) —, tandis que le second morceau (9c-g) est la principale (9cde) suivie d’une finale (9fg). Dans le premier morceau, les attendus constataient ce qui s’était passé, l’accord du second morceau vise le futur. Dans le second morceau, la répartition du champ de l’apostolat reprend, au pluriel cette fois-ci, celle qui avait été constatée, au singulier, dans le premier morceau. Alors que les deux premiers segments du premier morceau mettent en parallèle les rôles de Pierre et de Paul, le dernier segment (9ab) ne parle plus que de Paul.

SÉQUENCE A4 : Ga 2,1-10

55

Le lien entre les deux premières parties est marqué par la reprise de « considérés être » (6a.9d) ; le même participe a été traduit par « notables » en 6e (comme en 2d ; voir p. 50). En outre, il semble que « celui » de 8a renvoie à « Dieu » de 6d (voir Rm 1,5). Le rapport entre les deux dernières parties est marqué par la reprise de « afin que » (traduit souvent par « nous devions ») en 9f et 10b. Les parties extrêmes sont agrafées par les termes médians à distance constitués par l’opposition entre « rien » (6c) et « seulement » (10a). CONTEXTE Les décisions de Jérusalem selon Galates et Actes Selon Ac 15,20.29, les décisions prises par l’assemblée de Jérusalem, sur la recommandation de Jacques, portent sur l’abstention des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et de l’impudicité ; de tout cela Paul ne parle pas dans la lettre aux Galates, mais il rapporte, comme seule recommandation, le souvenir des pauvres, que Ac 15 ne mentionne pas. Paul se souvient des pauvres Les Actes témoignent que la mise en commun des richesses est une caractéristique fondamentale des premières communautés chrétiennes (Ac 2,44-45 ; 4,32.34-35 ; 5,1-11). Paul aura toujours le souci d’organiser le partage des biens entre les différentes églises et en particulier en faveur de celle de Jérusalem. Selon Ac 11,27-30, Paul et Barnabé montent à Jérusalem porter le fruit de la collecte qu’ils ont organisée à Antioche durant la famine qui eut lieu sous Claude6. Tite est chargé par Paul de mener à bonne fin une collecte similaire à Corinthe (2Co 8–9 ; voir aussi Rm 15,25-27.31 ; 1Co 16,1-4 ; Ac 24,17). INTERPRÉTATION La communion dans la répartition des tâches Au terme de la rencontre, les notables reconnaissent la réalité et la légitimité de la vocation de Paul qui n’est pas d’une autre nature que celle de Pierre. L’un a été appelé par Dieu en vue de l’apostolat des nations, comme l’autre pour l’évangélisation des juifs (7-9b). En se serrant solennellement la main droite, avec la garantie des notables qui les accompagnent, le premier avec Jacques et Jean, le second avec Barnabé, les deux groupes qu’ils représentent confirment pour l’avenir la mission qu’ils avaient les uns et les autres reçue par le passé lors de leur vocation propre (9c-g). Cette poignée de main signifie et scelle l’étroite « communion » qui les unit dans leurs tâches spécifiques.

6

Cet épisode est placé par les Actes avant l’assemblée de Jérusalem (Ac 15).

56 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile La communion dans la répartition des biens La reconnaissance mutuelle, la communion de pensée et de projet, l’unité dans la diversité que celles-ci représentent, sont des acquis décisifs, atteints au terme de discussions vives, non dépourvues d’une dimension conflictuelle aiguë. Toutefois, cet accord « théologique » a besoin d’un signe qui manifeste concrètement sa validité, qui réalise matériellement la communion des cœurs. Le « souvenir des pauvres » sera en quelque sorte le sacrement de la communion entre les deux composantes de la même Église du Christ. C. À JÉRUSALEM PAUL FAIT RECONNAÎTRE AUX APÔTRES LA VÉRITÉ DE SON ÉVANGILE (2,1-10) COMPOSITION 1

Ensuite, après quatorze ans, de nouveau je montai à JÉRUSALEM, avec BARNABÉ prenant aussi avec moi TITE ; 2 je montai à la suite d’une révélation. Je leur exposai L’ÉVANGILE que je proclame parmi LES NATIONS, mais en privé aux NOTABLES, pour éviter de courir ou d’avoir couru en vain. 3

Or pas même Tite mon compagnon, qui était de se faire

NE FUT CONTRAINT

GREC, CIRCONCIRE.

4

C’était à cause des faux frères infiltrés qui s’étaient introduits pour espionner notre liberté que nous avons dans le Christ Jésus, AFIN DE nous réduire en esclavage, 5 auxquels pas même une heure nous acceptâmes de nous soumettre, AFIN QUE la vérité de L’ÉVANGILE demeure pour VOUS. Mais de la part de ceux qui étaient CONSIDÉRÉS être quelque chose — ce qu’alors ils pouvaient être peu m’importe, Dieu ne regarde pas à l’apparence de l’homme —, à moi les NOTABLES N’IMPOSÈRENT rien. 6

7

Mais voyant au contraire que m’avait été confié L’ÉVANGILE DU PRÉPUCE comme à Pierre DE LA CIRCONCISION 8 — car Celui qui œuvra en faveur de Pierre pour l’apostolat DE LA CIRCONCISION œuvra en ma faveur à moi aussi pour LES NATIONS — 9 et reconnaissant la grâce qui m’avait été donnée, Jacques, Képhas et Jean, qui sont CONSIDÉRÉS être les colonnes, me donnèrent la droite ainsi qu’à BARNABÉ en signe de communion : AFIN QUE nous soyons pour LES NATIONS et eux pour LA CIRCONCISION. Seulement AFIN QUE nous nous souvenions des pauvres et cela j’ai eu à cœur de le faire. 10

Les deux passages rapportent des événements qui se passent au même lieu, « Jérusalem » (1a) et au même temps, celui de la visite de Paul et « Barnabé » (1b.9b) auprès des « notables »/« considérés » (2c.6a.6b.9a). Le second passage (6-10) énonce la position prise par les notables par rapport à « l’Évangile » que

SÉQUENCE A4 : Ga 2,1-10

57

Paul leur a exposé (1-2) et par rapport aux difficultés et aux discussions que cet Évangile avait soulevées chez les « faux frères » (4-5). Une première décision, négative celle-là, avait déjà été prise, au cœur du premier passage, celle de ne pas obliger Tite à se faire circoncire (3). Ainsi, selon la troisième loi de Lund7, le centre du premier passage correspond aux extrémités du second. En effet, à la décision négative du verset 3 répond la décision négative du verset 6, corrigée pour ainsi dire ou, mieux, complétée par la requête positive du verset 10 : les pagano-chrétiens ne sont pas soumis aux prescriptions de la loi mosaïque (6), pas même à la circoncision (3), mais sont invités « seulement » à « se souvenir des pauvres » (10) ; les verbes « contraindre » de 3b et « imposer » de 6d appartiennent au même champ sémantique. L’ensemble de la séquence est marqué par l’opposition entre juifs et nations qui ne revient pas moins de six fois : « Jérusalem »/« les nations (1a.2b), « Barnabé »/« Tite » (1b), « grec »/« circoncire » (3a.3b), « Prépuce »/« Circoncision » (7a.7b), « Circoncision »/« nations » (8a.8b), « nations »/« Circoncision » (9c.9d). « Évangile » employé deux fois dans le premier passage (2b.5c à la fin des parties extrêmes) est repris en 7a, couplé avec « apostolat » (8a). Chaque passage s’achève avec deux occurrences de la même conjonction de subordination « afin de/que » (4b.5c ; 9c.10a). CONTEXTE Le souvenir du sabbat Il se trouve que le verbe « se souvenir », à la fin de la séquence (Ga 2,10) est celui par lequel commence le commandement du sabbat en Ex 20,8 : « Se souvenir du jour du sabbat pour le consacrer ». Ce septième jour est mis en relation avec les six autres jours où l’homme doit faire « tout son travail ». La motivation de ce commandement est le repos de Dieu lui-même : « car en six jours le Seigneur a fait les cieux et la terre, la mer et tout ce qui est en eux et il s’est reposé le septième jour » (Ex 20,11). Ainsi Dieu n’entend pas occuper par son œuvre de création la totalité du temps, il se retire pour faire place à l’autre. En d’autres termes, renonçant à la totalité, il renonce à la toute-puissance8, devenant ainsi modèle pour celui qu’il a créé à son image.9

7 « Des idées identiques sont souvent distribuées de telle manière qu’elles apparaissent aux extrémités et au centre et nulle part ailleurs dans le système » (Chiasmus in the New Testament, 41; traduction française dans Traité, 98. 8 Pour l’analyse rhétorique des deux décalogues, voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, 89-136. 9 Voir A. WÉNIN, L’homme biblique, « Douceur et maîtrise : l’homme à l’image de Dieu », 3347 (spécialement 42-44).

58 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile Le signe du sabbat Le sabbat est dit « signe » de l’alliance entre Dieu et son peuple : 12

Le Seigneur dit à Moïse : 13 « Toi, parle aux Israélites et dis-leur : vous garderez bien mes sabbats, car c’est un signe entre moi et vous pour vos générations, afin qu’on sache que je suis le Seigneur, celui qui vous sanctifie. 14 Vous garderez le sabbat car il est saint pour vous. [...] 16 Les Israélites garderont le sabbat, en observant le sabbat dans leurs générations, c’est une alliance éternelle. 17 Entre moi et les Israélites c’est un signe à perpétuité, car en six jours le Seigneur a fait les cieux et la terre, mais le septième jour il a chômé et repris haleine. » 18 Quand il eut fini de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, Il lui remit les deux tables du Témoignage, tables de pierre écrites du doigt de Dieu (Ex 31,12-18).

Les « deux tables », c’est-à-dire les Dix paroles, essence de toute la Loi, sont ici résumées en le seul commandement du sabbat, sur lequel se focalise chacune des deux versions du Décalogue. Le sabbat est ainsi le signe de l’alliance entre Dieu est les fils d’Israël. Le signe de la circoncision La circoncision elle aussi est dite « signe de l’alliance » entre Dieu et son peuple. C’est ainsi qu’elle est présentée par le Seigneur lui-même à Abraham : 9

Dieu dit à Abraham : « Et toi, tu observeras mon alliance, toi et ta race après toi, de génération en génération. 10 Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c’est-à-dire ta race après toi : que tous vos mâles soient circoncis. 11 Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l’alliance entre moi et vous. [...] 13 [...] Mon alliance sera marquée dans votre chair comme une alliance perpétuelle (Gn 17,9-13).

Par la circoncision, l’homme renonce à la totalité, à la toute-puissance, pour se préparer à la rencontre avec l’autre. Le fait qu’en Israël, la circoncision ne soit pas pratiquée au moment du passage de l’enfance à l’âge adulte, mais au huitième jour signifie plus clairement encore que l’ouverture n’est pas seulement à l’autre sexe, mais au Seigneur lui-même. C’est pourquoi le rite est appelé « l’alliance de la circoncision ». Circoncision et sabbat obéissent donc à la même logique profonde ; la seule différence est que l’un marque le corps individuel, et l’autre le corps social. La renonciation à la totalité se vérifie aussi dans les autres institutions essentielles d’Israël : celle du temple, où le roi et le peuple renoncent à occuper tout le territoire du pays, reconnaissant ainsi la place de Dieu, celle des règles alimentaires par lesquelles on renonce à « tout manger » — ce qui fit le malheur de nos premiers parents ! Se retirer, ce n’est pas se mutiler, c’est reconnaître à l’autre sa propre place, son identité, sa dignité et sa liberté, c’est s’ouvrir à la relation et à la communion.

SÉQUENCE A4 : Ga 2,1-10

59

INTERPRÉTATION Circoncision et liberté Au début de son récit (1-2), quand Paul nomme ses deux compagnons Barnabé et Tite, il ne les qualifie pas par leur origine, juive ou païenne. Même si son expression semble donner la précédence à Barnabé, il ne les distingue que par leurs noms propres. Ce ne sont pas les notables avec lesquels Paul s’entretient de son apostolat auprès des nations qui soulèvent la question de la circoncision, mais ceux que Paul appelle des « faux frères ». Ceux-ci pensent peut-être, sans doute même, effacer la différence, la distinction sinon la division entre juifs et grecs en imposant à ces derniers la circoncision que les premiers ont reçue. Ce n’est pas ainsi que Paul l’entend. Il n’est pas question pour lui que les grecs deviennent juifs. Ce n’est pas ainsi que la division sera surmontée. Chacun doit rester lui-même. Si l’on imposait la circoncision aux disciples venus de la gentilité, ce ne serait pas seulement les « réduire en esclavage », puisqu’ils seraient ainsi soumis à une loi qui n’est pas la leur ; ce seraient les disciples juifs euxmêmes qui perdraient leur liberté, car ils se verraient obligés d’imposer cette loi à tous. Si au début du premier passage (1-2) Paul ne fait pas de distinction entre ses deux compagnons, à la fin de ce même passage (4-5) le « nous » qu’il utilise avec insistance englobe tous ceux qui, quelle que soit leur origine, ont accueilli la liberté et la vérité de l’Évangile. Le passage s’achève, de manière inattendue, par un « vous » qui rappelle ses destinataires à cette même vérité : ils sont ainsi mis en garde contre la tentation de retomber sous l’esclavage que voudraient leur imposer ceux qui tentent de les convaincre de la nécessité de se faire circoncire. Puisque les notables n’avaient pas « contraint » Tite à se faire circoncire (3), il s’ensuit logiquement qu’ils ne pouvaient rien « imposer » d’autre à quiconque (6c). Il est vrai que le « seulement » par lequel commence la dernière partie du second passage (« Seulement afin que nous nous souvenions des pauvres » : 10a) correspond au « rien » par lequel s’achève la première partie (« les notables ne m’imposèrent rien » : 6c). Ce « rien » est absolu et le « seulement » n’est sans doute pas à interpréter comme une exception. La distance imposante mise entre les deux mots, le fait que Paul se garde bien d’utiliser quand il amorce sa dernière phrase un verbe comme « imposer », marquent bien que le souvenir des pauvres n’est pas un commandement qu’on lui dicte. Le « afin que » qui introduit « nous nous souvenions des pauvres » est parallèle à celui qui introduit « nous soyons pour les nations et eux pour la Circoncision » (9c). Tous deux découlent de la « communion » qui unit tous les disciples du Christ. Évangile et communion Si l’accord auquel aboutissent Jacques, Képhas et Jean d’une part et Paul et Barnabé d’autre part, prévoit une répartition des champs de l’apostolat, les uns auprès des juifs, les autres parmi les nations (9de), il n’est pour tous qu’un seul Évangile. La poignée de main échangée entre les membres des deux groupes ne

60 À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile scelle pas un compromis, mais « la communion » (9c). C’est le même « Évangile » qui a été confié à Paul pour le Prépuce et à Pierre pour la Circoncision (7), c’est le même Seigneur qui a œuvré en faveur de Pierre pour « l’apostolat » auprès des Circoncis et en faveur de Paul pour les nations (8). De même qu’il n’y a qu’un seul Seigneur, il ne saurait y avoir deux Évangiles à l’usage de deux Églises différentes. Si, parmi les disciples du Christ Jésus, certains sont circoncis et d’autres ne le sont pas, cela ne saurait briser la communion de la Foi. La seule chose qui pourrait les séparer, ce serait de ne pas « se souvenir des pauvres » (10). Interpréter ces derniers mots des notables comme une demande d’aide ponctuelle en faveur de leurs propres communautés serait certainement se méprendre sur le sens de la communion chrétienne. La pratique de la répartition des biens est en quelque sorte le corollaire de la répartition des apostolats. Le partage des biens — à laquelle les Actes des apôtres accordent une telle importance — est le signe concret de l’appartenance à la communauté des disciples de Jésus, la marque charnelle de leur communion spirituelle. Circoncision et souvenir des pauvres Tout le débat avait tourné autour de la nécessité ou non de la circoncision. Après les menées infructueuses des faux frères (4-5), le problème avait été réglé au centre du premier passage (3). Toutefois, le second passage aussi porte très clairement la marque de ce qui différencie juifs et grecs : si l’appellation « le Prépuce » (7a) n’est employée qu’une seule fois — après quoi elle sera remplacé par « les nations » (8b.9c) —, les juifs sont toujours désignés comme « la Circoncision » (7b.8a.9d) ; ce fait est d’autant plus remarquable que c’est la seule fois dans l’épître où ce mot désigne non pas l’opération elle-même mais ceux qui l’ont subie10. Il est donc remarquable que la séquence s’achève de manière tout à fait inattendue sur le souvenir des pauvres. On pourrait même avoir l’impression que c’est là une sorte de corps étranger, un ajout qui n’a pas grand-chose à voir avec le débat théologique de fond qui a été le sujet de toute la séquence. En effet, que pourrait-il y avoir de commun entre la circoncision et le souvenir des pauvres ? On a dit que la première est une loi, et même l’emblème de toute la Loi de Moïse, tandis que l’autre n’est pas mise par Paul sur le même plan : elle n’est pas du même ordre puisqu’elle n’est pas imposée comme telle. Et pourtant, on sait que la signification essentielle de la circoncision est de signifier dans le corps de l’individu mâle le renoncement à la totalité et l’ouverture à l’autre ; comme le sabbat marque le corps social d’un renoncement similaire par lequel le peuple se refuse à occuper la totalité du temps et laisse ainsi place au souvenir du Seigneur en garantissant la liberté du prochain comme de soi-même. Le souvenir des pauvres obéit en réalité à la même logique. Dans 10 En 2,12, les judéo-chrétiens seront appelés, non pas « la Circoncision » mais « ceux de la circoncision » (tous ek peritomēs ; voir aussi Col 4,11 et Tt 1,10) ; autres emplois pauliniens de « la Circoncision » dans le sens de « les juifs » : Rm 15,8 ; Ph 3,3 ; en opposition à « le Prépuce »: Rm 3,30 ; 4,9 ; Ep 2,11 ; Col 3,11.

SÉQUENCE A4 : Ga 2,1-10

61

l’économie de l’Évangile et de la liberté, il revêt le même statut que la circoncision sous le régime de la Loi. En effet, qui se souvient des pauvres retranche quelque chose de ce qu’il possède ; il s’appauvrit, il renonce à la totalité pour s’ouvrir aux besoins du prochain qui se trouve manquer. La circoncision avait été donnée à Abraham comme « signe » de l’alliance que le Seigneur avait conclue avec lui (Gn 17,11). Le souvenir des pauvres est lui aussi un signe ; il est le sacrement de la communion entre les disciples du Christ Jésus. Il représente en quelque sorte la circoncision de la nouvelle alliance.

6 À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile Séquence A5 : Ga 2,11-21

Dans le premier passage (2,11-14) Paul rapporte les faits survenus à Antioche, quand il s’était opposé à Pierre pour sa conduite qu’il avait jugé mauvaise. Le second passage (2,15-21) est le long discours que Paul adresse à Pierre1, pour justifier ses reproches.

Paul s’oppose

à la conduite blâmable

de Képhas

Paul expose

les raisons de son désaccord

avec Képhas

1

Et, à travers Pierre, à ses destinataires de Galatie.

2,11-14

15-21

64

À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile

A. PAUL S’OPPOSE À LA CONDUITE BLÂMABLE DE KÉPHAS (2,11-14) COMPOSITION = 11 Quand vint - EN FACE : PARCE QU’IL ÉTAIT

KÉPHAS à lui CONDAMNABLE :

à Antioche, je m’opposai

+ 12 car avant que ne viennent .. avec LES PAÏENS

certains il mangeait ;

d’auprès de Jacques

+ mais quand ils vinrent, – il se retira – craignant

et se sépara

lui-même,

CEUX DE LA CIRCONCISION.

Et SUIVIRENT-DANS-L’HYPOCRISIE de sorte que MÊME BARNABÉ

13

= 14 Mais quand je vis : QU’ILS NE MARCHAIENT PAS DROIT - je dis .. « Si toi, .. à la PAÏENNE – comment LES PAÏENS

lui fut entraîné

selon la vérité à KÉPHAS JUIF

et non à la JUIVE contrains-tu à

LE RESTE DES JUIFS,

PAR LEUR HYPOCRISIE.

de l’évangile, :

DEVANT TOUS

étant, tu vis, JUDAÏSER

?

Les parties extrêmes sont parallèles entre elles. Les trois membres des premiers segments (11.14abc) se correspondent exactement, quoique dans un ordre différent : « il était condamnable2 » (11c) s’applique au seul Képhas, tandis que « ils ne marchaient pas droit » qui lui correspond (14b) est au pluriel, car, selon la partie centrale, la conduite de Képhas est imitée par « le reste des juifs », Barnabé compris. Les deux derniers segments de la première partie opposent la conduite de Képhas3 avant et après la venue des gens de chez Jacques4. Les trois membres du segment symétrique (14def) reprennent la même opposition : les deux premiers membres se réfèrent au temps où Képhas mangeait avec les

2 Si le participe kategnōsmenos est considéré comme un passif, il signifie « condamné », par ceux de la communauté qui l’avaient accusé auprès de Paul ou par sa propre conduite, ou par Dieu lui-même si l’on tient que le passif est un passif théologique. Si on le comprend comme un moyen, il signifie « condamnable ». 3 Kēphas est mieux supporté que la variante Petros. 4 La variante qui ne voit qu’un seul envoyé est peu attestée. Quant à l’expression utilisée par Paul à la fin de 12a, elle ne permet pas de décider s’il s’agit de personnes envoyées par Jacques pour inspecter la communauté d’Antioche – ou tout au moins la communauté judéo-chrétienne sur laquelle il aurait eu juridiction –, ou s’il s’agit seulement de gens « de l’entourage de Jacques » (ainsi BJ, TOB) ; la traduction d’Osty, adoptée ici, ne prend pas parti sur un problème qui semble insoluble, qui en tout cas ne paraît pas déterminant pour le propos de Paul.

Séquence A5 : Ga 2,11-21

65

païens (12b), le troisième membre correspond au temps où il s’en était séparé par crainte des juifs (12de). L’unique segment de la partie centrale (13) est de construction spéculaire : il met en scène « le reste des juifs » et « même Barnabé », c’est-à-dire, si l’on se réfère aux termes de l’accord de Jérusalem, non seulement Képhas et les juifs auxquels il devait se consacrer, mais encore Barnabé qui avec Paul avait été destiné à l’apostolat parmi les nations. INTERPRÉTATION Képhas est craint par tous Manifestement Simon mérite bien le nom de Képhas que Jésus lui avait donné. C’est lui la Pierre, le Roc, le leader incontesté que tous suivent. Il ne semble pas que quiconque se soit opposé à lui quand il s’était mis à partager la table des païens. En tout cas, dès qu’il change de conduite après l’arrivée des disciples venus de Jérusalem, tous l’imitent, tous les autres juifs, et même Barnabé auquel avec Paul avait été confiée l’annonce de l’Évangile parmi les non juifs. Plus aucun juif ne s’aventure alors à manger avec les disciples d’origine païenne. La crainte de Képhas Le lecteur n’entend pas la voix de Képhas et ne saura jamais quels arguments il aurait pu avancer pour justifier sa volte-face. Il est donc inutile de se livrer à quelque supputation que ce soit. La lettre ne laisse entendre que l’interprétation et le jugement de Paul. Pour lui, le premier des apôtres « craignait » « ceux de la Circoncision » (12e), et plus précisément, semble-t-il, ceux qui étaient venus « d’auprès de Jacques », le chef de la communauté de Jérusalem. C’est donc qu’entre les disciples juifs de Jérusalem et ceux d’Antioche une divergence existait sur la question de la communion de table. Un juif observant en effet ne saurait partager les repas des païens, parce qu’ils ne respectent pas les règles de la cacherout et, avant tout, parce qu’ils sont incirconcis, donc impurs. Paul ne craint pas de s’opposer à Pierre Paul affronte Képhas « en face » (11b) et « devant tous » (14c). Pas la moindre trace de « crainte » ni d’« hypocrisie » chez lui, mais la franchise de « la vérité ». Il a perçu en effet que, dans une question qui pouvait paraître secondaire et relative, ce qui était en cause n’était rien moins que « la vérité de l’Évangile » (14b). On pourra penser que la conduite de Képhas était dictée par la prudence ou, mieux encore, par la charité qui cherche les compromis pour ne heurter personne, comme Paul lui-même semblait le conseiller en 1Co 9,19-23 : en somme Képhas se serait d’abord fait grec avec les grecs, puis juif avec les juifs. La vérité de l’Évangile est celle de la communion entre tous les disciples de Jésus (12b) et s’oppose donc à la séparation entre les deux composantes de la même communauté (12d). Paul « voit » clairement où le comportement de

66

À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile

Képhas porte : puisqu’il s’est retiré et séparé avec tous les autres juifs, les ethnico-chrétiens n’auront d’autre choix, s’ils veulent préserver l’unité, que de devenir juifs, observant la cacherout pour pouvoir continuer à partager leurs repas, repas eucharistique compris, avec leurs frères juifs. Le dernier verbe « judaïser » est général ; il s’applique directement à la question des repas pris en commun, et donc à la cacherout, mais, on comprend que tout le reste de la Loi devrait logiquement s’ensuivre, circoncision comprise évidemment. Pour Paul, telle n’est certainement pas la solution évangélique pour construire l’unité de l’Église du Christ. B. PAUL EXPOSE LES RAISONS DE SON DÉSACCORD AVEC KÉPHAS (2,15-21) COMPOSITION Ce passage comprend trois parties organisées de manière concentrique : deux parties plus longues qui encadrent une partie très courte. Étant donné la difficulté du passage, une analyse de chacune des parties s’impose avant que ne soit présenté l’ensemble du passage. Première partie (2,15-17) = 15 NOUS, = et non pas

(nous sommes) juifs (de ces) PÉCHEURS

de nature des nations.

····························································································································

– 16 Mais sachant – que + sinon • NOUS aussi, + afin d’ – et non – car

n’est pas justifié

un homme

par les œuvres par la Foi

DANS LE CHRIST

JÉSUS

nous avons cru,

DE LA LOI

par la Foi par les œuvres « n’est justifiée

être justifiés par les œuvres

DE LA LOI EN JÉSUS CHRIST,

DANS LE CHRIST DE LA LOI,

aucune chair ».

····························································································································

+ 17 Mais si, cherchant à – nous sommes trouvés :: alors LE CHRIST :: Certes non !

NOUS

être justifiés aussi

DANS LE CHRIST, PÉCHEURS,

du PÉCHÉ

(serait) serviteur ?

Le premier morceau oppose « pécheurs » à « juifs ». Les trois segments du second morceau5 sont de composition concentrique : la principale au centre (16d) est précédée et suivie par des subordonnées qui se correspondent de 5 Étant donné la symétrie entre les versets 15 et 17, il semble qu’il faille d’une part retenir la variante qui ajoute la particule adversative de au début de 16 (« Mais nous ») et d’autre part interpréter « juifs » et « pécheurs » de 15 comme prédicats d’une phrase nominale indépendante, et non comme une simple apposition à « nous » qui serait alors sujet de « nous avons cru » de 16d.

Séquence A5 : Ga 2,11-21

67

manière spéculaire. Dans le dernier morceau deux subordonnées6 sont suivies de la principale interrogative en 17c et de la réponse en 17d. Le pronom « nous » est repris dans les trois morceaux (15a.16d.17b), accompagné de « aussi » les deux dernières fois, ce qui signifie « nous aussi bien que les ethnico-chrétiens ». Le premier segment du dernier morceau renvoie d’abord au second morceau, ensuite au premier. Deuxième partie (2,18) + 18 Car si + cela – transgresseur

ce que à nouveau moi-même

J’AI DÉMOLI JE BÂTIS,

je me démontre.

La partie centrale est de la taille d’un trimembre de type AA’B. Troisième partie (2,19-21) + 19 Car moi = afin que = : 20 :

PAR LA LOI

Je vis il vit

= Ce que maintenant = dans la Foi + qui m’a aimé

pour la Loi pour DIEU avec LE CHRIST

JE SUIS MORT

;

non plus en moi

moi ; LE CHRIST.

je vis je vis et S’EST LIVRÉ

DANS LA CHAIR, celle au FILS lui-même

je vive, JE SUIS CRUCIFIÉ.

DE DIEU

pour moi.

···································································································································

= 21 Je ne rejette pas – car si – alors

PAR LA LOI LE CHRIST

la grâce DE DIEU la justification (était), pour rien SERAIT MORT.

Dans le premier morceau deux trimembres qui se répondent en miroir encadrent un bimembre (20ab). Les deux derniers membres du premier segment sont parallèles (19bc) : les deux verbes sont précédés d’un nom propre au datif7. Le

6 « Si [...] nous sommes trouvés » : ce verbe pourrait s’entendre au sens irréel : « Si [...] nous avions été trouvés ». 7 Le découpage syntaxique habituel fait de la proposition finale une subordonnée de la phrase précédente. La ponctuation proposée ici, sur la base de la composition de 19-20, est soutenue par Jean Chrysostome (PG 61, col. 645) et par Théophilacte (PG 124, col. 979) :

Ut Deo vivam, cum Christo simul crucifixus sum ». Ne quis dicat : Quomodo igitur vivis, quandoquidem es mortuus ? Lex quidem, inquit, me viventem occidit, Christus autem mortuum

68

À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile

passé du premier membre (19a) s’oppose au présent des deux autres membres (« je suis crucifié » est un parfait-présent) et « pour la Loi je suis mort » s’oppose à « pour Dieu je vive ». Dans les deux premiers membres du troisième segment (20cde) « dans la chair » s’oppose à « dans celle au Fils de Dieu » ; alors que les deux premiers membres sont au présent, le troisième est au passé. Dans le bimembre central (20ab) est affirmée de façon redoublée l’unité vitale entre « moi » et « le Christ ». Les membres extrêmes (19a.20e) sont au passé et indiquent la mort, la mienne et celle du « Fils de Dieu », tandis que tout le reste du morceau est au présent et indique la vie (le verbe « vivre » est repris cinq fois : 19b.20a.b.c.d). La construction concentrique qui met en évidence la clé du texte en son centre n’empêche pas une lecture linéaire, où la première affirmation (19a), quelque peu obscure, est peu à peu éclairée et où le mouvement, qui part de « moi », remonte jusqu’à l’anamnèse de la mort du Christ (20e) sur laquelle, pour Paul, toute sa foi, comme la justification reposent. + 19 Car moi = afin que = : :

20

PAR LA LOI

Je vis il vit

pour la Loi pour DIEU avec LE CHRIST

JE SUIS MORT

non plus en moi

moi ; LE CHRIST.

= Ce que maintenant je vis = dans la Foi je vis + qui m’a aimé et S’EST LIVRÉ lui-même

;

je vive, JE SUIS CRUCIFIÉ.

DANS LA CHAIR, celle au FILS DE DIEU pour moi.

·····························································································································

= 21 Je ne rejette pas – car si – alors

PAR LA LOI LE CHRIST

la grâce DE DIEU la justification (était), pour rien SERAIT MORT.

Dans l’unique segment du second morceau, les deux derniers membres explicitent le premier : la justification « par la Loi » s’opposant à « la grâce de Dieu », si je « rejetais » cette dernière, le Christ « serait mort pour rien », puisque la grâce de Dieu m’a été donnée par la mort de son Fils. Les deux derniers membres du dernier morceau (21bc) renvoient aux membres extrêmes du premier (19a.20e) avec la reprise de « la Loi » et de « mourir ».

accipiens, vivificavit me, qui mente cum eo mortuus per baptisma. Duplex autem hic est miraculus, et quod mortuum vitae restituit, et quod per mortem. La proposition finale est en général postposée à la proposition à laquelle elle est subordonnée. Le contraire existe aussi : Mt 9,9 (// Mc 2,10 ; Lc 5,24) ; Mt 17,27 ; 2Co 12,7 ; Ep 6,21. Cette construction inhabituelle a pour effet de mettre en relief la finale.

Séquence A5 : Ga 2,11-21

69

L’ensemble du passage (2,15-21) 15

Nous, nous sommes des juifs de nature et non pas de ces PÉCHEURS des nations. ·························································· 16 Mais, sachant que n’est JUSTIFIÉ aucun homme par les œuvres de la Loi sinon par la Foi en JÉSUS CHRIST, nous aussi, dans le CHRIST JÉSUS nous avons cru afin d’être JUSTIFIÉS par la Foi en CHRIST et non par les œuvres de la Loi, car par les œuvres de la Loi « n’est JUSTIFIÉE aucune ». ·············································································································· :: 17 Mais SI, cherchant à être JUSTIFIÉS dans le CHRIST, :: nous sommes trouvés nous aussi PÉCHEURS, = ALORS LE CHRIST serait serviteur du PÉCHÉ ?

Certes pas ! :: 18 SI en effet ce que j’ai démoli, :: cela de nouveau je le bâtis, = je me démontre moi-même TRANSGRESSEUR. 19

Moi, en effet, par la Loi pour la Loi je suis mort ; afin de vivre pour Dieu, avec le CHRIST je suis crucifié. 20 Je vis, non plus moi, mais vit en moi le CHRIST. Ce que maintenant je vis dans la , je le vis dans la foi au FILS DE DIEU, lui qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. ··············································································································

:: 21 Je ne rejette pas la grâce de Dieu, :: car SI c’était par la Loi que venait la JUSTIFICATION, = ALORS LE CHRIST serait mort pour rien.

La première partie est à la première personne du pluriel, la dernière à la première personne du singulier. « Nous » (15a) et « moi » (19a) jouent le rôle de termes initiaux ; conditionnelles introduites par « si » (17a. 21b) et principales commençant par « alors le Christ » (17c.21c) remplissent la fonction de termes finaux. L’opposition entre « la Loi » et « la Foi » sur laquelle est construit le morceau central de la première partie (16) se retrouve dans le premier morceau de la dernière partie (19-20) ; « la justification » de 21b rappelle les quatre occurrences du verbe « être justifié » de 16b.16e.16g.17a. La partie centrale est en « je » comme la partie suivante, mais « transgresseur » renvoie à « pécheurs » de la partie précédente, (15b.17b). « Ce que » et « le » renvoient à la justification par les œuvres de la Loi. Enfin, comme la fin des deux autres parties, la partie centrale envisage les deux aspects d’une hypothèse (18ab comme 17ab et 21ab) pour en tirer la conclusion (18c comme 17c et 21c).

70

À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile

CONTEXTE « Ces pécheurs de païens » Les « nations » sont des pécheurs qu’un juif observant ne saurait fréquenter. Entrant dans la maison du centurion romain Corneille, Pierre dit : « Vous le savez, il est absolument interdit à un juif de frayer avec un étranger ou d’entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi, qu’il ne faut appeler aucun homme souillé ou impur » (Ac 10,28). Quand il fut rentré à Jérusalem, « les circoncis le prirent à partie : “Pourquoi, lui demandèrent-ils, es-tu entré chez des incirconcis et as-tu mangé avec eux ?” » (Ac 11,2-3). Les païens sont pécheurs parce qu’ils n’ont pas la Loi : 17

Mais si toi, qui arbores le nom de juif, qui te reposes sur la Loi, qui te glorifies en Dieu, 18 qui connais sa volonté, qui discernes le meilleur, instruit par la Loi, 19 et ainsi te flattes d’être toi-même le guide des aveugles, la lumière de qui marche dans les ténèbres, 20 l’éducateur des ignorants, le maître des simples, parce que tu possèdes dans la Loi l’expression même de la science et de la vérité... (Rm 2,17-20).

« Aucune chair n’est justifiée devant toi » (Ps 143,2) La longue phrase de Ga 2,16 s’achève par la citation de Ps 143,2. Tout le psaume fait appel à « la justice » de Dieu qui seul peut sauver le suppliant plongé dans l’angoisse devant l’ennemi. Ce ne sont pas ses œuvres qui peuvent le tirer du danger de mort où il se trouve ; c’est seulement sur Dieu qu’il peut compter. C’est pourquoi il se reporte à ses « œuvres » de jadis : Je me souviens des jours d’autrefois, je me redis toutes tes œuvres, sur l’ouvrage de tes mains je médite (Ps 143,5).

« Foi en Christ, crédibilité du Christ » L’expression pistis Christou est ambigüe. Si le génitif est interprété comme objectif, il faut traduire « la foi en Christ », car il s’agit de la foi dont le Christ serait l’objet, la foi de l’homme qui croit en Christ ; si au contraire le génitif était considéré comme génitif subjectif, il faudrait traduire « la foi du Christ », car il s’agirait de la foi dont le Christ serait le sujet, la foi que le Christ aurait mise en Dieu. La difficulté majeure que rencontre cette seconde interprétation est que, jamais Jésus n’est le sujet du verbe « croire » non seulement dans les lettres de Paul, mais aussi dans tout le Nouveau Testament. Les deux génitifs, objectif et subjectif sont toutefois recevables, si l’on considère la double acception de pistis. Ce vocable en effet peut signifier « la foi », mais aussi la « crédibilité », « fiabilité », foi en Jésus parce qu’il est crédible, fiable, c’est-à-dire digne de foi8. 8 « Une fois qu’on a vu que l’acte de croire est toujours la rencontre de deux formes corrélatives de pi,stiõ, c’est-à-dire la pi,stiõ-fiabilité de qui assure un appui solide et la pi,stiõ-foi

Séquence A5 : Ga 2,11-21

71

INTERPRÉTATION « Je me démontre moi-même transgresseur » La transgression dont il est question au centre du passage explicite le péché dont il s’agit à la fin de la première partie (17) : celui qui, parce qu’il avait cru que la justification lui venait de la foi en Christ, avait — comme Pierre — abandonné les observances de la Loi, les avait « démolies », y revient ensuite, les « rebâtit », celui-là doit reconnaître, qu’il le veuille ou non, à ses propres yeux d’abord mais aussi au regard des autres, qu’il avait péché en abandonnant la Loi. La conséquence à laquelle il ne saurait échapper, c’est que c’est à cause du Christ qu’il a péché, que le Christ est donc au service du péché. On peut même se demander s’il ne s’agit pas là d’un double péché : celui d’avoir abandonné la pratique de la Loi, puisque en y retournant on se repent, confessant ainsi son péché ; et celui d’être revenu aux préceptes de la Loi, abandonnant ainsi par le fait même la foi en Christ. La première personne du singulier Jusque-là, Paul avait utilisé un « nous » qui englobait Pierre et tous les autres juifs et au nombre desquels il était évidemment inclus. Or, le voilà qui, tout à coup, passe à la première personne du singulier9. Et pourtant, il semble viser avant tout le revirement de Pierre qui, après avoir abandonné les préceptes de la Loi pour partager la table des incirconcis, avait fait volte-face ; c’est lui qui avait « rebâti » ce qu’il avait « démoli ». Une telle première personne est un « je » rhétorique : c’est le « je » qu’utilise l’homéliste pour impliquer personnellement chacun de ses auditeurs. D’un cas particulier, celui de Pierre, il généralise pour ceux à qui il écrit et, curieusement, c’est avec la première personne du singulier qu’il le fait. Ainsi, ce n’est pas seulement Pierre qui est visé par ces mots, pas seulement les autres juifs, d’Antioche ou d’ailleurs, mais chacun des destinataires de la lettre, tous les ethnico-chrétiens, les Galates d’abord bien sûr, mais aussi chacun de ceux qui jusqu’aujourd’hui se sentira interpelé par son propre nom. Se mettant pour ainsi dire en scène le premier, l’auteur ne pouvait pas trouver meilleur moyen d’entraîner tous les autres, sans distinction. Ainsi le « moi » de la dernière partie n’est-il pas seulement celui de Paul, mais aussi celui de tous ceux qui ont cru en Jésus.

de qui accepte cet appui, le dilemme embarrassant du choix entre sens objectif et sens subjectif n’existe plus, puisque, étant corrélatifs, les deux sens sont toujours présents ensemble, l’un explicitement et l’autre implicitement » (A. VANHOYE, « Pi,stiõ Cristou/ : fede in Cristo o affidabilità di Cristo ? », 20. 9 On reconnaît là un exemple clair de la première loi de Lund : « Le centre est toujours le tournant » (voir Traité, 97).

72

À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile

Le Christ est mort pour que je vive La dernière partie commence, de but en blanc, par une affirmation dont le sens est pour le moins opaque : « par la Loi pour la Loi je suis mort ». Le contexte formé par le reste de la partie devrait permettre de lever quelque peu le voile sur ce que veut dire cette formule surprenante. Dans le dernier morceau la justification par la Loi s’oppose à « la grâce », c’est-à-dire au don gratuit de Dieu (21ab). Cette grâce est due à la mort du Christ (21c). Celui-ci en effet a donné sa vie, il s’est livré pour moi, à ma place (20c). Ce faisant il m’a racheté, m’a libéré de la mort. Cette mort à laquelle j’étais voué était due à la Loi, parce que mon observance des préceptes de la Loi était incapable de me donner la justification, c’est-à-dire la vie. La vie ne me vient pas de mes œuvres, je ne suis pas la source de ma vie ; celle-ci ne vient pas de moi mais de Dieu, gracieusement. Il me faut donc renoncer à la Loi, je dois « mourir pour la Loi ». Si c’est par sa mort que le Christ me donne la vie, il est clair que c’est en mourant moi aussi avec lui que je pourrai recevoir la vie. Partageant sa mort, j’hériterai avec lui de la vie que, comme Fils, il a reçue de Dieu. Question d’idolâtrie Le salut ou la justification par mes œuvres pourrait être une forme insidieuse d’idolâtrie. En effet, je m’érige en sauveur à la place de Dieu, je prends sa place. Je me fabrique, de mes propres mains, une image de Dieu qui n’est autre que moi-même. Et pourtant j’avais renversé cette idole quand j’avais abandonné ma confiance dans les œuvres de la Loi, pour mettre ma foi dans le seul Christ Jésus, dans l’œuvre de salut qu’il avait réalisée, de la part de Dieu, par sa mort sur la croix. En revenant aux œuvres de la Loi, je rebâtis l’idole qui prend alors la place de Jésus Christ crucifié. C. À ANTIOCHE PAUL DÉFEND CONTRE KÉPHAS LA VÉRITÉ DE L’ÉVANGILE (2,11-21) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Les deux passages sont agrafés par les termes médians « juif(s) » et « nations » (14.15). Les termes symétriques « il était condamnable » (11) et « il ne marchait pas droit » (14), auxquels font écho au centre (13) « suivirent-dansl’hypocrisie » et « hypocrisie », trouvent leurs correspondants dans le deuxième passage avec « pécheurs » (15.17) et « transgresseur » (18) ; la faute d’hypocrisie reprochée à Képhas dans le premier passage est qu’il « se sépara » (12) après avoir « mangé avec les nations » (12), ce qui est rappelé au centre du deuxième passage avec l’expression « je rebâtis ce que j’ai abattu » (18). Ce que Képhas a abandonné c’est « la vérité de l’Évangile » (14), ce que le second passage appelle « la foi en Jésus Christ », « la foi en Christ » (16) ou « la foi au Fils de Dieu » (20), autrement dit « la grâce de Dieu » (21).

Séquence A5 : Ga 2,11-21

73

11

Quand Képhas vint à Antioche, je m’opposai à lui en face parce qu’ IL ÉTAIT CONDAMNABLE : car avant que ne viennent certains d’auprès de Jacques IL MANGEAIT AVEC LES NATIONS ; mais quand ils vinrent, IL SE RETIRA ET SE SÉPARA, craignant ceux de la circoncision. 12

13 Et le reste des juifs le suivirent-dans-L’HYPOCRISIE, de sorte que même Barnabé fut entraîné par leur HYPOCRISIE. 14

Mais quand je vis qu’IL NE MARCHAIT PAS DROIT selon LA VÉRITÉ DE L’ÉVANGILE, je dis à Képhas devant tous : « Si toi qui es JUIF tu vis comme les NATIONS et non comme les JUIFS, comment peux-tu contraindre les NATIONS à judaïser ? 15

Nous, nous sommes JUIFS de nature et non pas de ces PÉCHEURS de NATIONS. 16 Mais sachant qu’aucun homme n’est justifié par les œuvres de la Loi mais par LA FOI EN JÉSUS CHRIST, nous aussi dans le Christ Jésus nous avons cru, afin d’être justifiés par LA FOI EN CHRIST et non par les œuvres de la Loi, car par les œuvres de la Loi « aucune chair n’est justifiée ». 17 Mais si, cherchant à être justifiés dans le Christ, nous sommes trouvés nous aussi PÉCHEURS, alors le Christ est serviteur du péché. Certes pas ! 18

Car si ce que J’AI ABATTU JE (le) REBÂTIS, je me démontre moi-même TRANSGRESSEUR. 19

Moi en effet, par la Loi, pour la Loi je suis mort ; afin de vivre pour Dieu, avec le Christ je suis crucifié. 20 Je vis, non plus moi, mais c’est le Christ qui vit en moi. Ce que maintenant je vis dans la chair, je le vis dans LA FOI AU FILS DE DIEU, lui qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. 21 Je ne rejette pas LA GRÂCE DE DIEU, car si c’était par la Loi que venait la justification, alors le Christ serait mort pour rien. »

Le second passage traite de la situation des judéo-chrétiens par rapport au Christ et par rapport à la Loi. Il constitue donc la suite naturelle de l’apostrophe à Képhas du verset 14 et fait partie intégrante du discours à Pierre. Mais il ne faut pas oublier que tout le récit est adressé aussi aux destinataires de la lettre, les Galates qui sont des ethnico-chrétiens. INTERPRÉTATION « La vérité de l’Évangile » Dans le premier passage, Paul ne se contente pas de rapporter et de dénoncer les faits qui se sont déroulés à Antioche (11-13) ; en une seule phrase (14), il dévoile la conséquence inéluctable de la conduite de Képhas. Si les juifs refusent de partager la table des disciples issus de la gentilité, ceux-ci, pour rétablir la communion, seront contraints de se soumettre aux prescriptions de la Loi juive. Tiraillé entre les positions antagonistes de Jacques et de Paul, Pierre doit donc savoir où le mènera sa conduite. S’opposant sans la moindre ambiguïté à l’hypocrisie des juifs qui avaient suivi Pierre, Paul proclame que ce qui est en jeu, ce n’est rien moins que « la vérité de l’Évangile ».

74

À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile

« La grâce de Dieu » Toute la suite du discours (15-21) sera consacrée à exposer ce qu’est « la vérité de l’Évangile ». Paul s’élève du cas particulier qui a révélé et fait exploser la crise, pour s’adresser, au-delà de Képhas, Barnabé et tous les autres juifs d’Antioche, à ceux auxquels il écrit, les Galates et ceux qui entendent les contraindre à « judaïser ». « La vérité de l’Évangile » qu’il évoque à la fin du premier passage (14), c’est « la grâce de Dieu » sur quoi débouche tout le second passage (21). La grâce, le don gratuit que Dieu a fait à tous, aussi bien les disciples juifs qu’à ceux qui ne le sont pas, c’est de leur faire réaliser que la justice ne pouvait en aucun cas découler de la pratique des commandements de la Loi, mais seulement de la foi en son Fils (20). La justification, c’est-à-dire la vie véritable a été acquise, pour les uns comme pour les autres, par la croix de Jésus Christ, manifestation de son amour et du don qu’il a fait de sa vie. C’est à cette grâce qu’il faut désormais adhérer et non plus à ce qui pourrait paraître comme une autojustification, la pratique des observances strictement juives de la Loi. Cette adhésion suppose que le disciple s’identifie au Christ et à sa Passion, qu’il vive par lui et en lui seulement. Hypocrisie et transgression Ce que Paul trouve « condamnable » (11) dans l’attitude de Képhas, c’est ce qu’il appelle, en plein centre du premier passage, son « hypocrisie » (13). Si en effet il s’était mis à agir contre sa conscience, contre ses convictions, c’était parce qu’il en était venu à « craindre ceux de la circoncision » (12). Dénonçant sa crainte des hommes, Paul laisse à entendre qu’il ne craint pas Dieu puisqu’il y sacrifie « la vérité de l’Évangile ». Toute l’argumentation du second passage consistera ensuite à lui montrer qu’il s’est montré doublement « transgresseur ». Étant revenu à la pratique des prescriptions de la Loi, il reconnaît implicitement que sa conduite était peccamineuse, qu’il avait transgressé la Loi ; ce faisant, il abandonne donc la foi au Christ, puisqu’il met sa confiance dans la Loi. Il avait transgressé en délaissant la Loi, et le voilà qui transgresse à nouveau en délaissant la foi. Il se révèle pécheur et en démolissant et en rebâtissant. Comment pourrait-il être justifié de ce double péché dans lequel le voilà prisonnier ? La Loi le condamne doublement. Seule la foi au Fils de Dieu, seule la vie avec le Christ, seule la grâce de Dieu sera en mesure de le libérer de son péché.

7 C’est l’Évangile du Christ que j’ai annoncé La section A : Ga 1,6–2,21

La première section de la Lettre comprend cinq séquences, organisées de manière concentrique. Dans la première sous-section, après de vifs reproches à ceux qui se laissent entraîner à suivre un évangile opposé au sien (A1), Paul insiste sur l’origine divine de l’évangile qu’il prêche. La séquence centrale (A3) sert de pivot pour l’ensemble de la section : le récit du court séjour que l’apôtre fit à Jérusalem pour faire la connaissance du seul Képhas montre à l’évidence que ce n’est même pas du premier des apôtres que lui a été révélé l’Évangile du Christ. La dernière sous-section met en parallèle l’accord de Jérusalem entre Paul et les colonnes de l’Église (A4) et le conflit d’Antioche où il dut s’opposer à Képhas qui s’était détourné de la vérité de l’Évangile (A5). A1 Paul reproche

aux Galates

de suivre un Évangile

venant des hommes

A2 Paul fait savoir

à ses frères

que son Évangile

vient de Dieu

A3 Inconnu des Églises de Judée, Paul fait la connaissance de Képhas

A4 À Jérusalem

Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile

A5 À Antioche

Paul défend

contre Képhas la vérité de l’Évangile

1,6-10 1,11-17

1,18-24

2,1-10 2,11-21

Seront d’abord étudiées les relations entre les deux séquences de la première sous-section, puis entre les deux séquences de la dernière sous-section. Après quoi, pour l’ensemble de la section, seront présentés les rapports entre les soussections extrêmes (A1-A2 et A4-A5) ainsi que les rapports entre la séquence centrale (A3) et le reste de la section.

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

A. LA PREMIÈRE SOUS-SECTION (SÉQUENCES A1-A2) COMPOSITION A1 (1,6-10) 6

JE M’ÉTONNE qu’aussi rapidement vous désertiez Celui qui vous a appelés dans la grâce du Christ vers un Évangile différent. 7 Non qu’il y en ait un autre, mais il en est certains qui vous troublent et qui veulent dévier l’Évangile du Christ.

A2 (1,11-17) 11

JE VOUS FAIS-SAVOIR, frères : l’Évangile qui a été annoncé par moi n’est pas selon un HOMME. 12 D’ailleurs, moi, ce n’est pas d’un HOMME que JE L’AI REÇU ou que j’en ai été instruit, mais par une révélation de JÉSUS CHRIST.

8

13

Même si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un évangile opposé à ce que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! 9 Comme nous vous l’avons déjà-dit, à présent encore je le redis : si quelqu’un vous annonce un évangile opposé à ce que VOUS AVEZ REÇU, qu’il soit anathème !

10

À présent donc ce sont des HOMMES que je veux persuader, ou bien serait-ce DIEU ? Ou alors je cherche à plaire à des HOMMES ?

Si c’était encore à des HOMMES que je voulais plaire, du CHRIST je ne serais plus l’esclave.

Car vous avez entendu parler de ma conduite jadis dans le judaïsme : à outrance je persécutais l’Église de Dieu et je cherchais à la ruiner. 14

Et je progressais dans le judaïsme plus que beaucoup des contemporains de ma race, étant beaucoup plus zélé pour LES TRADITIONS de mes pères.

15

Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce 16 de révéler son Fils en moi afin que je l’annonce chez les nations, aussitôt, je ne consultai pas la chair et le sang 17 et je ne montai pas à Jérusalem vers ceux qui furent apôtres avant moi, mais je partis en Arabie et de nouveau je retournai à Damas.

Les deux séquences sont d’une composition analogue : chacune comprend trois parties organisées de manière concentrique.

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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Termes initiaux Les deux séquences commencent par un verbe à la première personne du singulier du présent, « Je m’étonne » (6) et « Je fais-savoir » (11). « Je m’étonne » laisse entendre que, dans la première séquence, Paul s’insurgera contre la conduite de ses destinataires, tandis que « je vous fais savoir », au début du passage suivant, introduit ce qu’il veut leur communiquer. Ainsi la première séquence présente la face négative du message de Paul et la seconde sa face positive. Le changement de ton entre les deux séquences est marqué par l’utilisation, au début de la séquence A2, du vocatif « frères » (11a), alors que la séquence A1 commençait fort sèchement, sans aucune apostrophe. Dans les deux cas, ce qui est en cause, c’est « l’Évangile » : d’une part « un Évangile différent » auquel se sont attachés les Galates (6), de l’autre « l’Évangile » véritable annoncé par Paul (11). Termes extrêmes Au début des parties extrêmes (6 et 15), les Galates sont mis sur le même plan que Paul, puisque aussi bien les uns que l’autre ont été « appelés » par Dieu (« Celui ») « dans la grâce » ou « par la grâce ». Termes médians La dernière partie de la première séquence (10) et la première partie de la séquence suivante (11-12) sont les seules où apparaisse le mot « homme(s) », trois fois au pluriel en 10, deux fois au singulier en 11-12. Dans les deux cas, « homme(s) » est opposé à « Dieu » (10c) ou à « (Jésus) Christ » (10g.12d). Termes centraux Les parties centrales (8-9 et 13-14) se correspondent. Dans les deux cas, il s’agit d’une condamnation : autrefois de la part du juif Paul qui persécutait l’Église de Dieu (13), aujourd’hui d’un autre Paul qui appelle la malédiction divine sur tous ceux qui voudraient changer l’Évangile (8cd.9de) ; la suite de la lettre montrera que ce bouleversement tend à un retour au judaïsme. Cela est déjà suggéré par la correspondance entre la double occurrence de « annoncer-unévangile (contraire à) » et la double occurrence de « dans le judaïsme ». Deux traditions sont ainsi mises en opposition, celle des pères (para-dosis) à laquelle Paul était autrefois attaché, celle de l’Évangile que les Galates ont reçue (paralambanō) de Dieu.

78

C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

INTERPRÉTATION « Je m’étonne » Il est bien probable que, dès les premières lignes de la lettre qui leur était adressée, les Galates aient immédiatement compris ce que Paul voulait dire. En effet, ce n’était pas la première fois qu’il abordait le sujet avec eux : ce qu’il leur dit là, il le leur avait déjà dit auparavant (1,9). Mais il faut bien reconnaître qu’après avoir pris connaissance des deux premières séquences de la section (1,6-10 et 11-17), le lecteur ignorant du différend qui oppose Paul et ses correspondants de Galatie, n’a pas appris grand-chose de précis sur le contenu de la controverse. Certes, il se rend bien compte que la question doit être des plus sérieuses aux yeux de Paul pour qu’il commence de manière aussi abrupte et même violente : tout le monde sait qu’il ne fait pas bon recevoir un miramur (« nous nous étonnons »), ce genre de lettre de ferme reproche, devenu classique dans le monde ecclésiastique, qui commence justement par le même verbe que le corps de la Lettre aux Galates : « Je m’étonne » (1,6). L’anathème redoublé qu’au centre de la première séquence Paul jette sur celui — fut-il un ange du ciel ! — qui oserait le contredire (1,8-9) ne laisse aucun doute sur l’extrême gravité de la situation. Ce qui est en question n’est rien moins que l’Évangile (1,6.7.8.9.11), et à travers lui c’est la fidélité à Dieu lui-même qui est en cause (1,6). Il faut en effet choisir : ou bien Dieu et son Christ ou bien les hommes (1,10). Si, avec la première séquence (1,6-10), Paul n’a certes pas rédigé une captatio benevolentiae en bonne et due forme, il n’en a sans doute pas moins attiré l’attention de ses lecteurs Galates et éveillé l’intérêt de ceux qui attendent avec impatience d’apprendre de quoi il retourne exactement. « Je vous fais savoir » Paul peut maintenant adopter un ton plus serein, pour rappeler, à ceux que désormais il appelle ses « frères » (1,11), quelle fut l’origine de cet Évangile qu’il défend avec tant de véhémence. S’il ne peut transiger sur le contenu de son Évangile, c’est qu’il ne lui est pas venu par quelque tradition humaine mais par illumination divine. Il le tient par « révélation » directe de Jésus Christ (1,12), c’est Dieu lui-même qui le lui a « révélé » (1,15-16). L’autorité de cette révélation lui avait donné une telle certitude qu’il n’avait même pas éprouvé le besoin d’en référer à ceux que Jésus avait choisis durant sa vie. S’il reconnaît sans ambages qu’ils furent apôtres avant lui (1,17), la conscience de la radicalité originelle de sa vocation fait qu’il considère que sa mission est exactement de même nature que la leur. Ils ne sont pas les seuls « apôtres » ; lui aussi l’est tout autant qu’eux. Qu’il ait auparavant persécuté à outrance l’Église de Dieu (1,13), viscéralement attaché comme il l’était aux traditions de ses pères (1,14), ne fait que renforcer sa conviction que sa vocation ne doit rien aux hommes, mais qu’elle vient de Dieu seul. Fort de cet appel, il ne saurait hésiter un seul instant à défendre l’Évangile contre ceux qui voudraient le dénaturer. Le lecteur apprend

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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— comme incidemment et seulement à la fin du deuxième passage — quels sont les destinataires de la mission qui lui a été confiée par Dieu : ce sont les nations auxquelles il a été envoyé annoncer que Jésus Christ est le Fils de Dieu (1,16). Ainsi peut-il commencer à entrevoir que le conflit ne se situe pas seulement entre « le judaïsme » et « l’Évangile », c’est-à-dire entre la tradition des pères (1,14) et la révélation reçue de Dieu (1,12.15-16), mais qu’il devrait porter sur la relation entre les juifs et les nations à propos de l’Évangile, c’est-à-dire de Jésus Christ. C’est effectivement sur ce rapport que Paul reviendra dans les deux dernières séquences de la section, en racontant comment il a déjà été traité par le passé en lien avec les Apôtres. Appelés dans la grâce D’entrée de jeu Paul place ses destinataires face à Celui qui a les « appelés » (6). Ce n’est pas Paul qu’ils ont « déserté », c’est Dieu lui-même. Ce faisant, l’apôtre les renvoie à leur première rencontre avec le Seigneur, à l’expérience fondatrice de leur vocation, quand, par son annonce de l’Évangile, il les avait mis en relation avec Celui qui l’avait envoyé vers eux. À l’autre bout de la soussection (15), il se réfère lui aussi à Celui qui l’avait « appelé ». Il renvoie ainsi ses lecteurs à l’origine de sa propre vocation, qui remonte, en-deçà de sa conversion, jusqu’avant sa naissance, quand il était encore dans le sein de sa mère. Notre proverbe dit qu’« en toute chose il faut considérer la fin ». Dans les moments de crise, de remise en question, il est nécessaire au contraire de considérer l’origine, de remonter au jaillissement premier de la source. Aux extrémités de la sous-section, Paul le fait en deux temps : en invitant d’abord les Galates à se souvenir de leur propre appel « dans la grâce du Christ » (6), en rappelant pour finir l’appel que Dieu lui avait adressé « par sa grâce », l’ayant destiné à sa mission dès avant sa naissance (15). C’est à la même grâce, de Dieu et du Christ son Fils, que s’origine la vocation des Galates et de celui qui les a évangélisés. C’est cette même grâce qui en fait des frères, fils du même Père de Jésus Christ.

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

B. LA DERNIÈRE SOUS-SECTION (SÉQUENCES A4-A5) COMPOSITION A4 (2,1-10) 1

Ensuite, après quatorze ans, de nouveau JE MONTAI À JÉRUSALEM, avec BARNABÉ, en prenant aussi avec moi TITE. 2 Je montai à la suite d’une révélation. Je leur exposai l’Évangile que je proclame chez les nations mais en privé aux notables pour éviter de courir ou d’avoir couru en vain.

A5 (2,11-21) 11

Quand KÉPHAS VINT À ANTIOCHE, je lui résistai en face car il était blâmable : 12 Car avant que ne viennent certains d’auprès de JACQUES il mangeait avec les nations ; mais quand ils vinrent, il se déroba et se tint à l’écart, craignant ceux de la Circoncision.

3

13

Or PAS MÊME TITE mon compagnon, qui était grec, ne FUT CONTRAINT d’être circoncis.

Et le suivirent dans l’hypocrisie le reste des juifs, de sorte que MÊME BARNABÉ FUT ENTRAÎNÉ par leur hypocrisie.

4

Cela à cause des faux frères infiltrés qui s’étaient introduits pour espionner notre liberté que nous avons dans LE CHRIST JÉSUS, afin de nous réduire en esclavage, 5 auxquels pas même une heure nous acceptâmes de nous soumettre, afin que la vérité de l’Évangile demeure pour vous.

Mais quand je vis qu’il ne marchait pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Képhas devant tous : « Si toi qui es juif, tu vis comme les nations et non comme les juifs, comment veux-tu CONTRAINDRE les nations à judaïser ?

6

15 Nous, nous sommes juifs de naissance et non pas de ces pécheurs des nations. 16 Mais sachant que n’est justifié aucun homme par les œuvres de la Loi sinon par la Foi en JÉSUS CHRIST, nous aussi dans LE CHRIST JÉSUS nous avons cru afin d’être justifiés par la Foi en CHRIST et non par les œuvres de la Loi, car par les œuvres de la Loi « n’est justifiée aucune chair ». 17 Si, cherchant à être justifiés dans le CHRIST, nous aussi sommes trouvés pécheurs, alors le CHRIST est serviteur du péché. Certes pas !

Mais de la part de ceux qui étaient considérés comme des notables, — ce qu’alors ils pouvaient être peu m’importe, Dieu ne regarde pas l’apparence de l’homme — à moi les notables n’imposèrent rien. Mais voyant au contraire que m’avait été confié l’Évangile du Prépuce comme à Pierre de la Circoncision 8 car Celui qui a œuvré pour Pierre dans l’apostolat de la Circoncision a œuvré pour moi aussi pour les nations, 7

14

9

18

et connaissant la grâce qui m’avait été donnée, JACQUES, KÉPHAS et Jean, les notables qui sont les colonnes, me donnèrent la droite ainsi qu’à BARNABÉ en signe de communion : nous devions être nous pour les nations, eux pour la Circoncision. 10 Nous devions seulement nous souvenir des pauvres. Et cela j’ai eu à cœur de le faire.

Car si je rebâtis ce que j’ai abattu, je me démontre moi-même transgresseur. 19

Moi en effet, par la Loi, à la Loi j’ai été mis à mort ; afin de vivre pour Dieu, avec le CHRIST je suis crucifié. 20 Je vis non plus moi, mais vit en moi le CHRIST. Ce que maintenant je vis dans la chair, je le vis dans la Foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi. 21 Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si c’était par la Loi que venait la justification, alors le CHRIST serait mort pour rien. »

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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Rapports entre les premières passages (1-5 et 11-14) D’une part Paul « monte à Jérusalem » (1), de l’autre « Képhas vient à Antioche » (11) ; Paul est accompagné du juif « Barnabé » et du grec « Tite » (1), tandis que Képhas, qui frayait avec les grecs, est bientôt rejoint par des juifs « d’auprès de Jacques » (12). Les centres se répondent : d’un côté (3) « pas même Tite » le grec n’est « contraint » de se faire circoncire, de l’autre (13) « même Barnabé » le juif est « entraîné » à se séparer des ethnico-chrétiens. Dans les dernières parties revient l’expression « la vérité de l’Évangile » (5c.14b) ; ce sont les seules occurrences de ce syntagme dans toute l’épître. Noter en outre que le couple « juifs »/« nations » (ou « Circoncision ») qui se trouve dans les parties extrêmes du premier passage de A5 (12.14), se retrouve au centre du premier passage de A4 (3 : « grec »/« circoncis »). Le verbe « contraindre » est repris au centre du premier passage (3c) et à la fin du passage symétrique (14e). Rapports entre les deuxièmes passages (6-10 et 15-21) « Homme » est repris aux débuts (6d.16b) ; ce sont les seuls emplois de ce mot dans les deux séquences. — « Grâce » revient au centre du deuxième passage de A4 (9a) et à la fin du deuxième passage de A5 (21a). — La double opposition entre « Prépuce »/« nations » et « Circoncision » (7-9) est reprise par l’opposition entre « juifs » et « nations » en 15ab. — Au couple des verbes complémentaires « avait été confié » (pisteuō : 7ab) et « a œuvré » (energeō : 8b.c) en A4 correspond le couple « foi » (pistis : 16c.e)/« œuvres » (erga : 16bc.f) en A5 ; à noter que d’un côté c’est Dieu qui agit (en 7-8, il est le sujet de « œuvrer » et le passif « avait été confié » est un passif divin), tandis que de l’autre (16) le sujet de la « foi » et des « œuvres » est l’homme. — De manière plus globale, alors qu’en 6-10 aucun précepte de la Loi n’est imposé aux ethnico-chrétiens (sauf de « se souvenir des pauvres » en 10)1, dans la partie symétrique (15-21) Paul explique que la Loi ne sert de rien pour les juifs qui ont cru en Christ. Ce rapport est marqué par les négations de 6d et 16b.f. Autres rapports entre A4 et A5 Les noms de « Jacques, « Képhas » et « Barnabé » reviennent dans le second passage de A4 (9c.e) et dans le premier de A5 (11a.12b.13b) ; le couple « les nations » (ou « le Prépuce »)/« la Circoncision », en tant qu’indiquant les deux groupes qui composent l’Église du Christ, revient trois fois dans le second passage de A4 (7bc. 8cd.9fg) et reparaît comme tel dans le première passage de A5 (12c.e et 14cd). — De manière complémentaire, la fin du premier passage de A4 (4-5) semble renvoyer au dernier passage de la séquence A5 (15-21). Le nom du « Christ » qui est cité huit fois en 15-21 — dont deux fois accolé à celui de 1

Le dernier mot de A4, « faire », entre dans le champ sémantique des « œuvres ».

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

« Jésus » — ne revient qu’une seule fois ailleurs dans les deux séquences, à la fin du premier passage de A4 : « le Christ Jésus » (4c)2. INTERPRÉTATION Deux cités typiques Les lieux où se passent les événements rapportés dans les deux séquences sont complémentaires : Jérusalem d’abord (2,1) comme centre et symbole des communautés judéo-chrétiennes, Antioche ensuite (2,11) comme représentative des communautés d’origine païenne. Chacune de ces villes est le théâtre de la rencontre des deux types de communautés, et de leur affrontement. En effet, c’est tout d’abord Paul, l’apôtre des nations, qui, non seulement avec le juif Barnabé mais aussi avec le païen Tite, monte à Jérusalem rencontrer les responsables de l’évangélisation des juifs, dont Jacques et Képhas. C’est ensuite ce même Képhas, bientôt rejoint par des judéo-chrétiens venus de Jérusalem, d’auprès de Jacques, qui descend à Antioche où il va être confronté aux reproches de Paul. Contrainte de la Loi ou vérité de l’Évangile Dans les deux cas, c’est le rapport entre judéo-chrétiens (« les juifs » : 2,13. 14.15 ; « la Circoncision » : 2,7.9.12) et ethnico-chrétiens (« les nations » : 2,2. 8.9.12.14.15 ; « le Prépuce » : 2,7b) qui se pose : à Jérusalem, Tite, qui n’est pas circoncis comme les juifs, va-t-il être obligé à se conformer à la Loi sur ce point précis ? À Antioche, Képhas qui est juif va-t-il céder à la Loi qui interdit la communion de table avec les païens ? Alors qu’à Jérusalem, malgré la pression de certains, « même » Tite le grec « ne fut pas contraint » de se soumettre à la Loi en se faisant circoncire (2,3), à Antioche au contraire, « même » Barnabé le juif « fut entraîné » à se soumettre à la Loi en refusant de manger avec les païens (2,13). Dans les deux cas, il s’agit de la « contrainte » de la Loi (2,3 et 14) qui s’oppose à « la vérité de l’Évangile » (2,5 et 14). Comment réaliser la communion ? En définitive, c’est le problème de l’identité chrétienne qui est ainsi posé. Les païens qui ont embrassé la foi au Christ doivent-ils pour cela devenir juifs et se soumettre aux prescriptions de la Loi ? Inversement, les juifs qui ont adhéré à la foi en Christ peuvent-ils devenir comme les païens en abandonnant les commandements de la Loi ? Pour dire les choses autrement, c’est la question de l’unité, de la « communion » (2,9) entre tous qui est en jeu : comment l’unité peut-elle se réaliser entre les deux groupes ? Le dilemme est de savoir si l’un des deux doit s’identifier à l’autre, et, si oui, lequel. Il peut se poser en d’autres termes : qu’est-ce qui fait l’unité ? La Loi ou la Foi ? Ou plus exactement, les œuvres de 2

Les expressions « dans le Christ Jésus » traduisent deux syntagmes légèrement différents en grec: en Christōi Iēsou en 2,4, eis Christon Iēsoun en 2,16.

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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la Loi ou la foi au Fils de Dieu, en définitive moi-même par ma pratique de la Loi ou le Christ par sa mort ? Au nom de « la liberté » de l’Évangile (2,4), Tite n’avait pas été soumis ni à la circoncision, ni à « rien de plus » (2,6). Il n’avait probablement pas été question en revanche — au nom sans doute du même principe — que Paul exige des judéo-chrétiens de Jérusalem qu’ils renoncent à la pratique des observances de la Loi, du moment qu’ils croyaient que la justification ne leur était pas acquise par les œuvres de la Loi mais par la foi en Jésus Christ. Mais quand Pierre, après avoir enfreint les interdits de la Loi pour partager la table des ethnico-chrétiens, revient en arrière et se sépare d’eux (2,12), non seulement il brise la communion, mais reconnaissant effectivement par sa volte-face qu’il s’était conduit comme un pécheur de païen (2,17), il redonne à la Loi une valeur salvifique et par conséquent il l’enlève à la mort du Christ. Il s’ensuit logiquement que, si les païens veulent être sauvés du péché, ils doivent pratiquer la Loi. Il est vrai qu’ainsi Képhas contraint les païens à judaïser. Seule la charité fonde l’unité Est-ce à dire que les chrétiens d’origine païenne ne sont soumis à aucune loi ? La fin de la première séquence fournit la réponse : la seule chose imposée aux païens est de « se souvenir des pauvres » (2,10). Ce n’est sûrement pas là une recommandation occasionnelle, dictée seulement par la situation de disette des communautés de Judée. La charité est la seule loi, c’est uniquement elle qui doit régler les rapports des ethnico-chrétiens envers les judéo-chrétiens. Nul doute que ce soit aussi la loi qui oblige aussi les judéo-chrétiens envers leurs frères ethnico-chrétiens : en effet, si les chrétiens d’origine païenne doivent partager leur pain avec les judéo-chrétiens (2,10), comment ces derniers pourraient-ils refuser de partager la table des ethnico-chrétiens (2,12) ? La charité est ce qui fait l’unité entre les chrétiens de quelque origine qu’ils soient. Parce que c’est la loi qu’a accomplie le Christ en se livrant lui-même pour les uns comme pour les autres (2,20).

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

C. L’ENSEMBLE DE LA SECTION COMPOSITION Rapports entre les sous-sections extrêmes (A1-A2 et A4-A5) 1,6 qu’aussi rapidement vous désertiez Celui qui vous a appelés dans LA GRÂCE du Christ vers un ÉVANGILE différent. 7 Non qu’il y en ait un autre, mais il en est certains qui vous troublent et qui veulent dévier L’ÉVANGILE du Christ. 8 Même si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un évangile opposé à ce que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! 9 Comme nous vous l’avons déjà-dit, à présent encore je le redis : si quelqu’un vous annonce un évangile opposé à ce que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! 10 À présent donc ce sont des hommes que je veux persuader, ou bien serait-ce Dieu ? Ou alors je cherche à plaire à des hommes ? • SI c’était encore à des HOMMES que je voulais plaire, du CHRIST je ne serais plus l’esclave. 11

, FRÈRES, que L’ÉVANGILE qui a été annoncé par moi n’est pas selon un homme ; 12 d’ailleurs, moi, ce n’est pas d’un homme que je l’ai reçu ou que j’en ai été instruit, mais par une révélation de Jésus Christ. 13 En effet, vous avez entendu parler de ma conduite jadis dans le judaïsme : à outrance je persécutais l’Église de Dieu et je cherchais à la ruiner. 14 Et je progressais dans le judaïsme plus que beaucoup des contemporains de ma race, étant beaucoup plus zélé pour les traditions de mes pères. 15 Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par SA GRÂCE 16 de RÉVÉLER SON FILS en moi, afin que je l’annonce chez les nations, aussitôt, je ne consultai pas la chair et le sang 17 et JE NE MONTAI PAS À JÉRUSALEM vers ceux qui furent apôtres avant moi, mais je partis en Arabie et de nouveau je retournai à Damas. [...]

2,1 Ensuite, après quatorze ans, de nouveau JE MONTAI À JÉRUSALEM avec Barnabé, accompagné aussi de Tite ; 2 je montai à la suite d’une RÉVÉLATION. L’ÉVANGILE que je proclame chez les nations mais en privé aux notables pour éviter de courir ou d’avoir couru en vain. 3 Or pas même Tite mon compagnon, qui était grec, ne fut contraint de se faire circoncire. 4 C’était à cause des FAUX-FRÈRES infiltrés qui s’étaient introduits, pour espionner notre liberté que nous avons dans le Christ Jésus, afin de nous réduire en esclavage, 5 auxquels pas même une heure nous acceptâmes de nous soumettre, afin que la vérité de l’Évangile demeure pour vous. 6 Mais de la part de ceux qui étaient considérés être les notables — ce qu’alors ils pouvaient être peu m’importe, Dieu ne regarde pas à l’apparence de l’homme —, à moi les notables n’imposèrent rien. 7 Mais voyant au contraire que m’avait été confié l’Évangile du Prépuce comme à Pierre de la Circoncision — 8 car Celui qui œuvra en faveur de Pierre pour l’apostolat de la Circoncision a œuvré en ma faveur aussi pour les nations — 9 et connaissant LA GRÂCE qui m’avait été donnée, Jacques, Képhas et Jean, les notables qui sont les colonnes, me donnèrent la droite ainsi qu’à Barnabé en signe de communion : nous devions être nous pour les nations, eux pour la Circoncision. 10 Nous devions seulement nous souvenir des pauvres. Et cela j’ai eu à cœur de le faire. 11

Quand Képhas vint à Antioche, en face car il était blâmable : 12 Car avant que certains ne viennent d’auprès de Jacques il mangeait avec les nations ; mais quand ils vinrent, il se déroba et se tint à l’écart, craignant ceux de la Circoncision. 13 Et le suivirent dans l’hypocrisie le reste des juifs, de sorte que même Barnabé fut entraîné par leur hypocrisie. 14 Mais quand je vis qu’il ne marchait pas droit selon la vérité de L’ÉVANGILE, je dis à Képhas devant tous : « Si toi qui es juif, tu vis comme les nations et non comme les juifs, comment veux-tu contraindre les nations à judaïser ? 15 Nous, nous sommes juifs de naissance et non pas de ces pécheurs des nations. 16 Mais sachant que n’est justifié aucun homme par les œuvres de la Loi sinon par la Foi en Jésus Christ, nous aussi dans le Christ Jésus nous avons cru afin d’être justifiés par la Foi en Christ et non par les œuvres de la Loi, car par les œuvres de la Loi « n’est justifiée aucune chair ». 17 Mais si, cherchant à être justifiés dans le Christ, nous aussi sommes trouvés pécheurs, alors le Christ est serviteur du péché. Certes pas ! 18 Car si je rebâtis ce que j’ai abattu, je me démontre moi-même transgresseur. 19 Moi en effet, par la Loi, à la Loi j’ai été mis à mort ; afin de vivre pour Dieu, avec le Christ je suis crucifié. 20 Je vis non plus moi, mais vit en moi le Christ. Ce que maintenant je vis dans la chair, je le vis dans la foi au FILS DE DIEU qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. 21 Je ne rejette pas LA GRÂCE de Dieu ; • car SI c’était par LA LOI que venait la justification, alors le CHRIST serait mort pour rien.

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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Entre les séquences A1 et A5 Les débuts se correspondent. « Je m’étonne » (1,6) et « je résistai » (2,11) marquent une réprobation vigoureuse. L’objet des reproches de Paul est semblable : les Galates ont « déserté » (1,6), Képhas « se déroba et se tint à l’écart » (2,12). La raison d’un tel comportement est due à l’influence de « certains » (1,7 et 2,12). Le verbe « dévier » peut être mis en relation avec « ne pas marcher droit » (2,14), d’autant plus que leurs compléments sont semblables : « l’Évangile du Christ » (1,7) et « la vérité de l’Évangile » (2,14). Les dernières phrases des séquences sont parallèles. En 1,10c « les hommes » sont opposés au « Christ » ; en 2,21b, c’est « la Loi » qui lui est opposée (1,10). Entre les séquences A2 et A4 Les débuts se correspondent. « Je vous fais savoir » (1,11) et « je leur exposai » (2,2) sont synonymes ; leurs compléments identiques (« l’Évangile ») sont suivis de déterminants synonymiques (« qui a été annoncé » et « que je proclame »). Les Galates sont appelés « frères » en 1,11 ; quant aux judaïsants, ils sont appelés « faux-frères » en 2,4. En termes médians « Je ne montai pas à Jérusalem » (1,17) s’oppose à « je montai à Jérusalem » (2,1). En outre, le substantif « révélation » est repris en 1,12 et 2,2. « Celui [...] qui m’a appelé [...] afin que je l’annonce chez les nations » (1,1516) annonce « Celui qui [...] a agi en moi aussi pour les nations » (2,8) préparé par « m’avait été confié l’Évangile du Prépuce » (2,7). Les verbes traduits par « je ne consultai pas » (1,16) et « ne m’imposèrent rien » (26), tous deux affectés de la négation, sont identiques en grec (prosanatithēmai) ; le sujet du premier est Paul, ceux du second sont « les notables ». Le comportement des « faux frères » (2,4) de Jérusalem ressemble en quelque sorte à celui de Paul quand il était encore fermement attaché aux traditions juives (1,14). Ainsi il est possible de dire que les deux occurrences de « dans le judaïsme » (1,13.14) s’opposent à « notre liberté que nous avons dans le Christ Jésus » (2,4) et « la vérité de l’Évangile » (2,5), d’autant plus que la même préposition « dans » est utilisée pour « le judaïsme » et « le Christ Jésus ». À travers les deux sous-sections Les quatre occurrences du mot « grâce » jouent un rôle structurant : en effet, il revient vers la fin des séquences A2 et A4 (1,15 ; 2,9) ainsi qu’au début de A1 (1,6) et à la fin de A5 (2,21). Au début (1,6) il s’agit de « la grâce du Christ » et dans les trois autres cas il s’agit de la grâce de Dieu, explicitement en 2,21 (« Je ne rejette pas la grâce de Dieu »), mais aussi en 1,15 (« Celui [...] qui m’a appelé par sa grâce ») et en 2,9 (« la grâce qui m’avait été donnée », où le verbe est un passif divin). Les deux seules occurrences de « Fils » (désignant Jésus) se trouvent en termes finaux des deux sous-sections (1,15 et 2,20).

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

Rapports entre la séquence centrale et le reste de la section 1,6 JE M’ÉTONNE qu’aussi rapidement vous désertiez Celui qui vous a appelés dans la grâce du CHRIST vers un ÉVANGILE différent. 7 Non qu’il y en ait un autre, mais il en est certains qui vous troublent et qui veulent dévier L’ÉVANGILE du CHRIST. 8 Même si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un ÉVANGILE opposé à ce que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! 9 Comme nous vous l’AVONS DÉJÀ-DIT, à présent encore JE LE REDIS : si quelqu’un vous annonce un ÉVANGILE opposé à ce que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! 10 À présent donc ce sont des hommes que je veux persuader, ou bien serait-ce Dieu ? Ou alors je cherche à plaire à des hommes ? Si c’était encore à des hommes que je voulais plaire, du CHRIST je ne serais plus l’esclave. JE VOUS FAIS-SAVOIR, frères, que L’ÉVANGILE qui a été annoncé par moi n’est pas selon un homme ; d’ailleurs, moi, ce n’est pas d’un homme que je l’ai reçu ou que j’en ai été instruit, mais par une révélation de JÉSUS CHRIST. 13 En effet, VOUS AVEZ ENTENDU parler de ma conduite jadis dans le judaïsme : à outrance je PERSÉCUTAIS l’Église de Dieu et je CHERCHAIS À LA RUINER. 14 Et je progressais dans le judaïsme plus que beaucoup des contemporains de ma race, étant beaucoup plus zélé pour les traditions de mes pères. 15 Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce 16 de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonce chez les nations, aussitôt, je ne consultai pas la chair et le sang 17 et JE NE MONTAI PAS À JÉRUSALEM vers ceux qui furent apôtres avant moi, MAIS JE PARTIS EN ARABIE ET DE NOUVEAU JE RETOURNAI À DAMAS. 11 12

18

ENSUITE, APRÈS trois ANS, JE MONTAI À JÉRUSALEM pour faire connaissance avec KÉPHAS et je restai près de lui quinze jours ; 19 je ne vis aucun autre des apôtres mais seulement JACQUES le frère du Seigneur. 20

Ce que JE VOUS ÉCRIS, voici devant Dieu que JE NE MENS PAS.

21

Ensuite, J’ALLAI DANS LES RÉGIONS DE LA SYRIE ET DE LA CILICIE. 22 J’étais du reste inconnu de visage des églises de Judée qui sont dans le CHRIST ; 23 ELLES AVAIENT seulement ENTENDU dire que « Celui qui nous PERSÉCUTAIT jadis, maintenant annonce LA FOI que jadis il CHERCHAIT À 24 RUINER » et à mon sujet elles glorifiaient Dieu. 2,1 ENSUITE, APRÈS quatorze ANS, de nouveau JE MONTAI À JÉRUSALEM avec Barnabé, accompagné aussi de Tite ; 2 je montai à la suite d’une révélation. JE LEUR EXPOSAI L’ÉVANGILE que je proclame chez les nations mais en privé aux notables pour éviter de courir ou d’avoir couru en vain. 3 Or pas même Tite mon compagnon, qui était grec, ne fut contraint de se faire circoncire. 4 C’était à cause des faux frères infiltrés qui s’étaient introduits, pour espionner notre liberté que nous avons dans le CHRIST JÉSUS, afin de nous réduire en esclavage, 5 auxquels pas même une heure nous acceptâmes de nous soumettre, afin que LA VÉRITÉ de 6 L’ÉVANGILE demeure pour vous. Mais de la part de ceux qui étaient considérés être les notables — ce qu’alors ils pouvaient être peu m’importe, Dieu ne regarde pas à l’apparence de l’homme —, à moi les notables n’imposèrent rien. 7 Mais voyant au contraire que m’AVAIT ÉTÉ CONFIÉ L’ÉVANGILE du Prépuce comme à Pierre de la Circoncision — 8 car Celui qui œuvra en faveur de Pierre pour l’apostolat de la Circoncision a œuvré en ma faveur aussi pour les nations — 9 et connaissant la grâce qui m’avait été donnée, JACQUES, KÉPHAS et Jean, les notables qui sont les colonnes, me donnèrent la droite ainsi qu’à Barnabé en signe de communion : nous devions être nous pour les nations, eux pour la Circoncision. 10 Nous devions seulement nous souvenir des pauvres. Et cela j’ai eu à cœur de le faire. Quand KÉPHAS vint à Antioche, JE LUI RÉSISTAI en face car il était blâmable : 12 Car avant que certains ne viennent d’auprès de JACQUES il mangeait avec les nations ; mais quand ils vinrent, il se déroba et se tint à l’écart, craignant ceux de la Circoncision. 13 Et le suivirent dans l’hypocrisie le reste des juifs, de sorte que même Barnabé fut entraîné par leur hypocrisie.14 Mais quand je vis qu’il ne marchait pas droit selon LA VÉRITÉ de L’ÉVANGILE, je dis à KÉPHAS devant tous : « Si toi qui es juif, tu vis comme les nations et non comme les juifs, comment veux-tu contraindre les nations à judaïser ? 15 Nous, nous sommes juifs de naissance et non pas de ces pécheurs des nations. 16 Mais sachant que n’est justifié aucun homme par les œuvres de la Loi sinon par LA FOI en JÉSUS CHRIST, nous aussi dans le CHRIST Jésus nous avons CRU afin d’être justifiés par LA FOI en CHRIST et non par les œuvres de la Loi, car par les œuvres de la Loi « n’est justifiée aucune chair ». 17 Mais si, cherchant à être justifiés dans le CHRIST, nous aussi sommes trouvés pécheurs, alors le CHRIST est serviteur du péché. Certes pas ! 18 Car si je rebâtis ce que j’ai abattu, je me démontre moi-même transgresseur. 19 Moi en effet, par la Loi, à la Loi j’ai été mis à mort ; afin de vivre pour Dieu, avec le CHRIST je suis crucifié. 20 Je vis non plus moi, mais vit en moi le CHRIST. Ce que maintenant je vis dans la chair, je le vis dans LA FOI au FILS DE DIEU qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. 21 Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si c’était par la Loi que venait la justification, alors le CHRIST serait mort pour rien. 11

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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Articulant la première et la dernière sous-section, la courte séquence centrale remplit la fonction de pivot qui articule l’ensemble de la section. Le début de la première partie de A3 annonce la séquence suivante : 1,18 Ensuite, 2,1 Ensuite,

après trois ANS, après quatorze ANS, de nouveau

je montai à Jérusalem je montai à Jérusalem3.

Inversement, le début de la dernière partie de A3 rappelle la fin de la séquence précédente : 1,21a 1,17b

j’allai je partis

dans les régions de la Syrie et de la Cilicie en Arabie et de nouveau je retournai à Damas.

On notera le croisement formé par ces notations de déplacements géographiques4. Par ailleurs, le début de A3 (1,18) s’oppose à la fin de A2 où Paul dit : « je ne montai pas à Jérusalem » (1,17a). – Au début de A3 la brièveté de la rencontre entre Paul et Képhas et surtout la négation qui suit (19) sont dans la droite ligne de A2 qui insiste tellement sur le fait que l’Évangile annoncé par Paul n’est pas d’un homme. Ce sera confirmé à la fin (22) par le fait que Paul était inconnu des églises de Judée. Au centre de A2 Paul avait déjà raconté comment il « persécutait » et « cherchait à ruiner » l’Église de Dieu (1,13 ; 23) avant « d’annoncer » (euaggelizō) « l’Évangile » (euaggelion : 1,11.16 ; 23), c’est-à-dire « la foi » (1,23). Cela, les Galates comme les églises de Judée l’avaient « entendu » (1,13 ; 23). – La première partie de A3 annonce A4 avec ses contacts entre Paul et Pierre. La dernière partie prépare elle aussi la séquence suivante où les autorités de Jérusalem vont reconnaître la validité de la mission de Paul (2,7-9). – Les centres de A3 et de A1 se correspondent : en effet « ce que je vous écris » rappelle « comme nous vous l’avons déjà dit, à présent encore je le redis ». Le verbe « annoncer » de 1,23 (euaggelizō) était déjà utilisé trois fois en A1 (1,8 bis.9), accompagné de « évangile » (euaggelion : 1,6.7.8.9). Alors que le complément de « annoncer » est « l’évangile » en A1, c’est « la foi » en A3. – Ce dernier terme, qui n’était pas apparu auparavant, ne se retrouvera que dans le deuxième passage de A5, trois fois sous forme nominale (pistis : 2,16 bis.20) et une fois sous forme verbale, « nous avons cru » (pisteuō : 2,16)5. Les noms de « Képhas » et de « Jacques » au début de A3 reviennent aussi au début de A5.

3

Les prépositions traduites par « après » sont différentes en grec (meta en 1,18; dia en 2,1) mais cependant synonymes. 4 Un croisement du même genre se trouvait déjà dans la séquence A1 (1,6-10; voir p. 35, dernier paragraphe). Sur la loi du croisement au centre, voir Traité, 642. 5 Un verbe de la même racine est utilisée, au passif, en A4 : « m’a été confié l’Évangile » (2,7).

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

1,6 JE M’ÉTONNE qu’aussi rapidement vous désertiez Celui qui vous a appelés dans la grâce du CHRIST vers un ÉVANGILE différent. 7 Non qu’il y en ait un autre, mais il en est certains qui vous troublent et qui veulent dévier L’ÉVANGILE du CHRIST. 8 Même si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un ÉVANGILE opposé à ce que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! 9 Comme nous vous l’AVONS DÉJÀ-DIT, à présent encore JE LE REDIS : si quelqu’un vous annonce un ÉVANGILE opposé à ce que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! 10 À présent donc ce sont des hommes que je veux persuader, ou bien serait-ce Dieu ? Ou alors je cherche à plaire à des hommes ? Si c’était encore à des hommes que je voulais plaire, du CHRIST je ne serais plus l’esclave. JE VOUS FAIS-SAVOIR, frères, que L’ÉVANGILE qui a été annoncé par moi n’est pas selon un homme ; d’ailleurs, moi, ce n’est pas d’un homme que je l’ai reçu ou que j’en ai été instruit, mais par une révélation de JÉSUS CHRIST. 13 En effet, VOUS AVEZ ENTENDU parler de ma conduite jadis dans le judaïsme : à outrance je PERSÉCUTAIS l’Église de Dieu et je CHERCHAIS À LA RUINER. 14 Et je progressais dans le judaïsme plus que beaucoup des contemporains de ma race, étant beaucoup plus zélé pour les traditions de mes pères. 15 Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce 16 de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonce chez les nations, aussitôt, je ne consultai pas la chair et le sang 17 et JE NE MONTAI PAS À JÉRUSALEM vers ceux qui furent apôtres avant moi, MAIS JE PARTIS EN ARABIE ET DE NOUVEAU JE RETOURNAI À DAMAS. 11 12

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ENSUITE, APRÈS trois ANS, JE MONTAI À JÉRUSALEM pour faire connaissance avec KÉPHAS et je restai près de lui quinze jours ; 19 je ne vis aucun autre des apôtres mais seulement JACQUES le frère du SEIGNEUR. 20

Ce que JE VOUS ÉCRIS, voici devant Dieu que JE NE MENS PAS.

21

Ensuite, J’ALLAI DANS LES RÉGIONS DE LA SYRIE ET DE LA CILICIE. 22 J’étais du reste inconnu de visage des églises de Judée qui sont dans le CHRIST ; 23 ELLES AVAIENT seulement ENTENDU dire que « Celui qui nous PERSÉCUTAIT jadis, maintenant annonce LA FOI que jadis il CHERCHAIT À 24 RUINER » et à mon sujet elles glorifiaient Dieu. 2,1 ENSUITE, APRÈS quatorze ANS, de nouveau JE MONTAI À JÉRUSALEM avec Barnabé, accompagné aussi de Tite ; 2 je montai à la suite d’une révélation. JE LEUR EXPOSAI L’ÉVANGILE que je proclame chez les nations mais en privé aux notables pour éviter de courir ou d’avoir couru en vain. 3 Or pas même Tite mon compagnon, qui était grec, ne fut contraint de se faire circoncire. 4 C’était à cause des faux frères infiltrés qui s’étaient introduits, pour espionner notre liberté que nous avons dans le CHRIST JÉSUS afin de nous réduire en esclavage, 5 auxquels pas même une heure nous acceptâmes de nous soumettre, afin que LA VÉRITÉ de L’ÉVANGILE demeure pour vous. 6 Mais de la part de ceux qui étaient considérés être les notables — ce qu’alors ils pouvaient être peu m’importe, Dieu ne regarde pas à l’apparence de l’homme —, à moi les notables n’imposèrent rien. 7 Mais voyant au contraire que m’AVAIT ÉTÉ CONFIÉ L’ÉVANGILE du Prépuce comme à Pierre de la Circoncision — 8 car Celui qui œuvra en faveur de Pierre pour l’apostolat de la Circoncision a œuvré en ma faveur aussi pour les nations — 9 et connaissant la grâce qui m’avait été donnée, JACQUES, KÉPHAS et Jean, les notables qui sont les colonnes, me donnèrent la droite ainsi qu’à Barnabé en signe de communion : nous devions être nous pour les nations, eux pour la Circoncision. 10 Nous devions seulement nous souvenir des pauvres. Et cela j’ai eu à cœur de le faire. Quand KÉPHAS vint à Antioche, JE LUI RÉSISTAI en face car il était blâmable : 12 Car avant que certains ne viennent d’auprès de JACQUES il mangeait avec les nations ; mais quand ils vinrent, il se déroba et se tint à l’écart, craignant ceux de la Circoncision. 13 Et le suivirent dans l’hypocrisie le reste des juifs, de sorte que même Barnabé fut entraîné par leur hypocrisie.14 Mais quand je vis qu’il ne marchait pas droit selon LA VÉRITÉ de L’ÉVANGILE, je dis à KÉPHAS devant tous : « Si toi qui es juif, tu vis comme les nations et non comme les juifs, comment veux-tu contraindre les nations à judaïser ? 15 Nous, nous sommes juifs de naissance et non pas de ces pécheurs des nations. 16 Mais sachant que n’est justifié aucun homme par les œuvres de la Loi sinon par LA FOI en JÉSUS CHRIST, nous aussi dans le CHRIST JÉSUS nous avons CRU afin d’être justifiés par LA FOI en CHRIST et non par les œuvres de la Loi, car par les œuvres de la Loi « n’est justifiée aucune chair ». 17 Mais si, cherchant à être justifiés dans le CHRIST, nous aussi sommes trouvés pécheurs, alors le CHRIST est serviteur du péché. Certes pas ! 18 Car si je rebâtis ce que j’ai abattu, je me démontre moi-même transgresseur. 19 Moi en effet, par la Loi, à la Loi j’ai été mis à mort ; afin de vivre pour Dieu, avec le CHRIST je suis crucifié. 20 Je vis non plus moi, mais vit en moi le CHRIST. Ce que maintenant je vis dans la chair, je le vis dans LA FOI au FILS DE DIEU qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. 21 Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si c’était par la Loi que venait la justification, alors le CHRIST serait mort pour rien. 11

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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Le nom du « Christ », cité une seule fois dans A3 (1,22) avait déjà été mentionné trois fois dans A1 (1,6.7.10) et le sera huit fois dans la deuxième partie de A5 (2,16 ter.17 bis.19.20.21) ; accompagné de « Jésus » le nom du « Christ » ne revient qu’une seule fois en A2 et A4 (1,12 ; 2,4). « Le Seigneur » (qui désigne « le Christ Jésus ») n’est employé que dans A3 (1,19). « Annoncer la foi » à la fin de A3 (1,23d) retentit partout ailleurs : « annoncer » (sous forme nominale et verbale) est repris cinq fois en A1 (« Évangile » en 1,6.7 ; « annoncer[-un-Évangile] » en 1,8 ter.9 bis), trois fois en A2 (1,11 bis. 16), trois fois aussi en A4 (2,2 bis.5) et une seule fois en A5 (2,14). Le mot « Loi » qui revient six fois dans la dernière partie de A5 (2,16 bis.19 bis.21) n’est jamais utilisé auparavant ; il est cependant à mettre en relation avec les deux occurrences de « judaïsme » au centre de A2 (1,13-14). « Ce que je vous écris » au centre de A3 renvoie, dans le premier versant, à « Je vous fais savoir que » au début de A2 (1,11a) et aussi à « Je m’étonne que [...] vous » au début de A1 (1,6) ; ces deux verbes sont au présent. Ce même syntagme « je vous écris » annonce, dans le second versant, « je leur exposai » au début de A4 (2,2a) et « je lui résistai » au début de A5 (2,11 ; relayé par « je dis » en 2,14) ; ces verbes sont au passé. « Je ne mens pas » au centre de A3 correspond à « la vérité de l’Évangile » dans chacune des deux dernières séquences (2,5.14), en opposition au mensonge des « faux-frères » de 2,4a, « faux-» (pseudo-) étant de même racine que « mentir » (pseudomai) de 1,20. Au même champ sémantique appartiennent les verbes « déserter » et surtout « dévier » au début de A1 (1,6-7) ; le double « anathème » au centre de la même séquence A1 (1,8-9) n’est pas sans rapport avec le serment « devant Dieu » du centre de A3, dans la mesure où une telle malédiction est implicitement portée au nom de Dieu. Dans la dernière séquence, Képhas est accusé par Paul d’« hypocrisie », c’est-à-dire de « ne pas marcher droit selon la vérité de l’Évangile » (2,14). La source de la vérité que Paul défend se trouve dans la « révélation » divine (1,15-16), dans sa « grâce » (1,6.15 ; 2,9.21). Ainsi, placé au centre non seulement de la séquence centrale, mais aussi, du fait même, en plein cœur de la section, le serment de 1,20 ne saurait valoir que pour les deux versets qui le précèdent ; ce que Paul « écrit » ne se limite pas à la seule séquence centrale, mais s’étend aussi à tout ce qu’il « dit » (1,9 ; 2,14) dans l’ensemble de la section. Ce qui est en cause, c’est « la vérité de l’Évangile » (2,14), pour laquelle il s’engage solennellement « devant Dieu » (1,20). CONTEXTE Les serments de Paul Paul n’hésite pas à recourir au serment pour sceller de manière absolue ses assertions, par exemple : « Le Dieu et Père du Seigneur Jésus, qui est béni éternellement, sait que je ne mens pas » (2Co 11,31) ; de même à un moment

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C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

particulièrement solennel, où il proclame son attachement et son dévouement total à son peuple : 1

Je dis la vérité dans le Christ, je ne mens point — ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint —, 2 j’éprouve une grande tristesse et une douleur incessante en mon cœur. 3 Car je souhaiterais d’être moi-même anathème, séparé du Christ, pour mes frères, ceux de ma race selon la chair, 4 eux qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses 5 et aussi les patriarches, et de qui le Christ est issu selon la chair, lequel est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement ! Amen ! (Rm 9,1-5).

INTERPRÉTATION Paul, défenseur de la vérité de l’Évangile En affirmant solennellement devant Dieu, en plein cœur de la section, qu’il ne ment pas, Paul entend rétablir la vérité. Trop de mensonge s’est insinué, non seulement à Jérusalem et à Antioche mais aussi jusqu’en Galatie. En effet, pourquoi proclamer la véracité de ses propres dires, sinon pour laisser entendre que d’autres mentent. D’entrée de jeu et de manière abrupte, sans le moindre détour, comme il convient à un discours qui cherche à établir la vérité, la question est posée du véritable Évangile (1,6). C’est l’un ou l’autre, il ne peut y en avoir qu’un seul : celui que Paul a prêché ou celui qu’annoncent certains autres. Si l’un est vrai, l’autre ne peut être que « déviant », mensonger. Ceux qui le soutiennent ne méritent donc rien moins que d’être voués à l’anathème (1,89). Même si Paul commence par se mettre en scène hypothétiquement lui-même et jusqu’à un ange du ciel, l’anathème qu’il porte contre ceux qui annoncent un Évangile opposé au sien, dit assez la gravité de son accusation. La vérité de l’Évangile qu’il annonce, Paul la fait reposer sur le fondement le plus solide qui soit : une révélation de Jésus Christ (1,12), de Dieu lui-même qui a révélé son Fils en lui (1,16). C’est donc Dieu le Père et son Fils qui sont invoqués comme les garants de la vérité de l’Évangile de Paul. Aucun homme alors, pas même les apôtres choisis par Jésus, ne détient la moindre part dans ce que Paul prêche. Le changement radical qui s’est opéré en lui, jusqu’alors sectateur zélé du judaïsme, ne pouvait en aucun cas avoir son origine en eux, mais seulement dans la « grâce » de Dieu (1,15). Et c’est pourquoi, pendant les trois ans qui suivirent sa conversion, il n’éprouva pas le besoin de se référer aux apôtres de la première heure, eux qui avaient connu le Christ selon « la chair et le sang » (1,16). S’il finit par monter à Jérusalem (1,18), ce fut, pour ainsi dire, un voyage strictement privé et d’ailleurs fort bref : il avait simplement voulu « faire la connaissance » du premier des apôtres, à l’exclusion de tous les autres. S’il mentionne Jacques le frère du Seigneur, il n’en précise pas moins qu’il ne fit que le « voir ». Durant les deux semaines de son séjour il ne se montra pas non plus aux communautés du lieu et repartit bien vite vers la Syrie et la Cilicie. Si Paul

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

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mentionne ce voyage, et dans les termes qu’il utilise, c’est encore pour dire, bien que d’une autre manière, que l’Évangile qu’il prêche ne doit rien aux hommes, même les plus autorisés. Quand ensuite Paul entreprend le récit de son second voyage à Jérusalem quatorze années plus tard, il prend bien soin de préciser que ce ne fut pas de sa propre initiative, mais « à la suite d’une révélation » (2,2). Encore une fois, c’est en quelque sorte Dieu lui-même qui est pris à témoin : même la décision de monter à Jérusalem ne vient que d’en-haut. Une fois arrivé, Paul se trouve en butte à ceux qu’il appelle les « faux-frères », littéralement les « pseudo-frères », parce qu’ils propagent un pseudo-évangile. Ils prétendent imposer aux disciples venus de la gentilité de devenir juifs. Étant circoncis, ils seraient par le fait même soumis à toutes les autres prescriptions de la Loi. C’est la nature même de l’Évangile véritable qui est ainsi remise en question. Les Galates savaient évidemment dès le début de la Lettre de quoi il retournait et sur quoi portait le conflit entre Paul et ceux qu’il accusait de les pousser à « déserter » le Seigneur lui-même (1,6). Quant au lecteur actuel, c’est seulement maintenant qu’il commence à comprendre quelle est la différence entre l’Évangile que Paul proclame chez les nations et celui que ses adversaires lui opposent : l’enjeu de la controverse porte sur « la liberté » que Paul revendique par rapport à la Loi et sur laquelle il n’entend pas transiger. Pour lui, imposer le joug de la Loi aux païens serait les réduire en esclavage. Le « nous » qu’il utilise (2,4-5), distingué du « vous » qui désigne ses destinataires Galates, n’est pas un pluriel de majesté que Paul utiliserait pour emphatiser son propos ; il inclut les autres protagonistes de la scène, ses deux compagnons, non seulement le juif Barnabé mais aussi Tite, le grec incirconcis. La liberté dont il parle n’est donc pas limitée aux disciples venus de la gentilité ; elle concerne tous les disciples de Jésus, les judéo-chrétiens comme les ethnico-chrétiens. À la fin de cette avant-dernière séquence, le lecteur en apprend un peu plus sur le contenu de l’Évangile véritable : il se révèle en effet dans l’unique recommandation qui est donnée à Paul et à ses compagnons, c’est-à-dire en réalité à tous les disciples : « se souvenir des pauvres » (2,10), en d’autres termes, l’amour et le service mutuel. La question de la vérité, montée en épingle par le serment central de la séquence, s’est dévoilée progressivement jusqu’ici. Elle trouve enfin sa justification dans la dernière séquence6. De nouveau, et de manière sans doute encore plus dramatique, puisque c’est Képhas lui-même qui est mis en cause, le mensonge, maintenant appelé « hypocrisie » (2,13), est dénoncé avec la plus grande clarté. Comme à Jérusalem (2,5), c’est encore « la vérité de l’Évangile » qui est en cause ; suivant la position des adversaires du véritable Évangile, voilà que Képhas se conduit donc comme un « faux-frère » ! On comprend sans peine 6

On voit ainsi, une fois de plus, qu’une composition concentrique n’empêche en aucune façon une progression linéaire. Il en va ainsi, de manière encore plus évidente, dans les récits où la progression chronologique et logique se combine fort bien avec une construction concentrique. Tel est le cas, entre tant d’autres exemples, de la guérison de l’aveugle Bartimée en Mc 10,46b-52 (voir Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, 56-58).

92

C’EST L’ÉVANGILE DU CHRIST QUE J’AI ANNONCÉ

que Paul lui « résiste en face » (2,11). Alors, dans une harangue qui, à travers le premier des apôtres, s’adresse à tous les lecteurs de la Lettre (2,15-21), Paul explicite le nœud du problème : ou la justification vient des œuvres de la Loi, ou elle est le fruit de la Foi au fils de Dieu. L’alternative est on ne peut plus claire. Du « tu » qui désigne d’abord Képhas, Paul passe au « nous » ; mais ce « nous » ne désigne pas, comme dans la séquence précédente (2,4-5), l’ensemble des disciples du Christ ; il concerne cette fois-ci les seuls juifs. En effet, il fallait que le raisonnement — avec la vérité — soit poussé jusqu’au bout. Si les païens ne sont pas tenus à observer les commandements de la Loi, à cause de la liberté qu’ils ont dans le Christ, il n’en va pas autrement pour les juifs. Ce n’est pas par leur observance de la Loi qu’ils sont sauvés, mais par la seule « grâce de Dieu » (2,21), par l’amour du Fils de Dieu qui s’est livré pour tous, indistinctement. Le « je » auquel Paul passe soudain et qu’il utilisera jusqu’à la fin n’est pas l’artifice stylistique que l’orateur utilise pour se faire en quelque sorte plus présent et plus convaincant. Quand il commence par déclarer : « Car si je rebâtis ce que j’ai abattu, je me démontre moi-même transgresseur », son « je » se réfère à luimême d’abord, bien que de manière hypothétique, mais le lecteur comprend qu’il s’adresse aussi à Képhas qui était retourné aux pratiques juives, et, bien entendu, aux Galates eux-mêmes que les faux-frères voulaient convaincre de se soumettre à la Loi. Dans les trois derniers versets enfin, on pourra comprendre qu’il parle de son expérience, mais il ne le fait que pour se donner en exemple, afin d’entraîner aussi bien les Galates que Pierre à adhérer à la vérité de l’Évangile. Paul, promoteur de la communion fraternelle La controverse bilatérale ne vise en aucun cas à condamner l’adversaire ; si elle entend rétablir la vérité, c’est non seulement pour apurer un contentieux, mais surtout et en définitive pour restaurer la communion entre les partenaires. C’est bien cela qui est en jeu dans le conflit qui oppose Paul à ceux qui contestent son Évangile. Les judaïsants qui sont intervenus en Galatie sèment non seulement le trouble (1,7), mais la division. Cette division n’est pas une simple rivalité entre personnes. Le litige porte en réalité sur la nature même de l’Évangile. Dans le contenu de l’Évangile, ce n’est rien moins que l’unité des disciples du Christ qui est en cause. Selon « les traditions des pères » (1,14), les hommes se divisent en deux catégories, les juifs et les goyim, dont les rapports sont strictement limités au point de les séparer. Pour un juif, seul les autres juifs peuvent être considérés comme ses « frères »7. Pour les judaïsants l’unité entre les disciples du Christ ne peut donc se réaliser que si les païens se soumettent, comme les juifs, aux observances de la Loi de Moïse. Le fondement de leur fraternité, celle qui leur permettra de vivre en communion totale et véritable, est par conséquent la Loi. Si c’est la Loi, en toute logique ce n’est pas le Christ. Alors 7

Voir, par exemple, Ex 2,11 ; Lv 25,46-48 ; Dt 23,20-21.

LA SECTION A : Ga 1,6–2,21

93

ces païens ne seraient plus disciples de Jésus, puisque c’est Moïse qui serait devenu leur maître. Telle n’est pas la conception de Paul. Ni celle des colonnes de Jérusalem du reste. « La communion » scellée entre eux par la solennelle poignée de mains qu’ils ont échangée (1,9) n’abolit pas la différence entre juifs et goyim. La distinction entre les champs d’apostolat, auprès de « la Circoncision » et auprès du « Prépuce », n’est pas simplement une répartition des tâches, une « division du travail » en fonction des compétences ou des goûts de chacun. C’est la reconnaissance d’une unité supérieure, qui transcende donc les particularismes légitimes. L’unique façon de réaliser concrètement la communion est énoncée de manière très claire à la fin de l’avant-dernière séquence : c’est « le souvenir des pauvres », autrement dit la communion des biens. C’est là en effet la pierre de touche de la communion des esprits. C’est à la communion que Képhas a gravement manqué, quand « il s’est dérobé et s’est tenu à l’écart » de la table des goyim (2,12), pourtant disciples de Jésus comme lui. Et, circonstance aggravante, l’exemple de Pierre ne pouvait pas ne pas être suivi par les autres juifs, Barnabé compris. Ainsi l’unité réalisée d’abord par le premier des apôtres à Antioche était désormais brisée par crainte des gens venus de l’Église judéo-chrétienne de Jérusalem. Képhas se rangeait concrètement à l’avis des faux-frères de Jérusalem : Paul lui fait comprendre qu’il « veut contraindre les nations à judaïser » (2,14). La fraternité s’en trouvait détruite. Si le Christ vit non seulement en Paul mais en chacun de ceux qui ont mis leur foi en lui (2,20), comment pourrait se justifier que les disciples du même Christ restent séparés les uns des autres ? Ce serait réduire à néant la mort du Christ. Puisque tous se sont mis à la suite du Fils unique de Dieu, si chacun s’est identifié à lui, puisque c’est lui qui vit en eux, ils sont tous frères et rien, surtout pas la Loi, ne saurait entraver leur communion.

DEUXIÈME PARTIE C’est la Croix du Christ qui nous justifie La section B (Ga 3,1–5,1)

96

La section B

La deuxième section (3,1–5,1) se développe en cinq séquences. Les deux premières (B1 et B2) forment une sous-section, et de même les deux dernières (B4 et B5). La séquence centrale (B3) articule les deux autres sous-sections.

B1 Les païens sont FILS D’ABRAHAM

par la Foi en Christ,

sans la Loi

B2 Les juifs

par la Foi en Christ,

au-delà de la Loi

sont FILS D’ABRAHAM

B3 Vous êtes tous FILS DE DIEU et SEMENCE D’ABRAHAM

B4 Christ nous a tous rachetés de la Loi

et nous a faits

FILS DE DIEU

B5 Christ nous a tous libérés de la Loi

et nous a faits

FILS DE LA PROMESSE

3,1-14 3,15-25

3,26-29

4,1-20 4,21–5,1

8 Les païens sont fils d’Abraham par la Foi en Christ, sans la Loi Séquence B1 : Ga 3,1-14

Dans le premier passage Paul renvoie ses destinataires à l’expérience du don de l’Esprit qu’ils firent lors de leur adhésion à la foi. Au centre de la séquence, il rappelle comment, à l’origine, Abraham fut justifié par la foi. Et il conclut en montrant que la justification et le don de l’Esprit ne sont pas dus à la Loi mais à la foi.

Grâce à Jésus Christ,

vous avez reçu l’Esprit

Tous les gens de Foi

sont fils d’Abraham

Grâce au Christ Jésus, nous avons reçu l’Esprit

par la Loi

ou par la Foi ?

et bénis comme lui

non par la Loi mais par la Foi

3,1-5

6-8

10-14

98

Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi

A. GRÂCE À JÉSUS CHRIST, VOUS AVEZ REÇU L’ESPRIT PAR LA LOI OU LA FOI ? (3,1-5) COMPOSITION 1 * Ô Galates

INSENSÉS,

– qui vous + (vous) aux yeux de qui

a ensorcelés [de ne pas être persuadés par la vérité], Jésus Christ a été décrit crucifié ?

······································································································

= 2 Ceci seulement je veux apprendre de vous : –

(est-ce) : (que) + ou (est-ce)

3 * Êtes-vous si

par LES ŒUVRES vous avez reçu par L’ÉCOUTE

de la LOI L’ESPRIT de la FOI ?

INSENSÉS,

+ qu’ – maintenant

avec L’ESPRIT vous finissiez ?

ayant commencé avec LA CHAIR

······································································································

= 4 Avez-vous éprouvé = Et ce serait : 5 Celui donc : et – (est-ce) + ou (est-ce)

tant de choses vraiment qui fournit qui opère

en vain ? en vain !

à vous L’ESPRIT des puissances parmi vous,

par LES ŒUVRES par L’ÉCOUTE

de la LOI de la FOI ?

Non sans quelque humour, à ces Galates qui ne comprennent rien (1a), Paul demande de lui apprendre quelque chose (2a) ! Les « œuvres de la Loi » (2b) sont prêchées par ceux qui ont « ensorcelé » les Galates (1b) ; quant à « l’écoute de la foi » (2d), c’est curieusement celle de « Jésus Christ crucifié » qui a été décrit à leurs « yeux » (1c). Dans la seconde partie, le second morceau se différencie du premier non seulement parce qu’il situe dans le présent l’action de « l’Esprit », ou plus exactement de Dieu qui le fournit, mais aussi parce que, au lieu d’opposer « la chair » à « l’Esprit », il présente les deux termes d’une alternative — « les œuvres de la foi » ou « l’écoute de la foi » — entre lesquels les Galates doivent choisir pour identifier la véritable cause des manifestation de « l’Esprit »1. 1

L’exclamation de 4b est comprise de manière différente par les commentateurs. Ou bien en effet, il ne s’agit que d’une manière d’insister sur ce qui vient d’être dit : ainsi comprend la BJ qui traduit « Et ce serait bel et bien en vain ! » Ou bien, Paul voudrait ajouter que ce serait encore pire : la TOB traduit par « Et encore, si c’était en vain ! » Étant donné le contexte général de l’épître où l’on voit l’auteur constamment soucieux de ramener les destinataires dans la voie qu’ils avaient connue avant d’être dévoyés par les fauteurs de trouble, il semble qu’il soit plus cohérent de préférer l’encouragement à la menace.

Séquence B1 : Ga 3,1-14

99

Alors que dans la première partie le don de l’Esprit a eu lieu dans le passé, quand les Galates ont « écouté la foi » (2d), dans la deuxième partie il est au présent avec les prodiges qui l’accompagnent. CONTEXTE Bien que le verbe traduit par « ensorceler » (baskainō) ne soit pas utilisé ailleurs dans le Nouveau Testament, il semble qu’il soit à rapprocher du verbe « séduire » (ex-apataō) de 2Co 11,3 ; en effet la situation de ce texte est très proche de celle de Ga : 2

J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. 3 Mais j’ai grand peur qu’à l’exemple d’Ève que le serpent séduisit par sa fourberie, vos pensées ne se corrompent et ne s’écartent de la simplicité envers le Christ. 4 Si le premier venu en effet vous prêche un autre Jésus que celui que nous vous avons prêché, s’il s’agit de recevoir un Esprit différent de celui que vous avez reçu, ou un Évangile différent de celui que vous avez accueilli, vous vous y prêtez fort bien (2Co 11,2-4).

Il est donc possible d’entendre dans les premiers mots du passage une allusion à la première tentation. INTERPRÉTATION Insensés ! Si Paul traite les Galates d’insensés, ce n’est pas pour les insulter, mais pour les provoquer à réfléchir. Chacune des deux apostrophes vigoureuses, sur lesquelles s’articule sa harangue, est suivie par une série de questions qui n’ont d’autre but que de les amener à se rappeler leur histoire, à méditer sur leur expérience et à l’analyser. À aucune des cinq questions qu’il leur pose en rafale, l’apôtre ne fournit la moindre réponse. C’est sans aucun doute qu’il fait fond sur leur intelligence et leur sagesse : ses interlocuteurs sont en effet tout à fait capables d’y répondre, point par point. Le don de l’Esprit Il est bien évident que, lorsque les Galates sont venus à la foi, le don de l’Esprit ne pouvait pas être lié à la pratique des œuvres de la Loi, tout simplement parce qu’ils n’en avaient même pas entendu parler par celui dont la prédication était focalisée tout entière sur la description de Jésus crucifié. Il serait insensé de penser que maintenant il puisse en être autrement : les mêmes causes produisant les mêmes effets, les prodiges de l’Esprit actuellement à l’œuvre ne peuvent venir que de Dieu et de la foi. Ce qu’ils ont vécu, depuis le commencement, c’est un don, le don de l’Esprit et ce qu’ils continuent d’expérimenter jusqu’aujourd’hui, c’est que l’Esprit ne vient pas d’eux-mêmes, de leurs

100

Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi

propres forces, mais de Dieu : c’est lui, et non pas eux, qui opère les puissances2 qu’ils peuvent constater de leurs propres yeux. S’ils ont un peu d’intelligence, ils comprendront que tout ce qu’ils ont éprouvé s’origine dans la croix du Christ. L’ensorcellement Dans sa dureté apparente, Paul excuse en quelque sorte les Galates. Leur dévoiement est si incompréhensible, qu’il ne peut être, en quelque sorte, que le fait d’un autre qui les a envoûtés, d’une puissance maléfique qui les a « ensorcelés ». De la même façon, Luc présentera la trahison de Judas comme étant l’œuvre de Satan (Lc 22,3). En effet, les adversaires de Paul, sûrement visés par lui dès le début, sont eux-mêmes dépassés : si ce qu’ils font est qualifié ainsi, c’est qu’ils sont le jouet d’une force diabolique qui veut anéantir le dessein de Dieu. Les œuvres de la Loi C’est qu’à la puissance de Dieu (5ab) s’oppose un ensorceleur (1b). Celui-ci peut faire penser au premier serpent qui voulut faire croire à l’humain qu’il était son propre maître, qu’il était à lui-même sa propre origine, qu’il pouvait tenir son salut et sa vie de ses propres forces, de ses propres œuvres (2b.5c). Croire que l’on peut vivre des œuvres de la Loi, c’est se prendre pour la source de la vie, c’est se prendre pour Dieu. C’est être « insensé ». B. TOUS LES GENS DE FOI SONT FILS D’ABRAHAM ET BÉNIS COMME LUI (3,6-9) COMPOSITION + 6 De même qu’ = et ce fut compté : 7 comprenez + que = ceux-là

ABRAHAM à lui

« CRUT comme justice »,

en DIEU

donc les (gens) de FOI sont

fils

d’ABRAHAM.

··············································································································

: 8 Et l’Écriture + que = DIEU + pré-dit = que « seront bénies 9

+ si bien que = seront bénis

2

pré-voyant par la FOI justifierait

les nations,

à ABRAHAM en toi

toutes

les (gens) de FOI avec le CROYANT

ABRAHAM.

les nations »,

Les « puissances » (dynameis), c’est-à-dire « œuvres ou manifestations de puissance ». C’est le mot utilisé le plus souvent, par exemple dans le troisième évangile, pour désigner ce qu’on a coutume d’appeler les « miracles ».

Séquence B1 : Ga 3,1-14

101

Le premier morceau met en relation, de filiation, « Abraham » qui « crut » (6) et « les (gens) de foi » (7). Dans le second morceau la citation biblique ne se trouve pas au début comme dans le premier morceau, mais au centre. Ce morceau explicite qui sont ces « (gens) de foi » (9a) : ce sont « les nations » (8c) et même « toutes les nations » (8e). D’un morceau à l’autre, c’est « Dieu » (6a.8c) qui justifie (6b.8c) et qui « bénit » les nations (8e.9b) comme il a « estimé » Abraham (6b)3. CONTEXTE Les extrémités du passage renvoient à l’histoire d’Abraham. La première citation (Ga 3,6) est tirée de Gn 15,6 : à Abram faisant remarquer à Dieu qu’il s’en va sans enfant, le Seigneur promet que sa postérité sera aussi nombreuse que les étoiles du ciel, ce qu’Abram « crut ». La deuxième citation (Ga 3,8) est plus difficile à identifier de manière précise. Elle peut en effet reprendre Gn 12,3 qui achève les premières paroles adressées par Dieu à Abram, quand il l’invite à quitter son pays. Mais ce premier texte dit : « Seront bénies en toi toutes les familles de la terre », alors que Paul écrit : « Seront bénies en toi toutes les nations ». L’expression « toutes les nations de la terre » est utilisée dans la bénédiction accordée à Abraham après qu’il eût accepté d’offrir son fils Isaac : « et en ta descendance seront bénies toutes les nations de la terre... » (Gn 22,18). Mais cette dernière formule dit « en ta descendance » et non pas « en toi », comme Gn 12,3 et comme Paul. Il n’est donc pas interdit de penser que cette citation reprend à la fois les deux lieux de l’Écriture. INTERPRÉTATION La justice de la Foi La justice vient de Dieu seul. C’est lui qui, par la foi, justifie les nations (8), c’est par Lui que la foi d’Abraham lui est accréditée comme justice (6). C’est Dieu qui bénit toutes les nations en Abraham (8), car toute bénédiction vient de Dieu. Cela ne veut évidemment pas dire que l’homme soit passif et que tout se joue en dehors de lui. Il est vrai que pour Abraham, au début, il y a le vide de la stérilité qu’il est bien obligé de reconnaître ; il est vrai aussi que c’est Dieu qui lui promet une descendance et qui la lui donnera. Mais la foi d’Abraham, la justice que Dieu lui reconnaît, ce fut d’accueillir la promesse, d’y ajouter foi, de s’en remettre dans la nuit à la toute-puissance du Seigneur. L’activité de l’homme est d’accepter que Dieu agisse en lui, sa justice est de reconnaître que Dieu seul est juste.

3 Elogísthē (de logizomai), traduit « compté », est en rapport (au moins de paronomase) avec les verbes eneulogēthēsontai et eulogountai (de eneulogeō et eulogeō), traduits par « bénir » (8-9).

102

Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi

La descendance du Juste Si telle est la justice, si le don d’une postérité plus nombreuse que les étoiles du ciel vient de Dieu et non pas des œuvres de l’homme, alors les fils d’Abraham ne peuvent se limiter à sa descendance selon la chair (7). Seuls seront ses descendants, et tous seront ses fils, ceux qui, comme lui, seront justifiés par Dieu à cause de leur foi (9). Tel père, tel fils. Les païens comme les juifs peuvent être justifiés, bénis tous ensemble par Dieu (8d.9), dans la mesure, mais seulement dans la mesure où ils croiront que la vie et le salut viennent de Dieu seul. C. GRÂCE AU CHRIST JÉSUS, NOUS AVONS REÇU L’ESPRIT NON PAR LA LOI MAIS PAS LA FOI (3,10-14) COMPOSITION + 10 Tous ceux en effet qui +

sont sont

DES ŒUVRES sous la MALÉDICTION ;

de la LOI

DANS TOUTES LES CHOSES ÉCRITES ELLES ! »

au livre

: IL EST ÉCRIT en effet que . « MAUDIT (soit) . QUICONQUE ne demeure pas . pour faire

de la LOI

··············································································································

+ 11 Et que par la LOI + c’est évident,

ne soit justifié

personne

devant Dieu,

: parce que « Le juste de la FOI vivra » ; ·············································································································· + 12 et la LOI n’est pas de la FOI, « Celui qui fait ELLES vivra PAR ELLES. »

: mais :

+ 13 Christ nous a rachetés de + devenant pour nous

LA MALÉDICTION MALÉDICTION, ······································································· : parce qu’IL EST ÉCRIT :

. « MAUDIT . QUICONQUE + +

est suspendu

au bois ! »

······································································· 14 afin que pour les nations LA BÉNÉDICTION

..

advienne

..

nous (la) recevions

afin que

de la LOI

LA PROMESSE

d’Abraham dans le Christ Jésus de l’Esprit par la FOI.

Dans les deux derniers morceaux de la première partie les citations de l’Écriture s’opposent : ou bien l’homme « vivra » « de la Foi » (11c) ou bien il

Séquence B1 : Ga 3,1-14

103

« vivra » pour avoir « fait » les œuvres de la Loi, c’est-à-dire « tout ce qui est écrit dans le livre de la Loi » (10ef). Ainsi les deux termes de l’alternative sont nettement énoncés : ou bien la justice et la vie procèdent de l’accomplissement de la Loi, ou bien ils sont les fruits de la Foi. La position de Paul est, elle aussi, clairement exprimée dans le premier segment (11). Dans la seconde partie, les morceaux extrêmes opposent « la malédiction de la Loi » endossée par le Christ « pour nous » (c’est-à-dire « à notre place ») à « la bénédiction d’Abraham » et à « la promesse de l’Esprit » (14a.14c). Le pronom « nous » (13a.13b.14d) englobe le juif Paul qui écrit aussi bien que les Galates auxquels il s’adresse, qui font partie des « nations » (14a). Ce « nous » de la deuxième partie renvoie au « tous » (hosoi en 10a) et au « quiconque » (pas en 10d) de la première partie qui s’appliquent aussi bien aux Galates qui veulent se mettre sous la Loi qu’aux juifs qui s’y trouvaient ou qui s’y trouvent encore soumis. Ainsi la première partie décrit l’état de « malédiction » où sont réduits ceux qui sont sous la Loi, tandis que la deuxième présente la libération ou le « rachat » (13a) opéré par le Christ au bénéfice de tous. CONTEXTE Ce court passage ne compte pas moins de quatre citations de l’Ancien Testament. Celles qui, au centre de chacune des deux parties, sont introduites par la formule « il est écrit » sont toutes deux tirées du Deutéronome. Celle du verset 11 est prise d’Habaquq et celle du verset 12 vient du Lévitique. Dt 27,26 La malédiction citée par Paul au début (10) est la dernière des douze malédictions que Moïse ordonna aux Lévites de prononcer sur le peuple d’Israël réparti, les uns sur le mont Garizim, les autres sur le mont Ébal, après qu’ils furent entrés dans la terre promise. La douzième malédiction est une sorte de reprise conclusive, englobant toutes celles qui précèdent et qui visent des fautes particulières. Bien qu’ayant la forme de malédictions, cette liste est en réalité une liste de fautes à éviter, c’est-à-dire l’énoncé d’une loi dont tous les commandements sont négatifs. Les bénédictions et les malédictions proprement dites seront énoncées immédiatement après le verset cité : elles détailleront en quoi elles consisteront pour ceux qui auront gardé ou non les commandements (Lv 28). Dt 21,23 La citation symétrique de la première (13de) est tirée du code deutéronomique. Paul assimile la crucifixion de Jésus à la coutume de pendre à un arbre (le mot hébreu ‘ēṣ peut se traduire soit par « arbre » soit par « bois ») les criminels, après qu’ils aient été lapidés. Ils devaient être descendus et enterrés avant la nuit, afin de ne pas souiller la terre d’Israël, car un pendu est une « malédiction de Dieu ». L’expression « (sus)pendu au bois » est fréquente dans la première prédication chrétienne (Ac 5,30 ; 10,39 [13,29] ; 1P 2,24).

104

Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi

Ha 2,4 La citation de 11c, qui est empruntée au prophète Habaquq sera reprise en Rm 1,17. Dans les deux cas « la foi » n’est pas déterminée par le pronom suffixe de troisième personne comme dans le texte massorétique (« vivra de sa foi ») ni de première personne comme dans la Septante (« vivra de ma fidélité »). Lv 18,5 La citation du verset 12 provient de ce qu’on a coutume d’appeler « le code de sainteté » qui est le cœur du Lévitique : « vous accomplirez mes lois et mes coutumes : qui les accomplira y trouvera la vie ». Le chapitre 18 est consacré à la longue énumération des interdits sexuels (et aussi à l’interdiction de sacrifier les enfants par le feu à Molok) ; toutes ces abominations y sont attribuées aux nations païennes, Égypte et Canaan, dont Israël doit se distinguer et se séparer, autrement dit « se sanctifier » : « Soyez-moi consacrés, puisque moi, le Seigneur, je suis saint, et je vous mettrai à part de tous ces peuples pour que vous soyez à moi » (Lv 20,26). Il ne faut sans doute pas oublier que, en position symétrique du verset d’où Paul a tiré sa citation, se trouve un verset complémentaire du premier : « Vous garderez mes lois et vous les mettrez en pratique, car c’est moi, le Seigneur, qui vous rends saints » (Lv 20,8). INTERPRÉTATION L’incapacité radicale de l’homme Le livre de la Loi impose à l’homme d’accomplir tous ses commandements (10ef). Il est en effet de la nature de la loi d’exiger qu’on observe ses préceptes et d’énoncer les sanctions qui frapperont tous ceux qui violent ses interdits et n’observent pas ses obligations. La Loi prévoit que celui qui aura fait tout ce qui est écrit dans son livre vivra (12bc) et qu’en revanche celui qui n’accomplira pas tous les commandements sera maudit (10def), c’est-à-dire qu’il mourra. Si Paul commence, ex abrupto, par dire que « tous ceux qui sont des œuvres de la Loi sont sous la malédiction » (10ab), c’est qu’il a compris que l’homme est radicalement incapable d’observer toutes les prescriptions de la Loi. La justice est hors de portée de l’homme, seul Dieu peut la donner. Comme la vie dont la source se trouve en Lui seul. Le rachat par le Christ En acceptant de mourir, suspendu au bois de la croix (13e), le Christ a porté la malédiction de la Loi (13ab). C’est en effet au nom de la Loi qu’il a été mis à mort : « Nous avons une Loi et selon cette Loi il doit mourir : il s’est fait Fils de Dieu ! » (Jn 19,7). Or la malédiction pesait sur « nous », à savoir sur les juifs incapables d’observer la Loi et sur les païens qui ne la connaissaient même pas. Il nous en a rachetés, en payant à notre place le prix de notre libération (13b). Lui, qui n’était pas coupable, a versé avec son sang le salaire de notre péché.

Séquence B1 : Ga 3,1-14

105

Ainsi se réalise en lui la bénédiction d’Abraham, celle qui avait été promise pour toutes les nations (14). L’Esprit est reçu par la Foi L’Esprit, le souffle, c’est la vie qui anime la chair de l’homme. C’est par l’Esprit de Dieu et par lui seul que tout homme vit. Cet Esprit ne vient pas de l’homme, il procède et se reçoit d’un autre. C’est dans cet Esprit que le Christ Jésus a vécu, en totale dépendance filiale de son Père. C’était déjà dans cet Esprit qu’Abraham avait marché, sur la parole de Dieu, en mettant toute sa foi dans la promesse qui lui était faite (14a). C’est dans cet Esprit qu’il avait affronté la mort de son corps vieilli et la stérilité de sa femme, pour recevoir de Dieu un fils. Et ce sera aussi dans le même Esprit qu’il acceptera, dans la nuit de la foi, de lier sur le bois ce fils qui lui avait été donné, pour offrir gracieusement ce qu’il avait reçu de la seule grâce de Dieu. Avec Jésus, la promesse faite à Abraham se réalise (14b), puisqu’en acceptant de porter injustement la malédiction de l’injuste par sa mort sur le bois (13), il va, dans la foi la plus parfaite, jusqu’à abandonner l’Esprit qu’il avait reçu de son Père, et que du même mouvement il nous le livre (14cd). La Loi annonce son accomplissement Il pourrait sembler étrange à première vue, pour ne pas dire contradictoire, que Paul fonde son argumentation contre la Loi, sur la Loi elle-même. C’est d’abord que tout code juridique, quel qu’il soit, prévoit les modalités de changement, ou même d’abrogation, de ses dispositions. Ce faisant, la loi elle-même reconnaît qu’elle ne saurait jamais avoir le dernier mot et que la vie est toujours son maître, le maître qu’elle doit servir, dût-elle en mourir. Sinon, elle serait un instrument de mort. La Loi de Moïse ne fait pas exception à cette loi de la condition humaine. Ce n’est pas de l’extérieur que Paul parle de la Loi. Un tiers exactement de son discours est tiré du livre de la Loi (10def.11c.12bc.13de). Toute sa démonstration tend à prouver que c’est la Loi elle-même qui prévoit et annonce sa propre fin ; que la vie et la bénédiction ne proviennent pas de la Loi, mais de Celui qui l’a édictée (14) ; que la justice n’est pas le fruit des œuvres de l’homme qui accomplit les prescriptions de la Loi (11-12), mais que la fonction fondamentale de la Loi est de faire prendre conscience à l’homme qu’il est radicalement incapable de l’accomplir (10) et que le salut ne peut lui venir que de la foi qu’il accorde à l’Auteur de la Loi (11). Jusqu’au jour où, en un homme, Dieu lui-même viendra lui montrer que la Loi tue et que seul l’Esprit vivifie (13). En accomplissant son œuvre de mort en Jésus, la Loi signera son propre acte de décès. Et, par le peuple à qui avait été donnée la Loi, le monde entier saura que c’est par la foi qu’il peut accéder à la vie et recevoir la promesse de l’Esprit (14). En devenant par la foi fils du croyant Abraham, et en étant par le Christ rachetés de la malédiction de la Loi, ils pourront reconnaître qu’ils sont tous, comme lui, non pas fils de la Loi, mais fils de Dieu.

106

Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi

D. LES PAÏENS SONT FILS D’ABRAHAM PAR LA FOI EN CHRIST, SANS LA LOI (3,1-14) COMPOSITION 1

Ô Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? 2 C’est ceci seulement que je veux apprendre de vous : est-ce par les œuvres de la LOI que vous avez reçu l’Esprit ou est-ce par l’écoute de la FOI ? 3

Êtes-vous si insensés, qu’après avoir commencé avec l’Esprit maintenant vous finissiez avec la chair ? 4 Avez-vous éprouvé tant de choses en vain ? Et ce serait vraiment en vain ! 5 Donc CELUI qui vous fournit l’Esprit et qui opère des puissances parmi vous est-ce par les œuvres de la LOI ou est-ce par l’écoute de la FOI ? 6 7

Comme Abraham « CRUT en DIEU et cela lui fut compté comme justice », comprenez donc que ce sont les gens de FOI qui sont fils d’ Abraham.

8

Et l’Écriture prévoyant que par la FOI DIEU justifierait les nations, prédit à Abraham que « seront bénies en toi toutes les nations », 9 de sorte que les gens de FOI seront bénis avec le CROYANT Abraham. 10

En effet tous ceux qui sont des œuvres de la LOI sont sous la malédiction, car il est écrit que « Maudit quiconque ne s’attache pas à toutes les prescriptions du livre de la LOI pour les faire ! » 11 Et que par la LOI personne ne soit justifié devant DIEU, c’est clair, car « Le juste par la FOI vivra » ; 12 et la LOI ne dépend pas de la FOI, mais « Celui qui les aura faites vivra par elles. » 13

Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la LOI, étant devenu pour nous malédiction, car il est écrit : « Maudit quiconque est suspendu au bois ! », 14 afin que pour les nations la bénédiction d’Abraham advienne dans le Christ Jésus afin que la promesse de l’Esprit nous la recevions par la FOI.

– Le nom de « Dieu » ne se retrouve que dans les deux derniers passages (6.8a. 11a), mais, bien qu’il ne soit pas nommé dans le premier passage il y est question de lui en 5a (« Celui »).

Séquence B1 : Ga 3,1-14

107

– Le nom de « Jésus Christ » ne se retrouve que dans la première partie du premier passage (1b) et dans la dernière partie du dernier passage (« Christ » : 13a ; « Christ Jésus » : 14b) ; chaque fois il est présenté comme celui qui a été « crucifié » (1b) c’est-à-dire « suspendu au bois » (13c). – C’est grâce à la « foi » en lui que « l’Esprit » a été « reçu » ou « fourni » (2b.5a ; 14c). – Le nom d’Abraham qui revient quatre fois dans le passage central est repris à la fin du dernier passage (14a), lié à celui du Christ Jésus. – Il est enfin un quatrième personnage qui n’est pas nommé, mais dont il est question au tout début du texte, « Qui » (1b), le premier tentateur qui semble se dissimuler derrière ceux qui troublent les Galates (voir p. 99). En ce qui concerne les autres personnages, destinataires et scripteur, il faut noter les différences entre les diverses unités de la séquence. . Le premier passage est tout entier à la deuxième personne du pluriel et apostrophe directement les Galates (1-5). . En revanche, la première partie du troisième passage est à la troisième personne du pluriel (10-12) et le « tous » par lequel elle commence (10a) englobe aussi bien les Galates païens que les juifs qui les troublent et veulent les placer sous le joug de la Loi. . Enfin, la dernière partie est à la première personne du pluriel (13-14) qui rassemble donc dans un « nous » inclusif les trois protagonistes du conflit : aussi bien Paul que ses destinataires les Galates et même les adversaires qu’il combat. . Quant au passage central, il assure le passage entre les deux autres : le verbe principal de sa première partie, « comprenez » (7), est à la deuxième personne du pluriel comme le premier passage, tandis que sa deuxième partie est à la troisième personne du pluriel comme 10-12, et met en scène « toutes les nations » comme 13-14. L’opposition entre la Foi et la Loi se retrouve dans les passages extrêmes (2 et 5 ; 11-12 et 13a.14c), tandis que le passage central ne parle que de la foi. CONTEXTE La reprise de la bénédiction d’Abraham, à la fin de la dernière partie comme à la fin de la partie centrale, semble devoir appuyer la référence à Gn 22,18 : en effet, Ga 3,14 ne dit plus « en toi » comme en 8b, mais « en Christ Jésus ». Ce qui laisse entendre que le Christ Jésus est « la descendance » dont parlait Gn 22,18, ce que Paul dira en clair dans le passage suivant (3,16). Le lien avec l’histoire de la ligature d’Isaac est renforcé du fait que le verset 13 s’achève sur l’image du Christ « suspendu au bois » ; Abraham avait posé son fils Isaac, sa descendance, « sur le bois » pour le sacrifice (Gn 22,9).

108

Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi

INTERPRÉTATION L’arbre de la toute puissance Des juifs, ou des judaïsants, tentent de séduire les Galates pour leur faire croire qu’ils seront justifiés par leurs œuvres. Paul demande d’emblée à ses correspondants d’identifier l’ensorceleur qui se cache derrière eux (1). S’ils n’ont pas complètement perdu le sens, ils sauront y reconnaître celui qui fit accroire au premier couple qu’il pouvait s’emparer de l’arbre interdit, qu’ainsi ils seraient comme des dieux, qu’ils acquerraient la toute-puissance. On sait qu’ayant ajouté foi aux insinuations du serpent, le résultat ne se fit pas attendre et nos premiers parents se retrouvèrent nus et destinés à la mort. C’est à la même tentation que sont soumis les Galates : s’imagineront-ils que la justice et la vie sont des choses qu’ils peuvent prendre, qu’ils sont en mesure d’atteindre par leurs propres œuvres, ou bien croiront-ils que l’Esprit se reçoit et s’accueille d’un autre (2.5 ; 14) ? Le bois pour le sacrifice Sur la parole de Dieu, Abram avait tout quitté, sûr que la promesse qui lui était faite se réaliserait : Dieu ferait de lui un grand peuple. Et pourtant il s’est avéré que Sara est stérile et les années ont passé. Abram est bien obligé de dire à Dieu qu’il s’en va sans enfant. La parole de Dieu se réalise enfin, quand tout espoir humain était perdu, sans doute pour faire éclater davantage que ce fils ne pouvait venir que de Dieu. Puis, alors que l’enfant a déjà grandi, Abraham entend qu’il lui est demandé de sacrifier le fils de la promesse, l’unique par qui la descendance d’un peuple nombreux aurait pu lui être donnée. Dans la foi, il charge le bois sur son fils Isaac et, quand tout est prêt, il le lie et le met sur le bois. Ce qu’il lui est demandé de sacrifier en son fils, c’est sa toute-puissance de père, le fantasme qui lui ferait croire que ce fils est son œuvre et qu’il en est le maître, qu’en lui il domine l’avenir et échappe à la mort. L’arbre de la rédemption Tout avait commencé dans un jardin, le jardin d’Éden. Dans un autre jardin, sur la montagne que la tradition identifie à celle où Abraham offrit son fils, un arbre se dresse auquel pend un homme, mort (13). Celui qui a renoncé à la toutepuissance, qu’il possédait pourtant dès avant la création du monde. Celui qui, en acceptant une mort qu’il n’avait pas méritée, a voulu montrer par là ce que c’est que d’être fils. Le fils c’est celui qui ne prend pas la place du père, qui ne considère pas comme une proie le rang qui l’égale à lui (Ph 2,6), mais qui accueille sa vie comme le don d’un autre, qui se reçoit dans tout son être de lui seul. Il a renoncé à la fausse justice des œuvres de la Loi, pour n’être que confiance, écoute de la parole, foi pure (Ga 3,2.5). Dans le rocher sur lequel se dresse la croix du Christ, appelé « lieu du Crâne », en hébreu Golgotha, la tradition reconnaît le crâne du premier Adam. L’iconographie le représente

Séquence B1 : Ga 3,1-14

109

arrosé et racheté par le sang du Christ ; et l’on montre jusqu’aujourd’hui la « chapelle d’Adam » dans une anfractuosité du rocher sous le Calvaire. En voulant s’approprier le fruit de l’arbre la vie, le premier Adam a introduit la mort dans le monde ; en acceptant de supporter la malédiction de la mort, le nouvel Adam a rendu à l’humanité toute entière la vie nouvelle, la seule qui vaille, celle qui se reçoit et que Paul appelle le don de l’Esprit de Dieu (2.5 ; 14).

9 Les juifs sont fils d’Abraham par la Foi en Christ, au-delà de la Loi Séquence B2 : Ga 3,15-25

Dans le premier passage, la promesse est opposée à la Loi qui, venue bien plus tard, ne saurait l’abroger. Le passage central pose la double question de la fonction de la Loi et de son rapport aux promesses. Enfin, le troisième passage expose le rôle transitoire de la Loi au service de la Foi en la promesse.

C’est grâce à la promesse

et non à la Loi

que Christ est l’héritier d’Abraham

La Loi est transitoire jusqu’à la venue de la promesse

C’est grâce à la Foi

et non à la Loi

que nous héritons de la justice

3,15-18

19-21a

21b-25

112

Les juifs sont fils d’Abraham par la foi en Christ, au-delà de la Loi

A. C’EST GRÂCE À LA PROMESSE ET NON À LA LOI QUE LE CHRIST EST L’HÉRITIER D’ABRAHAM (3,15-18) COMPOSITION = 15 - même - personne

par UN HOMME NE L’INVALIDE

UN TESTAMENT

promulgué

ou y rajoute.

·················································································································· ont été dites LES PROMESSES

: 16 Or à ABRAHAM : et à la SEMENCE

de lui ;

: il ne dit pas : mais : qui est

« et aux semences » comme pour un seul CHRIST.

comme pour plusieurs, « et à ta SEMENCE »,

= 17 UN TESTAMENT déjà-promulgué - après quatre cent et trente ans étant arrivée - NE L’ABROGE PAS de manière à annuler

par DIEU, LA LOI

LA PROMESSE. ·················································································································· : 18 Si en effet (c’était) de LA LOI (que venait) L’HÉRITAGE,

: ce ne (serait pas) : or à ABRAHAM (c’est)

de LA PROMESSE ; par LA PROMESSE (que) Dieu

A FAIT-GRÂCE.

Le discours se développe en deux temps : ce qui vaut entre les hommes (1516) vaut aussi pour Dieu (17-18). Ce qui est d’abord appelé « testament » (15b.17b) est ensuite qualifié de « promesse », une seule fois, au pluriel, dans la première partie (16a), trois fois, au singulier, dans la seconde partie (17d.18b. 18c), où elle s’oppose à « la Loi ». « Héritage » de 18a appartient au même champ sémantique que « testament » et « faire-grâce » entre aussi dans ce champ dans la mesure où l’héritage est un don gratuit, gracieux fait au fils. Il est possible de considérer que « semence » (trois fois en 16) appartient au même champ, puisque c’est la semence qui hérite. CONTEXTE Alliance – Testament Le terme diathēkē qui dans la Septante traduit l’hébreu berît, signifie « alliance » ; tel est le sens qu’il a dans le récit du pacte conclu entre le Seigneur et Abraham (Gn 15,18 ; 17,2.4.7...) ; de manière plus large il a le sens de « disposition (légale) », d’où celui de « testament ».

Séquence B2 : Ga 3,15-25

113

Alliance – Promesse Contrairement à l’alliance conclue par l’entremise de Moïse, l’alliance avec Abraham n’est pas conditionnée par l’observance d’un commandement. En Gn 15, l’alliance est annoncée comme un don, un don gratuit, ce qu’exprime le terme de « promesse » utilisé par Paul1 : 18

Ce jour-là le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : « À ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, le fleuve d’Euphrate, 19 les Qénites, les Qenizzites, les Qadmonites, 20 les Hittites, les Perizzites, les Rephaïm, les Amorites, les Cananéens, les Girgashites et les Jébuséens » (Gn 15,1819).

Il en va de même au chapitre 17. Seule la circoncision est demandée par Dieu, non pas tant comme commandement que comme « signe » de l’alliance qui doit marquer la chair de chaque enfant mâle (Gn 17,11) ; un peu comme l’arc-en-ciel est le « signe » de l’alliance conclue avec Noé (Gn 9,9-17) et ne saurait évidemment représenter un commandement. La promesse du don de la terre est étroitement liée à celle d’une descendance, puisque c’est « à ta postérité » (littéralement, « à ta semence ») que Dieu promet la possession de la terre (Gn 15,18). Quant à l’alliance de Gn 17, c’est la promesse d’une descendance nombreuse, liée à celle de la terre (Gn 17,1-8). « Ta semence » C’est toujours le même mot, « ta semence », au singulier, qui est employé pour désigner les nombreux descendants d’Abraham (Gn 15,5.18 ; 17,7.8...) « de génération en génération » (17,7), ceux de son fils Isaac (Gn 26,3-4), ceux de son petit-fils Jacob (Gn 28,13-14 ; 35,12). Quatre cent trente ans après À Abram endormi le Seigneur révèle que ses descendants seront esclaves dans un pays étranger « durant quatre cents ans » (Gn 15,13). Selon Ex 12,40-41 leur séjour fut de quatre cent trente ans : « Le séjour des Israélites en Égypte avait duré quatre cent trente ans. Le jour même où prenait fin les quatre cent trente ans, toutes les armées du Seigneur sortirent du pays d’Égypte ». INTERPRÉTATION Le bénéficiaire du testament On a pu penser que le verset 16 était une sorte de digression qui interrompt le cours du raisonnement. En effet, l’exemple d’« un testament promulgué par un homme » (15) est ensuite appliqué, dans la deuxième partie, au « testament déjà1 « Promesse » n’est jamais utilisé dans la Genèse, ni dans le reste du Pentateuque, ce qui ne veut pas dire que la réalité en soit absente.

114

Les juifs sont fils d’Abraham par la foi en Christ, au-delà de la Loi

promulgué par Dieu ». En réalité, l’application est faite dès la première partie (16) : comme si Paul avait hâte de préciser que le testament dont il veut parler est celui qui a été fait au bénéfice d’Abraham et de « sa semence ». En revanche, il n’explicite pas le contenu de ce qu’il appelle maintenant « les promesses ». On pourrait penser au don de la terre de Canaan (Gn 15,7.18-21 ; 17,8), ou même à la bénédiction qu’il recevra de la part de toutes les nations de la terre (Gn 22,18). Toutefois, ce pluriel semble se concentrer, sous la plume de Paul, dans le don d’une semence, car il n’évoque rien d’autre. Au nom d’« Abraham » par lequel commence sa longue phrase (16a) correspond à la fin celui du « Christ » ; c’est là qu’il voulait en venir en faisant converger — par un raisonnement purement grammatical fondé sur Gn 13,15 ; 17,8 ; 24,7 — sur un seul la descendance nombreuse promise au patriarche. Un testament irrévocable et gratuit Dès le début (15), Paul énonce sa thèse : une fois qu’un testament est promulgué, rien ni personne ne peut l’invalider. Dans la seconde partie, il y revient encore, mais en nommant cette fois-ci ce qui pourrait sembler avoir annulé la promesse, à savoir « la Loi ». Postérieure de plus de quatre siècles, la Loi ne saurait abroger la promesse. Le testament établi par Dieu n’est pas remis en cause par la Loi. Opposée au don gracieux de l’héritage (18a.c), on comprend que « la Loi » signifie en l’occurrence l’observance de la Loi. L’héritage, la promesse, la grâce ne sont pas le fruit des œuvres de la Loi, ce n’est pas l’homme qui les obtient par ses propres forces, c’est Dieu qui les donne comme un père transmet l’ensemble de ses biens à ses fils, sans qu’ils aient rien eu à faire. B. LA LOI EST TRANSITOIRE JUSQU’À LA VENUE DE LA PROMESSE (3,19-21a) COMPOSITION +

19

Pourquoi donc

= En vue

LA LOI ?

des transgressions

- jusqu’à ce que vienne - à qui IL A ÉTÉ PROMIS, = ayant été disposée

par des anges

elle a été ajoutée, la semence par le moyen

d’un médiateur ;

····························································································································

.. 20 Or le médiateur .. or Dieu 21

+ LA LOI (est) donc + Jamais de la vie !

n’est pas est

d’un seul, un seul.

contre LES PROMESSES [de Dieu] ?

Séquence B2 : Ga 3,15-25

115

Dans le premier morceau de la partie centrale, les segments extrêmes sont complémentaires : ils décrivent non seulement la finalité de la Loi (19b) mais aussi son origine (19e). Ces segments s’opposent, au moins du point de vue temporel, au bimembre central où il est question de la promesse faite à la semence d’Abraham. Le second morceau (20) précise le rôle du « médiateur » dont il est question à la fin du morceau précédent. Les parties extrêmes se réduisent à une question, accompagnée toutefois à la fin par une dénégation vigoureuse. Toutes deux concernent « la Loi », sa finalité et sa nature. La question du rapport entre « la Loi » et « les promesses », qui est posée dans la dernière partie, renvoie au premier morceau de la partie centrale où le même rapport était déjà posé. CONTEXTE La Loi transmise par des anges La Torah ne mentionne pas d’anges dans la transmission de la Loi ; toutefois en Dt 33,2 la Septante les introduit : « Le Seigneur est venu du Sina [...] des anges avec lui ». Cette tradition, bien attestée dans la littérature juive, est présente dans les Actes, à la fin du discours d’Étienne : « vous qui avez reçu la Loi par le ministère des anges et ne l’avez pas observée » (Ac 7,53). « Un médiateur » Même si le mot ne se trouve pas dans le Pentateuque, cela n’empêche pas que la réalité y soit présente. L’expression « par le moyen de Moïse » est employée en Lv 26,46 : « Tels sont les décrets, les coutumes et les lois qu’établit le Seigneur, entre lui et les Israélites, sur le mont Sinaï, par l’intermédiaire de Moïse ». Voir aussi Ex 20,18-21 ; Dt 5,5. INTERPRÉTATION La fin de la Loi À peine posée la question du « pourquoi » de la Loi, Paul y répond, mais de manière lapidaire et quelque peu énigmatique, en tout cas sans s’expliquer. Ce n’est certes pas pour faire pécher ceux avec lesquels il concluait une alliance que Dieu avait donné la Loi. Toutefois, comme Paul l’avait déjà dit à la fin de la séquence précédente, l’expérience avait montré que l’homme était incapable de « s’attacher à toutes les choses écrites au livre de la Loi pour les faire » et il se trouvait par conséquent « sous la malédiction » (3,10). En ce sens, c’était bien « en vue des transgressions » que la Loi avait été ajoutée, c’est-à-dire pour manifester que l’homme s’en trouvait irrémédiablement prisonnier. L’Apôtre y reviendra dès le début du passage suivant (21b).

116

Les juifs sont fils d’Abraham par la foi en Christ, au-delà de la Loi

La Loi n’a qu’un temps Certes la Loi « a été ajoutée » à la promesse, mais ce ne sera que pour un temps limité. De même qu’elle avait été édictée pas moins de quatre cent trente ans après les promesses que Dieu fit à Abraham, ainsi elle n’est pas destinée à se maintenir pour toujours : en effet, elle cessera d’être en vigueur dès que sera venue « la semence » d’Abraham à qui ont été faites les promesses, c’est-à-dire « le Christ » (16). L’origine de la Loi Faisant sienne une tradition bien attestée, Paul insiste sur le fait que, contrairement à la promesse faite à Abraham, la Loi n’avait pas été donnée directement par Dieu. Il redouble même les intermédiaires entre Dieu et le peuple d’Israël : en effet, ce n’est pas seulement « par des anges » que la Loi a été disposée, mais en outre « par le moyen d’un médiateur ». Ce médiateur n’est pas nommé, et on peut comprendre qu’il s’agit de Moïse ; mais là n’est pas le point. Ce qui importe à Paul est, sinon d’opposer, du moins de bien distinguer la Loi de la promesse. Le médiateur dont il est question a servi d’intermédiaire non pas directement entre Dieu et les fils d’Israël, mais entre les anges et eux ; ce qui n’était pas le cas de la promesse adressée à Abraham par le Dieu unique luimême. La différence est donc significative de la supériorité de la promesse sur la Loi, même si, bien sûr, il n’est pas question de prétendre que « la Loi est contre les promesses » (21ab). C. C’EST GRÂCE À LA FOI ET NON À LA LOI QUE NOUS HÉRITONS DE LA JUSTICE (3,21b-25) COMPOSITION : 21b Car si avait été donnée UNE LOI – réellement par LA LOI

capable de serait

faire vivre, LA JUSTICE.

+ 22 Mais l’Écriture : afin que la promesse : fut donnée

A ENFERMÉ par LA FOI à CEUX QUI CROIENT.

tout en JÉSUS

sous le péché CHRIST

– 23 Avant que vienne – sous une LOI – jusqu’à LA FOI

LA FOI, nous étions gardés devant être

: 24 de sorte que LA LOI : afin que par LA FOI + 25 Une fois venue + nous ne sommes

est devenue NOUS SOYONS-JUSTIFIÉS.

ENFERMÉS,

révélée ; notre PÉDAGOGUE jusqu’au CHRIST,

LA FOI,

plus

sous un PÉDAGOGUE.

Séquence B2 : Ga 3,15-25

117

Dans la première partie, les deux principales opposent « la justice » (21c) et « le péché » (22a). Aux extrémités, les subordonnées opposent le « don » de « la Loi » et « la promesse » (22b) qui est ainsi en quelque sorte identifiée avec « la vie » (21b). La seconde partie oppose deux temps, avant et après la foi. Au centre (24), deux subordonnées, consécutive puis finale, où le rôle de la Loi est défini comme celui d’un « pédagogue ». D’une partie à l’autre, les compléments du verbe « enfermer » établissent un rapport entre « le péché » et « la Loi » (22a.23b). « La justice » que ne peut donner la Loi (21c) est obtenue par la Foi (24b). « Jésus Christ », objet de la Foi (22b) est aussi le destinataire de la Loi, le pédagogue qui conduit jusqu’à lui (24a). INTERPRÉTATION L’enfermement sous la Loi Si Paul répète le verbe « enfermer » (22a.23b), c’est sans doute qu’il entend donner une image de la Loi limitative, contraignante, restrictive. C’est effectivement le rôle de la Loi que de fixer des limites, d’imposer des contraintes et des restrictions. L’image du « pédagogue », cet esclave chargé par le père de conduire son fils mineur vers son maître, permet d’entrevoir ce que l’apôtre a en tête. Le pédagogue de l’époque n’est qu’un intermédiaire entre le père et le maître ; il guide et surveille l’enfant, mais ce n’est pas lui qui « fait vivre », qui donne la vie, ce n’est pas lui non plus qui instruit l’enfant jusqu’à en faire un adulte libre et responsable. Ce n’est pas la Loi qui « fait vivre » et qui procure « la justice » (21bc). L’enfermement sous le péché Mais Paul ne se contente pas de dire que nous étions enfermés sous la Loi, il avait affirmé auparavant que « l’Écriture avait enfermé tout sous le péché ». Ce qui ne laisse pas d’étonner : on pourrait en effet comprendre que Dieu a donné la Loi pour faire pécher les fils d’Israël. De même, quand il est dit que la Loi n’est pas capable de faire vivre (21b), on pourrait interpréter, en toute logique, qu’elle conduit à la mort. De même encore, si la justice ne vient pas de la Loi (21c), c’est qu’elle porte à l’injustice. Tenant présent le contexte, en particulier la Foi qui s’oppose à la Loi, on comprendra que, si la Loi ne peut donner ni la justice ni la vie, en revanche elle donne la connaissance du péché, et donc de la mort, dont elle est incapable de préserver celui qui y est soumis. Le don de la promesse Ce qui s’oppose à l’enfermement sous la Loi et le péché, c’est le don de la promesse (22bc). Ou plus exactement, la finalité de la Loi était, comme celle du pédagogue, de conduire au Christ qui seul pouvait faire comprendre que ce qui

118

Les juifs sont fils d’Abraham par la foi en Christ, au-delà de la Loi

« fait vivre » et procure « la justice », c’est la foi en Celui qui a donné la promesse, que la vie et la justice sont un don gratuit de Dieu en Jésus Christ. La révélation de la Foi Il n’a pas fallu moins qu’une « révélation » (23c), c’est-à-dire un don d’enhaut, pour que l’on réalise enfin que la Loi ne pouvait être qu’un enfermement « sous le péché » et que c’est la Foi seule en Christ qui pouvait procurer la justice et donc la vie. Même si le temps du pédagogue est désormais révolu, son rôle et sa grandeur n’en demeurent pas moins de nous avoir conduit jusqu’au Christ dont l’Écriture atteste qu’il avait été promis. LES JUIFS SONT FILS D’ABRAHAM PAR LA FOI EN CHRIST, AU-DELÀ DE LA LOI (3,15-25) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE 15

Frères, je parle au plan humain : même un TESTAMENT établi par un homme en bonne et due forme, personne n’y retranche ou y rajoute. 16 Or c’est à Abraham qu’ont été faites LES PROMESSES et à sa descendance. Il n’est pas dit « et aux descendances » comme pour plusieurs, mais comme pour un seul « et à ta descendance », laquelle est LE CHRIST. 17

Eh bien, voici ce que je dis : un TESTAMENT déjà établi par Dieu en bonne et due forme, LA LOI qui est venue quatre cent trente ans après ne l’abroge pas de manière à annuler LA PROMESSE. 18 Si en effet c’est en vertu de LA LOI que l’on hérite, ce n’est plus en vertu de LA PROMESSE ; or c’est par LA PROMESSE que Dieu a fait-grâce à Abraham. 19

Pourquoi donc LA LOI ? Elle fut ajoutée en vue des transgressions jusqu’à ce qu’arrive la descendance à qui était destinée LA PROMESSE ; elle a été promulguée par des anges par le moyen d’un médiateur. 20 Or ce médiateur n’est pas médiateur d’un seul, et Dieu est seul. 21 LA LOI est donc contre LES PROMESSES [de Dieu] ? Jamais de la vie ! Si en effet une LOI avait été donnée qui ait le pouvoir de faire-vivre, ce serait effectivement par LA LOI que serait la justice. 22 Mais l’Écriture a tout enfermé sous le péché afin que LA PROMESSE, par LA FOI en JÉSUS CHRIST, fut donnée à ceux qui CROIENT. 23

Avant l’arrivée de LA FOI, nous étions gardés enfermés sous LA LOI, jusqu’à LA FOI qui devait être révélée, 24 de sorte que LA LOI est devenue notre pédagogue jusqu’au CHRIST, afin que par LA FOI nous soyons justifiés. 25 Mais LA FOI arrivée, nous ne sommes plus sous un pédagogue.

Séquence B2 : Ga 3,15-25

119

Se vérifie de nouveau la loi de la question au centre2 : en effet, les deux seules questions de la séquence encadrent le passage central (19a.21a). Ces deux interrogations posent la question du rôle de la loi et de son rapport avec « les promesses ». Se vérifie en outre un autre phénomène qui n’est pas rare dans les textes bibliques de construction concentrique, celui du « croisement au centre »3. En effet, la première question, « Pourquoi donc la Loi ? » (19a), trouvera sa réponse dans le passage suivant : la Loi a servi de « pédagogue » (23-25) ; quant à la seconde question, « La Loi est donc contre les promesses ? » (21a), elle avait déjà reçu sa réponse à la fin du passage précédent : la Loi n’abroge pas la promesse (17-18). Les verbes de la racine ginomai traduits par « venir » (17), « devenir » (24) et leur synonymes de la racine erchomai, rendus par « arriver » (19 ; 23.25) sont utilisés pour marquer les étapes successives de l’histoire biblique. Les passages extrêmes sont complémentaires : dans le premier est soulignée l’antériorité et la prévalence de la promesse faite à Abraham sur la Loi, dans le dernier le caractère provisoire de la Loi par rapport à la promesse désormais réalisée en Christ. Le passage central assure la transition entre les deux autres, puisque « elle fut ajoutée » suppose que la Loi est venue après la promesse et que « la venue de la descendance » annonce la troisième partie. Le nom du « Christ » qui revient deux fois dans le dernier passage (22.24) était déjà utilisé dans le premier une fois (16) ; dans le passage central, il n’est pas nommé, mais indiqué toutefois par « la promesse », dont le premier passage avait dit « laquelle est le Christ » (16). « La promesse » revient quatre fois dans le premier passage (16.17.18 bis), deux fois dans le second (19.21) et une seule fois dans le dernier (22) mais accompagné, et pour ainsi dire remplacé par les mots de la même racine, « la Foi » et « croire » (22 bis.23 bis.24.25), qui n’avaient pas été utilisés jusqu’ici. CONTEXTE De l’Ancienne alliance à la Nouvelle Comme on la déjà dit (p. 113), l’alliance avec Abraham n’était pas conditionnée par l’obéissance à des commandements. L’alliance mosaïque au contraire, fondée certes sur le don gratuit de la libération de l’esclavage au pays d’Égypte, prévoyait un engagement réciproque, avec obligation pour le peuple d’observer les commandements de la Loi reçue sur le Sinaï. Toutefois, l’expérience avait montré que les fils d’Israël avaient continuellement failli à ses engagements. Si bien que l’alliance étant rompue, il fallait sans cesse la renouveler. Jusqu’au jour où, voulant sortir du cercle vicieux du renouvellement de l’alliance, suivi inexorablement par la désobéissance, puis par le pardon, et une nouvelle reconduction 2 3

Traité, 417-435. Traité, 641-643.

120

Les juifs sont fils d’Abraham par la foi en Christ, au-delà de la Loi

de l’alliance, et ainsi de suite, le Seigneur, par la bouche des prophètes de l’exil, annonça qu’il conclurait avec son peuple une « alliance nouvelle ». Celle-ci reposerait sur le pardon des péchés, accordé gratuitement, avant même qu’ils soient consommés. Cette nouvelle alliance ne serait plus conditionnée par l’observance des commandements, et rejoindrait ainsi la gratuité de l’alliance abrahamique Dans l’Évangile de Luc, la séquence des controverses en Galilée — qui commence justement par la remise des péchés à l’homme paralysé — expose, sous forme de récit, en quoi consiste la nouvelle alliance, conclue en Christ4. INTERPRÉTATION La Foi dans la promesse Comme un testament, les promesses de Dieu faites à Abraham sont le fruit d’une initiative totalement gratuite. Comme l’héritage qui n’est pas dû à quelque mérite que ce soit de la part de son bénéficiaire. Les promesses sont un don gracieux ; « c’est par la promesse que Dieu a fait-grâce à Abraham » (18). L’alliance conclue avec le patriarche n’est en rien conditionnée par la pratique de quelque commandement que ce soit. Comme l’héritage, la promesse « fait vivre » (21b) celui qui croit au don, qui l’accueille dans la foi comme il a accueilli la vie que lui a donnée l’auteur de ses jours. La promesse est en effet celle d’une descendance, d’une « semence », c’est le don de la filiation. Filiation dans celui que la Foi fait reconnaître comme le Fils de Dieu, le Messie, Jésus le Christ. Croire au don signifie accorder sa foi en même temps à l’auteur du don, le seul Dieu, et à celui qui incarne le don du Père, son Fils unique. Croire à « la promesse », c’est croire à « la semence », « laquelle est le Christ » (16). La garde de la Loi S’imaginer que la Loi a le pouvoir de « faire vivre » (21b), ce serait croire que l’obéissance à ses commandements permettrait à l’homme d’acquérir « la justice » (21c). Ce serait renoncer à « l’héritage » et à sa « grâce » (18). Alors, « pourquoi donc la Loi ? » (19a). Elle ne saurait tout d’abord se substituer à la promesse, en l’abrogeant. Venue bien longtemps après elle, elle n’était pas destinée à demeurer toujours en vigueur. Son rôle était transitoire, son temps compté. Une fois la promesse réalisée en Christ, elle n’a plus de raison d’être : son rôle est révolu, comme celui du pédagogue dès l’instant que le fils a atteint sa maturité. Et pourtant, la Loi avait une fonction à remplir, et celle-ci était essentielle. « Elle fut ajoutée en vue des transgressions » (19b). Il fallait en effet que les fils d’Israël fassent l’expérience, douloureuse comme peut l’être la 4 Voir R. MEYNET, « Le vin de la nouvelle alliance. La parabole du vieux et du neuf (Lc 5,3639) dans son contexte » ; repris dans ID., L’Évangile de Luc, « Les docteurs de la Loi et l’Époux de la nouvelle alliance », 255-281 (voir aussi la séquence parallèle : « Jean le Baptiste et l’Épouse de la nouvelle alliance », 323-244).

Séquence B2 : Ga 3,15-25

121

vérité, que ce n’était pas par sa pratique de la Loi qu’ils étaient capables d’atteindre la justification et la vie. Ils pouvaient seulement constater qu’ils restaient « enfermés sous le péché », incapables radicalement d’obéir aux commandements, d’être fidèles à la Loi. Il fallait bien que la Loi fut ajoutée « en vue des transgressions », pour que l’on puisse découvrir qu’il n’était d’autre voie que celle de la foi en la gratuité de la promesse. Tel fut en effet le chemin qui devait porter les prophètes de l’Exil à prédire la nouvelle alliance, celle qui repose sur le pardon des péchés et n’est pas conditionnée par l’observance de la Loi (Jr 31,31-34).

10 Vous êtes tous Fils de Dieu et semence d’Abraham Séquence B3 : Ga 3,26-29

Cette séquence est très courte, ne comptant qu’un seul passage de la taille d’une partie. COMPOSITION + 26

TOUS EN EFFET : par la Foi

+ 27 car vous-tous-qui :

dans dans

FILS LE CHRIST

de Dieu JÉSUS ;

LE CHRIST LE CHRIST

avez été baptisés, vous avez revêtu.

vous-êtes

·····································································

- 28 Il n’y a pas de juif - il n’y a pas d’ esclave - il n’y a pas d’ homme

ni de grec, ni de libre, et de femme.

·····································································

TOUS EN EFFET

+ : +

29

et si : alors :

vous dans

un-seul LE CHRIST

vous-êtes

vous

DU CHRIST d’Abraham LA SEMENCE selon la promesse HÉRITIERS.

JÉSUS ; (vous êtes) vous-êtes,

Les morceaux extrêmes sont adressés à la deuxième personne du pluriel, tandis que le morceau central est une déclaration de type général, formée de trois phrases nominales. Les premiers segments des morceaux extrêmes commencent et finissent de la même façon1. Aux extrémités, « fils de Dieu » (26a) correspond à « d’Abraham la semence » (29b), repris en écho par « héritiers » (29c) qui appartient au même champ sémantique de la filiation. 1

La construction syntaxique de 26 est discutée. Plusieurs sont d’avis que « dans le Christ Jésus » ne peut pas être complément de « par la foi » : en effet, jamais ailleurs dans le Nouveau Testament Christ n’est le complément de « croire » (ou de « la foi ») suivi de la préposition en : « par la foi » et « dans le Christ Jésus » devraient alors être considérés comme deux compléments distincts de « vous êtes fils de Dieu ». Le parallélisme avec le bimembre symétrique (28de) pourrait appuyer cette position. Pour lever l’ambiguïté, il serait possible de mettre une virgule après « dans la foi », ce qui distinguerait les deux compléments. Il semble préférable de conserver l’ambigüité.

124

Vous êtes tous Fils de Dieu et semence d’Abraham

CONTEXTE Fils de Dieu La filiation divine n’est pas une invention du Nouveau Testament. Le début du passage semble citer Dt 14,1 : « Vous êtes des fils pour le Seigneur votre Dieu ». Mais cette filiation semble réservée aux seuls fils d’Israël : « Car tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu et le Seigneur t’a choisi pour être son peuple à lui parmi tous les peuples qui sont sur la terre » (Dt 14,2). Des énumérations semblables 1Co 12,13 ne reprend que les deux premiers couples de Ga 3,28 : 12

De même, en effet, que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ. 13 Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, juifs ou grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit (voir aussi Col 3,11).

La triple affirmation au centre de la séquence renverse la triple bénédiction que les juifs doivent prononcer chaque jour, dans le même ordre que celui de Paul : « Béni sois-tu [...] qui ne m’as pas fait goy ; [...] qui ne m’as pas fait esclave ; [...] qui ne m’as pas fait femme2 ». Il a abattu le mur de séparation La première négation centrale, « juif / grec » (Ga 3,28a) est explicitée en Ep 2,11-15 : 11

Rappelez-vous donc qu’autrefois, vous les païens — qui étiez tels dans la chair, vous qui étiez appelés « prépuce » par ceux qui s’appellent « circoncision », ... d’une opération pratiquée dans la chair ! — 12 rappelez-vous qu’en ce temps-là vous étiez sans Christ, exclus de la cité d’Israël, étrangers aux alliances de la Promesse, n’ayant ni espérance ni Dieu en ce monde ! 13 Or voici qu’à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ. 14 Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un seul, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, 15 cette Loi des préceptes avec ses ordonnances, pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau, faire la paix, 16 et les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix.

La répétition de « un seul » (14.15.16) rappelle le début du dernier morceau de la séquence de Galates : « Tous en effet vous un seul vous êtes ». 2 La première attestation de cette triple bénédiction remonte à Judah ben Ilaï (vers 150 de notre ère) ; voir Tosephta Berakot, 7,18 (éd. Zuckermandel). Je remercie vivement R. Neudecker pour m’avoir aidé à retracer l’origine de cette bénédiction. Voir R. MEYNET, « Composition et genre littéraire de la première section de l’Épître aux Galates », StRh 4, 11.

Séquence B3 : Ga 3,26-29

125

INTERPRÉTATION « Vous tous êtes fils de Dieu » Cette courte séquence est adressée à tous ceux qui ont été baptisés dans le Christ (27), c’est-à-dire non seulement les Galates ethnico-chrétiens, mais aussi les judéo-chrétiens qui les troublent. C’est le seul endroit de toute l’épître où Paul s’adresse à ses correspondants de cette manière : « Tous en effet [...] vous êtes » (26a.28d). C’est là que réside la nouveauté de l’Évangile, tel que l’Apôtre des gentils le proclame partout et à tous. Nous sommes tous également « fils de Dieu ». C’est la seule fois dans toute l’Épître que l’expression « fils de Dieu » est appliquée aux hommes ; ailleurs, en effet, seul Jésus avait reçu ce titre (2,20). C’est au Christ Jésus, que nous devons la filiation divine. C’est en effet dans l’unique Christ que tous ont été baptisés et c’est le même Christ que païens et juifs ont revêtu. « Vous êtes semence d’Abraham » On pourra s’étonner que la séquence s’achève sur la filiation d’Abraham. Voilà une chute inattendue, d’autant plus qu’elle paraît se situer en net recul par rapport à la filiation divine ! Un lien est établi dans le dernier verset entre le Christ et Abraham. Être du Christ signifie être semence d’Abraham, comme Christ lui-même (3,16.19). Par ailleurs, il est possible de remarquer que les extrémités du texte ne sont pas seulement marquées par la filiation, de Dieu d’une part, d’Abraham de l’autre, mais aussi par « la foi » (26b) et « la promesse » (29c). Ces deux réalités sont corrélées, car chacune s’oppose à « la loi », comme l’exposait avec insistance la séquence précédente ; elles sont corrélées aussi du moment que la promesse est le fait de Dieu et que la foi est la réponse de l’homme. Ainsi serait suggérée encore une fois la primauté de la promesse et de la foi sur la Loi, dont l’effet était de distinguer et même de diviser. Fils de Dieu par Abraham Certes c’est Christ seul qui a valu à tous, païens comme juifs, la filiation divine. Toutefois, le fait que la séquence s’achève sur la filiation d’Abraham — étendue désormais par la promesse et par la foi jusqu’à ceux qui, selon la chair, ne faisaient pas partie de sa descendance — fait comprendre que c’est à travers le patriarche que la filiation divine a été transmise aux païens aussi. Comme s’il fallait rappeler que « le salut vient des juifs » (Jn 6,22). Baptême et circoncision Il n’est pas question de circoncision dans la séquence. Elle est toutefois présente, supposée, en arrière-fond, sans lequel il n’est pas possible de saisir la portée de ces quelques versets et en particulier de la triple opposition sur laquelle elle est focalisée. C’est en effet la circoncision qui distingue jusqu’à les opposer juifs et grecs ; c’est elle qui dresse une barrière entre hommes et femmes,

126

Vous êtes tous Fils de Dieu et semence d’Abraham

puisqu’elle ne concerne que les premiers3. Par le baptême, rite d’entrée dans la nouvelle alliance, nouvelle circoncision, le mur de séparation entre grecs et juifs ainsi qu’entre hommes et femmes s’écroule, car tous également, sans distinction, sont baptisés et revêtent le Christ. Ni esclave ni libre Selon Gn 17,12-13, l’esclave non juif acquis à prix d’argent doit être circoncis. Ex 12,44 prévoit que l’esclave devait être circoncis pour être admis à manger la Pâque avec les fils d’Israël. Ainsi, ce n’est pas la circoncision qui distingue en Israël l’homme libre et l’esclave. L’opposition centrale entre libres et esclaves se distingue donc de celles qui l’encadrent. Elle se retrouve en effet aussi bien à l’intérieur du monde juif que du monde grec, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Elle concerne tous les fils d’Adam, tous les êtres humains. L’énigme au centre La spécificité de cette opposition ne laisse pas d’être surprenante. Ainsi se vérifie, une fois de plus, la loi de l’énigme au centre4. Il ne semble pas que cette énigme puisse être résolue au niveau de la séquence. Il faudra donc attendre le niveau supérieur, de la section et même du livre, pour être en mesure de la déchiffrer.

3 4

Voir, par exemple, H. SAVON, « Le prêtre Eutrope et la “vraie circoncision” », 385-86. Voir Traité, 417 sqq.

11 Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

Séquence B4 : Ga 4,1-20

La quatrième séquence comprend deux passages parallèles entre eux (4,1-11 et 4,12-20). Le problème majeur de cette séquence est celui du genre et de la fonction du deuxième passage qui a toujours posé question aux exégètes : « La péricope fait l’effet d’une grande parenthèse entre les versets 8-11 et les versets 21ss »1. « Cette section présente un changement de ton très marqué par rapport à la précédente. Le langage est différent et même le style trahit une vive émotion, si bien que de nombreux commentateurs supposent que le sentiment ait pris chez Paul le dessus sur la rigueur logique avec laquelle il avait dicté les sections précédentes, même s’il l’avait fait avec une grande tension intérieure »2. La BJ intitule ce passage : « Souvenirs personnels ». H.-D. Betz y voit pour sa part le recours, bien attesté dans le monde grécoromain, à l’argument peri philias3. Cependant, le ton très personnel avec lequel Paul s’adresse aux Galates, ne doit pas faire manquer la véritable portée, théologique, de son argument : en effet, il ne s’agit pas dans ce passage d’amitié, mais de filiation, et de filiation réciproque, ce qui est tout à fait dans la ligne du passage précédent.

Nous sommes tous,

juifs et païens,

fils de Dieu en son Fils

4,1-11

Nous sommes tous,

vous et moi,

fils les uns des autres

12-20

1

Mussner, 467. Corsani, 277. 3 H.-D. BETZ, « The Literary Composition and Function of Paul’s Letter to the Galatians », 372 ; ID., Galatians, 220-221. 2

128

Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

A. NOUS SOMMES TOUS, JUIFS ET PAÏENS, FILS DE DIEU EN SON FILS (4,1-11) COMPOSITION 1

Or JE dis : + Aussi longtemps que : en rien il ne diffère d’un ESCLAVE, : 2 mais sous des tuteurs il est

est ENFANT, de tout étant (cependant), et (sous) des administrateurs,,

L’HÉRITIER MAÎTRE

= jusqu’au terme préétabli par

LE PÈRE.

··················································································································

+ 3 De même nous aussi, quand : sous les éléments du monde

nous étions nous étions

ENFANTS, ESCLAVES ;

= 4 mais quand vint la plénitude du temps, . DIEU a envoyé SON FILS . né d’une femme, né sous la Loi . 5 afin de racheter ceux sous . afin que nous recevions : 6 Et que – il a envoyé – dans les cœurs

la Loi LA FILIATION.

vous soyez DIEU de nous

FILS,

l’Esprit criant :

de SON FILS

·····························

« ABBA, PÈRE ! », ·····························

: 7 de sorte que – mais

tu n’es plus (tu es)

ESCLAVE

: et si – aussi

(tu es) (tu es)

FILS, HÉRITIER

+ 8 Mais alors, : vous étiez ESCLAVES

FILS,

de par DIEU.

quand vous ne connaissiez pas de ceux qui de nature ne sont pas

DIEU dieux..

··················································································································

= 9 Maintenant au contraire, que = ou plutôt que

vous connaissez vous êtes connus par

DIEU, DIEU,

: comment retournez-vous de nouveau à ces faibles et pauvres éléments : auxquels encore de nouveau vous voulez vous ASSERVIR ? . 10 Vous observez 11

jours, mois, saisons et années !

JE crains pour vous d’avoir peiné en vain pour vous.

Séquence B4 : Ga 4,1-20

129

Dans la première partie la situation de Paul et de ses coreligionnaires (3-5) est comparée à celle d’un héritier (1b-2). Chacun des deux morceaux oppose deux temps, celui de l’enfance (1b-2a ; 3) et celui de la maturité (2b ; 4-5). Noter que, dans le second morceau, « la Loi » (4c.5a) est appelée « les éléments du monde » en 3b. La quatrième partie oppose passé et présent (8 ; 9-10). Les deux membres du premier morceau opposent, en finale, le vrai « Dieu » et « les (faux) dieux » ; dans le second morceau les deux membres du premier segment s’achèvent eux aussi avec « Dieu », auquel sont opposés « ces faibles et pauvres éléments » (9c), définis ensuite par « jours, mois, saisons et années » (10). Au centre du dernier segment, « vous voulez vous asservir » (9d) répond à « vous étiez esclaves » de 8b. La partie centrale forme une seule phrase complexe. Le premier membre du premier morceau (6a) constitue la protase et les deux membres suivants l’apodose4. Dans le dernier morceau (7) les membres du premier segment opposent « esclave » et « fils », ceux du second établissent une équivalence entre « fils » et « héritier ». Les morceaux extrêmes commencent avec « être » (6a.7a), mais tandis que le premier est au pluriel, le dernier est au singulier. La partie est focalisée sur les seules paroles au style direct (6d), introduites par le premier morceau. Les deuxième et avant-dernière parties se répondent. La première (1b-5), en « nous » (sauf, bien sûr, le premier terme de la comparaison), traite de la situation des judéo-chrétiens, dont le destinateur Paul fait partie ; la quatrième partie (8-10), en « vous », traite de celle des destinataires pagano-chrétiens de Galatie. Deux temps sont opposés dans chacune de ces parties : d’une part le temps passé, celui de l’enfance et de l’esclavage (1b-2 et 3), celui de la non-connaissance de Dieu et de l’esclavage des faux-dieux (8 : le mot « esclave » est repris en 1c, 3b et 8b), d’autre part le temps nouveau, celui du rachat et de la filiation (4-5 qui reprend 2b), celui de la connaissance de Dieu (9ab). Cependant, le deuxième morceau de l’avant-dernière partie (9-10) s’achève sur un retour au temps ancien (9c-10) ; « ces faibles et pauvres éléments » de 9c, c’est-à-dire « jours, mois, saisons et années » (10) renvoient aux « éléments du monde » de 3b, c’est-à-dire « la Loi » de 4c et 5a ; mais l’énumération des « jours, mois, saisons et années » (10) renvoie aussi au « terme préétabli » de 2b et à « la plénitude du temps » de 4a auxquels elle s’oppose. La partie centrale (6-7) assure le lien entre les deux parties qui l’encadrent : en effet, le « nous » de la partie centrale (6b) — et de même le « tu » de 7a — inclut le « vous » de la quatrième partie5. 4

C’est pourquoi on traduit souvent : « Et que vous soyez fils, (la preuve en est que) a envoyé... ». Le rythme semble conduire à considérer que « dans nos cœurs » est le complément de « criant ». 5 On pourra aussi noter le jeu de mots entre « héritier » (klēro-nomos, deux fois, en 1b et 7b), « loi » (nomos, deux fois, en 4c et 5a) et « administrateurs » (oiko-nomos, en 2).

130

Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

CONTEXTE « Les éléments du monde » L’expression a donné lieu à bien des discussions et à tant d’interprétations différentes. Il semble que la plus simple soit la plus probable. Il s’agirait des quatre éléments — terre, eau, air, feu —, dont est constitué, selon les anciens, le monde. Ces éléments de base étaient souvent considérés, en beaucoup de peuples, comme autant de divinités ; ce que laisse entendre la symétrie de l’expression de 3b dans la première partie avec « ceux qui de nature ne sont pas dieux » de 8b au début de la dernière partie. Ces éléments, appelés ensuite « faibles et pauvres » (9c) sont mis en parallèle avec « la Loi » (4c.5a), ce qui laisse entendre que la Loi elle-même peut être idolâtrée comme les éléments du monde. Quant aux « jours, mois, saisons et années » (10) qui rythment et organisent le temps, la symétrie avec la Loi conduit à penser qu’ils renvoient aux diverses institutions juives du sabbat pour les jours, de la néoménie pour les mois, des grandes fêtes, en particulier de pèlerinage, pour les saisons, des années sabbatiques et jubilaires pour les années. « Abba, Père » Terme araméen, « Abba », toujours traduit en grec, se retrouve en Rm 8,15 : « Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père ! ». Cette manière familière de s’adresser à Dieu, qui n’était pas le fait des enfants, était celle de Jésus lui-même : « Et il disait : “Abba ! Père ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux !” » (Mc 14,36). INTERPRÉTATION Le temps de l’esclavage Pour les judéo-chrétiens comme pour les pagano-chrétiens, pour Paul comme pour les Galates auxquels il s’adresse, il fut d’abord un temps où tous étaient esclaves. Non pas cependant qu’ils l’aient été par nature, car, étant héritiers, ils étaient en réalité « maîtres de tout » (1). Même les chrétiens d’origine païenne, du temps où ils étaient asservis à leurs divinités, n’étaient pas esclaves par nature, puisque les dieux qu’ils servaient n’étaient pas, « par nature », de vrais dieux (8b) ; c’était seulement qu’ils ne connaissaient pas l’unique et véritable Dieu (8a). Quant aux chrétiens venus du judaïsme, eux aussi étaient esclaves ; certes, ils n’adoraient pas de faux dieux, mais ils étaient cependant régis par des « tuteurs et administrateurs » (2a) qui n’étaient pas eux-mêmes « le Père » (2b). Ces tuteurs — c’est-à-dire « la Loi » (4c.5a) —, nécessaires durant le temps de l’enfance, devaient, le temps venu (2b.4a), céder la place à la liberté du fils. La Loi et ses préceptes ne sont que des « éléments du monde » (3b) ; la Loi n’est

Séquence B4 : Ga 4,1-20

131

pas Dieu. Ce n’est pas elle qu’il faut adorer et servir. Qui refuserait d’en être affranchi en ferait une idole, au même titre que les faux dieux adorés et servis par les païens. La fin de l’esclavage Le temps de l’esclavage, comme celui de l’enfance, est un temps transitoire. Il n’est pas destiné à se perpétuer. Vient un jour, une fois atteint « le terme préétabli par le père » (2b), où celui qui, par nature, était « maître de tout » est émancipé de sa condition d’esclave. La Loi, comme les tuteurs et les administrateurs, n’ont qu’un temps : leur pouvoir atteint un jour son terme. Alors, ils doivent céder la place. C’est qu’ils n’étaient pas les véritables maîtres, mais seulement le substitut du père, en réalité ses serviteurs, et en définitive les esclaves du fils. Il leur faut bientôt remettre leur pouvoir, non pas à celui dont ils l’ont reçu, non pas au père, mais au fils, celui à qui est destiné l’héritage. Telle était leur rôle et leur mission, telle est la fin de l’esclavage. Le rachat des esclaves par le Fils La liberté ne pouvait être accordée aux fils d’Israël que par celui qui était, par nature, le Fils de Dieu. Mais, pour faire d’un esclave un homme libre, il faut le « racheter ». Le Fils a donc dû se faire lui-même esclave de la Loi, prendre pour ainsi dire la place de l’esclave, pour que celui-ci puisse retrouver son état de fils. « L’adoption filiale » (5b) est donc le fruit d’un échange, d’un renversement. En son Fils, Dieu se fait l’esclave de l’homme afin qu’il soit révélé comme son fils. Cependant, ce ne sont pas seulement les israélites qui sont appelés à devenir fils de Dieu, mais aussi les païens. À peine Paul a-t-il déclaré que les juifs ont été libérés de l’esclavage de la Loi pour recevoir l’adoption filiale, qu’il ajoute aussitôt (au centre du passage : 6-7) que tous, les païens comme les juifs, sont désormais fils de Dieu : comme lui, ses destinataires en effet ont fait la même expérience intérieure, celle de l’Esprit qui les fait appeler Dieu leur Père. La tentation du retour à l’esclavage Et pourtant, malgré cette expérience fondatrice de leur liberté, les Galates sont tentés de revenir à l’esclavage. Non pas celui des faux dieux qu’ils avaient autrefois servis, mais celui des « tuteurs et administrateurs », c’est-à-dire celui de la « Loi » juive, « ces faibles et pauvres éléments » (9c), les récurrences du culte israélite et de ses observances que Paul désigne par l’énumération des « jours, mois, saisons et années » (10a). Les chrétiens d’origine païenne n’ont certes pas à se soumettre à ces lois transitoires. Ce n’est pas en répétant sans fin ces rites — chaque sabbat et chaque néoménie, au tournant de chaque saison et au retour de chaque année —, qu’ils seront libérés, mais par le seul rachat opéré par le Fils de Dieu, une fois pour toutes, quand, « au terme préétabli par le Père » (2b), « vint la plénitude des temps » (4a).

132

Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

B. NOUS SOMMES TOUS, VOUS ET MOI, FILS LES UNS DES AUTRES (4,12-20) COMPOSITION + 12 Devenez + parce que moi aussi

COMME moi, COMME vous, FRÈRES, je vous en supplie. ··································································································

= En rien vous ne m’avez fait du tort : : 13 vous savez que c’est à cause d’une faiblesse de la

chair

que je vous ai évangélisés la première fois. 14

: Or l’épreuve qui pour vous consistait dans ma = vous ne l’avez pas repoussée ni ne l’avez EXPULSÉE.

chair

··························································································· COMME un ange de Dieu vous m’avez accueilli, COMME le CHRIST JÉSUS.

+ Au contraire, + 15

Où est donc

votre béatitude ?

SI CELA AVAIT ÉTÉ POSSIBLE, Je vous rends ce témoignage que, VOUS ÉTANT ARRACHÉ LES YEUX, VOUS ME (LES) AURIEZ DONNÉS. 16

Suis-je donc devenu

votre ennemi,

parce que je vous dis la vérité ?

– 17 Ils vous courtisent, non pour le bien, – mais (c’est) vous séparer (qu’) ils veulent, – afin que vous les courtisiez. . 18 Il est bien d’être courtisés, . pour le bien et pour toujours . et pas seulement quand je suis auprès de vous. ··········································································

= 19 Mes ENFANTS, = qu’à nouveau J’ENFANTE-DANS-LA-DOULEUR = jusqu’à ce que le CHRIST soit FORMÉ en vous. : 20 Je voudrais être auprès de vous maintenant : et changer ma voix : parce que je ne sais plus que faire avec vous.

Aux extrémités de la première partie (12.14cd) « comme » est repris deux fois ; le premier segment vise le futur, l’autre rappelle le passé. Dans le morceau central les membres extrêmes comportent des verbes appartenant au même champ sémantique, tous affectés de la négation ; au centre (13b), l’action de Paul à laquelle répond la réaction des Galates dans les membres qui l’encadrent. « Ange » (14c) est de même racine qu’« évangéliser » (13b).

Séquence B4 : Ga 4,1-20

133

La partie centrale comprend, aux extrémités (15a.16), deux questions visant l’attitude présente des Galates envers Paul. Le morceau central présente le témoignage rendu par l’Apôtre sur l’attitude passée de ses destinataires. Dans la dernière partie, les deux segments du premier morceau opposent l’attitude de séduction des rivaux de Paul et la fidélité à laquelle il invite les Galates. Dans le second morceau, Paul file en quelque sorte la métaphore. Le premier segment (19) utilise dans chaque membre des termes appartenant au champ sémantique de l’engendrement. La question du début de la partie centrale (15a) renvoie à la première partie qui rappelle l’accueil heureux que Paul avait trouvé chez les Galates ; de manière complémentaire, la question de la fin (16) prépare la troisième partie où Paul dit « la vérité » de ses adversaires (17-18) et celle de sa propre attitude (19-20). Ceux que l’Apôtre appelle ses « frères » à la fin du premier morceau (12b) sont appelés ses « enfants » au début du dernier (19a) ; au centre (15), Paul atteste que les Galates l’avaient jadis traité comme le ferait une mère (qui n’hésiterait pas à donner ses propres yeux pour son enfant6). Dans la dernière partie, Paul se présente, non pas comme père de ses disciples, mais comme leur mère : il les « enfante à nouveau dans la douleur » (19b) : il y a donc réciprocité de leur relation, puisque ceux qu’il engendre à nouveau l’avaient soigné comme une mère. La fin du verset, « jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (19c), est diversement interprétée : ou bien l’on comprend que Paul engendre en eux le Christ, ou bien que, dans une image hardie, il veuille dire que les Galates, ayant été engendrés par lui, deviendront gros à leur tour du Christ qu’ils sont chargés d’enfanter eux aussi. Il est possible enfin de considérer que le verbe traduit par « expulser » en 14b appartient au même champ sémantique de l’engendrement : en effet, le verbe ek-ptuō — dont c’est le seul emploi dans tout le Nouveau Testament — signifie « rejeter en crachant » et on l’interprète soit simplement comme « rejeter », soit au sens propre de « cracher », car c’était le geste que l’on faisait devant une personne frappée d’une maladie ou d’une infirmité considérée comme malédiction divine, pour conjurer le mauvais sort. Cependant, le second sens de ce verbe est « rejeter par avortement ». Dans la ligne de lecture menée jusqu’ici, il est tentant de retenir cette image : « formé » de 19c s’opposerait alors à « expulsé » de 14b. Les deux « comme » du début du passage (12ab), auxquels font écho les deux « comme » de la fin du verset 14, à la fin de la première partie, thématisent bien, semble-t-il, la réciprocité du rapport de filiation qui lie l’apôtre et ses disciples.

6

Le quotidien La Repubblica du 9 avril 1998 titrait : « Catane : le désespoir de la mère de l’enfant blessé à la tête par des bandits. “Je donnerais mes yeux à mon fils” » ; le petit, âgé de cinq ans risquait en effet de perdre la vue.

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Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

INTERPRÉTATION Paul se présente comme la véritable mère des Galates Alors qu’au début Paul appelle ses destinataires du nom de « frères », à la fin il s’adresse à eux comme à ses « enfants ». En leur écrivant cette lettre, il a bien conscience non seulement de les instruire ou de les redresser, mais de les engendrer à nouveau : il leur avait donné la vie une « première fois » quand il les avait « évangélisés » 13b) et pour eux maintenant, il souffre une deuxième fois les douleurs de l’enfantement (19b). Ses adversaires au contraire les flattent, comme une fausse mère qui recherche non pas « le bien » (17a.18b) de l’enfant, mais son affection : ce qu’ils veulent en effet c’est « être courtisés » (17c). Ils sont prêts pour cela à tous les mensonges et à faire passer Paul pour « l’ennemi » (16) de ceux dont ils recherchent les faveurs. Or, comme lors du jugement de Salomon (1R 3,16-28), seule la vraie mère peut « dire la vérité » (16). Les Galates s’étaient comportés comme une mère envers Paul Tout le passage est focalisé sur le « témoignage » que l’Apôtre rend à ses disciples (15b-e). Ce qui est ainsi mis en valeur, bien que le mot ne soit pas utilisé, c’est bien le comportement maternel que les Galates avaient manifesté envers leur évangélisateur. Personne d’autre qu’une mère, en effet, ne serait prêt à s’arracher les yeux pour les donner à son enfant. Elle qui a donné son propre corps à celui qu’elle a porté, enfanté et nourri de son lait, demeure symboliquement disponible pour lui fournir encore ce qu’elle a de plus précieux, la pupille de ses yeux. Malgré « l’épreuve qui consistait pour eux dans sa chair » (14a), ils avaient accueilli Paul tel qu’il était, avec « la faiblesse de sa chair » (13a) ; ils ne s’en étaient pas défaits, comme une femme rejette ou « expulse » l’enfant qu’elle porte en elle (14b). Une maternité réciproque D’entrée de jeu, Paul invite ses correspondants à une attitude de totale réciprocité : « Soyez comme moi, car je suis devenu comme vous » (12). Le titre de « frères » (12b) traduit bien l’égalité des rapports qu’il les supplie de restaurer. Cependant, rien n’est dit dans cet appel inaugural sur la nature spécifique de cette relation mutuelle qu’il appelle de ses vœux. C’est seulement dans la suite du texte que le lecteur comprend petit à petit ce en quoi elle consiste. L’Apôtre commence par rappeler longuement comment les Galates l’avaient soigné comme le ferait une mère. Et c’est seulement à la fin (19) qu’il fait comprendre à ses destinataires que, puisqu’il les enfante à nouveau dans la douleur, c’est qu’il avait souffert le même travail « la première fois » (13b). Ainsi, l’égalité entre « frères », c’est qu’ils sont mères les uns des autres, qu’ils s’engendrent mutuellement.

Séquence B4 : Ga 4,1-20

135

La filiation du Christ Jésus En celui qui les avait « évangélisés » (13b), les Galates avaient reconnu et accueilli « un ange de Dieu » (14c) ; à travers Paul et en lui, celui qu’ils avaient reçu et dont ils avaient pris soin comme une mère était « le Christ Jésus » luimême (14d). Certes, l’image utilisée par Paul peut surprendre et paraître pour le moins hyperbolique. Pourtant, ce à quoi sont appelés les Galates n’est rien moins que de porter dans leur corps — individuel et social — et de mettre au monde le Christ (19c). En ce sens, comme celui qui a engendré en eux et parmi eux le Christ, leur vocation est d’engendrer à leur tour le Christ Jésus, dans leurs frères, dont Paul. Un fils n’est véritablement tel que lorsqu’il devient capable d’engendrer lui aussi des fils. C. CHRIST NOUS A TOUS RACHETÉS DE LA LOI ET NOUS A FAITS FILS DE DIEU (4,1-20) COMPOSITION 4,1 Or je dis : aussi longtemps que L’HÉRITIER est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, étant cependant maître de tout, 2 mais il est sous des tuteurs et des administrateurs jusqu’au terme préétabli par son PÈRE. 3 De même nous aussi quand nous étions enfants, sous les éléments du monde nous étions esclaves ; 4 mais quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé SON FILS advenu d’une femme, advenu sous la Loi 5 afin de racheter ceux sous la Loi afin que nous recevions LA FILIATION. 6

Et que vous soyez des FILS, (la preuve en est que) Dieu a envoyé l’Esprit de SON FILS dans nos cœurs qui crie : « Abba, PÈRE ! », 7 de sorte que tu n’es plus esclave mais FILS, et, si tu es FILS, tu es aussi HÉRITIER de par Dieu. 8

Mais alors, quand vous ne connaissiez pas Dieu vous étiez esclaves de dieux qui de nature ne le sont pas. 9 Maintenant au contraire que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus par Dieu, comment retournez-vous À NOUVEAU à ces FAIBLES et pauvres éléments auxquels encore À NOUVEAU vous voulez vous asservir ? 10 Vous observez jours, mois, saisons et années ! = 11 Je crains d’avoir peiné en vain POUR VOUS. 12

Devenez comme moi, car moi aussi (suis devenu) comme vous, FRÈRES, je vous en supplie. En rien vous ne m’avez fait du tort : 13 vous savez que c’est à cause d’une 14 FAIBLESSE de la chair que je vous ai évangélisés la première fois. Or l’épreuve qui pour vous consistait dans ma chair vous ne l’avez pas repoussée ni EXPULSÉE, mais comme un ange de Dieu vous m’avez accueilli, comme LE CHRIST Jésus. 15

Où est donc votre béatitude ? Je vous rends ce témoignage que, s’il eût été possible, VOUS VOUS SERIEZ ARRACHÉ LES YEUX POUR ME LES DONNER. 16 De sorte que je suis devenu votre ennemi, parce que je vous dis la vérité ? 17

Ils vous courtisent, non pour le bien mais ils veulent vous séparer afin que vous les courtisiez. 18 Il est bon d’être courtisés, pour le bien et pour toujours, et pas seulement quand je suis auprès de vous. 19 Mes ENFANTS, qu’À NOUVEAU J’ENFANTE-DANS-LA20 DOULEUR jusqu’à ce que LE CHRIST soit formé en vous, je voudrais être auprès de vous maintenant et changer ma voix. = Car je ne sais plus que faire AVEC VOUS.

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Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

4,1 Or je dis : aussi longtemps que L’HÉRITIER est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, étant cependant maître de tout, 2 mais il est sous des tuteurs et des administrateurs jusqu’au terme préétabli par son PÈRE. 3 De même nous aussi quand nous étions enfants, sous les éléments du monde nous étions esclaves ; 4 mais quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé SON FILS advenu d’une femme, advenu sous la Loi 5 afin de racheter ceux sous la Loi afin que nous recevions LA FILIATION. 6

Et que vous soyez des FILS, (la preuve en est que) Dieu a envoyé l’Esprit de SON FILS dans nos cœurs qui crie : « Abba, PÈRE ! », 7 de sorte que tu n’es plus esclave mais FILS, et, si tu es FILS, tu es aussi HÉRITIER de par Dieu. 8

Mais alors, quand vous ne connaissiez pas Dieu vous étiez esclaves de dieux qui de nature ne le sont pas. 9 Maintenant au contraire que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus par Dieu, comment retournez-vous À NOUVEAU à ces FAIBLES et pauvres éléments auxquels encore À NOUVEAU vous voulez vous asservir ? 10 Vous observez jours, mois, saisons et années ! = 11 Je crains d’avoir peiné en vain POUR VOUS. 12

Devenez comme moi, car moi aussi (suis devenu) comme vous, FRÈRES, je vous en supplie. En rien vous ne m’avez fait du tort : 13 vous savez que c’est à cause d’une 14 FAIBLESSE de la chair que je vous ai évangélisés la première fois. Or l’épreuve qui pour vous consistait dans ma chair vous ne l’avez pas repoussée ni EXPULSÉE, mais comme un ange de Dieu vous m’avez accueilli, comme LE CHRIST Jésus. 15 Où est donc votre béatitude ? Je vous rends ce témoignage que, s’il eût été possible, VOUS VOUS SERIEZ ARRACHÉ LES YEUX POUR ME LES DONNER. 16 De sorte que je suis devenu votre ennemi, parce que je vous dis la vérité ? 17

Ils vous courtisent, non pour le bien mais ils veulent vous séparer afin que vous les courtisiez. 18 Il est bon d’être courtisés, pour le bien et pour toujours, et pas seulement quand je suis auprès de vous. 19 Mes ENFANTS, qu’À NOUVEAU J’ENFANTE-DANS-LA20 DOULEUR jusqu’à ce que LE CHRIST soit formé en vous, je voudrais être auprès de vous maintenant et changer ma voix. = Car je ne sais plus que faire AVEC VOUS.

Les deux passages sont de même composition, deux parties encadrant chaque fois une partie plus courte (6-7 ; 15-16). Ils s’achèvent sur une déclaration semblable (11.20c) où le « je » de Paul, au début, est mis en relation avec le « vous » des Galates, à la fin. Les nombreux termes du champ sémantique de la génération et de la parenté du premier passage (« héritier » en 1a et 7b ; « père » en 2b et 6b ; « fils » en 4b, 6a bis, 7b bis, « adoption-filiale » en 5b), trouvent leur correspondant dans le second passage avec « frères » de 12a, « enfants » et « enfanter dans la douleur » de 19 ; termes auxquels il faut ajouter « vous vous seriez arrachés les yeux pour me les donner » de 15b, et même « pas expulsée » de 14b. Alors que c’est la figure du père qui domine dans le premier passage, c’est celle de la mère dans le second. La même opposition entre deux temps se retrouve dans les deux passages : dans le premier versant du premier passage, le temps où « Dieu a envoyé » son

Séquence B4 : Ga 4,1-20

137

Fils (4b) — c’est-à-dire celui où les Galates « connaissent Dieu, ou plutôt sont connus de Lui » (9ab) —, s’oppose, dans le second versant du passage, au temps où ils « veulent » retourner au passé (9bc-10). Dans le premier versant du second passage, il y eut le temps où ils reçurent Paul « comme un ange » (c’est-à-dire comme un envoyé) de Dieu (14c) qui s’oppose, dans le second versant du passage au temps où « on veut les séparer ». On notera la reprise des synonymes nun (9a) et arti (20b), tous deux traduits par « maintenant ». Les deux occurrences de « le Christ » dans le deuxième passage (14c.19b) désignent le même personnage qui dans le premier passage est, par deux fois aussi, appelé « son Fils » (4b.6a). Le premier mot du deuxième passage, « devenez » (12a) est le même verbe que celui qui est utilisé deux fois, au participe, pour le Fils de Dieu en 4b (et qui est ici traduit pour cette raison par « advenu »). À noter, dans le second versant de chaque passage, la reprise de « à nouveau » (9bc.19a) et de « vouloir » (9c.17a) ; par ailleurs, « faibles » de 9b, à la fin du premier passage, trouve un écho avec « faiblesse » de 13b, au début du second. INTERPRÉTATION La tentation du retour à l’esclavage Ce que Paul reproche à ses adversaires à la fin du deuxième passage (17) n’est pas clair. Il ne dit pas en particulier de quoi « ils veulent séparer » les Galates. Cependant, en position symétrique dans le premier passage (9-10), l’Apôtre précise ce que « veulent » ses correspondants : « s’asservir » « de nouveau à ces faibles et pauvres éléments » que sont « jours, mois, saisons et années » auxquels ils entendent « retourner ». Ainsi ceux qui font la cour aux Galates, sont-ils les zélateurs de « la Loi » (4), ces « éléments du monde » (3b) auxquels ils demeurent attachés en tant que juifs et auxquels ils veulent soumettre aussi les disciples de Paul venus de la gentilité. Ils ne veulent pas que l’enfant accède à la liberté, ils entendent, comme des mauvais « tuteurs et administrateurs », le garder sous le pouvoir temporaire qui leur avait été confié. Accepter le maintien d’une telle situation équivaudrait à retourner à l’esclavage et réduire à néant « l’adoption filiale » qui a été acquise par le Christ aussi bien pour les païens que pour les juifs. La réciprocité de la filiation Tout le premier passage est marqué par l’opposition entre l’esclavage et la relation filiale. L’adoption filiale et l’héritage nous sont obtenus par « le Fils » « envoyé » par Dieu pour devenir comme nous, « advenu d’une femme, advenu sous la Loi » (4b). C’est ainsi que le Fils a « rachetés » (5b) les esclaves, qu’il a payé le prix de notre rançon, à notre place. Le Fils de Dieu s’est donc fait comme nous, pour que nous devenions comme lui. C’est son Esprit, envoyé par Dieu, qui dans nos cœurs crie : « Abba, Père ». Cette réciprocité est exprimée

138

Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu

aussi par la connaissance mutuelle qui lie Dieu et l’homme : « Maintenant que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus par Dieu… » (9bc). Le deuxième passage est consacré tout entier à une autre sorte d’échange, complémentaire du premier et qui en découle : les rapports mutuels entre l’apôtre et ses disciples sont en effet à l’image de ceux qui lient Dieu et les hommes. Certes, en les appelant d’abord « frères », Paul se place au même niveau qu’eux : tous en effet sont fils de Dieu, eux comme lui. Cependant, le passage s’achèvera sur une relation d’un autre ordre, justement celle de la filiation. Paul ne les appelle plus « frères, mais « enfants » (19a). Il se présente comme leur mère qui « à nouveau (les) enfante dans la douleur » (19ab). Il n’est donc pas, ou il n’est plus « tuteur ou administrateur » (2) ; il n’est pas, ou il n’est plus « pédagogue », comme il le disait plus haut (3,24-25)7. Sa relation aux Galates est du même ordre que celle que Dieu a instaurée avec tous les hommes dans son Fils, une relation de filiation. Mais cette relation maternelle n’est pas à sens unique. Paul témoigne en effet, que, s’il eût été possible, ils se seraient arraché les yeux pour les lui donner (15b), prêts ainsi, comme le Christ à le « racheter » (5b). Ils se sont comportés envers lui de la même manière que lui ; et Paul les invite à revenir de nouveau à cette imitation. De même qu’ils avaient été évangélisés — engendrés au Christ — par lui une première fois, ainsi sont-ils maintenant appelés à engendrer le Christ Jésus à leur tour, comme une mère qui porte à terme son enfant. Ainsi se comprend la vraie dimension de la phrase initiale du passage : « Devenez comme moi, car moi aussi je suis devenu comme vous » (12)8. Betz pense, en accord avec les rhétoriciens anciens pour lesquels l’argument de l’amitié est un de ceux qui a le moins de force, que le passage de Ga est « une section plus légère en comparaison des arguments de poids utilisés dans les sections précédentes »9. L’analyse des relations entre les deux passages de la séquence semble au contraire montrer jusqu’où va la logique de la relation de filiation instaurée par Dieu avec les hommes : les rapports entre maître et disciples, entre évangélisateur et évangélisés, doivent être du même ordre. Ne sera vraiment fils que celui qui pourra engendrer à son tour.

7 Ou comme il le dit aussi en 1Co 4,14-16 : « 14 Ce n’est pas pour vous confondre que j’écris cela ; c’est pour vous avertir comme mes enfants bien-aimés. 15 Auriez-vous en effet des milliers de pédagogues dans le Christ, que vous n’avez pas plusieurs pères ; car c’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus. 16 Je vous en prie donc, devenez mes imitateurs » (voir aussi 1Th 2,7). 8 On mesurera la distance qui sépare cette interprétation et celle que Betz reconnaît aux « comme » du verset 12 : « L’idée sous-jacente est le topos de la sagesse populaire pour laquelle “une véritable amitié” n’est possible qu’entre égaux » (Galatians, 222). 9 Galatians, 221.

12 Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse Séquence B5 : Ga 4,21–5,1

Ceux qui ont adhéré au Christ sont libérés de l’esclavage (4,21-26) et ne sont donc pas fils de l’épouse esclave d’Abraham mais de la libre (4,28–5,1). Avec le Christ ils verront une descendance nombreuse, comme l’avait annoncé le prophète Isaïe (27).

Des deux fils

d’Abraham, l’un est

ESCLAVE,

l’autre LIBRE

Fécondité de la Jérusalem d’en-haut

Les disciples

du Christ

ne sont pas

ESCLAVES,

4,21-26

4,27

mais LIBRES

4,28–5,1

140

Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse

A. DES DEUX FILS D’ABRAHAM, L’UN EST ESCLAVE, L’AUTRE LIBRE (4,21-26) COMPOSITION . 21 Dites-moi, .

vous qui sous une Loi (est-ce que) LA LOI

:: 22 CAR IL EST ÉCRIT .. qu’Abraham eut

voulez être, vous ne l’entendez pas ?

deux fils,

– + et

l’un de la servante l’autre de la libre.

– 23 Mais + et

celui celui

de la servante de la libre

selon la chair fut engendré, en raison de la promesse.

:: 24 CES CHOSES SONT ALLÉGORIQUES .. car celles-ci sont deux alliances : ················································································································

– L’une du mont – laquelle est

Sinaï Agar.

pour l’esclavage

engendrant

. 25 Certes le mont Sinaï est en Arabie, . mais il correspond à la Jérusalem de maintenant . car elle est esclave avec ses enfants. + 26 Celle d’en haut Jérusalem + laquelle est notre mère.

libre

est

L’opposition entre le fils de la servante et celui de la libre, qui structure la seconde partie (22-23), se retrouve dans la partie suivante entre l’alliance du Sinaï, assimilée à Agar (24cd), et celle de la Jérusalem d’en haut (26ab). Le parallélisme entre ces deux segments n’est pas mathématique ; toutefois l’opposition est claire entre la première alliance qui « engendre pour l’esclavage » (24cd) et l’autre qui, étant « libre », engendre donc pour la liberté ceux dont elle est « la mère » (26ab)1. Le verset 25 est une sorte d’incise où Paul précise que le partenaire de l’alliance du Sinaï est « la Jérusalem de maintenant », c’est-à-dire le judaïsme, bien que les deux lieux soient fort distants l’un de l’autre. « Vouloir être sous une loi » du début (21) équivaut, pour Paul, à être réduit en « esclavage » (24c).

1

Le corrélatif du men de 24c est le de de 26a.

Séquence B5 : Ga 4,21–5,1

141

CONTEXTE « Selon la chair » ou « en raison de la promesse » Ismaël était né par la volonté humaine de Sara qui, se voyant irrémédiablement stérile, avait mis sa servante Agar dans les bras de son époux afin qu’ils obtiennent ainsi une descendance (Gn 16). La naissance d’Isaac au contraire était survenue par l’initiative gratuite de Dieu qui avait promis à Abraham que Sara lui aurait donné un fils (Gn 17 et 18). INTERPRÉTATION Être sous la Loi ou entendre la Loi Paul joue sur les deux acceptions du mot « Loi ». Sous l’instigation des judaïsants, les ethnico-chrétiens de Galatie veulent se soumettre aux prescriptions de « la Loi » de Moïse. L’Apôtre les invite au contraire à écouter « la Loi », pour en comprendre l’enseignement, car tel est le premier sens du mot « Torah ». Il annonce ainsi la démonstration qu’il va leur fournir, à partir de l’histoire d’Abraham. Une logique surprenante mais imparable Le raisonnement de Paul paraît spécieux quand il semble assimiler les juifs, descendants d’Abraham, par Isaac et Jacob, à Ismaël, le fils de la servante ; ce qui a fait penser que c’était là un tour de force, sinon un tour de passe-passe. En réalité, il reprend le raisonnement qui l’avait déjà fait opposer le régime de la Loi mosaïque, celle du Sinaï, à celui de la foi : les juifs demeurent esclaves des prescriptions de la Loi, tandis que les disciples de Jésus Christ en sont libérés. Cela rappelle l’opposition entre les mères des deux fils d’Abraham, la servante et la libre. Ismaël avait été engendré « selon la chair », c’est-à-dire selon les œuvres humaines, alors que c’était « en raison de la promesse » de Dieu qu’Isaac avait été donné gratuitement, par pure grâce, à ceux qui, à cause de leur âge avancé, étaient totalement incapables d’engendrer. Il est donc tout à fait logique d’assimiler « la Jérusalem de maintenant », les juifs qui continuent à faire fond sur l’observance de la Loi, sur leurs propres œuvres, donc sur la chair, à Agar, l’esclave. Ce sont au contraire ceux qui, mettant leur assurance en Dieu seul, se fiant à sa promesse, se révèlent les fils de l’épouse libre, Sara, et donc l’authentique descendance que Dieu avait promise à Abraham.

142

Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse

B. FÉCONDITÉ DE LA JÉRUSALEM D’EN-HAUT (4,27) COMPOSITION :: 27 Il est écrit en effet : – « Réjouis-toi, stérile, – exulte et crie,

toi qui n’enfantes pas, toi qui n’a pas les douleurs,

+ car nombreux sont les enfants + plus que ceux

de la délaissée de celle qui a un mari. »

Tout le passage est une citation de l’Écriture. Le second segment de la citation donne la raison du premier. CONTEXTE Ce court passage cite le premier verset d’Is 54 et fait donc allusion à l’ensemble de l’oracle qui commence par ces mots (Is 54,1-10). INTERPRÉTATION La citation ne se comprendra que dans l’ensemble où elle est insérée, donc dans la séquence dont elle constitue le centre. C. LES DISCIPLES DU CHRIST NE SONT PAS ESCLAVES, MAIS LIBRES (4,28–5,1) COMPOSITION :: 28 Quant à vous, FRÈRES, + c’est selon la promesse d’Isaac 29

– Mais de même qu’alors celui qui – persécutait celui = ainsi aussi maintenant.

que vous êtes

ENFANTS.

selon la chair fut engendré selon l’Esprit,

·······················································································

= 30 Mais que dit l’Écriture ? - « Chasse la servante : car il n’HÉRITERA pas : avec

:: 31 C’est pourquoi, – nous ne sommes + mais

et son fils

LE FILS de la servante LE FILS » de la libre. ······················································································· FRÈRES, pas ENFANTS de la servante

de la libre.

1

= 5, C’est pour la liberté que Christ + Tenez-ferme donc – et de nouveau

à un joug

nous

a libérés !

d’esclavage ne soyez pas soumis.

Séquence B5 : Ga 4,21–5,1

143

Le couple « chair »/« Esprit » du premier morceau (29ab) est repris dans le second par l’opposition entre « la servante » qui a engendré Ismaël « selon la chair » et « la (femme) libre » à laquelle Isaac a été donné « selon l’Esprit » (30cd) ; opposition qui rebondit dans le troisième morceau pour finir sur le terme « esclavage » qui n’était pas apparu précédemment. Le remède à la persécution du premier morceau est l’expulsion du persécuteur et de sa mère dans le morceau central ; après quoi l’auteur invite les Galates à ne pas retomber sous « le joug » de l’esclavage. Les deux occurrences de « enfants » (tekna) au début des morceaux extrêmes (28b.31b) correspondent aux deux occurrences de « fils » (hyios) dans le morceau central (30cd) ; ce sont les enfants ou les fils qui « héritent » (30c). Les deux occurrences de « frères », en termes initiaux des morceaux extrêmes appartiennent au même champ sémantique que les termes précédents. « Persécuter » (4,29b) peut être mis en relation avec « être soumis » (5,1c), car ce dernier verbe signifie à l’actif « avoir quelque chose contre quelqu’un » (Gn 49,23), au passif « être soumis », « être assujetti »2. Ces deux verbes font donc inclusion ; ils ont leur corollaire avec « chasser », au centre (30b). CONTEXTE La persécution d’Ismaël Le récit biblique ne parle pas de persécution de la part d’Ismaël ; en Gn 21, quand Sara demande à son mari de chasser Agar et son fils, Ismaël « jouait » avec son petit frère (meṣaḥēq, littéralement « riait », ce qui fait un jeu de mot avec le nom d’Isaac, Yiṣḥāq) : 8

L’enfant grandit et fut sevré, et Abraham fit un grand festin le jour où l’on sevra Isaac. 9 Or Sara aperçut le fils né à Abraham de l’Égyptienne Agar, qui jouait avec son fils Isaac, 10 et elle dit à Abraham : « Chasse cette servante et son fils... »

La Septante a traduit le verbe avec paizō, qui peut vouloir dire aussi « se jouer de », « se moquer de », ce qui sera interprété par la tradition en un sens très agressif. La persécution d’Isaac par son frère Ismaël pourrait aussi refléter l’expérience de Paul et des premières communautés affrontées à l’hostilité aussi bien des païens que des juifs qui n’avaient pas accepté Jésus comme Messie : 14

Car vous vous êtes mis, frères, à imiter les Églises de Dieu dans le Christ Jésus qui sont en Judée : vous avez souffert de la part de vos compatriotes les mêmes traitements qu’ils ont soufferts de la part des juifs : 15 ces gens-là ont mis à mort Jésus le Seigneur et les prophètes, ils nous ont persécutés, ils ne plaisent pas à Dieu, ils sont

2

Les deux termes se retrouvent ensemble en 2Th 1,4 : « nous-mêmes sommes fiers de vous parmi les Églises de Dieu, de votre constance et de votre foi dans toutes les persécutions et tribulations que vous supportez ».

144

Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse

ennemis de tous les hommes 16 quand ils nous empêchent de prêcher aux païens pour leur salut, mettant ainsi en tout temps le comble à leur péché ; et elle est tombée sur eux, la colère, pour en finir (1Th 2,14-16).

« Chasse la servante » Dans le récit de la Genèse c’est Sara qui donne cet ordre à Abraham (Gn 21,10) ; la manière dont Paul introduit sa citation, faisant de l’Écriture le sujet de « dire », laisse penser que cet ordre vient de Dieu lui-même. INTERPRÉTATION Le persécuteur n’est pas celui qu’on croit Les disciples de Jésus sont harcelés, poursuivis, persécutés par les juifs qui entendent les soumettre au joug de la Loi, en faire des esclaves en somme, pire, des animaux de trait. S’ils acceptaient une telle soumission, ils ressembleraient donc au fils de la servante, Ismaël, lui qui se jouait du fils de la femme libre. Ce qui se passe « maintenant » était préfiguré dans l’histoire d’Abraham. Ceux qui prétendent être les fils d’Abraham et de Sara veulent forcer les chrétiens d’origine païenne à se soumettre aux prescriptions de la Loi pour en faire leurs frères, fils d’Abraham eux aussi. Mais, cette constriction les rendraient soumis, esclaves, et en ferait les fils de l’esclave. Adhérant au Christ qui les a libérés, ils se révèlent au contraire comme les authentiques fils selon l’Esprit et non selon la chair. La contestation de l’héritage La question de la filiation entraîne naturellement celle de l’héritage, car le fils est celui qui hérite. À qui ira donc la promesse, qui est ce qu’Abraham a reçu de plus précieux ? La promesse étant celle d’une descendance nombreuse, qui donc en bénéficiera ? Dans la figure, on sait que c’est le fils de la libre qui a hérité de la promesse. Mais, puisque ce sont les disciples du Christ qui sont les fils d’Isaac selon la promesse, ce sont eux qui hériteront de ce que le Seigneur a promis à leur père Abraham, une descendance plus nombreuse que le sable sur le bord de la mer et que les étoiles dans le ciel. D. CHRIST NOUS A TOUS LIBÉRÉS DE LA LOI ET FAITS FILS DE LA PROMESSE (4,21–5,1) COMPOSITION Les passages extrêmes commencent avec la deuxième personne du pluriel et finissent au contraire avec la première personne du pluriel (26.31). Les centres des passages extrêmes renvoient tous deux à l’Écriture, plus précisément à l’histoire d’Abraham, tandis que le passage central est une citation d’Isaïe. Le vocabulaire de la filiation traverse les trois passages. Les oppositions entre la

Séquence B5 : Ga 4,21–5,1

145

liberté et l’esclavage, entre la promesse et la chair, marquent les passages extrêmes. Ce qui se passe « maintenant » (25.29) est mis en relation avec ce qui était arrivé au temps d’Abraham. Dites-moi, VOUS qui voulez être sous une Loi, n’entendez-vous pas la Loi ? 21

22

Il est écrit en effet que Abraham eut deux FILS, l’un de la servante et l’autre de la libre. 23 Mais celui de la servante SELON LA CHAIR a été ENGENDRÉ, et celui de la libre EN RAISON DE LA PROMESSE.

24

Cela est allégorique : celles-ci en effet sont deux alliances. L’une du mont Sinaï pour l’esclavage laquelle est Agar. 25 Certes le mont Sinaï est en Arabie, mais il correspond à la Jérusalem de MAINTENANT : en effet elle est esclave avec ses 26 ENFANTS. La Jérusalem d’en haut est libre laquelle est NOTRE MÈRE. ENGENDRANT

27

Il est écrit en effet : « Réjouis-toi, stérile, toi qui N’ENFANTES PAS, exulte et crie, toi qui n’a pas les douleurs, parce que nombreux sont les ENFANTS de la délaissée plus que ceux de celle qui a un mari. »

Quant à VOUS, FRÈRES, c’est SELON LA PROMESSE d’Isaac que vous êtes ENFANTS. Mais de même qu’alors celui qui SELON LA CHAIR a été ENGENDRÉ persécutait celui qui l’a été selon l’Esprit, ainsi en est-il encore MAINTENANT. 28 29

30

Mais que dit l’Écriture ? « Chasse la servante ainsi que son FILS car il N’HÉRITERA pas le FILS de la servante avec le FILS » de la libre.

C’est pourquoi, FRÈRES, NOUS ne sommes pas ENFANTS de la servante mais de la libre. 5,1 C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés ! Tenez donc ferme et ne soyez pas soumis de nouveau à un joug d’esclavage. 31

INTERPRÉTATION « Cela est allégorique » Dans la première lettre aux Corinthiens, Paul écrit, à propos des événements de l’Exode : « Cela leur arrivait de manière figurative (typikōs), et a été écrit pour notre instruction à nous qui touchons à la fin des temps » (1Co 10,11). En Rm 5,12-21 il mettra en relation la figure — ou le type — d’Adam avec Jésus, son antitype ; il le fait sans qualifier la lecture qu’il conduit de typologique ou d’allégorique. Ici, il voit dans l’opposition entre la servante et la libre, ainsi qu’entre leurs fils une préfiguration de la situation actuelle entre la Synagogue et l’Église.

146

Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse

Le renversement de la lecture typologique Le rapport entre le type et l’antitype — que Paul appelle ici « allégorique » — s’accompagne, sur fond de ressemblance, d’une différence significative, qui va souvent jusqu’à un complet renversement. Ainsi, pour les deux Adam selon Paul : « Mais il n’en va pas du don comme de la faute [...] Et il n’en va pas du don comme des conséquences du péché d’un seul » (Rm 5,15-16). De même pour la figure de Noé que l’on peut lire en filigrane derrière celle de Jésus au moment de l’arrestation3. en Jésus la figure de Noé s’accomplit. Elle le fait cependant en se renversant complètement. Le seul juste avait été sauvé des flots de la mort, pendant que tous les violents y étaient engloutis. Maintenant, le seul juste est promis à la mort, tandis que tous les autres se sauvent, tandis qu’ils seront tous sauvés par la mort du seul Juste. 4

Particulièrement sensible dans le cas des fils d’Abraham, le renversement qui fait des descendants d’Isaac selon la chair les fils de l’esclave, et des disciples d’origine païenne les vrais fils d’Abraham selon l’esprit, obéit en réalité à la même logique. Cette logique n’est pas étrangère aux nombreux renversements auxquels le discours biblique a habitué les lecteurs : Jacob le cadet prenant la place de son frère aîné Ésaü, David le petit dernier choisi de préférence à tous ses frères, le peuple Israël lui-même, plus petit que tous les autres, élu au lieu des royaumes puissants qui l’entourent (Dt 7,6-8). Paul développera ce thème pour les disciples de Corinthe (1Co 1,26-29). Du « vous » au « nous », l’inclusion des gentils dans l’alliance de Dieu Le passage du « vous » désignant les Galates ethnico-chrétiens au « nous » englobant tous les croyants en Christ structure la séquence et en fournit une ligne interprétative majeure. Certes, Paul insiste, tout au long de chacun des passages extrêmes, sur le fait que ses destinataires n’ont pas à se soumettre au joug de la Loi pour entrer dans l’alliance d’Abraham et hériter de plein droit de la promesse divine. Mais son raisonnement n’aurait guère de force s’il ne se mettait pas lui-même, juif de naissance, circoncis le huitième jour, ainsi que tous les autres juifs qui ont adhéré au Christ, dans la même situation que celle des ethnico-chrétiens. Ils sont tous fils de la même mère (26.31). Une fécondité inespérée La séquence est focalisée sur la citation d’Isaïe qui célèbre la fécondité immense accordée à la stérile, à celle qui n’avait pas de mari. Dans le second Isaïe, ces paroles suivent immédiatement le quatrième et dernier chant du Serviteur, celui dont il est dit que, après avoir traversé la mort, « il verra une 3 Les paroles de Jésus : « Remets ton épée au fourreau, car tous ceux qui prennent l’épée par l’épée périront », rappellent celles de Dieu à la fin de l’histoire du déluge : « Qui verse le sang de l’homme par l’homme son sang sera versé » (Gn 9,6). 4 R. MEYNET, Jésus passe, 57 ; voir aussi ID., Mort et ressuscité selon les Écritures, 55-60.

Séquence B5 : Ga 4,21–5,1

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postérité » (Is 53,10), lui qu’on avait voulu priver de « génération » (53,8)5. Bien que dans l’oracle de salut d’Is 54 le nom de celle à laquelle il est adressé ne soit jamais prononcé, on y reconnaît Jérusalem, représentant évidemment tout le peuple d’Israël. À un personnage masculin fait suite une image féminine, qui sont en étroite relation. Si les premières générations chrétiennes ont reconnu dans le Serviteur le type du Christ, Paul voit dans celle de l’épouse la figure de l’Église. C’est elle qui a hérité de la promesse faite à Abraham et dont la postérité, grâce au Christ, est plus nombreuse que la descendance de celle qui avait un mari.

5

145.

Voir R. MEYNET, « Le quatrième chant du Serviteur », 426 ; voir aussi ID., Mort et ressuscité,

13 C’est la Croix du Christ qui nous justifie La section B : Ga 3,1–5,1

La deuxième section comprend cinq séquences organisées de manière concentrique. Les deux premières forment une sous-section qui met en parallèle la situation des nations (B1) puis des juifs (B2) par rapport à la Loi et au Christ : les uns et les autres sont fils d’Abraham. La courte séquence centrale (B3), tout à fait spécifique, constitue le sommet de la section : y est affirmé avec force qu’il n’y a pas de distinction entre tous ceux qui ont été baptisés dans le Christ : « tous » sont « fils de Dieu » et « semence d’Abraham ». Après quoi, les deux dernières séquences, qui forment la dernière soussection, explicitent comment judéo-chrétiens et pagano-chrétiens sont tous fils de Dieu (B4) et véritables fils de la promesse (B5).

B1 Les païens sont FILS D’ABRAHAM

par la Foi en Christ,

sans la Loi

B2 Les juifs

par la Foi en Christ,

au-delà de la Loi

sont FILS D’ABRAHAM

B3 Vous êtes tous FILS DE DIEU et SEMENCE D’ABRAHAM

B4 Christ nous a tous rachetés de la Loi

et nous a faits

FILS DE DIEU

B5 Christ nous a tous libérés de la Loi

et nous a faits

FILS DE LA PROMESSE

3,1-14 3,15-25

3,26-29

4,1-20 4,21–5,1

150

C’est la Croix du Christ qui nous justifie

A. LA PREMIÈRE SOUS-SECTION (SÉQUENCES B1 ET B2) COMPOSITION B1 (3,1-14)

B2 (3,15-25)

1 GALATES INSENSÉS, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels JÉSUS CHRIST a été décrit crucifié ? 2 C’est ceci seulement que je veux apprendre de vous : est-ce par les œuvres de la LOI que vous avez reçu l’Esprit ou est-ce par l’écoute de la FOI ?

15 FRÈRES, je parle au plan humain : même un testament établi par un homme en bonne et due forme, personne n’y retranche ou y rajoute. 16 Or c’est à Abraham qu’ont été faites les PROMESSES et à sa descendance. Il n’est pas dit « et aux descendances », comme pour plusieurs, mais comme pour un seul « et à ta descendance », laquelle est LE CHRIST.

3 Êtes-vous si insensés, qu’après avoir commencé avec l’Esprit maintenant vous finissiez avec la chair ? 4 Avez-vous éprouvé tant de choses en vain ? Et ce serait vraiment en vain ! 5 Donc Celui qui vous fournit l’Esprit et qui opère des puissances parmi vous est-ce par les œuvres de la LOI ou est-ce par l’écoute de la FOI ?

17 Eh bien, voici ce que je dis : un testament déjà établi par Dieu en bonne et due forme, la LOI qui est advenue quatre cent trente ans après ne l’abroge pas, de manière à annuler la PROMESSE. 18 Si en effet c’est en vertu de la LOI que l’on hérite, ce n’est plus en vertu de la PROMESSE ; or c’est par la PROMESSE que Dieu a fait-grâce à Abraham.

6 Comme Abraham « CRUT en Dieu et cela lui fut compté comme justice », 7 comprenez donc que ce sont les gens de FOI qui sont fils d’Abraham..

19

8 Et L’ÉCRITURE prévoyant que, par la FOI, Dieu justifierait les nations, pré-ANNONÇA à Abraham que « seront bénies en toi toutes les nations », 9 de sorte que les gens de FOI seront bénis avec le CROYANT Abraham..

10

En effet tous ceux qui sont des œuvres de la

LOI sont sous la malédiction, car IL EST ÉCRIT que

« Maudit quiconque ne s’attache pas à toutes LES CHOSES ÉCRITES dans le livre de la LOI pour les faire ! » 11 Et que par la LOI personne ne soit justifié devant Dieu, c’est clair, car « Le juste par la FOI vivra » ; 12 et la LOI ne dépend pas de la FOI, mais « Celui qui les aura faites vivra par elles ». 13

LE CHRIST nous a rachetés de la malédiction de la LOI, étant devenu pour nous malédiction, car IL EST ÉCRIT : « Maudit quiconque est suspendu au bois ! » 14 afin que pour les nations Abraham advienne dans LE la bénédiction d’A CHRIST JÉSUS, * afin que la PROMESSE de l’Esprit nous la recevions par la FOI.

Qu’en est-il donc de la LOI ?

Elle fut ajoutée en vue des transgressions jusqu’à la venue de la descendance à qui IL A ÉTÉ PROMIS, ayant été promulguée par des anges par la main d’un médiateur ; 20 or ce médiateur n’est pas médiateur d’un seul, et Dieu est seul. La LOI est donc contre les PROMESSES [de Dieu] ? Certainement pas !

21

Si en effet une LOI avait été donnée qui ait le pouvoir de faire-vivre, ce serait effectivement par la LOI que serait la justice. 22 Mais L’ÉCRITURE a tout enfermé sous le péché, * afin que la PROMESSE, par la FOI en JÉSUS CHRIST, fut donnée à ceux qui CROIENT.

23

Avant la venue de la FOI, nous étions enfermés sous la garde de la LOI, jusqu’à la FOI qui devait être révélée, 24 de sorte que la LOI est devenue notre pédagogue jusqu’au CHRIST, afin que par la FOI nous soyons justifiés. 25 Mais la FOI venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue.

La section B : Ga 3,1–5,1

151

Les deux séquences, qui comprennent chacune trois passages, sont parallèles entre elles. Les premiers passages (3,15 et 15-18) – Ils commencent par les seules apostrophes de la sous-section : « Galates insensés » (1a), « Frères » (15a) ; – les deux parties de chaque passage sont marqués par des termes initiaux : « insensés » en 1a et 3a, « je parle » et « je dis » (qui traduisent le même verbe legō) en 15a et 17a ; – chaque passage contient une seule occurrence du nom du Seigneur : « Jésus Christ » en 1b et « le Christ » en 16e ; – l’opposition entre « la Loi » (2c.5d) et « la Foi » (2d.5d) en B1 est symétrique de l’opposition entre « la Loi » (17c.18b) et « la/les promesse/s » (16b.17e.18c bis) en B2 ; à noter que « la Loi » revient deux fois dans chaque passage ; – une opposition analogue entre deux phases chronologiques marque les deux passages. Alors qu’en B1, Paul reproche aux Galates d’avoir « commencé » avec « l’Esprit » (c’est-à-dire « la Foi ») et de « finir » par « la chair » (c’est-à-dire « la Loi »), en B2, il rappelle comment « la promesse » a précédé « la Loi » ; « la promesse » correspond donc à « la Foi », puisqu’elles sont toutes deux opposées à « la Loi » ; – bien que le vocabulaire soit différent, la gratuité exprimée par « hériter » et « faire-grâce » en B2 (18) se trouvait déjà au début de B1 avec « recevoir » (2c), « fournir » et « opérer » (5ab), d’autant plus que ce dernier verbe renvoie à « œuvres » (5c) : les « puissances » sont œuvres de Dieu et pas œuvres accomplies par les hommes en obéissance à la Loi. Les seconds passages (3,6-9 et 19-21b) – alors que le passage central de B1 parle seulement de « la Foi », celui de B2 ne parle que de « la Loi » ; – à « Abraham » (nommé quatre fois : 6a.7c.8b.9c) correspond « un médiateur » (nommé trois fois : 19e.20a bis) dont le nom propre n’est pas prononcé mais que le lecteur ne peut guère manquer d’identifier à Moïse ; – le nom de « Dieu » revient deux fois dans chaque passage (6a.8a ; 20b.21b) ; – on peut aussi noter que « prédit » de 8b est de même racine que le verbe traduit par « il a été promis » en 19d ; Les troisièmes passages (3,10-14 et 21c-25) – chaque passage contient deux occurrences du nom du Seigneur : « le Christ » (13a ; 24b), « le Christ Jésus » (14c) et « Jésus Christ » (22d) ; – chaque passage contient deux occurrences de mots de la famille de « justice » (11 bis ; 21e.24c) ; ces mots ne se retrouvent pas ailleurs dans la sous-section ; – « la Loi » (10b.10d.11a.12a.13b ; 21c.21e.23b.24a) est opposée à « la Foi » (11c.12b.14e ; 22d.22e.23a.23b.24c.25a) ;

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C’est la Croix du Christ qui nous justifie B1 (3,1-14)

B2 (3,15-25)

1 GALATES INSENSÉS, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels JÉSUS CHRIST a été décrit crucifié ? 2 C’est ceci seulement que je veux apprendre de vous : est-ce par les œuvres de la LOI que vous avez reçu l’Esprit ou est-ce par l’écoute de la FOI ?

15 FRÈRES, je parle au plan humain : même un testament établi par un homme en bonne et due forme, personne n’y retranche ou y rajoute. 16 Or c’est à Abraham qu’ont été faites les PROMESSES et à sa descendance. Il n’est pas dit « et aux descendances », comme pour plusieurs, mais comme pour un seul « et à ta descendance », laquelle est LE CHRIST.

3 Êtes-vous si insensés, qu’après avoir commencé avec l’Esprit maintenant vous finissiez avec la chair ? 4 Avez-vous éprouvé tant de choses en vain ? Et ce serait vraiment en vain ! 5 Donc Celui qui vous fournit l’Esprit et qui opère des puissances parmi vous est-ce par les œuvres de la LOI ou est-ce par l’écoute de la FOI ?

17 Eh bien, voici ce que je dis : un testament déjà établi par Dieu en bonne et due forme, la LOI qui est advenue quatre cent trente ans après ne l’abroge pas, de manière à annuler la PROMESSE. 18 Si en effet c’est en vertu de la LOI que l’on hérite, ce n’est plus en vertu de la PROMESSE ; or c’est par la PROMESSE que Dieu a fait-grâce à Abraham.

6 Comme Abraham « CRUT en Dieu et cela lui fut compté comme justice », 7 comprenez donc que ce sont les gens de FOI qui sont fils d’Abraham..

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Et L’ÉCRITURE prévoyant que, par la FOI, Dieu justifierait les nations, pré-ANNONÇA à Abraham que « seront bénies en toi toutes les nations », 9 de sorte que les gens de FOI seront bénis avec le CROYANT Abraham.. 8

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En effet tous ceux qui sont des œuvres de la

LOI sont sous la malédiction, car IL EST ÉCRIT que

« Maudit quiconque ne s’attache pas à toutes LES CHOSES ÉCRITES dans le livre de la LOI pour les faire ! » 11 Et que par la LOI personne ne soit justifié devant Dieu, c’est clair, car « Le juste par la FOI vivra » ; 12 et la LOI ne dépend pas de la FOI, mais « Celui qui les aura faites vivra par elles ». 13 LE CHRIST nous a rachetés de la malédiction de la LOI, étant devenu pour nous malédiction, car IL EST ÉCRIT : « Maudit quiconque est suspendu au bois ! » 14 afin que pour les nations la bénédiction d’Abraham advienne dans LE CHRIST JÉSUS, * afin que la PROMESSE de l’Esprit nous la recevions par la FOI.

Qu’en est-il donc de la LOI ?

Elle fut ajoutée en vue des transgressions jusqu’à la venue de la descendance à qui IL A ÉTÉ PROMIS, ayant été promulguée par des anges par la main d’un médiateur ; 20 or ce médiateur n’est pas médiateur d’un seul, et Dieu est seul. La LOI est donc contre les PROMESSES [de Dieu] ? Certainement pas !

21

Si en effet une LOI avait été donnée qui ait le pouvoir de faire-vivre, ce serait effectivement par la LOI que serait la justice. 22 Mais L’ÉCRITURE a tout enfermé sous le péché, * afin que la PROMESSE, par la FOI en JÉSUS CHRIST, fut donnée à ceux qui CROIENT.

23

Avant la venue de la FOI, nous étions enfermés sous la garde de la LOI, jusqu’à la FOI qui devait être révélée, 24 de sorte que la LOI est devenue notre pédagogue jusqu’au CHRIST, afin que par la FOI nous soyons justifiés. 25 Mais la FOI venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue.

– « faire-vivre » de 21d rappelle les deux occurrences de « vivre » en 11-12 ; – la seconde partie en B1 et la première partie en B2 s’achèvent avec des finales fort semblables (14de ; 22cde) qui regardent « la promesse » (« recevoir » et « donner » sont corrélatifs) ;

La section B : Ga 3,1–5,1

153

– « l’Écriture » en 22 rappelle les trois mots de même racine dans le passage parallèle (10b.d.13c ; le mot apparaissait déjà dans le passage central de B1 : 8a). – Les secondes parties des derniers passages (13-14 ; 23-25) sont les seuls endroits de la sous-section qui sont en « nous » ; ces pronoms de première personne du pluriel jouent donc le rôle de termes finaux pour les deux séquences. Toutefois, le problème est de savoir si ce « nous » désigne les mêmes personnes. Il semble qu’à la fin de B2 le « nous » comprend Paul et les autres juifs, ceux qui, un temps, « étaient enfermés sous la garde de la Loi » (23) ; en revanche le « nous » sur lequel débouche B1 paraît englober avec Paul non seulement les juifs mais aussi toutes les nations. Les mots de la racine de « promesse » reviennent sept fois en B2 (16.17.18 bis.19.21.22), préparés par l’unique occurrence du mot à la fin de B1 : « la promesse de l’Esprit » (14d). Les verbes qui indiquent le don reviennent dans les passages extrêmes : « fournir » et « opérer » à la fin du premier passage de B1 (5), « hériter » et « faire-grâce » à la fin du premier passage de B2 (18), « recevoir » à la fin du dernier passage de B1 (14) et « donner » à la fin de la première partie du dernier passage de B2 (22). Ce qui est donné, c’est « l’Esprit » en B1 (2), « la promesse » en B2 (22), « la promesse de l’Esprit » à la fin de B1 (14). Alors que la séquence B1 traite du cas des païens (« les nations » en 8b.8c. 14a), mis en relation directement avec Abraham (dans le passage central), la séquence B2 s’occupe de celui des juifs, en rapport avec Abraham, certes (son nom revient deux fois dans le premier passage), mais aussi avec la Loi. INTERPRÉTATION Frères insensés Les Galates, que Paul traite d’« insensés », et par deux fois, ne sont pas pour lui des étrangers, comme le sont les goyim pour les juifs. Ce sont des « frères » (15). S’il est bien difficile de considérer le premier passage de la sous-section comme une captatio benevolentiae, on ne peut guère nier que les qualificatifs que Paul applique à ses destinataires ont pour fonction d’attirer leur attention, et même de les piquer, non pas pour les blesser mais pour les aiguillonner. Ce qui peut paraître comme une insulte, d’autant plus grave qu’elle est redoublée (1a. 3a) est en réalité un appel à la sagesse, une invitation à réfléchir. Le fondement de leur expérience Pour engager une section que l’on appelle « doctrinale », Paul n’a pas recours à des affirmations de type dogmatique. Il s’appuie sur l’histoire, non pas d’abord sur l’histoire d’Israël, l’histoire du salut, mais sur celle de ses destinataires. Tout a commencé pour eux quand ils ont reçu l’Esprit, sans que la Loi n’y ait été pour quoi que ce soit. Et, s’ils ont reçu l’Esprit par qui Dieu, dans le présent, « opère des merveilles parmi eux », c’est parce que c’est Jésus Christ crucifié qui leur a

154

C’est la Croix du Christ qui nous justifie

été annoncé, auquel ils ont accordé leur foi. C’est la croix du Christ qui est plantée à l’entrée de cette première sous-section et qui ainsi domine tout le discours de Paul, toute son argumentation. Christ, dont les mains et les pieds sont cloués au bois, est l’icône de la grâce, à savoir tout le contraire des œuvres puisqu’il se trouve réduit à la plus radicale impuissance. Ainsi, l’apôtre commence par renvoyer ses destinataires à leur propre expérience, à leur propre histoire en ses commencements, et à son caractère fondateur. Avant de recourir à quelque démonstration, à quelque preuve scripturaire que ce soit, il invite les Galates à réfléchir sur ce qu’ils ont expérimenté de la grâce de l’Esprit, au commencement, à ce qui représente donc le socle inébranlable sur lequel repose leur foi et leur espérance. Abraham au fondement de la foi de tous Ayant renvoyé les Galates à leur propre expérience de la foi, Paul en vient à celui qui est au fondement de la foi non seulement d’Israël mais aussi de toutes les nations. C’est sur la figure du patriarche que la première séquence est focalisée, et c’est lui qui, après le Christ, est le personnage le plus marquant de toute la sous-section1. Le père des croyants est mis en parallèle, et en opposition, avec un autre personnage clé de l’histoire du salut, mais dont le nom n’est jamais mentionné : en vis-à-vis d’Abraham (6-9), le lecteur reconnaît au centre de la seconde séquence, Moïse, le « médiateur » par qui est venue la Loi (19-21). De l’histoire d’Abraham Paul ne retient que ce qui met en valeur sa foi seule, sans que soit mentionnée son obéissance aux ordres de Dieu. Fort âgé et atteint par la stérilité de son épouse, il crut néanmoins en Dieu (Gn 15,6) qui lui promettait une descendance (Ga 3,6) ; déjà bien longtemps auparavant, dès le début de son appel, il avait cru à la bénédiction qui lui était promise, pour lui et pour « tous les clans de la terre » (Gn 12,3). La première séquence revient en finale sur la « bénédiction d’Abraham » advenue « pour les nations » (14), par laquelle les descendants d’Abraham selon la chair reçoivent eux aussi, par la foi, la promesse de l’Esprit (14). Toute la seconde séquence explicitera le rapport entre la foi d’Abraham et les œuvres la Loi que le dernier passage de la première séquence avait exposé sous l’aspect tranché de l’opposition entre malédiction et bénédiction. La grâce de la filiation La seconde séquence insiste tout au long sur une réalité qu’elle mentionne sept fois, le chiffre de la perfection, qu’elle met non seulement au singulier (17.18 bis.22), mais aussi au pluriel (16.21), et même sous forme verbale (19) : « la promesse » ou « les promesses ». Il semble toutefois, tout au moins à première vue, que leur objet n’est pas nommé. Qu’est-ce donc qui a été promis à Abraham ? Les deux citations alléguées au centre de la première séquence sont 1 Le nom d’Abraham revient même plus souvent que celui du Christ : sept fois (6.7.8.9.14 ; 16.18), soit une fois de plus que le nom du Christ (1.13.14 ; 16.22.24).

La section B : Ga 3,1–5,1

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tirées de récits où c’est une descendance qui est promise au patriarche (Gn 15,16 ; 12,1-3). L’arrivée d’un enfant — tous les parents le savent — est emblématique du don absolu. Ce le fut à un degré extrême pour Abraham, étant donné son âge et la stérilité de sa femme, comme ce devait l’être aussi du reste pour son fils puis pour son petit-fils. La filiation représente aussi tous les autres dons, tout ce dont on « hérite », c’est-à-dire sans mérite, sans avoir rien eu à faire, sans « œuvres » qu’on aurait dû accomplir. C’est ce sur quoi insiste la fin du premier passage de la seconde séquence à propos d’Abraham (18), comme cela avait été déjà expérimenté par les Galates dans le premier passage de la première séquence. Au patriarche, qui se morfondait de devoir partir sans enfant, il a été désormais « fait-grâce » d’une descendance qui aboutit à celui qui, en quelque sorte, représente à lui seul la promesse, « le Christ ». Mais la semence d’Abraham s’étend aussi à toutes les nations, qui sont devenus par la foi ses « fils » (7). La justification par la foi de Jésus Christ Deux fois, en position parallèle, le don de la justice est dénié à la Loi : « Et que par la Loi personne n’est justifié devant Dieu, c’est clair, car “le juste par la foi vivra” » (11) — « Si une loi avait été donnée qui ait le pouvoir de faire vivre, ce serait par la Loi que serait la justice » (21c). Chaque fois, il est bien précisé que ce n’est pas elle qui fait « vivre ». Seule la foi peut procurer justice et vie. On sait les discussions qu’a suscitées l’expression pistis Iēsou Christou (22), littéralement « la foi de Jésus Christ », que l’on peut comprendre comme la foi dont le Christ est l’objet — la foi en lui — ou dont il est le sujet — la foi qu’il a eue en Dieu. Il n’est pas impossible que l’ambiguïté soit voulue, laissant place à l’interprétation. Si le sens subjectif était retenu, la mort de Jésus en croix serait à considérer non pas tant comme une « œuvre » accomplie pour notre « rachat », mais avant tout comme le témoignage le plus éclatant de son abandon, de sa confiance radicale en celui qui pouvait le sauver de la mort (He 5,7), en un mot de sa « foi ». Ainsi, ce serait la foi en celui dont la foi pure nous a rachetés de la malédiction de la Loi, qui nous ferait reconnaître en Dieu seul la source de la justice et de la vie.

156

C’est la Croix du Christ qui nous justifie

B. LA DERNIÈRE SOUS-SECTION (SÉQUENCES B4 ET B5) B4 (4,1-20)

B5 (4,21–5,1)

OR JE DIS : aussi longtemps que L’HÉRITIER est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, étant cependant maître de tout, 2 mais il est sous des tuteurs et des administrateurs jusqu’au terme préétabli par son PÈRE. 3 De même nous aussi quand nous étions enfants, sous les éléments du monde nous étions-esclaves ; 4 mais quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé SON FILS advenu d’une femme, advenu sous LA LOI, 5 afin de racheter ceux sous LA LOI, afin que nous recevions l’adoption-filiale. 6 Et que vous soyez fils, (preuve en est) que Dieu a envoyé l’Esprit de SON FILS dans nos cœurs qui crie : « Abba, PÈRE », 7 si bien que tu n’es plus esclave mais fils, et si tu es fils, tu es aussi HÉRITIER de par Dieu. 8 Mais alors, quand vous ne connaissiez pas Dieu vous étiez-esclaves de dieux qui de nature ne le sont pas. 9 Maintenant au contraire que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus par Dieu, comment retournez-vous de nouveau à ces faibles et pauvres éléments auxquels encore de nouveau vous voulez vous asservir ? 10 Vous observez jours, mois, saisons et années ! 11 Je crains d’avoir peiné en vain pour vous.

DITES-MOI, vous qui voulez être sous LA LOI, n’entendez-vous pas LA LOI ?

1

21

Il est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante et l’autre de la libre. 23 Mais celui de la servante selon la chair a été engendré, et celui de la libre en raison de la promesse. 22

24 Cela est allégorique : celles-ci en effet sont deux alliances. L’une (vient) du mont Sinaï engendrant pour l’esclavage laquelle est Agar — 25 certes le mont Sinaï est en Arabie, mais il correspond à la Jérusalem de maintenant : en effet elle est esclave avec ses enfants — 26 la Jérusalem d’en haut est libre laquelle est notre MÈRE. 27 Il est écrit en effet : « Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantais pas, exulte et crie, toi qui N’A PAS EU LES DOULEURS, car nombreux sont les enfants de la délaissée plus que ceux de celle qui a un mari. »

12 Devenez comme moi, car moi aussi (suis devenu) comme vous, FRÈRES, je vous en supplie. 13 En rien vous ne m’avez fait du tort : vous savez que c’est à cause d’une faiblesse de la chair que je vous ai évangélisés la première fois. 14 Or l’épreuve qui pour vous consistait dans ma chair vous ne l’avez pas repoussée ni expulsée, mais comme un ange de Dieu vous m’avez accueilli, comme le CHRIST Jésus. 15 Où est donc votre béatitude ? Je vous rends ce témoignage que, s’il eût été possible, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. 16 Suis-je donc devenu votre ennemi, parce que je vous dis la vérité ? 17 Ils vous courtisent, non pour le bien mais ils veulent vous séparer pour que vous les courtisiez. 18 Il est bon d’être courtisés, pour le bien et pour toujours et pas seulement quand je suis auprès de vous. 19 Mes enfants, qu’à nouveau J’ENFANTE DANS LA DOULEUR jusqu’à ce que le CHRIST soit formé en vous. 20 Je voudrais être auprès de vous maintenant et changer ma voix. Car je ne sais plus que faire avec vous.

Quant à vous, FRÈRES, c’est selon la promesse d’Isaac que vous êtes enfants. 29 Mais de même qu’alors celui qui selon la chair a été engendré persécutait celui qui l’a été selon l’Esprit, ainsi en est-il encore maintenant. 28

30 Mais que dit l’Écriture ? « Chasse la servante ainsi que son fils car il N’HÉRITERA pas le fils de la servante avec le fils » de la libre.

31 C’est pourquoi, FRÈRES, nous ne sommes pas enfants de la servante mais de la libre. 5,1 C’est pour la liberté que le CHRIST nous a libérés ! Tenez donc ferme et ne soyez pas soumis de nouveau à un joug d’esclavage.

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COMPOSITION Les premiers passages (4,1-11 et 21-26) – Les deux passages commencent avec le verbe « dire » : « Or je dis » (4,1a), « Dites-moi » (4,21a) qui jouent donc le rôle de termes initiaux ; – « la Loi » revient deux fois dans chaque passage (4,4c.5b et 4,21a.21b) et pas ailleurs dans la sous-section ; – la partie centrale du premier passage de B4 est centrée sur « Père » (4,6c) et le premier passage de B5 s’achève sur « mère » (4,26c) ; – les deux occurrences de « vous voulez » (4,9e et 21a) sont suivies de compléments semblables. Les derniers passages (4,12-20 et 4,28–5,1) – Les deux occurrences de l’apostrophe « frères » en 4,12b et 4,28a jouent le rôle de termes initiaux ; les apostrophes « (mes) enfants » (4,19a) et « frères » (4,31a) peuvent être dites remplir la fonction de termes finaux ; les deux premiers passages ne comportent aucune apostrophe ; – le nom du « Christ » est utilisé en 4,14e.19b et en 5,1b ; il ne se trouve pas dans les premiers passages. Autres rapports – « fils » (hyios) et « enfant » (teknon) reviennent tout au long de la sous-section. « Fils » est utilisé pour désigner le Fils de Dieu en 4,4b et 6b, pour qualifier ceux qui ont reçu « l’adoption-filiale » grâce à Jésus (4,6a.7 bis), pour désigner les deux enfants d’Abraham (4,22b.30b.30c.30d). Le synonyme « enfant » est utilisé pour désigner les disciples de Paul (4,19b), les fils d’Abraham (4,25d.28b.31b) et aussi ceux de « la délaissée » (4,27c ; à quoi il faut ajouter le verbe « n’enfantais pas » de 4,27b). « Héritier » qui revient au début et au centre du premier passage (4,1a.7c) est repris, sous forme verbale, au centre du dernier passage (30c) ; – le premier passage de B4 oppose le fils à l’« esclave » (4,1b ; repris sous forme verbale en 3c.8b.9e), tandis que B5 oppose l’enfant de la « servante » (4,22b. 23a.25c.30bc.31b ; 5,1d) à celui de la « libre » (4,23b.30d.31b) ; de même, « esclavage » (4,24c) s’oppose à « liberté » (5,1b ; et « libérer » en 5,1b) ; cette opposition est analogue à celle qui oppose « la chair » (4,23a) et « la promesse » (4,23c ; de nouveau en 28a) et à celle qui oppose « la chair » (4,29b) et « l’Esprit » (4,29c) ; « la chair » est reprise en B4 (4,13b.14b) opposée à « ange de Dieu » et « Christ Jésus » (4,14de) ; « l’Esprit » en 4,6b est opposé aux « éléments du monde » (3bc), « ces faibles et pauvres éléments » (9d) ; – le même verbe ōdinō revient dans les deux séquences (traduit par « enfanter dans la douleur » en 4,19b et par « qui n’a pas eu les douleurs » en 4,27bc). – « de nouveau » revient à la fin des passages extrêmes (4,9c.9e ; 5cd), toujours lié à l’asservissement ;

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– le verbe « vouloir » se retrouve non seulement dans les deux premiers passages mais aussi dans le dernier passage de B4 (17b.20a). INTERPRÉTATION Rachat et liberté Les mots « libre » et « liberté » abondent dans la seconde séquence. Même s’ils n’apparaissent pas une seule fois dans la première séquence, il ne s’agit pourtant pas d’autre chose, tout au long de son premier passage. De même que l’enfant, bien qu’il soit héritier, est traité comme un esclave tant qu’il n’a pas atteint sa majorité, ainsi avant la venue du Fils de Dieu les juifs étaient soumis à la Loi, ainsi les païens étaient esclaves de leurs idoles. C’est le Fils de Dieu qui les « a rachetés » (4,5), qui les « a libérés » (5,1). Or, il est des esclaves qui aiment leurs chaînes, qui préfèrent retourner à la servitude (4,9), qui veulent retrouver le joug auquel ils étaient soumis (5,1). Alors que Paul avait annoncé la libération aux païens de Galatie, il en est qui « veulent » les en séparer et qui, pour cela, les « courtisent » pour se les attacher, ou plutôt pour les attacher, les soumettre de nouveau aux observances de la Loi. Ils sont en somme comme le fils de la servante, engendré selon la chair, qui persécute ceux qui sont enfants selon la promesse d’Isaac (28-29). Voulant être sous la Loi, ils se soumettent en réalité à la volonté de leurs nouveaux maîtres, dont ils se font les esclaves. Leur volonté est aliénée. Filiation et héritage Si le thème de la liberté est important, celui de la filiation l’est davantage encore. Ce n’est certainement pas un hasard si le premier substantif de la soussection est « héritier » (4,1a), qui se retrouvera, sous forme verbale, presque à la fin (30c). D’ailleurs, il est question de filiation dans chacun des cinq passages, ce qui n’est pas le cas de la liberté qui n’apparaît pas dans le passage central de la seconde séquence et pas directement non plus dans le second passage de la première séquence. Les deux thèmes en réalité sont corrélés, puisque seul le fils est libre et que l’esclave, n’étant pas fils, ne reçoit pas l’héritage. Le premier passage de la première séquence est focalisé sur la personne du « Père », invoqué dans la prière de ses enfants sous le nom tout à fait spécifique de « Abba » (6c). L’héritage dont il est question là semble être « l’Esprit de son Fils » (6b), celui justement qui permet de s’adresser à Dieu comme son Père et notre Père. Quant à la seconde séquence, elle traite, de manière pour ainsi dire complémentaire, de deux mères et de leurs deux fils : l’une est libre et engendre selon la promesse, l’autre engendre au contraire pour l’esclavage. Au centre de la séquence, la libre, qui était prisonnière de sa stérilité, se voit libérée et reçoit la grâce d’une descendance nombreuse. Au nombre de ses enfants, ceux qui sont fils d’Abraham non selon la chair mais selon l’Esprit, ceux qui ont été engendrés non pas des œuvres de la chair, comme le fils de l’esclave, mais qui ont été

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engendrés selon la promesse de Dieu, selon son Esprit, qui sont donc des fils donnés par Dieu, de véritables fils de Dieu. Parmi eux, bien sûr, ceux auxquels s’adresse Paul comme à ses « enfants », des païens qu’il a engendrés à la foi et qu’il engendre à nouveau, jusqu’à ce que le Christ soit formé en eux (4,19). Mais, le mouvement de la filiation n’est pas à sens unique ; entre l’apôtre et ses disciples, la filiation est réciproque, ces derniers ayant traité Paul comme une mère, prête à donner à son enfant ce qu’elle a de plus précieux, la pupille de ses yeux. C’est du reste cet amour filial auquel Paul fait appel quand il leur dit qu’« il est bon d’être courtisés (ou cajolés), pour le bien et pour toujours » (4,18). Ce sont ces nouveaux enfants que l’apôtre a engendrés au Christ qui vont à leur tour engendrer le Christ (4,19), la filiation ne s’accomplissant que dans la paternité et la maternité. Ce faisant, ils seront des vrais disciples selon la parole même de Jésus : « Qui est ma mère et qui sont mes frères ? » 49 Et tendant sa main vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. 50 Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère » (Mt 12,48-50).

La fraternité On pourrait penser, à première vue, que les apostrophes, « frères », au début des derniers passages de chaque séquence (4,12b ; 4,28a), ainsi qu’en finale de la sous-section (4,31), sont de simples marques de composition. Étant donné le contexte et la situation, ces qualificatifs prennent toute leur valeur. Ceux qui troublent les Galates entendent que ces païens deviennent leurs frères, certes, mais, selon eux, ils ne pourront le devenir s que s’ils se font circoncire et observent toutes les prescriptions de la Loi. Donc, pour l’instant, ils ne le sont pas. Pour Paul au contraire, les Galates sont d’ores et déjà ses frères, à plein titre. En effet, ce n’est pas par la Loi que les païens entrent dans la filiation d’Abraham et dans la filiation divine, mais par la foi en Jésus Christ : c’est lui seul qui a racheté ceux qui étaient sous la Loi (4,5), « c’est pour la liberté que le Christ nous a libéré » (5,1), juifs et païens ensemble, faisant de tous des fils de la même mère, la Jérusalem d’en haut (4,26), du même Père des cieux.

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C. L’ENSEMBLE DE LA SECTION COMPOSITION Rapports entre les sous-sections extrêmes (B1-B2 et B4-B5) Entre les séquences B1 et B5 Par trois fois, chaque séquence fait explicitement recours à l’Écriture (B1 : 3,8a.10bc.13c ; B5 : 4,22a.27a.30a), ce qui ne se retrouve pas ailleurs dans la section. En B1, « la chair » s’oppose à « l’Esprit » (3,3bc) ; de même en B5 (4,29b ; en 4,23 « la chair » est opposée à « la promesse »). Les syntagmes « le Christ nous a rachetés », à la fin de B1 (3,13a), et « le Christ nous a libérés » à la fin de B5 (5,1bc) jouent le rôle de termes finaux pour ces deux passages. Entre les séquences B2 et B4 B2 s’achève avec l’image du « pédagogue » (3,24-25) et B4 commence avec celle des « tuteurs et administrateurs » (4,2), images qui remplissent la fonction de termes médians à distance. D’une sous-section à l’autre Les deux versants de la section se distinguent nettement l’un de l’autre. La première sous-section est marquée par l’opposition entre « la Loi » (3,2.5.10a. 10b.11.12.13 ; 3,17.18.19.21 ter.23.24) et « la Foi » (et « croire » : 3,2.5.6.7. 8.9 bis.11.12.14). Quant à la dernière sous-section, si « la Loi » revient deux fois — mais deux fois seulement — au début de chacune de ses deux séquences (4,4.5 ; 4,21 bis), ni « foi » ni « croire » n’y sont jamais utilisés. En revanche, dans la séquence B4, « la Loi », mise en équivalence avec l’esclavage (4,1.3.7.8.9), s’oppose à la filiation (« héritier », « adoption-filiale », « fils », « enfants » : 4,1.5.6.7 ter.19, sans compter les expressions de l’engendrement réciproque du second passage en 4,12-20). Dans la séquence B5, « la Loi » est de nouveau mise en équivalence avec l’esclavage (4,22.2324.25.30 bis.31 ; 5,1) et elle est opposée directement à la « liberté » (5,1), cependant toujours dans la dimension de la filiation d’Abraham selon l’Esprit, c’est-à-dire en définitive de la filiation divine. On notera que la préposition hypo, traduite par « sous », indiquant donc la soumission, se retrouve dans chacune des quatre séquences : « sous la malédiction » (3,10), « sous le péché » (3,22), « sous la garde de la Loi » (3,23), « sous un pédagogue » (3,25) ; « sous des tuteurs et administrateurs » (4,2), « sous les éléments du monde » (4,3), « sous la Loi » (4,4.5 ; 4,21).

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3,1 Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? 2 C’est ceci seulement que je veux apprendre de vous : est-ce par les œuvres de la Loi que vous avez reçu l’Esprit ou est-ce par l’écoute de la Foi ? 3 Êtes-vous si insensés, qu’après avoir commencé avec l’Esprit maintenant vous finissiez avec la chair ? 4 Avez-vous éprouvé tant de choses en vain ? Et ce serait vraiment en vain ! 5 Donc Celui qui vous fournit l’Esprit et qui opère des puissances parmi vous, est-ce par les œuvres de la Loi ou est-ce par l’écoute de la Foi ? 6 Comme Abraham « crut en Dieu et cela lui fut compté comme justice », 7 comprenez donc que ce sont les gens de Foi qui sont fils d’Abraham. 8 Et l’Écriture prévoyant que par la Foi Dieu justifierait les nations, prédit à Abraham que « seront bénies en toi toutes les nations », 9 de sorte que les gens de Foi seront bénis avec le croyant Abraham. 10 En effet tous ceux qui sont des œuvres de la Loi sont sous la malédiction, car il est écrit que « Maudit quiconque ne s’attache pas à toutes les prescriptions du livre de la Loi pour les faire ! » 11 Et que par la Loi personne ne soit justifié devant Dieu, c’est clair, car « Le juste par la Foi vivra » ; 12 et la Loi ne dépend pas de la Foi, mais « Celui qui les aura faites vivra par elles ». 13 LE CHRIST NOUS A RACHETÉS de la malédiction de la Loi, étant devenu pour nous malédiction, parce qu’il est écrit : « Maudit quiconque est suspendu au bois ! » 14 afin que pour les nations la bénédiction d’Abraham advienne dans le Christ Jésus, afin que la promesse de l’Esprit nous la recevions par la Foi. Frères, je parle au plan humain : une DISPOSITION établie en bonne et due forme par un homme, personne n’y retranche ou y rajoute. 16 Or c’est à Abraham qu’ont été faites les promesses et à sa descendance. Il n’est pas dit : « et aux descendances », comme pour plusieurs, mais comme pour un seul : « et à ta descendance », laquelle est le Christ. 17 Eh bien, voici ce que je dis : une DISPOSITION déjà établie par Dieu en bonne et due forme, la Loi qui est advenue quatre cent trente ans après ne l’abroge pas de manière à annuler la promesse. 18 Si en effet c’est en vertu de la Loi que l’on hérite, ce n’est plus en vertu de la promesse ; or c’est par la promesse que Dieu a fait grâce à Abraham. 19 Qu’en est-il donc de la Loi ? Elle fut ajoutée en vue des transgressions jusqu’à la venue de la descendance à qui était destinée la promesse ; elle a été promulguée par des anges par la main d’un médiateur. 20 Or ce médiateur n’est pas médiateur d’un-seul, et Dieu est un-seul. 21 La Loi est donc contre les promesses de Dieu ? Certainement pas ! Si en effet une Loi avait été donnée qui ait le pouvoir de faire vivre, ce serait effectivement par la Loi que serait la justice. 22 Mais l’Écriture a tout enfermé sous le péché, afin que la promesse, par la Foi en Jésus Christ, fut donnée à ceux qui croient. 23 Avant la venue de la Foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, jusqu’à la Foi qui devait être révélée, 24 de sorte que la Loi est devenue notre pédagogue jusqu’au Christ, afin que par la Foi nous soyons justifiés. 25 Mais la Foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. 15

[...] 4,1 Or je dis : aussi longtemps que l’héritier est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, étant cependant maître de tout, 2 mais il est sous des tuteurs et des administrateurs jusqu’au terme préétabli par son père. 3 De même nous aussi quand nous étions enfants, sous les éléments du monde nous étions esclaves ; 4 mais quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils né d’une femme, né sous la Loi, 5 afin de racheter ceux sous la Loi afin que nous recevions l’adoption filiale. 6 Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs qui crie : « Abba, Père », 7 de sorte que tu n’es plus esclave mais fils, et si tu es fils, tu es aussi héritier de par Dieu. 8 Mais alors, quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous étiez esclaves de dieux qui de nature ne le sont pas. 9 Maintenant au contraire que vous connaissez Dieu ou plutôt que vous êtes connus par Dieu, comment retournez-vous de nouveau à ces faibles et pauvres éléments auxquels encore de nouveau vous voulez vous asservir ? 10 Vous observez jours, mois, saisons et années ! 11 Je crains de m’être fatigué en vain pour vous. 12 Devenez comme moi, car moi aussi je suis devenu comme vous, frères, je vous en supplie. 13 En rien vous ne m’avez fait du tort : vous savez que c’est à cause d’une faiblesse de la chair que je vous ai évangélisés la première fois. 14 Or l’épreuve qui pour vous consistait dans ma chair vous ne l’avez pas repoussée ni ne l’avez rejetée, mais comme un ange de Dieu vous m’avez accueilli, comme le Christ Jésus. 15 Où est donc votre béatitude ? Je vous rends ce témoignage que, s’il eût été possible, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. 16 Suis-je donc devenu votre ennemi, parce que je vous dis la vérité ? 17 Ils vous courtisent, non pour le bien mais ils veulent vous séparer afin que vous les courtisiez. 18 Il est bon d’être courtisés, pour le bien et pour toujours et pas seulement quand je suis auprès de vous. 19 Mes enfants, qu’à nouveau j’enfante dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. 20 Je voudrais être auprès de vous maintenant et changer ma voix ; car je ne sais plus que faire avec vous. Dites-moi, vous qui voulez être sous la Loi, n’entendez-vous pas la Loi ? 22 Il est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante et l’autre de la libre. 23 Mais celui de la servante selon la chair a été engendré, et celui de la libre en raison de la promesse. 24 Cela est allégorique : celles-ci en effet sont deux DISPOSITIONS : l’une vient du mont Sinaï engendrant pour l’esclavage laquelle est Agar. 25 Certes le mont Sinaï est en Arabie, mais il correspond à la Jérusalem de maintenant : en effet elle est esclave avec ses enfants. 26 La Jérusalem d’en haut est libre laquelle est notre mère. 27 Il est écrit en effet : « Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantais pas, exulte et crie, toi qui n’a pas eu les douleurs car nombreux sont les enfants de la délaissée plus que ceux de celle qui a un mari. » 28 Quant à vous, frères, c’est selon la promesse d’Isaac que vous êtes enfants. 29 Mais de même qu’alors celui qui selon la chair a été engendré persécutait celui qui l’a été selon l’Esprit, ainsi en est-il encore maintenant. 30 Mais que dit l’Écriture ? « Chasse la servante ainsi que son fils car il n’héritera pas le fils de la servante avec le fils » de la libre. 31 C’est pourquoi, frères, nous ne sommes pas enfants de la servante mais de la libre. 5,1 C’est pour la liberté que LE CHRIST NOUS A LIBÉRÉS ! Tenez donc ferme et ne soyez pas soumis de nouveau à un joug d’esclavage. 21

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C’est la Croix du Christ qui nous justifie

Rapports entre la séquence centrale et le reste de la section La courte séquence centrale est le seul endroit de la Lettre – où Paul qualifie ses destinataires comme « fils de Dieu » (3,26)2 ; – où il soit question du baptême (27a) et où soit employée l’expression « revêtir le Christ » (27b) ; – où co-occurrent les deux substantifs « juif » et « grec » (28a)3 ; – où se retrouve la distinction entre « mâle » et « femelle » (28c). En outre, l’accumulation des trois distinctions est caractéristique de cette séquence : il faut aussi rappeler qu’elle se trouve placée, comme en reliure, au centre de cette séquence centrale, donc au centre de la section. – C’est le seul endroit où se trouve une telle concentration du nom du « Christ » (cinq fois en 4 versets : 26b.27a.27b.28e.29a). La séquence B1 n’en compte que trois : un au début (3,1) et deux à la fin (3,13.14) ; la séquence B2 en compte également trois : un au début (3,16) et deux à la fin (3,22.24). Le nom du Christ ne revient que deux fois en B4 (4,14.19) et une seule fois en B5 (5,1). – Enfin, c’est le seul endroit de la Lettre où Paul utilise le pronom « tous » (pantes : 26.28) pour s’adresser à ses destinataires. Ces derniers sont ensuite appelés : « vous-tous-qui [hosoi] dans le Christ avez été baptisés » (27a). Étant donné en outre que la séquence est focalisée sur la triple distinction « juif »/ « grec », « esclave »/« libre », « mâle »/« femelle », on peut penser que ce ne sont pas seulement les Galates pagano-chrétiens auquel Paul s’adresse ici, mais aussi ses adversaires judéo-chrétiens qui se trouvent dans les Églises de Galatie. « Fils de Dieu » au tout début du passage central annonce la dernière soussection où il sera question tout au long de la filiation divine des disciples de Jésus. De manière symétrique, « la descendance d’Abraham » renvoie à la première sous-section : « fils d’Abraham » se trouvait déjà au cœur de la séquence B1 (3,7) tandis que « la promesse », déjà nommée à la fin de B1 (3,14), était le mot-clé de la séquence B2. Se vérifie ainsi la loi du croisement au centre4. Le passage central joue donc bien le rôle de charnière qui articule l’ensemble de la section. En outre, l’opposition centrale « esclave » – « libre » se répercute tout au long : « esclave » revient en 4,1.37.8.9.24.25 ; 5,1, relayé par « servante » en 22.23. 30.31 ; « libre » revient en B5 (4,22.23.26.30.31 ; 5,1), à quoi il faut rajouter « maître de tout » (4,1). « Racheter » de 3,13 est un synonyme de « libérer ». « Enfermés sous la garde de la Loi » (3,23) s’oppose à « nous ne sommes plus sous un pédagogue » (25). 2

Jusqu’ici, ce titre était réservé à Jésus. Ainsi dans le premier passage de la séquence A2 : « Mais quand il plut à Celui qui [...] m’a appelé par sa grâce de révéler en moi son Fils... » (1,1516) ; dans la dernière partie de la séquence A3 : « je vis dans la foi au Fils de Dieu » (2,20). 3 « Grec » n’est pas utilisé ailleurs dans la section ; quant à « juif » au singulier, il n’est pas utilisé ailleurs non plus dans la section. « Grec » ne revient qu’une seule autre fois dans la Lettre (au début de la séquence A2 pour qualifier Tite : 2,3) ; « juif » n’est utilisé, pour qualifier Pierre, qu’au début du discours de Paul à Képhas (à la fin du premier passage de la séquence A5 : 2,14). 4 Voir Traité, 642 ; voir ci-dessus p. 35.119.

La section B : Ga 3,1–5,1

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3,1 Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? 2 C’est ceci seulement que je veux apprendre de vous : est-ce par les œuvres de la Loi que vous avez reçu l’Esprit ou est-ce par l’écoute de la Foi ? 3 Êtes-vous si insensés, qu’après avoir commencé avec l’Esprit maintenant vous finissiez avec la chair ? 4 Avez-vous éprouvé tant de choses en vain ? Et ce serait vraiment en vain ! 5 Donc Celui qui vous fournit l’Esprit et qui opère des puissances parmi vous est-ce par les œuvres de la Loi ou est-ce par l’écoute de la Foi ? 6 Comme Abraham « crut en Dieu et cela lui fut compté comme justice », 7 comprenez donc que ce sont les gens de Foi qui sont FILS D’ABRAHAM. 8 Et l’Écriture prévoyant que par la Foi Dieu justifierait les nations, prédit à Abraham que « seront bénies en toi toutes les nations », 9 de sorte que les gens de Foi seront bénis avec le croyant Abraham. 10 En effet tous ceux qui sont des œuvres de la Loi sont sous la malédiction, car il est écrit que « Maudit quiconque ne s’attache pas à toutes les prescriptions du livre de la Loi pour les faire ! » 11 Et que par la Loi personne ne soit justifié devant Dieu, c’est clair, car « Le juste par la Foi vivra » ; 12 et la Loi ne dépend pas de la Foi, mais « Celui qui les aura faites vivra par elles ». 13 Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi, étant devenu pour nous malédiction, parce qu’il est écrit : « Maudit quiconque est suspendu au bois ! » 14 afin que pour les nations la bénédiction d’Abraham advienne dans le Christ Jésus, afin que la PROMESSE de l’Esprit nous la recevions par la Foi. 15 Frères, je parle au plan humain : une disposition établie en bonne et due forme par un homme, personne n’y retranche ou y rajoute. 16 Or c’est à Abraham qu’ont été faites les PROMESSES et à sa descendance. Il n’est pas dit : « et aux descendances », comme pour plusieurs, mais comme pour un seul : « et à ta descendance », laquelle est le Christ. 17 Eh bien, voici ce que je dis : une disposition déjà établie par Dieu en bonne et due forme, la Loi qui est advenue quatre cent trente ans après ne l’abroge pas de manière à annuler la PROMESSE. 18 Si en effet c’est en vertu de la Loi que l’on hérite, ce n’est plus en vertu de la PROMESSE ; or c’est par la PROMESSE que Dieu a fait grâce à Abraham. 19 Qu’en est-il donc de la Loi ? Elle fut ajoutée en vue des transgressions jusqu’à la venue de la descendance à qui était destinée la PROMESSE ; elle a été promulguée par des anges par la main d’un médiateur. 20 Or ce médiateur n’est pas médiateur d’un-seul, et Dieu est un-seul. 21 La Loi est donc contre les PROMESSES de Dieu ? Certainement pas ! Si en effet une Loi avait été donnée qui ait le pouvoir de faire vivre, ce serait effectivement par la Loi que serait la justice. 22 Mais l’Écriture a tout enfermé sous le péché, afin que la PROMESSE, par la Foi en Jésus Christ, fut donnée à ceux qui croient. 23 Avant la venue de la Foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, jusqu’à la Foi qui devait être révélée, 24 de sorte que la Loi est devenue notre pédagogue jusqu’au Christ, afin que par la Foi nous soyons justifiés. 25 Mais la Foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. Tous en effet VOUS ÊTES FILS DE DIEU par la Foi dans le Christ Jésus ; 27 car vous-tous-qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. 28 Il n’y a pas de juif ni de grec, il n’y a pas d’esclave ni de libre, il n’y a pas d’homme et de femme. Tous en effet vous êtes un-seul dans le Christ Jésus ; 29 et si vous vous êtes du Christ, alors vous êtes LA DESCENDANCE D’ABRAHAM, héritiers selon la PROMESSE. 26

4,1 Or je dis : aussi longtemps que l’héritier est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, étant cependant maître de tout, 2 mais il est sous des tuteurs et des administrateurs jusqu’au terme préétabli par son père. 3 De même nous aussi quand nous étions enfants, sous les éléments du monde nous étions asservis ; 4 mais quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils né d’une femme, né sous la Loi, 5 afin de racheter ceux sous la Loi afin que nous recevions L’ADOPTION FILIALE. 6 Et parce que VOUS ÊTES DES FILS, Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs qui crie : « Abba, Père », 7 de sorte que tu n’es plus esclave mais fils, et si tu es fils, TU ES AUSSI HÉRITIER DE PAR DIEU. 8 Mais alors, quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous étiez esclaves de dieux qui de nature ne le sont pas. 9 Maintenant au contraire que vous connaissez Dieu ou plutôt que vous êtes connus par Dieu, comment retournez-vous de nouveau à ces faibles et pauvres éléments auxquels encore de nouveau vous voulez vous asservir ? 10 Vous observez jours, mois, saisons et années ! 11 Je crains de m’être fatigué en vain pour vous. 12 Devenez comme moi, car moi aussi je suis devenu comme vous, frères, je vous en supplie. 13 En rien vous ne m’avez fait du tort : vous savez que c’est à cause d’une faiblesse de la chair que je vous ai évangélisés la première fois. 14 Or l’épreuve qui pour vous consistait dans ma chair vous ne l’avez pas repoussée ni ne l’avez rejetée, mais comme un ange de Dieu vous m’avez accueilli, comme le Christ Jésus. 15 Où est donc votre béatitude ? Je vous rends ce témoignage que, s’il eût été possible, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. 16 Suis-je donc devenu votre ennemi, parce que je vous dis la vérité ? 17 Ils vous courtisent, non pour le bien mais ils veulent vous séparer afin que vous les courtisiez. 18 Il est bon d’être courtisés, pour le bien et pour toujours et pas seulement quand je suis auprès de vous. 19 Mes enfants, qu’à nouveau j’enfante dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. 20 Je voudrais être auprès de vous maintenant et changer ma voix ; car je ne sais plus que faire avec vous. 21 Dites-moi, vous qui voulez être sous la Loi, n’entendez-vous pas la Loi ? 22 Il est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante et l’autre de la libre. 23 Mais celui de la servante selon la chair a été engendré, et celui de la libre en raison de la promesse. 24 Cela est allégorique : celles-ci en effet sont deux dispositions : l’une vient du mont Sinaï engendrant pour l’esclavage laquelle est Agar. 25 Certes le mont Sinaï est en Arabie, mais il correspond à la Jérusalem de maintenant : en effet elle est esclave avec ses enfants. 26 La Jérusalem d’en haut est libre laquelle est notre mère. 27 Il est écrit en effet : « Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantais pas, exulte et crie, toi qui n’a pas eu les douleurs car nombreux sont les enfants de la délaissée plus que ceux de celle qui a un mari. » 28 Quant à vous, frères, c’est selon la promesse d’Isaac que vous êtes enfants. 29 Mais de même qu’alors celui qui selon la chair a été engendré persécutait celui qui l’a été selon l’Esprit, ainsi en est-il encore maintenant. 30 Mais que dit l’Écriture ? « Chasse la servante ainsi que son fils car il n’héritera pas le fils de la servante avec le fils » de la libre. 31 C’est pourquoi, frères, nous ne sommes pas enfants de la servante mais de la libre. 5,1 C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés ! Tenez donc ferme et ne soyez pas soumis de nouveau à un joug d’esclavage.

164

C’est la Croix du Christ qui nous justifie

CONTEXTE Baptisés dans la mort du Christ Paul ne dit pas grand-chose du baptême dans la Lettre aux Galates ; il s’en expliquera en revanche dans la Lettre aux Romains : ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ? 4 Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. 5 Car si c’est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable ; 6 comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût réduit à l’impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d’être asservis au péché (Rm 6,3-14).

On notera en particulier que le baptême est mis en relation avec la croix du Christ (6). Juif ou grec, esclave ou homme libre Dans la première Lettre aux Corinthiens (1Co 7,17-24), Paul relativise la distinction entre juif et grec et de même entre esclave et homme libre : 17

Par ailleurs, que chacun continue de vivre dans la condition que lui a départie le Seigneur, tel que l’a trouvé l’appel de Dieu. C’est la règle que j’établis dans toutes les Églises. – 18 Quelqu’un était-il circoncis lors de son appel ? Qu’il ne se fasse pas de prépuce. L’appel l’a-t-il trouvé incirconcis ? Qu’il ne se fasse pas circoncire. 19 La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien ; ce qui compte, c’est de garder les commandements de Dieu. 20 Que chacun demeure dans l’état où l’a trouvé l’appel de Dieu. – 21 Étais-tu esclave, lors de ton appel ? Ne t’en soucie pas. Et même si tu peux devenir libre, mets plutôt à profit ta condition d’esclave. 22 Car celui qui était esclave lors de son appel dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur ; pareillement celui qui était libre lors de son appel est un esclave du Christ. 23 Vous avez été bel et bien achetés ! Ne vous rendez pas esclaves des hommes. 24 Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où l’a trouvé son appel.

Revêtir le Christ Il ne s’agit pas d’un revêtement extérieur, comme une sorte de déguisement, mais bien d’une identification intérieure, fruit d’une transformation radicale, comme dans 1Co 15,51-54, où il ne s’agit de rien moins que du passage de la mort à la vie : 51

Oui, je vais vous dire un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. 52 En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale,

La section B : Ga 3,1–5,1

165

car elle sonnera, la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. 53 Il faut, en effet, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité. 54 Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : La mort a été engloutie dans la victoire (voir aussi Rm 13,1214 ; 2Co 5,1-4).

INTERPRÉTATION Le centre des compositions concentriques recèle la clé de leur lecture. La chose est connue depuis fort longtemps5. La focalisation formelle indique celle du sens. L’expérience a déjà largement montré le bien-fondé de la troisième des « cinq règles herméneutiques » : « partir du centre »6. En d’autres termes, c’est au centre que l’on trouvera l’idée principale que l’auteur développe dans l’ensemble de son texte, sa « thèse » ou, si on voulait utiliser la terminologie de la rhétorique classique, sa propositio. « Tous » Le premier mot du passage central doit d’autant plus attirer l’attention que c’est la seule fois, non seulement dans la section mais aussi dans toute la Lettre, que Paul l’utilise pour s’adresser à ses destinataires. Si la première séquence de la section (B1) s’adresse en priorité aux ethnico-chrétiens de Galatie et que la seconde (B2) traite surtout de la situation des judéo-chrétiens, on comprendra mieux que la troisième séquence (B3) marque un tournant décisif dans la mesure où les uns et les autres sont désormais « tous » unis dans un même « vous » qui ne fait plus de division entre eux. De manière très logique, après la séquence centrale, qui marque en quelque sorte « la ligne de partage des eaux », les deux séquences de la dernière sous-section ne reprendront pas la distinction entre les deux composantes originelles de la communauté chrétienne qui désormais ne font plus qu’un, ce qui est annoncé dans le second versant de la séquence centrale où c’est la seule fois de toute la section que les uns et les autres sont dits être « un-seul » (28). Le « tous » du passage central trouvera un écho, dans le passage central de la dernière séquence, où Paul laisse parler Isaïe : « Car nombreux sont les enfants de la délaissée... ». Ce rabbīm, traduit justement par « nombreux », venait d’être utilisé cinq fois aux extrémités du quatrième chant du Serviteur (Is 52,14.15 ; 53,11.12 bis) où il désignait déjà toutes les multitudes pour lesquelles le Serviteur avait donné sa vie7.

5 C’est pourquoi j’ai consacré un chapitre entier à cette question dans mon Traité, « Le centre des compositions concentriques », 417-469. 6 Voir Traité, 567-573. 7 Voir R. MEYNET, « Le quatrième chant du Serviteur (Is 52,13–53,12) ».

166

C’est la Croix du Christ qui nous justifie

Juifs et grecs, esclaves et libres, hommes et femmes En plein centre du passage central, Paul utilise une autre manière de dire « tous », quand il énonce trois différences complémentaires à l’intérieur de ce « tous » : juif et grec, esclave et libre, homme et femme. Dans les sociétés de l’époque auxquelles appartenaient ses destinataires, ces trois distinctions étaient fondamentales. Les juifs se distinguaient des grecs, c’est-à-dire des païens, avec lesquels ils ne pouvaient même pas partager leurs repas ; la condition des esclaves n’avait pas grand-chose à voir avec celles des hommes libres ; et il en allait de même pour celle de la femme par rapport à l’homme. Jusqu’aujourd’hui, dans les bénédictions de la prière du matin, le juif bénit le Seigneur de ne pas l’avoir créé goy, de ne pas l’avoir créé esclave et de ne pas l’avoir créé femme. C’est dire l’enracinement profond de ces différences, qui sont aussi des séparations. Paul ne nie pas ces différences. Comment pourrait-il le faire, ne serait-ce que pour la différence sexuelle, qui est inscrite dans le corps et voulue par Dieu dès l’origine (Gn 1,27) ? On sait aussi, par ailleurs, qu’il ne remet pas réellement en question la différence sociale entre esclaves et hommes libres (1Co 7,21-24). Ce n’était pas ces deux dernières distinctions qui étaient discutées par les judaïsants qui troublaient les ethnico-chrétiens de Galatie, mais seulement la première : ils voulaient en effet que, par la circoncision, ces « grecs » deviennent « juifs » comme eux. Paul ne nie pas cette première distinction, pas plus que les deux autres : il prétend seulement qu’elle n’est pas déterminante, qu’elle est assumée dans une réalité supérieure, qui est celle de la filiation divine. « ...vous êtes fils de Dieu, par la foi en Christ Jésus » Jusqu’ici, seul Jésus le Christ avait été dit Fils de Dieu. Il aura donc fallu attendre le centre de la section pour que l’identité de tous ceux qui ont mis leur foi dans le Christ soient appelés, comme lui, « fils de Dieu ». En effet, les croyants, qu’ils soient d’origine païenne comme les Galates (B1) ou qu’ils soient juifs comme les adversaires de Paul (B2), avaient été dits « fils d’Abraham » : ce que les « Galates insensés », mais aussi les autres, sont invités à « comprendre », c’est que « ce sont les gens de foi qui sont fils d’Abraham » (3,7). Dans toute la première sous-section, il avait été question, et de manière lancinante, de l’opposition entre la Loi et la Foi, seule cette dernière donnant accès à la filiation d’Abraham et aux bénédictions de Dieu, à la justification et à l’héritage. Il n’empêche qu’une nouveauté radicale est énoncée, dès les premiers mots de la séquence centrale : par la foi en Christ, les croyants ne sont pas seulement « fils d’Abraham », ils sont aussi et surtout « fils de Dieu », comme le Christ. Il est certainement significatif que la filiation d’Abraham, si elle n’a pas été oubliée dans la séquence centrale, n’en a pas moins été pour ainsi dire laissée pour la fin (29), non pas comme fondement de la filiation divine, mais comme sa conséquence : « et, si vous êtes du Christ, alors vous êtes la semence d’Abraham ». On pourra se demander si la dernière clausule, « selon la promesse héritiers »,

La section B : Ga 3,1–5,1

167

indique simplement la promesse faite à Abraham, ou si elle ne se référerait pas aussi et même davantage à l’héritage des fils de Dieu. En tout cas, comme on l’a déjà dit, tout le second versant de la section traitera de la filiation divine des disciples, devenus désormais « un » dans le Christ. Revêtus du Christ crucifié par le baptême C’est seulement dans le passage central qu’il est question du baptême, défini comme « revêtir le Christ » (3,27). C’est par le baptême que « tous » sont devenus « fils de Dieu ». Dans la première alliance, et jusqu’aujourd’hui, c’est par la circoncision que le nouveau-né mâle entre, le huitième jour, dans l’alliance d’Abraham. C’est par le baptême que tous, les juifs comme les païens, sont entrés dans la nouvelle alliance. Paul expliquera ailleurs que le baptême est une plongée dans la mort du Christ pour ressusciter avec lui, pour renaître à vie nouvelle (Rm 6,3-14). On comprend alors pourquoi la section est mise toute entière, dès le premier verset, à l’ombre de la Croix (3,1) : c’est en étant suspendu au bois que le Christ nous a tous rachetés de la malédiction de la Loi (3,13) et qu’ainsi la bénédiction est advenue pour toutes les nations. La foi au Christ Jésus consiste donc en une adhésion à sa personne jusqu’à l’imiter, à s’identifier à lui, dans sa Passion et dans sa mort, pour vivre avec lui de vie nouvelle. « Je vis, non plus moi, mais c’est le Christ qui vit en moi » (2,20).

TROISIÈME PARTIE C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir La section C (Ga 5,2–6,18)

170

La section C

La troisième section (5,2–6,18) comprend cinq séquences. Les trois séquences centrales forment une sous-section organisée de manière concentrique autour de la double liste des œuvres de la chair et du fruit de l’Esprit (5,19-26).

C1 Seule compte

C2 La Loi

la Foi opérant

par

L’AMOUR

5,2-12

s’accomplit

dans L’AMOUR

5,13-18

C3 Les ŒUVRES de la chair et le FRUIT de l’Esprit C4 L’AMOUR

C5 Seule compte

5,19-26

s’accomplit

en

VIE ÉTERNELLE

6,1-10

la

CRÉATION NOUVELLE

6,11-18

14 Seule compte la Foi, opérant par l’amour Séquence C1 : Ga 5,2-12

De la taille d’un passage, cette séquence s’organise en trois parties. Les parties extrêmes mettent le lecteur devant un choix, entre la Loi et la foi (2-5), puis entre la Loi et la Croix (7-12). Au centre (6), une partie très courte qui oppose à la circoncision la foi opérant par l’amour.

Il faut choisir En Christ Il faut choisir

entre la LOI

et la FOI

seule compte

la FOI

entre la LOI

et la CROIX

5,2-5 6 7-12

172

Seule compte la foi opérant par l’amour

COMPOSITION Étant donné la complexité du texte, l’analyse se fera d’abord partie par partie. Première partie (5,2-5) + 2 Voici, moi, Paul, je vous dis que – si vous vous faites-CIRCONCIRE, . CHRIST ne vous sera d’aucune 3

+ J’atteste

de nouveau – à tout homme se faisant-CIRCONCIRE : . qu’il est obligé de faire toute

utilité.

la LOI.

································································································································

:: 4 Vous vous êtes retranchés - vous qui par la LOI :: de la GRÂCE

; vous êtes déchus.

= 5 Pour nous en effet, = (que) l’espérance

(c’est) par L’ESPRIT, de la JUSTIFICATION

du CHRIST, VOUS JUSTIFIEZ

de la FOI, nous (l’)attendons.

Ce que Paul « dit » d’abord aux Galates (« vous ») qui veulent « se faire circoncire » (2ab), il l’« atteste » ensuite « à tout homme » qui le fait (3ab). Les troisièmes membres sont complémentaires : d’une part « Christ » ne servirait à rien (2c), d’autre part le nouveau circoncis devrait observer toutes les autres observances de « la Loi » (3c) ; l’opposition entre « aucune » et « toute » marque le caractère inconciliable de l’attachement au Christ et à la Loi1. Dans le second morceau, le deuxième segment oppose « nous » (5a) au « vous » du premier (4a). Le premier membre (5a), avec « Esprit » et « Foi »2 correspond aux membres extrêmes du premier segment avec « Christ » (4a) et « grâce » (4c)3. Quant au deuxième membre (5b), il s’oppose au membre central du segment précédent (4b)4 : ou l’on « cherche à être justifié par la Loi » ou l’on « attend l’espérance de la justification » par la foi. D’un morceau à l’autre, Paul passe du problème particulier de la circoncision à celui plus général qu’il implique, celui de la justification par la Loi ou par la foi.

1

Les lexèmes ōphelēsei (« utilité » ; 2c) et opheiletēs (« obligé » ; 3c) sont en rapport de paronomase. 2 Les deux termes sont complémentaires, le premier indiquant l’œuvre de Dieu, le second l’attitude de l’homme. 3 Christos et charitos (« grâce ») sont en rapport de paronomase. 4 Le présent dikaiousthe a valeur conative et c’est pourquoi il est souvent traduit par « vous cherchez à vous justifier » (voir aussi Jn 10,32 ou Lc 11,52).

Séquence C1 : Ga 5,2-12

173

Deuxième partie (5,6) :: 6 Car en CHRIST – ni la circoncision + mais la FOI

n’a de valeur opérant

JÉSUS, ni le prépuce, par L’AMOUR.

Les membres extrêmes opposent « la foi opérant par l’amour » « en Christ Jésus » qui seule a de la « valeur » aussi bien à « la circoncision » qu’au « prépuce » qui n’en ont ni l’une ni l’autre. Troisième partie (5,7-12) + 7 Vous couriez :: qui vous :: de la vérité – 8 Cette persuasion – 9 Un peu de

bien ! A COUPÉS être persuadés ?

DE CELUI QUI APPELLE VOUS. TOUTE LA PÂTE FAIT FERMENTER. ························································································································· je suis persuadé pour vous DANS LE SEIGNEUR + 10 Moi,

. que pas – or CELUI QUI TROUBLE . en portera

ne (vient) pas ferment

autrement

vous penserez ;

VOUS

la peine,

quel qu’

il soit.

·························································································································

+ 11 Pour moi, :: si la circoncision :: pourquoi encore – Donc – 12 Ils devraient

frères, je prêche encore, suis-je persécuté ? il est retranché ÊTRE COUPÉS,

LE SCANDALE CEUX QUI BOULEVERSENT

DE LA CROIX VOUS !

!

À la question du premier segment (7b), le second donne une première réponse, en écartant d’abord l’hypothèse que ce qui est arrivé soit une bonne chose (8) ; quant au second membre (9), s’il ne nomme pas les fauteurs de trouble, il les qualifie cependant de manière négative, comme le faisait déjà le premier segment (7bc). En effet, ce que préconisent les adversaires de Paul — la circoncision, qui peut paraître une petite chose comme le ferment — met en cause en réalité « la vérité » tout entière (7c) comme le ferment fait fermenter « toute la pâte » (9). Dans le troisième morceau, à la question du premier segment (11abc), répond le segment suivant. Le premier membre (11d) correspond à la conditionnelle hypothétique de 11b : si Paul prêchait « la circoncision », cela signifierait qu’il aurait renoncé au « scandale de la croix ». Quant au second membre (12), ceux qui « bouleversent » les Galates sont ceux qui « persécutent » Paul (11c).

174

Seule compte la foi opérant par l’amour

+ 7 Vous couriez :: qui vous :: de la vérité – 8 Cette persuasion – 9 Un peu de

bien ! A COUPÉS être persuadés ?

DE CELUI QUI APPELLE VOUS. TOUTE LA PÂTE FAIT FERMENTER. ························································································································· je suis persuadé pour vous DANS LE SEIGNEUR + 10 Moi,

. que pas – or CELUI QUI TROUBLE . en portera

ne (vient) pas ferment

autrement

vous penserez ;

VOUS

la peine,

quel qu’

il soit.

·························································································································

+ 11 Pour moi, :: si la circoncision :: pourquoi encore – Donc – 12 Ils devraient

frères, je prêche encore, suis-je persécuté ? il est retranché ÊTRE COUPÉS,

LE SCANDALE CEUX QUI BOULEVERSENT

DE LA CROIX VOUS !

!

Le second morceau qui oppose Paul (10ab) et son adversaire (10cd) envisage le futur (exprimé dans les deuxièmes membres). Paul souhaite d’abord que la communion de pensée entre lui et les Galates soit restaurée ; corrélativement, il annonce ensuite le châtiment que son adversaire portera seul. Ce morceau assure le lien entre les deux autres. Son premier segment (10ab) est lié au morceau précédent par « persuader/persuasion » (10a comme 7c.8)5 ; par ailleurs, « le Seigneur » de 10a est « celui qui vous appelle » de 8. Le second segment (10cd) annonce le dernier morceau : « celui qui vous trouble » désigne, au singulier, les mêmes personnages que « ceux qui vous bouleversent » de 12 et « en portera la peine » (10d) annonce « ils devraient être coupés » de 12. Les deux verbes de même racine (traduits également par « couper ») en 7b et 12 jouent le rôle de termes extrêmes6. « Celui qui vous trouble » (10c) et « ceux qui vous bouleversent » (12) s’opposent à « celui qui vous appelle » (8), c’est-àdire « le Seigneur » (10a). « Fait fermenter » de 9 est à mettre en relation avec « troubler » de 10c et « bouleverser » de 12 ; de manière corrélative, « celui qui vous appelle » de 8, c’est-à-dire « le Seigneur » de 10a, annonce « le scandale de la Croix » de 11d. 5 En 7c, le verbe peithomai est généralement traduit par « obéir à » ; la traduction adoptée a voulu respecter la parenté de ce verbe avec les premiers mots des versets 8 et 10. 6 En 7b le verbe eg-koptō est un dérivé de koptō, « couper » (12) ; il signifie « couper [la route] », au sens figuré « empêcher » (voir 1Th 2,18 ; Rm 15,22) ; étant donné l’image de la course par laquelle commence le verset d’une part, et d’autre part la parenté de ce verbe avec celui du verset 12 avec lequel il fait inclusion, il paraît nécessaire de conserver l’image. Pour le sens de « courir », il ne s’agit pas de compétition athlétique comme en 1Co 9,24.26, mais simplement de la conduite de la vie chrétienne (en Ga 2,2, comme en Ph 2,16, le verbe a le sens de « travailler », « se dépenser », « peiner »).

Séquence C1 : Ga 5,2-12

175

L’ensemble du passage (5,2-12) 2

Voici, moi, Paul, je vous dis : si vous vous faites CIRCONCIRE, CHRIST NE vous SERVIRA DE RIEN. 3 Je l’atteste de nouveau à tout homme qui se fait CIRCONCIRE : il se doit de faire toute LA LOI. 4

Vous êtes retranchés du CHRIST, vous qui dans LA LOI vous justifiez ; de LA GRÂCE vous êtes déchus. 5 Pour nous, en effet, c’est par l’Esprit, de LA FOI que nous attendons l’espérance de LA JUSTIFICATION. 6

Car en CHRIST JÉSUS,

N’A DE VALEUR mais LA FOI

ni la ni le opérant par

CIRCONCISION

prépuce, L’AMOUR.

7

Vous couriez bien ! Qui vous a coupés d’être persuadés 8 par LA VÉRITÉ ? CETTE PERSUASION ne vient pas de CELUI QUI VOUS APPELLE. 9 UN PEU DE FERMENT fait fermenter toute LA PÂTE. 10

Moi, je suis persuadé pour vous dans LE SEIGNEUR que vous ne penserez pas autrement. Quant à il en portera la peine, quel qu’il soit.

CELUI QUI VOUS TROUBLE,

11

Pour moi, frères, si je prêche encore LA CIRCONCISION, pourquoi suisje encore persécuté ? Il est donc retranché, le scandale de LA CROIX ! 12 Ils devraient être coupés, CEUX QUI VOUS BOULEVERSENT !

« La circoncision » est mentionnée au centre du passage (6a) ainsi que dans les morceaux extrêmes (2b.3b ; 11a). Dans la première partie, elle est référée à « la Loi » (3c.4b) dont elle constitue un des commandements ; dans la dernière partie, elle peut être mise en relation avec « celui qui vous trouble » (10c) et « ceux qui vous bouleversent » (12), car ce sont ceux qui veulent convaincre les Galates de se faire circoncire. « Cette persuasion » (8a) désigne la position des opposants de Paul au sujet de la nécessité de la circoncision ; « un peu de ferment » (9a) est dans la même relation à « toute la pâte » (9b) que la « circoncision » (3b) l’est à « toute la Loi » (3c). La loi de la circoncision, aussi bien que l’incirconcision, sont opposées, dans la partie centrale, à « la Foi » (6c). Comme en 4-5, « la Foi » — qui vient de « la grâce » (4c), qui obtient « la justification » (5c) et qui est « vérité » (7b) — a

176

Seule compte la foi opérant par l’amour

pour objet « le Christ » (6a.2c.4b) ; le nom du « Christ » n’est pas repris dans la dernière partie mais « la Croix » (11c) renvoie à l’acte salvifique fondamental du Christ Jésus ; « Celui qui vous appelle » (8b) et « le Seigneur » (10b) désignent sans doute aussi le Christ Jésus. Les adversaires de Paul qui prêchent la circoncision, « coupent » les Galates de « la vérité » de l’Évangile (7), ils « retranchent » « le scandale de la Croix » (11)7 ; à cause d’eux, leurs adeptes se retrouvent « retranchés » « du Christ » (4ab) et « déchus de la grâce » (4c). Le passage s’achève sur le vœu que ce soient eux qui soient « coupés » (12). Au verbe central de la partie centrale, « n’a de valeur », correspond « ne servira de rien » au début (2c). « Ils devraient » de 12 rappelle « il se doit » de 3c8. CONTEXTE « Ils devraient être coupés » Dans le dernier verset, apo-koptō signifie « couper », « retrancher » (Mc 9,43. 45 ; Jn 18,10.26). Ce verbe a été entendu soit dans le sens d’exclusion, d’excommunication : « puissent-ils être retranchés (de la communauté) »9, soit plutôt dans celui de la mutilation10 : « qu’ils aillent se châtrer » ou « se faire châtrer », « qu’ils aillent jusqu’à la mutilation ». Il est possible que Paul fasse allusion au culte de Cybèle, la déesse Mère, honorée dans la Galatie du nord, dans lequel se pratiquait l’autocastration sacrée ; par une telle allusion, Paul aurait pu vouloir signifier qu’un attachement à la circoncision porté à l’extrême en arriverait à rejoindre le paganisme. Paul joue sur les mots. La traduction ne doit donc pas imposer l’un ou l’autre sens et respecter le jeu de mots, ce qui a été tenté ici. INTERPRÉTATION La valeur de la circoncision La circoncision n’a pas de valeur, pas plus que l’incirconcision (6). Cette coutume juive pourrait être considérée comme un détail anatomique sans véritable importance. Ce n’est pourtant pas l’avis des adversaires judaïsants de Paul qui tiennent tant à ce que les Galates s’y soumettent. Pour Paul aussi, et encore 7

En 11b, le verbe katargeō (au passif) est souvent traduit par « être aboli » (par exemple, Osty, TOB) ; la BJ le rend par « C’en est donc fini de ». L’inconvénient de ces traductions est qu’elles masquent la symétrie avec le même verbe du verset 4 : « Vous êtes retranchés du Christ ». La racine de katargeō est celle du substantif ergon (« œuvre ») précédée du a- privatif et du préfixe kata- ; le sens est donc « rendre in-opérant » ; ce verbe a donc la même racine que le participe « opérant » (en-ergeō) du verset 6. 8 Le premier mot de 12, ophelon, est une forme figée, fonctionnant comme un adverbe (lat. utinam), qui introduit un souhait. La traduction adoptée ici, en référence à son étymologie, veut rendre le rapport de ce mot avec le verbe de même racine utilisé en 3c traduit par « il se doit ». 9 Déjà la Vulgate : Utinam et abscindantur qui vos conturbant. 10 La Septante utilise le participe de ce verbe pour traduire Dt 23,2 : « L’homme aux testicules écrasés ou à la verge coupée ».

Séquence C1 : Ga 5,2-12

177

bien davantage, la question est capitale. Comme le levain, la circoncision est peu de chose, mais ses effets s’étendent à « toute la pâte » (9), ils mettent en cause l’ensemble du corps. Si les judaïsants tiennent tant à la circoncision des nouveaux convertis de Galatie, c’est qu’elle leur semble nécessaire. Pour eux le salut des païens en dépend. Or, en bonne logique, puisque l’obéissance à une prescription de la Loi est indispensable pour la justification, personne ne saurait se dispenser de pratiquer tous les autres commandements de la Loi (3). La circoncision est bien ce peu de ferment qui fait fermenter toute la pâte (9) ; non seulement elle « trouble » (10c), mais elle « bouleverse » tout (12). La force de la Croix Si Paul démonte, pour ainsi dire, le mécanisme de la circoncision imposée aux païens pour en révéler l’enjeu véritable, ce n’est que pour mettre en relief, par opposition, la valeur salvifique de la Croix du Christ. Ce n’est pas de la pratique de la Loi (3c) que les disciples de Jésus « attendent [...] la justification », mais de la Foi au Christ (5). Ils doivent se persuader qu’ils ne peuvent pas se justifier eux-mêmes par leurs propres forces, mais que c’est par « grâce » (4c) qu’ils reçoivent d’un autre le salut. Telle est la seule « vérité » (7b), qui est à la fois celle de l’homme et celle du Christ. Paul l’a compris qui a accepté d’être persécuté, comme Jésus n’a pas refusé d’être crucifié (11). La foi au Christ, l’acceptation de sa Croix porteront le disciple à opérer aussi par l’amour (6c), comme son maître. Mais cet amour qu’il porte à ses frères, il est bien persuadé qu’il n’est pas la cause mais sa conséquence de sa justification. La coupure véritable La circoncision est, au propre et au figuré, une opération qui tranche. La coupure pratiquée dans le corps est le signe de la séparation entre les juifs et les païens. En voulant imposer aux Galates la marque de séparation qu’est la circoncision, les judaïsants les « retranchent » en réalité « du Christ », ils les séparent de « la grâce » (4), ils les « coupent » de « la vérité » (7), ils « retranchent » « le scandale de la Croix » (11). Par sa parole, Paul va devoir trancher dans le vif : ou c’est la pratique de la Loi qui justifie ou c’est la Croix du Christ. Ceux qui voudraient ne pas choisir entre les deux devront être retranchés de la communauté des croyants (12). Désormais, ce n’est plus la circoncision qui fait la différence, c’est la Croix : c’est elle la véritable pierre de touche, « le scandale » (11b), c’est-à-dire la pierre sur laquelle achoppent ceux qui croient trouver leur salut ailleurs.

15 La Loi est accomplie dans l’amour Séquence C2 : Ga 5,13-18

La séquence ne comprend qu’un seul passage dont les deux parties sont parallèles. Introduite par « je dis », la seconde partie explicite et commente le contenu de la première.

Appelés

à la liberté

Conduits par l’Esprit

pour servir

les autres

dans l’amour

pour résister à la convoitise de la chair

5,13-15 16-18

180

La Loi est accomplie dans l’amour

COMPOSITION :: 13 Vous en effet, – Seulement + mais

à la liberté

vous avez été appelés,

frères.

pas la liberté par L’AMOUR

comme prétexte servez-vous

à la chair, les uns les autres.

···················································································································

= 14 En effet toute LA LOI = « TU AIMERAS

en une seule parole ton prochain

est accomplie : comme toi-même. »

····················································································································

: 15 Mais si les uns les autres : regardez :: 16 Or je dis : + marchez – et vous ne satisferez pas

vous vous mordez à ne pas être détruits

et déchirez, les uns par les autres.

la convoitise

selon L’ESPRIT de la chair.

··················································································································· convoite contre L’ESPRIT

= 17 En effet la chair = et L’ESPRIT

= en effet ceux-ci = afin que ce que vous voulez,

contre la chair ; l’un à l’autre cela

s’opposent vous ne fassiez pas.

···················································································································· : 18 Mais si par L’ESPRIT vous êtes conduits, : vous n’êtes pas sous LA LOI.

Dans le premier morceau de la première partie, « servir » (13c) s’oppose, apparemment, à « la liberté » (13a). Le dernier morceau (15) s’oppose au premier : « se mordre et se déchirer » est le contraire de « l’amour », et « être détruits les uns par les autres » le contraire de « se servir les uns les autres » ; ainsi, « la chair » de 13b trouve un contenu dans le comportement dénoncé en 15a, comportement décrit dans des termes qui assimilent l’homme aux bêtes féroces. Au centre, l’amour du prochain est donné comme résumé ou accomplissement de « toute la Loi »1, ce par quoi Paul motive le commandement qu’il vient d’énoncer en 13c. Dans la deuxième partie, les morceaux extrêmes se répondent : 16b et 18a sont très semblables, à la différence près que le premier verbe, « marchez », est actif et souligne donc l’initiative de l’homme, et que le deuxième, « vous êtes conduits », est au passif et marque donc l’activité de l’Esprit2. Les derniers 1

Le verbe plēroō peut être compris comme transitif et la phrase signifierait : « par l’amour, on accomplit toute la Loi » (comme en Rm 13,8) ; si on le considère comme intransitif, le sens devient : « Toute la Loi trouve son accomplissement, son point culminant dans l’amour ». La traduction adoptée veut respecter l’ambiguïté du grec. 2 Ce verbe peut être compris aussi comme un moyen qui signifierait alors : « si vous vous laissez guider par l’Esprit », « si vous vous conduisez par l’Esprit ». Cette dernière interprétation accorde plus de place à l’initiative de l’homme et à sa responsabilité. Le parallélisme de 18 avec

Séquence C2 : Ga 5,13-18

181

membres (16c.18b) opposent au même « Esprit », d’abord « la chair », ensuite « la Loi ». Dans le morceau central est explicitée l’opposition entre « l’Esprit » et « la chair », dont l’homme est l’enjeu (17d)3. Les deux parties sont parallèles. Les premiers morceaux contiennent un impératif, chaque fois opposé à « la chair » (13b.16c). Les morceaux centraux, qui commencent également par « en effet », donnent la raison de ces impératifs (14.17). Enfin, les derniers morceaux, qui commencent tous deux par « mais si », s’opposent à ce qui les précède. Ils sont opposés entre eux : l’un (15) envisage une attitude négative, l’autre (18) une conduite positive. Dans la première partie, « la chair » est opposée à « l’amour » (13bc), dans la deuxième elle est opposée longuement à « l’Esprit » (16bc.17ab). « La Loi » se retrouve au centre de la première partie (14a) et à la fin de la seconde (18b)4 ; la première fois elle est présentée de manière positive comme un équivalent de « l’amour », la deuxième fois de manière négative, puisqu’elle est opposée à « l’Esprit » et mise en équivalence avec « la chair ». CONTEXTE La chair « La chair » (sarx) désigne d’abord la condition de l’être humain fait de « chair et de sang » (Ga 2,20 ; 4,14). Opposée à « l’esprit » (to pneuma), « la chair » est ce qui produit les « désirs et passions » (5,16-17.24). De la servitude au service Toute l’histoire de l’exode peut être résumée par cette formule. Le verbe ‘ābad signifie « servir », aussi bien dans le sens de « être esclave » que dans celui de « servir » le Seigneur, en particulier de « faire le service liturgique ». Le chant de la mer (Ex 15) célèbre dans sa première partie (1-10) la libération de la servitude au pays d’Égypte, « la maison des esclaves » et, dans sa dernière partie (12-17) l’épopée qui conduira le peuple jusque sur la montagne de Sion, dans le sanctuaire du Seigneur où il pourra servir son libérateur5.

16 (« marchez selon l’Esprit ») semble devoir être considéré comme complémentaire : responsabilité de l’homme en 16, initiative de l’Esprit en 18. 3 Il serait possible de traduire, de manière plus claire, par « s’insurge contre » ; le choix de « convoite » est dicté par la nécessité de manifester le rapport avec « convoitise » de 16. En 17d, la conjonction hina est comprise soit comme introduisant une finale, soit une consécutive. Cette dernière option (« de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez ») aurait l’inconvénient de considérer l’homme comme l’enjeu d’une lutte qui le dépasse et dans laquelle sa liberté ne serait pas véritablement engagée. 4 Selon la loi n° 4 de Lund (voir Traité, 98). 5 Voir l’analyse du chant de la mer dans R. MEYNET, Appelés à la liberté, 51-85.

182

La Loi est accomplie dans l’amour

« Quel est le plus grand commandement de la Loi ? » À cette question (Mt 22,36)6 Jésus répond que le premier de tous les commandements est d’aimer le Seigneur Dieu et que le second est d’aimer son prochain comme soi-même (Mt 22,35-40 ; voir Mc 12,28-34). Paul au contraire résume toute la Loi dans le seul commandement de l’amour du prochain. INTERPRÉTATION Libres pour... servir La liberté s’oppose à l’esclavage. Un serviteur, un esclave est par définition quelqu’un qui n’est pas libre. Et pourtant, c’est au service que Dieu invite ceux qu’il a appelés à la liberté. Au temps de l’exode, la libération de l’esclavage au pays d’Égypte avait conduit le peuple jusqu’au sanctuaire, le lieu où devait se célébrer le service divin. Aujourd’hui, ce n’est pas au service de Dieu que Paul appelle les disciples de Jésus, mais à celui des hommes. La contradiction entre liberté et service se résout par le fait que ce service est mutuel : les disciples de Jésus se doivent de se servir « les uns des autres ». Si chacun se fait l’esclave des autres, il n’est plus de maître ni d’esclave : tous sont libres, puisqu’ils ont accepté librement le service mutuel. Il y a liberté et liberté La liberté, comme tous les autres biens, peut être utilisée pour le bien ou pour le mal ; tant et si bien qu’il serait possible de dire qu’il existe deux types opposés de liberté. En effet, le service de l’amour (13c) s’oppose à la convoitise de la chair (16c). Selon le décalogue, la « convoitise » est à la racine de tous les péchés contre le prochain, en particulier du vol et de l’adultère (Ex 20,17 ; voir aussi Dt 5,21). La convoitise que le serpent a instillée à la femme consista à lui faire croire que Dieu était jaloux de ses biens, qu’il se refusait à les partager, qu’il était en somme habité par la convoitise. Dans les relations entre frères, si le service est un don réciproque, la convoitise au contraire porte à s’accaparer des biens d’autrui. Portée à sa dernière conséquence, elle conduit inexorablement à vouloir dévorer l’autre : comme des bêtes féroces qui se mordent et se déchirent, pour en arriver à se détruire mutuellement (15). Il y a Loi et Loi ? Au centre de la première partie, les lecteurs sont appelés à accomplir la Loi, résumée dans l’amour du prochain (14) ; en revanche, à la fin de la deuxième partie, il est dit que, s’ils se conduisent selon l’Esprit, ils ne sont pas soumis à la Loi. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il existe une tension, sinon une contradiction patente, entre les deux affirmations. Être « sous la Loi », c’est en 6 En Mc 12,28 la question est légèrement différente : « « Quel est le premier de tous les commandements ? »

Séquence C2 : Ga 5,13-18

183

être le serviteur, voire l’esclave. Or il n’est pas question de servir la Loi, ce serait de l’idolâtrie. Ce n’est pas la Loi que l’on sert mais celui qui l’a donnée, et qui l’a donnée pour que l’homme soit libre : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison des esclaves ». S’il nous a libérés, ce n’est certes pas pour nous faire retomber dans une autre servitude. On ne sert pas la Loi, on l’écoute, on l’observe, on l’accomplit, on l’aime (Ps 119,97.113) parce qu’on aime le Seigneur. En ce sens toute la Loi se résume dans l’amour. Le service réciproque entre frères par l’amour libère du service de la Loi et de ses prescriptions particulières. Service de l’homme ou service de Dieu Quand Paul dit que toute la Loi se résume dans une seule parole, cette seule parole est l’amour ou le service du prochain. Et l’on pourrait avoir l’impression que l’amour ou le service de Dieu soit passé sous silence. En réalité, ce dernier est énoncé dès les premiers mots de la séquence : « Vous, vous avez été appelés à la liberté ». Le passif est un passif divin et c’est ainsi que Paul présente à ses destinataires le service qu’ils doivent rendre à Dieu. C’est en étant libres, en acceptant la liberté que le Seigneur leur offre, et aussi en libérant les autres, qu’ils lui rendront le culte, le service qu’il attend.

16 Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit Séquence C3 : Ga 5,19-26

Les deux passages de cette séquence opposent, de manière parallèle, « les œuvres de la chair » et « le fruit de l’Esprit ».

Les œuvres

de LA CHAIR

5,19-21

Le fruit

de L’ESPRIT

22-26

186

Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit

A. LES ŒUVRES DE LA CHAIR (5,19-21) COMPOSITION • 19 Manifestes • lesquelles

sont sont :

les œuvres

de la chair,

······················································································



fornication, :: 20 idolâtrie, : inimitiés, : disputes,



beuveries,

impureté,

débauche,

sorcellerie, discorde, dissensions,

jalousie, scissions,

emportements, 21 envies,

ripailles

et choses-semblables

à celles-là,

• sur lesquelles je vous préviens • comme j’ai déjà prévenu : = ceux qui pratiquent = n’hériteront pas

de telles-choses du règne

de Dieu.

La liste des œuvres de la chair s’organise en trois segments. Aux extrémités, deux unimembres où sont regroupés les œuvres qui concernent le corps, dans ses revendications sexuelles (19c) et orales (21b). Au centre, un trimembre de type ABB’ : ce sont d’abord les fautes contre Dieu (20a), suivies par celles qui regardent le prochain (20b-21a). La liste commence avec le singulier dans les deux premiers membres et s’achève avec le pluriel dans les deux derniers ; quant au membre de 20b, il mêle pluriel et singulier. Cette progression vers le pluriel débouche sur l’ouverture finale, « et choses semblables à celles-là ». La seconde partie commence avec un pronom relatif qui se trouve en apposition à celui du début de la première partie (19b). « Les œuvres de la chair » et « le règne de Dieu » s’opposent et peuvent être dits former inclusion. CONTEXTE Autres liste de vices Ce ne sont pas les listes de vices qui manquent dans les lettres de Paul. Celle de Rm 1,29-31 ne compte pas moins de vingt et un items (voir p. suivante) ; elle commence par « toute injustice » qui introduit et récapitule tous les vices qui seront énumérés par la suite. De la même façon, celle de 1Co 6,9-10 : 9

Ne savez-vous pas que les INJUSTES n’hériteront pas Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, 10 ni voleurs, ni cupides, ni ivrognes, ni insulteurs, n’hériteront

du règne de Dieu ? ni contre-nature, ni rapaces, du règne de Dieu.

Séquence C3 : Ga 5,19-26

187

En 1Tm 1,8-11, la liste des quatorze sortes de pécheurs est opposée au « juste » (« la Loi [...] n’a pas été instituée pour le juste, mais pour les insoumis et les rebelles... »). Dieu les a livrés [les païens] à leur esprit sans jugement, pour faire ce qui ne convient pas : = 29 remplis . de toute . perversité,

INJUSTICE, cupidité,

= (ne) respirant (que) . envie, . fourberie,

meurtre, malignité,

malice, dispute,

····················································································

= diffamateurs, = insulteurs, ingénieux à leurs parents = 31 sans-intelligence, = sans-cœur,

30

détracteurs, orgueilleux,

ennemis-de-Dieu, fanfarons,

au mal, rebelles, sans-loyauté, sans-pitié

(Rm 1,29-31)

La finale du passage de Ga 5,19-21 (« n’hériteront pas du règne de Dieu ») se retrouve deux fois en 1Co 6,9-10 ; et aussi en conclusion de Ep 4,30–5,51. INTERPRÉTATION Une liste ouverte Contrairement à la plupart des autres listes de vices qui parsèment les lettres pauliniennes2, celle de l’Épître aux Galates, bien que fort longue, n’est pas close. Elle s’ouvre sur « et choses semblables à celles-là », pour signifier qu’elle est loin d’être exhaustive ; ce qui s’accorde bien avec le pluriel de « les œuvres de la chair » qui l’introduit. La dissolution du corps Les œuvres de la chair conduisent à la dissolution aussi bien du corps personnel que du corps social. Livré à « la fornication », à « l’impureté » et à « la débauche » (19c), adonné aux « beuveries » et aux « ripailles » (20d), s’abandonnant donc à ses pulsions sexuelles et à ses revendications orales, menant, comme on dit, une vie dissolue, l’individu se trouve tiraillé entre ses passions et convoitises, partagé, divisé, pour ainsi dire morcelé. Il en va de même pour la communauté qui ne peut plus faire corps à cause des maux multiples et variées 1

D’autres listes de vices en Rm 13,13 ; 1Co 5,9-11 ; 2Co 12,20-21 ; Col 3,5-8 ; 1Tm 6,3-5 ; 2Tm 3,1-5 ; Tt 3,1-3. 2 Voir cependant 1Tm 1,9-10.

188

Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit

qui déchirent son corps. L’insistance sur ces facteurs de division — qui sont au nombre de huit — peut laisser entendre combien Paul était préoccupé par l’unité des communautés de Galatie. L’idolâtrie, mère de tous les vices Accompagnée par la sorcellerie, l’idolâtrie vient en tête de la longue liste des fautes qui forment le corps central de la liste des œuvres de la chair. Il en va de même pour la liste des « Dix paroles » : le premier de tous les commandements interdit en effet de servir d’autres dieux que le Seigneur qui a libéré Israël de l’esclavage au pays d’Égypte. Comme si c’était l’idolâtrie qui était à la source de tous les vices. L’idolâtre est celui qui évacue le vrai Dieu pour lui substituer toutes sortes d’objets qui ne sont pas lui, en premier lieu soi-même, son ventre et ses convoitises (19c.21b) qui le poussent à écarter aussi les autres, comme pour occuper toute la place, ce qui ne peut que provoquer « inimitiés, discorde, jalousie » (20b-21a) et « choses semblables » (21b). Une question d’héritage Comment celui qui a nié Dieu, qui ne lui a pas laissé la moindre place, pourrait-il « hériter du règne de Dieu » ? Ne s’étant pas reconnu fils de Dieu, il ne saurait rien recevoir de son Père. Le défaut de filiation entraîne inévitablement un déficit de fraternité et c’est bien cela qui se passe avec tout ce qui monte les frères les uns contre les autres dans la communauté et qui en fait des ennemis. Celui qui n’a pas mis en œuvre la fraternité ne pourra jamais partager l’héritage avec ceux qu’il aura reniés comme frères. B. LE FRUIT DE L’ESPRIT (5,22-26) COMPOSITION de L’ESPRIT,

est :

paix, confiance,

23

+ Contre de telles-choses

il n’est pas

DE LOI.

– 24 Ceux du Christ [Jésus] –

LA CHAIR

avec les passions

ont crucifié et les convoitises.

+ 22 Le fruit + amour, = joie, = bonté,

+ 25 Si nous vivons + sur L’ESPRIT – 26 Ne soyons pas .. les uns les autres (nous) .. les uns les autres (nous)

patience, douceur,

par L’ESPRIT, alignons-nous aussi. vaniteux, provoquant, enviant.

bienveillance, tempérance.

Séquence C3 : Ga 5,19-26

189

Aux extrémités de la première partie, « la Loi » s’oppose à « l’Esprit ». La liste des vertus (22b-23a) comprend neuf termes le plus souvent organisés en trois groupes de trois ; toutefois, puisque l’amour est la source de tout ce qui suit (voir le Contexte), il est possible de les présenter de manière à faire ressortir ce fait. Dans la seconde partie, « l’Esprit » est repris deux fois au centre (25), tandis que les segments extrêmes énumèrent une série de cinq vices qui sont le fait de « la chair ». Aux neuf vertus de la première partie s’opposent dans la seconde partie « les passions et les convoitises » (24b) ainsi que la vanité (ou la vaine-gloire), la provocation et l’envie (26). « Chair » et « Loi » jouent le rôle de termes médians. CONTEXTE Listes de vertus dans le corpus paulinien Comme celles des vices, les listes de vertus ne manquent pas dans les lettres de Paul : ainsi 2Co 6,4-7 (où l’on retrouve, entre autres, « patience », « bienveillance », « amour ») ; Ep 4,2-3 (« douceur », « patience », « amour », « paix ») ; 1Tm 6,11 (« confiance », « amour », « douceur »). « L’amour » est le seul qui se retrouve dans les trois listes. Alors qu’en Galates « l’amour » introduit la liste des vertus, en Col 3,12-14 il la clôt, comme pour résumer tout ce qui précède : Revêtez donc, comme élus de Dieu, saints et bien-aimés, entrailles de miséricorde, bienveillance, humilité, douceur, patience, 13 vous supportant les uns les autres et vous pardonnant mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte. Comme le Seigneur vous a pardonné, de même vous aussi. 14 Et par-dessus toutes ces choses l’amour, en lequel se noue la perfection.

« Si je n’ai pas l’amour... » Dans ce qu’on a appelé « l’hymne à l’amour » (1Co 13), Paul montre comment l’amour surpasse tout et se trouve à la source de toutes les vertus, qui ne sont en quelque sorte que des qualités de l’amour : 4

L’amour est patient ; bienveillant est l’amour, il n’est pas envieux [...] 6 il ne se réjouit pas de l’injustice, mais se réjouit dans la vérité. 7 Il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.

« Seulement la foi opérant par l’amour » La première séquence de la section est focalisée sur ce qui seul compte : « Car en Christ Jésus, ni la circoncision n’a de valeur, ni le prépuce, pas la foi opérant par l’amour » (5,6 ; voir séquence C1, p. 175).

190

Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit

INTERPRÉTATION L’Esprit et la chair Il est encore question ici des « passions » et « convoitises » de la chair (24b) — au pluriel —, qui conduisent aux divisions entre les membres de la communauté à cause de « la vaine gloire », à ses « provocations » et « envies » mutuelles (26). Toutes ces choses s’opposent à « l’amour » et à son cortège de vertus, chacune au singulier, comme pour mieux marquer la cohésion de l’unique « fruit de l’Esprit » et sa capacité d’unir au lieu de diviser. L’Esprit et la Loi Il est étrange que Paul conclue la liste des vertus qui accompagnent l’amour en déclarant que « contre de telles choses il n’y a pas de Loi ». On comprendrait qu’il le dise à propos des œuvres de la chair. En effet, contre ses passions et ses convoitises, la Loi ne peut rien faire d’autre que les interdire ; elle est incapable de donner la force d’y résister. C’est sans doute qu’encore une fois Paul ne manque pas d’humour : que pourrait donc faire la Loi contre l’amour ? Toute bardée de ses commandements et de ses interdictions, elle se trouve totalement désarmée face à la force tranquille de l’amour, de la grâce, de la paix et de toutes les autres vertus. La Loi et la Croix Ce n’est pas la Loi qui peut l’emporter contre la chair, contre ses passions et ses convoitises. Au contraire, par le don de sa vie sur la croix, le Christ Jésus a réduit à l’impuissance la chair pour ceux qui, à imitation de leur maître, « ont crucifié la chair ». « Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers » (Is 9,6). À cet amour manifesté sur l’arbre de la croix, ne peut que répondre celui des disciples, comme « le fruit de l’Esprit ». La Loi le cède en définitive à la vertu, à la force d’une autre loi, celle de l’Esprit du Christ. C. LES ŒUVRES DE LA CHAIR ET LE FRUIT DE L’ESPRIT (5,19-26) COMPOSITION Les débuts opposent « les œuvres de la chair » et « le fruit de l’Esprit » ; « les œuvres » sont au pluriel tandis que « le fruit » est singulier. Alors que les vices passent progressivement du singulier au pluriel, les vertus sont toutes au singulier. La deuxième liste forme un tout pour ainsi dire fermé et achevé, tandis que la liste des vices est ouverte avec « et choses semblables » par lequel elle ne s’achève pas. Dans les listes des vices et des vertus, « patience » (makrothymia, 22c) s’oppose à « emportements » (thymoi, 20b) ; un troisième mot de même racine, « convoitises » (epithymiais), est couplé avec « nous enviant » (phthonountes), en position symétrique en 24b.26b ; « emportements » (thumoí) était déjà couplé

Séquence C3 : Ga 5,19-26

191

avec « envies » (phtonoi) à la fin des deux membres de 20b et 20c-21a. En outre, le dernier terme de la liste des vertus, « tempérance », s’oppose aux deux derniers termes de la liste des vices, « beuveries » et « ripailles ». On peut penser que, de même que les deux fois quatre vices qui divisent les hommes entre eux (20b-21) découlent de l’idolâtrie (20a), ainsi les deux fois quatre vertus (22c23a) trouvent leur source dans l’amour (22b). 19

Elles sont manifestes fornication, 20 idolâtrie, - inimitiés, - disputes, beuveries,

de LA CHAIR, débauche,

LES ŒUVRES impureté, sorcellerie, discorde, dissensions, ripailles

jalousie, emportements, 21 scissions, ENVIES, et choses semblables à celles-là,

sur lesquelles je VOUS préviens comme je VOUS ai déjà prévenu : ceux qui pratiquent de telles choses du règne de Dieu 22

LE FRUIT amour, - joie, paix, - bonté, confiance, contre de telles choses il n’est pas de Loi.

lesquelles sont :

Mais

23

n’hériteront pas.

de L’ESPRIT

est :

patience, douceur,

bienveillance, tempérance ;

24

Ceux qui sont du Christ [Jésus] ont crucifié LA CHAIR avec les passions et les convoitises. 25 Si NOUS vivons par L’ESPRIT, alignons-NOUS sur L’ESPRIT. 26 Ne cherchons pas la vaine gloire, les uns les autres nous provoquant, les uns les autres nous ENVIANT.

À la fin du premier passage Paul s’adresse à ses destinataires à la deuxième personne du pluriel (21c) ; au contraire, à la fin du second passage il parle à la première personne du pluriel (25-26). CONTEXTE Rm 6,20-23 Il est possible de voir une relation entre la fin du premier passage (21f) et le début du second (22a) : en effet, l’amour avec son cortège de vertus est dit « fruit de l’Esprit », c’est-à-dire don que celui-ci fait à « ceux qui sont du

192

Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit

Christ », ce qui n’est pas sans rapport avec le « règne de Dieu » reçu en « héritage », à savoir comme un don totalement gratuit. En Rm 6,20-23, deux « fruits » sont opposés : le « don gratuit » de la vie éternelle et le « salaire » du péché qui est la mort : – 20 Quand –

vous étiez esclaves vous étiez libres

aviez-vous : 21 Quel FRUIT : [de ce] dont aujourd’hui = Car leur ABOUTISSEMENT,

du péché, à l’égard de la justice. alors vous rougissez ? c’est la mort.

···········································································································

+ 22 Mais aujourd’hui, + et : vous avez = et L’ABOUTISSEMENT, :: 23 Car le salaire :: mais le don-gratuit ..

libérés asservis

du péché à Dieu,

votre FRUIT

pour la sainteté, c’est la vie éternelle.

du péché, de Dieu,

c’est la mort ; c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur.

INTERPRÉTATION « Elles sont manifestes les œuvres de la chair » Les œuvres de la chair sont manifestes. Il n’est pas besoin de les chercher, elles sont partout, bien visibles. Leur liste est pour ainsi dire illimitée. Elles débordent le cadre du premier passage qui les énumère longuement ; en effet, il en est encore largement question à la fin du second passage, consacré pourtant au « fruit de l’Esprit ». Les disciples de Jésus sont soumis à la tentation des « passions et convoitises » qu’ils ont dû crucifier ; la vaine gloire les guette qui risque de les faire « se provoquer » et « s’envier » les uns les autres. Les œuvres et le fruit Les œuvres, c’est ce que l’on fait ; et les œuvres de la chair ne sont que des choses mauvaises, comme si l’homme laissé à lui-même ne pouvait rien faire de bon. Le fruit au contraire se cueille, il se reçoit d’un autre : il est offert, donné, gratuitement. Les œuvres sont celles de l’homme, le fruit vient de l’Esprit de Dieu. Les œuvres de la chair se multiplient à l’envi, le fruit de l’Esprit est unique, toutes ses manifestations se résumant dans l’amour. Un fruit singulier La singularité du « fruit » de l’Esprit s’oppose manifestement à la multiplicité des « œuvres » de la chair. C’est que les idoles qui entraînent ceux qui se livrent à leurs passions n’ont rien de commun avec l’Esprit du Christ Jésus à la suite

Séquence C3 : Ga 5,19-26

193

duquel se sont mis les disciples. Elles divisent ceux qui les servent, tandis que l’unique fruit de l’Esprit les unit dans l’amour. « Pour le méchant, douleurs sans nombre, mais l’amour du Seigneur entourera ceux qui comptent sur lui » (Ps 32,10, Traduction liturgique). La filiation divine Ce qui est en jeu, dans ce diptyque des vices et des vertus, n’est rien moins que la filiation divine. Toute la question est de savoir à quelles conditions les Galates — et, bien sûr, chacun des lecteurs — « hériteront du règne de Dieu », c’est-à-dire seront traités par lui comme ses fils. Cette condition peut être dite unique : se comporter en frères envers les autres hommes. Les œuvres de la chair sont focalisées sur tout ce qui divise, des « inimitiés » aux « envies » (20b-21a) et Paul y revient en finale (26). Quant aux « passions et convoitises » (24), quant à « la fornication », « l’impureté » et « la débauche », aux « beuveries et ripailles » (19c.21b), tout cela « et choses semblables » sont le symptôme d’un mépris profond des autres comme de soi-même. Qui ne se conduit pas en frère nie dans les faits être fils du même Père. Il n’est pas jusqu’à l’emploi des pronoms qui ne manifeste l’opposition entre la fraternité qui unit et l’envie qui divise : alors que le premier passage s’achève par un avertissement adressé aux Galates, comme s’ils étaient séparés de Paul, le second passage et donc toute la séquence se termine à la première personne du pluriel où Paul invite ses correspondants à ne faire qu’un avec lui dans le Christ (25-26).

17 L’amour s’accomplit en vie éternelle Séquence C4 : Ga 6,1-10

Le premier passage s’adresse aux responsables, les « spirituels » chargés de redresser ceux qui ont fauté ; de manière complémentaire, le second passage règle le comportement de ceux qui ont reçu l’enseignement par rapport à leurs maîtres. Les titres de ces deux passages sont tirés de leur partie centrale.

Accomplir

la loi

du Christ

6,1-5

Moissonner

la vie

éternelle

6-10

196

L’amour s’accomplit en vie éternelle

A. ACCOMPLIR LA LOI DU CHRIST (6,1-5) COMPOSITION + 1 Frères, + vous les spirituels,

même SI est pris redressez

faute, de douceur,

être tenté. =

+ 3 Car SI QUELQU’UN - être - n’étant

en quelque en esprit

TOI-MÊME

: regardant : à ne pas TOI AUSSI

Et ainsi

UN HOMME CELUI-LÀ

2

LES UNS DES AUTRES

portez

les fardeaux !

vous accomplirez

la Loi

du Christ.

pense quelque chose, rien,

LUI-MÊME ; ·········································································································· - 4 mais l’œuvre de LUI-MÊME que CHACUN l’examine, : et alors EN SOI seulement il aura à : et non EN UN AUTRE.

+ il se leurre

= 5 CHACUN en effet

portera

SA PROPRE

se vanter charge !

Les parties extrêmes commencent par une conditionnelle et finissent par deux unimembres semblables (2.5). Elles envisagent deux aspects complémentaires des rapports entre les membres de la communauté : en effet, la même opposition entre soi-même et les autres s’y retrouve : « un homme » et « celui-là » en 1ab en rapport avec « toi-même » et « toi aussi » en 1cd ; « son œuvre propre » et « en soi seulement » par rapport à « un autre » en 4. Au centre, les commandements des parties extrêmes sont qualifiés de « loi du Christ ». INTERPRÉTATION Reprendre les autres avec prudence La première partie recommande la correction fraternelle (1ab), avec l’humilité et la prudence nécessaires à cet exercice (1cd). En effet, celui qui redresse son frère doit savoir qu’il est menacé, lui aussi, de succomber à la même tentation et de tomber dans la même faute que lui. La tentation ou l’épreuve qui le guette pourrait aussi être celle de l’orgueil de qui compare sa propre conduite avec celle de celui qu’il corrige.

Séquence C4 : Ga 6,1-10

197

Se regarder soi-même avec humilité La dernière partie commence par dénoncer l’orgueil de qui, en réalité, se leurre sur sa propre valeur (3). Mais la forme la plus diffuse de la vanité consiste à se comparer à quelque autre soigneusement sélectionné parmi ceux qui ne serviront que de faire-valoir ; et c’est pourquoi Paul invite chacun à ne pas se vanter aux dépens d’autrui (4). Quels fardeaux porter ? Les conclusions des parties extrêmes (2.5) semblent tout à fait contradictoires. Comment en effet concilier le conseil de porter les fardeaux les uns des autres et celui de ne s’occuper que de porter sa propre charge ? Ces deux consignes doivent être comprises dans leur contexte respectif et l’une par rapport à l’autre : s’il faut corriger les autres tout en veillant à soi-même (1), il est aussi nécessaire de s’examiner soi-même sans se comparer aux autres (3-4). Il est bon d’aider les autres à porter leur fardeau, mais à quoi cela servirait-il si on leur ajoutait une autre charge, celle de supporter le poids de sa propre supériorité ? Loin d’être antinomiques, les deux aphorismes sont complémentaires. La réciprocité Le secret pour éviter de tomber dans l’orgueil et d’écraser les autres réside dans la réciprocité : « Portez les fardeaux les uns des autres ». Être « spirituel » (1b) consiste non seulement à aider les autres en les reprenant, mais aussi à se faire aider par eux quand vient son tour. L’amour qui serait à sens unique ne serait tout simplement pas l’amour. L’Esprit n’est pas l’apanage de quelquesuns ; s’il n’est pas de tous, il n’est de personne. La Loi du Christ Ces conseils, qui pourraient paraître de simple sagesse humaine, sont appelés par le morceau central (2b) « loi du Christ ». Le génitif, « du Christ », peut être compris en deux sens qui ne s’excluent pas l’un l’autre : la loi à laquelle le Christ s’est soumis, et celle qu’il a donnée à ses disciples. En lui, les premiers disciples ont reconnu la figure du Serviteur : 16

Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un mot, et il guérit tous les malades, 17 afin que s’accomplît l’oracle d’Isaïe le prophète : « Il a pris nos infirmités et il a porté nos maladies » (Mt 8,17 citant Is 53,4)1.

Si Christ a accompli le premier cette « loi », les disciples se doivent de l’adopter eux aussi.

1

Le verbe traduit par « porter » est le même que celui que Paul utilise en 2 et en 5 (bastazein).

198

L’amour s’accomplit en vie éternelle

B. MOISSONNER LA VIE ÉTERNELLE (6,6-10) COMPOSITION + 6 Qu’il fasse participer + CELUI QUI L’INSTRUIT .. 7 NE vous y trompez PAS, + de Dieu = car ce qu’ = c’est cela aussi qu’

CELUI QUI EST INSTRUIT

DE LA PAROLE

à tous

SES BIENS.

on ne se moque pas, AURA SEMÉ

un homme,

IL MOISSONNERA. ············································································································· = 8 En effet LE SEMANT dans SA CHAIR à lui

: de LA CHAIR = mais

LE SEMANT

MOISSONNERA

la perdition,

dans L’ESPRIT

: de L’ESPRIT

MOISSONNERA la vie éternelle. ············································································································· faisant LE BON

+ 9 Or .. NE nous décourageons PAS, = car au temps .. NE nous relâchant PAS. + 10 Ainsi donc, + œuvrons + et surtout

voulu

NOUS MOISSONNERONS

tant que nous avons LE BIEN envers NOS COMPAGNONS

le temps, envers tous, DE FOI.

Les « compagnons de foi »2 (10c) comprennent ceux qui instruisent de la Parole et ceux qui en sont instruits (6). « La foi » peut être mise en relation avec « la Parole », car c’est par elle que la foi est transmise. Les morceaux extrêmes de la partie centrale commencent par un impératif, que les seconds segments motivent. Le morceau central oppose « la perdition » et « la vie éternelle » (8b.8d). Son premier segment rappelle le morceau précédent où est envisagé le cas de ceux qui se moqueraient de Dieu, tandis que le second segment annonce morceau suivant dans lequel il est question de faire le bien. La métaphore des semailles et des moissons parcourt toute la partie. « Faire le bon » (9a) et « œuvrer le bien » (10b)3, c’est « semer dans l’Esprit » (8c), c’est « faire participer à tous ses biens » (6). 2

Le terme oikeios désigne celui qui habite la même maison (oikia), d’où « familier », « parent », « de la même famille » (voir Ep 2,19) ; « compagnon », dans son sens étymologique de celui qui partage le même pain, rend le sens. 3 En 9a kalon (litt. « le beau ») est traduit par « bon » et en 10b agathon (litt. « le bon ») est traduit par « le bien » pour respecter la correspondance avec « les biens » (agathois) de 6b.

Séquence C4 : Ga 6,1-10

199

CONTEXTE Semer les biens spirituels, récolter les biens matériels Le premier verset du passage est largement développé en 1Co 9 : 4

N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ? [...] 7 Qui fait jamais campagne à ses propres frais ? Qui plante une vigne et n’en mange pas le fruit ? Qui fait paître un troupeau et ne se nourrit pas du lait du troupeau ? 8 N’y a-t-il là que propos humains ? Ou bien la Loi ne le dit-elle pas aussi ? 9 C’est bien dans la Loi de Moïse qu’il est écrit : « Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain ». Dieu se mettrait-il en peine des bœufs ? 10 N’est-ce pas évidemment pour nous qu’il parle? [...] 11 Si nous avons semé en vous les biens spirituels, est-ce chose extraordinaire que nous récoltions vos biens temporels ? [...] 13 Ne savez-vous pas que les ministres du temple vivent du temple, que ceux qui servent à l’autel partagent avec l’autel ? 14 De même, le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile.

INTERPRÉTATION « Il y a pour tout un moment et un temps pour toute chose sous le ciel » (Qo 3,1) Il y a un temps pour semer et un temps pour moissonner. Un temps, limité, nous est donné pour « œuvrer le bien envers tous » (10) ; un autre temps viendra où ceux qui auront « fait le bon » seront récompensés par une moisson qui correspondra à ce qu’ils auront ainsi semé (9). Le temps présent est celui de la patience et de la persévérance, pendant lequel il ne faut ni « se décourager » ni « se relâcher » (9b.9d). « En toute chose il faut considérer la fin » Comme il en va pour l’agriculteur, la moisson de la vie sera proportionnée à ce que chacun aura semé. Le double aphorisme sur lequel est focalisé le passage énonce le jugement final de « Dieu » (7b) : « la perdition » pour qui aura semé « dans sa chair à lui », « la vie éternelle » pour qui aura semé « dans l’Esprit ». Devant l’« homme » (7c) s’ouvrent deux voies. « Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur » (Dt 30,15). Le choix que Moïse avait offert aux fils d’Israël, Paul le propose à nouveau à ses destinataires de Galatie. Il faut savoir ce que l’on veut, savoir où l’on va, quelle est notre fin, et prendre les moyens d’y arriver. « On ne se moque pas de Dieu » (7b). Faire le bien Le disciple sera jugé sur le bien qu’il aura fait. Ce bien est destiné à « tous », sans distinction (10b), c’est-à-dire jusqu’à ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne, puisque Paul ajoute que c’est surtout envers ceux qui croient en Christ que le bien doit être fait. Le début du passage ajoute une autre précision : celui qui est instruit de la Parole qui lui transmet la foi se doit de faire le bien

200

L’amour s’accomplit en vie éternelle

d’abord et avant tout envers celui qui l’instruit, et très concrètement de le faire participer à tous ses propres biens (6). C’est que laisser sans ressource celui qui consacre son temps et ses forces à l’annonce de l’évangile serait en définitive se moquer de Dieu (7b), car c’est lui qui a envoyé le messager de sa Parole. C. L’AMOUR S’ACCOMPLIT EN VIE ÉTERNELLE (6,1-10) COMPOSITION Frères, même si un homme est pris en quelque faute, vous LES SPIRITUELS, REDRESSEZLE en ESPRIT de douceur, veillant à toi-même à ne pas être tenté toi aussi. 2 Portez les fardeaux les uns des autres. 1

Et ainsi vous accomplirez la Loi du Christ. 3

Car si quelqu’un pense être quelque chose, n’étant rien, il se leurre lui-même ; 4 mais que chacun examine sa propre œuvre, et alors en soi seulement il aura de quoi se vanter et non pas en un autre. 5 Car chacun portera sa propre charge. CELUI QUI EST INSTRUIT de la parole qu’il FASSE PARTICIPER de tous ses biens celui qui l’instruit. 6

7

Ne vous y trompez pas, on ne se moque pas de Dieu ; en effet ce qu’aura semé un homme, c’est cela qu’il moissonnera. 8 Car celui qui sème dans sa propre chair, de la chair moissonnera la perdition ; mais celui qui sème dans L’ESPRIT, de L’ESPRIT moissonnera la vie éternelle. 9 De faire le bien ne nous décourageons pas ; car en son temps nous moissonnerons, si nous ne nous relâchons pas. 10

Ainsi donc, tandis que nous avons le temps, œuvrons le bon envers tous et surtout envers les compagnons de foi.

Les deux passages sont complémentaires. Leurs débuts identifient deux catégories différentes de personnes auxquelles s’adresse l’auteur : le premier passage concerne ceux qui sont chargés de « redresser » celui qui pèche (1), le second vise « celui qui est enseigné » (6). Les premiers en effet donnent une leçon, les autres la reçoivent. Pour ainsi dire, le premier passage veut régler les relations du maître avec son disciple, le deuxième du disciple avec son maître. Aux « spirituels » du début du premier passage (1 ; auquel fait écho immédiatement « en esprit de douceur ») correspondent les deux occurrences de « Esprit » au centre du second passage (8b) ; l’« homme pris en quelque faute » est donc, en quelque sorte, quelqu’un qui « a semé dans sa propre chair » (8a). Le premier passage est centré sur la loi du Christ (2b) qui est, si l’on peut dire, l’origine ou la cause de la conduite des disciples, tandis que le second passage est centré sur la conséquence de cette conduite (8), à savoir la sanction qui sera appliquée par « Dieu » (nommé en 7b).

Séquence C4 : Ga 6,1-10

201

Par ailleurs, alors que la fin du premier passage (3-5) et le début du deuxième (6-8) sont à la troisième personne du singulier, en revanche le début du premier passage (1-2) est à la deuxième personne (« vous » puis « tu ») et la fin du second passage (9-10) est à la première personne du pluriel. Paul finit donc, pour ainsi dire, par s’intégrer à la communauté à laquelle il s’adresse au début, réalisant ainsi la communion à laquelle il appelle tous ses destinataires ; l’élargissement est souligné par l’emploi de « tous » (10b). Cette sorte de composition concentrique est confortée par l’inclusion formée par « frères » au tout début (1a) et par « compagnons de foi » tout à la fin (10c ; surtout si l’on se rappelle que le mot traduit par « compagnons » signifie le plus souvent « parents »)4. CONTEXTE Le Pharisien et le publicain Les versets 3-4 sont illustrés par la parabole du pharisien et du publicain en Lc 18,9-145. INTERPRÉTATION La loi de la chair Tous sont soumis à la loi de la chair. D’abord, celui qui s’est laissé surprendre et a effectivement commis quelque transgression (1), mais aussi « les spirituels » qui doivent le redresser et que Paul met en garde : ils pourraient bien être tentés eux aussi de tomber soit dans la même faute, soit, ce qui serait sans doute encore pire, dans le piège de l’orgueil de qui se compare aux pécheurs pour se placer au-dessus d’eux (3-4). « Celui qui est instruit de la Parole » lui aussi est soumis à la même loi de la chair : il y succomberait s’il n’avait pas le souci de soutenir, de manière concrète, celui qui l’a instruit, car tout ouvrier mérite son salaire (6-7). Utilisant en finale la première personne du pluriel, Paul lui aussi se range, comme tous ceux auxquels il s’est adressé jusque-là, au nombre de ceux qui doivent résister à la loi de la chair. Lui non plus ne doit ni « se décourager » ni « se relâcher » de faire le bien. La loi du Christ « La loi du Christ », dont il est question au centre du premier passage (2b), n’est autre que celle de « l’Esprit » dont parle le centre du second passage. Ce dernier est « l’esprit de douceur » qui inspirera ceux qui ont à reprendre le fautif (1). C’est aussi l’esprit d’humilité de qui sait ne pas être à l’abri de la tentation et qui a conscience d’être guetté par l’orgueil (1.3). La Loi du Christ invite à ne pas 4

Il pourrait donc être tentant de traduire la dernière expression par « frères dans la foi », comme le fait la BJ. 5 Voir mon commentaire dans L’Évangile de Luc, 696-697.

202

L’amour s’accomplit en vie éternelle

se croire supérieur aux autres (4). Elle conseille de porter les fardeaux les uns des autres sans imposer sa propre charge à autrui (2.5). Dans la même ligne, elle prévoit l’échange et même la communion des biens entre ceux qui enseignent et ceux qui sont enseignés (6). Le bien qu’elle commande de faire s’étend à tous les membres de la famille chrétienne mais dépasse le cercle communautaire pour s’étendre à « tous » (10). Le jugement de Dieu La Loi que tous les disciples doivent accomplir, en portant les fardeaux les uns des autres, est celle « du Christ » (2). Quant au jugement qui sanctionnera l’obéissance ou non à la loi du Christ, ce n’est pas au disciple, quelque « spirituel » qu’il soit, de s’en arroger le pouvoir (4) ; c’est « Dieu » seul (7) qui le prononcera « en son temps ». C’est lui qui enverra ceux qui auront semé dans la chair à la perdition et fera au contraire hériter de la vie éternelle ceux qui auront semé dans l’Esprit (8).

16 Seule compte la création nouvelle Séquence C5 : Ga 6,11-18

Le passage est introduit par une courte phrase dont la fonction est de souligner l’importance de ce qui va suivre : « Voyez avec quelles grosses lettres je vous écris de ma propre main « (11). Il était en effet de coutume à l’époque d’écrire avec de plus gros caractères1 ce que l’on voulait mettre en valeur. Le fait que le verbe « écrire » soit à l’aoriste a fait penser que Paul avait écrit de sa main toute la lettre2. Mais il était habituel pour le scripteur grec de se situer non pas dans le temps où lui-même écrivait, mais dans celui où ses correspondants lisaient la lettre : alors que nous écririons : « Je vous écris de Rome où je suis arrivé depuis deux jours », un grec aurait écrit : « Je vous écrivis de Rome où j’étais arrivé deux jours auparavant »3. Comme beaucoup de ses contemporains, Paul utilisait les services d’un secrétaire auquel il dictait son courrier (voir 1Co 16,21 ; Col 4,18). Ainsi qu’on le fait souvent de nos jours, l’auteur ajoutait de sa propre main quelques mots avant de signer sa lettre pour l’authentifier (autres postscriptum de Paul : 1Co 16,21 ; Phm 19 ; Col 4,18 ; 2Th 3,17)4. Après l’introduction, le corps du passage se développe en trois temps :

Introduction Ils se vantent dans la CIRCONCISION, En Christ seule compte Qui porte LES MARQUES DE JÉSUS

1

6,11 je me vante dans LA CROIX LA NOUVELLE CRÉATION

vous souhaite la grâce de Jésus Christ

12-14 15 16-18

« Lettre » (gramma) ne signifie pas la missive (ce serait epistolē) mais la lettre de l’alphabet, le caractère. 2 Ainsi la majorité des Pères, aussi bien grecs que latins. 3 Autres exemples d’aoristes épistolaires : 1Co 5,11 ; Ph 2,28 ; Phm 12.19.21 ; Col 4,8. 4 Autres postscriptum de Paul : 1Co 16,21 ; Phm 19 ; Col 4,18 ; 2Th 3,17.

204

Seule compte la création nouvelle

COMPOSITION Comme pour la séquence C1, l’analyse se fera d’abord partie par partie. Première partie (6,12-14) = 12 Tous ceux qui veulent faire-bonne-figure : ce sont ceux qui imposent que vous soyez - uniquement afin de N’être PAS persécutés pour

DANS LA CHAIR

- 13 car les circoncis, eux-mêmes N’observent PAS : mais ils veulent que vous soyez = afin de se vanter

LA LOI

circoncis CROIX du CHRIST ;

LA

circoncis DANS VOTRE CHAIR.

···························································································································· 14

+ À moi, qu’il n’arrive pas de + si ce n’est dans LA CROIX - par qui - et

pour moi MOI

me vanter de NOTRE SEIGNEUR LE MONDE est pour le monde.

JÉSUS CHRIST CRUCIFIÉ

Les deux morceaux opposent l’attitude des circoncis et celle de Paul dans leurs rapports au Christ et à la chair ou au monde. La construction spéculaire du premier morceau met en regard dans les membres centraux le double déficit des judaïsants : d’une part leur conduite est dictée par la peur de la persécution (12c), d’autre part ils n’observent pas euxmêmes la Loi qu’ils prétendent imposer aux païens (13a). Les deux occurrences de « se vanter » agrafent les deux morceaux (13c.14a). « La croix de notre Seigneur Jésus Christ » (14b) renvoie à « la croix du Christ » (12c). Les deux occurrences de « le monde » (14cd) correspondent aux deux occurrences de « la chair » aux extrémités du premier morceau (12c.13c) : les deux mots sont en quelque sorte synonymes5.

5 Le relatif masculin traduit avec « par qui » (14c) peut avoir pour antécédent soit « notre Seigneur » soit « la croix », masculin en grec. Il n’est pas possible de conserver l’ambiguïté dans la traduction. Contrairement à la TOB et à Osty, la Bible de Jérusalem a tourné sa traduction de façon à éviter de prendre parti : « dans la Croix de notre Seigneur Jésus Christ, qui a fait du monde un crucifié pour moi... ». L’option retenue ici est de considérer comme antécédent le syntagme le plus proche. Quoi qu’il en soit, le sens ne change pas substantiellement.

Séquence C5 : Ga 6,11-18

205

Deuxième partie (6,15) :: 15 Car [en CHRIST – ni la circoncision + mais LA NOUVELLE

JÉSUS] n’est quelque chose CRÉATION.

ni le prépuce,

À l’alternative entre « circoncision » et « prépuce » est opposée « la nouvelle création » qui seule est « quelque chose » « en Christ Jésus » 6. Dernière partie (6,16-18) : 16 Et tous ceux qui - PAIX (soit) - et + 17 Désormais, + car moi, - 18 La GRÂCE : (soit) avec votre esprit,

à cette règle-là sur eux sur l’Israël

se conformeront, et MISÉRICORDE de Dieu.

des ennuis à moi les marques de Jésus

que personne dans mon corps

de notre Seigneur frères.

Jésus Christ Amen !

ne fasse, je porte !

Le dernier segment répond au premier : « grâce » correspond à « paix » et « miséricorde » ; les destinataires, « tous ceux qui suivront cette règle », ainsi que « l’Israël de Dieu »7, sont maintenant appelés « frères ». Au centre (17), un bimembre dont le sujet n’est plus les destinataires de la lettre, mais Paul dans ses relations d’une part à ses adversaires et d’autre part au Christ. « Les marques de Jésus » (17b) semblent complémentaires de « la grâce de notre Seigneur Jésus Christ » (18a) — et aussi de « la paix » et « la miséricorde » (16b), puisqu’elles ont le même complément, « de Jésus » ou « de notre Seigneur Jésus Christ ». 6 Le texte court, sans « en Christ Jésus », est retenu par les éditions modernes. Toutefois de nombreux témoins contiennent cette variante. La position symétrique de 6,15 et 5,6 – qui occupent le centre des séquences extrêmes de la section (voir p. 216) – serait un argument de poids en faveur de cette variante, généralement considérée comme secondaire. Ainsi la variante est ici intégrée pour des raisons rhétoriques. 7 Le syntagme « et sur l’Israël de Dieu » peut être compris comme une sorte d’apposition à « eux », faisant donc partie de « tous ceux qui se conformeront à cette règle », qui seraient ainsi qualifiés comme « l’Israël de Dieu » (« et » de 16c serait explicatif). Certains pensent qu’il désigne au contraire un groupe distinct du premier (« eux ») et ajouté à lui (« et » serait alors un véritable coordonnant) ; mais le problème serait alors de savoir s’il s’agit des juifs disciples de Jésus ou des juifs en général. On ne voit pas que Paul, qui a tant insisté sur l’unité de tous les disciples, les divise en deux groupes au moment d’achever sa Lettre ; on ne voit pas davantage que ce puisse être ceux qui ne se conforment pas à la règle qu’il vient d’énoncer.

206

Seule compte la création nouvelle

L’ensemble du passage (6,11-18) 11

Voyez avec quelles grosses lettres je vous écris de ma propre main :

TOUS CEUX QUI veulent faire bonne figure dans la chair ce sont ceux qui imposent que vous soyez CIRCONCIS uniquement afin de n’être pas persécutés pour la Croix du CHRIST ; 13 car les circoncis, eux-mêmes n’observent pas LA LOI mais ils veulent que vous soyez CIRCONCIS afin de se vanter dans votre chair. 12

À MOI, qu’il n’advienne pas de me vanter sinon dans la Croix de NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST par qui le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde. 14

15

Car en CHRIST JÉSUS ni la CIRCONCISION n’est quelque chose ni le prépuce, mais la nouvelle création. Et TOUS CEUX QUI suivront cette règle, soit sur eux et LA MISÉRICORDE et sur l’Israël de Dieu. 16

LA PAIX

17

Désormais, que personne ne me cause des ennuis, car MOI, je porte dans mon corps les marques de JÉSUS ! 18

LA GRÂCE de NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST soit avec votre esprit, frères. Amen !

Paul souligne d’abord de sa propre main l’importance de ce qu’il va écrire (10). Pour le corps du passage, les parties extrêmes commencent avec le même pronom relatif, « tous ceux qui » (12a.16a). Chacune met en scène deux « personnages » : dans la première, les adversaires de Paul d’abord (12-13) puis Paul lui-même (14) ; dans la dernière, les destinataires de Paul aux extrémités (16.18) et Paul au centre (17). Mais ce ne sont pas là les seuls personnages présents dans ces parties. Dans la première partie, Paul et ses adversaires se situent par rapport à « la Loi » (13a ; la circoncision en 12b et 13b ; « la chair » en 12a et 13c ; « le monde » deux fois en 14c) et par rapport à « la Croix du Christ » (12c.14b). Dans la dernière partie, il n’est plus question que du rapport au Christ, dans la double dimension des souffrances (« les marques » : 17b) pour Paul et de « la paix », « la miséricorde » et « la grâce » (16b.18a) pour les destinataires.

Séquence C5 : Ga 6,11-18

207

« Les marques de Jésus » (17b) correspondent à « la Croix de Notre Seigneur Jésus Christ » (14b, et déjà 12c) : c’est en elles que Paul (« moi » en 14a et 17b) « se vante » aussi bien dans le dernier morceau de la première partie (14) qu’au centre de la dernière partie (17) ; ainsi ces « marques » que Paul « porte dans [son] corps » s’opposent-elles à la « circoncision » prévue par la Loi, qui est, elle aussi, une marque dans le corps. Le court passage central (15) énonce la « règle » qui doit être « suivie » par tous et qui s’oppose à « la Loi » qui n’est pas « observée » par les circoncis en 13a. « Circoncision » (et « prépuce ») rappellent les trois occurrences du verbe « être circoncis » de la première partie (12b.13a.13b). Quant à « la nouvelle création », elle semble annoncer la dernière partie : elle est en effet marquée par « la paix », « la miséricorde » (16b) et « la grâce » de Jésus Christ (18a). En outre, il faut sans doute noter que, bien que l’expression « avec votre esprit » (18b) soit un sémitisme — que l’on pourrait traduire par « avec vousmêmes » —, ce mot « esprit » de la fin du passage peut être considéré comme s’opposant à « la chair » du début (12a) : la nouvelle création n’est pas charnelle, mais spirituelle. CONTEXTE « La nouvelle création » L’expression renvoie aux textes qui annoncent la nouvelle alliance, présentée comme une nouvelle création : 17

Car voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle ; on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit. 18 Mais soyez pleins d’allégresse et exultez éternellement de ce que moi, je vais créer : car voici que je vais faire de Jérusalem une exultation et de mon peuple une allégresse (Is 65,17-18 ; voir Is 66,22).

La vision des ossements desséchés (Ez 37) est une description saisissante de la nouvelle création opérée par l’Esprit de Dieu. « Les marques de Jésus » Paul n’explicite pas le sens du mot stigmata dont c’est le seul emploi dans le Nouveau Testament. Ces marques que l’Apôtre porte sur son corps pourraient être celles des « persécutions » (12c), flagellation ou lapidation, qu’il a subies pour sa foi en Christ Jésus (2Co 11,23-25 ; voir aussi 2Co 1,8-10). « La grâce » Comme dans ses autres lettres, Paul conclut son écrit en souhaitant « la grâce » (charis) à ses destinataires. Ce vœu, qui fait écho à celui de l’adresse (1,3), acquiert sans doute ici un relief particulier du fait de l’accusation portée par Paul contre les Galates au début de la section : « Vous avez rompu avec le

208

Seule compte la création nouvelle

Christ, vous qui cherchez la justice dans la Loi ; vous êtes déchus de la grâce » (5,4). L’inclusion que forment les deux seules occurrences de ce terme dans la section semble donc fort significative. « Amen ! » Cette formule par laquelle l’auteur achève sa lettre se retrouve seulement à la fin de l’Épître aux Romains. INTERPRÉTATION Les gros caractères Si Paul tient à faire noter que de sa propre main il écrit désormais en gros caractères, ce n’est pas seulement pour authentifier l’ensemble de sa lettre par sa propre graphie. C’est sans doute aussi qu’il entend insister sur l’importance qu’il accorde aux lignes qui vont suivre. Pour conclure sa Lettre, il ne se contente pas d’un résumé, d’une simple récapitulation ; il thématise avec une grande clarté ce qui fait l’essentiel de ce qu’il a voulu dire tout au long de sa Lettre. Circoncision et Croix du Christ L’opposition est on ne peut plus clairement posée : les Galates doivent choisir entre la circoncision ou la Croix du Christ. C’est l’un ou l’autre. Ou vont-ils mettre leur fierté, que dis-je, leur foi ? Sans ambages, Paul démasque les raisons pour laquelle les judaïsants veulent imposer la circoncision aux Galates. Ils entendent « faire bonne figure », « se vanter » « dans la chair » (12a), « dans la chair » des Galates (13c), en pouvant se targuer d’avoir acquis au judaïsme de nouveaux adeptes, marqués dans leur chair par le rite d’agrégation au peuple d’Abraham. Ce faisant, et c’est là le point décisif, ils pensent éviter d’être persécutés par les autres juifs. Paul en sait quelque chose qui fut lui aussi persécuteur acharné des disciples de Jésus. Mais, la conduite qu’il dénonce, c’est celle de ceux qui veulent écarter la Croix du Christ, nier concrètement qu’elle soit source du salut, dans la mesure où c’est la circoncision qui sauve, la répudier aussi comme identification aux souffrances, à la mort et aussi à la résurrection de Jésus. Ils n’ont pas compris que la Croix de Jésus portait la circoncision à son accomplissement8. À condition bien sûr qu’elle soit assumée par les disciples comme elle l’avait été par leur maître. Voilà pourquoi Paul ne se vante en rien d’autre, lui qui a accepté de subir les persécutions pour le nom de Jésus, qui ont laissé dans son corps leurs marques visibles. Certes, Paul fut circoncis le huitième jour, mais il a compris que ce n’était pas sa circoncision qui en avait fait une « nouvelle création », mais les marques de Jésus, imprimées dans son corps. La circoncision est le sacrifice d’une partie du corps pour signifier la renonciation à la totalité, à la toute-puissance ; la Croix du Christ, assumée par le 8

« La circoncision équivaut à une mort mystique » (M. ÉLIADE, Naissances mystiques, 58).

Séquence C5 : Ga 6,11-18

209

disciple, est une renonciation radicale, totale, puisque c’est « le monde » qui est ainsi sacrifié, qui est ainsi « crucifié » avec le disciple lui-même. La nouvelle création Christ est ressuscité à vie nouvelle. La Croix n’est pas la fin de toute chose ; elle n’est pas la fin de Jésus et pas davantage celle de ses disciples. Elle n’est que le chemin obligé d’une nouvelle naissance, d’une « nouvelle création ». « Les premières choses, voici qu’elles sont arrivées, et je vous en annonce de nouvelles, avant qu’elles ne paraissent, je vais vous les faire connaître » (Is 42,9 ; aussi 43,18-19). Paul a su reconnaître en Jésus, le Serviteur souffrant, dans lequel le Seigneur avait promis qu’il conclurait, non seulement avec Israël mais avec toutes les nations, une alliance nouvelle.

17 C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir La section C : Ga 5,2–6,18

La dernière section de l’Épître aux Galates est organisée de manière concentrique, autour de la double liste des « œuvres de la chair » et du « fruit de l’Esprit » (5,19-26). Tout le premier versant (c’est-à-dire les séquences C1 et C2) est consacré à « l’œuvre » de l’homme qui doit être œuvre d’« amour », tandis que le second versant (soit les séquences C4 et C5) est davantage marqué par l’œuvre de Dieu. Cette opposition complémentaire se note surtout aux centres respectifs des séquences C1 et C3 d’où sont tirés directement les titres de ces séquences.

C1 Seule compte

C2 La Loi

la Foi opérant par L’AMOUR

s’accomplit

dans L’AMOUR

C3 Les œuvres de la chair et le fruit de l’Esprit C4 L’amour

C5 Seule compte

s’accomplit

en VIE ÉTERNELLE

la CRÉATION NOUVELLE

5,2-12

5,13-18 5,19-26 6,1-10

6,11-18

212

C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir

A. LA SOUS-SECTION CENTRALE (SÉQUENCES C2–C4) COMPOSITION 5,13 VOUS en effet, c’est à la liberté que vous avez été appelés, FRÈRES. Seulement, que la liberté ne serve pas de prétexte pour LA CHAIR, mais par L’AMOUR asservissez-vous LES UNS AUX AUTRES. 14 Car toute la LOI s’accomplit en une seule parole : « Tu AIMERAS ton prochain comme toi-même. » 15 Mais si vous vous mordez et vous déchirez les uns les autres, prenez garde de ne pas être détruits les uns par les autres. Je le dis : marchez selon L’ESPRIT, et vous ne satisferez pas la convoitise de LA CHAIR. 17 Car LA CHAIR convoite contre L’ESPRIT et L’ESPRIT contre LA CHAIR : car ils s’opposent l’un à l’autre afin que vous ne fassiez pas ce que vous voulez. 18 Mais si vous êtes conduits par L’ESPRIT, vous n’êtes pas sous la LOI. 16

les œuvres de LA CHAIR sont manifestes ; ce sont fornication, impureté, débauche, 20 idolâtrie, sorcellerie, haines, querelle, jalousie, fureurs, disputes, dissensions, scissions, 21 envies, beuveries, ripailles et choses semblables. Je vous préviens, comme je vous en ai déjà prévenus : ceux qui pratiquent ces choses n’hériteront pas du ROYAUME DE DIEU.

19

Or

22

Mais le fruit

de L’ESPRIT c’est joie, paix, patience, bienveillance, bonté, confiance, 23 DOUCEUR, tempérance. Contre de telles choses il n’y a point de LOI. 24 Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié LA CHAIR avec ses passions et ses convoitises. 25 Si nous vivons par L’ESPRIT, conformons-nous à L’ESPRIT. 26 Ne cherchons pas la vaine gloire, nous provoquant LES UNS LES AUTRES, nous enviant LES UNS LES AUTRES. AMOUR,

6,1 FRÈRES, même si quelqu’un est pris en faute, VOUS les spirituels, redressez-le en esprit de DOUCEUR, veillant toi-même à ne pas être tenté, toi aussi. 2 Portez les fardeaux LES UNS DES AUTRES ! Ainsi vous accomplirez la LOI du Christ. 3

Car si quelqu’un se croit quelque chose alors qu’il n’est rien, il se leurre. 4 Que chacun examine sa propre œuvre, et alors il aura de quoi se vanter pour lui seul, et non pour autrui. 5 Car chacun portera son propre fardeau. 6

Que celui qui est instruit de la Parole fasse participer à tous ses biens celui qui l’instruit. Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Quoi qu’un homme sème, il le moissonnera. 8 Car celui qui sème dans SA CHAIR moissonnera, de LA CHAIR, la corruption ; celui qui sème dans L’ESPRIT moissonnera, de L’ESPRIT, LA VIE ÉTERNELLE. 7

9

Ne nous décourageons pas de faire le bien ; au temps voulu, nous moissonnerons, si nous ne nous relâchons pas. 10 Ainsi donc, tandis que nous en avons le temps, œuvrons le bien envers tous, mais surtout envers nos FAMILIERS de foi.

La section C : Ga 5,2–6,18

213

Les séquences extrêmes C2 et C4 (5,13-18 ; 6,1-10) Elles sont parallèles entre elles. – elles commencent avec l’apostrophe « frères », accompagnée du pronom « vous » (5,13 ; 6,1) ; ce sont les seuls endroits de la sous-section où cette apostrophe apparaît1 ; – leurs premières unités sont centrées sur une mention de la « loi », chaque fois « accomplie » (5,14a ; 6,2b) ; ces centres sont précédés du même « les uns les autres » (5,13bc ; 6,2a) ; – au centre de leurs secondes unités (5,16-18 ; 6,6-10) se retrouve la même opposition entre « la chair » et « l’Esprit » (5,17 ; 6,8). L’ensemble de la sous-section C’est sur cette opposition entre « la chair » et « l’esprit » qu’est construite la séquence centrale (5,19-26). La « Loi » se retrouve non seulement au centre des premières unités des séquences extrêmes (5,14 ; 6,2b), mais aussi à la fin de la première séquence (5,18) et au cœur du deuxième passage de la séquence centrale (5,23c). « Toute la Loi » s’accomplit dans l’amour (5,14) : le mot « l’amour » se retrouve au début de la première séquence (5,13b) et au début de la liste du « fruit de l’Esprit » (5,22b) ; il ne se retrouvera pas dans la dernière séquence, mais « douceur », l’avant-dernier terme de la liste du fruit de l’Esprit (5,23a) sera repris au début de la dernière séquence (6,1b). « Les uns les autres » de 5,13bc et 6,2a se retrouvent aussi deux fois à la fin de la séquence centrale (5,26). Tandis que la première séquence est toute en « vous », la seconde, comme la dernière commencent en « vous », mais s’achèvent à la première personne du pluriel, incluant donc celui qui écrit (5,25-26 ; 6,9-10). L’opposition entre « œuvres » et « fruit » au début de chacun des deux passages de la séquence centrale (5,19a.22a) retentit dans l’ensemble de la soussection : – les mots appartenant au champ sémantique du « faire » se retrouvent dans les trois séquences : « faire » (poieō) en 5,17b et 6,9a, « œuvre(s) » (ergon) en 5,19a et 6,4b, « œuvrer » (ergazomai) en 6,10a, enfin « pratiquer » (prassō) en 5,21c. – « fruit » de 5,22a appartient au même champ sémantique que « moissonner » de 6,7-9 (quatre fois). Le premier fruit de l’Esprit est « l’amour » (5,22b), ce que l’on moissonnera de l’Esprit est « la vie éternelle » (6,8b) ; « le Royaume de Dieu » (5,21d) entre dans la même série (« hériter » de 6,21d comme « moissonner » de 8ab sont au futur).

1 Avec « familiers » tout à la fin de la sous-section (6,10b) l’auteur conclut sur le thème de la fraternité qui lie tous les membres de la même famille.

214

C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir

INTERPRÉTATION L’accomplissement de la Loi Toute la Torah, ses six-cent treize commandements, selon le compte traditionnel, se résument en un seul, tel qu’il est formulé au livre du Lévitique, au centre du livre central du Pentateuque : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19,18). Paul utilise le verbe « accomplir » pour qualifier ce mouvement de concentration et de dépassement. Il reprendra le même verbe, en position symétrique : « Ainsi vous accomplirez la Loi du Christ » (Ga 6,2). Ce qui est une manière de mettre en rapport ce qui peut apparaître comme deux lois, celle du Christ et celle de Moïse. Sauf qu’à examiner de près ce que chacune ordonne, à savoir l’amour, il devient clair qu’il ne s’agit que d’une seule et même loi, la seconde accomplissant la première. Quand, dans la séquence centrale, il sera dit que « contre de telles choses », « amour » en tête, « il n’y a point de Loi » (5,23), c’est une autre façon, plus forte encore sans doute, de dire la même chose. L’amour accomplit la Loi, comme le fruit accomplit la fleur. Le fruit ne détruit pas la fleur, ne l’abolit pas, ne la remplace pas, il la porte à sa fin, il l’accomplit. C’est en ce sens que la loi du Christ accomplit celle de Moïse. S’étant fait serviteur, jusqu’à la mort et la mort de la croix, le Christ le premier a accompli toute la Loi. Et ses disciples accomplissent ce qui est ainsi devenu la Loi du Christ, quand ils « ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises » (5,24). C’est ainsi la Croix, expression et réalisation ultime de l’amour, qui accomplit la Loi, c’est-à-dire qui accomplit ce que la Loi promettait sans pouvoir le tenir. La liberté de l’esclavage mutuel Si toute la Loi s’accomplit dans le seul commandement de l’amour, il s’ensuit que les uns et les autres, les juifs comme les grecs, sont libres par rapport aux autres prescriptions particulières de la Loi. C’est pourquoi Paul le dit d’emblée : « c’est à la liberté que vous avez été appelés » (5,13). Il ne le dit de son propre chef, mais, utilisant un passif, il entend signifier que l’appel dont il est question vient d’en-haut. Aussitôt cependant, il précise non pas les limites de la liberté, mais sa nature même : elle consiste dans le service mutuel. Se faire esclave des autres ne s’oppose pas à la liberté, bien au contraire, cela la constitue, à la condition, bien sûr, que l’esclavage soit réciproque : s’il en est ainsi, personne n’est esclave, tous sont libres. La fraternité Si chacun est esclave des autres, cela signifie que tous sont égaux. En d’autres termes, ils sont frères. C’est bien ainsi qu’au début des séquences extrêmes ils sont appelés par Paul (5,13 ; 6,1). La fraternité est avant tout la relation qui unit ceux qui partagent la même foi en Christ, qui appartiennent donc à la même maisonnée, qui font partie de la même famille, comme il est dit à la fin de la

La section C : Ga 5,2–6,18

215

sous-section (6,10). Toutefois, elle ne se limite pas aux « familiers de foi », même si, bien sûr c’est « surtout » envers eux qu’il faut « œuvrer le bien » ; elle doit s’étendre à « tous ». Ce qui laisse entendre que ce ne sont pas seulement les fidèles du Christ qui sont fils de Dieu, mais tous les hommes. « Le prochain » que chacun doit aimer comme soi-même (5,14) comprend l’ensemble de l’humanité. L’héritage et la filiation Ceux qui s’abstiendront des « œuvres de la chair » et accueilleront « le fruit de l’Esprit » « hériteront le royaume de Dieu » (5,21). C’est ainsi qu’est énoncée, au cœur de la sous-section, la filiation divine de « ceux qui sont au Christ Jésus » (5,24) et qui « vivent par l’Esprit » (5,25). Ainsi sont énoncées les conditions auxquelles l’héritage sera transmis. En fait, il ne suffit pas d’être fils pour hériter ; encore faut-il s’en montrer digne. Encore faut-il se conduire en fils, c’est-à-dire se comporter comme le Père des cieux, faire les œuvres de Dieu, « accomplir la Loi du Christ » (6,2) qui n’est autre que l’amour mutuel (5,14). La royauté « Entrer dans le royaume de Dieu » peut signifier y accéder en tant que sujet du roi qu’est Dieu. L’expression peut être comprise aussi comme accéder à la royauté de Dieu. Toutefois, au cœur de la sous-section Paul ne reprend pas cette expression qui revient si souvent dans les évangiles synoptiques ; il ne l’utilise jamais dans ses lettres. Il dit : « hériter du règne de Dieu » (comme en 1Co 6,9.10 ; 15,50 ; voir aussi Ep 5,5). Le fils du roi participe à sa royauté, il hérite de son royaume, il devient roi à son tour. Ce n’est là rien d’autre que ce que le Seigneur avait annoncé dès l’origine quand il avait dit : « Faisons l’humain à notre image, comme notre ressemblance et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre » (Gn 1,26).

216

C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir

B. L’ENSEMBLE DE LA SECTION COMPOSITION Rapports entre les séquences extrêmes C1 et C5 C1 : 5,2-12 VOICI, moi, Paul, JE VOUS DIS : si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. 3 Je l’atteste de nouveau à tout homme qui se fait circoncire : il se doit de faire toute LA LOI. 2

C5 : 6,11-18 VOYEZ avec quelles JE VOUS ÉCRIS de ma

11

grosses lettres propre main : 12 Tous ceux qui veulent faire bonne figure dans LA CHAIR ce sont ceux qui imposent que vous soyez circoncis uniquement afin de n’être pas persécutés pour LA CROIX du Christ ; 13 car les circoncis, eux-mêmes n’observent pas LA LOI mais ils veulent que vous soyez circoncis afin de se vanter dans votre CHAIR.

4

Vous êtes retranchés du Christ, vous qui dans LA LOI vous justifiez ; de LA GRÂCE vous êtes déchus. 5 Pour nous, en effet, c’est par l’Esprit, de la Foi que nous attendons l’espérance de la justification.

Pour moi, puissé-je ne pas me vanter sinon dans LA CROIX de notre Seigneur Jésus Christ par qui le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde.

6

15

14

Dans le Christ Jésus, n’a de valeur ni la circoncision ni le prépuce, MAIS LA FOI OPÉRANT PAR L’AMOUR.

Car ni la circoncision ni le prépuce,

7

Vous couriez bien ! Qui vous a coupés d’obéir à la vérité ? 8 Cette conviction ne vient pas de Celui qui vous appelle. 9 Un peu de ferment fait fermenter toute la pâte.

16 Et tous ceux qui suivront cette règle, la paix soit sur eux et la miséricorde et sur l’Israël de Dieu.

10

Moi, je suis convaincu pour vous dans le Seigneur que vous ne penserez pas autrement. Quant à celui qui vous trouble, il en portera la peine, quel qu’il soit.

17

11 Pour moi, FRÈRES, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Il est donc retranché, le scandale de 12 LA CROIX ! Ils devraient être coupés, ceux qui vous bouleversent !

18 LA GRÂCE de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit, FRÈRES. Amen !

n’est quelque chose

MAIS LA NOUVELLE CRÉATION.

Désormais, que personne ne me cause des ennuis, car moi, je porte dans mon corps LES MARQUES de Jésus !

Les séquences extrêmes sont de taille analogue et de composition semblable : chacune comprend deux parties qui encadrent une partie très brève (5,6 et 6,15).

La section C : Ga 5,2–6,18

217

Termes initiaux – En grec, les premiers mots (« Voici » : 5,2a ; « Voyez » : 6,11a) sont des impératifs du même verbe, le premier au singulier (ide), le second au pluriel (idete) ; – « je vous écris » (6,11b) rappelle « je vous dis » (5,2b) ; – le substantif « la Loi » n’est repris que dans les premières parties de chaque séquence. Il est opposé à « la Foi » dans la séquence C1 (« la Loi » : 5,3c.4b ; « la Foi » : 5b) ; dans la séquence C5, « la Loi » (6,13b) est mise en série avec « la chair » (6,12c.13c), avec « le monde » (6,14c.d) et elle s’oppose à « la Croix » (6,12e.14b). Termes finaux – Les deux seules occurrences du vocatif « frères » se trouvent à la fin des dernières parties (5,11a ; 6,18b) ; – le verbe « porter » n’est employé que dans les morceaux centraux des parties finales (5,10d ; 6,17b). Termes médians « Persécuté(s) » et « la Croix » ne reviennent qu’à la fin de C1 (5,11b-d) et au début de C5 (6,12de ; le substantif « la Croix » sera repris, avec le verbe « crucifier » en 6,14bc). Termes extrêmes Les deux occurrences du mot « esprit » marquent les parties extrêmes (5,5b et 6,18b). De même, « la grâce » revient aux extrémités de la section (5,4b et 6,18a) et pas ailleurs dans la section. Termes centraux Ce sont surtout les parties centrales de chaque séquence (5,6 et 6,15) qui se répondent : aux deux termes de l’alternative entre « circoncision » et « prépuce » sont opposées « la Foi opérant par l’amour » (5,6d) et « la nouvelle création » (6,15d). À noter que le pronom « moi » (dont le référent est toujours Paul) revient trois fois dans la séquence C1 (5,2a.10a.11a) et quatre fois dans la séquence C5 (14a. 14c.14d.17b) ; cela est d’autant plus remarquable que ce pronom ne reparaîtra pas dans le reste de la section.

218

C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir

Rapports entre les trois sous-sections 5,2 Voici, moi, Paul, je vous dis : si vous vous faites circoncire, CHRIST ne vous servira de rien. 3 Je l’atteste de nouveau à tout homme qui se fait circoncire : il se doit de faire toute LA LOI. 4 Vous êtes retranchés du CHRIST, vous qui dans LA LOI vous justifiez ; de LA GRÂCE vous êtes déchus. 5 Pour nous, en effet, c’est par L’ESPRIT, de LA FOI que nous attendons l’espérance de la justification. 6

Dans le CHRIST JÉSUS, ni la circoncision n’a de valeur ni le prépuce, mais LA FOI opérant par L’AMOUR.

7

Vous couriez bien ! Qui vous a coupés d’obéir à la vérité ? 8 Cette conviction ne vient pas de Celui qui vous appelle. 9 Un peu de ferment fait fermenter toute la pâte. 10 Moi, je suis convaincu pour vous dans le Seigneur que vous ne penserez pas autrement. Quant à celui qui vous trouble, il en portera la peine, quel qu’il soit. 11 Pour moi, FRÈRES, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Il est donc retranché, le scandale de LA CROIX ! 12 Ils devraient être coupés, ceux qui vous bouleversent ! 13

Vous en effet, c’est à la liberté que vous avez été appelés, FRÈRES. Seulement, que la liberté ne serve pas de prétexte pour LA CHAIR, mais par L’AMOUR asservissez-vous les uns aux autres. 14 Car toute LA LOI est accomplie en une seule parole : « TU AIMERAS ton prochain comme toi-même. » 15 Mais si vous vous mordez et vous déchirez les uns les autres, prenez garde de ne pas être détruits les uns par les autres. Je le dis : marchez selon L’ESPRIT, et vous ne satisferez pas la convoitise de LA CHAIR. 17 Car LA CHAIR convoite contre L’ESPRIT et L’ESPRIT contre LA CHAIR : car ils s’opposent l’un à l’autre afin que vous ne fassiez pas ce que vous voulez. 18 Mais si vous êtes conduits par L’ESPRIT, vous n’êtes pas sous LA LOI. 16

Or les œuvres de la chair sont manifestes ; ce sont fornication, impureté, débauche, 20 idolâtrie, sorcellerie, haines, querelle, jalousie, fureurs, disputes, dissensions, scissions, 21 envies, beuveries, ripailles et choses semblables. Je vous préviens, comme je vous en ai déjà prévenus : ceux qui pratiquent ces choses n’hériteront pas du Royaume de Dieu. 19

Mais le fruit de L’ESPRIT c’est AMOUR, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, confiance, 23 douceur, tempérance. Contre de telles choses il n’y a point de LOI. 24 Ceux qui sont au CHRIST JÉSUS ont 25 CRUCIFIÉ LA CHAIR avec ses passions et ses convoitises. Si nous vivons par L’ESPRIT, conformons-nous à L’ESPRIT. 26 Ne cherchons pas la vaine gloire, nous provoquant les uns les autres, nous enviant les uns les autres. 22

6,1 FRÈRES, même si quelqu’un est pris en faute, vous LES SPIRITUELS, redressez-le en esprit de douceur, veillant toi-même à ne pas être tenté, toi aussi. 2 Portez les fardeaux les uns des autres ! Ainsi vous accomplirez LA LOI du CHRIST. 3 Car si quelqu’un se croit quelque chose alors qu’il n’est rien, il se leurre. 4 Que chacun examine sa propre œuvre, et alors il aura de quoi se vanter pour lui seul, et non pour autrui. 5 Car chacun portera son propre fardeau. 6

Que celui qui est instruit de la Parole fasse participer à tous ses biens celui qui l’instruit. 7 Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Quoi qu’un homme sème, il le moissonnera. 8 Car celui qui sème dans SA CHAIR moissonnera, de LA CHAIR, la corruption ; celui qui sème dans L’ESPRIT moissonnera, de L’ESPRIT, la vie éternelle. 9 Ne nous décourageons pas de faire le bien ; au temps voulu, nous moissonnerons, si nous ne nous relâchons pas. 10 Ainsi donc, tandis que nous en avons le temps, œuvrons le bien envers tous, mais surtout envers nos compagnons de FOI. 11

Voyez avec quelles grosses lettres je vous écris de ma propre main : 12 Tous ceux qui veulent faire bonne figure dans LA CHAIR ce sont ceux qui imposent que vous soyez circoncis uniquement afin de n’être pas persécutés pour LA CROIX du CHRIST ; 13 car les circoncis, eux-mêmes n’observent pas LA LOI mais ils veulent que vous soyez circoncis afin de se vanter dans VOTRE CHAIR. 14 Pour moi, puissé-je ne pas me vanter sinon dans LA CROIX de NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST par qui le monde est CRUCIFIÉ pour moi et moi pour le monde. 15 16

Car ni la circoncision n’est quelque chose ni le prépuce, mais la nouvelle création.

Et tous ceux qui suivront cette règle, la paix soit sur eux et la miséricorde et sur l’Israël de Dieu. 17 Désormais, que personne ne me cause des ennuis, car moi, je porte dans mon corps LES MARQUES de JÉSUS ! 18 LA GRÂCE de NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST soit avec votre ESPRIT, FRÈRES. Amen !

La section C : Ga 5,2–6,18

219

L’opposition, dans la séquence centrale, entre « les œuvres » (5,19) et « le fruit » (5,22) — c’est-à-dire entre ce que l’homme fait et ce qu’il reçoit — se répercute tout au long de la section : – le substantif « les œuvres » (ta erga) est repris au singulier en 6,4 (« sa propre œuvre »), sous forme verbale (ergazomai) en 5,6 (« la Foi opérant par l’amour ») et en 6,10 (« pratiquons le bien »)2. Entrent dans la même série deux synonymes : « faire » (poieō : 5,3.17 ; 6,9) et « garder » (phylassō : 6,13) ; comme « faire » en 5,3, « garder » a le même complément, « la Loi ». – le substantif « le fruit » n’est pas repris ailleurs ; cependant, plusieurs verbes font partie du même champ sémantique : « moissonner » surtout (6,7.8 bis.9), mais aussi « hériter » (5,21) qui ont des compléments analogues (« la vie éternelle » en 6,8 et « le Royaume de Dieu » en 5,21) et même « attendre » « la justification » (5,5). Tous ces mots ont en commun de signifier la réception d’un don. L’opposition entre « la chair » et « l’Esprit », toujours au début des deux passages de la séquence centrale (5,19 et 22), retentit du début à la fin de la section, bien que « la chair » n’apparaisse pas dans la séquence C1 : – telle quelle, l’opposition entre « la chair » et « l’Esprit » se retrouve non seulement dans la séquence C2 (5,16-17) et dans la séquence C3 (5,24-25) mais aussi dans la séquence C4 (6,8) ; – « l’Esprit » est repris dans la première partie de la séquence C1, lié à « la Foi » (5,5) ; avec « la grâce » et « le Christ », ils sont opposés à « la Loi » (5,4) ; en 5,2-3 aussi, « la Loi », symbolisée et résumée par la circoncision (5,2.3), s’oppose au « Christ » (5,2) ; la même opposition est reprise au cœur de la séquence C1 (5,6) ; – « la circoncision » est opposée à « la Croix » à la fin de la séquence C1 (5,11). L’opposition se retrouvera au début de la séquence C5 entre d’une part « la Croix du Christ » (6,12) et d’autre part « la chair » (6,12.13), la circoncision (6,12.13 bis) et « la Loi » (6,13). Au centre de la section (5,24), « la chair » était déjà opposée à la Croix du Christ : « Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié la chair... ». Dans cette même séquence, « la Loi » (5,23) est opposée à « l’Esprit » (5,25 bis), comme en 5,18. En C5, « la Croix de notre Seigneur Jésus Christ » est opposée au « monde » (6,14). Enfin, « les marques de Jésus » que Paul porte dans son corps (6,17) sont à mettre en relation avec « la Croix de notre Seigneur Jésus Christ » (6,14 bis ; voir séquence C5, p. 206) ; elles s’opposent à cette autre marque dans le corps qu’est la circoncision ; – « l’amour » qui est le premier « fruit de l’Esprit » (5,22) est lié à « la Foi » au cœur de C1 (5,6) ; au début de C2, il s’oppose à « la chair » (5,13) mais il est décrit comme l’essence de « la Loi » en 5,14.

2

Le verbe traduit par « retrancher » (5,4 et 11) est de même racine (voir p. 175, verset 11).

220

C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir

5,2 Voici, moi, Paul, je vous dis : si vous vous faites circoncire, CHRIST ne vous servira de rien. 3 Je l’atteste de nouveau à tout homme qui se fait circoncire : il se doit de faire toute LA LOI. 4 Vous êtes retranchés du CHRIST, vous qui dans LA LOI vous justifiez ; de LA GRÂCE vous êtes déchus. 5 Pour nous, en effet, c’est par L’ESPRIT, de LA FOI que nous attendons l’espérance de la justification. 6

Dans le CHRIST JÉSUS, ni la circoncision n’a de valeur ni le prépuce, mais LA FOI opérant par L’AMOUR.

7

Vous couriez bien ! Qui vous a coupés d’obéir à la vérité ? 8 Cette conviction ne vient pas de Celui qui vous appelle. 9 Un peu de ferment fait fermenter toute la pâte. 10 Moi, je suis convaincu pour vous dans le Seigneur que vous ne penserez pas autrement. Quant à celui qui vous trouble, il en portera la peine, quel qu’il soit. 11 Pour moi, FRÈRES, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Il est donc retranché, le scandale de LA CROIX ! 12 Ils devraient être coupés, ceux qui vous bouleversent ! 13

Vous en effet, c’est à la liberté que vous avez été appelés, FRÈRES. Seulement, que la liberté ne serve pas de prétexte pour LA CHAIR, mais par L’AMOUR asservissez-vous les uns aux autres. 14 Car toute LA LOI est accomplie en une seule parole : « TU AIMERAS ton prochain comme toi-même. » 15 Mais si vous vous mordez et vous déchirez les uns les autres, prenez garde de ne pas être détruits les uns par les autres. Je le dis : marchez selon L’ESPRIT, et vous ne satisferez pas la convoitise de LA CHAIR. 17 Car LA CHAIR convoite contre L’ESPRIT et L’ESPRIT contre LA CHAIR : car ils s’opposent l’un à l’autre afin que vous ne fassiez pas ce que vous voulez. 18 Mais si vous êtes conduits par L’ESPRIT, vous n’êtes pas sous LA LOI. 16

Or les œuvres de la chair sont manifestes ; ce sont fornication, impureté, débauche, 20 idolâtrie, sorcellerie, haines, querelle, jalousie, fureurs, disputes, dissensions, scissions, 21 envies, beuveries, ripailles et choses semblables. Je vous préviens, comme je vous en ai déjà prévenus : ceux qui pratiquent ces choses n’hériteront pas du Royaume de Dieu. 19

Mais le fruit de L’ESPRIT c’est AMOUR, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, confiance, 23 douceur, tempérance. Contre de telles choses il n’y a point de LOI. 24 Ceux qui sont au CHRIST JÉSUS ont 25 CRUCIFIÉ LA CHAIR avec ses passions et ses convoitises. Si nous vivons par L’ESPRIT, conformons-nous à L’ESPRIT. 26 Ne cherchons pas la vaine gloire, nous provoquant les uns les autres, nous enviant les uns les autres. 22

6,1 FRÈRES, même si quelqu’un est pris en faute, vous LES SPIRITUELS, redressez-le en esprit de douceur, veillant toi-même à ne pas être tenté, toi aussi. 2 Portez les fardeaux les uns des autres ! Ainsi vous accomplirez LA LOI du CHRIST. 3 Car si quelqu’un se croit quelque chose alors qu’il n’est rien, il se leurre. 4 Que chacun examine sa propre œuvre, et alors il aura de quoi se vanter pour lui seul, et non pour autrui. 5 Car chacun portera son propre fardeau. 6

Que celui qui est instruit de la Parole fasse participer à tous ses biens celui qui l’instruit. 7 Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Quoi qu’un homme sème, il le moissonnera. 8 Car celui qui sème dans SA CHAIR moissonnera, de LA CHAIR, la corruption ; celui qui sème dans L’ESPRIT moissonnera, de L’ESPRIT, la vie éternelle. 9 Ne nous décourageons pas de faire le bien ; au temps voulu, nous moissonnerons, si nous ne nous relâchons pas. 10 Ainsi donc, tandis que nous en avons le temps, œuvrons le bien envers tous, mais surtout envers nos compagnons de FOI. 11

Voyez avec quelles grosses lettres je vous écris de ma propre main : 12 Tous ceux qui veulent faire bonne figure dans LA CHAIR ce sont ceux qui imposent que vous soyez circoncis uniquement afin de n’être pas persécutés pour LA CROIX du CHRIST ; 13 car les circoncis, eux-mêmes n’observent pas LA LOI mais ils veulent que vous soyez circoncis afin de se vanter dans VOTRE CHAIR. 14 Pour moi, puissé-je ne pas me vanter sinon dans LA CROIX de NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST par qui le monde est CRUCIFIÉ pour moi et moi pour le monde. 15 16

Car ni la circoncision n’est quelque chose ni le prépuce, mais la nouvelle création.

Et tous ceux qui suivront cette règle, la paix soit sur eux et la miséricorde et sur l’Israël de Dieu. 17 Désormais, que personne ne me cause des ennuis, car moi, je porte dans mon corps LES MARQUES de JÉSUS ! 18 LA GRÂCE de NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST soit avec votre ESPRIT, FRÈRES. Amen !

La section C : Ga 5,2–6,18

221

À noter cependant que « la Loi » est présentée de manière positive au centre des premières unités des séquences C2 et C4 : la Loi qui se résume dans « l’amour » en 5,14 est dite « loi du Christ » en 6,2. « Toute la Loi » revient au début de C1 (5,3) et au début de C2 (5,14). Dans le premier cas « toute la Loi » est mise en relation avec la circoncision, car celui qui se fait circoncire « se doit de faire tous les préceptes de la Loi » ; dans le second cas, « toute la Loi » est rapportée à son accomplissement dans l’amour. Il est aussi possible de remarquer que le verbe « porter » revient dans les séquences extrêmes (5,10 ; 6,17) et aussi en C4 (6,2.5). On a déjà noté que « hériter du Royaume de Dieu » au centre de la section (5,21) était à mettre en relation avec « moissonner la vie éternelle » au centre de C4 (6,8) et avec « attendre l’espérance de la justification » à la fin de la première partie de C1 (5,5) ; « la nouvelle création » au centre de C5 (6,15) est certainement à mettre sur la même ligne que « le Royaume de Dieu », « la vie éternelle », « la justification » — et aussi « la grâce » aux extrémités de la section (5,4 et 6,18), car ce sont là autant de manières différentes de désigner la même œuvre de Dieu. Le fait que, pour la plupart, ces mots et expressions occupent des positions stratégiques en souligne l’importance. À remarquer enfin que le verbe « hériter », au centre de la section (5,21), est le seul mot de toute la section qui fasse référence à la filiation divine. Il est cependant à mettre en relation avec les quatre occurrences de l’apostrophe « frères » qui occupent des positions tout à fait régulières : la fin des séquences extrêmes (5,11 ; 6,18), le début des séquences extrêmes de la sous-section centrale (5,13 et 6,1). « Frères » est ainsi le dernier mot de l’épître, juste avant l’« Amen » final. INTERPRÉTATION La fraternité Il n’est pas exagéré de dire que la section toute entière est construite sur la quadruple occurrence de l’apostrophe « frères ». Ce n’est pas là, sous la plume de Paul, une pure clause de style, un simple artifice rhétorique. Les Galates auxquels il s’adresse ne sont pas juifs, ce sont des incirconcis, des goyim. Pour un fidèle de la Loi de Moïse, ce sont donc des étrangers, bien plus des gens impurs dont il n’est pas permis de partager la table. Paul au contraire les appelle « frères », de manière systématique et appuyée, car il veut faire comprendre aux judaïsants venus les troubler que ces païens n’ont pas besoin d’être circoncis et de pratiquer la Loi pour être admis comme les juifs disciples de Jésus dans la filiation divine. S’ils sont fils de Dieu par la foi au Christ, sans circoncision ni Loi, ils doivent être considérés eux aussi comme des frères.

222

C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir

La nouvelle création dans l’amour La circoncision n’a pas de valeur, pas plus que son contraire. Ce qui seul compte, c’est « la foi opérant par l’amour » (5,6), car c’est dans l’amour que toute la Loi s’accomplit (5,14). Cet accomplissement de la Loi ne consiste pas dans un simple développement, dû à quelque progrès des consciences, de la culture ou même de la religion. Si Paul l’appelle « la nouvelle création », cela signifie qu’il s’agit d’une nouveauté radicale, une nouveauté qui, certes, assume le passé, mais le dépasse infiniment, le renouvelle totalement ; en d’autres termes, la nouvelle création, qui avait été qualifiée quelques versets auparavant comme « loi du Christ », marque une rupture absolue en même temps qu’elle assure une continuité totale avec ce qui la préfigurait. Ce n’est là rien d’autre que le paradoxe du rapport entre la nouvelle alliance et l’ancienne. La grâce La création nouvelle n’est pas le fruit d’une évolution pour ainsi dire naturelle. Bien loin de là, l’expression même indique qu’elle est due à l’initiative de Dieu. Lui seul a créé l’univers, seul il pouvait le recréer. Une telle initiative n’est pas due non plus à l’œuvre des hommes. Au contraire, ceux-ci ne sont guère capables, laissés à eux-mêmes, que de produire « les œuvres de la chair ». Les circoncis se sont révélés incapables d’observer la Loi (6,13). Il fallait donc que, par pure grâce, Dieu intervienne pour briser le cycle infernal des conclusions d’alliance, irrémédiablement suivis de leur rupture. La nouvelle alliance annoncée par les prophètes de l’exil repose sur le pardon des péchés, sur le fait que Dieu fait grâce. Vouloir retourner à la Loi et à ses pratiques, vouloir y soumettre les païens disciples de Jésus, c’est tout simplement « déchoir de la grâce » (5,4). On comprend mieux alors pourquoi Paul achève sa Lettre avec ces mots : « La grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit, frères ». Et l’« Amen » final peut sans doute être interprété comme une invitation adressée aux lecteurs de le répéter, comme pour signifier qu’ils acceptent de recevoir cette grâce. La croix du Christ accomplit la circoncision Plantée au début de la section (5,11) et plus encore à la fin (6,12.14.17), mais aussi au centre (5,24), la croix marque le corps de la section du début à la fin. De la circoncision, il n’est question que dans les séquences extrêmes, mais de façon insistante, et cela d’entrée de jeu (5,2). Dans la sous-section centrale au contraire il n’en est pas question du tout. Toutefois, la Loi n’en est pas absente, qui, résumée et s’accomplissant dans l’amour (5,14), devient la Loi du Christ (6,2). Cette loi de l’amour, le Christ l’a accomplie lui-même sur la Croix, en donnant non pas une partie mais la totalité de sa vie, en la sacrifiant toute entière. Encore une fois, la croix du Christ porte à l’extrême le sens de la circoncision. Si la circoncision signifie la renonciation à la toute puissance et à la totalité, la croix est la renonciation totale à la toute-puissance. Les disciples de Jésus Christ,

La section C : Ga 5,2–6,18

223

qu’ils viennent de la gentilité ou de la Synagogue, sont tous appelés à pratiquer la circoncision de la croix. En effet, ils ne sauraient se contenter de croire que Christ les a rachetés en acceptant d’être suspendu au bois de la croix ; ils doivent entrer eux-mêmes dans cette logique, et « crucifier la chair avec ses passions et ses convoitises » (5,24), accepter d’être « persécutés » parce qu’ils prêchent le scandale de la croix (5,11), accepter que le monde soit crucifié pour eux et eux pour le monde (6,14), ne pas refuser de porter dans leur corps, comme Paul, « les marques de Jésus » (6,17).

20

L’ENSEMBLE DE LA LETTRE (Ga 1,1–5,18)

Introduit par l’Adresse (1,1-5), le corps de la Lettre aux Galates s’organise en trois sections. La section centrale est plus développée que les deux autres1 : Section A : 4 129 Section B : 5 337 Section C : 3 520

31,8 % 41,1 % 27,1 %

Les titres donnés aux trois séquences entendent faire apparaître les rapports essentiels qu’elles entretiennent entre elles : Adresse C’est l’Évangile

C’est la Croix

C’est la Loi

1,1-5 du Christ

que j’ai annoncé

1,6–2,21

du Christ

qui nous justifie

3,1–5,1

du Christ

qu’il faut accomplir

5,2–6,18

« Évangile » revient neuf fois dans la section A (1,6.7.8.9.11 ; 2,2.5.7.14) et jamais ailleurs ; « l’Évangile du Christ » apparaît dès le second verset de la section (1,7). La section B commence avec l’image de la croix du Christ : « Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? » (3,1 ; avec écho en 13) ; au début de la séquence centrale, l’unique mention du baptême, participation à la croix du Christ (3,27) ; à la fin, la mention de la persécution (4,29). La circoncision ou l’incirconcision n’ont pas de valeur, mais « la foi opérant par l’amour » (5,6), qui est « création nouvelle » (6,15) ; ainsi toute la Loi s’accomplit dans l’amour (5,14) qui est « la loi du Christ » (6,2). 1

Le compte est fait en nombres de signes du texte grec de NA27, espaces compris, sans ponctuation, ni esprits, ni accents, ni, bien sûr, les numéros des chapitres et des versets (les mots entre crochets ont été comptés).

226

La Lettre aux Galates

A. COMPOSITION RAPPORTS ENTRE L’ADRESSE ET LE TEXTE DE LA LETTRE 1 * Paul

apôtre ······················································································

– non de la part – et non par + mais par + et = qui a relevé

des hommes un homme JÉSUS DIEU lui

CHRIST PÈRE des morts,

······················································································ 2 * et ceux

AVEC MOI

tous

aux communautés 3 * grâce

À VOUS

frères, de la Galatie, et paix

······················································································

::

de la part de DIEU

PÈRE

DE NOUS

+ et du Seigneur JÉSUS CHRIST 4 = qui s’est donné lui-même pour les péchés DE NOUS = afin d’arracher nous de ce siècle présent mauvais :: selon la volonté du

DIEU

PÈRE

DE NOUS

······················································································ 5

* à qui

la gloire

dans les siècles des siècles. Amen !

– Le nom de « Paul » par lequel commence l’adresse ne sera repris qu’au début de la dernière section (5,2 : « Moi, Paul, je vous dis... »). – « Apôtre » ne reviendra que deux fois, pour désigner « ceux qui furent apôtres avant (lui) », à la fin de la séquence A2 (1,17) et dans la séquence A3 (1,19 : « je ne vis aucun autre des apôtres »). – Le cœur de la première partie (1,1b-f : « apôtre, non de la part des hommes et non par un homme, mais par Jésus Christ et Dieu Père qui l’a relevé des morts ») trouve un écho très net au début de la séquence A2 : Je vous fais-savoir, frères, que l’Évangile qui a été annoncé par moi n’est pas selon un homme ; d’ailleurs, moi, ce n’est pas d’un homme que je l’ai reçu ou que j’en ai été instruit, mais par une révélation de Jésus Christ (Ga 1,11-12)

L’ensemble de la Lettre

227

ainsi qu’à la fin de la même séquence : Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonce chez les Nations, aussitôt, je ne consultai pas la chair et le sang et je ne montai pas à Jérusalem vers ceux qui furent apôtres avant moi (Ga 1,15-17).

– « Père » (11.3.4) pour désigner Dieu ne se retrouvera qu’au centre du premier passage de la séquence B4, dans le vocatif « Abba, Père » (4,6). – Le premier mot de la dernière partie, « grâce » sera repris aux extrémités de la section C (5,4 : « de la grâce vous êtes déchus » et 6,18 : « La grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit, frères. Amen ! »), la dernière fois comme un souhait, faisant ainsi inclusion avec celui de l’Adresse ; mais le mot revient aussi à des lieux stratégiques de la première section : dans les séquences symétriques A2 (1,15 : « celui qui m’a appelé par sa grâce de révéler son Fils en moi ») et A4 (2,9 : « connaissant la grâce qui m’avait été donnée, Jacques, Képhas et Jean, les notables qui sont les colonnes, me donnèrent la droite ainsi qu’à Barnabé en signe de communion »), de même qu’à la fin de la section (2,21 : « Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si c’était par la Loi que venait la justification, alors le Christ serait mort pour rien »). – « La paix » (1,3) reviendra comme souhait à la fin de la Lettre (6,16 : « Et tous ceux qui suivront cette règle, la paix soit sur eux... »), mais elle faisait partie de la liste des vertus au centre de la section C (5,22 : « Mais le fruit de l’Esprit c’est amour, joie, paix... »). – La résurrection du Christ dont parle la première partie (1,1) n’est jamais mentionnée ailleurs ; toutefois on peut penser que la déclaration de Paul à la fin de la première section (2,19 : « afin de vivre pour Dieu, avec le Christ je suis crucifié »), y fait allusion. – En revanche, le don qu’il a fait de lui-même dont il est question au centre de la troisième partie revient plusieurs fois : tout à la fin de la première section (2,20 : « Ce que maintenant je vis dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi ») ; tout au début de la deuxième section (3,1 : « Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? ») ; et de même à la fin de la même séquence B1 (3,13 : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi, étant devenu pour nous malédiction ») ; enfin dans le premier passage de la séquence B4 la volonté de Dieu Père est clairement exprimée (4,4-5 : « Dieu a envoyé son Fils [...], afin de racheter ceux sous la Loi afin que nous recevions l’adoption filiale »).

228

La Lettre aux Galates

RAPPORTS ENTRE LA SECTION A ET LA SECTION B Les deux sections sont de genre bien différent, l’une narrant les faits, l’autre argumentant sur la doctrine. Toutefois, il est possible de remarquer certains rapports. La première séquence de chaque section est dure : A1 commence avec « Je m’étonne qu’aussi rapidement vous désertiez... » (1,6) et B1 par « Galates insensés, qui vous a ensorcelés » (3,1). La seconde au contraire commence par l’apostrophe « frères » : A2 s’ouvre sur : « Je vous fais savoir, frères,... » (1,11) et B2 avec « Frères, je parle au plan humain » (3,15). Les deuxièmes séquences n’ont guère de point commun, sauf toutefois le verbe « révéler ». Deux fois en A2 : « moi, ce n’est pas d’un homme que je l’ai reçu [l’Évangile] ou que j’en ai été instruit, mais par une révélation de Jésus Christ » (1,12) et « Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce de révéler son Fils en moi... » (1,1516) et en B2 : « Avant la venue de la Foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, jusqu’à la Foi qui devait être révélée » (3,23). Seul en A4 se retrouvera le substantif « révélation » : « je montai à la suite d’une révélation » (2,2). Les mots de cette racine ne se retrouvent nulle part ailleurs. Dans ces deux mêmes séquences A2 et B2 sont distingués deux temps : celui de la fidélité de Paul aux traditions des pères, c’est-à-dire à la Loi, qui le poussait à persécuter l’Église de Dieu (1,13-14), suivi de la révélation du Christ par Dieu (1,15-17) ; celui de la Loi, avant la venue de la Foi (3,22-25). Dans la section A, les deux dernières séquences envisagent deux prescriptions, emblématiques de toute la Loi : la circoncision dans la séquence A4, la cacherout ou le fait de manger avec les païens dans la séquence A5. À Jérusalem puis à Antioche, Paul a lutté pour que la Loi ne soit pas imposée aux ethnicochrétiens ; c’est surtout le dernier passage de la section dans lequel il argumente sur la justification par la foi au Christ et non par les œuvres de la Loi. Cela sera repris et développé tout au long de la section B. Dès la séquence B1, il est affirmé que « par la Loi personne n’est justifié devant Dieu » (3,11), ce qui renvoie à ce que disait la séquence précédente A5 : « Mais sachant que n’est justifié aucun homme par les œuvres de la Loi », « par les œuvres de la Loi “n’est justifiée aucune chair” » (2,16). Comme « jours, mois, saisons et années », la circoncision et la cacherout entrent donc dans ce que Paul appelle dans la séquence B4 « ces faibles et pauvres éléments auxquels encore de nouveau vous voulez vous asservir » (4,9). La mention de la croix à la fin de la section A (2,19 : « avec le Christ je suis crucifié ») et au début de la section B (3,1 : « vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié »), remplissent la fonction de termes médians qui agrafent les deux sections.

L’ensemble de la Lettre

229

RAPPORTS ENTRE LA SECTION B ET LA SECTION C Dans les premières séquences est réaffirmé que celui qui se met sous la Loi et tenu d’observer tous ses commandements : ainsi en C1, « il se doit de faire toute la Loi » (5,3), ce qui était déjà dit, sous une autre forme, dans la séquence B1 : « En effet tous ceux qui sont des œuvres de la Loi sont sous la malédiction, car il est écrit que “Maudit quiconque ne s’attache pas à toutes les prescriptions du livre de la Loi pour les faire !” » (3,10). On peut donc considérer ces mentions comme termes initiaux. En termes centraux, la mention de l’héritage. En effet, B3 s’achève sur ce mot (3,29 : « selon la promesse héritiers ») et le premier passage de C3 s’achève par le verbe « hériter » (5,21 : « ceux qui pratiquent ces choses n’hériteront pas du Royaume de Dieu »). À noter que, si cette racine n’apparaît qu’une seule fois dans la section C, elle revient plusieurs fois dans la section B (3,18.29 ; 4,1.7.30). La seconde section s’achevait sur « la liberté » opposée à l’esclavage : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés ! Tenez donc ferme et ne soyez pas soumis de nouveau à un joug d’esclavage » (5,1), et il en sera de nouveau question au début de la sous-section centrale de la section C : « Vous en effet, c’est à la liberté que vous avez été appelés, frères » (5,13), une liberté qui cependant ne doit pas être « prétexte pour la chair ». L’opposition entre « la chair » et « l’Esprit » dont il est question surtout à la fin de la séquence C2 (5,16-18 : « marchez selon l’Esprit, et vous ne satisferez pas la convoitise de la chair ») se trouvait déjà dans les séquences extrêmes de la section centrale : au début de B1 (3,3 : « Êtes-vous si insensés, qu’après avoir commencé avec l’Esprit maintenant vous finissiez avec la chair ? » et à la fin de B5 (4,29 : « Mais de même qu’alors celui qui selon la chair a été engendré persécutait celui qui l’a été selon l’Esprit, ainsi en est-il encore maintenant »). C’est surtout le thème de la croix et de la persécution qui lui est corrélé qui marque ces deux sections. En effet, la persécution joue le rôle aussi bien de termes médians (4,29 : « Mais de même qu’alors celui qui selon la chair a été engendré persécutait celui qui l’a été selon l’Esprit, ainsi en est-il encore maintenant » et 5,11 : « Pour moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? ») que de termes finaux (4,29 à peine cité et 6,12 : « Tous ceux qui veulent faire bonne figure dans la chair ce sont ceux qui imposent que vous soyez circoncis uniquement afin de n’être pas persécutés pour la Croix du Christ »). Quant à la croix, elle est étroitement liée à la persécution au début de la section C (5,11 : « Pour moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Il est donc retranché, le scandale de la Croix ! » Or la section B est marquée par la croix dès le début (3,1 : « Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux desquels Jésus Christ a été décrit crucifié ? »). On a déjà dit que « Christ crucifié » au début de B1 était relayé dans la séquence centrale B3 par « le baptême » (3,26) et par la « persécution » à la fin

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La Lettre aux Galates

de la séquence B5 (3,29). Il faut ajouter que la séquence centrale de la section C mentionne elle aussi la croix (5,24 : « Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises »). RAPPORTS ENTRE LA SECTION A ET LA SECTION C Les occurrences de « grâce » jouent le rôle de termes extrêmes dans les deux sections : dans la section A, au tout début (1,6 : « Je m’étonne qu’aussi rapidement vous désertiez Celui qui vous a appelés dans la grâce du Christ vers un Évangile différent ») et tout à la fin (2,21 : « Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si c’était par la Loi que venait la justification, alors le Christ serait mort pour rien ») ; dans la section C au début (5,4 : « de la grâce vous êtes déchus) et tout à la fin (6,18 : « La grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit, frères. Amen ! »). Le mot revient en outre dans la section A, en position symétrique, dans la séquence A2 (1,15 : « Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce ») et dans la séquence A4 (2,9 : « et connaissant la grâce qui m’avait été donnée »). Il s’agit de la grâce du Christ aux extrémités (1,6 ; 6,18), de la grâce de Dieu ailleurs (1,15 ; 2,9.21). Dans la section B, ne revient que le verbe « faire grâce », une seule fois (3,18 : « c’est par la promesse que Dieu a fait grâce à Abraham »). Il n’est question de circoncision que dans les sections extrêmes : seulement dans les deux dernières séquences de la section A (2,3.7.8.9), en particulier quand il est rapporté que Tite ne fut pas obligé de se faire circoncire à Jérusalem, et seulement dans les séquences extrêmes de la section C : quatre fois dans la séquence C1 (5,2.3.6.11) et quatre fois aussi dans la séquence C5 (6,12.13 bis.15). Les parties centrales de ces séquences commencent de manière semblable : 5,6 Dans le Christ Jésus, ni la circoncision n’a de valeur mais la Foi opérant par l’amour.

ni le prépuce,

6,15 Car ni la circoncision n’est quelque chose mais la nouvelle création.

ni le prépuce,

Le dernier verset de la section A et le premier de la section C se correspondent, jouant ainsi le rôle de termes médians à distance : 2,21 ...si c’était par la Loi que venait la justification, – alors le Christ serait mort en vain. 5,2

...si vous vous faites circoncire, – Christ ne vous servira

de rien2.

Par rapport à la justification, la mort du Christ est mise en opposition avec la Loi, et en particulier avec la circoncision. 2

La BJ, Osty et la TOB accentuent le rapport en traduisant par « pour rien » et « de rien »

L’ensemble de la Lettre

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B. INTERPRÉTATION L’interprétation de l’ensemble de la Lettre se développera à partir de la séquence centrale (3,26-29). Comme dans toutes les constructions concentriques, en effet, le centre est la clé de voûte de tout l’édifice, cette pierre tout à fait particulière qui en assure la cohésion. Point focal où tous les éléments trouvent leur articulation, le centre fournit donc la clé de lecture du corps entier. Cette interprétation se développera selon trois axes : la filiation, la foi, l’accomplissement. LA FILIATION Tous frères De la Lettre aux Galates on retient souvent l’apostrophe peu flatteuse par laquelle commence sa seconde section : « Galates insensés » (3,1). Cela n’empêche pas son auteur de s’adresser à ses destinataires, et par neuf fois, comme à ses « frères » (1,11 ; 3,15 ; 4,12.28.31 ; 5,11.13 ; 6,1.18). Il ne faut pas oublier non plus que Paul n’écrit pas seul ; « tous les frères qui sont avec moi » (1,2) sont également les destinateurs de son discours, ce qui ne se trouve dans aucune autre lettre de Paul. Ce sont donc des frères qui écrivent à des frères. On ne sait pas d’où la Lettre a été écrite ni qui sont ces « frères », pour ainsi dire, coauteurs de la Lettre, mais le fait qu’ils soient qualifiés de « tous » peut laisser entendre que Paul ne fait aucune distinction entre ses compagnons juifs et grecs. Ce « tous » annonce en tout cas les deux « tous » sur lesquels est construite la séquence centrale de la Lettre : « Tous en effet vous êtes fils de Dieu » – « Tous en effet vous êtes un-seul dans le Christ Jésus » (3,26.28). Certes, Paul n’utilise pas l’apostrophe « frères » dans cette séquence, mais la fraternité qui unit tous ceux auxquels il s’adresse est impliquée par leur filiation commune. Et il n’est certainement fortuit que le dernier mot de la Lettre, juste avant le « Amen ! » final, soit l’apostrophe « frères ». Le fait est d’autant plus remarquable que la Lettre aux Galates est la seule qui s’achève ainsi. Cette insistance est sans doute due au fait que, pour les judaïsants qui s’opposaient à Paul, les païens disciples de Jésus ne pouvaient pas être véritablement considérés comme des « frères » tant qu’ils ne seraient pas entrés dans l’alliance d’Abraham par la circoncision. Une fausse fraternité Déjà lors de sa deuxième visite à Jérusalem, des « faux frères » s’étaient opposés à Paul au sujet du grec Tite qu’ils auraient voulu circoncire (2,3-4). De même certains étaient intervenus auprès des Galates après que Paul les eut gagnés à la foi au Christ. Ils voulaient les convaincre de se soumettre à la Loi de Moïse en toutes ses prescriptions, à commencer, bien entendu, par la circoncision qui les aurait fait entrer dans l’alliance d’Abraham. Mais une chose entraînant toutes les autres — « un peu de ferment faisant fermenter toute la pâte » (5,9) — il leur aurait fallu aussi respecter le calendrier juif, « jours, mois, saisons, années » (4,910), à savoir le sabbat, la néoménie, les fêtes, surtout de pèlerinage — la Pâque,

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les Semaines ou Pentecôte, les Tentes — ainsi que les années sabbatiques et jubilaires, telles que la Loi les ordonne. Autrement dit, ils entendaient que les disciples du Christ deviennent juifs. C’était leur manière à eux de faire tomber le mur qui séparait non seulement les juifs des grecs (3,28), mais aussi les judéochrétiens des ethnico-chrétiens. Si ces derniers devenaient juifs, l’unité et la communion seraient réalisées entre tous. Ils deviendraient vraiment frères et ne formeraient alors qu’une seule communauté. Tandis que s’ils n’entraient pas dans l’alliance d’Abraham par la circoncision, les judéo-chrétiens, toujours tenus par les commandements de la Loi, ne pourraient pas entrer dans leurs maisons ni partager leurs repas ; en effet, il n’est pas permis à un juif de fréquenter des incirconcis impurs, qui, par ailleurs, ne respectent pas les interdits alimentaires des fils d’Israël. C’était pour cela qu’à Antioche Pierre, par crainte des gens venus de Jérusalem, avait cessé de manger avec les disciples issus des nations (2,12-13). Paul va montrer que la fraternité prônée par les judaïsants est une fausse fraternité, que ce n’est pas la fraternité chrétienne. Et c’est bien pour cela qu’il appelle ceux qui la promeuvent des « faux frères » (2,4). « Vous êtes la semence d’Abraham » L’apostrophe « frères » pourrait sembler anodine, tellement elle nous est devenue familière, ponctuant rites liturgiques et homélies où elle est trop souvent employée comme une cheville rhétorique. Dans la Lettre aux Galates au contraire elle revêt une importance primordiale. Si les disciples de Galatie sont appelés « frères », au même titre que les opposants juifs de Paul qui comme eux liront la Lettre, c’est qu’ils sont tous fils du même père. Les juifs prétendent avoir Abraham pour père, mais s’ils ne le sont que selon la chair et non selon la foi, ils ne sont pas véritablement ses fils. Au contraire, les disciples issus des nations sont de véritables descendants d’Abraham s’ils vivent, non pas des œuvres de la Loi mais de la foi, car « ce sont les gens de Foi qui sont fils d’Abraham » (3,7). C’est ainsi que se réalise la promesse faite au patriarche : « en toi seront bénies toutes les nations de la terre », du fait que par la foi, c’est Dieu qui les aura justifiées (3,8). « Tous vous êtes fils de Dieu » C’est à ses destinataires Galates, disciples de Jésus issus des nations païennes, que Paul s’adresse au centre de sa Lettre ; mais il est bien évident que les juifs qui troublent ces disciples la liront aussi. C’est donc à « tous » que l’apôtre s’adresse. Si les uns et les autres ont mis leur foi en Christ Jésus, ils ne sont pas seulement « descendance d’Abraham » (3,29), mais avec lui, ils sont, comme Jésus, « fils de Dieu » (3,26). En effet, Dieu « a envoyé son Fils » (4,4), « afin de racheter ceux sous la Loi », c’est-à-dire les juifs, « afin que nous recevions l’adoption filiale » (4,5), le « nous » incluant tous les croyants, juifs et nations, circoncis et incirconcis. C’est pourquoi, tous unis dans la même famille, peuvent appeler Dieu : « Abba, Père ! » (4,6).

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La paternité Semence d’Abraham et fils de Dieu, les disciples de Jésus sont héritiers non seulement du père des croyants mais aussi et avant tout du « Dieu Père de nous et du Seigneur Jésus Christ » (1,3). Le mouvement de la filiation qui prend sa source en Dieu le Père ne s’arrête pas à son Fils Jésus ; elle ne s’arrête pas davantage à celui qui a reçu le don de la foi et est devenu disciple de Jésus. Elle se poursuit dans le rapport entre l’apôtre et ceux qui, grâce à lui, sont venus eux aussi à la foi. Mais ce lien filial ne serait pas véritable s’il n’était pas réciproque. Ainsi l’apôtre, qui engendre de nouveaux fils à Dieu, reçoit lui aussi la vie de ceux à qui il l’a transmise : « vous qu’à nouveau j’enfante dans la douleur » (4,19), vous qui, comme une mère, « vous seriez arraché les yeux pour me les donner » (4,15). Les uns comme les autres sont appelés à mettre au monde le Christ par l’annonce de la foi : « vous qu’à nouveau j’enfante dans la douleur, jusqu’à ce que Christ soit formé en vous » (4,19). Pour utiliser des termes qui ne sont pas directement ceux de Paul, le discours théologique et christologique est inséparable du discours ecclésiologique. « Se souvenir des pauvres » À Jérusalem, « Jacques, Képhas et Jean, les notables qui sont les colonnes » (2,9) n’imposèrent à ceux des nations auxquelles Paul avait annoncé l’Évangile aucun précepte de la Loi (2,6). Ils devaient seulement « se souvenir des pauvres » (2,10). Certes, il est possible d’interpréter une telle recommandation comme un appel discret à une aide financière de la part d’une communauté qui se trouvait dans le besoin. Ce serait alors que Paul aurait recueilli l’invitation à organiser la collecte dont il parle ailleurs (Rm 15,25-28 ; 1Co 16,1-4 ; 2Co 9). Mis en rapport avec la circoncision, le « souvenir des pauvres », peut aussi se comprendre dans la même logique, comme une renonciation à la totalité, dans ce cas précis à la totalité des biens, dans la réalisation concrète de l’ouverture aux autres (voir p. 60-61). Mais il faut sans doute aller plus loin encore, en situant ce « conseil » dans la ligne de la filiation. En effet, celui qui fait hériter de ses biens les pauvres les considère comme ses propres enfants. C’est du reste ainsi que le disciple est invité à se conduire envers celui qui l’instruit : il fait participer de tous ses biens celui qui l’a engendré à la foi, en se comportant envers lui en quelque sorte comme un père (6,6). Par ailleurs, dans les pauvres le disciple saura reconnaître le Christ lui-même ; ce fut bien ainsi que les Galates avaient reçu Paul dans la pauvreté de « la faiblesse de sa chair » : « comme un ange de Dieu vous m’avez accueilli, comme le Christ Jésus » (Ga 4,14). Ils s’étaient comportés en cela comme le Christ lui-même : « Vous connaissez en effet la grâce de notre Seigneur Jésus Christ : de riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2Co 8,9). Ainsi « le souvenir des pauvres » est intrinsèquement lié à la kénose, autrement dit à celui que Paul avait décrit aux yeux des Galates, le pauvre par excellence, le Christ crucifié.

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LA FOI « La vérité de l’Évangile » Circoncision, calendrier et cacherout n’étaient pas sans susciter quelques difficultés entre les deux composantes, juive et grecque, des communautés chrétiennes. Témoins, les tensions survenues à l’occasion de la seconde visite de Paul à Jérusalem à propos de la circoncision (2,1-10) ainsi qu’à Antioche à propos de la cacherout (2,11-21). Toutefois, au-delà des problèmes, pour ainsi dire, pratiques que cela posait, Paul débusque une conception de la foi chrétienne qui remet radicalement en cause ce qu’il appelle, par deux fois, « la vérité de l’Évangile » (2,5.14). Si, avec la circoncision, l’observance de tous les autres préceptes de la Loi de Moïse étaient indispensables pour obtenir la justification devant Dieu, s’il fallait en somme devenir juif pour être sauvé, alors, en toute logique, « le Christ serait mort pour rien » (2,21). Ce ne serait pas lui qui, par sa Passion, sa mort en croix et sa résurrection, fait vivre ceux qui se sont mis à sa suite en lui accordant leur foi. Où se trouve donc la source du salut ? Dans l’observance de la Loi, ou dans la foi au Christ ? C’est l’un ou l’autre, sans compromis possible. L’enjeu du débat était capital. Il devait déterminer l’avenir de l’Église. Qu’est-ce qui devait fonder son unité, la Loi de Moïse ou la foi en Jésus Christ ? Avec l’affirmation solennelle par laquelle commence la séquence centrale, la position de Paul est claire : « Tous en effet vous êtes fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus » (3,26). Une révélation d’en-haut Paul n’en est pas arrivé à une telle conviction par ses propres moyens, par sa seule réflexion. Pour Pierre, invité par le centurion romain Corneille, il n’avait pas fallu moins qu’une révélation d’en-haut, l’insistance d’une vision céleste, de « l’Ange de Dieu » en personne (Ac 10,3), pour qu’il comprenne et admette qu’il pouvait « frayer avec un étranger et entrer chez lui » (10,28) ; ayant reçu l’Esprit Saint, ces païens furent aussitôt baptisés et Pierre demeura chez eux quelques jours (10,48). Il en fut de même pour celui qui avait persécuté avec tant de zèle l’Église de Dieu (Ga 1,13-14) ; ce fut « par une révélation de Jésus Christ », et non par un homme, qu’il fut instruit de l’Évangile (1,12) ; c’est Dieu lui-même qui a révélé son Fils en lui, pour qu’il l’annonce chez les nations (1,16) ; c’est même « à la suite d’une révélation » que Paul s’était rendu à Jérusalem avec Barnabé et Tite pour « exposer son évangile » (2,2), défendre « la vérité de l’Évangile » (2,5) et préserver la liberté chrétienne (2,4). « Il n’y a pas d’esclave ni de libre » C’est sur cette déclaration énigmatique qu’est focalisée toute la Lettre (3,28). On a déjà remarqué la spécificité de cette opposition qui n’a rien à voir avec la circoncision, au contraire des deux autres qui l’encadrent (voir p. 126). À Jérusalem, Paul avait dû se défendre pour préserver « notre liberté que nous

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avons dans le Christ Jésus » contre ceux qui voulaient réduire Tite en esclavage sous le joug de la Loi par la circoncision (2,4) ; il refuse de « se soumettre » aux pressions des « faux frères ». C’est en effet « la vérité de l’Évangile » qui est en jeu. Et pourtant, il avait écrit qu’il entendait être « l’esclave du Christ » (1,10). La contradiction est patente. Mais elle se résout du fait que « le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (2,20). Paul se fait esclave de celui qui s’est fait esclave pour lui, pour le racheter, pour le libérer. En ce sens, « il n’y a pas d’esclave ni de libre », chacun étant esclave de l’autre dans l’amour. C’est ce sur quoi l’Apôtre insistera de nouveau dans la section centrale. Alors que « nous étions enfermés sous la garde de la Loi » (3,23), « Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi » (3,13 ; 4,5) de sorte que « nous ne sommes plus sous un pédagogue » (3,25), mais nous somme « fils » (4,7). Il ne doit plus être question par conséquent de « s’asservir » à la Loi (4,9), car nous sommes fils de l’épouse libre. Et toute la deuxième section s’achève sur cette déclaration solennelle : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés ! Tenez donc ferme et ne soyez pas soumis de nouveau à un joug d’esclavage » (5,1). Quant à la dernière section, elle recèle la solution de l’énigme que représente la négation de la distinction entre esclave et libre. En tête de la sous-section centrale, qui expose la loi du Christ, Paul pose un paradoxe étonnant : « Vous, en effet, c’est à la liberté que vous avez été appelés, frères. Seulement, que la liberté ne serve pas de prétexte à la chair, mais par l’amour asservissez-vous les uns aux autres » (5,13). La liberté consisterait donc à s’asservir ! Le secret se révèle dans l’expression « les uns les autres ». Si chacun se fait l’esclave des autres, si chacun est donc traité en homme libre, il n’est effectivement plus d’esclave ni de libre. Cette double catégorie est dépassée et c’est l’amour qui en est la cause. C’est l’amour dont, le premier, le Christ nous a aimés, en se livrant lui-même pour nous (2,20). Faire fond sur soi ou sur un autre Les disciples de Jésus venus des nations sont donc totalement libres par rapport à la Loi et ils ne sont tenus par aucun de ses commandements. En effet, s’ils sont sauvés, justifiés devant Dieu, s’ils ont reçu l’Esprit de Dieu, ce ne fut pas « en vertu des œuvres de la Loi », mais « par l’écoute de la foi » (3,2). Paul ne leur avait pas prêché la Loi de Moïse, il leur avait seulement décrit Jésus Christ crucifié (3,1). Les judaïsants venus après Paul en Galatie voulaient que les nouveaux disciples de la région se soumettent à la Loi, car ils étaient persuadés que la pratique de ses commandements conditionnait leur justification. Une telle position revient à prétendre que le salut est l’œuvre de celui qui pratique les commandements, que celui qui obéit à la Loi se justifie lui-même. Il en va tout autrement de la foi : celle-ci consiste à se fier à la puissance d’un autre, à son œuvre à lui. « C’est la foi qui sauve » ! L’adage est juste, à condition toutefois de ne pas imaginer que ma foi en Jésus Christ est mon œuvre, une œuvre par laquelle je me justifierais moi-même. Croire en Jésus Christ, c’est faire fond non pas sur moi, mais sur un autre, m’en remettant totalement à lui.

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Faire fond sur l’impuissance de la Croix Le paradoxe de la foi chrétienne, c’est que le croyant, qui renonce à sa propre puissance puisque ce n’est pas par son obéissance à la Loi qu’il se sauve luimême, s’abandonne non pas à la toute-puissance de Jésus, mais à son impuissance radicale. C’est le « Christ crucifié », pieds et mains cloués à la Croix, qui opère le salut par sa renonciation à quelque pouvoir que ce soit, par sa renonciation à la vie même, « s’étant livré lui-même pour moi » (2,20). C’est en s’identifiant avec lui que le disciple sera justifié : « afin de vivre pour Dieu, avec le Christ je suis crucifié » (2,19). Ce n’est pas seulement « la chair avec ses passions et ses convoitises » que « ceux qui sont au Christ ont crucifiée » (5,24). Ce n’est pas seulement le monde qui est crucifié pour eux et eux pour le monde (6,14). C’est eux-mêmes qui acceptent d’être soumis à la mort : « par la Loi, à la Loi j’ai été mis à mort » (2,19). La lumière de la résurrection Mais ce n’est pas la mort qui aura le dernier mot. Et ce n’est pas la mort qui est la fin que le disciple poursuit ; ce qu’il désire, comme son maître, c’est la vie, c’est « la vie éternelle » qu’il veut moissonner (6,8). La Croix et la mort sont la voie obligée, mais seulement la voie, qui conduit à la résurrection. Certes, c’est la Croix qui domine toute la section centrale de la Lettre (3,1 ; voir p. 154.167), mais c’est la résurrection qui est placée en exergue de l’ensemble : « Paul apôtre non de la part des hommes et non par un homme mais par Jésus Christ et Dieu le Père qui l’a relevé d’entre les morts » (1,1). L’ACCOMPLISSEMENT Le baptême et la circoncision Le baptême, par lequel on entre dans l’Église, consiste à être plongé symboliquement avec le Christ dans sa mort, pour ressusciter avec lui et être revêtu de sa gloire (3,27). Ce rite est donc en relation étroite avec celui de la circoncision qui fait entrer l’homme dans l’alliance d’Abraham. Comme pour toutes les autres réalités du premier Testament, ce n’est pas en les abaissant que l’on peut exalter celles du Nouveau, bien au contraire. La signification de la circoncision est de très haute valeur, dont les païens qui ne la pratiquent pas n’ont souvent pas idée. La circoncision — comme du reste le sabbat et les interdits alimentaires — signifie la renonciation à la totalité, à l’autosuffisance, l’acceptation du manque et donc l’ouverture à l’autre. Dans le cas du nouveau-né, circoncis le huitième jour, la circoncision est détachée de l’initiation sexuelle telle qu’elle est pratiquée en tant d’autres peuples. Sa signification proprement religieuse n’en est que mieux marquée : c’est l’ouverture à Dieu qui est ainsi symbolisée.

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La circoncision et la Croix du Christ La Croix se situe dans la droite ligne de la circoncision juive, puisque, comme au jour où il fut circoncis, le Christ a renoncé par sa Croix à la totalité. Les Pères de l’Église avaient bien compris ce lien, eux qui reconnaissaient dans le sang versé à la circoncision, une préfiguration du sang répandu sur la Croix3. Toutefois, la Croix dépasse de loin le sens de la circoncision, elle la porte à l’extrême, car il ne s’agit plus seulement d’une renonciation partielle mais totale, d’un abandon radical, celui de la vie même. Ainsi la Croix du Christ accomplit audelà de toute mesure la circoncision d’Abraham. Ce n’est pas seulement la Croix du Christ qui accomplit la circoncision, mais aussi celle qu’accepte de porter son disciple. Paul accuse ceux qui veulent imposer la circoncision aux païens de se soustraire à la persécution, c’est-à-dire à la Croix dont les menacent les autres juifs (6,12). Paul au contraire a accepté de « porter dans son corps les marques du Christ » (6,17). Le paradoxe est que la Croix qui accomplit la circoncision est infligée aux disciples de Jésus par ceux-là mêmes que Paul appelle « ceux de la circoncision » (2,12). L’amour accomplit la Loi La circoncision est accomplie par la Croix du Christ. Elle n’a donc plus de valeur, de même que l’incirconcision ; ce qui compte c’est « la nouvelle création », c’est « la foi opérant par l’amour » (5,6 ; 6,15). C’est là une autre manière de dire la même chose, à savoir que « toute la Loi est accomplie en une seule parole : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” » (5,14). C’est là ce que Paul appelle « la loi du Christ » que le disciple doit « accomplir » (6,2). C’est par amour qu’il s’est livré pour les pécheurs : « il m’a aimé et s’est livré luimême pour moi » (2,20). C’est pour cela que la liste des vertus se résume dans « le fruit » singulier de « l’amour » (5,22). Pas de juif ni de grec Si les païens devenus disciples de Jésus ne sont pas tenus à devenir juifs pour être justifiés, leurs compagnons juifs ne sont pas invités à quitter leur peuple et à abandonner leurs spécificités. Ils restent juifs ; circoncis, ils le demeurent. Dans la mesure où les prescriptions de la Loi n’entrent pas en contradiction avec l’unité de tous les disciples, ils pourront continuer à suivre les prescriptions de la Loi, convaincus toutefois que ce ne sont pas les œuvres de la Loi qui leur assurent le salut, mais d’avoir été plongés dans les eaux du baptême et d’avoir revêtu le Christ. L’unité de tous les disciples, acquise par la Croix du Christ et reçue dans l’unique baptême, n’abolit pas la distinction entre juifs et grecs, elle

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Par exemple, ORIGÈNE, Commentaire sur l’Épître aux Romains, II, 9, 34, 411 ; AMBROISE DE MILAN, Opera omnia di Sant’Ambrogio, Lettere/2, «Lettera 69 a Costanzo», 207-208 (PL XVI, Ep., 72,9 1246) ; voir H. SAVON, « Eutrope et la “vraie circoncision” », 295 sqq.

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la dépasse, elle l’assume. C’est l’amour réciproque, tel que le Christ lui-même l’a manifesté, qui accomplit l’unité des judéo-chrétiens et des ethnico-chrétiens. Pas d’esclave ni de libre L’opposition entre esclaves et hommes libres n’est pas résolue par le renversement des rôles, qui fait que l’esclave finit par l’emporter sur son maître. Cela ne résoudrait rien en réalité. La seule solution est celle que Paul a su reconnaitre dans l’œuvre du Christ qui s’est livré lui-même, qui est allé jusqu’à donner sa vie en rançon pour la multitude. Et c’est pourquoi Dieu l’a exalté au-dessus de tout et l’a fait asseoir à sa droite. Telle est la conduite que le disciple d’un tel maitre est invité à suivre. Si chacun se fait l’esclave de tous les autres par le service mutuel, il n’y a pas d’esclave ni de libre ; tous sont égaux, tous sont frères. Là encore c’est l’amour mutuel qui permet de dépasser l’opposition, d’accomplir l’unité entre tous les disciples, même si, à l’époque de Paul, l’esclavage n’avait pas encore été aboli. Quoi qu’il en soit, même après le 27 avril 1848, la distinction et l’opposition, entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent demeure et c’est toujours l’amour qui permet de les surmonter. Pas d’homme et de femme La distinction entre esclave et libre a finalement été abolie, au moins dans son principe. Il n’en va pas de même pour le troisième couple, l’homme et la femme. L’opposition entre esclaves et hommes libres est une institution purement humaine. Même voulue par Dieu, la distinction entre juifs et goyim n’est pas originelle. Seule la différence sexuelle remonte, selon la révélation biblique, à la création du monde : « Dieu créa l’humain à son image, à l’image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27). Déjà dans ce verset de la Genèse, la différence sexuelle est précédée par l’énoncé de son unité : « Dieu créa l’humain »4. Il va sans dire que la distinction, voire l’opposition, entre l’homme et la femme trouvent leur dépassement dans l’amour réciproque qu’ils se donnent. L’accomplissement se réalise en plénitude dans la génération. C’est en cela qu’ils remplissent leur vocation de devenir image et ressemblance du Dieu qui les a engendrés.

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Hā-’ādām, « l’humain », tiré de « l’humus », hā-’ădāmâ.

Appendice Circoncision et croix du Christ Dans sa lettre aux Galates, Paul ferraille contre les « judaïsants », ceux qui voulaient soumettre les disciples de Jésus issus du monde païen à la loi de Moïse. Avec la vigueur qu’on lui connait, l’Apôtre des gentils montre comment, obéissant à la même logique profonde, la croix du Christ, son sacrifice accomplit les institutions et les rites de la première alliance : circoncision, sabbat, cacherout, et jusqu’au temple. LA CIRCONCISION Voilà un sujet fort débattu, et dans bien des pays1. Dans les pays anglosaxons, en particulier aux États-Unis, on avait pris l’habitude de circoncire automatiquement tous les bébés mâles dès la naissance. Et cela pour des raisons hygiéniques, la circoncision étant réputée faciliter la propreté et donc éviter la prolifération des microbes. C’est ainsi que certains pensent que la raison fondamentale pour laquelle la circoncision est pratiquée, y compris dans les cultures traditionnelles, est tout simplement la prophylaxie. Or depuis quelque temps, des parents ont été attaqués par leurs enfants devenus adultes : ils les accusent de les avoir mutilés de façon irréversible sans leur avoir demandé leur avis. Cela rejoint les critiques et les moqueries dont les Juifs furent la cible de la part des Grecs dans l’Antiquité. Si dans la vie courante, bien sûr, il n’était pas possible de distinguer entre circoncis et incirconcis, en revanche au gymnase — le mot « gymnase » vient de l’adjectif gymnos, « nu », car on pratiquait les sports en tenue d’Adam — les Grecs tournaient en ridicule les Juifs hellénisés qui adoptaient les mœurs grecques. Et il n’est pas rare d’entendre encore de nos jours des plaisanteries sur ce sujet : l’homme ayant été créé avec un prépuce, son ablation est une mutilation de la nature, un manque de respect pour le Créateur que l’on critiquerait ainsi en se permettant de retoucher et de réparer son erreur. Ces moqueries sont cependant de moins en moins fréquentes, il est vrai, car en Europe aujourd’hui ce ne sont pas seulement les Juifs qui sont circoncis, mais aussi les musulmans, bien plus nombreux désormais que les fils d’Israël. Dans le monde musulman, ce qui est une honte n’est pas la circoncision, mais le contraire. En arabe, circoncision se dit ṭahârah, qui veut dire « pureté » ; l’homme circoncis est donc muṭahhar, « purifié ». Il en va de même dans nombre de cultures — africaines ou autres — où la circoncision est pratiquée : l’adulte incirconcis n’est pas un homme, il ne peut prendre la parole dans une 1 Il est significatif à cet égard que l’article de Wikipédia est particulièrement développé (http://fr.wikipedia.org/wiki/Circoncision ; accès 09.04.2014).

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assemblée masculine, sa parole n’ayant aucune valeur. C’est que la circoncision fait partie des rites d’initiation qui font passer le garçon qui arrive à l’âge nubile de l’enfance à la maturité. Les garçons sont alors séparés non seulement de leur mère, mais aussi de tout le reste du village et sont emmenés dans la forêt où ils sont initiés aux mythes et aux rites de la tribu, à la sexualité aussi bien sûr. Toute initiation comporte aussi une régression à l’état fœtal, le passage par une mort symbolique pour une renaissance à une vie nouvelle. La circoncision se situe dans ce contexte et en fait partie intégrante. Le passage par la mort signifie une renonciation à un état antérieur, une castration symbolique. Dans certains peuples, ce n’est pas l’ablation du prépuce qui signifie la renonciation à la totalité, mais l’ablation d’une dent2. Mais le principe est toujours le même : il s’agit d’accepter la limite, de renoncer à la totalité, à la toute-puissance imaginaire, pour accéder à l’altérité, pour s’ouvrir à l’autre. Dans son aspect strictement sexuel, la circoncision consiste à renoncer à l’auto-érotisme pour accéder à la relation avec l’autre sexe. C’est bien pourquoi dans les cultures où sont pratiqués les rites d’initiation, la circoncision intervient au moment de la maturation sexuelle, vers 12-13 ans. Une trace de cette pratique se retrouve dans la Bible, quand il est rapporté qu’Ismaël, fils d’Abraham et de sa servante Agar, est circoncis à l’âge de treize ans : 9

Dieu dit à Abraham : « Et toi, tu observeras mon alliance, toi et ta race après toi, de génération en génération. 10 Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c’est-à-dire ta race après toi : que tous vos mâles soient circoncis. 11 Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l’alliance entre moi et vous. 12 Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis, de génération en génération. Qu’il soit né dans la maison ou acheté à prix d’argent à quelque étranger qui n’est pas de ta race, 13 on devra circoncire celui qui est né dans la maison et celui qui est acheté à prix d’argent. Mon alliance sera marquée dans votre chair comme une alliance perpétuelle. 14 L’incirconcis, le mâle dont on n’aura pas coupé la chair du prépuce, cette vie-là sera retranchée de sa parenté : il a violé mon alliance. » 15 Dieu dit à Abraham : « Ta femme Saraï, tu ne l’appelleras plus Saraï, mais son nom est Sara. [...] 23 Alors Abraham prit son fils Ismaël, tous ceux qui étaient nés dans sa maison, tous ceux qu’il avait acquis de son argent, bref tous les mâles parmi les gens de la maison d’Abraham, et il circoncit la chair de leur prépuce, ce jour même, comme Dieu le lui avait dit. 24 Abraham était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans lorsqu’on circoncit la chair de son prépuce 25 et Ismaël, son fils, était âgé de treize ans lorsqu’on circoncit la chair de son prépuce. (Gn 17,9-15.23-25).

On remarquera en passant que le nom de l’épouse d’Abraham est circoncis, pour ainsi dire, lui aussi : elle s’appelait Saraï, elle deviendra Sara. Saraï, qui signifie « ma princesse » est libérée du possessif, et devient « Princesse », ce qui la délivrera de sa stérilité. On dira que ceci est une autre histoire. Ce qui n’est 2 Voir M. ÉLIADE, Naissances mystiques. Essai sur quelques types d’initiation, 26.42. La circoncision symbolise la mort mystique (p. 58).

Appendice

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pas tout à fait vrai, bien au contraire, puisque l’homme ne peut accéder à la paternité s’il n’est pas circoncis, libéré lui aussi du « possessif ». Ismaël, le fils de la servante égyptienne, dont les musulmans disent être les descendants, est donc circoncis à l’âge de sa maturité sexuelle. Il n’en va pas de même pour Isaac, engendré par Sara et Abraham, qui deviendra le père de JacobIsraël : il est circoncis le huitième jour, comme tous ses descendants. Dans le judaïsme la circoncision est donc détachée de la sphère sexuelle : elle signifie l’entrée dans l’alliance d’Abraham. En hébreu elle s’appelle berît millâ, « l’alliance de la circoncision ». Comme toute circoncision, elle signifie fondamentalement la renonciation à la totalité et donc l’ouverture à l’autre, mais au Tout-Autre, le Seigneur Dieu. Signe sensible s’il en est, la circoncision est le premier de tous les sacrements. On dit que saint Luc, l’auteur du troisième évangile, n’était pas Juif mais Grec, donc incirconcis. Or c’est le seul des quatre évangélistes qui raconte la circoncision, de Jean d’abord, puis de Jésus ! Celle de Jésus est rapportée de manière très sommaire : « Et lorsque furent accomplis les huit jours pour sa circoncision, il fut appelé du nom de Jésus, nom indiqué par l’ange avant sa conception » (Lc 2,21). Elle est présentée comme la circonstance de l’imposition du nom de Jésus, qui est la proposition principale de la phrase. Que le bébé mâle ne reçoive son nom que le huitième jour, après qu’il ait reçu le signe de l’alliance, n’est pas indifférent : son identité est liée à sa relation avec Dieu, elle en dépend et en découle. Narrativement, la mention de la circoncision de Jésus est liée non pas à sa naissance, mais à sa consécration au Temple, en tant que premier-né. Elle inaugure en réalité une double scène de consécration, celle où il est consacré à Dieu par ses parents et où sa mère est purifiée lors de ses relevailles (Lc 2,21-40), celle ensuite où, à l’âge de douze ans, il se consacre luimême à son Père (Lc 2,41-52)3. Le récit de la circoncision de Jean mérite qu’on s’y attarde davantage, car il permet de comprendre une dimension essentielle de la circoncision et de son sens symbolique. En effet, ce n’est pas seulement le nouveau-né qui, le huitième jour après sa naissance, est circoncis et reçoit son nom de Jean de la manière étonnante que l’on sait. Son père, Zacharie, est circoncis lui aussi par la même occasion. Le texte de Luc met en effet en parallèle les deux circoncisions : 59

Et il arriva que le huitième jour ils vinrent pour circoncire l’enfant. [...]

64

Or fut ouverte sa bouche aussitôt et sa langue et il parlait bénissant Dieu.

3

Voir R. MEYNET, L’évangile de Luc, 32011, 133-153.198-199.

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Celle du fils est évidemment l’ablation du prépuce. Celle du père concerne « sa bouche » qui « fut ouverte » ainsi que « sa langue ». Sa bouche était en effet restée fermée depuis l’annonciation, car il n’avait pas cru aux paroles de Gabriel qui lui avait prédit la naissance d’un fils, alors que sa femme était stérile et qu’ils étaient tous deux avancés en âge : « L’ange lui dit : “Voici que tu seras silencieux et ne pouvant pas parler, jusqu’au jour où cela arrivera, parce que tu n’as pas cru à mes paroles, lesquelles s’accompliront en leur temps” » (Lc 1,20) ; et le narrateur poursuit : « Étant sorti, il ne pouvait leur parler, et il connurent qu’il avait eu une apparition dans le sanctuaire. Et lui, il leur faisait des signes et il demeurait sourd-muet » (Lc 1,22). Son oreille s’était révélée « incirconcise », fermée à la parole de Dieu, selon la métaphore de Jérémie : « Leur oreille est incirconcise, ils ne peuvent écouter » (Jr 6,10). Si l’oreille est incirconcise, la parole ne peut entrer et pénétrer dans le cœur, là où elle pourrait être méditée et comprise. Encore faut-il qu’après l’oreille, le cœur aussi soit circoncis : « Circoncisezvous pour le Seigneur, ôtez le prépuce de votre cœur » (Jr 4,4). Dans sa traduction de la Bible, Osty écrit en note : « “Circoncisez-vous...”, métaphore violente pour notre goût, mais d’une haute portée spirituelle ». La circoncision du cœur, signifiant la foi et l’obéissance, est un thème récurrent (Dt 10,16 ; 30,6 ; Lv 26,41 ; Jr 9,24-25), y compris dans le Nouveau Testament (Rm 2,2529)4. La circoncision du cœur est liée à celle de la chair : « Aucun incirconcis de cœur et incirconcis de chair n’entrera dans mon sanctuaire » (Ez 44,9). La circoncision des oreilles est liée à celle du cœur : « Nuques raides, oreilles et cœurs incirconcis, toujours vous résistez à l’Esprit Saint ! Tels furent vos pères, tels vous êtes ! » (Ac 7,51). La métaphore accompagne ainsi le circuit naturel de la parole : entrée par l’oreille, elle descend dans le cœur, d’où, après avoir été comprise, acceptée, assimilée, elle peut ressortir par la bouche et les lèvres, à condition, bien sûr, que celles-ci, elles aussi, soient circoncises. Moïse, voulant échapper à la mission que le Seigneur entendait lui confier d’aller parler au Pharaon, s’excuse en disant : « Je suis incirconcis des lèvres » (Ex 6,12.30). La Bible de Jérusalem traduit : « Les israélites ne m’ont pas écouté ; comment Pharaon m’écouterait-il, moi qui n’ai pas la parole facile ? », ce qui rend le sens (selon Ex 4,10) mais évacue l’image5. LE SABBAT La circoncision marque le corps de l’individu, le sabbat marque le corps social. C’est la circoncision du temps. La circoncision structure l’homme en faisant de lui un être de relation, ouvert à l’autre ; le sabbat structure la semaine, 4

Marc parle souvent de « cœur endurci » : Mc 3,5 ; 6,52 ; 8,17 ; voir aussi Ep 4,18. Autrefois, huit jours après la naissance de Jésus le 25 décembre, soit le 1 er janvier on célébrait la fête de la Circoncision. On peut regretter que cette fête du Seigneur ait été remplacée en 1974 par celle de Marie mère de Dieu. 5

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en rythmant la succession des jours, interrompant la ligne continue du temps, l’ouvrant sur l’altérité. Le sabbat obéit à la même logique que la circoncision : la renonciation à la totalité pour laisser la place à l’autre6. Dans la présentation que la Bible en fait, le don du sabbat est, en quelque sorte, antérieur à celui de la circoncision. Il clôt la première page du livre, ou, plus exactement, il l’ouvre, puisque Dieu, ayant achevé tout son travail de création, se retire, faisant place à l’autre, lui laissant le temps comme à lui-même. Certes, il faudra attendre que les fils d’Israël soient sortis d’Égypte, de la maison des esclaves, qu’ils soient entrés dans la liberté du désert, pour que la loi du sabbat leur soit donnée (déjà en Ex 16 avec le don de la manne, avant celui du décalogue en Ex 20). Il n’empêche que le sabbat est posé dès le septième jour de la semaine originelle. Et le décalogue d’Ex 20 donnera comme motivation du commandement, le repos de Dieu lui-même : « car en six jours le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour. Voilà pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié » (Ex 20,11). S’il est commandé de « Se souvenir du jour du sabbat pour le sanctifier » (Ex 20,8), c’est avant tout « pour le Seigneur ton Dieu » : « Pendant six jours tu feras tout ton travail, mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu » (20,9-10). Se souvenir de ce jour, ce n’est pas seulement se remémorer, c’est revivre et réitérer ce que fit le Seigneur le septième jour, quand il laisse la place à l’autre, à celui qu’il venait de créer « à son image, à l’image de Dieu » (Gn 1,27). C’est donc se conduire comme lui, en véritable fils. La conséquence logique de cette imitation de Dieu, c’est que le père de famille à qui est adressé le commandement, se comportera comme le Seigneur envers tous les membres de sa maisonnée, à commencer par lui-même : « Tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils ni ta fille, ni ton serviteur ni ta servante, ni ton bétail, ni ton résident qui est dans tes portes » (Ex 20,10). Au lieu de traiter son fils et sa fille comme des esclaves en les faisant travailler sept jours sur sept, il traitera son serviteur et sa servante comme ses propres enfants en renonçant à occuper la totalité du temps pour le travail, et en reconnaissant à chacun l’espace de repos et de respiration qui en fera des hommes libres comme lui. Personne ce jour-là, jusqu’aux animaux, jusqu’au non juif résident sur la terre d’Israël, ne saurait être soumis à quelque esclavage que ce soit. C’est que le Seigneur, Dieu d’Israël, est « un Dieu jaloux », un Dieu jaloux de la liberté de l’homme, à laquelle personne ne saurait attenter7. LA CACHEROUT Toujours selon la même logique, la nourriture elle aussi doit être circoncise. Comme au jardin d’Éden, l’homme peut manger de tous les arbres, mais de 6

Voir A. WÉNIN, Le sabbat. Histoire et théologie. Pour l’analyse des deux décalogues, voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, deuxième partie, « La loi de liberté », 87-136. 7

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l’arbre du connaitre bien et mal, il ne mangera pas sous peine de mourir. De même, toutes les nourritures sont données aux fils d’Abraham, toutes sauf quelques-unes, déclarées « impures », comme le prépuce rend impur celui qui ne l’a pas retranché8. Ainsi, à côté du porc, le lapin ne peut être consommé, et pas davantage les fruits de mer. D’aucuns interpréteront ces interdits comme une précaution hygiénique, le porc par exemple pouvant transmettre à l’homme des maladies telles que la brucellose et le ténia. Comme pour la circoncision, ce genre de raison est superficiel et ne rend pas compte de l’essentiel. C’est la même logique qui gouverne les tabous alimentaires comme la circoncision et le sabbat : il s’agit encore de renoncer à la totalité. LE TEMPLE Il n’en va pas autrement pour une autre institution d’Israël, le temple. Toute la superficie du pays est donnée en héritage aux fils d’Israël, pour qu’ils la cultivent et qu’ils jouissent des fruits de la vigne, des figuiers et des oliviers qu’ils y auront plantés. Toute la terre d’Israël, sauf une toute petite partie, qui sera consacrée au Tout-Autre, le Seigneur, l’espace restreint où sera construit le temple. Si le sabbat est la circoncision du temps, le temple est la circoncision de l’espace. DEVENIR JUIF POUR ÊTRE DISCIPLE DE JÉSUS ? LA LOI OU LA FOI ? Quand, après la résurrection de Jésus, la bonne nouvelle fut annoncée aussi aux païens, la question vitale qui se posa fut celle des relations entre les disciples juifs et les disciples d’origine païenne, entre Juifs et Grecs. Les Actes des apôtres rapportent la résistance de Pierre à accepter l’invitation du centurion romain Corneille (Ac 10) ; il ne fallut pas moins d’une vision pour le convaincre. « Lorsque Pierre fut monté à Jérusalem, ceux de la circoncision le prenaient à partie, en disant : “Tu es entré chez des hommes ayant le prépuce et tu as mangé avec eux !” » (Ac 11,2-3). C’est qu’il avait commis une double faute : il était entré en contact avec des incirconcis impurs, et n’avait pas respecté la cacherout ! Ce n’est qu’après le long récit de Pierre que « En entendant cela, ils se tinrent tranquilles et ils glorifièrent Dieu en disant : “Donc, aux nations aussi Dieu a donné le repentir qui mène à la vie !” » (Ac 11,18). Les résistances ne cessèrent pas pour autant. Rien moins qu’un « concile » — le premier de l’histoire — fut nécessaire pour discuter de la question et décider de la conduite à tenir. Paul, Barnabé et quelques autres se rendent donc à Jérusalem, où « se levèrent quelques-uns de la secte des Pharisiens qui avaient cru, pour dire : “il faut les circoncire [les disciples païens] et leur prescrire de

8 Au moment où Dieu s’apprête à donner la circoncision à Abraham (Gn 17,10-15), il lui ordonne d’être « parfait » (en hébreu tāmîm, au pluriel ; Gn 17,1-2) ; ainsi, curieusement, celui qui n’est pas circoncis n’est pas « intègre », « complet ». C’est le manque qui le rend complet (voir Mt 19,21 : « Si tu veux être parfait, va vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres... »).

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garder la Loi de Moïse” » (Ac 15,5). La décision finale communiquée par oral et par écrit aux disciples venus des nations fut ainsi libellée : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d’autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et des unions illégitimes. Vous ferez bien de vous en garder. Adieu (Ac 15,28-29).

Dans la lettre aux Galates, Paul doit affronter des judaïsants qui voulaient imposer aux païens de Galatie les lois du judaïsme, à commencer par le commencement, la circoncision, celle-ci devant logiquement entrainer tout le reste : « jours, mois, saisons et années » (Ga 4,10), c’est-à-dire sabbats, néoménies, les trois fêtes de pèlerinage, années sabbatiques et jubilaires. Paul voit rouge et réagit vigoureusement : c’est que, pour lui, l’enjeu est décisif, absolument. Comment l’homme peut-il obtenir le salut ? Par la pratique de la Loi, ou par l’obéissance de la foi ? Le salut vient-il des œuvres de l’homme, ou du don gratuit de Dieu ? Il faut comprendre l’attachement des Juifs à la Loi que Dieu lui-même leur avait donnée par l’entremise de Moïse. La Loi est ce que les fils d’Israël ont de plus précieux, ce qui les distingue de tous les autres peuples, ce qui constitue leur identité, ce qui les a préservés d’être assimilés petit à petit aux autres nations, à leurs coutumes et finalement à leurs cultes païens. Les disciples juifs n’ont d’autre but que la communion entre tous les disciples de Jésus, d’où qu’ils viennent, du judaïsme ou du paganisme. En cela, leur désir n’est pas différent de celui de Paul. Comment abattre le mur de séparation entre Juifs et anciens païens, ce mur qui empêche les Juifs de partager les repas des païens à cause des règles de la cacherout, qui les empêche même simplement d’entrer dans leurs maisons, car les incirconcis sont impurs et rendent impurs les Juifs ? La seule solution du problème qu’ils envisagent — simple et efficace — serait que les païens deviennent juifs. Comme du reste Jésus l’était, circoncis le huitième jour, sujet de la Loi comme tous les autres membres de son peuple, comme les disciples qu’il avait choisis pour en faire ses apôtres. Pour Paul, la Loi est bonne, elle est sainte ; il le dira clairement dans sa lettre aux Romains : « La Loi, elle, est donc sainte, et saint le précepte, et juste et bon » (Rm 7,12). Ce n’est certainement pas en abaissant les lois du Premier Testament que l’on peut exalter la loi de la nouvelle alliance, bien au contraire. Plus on reconnaitra la valeur et la beauté des institutions d’Israël – circoncision, sabbat, cacherout et temple — plus la valeur et la beauté du Nouveau Testament s’en trouveront exaltées. Paul a compris qu’avec le Christ, la Loi de Moïse n’est pas abolie, mais assumée toute entière et accomplie. Comme le fruit ne détruit pas la fleur, ne la remplace pas, mais la porte à sa fin, à son accomplissement. Dans le deuxième chapitre de sa lettre aux Galates, Paul rapporte à sa façon le concile de Jérusalem, que Luc raconte au chapitre 15 des Actes. Il monte donc à Jérusalem, « à la suite d’une révélation », prenant avec lui deux disciples, un

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Juif, Barnabé, et un Grec, Tite. Malgré les manœuvres des « faux-frères », Tite ne fut pas obligé à se faire circoncire. Si Paul qualifie les judaïsants de « fauxfrères », c’est parce que la fraternité qu’ils promeuvent entre Juifs et païens chrétiens n’est pas la vraie fraternité. C’est une fraternité par assimilation, qui ne respecte donc pas l’identité des Grecs, leur altérité. Tout cela à cause des infiltrés, faux frères qui s’étaient introduits pour espionner la liberté que nous avons en Christ Jésus, afin de nous réduire en esclavage, auxquels pas même une heure nous avons accepté de nous soumettre, afin que la vérité de l’Évangile demeure pour vous (Ga 2,4-5).

Paul et ses compagnons obtiennent gain de cause : les notables, c’est-à-dire les apôtres — « Jacques (le frère du Seigneur), Képhas (Pierre) et Jean » — n’imposent rien aux disciples venus, comme Tite, du paganisme, aucune des observances de la Loi. Ils se partageront le travail de la prédication, ceux de Jérusalem aux Juifs (« la Circoncision »), Paul et ses compagnons aux païens (« le prépuce »). On remarquera que la terminologie employée par l’Apôtre montre bien l’importance primordiale de la circoncision. LE SOUVENIR DES PAUVRES Le récit toutefois ne s’arrête pas là. Une dernière phrase fait pendant à celle qui disait « à moi les notables n’imposèrent rien » (2,6) : « Seulement des pauvres que nous nous souvenions ; ce que je me suis efforcé de faire » (2,10). Certains voient là un discret appel à l’aide pour les communautés de Palestine qui étaient dans le besoin ; et du reste Paul s’occupera pendant plusieurs années à collecter des fonds pour eux (voir Rm 15,25-28 ; 1Co 16,1-4 ; 2Co 8–9). Il ne s’est donc pas payé de mots. Il est toutefois possible de dépasser ce premier niveau occasionnel, pour tenter de comprendre la logique de cette recommandation. C’est exactement la même que celle de la circoncision, du sabbat, de la cacherout et du temple. « Se souvenir des pauvres » signifie concrètement retrancher une partie de ce que je possède pour en faire bénéficier les nécessiteux. C’est renoncer à la totalité, pour s’ouvrir à l’autre. C’est une renonciation qui n’est pas faite une fois pour toutes comme la circoncision, c’est un sacrifice à faire chaque fois que c’est nécessaire, suivant les circonstances et les appels. C’est la manifestation, la réalisation de la « communion » entre Juifs et païens, en particulier pour le cas de la fameuse collecte organisée par Paul qu’il interprète comme un échange de dons : 25

Maintenant je me rends à Jérusalem pour le service des saints : 26 car la Macédoine et l’Achaïe ont bien voulu prendre quelque part aux besoins des saints de Jérusalem qui sont dans la pauvreté. 27 Oui, elles l’ont bien voulu, et elles le leur devaient : si les païens, en effet, ont participé à leurs biens spirituels, ils doivent à leur tour les servir de leurs biens temporels (Rm 15,25-27).

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Écrivant aux Corinthiens, il loue la libéralité des Macédoniens, puis il ajoute — et il vaut la peine de citer longuement : 7

Mais, de même que vous excellez en tout, foi, parole, science, empressement de toute nature, charité que nous vous avons communiquée, il vous faut aussi exceller en cette libéralité. 8 Ce n’est pas un ordre que je donne ; je veux seulement, par l’empressement des autres, éprouver la sincérité de votre charité. 9 Vous connaissez, en effet, la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté. 10 C’est un avis que je donne là-dessus ; et c’est ce qui vous convient, à vous qui, dès l’an dernier, avez été les premiers non seulement à entreprendre mais encore à vouloir. 11 Maintenant donc achevez votre œuvre, afin que l’achèvement réponde à l’ardeur du vouloir, selon vos moyens. 12 Lorsque l’ardeur y est, on est agréé pour ce qu’on a, il n’est pas question de ce qu’on n’a pas. 13 Il ne s’agit point, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu’il faut, c’est l’égalité. 14 Dans le cas présent, votre superflu pourvoit à leur dénuement, pour que leur superflu pourvoie aussi à votre dénuement. Ainsi se fera l’égalité, 15 selon qu’il est écrit : « Celui qui avait beaucoup recueilli n’eut rien de trop, et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien » (2Co 8,7-15).

Comme à Jérusalem, le souvenir des pauvres n’est pas un commandement : « ce n’est pas un ordre » (8), « c’est un avis » (10). Nous ne sommes pas sous le régime de la loi. Au verset 14 se retrouve l’idée, à laquelle Paul tient, de l’échange des dons, spirituels et temporels. Revient aussi par deux fois le mot « égalité » (13.14), condition de la communion fraternelle. Et puis, le modèle ou la source de la libéralité à laquelle Paul invite, est celle du Christ lui-même ; « Vous connaissez, en effet, la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (9). LA CROIX DU CHRIST Par le sacrifice qu’il fait de sa vie, Jésus accomplit toute la loi, celles de la circoncision, du sabbat, de la cacherout, du temple aussi. En acceptant de donner sa vie, il entre dans le même mouvement de la renonciation à la totalité, la portant évidemment à son comble, puisqu’il ne renonce pas à une partie seulement, mais à la totalité de sa vie. L’accomplissement n’advient pas sans l’excès qui le porte à l’extrémité du possible. La pauvre veuve du temple, qui donne « tout ce qu’elle avait pour vivre » est, à la veille de la Passion, l’icône de celui qui s’apprête à donner sa vie (Mc 12,41-44 ; Lc 21,1-4). Au début de la deuxième section de sa lettre, celle qui constitue le centre de l’écrit, Paul, pour ainsi dire, plante d’emblée la croix du Christ : « Ô Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous aux yeux de qui Jésus Christ a été décrit crucifié » (Ga 3,1). Au début de la troisième et dernière section, il met en relation la circoncision et la croix. Il faut relire toute l’ouverture de la section :

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2

C’est moi, Paul, qui vous le dis : si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. 3 De nouveau je l’atteste à tout homme qui se fait circoncire : il est tenu à l’observance intégrale de la Loi. 4 Vous avez rompu avec le Christ, vous qui cherchez la justice dans la Loi ; vous êtes déchus de la grâce. 5 Car pour nous, c’est l’Esprit qui nous fait attendre de la foi les biens qu’espère la justice. 6 En effet, dans le Christ Jésus ni circoncision ni incirconcision ne comptent, mais seulement la foi opérant par la charité. 7 Votre course partait bien ; qui a entravé votre élan de soumission à la vérité ? 8 Cette suggestion ne vient pas de Celui qui vous appelle. 9 Un peu de levain fait lever toute la pâte. 10 Pour moi, j’ai confiance qu’unis dans le Seigneur vous n’aurez pas d’autre sentiment ; mais qui vous trouble subira sa condamnation, quel qu’il soit. 11 Quant à moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? C’en est donc fini du scandale de la croix ! 12 Qu’ils aillent jusqu’à la mutilation, ceux qui bouleversent vos âmes ! (Ga 5,2-15).

« Le scandale de la croix », c’est justement le fait inouï que la renonciation à la totalité ait pu aller jusque-là : 22

Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, 24 mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu (1Co 1,22-24).

23

C’est très exactement ce qu’on appelle d’un mot calqué du grec, la « kénose », qui signifie le fait de se vider de soi-même. Ce qu’exprime en langage poétique l’hymne aux Philippiens : 6

Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. 7 Mais il se vida lui-même, prenant condition d’esclave. Devenant semblable aux hommes. et s’étant comporté comme un homme, 8 il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! 9 Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, 10 pour que, au nom de Jésus, tout genou fléchisse, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, 11 et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père (Ph 2,6-11).

Appendice

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Le mot « croix » reviendra, en rangs serrés, dans la conclusion de la troisième section, conclusion en même temps de toute la lettre, rappelant l’introduction citée ci-dessus. Il faut la citer in extenso : 11

Voyez quels gros caractères ma main trace à votre intention. Des gens désireux de faire bonne figure dans la chair, voilà ceux qui vous imposent la circoncision, à seule fin d’éviter la persécution pour la croix du Christ. 13 Car ceux qui se font circoncire n’observent pas eux-mêmes la loi ; ils veulent seulement que vous soyez circoncis, pour se glorifier dans votre chair. 14 Pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ, qui a fait du monde un crucifié pour moi et de moi un crucifié pour le monde. 15 Car la circoncision n’est rien, ni l’incirconcision ; il s’agit d’être une créature nouvelle. 16 Et à tous ceux qui suivront cette règle, paix et miséricorde, ainsi qu’à l’Israël de Dieu. 17 Dorénavant que personne ne me suscite d’ennuis : je porte dans mon corps les marques de Jésus. 18 Frères, la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit ! Amen (Ga 6,11-18). 12

Alors que les judaïsants entendent se glorifier d’avoir fait circoncire les païens, Paul ne se glorifie que « dans la croix de Notre Seigneur Jésus Christ » (14). L’opposition ne pourrait être plus nette entre la circoncision et la croix. Non que Paul dévalue la première, car elle a joué le rôle de pédagogue pour conduire à son achèvement, à sa perfection : « Ainsi la Loi nous servit-elle de pédagogue jusqu’au Christ, pour que nous obtenions de la foi notre justification. Mais la foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue » (Ga 3,24-25). CRUCIFIÉ AVEC LE CHRIST Si c’est par le sacrifice du Christ sur la croix que l’on est justifié, et non par les œuvres de la Loi, il est clair que le disciple se doit d’entrer dans la même logique de la kénose. Et c’est pourquoi, dans la conclusion de la lettre, Paul dit être « crucifié pour le monde » (Ga 6,14), devenant ainsi une « créature nouvelle » (15). Il l’avait déjà dit à la fin de la première section : 19

En effet, par la Loi je suis mort à la Loi ; afin de vivre à Dieu, je suis crucifié avec le Christ 20 et ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi (Ga 2,19-20).

Paul a effectivement subi bien des persécutions, tant qu’il porte « dans son corps les marques de Jésus » (6,17). Le court passage qui constitue le centre et la clé de voûte de la lettre, qui contient ce qu’on pourrait appeler sa proposition principale, énonce l’unité de tous les disciples, quelle que soit leur origine, leur statut, leur sexe :

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La Lettre aux Galates

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Tous en effet vous êtes fils de Dieu, par la foi dans Christ Jésus ; 27 car vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. 28

Il n’y a pas de Juif il n’y a pas d’esclave il n’y a pas d’homme

ni de Grec, ni de libre, et de femme.

Tous en effet vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus ; 29 et si vous êtes du Christ, alors vous êtes la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Leur identité profonde de « fils de Dieu » est due à Christ Jésus, dans lequel ils ont été baptisés. Si Paul évoque la circoncision un très grand nombre de fois dans la lettre, il ne parle qu’une seule fois du baptême et c’est au cœur de sa lettre. Comme la circoncision fait entrer dans l’alliance d’Abraham, ainsi le baptême — par lequel celui qui est plongé avec le Christ dans la mort et en est retiré pour recevoir le vêtement blanc — fait de lui une créature nouvelle. Le dernier verset (29) toutefois montre bien que le baptême ne remplace pas la circoncision : il l’accomplit en faisant des baptisés « la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse ».

Circoncision, croix du Christ, vie consacrée Dans un précédent article, intitulé « Circoncision et croix du Christ », j’ai montré d’abord comment les institutions d’Israël que sont la circoncision1, le sabbat, la cacherout et le temple, obéissent toutes à la même logique, celle de la renonciation à la totalité pour laisser la place à l’autre, et en particulier au Tout Autre, le Seigneur Dieu. Puis nous avions vu comment ces quatre institutions sont assumées et accomplies, portées à leur perfection, à l’excès même, par le Christ dans sa mort sur la croix. En acceptant de perdre sa vie, Jésus renonce à la totalité, mais de manière radicale et absolue. Il n’abandonne pas une partie de lui-même seulement, mais tout2, et non pas pour quelques-uns mais pour tous. Cela dit, l’histoire ne s’arrête pas là, elle continue, jusqu’à nous. Il faut donc poursuivre la réflexion, essentiellement biblique, sur la vocation des disciples de Jésus, en particulier de ceux qui sont appelés au don total de leur vie à cause de Jésus et de l’évangile. L’année de la vie consacrée nous y invite de façon pressante. 1. OBÉISSANCE Les Actes des apôtres et le martyre Jésus n’a rien écrit ; ce sont ses disciples et même, pour certains, les disciples de ses disciples qui ont rédigé les évangiles. Leurs livres ne racontent pas seulement la vie de Jésus, mais aussi celle des disciples qu’il avait choisis et qui l’avaient suivi. Luc, l’auteur du troisième évangile, est même allé plus loin que les trois autres évangélistes. Il a rédigé un deuxième livre, qui est la suite de l’évangile : Les Actes des apôtres. On y voit les disciples continuer l’œuvre du Maitre, après qu’il ait été enlevé au ciel, dans la même logique de la croix, de la « kénose », de la renonciation à la totalité, dans sa radicalité, jusqu’à la mort même, acceptée. Les Actes des apôtres sont scandés par les persécutions que doivent subir les disciples. Il y a d’abord, bien sûr, l’euphorie des débuts, avec les premières conversions et l’admiration que suscite chez tous la vie fervente de la première communauté (Ac 2,37-47). Mais cela laisse bien vite la place aux poursuites de la part du Sanhédrin : Pierre et Jean, qui venaient de guérir un paralysé à la Belle porte du Temple (4,3), sont jetés en prison ; après quoi ils doivent comparaitre devant les plus hautes autorités juives (4,5s). On les menace et « on leur interdit formellement de prononcer ou d’enseigneur le nom de Jésus » (4,18). Dès le 1 Sur la circoncision, on lira avec profit R. BURNET – D. LUCIANI, ed., La circoncision: parcours biblique ; R. BURNET – D. LUCIANI, ed., La circoncision aujourd’hui. 2 Traditionnellement, le peu sang versé par Jésus à la circoncision a été mis en rapport avec tout son sang qu’il versera durant sa passion.

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La Lettre aux Galates

chapitre suivant ce ne sont plus seulement Pierre et Jean, mais tous « les apôtres » qui sont emprisonnés (5,18) ; on parle même de les faire mourir (5,33). Après l’intervention du sage Gamaliel, « ils les firent battre de verges... ». Alors « les apôtres quittèrent donc le Sanhédrin, tout heureux d’avoir été trouvés dignes de subir des outrages pour le Nom » (5,41). Ce bonheur est celui d’avoir été ainsi configurés au Christ, jusque dans les humiliations et les souffrances de sa passion. Un sommet est atteint avec la mise à mort d’Étienne, le premier martyr, qui est rapportée longuement (6,8–8,1) et dans des termes qui rappellent clairement la passion et la mort de Jésus : « tandis qu’ils le lapidaient, Étienne prononçait cette invocation : “Seigneur Jésus, reçois mon esprit”. Puis il fléchit les genoux et lança un grand cri : “Seigneur, ne leur compte pas ce péché”. Et sur ces mots il mourut » (Ac 7,59-60 ; cf. Lc 23,34.46). Étienne ne sera que le premier d’une longue série de martyrs, qui, comme Jésus et à sa suite, ont porté leur croix et ont renoncé à la totalité de leur vie. Ce sera bientôt le tour de Jacques, le frère de Jean, qui périt par le glaive (Ac 12,1-2) et Pierre lui-même n’échappa à la mort que voulait lui infliger Hérode que par une intervention divine (12,3-19). Puis ce seront les nombreuses persécutions qui s’abattront sur Paul, jusqu’à ce qu’il soit enfin transféré à Rome, puisqu’il avait été contraint d’en appeler à l’empereur pour échapper à la mort que les autorités de Jérusalem avaient décidé de lui infliger. Le récit des Actes s’arrête au moment où l’apôtre des nations se trouve aux arrêts domiciliaires, gardé par un soldat, dans la capitale de l’empire romain ; il y attend sa condamnation qui le conduira au supplice réservé aux citoyens romains, la décapitation. Le martyre représente le comble de la vie consacrée, et pour ainsi dire son modèle ultime, l’idéal que beaucoup après les apôtres désiraient rejoindre. Pendant longtemps, n’étaient honorés comme saints que les disciples qui avaient versé leur sang pour le Christ. Après la fin des persécutions, la vie monastique, dans laquelle la vie du moine est entièrement consacrée à Dieu et au Christ, fut considérée comme une sorte de substitut du martyre3. Il ne faudrait cependant pas oublier que le martyre n’est pas seulement une affaire pour ainsi dire archéologique, celle des trois premiers siècles. Constantin n’y a pas mis un terme définitif. Beaucoup de nos jours paient encore de leur vie leur consécration à Dieu et au service de leurs frères. Et les martyrs actuels ne sont pas seulement les chrétiens qui appartiennent aux instituts de vie consacrée. L’obéissance jusqu’à la mort de la Croix Configurés au Christ crucifié, qui, dans la nuit obscure, accepta la volonté du Père, toute incompréhensible qu’elle lui était apparue. Le récit évangélique qui le met en scène est celui de l’agonie au jardin de Gethsémani. « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je 3 Voir par exemple, l’entrée « Martyr » dans J.-Y. LACOSTE, ed., Dictionnaire critique de théologie.

Appendice

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veux, mais comme tu veux. » (Mt 26,39). Puis, de nouveau : « Mon Père, dit-il, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » (v. 42). Comme il l’avait confié à ses disciples, Pierre, Jacques et Jean, « Mon âme est triste à en mourir » (v. 38). Il sait en effet qu’il va mourir, et que c’est la croix qui l’attend. L’auteur de la Lettre aux Hébreux dira à sa manière la même chose : C’est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance ; après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel... (He 5,7-9).

Dans « l’hymne aux Philippiens, Saint Paul lie clairement l’obéissance à la Croix : « il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2,8). C’est dans la Croix du Christ, plus exactement, en Christ crucifié que le vœu d’obéissance trouve son fondement premier et ultime. La Croix au cœur de l’évangile On a déjà dit que Paul avait planté la croix du Christ au début de la section centrale de sa lettre aux Galates : « Ô Galates sans intelligence, qui vous a ensorcelés ? À vos yeux pourtant ont été dépeints les traits de Jésus Christ crucifié » (voir p. 247). Dans l’évangile de Marc, la croix est plantée exactement au centre du livre. Beaucoup d’exégètes sont d’avis que cet évangile est organisé en deux parties et que la confession de Césarée se trouve à leur charnière ; ce qui ferait que tout le livre serait focalisé sur Jésus et, plus précisément, sur sa messianité, quand Pierre s’exclame : « Tu es le Christ » (Mc 8,29). Or, ce n’est pas tout à fait exact. La confession de Pierre a son pendant avec la Transfiguration, quand le Père présente Jésus comme son « Fils bien aimé » : Confession de Pierre Annonce de la passion et de la résurrection Discours sur le disciple Confession du Père Annonce de la résurrection et de la passion

8,27-30 8,31-33 8,34–9,1 9,2-8 9,9-13

Chacune des deux confessions est suivie d’une annonce de la passion et de la résurrection de Jésus. Au centre de la construction, et donc au centre de tout l’évangile, le discours sur le disciple qui commence ainsi : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix et qu’il me

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La Lettre aux Galates

suive »4. C’est donc l’identité du disciple qui constitue le centre de Marc, et la croix dont Jésus parle n’est pas directement la sienne, mais celle du disciple. Le disciple, tout disciple est donc tenu de renoncer à sa propre vie, comme son maitre, à cause de lui et de l’évangile ; en d’autres termes de « consacrer sa vie » pour la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Telle est la loi du Christ. La « vie consacrée » n’est donc pas réservée à une élite, elle constitue la vocation de tout disciple de Jésus. 2. PAUVRETÉ « Chacun portera sa propre charge » (Ga 6,5) Dans la parabole des talents, le maitre donne à chacun de ses serviteurs une somme différente à faire fructifier : à l’un cinq talents, à un autre deux, à un troisième un seul talent. Certains pourraient penser qu’une telle inégalité n’est pas juste. Ce qui serait injuste, en réalité, ce serait d’imposer une charge trop lourde à qui n’aurait pas la force de la porter. C’est pourquoi la parabole précise : « ...à chacun selon ses capacités » (Mt 25,15). Simon et son frère André, Jacques et Jean les deux fils de Zébédée ont tout quitté à l’appel de Jésus — barques, filets et jusqu’à leur propre père — et ils l’ont suivi (Mc 1,16-20). Malgré leur défection au moment de la passion de leur maitre, ils l’auront suivi jusqu’au bout. Jacques sera le premier des Douze à donner sa vie pour l’évangile (Ac 12,1-2). Au contraire, quand le jeune homme riche est invité par Jésus à vendre tous ses biens, à en donner le produit aux pauvres et à le suivre, « il s’en alla tout triste » (Mt 19,22). Jésus ne le condamne pas, il respecte sa liberté : sans doute la charge était-elle trop lourde pour lui. Pourtant, il avait pu porter le fardeau de la Loi qu’il avait observée toute entière (19,20). Entre abandonner tous ses biens et faire l’aumône, c’est-à-dire en donner une partie seulement, pour partager avec les pauvres, il y a toute une gradation. Rappelons que la seule recommandation que les apôtres avaient faite à Paul quand il était monté les rencontrer à Jérusalem, c’était de « se souvenir des pauvres » (Gal 2,10). C’est ce que le riche de la parabole n’a pas su faire en faveur du pauvre Lazare qui gisait à sa porte. Et voilà pourquoi il n’a pas pu entrer dans le Royaume de Dieu (Lc 16,19-31). Jésus le dit à ses disciples quand le jeune homme riche s’en va tout triste : « Combien il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » (Mc 10,23). Tout chrétien — et non pas seulement qui fait vœu de pauvreté — est appelé à s’appauvrir en faveur des pauvres. Sinon, il n’entrera pas dans le Royaume des cieux ! C’est donc une question de vie ou de mort. Tout disciple, « chacun selon ses capacités », est en effet appelé à se comporter comme le Christ qui « de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour vous, pour que vous deveniez riche par le moyen de 4

Voir R. MEYNET, L’évangile de Marc, 2014, 273-291.552.566 sqq.

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sa pauvreté » (2Co 8,9). Il faut heureusement reconnaitre que nombreux sont les chrétiens — et pas seulement eux — qui ne ferment pas leur cœur, et leur portemonnaie, à la misère de leurs frères. « Si tu veux être parfait... » Le récit évangélique le plus souvent cité pour parler de la vie consacrée est sans conteste l’appel du jeune homme riche, selon saint Matthieu. Ce fut en entendant cette phrase qu’Antoine, l’initiateur du monachisme, abandonna tous ses biens et se retira dans le désert (voir La vie d’Antoine d’Athanase d’Alexandrie). Et c’est à partir de ce texte que s’est construite la distinction, devenue classique, entre préceptes et conseils. En effet, deux conditionnelles se correspondent, suivies d’impératifs : « Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements » (Mt 19,17) et « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux, puis viens, suis-moi » (19,21). Pour être sauvé, il serait nécessaire d’observer les commandements, pour être parfait il serait conseillé de tout quitter pour suivre le Christ. Les préceptes concerneraient tous les disciples, les conseils seraient réservés à quelques-uns. Le jeune homme, qui a gardé tous les commandements, n’a pas suivi les conseils de Jésus et l’a quitté. Dans le discours sur la montagne, en conclusion des cinq mises en parallèle entre ce qui fut dit aux anciens et ce que Jésus dit aujourd’hui, vient cette invitation : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Or sur la montagne Jésus ne s’adresse pas à une élite, mais à l’ensemble de ses disciples. Ainsi le Catéchisme de l’Église catholique, au numéro 915 : Les conseils évangéliques sont, dans leur multiplicité, proposés à tout disciple du Christ. La perfection de la charité à laquelle tous les fidèles sont appelés comporte pour ceux qui assument librement l’appel à la vie consacrée, l’obligation de pratiquer la chasteté dans le célibat pour le Royaume, la pauvreté et l’obéissance. C’est la profession de ces conseils dans un état de vie stable reconnu par l’Église, qui caractérise la « vie consacrée » à Dieu (cf. LG 42-43 ; PC 1).

Quelques considérations sur le récit du jeune homme riche pourraient éclairer utilement la réflexion sur la vie consacrée. Ce jeune homme est insatiable et ses premiers mots le trahissent : alors que dans la version de Marc et dans celle de Luc, il veut « hériter la vie éternelle » (Mc 10,17 ; Lc 18,18), dans celle de Matthieu il veut « avoir la vie éternelle » (Mt 19,16). « Hériter », c’est recevoir gratuitement de ses parents ; « avoir », c’est posséder. À la fin de l’épisode, le narrateur dit qu’« il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens » (v. 22). Il veut « avoir » la vie éternelle comme il possède ses richesses. C’est comme s’il entendait la faire entrer dans son coffre-fort. Or Jésus inverse le mouvement quand il lui répond : « Si tu veux entrer dans la vie ». Un peu plus tard, il reprendra avec ses disciples ce même verbe « entrer » : « En vérité, je vous le dis, combien il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux »

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La Lettre aux Galates

(v. 23). Entrer dans le royaume de Dieu, c’est entrer dans une réalité qui nous dépasse, c’est, pour ainsi dire se laisser mettre la main dessus, se laisser séduire comme disait Jérémie : « Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire ; tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort » (Jr 20,7). Posséder quelque chose, c’est tout le contraire : c’est mettre la main dessus, c’est le faire entrer dans sa poche, dans son trésor. Jésus dit au jeune homme d’« observer » les commandements. Le jeune homme lui répond qu’il les a tous « gardés ». Et, ce disant, il ne ment surement pas. Il a toujours été fidèle à la Loi, mais a-t-il été fidèle à l’auteur de la Loi ? At-il observé les commandements comme on écoute la parole d’un père ? Ou les a-t-il gardés comme il garde ses richesses ? Il y a un abime entre les deux attitudes, même si, au premier regard, la différence pourrait ne pas être perceptible. Les mots que le jeune ajoute aussitôt disent bien ce qu’il a dans le cœur : « Que me manque-t-il encore ? » Le riche est insatiable, l’expérience le montre. Il veut avoir toujours davantage. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que même ceux qui ont fait le choix de la vie consacrée pourraient, s’ils n’y prennent garde, vivre leur consécration comme une possession, jalousement gardée, sur laquelle ils pourraient se reposer, dans laquelle ils mettraient toute leur confiance... Ce qui serait la pire perversion de la vie consacrée, sa profanation. Ce qu’il lui manque à ce jeune, si parfaitement fidèle à la Loi, c’est justement de manquer, d’accepter le manque. Selon le mot de Jacques Lacan, « l’angoisse nait quand fait défaut l’appui d’un manque ». Il est insatisfait, l’observance de tous les commandements ne peut le combler, et c’est bien pour cela qu’il vient trouver Jésus et qu’il l’interroge. Il veut « faire », et faire plus que les commandements, puisqu’il les a déjà tous « faits ». Comme s’il s’agissait de « faire » pour entrer dans la vie, pour naitre, alors qu’il suffit de se laisser faire par un autre et de se dé-faire de sa propre justice, de sa propre auto-satisfaction. Paradoxalement, s’il veut être parfait, il doit renoncer à la perfection, il doit avouer qu’il n’est pas parfait. Le début de la perfection, son fondement ultime, c’est de reconnaitre ses limites, de confesser son péché. Les Exercices spirituels de saint Ignace sont organisés en quatre semaines ; or la première semaine est justement consacrée à la méditation des péchés. Et il n’est pas question que l’exercitant puisse aborder les semaines suivantes s’il n’est pas « entré » véritablement dans la première. Tous les saints sont conscients de leur propre misère, et plus ils s’élèvent dans la voie de la perfection, plus ils confessent leur péché. Dans le récit de sa vie, qu’elle a intitulé Le livre des miséricordes de Dieu5, sainte Thérèse de Jésus revient sans cesse sur la confession de ses péchés. Dès les premières lignes elle écrit : On m’a donné l’ordre d’exposer par écrit ma méthode d’oraison et les grâces dont le Seigneur m’a favorisée. On me laisse en même temps pleine latitude pour cette relation. J’aurais bien voulu avoir la même liberté pour raconter dans tous leurs détails et 5

THÉRÈSE DE JÉSUS, Œuvres complètes, « Vie écrite par elle-même », 15.

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avec clarté mes grands péchés et ma triste vie, et j’en eusse éprouvé une vive consolation. Mais on ne l’a pas voulu ; on m’a plutôt commandé d’être très réservée sur ce point. Aussi, je conjure, pour l’amour de Dieu, celui qui lira cet écrit de ne point perdre de vue que ma vie a été très infidèle 6...

Ce n’est pas là masochisme ou culpabilité exaspérée. C’est la prise de conscience douloureuse de l’incapacité radicale d’être « parfait comme le Père céleste est parfait ». Arriver à supporter son péché, sans mourir de honte et de désespoir, c’est certainement la manière la plus éprouvante de porter sa croix. Le jeune homme riche demeure centré sur lui-même, renfermé sur lui-même ; en somme, son cœur est incirconcis. Jésus va donc tenter de l’ouvrir. Ce qui obture son cœur, ce ne sont pas seulement ses richesses mais aussi la perfection de sa pratique de la Loi, possédée comme une richesse plus éminente que tous ses biens. Cet homme est comblé, il est parfait. Or Jésus lui dit : « Si tu veux être parfait... » Pour être parfait, il faut lâcher et lâcher tout. Et les richesses matérielles, et les richesses spirituelles. Les richesses matérielles en en faisant hériter les pauvres, les richesses spirituelles en se mettant à la suite de Jésus qui conduit au Père. À la fin du récit de Matthieu, le jeune « s’en va » (v. 22) ; il n’accueille pas l’invitation de Jésus à l’accompagner sur son chemin vers le Père. Le texte ajoute qu’il s’en va « triste ». La tristesse est le signe d’un malaise intérieur. Il était venu exprimer son insatisfaction, avec l’espoir de pouvoir la surmonter, prêt à « faire » tout ce qu’il fallait pour la combler ; et voici qu’il s’en va avec une autre insatisfaction, bien plus profonde, car il a fait l’expérience d’être incapable de surmonter l’épreuve, de faire ce que Jésus lui indiquait pour être « parfait ». Il est vrai qu’il conserve les nombreux biens qu’il possède, mais il s’en va avec une chose supplémentaire qu’il n’avait pas quand il était entré en scène : la tristesse. Celle-ci pourra peut-être lui ouvrir un chemin, s’il sait y reconnaître le signe d’un appel à sortir de lui-même pour entrer sur la voie de l’amour du prochain7. Le saut dans le vide de la vie consacrée Tous sont appelés à vivre la pauvreté avec le Christ, mais, en abandonnant tous leurs biens, certains la vivent radicalement. Et en ce sens, de l’aumône au vœu de pauvreté il n’y a pas de gradation mais un véritable saut. Et l’on peut dire « un saut dans le vide », puisque celui qui est appelé à cette forme de vie n’a plus rien à quoi se raccrocher : comme Jésus il s’est vidé de lui-même. Partant annoncer l’évangile, il suit les recommandations de Jésus : « Ne vous procurez ni or, ni argent, ni menue monnaie pour vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton : car l’ouvrier mérite sa nourriture » (Mt 6

THÉRÈSE DE JÉSUS, Œuvres complètes, 15. Voir R. MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, 112-113 ; synoptique reconsidéré, 102-103. 7

ID.,

Le fait

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La Lettre aux Galates

10,9-10). N’ayant rien, il fait confiance absolue au Seigneur qui l’envoie et à ceux vers lesquels il est envoyé, devenant ainsi pour eux le témoin privilégié de la foi qu’il professe et qu’il proclame. En acceptant d’être nourri et de dépendre des autres pour sa subsistance, il se conduit en fils, engendré par ceux qu’il engendre à la foi et à l’amour de Dieu8. Immédiatement avant le récit du jeune homme riche, Matthieu rapporte un court épisode où les enfants sont donnés en modèle aux disciples : 13

Alors des petits enfants lui furent présentés, pour qu’il leur imposât les mains en priant ; mais les disciples les rabrouèrent. 14 Jésus dit alors : « Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi ; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des Cieux. » 15 Puis il leur imposa les mains et poursuivit sa route (Mt 19,13-15).

C’est là, de nouveau, un paradoxe: comment les enfants peuvent-ils représenter le modèle de la perfection ? En grec, « parfait » se dit teleios, qui signifie « qui a atteint la fin (telos) », « accompli », « mûr », « adulte ». Or l’enfant est exactement le contraire du « parfait », il est immature, inaccompli. Mais Jésus dit que c’est à eux qu’est le Royaume des cieux. Marc est encore plus explicite : « Laissez les petits enfants venir à moi ; ne les empêchez pas, car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis : quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n’y entrera pas » (Mc 10,1415). Encore une fois, la chose est tout à fait sérieuse. L’esprit d’enfance n’est pas une option, il s’impose, comme condition sine qua non, à tout disciple. L’enfant est celui qui n’a rien, qui ne peut rien faire par lui-même, qui dépend totalement de ses parents. Il le sait fort bien et c’est pourquoi il demande. Le vide qu’il ressent de tant de manières ne lui fait pas peur ; avec confiance il se jette dans les bras de ses parents, sûr qu’ils lui seront toujours ouverts9. Et il n’a pas honte de demander... Au besoin, il crie ou pleure, jusqu’à ce qu’il obtienne satisfaction. L’humilité est le seul chemin. Si le saut dans le vide caractérise, de manière parfaite, le vœu de pauvreté, il est encore plus éclatant dans le vœu de célibat. Pour revenir à notre point de départ, tel qu’il apparait dans le premier mot du titre du présent article — comme du précédent — c’est le vœu de célibat qui, sans conteste, accomplit radicalement la circoncision. Comme elle, en effet, il concerne la source de la vie. La renonciation au mariage et la consécration de la virginité affronte un vide encore plus béant que celui de la pauvreté. Qui prononce le vœu de pauvreté renonce à l’héritage, qui fait vœu de célibat renonce à l’héritier. Le vide du passé peut être angoissant, celui de l’avenir l’est davantage encore. Là aussi, personne

8

Cela dit, il faut bien reconnaitre que qui est entré dans les ordres ne partage guère la précarité à laquelle sont exposés bien des laïcs, n’étant pas menacé par exemple par le chômage. 9 Pour certains la réalité, hélas, est souvent bien différente et fort douloureuse.

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sur qui compter, sur qui s’appuyer, ni conjoint ni enfants. Avec la perspective de vivre toute sa vie, de vieillir et de mourir dans la solitude10. 3. CHASTETÉ « Eunuques pour le Royaume de Dieu » La stérilité était considérée comme une malédiction, et c’est encore souvent comme cela qu’elle est vécue. Elle a marqué, de manière qu’on peut dire systématique, les débuts de la vie d’Israël. Abraham le premier s’en allait sans enfant et il fallut l’intervention du Seigneur pour que son épouse Sarah lui enfante un héritier (Gn 18) ; et la même chose se répètera pour son fils Isaac et sa femme Rébecca (Gn 21), puis, à la génération suivante, pour Jacob et ses deux épouses Léa et Rachel (Gn 29–30). L’eunuque est « un arbre sec », incapable de porter du fruit. Et pourtant le Seigneur lui assure mieux qu’une descendance : Que l’eunuque ne dise pas : « Voici, je suis un arbre sec. » 4 Car ainsi parle Yahvé aux eunuques qui observent mes sabbats et choisissent de faire ce qui m’est agréable, fermement attachés à mon alliance : 5 Je leur donnerai dans ma maison et dans mes remparts un monument et un nom meilleurs que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom éternel qui jamais ne sera effacé (Is 56,3-5).

Juste avant l’épisode des enfants, Matthieu rapporte la controverse avec les pharisiens sur le divorce. Devant le refus que leur maitre oppose au divorce, les disciples réagissent, de manière somme toute bien compréhensible : « Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier. » (Mt 19,10). Or Jésus déplace le problème et le porte à son comble, et un tel comble que seul Dieu peut le faire comprendre : « Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui cela est donné ». Et il le redira encore en conclusion : Qui peut comprendre, qu’il comprenne ! » Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Règne des Cieux (v. 12).

Voilà donc la chose la plus incompréhensible humainement : « se faire eunuques pour le règne des Cieux ». Il s’agit en effet de ceux qui renoncent au mariage et donc à la procréation.

10 Là aussi, la réalité est parfois différente. La vie consacrée peut être pour certains une façon de sublimer une vie affective désorientée et de vivre une réelle fécondité.

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S’ils le font, ce n’est pas pour choisir la stérilité, au contraire. C’est pour une fécondité multipliée. Ce que Jésus raconte, dans une parabole. Relisons-là, telle que Luc la rapporte : 18

Il disait donc : « À quoi le Royaume de Dieu est-il semblable et à quoi vais-je le comparer ? 19 Il est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et jeté dans son jardin ; il croît et devient un arbre, et “les oiseaux du ciel s’abritent dans ses branches”. » 20 Il dit encore : « À quoi vais-je comparer le Royaume de Dieu ? 21 Il est semblable à du levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait levé » (Lc 13,18-20).

C’est là une parabole double, qui entend faire comprendre ce qu’est « le règne de Dieu », ce règne de Dieu dont il a déjà été question à propos du jeune homme riche et des petits enfants. La parabole met en scène un homme et une femme, et cela doit déjà attirer l’attention11. Le processus de croissance débouche sur le fait que « tout a levé », à la fin de la dernière partie (21) et sur le fait que le grain de moutarde « est devenu un arbre » à la fin de la première partie (19). Cette première partie toutefois comprend une phrase supplémentaire qui n’a pas d’équivalent à la fin de la seconde partie ; cette phrase peut donc être considérée comme le centre de la parabole. La phrase « Et les oiseaux du ciel ont niché dans ses branches » est capitale, non seulement parce qu’elle est centrale mais aussi parce que c’est une reprise très claire d’une image de l’Ancien Testament. Ainsi en Ez 31,6 le prophète compare l’empire égyptien à un grand arbre12 : « Dans ses branches nichaient tous les oiseaux du ciel, sous ses frondaisons mettaient bas toutes les bêtes sauvages, à son ombre s’assirent toutes les nations nombreuses ». Les oiseaux et les bêtes sauvages figurent « les nations nombreuses ». Oiseaux et bêtes ne vont pas dans ou sous l’arbre pour se mettre à l’abri, mais pour « faire leurs nids » ou pour « mettre bas leurs petits ». Qu’en est-il exactement du verbe utilisé par Luc dans sa parabole ? « Faire leurs nids » ou, comme plusieurs traductions disent, « s’abriter » ? La différence est notable. Le verbe utilisé par Luc, kata-skēnoō, signifie étymologiquement « planter sa tente » (skēnē) ; mais en Lc 9,58, kataskēnōsis signifie clairement « nid » : « Les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête. » C’est donc au texte d’Ez 31,6 que celui de Luc fait allusion. Cela est corroboré par tout le contexte de la parabole ; mettez ensemble un homme et une femme, et arrivera bientôt un bébé ! En outre, l’image de la petite graine semée par un homme n’est-elle pas celle que tous les parents utilisent pour expliquer à leurs enfants comment ils sont nés ?

11

Voir R. MEYNET, « Tu vois cette femme ? ». Parler en paraboles, 123-131. Plusieurs manuscrits importants de Lc 13,19 ajoutent que l’arbre issu de la petite graine de moutarde est « un grand arbre ». 12

Appendice

261

L’interprétation de la parabole sera donc largement déterminée par cette image. Ou bien en effet le Royaume de Dieu est conçu, et vécu, comme un abri, comme un refuge, ou bien au contraire comme le lieu d’une aventure, d’un risque, celui de transmettre la vie. Cela est vrai de tout chrétien, mais encore plus, d’une certaine façon, pour ceux qui ont tout quitté pour se consacrer au seul royaume de Dieu. Si cette consécration n’était pas choisie pour la fécondité, ce serait une perversion. Tous ceux qui font vœu de célibat sont tenus, comme tout homme et toute femme, par le premier commandement de la Loi. Personne n’est dispensé d’écouter et de pratiquer les premières paroles que le Seigneur a adressées au couple originel : « Fructifiez et multipliez ! » (Gn 1,28). Il n’aura pas échappé au lecteur que l’image centrale des oiseaux qui font leurs nids redouble celle de la naissance que le grain de moutarde présentait déjà : non seulement Dieu donne la vie et la croissance au minuscule grain de moutarde (la plus petite graine qui soit, selon Mc 4,31) qui devient ainsi un grand arbre, mais il donne à ce qu’il a fait pousser d’être ensuite le lieu d’une fécondité multipliée ; le dernier mot de la parabole souligne jusqu’où elle s’étend, à « tout » ! Il faut ajouter que, si la graine de moutarde est infime, il n’en est pas de même pour les « trois mesures de farine » : combien d’invités la femme pense-t-elle recevoir, quand elle pétrit quarante-cinq litres de farine ? L’interprétation qui vient d’être proposée est confirmée indirectement par les trois mesures de farine. Il est une femme dans le livre de la Genèse qui prépare une telle quantité de farine : c’est Sarah, femme d’Abraham quand trois hommes viennent à passer aux chênes de Mambré au plus chaud du jour. « Abraham se hâta vers la tente auprès de Sarah et dit : “Prends vite trois mesures de farine, de fleur de farine, pétris et fais des galettes” » (Gn 18,6). Or ces trois hommes, dont on apprendra plus tard (19,1) que c’étaient des anges, sont venus pour annoncer à Abraham : « Je reviendrai vers toi l’an prochain ; alors ta femme Sarah aura un fils » (18,10). La dimension prophétique de la vie consacrée L’image du grand arbre de la vie dont il vient d’être question trouve son origine dans les prophètes, non seulement en Ez mais aussi en Dn 4,9.18. Le prophète n’est pas d’abord celui qui prévoit l’avenir ; c’est avant tout celui qui voit, dans le présent, ce que les autres ne voient pas. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi « le voyant ». Mais il ne se contente pas de voir, il crie, il appelle pour attirer l’attention des autres, pour leur ouvrir les yeux sur les réalités invisibles. Telle est la vocation de ceux qui ont consacré leur vie pour le Christ et pour l’Évangile. On lit dans la « Lettre apostolique du pape François à tous les consacrés à l'occasion de l'année de la vie consacrée » du 21 novembre 2014, en la fête de la Présentation de la Vierge Marie (II. 2): J’attends que « vous réveilliez le monde », parce que la note qui caractérise la vie consacrée est la prophétie. Comme je l’ai dit aux Supérieurs Généraux « la radicalité

262

La Lettre aux Galates

évangélique ne revient pas seulement aux religieux : elle est demandée à tous. Mais les religieux suivent le Seigneur d’une manière spéciale, de manière prophétique ». Voilà la priorité qui est à présent réclamée : « être des prophètes qui témoignent comment Jésus a vécu sur cette terre… Jamais un religieux ne doit renoncer à la prophétie » (29 novembre 2013).

CONCLUSION

Les commentaires anciens procédaient le plus souvent verset après verset. Les modernes au contraire analysent des unités un peu plus larges, les péricopes1, les unes après les autres, depuis la première jusqu’à la dernière, sans plus. Il n’en va pas de même avec le présent commentaire de la Lettre aux Galates. Comme pour tous ceux de la collection qui l’accueille, l’analyse du texte a été menée à tous les niveaux de sa composition, « segment », « morceau », « partie », « passage », « séquence », « section » et enfin « livre » — sans compter les niveaux intermédiaires éventuels de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « soussection ». De même, l’interprétation ne s’est pas limitée au seul niveau du passage, mais elle a été reprise ensuite, par vagues successives, aux niveaux successifs de la séquence, de la sous-section, de la section, jusqu’à celui du livre. Ainsi le même texte a été commenté quatre ou même cinq fois. Si un mot ne reçoit son sens que par les rapports qu’il entretient avec tous les autres à l’intérieur de la phrase, si à l’intérieur du passage la phrase ne se comprend vraiment que dans ses relations avec les autres phrases du même passage, il faut en dire autant aux niveaux supérieurs. À la condition préalable d’avoir identifié de manière rigoureuse les limites du passage, tout le problème sera alors de déterminer quel est le contexte de ce passage, c’est-à-dire quelles sont les limites de l’unité supérieure, la séquence, ainsi que sa composition et sa cohérence interne. Les difficultés d’interprétation de certains passages pris isolément se résolvent, pour ainsi dire d’elles-mêmes, quand on les considère dans le contexte de la séquence dont ils font partie intégrante. On l’aura constaté tout au long de ce commentaire. Un des exemples les plus démonstratifs est sans doute celui de la séquence B4 (4,1-20). Pris isolément, le second passage de cette séquence (12-20) semble hors sujet dans l’ensemble de la section doctrinale des chapitres 3 à 5 ; au point qu’il est considéré comme « une parenthèse », où Paul se laisserait aller à raconter des « souvenirs personnels » qui n’ont rien à voir avec la démonstration inaugurée au début du chapitre 3 et qu’il reprendra ensuite. Ce passage est donc « un bloc erratique », une sorte de digression où Betz veut reconnaître l’argument « de l’amitié » (peri philias) de la rhétorique grecque, argument touchant, certes, mais faible. Or, si ce passage est lu en rapport avec le passage précédent, avec lequel il forme une séquence dont les limites ont été établies sur des critères formels, suivant les lois d’organisation des textes bibliques, alors le fil du raisonnement de Paul apparaît clairement. Ces deux passages, qui, pour un regard occidental formé à l’école du monde gréco-romain, semblent simplement juxtaposés et sans rapport entre eux, sont en réalité reliés par une logique rigoureuse : le premier 1

Les « passages » de l’analyse rhétorique biblique, qui préfère éviter une terminologie grecque.

264

La Lettre aux Galates

expose les liens de filiation divine entre Jésus et son Père ainsi qu’entre les disciples de Jésus et Dieu lui-même ; le second poursuit dans la même ligne en montrant que les liens de filiation unissent les membres de la communauté chrétienne, filiation réciproque où les disciples sont engendrés par celui qui leur a annoncé l’Évangile et où l’apôtre est lui aussi engendré par ses disciples. Dans cet exemple se vérifient les deux caractéristiques fondamentales de la rhétorique biblique et sémitique : la binarité et la parataxe2. La phrase suivante : « le monde est illuminé par ses éclairs» fait sens, même si l’on ne sait pas quel est le référent du pronom « ses », c’est-à-dire par qui sont envoyés les éclairs. Cette autre phrase : « la terre voit et tremble » fait sens, elle aussi, même si on ignore ce que voit la terre. Considérant maintenant que ces deux phrases forment un ensemble — un « segment bimembre » pour utiliser la terminologie spécifique de l’analyse rhétorique biblique —, une nouvelle signification se fait jour, qui n’est pas la simple somme des significations des deux membres isolés, mais la dépasse de loin. Le monde la terre

est illuminé voit

par ses éclairs, et tremble » (Ps 97,3).

Même si la relation entre les deux membres n’est explicitée par aucun articulateur logique, la juxtaposition n’empêche pas le lecteur de comprendre que c’est à cause des éclairs que la terre tremble3. Les titres donnés aux deux passages de la séquence B4 ont été choisis pour expliciter leur rapport : Nous sommes tous, juifs et païens, Nous sommes tous, vous et moi,

fils de Dieu en son Fils (4,1-11) fils les uns des autres (4,12-20).

On comprend alors combien il était important d’identifier les limites des unités textuelles, à leurs différents niveaux. Celles de la séquence B4 ne sont assurées que parce que les limites de la séquence précédente ainsi que de la suivante l’ont été elles aussi. Et, de fil en aiguille, tout se tenant dans un texte, les limites d’une seule séquence dépendent de celles de toutes les autres. À condition, bien sûr, de voir que la Lettre est composée, qu’elle n’est pas un simple agglomérat d’unités sans rapports structurels entre elles. C’est là, il faut le reconnaître, un des présupposés majeurs de l’analyse rhétorique biblique4. Il se vérifie encore une autre fois, pour la Lettre aux Galates comme pour d’autres livres bibliques.

2

Voir Traité, 15-26. Le nom de l’auteur des éclairs est prononcé dans le segment suivant (Ps 97,5), comme dans le premier verset du psaume : « le Seigneur » (Ps 97,1). 4 Voir R. MEYNET, Lire la Bible, Chap. 8 : « Les présupposés de l’analyse rhétorique », 145162 3

Conclusion

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Plusieurs sont d’avis que cette Lettre aurait été écrite sous le coup de l’indignation, que ce n’est donc pas un écrit véritablement composé. C’est que le ton est, plus d’une fois, fort vif : « Galates insensés ! » (3,1) ; « Ils devraient être coupés ceux qui vous bouleversent ! » (5,12). On est allé jusqu’à dire que la façon d’écrire de Paul dans cette lettre était « une rhétorique chauffée au rouge »5. Le lecteur aura pu constater qu’il n’en est rien. Paul est un passionné, il s’échauffe, certes, étant donné l’enjeu vital de la question à laquelle il était confronté et la passion qu’il éprouvait pour Jésus Christ crucifié. Ce qui était en cause, en effet, n’était rien moins que le fondement même de la foi chrétienne. Certains prétendaient que les fidèles du Christ venus du paganisme se devaient de pratiquer la Loi de Moïse, à commencer par la circoncision. La position de Paul est en réalité fort simple. Si l’observance des commandements de la Loi juive est nécessaire pour être fidèles à Dieu et donc pour être sauvés, alors la foi au Christ ne sert à rien ; si en effet, c’est par les œuvres de la Loi que l’on est justifiés, ce n’est pas par la Croix du Christ que les disciples reçoivent la justification et le pardon des péchés. Et cela ne vaut pas seulement pour les disciples d’origine païenne, mais aussi pour les juifs devenus disciples de Jésus. Est-ce à dire que Paul rejette la Loi de Moïse, la rangeant au musée des antiquités juives, désormais obsolètes ? Ce n’est pas ainsi qu’il se situe par rapport à elle. C’est la catégorie d’accomplissement qui permet d’entrer dans sa problématique. La Loi ne saurait être effacée, oubliée, abolie ; elle est au contraire accomplie, c’est-à-dire assumée, portée à terme, jusqu’à son extrême, dans la Croix du Christ. La circoncision, qui est emblématique de toute la Loi, est le type, la figure de la Croix ; équivalent à « une mort mystique », elle se réalise à la lettre dans le don que le Christ a fait de sa vie, pour le salut de tous.

5 Voir M.R. COSBY, « Galatians : Red-Hot Rhetoric ». L’auteur introduit sa conclusion par ces mots : « Quand Paul dicte Galates il est comme un volcan, vomissant une rhétorique chauffée au rouge » (p. 308). Dans la discussion qui avait suivi la conférence de l’auteur, Lauri Thurén, utilisant une autre métaphore, avait réagi en disant que Galates n’était tout de même pas un e-mail.

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INDEX DES AUTEURS CITÉS

Ambroise : 237 ben Ilaï : 124 Betz : 10, 11, 12, 35, 127, 138 Bligh : 12 Bovati : 12, 42 Burnet : 251 Chrysostome : 67 Classen : 10 Commission biblique pontificale : 11, 12, 13 Corsani : 12, 127 Ebeling : 12 Éliade : 240 Feuillet : 35 Kennedy : 10 Lacoste : 252 Légasse : 12

Lémonon : 12 Luciani : 251 Lund : 12, 57, 71, 181 Meynet : 12, 13, 19, 42, 120, 124, 146, 147, 165, 181, 241, 243, 254, 257, 260 Mussner : 12, 127 Origène : 237 Pitta : 10, 11, 12 Rastoin : 11 Savon : 126 Théophilacte : 67 Thérèse de Jésus : 256, 257 Vanhoye : 12, 71 Wénin : 57, 243 White : 40

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

Gn 1,26; 215 Gn 1,27; 166 Gn 9,6; 146 Gn 9,9-17; 113 Gn 12,1-3; 155 Gn 12,3; 101; 154 Gn 13,15; 114 Gn 15,1-6; 155 Gn 15,5.18; 113 Gn 15,6; 101; 154 Gn 15,7.18-21; 114 Gn 15,13; 113 Gn 15,18-19; 113 Gn 15,18; 112; 113 Gn 16; 141 Gn 17; 141 Gn 17,1-8; 113 Gn 17,2.4.7; 112 Gn 17,7.8; 113 Gn 17,8; 114 Gn 17,9-13; 58 Gn 17,11; 61; 113 Gn 18; 141 Gn 21,8-10; 143 Gn 21,10; 144 Gn 22,9; 107 Gn 22,18; 101; 107; 114 Gn 24,7; 114 Gn 26,3-4; 113 Gn 28,13-14; 113 Gn 35,12; 113

Ex 20,17; 182 Ex 20,18-21; 115 Ex 31,12-18; 58

Ex 2,11; 92 Ex 12,40-41; 113 Ex 15; 181 Ex 20,8; 57 Ex 20,11; 57

2Ch 18; 36

Lv 18,5; 104 Lv 19,18; 214 Lv 20,8; 104 Lv 20,26; 104 Lv 25,46-48; 92 Lv 26,46; 115 Lv 28; 103 Dt 5,5; 115 Dt 5,21; 182 Dt 7,6-8; 146 Dt 13,2-19; 37 Dt 13,2-6; 37 Dt 13,6; 38 Dt 14,1; 124 Dt 14,2; 124 Dt 21,23; 103 Dt 23,2; 176 Dt 23,20-21; 92 Dt 27,15-26; 36 Dt 27,26; 103 Dt 29,19,27; 36 Dt 33,2; 115 Jos 6,17–7,26; 36 1R 22,1-38; 36 1R 22,8.18; 36

Ps 32,10; 194 Ps 97,1; 240 Ps 97,3; 240

Ps 97,5; 240 Ps 119,97.113; 183 Ps 143,2; 70 Ps 143,5; 70 Qo 3,1; 199 Si 14,18; 41 Si 17,31; 41 Is 9,6; 191 Is 42,9; 209 Is 43,18-19; 209 Is 49,1.5-6; 42 Is 52,13–53,12; 165 Is 53,4; 197 Is 53,8; 147 Is 53,10; 147 Is 54; 147 Is 54,1-10; 142 Is 65,17-18; 207 Is 66,22; 207 Jr 1,5; 42 Jr 14,13-16; 36 Jr 23,9-40; 36 Jr 23,13; 37 Jr 23,17; 36 Jr 27; 36 Jr 27,9-19.14-15; 36 Jr 27,16-18; 36 Jr 27,27; 37 Jr 28; 36 Jr 28,15-17; 37 Jr 31,31-34; 121 Ez 13; 36 Ez 37; 207

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La Lettre aux Galates

Os 4,5; 36

Ac 10,3; 234 Ac 10,28; 70; 234 Ac 10,39; 103 Ac 10,48; 234 Ac 11,2-3; 70 Ac 11,22; 51 Ac 11,27-30; 52; 55 Ac 12,2; 46 Ac 12,3; 46 Ac 12,17; 46 Ac 12,20; 35 Ac 13; 52 Ac 13,43; 35 Ac 14,14; 52 Ac 14,19; 35 Ac 15; 52; 55 Ac 15,1-2; 52; 53 Ac 15,2; 52 Ac 15,13; 46 Ac 15,20.29; 55 Ac 15,22; 52 Ac 15,23; 27 Ac 15,28; 52 Ac 15,36-41; 52 Ac 18,4; 35 Ac 21,18; 46 Ac 22,1-16; 42 Ac 23,26; 27 Ac 24,17; 55 Ac 26,1-23; 42

Am 7,10-17; 42 Am 7,14-16; 42 Mi 3,5-8.11; 36 Ha 2,4; 104 Mt 8,17; 197 Mt 9,9; 68 Mt 12,48-50; 159 Mt 16,17; 41 Mt 17,27; 68 Mt 22,35-40; 182 Mt 22,36; 182 Mc 2,10; 68 Mc 9,43. 45; 176 Mc 10,46b-52; 91 Mc 12,28-34; 182 Mc 12,28; 182 Mc 14,36; 130 Lc 1,28; 27 Lc 5,24; 68 Lc 11,52; 172 Lc 18,9-14; 201 Lc 22,3; 100 Jn 6,22; 125 Jn 10,32; 172 Jn 18,10.26; 176 Jn 19,7; 104 Ac 1,13; 46 Ac 2,44-45; 55 Ac 4,32.34-35; 55 Ac 4,36; 51 Ac 5,1-11; 55 Ac 5,30; 103 Ac 7,53; 115 Ac 9,1-19; 42 Ac 9,20; 42 Ac 9,27; 51

Rm 1,5; 55 Rm 1,7; 27 Rm 1,8; 27 Rm 1,13; 40 Rm 1,17; 104 Rm 1,29-31; 186; 187 Rm 2,17-20; 70 Rm 3,30; 60 Rm 4,9; 60 Rm 5,12-21; 145 Rm 5,15-16; 146 Rm 6,3-14; 164; 167

Rm 6,20-23; 192; 193 Rm 8,15; 130 Rm 9,1-5; 90 Rm 13,8; 180 Rm 13,12-14; 165 Rm 13,13; 187 Rm 15,8; 60 Rm 15,22; 174 Rm 15,25-27.31; 55 Rm 15,25-28; 233 1Co 1,1; 28 1Co 1,26-29; 146 1Co 1,3; 27 1Co 4,14-16; 138 1Co 5,9-11; 187 1Co 5,11; 203 1Co 6,9-10; 186; 187 1Co 6,9.10; 215 1Co 7,17-24; 164 1Co 7,21-24; 166 1Co 9,4-14; 199 1Co 9,24.26; 174 1Co 10,11; 145 1Co 12,13; 124 1Co 13,4-7; 190 1Co 15,50; 215 1Co 15,51-54; 164 1Co 16,1-4; 55; 233 1Co 16,21; 203 2Co 1,1; 28 2Co 1,2; 27 2Co 1,8-10; 207 2Co 1,8; 40 2Co 2,13; 52 2Co 5,1-4; 165 2Co 5,11; 35 2Co 6,4-7; 190 2Co 7,5-16; 52 2Co 8–9; 55 2Co 8,9; 233 2Co 8,23; 52

Index des références bibliques 2Co 9; 233 2Co 10,12-18; 36 2Co 10,14; 36 2Co 11,2-4; 99 2Co 11,3-5; 36 2Co 11,3; 99 2Co 11,4; 34; 53 2Co 11,13-15; 37 2Co 11,23-25; 207 2Co 11,26; 53 2Co 11,31; 89 2Co 12,7; 68 2Co 12,20-21; 187 Ep 1,2; 27 Ep 2,11-15; 124 Ep 2,11; 60 Ep 4,2-3; 190 Ep 4,30–5,5; 187 Ep 5,5; 215 Ep 6,12; 41 Ep 6,21; 68 Ph 1,2; 27 Ph 2,6; 108

275

Ph 2,16; 174 Ph 2,28; 203 Ph 3,3; 60

1Tm 1,9-10; 187 1Tm 6,11; 189 1Tm 6,3-5; 187

Col 1,2; 27 Col 3,5-8; 187 Col 3,11; 60; 124 Col 3,12-14; 190 Col 4,8; 203 Col 4,11; 60 Col 4,18; 203

2Tm 3,1-5; 187 2Tm 4,10; 52

1Th; 27 1Th 1,1; 27 1Th 2,1; 40 1Th 2,7; 138 1Th 2,14-16; 144 1Th 2,18; 174

Phm 3; 27 Phm 12.19.21; 203 Phm 12; 40 Phm 19; 203

2Th 1,2; 27 2Th 1,4; 143 2Th 2,2; 36 2Th 3,17; 203

Jc 1,1; 27

1Tm 1,8-11; 187

Tt 1,4; 27; 52 Tt 1,5; 52 Tt 1,10; 60 Tt 3,1-3; 187

He 5,7; 155

1P 2,24; 103

TABLE DES MATIÈRES Introduction ................................................................................................. Sigles et abréviations ................................................................................... Lexique des termes techniques ....................................................................

9 15 17

Perspective cavalière de l’ensemble de la Lettre ........................................

21

1. L’adresse (1,1-5)........................................................................................... 23 PREMIÈRE PARTIE C’est l’Évangile du Christ que j’ai annoncé La section A (Ga 1,6–2,21) .........................................................................

31

2. Paul reproche aux Galates de suivre un Évangile venant des hommes (Séquence A1 : 1,6-10) ...........................................................................

33

3. Paul fait savoir à ses frères que son Évangile vient de Dieu (Séquence A2 :1,11-17) .........................................................................

39

4. Inconnu des Églises de Judée, Paul fait la connaissance de Képhas (Séquence A3 : 1,18-24) .........................................................................

45

5. À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile (Séquence A4 : 2,1-10) ........................................................................... A. Le grec Tite n’est pas contraint de se faire circoncire (2,1-5) ........... B. Les notables n’imposent que le souvenir des pauvres (2,6-10) ......... C. À Jérusalem Paul fait reconnaître par les apôtres la vérité de son Évangile ....................................................................

49 50 54 56

6. À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile (Séquence A5 : 2,11-21) ......................................................................... A. Paul s’oppose à la conduite blâmable de Képhas (2,11-14) .............. B. Paul expose les raisons de son désaccord avec Pierre (2,15-21) ....... C. À Antioche Paul défend contre Képhas la vérité de l’Évangile ........

63 64 66 72

7. C’est l’Évangile du Christ que j’ai annoncé (La section A : 1,6–2,21) ....................................................................... A. La première sous-section (séquences A1-A2) ................................... B. La dernière sous-section (séquences A4-A5) .................................... C. L’ensemble de la section ...................................................................

75 76 80 84

278

La Lettre aux Galates

DEUXIÈME PARTIE C’est la Croix du Christ qui nous justifie La section B (3,1–5,1) ................................................................................. 8. Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi (Séquence B1 : 3,1-14) .......................................................................... A. Grâce à Jésus Christ, vous avez reçu l’Esprit par la Loi ou la foi? (3,1-5) ............................................................. B. Tous les gens de foi sont fils d’Abraham et bénis comme lui (3,6-9) C. Grâce au Christ Jésus, nous avons reçu l’Esprit non par la Loi mais pas la Foi (3,10-14) ................................................................... D. Les païens sont fils d’Abraham par la foi en Christ, sans la Loi ....... 9. Les juifs sont fils d’Abraham par la Foi en Christ, au-delà de la Loi (Séquence B2 : 3,15-25) ......................................................................... A. C’est grâce à la promesse et non à la Loi que le Christ est l’héritier d’Abraham (3,15-18) ............................... B. La Loi est transitoire jusqu’à la venue de la promesse (3,19-21a) .... C. C’est grâce à la Foi et non à la Loi que nous héritons de la justice (3,21b-25) ........................................ D. Les juifs sont fils d’Abraham par la Foi en Christ, au-delà de la Loi ................................................................................

95

97 98 100 102 106

111 112 114 116 118

10. Vous êtes tous Fils de Dieu et semence d’Abraham (Séquence B3 : 3,26-29) .........................................................................

123

11. Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu (Séquence B4 : 4,1-20) ............................................................................ A. Nous sommes tous, juifs et païens, fils de Dieu en son Fils (4,1-11) B. Nous sommes tous, vous et moi, fils les uns des autres (4,12-20) .... C. Christ nous a tous rachetés de la Loi et nous a faits fils de Dieu ......

127 128 132 135

12. Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse (Séquence B5 : 4,21–5,1) ...................................................................... A. Des deux fils d’Abraham, l’un est esclave, l’autre libre (4,21-26) .... B. Fécondité de la Jérusalem d’en-haut (4,27) ....................................... C. Les disciples du Christ ne sont pas esclaves, mais libres (4,28–5,1) . D. Christ nous a tous libérés de la Loi et nous a faits fils de la promesse

139 140 142 142 144

13. C’est la Croix du Christ qui nous justifie (La section B : 3,1–5,1) .......................................................................... A. La première sous-section (séquences B1 et B2) ............................... B. La dernière sous-section (séquences B4 et B5) ................................. C. L’ensemble de la section ...................................................................

149 150 156 160

Table des matières

279

TROISIÈME PARTIE C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir La section C (5,2–6,18) ...............................................................................

169

14. Seule compte la Foi, opérant par l’amour (Séquence C1 : 5,2-12) ...........................................................................

171

15. La Loi est accomplie dans l’amour (Séquence C2 : 5,13-18) ........................................................................

179

16. Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit (Séquence C3 : Ga 5,19-26) .................................................................. A. Les œuvres de la chair (5,19-21) ....................................................... B. Le fruit de l’Esprit (5,22-26) ............................................................. C. Les œuvres de la chair, le fruit de l’Esprit ........................................

185 186 188 190

17. L’amour s’accomplit en vie éternelle (Séquence C4 : Ga 6,1-10) ..................................................................... A. Accomplir la loi du Christ (6,1-5) ..................................................... B. Moissonner la vie éternelle (6,6-10) .................................................. C. L’amour s’accomplit en vie éternelle ................................................

195 196 198 200

18. Seule compte la création nouvelle (Séquence C5 : 6,11-18) .........................................................................

203

19. C’est la Loi du Christ qu’il faut accomplir (La section C : 5,2–6,18) ........................................................................ A. La sous-section centrale (séquences C2–C4) .................................... B. L’ensemble de la section ...................................................................

211 212 216

18. L’ENSEMBLE DE LA LETTRE ................................................................... A. Composition ...................................................................................... B. Interprétation .....................................................................................

225 226 231

Appendice Circoncision et croix du Christ ............................................................... Circoncision, croix du Christ, vie consacrée .........................................

239 251

Conclusion .................................................................................................. Bibliographie ............................................................................................... Index des auteurs cités ................................................................................. Index des références bibliques ....................................................................

263 267 271 273

RHÉTORIQUE BIBLIQUE Collection dirigée par Roland Meynet et Pietro Bovati 1.

ROLAND MEYNET, L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, Éd. du Cerf, Paris 1988.

2.

PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Le Livre du prophète Amos, Éd. du Cerf, Paris 1994.

3.

ROLAND MEYNET, Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, PUG Editrice – Éd. du Cerf, Rome – Paris 1999.

RHÉTORIQUE SÉMITIQUE Collection dirigée par Roland Meynet avec Jacek Oniszczuk 1.

ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Lethielleux, Paris 2005.

2.

TOMASZ KOT, La Lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, Lethielleux, Paris 2006.

3.

MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Lethielleux, Paris 2007.

4.

ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Lethielleux, Paris 2007.

5.

ROLAND MEYNET, Appelés à la liberté, Lethielleux, Paris 2008.

6.

ROLAND MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, Lethielleux, Paris 2009.

7.

ALBERT VANHOYE, L’Épître aux Hébreux. « Un prêtre différent », Gabalda, Pendé 2010.

8.

ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Gabalda, Pendé 20113.

9.

MICHEL CUYPERS, La Composition du Coran, Gabalda, Pendé 2012.

10. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates, Gabalda, Pendé 2012. 11. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Gabalda, Pendé 20132. 12. ROLAND MEYNET – J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique, Gabalda, Pendé 2013. 13. JACEK ONISZCZUK, La première lettre de Jean, Gabalda, Pendé 2013. 14. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, Gabalda, Pendé 2013. 15. MICHEL CUYPERS, Apocalypse coranique. Lecture des trente-trois sourates du Coran, Gabalda, Pendé 2014. 16. ROLAND MEYNET, L’Évangile de Marc, Gabalda, Pendé 2014.

RETORICA BIBLICA collana diretta da Roland Meynet, Pietro Bovati e Jacek Oniszczuk

EDIZIONI DEHONIANE ROMA 1.

ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ED, Roma 1994.

2.

PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos, ED, Roma 1995.

3.

ROLAND MEYNET, «E ora, scrivete per voi questo cantico». Introduzione pratica all’analisi retorica. 1. Detti e proverbi, ED, Roma 1996.

EDIZIONI DEHONIANE BOLOGNA 4.

ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2001.

5.

ROLAND MEYNET, La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, EDB, Bologna 2002.

6.

TOMASZ KOT, La fede, via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo, EDB, Bologna 2003.

7.

ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, seconda edizione, EDB, Bologna 2003.

8.

GIORGIO PAXIMADI, E io dimorerò in mezzo a loro. Composizione e interpretazione di Es 25–31, EDB, Bologna 2004.

9.

ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai Vangeli Sinottici, seconda edizione rivista e ampliata, EDB, Bologna 2006.

10. ROLAND MEYNET, Trattato di retorica biblica, EDB, Bologna 2008. 11. JACEK ONISZCZUK, La Prima Lettera di Giovanni, EDB, Bologna 2008. 12. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, EDB, Bologna 2009. 13. ROLAND MEYNET, Chiamati alla libertà, EDB, Bologna 2010. 14. ALBERT VANHOYE, L’epistola agli Ebrei. «Un sacerdote differente», EDB, Bologna 2010. 15. JACEK ONISZCZUK, La passione del Signore secondo Giovanni (Gv 18–19), EDB, Bologna 2011. 16. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, EDB, Bologna 2011. 17. ROLAND MEYNET, La lettera ai Galati, EDB, Bologna 2012. 18. GERMANO LORI, Il Discorso della Montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), EDB, Bologna 2013.

RETORICA BIBLICA E SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet et Jacek Oniszczuk 1.

JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), G&B Press, Roma 2013.

2.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica, G&B Press, Roma 2013.

3.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2013.

4.

ROLAND MEYNET, Luke: the Gospel of the Children of Israel, G&B Press, Roma 2015.

5.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2015.

6.

ROLAND MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, G&B Press, Roma 2015.

7.

ROLAND MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, G&B Press, Roma 2015.

8.

ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, G&B Press, Roma 2016.

RHETORICA BIBLICA ET SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet, Jacek Oniszczuk, puis Francesco Graziano 9.

ROLAND MEYNET, Les psaumes des montées, Peeters, Leuven 2017.

10. MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, deuxième édition, Peeters, Leuven 2017. 11. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2017. 12. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), Peeters, Leuven 2017. 13. JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), 2° edizione, Peeters, Leuven 2018. 14. ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, Peeters, Leuven 2018. 15. JACEK ONISZCZUK (†), «Se il chicco di grano caduto in terra non muore...» (Gv 11–12), Peeters, Leuven 2018. 16. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2018. 17. MASSIMO GRILLI – † JACEK ONISZCZUK – ANDRÉ WÉNIN, ed., Filiation, entre Bible et cultures. Hommage à Roland Meynet, Peeters, Leuven 2019. 18. FRANCESCO GRAZIANO – ROLAND MEYNET, ed., Studi del sesto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2019. 19. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Troisième livre (Ps 73–89), Peeters, Leuven 2019. 20. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72), Peeters, Leuven 2019.

21. PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos. Seconda edizione rivista, Peeters, Leuven 2019. 22. FRANCESCO GRAZIANO, La composizione letteraria del Vangelo di Matteo, Peeters, Leuven 2020. 23. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Quatrième livre (Ps 90–106), Peeters, Leuven 2020. 24. ROLAND MEYNET, Le Psautier. L’ensemble du Livre des Louanges, Peeters, Leuven 2020. 25. ROLAND MEYNET, Le Cantique des cantiques, Peeters, Leuven 2020. 26. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates. Deuxième édition revue, Peeters, Leuven 2021.