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French Pages 425 [430] Year 2019
PEETERS-LEUVEN
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Filiation, entre Bible et cultures
Parmi les auteurs de ce recueil dont la préface est signée par le cardinal Luis F. Ladaria, on trouve des amis du jubilaire (Marie Balmary, Gérard Joyau, Michel Cuypers, Pierre Magnard, Laurent Susini), des compagnons jésuites (Yves Simoens, Benoît Vermander, Jacques Scheuer ; parfois collègues directs, Pietro Bovati, Javier López, Amaury Begasse de Dhaem), et d’anciens étudiants (Luísa Maria Varela Almendra, Roberto Di Paolo, Francesco Graziano), dont le regretté Jacek Oniszczuk s.j. C’est lui qui a pris l’initiative de cet ouvrage et l’a coordonné avant de disparaître prématurément, laissant à ses coéditeurs les Prof. Massimo Grilli (Université Grégorienne de Rome) et André Wénin (UCLouvain) le soin de mener à bien l’entreprise.
pontificia universitas gregoriana rhetorica biblica et semitica
Massimo Grilli – † Jacek Oniszczuk André Wénin, ed.
Dans sa longue carrière de bibliste et d’enseignant, le Prof. Roland Meynet s.j. s’est illustré non seulement par le développement et la promotion d’une méthode d’exégèse dont l’originalité et la fécondité sont à présent bien reconnues, mais aussi par un souci constant, hérité de son maître Paul Beauchamp, de dégager la théologie des textes qu’il étudie en recourant à cette méthode. Une des thématiques au cœur de ses intérêts théologiques est le rapport de filiation entre les êtres humains et Dieu. Les textes réunis dans ce recueil d’hommage au Prof. Meynet éclairent, chacun à leur façon, cette réalité aussi riche que variée qu’est la filiation. Sans prétendre faire le tour de cette vaste thématique, ils en développent des aspects essentiels, en particulier dans ses composantes théologiques – lien de filiation entre le Christ et son Père, la filiation des croyants disciples du Christ et fils de Dieu – sans oublier pour autant la filiation humaine et ce qui s’y joue de l’identité et du devenir humain. Caractéristique originale de cet ouvrage, la thématique y est explorée non seulement dans la Bible – en particulier le Nouveau Testament – mais aussi dans d’autres grands textes de la culture occidentale ou universelle, comme par exemple la Règle de St Benoît ou les sages chinois Confucius et Laozi, mais aussi des écrits musulmans ou bouddhistes. L’exploration de ces textes recourt régulièrement à la méthode systématisée par R. Meynet, la rhétorique sémitique.
Massimo Grilli – † Jacek Oniszczuk – André Wénin, ed.
FILIATION, ENTRE BIBLE ET CULTURES Hommage à Roland Meynet
PEETERS
31/01/2019 14:20
FILIATION, ENTRE BIBLE ET CULTURES
Massimo Grilli – † Jacek Oniszczuk – André Wénin, ed.
FILIATION, ENTRE BIBLE ET CULTURES Hommage à Roland Meynet Rhetorica Biblica et Semitica XVII
PEETERS leuven – paris – bristol, ct 2019
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BlBLIQUE ET SÉMITIQUE
Il existe de nombreuses sociétés savantes dont l’objet est l’étude de la rhétorique. La plus connue est la « Société internationale pour l’histoire de la rhétorique ». La RBS est la seule : • qui se consacre exclusivement à l’étude des littératures sémitiques, la Bible essentiellement, mais aussi d’autres, des textes musulmans par exemple ; • qui s’attache par conséquent à inventorier et à décrire les lois particulières d’une rhétorique qui a présidé à l’élaboration des textes dont l’importance ne le cède en rien à ceux du monde grec et latin dont la civilisation occidentale moderne est l’héritière. Il ne faudrait pas oublier que cette même civilisation occidentale est héritière aussi de la tradition judéo-chrétienne qui trouve son origine dans la Bible, c’est-à-dire dans le monde sémitique. Plus largement, les textes que nous étudions sont les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam. Une telle étude scientifique, condition première d’une meilleure connaissance mutuelle, ne saurait que contribuer au rapprochement entre ceux qui se réclament de ces diverses traditions. La RBS promeut et soutient la formation, les recherches et les publications :
• surtout dans le domaine biblique, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament ; • mais aussi dans celui des autres textes sémitiques, en particulier ceux de l’islam ; • et encore chez des auteurs nourris par les textes bibliques, comme saint Benoît et Pascal.
Pour cela, la RBS organise
• les années paires un colloque international dont les actes sont publiés dans la présente
collection ; année des séminaires de formation à sa méthodologie, en différentes langues.
• chaque
La RBS accueille et regroupe d’abord les chercheurs et professeurs universitaires qui, dans diverses institutions académiques, travaillent dans le domaine de la rhétorique biblique et sémitique. Elle encourage de toutes les manières les étudiants, surtout de doctorat, dans l’apprentissage de sa technique propre. Elle est ouverte aussi à tous ceux qui s’intéressent à ses activités et entendent les soutenir. Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique Pontificia Università Gregoriana — Piazza della Pilotta, 4 — 00187 Roma (Italie) Pour plus de renseignements sur la RBS, voir : www.retoricabiblicaesemitica.org.
ISBN 978-90-429-3905-9 eISBN 978-90-429-3906-6 D/2019/0602/19
A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2019, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.
Rhetorica Biblica et Semitica Beaucoup imaginent que la rhétorique classique, héritée des Grecs à travers les Romains, est universelle. C’est en effet celle qui semble régir la culture moderne, que l’Occident a répandue sur l’ensemble de la planète. Le temps est désormais venu d’abandonner un tel ethnocentrisme : la rhétorique classique n’est pas seule au monde. La Bible hébraïque, dont les textes ont été écrits surtout en hébreu mais aussi en a raméen, obéit à une rhétorique bien différente de la rhétorique gréco-romaine. Il faut donc reconnaitre qu’il existe une autre rhétorique, la « rhétorique hébraïque ». Quant aux autres textes bibliques, de l’Ancien Testament et du Nouveau, qui ont été soit traduits soit rédigés directement en grec, ils obéissent largement aux mêmes lois. On est donc en droit de parler non seulement de rhétorique hébraïque, mais plus largement de « rhétorique biblique ». En outre, ces mêmes lois ont ensuite été reconnues à l’œuvre dans des textes akkadiens, ougaritiques et autres, en amont de la Bible hébraïque, puis dans les textes arabes de la Tradition musulmane et du Coran, en aval de la littérature biblique. Il faut donc admettre que cette rhétorique n’est pas seulement biblique, et l’on dira que tous ces textes, qui appartiennent à la même aire culturelle, relèvent d’une même rhétorique qu’on appellera « rhétorique sémitique ». Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition toutefois de les analyser en fonction des lois de la rhétorique qui les gouverne. On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux différents niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.
Presentazione L’iniziativa di amici, discepoli e colleghi del P. Roland Meynet di dedicargli il volume che il lettore ha nelle sue mani è certamente molto lodevole. Gli ottanta anni di P. Roland sono un momento favorevole per volgere lo sguardo verso la sua ingente opera di insegnamento e di ricerca che si è protratta per più di quaranta anni. Insegnamento che ha iniziato all’università Saint Joseph di Beirut, ha continuato alla sede dell’Istituto Biblico di Gerusalemme, all’Università di Torino, al Centre Sèvres di Parigi e alla Facoltà di Teologia della Pontificia Università Gregoriana dal 1992 fino all’emeritato e oltre. Diverse sono state le materie insegnate in questo prolungato lasso di tempo, ma i Vangeli sinottici sono stato il campo preferito, anche se non esclusivo, della sua attività docente. Sono moltissimi gli studenti che hanno potuto profittare delle sue conoscenze e delle sue capacità pedagogiche. Numerosi anche quelli che sono stati guidati da lui nelle loro ricerche dottorali. Ma oltre alla sua attività didattica, P. Roland Meynet ha portato a termine una lunga serie di pubblicazioni che gli hanno guadagnato una meritata fama nel mondo scientifico internazionale. Basta dare uno sguardo alla sua bibliografia per rendersi conto della varietà e dell’ampiezza dei suoi interessi. Roland Meynet ha percorso molti itinerari dall’Antico al Nuovo Testamento — «l’uno e l’altro Testamento» amava dire uno dei suoi maestri, il P. Beauchamp — da Amos ai Salmi, dai Sinottici a Paolo, con una speciale predilezione per Luca, il vangelo della misericordia e della mansuetudine di Cristo. A Luca dedicò già la sua tesi di dottorato. Non soltanto ha applicato il suo metodo della retorica biblica e semitica, ma ne ha anche spiegato i fondamenti teologici e letterari. Sono fondamenta solide sulle quali tanti esegeti potranno edificare le loro ricerche. Mi fermo un istante sul titolo di questo volume, Filiation, entre Bible et cultures. La filiazione divina dell’uomo, e dunque la paternità di Dio sono temi assolutamente centrali nella Bibbia e nella tradizione cristiana e sono stato oggetto delle ricerche del P. Roland Meynet. Il Padre nostro, la preghiera cristiana per eccellenza, si colloca nel cuore di questa rivelazione fondamentale. Tertulliano lo chiamava «breviarium totius evangelii» (De Oratione, I 6). La preghiera, il rapporto personale e non il linguaggio astratto, è il contesto nel quale Gesù parla di Dio come Padre e ci insegna a invocarlo come tale. I Padri della Chiesa hanno considerato la rivelazione della paternità di Dio, e dunque della nostra filiazione, un punto centrale dell’insegnamento di Gesù: «Hoc maximum opus Filii fuit, ut Patrem cognosceremus» (Ilario di Poitiers, De Trinitate III 22). Solo a partire della paternità di Dio ha senso parlare della filiazione divina di Gesù, e dunque della nostra. Queste categorie ci introducono nel più profondo del mistero di Dio e dell’uomo. Il concilio Vaticano II (GS 22)
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+ Luis F. LADARIA
afferma: «Cristo, che è l’ultimo Adamo, proprio rivelando il mistero del Padre e del suo amore svela anche pienamente l’uomo a se stesso e manifesta la sua altissima vocazione». Questa vocazione è proprio la filiazione. Se fra tutti i titoli cristologici Figlio (di Dio) è quello che più chiaramente esprime la sua relazione a Dio, e dunque la sua identità più profonda, anche per noi uomini la nostra condizione di figli di Dio, figli nel Figlio per l’azione dello Spirito, costituisce la dimensione essenziale della nostra salvezza e la manifestazione dell’amore che Dio ha per noi: «Vedete quale grande amore ci ha dato il Padre per essere chiamati figli di Dio, e lo siamo realmente […] Carissimi, noi fin d’ora siamo figli di Dio, ma ciò che saremo non è stato ancora rivelato. Sappiamo però che quando egli si sarà manifestato, noi saremo simili a lui, perché lo vedremo così come egli è» (1Gv 3,1-2). Possiamo dunque congratularci per il fatto che i diversi contributi del volume abbiano questo filo conduttore che porta al nucleo del messaggio evangelico. Che questa testimonianza di stima e gratitudine al P. Meynet sia anche stimolo per ulteriori ricerche e approfondimenti.
+ Luis F. LADARIA, S.I.
Publications de Roland Meynet LIVRES L’Écriture arabe en question. Les projets de l’Académie de langue arabe du Caire de 1938 à 1968, Hommes et sociétés du Proche Orient, Dar elMachreq, Beyrouth 1971 (142 p. + 78 p. de photos). Avec Jarjoura HARDANE, et al., Min al-khalīğ ’ilā al-muḥīṭ. Ṭarīqa tarkībiyya ’iğmāliyya sama‘iyya baṣariyya li-ta‘līm al-luġa al-‘arabiyya (Du Golfe à l’Océan, méthode Structuro-Globale Audio-visuelle d’arabe), 1er niveau (Livre de l’élève, Livre du Maître, Bandes, Films fixes), Didier – Hatier, Paris 1979 (en arabe). Quelle est donc cette Parole ? Lecture « rhétorique » de l’évangile de Luc (1–9 et 22–24), LeDiv 99 A.B, Les Éditions du Cerf, Paris 1979 (212 p + 130 p. de planches). Avec Jarjoura HARDANE, et al., Min al-khalīğ ’ilā al-muḥīṭ. Ṭarīqa tarkībiyya ’iğmāliyya sama‘iyya baṣariyya li-ta‘līm al-luġa al-‘arabiyya (Du Golfe à l’Océan), 2e niveau, (cf. 1979) Didier – Hatier, Paris 1980 (en arabe). Initiation à la rhétorique biblique. « Qui donc est le plus grand ? », Initiations, I.II, Les Éditions du Cerf, Paris 1982 (198 p. + 60 p. de planches). L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, RhBib 1, I. Planches ; II. Commentaire, Les Éditions du Cerf, Paris 1988 (258 + 277 p.). L’Analyse rhétorique. Une nouvelle méthode pour comprendre la Bible. Textes fondateurs et exposé systématique, Initiations, Les Éditions du Cerf, Paris 1989 (347 p.). Avez-vous lu saint Luc ? Guide pour la rencontre, LiBi 88, Les Éditions du Cerf, Paris 1990 (284 p.). L’analisi retorica, BiBi(B) 8, Queriniana, Brescia 1992 (295 p.) [traduction italienne de L’analyse rhétorique]. Avec L. POUZET, N. FAROUKI et A. SINNO, Ṭarīqat al-taḥlīl al-balāġī wa-ltafsīr. Taḥlīlāt nuṣūṣ min al-kitāb al-muqaddas wa min al-Ḥadīt al-nabawī (Méthode rhétorique et Herméneutique. Analyse de textes de la Bible et de la Tradition musulmane), Université Saint-Joseph, Institut d’études islamochrétiennes, Dar el-Machreq, Beyrouth 1993, 20042 (en arabe ; 306 p.). Passion de Notre Seigneur Jésus Christ selon les évangiles synoptiques, LiBi 99, Les Éditions du Cerf, Paris 1993 (226 p.).
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Filiation, entre Bible et cultures
Il vangelo secondo Luca, ReBib 1, Edizioni Dehoniane, Roma 1994 (756 p.) [traduction italienne de L’Évangile selon saint Luc]. Avec P. BOVATI, Le Livre du prophète Amos, RhBib 2, Les Éditions du Cerf, Paris 1994 (443 p.). Avec P. BOVATI, La Fin d’Israël. Paroles d’Amos, LiBi 101, Les Éditions du Cerf, Paris 1994 (238 p.). Avec P. BOVATI, Il libro del profeta Amos, ReBib 2, Edizioni Dehoniane, Roma 1995 (473 p.) [traduction italienne de Le livre du prophète Amos]. Avec P. BOVATI, ed., Ouvrir les Écritures, Fs. Paul Beauchamp, LeDiv 162, Les Éditions du Cerf, Paris 1995 (435 p.). Avec P. BOVATI, ed., Hommage à Paul Beauchamp, Médiasèvres, Paris 1996 (47 p.). Lire la Bible, Dominos 92, Flammarion, Paris 1996 (122 p.). « E ora, scrivete per voi questo cantico ». Introduzione pratica all’analisi retorica, 1. Detti e proverbi, ReBib 3, Edizioni Dehoniane, Roma 1996 (122 p.). Norme tipografiche per la composizione dei testi con il computer, 3a edizione, PUG Editrice, Roma 1996 (47 p.) 19974.20005.20046.20077. Leggere la Bibbia, Due punti 57, Il Saggiatore – Flammarion, Milano 1998 (122 p.) [traduction italienne de Lire la Bible, 1996]. Rhetorical Analysis. An Introduction to Biblical Rhetoric, JSOT.S 256, Sheffield Academic Press, Sheffield 1998 (386 p.) [traduction revue et augmentée de L’analyse rhétorique]. Avec L. POUZET, N. FAROUKI, A. SINNO, Rhétorique sémitique. Textes de la Bible et de la Tradition musulmane, Patrimoines. Religions du Livre, Les Éditions du Cerf, Paris 1998 (347 p.) [édition française de Ṭarīqat al-taḥlīl al-balāġī]. Czytaliście Św. Łukasza? Przewodnik, który prowadzi do Spotkania, Wam, Kraków 1998 (264 p.) [traduction polonaise de Avez-vous lu saint Luc ?]. De la forme au sens, I. Livret de l’apprenant ; II. Guide de l’enseignant, Techniques de Travail et d’Expression 3, Centre d’Étude des Langues vivantes, Université Saint-Joseph, Beyrouth 1998 (73 + 79 p.). Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, RhBib 3, PUG Editrice – Les Éditions du Cerf, Rome – Paris 1999 (492 p.). «Vedi questa donna?». Saggio sulla comunicazione per mezzo delle parabole, Fede e comunicazione 9, Edizioni Paoline, Milano 2000 (175 p.). Un’introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2000 (192 p.).
Bibliographie de Roland Meynet
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« Tu vois cette femme ? ». Parler en paraboles, LiBi 121, Les Éditions du Cerf, Paris 2001 (199 p.) [édition française de «Vedi questa donna?»]. Wprowadzenie do hebrajskiej retoryki biblijnej (Études de rhétorique biblique), Myśl Teologiczna 30, Wam, Kraków 2001 (223 p.). Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, ReBib 4, EDB, Bologna 2001 (366 p.). La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, ReBib 5, EDB, Bologna 2002 (495 p.) [traduction italienne de Jésus passe]. Mort et ressuscité selon les Écritures, Bayard, Paris 2003 (178 p.). Morto e risorto secondo le Scritture, Biblica, EDB, Bologna 2003 (133 p.) [traduction italienne de Mort et ressuscité selon les Écritures]. Lire la Bible, Champs 537, Flammarion, Paris 2003 (293 p.). Il vangelo secondo Luca, ReBib 7, EDB, Bologna 20032 (989 p.). Leer la Biblia, Mosaicos, Siglo veintiuno editores, México – Buenos Aires 2003 (111 p.) [traduction espagnole de Lire la Bible, 1996]. Ler a Bíblia, Biblioteca básica de ciência e cultura 102, Istituto Piaget, Lisboa, 2004 (137 p.) [traduction portugaise de Lire la Bible, 1996]. Leggere la Bibbia. Un’introduzione all’esegesi, Collana biblica, EDB, Bologna 2004 (273 p.) [traduction italienne de Lire la Bible, 2003]. L’Évangile de Luc, RhSem 1, Lethielleux, Paris 2005 (1040 p.). La Bible, Idées reçues 94, Le Cavalier bleu, Paris 2005 (128 p.). A New Introduction to the Synoptic Gospels, Claretian Communications, Chennai, India, 2005 (366 p.) [traduction anglaise de Una nuova introduzione ai vangeli sinottici]. Język Przypowieści biblijnych, Myśl teologiczna 50, Wydawnictwo Wam, Kraków 2005 (194 p.). Una nuova introduzione ai vangeli sinottici. Seconda edizione rivista e ampliata, ReBib 9, EDB, Bologna 2006 (350 p.). Études sur la traduction et l’interprétation de la Bible, Sources/Cibles, École de traducteurs et d’interprètes de Beyrouth, Beyrouth 2006 (194 p.). Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Lethielleux, Paris 2007 (720 p.). Appelés à la liberté, RhSem 5, Lethielleux, Paris 2008 (237 p.). Trattato di retorica biblica, ReBib 10, EDB, Bologna 2008 (715 p.) [traduction italienne de Traité de rhétorique biblique].
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Filiation, entre Bible et cultures
Studi di retorica biblica, Strumenti – biblica 45, Claudiana, Torino 2008 (172 p.) [traduction italienne de Études sur la traduction et l’interprétation de la Bible]. Llamados a la libertad, RhS, Convivium Press – Gregorian University Press, Miami FL, 2008 (299 p.) [traduction espagnole de Appelés à la liberté]. Avec J. ONISZCZUK, ed., Retorica Biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, ReBib 12, EDB, Bologna 2009 (318 p.). Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, RhSem 6, Lethielleux, Paris 2009 (380 p.). Called to Freedom, RhS, Convivium Press – Gregorian University Press, Miami FL, 2009 (291 p.) [traduction anglaise de Appelés à la liberté]. Chiamati alla libertà, ReBib 13, EDB, Bologna 2009 (235 p.) [traduction italienne de Appelés à la liberté]. Avec J. ONISZCZUK, Norme tipografiche per la composizione dei testi con il computer, Ottava edizione, G&B Press, Roma 20108 (45 p.) 20119.201310. 201411. A New Introduction to the Synoptic Gospels, RhS, Convivium Press – Gregorian University Press, Miami FL, 2010 (435 p.) [traduction anglaise de Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques]. Preghiera e filiazione nel vangelo di Luca, Epifania della Parola, nuova serie 12, EDB, Bologna, 2010 (235 p.). L’Évangile de Luc, RhSem 8, Gabalda, Pendé 2011 (1045 p.). Avec J. ONISZCZUK, ed., Retorica Biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, ReBib 16, EDB, Bologna 2011 (326 p.). Prière et Filiation. Le témoignage de Luc, Éd. facultés jésuites de Paris, Paris 2011 (285 p.) [édition française de Preghiera e filiazione nel vangelo di Luca]. Treatise on Biblical Rhetoric, International Studies in the History of Rhetoric 3, Brill, Leyden – Boston 2012 (463 p.) [traduction anglaise de Traité de rhétorique biblique]. « Selon les Écritures ». Lecture typologique des récits de la Pâque du Seigneur, Theologia 7, G&B Press, Rome 2012 (220 p.). La lettre aux Galates, RhSem 10, Gabalda, Pendé 2012 (255 p.). Una nueva introducción a los Evangelios Sinópticos, RhS, Convivium Press – Gregorian and Biblical Press, Miami 2012 (387 p.) [traduction espagnole de Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques]. La lettera ai Galati, ReBib 17, Bologna 2012 (247 p.) [traduction italienne de La lettre aux Galates].
Bibliographie de Roland Meynet
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Traité de rhétorique biblique, deuxième édition revue et corrigée, RhSem 11, Gabalda, Pendé 2013 (715 p.). Avec J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique biblique, RhSem 12, Gabalda, Pendé 2013 (358 p.). Avec J. ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, ReBibSem 2, G&B Press, Roma 2013 (409 p.). Avec J. ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica biblica, ReBibSem 3, G&B Press, Roma 2013 (352 p.) [édition française de Esercizi di analisi retorica biblica]. Selon les Écritures, audiolivre, Dire la Parole, Saint-Léger Production, Chouzésur-Loire 2013 (7 heures d’enregistrement). La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, RhSem 14, Gabalda, Pendé 2013 (517 p.). Avec J. ONISZCZUK, Normas tipográficas para la composición de los textos en la computadora, G&B Press, Roma 2013 (47 p.).20152 [traduction espagnole de Norme tipografiche per la composizione dei testi con il computer]. L’évangile de Marc, RhSem 16, Gabalda, Pendé 2014 (598 p.). Luke: the Gospel of the Children of Israel, ReBibSem 4, G&B Press, Roma 2015 (901 p.) [traduction anglaise de L’Évangile de Luc]. Avec J. ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, ReBibSem 5, G&B Press, Roma 2015 (364 p.). Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, ReBibSem 6, G&B Press, Roma 2015 (305 p.). Le fait synoptique reconsidéré, ReBibSem 7, G&B Press, Roma 2015 (382 p.) [nouvelle édition de Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques]. P. CHAUVET – R. MEYNET – A. VEILLEUX, Le Carême, audio-livre, Saint-Léger Production, Chouzé-sur-Loire 2016. Il vangelo di Marco, ReBibSem 8, G&B Press, Roma 2016 (590 p.) [traduction italienne de L’Évangile de Marc]. Les psaumes des montées, RBSem 9, Peeters, Leuven 2017 (202 p.). Avec J. ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, RBSem 11, Peeters, Leuven 2017 (360 p.). Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), RBSem 12, Peeters, Leuven 2017 (747 p.). Il vangelo di Marco, 2a edizione, RBSem 14, Peeters, Leuven 2018 (590 p.).
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Filiation, entre Bible et cultures
Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), RBSem 16, Peeters, Leuven 2018 (637 p.). ARTICLES « Les pronoms personnels en arabe littéraire parlé aujourd’hui au Liban », MUSJ 48 (1973-74) 233-241. « Didactique de l’arabe : un essai manqué », Travaux et Jours 51 (1974) 149152. « Amalgames et monèmes discontinus intéressant la fin des mots en arabe », Mélanges Georges MOUNIN, numéro spécial des Cahiers de Linguistique, d’Orientalisme et de Slavistique 5-6, Marseille 6 Paris 1975, I, 275-281. « Vers une nouvelle pédagogie de l’arabe », Travaux et Jours 56-57 (1975) 3341. « Comment établir un chiasme. À propos des Pèlerins d’Emmaüs », NRTh 100 (1978) 233-249. « Deux paraboles parallèles ; analyse rhétorique de Lc 15,1-32 », Annales de Philosophie de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Saint-Joseph (Beyrouth) 2 (1981) 89-105. « Qaḍā’ Sulaymān ’aw al-Qawl al-faṣl : dirāsa balāġiyya » (« Le jugement de Salomon ou le tranchant de la parole, étude rhétorique »), Ḥawliyyāt ma‘ad al-’ādāb al-šarqiyya (Annales du Département d’Arabe [Institut de Lettres Orientales] de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth) 1 (1981) 57-69 (en arabe). « Au cœur du texte ; analyse rhétorique de l’aveugle de Jéricho selon saint Luc », NRTh 103 (1981) 698-710. « “Qui donc est le plus fort ?” Analyse rhétorique de Mc 3,22-30 ; Mt 12,22-37 ; Lc 11,14-26 », RB 90 (1983) 334-350. « Les dix commandements, loi de liberté ; analyse rhétorique d’Ex 20,2-17 et de Dt 5,6-21 », MUSJ 50 (1984) 405-421 (+ 7 Planches hors-texte). « Dieu donne son nom à Jésus ; analyse rhétorique de Lc 1,26-56 et de 1Sam 2,1-10 », Bib 66 (1985) 39-72. « “Crie de joie, stérile !” », Christus 132 (1986) 481-489 [lecture de Lc 5,17– 8,56]. « Le bouclier d’Achille », Strumenti critici 59 (1989) 93-115. « Analyse rhétorique du Prologue de Jean », RB 96 (1989) 481-510. « L’enfant de l’amour (Ps 85) », NRTh 112 (1990) 843-858.
Bibliographie de Roland Meynet
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Filiation, entre Bible et cultures
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Thèses de doctorat dirigées par Roland Meynet Martin D. TRAN, The inclusive unity of the children of God. A biblico-rhetorical analysis of the letter of Paul to the Galatians 3,1–5,1 (20 giugno 1998). Gjoko GJORGJEVSKI, Un contributo allo studio della composizione della raccolta Salomonica (Pr 10,1–22,16) (21 marzo 2000). Vianney BOUYER, Les rencontres pastorales de Jésus dans les évangiles synoptiques. Quand Jésus rencontre des anonymes (12 giugno 2001). Tomasz KOT, Fede, la via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo (5 dicembre 2001). Arul Jesu Robin MUTHIAH, Jesus – Giver of Life. Composition and Interpretation of Mark 7:31–9:50 (24 maggio 2004). Bernard WITEK, Dio e i suoi figli. Analisi retorica della Prima Raccolta Salomonica (Pr 10,1–22,16) (27 ottobre 2004). Roberto DI PAOLO, Il Servo di Dio porta il diritto alle nazioni. Analisi retorica di Matteo 11–12 (4 novembre 2004).
Bibliographie de Roland Meynet
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Jacek ONISZCZUK, La giustizia dei figli. Composizione e interpretazione della Prima Lettera di Giovanni (26 aprile 2006). Jean Basile MAVUNGU KHOTO, Symbole ou Idole. L’argent dans l’Évangile de Luc (10 gennaio 2007). Kornél FÁBRY, Discepolato o nuovo esodo. Composizione e interpretazione di Mc 4,35–7,30 (18 dicembre 2008). Ciro QUISPE, La nueva alianza durante las enseñanzas de Jesús en Jerusalén. Análisis retórico bíblico y semítico de la secuencia de Mc 11,27–12,44 (12 ottobre 2011). Germano LORI, Il Sermone della Montagna, dono del Padre. Analisi Retorica di Matteo 5–7 (10 gennaio 2012). Alejandro CASTILLO JIMENEZ, Composizione e interpretazione di Mc 1,14–3,6. Il contributo dell’analisi retorica biblica (28 febbraio 2012). Vitus Rubianto SOLICHIN, La figura del seme e il suo compimento. Analisi retorica del discorso parabolico in Marco 4,1–34 (20 giugno 2012). Alfredo Raúl FERMÍN VIVAS, Jesús se rodea de su familia. Análisis retórico bíblico y semítico de Mc 3,7-35 (18 ottobre 2013). Francesco GRAZIANO, La composizione letteraria del Vangelo di Matteo. Analisi retorica (23 marzo 2018). Roman OSTROVSKYY, « Amatevi gli uni gli altri, come io ho amato voi ». Composizione e interpretazione della sequenza Gv 15,1-25 (25 maggio 2018).
LA BIBLE
Marie BALMARY
De l’enfant au fils inconnu CONVERSATION DE FRÈRES DANS UN PARC Ce chapitre commence dans un grand parc. Parmi bien d’autres promeneurs dans les allées sous les arbres, autour de l’étang, deux chercheurs parmi bien d’autres. Conversations de détente et de confiance, repos de la mi-journée avant de s’y remettre. Pas besoin de s’interroger avec soin, les idées viennent toute seules. Ces jeunes chercheurs ont eu des maîtres, parfois le même. Mais l’heure n’est plus aux rabbis, au père, aux maîtres… Ce n’est plus la saison de l’attention à l’autorité d’un enseignement. Il s’agit maintenant d’écrire à partir de soi, une thèse, un premier ouvrage… Il s’agit de s’entendre soi-même penser. Et dans cette partie du chemin, si la pensée des maîtres fait encore quelque bruit dans la tête, il convient pour ne plus l’entendre, de faire comme dans l’enfance : s’en aller jouer avec les autres. Là où l’on oublie ce qui a été enseigné. C’est le temps où le bon appui, léger, l’air de rien, ce sont les frères. L’attention elle-même se fait légère, presque distraite. On interrompt une phrase pour montrer la fleur dont on ignore le nom, l’écureuil qui vient de traverser l’allée. Pendant ce temps, la pensée avance, circule. Dans cette attention flottante, comme dirait un psychanalyste, quelque chose va de l’un à l’autre, une intelligence d’un type différent qui n’a pas à être approuvée par la pensée de l’autre et que pourtant l’autre confirme : il ne confirme pas la pensée elle-même mais le droit de penser sans autorisation. C’est auprès des frères qu’on trouvera l’attente curieuse. Le « Ah bon, où astu pris ça ? » Ceci a été le moment et le climat de ma rencontre avec Roland Meynet. Le temps des frères… De quelle fraternité ? De quels pères et mères ? Qu’estce que la filiation ? Justement, c’était alors, en filigrane le sujet du moment pour un jeune exégète autant que pour une jeune psychanalyste. La filiation s’est révélée pour ce qu’elle est : une dimension centrale de la vie humaine. Sujet infini de recherche infinie. Nous ne savions pas qu’il serait encore le nôtre à l’heure où l’on offre et où l’on reçoit des Mélanges. FILIATION ET PSYCHANALYSE Sur un tel sujet, la psychanalyse a une longue expérience. Pas une seule cure où ne se pose la question de la filiation, du père et de la mère, de leur poids au double sens du mot en hébreu, kabôd, le poids et la valeur, dans la vie du patient.
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Marie BALMARY
La situation du jeune enfant arrivant dans le couple de ses parents, dans sa fratrie s’est révélée peu à peu essentielle à prendre en compte, si le but est de soigner des maladies qui ne sont pas celles du corps, même si le corps les manifeste. Pour nous maintenant, c’est évident. Cependant, le chemin a été long pour y parvenir. Comment Freud, d’abord neurologue, a-t-il compris que la question des relations familiales était de première importance ? La médecine à l’époque de Freud voyait les choses tout autrement. Si la filiation était abordée, c’était en terme d’hérédité — le grand mot de cette époque : lourde hérédité… La « découverte » d’Œdipe, passage par le mythe grec a permis à Freud d’échapper à sa première découverte, cette terrible vérité : l’inceste, l’abus sexuel, à l’origine de l’hystérie. C’est pour en sortir, qu’il invente le fameux complexe : l’enfant a rêvé de satisfaction sexuelle avec un parent. Le parent n’est pas coupable, l’enfant n’est pas victime d’abus réel, mais il est abusé par son désir inconscient. La filiation demeurera alors plus ou moins mise hors de cause, mais du coup inexplorée : la maladie vient du malade lui-même (et aussi, ajoute Freud, de la culture refoulant le désir). Freud n’a vu chez Œdipe que le désir réalisé de tout enfant. Pourtant, le mythe grec lui-même aurait pu lui ouvrir une autre voie : l’ensemble du cycle œdipien peut être lu comme le tragique effondrement de la filiation sur plusieurs générations. Par la psychanalyse, on est passé de l’intérêt pour le système nerveux à l’intérêt pour les relations. Sur la question de la filiation, le mode de relation dans la famille, des progrès ont été faits. Particulièrement avec la psychanalyse d’enfant. On est passé des enfants inconsciemment fautifs aux parents responsables, sinon coupables, des maux de leurs enfants. Puis, revenant plus ou moins ouvertement à la première découverte de Freud, on en est venu à essayer de comprendre ce qui se passe entre les générations. Alors, on s’est retrouvé devant la transmission de la peine et la circulation du mal. Certains chercheurs ont trouvé un nouvel intérêt à revenir à la Bible, aux récits de la Genèse, entendus malgré Freud et pourtant avec lui. Ce qu’il avait cru découvrir dans une anthropologie grecque qu’il n’avait guère approfondie, se trouvait peut-être bien davantage dans les fondations même de sa culture juive qu’il n’avait guère approfondie non plus. Pour celui qui cherche à penser la filiation, les Écritures bibliques et évangéliques présentent une tout autre ampleur, évidemment, que l’unique pièce de Sophocle à laquelle Freud se réfère. Or, ces grands récits sont d’abord des histoires de couple et de filiation. Au commencement de chaque grand moment de l’histoire sainte, la vie humaine appelée à atteindre la vie divine arrive par un couple dont l’importance ne saurait être trop considérée : la création commence avec un couple, l’alliance apparaîtra avec un autre, le salut avec un troisième : Adam et Ève, Abraham et Sara, Joseph et Marie. Trois couples, trois qualités de relation. Ces différences de relation dans le couple entraînent-elles — expliquent-elles ? — des différences dans la filiation ?
De l’enfant au fils inconnu
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Si je veux les comparer, il me faut reprendre des études de texte déjà accomplies séparément pour les tenir ensemble maintenant. On me pardonnera de repasser ainsi par des années de lectures bibliques. Impossible de tirer un nouveau fil sans reprendre le tissu lui-même. JOSEPH ET MARIE : LE COUPLE LE PLUS MYSTÉRIEUX Plutôt que de visiter ces couples dans l’ordre logique, j’approche d’abord le troisième couple, là où la filiation est la plus énigmatique. Celle sur laquelle le chercheur en anthropologie bute fortement. S’il a reçu une éducation chrétienne, aura-t-il avancé à l’âge adulte ? Ses questions enfantines ont-elles trouvé réponse ? Pas sûr. Pourquoi, si Dieu voulait — comme dans la mythologie grecque — faire un enfant à une mortelle, pourquoi n’avoir pas choisi une jeune fille qui ne soit pas fiancée ? Ce serait tout de même plus simple. Car si Joseph n’est pas le père de Jésus, à quoi bon sa présence ? Pour que les apparences soient sauves ? Pour que Jésus ait quand même un père comme les autres ? Pour que Marie ne soit pas seule pour l’élever ? Mais cela aurait pu avoir lieu ensuite. Une mère célibataire rencontrant un homme attentif et généreux, aurait pu suffire. L’histoire aurait été plus compréhensible. Plus tard, le chercheur peut se trouver devant une difficulté plus précise, tenant cette fois au texte évangélique lui-même. En effet, Luc n’hésite pas à présenter Joseph comme le père de Jésus, dans deux épisodes qui se situent au Temple. Lorsque Joseph et Marie y présentent le petit enfant, celui-ci est accueilli et salué par deux personnages, le vieillard Siméon et la prophétesse Anne. Alors « son père et sa mère sont étonnés de ce qui est dit de lui » (Lc 2,33). Dans certaines traductions, la King James par exemple, on a traduit : « Joseph et sa mère » et non « son père et sa mère » ! Deuxième récit que cette fois personne n’a osé rectifier — sans doute parce qu’il s’agit d’une parole de Marie elle-même. S’adressant au jeune Jésus perdu et retrouvé au Temple, sa mère lui désigne bien Joseph comme son père (Lc 2,48) : « Enfant, pourquoi nous as-tu fait ça ? Vois ton père et moi nous te cherchons tout angoissés ». Le chercheur, laissant un moment l’Écriture, peut s’aviser d’un élément actuel concernant la filiation du Christ : dans le blason du pape François, deux figures sont placées en vis-à-vis : une étoile et une fleur de nard, représentant Marie et Joseph. Situation nouvelle, pensera-t-il, qu’un pape mette ainsi à égalité Marie et Joseph dans la filiation de Jésus. Y a-t-il un précédent ? Si cela s’est déjà produit, en tout cas cela ne semble pas avoir eu sur la théologie les répercussions qu’on pourrait imaginer. Parmi les trois couples que je propose de comparer, à l’évidence, c’est la filiation dans le couple Joseph et Marie qui est la plus impossible — puisque, selon ce qui est compris, ce couple donne naissance à un fils sans relation sexuelle. Ou bien on trouve cela absurde et l’on se désintéresse de l’affaire. Ou
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bien on admet de ne rien y comprendre et de croire purement et simplement en abandonnant l’usage de la raison. Ou bien encore, on peut poursuivre la recherche, tenter d’autres approches pour interroger autrement le mystère. Par exemple, ici, en rapprochant les trois couples et leurs filiations. Cependant, si incompréhensible qu’elle soit, une phrase est dite par Marie qui n’est pas sans résonnance avec le début de la Genèse, du moins son dernier mot. Littéralement : « Comment cela sera-t-il puisque homme je ne connais pas ? » Je ne connais pas… Est-ce que cela veut dire, ce qui est habituellement entendu et même parfois traduit : puisque je n’ai pas de relations sexuelles ? Ou bien s’agit-il d’autre chose ? D’une inconnaissance qui permettrait… quoi ? Qui permettrait qui, surtout ? La filiation exceptionnelle du fils de Marie a-t-elle à voir avec une inconnaissance ? La question peut être gardée tandis que nous revenons en Éden.
I. EN ÉDEN : LA FILIATION MANQUÉE L’HOMME ET LA FEMME, DES INCONNUS Tirant ce fil, une évidence : l’inconnaissance est là, dès le commencement. Au commencement de la création était la séparation entre les éléments du monde. Et pour les humains, depuis le commencement, cette séparation s’appelle : différence des sexes. Depuis le début de l’aventure humaine jusqu’à nos jours, un homme ne connaît pas ce que c’est que d’être une femme, une femme ne connaît pas ce que c’est que d’être un homme. La dissymétrie des sexes est considérable. Il ne s’agit pas de deux organes semblables qui ne différeraient que par un élément, comme la couleur. L’écart de forme et de fonction des deux sexes est si important qu’il rend toute comparaison impossible. Il s’ensuit au niveau de la conscience, de la parole, quelque chose de tout à fait important pour chacun : la radicale inexpérience, la radicale inconnaissance de l’autre. Si nous revenons au texte biblique maintenant (Gn 2,15-22), nous trouvons en Éden, cette inconnaissance d’abord dans le processus même de l’apparition de l’homme et de la femme : YHWH Élohim prit l’adam, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. YHWH Élohim donna cet ordre à l’adam : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin et tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car du jour où tu en mangeras, de mort tu mourras. YHWH Élohim dit : Il n’est pas bon que l’adam soit seul ; je lui ferai un secours comme son vis à vis. […] pour l’adam, il ne trouva point de secours comme son vis à vis. Alors YHWH Élohim fit tomber un profond sommeil sur l’adam, qui s’endormit ; il prit un de ses côtés, et referma la chair à sa place. YHWH Élohim forma une femme du côté qu’il avait pris de l’adam, et il l’amena vers l’adam.
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La torpeur de l’humain le rend ignorant de la formation de la femme. Le Dieu présente donc à l’adam une inconnue. Cette femme, qui vient pourtant de lui, il ne la connaît pas ; il la reconnaît, ce qui est tout à fait autre chose. Il la reconnaît en troisième personne — ce n’est pas encore dans un dialogue : Et l’humain dit : Cette fois-ci celle-ci os de mes os et chair de ma chair ! On l’appellera femme (isha) oui de l’homme (ish) celle-ci est prise.
C’est en la reconnaissant en tant qu’isha qu’il se reconnaît lui-même — tout cela au futur — comme ish. Et c’est la première fois que les mots « homme » et « femme » apparaissent dans le texte hébreu de la Genèse. La femme non plus, n’a pas assisté à la formation de l’homme, elle ne le connaît pas davantage. Il y a donc entre eux une inconnaissance de fait. Ce détail du mythe peut donner à réfléchir à la question : Qu’est-ce que « l’image de Dieu », en laquelle est créé le couple humain mâle et femelle dans le premier récit de la Genèse ? Il est difficile de repérer les fondements anthropologiques du récit mythique si l’on traduit dans le premier récit : « Élohim les créa homme et femme » au lieu de « mâle et femelle » et si l’on n’a pas repéré qu’Élohim ne fait qu’en l’image, pas comme la ressemblance qui reste à faire pour les humains. Deux éléments qui permettent de lire que Élohim ne crée que la possibilité des humains. Homme et femme restent à faire. À en croire le second récit, la ressemblance de Dieu apparaît dans la rencontre de deux êtres non seulement différents mais qui ne se connaissent pas. Cette inconnaissance de fait est-elle bonne ? Doit-elle être gardée ou bien est-il souhaitable qu’elle disparaisse ? LA CONNAISSANCE INTERDITE, ACCÈS AU DIVIN Le récit de l’Éden insiste fortement sur le mot « connaissance » puisque, avant même que la femme soit formée, l’humain avait reçu un interdit qui concerne une connaissance pour le moins mystérieuse. Pour les rédacteurs des notes de bas de page en français, il s’agit d’une connaissance divine du Bien et du Mal, un privilège réservé à Dieu dont l’homme ne devait pas vouloir s’emparer. Cependant on peut remarquer que cet interdit est donné à un moment particulier du texte. YHWH Élohim donne à l’Adam la nourriture et un interdit : « de tout arbre du jardin, manger du mangeras et de l’arbre à connaître bon mauvais tu ne mangeras pas » — l’interdit est un autre don, il n’y a pas de « mais » qui le précède dans le texte, il n’est pas une restriction au premier don. Et puis YHWH Élohim dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Tout jusqu’à présent était bon, mais la solitude de l’humain, elle, n’est pas bonne. Il est donc temps qu’elle cesse ? Alors que l’adam n’a pas trouvé parmi les animaux d’être vivant qui lui convienne, YHWH Élohim façonne la femme à partir du côté de l’adam endormi. La situation de l’interdit, placé dans le récit entre l’arrivée de l’humain puis de la femme peut donner à penser qu’il arrive pour rendre possible une relation
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homme-femme qui n’est pas encore apparue. Il arrive pour maintenir une séparation, non pas entre Dieu et les humains comme le serpent l’interprétera, mais entre l’un et l’autre du couple. En relisant de plus près le texte hébreu (Gn 2,17) : Manger tu mangeras de tous les arbres du jardin, de l’arbre à connaître bon et mauvais tu ne mangeras pas car dans le jour où tu en mangeras, mourir tu mourras.
Manger étant l’acte le plus dédifférenciant qui soit, il y aurait un « ne pas manger » qui serait bon. Ce « ne pas manger » garderait un bon « ne pas connaître », tandis que le « manger pour connaître » serait mauvais. Alors, on pourrait comprendre que cet inter-dit soit donné préalablement à la rencontre de l’homme et la femme : ne pas se manger, entre humains, c’est cultiver la bonne séparation qui permet de s’écouter, de se parler, sans se confondre. C’est accepter l’inconnaissance entre eux, gardée par une parole divine. L’INCONNAISSANCE, QUESTION DE VIE ET DE MORT Interprété de cette façon, le mythe rejoint l’expérience des relations que nous pouvons avoir aujourd’hui. Si l’autre croit me connaître, s’il me sait, il croit alors qu’il peut parler à ma place, il me fait disparaître en lui. Je n’existe plus. Lui non plus, car m’ayant mangé, désormais, le voilà seul. C’est la mort psychique ou spirituelle pour tout le monde. La différence des sexes est le lieu du premier interdit, de la première loi qui, posée là, fonde toutes les autres. Or, cette première limite que nous donne aussi bien l’expérience vécue de la différence que la lecture de l’origine dans la Genèse, est justement une limite dans la connaissance au service de la relation. Toute différence demande d’accueillir ce que l’autre dit sans pouvoir le vérifier par sa propre expérience. Cet interdit célèbre, si souvent lu comme protégeant un privilège divin, peut, si on le situe dans le couple, être interprété tout autrement : il n’interdit pas aux hommes d’être des dieux, comme le prétendra le serpent, mais au contraire il leur donne accès au divin, si nous ne faisons pas erreur en pensant : la vie divine est relation. Cette inconnaissance ouvre une aptitude indispensable à l’humanité qui rend possible un verbe considérable, le verbe « croire ». Savoir l’autre ou le croire, deux voies différentes. L’enjeu n’est pas mince. En effet, il a été question de la mort dans la parole divine… « dans le jour où tu en mangeras, mourir tu mourras ». Que vient faire la mort dans ce jardin des délices ? Est-ce le « connaître mauvais » qui donnerait la mort ? À qui ? Pas à Adam ni à la femme, à l’évidence, puisqu’ils ne meurent nullement après avoir mangé de l’arbre interdit. Quel est ce « Tu » qui mourra ? Raisonnons en termes de statut : celui de mortel et celui de divin. Voulant devenir « comme des dieux », les humains ont perdu la loi de
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l’inconnaissance, loi de relation qui peut leur permettre d’être deux, en image de Dieu. Ils vont alors, quittant la voie de leur divinisation, tomber dans le statut de mortels définitifs (« de mort tu mourras »). La mort simple, elle, commune à tout vivant dans la création, ne faisait que les faire passer du créé à l’incréé, du terrestre au céleste. Ce qui meurt en Éden n’est donc ni l’homme ni la femme, c’est le couple. Ils meurent en tant que couple d’inconnus, divins par cette relation divinisante qui leur permettrait de parvenir conscients à ce qu’ils sont inconsciemment encore : des fils de Dieu. Ce dont le serpent s’ingénie à les faire douter en leur disant « vous serez comme des dieux », alors qu’ils le sont déjà (même stratégie que le diable dans l’Évangile, disant à Jésus : « si tu es fils de Dieu… » alors qu’il vient d’être reconnu comme tel par la voix du ciel). LA FILIATION PERDUE : ADAM ET ÈVE, ET L’ENFANT DE LA PEINE Pour les deux humains maintenant l’accès à la vie divine semble perdu, l’image de Dieu entre eux n’est pas apparue mais la peur et la honte (ils se cachent l’un de l’autre en se vêtant et de Dieu dans l’arbre). ǯ
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°ǡ car le dieu veille. Seulement, on n’est pas étonné que le couple ne puisse pas transmettre la vie divine, il ne peut la donner sans la mort. Désormais, la venue de l’enfant se fera dans la peine. Les humains ont perdu la première inconnaissance ; l’égalité entre eux que permettait l’interdit, ils l’ont perdue également. La loi désormais sera celle du plus fort — l’homme dominera la femme, la création dominera l’homme. La fameuse phrase : « tu enfanteras dans la douleur », phrase qui, tronquée ainsi, a fait tant de mal, peut être reprise, dans sa lettre même : « dans le chagrin tu enfanteras des fils ». Le chagrin ne se fait pas attendre : « Adam connut Ève sa femme ». Là, nous avons à franchir un obstacle important : une longue tradition d’interprétation. Celle de l’expression « connaître au sens biblique ». Et chacun de comprendre qu’il s’agit de relation sexuelle. Cette connaissance donne bien des enfants, mais donne-t-elle des fils ? Y a-t-il un autre verbe que ce « connaître l’autre » ? Y avait-il un autre verbe au commencement pour dire l’amour ? Pour le moment, sans nous laisser intimider par cette tradition d’interprétation, nous suivons notre fil : selon notre hypothèse, « Adam connut Ève sa femme » est une erreur de relation. L’un connaît, l’autre est connu ; l’un est sujet de cet acte, l’autre objet. Sans réciprocité. C’est donc bien vrai : le couple est mort. Ou pourrait bien en mourir. De cela aussi, l’humanité a l’expérience aujourd’hui encore. Ève, alors, femme connue, femme dominée selon la prédiction divine (« vers ton homme ton désir, lui dominera sur toi… ») dit ceci à la naissance de son premier enfant : « j’ai acquis un homme au moyen de YHWH ». L’enfant n’est pas un fils né d’elle, reconnu autre, mais un objet possédé ; elle l’a acquis « au
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moyen de YHWH », elle ne l’a pas enfanté avec Adam qui l’a engendré en elle. Non, c’est avec Dieu qu’elle a acquis, créé Caïn. Adam est méconnu comme père. Filiation effondrée. Il n’y a ni père ni fils, ni mère d’ailleurs, aucun de ces mots n’apparaît ici. Caïn, enfant possédé ne peut rien avoir à lui. Pas même le produit de son travail. À Dieu, il offre « des fruits de la terre »… Aucun possessif. Abel, enfant de peu de valeur pourtant — Abel, buée, vanité… — peut du moins offrir… « de son troupeau ». La filiation manquée est arrivée à sa conséquence ultime. Caïn sans père ni mère est bien l’enfant de la peine. Il va lui-même causer de la peine. Possédé, il ne peut supporter qu’un autre ne le soit pas — ou encore il tue physiquement comme il a été tué spirituellement… Cependant, la filiation divine n’est jamais complètement anéantie, même chez un meurtrier, Dieu veille, il ne laissera pas Caïn tout seul avec son crime. Errant sur la terre, marqué d’un mystérieux signe divin, Caïn sera, lui, un inconnu pour d’autres. Pour lui-même peut-être… Le divin semble s’être fait une raison. Il interviendra là où ce sera possible. Comment se disait donc l’amour au commencement de la Genèse, avant la transgression de l’interdit ? « Sur quoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme ». En hébreu davaq, coller ensemble, s’attacher, s’unir. Deux sujets joints, aucun complément d’objet. Ce verbe conduit à l’union à égalité de deux parties. Pas question là de connaissance. Un « Nous » humain répondra au « Nous » divin du « Nous ferons l’humain en notre image »…
II. LA FILIATION DU RIRE : ABRAHAM ET SARA Peut-être sommes-nous prêts maintenant, sachant mieux le fil que nous tirons, à explorer une autre relation de couple donnant un meilleur accès à la filiation. Abraham et Sarah nous arrivent à cette étape et nous pouvons les interroger avec plus de précision. D’abord, d’où partent-ils ? D’une proximité quasi incestueuse puisque ayant le même père, ils se connaissent en tant que frère et sœur. Leur réponse à cette trop grande proximité n’est pas un acte de violence, mais une transformation de leur situation : faire couple. Pas de meurtre dans la relation, un symptôme : la stérilité. La filiation n’est pas faussée, ou plutôt elle l’est au point de ne plus même avoir lieu. Sera-t-il question, dans le mal comme dans la guérison d’inconnaissance ? Le mot n’est pas prononcé. Est-il à l’œuvre cependant ? Si Abraham n’est pas, comme Caïn, un visage effondré devant Dieu, cependant, il ne tient pas debout devant YHWH venu faire alliance avec lui : « Abram tombe sur ses faces » (Gn 17,3). La présence divine qui n’a pas trouvé l’humain « capable de Dieu » va prendre une autre direction. En effet, Dieu propose à Abraham un autre commencement, un chemin bien particulier, celui d’un retour à l’origine : le couple. Plus précisément, une refonte du couple. En changeant trois éléments essentiels (Gn 17) : le nom de l’homme, le sexe de l’homme, le nom de la femme :
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(5) Ton nom ne sera plus crié : Abram ton nom est Abraham — père d’une multitude […] (10) Voici mon pacte que vous garderez entre moi, entre vous et entre ta semence après toi : circoncire pour vous tout mâle […] (15) Élohim dit à Abraham : Saraï, ta femme, tu ne crieras pas son nom Saraï — ma princesse — oui, son nom est Sara — princesse.
Déjà pour accomplir ce changement, le nom divin a dû changer. Puisque Abraham ne peut supporter la présence du dieu personnel YHWH, celui-ci accepte cette situation et revient en arrière, si je puis dire. C’est sous le nom d’Élohim qu’il parle maintenant à Abraham, puisqu’Abraham a montré qu’il se trouvait lui-même en présence du Créateur. Élohim lui parle de lui et de sa femme. Il change maintenant leur nom (ou leur rend leur nom qu’un père dominateur et possessif sans doute leur avait donné faussé). Et entre l’homme et la femme, quelque chose change aussi, justement ce qui les unit, le sexe d’Abraham, trait d’union entre leurs deux corps. La circoncision, « c’est le signe de l’alliance entre moi et vous » (v. 11). Signe entre Élohim et vous deux. Et non pas, comme trop souvent répété, entre Élohim et Abraham seul, ou Abraham et son peuple… UNE BLESSURE QUI GUÉRIT Cette blessure fait réapparaître la différence des sexes, différence si difficile à symboliser en Éden. En retirant à l’organe masculin le prépuce, fourreau qu’on peut considérer comme féminin, elle marque en même temps tout enfant mâle de la qualité de mortel. En effet, le sang qui coule dès le huitième jour de leur vie ne permettra plus aux hommes de se dire fils des dieux tandis que les femmes — ces êtres dont le sang coule si régulièrement — seraient, elles, filles des hommes, donc des mortelles, comme cela avait été dit avant le déluge, lorsque les humains avaient perdu la route de leur relation. La circoncision, remède à l’orgueil des possesseurs du sexe visible, permet une relation plus juste des deux sexes, relation marquée par la divinité. Ressemblance et différences manifestées tout à la fois. Belle réussite symbolique. Ce qu’ils peuvent connaître, c’est la signification des noms, les anciens et les nouveaux. Non plus Abram, « Père élevé », un père qui monte, mais Abraham, « père de multitude », un père qui descend ; non plus Saraï, « ma princesse »1 mais Sarah, « Princesse » désenchaînée de l’autre. Le sens de leur relation change aussi. Elle n’est plus domination (Père haut) ni possession (ma princesse).
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Que Saraï, traduite habituellement par « ma princesse », signifie plus exactement « mes princes », ne change pas la possession dans laquelle elle est prise.
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L’alliance apparaît comme un épisode de conversion, non pas seulement à Dieu mais à l’autre. En effet, le rapport sexuel où l’homme croyait connaître la femme va se trouver modifié avec la circoncision. Si les deux se rencontrent maintenant dans une relation marquée du signe de l’inconnu divin, chacun portant un autre nom, on peut penser que Dieu les a conduits à une nouvelle inconnaissance de l’autre. Le symptôme de la stérilité a été entendu, son message parabolique, symbolisé dans des signes lisibles (les noms, les corps). Le rapport devient relation. Couple devenu autre, allié au divin, il pourra engendrer autrement. La filiation divine se rapproche. Cette relation d’alliance répare du moins au niveau des parents l’erreur de l’Éden : voici à présent un homme père, Abraham — là où Adam dominant sa femme était supprimé comme père ; et une femme non possédée, Sara — là ou Ève dominée avait supprimé l’homme et possédé l’enfant. Bien distingués l’un de l’autre, un homme et une femme en couple sont prêts à être, si je puis dire, une bonne affaire pour l’enfant, sa croissance, sa liberté. En effet, l’enfant aura un parent du même sexe que lui et un autre parent du sexe différent de lui. Aucun des deux parents ne peut être un parent total, un parent qui connaît tout. L’inconnaissance mutuelle des père et mère est gage d’espace psychique pour l’enfant, de non-emprise totalitaire. Les démocraties, dont un fondement majeur est la séparation des pouvoirs, peuvent tirer profit de cette base de civilisation. ISAAC, FILS DES DEUX RIRES Aux annonciations faites à Abraham puis à Sara (cachée), tous deux ont ri. Abraham tombe sur ses faces. Il rit et dit en son cœur : « À un centenaire, il naîtrait ? Et si Sara… une nonagénaire, elle enfanterait ? » (Gn 17,17). Sara rit en son sein pour dire : « Après m’être fanée, aurai-je la volupté ? Et mon Adon est si vieux » (Gn 18,12).
De ce couple qui n’est plus celui de l’erreur mais de l’alliance, l’enfant ne sera plus l’enfant de la peine, mais le fils du rire. Ils ont ri, chacun séparément, de l’impossible, ri d’une joie timide, mélangée peut-être de peur de la joie divine pour qui commence seulement à croire. Entendant la promesse qui leur annonce la réalisation de ce désir, si longtemps insatisfait il est vrai, ils ne s’appuient ni sur ce désir ni sur cette promesse. Ce qui les empêche d’y croire tout à fait, c’est justement, me semble-t-il, leur connaissance, négative, chacun de soi et de l’autre : ils disent leur vieillesse, leur impuissance. L’obstacle à une joie parfaite, (une foi parfaite ?) semble venir de cette connaissance. Ils se voient comme des créatures déclinantes. Du moins, ils n’ont point honte l’un devant l’autre, ni trop peur devant Dieu, et reçoivent la promesse divine avec humour. Bon signe.
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LE FILS DU RIRE ET LES TROIS JOURS DE PEINE Cette filiation va pourtant passer encore par la peine. Une peine limitée, il est vrai, qui cette fois ne va pas jusqu’à la mort mais traverse le danger de mort. L’enfant n’est plus seul devant le dieu, comme Caïn, le père va avec son fils dans ces trois jours de peine. Sans reprendre ici l’ensemble de ce texte (Gn 22), notre fil de lecture passe bien par là. Car la montée d’Abraham avec Isaac au mont du « sacrifice » a les caractéristiques des passages vers la différence, et la dépossession. En effet, lorsque le père et le fils montent au mont Moriah, une curieuse expression est employée. Dans ces textes qui comportent peu de répétition, on lit au verset 6 et au verset 8 les mêmes trois mots : « ils vont les deux unis ». Admirable entente ? Non, ce n’est pas l’unité d’une alliance entre eux, mais la réduction du deux à un. Ayant encore dans le cœur le dieu mangeur d’homme de la civilisation dans laquelle il est né, Abraham, entend d’abord la parole d’Élohim « élève-le en élévation » comme un ordre d’immoler Isaac. Cruauté de l’idolâtrie avant que son emprise ne cesse, au bout des trois jours. Au moment de tuer, Abraham entend le messager de Dieu —YHWH et non plus Élohim cette fois — et reçoit alors l’interdit majeur du sacrifice : « Ne lance pas ta main vers l’adolescent, ne lui fais aucun mal ». Le couteau passera entre eux, brisant l’unité fusionnelle ; un bélier, père animal est sacrifié et Isaac n’est plus appelé : « ton fils », mais « l’adolescent ». Ils redescendent vers Beer-Sheba. Le mot « unis » servira une dernière fois, mais à quatre, avec les deux adolescents serviteurs d’Abraham. Isaac n’est plus seul avec son père, il est parmi les adolescents. Fils, et non plus « ton fils ». Et ce fils du rire avec Rebecca sa femme aimée, transmettra un jour la vie à Jacob-Israël, filiation décisive pour l’humanité. Paradoxe : quand la filiation n’a pas lieu, les parents ne souffrent pas, ni du fils ni avec lui. Adam et Ève, eux, ne traversent pas de peine avec Caïn. Ils souffrent à sa mort sans doute — le mythe n’en dit rien — mais ils ne sont pas emmenés par la filiation divine dans une peine à vivre entre vivants. La présence dans leur couple d’un enfant qui ne devient pas fils ne les met pas à l’épreuve. Tandis qu’Abraham et Sara ont à passer par une séparation pénible pour qu’advienne fils Isaac. Est-ce que la filiation comporte toujours un tel passage ? On pourrait penser qu’il n’en sera pas question pour les parents de Jésus. Qu’ils seront, eux du moins, dans une relation de couple tellement bonne que la filiation divine se fera sans peine… Il n’en est rien.
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III. LA FILIATION D’ESPRIT TROIS JOURS DE PEINE ENCORE C’est même lui, Jésus, qui, de son propre mouvement, va faire passer par l’épreuve ses parents. Jésus, douze ans, perdu lors d’une fête et retrouvé après trois jours — encore trois jours — par ses parents au milieu des docteurs du Temple. Épisode connu ? Certes. Il y a cependant dans cet épisode un mot de Marie, un mot très fort, mot de peine, de tourment, à remarquer. Marie dit, comme toutes les mères : « Enfant, pourquoi nous as-tu fait ça ? » Contrairement à bien des traductions en diverses langues, Marie, dans le texte grec, ne dit pas « mon enfant », elle n’emploie pas de possessif. Et pas non plus le mot « fils », mot qui précisément n’apparaît pas là. Elle parle à « l’enfant » (l’enfanté, teknon). Il a douze ans, il va atteindre la majorité juive. Marie continue : « Vois, ton père et moi, tout angoissés (odynômenoi) nous te cherchions ». Dans quel état sont-ils ? Curieusement, le verbe odynao ne sera employé que par Luc ; dans cet épisode-ci, et, chose surprenante, dans la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare. Le riche emploie ce mot pour décrire une souffrance apparemment infernale (Luc 16,24-25) : Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement (odynao) dans cette flamme. Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres (odynao)
Marie et Joseph, dans la même souffrance durant ces jours que le mauvais riche ? Quel genre de souffrance ? Ils ne sont pas dans l’enfer évidemment. Alors ? Souffrance d’être séparé de Dieu ? Il y aurait donc toujours un moment où la filiation passerait par la perte de l’enfant pour les parents humains. Avec, éventuellement, momentanément la perte de Dieu lui-même, d’autant plus que l’enfant perdu est précisément vécu comme enfant donné par Dieu ? Jésus, parlant de sa filiation divine, leur demande s’ils ne savaient pas qu’un jour, cela arriverait ? Non que son père et sa mère cessent d’être ses parents et il leur est bien désormais sub-ordonné — il n’est pas passé au-dessus d’eux dans la généalogie ; il n’est pas devenu son propre père, ce à quoi certaines voies d’émancipation veulent parvenir. Non, il est au lieu de la filiation, le lieu où il commence le chemin de son propre accomplissement, désormais fondé sur son origine divine (Lc 2,49-52).
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NE PLUS COMPRENDRE LE FILS Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux choses de mon Père ? Et eux-mêmes ne comprennent pas le mot (rhêma) qu’il leur dit. Puis il descend avec eux et vient à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait toutes ces paroles (rhêma) dans son cœur. Et Jésus progressait dans la sagesse, et en taille, et en grâce, auprès de Dieu et des hommes.
« Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait » : la remarque qui pourrait paraître anodine, peut trouver son importance dans notre fil de recherche. « Ils ne comprirent pas »… C’est à première vue la non compréhension de ce qu’il dit. Le verbe syniêmi est employé partout où les auditeurs de Jésus ne sont pas encore en mesure de comprendre ses paroles, comme s’ils n’avaient pas encore la place en eux-mêmes (l’annonce de la passion par exemple, Lc 18,34). Et, dans l’autre sens, à Emmaüs, « Il leur ouvrit l’esprit afin qu’ils comprennent les Écritures ». (Lc 24,45). Joseph et Marie ne comprirent donc pas ce qu’il leur disait à propos de lui et du Père. Mais, contrairement à ce qui se passe habituellement, ils n’insistent pas, cela ne fait pas conflit entre eux. Ils acceptent donc de ne pas comprendre (attitude qui a tant d’écho dans la pratique clinique). Et même « sa mère garde ces paroles (rhêma) dans son cœur ». Garder ce qu’on ne comprend pas de l’autre et non pas faire reproche à l’autre d’être incompréhensible. Finalement, c’est encore une acceptation d’inconnaissance. Je ne lis pas cet épisode comme la vie de Jésus tout seul, mais comme la révélation de ce qui arrive lorsque tout enfant devient fils, lorsqu’il est désormais un inconnu pour ses parents. On peut alors se demander : QU’EST-CE QU’UN FILS ? La question, pour primaire qu’elle paraisse, est essentielle justement parce qu’elle est primaire et fortement posée par cet épisode. Qu’est-ce qu’un fils ? Nous employons le mot souvent sans faire de véritable différence entre « enfant » et « fils ». Or, la Bible est en partie, voire principalement, construite pour que cette différence advienne. Et les évangiles vont la porter jusqu’au bout. Jésus enfant accède à sa filiation divine lui-même lorsqu’il « sème » ses parents, si je puis dire, qu’il est perdu pour eux. Au Temple, les parents de Jésus, en le perdant comme enfant, le recevront fils. Le passage décisif est là. « Fils » veut dire un être que ses parents ne savent plus, qui n’est plus prévisible par eux. Le voici inconnu, inconnaissable et advenant à lui-même dans la liberté de son origine divine. « Ne saviez-vous pas qu’il est juste/nécessaire, pour moi être à ce qui est de mon père ? » Fils libre de vous, imprévisible, hors de vos désirs, de vos prévisions…
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Les parents selon la chair ne peuvent pas « faire un fils » : nul ne peut créer un sujet libre… Le fils est un être qui parle et agit en première personne. Ce ne sont pas la chair et le sang, ni même la création, qui peuvent faire ni révéler cela.
LA FILIATION SELON JÉSUS Jésus lui-même raconte une parabole de filiation (Mt 21,28-32) : Un homme avait deux enfants, Venant au premier, il dit : Enfant, va aujourd’hui œuvrer dans la vigne.
Si l’on traduit : « un homme avait deux fils »… la parabole est morte. Car son enjeu, à mon sens, est justement ceci : comment l’enfant devient-il fils ? Là encore, la filiation passe d’abord par la perte de l’enfant, son refus. Cet enfant n’ira à la vigne qu’après avoir refusé d’y aller par obéissance. Il dit : « je ne veux pas », puis, change d’avis (donc se consulte lui-même) et se décide à s’y rendre. Tandis que le second enfant, qui répond « Moi, Seigneur », semble accepter sans discussion et… n’y va pas. Il ne peut pas aller à la vigne, à la vie. On ne peut y atteindre en serviteur obéissant, la force du sujet libre manque encore à cet enfant docile. La volonté de l’homme en tant que père, est bien que l’enfant advienne fils. Ce n’est possible qu’en le quittant comme maître. Ceci est tout à fait comparable à ce que vivent les parents d’aujourd’hui. Dans nos cabinets, nous recevons des parents déroutés, souffrants de la perte de leur enfant au sens de Jésus au temple. Ayant vécu cela (ou le vivant) nous aussi, nous les accueillons. Ils espèrent qu’auprès de nous, ils vont enfin comprendre leur enfant, la raison de son refus, de son éloignement, et que la relation avec leur enfant pourra redevenir bonne comme elle l’était auparavant. Or, ils sont dans la peine de la « sainte perte », (comme on dit « une sainte colère »). Qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas, ils sont dans le passage de leur enfant vers l’autre naissance. Il va leur falloir accepter l’inconnaissance, et même un jour, s’en réjouir, se souvenant de leur propre passage vers la vie (ou faisant euxmêmes maintenant ce passage). PAR OÙ JÉSUS EST-IL PASSÉ ? Comment Jésus est-il donc parvenu, lui à la filiation divine ? Il est appelé lui aussi « enfant » : le petit enfant (paidion) croissait se fortifiait, empli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui (Lc 2,40) Après l’épisode du Temple, il est appelé « Jésus » (2,52) : « Et Jésus avançait dans la sagesse et en taille et en grâce auprès de Dieu et des hommes ». Cet « auprès de Dieu » est à remarquer et je m’y arrête un instant car il se trouve dans une phrase de l’Annonciation. Les traductions ont souvent déformé et même supprimé cette préposition du texte grec. Je lis une concordance à l’article du mot grec para : « L’ange lui dit : Ne crains point, Marie ; car tu as
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trouvé grâce devant (para) Dieu » (Lc 1,30). Et plus loin : « Car rien n’est impossible à (para) Dieu » (Lc 1,37). Or, ces glissements de sens sont plus graves qu’il n’y paraît. La célèbre phrase ci-dessus « Rien n’est impossible à Dieu » s’avère fausse2. Dans le texte grec, je lis littéralement : « Que ne sera-pas-sans-force auprès du dieu tout mot (rhêma) ». De même, dans l’évangile de Marc, Jésus dit qu’il sera difficile à un riche de rentrer dans le royaume des cieux. Les disciples lui demandent : « Qui donc alors peut être sauvé ? » Jésus, en français, dit : « Aux hommes c’est impossible, à Dieu tout est possible ». Or, en grec, il est écrit : « Auprès des hommes c’est impossible, auprès de Dieu tout est possible ». On n’a supprimé qu’un mot, « auprès », et c’est tout simplement nous, les humains, qu’on a supprimés. Revenant maintenant au mystère Joseph–Marie, nous sommes devant deux annonciations que nous posons à égalité d’importance, en accord avec le blason du Pape François. Ils sont en fait situés chronologiquement : Marie d’abord, puisqu’il s’agira, pour Joseph, de décider s’il accepte on non ce qui a déjà eu lieu chez Marie. L’ANNONCE FAITE À MARIE De l’annonce à Marie, la première partie est à réexaminer soigneusement. On entend souvent la parole de l’ange comme une magnifique promesse (Lc 1,2638) : « Grâce sur toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi ». Elle à cette parole se trouble fort. Elle fait réflexion : de quelle espèce est cette salutation ?
Troublée, réfléchissante, Marie n’est donc pas toute ouïe à la parole de l’ange, elle est une femme d’emblée sur ses gardes devant, non pas l’ange lui-même, mais son mode de salutation. L’ange lui dit : « Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici : tu concevras dans ton sein et tu enfanteras un fils, et tu appelleras son nom : Jésus. Lui sera grand, il sera appelé fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David son père. Il règnera sur la maison de Jacob pour l’éternité. À son royaume il n’y aura pas de fin ».
Ayant gardé le récit de la Genèse à l’esprit, le message de l’ange ressemble à une tentation : Gabriel ne dit-il pas à Marie qu’elle concevra — toute seule — un fils du Très-Haut ? En effet, tous les attributs divins semblent réunis en ce fils : la filiation divine, la domination sur les hommes et l’éternité pour lui et son règne ? À cette jeune fille, il est annoncé un fils divin qui ne devra plus rien à 2
En anglais, les traducteurs pour la plupart ont heureusement opté pour : « For with God nothing will be impossible ».
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l’humanité, sauf la paternité prestigieuse du roi David, mort depuis longtemps. L’ange la met-il à l’épreuve ? En tout cas, si elle accepte, l’enfant n’aura ni père, ni frère. Tout puissant, tout à elle. Nouvelle Ève, nouveau Caïn ? C’est alors qu’il se passe une chose vraiment nouvelle. La parole de l’ange, qui a de quoi faire perdre la tête à toute femme en Israël, n’a pas d’effet sur Marie. C’est-à-dire que cette promesse si magnifique pour un ego ne fait pas perdre à Marie le contact avec elle-même. Elle était troublée et méfiante. À présent, elle oppose sa pensée à la proposition qui lui est faite par cette question : « Comment cela sera-t-il puisque un homme, je ne connais pas ? » Voici un de ces passages où le lecteur doit décider de sa lecture. Il a le choix entre plusieurs hypothèses. J’en vois deux : – ou bien, la réponse de Marie concerne un homme : impossible puisque je n’ai pas de relations sexuelles, impossible puisque je suis vierge (certaines traductions liturgiques vont jusque-là dans la déformation du texte). – ou bien, sa réponse est destinée à Dieu. Il lui est dit : Tu concevras… Elle répond : Pas sans homme… fût-ce avec dieu. Comme si elle poursuivait sa première méfiance : mais de quel Dieu me parle-t-il pour me faire une telle proposition ? Cela suppose une foi très assurée, une place juste dans les relations et une capacité de mise en question considérable. Ensuite, dire « homme je ne connais pas », n’est-ce pas curieux pour cette fiancée ? Oublie-t-elle Joseph ? Ou bien dit-elle : avec Joseph, je suis encore dans une relation d’inconnaissance qui ne permet pas d’enfantement. Et puis, encore un étonnement pour nous : c’est l’homme qui connaît la femme habituellement. Or, ici, Marie n’est pas objet mais sujet du verbe « connaître ». Cependant, elle a ordonné les mots ainsi : le mot « homme » en premier, puis elle dans le verbe connaître au négatif. Se peut-il qu’il se trouve dans cette simple phrase de Marie tant de sens ? Mais aussi, comment une telle parole ne serait-elle pas longuement étudiée ? Certes, cette lecture-là va contre les images d’une Marie vénérée parce qu’elle ne serait que « oui ». En lisant attentivement ce verset, on ne peut nier que le fameux « fiat » n’est pas la première réponse de Marie. Il ne viendra qu’après sept mots d’insoumission qui ont orienté autrement l’histoire. Comme confirmation de cette dernière lecture, dès que Marie a opposé un homme à cette annonce de Dieu, la parole de l’ange change radicalement. Apparaît maintenant un personnage absent de la première partie de l’annonciation : Esprit saint viendra sur toi et puissance du Très-haut t’obombrera. Ainsi ce qui est engendré, saint, sera appelé fils de Dieu.
Le mode de relation semble bien différent d’un rapport sexuel. Aucune pénétration. Tu ne concevras pas seule, un esprit viendra sur toi (pas en toi, la préposition sur [epi] se trouve deux fois). La puissance divine, elle, ne fera que te protéger d’ombre. L’ombre : condition même de l’inconnaissance.
De l’enfant au fils inconnu
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Le fils annoncé n’a plus ici les attributs de la première proposition ; royauté, éternité ne sont pas repris. Littéralement : « Ainsi aussi le étant-engendré saint sera appelé fils de Dieu. » En supprimant la virgule qui n’est pas dans le texte grec, on voit apparaître deux sens possibles en même temps : la notion non pas seulement d’un fils saint mais d’un engendrement saint (« le étant-engendré saint ») Enfin, en poursuivant la lecture des paroles de l’ange, Marie ne sera pas la seule à être « bénie entre toutes les femmes » : Et voici, ta parente, elle aussi a conçu un fils en son vieil âge et ce mois est le sixième pour celle qu’on appelait stérile. Que rien ne sera impossible auprès du dieu tout mot (rhêma).
Sa parente elle aussi aura un fils de l’impossible. Et avant même de venir au monde, Jésus aura donc un frère de filiation. Maintenant nous allons écouter ce que l’ange va dire à Joseph (Mt 1,18-25).
L’ANNONCE À JOSEPH De Jésus messie telle fut la genèse. Sa mère Marie étant promise à Joseph. Avant qu’ils viennent ensemble, il se trouve qu’elle a dans ses entrailles, d’esprit saint. Joseph son homme étant juste. Il ne veut pas la faire montrer du doigt : il décide de la renvoyer à la dérobée.
Étonnement : ce que Marie a dans ses entrailles n’est pas nommé. Pas d’objet. Joseph veut protéger Marie : il ne veut pas l’exposer au jugement public. Chez lui a lieu une délibération interne aboutissant à une décision réfléchie et en même temps secrète. Ne pourrait-on dire que Joseph « couvre d’ombre » Marie ? « Comme il est dans ce propos, voici : un ange du Seigneur en rêve lui paraît disant… » Le récit comporte encore un troisième terme pour dire la réflexion chez Joseph, réflexion dans laquelle cet homme qui a une grave et déchirante décision à prendre va aller dormir. Est-ce une façon de rejoindre en lui-même un autre niveau d’intelligence et de désir ? D’aller chercher une réponse divine autre que la parole de l’ange ? Se mettre lui-même dans l’ombre ? Joseph, contrairement à Adam, a bien trouvé l’autre qui lui convienne mais la relation avec elle semble morte. Comme elle était morte en Éden. Étonnante reprise des enjeux originels. L’erreur recommence, apparemment. Les mêmes éléments sont présents, mais il semble qu’ils n’apparaissent que pour être déjoués un à un. …un ange du Seigneur en rêve lui apparaît disant : Joseph fils de David, ne crains pas de recevoir Marie, ta femme, ce qui en elle est engendré est d’esprit saint.
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L’ordre des mots grecs est un peu différent dans l’annonce à Marie : « Ce qui est engendré saint sera appelé fils du dieu ». L’esprit avait déjà été qualifié de saint au début du verset (Lc 1,35). Elle enfantera un fils. Tu l’appelleras de son nom Jésus, car lui sauvera son peuple de leurs péchés.
Le couple Joseph–Marie s’il répare le couple originel, c’est-dire la mise initiale d’humanité, a conduit à la filiation divine. Celle qui sortira la filiation d’une transmission de peine et de mort, conséquence des « péchés ». Tout cela est arrivé pour que soit accompli le mot dit de la part du Seigneur par le prophète : « Voici la vierge aura dans ses entrailles et enfantera un fils. Ils l’appelleront Emmanuel, qui se traduit : Avec nous Dieu ».
Chez le prophète, il n’est encore question que d’une femme, mais un « nous » est déjà là : le nom de l’enfant sera « Avec nous Dieu » et non pas, comme la première annonce à Marie : « le Seigneur avec toi ». Joseph se réveille du sommeil. Il fait comme lui a imposé l’ange du seigneur, il prend avec lui sa femme. Et il ne la connaît pas jusqu’à ce qu’elle enfante un fils. Il l’appelle de son nom Jésus.
Leur relation demeure bien cachée d’ombre divine. Non seulement pour leurs contemporains mais pour l’Histoire et pour nous. Cachée dans le texte et par le texte. Deux verbes en effet sont employés pour signifier leur relation : – au début de l’annonce à Joseph : « avant qu’ils viennent-ensemble », c’est synerchomai, un verbe grec au sens large. Seul autre emploi en Matthieu : une foule « s’assemble ». Chez les autres évangélistes, il est employé pour diverses personnes qui se réunissent. – à la fin du passage : « il ne la connut pas ». Sens à décider maintenant, si nous avons pu emmener le lecteur de la connaissance interdite jusqu’à l’inconnaissance accomplie. Que nous ne puissions pas savoir par le texte la nature de leur relation me semble cohérent avec ce que le texte lui-même nous présente. À nous aussi de vivre l’inconnaissance auprès d’eux. Ce serait bien le comble du non-sens si, justement, nous pouvions dire : nous savons ce qu’il en est de leur inconnaissance !
IV. CONCLUSION À la question, qu’est-ce qu’un fils ? nous ne cherchons plus la réponse. Car nous n’avons pas trouvé d’objet « fils », nous avons parcouru un chemin d’inconnaissance. Il semble que ce soit précisément lorsque la recherche de connaissance est abandonnée qu’une intelligence de la filiation peut advenir.
De l’enfant au fils inconnu
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Ceci est contraire à nos modes d’approche rationnels dont la science est le mode le plus abouti. Nos connaissances en ce domaine nous permettent de comprendre et de dominer la nature, d’élargir notre environnement, d’allonger notre vie. Ce savoir scientifique, parfaitement adapté au monde, est parfaitement inadapté à notre recherche. La science s’intéresse aux objets du monde, aux faits, aux phénomènes répétables. Le mot « croire » n’a pas cours chez elle, l’universel est son mode, et l’impossible, une catégorie sans valeur pour elle. Pour atteindre à la filiation, c’est précisément de ce statut d’objet, si aimé soitil, qu’il s’agit de sortir. Devenir un être singulier, cet unique que plus personne ne sait, l’imprévisible qui va maintenant choisir sa route. Devenir un inconnu inconnaissable. Aussi, ceux qui veulent aider l’autre dans ce passage de l’enfant au fils vontils se situer auprès de lui, non comme celui qui en sait davantage à son sujet, mais comme quelqu’un qui l’aide à sortir de tout savoir sur lui, y compris le savoir qu’il a de lui-même. La filiation, accès à l’être inconnu que nous sommes, est-elle divine en ellemême ? En tout cas, les Écritures nous donnent par ces récits de filiation des appuis considérables. Le fils du rire et le fils de l’esprit n’ont nullement perdu leur origine humaine. Ils sont seulement passés au-delà. Entrés tous deux en ce monde par l’impossible, peut-être nous révèlent-ils, à deux degrés différents, ce qui dans nos vies demeure caché et auquel nous n’accédons que par le croire. La filiation apparaît comme l’au-delà de la création. En tant que créatures, nous sommes des êtres connaissables. En tant que fils, de l’un et l’autre sexe, nous ne le sommes pas. La révélation nous sauve de la connaissance.
14, rue du Regard 75006 Paris (France) E-mail : [email protected]
Marie BALMARY
RÉSUMÉ La filiation a été interprétée par Freud à l’aide d’un mythe grec peu approfondi. L’auteur, psychanalyste, reprend cette question à partir des textes bibliques en comparant le mode de relation des parents avec la qualité de filiation du fils. Trois couples sont mis en perspective selon un même fil de recherche : connaissance ou inconnaissance. Entre Adam et Ève, la connaissance interdite étant mangée, viennent les enfants de la peine. Entre Abraham et Sarah, de nouvelles différences permettant l’alliance, vient le fils du rire. Entre Joseph et Marie, une mystérieuse relation d’inconnaissance ouvrant à l’esprit, vient le fils divin de l’humain. Divine, la filiation apparaît comme l’au-delà de la création. Mots-clés : Couple, différence, inconnaissance, filiation divine
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Marie BALMARY ABSTRACT
Filiation was interpreted by Freud through a Greek myth treated not in detail. The author, psychoanalyst, takes this question on the basis of some biblical texts by comparing the mode of relationship between the parents with the quality of filiation of the son. Three couples are read together according to the same line of research: knowing or unknowing. Between Adam and Eve which eat the forbidden, come the children of sorrow. Between Abraham and Sarah, new differences allowing the alliance, comes the son of laughter. Between Joseph and Mary, a mysterious relationship of unknowing opening to the Spirit, comes the divine son of the human. Divine, the filiation appears as the beyond of creation. Keywords : Couple, Difference; Unknowing, Divine filiation
Ancien Testament
Pietro BOVATI
La paternità di Dio nell’Antico Testamento Considerazioni ermeneutiche e sviluppi tematici a partire dal Cantico di Mosè (Dt 32,1-43)
Gli studiosi che si sono occupati del motivo della paternità divina nella Bibbia concordano nel constatare la sua limitata rilevanza nell’impianto teologico dell’Antico Testamento1. Infatti in questa pur ampia raccolta letteraria dai molteplici generi letterari il titolo di «Padre» è di fatto applicato a Dio poche volte2. Più in generale, si afferma che l’immagine della paternità riferita al Signore non ha un rilievo eminente, essendo solo «una metafora fra molte altre»3; e, fra l’altro, pare che essa non abbia ispirato la preghiera dell’antico Israele4, essendo scarsamente presente nelle invocazioni del Salterio5. Ciò contrasta vistosamente con la tradizione neo-testamentaria, dove la rivelazione di Dio Padre ha un ruolo assolutamente centrale, e dove la preghiera trova il suo vertice nel «Padre nostro» e nel grido «Abba, Padre» (Mc 14,36; Rm 8,15; Gal 4,6). Su tali considerazioni si innesta la consueta, fastidiosa contrapposizione tra il Primo Testamento, che presenterebbe il Dio della giustizia, intransigente, adirato, vendicatore, e il Nuovo Testamento, con il suo messaggio di amore, perdono e salvezza, quale manifestazione del Dio buono.
1 Cfr. H. RINGGREN, «»אב, ָ TWAT I, 19; G. VANONI, «Du bist doch unser Vater» (Ies 63,16). Zur Gottesvorstellung des Ersten Testaments, SBS 159, Stuttgart 1995, 12; A. BÖCKLER,אתה אבינו (Jes 63,16). Gott als Vater im Alten Testament. Traditionsgeschichtliche Untersuchungen zu Entstehung und Entwicklung eines Gottesbildes, Gütersloh 2000, 17-45; D.R. TASKER, Ancient Near Eastern Literature and the Hebrew Scriptures about the Fatherhood of God, StBibLit 69, New York 2004, 6. 2 Gli autori considerano abitualmente 17 testi quali attestazioni chiare della paternità divina nella Bibbia Ebraica: Dt 32,6; 2 Sam 7,14; Is 63,16 (bis); 64,7; Ger 3,4.19; 31,9; Ml 1,6; 2,10; Sal 68,6; 89,27; 103,13; Pr 3,12; 1 Cr 17,13; 22,10; 28,6. 3 R. ALBERTZ, «Vatername Gottes», RGG VIII, 890. 4 Cfr. J. LUZARRAGA, El Padrenuestro desde el arameo, AnBib 171, Roma 2008, 38-39. 5 Sulla presenza del nostro tema nel Salterio (attestato esplicitamente in Sal 2,7; 68,6; 89,27), si veda F. FICCO, «Mio figlio sei tu» (Sal 2,7). La relazione Padre-figlio e il Salterio, Tesi Gregoriana, Serie Teologia 192, Roma 2012; cfr. anche B. MARIN, «La paternità di Dio nel Salterio», in Abbà-Padre, Dizionario di Spiritualità Biblico-Patristica, 1, Roma 1992, 55-66.
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Pietro BOVATI I. CONSIDERAZIONI ERMENEUTICHE
A proposito della rilevanza del tema della paternità divina nell’Antico Testamento vanno però fatte delle precisazioni, non di scarsa importanza6. Tocchiamo così, in questa parte introduttiva, alcuni aspetti metodologici riguardanti la teologia biblica, che potranno essere utili anche nell’affrontare ed esporre altri temi di natura antropologica e teologica. Le nostre osservazioni — che appariranno in certi casi persino ovvie — sono purtroppo per lo più disattese dalla ricerca esegetica, e proprio dagli studiosi che ritengono di seguire le norme rigorose dell’indagine scientifica. 1. IL TERMINE «PADRE» E IL CAMPO SEMANTICO DELLA PATERNITÀ La prima fondamentale precisione è quella che afferma che il motivo della paternità (divina) non si esprime solo quando ricorre il sostantivo «padre» (per qualificare il Signore), ma anche nei testi nei quali un soggetto, individuale o collettivo, riceve la qualifica di «figlio»7. I due termini, padre e figlio, sono infatti intrinsecamente correlati8, per cui mai può esserci l’uno senza l’altro9. È dunque metodologicamente errato considerare esclusivamente i testi dove si menziona Dio Padre, omettendo l’esame dei numerosissimi passi dove si parla dei suoi figli10, dei loro doveri e del loro concreto agire. In Dt 32,6 si esplicita il ruolo paterno del Signore; e nel Cantico si parla ripetutamente dei suoi figli (vv. 6
In questa linea, cfr. K. LIMBURG, «La paternidad divina en el AT: algunas observaciones lingüístico-formales», in : Biblia, exegesis y cultura. Estudios en Honor del Prof. D. J.M. CASCIARO, Fac. de Teol. Univ. de Navarra, Collección teológica 83, Pamplona 1994, 201-220. 7 Ne tiene conto infatti VANONI, 39-49. Invece, TASKER, 82, pur riconoscendo che il motivo della paternità è presente in diversi versetti di Dt 32, limita il suo commento a Dt 32,6 (pp. 81-90). 8 «Der Gottesname “Vater” und der den Menschen verliehene Titel “Gottessöhne” hängen eng zusammen» (A. SCHENKER, «Gott als Vater – Söhne Gottes. Ein Vernachlässigter Aspekt einer biblischen Metapher», in ID., Text und Sinn im Alten Testament. Textgeschichtliche und bibeltheologische Studien, OBO 103, Freiburg – Göttingen 1991, 1). 9 Dicendo: «questi è mio padre», affermo di essere suo figlio; e viceversa, se dico «sono suo figlio» attesto che egli è mio padre (cfr. Ger 31,9: «io sono un padre per Israele, ed Efraim è il mio primogenito»). Si noti l’importanza dell’aggettivo possessivo o del genitivo di appartenenza, che esplicitano la relazione tra i due termini. Il fatto che nei Dizionari teologici, la voce «padre» sia trattata separatamente dalla voce «figlio», e anche dal verbo «generare» (yld), non favorisce certo una sintesi tematica soddisfacente. 10 Ciò avviene invece nelle due principali monografie sul nostro tema. BÖCKLER, Gott als Vater, ad esempio, studia Dt 32,6 («tuo padre che ti ha acquisito») e non 32,5.19-20 («i suoi figli»); si occupa di Ger 31,9 («sono un padre per Israele ed Efraim è il mio primogenito»), ma non di Ger 31,20 («Non è forse Efraim un figlio a me caro, una prole deliziosa?»), brano che, fra l’altro, appartiene al medesimo insieme letterario. Tra i testi di paternità messianica esamina Sal 89,27 («Egli mi invocherà: “mio Padre sei tu”»), ma trascura Sal 2,7 («mio figlio sei tu, oggi ti ho generato»). Per scelta «metodologica» non tratta testi di fondamentale importanza, come Is 1,2-4 («ho cresciuto ed esaltato dei figli […], sono figli corrotti») e Os 11,1 («dall’Egitto ho chiamato mio figlio»). Questi sono solo degli esempi di un procedere metodologico del tutto insoddisfacente. In identico modo, TASKER, riprendendo sostanzialmente la lista di Böckler, esamina esclusivamente i testi nei quali Dio è esplicitamente chiamato «Padre».
La paternità di Dio nell’Antico Testamento
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5.8.19.20); stupisce allora che nello studio tematico non si esemini una tale correlazione. Inoltre, per esprimere il medesimo concetto, gli autori (biblici) possono usare dei sinonimi11, oppure ricorrere a delle circonlocuzioni e a delle metafore12. Ad esempio, in Dt 32 più volte Dio è detto «Roccia», e, in particolare, al v. 18 si parla del Signore definendolo «la Roccia che ti ha generato», espressione forse sconcertante, ma che non deve essere trascurata in una trattazione sulla paternità13. Vanno poi attentamente considerati i sentimenti (di amore compassionevole, in particolare)14 e le attività che sono tipiche del padre, cominciando dal «generare», ma includendo — in riferimento al contesto culturale del Vicino Oriente Antico (VOA)15 — anche le azioni caratteristiche del genitore come «dare il nome», «comandare», «correggere», «educare», «benedire», «dare l’eredità»16, e così via17. La paternità infatti ha un inizio fondatore nell’atto di dare vita al figlio, ma si esercita poi nella storia, con una serie di comportamenti che attualizzano e perfezionano ciò che era iscritto implicitamente nell’atto originario. Infine, senza un’accurata fenomenologia della paternità «umana»18 (con il lessico ad essa pertinente19) non si potrà vedere il manifestarsi del tema nei testi 11 Per il termine ebraico ’āb («padre»), non esistono propriamente dei sinonimi (cfr. G. QUELL, «πατήρ», GLNT IX, 1150; E. JENNI, «»אב, ָ THAT I, 3). Tuttavia nella Bibbia Ebraica esistono espressioni che equivalgono al medesimo concetto. 12 FICCO, 37-45. 13 Su questa particolare metafora, cfr. Ibid., 40-43. 14 Cfr., in contesto di paternità, Is 63,15 («il fremito delle tue viscere e la tua misericordia»); Ger 32,20 (viscere di «misericordia»); Ml 3,17 («compassione»); Os 11,8 («il mio cuore si commuove dentro di me, il mio intimo freme di compassione»); Sal 103,13 («misericordia»). 17 («bontà»). 15 Cfr. VANONI, 33-37. Per il trattamento del motivo della paternità divina nelle religioni del VOA, cfr. J.W. MILLER, «God as Father in the Bible and the Father Image in Several Contemporary Ancient Near Eastern Myths: A Comparison», SR 14 (1985) 347-354; TASKER, 15-77; A.M. BÖCKLER, «Unser Vater», in Metaphor in the Hebrew Bible, P. VAN HECKE, ed., BEThL 187, Leuven 2015, 249-251. 16 Cfr. SCHENKER, 26-32, 39-40, 44-45, 51-53. 17 Cfr. Ibid., 7-11; VANONI, 24-25; TASKER, 26 (in riferimento al motivo della paternità nell’ambiente sumerico e accadico). Importante, al proposito, ci sembra l’osservazione di BÖCKLER, «Unser Vater», 249: «Erst gibt es den Sachverhalt, erst dann die Metapher. Das bedeutet, die Metapher “Vater” erklärt nicht, wer Gott ist, sondern bestimmte Verhaltensweisen Gottes machen deutlich, inwiefern er Vater ist». Utili informazioni sul ruolo del padre nella società israelitica si possono ricavare dal saggio di L. PERLITT, «Der Vater im Alten Testament», in Das Vaterbild in Mythos und Geschichte. Ägypten, Griechenland, Altes Testament, Neues Testament, H. TELLENBACH, ed., Stuttgart 1976, 50-101; le pp. 97-101 sono dedicate all’immagine paterna applicata a Dio, dove purtroppo vengono citati i soli pochi testi che tutti menzionano, e si ripete pure che ciò è solo un «Nebenthema der alttestamentilicher Theologie» (p. 98). 18 Si rende al proposito necessario il contributo delle scienze umane, in particolare dell’antropologia, della psicologia e della sociologia; l’isolamento metodologico dell’esegesi non produce rigore, ma sterilità. 19 Lo studio più completo del lessico della paternità è condotto da FICCO, 23-82. Allo stesso autore si deve una trattazione delle componenti strutturali della relazione padre – figlio (p. 83138). Ciò che, nel prosieguo del nostro contributo, verrà affermato come un dato di fatto
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biblici, né si riuscirà a prospettare una corretta tematizzazione teologica del medesimo motivo20. Un’adeguata comprensione della paternità divina nell’Antico Testamento richiederà dunque l’assunzione delle sue svariate attestazioni, con le sfumature veicolate da un complesso sistema espressivo. Vediamo di dare qualche esempio, a partire dal Cantico di Mosè (Dt 32,1-43). ● In Dt 32, al v. 6, proprio là dove il Signore è definito, in un appello a Israele, 21 come «tuo padre» (’ābîkā) , l’autore sviluppa il concetto mediante l’uso di tre verbi, posti in parallelo, tutti (come il sostantivo «padre») collegati con il pronome 22 possessivo di seconda persona, allo scopo di evidenziare la relazione reciproca . (1) qānekā = «ti ha acquisito». Il verbo qnh è usato, eufemisticamente, in contesti 23 di generazione, come Gen 4,1; Sal 139,13 e Pr 8,22 . Viene con questa radice sottolineata la connotazione di «appartenenza» che scaturisce in modo eminente dal 24 rapporto genitoriale (cfr. Nm 8,17; Ml 3,17) , appartenenza che nel poema di Dt 32 viene esplicitata al v. 9, dove si dice: «porzione del Signore è il suo popolo, 25 Giacobbe sua parte di eredità» .
riguardante il motivo della paternità, trova nella monografia di questo autore una sua ragionevole traccia dimostrativa. 20 Quando si tratta del lessico «teologico», abbiamo infatti sempre una applicazione metaforica, la cui comprensione richiede necessariamente la conoscenza della realtà da cui trae senso il termine utilizzato. Se, ad esempio, non si nota come una delle significative prerogative genitoriali sia quella di imporre il nome al figlio, non si vedrà la connotazione paterna nei testi dove Dio afferma: «ti ho chiamato per nome» (come Is 43,1). 21 L’affermazione della paternità del Signore è formulata con una frase interrogativa (come in Ger 3,4; 31,19; Ml 1,6; 2,10); ciò non esprime affatto qualcosa di ipotetico, come pare suggerire P. NISKANEN, «Yhwh as Father, Redeemer, and Potter in Isaiah 63:7–64:11», CBQ 68 (2006) 398. La domanda esplicita la natura dialogica del confronto accusatorio (rîb), e ha la funzione di far emergere l’assurdità del comportamento del colpevole (cfr. P. BOVATI, Ristabilire la giustizia. Procedure, vocabolario, orientamenti, AnBib 110, Roma 1987, 63-67). 22 Facciamo subito notare che i tre verbi di Dt 32,6 appartengono al campo semantico della creazione, essendo usati anche a proposito della produzione del cielo e della terra, come in Gen 14,19 (qnh), Sal 115,15 (‘śh), e Sal 8,4 (kwn). Il fatto che una certa terminologia appartenga ad un determinato insieme significante non esclude che essa trovi applicazione anche in un altro sistema, che con il primo condivide alcune parentele semantiche. In altre parole, la paternità ha qualcosa a che vedere con l’atto della creazione (cfr. Is 45,9-11; 64,7; Ml 2,10; Sal 103,13-14), e viceversa, Dio esercita una valenza genitoriale quando plasma l’uomo nel ventre materno (cfr. Is 44,2.24; 45,9-12; 48,5; Ger 1,5; Ml 2,10; Sal 119,73; 139,13.15; Gb 10,8-11; 31,15; Qo 11,5; Sap 7,1-2; 2 Mc 7,22-23). Su questo argomento, cfr. VANONI, 49-59; TASKER, 81; S.J. DILLE, Mixing Metaphors. God as Mother and Father in Deutero-Isaiah, JSOT.S 398, Sheffield 2004, 122-123; FICCO, 78-81. 23 Al v. 23 si usa, in parallelo, il verbo nsk («costituire») che è attestato in Sal 2,6, dove il Signore parlando al Messia dichiara: «ti ho costituito sul mio santo monte» e aggiunge, al versetto seguente: «tu sei mio figlio, oggi ti ho generato». 24 BÖCKLER, Gott als Vater, 297. L’appartenenza reciproca è una delle caratteristiche del rapporto di alleanza. 25 Per i «figli» come «eredità», cfr. Sal 127,3.
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(2)‘āśekā = «ti ha fatto». La radice ‘śh non è estranea all’universo della paternità (cfr., in particolare, Is 64,7: «tu sei nostro padre, noi siamo argilla e tu colui che ci plasma, tutti noi siamo opera [ma‘ăśēh] delle tue mani»); va ricordato infatti che questo verbo viene usato per la creazione dell’essere umano in Gen 1,26, con la precisazione che, a differenza delle altre creature, l’uomo risulta «fatto a immagine e secondo la somiglianza divina», il che introduce — alla luce di Gen 5,1-3 — un’indubbia connotazione paterna, con la sfumatura precipua dell’iniziativa originaria e gratuita di Dio Creatore. Il medesimo verbo con identica significazione è ripetuto al v. 15 («hai respinto il Dio che ti aveva fatto»), espressione semanticamente parallela a quella del v. 18, dove si evoca esplicitamente la generazione («la Roccia che ti ha generato tu hai trascurato»). (3) waykōnenekā = «ti ha stabilito». Infine il verbo kwn (polel, «far esistere, stabilire, consolidare») introduce nella dinamica parentale la sfumatura della stabilità nella durata temporale26, o forse anche — se si considera il parallelo sinonimico di Is 1,2 — quella del rafforzamento e perfezionamento dello statuto della prole (cfr. 2 Sam 7,24; Sal 119,73) mediante un’opera di assistenza continuata. Ciò è di fatto illustrato nei versetti seguenti. ● Nel poema di Dt 32 vanno infatti considerate, come molto pertinenti, le azioni (espresse ai vv. 10-13) che mostrano come il Signore abbia concretamente agito da padre. Non è necessario, infatti, ripetere ciò che, detto all’inizio in modo program27 matico, ha valore per l’insieme del discorso . (1) Significativo risulta in specie, al v. 10, il verbo mṣ’ («trovare»), perché Israele viene qui definito come un «trovatello» (cfr. anche Os 9,10), esposto al rischio mortale a causa di una condizione di estrema indigenza, in un «deserto» simile al caos originario; la paternità divina si esprime di conseguenza come una sorta di 28 provvidenziale atto di adozione (cfr. Ger 3,19), attuato a motivo di una libera 29 decisione divina (cfr. vv. 8-9), gratuita e misericordiosa al tempo stesso . Il medesimo concetto, pur con diversa terminologia, viene espresso in Ez 16,4-7: là dove i genitori vengono meno al loro compito, Dio interviene in qualità paterna per
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BÖCKLER, Gott als Vater, 297. E. JENNI vede in questo verbo una connotazione di matrice politica («»אב, ָ THAT I, 15). 27 Si deve dire la stessa cosa per la preghiera insegnata da Gesù ai suoi discepoli; il titolo di «Padre nostro» comanda l’insieme delle invocazioni, tutte espressive della condizione filiale. 28 Cfr L. MORALDI, «La paternità di Dio nell’Antico Testamento», RivBib 7 (1959) 51; W. MARCHEL, Abba, Père. La prière du Christ et des chrétiens. Étude exégétique sur les origines et la signification de l’invocation à la divinité comme père, avant et dans le Nouveau Testament, AnBib 19, Roma 1963, 51; SCHENKER, 5-6; G. RAVASI, «Dio Padre d’Israele e di tutti gli uomini nell’Antico Testamento», in Abbà-Padre, Dizionario di Spiritualità Biblico-Patristica, 1, Roma 1992, 47. 29 Dio esercita le prerogative e le funzioni del padre nei confronti di colui che, in forza della sua autorevole dichiarazione, è proclamato e reso suo «figlio»; ciò equivale realmente a un atto di «generazione», come è emblematicamente affermato in Sal 2,7: «(il Signore) mi ha detto (’mr): “Tu sei mio figlio, oggi ti ho generato (yld)”».
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rendere possibile la vita della piccola creatura . Nella stessa linea, cfr. pure Is 63,16; Sal 27,10; 68,6. (2) Diverse espressioni vengono aggiunte (sempre al v. 10) per indicare la «cura» amorosa del genitore nei confronti del figlio, come le espressioni «lo circondò» 31 (sbb) e «lo custodì (nṣr) come la pupilla del suo occhio» (cfr. Sal 17,8) . Va in particolare notato l’uso del verbo byn (in una forma hapax, al polel) che — a ragione del contesto e per analogia con usi simili del verbo sinonimico yd‘— viene 32 33 reso con «badare a qualcuno» e quindi «prendersi cura di lui» . Alcuni interpretano invece la forma verbale nel suo preciso senso causativo di «rendere intelligente, cioè capace di discernimento». Quest’ultima connotazione potrebbe agganciare il nostro brano con un motivo importante del poema riguardante i «figli»: il Signore ha educato Israele (v. 10), mettendolo in grado di distinguere tra bene e male; purtroppo il popolo si è invece rivelato stolto e insipiente (v. 6), senza intelligenza (v. 28) (tebûnâ). In altri termini, nel verbo byn (polel) si potrebbe vedere discretamente accennato il ruolo educatore del Signore, così caro al Deuteronomio, tematizzato in particolare al cap. 8 (vv. 2-5), in cui la dimensione paterna è chiaramente collegata con il contesto del deserto e con l’impegno divino a «far compren34 dere» a Israele il senso della vita . 35 (3) Al v. 11 l’autore del poema, facendo ricorso all’immagine dell’aquila che 36 veglia sulla sua nidiata, fa emergere la potenza sovrana e parimenti la cura
30 Cfr. O. PETTIGIANI, «Ma io ricorderò la mia alleanza con te». La procedura del rîb come chiave interpretativa di Ez 16, AnBib 207, Roma 2015, 103-141. 31 Diverse espressioni vengono usate altrove per indicare l’atto paterno dell’accogliere il figlio; cfr. Sal 22,10-11: «Sei tu che mi hai tratto dal grembo, mi hai affidato al seno di mia madre; al mio nascere a te fui consegnato, dal grembo di mia madre sei tu il mio Dio»; Sal 71,6: «Su di te mi appoggiai fin dal grembo materno, dal seno di mia madre sei tu il mio sostegno». 32 Cfr. l’autorevole lessico HALAT e molte versioni moderne: Vaccari («gli prestò attenzione»), RSV («he cared for him»), Dhorme («il s’en occupe»), BJ («il l’élève»), NBE («cuidando de él»); cfr. anche S.R. DRIVER, Deuteronomy, ICC, Edinburgh 1902, 357; E. OTTO, Deuteronomium 12-34, HThK, Freiburg – Basel – Wien 2016, 2144. 33 Cfr. C. GIRAUDO, La struttura letteraria della preghiera eucaristica. Saggio sulla genesi letteraria di una forma. Toda veterotestamentaria Beraka giudaica, anafora cristiana, AnBib 92, Roma 1981, 58, 64. Così anche ZORELL (p. 106: «docebat eum») e la TOB («il l’instruit»). 34 L’educazione del figlio è un compito squisitamente paterno (FICCO, 108-112); cfr. Dt 8,5; 21,18; Gb 31,18; Pr 1,8; 4,1; 13,1; ecc. Nella sua monografia, P. POUCHELLE (Dieu éducateur. Une nouvelle approche d’un concept de la théologie biblique entre Bible Hébraïque, Septante et littérature grecque classique, FAT 77, Tübingen 2015) studia esclusivamente la radice ysr e la sua resa con paideuō nella LXX ; una tale limitata e discutibile restrizione di campo, oltre a una sommaria analisi dei testi biblici e a un concetto di «educazione» assai ristretto, lo porta erroneamente a dire che «il semble à notre avis bien établi que la notion du Dieu éducateur ne provient pas du TM» (p. 29). 35 Il paragone con l’aquila è probabilmente ispirato da Es 19,4 («ho sollevato voi su ali di aquile e vi ho fatti venire fino a me»), testo fondatore dell’alleanza sinaitica, con il quale il nostro poema ha diversi punti di contatto lessicali e tematici. Il motivo viene ripreso in Is 63,9, parlando dei «figli» salvati dal Signore: «nel suo amore e nella sua compassione Egli li riscattò (g’l), li sollevò e li portò (waynaś’ēm) tutti i giorni dell’antico passato»; su questo testo, in particolare riferimento alla radice nś’, cfr. B. LAZZARO, «Ipse est tribulatus. La metafora dell’afflizione divina in Is 63,9 e nel suo contesto», La sapienza della croce 26 (2011) 208-210.
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delicata che il Signore ha dispiegato nei confronti del «piccolo» Israele. Due verbi meritano qui di essere sottolineati. (i) Il primo è lqḥ («prendere»), usato nei contesti di «elezione»; in questo modo viene ribadito che la figliolanza di Israele non è un dato «naturale», di natura biologica, ma il frutto di una scelta divina (come avviene 37 per le adozioni) . (ii) L’altro verbo importante da notare è nś’ («portare») (cfr. nn. 35 e 65), perché stabilisce un collegamento significativo con Dt 1,31, in cui Mosè evoca l’epoca primordiale: «nel deserto […] hai visto come il Signore tuo Dio ti ha portato come un uomo porta suo figlio»; l’immagine paterna si completa con questa opera di sostegno prolungato, che viene in soccorso della debolezza del figlio piccolo (cfr. Os 11,3-4). Lo stretto rapporto, di natura consequenziale, tra il «generare» e il «portare» è attestato in Nm 11,12, sempre nel contesto dell’esperienza del deserto; è Mosè a parlare, rivolgendosi al Signore: «L’ho forse concepito (hrh) io tutto questo popolo? O l’ho forse generato (yld) io perché tu mi dica: «Portalo (nś’) in grembo», come la nutrice porta (nś’) il lattante, fino alla terra che tu hai promesso con giuramento ai suoi padri?». Un altro testo significativo è quello di Is 46,3-4, dove il Signore dice: «Ascoltatemi, casa di Giacobbe, tutto il resto della casa di Israele, voi sorretti da me dal seno materno, portati (nś’) dal grembo. Fino alla vostra vecchiaia io sarò sempre lo stesso, vi sosterrò fino alla canizie; come ho fatto, io vi porterò (nś’), vi sosterrò e vi salverò». (4) Interessante è anche la notazione del v. 12: «il Signore lo guidò da solo; non 38 c’era con lui alcun dio straniero» . La paternità «naturale» è ovviamente un fatto esclusivo (uno solo può essere il padre biologico di un determinato figlio), mentre possono esserci diversi pretendenti alla paternità elettiva (adozione); Israele purtroppo attribuì il titolo di «padre» agli idoli (Ger 2,27) invece che al Signore (Ger 3,4). Ciò spiega perché l’autore del nostro Cantico sottolinea l’unicità dell’azione salvatrice del Signore. (5) Il motivo del nutrimento, espresso dal verbo ’kl («mangiare»), acquista una significativa connotazione nel contesto della metafora paterna, come è attestato in Os 11,4, ma anche in Nm 11,12-13. La qualità e l’abbondanza del cibo qui dettagliate diventano fattori di esaltazione della bontà del Signore, generoso padre di 39 Israele (cfr. Dt 8,7-10) . 36 L’«aquila» è considerata il re dei volatili; dominatore del cielo, tale uccello rappresenta la potenza sovrana (Ger 49,16; Ez 17,3.7; Abd 4; Gb 39,27), che con sorprendente velocità si abbatte sulla preda (Dt 28,49; Ger 4,13; 48,40; 49,22; Os 8,1; Ab 1,8; Gb 9,26; Lam 4,19). È perciò assunta come simbolo dei grandi imperi, e in Mesopotamia forniva l’immagine a diverse divinità; nella metafora usata dal Cantico di Mosè si potrebbe allora veder apparire una indiretta polemica tra il Signore e gli altri dèi, perché tutta la potenza di YHWH è dispiegata, non per distruggere, ma per prendersi cura teneramente dei piccoli. 37 Cfr. P. BOVATI, Parole di libertà. Il messaggio biblico della salvezza, Bologna 2012, 69. Come detto per il lessico della creazione, anche quello della «elezione» (e della redenzione) può avere punti di contatto e di sovrapposizione con l’universo espressivo della paternità, quando essa assume il versante dell’adozione o di forme equivalenti (cfr. FICCO, 69-75). 38 In Is 44,8 la medesima rivendicazione è collegata con il titolo divino di Roccia. 39 Cfr. FICCO, 101-108. Il motivo del nutrimento si trova nel cuore della preghiera al Padre insegnata da Gesù ai suoi discepoli (cfr. MEYNET, Preghiera e filiazione nel Vangelo di Luca, Bologna 2010, 158-159); il «pane in abbondanza» della casa paterna ha un ruolo significativo nella parabola evangelica dei due figli (Lc 15,17; cfr. anche Mt 7,9; Lc 11,11-12).
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Pietro BOVATI Come abbiamo già accennato, il motivo della paternità è poi ripreso esplicitamente ai vv. 15 e 18, con l’immagine della Roccia e con una serie di verbi che esprimono il generare. ● Il titolo «padre», attribuito al Signore al v. 6 (’ābikā), è preceduto dall’attributo «Roccia» al v. 4 (quest’ultimo termine è privo di suffisso pronominale, ma presenta una formulazione enfatica: haṣṣûr). Tre sono, al proposito, le questioni che emergono. (a) La prima concerne l’utilizzazione anomala del sostantivo «Roccia», che nel nostro Cantico viene utilizzato sette volte40 per qualificare la divinità41 (vv. 4.15. 18.30.31bis.37), mentre tale designazione è assente dal resto del libro. Ciò ha indotto alcuni esegeti a stabilire una datazione tardiva del Cantico 42. Per parte nostra aggiungiamo che il poema viene proposto per la recitazione assembleare (Dt 31,19-22), e per questa ragione assume una specifica modalità espressiva, fra cui l’assunzione del titolo «Roccia», assai frequente nel Salterio (cfr. Sal 18,3.32.47; 19,15; 28,1; 62,3.7.8; 95,1; 144,1; ecc.)43. (b) Un altro punto riguarda il significato da attribuire al titolo «Roccia». Praticamente tutti gli studiosi affermano che, riferito a Dio, tale termine costituisca un’immagine di «rifugio»44 (cfr. Sal 31,3; 94,22), simile quindi a «roccaforte», «baluardo», «bastione» (2 Sam 22,3; Sal 18,3), mediante cui si evidenzia la difesa e la «salvezza» nei confronti del nemico (Dt 32,15; 2 Sam 22,47; Sal 62,3.7; 89,27). Si può anche rilevare, nell’idea della «roccia», la connotazione di realtà solida (Dt 32,13; Sal 18,3), affidabile (Is 26,4), che non tradisce (Dt 32,4) 45; ad essa sono allora associate delle qualifiche etiche, così che è detta «giusta» (Dt 32,4; Sal 92,1646). Notiamo infine che il termine è spesso completato con suffissi pronominali, che esprimono l’appartenenza (Dt 32,30.31; Sal 18,3.47; 28,1; 62,3; ecc.),
40 Il fenomeno è notato dai commentatori, cfr. OTTO, 2174. Anche G. FISCHER riconosce a tale sostantivo un ruolo centrale nel poema («“Der Fels”. Beobachtungen im Umfeld einer theologischen Metapher», in Sprachen, Bilder, Klänge. Dimensionen der Theologie im Alten Testament und in seinem Umfeld, Fs. R. Bartelmus, Ch. KARRER-GRUBE, al., ed., AOAT 359, Münster 2009, 29). Ciò viene confermato da A.N. LONJI, «Dieu, le Rocher. Étude sur la théologie du chant de Moïse (Dt 32,1-43)», in Gotteswort im Menschenwort, Fs. G. Fischer, D. MARKL – C. PAGANINI – S. PAGANINI, ed., ÖBS 43, Frankfurt 2014, 55-70. Dal canto suo, M.P. BUREN, «“The Rock, His Way is Perfect”. Unusual Imageries for God in Deuteronomy 32», VT 39 (1989) 307 fa notare il suo uso in posizione privilegiata, in particolare all’inizio e alla fine del Cantico (a nostro parere invece il termine marca l’inizio delle varie parti in cui è suddivisa l’unità letteraria). 41 Al v. 13 il sostantivo ha invece il significato concreto di materiale durissimo («gli ha fatto succhiare […] l’olio dalla pietra di roccia»). 42 G. FISCHER, 28, ritiene che il Cantico di Mosè sia da datare nella seconda metà del primo millennio a.C. Il poema presuppone infatti l’esperienza dell’esilio. Secondo M. LEUCHTER, «Why is the Song of Mose in the Book of Deuteronomy?», VT 57 (2007) 295-317, il poema andrebbe invece collocato al tempo di Giosia (pp. 297-306). Per altre indicazioni sulla datazione, cfr. n. 84. 43 Cfr. D. EICHHORN, Gott al Fels, Burg und Zuflucht. Eine Untersuchung zum Gebet des Mittlers in den Psalmen, EHS XXIII/4, Bern – Frankfurt 1972, 30. 44 KNOWLES, 309. 45 Questa è la connotazione (per Dt 32,4.18) sottolineata da K. NIELSEN, «Metaphor and Biblical Theology», in Metaphor in the Hebrew Bible, BEThL 187, Leuven – Paris – Dudley 2005, 267. 46 Cfr. anche, con terminologia sinonimica, 1 Sam 2,2 e Sal 36,7.
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da leggersi dunque come una manifestazione, indiretta ma reale, del rapporto di alleanza. (c) L’interpretazione corrente sopra esposta presenta però una difficoltà per quanto concerne il Cantico. Infatti nel nostro testo, alla «Roccia» vengono attribuite delle azioni che non rientrano nell’arco delle possibili significazioni o sfumature della metafora del rifugio 47. In particolare, in Dt 32, oltre alla funzione passiva di difesa (v. 37), alla Roccia viene assegnato un ruolo attivo 48, perché essa «opera» (v. 4), «salva» (v. 15), «genera» (v. 18), «vende»49. E tra queste attribuzioni quella più intrigante, ma al tempo stesso quella più attinente all’argomento che stiamo trattando, riguarda la funzione generatrice della «roccia»50, espressa al v. 18: «La Roccia che ti ha generato (ṣûr yelādekā)51 tu hai trascurato, hai dimenticato il Dio che ti ha procreato (’ēl meḥōlelekā)». I due verbi (yld e ḥyl, quest’ultimo al participio polel) sono usati frequentemente in parallelo (Is 23,4; 26,17.18; 45,10; 54,1; 66,7.8; Sal 90,2; Gb 15,7; 39,1); il secondo indica in modo specifico il partorire materno (Is 45,10; 66,7-8; cfr. anche Ger 6,24; 22,23; 50,43; Mi 4,9-10; Sal 48,7)52. Alcuni studiosi ritengono che l’espressione di Dt 32,18 si spieghi come un prestito culturale del VOA, con intento polemico (cfr. Dt 32,12.31), poiché il titolo «Grande roccia» o «montagna» sarebbe stato frequentemente attribuito a Assur e a Bel53. Forse si può ricordare che alle montagne era riconosciuta una grande fertilità, a motivo della folta vegetazione e a ragione della sua ricca fauna; di ciò darebbe testimonianza anche il detto spiritoso di Orazio: «parturient montes, nascetur ridiculus mus»54. Una pista interpretativa diversa per collegare il tema della paternità con quello della roccia è invece quella che fa riferimento alla cava, da cui si estrae il materiale per una determinata costruzione; da ciò si deduce una sorta di somiglianza tra progenitore e figlio. Ciò sarebbe attestato in Is 51,1-255: «guardate alla roccia (ṣûr) da cui siete stati tagliati e alla cavità del pozzo da cui siete stati estratti, guardate ad Abramo vostro padre (’ābîkem) e a Sara che vi ha partorito 47 Sembra comunque che, in diversi testi, il titolo divino di «Roccia» abbia perso la sua primaria significazione simbolica, e debba essere qualificato (nel linguaggio di Ricœur) come «metafora morta». Probabilmente per questa ragione la LXX e la Vulgata hanno, nel Cantico, reso sistematicamente il termine ṣûr con «Dio» o «dèi» (cfr. DRIVER, 351; M.K.H. PETERS, «Revisiting the Rock. Tsur as a Translation of Elohim in Deuteronomy and Beyond», in Text-Critical and Hermeneutical Studies in the Septuagint, J. COOK – H.-J. STIPP, ed., VT.S 157, Leiden – Boston 2012, 37-51). 48 KNOWLES, 309; S. FERNANDES, God as Rock in the Psalter, EHS XXIII/934, Frankfurt 2013, 23. 49 Cfr. anche, in parallelo con il verbo g’l («redimere»), Sal 19,15; 78,35. 50 KNOWLES, 313 dice che ciò costituisce un elemento di particolare originalità del Cantico. Ricordiamo tuttavia che in Sal 89,27 vi è un accostamento tra l’immagine del «padre» e quella della «roccia»: «Egli mi invocherà: “Mio padre sei tu, mio Dio, roccia della mia salvezza”». 51 Il verbo yld esprime chiaramente una valenza genitoriale; tale verbo è usato esplicitamente per il padre (cfr. Is 45,10; 66,9; Gb 38,28). 52 Cfr. DRIVER, 363; OTTO, 2181. KNOWLES, 320 interpreta l’attribuzione al Signore di questo verbo (materno) dicendo che YHWH assume il ruolo delle divinità pagane (maschili e femminili). 53 DRIVER, 351; H.-J. FABRY, «»צּוּר, TWAT VI, 981; KNOWLES, 315-318. Di parere diverso è invece EICHHORN, 30, il quale ritiene che il titolo non abbia corrispondenze dirette con le culture del VOA. 54 Ars poetica, v. 139. 55 Cfr. FICCO, 42-43.
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Pietro BOVATI (ḥyl, al polel)»; questo testo intende affermare che la fecondità miracolosa dei progenitori di Israele (paragonati ad una cava di pietre) fu opera della benedizione del Signore, il quale realizzerà il medesimo prodigio per Sion dopo l’esilio (Is 51,3)56. Resta comunque da rimarcare il fatto che la Roccia costituisce una delle metafore della paternità57.
Come traspare dalle annotazioni appena fatte su Dt 32, lo studiare accuratamente il tema della paternità, nelle sue diversificate manifestazioni letterarie, risulta indispensabile per comprendere la paternità di Dio, pur in assenza di una specifica titolatura. Ora, nel trattamento esegetico corrente, prevale purtroppo una sorta di concezione «nominalistica», per cui se manca il termine, manca anche la «cosa». Si arriverebbe al paradosso che nel racconto di Caino e Abele l’autore non parlerebbe della «violenza», poiché non vi è esplicitato il sostantivo ebraico ḥāmās; oppure si dovrebbe dedurre che il Decalogo non prospetta la via della «giustizia», in quanto vi è assente il termine ṣedāqâ. In sintesi, per una corretta esposizione di un tema non ci si deve limitare a esaminare i passi dove occorre un solo lessema, per quanto centrale, ma è indispensabile fare ricorso al campo semantico58, costituito da una costellazione di termini, fra loro correlati, ognuno di essi contribuendo, talvolta in maniera decisiva, a illustrare il senso di un determinato motivo letterario59. Se si tiene in debito conto questa impostazione metodologica, si potrà tracciare in maniera meno caricaturale il profilo di Dio Padre così come è attestato, direttamente o indirettamente, nella letteratura vetero-testamentaria. E l’imma-
56 Forse ciò fa capire meglio il monito di Giovanni Battista che alle folle diceva: «Non crediate di poter dire dentro di voi: “Abbiamo Abramo per padre”. Perché io vi dico che da queste pietre Dio può suscitare figli ad Abramo» (Mt 3,9; cfr. anche Lc 3,8). Così K. NIELSEN, «Metaphors and Biblical Theology», in Metaphor in the Hebrew Bible, P. VAN HECKE, ed., BEThL187, Leuven 2015, 271. 57 Sorprende il fatto che nel Cantico si passi dal titolo di «Padre» (che per la nostra mentalità risulta più adeguato) a quello di «Roccia». Secondo NIELSEN, «Metaphors», 264, «the meaning of the impersonal metaphors is to remind us that there is more to be said about God than just saying that God is like a human»; questa considerazione ha una sua plausibilità, non spiega tuttavia perché l’autore del Cantico abbia scelto, fra le metafore «impersonali», proprio quella della Roccia. 58 Non mancano buoni esempi di questo corretto procedere metodologico in campo tematico: cfr. B. COSTACURTA, La vita minacciata. Il tema della paura nella Bibbia Ebraica, AnBib 119, Roma 1989; S.J. BÁEZ, Tiempo de callar y tiempo de hablar. El silencio en la Biblia Hebrea, Roma 2000; R. FORNARA, La visione contraddetta. La dialettica tra visibilità e non-visibilità nella Bibbia Ebraica, AnBib 155, Roma 2004; M. GARCÍA FERNÁNDEZ, «Consolad, consolad a mi pueblo». El tema de la consolación en Deuteroisaías, AnBib 181, Roma 2010; B. ROSSI, L’intercessione nel tempo della fine. Studio dell’intercessione profetica nel libro di Geremia, AnBib 204, Roma 2013. 59 Per un adeguato trattamento metodologico riguardante il motivo della paternità, si veda FICCO, 23-82 (sul lessico di base), 83-138 (sulla relazione padre-figlio nelle sue componenti strutturali).
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gine di Dio nel Primo Testamento apparirà allora in più esplicita continuità con la rivelazione del Nuovo Testamento60. 2. LA COLLOCAZIONE DELLE ATTESTAZIONI NEL CONTESTO CANONICO Una seconda riflessione, complementare alla prima, verte sulla «posizione» speciale che determinati testi assumono nell’insieme organico di una qualsiasi produzione letteraria61. Come insegnano gli strutturalisti e i cultori della retorica biblica, un valore precipuo per l’interpretazione deve essere assegnato a ciò che si trova in collocazione privilegiata in una determinata composizione — all’inizio, alla fine e/o al centro di essa62. Se è metodologicamente improprio l’estrarre un versetto dalla pericope in cui è inserito, è altrettanto inadeguato prescindere dal complesso più ampio in cui esso è stato situato dalla redazione finale, l’unica d’altronde ad essere normativa. È questo un assioma che non possiamo qui dimostrare63; vorremmo invece mostrarne qualche applicazione al tema della paternità di Dio nella Bibbia Ebraica64. Tutti coloro che si occupano del nostro motivo letterario citano Dt 32,6 quale testo particolarmente significativo; nella disposizione canonica della Bibbia ebraica esso sarebbe tra l’altro il primo esplicito testimonio riguardante la paternità divina. Come indicato in precedenza e come svilupperemo nel seguito del nostro contributo, sarebbe bene non limitarsi a un versetto, ma considerare l’insieme del Cantico (Dt 32,1-43), perché la medesima tematica vi ricorre in maniera diffusa. Qui però mettiamo in particolare evidenza un altro aspetto, facendo notare come il motivo della paternità divina sia collocato nell’ultimo discorso di Mosè, a conclusione dunque del Deuteronomio, quale sintesi dei 60
Scriveva infatti RAVASI, 19: «Un’analisi più qualitativa e attenta all’intera simbolica paterno-filiale può facilmente […] mostrare ancora una volta come l’Antico Testamento sia la matrice insostituibile della teologia cristiana, la quale si pone in evidente continuità con la fede d’Israele». 61 In questo caso la scarsità quantitativa delle ricorrenze — che non è comunque un criterio per una sottovalutazione teologica (VANONI, 12) — viene supplita dalla collocazione nevralgica, che conferisce una qualità speciale a singole attestazioni. In questa linea si esprime anche BÖCKLER, «Unser Vater», 252. 62 «Anfang und Ende einer Erzählung können damit in besonderer Weise als archimedische Punkte der Textinterpretation gelten» (Ch. ROSE, «Anfang und Ende des Deuteronomiums», in Sprachen – Bilder – Klänge. Dimensionen der Theologie im Alten Testament und in seinem Umfeld, Fs. R. Bartelmus, Ch. KARRER-GRUBE, al., ed. AOAT 359, Münster 2009, 227-228). 63 Per questo assunto rinviamo alla importante produzione del Prof. Roland MEYNET che ha contribuito in prima linea e con indubitabile qualità pedagogica a mostrare l’importanza per l’interpretazione delle composizioni retoriche bibliche (specialmente nel Trattato di retorica Biblica, Bologna 2008). Questo nostro saggio vuole essere un omaggio al suo significativo apporto nella disciplina retorica, oltre ad attestare amicizia e riconoscenza per i tanti anni di affettuosa fraternità e di assidua collaborazione accademica. 64 R. MEYNET — dopo aver affermato che preghiera e filiazione sono intrinsecamente collegati nel vangelo di Luca — constata che i testi più significativi riguardo alla preghiera «si trovano collocati nei punti strategici dell’architettura del vangelo» (Preghiera e filiazione nel Vangelo di Luca, 11).
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pronunciamenti mosaici; nel Cantico si traccia infatti una parabola storica (di Israele) che va dal principio fino alla promessa escatologica. Ora, è significativo notare che il tema della paternità viene annunciato esplicitamente pure nel primo discorso di Mosè, all’inizio dunque del libro, e precisamente in Dt 1,31, dove leggiamo: «Hai visto come il Signore tuo Dio ti ha portato (nś’) come un uomo porta (nś’) suo figlio, per tutto il cammino che avete percorso, fino ad arrivare in questo luogo». In questo passo mediante una sola metafora (paterna) e una sola azione («portare»65) viene riassunta tutta la storia delle origini. Non si può non percepire così l’intento architettonico del redattore che rinchiude l’insieme della sua composizione letteraria nella cornice della paternità divina. Sarebbe poi da considerare la posizione di un’altra significativa menzione del Signore come padre, posta nel centro dell’importantissimo insieme letterario di Dt 5–11, e precisamente quella di Dt 8,5 («come un uomo educa [ysr, piel] suo figlio, cosi il Signore tuo Dio educa te»): l’alleanza (Dt 5,2) esige di mettere in atto i dispositivi per la sua durata, e fra questi la disciplina anche correttiva, che — come risulta anche per Dt 32,19ss — è un procedere che ha di mira sempre il bene del figlio (cfr. 2Sam 7,14; Pr 3,12; Sap 11,10; 12,22). Infine ricordiamo il testo di Dt 14,1: «voi siete figli per il Signore vostro Dio», che è collocato in posizione relativamente iniziale del Codice deuteronomico; una tale affermazione, di natura programmatica, non detta solo le ragioni dei comandamenti che immediatamente seguono (sulla dieta alimentare), ma invita a concepire l’intera legislazione come un insegnamento che il padre comunica ai figli (cfr. Pr 2,1; 3,1; 4,1; ecc.) quale cammino di vita. In un arco letterario più ampio, si può e si deve inoltre collegare il poema di Dt 32 con l’inizio del racconto dell’esodo, dove la paternità del Signore è esplicitamente evocata nel passo programmatico di Es 4,22-2366; qui è Dio stesso a parlare, comunicando a Mosè il messaggio da trasmettere al faraone: «Così dice il Signore: “Israele è il mio figlio, il mio primogenito”. Perciò io ti dico: “Lascia andare mio figlio, affinché mi serva”». L’inizio (Esodo) e la fine (Deuteronomio) della letteratura che tematizza la vicenda storica della nascita di Israele come popolo vengono così contrassegnati dal sigillo della divina paternità. Infine, diversi esegeti, commentando Dt 32,6 sottolineano il suo linguaggio «creazionale»67. Ciò stabilisce allora un collegamento strutturale tra il poema di Dt 32 e il racconto di Gen 1, il che implica il non trascurare la dimensione paterna del «Creatore», espressa primariamente dal «fare» l’essere umano «a sua immagine e secondo la sua somiglianza» (Gen 1,26-27; cfr. 5,1-3), oltre che dal 65 Il medesimo verbo (nś’), lo abbiamo notato in precedenza, viene ribadito in Dt 32,11, sempre nell’intento di illustrare l’azione salvatrice delle origini. 66 Sull’importante collocazione canonica di questo passo, nel suo rapporto con Dt 32, cfr. B.A. STRAWN, «“Israel, My Child”. The Ethics of a Biblical Metaphor», in The Child in the Bible, M.J. BUNGE, ed., Grand Rapids – Cambridge 2008, 113-117. 67 In particolare va notato come la dimensione generativa sia espressa dal verbo ‘śh («fare»), che serve abitualmente per designare l’atto creatore. Nel seguito del Cantico, più volte vengono evocati motivi caratteristici di tale potenza divina.
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dono all’uomo-figlio della «benedizione» (Gen 1,28) e del «nutrimento» (Gen 1,29) — realtà queste caratteristiche del compito paterno. Con questo ampio arco narrativo dell’intera Tôrah (tra Gen 1 e Dt 32) si configura un rapporto particolarmente significativo tra la paternità originaria del Creatore e l’attuazione storica del Signore che, come padre, genera, soccorre e salva Israele. Un tale principio metodologico di attenzione alla collocazione canonica dei testi di paternità può trovare applicazione, almeno in linea propositiva, anche nella letteratura profetica68. Notiamo infatti che il primo libro di raccolte oracolari (Isaia) inizia con una esplicita menzione del ruolo paterno di Dio: «ho allevato e fatto crescere dei figli» (Is 1,2; cfr. anche 1,4)69. Questo testo, di natura programmatica70, ha un corrispondente architettonico nella parte finale del medesimo libro (canonico), e precisamente in Is 63,16 («Perché tu sei nostro padre, poiché Abramo non ci riconosce e Israele non si ricorda di noi. Tu, Signore, sei nostro padre, da sempre ti chiami nostro redentore [g’l]71»), e in Is 64,7 («Ma, Signore, tu sei nostro padre; noi siamo argilla e tu colui che ci plasma, tutti noi siamo opera [‘śh] delle tue mani»), due testi72 riconosciuti dagli studiosi come particolarmente significativi per l’immagine di Dio Padre73. Non 68
Il rapporto tra Dt 32,1-43 e la tradizione profetica è stato dettagliatamente illustrato da D. MARKL, Gottes Volk in Deuteronomium, BZAR 18, Wiesbaden 2012, 258-271. Noi qui ci limitiamo a segnalare la rilevanza strategica del motivo della paternità divina sia nella Tôrah che nella letteratura profetica. 69 La relazione tra il Cantico di Mosè e il libro di Isaia è stata illustrata da R. BERGEY, «The Song of Moses (Deuteronomy 32,1-43) and Isaianic Prophecies. A Case of Early Intertextuality?», JSOT 28 (2003) 33-54; i paralleli lessicali tra Dt 32 e Is 1 sono esplicitati alle pp. 39-43 (rileviamo, al proposito, l’uso, in Dt 32,6 e Is 1,3, della radice qnh). 70 Cfr. G. FOHRER, «Jesaja 1 als Zusammenfassung der Verkündigung Jesajas», ZAW 74 (1962) 251-268; A. LUC, «Isaiah 1 as Structural Introduction», ZAW 101 (1989) 115; B. GOSSE, «Isaïe 1 dans la rédaction du livre d’Isaïe», ZAW 104 (1992) 52-66; H.G.M. WILLIAMSON, «Relocating Isaiah 1:2-9», in Writing and Reading the Scroll of Isaiah. Studies of an Interpretative Tradition, VT.S 70.1, Leiden – New York – Köln 1997, 263-277, specialmente pp. 274-277; J. VERMEYLEN, «YHWH en litige avec son peuple. Une lecture d’Isaïe 1,2-20», in Le jugement dans l’un et l’autre Testament, I, Mélanges offerts à R. KUNTZMANN, LeDiv 197, Paris 2004, 166. 71 Il rapporto tra paternità e «redenzione» (g’l) è esplicito in Is 63,8-9 (citato alla. n. 35) e 63,16 («tu Signore, sei nostro padre, da sempre ti chiami nostro redentore»); cfr. VANONI, 59-61, che cita, al proposito, il passo significativo di Sir 51,8.10.12; NISKANEN, 400-404. 72 I due passi citati fanno parte di un insieme letterario che è stato oggetto di importanti studi; cfr. I. FISCHER, Wo ist Jahwe? Das Volksklagelied Jes 63,7 - 64,11 als Ausdruck des Ringens um eine gebrochene Beziehung, Stuttgart 1989; J. GOLDENSTEIN, Das Gebet der Gottesknechte. Jesaja 63,7–64,11 im Jesajabuch, Neukirchen-Vluyn 2001 (alle pp. 8-26 viene offerto lo status quaestionis della ricerca). 73 Vorremmo anche aggiungere Is 63,8-9: «Disse: “Certo, essi sono il mio popolo, figli che non deluderanno” e fu per loro un salvatore […]; con amore e compassione li ha riscattati (g’l), li ha sollevati e portati (nś’), tutti i giorni del passato». Non sarebbero nemmeno da dimenticare Is 66,9: «“Io che apro (il grembo materno) non farò partorire (yld, hiphil)?”, dice il Signore. “Io che faccio generare (yld, hiphil), chiuderei (il seno)?”, dice il tuo Dio»; e Is 66,13: «come una madre consola un figlio, così io vi consolerò». Quest’ultima citazione intende tra l’altro confermare ciò che diversi esegeti sottolineano, e cioè che il ruolo genitoriale di Dio ha espressioni sia paterne che materne (cfr. Dt 32,18; Is 49,15; 66,13; Sal 131,2); cfr. F.J. STENDEBACH, «Vater und Mutter.
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possiamo qui sviluppare tutte le componenti significative di un tale rapporto intratestuale; il lettore percepirà comunque facilmente la rilevanza dell’accostamento, l’importanza del lessico sinonimico e dei motivi che vi appaiono, i quali non possono non influenzare l’interpretazione dell’insieme letterario del libro di Isaia. Non abbiamo però solo la cornice del libro di Isaia ad attestare il ruolo significativo della divina paternità. Un arco più ampio è tracciato mediante il rapporto tra il primo e l’ultimo degli scritti profetici, in particolare tra Is 1,2-4, e tre passi di Malachia (l’ultimo dei profeti scrittori). Il riferimento a Dio Padre si trova all’inizio di quest’ultimo libro (Ml 1,6: «Un figlio onora suo padre e un servo rispetta il suo padrone. Se io sono padre, dov’è l’onore che mi spetta? Se sono il padrone, dov’è il timore di me?»); nel centro (Ml 2,10: «non abbiamo forse tutti noi un solo padre?74 Forse non ci ha creati un unico Dio?»); e alla fine del libro (Ml 3,17: «Essi saranno miei — dice il Signore degli eserciti — nel giorno che io faccio [‘śh] la mia proprietà particolare. Avrò compassione di loro come un uomo ha compassione del figlio che lo serve75»). Lasciamo alla ricerca di altri esegeti l’esplorazione e l’approfondimento delle indicazioni che qui abbiamo appena accennato. Vogliamo aggiungere, sempre a mo’ di suggestione, altri indizi di ordine strutturale che conferiscono particolare rilievo al nostro tema. Ci colpisce, ad esempio, che nel libro di Geremia il tema della paternità emerga più volte nel primo testo oracolare programmatico, costituito dai capitoli 2–3, e precisamente in 2,27: «Essi dicono al legno: “Tu sei mio padre”, e alla pietra: “tu mi hai generato” (yld)»76; in 3,4 («E ora gridi verso di me: “Padre mio, amico della mia giovinezza tu sei”»); in 3,14.19 («Tornate, figli traviati»); e infine in 3,22 («Io dicevo: “Come vorrei porti tra i miei figli e darti una terra invidiabile, un’eredità che sia l’ornamento più prezioso delle genti!”. Io dicevo: “Voi mi chiamerete: ‘Padre mio’, e non tralascerete di seguirmi”»). Il motivo viene poi ripreso due volte esplicitamente nel libretto della consolazione (Ger 30–31), da molti ritenuto il centro dell’attuale composizione di Geremia: in 31,9 Aspekte der Gottesvorstellung im alten Israel und ihre anthropologische wie soziologische Relevanz», in Dynamik im Wort. Lehre von der Bibel. Leben aus der Bibel, Fs. aus Anlass des 50 jährigen Bestehens des katholischen Bibelwerks in Deutschland (1933-1983), Stuttgart 1983, 147162; H.-W. JÜNGLING, «“Was anders ist Gott für den Menschen wenn nicht sein Vater und seine Mutter?”. Zu einer Doppelmetapher der religiösen Sprache». in Ein Gott allein? JHWH-Verehrung und biblischer Monotheismus im Kontext der israelitischen und altorientalischen Religionsgeschichte, W. DIETRICH – M.A. KLOPFENSTEIN, ed., OBO 139, Göttingen – Freiburg 1994, 365386; cfr. anche DILLE (soprattutto per testi del Dt-Is) e FICCO, 27-30. 74 Riteniamo che, a motivo del parallelismo, la qualifica di «padre unico» sia da riferirsi al Signore, e non ad Abramo o Levi (cfr. J. GIBSON, Covenant Continuity and Fidelity. A Study of Inner-Biblical Allusion and Exegesis in Malachi, LHBOTS 625, London 2016, 122-123). 75 Il compito del figlio di «servire» il padre è attestato anche in Es 4,23. 76 Il ruolo paterno è in questo caso attribuito agli idoli, ed è presentato dal profeta come un’assurda manifestazione di stoltezza; indirettamente se ne deduce che è solo YHWH ad essere padre e salvatore.
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(«Io sono un padre per Israele, Efraim è il mio primogenito») e in 31,20 («Non è un figlio carissimo per me Efraim, la mia prole prediletta?»). Nel libro di Osea, che inaugura il «libro dei Dodici», il motivo della paternità divina è in qualche modo subordinato all’impianto metaforico sponsale utilizzato dal profeta nei primi tre capitoli; il riferimento ai figli è comunque frequente in questa prima unità letteraria (cfr. 1,2.3.6.8; 2,6); ed è chiaro che essi sono in realtà figura di Israele, come è detto in 2,1: «Si dirà di loro: “Siete figli del Dio vivente”» e in 3,1: «il Signore ama i figli d’Israele». L’immagine paterna viene poi ripresa nell’ultima sezione del libro, all’inizio del capitolo 11: «Quando Israele era giovane, io l’ho amato e dall’Egitto ho chiamato mio figlio» (11,1). Non sarebbe infine da trascurare quanto è detto nel capitolo conclusivo: «Presso di te l’orfano trova misericordia77. Io li guarirò dalla loro infedeltà78, li amerò profondamente»79. Oltre a questi rapporti strutturali all’interno del libro di Osea, va inoltre notato che si delinea un arco semantico significativo tra il primo (Osea) e l’ultimo (Malachia) dei «Dodici» profeti minori, dato che — come abbiamo sopra ricordato — in Malachia è particolarmente importante la tematica del Signore come padre. I cosiddetti Scritti, di natura prevalentemente sapienziale, che costituiscono l’ultima parte della tradizione scritturistica dell’Antico Testamento, sono più fluidi nella loro organizzazione; tra l’altro, la presenza di importanti libri in greco, secondo il Canone cristiano, rende difficile una loro organizzazione strutturale. Indichiamo tuttavia il fatto che, nella Bibbia ebraica, il Salterio inaugura la sezione degli Scritti. Di conseguenza, il motivo della paternità divina, solennemente proclamato all’inizio — in Sal 2,7 — non solo costituisce il primo anello della collana dei salmi messianici (alcuni dei quali con la ripresa esplicita del tema, come Sal 89,27-28), ma influenza tutti i testi attribuiti a Davide e più in generale l’intero Salterio, nella misura in cui ogni orante si riconosce nella figura esemplare del re eletto e amato dal Signore come «figlio». Il fatto poi che l’ultima produzione letteraria della Bibbia ebraica sia costituito dai libri delle Cronache, e che in essi sia ripetutamente ricordata l’alleanza paterno-filiale nei confronti del Messia (1 Cr 17,13; 22,10; 28,6) andrebbe pure considerato come un fattore rilevante per la nostra tematica. Qualcosa di analogo potremmo dire per il libro dei Proverbi. In Pr 3,11-12 — in posizione relativamente iniziale — leggiamo: «Figlio mio, non disprezzare l’istruzione del Signore e non avere a noia la sua correzione, perché il Signore corregge (yqḥ, hiphil) chi ama, come un padre il figlio in cui si compiace»; una simile constatazione, da un lato, riprende le tradizioni della Tôrah e della profe77
Questa frase attesta quella che più volte abbiamo chiamato «paternità adottiva», attribuita espressamente al Signore in Os 14,4 e in Sal 68,6: «Padre degli orfani e difensore delle vedove è Dio nella sua santa dimora» (una tale paternità è poi raccomandata al sapiente, che, comportandosi come Dio, diventa «figlio dell’Altissimo»: Sir 4,10). 78 Cfr. Ger 3,22, dove il medesimo concetto è applicato ai «figli traviati». 79 Come si vede, la terminologia dell’«amore» costituisce il filo che collega le varie attestazioni della paternità divina (cfr. Ml 1,2.6).
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zia, e, dall’altro, detta il senso di tutte le raccomandazioni e di tutti i dispositivi disciplinari presentati nel libro dei Proverbi dalla mediazione genitoriale. Possiamo anche segnalare come il motivo della paternità divina sia posto nella parte conclusiva del libro di Tobia (Tb 13,4) e del libro del Siracide (Sir 51,10), mentre appare in posizione iniziale nel libro della Sapienza (Sap 2,16) come una fondamentale rivendicazione del giusto sottoposto a persecuzione80.
II. SCARSE ATTESTAZIONI DI PATERNITÀ DIVINA NELL’ANTICO TESTAMENTO L’insieme di queste considerazioni induce dunque a dare al tema della paternità divina nella Bibbia una rilevanza maggiore rispetto a quella abitualmente riconosciuta dall’esegesi. Resta tuttavia il fatto che tale motivo letterario emerge, in maniera esplicita, solo in pochi passi dell’Antico Testamento. E ciò richiede di conseguenza una qualche giustificazione. (1) Una pista interpretativa frequente è quella che ricorre al modello evolutivo81, abitualmente utilizzato anche nell’ambito della teologia biblica. La storia è così vista come un lineare progresso culturale, da concezioni religiose sommarie, imperfette e persino erronee (come l’animismo, il totemismo, il culto degli antenati, ecc.) a idee e pratiche di natura superiore, fino alla pienezza della Rivelazione. Un simile schema — applicato in particolare al rapporto tra Antico e Nuovo Testamento — risulta plausibile, perché assume il dinamismo storico della verità, a condizione però che non si derida la tradizione ispirata del Primo Testamento, e a condizione pure che non si identifichi la perfezione del senso con la semplice lettera del Nuovo Testamento. Secondo questo modello interpretativo la comprensione di Dio come Padre sarebbe dunque emersa progressivamente, sarebbe stata tematizzata in alcuni testi tardivi della Bibbia ebraica (come Dt 32,6; Is 43,6; 45,11; Ml 1,6; ecc.)82, e avrebbe ricevuto pieno riconoscimento nella letteratura cristiana83, nella quale si manifesta anche il salto concettuale, dalla metafora di Dio «come» Padre alla realtà personale del Padre. La profezia vetero-testamentaria, con il suo carattere eminentemente ispirato, avrebbe avuto un ruolo decisivo in questo processo; e ciò significa che il progresso nell’intelligenza della realtà divina non è il semplice risultato delle conquiste dell’umana intelligenza, ma è piuttosto il frutto di una rivelazione divina, accolta con riverente devozione dai credenti. Una simile linea interpretativa non è esente da critiche; in particolare l’opinione che l’idea della paternità divina appaia tardivamente nella storia d’Israele 80 Sulla presenza del motivo della paternità divina negli scritti del tardo giudaismo, cfr. A. STROTMANN, «Mein Vater bist du» (Sir 51,10). Zur Bedeutung der Vaterschaft Gottes in kanonischen und nichtkanonischen frühjüdischen Schriften, FTS 39, Frankfurt 1991. 81 Cfr. BÖCKLER, Gott als Vater, 18, 21-27. 82 Cfr., Ibid., 26. 83 Cfr., Ibid., 28-29.
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non sembra affatto sicura. Infatti, (i) in primo luogo, sulla datazione dei testi biblici non vi è unanime consenso da parte degli studiosi: un tempo molti ritenevano che il Cantico di Dt 32 fosse uno dei testi più antichi della letteratura biblica, e anche oggi non vi è convergenza in materia84; certe attestazioni poi — come quella di Es 4,22 (in cui Dio parla di Israele come del figlio primogenito) — sono difficili da collocare nella periodizzazione letteraria. Parrebbe comunque che già nell’VIII secolo l’idea di Dio Padre fosse riconosciuta, come risulta da Os 11,1 («dall’Egitto ho chiamato mio figlio»). L’onomastica d’altra parte dimostrerebbe che il titolo di «Padre» era abitualmente collegato con «Dio» e con YHWH85. (ii) Inoltre, i testi tardivi possono comunque attestare concetti tradizionali, ben radicati in una determinata cultura; non sempre infatti ciò che trova forma letteraria in tempi recenti costituisce una innovazione ideologica. L’evidenziazione di un determinato tema può essere determinata da particolari congiunture storiche; il momento dell’esilio, con la minaccia della fine di Israele, ha determinato — a nostro parere — il ricorso a figure «originarie», come quella del Creatore e del Padre (entrambe tematizzate nel post-esilio), quali espressioni della fede e della speranza del popolo di Dio. (iii) Il contesto culturale del VOA testimonia tra l’altro che il concetto della divinità che genera figli e figlie era ampiamente diffuso già in tempi remoti86. Israele non era talmente isolato da non essere a conoscenza di tali rappresentazioni religiose. Come ha accolto — in modo originale — molte delle concezioni religiose pagane, appare improbabile che proprio quella della paternità sia stata ignorata. (iv) Infine, in questa prospettiva interpretativa non si tiene conto adeguatamente del genere letterario in cui appare, nella Bibbia ebraica, il concetto di Dio Padre. Si postula una evoluzione speculativa della mente umana o una progressiva rivelazione divina basata su concetti, e non si considera invece la storia dell’alleanza, in particolare il manifestarsi del peccato con le sue disastrose conseguenze. Come abbiamo accennato e come vedremo in seguito, l’idea di Dio Padre ha sempre a che fare con il concetto di «origine»; e vi furono momenti e periodi in cui tale concetto diventò essenziale per dare senso e speranza ai credenti. (2) Un’altra, diversa, linea interpretativa che intende spiegare il problematico fenomeno letterario della scarsa rilevanza del tema della paternità divina nell’Antico Testamento si basa sul retroterra culturale e religioso del VOA, dove appunto era abituale la rappresentazione della divinità nella sua qualità di
84 Cfr. BÖCKLER, Gott als Vater, 265ss; TASKER, 85 sembra ritenere che, a motivo delle frequenti allusioni alla teologia cananea, il poema sia molto antico. Una tale opinione, che aveva ricevuto grande seguito in passato, è ancora sostenuto da diversi esegeti, seppure con datazioni diversificate. Critica invece tale assunzione E. OTTO, «Singing Moses: His Farewell Song in Deuteronomy 32», in Psalmody and Poetry in Old Testament Ethics, D.J. HUMAN, ed., LHBOTS 572, London – New York 2012, 169-180. 85 BÖCKLER, Gott als Vater, 22-25, 55-172; FICCO, 10, n. 5. 86 Cfr. MARCHEL, 29-43; E. JENNI, «»אב, ָ THAT I, 14-15.
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potenza generatrice di vita87. Si argomenta, al proposito, che gli dèi pagani erano però immaginati in forme antropomorfiche o teriomorfe88, e il loro modo di «generare» assumeva operazioni carnali talvolta moralmente discutibili, se non addirittura indecenti. Parlare allora di YHWH come Padre rischiava di assimilare il Signore a tali immagini degradate89; e, di più, ciò poteva o doveva includere il riconoscimento della presenza di una divinità femminile (cfr. Ger 2,27), in contrasto dunque con l’esigenza dell’adorazione esclusiva dell’Unico Dio (Dt 6,4). Gli aspetti carnali e politeistici delle religioni pagane sarebbero stati ritenuti ripugnanti per il pio israelita, che vedeva nel suo Dio un Essere spirituale, capace di creare ogni cosa con la sola potenza della sua Parola, e la cui condotta era sempre giudicata moralmente ineccepibile (Dt 32,6). Solo quando un’idea purificata di Dio si affermò solidamente nella fede di Israele, solo allora — quindi in epoca relativamente tardiva — gli autori sacri avrebbero potuto parlare di Dio Padre, senza che ciò implicasse confusioni o deviazioni disdicevoli. Un’eco della tensione tra la concezione pagana e quella biblica sarebbe riscontrabile ancora in 1Pt 1,23, dove parlando dei cristiani, li si definisce «rigenerati non da un seme corruttibile ma incorruttibile, per mezzo della parola di Dio viva ed eterna». Una tale spiegazione non risulta però convincente. Troviamo infatti nella Scrittura immagini di Dio, che prese alla lettera, sarebbero davvero sconcertanti; fra queste, ricordiamo tutte le rappresentazioni antropomorfiche del Signore e in particolare quella di YHWH sposo di Israele, già presente nelle prime attestazioni profetiche, che avrebbe potuto facilmente condurre ad una idea «sessuata» di Dio. Il prestito culturale che Israele non ha esitato a contrarre nei confronti delle altre religioni è sempre stato congiunto con un’attenzione spirituale vivissima, per cui, mediante precisi accorgimenti, le concezioni imperfette venivano purificate ed esaltate nel loro vero senso90. Terminiamo dicendo che l’istituto dell’adozione era ben noto nel mondo antico; esso avrebbe potuto essere facilmente utilizzato per evitare qualsiasi commistione della divinità con operazioni carnali.
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Così G. QUELL, «πατήρ», GLNT IX, 1169-1171; RAVASI, 20-21. L’immagine del «toro» per raffigurare la divinità è particolarmente diffusa nel VOA; cfr. RAVASI, 22-23; TASKER, 28, 62-63, 70. 89 Cfr. B.S. CHILDS, Isaiah, OTL, Louisville 2001, 524; J. BLENKINSOPP, Isaiah 56-66, AncB 19B, New York 2003, 262. 90 Rimane che ogni utilizzazione metaforica, specialmente quando è riferita a Dio, esige di essere interpretata per il giusto verso; si tratta infatti sempre di un rapporto di «analogia» tra il metaforizzante e il metaforizzato. È del tutto fuorviante ritenere, ad esempio, che l’immagine paterna applicata al Signore implichi connotazioni di despotismo o veicoli una concezione maschilista della società. Su questi aspetti, cfr. B.A. STRAWN, 106-110. 88
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III. PATERNITÀ DIVINA E ALLEANZA Veniamo allora alla proposta interpretativa che costituisce il nostro personale contributo al soggetto in discussione. Considerando l’intero testo dell’Antico Testamento nella sua forma attuale (canonica) si deve riconoscere che i redattori finali hanno prospettato una coerente unificazione delle molteplici tradizioni religiose di Israele e della storia complessa del popolo di Dio mediante il concetto di alleanza. Pur nella varietà delle sue manifestazioni e dei suoi destinatari91, si deve riconoscere che l’insieme della storia di Israele è interamente comandato dal concetto teologico del «patto» sottoscritto con giuramento, cominciando dalla sua origine (con Abramo) fino al suo compimento escatologico (con la nuova alleanza). Secondo la sintesi storica di Sir 44–4992 — che a nostro parere esprime una comprensione tradizionale del mondo scribale ebraico — l’alleanza costituisce la trama dell’agire di Dio nella storia; il patto — secondo questa attestazione letteraria — risale persino ai primordi dell’umanità essendo stato stipulato già con Adamo (cfr. Sir 17,12 e 49,16); inoltre chiunque gode di uno stretto rapporto con il Signore, come Davide (Sir 47,11) o la classe sacerdotale (Sir 45,7.15.17.24), verrà qualificato come depositario di una speciale alleanza. La resistenza — da parte dell’esegesi storico-critica, specialmente di area tedesca — nei confronti di una «lettura» globale dell’Antico Testamento fatta alla luce dell’istituto dell’alleanza è motivata dall’approccio storicistico; poiché si ritengono tardivi i passi nei quali compare il termine berît, il concetto di «alleanza» non sarebbe adeguato per interpretare i testi più antichi e quindi l’insieme della Bibbia ebraica93. Vogliamo però far notare, ancora una volta, che la struttura dell’alleanza può essere presente in testi nei quali non compare il termine berît94; inoltre ricordiamo che ovviamente solo i testi più tardivi sono in grado di fare la sintesi teologica di una intera vicenda storica. Infine non esitiamo ad affermare che il congiunto canonico della Scrittura, l’unico ad essere
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Gli autori distinguono in genere tra alleanza gratuita (con Abramo e con Davide) e alleanza condizionata (con Israele al Sinai); cfr. M. WEINFELD, «The Covenant of Grant in the Old Testament and in the Ancient Near East», JAOS 90 (1970) 184-203. Non entriamo nel merito di questa distinzione, a nostro parere non del tutto adeguata. 92 Su questo insieme letterario, cfr. Th. MAERTENS, L’éloge des Pères (Ecclésiastique 44-50), CLV (B) 5, Bruges 1956; B.L. MACK, Wisdom and the Hebrew Epic. Ben Sira’s Hymn in Praise of the Fathers, Chicago Studies in the History of Judaism, Chicago – London 1985; T.R. LEE, Studies in the Form of Sirach 44-50, SBL.DS 5, Atlanta 1986; R. PETRAGLIO, Il libro che contamina le mani. Ben Sirac rilegge il libro e la storia di Israele, Theologia IV, Palermo 1993; cfr. anche A. DEMITRÓW, Quattro oranti nell’elogio dei padri (Sir 44-49). Studio dei testi e delle tradizioni, Theological Collection of Opole 124, Opole 2011. 93 Per una storia della ricerca sul tema dell’alleanza, cfr. E.W. NICHOLSON, God and His People. Covenant and Theology in the Old Testament, Oxford 1986. 94 Cfr., ad esempio, L. ALONSO SCHÖKEL, «Motivos sapienciales y de alianza en Gn 2-3», Bib. 43 (1962) 295-316.
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materia adeguata e normativa per la teologia biblica, attesta chiaramente la «centralità» dell’alleanza95. Ora l’istituto dell’alleanza riceve nell’Antico Testamento un variegato rivestimento metaforico96: il rapporto tra il Signore e il partner umano (singolo o collettivo) è (i) in certi casi paragonato a quello che intercorre tra un sovrano («signore», «re») e un suddito (vassallo, «servo»)97; (ii) in alcuni casi — specie in certi profeti — si ricorre invece alla metafora sponsale, per cui YHWH è detto sposo (o marito) e Israele riceve il titolo di sposa (o moglie); (iii) in altri casi infine viene invece adottato il sistema simbolico della paternità98, e quindi il Signore assume il titolo e il ruolo di «padre», mentre il socio di alleanza è qualificato come «figlio»99. La metafora «sovrana» e quella «paterna» trovano riscontri anche nei trattati del VOA100, e si utilizzano sia per alleanze con singoli che con gruppi e popoli; la metafora sponsale trova invece manifestazione solo presso il popolo d’Israele, ed è una tradizione originale della letteratura biblica. In tutti i diversi rivestimenti metaforici il rapporto è sempre asimmetrico: Dio assume ovviamente il ruolo preminente. Si determinano, di conseguenza, aspetti specifici riguardanti le modalità relazionali del soggetto in posizione inferiore: chi è definito vassallo vivrà la relazione soprattutto con sentimenti di «timore» (cioè riverenza, rispetto) e «servizio» nei confronti del suo «signore» (Mal 1,6); la sposa, dal canto suo, sarà piuttosto chiamata alla fedeltà esclusiva, mentre il 95 P. BEAUCHAMP, «Propositions sur l’alliance de l’Ancien Testament comme structure centrale», RSR 58 (1970) 161-193; ID., L’un et l’autre Testament. Essai de lecture, Paris 1976, 6673. 96 Cfr. M. WEINFELD, «Ancient Near Eastern Patterns in Prophetic Literature», VT 27 (1977) 188. Come diremo, tre sono i sistemi metaforici utilizzati dagli autori biblici; lo conferma D. ROMSHILONI, «The Covenant in the Book of Jeremiah. On the Employment of Family and Political Metaphors», in Covenant in the Persian Period. From Genesis to Chronicles, R.J. BAUTSCH – G.N. KNOPPERS, ed., Winona Lake 2015, 154-155. Questo autore illustra l’utilizzazione delle tre metafore in Geremia, con appropriate considerazioni sul loro valore specifico (pp. 155-171). 97 È noto il rapporto strutturale tra i trattati stipulati fra sovrani nel VOA e la trasposizione biblica con l’alleanza tra il Signore e il suo popolo; cfr. K. BALTZER, Das Bundesformular, WMANT 4, Neukirchen 1964; D.J. MCCARTHY, Treaty and Covenant. A Study in Form in the Ancient Oriental Documents and in the Old Testament, AnBib 28A, Roma 21978. 98 G. QUELL, «πατήρ», GLNT IX, 1165 nega il rapporto tra paternità divina e patto; le sue argomentazioni non convincono, perché i dati testuali e la ricerca esegetica più recente vanno in senso diametralmente opposto. 99 Cfr. FICCO, 11-12 (con bibliografia). 100 Cfr. D.J. MCCARTHY, «Notes on the Love of God in Deuteronomy and the Father-Son Relationship between Yahweh and Israel», CBQ 27 (1965) 144-147; F.C. FENSHAM, «Father and Son as Terminology for Treaty and Covenant», in Near Eastern Studies in Honor of W.F. Albright, Baltimore – London 1971, 121-135; S.E. LOEWENSTAMM, «“I am Thy Servant and Thy Son”» [1970], in Comparative Studies in Biblical and Ancient Oriental Literatures, AOAT 204, Neukirchen-Vluyn 1980, 382-383; ID., «The Formula “I am Thy Servant and Thy Son” in a Letter from El-Amarna» [1972], in ibid., 445; A. SCHENKER, «Gott als Vater – Söhne Gottes. Ein Vernachlässigter Aspekt einer biblischen Metapher», FZPhTh 25 (1978) 3-55; J.L.R. MELNYK, «When Israel Was a Child. Ancient Near Eastern Adoption Formulas and the Relationship between God and Israel», in History and Interpretation, Essays in Honour of J.H. Hayes, JSOT.S 173, Sheffield 1993, 245-259.
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figlio esprimerà il suo statuto prestando «onore» verso il genitore (Es 20,12; Ml 1,6), soprattutto con atti di obbedienza. Ogni relazione di alleanza sarà comunque sottoposta a una esigenza di «amore» (radice ’hb) e di «fedeltà» (ḥesed); per questa ragione molte volte i suddetti sistemi metaforici sono compresenti e persino sovrapposti nei testi biblici (cfr. Ger 3,4.19-20; 1 Cr 29,10-11; Sir 51,1012). Quest’ultimo fenomeno, che disturba i cultori della espressione lineare univoca, ha tra l’altro la funzione di evitare qualsiasi interpretazione letterale (fondamentalista) della metafora, obbligando quindi il lettore a una intelligenza «spirituale» dell’espressione biblica. La metafora paterna è in grado di esprimere in maniera più chiara delle altre il carattere fondatore, gratuito, originario e irreversibile dell’azione divina. Mentre nel simbolismo sponsale e anche nella metafora signore–servo il consenso del sottoposto è richiesto come indispensabile condizione del rapporto (di amore), nel simbolismo paterno è l’esclusiva decisione del genitore a far nascere il figlio e a farlo crescere; solo in un secondo momento, solo con il tempo sarà richiesto alla prole di assumere consapevolmente e liberamente le esigenze della condizione filiale. D’altra parte, mentre l’istituto matrimoniale può avere termine con l’atto del divorzio, che libera i coniugi dal vincolo contratto, mentre la relazione tra padrone e servo può mutare nell’interesse dell’uno o l’altro dei contraenti, la realtà paterna non potrà mai essere dissolta. Certo, può avvenire che il padre diseredi il figlio, e questi può rifiutare di riconoscere il padre; ma nessun atto giuridico e/o nessun comportamento pratico potrà mai sopprimere la natura del rapporto, radicato nell’atto originario che ha creato la relazione stessa101. Il collegamento tra il simbolismo paterno e l’alleanza102 è per lo più evocato indirettamente. Diversi esegeti ritengono che la metafora paterna venne prima utilizzata per parlare del rapporto tra il re e il Signore (a partire da 2 Sam 7,14), e successivamente sarebbe stata estesa all’intero popolo d’Israele103. Per il nostro assunto non è importante decidere su una tale questione di storia letteraria, è invece necessario comprendere come in ogni sua occorrenza la concezione di Dio Padre illustri il senso globale della storia delle relazioni tra Yhwh e il suo partner di alleanza (il re o Israele). L’alleanza infatti non può limitarsi all’atto iniziale, ma trova la sua verità nel corso del tempo; analogamente la paternità divina si attua giorno dopo giorno, attraversando momenti drammatici, quando appunto il «figlio» non corrisponde più alle attenzioni amorose del «padre». Per quanto concerne il Cantico di Mosè, il rapporto del poema con l’alleanza è assicurato dal contesto generale del libro, oltre che da alcuni stilemi caratteristici (come il ricorso al cielo e alla terra quali testimoni del trattato: Dt 4,26; 30,19; 31,28;
101
Cfr. MARCHEL, 52. Questa particolarità è ben illustrata da MARCHEL, 56-60. 103 BÖCKLER, Gott als Vater, 175 lo dà per certo, anche se dice che le due tradizioni si sono reciprocamente influenzate. Ciò potrebbe spiegare perché, in un testo fondatore come quello di Es 19 Israele è definito «un regno sacerdotale». 102
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32,1; Is 1,2; Sal 50) . Inoltre il procedere stesso dell’accusa non si può capire senza riferimento alle clausole del patto.
IV. PATERNITÀ DIVINA E RÎB PROFETICO Abbiamo mostrato come il motivo della paternità sia stato inserito dagli autori-redattori biblici nella tematica generale dell’alleanza, allo scopo di illustrarne soprattutto l’aspetto fondatore, quello della esclusiva iniziativa di Dio, che, agendo, costituisce il suo stesso partner, in una relazione da cui promanano comunque specifici obblighi reciproci. Anche per Dio infatti, e non solo per l’uomo, si determinano delle responsabilità, tutte scaturite dalla gratuita e benefica opera divina. È così che si rivela la natura paterna del Signore, illustrata nella Bibbia, in tre momenti narrativi: il tempo perfetto delle origini, quello disastroso del peccato e delle sue dolorose conseguenze, e infine quello della promessa riconciliazione105. 1. PATERNITÀ «ORIGINARIA» L’alleanza è contratta mediante il libero consenso dei partner. Secondo il racconto biblico il patto tra il Signore e Israele avvenne al momento del Sinai (Oreb, per il Deuteronomio; cfr. Dt 5,2). Tuttavia l’alleanza suppone un atto precedente, di pura benevolenza di Dio, rappresentato dal prodigioso evento della liberazione dalla schiavitù egiziana, e, più radicalmente, dalla gratuita elezione dei «padri», beneficiari di una promessa eterna. La paternità divina è la cifra simbolica di questo atto preveniente, assolutamente gratuito, che spiega, in chiave di amore generoso e fedele (ḥesed), il tracciato della storia. Nella struttura letteraria dell’alleanza — riconosciuta da decenni in ambito esegetico106 — una tale dimensione viene espressa dal cosiddetto «paragrafo storico» (o «prologo storico»), che esplicita appunto ciò che precede e fonda la relazione consensuale (produce, in altre parole, le condizioni per l’assenso); l’origine del patto è perciò un atto di natura genitoriale, che «crea» l’altro da sé (il «figlio») come soggetto perenne di relazione. 104
Cfr. HARVEY, 85-89. Della stessa opinione sono anche E. MENDENHALL, «Covenant Forms in Israelite Tradition», BA 17 (1954) 60; H.B. HUFFMON, «The Covenant Lawsuit in the Prophets», JBL 78 (1959) 285-295; M. DELCOR, «Les attaches littéraires, l’origine et la signification de l’expression biblique “prendre à témoin le ciel et la terre”», VT 16 (1966) 8-25; MCCARTHY, Treaty and Covenant, 192-193; K. NIELSEN, Yahweh as Prosecutor and Judge. An Investigation of the Prophetic Lawsuit (Rib-Pattern), JSOT.S 9, Sheffield 1978, 25. 105 L’analisi del Cantico di Mosè, estremamente accurata dal punto di vista letterario, condotta da J.P. FOKKELMAN (Major Poems of the Hebrew Bible at the Interface of Hermeneutics and Structural Analysis, Volume I: Ex 15, Deut, 32, and Job 3, Studia Semitica Neerlandica, Assen 1998, 54-149) non propone una convincente struttura del poema, probabilmente perché non considera il genere letterario del rîb, con le sue articolazioni normative. 106 Cfr. in particolare BALTZER, Bundesformular; MCCARTHY, Treaty and Covenant.
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In Dt 32 ciò è esplicitato, in primo luogo dal riferimento all’elezione di Israele (vv. 8-9) e poi dalla descrizione dell’agire divino che dal deserto conduce Israele alla terra di delizie (vv. 10-14). L’immagine dell’aquila che porta i piccoli (v. 11) evoca indirettamente l’epopea dell’Esodo (cfr. Es 19,4), che precede l’alleanza sinaitica (Es 19,5-6). È così che il Signore si rivela come «Padre», «al principio» della vicenda storica. Il motivo letterario di Dio quale «Origine» di Israele viene usato in diversi contesti, come nell’inno di lode (Sal 136) o nell’attestazione di fiducia (Sal 27,10). Esso ha una intrinseca valenza celebrativa dell’opera del Signore; e ciò spiega il 107 motivo innico in Dt 32,3; Is 63,7 e Sal 103,1-2 (testi dove Dio è chiamata Padre). Come vedremo subito poco, tale motivo è inserito pure nel genere letterario del rîb, con una duplice finalità: in primo luogo, per far capire la gravità del peccato (quale totale mancanza di gratitudine e suprema stoltezza), e, in secondo luogo, per costituire un principio di speranza per il peccatore, perché l’Onnipotenza amorosa del Padre — Origine della vita — potrà, qualora trovi un minimo spiraglio, rimediare 108 anche alle più catastrofiche conseguenze della malvagità umana .
2. PATERNITÀ NELLA STORIA L’alleanza tuttavia non si esaurisce nel suo momento fondatore (unilaterale quanto a iniziativa) marcato dall’elezione e dalla liberazione, e neppure nell’atto della stesura del trattato con il consenso reciproco dei contraenti avvenuto al Sinai (cfr. Es 24,3-8; Dt 5,2-5; 26,16-19). L’alleanza prende forma per proseguire nel tempo, per esprimere la valenza eterna dell’amore nella sfida della durata. Il sacro patto manifesta dunque la sua verità nei giorni della storia, intrisa questa però di limiti, ambiguità e contraddizioni. Il partner del patto non sempre è fedele all’impegno solennemente giurato alla presenza di testimoni dotati di autorevolezza sacrale (come il cielo e la terra); avviene allora che l’infedeltà venga denunciata da uno dei contraenti, che ritiene di avere motivi seri per accusare l’altro di trasgredire, in materia grave e perdurante, le clausole che regolano il rapporto. Quando, nella concreta storia relazionale, si verificano attese non soddisfatte o peggio comportamenti del tutto riprovevoli, è doveroso che, in virtù del valore giuridico del patto stesso, si metta in moto una procedura di giustizia, chiamata tecnicamente rîb, che ha di mira la salvaguardia dell’atto originario, visto come una condizione al tempo stesso giusta e vantaggiosa (cfr. Os 2,9). Sono i profeti, in particolare, parlando a nome di Dio, ad adottare questo «genere letterario», denominato appunto «rîb profetico», il quale si presenta essenzialmente come una procedura giuridica accusatoria, rispondente alla dinamica di un litigio familiare bilaterale, svolto e risolto solo nell’ambito dei due contendenti. È proprio in questo genere letterario che noi troviamo i riferi-
107 108
Cfr. I. FISCHER, Wo ist Jahwe?, 34-47. Il riferimento alla alleanza con i «padri», Cfr. Ibid., 115-119.
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menti più espliciti alla paternità divina109. E tutto ciò è determinato dalla necessità di far apparire, nel momento stesso della minaccia e della punizione correttiva, quale sia l’Origine amorosa della relazione, e quale sorgente di grazia essa racchiuda in vista della riconciliazione tra il Giusto e il peccatore. Dt 32 può essere considerato il prototipo (canonico) dei testi di «litigio» tra il Signore e il suo popolo110. Tale genere letterario suppone necessariamente la relazione di alleanza tra YHWH e Israele111; e — come abbiamo visto in precedenza — l’alleanza è spesso evocata con la metafora della divina paternità. Constatiamo allora che il simbolismo paterno è attestato in Is 1,2-9, un chiaro testo di rîb profetico; e la stessa cosa va detta per Ger 2–3, per Os 2,4-25 e 11,1ss, come per Mal 1,6ss. In questi testi il motivo paterno appare all’inizio del discorso; gli esegeti in generale interpretano tale evocazione metaforica come un’aggravante del peccato, che, oltre ad essere una manifestazione di ingiustizia, riveste anche la forma dell’insensata ingratitudine. Ciò è vero, ma va aggiunto il fatto che — mediante il simbolismo paterno — il «profeta» non solo riassume gli atti che hanno dato vita a Israele, ma crea al tempo stesso i presupposti per comprendere i sentimenti e i gesti divini conseguenti alla trasgressione dei figli.
Nel rîb profetico la storia dell’alleanza si presenta costantemente sotto forma bipartita e contrastante112; all’agire benevolo del Signore si contrappone un’ostinata condotta ribelle da parte di Israele: «Iesurun si è ingrassato e ha recalcitrato […], ha respinto il Dio che lo aveva fatto, ha disprezzato la Roccia, sua salvezza» (Dt 32,15); «ho allevato e fatto crescere dei figli, ma essi si sono ribellati contro di me» (Is 1,2); «Io dicevo: “Come vorrei porti tra i miei figli e darti una terra invidiabile, un’eredità che sia l’ornamento più prezioso delle genti”. E dicevo: “Voi mi chiamerete ‘Padre mio’, e non tralascerete di seguirmi”. Ma come una moglie tradisce suo marito, così voi, casa d’Israele, avete tradito me» (Ger 3,19-20); ecc. L’accusa è gravissima, così come sono drammatiche le conseguenze prospettate dall’accusatore: «Un fuoco si è acceso nella mia collera e brucerà fino alle profondità degli inferi […]; periranno insieme il giovane e la vergine, il lattante e l’uomo canuto» (Dt 32,22-25). Sorge allora la domanda: quale rapporto ci può essere tra questa prospettiva distruttiva e il motivo di Dio Padre benevolo? Si deve al proposito riflettere sul fatto che, pur esprimendo costantemente una valenza di giustizia (Dt 32,4) e un indefettibile amoroso desiderio di comunione, 109
Cfr. J. JEREMIAS, Abba, Supplementi al Grande Lessico del Nuovo Testamento 1, Brescia 1968, 9-11. Il Cantico di Dt 32 va assegnato proprio a questa specifica modalità compositiva, attribuita al profeta Mosè (Dt 18,15; 34,10). 110 Per una più adeguata dimostrazione, rinviamo a P. BOVATI, «Una benefica accusa (Dt 32 come rîb profetico)», in Aún me quedas tú. Homenaje al Profesor D. Vicente Collado Bertomeu, J.M. DÍAZ RODELAS – M. PÉREZ FERNÁNDEZ – F. RAMÓN CASAS, ed., Estella 2009, 43-68. 111 Cfr. J. HARVEY, Le plaidoyer prophétique contre Israël après la rupture de l’alliance. Étude d’une formule littéraire de l’Ancien Testament, Studia 22, Bruges – Paris – Montréal 1967; P. BEAUCHAMP. «Propositions»; GIRAUDO, 53-54 ; cfr. anche TASKER, 82-83. 112 I. FISCHER, 47-65.
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il modo di manifestarsi della paternità divina non è identico nelle varie fasi della storia; il comportamento del Signore assume infatti forme diverse, come se Egli mutasse sentimenti, e un tale vistoso cambiamento è motivo di sorpresa e di crisi nella relazione. Al principio, Dio agisce nella sua natura di donatore perfetto, e non vi è in lui nient’altro che generosa benevolenza; ma, a un certo momento lo scenario cambia, e invece del dono appare la sottrazione (Os 2,11-14), invece della tenerezza si scatena la bufera della collera (Dt 32,19.22; Ger 23,19-20). Le punizioni divine appaiono severe, inesorabili e universali. Ciò è proporzionato alla gravità della colpa e all’ostinazione del peccatore. Nella tradizione profetica di accusa, viene abitualmente denunciato l’atto dell’idolatria (Dt 32,1617), che non è uno dei tanti «mali», la ma sintesi stessa del male, perché è abbandono e disprezzo del Padre (Is 1,4; Ger 2,13), perché in questo modo il «figlio» si priva della relazione costitutiva con l’origine della vita (Dt 32,18). L’ostinazione si manifesta nel non accettare la parola che chiama al ravvedimento, veicolata dai profeti (Ger 7,24; 9,12-13); e ciò ha il suo fondamento nella miserevole condizione di stoltezza che affligge il cuore umano (Dt 32,6.28; Ger 4,22; 5,21.23; 17,1.9), facendogli perdere la ragionevolezza e l’istintiva percezione dei valori (Is 1,3; Ger 2,11-13; 8,7-9). Il compito amoroso del Signore si esplica allora nel cercare di «far capire», con ogni mezzo, quale sia la vera Roccia, la vera sorgente della vita (Ger 2,19: «vedi e riconosci quanto sia male e amaro l’abbandonare il Signore tuo Dio»). Se la severità della sanzione punitiva può essere vista come la conseguenza inevitabile della sovrana giustizia divina (che non lascia nulla di impunito: Es 20,5; 34,7), nondimeno gli esiti disastrosi della storia dell’alleanza non mancano di suscitare interrogativi, riguardo all’amore (Ml 1,2) e alla fedeltà del Signore (Sal 89,50): «Perché il Signore ha trattato così questa terra? Perché l’ardore di questa grande collera?» (Dt 29,23; cfr. Ger 5,19; 13,22: 16,10; 22,8). Non è per nulla facile «comprendere» il modo di agire di Dio (Ger 9,11; 23,24; Os 14,10; Sal 107,43); non è facile, in particolare, cogliere il suo amore nel momento della punizione. Eppure Dio è sempre Padre, anche quando si adira, anche quando colpisce. Se un genitore, di fronte al comportamento sbagliato del figlio, continuasse in effusioni di gentilezza, indurrebbe quest’ultimo a persistere nel suo male. È invece adottando lo strumento del rimprovero, della disapprovazione e del castigo, applicato con intento correttivo (2 Sam 7,14-15; Sal 89,33-34; Pr 3,12; Eb 12,413; Ap 3,19), che il padre salva il figlio dal suo proprio perdersi113. Nel rîb l’accusatore divino (Padre) invita il colpevole (figlio) a riconoscere le sue colpe, così da poter ristabilire la relazione in verità e giustizia. Abbiamo trattato questo soggetto in precedenti nostri studi, adducendo le necessarie argomentazioni, volte soprattutto a distinguere il procedimento giudiziario (che si svolge in un contesto pubblico, e ha come finalità la condanna del reo) dal proce-
113
Cfr. RAVASI, 24-25.
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dimento giuridico del rîb (che ha un ambito privato, «familiare», e ha per intento il ripristino della relazione minacciata dal comportamento dell’accusato)114. 3. PATERNITÀ E PROMESSA DI PERDONO Anche se le pagine profetiche sono in larga parte minacciose, in realtà, ogni testo di accusa divina rivolta al «figlio» apre alla possibilità del perdono. Ed è così che emerge la natura paterna del Signore. La denuncia, gli ultimatum e il castigo costituiscono una parte intermedia del genere letterario; essi concorrono a favorire la presa di coscienza del male e delle sue conseguenze. Ma il rîb non termina con la condanna; il padre promette il perdono a chi ritorna a Lui con cuore sincero (Is 1,18-20). I profeti in certi casi mettono addirittura sulla bocca del colpevole le parole da dire per esprimere il desiderio della riconciliazione (Ger 3,22; Os 14); e poi esplicitano l’offerta generosa e sovrabbondante della misericordia. Si possono in questo modo individuare tre nuclei tematici, fra loro strutturalmente collegati, nei quali, mediante l’alternanza di locutori, si manifesta la natura dialogica della relazione (di alleanza): (1) Dio (Padre) presenta la denuncia e applica il castigo (Dt 32,6; Is 1,2; Ger 2,25; Os 11,1; Ml 1,6); (2) l’accusato (figlio) esprime la richiesta di perdono (Is 63,16; 64,7; Ger 3,4.9; Sal 103,13); (3) Dio (Padre) annuncia la promessa della misericordia (Ger 31,9.20; Ml 3,17). È allora interessante constatare che in tutti e tre i momenti noi vediamo attestata esplicitamente la metafora paterna, come risulta dalle citazioni appena riportate. Proprio in questo contesto il titolo di «padre» viene esplicitamente attribuito al Signore. E il rapporto tra questi tre momenti nella dinamica del rîb è talmente forte che essi possono anche essere letterariamente separati, senza tuttavia perdere il loro intrinseco legame. In buona parte della letteratura profetica prevale la denuncia e la minaccia; le parti conclusive delle raccolte invece sviluppano abitualmente le tematiche del perdono. E quest’ultimo aspetto permette perciò di comprendere perché il motivo della paternità divina diventi centrale nel Nuovo Testamento, interamente incentrato sulla buona notizia della grazia fatta ai peccatori.
V. LA DINAMICA DELLA PATERNITÀ NEL RÎB DI DT 32 Essendo un testo paradigmatico di rîb profetico in contesto di alleanza115, il Cantico di Dt 32 aiuta a rileggere e comprendere tutta la storia del Signore con il 114
P. BOVATI, Ristabilire la giustizia; ID, Vie della giustizia secondo la Bibbia. Sistema giudiziario e procedure per la riconciliazione, Collana biblica, Bologna 2014. 115 Cfr. TASKER, 83.
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suo popolo116. Ne indichiamo brevemente la struttura, che articola fra loro due grandi blocchi: il primo costituisce la parte propriamente accusatoria (vv. 4-25), mentre il secondo tematizza la prospettiva positiva del perdono (vv. 26-43). (1) Primo blocco è suddiviso in tre parti. Le prime due parti (vv. 4-18) sono costruite sull’opposizione, annunciata ai vv. 4-5, tra l’agire perfetto del Signore (Roccia: v. 4) e la condotta perversa e stolta dei suoi figli (v. 5). • Nella prima parte (vv. 6-14), introdotta proprio dall’attribuzione al Signore del titolo di Padre (v. 6) si illustrano i vari aspetti della benefica paternità di Dio (l’elezione117, la protezione, il nutrimento, l’eredità della terra). • Nella seconda parte (vv. 15-18) si dichiara invece, in modo insistente, la riprovevole condotta dei figli, che, nella loro idolatria, hanno respinto, disprezzato, trascurato, dimenticato il Padre (vv. 15.18; cfr. Is 17,10; 30,9). • Una terza parte (vv. 19-25) è marcata dall’inclusione del termine «figli» (al v. 19: «i suoi figli e le sue figlie»; e al v. 25: «li priverà dei figli»). Qui si sviluppa il tema della collera divina, con l’applicazione del castigo. Molto severa è la reazione gelosa del Signore, proporzionata (secondo giustizia) alla gravità della colpa. Ma anche la punizione va vista come l’esercizio doveroso della paternità divina, che sanziona il male, con l’intento di far comprendere ai figli stolti l’insensatezza del loro comportamento. (2) Il secondo blocco del rîb (vv. 26-43) riproduce una sorta di monologo (interiore) del Signore (cfr. v. 26: «Io ho detto»), che ha lo scopo di mostrare come l’annientamento del peccatore risulterebbe contrario alla natura e alla rivelazione di Dio. Il motivo della paternità divina è solo indirettamente evocato dal titolo «Roccia» (vv. 30-31), con cui si esplicita, da un lato, che l’azione divina è potente (le divinità pagane non possono resistere alla «vendetta» del Signore: vv. 31.37), e, dall’altro, che il Dio protettore ha sempre di mira la salvezza del «suo popolo» (vv. 36.43), perché è Lui che ferisce ed è Lui che guarisce (v. 39). Il poema si conclude con un invito all’esultanza (v. 43) — riprendendo il motivo celebrativo dell’esordio (v. 3) —, con la promessa del riscatto purificatore della terra e del popolo 118 (v. 43). I verbi «guarire» (rp’) al v. 39, e il verbo «espiare» (kpr, piel) al v. 43 costituiscono due delle numerose modalità espressive del perdono, che concludono positivamente la procedura accusatoria del rîb.
Abbiamo così mostrato, con approcci di varia natura, che il tema della paternità divina nell’Antico Testamento non può essere ridotto a qualche sporadica 116 Nel suo contributo, M. THIESSEN, «The Form and Function of the Song of Moses (Deuteronomy 32:1-43», JBL 123 (2004) 401-424 sostiene l’idea che il Cantico di Mosè sia «a hymn that contains a covenant rîb» (p. 421); dobbiamo però rilevare che non tutti gli autori hanno una chiara concezione delle dinamiche giuridiche, per cui la loro terminologia risulta piuttosto imprecisa. 117 Il v. 8 presenta un problema di critica testuale, riguardante il sintagma בּנֵ י יִ ְשׂ ָר ֵאל, ְ a cui (sulla base di un frammento di Qumran e della LXX) viene da alcuni autori (cfr. l’apparato della BHS) preferito ְבּ ֵני ֵאלoppure ;בּ ֵני ֵא ִלים ְ cfr. M.S. HEISER, «Deuteronomy 32:8 and the Sons of God», BS 158 (2001) 52-74. Se si segue questa opinione, il motivo della paternità universale di Dio Creatore avrebbe qui una importante conferma. 118 Al v. 43 la LXX, invece di «( ַﬠמּוֹsuo popolo»), attesta υἱοὶ θεοῦ («figli di Dio»).
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citazione; esso, al contrario, costituisce una delle trame più significative e più importanti della Rivelazione vetero-testamentaria, e rappresenta quella luminosa anticipazione profetica che avrà il suo compimento nella beata manifestazione del Figlio nel quale tutti noi siamo resi figli (Rm 8,15-17; Gal 4,4-7).
Collegio San Roberto Bellarmino Via del Seminario 120 00186 Roma (Italie) E-mail: [email protected]
Pietro BOVATI
RIASSUNTO Il presente contributo smentisce innanzitutto l’idea che il motivo della paternità divina sia scarsamente attestato nell’Antico Testamento. Infatti (a) per un trattamento adeguato di un tema non si devono solo considerare le occorrenze del sostantivo «padre», ma l’insieme dei termini che costituiscono il campo semantico della paternità; e (b) va notata la collocazione privilegiata degli espliciti riferimenti a Dio Padre nelle sezioni che compongono l’Antico Testamento. In seguito — basandosi in particolare su Dt 32 — si mostra come la paternità sia la più importante delle metafore di alleanza tra YHWH e Israele, necessaria per mostrare come il Signore agisce in occasione delle trasgressioni del suo popolo. Parole chiave: Padre, figlio, alleanza, controversia giuridica (rîb), Dt 32
ABSTRACT The present contribution begins by denying the idea that the motif of divine fatherhood is infrequently represented in the Old Testament. In fact, (a) for an adequate treatment of the motif one ought not to consider only the occurrences of the noun «father», but also the terms which constitute the semantic field of fatherhood; and (b) one ought to note the privileged position of the explicit references to God as Father in the sections of the Old Testament. Further — considering in particular Dt 32 — it is evident that fatherhood is the most important of the metaphors of the covenant between YHWH and Israel, a metaphor necessary for understanding how the Lord responds to the occasions of His people’s transgressions. Keywords: Father, son, covenant, legal dispute (rîb), Dt 32
André WÉNIN
Les fils des filles de Laban Analyse rhétorique et narrative de Gn 29,31–30,24 L’épisode de Gn 29,31–30,24 raconte comment Jacob devient père de douze enfants. C’est dire s’il y est question de paternité et de filiation ! Mais à observer le récit, on s’aperçoit que le lien de filiation s’établit davantage avec les mères qu’avec Jacob qui est au mieux le bénéficiaire des fils qu’elles lui donnent1. Léa et Rachel, en effet, nomment presque tous leurs fils — y compris adoptifs — et, en commentant ce nom, établissent avec ceux-ci un rapport de filiation. Au moyen d’une étude synchronique où la récriture servira à regarder le texte de près avant d’envisager son fonctionnement narratif, je tenterai de clarifier ce qui s’y dit de la filiation humaine, en hommage et gratitude à l’ami Roland Meynet. D’un point de vue narratif, ce texte est assez singulier2. Sa façon de juxtaposer les rapports de naissances a quelque chose de lassant et ne laisse guère attendre qu’une intrigue s’y développe comme c’est le cas dans les épisodes précédents. Pourtant, ces naissances interviennent sur fond d’un conflit d’abord latent entre les deux filles de Laban, victimes de la ruse de leur père qui, pour garder auprès de lui un neveu béni et efficace au travail (voir 30,27), lui a imposé Léa avant de lui permettre d’épouser celle qu’il aime, Rachel. C’est ainsi qu’il a amené ses filles à être des rivales. Étant donné les circonstances de ces mariages, il était prévisible, en effet, que « Jacob aime Rachel plus que Léa » comme le récit l’enregistre au terme de cette scène (Gn 29,30). C’est alors que YHWH vient ajouter son grain de sel (29,31). + YHWH : oui ! détestée
vit (était) Léa
+ et il ouvrit : et RACHEL
la matrice-d’elle (était) stérile
La disposition alternée action de YHWH (wayyiqtol) / situation d’une femme (proposition nominale) souligne ici l’opposition entre les deux sœurs : l’une est l’objet de toute l’attention divine qui lui accorde la fécondité, tandis que l’autre reste infertile, YHWH semblant même se désintéresser d’elle3. Mais ce qui 1
Par six fois, le récit enregistre le fait que les femmes enfantent « pour Jacob » : il s’agit des quatre fils des servantes (30,5.7.10.12) et des deux derniers fils de Léa (Issachar, v. 17 et Zabulon, v. 19). En 29,34, la même Léa avait dit avoir enfanté trois fils « pour Jacob ». 2 Voir J.P. FOKKELMAN, Narrative Art in Genesis, Assen – Amsterdam 1975, 134. 3 Il n’intervient pas par rapport à Rachel, les deux verbes d’action étant liés à la seule Léa.
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frappe, plus largement, c’est le contraste entre le point de vue de Jacob, que le verset 30 reflète (il préfère Rachel à Léa), et la façon dont YHWH perçoit la situation, son point de vue étant plus objectif que celui du mari : il voit que Léa est « détestée », au sens de pas aimée (śenû’â)4. À ses yeux, la discrimination en faveur de Rachel est une forme de haine vis-à-vis de Léa, une injustice qu’il compense en donnant à celle-ci un avantage dont sa sœur est privée5. En agissant de la sorte, il reproduit ce qu’il avait fait pour Abel : en accordant sa considération à son offrande sans regarder celle de Caïn, il corrige l’injustice dont Abel est victime depuis qu’il a reçu le nom de « Fumée, Vapeur » (hevel), alors que son frère aîné était considéré par leur mère comme un demi-dieu (4,1b-2a)6. Ainsi, comme dans l’histoire des premiers frères, chaque sœur a désormais un « manque » correspondant à un « avantage » que l’autre détient : Rachel est inféconde mais est comblée de l’amour de Jacob, tandis que l’inverse se vérifie pour sa sœur. Voilà qui amorce une tension narrative, dans la mesure où une telle situation est propice à l’envie et à la jalousie. Cette tension reste cependant latente, la fin du chapitre 29 étant entièrement focalisée sur Léa et ses premiers fils, tandis que Rachel reste quant à elle dans les coulisses du récit (v. 32-35 : voir schéma page suivante, après l’observation du texte). Les quatre notices de naissance sont juxtaposées, ce qui rend sensible la répétition d’un même schéma comprenant la conception, l’enfantement, une déclaration et le don d’un nom. Une variation de taille est toutefois à souligner : la notice initiale se différencie des trois suivantes où sont inversés le don du nom et la déclaration qui l’explique, et où la répétition de la grossesse est soulignée par un « encore » (‘ôd). En réalité, la première notice est rédigée de manière à mettre en évidence le nom de l’aîné au moyen d’une inversion chronologique signalée par l’évitement du wayyiqtol de succession au profit d’un qatal7. Quant aux trois autres, elles commencent et se terminent par des formules quasiment identiques, le nom du fils étant posé comme terme final. Une petite variation est néanmoins à souligner dans la troisième notice (v. 34) où le sujet du verbe « appeler » (qārā’) n’est plus au féminin, mais au masculin. L’observation de la structure rhétorique fait voir d’autres rapprochements entre les déclarations d’où sont tirés les noms des fils. Dans chacune d’elles, Léa parle d’elle-même de façon insistante (verbe et pronom indépendant ou suffixé à la 1re personne du singulier). À trois reprises, elle cite YHWH : les deux pre4
Pour ce sens, voir Dt 21,15 qui oppose avec ce terme deux coépouses, l’une aimée, l’autre non. Sur cette façon d’agir de YHWH en Gn 29, voir par ex. L. ALONSO SCHÖKEL, Dov’è tuo fratello ? Pagine di fraternità nel libro della Genesi, Biblioteca di cultura religiosa 50, Brescia 1987, ou A. LACOCQUE, « Une descendance manipulée et ambiguë (Genèse 29,31–30,24) », in J.-D. MACCHI – T. RÖMER, ed., Jacob. Commentaire à plusieurs voix. Gen 25–36. Mélanges offerts à Albert de Pury, MoBi 44, Genève 2001, 109-127 (ici, 123). 6 Voir à ce propos mon analyse dans A. WÉNIN, D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, Lire la Bible 148, Paris 2007, 136-146. 7 Pour cette tournure, voir P. JOÜON, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1963, § 118d. 5
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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mières pour reconnaître qu’il s’est intéressé à son humiliation (« voir », v. 32) et à la haine dont elle est l’objet (« entendre », v. 33), la troisième fois pour faire de lui l’objet de sa louange (v. 35). L’autre personnage qu’elle mentionne, c’est son mari (« l’homme de moi ») qui figure dans les première et troisième déclarations (v. 32 et 34) : les deux fois, elle le relie à son espoir que « maintenant » (‘attâ), son attitude change à son égard de sorte qu’elle ne soit plus détestée comme elle s’en plaint dans la deuxième déclaration. Enfin, les notices 3 et 4 ont en commun l’expression « cette fois » (happa‘am), reliant ainsi l’espoir qu’une autre relation se noue avec Jacob (v. 34) à la louange de YHWH (v. 35). L’unimembre final de cette section renvoie au début des notices, mais pour enregistrer le fait qu’a cessé ce qui s’est produit quatre fois : l’enfantement d’un fils. + Et elle conçut, + et enfanta
Léa, un fils
:: et elle appela - oui ! elle avait dit :
le-nom-de-lui
RUBEN
= Oui ! IL A VU = Oui ! MAINTENANT,
YHWH
EN HUMILIATION-de-moi l’homme-de-moi.
+ Et elle conçut + et enfanta - et elle dit :
ENCORE
= Oui ! A ENTENDU = et il a donné
YHWH à moi
AIMERA-moi
v. 32
v. 33
un fils que détestée AUSSI
moi (je suis) celui-ci.
:: et elle appela
le-nom-de-lui SIMÉON. ······················································································································ + Et elle conçut ENCORE v. + et enfanta - et elle dit :
un fils
= MAINTENANT cette fois = oui ! j’ai enfanté
se joindra pour lui
l’homme-de-moi trois fils.
34
à moi
:: ainsi IL appela
le-nom-de-lui LÉVI. ······················································································································ + Et elle conçut ENCORE v. + et enfanta - et elle dit :
un fils
= Cette fois,
je louerai
:: ainsi elle appela
YHWH.
le-nom-de-lui JUDA. ······················································································································ + Et elle arrêta
d’enfanter
35
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André WÉNIN
Venons-en à la façon dont se développe la narration au fil de ces notices qui, pour être juxtaposées, n’en suivent pas moins l’ordre chronologique des naissances. L’intervention divine en faveur de Léa (v. 31) est immédiatement suivie d’effet. Le nom que Léa donne à son fils aîné, re’ubēn, est expliqué par un jeu de mots autour duquel tourne sa déclaration enregistrée ensuite : « YHWH a vu (rā’â) mon humiliation (be‘onyî) ». Léa exprime ainsi son sentiment face à la situation qu’elle vit : elle perçoit l’attitude de Jacob à son égard comme humiliante mais considère que Ruben est le signe que YHWH a perçu sa souffrance, ce en quoi elle voit juste d’ailleurs (voir 29,31a). En lui donnant ce fils, il a compensé le manque d’amour dont elle est victime, éveillant ainsi en elle l’espoir d’obtenir cet amour : « maintenant, mon mari m’aimera (yē’ābēnî) ». Ce second verbe partage trois consonnes avec le nom de Ruben8, dont la syllabe bēn, « fils », le nom lui-même signifiant « Voyez : un fils »9. Cela dit, le fils ne semble pas compter vraiment pour lui-même. Dès sa naissance, il est comme instrumentalisé par sa mère qui le situe au croisement d’une double relation : avec YHWH qui la considère et avec son mari dont l’absence d’amour la frustre. Ruben n’a donc pas droit à un mot pour lui. Il est seulement celui grâce à qui la mère espère être aimée d’un mari qu’elle n’implique cependant pas comme acteur dans le cadre de sa naissance. Cette façon d’ignorer le fils sera une constante de ce récit, sur laquelle je reviendrai en fin de parcours. Pas plus que Ruben, le deuxième fils n’est considéré en lui-même quand sa mère l’accueille en disant : « YHWH a entendu (šāma‘) que je suis détestée et il m’a donné aussi celui-ci ». Le nom qu’elle lui donne ensuite, šim‘ôn, souligne cette attitude bienveillante de YHWH, mais révèle indirectement que l’espoir que la naissance de Ruben a fait naître en elle (« mon mari m’aimera », v. 32) ne s’est pas concrétisé, puisqu’elle se sent toujours détestée10. Elle confirme ainsi le point de vue divin (v. 31a), tandis qu’elle ne nomme même plus celui qui la traite de la sorte. Mais à ses yeux, Siméon est pour elle un don divin qui apporte un correctif à la situation déplorable qui est la sienne. Après la déception enregistrée lors de la deuxième naissance, l’espoir semble renaître avec l’arrivée de Lévi. Il est certes revu à la baisse, puisque Léa ne parle plus d’amour : « Maintenant, cette fois, mon mari se joindra (yillāweh) à moi, car j’ai enfanté pour lui trois fils ». Deux changements sont à noter cependant : d’une part, Léa ne parle plus du personnage divin ; d’autre part, son attitude visà-vis de son mari est moins négative et elle le mentionne dans les deux parties de sa parole, où elle imagine une sorte de réciprocité entre eux. En effet, ici, les 8 C’est H. MARKS, ed. (The English Bible. King James Version. The Old Testament. A Norton Critical Edition, New York 2012, 68) qui signale le double jeu de mot sur le nom de Ruben. 9 Voir par exemple G. VON RAD, La Genèse, Genève 1968, 299. 10 En ce sens, D.W. COTTER, Genesis, Berit Olam, Collegeville, MN 2003, 228. Pour MARKS, ed. (The English Bible, 69), le mot « détestée » (śenû’â) est un autre jeu de mots sur le nom de Siméon en raison de la présence dans les deux noms d’une sifflante, un nun, et une gutturale.
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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trois fils ne sont plus pour elle, mais pour Jacob. La modification est sensible : le « YHWH a donné à moi aussi celui-ci » du verset 33 devient « J’ai donné à lui trois fils ». Pour la première fois, Léa reconnaît à son mari la place d’un partenaire au moment de la naissance de leur fils, souhaitant qu’un lien puisse se construire avec lui. Elle cesse de se centrer sur elle-même, sur le négatif dont elle se sent victime — l’humiliation, la haine — et dont elle se plaignait jusqu’ici. Pour la première fois, dès lors, s’ouvre dans ses paroles un espace d’échange entre elle et son mari, un espace pour les fils. Après cette déclaration qui témoigne d’une évolution chez Léa, le récit note aussi un changement du côté de son mari. C’est lui qui donne au troisième fils le nom de lēwî. En effet, on l’a dit, le sujet du verbe « appeler » est cette fois un masculin11 et même si le sujet n’est pas identifié, il ne peut s’agir que du mari et père. Serait-ce le signe qu’il ratifie ce que Léa vient de dire ? Il choisit en effet pour le fils un nom qui reprend le verbe de Léa (« il se joindra » : yillāweh – lēwî). Ce faisant, il se joint pour ainsi dire à elle. S’il en est ainsi, on ne doit pas s’étonner qu’à la naissance du quatrième fils, Léa semble comblée au point de se tourner entièrement vers YHWH dans la louange. Avant de nommer yehûdâ, elle s’exclame en effet : « Cette fois, je louerai (’ôdeh) Yhwh ». Le jeu de mot est double : dans le nom de Juda, on trouve non seulement le verbe « je louerai, célébrerai, rendrai grâce »12, mais aussi les quatre consonnes du Tétragramme, dont les trois premières aux mêmes places (yhwdh / yhwh). Par ailleurs, le fait que Léa reprenne l’expression happa‘am « cette fois », ou, pour faire écho au sens du terme pa‘am, « pour le coup », suggère un lien entre ses deux dernières paroles. Ici, en effet, Léa ne parle plus d’elle, de sa dévalorisation, de son manque, ni même de son désir d’être aimée. Elle se tourne vers celui dont elle a affirmé qu’il l’a vue (v. 32) et entendue (v. 33). Ce lien pourrait indiquer que, à ses yeux du moins, ce qui s’est passé avec son mari à la naissance de Lévi a rencontré l’attente qui était la sienne dès le début (v. 32). En louant Yhwh, elle l’associe à cet événement, comme si la modification des
11
La tradition manuscrite massorétique est unanime sur ce point. Le Pentateuque samaritain et la version syriaque ont le féminin, mais il s’agit d’une harmonisation avec le reste du texte, comme l’indique Abraham Tal dans l’apparat critique de la BHQ. Il n’y a donc pas lieu de corriger comme la BHS le suggère, une solution adoptée par des commentateurs comme G. VON RAD, La Genèse, 297 (traduction) ou C. WESTERMANN, Genesis 12–63. A Commentary, Minneapolis 1985, 470-471. D’autres optent pour une forme impersonnelle (ou passive), comme N.M. SARNA, Genesis, JPS Torah Commentary, Philadephia 1989, 207, V.P. HAMILTON, The Book of Genesis. Chapters 18– 50, NICOT, Grand Rapids, MI 1995, 265, ou F. GIUNTOLI, Genesi 12–50. Introduzione, traduzione e commento, Cinisello Balsamo (MI) 2013, 163. On se demande ce qui pousse à éviter la solution la plus simple et la plus naturelle, retenue par ex. par la TOB ou COTTER, Genesis, 228. 12 En hébreu, les trois dernières consonnes du verbe, ’wdh, correspondent à celles du nom de Juda, yhwdh. Pour le double jeu de mots, voir MARKS, ed., The English Bible, 69.
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dispositions de son mari envers elle résultait de l’action divine qui lui a donné d’enfanter quatre fils. À présent, si Léa reste inférieure à sa sœur quant à la beauté et à l’amour de Jacob — elle peut difficilement rivaliser sur ces points (voir 29,17.30) —, elle n’en est pas moins comblée. C’est alors que le récit enregistre que cette femme, féconde grâce à YHWH, cesse d’enfanter, mais sans rien dire de la cause de ce changement13. Un élément de curiosité apparaît ici, qui vient nourrir la tension narrative. Car bien que cette tension ne soit guère soutenue dans la succession des récits de naissances, elle est néanmoins présente dans l’évolution qui s’esquisse pour Léa dont le désir d’être aimée (v. 32), déçu dans un premier temps (v. 33), s’accomplit ensuite partiellement dans un rapprochement avec son mari, au point qu’elle réagit à la quatrième naissance à la manière d’une femme comblée. Mais comme le récit a mentionné d’emblée que Rachel était stérile, au fur et à mesure qu’il assiste à cette évolution, le lecteur se demande comment la cadette vit les maternités successives de son aînée et surtout ce qui semble se passer entre celle-ci et Jacob. C’est cette question en suspens que le récit aborde ensuite (30,1-4). – Et elle vit, :: oui !
RACHEL, elle n’a pas enfanté
30,1
– et ELLE jalousa, – et ELLE dit
RACHEL,
la-sœur-d’ELLE à JACOB
:: Allez ! = et si non,
pour MOI morte
des fils
pour JACOB
MOI. ················································································································· – Et brûla la narine de JACOB contre RACHEL – et IL dit :
= Est-ce que :: qui a refusé
à la place d’ÉLOHÎM [loin] de TOI
MOI
un fruit de ventre ?
················································································································· – Et ELLE dit :
+ Voici + viens
vers elle,
:: qu’elle enfante :: que J’AIE un fils
sur les genoux-de-MOI, MOI aussi
+ Et ELLE donna à lui + et il vint
Bilha la-servante-d’ELLE
13
la-domestique-de-MOI
vers elle
v. 2
v. 3
Bilha,
(venant) d’elle. pour femme JACOB
v. 4
L.A. TURNER (Genesis, Readings, Sheffield 2000, 130) est de cet avis, mais pour lui, si cela arrive à cette femme jusque-là fertile, c’est que « Jacob ceased having marital relationship with her ». En ce sens aussi, SARNA (Genesis 207) renvoie à 30,14.
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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Cette récriture met en évidence plusieurs caractéristiques du texte. Le premier et le troisième morceaux (v. 1.3) voient Rachel prendre presque toute la place, tandis que le morceau central (v. 2) fait état de la réaction de Jacob. Ces deux noms absents de la sous-partie précédente réapparaissent en force ici. Partout, il s’agit, entre les deux personnages, de la stérilité (voir les lignes ::) : Rachel n’a pas d’enfant, exige des fils, Élohîm lui a refusé la fécondité, elle veut avoir des fils quand Bilha enfantera. Le 1er morceau oppose la réalité de la stérilité au désir impérieux de Rachel ; dans le 2e, Jacob identifie en Élohîm le responsable du problème — la question « Suis-je à la place d’Élohîm ? » occupant le centre ; dans le 3e, Rachel imagine une solution pour réaliser malgré tout son désir : puisque Jacob n’est pas à la place d’Élohîm, Bilha prendra celle de Rachel14 ! Les deux premières sections se rapprochent en outre du fait qu’il y est fait mention des émotions ou sentiments de Rachel d’abord, de Jacob ensuite, et que ces états d’âme déterminent le discours qui suit. De plus, le second discours répond clairement au premier : au « sinon je suis morte » de Rachel correspond le « suis-je à la place d’Élohîm ? », celui qui donne vie et mort — ce dont Jacob est évidemment incapable ; au « pour moi des fils » répond le « loin de toi un fruit du ventre », qui souligne précisément le problème de Rachel. Dans la troisième et dernière parole (v. 3), celle-ci indique à Jacob ce qu’il peut faire pour satisfaire son exigence initiale de lui donner des fils. On notera à ce propos que le rapport clair entre les premiers mots de Rachel au v. 3 et l’action relatée ensuite met en évidence une différence notable : après avoir simplement présenté Bilha en vue d’un rapport sexuel, Rachel fait de cette servante l’épouse de Jacob, l’expression « donner pour femme » étant claire à ce sujet. Ces premières observations peuvent être complétées par un close reading de cette altercation entre Jacob et l’épouse préférée. Depuis le verset 6 du chapitre 3, le lecteur sait que la convoitise naît dans le regard : « Rachel vit qu’elle n’avait pas enfanté pour Jacob et Rachel jalousa sa sœur ». On notera comment la chose est racontée : ce qui focalise l’attention de Rachel, c’est son propre manque, le résultat de la stérilité dont le lecteur a été informé en 29,31b. Quoique préférée, elle se met à souffrir du manque d’enfant. Or, bien qu’une nouvelle scène commence, l’entame de la phrase (un wayyiqtol) souligne la continuité avec ce qui précède. La fécondité de Léa qui a quatre fils, ainsi que son sentiment d’être comblée à la naissance de Juda n’est dès lors pas sans lien avec le regard que Rachel porte sur elle-même quand elle se voit incapable d’« enfanter pour Jacob », à l’inverse de Léa qui s’exclamait : « j’ai enfanté pour lui trois fils » (29,34). Or, le fait d’avoir donné ces trois fils à son mari a valu à Léa l’attachement de ce dernier. On comprend dès lors que Rachel ressente le manque d’enfant d’autant plus puissamment que Léa semble moins affectée par le manque d’amour. Face à cela, sa beauté et l’affection de Jacob ne suffisent plus : il lui faut des fils 14
Dans le 3e morceau, le nom de Rachel disparaît pour laisser place à celui de Bilha, qui, mentionné 2 fois, fait pendant au double Rachel du 1 er morceau.
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comme sa sœur. Ce désir mimétique qui fait naître en elle la jalousie la pousse à agir. Mais alors que sa sœur a reconnu à deux reprises que c’est YHWH qui lui a permis d’enfanter (v. 32 et surtout 33), Rachel ne s’adresse pas à lui. Elle se tourne vers celui dont l’amour ne peut combler son manque. Sa parole brusque, son ton agressif trahissent sa profonde insatisfaction. « Donne-moi des fils, sinon je meurs ». Ces mots — les tout premiers que Rachel prononce dans le récit15 — font écho à deux paroles que le lecteur connaît. Quand, après sept ans de service, Jacob réclame Rachel à Laban, il emploie le même impératif, hābâ, où transparaît toute son impatience aiguisée par l’attente (29,21 : « Donne ma femme ! »). La seconde phrase rappelle quant à elle les mots qu’Ésaü adresse à Jacob au retour de la chasse : « Voici que je suis sur le point de mourir ». L’exagération manifeste de cette phrase est le symptôme d’une envie impérieuse à satisfaire sur-le-champ16. Ainsi donc, poussée par l’impatience et l’envie d’être exaucée sans délai, Rachel met en cause Jacob, lui reprochant implicitement son manque, celui qui l’empêche de vivre17. Mais si Rachel parle ainsi, c’est en raison de sa jalousie. Or, on sait que le jaloux, parce qu’il souffre, pense spontanément que le problème ne vient pas de lui mais de l’autre, et que c’est donc à ce dernier d’agir pour que sa souffrance cesse. Du reste, le fait que Rachel se livre à un chantage à la mort révèle combien elle « crève » de jalousie tant qu’elle reste privée de ce dont sa sœur est pourvue. À l’agressivité jalouse de Rachel, Jacob réagit par la colère. Mais de quoi estelle le signe ? Le récit n’est pas assez explicite pour répondre à cette question, mais la parole que l’homme prononce sous le coup de cette colère permet peutêtre de préciser un peu. Dans sa réponse, Jacob renvoie sa femme à Élohîm, montrant qu’il est sur la même longueur d’ondes que Léa quand il voit dans la fécondité féminine le fruit de l’action divine (29,32.33.35)18. En ce sens, l’emploi de l’expression « fruit du ventre » (perî-beṭen19) renvoie davantage à la fécondité qu’aux « fils » que demande Rachel. De plus, Jacob répond au reproche à peine voilé que Rachel a formulé à son endroit et suggère qu’il n’a rien à se reprocher. En cela, sa réponse jette un trait de lumière sur la raison de 15
Les premiers mots qu’un personnage prononce sont en général significatifs de ce qu’il est (à ce propos, R. ALTER, L’art du récit biblique, LiRou 4, Bruxelles 1999, 105-106). Les premiers mots de Léa exprimaient son désir d’être aimée ; ceux de Rachel disent son désir d’enfant. Ces deux paroles sont symptomatiques : chacune désire ce que l’autre possède. À ce propos, ALONSO SCHÖKEL, Dov’è tuo fratello ?, 201-202 qui ajoute : « Il lettore che conosca [sic] la storia fino alla fine, ha un brivido : Rachele morirà dando alla luce il secondo figlio » (203). Autrement dit, au moment où Rachel obtiendra ce qu’elle exige ici en parlant pour la première fois (des fils), elle aura aussi ce qui, selon elle, la menace, la mort. Merci à Marguerite Roman pour la suggestion. 16 Voir ALTER, L’art du récit, 158. Dans Genesis. Translation and Commentary, New York 1996, 158, le même Alter compare aussi Rachel à Ésaü. 17 À sa décharge, on peut penser que Jacob peut très bien se contenter de la situation qui s’est créée : une femme qui lui a donné des fils, et une autre dont il n’a pas à partager l’amour. 18 Et cela, bien qu’en 29,31b, il ne soit pas dit que YHWH a rendu Rachel stérile. 19 L’expression est employée aussi en Dt 7,13 ; 28,4 ; Is 13,18 ; Mi 6,7 ; Ps 127,3 ; 132,11.
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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sa colère : aux yeux de Jacob, la critique indirecte de Rachel est d’autant plus injuste qu’elle lui prête des pouvoirs qu’Élohîm seul possède et qu’elle fait de lui le maître de la vie (« donne des fils ») et de la mort (« sinon, je meurs »). En outre, la scène fait penser à cet autre tableau où une femme, Saraï, parle de sa stérilité à son mari (16,2)20. En s’adressant à Abram, elle fait état de cette situation en ces termes : « YHWH m’a empêchée d’enfanter ». Saraï met donc la divinité directement en cause, ce qui, ici, souligne combien la parole de Rachel est odieuse. En revanche, quand Jacob renvoie celle-ci à Élohîm, ce n’est pas vers lui qu’elle se tourne, préférant faire comme Saraï qui a demandé à son mari de s’unir à sa servante pour pouvoir adopter le fils qui naîtrait de cette union (16,2 : « viens, je te prie, vers ma domestique : peut-être aurai-je un fils d’elle »). C’est ce que raconte le verset 3 où Rachel propose cette même solution à Jacob. « Voici ma servante Bilha, viens vers elle, qu’elle enfante sur mes genoux de sorte que moi aussi j’aie un fils (venant) d’elle ». Comme Saraï, Rachel répond donc à la stérilité en contournant celui qui est le maître de la fécondité. Loin d’agir comme Isaac qui a prié YHWH d’intervenir en faveur de Rébecca (25,21), elle recourt à un stratagème purement humain : la servante enfantera « sur ses genoux » de sorte que le fils soit le sien. Mais la visée ultime de Rachel est exprimée par un jeu de sens portant sur le verbe utilisé, bānâ, qui, en soi, signifie « bâtir », « construire ». Le sens littéral de we’ibbāneh serait donc « de sorte que je sois construite » ; mais le verbe fait penser au mot bēn, « fils » — d’où la traduction usuelle reprise ci-dessus. L’ambivalence donne à penser cependant que Rachel pense être construite en devenant mère, plus exactement en possédant un fils. Au fond, elle cède à une tentation humaine plutôt commune, qui consiste à croire que c’est en fuyant le manque et en le comblant plutôt que de l’assumer que l’on sera construit dans son humanité21. C’est là l’effet de la convoitise jalouse (sensible dans le « que j’aie moi aussi un fils ») : elle la pousse à mettre les autres à contribution en vue d’en tirer un profit purement personnel : Jacob doit aller vers Bilha pour qu’elle enfante, ainsi Rachel sera satisfaite sans avoir rien eu à faire d’autre que de donner un ordre22. Tout comme Saraï (voir 16,3), Rachel semble vouloir s’assurer de la réaction de Jacob, et elle lui donne carrément une nouvelle épouse : la domestique reçue
20 On se souviendra que Rébecca n’évoque pas elle-même le problème de sa stérilité et que c’est Isaac qui prend l’initiative de prier Élohîm en sa présence, et peut-être en s’opposant à elle (25,21). 21 Pour Rachel, il s’agit d’être construite dans sa féminité. Pour d’autres connotation de ce jeu de sens, voir A. WÉNIN, Abraham ou l’apprentissage du dépouillement. Lecture de Genèse 11,27– 25,18, Lire la Bible 190, Paris 2016, 112-114. 22 La syntaxe hébraïque souligne cela à sa manière : un impératif (bā’, « Viens ! ») est suivi d’un jussif indirect à sens final ou consécutif (wetēlēd, « de sorte qu’elle enfante ») puis d’un cohortatif indirect indiquant une seconde finalité (we’ibbāneh, « pour que j’aie un fils »). Sur la portée syntaxique des volitifs indirects, voir JOÜON, Grammaire, § 116, ou A. NICCACCI, Sintassi del verbo ebraico nella prosa biblica classica, Jérusalem 1986, § 61-64.
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André WÉNIN
en « cadeau » de mariage de son père23. Jacob ne se fait pas prier pour s’unir ensuite à elle, tandis qu’elle ne tarde pas à satisfaire sa maîtresse (30,5-8). + Et elle conçut, + et enfanta - Et elle dit,
RACHEL :
= Il a fait justice-à-MOI, = et aussi = et a donné
ÉLOHÎM, il a entendu à MOI
v. 5
Bilha, à JACOB
un fils. v. 6
la-voix-de-MOI un fils,
:: ainsi ELLE appela
le nom-de-lui DAN ··························································································································· + Et elle conçut ENCORE V. 7 + et enfanta, Bilha, servante de RACHEL un fils deuxième à JACOB - Et elle dit, RACHEL : v. 8 = Des luttes d’ÉLOHÎM = aussi
J’AI lutté JE l’AI emporté,
avec la-sœur-de-MOI,
:: et ELLE appela
le nom-de-lui
NEPHTALÎ.
D’un point de vue rhétorique, les deux notices de naissance des fils de Bilha sont très parallèles et elles reproduisent pour l’essentiel le schéma de celles qui relatent les maternités de Léa : conception, enfantement, parole prononcée, don du nom. Deux différences sont à noter cependant. Tout d’abord, celle qui enfante et dont il est précisé qu’elle est une servante (v. 4 et 7) n’est pas celle qui nomme : deux noms de femmes apparaissent donc, signe d’un geste d’adoption. Ensuite, la mention « à / pour Jacob » est liée par deux fois au fils qui est enfanté par la servante, alors que les paroles commentant la naissance sont centrées non sur Jacob, mais sur celle qui s’exprime, Rachel (voir les formes de 1re pers. sing.). Ces déclarations impliquent Élohîm comme celles de Léa invoquaient YHWH (voir 29,32.33.35), et la première des deux (v. 6) fait écho à la deuxième de Léa (29,33) à laquelle elle reprend la séquence « [la divinité] a entendu… [moi], et a donné à moi [un fils] ». Enfin, en confrontant les mots qui, dans les paroles de Rachel comprennent une première personne, une variation apparaît : dans la première, elle est bénéficiaire des actions divines (v. 6), dans la seconde, protagoniste d’une victoire sur sa sœur (v. 8). Reprenons à présent les choses sous l’angle narratif. 23 Il n’est pas facile d’expliquer la différence entre les deux termes hébreux désignant la domestique (’āmâ / šipḥâ, que je traduis respectivement par « domestique » et « servante »). Résumant la position de A. Jepsen (« ’āmâ und šipḥâ », VT 8 (1958) 293-297), le lexique HALOT, sub voce šipḥâ, écrit : « both words designate two classes of people which can be very clearly differentiated from one another ; but they would both be used together when women were being spoken of as servants. This is probably what has led to the words no longer always being used with their original distinctive meanings ». Sur cette question, voir aussi E. REUTER, « šipḥâ », in TDOT Vol. 15 (2006) 405-410.
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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C’est donc un mariage que Rachel arrange entre Jacob et Bilha. De la sorte, elle introduit un tiers dans le couple, agissant comme son père Laban qui, lui aussi, a donné une autre femme à Jacob sans que celui-ci le demande et surtout le veuille. Puis, lorsque Bilha enfante un fils « pour Jacob », Rachel se l’attribue (« Élohîm a donné pour moi un fils »), selon les termes de son marché avec Jacob. Au passage, elle met Élohîm de son côté. Alors qu’elle ne lui a rien demandé, lui préférant un stratagème qui le contourne, elle proclame qu’il a entendu sa voix qu’elle n’a pourtant pas élevée vers lui ! Après avoir mis son mari et sa servante à son service, voilà donc qu’elle fait de même avec Élohîm. Dans sa convoitise, Rachel se montre donc bien peu respectueuse d’autrui, agissant comme si elle avait tous les droits, comme si le fils était un dû. En effet, ses premiers mots « Dieu m’a fait justice » (dānannî, verbe d’après lequel elle va nommer le fils dān) trahissent sa façon de percevoir sa situation : à ses yeux, le fait de n’avoir pas de fils comme sa sœur était une injustice — c’est bien là une idée d’envieux. Et puisque, selon Jacob (v. 2), c’est Élohîm qui était responsable de sa stérilité, le fait qu’elle ait un fils est pour elle le signe qu’Élohîm a rétabli l’équilibre et a fait justice en lui donnant ce qu’il a aussi donné à Léa24. Au verset 7, les mots « encore » et « deuxième » soulignent la répétition peutêtre inattendue — serait-ce là le point de vue de Rachel ? Quoi qu’il en soit, sa réaction lui est dictée par la jalousie envers sa sœur. Cette nouvelle naissance — dans laquelle elle n’est apparemment pour rien, à s’en tenir au récit —, elle la vit comme l’issue victorieuse de la lutte « homérique »25 qui l’oppose à Léa. C’est du moins sa façon de voir. En effet, elle a seulement deux fils — et encore ! — alors que Léa en a quatre. Reste que, pour elle, c’est une victoire dans la mesure où elle a obtenu astucieusement ce qu’elle a exigé de son mari, « des fils » (v. 1)26. Mais peut-être cette victoire consiste-t-elle à avoir détourné vers elle l’attention qu’Élohîm réservait à Léa. En effet, ici, il apparaît on ne peut plus clairement que c’est vis-à-vis de sa sœur qu’il était crucial pour elle d’avoir des enfants : son exclamation (naftulê ’èlōhîm niftaltî) qui donnera son nom à naftālî, illustre donc avant tout la force de la jalousie. Du côté de Léa, cette « victoire » de sa sœur semble avoir un goût amer, car elle fait en sorte d’avoir sa revanche (v. 9 ; voir schéma ci-dessous). D’un point de vue rhétorique, il y a peu de choses à dire : un segment bimembre pour le 24
Voir ci-dessus, le rapprochement clair entre 29,33 et 30,6. Pour FOKKELMAN, Narrative Art, 135, le jugement divin consiste à restaurer la position de Rachel en lui donnant raison par rapport à sa sœur. 25 Tel pourrait être le sens de l’expression avec « d’Élohîm » qui peut avoir une portée superlative, comme le dit SARNA (Genesis, 208) ; reste qu’elle associe Élohîm à sa lutte. MARKS, ed. (The English Bible, 69) souligne l’ambiguïté de l’expression. Voir aussi, par ex. G.J. WENHAM, Genesis 16–50, WBC 2, Dallas, TX 1994, 245. 26 Le verbe employé pour évoquer la lutte (ptl) est assez rare, tandis que le substantif est un hapax. Dans les autres passages bibliques où on trouve le verbe (Jb 5,13 ; Pr 8,8 et 2S 22,27 // Ps 18,27), le verbe connote quelque chose de tortueux, de rusé. Par ex. en Jb : « Il [Élohîm] prend les sages à leur propre astuce (‘ormâ), il devance les intentions des rusés (niftālîm) ». En recourant à ce verbe, Rachel reconnaîtrait-elle implicitement qu’elle a usé de moyens tordus ?
94
André WÉNIN
constat, un autre pour la réaction, Léa étant sujet de tous les verbes. Dans le premier segment, c’est d’elle seule qu’il s’agit ; dans le second, de Zilpa et Jacob. Plus intéressant : au plan macro-structurel, ce verset correspond presque terme à terme à ce qui était dit de Rachel en 30,1a, 3a et 4a. – Et elle vit, Léa, :: oui ! elle a arrêté d’enfanter, + et elle prit + et elle donna-elle – Et elle vit, :: oui ! […] + Voici + Et ELLE donna
v. 9 Zilpa servante-d’elle
à JACOB
pour femme.
RACHEL, ELLE n’a pas enfanté
pour JACOB
v. 1
la-domestique-de-MOI à LUI
Bilha, […] v. 3a Bilha servante-d’elle pour femme v. 4a
Cette symétrie souligne que l’action de Léa est en miroir de celle de sa sœur : quand elle constate ce que le lecteur sait depuis 29,35, à savoir que ses grossesses ont cessé, elle réagit en mettant en œuvre la solution que Rachel a imaginée pour avoir des enfants. Elle n’interpelle même pas Jacob, cependant : s’il a accepté sans mot dire d’épouser la servante de Rachel, peut-il faire moins pour celle qui lui a déjà donné quatre fils et refuser d’épouser sa servante ? Mais un tel mimétisme chez Léa est probablement symptomatique et révèle que, tandis que Rachel mène la lutte contre elle, elle aussi cultive semblable esprit de rivalité, dont Girard a montré combien il est générateur de violence27. À ce propos, pourtant, l’absence d’allusion à Rachel (comparer avec 30,1) n’est pas sans poser question. + Et elle enfanta, - et elle dit,
Zilpa servante de Léa Léa :
à JACOB
un fils
v. 10 v. 11
= Par chance :: et elle appela
le nom-de-lui GAD ····················································································································· + Et elle enfanta, Zilpa servante de Léa, un fils deuxième à JACOB - et elle dit,
Léa :
= Dans félicité-de-moi, oui ! ont félicité-moi
des filles
:: et elle appela
ASHER
le nom-de-lui
v. 12 v. 13
De même que Jacob n’est pas consulté sur l’initiative de Léa qui le dote à son tour d’une nouvelle épouse, de même il n’est pas dit qu’il « vient » vers Zilpa, à 27
Voir, entre autres ouvrages, R. GIRARD, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris 1978.
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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la différence de ce qui est raconté de Bilha au verset 4b. Le récit fait de lui un personnage passif, alors même que la suite montre qu’il s’est uni à Zilpa. À nouveau, le schéma des notices se répète presqu’à l’identique, et comme pour la naissance des fils de Bilha, la servante enfante pour Jacob, mais c’est Léa qui commente l’événement et nomme le fils de Zilpa. On constate cependant que la première étape, la conception, n’est même plus mentionnée, et c’est une autre façon d’occulter la présence de Jacob. Les faits sont relatés comme si, plus des fils lui naissent, moins il est impliqué dans ce qui se passe entre ses femmes. Les choses sont différentes pour Léa qui, comme toujours, donne aux deux fils qu’elle adopte des noms qui correspondent aux paroles que lui inspirent leur naissance. Mais alors que son mimétisme faisait craindre un éclat de violence, c’est sa joie qui éclate, prolongeant celle qu’elle exprimait à la naissance de Juda (29,35). Il n’est même pas dit qu’elle imite Rachel qui s’emparait du fils de la servante (30,6) ou en faisait le signe de sa victoire (v. 8), et elle laisse Élohîm en dehors de l’affaire. Même Jacob et son amour tant désiré semblent s’effacer derrière le plaisir qu’elle éprouve : « Par chance » (bāgād)28 ou, selon le Qeré, « (la) chance est arrivée », donnera ensuite le nom de gād ; « Par ma félicité (be’ošrî) : oui ! des filles me félicitent (’iššerûnî) » servira à nommer ’āšēr. L’impression globale qui ressort de ces réactions est un sentiment de bonheur paisible et serein que Léa goûte comme si, dans la lutte que sa sœur pense avoir remportée, elle se situait au-dessus de la mêlée. Même lorsque la naissance d’Asher annule l’avantage que Rachel a cru prendre et la donne victorieuse dans la mesure où les fils des servantes se neutralisent, elle ne fait aucune allusion à une lutte. C’est alors que survient un événement inattendu. Même s’il s’agit d’une vignette narrative, la disposition rhétorique est intéressante à observer (vois schéma, page suivante). Dans les morceaux extrêmes, Rachel est absente au contraire de Léa, bénéficiaire de l’action de son fils d’abord (v. 14a), protagoniste avec son mari ensuite (v. 16). Ils contiennent tous deux des compléments de temps et mentionnent la campagne : les mandragores que Ruben y trouve et fait venir (bw’ hifil) « vers Léa » permettent à celle-ci de faire en sorte que Jacob vienne « vers elle » (bw’ qal). Dans le morceau central, un même schéma se répète : l’une des deux sœurs parle à l’autre des mandragores du fils de Léa (terme final de chaque segment, répété une 4e fois dans le dernier morceau, v. 16). Les paroles du dialogue contiennent toutes un terme indiquant que les fruits changent de main : donner, prendre (2 fois) et « en échange de » (taḥat). Enfin, l’expression « coucher avec [Léa] la nuit » fait fonction de terme final des deux derniers morceaux.
28
L’expression a sans doute ce sens. En Is 65,11, Gad est le dieu cananéen de la bonne fortune, de la chance (voir SARNA, Genesis, 208). Les massorètes lisent bā’ gād (« chance est arrivée »).
96 :: Et il alla, :: et il trouva :: et il fit venir - Et elle dit, = DONNE donc
André WÉNIN RUBEN, des mandragores eux RACHEL, à MOI
aux jours de moisson des blés, v. 14 dans la campagne vers Léa la mère-de-LUI. à Léa : des mandragores DU FILS-DE-toi.
··························································································································· - Et elle dit à ELLE : v. = Est-ce (trop) peu PRENDRE-TOI L’HOMME-DE-moi pour-PRENDRE aussi les mandragores DU FILS-DE-moi ? ··························································································································· - Et elle dit, RACHEL : = Pour cela, IL couchera avec toi LA NUIT, EN ÉCHANGE des mandragores DU FILS-DE-toi.
de la campagne AU SOIR à la rencontre-de-LUI
:: Et il vint, :: et elle sortit,
JACOB, Léa,
- Et elle dit : = vers moi = oui, un salaire,
TU viendras ! j’ai salarié pour-TOI avec les mandragores DU FILS-DE-moi.
15
v. 16
··························································································································· :: Et IL coucha avec elle pendant LA NUIT, LUI.
Du point de vue narratif, l’action ne rebondit pas à cause de Rachel dont on pouvait attendre une nouvelle initiative après le « match nul » que scelle la naissance du second fils de Zilpa. C’est le hasard — ou la providence ? — qui donne à Ruben de trouver des mandragores ou pommes d’amour (dûdā’îm29), fruits « considérés, encore de nos jours, comme un aphrodisiaque, un remède pour favoriser la génération et la conception »30. Ce fils aîné, dont la naissance à éveillé chez une Léa humiliée l’espoir de conquérir enfin l’amour de Jacob (voir 29,32b), amène logiquement à sa mère ces fruits grâce auxquels elle peut espérer attiser l’affection voire l’amour chez son mari. Mais voilà : les mandragores sont également intéressantes pour une femme stérile qui peut en attendre des effets fertilisants. C’est probablement ce qui pousse Rachel à adresser une demande à sa sœur31. Formulée poliment — « Donne-moi, je te prie (nā’) » — la requête est également pleine de retenue puisqu’elle porte sur quelques fruits trouvés par Ruben — « des (min) mandragores de ton fils ». Est-elle encouragée par la sérénité de sa sœur lors les récentes naissances, tout en restant prudente de peur de l’effaroucher ? Toujours est-il que la réponse est cinglante. 29 Les lexiques (BDB, ZORELL, HALOT) relient le mot à dôd qui désigne (entre autres choses) le bien-aimé ou l’amour. Voir l’association des deux termes en Ct 7,13-14 (SARNA, Genesis, 209). 30 H. FREMEN – J.-C. MARGOT, « Mandragore », in P.-M. BOGAERT et al., ed., Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Turnhout 2002, 788. Voir aussi ALONSO SCHÖKEL, Dov’è tuo fratello ?, 203, ou TURNER, Genesis, 131. 31 FOKKELMAN (Narrative Art, 137) a une jolie formule : « both wives have a serious “deficiency” […] which they plan to eliminate for each other by a creative compromise ». Il omet de souligner que l’initiative de ce compromis revient à Rachel.
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« Est-ce trop peu que tu aies pris mon homme pour que tu prennes aussi les mandragores de mon fils ? » Léa accuse sa sœur de la priver de tout : et de son homme, et des fruits au moyen desquels elle peut espérer se l’attacher. Les modifications du lexique et de la syntaxe sont symptomatiques : là où Rachel parlait de « donner des mandragores », Léa parle de « prendre les mandragores », en insistant sur le verbe, d’ailleurs. Une telle exaspération est tout à fait inattendue après l’humeur paisible et heureuse qu’elle affichait dans la scène précédente32. Sa cause est claire dès les premiers mots : c’est la jalousie vis-à-vis de Rachel qui la rend profondément amère au point qu’elle se montre on ne peut plus agressive. Mais à quoi Léa fait-elle allusion quand elle dit que Rachel lui a pris son homme ? Sans doute aux événements qui ont entouré les deux mariages et ont eu pour résultat que Jacob s’est attaché à la femme aimée (29,30a), Léa se voyant dès lors privée d’amour (29,32). Il n’est pas impossible non plus que soit aussi en cause la ruse de Laban qui lui aurait laissé croire qu’elle serait l’unique épouse. Mais ces motifs remontent loin. Et lors de la naissance de Lévi, on l’a vu, la relation entre Léa et Jacob a connu une amélioration. Dès lors un autre élément pourrait être intervenu depuis qui expliquerait la raison du reproche amer que Léa adresse à sa sœur. La réponse de Rachel fournit la clé. « Pour cela, il (Jacob) pourra coucher avec toi la nuit, en échange des mandragores de ton fils ». Cette répartie suppose en effet que Rachel tenait sa sœur loin de leur mari commun, l’empêchant de dormir avec lui. Voilà comment elle lui a « pris » son homme. Or, il se pourrait que cette clé éclaire un autre détail du récit resté sans explication33. Après la naissance de Juda, on s’en souvient, le récit enregistre simplement le fait que Léa cesse d’avoir des enfants (29,35b). À la lumière du dialogue entre les sœurs, il est permis de penser que, dans sa jalousie envers Léa qui louait YHWH suite à son rapprochement avec Jacob (29,35a et 30,1a), Rachel s’est interposée entre eux et n’a pas permis qu’ils dorment encore ensemble, lui « prenant » ainsi son homme comme Léa l’en accuse ici. Voilà ce qui se serait opposé à ce qu’elle
32 L’exaspération de Léa ressort de l’expression qu’elle emploie, « est-ce trop peu… » (ham‘aṭ), comme le souligne WENHAM, Genesis 16–50, 247 qui cite Nb 16,9 ; Jos 22,17 ; Is 7,13 et Éz 34,18. L’exagération de l’expression (prendre les mandragores) en est un autre signe. La rime de ses deux phrases (’îšî et benî) renforce cette impression : c’est comme si Rachel voulait prendre le fils comme elle a pris le mari.Visiblement, « Lea antwortet mit der ganzen Bitterkeit ihrer unerfüllten Liebe zum Vater ihrer Söhne », écrit I. WILLI-P LEIN, Das Buch Genesis. Kapitel 12–50, Neuer Stuttgarter Kommentar Altes Testament 1/2, Stuttgart 2011, 198. 33 On a ici un beau cas de « surprise ». Un fait n’a pas été dévoilé là où il aurait dû l’être si le fil chronologique avait été respecté. Lorsque cet événement antérieur est dévoilé, il éclaire d’une lumière inédite les faits racontés précédemment et invite à les relire pour les comprendre autrement. Sur ce mécanisme narratif, voir J.-P. SONNET, « L’analyse narrative des récits bibliques », in M. BAUKS – C. NIHAN, ed., Manuel d’exégèse de l’Ancien Testament, MoBi 61, Genève 2008, 71-72.
98
André WÉNIN
continue d’enfanter, une situation à laquelle elle répond en donnant Zilpa en mariage à Jacob pour avoir des fils à travers elle (voir 30,9)34. Revenons à la proposition de Rachel. La réaction de Léa, d’autant plus violente qu’elle était tout à fait inattendue, pousse Rachel à lui proposer un marché. Elle semble avoir compris, en effet, que si chacune campe sur ses positions, son ardent désir de fécondité (voir 30,1b) réveillé à la vue des mandragores risque de ne jamais se concrétiser. Aussi renonce-t-elle à l’envie de qui veut tout pour soi et rien pour l’autre, adoptant l’attitude opposée à celle que sa sœur lui reproche. Elle accepte alors que Léa dorme à nouveau avec Jacob, selon le désir qu’exprimait à sa façon le refus cinglant de partager les pommes d’amour. Ainsi, après avoir « mené une lutte homérique » avec sa sœur (v. 8), Rachel cherche le compromis, comme si la résistance de Léa l’avait rendue inventive pour imaginer une solution originale — elle l’avait fait une première fois quand Jacob résistait à son exigence (voir v. 2-3). Selon ce compromis, chacune permettra à l’autre d’obtenir ce qu’elle désire et qui lui laisse espérer que son propre manque sera comblé (l’amour de Jacob pour Léa, des fils pour sa sœur). Rachel montre ainsi le chemin pour que chacune reconnaisse à la fois que le désir de l’autre est légitime et qu’elle a besoin d’elle pour voir le sien satisfait35. Le pas est énorme : Léa va-t-elle l’accepter ? Le récit ne le révèle pas tout de suite puisqu’il ne mentionne pas la réponse de la sœur aînée. Au prix d’un bond dans le temps, il préfère amener le lecteur au moment où Jacob rentre de la campagne au soir, quand tombe la nuit au cours de laquelle, si Léa le veut, il pourrait partager sa couche. Puis le regard se tourne vers Léa qui sort à la rencontre du mari : suspense ! Ce sera seulement la parole de Léa à révéler l’issue du dialogue entre les sœurs. Un tel procédé permet d’accroître la tension (effet de tout retard ou ralenti), mais aussi de faire sentir l’émotion de Léa au moment où elle prononce la parole qui dévoile au lecteur ce qu’il désire savoir. En l’entendant, non seulement il apprend qu’elle a accepté l’échange proposé par Rachel, mais il peut aussi constater la jubilation de Léa, trop heureuse de pouvoir retrouver son mari : « C’est vers moi (donc pas vers Rachel36) que tu viendras » ; et d’expliquer à Jacob qui ignore ce qui a eu lieu entre ses épouses : « Oui ! j’ai vraiment versé un salaire pour toi avec les mandragores de mon fils »37. 34
Dans ce cas, les commentaires de Léa lors des naissances de Gad et Asher prennent un tour ironique. Après l’éclat de Rachel (« J’ai combattu… contre ma sœur et je l’ai emporté ! »), en effet, avec les naissances des fils de Zilpa, Léa dame le pion à celle qui proclamait fièrement sa victoire. Le fait qu’elle ne mentionne pas Rachel pourrait alors être lu comme un signe de mépris. 35 La tromperie qui caractérisait le conflit entre Jacob et Ésaü, mais aussi la première nuit de Léa avec Jacob (29,23-25), est totalement absente. Ici, rien n’est masqué : le marché est clair, et le récit confirmera en finale que c’est bien « lui », Jacob, qui couche avec Léa cette nuit-là. En ce sens, plus ou moins, FOKKELMAN, Narrative Art, 140-141, suivi par COTTER, Genesis, 230. 36 Dans la syntaxe de la phrase, le complément prépositionnel est en évidence avant le verbe. 37 On peut percevoir ici combien le discours de Léa est stylisé. La phrase censée expliquer les choses à Jacob n’est compréhensible que pour qui connaît déjà le contexte, ce qui est la position du lecteur et non celle de Jacob pour qui la phrase serait sybilline « dans les faits ». La stylisation du
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On notera que le verbe employé par Léa, śākar, signifie aussi « engager » (contre un salaire), « louer » (contre compensation), voire « récompenser ». Mais le fait qu’elle parle de paiement renforce l’idée d’un marché passé entre les sœurs, à l’image de celui que Jacob avait passé avec Ésaü pour lui « acheter » son droit d’aînesse38. Alors, le marché masquait le fait qu’il s’agissait pour Jacob de priver son frère de son bien ; ici, au contraire, toute ruse est absente, si bien que l’accord entre les sœurs signe pour ainsi dire leur réconciliation. Tant il est vrai que, par la suite, on ne trouvera plus trace d’un conflit entre Rachel et Léa. Au terme de cette brève scène, une question se pose : si, grâce aux mandragores, Léa pense avoir obtenu ce qu’elle désirait, en sera-t-il de même pour Rachel qui en attend la fécondité ? Comme le récit des naissances reprend ensuite, on penser que la réponse à cette question va venir. On ne tardera pas à constater qu’aucune des deux n’obtiendra réellement ce qu’elle espère des mandragores : certes, Léa retrouvera son mari, mais elle n’en sera pas plus aimée qu’avant ; quant à Rachel, elle devra attendre l’intervention divine pour enfanter enfin39. Le schéma désormais bien connu des notices de naissances réapparaît donc après la « vignette » narrative sur l’affaire des mandragores. Il est reproduit à trois reprises, mais les première et troisième notices commencent par une intervention analogue d’Élohîm en faveur de l’une des deux sœurs qu’il « entend » (wayyišma‘ ’ēl, v. 17.2240). Une insistance particulière est réservée cependant à l’action en faveur de Rachel, notamment — par mode d’inclusion — au moyen du rappel de ce que la divinité a fait pour Léa au début de l’épisode (29,31) : la mention d’une activité mentale (« Yhwh vit… Léa » / « Élohîm se souvint de Rachel ») est suivie d’une phrase identique, « et il ouvrit sa matrice », qui fait écho par opposition à « mais Rachel (était) stérile » du début. La notice de naissance de Joseph se distingue encore par sa finale. Alors que toutes les notices, à l’exception de la première41, s’achèvent avec le nom du fils, la dernière se termine sur une seconde déclaration de la mère (« disant », lē’môr) qui joue une deuxième fois sur le nom du fils.
discours permet par exemple de ne pas faire apparaître le nom de Rachel et a pour effet de suggérer combien ce qui compte pour Léa, c’est la relation renouvelée avec Jacob, relation qui doit rester sans ombre. Concernant la stylisation du discours dans la narration (et d’autres caractéristiques de la citation de discours), voir par ex. M. STERNBERG, « Proteus in Quotation-Land. Mimesis and the Forms of Reported Discourse », in Poetics Today, 3/2 (1982) 107-156 38 Pour le rapprochement entre les deux passages, voir surtout FOKKELMAN, Narrative Art, 140-141, mais aussi HAMILTON, Genesis. Chapters 18–50, 175 ou ALTER, Genesis, 160. 39 J’emprunte cette lecture à TURNER, Genesis, 131. 40 La préposition et son complément produisent un effet d’écho entre le v. 17, ’el-lē’ah (« vers Léa ») et le v. 22, ’elêhâ (« vers elle », c’est-à-dire Rachel) 41 Cette nouvelle inclusion rapproche les première et dernière notices qui se terminent l’une et l’autre par une déclaration de la mère comprenant un jeu de mots sur le nom du fils. Un autre élément dans le même sens est le retour en finale du Tétragramme qui, employé tout au début en 29,31, revient à la fin de 30,23, après avoir disparu depuis 30,1 au profit d’Élohîm.
100
André WÉNIN
+ ET IL ENTENDIT, + et elle conçut - et elle dit,
ÉLOHÎM, et enfanta Léa :
Léa pour JACOB
v. 17 un fils cinquième. v. 18
= Il a donné, ÉLOHÎM le salaire-de-moi = parce que j’ai donné la servante-de-moi à l’homme-de-moi, :: et elle appela
le nom-de-lui
ISSACHAR.
··························································································································
+ Et conçut ENCORE + - et elle dit,
Léa, et enfanta Léa :
= Il a régalé-moi = cette fois, = oui !
d’un bon régal il honorera-moi, j’ai enfanté
l’homme-de-moi, pour lui six fils.
:: et elle appela
le nom-de-lui
ZABULON.
v. 19 un fils sixième
pour JACOB. v. 20
··························································································································
+ Et après, :: et elle appela
elle enfanta le nom-d’elle
une fille DINA.
v. 21
+ Et il se souvint, + ET IL ENTENDIT + et il ouvrit
ÉLOHÎM, de RACHEL, vers ELLE, ÉLOHÎM la matrice-d’ELLE
v. 22
+ et elle conçut - et ELLE dit :
et enfanta
un fils
v. 23
= Il a enlevé,
ÉLOHÎM,
la honte-de-MOI.
:: Et ELLE appela = Qu’il ajoute
le nom-de-lui YHWH
JOSEPH, pour MOI
disant : un fils autre.
v. 24
Par ailleurs, les deux notices concernant les nouveaux fils de Léa ont en commun le fait qu’ils sont enfantés « pour Jacob » comme c’était aussi le cas pour les quatre fils des servantes (v. 17 et 19, voir v. 5, 7, 10 et 12) et que le nouveau-né est pour ainsi dire numéroté (5e et 6e). Cette numération — complétée par la précision que Léa a eu six fils (v. 20) — a pour effet de suggérer que Dina, malgré une notice beaucoup plus succincte, vient prendre une 7 e place qui marque une forme d’accomplissement. Celui-ci est, comme le septième jour de la création42, caractérisé par la différence, Dina étant la seule et unique fille de toute la série. Enfin, la deuxième partie de la déclaration concernant de Zabulon (v. 20a) se caractérise par sa proximité évidente avec celle de Lévi en
42
C’est ce 7e jour (Gn 2,1-3) qui fonde la portée symbolique que je vois ici.
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
101
29,34, qu’il reprend presque textuellement, comme le montre la superposition des deux textes43. 29,34
30,20
Cette fois
il se joindra
l’homme-de-moi
à moi
OUI !
J’AI ENFANTÉ
POUR LUI
TROIS FILS.
Cette fois
il honorera-
moi,
l’homme-de-moi,
OUI !
J’AI ENFANTÉ
POUR LUI
SIX FILS.
L’expression « oui ! j’ai enfanté pour lui… X fils » (kî yāladtî lô… bānîm) en combinaison avec un chiffre (3 ou 6) n’apparaît que dans ces deux notices, ce qui contribue à leur étroit rapprochement, de même que l’adverbe « cette fois » (happa‘am) qui, toutefois, revient également dans la notice de Juda (29,35). Si l’on considère le texte d’un point de vue narratif, cette fois, c’est la nouvelle intervention divine en faveur de Léa qui frappe d’emblée le lecteur : Élohîm l’a entendue. Qu’a-t-il entendu d’elle, que le récit n’aurait pas mentionné ? Peut-être est-ce simplement le désir d’un fils, dont Léa a été privée tout un temps par la jalousie de Rachel et par la complicité, fût-ce passive, de Jacob. Une fois rouvert le chemin de la chambre de son homme, la divinité lui permet donc de concevoir (selon ce que Jacob dit en 30,2). À l’instar des servantes, c’est « pour Jacob » que Léa enfante. Espère-t-elle à nouveau gagner son amour en ajoutant un fils aux quatre qu’elle lui a donnés ? Toujours est-il que, dans la déclaration par laquelle elle ponctue la naissance, elle semble faire allusion à la scène précédente : « Élohîm m’a donné mon salaire » (śekārî). En entendant ces mots, le lecteur s’attend à ce que Léa poursuive en évoquant le salaire obtenu au moyen des pommes d’amour données à sa sœur, à savoir Jacob lui-même. Mais la suite surprend. Car Léa ajoute : « parce que j’ai donné ma servante à mon homme ». À ses yeux, Issachar (yiśśākār) est un salaire, voire une récompense pour avoir donné Zilpa à Jacob. Bref, Élohîm a répondu à un don par un autre don. Le fait de ne pas lier le salaire aux mandragores mais de le référer à l’épisode précédent est doublement significatif. D’une part, Léa « oublie » le compromis avec Rachel, dont elle ne peut tirer aucun mérite, vu que c’est sa sœur qui a proposé l’accord : pourquoi devrait-elle être rétribuée pour cela ? N’a-t-elle pas déjà été comblée par le marché lui-même ? D’autre part, le mérite qu’elle s’attribue est réel : en donnant Zilpa à Jacob quand elle n’avait plus d’accès à lui pour lui donner d’autres enfants, elle a montré le prix qu’elle accorde à la fécondité et à la vie. Quoi qu’il en soit, sa déclaration suggère qu’elle est passée au-delà d’un conflit auquel elle ne fait plus aucune allusion puisqu’elle ne rappelle ni le compromis, ni le caractère mimétique de ce qu’elle a fait en donnant Zilpa.
43
FOKKELMAN (Narrative Art, 139) repère le parallèle et le présente comme encadrant l’histoire.
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André WÉNIN
Léa ne s’arrête pas en si bon chemin : elle aura encore deux enfants, Zabulon et Dina. C’est là un signe que la concession de Rachel ne valait pas pour la seule nuit après l’échange, mais était un renoncement à la possession exclusive du mari. Lorsque naît son sixième fils — un véritable cadeau44, dit-elle —, Léa revient sur sa relation avec Jacob, mais le sens du verbe qu’elle utilise (yizbelēnî) n’est pas clair45. Quoi qu’il en soit, il exprime l’espoir d’une relation meilleure, comme c’était le cas lorsqu’elle nommait Lévi. C’est le signe que l’amélioration qui s’était vérifiée alors n’a pas duré et que la femme est toujours en manque vis-à-vis de son mari, au point d’attendre de lui un geste — l’honneur, le rang d’épouse, la cohabitation ? — qui manifeste sa reconnaissance pour les six fils qu’elle lui a donnés. À ce point, la naissance de Dina (dînâ) ne pourrait-elle pas constituer pour elle une sorte de plénitude par laquelle, à son tour, Élohîm lui fait justice ? Le nom de sa fille fait écho, en effet, à celui du premier fils de Bilha, Dan, que Rachel commentait en évoquant l’action de la justice divine en sa faveur (voir 30,6)46. La naissance de Joseph met fin au suspense portant sur la question de savoir si les mandragores auraient un effet pour Rachel. Le récit est formel sur ce point quand il insiste sur l’action d’Élohîm : les pommes d’amour ne sont pour rien dans la grossesse de Rachel47. Se souvenant d’elle, Élohîm fait pour elle ce qu’il a fait auparavant pour Léa : il l’entend (voir 30,17) et ouvre sa matrice (voir 29,31)48. Par cette intervention en faveur de Rachel, il traite enfin les deux sœurs en les mettant sur le même pied. L’arrivée de ce fils est saluée par une double déclaration de Rachel, qui joue par deux fois sur le nom de Joseph (yôsēf) placé entre les deux discours : « Élohîm a enlevé (’āsaf) ma honte »49 ; « Que YHWH m’ajoute (yōsēf) un autre fils » (v. 23.24). Ces deux phrases visent respective-
En hébreu, zebādanî zēbed, qui offre la base d’un premier jeu de mots pour le nom de Zabulon (zebulûn) : voir MARKS, ed., The English Bible, 70. Noter que le texte ne précise pas qui est l’auteur du cadeau, Élohîm (voir v. 17) ou Jacob (dont Léa parle ensuite). 45 Le verbe ainsi traduit est un hapax biblique. Les lexiques proposent le sens de « exalter, honorer » (par ex. BDB, Zorell, DCH, suivis par la BJ) mais ALTER, Genesis, 161 précise tout en l’adoptant : « this meaning is no more than an educated guess ». D’autres traducteurs proposent « élever » comme épouse légitime (HALOT) c’est-à-dire lui donner la place ou le rang qui lui revient (TOB et E. Fleg). D’autres encore ont « cohabiter » (Osty, Dhorme). Pour les versions antiques, voir GIUNTOLI, Genesi 12–50, 168. 46 En ce sens, WILLI-PLEIN, Genesis. Kapitel 12–50, 198-199 ou J.G. JANZEN, Genesis 12–50. Abraham and All the Families of the Earth, International Theological Commentary, Grand Rapids, MI – Edinburgh, U.K. 1993, 117. 47 Voir en ce sens GIUNTOLI, Genesi 12–50, 169. Les mandragores n’auront cependant pas été inutiles : elles ont permis aux sœurs de dépasser leur conflit et de passer de la rivalité à l’échange. 48 Le verbe zākar, « se souvenir », n’implique pas qu’Élohîm ait oublié Rachel. Il s’emploie souvent pour signaler un mouvement intérieur d’Élohîm, qui le pousse à agir en faveur d’une personne ou d’un groupe déterminé. Voir par ex. Gn 8,1 (Noé) ; 19,29 (Abraham) ; Ex 2,24 (Israël). Voir par ex. JANZEN, Genesis 12–50, 117-118. 49 Le verbe utilisé signifie d’abord « rassembler, ramasser », mais il a aussi le sens d’« enlever, ôter » (rassembler pour porter ailleurs). Voir par ex. 2 R 5,3 ; Is 4,1 ; Jr 16,5 ; Ps 104,29, etc. 44
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ment le passé et le futur, avec deux verbes au sens a priori opposé : « enlever » et « ajouter »50. La première renvoie à la naissance, pour faire une lecture théologique de celle-ci : Rachel y reconnaît l’action divine, tout en nommant la façon dont elle a vécu sa longue stérilité. Là où Léa parlait d’humiliation (‘onî, 29,32), elle évoque sa honte (ḥerpātî). La différence est subtile mais réelle : l’humiliation suppose l’action ou l’attitude d’un autre — comme la haine éprouvée par Jacob vis-à-vis de Léa ; la honte sourd quant à elle de l’intérieur même de la personne — fruit de l’infécondité chez Rachel. Malgré la différence, la frustration objective (pas d’amour ou pas d’enfant) a généré, chez les deux sœurs, un ressenti négatif qui explique en partie l’âpreté du conflit qui les a opposées. La seconde déclaration de Rachel regarde vers le futur et s’exprime à la façon d’un souhait qui rappelle sa première parole, lorsqu’elle exigeait de Jacob qu’il lui donne « des fils » (bānîm, 30,1a)51. À présent qu’elle a intégré le sens de la réponse de Jacob (« suis-je à la place d’Élohîm ? », v. 2) », c’est YHWH qu’elle prie d’exaucer le désir qui est le sien, d’avoir un autre fils. Ce souhait, bien compréhensible dans le chef d’une femme longtemps stérile, acquerra des accents tragiques quand, à la naissance de cet « autre fils », Rachel mourra en lui donnant la vie (35,16-19). C’est ainsi que, lorsqu’elle aura « des fils », elle trouvera aussi la mort à laquelle, croyait-elle, la vouait sa stérilité (30,1b : « des fils, sinon je meurs »). Après ce parcours dans un texte bien plus riche qu’il n’y paraît à première lecture, il ne sera pas inutile de rassembler les données recueillies en cours d’analyse et de proposer quelques réflexions conclusives qui resitueront le récit dans le contexte plus large de la saga familiale que raconte la Genèse. Un regard sur la structure d’ensemble permettra d’abord de ressaisir le texte,
50 51
Je reprends cette idée à MARKS, ed., The English Bible, 70. Voir aussi ALTER, Genesis, 162.
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André WÉNIN
31 YHWH vit : oui ! détestée (était) Léa et il ouvrit sa matrice, et Rachel (était) stérile 32 Et Léa conçut et enfanta un fils et elle appela son nom oui ! elle avait dit : ++ Oui ! YHWH a vu mon humiliation Oui ! maintenant, MON HOMME m’aimera. 33 Et elle conçut ENCORE et enfanta un fils et dit : ++ Oui ! YHWH a entendu que je (suis) détestée et il m’a donné aussi celui-ci, et elle appela son nom 34 Et elle conçut ENCORE et enfanta un fils et dit : ++ Maintenant cette fois MON HOMME se joindra à moi oui ! j’ai enfanté pour lui trois fils ainsi IL appela son nom 35 Et elle conçut ENCORE et enfanta un fils et dit : ++ Cette fois, je louerai YHWH, ainsi elle appela son nom Et elle arrêta d’enfanter.
RUBEN,
SIMÉON. LÉVI. JUDA.
30,1 Et Rachel vit : oui ! ELLE n’a pas enfanté pour JACOB et Rachel jalousa SA sœur et dit à JACOB = Allez ! pour MOI des fils et si non, JE (suis) morte. 2 Et la narine de JACOB brûla contre Rachel et il dit : = Est-ce que JE (suis) à la place d’ÉLOHÎM qui T’a refusé un fruit de ventre ? 3 Et elle dit : = Voici MA domestique Bilha, viens vers elle, = qu’elle enfante sur MES genoux, que J’AIE un fils MOI aussi d’elle. 4 Et elle lui donna Bilha SA servante pour femme et il vint JACOB vers elle. 5 Et Bilha conçut et enfanta à JACOB un fils, 6 et Rachel dit : ++ ÉLOHÎM m’a fait justice et aussi il a entendu MA voix et il m’a donné un fils, ainsi elle appela son nom DAN 7 Et Bilha servante de RACHEL conçut ENCORE et enfanta, un 2e fils à JACOB 8 et Rachel dit : ++ Des luttes d’ÉLOHÎM J’AI lutté avec MA sœur, aussi je l’ai emporté, et elle appela son nom NEPHTALI. 9 Et Léa vit, oui ! elle a arrêté d’enfanter, et elle prit Zilpa sa servante et elle la donna à JACOB pour femme. 10 Et Zilpa servante de Léa enfanta à JACOB un fils 11 et Léa dit, ++ Par chance ! et elle appela son nom GAD. 12 Et Zilpa servante de Léa enfanta un 2e fils à JACOB 13 et Léa dit, ++ Dans ma félicité, oui ! m’ont félicitée des filles et elle appela son nom ASHER. 14 Et Ruben alla, aux jours de moisson des blés, et trouva des mandragores dans la campagne et il les amena vers Léa sa mère. Et Rachel dit à Léa = Donne-moi donc des mandragores de ton fils. 15 Et elle lui dit : = Est-ce (trop) peu que tu aies pris MON HOMME = que tu prennes aussi les mandragores de mon fils ? Et Rachel dit : = Pour cela, il couchera avec toi la nuit en échange des mandragores de ton fils. 16 Et JACOB vint de la campagne au soir et Léa sortit à sa rencontre Et elle dit : = vers moi tu viendras ! = oui, j’ai payé un salaire pour toi avec les mandragores de mon fils. Et il coucha avec elle pendant la nuit, lui. 17 Et ÉLOHÎM entendit Léa 18 et elle conçut et enfanta pour JACOB un 5e fils / 18 et Léa dit : ++ ÉLOHÎM a donné mon salaire car j’ai donné ma servante à MON HOMME, et elle appela son nom 19 Et Léa conçut ENCORE et enfanta un 6e fils pour JACOB, 20 et Léa dit ++ Il m’a régalé d’un bon régal ; cette fois, MON HOMME m’honorera, oui ! j’ai enfanté pour lui six fils, et elle appela son nom 21 Et après, elle enfanta une fille et elle appela son nom 22 Et ÉLOHÎM se souvint de Rachel, et ÉLOHÎM l’entendit et il ouvrit sa matrice 23 et elle conçut et enfanta un fils et dit : ++ ÉLOHÎM a enlevé ma honte, 24 et elle appela son nom disant ++ Que YHWH ajoute pour moi un autre fils.
ISSACHAR. ZABULON. DINA.
JOSEPH,
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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La structure de l’ensemble du texte n’appelle guère de commentaires. Dans les limites d’une inclusion entre le terme initial du premier (29,31) et du dernier morceau (30,22)52, il est composé de trois sous-parties. On y voit s’alterner récit et rapports de naissance, ces derniers étant aisément identifiables par la répétition d’une même suite d’expressions (parties grisées) : concevoir et enfanter un fils, appeler son nom avec le nom de l’enfant. Entre les deux se glisse une déclaration de la mère qui introduit le nom donné par un jeu de mot situant la naissance par rapport à ce qui se passe pour la mère (adoptive). Des variantes sont repérables dans ce schéma : pour Ruben, le nom précède la déclaration qui est absente pour Dina et est redoublée pour Joseph ; par ailleurs, la formule est simplifiée pour les deux naissances de Zilpa (v. 11-12). Ces notices sont groupées en trois blocs de quatre : les 1er et 3e blocs concernent les fils de Léa et Rachel ; le 2e, au centre, rassemble les fils des servantes, Bilha et Zilpa. À noter aussi la présence de la divinité (YHWH ou Élohîm) dans les 1er et 3e groupes, où la déclaration des femmes à son propos est corroborée par le récit (29,31-35, voir v. 31 ; 30,17-23, voir v. 17 et 22). Il est également présent au centre, mais seulement dans des déclarations des personnages (30,2.5 et 8). Les 2e et 3e sous-parties débutent chacune par une section narrative. Les reprises relevant de la rhétorique à proprement parler sont rares, mise à part l’alternance des marqueurs de dialogue (« dire [à] ») que l’on ne trouve que dans ces sections. Mais d’autres ressemblances sont remarquables. Endossant le rôle de protagoniste principal, Rachel y provoque un dialogue, ici avec Jacob, là avec Léa : animée par le désir d’enfants, elle interpelle l’autre par une requête. Celleci provoque une réaction énergique de l’interlocuteur qui, animé par la colère, oppose à la demande une fin de non-recevoir. Mais Rachel trouve ensuite une solution au blocage qui s’est ainsi créé et obtient ce qu’elle demandait : un fils et des mandragores. De part et d’autre, la finale est marquée par l’union entre Jacob et une femme : Bilha d’abord (v. 4), Léa ensuite (v. 16b). En outre, ce sont les seuls morceaux où Jacob participe réellement à l’action. Dans la seconde sous-partie, une autre symétrie est repérable, car le segment bimembre du v. 9 à propos de Léa fait écho aux premier et dernier segments de la section narrative concernant Rachel (v. 1a et v. 4), tout en reprenant le dernier segment de la 1 re sous-partie (v. 35b). Dernière répétition à relever : les cinq occurrences de l’expression « mon homme » se lisent dans les sous-parties externes et sont le fait de la seule Léa. À l’exception de l’occurrence centrale (v. 15a), elles se trouvent dans les déclarations commentant les naissances de quatre fils de l’aînée (29,32.34 et 30,18.19).
52
Autre élément de l’inclusion, la première déclaration de Léa, d’une part (« YHWH a vu mon humiliation ») et la première de Rachel, d’autre part (« Élohîm a enlevé ma honte »).
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André WÉNIN BRÈVES RÉFLEXIONS SUR LA FILIATION
Le texte qui vient d’être analysé est donc entièrement centré sur la question de la filiation, non seulement en raison des douze notices de naissances qu’il contient, mais aussi parce que les deux sections narratives ont elles aussi pour objet principal le désir d’enfant. Voilà qui rappelle une évidence : la filiation est d’abord et avant tout affaire de naissance. Tout être humain naît fils ou fille et est tel en lien avec sa mère et son père. À ce propos, dès la première histoire de frères (Gn 4,1-16) et à de nombreuses reprises53, la Genèse raconte combien les relations entre les parents et leur position vis-à-vis de chacun des enfants, mais aussi plus globalement les circonstances de la naissance de ceux-ci, exercent une influence déterminante sur eux et leur devenir. Quant au nom donné au nouveauné, il imprime profondément sa marque sur son identité. La longue relation que la Genèse consacre à la naissance des fils de Jacob en 29,31–30,24 illustre cela à sa façon pour autant qu’on la replace dans le contexte où elle s’inscrit : la saga des patriarches, plus spécifiquement l’histoire de Jacob. Les fils dont la naissance est racontée ici seront par la suite les protagonistes d’événements plutôt sombres et s’illustreront par la dissimulation, le mensonge, la violence ou encore la vengeance : la ruse des frères de Dina prélude au massacre de la population mâle de Sichem et au pillage en règle de la ville (Gn 34) ; Ruben fait affront à son père en couchant avec Bilha après la mort de Rachel (35,22) ; la haine vis-à-vis de Joseph pousse ses frères à se défaire de lui puis à mentir à leur père pour se venger de sa préférence pour le fils de Rachel (37) ; Juda trompe Tamar sans vergogne avant de décider de l’envoyer au bûcher à la première occasion (38). Une telle manière d’être n’a-t-elle pas plus d’un point commun avec ce qui se passe dans le contexte où ces fils sont nés et ont grandi54 ? Ce contexte, c’est en effet la lutte entre leurs deux mères, chacune voulant à tout prix ce dont l’autre est pourvue et dont elle-même est privée. À trois reprises, du reste, le récit fait sentir toute l’âpreté de cette lutte : quand Rachel exige de Jacob qu’il lui donne des fils tant est grande sa jalousie envers sa sœur (30,1), lors de la naissance de Nephtali quand elle dit avoir remporté sa lutte contre Léa (v. 8) et quand celle-ci l’agresse verbalement l’accusant de lui avoir pris son mari (v. 15). Ruben, du reste, sera lui-même entraîné dans cette querelle (v. 14), de même que les servantes seront instrumentalisées par des maîtresses soucieuses de satisfaire leur envie d’enfant (v. 3-12). 53 Voir à ce propos A. WÉNIN, « Des pères et des fils. En traversant le livre de la Genèse », in Revue d’éthique et de théologie morale 225 (juin 2003), 11-34 et, plus récemment, « La fraternité, projet éthique. Histoires de frères dans la Genèse », in M.-J. THIEL, M. FEIX, ed., Le défi de la fraternité, Theology East-West. European Perspectives 23, Zurich 2018, 189-206. 54 En ce sens, W. BRUEGGEMANN (Genesis, Interpretation, Atlanta, GA 1982, 253) écrit : le récit de Gn 29,31–30,24 « portraits the way to the next generation as a way of conflict. The sons are born in rivalry, envy, and dispute. […] They are […] children, yearned for, given, yet given in the midst of anguish ».
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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C’est dans cette atmosphère polluée que naissent donc les douze enfants de Jacob et qu’ils reçoivent leur nom lié à une déclaration de leur mère, parfois adoptive. Point commun de ces déclarations : elles reflètent le désir, l’exaspération, la satisfaction ou la jubilation de Léa et Rachel au cœur de la lutte qui les oppose. C’est pourquoi elles sont largement autocentrées55 et ne mettent jamais le fils lui-même au cœur de ce que dit sa mère. Les enfants sont de la sorte pris en otage des états d’âme de leur mère respective et de la tension entre elles qui en résulte. Mais si les sœurs se jalousent et se disputent avec fougue, c’est parce qu’elles ont été victimes l’une et l’autre de la ruse de leur père qui, trompant habilement son neveu et beau-fils, l’a contraint à travailler deux fois sept ans pour épouser celle qu’il aimait. De sœurs qu’elles étaient, dès leur mariage, elles deviennent des rivales dans une lutte inégale : amoureux depuis le départ de Rachel, Jacob a d’autant plus de raison de détester Léa que sa présence à son côté lui rappelle qu’il s’est fait rouler dans la farine, lui le rusé renard56. En outre, la tension qui se noue entre Laban et Jacob précisément autour de ces mariages évoluera vers un conflit ouvert, dont les fils seront des témoins de première ligne (30,25– 31,42). Certes, ces disputes familiales ne finiront pas dans la violence, mais la génération suivante aura bien moins de retenue, l’escalade étant une sorte loi inhérente à la méchanceté57. La vive tension entre les sœurs est d’autant plus exacerbée que, tout au long de cet épisode, Jacob est quasiment absent en tant que protagoniste. Comme l’écrit justement David Cotter, « Jacob here is more acted upon than acting »58. Mis à part le don du nom à Lévi, il ne fait que réagir à l’interpellation aussi brusque qu’injuste de Rachel (30,1-2) puis se laisser attirer par Léa, toute heureuse de l’amener dans son lit (30,16). Cette passivité n’est pas sans conséquence au sein de la famille. Jacob dont on apprend bientôt qu’il est plein de zèle et d’imagination dans la gestion du bétail (30,37-42) donne de lui l’image d’un mari faible qui ne semble guère concerné en tant que père. Dans ces conditions, faut-il s’étonner que ses fils auront si peu d’égards pour lui, jusqu’à ce que la patiente pédagogie de Joseph les amène à le voir avec d’autres yeux et à le respecter enfin ? Élevés sans père, ou presque, et par des mères pleines d’envie, n’était-il pas inévitable qu’ils aient du mal à intégrer la nécessité de la limite, sans laquelle aucun vivre-ensemble n’est possible, que ce soit hors de la famille ou en son sein ?
55 Dans ces 11 déclarations (longues d’une à trois lignes), on compte pas moins de 27 marques de 1re pers. sing. Seule la notice de Gad n’en comprend pas, et celle de Juda est centrée sur YHWH, objet de la louange de Léa. 56 La scène des mariages de Jacob (29,15-30) fait clairement écho à celle du vol de la bénédiction par Jacob à Isaac (27,1-40) : trompeur, Jacob se voit trompé à son tour — une expérience cuisante. 57 C’est déjà visible dans les premiers chapitres du livre, entre Gn 3 et 6. 58 COTTER, Genesis, 227.
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Les frères finiront par comprendre. Ce sera l’œuvre de Joseph, le fils aimé par son père, l’enfant de celle qui, dans le conflit entre sœurs, a su trouver la façon d’en sortir « par le haut » en inaugurant une relation d’échange où chacune fait droit au désir de l’autre. Ce sera aussi l’œuvre de Juda, dont la naissance a poussé Léa à se tourner vers Yhwh sans plus regarder son fils au prisme déformant de ses problèmes personnels ; ce Juda qui, avec et grâce à Tamar, apprendra qu’un père n’est jamais parfait, mais que ce n’est pas une raison pour n’avoir pas de respect pour lui ; n’est-ce pas en effet ce que cette bru pourtant délaissée a fait avec lui (Gn 38)59 ? Dans les récits de la Genèse, la filiation n’est pas une mince affaire. Il s’agit en effet, pour un fils ou une fille, d’assumer un héritage. Si celui-ci est rarement sans richesse à valoriser, il peut aussi receler bien des pièges voire être si lourd qu’il risque de compromettre l’avenir des fils. Ce constat qui ressort de la lecture des textes ne nourrit cependant pas de pessimisme. Pas de fatum, de destin prédéfini par les dieux : sur ce point, la Bible est l’opposé de la tragédie grecque. Rien n’y est perdu d’avance, car elle raconte l’existence de chemins, certes étroits, qui conduisent à la vie. Pour les trouver, il faudra — à l’image de Juda et de Joseph — cultiver une sagesse qui apprenne conjuguer deux maximes apparemment contradictoires : « l’homme abandonnera son père et sa mère… » (Gn 2,24) et « alourdis (honore) ton père et ta mère » (Ex 20,12).
Faculté de théologie/Institut RSCS UCLouvain Grand-Place 45 / L3.01.01 B – 1348 Louvain-la-Neuve Email : andre.wenin@uclouvain
André WÉNIN
RÉSUMÉ La filiation est au cœur du récit relatant la naissance des fils de Jacob en Gn 29,31– 30,24, qui fait suite à l’épisode du double mariage avec les filles de Laban. Cet article propose une analyse rhétorique et narrative de ce texte qui, apparemment, n’a guère l’allure d’un récit suivi, les notices de naissance étant juxtaposées la plupart du temps. La conclusion tente de mettre en lumière les enjeux anthropologiques de la filiation telle qu’elle est mise en récit dans cette page souvent négligée de la saga des Patriarches. Mots clés : fils de Jacob, Rachel, Léa, maternité, filiation, stérilité
59
Sur le rôle de Joseph et de Juda dans la « guérison » des frères, voir A. WÉNIN, Joseph ou l’invention de la fraternité. Lecture narrative et anthropologique de Genèse 37–50, LiRou 21, Bruxelles 2005, ou, en plus bref, « La fraternité, projet éthique ».
Les fils des filles de Laban (Gn 29,31–30,24)
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ABSTRACT Filiation is at the center of the narrative that relates the birth of Jacob’s sons in Gen. 29:31–30:24, which follows the episode of the double marriage with the daughters of Laban. This article offers a rhetorical and narrative analysis of this text which, apparently, does not look like a consistent narrative, for birth records are juxtaposed most of the time. The conclusion attempts to highlight the anthropological issues of filiation as it is narrated in this often overlooked page of the saga of the Patriarchs. Keywords: Jacob’s sons, Rachel, Lia, motherhood, filiation, infertility
Luísa Maria VARELA ALMENDRA
Prova e figliolanza nel Libro di Giobbe Una sfida degli estremi narrativi (Gb 1–2; 42,7-17)1
L’obiettivo di questo contributo è sviluppare una comprensione della funzione narrativa del tema della figliolanza nel prologo e nell’epilogo del libro di Giobbe. Il fatto che il tema della figliolanza compaia soltanto nei due estremi narrativi del libro, in un collegamento stretto tra la sfida iniziale della prova (Gb 1 -2) e la approvazione finale (Gb 42,7-17), suggerisce una rilettura del tema e della sua funzione nell’inquadratura dello sviluppo di tutto il libro. Da una parte, alla perdita inaspettata dei figli, l’autore fa corrispondere la gratuità sorprendente della nascita di nuovi figli, mantenendo un sorprendente silenzio durante l’intero dibattito all’interno del libro, in cui il tema della figliolanza è inspiegabilmente assente. Un’assenza che si distingue per un silenzio totale, sul dolore per la perdita e sul desidero del ricupero. D’altra parte, sin dall’inizio l’autore utilizza il tema della figliolanza nel contesto del rapporto con Dio (Gb 1–2; 42,7-17), offrendogli una prospettiva particolare: prima della prova, Giobbe è un credente intercessore che offre sacrifici per le eventuali trasgressioni dei figli; dopo la prova, Giobbe continua a essere un credente che adesso intercede per gli amici, ricevendo contemporaneamente il dono di figli più belli e più numerosi di prima. Queste intuizioni ci portano a rileggere il tema della figliolanza in uno stretto collegamento con il Giobbe intercessore (dei figli e degli amici). Stranamente, proprio il tema della figliolanza sostiene al suo interno il dramma della prova, cioè la gratuità del rapporto di Giobbe con Dio. Questa rilettura ci confronta con una sfida, da considerare come chiave importante nella comprensione del libro e della prova vissuta da Giobbe. Infatti, Giobbe non è mai solo durante tutto lo sviluppo del dramma affrontato nel corso del libro: intorno a lui ci sono i figli, la sposa, le proprietà, i servitori, gli amici e i nemici. È come se il dramma di Giobbe — la prova — non potesse essere mai considerato come un incubo soli1 La scelta del tema Prova e figliolanza nel libro di Giobbe vuole essere anche un modo di onorare il Prof. Roland Meynet in quella che è stata la sua vita di professore di Sacra Scrittura. Alcuni dei suoi studenti lo chiamavano maestro, lo stesso titolo attribuito ai saggi di Israele, perché il suo comportamento era quello di un autentico padre, che considerava i suoi studenti come veri figli e figlie. Il suo interesse instancabile e costante, la sua singolare esperienza e rettitudine, lo hanno costituito un vero intercessore nel successo della ricerca di molti di loro, che lui ha sostenuto anche nella prova. Molto più che insegnante, per i suoi studenti è stato un autentico maestro, che non sarà mai dimenticato.
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Luísa Maria VARELA ALMENDRA
tario e i saggi d’Israele volessero dire che l’essere umano, nel confronto con sé stesso e con Dio, avrà sempre da considerare anche il proprio rapporto con l’umanità che gli è più vicina; e che la vita umana non sarà mai un mistero da vivere da solo: tra l’essere umano e Dio, ci saranno sempre gli altri, che ci avvicinano o allontanano dal senso della vita e della nostra salvezza.
I. LA FIGLIOLANZA NEL PROLOGO E NELL’EPILOGO DEL LIBRO L’INQUADRAMENTO DI FEDE E DI PROVA Una prima osservazione da fare riguarda il modo in cui l’autore biblico inizia il libro (Gb 1–2), con una sequenza narrativa che viene chiamata prologo. La struttura sintattica ebraica di Gb 1,1: «un uomo esisteva...» (’îš hāyāh) invece di quella più tradizionale, «esisteva un uomo...», ci avverte subito che in questo inizio c’è una dimensione valutativa focalizzata sull’essere umano che sarà 2 ripresa nei momenti cruciali del libro . Non siamo semplicemente davanti a una riproduzione creativa di un racconto tradizionale comune. Infatti, l’autore biblico utilizza apparentemente uno stile comune, però lo fa per orientare i suoi lettori verso un giudizio preciso sull’esistenza e la natura di un vero rapporto di fede. Questo stile è perfettamente riconoscibile anche nella struttura di Gb 1–2: Satan assume il ruolo di lanciare il dubbio; per Giobbe si sviluppa un dramma di perdita di tutto quanto aveva, inclusi i figli; alla fine, Giobbe viene frustrato nella possibilità di una fede vissuta in un rapporto gratuito con Dio. Al di là di questa visibilità narrativa di superficie, però, c’è una struttura che punta a un obiettivo particolare che sarà cruciale nel dibattito tematico di tutto il libro. La divisione in sei momenti distinti (1,1-5; 1,6-12; 1,13-21; 2,1-7a; 2,7b-10; 2,1113) disegna al centro una simmetria di coppie narrative che si alternano tra terra e cielo3. Questa concatenazione incastra un dialogo in cielo sulla fede di Giobbe e una prova di Giobbe in terra, che sarà determinante per tutto il dibattito maturato nel corso del libro: la possibilità di rimanere sempre fedele a Dio. Nelle due estremità (Gb 1,1-5 e 2,11-13) abbiamo l’introduzione iniziale della figura centrale di Giobbe e una finale dei suoi tre amici, che rompe in un certo senso questa simmetria tra cielo e terra. Qui il racconto rimane in terra, apparentemente senza voler stabilire un rapporto tra Giobbe come un uomo integro nei 2
Cf. C.A. NEWSOM, «The Book of Job. Introduction, Commentary, and Reflections», The New Interpreters’ Bible, IV, Nashville, TN 1996, 343. Questo autore trova un parallelo interessante di questa struttura sintattica nella storia che il profeta Natan racconta a David in 2Sam 12,1-4. Anche lì la narrativa si apre nello stesso modo insolito: Due uomini esistevanno. 3 Per altre posizioni, cf. A.E. STEINMANN, «The Structure and Message of the Book of Job», Int 28 (1974) 182-200; R.E. MURPHY, Wisdom Literature: Job, Proverbs, Ruth, Canticles, Ecclesiastes and Esther, FOTL 13; Grand Rapids 1981, 15; N. HABEL, The Book of Job. A Commentary, London 1985, 70-73; J.E. HARTLEY, The Book of Job, Grand Rapids 1988, 50-56; J.A. HOLLAND, «On the Form of the Book of Job», AusJBA I.5 (1972) 160-177; Ch.R. SEITZ, «Job. Full-Structure, Movement and Interpretation», Int 28 (1989) 5-17.
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suoi rapporti e con Dio, e la salvezza dei suoi figli, e con i suoi amici, che vengono presentati solamente come uomini che vengono da lontano e che si commuovono semplicemente per la sofferenza di Giobbe. L’inquadramento di fede e di prova attraversa la presentazione di Giobbe e avrà dei riflessi determinanti nel dramma di tutto il libro. C’è da valorare la presenza degli amici, che ha un ruolo importante nel preparare la narrativa al grande dialogo centrale del libro, quello tra Giobbe, gli amici e Dio. Ci troviamo, pertanto, davanti a un racconto che introduce all’interno di una coerenza tradizionale di fede e di prova tutti gli elementi di un dibattito da costruire e da portare avanti. Un dibattito che si basa su una singolare referenza ai figli di Giobbe e alla meraviglia della intercessione. I FIGLI DI GIOBBE NELLA SEQUENZA DI «TUTTO QUANTO GIOBBE AVEVA» La prima referenza esplicita ai figli di Giobbe compare nel primo momento della narrativa (Gb 1,1-5). L’autore inizia con una presentazione precisa e intensa di Giobbe, registrando la sua regione di origine, il suo nome e le sue qualità di carattere. Al contrario delle altre informazioni, le qualità del carattere di Giobbe svolgeranno un ruolo determinante nel corso successivo della vicenda4. La descrizione di Giobbe come un uomo «integro e retto, timorato di Dio e lontano dal male» servirà permanentemente come elemento di bilancio nella sfida della prova e della argomentazione sulla giustizia divina che pervade tutti dialoghi del libro5. È in questo contesto di presentazione di Giobbe che l’autore inserisce la referenza esplicita ai figli di Giobbe, segnalandoli in una sorprendente sequenza di tutto quanto Giobbe aveva: figli, animali e servi. La narrativa ci offre il quadro di una felicità che sembra imperturbabile, in parte frutto della pietà straordinaria di Giobbe. Questi, infatti, vive attento ai propri doveri nei confronti degli uomini e di Dio, preoccupandosi addirittura di espiare, per mezzo di sacrifici d’intercessione, le colpe che i suoi figli possono aver commesso durante i festini consumati nelle proprie case. Al centro della narrativa, non ci sono i figli o i loro eventuali peccati, ma l’atto d’intercessione di Giobbe. È Giobbe il soggetto della azione; è lui che invita i figli e che li santifica (1,5), è lui che prende l’iniziativa di purificare i figli davanti a Dio, convocandoli alla celebrazione di una cerimonia solenne dopo la conclusione di ogni banchetto, offrendo sacrifici in loro nome6. Il fatto che l’autore biblico non dice mai che i figli di 4
Nonostante l’importanza del suo contenuto, la forma della presentazione delle quattro qualità principali di Giobbe in due coppie di sinonimi è significativa, suggerendo una completezza e perfezione, che trovano un’eco sorprendente nei quattro momenti di distruzione di tutto quanto Giobbe possedeva (Gb 1–2). 5 C’è un interessante collegamento tra queste qualità di Giobbe e quelle morali e religiose associate ai saggi e ai salmisti (cf. Sal 25,21; 37,37; Pr 3,7; 14,16; 16,6.17), che non sono mai attribuite a nessun altro personaggio biblico [cf. A. BRENNER, «Job the Pious? The Characterization of Job in the Narrative Framework of the Book», JSOT 43 (1989) 41]. 6 Questo gesto d’intercessione ha un’eco interessante in Es 19,10.14; Lv 25,10: Gl 1,14; 2,15.
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Giobbe avrebbero veramente peccato o maledetto Dio «nel suo cuore» (Gb 1,5), né spiega perché Giobbe abbia questa preoccupazione nei confronti dei figli, caratterizza la descrizione di questa accurata intercessione di Giobbe come un eccesso di scrupolo7. Questa osservazione è ancora più pertinente (e paradossalmente drammatica), se pensiamo che sarà precisamente a causa della rettitudine di Giobbe che i suoi figli, insieme a tutti i suoi beni, vengono distrutti e uccisi8. La perdita dei figli viene raccontata in un terzo momento, che si colloca nel cuore della simmetria di coppie narrative che si alternano tra terra e cielo, nel contesto della perdita di tutto quanto Giobbe possedeva (Gb 1,12). La presentazione dei figli e delle figlie nell’atto di banchettare («stavano bevendo e mangiando») stabilisce un parallelo importante con Gb 1,4 (la referenza ai banchetti dei figli). La situazione del banchetto rimane, adesso però non come un motivo per introdurre l’atto d’intercessione di Giobbe, ma nel contesto della prova a cui Giobbe viene sottomesso. Nella sequenza iniziale (Gb 1,1-5), i figli e le figlie erano al primo posto delle benedizioni di Giobbe enunciate nell’ordine: figli e figlie (1,2), settemila pecore e tremila cammelli (1,3), cinquecento paia di buoi e cinquecento asine (1,4) e una servitù molto numerosa (1,5). Adesso, quando il racconto descrive il disastro, c’è un cambiamento di questo ordine che lascia i figli e le figlie alla fine: buoi e asine (1,15); pecore (1,16); cammelli (1,17); figli e figlie (1,18-19)9. Questo cambiamento, insieme ad altri aspetti di ripetizione di parole, manifesta una strategia narrativa che da una parte offre l’idea di una distruzione totale e dall’altra colloca le quattro descrizioni di distruzione come aspetti di uno stesso evento. Possiamo proprio dire che la completezza della pietà di Giobbe (1,1) e l’integrità delle sue benedizioni (1,2-3) trovano una corrispondenza nella completezza della distruzione (1,14-19). 7
Questa immagine di un Giobbe che prova a proteggere i suoi figli con sacrifici d’intercessione rimarrà nella memoria d’Israele (cf. Ez 14,14-20, dove si allude a Giobbe come a una figura leggendaria la cui giustizia è stata sufficiente per salvare la vita dei suoi figli e figlie). 8 «Maledire Dio» era infatti un peccato molto grave, che veniva punito con la morte (cf. Es 22,28; Lv 24,14-16; 1Re 21,10). Però la traduzione «maledetto Dio» non corrisponde a una traduzione letterale del testo ebraico, che utilizza la radice brk (benedire) e non qll (maledire). Alcuni autori sostengono che la radice brk è stata utilizzata qui eufemisticamente (cf. 1Re 21,13), per evitare di utilizzare la radice qll insieme al nome di Dio. Altri vedono una possibilità linguistica di considerare il verbo brk come una forma di piel privativo che assumerebbe il significato di «cessare di benedire». Comunque sia, il testo sembra nascondere una strategia che obbliga il lettore a ripensare la lettura nei sette passi in cui questa radice qll appare nella prosa del libro (1,5.10.11.21; 2,5.9; 42,12). Nonostante non sia difficile decidere la traduzione, il modo antitetico di utilizzare la radice brk - «benedire» richiama l’attenzione. Si tratta di una radice cruciale; nello stesso modo in cui questo verbo si utilizza in modo auto-contraddittorio, la narrativa approfondirà la contraddizione acutamente nascosta nella dinamica della benedizione in sé stessa (cf. C.A. NEWSOM, «The Book of Job. Introduction, Commentary, and Reflections», The New Interpreters’ Bible, IV, Nashville, TN 1996, 343). 9 È importante sottolineare che la menzione dei servi ricorre all’inizio e in tutti i momenti di distruzione. Si può pensare ad una strategia dell’autore, espressa anche nel cambiamento del temine ebraico ‘abuddâ (v.3) in ne‘ārîm (vv.14-19), che permette una ambiguità nel momento in cui il quarto messaggero arriva e parla della distruzione della casa del fratello più grande utilizzando il temine ne‘ārîm.
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L’autore non offre a Giobbe il tempo di reagire a ogni distruzione, una per una, ma solamente alla fine, quando tutto è annientato. Possiamo vedere qui uno stretto collegamento con i termini della prova: «toccare tutto quanto Giobbe possiede». In un grande contrasto con le successive parole dei messaggeri, la risposta iniziale di Giobbe è fatta solamente di gesti: si alza e si straccia il mantello; si rade il capo, cade a terra, si prostra (Gb 1,20)10. L’ultimo gesto, «si prostrò», nella Bibbia non viene mai utilizzato in un contesto di lamento, ma solamente di adorazione (cf. 1Sam 1,1-3; Sal 95,6; Ez 46,9), sottolineando che questo è il gesto decisivo della risposta di Giobbe, che deve essere riscoperto nelle sue sorprendenti parole: «Nudo uscii dal grembo di mia madre, e nudo vi ritornerò. Il Signore ha dato, il Signore ha tolto, sia benedetto il nome del Signore!» (Gb 1,21). L’autore biblico ci sorprende con parole che si avvicinano a quelle di un discorso della tradizione sapienziale (cf. Qo 5,15 o Sir 40,1). Tuttavia, si tratta di parole tante volte capite in modo molto diverso da quello che vogliono evocare. Infatti, l’immagine è piuttosto quella di un essere umano appena nato, percepito come un cadavere, in cui il grembo della madre diventa la metafora della tomba: la terra è vista come ciò da dove si viene e dove si ritorna (Gen 3,19; Sal 139,13-15). Il collegamento con la benedizione del Signore è preceduto dall’affermazione dell’agire del Signore: è il Signore che ha dato ed è Signore che ha tolto. Il senso profondo dell’affermazione è che la fragilità del dono e la desolazione della perdita si possono sostenere solamente se il Signore presiede all’azione. Le parole di Giobbe costituiscono un atto di adorazione che riafferma il profondo rapporto con il Signore. Questo fa muovere Giobbe dal lamento alla benedizione e dimenticare, stranamente, tutta la perdita, inclusa quella dei figli e delle figlie. Le parole di Giobbe sono assolutamente irreprensibili, dimostrando che il suo rapporto con Dio è totalmente gratuito, e non può essere corrotto dalla benedizione (dai doni ricevuti) o distrutto dalla perdita. In questo inizio del libro (Gb 1–2) non è più fatto riferimento al tema della figliolanza e della intercessione, perdura soltanto il tema della prova, che si approfondirà nella carne di Giobbe, che rimarrà tuttavia fedele nella sua integrità, e mai maledirà Dio con le sue labbra (2,10)11.
10 Possiamo ritrovare questi gesti di lamento davanti ad una catastrofe nella tradizione di Israele: Gen 37,34; Gs 7,6; 2Sam 1,11; 3,31; Est 4,1; Is 22,12; Ger 7,29; Ez 7,18. 11 Saprà cioè trattenersi dal manifestare la protesta come ribellione e rifuggire da intemperanze verbali (cf. Sal 39,2; Pr 13,3; 18,4; 21,23). Questa osservazione si trova già negli studi di R. GORDIS, The Book of Job: Commentary, New Translation and Special Studies, New York, NY 1978, 22; F. ANDERSEN, Job: An Introduction and Commentary, Leicester 1976, 94. Curiosamente, il Talmud dirà che: «Job did not sin with his lips, but in his heart he did». Precisamente la mancanza di autocontrollo è il peccato in cui figli avrebbero più facilmente cadere durante le loro feste, e che Giobbe più temeva per loro (Gb 1,5) (cf. B. Bat. 16a in M. WEISS, The Story of Job’s Beginning, Publications of the Perry Foundation For Biblical Research in the Hebrew University of Jerusalem, Jerusalem 1983, 7174).
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L’ARRIVO DI NUOVI FIGLI E FIGLIE La referenza ai figli di Giobbe torna alla fine del libro (Gb 42,7-17), in un modo ugualmente sorprendente. Dopo le parole di Dio, il narratore riprende il racconto e prova a portarlo a una conclusione. Il cambiamento è più significativo di una semplice variazione di stile e di oggetto. È difficile armonizzare l’immediato riferimento agli amici, come persone che non hanno parlato bene di Dio come Giobbe (42,7-8), con le affermazioni di Giobbe durante il suo dialogo con gli amici e con il discorso di Dio, che aveva dichiarato esplicitamente che quelle di Giobbe erano parole senza conoscenza (38,2). È anche problematico capire lo scioglimento del racconto, che era iniziato con una sfida sulla gratuità del rapporto con Dio per poi ingrandirsi in un dibattito sulla giustizia divina ed umana, con un semplice ristabilimento di tutto quanto Giobbe possedeva. Non c’è dubbio che questo finale stabilisce una dissonanza e disgregazione che rimarranno una sfida per un’intelligenza ermeneutica del testo12. Ci sono infatti delle tensioni tra le diverse parti del libro. Queste tensioni permettono di esplorare differenti dimensioni della questione fondamentale sui rapporti uomoDio, impedendo di sequestrare il testo in risposte definitive per tutte le domande che sono state fatte13. Tuttavia, alla fine del libro (42,7-17), l’autore riprende il tema della intercessione di Giobbe, confermando il ruolo di Giobbe come intercessore che sa allargare il desidero di salvezza dei suoi figli (cf. Gb 1,5) a quello dei suoi amici (Gb 42,7-9). Il fatto che Giobbe riceva adesso il doppio di tutto quanto aveva perduto sembra inappropriato e inaspettato14. Lo stesso succede con il fatto che la sua famiglia venga a consolarlo ancora prima della restaurazione di tutti i suoi beni. Questo dimostra che il finale del libro non costituisce solamente una memoria riparatrice dell’inizio, ma una condizione nuova illustrata dal modo in cui Dio ricrea la vita di Giobbe. La nuova famiglia con tutte le sue nuove caratteristiche è parte integrante di questa restaurazione. Di essa è dimensione significativa l’immagine di una società gioiosa e armoniosa, suggerita dall’informazione che Giobbe dà alle proprie figlie una eredità uguale a quella dei fratelli15. Nonostante questo, rimane il fatto che questi nuovi figli e figlie benché
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Alcuni autori leggono questo finale come un atto di pura grazia di Dio, altri come una narrativa che evoca l’esperienza di riconciliazione di Giobbe con Dio (cf. N. HABEL, The Book of Job. A Commentary, London 1985, 583-584; J.E. HARTLEY, The Book of Job, NICOT, Grand Rapids, MI 1991, 540; J. WILCOX, The Bitterness of Job: A Philosophical Reading, Ann Arbor 1989, 209). 13 Per una lettura aggiornata sull’unità e integrità del libro di Giobbe, in cui viene sottolineata l’importanza determinate del prologo e dell’epilogo nel dramma del libro, cf. D. I WANSKI, The Dynamics of Job’s Intercession, AnBib 161, Roma 2006, 5-119, in particolare 46-67. 14 C’è qui un possibile parallelo con la storia di Balaam (cf. Nm 23,1.4.14.29-30). 15 Il fatto che questo dettaglio riceva una menzione speciale mostra che questo non era normale (cf. Nm 27,3-4).
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più belli e numerosi, non possono mai sostituire i primi figli e figlie, almeno nello stesso modo delle proprietà16. In sintesi, il tema della figliolanza nell’inizio (Gb 1–2) e finale del libro (Gb 42,7-17) appare strettamente collegato con il ruolo di un Giobbe intercessore, che ha la specificità di portare al suo interno il tema della prova. Come se non fosse possibile avere dei figli e delle figlie e intercedere per loro, senza accettare di sottomettersi a una prova che può richiedere la loro perdita (Gb 1–2), ma che può anche comportare, nel tempo di Dio, il dono gratuito di più figli e figlie (Gb 42,7-17). In mezzo, tra l’intercessione, la perdita e il nuovo dono, c’è lo svolgimento di una prova, sotto le forme di monologhi rivolti a Dio, dibattiti sul ragionamento della tradizione e, finalmente, il profondo ascolto di Dio (Gb 3,1– 42,6). L’elemento più intrigante da segnalare è la sorpresa del cambiamento che il dramma stabilisce alla fine: l’intercessione per i figli cambia in un’intercessione per gli amici. Il conforto iniziale offerto dagli amici viene sostituito da quello del dono dei nuovi figli e figlie. È come se i figli e le figlie fossero stati sempre sotto la benedizione del dono, mentre gli amici, prima dominati dallo stupore della prova di Giobbe, dopo con parole che non sono riuscite a rendergli giustizia, avessero un assoluto bisogno di intercessione. Il fatto che questa intercessione venga inoltrata dallo stesso soggetto (Giobbe) permette di leggere nella difesa ossessionante che gli amici hanno fatto di Dio e della tradizione, una forma di cessare di benedire Dio, che deve essere riconosciuta e sottomessa al giudizio di Dio. LA STRATEGIA DI UN’ASSENZA ALL’INTERNO DEL LIBRO. L’intensità con cui l’inizio (Gb 1–2) e il finale (Gb 42,7-17) del libro parlano dei figli di Giobbe non solo contrasta fortemente con la loro totale assenza all’interno del libro ma incide nella questione iniziale dei rapporti uomo-Dio, presente nel dibattito appassionato tra Giobbe e gli amici. Tuttavia, la nozione della interezza del dramma nella sua forma finale, ci porta a considerare che non è possibile indagare questa assenza al di fuori di un collegamento tra le due parti del libro di Giobbe: la parte di prosa, in cui sono inclusi il prologo (Gb 1–2) e l’epilogo (Gb 42,7-17), e la parte poetica, considerata il grande cuore dell’opera (Gb 3,1–42,6)17. È vero che da una parte c’è una differenza che viene approfondita nella propria figura di Giobbe, che ha una personalità molto diversa nelle due parti, narrative e poetica. Ed è un fatto che questa differenza si presenta 16 Il testo ebraico utilizza una forma insolita per dire il numero sette (šib‘ānāh), considerato da alcuni autori come un modo di indicare il doppio, suggerendo che nella nuova famiglia di Giobbe c’erano quattordici figli. C’è un possibile collegamento con 1Cr 25,5, dove i quattordici figli e le tre figlie rappresentano per Dio un modo di realizzare la sua promessa e di esaltare Eman. In questo senso il numero straordinario di figli sembra trovare un equilibrio con la bellezza straordinaria delle figlie (Gb 42,15a). 17 Cf. Y. HOFFMANN, «The Relation Between the Prologue and the Speech-Cycles in Job», VT 31 (1981) 160-170.
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anche nell’immagine di Dio, che appare dipinta in modo antropomorfico, contrastando assolutamente con l’immagine sublime di Dio sviluppata nei dialoghi e discorsi dell’interno del libro. Dobbiamo peraltro rilevare anche che a queste differenze si aggiunge un dibattito che prende una direzione diversa nelle due parti: la questione della fedeltà di un uomo, preminente nella sezione poetica, passa infatti in secondo piano in quella in prosa, in cui viene approfondito il tema dei giusti rapporti uomo-Dio18. Quello che però si appura in conclusione è che, nonostante queste dissonanze, ci sono alcuni elementi nell’inizio e finale del libro che si capiscono solo in un rapporto stretto con i dialoghi e discorsi poetici dell’interno del libro. Il dato più determinante è quello dell’affermazione dell’assoluta e comprovata integrità di Giobbe, che all’inizio (Gb 1–2) e alla fine (Gb 42,7-17) si assume come premessa apodittica, oggetto della messa in questione, ma che si prolunga nel dibattito interno del libro. È questo il motivo che l’autore dei dialoghi è costretto a enfatizzare, per poter rifiutare ogni spiegazione superficiale della sofferenza di Giobbe19. Infatti, le due parti del libro (quella centrale e l’inizio e fine) sono totalmente focalizzate in Giobbe e nella sua integrità; la stessa che Giobbe aveva paura che i suoi figli e figlie potessero perdere20. Di conseguenza, se in questo stretto rapporto narrativo ci sorprende l’assenza esplicita di un riferimento ai figli di Giobbe e al suo ruolo d’intercessore, questo non significa una fenditura nel dramma, ma una dissonanza che invita ad una diversa riflessione. È un fatto che nella parte poetica del libro, Giobbe è solamente un uomo che si dibatte con il mistero della propria esistenza, ricorrendo a un dialogo con i suoi amici — voce della tradizione — e con Dio; un Dio che va dalla apparente totale assenza (Gb 3,1–37,24) alla più sorprendente presenza (Gb 38,1–42,6). In questa parte poetica, la disposizione iniziale degli amici cambia, svelando le loro reali posizioni e la loro interpretazione della situazione di Giobbe. Essi, che erano venuti per consolare Giobbe (Gb 2,11-13), adesso prendono un ruolo di accusatori, o come alcuni autori difendono: un ruolo di testimoni d’accusa21. 18
Non vogliamo discutere qui i diversi argomenti che difendono la possibilità di una composizione e redazione diverse di questi due parti: poetica e prosastica. Per uno studio ulteriore, cf. R. GORDIS, The Book of Job, Commentary, New Translation and Special Studies; J.A. BAKER, «The Book of Job. Unity and Meaning», in A.E. LIVINGSTONE, ed., Sixth International Congress on Biblical Studies: Oxford 3-7 April 1978, JSOT.S 11, Sheffield 1979, 17-26. 19 Cf. Y. HOFFMANN, «The Relation Between the Prologue and the Speech-Cycles in Job», 166-168. Questo autore difende precisamente la tesi che sia impensabile che il prologo possa essere esistito separatamente dalla parte poetica del libro: «I suggest that this ambivalence is a premeditated literary device, and at the same time a genuine expression of the author’s dialectic approach to the problem raised». 20 Si possono ancora aggiungere le connotazioni forensi che pervadono l’argomentazione degli amici, ma essenzialmente i discorsi di Dio; cf. N.C. HABEL, The Book of Job, 54. 21 Cf. S. BOORER, «A Matter of life and Death. A Comparation of Proverbs 1–9 and Job», in S.B. REID, ed., Proverbs and Paradigms. Essays in Honor of G.M. Tucker, JSOT.S 229, Sheffield 1996, 187-204: «The friends function as a foil to Job […] Basically the friends operate with a dua-
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Sin dal momento in cui gli amici iniziano il proprio dialogo con Giobbe sofferente, la loro convinzione è che lui abbia commesso una grave trasgressione, che gli ha arrecato delle conseguenze terribili e visibili nella sua presente condizione22. In questo senso, gli amici si rivelano come coloro che non credono nella innocenza di Giobbe, rafforzando, nel dramma del libro, i dubbi sull’integrità di Giobbe sollevati da Satan. Gli amici, però, lo accusano gradualmente di peccati concreti, cosa che neanche Satan aveva avuto coraggio di fare. In questo senso, alcuni autori sostengono che, invece di difendere la giustizia divina, gli amici, inconsciamente, sono diventati strani difensori della causa di Satan23. Gli amici pensano di conoscere la situazione in tutte le sue dimensioni e insistono perché Giobbe si rivolga verso Dio, chieda perdono e ristabilisca un rapporto di mutuo rispetto con Lui. Spingono Giobbe a confessare i propri peccati e ad accettare il fatto di essere punito giustamente (Gb 4,17-21). Il peccato che Giobbe più temeva che i suoi figli avessero commesso, cessare di benedire Dio, adesso viene addebitato a lui stesso, con l’accusa di averlo fatto sotto le forme più diverse. Nessuno dei tre amici offre a Giobbe un aiuto o una intercessione. Si limitano a insistere che deve tornare a Dio, assumendosi il ruolo non solo di accusatori, ma anche di mediatori autorevoli tra Dio e Job. Questo è un tipo di mediazione giuridica che non ha nessuna relazione con la dinamica della intercessione. Gli amici non hanno mai parlato a Dio di Giobbe e della sua situazione, ma parlano fino alla fine sempre solo a Giobbe, esortandolo a capire un Dio che lui fa fatica ad afferrare. Se l’integrità di Giobbe può essere vista come il collegamento tra le diverse parti del libro, oltre alla menzione dei figli, la verità è che il ruolo d’intercessore che Giobbe aveva svolto a favore dei suoi figli, gli amici non lo assumeranno mai a suo favore. Giobbe prova a suggerire loro di farlo, dicendo loro che a lui non interessa il loro conforto personale, ma il loro aiuto nel presentare la sua causa davanti a Dio. È come se Giobbe riconoscesse che da solo non riesce a farlo (Gb 6,11-14; 9,2-4). Davanti al loro rifiuto di lasciarsi coinvolgere come intercessori o testimoni della sua innocenza, Giobbe non si scoraggia e da solo, con grande determinazione e convinzione, continua fino alla fine a provare la propria integrità (Gb 13,13-26). La strategia dell’assenza di ogni menzione ai figli all’interno del libro serve a intensificare il più grande desiderio che Giobbe manifesta durante tutto il suo dramma: quello di avere un mediatore o intercessore (Gb 9,33) che possa aiutarlo a difendere la causa dell’uomo presso il
listic view in which life and death, innocence and wickedness are set in opposition to each other […] They increasingly perceive Job as wicked, with putting away his wickedness». 22 Questa posizione degli amici emerge subito nelle parole di Elifas, che sin dal primo intervento enuncia i tre argomenti ripresi da tutti e tre gli amici: la fragilità della condizione umana, che rende Giobbe e tutti gli esseri umani incapaci di essere innocenti davanti a Dio (Gb 4,12-21); ogni peccato ha delle conseguenze (4,7-11; 5,1-7); l’invito a volgersi verso Dio (5,8-16). 23 Cf. A.E. STEINMANN, «The Structure and Message of the Book of Job», 97-99; D. IWANSKI, The Dynamics of Job’s Intercession, 198-200.
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suo Dio (Gb 16,19-20). Per Giobbe un suo possibile peccato non è neanche in causa: incrollabile e convinta è solamente l’affermazione della integrità.
II. LA VITALITÀ DELL’INTERCESSIONE DI GIOBBE UNA DINAMICA POCO CONVENZIONALE Esiste un accordo tra gli esegeti sul fatto che il libro di Giobbe ci offre un modello intrigante di intercessione, secondo cui ogni peccato richiede non solo l'espiazione, ma anche una presenza attiva o una mediazione da parte degli altri per essere espiato24. L’autore biblico sembra avere un’idea poco convenzionale della dinamica dell’intercessione, nonostante parli di Giobbe come di un uomo perfetto, in piena armonia con Dio e gli altri. All’inizio lo presenta come un intercessore disposto a offrire sacrifici preventivi per i suoi figli (Gb 1–2), alla fine lo eleva alla figura di un intercessore la cui semplice preghiera riesce a calmare l’ira di Dio verso il peccato reale degli amici. Il lettore del libro rimarrà sempre sorpreso di questo, e spinto a comprendere l’intercessione di Giobbe come un atto di identificazione e unione, perché Giobbe assume proprio quel medesimo comportamento che aveva desiderato da parte dei suoi amici. La narrativa su questo è molto breve (42,10a); non riferisce se l’intercessione sia stata operata solamente per mezzo della preghiera e non spende neanche una parola su questa preghiera25. Però è proprio questa brevità che attesta la differenza e singolarità dell’atto. Nonostante tutto, l’intercessione di Giobbe per i figli e per gli amici ha un ruolo centrale nella dinamica del dibattito che attraversa tutto il libro. All’inizio Giobbe è un uomo che può intercedere per i figli presso Dio perché è un uomo integro e perfetto, e ancora alla fine Giobbe è un uomo che può intercedere per gli amici, perché nonostante tutte le prove terribili che ha attraversato la sua integrità si è mantenuta, è anzi maturata attraverso la sofferenza e la crudele ricerca. L’integrità di Giobbe come uomo e come credente è il fondamento del suo ruolo d’intercessore. È quest’integrità che lo fa intercedere per gli eventuali peccati dei suoi figli o degli amici, non riguardo a
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Possiamo dire lo stesso della benedizione. Non può considerarsi un possesso esclusivo della persona benedetta, è una realtà che si espande anche verso gli altri. È un po’ come il peccato di una persona: non solo rompe la relazione con la fonte della benedizione (Dio), ma generalmente colpisce anche altri esseri umani. Questo effetto giustifica, in un certo senso, l’intenzione della intercessione. Curiosamente, nell’AT non esiste una parola per dire la mediazione o intercessione, benché esistano molti momenti di mediazione tra gli esseri umani (Es 21,22); tra Dio e l’essere umano, per mezzo del servizio cultuale dei sacerdoti (Lv 2,1; 9,6-24); ai quali si aggiunge quella delle grandi figure: Noè (Gen 9,9-17), Abramo (Gen 18,22-33), Mosè (Nm 21,7). 25 Questo sorprende quando pensiamo a quante drammatiche preghiere l’autore ci offre durante il ciclo dei dialoghi con gli amici (cf. Gb 13,20–14,22). Per uno studio posteriore, cf. l’articolo di J. LÉVÊQUE, «L’épilogue du livre de Job. Essai d’interprétation», in F. MIES, ed., Toute la sagesse du monde. Hommage à Maurice Gilbert, LiRou 7, Bruxelles 1999, 47.
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lui, ma nella loro relazione con Dio26. Giobbe mantiene sempre una relazione sincera e integra con Dio ed è in questa sua fedeltà che la sfida di Satan trova una risposta piena alle questioni più profonde del rapporto sincero e gratuito con Dio. Alla fine del libro (42,7-17), siamo sorpresi dal giudizio severo di Dio verso gli amici che hanno cercato a ogni costo di difendere la giustizia divina. La severità appare sottolineata dall’ordine divino di offrire un numero considerabile di sacrifici per loro stessi e di credere nell’intercessione di Giobbe (42,8-9). Il racconto suggerisce che, nonostante sia Dio quello che lenisce la propria ira, l’intercessione di Giobbe è decisiva27. L’ironia della narrativa è schiacciante: gli amici che erano venuti per confortare Giobbe, hanno soltanto fatto aumentare la sua angoscia. Rifiutano di essere coinvolti e di rispondere al suo appello d’aiuto, respingendo precisamente quello che caratterizza più profondamente il ruolo di un intercessore: la capacità di lasciarsi coinvolgere e correre il rischio di condividere la sorte del peccatore. Forse è proprio per questo che alla fine, la difesa feroce che gli amici hanno fatto di Dio non è accolta da Lui, anzi viene criticata: «non avete detto di me cose rette come il mio servo Giobbe» (Gb 42,7). Come se per Dio, intercedere per i peccatori avesse più valore che una argomentazione vuota della sua giustizia (Gb 42,7-17). L’intercessione di Giobbe sia per i figli che per gli amici presenta degli elementi veramente poco convenzionali: si manifesta come un culto abituale preventivo (Gb 1–2) e come un atto che coinvolge quelli per cui lui intercede. In generale, l’intercessione di Giobbe per gli amici, come per i figli, dovrebbe bastare a garantire il loro perdono. Però, non è così: gli amici devono partecipare attivamente nel processo della intercessione e offrire dei sacrifici significativi (Gb 42,8)28. LA SINGOLARITÀ DELL’ATTO INTERCESSORE DI GIOBBE La narrativa biblica è sorprendente anche per il modo in cui caratterizza il ruolo di Giobbe come intercessore: sia nell’intercessione per i figli che per gli amici, lui lo fa in un modo particolare. Né i figli né gli amici gli hanno chiesto di farlo. Non c’è nella narrativa alcuna indicazione che Giobbe abbia ricevuto esplicitamente o implicitamente un invito a prendersi questo compito. C’è una 26 Cf. N.M. SARNA, «Epic Substratum in the Prose of Job», JBL 76 (1982) 521-529. L’espressione «Giobbe li mandava a chiamare per santificarli» suggerisce una partecipazione attiva anche dei figli, che dovevano accettare questo rituale. 27 Gli amici sono accusati di una particolare trasgressione: Non hanno parlato la verità su Dio. Il termine ebraico che viene tradotto come verità è molto complesso. Alcuni preferiscono tradurlo come «cose sincere»; altri come cose vere. Per continuare lo studio su questa questione, cf. G. BORGONOVO, La notte e il suo sole. Luce e tenebre nel libro di Giobbe. Analisi simbolica, AnBib 135, Roma 1995, 53. 28 Per una valutazione di questa singolarità della intercessione di Giobbe, cf. Gen 20; 26,6-11; Nm 11; 21,7-9; Ger 7,16; 11,14; 14,11; 37,3; 42,2-20. Per uno studio più in dettaglio, cf. D. IWANSKI, The Dynamics of Job’s Intercession, 300-342.
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spontaneità strana e singolare che ci colpisce. La narrativa ci lascia da soli con l’affermazione che «il Signore ebbe riguardo di Giobbe», sottolineando l’efficacia della intercessione di Giobbe e del suo ruolo cruciale nella dinamica della narrativa. Infatti, non è possibile pensare all’insieme del racconto senza i due atti d’intercessione di Giobbe. Questa centralità appare evidenziata anche nel modo in cui l’autore biblico passa direttamente dall’intercessione per i figli al dubbio sull’integrità di Giobbe (Gb 1,6–2,10) e dall’intercessione per gli amici alla nuova vita di Giobbe (42,10-17), suggerendo che il primo a essere beneficiato dall’atto dell’intercessione è lui stesso: Giobbe29. Non per affermare una relazione di causa — effetto, ma una simultaneità tangibile, che non può essere ridotta ad una ricompensa per la pietà o perseveranza di Giobbe. Infatti, Giobbe non viene ricompensato né riportato alla sua situazione iniziale. I suoi figli non sono riportati alla vita né i suoi bene restaurati, in quella che sarebbe una situazione di semplice annullamento della memoria della terribile esperienza che Giobbe ha sofferto. Questa cancellazione implicherebbe anche il venir meno di tutta la conoscenza e maturità che Giobbe ha acquistato durante il tempo della prova. Non è questo che vuole l’autore, che ci consegna una narrativa in cui l’atto d’intercessione sottintende un ristabilimento del rapporto tra Giobbe e gli amici. La precedenza dei sacrifici degli amici suggerisce un riconoscimento della loro colpa che è moralmente importante per Giobbe. Per questo, l’intercessione di Giobbe non deve essere interpretata come un mero atto di obbedienza a Dio o semplicemente come un ristabilimento del rapporto tra Dio e gli amici, ma anche come un atto di perdono e di ristabilimento dei rapporti umani, che è simultaneamente condizione essenziale per l’atto d’intercessione, attraverso il quale viene ristabilito il rapporto con Dio. Giobbe, che aveva iniziato il suo ruolo di intercessore in quanto motivato dal suo statuto di paternità, alla fine deve assicurare simultaneamente un rapporto con Dio, ma anche con se stesso. Non è possibile avere un rapporto vero e integro con Dio al di fuori di un rapporto vero e integro con gli altri essere umani30. Ecco perché è essenziale che il perdono-intercessione abbia luogo prima della narrativa sulla nuova vita di Giobbe. L’integrità della fede di Giobbe non è cambiata. Il fatto, registrato all’inizio del libro («Così era solito fare Giobbe ogni volta», Gb 1,5; cf. anche Gb 2,3), che Giobbe svolgeva un ruolo d’intercessione continuo, lo ha portato ad essere sottoposto a una sfida che mette alla prova la gratuità della sua fede. Giobbe fa fatica a capirlo, però non cambia, come sottintende bene l’espressione «...rivolto a Dio, versa lacrime il mio occhio» (Gb 16,20). Alla fine, quando intercede per gli amici, Giobbe lo fa gratuitamente, 29
Cf. Gen 20. C’è un parallelo interessante con la storia di Abramo e Abimèlec. Cf. B. COSTACURTA, «Il Signore cambiò le sorti di Giobbe. Il problema interpretativo dell’epilogo del libro di Giobbe», in V. COLLADO BERTOMEU, ed., Palabra, Prodigio, Poesía. In memoriam P. Luis Alonso Schökel, AnBib 151, Roma 2003, 260. Possiamo vedere qui un preannuncio delle parole di Gesù in Mt 5,23-24: «Se dunque tu presenti la tua offerta all’altare e lì ti ricordi che tuo fratello ha qualche cosa contro di te, lascia lì il tuo dono davanti all’altare, va’ prima a riconciliarti con il tuo fratello e poi torna a offrire il tuo dono.» 30
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senza alcun riconoscimento dalla loro parte, o ricompensa da parte di Dio. Il suo rapporto con Dio e con gli amici, quello che lui ha voluto sempre per i suoi figli, è stato messo in questione ed è maturato, ma si è mantenuto continuamente integro e gratuito. È questa la risposta finale al dubbio di Satan (Gb 1,9.10-11; 2,4-5). La sua integrità e gratuità non hanno la misura dei rapporti familiari, ma di tutti i rapporti umani, che devono essere coinvolti nella dimensione di un Dio Creatore. La singolarità dell’atto intercessore di Giobbe appare veramente tangibile nel dono della sua nuova vita. Sin dall’inizio, la sua vita sotto la benedizione di Dio era una realtà veramente gratuita e continua a esserlo fino alla fine. Durante la prova, Giobbe non ha mai chiesto una vita nuova. Alla fine, Dio la offre non come ricompensa ma come un assoluto dono di riconoscimento della integrità e gratuità nel suo agire nei confronti di Dio e dei suoi amici: «Il Signore ristabilì la sorte di Giobbe, dopo che egli ebbe pregato per i suoi amici» (Gb 42,10). Il fatto che Giobbe perdoni e non chiami in giudizio gli amici, giudicati da Dio come coloro che non hanno «detto di me cose rette come il mio servo Giobbe», è per i saggi d’Israele una grande dimostrazione della gratuità della sua fede (Gb 42,10). La sfida iniziale sulla gratuità della fede di Giobbe trova alla fine una corrispondenza vitale nella assoluta gratuità del dono di Dio. In mezzo, l’autore ci lascia con un percorso insolito nelle profondità della esistenza umana, che deve imparare continuamente a scoprire i cammini della vera integrità e gratuità nei rapporti con gli altri e con il trascendente.
III. CONCLUSIONE È impossibile negare la pertinenza dell’intuizione iniziale: il tema della figliolanza nel libro di Giobbe inizia e chiude il dramma del libro, sviluppando al suo interno i contorni singolari della prova sulla gratuità della fede di Giobbe. L’integrità di Giobbe appare come il filo che unisce e sostiene i diversi aspetti focalizzati. All’inizio, in cui è a causa di un rapporto integro con Dio che Giobbe intercede continuamente per i figli, e alla fine, in cui è ancora questa integrità che lo porta ad intercedere per gli amici. Questi erano venuti a consolarlo, ma si erano poi rinchiusi in una sterile difesa di Dio che ha precipitato Giobbe in una solitudine così estrema che solamente la sua integrità lo ha potuto aiutare a sopravvivere. Possiamo intuire che sia stata questa la vera prova di Giobbe: capire e sostenere la integrità di una fede e di un rapporto con Dio che alla fine gli chiede di essere capace di intercedere per quelli che hanno rifiutato di intercedere per lui, che non sono stati capaci di comprenderlo e di mediare un rapporto sereno con Dio, nella crisi indotta dalla perdita di tutto quanto aveva e che non sono stati in grado di afferrare il suo desidero insistente di comprensione. C’è una grande unità tra il Giobbe che intercede per i figli e le figlie e il Giobbe che intercede per gli amici: la vera fede gratuita di Giobbe. A sostenere questa unità c’è la vera gratuità del suo rapporto con Dio, che Satan ha con
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inconsistenza messo in questione. Si tratta di una fedeltà che l’angoscia e la sofferenza non sono mai riuscite a distruggere. È su questa unità che dobbiamo costruire la convinzione che l’arrivo dei nuovi figli e figlie non è una semplice ricompensa, ma una continuità con il dono iniziale assolutamente gratuito di Dio. Il Dio che credeva a Giobbe, al punto di vantarsi di lui, era il vero sostenitore della gratuità della sua fede. Alla fine, in una sorprendente unità, Dio continua a chiamare Giobbe «il mio servo» (Gb 1,8; 2,3; 42,7.8), riconoscendo che Giobbe sa vivere la gratuità del proprio rapporto con Dio, nella pura gratuità dell’intercessione sia per i suoi figli e figlie, che per quella dei suoi amici. C’è pertanto un filone tematico sulla fede e la prova che attraversa tutto il libro, dentro il quale si sviluppa il ruolo determinante di Giobbe come intercessore. La prova e l’intercessione sono i luoghi per eccellenza in cui Giobbe dimostra la gratuità del proprio rapporto con Dio, ma anche del proprio rapporto con gli altri esseri umani, condizione indispensabile per ritrovarsi di nuovo sotto la benedizione di Dio, alla fine raddoppiata per la maturazione nella conoscenza. In questo contesto, possiamo avventurarci a stabilire una macrostruttura che apre ed evidenzia nuove prospettive di senso sulla riflessione proposta dai saggi d’Israele attraverso vari secoli di redazione. A – Giobbe e la benedizione: L’intercessione per i figli
venuta degli amici
B – Dibattito sulla gratuità del rapporto con Dio A’ – Giobbe e la benedizione: L’intercessione per gli amici
dono di nuovi figli
(1–2) (3,1–42,6)
(42,7-17)
Il fatto che all’interno della benedizione che abbraccia la vita iniziale e finale di Giobbe si collega l’intercessione per i figli e gli amici ci permette una lettura intertestuale particolare e straordinaria con le parole di Gesù: «Gli fecero sapere: Tua madre e i tuoi fratelli stanno fuori e desiderano vederti. Ma egli rispose loro: Mia madre e miei fratelli sono questi: coloro che ascoltano la parola di Dio e la mettono in pratica» (Lc 8,21-22). La gratuità della fede e il vero rapporto con Dio assumono le misure di rapporti nuovi e inclusivi, in cui ci apriamo ad intercedere per tutta l’umanità, nella sua più sorprendente diversità.
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RIASSUNTO Il libro di Giobbe ci offre un modello intrigante di intercessione. L’intercessione di Giobbe per i figli e per gli amici ha un ruolo centrale nella dinamica del dibattito che attraversa tutto il libro. L’integrità di Giobbe come padre e come uomo credente resta il fondamento del suo ruolo d’intercessore. C’è una grande unità tra il Giobbe che intercede per i figli e le figlie e il Giobbe che intercede per gli amici. Questa unità è sorprendentemente il luogo per eccellenza in cui Giobbe dimostra la gratuità del proprio rapporto con Dio, ma anche del proprio rapporto con gli altri esseri umani, condizione indispensabile per ritrovarsi di nuovo sotto la benedizione di Dio, alla fine raddoppiata per la maturazione nella conoscenza. Parole chiave: Giobbe, intercessione, figliolanza, integrità, prova, figli, amici, gratuità
ABSTRACT The book of Job offers us a remarkable model of intercession. Job’s intercession for his children and friends plays a central role in the dynamics of the debate that runs through the whole book. The integrity of Job as a father and as a believer remains the basis of his role as an intercessor. There is a great unity between the Job intercessor for his sons and daughters and the Job intercessor for his friends. This unity is surprisingly the place in which Job demonstrates the gratuitousness of his relationship with God, but also of his relationship with other human beings, as an indispensable condition for finding himself again under the blessing of God, eventually doubled for maturation in knowledge. Keywords: Job, intercession, filiation, integrity, trial, children, friends, gratuity
Nouveau Testament
Francesco GRAZIANO
Un Libro per generare discepoli Prologo ed Epilogo nel Vangelo di Matteo
Il Vangelo di Matteo si apre in modo programmatico sulla dignità filiale di Gesù: in quanto «figlio di Davide» e «figlio di Abramo» (1,1) egli si riceve in spazio e tempo precisi, quelli del suo popolo, ma anche, e soprattutto, nel flusso di una benedizione e di una promessa che lo caratterizzeranno in maniera essenziale e lo relazioneranno in maniera determinate con tutta l’umanità (cf. 2Sam 7,8-17; Gen 12,2-3). Se questi sono i titoli con i quali già inizialmente il Primo Vangelo dipinge «il Cristo» al suo lettore, il loro senso non potrà prescindere dal «libro delle generazioni» a cui sono subito legati (e non solo in maniera propriamente sintattica)1; il Prologo matteano (1,1-17), segnato ritmicamente dal ritornello del «generare» (gr. egennēsen), attraverserà tutti i lembi della storia sacra di Israele, erompendo infine (il passivo divino «è stato generato», gr. egennēthē, cf. 1,16) nella storia e nella missione particolari di questo «figlio» che è il Messia, evento che il Libro dispiegherà pienamente. Così, anche alla fine del Vangelo, in un alternarsi di luci ed ombre tra coloro che vorrebbero ostacolare l’annuncio di Pasqua da un lato («i sommi sacerdoti e i Farisei» e «gli anziani», cf. 27,62; 28,11-12) e quelli che timorosamente vi vengono coinvolti dall’altro («i discepoli», le donne prima e gli undici dopo; cf. 28,1.16), Gesù chiude il Libro presentandosi ai suoi discepoli come l’erede di «ogni autorità in cielo e sulla terra» (cf. gr. edothē moi in 28,18) e come l’Emmanuele, il «Dio con noi» (gr. egō meth’hymōn eimi, 28,20 cf. 1,22-23) che li invia presso «tutte le Nazioni». La sua dignità filiale è perciò ripresa, con un arricchimento che si direbbe risolutivo. Il tema della filiazione dunque, sembra «essere in gioco», come per il Vangelo di Luca2, anche nel Primo Vangelo. Ma di quale filiazione si tratta? Forse 1
In 1,1 i titoli hyiou David e hyiou Abraam sono evidentemente al genitivo, apposizioni di Iēsou Christou. Perciò, è prima di tutto a livello sintattico che si trovano legati al primo termine significativo della frase, Biblos geneseōs, «libro della generazione». E tuttavia (anche a livello di contenuto), la vera e propria lista di «generazioni» che segue spiegherà in che modo Gesù sia intimamente connesso a «Davide» e ad «Abramo». Infine, la genealogia non resterebbe chiusa in se stessa, ma diventerebbe essenzialmente l’apertura del Libro stesso. 2 Proprio in questo modo esordisce lo studio del P. R. Meynet a proposito del tema della preghiera e della filiazione (intimamente connessi) nell’ouverture e nel finale del Vangelo di Luca: R. MEYNET, «La preghiera trabocca dal Vangelo», in ID., Preghiera e filiazione nel Vangelo di Luca, Epifania della Parola, nuova serie 12, Bologna 2010, 13.
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soltanto di quella di Gesù? E se invece si trattasse di una filiazione partecipata? In che modo il Vangelo spiegherebbe la sua effettiva realizzazione? Se è vero per ogni forma letteraria che «prologo ed epilogo costituiscono due elementi essenziali della chiusura [e quindi del messaggio del libro], fornendo all’utente la traccia obbligata del percorso da seguire»3, la retorica biblica, che tenta di contemplare la composizione dei testi, può fornirci ulteriori informazioni per comprendere meglio queste unità letterarie a partire dalle loro mutue relazioni, ma anche nella loro funzione significativa all’interno dell’opera intera4.
I. LA FUNZIONE DI UN PROLOGO E DI UN EPILOGO 1. COMPRENSIONE DELLE UNITÀ LETTERARIE IN QUESTIONE È all’interno della tragedia antica, quella greca di età classica5, che la letteratura occidentale può riconoscere la prima apparizione di un ingresso o Prologo. Si trattava inizialmente della scena antecedente l’entrata del coro (parodo) e che perciò introduceva all’azione. Il più delle volte, però, questa scena dei primordi non aveva ancora la funzione di esporre il contesto precedente e le condizioni dello svolgimento successivo del dramma (caratteristica riscontrabile tardivamente nelle sole tragedie di Euripide). Sarà Aristotele a esprimere con maggiore precisione la connotazione funzionale del Prologo all’interno del genere epico: l’esposizione dell’argomento (protasi) era necessaria perché l’ascoltatore potesse prevedere il contenuto dell’opera o del discorso (Ret., III, 14, 1414b-1415a). In questo modo, il prooimion (in greco) o exordium (in latino) sarà sempre più concepito come unità letterale che formalmente introduce a un’opera letteraria, all’interno del quale l’autore espone lo scopo del suo scritto, e soprattutto racconta quell’orizzonte e quegli antefatti che daranno significato a tutto il seguito dell’opera6.
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O. LONGO, «Epilogo», in A. MARCHESE, ed., Dizionario di retorica e stilistica, Torino 2004,
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Uno studio interessante del significato dell’Epilogo nella prospettiva dell’intero Vangelo è stato svolto da J.-N. ALETTI, «Les finales des récits évangéliques et le statut du livre et des lecteurs», RSR 79 (2005) 23-37 (in particolare si veda p. 29). Il presente contributo ha trovato una decisiva conferma nell’articolo di J.-P. SONNET, «De la généalogie au “Faites disciples” (Mt 28,19). Le livre de la génération de Jésus», in C. FOCANT – A. WÉNIN, ed., Analyse narrative et Bible. Deuxième colloque international du Rrenab, BEthL 191, Louvain 2005, 199-209. L’autore aveva sorprendentemente raggiunto la medesima intuizione sul senso del Primo Vangelo a partire dal suo inizio e dalla sua conclusione, incontrando il testo con la metodologia dell’analisi narrativa. 5 Si tratta delle tragedie di Eschilo, Sofocle, e in particolare Euripide (cf. O. LONGO, «Prologo», in A. MARCHESE, ed., Dizionario di retorica e stilistica [cf. nt. 3], 330-332). 6 Così espone D.E. SMITH, «Narrative Beginnings in Ancient Literature and Theory», Semeia 52 (1990), 1. In campo esegetico, si suole comparare i primi capitoli di Luca e di Matteo (i cosiddetti racconti dell’infanzia di Gesù) con questo genere di prologo, definito come «drammatico» o
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Sotto un secondo profilo, non meno importante, il Prologo diventerà per l’autore anche (e sempre più necessariamente nella letteratura occidentale) il luogo in cui esprimere il proprio proposito di scrittura secondo le determinate convenzioni del tempo, distinguendosi da chi lo ha preceduto (è il caso particolare dei Prologhi o Prefazi di indole oratoria)7. Non si è mancato di notare la possibilità di un tipo di inizio meno strutturato e complesso, conosciuto con il termine tecnico di incipit8: si trattava qui di una breve frase che introducesse al documento o ad una unità letteraria all’interno di esso (l’uso dell’incipit verrà man mano sostituito da un vero e proprio titolo allegato allo scritto, soprattutto durante il periodo ellenistico, conosciuto in greco con il termine sillybos e in latino titulos)9. L’Epilogo (dal gr. epilogos), in quanto conclusione del discorso, diventerà sempre più strutturalmente rispondente all’unità iniziale di un’opera (soprattutto in ambito narrativo); all’interno di esso, infatti, «si estrae il senso del racconto»10. I retori antichi distinguevano nell’Epilogo due parti o momenti: la ricapitolazione (gr. anamnēsis o anakefaldiosis) in cui venivano ripresi gli argomenti esposti, e la perorazione che aveva lo scopo di muovere gli affetti dell’uditorio. Proprio quest’ultimo momento (cosa alquanto interessante) poteva avere una fisionomia binaria: 1) l’indignatio (gr. deinōsis) mirava a suscitare «un odio grande verso un uomo, o un profondo sdegno per un’azione»11; e 2) la conquestio (gr. eleos) per mezzo della quale si voleva realizzare il coinvolgimento emotivo di chi ascoltava12. La riflessione letteraria più recente (anche per quanto riguarda propriamente i Vangeli) si è volta sempre più alla considerazione della funzione che queste due unità hanno reciprocamente nell’unità compositiva del libro13: ora, tanto a livello teorico quanto a livello propriamente formale, Prologo ed Epilogo sono prima di tutto i confini di un testo. Essi disegnano, a quanto pare, anche una grande inclusione all’interno del Libro, una sorta di cornice. Ciò significa che a loro è demandato il compito, nei riguardi dell’ascoltatore antico e del lettore di ogni tempo, di effettuare l’ingresso e l’uscita nel mondo di significati che il «esplicativo» (cf. E.S. MALBON, «Ending at the Beginning: a Response», Semeia 52 (1990), 175; e ancora: D.E. SMITH, «Narrative Beginnings», 3-4. 7 Luca presenta una forma di Prefazio all’inizio del suo Vangelo (Lc 1,1-4); e tuttavia si distanzia notevolmente sotto questo aspetto di apologetica del confronto, per quanto possa somigliargli nella forma (cf. R. MEYNET, Il Vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ReBib 7, Bologna 2003, 26). 8 D.E. SMITH, «Narrative Beginnings» (cf. nt. 6), 4-5. 9 D.E. SMITH, «Narrative Beginnings» (cf. nt. 6), 5-6. Si potrà notare come questo tipo di ingresso sembri preferito nella letteratura orientale biblica ed extra-biblica orientale. 10 O. LONGO, «Epilogo», (cf. nt 3), 122. 11 Così CICERONE, De inv., I, 53, 100. 12 B.M. GARAVELLI, Manuale di retorica, Tascabili Bompiani 94, Milano 201012, 1988, 103. 13 In senso generale e nella prospettiva letteraria propria dei Vangeli le informazioni sono state desunte dalla riflessione di M.C. PARSONS, «Reading a Beginning/Beginning a Reading: Tracing Literary Theory on Narrative Openings», Semeia 52 (1990) 11-31.
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Libro intesse. In senso più diretto, e forse più utile alla tematica che si intende trattare, sono queste unità che rispondendosi sotto certi aspetti, rispettivamente gettano e colgono lo scopo dell’intera opera letteraria, generano e portano a compimento il suo significato più autentico. 2. INIZIO E FINE NELLA LETTERATURA SEMITICA (BIBLICA ED EXTRABIBLICA) All’interno della letteratura biblica ed extrabiblica, i libri sono molto spesso aperti da una convenzionale frase di introduzione (quella che finora è stata identificata come incipit di un’opera). Tali incipit svolgono grossomodo il ruolo di presentazione e sintesi dell’opera stessa, di modo che il lettore è convenientemente introdotto al nocciolo della questione (un esempio tra tutti è l’incipit del Vangelo di Marco: «Inizio del vangelo di Gesù, Cristo Figlio di Dio», in 1,1)14. Nel suo articolo sull’incipit del Vangelo di Matteo, C.A. Evans ha presentato un nutrito catalogo di esempi e modelli, procedendo da libri propriamente biblici (Na 1,1; Tob 1,1; Bar 1,1), fino ad alcuni apocrifi, anche tardivi (2Esd; il Testamento di Giobbe e il Sepher ha-Razim) e persino segnalando la Vita di Mosè di Filone15. Tuttavia, non si è mancato di riconoscere vere e proprie unità introduttive nella forma di Prologhi più sviluppati e articolati. Per l’Antico Testamento, si potrebbe fare riferimento al Prologo di Ben Sira (Sir 1-35); per il Nuovo Testamento i prologhi più celebri sono quello lucano e quello che introduce la Prima Lettera di Giovanni16. Queste unità di introduzione, sebbene possano somigliare nella forma, si distanziano già notevolmente dai prologhi di fattura greca dove, come detto, «gli oratori si distinguono da quelli che li hanno preceduti», ponendosi nettamente in antitesi con loro17. Anche il caso dell’Epilogo è attestato nella letteratura neotestamentaria. Qui l’autore può dare un chiaro segno indicativo per la delimitazione dell’unità letteraria di conclusione, lasciando per esempio la narrazione e inserendo un post-scriptum, come per le due conclusioni nel Vangelo di Giovanni (20,30-31; 21,24-25)18. La maggior parte degli altri epiloghi evangelici restano però all’in-
14 Alla luce dello studio della composizione del Vangelo, Mc 1,1 può essere ritenuto il vero titolo del Vangelo (piuttosto che una parte del suo Prologo, sito in 1,2-13). Si veda: R. MEYNET, Il Vangelo di Marco. Seconda edizione rivista, RBSem 14, Leuven 2018, 33-35. 15 C.A. EVANS, «‘The Book of the Genesis of Jesus Christ’: the Purpose of Matthew in Light of the Incipit», in T.R. HATINA, ed., Interpretation in Early Christian Gospels, II. Matthew, London – New York 2008, 62. 16 R. MEYNET, Il Vangelo secondo Luca, 23-28 (cf. nt. 7); per la Prima Lettera di Giovanni, 1,1-10 è riconosciuta come prima sezione dello scritto: cf. J. ONISZCZUK, La prima lettera di Giovanni. La giustizia dei figli, ReBib 11, Bologna 2009, 23-55. 17 R. MEYNET, Il Vangelo secondo Luca, (cf. nt. 7), 26. 18 Si tratta, secondo Aletti, di un «peritesto» che indica al lettore la finalità stessa del progetto letterario che si va a concludere. Cf. J.-N. ALETTI, «Les finales des récits évangéliques», (cf. nt. 4), 24-28.
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terno del racconto, «affidando a uno o a più dei loro personaggi il compito di dire perché i racconti devono essere letti»19. Infine (ed è doveroso riferirlo), alcuni libri sono di frequente segnati sia da una unità di introduzione che di conclusione (e dunque sia da un Prologo che da un Epilogo), di modo che risulti davvero necessario per la comprensione del messaggio dell’intero libro tenerne in considerazione l’insieme e le relazioni reciproche. Il Libro di Giobbe sottolinea intenzionalmente questo aspetto, giacché il lungo Prologo (Gb 1–2) e l’Epilogo (più corto: 42,7-17) sono i soli in prosa e descrivono l’uno la spoliazione e l’altro il ristabilimento della sorte di Giobbe, incorniciando il corpus lirico del libro. Dal punto di vista dell’analisi retorica, è stata verificata l’organicità di un Prologo e di un Epilogo per il Vangelo di Marco. Il Prologo (dopo il titolo/ incipit in 1,1; cf. 1,2-13)20 riguarda il Precursore Giovanni e l’apparizione di colui che doveva venire secondo le parole di Isaia, il Cristo21. L’Epilogo, della lunghezza di una sola sequenza (Mc 16,1-20), si concentra sugli eventi della Resurrezione e sull’invio ad annunciare il Vangelo a tutto il creato22. Le due unità, una volta sicuri della composizione del libro intero, sono state analizzate nei loro rapporti formali e contestuali23. È chiaro, a riguardo, che l’inizio e la fine del Vangelo di Marco siano in una relazione significativa, occupandosi il primo del Battesimo amministrato da Giovanni al Giordano, in particolare a Gesù (1,2-13), e il secondo del mandato di Gesù stesso fatto ai suoi di battezzare nel mondo intero (16,1-20). L’apporto dell’analisi retorica biblica, poi, ha permesso di evidenziare una bella connessione a livello di significato tra i passi che delimitano il Vangelo di Luca24. Come si è potuto già segnalare, R. Meynet ha mostrato come proprio il tema della filiazione (insieme a quello della preghiera) segni profondamente i
19 J.-N. ALETTI, «Les finales des récits évangéliques» (cf. nt. 4), 28. L’autore cita, tra gli altri, il caso di Matteo (28,18-20), ponendo un’interessante lettura del compito della conclusione all’interno del racconto del Primo Vangelo (si crea un legame tra il Cristo resuscitato e la tradizione che va’ dagli Undici ai nuovi discepoli tra le Nazioni, al documento matteano stesso che assume nel mandato del Risorto la sua autorevolezza e validità). Questa lettura, ovviamente attenta allo statuto narrativo degli ultimi versetti del Vangelo, non pensa però alla possibilità di una sezione più ampia per l’epilogo (in cui l’invito di Gesù potrebbe essere contenuto): quello degli interi eventi della domenica di Resurrezione (27,62–28,20). 20 R. MEYNET, Il Vangelo di Marco (cf. nt. 14), 37-45. 21 R. MEYNET, Il Vangelo di Marco (cf. nt. 14), 44-45. Perciò la prima vera sezione del Vangelo di Marco (la Sezione A) comincia direttamente con la predicazione di Gesù (in 1,14). 22 R. MEYNET, Il Vangelo di Marco (cf. nt. 14), 525-537. 23 R. MEYNET, Il Vangelo di Marco (cf. nt. 14), 540-541. 24 Non c’è da stupirsi per la significatività compositiva di queste unità letterarie all’interno di un libro. È il caso di dire che anch’esse disegnano, a livello retorico, una inclusione rilevante, poiché sono le unità estreme (una forma di simmetria parziale tipica del parallelismo biblico, ben attestata in tutti i livelli di composizione, cf. R. Meynet, Trattato di retorica biblica, ReBib 10, Bologna 2008, 265-274).
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passi estremi di questo Libro (1,5-25 e 24,50-53)25. All’inizio, il dono di un figlio molto particolare alla coppia sterile di Zaccaria ed Elisabetta, Giovanni il Battista, precede il dono del Figlio stesso di Dio, Gesù. Giovanni porta così a compimento la benedizione su Israele, da sempre contrassegnata dal dono divino della discendenza a una coppia umana di per sé impedita nelle proprie forze26. Egli, però, è anche colui che nella persona di Elia dovrà «ricondurre il cuore dei padri verso i figli» (Lc 1,17 che cita Ml 3,24), ovvero ristabilire il dono di «una filiazione accolta e riconosciuta tanto dal padre quanto dal figlio»27, per aprire al dono definitivo fatto dal Vangelo: la figliolanza divina. Ed infatti, nell’ultimo breve passo evangelico che gli corrisponde (24,50-53), è Gesù stesso che riveste i panni dei grandi padri di Israele (in particolare Giacobbe e lo stesso Mosè) benedicendo i discepoli prima della sua partenza e della sua apoteosi presso il Padre. Questo gesto alla luce del contesto biblico cui si riferisce (Gen 27,27-29; Dt 33; Gen 48,14-20), incarna un atteggiamento di profonda intimità familiare, essendo il gesto di benedizione del padre verso i propri figlioli. «Benedicendo così i suoi discepoli prima di lasciarli definitivamente, Gesù si comporta verso di loro come un padre verso i figli [...] Gesù mostra ancora una volta e in modo definitivo ai suoi discepoli che li ha adottati come figli e che li costituisce suoi eredi»28. Di più, egli li ha appena invitati ad annunciare il Vangelo in ogni dove (24,46-48), rendendoli capaci perciò, di generare a loro volta discepoli-figli29. Sarà sorprendente contemplare, a partire da questi risultati, il messaggio che Prologo ed Epilogo manifestano per il Vangelo di Matteo.
II. PROLOGO ED EPILOGO NEL VANGELO DI MATTEO Una volta visionata l’organicità delle grandi sezioni del Vangelo30, appare chiaro come anche Matteo presenti nel suo tessuto un Prologo (1,1-17)31 e un Epilogo (27,62–28,20; perciò più ampio, della misura di una sequenza formata 25 R. MEYNET, «La preghiera trabocca dal Vangelo» (cf. nt. 2); le relazioni erano già state analizzate per la composizione dell’intero Vangelo di Luca in R. MEYNET, Il Vangelo secondo Luca (cf. nt. 7), 942-947. 26 «Il rapporto che il testo stabilisce tra l’inizio del Vangelo di Luca e la storia dei patriarchi, e innanzitutto con Abramo, indica che ci si trova dinanzi a una svolta decisiva della storia stessa, o meglio ancora: a un nuovo inizio, poiché esso richiama e in qualche modo reitera la prima origine del popolo di Israele» (R. MEYNET, «La preghiera trabocca dal Vangelo», cf. nt. 2, 18). 27 R. MEYNET, «La preghiera trabocca dal Vangelo» (cf. nt. 2), 21. 28 R. MEYNET, «La preghiera trabocca dal Vangelo» (cf. nt. 2), 29. 29 R. MEYNET, «La preghiera trabocca dal Vangelo» (cf. nt. 2), 29-30. 30 La composizione del Vangelo di Matteo per mezzo dell’apporto dell’analisi retorica biblica e semitica è stato portato in luce dalla Dissertazione dell’autore dell’articolo, discussa in Gregoriana il 23 Marzo 2018 sotto la direzione di R. Meynet e dello scomparso J. Oniszczuk. 31 Una prima analisi del Prologo in F. GRAZIANO, «“Colui che viene dietro di me è più forte di me”. Studio retorico di Mt 1–4» in R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical & Semitic Rhetoric, ReBibSem 5, Roma 2015, 126-128.
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di cinque passi)32. La particolarità del Prologo è già riconoscibile per la sua forma propria, essendo una genealogia di Gesù che l’autore ha posto come cappello al suo libro. In questo modo, egli si è ben allacciato alla tradizione biblica, in particolare alla Torah, nel Libro della Genesi33. L’Epilogo, invece, è costituito dalla sequenza che annuncia per intero gli eventi dopo la morte di Gesù (già dal «giorno seguente, quello dopo la Parasceve», 27,62). Da notare, all’interno di questa ultima sequenza del Libro, le sottosequenze estreme sono costituite di due passi in relazione simmetrica (27,62-66 con 28,11-15; 28,1-8 con 16-20): come rilevato in precedenza, l’autore getta uno sguardo importante verso il rifiuto dell’evento della Risurrezione presso «i sommi sacerdoti» e gli anziani del popolo (e il loro evidente tentativo di sabotarlo), e di contro, verso l’accoglienza da parte delle «donne» e dei «discepoli/fratelli» a cui Gesù le invia. Sembra perciò ripresentata, per due volte ciascuna, una certa somiglianza con gli aspetti dell’indignatio e della conquestio tipica delle conclusioni antiche occidentali. In definitiva, il mandato del Risorto non è che l’ultimo passo di un epilogo ben più lungo e strutturato (28,16-20)34. 1. ANALISI GENERALE DELLE DUE UNITÀ 1.1 IL PROLOGO (1,1-17) La sequenza del Prologo (1,1-17) è costituita di tre passi: agli estremi, l’incipit (o titolo) che introduce la genealogia centrale, e la conclusione (1,17), con il 32
La sequenza è stata riconosciuta e analizzata: R. MEYNET, La Pasqua del Signore: testamento, processo, esecuzione e resurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, ReBib 5, Bologna 2002, 363-389. 33 Una possibile lettura del genitivo geneseōs, in 1,1, potrebbe far protendere verso un riferimento esplicito al Libro della Genesi nella sua interezza. É di questa idea anche Evans, ritenendo che l’autore stesso del Vangelo avesse previsto un tale riferimento (citando ancora Filone e supponendo la conoscenza del libro greco di Genesi almeno una generazione prima della circolazione del Primo Vangelo; cf. C.A. EVANS, «“The Book of the Genesis of Jesus Christ”», (cf. nt. 15). In questo modo, allora, il Vangelo di Matteo dovrebbe essere letto come «Libro della Genesi di Gesù Messia» (1,1), come l’inizio di una nuova Torah, o di un corpus nuovo delle Scritture. In sintesi, le quattro interpretazioni possibili del titolo di Mt 1,1 sono: 1) introduzione alla genealogia che segue; 2) collegamento con il racconto della nascita di Gesù che segue (si noti genesis in 1,18); 3) introduzione all’intero Vangelo e all’intero evento di Gesù; 4) riferimento all’intera nuova creazione che inizia nel concepimento di Gesù (J.C. FENTON, The Gospel of St. Matthew, PGC, London 1963, 36). 34 L’Epilogo matteano, anche alla luce della composizione retorica biblica, non è solo attento al mandato del Risorto presso tutte le Nazioni (28,19) o preoccupato soltanto di rendere autorevoli «tutte le cose» che il Messia ha insegnato (28,20), contenute nelle sottosezioni discorsive del Libro che va a concludersi. In realtà, esso si impegna a fondo con il futuro e con l’esito dell’adempimento delle promesse che erano state fatte a Israele (e che sembrano essere state bloccate dal rifiuto dei suoi capi). Se è vero che una parte del popolo della Prima Alleanza rimane indurita, un resto diverrà ancora una volta lievito (come Abramo) di un popolo rinnovato e fecondo (28,10.19). Gesù rimane, in questa prospettiva, «figlio di Davide» e «figlio di Abramo», e sarà sempre una parte di Israele ad accogliere la sua salvezza e a porgerla a «tutte le Nazioni».
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computo della triplice serie di «quattordici generazioni». La scansione della sequenza porta a ritenere il primo verso del Vangelo anzitutto come parte integrante e titolo della genealogia successiva: nella conclusione, infatti, i termini «Davide» ed «Abramo» (17a) sono ripresentati in senso inverso. Questi termini medi a distanza realizzano una cornice per il passo centrale, contenente la lunga lista genealogica35. Il passo centrale (1,2-16) è costituito di tre parti, che sviluppano in dettaglio ciò che è annunciato e risolto dai passi estremi: da «Abramo» a «Davide» (2-6a); da «Davide» alla fine della sua dinastia, con la «deportazione di Babilonia» (6b11) e infine, l’ultima serie di generazioni fino alla nascita del «Messia» (12-16). Prologo (1,1-17) – 1,1 Libro della GENERAZIONE di GESÙ MESSIA, figlio di Davide,
figlio di ABRAMO.
: 2 ABRAMO generò Isacco, Isacco generò Giacobbe, Giacobbe generò Giuda e i suoi fratelli, 3 Giuda generò Fares e Zara da Tamar, Fares generò Esròm, Esròm generò Aràm. 4 Aràm poi generò Aminadàb, Aminadàb generò Naassòn, Naassòn generò Salmòn. 5 Salmòn generò Booz da Racab, Booz generò Iobèd da Rut, Iobèd generò Iesse, 6 Iesse generò il re Davide. :: Davide generò Salomone, da quella di Uria, 7 Salomone generò Roboamo, Roboamo generò Abia, Abia generò Asàf, 8 Asàf generò Giòsafat, Giòsafat generò Ioram, Ioram generò Ozia. 9 Ozia poi generò Ioatàm, Ioatàm generò Acàz, Acàz generò Ezechia. 10 Ezechia generò Manasse, Manasse generò Amòs, Amòs generò Giosia, 11 Giosia generò Ieconia e i suoi fratelli, alla deportazione di Babilonia. :. 12 Dopo la deportazione di Babilonia, Ieconia generò Salatièl, Salatièl generò Zorobabele. 13 Zorobabele generò Abiùd, Abiùd generò Eliachim, Eliachim generò Azòr, 14 Azòr generò Sadòk. Sadòk poi generò Achim, Achim generò Eliùd, 15 Eliùd generò Eleazar. Eleazar generò Mattan, Mattan generò Giacobbe, 16 Giacobbe generò Giuseppe, lo sposo di Maria, = dalla quale fu-generato GESÙ, detto il MESSIA. : 17 Tutte LE GENERAZIONI 36 dunque sono QUATTORDICI GENERAZIONI. ::
e da Davide
da ABRAMO
fino a Davide
fino alla deportazione di Babilonia,
QUATTORDICI GENERAZIONI.
:.
e dalla deportazione di Babilonia
fino al MESSIA,
QUATTORDICI GENERAZIONI.
35 Complessivamente, l’ordine dei termini all’interno dell’incipit è rovesciato tanto nella genealogia quanto nella conclusione (prima la discendenza di Abramo, poi di Davide, poi da Babilonia al Messia). 36 Il termine gr. hai geneai indica piuttosto l’insieme dei discendenti, ma deve essere considerato dello stesso campo semantico di hē genesis (1,1), disegnando un aggancio temporale con la storia del Messia.
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Come l’esegesi tradizionale ha notato, il ritmo sostenuto fondato sulla ricorrenza del verbo «generò» (gr. egennēsen), è rotto non solo dall’intromissione di cinque figure femminili37, ma soprattutto alla fine dal passivo teologico «fugenerato» (gr. egennēthē, in 16), riferito a Gesù. A livello formale, poi, tali verbi sono dello stesso campo semantico di «generazione» nell’incipit (gr. geneseōs, 1,1) e di «quattordici generazioni» nella conclusione (gr. geneai dekatessares, 1,17bdf). La sequenza si riallaccia dunque alla tradizione delle liste genealogiche, in particolare con il sēper tôledōt («libro delle generazioni») presentato due volte in Genesi per esporre la discendenza di «Adamo» (Gen 5,1) e di «Noè» (Gen 10,1)38, i patriarchi antidiluviani. In realtà, in questi due luoghi della Genesi le liste riguardano i discendenti del protagonista, piuttosto che gli avi come per la lista di Matteo. Inoltre, esse realizzano una funzione mediatrice: hanno il compito di riassumere le vicende del patriarca precedente, ormai narrate (sottolineando perciò la sua importanza per la storia delle origini), e introdurre allo stesso tempo la fase successiva del racconto, che sfocia in un suo discendente. La genealogia di Adamo (5,1-32) porta a «Noè» per presentare gli eventi del diluvio, mentre quella di Noè (10,1-32) conduce ad «Abram», per narrare così l’inizio della relazione di Dio con Israele. Si potrebbe dire che entrambe concludono la vita del patriarca per far fare al lettore un passo in più nella storia di alleanza («con ogni carne» attraverso Noè, poi quella particolare con Israele attraverso Abramo). In Matteo, invece, le vicende di Gesù non sono state ancora presentate: la genealogia non conclude ma introduce alla sua persona, ripercorrendo le generazioni dei suoi avi, e rompendo decisamente le modalità di generazione in questo discendente tutto particolare che è il Messia39. Così, se il filo tradizionale è ripreso, l’oeiginalità delle sue caratteristiche serve probabilmente a veicolare un messaggio del tutto nuovo. Sono gli avi di Gesù a ricordare al lettore l’Antica Alleanza (e presuppongono evidentemente tutto il primo corpus delle Scritture). Il ponte con lo sviluppo della storia è evidentemente costituito da Gesù stesso, il 37
Le prime tre figure sono tutte nominate all’interno della prima serie, nella prima parte del passo: si tratta di «Tamar» (3), «Racab» e «Rut» (5). Nella parte centrale Betsabea, madre di «Salomone» è introdotta attraverso una costruzione implicita, «da quella di Uria» (6b), evidentemente per suscitare la memoria del lettore sul peccato di Davide. Infine, «Maria» è citata in conclusione dell’ultima parte (16). L’autore sembra voler sottolineare, con l’immissione di ciascuna, una generazione realizzata secondo condizioni insolite all’interno della storia sacra. 38 Invece in Gen 2,4 si tratta delle tôledôt haššāmayim wehā’āreṣ, «le generazioni dei cieli e della terra», riferendosi perciò al racconto precedente della creazione. La derivazione dalle tôledôt ebraiche può gettare luce sul significato del termine genesis, differente da geneai in 1,17; (conforme alle occorrenze di LXX), riferendosi principalmente all’atto del «generare» (cf. TWNT, I, 682; trad. italiana: GLNT, II, 444). 39 In sintesi: se la genealogia del primo protagonista portava (attraverso i suoi discendenti) al secondo, nel Primo Vangelo la genealogia di Gesù (attraverso i suoi avi) non porta che a Gesù stesso. La differenza era stata notata: R.E. BROWN, The Birth of the Messiah. A Commentary on the Infancy Narratives in the Gospel of Matthew and Luke, ABRL, New York 1977, 19932, 66-67.
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Messia che «viene dallo Spirito Santo» (1,20): con lui qualcosa di essenzialmente nuovo «fu-generato». In più, se il sēper tôledōt di Gesù ha guardato all’indietro verso i padri, il lettore si chiederà se non ci sarà anche una lista in avanti, dato che la genealogia si ripiega su sé stessa, proprio sul suo referente principale40. A questo proposito è bene sottolineare un ultimo aspetto che getta anche un’ombra enigmatica sulla genealogia stessa (ed ha fatto per altro scrivere molto agli esegeti). Se è vero che l’uso del verbo gennaō nel passo centrale è corrisposto dal termine «generazione» e da «quattordici generazioni» nei passi estremi, il computo reale all’interno della lista sembrerebbe non essere esatto e l’interpretazione dell’autore quanto meno forzata. Da Abramo a Davide si contano 14 generazioni (tenendo ovviamente presente anche quella del capostipite), da Salomone a Ieconia sono ancora 14 (con alcune omissioni di nomi nella lista dei re)41, ma da Salatièl a Gesù non se ne contano che 13. La questione, al di là delle più suggestive ipotesi e delle correzioni matematiche o teologiche proposte42, sembrerebbe volutamente sospesa. Forse bisognerà chiedersi già dall’inizio se anche il Messia non debba generare a sua volta. 1.2 L’EPILOGO (27,62–28,20) La sequenza che compone l’Epilogo si caratterizza di tre sottosequenze: l’unico passo, molto breve (28,9-10), è inserito all’interno delle sottosequenze estreme, fornite di due passi ciascuna. Le relazioni tra le sottosequenze estreme, come visto, si realizzano secondo polarità inverse. Infatti, nel primo e nel quarto passo (27,62-66 e 28,11-15) è raccontata l’opposizione dei sommi sacerdoti all’evento della risurrezione di Gesù, loro che erano stati i principali responsabili anche della sua crocifissione43. 40
Vista questa antitesi con il contesto biblico di riferimento, viene da chiedersi se non sia del tutto plausibile interpretare il genitivo Iēsou Christou anche in senso oggettivo (ovvero: «il generare di Gesù», e dunque: «Libro del generare proprio di Gesù Messia»). 41 Le tre liste genealogiche concordano sommariamente con le informazioni di Rt 4,18-22 e 1Cr 3,10-14. Una omissione importante, al v. 8, è il salto di tre generazioni tra Ioram e Ozia (si tratta del re Acazia, suo figlio Ioas e suo nipote Amazia). La soluzione plausibile è che queste generazioni siano state volutamente cancellate per damnatio memoriae, giacché Ioram aveva sposato la figlia di Acab (2Re 8,18) attirando su di sé la maledizione per la vigna di Nabot (1Re 21,21; cf. Es 20,5). Per la questione: U. LUZ, Vangelo di Matteo, I, CP.NT 1, Brescia 2006, 149 nt.1. Al contrario, Brown sostiene che le omissioni siano dovute alla semplice confusione della nomenclatura dei re di Giuda (non solo per il caso di Ozia, ma anche per Giosia e Ioiachim nei confronti di Ieconia), abbastanza simili nella loro forma greca (cf. R.E. BROWN, The Birth of the Messiah (cf. nt. 39), 70.82-83). 42 La più suggestiva delle proposte è stata quella di contare per due volte la generazione dello stesso Gesù, essendo egli stato generato rispettivamente secondo la carne e secondo la risurrezione (per una disamina, senza soluzioni: R.E. BROWN, The Birth of the Messiah (cf. nt. 39), 83-84). 43 Il parallelismo tra i due passi è assicurato dalla ripresa di molti termini («sommi sacerdoti», in 27,62 e 28,11; «i suoi discepoli» e «venire a rubarlo», in 27,64 e 28,13; «guardie», in 27,66 e 28,11; «Governatore» e «Pilato» in 28,14 e 27,62.65, etc.) come la corrispondenza, al centro, tra il
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Epilogo (27,61–28,20) 27,62 L’indomani poi, che è dopo la Parasceve, si riunirono i sommi sacerdoti e i Farisei presso Pilato 63 dicendo: «Signore, ci siamo ricordati che quell’impostore disse ancora vivente: “Dopo tre giorni risorgerò”. 64 Ordina dunque che sia vigilata la tomba fino al terzo giorno, affinché i suoi discepoli non vengano a rubarlo e dicano al popolo: “È risorto dai morti”. E quest’ultima impostura sarà peggiore della prima». 65 Disse loro Pilato: «Avete la guardia: ANDATE, ASSICURATEVI come pensate». 66 Quelli poi ANDARONO E ASSICURARONO la tomba, avendo sigillato la pietra con la guardia. 28,1 Dopo il sabato, al luccicare nel primo giorno dopo il sabato, venne Maria Magdalena e l’altra Maria a vedere la tomba. 2 Ed ecco: un terremoto grande avvenne: l’angelo del Signore, infatti, sceso dal cielo e avvicinatosi, rotolò la pietra e sedeva su di essa. 3 La sua vista era come folgore, e il suo vestito bianco come la neve. 4 Dalla paura di lui le guardie tremarono e divennero come morte. 5 Ma l’angelo disse alle donne: «Non temete voi! So infatti che cercate Gesù il crocifisso. 6 Non è qui, si è alzato infatti come aveva detto. Venite, vedete il luogo dove giaceva! 7 Presto, partite, DITE ai suoi discepoli che è risorto dai morti. Ecco, vi precede in Galilea: LÀ LO VEDRETE. Ecco, io ve l’ho detto». 8 E abbandonato in fretta il sepolcro con paura e gioia grande corsero PER ANNUNCIARLO ai suoi discepoli. 9 [Come partivano AD ANNUNCIARLO ai suoi discepoli]44 ecco Gesù incontrò loro dicendo: «Rallegratevi!». Quelle poi, avvicinatesi, afferrarono i suoi piedi e si prostrarono davanti a lui. 10 Allora dice loro Gesù: «Non temete: andate, ANNUNCIATE AI MIEI FRATELLI che vadano in Galilea, E LÀ MI VEDRANNO». 11 Mentre loro partivano, ecco alcuni della guardia ESSENDO VENUTI IN CITTÀ, ANNUNCIARONO ai sommi sacerdoti tutte le cose accadute. 12 E essendosi riuniti con gli anziani, avendo poi preso consiglio, diedero ai soldati monete d’argento sufficienti 13 dicendo: «Dite: “I suoi discepoli sono venuti di notte a rubarlo, mentre noi dormivamo”. 14 E se mai il Governatore lo sente, noi lo persuaderemo e faremo sì che non abbiate preoccupazioni. 15 Quelli poi, prese le monete d’argento, fecero come erano stati ammaestrati. E questa parola si è divulgata fra i Giudei fino al giorno di oggi.
Gli undici discepoli partirono in Galilea sul monte dove ordinò loro Gesù. E AVENDOLO VISTO, si prostrarono, ma essi dubitarono. 18 E Gesù, avvicinatosi, disse loro: «Mi è stata data ogni autorità in cielo e sulla terra. 19 Essendo partiti dunque di tutte le Nazioni FATE-DEI-DISCEPOLI, battezzandoli nel Nome del Padre e del Figlio e dello Spirito Santo, 20 insegnando loro a osservare tutte le cose che vi ho comandato. Ecco: io con voi sono tutti i giorni, fino al compimento del Tempo. 16 17
termine «impostura» (27,64) e il verbo «persuaderemo» (28,14). Cf. R. MEYNET, La Pasqua del Signore (cf. nt. 32), 385. 44 Alcuni manoscritti aggiungono questo stico per evidenziare maggiormente la cesura tra il v. 8 e il v. 9.
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Al contrario, il secondo e il quinto finalmente presentano l’apparizione dell’angelo alle donne (28,1-8) e quella del Risorto ai discepoli (28,16-20). Per questi ultimi, l’apparizione angelica (28,2-3) come poi quella del Signore sul monte (28,17) cede sempre il passo a un mandato: prima alle donne di «partire» per «dire ai discepoli» che Gesù Risorto li attende in Galilea (28,7), poi agli Undici ancora di «partire» per «fare-dei-discepoli di tutte le Nazioni» (28,19). Anche nei passi che si oppongono, Pilato chiede di «andare» per «assicurare» la guardia al sepolcro (27,65-66), mentre «partite» le donne, le «alcuni della guardia essendo venuti in città, annunciarono ai sommi sacerdoti tutte le cose accadute» (28,11). Il doppio parallelismo è dunque ben realizzato. Ora, è il piccolo passo centrale a gettare una rete importante di relazioni per la comprensione del messaggio della sequenza. Anche al suo interno Gesù, come l’angelo, domanda alle donne di «andare» e «annunciare» ai discepoli di raggiungerlo in Galilea (28,10)45. Anzi, si direbbe che una bella progressione è disegnata tra questi passi delle sottosequenze estreme e il passo centrale. In 28,7 l’angelo chiede alle donne di dire ai discepoli: «Ecco vi precede in Galilea, là lo vedrete». Esattamente così replica Gesù in 28,10 («là mi vedranno»); ed è finalmente in 28,16-17 che i discepoli giunti «in Galilea» «vedono» effettivamente Gesù. Tuttavia, se nelle sottosequenze estreme coloro che hanno seguito il Signore sono sempre riferiti dai personaggi o dallo stesso narratore con il termine «discepoli» (27,64; 28,7.8.9.13.16), il passo centrale è il solo a definirli, sulle labbra dello stesso Gesù, come «fratelli» (28,10)46. Tale ricorrenza è del tutto unica per l’intero Vangelo: Al centro della sequenza (28,9-10) l’apparizione di Gesù alle due donne che tornano dalla sua tomba può sembrare, a prima vista, un doppione del passo precedente. Infatti, Gesù non dice loro nient’altro se non quello che l’angelo aveva loro annunciato (10 come 7): tutte le parole che egli pronuncia sono praticamente le stesse. Eccetto una, però. Quelli che l’angelo aveva designato come i «discepoli» di Gesù, ecco che il maestro li chiama «fratelli». Ed è la prima volta in tutto il vangelo che succede in maniera così chiara. La variante è altamente significativa.
Se nelle composizioni bibliche il centro determina sempre una svolta, questa apparizione duplicata getta una nuova luce su tutto quello che seguirà. I discepoli sono anche qui associati alla figliolanza di Gesù47 e il Risorto prenderà a mandarli verso «tutte le Nazioni» perché anch’esse a loro volta siano «fattediscepoli» (e dunque entrino in qualche modo nella figliolanza divina del Messia). Il movimento delle donne (le prime ad annunciare il Vangelo) genera questo passaggio da Gesù ai discepoli; i discepoli, poi, fratelli di Gesù lo faranno nei riguardi delle moltitudini dei popoli. È così in atto un vero moto generativo. 45
Le prime parole dell’uno e dell’altro sono praticamente identiche: «Non temete» (28,5.10). R. MEYNET, La Pasqua del Signore (cf. nt. 32), 386. 47 È questo l’esito dell’interpretazione della sequenza: R. MEYNET, La Pasqua del Signore (cf. nt. 32), 388. 46
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2. SIMMETRIE CHE CONSOLIDANO LA RELAZIONE TRA LE DUE UNITÀ Sebbene di lunghezza e tono differenti48, le due unità sembrano corrispondersi anzitutto nella loro funzione49: esse collegano l’intero Vangelo alla storia sacra che lo ha preceduto e a quella che lo seguirà. Il Prologo, infatti, fa sbocciare l’evento di Gesù dalle promesse fatte alla discendenza di Abramo e di Davide (1,1), dunque dalla storia di Israele; l’Epilogo, invece, si proietta decisamente nello spazio e nel tempo futuri, mettendo in risalto la presenza escatologica del Messia con i suoi nella missione (28,20). Questa prospettiva è oltretutto rimarcata dalla corrispondenza formale evidente tra il termine «generazione» all’inizio del Prologo (che può avere, come visto, anche il senso lessicale e teologico di «genesi» o «generare», in 1,1), e l’espressione temporale conclusiva «fino al compimento del Tempo» (28,20), nell’Epilogo. Così, tutto il Libro di Matteo è incorniciato da questa inclusione di significati (inizio e fine) che collega l’inizio biologico e kairologico del Messia Gesù alla Fine dei secoli, il momento della sua parusia in quanto Figlio dell’uomo glorificato50. Nei passi centrali, i «fratelli miei» (28,10), termine con cui Gesù indica alle donne i suoi discepoli, ha due corrispettivi nella lista genealogica di 1,2-16. In 1,2 si tratta di «Giuda e i suoi fratelli», che aprono la discendenza di Israele, e di «Ieconia e i suoi fratelli», l’ultimo dei re di Giuda, prima dell’«esilio di Babilonia». Si tratta, perciò di termini che agganciano le unità centrali delle due sequenze. Questa corrispondenza potrebbe avere una certa importanza di carattere ermeneutico. Gesù e i suoi discepoli, che egli stesso riconosce come suoi «fratelli»51, sono messi a fianco a due figure particolari dell’intreccio storicosalvifico di Israele attraverso un’ampia eco contestuale che i termini rievocano.
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Il Prologo è costituito di 1.478 caratteri, mentre l’Epilogo ne contiene quasi il doppio, 2.251. Entrambi, però, sono di strutturazione concentrica: il passo centrale dell’Epilogo (28,9-10) è molto più corto di quello del Prologo (1,2-16). Al contrario, se le sottosequenze estreme dell’Epilogo contengono due passi ciascuna, i passi estremi del Prologo sono della lunghezza di un solo versetto. 49 Da un punto di vista di «forma» letteraria è chiaro che le due unità siano di natura sostanzialmente differente: il Prologo, come detto, è una genealogia, ricalcata sulla tradizione biblica veterotestamentaria, mentre l’Epilogo è di indole narrativa. 50 Il sintagma synteleias tou aiōnos è utilizzato all’inizio dell’ultimo discorso matteano (24,3) ed indica il compimento finale della storia nel ritorno del Figlio dell’Uomo (cf. in 24,3 con to sēmeion tēs sēs parousias). 51 Per lo studio della sequenza di Mt 27,62–28,20 il contesto biblico fa evidente riferimento alla figura di Giuseppe riconosciuto dai suoi fratelli, anti-tipo del Risorto a cui è stata data «ogni autorità in cielo e sulla terra» (28,18). Cf.: R. MEYNET, Morto e risorto secondo le Scritture, Biblica, Roma 2002, 50-52.
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Francesco GRAZIANO Mt 1,2-16
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: Abramo generò Isacco, Isacco generò Giacobbe, Giacobbe generò GIUDA E I SUOI FRATELLI, 3 Giuda generò Fares e Zara da Tamar, Fares generò Esròm, Esròm generò Aràm. 4 Aràm poi generò Aminadàb, Aminadàb generò Naassòn, Naassòn generò Salmòn. 5 Salmòn generò Booz da Racab, Booz generò Iobèd da Rut, Iobèd generò Iesse, 6 Iesse generò il re Davide. :: Davide generò Salomone, da quella di Uria, 7 Salomone generò Roboamo, Roboamo generò Abia, Abia generò Asàf, 8 Asàf generò Giòsafat, Giòsafat generò Ioram, Ioram generò Ozia. 9 Ozia poi generò Ioatàm, Ioatàm generò Acàz, Acàz generò Ezechia. 10 Ezechia generò Manasse, Manasse generò Amòs, Amòs generò Giosia, 11 Giosia generò IECONIA E I SUOI FRATELLI, alla deportazione di Babilonia. :. 12 Dopo la deportazione di Babilonia, Ieconia generò Salatièl, Salatièl generò Zorobabele. 13 Zorobabele generò Abiùd, Abiùd generò Eliachim, Eliachim generò Azòr, 14 Azòr generò Sadòk. Sadòk poi generò Achim, Achim generò Eliùd, 15 Eliùd generò Eleazar. Eleazar generò Mattan, Mattan generò Giacobbe, 16 Giacobbe generò Giuseppe, lo sposo di Maria, dalla quale fu generato Gesù, detto il Messia.
Mt 28,9-10 9
[Come partivano ad annunciarlo ai suoi discepoli] ecco Gesù incontrò loro dicendo: «Rallegratevi!». Quelle poi, avvicinatesi, afferrarono i suoi piedi e si prostrarono davanti a lui. 10 Allora dice loro Gesù: «Non temete: andate, annunciate AI MIEI FRATELLI che vadano in Galilea, e là mi vedranno».
Il primo è chiaramente il discendente più antico del Messia, così come l’intravede la benedizione di Giacobbe fatta per i suoi figli: Un giovane leone è Giuda: dalla preda, figlio mio, sei tornato; si è sdraiato, si è accovacciato come un leone e come una leonessa; chi lo farà alzare? Non sarà tolto lo scettro da Giuda né il bastone del comando tra i suoi piedi, finché verrà colui al quale esso appartiene e a cui è dovuta l’obbedienza dei popoli (Gen 49,9-10).
«Giuda e i suoi fratelli» segnano perciò l’inizio delle dodici tribù e, all’interno di esse (tramite Giuda), della discendenza messianica. Ieconia, invece, è l’ultimo dei discendenti effettivamente regnanti nella casa di Davide. Con Ieconia la discendenza è mozzata, e il suo ristabilimento, il suo nuovo germogliare, è contemplato dal profeta come possibile solo per l’intervento divino: «Un germoglio spunterà dal tronco di Iesse, un virgulto germoglierà dalle sue radici» (Is 11,1)52. Se un discendente con i suoi fratelli è presentato alle origini naturali della famiglia del Messia, un discendente e i suoi fratelli è presentato alla fine della stessa dinastia regnante. Viene perciò da chiedersi se alla fine del Vangelo, il Messia e «i suoi fratelli» non siano posti come iniziatori di una discendenza messianica nuova (o ristabilita), realtà che l’eco scritturistico rende presumibilmente avveratosi per intervento divino, evidentemente a partire dalla Risurrezione.
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Sull’interpretazione del «tronco» e delle «radici» come figura di un albero apparentemente morto, cf. J.D.W. WATTS, Isaiah 1–33, WBC 24, Waco (TX) 1985, 170-171.
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Un’altra corrispondenza interessante tra le due unità potrebbe riguardare la ripresentazione temporale del numero tre. Alla fine del Prologo, l’autore aveva presentato il calcolo della triplice serie di «quattordici generazioni» (1,17)53: tre periodi principali si susseguono nella storia di Israele, da Abramo al periodo messianico definitivo, iniziato con la nascita di «Gesù chiamato Messia»54. Proprio nel primo passo dell’Epilogo, i sommi sacerdoti e i farisei fanno riferimento alle parole di Gesù riguardanti la sua risurrezione «dopo tre giorni» (27,63.64). Tale riferimento non sarà più utilizzato nell’intera sequenza: infatti, nel passo subito successivo (28,1-8) il narratore parla dell’«alba del primo giorno della settimana», «dopo il sabato» (28,1)55. La ripresentazione di tre periodi storico-salvifici (implicita) e di tre giorni prima della risurrezione del Giusto (sulle labbra degli oppositori) possono fungere da termini gancio per le due unità (concludendo l’una e iniziando l’altra, come termini medi). L’ipotesi sembra anche qui avvalorata dal senso metaforico di cui i termini sono portatori: tanto la nascita di Gesù quanto la sua risurrezione sono operati da Dio e germogliano a partire da un punto oscuro e di crisi, punto in cui le forze umane non hanno più presa sulla realtà, non potendola affatto migliorare o trasformare. Si tratta del periodo incerto dopo «l’esilio di Babilonia» (probabilmente la memoria del lettore non ricorderà che Zorobabele nel numero dei più prossimi discendenti di Giuseppe), e della fredda notte della morte succeduta alla croce di Gesù. Si potrebbe dire che per entrambi, Israele e il Messia, ancora una volta la speranza era stata mozzata e forse il futuro rimaneva sospeso e atteso dalle mani di Dio. Egli solo avrebbe potuto determinare una nuova rinascita, concedendo l’ultima parola, quella della vittoria, alla Vita. 3. «PARTITI, DUNQUE, DI TUTTE LE NAZIONI FATE-DEI-DISCEPOLI » (28,19) Il verbo greco mathēteusate in 28,19 è davvero particolare: difatti, nel Nuovo Testamento la ricorrenza di mathēteuō è attestata solo per il Vangelo di Matteo e, un’unica ricorrenza, per il libro di Atti (14,21)56. Nel primo vangelo appare (oltre che alla fine dell’Epilogo) in altri due luoghi interessanti: in 13,52 Gesù elogia «ogni scriba» che è «fatto-discepolo» del Regno dei Cieli (il participio 53
L’esegesi tradizionale vede qui il calcolo gematriaco che riconduce al nome di Davide. Sul numero quattordici come costante temporale delle fasi lunari si veda F. GRAZIANO, «“Colui che viene dietro di me”», (cf. nt. 31), 128: «Nella Melkita di Rabbi Yisma’el Merita (II sec. d.C.) nella nota su Es 12,2 è detto che “le Nazioni fanno conteggi con il sole, ma Israele con la luna”; anche il Sal 104,19 dichiara che Dio “ha fatto la luna per calcolare il tempo”. Secondo questo calcolo con Abramo si potrebbe indicare metaforicamente il primo novilunio cosmico che si compie nel primo Davide; da Salomone fino all’esilio la fase calante con la conclusione del mese lunare (Babilonia: il buio della morte), da Salatièl un inizio modesto, nebuloso, ma che matura con l’arrivo del Nuovo Davide, Cristo» (a sua volta da una suggestione in U. LUZ, Vangelo di Matteo (cf. nt. 41), 155-156, nt. 4). 55 I «tre giorni» sono evidentemente un computo teologico, che fa riferimento a Os 6,2. 56 K.H. RENGSTORF, «maqhteu,w», TWNT, IV, 465 (GLNT, VI; 1238). Il verbo è completamente assente dalla versione LXX. 54
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gr. mathēteutheis) il quale diviene «come un padrone di casa» (gr. oikodepotēs). In 27,57 invece, il verbo descrive Giuseppe di Arimatea, il quale chiede a Pilato il corpo di Gesù per potergli riservare una degna sepoltura. Di lui si dice che «era-discepolato» a Gesù (aoristo passivo, gr. emathēteuthē). Di queste tre uniche occasioni nel Vangelo si devono osservare alcuni aspetti significativi. Anzitutto, l’agente reale del verbo nei primi due casi è sempre di natura teologica/cristologica (lo evince anche l’uso del passivo e del senso intransitivo): si tratta ora del Regno dei Cieli (13,52 di cui lo scriba diventa discepolo), ora di Gesù (27,57 di cui Giuseppe era discepolo); solo in 28,19 sono piuttosto i discepoli i diretti responsabili del mandato di «fare-dei-discepoli di tutte le Nazioni» (e sono perciò loro stessi gli agenti del verbo)57. Da questa prospettiva, è bene sottolineare come lo stesso sostantivo oikodespotēs apparso nel contesto di 13,52, è utilizzato in Matteo quasi esclusivamente per identificare o Dio o Gesù (cf. 10,25; 13,27; 20,1.11; 21,33)58. Se sulle labbra del Messia il «padrone di casa» è Dio o egli stesso, colui che «è-fatto discepolo» gli diverrà consimile: si potrebbe dire come un familiare (avendo diritto pieno alla gestione e all’eredità del casato). Perciò, in 13,52 lo scribadiscepolo è contemplato come colui che diviene realmente e pienamente alla pari del suo maestro (cf. 10,24-25). In 27,57-60, Giuseppe chiede il corpo di Gesù per poterlo seppellire. È un gesto di immensa tenerezza e gratitudine per colui che egli ha considerato in vita il suo maestro. E tuttavia, è anche vero che la responsabilità della sepoltura era quasi del tutto affidata ai parenti più stretti del defunto, quali per esempio il coniuge o i figli (questa mitzvah è attestata in Gen 23; 25,9 e Tob 6,15). Ciò farebbe comprendere come questo gesto sia ben più che sentimentale: Giuseppe ha effettivamente espresso un’appartenenza e un dovere filiali nei riguardi dello stesso Gesù. Ciò va a rafforzare ulteriormente la semantica espressa dal verbo mathēteuō nel Vangelo, per esprimere dunque un discepolato che ha la forma propria della figliolanza. «Fare-dei-discepoli» (28,19) deve dunque esprimere una dimensione generativa. Potrebbe significare «generare» al Messia nuovi figli da tutte le Nazioni. In questo modo, i discepoli diventano la generazione o la discendenza, nuova secondo l’ordine della resurrezione, del Messia intronizzato. E infatti, questi nuovi figli del Messia saranno «battezzati» (28,19) riprendendo così l’esperienza iniziale stessa di Gesù e del suo ministero (cf. 3,16-17). Inoltre, saranno chiamati a «osservare tutto ciò» che egli ha comandato ai suoi «fratelli» (28,10.20). Ora, 57 Per rendere bene il senso si è preferito non tradurre letteralmente qui, perdendo così il complemento oggetto della versione greca, «tutte le Nazioni»; cf. anche la tavola della sequenza in R. MEYNET, La Pasqua del Signore (cf. nt. 32), 384. Ovviamente, i discepoli inviati dal Risorto non sono chiamati a «fare-discepoli» propri, ma del Signore (perché sono di Gesù «tutte le cose» che dovranno «insegnare» agli altri, cf. 28,20. Così anche J.-N. ALETTI, «Les finales des récits évangéliques» (cf. nt. 4), 29). 58 In 24,43 è riferito ai discepoli di tutti i tempi, perché non si lascino sorprendere dalla parusia del Figlio dell’Uomo.
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«osservare» non è forse l’elemento davvero essenziale dell’esperienza che un figlio fa del proprio genitore all’interno del quadro della sua formazione? Non è forse una parola che educa alla vita l’elemento fondamentale che un figlio, assieme al pane (cf. Mt 6,11), riceve dal proprio genitore? E la prima cosa che un padre insegna al proprio figliolo non sarà forse il proprio mestiere, che di fatto nell’antichità si tramandava di padre in figlio? Un tale significato del verbo nel contesto del Vangelo di Matteo, va finalmente a risolvere l’enigma sospeso nel Prologo. Infatti, nel calcolo dell’ultima serie di «quattordici generazioni» (1,17) il computo sembrava forzato: da Ieconia al Messia ci sono solo tredici generazioni, e il lettore si domandava quale fosse (o dove fosse) la quattordicesima. Leggendo questo vuoto alla luce di quanto la fine del Libro sembrerebbe svelare, il Cristo Risorto da’ inizio a una quattordicesima generazione che non è più nell’ordine della carne, ma della fede (egli è allora davvero il «discendente di Abramo», cf. Gal 3,6-14). Quelli che tra «tutte le Nazioni» i discepoli genereranno per mezzo del loro «fare-discepoli», sono realmente i figli del Messia, e dunque a pieno titolo anche loro figli di Dio. Una tale interpretazione risulta essere difficilmente digeribile per la sensibilità spirituale con cui si è stati abituati ad accostare questi testi e la figura di Gesù (e in realtà lo stesso Vangelo di Luca, come visto, mira a precisare che il Risorto «adotta» i suoi discepoli perché gli possano generare una discendenza di credenti nello Spirito). Il concetto invece è squisitamente biblico. Infatti, il primo comandamento della Torah per l’uomo è proprio la richiesta di «essere fecondi» e di «moltiplicarsi», ovvero di imitare il creatore nel trasmettere la vita ad altri, nel generarli a propria volta (Gen 1,28). Ogni pio israelita sa che la propria umanità si interseca e si realizza solo all’interno di questa benedizione, che è al contempo responsabilità: la chiamata a far germogliare una discendenza. Ogni uomo, a suo modo, non può essere tale se non ha sperimentato e vissuto questo comandamento59. Inoltre, l’immagine cristologica che emerge da una tale interpretazione risponde finalmente alla visione del Servo di Yhwh secondo il libro di Isaia. Se 59 L’insegnamento evangelico compie ulteriormente il comandamento iniziale della Torah: ogni uomo è chiamato a generare, al di là di quella che potrebbe essere una generazione biologica. Infatti, il caso di coloro che «si sono resi eunuchi per il Regno dei Cieli» (Mt 19,12) apre la via ad una generazione differente, spirituale: si tratta di colui che accetta così radicalmente la figliolanza divina da trasmetterla agli altri senza passare per la mediazione fisica. Così scrive R. Meynet nell’interpretazione della parabola «dell’albero della vita» (Lc 13,17-21): «L’interpretazione della parabola sarà dunque largamente determinata da questa immagine [quella del «nido» e della generazione]. O il regno di Dio è concepito, e vissuto, come un riparo, come un rifugio, o al contrario come il luogo di un’avventura, di un rischio, proprio quello di trasmettere la vita. Questo è vero per ogni cristiano ma ancor più, in un certo modo, per quelli che hanno lasciato tutto per consacrarsi unicamente al regno di Dio. Se questa consacrazione non fosse scelta per la fecondità, sarebbe una perversione. Tutti coloro che fanno voto di celibato, sacerdoti, religiosi, religiose e altri, sono tenuti, come ogni uomo e ogni donna, a ubbidire al primo di tutti i comandamenti della Legge. Nessuno è dispensato dall’ascoltare, e metter in pratica, le prime parole rivolte da Dio alla coppia originale: «Siate fecondi e moltiplicatevi!» (cf. R. MEYNET, Vedi questa donna? Saggio sulla comunicazione per mezzo delle parabole, Fede e comunicazione 9, Milano 2000, 109-110).
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la vita del Servo, infatti, sembrava essere stroncata senza apparente possibilità di suscitare un futuro e una discendenza, la sua morte determina un effettivo passaggio a una vita rinnovata, non solo per lui, ma per tutti quelli che egli ha generato «offrendo se stesso». Una tale rigenerazione è effettivamente realizzata dalla mano di Dio (dunque è secondo un ordine soprannaturale): «Quando offrirà sé stesso in sacrificio di riparazione, vedrà una discendenza, vivrà a lungo, si compirà per mezzo suo il volere di Yhwh» (Is 54,10). E infine, un altro orizzonte potrebbe ancora aprirsi in questo rilancio che il verbo mathēteuō ha prodotto: se il Risorto chiama effettivamente i suoi discepoli «fratelli», legandoli così alla memoria del lettore che ha contemplato l’iniziatore e l’ultimo discendente regnante della dinastia davidica (Giuda e Ieconia, anch’essi assieme ai propri fratelli), lo farà per sottolineare l’inizio di una discendenza e di un popolo che da loro insieme procederà. Una buona memoria biblica ricorderà come nella legge del Levirato debbano essere proprio i discendenti più prossimi del defunto (dunque prima di tutto i fratelli) a suscitargli una discendenza, qualora egli muoia senza aver avuto la possibilità di generare (cf. Dt 25,5-10 e Mt 22,23-33). Certamente Gesù non è più tra i morti, piuttosto sarà con i suoi «fino al compimento del Tempo». Ma la sua presenza è ormai nel modo della «resurrezione» (Mt 22,29-30). Toccherà dunque a loro fare nella storia e nel tempo nuovi discepoli, e così in maniera stupefacente suscitargli una progenie spirituale. La discendenza davidica, che è anche la vera discendenza di Abramo come Paolo ha dichiarato (cf. 1,1 e Gal 3–4), è stata effettivamente attivata dalla resurrezione di Gesù; tuttavia è stata generata secondo un ordine nuovo (ulteriore alla generazione biologica). Essa è portata avanti dal mathēteusate di coloro che, come fratelli e discepoli divenuti simili al loro maestro, il Messia Risorto ha inviato tra le Nazioni. E in realtà, da un punto di vista formale, il Prologo stesso, che era ben intessuto dalla ridondante ripetizione del verbo «generare» (gr. egennēsen), veniva già sovvertito in 1,16 dal passivo teologico «fu-generato» (gr. egennēthē): Gesù era già nella carne una generazione di ordine differente, un salto qualitativo nella storia dei figli di Israele, un figlio di Davide non generato da padre umano. Così ora, egli «genererà» a sua volta per mezzo della relazione maestro-discepolo da lui iniziata in vita e proseguita con i suoi inviati dopo la Risurrezione (28,19)60.
60 Non si deve dimenticare che all’epoca di Gesù il rapporto tra maestro e discepolo era assimilato a quello tra padre e figlio (Paolo lo paragonerà effettivamente a un rapporto generativo di tipo spirituale in Gal 4,19). Anche in b. Sanhedrin è detto che insegnare al figlio di un altro la Torah è come generalo: TWNT, I, 664 (GLNT, II, 399-400).
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III. UN VANGELO SCRITTO PER SUSCITARE FIGLI AL MESSIA 1. «SEGUIRE IL FILO ROSSO» DEL VANGELO DI MATTEO L’analisi delle unità dell’inizio e della fine del Primo Vangelo, attraverso lo studio della loro composizione e delle loro relazioni formali e contestuali, ha arricchito notevolmente l’accesso al loro significato, e non solo. Costituendo il Prologo e l’Epilogo le unità estreme del Libro, esse hanno sicuramente il loro peso per la comprensione della composizione e del messaggio del testo stesso, in toto. Tutto porta a identificarle come le due unità in cui il filo rosso del Vangelo è gettato e alla fine risolto61, mentre il corpo del testo che esse incorniciano conterrà al suo interno una fitta rete di sviluppi in diverse direzioni. Dunque, queste due unità possono effettivamente fornire gli indizi della posta in gioco del Vangelo stesso (come indicato all’inizio di questo contributo). Il seme di Abramo e di Davide è giunto «fino al Messia» (1,17). Ora, dunque, anch’egli dovrà generare a sua volta. Gesù, che è stato generato non da volere di carne ma dalla Spirito Santo (come il primo passo della sezione subito successiva tenderà a precisare; cf. 1,18-25), genera a sua volta i suoi discepoli, ma soprattutto attraverso i suoi discepoli, allargando la filiazione divina oltre Israele, per «tutte le Nazioni» (28,19-20). Una simile generazione non si esprime in maniera propriamente biologica: iniziata come benedizione e responsabilità nelle prima parole di Dio alla coppia umana, è portata a compimento ulteriormente da Gesù nella dimensione della salvezza. Il Messia, cioè, non genera secondo la carne ma in modo spirituale (concedendo perciò la figliolanza divina) per mezzo dei suoi stessi discepoli che sono inviati a «fare-discepoli» altri uomini. Il discepolato diventa per il Primo Vangelo la forma esemplare in cui è sostanziata la filiazione. E perciò, in senso inverso, proprio i discepoli di Gesù, di tutti i tempi e di tutti i luoghi, saranno figli di Dio in quanto figli-discepoli del Messia. Facendoli passare nelle acque battesimali (28,19), essi sanciranno l’accoglienza del Regno di Dio predicato dall’evangelo; «osservando tutte quelle cose che Gesù ha comandato» (28,20), cresceranno in un apprendistato che li porterà a diventare infine anch’essi «come il loro Maestro» (10,24-25). Così, gli ultimi versetti del mandato dell’Epilogo esprimono bene sia l’elemento della generazione (l’accoglienza del Vangelo e della vita divina offerta) come anche la dimensione necessaria della crescita (la formazione e la maturazione del
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Il concetto ermeneutico («Seguire il filo rosso») è preso dal Trattato come una delle cinque regole ermeneutiche suggerite dalla natura compositiva dei testi biblici: «L’immagine del “filo rosso” traduce ciò che si potrebbe chiamare “il principio di coerenza”. A condizione che i suoi limiti siano stati ben identificati, un testo si definisce – seguendo la sua etimologia – come un tessuto di relazioni che ne fanno un insieme articolato. L’unità del testo potrà essere di tipo narrativo: un racconto di guarigione, come quello del cieco di Gerico; una parabola, come quella del figlio minore e del maggiore. Questo è il caso più evidente di coerenza testuale. In tali racconti, il testo si conclude quando l’intrigo trova il suo scioglimento» (R. Meynet, Trattato [cf. nt. 24], 569).
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discepolo nella comunità), che la Chiesa delle origini ha ben saputo recepire e attuare nella sua catechesi e nella sua prassi. Dei celebri Discorsi che segnano il ritmo del Vangelo di Matteo, proprio due in particolare, sono direttamente rivolti «ai discepoli» in vista della loro missione futura. Tali discorsi possono configurarsi, infatti, come «istruzioni» (cf. in 11,1 l’utilizzo del verbo diatassō)62 riguardanti l’annuncio della fede da un lato, e la crescita dei piccoli nella comunità dall’altro. Si tratta del Discorso sulla vita apostolica (10,1-42) e del Discorso sulla vita ecclesiale (18,1-35). Proprio questi, allora, spiegano al lettore come «fare-discepoli» nel futuro della predicazione e della cura comunitaria. Gli altri tre discorsi, più ampi, contengono essenzialmente l’insegnamento del Messia sul Regno dei Cieli, che con lui si è compiuto63. Per tutti e tre questi discorsi, infatti, l’evangelista riporta un atteggiamento molto preciso di Gesù, quello di «sedersi», tipico per chi si accinge ad insegnare. In questo modo, i tre discorsi maggiori possono essere riconosciuti dal lettore come una vera e propria didachē64: 5,1 13,2 24,3
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ESSENDOSI-SEDUTO
egli,
SI-AVVICINARONO A LUI I SUOI DISCEPOLI
...essendo salito sulla barca lui STAVA-A-SEDERE e tutta la folla sulla riva stava SEDUTOSI egli sul monte degli Ulivi SI AVVICINARONO A LUI I SUOI DISCEPOLI
in disparte
La radice greca arricchita dal prefisso dia- fa pensare a delle «estensioni» (o «distribuzioni»), qualcosa che supera il momento contingente: Gesù ha «stabilito» o «disposto» un insegnamento riguardante azioni che i discepoli dovranno ripetere a loro volta nella vita missionaria ed ecclesiale futura. Un certo aspetto di superamento temporale e di universalità per questi due discorsi (che riguardano cioè la vita della chiesa dopo l’avvenimento di Gesù, e si configurano perciò come discorsi che oltrepassano il tempo proprio della narrazione) lo si può evincere anche da alcune espressioni al loro interno. In 10,5-6 Gesù ha inviato i Dodici soltanto «alle pecore perdute della casa d’Israele», ma nelle istruzioni del passo successivo (10,18-23) sostiene che i suoi saranno «condotti davanti a governatori e re per causa mia, per dare testimonianza a loro e alle Nazioni» (10,18) facendo evidentemente riferimento all’annuncio evangelico che avrebbe seguito la Risurrezione. Così anche nel Discorso sulla vita ecclesiale, la presenza di Gesù «dove sono due o tre convenuti nel mio nome» (18,20), indica la sua presenza futura da Risorto (28,20), mentre il riferimento alla «Chiesa» (18,17) indica un tempo successivo a quello narrato. In 16,18 infatti Gesù aveva indicato in Pietro la roccia sul quale «edificherò (futuro gr. oikodomēsō) la mia Chiesa». 63 La questione del «compimento» è tipica del Primo Vangelo. Lo evidenziano innanzitutto, la lunga serie di citazioni di compimento che accompagnano i primi capitoli (ma anche il seguito) dello scritto. Queste servono anzitutto per mostrare come nell’evento di Gesù si siano finalmente compiuti «La Legge e i Profeti» (5,17-18), ovvero la Prima Alleanza. 64 T.J. KEEGAN, «Introductory Formulae for Matthean Discourses» CBQ 44 (1982) 418-419. L’autore riconosce nella descrizione di Gesù come maestro seduto per insegnare una vera e propria «terminologia distintiva», indizio di riconoscimento per l’inizio di questi Discorsi.
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Si deve notare, a livello formale65, un certo sviluppo generale tra questi insegnamenti. Tanto il cosiddetto Discorso della montagna (5,1–7,29), quanto il Discorso escatologico finale (24–25) sono pronunciati da Gesù su di un «monte»: si tratta del monte in Galilea per il primo (cf. 4,23), e il «monte degli Ulivi», presso Gerusalemme per il secondo (13,3). Il discorso intermedio, invece, è pronunciato «presso il mare» (13,1), «in barca» (13,2). Anche il loro argomento determina una sorta di cambiamento o di progressione: il primo si configura essenzialmente come insegnamento programmatico sul Regno, mentre il terzo tratta della sua consumazione finale (perciò ricompare l’analogia dell’inizio e della fine). Il discorso intermedio, ancora una volta, ha piuttosto un carattere enigmatico («parlò a loro di molte cose in parabole», 13,3) e si concentra sullo sviluppo e sulla crescita del Regno, soprattutto attraverso le immagini della semina (che potrebbe ben identificare l’atto di generazione del Regno al momento della sua predicazione) e della pesca-raccolto (il momento in cui la crescita è giunta a maturazione e il processo è finalmente compiuto). Perciò il Discorso in Parabole segna la svolta essenziale tra l’annuncio del Regno e il suo compimento escatologico: il momento in cui esso feconda, genera e si sviluppa. Non è tutto. La tabella precedente ha anche messo in evidenza i referenti principali di questi tre discorsi-insegnamento di Gesù. Per i due estremi, «i discepoli» sembrano anzitutto avere un posto fondamentale: nel Discorso della Montagna è vero che Gesù si mette a sedere sul monte «avendo-visto le folle», ma sono solo i discepoli che «si-avvicinarono a lui» (5,1), per cui è presumibile che principalmente a loro «insegnava» (5,2); nel Discorso escatologico, invece, è ben chiaro che Gesù sia «in disparte» proprio con i suoi, ai quali rivela «il segno della sua parusia e del compimento del tempo» (24,3). Il Discorso in parabole determina anche su questo punto un drastico cambiamento, che verrà poi percepito in tutto il resto del Vangelo66. In 13,1-3 Gesù comincia a parlare «alla folla», inaugurando l’insegnamento con l’immagine del seme. E tuttavia è solo ai discepoli che «è dato conoscere i misteri del Regno», mentre alle folle «non è dato» (13,11). Solo loro, infatti, potranno «ascoltare la parabola del seminatore» (13,18), e comprenderne il senso. Così, anche le parabole di 13,24-33 sono dette «alle folle» (il v. 34 spiega come Gesù parli alle folle in parabole per compiere la Scrittura, cf. Sal 78,2), ma è solo in 13,36 che egli concluderà l’insegnamento per «i suoi discepoli» i quali domandano privatamente a lui una spiegazione. Qui il turning-point è evidente: Gesù «avendolasciato le folle venne nella casa» (13,36). Il luogo dell’insegnamento non è più il mare dove si pesca ad ampio raggio, ma l’interno della casa, dove si può rimanere in intimità di dialogo con i familiari. 65
La composizione delle sezioni all’interno delle quali sono inseriti i tre discorsi maggiori, come la composizione generale di Matteo e il suo significato sono stati analizzati all’interno della Dissertazione di dottorato dell’autore, e sono in attesa di pubblicazione. 66 Da 13,52 infatti Gesù si concentra sui discepoli e i due discorsi successivi, le istruzioni del Discorso sulla vita ecclesiale e l’insegnamento del Discorso escatologico sono rivolti solo a loro.
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Francesco GRAZIANO
Questi aspetti non sono soltanto indizi che aiutano a riconoscere la composizione stessa del Vangelo (struttura che l’analisi retorica biblica ha cominciato a mettere pienamente in luce), ma soprattutto lo sono del suo carattere squisitamente didattico, fondato sulla centralità del discepolato come misura della figliolanza divina. Il Vangelo si presenta come il deposito dell’insegnamento di Gesù: in esso i discepoli potranno ogni volta recuperare la memoria vera e propria di quanto Gesù ha detto e fatto nel suo ministero di Messia e nel suo annuncio del Regno. E, allo stesso tempo, all’interno di questo stesso Vangelo, saranno per sempre conservate anche quelle istruzioni utili ai discepoli di ogni tempo per l’opera di generazione e di crescita di altri credenti (Mt 10 e Mt 18), istruzioni ratificate dal mandato finale con la richiesta del «fare-discepoli di tutte le Nazioni». Dunque, il Vangelo, in sé stesso diventa lo strumento essenziale attraverso cui il discepolo è fatto figlio, ed a sua volta può generare figli di Dio. 2. AL CENTRO DEL VANGELO UN’IMMAGINE CHE NE SANCISCE LA FINE Al termine del Discorso in parabole Gesù fa’ ai suoi una domanda incalzante, cui seguirà, dopo la loro risposta affermativa, una sorta di investitura che richiama ancora una volta il mandato dell’Epilogo67: «Avete compreso tutte queste cose?». Gli dicono: «Sì!». Allora egli disse loro: «Per questo ogni scriba fatto-discepolo del Regno dei Cieli è simile a un uomo padrone di casa, il quale estrae dal suo tesoro cose nuove e cose antiche» (Mt 13,51-52).
Lo scriba è cantato dalla Prima Alleanza come colui che si applica nella comprensione di enigmi e parabole (Sir 39,1-3), e per questo diviene esperto nella via della saggezza e della giustizia (Pr 1,1-7). Il discepolo di Gesù, dal canto suo, ha abbandonato ogni cosa per applicarsi alla comprensione dei «misteri del Regno», e in questo modo è «fatto-discepolo», è generato dal Regno dei Cieli (cf. 13,10-17 con 13,51-52). Alla fine del suo apprendistato lo scribadiscepolo diviene in tutto simile al suo Maestro, il Figlio di Dio. L’immagine è ulteriormente arricchita, giacché egli è anche paragonato a un «padrone di casa», nel pieno possesso dei beni di famiglia, capace finalmente di amministrarli. Quando i Dodici avranno terminato il loro apprendistato alla sequela di Gesù dalla Galilea a Gerusalemme, per tornare infine nuovamente «in Galilea sul monte che Gesù aveva loro fissato» (28,16), saranno finalmente pronti per una nuova missione. Da apprendisti, diventeranno maestri; da figli saranno chiamati a continuare la discendenza, a generare a loro volta. Diventeranno perciò padri. Alla luce di queste conclusioni può diventare un po’ più chiaro anche il posto del Vangelo nella biblioteca dello scriba «fatto-discepolo». Esso si presenta davvero come quel «tesoro» dal quale gli scribi del Regno, i maestri nella 67
L’analisi dell’intero Vangelo dovrebbe tenere conto di questa conclusione che si trova evidentemente in un punto importante della struttura del testo: nella sezione centrale del Libro.
Un Libro per generare discepoli
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comunità, potranno ogni volta «tirare-fuori» il deposito di Gesù, fissato nel Libro, utile a generare nuovi figli al Messia, nuovi figli del Regno dei Cieli. Non solo. Il Primo Vangelo diventa anche la miniera di quelle «cose nuove e vecchie» che solo il discepolo del Messia può «comprendere» pienamente perché nella parabola della vita del suo Maestro egli scorge e legge (e può a sua volta porgere agli altri) il compimento di quelle promesse fatte per Israele ma, allo stesso tempo, quella luce che ha fatto breccia nella storia perché la benedizione divina passi per mezzo della discendenza di Abramo a tutte le famiglie dei popoli (Gen 12,3). Se il ruolo dei discepoli è fondamentale all’interno del Libro, giacché solo a loro è dischiuso pienamente l’insegnamento del Messia (Mt 13) e solo loro saranno capaci infine di suscitargli una discendenza (Mt 28,19-20), allo stesso tempo anche il Libro diventa necessario e fondamentale, in quanto «tesoro da cui estrarre», Libro per generare altri discepoli al Messia. Il Vangelo di Matteo, se la posta lanciata dal Prologo e risolta dall’Epilogo è proprio la filiazione messianica, si configura come un tesoro in cui cogliere ogni volta tutto quello che il Signore ha insegnato e compiuto con le sue parole e la sua vita, per porgerlo ai «molti» redenti dal suo sangue (cf. 26,28). In questa dialettica tra il libro e i lettori-scribi, al cui centro sono il Messia e i suoi fratelli, diviene finalmente vera la logica generale del lieto annuncio: quella del far ereditare altri come figli, per divenire pienamente seguaci di Gesù e figli di Dio68. Si diventa pienamente figli di Dio nel momento in cui si genera altri alla vita, nel momento in cui si diventa, imitando Dio e il suo Messia, davvero padri di altre creature.
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Francesco GRAZIANO
RIASSUNTO Il Prologo (1,1-17) di Matteo si apre in modo programmatico sulla dignità filiale di Gesù: egli è «figlio di Davide» e «figlio di Abramo». Allo stesso tempo, la lista di generazioni (1,2-16) si chiude in modo enigmatico: da «Salatièl» al «Messia» non se ne conterebbero che tredici (1,17). Lo studio propedeutico delle unità del Prologo e dell’Epilogo nella letteratura antica, in particolare quella biblica, ma soprattutto l’analisi retorica biblica e semitica per queste unità e per le loro relazioni all’interno dell’intero libro, forniscono ulteriori indizi e informazioni per sciogliere l’enigma.
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In riferimento a Lc 18,18-27: «In altre parole, chi desidera diventare figlio di Dio, deve comportarsi da padre del povero» (R. MEYNET, Il Vangelo secondo Luca [cf. nt. 7], 653).
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Francesco GRAZIANO
Se il Prologo getta la sfida, l’Epilogo del Primo Vangelo (27,62–28,20) raccoglie il filo rosso del suo messaggio: la generazione nuova di Gesù, nell’ordine dello Spirito, passa ai discepoli che susciteranno figli di Dio tra «tutte le Nazioni» (28,20). Parole chiave: Prologo, Epilogo, genealogia di Gesù, mandato finale, fare discepoli, generazione messianica, il discepolo nel Vangelo.
ABSTRACT Matthew’s Prologue (1.1-17) opens in a programmatic way on the filial dignity of Jesus: he is «the son of David» and «the son of Abraham». At the same time, the list of generations (1,2-16) is closed enigmatically: from «Salatièl» to the «Messiah» there are no more than thirteen generations (1,17). The preparatory study about the units of Prologue and Epilogue in ancient literature, especially the biblical one, but above all the Biblical and Semitic Rhetorical analysis of these units and their relations within the entire Book, provide further clues and information to dissolve the enigma. If the Prologue throws the challenge, the Epilogue of the First Gospel (27,62-28,20) picks the red thread of his message: the new generation of Jesus, in the order of the Spirit, is transmitted to the disciples who will raise up children of God between «all the Nations» (28,20). Keywords: Prologue, Epilogue, genealogy of Jesus, final commitment, making disciples, messianic generation, the disciple in the Gospel.
Roberto DI PAOLO
Dio dona e ridona la vita ai suoi figli Analisi retorico-biblica di Matteo 22,15-40
INTRODUZIONE L’obiettivo di questo studio, per rimanere nei limiti previsti dal lavoro, è di individuare, attraverso i criteri indicati dalla retorica biblica, la composizione di Mt 22,15-40. L’ipotesi di lavoro è che si tratti di una sequenza, formata da tre passi (15-22; 23-33; 34-40), all’interno di una più ampia sottosezione narrativa, che inizia in Mt 19,1 e termina a 23,391. Riguardo alla delimitazione del testo, un dato evidente è che, fino al capitolo 22, c’è una parte narrativa, mentre al capitolo 23 inizia una parte discorsiva. Riguardo alla divisione in pericopi di Mt 22,15-40, la maggior parte dei commentari consultati2 mostra un generale accordo: 15-22; 23-33; 34-40; senza tuttavia proporre una visione d’insieme di Mt 22. Mello individua una unità in Mt 21,1–23,39, con un ritmo spesso ternario3; per Casalini invece l’unità è Mt 21,18–23,394. Altri autori, pur mantenendo la stessa divisione in pericopi dei precedenti, dividono Mt 22 da 23: per Radermakers, Mt 21–22 è la seconda parte della sezione di Mt 19–23, articolata in tre parti, «ognuna delle quali rivela una 1
Cf. F. GRAZIANO, « La composition de l’évangile de Matthieu. Où en sommes-nous ? », Exercices de rhétorique [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 25 janvier 2017, consulté le 25 janvier 2017. URL : http://rhetorique.revues.org/505, 35. Diversamente – come esempio – J. HOOD, «Matthew 23–25: The Extent of Jesus’ Fifth Discourse» JBL 128 (2009), 527-543, afferma come Mt 23 appartenga al discorso contenuto nei due capitoli successivi. Mentre F. FILANNINO, «Il re-profeta rifiutato. Intertestualità e narrazione in Mt 21,1–23,39» RivBib 65 (2017) 105, ribadisce che Mt 23,1-39 è da considerare in collegamento con Mt 21,1–22,46, separatamente da Mt 24,1–25,46. 2 R. FABRIS, Matteo, ComBi, Roma 1982, 452s.; J. GNILKA, Das Matthäusevangelium, II, Freiburg im Breisgau 1988; trad. italiana, Il Vangelo di Matteo, CT.NT 2, Brescia 1991, 379s; D.J. HARRINGTON, The Gospel of Matthew, Sacra Pagina Series 1, Collegeville (MN) 1991; trad. italiana, Il Vangelo di Matteo, Sacra Pagina 1, Leumann (TO) 2005, 277s.; D. HAGNER, Matthew 14–28, WBC 33B, Dallas (TX) 1995, 633s.; C.S. KEENER, A Commentary on the Gospel of Matthew, Grand Rapids (MI) – Cambridge 1999, 523s.; W.D. DAVIES – D.C. ALLISON, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel according to Saint Matthew, III, ICC, Edinburgh 2000, 210s.; M. GRILLI – C. LANGNER, Comentario al Evangelio de Mateo, EvCul, Estella (Navarra) 2011, 575s; S. GRASSO, Il Vangelo di Matteo. Commento esegetico e teologico, Roma 2014, 638s. 3 A. MELLO, Evangelo secondo Matteo. Commento midrashico e narrativo, Sp.Bi, Magnano (VC) 1995, 359. 4 N. CASALINI, Il Vangelo di Matteo come racconto teologico. Analisi delle sequenze narrative, SBFA 30, Jerusalem 1990, 94-95.
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Roberto DI PAOLO
situazione nettamente diversa dalle altre»5. Per Luz, Mt 22,15-46 contiene le quattro controversie di Gerusalemme 6. Secondo l’ipotesi di lavoro qui presentata, il rapporto fra i tre passi può essere chiarito dal seguente schema7: Legge di CESARE: pagare il censo DIO dona e ridona la vita ai suoi figli Legge di DIO: amore totalizzante
15-22 23-33 34-40
1. VOLTO DELL’UOMO E VOLTO DI DIO: VERITÀ O IPOCRISIA? (22,15-22) COMPOSIZIONE DEL PASSO Le tre parti sono costruite in modo concentrico: la domanda centrale «perché mi tentate?» (18c) fa venire allo scoperto l’iniziale «per lui intrappolare» (15c); seguendo lo stesso rapporto di parallelismo sintetico; a «sappiamo» (16c) fa eco «conoscendo» (18a): i due verbi, pur essendo sinonimi, rivelano l’opposizione tra gli interlocutori. L’esclamazione centrale «ipocriti» (18c) si oppone decisamente all’affermazione capziosa «verace8 sei … in verità insegni» (16de). Nelle parti estreme, «dare» (17b) e «ridate» (21c); «la via di Dio» (16e) e «le cose di Dio a Dio» (21d) indicano di fatto i termini della questione. Nel dialogo/confronto acceso e insidioso emerge con forza il tema del vedere / non vedere il volto e il nome degli uomini: all’inizio, farisei ed erodiani affermano di Gesù: «non infatti guardi in faccia agli uomini» (16g); al centro la richiesta «mostrate a me» (19a) e la domanda: «di chi l’immagine questa e l’iscrizione?» (20b).
5 J. RADERMAKERS, Au fil de l’évangile selon saint Matthieu, Heverlee 1972 ; trad. italiana, Lettura pastorale del vangelo di Matteo, Lettura pastorale della Bibbia 23, Bologna 19975, 270; 288s. 6 U. LUZ, Das Evangelium nach Matthäus, III, EKK 1/3, Zürich – Neukirchen-Vluyn 1997; trad. inglese: Matthew 21-28: A Commentary, Hermeneia, Minneapolis (MN) 2005, 61. 7 I titoli in questo schema mettono in evidenza i rapporti tra i passi. I titoli dei passi nelle singole analisi evidenziano invece il senso generale del passo specifico. Per questa differenza di titolature, cf. R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem 11, Pendé 20132, 321. 8 Chi scrive ha trovato un supporto a questa traduzione – «verace» – in C. SPICQ, «avlh,qeia», in Notes de Lexicographie néo-testamentaire, Fribourg 1978 ; trad. italiana, Note di lessicografia neotestamentaria, I, Brescia 1988, 133.
Dio dona e ridona la vita ai suoi figli (Mt 22,15-40) + 15 Allora – per lui + 16 E mandano .
andando-via consiglio intrappolare
i farisei presero con un discorso.
a lui
i discepoli con gli erodiani
155
loro dicendo:
··········································································································
: «Maestro . . e LA VIA
sappiamo che DI DIO
. e non ti importa * NON INFATTI GUARDI
di alcuno;
17
. Di’ dunque :: è-lecito
IN FACCIA
AGLI UOMINI.
a noi
che ti censo
DARE
: 18 Conoscendo però Gesù . disse: – *
verace in verità
«Perché mi 19 MOSTRATE A ME
+ E quelli presentarono
sei insegni
a CESARE
sembra: o no?».
la cattiveria
loro
tentate, la moneta
ipocriti ? del censo».
a lui
un denaro.
································································································
. 20 E dice
a loro:
* «DI CHI
L’IMMAGINE
.
21
Dicono
+ Allora :: .
QUESTA
«Di CESARE».
a lui: dice «RIDATE dunque e
E L’ISCRIZIONE?».
a loro: le cose di CESARE LE COSE DI DIO
a CESARE A DIO».
··········································································································
. 22 E + e
ascoltatolo lasciato
si-meravigliarono, lui
se-ne-andarono.
CONTESTO BIBLICO «DIO CREÒ L’UOMO A SUA IMMAGINE, A IMMAGINE DI DIO LO CREÒ» Il riferimento alla «immagine» (20) richiama il racconto della creazione dell’essere umano, su cui il Creatore imprime la propria immagine9: «26 Dio disse: “Facciamo l’uomo a nostra immagine, secondo la nostra somiglianza: dòminino sui pesci del mare e sugli uccelli del cielo, sul bestiame, su tutti gli animali selvatici e su tutti i rettili che strisciano sulla terra”. 27 E Dio creò l’uomo a sua 9
Questa e le altre citazioni del testo biblico seguono la traduzione italiana della Conferenza Episcopale Italiana.
156
Roberto DI PAOLO
immagine; a immagine di Dio lo creò: maschio e femmina li creò» (Gen 1,2627). Il termine utilizzato dai LXX è lo stesso utilizzato da Matteo: «eivkw.n», eikōn, «immagine». «NON AVRAI ALTRO DIO ALL’INFUORI DI ME» Il riferimento all’immagine e soprattutto il comando di ridare a Dio ciò che a lui appartiene (21), distinguendolo da Cesare, richiama le parole del Decalogo in Es 20,3-4: «3 Non avrai altri dèi di fronte a me. 4 Non ti farai idolo né immagine alcuna di quanto è lassù nel cielo, né di quanto è quaggiù sulla terra, né di quanto è nelle acque sotto la terra». In altre parole, ogni altro culto, diverso da quello dovuto al Signore, è condannato come vana idolatria, giacché non libera l’uomo. «VOGLIAMO UN RE!» Le parole di Gesù, circa le cose che appartengono a Cesare e che a lui devono essere restituite (21), richiamano alla mente la richiesta che il popolo rivolge a Samuele per avere un re: 5
Gli dissero: «Tu ormai sei vecchio e i tuoi figli non camminano sulle tue orme. Stabilisci quindi per noi un re che sia nostro giudice, come avviene per tutti i popoli». 6 Agli occhi di Samuele la proposta dispiacque, perché avevano detto: «Dacci un re che sia nostro giudice». Perciò Samuele pregò il Signore. […] 19 Il popolo rifiutò di ascoltare la voce di Samuele e disse: «No! Ci sia un re su di noi». […] 22 Il Signore disse a Samuele: «Ascoltali: lascia regnare un re su di loro» (1Sam 8,5-6.19.22).
La richiesta di avere un re, al pari di tutti gli altri popoli noti a Israele, è interpretata dal testo biblico come un rifiuto del Signore come unico re; un rifiuto, le cui radici affondano fin nel periodo dell’uscita dall’Egitto, momento costitutivo del popolo di Israele. Nonostante il Signore, per bocca di Samuele, preannunci che il re umano diventerà per il popolo un nuovo faraone, il popolo insiste per avere un re. Alla fine, in modo quasi paradossale, il Signore accondiscende a questa richiesta. INTERPRETAZIONE «VERACE SEI … IN VERITÀ INSEGNI» L’ipocrisia di farisei ed erodiani induce questi a presentarsi a Gesù come suoi discepoli; ma in realtà tentano di «prendere in trappola» il maestro (15). Fingono di voler sapere la verità da Gesù e simulano rispetto e deferenza verso di lui, ma in realtà lo vogliono far cadere in un laccio. La prima reazione di Gesù è volta quindi a smascherare questa ipocrisia — «perché mi tentate?» (18) — in modo che i suoi interlocutori prendano coscienza della menzogna ipocrita che si cela in loro. È questa — sembra dire Gesù — la premessa metodologica per poter entrare in dialogo con lui: liberarsi dal desiderio di sfidare Gesù, cercando di
Dio dona e ridona la vita ai suoi figli (Mt 22,15-40)
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prenderlo in trappola. Si tratta di una coscienza non immediatamente percebile dall’uomo; tant’è che Gesù stesso deve intervenire in modo decisivo perché i suoi interlocutori possano guardarsi dentro. «MOSTRATE A ME LA MONETA DEL CENSO» L’affermazione di farisei ed erodiani «non guardi in faccia agli uomini» (16) è falsa! Gesù infatti guarda in faccia gli uomini, tutti gli uomini, tanto che chiede di poter vedere l’immagine e il nome impressi sulla moneta (19), invitando così i suoi interlocutori a guardare ugualmente in faccia le persone, per potervi scorgere l’immagine impressa dal Creatore (Gen 1,26-27). Gesù, in altre parole, riporta lo sguardo sull’essere umano all’origine, per ripartire da lì e chiarire ogni successiva idea… umana. DARE O RIDARE A CESARE QUELLO CHE È SUO? La risposta di Gesù spinge i suoi interlocutori e il lettore di oggi verso altre domande tanto più profonde quanto più incalzanti: se bisogna «ridare» a Cesare, cosa allora è in noi e appartiene a lui? A questo proposito, le parole dell’Esodo non lasciano dubbi: ogni culto sottratto a Dio e offerto a esseri umani è idolatria (Es 20,3-4); solo Dio libera, come ha fatto con il suo popolo facendolo uscire dall’Egitto. Tutti gli altri, dal faraone fino a Cesare, sono «idoli» che rendono l’uomo schiavo. Eppure l’essere umano — stando alle parole di Gesù — ha delle cose che appartengono a Cesare e a lui devono essere restituite; come a dire che la presenza di Cesare in mezzo agli esseri umani è un dato di fatto … è un segno della debolezza umana, a cui il Signore accondiscende — paradosso della storia della salvezza! — come già fece con Israele al tempo di Samuele (1Sam 8,19.22). QUALE IMMAGINE IMPRESSA NELL’UOMO? Ogni uomo deve riconoscere in sé l’immagine di Dio o quella di Cesare. È questa una scelta costante, fatta di discernimento e di condivisione: la presenza di Cesare è necessaria alla debolezza umana (1Sam 8,5) ma è altrettanto fuorviante, giacché porta alla deriva dell’idolatria del potere, dello stato, del denaro. Serve quindi un discernimento costante per non smarrirsi e una condivisione per non essere schiacciati da questa idolatria. «LASCIATOLO, SE NE ANDARONO» I farisei non hanno altro motivo per stare vicino a Gesù se non per tentarlo; la loro posizione è sempre di allontanamento da Gesù: dall’inizio «andando via» (15) alla fine «lasciato lui se ne andarono» (22). Quando l’uomo continua a tentare Dio, a parlare con lui nella menzogna, alla fine se ne allontana; lascia Dio e va altrove.
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Roberto DI PAOLO 2. LA RISURREZIONE RENDE FIGLI DI DIO (MT 22,23-33)
COMPOSIZIONE DEL PASSO Le parti sono costruite in modo speculare10. «Maestro» (24) e «suo ammaestramento» (33) si corrispondono, fungendo di fatto da termini estremi. Le parti intermedie (24; 31-32) contengono due discorsi, dei sadducei prima e di Gesù poi, che ruotano intorno a due citazioni della Torah, introdotte da «Mosè disse» (24b) e «la parola detta a voi da Dio» (31b); nel primo caso è Mosè che parla, nel secondo è Dio che parla a Mosè. Nelle due parti centrali (25-28; 29-30), si arriva a un confronto aspro — «siete fuori strada!» (29b) — con l’opposizione di significato fra la domanda dei sadducei: «di chi dei sette sarà moglie?» (28b) e la risposta di Gesù: «come angeli nel cielo sono» (30c). Entrambi i discorsi riguardano in modo stringente il «risuscitare», come frutto dell’impegno dell’uomo (24f) e la «risurrezione» come dono di Dio (28a; 30a; 31a); la presenza della «morte» (24c; 31a; 32d) fa da contrappunto alla risurrezione: per i sadducei, l’annienta; per Gesù, essa è annientata. Le espressioni «non avendo prole» (24d) e «non avendo discendenza» (25c), «non sapendo» (29c) e «non conosceste» (31b) cementano le parti intermedie del passo.
10 Cf. la composizione nei passi paralleli in Marco e Luca: R. MEYNET, «Alla risurrezione saremo figli di Dio (12,18-27)», in Il vangelo di Marco, RBSem 14, Leuven – Paris – Bristol (CT) 20182, 386-390; R. MEYNET, « Jésus répond aux Sadducéens que l’homme est fils de Dieu (20,2740) » in L’Èvangile de Luc, RhSem 8, Pendé 2011, 776-779.
Dio dona e ridona la vita ai suoi figli (Mt 22,15-40) – 23 In quel . dicendo
giorno non essere
. e interrogarono
lui
: 24 dicendo: * MOSÈ
si-avvicinarono a lui risurrezione,
sadducei,
di lui suo”.
«Maestro, DISSE:
.
“Qualora uno non avendo
muoia prole,
+ .
si-imparenti e risusciti
il fratello di lui discendenza
con la moglie al fratello
presso di noi
sette
sposatosi non avendo la moglie
finì, discendenza sua al fratello
anche il secondo
e il terzo
–
. 25
C’erano
– e il primo .e . lasciò .
26
159
ugualmente
fratelli;
suo;
fino ai sette.
·····························································································
morì
la moglie.
+ 28 Nella risurrezione : DI CHI DEI SETTE
DUNQUE SARÀ
MOGLIE?
. Tutti infatti
possedettero
lei».
. 29 Rispondendo
Gesù
disse
– 27 Da ultimo
di tutti
a loro:
– «Siete-fuori-strada! . Non sapendo . né
le Scritture la potenza
di DIO; ·····························································································
+ 30 Nella risurrezione infatti . non sposano né sono sposati, : ma COME ANGELI + 31 Riguardo poi alla risurrezione * non conosceste LA PAROLA-DETTA
NEL CIELO
SONO.
dei morti a voi DA DIO che-dice:
32
+ Non è : 33 E ascoltatolo
“Io sono e e
il DIO il DIO il DIO
di Abramo di Isacco di Giacobbe?”.
[il] DIO
di morti
ma di viventi».
le folle
erano-stupite
del suo ammestramento.
160
Roberto DI PAOLO
CONTESTO BIBLICO «SIATE FECONDI E MOLTIPLICATEVI!» Il riferimento alla discendenza, alla prole (24-25), rimanda al primo comando che il Creatore affida a tutti gli esseri viventi, anche dopo il diluvio: 1,22 Dio li benedisse: «Siate fecondi e moltiplicatevi e riempite le acque dei mari; gli uccelli si moltiplichino sulla terra». […] 28 Dio li benedisse e Dio disse loro: «Siate fecondi e moltiplicatevi, riempite la terra e soggiogatela, dominate sui pesci del mare e sugli uccelli del cielo e su ogni essere vivente che striscia sulla terra» […] 9,1 Dio benedisse Noè e i suoi figli e disse loro: «Siate fecondi e moltiplicatevi e riempite la terra» (Gen 1,22.28; 9,1).
Questo primo precetto si impone come legge suprema, che ogni essere vivente rispetta per il solo fatto di esistere: sviluppare in sé la vita e trasmetterla. «SUO COGNATO SI UNIRÀ A LEI» La domanda dei sadducei a Gesù (24) richiama la cosidetta legge del levirato, prevista da Dt 25,5: «Quando i fratelli abiteranno insieme e uno di loro morirà senza lasciare figli, la moglie del defunto non si sposerà con uno di fuori, con un estraneo. Suo cognato si unirà a lei e se la prenderà in moglie, compiendo così verso di lei il dovere di cognato». L’obiettivo della legge del levirato è dare una discendenza a chi, per vari motivi, sia morto preamaturamente. C’è anche un caso di disobbedienza a questa legge: tra i nipoti di Giacobbe, Onan, figlio di Giuda, non vuole «risuscitare discendenza a suo fratello» (24) e disperde il seme: 7
Ma Er, primogenito di Giuda, si rese odioso agli occhi del Signore, e il Signore lo fece morire. 8 Allora Giuda disse a Onan: «Va’ con la moglie di tuo fratello, compi verso di lei il dovere di cognato e assicura così una posterità a tuo fratello». 9 Ma Onan sapeva che la prole non sarebbe stata considerata come sua; ogni volta che si univa alla moglie del fratello, disperdeva il seme per terra, per non dare un discendente al fratello. 10 Ciò che egli faceva era male agli occhi del Signore, il quale fece morire anche lui (Gen 38,7-10).
La vicenda successiva, sulla storia di Giuda e di Tamar sua nuora, rivela gli aspetti drammatici della disobbedienza a questa legge da parte di Giuda e gli aspetti audaci del modo di osservarla da parte di Tamar: 24
Circa tre mesi dopo, fu portata a Giuda questa notizia: «Tamar, tua nuora, si è prostituita e anzi è incinta a causa delle sue prostituzioni». Giuda disse: «Conducetela fuori e sia bruciata!». 25 Mentre veniva condotta fuori, ella mandò a dire al suocero: «Io sono incinta dell’uomo a cui appartengono questi oggetti». E aggiunse: «Per favore, verifica di chi siano questo sigillo, questi cordoni e questo bastone». 26 Giuda li
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riconobbe e disse: «Lei è più giusta di me: infatti, io non l’ho data a mio figlio Sela». E non ebbe più rapporti con lei (Gen 38,24-26).
Il lettore non fatica ad affiancarsi a Giuda e a riconoscere che Tamar, rimasta vedova e reduce dall’esperienza di morte con Onan, cerca in modo singolare e riesce a far spazio alla vita, a dispetto della morte incombente sulla sua famiglia. «IO SONO IL DIO DI TUO PADRE!» La citazione esplicita fatta da Gesù stesso (31-32) si riferisce alla rivelazione di Dio a Mosè sul monte Oreb, nel roveto ardente: 4
Il Signore vide che si era avvicinato per guardare; Dio gridò a lui dal roveto: «Mosè, Mosè!». Rispose: «Eccomi!». 5 Riprese: «Non avvicinarti oltre! Togliti i sandali dai piedi, perché il luogo sul quale tu stai è suolo santo!». 6 E disse: «Io sono il Dio di tuo padre, il Dio di Abramo, il Dio di Isacco, il Dio di Giacobbe». Mosè allora si coprì il volto, perché aveva paura di guardare verso Dio (Es 3,4-6).
È questo il primo incontro che instaura il rapporto unico che Dio ha con Mosè, fino a renderlo punto di riferimento imprescindibile per la storia della salvezza: Dio si rivela a Mosè come Colui che libera e dà la vita alla discendenza dei Patriarchi, ridotti a una massa di schiavi, nella mente e nel corpo. Da questo rapporto costante con la Presenza scaturisce la Torah: «Tenete a mente la legge del mio servo Mosè, al quale ordinai sull’Oreb precetti e norme per tutto Israele» (Ml 3,22). «EPPURE L’HAI FATTO POCO MENO DEGLI ANGELI» La dichiarazione di Gesù sulla vita angelica dei risorti (30) richiama, tra i tanti passi, alcune affermazioni contenute nei Salmi: dalla meraviglia per il rapporto privilegiato che l’uomo ha sulla terra con il suo Creatore — in Sal 8,5-7: «5 Che cosa è mai l’uomo perché di lui ti ricordi, il figlio dell’uomo, perché te ne curi? 6 Davvero l’hai fatto poco meno di un dio, di gloria e di onore lo hai coronato. 7 Gli hai dato potere sulle opere delle tue mani, tutto hai posto sotto i suoi piedi» — fino alla condizione degli angeli rispetto al loro Signore, in Sal 103(102),20: «Benedite il Signore, angeli suoi, potenti esecutori dei suoi comandi, attenti alla voce della sua parola». La dichiarazione di Gesù sembra quasi voler collegare queste due citazioni: nella risurrezione si compie il piano del Creatore: l’uomo diventa come un angelo, in piena adesione della propria volontà a quella di Dio, nella lode.
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EUNUCHI PER IL REGNO Dopo aver parlato del valore del matrimonio, in Mt 19,10-1211, Gesù presenta il valore della vita celibataria: 10
Gli dissero i suoi discepoli: «Se questa è la situazione dell’uomo rispetto alla donna, non conviene sposarsi». 11 Egli rispose loro: «Non tutti capiscono questa parola, ma solo coloro ai quali è stato concesso. 12 Infatti vi sono eunuchi che sono nati così dal grembo della madre, e ve ne sono altri che sono stati resi tali dagli uomini, e ve ne sono altri ancora che si sono resi tali per il regno dei cieli. Chi può capire, capisca».
INTERPRETAZIONE «CRESCETE E MOLTIPLICATEVI!» Il primo precetto della Torah è chiaro, così chiaro che è iscritto nel codice genetico di ogni essere vivente (Gen 1,22.28). La legge del levirato si pone come un aiuto per adempiere questo precetto (Dt 25,5), là dove le situazioni della vita sembrino andare in direzione opposta; rappresenta lo sforzo degli uomini di vivere oltre la morte (24). Là dove non c’è seme, deve subentare qualcun altro, con lo stesso seme, per trasmettere la vita. Disobbedire a questa legge è assai pericoloso, come insegna la storia di Onan (Gen 38,7-10). La storia di Giuda e Tamar svela gli aspetti drammatici di questa norma, aggirata da Giuda e osservata da Tamar in modo singolare, facendo leva sulla fragilità di Giuda, che si era illuso di essere riuscito a non osservarla (Gen 38,24-26). «DA ULTIMO DI TUTTI MORÌ LA MOGLIE» Nel discorso paradossale e finanche grottesco dei sadducei, la soluzione proposta dalla legge del levirato non basta (28); è viziata fin dal suo nascere … Citare le parole di Mosè, senza far riferimento al suo contatto permanente con la Fonte della vita, è metodologicamente scorretto. Mosè infatti parla di Dio; ma prima di tutto parla con Dio; riceve la Parola (Es 3,4-6), che è vita: passata, come per i Patriarchi; futura, come per i loro discendenti; ma sempre attuale alla sua Presenza. Il ruolo di Mosè non è quindi di semplice ripetitore di norme, come sembrano volerlo presentare i sadducei (24), ma mediatore della Presenza, da cui scaturisce la Torah (Ml 3,22). Ridurre la parola data per mezzo di Mosè a mere indicazioni operative significa «andare fuori strada» (29); e, invece di ricevere la vita, ci si consegna alla morte!
11
Cf. R. MEYNET, « La continence volontaire (Mt 19,10-12) », in Le fait synoptique reconsidéré, ReBibSem 7, Roma 2015, 155-157.
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«SIETE FUORI STRADA!» Per i sadducei è la morte che domina gli uomini, i quali, su questa terra, vivono rapporti di malcelata schiavitù: gli uni degli altri. La donna appartiene sempre e comunque al marito, che la possiede (28); esiste solo in quanto moglie. La meta, per entrambi, è la morte. Ora questa prospettiva porta fuori strada perché soffoca la vita dell’uomo: chi è schiavo della morte è schiavo di sé stesso e rende schiavi gli altri. La prospettiva di Gesù è diametralmente opposta: il problema — sembra dire Gesù — è non di chi sei servo, di chi ti possiede, ma il rapporto che hai con Dio, la vita che ricevi da lui; questo dà forza! Gesù arriva finanche a prospettare un vita — su questa terra — tutta consacrata al regno dei cieli fino a rinunciare al matrimonio e alla procreazione, tutta proiettata verso la risurrezione (Mt 19,12). La vita infatti, anche quella che va oltre la morte, è dono di Dio, che è Salvatore, ma prima ancora è Creatore. La risurrezione, in altre parole, è dono di Dio, non frutto dello sforzo umano di sopravvivere. La citazione di Gesù dei Patriarchi (Es 3,6) dilata il dono di Dio oltre la morte: è il Dio dei viventi (32). Per Gesù, ma anche per i Patriarchi e, in ultima istanza per il Creatore, l’uomo, ogni uomo, è chiamato a vivere per sempre, da risorto, come un angelo (30). «COME ANGELI NEL CIELO SONO» Ma cos’hanno gli angeli in più rispetto agli uomini? Vivono alla presenza di Dio, pienamente immersi nella sua volontà, nella lode perenne. Hanno una vita piena, non muoiono; mentre gli uomini su questa terra devono combattere per vivere, per poi «finire» (25). Ora nella condizione di vita terrena l’uomo è stato fatto di poco inferiore agli angeli (Sal 8,5-7); nella risurrezione sarà come gli angeli: vita piena, lode perenne, totale corrispondenza con la volontà di Dio (Sal 103,20). Per cui non ci sarà più bisogno di avere marito o moglie, non ci sarà più schiavitù o asservimento; tutti potranno vivere in piena comunione con il Creatore e tra di loro; potranno vivere in pienezza, da figli.
3. LA LEGGE È «APPESA» ALL’AMORE (MT 22,34-40) COMPOSIZIONE DEL PASSO Agli estremi del passo compaiono la domanda del dottore della Legge e la conclusione della risposta di Gesù: l’una parte da «quale precetto grande nella Legge» (36); l’altra arriva a «due precetti» (40a), ampliando «grande» (36) con «intera» (40b), «Legge» con «profeti» (40b). Nella parte centrale, il comandamento dell’amore coinvolge sia le dimensioni esistenziali umane — cuore, vita, ragione (37) — sia le relazioni interpersonali basilari: il «prossimo» (39b). Al centro di questa parte, due unimembri complementari, che pongono uno accanto all’altro due passi della Scrittura.
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: 34 I farisei . che ammutolì . si riunirono
sentito i sadducei nello stesso [luogo],
: 35 e interrogò +
36
[DOTTORE-DELLA-LEGGE] lui:
uno tra loro . per mettere-alla-prova
«Maestro,
QUALE PRECETTO
grande
nella LEGGE?».
: 37 Egli disse a lui: ······························ – «AMERAI
. .e .e
con intero con intera con intera
+
38
+
39
Signore
Dio
tuo tuo tua tua;
il cuore la vita la ragione
QUESTO È il grande e primo PRECETTO. ···········································································
SECONDO poi uguale
– AMERAI + 40 In questi . intera
il prossimo
A QUELLO:
tuo
DUE
PRECETTI
la LEGGE
è-appesa
come te-stesso.
e i PROFETI».
CONTESTO BIBLICO «ASCOLTA ISRAELE!» La risposta di Gesù al dottore della Legge è di fatto una duplice citazione; prima di tutto del cosidetto Shema (37)12: 4
Ascolta, Israele: il Signore è il nostro Dio, unico è il Signore. 5 Tu amerai il Signore, tuo Dio, con tutto il cuore, con tutta l’anima e con tutte le forze. 6 Questi precetti che oggi ti do, ti stiano fissi nel cuore. 7 Li ripeterai ai tuoi figli, ne parlerai quando ti troverai in casa tua, quando camminerai per via, quando ti coricherai e quando ti alzerai. 8 Te li legherai alla mano come un segno, ti saranno come un pendaglio tra gli occhi 9 e li scriverai sugli stipiti della tua casa e sulle tue porte (Dt 6,4-9).
Il contesto dello Shema, frutto della fede matura del popolo, ne rivela la validità in ogni spazio e in ogni tempo: sempre e dovunque. «SARETE SANTI!» Nella stessa risposta (39), Gesù cita anche un precetto iscritto all’interno della cosiddetta Legge di Santità: «17 Non coverai nel tuo cuore odio contro il tuo fra12
Per un approfondimento delle due citazioni, vedi U. LUZ, Matthew 21-28 (cf. nt. 6), 75-77; e W.D. DAVIES – D.C. ALLISON, Gospel according to Saint Matthew (cf. nt. 2), 240-245.
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tello; rimprovera apertamente il tuo prossimo, così non ti caricherai di un peccato per lui. 18 Non ti vendicherai e non serberai rancore contro i figli del tuo popolo, ma amerai il tuo prossimo come te stesso. Io sono il Signore» (Lv 19,17-18). AMARE DIO E IL PROSSIMO La citazione di Is 33,15-16 mette di fatto insieme l’amore a Dio e l’amore al prossimo in un rapporto quasi di reciproca causalità: 14
A Sion hanno paura i peccatori, uno spavento si è impadronito dei malvagi. Chi di noi può abitare presso un fuoco divorante? Chi di noi può abitare tra fiamme perenni? 15 Colui che cammina nella giustizia e parla con lealtà, che rifiuta un guadagno frutto di oppressione, scuote le mani per non prendere doni di corruzione, si tura le orecchie per non ascoltare proposte sanguinarie e chiude gli occhi per non essere attratto dal male: 16 costui abiterà in alto, fortezze sulle rocce saranno il suo rifugio, gli sarà dato il pane, avrà l’acqua assicurata.
Si tratta di un testo, fra i tanti possibili, che afferma indirettamente che solo chi rispetta e ama il prossimo può vivere alla presenza di Dio, in Sion. LA LEGGE E I PROFETI La conclusione della risposta di Gesù (40) può trovare un’eco nel racconto della Trasfigurazione, dove l’apparizione di Mosè ed Elia richiama la Legge e i Profeti13: 2
E fu trasfigurato davanti a loro: il suo volto brillò come il sole e le sue vesti divennero candide come la luce. 3 Ed ecco, apparvero loro Mosè ed Elia, che conversavano con lui. […] 5 Egli [Pietro] stava ancora parlando, quando una nube luminosa li coprì con la sua ombra. Ed ecco una voce dalla nube che diceva: «Questi è il Figlio mio, l’amato: in lui ho posto il mio compiacimento. Ascoltatelo». […] 7 Ma Gesù si avvicinò, li toccò e disse: «Alzatevi e non temete». 8 Alzando gli occhi non videro nessuno, se non Gesù solo (Mt 17,2-3.5.7-8).
La Trasfigurazione di Gesù comporta la presenza attiva — «conversano» con lui — della Legge e dei Profeti, rappresentati, ai massimi livelli, da Mosè ed Elia. È come se Gesù li compendiasse in sé, visto che alla fine del racconto i due dispaiono e rimane Gesù solo.
13 Per la composizione di questo passo, vedi F. GRAZIANO, «Il Senso e le sue prospettive. Un tentativo di studio sinottico a partire dalla composizione retorica di Mt 16,13–17,13», in R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS, RBSem 9, Leuven – Paris – Bristol (CT) 2017, 53-59.
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INTERPRETAZIONE LEGGE E AMORE La Legge e i Profeti stanno «appesi» (40) al duplice precetto dell’amore; sembra che Gesù voglia dire che, prima della Legge e dei Profeti, c’è l’amore; ovvero c’è l’obbedienza, autentica espressione di amore. Gesù stesso non si è comportato diversamente: ha vissuto prima di tutto un rapporto di amore e di totale corrispondenza con il Padre, per poi rivelarsi agli uomini: «Questi è il Figlio mio, l’amato: in lui ho posto il mio compiacimento. Ascoltatelo» (Mt 17,5). LEGGE, AMORE E PROFETI Mosè ed Elia, presenti sul monte della Trasfigurazione, a colloquio con Gesù (Mt 17,3), e testimoni della solenne dichiarazione della voce celeste (Mt 17,5), esprimono una profonda verità che attraversa tutto il racconto biblico e amplia il valore del duplice comandamento dell’amore: esso è sì contenuto nella Torah, impersonata da Mosè; ma anche i profeti, rappresentati da Elia, non si sono certo stancati di inculcare l’importanza di questi due comandamenti, l’uno specchio dell’altro: l’amore a Dio è intrinsecamente legato all’amore al prossimo (40). La vita e il ministero di Elia, come prima ancora quella di Mosè, possono essere comprese con questa chiave di lettura: intima connessione tra amore a Dio e al prossimo. Solo chi vive nel rispetto del prossimo, favorendone il bene e affiancandolo per combattere il male, può vivere al cospetto di Dio: «Costui abiterà in alto, fortezze sulle rocce saranno il suo rifugio, gli sarà dato il pane, avrà l’acqua assicurata» (Is 33,16). «AMERAI IL PROSSIMO TUO COME TE STESSO» Gesù non si limita a indicare il precetto più grande, ma, nel momento stesso in cui lo dichiara, lo sta già osservando. Il contesto infatti in cui si muove è ostile: circondato da gente che lo «mette alla prova» (35), non rifugge il confronto e accetta la sfida, dimostrando così «amore» per il suo prossimo (39) e dilatando il richiamo all’amore a Dio e al prossimo in ogni ambito della vita umana: un comandamento universale, che sta alla base di ogni precetto e di ogni comportamento, finanche nei confronti di chi lo mette alla prova. Il duplice comandamento, così come Gesù lo professa, è totalizzante. Il possessivo «tuo» (37) è martellante, quasi a indicare che tutto l’essere dell’uomo, nella sua totalità, è coinvolto nell’amore a Dio e al prossimo, che, in quanto «tuo» (39), appartiene in un certo modo a chi riceve l’ordine di amarlo: è suo in quanto destinatario dell’amore. Il precetto della Torah arriva a comandare l’amore anche per «te stesso» (39), quasi a voler creare e alimentare un circolo di relazioni positive attorno a ciò che è «tuo», dove l’amore per sé stessi non è dato per scontato, ma diventa la misura per amare il prossimo; come se volesse dire che il credente, amando Dio, imparerà ad amare sé stesso e il prossimo.
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4. LA LEGGE DI CESARE E LA LEGGE DI DIO (MT 22,15-40) COMPOSIZIONE DELLA SOTTOSEQUENZA 15
Allora andando via i farisei tennero consiglio per intrappolarlo con un discorso. 16 E gli mandano i loro discepoli con gli erodiani dicendo: «Maestro sappiamo che sei verace e ammaestri in verità la via di Dio e non ti importa di alcuno; non guardi infatti in faccia agli uomini. 17 Di’ dunque a noi che ti sembra: è lecito dare censo a Cesare o no?». 18
Conoscendo però Gesù la cattiveria loro disse: «Perché mi tentate, ipocriti? Mostrate a me la moneta del censo». E quelli presentarono a lui un denaro. 20 E dice loro: «Di chi questa immagine e l’iscrizione?». 21 Dicono a lui: «Di Cesare». 19
Allora dice loro: «CONSEGNATE DUNQUE A CESARE LE COSE DI CESARE E A DIO LE COSE DI DIO». 22 E ascoltatolo si meravigliarono, e lasciatolo se ne andarono. 23
In quel giorno si avvicinarono a lui dei sadducei, che dicono che non c’è risurrezione, e lo interrogarono 24 dicendo: «Maestro, Mosè disse: “Qualora uno muoia non avendo prole, suo fratello si imparenti con la moglie di lui e risusciti una discendenza a suo fratello”. 25
C’erano presso di noi sette fratelli; e il primo sposatosi finì, e non avendo semenza lasciò sua moglie a suo fratello; 26 ugualmente anche il secondo e il terzo fino ai sette. 27 Da ultimo di tutti morì la moglie. 28 Nella risurrezione dunque di chi dei sette sarà moglie? Tutti infatti possedettero lei». 29
Rispondendo Gesù disse loro: «Siete fuori strada, non sapendo le Scritture né la potenza di Dio; 30 Nella risurrezione infatti non sposano né sono sposati, ma sono come angeli nel cielo.
31
Riguardo poi alla risurrezione dei morti non conosceste la parola detta a voi da Dio che dice: 32 “Io sono IL DIO DI ABRAMO E IL DIO DI ISACCO E IL DIO DI GIACOBBE?”. NON È IL DIO DI MORTI MA DI VIVENTI». 33
E ascoltatolo le folle erano stupite del suo ammaestramento.
34
I farisei sentito che ammutolì i sadducei si riunirono nello stesso luogo, 35 e uno di loro un dottore della Legge lo interrogò per metterlo alla prova: 36 «Maestro, quale precetto grande nella Legge?». 37
Egli disse a lui: «AMERAI IL SIGNORE DIO TUO CON L’INTERO TUO CUORE E CON L’INTERA 38 TUA VITA E CON L’INTERA TUA RAGIONE; questo è il grande e primo precetto. 39 40
Un secondo poi uguale a quello: Amerai il prossimo tuo come te stesso.
In questi due precetti l’intera Legge dipende e i profeti».
Nei tre passi, costruiti secondo una composizione concentrica, «farisei» e «sadducei» (15; 23; 34) tentano Gesù: «interrogarono / interrogò» (23; 35), «per
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tentarlo / metterlo alla prova» (18; 35), «per intrappolarlo con un discorso» (15); ma Gesù li smaschera: «perché mi tentate?» (18). Nel primo passo la domanda scottante riguarda il tributo a Cesare (17); nell’ultimo passo il tema è quello delicato del «grande precetto» (36) della Torah; come a dire che la tensione verte sui doveri verso Cesare e verso Dio. Al centro, la tentazione è più generale, perché tocca la vita, globalmente intesa come terrena ed eterna. La corrispondenza, tempestosa, fra «conoscendo» (18), «sappiamo / non sapendo» (16; 29), «non conosceste» (31), come pure il rimando a «Scritture» (29), «Legge» (36; 40) e «profeti» (40) indica che il terreno di confronto è l’interpretazione della volontà di Dio. Le risposte di Gesù, nei passi estremi, ribadiscono l’osservanza della legge umana e divina, precisando però le debite distinzioni: «consegnate dunque a Cesare» (21)14 e «amerai il Signore Dio» (37); nel passo centrale, la conclusione della risposta di Gesù: «il Dio di Abramo e il Dio di Isacco e il Dio di Giacobbe? Non è il Dio di morti ma di viventi» (32) è come la chiave per capire l’insieme, dal momento che indica la prerogativa fondamentale di Dio: dare la vita, entrando in rapporto con gli uomini che, come i Patriarchi, custodiscono le sue promesse. La reazione finale degli interlocutori di Gesù e delle folle è analoga: «si meravigliarono» (22), «erano stupite» (33). INTERPRETAZIONE DIO E CESARE Le due affermazioni di Gesù circa i doveri degli uomini a Cesare e a Dio indicano una differenza di rapporto radicale: tra gli uomini e Cesare e tra gli uomini e Dio; quasi si trattattasse di due mondi contrapposti. Il dovere verso Cesare è infatti la «consegna» (21) di quanto dell’uomo appartiene a Cesare; è un tributo da restituire: un dovere, niente più che un dovere; mentre il dovere verso Dio è di «amarlo» (37), con tutto sé stesso, perché tutto l’uomo, ogni uomo, appartiene a Dio, a immagine del quale è stato creato. Amare quindi Dio significa amare anche l’immagine di Dio che si trova in ogni uomo, nel «prossimo» e in «te stesso» (39). È un rapporto talmente sublime, che si innalza fino alla sfera divina, ponendo sullo stesso piano l’amore a Dio e l’amore al prossimo. Amare Dio significa ricevere e trasmettere la vita, oltre la morte: è il Dio dei «viventi», dei Patriarchi (32), che hanno custodito la sua alleanza e le sue promesse. Questa parola, rivelata a Mosè, ha trasformato i figli di Israele in popolo dell’alleanza, liberandoli dalla schiavitù del faraone, che, al pari di quella di Cesare, non dà la vita, ma solo rende schiavi. Come già Mosè, Gesù afferma che la vita proviene dalla relazione con Dio e non già dalla relazione con Cesare, che pure esiste e al quale pure bisogna rendere conto, per quanto a lui appartiene. 14
A onor del vero, il verbo «consegnare» nel primo passo è riferito anche a Dio, ma solo come contrappunto a Cesare, che è l’oggetto del confronto fra Gesù e i farisei.
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LE SCRITTURE E LA POTENZA DI DIO «Farisei» e «sadducei» (15; 23; 34) si illudono di «conoscere le Scritture» (29). Essi tuttavia manipolano «la Legge e i Profeti» (40), comportandosi da ipocriti, per «intrappolare» (15) e «mettere alla prova» (35) Gesù; mentre non credono — e questa è la tentazione peggiore — che Dio possa dare la vita oltre la morte. Se, nei passi estremi, la tentazione è dunque dovuta all’incredulità e alla ostilità, al centro la tentazione è ancora più profonda: non si crede nella risurrezione, pur nella convinzione di conoscere «le Scritture e la potenza di Dio» (29). Questo mette in crisi tutta la storia della salvezza e la stessa identità di Dio, che è vita e dà la vita, sulla terra e nella risurrezione; il passo ulteriore, in questo cammino perverso, è assimilare Dio a Cesare: un padrone assoluto della vita che opprime gli esseri umani, che a lui devono consegnare se stessi. LA VITA NUOVA DI FIGLI DI DIO NELLA RISURREZIONE Eppure la differenza fra Cesare e Dio è netta, da un duplice punto di vista; umano e divino. Umano, in quanto l’esperienza quotidiana elementare dimostra che il potere opprimente di Cesare non rinnova la vita dell’uomo; al contrario, il potere, accanto alla ricchezza e al prestigio, attirano l’uomo, ma solo per renderlo sempre più schiavo. Solo Dio — ed è questo il punto di vista divino — dà la vita, in pienezza, in quanto ci rende suoi figli, nella risurrezione, dove non è più necessario affannarsi per trasmettere la vita e cercare un prolungamento di sé stessi, ma si vive in modo perenne e in comunione definitiva con Dio. Più che come «angeli» (30), si vive come figli. Ora l’amore al prossimo, su questa terra, intrinsecamentre legato all’amore a Dio, permette all’uomo di vivere già da figlio, trasmettendo al prossimo la vita ricevuta da Dio.
CONCLUSIONE Il cammino fin qui percorso rende meno incerta l’ipotesi che Mt 22,15-40 formi una sequenza — o comunque una unità — all’interno dell’unità più ampia di Mt 19–23. La composizione concentrica ha lasciato emergere il confronto acceso fra il potere di Cesare e quello di Dio, in relazione alla vita dell’uomo, su questa terra e dopo la morte. Se il potere di Cesare opprime, quello di Dio rende l’uomo libero, consegnandogli un amore totalizzante, attraverso il quale — e questa è l’idea centrale — lo rende suo figlio, donandogli la vita su questa terra e al di là della morte.
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ISSR «G. Toniolo» Piazza S. Cetteo 2 65127 Pescara – PE (Italia) E-mail: [email protected]
RIASSUNTO Il presente lavoro studia la composizione di Mt 22,15-40 attraverso i criteri indicati dall’analisi retorica biblica, individuando tre passi: Volto dell’uomo e volto di Dio: verità o ipocrisia? (15-22); La risurrezione rende figli di Dio (23-33), La Legge è «appesa» all’amore (34-40), strutturati in modo concentrico, con una corrispondenza fra il potere umano, rappresentato da Cesare che esige il suo tributo, e il potere di Dio, rivelato dal comandamento dell’amore a lui e al prossimo. Al centro rimane lo sforzo dell’uomo di conservare e rinnovare la propria vita, reso vano dalla morte e aggravato dall’oppressione del potere di Cesare; ma trasformato dal dono di Dio di una vita piena, al di là della morte, che rende l’uomo figlio di Dio. Parole chiave: filiazione divina, tributo a Cesare, Legge dell’amore ABSTRACT «God gives and gives back life to his children». The present work, through the criteria indicated by the analysis of Biblical Rhetoric, studies the composition of Mt 22,15-40, identifying three passages: Face of man and face of God: truth or hypocrisy? (15-22), The Resurrection makes Children of God (23-33), The law is «hanging on» to love (3440), structured in a concentric composition, with a correspondence among the extreme passages, precisely between the human power, represented by Caesar requiring his tribute, and the power of God, revealed by the commandment of love for God himself and his next. The center remains the man’s effort to preserve and renew his own life, rendered vain from death and aggravated by the oppression of the power of Caesar; transformed, though, by the gift of God of a full life, beyond death, which makes man the Son of God. Keywords: Divine Sonship, Tribute of Caesar, Law of Love
Massimo GRILLI
La chiesa come Familia Dei Mt 18: «magna charta» della comunione ecclesiale Mt 18 non appartiene ai testi biblici che contraddistinguono i trattati di ecclesiologia. Mt 16,13-20 — con la professione di Pietro e le parole a lui rivolte da Gesù — ha convogliato su di sé l’attenzione degli esegeti e soprattutto dei teologi divenendo, tra l’altro, il principale terreno di scontro tra le diverse confessioni cristiane. Recuperare la centralità di Mt 18 significa non solo riformulare l’appartenenza al popolo di Dio in categorie più propriamente bibliche, ma significa anche recuperare un’ecclesiologia più comprensiva e più confacente alla sensibilità odierna, in sintonia con le prospettive aperte dal concilio Vaticano II.
1. L’ARCHITETTURA DI MT 18 Scoprire le leggi che presiedono all’organizzazione di un testo è fondamentale 1 per accedere al senso . E tuttavia, quando si intraprende l’analisi degli elementi che definiscono l’architettura di un’opera, ci si trova spesso davanti a difficoltà e possibilità diverse che rendono arduo il compito. Così è accaduto anche per il 2 discorso ecclesiale di Mt 18 . A un interprete s’impone, dunque, anzitutto il dovere di reperire i segnali che sorreggono l’impianto letterario. Sono sostanzialmente tre. ♦ Il primo è costituito dalle due domande–risposte che si trovano nei vv. 1 e 21. La prima è iniziale e viene formulata dai discepoli (18,1), la seconda è posta 1
R. MEYNET, Trattato di Retorica Biblica, Bologna 2008. W. TRILLING, Il vero Israele. Studi sulla teologia del Vangelo di Matteo, Casale Monferrato 1992 (orig. 1975), a motivo di criteri contenutistici, divide il capitolo in 4 parti (pp. 137-138): la prima — segnatamente la principale — comprende i vv. 1-5 e tratta l’esigenza fondamentale della grandezza nel Regno; le altre tre riguardano aspetti specifici e sono subordinate concettualmente alla prima e si trovano nei vv. 6-14 (i piccoli); 15-20 (la correzione fraterna) e 21-35 (il perdono). L’articolazione di W. PESCH, «Die sogenannte Gemeindeordnung, Mt 18», BZNF 7 (1963) 220235, sempre sulla base di motivi contenutistici, ha diviso il brano in due sezioni: uno sul valore dei «piccoli» nella comunità (vv. 1-14) e l’altro sulla vera fraternità (vv. 15-35). U. LUZ, Matteo 3, Brescia 2013 (orig. 1997) individua ugualmente due sezioni, ma si muove diversamente da W. Pesch, perché sottolinea l’inserzione narrativa dei vv. 21-22. I vv. 1-20 parlano dei rapporti comunitari, mentre i vv. 21-35 riguardano il perdono. A suo parere i vv. 19-20 costituiscono il centro del discorso, con l’accentuazione della dimensione verticale: la presenza di Dio in mezzo alla comunità (pp. 20-22). 2
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sulla bocca di Pietro (18,21). Le risposte di Gesù a queste domande si estendono fino al v. 20 la prima, e fino al v. 35 la seconda. Posta così la questione, sembrerebbe logico dividere il capitolo in due sezioni. Tuttavia, se analizziamo il peso delle questioni, ci accorgiamo che le due domande sono molto diverse e solo formalmente paragonabili. La prima, posta dai discepoli, è molto solenne e viene introdotta da una formula piuttosto tipizzata (en ekeinê tê hôra). La formulazione è molto generale (cf. il tis iniziale), senza un appiglio alla situazione concreta del momento. Meraviglia, per esempio, che la domanda non sia giustificata, come ad esempio nel parallelo marciano, da una lite dei discepoli lungo la strada (Mc 9,33-37). Il lettore è chiamato in causa dall’atemporalità e dalla solennità. La seconda domanda di Pietro nel v. 21 è invece particolare e concerne piuttosto una richiesta ulteriore di chiarificazione dell’argomento del perdono appena trattato (v. 15). La domanda s’inserisce nello sviluppo di un discorso già in atto. A differenza di Luz, non mi sembra opportuno appoggiarsi a questo unico criterio formale per fondare la divisione del capitolo. Più rilievo sembra avere invece il secondo criterio. ♦ Già a una prima lettura, ci si rende conto di un lessico caratteristico, distribuito lungo il discorso: paidion (vv. 2-5), mikros (vv. 6.10.14), skandalizô/ skandalon (6x nei vv. 6-9), ho patêr mou/hymôn (vv. 10.14), hamartanô (vv. 15.21), adelphos (vv. 15.21.35). Se facciamo maggiore attenzione, notiamo tuttavia un diverso campo semantico tra i primi 14 versetti e gli altri. Nella prima sezione i termini caratteristici sono paidion (4x nei primi 5 vv.) e mikros (3x nei vv. 6-14): vocaboli che appartengono allo stesso campo semantico. Nei vv. 1535, il vocabolo dominante non appartiene più al campo semantico dei «piccoli», ma a quello dei «fratelli», o meglio al «perdono del peccato del fratello». I vocaboli dominanti sono il sostantivo adelphos (4x) e i verbi hamartanô (2x) e aphiêmi (2x). Sulla base del lessico, pertanto, sembrerebbe più opportuna una divisione in due parti, con i vv. 1-14 che costituiscono la prima parte e i vv. 1535 la seconda. ♦ Il terzo segnale, che sorregge l’impronto letterario, è lo sviluppo argomentativo del testo, più soggettivo forse, ma piuttosto evidente. Nei vv. 1-5 abbiamo la domanda dei discepoli (v. 1) e la risposta di Gesù (vv. 2-5), articolata in un gesto (v. 2) seguito da un logion solenne introdotto da amên (vv. 3-5). Il logion inizia con un indirizzo in 2a pers. plur. al v. 3 per poi ritornare alla terza pers. sing. nei vv. 4-5. Questo cambio di persone grammaticali rivela probabilmente una varietà di fonti che Matteo ha utilizzato per uno scopo ben preciso e per un’idea dominante, espressa dalla risposta del v. 4. In questo complesso fa difficoltà il v. 5. La ragione è semplice: non si parla più del divenire piccoli e della grandezza/piccolezza, rappresentata dal bambino, come nei vv. 24, ma della loro accoglienza. È difficile rinvenire il nesso tra divenire piccoli (vv. 2-4) e accogliere (v. 5). Dunque il v. 5 si accorda male con i primi quattro. Per questo alcuni autori connettono il v. 5 con ciò che segue: il v. 6, in questo caso, costituirebbe un’avversativa (notare il de) alla proposizione che precede:
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«chi accoglierà uno di questi bambini nel mio nome accoglie me, ma chi scandalizzerà uno di questi piccoli che credono in me, sarebbe meglio per lui...» Questa connessione, però, parte dalla identificazione di paidion usato nel v. 5 e mikros utilizzato nei vv. seguenti. I piccoli di cui si parla nei vv. 6-9 sono gli stessi soggetti identificati come paidia nei vv. 1-5? E lo scandalo dice semanticamente qualcosa di contrapposto all’accoglienza? A mio parere, il legame tra accoglienza (v. 5) e scandalo (v. 6 e ss.) sarebbe ancora più arduo da digerire che non quello tra accoglienza (v. 5) e il divenire piccoli (vv. 3-4) e il passaggio dal paidion (v. 5) al mikros (v. 6) non è semanticamente scontato. Si deve concludere che, nel v. 6 inizia un altro argomento: il tema dei piccoli e dello scandalo. Il de del v. 6 non ha una funzione avversativa, ma progressiva, spingendo avanti il discorso. I vv. 6-9 appaiono a prima vista compatti, legati sintatticamente e semanticamente in maniera molto coerente. Abbiamo una nuova parola-chiave: skandalizô/skandalon: si tratta dello scandalo dei piccoli. Si inizia (v. 6) con una frase relativa condizionale (hos d’an skandalisê...), si prosegue (v. 7) con un’ammonizione sullo scandalo e si conclude con due ipotetiche poste in parallelo (vv. 8 e 9). Anche qui abbiamo dei passaggi ardui da accettare: anzitutto il passaggio dallo scandalo dato agli altri (v. 6) e quello dato a se stessi (vv. 8-9); ma la difficoltà maggiore è l’ammonizione del v. 7 sullo scandalo del mondo e sulla necessità che avvenga. Di fatto questa solenne ammonizione del v. 7 sembra interrompere la logica del discorso (cf. il parallelo marciano in 9,42-47) e proviene verosimilmente da un’altra fonte (cf. Mt 18,7b//Lc 17,1) e tuttavia, proprio per questa ragione assume un peso notevole, soprattutto se si tiene conto che si tratta di un motivo già utilizzato nel Discorso della montagna (5,29-30). Nei vv. 10-14 continua il discorso sui «piccoli» (cf. v. 6), ma non più nella prospettiva dello scandalo, bensì in quella del disprezzo (v. 10). Il verbo non è più skandalizô, ma kataphroneô. Al v. 10 abbiamo un’esortazione generale, illustrata poi dalla parabola dei vv. 12-14 (il verso 11 è un’aggiunta). Risalta la bella inclusione tra henos tôn mikrôn toutôn / uno solo di questi piccoli del v. 10 ed hen tôn mikrôn toutôn / uno solo di questi piccoli del v. 14. Quest’ultimo verso è chiaramente un verso redazionale e Matteo lo ha voluto porre in bella evidenza per concludere la prima sezione del discorso. La parabola della pecora smarrita — che trova il suo parallelo in Lc 15,3-7 — conosce qui un contesto chiaramente diverso: mentre in Luca abbiamo a che fare con un discorso ai farisei sull’accoglienza dei peccatori (Lc 15,1-2), in Matteo si parla invece della cura dei «piccoli» nel quadro di una comunità ecclesiale. In realtà non solo il contesto è diverso, ma lo stesso linguaggio e gli accenti. Matteo ha ridotto la parabola, soprattutto nei tratti narrativi del v. 13 che sono abbreviati rispetto al racconto lucano (15,5-6) e ha voluto concentrare l’attenzione dei suoi lettori sull’applicazione del v. 14. È possibile che Matteo e Luca abbiano attinto questa parabola dalla tradizione orale, indipendentemente l’uno dall’altro: si
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spiegherebbe meglio forse l’inaspettata omissione che Matteo fa della moneta 3 perduta, che troviamo invece in Lc 15,8-10 . Al v. 15 abbiamo una brusca virata: si inizia, infatti, a parlare di «fratelli» e non più di «bambini» e di «piccoli» e il genere del discorso cambia radicalmente. Se, infatti, nella prima sezione (vv. 1-14) il tono era parenetico e si ammonivano i membri della comunità a non scandalizzare (vv. 6-9) e a non disprezzare (vv. 10-14) i piccoli, ora l’andamento diventa disciplinare: si presenta infatti un materiale normativo (vv. 15-17) e si conclude con il rimando al giudizio di Dio (v. 35). Analizziamo in maniera più dettagliata questa seconda sezione. I vv. 15-20 sembrano raccolti in maniera artificiale e poco comprensibile, a differenza dello sviluppo chiaro e armonioso dei versetti che precedevano. Il parallelo lucano molto ridotto (cf. Lc 17,1-4) rende ancora più difficile capire la provenienza e le ragioni di fondo che hanno spinto Matteo a formulare un testo così artificioso. I primi due versetti (vv. 15-17) contengono una legge casuistica disciplinare che stride con il contesto parenetico precedente. Il v. 18, poi, sembrerebbe voler conferire forza giuridica alla decisione espressa nei vv. 1517, mentre i vv. 19-20 — legati insieme dalla congiunzione gar del v. 20 — sembrano addirittura fuori contesto. Quale strategia comunicativa abbia in mente Matteo con una raccolta tanto artificiale di logia è difficile comprenderlo. Certamente si tratta di due sequenze in tensione: una sulla disciplina ecclesiale da attuarsi verso un fratello che pecca (vv. 15-17.18) e l’altra con l’assicurazione della presenza del Signore risorto in mezzo ai suoi (vv. 19-20). Sarà necessario cercare il senso di un tale accostamento. I vv. 21-35 sono più unitari e approfondiscono il tema della riconciliazione tra «fratelli». Contengono la domanda di Pietro e la risposta di Gesù. La risposta è però articolata: anzitutto viene dato un principio basilare (v. 22) e poi un’esemplificazione parabolica (vv. 23-35) legata piuttosto artificiosamente al principio enunciato. Proviamo a tirare alcune conclusioni da questo primo approccio testuale: 1. Se il Vangelo di Marco può essere considerato come fonte di Mt 18, bisogna dire che Matteo è stato veramente un abile stratega, perché ha riordinato, esteso e rinnovato quanto si trovava in Mc 9,35-50. Si tratta di una collezione di scene e di detti abilmente ristrutturati e con aggiunta di materiale proprio, allo scopo di raggiungere scopi confacenti alla visuale teologica del Primo Vangelo. 2. A livello formale è chiaro che Matteo lo intenda come un «discorso», perché in 19,1-2 ricorre la formula che chiude segnatamente anche gli altri quattro sermoni. E tuttavia, a livello formale, la definizione «discorso» non è del
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Una seconda parabola sulla ricerca di ciò che è smarrito sembrerebbe molto congeniale alla strategia di Matteo.
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tutto adeguata. Si tratta piuttosto di un «ordinamento comunitario», con direttive 4 concrete sulla vita della comunità ecclesiale . Ridurlo però a un «ordinamento» significherebbe impoverirlo. L’attenzione del lettore viene catturata dalle questioni di fondo che riguardano la natura stessa di una comunità cristiana. In primo piano non abbiamo tanto l’aspetto disciplinare, quanto quello teologico: viene detto ai lettori come una comunità ecclesiale deve comprendere se stessa e — sulla base di una tale comprensione — come deve affrontare le diverse questioni che si propongono di volta in volta. La comunicazione si articola intorno a due sezioni, precedute da una brevissima introduzione e seguite da una breve conclusione. Le due sezioni sono coagulate intorno a dei perni semantici e pragmatici, costituiti da due vocabolichiave: «piccoli» (vv. 1-14) e «fratelli» (vv. 15-35). Introduzione: v. 1a LA COMUNITÀ DEI «P ICCOLI» vv. 1b-14 a. I piccoli e il Regno vv. 1-5 b. I piccoli e lo scandalo vv. 6-9 c. I piccoli e il Padre celeste vv. 10-14
LA COMUNITÀ DEI «FRATELLI» vv. 15-35 a. La correzione del fratello vv. 15-18 b. La concordia vv. 19-20 c. Il perdono del fratello vv. 21-35 Conclusione: 19,1-2
2. LA SEMANTICA DI MT 18 2.1 LA SEMANTICA DI MT 18,1-15 IL BAMBINO COME METAFORA DI «PICCOLEZZA»: VV. 1-5 En ekeinê tê hôra / «in quell’ora» costituisce l’entrata solenne del discorso. Come nella formulazione analoga en ekeinô tô kairô di 12,1 e 14,1 Matteo segna un inizio solenne. Non si tratta di qualcosa totalmente nuovo ma, pur essendo un momento importante, è in rapporto con le parole e le azioni di Gesù precedentemente narrate, e soprattutto con la figura di Pietro, con la sua professione messianica e con le parole a lui rivolte in quell’occasione (16,13-20)5. ♦ Sulla domanda dei discepoli (18,1): a) A differenza di Mc 9,34, Matteo non parla della disputa dei Dodici lungo la strada su chi di loro fosse il più grande. In questa maniera si enfatizza la 4
W. PESCH, «Die sogenannte Gemeindeordnung», 220-235. La presenza di Pietro è attestata nel passo immediatamente precedente al nostro discorso (17,24-27) e nel discorso stesso (18,21). 5
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domanda iniziale e si trasforma una situazione storica in una questione attinente ad ogni tempo e luogo. L’istruzione di Gesù non riguarda solo i Dodici (cf. 6 invece Mc 9,35), ma diventa una consegna del Signore alla sua chiesa . b) L’espressione meizôn en tê basileia tôn ouranôn /più grande nel Regno dei cieli allude ai posti d’onore, come quelli di ministri e governatori (cf. 1 Mac 7,8; Est 10,3), con basileia tôn ouranôn che non definisce soltanto un momento futuro escatologico (come potrebbe far pensare il v. 3), ma la grandezza nel Regno fin da ora7. Non si parla direttamente della chiesa perché il Regno di Dio non si identifica tout court con la chiesa e, dunque, rigorosamente parlando, non si tratta né del Regno di Dio futuro né semplicemente della chiesa in quanto entità sociologica terrena, ma di quella comunità di uomini che vivono sotto la sovranità di Dio. La richiesta consiste, pertanto, nel voler comprendere che tipo di rapporti si devono instaurare in una comunità che riconosce Dio come Signore. ♦ La risposta di Gesù, nei vv. 2-4, si compone anzitutto di un gesto simbolico: un bambino viene collocato al centro (così anche Mc 9,36). In Matteo non è però sul gesto che cade l’accento, ma sull’esortazione parenetica che segue e che diverge sostanzialmente dalla spiegazione di Mc 9,37. La sequenza in Marco è composta del gesto (9,36) e del logion sull’accoglienza dei bambini (9,37). Matteo, dopo il gesto (18,2) e prima del logion (18,5 // Mc 9,37) pone i vv. 3-4: «in verità vi dico: se non vi convertite e non divenite come i bambini, non entrerete nel Regno dei Cieli; perciò chiunque umilierà se stesso come questo bambino, questi è il più grande nel Regno dei cieli». Così facendo, Matteo presenta alla comunità dei discepoli una parenesi in cui «il bambino» diventa metafora di un atteggiamento davanti a Dio. Cosa significa allora genesthai hôs ta paidia /diventare come i bambini? Luz, nel suo commentario, presenta una storia dell’interpretazione in cui mostra che, a seconda delle epoche, il bambino ha rivestito diversi significati e ruoli. Frequentemente sono state enfatizzate l’umiltà e l’innocenza, come se il bambino fosse una sorta di isola vergine in mezzo alla malizia del mondo. Così Ilario di Poitiers, nel suo commentario a Mt 18,1 scrive che i bambini «...seguono il padre, amano la madre, non sanno pensar male dei loro compagni, non hanno interesse al denaro, non sono 8 impudenti, non odiano, non mentono, credono in ciò che viene loro detto...» . Calvino, da parte sua, enfatizza l’umiltà dei bambini e Tolstoj vi scopre l’originario amore per il prossimo senza differenze9. Una visuale moderna vede nell’infanzia un’età invidiabile per le infinite possibilità di realizzazione che essa offre: tutto è ancora aperto, tutto è possibile. Bisogna dire che Matteo e il cristianesimo non consacrano nessuna romantica idealizzazione dello stato infantile. Diventare come i bambini (v. 3) non è un 6
Cf. W. W. TRILLING, Il vero Israele, 138. Quando Matteo intende l’espressione escatologicamente usa il futuro (cf. estai in 13,40.50). 8 In Matth 18.1 9 Una carrellata di queste e altre opinioni si trovano in U. LUZ, Matteo 3, 29-30. 7
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ritorno all’infanzia o all’innocenza originaria. Il senso profondo è spiegato dai verbi strephô e tapeinoô che sono messi in correlazione nella sequenza delle proposizioni così disposte: se non vi convertirete (strephô) e diventerete come bambini non entrerete nel Regno dei cieli chiunque perciò diventerà piccolo (tapeinos) come questo bambino costui sarà il più grande nel Regno dei cieli
Mt 11,29 e 23,12 sono gli unici altri testi matteani che contengono ancora tapeinos e tapeinoô e qui la radice è associata a praüs. Questa associazione rimanda a una comprensione di tapeinos che non è quella di umiltà, ma di piccolezza: una dimensione interiore che va in senso contrario alla protervia degli arroganti. In realtà la concezione che il mondo antico aveva del bambino era di un essere indigente e bisognoso di essere guidato perché senza capacità e forza di poter agire da solo. Non si tratta di timido nascondimento o rassegnata sottomissione, tanto meno di un atteggiamento masochista che porta al disprezzo di sé, ma di un atteggiamento obbediente e sottomesso: l’assumere davanti a Dio il posto proprio degli anawîm e dei praeis (cf. 11,29). Il testo di Mt 23,8-12 va nella stessa direzione: la ricerca dei titoli o posti onorifici è l’atteggiamento contrario all’essere al giusto posto. Nel nostro testo «diventare come bambini» è messo accanto al verbo strephô/ 10 convertirsi . «Diventare come bambini», dunque, è un volgersi a Dio, assumendo la condizione che è propria del discepolo: la piccolezza. Il discepolo non viene pertanto definito da ruoli di potere e di prestigio; l’unico posto che gli compete è l’atteggiamento di piccolezza e povertà. Ed è questa la posizione che è alla base dei rapporti fraterni. Le esortazioni seguenti sul rapporto con i fratelli trovano il loro criterio di misura e il loro senso in questo modo di essere davanti a Dio. Il lettore che cerca la giusta relazione con i propri fratelli nella comunità viene condotto in primis alla giusta relazione con Dio. Da essa dipende tutto il resto. ♦ Il v. 5, pur in contatto col v. 2 (cf. hen paidion toiouto), fa un passo avanti parlando dell’accoglienza. Il passaggio dal divenire come bambini all’accogliere quelli che sono come loro fa difficoltà, ma solo agli occhi di un intellettuale dalla mentalità cartesiana. Di fatto il bambino è un simbolo polivalente che evoca anche accoglienza e protezione. Dal tema della piccolezza come requisito indispensabile dell’appartenenza al Regno, Matteo vuol passare a trattare il tema dell’accoglienza dei bisognosi. La connessione è fatta su un fondamento cristologico. Il Cristo non è solo il «mite e umile di cuore» (11,29), ma è anche Colui che è presente in coloro che, a motivo della loro situazione, di fatto sono piccoli e poveri (cf. 25,31-46). Il paidion del v. 5 diventa così il simbolo dei piccoli menzionati in 18,6.10.14. 10
Matteo qui non fa uso di metanoeȏ, che invece è preferito dal Nuovo Testamento, ma del vocabolo antico-testamentario šûb, proprio del linguaggio profetico, che esprime il volgersi a Dio in maniera più plastica e determinata.
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I PICCOLI E LO SCANDALO: VV. 6-9. Dal bambino si passa ai piccoli. Chi sono i mikroi di cui si parla in questi versetti? ♦ L’aggettivo greco mikros non è attestato nel senso di bambino. Anche in aramaico, non si trova «piccolo» come designazione di un «fanciullo». Il termine aramaico è invece attestato per designare una categoria di uomini ritenuti infe11 riori e disprezzati . Anche nella traduzione greca della LXX, mikros designa un membro squalificato e marginale (cf., ad es., 1 Sam 9,21; Is 60,22). In 1 Sam 9,21 Saul, di fronte a Samuele che gli offre prospettive regali, risponde di appartenere a una tribù insignificante. Mt 18, però, presenta ancora un elemento. Sia Marco che Matteo fanno seguire a hena tôn mikrôn toutôn / «uno solo di questi piccoli» l’espressione tôn pisteuontôn / «che credono». Matteo, a differenza di Mc 9,42, aggiunge ancora eis eme che chiarisce meglio la concentrazione 12 della fede cristiana presentata come relazione dinamica con una persona . I piccoli sono, quindi, anzitutto dei credenti in Cristo. Ma c’è un secondo problema: questi piccoli che credono in Gesù sono tutti i discepoli o si tratta un gruppo particolare all’interno della comunità? Il versetto 6 costituisce un monito per un gruppo interno alla comunità oppure è rivolto agli esterni e funge da consolazione per tutti i credenti, definiti come mikroi? Le opinioni tra gli esegeti non sono concordi. In Mt 10,42 — dove mikroi ricorre in parallelo a profeti e giusti — il vocabolo sembrerebbe identificare coloro che, all’interno della comunità, si segnalano per uno stato di particolare necessità. Del resto, se consideriamo il discorso come «ecclesiale», e cioè rivolto ai mathêtai (vv. 1ss), e riteniamo i pronomi personali un appello diretto ai membri della chiesa, è difficile che queste ammonizioni abbiano altri destinatari. Con ogni probabilità i piccoli sono dunque quei credenti che, nel seno della comunità, si segnalano come una categoria che ha bisogno di particolare cura (cf. anche Mt 10,42) per il fatto che possono peccare e perdersi a causa degli scandali e del disprezzo degli altri (vv.6.10). Sembrerebbero, dunque, delle persone deboli e poco apprezzate. Da parte di chi? Non è inverosimile che la disistima provenga dai «forti», in modo analogo a quanto avveniva nella Comunità di Roma (cf. Rm 15,1). ♦ Il primo monito severo, al v. 6, è rivolto a chi scandalizza uno solo di questi piccoli. Troviamo, così, la prima ricorrenza della radice skandal-, che ritorna 6x in questo contesto, come verbo o come sostantivo (cf. vv. 6.7[3x].8.9). Skandalon è l’inciampo messo sulla strada per far cadere qualcuno (cf. Lv 19,14 e Mt 5,27-30) e scandalizzare significa, dunque, far inciampare, far cadere. A differenza delle fonti ellenistiche, nella LXX il senso figurato è frequente. Matteo non rende esplicito di che genere di inciampo si tratti, in che cosa consista lo 11
Cf. S. LÉGASSE, Jésus et l’Enfant. «Enfants», «Petits» et «Simples» dans la Tradition synoptique, Paris 1969, 52. 12 Si tratta dell’unico passo sinottico in cui l’oggetto della fede è espresso con eis.
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scandalo. In alcuni testi del Primo Vangelo il verbo è connesso con il fatto dell’apostasia: 11,6; 13,57; 15,12; 26,31.33. Il nostro contesto sembra dar adito a questo significato perché rende chiaro che scandalizzare i piccoli significa farli inciampare nella fede, impedendo loro di perseverare, e distaccarli quindi da Gesù (cf. v. 6). È ovvio che non si tratta solo del ripudio di una dottrina, come comunemente è stata poi intesa l’apostasia. In ogni caso, il fatto viene considerato molto grave, perché la sorte di chi affoga in mare viene ritenuta preferibile a quella di chi scandalizza (v. 6). ♦ Al v. 7, Gesù afferma l’ineluttabilità degli scandali come segno della crisi escatologica, ma nello stesso tempo insiste sulla grave responsabilità di chi ne è causa. Si tratta, dunque, non di una fatalità metafisica, ma di una condizione storica. Di fatto avviene così: la condizione del mondo è quella in cui si verificano scandali. Non si tratta dell’unico testo di Matteo in cui ci imbattiamo in una situazione tenebrosa caratterizzata dal dominio del male. Questa accentuazione delle forze avverse al Regno di Dio e operanti nella storia è una peculiarità del Primo Vangelo, e la parabola della zizzania in Mt 13,36-43 ne è una loquace testimonianza. Ritroviamo proprio in quel contesto il termine skandala: ... Così sarà al compimento del secolo: il Figlio dell’Uomo manderà i suoi angeli e ammasseranno dal suo Regno tutti gli scandali e tutti gli operatori di iniquità e li getteranno nella fornace di fuoco dove sarà pianto e stridore di denti (13,40-42).
Si tratta di un testo difficile. Synteleia tou aiônos non è la fine del mondo, ma il compimento che ingloba il tempo che intercorre tra la venuta di Gesù e il suo ritorno glorioso: è un tempo caratterizzato dalla semina e dalla crescita, dal buon grano e dalla zizzania. Il parallelo tra scandali e quelli che operano iniquità mostra che gli scandali consistono in dinamiche che provocano cadute. All’interno e all’esterno della chiesa ci sono queste forze avverse al regno di Dio, ma insieme a una tale «necessità» storica, Matteo esprime la convinzione che esse non prevarranno. In questo modo, non si minimizza la realtà del male, ma la constatazione della «necessità» va di pari passo alla certezza che «i figli del malvagio» non prevarranno sui «figli del Regno» (13,43). ♦ Nei vv. 8-9, l’accento è spostato su chi scandalizza se stesso, su chi è in procinto di cadere a motivo del proprio operato; e cioè su chi è causa della propria defezione personale nel campo della fede. Matteo ha utilizzato questo testo già in 5,29-30, ma in ordine inverso: nel nostro contesto si parla prima della mano (e si aggiunge il piede) e poi dell’occhio che causa la caduta. In Mt 5 l’ammonizione concerne il campo dell’adulterio e dunque il campo sessuale; nel nostro contesto invece il campo è più ampio. L’imperativo di tagliare mano, piede e occhio è iperbolico, e dunque da non prendere letteralmente, nonostante che Dt 25,11-12 parli di mutilazione come possibile punizione per i criminali. Non va preso alla lettera per l’ovvio motivo che lo stesso Matteo rileva che il
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problema non è semplicemente il corpo, ma il cuore dell’uomo (Mt 15,19; cf. 13 Rm 7,17.20) . In ogni caso, formulazioni così nette mostrano che causare la defezione di altri o propria dalla fede in Cristo è di una gravità tale che nel reale pericolo che ciò accada, non bisognerebbe esitare a sacrificare quanto di più prezioso un uomo possegga. La gravità dello scandalo è tanto più evidente se si tiene presente che agli zoppi e ai ciechi era proibito l’ingresso nel sacerdozio (Lv 21,18) e la comunità di Qumran aveva mantenuto questa proibizione (1QS II, 59). Nel discorso di Gesù, lo scandalo, in qualche modo, assume la funzione di impedimento che avevano questi difetti fisici. In questo modo i lettori sono fortemente sensibilizzati al discorso sulla complicità nel peccato che deve essere attentamente vagliata. I PICCOLI E IL PADRE CELESTE: VV. 10-14 ♦ Dallo scandalo si passa al disprezzo dei piccoli: Matteo continua sulla stessa tonalità ammonitrice. Kataphroneô ha una gamma di significati che vanno dai toni più blandi del «trascurare» a quelli più forti dello «spregio». Perché alcuni membri della chiesa sono disprezzati? Per la loro indegnità? La loro insignificanza socio-economica? Il loro peccato? È difficile capire. Tuttavia sembra che a Matteo non importi molto la motivazione: interessa molto di più il valore dei piccoli. Per esprimere questo concetto Matteo prende a prestito una categoria che appartiene al mondo antico sia persiano, sia greco-romano, sia 14 giudaico : gli angeli custodi. Il rango e la funzione di questi angeli addetti alla protezione degli individui non sembra essere del tutto chiara nel Giudaismo 15 rabbinico ; in ogni caso, qualunque sia la tradizione a cui Matteo fa riferimento, la menzione degli angeli che guardano sempre il Volto del Padre celeste esprime senza dubbio — ancora una volta — la dignità dei piccoli. È interessante che a persone che sono tanto in basso nella considerazione comunitaria siano stati 16 assegnati proprio gli angeli che stanno più in alto, davanti al Volto di Dio ! ♦ La parabola della pecora smarrrita è inserita da Matteo in questo contesto. L’espressione ti hymin dokei / cosa vene pare? introduce il racconto parabolico chiamando direttamente in causa i lettori ed esigendo una risposta personale. La stessa domanda introduce un’altra parabola in 21,28 (cf. 26,66). L’argomentazione di Matteo, dopo la domanda iniziale, si dipana, al v. 12, in due protasi coordinate che descrivono la vicenda; l’apodosi, invece, richiede l’assenso del lettore sul comportamento del pastore che si mette a cercare l’unica che si è 13
Nel commento a Matteo (15.4), Origene afferma che compito del cristiano è amputare le passioni dell’anima (cf. anche 1 Cor 9,27). 14 Sal 91,11-13; Gen 24,7.40; 48,16; Tob 5,4-15.22. 15 U. LUZ, Matteo 3, ritiene che la concezione dell’angelo custode presente nel nostro testo non corrisponde a quelle testimoniate nelle correnti giudaiche del tempo (pp. 49-50). 16 Enoch 40,1-10 definisce gli angeli che stanno davanti a Dio come «gli angeli del Volto» (di Dio), con peculiari funzioni di proteggere gli eletti di Dio.
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smarrita. Nel v. 13, invece, all’eventualità del ritrovamento, fa seguito una frase assertoria introdotta da amên legô hymin: il pastore gioisce più per l’unica pecora ritrovata che per le novantanove che non si sono smarrite. A livello comunicativo le argomentazioni non sono stringenti, perché si potrebbe dissentire sulla ricerca appassionata di una sola pecora, quando se ne hanno ancora molte al sicuro. Ma l’accento è proprio sul paradossale valore dell’unico! Infatti il versetto conclusivo (il v. 14) chiama la comunità a sentirsi responsabile di «ciascuno» perché la volontà del Padre è appunto che neppure uno di questi piccoli si perda. È folgorante la concentrazione su «uno solo» (vv. 6.10.12.14.24.28). 17 La versione lucana della parabola è decisamente su un altro piano . In Matteo, l’accento non è più, come in Luca, sulla gioia per un peccatore riportato in seno al popolo messianico, ma sull’esemplarità dell’atteggiamento di Dio il quale si adopera affinché nessuno si perda. In Matteo, dunque, non si tratta primariamente di una proclamazione della misericordia di Dio, quanto piuttosto di una parenesi alla chiesa perché abbia verso i piccoli quella sollecitudine che corrisponde all’agire stesso del Padre: una imitatio Dei (cf. 5,43-48). 2.2 LA SEMANTICA DI MT 18,15-35 LA CORREZIONE DEL FRATELLO CHE PECCA: VV. 15-18 ♦ Nei vv. 15-17 assistiamo a un nuovo sviluppo: non si parla più della premura verso i piccoli, ma della correzione del fratello che pecca. Anche Lc 17,3-4 presenta un logion sul perdono, ma in due versetti costruiti parallelamente e ben articolati: a. Se un tuo fratello ti offende, tu rimproveralo; b. ma se poi si pente, perdonagli, a’ e se anche ti offende sette volte al giorno e b’ sette volte al giorno torna da te a chiederti perdono, tu perdonalo». 17 Le differenze più significative possono essere condensate nelle tre seguenti: a) Sin dall’inizio Luca adopera il verbo apollymi e non il verbo planaô. In Luca si tratta dunque della ricerca di chi è perduto, in Matteo di chi è smarrito. b) In Luca la parabola della pecora perduta è situata nel capitolo 15, come primo pannello di un trittico: la pecora perduta e ritrovata (15,4-7), la dramma perduta e ritrovata (15,8-10) e il figlio perduto e ritrovato (15,11-32). E — anzitutto — nel terzo Vangelo, le parabole sono introdotte da tre versi (15,1-3), che forniscono al lettore la situazione del discorso: il mormorio ostile (diagoggyzȏ) dei Farisei e degli Scribi per il fatto che si avvicinavano a Gesù pubblicani e peccatori allo scopo di ascoltarlo. In Matteo la parabola è inserita in un contesto comunitario. Si parla alla chiesa e si parla dei membri della chiesa che si smarriscono. c) L’applicazione della parabola in Lc 15,7 fa riferimento al peccatore che si converte. I peccatori, ascoltando Gesù, cessano di appartenere alla categoria degli empi; la conversione di uno solo di essi procura gioia in cielo. L’accento di Luca, dunque, è sulla misericordia di Dio e sulla gioia per il peccatore che si converte (cf. chairô e chara in 15,5.7.10.32): si tratta di peccatori guadagnati alla causa di Cristo in una missione evangelica. In Matteo la parabola è nel contesto di un discorso comunitario dove la comunità tutta deve adoperarsi affinché un fratello che si smarrisce non si perda totalmente (v. 14). Proprio la conclusione del v. 14 mette in risalto la volontà del Padre il quale non accetta che si perda uno solo di questi piccoli.
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Matteo invece affronta il perdono solo in 18,21, mentre nei versetti precedenti presenta la correzione del fratello che pecca e altri logia. Inoltre, a differenza di Luca che parla di perdono nel caso in cui il fratello si converta, Matteo sviluppa piuttosto l’aspetto di una serie di iniziative da prendere per aiutare il fratello peccatore a ritrovare la comunione con la comunità ecclesiale. Nel nostro testo si parla però del fratello che pecca senza precisare di quale 18 peccato si tratti (il verbo hamartanô è molto generico) . È menzionata una triplice iniziativa per recuperare il fratello alla comunione: una correzione personale portata avanti da un membro singolo della comunità (v. 15), una correzione ripetuta in presenza di due o tre membri (v. 16), e infine l’intervento dell’assemblea locale (v.17a)19. I passi menzionati per recuperare il fratello sono graduali. Il primo è espresso al v. 15 e concerne un’iniziativa personale che ha sullo sfondo il testo di Lv 19,17-18: «non odiare il tuo fratello nel tuo cuore; correggi francamente il tuo compatriota e non gravarti di un peccato a causa sua. Non vendicarti e non serbare rancore ai figli del tuo popolo. Ama il tuo prossimo come te stesso. Io sono il Signore». Il verbo ebraico parla di una correzione aperta del fratello che pecca nell’ambito della solidarietà che si ha per l’appartenenza allo stesso popolo di Dio e nel contesto dell’amore che si deve al proprio prossimo. Il secondo passo (v. 16) chiama in causa due o tre testimoni. Non si tratta di 20 testimoni di un dibattito processuale . I testimoni teoricamente potrebbero avere la funzione di rendere legalmente corretta la sentenza che verrà pronunciata in seguito, ma nel nostro testo, più verosimilmente, si tratta di avvalorare l’ammonizione fatta prima privatamente con la parola di fratelli che si fanno responsabili del peccatore. L’ultimo passo (v. 17) è quello di porre il problema davanti all’assemblea locale dei fratelli (ekklêsia). Il v. 17b — «se rifiuta di ascoltare anche la chiesa, sia per te come il gentile e il pubblicano» — potrebbe apparire una conclusione sprezzante e drastica, ma diversi esegeti sono giustamente dell’avviso che non si ha a che fare con una «prassi giudiziale», quale oggi la si conosce. Tra l’altro, Matteo sembra aver dimenticato qui la proibizione di giudicare, data nel discorso della montagna (7,1-2) e soprattutto la realtà della chiesa come corpus permixtum, dove buon grano e zizzania convivono fino al momento del giudizio 21 22 (Mt 13,37-43.49-50) . Queste e altre ragioni hanno portato alcuni studiosi a
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L’aggiunta eis se / verso di te (v. 15), è forse motivata dall’intervento di un copista che ha voluto armonizzare il testo con la domanda di Pietro sul perdono del fratello che pecca eis eme / verso di me (v. 21). 19 Questa del v. 17 è una delle due ricorrenze del termine ekklêsia in Matteo; l’altra è in 16,18 dove il termine, però, ha un’accezione più universale e non particolare come qui: nel nostro caso sta ad indicare la comunità locale a cui si appartiene, come risulta chiaro dal contesto. 20 Il testo potrebbe avere come sfondo Dt 19,15, dove si sentenzia che il peccato di chicchessia dovrà essere verificato sulla base di due o tre testimoni. 21 U. LUZ, Matteo 2, Brescia 2010, 435.
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considerare i tentativi messi in atto nel nostro testo come tentativi adibiti al solo scopo della «riconciliazione». Si fa notare che l’atteggiamento di Gesù verso 23 pagani e pubblicani era, del resto, tutt’altro che negativo . In ogni caso, alcune considerazioni possono a mio parere aiutare a comprendere un testo così ostico e di difficile interpretazione: a) Alla luce del contesto, i vv. 15-18 non riflettono una prassi giudiziale in senso stretto: non si tratta del tribunale ecclesiastico con giudice rotale e figure del genere. In primo piano è la relazione personale (il pronome di seconda persona singolare ricorre 7x nei vv. 15-17!). Un testo di Qumran (1QS 5,25-6,1) presenta parallelismi sorprendenti con il nostro passo. Eccolo: ...non lo (il prossimo) si deve odiare (a causa della malvagità) del suo cuore, ma ammonirlo il giorno stesso, e non assumersi così la responsabilità del suo smarrimento. Parimenti nessuno porti una causa che riguarda il proprio prossimo di fronte ai Numerosi, senza averlo prima avvertito di fronte a dei testimoni (cf. anche CD 10,4-7).
Sia in Qumran che in Matteo si tratta di membri della comunità, ma una differenza fondamentale risiede nella diversa consapevolezza che la «chiesa» ha di se stessa; coscienza che emerge soprattutto nei versetti che seguono (vv. 18-20). b) Anche se il testo, soprattutto dove viene chiamata in causa l’assemblea (v. 17), sembra riflettere un procedimento disciplinare, tuttavia rimane vero che nell’insieme, più che sugli aspetti giuridici e formali, l’accento rimane sullo sforzo di recuperare il fratello. Tutti i tentativi sono da interpretare non come una procedura dettata da propositi punitivi, ma come sforzo di voler a tutti i costi recuperare chi sbaglia. Le varie iniziative che si succedono vanno viste come la traduzione ecclesiale del proposito divino che vuole cercare la pecora smarrita e non accetta che uno solo dei piccoli si perda (vv. 12-14). Prima di arrivare alla decisione dell’assemblea è stato fatto (e bisogna fare) ogni tentativo per recuperare il fratello peccatore. Soltanto quando i fratelli hanno tentato tutto ciò che è in loro potere, va considerato «come un pagano o un pubblicano» (v. 17). c) La menzione di pagani e pubblicani — come in Mt 5,46-47 — identifica 24 coloro che sono esterni alla comunità , ma che comunque non vengono abbandonati né dall’iniziativa misericordiosa del Padre (cf. 9,11) né dalla considerazione dei «fratelli». Di giudizio definitivo non si parla: per Matteo esso avviene solo alla fine dei tempi (cf. Mt 13,37-38.40-41). Ogni giudizio, sia esso di singoli o di chiese, rimane nell’ambito delle cose penultime e non di quelle ultime.
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Ad es. J. GALOT, «Qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain», NRTh 96 (1974) 1009-
1030. 23
Cf. ad esempio N. GATTI, …Perché il «piccolo» diventi «fratello». La pedagogia del dialogo nel cap. 18 di Matteo, TG.ST 146, Roma 2007. 24 L’espressione è di matrice giudaica: cf. W. TRILLING, Il vero Israele, 150.
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♦ L’espressione del v. 18 è comprensibile soltanto se si collega a quanto precede e segue. Dopo la solenne introduzione con amên legô hymin si afferma la coscienza che concerne la decisione presa dall’ekklêsia davanti a Dio. Il parallelo più evidente si trova nelle parole rivolte da Gesù a Pietro in 16,19 (cf. anche 5,22-23; 5,34-36; ecc.), con una variante in Gv 20,23. La terminologia qui è notoriamente giuridica. Nella tradizione halakica rabbinica il binomio «legare – sciogliere» è stato interpretato non solo come «vietare – permettere», ma anche 25 nel senso più giudiziale di «ratificare-annullare» . Si dice dunque che la decisione presa nei confronti del fratello viene convalidata da Dio: nella sanzione terrena si attua il giudizio di Dio. Ma non si parla solo di ratificazione, ma anche di scioglimento e annullamento. L’esclusione del peccatore, dunque, lascia aperta la possibilità della sua conversione e della sua riassunzione nel seno della Comunità. Così, anche nella forma più dura della correzione, si sente la premura della salvezza del fratello e il desiderio del suo ritorno. Nel famoso testo del cosiddetto «primato» (Mt 16,17-19), Gesù dà al solo Pietro il potere di «legare e sciogliere». Si può dunque dire che la piena potestà di Pietro è data a ogni discepolo e a ogni comunità? A me sembra che le parole a Pietro in 16,17-19 abbiano un carattere diverso sia a motivo del contesto sia soprattutto per la presenza di altri simboli come quelli della roccia e delle chiavi. È vero che il confronto tra Mt 16,19 e Mt 18,18 mostra il carattere «tipologico» della figura di Pietro, rappresentante di tutti i discepoli, ma è anche vero che Mt 16,17-20 si presenta come un testo unico nel suo genere, come traspare, del resto da tutto il Vangelo. LA CONCORDIA: VV. 19-20 ♦ I vv. 19-20 costituiscono un’unità di cui resta difficile comprendere il senso vero e l’intenzione strategica a questo punto del discorso. La presenza dell’Emmanuele è uno dei punti centrali della cristologia di Matteo (come rivela l’inclusione dell’intera opera in Mt 1,23 e 28,20); nel nostro testo però si parla della presenza di Cristo dove sono raccolti due o tre suoi discepoli. La stessa storia dell’interpretazione si mostra ondivaga. Nella tradizione patristica, da una parte si nota la tendenza ad affermare la presenza della chiesa anche lì dove sono due 26 o tre credenti di poca importanza , dall’altra si riconosce come rischiosa una tale eventualità come mostrano le parole di Cipriano: «Come... si può essere d’accordo con qualcuno quando egli stesso non è d’accordo... con il corpo 27 ecclesiale?» . Ignazio di Antiochia, da parte sua, legge questo testo dal versante dell’unità nella preghiera: «Se la preghiera di uno o due ha un tale potere, quanto più potere ha quella del Vescovo con la chiesa intera» (Eph. 5.2). Questo aspetto della preghiera comune è stato uno dei motivi più sottolineati nell’interpre25
Cf. materiale in Billerbeck, I, 741-746. Per es. TERTULLIANO, Exh. Cast. 7.3 27 CIPRIANO, Eccl. Unit., 12. 26
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tazione, insieme alle letture allegoriche che leggono la comunione di due o tre 28 come l’accordo tra corpo, spirito e anima o come le tre virtù teologali. E tuttavia, bisogna dire che l’accento, qui, non è tanto posto sulla «preghiera comune», quanto sulla «concordia» (cf. il verbo greco symphoneô) che dà efficacia alla preghiera comunitaria, come ha compreso il Vangelo di Tommaso, 48. Ci si potrebbe chiedere se la comunione di due o tre basti per dare legittimità alle richieste. Non c’è sempre il pericolo, come intuiva del resto Cipriano, di tante piccole chiese che, magari assolutizzano il loro punto di vista grazie alla certezza della presenza del Signore? In ogni caso, a mio parere è il contesto che può offrire una luce sul senso: l’accento è sulla sinfonia sperata e ritrovata grazie al recupero del fratello che ha peccato. A motivo di questa sinfonia e alla concordia della comunità, la preghiera diventa efficace, perché nella comunità riconciliata abita il Signore Gesù. IL PERDONO DEL FRATELLO CHE PECCA: VV. 21-35 ♦ La domanda di Pietro e la risposta di Gesù (vv. 21-22) fanno progredire la riflessione sul perdono. In 18,1 erano i discepoli che interrogavano Gesù; in 18,21 è solo Pietro, come portavoce di tutti (cf anche Mt 14,28; 15,15; 17,4.24; 19,27). La domanda riguarda i limiti del perdono per un’offesa personale (cf. contro di me in 18,21). Esiste un confine al perdono vicendevole? La questione non era sconosciuta ai rabbini che discutevano sul numero delle volte in cui bisognava accordare il perdono, ritenendo che si potesse perdonare fino a 3 volte 29 secondo lo stile di Dio (Am 2,4; Gb 33,29) . Pietro, con il numero 7 si spinge oltre e indica la disponibilità ad accordare il perdono oltre la misura stabilita dalla prassi. Ma pone sempre un limite. La risposta di Gesù prende spunto da un canto contenuto nel libro della Genesi e attribuito a Lamec, uno dei discendenti di Caino, ma ne rovescia la logica. Il canto si trova in Gen 4,23-24 (secondo la LXX): Ada e Zilla, udite la mia voce; donne di Lamec, ascoltate il mio dire! Ho ucciso un uomo per una mia ferita e un ragazzo per una mia contusione. Poiché se sette volte sarà vendicato Caino, Lamec invece settanta volte sette.
Quella di Lamec è la logica della vendetta senza limiti («settanta volte sette»), a cui Matteo contrappone dapprima una massima di Gesù sul perdono illimitato (v.22) e poi un insegnamento parabolico che dà la ragione della massima esposta. A differenza di Lc 17,4, Matteo non presuppone neanche una dichiarazione esplicita di pentimento da parte dell’offensore, il che sottolinea il carattere gratuito del perdono e l’assoluta prontezza nell’elargirlo. La ragione di questo
28 29
ORIGENE, In Mt 14.3 Cf. il trattato Yoma 86b.
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sconcertante atteggiamento ci viene dato nella parabola che si trova subito dopo 30 la dichiarazione di Gesù, in 18,23-35, e che conclude il Discorso ecclesiale . ♦ La Parabola (vv. 23-34) è ben costruita, divisa in tre scene con una sentenza finale: a. la prima scena è occupata dal rapporto di un re con un suo servo debitore (vv. 23-27); b. la seconda scena narra le vicende tra questo servo e un suo collega (vv. 2830); c. la terza scena pone di nuovo a confronto il signore e il primo servo (vv. 3134). Ognuna delle tre scene inizia con una introduzione narrativa (vv. 24-25.28.31) e si conclude con una descrizione di ciò che il creditore fa con il suo debitore. Il racconto, tuttavia, è carico di tensione: il lettore è sempre più coinvolto fino alla risoluzione finale (vv. 33-34). L’applicazione della parabola, al v. 35, è di una durezza inaudita e lascia il lettore con molti interrogativi. Se analizziamo le tre scene con maggiori dettagli notiamo: a) nella prima (vv. 23-27), l’accento è posto sulla misericordia del signore (cf. 31 splagchnistheis nel v. 27) nei confronti del suo servo debitore ; b) nella seconda (vv. 28-30) si focalizzano le sproporzioni: tra i contendenti (un re e un servo prima; due servitori dopo); tra le insolvenze (una somma esorbitante prima:10.000 talenti; un’altra insignificante dopo:100 denari) e, infine, la sproporzione più rimarchevole: l’attegiamento benevolo del padrone e quello spietato del suo debitore; c) nella terza scena (vv. 31-33), emerge «la pointe», con il giudizio conclusivo del padrone che, sdegnato per l’atteggiamento del servo disumano, lo dà in mano agli aguzzini «finché non avesse restituito tutto il dovuto». Il lettore comprende che il giudizio non viene espresso sulla base di categorie giuridiche, ma sulla 32 base della misericordia non condivisa . ♦ L’applicazione della parabola (v. 35) presenta un commento ulteriore, messo sulla bocca di Gesù. Ed è proprio su questo commento che converge il discorso, lasciando emergere finalmente la strategia del racconto: così anche il Padre mio celeste farà con voi, se non perdonerete di cuore, ciascuno al vostro fratello! Il pronome personale hymin non può non attirare l’attenzione dei lettori, coinvolti loro malgrado. I giudizio riguarda tutti, perché tutti possono trovarsi nella situazione del perdono non condiviso. Matteo insiste ancora una volta sull’eleos che costituisce quasi il distintivo della religione di Gesù e mette in luce che tutti siamo debitori insolvibili. È in fondo questa la ragione profonda per cui è sempre necessario accordare il perdono al proprio fratello. Davanti a Dio ci scopriamo irrimediabilmente peccatori e bisognosi di perdono. Egli ci 30
Cf. anche la parabola che conclude il Discorso della montagna, in Mt 7,24-27. Il verbo splagchnizomai è un leit-motiv di Matteo: oltre al nostro testo si trova anche in 9,36; 14,14; 15,32; 20,34. 32 Cf. il verbo eleēȏ (2x nel v. 33), che in Mt ricorre anche in 5,7; 9,27; 15,22; 17,15; 20,30.31. 31
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accorda il suo perdono nella misura in cui esso viene partecipato ai fratelli. Il lettore scopre così la profondità della domanda contenuta nel «Padre nostro» (6,12) e dell’affermazione della beatitudine sui misericordiosi (5,7). I lettori di Matteo sanno dunque di stare l’uno di fronte all’altro come uomini che vivono della misericordia del Padre. Loro compito precipuo è donarsi quel perdono di cui essi sono stati fatti oggetto. Il perdono, dunque, è qualcosa di profondamente decisivo nella vita cristiana: Matteo ne fa una questione cruciale. E, comunque, anche questo quarto discorso di Matteo, come gli altri, si conclude con il motivo 33 del giudizio .
3. MT 18: LA «MAGNA CHARTA» DELLA CHIESA COME FAMILIA DEI Mt 18 costituisce la magna charta della comunione ecclesiale e lo si può evincere da diverse prospettive, tutte magnificamente testimoniate dallo sviluppo del discorso. Se il Discorso della montagna (Mt 5-7) presentava il programma del Regno, il Discorso d’invio (Mt 10) il compito di annunciarlo e Mt 13 — in linguaggio parabolico — le variegate situazioni che l’annuncio incontrava, il Discorso di Mt 18 contiene lo statuto comunitario di tutti coloro che hanno accettato di costituire l’ekklêsia Christou. Sarebbe riduttivo considerare i contenuti di Mt 18 come una serie di ammonizioni sulla vita quotidiana della comunità ecclesiale. Si tratta di ben altro, ed è sulla specifica dimensione statutaria del testo che si soffermeranno le riflessioni seguenti. IL REGNO E LA CHIESA La domanda dei discepoli che apre il discorso concerne la grandezza nel Regno dei cieli (18,1). È interessante che un discorso ecclesiale prenda avvio non da un richiamo a problemi confinati nell’ambito comunitario, ma da una percezione previa che riguarda il rapporto con il Regno. Un forte richiamo ai lettori di ogni tempo sul primato di Dio e del suo Regno (Mt 6,33)! 34 Da Weiss in poi vi è stato un consenso pressoché unanime nell’affermare che l’avvento del Regno abbia costituito il centro dell’annuncio e dell’insegnamento di Gesù. Nei Sinottici possiamo individuare chiaramente questo nucleo originario che apparteneva senza dubbio alla realtà del Gesù storico: al centro della sua preoccupazione e del suo ministero non troviamo la sua persona, l’Io sono, ma il Regno di Dio. Questo significa che Gesù — convinto di vivere nel tempo particolare in cui Dio sarebbe intervenuto presto per ristabilire la sua causa in mezzo al suo popolo e agli uomini — avvertì di avere una missione peculiare, un compito messianico: raccogliere l’Israele disperso e peccatore sotto 33
A proposito della rimarchevole importanza che assume il giudizio nella teologia di Matteo, cf. lo studio di D. MARGUERAT, Le Jugement dans l’Évangile de Matthieu, Genève 1981. 34 J. WEISS, Die Predigt Jesu vom Reiche Gottes, Göttingen 1892.
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la signoria di Dio: non sono venuto che per le pecore perdute della casa d’Israele (Mt 15,24). Che il ministero di Gesù sia ruotato attorno a questo nucleo viene confermato dall’abbondanza e dal peso della tradizione. Basti pensare, dal punto di vista meramente formale, che il sintagma basileia tou Theou / Regno di Dio appare almeno 100x nei Sinottici, contro circa un quarto di tali ricorrenze in tutti gli altri scritti del NT, tenendo anche conto di concetti simili. È dunque nella categoria del Regno che tutti i Sinottici riconoscono che il tempo è ormai giunto alla pienezza: «venne Gesù il Galilea proclamando l’evangelo di Dio e dicendo: il tempo si è compiuto e il Regno di Dio si è fatto prossimo: convertitevi e credete al Vangelo» (Mc 1,14-15). L’accento va posto soprattutto sui verbi peplêrôtai / si è compiuto ed êggiken / si è fatto prossimo, all’inizio delle frasi 35 poste in parallelismo sintetico . La concezione del «tempo compiuto» (Gal 4,4) era assai diffusa nelle varie correnti giudaiche del tempo di Gesù e caratterizzava in particolare il pensiero apocalittico (cf. 4Esd 4,36-37e Apoc.Bar.Syr 40,3) e, dunque, l’attesa dominante dell’intervento di Dio o del suo inviato. Tanti indizi: la lettura di Qumran al passo di Is 11,1-5 suona: ...si riferisce al rampollo di Davide che verrà alla fine dei giorni [...] Dio lo sosterrà con spirito di fortezza [...] trono di gloria, un diadema sacro e una veste ricamata nella sua mano. Dominerà su tutti i popoli... (4Q 161.8-10).
La speranza religiosa e nazionale (su cui ha forse esercitato una forte influenza lo spirito guerriero della linea maccabea) è messa in piena luce dai Salmi di Salomone che provengono dai circoli farisaici del I sec. a.C. (cf. Sal. Salom. 17.23-51), e dalla preghiera de Le diciotto invocazioni (Shemonê ’esreh) che, nell’invocazione 11, recita: «sii tu re su di noi, tu solo». Gesù si inserisce all’interno di questo movimento, con una visione propria della necessità e dell’urgenza del rinnovamento e chiede il ritorno sotto la signoria del Dio d’Israele, nell’obbedienza al suo Progetto. Si presenta come colui nel quale è arrivata l’ora della inaudita offerta escatologica della salvezza. L’opera di Dio si fa presente come un accadimento dinamico che si annuncia negli eventi dell’agire messianico di Gesù, destinato a produrre una condizione nuova nell’uomo e nel mondo, perché servire il Padre è sempre e comunque servire l’uomo. Ed è per questo che Gesù ha testimoniato il momento decisivo dell’offerta escatologica della salvezza con il servizio agli esclusi e marginali, sfruttati e messi fuori dalle istituzioni. Il servizio a questi uomini significava il ritorno alla gratuità dell’opera salvifica di JHWH, alla scelta e all’amore gratuito, sempre testimoniati dal Primo Testamento. L’operare profetico di Gesù 35 In Matteo l’annuncio iniziale è molto più succinto e subisce alcune variazioni, ma il messaggio sostanzialmente è identico a quello presente in Marco. L’espressione Regno dei cieli riflette l’uso rabbinico ed è solo stilisticamente diversa da Regno di Dio: ambedue denotano la signoria regale di Dio sul popolo che gli appartiene.
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condusse inevitabilmente a un conflitto con il tempio e i suoi tutori, nonché con i garanti dell’ordine legale e istituzionale. Il conflitto con le autorità ebbe conseguenze estreme, che i Sinottici testimoniano nei racconti della passione e morte. Come si inserisce in questa attesa la fondazione della chiesa? All’inizio del XX secolo, il problema è stato posto in maniera radicale da Loisy (1857-1940), con la famosa asserzione: «Gesù ha annunciato il Regno di Dio ed è venuta la 36 Chiesa» . La chiesa, perciò, sarebbe il risultato di un processo evolutivo non strettamente rapportabile al Regno annunciato da Gesù. Nel 1985 la Commissione Teologica Internazionale recepiva i risultati cui era pervenuta la ricerca esegetica, specialmente in area cattolica, e descriveva la 37 chiesa come «il frutto di tutta la sua [di Gesù] esistenza» . Presentare la chiesa come «frutto» dell’opera del Cristo permette di porre la domanda sulla sua fondazione in altro modo, distinguendo cioè tra volontà esplicitamente dichiarata 38 e volontà espressamente riconoscibile nei detti e nelle opere di Gesù . Esiste oggi un vasto accordo sul fatto che la nascita della chiesa, come comunità messianica dei credenti in Cristo Gesù, anche se non è ascrivibile a un’intenzione esplicitamente dichiarata di Gesù, fa comunque riferimento a lui e 39 all’esperienza della sua Risurrezione . In Israele, con il passare del tempo, il concetto di ekklêsia tou Kyriou si è rivestito sempre più di un carattere escatologico. La chiesa dei discepoli di Gesù ha letto se stessa come espressione di questa intenzione di Dio, preannunciata dai profeti: raccogliere Israele peccatore e i gentili nel Regno escatologico (cf. Ger 50,6; Mt 15,24 e 10,5b-6). Una comunità che non si costituisce dunque contro Israele, ma nasce dal suo interno, come testimonia, del resto il numero dodici che caratterizza sia le tribù di Israele, sia gli apostoli di Gesù; ma essendo una ekklêsia escatologica comprende sia Israele sia le genti, come avevano annunciato i profeti (cf. soprattutto Is 2,2 e 56,7). Essa non è né casuale né arbitraria, non esiste per libera associazione dei convenuti; come comunità del Signore è convocata da Dio «nel nome del Signore Gesù», è formata da genti di ogni terra, e il Risorto è presente in essa. Con quale missione? Da Matteo risulta chiaro che la missione della chiesa è la stessa di Gesù: «strada facendo, annunciate che il Regno dei cieli si è fatto prossimo: guarite gli infermi, risuscitate i morti, sanate i lebbrosi, cacciate i demoni...» (Mt 10,7-8).
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A. LOISY, L’Évangile et l’Église, 1902, 111. R. PESCH, I fondamenti biblici del Primato, Brescia 2002, 75-76. 38 Cf. R. PESCH, I fondamenti, 76. 39 La famosa sentenza sulla roccia su cui Gesù costruisce la sua chiesa, presente in Mt 16,1719, difficilmente potrebbe essere ascritta al Gesù storico. Il suo humus tradisce la comunità palestinese o Matteo stesso. Per questa e altre questioni connesse cf. A.J. NAU, Peter in Matthew. Discipleship, Diplomacy, and Dispraise…with an Assessment of Power and Privilege in the Petrine Office, Collegeville, MN. 1992. 37
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In quanto comunità escatologica la comunità messianica di Gesù, alla luce della Pasqua, sente che il tempo dell’inserimento dei gentili è arrivato e Matteo lo testimonia nella pagina conclusiva del suo Vangelo (Mt 28,16-20) LA PATERNITÀ DI DIO COME ORIGINE E FONDAMENTO In Mt 18 Dio è chiamato 4x Padre: padre di Gesù (18,10.19.35) e dei discepoli (18,14). Questa concezione matteana della paternità di Dio è in continuità con il modello anticotestamentario, dove Dio è riconosciuto come il Padre del popolo (Dt 32,6; cf. 14,1) e Israele il popolo scelto e protetto da JHWH: «Tu sei infatti un popolo consacrato al Signore tuo Dio e il Signore ti ha scelto, perché tu fossi il suo popolo privilegiato, fra tutti i popoli che sono sulla terra» (Dt 14,2). Israele deve rispondere con l’obbedienza. 40 Matteo adopera la parola Padre più degli altri Sinottici . Ma, come sempre in questi casi, non è tanto il valore numerico che conta, bensì l’uso specifico e la qualità delle ricorrenze. A questo riguardo è sintomatico che 31 casi sono patrimonio particolare di questo Vangelo. È stato detto a ragione che «Matteo è 41 l’evangelista che eleva il nome di Padre a importante enunciazione teologica» . Dio è anzitutto il Padre di Gesù. In senso esclusivo, perché tutto gli è stato consegnato dal Padre suo «e nessuno conosce il Figlio se non il Padre e nessuno conosce il Padre se non il Figlio, e colui al quale il Figlio vorrà rivelarlo» (Mt 11,27). La relazione tra Gesù e il Padre è unica – come mostra tutto il Vangelo di Matteo – perché Gesù è per eccellenza il servo obbediente che si compiace della volontà del Padre, quel Padre che trova compiacenza nel Figlio obbediente. Gesù è il Figlio fedele che realizza il compito in cui Israele ha fallito e mostra così ai discepoli il modello del vero amore. Nello stesso tempo, Gesù è il Kyrios della comunità, presente tra i suoi come Signore risorto (18,20) e come cemento unificatore, vincolo di unità e fratellanza (18,20); ma, nello stesso tempo, tapeinos tê kardia (11,27), il piccolo, fratello dei piccoli che credono in lui (18,6). Dio è il Padre dei discepoli. Su questo punto, l’insegnamento di Gesù sulla paternità di Dio è così radicale che può arrivare al punto di esigere di «non chiamare nessuno “Padre” sulla terra, perché uno solo è il Padre vostro: quello celeste» (23,9). Nessun Vangelo sinottico insiste tanto sulla figliolanza di Dio quanto il Vangelo di Matteo: una paternità universale, come dimostrano Mt 5,45 e 10,29-31, ma soprattutto una paternità nei riguardi dei discepoli di Gesù. È proprio in un ammaestramento ai discepoli che Gesù invita a pregare dicendo: «Padre nostro» (6,9). Questo equivale a dire che tutta la catechesi comunitaria è impregnata dell’insegnamento sulla paternità divina e che ogni richiesta dei discepoli dovrà partire dalla convinzione che Dio è «il Padre celeste» che «sa di che cosa hanno bisogno» (6,32). Quella di Dio, infatti, è una paternità che si esprime nella vicinanza: Dio è a fianco dei piccoli disprezzati (v. 10), dei quali non 40 41
Mc 4x; Lc 15x; Mt 42x. A. SAND, Il Vangelo secondo Matteo, Brescia 1992, 187.
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vuole che se ne perda neanche uno (v. 14); è Colui che sanziona le decisione comunitarie (v. 18) ed esaudisce le preghiere dei fratelli che si accolgono a vicenda (v. 19); è il Dio esigente che stabilisce la misericordia come criterio dei rapporti reciproci (v. 35) e, con la Sua provvidenza, ha premura dei passeri del cielo (10,2931), avverte i bisogni prima ancora che gli si manifestino (6,8) e manifesta la sua paternità ai giusti e ai reprobi (5,44-48). FIGLIOLANZA E FRATERNITÀ COME LINEAMENTI COSTITUTIVI «Figli» e «fratelli» sono due categorie teologiche fondamentali che defini42 scono la coscienza di Israele nel Primo Testamento . In Esodo, Mosè si reca dai propri fratelli prima dell’evento della liberazione (Es 2,1; cf. Nm 8,26) e Dio chiama Israele «suo figlio primogenito» (Es 4,22-23). Il profeta Geremia mette sulla bocca di Dio queste parole: «Io sono per Israele un padre ed Efraim è il mio primogenito» (Ger 31,9) e Israele si rivolge a Dio pregandolo: «Tu, JHWH, sei nostro padre» (Is 63,16). Tra i Sinottici Matteo, più degli altri, sottolinea la dimensione di figliolanza e fraternità dei membri che compongono la comunità del Messia (cf. 5,22.23. 43 24.47; 7,3.4.5; 18,15.21.36; 23,8) . È ovvio che, nella comprensione della figliolanza, Matteo si radica sulla tradizione anticotestamentaria: è quanto appare già nel primo grande Discorso sul monte (Mt 5-7), in cui domina la parola Padre (10x) e in cui l’intreccio tra figliolanza e responsabilità è nettamente marcata (cf. 5,44-48). Il prosieguo del Vangelo non farà che confermare questo dato (cf. soprattutto 18,15.21.36; 21,31; 23,8). La fraternità dei membri, e il suo fondamento cristologico, risaltano soprattutto in alcuni testi in cui Gesù qualifica i discepoli come suoi «fratelli» (Mt 12,49-50; 25,40; 28,10) e fratelli tra di loro (23,8). Da questi brani risalta con evidenza — ancora una volta — l’intreccio tra cristologia ed ecclesiologia, perché se da una parte il legame con Cristo costituisce il fondamento della fraternità, dall’altra la comunione tra i fratelli è «il sacramento» della fraternità con Cristo (Mt 25,31-46). Mt 23 pone davanti ai discepoli una serie di ammonimenti che definiscono la chiesa come familia Dei, in polemica con altri ordinamenti di natura sociopolitica e religiosa. Voi invece non fatevi chiamare: Rabbi perché uno solo è il vostro maestro e tutti voi siete fratelli. E non chiamate (nessuno) padre sulla terra perché uno solo è il Padre vostro, quello celeste. 42 In testi fondativi della Torah abbiamo anche la qualifica di piccoli per i membri del popolo della Prima Alleanza. In Deuteronomio, Dio proclama apertamente: il Signore si è legato a voi e vi ha scelti, non perché siete più numerosi di tutti gli altri popoli, siete infatti il più piccolo di tutti i popoli (Dt 7,7). 43 Per quanto concerne il Vangelo di Luca, rimando al ricco approccio di R. MEYNET, Preghiera e filiazione nel Vangelo di Luca, Bologna 2010.
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Né vi si chiami guide perché uno solo è la vostra guida, il Cristo. Il più grande tra voi sia vostro inserviente; perché chi si innalzerà sarà umiliato e chi si umilierà sarà innalzato (Mt 23,8-12)
Questi versetti contengono tre regole comunitarie sotto forma di proibizioni (vv. 44 8-10) e due sentenze finali (vv. 11-12) . Le tre proibizioni (23,8.9.10) non interdicono l’esercizio di un compito di guida o di magistero (cf. 23,11! e 16,19; 18,18). Tuttavia ponendo Cristo come l’unico Maestro e Guida della Comunità, e Dio come unico Padre, sottolineano decisamente che tutti sono con-discepoli, con-fratelli (23,8) e figli di un unico Padre (23,9). Inoltre, la connessione dei vv. 8-10 (solo Matteo) con i vv. 11-12 (Tradizione 45 sinottica) lascia intendere la diakonia come componente fondamentale della ministerialità: «come il figlio dell’uomo che non è venuto per essere servito, ma per servire e dare la sua vita in riscatto per molti» (Mt 20,28)46. I lettori sono dunque avvertiti: nella chiesa l’autorità va vissuta unicamente come diakonia ed è legittimata soltanto dall’impegno di servire all’edificazione. È evidente, per questo motivo, che il modello di chiesa proposto per Matteo si allontana dal tipo di sistema fondato sul «potere sacro». Congar diceva che, precisamente in obbedienza al Concilio, è necessario ostacolare che la chiesa, sperimentata come koinonia di persone diverse e libere, come comunione animata dallo Spirito Santo, ritorni a essere cercata come «societas perfecta». Si tenta soprattutto di recuperare la «comunione» come elemento centrale della chiesa e delle relazioni all’interno di lei. Xabier Pikaza ha scritto: «Il sistema vuole tutto, ma raggiunge solo un tutto senza mistica o mistero… È un tutto infrastrutturale, di burocrazia ed economia globalizzata, senza gratuità né incontro comunitario, senza speranza di vita dopo la morte. È un tutto dove cose e persone finiscono con l’essere interscambiabili: tutte si trasformano e cambiano, nulla appartiene. Al contrario la chiesa si colloca sul livello della sovra-struttura personale, della libertà regalata, gioiosa e sofferta (comunione con gli esclusi), incontro gratuito e speranza di vita eterna. Perciò non si può strutturare né organizzare in modo impositivo e necessario, ma deve testimoniare nell’ottica della gratuità e dell’offerta vitale, della libertà e del sommo rispetto, del mistero e della 47 comunione personale» .
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Cf. R. FABRIS, Matteo, Roma 1982, 465-466. Cf. Mc 9,35; 10,43 e Lc 14,11; 18,14. 46 Nell’uso e nel contenuto del termine diakoneô Matteo concorda sostanzialmente con Marco: cf W. SCHENK, Die Sprache des Matthäus : Die Text-Konstituenten in ihren makro- und mikrostrukturellen Relationen, Göttingen 1987, 177-179. Anche Paolo ha inteso il suo ministero come diakonia tou pneumatos (2 Cor 3,8) e diakonia tês katallagês (2Cor 5,18). Cf. anche 1 Cor 3,5; 12,28; 16,15-16; 2 Cor 1,24; 3,7-9; 4,1; 6,3; Rm 11,13. 47 X. PIKAZA, Sistema, libertà, chiesa. Istituzioni del NT, Roma 2002, 489. 45
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L’IMITATIO DEI COME STRUTTURA ETICA È alla luce di quanto detto sinora che va letta tutta la seconda parte del discorso ecclesiale (Mt 18,15-35), compresa la parabola che parla del giudizio categorico e senza appelli con cui esso si conclude. Nel perdono non condiviso si manifesta un problema di fede più che una questione morale. Spesso e volentieri, Matteo raccomanda ai discepoli di seguire l’esempio del Padre celeste. Il motivo che fonda l’amore cristiano verso i nemici è lo stesso comportamento del Padre che non respinge il malvagio, ma «fa sorgere il suo sole sui malvagi e sui buoni» (Mt 5,45). Il motivo per cui si esige il perdono del fratello che pecca è il perdono del Padre (Mt 16,21-35). La paternità di Dio, dunque – analogamente al modo di sentire anticotestamentario – è vincolante per la vita dei singoli discepoli e della chiesa. Nella parabola della pecora smarrita (Mt 18,12-14), l’intenzione pragmatica di Matteo si rivela proprio nell’esortazione a imitare la cura del Padre verso i piccoli. L’accento non è più, come in Luca, sulla gioia per un peccatore riportato in seno al popolo messianico, ma sull’esemplarità dell’atteggiamento di Dio il quale si adopera perché nessuno si perda. Non si tratta quindi, primariamente, di una proclamazione della misericordia di Dio, quanto piuttosto di una parenesi alla chiesa perché abbia verso i piccoli quella sollecitudine che corrisponde all’agire stesso del Padre: l’imitatio Dei (cf. 5,43-48). Al Padre si deve rispetto e obbedienza, nella linea del figlio chiamato a lavorare nella vigna il quale disse «“non voglio”, ma più tardi, pentitosi, ci andò» (21,29). La conversione è il punto di partenza imprescindibile di una relazione di fiducia, che vive della certezza dell’esaudimento, perché «se voi che siete malvagi sapete dare cose buone ai vostri figli, quanto più il padre vostro celeste darà cose buone a quelli che gliele chiedono» (Mt 7,11). La figliolanza nella fede ha, dunque, in Matteo una connotazione operativa come aveva intuito bene Clemente Alessandrino che scrive: Cristo rende figli, 48 fratelli e coeredi «quelli che compiono la volontà del Padre» . Matteo parla sempre della Volontà di Dio come Volontà del Padre, unendo sempre to thelêma a patêr. L’espressione to thelêma tou patros ricorre in Mt 7,21; 12,50; 18,14; 21,31 mentre si trova poche altre volte nel NT (Gal 1,4 e Gv 6,40). L’agire etico è una risposta al progetto di salvezza del Padre, manifestatosi in Cristo Gesù. La volontà del Padre, per Matteo, è una volontà salvifica e l’imperativo matteano non è mai disgiunto dall’indicativo. All’inizio del Vangelo viene presentata al lettore la chiave per leggere la missione di Gesù come «remissione dei peccati» (1,21) e Mt 26,28 interpreta «il sangue dell’alleanza» versato da Gesù, come sangue versato «per la remissione dei peccati» (solo Mt). Non va dimenticato, infine, che tutto il Vangelo è racchiuso da un’inclusione che disegna l’orizzonte di Gesù Messia come la storia di Dio-con-noi (1,23; 28,20). Ponendo questi elementi basilari, che illuminano anche l’agire etico dei cristiani, Matteo evita il rischio di ridurre i rapporti ecclesiali a «volontarismo 48
CLEMENTE ALESSANDRINO, Quis dives salvetur, 9.2.
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etico». Il capitolo 18 ci presenta una comunità che doveva conoscere conflitti e partiti, analoghi a quelli della chiesa di Corinto (cf. anche Mt 23,1-11 e 1Cor 1,11-31; 3,1-17). Matteo rinvia tutti a un modello ecclesiale, dove l’amore si 49 manifesta nella piccolezza (tapeinoô) e la responsabilità si esercita nella sollecitudine per i deboli. I lettori hanno la percezione che una chiesa non può modularsi secondo criteri di potere e di prestigio personale, ma solo secondo una logica di servizio, seppure nei differenti ruoli e compiti (cf. anche 23,8-12; cf. Mt 16,13-30). Uomini disuguali sono chiamati a stringersi in una famiglia, dove «uno solo è il Padre» e tutti sono figli, «uno solo è il maestro», e tutti sono fratelli (Mt 23,8-9). Forse non è inutile, a conclusione, ricordare una riflessione dell’allora prefetto della Congregazione per la dottrina della fede, J. Ratzinger, che sintetizza a meraviglia il compito della comunità ecclesiale come ekklêsia Christou: [...] la prima parola della Chiesa è Cristo e non se stessa; essa è sana nella misura in cui tutta la sua attenzione è rivolta a Lui [...] Infatti una Chiesa, che esiste solo per se stessa, sarebbe superflua... La crisi della Chiesa, come essa si rispecchia nel concetto di popolo di Dio, è «crisi di Dio»; essa risulta dall’abbandono dell’essenziale. Ciò che resta, è ormai solo una lotta per il potere. Di questa ve ne è abbastanza altrove nel 50 mondo, per questa non c’è bisogno della chiesa […] .
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Massimo GRILLI
RIASSUNTO A differenza dell’altro famoso testo ecclesiale (Mt 16,17-20), il discorso che Gesù rivolge ai discepoli in Mt 18 è assente oppure a malapena presente nei trattati di ecclesiologia. Il presente contributo tenta, invece, di mostrare l’indispensabilità delle coordinate rappresentate in questo fondamentale passaggio del Primo Vangelo. La chiesa è definita dall’essere «comunione», e non «sistema», e i motivi della «piccolezza» e della «fratellanza» — dalle radici anticotestamentarie — sono letti come strutture portanti. Parole chiave: chiesa, comunione, Mt 18
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K. BERGER, Theologiegeschichte des Urchristentums. Theologie des Neuen Testaments, Tübingen 1995, 734. 50 L’osservatore romano, 17-18 Settembre 2001, 5-6.
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ABSTRACT Unlike the other famous ecclesiastic text (Mt 16,17-20), the speech that Jesus addresses to the disciples in Mt 18, is absent or barely present in the treatises of ecclesiology. This article, however, tries to demonstrate the indispensability of the outlined coordinates in this crucial passage of the First Gospel. The Church is defined by its being a «community» rather than a «system», and the topics of «smallness» and «fraternity» — from the roots of the Old Testament — are read as bearing structures. Keywords: Church, comunity, Mt 18
Yves SIMOENS
La relation au Père dans l’acte de croire au Fils De Sychar (Jn 4,3b-45) à Capharnaüm (Jn 6)
L’exégèse johannique a été dominée par un centrage sur la christologie. Le phénomène est explicable en fonction de l’importance accordée par le quatrième évangile à ce que R. Bultmann appelait la révélation du Christ. Des compléments ecclésiologiques furent peu à peu apportés parce qu’il n’y a pas de confession de Jésus comme Christ sinon par des croyants dans une communauté de foi1. L’ecclésiologie en appelait logiquement à l’anthropologie2. Mais les croyants et encore moins Jésus lui-même ne veulent attirer l’attention sur eux. Croire, dès le prologue hymnique (Jn 1,1-18), c’est être engendré de Dieu (Jn 1,13). Le Fils n’a de cesse d’entraîner le croyant dans sa propre relation au Père (Jn 1,18). Aussi le désir d’honorer le Père dans les gestes et les paroles de Jésus a-t-il conduit à un premier relevé en ce sens dans un article récent3. Le sujet se révèle si riche qu’il est encore exploré dans cette contribution en hommage à Roland Meynet qui a maintes fois attiré l’attention sur la même dimension des écrits du Nouveau Testament, en particulier l’évangile selon Luc4. L’argument continue à être approfondi par la rencontre entre Jésus et la femme de Samarie pour deux raisons. À la suite du prologue hymnique (Jn 1,118) et du prologue narratif (Jn 1,19–4,3a)5, le récit évangélique proprement dit au sujet de la vie et de la mort de Jésus selon Jean s’ouvre sur cette rencontre à Sychar. La relation au Père dans l’acte de croire au Fils prend ici plus d’importance. L’évocation du Père impose de prendre encore davantage en compte son œuvre de création et son élection d’Israël pour le salut du monde. Elle est accompagnée de l’Esprit qui renvoie aussi à l’Ancien Testament et à l’incarnation du Verbe–Parole dans la chair. 1 Y.-M. BLANCHARD, L’Église mystère et institution selon le quatrième évangile, Institut Catholique de Paris. Théologie à l’Université 26, Paris 2013, fait bien le point sur cette question, en particulier pour le public francophone. 2 Le même auteur a publié dans le sillage de ses publications précédentes : Voici l’homme. Éléments d’anthropologie johannique, Paris 2016. 3 « La relation au Père dans l’acte de croire au Fils : être engendré de Dieu, à la lumière des deux prologues, hymnique (Jn 1,1-18) et narratif (Jn 1,19–4,3a), de l’évangile selon saint Jean », Aletheia (2017). 4 À titre indicatif, parmi ses nombreuses publications lucaniennes : Prière et filiation : le témoignage de Luc, Paris 2011. 5 Pour plus de justifications, voir Y. SIMOENS, Évangile selon Jean, Paris 2016.
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Yves SIMOENS I. JÉSUS ET LA SAMARITAINE : ADORER LE PÈRE EN ESPRIT ET VÉRITÉ (JN 4,3B-45)
Les critères formels ne manquent pas pour guider l’investigation plus approfondie : 1. Composition de lieu et de temps (4,3b-15) ; 2. Une relation qui est une révélation (4,16-26) ; 3. Les disciples, Jésus et les Samaritains (4,27-45).
Avant de cerner de plus près les versets centraux, il convient de relever l’importance accordée au Père dès l’ouverture du récit. 1. COMPOSITION DE LIEU ET DE TEMPS (4,3B-15) Un premier indice concerne la différence insistante entre « la source–hē pēgē de Jacob », en 4,6, et « le puits »–to phrear au v. 11. La source de Jacob n’est pas un lieu géographique dont on chercherait en vain l’emplacement dans la Bible6. Il s’agit de Jacob, père et donc source de ses douze fils, d’après l’expression employée à ce sujet par Moïse dans ses bénédictions à la fin du Deutéronome7. Quant au « puits de Jacob », il pouvait représenter la tradition juive avec ce qu’elle véhiculait de richesse, de connaissance et de lumière de vie8. » Le lieu symbolise l’histoire du peuple de Jésus et le don du Père dont il va être question dans ses propos. « Environ la sixième heure » anticipe en Jn 19,14 l’heure où est immolé l’agneau pascal dans les maisons juives et où Jésus se donne avant de verser le sang de l’Alliance et l’eau de la Nouvelle Alliance de son côté transpercé (Jn 19,34). Tout va dans le sens du « don »9. Le puits est un topos des fiançailles et des noces dans la littérature biblique10 et universelle. « Le don de Dieu » (4,10) peut être entendu comme le don offert par Dieu et le don qu’est Dieu Lui-même, au sens d’un génitif epexégétique. L’expression rabbinique : mattān tôrāh–« le don de la Torah », renvoie au moment fondateur de l’Alliance du Seigneur avec son peuple par la médiation de Moïse au Sinaï. « La source d’eau vive » est Dieu Lui-même en Jr 2,13 et 17,13. Elle devient la Source de la Sagesse en Ba 3,12. L’enseignement du sage est source de vie en 6
A. JAUBERT, « La symbolique du puits de Jacob (Jn 4,12) », dans L’homme devant Dieu, Mélanges de Lubac 1, Théologie, Paris 1963, 63-73 ; « La Samaritaine (Jn 4,4-42) et « Les images d’eau vive dans le judaïsme contemporain du IV e évangile », dans Approches de l’Évangile de Jean, Parole de Dieu, Paris 1976, 58-63 ; 140-147. 7 Dt 33,28-29 : « Israël demeure en sécurité. La source de Jacob est mise à part pour un pays de froment et de vin ; le ciel y distille la rosée. Heureux es-tu, Israël ! Qui est comme toi, peuple vainqueur ? Dans le Seigneur (Yhwh) est le bouclier qui te secourt, l’épée qui te mène au triomphe. Tes ennemis voudront te corrompre, mais toi, tu fouleras leur dos. » 8 « La Samaritaine (Jn 4,4-42) », 60. 9 « Donner » revient en 4,5.7.10 bis.12.14.15 ; le don de Dieu en 4,10. 10 Gn 24,10ss pour Rebecca et Isaac ; Gn 29,1ss pour Rachel et Jacob ; Ex 3,1 ; 4,18 ; 18,1 pour Moïse et les filles de Réuel, dont Sippora.
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Pr 13,14. « Celui qui se saisit de la loi reçoit la sagesse », selon Si 15,3. Le sage se présente en Si 24,30-34 comme un canal issu d’un fleuve et un cours d’eau conduisant au paradis. La Sagesse est un effluve de la puissance de Dieu en Sg 7,25. La bien-aimée du Cantique est comparée par le bien-aimé à « une source scellée » (Ct 4,12) : « Source des jardins, puits d’eaux vives, ruissellement du Liban » (Ct 4,15). Jésus se présente ainsi à la femme de Samarie comme le donateur du don qu’il est, certes, en personne. Mais il fait passer au Donateur par excellence qu’est le Père, nommé dans les versets suivants. 2. UNE RELATION QUI EST UNE RÉVÉLATION (4,16-26) Le dialogue est bien balisé par les différentes prises de paroles. Il (Jésus) lui dit (v. 16) Elle répondit, la femme, et elle dit (v. 17a) Il lui dit, Jésus (vv. 17b-18) Elle lui dit, la femme (vv. 19-20) Il lui dit, Jésus (vv. 21-24) Elle lui, la femme (v. 25) Il lui dit, Jésus (v. 26)
Les premiers versets introductifs (vv. 16-20) font alterner une invitation de Jésus (v. 16), la réponse de la femme (v. 17a) et une nouvelle parole de Jésus (v. 17b-18) qui suscite une nouvelle réaction de la femme (vv. 19-20). Le centre littéraire de cette sous-unité (vv. 19-24) condense le message principal sur l’adoration du Père en Esprit et vérité. Un dernier dialogue entre la femme et Jésus conclut ce développement (vv. 25-26). Le dialogue introductif (vv. 16-18) est riche de réminiscences de la Genèse, qui qualifient le couple en présence : anēr–« homme » (cinq fois) vs gunē– « femme ». Ce sont les termes grecs de la LXX pour traduire ’iš et ’iššāh en Gn 2,24. La relation « homme »–« femme » ressort singulièrement perturbée du fait des six « hommes » évoqués par Jésus. Au lieu d’y lire une évocation des sept divinités adorées en Samarie (2 R 17), le contraste ressort entre la multiplicité des « hommes » et la relation créée par Dieu entre « homme » unique et « femme » unique pour que resplendisse dans ce « pluriel » la singularité du Dieu Unique d’Israël. C’est la condition créée comme condition de possibilité du mariage monogamique indissoluble11. Dans ce contexte tourmenté, Jésus se présente comme le septième « homme ». Il s’adresse à la femme de Samarie en lui disant : « Femme »–gunai (v. 21), comme à sa mère lors de la noce à Cana en Jn 2,4. Le Fils–Époux prend cette femme pour Épouse !
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Voir Y. SIMOENS, Homme et Femme, De la Genèse à l’Apocalypse, Paris 2016, ch. IV. Adam : homme et femme selon Gn 2,72.
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De l’intérieur de la relation ainsi engagée, progresse une révélation qui concerne, à partir des Juifs et des Samaritains, l’humanité entière. L’universalisme ne se fait pas aux dépens de la particularité célébrée12. L’intervention de la Samaritaine part de : « Nos pères » (v. 20), pour laisser le dialogue progresser vers « le Père » (v. 21). Le verbe-clé « adorer »–proskunein revient à dix reprises jusqu’au v. 2413. Il évoque la formulation négative du premier commandement du Décalogue : « Tu n’adoreras pas–ou proskunēseis ces dieux » (Ex 20,5). En ce sens, il renvoie au seul Seigneur : « Moi, je suis– egō eimi (le) Seigneur, ton Dieu » (Ex 20,2). C’est le point d’arrivée du dialogue au v. 26 quand Jésus s’applique le premier egō eimi–« Moi, je suis », sans complément, de l’évangile. On arrive d’où l’on part ! Une transformation a pris corps. Deux lieux géographiques opposés, préjudiciables à la confession de foi monothéiste, doivent d’abord être surmontés : « Dans cette montagne » (le Garizim) vs « Dans Jérusalem ». Une coordination de temps : « Une heure », sert à cet effet : « Crois-moi, femme, que vient une heure, quand ni dans cette montagne-ci, ni dans Jérusalem, vous adorerez le Père ». L’heure unique, correspondant au lieu unique, fait coïncider foi et adoration, croire à Jésus et adorer le Père unique. Le passage se fait subrepticement du « vous » au « nous » grâce au style exemplaire de Jésus qui parle : son « Je » est un « Nous » ecclésial. Il inclut les croyants de toutes confessions à condition de respecter le point de départ de la foi d’Israël : « Le salut, des Juifs, il est » (v. 22). Le passage est obligé. L’universel n’est pas immédiat. L’universalisme de la foi chrétienne ne saurait oblitérer le salut qui relève des Juifs–estin ek tōn Ioudaiōn14. Sinon, ce ne serait plus le « maintenant » de « l’heure » enfin venue. Le v. 23 cherche à concilier l’Unique avec « adorer le Père en Esprit et vérité » pour inscrire dans les mots une unicité singulière. L’enjeu est immense. La mise en garde est formelle de ne pas retomber dans le polythéisme. La « vérité » ne peut que renvoyer à Jésus15, mais à condition toujours de ne rien réduire de cette conception personnelle, relationnelle — plus sémitique que grecque — de la vérité. « Esprit (il est), Dieu » (v. 24) harmonise l’Esprit de l’Alliance Nouvelle (Ez 36,27) et l’institution qui lui est attachée sans s’y réduire. La « vérité » de Jésus Christ relève, en Jean surtout, de l’incarnation. La femme a suivi les méandres de l’argumentation, en confessant son attente messianique. « Il nous communiquera toute-chose » (v. 25) anticipe la triple 12 « S’il est projeté comme horizon, devant nous, comme horizon qui n’est jamais atteint, comme idéal jamais satisfait, l’universel donne à chercher » (F. JULIEN, Il n’y a pas d’identité culturelle, Cave canem, Paris 2016, 30). 13 Jn 4,20 bis.21.22 bis.23 ter. 24 bis. 14 L’expression johannique « être de » signifie : « appartenir ». Pour ne pas prêter à une équivoque qui limiterait le salut à Israël, la traduction par « relever de » est choisie ici. La traduction habituelle : « Le salut vient des Juifs » est trop faible. 15 Cf. Jn 14,6 : « Moi, je suis le chemin et la vérité et la vie ».
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reprise de ce même verbe dans le dernier passage sur l’Esprit Saint-Paraclet en Jn 16,13-15. Jésus y répond en lieu et place du « Père », en tant que Fils : « Moi, je (le) suis, qui t’adresse-la-parole à toi–ho lalōn soi » (v. 26). La Parole–Logos n’offusque en rien la transcendance du Père dans l’Esprit. 3. LES DISCIPLES, JÉSUS, LES SAMARITAINS (JN 4,27-45) Les versets suivants concernent les implications de ce qui précède du point de vue de la mission des disciples (Jn 4,27-38) et des Samaritains (Jn 4,39-45). Les vv. 31-38 contiennent, quant à eux, une donnée capitale au sujet de la « nourriture »–brōsis « aliment »–brōma de Jésus. Elle anticipe ce qui surviendra plus tard, lors de la deuxième Pâque de la vie publique, au sujet des pains et du discours sur le Pain de Vie (Jn 6). Limitons-nous ici à ce point. Il permet de synthétiser l’enseignement délivré en termes d’envoi pour la moisson (Jn 4,3435.38). La métaphore renvoie au jugement à la fin des temps, en particulier chez les prophètes16. Au v. 34 : « Mon aliment est que je fasse la volonté de celui qui me manda et que je parachève son œuvre », le verbe important pour comprendre l’aliment et la moisson, c’est « parachever »–teleioō. Son élucidation s’opère au moment de la mort en croix de Jésus à l’aide du même verbe, employé cette fois pour l’Écriture : «Après ceci, sachant, Jésus, que déjà toutes-choses ont été achevées– tetelestai afin que soit parachevée–teleiōthē l’Écriture, il dit : « J’ai soif » (19,28). La Passion est placée, dès Jn 13,1, à l’enseigne de l’amour « jusqu’à achèvement »–eis telos. L’achèvement de l’amour est cette mort d’amour de Jésus en croix. Elle est comprise à la lumière de l’Écriture qui trouve ainsi son « parachèvement »–teleiōsis. « J’ai soif » n’est pas une citation de l’Écriture. La proposition de but introduite par « afin que »–hina fournit donc un complément d’information sur la conscience chez Jésus de l’achèvement de tout ; elle n’introduit pas : « Il dit : “J’ai soif”. » Quand donc, en 4,34, Jésus définit son aliment dans les termes : « que je fasse la volonté de celui qui me manda et que je parachève son œuvre », le récit de la mort de Jésus fait comprendre que Jésus anticipe ici l’œuvre d’amour de la mort en croix, laquelle parachève l’Écriture. Celle-ci est à lire à la lumière de celle-là. Son aliment coïncide avec ce qui vient apaiser sa soif. En mourant comme il meurt, Jésus porte l’amour à son achèvement en parachevant l’Écriture. Le même amour s’exprime dans la symbolique de la nourriture et de la boisson. C’est ce qui reviendra dans la dernière partie du discours sur le Pain de Vie en Jn 6,52-59. Le message condense ainsi le sens de la mission, tant des disciples que des Samaritains dans un enseignement majeur sur l’œuvre du Fils, le sens de l’Écriture et la mission de ses envoyés, tout en un, selon son génie propre. 16
Jl 4,13 : jugement de condamnation des nations ; Is 27,12 : glanage-rassemblement des Israélites dispersés ; voir aussi 4 Esd 4,28.32 ; Ap Bar syr 70,2.
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Les versets consacrés au rapport « semeur–moissonneur–moisson » (vv. 3638) sont complexes. « Celui qui sème » est le Père d’où tout procède selon une logique de création. Mais si « celui qui moissonne » renvoie en priorité au Fils, il intègre aussi les disciples « envoyés moissonner », même si le Père et le Fils sont les premiers à « s’être fatigués ». Tant et si bien — et c’est l’enseignement permanent depuis le prologue hymnique — que tous sont ainsi pris dans la relation trinitaire déployée dans les vv. 16 à 26 qui précèdent. Surtout en matière de relation à portée missionnaire, tout se tient en Dieu et dans l’humanité de telle sorte que ce qui est dans le ciel soit sur la terre et ce qui est sur la terre, dans le ciel.
II. GUÉRISON DU FILS DE L’OFFICIER ROYAL EN GALILÉE (JN 4,46-54) ET GUÉRISON DU PARALYTIQUE EN JUDÉE (JN 5,1-18) 1. GUÉRISON À CANA (JN 4,46-54) Les deux vv. 46 et 54 délimitent la péricope. Ils s’éclairent mutuellement et précisent son enjeu. Retiennent l’attention les deux palin, traduits par : « encore une fois »17 et les deux mentions de la Galilée pour souligner que l’on est bien dans le nord. Le verbe « faire »–poiein, à nuance de création18, sert d’ordinaire à introduire le « signe ». Ce dernier n’est pas mentionné en 4,46, mais : « où il avait fait l’eau vin », en tient lieu. En 4,54, la traduction par « second » en français pour le grec deuteron s’impose. Aucun autre signe ne sera compté, ce qui laisse planer une indétermination sur le nombre exact des signes dans l’évangile. Ces deux épisodes à Cana s’avèrent indissociables. L’interprétation proposée n’est pas étrangère à la relation au Père dans l’acte de croire au Fils. Ce premier point commence par retenir l’attention. Le v. 53 désigne l’officier royal comme « le père ». C’est la note johannique par rapport aux parallèles synoptiques (Mc 8,5-13 et Lc 7,1-10). C’est aussi le seul cas dans le quatrième évangile où ce terme soit employé pour un père humain. Les seules autres exceptions par rapport au sens habituel du Père du Fils, Jésus, sont offertes pour d’autres situations19. La caractéristique johannique du récit porte sur le rapport du père à son fils. Jésus discerne ainsi dans cette relation celle entre son Père et lui. Il en est touché et intervient en conséquence. La transformation de l’eau en vin marquait l’autorité de Jésus sur la création. La guérison du fils demandée par son père exprime la même autorité, mais l’accent
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Pour éviter : « de nouveau », réservé à l’adverbe anōthen en Jn 3,3. Le grec poiein de la LXX traduit l’hébreu bārāh de Gn 1,1. 19 « Notre père Jacob » (4,12, voir ci-dessus) ; « nos pères » (6,31) ; « Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère » (6,42) ; « vos pères » (6,49) ; « les pères » (6,58) ; « la circoncision — non que de Moïse elle est, mais des pères — » (7,22) ; « vous, du père, le diable, vous êtes, et les désirs de votre père, vous voulez (les) faire » (8,44) ; « Abraham, votre père » (8,56) 18
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porte ici sur le pouvoir thaumaturgique de Jésus. Le signe évoque la résurrection et même en procède par avance20. La foi est nécessaire au signe. Le signe est donné, non pour que l’homme croie, mais parce qu’il croit21. Les deux signes à Cana sont inséparables du point de vue de la relation entre signe et foi. La foi procède plutôt du signe pour la noce, mais le signe procède aussi de la foi du côté du père de l’enfant. L’expression « signes et prodiges » au v. 48 permet une sorte de synthèse de la Torah, de la Sagesse, des prophètes et des visionnaires apocalyptiques22. Jésus cherche à conjurer une hémorragie de signes : elle conduirait à l’idolâtrie et à l’incrédulité, l’exact contraire de ce qu’il vise. « L’homme » crut à la parole de Jésus (v. 50). Jésus a discerné que ce « père » croyait en lui pour sauver son fils, son « tout-petit »–paidion de la mort. Cette foi se propage à sa maisonnée entière (v. 53). Le commencement des signes à Cana de la Galilée était suivi de l’épisode apparenté du « coup de force » de Jésus au Temple de Jérusalem. La scène qui se déroule à Cana dans un entourage encore intime se trouve couplée avec la première scène vraiment publique à Jérusalem. Ce couplage se répète entre les deux premières guérisons : celle du fils de l’officier royal à Cana et celle du paralytique à la piscine de Bethesda à Jérusalem. Ce que Jésus « fait » dans le nord, il le « fait » pareillement dans le sud comme pour incarner le rassemblement dans l’unité des enfants de Dieu (cf. 11,52), objet de sa mission, tout au long de sa vie publique. 2. GUÉRISON À BETHESDA (JN 5,1-18) Le fils de l’officier royal « faiblissait »–ēsthenei (4,46). À Jérusalem, près de la piscine probatique, « gisait étendu une multitude des faiblissants–asthenountōn » (5,3). Dès le début du récit, la racine verbale de la faiblesse–astheneō établit un parallélisme entre les deux scènes. La finale du récit retient les deux chefs d’accusation portés contre Jésus. 5,16 Et à cause de ceci les Juifs poursuivaient Jésus parce que ces choses, il (les) faisait en sabbat. 17 Or Jésus leur répondit : « Mon Père jusqu’à présent, il œuvre et moi aussi, j’œuvre. 18 À cause de ceci donc, ils cherchaient davantage, les Juifs, à le tuer parce que non seulement il déliait le sabbat, mais aussi son propre Père, il (le) disait, Dieu, se faisant lui-même égal à Dieu.
Deux aspects sont à prendre en compte : le caractère précoce dans la vie publique de Jésus d’une telle condamnation et la dénonciation des délits 20 Mettre entre parenthèses la résurrection de Jésus dans les récits évangéliques, en une sorte d’epochē phénoménologique, relève à mes yeux d’un défi impossible. 21 Y. SIMOENS, Selon Jean, 2. Une interprétation, Bruxelles 2004², 235. 22 Y. SIMOENS, Selon Jean, 2. Une interprétation, 30-35.
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exprimés sans chercher à retourner la condamnation sur ceux qui condamnent. Jésus ne le fera jamais. Dans le discours qui suit, il va chercher à se disculper à voix nue, sans y parvenir. Il faudra suivre l’argumentation pour l’épouser scrupuleusement. Certes, Jésus est seul capable de ne pas répondre à la condamnation par la condamnation parce qu’il est indemne de toute complicité avec le mal. Mais il trace un chemin, difficile. Et l’Évangile passe par là et il faut demander l’assistance de Jésus pour s’y conformer. C’est la première fois que la question de la Loi se trouve soulevée d’une manière aussi explicite. La clé est déjà fournie dès la fin du prologue hymnique : La Loi, à travers Moïse, fut donnée ; la grâce et la vérité, à travers Jésus Christ, devint (1,17).
Telle est la référence qui va aider à interpréter correctement le verset douloureux de Jn 5,1823. Il est trop clair que Jésus, le Fils, ne peut violer la Loi : la Loi vient du Père. La phrase qu’il prononce est révélatrice à cet égard : « Mon Père jusqu’à présent, il œuvre et moi aussi, j’œuvre » (5,17).
La psychologie contemporaine y insiste au plan anthropologique déjà. Dans la Bible, la Loi vient de Dieu, Créateur du ciel et de la terre en dix paroles, qui promulgue aussi le cœur de la Loi dans les dix paroles du Décalogue24. L’interprétation de la Loi est objet de questionnement incessant dans le judaïsme. Jésus met clairement la Loi et son précepte sabbatique, au cœur du Décalogue, au service de la vie. C’est une constante de son agir et de ses comportements. D’autres interprétations apparaissent meurtrières dans ce contexte. Il faut pouvoir s’expliquer avec elles, en évitant de verser dans la violence. Un chemin d’entente pacifique doit pouvoir se trouver qui respecte des interprétations contrastées. Le pape François ne cesse pourtant de répéter que « tuer au nom de Dieu » est blasphématoire. Que Jésus puisse tomber sous le chef d’accusation d’être lui-même blasphémateur en « se faisant lui-même égal à Dieu » relève d’un autre type d’argumentation. La suite de l’évangile cherche à montrer la vanité de cette accusation. Mais il convient encore de creuser plus profond. Quel lien établir entre interpréter la Loi sabbatique en faveur de la vie d’un paralysé depuis trente-huit 23
Le discernement sapientiel opéré au cours de ma contribution : Y. SIMOENS, « L’évangile selon Jean et les Juifs. Un paradigme d’interprétation en dialogue », dans D. MEYER – Y. SIMOENS – S. BENCHEIKH, ed., Les Versets douloureux. Bible, Évangile et Coran entre conflit et dialogue, Préface d’Alexandre Adler, Interview finale par Jacques Scheuer, L’Autre et les autres 9, Bruxelles 2007, 63-116, ne revient pas spécialement sur ce verset. Il est pris en compte par l’argumentation générale qui prend grand soin de distinguer entre « péché » et « pécheur », en cohérence avec le jugement chez les prophètes où jugement de condamnation du mal et jugement de salut du pécheur sont distincts. Jésus ne condamne personne ; il condamne le mal et les ressorts du mal qui détruisent la personne. 24 Évangile selon Jean, 145-146.
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ans et le fait que Jésus se présente, non comme Dieu, mais comme le Fils du Père, ce qui n’est en effet pas la même chose ? La question du « croire », telle que l’entend le quatrième évangile, est ici décisive. Interpréter la Loi relève de la foi qui consiste à être engendré par le Père. Le texte examiné est lumineux dans cette optique. L’enseignement est à valoriser parce qu’il ne l’a pas été suffisamment en ce sens. En agissant en paroles et en actes comme il le fait, Jésus révèle la cohérence d’une foi dans le Fils qui fait entrer dans sa propre relation au Père en parfait respect de la Loi sabbatique faite pour la vie. Il s’agit de la vie, tout court ; de la vie éternelle, dit surtout le discours de Jésus qui suit et sera pris en compte également. Faire servir la Loi à la vie — physique et spirituelle — est en prise sur croire pour être engendré de Dieu. Au fond, il n’y a pas moyen de faire autrement si l’on respecte la condition de la personne en société. Mais c’est un point d’instance johannique remarquable et qui mérite d’être exploré plus avant.
III. LE DISCOURS DE LA PAROLE, CHAIR DEVENUE : UN PROCÈS INVERSÉ (JN 5,19-47) Comme la rencontre entre Jésus et la Samaritaine, après les deux prologues, ouvre le récit évangélique selon Jean, le premier grand discours de Jésus (Jn 5,19-47) vient boucler une première séquence textuelle de la vie publique avant les événements de la deuxième Pâque : les pains, le discours sur le Pain de Vie et ses conséquences du point de vue de la suite de Jésus par ses disciples (Jn 6). Le discours de Jn 5,19-47 est souvent intitulé : « Le discours sur les œuvres du Fils ». Il est préférable de le désigner comme « le discours de la Parole, chair devenue ». Ce n’est pas en effet sur les œuvres25 que porte l’accent principal. C’est un plaidoyer pro domo, destiné à se disculper des deux chefs d’accusation à mort portés contre lui. Il emprunte au procès dans l’Alliance, genre littéraire souverain de la littérature prophétique. L’ordre habituel des ingrédients du procès : 1. Instruction ; 2. Réquisitoire ; 3. Verdict, se trouve ici inversé : 1. Verdict (5,18-30) ; 2. Réquisitoire (5,31-40) ; Instruction (5,41-47). La raison en est sans doute, dans l’esprit de l’évangéliste, que si les jeux sont faits du côté des autorités juives — elles n’en démordront pas26 —, Jésus, en sa Parole incarnée nue, joue le tout pour le tout dès à présent également. Mais il ne réplique pas à la condamnation par la condamnation. Le faire expose à sortir de la Bonne Nouvelle incarnée par Jésus et professée par les croyants. Il explicite les enjeux de sa condamnation à mort à ses partenaires qui la prononcent, non pour leur rendre la pareille, mais pour essayer de les déstabiliser dans leur assurance 25 « Les œuvres »-ta erga se distinguent des « signes »-ta sēmeia au sens où les premières sont partagées par le Fils et les disciples croyants, les seconds sont l’apanage du Fils. 26 Le procès devant les autorités juives à la fin de la vie de Jésus est réduit à sa portion congrue précisément parce que le jugement de condamnation à mort est porté dès Jn 5,18.
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mortifère. On sait qu’il n’y arrivera pas parce qu’il est seul la Lumière et la Vérité. Et tout croyant se trouve invité à suivre ses traces. Au fond, il essaie de faire comprendre que, comme le serpent de l’origine en Gn 3, ils sont tentés sous l’apparence du bien. En pensant devoir prendre la défense de la Loi pour la vie, ils se trompent d’argument. Jésus ne transgresse pas la Loi de vie : il en dénonce des effets pervers, contraires à la vie pour laquelle la Loi est donnée. Il ne blasphème pas en se faisant Dieu : idolâtrie suprême. Il est le Fils qui ne fait rien qu’il ne voie faire au Père (5,19). Il fait ainsi don aux croyants, engendrés par Dieu, son Père, de la vie éternelle qui procède de la Loi, moyennant la foi. L’essentiel du message consiste, dès sa fin anticipée au milieu de sa vie, à débusquer la tentation du « diviseur »–diabolos, aussi près que possible de l’origine. L’inversion des éléments constitutif du procès dans l’Alliance procède de l’eschatologie en acte dès à présent. Le texte n’a pas d’autre but que d’essayer de faire prendre conscience des manipulations du Tentateur, du Malin opérant dès le commencement, parce que nous sommes au moment de la fin. 1. VERDICT (JN 5,19-30) Le verdict d’un procès dans l’Alliance prend la forme d’un châtiment ou d’une mise en garde. La mise en garde est reprise ici. Elle cumule la forme d’une justification par Jésus de ce qu’il dit et de ce qu’il fait. Il ne veut pas se justifier lui-même : ce serait prêter le flanc à ses accusateurs qui le convainquent de blasphème. Il laisse au Père le soin de le justifier. Les versets extrêmes (vv. 19 et 30) en inclusion mettent en évidence le verbe « faire »27. Jésus est présenté, une fois de plus, comme le Fils du Père créateur, artisan de sa création, transparent à Sa volonté. Son jugement à lui en dépend : ce ne saurait être un jugement de condamnation de quiconque, mais un jugement de salut pour tous. Ce salut est exprimé en termes d’« œuvres plus grandes »28 (v. 20) et explicitées en termes de « résurrection » aux vv. 28-29. Entre ces versets de nouveau en inclusion, le discours se déploie de manière très soignée, en articulant « jugement »–krisis et « pouvoir »–exousia (vv. 2123.26-27). À mesure qu’elle se déploie, l’argumentation se resserre sur le rapport entre « croire » et « être engendré de Dieu » puisque se resserre d’autant le rapport entre le Fils et le Père. Croire coïncide ainsi avec l’introduction du croyant dans la relation même du Fils et du Père en pleine conformité avec les données du prologue hymnique sur le même enseignement. Le ton se fait ici plus apocalyptique que sapientiel avec l’évocation d’une résurrection à deux volets et l’heure qui fournit une réminiscence de Dn 12,1-2, couplée avec la mention du Fils d’homme, rappel de Dn 7. Il reste aux versets centraux de cette première unité littéraire du discours de condenser ce qui fera l’objet de nombreux développements par la suite : 27 28
Quatre fois au v. 19 ; une fois au v. 30. Celles attribuées aux croyants en Jn 14,12.
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« 24 Amen, amen, je vous dis que celui qui entend ma parole et croit à celui qui me manda a une vie éternelle et en jugement il ne vient pas, mais il est passé de la mort vers la vie. 26 Amen, amen, je vous dis que vient une heure, et (c’) est maintenant, quand les morts entendront la voix du Fils de Dieu et ceux qui auront entendu vivront. »
Le lien est ici noué entre le Fils et le croyant. Croire c’est dès à présent passer de la mort à la vie. L’eschatologie en voie de réalisation chez Jean ne concerne pas seulement Jésus, comme Fils, mais également le croyant comme engendré à la vie du Père et du Fils. 2. RÉQUISITOIRE (JN 5,31-40) À une transformation en verdict de la première partie du procès dans lequel Jésus est engagé et où il tient à prendre seul sa propre défense, suit dans la deuxième une insistance notable sur le témoignage–marturia. C’est l’élément le plus fluide du modèle de l’Alliance ; il prend ici une portée exceptionnelle. Tout se passe comme s’il ne fallait pas s’attarder à un réquisitoire en bonne et due forme pour laisser à d’autres le soin d’assurer la défense. La liste des témoins et des témoignages s’allonge : Jean porte un témoignage destiné à « sauver » (vv. 34-35). Son témoignage à la vérité29 le dépasse. Aussi est-il relayé par celui des œuvres du Fils (v. 36). Leur parachèvement — on le retrouve, ordonné à la croix déjà anticipée également — en appelle au troisième témoin : le Père (v. 37). Alors que Dt 4,12 précise : « Le Seigneur vous parla alors du milieu du feu ; vous entendiez le son des paroles, mais vous n’aperceviez aucune forme, rien qu’une voix »,
le v. 37 affirme que les interlocuteurs juifs de Jésus n’ont pas entendu la voix du Père, sans doute pour souligner sa transcendance. Aussi réclame-t-il la foi. Sa Parole est toute relative à celle du Fils alors que celui-ci n’est pas accueilli dans la foi (v. 38). Tel est l’objet principal du réquisitoire. Il est suivi du quatrième témoignage : celui des Écritures (v. 39), mais auxquelles la foi n’est pas davantage accordée. La vie éternelle en prise sur la résurrection occupait le premier plan du verdict précédent. Elle occupe le même rang au cours du réquisitoire, en parfaite cohérence avec l’argumentation d’ensemble. Son retour sert à élucider l’objet principal du réquisitoire : la non-foi. Ne pas croire au Fils, c’est ne pas adhérer au témoignage des Écritures, avec pour conséquence de ne pas avoir « une vie éternelle ». Le fait de ne pas croire reviendra, articulé à Moïse, en conclusion du dernier moment de ce procès.
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Selon le quatrième évangile, Jésus est la vérité (14,6).
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3. L’INSTRUCTION (JN 5,41-47) La « gloire » prend le pas sur toute autre considération comme pour récapituler la position du Fils (vv. 41-42). La gloire sert donc l’amour. L’ouverture de la Passion se trouve cette fois anticipée. En Jn 13, sera donné le commandement d’aimer comme aime le Fils : en priorité le non-aimable, le disciple qui trahit. Le v. 43 est un corollaire des précédents. L’accumulation à trois reprises du verbe « recevoir »–lambanein, souvent associé à « croire » dès le prologue hymnique (Jn 1,12-13), suit le fil rouge des raisonnements : la foi. Le v. 44 l’appuie encore davantage. Les termes techniques de la recherche spirituelle juive s’accumulent sous la forme de midrash et d’une gloire–kābôd qui dit la consistance de l’être pour cerner de plus près encore les harmoniques de la foi. Le souci est évident d’essayer de concilier foi et Torah. C’est explicite dans la conclusion : « 45 Ne soyez pas de l’opinion que moi, je vous accuserai auprès du Père ; (c’) est, celui qui vous accuse, Moïse, en qui vous avez espéré : 46 car si vous croyiez à Moïse, vous croiriez à moi, car à mon sujet, celui-là écrivit ; 47 or si aux lettres de celui-là, vous ne croyez pas, comment à mes mots croirezvous ? »
Tel est le point d’orgue de ces chapitres 4,4b à 5,47. Le souci de montrer les implications de la relation au Père dans l’acte de croire au Fils requiert d’assurer le rapport intrinsèque entre la foi et l’enseignement de la Torah narrative et législative. C’est ainsi garantir la relation vive du Fils au Père comme du Père au Fils conformément aux Écritures. Une telle théologie ne contient aucun germe de violence pour en interdire l’accès au cœur chrétien, filial, paternel et fraternel.
IV. L’ALLIANCE ACCOMPLIE : LES PAINS ET LA MARCHE SUR LES EAUX (JN 6,1-24A) Du commencement des signes à Cana (Jn 2,1-12) à la scène publique au Temple (Jn 2,13-25), l’auteur sensibilise son lecteur à une technique narrative. Elle consiste à bâtir un diptyque entre ce qui se passe dans le nord avec ce qui survient dans le sud. L’enchaînement des deux premières guérisons (Jn 4,46-54 et 5,1-18), après la rencontre à Sychar en Samarie (Jn 4,3b-45), obéit à un projet d’unité partout à l’œuvre. Comment n’en serait-il pas de même a fortiori, maintenant que la rupture semble inévitable ? Jésus se voit condamner à mort à Jérusalem pour violation de la Loi et blasphème, alors qu’il vient accomplir la Loi de Moïse en grâce et vérité (Jn 1,17). Il s’agit donc à présent, en dépit des événements et contre toute attente d’un accomplissement de l’Alliance en des termes moins sévères, de faire valoir que cet accomplissement s’opère sur le lieu même de la rupture d’Alliance. Il se fera aussi à Jérusalem : ce sera le cas lors de la troisième Pâque de Jésus. Sa seconde
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Pâque anticipe la troisième et dernière dans une telle tension. Il n’y a pour Jésus d’autre solution que de retourner dans le nord où il est en général mieux accueilli. C’est là, au bord du lac de Tibériade, qu’il va pouvoir déployer ce qu’il offre en nourriture à sa communauté pour alimenter l’engendrement de Dieu qui définit la foi en lui. Il faut se nourrir pour vivre de la vie éternelle. Jésus va dispenser le Pain de cette Vie qu’il est encore en sa personne. 1. LES PAINS (6,1-24A) Le cadre temporel et spatial des événements qui vont suivre ne sont pas non plus dénués de connotations menaçantes. Même en Galilée, la Pâque reste la Pâque : la fête liturgique qui célèbre une expérience de libération au prix de beaucoup de risques, à lire le livre de l’Exode. En pareil contexte, Jésus est loin d’être en sécurité. Il demeure exposé à des représailles pour oser encore agir et parler dans une atmosphère pascale, même en Galilée. En ce qui concerne l’espace, à proximité de la ville de Tibériade, il marche sur un terrain miné. Du nom de l’empereur Tibère, la ville est bâtie sur un cimetière juif en signe de provocation païenne. « La mer de la Galilée » (Jn 6,1) est connue pour ses tempêtes inattendues, ce qui va se vérifier le soir même de ce jour. Eau, lac, mer revêtent dans la culture et la foi juive un aspect menaçant pour un peuple qui ne sent en sécurité que sur la terre, sa Terre. C’est cependant le moment et la place choisis par Jésus pour répondre à la violence qui l’agresse injustement par un surcroît de don : la Nouvelle Alliance fondée sur le pardon pour qu’en vivent les siens. Le discours sur le Pain de Vie s’expliquera sur les implications eucharistiques de l’événement. La troisième Pâque, à la dernière Cène, y reviendra mais sans plus d’allusion à l’Eucharistie en tant que telle. Ce sera pour inviter à l’amour mutuel au cœur des pires tensions qui ne cesseront jamais. Jésus est suivi d’une foule nombreuse. S’y mêlent sans doute Judéens, Galiléens, peut-être Samaritains et non-Juifs curieux et indécis « parce qu’ils contemplaient les signes qu’il faisait sur les malades “faiblissants” » (6,2). Un changement significatif de lieu survient, qui tempère le caractère menaçant de la mer de Tibériade. Or il gravit la montagne, Jésus, et là, il s’asseyait avec ses disciples (6,3).
Tous les mots portent. Il ne peut s’agir que du mont qui surplombe Capharnaüm. Mais cet évangile habitue — comme le Bible entière et notamment la conclusion de l’Alliance au Sinaï, au cœur du Pentateuque (Ex 19–Nb 10) — à ne pas s’arrêter aux détails anecdotiques pour deviner la portée symbolique des déterminations. La montagne, c’est le lieu où, entre ciel et terre, Dieu se révèle, parle et se communique. L’orge dont est fabriqué le pain (6,9), l’herbe nombreuse où s’allongent les hommes au nombre d’environ cinq mille (6,10) ne sont
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pas omis. Mais domine Jésus, en posture divine et humble sur la montagne, condamné à mort en sursis. Cette mort est au service de la Vie. Jésus met ses disciples à l’épreuve. Il s’agit de Philippe, le quatrième à suivre Jésus (1,43), et d’André, le premier à sortir des rangs baptistes qui a entendu Jean dire : « Vois : l’agneau de Dieu » (1,37). La question est de savoir comment acheter assez de pains pour la foule « afin qu’ils mangent » (6,5-6). L’incise : « Lui-même savait ce qu’il était-sur-le-point de faire », prend tout son sens. Aucune manœuvre manipulatrice ni aucun surplomb ! Le « faire » de Jésus relève de son identité de Logos créateur qui a autorité sur la création : « Ayant donc levé les yeux » (6,5) est éloquent. Il dirige les événements mais dans le respect des médiations. Quelque chose pointe déjà de l’Eucharistie : l’immédiateté avec Dieu dans les médiations. Veiller à permettre de manger est capital pour Jésus. L’arithmétique de Philippe dissuade d’intervenir (6,7). L’évaluation d’André, par contre, est plus encourageante et sera suivie par Jésus (6,8-9). Jésus accorde plus d’importance à ce qui vient du « jeune enfant »–paidarion et du peu dont il dispose qu’aux propos d’André, positifs encore qu’empreints d’un certain scepticisme. C’est tellement dans le ton du « pouvoir de devenir enfant de Dieu » qui caractérise la foi dès Jn 1,12 ! La surabondance, caractéristique du signe (cf. Jn 2,6-8), se retrouve, moyennant le geste de Jésus de « prendre les pains », « ayant rendu grâces »–eucharistēsas et de « distribuer aux reposants… autant qu’il en voulaient » (6,11). Il reste « douze couffins de morceaux des cinq pains d’orge qui surabondèrent pour ceux qui s’étaient nourris » (6,12-13). Le vocabulaire de l’institution de l’Eucharistie à la Cène chez les Synoptiques se lit en filigrane, mais « sur la montagne », le matin, à la deuxième Pâque, « la fête des Juifs ». Surabondance, le matin, le jour, sur la montagne ! Le signe suscite l’enthousiasme de la foule. Jésus pourrait profiter de ce succès populaire qui l’acclame comme « le prophète » (6,14) et veut même « le faire roi » L’imaginaire populaire se donne libre cours. Il n’y a plus de roi ni en Israël, dans le nord, ni en Juda, dans le sud depuis longtemps et la terre des promesses est sous domination de l’empire romain. Aussi Jésus retourne-t-il « vers la montagne, seul » (6,15). Il a déjà accompli l’Alliance et l’accomplira encore, mais autrement. Solitude des disciples, tempête, en traversant le bras de mer de Tibériade à Capharnaüm, la nuit ! La pédagogie eucharistique de Jésus passe par là30. Le contexte johannique immédiat reflue ici également. La venue de Jésus est décrite comme une théophanie31 : « Moi, je suis », l’évocation partielle du tétragramme qu’il a repris à son compte pour la première en conclusion du dialogue avec la Samaritaine (4,26), associée ici à la formule indicative de l’oracle de salut : « Ne vous mettez pas à craindre32 ! » Ici se retrouve en transparence la relation au 30
Pour l’enchaînement des pains, le jour, et de la mer, la nuit : voir Mt 14,13-21.22-33 ; Mc 6,30-44.45-51. 31 Voir en ce sens : Jn 18,4-9. 32 Pour rendre l’impératif présent du verbe. Cf. Ex 14,13 ; Dt 1,29 ; Is 7,4 ; 35,4 ; 40,9 ; 43,1.5 ; 44,2 ; 54,4 ; Jr 10,5, entre autres.
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Père dans l’acte de croire au Fils. La pédagogie eucharistique se fait pédagogie anti-idolâtrique en rejoignant ainsi une préoccupation constante de Jésus. C’est bien du Jésus de la foi qu’il s’agit dans ce Christ de l’histoire. La foi ne se vit jamais au détriment de l’histoire. Le paradoxe de la foi veut qu’elle enfonce au plus vif de l’histoire sans en être submergée. La science historique actuelle est aux prises avec le même paradoxe33. La note eucharistique du récit précédent et du discours suivant permet de regrouper les deux épisodes articulés avec soin, de la distribution des pains et de la marche de Jésus les eaux34 : Vinrent des bateaux à Tibériade, proche du lieu où ils avaient mangé le pain, le Seigneur ayant rendu-grâces–eucharistēsantos tou kuriou (6,23).
Le signifiant sacramentel de l’Eucharistie renvoie du Fils au Père. Il renvoie, du même élan, le croyant au Père en tant que bénéficiaire du Pain grâce au Fils. Le discours de Capharnaüm marque un premier point culminant de tout ce qui précède, prologue hymnique compris.
V. LE DISCOURS SUR LE PAIN DE VIE D’un point de vue synchronique, la première partie (6,24b-34) est centrée sur la question du croire (6,29), la deuxième sur Jésus, Pain vivant descendu du ciel qui assure la vie éternelle (6,35-51), la troisième enfin déploie les implications eucharistiques d’un tel centrage sur Jésus, le Pain de Vie (6,52-69) en parfaite cohérence avec les deux parties précédentes. La reconstitution hypothétique de couches rédactionnelles successives expose à des influences confessionnelles trop marquées. 1. L’ŒUVRE DE DIEU : CROIRE EN CELUI QU’IL A ENVOYÉ (JN 6,24B-34) D’une manière qui rappelle le début du discours de la Parole, chair devenue, ces premiers versets reviennent sur la distinction entre « œuvres » et « signes ». « Voir les signes » suppose la foi : le verbe « voir »–horaō exprime la vision de foi. Elle est obstruée par le rassasiement d’une nourriture matérielle ; d’où l’invitation, non à approfondir le regard dans le sens de la foi, mais à « œuvrer »– ergazomai :
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On peut en lire une illustration remarquable dans P. SOURISSEAU, Charles de Foucauld 1858-1916. Biographie, Paris 2016. 34 Ce qui permet de la désigner comme le cinquième signe, après les deux signes à Cana, la guérison à Jérusalem et les pains, avant la guérison de l’aveugle en Jn 9,1–10,39 et le retour à la vie de Lazare en 10,40–12,11.
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« Œuvrez non la nourriture qui se perd, mais celle que qui demeure pour une vie éternelle, que le Fils de l’homme vous donnera, car celui-ci, le scella, Dieu » (6,27).
Ce verset va faire l’objet d’un développement qu’il faudra suivre attentivement. La surprise vient de ce que l’approfondissement du regard de foi consiste à « œuvrer la nourriture qui demeure en vie éternelle ». La foi est ici de l’ordre de l’œuvre qui ne débouche pas sur soi, mais sur celui qui la donne. Une deuxième surprise vient de ce que cette œuvre même est comprise comme une nourriture. Un saut est franchi en ce sens qu’il ne s’agit pas d’œuvrer une œuvre qui centrerait sur soi : c’est le risque à éviter. Ce n’est pas au profit d’un désistement par rapport à l’œuvre en tant que telle, mais par rapport à son effet pervers. L’œuvre n’expose pas nécessairement au centrage sur soi si la précaution est prise de la laisser s’opérer par un autre, ce qui l’apparente à « croire ». Mais il ne s’agit pas de « croire ». Il s’agit de donner un contenu au croire. Il s’agit de laisser la foi produire son œuvre. Ceci ne relève plus du Fils mais de « Dieu », c’est-à-dire du Père, nommé au v. 27. Il s’agit en somme d’entrer plus avant dans l’intelligence de la relation au Père dans l’acte de croire au Fils ! Comme le disait déjà 5,19 : le Fils ne fait rien qu’il ne voie faire au Père. Le verbe « faire », dans l’expression « faire les signes », relève du Fils et uniquement de lui. Il fallait trouver un autre verbe qui puisse s’appliquer au Fils et aux croyants. Le verbe « œuvrer », joint à son complément interne : « œuvrer les œuvres », convient en ce sens. Le v. 27 a déjà bien préparé le terrain dans cette perspective parce que ces œuvres-là relèvent, moins du Fils que du Père. Le don de Dieu, nous l’avons vu à la lumière de la rencontre entre Jésus et la Samaritaine, c’est la Loi. Il fallait donc aussi éviter d’assimiler le don de Dieu à la Loi de Dieu. Le don est mis au compte de la nourriture qui demeure en vie éternelle, à savoir le Fils et non Dieu le Père. Mais si croire, c’est œuvrer, non la nourriture qui se perd mais qui demeure en vie éternelle, alors l’œuvre — celle du Fils comme celle du croyant —, ne s’oppose pas à la foi, étant commune au Fils et au croyant. Le texte réalise donc un quadruple tour de force en attendant de dégager une cinquième composante indispensable concernant le rapport à l’Écriture Sainte. 1. Il ne cède pas à l’opposition entre foi et œuvre ; 2. il ne cède pas davantage à la tendance de mettre la foi au compte du Fils et l’œuvre au compte du croyant qui risquerait de s’en attribuer le mérite ; 3. il met l’œuvre au compte du Père et la foi au compte de la nourriture de vie éternelle qu’est le Fils ; 4. c’est ipso facto combler le hiatus qui risque aussi toujours de s’intercaler entre le Fils et le croyant. Croire est le fruit conjoint du Père et du Fils dans le croyant. Le croyant en ressort comme le lieu — la demeure — du Père et du Fils. La relation au Père dans l’acte de croire au Fils en est la condition, dès le commencement du
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quatrième évangile au cœur du prologue hymnique. Elle en est aussi la conséquence, à présent différenciée grâce aux faits et gestes accomplis par Jésus. Après le v. 29 : « Ceci est l’œuvre de Dieu que vous croyiez en celui qu’envoya celui-là », c’est-à-dire après l’explicitation non contradictoire de l’œuvre en termes de croire moyennant la distinction entre le Père qui envoie et le Fils qui est envoyé, le texte revient sur la distinction entre « faire un signe », « voir » d’un regard de foi, « croire » et « œuvrer ». C’est subtil mais pénétrant pour toujours plus atténuer le risque à présent d’opposer « signe » de Jésus et « œuvre » du croyant. C’est ce qui sert à introduire le rapport — attendu — à l’Écriture pour que le discours ne verse pas dans l’abstraction. Comme la Samaritaine avait introduit « nos pères » au début de son dialogue avec Jésus en 4,16-26, les partenaires composites de Jésus, mais à dominante juive en Galilée, évoquent « nos pères », en faisant une allusion pertinente à l’argument de la nourriture, si prégnant dans les propos de Jésus : « 30 Que fais-tu donc, toi, (comme) signe, afin que nous voyions et que nous croyions à toi : qu’œuvres-tu ? 31 Nos pères, la manne, ils la mangèrent dans le désert, comme il est écrit : “Du pain du ciel, il leur donna à manger”. »
L’amalgame des citations d’Ex 16,4-15 et du Ps 78,24 manifeste la perspicacité du propos. La nourriture de la manne dans le désert permet l’identification entre « faire un signe » et « œuvrer » : le souci des partenaires du dialogue consiste à chercher loyalement à « voir » pour « croire ». Il prépare la réponse de Jésus qui exauce leur attente en déployant les implications insoupçonnées de la manne. « 32 Non Moïse vous a donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le pain du ciel, le véritable, 33 car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel et qui, la vie, (la) donne au monde. »
Comme encore dans le dialogue central avec Jésus et la Samaritaine, de « nos pères », Jésus fait passer à « mon Père ». Mais c’est ici par le truchement de la médiation de Moïse, bénéficiaire en faveur du peuple d’une nourriture inidentifiable35. Le point décisif de l’argumentation consiste à faire comprendre ce qui risque de passer souvent inaperçu dans la lecture : introduire le Père comme auteur conjoint au Fils de la foi des disciples n’impose pas d’abord ce à quoi l’on pourrait s’attendre, soit le rôle de l’Esprit. Celui-ci n’arrivera qu’au terme du discours, en 6,63. Introduire le Père évoque les pères : on pense aussitôt aux patriarches. La nourriture en question oriente Jésus plutôt vers Moïse, revêtu avec à propos d’une fonction paternelle à l’égard du peuple par son caractère de législateur et de prophète (Dt 18,18 ; cf. Jn 1,21). Le nerf du raisonnement se trouve ainsi rejoint. 35
« Manne » est la translittération de mān – « qu’(est) cela ? » (Ex 16,15, hapax).
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Évoquer la nourriture pour la vie éternelle36, c’est évoquer le don du Père dans le Fils (v. 27), mais déjà dans la manne du désert. L’essentiel, c’est de remonter au Donateur, source de tout don. Ce don est réservé à tous ; le bénéficiaire de ce don — du Donateur en premier —, c’est le monde. La réaction des interlocuteurs est la bonne, celle qui est recherchée : « 34 Seigneur, toujours donne-nous ce pain. »
2. LE PAIN DE LA VIE (JN 6,35-51) Aucune métaphore qui complète l’expression par laquelle Jésus se désigne en disant « Moi, je suis », ne reçoit dans le quatrième évangile un traitement minutieux. Moi, je suis le pain de la vie (6,35) ; Moi, je suis le pain qui descendit Moi, je suis le pain de la vie (6,48) ; Moi, je suis le pain, le vivant, qui du ciel
du ciel (6,41) ; descendit (6,51).
Les vv. 35 et 48 sont identiques ; les vv. 41 et 51 se ressemblent, mais la précision finale : « le pain, le vivant », fait le lien avec le couple précédent, en introduisant par l’inversion du complément : « qui du ciel descendit », une formulation chiastique entre ces deux versions pour en souligner le caractère conclusif, suite à la question : « Comment maintenant dit-il : du ciel, je suis descendu ? » (6,42) : Le pain qui Le pain qui
descendit du ciel du ciel descendit
« Le pain de la vie » et « le pain, le vivant » rappellent « une eau vivante » (4,10), « l’eau, la vivante » (4,11) et « l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle » (4,14). Les explicitations de 6,40.44.47 vont dans le même sens et précisent de quelle vie éternelle il s’agit : celle de la résurrection. L’actualisation au présent d’une vie éternelle, liée « au dernier jour » dans les deux versets parallèles qui précèdent anticipe le dialogue entre Marthe et Jésus lors de la maladie et du retour à la vie de Lazare en 11,23-26 : 23
Il lui dit, Jésus : « Il ressuscitera, ton frère ! » Elle lui dit, Marthe : « Je sais qu’il ressuscitera dans la résurrection dans le dernier jour. » 25 Il lui, Jésus : « Moi, je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même si éventuellement il meurt, vivra, 26 et tout qui croit en moi, ne mourra sûrement pas à jamais : crois-tu ceci ? » 24
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Rappelons qu’il s’agit du substitut johannique du « royaume de Dieu » des Synoptiques (cf. Jn 3,3.5).
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C’est dire tout ce qui se joue dans cette partie centrale du discours sur le Pain de Vie : une nouvelle explicitation majeure sur la relation au Père dans l’acte de croire au Fils. Le rapport à l’Ancien Testament sert bien de principe d’intelligibilité majeur du quatrième évangile. Il précise le rôle du Père dans la foi au Fils : pas de Fils sans le Père, pas de relation au Père sans l’ancrage dans la Torah. Les réminiscences de la manne s’accumulent puisque ce « pain du haut du ciel » (Ex 16,4), « le pain37 que le Seigneur vous a donné à manger » (Ex 16,15) est l’attestation de la protection de son peuple par le Seigneur38 pendant la traversée du désert entre la sortie d’Égypte et l’entrée en Terre promise. Le v. 45 ajoute les prophètes aux renvois à la Torah. « Il est écrit dans les prophètes : “Et ils seront tous enseignés39 de Dieu”. » L’amalgame entre Is 54,13 et Jr 31,33-34 dit l’accomplissement par Jésus de deux textes d’Alliance Nouvelle annoncée pour un avenir indéterminé : Jour du Seigneur, Jugement dernier, dernier jour. Is 54,5a reprend en quelques mots l’essentiel de cette Alliance Nouvelle : « Ton Époux–bō‘ălayk : celui qui t’a faite.40 »
La fidélité du Seigneur à son Alliance historique avec Israël est fondée sur sa création, sur le fait qu’il est le Créateur. C’est le rôle du Père. Le discours de Jésus sur le Pain de Vie signifie donc l’accomplissement de la fidélité du Seigneur à son peuple dans l’acte même où le Fils est déjà un condamné à mort en sursis. Jésus dès ce moment répond à la rupture d’Alliance dont il est injustement la victime par un surcroît de grâce. Au discours inspiré par le procès prophétique dans l’Alliance succède ainsi le discours eucharistique sur le ton d’un retour en grâce en lieu et place de la disgrâce. Le lien avec la suite du discours s’opère dans le v. 51b avec l’évocation de la chair : « Or aussi le pain que moi, je donnerai, ma chair, il (l’) est, pour la vie du monde. »
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Le terme signifie la nourriture solide. Les murmures du peuple au désert (Ex 16,2 ; 17,3 ; Nb 11,1 ; 14,27 ; 1 Co 10,10) au sujet de la manne (voir aussi : Dt 8,3.16) se répercutent dans les murmures des Juifs aux vv. 41-42. Ce n’est pas pour accabler quiconque ; c’est pour souligner la gratuité permanente du Seigneur en réponse à l’ingratitude de son peuple, disciples de Jésus y compris. Mais ce dernier point doit encore faire l’objet de la dernière partie du discours (6,52-59) et de la conclusion du récit (6,6071). 39 Esonta didaktoi – « ils seront enseignés » vient de la racine verbale didaskein qui traduit en grec l’hébreu lāmad, la racine verbale d’où vient talmud. 40 Le langage de la chair et du sang qui va suivre est incompréhensible si ce n’est pas l’Époux qui parle. 38
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La chair renvoie à l’incarnation en Jn 1,14. « Pour la vie du monde » précise, une fois de plus et avant d’autres insistances du même genre, notamment dans la prière de Jésus en Jn 17,21.23, la finalité universelle et positive des paroles et des signes de Jésus en faveur d’un monde créé bon à jamais par le Père créateur. 3. « ASSIMILER MA CHAIR, BOIRE MON SANG » Les protestations dans les rangs des partenaires juifs recourent à « l’incompréhension » rhétorique. Celle-ci permet d’approfondir le message en levant du même coup le soupçon grossier d’anthropophagie. L’Eucharistie selon Jean est impensable en dehors de la résurrection. Aussi se trouvera-t-elle confirmée par le repas au bord du lac de Tibériade de Jn 21,1-14 — à l’emplacement même de Jn 6 — en contexte de résurrection. Manger la chair du Fils de l’homme et boire son sang explicitent la condition d’avoir la vie. Le verbe « manger » fait aussitôt l’objet d’une nuance : il s’agit d’« assimiler »–trōgein la chair41. La version johannique des paroles de la Cène vient compléter la tradition synoptique, plus rituelle, toujours active au cours de la consécration de l’Eucharistie catholique. Chez les Synoptiques, Jésus part de l’« espèce » du pain pour dire qu’il est son corps ; il part de l’« espèce » du vin pour dire qu’il est son sang. Dans la tradition testamentaire de Jean, plus proche de l’existence, Jésus part de sa chair pour dire qu’elle est vraie nourriture ; il part de son sang pour dire qu’il est vraie boisson. Comme pour le baptême, le but c’est d’être source de vie jaillissant en vie éternelle (Jn 4,14), pour l’Eucharistie, il s’agit d’être transformé soi-même en nourriture et boisson pour autrui. L’Eucharistie fait vivre grâce au Fils, comme le Fils, de « celui qui vit–ho zōn, le Père » (v. 57). Le recours à la manne des pères permet de souligner ce qui se passe dans l’Eucharistie du double point de vue du Père et des croyants dans le Fils. Le Père qui est vivant assure de quoi vivre pour l’éternité dès à présent par la chair et le sang de son Fils ressuscité.
VI. UN DÉNOUEMENT SURPRENANT On pouvait comprendre certains blocages parmi les rangs des interlocuteurs juifs du discours (6,41-42.52). Que la conclusion du discours se traduise par un endurcissement des disciples interroge (6,60) davantage. Le paradigme de l’endurcissement dans le Pentateuque est celui de Pharaon qui empêche Moïse et le peuple d’aller adorer le Seigneur sur la montagne en dehors de l’Égypte (Ex 7,8–11,10). Il se répercute dans « la vocation à l’endurcissement » du prophète Isaïe42. Son correspondant sapientiel le plus clair est sans doute « le procès des impies contre les justes » en Sg 1,16–2,24. La Passion 41
Le verbe se retrouve en 13,18 en modifiant l’original de LXX Ps 41,10 et en assurant ainsi une claire réminiscence de Jn 6,54.56 : « Celui qui assimile mon pain leva sur moi son talon. » 42 Is 6,9-10, en conclusion du récit de la vocation : 6,1-11.
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est commencée par ce largage d’un grand nombre des plus proches. Jésus parle de « scandale » éprouvé de leur part. L’Esprit et le Père sont à comprendre sur l’arrière-fond de l’Ancien Testament. Mais l’Esprit supplée encore aux limites d’une « chair » livrée à elle-même, désarticulée du « sang » de Jésus. C’est la première fois dans l’évangile johannique que l’Esprit vient en aide à la chair et aux « mots »–rhēmata43, au point que, sans l’Esprit qui la vivifie, « la chair ne sert (de) rien ». Les mots de Jésus : « Esprit, ils sont, et vie, ils sont » (v. 63). Ils conjurent une opposition de type dualiste entre la chair et l’Esprit. Par le fait même, l’Esprit est aussi censé venir au secours de « certains d’entre vous qui ne croient pas ». C’est aussi la première fois que l’Esprit se trouve ainsi associé au « croire »44. Que l'Esprit puisse s’associer au commencement n’étonne pas le lecteur de Gn 1,2 : l’Esprit tournoie sur les eaux à la création. 64b
Car il savait du (= depuis un) commencement, Jésus, lesquels sont ceux qui ne croient pas et lequel celui qui le livrera.
L’Esprit est ici aussi associé à la fin de la vie de Jésus à travers la « livraison » de l’un des Douze dont il va encore être question en 6,71. 71
Or il disait [le] Judas de Simon Iscariote, car celui-ci était sur le point de se mettre à le livrer, un seul, étant, d’entre les Douze.
La mort sur la croix se profile dès l’évocation du « Fils de l’homme montant là où il était auparavant » (6,62). L’heure de la fin le ramène à son origine. L’Esprit renforce encore en ce sens le rapport au Père dans l’acte de croire au Fils, qui en prend une dimension proprement trinitaire : « À cause de ceci, je vous ai dit que personne ne peut venir auprès de moi si éventuellement ce ne lui est pas donné (= ayant été donné) de la part du Père » (6,65).
Endurcissement, incrédulité, livraison–trahison, éloignement et décision de ne plus marcher avec Jésus de la part de nombreux disciples sont dès lors imputés à une lacune trinitaire dans l’acte de croire. L’Esprit donne de comprendre que croire en Jésus, c’est croire dans le Fils du Père et dans le Fils de l’homme qui exprime, au v. 62, la relève vétérotestamentaire nécessaire pour comprendre que le Père est bien le Seigneur créateur et sauveur de l’Ancien Testament. La fin du chapitre ménage encore d’autres approfondissements. Voyant de nombreux disciples l’abandonner, Jésus s’inquiète des Douze. C’est aussi la 43
Eu égard à la « parole »-logos, le « mot »-rhēma peut gagner en performativité, en efficacité, dans le langage de Jésus. 44 L’Esprit, de genre féminin en hébreu : rûaḥ, introduit une notre féminine dans la foi. Le peuple qui croit dans l’Ancien Testament, l’Église qui croit dans le Nouveau, figurent l’Épouse dans l’Alliance. La dimension croyante revêt toujours un aspect féminin dans la relation à Dieu.
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première fois que ce nombre est exprimé pour désigner la garde rapprochée de Jésus : le quatrième évangile ne parle guère des « apôtres »45. La réponse de Simon Pierre, si belle soit-elle, n’est cependant pas indemne d’ambiguïté. Sur l’arrière-fond de ce qui précède, au contenu de la foi — la fides quae, son id quod —, rien ne manque. Jésus est appelé : « Seigneur » : il est reconnu comme le Fils du Père et le lieu de l’Esprit en étant confessé comme le Saint de Dieu. Cette dernière expression est gonflée de nombreuses réminiscences vétérotestamentaires46. « Des mots de vie éternelle, tu (en) as », reprend l’idée d’un substitut johannique de la réalité du royaume de Dieu synoptique. C’est plutôt sur le mode d’exprimer la foi — la fides qua, son id quo — que le bât blesse. Simon Pierre y met trop du sien47. Quand les disciples diront en conclusion du discours de la Cène : « Maintenant nous savons que tu sais toutes choses et tu n’as pas besoin que quelqu’un t’interroge, en ceci nous croyons que de Dieu, tu sortis » (16,30),
ils seront également repris par Jésus. L’acte de croire au Fils est à recevoir sans cesse du Père dans l’Esprit. Croire réclame une secondarité qui protège contre toute tentation gnostique. Elle rôde quand Simon Pierre dépose : « Nous nous trouvons connaissant. » Ni la connaissance ni l’intelligence ne sont étrangères à la foi. Mais celle-ci se reçoit comme un don qui demande l’humilité comme disposition essentielle pour s’ouvrir au Fils par le Père dans l’Esprit. La réponse de Jésus est un vibrant rappel de l’élection d’Israël. On est élu plus qu’on élit48. Plus choquante encore à la limite, l’affirmation : « 70b Et d’entre vous, un seul, diable, il (l’) est ! »
Il y a de quoi craindre pour le salut de ce « un seul » ! La conclusion de l’évangéliste n’est pas moins bouleversante : Or il disait [le] Judas de Simon Iscariote, car celui-ci était sur le point de se mettre-àle livrer, un seul, étant, d’entre les Douze.
L’infinitif présent du verbe « livrer »–paradidonai dit l’imminence permanente dans la communauté de cette démarche difficile à rendre en français. Il 45
Le terme apostolos n’arrive qu’une fois en Jn 13,16 : « Amen, amen, je vous dis : il n’est pas de serviteur plus grand que son Seigneur ni d’envoyé-apostolos plus grand que celui qui le manda. » 46 Pensons par exemple à Sg 7,22-30 qui, en constituant une synthèse du rapport entre Sagesse et Esprit sert de seuil au Nouveau Testament qui en exploitera maintes expressions dans un sens christologique. 47 La traduction des deux verbes en « nous » qu’il emploie cherche à rendre le parfait grec : d’un passé qui dure encore. 48 Ce contenu biblique de l’élection gagne à être rappelé au cours du processus de l’élection dans le cadre des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola.
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s’agit d’un don détourné, du « de travers », presque d’un anti-don en réponse au don absolument gratuit, un don dévoyé. Il faut attendre Jn 13 pour que la dissociation soit plus nette entre le diabolos (13,2), le satanas (13,27) et Judas permette d’espérer le salut de Judas, dupé par un mystère d’iniquité qui le dépasse en nous dépassant tous. Cette finale de Jn 6 conclut Jn 4,3b–6,71 et Jn 1,19–6,71, dans les limites de cette contribution sur la relation au Père dans l’acte de croire au Fils. Selon cet art consommé que l’on retrouve chez tous les grands saints, « de Sychar à Capharnaüm » approfondit le sens de la foi au Fils dans la relation au Père. C’est encore un don toujours plus gratuit, un don de grâce, de comprendre à quel point tout dans la foi relève de Dieu : Père, Fils et Esprit, en passant aussi par le croyant. Facultés jésuites de Paris 35 bis, rue de Sèvres 75006 Paris (France) E-mail: [email protected]
Yves SIMOENS
RÉSUMÉ La foi en Jésus Christ — l’axe central du quatrième évangile — mérite d’être honorée selon toutes ses composantes. De la rencontre entre Jésus et la Samaritaine (Jn 4,3b-45) à la fin des événements à Capharnaüm (Jn 6), l’acte de croire dans le Fils est indissociable de la relation au Père et à l’Ancien Testament. Sa relation à l’Esprit impose d’y intégrer la chair du croyant, identifiée à celle de la Parole incarnée. Mots-clés : Croire, Christologie, Ecclésiologie, Signe, Œuvres, Écriture, Chair et sang
ABSTRACT Faith in Jesus Christ — the central axis of the fourth Gospel — deserves to be honored in all its components. From the meeting between Jesus and the Samaritan woman (John 4:3b-45) to the end of the events in Capernaum (John 6), the act of believing in the Son is inseparable from the relationship to the Father and the Old Testament. Its relation to the Spirit obliges to integrate the flesh of the believer, identified with that of the incarnated Word. Keywords : Believe, Christology, Ecclesiology, Sign, Works, Scripture, Flesh and blood
† Jacek ONISZCZUK
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)1 Questa sequenza, che occupa il centro della Lettera, si compone di tre passi di misura quasi uguale. Il primo e l’ultimo (2-10 e 18-24) sono paralleli, il secondo (11-17) si trova nella posizione centrale. ESSERE SIMILI AL FIGLIO DI DIO. La speranza che conduce alla purificazione dal peccato
AMARE I FRATELLI. L’amore che fa passare dalla morte alla vita
CREDERE NEL FIGLIO DI DIO. La fiducia che viene dall’osservanza dei comandamenti
2-10
11-17
18-24
A. ESSERE SIMILI AL FIGLIO DI DIO (3,2-10)
Il primo passo della sequenza centrale si compone di due parti parallele: + La manifestazione futura
dei figli di Dio
e del Figlio di Dio
2-6
+ La manifestazione presente
dei figli di Dio
e dei figli del diavolo
7-10
1
Questo testo riproduce il capitolo 4 del commento di Jacek Oniszczuk alla 1Gv: La prima lettera di Giovanni. La giustizia dei figli, Retorica Biblica 11, Edizioni Dehoniane Bologna, Bologna 2009, 107-139. Ringraziamo di cuore le EDB per averci concesso il permesso di riprodurre queste pagine. Questo commentario è stato tradotto in francese con il titolo La première lettre de Jean, Rhétorique Sémitique 13, Gabalda, Pendé 2013 (distributeur: Peeters, Leuven).
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Jacek ONISZCZUK
1. COMPOSIZIONE La prima parte consiste in tre brani, di cui il primo (2) e l’ultimo (4-6) sono paralleli, e il secondo (3) mantiene la posizione centrale. Il primo brano si compone di tre segmenti. I primi due segmenti sono paralleli, grazie alla corrispondenza dei membri «ciò che saremmo» e «simili a Lui saremmo» (2ce), e alla ripetizione del verbo «manifestare» (2bd). Ogni segmento finisce con il verbo «essere»2. L’ultimo brano (4-6), similmente al primo, contiene tre segmenti, ma tutti trimembri. Il tema dominante qui è il peccato: i termini «peccare»/«peccato» appaiono ben sei volte; il sostantivo «iniquità»3 due volte (4bc). Il primo e l’ultimo segmento sono paralleli, grazie alla ripetizione del termine «ognuno» (4a.6ab). Il parallelismo dei brani estremi (2 e 4-6) si fonda sulla composizione simile e su una serie di corrispondenze. La prima di queste è la ripetizione del verbo «sapere» (2d.5a), con cui cominciano i segmenti centrali dei rispettivi brani. Essi sono gli unici legati al «manifestarsi» di Cristo (2d.5a; il verbo appare anche in 2b, ma si riferisce alla rivelazione dello stato dei «figli di Dio»). In più, i brani estremi sono legati tramite i termini finali: «vedremo Lui» e «non ha-visto Lui» (2f.6b). Il brano centrale (3), un trimembro, è legato al primo brano dai termini finali: «come è» e «come Egli puro è»4 (2g; 3c), e all’ultimo brano dal termine «ognuno» (3a; 4a.6ab). La seconda parte si compone di tre brani, disposti in modo concentrico. Il primo brano (7-8) è costituito da tre segmenti. I primi due oppongono i termini: «giustizia» e «giusto» (7bc) con «il peccato» e «il diavolo» (8ab). Il terzo segmento differisce dagli altri per il suo riferimento all’opera del «Figlio di Dio», che ha distrutto «le opere del diavolo» (8cd). Si noti un parallelismo semantico tra l’inizio e la fine del brano: «inganni voi» e «le opere del diavolo» (7a; 8d). Il terzo brano (10) è parallelo al primo, e si compone di due segmenti: un bimembro5 e un trimembro. I due membri estremi del trimembro si corrispondono grazie ai termini: «che non-fa» e «chi non-ama» (10ce). Il brano è delimitato dai termini 2 I due bimembri (2de, 2fg) contengono la stessa congiunzione gr. hoti, la cui prima ricorrenza ha il senso dichiarativo («che»), e la seconda causale («perché»). Non è chiaro, però, come intendere il senso della frase: «Sappiamo, perché lo vedremo», oppure «Simili a Lui saremo, perché lo vedremo»? La prima soluzione sembra preferibile, in quanto parallela alla costruzione con hoti causale, in 3,14 («Noi sappiamo che siamo passati dalla morte nella vita, perché amiamo i fratelli»), che deve essere intesa in quel senso. La certezza cristiana di diventare come Cristo proviene dal fatto di poter vederlo nella sua parusia «come è», cioè nella sua gloria e santità (3,3). Il che non significa che la sola visione di Cristo alla sua parusia ci trasformi, ma piuttosto che il processo di «purificazione» (3,3), che avviene grazie al fissare gli occhi su Gesù durante il corso della vita, ci fa diventare simili a Lui. (Vedi anche 2Cor 3,18). 3 Il termine «iniquità» (gr. anomia), pur etimologicamente legato alla «legge» (gr. nomos), non indica qui un’opposizione alla legge, ma assume il senso più generale di «peccato» nella sua dimensione più profonda e ontologica, come forza di ribellione contro Dio. L’affermazione «il peccato è iniquità» (4c) vuole dunque sottolineare la serietà del peccato. La persona che commette peccato trasgredisce non soltanto una norma morale, ma in fondo si ribella a Dio. 4 «Egli» (gr. ekeinos) in tutte le sue occorrenze nella 1Gv (2,6; 3,3.5.7.16; 4,17) si riferisce a Cristo. 5 Il primo segmento, anche se brevissimo, va considerato bimembro, per il fenomeno di economia che fa omettere la ripetizione del verbo «manifestare».
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24) + 2 AMATISSIMI, +e :: ciò-che
ora non-ancora
FIGLI DI DIO è-stato-MANIFESTATO saremo.
+ Sappiamo che :: simili
quando a Lui
sarà-MANIFESTATO, saremo,
vedremo è.
Lui
:: perché + come
223 siamo,
·············································································································· 3
E ppurifica
che-ha se-stesso,
questa speranza
su di Lui,
··············································································································
4 anche infatti,
: 5 E sapete che + AFFINCHÉ + e peccato
che-fa INIQUITÀ
il peccato Egli I PECCATI
in Lui
il peccato, FA; è
l’iniquità.
è-stato-MANIFESTATO, TOGLIESSE, non c’è.
+6 né
che-in Lui che-pecca,
-RIMANE, non ha-visto ha-conosciuto
non pecca; Lui Lui.
:: 7 FIGLI, + CHI-FA +
nessuno LA GIUSTIZIA,
inganni giusto g
voi; è,,
8 Chi-fa perché
il peccato fin dal principio
DAL DIAVOLO IL DIAVOLO
È,
pecca.
è-stato-MANIFESTATO IL FIGLIO DI DIO: DISTRUGGESSE LE OPERE DEL DIAVOLO. ·············································································································
: In questo : AFFINCHÉ
+9 peccato
+ perché e + perché
che-è-stato-generato da Dio non fa, seme
di Lui
non può da Dio
peccare, è-stato-generato.
in lui
RIMANE,
············································································································· MANIFESTI sono I FIGLI DI DIO, I FIGLI DEL DIAVOLO.
: 10 In questo e :
NON È
CHE NON FA DA DIO,
GIUSTIZIA,
:e
chi non ama
IL FRATELLO
DI LUI.
estremi: «i figli di Dio» e «il fratello di lui» (10a.10e, lo stesso campo semantico di famiglia). La corrispondenza tra i brani estremi (7-8 e 10) è speculare; viene assicurata mediante i termini iniziali: «figli» e «i figli di Dio» (7a.10a), e i termini
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Jacek ONISZCZUK
medi, formati dalle intere espressioni: «in questo è stato manifestato il Figlio di Dio» e «in questo manifesti sono i figli di Dio» (8c.10a), e «le opere del diavolo» e «i figli del diavolo» (8d.10b). Si noti inoltre la corrispondenza tra: «chi fa/chi non fa giustizia» (7b.10c), e fra: «dal diavolo è» e «non è da Dio» (8a.10d). Il brano centrale (9) contiene due bimembri estremi e un unimembro centrale. Si noti tra i bimembri un chiasmo esterno, formato dal sintagma «generare» + «da Dio» (9ae), e un chiasmo interno, formato da «peccato» e «peccare» (9bd). L’unimembro centrale utilizza la parola «seme»6, che evoca lo stesso concetto contenuto nei termini estremi: «che-è-stato-generato» e «è-stato-generato» (9ae). Le due parti sono parallele, grazie a un’analoga composizione tripartita. I vocativi «figli» e «amatissimi» (2a.7a) fungono da termini iniziali, e il sintagma «figli di Dio» (2a.10b) da termine estremo. Le varie forme del verbo «manifestare» ricorrono sempre nei brani estremi (2bd.5a; 8c.10a), facendo così da cornice ai rispettivi centri. Il brano centrale della prima parte è inoltre legato al primo brano della seconda parte dai termini: «come Egli puro è» e «come Egli giusto è» (3c.7c); e, similmente, il brano centrale della seconda parte è legato all’ultimo brano della prima parte tramite il verbo «rimanere» (6a.9c). Bisogna infine osservare che la disposizione dei brani nelle due parti è speculare: ABC/C’B’A’. Infatti, i brani interni (4-6 e 7-8) sono gli unici, in tutto il passo, che menzionano la manifestazione del «Figlio di Dio» e la sua opera redentrice, per di più tramite proposizioni finali («affinché» 5b.8d); e intanto si caratterizzano per la presenza del vocabolario «peccato»/«peccare». I brani estremi (2 e 10) sono invece tra loro legati dai termini iniziali «figli di Dio» (2a.10a) e trattano maggiormente della manifestazione futura dei cristiani (o di Cristo nella parusia), e non della manifestazione avvenuta nel passato. 2. CONTESTO BIBLICO PRIMA PARTE Nati e destinati a essere simili a Dio L’idea della somiglianza a Dio (1Gv 3,2) evoca due frammenti presi da Genesi, di cui uno racconta la creazione dell’uomo e l’altro il peccato dei progenitori. E Dio disse: «Facciamo l’uomo a nostra immagine, a nostra somiglianza», … (Gen 1,26). Ma il serpente disse alla donna: «Non morirete affatto! Anzi Dio sa che, quando voi ne mangiaste, si aprirebbero i vostri occhi e diventereste come dèi, conoscendo il bene e il male» (Gen 3,4-5).
6 Gli studiosi generalmente sono d’accordo che qui si tratta di «seme» di Dio (= primo «lui» di 9b), che «rimane» nel cristiano (= secondo «lui» di 9b). Il «seme», gr. sperma, esprime «un principio di vita che dimora nel credente» (vedi Marshall, 186) e può riferirsi allo Spirito Santo (vedi Ez 36,26-27; Gv 3,5; 20,22), o alla parola di Dio (vedi Gc 1,18; 1Pt 1,23, o Mt 13,3-9). È pure probabile che l’autore della 1Gv, adoperando uno stile che permette tante ambiguità grammaticali e semantiche, voglia giocare sulla ricchezza di significato del termine.
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Sia in 1Gv 3,2-6 che in Gen 3,5, il concetto di «essere come Dio/dèi» si trova in un contesto marcato dal peccato e dall’idea di vedere e conoscere. Tuttavia, il testo di Genesi fa riferimento agli inizi della storia dell’uomo, mentre quello della Lettera al momento finale della stessa storia. La somiglianza escatologica con Dio in Cristo è dunque il fine del cammino di ritorno (trascorso attraverso la purificazione dal peccato che deforma l’immagine del Creatore) verso quell’immagine originale che l’uomo aveva perso, in quanto non aveva rispettato la propria identità di essere creato, avendo voluto «essere come dèi». La speranza che purifica dal peccato In 1Pt 1, nell’esortazione rivolta ai cristiani di origine pagana, si trova un testo che, oltre a un vocabolario simile, condivide non pochi concetti con 1Gv 3,2-6. Perciò, avendo cinti i lombi della vostra mente, siate vigilanti, sperate completamente nella grazia che vi viene portata nella rivelazione di Gesù Cristo. Come figli obbedienti, non conformatevi ai desideri d’un tempo, quando eravate nell’ignoranza, ma come colui che vi ha chiamati è Santo, diventate santi anche voi in tutta la vostra condotta, poiché sta scritto: «Voi sarete santi, perché io sono santo». E se pregando chiamate Padre colui che senza riguardi personali giudica ciascuno secondo le sue opere, comportatevi con timore nel tempo del vostro pellegrinaggio; sapendo che non a prezzo delle cose corruttibili, come l’argento e l’oro, foste liberati dalla vostra vuota condotta ereditata dai vostri padri, ma con il sangue prezioso di Cristo, come di agnello senza difetto e senza macchia. Egli fu predestinato già prima della fondazione del mondo, ma si è manifestato negli ultimi tempi per voi. E voi per opera sua credete in Dio, che l’ha risuscitato dai morti e gli ha dato gloria e così la vostra fede e la vostra speranza sono fisse in Dio (1Pt 1,13-21).
Le affinità tra i due testi (1Pt e 1Gv) sono evidenti. Sia Pietro che l’autore della 1Gv si impegnano a mostrare ai lettori (chiamandoli «figli» e ricordando la loro figliolanza divina7) la necessità di rinunciare al peccato per vivere conformi al Figlio nella santità8, a motivo della «speranza» (1Gv 3,3), che viene da Dio attraverso la rivelazione escatologica di Cristo. Entrambi i testi fanno riferimento alla prima «manifestazione» (lo stesso verbo gr. phanerō) di Gesù, che mirava alla liberazione dal peccato, e al suo stato di essere «puro» (1Gv 3,3) o «senza difetto e senza macchia» (1Pt 1,19). I testi condividono anche l’idea della «ignoranza» (1Pt 1,14) o «non conoscenza» di Dio (1Gv 3,6) di chi è in balia del peccato. SECONDA PARTE La seconda parte sviluppa il tema della figliolanza e mette in opposizione «i figli di Dio» e «i figli del diavolo», mostrando come l’identità della persona si manifesti nelle sue «opere» (3,8). Per mezzo di un tale contrasto, l’Autore offre ai lettori un principio per non essere «ingannati» (3,7) dagli «anticristi» (2,18). Gesù, 7 8
In 1Gv «figli di Dio» e in 1Pt «figli di obbedienza», che pregando «chiamano» Dio «Padre». Il richiamo al Codice di santità (Lv 19,2), citato in 1Pt 1,16, è implicito pure in 1Gv 3,3.
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nel discorso sulla montagna, offre un simile criterio, per «guardarsi dai falsi profeti» (Mt 7,15): «Dai loro frutti li riconoscerete. […] Un albero buono non può produrre frutti cattivi, né un albero cattivo produrre frutti buoni» (Mt 7,16a.18). Somiglianze assai più sorprendenti emergono però dal confronto di 1Gv 3,7-10 e la controversia tra Gesù e i Giudei nell’ottavo capitolo del vangelo di Giovanni. Nella lunga disputa (Gv 8,31-58), i Giudei si dichiarano «discendenza [gr. sperma] di Abramo» (33) e pretendono di avere Dio come Padre (41). Gesù, sapendo ciò che essi tramano, mette in dubbio questa loro origine: Gli risposero: «Il nostro padre è Abramo». Rispose Gesù: «Se siete figli di Abramo, fate le opere di Abramo! Ora invece cercate di uccidere me, che vi ho detto la verità udita da Dio; questo, Abramo non l’ha fatto. Voi fate le opere del padre vostro». Gli risposero: «Noi non siamo generati da prostituzione, noi abbiamo un solo Padre, Dio!». Disse loro Gesù: «Se Dio fosse vostro Padre, certo mi amereste, perché da Dio sono uscito e vengo […]. Voi siete dal vostro padre, il diavolo, e volete compiere i desideri del padre vostro. Egli è stato omicida fin dal principio e non ha perseverato nella verità, perché non vi è verità in lui. […] Chi di voi può convincermi di peccato? Se dico la verità, perché non mi credete? Chi è da Dio ascolta le parole di Dio: per questo voi non le ascoltate, perché non siete da Dio» (Gv 8,39-47).
La vicinanza tra i due testi è tanto palese, da sospettare che, in 1Gv 3,7-10, l’autore della Lettera alluda alla disputa giovannea tra Gesù e i Giudei9, applicandola al contesto della propria comunità, con lo scopo di svelare la radice, da cui spuntano le intenzioni e gli atteggiamenti degli «ingannatori» (1Gv 3,7). Infatti, oltre ai numerosi termini in comune, i due testi trattano della stessa idea che la vera figliolanza e la vera paternità si manifestino nelle opere, tra le quali, al primo posto, l’«amore del proprio fratello». Inoltre, entrambi i testi ribadiscono la stessa convinzione che i veri figli portino dentro di loro qualcosa della natura del padre da cui sono stati generati. Il fortissimo contrasto è pure il medesimo: tra «i figli di Dio» e «i figli del diavolo». Si potrebbe concludere che l’autore della Lettera, combattendo contro i suoi avversari, traditori della propria comunità, non sia più radicale del Gesù giovanneo, nei confronti dei Giudei che tramano di ucciderlo. INSIEME DEL PASSO Alcuni commentatori notano numerose affinità tra 1Gv 3,2-10 e 1Pt 1,3-5.1323, fino al punto da congetturare che i rispettivi autori abbiano attinto alla stessa tradizione10. Senza entrare in una discussione di natura diacronica, sembra utile un confronto tra questi due testi, perché esso può aiutare a inserire nella giusta prospettiva biblica il testo del presente passo della 1Gv. Le somiglianze tra 1Gv 3,2-7 e 1Pt 1,13-21 sono state già menzionate (vedi p. 225s). Ora, dato che 9
Oppure alla tradizione sottostante; così Strecker, 99, e Brown, 562 (i riferimenti completi si trovano alla fine dell’articolo). 10 Vedi specialmente M.-É. BOISMARD, «Une liturgie baptismale dans la Prima Petri», 182208. Lo studioso conclude che l’autore della 1Gv si è inspirato alla liturgia battesimale, presente in 1Pt 1–2, e l’ha adattata al proprio disegno letterario (204). Similmente Brown, 594-597.
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)
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il parallelismo consiste non tanto nell’espressione quanto nelle idee in comune, basterà mostrare come queste idee si susseguano in entrambi i testi11. All’inizio, si richiama il dono della figliolanza divina («figli di Dio» 1Gv 3,2 e «rigenerazione» in 1Pt 1,3), il frutto dell’amore di Dio offerto ai cristiani mediante il sacrificio di Cristo (1Gv 3,5.8 e 1Pt 1,3.19.21), con cui Egli li ha «liberati» dalla «vuota condotta» (1Pt 1,18), «togliendo i peccati» (1Gv 3,5). Questo dono è stato offerto già nella prima «manifestazione» del Figlio di Dio (1Gv 3,8 e 1Pt 1,20) e costituisce la base della «speranza» escatologica (1Gv 3,3 e 1Pt 1,3.13.21), durante la sua seconda «rivelazione» (1Gv 3,2 e 1Pt 1,13). Il dono va attuato nel corso del «pellegrinaggio» (1Pt 1,17) terreno dei «figli», che devono conformarsi all’immagine del «Santo» (1Pt 1,15), mediante il processo di «purificazione» e di «santificazione» (1Gv 3,3 e 1Pt 1,14.22). Cristo, che è «puro» (1Gv 3,3) e «senza macchia» (1Pt 1,19), in entrambi i testi diventa modello di questa trasformazione, in quanto è «il Figlio di Dio» (1Gv 3,8) e l’immagine del Padre. Un segno chiaro dell’«essere generato da Dio» (1Gv 3,9), o, meglio, della «rigenerazione» (1Pt 1,23), sono le «opere» (1Gv 3,8 e 1Pt 1,17), cioè il «fare la giustizia» (1Gv 3,7.10); tra queste opere, l’amore fraterno (1Gv 3,10 e 1Pt 1,22) occupa il primo posto. 3. INTERPRETAZIONE LA FIGLIOLANZA DIVINA – UN DONO PREZIOSO MA ESIGENTE Nei punti cruciali del primo passo, vengono collocati i termini «figli di Dio» (l’inclusione in 3,2.10) e i vocativi «amatissimi» e «figli» (i termini iniziali delle parti in 3,2.7), che imprimono un carattere dominante su tutta l’unità testuale. Questo carattere è il dono della figliolanza divina, frutto dell’«amore del Padre» per gli uomini, «contemplato» nell’ultimo versetto della sequenza precedente (3,1). È un dono inestimabile, a misura dell’amore divino, che suscita stupore (vedi 3,1), ma che pure deve essere custodito dall’«inganno» (3,7) del diavolo. È un dono particolare, in quanto, pur ricevuto una volta, gratuitamente, come «seme» divino (3,9), è destinato a svilupparsi, e a crescere, grazie all’impegno dei cristiani, sino alla sua piena «manifestazione», che coincide con la «manifestazione» escatologica di Cristo (3,2). In quel momento della storia, «i figli di Dio» saranno «simili a Lui», cioè al «Figlio di Dio», che è l’immagine perfetta del Padre. Assomigliando al Figlio, i figli potranno «vederlo come è» (3,2) veramente, e in Lui vedere anche il Padre (Gv 14,9). La loro figliolanza divina è dunque in ogni sua dimensione modellata sull’unico Figlio di Dio. Però, prima di arrivare a questo culminante momento della storia, i cristiani devono percorrere il cammino di «purificazione» (3,3) e santificazione. Questo cammino comporta un duplice aspetto: negativo e positivo. Negativamente, consiste nella rinuncia a ogni «peccato», che in fondo è sempre «iniquità» (3,4), cioè opposizione radicale a Dio. Positivamente, significa «fare la giustizia» (3,7), vale a dire comportarsi secondo la volontà di Dio, che sfocia proprio nel dono della figliolanza. I figli compiono 11
In base al suddetto articolo di Boismard.
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dunque giustizia, se il loro atteggiamento corrisponde a quello di figli, se si comportano da figli secondo il loro DNA filiale, ossia secondo il «seme» divino che «rimane» in loro (3,9). In pratica, un tale comportamento significa «amare il proprio fratello» (3,10), perché anche lui è figlio di Dio. Per mostrare meglio il valore del dono della figliolanza divina, e per rendere i lettori consapevoli che bisogna interiorizzarlo e custodirlo, l’Autore li avverte del pericolo dell’«inganno» (3,7), che può astutamente cambiare «i figli di Dio» in «figli del diavolo» (3,10)12. Questo brusco contrasto, introdotto poco dopo aver parlato della «speranza» e della «purificazione» (3,3), serve a far vedere che, nel cammino di vita, ogni passo avvicina o allontana dal Signore. Nella teologia giovannea non esistono scelte neutrali. Il pericolo di cadere nelle insidie del diavolo, che «pecca fin dal principio» (3,8) della storia del mondo, è sempre reale, finché si sta nel cammino. Lo prova la storia di alcuni, che, pur essendo «discendenza di Abramo» e «avendo Dio come Padre» (Gv 8,33.41), hanno finito avendo «il diavolo per padre», perché, ingannati da lui, si sono messi a seguire la sua volontà (vedi Gv 8,44). Tentando di uccidere il Figlio di Dio (Gv 8,40), hanno respinto pure il dono della figliolanza divina. Lo prova anche la storia della stessa comunità giovannea, dalla quale, in un certo momento, «sono usciti anticristi» (2,18-19). Anche loro hanno «negato il Figlio» (2,23), e, di conseguenza, hanno rifiutato la propria figliolanza divina. Il «seme» (3,9) della figliolanza divina, destinato a «rimanere» nel cristiano (3,9), deve essere veramente accettato, accolto e custodito, per potersi sviluppare verso la sua pienezza escatologica. La «manifestazione» del Figlio di Dio si attua nei due momenti della storia umana: nella sua prima (3,5.8) e nella sua seconda venuta (3,2). Così, anche per i cristiani, questi stessi due momenti diventano cruciali nella storia della loro figliolanza, essendo «manifestazione» di ciò che essi sono veramente. LA FORZA DELLA SPERANZA Se la figliolanza divina è un dono dinamico che bisogna interiorizzare e custodire costantemente, dove mai il cristiano troverà la forza per non perderlo nel cammino e portarlo all’attuazione piena alla fine dei tempi? Al centro della prima parte, l’Autore, non a caso, ha collocato il termine carico di significato per ogni cristiano: «questa speranza in Lui» (3,3), e l’ha fatto riferire alla forte convinzione (vedi «sappiamo» in 3,2) della somiglianza escatologica dei figli al Figlio. Una semplice speranza può sembrare poco, perché, a prima vista, appare fragile e priva di certezza, ma, in realtà, è la «speranza in Lui». È legata cioè alla fede nel Padre, che si è mostrato fedele nel suo amore per i figli nel dono del suo Figlio. La speranza, fondata su questo dono, diventa una forza capace di portare avanti il processo della «purificazione» (vedi 3,3) verso la somiglianza sempre più perfetta 12 Evidentemente «i figli di Dio» non saranno mai «figli del diavolo» allo stesso livello ontologico, in quanto solo Dio è creatore, mentre il diavolo, come colui che «pecca fin dal principio» (3,8), non è in grado di creare niente, ma «i figli» possono respingere o soffocare in loro il «seme» divino (3,9) e non diventare mai simili a Dio in Cristo (vedi 3,2).
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)
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con il Figlio. Questa «speranza» – situata tra il «sarà manifestato» di Cristo (3,2) e il suo «è stato manifestato» (3,5) – pur protesa verso il futuro, è anche saldamente ancorata nel passato, nell’evento redentore con cui Cristo «ha tolto i peccati» (3,5) e «ha distrutto le opere del diavolo» (3,8). La speranza cristiana attinge dunque la sua forza alla vittoria di Cristo, e perciò non vale meno della certezza. QUESTIONE DELL’IMPECCABILITÀ Nel testo, l’Autore esprime la convinzione riguardo all’innocenza e perfino all’impeccabilità del cristiano. Nella prima parte, l’Autore afferma: «Ognuno che in Lui rimane, non pecca» (3,6). Nella seconda parte, la sua formulazione è ancora più radicale: «Non può peccare, perché da Dio è stato generato» (3,9). Il lettore, che già conosce i primi due capitoli della Lettera, può rimanere stupito, ricordandosi di aver letto, in 1,8-10 e in 2,1, affermazioni del tutto contrarie13. Come mai in una lettera tanto breve l’Autore sembra non essere coerente o perfino contraddire se stesso14? Sembra che cercare una soluzione a questo problema sarebbe come mancare il bersaglio, ancora prima di colpirlo. Analogicamente a tanti altri paradossi del NT (come ad es. «bisogna morire per vivere», oppure «salvezza tramite la fede o le opere?»), non ha senso cercare di risolverlo in modo analitico, cioè ridurlo agli elementi primitivi, ma piuttosto entrare nella logica del paradosso e tentare di comprenderlo dal di dentro. Unendo nella stessa lettera le due formulazioni apparentemente contrarie circa il peccato, l’Autore esprime un mistero della profonda natura della vita cristiana, in cui sempre esiste una tensione tra questi due poli del cammino di fede. Il cristiano, fin dal momento in cui intraprende il cammino (vedi lo sfondo battesimale in relazione con 1Pt 1-2), diventa figlio di Dio, e, in quanto tale, «non può peccare» (3,9), perché il peccato contraddice la sua natura. Però, finché si trova nel cammino, ha pure la libertà di vivere contraddicendo il «seme» divino (3,9), e di comportarsi come se non fosse figlio di Dio, o addirittura di distruggere questo «seme», diventando «figlio del diavolo» (vedi 3,10). Pur rimanendo sempre figlio agli occhi del Padre – come lo era il figlio prodigo (vedi Lc 15), anche quando, lontano dal padre e da se stesso, fra i porci faceva da servo a un altro padrone – tuttavia, davanti a se stesso, cosciente di aver tradito la propria natura, può non sentirsi più degno di essere chiamato figlio e finanche mai più ritornare a casa. Questo è il vero dramma e la 13 1Gv 1,8–2,1: «Se diciamo che siamo senza peccato, inganniamo noi stessi e la verità non è in noi. Se diciamo che non abbiamo peccato, facciamo di Lui un bugiardo e la sua parola non è in noi. Se confessiamo i nostri peccati, Egli è fedele e giusto, per perdonarci i peccati e purificarci da ogni ingiustizia. Figli miei, questo scrivo a voi, affinché non pecchiate. Ma se qualcuno ha peccato, un avvocato abbiamo presso il Padre: Gesù Cristo giusto». 14 La questione è ampiamente discussa dagli studiosi e finora non ha trovato una soluzione che convinca tutti. Già le classificazioni di diverse teorie sono impressionanti. Ad es. Brown, 569-572, propone di raggruppare le soluzioni in sette approcci principali: 1) due diversi autori; 2) due diversi gruppi di avversari; 3) diversi tipi di peccato; 4) diversi tipi di cristiani (particolari o elitari); 5) diverse modalità di peccare (abituale o casuale); 6) due diversi piani di riflessione (reale e ideale); 7) due diversi contesti letterari (kerigmatico e apocalittico).
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grandezza del dono della libertà umana; la libertà, che acquista il suo senso solo se si giunge a riconoscere la propria identità e dignità di figlio di Dio.
B. AMARE I FRATELLI (3,11-17) Il secondo passo è formato da tre parti, distribuite in modo concentrico: + L’opera di Caino che ha ucciso
il suo fratello
L’amore fraterno che segna il passaggio dalla morte alla vita + L’opera di Cristo che ha dato la vita
per i fratelli
11-12 13-15 16-17
Le parti estreme (11-12 e 16-17) comprendono ciascuna una domanda e sono in opposizione, giacché la prima fa riferimento alla figura di Caino, l’ultima, invece, alla figura di Cristo. 1. COMPOSIZIONE La prima parte è formata da due brani. Il primo (11) è un trimembro, che introduce il messaggio dell’amore fraterno. Il secondo (12) offre al primo brano un’illustrazione al negativo. Esso comprende tre segmenti: un bimembro che introduce la figura di Caino (ab), un unimembro che esprime una domanda (c), e un altro bimembro che ne offre una risposta (de). I bimembri estremi sono in parallelismo mediante i termini iniziali: «Caino che dal maligno era» (12a) e «le opere di lui maligne erano» (12d), e il termine finale: «fratello suo» (12be). La domanda, riguardante il motivo del delitto di Caino (nell’unimembro centrale), è legata al primo bimembro, grazie al termine «ha-sgozzato»15 (12bc), e al secondo, come una domanda che esiga una risposta. I legami tra i due brani sono sia di tipo semantico – un principio (11)16 e la sua illustrazione al negativo (12) – sia di tipo lessicale. I vocaboli in comune sono: i termini estremi «poiché» (11a.12d), il verbo «essere» e i termini dello stesso campo semantico: «amiamo» (11c) e «motivo» (12c, in gr. charin), che letteralmente significa «amore, predilezione».
15
In greco viene usato qui il verbo sphazō («uccidere, sgozzare»), che in primo luogo serve senz’altro a esprimere la crudeltà dell’atto di Caino, ma non si può escludere che l’autore della Lettera voglia alludere alla dimensione sacrificale della morte di Cristo. Il nome di Abele curiosamente non appare nel testo; magari, da una parte, per far risaltare di più la figura di Caino che ha tolto la vita al suo fratello (3,12); ma forse, d’altra parte, anche per indicare Cristo, che ha dato la sua vita per i fratelli (3,16). Il suo sacrificio può essere implicito nelle parole che vengono pochi versetti dopo (in 3,16): «La vita sua ha posto per noi». 16 Il contenuto di questo principio («che amiamo gli uni gli altri») è espresso con molta forza, perché la congiunzione «che» (gr. hina) equivale qui «quasi a un comando» (vedi Marshall, 189). Infatti, molti commentari lo traducono con «dobbiamo amare» (ad es. Schnackenburg, 194).
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24) :: 11 Poiché :: il quale che
questo ci
è avete-ascoltato AMIAMO
231
il messaggio, fin dal principio, gli-uni-gli-altri.
························································································································
come CAINO, HA-SGOZZATO
(che) dal maligno IL FRATELLO SUO.
=E
per quale MOTIVO
HA-SGOZZATO
: Poiché mentre
le opere di lui del FRATELLO SUO
maligne giuste.
: 12 Non e
: 13 E non : se
meravigliatevi, odia voi
14
sappiamo siamo-passati AMIAMO
:: Noi che perché
era
lui? erano,
FRATELLI,
il mondo. dalla morte
nella vita,
I FRATELLI. ······································································································
Chi- non :
-AMA,
nella morte.
······································································································ 15 Ognuno che-odia IL FRATELLO SUO,
omicida
è.
sapete omicida
:: E che ogni in lui
non ha
la vita eterna
.
:: 16 In questo
abbiamo-conosciuto L’AMORE,
che EGLI e noi dobbiamo
per noi per I FRATELLI
17 Se uno infatti e ed
ha
LA VITA SUA HA-POSTO, LE VITE PORRE. ························································································································
:: come
i beni (che) (
L’AMORE di Dio
la compassione sua
del mondo ha bisogno, verso di lui,
(può)
in lui?
IL FRATELLO SUO
La seconda parte si compone di tre brani: due più lunghi alle estremità e uno breve al centro. I due brani estremi si corrispondono in parallelo. Il primo brano (13-14a-c) comprende due segmenti (bimembro + trimembro), legati mediante i termini estremi: «fratelli» (13a.14c). L’ultimo brano comprende pure due segmenti (bimembro + trimembro), che sono uniti grazie ai termini «ognuno» e «ogni» (15ad) e «omicida» (15bd). I bimembri e i trimembri di questi brani estremi si corrispondono. I bimembri sono legati tramite i termini: «fratelli» e «fratello suo» (13a.15a), e «odia» e «che-odia» (13b.15a). I trimembri invece sono uniti per mezzo dei termini iniziali: «sappiamo»/«sapete» (14a.15c), e «vita»/«vita eterna» (14b.15d). Il brano centrale (14d) è un unimembro; è collegato al primo brano dai termini: «morte» (14bd) e il verbo «amare» (14cd); al
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secondo brano tramite il verbo «rimanere» (14d.15e). I brani estremi oppongono il «noi» della comunità giovannea, che «sanno» di essere «passati dalla morte alla vita», perché amano i fratelli (14a-c)17 , e l’impersonale «omicida», di cui si «sa» che «non ha la vita eterna», giacché «odia il suo fratello» (15ab). La terza parte è composta da due brani paralleli e opposti. Il primo (16) comprende un unimembro e un bimembro, e offre un modello dell’amore fraterno in Cristo, sottinteso nel pronome «Egli» (16b). Il secondo brano (17), che comprende un trimembro e un unimembro, pone una domanda retorica (d), anticipata da un esempio negativo di mancanza d’amore (abc). Gli unimembri estremi (16a.17d) sono legati mediante il termine «amore»18, che forma un’inclusione. Il bimembro del primo brano e il trimembro del secondo sono legati per la ripresa dei termini: «i fratelli» e «il fratello suo» (16c.17b), ma sono in opposizione semantica: uno indica la persona di Cristo che «ha posto la sua vita» per i fratelli (16b), mentre l’altro parla in modo impersonale di «uno» che, pur «vedendo» il bisogno del fratello, «esclude la sua compassione»19 per lui (17a-c). L’importanza della questione è rafforzata dalla domanda retorica (17)20. Le tre parti del passo formano una composizione concentrica (vedi la tavola sulla pagina precedente.) Le parti estreme (11-12; 16-17) sono parallele, grazie all’opposizione tra la figura di Caino e il suo delitto, da una parte, e la figura di 17 La sintassi di 14a-c crea un problema d’interpretazione. La congiunzione «perché» (14c) può: 1) completare la principale, offrendo il motivo del «sapere»; 2) completare la sostantivata, indicando il motivo del «passare dalla morte alla vita». In breve: l’amore fraterno fa vivere, oppure l’amore fraterno fa sapere che viviamo? Pare che l’Autore non abbia forse considerato una tale distinzione. Eppure l’affermazione che l’amore fraterno possa diventare causa della vita eterna è da respingere, in quanto contraddittoria alle parole di Gesù in Gv 5,24 (l’unico testo in cui appare la stessa espressione): «In verità, in verità vi dico: chi ascolta la mia parola e crede a colui che mi ha mandato, ha la vita eterna e non va incontro al giudizio, ma è passato dalla morte alla vita [le stesse parole in greco]». Insomma, «l’amore per i fratelli è l’evidenza e non il fondamento della vita spirituale» (vedi Marshall, 191). Si noti, però, che la precisazione riguarda solamente 3,13 e non contraddice il sottotitolo del passo centrale 3,11-17: «L’amore che fa passare dalla morte alla vita», perché in esso si tratta innanzitutto dell’amore del Fratello che «ha posto per noi la sua vita» (3,16), portandoci, con il suo sacrificio, proprio dalla morte alla vita. 18 Nell’espressione «amore di Dio» (in 17d), si tratta probabilmente del genitivo soggettivo, cioè dell’amore di Dio per gli uomini. L’amore di Dio, e non quello dell’uomo, è principio della vita eterna. L’uomo che, consapevolmente, chiude il cuore davanti al suo fratello bisognoso, lo chiude pure all’amore di Dio per lui stesso, commettendo una specie di suicidio spirituale. 19 L’espressione «escludere la compassione», difficile da tradurre, richiede una spiegazione. Il termine «compassione» (gr. splanchna, in gr. letteralmente: «le parti interiori della vittima sacrificale», o, metaforicamente: «la sede delle emozioni e dei sensi»), secondo H. KÖSTER, «spla,gcnon( ktl)», XII, 929, non è qui utilizzato, come nella letteratura greca, nel senso della sede dei sentimenti, ma «indica il cuore come il centro del prescritto agire misericordioso». In breve: il sintagma «escludere la compassione» esprime non tanto il rifiuto di un labile sentimento di compatimento verso il bisognoso, quanto la profonda chiusura del cuore, che rende l’uomo incapace di agire in favore del proprio fratello indigente. 20 La costruzione sintattica di 17 è particolare, dato che, per aumentare l’effetto drammatico, lascia la domanda retorica (apodosi) alla fine di un lungo periodo (protasi), che serve a descrivere la persona. L’avverbio interrogativo «come» (gr. pōs) introduce una domanda retorica, che suggerisce una risposta negativa, (vedi J. BAUER, «pw/j in der Griechischen Bibel», 82-83).
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)
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Cristo e la sua opera salvifica, dall’altra. Il legame tra le due parti è rafforzato grazie alla presenza delle domande (12.17). Inoltre, alcune espressioni si ripetono: i termini iniziali «questo» (11a.16a), «amiamo» e «l’amore» (11b.16ae), e il sintagma «fratello suo» (12ac.17a). La parte centrale (13-15) comincia con il vocativo «fratelli», che è l’unico in tutta la Lettera. Il legame con le parti estreme è assicurato principalmente dai termini: «fratello suo» (12.15.17) e la ripresa del vocabolario dell’amore «amiamo» (11.14) e «amore» (16.17). 11
Poiché questo è il messaggio, il quale avete ascoltato fin dal principio, che ci AMIAMO gli uni gli altri. Non come CAINO, che dal maligno era e HA SGOZZATO E per quale MOTIVO HA SGOZZATO lui? Poiché le opere di lui maligne erano, mentre quelle del 12
IL FRATELLO SUO. FRATELLO SUO
giuste.
13
E non meravigliatevi, FRATELLI, se odia voi il mondo. Noi sappiamo che siamo passati dalla morte nella vita, perché AMIAMO I FRATELLI. 14
······················································
Chi non
AMA,
rimane nella morte.
······················································ 15
Ognuno che odia IL FRATELLO SUO, omicida è, e sapete, che ogni omicida non HA la vita eterna in lui rimanente. In questo abbiamo conosciuto L’AMORE, che EGLI per noi LA VITA SUA HA POSTO, e noi dobbiamo per 16
17
Infatti, se uno HA beni del mondo e vede che ed esclude la compassione sua verso di lui, come L’AMORE di Dio può
I FRATELLI LE VITE PORRE. IL FRATELLO SUO HA
bisogno,
rimanere in lui?
Benché l’opposizione dominante sia stabilita tra Caino e Cristo, non si dovrebbe tuttavia trascurare un’altra corrispondenza all’interno delle parti estreme: tra 11 e 16 da un lato, e tra 12 e 17 dall’altro. I brani 11 e 16 sono in relazione, perché: 1) contengono i termini comuni «questo» e «amiamo/amore»; 2) sono al positivo; 3) contengono verbi coniugati alla prima persona plurale. In cambio, i brani 12 e 17 sono legati mediante: 1) la presenza di domande; 2) il senso al negativo; 3) il sintagma comune «fratello suo»; 4) i verbi coniugati alla terza persona singolare. Bisogna inoltre notare che le rispettive funzioni dei brani sono parallele: 11 e 16 fungono da introduzione, che espone una sorta di principio (11) o modello di amore (16); mentre 12 e 17 danno un’illustrazione, al negativo, del suddetto principio. Così, da un lato, Caino sta in opposizione a Cristo, ma, allo stesso tempo, trova il suo parallelo (sempre al negativo) nell’indefinito? «uno» (17) che non si prende cura del proprio fratello. Dall’altro lato, invece, la figura di Cristo, non solo sta in opposizione a Caino, ma serve anche a illustrare (sempre al positivo) il principio dell’amore fraterno, spiegando, in modo concreto, come ci «dobbiamo amare gli uni gli altri» (11).
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Vista la composizione, è più facile ora cogliere il senso del passo, in cui il ruolo cruciale è giocato dalle due figure antitetiche, Caino e Cristo, collocate nelle parti estreme. Questi personaggi fungono da esempi, che illustrano i due poli opposti nei confronti del comandamento dell’amore fraterno – il primo con la sua «opera malvagia» di togliere la vita al suo fratello (12), l’altro con la sua opera salvifica di «dare la vita» per i fratelli (16). Il centro del passo è occupato dall’opposizione tra «l’amore» e «l’odio» (13.15), che sono strettamente legati a «la vita» e «la morte» (14). Il «passaggio» dalla morte alla vita (14a) si compie tramite la realizzazione concreta del comandamento dell’amore (17), sull’esempio di Cristo (16). 2. CONTESTO BIBLICO PRIMA PARTE La figura di Caino costituisce l’unico esplicito riferimento a un concreto personaggio dell’AT in tutta la prima lettera di Giovanni. Il delitto e il castigo di Caino è descritto in Gen 4,1-16, ma la maggioranza degli studiosi sostiene che il riferimento a questo personaggio, nella 1Gv, sorpassi ciò che si potrebbe ricavare solamente dal racconto biblico21. Il modo in cui la 1Gv presenta Caino, come colui che «era dal maligno» (3,12), rimanda agli sviluppi immaginari della sua storia, presenti largamente nella letteratura giudaica. Proprio nella letteratura extrabiblica, l’opposizione tra Caino e Abele viene spinta all’estremo, addirittura fino ad affermare che Caino fu concepito a causa del rapporto sessuale tra Eva e il diavolo22. Ovviamente non ci sono ragioni per interpretare la derivazione giovannea di Caino «dal maligno» in senso biologico, ma la sua presentazione nella Lettera segue la linea della tradizione giudaica, perché indica (più esplicitamente dell’AT) che Caino mediante la sua opera di fratricidio è diventato «figlio del diavolo» nel senso spirituale (vedi 3,10). A questo punto, 1Gv 3,11-12 si avvicina moltissimo alle accuse fatte da Gesù ai farisei, che cioè essi hanno il diavolo come padre, perché compiono le sue opere (Gv 8,39-47; vedi p. 225s.). Oltre al forte contrasto basato sulla provenienza «da Dio» o «dal diavolo» e l’idea che l’interiorità dell’uomo si manifesti nelle sue opere, entrambi i testi contengono non pochi vocaboli in comune; ad es.: «le opere» (gr. ta erga), «avete ascoltato» (ēkousate), «fin dal principio» (ap’archēs), il verbo «amare» (agapaō), «uccidere» (diversi verbi in gr.), «essere da» (ek + sostantivo). Il testo di 1Gv 3,11-12 fa pensare pure al Discorso della montagna: 21
Vedi ad es. M. MORGEN, «La figure du Frère dans 1 Jn 3,12», 203-221, secondo cui il riferimento a Caino, nella 1Gv, non si limita al testo di Gen 4, ma va oltre, attingendo dalla tradizione giudaica presente in Filone, Giuseppe Flavio, Targum Pseudo-Johnatan, Targum Neofiti, Apocalisse di Abramo, ecc. Ad es. l’identificazione di Caino come proveniente «dal maligno» non si trova nella Bibbia, ma nella tradizione giudaica, che fa di Caino un sinonimo della malvagità. 22 Ad es. il Targum Pseudo-Johnatan su Gen 4,1 menziona che Caino non fu figlio di Adamo, ma fu concepito a causa della visita dell’angelo Samuele (arrivato sul serpente) a Eva; vedi J.M. LIEU, «What was in Beginning: Scripture and Tradition in the Johannine Epistles», 468. Bisogna però notare il problema della datazione di queste tradizioni: non è sicuro se, nel I sec. d.C., fossero già conosciute.
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)
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Avete inteso che fu detto agli antichi: «Non uccidere»; […]. Ma io vi dico: chiunque si adira con il proprio fratello, sarà sottoposto a giudizio (Mt 5,21-22a).
I due testi a confronto rivelano lo stesso spirito d’interpretazione delle parole di Gesù, che mostra come il fratricidio è potenzialmente già presente nell’«adirarsi», ossia nell’odio, contro il proprio fratello. In Mt 5,22, che parla della necessità di riconciliarsi con il fratello, prima di presentare l’offerta a Dio, sembra pure risuonare il motivo biblico di Caino e della sua offerta. Si può ripetere l’affermazione di Marshall, che l’autore della 1Gv «ha semplicemente presentato le implicazioni dell’insegnamento» di Gesù, ma pure «è andato oltre le parole di Gesù chiedendo “perché la gente commette omicidio”?»23 La risposta a questa domanda è già parzialmente inclusa nella sua forma: «per quale motivo [“amore”] lo ha sgozzato?» (3,12). Il motivo profondo è un forte affetto, presente nel cuore dell’uomo, e di cui le opere sono soltanto una manifestazione. Un’altra questione, legata alla figura di Caino, è la larghezza di estensione di questo riferimento biblico nella 1Gv. Il nome “Caino” appare soltanto una volta (12), ma l’ingresso della sua figura è preparato già in 3,7-10, dove viene sviluppato il tema dei figli di Dio e dei figli del diavolo (specialmente in 8: «Chi fa il peccato, è dal diavolo»). L’esempio di Caino echeggia pure nei versetti seguenti (3,13-17), giacché serve a illuminare il tema della vita e della morte, in particolare mettendo in opposizione chi toglie la vita al fratello, a causa dell’odio (= Caino); e chi dà la sua vita per fratelli, a causa dell’amore (= Cristo). Alcuni studiosi sostengono che l’allusione a Caino, e di conseguenza anche l’implicita opposizione con Abele, si estenda oltre, addirittura fino a comprendere tutta la Lettera24. Però, il dualismo che indubbiamente permea tutta la Lettera non si esprime tanto con delle figure concrete, quanto con degli atteggiamenti generali, sebbene questi ultimi possano essere illustrati con personaggi concreti come Caino e Abele. Inoltre, il perno dell’opposizione non risiede tanto tra Caino e Abele (il nome di Abele non appare affatto!), quanto piuttosto tra Caino, come modello di fratello che agisce sotto l’influsso del maligno, e Cristo («il secondo Abele»), come modello di fratello che compie la volontà del Padre (vedi 3,10: «i figli di Dio e i figli del diavolo»). SECONDA PARTE Di nuovo, il testo più vicino a questi versetti si trova nel vangelo di Giovanni (Gv 8,39-47), che riporta la disputa di Gesù con i farisei (vedi p. 225s e anche 23
Marshall, 190. Vedi D. MUÑOZ LEÓN, «El derás sobre Caín y Abel en 1 Jn», 213-238; l’Autore analizzando il racconto midrashico (basato su Gen 4) di Targum Neofiti, arriva alla conclusione che il riferimento alla figura di Caino nella 1Gv si estende a tutta la Lettera, sotto l’influsso della lettura del Targum Palestinese. La scuola giovannea con questo riferimento vuole mettere in contrapposizione i buoni membri della comunità (come Abele) e i secessionisti (come Caino). L’autore dell’articolo trova allusioni a Caino e Abele in tutta la Lettera e perfino alcune affinità strutturali tra la 1Gv e il Targum Neofiti, e ne trae fuori le conclusioni riguardo alla situazione interna della comunità giovannea. Però la sua posizione sembra spingere all’estremo le somiglianze per entrare nel campo di un’estrapolazione non verificabile. 24
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p. 234s). Per la presente unità (13-15), il testo più importante è Gv 8,44, l’unico versetto della Bibbia, dove, oltre a 1Gv 3,15, appare il raro sostantivo «omicida» (gr. anthrōpoktonos): «Voi siete dal vostro padre, il diavolo, e volete compiere i desideri del padre vostro. Egli è stato omicida fin dal principio e non ha perseverato nella verità, perché non vi è verità in lui […]». È senz’altro significativo che l’autore della Lettera chiami «ognuno che odia il suo fratello» (3,15) con lo stesso nome che il Gesù giovanneo usa per descrivere il diavolo. TERZA PARTE L’espressione di 1Gv 3,16 «porre la vita25 per» (gr. tēn psychēn tithenai hyper) è peculiare nel vangelo di Gv, dove ricorre cinque volte (10,11.15; 13,27.28; 15,13)26. Le prime due occorrenze appartengono al quadro del Buon Pastore, che dà la propria vita per le sue pecore; le altre due al contesto dell’ultima cena, quando Pietro promette di dare la sua vita per il Maestro; e infine la quinta s’inserisce nel discorso di Gesù sul comandamento dell’amore fraterno. Proprio quest’ultima è particolarmente vicina a 1Gv 3,16: 12
Questo è il mio comandamento: che vi amiate gli uni gli altri, come io vi ho amati. Nessuno ha un amore più grande di questo: dare la vita per i propri amici. 14 Voi siete miei amici, se farete ciò che vi comando (Gv 15,12-14).
13
Confrontando questi testi, diventa chiaro che 3,16 fa riferimento all’amore di Cristo non in senso astratto, ma legandolo allo specifico contesto dell’ultima cena. Avvicinandosi alla morte sacrificale «per i suoi amici», Gesù esorta i suoi seguaci a osservare il comandamento dell’amore fraterno proprio «come» Egli si appresta a osservarlo. Così il «dobbiamo» in 1Gv 3,16b ha la forza di comandamento. Un interessante parallelo al sintagma giovanneo «porre la vita per» lo offre Maurer27, sostenendo che quest’espressione costituisce la versione giovannea di Mc 10,4528, e con essa Giovanni si rifà direttamente al testo ebraico di Is 53,10b: Quando offrirà se stesso in espiazione, vedrà una discendenza, vivrà a lungo, si compirà per mezzo suo la volontà del Signore.
Se questo è vero, nella presentazione del modello di «amore» in 1Gv 3,16, risuona la figura di Gesù, non solo in quanto il Buon Pastore o il Fratello-Amico, nel contesto dell’ultima cena; ma anche come il Servo Sofferente, che, sacrificandosi per gli altri, compie la volontà del Signore.
25
Il termine «vita» traduce qui gr. psychē. In alcune tavole (ad es. al livello della sezione) si è ritenuto necessario tradurre psychē con «anima» e non con «vita», per mantenere la distinzione del testo greco tra i due differenti termini: psychē e zōē; tenendo conto del valore quasi tecnico dell’espressione giovannea tēn psychēn tithenai hyper il suo senso è senz’altro: «dare la vita per». 26 Due altre ricorrenze (Gv 10,17.18ab) sono simili, ma non includono «per» (gr. hyper). 27 C. MAURER, «ti,qhmi( ktl)», XIII, 1235. 28 «Il Figlio dell’uomo non è venuto per essere servito, ma per servire e per dare la sua vita [gr. dounai tēn psychēn] come prezzo di riscatto per molti».
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)
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3. INTERPRETAZIONE Il dualismo giovanneo, che lascia una forte impronta in tutta la Lettera, trova la sua eccellente espressione nell’opposizione tra Caino e Cristo, situata nel cuore dello scritto. Caino è un fratello-Nemico che «odia» e «uccide» (15.12), che toglie la vita al proprio fratello, mentre Gesù è un Fratello-Amico che ama e dà la sua vita per i fratelli (16). Benché già a prima vista evidente nel testo, questa opposizione non è né totalmente simmetrica, né così semplice. Caino e Cristo non appartengono ovviamente allo stesso livello; questo traspare già dalla composizione del testo. Inoltre, ciascuna di queste figure svolge diverse funzioni nel testo. LA FIGURA DI CAINO Caino, ossia l’incarnazione del Male Caino, da un lato, funge da concreto personaggio biblico, un uomo conosciuto dal suo spietato atto di fratricidio compiuto ai principi della storia dell’umanità. Dall’altro lato, però, egli diventa qualcosa di più di un semplice, pur tragico, protagonista biblico. Dal modo di presentarlo nella Lettera, simile a quello della letteratura extrabiblica, risulta che Caino assume la funzione di archetipo del male, specie in quanto penetrato nelle strutture familiari. L’accenno all’origine di Caino «dal maligno», che evoca pure il forte contrasto di Gv 8,39-47, tra chi proviene «da Dio» e chi «dal diavolo», fa pensare a lui come al figlio del diavolo (nel senso spirituale), giacché le sue «opere» rivelano i tratti propri del principe delle tenebre e della morte. Proprio come tale, Caino è contrapposto a Cristo; così il male incarnato si oppone al Bene incarnato. In più, la scelta di Caino non è casuale29. Il contesto del fratricidio non resta insignificante. È il contesto cultuale di sacrificio offerto a Dio. Caino si adirò contro il suo fratello proprio quando Dio ebbe preferito il sacrificio di Abele e non quello suo. Il verbo adoperato qui per descrivere il fratricidio forse, non a caso, contiene una sfumatura sacrificale. Il nonsenso della morte di Abele, «sgozzato» (1Gv 3,12) dal proprio fratello, acquista il senso eccellente nella morte di Cristo-Agnello, che fu «immolato» (o letteralmente «sgozzato», Ap 5,9.12, e al.) per «distruggere le opere del diavolo» (1Gv 3,8). Così non tanto la figura di Abele (curiosamente non nominato nel testo), quanto appunto quella di Cristo funge da controbilancia per Caino, in quanto archetipo della forza distruttiva del male. Così Gesù (neanche Lui 29
Molti studiosi ritengono che la figura di Caino sia stata introdotta qui a scopo polemico, come modello cioè per alludere ai secessionisti (ad es. Brown, 640; D. MUÑOZ LEÓN, «El derás sobre Caín y Abel», 238). Tuttavia uno potrebbe chiedersi: perché l’autore della Lettera non ha adoperato ad es. la figura di Giuda, molto più adatta a un tale scopo? Recentemente si sta sviluppando sempre di più l’approccio non-polemico della lettura della 1Gv (vedi a proposito H. SCHMID, «How to Read the First Epistole of John Non-Polemically», 24-41), che tenta di ricuperare il valore proprio della Lettera, a prescindere dalla polemica con i presunti secessionisti. La presente interpretazione cerca di far vedere che il significato del riferimento a Caino non deve essere necessariamente polemico.
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nominato esplicitamente!) prende nel testo il posto di Abele, e, con il suo dono della vita sacrificata per i fratelli, dà senso alla morte, non solo di Abele ma di tanti altri come lui, non nominati, amati da Dio, ma uccisi dai propri fratelli. Il riferimento a Caino serve poi a esprimere anche il paradosso dell’aggressore che diventa vittima del proprio delitto. La forza diabolica dell’opera di Caino non si limita soltanto a causare la morte di Abele, ma implica addirittura la morte dello stesso agente. È una morte reale, pur spirituale, quella a cui si allude nella parte centrale: «Nessun omicida ha la vita eterna che rimane in lui» (15). Ecco un altro paradosso: il morto è vivo e il vivo è morto! Caino, ossia un fratello che non sa amare Detto questo, non bisogna però trascurare la prima funzione del riferimento a Caino; non più cioè come esponente del diavolo, ma come un semplice uomo. La composizione del passo (in particolare la corrispondenza tra 12 e 17) indica che la figura di Caino, utilizzata per illustrare al negativo il comandamento dell’amore fraterno, può essere messa in confronto con l’impersonale30 esempio di «uno», che «chiude la sua compassione» di fronte al proprio fratello (17). Questo esempio, per così dire, più «basso», ossia più pratico e realistico, serve a fornire un’altra illustrazione negativa (ma questa volta più vicina alla vita reale della comunità giovannea), del comandamento dell’amore fraterno. L’uomo che si chiude nell’amor proprio e nell’attaccamento ai «beni del mondo» (17), rifiutando di soccorrere attivamente il suo fratello bisognoso, in un certo senso assomiglia a Caino. Sebbene la sua inerzia non uccida direttamente nessuno, tuttavia può essere ugualmente nociva, e non soltanto per il fratello ma anche per lui. Come nel caso di Caino, che, uccidendo il fratello, uccide in realtà se stesso, anche qui una tale persona «rinchiusa» in se stessa, rifiutando di mostrare l’amore operante al fratello bisognoso, si priva inevitabilmente dell’amore di Dio, l’unica vera fonte di vita. LA FIGURA DI CRISTO Il riferimento a Gesù Cristo, introdotto in 16 tramite il pronome «Egli» (in gr. ekeinos, nella 1Gv riservato a Cristo), si gioca ugualmente su due diversi livelli. Gesù, ossia l’incarnazione dell’Amore Da un lato, «Egli» s’inserisce nel dualismo giovanneo, controbilanciando il Male operante nella figura di Caino. Ma Gesù Cristo è senz’altro molto di più di un elemento di equilibrio nella bilancia del bene e del male. Caino odia e toglie la vita, Gesù ama e dà la vita. Eppure il parallelo non è perfettamente simmetrico. Il ruolo di Gesù non si limita al bilanciamento del male, perché «Egli» diventa più di un «secondo Abele». La sua vita non gli viene tolta (come ad Abele), ma Gesù 30
La forza di un esempio impersonale consiste nella possibilità di una più facile identificazione con qualunque persona, specie con qualsiasi membro della comunità giovannea.
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stesso la dà in modo pienamente libero. Anzi, non dà la vita solo per morire, ma la dà perché gli altri possano averla e vivere. Nessuno, all’infuori di Dio, può dare la vita agli altri in questo senso. Solo così si apre il «passaggio dalla morte alla vita» (14) a chi, ovviamente, voglia mettersi in cammino. Gesù è non soltanto l’Agnello «immolato» dell’Apocalisse, ma pure il Buon Pastore del Quarto Vangelo, che «dà la sua vita per le pecore». Il suo amore, che è allo stesso tempo l’amore del Padre, è stato capace d’invertire il diabolico passaggio effettuatosi nella storia di Caino, dalla vita alla morte, perché «per le sue piaghe siamo stati guariti» (Is 53,5). Gesù, ossia modello dell’amore D’altro lato, però, la posizione di «Egli», nella composizione del testo, indica che la funzione del riferimento a Cristo non si limita a costituire un polo nel dualismo giovanneo, ma mantiene il proprio valore. La corrispondenza tra 11 e 16 suggerisce che Cristo debba essere trattato come modello dell’amore fraterno; anzi, come lo stesso «messaggio» (11), o, meglio, la Parola, ascoltata «fin dal principio» da coloro che, grazie al suo «amore» (16), sono passati dalla morte alla vita» (13). I «fratelli» (13) della comunità giovannea ricevono così un modello concreto di come «amare gli uni gli altri» (11); un modello che richiede non solo il rifiuto dell’«uccidere» e dell’«odiare» (12.15), ma addirittura obbliga a «porre la vita per i fratelli» (16). La mancanza di quest’amore diventa un segno che nell’uomo non c’è neppure «l’amore di Dio» (17), fonte della vita, perché «chi non ama, rimane nella morte» (14). L’AMORE E L’ODIO Il dualismo giovanneo, espresso nell’opposizione tra Caino e Cristo, non rimane solo al livello delle loro opere. La divisione tripartita del passo, al livello formale, viene segnata da un’armoniosa alternanza delle parti, che giocano sul tema della vita e della morte: la vita tolta (11-12), la vita ridonata (16-17); e, al centro, il passaggio dalla morte alla vita (13-15). Però il dualismo è ulteriormente approfondito, penetrando dall’esteriorità delle opere, all’interiorità del sentire e del volere. Così il testo è pure segnato dall’opposizione tra l’amore e l’odio, come dimensioni del cuore umano che precedono le opere. L’autore della 1Gv, magari prendendo spunto dalle parole di Gesù del Discorso della montagna (vedi Mt 5,21-22), mostra in 15 («ognuno che odia il suo fratello è omicida») come l’odio sia il primo passo verso il diabolico atto dell’omicidio. Così era nel caso di Caino e ugualmente può ripetersi nella storia di qualsiasi altra persona. Eppure l’odio non nasce dal vuoto. Basandosi sull’analisi dell’organizzazione del testo, e in particolare sul parallelismo tra le due domande (12.17), si può affermare che l’odio sia un tipo di amore degenerato e rovesciato. La forma della domanda, sul perché del fratricidio, pare significativa. La parola greca tradotta con il termine «motivo» (12) rimanda al campo semantico dell’amore, specie in quanto «predilezione». Ponendo la domanda: «Per quale motivo l’ha sgozzato?», l’Autore chiede dunque: «Per quale amore», ossia «per la predilezione a che
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cosa», l’uomo toglie la vita al proprio fratello? L’uomo, in via ordinaria, non uccide il proprio fratello per un puro piacere di esercitare il potere sulla vita! L’esempio dell’impersonale «uno» di 17 mostra che qui, come pure nel caso di Caino, si tratta di un attaccamento alla propria vita in modo esclusivo e disordinato, invertendo il dono dell’amore verso se stesso; e infine chiudendosi all’«amore di Dio» (17). Non deve quindi stupire il forte «dobbiamo» (16), con cui l’Autore esorta i lettori a «porre la vita per i fratelli»; poiché, solo in questo modo, la vitale natura dell’amore, che non può essere rinchiuso in se stesso, se vuole rimanere genuino, è conservata. Altrimenti entra nel processo di degenerazione fino a essere rovesciato nell’odio, che non può fare l’altro che seminare la morte: «Chi non ama rimane nella morte» (14).
C. CREDERE NEL FIGLIO DI DIO (3,18-24) L’ultimo passo di questa sequenza è composto da due parti, di lunghezza leggermente diversa, che però cominciano in un modo simile, con un’apostrofe («figli» in18a e «amatissimi» in 21): + La sicurezza davanti a Dio
di chi ama con opere e verità
18-20
+ La fiducia
di chi crede e ama
21-24
presso Dio
1. COMPOSIZIONE La prima parte è composta da due brani. Il primo (18) contiene una breve esortazione. Il secondo (19-20), più sviluppato31, comprende tre bimembri, che formano una struttura concentrica. I bimembri esterni si corrispondono grazie ai termini estremi: «in questo conosceremo» e «conosce tutto» (19a.20c), che formano un chiasmo. Il bimembro centrale è segnato dall’opposizione tra i termini «rassicureremo» e «accusa» (19c.20a) ed è legato con quello seguente tramite i termini iniziali: «il cuore nostro» (19c.20b). Si noti infine che ciascun bimembro di questo brano contiene la radice greca ginōmai: «conosceremo» (19a), «accusa» (verbo composto basato su ginōmai; 20a) e «conosce» (20c).
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Il periodo contiene ambiguità sintattiche, causate dalla congiunzione gr. hoti, qui ricorrente tre volte, e tradotta con «che» (in 19a20a) e «perché» (in 20b). Risparmiando al lettore la complessa analisi delle possibili combinazioni, si propone qui la scelta giudicata migliore. Il primo hoti («che») introduce senz’altro l’oggetto diretto di «conosceremo». Il secondo (in «ogni volta che», gr. hoti ean) può essere trattato come ho + ti (data la scrittura continua dei manoscritti antichi) e, associato a ean, può significare «ogni volta che» o «in qualunque cosa» (vedi Blass – Debrunner, § 107 e 300.1). L’ultima scelta spinge a preferire il senso causale per il terzo hoti («perché»).
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24) :: 18 FIGLI, non AMIAMO :: ma
con parola con opera
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né con la lingua, e verità.
········································································································· :: 19 E IN QUESTO CONOSCEREMO,
che e 20 ogni volta che perché :: e
dalla verità
siamo,
davanti a Lui
RASSICUREREMO
IL CUORE NOSTRO,
ACCUSA
NOI
IL CUORE,
maggiore è
Dio
DEL CUORE NOSTRO
CONOSCE
TUTTO.
:: 21 AMATISSIMI, :: fiducia
se IL CUORE NOSTRO NON ACCUSA abbiamo presso Dio
: 22 e, se qualcosa :
chiediamo, riceviamo
perché e le cose-gradite
NOI,
da Lui,
i comandamenti di Lui dinanzi a Lui
osserviamo facciamo.
···························································································································
: 23 E questo è che
CREDIAMO
e ci : come
AMIAMO
ha-dato
il comandamento di Lui, al nome del Figlio di Lui, Gesù
Cristo,
gli-uni-gli-altri, comandamento
a noi.
···························································································································
24 E in Lui :: E che dallo Spirito,
chi-osserva rimane
i comandamenti e Lui
IN QUESTO
CONOSCIAMO
(Egli) il quale
rimane a noi
di Lui, in lui. in noi, ha-dato.
La seconda parte è costituita da tre brani, di cui il secondo occupa la posizione centrale. Il primo brano (21-22) consiste in tre segmenti bimembri, che formano un solo periodo. Quasi tutti i suoi verbi (tranne uno in 21a) sono coniugati alla prima persona plurale. Inoltre, tutti i segmenti fanno riferimento a «Dio», in modo esplicito (21b) o implicito («Lui» in 22abc)32. Il terzo brano (24) contiene due segmenti: un bimembro e un trimembro, collegati dal termine «rimane» (24bd). I due brani estremi si corrispondono grazie al chiasmo tra i 32
«Fare le cose gradite davanti a Lui», in 22d, associato all’osservanza dei comandamenti, in tutte le sue ricorrenze nei LXX (Es 15,26; Dt 6,18; 12,25.28; 13,19) equivale praticamente a «compiere la volontà di Dio» ed è causa della benedizione divina. Nel NT l’espressione appare soltanto in Gv 8,29, in bocca a Gesù: «Colui che mi ha mandato è con me, e non mi ha lasciato solo, perché io faccio sempre le cose che gli sono gradite». L’autore della 1Gv evoca qui dunque non solo lo sfondo dell’AT, ma pure l’esempio di Gesù; per Lui, «fare le cose gradite» al Padre dà la sicurezza di non essere solo, neanche nell’ora del suo «innalzamento» sulla croce (Gv 8,28).
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termini: «i comandamenti di Lui osserviamo» e «chi-osserva i comandamenti di Lui» (22c.24a), e grazie ai termini estremi: «accusa» e «conosciamo» (21a.24c; la stessa radice greca ginōmai). Il brano centrale (23), delimitato tra i termini estremi «il comandamento» (23ae), mette in parallelo i termini: «crediamo» e «amiamo» (23ad). I legami con il resto della parte sono costruiti mediante il sostantivo «comandamento» (al sing. e pl. in 22c.23ae.24a), il termine finale «ha-dato» (23e.24e) e il pronome dimostrativo «questo» (23a.24c). Le due parti sono unite grazie a una serie di corrispondenze. Innanzitutto ci sono i termini iniziali: «figli» e «amatissimi» (18a.21a, gli unici vocativi); poi i termini estremi: «e in questo conosceremo che» e «in questo conosciamo che» (19a.24c); e infine i termini medi: «accusa noi il cuore» e «il cuore nostro non accusa noi» (20a.21a). Inoltre, si noti la ripetizione del termine «amiamo» (18a.23d), che appare all’inizio della prima parte e al centro della seconda. Le due parti del passo hanno in comune un tenore d’incoraggiamento che si esprime nell’uso dei termini: «rassicureremo il cuore nostro» e «fiducia abbiamo presso Dio» (19.21), e nella convinzione che le preghiere dei destinatari della Lettera saranno esaudite (22). Fonte di questa sicurezza e fiducia presso Dio è il loro «credere al nome33 di Gesù Cristo» e l’«amarsi gli uni gli altri» (23), che sono già operanti nella loro vita. La fede e l’amore sintetizzano il contenuto di tutti «i comandamenti»; e, se praticati, conducono all’unione con Dio attraverso il «rimanere» dello Spirito divino nei credenti (24). 2. CONTESTO BIBLICO PRIMA PARTE Essere dalla verità Il sintagma «essere dalla verità» (gr. einai ek tēs alētheias) che appare in 3,19 è tipicamente giovanneo. Nel NT compaiono soltanto altre due ricorrenze: una nella Lettera, in 2,21, al negativo: «Ogni bugia dalla verità non è»; l’altra nel vangelo di Giovanni, in 18,37, al positivo. Quest’ultimo testo è particolarmente illuminante per comprendere il senso del sintagma in 1Gv 3,19. Esso si trova nel contesto della risposta di Gesù alla domanda di Pilato: «Sei tu il re dei Giudei?»
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L’espressione «crediamo al nome» (gr. pisteuōmen tō onomati) è qui al dativo e non all’accusativo (in quel caso sarebbe con la preposizione gr. eis), come al solito (vedi Gv 1,12; 2.23; 3,18; 1Gv 5,13). Però questo cambiamento probabilmente non significa che si tratti qui di una fede solamente intellettuale (come vorrebbe I. de LA POTTERIE, «L’emploi dynamique de eivj», 366-387). Il contesto immediato, segnato da «fiducia» (21), preghiera («chiedere», «ricevere», 23) e unione intima con Dio («rimanere in Lui», 24), esige piuttosto un riferimento a una profonda fede personale e non solo intellettuale; così anche Strecker, 126 e Brown, 633-634. Inoltre, dato che nel pensiero semitico il «nome» praticamente equivale alla persona, indicando la sua identità (vedi H. BIETENHARD, «o;noma( ktl)(», V, 254), l’espressione «credere al nome del Figlio di Lui, Gesù Cristo» significa un attivo credere nella persona del Figlio di Dio e nella sua opera redentrice.
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Allora Pilato gli disse: «Dunque tu sei re?». Rispose Gesù: «Tu lo dici; io sono re. Per questo io sono nato e per questo sono venuto al mondo: per rendere testimonianza alla verità. Chiunque è dalla verità ascolta la mia voce» (Gv 18,37).
Il testo fornisce l’indicazione che «essere dalla verità» è legato ad «ascoltare la voce» di Gesù. Come dimostrato da La Potterie34, questa caratteristica, che evoca la parabola del Buon Pastore, esprime, nella prospettiva giovannea, l’atteggiamento caratteristico del discepolo di Gesù, che, non soltanto si lascia attirare dal Maestro, ma è pure docile al suo insegnamento. Secondo La Potterie, non si tratta qui della fede allo stato iniziale, ma piuttosto di quella matura e ben integrata nell’uomo. Il credente si lascia guidare dalla verità divina, perché l’ha interiorizzata ed essa è diventata il principio interiore della sua condotta35. Dio grande nell’amore I versetti 19-20 generalmente vengono interpretati secondo due linee opposte. La prima, rigorista, vede nell’espressione «Dio è maggiore del nostro cuore e conosce tutto» (20b) un avvertimento-minaccia all’uomo che non prende sul serio le «accuse» del suo «cuore». La seconda invece dà rilievo alla misericordia di Dio, riconoscendo nella stessa espressione un segno di amore e di comprensione divina verso l’uomo turbato dalle «accuse» del suo «cuore». Un frammento del Salmo 103, che viene in mente leggendo 1Gv 3,18-20, aiuta a scegliere la giusta linea interpretativa per questi versetti. Buono e pietoso è il Signore, lento all’ira e grande nell’amore. Egli non continua a contestare e non conserva per sempre il suo sdegno. Non ci tratta secondo i nostri peccati, non ci ripaga secondo le nostre colpe. Come il cielo è alto sulla terra, così è grande la sua misericordia su quanti lo temono; come dista l’oriente dall’occidente, così allontana da noi le nostre colpe. Come un padre ha compassione verso i suoi figli, così il Signore ha pietà di quanti lo temono. Perché egli conosce di che siamo plasmati, ricorda che noi siamo polvere (Sal 103,8-14).
Sebbene tra i due testi non ci siano corrispondenze lessicali, tuttavia il Salmo, che rivela in modo esemplare la tradizione veterotestamentaria sulla misericordia e sul perdono divino, associa, analogamente a 1Gv 3,18-20, la grandezza di Dio alla sua misericordia e al suo amore per l’uomo36. La «grandezza» di Dio, illustrata nel Salmo con due merismi (cielo-terra, oriente-occidente), esprime bene l’idea della trascendenza divina, presente pure in 1Gv 3,20 (Dio che «conosce tutto» ed è «maggiore» del cuore umano). Particolarmente significativo è anche il terzo esempio del Salmo, quello del «padre» che ha pietà dei suoi «figli». Nella Lettera, al v. 18, l’Autore si rivolge ai suoi lettori, chiamandoli proprio con lo stesso termine «figli». 34
Vedi I. de La Potterie, II, 624-631. Ibid., 632. 36 Vedi C. SPICQ, «La justification du charitable», 922. Nella Lettera, l’amore divino appare poco prima in 16: «In questo abbiamo conosciuto l’amore, che Egli per noi la sua vita ha posto». 35
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INSIEME DEL PASSO L’ultimo passo della sequenza evoca la tradizione giovannea del Quarto Vangelo. Il nesso con il discorso di congedo di Gesù (Gv 14–16) traspare già nella ripresa del medesimo vocabolario37: 1
Non sia turbato il vostro cuore. Credete in Dio e credete anche in me. […] 12 In verità, in verità vi dico: anche chi crede in me compirà le opere che io compio e ne farà più grandi, perché io vado al Padre. 13 Qualunque cosa chiederete nel mio nome, la farò perché il Padre sia glorificato nel Figlio. 14 Se chiederete qualcosa nel mio nome, io la farò. 15 Se mi amate, osserverete i miei comandamenti. 16 Io pregherò il Padre ed egli vi darà un altro Consolatore, perché [rimanga] con voi per sempre, 17 lo Spirito di verità che il mondo non può ricevere, perché non lo vede e non lo conosce. Voi lo conoscete, perché rimane con voi e sarà in voi (Gv 14,1.12-17). Questo è il mio comandamento: che vi amiate gli uni gli altri, come io vi ho amati (Gv 15,12). 23b
In verità, in verità vi dico: se chiederete qualcosa al Padre nel mio nome, egli ve la darà. 24 Finora non avete chiesto nulla nel mio nome. Chiedete e otterrete, perché la vostra gioia sia piena. 25 Questo vi ho detto in similitudini; ma verrà l’ora in cui non vi parlerò più in similitudini, ma con fiducia vi parlerò del Padre. 26 In quel giorno chiederete nel mio nome e io non vi dico che pregherò il Padre per voi: 27 il Padre stesso vi ama, poiché voi mi avete amato, e avete creduto che io sono venuto da Dio (Gv 16, 23b-27).
Il rapporto di 1Gv 3,18-24 con il discorso di congedo in Gv risulta non solo dall’affinità lessicale, ma pure dall’intreccio dei temi comuni. Colpisce, prima di tutto, il fatto che i testi uniscano ugualmente la necessità di «credere nel nome» di Gesù e di «amare»38 con l’«osservanza dei comandamenti». Anzi, in entrambi, credere, amare e osservare i comandamenti diventano la base per poter «chiedere» fiduciosamente a Dio «qualsiasi cosa» e avere sicurezza di «riceverlo». In più, in questa occasione i testi uniformemente menzionano il «dare lo Spirito», che viene legato all’idea dell’inabitazione divina, espressa con il sintagma «rimanere in». Concludendo, si può congetturare che l’autore della Lettera, evocando le parole di conforto che Gesù ha pronunciato prima del suo ritorno al Padre, vuole rinfrancare e rassicurare i suoi lettori (fedeli all’insegnamento di Gesù sull’amore fraterno) della loro profonda unione con Dio. 3. INTERPRETAZIONE Gli inizi delle due parti del passo sono scanditi dai due vocativi «figli» (18) e «amatissimi» (21). Essi segnalano un indirizzo più diretto ai lettori, ma anche, in quanto ricchi di significato teologico e antropologico, ricordano la loro identità costituita dalla figliolanza divina e dall’amore reciproco. Il senso dei vocativi 37 38
Qui vengono citati solo alcuni frammenti, tra i più significativi, del lungo discorso di Gesù. In Gv 14,15 si tratta di «amare» Gesù, in Gv 15,12 dell’amore fraterno.
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aiuta pure a esprimere meglio l’intenzione dell’Autore, che a questo punto, vuole confortare e rassicurare i destinatari della Lettera. Non si tratta però di un conforto superficiale o di una rassicurazione effimera. Le parole chiave di questa unità sono la «sicurezza» nei confronti della propria coscienza («cuore», 19) e la «fiducia» davanti a Dio (21). Il fondamento di questa serenità è duplice, poiché è legato sia alle virtù dell’uomo che alle qualità di Dio. L’AMORE OPERANTE CHE NON ILLUDE E LA MISERICORDIA CHE SALVA All’inizio della prima parte viene sinteticamente riassunto il fondamento umano della sicurezza nei confronti delle eventuali accuse del proprio «cuore» (19): «Figli, non amiamo con parola, né con la lingua, ma con opera e verità» (18). I quattro sostantivi, che descrivono le caratteristiche dell’amore richiesto ai membri della comunità, si abbinano in due coppie opposte, ma non ripetono semplicemente la medesima cosa. La «lingua» e la «parola» non significano lo stesso, né tantomeno la «verità» e l’«opera»; però la relazione all’interno delle due coppie è analoga: è il rapporto di tipo causa – effetto. Come la lingua «produce» le parole, così la verità «produce» le opere. C’è pure una differenza tra le due coppie in opposizione: la «parola» e la «lingua» possono ingannare (vedi Pr 26,28)39, ma l’«opera» e la «verità» non possono mentire. L’amore, dunque, che nasce dalla verità interiore e si realizza nelle opere concrete, non può illudere. Chi ama così, prova di «essere dalla verità» (19), cioè di appartenere a Cristo, al Figlio di Dio, e di condividere con Lui l’identità filiale (18). Un tale modo di amare, modellato su Cristo (16), costituisce, dal punto di vista umano, una base per respingere le «accuse» della propria coscienza (19). Eppure la base maggiore viene indicata dal versetto che segue: «Maggiore è Dio del cuore nostro e conosce tutto» (20). La grandezza di Dio si manifesta nel suo amore paterno e la compassione che Egli ha verso i suoi figli (vedi Sal 103,13). Colui che, come Creatore, «conosce tutto» (20), comprende benissimo le debolezze dell’uomo, ed è capace di difenderlo anche dalle proprie auto-accuse. Così più del giudice Egli si mostra difensore dell’uomo, poiché il suo benevolo «conoscere», pronto a perdonare, è distinto dall’accusatorio «contro-conoscere»40 del cuore umano, che si affretta a condannare – un altro, ma anche se stesso. LA FEDE NEL FIGLIO E L’AMORE FRATERNO La seconda parte (21-24) riprende le conseguenze del «cuore rassicurato», che riconosce la grandezza dell’amore e della misericordia divina, e invita i lettori ad «avere fiducia presso Dio» (21). La fiducia, lo stato di grazia e libertà davanti a Dio tipica del figlio, presuppone una fede matura nella persona e nell’opera del Figlio di Dio, che si esprime nell’amore fraterno operante secondo «il comandamento» ricevuto da Dio (23) e compiuto in modo perfetto da Cristo (16). 39 40
«Una lingua bugiarda odia la verità, una bocca adulatrice produce rovina». Nel greco c’è un gioco di parole: «conoscere» (ginōskō) e «accusare» (kata-ginōskō).
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I «figli» (18) sono «amatissimi» (21), non solo in quanto custoditi dall’amore paterno di Dio, ma pure in quanto loro stessi realizzano il medesimo amore verso i propri fratelli (23). La fede e l’amore, che costituiscono il fondamento della fiducia verso Dio, diventano anche la base per «chiedere qualsiasi cosa» (22), con la sicurezza di essere sempre esauditi da Dio. Una tale forte convinzione non deve stupire, perché risulta dalla piena sintonia con la volontà di Dio, caratterizzata dal «fare ciò che è gradito davanti a Lui» (22). Il credente, che realizza il comandamento dell’amore, «rimane» nell’intima e mutua unione con Dio, condividendo lo stesso Spirito, da Lui ricevuto (24). I «figli», che compiono la volontà del Padre, secondo il modello del Figlio di Dio, non restano mai soli od orfani, come neppure il Figlio lo era, perfino nelle situazioni di un’apparente lontananza di Dio (vedi Gv 8,29).
D. LA GIUSTIZIA DEI FIGLI (3,2-24) 1. COMPOSIZIONE DELLA SEQUENZA I PASSI ESTREMI (2-10 E 18-24) Il parallelismo tra i passi estremi è fondato soprattutto su una costruzione simile; ciascuno contiene due parti, che cominciano con l’apostrofe: «amatissimi» (2.21) e «figli» (7.18). Il termine «il Figlio di Dio» o «il Figlio di Lui» appare unicamente nelle parti estreme. La composizione delle parti nei passi estremi è speculare (di tipo AB/B’A’). La prima e l’ultima (2-4 e 21-24) sono legate dai i termini iniziali al vocativo «amatissimi» (gr. agapētoi), provenienti dal verbo «amare» (gr. agapaō), che appare anche agli estremi delle due parti (10.23). Inoltre, le parti sono unite dall’analogo sintagma «ognuno che ha questa speranza in Lui» e «abbiamo fiducia presso Dio» (3.21), e dall’opposizione tra «fare il peccato»/«peccare» (4.6) e «osservare i comandamenti» (22.24). Le parti interne (7-10 e 18-20), che si aprono ugualmente con i termini iniziali al vocativo: «figli» (7.18), hanno in comune il sostantivo «opere»/«opera» (8.18) e i termini medi «chi non ama» e «non amiamo» (10.18). Si noti una corrispondenza semantica tra le espressioni: «in questo» + il verbo «manifestare» (8.10) e «in questo» + il verbo «conoscere» (19), e «diavolo» (come falso accusatore; 8.10) e «accusa» (20). Inoltre, al 7 si avverte di non essere «ingannati», mentre in 18 e 19 si parla di «verità». È interessante notare che l’insistenza sull’origine divina («il Figlio di Dio», «è stato generato da Dio», «seme di Lui», «i figli di Dio»), caratteristica per la seconda parte, trova un elemento corrispondente alla fine del passo, nel termine «dalla verità siamo» (19).
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3,2 AMATISSIMI, ora FIGLI DI DIO siamo, e ancora non è stato manifestato ciò che saremo. SAPPIAMO che, quando sarà manifestato, simili a Lui saremo, perché lo VEDREMO come è. 3 E ognuno che , purifica se stesso, come Egli puro è. 4 Ognuno che il peccato anche l’iniquità ; infatti il peccato è l’iniquità. 5 E SAPETE che Egli è stato manifestato, affinché i peccati togliesse, e peccato in Lui non c’è. 6 Ognuno che in Lui RIMANE, non pecca; ognuno che pecca non lo ha VISTO, né lo ha conosciuto. 7
FIGLI, nessuno inganni voi, chi la giustizia, giusto è, come Egli è giusto. 8 Chi il peccato, dal DIAVOLO è, perché fin dal principio il DIAVOLO pecca. In questo è stato manifestato il FIGLIO DI DIO, affinché distruggesse le OPERE del DIAVOLO. 9 Ognuno che è stato generato da Dio non peccato, perché seme di Lui; in lui RIMANE, e non può peccare, perché da Dio è stato generato. 10 In questo manifesti sono I FIGLI DI DIO e i FIGLI del DIAVOLO: ognuno che non giustizia, non è da Dio, come pure chi NON AMA IL FRATELLO SUO. 11
Poiché questo è il messaggio, il quale avete ascoltato fin dal principio, che AMIAMO
GLI UNI GLI ALTRI. 12
Non come CAINO che dal MALIGNO era e ha sgozzato IL FRATELLO SUO. E per quale MOTIVO ha sgozzato lui? Poiché le sue OPERE erano MALIGNE, mentre quelle del FRATELLO SUO giuste. 13
E non meravigliatevi, FRATELLI, se vi odia il mondo. 14 Noi SAPPIAMO che siamo passati dalla morte nella vita, perché AMIAMO I FRATELLI. Chi non AMA RIMANE nella morte. 15 Ognuno che odia IL FRATELLO SUO è omicida e SAPETE che nessun omicida la vita eterna che in lui RIMANE. In questo abbiamo conosciuto L’AMORE, che EGLI ha posto la sua vita per noi, e noi dobbiamo porre le vite per I FRATELLI. 17 Infatti, se uno beni del mondo e VEDE che IL FRATELLO SUO bisogno ed esclude la sua compassione per lui, come L’AMORE di Dio può RIMANERE in lui? 16
18
FIGLI, non AMIAMO con parola né con la lingua, ma con OPERA e verità. E in questo conosceremo che dalla verità siamo, e davanti a Lui rassicureremo il nostro cuore, 20 ogni volta che ci ACCUSA il cuore, perché maggiore è Dio del nostro cuore e conosce tutto. 19
AMATISSIMI, se il nostro cuore non ci ACCUSA, , 22 e se qualcosa chiediamo, riceviamo da Lui, perché i suoi comandamenti osserviamo e le cose gradite davanti a Lui . 23 E questo è il suo comandamento che crediamo al nome del FIGLIO DI LUI, Gesù Cristo, e ci AMIAMO GLI UNI GLI ALTRI, come ha dato comandamento a noi. 24 E chi osserva i suoi comandamenti in Lui RIMANE e Lui in lui. E in questo conosciamo che Egli RIMANE in noi, dallo Spirito, il quale ha dato a noi. 21
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L’INSIEME DELLA SEQUENZA 3,2 AMATISSIMI, ora FIGLI DI DIO siamo, e ancora non è stato manifestato ciò che saremo. SAPPIAMO che, quando sarà manifestato, simili a Lui saremo, perché lo VEDREMO come è. 3 E ognuno che , purifica se stesso, come Egli puro è. 4 Ognuno che il peccato anche l’iniquità ; infatti il peccato è l’iniquità. 5 E SAPETE che Egli è stato manifestato, affinché i peccati togliesse, e peccato in Lui non c’è. 6 Ognuno che in Lui RIMANE, non pecca; ognuno che pecca non lo ha VISTO, né lo ha conosciuto. 7
FIGLI, nessuno inganni voi, chi la giustizia, giusto è, come Egli è giusto. 8 Chi il peccato, dal DIAVOLO è, perché fin dal principio il DIAVOLO pecca. In questo è stato manifestato il FIGLIO DI DIO, affinché distruggesse le OPERE del DIAVOLO. 9 Ognuno che è stato generato da Dio non peccato, perché seme di Lui in lui RIMANE, e non può peccare, perché da Dio è stato generato. 10 In questo manifesti sono I FIGLI DI DIO e i FIGLI del DIAVOLO: ognuno che non giustizia, non è da Dio, come pure chi NON AMA IL FRATELLO SUO. 11
Poiché questo è il messaggio, il quale avete ascoltato fin dal principio, che AMIAMO
GLI UNI GLI ALTRI. 12
Non come CAINO che dal MALIGNO era e ha sgozzato IL FRATELLO SUO. E per quale MOTIVO ha sgozzato lui? Poiché le sue OPERE erano MALIGNE, mentre quelle del FRATELLO SUO giuste. 13
E non meravigliatevi, FRATELLI, se vi odia il mondo. 14 Noi SAPPIAMO che siamo passati dalla morte nella vita, perché AMIAMO I FRATELLI. Chi non AMA RIMANE nella morte. 15 Ognuno che odia IL FRATELLO SUO è omicida e SAPETE che nessun omicida la vita eterna che in lui RIMANE. In questo abbiamo conosciuto L’AMORE, che EGLI ha posto la sua vita per noi, e noi dobbiamo porre le vite per I FRATELLI. 17 Infatti, se uno beni del mondo e VEDE che IL FRATELLO SUO bisogno ed esclude la sua compassione per lui, come L’AMORE di Dio può RIMANERE in lui? 16
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FIGLI, non AMIAMO con parola né con la lingua, ma con OPERA e verità. E in questo conosceremo che dalla verità siamo, e davanti a Lui rassicureremo il nostro cuore, 20 ogni volta che ci ACCUSA il cuore, perché maggiore è Dio del nostro cuore e conosce tutto. 19
AMATISSIMI, se il nostro cuore non ci ACCUSA, , 22 e se qualcosa chiediamo, riceviamo da Lui, perché i suoi comandamenti osserviamo e le cose gradite davanti a Lui . 23 E questo è il suo comandamento che crediamo al nome del FIGLIO DI LUI, Gesù Cristo, e ci AMIAMO GLI UNI GLI ALTRI, come ha dato comandamento a noi. 24 E chi osserva i suoi comandamenti in Lui RIMANE e Lui in lui. E in questo conosciamo che Egli RIMANE in noi, dallo Spirito, il quale ha dato a noi. 21
I passi sono segnati da un uso ordinato dell’apostrofe. I vocativi «amatissimi» fungono da termini iniziali delle parti estreme (2.21), «figli» da termini iniziali
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delle parti interne (7.18), e l’unico vocativo «fratelli» apre il cuore del passo centrale (13). Si noti anche una regolare ripetizione del verbo «rimanere» due volte in ciascuno dei passi estremi (6.9; 24ab) e tre volte nel passo centrale (14.15.17). Inoltre, in ogni passo appare una volta il sostantivo «opera» (8.12.18). La sequenza è segnata dalla ripetizione dei verbi: «amare» (10.11.14.18.23), «conoscere» (6.16.19.20.24) e «avere» (3.15.17.21). Uno sguardo all’insieme della sequenza permette di notare un’interessante triade, che può essere chiamata: speranza – amore fede. Il centro della prima parte parla della «speranza in Lui» (3), mentre l’inizio dell’ultima parte della «fiducia presso Dio» (21) e il suo centro del «credere al nome del Figlio di Lui» (23a). Il passo centrale, dove si ripetono spesso i termini «amare» e «amore», al centro riporta la frase: «Chi non ama rimane nella morte» (14c). Si noti inoltre una linea lessicale centrata sul campo semantico della famiglia: «figli», «figlio», «fratello», «fratelli». La collocazione di questi nomi è assai ordinata. Nei passi estremi, ricorrono solo «figli» e «figlio» (salvo «fratello» in 10), mentre, nel passo centrale, unicamente «fratelli» o «fratello». Bisogna infine segnalare ancora un’altra corrispondenza tra i passi estremi, non indicata ancora. Si tratta di un ampio uso dei termini legati alla legge. Nel primo passo (2-10), il vocabolo che ricorre più spesso è «peccato» o «peccare» (dieci volte), che, assieme a «purificare», «puro», «iniquità», «giustizia» e «giusto», fa parte del campo semantico riferito al diritto. L’ultimo passo (18-24) si distingue invece per un frequente rimando a: «comandamenti» (due volte al sing. e due al pl.), «osservanza» di essi (due volte), e «accusare» (due volte), pure legati alla legge. Ora questa sfumatura legale dei passi estremi è completata, nel passo centrale, dall’insistenza sull’amore, giacché proprio qui, nel cuore della sequenza, si ripetono spesso: «amare» e «amore» (cinque volte), e «odiare» (due volte). 2. CONTESTO BIBLICO Nel passo centrale, l’Autore richiama esplicitamente la figura di Caino, ma in tutta la sequenza, specie nel primo e nel secondo passo, il vocabolario adoperato tradisce molti impliciti rimandi al racconto biblico dei primi quattro capitoli della Genesi. Già in precedenza (vedi p. 224), è stato indicato che «essere simili a Dio» (2) echeggia il primo racconto della creazione, in cui l’uomo viene formato «a immagine e somiglianza» di Dio (Gen 1,26). Allo stesso modo, l’idea di «vedere/non vedere Dio» (2.6), nel contesto del «peccato» e del «conoscere» (6), evoca le parole del serpente: «Si aprirebbero i vostri occhi e diventereste come dèi, conoscendo il bene e il male» (Gen 3,5). Avendo in mente ciò che in dettaglio racconta Gen 1–4 (la creazione, il primo peccato contro Dio e il primo omicidio del fratello), con più facilità si possono cogliere pure altre possibili allusioni di 1Gv 3,2-24 alla storia delle origini. In 7, l’Autore avverte i lettori: «Figli, nessuno v’inganni», e subito dopo menziona le «opere del diavolo» (8) che «pecca fin dal principio» (7). Nel 9, viene dato il motivo dell’impeccabilità di «uno che è stato
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generato da Dio» nel fatto che in questi «rimane il seme41 di Lui». Nel secondo passo, oltre il richiamo alla figura di Caino (12), l’Autore gioca sul tema della «vita» e della «morte» (12-16), sì da evocare l’assicurazione del serpente: «Non morirete affatto» (Gen 3,4). Infatti, come i progenitori, infrangendo il «comando» (Gen 2,16) di YHWH, fisicamente non morirono, ma spiritualmente persero la vita, così pure i cristiani giovannei, pur fisicamente vivi fin dalla nascita, comunque «sono passati dalla morte alla vita» (14), osservando il «comandamento» (23) dell’amore fraterno, dato loro dal Signore. Questi ultimi «rimangono» (6.24) nella mutua comunione con Dio, grazie all’«osservare i suoi comandamenti» (24); mentre i primi furono espulsi dal paradiso, proprio perché non osservarono il comando divino. Come in Gen 2,7 «l’alito vitale» segna l’inizio della vita dell’uomo, così pure in 1Gv 3,24, lo «Spirito», che Dio «ha dato» ai cristiani giovannei, diventa segno del «rimanere» divino in loro, che è il principio della nuova vita. Nel racconto della caduta dei progenitori, il menzognero serpente accusa Dio della piccolezza di voler limitare la «conoscenza del bene e del male» (Gen 3,5) solo a se stesso; e riesce a rovinare le relazioni di fiducia tra loro e Dio (e pure tra di loro). Nella 1Gv, invece, coloro che «sono dalla verità» riescono a «rassicurare il loro cuore» (19), di fronte alle sue «accuse» (20), proprio grazie al fatto che «Dio è maggiore» e «conosce tutto» (20); e non perdono la «fiducia» in Lui (21). 3. INTERPRETAZIONE L’ultimo versetto della sequenza precedente42 ha introdotto il tema dell’amore del Padre, manifestatosi nel dono della figliolanza divina. Ora il tema della figliolanza è sviluppato e approfondito tramite il procedimento tripartito di questa sequenza. Il primo e il terzo passo (2-10 e 18-24), in cui ricorrono spesso i termini «figli» e «il Figlio», mostrano due diversi aspetti della figliolanza, in quanto relazione verticale (l’uomo – Dio). Il passo centrale (11-17), in cui «figli» e «il Figlio» scompaiono a favore dei termini «fratello» e «fratelli», fa vedere invece la dimensione orizzontale della figliolanza. Infatti, essere «figli» dello stesso Padre significa pure essere «fratelli». In conseguenza, l’amore di Dio, quale nocciolo della relazione verticale, è intimamente legato all’amore fraterno, in quanto forza della relazione orizzontale. Anzi, l’amore fraterno, che diventa il tema centrale di questa sequenza, acquista un’importanza cruciale, come segno della vitalità spirituale (14) e dell’unione con Dio (17). Qual è la differenza però tra i due diversi aspetti della figliolanza trattati nei passi estremi? Il primo passo pone l’accento sul «manifestarsi» dell’opera redentrice del «Figlio» (5.8) verso i «figli» (2.7.10); mentre l’ultimo si concentra sulla risposta dei «figli» (18) a questa rivelazione dell’amore divino, tramite il «credere al nome del Figlio» e l’«amarsi gli uni gli altri» (23), espressi nell’osservanza dei «comandamenti» (22.24). 41 Nel cosiddetto «Protovangelo» (Gen 3,15), Dio maledice il serpente dicendo: «Io porrò inimicizia tra te e la donna, tra il seme (gr. sperma) tuo e il seme suo, esso ti schiaccerà la testa, e tu le schiaccerai il calcagno (LXX: “esso ti terrà la testa e tu le terrai il calcagno”)». 42 «Vedete quale amore ha dato a noi il Padre, che figli di Dio siamo chiamati e lo siamo» (3,1).
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Inoltre, il primo passo si occupa dell’aspetto piuttosto esteriore della figliolanza (vedi la differenza tra «figli di Dio» e «figli del diavolo» in base alla «giustizia», in 7.10); mentre il terzo passo tratta l’aspetto più interiore del medesimo rapporto con Dio (vedi il termine «cuore», tre volte in 19.20.21). IL SEME DI DIO E IL SEME DEL DIAVOLO Il tema della figliolanza, come si può intuire dal dualismo giovanneo, non si sviluppa senza parallelismi e opposizioni. La prima opposizione, che spicca subito nel primo passo, si colloca tra la discendenza spirituale di Dio e quella del diavolo. Il testo, contrapponendo i «figli di Dio» e i «figli del diavolo» (10), mostra come il comportamento di entrambi, specie nell’ambito dell’amore fraterno, sveli la relazione con i loro rispettivi «padri». L’illustrazione concreta di questa opposizione è offerta nel passo centrale. L’Autore introduce qui la figura di Caino, sottolineando la sua origine «dal maligno» (12), per mostrare come il rovesciamento dell’amore fraterno nell’«odio» (13.15) conduca al fratricidio e alla morte spirituale dell’aggressore. In seguito, l’Autore fa vedere come lo stesso meccanismo, attivo nel caso di Caino, possa ripetersi nel comportamento di qualsiasi cristiano, che rifiuta di aiutare il suo fratello bisognoso (17). Nel terzo passo, lo scontro tra il «seme» di Dio (9) e il «seme» del diavolo scende al livello interiore dell’uomo, entrando nel suo «cuore» (19.20.21). Il cammino esteriore, segnato dalla «purificazione» dal peccato tramite la «speranza» (3) e dal «fare giustizia» (10), trova la sua controparte nella «rassicurazione» dalle «accuse del cuore» umano (19), mediante la «fiducia» in Dio (21), basata ora non solo sull’osservanza dei «comandamenti» (22.24), ma innanzitutto sul «credere» nel Figlio e sull’«amare» fraterno (23). IL FIGLIO-FRATELLO Nell’intreccio di questo tessuto di relazioni tra la discendenza spirituale divina e quella diabolica, s’inserisce, a mo’ di filo rosso, il ruolo del Figlio di Dio. Nel primo passo, la «purezza» del Figlio, a immagine del quale l’uomo è stato creato, diventa fonte della «speranza» cristiana (3), nell’escatologico diventare «come Lui» (2). La speranza per il futuro trova la base nel forte «sapere» (5) del reale e concreto passato, in cui il Figlio si è manifestato per la prima volta, per «togliere i peccati» (5) e «distruggere le opere del diavolo» (8). Nel passo centrale, «il Figlio» – manifestazione dell’amore del Padre – diventa il Fratello – il modello dell’amore fraterno (11) – per invertire la storia del fratricidio, iniziata da Caino, e per mostrare che il «darsi per i fratelli» (16) non porta affatto alla «morte», ma alla «vita» (13). Infine, nel terzo passo, Gesù Cristo è presente come modello del compimento della volontà del Padre, e, prima ancora, come oggetto di fede (2223), grazie alla quale il credente è in grado di superare le «accuse» del proprio cuore e di avere «fiducia» di fronte a Dio (22).
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LA STORIA E L’ANTI-STORIA Parlando delle opposizioni presenti nella sequenza, conviene pure «uscire» dal testo, per vedere che il suo significato traspare meglio, se viene letto sullo sfondo della storia delle origini presentata nei primi quattro capitoli della Bibbia. La Genesi narra che l’essere umano è stato creato «all’immagine e somiglianza» di Dio (Gen 1,26). La prima tentazione, che causa la distruzione della felicità dell’uomo, consiste nella mancata accettazione di questo grande dono. L’uomo, sotto la spinta del nemico della sua natura, dubita della sincerità dell’amore del Creatore, e segue la logica del serpente, volendo da solo, e secondo la propria idea, «diventare come dèi» (Gen 3,5); vale a dire che egli non accetta la propria identità di creatura e neppure l’identità di Dio come Creatore. Così si svela a lui l’immagine distorta di se stesso e del suo Creatore. Ora, nella Lettera, l’Autore ricorda ai destinatari che sono già «figli di Dio» (2) e devono accettare questo dono dell’amore del Padre (vedi 3,1). Ciò che «saranno» «non è ancora stato manifestato» (2), perché, finché vivono la loro vita terrena, corrono il rischio di cedere alla stessa tentazione di non accettare pienamente la figliolanza divina. In questa situazione, il riferimento a Gesù diventa fondamentale, non soltanto in quanto «Figlio di Dio», «manifestato» per «togliere i peccati» (5) e «distruggere le opere del diavolo» (8), ma anche in quanto modello positivo del modo di vivere e di pensare secondo la logica del Figlio e non di quella del serpente. La logica del Figlio si rivelerà di certo e pienamente alla fine dei tempi, quando «lo vedremo come è» (2); ma già adesso, come cristiani che seguono il loro Maestro, possiamo avere «speranza» di diventare sempre di più «simili a Lui» (2), se cerchiamo di «purificare noi stessi» (3). La purificazione ovviamente non deve essere solo quella esteriore dal «peccato» e dall’«iniquità» (vedi 4-9); ma anche quella interiore dalla mentalità diabolica, che fa del «nostro cuore» un «accusatore», simile all’antico serpente, che ci presenta l’immagine distorta di Dio, come di un creatore piccolo e rinchiuso nella gelosia di condividere la sua divinità con l’uomo che ha creato (vedi 19-20). Eppure il nostro Dio «è maggiore del nostro cuore» (20), specie se questo cuore non è ancora purificato dalle scorie della mentalità diabolica, perché Dio, nel Figlio, che «ha dato la sua vita per noi» (16), ha mostrato l’inimmaginabile grandezza del suo amore. Questo «Figlio» non solo ha invertito la storia di Adamo ed Eva, riconciliando i «figli» con il Padre, ma pure quella di Caino, diventando il «Fratello» ucciso ma vivente, e mostrando come sanare le relazioni frantumate tra «i fratelli» (vedi 16). Vale a dire: Gesù, in quanto Figlio, ha sanato il rapporto di paternità-figliolanza, distrutto dal peccato originale dei progenitori, e, in quanto Fratello, ha sanato il rapporto di fratellanza, rovinato dal peccato (non meno originale) dei primi fratelli. In più, Gesù come il Figlio di Dio, «l’unigenito» (4,9), è diventato l’oggetto del «credere», e come il Fratello-uomo è divenuto il modello dell’«amare» (23). Grazie a Lui l’uomo è capace di «passare dalla morte alla vita» (13), nella comunione eterna con Dio. L’anti-storia salvifica non è solo l’antidoto alla storia del peccato, ma è molto di più di questo.
La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24)
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† Jacek ONISZCZUK, S.I.
Pontificia Università Gregoriana
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RIASSUNTO P. Jacek Oniszczuk aveva previsto di stendere per il presente volume, del quale aveva preso l’iniziativa, un articolo sulla figliolanza nel vangelo di Giovanni. Sfortunatamente, una valanga l’ha portato via prima. Il suo commento alla sequenza centrale della 1Gv è sembrato il suo scritto più vicino al suo progetto. «La giustizia dei figli», infatti, non è solo il titolo di quelle pagine; è anche il sottotitolo dell’intero suo libro La prima lettera di Giovanni. La giustizia dei figli. La sequenza comprende tre passi; i passi estremi sono rivolti a quelli che l’autore della Lettera chiama «Amatissimi» «Figli». Il passo centrale contiene proprio nel suo cuore l’unico vocativo «Fratelli» di tutta la 1Gv. Questo passo centrale della Lettera contrappone due figure, quella di Caino che uccise il fratello e Gesù che da la sua vita, che muore per i suoi fratelli. Il fondamento della fratellanza si trova nella
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figliolanza divina, che i credenti condividono con il Figlio di Dio. La fratellanza è la pietra di paragone della figliolanza. Parole chiave: Prima lettera di Giovanni, filiazione divina, fratellanza, Caino e Gesù ABSTRACT Fr. Jacek Oniszczuk had planned to write an article on filiation in the Gospel of John for the present volume, of which he had taken the initiative. Unfortunately, an avalanche took it away before carrying out his project. His commentary on the central sequence of the 1John seemed to be his text closer to his project. «The justice of children», in fact, is not only the title of those pages; it is also the subtitle of his entire book on the first letter of John. The sequence includes three passages; the external ones are directed to those that the author of the Letter calls «Beloved» «Sons». The central passage contains at the very core the only vocative «Brothers» of the whole 1John. This central passage of the Letter opposes two figures, that of Cain who killed his brother and Jesus who gave his life, who died for his brothers. The foundation of brotherhood lies in the divine filiation, which believers share with the Son of God. Brotherhood is the touchstone of filiation. Keywords: First Letter of John, divine filiation, brotherhood, Cain and Jesus
Javier LÓPEZ
«Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7) Testimonio de una herencia en acto La teología joanea se muestra particularmente fecunda en su reflexión sobre la filiación divina del creyente. El Cuarto evangelio ya desde el prólogo declara la posibilidad para éste de llegar a ser hijo (gr. teknon) de Dios (1,12) y la Primera carta de Juan lo afirma con claridad en plural (3,1). El Apocalipsis se presenta también fértil en temas relacionados con la filiación. Un survey sobre este campo semántico en el último libro de la Escritura cristiana muestra términos tales como padre (patēr), hijo (hyios-teknon), retoño y generación (rhiza kai genos; 22,16) y una frase verbal referida al gran signo de la mujer: «dar a luz un hijo varón» (tekein hyion arsen;12,5). El término «madre» aparece sólo en una ocasión en relación al misterio del anti-reino representado por Babilonia (17,5) e implícito con respecto a Jezabel cuyos hijos (tekna) no tienen futuro (2,23). El vocablo «hermano» (1,9; 6,11 etc.) implica también una común filiación. Todos ellos se encuentran insertos en pasajes de hondo contenido antropológicoteológico en ambientación prevalentemente litúrgica. De entre este elenco, el término que más destaca la filiación divina es ciertamente el sustantivo «hijo». El par de vocablos griegos para designar esta realidad (hyios-teknon) remite en el Apocalipsis tanto al Trascendente como a la descendencia humana. Llama la atención sobre todo el empleo de hyios. Tres de sus cinco citas se refieren al Mesías según sus dos naturalezas, Hijo de Dios (2,18) e Hijo de hombre (1,13; 14,14), mientras que en la visión de la mujerpueblo de Dios la sola mención del vocablo Hijo alude por igual a la divinidad y a la humanidad de Cristo (12,5). Sin embargo se emplea sólo una vez en relación al miembro fiel de la iglesia que es identificado en su calidad de «vencedor» (ho nikōn) sobre el anti-reino: «El que-está-venciendo heredará esto (tauta) y seré para él Dios y él será para mí hijo» (21,7). El artículo se propone indagar el alcance de esta promesa-bendición (21,3-4.6) en la cual Dios manifiesta claramente su divinidad como paternidad. Para ello se parte de la composición del pasaje 21,1-8 según las leyes de la retórica semítica1. El contexto de esta promesa de filiación conecta, aunque no exclusivamente, con la alianza padre-hijo establecida por Yahvé con David (2 Sam 7,14; Ps 2), realizada más allá de toda expectativa por Cristo, retoño de David, Cordero Resucitado (Ap 5,5-6; 22,16). El recurso al Antiguo Testamento, en línea con la estrategia comunicativa propia del Apocalipsis arrojará ulterior luz a la investigación. 1
R. MEYNET, Trattato di retorica biblica, Bologna 2008.
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Aunque las observaciones en base a la crítica de las fuentes ofrece datos interesantes sobre la posible historia de la formación del texto2, sus conclusiones son imposibles de probar en modo fehaciente. Este análisis se cierne en consecuencia al texto en su forma canónica actual. El contexto que precede a nuestro pasaje3 contiene el juicio final (19,1120,15)4 a todas las entidades negativas que se oponen al Cordero-Jinete nominado «Fiel y Veraz» (19,11). La visión que nos ocupa (21,1-8) presenta una cesura con la inmediatamente anterior (20,11-15) no sólo por el sintagma característico introductorio «y vi» (kai eidon; 1-2)5 sino sobre todo por el estilo preponderantemente discursivo del pasaje con un vocabulario positivo de bendición y vida (3-7) si bien no exento de una dura advertencia (8) Aunque íntimamente unida podemos individuar una unidad narrativa nueva posterior a nuestro pasaje. Ésta inicia con la aparición un tanto inesperada (kai ēlthen) de uno de los ángeles de las siete copas que invita a Juan a ver a la novia, la esposa del Cordero (21,9), la Jerusalén celestial, esta vez descrita en detalle por el profeta vidente (vv. 10-27)6. El pasaje consta de una introducción narrativa (1-2) y de un discurso directo (3-8). Éste en tres partes se organiza alrededor de un centro retórico (5-6a). INTRODUCCIÓN NARRATIVA: Visión de una nueva creación y de la nueva Jerusalén prometida esposa
21,1-2
PROMESA DE UNA ALIANZA PERENNE CON TODA LA HUMANIDAD: «Mira […] ellos pueblos de-él serán y él, el Dios con ellos, será de ellos Dios». «La muerte no será más». 3-4 TESTIMONIO: « “Mira, estoy-haciendo TODO nuevo” ». «Escribe: éstas son palabras fidedignas y veraces» «Realizado está»
5-6a
PROMESA DE FILIACIÓN DIVINA A TODO VENCEDOR: «Quien está-venciendo heredará esto. Seré para él Dios y él para mí hijo». « Para el mentiroso será la muerte la segunda ». 6b-8
2
Ver D.E. AUNE, Revelation III, Dallas (TX) 1997-1998, 1115-1116. Lo designamos provisoriamente «pasaje». Un eventual análisis del entero libro podría considerarlo como una unidad retórica superior (sub-secuencia o incluso secuencia). 4 Para un elenco detallado de correspondencias con Ap 21,1-8 ver J. LAMBRECHT, «Final Judgments and Ultimate Blessings: The Climatic Visions of Rev 20,11-21,8», Bib 81 (2000) 370. 5 Ver L. GARCÍA UREÑA, El Apocalipsis. Pautas literarias de lectura, Madrid 2013, 69-74. 6 El pasaje 21,1-8 introduce la siguiente unidad literaria (21,9-22,5) que expande la nueva creación anunciada integrándola en la visión de la nueva Jerusalén; ver M.B. STEPHENS, Annihilation or Renewal? The Meaning and Function of New Creation in the Book of Revelation, Tübingen 2011, 172. 3
«Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7)
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El esquema evidencia algunas correspondencias literales. Las menciones de «Dios» y de «la muerte» en frases nominales, así como el empleo del pronombre personal en tercera persona para suplir determinados sujetos y objetos, representan simetrías literales entre las partes extremas del discurso directo (3-4; 6b-8). Éstas indican en consecuencia un centro (5-6a). Cada extremo contiene una promesa divina: por un lado la divinidad se compromete a realizar una alianza con todos los pueblos de la tierra (3-4) y por el otro de donar la filiación divina a quien, fiel a la verdad, esté ya venciendo (6b-8). La parte central, también en discurso directo, asegura la realización al presente de tales promesas de renovación universal (5-6a). Se trata de observaciones preliminares pendientes de confirmación mediante el subsiguiente análisis detallado de cada parte y del conjunto del pasaje. Esto permitirá extraer adecuadamente el alcance de la sorprendente y única afirmación directa sobre la filiación divina del creyente en este libro, referida con precisión al miembro de la iglesia capaz ya desde ahora de «estarvenciendo» (ho nikōn; (7). I. PARTE INTRODUCTORIA NARRATIVA (1-2): CREACIÓN E HISTORIA NUEVAS
COMPOSICIÓN ::1 Y vi :: ya-que el primer
un cielo cielo no es
y la primera más.
: Y la ciudad : descendiendo
la santa del cielo
Jerusalén de parte de-Dios,
: preparada : adornada
como novia para-el esposo
de ella.
- y el mar 2
nuevo
y tierra tierra
se-fueron
nueva
vi
nueva,
El segmento trimembre extremo (1) narra una primera visión («y vi»; 1a) cosmológica mientras que los dos bimembres restantes describen una segunda («vi»; 2a) de carácter antropológico. Mientras que en la primera visión el profeta reporta en primer lugar el verbo ver y después el predicado, un cielo nuevo y tierra nueva (1a), en la segunda enfatiza sintácticamente el objeto, la ciudad santa – Jerusalén nueva, mencionándolo antes del verbo (2a). Esta construcción da realce a la nueva Jerusalén no sólo como la realidad preponderante de la nueva creación sino también como su razón de ser. Por otro lado el adjetivo calificativo «nuevo» se refiere tanto al cielo y a la tierra (1a) como a Jerusalén (2a). «Un cielo nuevo» (1a) se confronta con el «primer cielo (b) mientras que por tercera vez este término «cielo» aparece sin calificación alguna pero en trasfondo de nueva creación (2b).
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La primera visión (1) contrapone un nuevo mundo, que Juan «ve» pero no describe (a), con aquel primero (merisma cielo-tierra-mar) en el cual el vidente habita pero que paradójicamente ya no lo percibe por haber desaparecido7 a su vista (b), o mejor, por haber dejado de existir (c). Al mantener los mismos vocablos «cielo» y «tierra» el autor del Apocalipsis indica una realidad empírica reconocible y habitual pero al mismo tiempo radicalmente «nueva», podríamos decir trasfigurada. Dado que el autor no describe ningún rasgo de ésta, permanece para el lector como una realidad todavía por descubrir. Cada segmento bimembre de la segunda visión (2) muestra símbolos diversos pero entre sí complementarios. La ciudad ya «nueva» se encuentra en movimiento: desciende desde el cielo (ek tou ouranou) y proviene (apo) del mismo Dios (a-b). El profeta simultáneamente la ve a otro nivel simbólico como una novia 8 no sólo preparada sino aún más, ya ataviada para su esposo (c-d). La visión cosmológica (1) representa el telón de fondo a la visión antropológica (2). CONTEXTO La expresión «cielo nuevo y tierra nueva» al extremo (1) proviene esencialmente de la tradición en torno al así llamado Tercer Isaías (ver 65,17) dentro de la cual la ciudad de Jerusalén juega un rol importante (62,12). Yahveh dona a Jerusalén un nombre nuevo (62,2) en ambiente nupcial de nueva creación y es invocado como «nuestro Padre» (63,16-17). El Trascendente es por tanto reconocido como esposo y padre de su pueblo. Tales promesas de una nueva creación y de un habitar perenne del pueblo de Dios en una Jerusalén transfigurada, convergen en el Apocalipsis dado que la ciudad santa desciende del «cielo» (Ap 2,1b) «nuevo» (1a), «de parte de Dios» (apo tou theou)9 como prometida esposa del enviado divino, Mesías-Cordero (21,2; Is 62,1-5). La presentación de Jerusalén como novia ataviada para su esposo indica al lector/oyente la inminencia del desposorio. La imagen identifica la ciudad con el pueblo mismo. Paradójicamente por un lado Jerusalén, en metafórica interacción con el pueblo de Dios es ya nueva pero por el otro su matrimonio con el Cordero 7 El verbo de movimiento aperchomai (irse) describe la desaparición simultánea del cielo y de la tierra. El mar, presentado en conexión con la figura negativa del anti-reino (12,18-13,1), deja sin embargo de existir (eimi). La nueva creación desactiva por tanto todo cuanto impide la total realización del Reino, la creación nueva. 8 El vocablo nymphē podría referirse a una mujer recién casada (W. BAUER, A Greek English Lexicon of the New Testament and Other Christian Literature, Chicago – London 19792, (ad hoc), pero de ordinario designa a la novia, prometida esposa; en Ap 19,7 se emplea gynē, mujeresposa. 9 El sintagma apo tou theou se encuentra en el Apocalipsis siempre en relación a la figura de «la nueva Jerusalén» (3,12; 21,2.10) o en conexión con su imagen positiva concomitante: la mujerpueblo de Dios (12,6). De particular interés el uso de esta preposición en el saludo trinitario del prólogo (1,4-5) dado que «gracia y paz» (4) provienen del Dios trino de quien también procede la Jerusalén celeste.
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(Ap 21,2), aunque visto como inminente, aún no se ha consumado. La parusía por tanto realizada ya en sí con el triunfo de Cristo Cordero Resucitado, no ha llegado aún a su plenitud aunque ésta ya se vislumbra. La tensión «ya-todavía no», constante a lo largo del libro, converge en esta parte introductoria del pasaje.
II. PARTE INICIAL DISCURSIVA (3-4): DIOS ESTARÁ CON SU PUEBLO POR SIEMPRE COMPOSICIÓN 3
Y escuché + Mira! +y
la tienda habitará
grande del Dios con ellos,
desde el trono que-dice : con los hombres,
+ y ellos + y él
pueblos el Dios
de-él con ellos
serán será
[de ellos Dios]
toda no será ni grito
lágrima más ni fatiga
de los ojos
de ellos,
no será
más.
4
- y enjugará - y la muerte - ni llanto
una voz
- [porque] las primeras-cosas
se-fueron.
La composición se organiza en dos subpartes (3.4). El miembro extremo (3a) introduce un discurso directo que proviene del trascendente (3b-4). El binomio decir-escuchar típico del Apocalipsis aparece traspuesto: «escuché-diciendo» (3a). El verbo «decir», en este caso al participio aoristo indicativo, es innecesario pero recalca la importancia de cuanto el profeta escucha. Tanto la mención de «una voz grande10 desde el trono» como la llamada de atención «mira» en referencia a la tienda (skēnē) y al verbo habitar (skenoō) dan al primer segmento (3a-c) una particular solemnidad descriptiva. Ambas subpartes tienen en común el empleo de oraciones nominales en paralelismo antitético: el «ser» de la alianza con Dios (3d-e) contrapuesto al «no ser» del anti-reino y de su secuela de aflicción (4b-c). La primera subparte se caracteriza en particular por la presencia del vocablo «Dios» en cada segmento y por el uso repetido del pronombre personal de tercera persona referido en plural a toda la humanidad (3c.d.e) y a Dios en singular (d.e). Esta subparte presenta en forma binaria la iniciativa divina en términos de inhabitación de Dios con toda la humanidad (b.c), y lo reafirma 10 Al autor no le interesa tanto identificar de quién sea la voz cuanto destacar, como en otros casos, que es «grande». En una ocasión la describe como de «león rugiente». Por tanto es una voz que resuena con tal fuerza que el lector/oyente no puede menos que escucharla. Ver L. GARCÍA UREÑA, El Apocalipsis. Pautas literarias de lectura, 158-160.
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mediante el plural «pueblos» (d) y con los pronombres personales mencionados en particular con los posesivos referidos a Dios (d.e). La séptima cita del pronombre personal, siempre en tercera persona, en la segunda subparte (4a) se refiere sea al sintagma «con los hombres», significando a toda la humanidad (3b), que al vocablo «pueblos» (d). Esta subparte reafirma mediante una semántica típica (muerte, lágrimas, llanto, fatiga) la superación definitiva de toda congoja para el creyente. El oráculo inicia pues con una particular cohesión literaria y temática. CONTEXTO Cuanto hemos evidenciado en la composición presenta un adherente trasfondo de nuevo éxodo y en consecuencia contactos adherentes con el Cuarto evangelio. LA TIENDA DE DIOS CON LA HUMANIDAD La correspondencia entre el habitar en tienda «con los hombres» y el enjugar las lágrimas de los ojos de los pueblos («de ellos», de la humanidad entera), señala el punto de llegada de una larga reflexión bíblica sobre el sentido y meta de la alianza divina11. La Escritura, como también la tradición rabínica12, conduce a un evento radicalmente nuevo cantado en el IV evangelio: el Verbo encarnado «“puso su tienda” en nosotros» (skēnōsen en ēmin). Tal acontecimiento manifiesta una gloria referible a la del «Unigénito del Padre lleno de gracia y de verdad» según el testimonio de quienes lo contemplaban (1,14). Con su encarnación, la presencia divina se coloca en el interior de la humanidad. Cuanto prefigurado en el arca, en la tienda, en el monte Sión – Jerusalén y en el templo, Jesús lo refiere a su Pascua: «destruid este santuario (naos) y en tres días lo haré resurgir» (Jn 2,19). Cuando el Cordero de Dios mediante la energía de su resurrección complete la desactivación del sistema anti-reino, el santuario será Dios mismo y el Cordero (Ap 21,22) en un escenario cosmológico pleno. La alianza, inhabitación de Dios, ya realizada por Cristo-Mesías no sólo con Israel sino con todos los pueblos alcanzará su plenitud. Esta primera parte del oráculo goza de gran cohesión.
11
Ver F. CONTRERAS MOLINA, La nueva Jerusalén esperanza de la Iglesia. Ap 21,1-22,5, Salamanca 1998, 66-71. 12 Ver O. PISANO, La Radice della Stirpe di Davide, Roma 2002, 206-209. ID., «“E abiterà con loro” (Ap 21,3): la Gerusalemme nuova e la Shekinah» in E. BOSETTI – A. COLACRAI ed., Apokalypsis. Percorsi nell’Apocalisse di Giovanni, Assisi 2005, 183-201.
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III. CENTRO DEL DISCURSO (5-6b): TESTIMONIO AUTÉNTICO DE CUMPLIMIENTO COMPOSICIÓN : 5Y dijo + Mira!
el-que se sienta nuevas
sobre el trono: hago
todas (las-cosas).
: Y dice, escribe: porque éstas
las palabras
fidedignas
y verdaderas son.
: 6a
Y dijo + realizado-está.
a-mí:
La correspondencia lógica entre los segmentos bimembres extremos (5a-b; 6a-b) resulta decisiva para determinar la composición de esta parte central del pasaje. Tras la simetría literal del término extremo «y dijo» (5a.6a) el discurso directo alterna entre el presente «hago (poiō) nuevo todo» (5b) y su semánticamente afín el perfecto «hecho-está» (gegonan [6b]), con sentido de perenne realización. Al centro de la parte — y del pasaje — (5c-e) encontramos «decir» al presente (legei) seguido de la solemne testificación divina de lo afirmado en los extremos. No sería sintácticamente necesaria la repetición de este verbo (c), pero el vidente ha querido reproducir la fórmula técnica de la profecía13 para imprimir singular relieve al contenido testimonial de esta parte central. CONTEXTO «ESCRIBE: PALABRAS FIDEDIGNAS Y VERDADERAS» De entre los diversos títulos con los cuales el Hijo de hombre resucitado se presenta a sí mismo en cada mensaje a las iglesias resulta especialmente adherente a nuestro pasaje el dirigido a la iglesia en Laodicea: «Escribe: así dice el Testigo Fiel y Veraz, Principio de la creación de Dios» (3,14). La autenticidad de lo comunicado por Cristo a su iglesia por medio del profeta de Patmos resulta un motivo literario y teológico recurrente en el libro (19,11; 22,6)14. En el texto que nos ocupa Dios Padre, a cuya función de gobierno (trono) asocia al Hijo (3,21), ordena escribir lo que «dice» testimoniándolo como fidedigno y verdadero.
Siete veces en el mensaje a las iglesias: «así dice» (tade legei; hb. qoh amar YHWH). Ver J. LÓPEZ, «El epílogo de la Escritura cristiana. Testimonio fidedigno de eterna bienaventuranza. Análisis retórico semítico de Ap 22,6-21», en R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del V Convegno RBS, Leuven – Paris – Bristol, CT 2017, 223-224. 13 14
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«MIRA, HAGO TODO NUEVO» El imperativo «mira» (idou), presiona al profeta a prestar especial atención a Palabra divina. El verbo implicado en primera persona del presente «hago» (poieō) en vez de «creo» (ktizō) sugiere un quehacer humano que implica la presencia concomitante de Cristo sobre el trono. Más aún en esta acción de radical renovación colabora el creyente fiel «el vencedor» (2,26; 3,21). El adjetivo «nuevo» se relaciona con los eventos cosmológicos e históricos anunciados con anterioridad. Más aún, los totaliza al máximo: «realizado está» (gegonan). Este perfecto profético indica una situación de pleno cumplimiento cuyo origen se encuentra en un pasado que conduce a la actual plena realización. El oráculo no precisa el exacto momento cronológico del acontecimiento. El verbo devenir frecuente en el Apocalipsis aparece en este tiempo verbal sólo otra vez en el libro: en la visión del juicio final al anti-reino (séptima copa), una voz desde el trono concluye «gegonen!» (16,17). El contraste es neto. La actividad idólatra que pretende una creación e historia alternas, toda suya, no tiene futuro. Su desactivación indica una radical trasformación en el creado.
IV. FINAL DEL DISCURSO (6b-8): PROMESA DE FILIACIÓN DIVINA AL VENCEDOR Y ADVERTENCIA COMPOSICIÓN : 6c Yo [soy]
el Alfa el principio
y la Omega, y el fin.
+ : Yo + : de la fuente
al sediento de agua
daré de VIDA
gratis.
+ 7 El vencedor + y seré + y él
heredará para-él
esto Dios para-mí
hijo.
será
····················································································································
- 8 Pero a-los cobardes, - los impuros - y a-todos
los incrédulos, los fornicadores, los mentirosos
los abominables, los hechiceros
- : la parte - que-arde - : que-es
de-ellos con fuego
en el lago y azufre, la segunda.
LA MUERTE
los idólatras
El empleo del verbo ser en los miembros extremos (6c.7c) da cohesión a la primera subparte y la pone en simetría con el miembro, semánticamente opuesto, que cierra esta parte (8f). La partícula adversativa «pero» (gr. de) marca una escisión tanto sintáctica como lógica al expandir en sentido negativo (8) la
«Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7)
263
anterior subparte (6-7). Además la contraposición entre «y seré para él» (7b) y «la parte de ellos» (8d) en los segmentos extremos de las respectivas subpartes justifican, aun por su elocuente dramatismo, esta composición. Y la imagen de la fuente de agua de vida (6c) con su connotación de líquida fluidez está en oposición semántica con la del lago estancado que arde con fuego y azufre (8de) que es la muerte eterna (f). En concomitancia con el «vencedor heredará esto» (7a), el par de oraciones nominales (b.c) forman un bello paralelismo lineal que personaliza aún más la estrecha relación de alianza entre Cristo y el fiel miembro de su iglesia. La posición de este segmento en el interior de la unidad retórica superior (21,1-8) no es indiferente – como veremos – para una adecuada interpretación del mismo. CONTEXTO La composición evidenciada en esta parte extrema final del pasaje resalta la originalidad con la cual el Apocalipsis aborda la filiación divina del creyente. El recurso a la intertextualidad nos mostrará la particular contribución de este último libro de la Escritura cristiana al tema. EL DONADOR Y EL DON El sintagma auto-identificador «Yo Alfa y Omega» aúna en esta visión a Dios y a Cristo. Y tiene un antecedente remoto al final del prólogo litúrgico (1,8), única otra vez en la que Dios Omnipotente habla formalmente en discurso directo15. En nuestro texto anticipa la fórmula de la secuencia litúrgica conclusiva del libro donde se aplica al Viniente como sujeto (22,13) y a los dones vivificantes del árbol (14) y del agua de vida (17) como objetos. El atributo Alfa y Omega está en paralelismo sinonímico con el principio (he archē) y la conclusión (to telos)16 de la creación y de la historia. Su radio de acción abarca por tanto todo el arco desde el Génesis hasta la parusía. Cristo Palabra de Dios conduce dinámicamente la creación y a la humanidad, corona de la creación (Sal 8), hacia una meta cronológica, hacia una conclusión, cuya fecha desconocemos. Pero hay también otro aspecto importante a destacar. Las creaturas todas muestran ya desde ahora una afinidad con Dios. Una vez llegadas a la meta mostrarán en sentido cualitativo el máximo de afinidad con Dios en Cristo17. Este proceso lo desvela el autor del Apocalipsis concretamente por medio de la promesa que ahora consideramos: el agua viva gratuita para el sediento que lucha simboliza la filiación divina en el Espíritu para quien continúe venciendo en la tribulación (1,9-10). 15
G. BIGUZZI, Apocalisse, Milano 2005, 352 n. 31. Cristo también se auto-cualifica «el primero y el último» (3,14; 22,13), sintagma a su vez semánticamente símil a «el principio y el fin» (21,6d). 17 U. VANNI, L’opera creatrice nell’Apocalisse, Roma 1993, 29-31. 16
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Inmediatamente situada antes de la promesa al vencedor (21,7a), la mención del sediento pone de relieve la tensión al momento presente que caracteriza la ardua lucha del fiel creyente por seguir venciendo en camino hacia el completamiento final. El don del agua viva comienza en la vida presente y continúa a perpetuidad terminando, en la parusía, por apagar definitivamente toda sed (22,1.5.17)18. Se trata del don del Espíritu divino comunicado en la filiación divina. En el IV evangelio Jesús se presenta en el día mayor de la fiesta de las Tiendas donando un torrente de agua viva (Gv 7,37-38; ver 4,14a.24), el Espíritu (7,39) que habrían de recibir los creyentes en su Palabra. El Espíritu prometido como don en la última cena (14,15.26; 15,26; 16,7.13) brota del costado de Jesús al ser exaltado en gloria (19,34). En continuidad con el evangelio de Juan, la metáfora del agua viva en el Apocalipsis «denota el rol del Espíritu Santo tanto en la vida de la iglesia como en la vida eterna»19. Es «el “río de agua viva” que conduce a los elegidos a la vida misma de la Trinidad»20 (Ap 22,1). «EL QUE VENCE HEREDARÁ ESTO» Sentir sed y beber del agua de la vida significa mantenerse dentro de la alianza, estar venciendo y heredar la filiación divina («esto»; 21,7). Conviene situar en su contexto ambos verbos, vencer (nikaō) y heredar (klēronomeō) Quien persevera en la victoria (ho nikōn) recibe como don cada una de las promesas de Cristo activadas por el Espíritu al miembro fiel de su iglesia21. Esto se evidencia en el proemio al canto de Moisés y del Cordero. Juan vio22 a quienes están-venciendo (tous nikōntas) en acto litúrgico con cítaras al lado de un mar de cristal mezclado con fuego (15,2). Vencen sobre la bestia, sobre su imagen y sobre su número en triple referencia al complejo símbolo teriomorfo identificable con el imperio romano, con las pretensiones idolátricas de su emperador y con todo el complejo sistema político-religioso, social y económico de la época23 a su servicio. Los que están venciendo, los que cantan un canto nuevo y dan gracias son los miembros de la iglesia peregrina destinataria del mensaje septiforme (2-3) y no 18 Sobre el simbolismo del «agua de la vida» ver C. DOGLIO, Il primogenito dei morti. La risurrezione di Cristo e dei cristiani nell’Apocalisse di Giovanni, Bologna 2005, 166-171. 19 A.M. LUPO, La sete, l’acqua, lo Spirito. Studio esegetico e teologico sulla connessione dei termini negli scritti giovannei, Roma 2003, 353 (trad. propia). 20 M. MAZZEO, Lo Spirito parla alla Chiesa nel libro dell’Apocalisse, Milano 1998, 66 (trad. propia). 21 Como parte del rîb profético, Cristo exhorta a escuchar a «quien tiene oído lo que el Espíritu dice a las iglesias» (2-3). Este plural indica la iglesia universal. 22 Esta visión (15,1ss) resulta ser un signo grande (sēmeion mega). Igual identificación reserva el autor para la figura de la mujer-pueblo de Dios-iglesia (Ap 12,1-2) la cual se desdoblaba a modo emblemático en dos niveles: uno de cumplimiento escatológico, la mujer coronada (1), y el otro de peregrinación hacia esa meta (2). 23 Ver J. LÓPEZ, La figura de la bestia entre historia y profecía, Roma 1998, 253-265.
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la iglesia escatológica24. Significativamente también, en la visión del primer sello, el jinete del caballo blanco, Cristo resucitado, aparece dibujado con una corona y descrito en el presente de la historia como «vencedor para seguir venciendo» (6,2)25. A esta dimensión de presente continuado y de victorioso combate asocia Cristo Fiel y Veraz a sus fieles seguidores (19,11-16), a la iglesia todavía peregrina. El verbo heredar (klēronomeō)26 es hapax en el Apocalipsis. Tiene por trasfondo el salmo 2 que canta la promesa de Dios a su Mesías: «Pídemelo y te daré en herencia las naciones» (8a) para pastorearlas con vara de hierro (9a). Si éstas no se acogen a dicho pastoreo, se quiebran como piezas de cerámica (b). El Apocalipsis recoge esta promesa pero va más allá en el mensaje a la iglesia en Tiatira (2,18-29). Lo que Cristo ha recibido en perennidad (eilēfa; 2,28) de su Padre, el gobierno de las naciones (v. 26) para pastorearlas (7,17), lo comparte con todo el que-vence27. Apelando a la autoridad recibida «del Padre mío» Cristo revela un don específico para el fiel creyente: la estrella de la mañana (2,28). Este enigmático simbolismo cosmológico se explica mediante un solemne testimonio a las iglesias: «Yo Jesús […] Yo soy la raíz y la estirpe (to genos) de David28, la estrella luminosa de la mañana» (22,16). Tal herencia-bendición prometida al vencedor se desvela como la persona misma de Cristo. Se comprende entonces que las obras del miembro fiel de la iglesia se configuren como idénticas a las de Cristo (2,26)29. Se da por tanto una estrecha identificación entre el actuar del fiel creyente que vence porque lava sus vestiduras en la sangre del Cordero (22,14) con el operar de Cristo. La concesión de tal don, de tal herencia, muestra ya aun ahora y bajo este aspecto también la realidad de la filiación divina del vencedor. A esto en concreto se refiere el pronombre demostrativo «estas-cosas» (tauta: 21,7a). 24
Esto resulta particularmente evidente en el epílogo del libro (22,6-21); ver J. LÓPEZ, «El epílogo de la Escritura cristiana», 226. 25 Ver L.M. GUERRA SUÁREZ, El caballo blanco en el Apocalipsis (Ap 6,1/19,11-16) y la presencia de Cristo resucitado en la historia. Investigación teológico bíblica, Zamora 2004, 728729. 26 En futuro genera una expectativa que se ha de cumplir; D.L. MATHEWSON, Verbal Aspect in the Book of Revelation. The Function of Greek Verb Tenses in John’s Apocalypse, Leiden – Boston 2010, 109. La herencia física de la tierra prometida en el A.T. adquiere una dimensión sobrenatural en el Nuevo: heredar el reino de Dios (Mt 25,34), la vida eterna (Col 3,14), como don de Dios para el fiel creyente (1Pe 1,3-5). Ver F. CONTRERAS MOLINA, La nueva Jerusalén, 88-89. 27 El participio sustantivado ho nikōn se refiere al que triunfa por mantener el testimonio de Cristo ante los opositores del Reino, sean las potencias hostiles externas o los miembros de la iglesia que con ellas colaboran (la desviadora profetisa Jezabel y los nicolaítas). 28 La primera presentación de Cristo bajo la figura de Cordero Resucitado (arnion; 5,6) es precedida de estos atributos: el león de la tribu de Judá, la raíz de David (5,5). Se desvela aún más la estrecha relación que existe entre Cristo y su iglesia con el pastor rey David fundador de la ciudad de Jerusalén (22,16). 29 Ver J. LÓPEZ, «Un verso descuidado: Ap 2,23b-d. Aporte del análisis retórico semítico a la comprensión del mensaje de Cristo a las iglesias del Apocalipsis», en R. MEYNET – J. ONISZCZUK, Studi del terzo convegno RBS, Roma 2013, 248-250.
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LA ALIANZA CON DAVID Y SU DESCENDENCIA: «Y ÉL SERÁ PARA MÍ HIJO» La irrupción de la monarquía en la historia de Israel conlleva un desarrollo en la implementación de la alianza divina. En particular – recordemos – el salmo 2 atribuye a Yahveh la posesión de todos los pueblos abierta como don al Mesías en la persona de David30. En efecto este salmo pasa de la consagración del rey en el monte Sión-Jerusalén (6) al tema de la filiación del Mesías-rey como hijo de Yahveh: «Tú eres mi hijo. Hoy te he engendrado […]. Te daré en herencia las naciones (ethnē)» (7-8). Y declara «bienaventurado quien se acoge a él» (12d). Dado que el Mesías Cordero desciende de David (Ap 5,5; 22,16) la alianza con Cristo se sitúa en línea con el pacto davídico. Desde este marco de referencia podemos considerar el segmento «y ellos pueblos de-él serán» (21,3d) y su adherente «y él el Dios con ellos31 será [de ellos Dios]» (e) en cumplimiento de la alianza davídica: «Yo seré para él padre y él será para mí hijo» (2 Sam 7,14). V. EL CONJUNTO DEL PASAJE 21,1-8 COMPOSICIÓN El pasaje introduce (1-2) un discurso directo en forma de oráculo (3-8) el cual se organiza en tres partes concéntricas: A: 3-4; B: 5-6a; A’: 6b-8. El término «Dios» (2.3 [3x].7) resulta el lazo principal de unión de las cuatro partes del pasaje; no aparece literalmente en la parte central del oráculo (5-6a) pero se encuentra tras la imagen «del que se sienta sobre el trono» (5). Un segundo enlace lo constituye el uso del verbo ser en cada parte. En el interior del oráculo (3-8) se dan los siguientes lazos de unión: – la construcción nominal consecutiva en la parte central, «porque estas palabras son fidedignas y verdaderas» (5), corresponde a símiles construcciones gramaticales en los extremos (3.7). – construcciones nominales en ambos extremos se emplean también para designar los efectos antropológicos causados por el anti-reino (8), llanto – grito – fatiga (4), de los cuales la muerte (4.8) es la consecuencia más aguda. – la parte central se corresponde con el extremo anterior (3-4) por la mención explícita del imperativo «mira! (gr. idou)» y del sustantivo «trono» (3.5). Bien estructurada en su interior por el verbo «decir», esta parte central cumple una función retórica esencial. Sin ella no se entendería correctamente el cambio de la tercera persona al inicio del discurso directo (3-4) a la primera en el extremo final (6-8). El uso del pronombre personal (3 [6x].7[3x]) acentúa la interrelación Dios-ser humano. 30
Ver O. PISANO, «“E abiterà con loro” (Ap 21,3)», 194. Para una consideración completa ver ID., La radice e la stirpe di Davide, 320-330. 31 La expresión «Dios con-ellos» tiene en el contexto de Ap 21,3 una connotación cristológica que anticipa la descripción detallada de la nueva Jerusalén como esposa del Cordero (21,9ss).Ver O. PISANO, «“E abiterà con loro” (Ap 21,3)», 195.
«Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7)
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Y vi un cielo nuevo y una tierra nueva, ya-que el primer cielo y la primera tierra se-fueron y el mar no es más. 2 Y la ciudad la santa Jerusalén nueva vi descendiendo del cielo de parte de Dios preparada como novia adornada para el esposo. 3
Y escuché una voz» grande desde el trono que dice: «Mira, la tienda de Dios con los hombres y habitará con ellos y ellos pueblos de-él serán y él, el Dios con ellos será su Dios. 4 Y enjugará TODA lágrima de los ojos de ellos, y la muerte no será más, ni llanto ni grito ni fatiga no será más [porque] las primeras cosas se fueron». 5
Y dijo el que se sienta sobre el trono: «Mira, estoy-haciendo todo nuevo» y dice: «Escribe, ya que estas palabras son fidedignas y veraces». 6 Y me dijo: «realizado-está». «YO soy, el Alfa y la Omega el principio y el fin. YO al sediento daré de la fuente de agua de vida gratis. 7 Quien está-venciendo heredará esto. Y seré para él Dios y él será para mí hijo. 8 Pero para-los cobardes, los incrédulos, los abominables, los impuros, los fornicadores, los hechiceros, los idólatras, y para todos los mentirosos, la parte de-ellos en el lago que-arde con fuego y azufre, que-es la muerte segunda».
– la oposición semántica entre los atributos de las palabras divinas, dignas de fe y verdaderas (pistoi kai alēthinoi) en la parte central (5) y la caracterización del campo negativo: infieles y falsos (apistoi kai pseudoi ) en el extremo final (8). – la auto-presentación «Yo soy» con predicados nominales (6) revela ulteriormente la identidad de quien, en el centro retórico, habla desde «el trono» (5). Merece especial atención la adherente correspondencia de estas construcciones nominales en las partes extremas del oráculo (3.7), indicativas de alianza (hb. berît), ya que incide directamente en el tema de la filiación divina: a y ellos pueblos de-él serán b y él, el DIOS con ellos será su DIOS b’ Y seré para él DIOS a’ y él será para mí hijo.
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Por otro lado encontramos estos otros lazos de unión entre la introducción (12) y el oráculo (3-7): – el adjetivo calificativo «nuevo», «nueva» referido a cielo y tierra y a la ciudad de Jerusalén en la introducción del pasaje (1-2) reaparece en la parte central (5) en neutro plural uniendo ambas realidades cosmos e historia: «nuevas hago todas-las-cosas» (kaina poiō panta). – el término extremo de percepción ocular «y vi»; (1) abre el pasaje mientras que de modo paralelo el oráculo inicia con un término símil, éste de percepción auditiva: «y escuché» (3). – el verbo de movimiento «irse» (aperchomai) en aoristo «se fueron» tiene por sujeto «el primer cielo» y la primera tierra» en la introducción (1) mientras que el segmento extremo (4) sintetiza el mismo referente mediante el adjetivo nominal neutro plural «las primeras» (ta prōta; 2). – «el mar», elemento negativo deja de existir, literalmente en presente: «no es más» (1). Corresponde con el destino final del anti-reino (8) y con la desaparición de sus efectos (4). Finalmente la lógica de la composición a nivel del conjunto del oráculo invita a focalizar aún más sobre las simetrías recién evidenciadas y su relación con la parte central. Se da en efecto un «crescendo» de revelación. El sujeto innominado, la voz grande que desde el trono «dice» (3), precede a lo que «dijo y dice» el que se sienta sobre el trono (5-6) quien finalmente se identifica en primera persona: «Hago todo nuevo […] Yo soy […]. Yo al sediento daré […]» (6). El máximo de auto-donación divina a través de la alianza contiene la personal comunicación de la propia vida testimoniada mediante la analogía de mayor parentesco ontológico posible: hijo (hyios; 7). CONTEXTO LOS IMPEDIMENTOS PARA LA FILIACIÓN DIVINA El extremo final del oráculo expone un elenco de vicios que causan la muerte eterna simbolizada por el lago de fuego y azufre (8). El profeta exponía ya en el extremo anterior del oráculo de forma paralela las consecuencias negativas del anti-reino: llanto, grito, fatiga, muerte (4). El lector se retrotrae al mensaje a las iglesias (2,9.11). La intención parenética es clara: convencer al creyente a no dejarse desviar (planan) por la falsa profetisa Jezabel (2,20), anticipo de la idólatra Babilonia (17-18), mujer prostituta antítesis de la esposa-Jerusalén (21,1-22,5). En un contexto histórico en el cual el universo parece irradiar de la Roma imperial, el profeta mediante el símbolo del trono al centro del oráculo (21,5) y con la mención del campo negativo sin presente ni futuro a los extremos (4.8) atrae la atención de las iglesias al verdadero y único centro del cosmos y de la historia. La intención del profeta es animar a la perseverancia en el eón actual.
«Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7)
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UN NOMBRE NUEVO EN TESTIMONIO DE PATERNIDAD El objeto de la promesa a quien está-venciendo, al final del oráculo a la iglesia en Filadelfia (3,11-13) incluye una descripción de la nueva Jerusalén y una promesa al vencedor (3,12; 21,7). Ambos datos testimonian una paternidad divina que reafirma en su opción al fiel creyente y anticipa la visión que nos ocupa. Vale la pena por tanto examinar con cierto detalle el oráculo a esta iglesia. Cristo, que se ha auto-presentado como «el Veraz» (ho alēthinos), habla en términos proféticos precisos tanto a esta iglesia en su conjunto (7-11) cuanto a cada miembro de ella en particular (12-13): 11
Vengo rápido. Aférrate a lo que tienes para que ninguno te arrebate tu corona. 12 El vencedor haré de-él una columna en el santuario del Dios mío y fuera no saldrá más ya y escribiré sobre él el nombre del Dios mío y el nombre de-la ciudad del Dios mío, la nueva Jerusalén la que-desciende desde el cielo de-parte del Dios mío, y el nombre mío el nuevo.
Notemos que el Viniente (11a), digno de crédito por ser veraz, exhorta primeramente a su iglesia a la perseverancia con una finalidad bien precisa: «para que (hina) ninguno te arrebate tu corona». Esta iglesia posee por tanto ya en el momento actual una corona, prenda real, símbolo antropológico de victoria. El imperativo «aférrate a lo que tienes» es el medio para mantener tal triunfo hasta el final. La iglesia en Filadelfia se compone de miembros que están-venciendo32, el mismo destinatario eclesial de la visión que analizamos. Más aún. El contenido de la promesa al vencedor en esta iglesia se expresa también, como en nuestro pasaje, en términos de alianza y de filiación. En primer lugar de alianza: por primera vez en el libro se menciona el sintagma «la nueva Jerusalén que desciende del cielo de parte del Dios mío». Cristo atestigua esta alianza con los de Filadelfia en lenguaje profético directo: « Escribe: así habla el Santo y Veraz» (3,7). Notemos la parcial simetría con el centro retórico de nuestro texto: «Escribe, porque estas palabras son «fidedignas y veraces» (21,5d-e). Interesa sobre todo para nuestro estudio destacar el aspecto de filiación que se encuentra en la promesa a esta iglesia, come en 21,1-8, intrínsecamente unido al de alianza. La capacidad de dar el nombre a una persona pertenece sólo a sus padres33. La imposición de un nombre, sea por primera vez o cambiándolo (Abraham) señala el inicio de algo radicalmente insospechado. Con la potestad por dos veces repetida34 de imponer el nombre de «mi Dios», y el propio nombre «el nombre “mío” ese nuevo», de modo estable sobre el vencedor (columna en el 32 En 2,11, ho nikōn, participio presente sustantivado, casus pendens, queda formalmente fuera de la articulación sintáctica. 33 En Israel esta atribución pertenecía a la madre (Gen 29,32-35; 30,6ss); en tiempos de Jesús, según Lc 1,59-66, al padre. 34 Además si esta iglesia mantiene la corona nupcial de esposa, al miembro vencedor le será conferido también el nombre de la nueva Jerusalén, la prometida esposa del Cordero
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santuario), Cristo se atribuye a sí mismo la misma capacidad paterna de Dios Padre, señalado aquí como «mi Dios» (theou mou). El Hijo de hombre resucitado el que tiene la llave de David (3,7) trasfigura por tanto en hijo de Dios, en ciudadano de la Jerusalén de arriba35, a quien permanece fiel a la alianza (Ap 3,8). Al escribir el nombre Suyo nuevo, el de Resucitado36, el Hijo de Dios (2,18) conferirá la participación en su propia filiación divina tanto al miembro de la iglesia en Filadelfia como al también vencedor en las otras seis iglesias. Se trata del destinatario «vencedor» que hereda tal filiación (21,7) solemnemente atestiguada por quien se sienta sobre el trono37, Alfa y Omega (1,8; 22,13) que realiza todo nuevo (21,5-6a). La iglesia, nueva Jerusalén, llega a ser entonces una entidad que congrega a los hijos de Dios. En consecuencia cada miembro fiel de la iglesia-esposa, Jerusalén celestial, paternalmente identificado mediante el nombre nuevo, el de Cristo Jesús resucitado, gozará para siempre de una filiación divina en plenitud sólo entonces, pero ya desde ahora reconocida (21,5-7). No obstante la advertencia es clara: debe mantener «la corona», perseverar en el testimonio y seguir venciendo (3,8; 21,7-8). El don de la filiación divina surge de la resurrección del Viniente (1,5; 5,56)38 de cuya vida hace partícipe al miembro de la iglesia (2,7; 22,14.19). La inserción del creyente, hijo y heredero del trono de David, en el reino universal de Cristo (1,5-6) implica su participación en el testimonio de Jesús actuado en la liturgia dominical por medio del Espíritu (1,9-10). De esta forma el hijo de Dios, si continúa venciendo, custodiando la alianza, se mantendrá abierto a las promesas de Cristo (2-3) y gozará en plenitud de cada una de las siete bienaventuranzas del libro. Escrita en forma condensada, concorde con las fórmulas de alianza bíblica, esta promesa corporativa a la iglesia en Filadelfia exige en consecuencia, para la perpetua posesión del don de la vida eterna, una congrua reciprocidad de cada miembro creyente en clave de agapē (1,5). Ap 21,1-8, testimonia por tanto y refuerza la revelación del Cristo davídico a la iglesia en Filadelfia y en ella a la iglesia universal (3,13). CONTACTO CON PABLO La reflexión neotestamentaria en torno a la nueva alianza se expresa, fuera del Apocalipsis, de modo característico en Pablo. Ante la situación de algunos 35
La ciudad santa «que es nuestra madre» (Is 49,14-26; Gal 4,26). A la iglesia en Pérgamo le promete un nombre nuevo, el de Cristo resucitado, sobre la piedra blanca. Si a su resurrección Cristo no asociase al creyente ilusoria sería nuestra fe (1Cor 15,12-20). Para un desarrollo de esta argumentación con su respectiva problemática ver C. DOGLIO, Il primogenito dei morti, 144-148. 37 Dios – término equivalente en el libro del Apocalipsis a Dios Padre – ocupa el trono divino. Pero esta actividad de regir el cosmos y la historia el Padre la comparte con Cristo resucitado quien a su vez incorpora al fiel creyente a este servicio (3,21). 38 Ver C. DOGLIO, Il primogenito dei morti, 144. 36
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miembros de esta iglesia, «el apóstol de las gentes» hace acopio de un material bíblico adherente al texto que analizamos en su mensaje a los corintios (2Cor 6,16-18). Y les recuerda que no hay nada en común entre el templo del Dios viviente (ellos mismos) y la idolatría. Si salen de esa situación (Is 52,11-12), si combaten la seducción politeísta de culto al poder político se realizará cuanto prometido en la eterna alianza: 2Cor 6,16 «habitaré (enoikēsō: Jn 1,14; 14,23) y caminaré entre ellos (en autois) y seré de-ellos (autōn) Dios y ellos (autoi) serán de-mí (mou) un pueblo […] Ez 37,27 17
Por tanto salid de en medio de ellos […] dice el Señor, […] y yo os acogeré,
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y seré para vosotros padre (eis patēr) y vosotros seréis para mí (moi) hijos e hijas (eis hious […]; dice el Señor omnipotente (pantokratōr)»
Ap 18,4 Ez 20,41-42a 2Sam 7,14; Jr 31,9 Is 43,6 Ap 1,8
Tras recordar esta solemne declaración divina, Pablo indica que el proceso de santificación, entendido como participación en la vida divina, está ya iniciado en la vida eclesial de Corinto (2Cor 7,1). Al igual que en el Apocalipsis la alianza en términos de inhabitación con el pueblo de Dios se traduce para Pablo en filiación divina ya al presente, pero falta la focalización en singular y la mención de la herencia, ambas características de nuestro texto. Tampoco aparecen ni el acento de escatología realizada (gegonan) patente en el Apocalipsis a través de la voz de quien «se sienta sobre el trono» ni el solemne mandato en clave de testimonio: «Escribe: estas palabras son dignas de fe y verdaderas (ver 22,14-15)». Tal imperativo enlaza retrospectivamente con el mandato a escribir a cada una de las siete iglesias del Asia. Como tal constituye la garantía del feliz cumplimiento de un proceso de filiación divina ya iniciado que alcanza su plenitud en la Jerusalén nueva. Pablo por otro lado aborda el rol del Espíritu en testimoniar la filiación de los creyentes que por voluntad de Dios dejan de ser esclavos (Gal 4,6-7) y se convierten por tanto en «herederos de Dios y coherederos de Cristo» (Rom 8,16-17) según la promesa hecha a la descendencia de Abraham (Gal 3,29). Pero si bien la fórmula de alianza en el Nuevo Testamento, y singularmente en la tradición paulina, se traduce también en términos esponsales (Col 1,18) y de paternidad – filiación, ésta alcanza en el Apocalipsis un nivel de máximo desarrollo y de realización definitiva con el solemne testimonio de quien es Fidedigno y Veraz. Todo lo cual es a su vez fielmente reportado «en el Espíritu» (1,10; 21,10) por su profeta Juan de Patmos. EL CÍRCULO JOANEO Como consecuencia de la encarnación (3b) el profeta de Patmos parte de la reflexión sobre el habitar de Dios en una tienda (skenē) en el desierto – según
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hemos brevemente considerado – pero la entiende como manifestación de la gloria shekinah de Dios, a toda la humanidad. El Cuarto evangelio comunica no sólo que el Logos se ha encarnado y que por lo tanto la alianza con su pueblo se convierte en un habitar en él (Jn 1,14). También revela que en virtud de la resurrección de Cristo el fiel creyente puede llamar a Dios Padre, a Cristo Señor hermano (20,17) y existir en el Espíritu (3,5-7) participando de una vida como hijo en la Trinidad. Esta vida se muestra en la fiesta de las Tiendas simbolizada con el don del agua que brota de Jesús, su Espíritu, que en virtud de la resurrección llega al creyente (Jn 7, 38-39; 19, 34-35; Ap 21,6cd). La filiación divina del creyente (tekna tou theou) en el Cuarto Evangelio se presenta, tanto en el prólogo como en la primera conclusión fundamentalmente encuadrada como un creer en la vida (20,30-31). Esta realidad se expresa elocuentemente en la Primera Carta: «Ved qué gran amor nos ha dado el Padre para ser llamados hijos de Dios y lo somos!» (3,1). En el Apocalipsis tal reflexión típica del círculo joaneo se desarrolla a un máximo. Alrededor de la filiación divina confluyen las polifacéticas e históricas y siempre en evolución promesas de la alianza con la paradójica «progresiva» realización de una creación e historia «nuevas». EL TRASFONDO LITÚRGICO Nuestro texto tiene un antecedente parcial en la explicación que da uno de los presbíteros a Juan (7,14-17), caso único en el Apocalipsis, sobre la multitud inmensa de toda nación, raza, pueblo y lengua que con palmas en las manos, en probable alusión a la fiesta de las Tiendas, gritan: «La salvación al Dios nuestro sentado sobre el trono y al Cordero (9-10). Esta peculiar visión de sabor litúrgico comparte con la parte central de nuestro oráculo la expresión «el que se sienta sobre el trono» (7,12; 21,5a) y con el extremo anterior no sólo la procedencia universal de los usufructuarios de la promesa (7,9; 21,3b-e)39 sino también las locuciones «habitará-en-tienda sobre ellos40 (skēnōsei ep’autous [15]; en 21,3c meta autōn «con ellos») y «enjugará toda lágrima de sus ojos» (7,17; 21,4a). Pero hay más. La promesa «éstos no tendrán más sed porque el Cordero los guiará a las fuentes de agua de la vida» (7,17) está en adherente correspondencia con la del cierre del pasaje: «Yo al sediento daré de la fuente de agua viva gratis (21,6e-f).
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El profeta vió un gran gentío «ochlos polys» y añade innumerable (7,9), por tanto no exactamente toda la humanidad. Nuestro texto estipula: «la tienda de Dios con la humanidad (meta tōn anthrōpon, 3b) pero también restringe mediante la advertencia de una posible muerte eterna para quienes se autoexcluyan (8). 40 Se refiere en 7,14 «a quienes han pasado por la gran tribulación y lavado sus vestidos con la sangre del Cordero. En 21,4 no se especifica que sean todos mártires como tampoco en la bienaventuranza séptima y última del libro (22,14).
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INTERPRETACIÓN DEL CONJUNTO DEL PASAJE 21,1-8 La única afirmación directa sobre la filiación divina del fiel creyente en el libro del Apocalipsis se encuentra en este pasaje, de gran coherencia y belleza literaria, en un contexto litúrgico de escatología realizada que no deja indiferente al lector/oyente. LA ALIANZA EN CLAVE MATRIMONIAL El profeta introduce a la iglesia-pueblo de Dios como nueva Jerusalén en alianza de agapē con su creador y Señor. Juan trasmite por escrito en simbología matrimonial y testimonia justo cuanto vió (21,1-2; ver 1,2), la realización plena de todo lo prometido al fiel creyente a lo largo de la historia bíblica. Tanto el cosmos como la humanidad se trasfiguran completamente al momento de la parusía cuyo escenario (horizonte) se aproxima en imagen virtual al presente de la iglesia con el objeto de animar a la fidelidad perseverante del miembro de la iglesia que está venciendo en la tribulación. EL TESTIMONIO DE CRISTO Y DEL PROFETA AL CENTRO DEL ORÁCULO El discurso directo converge hacia un centro para enfatizar el testimonio fiel y veraz de Dios Padre en Cristo sobre la trasfiguración definitiva del creado y de la historia. Si bien no aparece ni el verbo «testificar» ni los sustantivos «testigo o testimonio» sin embargo la forma testimonial es clara. Tal testimonio se avala tanto por la voz enigmática que proviene del trono41 en el extremo de apertura (3), la cual se revela claramente como perteneciente a quien se sienta sobre el trono (5), como por la auto-presentación en primera persona de Cristo Alfa y Omega, principio y fin (6). Se trata del Viniente Pantokrator (1,8) que ya realiza de modo emblemático en el acto litúrgico de la iglesia42 el desposorio y la renovación radical del cosmos cuyo venida a plenitud se anuncia en nuestro texto. Conviene recalcar que el autor escoge la categoría de lo «nuevo» para describir el obrar continuo de Cristo Resucitado43 en el cosmos y en la historia. 41 El símbolo antropológico del trono (Ap 4) colocado inmediatamente después del mensaje a las siete iglesias y antes de la cadena de sellos – trompetas – copas es un marcador del entero libro. Ocurre 47 veces casi siempre referido al trono de Dios; ver M.B. STEPHENS, Anhilation or Renewal?, 173. 42 En la presentación litúrgica del libro, Cristo aparece como el testigo fidedigno que hizo de nosotros reino y sacerdotes para su Padre (1,5-6). Ya el profeta había indicado el acto litúrgico que caracteriza el libro con la bienaventuranza inicial (1,3) y se presentó a sí mismo como el que trasmite cuanto vio: el testimonio de Jesucristo, es decir Su persona (1,2); ver C. MANUNZA, L’Apocalisse come «actio litúrgica» cristiana. Studio esegetico-teolologico di Ap 1,9-16; 3,14-22; 13,9-10; 19,1-8), Roma 2012, 5-33. 43 Stephens cita un número de autores de lengua inglesa que consideran el lenguaje de la resurrección como el más adecuado para describir la transformación del cosmos visualizada en nuestro texto; M.B. STEPHENS, Anhilation or Renewal?, 257, n. 409.
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La creación alterna a la que aspira el anti-reino mediante el culto idolátrico del poder político simbolizado en la pornē-Babilonia al margen de los valores de Cristo, sin consistencia en sí, desaparece. El mandato al profeta en presente, «escribe», evoca el mensaje septenario a las iglesias y aproxima aún más el horizonte escatológico al lector de todos los tiempos para reanimarlo en su combate actual por seguir venciendo. Cristo resucitado, desde el trono del Padre testimonia su fidelidad a la alianza, entendida ésta en clave matrimonial, otorgando paternalmente el don de la filiación divina, de la vida eterna. Esto requiere del creyente una recíproca fidelidad fundada en el agapē que brota de esa misma alianza entre Cristo y su esposa la iglesia. La vida divina en el Espíritu prometida bajo el símbolo del agua contiene un aspecto ya de actual realización en línea con la reflexión del círculo joaneo. El Apocalipsis sin embargo acentúa un doble aspecto: la necesidad de pertenecer al cuerpo-iglesia esposa del Viniente y el requerimiento individual de permanecer a la escucha y custodia de cuanto el Espíritu dice a cada hijo de Dios, a cada miembro activo de ese cuerpo. Los herederos de la alianza eterna recibirán «esto», dones nuevos, pero no ya distribuidos en ciudadanía, nombre nuevo, autoridad sobre las naciones, obras, victoria sobre la segunda muerte, sino todo ello concentrado en una realidad que lo incluye y lo sobrepasa: la participación en la divinidad de Cristo, la comunión con el Hijo de Hombre (1,13) e Hijo de Dios (2,18). Lo «nuevo» se refiere aquí al conjunto de la realidad, solemnemente testimoniada, vista en el acto litúrgico como una realización presente «hago» y duradera «realizado está». LA ALIANZA EN CLAVE PATERNO-FILIAL La herencia de las naciones prometida a David se realiza en su heredero, el Mesías resucitado, el único capaz de revelar el misterio de la iglesia (1,20), el proyecto de Dios sobre la historia (5,1-14) de imprimir el propio nombre al fiel creyente y de donarle por tanto, en herencia, la propia filiación. Se trata del don anunciado en 2Sam 7,14 y en el salmo 2 pero participado no sólo al Mesías sino a todo miembro de la iglesia en Cristo resucitado. La novedad anunciada ya en vías de realización no destruye la creación sino que la trasforma «cristificándola» en el Espíritu (Rom 8,16). Todo lo cual es don gratuito de plenitud divina para quien ya está venciendo. Persiste no obstante la tensión entre actualidad de la promesa y su futura plena realización. La realización de la promesa de eterna bienaventuranza depende de la docilidad a dejarse educar como hijos por un padre que ama (Oseas 11,1-8; Pv 3,11-12; Ap 3,19-21). Aquello que Cristo promete al que cree en Él (Jn 6,3035), a quien ya está-venciendo, es ya perceptible al presente y constituye una garantía de cumplimiento futuro en plenitud44. Tal esperanza, in fieri, se confirma mediante las palabras fielmente trasmitidas por «quien dio testimonio de la 44
Ver BENEDETTO XVI, Spe salvi, Città del Vaticano 2007 # 7.
«Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7)
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palabra de Dios y del testimonio de Jesucristo: «realizado está» (21,6) según cuanto vió» (1,2).
VI. CONCLUSIÓN El presente análisis parte de los criterios de composición bíblico-semítica puestos de relieve por Roland Meynet, a quien se dedica esta publicación. El resultado destaca la importancia que el Apocalipsis atribuye al testimonio divino sobre la herencia de filiación donada al creyente fiel. Dios Padre testimonia de modo fidedigno en Cristo Resucitado la alianza irrevocable con su iglesia en un contexto de trasfiguración universal activado por el Espíritu portador de vida eterna ya presente en el acto litúrgico (1,3ss; 22,17-21). Tal caracterización testifica un culmen en la reflexión bíblica sobre la filiación divina del fiel creyente.
Javier LÓPEZ, S.I.
Pontificia Università Gregoriana Piazza della Pilotta, 4 00187 Roma (Italia)
SUMARIO El artículo sugiere que Rev 21,1-8 representa un punto culminante en el Nuevo Testamento al describir los medios por los cuales los cristianos fieles disfrutan de la filiación divina. Muestra cómo el texto concibe tal filiación en términos del pacto universal que realiza Cristo Resucitado, «el Viniente», con su Esposa la Iglesia, Nueva Jerusalén, y cómo esto se efectúa a través de la presencia renovadora del Espíritu en el acto litúrgico. El estudio parte de la estructura literaria del pasaje según las leyes de la retórica semítica y señala que el testimonio divino, ubicado al centro de la composición (v. 7), garantiza la autenticidad de lo que el profeta de Patmos asegura: Dios comunica su divinidad, como paternidad, al miembro fiel de la iglesia. Palabras clave: Ap 21,1-8, alianza, filiación divina, nueva creación, testimonio, venida de Cristo
ABSTRACT The article suggests that Rev 21:1-8 represents a highpoint in the New Testament of describing the means by which faithful Christians enjoy divine filiation. It identifies how the text explains filiation in terms of the universal covenant made to the Church, Spouse of the Risen Christ, «the Coming One», and how this is effected through the transfiguring presence of the Spirit in the liturgical act. It studies the literary structure of the passage according to the laws of Semitic rhetoric and notes that the divine testimony,
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located at the center of the composition (verse 7), guarantees the authenticity of what the prophet of Patmos writes about. It confirms that God communicates his divinity, as paternity, to the faithful member of the church. Keywords: Rev 21:1-8, coming of Christ, covenant, divine filiation, new creation, testimony
Ouverture théologique
Amaury BEGASSE DE DHAEM
« Un enfant nous est né, un fils nous est donné » (Is 9,5) Le mystère filial de Jésus, le Christ « Un enfant nous est né, un fils nous est donné » (Is 9,5), proclame la liturgie de la Messe de la Nativité, à l’heure où « la nuit parvient au milieu de son cours et que du haut des cieux la Parole toute-puissante s’élance de son trône royal » (Sg 18,14-15). Car c’est en un petit d’homme qu’« elle touche au ciel et s’avance sur la terre » (Sg 18,16), puisque c’est un double mystère filial qu’elle est venue révéler : celui qui demeure en Dieu et celui qui constitue l’homme. Confirmant les intuitions exégétiques de R. Meynet, nous voudrions montrer que la filiation est une clé, sinon la clé, qui permet de récapituler et d’unifier la théologie trinitaire, la christologie, la sotériologie et l’anthropologie théologique. Nous le ferons en suivant l’ordre du mystère, tel qu’il s’est exposé et donné à contempler au terme du long chemin d’autorévélation de Dieu, et non tel qu’il fut progressivement découvert par ses destinataires, les hommes. C’est le texte final de la diction de Dieu et de son exégèse par l’Esprit (Jn 14,26 ; 15,26 ; 16,13-15), dans le temps de l’Église, qui nous servira de point de départ. Nous partirons donc de Dieu en son mystère trinitaire, puis en sa communication dans l’histoire du salut, qui commence avec la création, achoppe sur le péché, recrée en Jésus, « le Fils », et dans « l’Esprit de filiation » (Rm 8,15) reconduit au Père. Un mot encore de méthode. Dans cet article, il sera beaucoup question de l’Écriture, parce qu’elle est, ou devrait être, comme « l’âme de la théologie »1, l’animant et la vivifiant de l’intérieur. L’auteur de ces lignes la lit et l’interprète sans appartenir, selon la distinction moderne des disciplines, à l’exégèse de profession, mais au champ de la théologie systématique ou dogmatique. Sa lecture est donc, d’emblée, théologique. Dans Verbum Domini, Benoît XVI affirme : « là où l’exégèse n’est pas théologie, l’Écriture ne peut être l’âme de la théologie et, viceversa, là où la théologie n’est pas essentiellement interprétation de l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de fondement »2. Puisqu’il s’agit d’honorer un exégète qui n’a jamais renoncé à sa mission théologique, celle de l’interprétation,
1 CONCILE VATICAN II, Optatam totius 16, in Conciliorum oecumenicorum decreta, Bologna 2002, 955 ; Dei Verbum 24, DH 4231. 2 BENOÎT XVI, Esortazione apostolica post-sinodale Verbum Domini, n° 35, Cité du Vatican 2010, 76.
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il serait juste que la théologie que nous esquissons ici soit à son tour une herméneutique ecclésiale de l’Écriture.
I. DIEU, MYSTÈRE D’ENGENDREMENT ET DE FILIATION 1. PLÉNITUDE AUTO-COMMUNICATIVE Dieu, en lui-même, est un mystère originaire d’engendrement et de filiation, parce qu’il est mystère de plénitude d’être (Ex 3,14 : « Je Suis »), de bonté (Mc 9,18 : « Personne n’est bon que Dieu seul » ; Lc 18,19) et d’amour (1Jn 4,8.16 : « Dieu est amour »). Or, l’être est source de tout ce qui est, la bonté est auto-diffusive de soi3, l’amour implique fécondité et pluralité : la plénitude d’être, de bonté et d’amour est donc auto-communication de soi en l’autre4. Dire que le premier nom de Dieu, révélé par Jésus dans le Nouveau Testament, est bonté5, est dire qu’il est, déjà en soi, fécondité de qui tout procède comme d’une source et finalité à qui tout s’ordonne6. L’ordre (la taxis) dans la Trinité, qu’exprime la séquence des missions trinitaires (le Père envoie le Fils, Jn 3,16-17, et ensemble ils envoient l’Esprit, Jn 14,16.26 ; 15,26 ; 16,6), ainsi que le mandat missionnaire et la liturgie baptismale (Mt 28,19 : « Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit »), dit l’unité du Nom, la pluralité des personnes et la relation d’origine qui les relie au Père, fons et origo totius divinitatis seu Trinitatis7. Or, que la source, « l’origine sans origine », soit nommée « Père » par l’Écriture, et son premier fruit, immanent et éternel, « Fils », tandis que le troisième, « l’Esprit Saint », reçoit en propre un double nom commun aussi bien au Père qu’au Fils (l’un et l’autre sont « esprit » et « saint »), comme le notait Augustin8, indique déjà que la relation d’engendrement et de filiation est le fondement du mystère trinitaire, et que la relation Père-Fils en Dieu se comprendra aussi en relation à l’Esprit. 2. L’AIMANT, L’AIMÉ, LE CO-AIMÉ La fontaine baptismale, où s’engendrent les fils de Dieu (Jn 3,5), évoque, à travers la symbolique de l’eau et de l’Esprit vivifiant, la source de Vie paternelle qui est, en Dieu même, au principe de tout engendrement et de toute spiration de
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PSEUDO-DENYS, De cael. hier., 4, 1 ; De div. nom., 4, 1.20 : PG 3, 178C, 694B, 719A ; PL 122, 1046B, 1128D, 1139C. 4 THOMAS D’AQUIN, Summa Theologiae, III, q. 1, a. 1, resp., Cinisello Balsamo (MI) 1962, 1864. 5 BONAVENTURE, Itin. V, 2 et VI (V, 308.310-312). Comme il est d’usage, après la référence interne à l’ouvrage, nous indiquons entre parenthèses le vol. et la p. de l’édition de Quaracchi. 6 Cf. E. GILSON, La philosophie de saint Bonaventure, Paris 20063, 147. 7 CONCILE DE TOLÈDE VI, DH 490 ; CONCILE DE TOLÈDE XI, DH 525. 8 AUGUSTIN, Trin. XV, 37, BA 16, Paris 1997, 524.
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vie. Le Père, plénitude fontale, radicalement et positivement première9, et donc fécondissime10, de sa substance même d’Aimant (diligens), et donc de toute éternité, engendre un « Fils de son amour » (Col 1,13). Ce Fils, « resplendissement de sa gloire et empreinte de sa substance » (He 1,3), est son bien-aimé en qui il se complaît (dilectus : Mt 3,17 ; 17,5 ; Mc 1,11 ; 9,7 ; Lc 4,22 ; Ep 1,6). Il l’est en étant son Verbe (Jn 1,1-2) proféré en Lui-même comme parfaite Image et expression de lui-même (car l’amour parfait bannit jalousie, envie et avarice), sans autre reste que la seule différence de leur relation d’origine, paternelle et filiale (« soi-même comme un autre »11). Ils demeurent l’un dans l’autre (Jn 14,10 ; 17,20) dans la plus intime unité ou cointimitas12 (Jn 10,30 ; 17,11.21. 22.23) comme dans la plus originaire distinction (Jn 14,28 : « le Père est plus grand que moi »). L’Esprit, co-aimé de l’Un et de l’Autre (condilectus), procède de leur commun amour, principaliter du Père et comuniter du Fils13, par don du Père au Fils. Il est à la fois comme le fruit surabondant, personnel (car l’Amour spire du personnel, pas de l’impersonnel) et coéternel de l’amour fécond et partagé du Père et du Fils14, et le lien qui discrètement scelle et maintient éternellement ouverte l’altérité de cet amour paternel et filial (nexus amoris, amplexus amborum)15. La relation paternelle et filiale est donc la relation essentielle qui dit l’être de Dieu, et par conséquent l’axe central de la révélation néotestamentaire ; l’Esprit en procède, la consacre, la qualifie et l’ouvre en soi, comme en sa possible communication à la créature.
II. CRÉATION ET PROCRÉATION, MYSTÈRE DE FÉCONDITÉ 1. DE LA FÉCONDITÉ TRINITAIRE À LA FÉCONDITÉ CRÉATRICE En cette ouverture de l’amour paternel et filial qu’assure l’altérité de l’Esprit se dit la possibilité de la création. Ce n’est donc sans doute pas sans raison qu’après avoir affirmé « Dans le commencement (qui, lu par la Tradition à la lumière de Jn 1,1, évoque le Fils ou même le Christ16), Dieu (le Père) créa le ciel
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BONAVENTURE, M. Trin. 8, a.u., concl. (V, 114) ; Brev. I, 3, 7 (V, 212) ; Itin. II, 7 (V, 301) ; Hex. I, 12 (V, 331) ; III, 4.7 (V, 343.344) ; XIII, 22 (V, 391) ; XVI, 9 (V, 404). 10 BONAVENTURE, M. Trin. 8, a.u., concl. et ad 7 (V, 114). 11 P. RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris 1990. 12 BONAVENTURE, Itin. VI, 3.6 (V, 311). 13 AUGUSTIN, Trin. XV, 47, BA 16, Paris 1997, 554. 14 RICHARD DE SAINT VICTOR, Trin. III, 12-14 ; V, 16, SC 63, Paris 1959 (194-200.344). 15 BONAVENTURE, Brev. I, 3, 9 (V, 212) ; Hex. XI, 4 (V, 380). 16 AMBROISE, Hex. I, 4, 15, in Pars prima qua continentur libri Exameron, De paradiso, De Cain et Abel, De Noe, De Abraham, De Isaac, De bono mortis, ed. K. SCHENKL, CSEL 32/1, Pragae – Vindobonae 1897, 13 : « In hoc ergo principio, id est in Christo fecit Deus caelum et terram » ; Hex. I, 8, 29, in Pars prima, 28 : « In principio fecit Deus caelum et terram, id est in Christo fecit Deus vel Filius Dei Deus fecit vel per Filium Deus fecit […] Deus dixit et Deus fecit » ; AUGUSTIN, Conf. XI, 9, 11, BA 4, Paris 1962, 288 : « In hoc principio Deus fecisti caelum
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et la terre », le texte poursuit en indiquant que « l’esprit de Dieu planait audessus des eaux » (Gn 1,2). Dieu, de par sa nature même comme mystère de fécondité trinitaire, veut manifester et rendre participant de sa fécondité immanente la créature rationnelle qu’il pose dans l’être comme son autre selon l’image et la ressemblance, à savoir selon le mode paternel et filial qui lui est propre (il n’en connaît pas d’autre). Il ne peut en effet se révéler qu’en s’autocommuniquant à la créature tel qu’il est en lui-même. Car la Vérité, qu’Il est en tant qu’il est Être, Bonté ou Amour, ne peut se communiquer autrement que vraiment, et donc selon la relation paternelle et filiale qui le constitue et que l’Esprit garde ouverte. C’est le fondement, dans le mystère de Dieu, de l’adage de Barth et Rahner, reformulé par la Commission Théologique Internationale sous une forme qui a reçu un large assentiment : « La Trinité qui se manifeste dans l’économie du salut est la Trinité immanente ; c’est la Trinité immanente qui se communique librement et à titre gracieux dans l’économie du salut »17. La première révélation, la première communication de Dieu à une réalité qui soit de Lui, selon Lui et pour Lui (on y lira en filigrane la Trinité des personnes, Père, Fils et Esprit Saint : origine, medium/exemplar, fin18), sans être Lui, est la création. Dieu étant en lui-même mystère d’engendrement et de filiation et son agir exprimant adéquatement son être qui s’y donne et s’y montre, la création est une histoire d’engendrements : « Telles furent les générations (tôledoth) du ciel et de la terre quand ils furent créés » (Gn 2,4a). Mais elle l’est en particulier dans le cas de la seule créature dont le texte biblique nous dise qu’elle a été faite « dans l’image, selon la ressemblance » (Gn 1,26) du Créateur, ce qui est le propre du fils. La relation constitutive de l’être homme, celle qui le rend image et ressemblance de la relation constitutive de l’être Dieu, est analogiquement une relation d’engendrement et de filiation, comme dupliquée en la créature humaine. La Bible ne le dira pas des anges, alors qu’ils sembleraient, par leur nature spirituelle et éviternelle, avoir plus de titre à y prétendre que l’homme tiré de la glaise et de nature mortelle. Mais il ne leur est pas donné d’engendrer des fils, et donc de participer activement à l’intime mystère filial de la divine génération. Tout le reste de la création s’ordonne donc à l’homme, comme à sa fin (Gn 1,26-2,1) ou comme en son centre (Gn 2,7-25) : il est finis omnium19, fin immédiate et prochaine de tout le créé.
et terram in Verbo tuo, in Filio tuo, in virtute tua, in sapientia tua, in veritate tua » ; BONAVENTURE, Hex. I, 10 (V, 331). 17 COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE, Théologie, christologie et anthropologie, in Textes et Documents I (1969-1985), Paris 2013, 248. 18 BONAVENTURE, Hex. I, 12 (V, 331) ; XVI, 9 (V, 404). 19 BONAVENTURE, Brev, I, 1, 2 (V, 210). Cf. Red. art. 23 (V, 325), où l’expression est dite de Dieu même, et Lign. vit. 48 (VIII, 85), où elle est appliquée au Christ.
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2. LE PREMIER COMMANDEMENT : LA FÉCONDITÉ La première imitation de la fécondité créatrice de Dieu est la génération, justement appelée procréation. Elle est l’objet du premier commandement : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1,28). Pour cela, « mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27 ; 5,2), car « il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2,18), sans quoi il eût manqué à l’homme d’exprimer et de réaliser la fécondité créatrice. Il eut été privé de l’image et de la ressemblance, car Dieu est fécondité génératrice d’altérité dans la communion et immanence réciproques. Création et procréation, comme participation analogique au pouvoir créateur de Dieu de transmettre la vie, de s’auto-communiquer dans le surgissement de l’altérité posée comme ressemblance et différence de soi (« le fils »), expriment la filiation. De là l’intuition johannique (Jn 1,3) et paulinienne (Col 1,16) que la création, et spécialement celle de l’homme et de la femme, si elle est œuvre de Dieu en l’unité de sa source et en la pluralité de ses émanations immanentes (Gn 1,26 : « Faisons »), entretient un rapport particulier au Fils, au Verbe, à l’Image : elle est « à l’image de l’Image »20. Plus encore, elle est ordonnée à l’Incarnation du Verbe, à la plus parfaite autocommunication de Dieu à sa créature, où le Fils exprime le Père en exprimant l’homme (Jn 19,5 : « Ecce homo »), dans sa double filiation divine (« Fils du Père ») et humaine (« Fils de Marie »), parfaite image et ressemblance, de sorte que l’Apôtre peut affirmer que tout a été créé dans, par et pour le Christ (Col 1,16). Il est le Verbe incréé, incarné, crucifié et inspiré21, et sur son modèle Dieu a façonné l’homme de la boue des origines (Gn 2,722). Jésus conjoint en sa personne d’être « l’image du Dieu invisible », dans l’éternité, et « le Premier-né de toute la création », dans le temps et au principe du temps (Col 1,15). En lui s’accomplit le sens même de l’acte créateur, dans son origine, son mode, sa visée (là aussi se dessine l’empreinte du Père, du Fils et de l’Esprit) : une communication surabondante de plénitude, qui ne trouve d’autres limites que celles qui inhèrent au statut d’être créé (Col 2,9).
III. PÉCHÉ CONTRE L’ORIGINE ET SALUT PAR LA FILIATION RESTITUÉE 1. LE PÉCHÉ ORIGINEL : DÉNI DE FILIATION E T VIOLENCE FRATRICIDE Le premier péché, dont nous parle le Récit biblique, a mérité à bon droit d’être appelé « originel » par la Tradition, non parce qu’il désigne l’Origine — seule la bonté est et demeure inamissiblement originaire : « Dieu vit que cela était très bon » (Gn 1,31) —, mais parce qu’il la nie. Il est « originel » parce qu’il porte 20
ORIGÈNE, De oratione 22, PG 11, 485AB. BONAVENTURE, Itin. IV, 3 (V, 306). 22 TERTULLIEN, De carnis resurr. 6, CSEL 47, 33 : « Quodcumque enim limus exprimebatur, Christus cogitabatur homo futuri », cité in Gaudium et spes 22, DH 4322. 21
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sur l’Origine. C’est un péché contre la bonté de la source paternelle, suspectée d’être jalouse et envieuse de sa vie et de sa connaissance. C’est donc un péché contre le don de la filiation, dont il transgresse la limite, symbolisée par « l’arbre qui est au milieu du jardin » (Gn 3,323), qui pose et garantit l’altérité dans la communion, en la gardant de la fausse identité uniforme (Gn 3,4 : « vous serez comme des dieux »). Dans la mesure où il consiste à vouloir s’approprier l’image et la ressemblance, à savoir le don de la filiation, il est donc en particulier un péché contre le Fils, dont il tente d’usurper la place, celle qu’il occupe au centre du jardin, comme arbre de vie (Ap 2,7 ; 22,2.14.19), medium de la création, medium de la science et de la sagesse24. Parce qu’il porte sur l’Origine, le premier péché blesse toutes les dimensions de l’existence filiale qui s’y fondent : la relation apaisée à soi et au corps façonné et animé par Dieu (Gn 2,7), devenue conscience troublante de la propre nudité et sentiment d’une honte à couvrir (Gn 3,7) ; la relation gratifiante à Dieu lui-même, source de bénédiction (Gn 1,28), dégradée en cause de peur et de dissimulation (Gn 3,8-10) ; la relation joyeuse à l’autre sexe donné comme « os des os et chair de la chair » (Gn 2,23), pervertie en convoitise et domination (Gn 3,16) ; la relation assurée à la création à dominer et à soumettre (Gn 1,28), à cultiver et à garder (Gn 2,15), changée en peine et sueur (Gn 3,17-19) ; la relation achevée au temps (Gn 2,1-2), devenue un précaire « être pour la mort » (Gn 3,19). Parce qu’il blesse le rapport au Père et touche la filiation, le péché originel meurtrit aussi la fraternité qui s’y enracine. L’histoire s’ouvre sur le fratricide originel (Gn 4,1-11 : Caïn et Abel), la malice envahit l’homme, sature son temps (Gn 6,5 : « son cœur ne formait que pensées mauvaises à longueur de journée ») et pervertit son agir (Gn 6,11-12), et bientôt la terre se remplit de violence (Gn 6,11-13), comme en un premier « déluge de mal » auquel devra mettre fin le déluge des eaux (Gn 6,17 ; 7,6.10-12). Dieu ferme la porte du mal sur le juste (Gn 7,16), pour que puisse s’opérer, à travers lui, une sorte de première recréation, à partir de nouveaux couples primordiaux et de nouveaux engendrements (Gn 6,18-7,9.13-16 ; 8,16-19). 2. LE SALUT COMME RESTAURATION DE LA FILIATION (ISRAËL) Parce que le péché dénie la filiation et que « les contraires se soignent par les contraires »25, le salut sera restauration de la filiation par l’élection d’un fils pour la multitude. Le protévangile de Gn 3,15 en trace déjà la route à travers le « duel
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Cf. Gn 2,9 ; 2,17 et 3,22.24 : selon le premier de ces textes, cela pourrait désigner l’arbre de vie ; selon le second, l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; le troisième et le contexte global confirment ce second sens. 24 BONAVENTURE, In III Sent., d. 1, a. 2, q. 3 (III, 30). 25 BONAVENTURE, Brev. IV, 9, 4 (V, 250).
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prodigieux »26 de deux descendances, celle du serpent, vouée à la mort, et celle, victorieuse, de « la mère de tous les vivants » (Gn 3,20). Le chemin interrompu des filiations reprend, après le « fratricide originel », à travers l’engendrement de Seth, aux allures de nouvelle création (Gn 5,3 : « [Adam] engendra un fils à sa ressemblance, comme son image »). Après la nouvelle brisure instaurée par la corruption universelle et le double déluge (du mal et du châtiment qui y pose un terme), une sorte de recréation filiale semble à nouveau s’opérer au sortir de l’arche, dans la reprise du premier commandement, confié à Noé et à sa descendance : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 9,1.7). Elle est symbolisée par le signe cosmique de l’arc placé dans la nuée (Gn 9,13-16). Mais le tournant décisif semble se produire après l’échec de la fausse universalité autoréférentielle de Babel (Gn 11,4 : « Faisons-nous un nom »). Le salut prend alors le chemin d’une filiation, à la fois singulière et collective, où le nom (Gn 17,5.15.19 ; 32,29) et le fils (Gn 17,6.19 ; 18,10 ; 21,1-2) se reçoivent de Dieu seul. La fécondité, « comme les étoiles du ciel et comme le sable sur le rivage de la mer » (Gn 22,17), passera par « l’unique, le bien aimé » (Gn 22,2), offert en sacrifice, et le salut par le « davantage aimé » (Gn 37,3) vendu par ses frères, pour en devenir le sauveur et reconstituer, en exil, l’unité familiale. La descendance de Jacob/Israël s’y constitue en peuple et ce peuple en « fils premier-né » du Seigneur (Ex 4,22-23 ; Jr 31,9), en « Fils du Dieu vivant » (Os 2,1), ramené de l’esclavage à la liberté des fils (Mt 17,26) : « d’Égypte j’ai appelé mon fils » (Os 11,1).
V. L’INCARNATION, MYSTÈRE D’UN DOUBLE ENGENDREMENT 1. LE FILS DANS L’ENFANT Lorsque la Sagesse, « Parole toute puissante » (Sg 18,15) et « Verbe de Dieu » (Jn 1,1-2), vient dresser sa tente en Israël (Si 24,8), le peuple « fils de Dieu » (Sg 18,13), elle ne peut le faire, selon la logique salvifique du Premier Testament qu’elle accomplit, que par l’alliance de deux filiations, celle qui vient directement de Dieu et celle qui vient d’Adam par la « fille de Sion » (So 3,14). Jésus sera « fils d’Adam, fils de Dieu » (Lc 4,38), non seulement par la longue séquence des générations où il s’insère, mais en tant que l’Unique Engendré venu faire sa demeure « en nous » (Jn 1,14). En Jésus né de Marie, de par l’Esprit Saint (Mt 1,18.20 ; Lc 1,35) et « non du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jn 1,1327), le Verbe advient en la chair d’un « fils premier-né » (Lc 2,7) pour
26 Cf. la séquence de Pâques « Victimae paschali laudes », in Missale romanum. Lectionarium I, Cité du Vatican 1970, 689 : « Mors et vita duello conflixere mirando ». 27 On sait que si la majorité des exégètes penchent pour la leçon au pluriel, qui regarde notre filiation par grâce, d’autres continuent de tenir la leçon au singulier, comme attestant la filiation
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révéler, en une adéquate analogie humaine, qu’il est « Fils unique vers le sein du Père » (Jn 1,14.18) et « Premier-né de toute création » (Col 1,15), appelé à devenir « premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8,29) en tant que « premier-né d’entre les morts » (Col 1,18 ; Ap 1,5). L’incarnation, révélation de Dieu qui vient à l’homme, est un mystère de filiation parce que Dieu, en lui-même, est un mystère d’engendrement et de filiation. Elle se donne à contempler dans la crèche de Bethléem, selon la juste intuition de François d’Assise. L’Emmanuel s’y révèle dans la figure de l’enfant et du fils (Is 7,14.16 ; Mt 1,21.23.25), en qui le bœuf et l’âne reconnaissent leur maître (Is 1,3), du nourrisson autour duquel bêtes sauvages et domestiques, prédateurs et proies se réconcilient (Is 11,6-8), du nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire devant lequel anges, bergers et troupeaux partagent avec Marie et Joseph l’exultation (Lc 2,7-20), de l’enfant roi sur lequel s’arrête l’étoile du Levant et devant qui se prosternent les mages (Mt 2,2.9-10). Le cosmos tout entier, les créatures spirituelles, rationnelles et corporelles, Dieu lui-même ont les yeux rivés sur un enfant, alpha et oméga de l’œuvre créatrice et recréatrice de Dieu, en qui se réalise l’admirable échange entre le Créateur et sa créature et s’accomplit parfaitement le dessein d’Alliance. 2. ADMIRABLE ÉCHANGE FILIAL Car l’incarnation est aussi mystère de filiation en tant qu’elle transmet aux hommes, en Jésus, le « pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,14) : « Telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi l’adoption filiale, devienne fils de Dieu »28 ; et, affirme avec audace Grégoire le théologien, pour qu’il « devienne Dieu autant qu’Il [le Fils de Dieu] est homme »29, c’est-à-dire pleinement. Devenir « participant de la nature divine » (2P 1,4) d’un Dieu trine et un, mystère d’engendrement et de filiation confirmé dans la fécondité de l’Esprit, implique en effet une participation, par ce même Esprit, à la vie intra-trinitaire, selon la filiation adoptive.
VI. JÉSUS, LE FILS 1. UN « ÊTRE POUR LE PÈRE » La vie de Jésus se résume en sa première parole, la seule que les évangiles nous fassent entendre jusqu’au baptême, celle qui le fait sortir du silence de l’enfance (infans) en y abritant le sens de chacun de ses mots, de chacun de ses divine et la conception virginale du Christ. Mais l’une et l’autre leçon nous rappellent que la première n’a de sens qu’en raison de la seconde, et qu’elles sont donc liées. 28 IRÉNÉE DE LYON, Adv. Haer. III, 19, 1, SC 211, Paris 1974, 374. 29 GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Or. 29, 19, SC 250, Paris 1978, 218.
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gestes, de chacun de ses actes : « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » (Lc 2,49). Jésus est en sa vie humaine ce qu’il est en son mystère divin, un être tourné « vers le sein du Père » (Jn 1,18), qui le voit (Jn 6,46) et le connaît (Jn 10,15), qui est dans le Père comme le Père est en lui (Jn 10,38 ; 14,10-11.20 ; 17,10.21). Sa vie durant, il ne dit rien qu’il n’ait entendu de son Père (Jn 3,32 ; 5,30 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 15,15) qui lui a tout remis (Mt 11,27 ; Lc 10,22 ; Jn 1,35 ; 5,22 ; 10,29 ; 13,1 ; 16,5), il ne fait rien qu’il n’ait vu de son Père (Jn 3,32 ; 5,19-20 ; 8,28.38 ; 12,49), et « [sa] nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui [l]’a envoyé » (Jn 4,34 ; cf. Jn 6,38). Jésus n’est un « être pour les autres » (pro-existence) qu’en tant qu’il est, d’abord et essentiellement, un « être pour le Père ». À l’autre bout de son existence, son mystère pascal, où sa vie terrestre se récapitule, est aussi un mystère de filiation, car c’est le mystère de « l’heure », pour Jésus, « de passer de ce monde au Père » (Jn 13,1), pour le glorifier et en être glorifié (Jn 12,23.28 ; 13,31-32 ; 17,1.4-5). Elle se condense en sa première et sa dernière parole sur la croix, du moins celles qui, aux yeux de Luc et de la Tradition, furent telles. Elles opèrent sa Pâques pour la nôtre : « Père, pardonneleur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Lc 23,34), où il intercède pour les fils perdus que nous sommes ; et « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23,46), où il s’abandonne lui-même à son Père, en fils retrouvé. La vie de Jésus est une Pâque : « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; de nouveau je quitte le monde et je vais vers le Père » (Jn 16,28). « Jésus, fils de Joseph, de Nazareth » (Jn 1,45), dans son « être avec nous » (Mt 1,23 ; 28,20 ; Jn 14,9) et dans son « exode qui s’accomplit à Jérusalem » (Lc 9,31), est la transparence du Père, comme il cherche à le faire saisir à Philippe dont l’unique et juste désir est de contempler le Père (Jn 14,8) : « Celui qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9 ; cf. 12,45). Jésus est l’unique Parole, celle de l’Unique engendré (Jn 1,14.18), en qui le Père a tout exprimé30, « une fois pour toutes » (He 7,27 ; 9,12 ; 10,10), de sorte, dit Jean de la Croix, qu’il n’a plus rien d’autre à nous dire, parce qu’en lui, il a tout dit31. En Jésus, le Fils, pour qui a « le cœur pur » (Mt 5,8), s’apaise le désir originaire de l’homme, qui est de voir Dieu. L’« être pour les autres » de Jésus s’accomplit lorsqu’il fait de nous, à son image, des « êtres pour le Père ». 2. UNE FILIATION THÉANDRIQUE Le mystère de la personne de Jésus Christ, en tant que « vérité [qui] germe de la terre et justice [qui] se penche du ciel » (Ps 85,12), est donc un mystère de filiation théandrique. Les Conciles du premier millénaire ont médité sur cette unique et double génération, éternelle et temporelle, qui caractérise le Christ : 30
BONAVENTURE, Hex. I, 13.16-17 (V, 331.332) ; III, 7 (V, 344) ; IX, 2 (V, 372-373). JEAN DE LA CROIX, Subida del Monte Carmelo II, 22, 3, in Vida y obras de San Juan de la Cruz, BAC 15, Madrid 1978, 546 : « en nous donnant son Fils, qui est sa Parole — il n’en a pas d’autre —, il nous a tout dit en une fois en cette unique Parole, et n’a rien de plus à nous dire ». 31
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« vous, vous êtes d’en bas, moi je suis d’en haut » (Jn 8,23), mais d’en haut « le Verbe chair advint » (Jn 1,14a), « en Marie » (Mt 1,18 ; Lc 1,26-38 ; 2,4-20), « aux jours du roi Hérode » (Mt 2,1), « pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie » (Lc 2,1). Dieu entre personnellement, filialement dans le temps et dans l’histoire. La génération du Christ, en un certain sens, est unique, selon l’unité du sujet, le seul et même Jésus Christ, Fils et Seigneur. Il est, en tout son être, « le Fils », comme le nomme souvent le quatrième évangile. Mais elle est aussi, en un autre sens, double, selon le double mode d’expression, à partir du Père, du « Fils de son amour » (Col 1,13), en Dieu même, « avant la fondation du monde » (Ep 1,4), et en nous, « lorsque vint la plénitude des temps » (Ga 4,4). Le fils de Marie est le Fils de Dieu (Lc 1,35), le Fils de Dieu est devenu le fils de Marie, en qui s’exprime humainement, « corporellement », toute la plénitude de son mystère divin (Col 2,9). Voilà pourquoi Marie est la « mère de Dieu » (Theotokos). En cette affirmation de la lex orandi32, reprise par Cyrille d’Alexandrie et consacrée par le Concile d’Éphèse33, se joue le tout ou rien de la christologie. Car en Jésus, la filiation divine s’exprime en plénitude dans la filiation humaine : « Non coerceri maximo, contineri tamen a minimo, divinum est »34. L’éternelle génération permet de comprendre le sens de l’homoousios nicéen, non comme une indue hellénisation de la foi biblique, mais comme la sauvegarde de la vérité de la filiation divine qu’attestent les évangiles, en face de tout subordinationisme néoplatonicien de type arien. La génération temporelle éclaire les ajustements que le symbole de Constantinople apporte à l’article christologique de Nicée, en appuyant la vérité de l’humanation du Fils éternel, face aux possibles dérives apollinaristes. L’unique et double génération du Christ situe dans une dynamique (éternelle et temporelle) ce qui pourrait, sinon, apparaître statique et faussement spatial dans l’affirmation chalcédonienne de l’unité de la personne et de l’hypostase « connue en deux natures, sans confusion ni changement, sans division ni séparation »35. Elle permet de comprendre l’affirmation de Constantinople II : « Si quelqu’un ne confesse pas que celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et un de la sainte Trinité, qu’il soit anathème »36. Si K. Rahner a pu dire que « toute la vérité, la 32 Cf. le Sub tuum praesidium, la plus ancienne hymne mariale dont l’original grec remonte au IIIe siècle, qui honore la Dei Genetrix (in Liturgia Horarum II, Cité du Vatican 1986, 879), et l’expression « ostende partum Virginis… talis decet partus Deum » dans l’hymne ambrosienne Veni redemptor gentium, du IVe siècle (in Opera omnia di Sant’Ambrogio. Inni – Iscrizioni – Frammenti, SAEMO 22, Milano – Roma 1994, 48). 33 CONCILE D’EPHÈSE, DH 251. La réforme liturgique en a fait la première fête mariale de l’année civile, comme fruit de l’octave de Noël, car Celui que Marie a mis au monde dans l’étable de Bethléem est le propre Fils de Dieu. 34 Aphorisme ignatien (faisant partie de l’Elogium sepulchrale S. Ignatii rédigé en 1640 par un jeune jésuite belge), repris ensuite par Hölderlin et cité in G. FESSARD, La dialectique des Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola, Paris 1956, 167. 35 CONCILE DE CHALCÉDOINE, DH 302. 36 CONCILE DE CONSTANTINOPLE II, DH 432.
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vérité unique du christianisme, est contenue dans cette formule », c’est parce qu’elle « prenait également au sérieux la mort du Christ et sa mystérieuse divinité »37, son unique et double filiation théandrique rendue vulnérable, « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1Co 1,23).
VII. MISSION DE JÉSUS ET DE « L’ESPRIT DE FILIATION » (RM 8,15) 1. GUÉRISON ET RÉCONCILIATION DES FILIATIONS La naissance, la vie et la mort de Jésus, préparées par le ministère du Baptiste, sont ordonnées à ramener « le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers leurs pères » (Mal 3,24 ; Lc 1,17). L’humanité est la brebis perdue hors du bercail (Lc 15,4-7) et la drachme perdue dans la maison (Lc 15,8-10), à savoir le fils prodigue et le fils aîné (Lc 15,11-32), dont la filiation blessée doit être « retrouvée », comme l’a montré R. Meynet38. Car l’homme est meurtri dans sa relation filiale à Dieu, comme il l’est dans sa filiation humaine, puisque la génération est le fruit de l’amour, et que l’amour, en nous, est blessé. Au lieu d’engendrer à la liberté, à la paix et à la communion, il génère souvent l’esclavage, la rupture, l’aliénation. La famille est le lieu et la source des blessures primordiales, qui accompagnent et souvent pervertissent l’apprentissage de l’amour. En Dieu seul la génération et la filiation sont parfaites, sans reste et sans mainmise, comme fruit de l’amour fontal, plénier et dépossédé du Père. Il convenait donc qu’en Jésus naissant de Marie la toute sainte, la première sauvée par son fils, « la mère des choses recréées »39, s’opère la guérison, la libération et la réconciliation des filiations humaines blessées visitées par la filiation divine. En portant, dans ses rayons, la guérison (Mal 3,20) de cette relation filiale naturellement, surnaturellement et divinement primordiale, Jésus vient aussi réparer à sa racine la relation fraternelle marquée, depuis Caïn et Abel, par la pulsion de mort parricide et fratricide (Gn 4,1-12), source de tout péché et de toute violence, et rendre possible le commandement ancien et nouveau de l’amour mutuel (Jn 13,34-35 ; 15,12-13.17 ; 1Jn 3,11.13.23 ; 4,11.21). Sans la restauration de cette double relation filiale et fraternelle, la réconciliation de toute la création, ordonnée à l’homme (Gn 1–2) comme à sa fin prochaine, ne peut advenir : « la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu […] [elle] gémit ensemble dans les douleurs de l’enfantement » (Rm 8,22). Le « macrocosme », en effet, est ordonné au « microcosme »40, s’il est vrai que « l’homme est la seule créature sur terre que Dieu ait voulue pour elle-même »41. 37
K. RAHNER, « Problèmes actuels de christologie », in Écrits théologiques I, Paris 1959, 152. R. MEYNET, L’Évangile de Luc, RhSem 8, Paris 2011, 650-652. 39 ANSELME D’AOSTE, Or. 52 : PL 158, 956. 40 BONAVENTURE, In III Sent. d. 20, a. un., q. 1, resp. (III, 417-418) ; Brev., Prol. 2, 2 (V, 204) ; IV, 4, 4 (V, 244) ; VII, 4, 3 (V, 284). 41 CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, 24, DH 4324. 38
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Amaury BEGASSE DE DHAEM
Dans la vision paulinienne, l’écologie chrétienne, ordonnant le cosmos à l’homme, l’homme au Christ et le Christ au Père, a donc, elle aussi, une dimension filiale : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu » (1Co 3,22-23). 2. DON D’UNE RENAISSANCE FILIALE Le sens de la mission de Jésus, opérée en nous par « l’Esprit de filiation » (Rm 8,15), est le don d’une huiothesia (Rm 8,15.23 ; Ga 4,5 ; Ep 1,5), d’un « pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12). La filiation inclut la dimension rédemptrice (libération) et recréatrice (guérison), par delà le péché, et la finalité ultime, divinisatrice, qui nous rend « participants de la nature divine » (2P 1,4) : « l’esclave ne demeure pas dans la maison à jamais, le fils y demeure à jamais. Si donc le Fils vous libère, vous serez réellement libres » (Rm 8,35-36). Toute la visée du salut peut se résumer en ce mot de filiation, qui implique la libération de la faute, de la peine et de l’ennemi, car « les fils sont libres » (Mt 17,26), et la communion à la vie divine, qui fait de nous des « fils dans le Fils » 42, au point, dira Jean de la Croix, de « co-spirer » en Dieu l’Esprit avec le Père et le Fils43. La révélation de la filiation est inséparable de la révélation du Dieu qui est amour (1Jn 4,8.16), et qui « a tant aimé le monde qu’il a donné le Fils, l’Unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3,16). La filiation, qui est transmission de vie procédant de l’amour, est révélatrice du don de la vie, « en surabondance » (Jn 10,10). Il s’agit, explique Jésus à Nicodème, de naître à nouveau « d’en haut » (Jn 3,3.7), comme le Christ (Jn 8,23), à savoir, pour nous qui sommes naturellement « d’en bas » (Jn 8,23), « de naître de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3,5) et donc surnaturellement « de Dieu » (Jn 1,12), comme accomplissement du vœu secret de notre nature : « Tu nous a faits vers toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en toi »44.
VII. CONCLUSION : LA CLÉ DU MYSTÈRE DE DIEU ET DE L’HOMME La filiation nous est donc apparue comme la clé, posée en sa passion sur l’épaule du « fils de David », « qui ouvre et qui ferme » (Is 22,2 ; Ap 3,7) le mystère de Dieu et de l’homme. En Dieu, elle dit aussi bien la plénitude de l’auto-communication intra-divine du Père vers le Fils, d’où procède l’Esprit qui en retour la qualifie, que son auto-communication à la créature, qui s’y fonde et participe de sa fécondité, dans sa mission procréatrice de soumettre et de dominer, de garder et de cultiver le jardin de la création. En l’homme, elle exprime le 42
CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes 22,6, DH 4322. JEAN DE LA CROIX, Cántico espiritual A 38, 3-7 ; Cántico espiritual B 39, 2-7, in Vida y obras de San Juan de la Cruz, BAC 15, Madrid 1978, 842-843 et 980-982. 44 AUGUSTIN, Conf. I, 1, BA 13, Paris 1962, 272. 43
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sens de sa création dans l’image et selon la ressemblance, comme le mystère de sa liberté qui se rebelle contre l’Origine et se fait violence fratricide. Dans l’histoire, elle énonce la réponse de Dieu qui vise à restaurer la filiation et la fraternité qui en dérive par la porte étroite de l’élection du « peuple fils de Dieu » (Sg 18,13). Quand, en Jésus, il vient « une fois pour toutes » planter sa tente en nous, le Fils du Père se dit dans l’enfant de Marie, à travers le mystère d’une unique et double génération théandrique, où s’unissent éternité et temps, afin que s’opère un admirable échange filial et que « l’Esprit de filiation » (Rm 8,15) soit donné en cette glorification mutuelle du Père et du Fils (Jn 7,39). Guérison, libération, réconciliation, recréation : les harmoniques du salut se résument dans le don d’une renaissance filiale qui rend participant de la vie intra-trinitaire, comme des « fils dans le Fils » dont la vie soit cachée en Dieu avec le Christ (Col 3,3) et qui, en Lui et avec le Père, « co-spirent » gracieusement l’Esprit qui achève et garde éternellement ouverte la communion trinitaire. Unissant personne et mission, divinité et humanité, éternité et temps, verticalité filiale et horizontalité fraternelle, salut du péché et divinisation, le mystère de filiation de Jésus le Christ, Fils de Dieu et fils de Marie, plonge au cœur de la théologie trinitaire, de l’anthropologie théologique, de la christologie et de la sotériologie, qu’il récapitule « en raccourci »45.
Amaury BEGASSE DE DHAEM, S.I.
Pontificia Università Gregoriana Piazza della Pilotta, 4 00187 Roma (Italia)
RÉSUMÉ La filiation offre la clé du mystère de Dieu, plénitude d’auto-communication, et de l’homme, créé dans l’image et selon la ressemblance. Lorsque la liberté se rebelle contre l’Origine et se fait violence fratricide, Dieu vient restaurer la filiation et la fraternité par l’élection du « peuple fils de Dieu ». En Jésus, le Fils du Père se dit dans l’enfant de Marie, à travers une unique et double génération théandrique, afin que s’opère un admirable échange filial et que « l’Esprit de filiation » soit donné. Guérison, libération, réconciliation, recréation : les harmoniques du salut se résument dans le don d’une renaissance filiale qui rend participant de la vie intra-trinitaire. Unissant personne et mission, divinité et humanité, éternité et temps, verticalité filiale et horizontalité fraternelle, salut du péché et divinisation, le mystère de filiation de Jésus le Christ plonge au cœur de la théologie trinitaire, de l’anthropologie théologique, de la christologie et de la sotériologie, qu’il récapitule « en raccourci ». Mots-clés : Filiation ; Trinité ; Jésus Christ ; Esprit Saint ; salut.
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IRÉNÉE DE LYON, Adv. Haer. III, 18, 1, SC 211, 342.
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Amaury BEGASSE DE DHAEM ABSTRACT
Filiation offers the key to the mystery of God—the fullness of His self-communication—and of man, created in His image and according to His likeness. When freedom rebels against the Origin and engages in fratricidal violence, God comes to restore filiation and fraternity by the election of the « filial people of God ». In Jesus, the Son of the Father is « said » in the child of Mary, through a unique and double theandric generation, so that there might take place an admirable filial exchange and that the « Spirit of filiation » might be given. Healing, liberation, reconciliation, recreation : these harmonic features of salvation can be summed up in the gift of a filial rebirth that renders one a participant in the intra-Trinitarian life. Uniting person and mission, divinity and humanity, eternity and time, filial verticality and fraternal horizontality, rescue from sin and deification, the mystery Jesus Christ's filiation plummets into the heart of Trinitarian theology, of theological anthropology, of Christology, and of soteriology—of which it provides a « foreshortened » recapitulation. Keywords : Filiation ; Trinity ; Jesus Christ ; the Holy Spirit ; salvation.
CULTURES
Occident
Gérard JOYAU
Obéir jusqu’à devenir fils selon la règle de saint Benoît Des milliers de moines et de moniales catholiques aujourd’hui encore font profession de vivre « selon la règle de saint Benoît ». Depuis le milieu du VIe et surtout le début du IXe siècle1, l’influence de ce texte dans l’Église d’Occident ne s’est jamais démentie. Pour l’expliquer, on a parlé de son ton modéré, de son équilibre, de ses liens étroits avec les traditions monastiques qui l’ont précédé. Toutes ces raisons ont leur part de vérité, mais, en ce qui nous concerne, à la suite de l’étude des principaux chapitres de cette règle2, nous pensons que l’origine de son autorité incontestée se situe ailleurs. La réglementation d’une vie monastique cénobitique, qu’elle développe largement et jusque dans les détails, est, en fait, basée sur une théologie spirituelle forte, bien spécifique, et nous oserions même dire une théologie mystique, si l’on entend par ce terme l’exercice conscient d’une relation privilégiée avec le Dieu chrétien, Père, Fils et Esprit saint. La rhétorique biblique et sémitique, telle qu’elle est présentée par le père Roland Meynet3, a constitué la clé qui nous a permis d’ouvrir, ou au moins d’entrouvrir, la porte du sens profond de cette règle. Beaucoup de chercheurs avaient repéré certains signes, des répétitions nombreuses par exemple, mais, faute de moyens appropriés,
1
Sous l’influence de Benoît d’Aniane, la règle de saint Benoît fut pratiquement imposée à tous les monastères de l’empire carolingien à partir du synode d’Aix-la-Chapelle de 817. Voir G. MARIÉ, art. « Benoît d’Aniane », Catholicisme, 1 (1948), col. 1442. 2 G. JOYAU, « Le bon zèle qui conduit à la vie éternelle. Le chapitre 72 de la règle de saint Benoît », dans R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e semitica 2. Atti del secondo convegno RBenS, ReBib 16, Bologna 2011, 273-287. ID., « La règle de saint Benoît, première étape de la vie monastique bénédictine », dans R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBenS. International Studies on Biblical & Semitic Rhetoric, ReBibSem 2, Roma 2013, 271-296. ID., « Le Prologue de la règle de saint Benoît. Une analyse rhétorique pour en saisir l’essence », dans R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBenS. International Studies on Biblical & Semitic Rhetoric, Retorica Biblica e Semitica 5, Roma 2015, 299-324. ID., « Le chapitre 7 de la règle de saint Benoît. L’humilité : première étape de la vie spirituelle », dans R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBenS. International Studies on Biblical & Semitic Rhetoric, RBenSem 11, Leuven 2017, 267-292. ID., « L’atelier du monastère. Le chapitre 4 de la règle de saint Benoît », en préparation. 3 Voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem XI, Pendé 2013, 2e éd. revue et corrigée.
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ils n’avaient pas su les interpréter et, en conséquence, la signification ultime de ce texte leur avait, pensons-nous, en partie échappé4. Cette étude commencera par une analyse approfondie des sept premiers versets du Prologue de cette règle de saint Benoît, qui sont comme la « bande-annonce » du propos de l’auteur. En quelques phrases, il y expose clairement la conception de la vie monastique qu’il propose. À partir de là, nous situerons la place de la Règle dans l’ensemble du développement d’une vie spirituelle. Nous verrons qu’elle se situe dans la première étape, basée sur l’obéissance sous toutes ses formes, et toujours liée à l’humilité, toute cette dynamique débouchant sur la charité, mais aussi, à terme, dans la filiation, comme l’annonce déjà le Prologue. Une telle démarche peut-elle proposer, au moins à titre d’hypothèse, une piste concrète pour redonner un élan spirituel à la vie monastique d’aujourd’hui ? Ce sera au lecteur d’en juger. Toute ma gratitude va au père Roland Meynet — sans lui, je n’aurais jamais commencé, ni poursuivi, une telle démarche —, même s’il ne se doutait pas du tout là où elle me mènerait — et moi non plus d’ailleurs. Ayons foi qu’un Autre pourrait n’être pas étranger à cette œuvre, encore à poursuivre. À lui, la gloire pour les siècles !
I. DU DÉSOBÉISSANT CHASSÉ AU FILS INTÉGRÉ (PROLOGUE 1-7) En étudiant ailleurs l’ensemble du Prologue de la Règle5, nous avons montré que les versets 1-7 en constituent la première sous-séquence, composée de trois passages. C’est elle que nous présentons maintenant en détail. 1. LE PREMIER PASSAGE (1-2) COMPOSITION 1
Écoute, et incline
ô fils,
et l’AVERTISSEMENT d’un père bienveillant et 2
les PRÉCEPTES l’OREILLE
d’un maître de ton cœur,
volontiers effectivement
accueille-le, accomplis-le,
····························································································································· de sorte que, à celui par le labeur de l’OBÉISSANCE , tu retournes, duquel par la lâcheté de la DÉSOBÉISSANCE tu t’étais éloigné.
4
La plupart étaient dans une démarche d’analyse historico-critique ; leur attention était le plus souvent focalisée par les relations de la règle de saint Benoît avec la Règle du Maître, qui lui est antérieure de quelques décennies à peine, au point que la règle de saint Benoît semblait presque ne plus avoir de consistance propre, n’être qu’une adaptation d’une autre règle. 5 Nous reprenons ici, en la corrigeant et en la développant, l’étude que nous avons déjà donnée de ces versets dans : « La règle de saint Benoît, première étape de la vie monastique bénédictine », 299-303.
Obéir jusqu’à devenir fils selon la règle de saint Benoît
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Ce passage est composé de deux morceaux. L’unité du premier (1) est fortement marquée par les trois « et », qui relient les deux segments entre eux, et chacun des membres deux à deux. Les parallélismes sont nombreux entre les membres de chaque segment et entre les deux segments : maître (fils)–père ; préceptes–avertissement. Dans le second morceau (2), d’un seul segment, les éléments se correspondent exactement : « à celui »–« duquel » ; labeur–lâcheté ; obéissance–désobéissance ; « tu retournes »–« tu t’étais éloigné ». Il est par ailleurs remarquable que chaque segment, de deux membres, est rimé, ce qui donne l’effet d’une construction très soignée : 1
Obsculta, o fili, praecepta magistri, et inclina aurem cordis tui,
et admonitionem pii patris libenter excipe et efficaciter comple, 2
ut ad eum per oboedientiae laborem redeas, a quo per inoboedientiae desidiam recesseras.
CONTEXTE Le début de ce Prologue évoque la littérature sapientielle de la Bible, par exemple : « Écoute, mon fils, la leçon de ton père ; ne méprise pas l’enseignement de ta mère » (Pr 1,8 ; cf. 4,20 ; 6,20). En fait, il suit le début d’un texte ancien attribué à Basile de Césarée, l’« Admonition à un fils spirituel6 ». La lettre 22 de saint Jérôme à Eustochium commence, elle aussi, de la même façon7. Par ailleurs, l’éloignement dû à la désobéissance (2b) n’est pas à comprendre en fonction de chaque personne, mais avec l’arrière-fond du récit du péché d’Adam dans la Genèse, tel qu’il est évoqué dans l’Épître aux Romains : « Comme par la désobéissance d’un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle constituée juste » (Rm 5,19). INTERPRÉTATION Si le premier mot du texte, « écoute », est important, le premier morceau comporte, en fait, deux idées distinctes : écouter (1a-b) et faire (1c-d), chacune étant exprimée en deux propositions parallèles. Le second morceau (2), lui, exprime une conversion radicale, suite à une mauvaise orientation. On s’était éloigné : il faut revenir. Le but n’est pas d’abord une action à réaliser, mais une 6 Dans la tradition basilienne. Les Constitutions ascétiques, l’Admonition à un fils spirituel et autres écrits, Spiritualité orientale 58, Abbaye de Bellefontaine 1994, 313. 7 JÉRÔME, La lettre 22 à Eustochium. De uiginitate seruanda, Vie monastique 47, Abbaye de Bellefontaine 2011, 63.
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Gérard JOYAU
personne à rencontrer, qui n’est évoquée que par un pronom (« eum »). À cause du parallélisme avec le premier morceau, on peut en déduire qu’il s’agit de celui qui appelle, à savoir le « maître » ou le « père ». Le moyen de revenir est celui-là même dont l’absence avait entraîné l’éloignement : l’obéissance. Et la cohérence entre les deux morceaux devient évidente si l’on remarque qu’un acte d’obéissance se réalise en deux temps : écouter (un ordre) et l’accomplir, ce qui est énoncé au v. 1 sans être explicité8. Il s’agit donc de revenir au maître-père par l’obéissance. 2. LE DEUXIÈME PASSAGE (3) COMPOSITION + 3 À toi donc maintenant – qui que tu sois qui, renonçant
mon propos s’adresse, à tes VOLONTÉS PROPRES,
+ pour le Seigneur Christ, le vrai roi, devant militer, – de L’OBÉISSANCE, les armes très fortes et célèbres, tu prends.
Un seul morceau, de deux segments, forme ce passage. Le renoncement aux « volontés propres » (3b) et « l’obéissance » (3d) forment les termes finaux des deux segments. Dans le deuxième segment, « militer » (3c) est du même champ sémantique que « les armes » (3d). Ces quatre segments sont rimés, sous la forme a-b-b-a : 3
Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur quisquis, abrenuntians propriis voluntatibus, Domino Christo vero regi militaturus, oboedientiae fortissima atque praeclara arma sumis.
INTERPRÉTATION Ce deuxième passage est la déduction logique du premier (« donc », 3a). Après avoir énoncé l’enjeu de l’obéissance — retourner à celui dont on s’est éloigné —, l’auteur invite toute personne intéressée à prendre les armes de l’obéissance, sans plus de précisions. Le ton du discours est militaire, celui d’un engagement dans une bataille à mener contre des ennemis avec des armes.
8
On pourrait dire qu’entre le v. 1 et le v. 2, il y a une parataxe, c’est-à-dire une juxtaposition des deux idées dont le rapport n’est pas explicité et qui doivent pourtant être mises en relation pour faire sens. Voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, 22.
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3. LE TROISIÈME PASSAGE (4-7) COMPOSITION + 4 Tout d’abord quand tu commences à faire quelque chose de BIEN, + par lui être accompli, dans une prière très insistante, demande-le, = 5 de sorte que celui qui déjà au nombre de ses fils a daigné nous compter :: ne doive un jour de nos MAUVAISES ACTIONS être attristé. + 6 Ainsi en effet + à partir de ses BIENS = de sorte que non seulement :: un jour
à lui en nous père IRRITÉ, ses fils
en tout temps on doit être soumis,
il ne DÉSHÉRITE, ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------= 7 mais, comme SEIGNEUR à craindre, = COURROUCÉ par nos MAUVAISES ACTIONS, :: comme SERVITEURS détestables, il ne LIVRE :: ceux qui n’auraient pas voulu le suivre
à l’éternelle PEINE À LA GLOIRE.
Ce troisième et dernier passage comprend deux parties, de deux sous-parties chacune. Dans la première partie (4-5), chaque sous-partie est composée d’un segment ; les deux sous-parties de la seconde partie (6-7) sont inégales : la première comporte un seul morceau d’un segment (6ab) ; la seconde, deux morceaux (6cd ; 7). Dans la première partie (4-5), « bien » (4a) et « mauvaises actions » (5b) se répondent comme termes extrêmes. Dans la seconde partie (6-7), le premier morceau de la deuxième sous-partie (6cd) concerne les relations du père avec ses fils, tandis que le morceau suivant (7abc), plus développé, touche le Seigneur et ses serviteurs. Ces deux sous-parties sont liées par deux synonymes : irrité (6c, iratus) et courroucé (7b, inritatus). Notons la rime dans le segment final (7c et 7d) : « ad poenam… ad gloriam ». Les deux parties offrent une construction parallèle. Dans chacune, la proposition principale constitue la première sous-partie (4 ; 6ab), et la deuxième souspartie est une proposition subordonnée consécutive introduite par « de sorte que (ut) » (5 ; 6cd-7), proposition, qui, en 6cd-7, est dédoublée, avec la locution « non seulement… mais… ». La première sous-partie (5) correspond aux deux éléments de la seconde (6cd-7) : « fils » (5a ; 6d) ; « mauvaises actions » (5b7b). Le « bien » de 4a et les « biens » de 6a font fonction de termes initiaux pour les deux parties. INTERPRÉTATION Ce passage donne la consigne principale au début de toute bonne action : il faut, sans tarder, demander à Dieu de réaliser (perfici, v. 4b) ce que l’on entre-
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prend. Pourquoi ? — Parce que les biens qui sont en nous, et sur lesquels nous allons nous appuyer pour agir, sont les biens mêmes de Dieu. La prière sert alors à reconnaître que ces biens en nous viennent de Dieu. Dieu le Père, en effet, nous compte déjà au nombre de ses fils (5a), mais, si nous n’agissons pas selon ce qu’il a mis en nous, si nous agissons mal (5b, 7b), alors il ne pourra que nous déshériter, puisqu’il ne reconnaîtra pas en nous ses fils. Car Dieu n’est pas seulement un Père, il est aussi un « Seigneur à craindre » (7a), qui livre à la peine éternelle les serviteurs détestables qui ne veulent pas le suivre pour être avec lui dans la gloire (7cd). La prière constitue donc le moyen pour assurer la justesse de notre action, en fonction de ce que nous sommes : déjà des enfants de Dieu, en qui Dieu a disposé ses dons à utiliser pour faire le bien afin de devenir ses héritiers. 4. L’ENSEMBLE DE LA PREMIÈRE SOUS-SÉQUENCE DU PROLOGUE (1-7) COMPOSITION 1
Écoute, ô FILS, les préceptes d’un maître et incline l’oreille de ton cœur, et accueille volontiers l’avertissement d’un PÈRE bienveillant et accomplis-le effectivement, 2 de sorte que TU RETOURNES, par le labeur de L’OBÉISSANCE, À CELUI dont tu t’étais éloigné par la lâcheté de la désobéissance. 3
À toi donc maintenant mon propos s’adresse, qui que tu sois, qui, renonçant à tes volontés propres, devant militer pour le SEIGNEUR Christ, le vrai roi, prends les armes très fortes et remarquables de L’OBÉISSANCE. 4
Tout d’abord quand tu commences à faire quelque chose de bien, demande, dans une prière très insistante, que ce soit accompli par lui, 5 de sorte que celui qui a daigné nous compter déjà au nombre de ses FILS ne doive un jour être attristé de nos mauvaises actions. 6
Ainsi en effet en tout temps, ON DOIT lui ÊTRE SOUMIS, à partir de ses biens en nous, de sorte que non seulement, PÈRE irrité, il ne déshérite un jour ses FILS, 7 mais que, comme SEIGNEUR à craindre, courroucé par nos mauvaises actions, il ne livre à la peine éternelle, comme des serviteurs détestables, ceux qui n’auraient pas voulu LE SUIVRE À LA GLOIRE.
Les trois passages de cette sous-séquence sont organisés de manière concentrique. Les deux extrêmes sont constitués d’une ou deux propositions principales, dont dépendent une ou deux subordonnées consécutives. Le passage central est formé, au contraire, d’une seule proposition principale avec une proposition relative comportant deux participes. Les passages extrêmes parlent de « Père » et de « fils », et les deux derniers, de « Seigneur » (Christ). Si on considérait le v. 1 seulement dans un contexte de littérature de sagesse, le père pourrait se comprendre comme étant le maître
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(père) qui enseigne à un disciple (fils) ; mais si on le met en rapport avec le v. 6, il est clair qu’il annonce déjà le rapport père-fils de la filiation divine, explicitement mentionnée au v. 6. Cette correspondance des v. 1 et 6 renforce ainsi l’unité de cette sous-séquence (1-7). L’obéissance est présente dans les trois passages (dans le troisième avec le synonyme « être soumis »). « Retourner à Dieu » (2) est équivalent à « le suivre à la gloire » (7) (termes finaux des passages extrêmes). CONTEXTE Les allusions bibliques ne concernent que les v. 1 et 2, ainsi que nous l’avons noté. Les v. 1 à 4 sont propres à Benoît, tandis qu’à partir du v. 5, il suit de près sa source principale, la Règle du Maître9, comme il le fera jusqu’au v. 45 de ce Prologue. Les rapports entre les deux règles ont été longuement analysés, et jusque dans les moindres détails, par Adalbert de Vogüé10. Pour l’interprétation de notre texte, restons-en au contexte de la règle bénédictine elle-même : elle nous donnera suffisamment d’éléments pour expliciter l’intention de son auteur. La finale du Prologue (45-50) Dans le Prologue de la Règle, Benoît, après avoir exhorté à écouter (8-20) et à mettre en pratique (21-34) durant le temps qui nous est imparti (35-44), en arrive à la fondation d’une école de service du Seigneur (45-50). Amender ses vices pour conserver la charité pourra se montrer très exigeant (47), jusqu’à participer aux souffrances du Christ, mais, si on met cela en pratique, on finira par courir, le cœur dilaté, sur la voie des commandements de Dieu, pour mériter de prendre place en son royaume. Le centre de la première section de la Règle (RBen 4) Les instruments que Benoît propose d’utiliser pour bien agir dans l’atelier du monastère sont au nombre de soixante-treize, autant que de chapitres dans la Règle (RBen 4,1-74), depuis l’amour de Dieu et du prochain jusqu’à ne pas désespérer de la miséricorde de Dieu. Ceux qui les exerceront jour et nuit recevront du Seigneur la récompense qu’il a promise (RBen 4,76). La finale de la première section (RBen 1-7) de la Règle Le dernier chapitre de la première section de la Règle est consacré à l’humilité, dont il faut faire l’ascension en douze degrés. Une fois gravi le dernier degré, le moine parviendra à cet amour parfait de Dieu qui chasse la crainte (RBen 7,67). Il n’agira plus, alors, par crainte de la géhenne (RBen 7,69), mais 9
La Règle du Maître, 3 vol., SC 105-107, Paris 1964-1965. A. DE VOGÜÉ, La Règle de saint Benoît, 6 vol., SC 181-186, Paris 1971-1972.
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parce qu’il s’est habitué au bien et qu’il trouve même plaisir dans les vertus, une fois qu’il aura été purifié de ses vices et de ses péchés (RBen 7,69-70). La finale de la dernière section (RBen 63-73) de la Règle Au chapitre 72, lorsque le moine n’agit plus que dans la charité11, c’est le Christ lui-même qui va conduire tous les frères ensemble à la vie éternelle (RBen 72,12). L’obéissance mutuelle des frères a progressé jusqu’à devenir charité ; et même l’attitude envers l’abbé, qui est essentiellement obéissance, s’est transformée, elle aussi, en charité. C’est là que doit s’exercer le bon zèle du moine, celui « qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle » (RBen 72,2). Le dernier chapitre (RBen 73) situe cette règle dans l’ensemble de la tradition chrétienne en général, et de la tradition monastique en particulier. Celui qui n’était pas nommé au Prologue, et vers lequel le moine était invité à retourner, est ici désigné explicitement : « Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous fasse entendre comment courir tout droit jusqu’à ce que nous parvenions à notre créateur ? » (RBen 73,4) Ainsi le Dieu créateur est celui duquel on s’est éloigné par la désobéissance et vers lequel celui « qui se hâte vers la patrie céleste » (RBen 73,8) doit revenir par le moyen de l’obéissance. INTERPRÉTATION Les premiers versets de la Règle en exposent tout le projet, l’enjeu, la finalité. L’auteur ne commence pas par un exposé général de l’histoire du salut, mais il entre tout de suite dans le vif du sujet, en utilisant une forme exhortative : écoute et tends l’oreille ; puis accueille ce qui t’est dit et mets-le en pratique (cf. v. 1-2). Il n’est pas précisé comment et dans quelles conditions concrètes mettre en œuvre ces ordres, mais, étant donné leur place, ils ne peuvent viser en premier lieu que cette règle elle-même. Et d’ailleurs Benoît demandera qu’elle soit lue souvent en communauté (RBen 66,8). Puis, ce projet est replacé dans l’histoire, en remontant au tout début de l’humanité, au moment où l’homme s’est séparé de Dieu. Si ce premier « péché » fut une désobéissance, comme le laisse entendre le livre de la Genèse (Gn 3), il est logique qu’il ne peut être annulé qu’en empruntant le chemin opposé, c’est-àdire la voie de l’obéissance. Dans tout ce début du Prologue, il n’est jamais précisé à qui ou à quoi on doit obéir, comme si l’obéissance, par elle-même et en elle-même, avait pour effet essentiel de nous tourner vers Dieu, au-delà de ce qui fait fonction d’autorité pour que cette obéissance soit mise en œuvre. Le chemin du retour à Dieu ne sera pas facile. Il va prendre l’aspect d’un combat, dont les armes propres sont précisément celles de l’obéissance pour suivre le Christ Roi. De ces armes, le Prologue ne donne que deux qualificatifs : elles sont très fortes et elles ont fait leurs preuves. Quelles sont-elles ? Probable11
Voir notre étude : « Le bon zèle qui conduit à la vie éternelle. Le chapitre 72 de la règle de saint Benoît », 286.
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ment celles qui seront énumérées au chapitre 4, intitulé « Les instruments des bonnes œuvres » : ce qui est instrument dans un atelier (RBen 4,75.78) peut devenir arme dans un combat. Au cours d’une existence qui va consister à bien agir, il est important de situer, de manière juste, la part de l’homme et celle de Dieu. C’est bien l’homme qui entreprend une action (même s’il n’est pas dit que c’est avec la grâce de Dieu, on peut fort bien le supposer, comme le confirme par ailleurs la théologie), mais, ce faisant, il ne s’appuie pas sur ses propres forces, mais sur le fait qu’il est déjà fils de Dieu, et donc sur ce qu’il y a déjà de divin en lui (« à partir de ses biens en nous [de bonis suis in nobis] », Prol. 6). La prière montre notre confiance totale en l’aide de Dieu pour que nous accomplissions le bien ; Dieu alors ne pourra pas nous rejeter puisque, ce faisant, il se rejetterait lui-même ; il ne pourra que reconnaître en nous l’œuvre que lui-même réalise. Par ailleurs, Benoît n’ignore pas que Dieu est un « Seigneur à craindre (metuendus Dominus) », qui peut conduire des serviteurs mauvais à la peine éternelle (Prol. 7), mais il voudrait surtout que ce ne soit pas un père irrité qui en vienne à devoir déshériter ses fils. Car l’héritage nous a déjà été donné ; fils, nous le sommes. Mais le chemin d’éloignement de Dieu que nous avons pris risque de nous faire perdre cette qualité. Tout l’effort du moine va consister à retourner à Dieu, pour être admis définitivement comme un fils dans le Royaume céleste. CONCLUSION L’étude du Prologue, grandement facilitée par l’analyse rhétorique que nous avons menée, montre que Benoît peut tracer une esquisse, certes assez générale, mais pourtant déjà précise, de la vie monastique qu’il entend proposer. Il ne dit rien encore sur l’organisation du monastère, ni même sur la communauté qui y vit. Il se place du point de vue de la personne qui se sent appelée à cette forme de vie. Il n’entre pas dans les détails, car, à ce moment-là, celui qui est prêt à tout quitter pour suivre le Christ n’a pas le souci de savoir d’avance tout ce qui l’attend ; ce qu’il veut, c’est savoir où cela va le mener et comment. La réponse est claire : la vie monastique mène à Dieu en devenant fils par le chemin de l’obéissance.
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Gérard JOYAU II. LE PREMIER DEGRÉ DE LA VIE SPIRITUELLE SELON SAINT BENOÎT : LA PLACE DE L’OBÉISSANCE
Pour comprendre la spécificité de la Règle dans son contenu, il faut préciser comment elle se situe dans le déroulement d’un itinéraire de vie spirituelle. À la fin de son écrit, Benoît le qualifie de « toute petite règle pour débutants [hanc minimam inchoationis regulam] » (RBen 73,8). On pourrait ne voir là qu’une formule conventionnelle dans une œuvre littéraire, ou bien encore la manifestation de l’humilité de son auteur. Mais ne serait-on pas plus avisé de prendre cette expression au pied de la lettre ? Ce serait une règle destinée à des débutants. Benoît s’inscrit résolument dans la tradition monastique qui l’a précédé, celle des Pères du désert en particulier, représentée, entre autres, par Jean Cassien (v. 360-v. 435), dont il se réclame explicitement à plusieurs reprises12. La conférence XIV du fondateur des monastères Saint-Victor et Saint-Sauveur de Marseille est consacrée à la « science spirituelle ». Selon Cassien, cette « science est double : la première, praktikè, c’est-à-dire pratique (actualis), vise à réformer ses mœurs et à se purifier de ses vices ; la seconde, théôrètikè [théorique], consiste dans la contemplation des choses divines et la connaissance des significations les plus sacrées »13. Or, Benoît dit explicitement que, après avoir gravi les douze degrés d’humilité, le moine parviendra à un état où il sera purifié de ses vices et de ses péchés et trouvera plaisir dans les vertus (cf. RBen 7,6970). De plus, tout à la fin de la Règle, il exhorte ainsi le lecteur : « Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis, avec l’aide du Christ, cette toute petite règle pour le commencement, ainsi écrite, et alors seulement, à ces sommets plus élevés de doctrine et de vertus, grâce à la protection de Dieu, tu parviendras » (RBen 73,9). La Règle semble donc bien viser le combat contre les vices et l’acquisition des vertus, ce qui est, selon Jean Cassien, le propre de la vie « pratique », la première étape de la vie spirituelle. Nous en trouvons une confirmation au chapitre 4. Dans la longue énumération des instruments des bonnes œuvres, un groupe de dix sentences14 commence par « Les pensées mauvaises qui surviennent dans le cœur, les briser aussitôt contre le Christ et s’en ouvrir à son père spirituel » (RBen 4,50), et se termine par « Ne pas exécuter les désirs de la chair » (RBen 4,59)15. La tradition monastique avait regroupé les vices sous huit chefs principaux, appelés « esprits [mauvais] » chez Jean Cassien16, ou bien « pensées [mauvaises] (logismoi) » chez Évagre le 12
RBen 42,3 et 5 ; 73,5. JEAN CASSIEN, Conférences, XIV, 1, dans Conférences VIII-XVII, SC 54, Paris 1958, 184. Sur les rapports de Benoît avec Jean Cassien, à ce sujet mais aussi de manière plus large, on peut se reporter à P. DESEILLE, « À propos de l’épilogue du chapitre VII de la Règle », Collectanea Cisterciensia 21 (1959), 289-301, surtout 299-301. 14 Voir « L’atelier du monastère. Le chapitre 4 de la règle de saint Benoît », en préparation. 15 On retrouve les pensées mauvaises et les désirs de la chair au premier degré d’humilité (RBen 7,12.14-18.23-25). 16 C’est le mot employé par Jean Cassien pour désigner chacun des huit vices dans Institutions V-XII, SC 109, Paris 1965, 186-501. 13
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Pontique17. Or, l’expression « pensées mauvaises » de Benoît est l’équivalent exact des « logismoi » d’Évagre, même si on ne peut pas parler de dépendance littéraire, car c’était alors, dans les milieux monastiques, un vocabulaire commun pour parler de ces réalités. La Règle est destinée à celui qui, ayant entendu l’appel de Dieu, commence le long cheminement de la vie spirituelle dans le cadre de la vie monastique. Pour cette période délicate, il doit recevoir des orientations justes et précises afin de s’engager dans la bonne direction. Le champ d’application qui est visé est le début de la vie spirituelle, la première étape18. Et logiquement, pour les étapes suivantes, Benoît renvoie à d’autres auteurs : « Du reste, pour qui se hâte vers la perfection de ce mode de vie, il est des enseignements des saints Pères dont l’observance conduit l’homme au sommet de la perfection » (RBen 73,2). Et d’énumérer : les Écritures, les Pères de l’Église, Jean Cassien et Basile le Grand (RBen 73,3-6). Pourtant, dans cet écrit d’initiation, contrairement à Évagre ou à Jean Cassien, Benoît ne donne pas d’énumération et encore moins de descriptions des vices principaux. Il n’en parle que d’une manière générale, car, pour lui, à la base de ces vices, se trouve toujours une seule réalité plus fondamentale : la volonté propre. Au premier degré d’humilité, il explicite un peu son propos : « Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds, ou plus exactement de la volonté propre, mais aussi des désirs de la chair, l’homme… » (RBen 7,12). Comme en RBen 4,50-59, il commence par les pensées et termine par les désirs de la chair. Dans la suite de son exposé, toujours au premier degré de l’humilité, il va développer ces deux éléments (RBen 7,14-18 pour les pensées ; 7,23-25 pour les désirs de la chair), plaçant, entre les deux, au centre, un exposé sur la volonté propre (7,19-22), et passant complètement sous silence langue, mains et pieds. Voici une présentation schématique de la construction de ce premier degré d’humilité19 :
17 Évagre le Pontique (v. 345-399) emploie cette terminologie dans son Traité pratique ou Le moine, 2 vol., SC 170-171, Paris 1971. Évagre parle, lui aussi, de « pratique » pour désigner la première partie de la vie spirituelle : « La pratique est la méthode spirituelle qui purifie la partie de l’âme soumise aux passions » (Traité pratique, n° 78, 667). 18 La fin du Prologue va dans le même sens : « En avançant dans le genre de vie et la foi, le cœur dilaté par la douceur indicible de l’amour, on court sur la voie des commandements de Dieu, de sorte que, ne nous écartant jamais de son enseignement, persévérant dans sa doctrine au monastère jusqu’à la mort, nous participions aux souffrances du Christ par la patience pour mériter d’être associés aussi à son règne » (Prol. 49-50). 19 Pour la présentation complète, voir notre étude : « Le chapitre 7 de la règle de saint Benoît. L’humilité : première étape de la vie spirituelle », 274-275.
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C’est le premier degré d’humilité si, en se mettant toujours devant les yeux la crainte du Seigneur, on fuit tout à fait l’oubli 11 […] 12 Et, en se gardant à toute heure des péchés et des vices, c’est-à-dire des PENSÉES, de la langue, des mains, des pieds, en un mot, de la VOLONTÉ PROPRE, mais aussi des DÉSIRS DE LA CHAIR, […] 14
Le prophète nous fait voir cela quand il nous montre ainsi Dieu toujours présent dans nos PENSÉES […] 19
Nous défendons aussi de faire notre VOLONTÉ PROPRE puisque l’Écriture nous dit : « Détourne-toi de tes volontés. » 20 Et nous demandons de même dans la prière que sa volonté soit faite en nous. 21 Nous enseignons donc avec raison de ne pas faire notre volonté […] 23
Quant aux présent […] 26 29
DÉSIRS DE LA CHAIR,
nous croyons aussi que le Seigneur nous est toujours
Donc si « les yeux du Seigneur observent les bons et les mauvais » […] on doit donc éviter à toute heure, frères, […]
Tout se passe comme si la volonté propre, non seulement était à l’origine des péchés de la langue, des mains et des pieds20, mais représentait aussi, à elle seule en quelque sorte, l’ensemble des pensées mauvaises et des désirs de la chair, c’est-à-dire l’ensemble des péchés et des vices. Elle est, en effet, impliquée en toute action ; et donc, si on la réforme, c’est toute la vie qui sera transformée. Dans la Règle, la lutte contre les vices (ou les pensées, les esprits, selon la terminologie des différents auteurs) va donc se focaliser principalement sur la lutte contre la volonté propre, en mettant en avant uniquement l’obéissance, qui s’oppose à elle directement : si on suit la volonté de Dieu, aucun vice, aucun péché n’a plus de place dans l’existence ; agir de cette manière, c’est être assuré de faire le bien. Et c’est ainsi que se comprend le début du Prologue, qui offre la possibilité de revenir à Dieu par la seule obéissance : renoncer à sa propre volonté et accomplir la volonté de Dieu, c’est renoncer, en fait, à tous les vices et tous les péchés, et donc être assuré de pouvoir entrer dans la vie éternelle.
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En fait, dans le texte de Benoît, la volonté propre ne fait pas nombre avec ce qui la précède immédiatement, « langue, mains, pieds » : « Et custodiens se omni hora a peccatis et vitiis, id est cogitationum, linguae, manuum, pedum vel voluntatis propriae sed et desideria carnis » (7,12). Le mot « vel », comme particule de coordination, signifie « ou, ou bien », mais, en tant qu’adverbe, il a le sens de « ou, si vous voulez ; ou, pour parler plus exactement », ce qui semble être le cas ici (cf. F. GAFFIOT, Dictionnaire latin-français, Paris 1934, s.v., 1651). On pourrait paraphraser ainsi : « Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, c’est-à-dire des pensées, de la volonté propre, qui se manifeste par la parole et les actions des mains et des pieds, mais se gardant aussi des désirs de la chair. » Cela explique que Benoît ne traite que des pensées, de la volonté propre et des désirs de la chair.
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III. UN LONG CHEMIN SEMÉ D’EMBÛCHES Le chemin qui mène de la vie sans Dieu à la vie en Dieu en tant que fils ne se parcourt pas aisément. Si l’obéissance en constitue l’axe central, comme une colonne vertébrale, la vertu qu’elle suppose, et qui se nomme humilité, se manifeste également sous d’autres formes comme le service et le support mutuel, sans parler de la foi elle-même. 1. OBÉISSANCE Dans un monastère, l’obéissance est d’abord due à l’abbé, mais aussi aux autres frères de la communauté, selon certaines modalités, et on doit aussi l’entendre dans un sens encore plus large. A. OBÉISSANCE À L’ABBÉ
Benoît consacre, à l’abbé et à ceux qui l’assistent de plus près, quatre chapitres (RBen 2-3 ; 64-65) ; et les chapitres qui leur correspondent, dans les sections respectives, sont au nombre de six (RBen 5-6 ; 68-71)21. C’est dire toute l’importance qu’il accorde aux relations des frères avec leur abbé, qui s’expriment particulièrement dans l’attitude d’obéissance. Même si Benoît prévoit une discussion possible quand un ordre est donné (RBen 68), le dernier mot revient toujours à l’abbé, qui tient, dans le monastère, la place du Christ22. Si le moine renonce à sa volonté propre, c’est parce qu’il veut accomplir la volonté d’un autre et finalement celle de Dieu même. B. OBÉISSANCE AUX FRÈRES
On utilise parfois l’expression « obéissance horizontale » pour désigner l’obéissance mutuelle entre les frères telle que Benoît la présente aux chapitres 71 et 72. On veut sans doute par-là contrer une obéissance trop « verticale », qui ne respecterait pas les personnes. Mais les frères peuvent-ils vraiment s’obéir les uns aux autres indistinctement ? Si, par exemple, Jean doit obéir à Paul, et non l’inverse, il doit bien y avoir une raison. Pour saint Benoît, elle est double : ou Paul a reçu une mission particulière de l’abbé, et alors, obéir à Paul revient à obéir à l’abbé ; ou bien Paul est plus ancien que Jean, au sens où Benoît parle de l’ancienneté au chapitre 63, basée essentiellement sur la date d’entrée au monastère (cf. RBen 71,3-4 ; 63,7-8). Donc, dans cette relation d’obéissance, il n’y a pas de réciprocité stricte. Si, selon notre exemple, Paul devait, dans une autre circonstance, obéir à Jean, c’est que Jean aurait reçu de l’abbé une mission particulière et qu’il le représenterait à son tour. Quand il y a obéissance, même entre frères, il y a toujours, pour un cas précis, un « supérieur » et un 21 22
Voir « La règle de saint Benoît, première étape de la vie monastique bénédictine », 292. Cf. RBen 2,2 ; 63,13.
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« inférieur » ; parler d’obéissance horizontale peut induire en erreur et risque de dénaturer la notion même d’obéissance. C. SERVICE ET SUPPORT MUTUELS
Mais des situations existent où la relation entre deux frères peut être vraiment réciproque : il s’agit alors du service et du support mutuels. En analysant la Règle, nous avons été surpris de trouver, au début de sa section centrale, un chapitre sur les semainiers de cuisine, dont les six premiers versets sont consacrés au service (RBen 35,1-6)23. Que vient faire le service, au centre de la Règle, dans un cheminement tout entier basé sur l’obéissance ? La réponse est simple, à défaut d’être énoncée explicitement ; comme pour l’obéissance, le service suppose un rapport d’inégalité entre deux personnes : celui qui sert et celui qui est servi. Le même rapport d’inégalité entre deux frères se retrouve aussi dans le chapitre suivant, lorsque Benoît demande de supporter les frères malades (RBen 36,5) : celui qui supporte son frère se met en quelque sorte en position d’infériorité par rapport à lui. Comme Benoît l’écrit à la fin de la Règle, les frères « supporteront avec grande patience leurs infirmités physiques ou morales » (RBen 72,5) : chaque frère, y compris l’abbé24, doit supporter tous les autres. Ici, contrairement à ce qui se passe pour l’obéissance, la relation peut donc être inversée : si je sers ou je supporte mon frère, mon frère peut aussi avoir à me servir et à me supporter à son tour. La réciprocité peut donc s’appliquer entièrement. D. OBÉISSANCE DE LA FOI
L’obéissance, quant à elle, ne se limite pas aux seules relations entre les hommes. À deux reprises dans le Prologue, Benoît fait appel à la foi : « Ayant donc ceint nos reins de la foi et de l’observance des bonnes actions, avançons sur ses voies sous la conduite de l’Évangile » (Prol. 21) ; « mais, en progressant dans la vie monastique et dans la foi, […] on court sur la voie des commandements de Dieu » (Prol. 49). Pour comprendre la pensée de Benoît dans ces deux citations, il suffit de se souvenir que la foi est une obéissance (cf. Rm 1,5 ; 16,26 : « obéissance de la foi ») : croire, c’est obéir à Dieu25. Ainsi la notion d’obéissance couvre même les relations avec Dieu dans toute leur étendue, car elle concerne la relation fondatrice de l’être chrétien, qui est la foi.
23 G. JOYAU, « La charité mise en œuvre dans le service. Règle de saint Benoît 35,1-6 », Collectanea Cisterciensia 79 (2017), 378-386. 24 La fin du chapitre 64 considère explicitement l’abbé comme un serviteur : « Et surtout, qu’il [l’abbé] garde en tous ces points la présente règle, afin qu’après avoir bien servi, il entende le Seigneur lui dire, comme au bon serviteur qui distribue en son temps le froment à ses compagnons de service (conservis) : “En vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens” » (RBen 64,20-22, citant Mt 24,47). 25 Voir « Le Prologue de la règle saint Benoît », 322.
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E. OBÉISSANCE INTÉGRALE
Obéissance aux hommes, obéissance à Dieu ! Mais tout n’est pas encore dit sur l’obéissance selon saint Benoît. Lorsque le novice fait profession, il « promet, devant tous, à l’oratoire, stabilité, conversion de ses mœurs et obéissance » (RBen 58,17). Il n’est pas précisé à qui ou à quoi il doit obéir. C’est comme s’il promettait d’obéir à tout et à tous ; il promet simplement d’être obéissant, comme si l’obéissance devait devenir pour lui comme un état permanent26. L’obéissance n’est pas une vertu à mettre en œuvre dans certaines circonstances ; elle est permanente, car elle affecte le moine non seulement dans son agir, mais aussi dans son être chrétien tout entier. 2. HUMILITÉ Obéissance, service ou support mutuels : toutes ces attitudes ont en commun un rapport d’inégalité entre deux personnes : l’une commande, l’autre obéit ; l’une est servie, l’autre sert ; etc. Comment caractériser d’un seul mot ce rapport d’inégalité ? Le mot « soumission » ne serait sans doute pas déplacé, s’il n’était pas chargé de connotations extrêmement négatives, qui font souvent penser à l’esclavage. En fait, le mot adéquat se trouve dans la Règle elle-même : il s’agit de l’humilité. Benoît y consacre l’un de ses plus longs chapitres. Si l’obéissance a mauvaise presse, que dire de l’humilité ? On cherche à en atténuer le caractère apparemment injuste et insupportable en la distinguant de l’humiliation, qui se chargerait, elle, de toutes les critiques négatives. Benoît ne fait pas une telle distinction, sinon il devrait aussi s’abstenir d’employer le verbe « humilier » (11 fois). Celui-ci n’est employé qu’une fois à l’actif, avec Dieu pour sujet : « Il m’est bon que tu m’aies humilié » (RBen 7,54, citant Ps 118,71) ; dans les autres emplois, il est sous les formes passive ou pronominale. Benoît ne parle donc pas du sujet qui humilie, mais de la personne qui est humiliée, de même que, pour l’obéissance, il s’intéresse d’abord à celui qui obéit. La Règle ne traite pas des humiliations que l’on donne, mais de celles que l’on se donne (verbe pronominal) ou que l’on reçoit (verbe passif). Comme nous l’avons montré dans l’étude de ce chapitre 7 de la Règle, seul, celui qui a déjà parcouru le chemin de l’humilité (les cinq premiers degrés sur une échelle de douze) peut vraiment être appelé « moine » 27. L’obéissance est le « premier degré », la base de l’humilité (RBen 5,1). Seules, les personnes humbles sont en mesure d’obéir, de servir, de supporter les autres, ou de croire en Dieu. Et le jugement de Dieu sur les personnes ne porte que sur leurs bonnes œuvres — c’est-à-dire la mise en pratique des commandements, autrement dit l’obéissance — et sur leur humilité — c’est-à-dire l’attitude profonde qui les a 26 En Ph 2,8, il n’est pas précisé non plus à qui le Christ a obéi : « devenant obéissant jusqu’à la mort ». 27 Voir « Le chapitre 7 de la règle de saint Benoît. L’humilité : première étape de la vie spirituelle », 285.
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animées (cf. RBen 2,21). Car l’important n’est pas d’être réduit à rien, mais d’être toujours avec Dieu : « J’ai été comme une bête de somme près de toi et je suis toujours avec toi » (quatrième degré d’humilité, RBen 7,50, citant Ps 72,2223).
IV. L’ABOUTISSEMENT DU CHEMIN La règle de Benoît ne se contente pas de proposer un chemin — celui de l’obéissance ; elle indique aussi où il aboutira, à quoi ou à qui il mènera. 1. LA CHARITÉ : UNE PREMIÈRE ÉTAPE DANS LA VIE SPIRITUELLE Obéissance, service, humilité : tout se termine dans la charité. Au chapitre 72, qui est une sorte de condensé du parcours à effectuer dans la vie monastique, Benoît demande aux moines de se prévenir d’honneur (v. 4), de se supporter (v. 5), de s’obéir (v. 6), de se servir mutuellement (v. 7), et il termine par : « qu’ils vivent la charité de la fraternité honnêtement » (v. 8). C’est comme si toutes les relations fraternelles trouvaient leur fondement et leur sommet dans la charité28. Et, quelques versets plus loin, on lit à propos des relations avec l’abbé : « Qu’ils aiment leur abbé d’une charité sincère et humble » (v. 8). Il n’est plus question alors d’obéir à l’abbé, ce sur quoi Benoît a longuement insisté, mais de l’aimer. C’est comme si, au terme, l’obéissance avait été là encore englobée par la charité, au point de se confondre avec elle29. En ce qui concerne le service, le début du chapitre 35 est éloquent : il est affirmé à deux reprises : « Les frères se serviront mutuellement » (RBen 35,1.6). Mais une des caractéristiques de ce service, c’est qu’il est réalisé « sous la charité (sub caritate) » (v. 6) ; de même que le moine s’engage à vivre « sous une règle et un abbé (sub regula vel abbate) » (cf. RBen 1,2), il sert « sous la charité », comme si elle constituait son « milieu » de vie. Et en même temps, c’est la charité qu’il recevra, comme récompense, s’il sert bien ses frères : « Que les frères se servent à tour de rôle, de sorte que personne ne soit dispensé de la charge de la cuisine, sinon pour maladie ou si quelqu’un se trouvait occupé à une affaire de grande importance, parce que, par-là, on acquiert plus de récompense et de charité » (RBen 35,1-2)30. La charité est donc au terme d’une vie de service, comme elle a été sa « couverture » dans son exercice.
28
« Caritatem fraternitatis caste impendant ». Le mot « caste » n’est pas à comprendre dans le sens restreint de « chastement », mais dans son sens large de « honnêtement, correctement ». La charité est à vivre en fonction de chaque situation concrète qui se présente (support et service mutuels, obéissance). 29 Voir « Le bon zèle qui conduit à la vie éternelle. Le chapitre 72 de la règle de saint Benoît », 285-286. 30 Voir « La charité mise en œuvre dans le service. Règle de saint Benoît 35,1-6 ».
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Quant à l’humilité, Benoît est encore plus explicite : « Donc, une fois gravis tous ces degrés d’humilité, le moine parviendra bientôt à cette charité de Dieu, qui, parfaite, met dehors la crainte » (RBen 7,67). Tout ce chemin d’humilité, parfois si rude, n’a d’autre but que de conduire à la charité, selon ce qu’écrivait Jean Cassien : « C’est vers ce but [la pureté du cœur] que doivent tendre toutes nos actions et tous nos désirs ; c’est pour cela que nous devons supporter la solitude, les jeûnes, les veilles, les travaux, les privations et les longues études, et que nous devons nous exercer à toutes les vertus. Les vertus sont des moyens de préserver notre cœur de toutes les passions, de le conserver pur et d’arriver par degrés au comble de la perfection. […] Les jeûnes, les veilles, la solitude, la méditation des Écritures doivent avoir pour but la pureté du cœur, qui est la charité »31. Selon la tradition monastique antérieure à Benoît, la charité marque bien le terme de la première étape de la vie spirituelle, la pratique. Comme le dit Évagre le Pontique, « le terme de la pratique, c’est la charité32 ». La vie spirituelle poursuivra ensuite son développement par une plus grande connaissance de Dieu jusqu’à l’union avec lui. 2. FILIATION : LA FIN VISÉE Même si Benoît ne veut s’adresser qu’à des débutants, il leur fait tout de même entrevoir, dès le Prologue, le terme de la route sur laquelle ils sont invités à s’engager. En effet, à quoi bon tant de pénitences, d’ascèse ou de renoncements ? Pourquoi obéir, servir, supporter ou même croire en Dieu toute sa vie ? Quelle en est la justification ultime ? « En tout temps, on doit lui être soumis, à partir de ses biens en nous, de sorte que, père irrité, il ne déshérite un jour ses fils » (Prol 6). Le but de la vie ascétique est clairement indiqué : pour rester les fils de Dieu que nous sommes déjà, nous devons être soumis en tout à Dieu. Pourquoi ? Si nous considérons l’exemple d’un fils parfait, comme est le Verbe dans la Trinité, nous comprenons qu’il n’est que fils, en tout égal au Père (Dieu comme lui), mais recevant tout de lui, alors que le Père est Dieu par luimême. Le Fils n’est rien sans le Père. Or, c’est exactement ce à quoi un chrétien est appelé : devenir un fils, dont tout l’être, tout l’agir, ne viendra plus que de Dieu seul. À cette condition seulement, il pourra être dit fils de Dieu. Certes, il ne sera pas un fils qui ferait nombre avec le Fils unique : Dieu ne peut avoir qu’un seul fils, celui qui s’est incarné ; les hommes ne peuvent que participer à cette filiation unique ; ils seront dits fils dans le Fils. « Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale » (Ga 4,4-5). Devenir fils, c’est donc, en tant qu’être créé, renoncer à tout ce qui n’est pas Dieu, pour tout recevoir du Créateur. Dans l’obéissance ou le service, on 31 32
JEAN CASSIEN, Conférences, 1,7, SC 42, Paris 1955, 84. ÉVAGRE LE PONTIQUE, Traité pratique, 84, 675.
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renonce à ce que l’on est pour que l’autre existe. Saint Paul écrivait aux Philippiens : « Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas revendiqué d’être traité à l’égal de Dieu, mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et reconnu homme à son aspect. Il s’est humilié, devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté »33. Dans sa Pâque, Jésus a vécu, comme homme, ce qu’il vivait comme Dieu au sein de la Trinité : ne plus exister que par son Père. C’est pourquoi, il est allé jusqu’à la mort, qui est le renoncement suprême à sa propre humanité, pour que Dieu lui confère une humanité nouvelle, une humanité ressuscitée. Et dans ce processus, l’obéissance a joué un rôle essentiel. C’est pourquoi le moine est appelé à entrer dans la même démarche : devenir serviteur, renoncer à tout par obéissance, et jusqu’à sa propre vie, pour recevoir du Père une vie ressuscitée. C’est là le but de toute vie chrétienne, c’est le but du moine chrétien engagé dans un monastère cénobitique selon la règle de saint Benoît.
V. CONCLUSION : UNE RÈGLE POUR NOTRE TEMPS ? LE BUT DE LA VIE BÉNÉDICTINE : DEVENIR FILS Pour comprendre la portée de ce Prologue, rédigé avec tant de soin par Benoît, nous avons précisé ce qu’est, selon nous, la caractéristique de la vie monastique mise en œuvre à partir de cette règle. Son ambition est de faire passer le moine de la désobéissance à Dieu, initiée par le premier Adam et revécue par chaque être humain, à la vie de fils de Dieu en son Fils unique, selon l’appel du Créateur à toute créature humaine. Le moyen proposé pour franchir cette distance, qui semble infinie, est l’obéissance, terme qui inclut le service et le support mutuels, et jusqu’à la foi elle-même. La vie monastique, en mettant en œuvre la réalisation de la filiation divine adoptive d’un baptisé, se situe au cœur de la vie chrétienne, car tous les chrétiens poursuivent le même but, visé par le baptême « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », et réalisé pour tous lors la résurrection finale à la fin des temps. La spécificité de la vie monastique bénédictine, c’est le choix du moyen pour parvenir à cette fin : l’obéissance, avec tout ce que l’on peut mettre sous ce vocable, comme nous l’avons vu. Certes, tous les chrétiens sont appelés à obéir (à Dieu, aux commandements, etc.), mais, dans la vie monastique, toutes les observances semblent se condenser dans cette attitude, sans s’y réduire cependant — qu’il suffise de rappeler l’importance de la pauvreté pour saint Benoît34.
33
Ph 2,6-8, trad. à partir de la Vulgate. « Par-dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice [de la propriété] jusqu’à la racine » (RBen 33,1). 34
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Pour mesurer la portée concrète d’un tel projet, il peut être utile de le replacer brièvement dans le contexte ecclésial contemporain. UN CONTEXTE NON FIGÉ Depuis un demi-siècle — l’époque du concile Vatican II —, l’effort de l’Église catholique a porté sur une ouverture au monde effective, et il ne s’agit évidemment pas de critiquer cette orientation, qui a déjà produit tant de fruits. Notre pape François, lorsqu’il demande de se porter aux « périphéries », va dans le même sens. « “L’Église doit sortir d’elle-même”, martèle le pape François. Et non pas préserver ses structures ni vivre “repliée sur elle-même et pour ellemême”. Elle doit avoir le courage de sortir de ses frontières, de ses habitudes pour “aller et porter l’Évangile” là où il n’est pas entendu ou reçu »35. Récemment, on pouvait entendre au chapitre d’un monastère cistercien : « La question suivante, de la réponse à laquelle dépendra peut-être un nouveau “renouveau” du monachisme, sera celle de nos relations avec l’Église universelle et avec la Société civile. Sans synergie et ouverture à l’autre, nos “groupes” sont voués à la disparition ou à être des témoins (sans doute admirés) d’un passé révolu »36. Toutes ces orientations, ces souhaits, ces attitudes supposent résolue la question du centre, d’un point d’ancrage fort, indispensable pour être assuré de ne pas perdre son identité en se lançant dans une démarche d’ouverture sans limites. En ce qui concerne notre propos — la vie monastique selon la règle de saint Benoît —, tous sont-ils bien conscients et sûrs de ce qui en constitue le centre, le cœur ? La réponse n’est pas à chercher « au dehors », mais à l’intérieur même de cette vie monastique bénédictine. Dans un texte récent, une congrégation romaine écrivait : « Nous ne devons pas avoir peur de reconnaître honnêtement combien, malgré toute une série de changements, le vieux schéma institutionnel a du mal à céder le pas résolument aux nouveaux modèles. […] Dans le contexte où nous vivons, la terminologie même de supérieurs et sujets n’est plus ajustée. Ce qui fonctionnait dans un contexte relationnel de type pyramidal et autoritaire n’est plus ni souhaitable ni vivable dans la sensibilité́ de communion de notre manière de nous comprendre et nous vouloir comme Église »37. Que veut-on dire en parlant de « vieux schéma institutionnel » ou de « contexte relationnel de type pyramidal », qui ne serait « plus ni souhaitable ni vivable » ? Comment comprendre, dans le contexte d’une telle remise en cause, ce que la règle de saint Benoît dit de l’obéissance ou de l’humilité ? Serait-ce un texte vraiment périmé, dépassé par l’évolution de la réflexion théologique ou le développement des sciences humaines ? Certains le 35 C. HOYEAU sur le site : https ://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Avec-le-papeFrancois-l-Eglise-appelee-a-sortir-d-elle-meme-2014-03-13-1119951 (consulté le 21 déc. 2017). 36 A. VEILLEUX sur le site : http ://www.scourmont.be/Armand/chapters/2017/170827-identité. html (consulté le 21 déc. 2017). 37 CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE, « À vin nouveau, outres neuves » (6 janvier 2017), § 9 et 24.
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pensent peut-être, qui seraient prêts à le ranger définitivement dans les « archives », puisqu’il n’aurait plus aucune utilité pour notre temps, et encore moins pour préparer l’avenir. LA RÈGLE EN NOTRE TEMPS Notre recherche n’a pas été déclenchée par le goût d’un certain conservatisme ou un quelconque esprit critique, allergique à tout changement. Elle s’est déroulée, selon une méthode que nous avons essayé d’appliquer sans aucun a priori quant à un résultat à atteindre, en nous laissant mener par elle sur des chemins non prévus. Comme nous l’avons montré, l’obéissance s’est imposée à nous, suivie de près par l’humilité, comme moyen proposé pour parvenir à Dieu. Or, de nos jours, nous constatons que l’obéissance, sans être complètement mise de côté, souffre d’une connotation fort négative. Souvent on veut en neutraliser la portée, en parlant, par exemple, d’« obéissance responsable » : il s’agirait pour le supérieur d’obtenir de l’inférieur une sorte d’assentiment, de consentement, avant de donner l’ordre proprement dit. Mais renoncer positivement à sa volonté propre ne serait-il pas aussi un acte responsable ? Par ailleurs, il est évident qu’une personne qui souffre de certaines faiblesses psychologiques (infantilisme, volonté déficiente, etc.) peut être empêchée de vivre une véritable obéissance. Et puis, on ne peut pas nier non plus que des déviations sont possibles dans l’exercice de l’autorité, et il faut les dénoncer, mais c’est alors le problème de celui qui commande, et non directement celui du sujet qui obéit. Certes, on ne doit jamais s’écarter des lois de base de la théologie morale : ne rien faire contre sa conscience, ni contre la foi ou les mœurs. Mais ce n’est pas parce qu’un supérieur est autoritaire qu’on ne doit pas lui obéir : la mise en œuvre de l’obéissance ne dépend pas d’abord de la qualité de celui qui commande. Ceux qui ont demandé à Jésus de s’étendre sur la croix n’avaient sûrement pas autorité pour le faire, et pourtant Jésus a obéi. Ceux qui le représentent aujourd’hui n’ont pas à s’approprier une autorité dont ils ne sont que les serviteurs38. Mais pourtant, même s’ils agissaient ainsi, ceux qui sont appelés à suivre celui qui a obéi jusqu’à la mort de la Croix (cf. Ph 2,8) seraient prêts à leur obéir même pour des choses injustes39, jusqu’à être considérés eux-mêmes comme des brebis de boucherie40. Car ils savent qu’en suivant les pas du Fils, ils se préparent eux-mêmes à devenir, en lui, fils de l’unique Père des cieux.
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Cf. RBen 2,2 ; 63,13 ; 64,21. « C’est le quatrième degré d’humilité si, dans l’exercice même de l’obéissance, quand on se voit infliger des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toutes sortes, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience (Quartus humilitatis gradus est si, in ipsa oboedientia duris et contrariis rebus vel etiam quibuslibet irrogatis injuriis, tacite conscientia patientiam amplectatur) » (RBen 7,35). 40 Cf. RBen 7,38, citant Ps 43,22 : « Pour toi, nous sommes mis à mort tout le jour. On nous considère comme des brebis de boucherie. » 39
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Quant à l’expression récente d’« obéissance caritative »41, elle ne doit assurément pas signifier qu’il existerait une obéissance qui ne serait pas dans la sphère de la charité. En tout cas, on n’en trouverait pas trace dans la règle de saint Benoît, loin s’en faut. Toutes ces réticences à suivre le chemin de l’obéissance reposent, en fait, sur un malentendu fondamental, rarement exprimé : on veut promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions, en supposant que suivre la volonté de Dieu pourrait aller contre son bien, comme si le Créateur ne connaissait pas ce qui est le meilleur pour sa créature. On doit au contraire affirmer qu’il est le seul à savoir ce qui est bon pour l’homme. Saint Paul écrivait déjà aux Romains : « L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. […] L’Esprit vient au secours de notre faiblesse car nous ne savons pas que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements inexprimables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu » (Rm 8,16.26-27). Suivre la volonté de Dieu, bien identifiée, et non la sienne propre, non seulement ne comporte aucun risque de se tromper, mais c’est au contraire le seul moyen pour l’homme de se réaliser lui-même, d’accomplir sa vocation, pour atteindre sa pleine stature de créature de Dieu. UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA VIE MONASTIQUE Le nouveau souffle pour la vie monastique, que beaucoup attendent, tarde à se lever. Nous savons qu’il ne pourra venir que de l’Esprit saint, lui qui nous fait tous fils du Père dans son Fils unique bien-aimé. Emprunter la voie de l’obéissance, comme le demande la règle de saint Benoît à ceux qui font profession de vivre selon elle, est un moyen sûr et largement expérimenté pour « correspondre aux vues de Dieu ». Alors, celui qui nous a déjà accueillis au nombre de ses fils au début de notre vie chrétienne n’aura pas à nous déshériter42 : si le moine persévère au monastère jusqu’à la mort dans l’obéissance, le Père l’accueillera dans son royaume comme son fils43.
Abbaye de Scourmont BE 6464 Forges (Belgique) E-mail : [email protected]
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Cf. « À vin nouveau, outres neuves », § 24. Cf. RBen Prol. 5-6. 43 Cf. RBen 7,50. 42
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Tout le sens de la règle de saint Benoît, et donc de la vie monastique bénédictine, est donné dès les premiers versets du Prologue : devenir fils par l’obéissance. Si l’humanité, à la suite d’Adam, s’est détachée de Dieu par la désobéissance, il s’agit maintenant, pour le moine, de retourner à lui par l’obéissance. En vivant dans l’humilité, vertu de base de l’obéissance, comme elle l’est aussi du service, du support mutuel, et bien sûr de la foi, le moine suit la voie tracée par Jésus, qui, après avoir été obéissant jusqu’à la mort, a été exalté par son Père. De même, le moine, s’il renonce à tout ce qu’il y a d’humain en lui, pourra recevoir de Dieu ce qui le fera vivre, et il deviendra alors en vérité fils du Père dans le Fils unique. La filiation adoptive est l’horizon ultime de cette vie monastique. Mots-clé : Règle de saint Benoît, Benoît de Nursie, filiation, obéissance, service, support mutuel, foi, humilité ABSTRACT The full meaning of the Rule of St. Benedict, and therefore of Benedictine monastic life, is found in the first verses of the Prologue : becoming a son through obedience. If the human race has, following Adam, become separated from God by disobedience, it is necessary now for the monk to return to Him by means of obedience. Living in humility, the virtue which is fundament not only to obedience but also to service, mutual support and of course to faith, the monk follows the way marked out by Jesus who, after having been obedient unto death, was raised up by his Father. In the same way the monk, if he renounces everything that is human in himself, will receive from God everything he needs to live, and so become a true son of the Father in the only Son. Adoptive filiation is thus the ultimate horizon of monastic life. Keywords : Rule of St. Benedict, Benedict of Nursia, filiation, obedience, service, mutual support, humility
Pierre MAGNARD
La filiation selon Montaigne et Pascal Élevé dans la tradition, j’avais appris notre filiation divine à travers ma filiation naturelle, que la mémoire du grand âge aujourd’hui fait remonter aussi loin que possible dans le temps. L’icône du Père éternel, c’était mon père naturel et en-deçà le père du père jusqu’à la vingtième génération, paternité accréditée par ces images de saints, qui fondaient la filiation et en définitive nous reliaient au premier Père. Le Christ peut alors nous révéler notre filiation divine comme il le fait en Jean 3,7, dans l’entretien avec Nicodème. Une chaîne d’or vraiment nous relie à l’origine du monde. Nourri aux belles-lettres dans la lecture des trois « B » — Paul Bourget qui était un lointain cousin, René Bazin et Henry Bordeaux — je devais, quand j’ai quitté le cocon familial, pour passer, en 1946, sous la tutelle de la khâgne d’Henri IV, souffrir cruellement du nihilisme ambiant. On me mettait en garde contre les auteurs de la bibliothèque familiale, alors entachés de soupçons par une vulgate particulièrement intolérante. Jean-Paul Sartre était porté aux nues. Plus délétère encore était l’autorité rapidement acquise par mes aînés à l’École, Gilles Deleuze qui devait prôner le modèle du « rhizome » plutôt que celui de la « racine », avant de célébrer « l’homme hors-sol », puis le « corps sans organes », tandis que Michel Foucault, que j’allais retrouver à ClermontFerrand, s’en prendra plus directement encore à la notion de filiation, prétendant n’avoir jamais été que le fils de ses œuvres, sans rien devoir à quelque géniteur naturel. Me faisant confidence de sa grande souffrance intérieure, il poussait la dénégation jusqu’à s’interdire de se reconnaître le fils du médecin poitevin que pourtant l’État-civil lui donne pour père et se disait, de ce fait, totalement affranchi de ce Père que nous faisons profession d’avoir dans les cieux. Sa violente diatribe, au café de la gare où je l’accompagnais, dans l’attente du train qui le ramenait chaque semaine dans la capitale, prenait les accents du délire d’un Antonin Artaud, qui achevait alors sa douloureuse existence entre Rodez et la Clinique du Docteur Blanche à Paris. Quelle misère que de n’être le fils de personne ? Ne trouvant aucun point fixe contre cet emportement dans la pensée officielle, je cherchais mon secours dans le jeu des portraits en miroir auquel se livraient nos littérateurs depuis que Léon Brunschvicg avait donné son Descartes et Pascal lecteurs de Montaigne. Mis en parallèle, Montaigne et Pascal ne témoignaient-ils pas de l’inépuisable vigueur que chacun peut tirer d’une filiation assumée ? Ces deux auteurs devaient être les compagnons de mon cheminement intellectuel du premier jour à l’heure présente. Ont-ils apporté un étai et une justification à ma propre mémoire
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Pierre MAGNARD
familiale ou bien est-ce cette mémoire qui, par analogie, m’aura permis de les comprendre ? Je laisse au lecteur le soin d’en décider. Le parallèle entre Montaigne et Pascal, quant au rôle tenu par leur père dans leur éducation, s’impose incontestablement : même attention à la formation intellectuelle et morale de leur enfant que l’un et l’autre suivirent tout au long de son développement, Pierre de Montaigne soucieux de transmettre à Michel un latin vivant en lieu et place de langue maternelle, Étienne Pascal de transmettre à Blaise une culture littéraire complète avant qu’il accéda à la langue des figures et des nombres, bref à la symbolique mathématique. Hommage et gratitude sont rendus par Montaigne à son père au début de l’Apologie de Raymond de Sebond, qui bien que celui-ci avoua n’avoir aucune connaissance des lettres non plus que ses prédécesseurs, eut à cœur, « à l’image, dit-il, du roi François Ier », de « rechercher avec grand soin et dépense l’accointance des hommes doctes, les recevant chez lui comme personnes saintes… recueillant leurs sentences et leur discours comme des oracles »1. C’est à ce titre que, « quelques jours avant sa mort », son père à qui on avait fait présent d’un livre intitulé précisément Theologia naturalis sive liber creaturarum magistri Raymondi Sabundi, lui commanda de le lui mettre en français. « Ne pouvant rien refuser au meilleur père qui fut oncques, commente Montaigne, je vins à bout, comme je pus (de cette traduction), (mon père) y prenant un singulier plaisir et donnant charge qu’on le fit imprimer après sa mort »2 et voici le fils à même, du fait de cet enseignement, de prendre part à la transmission de « l’ancienne créance » contre les « novelletés de Luther ». Cette filiation spirituelle, qui assure la fidélité doctrinale, s’inscrit dans la recherche d’une continuité généalogique, dont l’hoirie est la trace sinon l’expression. On hérite de convictions religieuses dans la réception d’un patrimoine qui en matérialise la passation. Avec la terre, on se transmet les valeurs qui ont pu s’y attacher : « Je suis né — écrit Montaigne — et nourri aux champs et parmi le labourage ; j’ai des affaires et du mesnage en main depuis que ceux qui me devançaient en la possession des biens que je jouis, m’ont quitté leur place »3. C’est la terre qui fait l’homme dans la constitution du patrimoine. Rappelons les étapes de cette gestation patrimoniale. En 1477, Ramond Eyquem, bisaïeul de Michel, s’étant enrichi à Libourne dans le négoce des vins, achète maison-forte du XIVe siècle et terre noble de Montaigne, en quête d’un établissement. À sa mort, il transmet son bien à son fils, Grimon, qui a continué l’activité commerciale de son père, tout en assurant la transmission du patrimoine à son aîné Pierre. Celui-ci, au retour des guerres d’Italie, s’y installe à demeure, aménageant le château, redessinant le parc, vivant en gentilhomme. 1
M. de MONTAIGNE, Les Essais, Pierre Villey, ed., 3 vol., Quadrige, Paris, 1992, II, 12, 439-
440. 2 3
M. de MONTAIGNE, Les Essais, II, 12, 440. M. de MONTAIGNE, Les Essais, II, 17, 452.
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C’est ainsi que le 28 février 1533, naîtra, « aux champs et parmi le labourage » Michel de Montaigne, le premier de sa lignée à porter ce nom. Il suffit de trois générations pour effacer le nom d’Eyquem et oublier « la trafique et la mercadence » de nos commerçants libournais, permettant ainsi à l’enfant issu de ce noble terroir de signer « Michel de Montaigne ». C’est sans doute ce que veut dire « bâtir Montaigne »4. La paternité s’y exerce, la filiation s’y éprouve. Mon père aimait à bâtir Montaigne où il était né, et en toute cette police d’affaires domestiques, j’aime à me servir de son exemple et de ses règles et y attacherai mes successeurs autant que je pourrai. Si je pouvais mieux pour lui, je le ferais. Je me glorifie que sa volonté s’exerce encore et agisse par moi. Jà, à Dieu ne plaise que je laisse faillir entre mes mains aucune image de vie que je puisse rendre à un si bon père. Ce que je me suis mêlé d’achever quelque vieux pan de mur et de ranger quelque pièce de bâtiment mal dolé, ça été certes plus regardant à son intention qu’à mon contentement5.
Le père reste l’icône, le modèle, un gage de pérennité si l’on sait l’imiter ; il continue à agir par son fils, qui déplore de n’avoir pas d’héritier mâle, ce qui fait de lui « le dernier possesseur de sa race », obligé d’autant plus envers sa terre qu’il ne peut se remettre à nul autre de son service, car seule la filiation est promesse d’éternité. Le domaine a besoin pour le gérer d’un « mesnager ». Le mot apparaît au XIVe siècle pour désigner une nouvelle catégorie sociale. Auparavant les terres, nobles ou ecclésiastiques, étaient des « tenures » administrées par des tenanciers, dépendant directement du maître du domaine. Désormais le nouage s’effectue directement avec la terre elle-même. « Mesnage » vient de « maisnie » qui veut dire « famille », mais aussi « maison », du latin « manere » qui signifie « demeurer ». Avec le « mesnager », on passe d’une structure féodale à une structure patriarcale. Ce lien organique consacre le père de famille et confère à la filiation une indéniable sacralité. Voilà qui contraste avec l’image de nomade que nous offre Pascal, véritable S.D.F. de la République des lettres. Certes la piété envers le père est chez lui aussi vive que chez Montaigne, mais la symbolique qui l’entoure est tout à fait différente. Sans doute, la mort d’Antoinette Begon, alors que Blaise n’a encore que trois ans, rend Étienne particulièrement attentif à ses enfants, qu’il entoure d’une vigilante affection, mais quittant l’Auvergne pour Paris dès 1631, il ne cherche pas à s’y installer. On le voit, toujours en condition précaire de locataire, successivement rue des Juifs (1631), rue de la Tixanderie (1632), rue neuve Saint-Lambert (1634), rue Brisemiche (1635). Puis c’est, de 1640 à 1648, le séjour à Rouen, où la confiance du chancelier Séguier le met en charge de la perception de l’impôt pour la Basse-Normandie, seule période de relative 4 5
M. de MONTAIGNE, Les Essais, III, 9, 951. M. de MONTAIGNE, Les Essais, III, 9, 951.
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stabilité. Le 1er octobre 1648, la famille est de retour à Paris rue de Touraine, mais c’est pour repartir en Auvergne dès 1649. En 1650, le retour à Paris est suivi, à quelques mois, par la mort d’Étienne le 24 septembre 1651. Blaise s’installe le 25 décembre dans un logis plus modeste, rue Beaubourg. Les dix ans qui lui restent à vivre verront Blaise tout aussi instable que son père, puisqu’il déménage rue des Francs Bourgeois Saint-Michel, puis rue des Fossés de la Porte Saint-Marceau, tout en multipliant ses déplacements en province, à Vaumuriers chez le duc de Luynes, à Oiron chez le duc de Roannez ou encore à Port-Royal des Champs. Pascal manifestement se dépayse, cherchant une manière authentique de résider, d’habiter sans habitude, au prix d’un perpétuel dépouillement. Un mot de Gilberte dans la Vie de son frère est révélateur à ce propos : Il avait trente ans quand il résolut de quitter les nouveaux engagements qu’il avait dans le monde, il commença à changer le quartier et, pour rompre davantage toutes ses habitudes, il alla à la campagne, d’où étant de retour, après une retraite considérable, il témoigna si bien qu’il voulait quitter le monde que le monde enfin le quitta6.
En fait, il n’avait pas attendu l’âge de trente ans pour pratiquer ce détachement, dénouant toutes les attaches temporelles, pour ne s’attacher qu’à Dieu. Comment expliquer une volonté de dépaysement poussée à cette extrémité ? Coutumes, costumes, telle est la livrée de notre servitude, l’indice de ce qui nous attache au monde. « On ne veut pas que j’honore un homme vêtu de brocatelle… Et quoi ! Il me donnera des étrivières, si je ne le salue. Cet habit est une force » (Lafuma, 89). Être brave n’est pas trop vain, car c’est montrer qu’un grand nombre de gens travaillent pour soi. C’est montrer par ses cheveux qu’on a un valet de chambre, un parfumeur, etc., par son rabat, le fil, le passement, etc. Or ce n’est pas une simple superficie, ni un simple harnais d’avoir plusieurs bras (95).
La critique des « grandeurs d’établissement » en connaît l’ambiguïté : celles-ci nous asservissent plus qu’elles ne nous affranchissent. Le vêtement, qui traduit notre condition, finit par nous coller à la peau : ce sont toutes les habitudes que notre nature a revêtues, au point d’en être devenue méconnaissable. La critique de l’idée de nature se veut radicale, quand l’assimilation de la nature à la coutume réduit l’essentiel au contingent et le prive de son aptitude à fonder : « La coutume est une seconde nature qui détruit la première » (126). Et c’est là que le questionnement de Pascal devient insidieux : « J’ai grand peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume » (126). Ce qui est désormais en question, c’est notre nature elle-même, notre naissance, notre origine, « le nœud de notre condition » (131). En quel abîme ce 6
B. PASCAL, Œuvres complètes, Lafuma, ed., L’intégrale, Paris 1963, I, 613.
La filiation selon Montaigne et Pascal
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« nœud » prend-il « ses replis et ses tours » ? Qui démêlera cet embrouillement ? Par quel « mystère » la naissance qui aurait dû nous ennoblir, comme elle le fait chez Montaigne, nous peut-elle abaisser ? Ce mystère est celui du péché d’origine et de sa transmission. « La vraie nature (de l’homme) étant perdue, tout devient sa nature, comme le véritable bien étant perdu, tout devient son véritable bien » (397). Cette plasticité infinie a de quoi nous inquiéter, car c’est tant l’origine que la fin qui se donne à nous de façon fantasmatique. Fils de roi, promis à quelle destinée ? se demandera mon ami Michel Henry. Toujours en mal de compensation, l’imagination travaille, simple aveu d’une ignorance et d’un défaut. Pourtant le destin frappe le philosophe comme l’homme ordinaire. Blaise perd son père et, en cette occasion, écrit à sa sœur Gilberte et à son beau-frère une longue lettre le 17 octobre 1651. Au témoignage de la « nature » qui, en de telles circonstances, nous accable, il convient d’opposer celui de la « vérité », remontant jusqu’à l’« origine », « l’unique et véritable cause », la providence de Dieu. « La mort est une peine du péché […] Par l’anéantissement de la vie, la créature rend à Dieu tout l’hommage dont elle est capable »7. Ce recours direct à la « source » est la seule consolation possible en une telle « affliction » ; l’amour pour le père disparu n’en est que plus vivant, quand il se ressource à son principe et modèle : Je prie Dieu de former et maintenir en nous ces sentiments, et de continuer ceux qu’il me semble qu’il me donne, d’avoir pour vous et pour ma sœur plus de tendresse que jamais ; car il me semble que l’amour que nous avions pour mon père ne doit pas être perdu, et que nous en devons faire une refusion sur nous-mêmes, et que nous devons principalement hériter de l’affection qu’il nous portait, pour nous aimer encore plus cordialement s’il est possible8.
L’amour du Père, dans son effusion comme dans son retour, c’est l’amour de Dieu. La mort l’aura sublimé, au point de le faire passer de l’idole à l’icône. La notion de filiation, associant les relations d’origine, de dépendance et d’appartenance, trouve sa pleine expression dans la personne de Jésus. Dans et par Jésus, c’est l’humanité tout entière qui est rapportée au Père et ce sont tous les lignages charnels qui sont sanctifiés par cette filiation. La relation au Père, c’est Jésus qui la noue de manière exemplaire. Ainsi tout homme, parce qu’il est « né d’en haut — anôthen gennêthênai — de l’esprit non de la chair », comme le dit le Christ à Nicodème (Jn 3,1-21), trouve son origine en Dieu. Montaigne l’a su montrer à travers la nature et Pascal par la grâce. De cette noblesse du chrétien, l’un et l’autre se réclament. Alors peu importe le nihilisme du siècle, à nous qui savons d’où nous venons.
7 8
B. PASCAL, Œuvres complètes, II, 853-854. B. PASCAL, Œuvres complètes, II, 861-862.
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Pierre MAGNARD
Dieu a engendré Dieu La Lumière a engendré la Lumière C’est donc de Lui que découle toute paternité Au ciel et sur la terre
(dernières paroles de saint Bruno)
104, rue Lecourbe 75015 Paris (France) [email protected]
Pierre MAGNARD
RÉSUMÉ
Face à une culture qui tend à couper l’individu de ses liens de filiation, l’auteur opère un parallèle entre Montaigne et Pascal quant au rôle tenu par leur père dans leur éducation avec même attention à la formation intellectuelle et morale de leur enfant que l’un et l’autre suivirent tout au long de son développeut-êtrement. Reliant de brèves notes biographiques sur ces relations père-fils à l’authentique filiation dont Jésus est la parfaite expression, il conclut que Montaigne et Pascal ont su montrer, l’un à travers la nature et l’autre par la grâce, que l’homme trouve son origine en Dieu. Mots-clés : Montaigne, Pascal, Filiation, Paternité divine
ABSTRACT
In a culture that tends to cut the individual from his ties of descent, the author draws a parallel between Montaigne and Pascal as to the role held by their father in their education with equal attention to the intellectual and moral training of their child that both followed throughout his development. Relating some biographical notes on these father-son relationships to the authentic filiation of which Jesus is the perfect expression, he concludes that Montaigne and Pascal were able to show, one through nature and the other through grace, that the man finds his origin in God. Keywords : Montaigne, Pascal, Filiation, Divine Paternity
Laurent SUSINI
Sacrifices du fils, sacrifices du père Le Télémaque de Fénelon
Tout au long des Aventures de Télémaque, à plus de soixante reprises, le jeune héros en quête de son père ne cesse d’être désigné par l’expression définie de « fils d’Ulysse », que ce soit par le narrateur, par les personnages, ou, à l’occasion par lui-même ; et ce qui se veut en la circonstance prudent relai d’identification ne vaut pas moins principe narratif (le roman ne se justifie que parce qu’Ulysse est bien le père de Télémaque) que vecteur d’édification. Ne cesser de définir Télémaque par son illustre ascendance, en effet, c’est tout d’abord faciliter au jeune lecteur de ses aventures, en l’occurrence le duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV dont Fénelon était le précepteur, la tâche de se reconnaître en le bouillant ithacien, et de s’approprier — le XVIIe siècle eût dit : de s’appliquer — les diverses leçons adressées au héros, comme lui promis à régner. Et ce faisant, c’est donc aussi marquer son attention à instruire et à observer une double prudence : prudence du retour sur soi requise par toute sage délibération, et dont le fils d’Ulysse médiatise l’apprentissage, souvent douloureux, à l’intention du futur dauphin ; prudence du miroir romanesque, ne renvoyant qu’obliquement, c’est-à-dire par le biais de son double fictionnel, son vrai reflet à son lecteur, de manière à ménager son amour-propre sans rien lui dérober pourtant des vérités et des admonitions qui l’intéressent1. Mais le fait est que ce jeu de miroirs entre personnage et lecteur dont participe, en son ordre, la récurrence de l’expression « le fils d’Ulysse » ne saurait en occulter un autre tout aussi essentiel à l’économie du roman. Car être, de toute manière, le fils d’Ulysse (comme le petit-fils de Louis XIV), c’est déjà, par avance, se voir soumis soi-même, plus que tout autre fils peut-être, aux injonctions d’une image et, plus avant, d’un modèle, dont il importe de ne pas démériter. Et dès le livre I, la nature des reproches adressés par Mentor est, à ce titre, exemplaire : « Est-ce donc là, ô Télémaque, les pensées qui doivent occuper le cœur du fils d’Ulysse? Songez plutôt à soutenir la réputation de votre père [...]. Soyez donc le digne fils d’Ulysse.2 » Ordres et reproches constamment répétés et dont la répétition n’est, du reste, pas sans fruit, tant le jeune Télémaque, fût-ce d’abord sur le mode du clivage le plus caractérisé, finit par 1 Voir B. PAPASOGLI, « Les mystères du miroir », dans ID., Le Sourire de Mentor, Paris 2017, 195-211. 2 Les Aventures de Télémaque, I, dans FÉNELON, Œuvres, J. Le Brun, ed., Bibliothèque de la Pléiade, Paris 1983-1997, II, 6.10 (désormais: Télémaque, I, 6.10).
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faire sienne leur matière. « Hélas! », gémit-il par exemple, tout au regret d’avoir impudemment provoqué un soldat. « Suis-je le fils d’Ulysse, le plus sage et le plus patient des hommes ? Suis-je venu porter la division et le désordre dans l’armée des alliés ? »3 Comme l’a montré F.-X. Cuche, « [l]’idée de père » dans le roman de Fénelon « renvoie […] moins à la génération physique qu’à l’établissement d’un modèle moral »4 expressément destiné à l’imitation des fils — autant dire, moins à l’attachement de liens biologiques, qu’à la nécessaire intériorisation d’impératifs catégoriques. Et c’est en quoi, d’ailleurs, ce « récit de la piété filiale5 » qu’est le Télémaque parvient si étroitement à conjoindre ses projets narratifs et éducatifs. Car être le fils d’Ulysse, c’est-à-dire, être voué à la poursuite de son père, c’est littéralement — selon le sens que lui donne Fénelon à l’adresse du duc de Bourgogne — apprendre à se montrer « digne de marcher sur ses pas »6, avec tout ce que cela suppose de droits, sans doute, mais aussi bien de devoirs et de constants sacrifices. On l’a souvent remarqué, le Télémaque est traversé par un imaginaire insistant de l’adoption. Outre quelques ennemis, la prestigieuse filiation de son héros ne cesse de lui valoir maints pères de substitution, et à défaut du véritable père de chair, toujours cherché, jamais rejoint7, Télémaque multiplie ainsi les pères de cœur, qu’il les reconnaisse comme tels et / ou qu’ils le reconnaissent eux-mêmes pour leur propre fils : Termosiris, Hasaël, Nestor, Philoctète, Arcésius et bien sûr, Idoménée et Mentor, tous s’offrent à Télémaque comme des doubles possibles d’Ulysse, et tous réciproquement, l’invitent donc à devenir un double d’Ulysse à son tour8. Mais la généreuse intensité de cette même « offre » paternelle n’est, semble-til, pas moins essentielle que ce qu’elle se garde de recouvrir tout à fait : hors Mentor, la radicale imperfection des principaux pères proposés à Télémaque, tous perclus — et Ulysse le premier, quoique « modèle des rois de la Grèce » — de « faiblesses » et de « défauts »9 selon le lot commun, certes, mais surtout étrangement prompts à sacrifier leur fils sur les autels de la nécessité ou de la vertu, voire à les amener à se sacrifier d’eux-mêmes sous la pression des circonstances. Et dans le Télémaque, tel est le revers, de fait, que ne cessent d’inviter à penser les motifs de la paternité biologique et symbolique : celui du père infanticide, sur lequel la critique fénelonienne n’a, cessé, depuis une
3
Télémaque, XIII, 214. F.-X. CUCHE, Télémaque entre père et mer, Paris 2009, 192. 5 F.-X. CUCHE, Télémaque entre père et mer, 187. 6 Télémaque, XVIII, 305. 7 Sinon dans la dernière phrase du roman, mais sur un mode bien trop lapidaire pour ne pas suggérer ce qu’a d’ineffable une telle réunion : « il alla éveiller ses compagnons, se hâta de partir, arriva à Ithaque, et reconnut son père chez le fidèle Eumée. » 8 F.-X. CUCHE, « Figures doubles, figures du double dans le Télémaque », dans ID., L’Absolu et le monde. Études sur les écrits du Petit Concile. Bossuet, La Bruyère, Fénelon et leurs amis, Paris 2017, 346. 9 Télémaque, X, 156. 4
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
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vingtaine d’années, de multiplier les approches théologiques, psychanalytiques et anthropologiques10. C’est qu’il n’en va pas seulement de pères aussi dénaturés que le roi Pygmalion, trop jaloux de son pouvoir pour hésiter longtemps à faire exécuter son fils aîné Phadaël, puis à éloigner son cadet Baléazar sur les conseils de son épouse Astarbé. Ni même de figures aussi ambivalentes que celle d’Idoménée, roi de Salente en exil de son royaume crétois, pour avoir inutilement sacrifié son enfant à la suite d’une promesse inconsidérée faite aux dieux. Son successeur lui aussi, le vénérable Aristodème, élogieusement présenté comme « le père de toutes les familles », n’est pas moins connu pour avoir chassé de chez lui un de ses deux fils, faute d’avoir réussi à « le corriger de ses vices11 ». Et le sage Nestor lui-même, incidemment « quitté » par « la sagesse », ne fait pas exception : son imprudence au combat conduit son fils Pisistrate à trouver la mort à sa place, par seul souci de le défendre12. Quant au sage Ulysse, enfin, ses derniers mots à Télémaque avant de partir pour Troie sont dénués d’équivoque, qui lui disent avec complaisance son souhait de le voir mourir « écras[é] »13 par ses ennemis plutôt que manquant un jour à la vertu. Dans la déclinaison d’une pareille obsession pour la figure du « Fils abaissé, voué à la mort, abandonné », et dans l’insistance conjointe sur la « Volonté de mort » que cette « Passion implique [...] dans le Père », faut-il voir avec J. Le Brun, l’expression fénelonienne, consciente ou inconsciente, de cette difficulté entre toutes qui ne saurait se dire ou s’écrire autrement que par le relai du mythe : « l’exécution du Fils comme échec (ou crime) du Père, le consentement de la victime comme ce qui comble le Père »14 ? Le fait est, en tout cas, que, dans le Télémaque, le motif de la filiation semble bien se présenter à Fénelon comme le moyen privilégié de réfléchir la théologie du sacrifice à l’œuvre, en ses accents les plus condréniens15, dans sa spiritualité
10
Voir tout particulièrement H. HILLENAAR, « Inconscient et religion dans Télémaque », dans La Pensée religieuse dans la littérature et la civilisation du XVIIe siècle en France, Papers on French Seventeenth-Century Literature, Tübingen 1984, 323-342 et, du même auteur, Le Secret de Télémaque, Paris 1994 ; P. SELLIER, « Fleurs qui se fânent, fleurs tranchées. Essai sur l’imaginaire des Aventures de Télémaque », dans Essais sur l’imaginaire classique, Paris 2005, 329-344 ; J. LE BRUN, « Fénelon. Un fils est tué », dans ID., La Jouissance et le trouble. Recherches sur la littérature chrétienne à l’âge classique, Genève 2004, 513-531 ; et, du même auteur, « Idoménée et le meurtre du fils. Le trompe l’œil de l’utopie », dans D. LEDUC-LAFAYETTE, ed., Fénelon. Philosophie et spiritualité, Genève 1996, 77-93. 11 Télémaque, V, 74. 12 Télémaque, XV, 269. 13 Télémaque, III, 31. 14 J. LE BRUN, « Fénelon. Un fils est tué » (cf. nt. 10), 526 ; du même auteur, « Idoménée et le meurtre du fils. Le trompe l’œil de l’utopie », dans Fénelon. Philosophie et spiritualité, D. LeducLafayette, ed., Genève 1996, 77-93. 15 Voir P. SELLIER, « Colorations oratoriennes », dans Port-Royal et la littérature. Pascal, [1999], Paris 2010, 561-587.
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du retranchement comme dans sa mystique du pur amour16. Et aussi bien la récurrence narrative des sacrifices filiaux y invite-t-elle plus généralement à méditer, par le biais de la fiction, la radicalité de l’appel spirituel, réverbéré par toute l’œuvre de Fénelon, à sacrifier à Dieu « ce qu’on a de plus cher, ses attaches les plus profondes, soi-même, son propre cœur »17. D’un point de vue de père, les fils du Télémaque paraissent incarner, en un mot, les figures insoutenables de cette amor sui vouée au retranchement et de ce moi appelé à mourir à soi. Laquelle figuration, bien sûr, ne manque pas de trouver, du point de vue des fils, sa stricte réciproque dans les figures du père. Car rien de plus crucial, pour Télémaque aussi — c’est même le sens et l’ultime grande épreuve du roman — que d’apprendre à vivre dans le constant arrachement à Ulysse comme à tous ceux qui se proposent de suppléer sa présence. C’est ce que lui rappelle Mentor, avant de le quitter à son tour : « Les plus sages leçons d’Ulysse ne vous seront pas aussi utiles que sa longue absence et que les peines que vous souffrez en le cherchant »18. On ne saurait mieux dire, par là même, la réversibilité de ce qui se joue entre le père et le fils. Sacrifié par son père, Télémaque doit en retour se résoudre à ce sacrifice, c’est-à-dire en somme au deuil, non du Père, mais du désir du Père, dans la consommation d’une oblation parfaite, et d’autant plus féconde, de sa volonté. Comme le note très justement B. Papasogli, [d]ans les représentations de la vie spirituelle, le fils sacrifié s’intériorise ; dans la scène de la psychologie fénelonienne, le meurtre mystérieux porte sur le « moi », qui assume ainsi, et consume, sa propre violence19.
Et c’est ce dont le livre XVII, l’avant-dernier du roman, propose, semble-t-il, l’illustration la plus décisive. De retour à Salente, où l’attendent Mentor et Idoménée, Télémaque doit alors arbitrer entre trois pères : son père biologique, Ulysse, qu’il est appelé à rejoindre à Ithaque ; son père d’adoption, Idoménée, qui ne songe qu’à le retenir à Salente ; et son père spirituel, Mentor — en réalité Minerve, la Sagesse ellemême — dont il ne saurait se résoudre à être séparé. Tout l’enjeu du livre XVII est de l’amener à rompre la deuxième attache (les deux autres suivront à un moindre degré), et à trancher dans le vif de ce qui le lie à la figure paternelle d’Idoménée — du désir d’épouser sa fille Antiope, à la tentation de lui succéder au trône de Salente, sans même compter la chaîne plus résistante de toutes, la crainte de l’affliger en lui signifiant son départ pour Ithaque. 16
Voir notamment sur ce point J.-L. GORÉ, « Un aspect de l’éthique fénelonienne : l’anéantissement du moi », XVIIe Siècle 12-14 (1951-1952) 254-268 ; B. PAPASOGLI, « Un Dieu chirurgien », dans Le Sourire de Mentor (cf. nt. 1), 79-95 ; et J. LE BRUN, Le pur amour de Platon à Lacan, Paris 2002, 117-212. 17 « Un Dieu chirurgien ? », dans Le Sourire de Mentor (cf. nt. 1), 92. 18 Télémaque, XVIII, 323. 19 Télémaque, XVIII, 323.
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
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Ce motif du lien, moins défait qu’à rompre, n’a rien d’indifférent. « Si notre chair était saine », soulignent les Lettres et opuscules de Fénelon, « le chirurgien n’y ferait aucune incision. » Et de préciser aussitôt : « Est-ce cruauté au chirurgien de couper jusqu’au vif ? Non, tout au contraire, c’est affection, c’est habilité ; il traiterait ainsi son fils unique. »20 L’intensité du mal, en somme, n’est jamais proportion que du nombre et de la solidité des liens de servitude qu’elle engage à trancher — où l’on verra, pour l’essentiel, le principe directeur de la morale, de la pédagogie spirituelle et, sans doute, de l’appel à la liberté dispensés par le Télémaque. Réformant Salente, Mentor, « [s]emblable à un habile jardinier, qui retranche dans ses arbres fruitiers le bois inutile », tâche de « retrancher le faste inutile qui corrompait [s]es mœurs »21. Fort de cet exemple, aux yeux d’Idoménée « attachés » sur son fils d’adoption, à ses diverses tentatives de le « retenir » en l’« arrêtant par [des] lien[s] plus fort[s] »22 (tel, par exemple, cette « passion tyrannique » qui l’« avait autrefois captivé dans l’île de Calypso »23), Télémaque est appelé à répondre à son tour par un double retranchement en forme de sacrifice, et du père et du moi — du père donc du moi. Car d’affranchissement en affranchissement, la morale est transparente : renoncer au père (ici symbolique), c’est, plus profondément, renoncer aux différentes formes de l’amor sui, sur le mode d’une liberté conquise à force de mort à soi et de ruptures de tout lien — autant dire étymologiquement, sur le mode du salut. De cette libération dans le sacrifice, la fin du livre XVII propose une image exemplaire, et, plus avant, une feuille de route destinée à être suivie plus tard par son jeune lecteur, quand l’occasion s’en présentera. Écartelé entre les appels antinomiques d’Ithaque et de Salente, du devoir et du désir, Télémaque a trop tergiversé. Après avoir essuyé les reproches et l’ironie de Mentor (« Est-ce donc là [...] ce fils du sage Ulysse [...] ? Il n’ose dire à Idoménée qu’il ne peut plus retarder son retour dans sa patrie pour revoir son père ! »24), le voilà confronté aux propos insinuants d’un Idoménée jouant son va-tout pour le garder à ses côtés, tirant parti de ses pires craintes (« Votre père n’est plus [...]. Ithaque est en proie à vos ennemis ; ils vous feront périr ») et associant aux voix de la concupiscence (« Demeurez ici : vous serez mon gendre et mon héritier ; vous régnerez après moi ») celles du chantage affectif le plus éhonté (« du moins laissez-moi Mentor, qui est toute ma ressource. [...] n’endurcissez pas votre cœur : ayez pitié du plus malheureux de tous les hommes »25). Triomphant alors de cette « mauvaise honte » qui le « domin[ait] » et l’exposait à « sacrifie[r] les 20
Lettres et opuscules spirituels, XXI, Œuvres (cf. nt. 2), I, 651. Télémaque, X, 161. Cf. : « Mentor retrancha ensuite la musique molle et efféminée […]. / Il retrancha un nombre prodigieux de marchands… » (ibid., 162-163) et « nous retranchons tous les arts qui fournissent le superflu » (ibid., 167). 22 Télémaque, XVII, 302. 23 Télémaque, XVII, 302 ; nous soulignons. 24 Télémaque, XVII, 306. 25 Télémaque, XVII, 307. 21
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plus grands intérêts à ses faiblesses sur les plus petites choses »26, Télémaque en vient enfin à présenter, à l’édification du duc de Bourgogne, un modèle de ce « courage dans les affaires » et dans les « occasions communes »27 sans lequel il ne saurait y avoir de grand roi, et scelle son affranchissement en répondant ainsi à la figure paternelle incarnée par Idoménée, d’une voix d’abord « troublée et timide » puis de plus en « plus forte » : Je ne suis point à moi ; les destinées me rappellent dans ma patrie. Mentor, qui a la sagesse des dieux, m’ordonne en leur nom de partir. Que voulez-vous que je fasse ? Renoncerai-je à mon père, à ma mère, à ma patrie, qui me doit être encore plus chère qu’eux ? Étant né pour être roi, je ne suis pas destiné à une vie douce et tranquille, ni à suivre mes inclinations. Votre royaume est plus riche et plus puissant que celui de mon père : mais je dois préférer ce que les dieux me destinent à ce que vous avez la bonté de m’offrir. Je me croirais heureux, si j’avais Antiope pour épouse, sans espérance de votre royaume; mais, pour m’en rendre digne, il faut que j’aille où mes devoirs m’appellent et que ce soit mon père qui vous la demande pour moi. Ne m’avez-vous pas promis de me renvoyer à Ithaque ? N’est-ce pas sur cette promesse que j’ai combattu pour vous contre Adraste avec les alliés ? Il est temps que je songe à réparer mes malheurs domestiques. Les dieux, qui m’ont donné à Mentor, ont aussi donné Mentor au fils d’Ulysse pour lui faire remplir ses destinées. Voulez-vous que je perde Mentor, après avoir perdu tout le reste ? Je n’ai plus ni biens, ni retraite, ni père, ni mère, ni patrie assurée; il ne me reste qu’un homme sage et vertueux, qui est le plus précieux don de Jupiter : jugez vous-même si je puis y renoncer et consentir qu’il m’abandonne. Non, je mourrais plutôt. Arrachez-moi la vie; la vie n’est rien : mais ne m’arrachez pas Mentor28.
Cette longue réponse mérite à trois titres au moins de retenir l’attention. – D’abord à un niveau narratif, pour ce qu’elle dit de la progression de Télémaque dans la vertu, à tous les sens, païen et chrétien, qu’on veuille bien donner à ce terme ; et, ce faisant, pour ce qu’elle dit donc aussi de l’image du roi idéal proposée à l’imitation du futur dauphin. – Ensuite, à un niveau discursif, pour la sûreté de ses ancrages rhétoriques, à la croisée de l’éloquence délibérative (consentez à mon départ) et du genre de la consolatio (faites le deuil de notre présence) qui en est une des inflexions possibles, avec ce qu’un tel croisement implique en l’occurrence de fermeté et de ménagement de l’allocutaire. Car, le fait est remarquable, le modèle de discours ici proposé suit, pour l’essentiel, le protocole rappelé par Vossius afin de consoler « les âmes faibles »29 : manifester dans un premier temps qu’on aurait soi-même besoin de consolation en produisant les raisons de sa propre affliction (« je ne suis plus à moi », etc.) ; faire valoir que cette affliction est d’ailleurs 26
Télémaque, XVII, 306. Télémaque, XVII, 307. 28 Télémaque, XVII, 307-308. 29 Rhetorices contractae (1621), II, 24, § 11-19, C. NOILLE, ed., dans Exercices de rhétorique, n° 9, 2017. (URL : http://journals.openedition.org/rhetorique/534#bodyftn46) 27
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
331
celle de tous les gens de bien partageant la même condition (« Étant né pour être roi, je ne suis pas destiné à une vie douce et tranquille ») ; puis tâcher dans un troisième temps d’apaiser la douleur de l’allocutaire, en argumentant ici par les diverses déclinaisons du lieu de l’honorable (soumission à la Providence : « Mentor, qui a la sagesse des dieux, m’ordonne en leur nom de partir » ; et soumission à la conscience : « il faut que j’aille où mes devoirs m’appellent »). En ce sens, la réponse de Télémaque peut se lire aussi comme une forme de petit bréviaire rhétorique, et comme une application par l’exemple de modèles discursifs éprouvés, destinés, sous couvert de fiction, à la formation oratoire, et donc politique, de son jeune lecteur appelé à la succession de son grand-père. – Enfin, pour sa manière d’articuler deux traditions rhétoriques et, par là même, deux Antiquités, dans l’espace d’un même discours. Les premiers critiques du Télémaque s’étaient souvent indignés que, prétendant former un roi chrétien, le roman ne semblât jamais sortir de son cadre mythologique, et, plutôt que les lumières de la Révélation, ne s’employât qu’à « peindre les faux Dieux des Païens, à décrire la beauté et les agréments de Vénus et ses harangues à Jupiter, à Neptune et à Cupidon »30. Or, d’un point de vue rhétorique, la réplique de Télémaque à Idoménée manifeste justement tout le contraire. Loin de substituer l’un à l’autre, Fénelon s’y montre étonnamment appliqué à conjoindre les deux héritages gréco-romain et sémitique et à suivre très précisément les procédures de la rhétorique latine, certes, mais en les informant par les modes de disposition à l’œuvre dans la rhétorique biblique. Et contre toute attente peut-être, le fait est que la structure mise au jour par la récriture de la réplique s’avère in fine suffisamment ferme, suggestive et mystérieuse à la fois pour ouvrir et relancer de manière sensible son interprétation. La composition de cette réplique invite en effet à y reconnaître une séquence constituée de trois parties, P1, P2 et P3.
30
Pierre Valentin FAYDIT, La Télémacomanie ou la censure et critique du roman intitulé Les Aventures de Télémaque d’Ulysse ou suite du quatrième livre de l’Odyssée d’Homère, Eleutérople, Pierre Philalèthe, 1700, 50.
332
Laurent SUSINI
COMPOSITION DE P1 Les limites de P1 sont tout particulièrement soulignées par le parallélisme de ses segments extrêmes : « pour moi » et « m’appellent » dans son dernier segment répondent à « à moi » et « me rappellent » dans son premier segment. Je ne suis point les destinées
à MOI ; ME RAPPELLENT
dans ma patrie.
Mentor,
qui
a la sagesse
des DIEUX,
/̓14&100'
en leur nom de partir. ············································································································ Que voulez-vous que je fasse? Renoncerai-je à mon PÈRE, à ma mère,
qui me &1+6 être encore plus chère à ma patrie, ············································································································ POUR être ROI, Étant né je ne suis pas destiné à une vie douce et tranquille, ni à suivre mes inclinations.
Votre ROYAUME
est plus riche
que celui
de mon PÈRE:
mais
je &1+5 préférer
qu’eux?
et plus puissant
ce que les DIEUX me destinent à ce que vous avez la bonté de m’offrir. ············································································································ Je me croirais heureux, POUR épouse, Si j’avais Antiope sans espérance de votre ROYAUME; m’en rendre
digne,
mais,
POUR
+.(#76
que j’aille
où
mes &'81+45
M’APPELLENT
et que ce soit
mon PÈRE
qui
vous la demande
POUR
MOI
Plus précisément, la partie en elle-même apparaît constituée de deux sousparties parallèles, SP1 et SP2 : – SP1 est composée de trois morceaux centrés sur une double question (« Que voulez-vous que je fasse ? Renoncerai-je à mon père, à ma mère, à ma patrie, qui me doit être encore plus chère qu’eux ? »). Le parallélisme des morceaux encadrants est marqué par les jeux croisés de la dérivation (« destinées » / « pas destiné ») et de la presque anaphore (« je ne suis point » / » je ne suis pas »). La conjonction des champs sémantiques de l’obligation (« ordonne », « me doit ») et de la famille au sens large (« ma patrie », « mon père », « ma mère ») assure, quant à elle, le lien entre le premier et le deuxième morceau.
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
333
– SP2 est constitué de deux morceaux parallèles constitués, pour chacun d’entre eux, de deux segments réglés par des mouvements antithétiques (vous m’offrez X, mais je dois faire Y). « Royaume » est commun aux premiers segments de ces morceaux, la dérivation « dois » / « devoirs » et la récurrence du « mais » initial font le lien entre leurs deuxièmes segments, et la répétition de « mon père » assure le parallélisme des segments extrêmes de la sous-partie. – Le parallélisme de SP1 et SP2 est enfin marqué, comme on a vu, par celui du premier segment de SP1 et du dernier segment SP2, mais aussi, d’une souspartie à l’autre, par la récurrence des tours comparatifs opposant territoire et famille (« ma patrie qui me doit être plus chère [que mon père et ma mère] » / « votre royaume est plus riche et plus puissant que celui de mon père »), et par la conjonction de figures de répétition (« dieux » / » dieux », « mon père » / « mon père »), de dérivation (« roi » / » royaume ») et de polyptote (« je ne suis pas destiné » / » me destinent », « me doit » / « je dois »). Que retenir d’une telle structure ? Significativement, SP1 insiste sur l’attraction de la « patrie » de Télémaque (le terme est répété deux fois), et marque plus avant la triple dépendance du fils d’Ulysse vis-à-vis d’un devoir et d’une nécessité déclinés sous les formes du fatum, des liens familiaux et de l’ordre formulé par Mentor. SP2, quant à lui, insiste sur l’attraction du « royaume » d’Idoménée (le terme est répété deux fois), et marque plus précisément la résistance de Télémaque aux deux tentations auxquelles le soumet le roi de Salente, en soulignant le triomphe de sa vertu sur sa libido dominandi (aiguillonnée par l’offre de la succession) et sur sa libido sentiendi (aiguillonnée par l’offre de la main d’Antiope). En somme, il semblerait ainsi que P1 s’articule autour d’une double tension : celle de l’ici (Salente) et du là-bas (Ithaque), superposée à celle du vôtre et du mien, de l’autre (« votre royaume ») et du propre (« ma patrie »). À travers l’opposition du « royaume » et de la « patrie » — celle du père d’adoption et du vrai père —, paraît dès lors se donner à penser l’opposition plus générale entre deux régimes de la volonté, hétéronome dans le premier cas (céder à l’appel de « votre royaume » est répondre à une sollicitation extrinsèque, en contradiction avec ce pour quoi je suis né), autonome dans le second (en quoi consiste la définition de la véritable liberté).
334
Laurent SUSINI
COMPOSITION DE P2 La deuxième partie, beaucoup plus courte, prend la forme d’un seul morceau de trois segments. Ne m’avez-vous pas PROMIS
de me renvoyer
N’est-ce pas Adraste
sur cette PROMESSE que j’ai combattu avec les alliés?
CONTRE
Il est temps que je songe
à Ithaque?
à réparer
POUR
vous
mes malheurs
domestiques.
Les segments extrêmes se font écho, à travers la relation paraphrastique de « domestiques » à « Ithaque » ; et la dérivation « promis » / « promesse » assure, quant à elle, le lien entre le premier et le deuxième segment. À un niveau plus thématique, le segment central, rappelant les intérêts d’Idoménée (gagner la guerre contre Adraste), se voit encadré par deux segments parallèles, rappelant, quant à eux, les intérêts de Télémaque (rejoindre sa patrie). Et les deux premiers segments s’opposent par ailleurs au troisième, non seulement par leurs modalités d’énonciation (interrogative / assertive), mais aussi par la dimension aspectuelle de leurs verbes principaux (accompli du présent : « ne m’avez-vous pas promis », « j’ai combattu » / présent : « Il est temps que je songe »). Par la complexité des liens qu’elle noue entre les trois segments, la concurrence de ces deux principes d’organisation, concentrique et parallèle, semble ainsi réfléchir, en termes structurels, la dépendance mutuelle des intérêts de Télémaque et d’Idoménée, mais aussi bien celle de leur passé et de leur présent communs. Et tel est bien, pour une grande part, le sens de cette promesse conditionnelle, à valeur de contrat, au respect de laquelle se trouve suspendu le possible départ de Télémaque. Plus qu’un droit inaliénable, c’est une parole donnée qui fonde et légitime son appel à la liberté.
COMPOSITION DE P3 Sur fond de ruine générale, P3 marque, par contraste, la résistance et le caractère inaliénable de ce que donnent les dieux. Focalisée sur la question de l’impossible renoncement à Mentor, elle se compose de trois morceaux réglés par une organisation concentrique. Chaque morceau est construit de la même manière : le ou les premiers segments en sont centrés sur la personne du locuteur (« m’ont donné », « je n’ai plus », « il ne me reste », « je mourrais ») ; et le dernier prend à partie l’interlocuteur de Télémaque (« voulez-vous que », « jugez vous-même si », « arrachez-moi »).
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon qui M’ONT DONNÉ
Les DIEUX, ont aussi pour lui faire remplir
ses destinées.
Voulez-vous après
que je PERDE avoir PERDU
DONNÉ
à Mentor, Mentor
au fils d’Ulysse
Mentor, tout
le RESTE?
335
·····················································································································
Je n’ai plus
ni biens,
ni père, ni patrie
ni mère, assurée;
ni retraite,
il ne me RESTE qui
qu’un homme est
sage le plus précieux
DON
de JUPITER:
Jugez et consentir
vous-même
si
je puis
y renoncer
quʼil mʼabandonne.
et vertueux,
·····················································································································
Non, je mourrais
ARRACHEZ-MOI
la vie mais
plutôt. la vie; n’est rien : NE M’ARRACHEZ PAS
Mentor.
Cependant, les morceaux encadrants se répondent plus particulièrement. Composés l’un et l’autre de deux segments, ils sont également parcourus par le nom de « Mentor », qui, absent du seul morceau central, referme les premier et dernier membres de la partie. De même, à l’opposition donner / perdre qui règle le premier morceau, le dernier répond par l’opposition vivre / mourir, et inverse « tout le reste » en « rien ». Le deuxième morceau, quant à lui, met en scène l’antithèse de la ruine et du reliquat. Un même usage de l’impératif l’unit au troisième morceau (« jugez » / « arrachez »), et l’alliance de la dérivation (« tout le reste » / « il ne me reste » ; « donné » / « don »), du recours à l’interrogation (directe : « voulez-vous que... » / indirecte : « jugez vous-même si… ») et de la commune référence aux dieux (« les dieux » / « Jupiter ») marque son lien avec le premier. À quoi s’ajoute la longue périphrase occupant son segment central (« un homme sage et vertueux qui… »), où se voit développé le contenu du nom propre31 « Mentor » répété dans les morceaux cadres. En elle-même, l’organisation de la partie paraît exemplaire d’une rhétorique de l’émotion appelant, en tout dernier recours, la réaction et le changement souhaités d’Idoménée. Les antithèses perdre / gagner, vivre / mourir, tout / 31
« Le contenu d’un nom propre est un ensemble de propriétés attribuées au référent initial de ce nom propre dans un univers de croyance. » (M.-N. GARY-PRIEUR, Grammaire du nom propre, Paris 1994, 51).
336
Laurent SUSINI
rien…, instruisent un effet de pathos que les prises à partie récurrentes de l’interlocuteur entendent reverser en termes d’empathie, et plus précisément de pitié. COMPOSITION DE LA SÉQUENCE La récriture de l’ensemble de la séquence met en évidence une composition clairement concentrique, constituée de trois parties de longueurs fort inégales. Je ne suis point à moi; les DESTINÉES me rappellent dans ma patrie. Mentor, qui a la SAGESSE des DIEUX, m’ordonne en leur nom de partir. Que voulez-vous que je HCUUG? Renoncerai-je à mon PÈRE, À MA MÈRE, À MA PATRIE, qui me doit être encore plus chère qu’eux? Etant né POUR être roi, je ne suis pas DESTINÉ à une VIE douce et tranquille, ni à suivre mes inclinations. Votre royaume est plus riche et plus puissant que celui de mon PÈRE: mais je dois préférer ce que les DIEUX me DESTINENT à ce que vous avez la bonté de m’offrir. Je me croirais heureux, si j’avais Antiope pour épouse, sans espérance de votre royaume; mais, pour m’en rendre digne, il faut que j’aille où mes devoirs m’appellent et que ce soit mon PÈRE qui vous la demande POUR MOI. Ne m’avez-vous pas promis de me renvoyer à Ithaque? N’est-ce pas sur cette promesse que j’ai combattu POUR VOUS contre Adraste avec les alliés ? Il est temps que je songe à réparer mes malheurs domestiques. Les DIEUX, qui m’ont donné à Mentor, ont aussi donné Mentor au fils d’Ulysse POUR lui HCKTG remplir ses DESTINÉES. Voulez-vous que je perde Mentor, après avoir perdu tout le reste? Je n’ai plus ni biens, ni retraite, ni PÈRE, ni MÈRE, ni PATRIE assurée; il ne me reste qu’un homme SAGE et vertueux, qui est le plus précieux don de Jupiter: jugez vous-même si je puis y renoncer et consentir qu’il m’abandonne. Non, je mourrais plutôt. Arrachez-moi LA VIE; LA VIE n’est rien: mais ne m’arrachez pas Mentor.
Ces trois parties sont unies par des liens très sensibles : – Dans la courte deuxième partie, « pour vous » et « mes malheurs » font écho aux « pour moi » et « heureux » de la fin de la première partie, de même que la mention conclusive des « malheurs domestiques » annonce l’énumération négative de la troisième partie (« Je n’ai plus ni biens, ni retraite, ni père, ni mère, ni patrie assurée »). – Les première et troisième parties sont unies, quant à elles, par des liens sont trop nombreux pour être tous listés : répétitions de mots isolés (« Mentor », « destinées », « dieux », « vie »), ou associés par une énumération (« à mon père, à ma mère, à ma patrie » / « ni père, ni mère, ni patrie »), ou marqués par une même modalité interrogative (« que voulez-vous que... » / « voulez-vous que... »), polyptotes (« renoncerai-je » / « renoncer » ; « fasse » / « faire »), dérivation (« sagesse » / « sage »), synonymie (« offrir » / « donner »)...
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
337
COMMENTAIRES Une telle composition appelle plusieurs remarques, et avant tout, peut-être, l’aveu d’une perplexité, doublée d’une réticence : car n’est-il pas bien surprenant de retrouver une structure semble-t-il si réminiscente des patrons de la rhétorique biblique, d’une part sous la plume de Fénelon, et d’autre part dans un texte si manifestement inspiré, comme on a vu, des procédures de la rhétorique latine ? Ne va-t-il, dans ce genre de démonstration, d’une projection passablement hasardeuse, disant plus du lecteur et de ses modes d’approche textuelle, que de l’« essence » supposée du texte lui-même ? Ces questions appellent cependant à leur tour deux réponses d’une égale fermeté. Non, tout d’abord, il n’est sans doute pas étonnant qu’on puisse mettre en évidence de telles structures chez Fénelon — il est même bien plus étonnant qu’on ne les y ait cherchées plus tôt, tant leur découverte semblait, à vrai dire, prévisible. Car, sur ce point au moins, il n’est que de prendre acte des réflexions de Fénelon lui-même sur l’ordre à privilégier dans un discours. Rédigée à la fin de sa vie, la Lettre à l’Académie se prononce sans équivoque en faveur de textes organisés symétriquement autour d’un centre, et offrant de fait « d’un seul coup d’œil l’ouvrage entier, comme on voit de la place publique d’une ville toutes les rues et toutes les portes, quand toutes les rues sont droites, égales et en symétrie »32. Et écrits au début de sa carrière, les Dialogues sur l’éloquence insistent conjointement sur la part de dissimulation engagée, dans l’idéal, par l’art de la dispositio : Il faut [...] un ordre, [...] mais un ordre qui ne soit point promis et découvert dès le commencement du discours. Cicéron dit que le meilleur, presque toujours, est de le cacher33.
D’un écrit rhétorique à l’autre de Fénelon, s’affirment donc deux exigences aussi exclusives des divisions de la scolastique que des chaines de raison promues par Descartes, certes, mais dont l’apparente contradiction (voir « d’un seul coup d’œil l’ouvrage entier », et « cacher » l’ordre suivi) semble surtout appelée à se résoudre sitôt reconsidérée au jour d’une rhétorique biblique unissant dans la singularité d’une même attention à la dispositio exigence de symétrie, tendance au concentrisme et réticence à instruire un parcours linéaire courant vers sa leçon finale. Quant à ce texte en particulier (la réponse de Télémaque à Idoménée), il y a d’autant moins lieu de se défendre d’y reconnaître une disposition « biblique » des matières, que cette disposition fit, de toute évidence, l’objet d’une élaboration des plus concertées par Fénelon. De fait, l’étude génétique de la réplique met clairement en lumière un phénomène décisif : SP2, la seconde sous-partie de P1, ne figurait pas dans le manuscrit de travail original, mais fit toute entière 32 33
Lettre à l’Académie, IV, dans Œuvres (cf. nt. 1), II, 1151. Dialogues sur l’éloquence, dans Œuvres (cf. nt. 1), I, 51.
338
Laurent SUSINI
l’objet d’un ajout autographe sur la copie mise au propre de ce premier manuscrit34. Or, du point de vue de sa structure, cette sous-partie figure assez clairement la colonne vertébrale de l’extrait. Sans elle, P1 était certes capable de ménager un parallèle assez sensible avec P3, mais sans satisfaire elle-même aux modes de composition de la rhétorique sémitique ; et sans elle encore, P1 ne pouvait faire valoir aucun lien avec P2. En un mot, c’est donc bien SP2 qui assure en dernier ressort, et l’organisation de P1 et sa relation à P2. Et comment penser, dès lors, au vu de son caractère nodal et du si complexe équilibre qu’elle permet à elle seule d’assurer, que son ajout autographe sur la copie réalisée du premier manuscrit du Télémaque ait pu se faire dans une parfaite indifférence à de tels enjeux structurels, et, comme à l’aveugle, sans la moindre attention à la disposition de la séquence ? Comment, en d’autres termes, voir un simple hasard dans la capacité d’un ajout si massif (et porté, de surcroît, à un tel moment de l’élaboration de l’œuvre) à autoriser l’émergence d’une composition aussi ferme et harmonieuse, dont presque rien n’existait avant lui ? La thèse est trop invraisemblable pour être défendue, et s’avère somme toute bien plus coûteuse, que la mise au jour de tels dispositifs textuels dans le Télémaque n’est elle-même surprenante. Une seconde énigme demeure cependant, plus essentielle celle-là, et impliquant a priori le sens profond de la réplique de Télémaque. Car pour peu qu’on prenne au sérieux la disposition du passage, et pour peu qu’on la crédite donc d’une forme d’intention, de quelque nature qu’elle soit, alors quelle signification assigner au choix de centrer la séquence sur P2, c’est-à-dire, sur les trois phrases suivantes : Ne m’avez-vous pas promis de me renvoyer à Ithaque ? N’est-ce pas sur cette promesse que j’ai combattu pour vous contre Adraste avec les alliés ? Il est temps que je songe à réparer mes malheurs domestiques.
Une première réponse pourrait se situer sur un plan argumentatif. La focalisation de la séquence sur ces mots, dira-t-on, flèche la dimension essentiellement ad personam de la réplique de Télémaque : « vous, Idoménée, cherchez à me retenir, mais, ce faisant, votre action s’avère en contradiction avec les principes qui la sous-tendent, dès lors que c’est précisément sur la promesse de me délivrer que vous m’avez retenu jusqu’ici ». En d’autres termes, là où les parties cadres confrontent Télémaque au caractère d’arrachement revêtu par son départ (a fortiori sans Mentor), la partie centrale le confronte, pour sa part, à l’inconséquence d’Idoménée et doit ainsi lui rendre plus facile de lui signifier, malgré tout, son départ. D’où le caractère stratégique d’un tel centrage de la réplique et, au-delà de sa seule dimension argumentative, l’enseignement plus général qu’il semble délivrer à l’intention du futur dauphin : quand il vous coûte de tromper 34
BNF, ms. fr. 14945.
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
339
les attentes d’un ami (et pour privilégier, en outre, des choix qui vous coûtent à vous-même), focalisez-vous sur ce qu’ont d’intenable ses attentes, partez des contradictions inhérentes à sa position — elles vous permettront de dépasser les vôtres. Non, cependant, que ce niveau de sens puisse prétendre épuiser la signification de la séquence et de son centrage sur P2. D’abord parce que ce même centre, condensant des motifs convergents, et répondant de fait avec insistance au sacrifice du fils perpétuellement en marche par la mention d’une promesse — et qui plus est, d’une promesse de terre : « Ithaque » — ne manque pas de susciter sur le mode de l’allusion35 flottante et de la surimpression hologramique la figure spirituelle d’Abraham, modèle fénelonien « du sacrifice de soi », et d’inscrire ainsi, au cœur de la réponse de Télémaque, la diffraction énigmatique de ce « “lieu” de la mémoire biblique où les rôles de Dieu et de l’homme, du père et du fils [...], du sacrifiant et du sacrifié se rencontrent en profondeur »36. Certes, cette même diffraction doit s’entendre avec la plus grande prudence : comme l’a souligné B. Papasogli, la « fable énigmatique » du Télémaque ne cesse de se refuser à « la cohérence de l’allégorie »37. Aussi se gardera-t-on de durcir les angles, de raidir le régime de l’allusion, et de lui assigner un niveau de systématicité qui lui est parfaitement étranger. Tout particulièrement, si la figure de Télémaque suscite en transparence celle d’Abraham, ce n’est pas à dire qu’il faille voir en retour le personnage d’Idoménée comme une allégorie divine, alors même que tout le roman le présente par ailleurs comme la figure inverse du roi dépossédé — c’est-à-dire, par un biais pascalien, de l’humanité déchue. De par son incomplétude, le fonctionnement de l’allusion fénelonienne est autrement plus souple, qui n’engage pas à fermer mais à ouvrir le texte. Et le fait est qu’en l’occurrence, l’allusion rhétorique à Abraham suscitée par le centre de la séquence fixe bien moins des contours, qu’elle ne vaut point de fuite et instrument de mise en perspective. Loin d’inviter avec inconséquence à une identification sans reste du fils d’Ulysse au père d’Isaac, elle donne les moyens d’interroger et d’approfondir le sens profond de la situation de Télémaque, ici présenté à la fois comme fils sacrifié (à son père Ulysse) et comme fils sacrifiant (son « père » Idoménée), suivant une réversibilité passablement mystérieuse, certes, mais justement constitutive de l’insondable mystère spirituel dont elle se fait l’écho. D’autant qu’une réversibilité peut en cacher une autre — et qu’il apparait bien ici que celle du sacrifice à, et de, la figure paternelle ne manque pas de recouper celle de la figure paternelle elle-même, en le double nom qui lui est donné d’Ulysse et d’Idoménée : où l’on proposera de reconnaître en dernière analyse le grand objet de méditation fléché par la structure de la séquence, tant du fait de la 35
On entend par allusion rhétorique cette figure d’association par laquelle une chose se trouve évoquée de manière oblique, sans être dite explicitement, et par l’intermédiaire d’une autre qui doit y faire penser. Voir G. MOLINIÉ, Dictionnaire de rhétorique, Le livre de poche, Paris 1997. 36 B. PAPASOGLI, « Un Dieu chirurgien ? » (cf. n. 16), 92. 37 B. PAPASOGLI, « Cléomène ou l’allusion », dans Le Sourire de Mentor (cf. n. 1), 134.
340
Laurent SUSINI
focalisation allusive de son centre sur la figure d’Abraham — comme on vient de voir —, que du fait de l’écho ménagé par ce même centre avec un autre endroit du Télémaque — ce qu’il convient de montrer pour finir. C’est que, pour une bonne part, la présente séquence ne se suffit pas à ellemême. Comme le suggèrent les paroles de Télémaque, et tout particulièrement leur centre P2, elle doit se comprendre en relation à une promesse antérieure d’Idoménée, celle de ramener à Ithaque le fils d’Ulysse en échange de son aide contre les armées d’Adraste. Or la mise en regard de cette promesse et du rappel qu’en fait Télémaque n’est manifestement pas indifférente à l’interprétation qu’on peut donner de la séquence. Cette promesse d’aide au retour, Idoménée la formule en effet au terme du livre VIII en les termes suivants : Je vous renverrai — leur disait-il — à Ithaque, dès que la guerre sera finie. Cependant je ferai partir des vaisseaux vers toutes les côtes les plus éloignées, pour apprendre des nouvelles d’Ulysse. En quelque endroit des terres connues que la tempête ou la colère de quelque divinité l’ait jeté, je saurai bien l’en retirer. Plaise aux dieux qu’il soit encore vivant ! Pour vous, je vous renverrai avec les meilleurs vaisseaux qui aient jamais été construits dans l’île de Crète : ils sont faits de bois coupé sur le véritable mont Ida, où Jupiter naquit. Ce bois sacré ne saurait périr dans les flots ; les vents et les rochers le craignent et le respectent. Neptune même, dans son plus grand courroux, n’oserait soulever les vagues contre lui. Assurez-vous donc que vous retournerez heureusement à Ithaque sans peine et qu’aucune divinité ennemie ne pourra plus vous faire errer sur tant de mers ; le trajet est court et facile. Renvoyez le vaisseau phénicien qui vous a portés jusqu’ici, et ne songez qu’à acquérir la gloire d’établir le nouveau royaume d’Idoménée pour réparer tous ses malheurs. C’est à ce prix, ô fils d’Ulysse, que vous serez jugé digne de votre père. Quand même les destinées rigoureuses l’auraient déjà fait descendre dans le sombre royaume de Pluton, toute la Grèce charmée croira le revoir en vous 38.
Et l’on s’étonnera peut-être que sa tentative de récriture aboutisse elle aussi à mettre en évidence l’espace très architecturé d’une séquence, en l’occurrence composée de deux parties parallèles.
38
Télémaque, VIII, 125-126.
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon JE VOUS RENVERRAI, dès que
leur disait-il, la guerre
341
à Ithaque, sera finie.
······················································································· Cependant je ferai partir des vaisseaux vers toutes les côtes les plus éloignées, pour apprendre
des NOUVELLES
d’ULYSSE.
En que LA TEMPÊTE je saurai
quelque endroit ou LA COLÈRE bien
des terres de quelque DIVINITÉ l’en retirer.
connues l’ait jeté,
Plaise aux DIEUX qu’il soit encore VIVANT! _________________________________________________________________________________ Pour vous, qui
JE VOUS RENVERRAI aient jamais
avec les meilleurs été construits
vaisseaux dans l’ÎLE
DE CRÈTE :
ils sont faits de bois coupé sur le véritable mont Ida, où JUPITER naquit. ·························································································································· Ce bois sacré ne saurait PÉRIR dans les flots; LES VENTS et les rochers le craignent et le respectent. NEPTUNE n’oserait
MÊME, soulever
Assurez-vous que vous retournerez et qu’aucune DIVINITÉ ne pourra plus
dans son plus grand les vagues
COURROUX, contre lui.
HEUREUSEMENT
à Ithaque
sans peine
ennemie vous faire errer
sur tant de mers;
donc
le trajet est court et facile. _____________________________________________________________________________________ RENVOYEZ qui
le vaisseau vous a portés
phénicien jusqu’ici,
et ne songez qu’à acquérir la gloire d’établir le NOUVEAU ROYAUME D’IDOMÉNÉE pour réparer tous ses MALHEURS. ······················································································································ C’est à ce prix, ô fils d’ULYSSE, que vous serez jugé digne de votre père. Quand MÊME dans le sombre toute la Grèce
les destinées ROYAUME charmée
rigoureuses de PLUTON, croira
l’auraient déjà
fait descendre
le revoir
en vous.
Sur l’organisation de cette nouvelle séquence, il n’y a cependant pas lieu de s’arrêter ici. Non qu’elle soit en elle-même dénuée d’intérêt. Mais l’essentiel consiste, plus avant, dans l’évident parallélisme des deux séquences désormais repérées, et que traduit ci-dessous la multitude des jeux d’échos organisant leur matière respective :
342
Laurent SUSINI
Je vous RENVERRAI, leur disait-il, à Ithaque, dès que la guerre sera finie. Cependant je ferai partir des vaisseaux vers toutes les côtes les plus éloignées, pour apprendre des nouvelles d’U ULYSSE. En quelque endroit des terres connues que la tempête ou la colère de quelque divinité l’ait jeté, je saurai bien l’en retirer. Plaise aux dieux qu’il soit encore VIVANT! Pour vous, je vous RENVERRAI avec les meilleurs vaisseaux qui aient jamais été construits dans l’île de Crète: ils sont faits de bois coupé sur le véritable mont Ida, où Jupiter naquit. Ce bois sacré ne saurait PÉRIR dans les flots; les vents et les rochers le craignent et le respectent. Neptune même, dans son plus grand courroux, n’oserait soulever les vagues contre lui. Assurez-vous donc que vous retournerez HEUREUSEMENT à Ithaque sans peine et qu’aucune divinité ennemie ne pourra plus vous faire errer sur tant de mers; le trajet est court et facile. RENVOYEZ le vaisseau phénicien qui vous a portés jusqu’ici, et ne songez qu’à acquérir la gloire d’établir le nouveau ROYAUME d’Idoménée pour RÉPARER tous ses MALHEURS. C’est à ce prix, ô fils D’ULYSSE, que vous serez jugé digne de votre père. Quand même les DESTINÉES rigoureuses l’auraient déjà fait descendre dans le sombre ROYAUME de Pluton, toute la Grèce charmée croira le revoir en vous. Je ne suis point à moi; les DESTINÉES me rappellent dans ma patrie. Mentor, qui a la sagesse des dieux, m’ordonne en leur nom de partir. Que voulez-vous que je fasse? Renoncerai-je à mon père, à ma mère, à ma patrie, qui me doit être encore plus chère qu’eux? Étant né pour être roi, je ne suis pas DESTINÉ à une VIE douce et tranquille, ni à suivre mes inclinations. Votre ROYAUME est plus riche et plus puissant que celui de mon père: mais je dois préférer ce que les dieux me DESTINENT à ce que vous avez la bonté de m’offrir. Je me croirais HEUREUX, si j’avais Antiope pour épouse, sans espérance de votre ROYAUME; mais, pour m’en rendre digne, il faut que j’aille où mes devoirs m’appellent et que ce soit mon père qui vous la demande pour moi. Ne m’avez-vous pas promis de me RENVOYER à Ithaque? N’est-ce pas sur cette promesse que j’ai combattu pour vous contre Adraste avec les alliés? Il est temps que je songe à RÉPARER mes MALHEURS domestiques. Les dieux, qui m’ont donné à Mentor, ont aussi donné Mentor au fils D’ULYSSE pour lui faire remplir ses DESTINÉES. Voulez-vous que je perde Mentor, après avoir perdu tout le reste? Je n’ai plus ni biens, ni retraite, ni père, ni mère, ni patrie assurée; il ne me reste qu’un homme sage et vertueux, qui est le plus précieux don de Jupiter: jugez vous-même si je puis y renoncer et consentir qu’il m’abandonne. Non, je MOURRAIS plutôt. Arrachez-moi la VIE; la VIE n’est rien: mais ne m’arrachez pas Mentor.
C’est qu’à l’évidence, la convergence de ces mêmes jeux d’échos rend compte, entre les deux séquences, d’une solidarité dont on aurait pu se douter a priori (à la promesse passée répond le rappel de la promesse), mais dont les enjeux profonds excèdent très largement la seule dimension pragmatique. Considérons, de fait, plus spécifiquement les rapports entretenus par la séquence d’Idoménée dans son ensemble (SI) avec le seul centre P2 de la séquence de Télémaque (ST). Outre la répétition du contenu de la promesse en elle-même, qui assure le parallélisme de P2 et de la première partie de SI (« Je vous renverrai [...] à Ithaque » / « Ne m’avez pas promis de me renvoyer à Ithaque »), une autre répétition, bien plus singulière, se recommande à l’atten-
Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon
343
tion. C’est qu’à l’injonction de sacrifier le père-Ulysse, formulée par Idoménée dans la seconde partie de SI : « ne songez qu’à acquérir la gloire d’établir le nouveau royaume d’Idoménée pour réparer tous ses malheurs », répond très clairement la décision de sacrifier le père-Idoménée, formulée par Télémaque dans P2 : « Il est temps que je songe à réparer mes malheurs domestiques ». Or pour peu qu’on s’entende à investir la structure de ST d’une fonction signifiante39, alors l’énoncé de cette même décision en son centre semble bien inviter à interpréter ladite séquence à partir de la confrontation des deux « réparations », et donc des deux sacrifices, dont elle instruit la secrète mise en regard — autant dire, pour finir, à partir de la confrontation d’Idoménée et d’Ulysse eux-mêmes, structurellement donnés comme le pendant, voire le double, l’un de l’autre. Certes, rien de plus différent, en apparence, que le père d’adoption, humain, trop humain, incarné par Idoménée, et le père de sang divinisé (évoquant indissolublement les figures du Christ et du Père40) incarné par Ulysse. Et pour autant, ce que donne à penser ST, en se focalisant sur ce qui l’unit à SI, ce n’est pas moins, semble-t-il, la mystérieuse réciprocité, voire le caractère obscurément interchangeable, de leurs positions paternelles et des sacrifices qu’ils exigent. Y lira-t-on l’enjeu secret de la séquence ? De même que, dans le Télémaque, la figure du « fils tué par le père » tend à se présenter non sans paradoxe comme indissociable de celle du fils « voué à racheter la faute du père41 », la commune réparation exigée par les fautes et les sacrifices du père-Dieu et du père-homme ne manque pas de faire étrangement signe, au travers du parallélisme qu’elle ménage entre l’un et l’autre, vers la double postulation du « Dieu caché » de Fénelon : ce Dieu de la kénose que son œuvre spirituelle évoque le plus souvent sans « références ouvertes aux mystères de l’humanité »42 du Christ, mais que les relais de la fiction et les modes de composition impliqués par le recours à la rhétorique biblique paraissent ici engager sourdement à méditer dans les ambivalences et les réversibilités — en tant que telles impensables — de sa dimension sacrificielle.
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Laurent SUSINI
Ce qui relève, certes, d’un pari herméneutique caractérisé, mais d’un pari non moins raisonné, et susceptible de s’appuyer, comme on a vu, sur des données méta-poétiques (les écrits théoriques de Fénelon) et génétiques (l’ajout in extremis de SP2). 40 « Vous le connaîtrez et il vous connaîtra », dit Mentor d’Ulysse, en écho transparent à Jn 10,1415, 14,7 et 14,17 — juste après que l’« assoupissement universel » des Salentins lors de la disparation d’Ulysse-Cléomène eut évoqué celui des apôtres lors de la Passion du Christ (Télémaque, XVIII, 321). 41 Voir J. LE BRUN, « Un fils est tué » (cf. n. 10), 524. 42 B. PAPASOGLI, « Cléomène et l’allusion » (cf. n. 37), 133.
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Laurent SUSINI RÉSUMÉ
Le motif de la filiation se présente, dans Les Aventures de Télémaque comme un moyen privilégié de réfléchir la théologie du sacrifice à l’œuvre dans la spiritualité du retranchement et dans la mystique du pur amour propres à Fénelon. Le repérage des modes de composition de la rhétorique biblique, dans deux séquences parallèles du roman, permet de préciser la nature des difficultés, en tant que telles impensables, proposées en ce sens à la méditation du lecteur. Mots-clés : père, fils, sacrifice, réparation, réversibilité. ABSTRACT In Les Aventures de Télémaque, the pattern of filiation reflects the theology of sacrifice which underlies Fenelon’s spirituality of self-renunciation and pure love. By identifying, in two parallel sequences of the novel, modes of composition typical of «Biblical rhetoric», this article shows how fiction thus allows the author and the reader to think and meditate what first appeared unthinkable and unacceptable in the Biblical treatment of the topic of filiation. Keywords: father, son, sacrifice, repair, reversibility.
Orient
Michel CUYPERS
Une christologie coranique Composition rhétorique de l’inscription intérieure du Dôme du Rocher
Dans le cadre d’une recherche entreprise à l’IDEO (Institut Dominicain d’Études Orientales, Le Caire), au début des années 1990, sur la question débattue depuis les débuts de l’islam concernant la composition ou l’absence de composition du texte du Coran, j’eus une conversation amicale avec le regretté père jésuite Christian van Nispen. Comme je lui faisais part de ma difficulté à trouver une méthodologie ad hoc, il me conseilla de lire les publications de son confrère Roland Meynet sur l’analyse rhétorique de la Bible. Je les trouvai facilement dans la bibliothèque de l’IDEO et dévorai littéralement son livre L’Analyse rhétorique qui venait de paraître, en 1989. Quelque temps plus tard, j’envoyai à Roland Meynet, qui ne me connaissait pas encore, mes premiers essais d’application de sa méthode sur quelques textes du Coran. Ce fut le départ d’une longue et indéfectible amitié et d’échanges continus entre nous. Au bout de presque trente ans, l’analyse rhétorique initiée par Roland fait désormais partie du paysage de la recherche contemporaine sur le Coran. Que ce modeste travail sur la non-filiation divine de Jésus, selon la doctrine coranique, soit offert en amicale (et quelque peu impertinente !) reconnaissance, à celui qui a si bien parlé de l’incarnation du « Fils du Très-Haut » et « Fils de Dieu », dans l’évangile de Luc.
La recherche contemporaine a abondamment étudié le Dôme du Rocher sous tous ses aspects : historique, symbolique, architectural, décoratif, épigraphique1… Il n’est pas question de reprendre ici cette étude en détail. Il suffira de rappeler en introduction quelques points essentiels, pour situer la signification de ce monument unique dans la civilisation islamique. Il fut commandé par ‘Abd al-Malik al-Marwān, neuvième calife, résidant à Damas, alors que régnait à Médine un calife rival, Ibn al-Zubayr. Construit sur l’ancienne esplanade du Temple juif, à proximité du Saint-Sépulcre chrétien (dont il reprenait la concep1
Voir O. GRABAR, « Ḳubbat al-Ṣakhra », Encyclopédie de l’Islam2, avec sa bibliographie, et une synthèse des études plus récentes, dans G. MODILLAT – J. PRIEUR, Jésus selon Mahomet, Paris 2015, 217-249.
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Michel CUYPERS
tion architecturale circulaire du martyrium), il fut achevé en 691-692, l’annéemême où fut assassiné Ibn al-Zubayr, en sorte que ‘Abd al-Malik devint le seul calife de la communauté musulmane. Homme de grande envergure, il s’employa à unifier l’empire omeyyade, politiquement, administrativement et religieusement. Le Dôme du Rocher s’est voulu un symbole du triomphe de l’empire musulman sur les autres communautés monothéistes, et avant tout sur le christianisme, à l’heure où le Proche-Orient était partagé entre l’empire omeyyade et l’empire byzantin, sur lequel régnait Justinien II. Deux frises courent tout autour du monument, l’une à l’extérieur, l’autre à l’intérieur2. La première est faite de cinq textes d’une composition à peu près identique : le début reprend la première partie de la profession de foi islamique, la shahāda (« Il n’y a de dieu que Dieu »), et la fin, la seconde partie (« Muhammad est son Prophète »). Entre ces deux versets-cadres, on peut lire de courts développements sur l’unicité de Dieu, le fait qu’il n’est pas engendré et n’engendre pas, ou sur la glorification du Prophète. Nous ne nous arrêterons ici que sur la frise intérieure, qui reprend les mêmes thématiques, mais de manière beaucoup plus développée, présentant une véritable christologie coranique. L’inscription a l’allure d’une sourate, composée de fragments coraniques dispersés à travers la vulgate que nous connaissons aujourd’hui. L’analyse rhétorique montrera comment ces fragments initialement épars ont été réunis pour composer un texte à la fois original et parfaitement cohérent.
I. LE TEXTE Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Très-Miséricordieux. Il n’y a de dieu que Dieu seul. Il n’a pas d’associé. À Lui la royauté et à Lui la louange. Il fait vivre et il fait mourir et il est sur toute chose Puissant. Muhammad est l’Envoyé de Dieu. Dieu et Ses Anges prient sur le Prophète. Ô vous qui croyez, priez sur lui, et saluez-le de salutation. Dieu prie sur lui. Et le salut soit sur lui et la miséricorde de Dieu. Ô Gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion et ne dites sur Dieu que la Vérité. Le Messie, Jésus fils de Marie, était seulement l’Envoyé de Dieu et sa Parole qu’Il a projetée en Marie et un Esprit venu de Lui. Croyez donc en Dieu et Ses Envoyés et ne dites pas « Trois ». Cessez, ce sera mieux pour vous. Dieu est un dieu unique. À Sa gloire ne plaise qu’il ait un enfant ! À Lui ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre, et il suffit de Dieu comme protecteur. Il ne dédaignait pas, le Messie, d’être un serviteur de Dieu, non plus que les Anges rapprochés. Et quiconque dédaigne son adoration et s’enorgueillit, Il les rassemblera vers Lui tous ensemble. Ô Dieu, prie sur ton Envoyé et ton Serviteur Jésus, fils de Marie. Et le salut soit sur lui, le jour où il naquit et le jour où il mourut et le jour où il ressuscitera. Tel est Jésus, fils de Marie, Parole de Vérité au sujet duquel ils discutent. Il ne convient pas à Dieu qu’Il se donne un enfant. À Sa gloire ne plaise ! 2 Voir S. ORY, « Aspects religieux des textes épigraphiques du début de l’Islam », dans A.L. PRÉMARE, ed., Les premières écritures islamiques, dans Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée 58 (1990) 30-33.
DE
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Quand Il ordonne une chose il n’a qu’à lui dire: « Sois ! » et elle est. Dieu est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le. Ceci est la voie droite. Dieu témoigne qu’Il n’y a de dieu que Lui, — et aussi les Anges et les détenteurs de la Science —, en mainteneur de la justice. Il n’y a de dieu que Lui, le Puissant, le Sage. La religion auprès de Dieu est l’islam. Et ceux auxquels à été donné le Livre n’ont divergé qu’après que leur fut venu la Science, par jalousie entre eux. Et quiconque dénie les signes de Dieu, certes, Dieu sera prompt en compte.
II. LA COMPOSITION Du point de vue de sa composition rhétorique, l’inscription se présente comme une séquence de deux passages d’inégale longueur : les membres 1 à 13 et 14 à 58. Comme il s’agit le plus souvent de morceaux de versets coraniques, et non de versets proprement dits, la numérotation correspondra aux membres, et non aux versets. 1. LE PREMIER PASSAGE. LE CREDO ISLAMIQUE (1-13) Ce passage a la dimension d’une partie en deux morceaux. LE PREMIER MORCEAU (1-6) Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Très-Miséricordieux. * 1 Pas (lā) de dieu * 2 pas (lā) d’associé = 3 À Lui (la-hu) = 4 et à Lui (la-hu) + 5 Il fait vivre + 6 et il (est) sur toute chose
sinon Dieu seul, à Lui (la-hu). la royauté la louange. et il fait mourir Puissant.
Un premier membre reprend la basmala qui figure en tête des sourates coraniques. Elle indique à la fois le début du texte, et suggère que celui-ci sera semblable à une sourate. On laissera ce membre en facteur, en tête de toute l’inscription, comme la basmala des sourates. Le morceau compte trois segments bimembres de rythme binaire. Le premier (1-2) atteste l’unicité de Dieu en deux membres synonymiques négatifs, introduits par la négation lā. Le deuxième (3-4) est une louange à Dieu en deux membres commençant par le syntagme prépositionnel la-hu, lequel relie également ce segment au précédent, à titre de terme médian. Le troisième (5-6) est un parallélisme synthétique proclamant la toute-puissance de Dieu par sa maîtrise
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Michel CUYPERS
sur la vie et la mort. Le morceau a une forme sémantiquement concentrique : les segments extrêmes sont des déclarations théologiques, le segment central, une prière de louange. Le membre 1 reprend la première partie de la shahāda ; on la trouve littéralement dans Cor. 37,35 et 47,19, et ailleurs avec des variantes (notamment, « Pas de dieu sinon Lui », douze fois). Le Dôme ajoute « Dieu seul », waḥdahu. Dans le Coran, on trouve cinq fois les termes « Dieu seul », mais jamais dans la combinaison « Pas de dieu sinon Dieu seul », variante inconnue de la vulgate. Le membre 2 se retrouve dans Cor. 6,163 (« Pas d’associé à Lui »). Les membres 3-4 citent fidèlement Cor. 64,1 (« À Lui la royauté et à Lui la louange ! ») ; les membres 5-6 reprennent Cor. 57,2 (« Il fait vivre et Il fait mourir et Il est puissant sur toute chose »). Ce morceau est donc composé de fragments extraits de quatre sourates du Coran, deux réputées mecquoises, selon la Tradition (Cor. 37 et 6), et deux médinoises (64 et 57). Il n’en constitue pas moins un texte unifié exaltant l’unicité de Dieu (1-2), sa domination universelle (3-4) et sa toute-puissance (5-6). Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Très-Miséricordieux. * 1 Pas (lā) de dieu * 2 pas (lā) d’associé = 3 À Lui (la-hu) = 4 et à Lui (la-hu) + 5 Il fait vivre + 6 et il (est) sur toute chose
sinon Dieu seul, à Lui (la-hu). la royauté la louange. et il fait mourir Puissant.
Le membre 1 peut rappeler Isaïe 45,5 : « Je suis Yahvé, il n'y en a pas d’autre ; moi excepté, il n’y a pas de Dieu » et d’autres versets similaires dans Isaïe. Le membre 5 rappelle 1S 2,6 : « C’est Yahvé qui fait mourir et vivre, qui fait descendre au shéol et en remonter ». La louange des membres 3 et 4 évoque des psaumes. Jusque-là, le juif ou le chrétien qui visite le Dôme ne se sent pas dépaysé. Il peut parfaitement faire sien ce morceau, dans le style d’un psaume de louange.
Une christologie coranique
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LE DEUXIÈME MORCEAU (7-13) Le deuxième morceau compte également trois segments : deux bimembres (78 et 9-10) et un trimembre de forme ABB’ (11-13). Les trois segments sont reliés par le syntagme « prier sur le Prophète/sur lui ». Dans les segments extrêmes, c’est Dieu qui prie sur le Prophète (8 et 11). Dans le segment central ce sont les croyants qui sont appelés à faire de même. Le morceau a donc sémantiquement une forme concentrique ABA’. Trois termes dérivés de la racine SLM (« saluez de salutation » [10] et « le salut » [12]), relient le deuxième segment au troisième, à titre de termes médians. + 7 Muhammad (est) :: 8 Certes, DIEU et Ses Anges :: 9 Ô vous qui croyez, * 10 et saluez-(le) :: 11 DIEU * 12 Et le salut (soit) * 13 et la miséricorde
l’Envoyé prient
de Dieu. sur le Prophète.
priez de salutation.
sur lui,
prie sur lui de Dieu
sur lui.
Le membre 7 reprend la deuxième partie de la shahāda. Elle figure littéralement dans Cor. 48,29 (sourate réputée médinoise), et de manière plus développée dans Cor. 33,40 (« Muhammad n’est le père d’aucun homme parmi vous, mais il est l’Envoyé de Dieu »). La mention de Muhammad, dans le Dôme, représente la première trace écrite connue de ce nom (exception faite, semble-til, d’une pièce de monnaie). Les membres 8-10 sont une citation de Cor. 33,56 (sourate également médinoise). Les membres du dernier segment (11-13) rappellent des invocations islamiques courantes, dont on a ici le premier témoignage écrit connu. Ces trois fragments sont parfaitement intégrés dans la composition du morceau.
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Michel CUYPERS
L’ENSEMBLE DU PREMIER PASSAGE Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Très-Miséricordieux. :: 1 Il n’y a de dieu que Dieu seul, :: 2 Il n’a pas d’associé. = 3 À Lui la royauté = 4 et à Lui la louange. + 5 Il fait vivre et il fait mourir + 6 et (il est) sur toute chose Puissant. ····································································
+ 7 Muhammad (est) l’Envoyé de Dieu :: 8 Dieu et Ses anges prient sur le Prophète. :: 9 Ô vous qui croyez, priez sur lui * 10 et saluez-(le) de salutation. :: 11 Dieu prie sur lui. * 12 Et le salut (soit) sur lui * 13 et la miséricorde de Dieu
Si on inclut le membre laissé en facteur, le passage se trouve encadré par les termes quasi-identiques : « Dieu, le Miséricordieux » et « la miséricorde de Dieu » (13). Les deux morceaux sont de forme concentrique ABA’. Ils ont en termes initiaux une des deux formules de la shahāda (1 et 7). Le premier morceau est une exaltation de Dieu, dans son unicité (1-2), sa royauté (3) et sa puissance (6) ; le deuxième est une exaltation de Muhammad, Envoyé de Dieu et Prophète, objet de bénédiction de la part de Dieu, des anges et des croyants. Il y a donc une complémentarité entre les deux morceaux, rappelant les deux fondements du credo islamique : Dieu est unique, Muhammad est son Envoyé. Si le premier morceau a de nombreuses résonances bibliques, il n’en va pas de même du second, typiquement coranique. Le visiteur musulman se sent ici chez lui : il peut se remémorer plusieurs passages du Coran exaltant le Prophète. Pour le visiteur chrétien ou juif, ce morceau a une intention apologétique. 2. LE DEUXIÈME PASSAGE. LE CREDO CHRISTOLOGIQUE ISLAMIQUE (14-58) Le passage compte deux parties : 14-30 et 31-58. LA PREMIÈRE PARTIE (14-30) Elle est composée de trois morceaux, 14-20, 21- 24 et 25-30, disposés de manière concentrique.
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– Le premier morceau (14-20) – 14 Ô Gens du Livre, – 15 et NE DITES
n’exagérez pas sur Dieu
dans votre religion QUE LA VÉRITÉ.
= 16 (innamā) Le Messie, Jésus fils de Marie, (est) seulement L’ENVOYÉ DE DIEU = 17 et Sa Parole qu’Il a projetée vers Marie, et un Esprit (provenant) de Lui. + 18 Croyez donc + 19 et NE DITES PAS + 20 cessez,
en Dieu (ce sera) mieux
et SES ENVOYÉS « TROIS », pour vous.
Les segments extrêmes sont antithétiques et à l’impératif négatif. Ils ordonnent de ne dire sur Dieu que la vérité (15) et non « Trois » (19) et opposent l’exagération dans la religion (14) à la foi (18). Le segment central est fait d’une principale nominale, suivie d’une relative ; elle décline les qualités de Jésus, autrement dit, « sa vérité » : il est Messie, fils de Marie, Envoyé de Dieu, sa Parole et un Esprit provenant de Dieu. Le morceau a donc grammaticalement et sémantiquement une forme concentrique ABA’. Les deux derniers segments sont reliés par les termes médians « l’Envoyé de Dieu » (16) et « Ses Envoyés » (18). Le morceau est une citation du début du long verset coranique (médinois) 4,171. Après la proclamation solennelle du credo islamique, l’inscription s’adresse directement aux gens du Livre, ici surtout les chrétiens, pour leur enjoindre à rectifier leur foi monothéiste et christologique. Le segment central est occupé par le noyau de la christologie coranique : Jésus, fils de Marie, est certes le Messie, mais il n’est qu’un homme, Envoyé de Dieu, bien qu’il soit revêtu de titres éminents qui le distinguent parmi les autres Envoyés : il est le Verbe et un Esprit de Dieu. Pour les chrétiens qui visitent le Dôme, ces titres de Jésus font résonner bien des textes du Nouveau Testament, notamment dans les évangiles de Luc (1,3-35) et de Jean (1,1).
354
Michel CUYPERS
– Le deuxième morceau (21-24) * 21 Seul (innamā) Dieu (est) :: 22 À Sa gloire-ne-plaise
un dieu unique qu’il y ait À LUI
:: 23 À LUI * et il suffit
CE QUI EST AUX CIEUX
ET CE QUI EST SUR LA TERRE,
de Dieu
comme protecteur.
24
UN ENFANT
(walad).
Les membres des deux segments sont disposés en miroir. Les membres extrêmes contiennent le nom de « Dieu » et sont de sens voisin : « Dieu est unique » (21) / « il suffit de Dieu » (24). Les membres contigus sont antithétiques : le membre 22 dit ce que Dieu n’a pas (« un enfant », walad), le membre 23, ce qu’Il a (« ce qui est aux cieux et sur la terre »). Le morceau cite la fin du verset coranique 4,171. – Le troisième morceau (25-30) :: 25 Il ne dédaignait pas, :: 26 d’être :: 27 et non plus
le Messie,
= 28 Et quiconque dédaigne = 39 et s’enorgueillit, = 30 Il les rassemblera vers Lui
son ADORATION
UN ADORATEUR/SERVITEUR DE DIEU, les Anges rapprochés.
tous-ensemble.
Les deux segments du morceau sont parallèles et antithétiques, avec le même verbe « dédaigner », en terme initial. Ils opposent le Messie et les Anges rapprochés qui ne dédaignaient pas d’être des serviteurs ou adorateurs (selon la bisémie de ‘abd) de Dieu à quiconque dédaignerait son adoration (‘ibāda, même racine ‘BD). Ces derniers sont menacés du Jugement (30). Le morceau cite le verset coranique 4,172.
Une christologie coranique
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– L’ensemble de la partie (14-30) – 14 Ô Gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion – 15 et ne dites sur Dieu que la Vérité, = 16 que LE MESSIE, Jésus FILS DE MARIE, (était) seulement L’ENVOYÉ DE DIEU = 17 et sa Parole qu’Il a projetée en Marie et un Esprit (venu) de Lui. + 18 Croyez donc en Dieu et Ses Envoyés + 19 et ne dites pas « Trois », + 20 cessez, (ce sera) mieux pour vous. ·························································································
* 21 Certes, Dieu (est) un dieu unique. :: 22 À Sa gloire-ne-plaise qu’il ait un enfant. :: 23 À Lui ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre, * et il suffit de Dieu comme protecteur. 24
·························································································
– 25 Il ne dédaignait pas, LE MESSIE – 26 d’être UN ADORATEUR/SERVITEUR DE DIEU, – 27 et non plus les Anges rapprochés. = 28 Et quiconque dédaigne son adoration = 29 et s’enorgueillit, = 30 Il les rassemblera vers Lui tous-ensemble.
Les morceaux extrêmes se répondent. Ils affirment l’humanité du Messie, fils de Marie, Envoyé de Dieu (1er morceau), adorateur (ou serviteur) de Dieu, comme les Anges (3e morceau). Le terme « Messie » ainsi que les deux qualificatifs du Messie : « Envoyé » et « Adorateur/Serviteur », chaque fois suivis du complément « Dieu » (16 et 26), figurent dans le segment central du premier morceau et au début du troisième morceau, conformément à la 4e loi de Lund (déplacement du centre vers les extrémités)3. Le dernier segment de chacun des morceaux extrêmes (18-20 et 28-30, sur fond gris) est un sévère avertissement aux « gens du Livre » et à tous ceux qui « s’enorgueillissent ». Le morceau central contraste, avec son affirmation théologique du monothéisme absolu, excluant toute génération en Dieu, ce qui, bien entendu, vise ici directement la non-filiation divine de Jésus. On a affaire ici à « une sentence théologique, au centre »4. La partie est donc composée en concentrisme : les morceaux extrêmes se répondent en affirmant la simple humanité de Jésus, le morceau central nie toute génération en Dieu. La partie est une citation intégrale de Cor. 4,171-172. 3 4
Voir M. CUYPERS, La composition du Coran, Naẓm al-Qur’ān, Pendé 2012, 125-130. CUYPERS, La composition du Coran, 137-139.
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LA DEUXIÈME PARTIE (31-58) Cette partie compte trois sous-parties, 31-37, 38-52 et 53-58. – La première sous-partie (31-37) Cette sous-partie a les dimensions d’un seul morceau. + 31 Ô Dieu, prie sur ton Envoyé et ton Serviteur + 32 Jésus, fils de Marie. – 33 Et le salut soit sur lui, le jour où il naquit – 34 et le jour où il mourut – 35 et le jour où il sera ressuscité, vivant. = 36 Tel (était) Jésus, fils de Marie, Parole de Vérité = 37 au sujet duquel ils disputent.
C’est encore un morceau concentrique. Les segments extrêmes alignent les attributs de « Jésus, fils de Marie » (31-32 et 36) : il est l’Envoyé et le Serviteur de Dieu (31) et la Parole de Vérité (36). Le segment central est une prière de bénédiction (de Dieu ? de l’orant du premier segment ?) sur Jésus. Elle adapte Cor. 19,33 où c’est Jésus qui la prononce sur lui-même, à la première personne (« Le salut soit sur moi »). Ces trois membres sont les seules allusions de l’inscription à la vie de Jésus, dans ses trois moments-clé : naissance, mort et résurrection. Elles ne sont pas sans rappeler les formules lapidaires du credo chrétien. Le premier segment (31-32) ne se trouve pas tel quel dans le Coran. On a vu plus haut que les croyants sont appelés à prier (c’est-à-dire, à demander la bénédiction) sur le Prophète Muhammad (membres 9-10, citation de Cor. 33,56) mais nulle part ils ne demandent à Dieu de prier sur lui ou sur un autre Envoyé. Quoiqu’il en soit, cette demande adressée à Dieu de bénir son Envoyé et son Serviteur Jésus, fils de Marie, souhaite pour celui-ci la même bénédiction que celle dont jouit Muhammad (membres 7-13). Le segment 36-37 cite Cor. 19,34 où il est fait allusion aux controverses christologiques qui divisent les chrétiens.
Une christologie coranique
357
– La deuxième sous-partie (38-52) Elle compte trois morceaux, 38-43, 44-46 et 47-52, disposés encore une fois en concentrisme. = 38 Il ne convient pas = 39 QU’IL SE DONNE :: 40 À Sa gloire-ne-plaise !
à DIEU UN ENFANT
+ 41 Quand Il décide + 42 il n’a qu’à lui dire : + 43 et elle est.
une chose « Sois ! »
(walad)
································································································
* 44 Certes, DIEU (est) * 45 Adorez-Le. 46 * Ceci (est) = =
mon Seigneur
et votre Seigneur.
une voie
droite (mustaqīm)
································································································ 47 Témoigne DIEU 48 QU’IL N’Y A DE DIEU QUE LUI,
+ 49 — ainsi que les Anges + 50 en mainteneur
et les détenteurs de la justice.
:: 51 IL N’Y A DE DIEU :: 52 Le Puissant
QUE LUI
de la Science —,
le Sage. (ḥakīm)
Les trois morceaux ont le nom de « Dieu » dans leur membre initial. Les morceaux extrêmes se répondent, attestant l’unicité et la transcendance de Dieu. Leurs segments initiaux se répondent ; le segment 38-40 exprime la conséquence logique du membre 48 (et aussi 51) : s’il n’y a de dieu que Dieu, il ne peut avoir un enfant qui serait également dieu ! L’unicité de Dieu exclut toute génération en Dieu. Le morceau central (44-46) peut être considéré comme une « sentence théologique au centre ». Mais c’est aussi un iltifāt, un brusque changement de personne. Qui parle de « mon Seigneur » et exprime l’impératif « adorez-Le » ? Est-ce Muhammad ? Jésus ? Dans le texte du Coran cité dans les membres 38-46 (Cor. 19,35-36), c’est Jésus. L’ambigüité de la formule autorise de comprendre que la prière de Jésus est identique à celle de Muhammad (ou vice versa) . Le morceau se termine par une rime assonancée avec celle du membre final de la sous-partie (52), aqīm/akīm. Les membres 47-52 citent Cor. 3,18. La sous-partie intègre donc en un tout cohérent et concentrique, deux fragments complètement séparés dans le Coran : 19,35-36 et 3,18.
358
Michel CUYPERS
Le premier morceau (38-43) évoque par contraste la formule du symbole chrétien nicéen : « engendré, non pas créé ». Pour le Coran, Jésus, comme tout ce qui existe, est « créé, non pas engendré par Dieu ». La formule « Il n’a qu’à lui dire : “Sois !” et elle est » (42-43) rappelle notamment le verset du Psaume 33,9 : « Il parle et cela est, il commande et cela existe ». – La troisième sous-partie (53-58) Elle a la dimension d’un morceau. – 53 Certes, LA RELIGION = 54 Et N’ONT DIVERGÉ – 55 qu’après que – 56 par jalousie
auprès de Dieu (est)
L’ISLĀM
CEUX AUXQUELS A ÉTÉ DONNÉ
LE LIVRE LA SCIENCE,
leur fut venue entre eux.
= 57 Et QUICONQUE DÉNIE = 58 certes, Dieu (est) prompt en compte.
LES VERSETS DE DIEU,
Le morceau compte trois segments disposés selon une forme ABB’. Le premier, un unimembre, identifie « l’islām » ou « la soumission » à la véritable religion auprès de Dieu. Les deux membres suivants dénoncent ceux qui s’en sont écartés, d’abord les gens du Livre (« ceux auxquels a été donné le Livre », 54), puis tous ceux qui dénient « les versets de Dieu » (57). À « la religion » et à « l’islām », au premier segment, répond « la science », en fin du membre central du morceau (55). On peut y voir une application de la 3e loi de Lund (correspondance du centre et des extrémités d’une unité rhétorique)5. Le nom de « Dieu » encadre le morceau, dans les membres extrêmes (53 et 58). La sous-partie cite Cor. 3,19, qui fait suite à la citation (Cor. 3,18) du morceau précédent. L’inscription se termine ainsi sur une affirmation nette de l’islam comme la religion véritable aux yeux de Dieu, une constatation des divergences entre les gens du Livre et une condamnation de quiconque dénierait la révélation faite par Dieu.
5
CUYPERS, La composition du Coran, 124-125.
Une christologie coranique
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– L’ensemble de la deuxième partie 31
Ô Dieu, prie sur ton Envoyé et ton Serviteur 32 Jésus, fils de Marie. 33 Et le salut soit sur lui, le jour où il naquit (wulida) 34 et le jour où il mourut 35 et le jour où il sera ressuscité. 36 Tel (est) Jésus, fils de Marie, PAROLE DE LA VÉRITÉ 37 au sujet duquel ils disputent. 38
Il ne convient pas à Dieu 39 qu’Il se donne un enfant (walad). 40 À Sa gloire-neplaise ! 41 Quand Il ordonne une chose 42 il n’a qu’à lui dire: « Sois ! » 43 et elle est. ···················································································· 44
Certes, Dieu (est) mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le. 46 CECI (EST) LA VOIE DROITE.
44
···················································································· 47
Dieu témoigne 48 qu’Il n’y a de dieu que Lui, 49 — et les Anges et les détenteurs de 50 51 52 LA SCIENCE —, en mainteneur de la justice. Il n’y a de dieu que Lui, le Puissant, le Sage. Certes, LA RELIGION AUPRÈS DE DIEU (EST) L’ISLAM 54 Et n’ont divergé ceux auxquels à été donné le Livre 55 qu’après que leur soit parvenu LA SCIENCE, 56 par jalousie entre eux. 57 Et quiconque dénie les versets de Dieu, 58 certes, Dieu (est) prompt en compte. 53
Les deux sous-parties extrêmes concernent les gens du Livre, leurs disputes (37) et leurs divergences (54) au sujet de la nature de Jésus. En contraste, « la religion auprès de Dieu, l’islām » (53, début de la 3e souspartie) répond à « la voie droite » (46, au centre de la 2e sous-partie), conformément à la 4e loi de Lund. Le doute des juifs et des chrétiens au sujet de la nature de Jésus, dans les sousparties extrêmes, contraste avec les affirmations de l’unicité de Dieu, dans la sous-partie centrale. Celle-ci étant composée de manière concentrique, comme on l’a vu plus haut, l’ensemble de la partie se présente sous une forme ABCB’A’. On peut encore noter les termes « il naquit » (wulida) (33) et « un enfant » (walad, 39 ; même racine WLD) qui jouent le rôle de termes médians entre la première et la deuxième sous-partie, et les termes synonymes « Parole de Vérité » (36) et « la Science » (49 et 55), termes médians qui relient les trois sous-parties.
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Michel CUYPERS
L’ENSEMBLE DU PASSAGE 14
Ô Gens du Livre, n’exagérez pas dans VOTRE RELIGION 15 et ne dites sur Dieu que la Vérité, 16 que LE MESSIE, JÉSUS FILS DE MARIE, (ÉTAIT) L’ENVOYÉ DE DIEU 17 et sa Parole qu’Il a projetée en Marie et un Esprit (venu) de Lui. 18 Croyez donc en Dieu et Ses Envoyés 19 et ne dites pas « Trois », 20 cessez, (ce sera) mieux pour vous. 21
Certes, DIEU (EST) UN DIEU UNIQUE. 22 À Sa gloire-ne-plaise qu’il ait un enfant. 23 À Lui ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre, 24 et il suffit de Dieu comme protecteur. 25
Il ne dédaignait pas, le Messie 26 d’être un serviteur de Dieu, 27 et non plus LES ANGES rapprochés. 28 Et quiconque dédaigne son adoration 29 et s’enorgueillit, 30 Il les rassemblera vers Lui tous ensemble. 31
Ô Dieu, prie sur TON ENVOYÉ ET TON SERVITEUR 32 JÉSUS, FILS DE MARIE. 33 Et le salut soit sur lui, le jour où il naquit 34 et le jour où il mourut 35 et le jour où il sera ressuscité. 36 Tel (est) Jésus, fils de Marie, Parole de la Vérité 37 au sujet duquel ils disputent. 38 41 44
Il ne convient pas à Dieu 39 qu’Il se donne un enfant. 40 À Sa gloire-ne-plaise ! Quand Il ordonne une chose 42 il n’a qu’à lui dire: « Sois ! » 43 et elle est.
Certes, Dieu (est) mon Seigneur et votre Seigneur. la voie droite.
45
Adorez-Le.
46
Ceci (est)
Dieu témoigne 48 qu’IL N’Y A DE DIEU QUE LUI, 49 — et LES ANGES et les détenteurs de la Science — 50 en mainteneur de la justice. 51 IL N’Y A DE DIEU 52 QUE LUI, le Puissant, le Sage. 47
Certes, LA RELIGION AUPRÈS DE DIEU (EST) L’ISLAM. 54 Et n’ont divergé ceux auxquels à été donné le Livre 55 qu’après que leur soit parvenue la Science, 56 par jalousie entre eux. 57 Et qui mécroit dans les versets de Dieu, 58 certes, Dieu (est) prompt en compte. 53
Une christologie coranique
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Le passage est encadré par une antithèse : « votre religion » (celle des gens du Livre, 14) / « la religion auprès de Dieu est l’islām » (53), et par une synonymie : « gens du Livre » (14) / « ceux auxquels a été donné le Livre » (54). Le passage entend corriger les exagérations de la religion chrétienne (14) et propose pour ce faire l’islam, comme véritable « religion auprès de Dieu » (53). Chacune des deux parties qui composent le passage commence par un vocatif suivi d’un impératif : « Ô gens du Livre, n’exagérez pas » (14) / « Ô Dieu, prie sur… » (31). Suit immédiatement une série de titres donnés à Jésus : « le Messie, Jésus fils de Marie, (était) l’Envoyé de Dieu » (16) / « ton Envoyé et ton Serviteur, Jésus, fils de Marie » (31-32). Le morceau central de la première partie (21-24) et la sous-partie centrale de la deuxième partie (38-52) se répondent : elles contiennent toutes deux des attestations du monothéisme : « Dieu est un Dieu unique » (21) / « Il n’y a de Dieu que Lui » (48 et 51), et une insistance sur l’absence de génération en Dieu, accompagnée d’une expression de protestation (subḥāna-hu !) : « À Sa gloirene-plaise qu’Il ait un enfant » (22) / « Il ne convient pas à Dieu qu’Il se donne un enfant, à Sa gloire-ne-plaise ! » (38-40). Les deux parties du passage se terminent par une menace eschatologique à l’adresse de mécréants : « Et quiconque dédaigne son adoration et s’enorgueillit, Il les rassemblera vers Lui tous ensemble. » (28-30) / « Et qui mécroit dans les versets de Dieu, certes, Dieu (est) prompt en compte » (57-58). La menace, ici, vise bien entendu directement les chrétiens.
362
Michel CUYPERS
3. LA SÉQUENCE OU L’ENSEMBLE DE L’INSCRIPTION Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Très-Miséricordieux. 1 IL N’Y A DE DIEU QUE DIEU SEUL 2 Il n’y a pas d’associé à Lui. 3 À Lui la royauté 4 et à Lui la louange. 5 Il fait vivre et il fait mourir 6 et (il est) sur toute chose PUISSANT. MUHAMMAD (EST) L’ENVOYÉ DE DIEU. 8 Certes, DIEU ET SES ANGES PRIENT SUR LE PROPHÈTE. 9 Ô vous qui croyez priez sur lui, 10 et saluez-(le) de salutation. 11 DIEU A PRIÉ SUR 12 13 LUI. ET LE SALUT (SOIT) SUR LUI et la miséricorde de Dieu. 7
14
Ô Gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion 15 et ne dites sur Dieu que le Vrai. 16Seulement que LE MESSIE, JÉSUS FILS DE MARIE, (ÉTAIT) L’ENVOYÉ DE DIEU 17 et sa Parole qu’Il a projetée en Marie et un Esprit (venu) de Lui. 18 Croyez donc en Dieu et Ses Envoyés 19 et ne dites pas « Trois », 20 cessez, (ce sera) mieux pour vous. 21
Certes DIEU (EST) UN DIEU UNIQUE 22 À Sa gloire-ne-plaise qu’il y ait à Lui un enfant (walad) ! 23À Lui ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre, 24 et (cela) suffit à Dieu comme répondant. 25
Il ne dédaignait pas, le Messie 26 d’être un serviteur de Dieu, 27 ni les Anges rapprochés. 28 Et quiconque dédaigne son adoration 29 et s’enorgueillit, 30 Il les rassemblera vers Lui tous ensemble. 31
Ô DIEU, PRIE SUR TON ENVOYÉ ET TON SERVITEUR 32 JÉSUS, FILS DE MARIE. 33 ET 34 LE SALUT SOIT SUR LUI, le jour où il naquit et le jour où il mourut 35 et le jour où il 36 ressuscitera. Tel (est) Jésus, fils de Marie, Parole de Vérité 37 au sujet duquel ils disputent. 38
Il ne convient pas à Dieu 39 qu’Il prenne (s’attribue) un enfant (walad). 40 À Sa gloire ne plaise ! 41 Quand Il ordonne une chose 42 il n’a qu’à lui dire: « Sois ! » 43 et elle est. 44
Certes, Dieu (est) mon Seigneur et votre Seigneur. 45 Adorez-Le. 46 Ceci (est) la voie droite. Dieu témoigne 48 qu’IL N’Y A DE DIEU QUE LUI, 49 — et aussi les Anges et les détenteurs de la Science —, 50 en mainteneur de la justice. 51 IL N’Y A DE DIEU QUE LUI, 52 le PUISSANT, le Sage. 47
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Certes, la religion auprès de Dieu (est) l’islam 54 Et n’ont divergé ceux auxquels a été donné le Livre 55 qu’après que leur fut venue la Science, 56 par jalousie entre eux. 57 Et quiconque dénie les signes de Dieu, 58 certes, Dieu (est) prompt en compte.
L’affirmation de l’unicité de Dieu se trouve au début du premier passage (1) et dans l’unité centrale (morceau ou sous-partie) de chacune des parties du deuxième passage (21 et 48, 51). On y reconnaît la 4e loi de Lund. Le credo monothéiste, cœur de la foi musulmane, est donc aussi au cœur de la question christologique, développée dans ce deuxième passage.
Une christologie coranique
363
Le premier passage s’adresse aux croyants (musulmans) : « Ô vous qui croyez » (9), le deuxième, aux « Gens du Livre » (14), invités à croire à leur tour : « Croyez donc en Dieu et ses Envoyés » (18). Vu la longueur très inégale des deux passages, il est clair que l’inscription s’adresse avant tout aux Gens du Livre, et plus spécifiquement aux chrétiens, dans une intention manifestement apologétique, les invitant à partager la foi des « croyants » musulmans. Cette foi englobe à égalité la foi en Dieu et en ses Envoyés, à la manière de la shahāda développée dans le premier passage, qui englobe la foi en Dieu et en son Envoyé Muhammad. Par « ses Envoyés », on peut entendre ici Jésus (appelé « Envoyé de Dieu » au segment précédent 17-18) et Muhammad, considérés ici ensemble, dans la catégorie des Envoyés de Dieu. Une formule partiellement identique relie le premier passage (« Muhammad est l’Envoyé de Dieu », 7) au début de chacune des deux parties du deuxième passage, à titre de terme médian : « Jésus, fils de Marie est l’Envoyé de Dieu » (16), « Ton Envoyé et Ton Serviteur Jésus, fils de Marie » (31-32). La parité de Jésus avec Muhammad, en tant qu’Envoyé de Dieu, est ici clairement soulignée. Cette égalité des deux Envoyés est ensuite corroborée par une série de traits communs. Comme Muhammad, Jésus est purement humain, puisqu’il est « fils de Marie » (16, 32, 36) et se reconnaît « serviteur de Dieu » (26). Dieu est invité à prier sur lui (31), comme Il l’a fait sur Muhammad (8, 11). Le salut de Dieu est invoqué sur Jésus (33) comme sur Muhammad (12). Mais par ailleurs, Jésus jouit de certains privilèges qui en font un personnage exceptionnel : il est « Messie » (16, 25), « Parole projetée en Marie » (17), « Parole de Vérité » (36), un « Esprit venant de Dieu » (17). Aussitôt après, le texte laisse cependant entendre que ces privilèges ne font pas de Jésus l’égal de Dieu : « ne dites pas “Trois” » (19), ce qui introduit à une nouvelle affirmation de l’unicité de Dieu, au centre de la première partie du deuxième passage (21). Dans le centre de chacune des parties du deuxième passage il est précisé que Dieu ne saurait avoir « un enfant » (walad, 22, 38). Autrement dit, Jésus est « fils (ibn) de Marie », mais pas « engendré » de Dieu, car aucune génération n’est concevable en Dieu. En revanche, Dieu est Créateur absolu de tout « ce qui est aux cieux et sur la terre » (23) ; toutes choses adviennent sur sa simple Parole créatrice : « Sois ! et elles sont » (42-43). Les deux passages de la séquence sont donc complémentaires. Le premier porte sur l’unicité de Dieu et sur Muhammad, le second sur l’unicité de Dieu et Jésus. Jésus est certes comparé à Muhammad, en tant qu’Envoyé de Dieu, mais il est surtout confronté à l’unicité de Dieu, laquelle exclut qu’il soit enfant de Dieu. Il n’est que « fils de Marie ».
364
Michel CUYPERS III. INTERPRÉTATION
L’inscription intérieure du Dôme se présente comme une sourate, avec la basmala en verset initial. Cette quasi-sourate est aussi un credo, exposant la foi islamique en Dieu et en Muhammad, dans le premier passage, la foi en Dieu et en Jésus, dans le deuxième passage. Ce credo est presque entièrement constitué de versets ou de fragments de versets épars dans le Coran et réunis ici en un tout cohérent, selon les principes de symétrie de la rhétorique sémitique. Il n’intègre cependant pas tout l’enseignement du Coran sur Jésus. L’inscription n’évoque ni le récit de la naissance virginale de Jésus (Cor. 19,16-28), ni les récits merveilleux de son enfance (Cor. 19,29-33 ; 5,110), ni ses miracles de prophète (Cor. 5,110), ni la crucifixion (Cor. 4,157). Il se concentre uniquement sur ce que le Coran nous dit de l’identité de Jésus, sa nature, comme Envoyé de Dieu. Jésus est présenté comme purement humain, créé comme tout ce qui existe en dehors de Dieu, et non engendré par Dieu. Il n’est pas « enfant » (walad) de Dieu mais seulement « fils (ibn) de Marie ». La distinction des deux termes synonymes n’est sans doute pas fortuite. L’insistance porte sur la non-génération en Dieu : Dieu ne peut engendrer (walada), car l’enfant (walad) qui naîtrait de lui serait également Dieu (en langage philosophique, « de même nature ou essence ou substance » que Dieu), ce qui est impossible, puisque Dieu est unique. Toute génération en Dieu introduirait en lui une multiplicité (« Ne dites pas Trois »)6. Ce faisant, l’inscription réactualise les anciennes querelles christologiques autour de la nature divine et de celle du Christ et reprend les arguments de l’arianisme. Il prend le contrepied du concile de Nicée (genitum non factum, « engendré non pas créé ») qui condamna Arius, en 375. Cependant, tout comme Arius, le texte du Dôme reconnaît au prophète Jésus des qualités exceptionnelles, voire supra-humaines : il est le « Verbe de Dieu » jeté en Marie, un « Esprit de Dieu ». L’inscription laisse à la fois l’impression d’un appel lancé aux chrétiens à se convertir au pur monothéisme de l’islam, et d’une volonté de leur présenter l’image la plus élevée possible de Jésus comme prophète-envoyé de Dieu, compatible avec le monothéisme islamique. L’arianisme (ou la christologie coranique qui lui correspond) a dû sembler au calife ‘Abd al-Malik une forme de christianisme conciliable avec l’islam, « religion de Dieu » dont il entendait faire la religion qui unifierait son empire. C’est du moins ce qui ressort du contenu de l’inscription et du choix hautement symbolique du lieu où elle se trouve, dans la ville sainte des trois religions monothéistes, sur l’esplanade du Temple juif, à proximité du Saint-Sépulcre chrétien.
6
Le texte ne s’attarde pas sur l’identité de ces « trois », comme le fera Cor. 5,73. Voir M. CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Pendé 2007, 272.
Une christologie coranique Fraternité 20, rue Pierre Leroux 75007 Paris (France) E-mail : [email protected]
365 Michel CUYPERS
RÉSUMÉ
La frise intérieure du Dôme du Rocher, à Jérusalem, est constituée d’une suite de versets ou morceaux de versets dispersés dans le Coran, réunis ici en un texte cohérent, obéissant aux principes de symétrie de la rhétorique sémitique. L’analyse rhétorique du texte en détaille la structure. L’inscription expose la christologie du Coran, centrée sur la nature de Jésus et celle de Dieu. Selon cette christologie, Jésus, fils de Marie, est un envoyé de nature purement humaine, malgré des prérogatives exceptionnelles. Il ne saurait être engendré par Dieu, car cela introduirait une multiplicité en Dieu. On peut y reconnaître la christologie de l’arianisme. Inscrite par le calife ‘Abd al-Malik en ce lieu hautement symbolique, cette christologie compatible avec l’islam a pu vouloir contribuer à l’unification de l’empire omeyyade. Mots-clés : Dôme du Rocher, ‘Abd al-Malik, christologie coranique, nature de Jésus, génération en Dieu, arianisme
ABSTRACT
The inner frieze of the Dome of the Rock in Jerusalem is formed by a series of verses dispersed in the Koran, united here in a coherent text, obeying the principles of symmetry of Semitic rhetoric. The rhetorical analysis of the text details its structure. The inscription exposes the Koran's Christology, centered on the nature of Jesus and that of God. According to this Christology, Jesus, son of Mary, is an envoy whose nature is purely human, despite some exceptional prerogatives. He was never begotten by God, because it would introduce a multiplicity into God. One can recognize here the Arian Christology. Inscribed by the Caliph ‘Abd al-Malik in this highly symbolic high place, this Christology compatible with Islam wanted to contribute to the unification of the Umayyad empire. Keywords : Dome of the Rock, ‘Abd al-Malik, Koranic Christology, Jesus’ Nature, Arianism, Generation in God
Benoît VERMANDER
Devoirs, croissance et liberté : la piété filiale dans la pensée chinoise antique Dans les langues occidentales, le caractère chinois xiao est généralement traduit par un doublon : piété filiale. Pareille traduction, bien entendu, n’est pas erronée, mais elle ne saurait qu’affaiblir l’évidence, l’immédiateté que porte en elle ce caractère. Le xiao est une notion première, issue de la lumière naturelle dirait Pascal1. La graphie du caractère semble représenter un ancien surplombant un fils. Dans ses acceptions les plus reculées il est associé aux offrandes consacrées aux ancêtres, ou encore il forme un couple sémantique avec une notion dont l’appréhension, elle aussi, « va sans dire », l’amitié, la fraternité (you)2. En même temps, pour les philosophes dits « confucéens » (Confucius, Mencius, Xunzi d’abord, chacun avec ses accents propres), l’exercice de la pensée revient justement à parcourir le sens ouvert par les notions premières, à faire coïncider l’expérience et les mots ; penser, c’est nommer avec justesse – nommer avec justice aussi, car le fait de nommer est acte politique : le nom (ming) qualifie les réalités, les faits et les comportements. Il s’agit d’ailleurs moins de définir, de restreindre le sens du terme, que de penser avec le terme, d’en parcourir les implications. Une approche que rejette la tradition dite taoïste, notamment le Livre de la Voie et de sa Vertu (Daodejing ou encore Laozi, du nom de l’auteur présumé) et le Zhuangzi ; pour cette dernière, n’est grand (da), digne donc d’être pensé, que cela qui échappe à l’acte de nommer, d’évaluer, de mesurer. La version canonique du Laozi commence dans un corps à corps avec la tradition confucéenne : « Toute voie qu’on peut dérouler n’est pas voie constante. Tout nom qu’on peut nommer n’est pas nom constant ». On ne saurait penser que l’incommensurable. Ce point de départ divergent n’empêche en rien des résonnances, des rapprochements soudains. La pensée chinoise antique s’organise bien moins en écoles qu’elle ne se partage en un delta dont le réseau devient parfois inextricable. La présente contribution s’essaie donc à explorer l’usage du caractère xiao, dans les Analectes de Confucius puis dans le Mencius, recueil des propos et discours de l’auteur éponyme. Elle confronte ensuite brièvement ces résultats à la lecture du Daodejing. Elle évite autant que faire se peut les débats techniques
1
De l’esprit géométrique, in Œuvres Complètes II, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 2000, 158-159. 2 Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise, 2001, caractère 4237.
368
Benoît VERMANDER
que suscite la lecture de pareils textes, s’autorise donc à l’occasion des raccourcis, tout en essayant de rester au plus près des textes3.
APPRENDRE À ÊTRE FILS : LA LEÇON DES ANALECTES L’Ecclésiastique consiste pour bonne part en conseils d’un père à son fils. Fidèle à une leçon qu’on trouverait sans doute dans toutes les cultures, l’auteur biblique affirme que l’apprentissage de la sagesse passe par la compréhension de ce que c’est que d’être fils – la seule voie sans doute pour devenir un jour un père pas trop indigne de ce nom : « Celui qui honore son père trouvera de la joie dans ses propres enfants » (Si, III,5). Qu’est-ce donc qu’être fils ? Question autour de laquelle tourne la pensée chinoise. Le terme de xiao désigne, on va le voir, la vertu sans laquelle aucune autre vertu n’est envisageable. On a pu sourire parfois des expressions de la piété filiale en monde chinois, y voir un simple formalisme, voire même une chape de plomb qui bloquerait l’expression libre et créative. Ces reproches ne sont pas sans fondement. Mais, prise en sa racine spirituelle, la piété filiale n’est point cela. Le terme de xiao connaît quatorze occurrences dans le texte des Analectes, groupées surtout au début du recueil. Il faut les compléter par des mentions voisines, notamment par les neuf occurrences (réparties sur huit fragments) du terme « parents » (père et mère : fumu). On compte aussi douze à quinze mentions du seul terme « père » et une seule du caractère « mère » isolé4. Le deuxième propos du premier chapitre des Analectes (propos attribué non pas à Confucius mais à l’un de ses disciples – à un « fils » qui s’approprie ainsi l’enseignement reçu) déclare que ceux qui possèdent la vertu filiale et le respect des aînés (xiaoti) ne saurait s’élever contre leurs supérieurs ; c’est que l’homme de bien prend les choses à leur racine (junzi wu ben)5. Or, piété filiale et soumission fraternelle sont à la racine (ben) de la vertu d’humanité (bienveillance, empathie : ren). Le même disciple de Confucius développe juste un peu plus loin sa pensée : « Quand les morts sont honorés [par les rites] et que demeure la mémoire des lointains ancêtres, la force d’un peuple atteint sa plénitude » (I,9)6. La racine de la conduite vertueuse c’est l’amour et le respect des parents (voilà pourquoi un fils vertueux se conduira exactement de la même 3 Même si elles sont inspirées de traductions bien établies, j’offre ici mes traductions propres des passages cités. L’ensemble des textes chinois utilisés (et une traduction anglaise vieillie mais fort utile – habituellement celle de James Legge, entrée dans le domaine public) peut être consulté sur le site Chinese Text Project, https://ctext.org. 4 Cette dernière mention est intéressante : Confucius critique l’attitude d’un envoyé qui, sur les deniers de l’État, fait fournir à sa mère, déjà bien pourvue, une généreuse portion de millet (VI,4). 5 Junzi : homme de bien, homme supérieur, gentleman, ou, mieux encore, même si la traduction est risquée : honnête homme (au sens pascalien du terme). 6 Littéralement, la vertu d’un peuple. C’est le même sens dans la mesure où le terme vertu (de) doit se comprendre au sens de la vertu d’un médicament : d’une puissance bénéfique inhérente à qui ou quoi la contient.
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façon hors de la maison et chez lui : cf. XI,5). Allant un pas plus loin, la piété filiale nous renvoie à nos origines, à ces ancêtres grâce auxquels nous sommes à même d’éprouver le surgissement de la vie, le mystère d’être et de grandir. La piété filiale amène à s’ancrer jusqu’au plus profond du terreau vital pour grandir en toute rectitude, comme individu et comme collectivité. Nous venons de rencontrer le binôme xiaoti : piété filiale et respect des aînés (le caractère di / ti désigne le cadet, et par extension, les sentiments déférents que ce dernier se doit de manifester envers ses aînés). Sa portée est précisée par Confucius lui-même dès le premier chapitre des Analectes (I,6) : le xiao s’observe à la maison, le ti à l’extérieur. C’est sur cette double base que se développeront toutes les autres vertus. Alors seulement, on pourra s’exercer à l’étude, ajoute le maître. Autre façon de renvoyer à la racine : si cette dernière est négligée, toute conduite, même louable en soi, sera fatalement dévoyée. Il est souvent demandé à Confucius en quoi consiste l’exercice de la piété filiale. Le premier trait, répond-il, c’est de ne jamais contrister ni inquiéter ses parents, sinon par le fait de tomber malade (II,6). Si l’exigence de les soutenir en tous leurs besoins va comme de soi (on trouve peut-être ce trait, suggère Confucius, chez certains animaux), la vraie difficulté consiste en la « révérence » (jing – précisément : « attention respectueuse » – II,7) : l’attention respectueuse va bien au-delà du fait d’offrir à ses parents nourriture et breuvage avant de s’alimenter soi-même ; elle est affaire de « contenance » (se – II,8). Cette révérence doit même s’accroître si le fils est amené à faire des remontrances à ses parents ; dans ce cas, et sans abandonner son dessein, il ne se mettra pas en colère s’il se fait rudoyer (IV,18). L’attention montrée aux parents se traduit encore par la restriction des voyages tant qu’ils sont vivants (IV,19). C’est le moment de remarquer que toute relation sociale7 est marquée, chez Confucius, par un caractère de réciprocité. Le devoir des parents vis-à-vis des enfants consiste en qu’on pourrait traduire par l’affection, la bienveillance, ou même tout simplement la gentillesse (ci)8. Pareille attitude va tout autant de soi que l’exercice de la piété filiale. Si Confucius insiste moins sur cet aspect, c’est parce que quelqu’un versé dans la pratique de la piété filiale montrera tout naturellement compassion, compréhension, gentillesse envers ses propres enfants, tandis que celui qui n’y aurait point été exercé ne saurait vraisemblablement devenir père compatissant. L’expression xiaoci (piété filiale et compassion parentale) surgit dans les Analectes lorsqu’il est question des conséquences politiques des vertus personnelles : seule cette vertu croisée peut assurer la loyauté des sujets envers le prince (II,20). Du reste, ajoute Confucius, ainsi que
7 La typologie des relations sociales est rigide : les principes qui régissent les relations entre époux et épouse ne s’appliquent pas aux relations entre amis, etc. 8 Ce terme sera ensuite rapporté de façon privilégiée à la mère, tandis que l’attitude du père sera souvent caractérisée par le dicton : « l’amour du père est [stable] comme la montagne (fu ai ru shan) ». Il ne me semble pas qu’il y ait déjà trace de cette distinction chez Confucius et les premiers auteurs.
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l’exprime le Livre des Documents (shujing9), exercer les devoirs liés au xiao et au ti, c’est déjà, par ce fait même, s’engager dans les affaires de gouvernement (zheng II,21). La primauté, le caractère « racine » des sentiments qui lient père et fils revêt encore un sens politique en cela que la rectitude consiste à ce que « le père cache le crime de son fils, et le fils celui de son père » (XIII,18). Une position déjà contestée du temps de Confucius puisqu’il la tient devant un duc qui fait du témoignage d’un fils à l’encontre de son père accusé du vol d’un mouton une marque de la haute moralité qui règne sur ses terres. L’observance des devoirs liés à la piété filiale non seulement nourrit la vertu d’humanité (ren) mais est ancrée dans la pratique du rituel (li) : « Quand les parents sont en vie, les servir selon les rites ; une fois morts, procéder aux funérailles selon les rites ; leur sacrifier [ensuite] selon les rites. » (II,5) Or, c’est la pratique rituelle, observée dans son esprit comme dans sa lettre, qui assure la permanence de l’État. En même temps, le rite n’est pas seulement ni d’abord observance formelle mais déploiement du jing, de l’attention respectueuse (III,26). Confucius lui-même nous est présenté absorbé en cette attitude lorsqu’il sacrifie tant aux mânes des ancêtres qu’aux esprits il est tout entier présent (zai), comme si les esprits et les mânes étaient présents, car les mânes et les esprits ne sauraient être présents au sacrifice sans la présence intérieure des participants (III,12)10. Comme illustré par le fragment II,5 des Analectes cité à l’instant, le caractère rituel de la piété filiale se manifeste selon trois aspects. Deux ont déjà été évoqués : la révérence et l’attention montrées à ses parents lorsqu’on les sert de leur vivant ; et la même révérence exercée lors des rituels qui, longtemps après la mort et les funérailles, les honorent, les situent dans la succession des ancêtres, jusqu’aux plus lointains. Reste l’étape intermédiaire : celle qui marque la période de deuil, que tous les textes anciens fixent à trois ans, une durée encore observée sous des formes très diverses dans les pays de tradition confucéenne. Cette période, dans la bouche de Confucius, revêt une importance cruciale, un rôle de test ultime de l’étoffe morale de l’individu : « Tant que son père est vivant, jugez quelqu’un à ses intentions. Quand son père n’est plus, jugez-le à sa conduite. Si pendant trois ans il n’a pas varié de la voie suivie par son père, alors il est vraiment filial » (I,11 – voir aussi XIX,18). Ces trois années sont marquées par des prescriptions contraignantes. Un interlocuteur de Confucius voudrait ramener la période de deuil à une seule année : n’est-ce pas après tout le cycle naturel, le cycle du grain mort et renouvelé ? Et l’observance des rites et de la musique (suspendue durant la période de deuil) n’est-elle pas mise en péril par une si longue abstention ? La réponse de Confucius sera reprise et développée par ses continuateurs, 9 Le Livre des Documents, le Livre des Odes, les Annales des Printemps et Automnes, le Classique des mutations et le Commentaire de Zuo constituent un socle textuel censé regrouper les témoignages littéraires et historiques les plus anciens. 10 C’est du moins ce que me paraît impliquer ce passage d’interprétation controversée.
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notamment par Xunzi : elle ne fait pas obligation de tenir le deuil pendant les trois ans ; simplement, elle n’envisage pas qu’un homme bien-né fasse autrement ; l’enfant, après tout, ne se détache des bras de ses parents qu’à trois ans révolus. Si cette durée est universellement observée, c’est parce que rien des plaisirs de la vie ne saurait être goûté tant que le deuil intérieur subsiste, et une période plus courte ne permettrait pas de le surmonter (XVII,21 – voir aussi chapitre Lilun du Xunzi). L’explication offerte à la durée prescrite concorde étonnamment avec les données de la psychologie contemporaine quant au processus de deuil. Fidèle à Confucius, Mencius défend aussi le strict respect de la période des trois ans — sauf en cas d’impossibilité patente, auquel cas tout jour de deuil que l’on parvient à s’imposer est préférable au fait de n’en observer aucun (chapitre Jin Xin I,39 – voir aussi Teng Wen Gong, I,2). Ce n’est pas la seule occasion où Mencius aura à défendre et à préciser les conditions de la pratique des vertus confucéennes au moyen d’une véritable casuistique.
LA DIFFICULTÉ D’ÊTRE FILS : LE MENCIUS Les considérations des Analectes sur la piété filiale, somme toute brèves, mais frappantes par leur cohérence, exerceront une extraordinaire influence intellectuelle et pratique, définissant jusqu’à aujourd’hui un modèle normatif rarement remis en question, quels que soient les écarts enregistrés entre modèle et comportements. Les Classiques ultérieurs le commenteront et le développeront bien davantage qu’ils ne l’infléchiront. Le Mencius offre dix-sept mentions du terme xiao11, des mentions plus développées que celles trouvées dans les Analectes. Il est vrai qu’il s’agit d’un ouvrage plus long que celui composé par les propos de son devancier. À plusieurs reprises l’ouvrage se mesure avec un cas extrême, une sorte de défi lancé au devoir de piété filiale, cas présenté par l’histoire de Shun, le dernier des cinq empereurs légendaires avant le règne de Yu le Grand (le mythique fondateur de la dynastie Xia, laquelle fut la première de celles qui régnèrent sur la Chine). L’histoire de Shun, rapportée par le Shujing, souvent reprise, enrichie, transformée, a vivement frappé les imaginations : sur l’instigation de sa belle-mère et de son demi-frère, le père de Shun le traite aussi mal qu’il est possible, cela durant des décennies, et quoi qu’il fasse. Sa famille, plusieurs fois, tente même de le faire périr. Rien de cela ne l’amène à dévier de ses devoirs ni n’altère l’ardeur de ses sentiments familiaux. C’est sa piété filiale tout autant que sa capacité à gouverner qui amène l’empereur Yao à le choisir comme successeur plutôt que de désigner son propre fils. À son instar, Shun ne permettra pas à son fils de lui succéder sur le trône, et son choix se portera sur Yu. C’est seulement à partir de ce dernier que la succession impériale devient héréditaire.
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En excluant une mention qui fait de xiao un nom propre.
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Shun, est-il dit, pleurait dans les champs… Plutôt que de trouver là une imperfection, Mencius reconnaît en lui le modèle de la « grande piété » (da xiao – Wan Shang I,1), celle de l’homme dont la pensée12, à cinquante ans, reste tournée vers ses parents, plutôt que de s’être successivement posée sur femmes, enfants, et charges honorifiques, comme le veut la coutume. Les pleurs qu’il versait n’étaient en rien récriminations, ils étaient preuve de cet amour inassouvi. Ils n’en posent pas moins problème à certains interlocuteurs de Mencius : la piété filiale parfaite n’exigerait-elle pas de ne point même remarquer les manquements, les crimes des parents ? Telle n’est pas l’opinion de Mencius : le véritable amour s’afflige des fautes graves, tandis qu’il ferme les yeux sur les fautes mineures (Gaozi II, 23). La vraie piété filiale connaît même le devoir de désobéissance. Shun prend le parti de ne pas informer son père de son mariage, craignant que celui-ci, s’il l’interdit, ne pèche contre lui-même en brisant le principe de continuation des générations. C’est en tout cas l’interprétation offerte par Mencius à ceux qui lui demandent comment il se fait que Shun, qui a sciemment négligé d’informer ses parents, puisse être considéré comme un parangon de piété filiale : « Il y a trois choses qui dérogent à la piété filiale. La plus grande, c’est de ne pas donner de descendance [à ses parents]. Shun n’a pas informé ses parents afin d’éviter de se trouver sans descendance. L’honnête homme considérera que cela revenait à les informer (Li Lou I,26). »13 La véritable obéissance ici se distingue donc de la docilité formelle. Elle transforme parfois la désobéissance en un devoir. C’est dire aussi que, dans le processus de croissance qu’elle implique (il n’est pas indifférent que la difficulté notée ici ait à voir avec le mariage), elle peut apparaître comme éducation à la liberté. Mencius se montre également sensible aux dimensions sociales de la question. Dans un long dialogue avec le roi Xuan de l’État de Qi, il reconnaît que seuls les Lettrés (shi) sont à même de garder un esprit constant (heng xin) quand ils ne possèdent pas un patrimoine fixe (heng chan). Pour la multitude du peuple, il faut d’abord instituer un gouvernement soucieux du bien-être général, qui distribue les terres, y fasse prospérer les productions de bon rapport, et diminue autant que faire se peut les corvées — et alors il sera possible d’éduquer le peuple à la justice et à la piété filiale, éliminant le spectacle désolant de vieillards réduits à vagabonder sur les routes (Liang Hui Wang I). 12 Le caractère ici utilisé pour qualifier les sentiments de Shun (mu) signifie estimer, convoiter ardemment, penser avec affection. 13 Les deux autres choses contraires à la piété filiale sont curieusement identifiées par un commentateur à une obéissance aveugle, qui ferait tomber les parents dans l’immoralité, et au fait de ne pas servir le gouvernement sous le prétexte de l’âge et des besoins des parents. Ce propos de Mencius sera opposé par les lettrés à la pratique du célibat religieux. Ricci s’emploiera à en relativiser la portée : « La piété filiale, ou son manque, vient de l’intérieur et non de l’extérieur. Elle s’origine en moi : comment dépendrait-elle d’un autre ? Avoir ou non des fils est déterminé par le Seigneur du Ciel. On peut demander des fils et ne point en avoir, mais est-il pensable de rechercher la piété filiale sans y parvenir ? » (Le Sens réel de « Seigneur du Ciel », traduit et annoté par Thierry Meynard, « Bibliothèque Chinoise », Paris 2013, 239)
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LES PROFONDEURS DE L’ORIGINE : LE LAOZI Atmosphère toute différente dans le Livre de la Voie et de sa Vertu. Deux mentions seulement du caractère xiao (fragments 18 et 19), et chaque fois en association avec le caractère ci (bienveillance des parents envers les enfants). Le premier fragment nous dit que lorsque la Voie périclita apparurent l’« humanité » et la « justice » et, de là, la « grande hypocrisie » ; c’est lorsque les relations de parenté fondamentales (qin) ne furent plus en harmonie qu’apparurent le xiao et le ci. Mais le fragment suivant ajoute que si l’on abandonnait sagesse et connaissance, « humanité » et « justice », le peuple reviendrait de lui-même aux sentiments paternels et filiaux (xiaoci). L’affection et le respect entre parents et enfants constituent donc bien une réalité innée, mais de ce fait même, les nommer, les ordonner en des principes et des procédures, les domestiquer par des artifices revient à les dénaturer. Autre trait frappent du Daodejing : on n’y trouve qu’une seule fois le caractère « père » (fu), et encore dans un sens apparemment figuré, pour parler du « père de la doctrine (jiaofu) [de l’auteur] » (ou, plus simplement, du « père qui enseigne »). Il est vrai que le positionnement du passage est central (il est situé à la fin du fragment 42, vers le milieu de l’ouvrage : on compte un total de 81 fragments dans la version canonique), d’autant que c’est aussi dans ce très court passage qu’il nous est dit que « la Voie engendre le un, le un le deux, le deux le trois, et les trois les dix mille êtres ». L’hapax que représente ce « père de la doctrine » est donc, par bien des aspects, intrigant. En termes d’analyse rhétorique, le retard accusé par les études chinoises par rapport aux études bibliques est indéniable — et cette contribution s’inscrit en hommage à l’inspiration apportée par Roland Meynet et à d’autres pionniers de la rhétorique structurelle pour aborder dans une lumière renouvelée l’étude des Classiques d’autres civilisations14. Sept mentions en revanche (réparties sur cinq paragraphes) du caractère « mère » (mu). Le premier fragment nous dit presque immédiatement que ce qui est sans nom est le commencement (shi – un caractère qui associe la clé de la femme à un graphe utilisé pour signifier l’embryon) du Ciel et de la Terre, et que ce qui possède un nom est « mère » de tous les êtres (la phrase prolonge l’affirmation initiale selon laquelle le nom que l’on nomme n’est pas nom constant). Le fragment 20 est une sorte d’autoportrait de l’auteur, qui s’affirme moqué des autres hommes parce que dans sa « bêtise » il ne discrimine pas entre les choses, il est « confus » — mais lui, dit-il encore, chérit « la mère nourricière » (shimu – une expression à contraster sans doute avec le « père de la doctrine » du fragment 42). Le difficile fragment 25 semble assimiler la Voie à la mère de toute chose existant sous le Ciel. Ainsi fait le fragment 52, qui ajoute que celui 14
Sur cet écart, et sur le programme que pourrait se fixer l’étude des textes chinois antiques, on peut consulter mon article : « Comment lire les Classiques Chinois ? » Geschichte der Germanistik, 2017, 38-65.
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qui a trouvé la mère connaît l’enfant, et que l’enfant qui connaît sa mère y retourne (ces fragments sont parmi les plus denses et énigmatiques du Laozi). La thématique de la filiation renvoie ainsi d’elle-même à celle de l’origine : « L’arbre qu’on enserre avec deux bras provient d’une imperceptible pousse » dit encore le fragment 64. Le texte semble souvent faire allusion à la croissance des plantes sur les rives ; ces plantes souples et faibles, comme la vie, tandis que la mort va toujours avec le dur, le rigide15. « Rien au monde comme l’eau, de plus souple, de plus faible. Mais pour attaquer le fort, qui sera comme l’eau ? Le faible vainc le fort, le souple vainc le dur (fragment 78). » Ainsi, parce qu’il a fait sienne la douceur, la fragilité de la vie, « celui qu’emplit la vertu se compare à un nouveau-né » dit encore le Laozi (fragment 55). « Ses os sont faibles, ses tendons débiles, mais il agrippe puissamment. » Cette image de l’enfançon qui étreint sa mère et que nul n’en peut détacher semble résumer ou traverser l’enseignement du Laozi. Combien différente de l’ambiance, bien plus formelle et masculine, véhiculée par les Analectes — et pourtant : nous avons vu Confucius justifier les trois ans du deuil par le fait que l’enfant ne se détache des bras de ses parents qu’après le même intervalle de temps (XVII,21). La sagesse chinoise bruit donc discrètement (mais sans pour autant le dissimuler) de ce que lui inspire l’observation du tout-petit, du nourrisson. C’est même l’un des grands thèmes, nous venons de l’entrevoir, du Livre de la Voie et de sa Vertu. Le travail du Sage authentique, dit l’auteur anonyme, c’est de faire naître en son intérieur l’enfant — l’enfant qui se tourne vers son origine, l’enfant qui, l’esprit vacant, tête sa mère (fragments 10, 55 et al.). L’enfançon est celui qui se tient au plus près de son origine. Il ne prétend pas vivre par lui-même, il ne prétend pas être sa propre origine, il sait de qui il dépend. À son instar, il nous faut modeler notre propre respiration sur le mouvement du soufflet qui active le Ciel et la Terre : « l’intervalle entre le Ciel et la Terre, pareil à un soufflet, se vide et reste inépuisable » (Laozi, fragment 5). On pourrait s’aventurer à brosser un parallèle avec la façon dont les textes bibliques et évangéliques abordent le thème de la filiation. Il vaut mieux sans doute laisser chacune de ces traditions dévider sa musique propre, sans en trop forcer le cours. D’autant — nous l’avons vu — que la tradition de la Chine antique est loin d’être parfaitement unifiée : si elle se nourrit d’un corps commun d’observations (ainsi du comportement de l’enfançon, ou du jeu entre le cours d’eau, les plantes, et le travail de domestication entrepris par les hommes), elle n’en tire pas des conclusions univoques. Il suffira ici de remarquer que les textes sur la piété filiale cités à l’instant ont grandement influencé la façon dont Ricci a introduit l’idée de Dieu. Dans le dialogue qu’il engage avec un lettré chinois il fait dire à ce dernier : « Mes parents m’ont donné ce corps, je leur dois de ce fait piété (xiao). Le souverain et 15
Sarah ALLAN, The Way of Water and the Sprouts of Virtue (Albany, NY, 1997) montre le rôle fondateur des métaphores aquatiques et végétales dans la genèse de la conception du Tao.
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ses ministres m’ont donné un champ pour élevage et pâturage, ce qui me permet de respecter mes aînés et élever mes enfants, je leur dois donc hommage. Combien plus doit-on honorer le Seigneur du Ciel, le Très Grand Père-Mère (dafumu), le Très Grand Souverain (dajun), celui de qui sortent tous les ancêtres, qui régit tous les souverains, qui fait naître et nourrit toute chose — comment pourrais-je ne pas le reconnaître, le négliger ? »16 Ce à quoi Ricci répond avec approbation : « La bonté du Père Suprême (dafu zhi ci) ne manquera pas de protéger celui qui enseigne et transmet la vraie Voie comme celui, qui l’écoutant, la reçoit »17. Notions et notations profondément confucéennes, encore que la référence aux parents (fumu) soit ici transcendée par l’adjectif da, qui, nous l’avons déjà écrit, désigne cela qui est « grand » en tant qu’il est incommensurable : le fragment 25 du Laozi, parlant de la Mère de toute chose sous le Ciel remarque : « Je n’en sais pas le nom. S’il faut l’écrire on dira : la Voie. Obligé de la prénommer on dira : Grande. » L’expression dafumu, invention lexicale de Ricci (peut-être forgée de concert avec son prédécesseur éphémère Michele Ruggieri) rencontrera l’approbation des lettrés chinois convertis. Li Zhizao (1565-1630), dans sa préface au Sens réel, en résume ainsi l’enseignement : « Les gens savent servir leur père et leur mère, mais ils ignorent que le Seigneur du Ciel est le Suprême Père-Mère. Ils savent que le pays a un souverain légitime et ils ne savent pas que le Seigneur qui régit le Ciel est le souverain suprême. Qui ne sert sa parenté ne peut être fils, qui ne reconnaît pas son souverain ne peut avoir un office, qui ne sert le Seigneur du Ciel ne peut être homme »18. Les deux autres Lettrés convertis qu’avec Li Zhizao on appelle communément « les trois piliers » du catholicisme chinois, Yang Tingyun et Xu Guangqi, approuvent et commentent également l’expression dafumu. La querelle des termes, interne à la Compagnie de Jésus (déclenchée dès après la mort de Ricci par les jésuites du Japon réfugiés à Macao et le successeur de Ricci à la tête de la mission de Chine, Longobardo) imposera la plus grande prudence quant aux façons de nommer Dieu. Elle amènera donc à ignorer largement l’expression dafumu, sans pour autant qu’elle disparaisse. Quoi qu’il en soit, le terme témoigne jusqu’à aujourd’hui que les premiers missionnaires comme les lettrés convertis ont estimé trouver dans les méditations antiques autour de la piété filiale la meilleure propédeutique à l’enseignement nouveau qu’ils ambitionnaient de transmettre. School of Philosophy Fudan University 220 Handan Road Shanghai 200433 (P.R.China)
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16 Le Sens réel de « Seigneur du Ciel », traduit et annoté par Thierry Meynard, « Bibliothèque Chinoise », Paris 2013, 51 (traduction modifiée). 17 Le Sens réel de « Seigneur du Ciel », 51 (traduction modifiée). 18 Le Sens réel de « Seigneur du Ciel », 259 (traduction modifiée).
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Le terme de « piété filiale » (xiao) revêt un rôle central dans la pensée chinoise antique. En même temps, les réflexions qu’il inspire diffèrent d’un auteur à l’autre. Les Analectes de Confucius en présentent l’expression canonique : si le père et la mère sont associés dans un même hommage, la relation entre fils et père est première ; la piété est moins définie par des devoirs concret que par une attitude extérieure et intérieure qui est au fondement de toute pratique rituelle ; elle fonde la force et la pérennité de la nation. Mencius s’engage dans une herméneutique de la piété filiale qui s’attarde sur les difficultés de son exécution. Laozi fait porter l’accent sur « l’Origine », dont la figure de la mère est la meilleure expression. Les missionnaires jésuites et les premiers chrétiens chinois verront dans la réflexion sur le xiao un prolégomène à la foi chrétienne. Mots-clés : piété filiale, Confucius, Mencius, Laozi, Matteo Ricci
ABSTRACT The term «filial piety» (xiao) plays a central role in ancient Chinese thought. At the same time, the reflections it inspires differ from author to author. The Analects of Confucius provide us with its canonical expression: if father and mother are associated in the same tribute, the relationship between son and father comes first; piety is less defined by concrete duties than by an external and internal attitude which grounds all ritual practice; the observance of xiao builds the strength and sustainability of the nation. Mencius engages in a hermeneutic of filial piety that dwells on the difficulties of its execution. Laozi emphasizes «the Origin», of which the figure of the mother is the best expression. Jesuit missionaries and the first Chinese converts will see in the reflections on xiao the prolegomena to the Christian faith. Keywords : filial piety, Confucius, Mencius, Laozi, Matteo Ricci
Jacques SCHEUER
Deux paraboles de « l’enfant prodigue » Évangile de Luc et Sûtra du Lotus Car les sages comprennent grâce aux paraboles Sûtra du Lotus, chap. 3, p. 102 L’homme prudent médite en son cœur les paraboles Sagesse de Sirach (Ecclésiastique) 3,29 Bien des prophètes et des rois ont voulu entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! Lc 10,24 Par un grand nombre de paraboles il leur annonçait la Parole dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre Mc 4,33
Jusque vers la fin du 18e siècle, les informations qui parvenaient en Europe sur le bouddhisme demeuraient fort lacunaires et disparates. Quelques rares missionnaires avaient obtenu sur le terrain (Japon, Siam, Tibet…) de remarquables connaissances des pratiques et des doctrines bouddhiques. Toutefois l’immense littérature du bouddhisme et les grands thèmes des enseignements attribués au Bouddha n’étaient parvenus en Occident que par bribes et morceaux. Durant la première moitié du 19e siècle, l’entreprise coloniale ainsi que le développement des voyages et du commerce font entrer les civilisations de l’Asie dans quelques cercles intellectuels et suscitent la création de nouvelles institutions universitaires. Malgré la diversité des langues et des écritures, malgré la multiplicité des écoles et des doctrines, le grand puzzle du bouddhisme commence à prendre forme pour quelques Occidentaux.
I. SOUDAIN, UNE AUTRE PARABOLE DE L’ENFANT PRODIGUE Dans les années 1830, Brian Hodgson (1801-1894), résident britannique à Katmandou, fait parvenir à Paris des manuscrits recueillis au Népal. Parmi ceuxci, Eugène Burnouf (1801-1852), indianiste, professeur au Collège de France et père des études bouddhiques en Europe, découvre le texte sanskrit du Sûtra du Lotus. Il s’agit d’enseignements dispensés par le Bouddha Śâkyamouni sur le Pic du Vautour. Dans un cadre grandiose de dimensions cosmiques, le Bouddha est entouré de foules innombrables de disciples : moines et moniales, pieux laïcs et laïques pieuses, mais aussi divinités et êtres surnaturels divers. Malgré le carac-
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tère déroutant de bien des pages, Burnouf se met à déchiffrer et traduire ce qu’il faudra bientôt reconnaître comme l’une des œuvres majeures du bouddhisme du Grand Véhicule. Il écrit à son correspondant et bienfaiteur britannique1 : Je me tournai vers un livre nouveau… le Saddharma pundarîka, et je puis vous affirmer que je n’ai pas eu à me repentir de mon choix… Quoique beaucoup de choses soient encore obscures à mes yeux, je comprends cependant la marche du livre, le mode d’exposition de l’auteur, et j’en ai même déjà traduit deux chapitres en entier, sans rien omettre. Ce sont deux paraboles qui ne manquent pas d’intérêt… Sauf l’impiété (mais vous n’êtes pas un clergyman), je ne connais rien d’aussi chrétien dans toute l’Asie.
Burnouf publiera une très remarquable Introduction à l’histoire du bouddhisme indien (1844) et, en traduction française abondamment annotée, Le Lotus de la Bonne Loi (1852). Le texte qui nous intéresse forme le chapitre 4 du Lotus2. Pour le désigner, Burnouf parle de la parabole de l’enfant prodigue ou de l’enfant égaré ; ce dernier intitulé est repris notamment par Foucaux et de Rosny3. Le récit tient en une quinzaine de pages — ou moitié moins, si l’on tient compte du fait que, comme il arrive dans la plupart des chapitres du Sûtra du Lotus, une version en prose et une version en vers se succèdent ou s’enchevêtrent, sans que l’on puisse affirmer avec certitude laquelle est plus ancienne (de nombreux chercheurs estiment cependant que la version versifiée est antérieure). Un tout jeune homme abandonne son père, un marchand et entrepreneur richissime, et s’en va vivre dans des contrées lointaines. Il y passe 10, 20, peutêtre 50 ans. Bientôt réduit à la misère, amaigri et couvert d’ulcères, il erre à la recherche de petits boulots. Le hasard ramène ses pas vers une ville où le père avait entretemps établi sa fastueuse résidence. Apercevant de loin cet homme puissant ainsi que son entourage, le fils ne le reconnaît pas : intimidé, effrayé, craignant de se voir retenu contre son gré, il rebrousse chemin. Le père, qui n’avait jamais cessé de penser à lui et de le chercher dans toutes les directions, le reconnaît aussitôt mais n’en parle à personne. Tout joyeux d’avoir trouvé un héritier pour son immense fortune, il envoie des serviteurs pour lui ramener son
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L. FEER, Papiers d’Eugène Burnouf conservés à la Bibliothèque Nationale, Paris 1899, 157158 ; A. YUYAMA, Eugène Burnouf : the Background to his Research into the Lotus Sûtra, Tokyo 2000 ; D.S. LOPEZ, The Lotus Sûtra : A Biography, Princeton 2016, 122-156. 2 Étant donné que le Sûtra du Lotus connut sa plus grande fortune en Chine et en ExtrêmeOrient, on suivra ici la version chinoise, traduite du sanskrit par Kumârajîva en 406 (presque au moment où saint Jérôme achève sa traduction latine de la Bible, la « Vulgate » !). Les citations seront reprises à la traduction française de J.-N. ROBERT, Le Sûtra du Lotus, Paris 1997. 3 Ph.-É. FOUCAUX, Parabole de l’enfant égaré, formant le chapitre IV du « Lotus de la Bonne Loi », Paris 1854 (textes sanskrit et tibétain, traduction française) ; L. de ROSNY, « La parabole bouddhique de l’enfant égaré » in Variétés orientales, Paris 1868, 149-156.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 379 fils. Terrifié, ce dernier se débat vainement, puis perd connaissance. Le père, comprenant sa terreur, ordonne alors de le relâcher. Un peu plus tard, le père envoie vers son fils misérable deux hommes qui ne paient pas de mine ; ils sont chargés de lui proposer, en échange d’un double salaire, un travail impur et ingrat : déblayer les immondices. Lorsque le fils est quelque peu familiarisé avec les lieux et avec ses compagnons de travail, le père, se dépouillant de ses riches atours et vêtu comme un journalier, « descend » (selon la version sanskrite), s’approche de lui et lui adresse la parole. Il lui confie bientôt des tâches plus importantes, puis, au fil des années, de plus grandes responsabilités : « Je serai comme ton père…, tu seras comme mon fils ». Bien que la confiance s’établisse entre eux, l’homme pauvre demeure persuadé qu’il n’est qu’un simple ouvrier : il vit dans une cabane à l’extérieur de la propriété. Âgé et malade, sentant que sa fin est proche, le père richissime confie enfin à son fils l’administration de ses immenses biens. À l’article de la mort, il le convoque et, en présence des autorités du pays et des grands marchands, il le reconnaît solennellement comme son fils, « celui que j’ai engendré », et son héritier de plein droit : « Celui-ci est mon fils qui m’avait abandonné pour aller ailleurs… Autrefois je l’avais perdu, ce fils, partout je l’avais recherché. » Répondant à la joie du père, le fils éprouve une immense joie.
II. LE « GRAND VÉHICULE » : DES ENSEIGNEMENTS INOUÏS Bien qu’ils divergent en plus d’un point, le récit bouddhique fait immanquablement penser à la parabole évangélique. Eugène Burnouf, le premier traducteur du Sûtra du Lotus en langue occidentale, semble aussi avoir été le premier à faire le rapprochement et à parler de « paraboles ». Il s’agit cependant d’une allégorie, d’une « comparaison », analogie ou « ressemblance » (aupamya), plus que d’une parabole. Ainsi qu’il arrive plus d’une fois dans les récits évangéliques, le contexte plus large, d’une part, ainsi qu’un paragraphe de conclusion ou de commentaire, d’autre part, aident à décoder le message. Par exemple : « Le richissime maître de maison, c’est le Bouddha, et nous tous, nous ressemblons aux fils de l’Éveillé ». Voyons cela de plus près, à commencer par le contexte plus large. Encore qu’il demeure difficile d’affirmer quoi que ce soit avec précision, il est probable que le Sûtra du Lotus, ou Sûtra du Lotus de la Loi merveilleuse (Saddharma-pundarîka-sûtra) a été rédigé dans le Nord-Ouest de l’Inde dans le courant ou vers la fin du 1er siècle de notre ère. C’est l’époque où de nouvelles doctrines apparaissent çà et là au sein du bouddhisme indien. Les courants porteurs de ces nouvelles interprétations se reconnaîtront progressivement sous l’appellation de « Grand Véhicule » (Mahâyâna), c’est-à-dire grand moyen de progression vers l’Éveil : revendiquant une compréhension plus ample et profonde des enseignements du Bouddha, ils en viennent à taxer les écoles tradi-
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tionnelles de « Petit Véhicule » ou « Véhicule restreint » (Hînayâna). Personne, bien évidemment, n’acceptera pour soi cette désignation dépréciative ; l’école traditionnelle la plus connue, la seule qui se soit transmise jusqu’à nos jours, se présente au contraire comme la « Tradition des Anciens » (Theravâda) : à la différence des novateurs hérétiques du Grand Véhicule, elle proclame sa stricte fidélité aux enseignements transmis par les premiers disciples du Bouddha. Bien qu’il soit, parmi les enseignements attribués au Bouddha, l’un des plus significatifs et l’un des plus répandus jusqu’à notre époque dans tout l’ExtrêmeOrient, le Sûtra du Lotus n’est que l’un des très nombreux textes qui se rédigent au cours des premiers siècles de notre ère. Tout en partageant certaines tendances communes aux courants multiples du Grand Véhicule, il se distingue par des enseignements caractéristiques et des formes d’expression bien particulières. L’une des questions majeures que notre Sûtra doit affronter tient à la nouveauté de son message : comment éviter que cette nouveauté apparaisse comme pure hérésie en contradiction flagrante avec les enseignements transmis de génération en génération depuis la disparition du Bouddha Śâkyamouni ? Les larges perspectives ouvertes par les divers courants du Grand Véhicule vontelles disqualifier les enseignements traditionnels, désormais désuets et privés de validité ? Au contraire, est-il souhaitable et possible de chercher une conciliation, voire d’ébaucher une synthèse de l’ancien et du nouveau ? On n’oubliera pas que les enjeux de doctrine sont ici le plus souvent indissociables de différends portant sur les finalités et sur les pratiques spirituelles. Les courants novateurs reprochent volontiers aux « auditeurs », c’est-à-dire aux adeptes du Petit Véhicule, une étroitesse d’esprit et un manque d’ambition spirituelle. Chacun de ces auditeurs — il s’agit essentiellement de moines — serait exclusivement préoccupé des pratiques individuelles d’ascèse et de méditation indispensables pour parvenir à l’extinction (nirvâna) de la souffrance par l’extinction des désirs et de l’illusion. Cette perspective étroite empêcherait les auditeurs — de même que les Bouddhas-pour-soi4 — de connaître le Grand Éveil qui ferait d’eux de véritables bouddhas et leur conférerait la sagesse suprême ainsi qu’une compassion soucieuse de la libération de tous les êtres. C’est à la lumière de ces débats et enjeux qu’il convient de lire la parabole bouddhique du fils prodigue ou de l’enfant pauvre ou encore, ainsi qu’il apparaîtra, de l’homme oublieux et du père à sa recherche. La question de la pluralité des Véhicules et de leurs rapports mutuels est abordée en son principe dans le chapitre 2 du Sûtra du Lotus : Dans les terres d’Éveillé des dix orients il n’existe qu’un seul et unique véhicule, il n’y en a pas deux, il n’y en a pas trois, 4 Les « Bouddhas-pour-soi » ou « Bouddhas solitaires » (pratyeka-buddha) forment une catégorie distincte. Parvenus à la délivrance (nirvâna) par leurs propres recherches et efforts, sans bénéficier de la prédication d’un Bouddha, ils ne transmettent aucun enseignement au bénéfice des autres êtres. On considère leur voie comme un Véhicule distinct du Theravâda et du Mahâyâna.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 381 mis à part la prédication d’expédients salvifiques par l’Éveillé, lesquels ne sont que vocables conditionnels et provisoires destinés à guider les êtres. (p. 80)
III. DES « MOYENS HABILES » EN VUE DU SALUT Nous reviendrons sur ce qu’implique cette déclaration. Par la suite, la parabole du chapitre 3, la « maison en flammes », tente d’apporter des réponses plus concrètes et persuasives. Dans une maison en flammes, image du monde d’impermanence et de souffrance dont nous sommes prisonniers, un père n’arrive pas à se faire écouter de ses enfants qui jouent, inconscients du danger imminent. Il finit par les convaincre de s’enfuir vers la cour en leur promettant à chacun le jouet de leurs rêves : de merveilleux chariots tirés par différents animaux. Une fois les enfants hors de danger, cependant, le père leur offre à chacun, « sans préférence ni partialité », un chariot identique. L’image est transparente : alors que différents courants dans la communauté bouddhiste proposent des Véhicules distincts et qui parfois paraissent s’exclure (Hînayâna, Pratyekabuddhayâna, Mahâyâna ou Bodhisattvayâna), le Bouddha (« l’Éveillé ») n’a qu’un seul Véhicule à proposer (Buddhayâna), un « Véhicule unique » (Ekayâna). Les divers Véhicules ou les diverses écoles et leurs enseignements de sagesse5 peuvent certes paraître inconciliables ; ce ne sont cependant, proposés par le ou les Bouddha(s), que des « moyens habiles » (upâya), des « expédients salvifiques », des stratagèmes ou mises en scène pédagogiques : L’Ainsi-Venu (Tathâgata, titre du Bouddha) prêche tout d’abord les trois véhicules pour attirer et inciter les êtres et ne leur donne ensuite que le Grand Véhicule pour les mener à la délivrance. Pourquoi cela ? L’Ainsi-Venu possède le trésor incalculable et infini des méthodes, des sagesses, des puissances, de l’assurance et est capable de donner à l’ensemble des êtres la Loi du Grand Véhicule, mais ceux-ci ne peuvent la recevoir intégralement. Il faut donc se rendre compte de ces circonstances : c’est à cause de la puissance des expédients des Éveillés que ceux-ci divisent en trois dans leur prédication l’unique véhicule d’Éveillé. (chap. 3, p. 108)
Ces expédients ou moyens habiles, il ne s’agit donc pas de les prendre au pied de la lettre ni de leur attribuer une valeur indépassable mais plutôt de les reconnaître comme autant d’expressions de la sagesse et de la compassion du Bouddha dans son souci de sauver tous les êtres. Accuser ici le Bouddha de mensonge ou de tromperie n’aurait guère de sens : il est vrai que le Bouddha n’a 5 Un savant japonais propose de reconnaître dans certains passages du Sûtra du Lotus un jeu de mots sur yâna (véhicule) et jñâna (connaissance, sagesse), ces deux termes sanskrits pouvant devenir identiques dans leur forme prakrite jâna : S. KARASHIMA, « Vehicle (yâna) and Wisdom (jñâna) in the Lotus Sutra : the Origin of the Notion of yâna in Mahâyâna Buddhism », in Annual Report of the International Research Institute for Advanced Buddhology (Tokyo) 18 (2015) 163196.
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pas toujours enseigné la vérité tout entière, mais tout ce qu’il enseigne est le fruit de sa sagesse et l’expression de sa compassion, compte tenu des capacités spirituelles limitées de ses auditoires. Chacun de ces moyens, davantage adapté à tel ou tel type de disciples, constitue une aide précieuse pour se rapprocher de la délivrance finale. C’est ainsi que le Prologue (chap. 1) de notre Sûtra décrit l’activité salvifique d’un Bouddha du lointain passé en énumérant quelques traits caractéristiques de chacun des trois Véhicules : Pour ceux qui recherchaient l’état d’auditeur, il prêchait la Loi (dharma) adaptée selon les quatre vérités, qui sauve de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, qui mène à parachever l’Extinction (nirvâna). Pour ceux qui recherchaient l’état d’Éveillé pour soi, il prêchait la Loi adaptée selon les douze liens causaux. Pour les êtres d’Éveil (bodhisattva), il prêchait celle adaptée selon les six perfections, leur permettant d’accéder à l’Éveil complet et parfait sans supérieur et de réaliser la science de tous les aspects. (p. 58 ; chap. 3, p. 107)
Le Sûtra du Lotus apporte par là une réponse de principe au scandale de la division des Véhicules et de leurs possibles contradictions. Cette réponse, il va sans dire, ne suffit pas à convaincre les tenants de la doctrine traditionnelle. Et même les bouddhistes qui accepteront le Sûtra du Lotus comme un authentique enseignement du Bouddha, voire comme son enseignement suprême, n’en feront pas tous la même lecture. Selon une lecture « exclusive », le Véhicule unique s’identifie-t-il au Mahâyâna, de sorte que la Voie des Anciens et celle des Bouddhas solitaires doivent être reconnues comme des formes dépassées et trop courtes ? Ou bien, selon une lecture « inclusive », ce Véhicule unique englobe-til les trois Voies, tout en les transcendant, de sorte que le Grand Véhicule, lui aussi, apparaisse comme un « moyen habile » et provisoire plutôt que comme la fin et l’aboutissement6 ? Des écoles de commentateurs chinois et japonais raffineront sur ces distinctions et proposeront même différentes hiérarchies de textes selon l’importance et l’autorité qu’elles accordent à telle section ou tel chapitre de notre Sûtra.
IV. L’ERRANCE DU FILS PAUVRE Notre parabole bouddhique de l’enfant prodigue ou du fils pauvre (chapitre 4) reprend la question sous un angle quelque peu différent. Elle souligne l’importance de la disposition d’esprit : c’est ce que suggère le titre traditionnel, un terme rare (adhimukti) qui signifie quelque chose comme « propension, dispo6 S.F. TEISER – J.I. STONE, ed., Readings of the Lotus Sûtra, New York 2009, 16-22. La dimension polémique du recours à la notion de « moyens habiles » est soulignée par J. HUBBARD, « Buddhist-Buddhist Dialogue ? The Lotus Sutra and the Polemic of Accommodation », BuddhistChristian Studies 15 (1995) 119-136.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 383 sition, confiance » et que l’on traduit par « les inclinations », « les intelligences ou les dispositions intellectuelles » (Burnouf) ou, à partir de la traduction chinoise, « faith discernment » (Soothill ; Katô), « croire et comprendre » (J.-N. Robert). Le texte dit simplement que le jeune fils quitte son père et part à l’étranger. Aucune explication n’est fournie, aucun reproche n’est formulé. Tout au plus convient-il de remarquer que le mot « enfant » (bâla) connote souvent l’idée de « enfantin, puéril, sot ». Adulte, le fils demeure un « enfant ». Il se comporte comme s’il n’avait pas de père ; il est oublieux de sa relation de fils. Le père, bien au contraire, durant ces interminables années de séparation, ne cesse de penser à son fils et d’être à sa recherche. Dans le contexte du Sûtra du Lotus et à la lumière des chapitres précédents (1 à 3), on doit cependant être plus précis. Le fils n’apparaît pas seulement comme l’image de l’être humain qui vit ou survit dans l’inconscience de sa véritable identité, victime et prisonnier d’attachements passionnels et de désirs illusoires. Ce pourrait être en somme la situation de n’importe quel être humain privé de sagesse, de n’importe quel « païen ». Or, il semble bien que ceux qui sont ici visés soient les adeptes du Petit Véhicule, prisonniers de leur conception étroite du message bouddhique. Signalons à ce propos qu’à la différence d’autres paraboles contenues dans ce même Sûtra, le récit du prodigue n’est pas prononcé par le Bouddha mais proposé par quatre disciples : ils viennent d’entendre, de la bouche du Bouddha, des paroles « sans précédent », des enseignements bien plus amples que tout ce qu’ils pouvaient imaginer jusque-là et ils réagissent à la proclamation de leur futur Éveil « complet, parfait, sans supérieur ». Ils s’en réjouissent, prennent conscience de la perspective étroite dans laquelle ils étaient demeurés longtemps enfermés et tentent d’exprimer leur compréhension nouvelle au moyen d’un récit allégorique. Ce faisant, ils « déploient une disposition d’esprit rarement atteinte et exultent d’allégresse ». Eux qui « siègent à la tête de la communauté », ils pensaient avoir obtenu le nirvâna et ne cherchaient plus à progresser. Assis, « le corps las, indolents », leur esprit n’était occupé que de la vacuité de tous les phénomènes et ne se souciait pas de la Voie des Êtres d’Éveil (bodhisattva) ni de l’aide à apporter, en vue de leur libération et parfaite réalisation, à tous les êtres doués de conscience. Voici que, « sans l’avoir recherché », ils découvrent dans les paroles du Bouddha un « trésor d’un prix incalculable ». Au début du récit, cependant, le fils est encore parfaitement incapable d’imaginer autre chose que la situation douloureuse dans laquelle il se trouve. S’il s’approche de son père, c’est sans être à même de le reconnaître : la grandeur du père ne lui inspire qu’effroi et terreur. Il « perd connaissance et s’écroule sur le sol ». Dans sa sagesse et sa compassion, le père « se rend compte de la vile inclination d’esprit de son fils » ; il est parfaitement conscient de ce qui empêche le fils de rétablir une relation. C’est donc le père qui prendra toutes les initiatives. Il va prendre le temps nécessaire et recourir à des « moyens habiles » afin de permettre à ce fils de progresser lentement dans une nouvelle compréhension
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de soi. N’hésitant pas à se dépouiller de ses vêtements luxueux, le père se rend méconnaissable et quitte sa résidence pour se rapprocher du fils misérable et prendre toutes les mesures propres à lui redonner confiance : Un autre jour, alors qu’il regardait de loin, par la fenêtre, son fils décharné et émacié, couvert de poussière et de saletés, maculé de souillures, il se dépouilla de son pectoral, de ses vêtements de dessus, de ses parures, et revêtit des haillons tachés de graisse et de boue ; il s’enduisit le corps de crasse et prit dans sa main droite des outils de nettoyage… Grâce à ce stratagème, il parvint à approcher son fils 7. (chap. 4, p. 131).
Celui-ci cependant demeure longtemps incapable de « renoncer à la vilenie de sa pensée ». Il se passe du temps avant que le père estime que « la mentalité de son fils s’était graduellement épanouie, qu’il avait enfin réalisé en lui une volonté de grandeur et qu’il n’avait plus que mépris pour sa précédente disposition d’esprit ». Lorsque le fils peut enfin entendre la proclamation de reconnaissance par son père, « il se réjouit grandement, comme jamais auparavant, et il eut cette pensée : je n’avais originellement pas le cœur à rien rechercher et voici qu’à présent ces trésors spontanément m’arrivent ».
V. QUATRE SAGES COMMENTENT LEUR PARABOLE À la suite du récit proprement dit vient une page dans laquelle les quatre sages, s’adressant toujours au Bouddha, décodent l’allégorie au bénéfice des auditeurs et lecteurs du Sûtra. Ces quatre célèbres disciples du Bouddha sont des moines appartenant à la tradition ancienne, au Véhicule restreint : ils sont ce qu’on appelle des arhat (littéralement : « ceux qui sont dignes de ») : une longue pratique les avait menés fort loin sur la voie enseignée dans cette tradition. À entendre leur récit et leur commentaire, on comprend que c’est leur propre parcours et leur propre découverte qu’ils relatent à présent en forme de parabole. Le richissime père représente bien évidemment le Bouddha. Cette fiction a cependant de quoi surprendre. Que le Bouddha reçoive le titre de père ou soit mis en scène sous les traits d’un père de famille, c’est là une chose peu commune dans le bouddhisme ancien. Sur ce point également, le Sûtra du Lotus fait preuve d’originalité. Le Bouddha est « le sauveur et protecteur de tous, le père des êtres » (chap. 7, p. 173-174) ; il est « le père du monde, le sauveur de ceux qui souffrent » (chap. 16, p. 288-289). Néanmoins, le lecteur chrétien sera 7 À la lecture de ces lignes, on pourra songer à de brèves paraboles ou de simples images par lesquelles le Ratnagotravibhâga ou Uttaratantraśâstra, un texte plus tardif du Mahâyâna, décrit le germe de bouddhéité présent dans tout être mais caché sous des apparences grossières et impures : une statue précieuse couverte de haillons, une femme laide et misérable porteuse d’un embryon de roi, etc. Voir F. CHENIQUE (trad.), Le Message du futur Bouddha, ou La Lignée spirituelle des Trois Joyaux, Paris 2001, section 9.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 385 peut-être surpris voire déçu de constater que, dans notre parabole bouddhique du prodigue, la relation du père au fils — et plus encore celle du fils au père — s’exprime peu en termes d’affection ou d’attachement personnel8. La pointe du récit se porte davantage sur la question de l’héritage : le père se désole de n’avoir personne à qui transmettre son immense fortune, le fils ne connaîtra guère ce père qui ne le reconnaît qu’à l’article de la mort. Il convient toutefois de ne pas majorer cette symbolique du père ; on évitera surtout d’interpréter cette image paternelle dans le sens de conceptions théistes qui demeurent foncièrement étrangères au bouddhisme. Même la figure historique du Bouddha Śâkyamouni s’estompe dans le Sûtra du Lotus et plus largement dans le Mahâyâna. Il ne serait pas faux de dire que la bouddhéité, comme principe ou réalité d’Éveil, est plus importante que le ou les Bouddha(s). En ce sens, la relation affective entre père et fils est moins significative que l’accès à l’héritage, c’est-à-dire la capacité d’avoir part à la délivrance et à l’Éveil enseignés et promis par le(s) Bouddha(s). Ce message général doit s’entendre ici dans la perspective propre au Sûtra du Lotus et notamment en accord avec les enseignements des premiers chapitres. Il s’agit d’accéder à la disposition d’esprit, au « croire et comprendre » qui, faisant éclater le cadre étroit du Véhicule restreint, ouvre à tous les perspectives amples du Grand Véhicule. « Nous tous, nous ressemblons au(x) fils de l’Éveillé ». Beaucoup n’en sont pas conscients : il leur manque l’audace spirituelle, l’ouverture de l’esprit et du cœur qui permette d’accueillir cette bonne nouvelle. Beaucoup se satisfont d’un salaire de journalier et renoncent à toute ambition ou aspiration proprement spirituelle9. Beaucoup « se délectent de leur attachement à des enseignements mineurs » : ils s’enferment dans le cadre d’une délivrance individuelle, d’un nirvâna passif, ignorant l’invitation à œuvrer pour le Grand Éveil et le salut universel : Ceux de peu de sagesse se délectent d’une Loi mineure, sans croire qu’eux-mêmes deviendront Éveillés. (chap. 2, p. 88)
8 Le caractère impersonnel, distant et anhistorique de la figure bouddhique du père est souligné par exemple par G. ROSENKRANZ, « Das Gleichnis vom verlorenen Sohn im Lotos-Sûtra und im Lukasevangelium » in Theologie als Glaubenswagnis. Festschrift für Karl Heim, Hamburg 1954, 176-193 (repris dans son livre Religionswissenschaft und Theologie. Aufsätze zur Evangelischen Religionskunde, Munich 1964, 88-100). Ce théologien réformé en conclut un peu vite à la supériorité du message chrétien. 9 À ce propos, plus qu’à la parabole évangélique du prodigue, c’est à celle des talents (Mt 25,14-30 ; Lc 19,12-27) que l’on peut songer : à chaque serviteur, « selon ses capacités », un maître confie la gestion de talents : 5, 2 ou 1. Celui qui en reçoit le moins ne fait rien pour les faire fructifier, car il est « pris de peur ». Le maître l’en punit : « À celui qui a, on donnera du surplus ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a ».
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Il est donc urgent de « déblayer les immondices des puériles tractations de ces enseignements » inférieurs et de se remettre en quête d’une réalisation plus haute10. Ces enseignements inférieurs sont toutefois moins à rejeter qu’à dépasser : ils constituent en effet, à chaque étape, les moyens appropriés que la pédagogie et la compassion du Bouddha proposent à notre compréhension encore limitée, « alors que nous ne savions pas (encore) que nous étions en vérité enfants de l’Éveillé ». Après avoir enseigné le Petit Véhicule, le Bouddha, s’aidant de paraboles et autres modes d’expression, « prêche la Voie insurpassable ». Le Sûtra du Lotus se présente dès lors comme une nouvelle dispensation, une nouveauté inattendue qui survient alors que nous ne la cherchions pas consciemment : le fils de la parabole hérite sans aucune initiative de sa part. « En ce jour, exultons de liesse » car le Véhicule unique (ekayâna) manifeste enfin ce qui fut, « depuis les temps anciens », dans « la longue nuit des siècles », depuis « d’innombrables âges cosmiques », l’intention unique du Bouddha (ou des Bouddhas), la finalité ultime des divers « moyens habiles » auxquels ils eurent recours en fonction des circonstances, en fonction des besoins et des capacités des auditeurs11. Par le moyen de quelles offrandes pourrions-nous jamais nous acquitter de notre dette à leur égard ?
VI. DU SÛTRA AU RÉCIT DE LUC Bien des thèmes pourraient être approfondis à partir d’autres chapitres du Sûtra du Lotus. Il faudrait en outre explorer l’immense forêt de commentaires textuels, de systématisations doctrinales, de traditions populaires et d’exploitations iconographiques que notre Sûtra — et son chapitre 4 en particulier — a inspiré au cours des siècles et jusqu’à nos jours aux communautés bouddhistes de Chine et de tout l’Extrême-Orient12. Plus modestement, tournons-nous à présent vers la parabole évangélique pour mettre en lumière quelques convergences et quelques contrastes entre le récit bouddhique du fils oublieux et
10 W.Th. de Bary fait l’hypothèse d’une étape de rédaction plus ancienne, antérieure à ce contexte de controverse : « Il y a peu de doute, cependant, que le récit ici mis au service d’une propagande sectaire devait à l’origine être porteur d’une signification plus large ». Voir W.Th. de BARY, ed., Sources of Indian Tradition, New York 1958, 165 n. 4. En l’état actuel de notre documentation, cela reste une pure hypothèse. 11 Sur la notion de « moyens » (upâya) ou d’« habilité dans le recours aux moyens » (upâyakauśalya), en particulier dans le Sûtra du Lotus, voir : M. PYE, Skilful Means. A Concept in Mahayana Buddhism, Londres 1978 (reprint Londres – New York 2003) ; J.W. SCHROEDER, Skillful Means. The Heart of Buddhist Compassion, Honolulu 2001 ; A. FEDERMAN, « Literal Means and Hidden Meanings : A New Analysis of “Skillful Means” », Philosophy East and West 59 (2009) 125-141. 12 En ce sens, il est possible en effet d’esquisser la « biographie » de ce texte célébrissime : D.S. LOPEZ, The Lotus Sûtra. A Biography, Princeton 2016.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 387 l’histoire évangélique du père miséricordieux. Cette confrontation permettra de faire apparaître quelques traits caractéristiques de l’un et l’autre texte. Rappelons brièvement que l’évangile de Luc, en son chapitre 15, propose un ensemble unifié de trois paraboles souvent présentées comme les paraboles de la miséricorde. Plus précisément, il s’agit à chaque fois d’un message de joie à propos d’une réalité perdue et retrouvée. La Bible de Jérusalem propose comme titres : parabole de la brebis retrouvée, de la pièce retrouvée, du fils retrouvé. Un berger, laissant là 99 brebis, part à la recherche de la centième qui s’est perdue ; une ménagère balaie sa maison jusqu’à ce qu’elle retrouve une pièce de monnaie égarée ; un père retrouve son jeune fils parti à l’étranger. Deux versets d’introduction précisent les circonstances dans lesquelles Jésus raconte ces trois récits : Les collecteurs d’impôts et les pécheurs s’approchaient tous de lui pour l’écouter. Et les Pharisiens et les scribes murmuraient ; ils disaient : « Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » Alors il leur dit cette parabole…
Les indications de temps et de lieu sont vagues et même inexistantes. Mais l’enjeu est clairement défini : Jésus — et Luc à sa suite — va justifier le « bon accueil » qu’il fait aux « pécheurs ». Le troisième récit, nettement plus développé que les deux premiers et qui ne se trouve que dans l’évangile de Luc, met en scène un père et ses deux fils ; on le connaît le plus souvent sous l’intitulé de « parabole de l’enfant (ou du fils) prodigue ». C’est cette appellation qui a plus d’une fois été reprise pour désigner par ailleurs le récit du Sûtra du Lotus que nous avons commencé à examiner. Le chapitre 15 de Luc et le chapitre 4 du Lotus ont ceci en commun que le père est le personnage central et décisif. Dans l’évangile de Luc, en dépit de l’intitulé le plus fréquent (« parabole de l’enfant prodigue »), c’est l’attitude et le comportement du père qui, en introduisant une nouveauté surprenante, font tout l’intérêt du récit. On peut certes lire dans cette parabole une invitation au repentir et à la conversion. Cette interprétation est traditionnelle (c’est, parmi d’autres, la lecture dite « éthique »13), mais là n’est pas la pointe du récit. Tout d’abord parce que le comportement du cadet, pour n’être pas recommandable, n’est pas présenté de façon appuyée comme une faute14. Bien que les avis des spécialistes de l’histoire du droit ne concordent pas tout à fait, il ne semble pas que le fils cadet commette une faute en demandant sa part d’héritage. Sans doute 13 Différents types d’interprétation par les Pères de l’Église sont distingués par Y. TISSOT, « Allégories patristiques de la parabole lucanienne des deux fils », in F. BOVON – G. ROUILLER, ed., Exegesis. Problèmes de méthode et exercices de lecture, Neuchâtel 1975, 243-272. 14 C’est l’option de lecture de nombreux interprètes aujourd’hui. « Nous émettons l’idée que cette parabole parle de malheur et non de culpabilité, d’une souffrance partagée qui peu à peu parvient à se dire, et non d’une faute dont il s’agirait de trouver l’auteur et de déterminer la gravité. » (L. BASSET, La joie imprenable. Pour une théologie de la prodigalité, Genève 1996, 4849 ; italiques dans l’original)
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peut-on lui reprocher son peu d’égard pour son père ; en outre, il fait des choix qui l’empêcheront de veiller au bien-être de celui-ci dans son grand âge. La décision la plus grave est celle de distendre voire de rompre les relations avec lui. Cependant, ces critiques ne sont pas explicitées dans le texte de la parabole et les commentaires qui nous sont parvenus des premières générations chrétiennes voient plutôt la demande du cadet comme le souhait légitime de faire sa vie. En outre, lorsque le cadet, « rentrant en lui-même », se remet à penser à son père ou du moins à la maison de son père, c’est la faim qui le tenaille et non le remords ou le repentir. Ce qu’il souhaite — ou, du moins, ce qu’il croit pouvoir espérer — ce n’est pas la restauration d’une relation père–fils, mais l’instauration d’un rapport de propriétaire terrien à journalier. Sans doute le prodigue conserve-t-il jusqu’à un certain point la conscience de sa qualité de fils. Sans cela, aurait-il le moindre espoir d’être accueilli chez son père ? Il sait toutefois qu’il ne la mérite plus. Tout ce qu’il peut envisager, dans la meilleure des hypothèses, c’est d’être reçu comme un serviteur ou un journalier : il est bien incapable d’imaginer un père aimant, pardonnant, miséricordieux. En termes bouddhiques, on dirait que ses attentes, ses perspectives, ses dispositions d’esprit (adhimukti) sont inférieures (cf. hîna-yâna), étroites, viles. Ce n’est pas par ses propres pensées, bien trop courtes, qu’il pourra sortir de là et être délivré de lui-même. Le lecteur ne sait trop dans quelle mesure il doit se laisser convaincre par l’aveu que le prodigue se propose de prononcer lorsqu’il ira trouver son père : « Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi… » La pointe du récit est plutôt dans le comportement étrangement silencieux du père. Silence des paroles mais éloquence des gestes. C’est le père qui introduit la nouveauté en excédant tout ce que le fils pouvait attendre — tout ce que le lecteur pouvait attendre. C’est le père qui fera évoluer le fils, qui opérera le retournement, la « conversion ». Le retour du prodigue ne sera donc pas un retour à la case départ. Il a, comme on dit, vécu ; la vie l’a déstabilisé. Son départ et sa proclamation d’autonomie, son inconscience ou son « oubli » de sa relation au père l’ont disposé à reconnaître autrement et bien plus profondément l’amour offert par le père. Il y a pour lui un avant et un après, alors que le frère aîné se maintient dans la continuité et semble incapable de rien apprendre ou découvrir. Venant à la suite de la parabole de la centième brebis, puis de celle de la pièce de monnaie égarée, la parabole du père miséricordieux éclaire par sa démesure surprenante le comportement déroutant de Jésus à l’égard des péagers et des pécheurs. Le comportement hors norme de ce père pourrait toutefois se réduire à la fantaisie d’un personnage original et déroutant, voire d’un personnage prenant plaisir à dérouter. Ce comportement n’aurait pas d’autre poids, pas d’autre force de persuasion, si le lecteur ne comprenait que le père est ici l’image de Dieu, l’image du Père : c’est l’excès de générosité, c’est la miséricorde débordante de ce Père qui inspire et justifie le comportement de Jésus à l’égard de tous et de chacun, par-delà les limites raisonnables que scribes et pharisiens s’attachent à définir.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 389 Tout au long du chapitre 15 de Luc, c’est cette figure divine déconcertante qui a l’initiative. Le berger part à la recherche de la centième brebis. La ménagère passe sa demeure au peigne fin. Et si le cadet se met en route vers la maison de son père, c’est celui-ci qui l’aperçoit de loin, comme s’il n’avait jamais cessé de l’attendre et de guetter son retour ; c’est lui qui court au-devant du prodigue et coupe court à ses arguments, à ses velléités de négociation. L’amour miséricordieux transgresse tous les calculs. Il est, pourrait-on-dire, « sans pourquoi ».
VII. LONGUEUR DE TEMPS ET ABSENCE D’HISTOIRE ? Dans la parabole bouddhique également, l’initiative et le rôle central appartiennent au père. C’est sans le vouloir et sans le savoir, que le fils se rapproche (spatialement) de son père. L’inconscience l’aveugle15. Le père, lui, est parfaitement clairvoyant. Non seulement il reconnaît son fils, mais sa sagesse éveillée lui permet de comprendre tout ce qui empêche le fils de reconnaître son père. Il connaît le chemin et les étapes de cette prise de conscience. Le bouddhisme indien en particulier — à la différence de certaines écoles postérieures du bouddhisme chinois et extrême-oriental — enseigne une conception gradualiste, progressive, du salut. Le cheminement libérateur peut se révéler extrêmement long : il peut s’étendre sur une succession (quasi) interminable d’existences, de renaissances. La rencontre du père et du prodigue en Luc 15 se déroule en un instant — même si le lecteur peut considérer que le fils retrouvé aura besoin de temps pour comprendre et intégrer ce qui lui arrive. Le récit du Sûtra du Lotus s’étend sur de longues années : c’est peut-être parce qu’il ne s’agit pas de miséricorde ou de pardon, mais plutôt d’une profonde transformation de la conscience, de la lente germination d’un potentiel d’éveil. Une disposition de foi confiante permet d’entendre et d’adhérer à l’annonce faite par le Bouddha que chacun de nous peut à terme parvenir à l’éveil plénier et insurpassable, pour soi-même et, indissociablement, pour tous les êtres. Cette « annonciation » cependant ne sera entendue que par ceux qui sont préparés à la recevoir. En outre, la pleine réalisation de cette promesse risque de prendre un temps incalculable : les textes bouddhiques n’hésitent pas à recourir à des nombres astronomiques. Les contrastes au plan de la temporalité, des conceptions du temps et de l’histoire, ne s’arrêtent pas là. Une parabole, il est vrai, que ce soit dans les évangiles ou dans les textes bouddhiques, n’a pas nécessairement pour objectif 15
Il n’est guère question de faute ni, par conséquent, de pardon. Tout au plus Śâriputra, le représentant des « auditeurs » du Petit Véhicule, reconnaîtra-t-il qu’il se leurrait lui-même, qu’il se dupait lui-même (chap. 3, p. 94-95), qu’il vivait dans l’oubli : il faudra que le Bouddha lui remette en mémoire la voie qui était la sienne selon son « vœu originel » (p. 97). La parabole bouddhique met en valeur la connaissance ou la prise de conscience plutôt que le repentir ou l’humilité : J. BRECKENRIDGE, « The Salvific Role of Knowledge in a Buddhist and a Christian Context : A Comparative Study of Two Parables », Buddhist-Christian Studies 11 (1991) 75-84.
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de fournir des repères chronologiques. Esquissons cependant quelques observations et réflexions. Le message chrétien se présente communément comme une histoire de salut. Cela se vérifie même là où toute référence historique semble absente. Les trois paraboles de Luc 15 — y compris celle du père et des deux fils — ne nous situent pas dans un temps ni dans un espace précis. Elles peuvent donner l’impression d’enseignements intemporels ou valables en tout temps. Leur insertion dans l’évangile, signalée notamment par les deux versets d’introduction (15,1-2), les rattache cependant à la vie de Jésus de Nazareth. La perte et le salut, dont il est question, sont en rapport avec ce Jésus envoyé par Dieu, avec son comportement déroutant voire scandaleux aux yeux des « pharisiens et scribes ». Le message bouddhique, quant à lui, se présente pour l’essentiel comme un enseignement intemporel. Cela se vérifie même là où l’on se réfère à une figure historique. Qu’il y ait dans le monde manifestation d’un Bouddha (Tathâgata : « Ainsi-Venu ») ou non, le dharma est immuable et toujours valable. Le bouddhiste souhaitera, il est vrai, vivre et renaître dans un monde et dans une période cosmique où ces enseignements théoriques et pratiques aient été communiqués par un Bouddha et soient à la disposition des êtres souffrants en quête de libération. Mais les récits de l’existence et de l’activité des multiples Bouddhas sont quasi identiques et pour ainsi dire interchangeables. Et l’on parlera d’autant moins d’une histoire de salut que toute notion de continuité est battue en brèche par les enseignements sur l’impermanence et la vacuité. La naissance et le développement du Mahâyâna paraissent, il est vrai, introduire une dynamique temporelle et même une flèche du temps. Une séquence temporelle permet de situer les uns par rapport aux autres les divers Véhicules. C’est du moins ce que suggère la fréquence, dans le Sûtra du Lotus, de formules telles que « aux temps anciens », « au cours de la longue nuit des siècles… », « mais à présent… », « soudainement… ». On pourra se demander toutefois s’il s’agit d’une séquence immuable ou plutôt de la disponibilité — en tout temps et pour ainsi dire hors du temps — de « moyens habiles » accessibles aux différents êtres en fonction de leur niveau respectif d’Éveil. Dans la tradition postérieure, le schéma des « tours » successifs (ou mises en mouvement successives) de la « roue du dharma » suggère une hiérarchisation de niveaux plutôt qu’une séquence dans la durée : parvenu à l’Éveil parfait, le Buddha perçoit et enseigne « d’abord » une vérité plénière mais inaccessible à ses auditeurs peu préparés, puis décide de s’armer de pédagogie et d’aborder successivement divers niveaux d’enseignements — du plus élémentaire au plus élevé — en fonction des capacités de ses auditeurs. Bien qu’il appartienne aux premières strates du Grand Véhicule, le Sûtra du Lotus va plus loin encore dans cette relativisation ou cette neutralisation du cours de l’histoire. Dans une section considérée par beaucoup de commentateurs traditionnels comme le sommet de ses enseignements (chap. 16 : « La longévité de l’Ainsi-Venu »), le Bouddha Śâkyamouni révèle que les événements de sa vie terrestre — tels qu’ils sont racontés dans les Écritures canoniques —, son
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 391 existence terrestre elle-même et son passage en nirvâna ne sont que des « moyens habiles » : une mise en scène destinée à motiver les disciples dans leur progression sur la Voie. Contrairement à ce que suggère une lecture littérale mais superficielle des Écritures anciennes, le Bouddha n’est pas parvenu à l’Éveil plénier en tel lieu de l’Inde et à telle date de notre histoire. Bien plutôt, c’est depuis d’incalculables myriades de périodes cosmiques (kalpa) qu’il est parfaitement éveillé et qu’il déploie ses enseignements : Tout cela est distinctions faites en manière d’expédients. […] Je considère le degré d’acuité de leurs facultés… et, selon ce qu’il me faut sauver, je me présente moimême en des lieux variés sous des noms divers. (chap. 16, p. 282-283)
Quoi qu’il en soit de la progressivité, de l’étalement dans la durée, la parabole bouddhique donne clairement à entendre que c’est le père qui se fait reconnaître comme tel et permet par là au fils de se connaître. Le Bouddha, nous l’avons vu, est le père de tous les êtres. Ce qu’il révèle ou permet de comprendre, c’est le potentiel d’Éveil, c’est la bouddhéité présente en chaque être. Le vagabond misérable a toujours été fils et héritier. Ce toujours-déjà-là, cette présence — que l’on pourrait considérer comme « objective », si l’on ne craignait de la chosifier — demeure malheureusement trop souvent cachée, inconsciente, oubliée et inaccessible. Le message doit cependant s’entendre dans le cadre général des enseignements bouddhiques, quelles que soient les nuances d’écoles. Souvenons-nous que, malgré la mise en scène de la parabole, la figure du père ne doit pas se comprendre en termes théistes. En outre, conformément aux perspectives bouddhiques de non-dualité, la relation père/fils ne doit pas s’interpréter comme une relation entre deux sujets ou comme impliquant la reconnaissance d’une altérité. À titre d’illustration, rappelons cette déclaration du Sûtra de l’Estrade : « Les Écritures parlent de prendre refuge dans le Bouddha et non dans quelqu’un d’autre que vous qui serait le Bouddha. Vous ne trouverez refuge que dans votre propre état naturel »16. En contexte biblique et chrétien, le mouvement est en quelque sorte inverse : les retrouvailles du père et du fils sont la rencontre de deux personnes, de deux sujets libres. C’est seulement sur l’arrière-fond de cette distinction évidente que pourront ensuite apparaître des interrogations : Dieu n’est pas un « autre » pour l’être humain à la manière dont tel être humain peut être un « autre » pour son voisin. Ne serait-ce pas pour cette raison que l’héritage ne joue pas au même niveau dans les deux récits ? Le prodigue de Luc quitte le père en emportant sa part d’héritage ; en Lotus 4, le vagabond recouvre enfin l’héritage, ou plutôt découvre sa qualité d’héritier, plus qu’il n’établit une relation affective et personnelle 16
Le Soûtra de l’Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng, section 23, trad. P. Carré, Paris 1995, 51.
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avec le père. En un sens, l’héritage est ici plus important que le testateur. Ou, plus exactement : il ne s’agit pas tant d’être reconnu comme fils mais plutôt de devenir Buddha, de réaliser la bouddhéité plénière, à l’égal du père. Dans la parabole, le Bouddha disparaît17 (le père meurt) au moment où le fils reçoit l’héritage (découvre sa véritable dimension). L’annonce de cette ouverture inouïe n’en est pas moins marquée de part en part par la gratuité ; il n’est plus question d’observances rigoureuses ni d’accumulation de mérites. Rappelons cette proclamation finale de l’homme pauvre : « Je n’avais originellement pas le cœur à rien rechercher et voici qu’à présent ces trésors, spontanément, m’arrivent » (chap. 4, p. 132) Les quatre grands disciples lui font écho : « Alors que nous n’avions originellement pas l’esprit à rien rechercher, voici que le grand trésor du roi de la Loi, spontanément, nous arrive » (p. 134).
VIII. OÙ DONC EST PASSÉ LE FILS AÎNÉ ? Ceux qui ont proposé de rapprocher nos deux paraboles ont plus d’une fois fait remarquer l’absence, dans le récit bouddhique, du frère aîné. Cette observation semble suggérer, comme allant de soi, le rapprochement voire l’identification du fils égaré du Lotus avec le fils prodigue de l’évangile. L’éloignement du fils égaré, le séjour et l’errance dans des contrées étrangères, loin de son père, enfin son retour, par longues étapes plus psychologiques que spatiales, à la résidence du père : tout cela évoque d’emblée les aventures du fils cadet de l’évangile de Luc. Le récit bouddhique semble alors s’interrompre ou plutôt se conclure précisément là où la parabole évangélique entre dans une dernière phase. Mais la correspondance est peut-être plus apparente que réelle. Que l’un des deux récits se déroule au plan de l’absence de conscience puis de la prise progressive de conscience tandis que l’autre met en lumière une rupture de relation personnelle suivie d’une reconnaissance de faute et d’une offre de pardon : cette différence n’est pas sans signification ni sans conséquence pour le déroulement des deux récits. Le Sûtra du Lotus souligne à plusieurs reprises le manque d’aspiration du fils égaré, l’étroitesse de ses perspectives, la vilenie ou la bassesse de ses attentes. Le plus important et peut-être le plus difficile est de se libérer d’une mentalité servile. Le fait d’avoir abandonné son père ne donne pas lieu à un jugement de type moral — bien que ce comportement contrevienne gravement aux valeurs de la société indienne, pour ne pas parler de celles du monde confucéen que le bouddhisme rencontrera en Chine et dans tout l’Extrême-Orient. Il n’y a pas davantage, lors de la reconnaissance du fils pauvre par le père richissime, aveu 17 G. Rosenkranz (cf. nt. 8) se débarrasse cependant un peu sommairement de la figure du Bouddha : il compare le recours aux moyens habiles à un jeu de marionnettes (p. 191) et, selon lui, même la forme suprême du Bouddha ou de la bouddhéité, le « Corps de dharma » (dharmakâya), ne peut cacher, derrière elle, un « autre Absolu », à savoir la Vacuité ou le Néant (p. 184).
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 393 de faute, pardon demandé ou accordé. Une dimension essentielle de la parabole de Luc est absente. À l’inverse, on peut se demander si la pauvreté des aspirations dénoncée par la parabole bouddhique trouve sa contrepartie dans le récit évangélique. L’interrogation a du sens dans le cas du fils cadet : s’il revient vers son père, c’est poussé par la misère et la famine ; s’il reconnaît sa faute, c’est moins par confiance dans la générosité d’un père disposé à pardonner qu’avec l’espoir ou le calcul d’être admis à travailler comme un simple journalier. En route vers la maison paternelle, il n’est pas encore capable de simplement imaginer la grandeur d’âme et l’amour du père. L’étroitesse de ses dispositions d’esprit ne pourrait-elle lui valoir l’étiquette de « Petit Véhicule » ? L’étiquette pourrait convenir au frère aîné également, même si c’est pour d’autres raisons. Bien que les dispositions d’esprit qui l’animaient durant les longues années de vie sous le toit de son père ne sont guère explicitées, le lecteur retire une impression de devoir plus que d’affection, de service routinier plus que de communion18. Il ne semble guère quitter sa logique de mérite voire de rétribution. Sa réaction lors du retour du cadet va dans le même sens : un lecteur bouddhiste ne pourra que déplorer chez cet aîné le dépit et l’envie, un esprit de discrimination qui porte à comparer et jalouser. Tout cela manque de souffle et ne correspond guère à ce que devrait être un esprit conforme au « Grand Véhicule ». Par contraste, lorsque le fils égaré devient enfin capable de se reconnaître lui-même pour ce qu’il est véritablement, parce qu’il s’entend pleinement reconnaître par son père, il acquiert cette pleine stature qui, de façons diverses, manque autant au cadet qu’à l’aîné du récit de Luc. L’absence du frère aîné dans le Sûtra du Lotus peut cependant, du point de vue narratif, s’éclairer d’une autre manière encore. Tout au long de ce texte, on ne cesse de répéter que le Bouddha prononce des paroles inouïes, propose des enseignements sans précédent, révèle un mystère caché depuis des temps immémoriaux. L’annonce (« l’annonciation », dans la traduction de J.-N. Robert) de cette nouveauté bouscule les auditeurs. Beaucoup s’étaient totalement investis dans un travail rigoureux de détachement et de dépassionnement. En bons artisans, ils attendaient de leur règle monastique et de leur parcours ascétique la réduction progressive et enfin l’extinction complète (nirvâna) des facteurs de souffrance. Beaucoup se trouvent incapables d’accueillir l’annonce du plein Éveil qui un jour fera d’eux autant de Bouddhas ; chez beaucoup est absente la 18
F. Bovon résume bien le contraste entre les deux frères : « Ce que l’un, le cadet, perd puis regagne, l’autre, l’aîné, doit le découvrir » (« La parabole de l’enfant prodigue. Seconde lecture », in F. BOVON – G. ROUILLER, ed., Exegesis. Problèmes de méthode et exercices de lecture, 296). Bovon campe de même les trois personnages à la lumière du rapport désir–loi : « En schématisant, on pourrait dire que chez l’aîné la soumission à la loi l’emporte sur le désir, aussi longtemps que le cadet est absent. Chez le fils prodigue, nous assistons à la transgression volontaire de la loi et de l’ordre familial au nom du désir. Chez le père, nous notons un dépassement original de la loi. » (297). Quant à la relation entre la Loi et l’Évangile, « l’attitude du père transcende le respect de la Loi sans en démonétiser l’exigence » (305).
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motivation — pour ne pas parler du vœu — de se consacrer activement et jusqu’à la fin des temps à la libération de tous les êtres. Aussi, dès que le Bouddha annonce la teneur de ses grands enseignements, à savoir la substance du Sûtra du Lotus, ce texte enregistre la défection de cinq mille auditeurs : Il y eut dans l’assemblée des moines et des moniales, de pieux laïcs et laïques pieuses, cinq mille personnes qui se levèrent de leur place et, ayant salué l’Éveillé, se retirèrent. Pourquoi cela ? Il s’agissait d’une troupe d’êtres aux racines de crime profondes et graves, d’outrecuidants qui prétendaient avoir acquis ce qu’ils n’avaient pas acquis, attesté ce qu’ils n’avaient pas attesté ; c’est parce qu’ils avaient de tels défauts qu’ils ne demeurèrent point. Le Vénéré du monde resta silencieux et ne les retint pas. (chap. 2, p. 74-75)
S’agissant de moines méritants et de pieux laïcs, il n’est pas question de leur reprocher des fautes morales ou un relâchement de la discipline. Leur crime ou plutôt leur outrecuidance est de se satisfaire de perspectives étroites, de refuser d’être remis en question. Dans la parabole du chapitre 4, le lent cheminement du fils égaré est précisément ce qui va le faire progresser d’une perspective à une autre, toute différente. Dans le déroulement de notre Sûtra, un autre personnage joue le même rôle : aux chapitres 2 et 3, où il est précisément question des « moyens habiles » par lesquels le disciple est conduit vers le but ultime, le Bouddha s’adresse en particulier à Śâriputra. Dans de nombreux textes du Mahâyâna, cette figure de moine symbolise les qualités et les limites des adeptes du Petit Véhicule. Le voici cependant qui accueille avec joie la révélation nouvelle et bouleversante : Ayant entendu le son de cette Loi, à obtenir ce qui est sans précédent, mon cœur conçoit une grande liesse, les filets du doute sont tous supprimés. (chap. 3, p. 94)
S’étant tout d’abord estimé exclu de ces nouvelles perspectives, Śâriputra se laissait envahir par le doute : Tout d’abord, en entendant l’Éveillé parler, j’avais été en mon cœur grandement étonné, plein de doute : n’était-ce pas plutôt le Malin, contrefaisant l’Éveillé, qui jetait en ma pensée le trouble ? L’Éveillé, grâce à une variété de relations et de paraboles, s’exprimait habilement, sa pensée était calme comme la mer ; à l’entendre, le filet de mes doutes fut tranché. (p. 96)
Et Śâriputra de conclure, en s’adressant au Bouddha :
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 395 Vénéré du monde, je n’ai à présent plus de doute ni de regret : j’ai personnellement, en présence de l’Éveillé, reçu l’annonciation de l’Éveil complet et parfait sans supérieur. […] Vénéré du monde, mon souhait est que vous exposiez ces relations aux quatre congrégations [moines et laïcs, hommes et femmes] afin de les détacher du doute et du regret. (chap. 3, p. 101)
IX. UNE JOIE SURPRENANTE Le cœur de Śâriputra « conçoit une grande liesse ». Soulignons ici un trait commun à la parabole évangélique et à celle du Sûtra du Lotus. Tout au long du chapitre 15 de Luc, la joie est le sentiment qui accompagne le fait de retrouver ce qui était perdu : joie du berger, partagée avec ses amis et ses voisins (15,5-6) ; joie de la maîtresse de maison réunissant ses amies et voisines (15,9) ; fête, musique et danse lors du retour du prodigue (15,24) : ne fallait-il pas faire la fête et se réjouir « parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé » (15,32) ? À l’adresse des scribes et pharisiens, chez qui le sérieux l’emporte sur les expressions de joie, Jésus souligne son propos : « Je vous le déclare, c’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion » (15,7). Et encore : « C’est ainsi, je vous le déclare, qu’il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit » (15,10). Le thème traverse l’évangile de Luc : entrant chez Zachée, un « chef de publicains » qui « le reçoit avec joie », Jésus déclare : « Aujourd’hui cette maison a reçu le salut… Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (19,9-10). Sur le versant bouddhiste, nous venons de voir Śâriputra recevoir la révélation de l’Éveil supérieur avec joie, avec « grande liesse ». En entendant le message contenu dans la parabole de la maison en flammes (chap. 3), quatre grands disciples du Bouddha « exultent d’allégresse ». Alors que leur « cœur jubile d’une joie extrême », ils prennent l’initiative d’exposer au Bouddha la parabole de l’enfant égaré (chap. 4). Et c’est encore un sentiment de joie qui se développe tout au long du récit de cette parabole. Lorsque le père aperçoit pour la première fois son fils disparu et le reconnaît aussitôt, « son cœur se réjouit grandement » : ses vœux sont comblés. Dès qu’il est embauché pour déblayer les immondices, le vagabond misérable suit ses compagnons de travail avec joie. Et lorsqu’il s’entend reconnaître publiquement par son père comme fils et héritier, « il se réjouit grandement, comme jamais auparavant ». Quant aux quatre disciples qui relatent cette parabole, ils rappellent en conclusion que leurs pratiques anciennes ne leur apportaient « nulle joie ». Ces notations sont d’autant plus remarquables que la joie n’est pas souvent le sentiment dominant dans les enseignements bouddhiques. Certes, quand le futur Bouddha, le jeune prince Gautama, après avoir croisé successivement un vieillard, un malade et un cortège funéraire, aperçoit enfin un moine mendiant en
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quête de sagesse, il éprouve un sentiment de joie alors même qu’il ne saisit pas encore la portée de ce qui lui arrive. Par la suite, les textes expriment plus d’une fois la joie que ressentent des disciples ou des auditeurs en entendant les enseignements du Bouddha. Mais beaucoup d’autres textes, notamment ceux qui traitent de méditation et de pratique monastique, soulignent davantage la nécessité du détachement et de l’apaisement du psychisme : les transports de joie risquent de troubler la pratique méditative et l’apprentissage de la maîtrise de soi. Dans cette perspective, l’insistance du Sûtra du Lotus sur la joie provoquée par les enseignements nouveaux mérite l’attention.
X. UNE PARABOLE MÈRE, UNE PARABOLE FILLE ? Avant de conclure, rappelons brièvement que les ressemblances entre nos deux paraboles du fils prodigue (ou du fils pauvre, ou du père prodigue…) ont fréquemment conduit à soulever la question d’une possible — ou même d’une probable — influence de l’une sur l’autre. Il y eut une époque où il était de bon ton d’attribuer à toute une série de textes ou de thèmes néotestamentaires des antécédents indiens, en particulier bouddhiques. Cette époque n’est pas complètement révolue. En l’état actuel de notre documentation, c’est un dossier qui ne peut être bouclé de manière définitive. L’inventaire le plus complet est probablement celui établi par J.D.M. Derrett19. Rappelons, sans nécessairement adhérer à toutes ses conclusions, qu’il propose de distinguer quatre cas de figure : influence d’un modèle bouddhique sur le N.T. (11 cas), d’un modèle néotestamentaire sur des textes bouddhiques (18 cas), influences croisées ou réciproques (10 cas), enfin cas (16) où il ne semble pas possible de conclure à une influence dans un sens ou dans l’autre. Dans le cas précis de notre parabole, la balance des ressemblances et des différences n’impose pas, semble-t-il, de faire l’hypothèse de l’influence d’une version sur l’autre. Elle ne l’exclut pas davantage. Derrett penche plutôt pour une influence s’exerçant du Proche-Orient vers le monde indien. Indépendamment du contenu de nos deux textes, il est malaisé de les situer l’un par rapport à l’autre dans une séquence chronologique : tous deux pourraient avoir été composés vers la fin du premier siècle de notre ère… Ceux qui affirment ou du moins tentent de démontrer une influence et une dépendance sont amenés à se poser la question des milieux qui ont pu favoriser la communication entre ces deux mondes et de l’existence éventuelle de textes intermédiaires ou encore d’une source commune. On ne peut exclure l’existence de tels milieux porteurs mais nous ne disposons pas de textes démontrant ou suggérant des étapes de transition. Quelques commentateurs ont attiré l’attention sur des ressemblances, au plan du récit et de certains thèmes, avec l’« Hymne de la perle » inséré dans les Actes 19
J.D.M. DERRETT, The Bible and the Buddhists, Bornato 2000.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 397 de Thomas : un jeune prince perd la notion de sa véritable identité avant de retrouver la conscience de sa filiation royale. Ce texte syriaque (et grec) porte la marque d’influences parthes, région où le bouddhisme du Grand Véhicule exerçait une influence non négligeable. Dans la version qui nous est parvenue, cependant, ce récit parabolique ou allégorique est probablement postérieur d’un bon siècle à ceux de Luc et du Sûtra du Lotus20.
XI. UNE REPRISE CHRÉTIENNE DES « MOYENS HABILES » ? Le parcours que nous venons d’effectuer ouvre enfin la question de la pertinence ou de l’utilité de la catégorie bouddhique des « moyens habiles » appliquée à d’autres traditions. Cette perspective semble avoir peu retenu l’attention jusqu’ici. Michael Pye, dont nous avons signalé l’étude d’ensemble sur cette notion dans le cadre du Mahâyâna, a soulevé la question de sa pertinence pour une herméneutique comparative21 et celle de la fécondité de son application au cas du christianisme en particulier22; ses observations demeurent toutefois générales et en quelque sorte préliminaires. Arvind Sharma, pour sa part, a tenté une application à la manière dont les textes fondateurs respectifs présentent les enseignements du Bouddha et du Christ23. Prenant l’expression « moyens habiles » en un sens large et plutôt lâche, il examine la pédagogie de ces deux maîtres en fonction de leurs auditoires et notamment le fait que l’un et l’autre ne prétendent pas tout connaître et n’enseignent pas tout ce qu’ils connaissent. Bien qu’il propose quelques comparaisons éclairantes, l’essai de Sharma n’aborde guère ce que la notion a de fort et de spécifique dans plusieurs textes 20
H. KRUSE, « The Return of the Prodigal. Fortunes of a Parable on its Way to the Far East », Orientalia 47 (1978) 163-214. P. KWELLA, « Saddharmapundarîkasûtra, Kap. IV : ein kulturübergreifendes Erzählmotiv », in XIX. Deutscher Orientalistentag 1975, III.2 (1977), 892-900, propose de voir dans ces trois textes (qui peuvent selon lui être plus ou moins contemporains) des élaborations différentes d’un motif transculturel ; par la cohérence du récit, l’Hymne de la perle lui semble plus proche d’une source commune. Sur l’Hymne (sans référence au bouddhisme) : P.-H. POIRIER, L’Hymne de la perle des Actes de Thomas, Louvain-la-Neuve, Centre d’histoire des religions 1981. Signalons à ce propos la présence dans le milieu hindou de récits comparables. Il s’agit cependant de textes bien postérieurs et peut-être en dépendance lointaine de la parabole bouddhique : Śankara (8e s. ?), Râmânuja (11e s.), le Śivajñânasiddhiyar d’Arunanti (13e s.)… 21 M. PYE, Skilful Means, 159-164 ; M. PYE, « Comparative Hermeneutics in Religion », in M. PYE – R. MORGAN, ed., The Cardinal Meaning. Essays in Comparative Hermeneutics : Buddhism and Christianity, The Hague 1973, p. 9-58, en particulier 44. 22 M. PYE, « Skilful Means and the Interpretation of Christianity », Buddhist-Christian Studies 10 (1990) 17-22. G. ROSENKRANZ, « Upâyakauśalya (Geschickte Anwendung der Mittel) als Methode buddhistischer Ausbreitung », Theologische Literaturzeitung 85 (1960) 815-822 (repris dans son livre Religionswissenschaft als Theologie, 101-109), interprète souvent dans le sens d’astuce ou artifice (Kunstgriff), ce qui exclut une reprise en perspective chrétienne. 23 A. SHARMA, « “Skill in Means” in Early Buddhism and Christianity », Buddhist-Christian Studies 10 (1990) 23-33.
398
Jacques SCHEUER
fondateurs du Mahâyâna et dans le Sûtra du Lotus en particulier : la recherche d’une conciliation plus ou moins irénique entre les perspectives des différents Véhicules. Ne serait-il pas plus judicieux et plus fécond de s’interroger sur l’éventuelle pertinence des « moyens habiles » et des relations entre Véhicules pour éclairer le rapport entre christianisme naissant et judaïsme ainsi que, plus précisément, le rapport entre « Nouveau Testament » et « Ancien » ? Ce pourrait être l’occasion de revisiter des notions telles que « pédagogie divine », « économie(s) du salut24 » (dispensatio) ou encore « accommodation » et « condescendance25 ». Dans le cadre des débats internes au bouddhisme comme dans celui des relations entre Nouvelle Alliance et Alliance Première, il apparaît clairement que c’est surtout le « nouveau » qui, éprouvant le besoin de se situer par rapport à l’« ancien » et de justifier l’initiative de nouvelles interprétations, produit une littérature considérable à ce sujet. On le vérifie sans peine dans la manière dont le Grand Véhicule se situe par rapport à la Doctrine des « Anciens » (Theravâda). De même, ce sont surtout les milieux du christianisme naissant qui cherchent à se définir eux-mêmes et à justifier leur choix face à la communauté juive et à ses Écritures26. Dans ces rapprochements et ces comparaisons, on souligne volontiers le contraste entre une interprétation étroite, littérale et naïve des doctrines et une interprétation généreuse, éclairée et adulte. Cependant, sous les dehors polémiques d’une critique adressée — en leur absence ! — aux membres d’une autre tradition, il s’agit bien souvent d’une catéchèse destinée à affermir dans la juste doctrine les croyants du dedans27. Que conclure ou, du moins, que retenir de la parabole de Luc ? Démantelant la logique raisonnable ou raisonnante de son fils cadet ainsi que de son aîné (et non moins celle des scribes et des pharisiens), le père introduit une autre logique : « Il fallait festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà… était perdu et il est retrouvé ! » (15.32) La levée des exclusions est source de joie, sur terre comme au ciel. Le lecteur est invité à accueillir la générosité du Père et à imiter celle de son envoyé. 24
K. DUCHATELEZ, « La notion d’économie et ses richesses théologiques », Nouvelle Revue Théologique 92 (1970) 267-292. Sans avoir pu le consulter, je signale : R. CORLESS, « Lying to Tell the Truth : Upâya in Mahâyâna Buddhism and Oikonomia in Alexandrian Christianity », in P. GRIFFITHS – J. KEENAN, ed., Buddha Nature. A Festschrift in Honor of Minoru Kiyota, Los Angeles 1990, 27-40. 25 S.D. BENIN, The Footprints of God : Divine Accommodation in Jewish and Christian Thought, Albany 1993. 26 La littérature est bien sûr immense. Signalons, parmi bien d’autres, pour la période patristique et la littérature rabbinique, un ouvrage qui, malgré son titre, ne traite pas de notre parabole… : F. MANNS, Un père avait deux fils. Judaïsme et christianisme en dialogue, Paris 2004. En perspective chrétienne, la pédagogie divine et la succession des alliances peuvent aussi s’étendre pour englober, bien qu’à un autre niveau, les sagesses « païennes ». 27 R. CORLESS, « The Hermeneutics of Polemic : The Creation of Hînayâna and Old Testament », Buddhist-Christian Studies 11 (1991) 59-74.
Deux paraboles de l’enfant prodigue : évangile de Luc et Sûtra du Lotus 399 Que conclure ou, du moins, que retenir de la parabole du Lotus ? Le mystère d’Éveil qui se découvre en nous est plus grand que nous. Nous n’en avons ni l’initiative ni la maîtrise. Cette réalité mystérieuse de libération vient au-devant de nous avec constance, avec générosité, sous les mille et une formes suscitées par une sagesse bienveillante. Chacun, avec les ressources qui sont les siennes, se doit de l’accueillir avec gratitude et de la diffuser dans la joie. Que retenir du rapprochement de ces deux paraboles ? Pour le moins, ceci : de la conversation entre deux textes suffisamment différents et cependant suffisamment comparables, des lumières neuves se projettent sur l’un et sur l’autre.
Rue de Bruxelles, 38 5000 Namur (Belgique) E-mail : [email protected]
Jacques SCHEUER
RÉSUMÉ Dans les années 1830, un manuscrit envoyé du Népal révèle à l’Europe une version bouddhique de la parabole du prodigue. Les deux récits présentent de surprenantes concordances. Sont-ils apparentés ? Rien n’impose cette conclusion. Une analyse plus attentive montre, sous les péripéties parallèles, des messages sensiblement différents. Lue dans son contexte bouddhique, la parabole du Sûtra du Lotus célèbre et justifie la supériorité du Grand Véhicule (Mahâyâna) sur les écoles antérieures. Il s’agit moins de rétablir une relation père/fils que de prendre conscience du potentiel d’Éveil qui nous habite depuis toujours. Ni aveu de faute, ni pardon demandé ou accordé. Il convient en outre de s’interroger sur l’absence du fils aîné dans le récit du Lotus. Mots-clés : Fils prodigue, Luc 15, Sûtra du Lotus, pardon, éveil
ABSTRACT In the 1830s, a manuscript sent from Nepal to Paris reveals a Buddhist version of the parable of the Prodigal Son. The two stories show surprising similarities. They may however have developed independently. A closer analysis brings to light, below parallel intrigues, quite different messages. When read in its Buddhist perspective, the Lotus Sûtra parable magnifies and justifies the superiority of the Great Vehicle (Mahâyâna) teachings above those of the ancient schools. While the Lucan parable is about restoring a father/son relationship, the Buddhist story helps us become aware of our original potential for Awakening. No mention here of offence nor forgiveness. Besides, the absence of the elder son from the Lotus Sûtra story invites interpretation. Keywords : Prodigal Son, Luke 15, Lotus Sûtra, forgiveness, awakening
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403
404 VT VT.S WBC WMANT ZAW ZORREL
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Références bibliques Les versets figurant en gras dans l’index font l’objet d’un article de l’ouvrage Bible hébraïque Genèse 1–4 1–2 1 1,1 1,2 1,22 1,26-2,1 1,26-28 1,26-27 1,26 1,28-29 1,28 1,31 2,1-3 2,1-2 2,4 2,7-25 2,7 2,9 2,15-23 2,15 2,16 2,17 2,18 2,23 2,24 3–6 3 3,3-4 3,4-5 3,5 3,7-19
249-250 289 67 202 282 160, 162 282 283 66, 155-156, 157 59, 249, 252 67 145, 160, 162, 284 283 100 284 137, 282 282 250, 283, 284 284 36-39 284 250 284 283 284 108, 199 107 206, 304 284 224-225 249, 250, 252 284
3,15 3,19 3,20 3,22 3,24 4,1-16 4,1-12 4,1-11 4,1-2 4,1 4,23-24 5,1-32 5,1-3 5,2 5,3 6–8 6,5 8,1 9,1 9,7 9,9-17 9,13-17 10,1-32 11,4 12,2-3 12,3 14–16 14,19 16,1-3 17–19 17 17,5-19 18,10 18,12
250, 284-285 115 285 284 284 106, 234-235, 237239 289 284 84 58 185 137 59, 66 283 285 284 284 102 160, 285 285 120 285 137 285 129 151 95-99 58 91 285 40-42 285 285 42
406 18,22-33 19,15-30 19,29 20 21,1-2 22,1-19 22,2 22,17 23 24 24,7 24,40 25,9 25,21 25,29-34 26,6-11 27,1-40 27,27-29 29,1-14 29,21 29,23-25 29,30 29,31–30,24 29,31-35 29,31 29,32-35 29,32 29,34 29,35 30,1-4 30,1-2 30,1 30,2-12 30,2-3 30,2 30,4 30,5-8 30,5 30,6-24 30,6 30,7 30,8 30,9
Filiation, entre Bible et cultures 120 107 102 121, 122 285 43 285 285 144 198 180 180 144 91 99 121 107 134 198 90 98 84, 97 83-109 105 83, 88, 99, 102, 105 84-88, 90, 93, 269 96, 97, 103 88, 101 94, 95, 97, 101 88-91, 94 107 92, 97, 98, 99, 103, 105, 106 106 98 93 101, 103, 105 95, 105 92-93 100, 105 269 95 102 100 95, 98, 105, 106 93-94, 97, 105
30,10-13 30,10 30,11-12 30,12 30,14 30,15 30,16 30,17-24 30,17-23 30,25–31,42 30,27 30,37-42 32,29 34 35,16-19 35,22 37 37,3 37,34 38 38,7-10 38,24-26 48,14-20 49,9-10
94-95 100 105 100 106 105, 106 105 99-103 105 107 83 107 285 106 103 106 106 285 115 106, 108 160, 162 160-161, 162 134 142
Exode 2,1 2,2 2,24 3,1 3,4-6 3,14 4,18 4,22-23 4,22 7,8–11,10 14 14,13 15 15,26 16,2 16,4-15 17,3 18,1
191 142 102 198 161, 162, 163 280 198 66, 191, 285 71 216 20 210 15 241 215 213, 215 215 198
Références bibliques 19–Nb 10 19,4 19,5-6 19,10.14 20,1-17 20,2 20,3-4 20,5 20,12 21,22 22,22-28 24,3-8 25,10-40 34,7
209 60, 77 75, 77 113 14, 17, 19, 20 200 156, 157 79, 138, 200 75, 108 120 114 77 21 79
Lévitique 2,1 9,6-24 19,2 19,14 19,17-18 21,18 22,54–23,25 24,14-16 25,10
120 120 225 178 164, 182 180 15 114 113
Nombres 8,17 8,26 11 11,1 11,12-13 14,27 16,9 21,7-9 21,7 23 27,3-4
58 191 121 215 61 215 95 121 120 116 116
Deutéronome 1,29 1,31 4,12 4,26
210 61, 66 207 75
5–11 5,2-5 5,2 5,6-21 6,4-9 6,4 6,18 7,7 7,13 8,2-5 8,3 8,5 8,7-10 8,16 12,25 12,28 13,19 14,1 18,18 19,15 21,15 21,18 25,5-10 25,5 25,11-12 26,16-19 28,4 28,49 29,23 30,19 31,19-22 31,28 32,1-43 32,1 32,3 32,4-25 32,4 32,5 32,6
32,8-14 32,8 32,9
407 66 77 66, 76 14, 17, 19, 20 164 72 241 191 90 60 215 60, 66 61 215 241 241 241 66, 190 213 182 84 60 146 160, 162 179 77 90 61 79 75 62 75 56-82 76 77 81 62, 63, 78 56, 57 55, 56, 58, 60, 62, 65, 66, 70, 72, 79, 80, 190 77 57 58
408
Filiation, entre Bible et cultures
32,10-13 32,12 32,13 32,15 32,16-17 32,18 32,19-21 32,19-20 32,19 32,21 32,22-25 32,22 32,26-43 32,28 32,30-31 32,37 33 33,28-29
59-61 63 62 59, 62, 63, 78 79 57, 62, 63, 67, 79 66 56, 57 79 63 78 79 81 60, 79 62 62, 63 134 198
Josué 7,6 22,17
115 97
1 Samuel 1,1-3 2,1-10 2,6 8,5-6.19.22 9,21
115 14 350 156, 157 178
2 Samuel 1,11 3,31 7,8-17 7,14-15 7,14 7,24 12,1-4 22,3 22,27 22,47
115 115 129 79 55, 66, 75, 255, 266, 271, 274 59 112 62 93 62
1 Rois 21,10.13 21,21
114 138
2 Rois 5,3 8,18 17
102 138 199
Isaïe 1 1,2-9 1,2-4 1,2 1,3 1,4 1,18-20 2,2 4,1 6,9-10 7,4 7,13 7,14.16 9,5 11,1-5 11,1 11,6-8 13,19 16,17.18 17,10 22,2 22,12 23,4 26,4 27,12 30,9 33,15-16 35,4 40,9 42,1 43,1 43,5 43,6 44,2
67 78 56, 67, 68 59, 76, 78, 80 79, 286 79 80 189 102 216 210 97 286 279 188 142 286 90 63 81 290 115 63 62 201 81 164, 165 210 210 58 210 210 70, 271 58, 210
Références bibliques 44,8 44,24 45,5 45,9-12 45,10 45,11 46,3-4 48,5 49,14-26 49,15 51,1-2 52,11-12 52,13–53,12 53,5 53,10 54,1 54,4 54,5 54,10 54,13 56,7 60,22 62,1-5.12 63,7 63,8-9 63,9 63,13 63,15 63,16-17 63,16 64,7 65,11 65,17 66,7-8 66,9.13
61 58 350 58 63 70 61 58 270 67 63 271 17, 18, 22 239 236 63 210 215 146 215 189 178 258 77 67 60 55, 67 57 258 60, 67, 80, 191 55, 58, 59, 67, 80 95 258 63 67
Jérémie 1,5 2–3 2,11-13 2,13 2,19 2,25 2,27
58 68, 78 79 79, 198 79 80 61, 68, 72
3,3-4 3,4 3,14 3,19-20 3,19 3,22 4,13 4,22 5,19.21.23 6,4 7,16 7,24 7,29 8,7-9 9,11-13 10,5 11,14 13,22 14,11 16,5 16,10 17,1.9 17,13 22,8 22,23 23,19-24 30–31 31,9
409
31,19 31,20 31,33-34 32,20 37,3 42,2-20 48,40 49,16.22 50,43 50,6
80 55, 58, 61, 75 68 75, 78 55, 59, 68 68, 69, 80 61 79 79 63 121 79 115 79 79 210 121 79 121 102 79 79 198 79 63 79 68 55, 56, 80, 191, 271, 285 58 56, 69, 80 215 57 121 121 61 61 63 189
Ézéchiel 7,18 13,4-7 14,14-20
115 59 114
410 17,3.7 20,41-42 34,18 36,26-27 36,27 37,27 46,9
Filiation, entre Bible et cultures 61 271 97 224 200 271 115
Osée 1,2-8 2,1 2,4-25 2,6 2,9 2,11-14 3,1 6,2 8,1 9,10 11,1-8 11,1 11,3-4 11,8 14 14,4 14,10
69 285 78 69 77 79 69 142 61 59 274 69, 71, 78, 285 61 57 80 69 79
Joël 1,14 2,15 4,13
113 113 201
Amos 2,4
10, 15 185
Abdias Abd 4
61
Michée 4,9-10 6,7
63 90
Nahum 1,1
132
Habacuc 1,8
61
Sophonie 3,14
285
Malachie 1,2 1,6 2,10 3,17 3,20 3,22 3,24
69, 79 55, 58, 68, 70, 75, 78, 80 55, 58, 68 57, 58, 68, 80 289 161, 162 134, 289
Psaumes 1–41 2 2,6 2,7 2,8-9 8,4 8,5-7 11,1 12 17,8 18,3 18,27 18,32.47 19,15 22,10-11 25 25,21 27,10 28,1 31,3 33,9 34 35 36,7 37 37,37 39,2
12 13 255 58 55, 56, 59, 69 265 58 161, 163 56, 80 26 60 62 93 62 62 60 24 113 60 62 62 358 23 26 62 25 113 115
Références bibliques 42,10 43,22 48,7 50 51 62,3.7.8 67 68,6 70 71,6 72,22-23 78,2 78,24 85 85,12 89,27-28 89,27 89,33-34.50 90 90,2 91,11-13 92,16 94,22 95 95,1 95,6 103,1-2 103,8-14 103,13-14 103,13 103,17 103,20 104,19 104,29 107–150 107,43 111 112 115,15 118,71 119,73 120–134 127,3 131,2
216 316 63 76 16 62 16 55, 60, 69 26 60 312 149 213 23 287 69 55, 56, 62, 63 79 27 63 180 62 62 26 62 115 77 243 58 55, 57, 80, 245 57 161, 163 142 102 13 79 22, 23 23 58 311 58, 29 13, 26 58, 90 67
411
132,11 139,13-15 144,1 145
90 58, 115 62 16
Job 1–2 1,1-5 1,1 1,5 1,6–2,10 1,6-12 1,8 1,9-11 1,10-12 1,13-21 1,14-19 1,20 1,21 2,1-7a 2,3 2,4-5 2,5 2,7b-10 2,9 2,10 2,11-13 3,1–42,6 3,1–37,24 4,7-21 5,1-16 5,13 6,11-14 9,2-4 9,26 9,33 10,8-11 13,13-26 13,20–14,22 15,7 16,19-20 16,20 24,50-53 31,15
111-125, 133 112, 113-114 112 115, 116, 122 122 112 124 123 114 112 114 115 114, 115 112 122, 124 123 114 112 114 115 112, 118 117 118 119 119 93 119 119 61 119 58 119 120 63 120 122 134 58
412
Filiation, entre Bible et cultures
31,18 33,29 38,1–42,6 38,2 39,1 39,27 42,1–17 42,7-17 42,7-8 42,10-17 42,10 42,12 42,15
60 185 118 116 63 61 111-125 121, 133 124 122 120, 123 114 117
Qohélet 5,15 11,5
Proverbes 1,1-7 1,8 2,1 3,1 3,7 3,11-12 3,12 4,1 4,20 6,20 8,8 8,22 10,1-5 13,1 13,3 13,14 14,16 16,6.17 18,4 21,23 26,1-12 26,28
16, 150 60, 299 66 66 113 69, 274 55, 66, 79 60, 66 299 299 93 58 16 60 115 199 113 113 115 115 16 245
Ruth 4,18-22
138
Cantique 4,12.15 7,13-14
199 96
115 58
Lamentations 4,19 61 Esther 4,1 10,3
115 176
Daniel 7 12,1-2
206 206
1 Chroniques 3,10-14 17,13 22,10 25,5 28,6 29,10-11
138 55, 69 55, 69 117 55, 69 75
Deutérocanoniques Tobie 1,1 5,4-15.22 6,15 13,4
132 180 144 70
1 Maccabées 7,8
176
2 Maccabées 7,22-23
58
Sagesse de Salomon 1,16–2,24 216 2,16 70 7,1-2 58 7,22-30 218 7,25 199 11,10 66
Références bibliques 12,22 18,13 18,14-16 18,15
66 285, 291 279 285
Siracide Prol 1-35 3,5 3,29 4,10 15,3 17,12 24,8 24,30-34 39,1-3 40,1 44–49 45,7-24 47,11 51,8 51,10-12 51,10
132 368 377 69 199 73 285 199 150 115 73 73 73 67 67, 75 70
Baruch 1,1 3,12
132 198
Nouveau Testament Matthieu 1,1-17 1,1.16 1,17 1,18-25 1,18 1,20 1,21 1,22-23 1,23 1,25 2,1 2,2 2,9-10
10, 11, 13 134-138, 141-143, 151-152 129, 146 143, 145, 147 49-50, 147 285, 286, 288 285 193, 286 129 184, 193, 286, 287 286 288 286 286
3,16-17 3,17 4,23 5–7 5,1–7,29 5,1 5,1-2 5,7 5,8 5,17-18 5,21-22 5,22-24 5,22-23 5,23-24 5,27-30 5,29-30 5,34-36 5,43-48 5,44-48 5,45 5,46-47 5,47 6,8 6,9-13 6,9 6,11 6,12 6,32 6,33 7,1-2 7,3-5 7,9 7,11 7,15-18 7,21 7,24-27 9,11 9,27 9,36 10 10,2-6 10,5-8 10,18-23 10,24-25
413 144 281 149 187 149 148 149 186, 187 287 148 235, 239 191 184 122 178, 179 173 184 181, 193 191 190, 193 183 191 191 20 190 145 187 190 187 182 191 61 193 226 193 186 183 186 186 148, 150, 187 148 189 148 144, 147
414 10,29-31 10,42 11,1 11,6 11,27 11,29 12,1 12,22-37 12,49-50 12,50 13 13,1-3 13,2 13,3-9 13,10-17 13,11.18 13,24-36 13,27 13,36-43 13,37-43 13,40 13,49-50 13,50 13,51-52 13,52 13,57 14,1 14,13-33 14,14 14,28 15,4 15,12 15,15 15,19 15,22 15,24 15,32 16,13-20 16,17-20 16,17-19 16,18 16,19 16,21-35 17,2-8
Filiation, entre Bible et cultures 190, 191 178 148 179 190, 287 177 175 14 191 193 151, 187 149 148 224 150 149 149 144 179 183 176 183 176 150 142, 143, 149 179 175 210 186 185 180 179 185 180 186 188, 189 186 171, 175, 194 184 189 148, 182 184, 192 193 164, 165
17,4 17,5 17,15 17,24-27 17,24 17,26 18 18,1-20 18,1-15 18,1-14 18,1-5 18,1 18,2-4 18,2-5 18,3 18,5 18,6-14 18,6-10 18,6-9 18,6 18,10-14 18,10 18,12-14 18,13-14 18,14 18,15-35 18,15-20 18,15-18 18,15 18,17 18,18-35 18,18-20 18,18 18,19-20 18,19 18,20 18,21-35 18,21-22 18,21 18,22-34
185 281 186 175 185 285, 290 148, 150, 171-194, 175, 187 171 175 171, 172, 174-181 171, 172-173, 175177 176, 177 176 172 176 177 171, 172 172 173, 178-180 177, 179, 181, 190 173, 180-181 177, 190 183, 193 173 172, 177, 190, 191, 193 171, 172, 193 174 181-184 172, 174, 191 148, 183 181-187 183 184, 191, 192 171 190, 191 148 171, 174, 185-187 171 171, 172, 175, 182, 191 186
Références bibliques 18,22 18,24.29 18,35 18,36 19–20 19–23 19,1-2 19,1 19,10-12 19,20 19,27 20,1.11 20,28 20,30-34 21,1–23,39 21,1–22,46 21,28-32 21,28 21,29 21,33 21,35 22 22,15-46 22,15-40 22,15-22 22,15 22,16-22 22,23-33 22,23 22,29-30 22,29 22,31-33 22,34-40 22,34-35 22,36-40 22,40 23 23,1-12 23,8-12 23,8 23,9 23,12 23,39 24–25
185 181 172, 186, 190, 191 191 18 153, 169 174 153 162, 163 145 185 144 192 186 153 153 46 180 193 144 193 153 154 153-170, 167 154-157 167, 168, 169 168 154, 158-163 167, 169 146 168, 169 168 154, 163-166 167, 169 168 169 153 194 177, 191-192 191 190 177 153 149, 153
24,3 24,43 25,14-30 25,31-46 25,34 25,40 26,28 26,31.33 26,57–27,26 26,66 27,57-60 27,62–28,20 27,62-66 27,62 27,63-64 27,64 27,65-66 28,1 28,1-8 28,2-10 28,9-10 28,10 28,11-20 28,11-12 28,11 28,13 28,14 28,16-20 28,16 28,18 28,19-20 28,19 28,20
Marc 1,1-13 1,11 1,14-15 1,14 3,9 3,22-30 4,1-34
415 141, 148, 149 144 385 177, 191 265 191 151, 193 179 16 180 144 133, 134-135, 138143, 152 135 129, 138 143 138, 139 138, 140 129 135, 140, 143 140 142 144, 191 135 129 138, 140 138 138, 139 135, 140, 190 129, 150 129 147, 151 143-146, 280 144, 148, 184, 193, 287 10, 11, 13, 25 132 281 188 133 64 14 25
416
Filiation, entre Bible et cultures
4,33 6,30-51 8,5-13 8,27–9,13 9,7 9,18 9,33-37 9,34 9,35-50 9,35 9,36-37 9,42-47 9,42 10,13-52 10,43 10,45 13,1-37 14,36 14,53–15,20 16,1-20
377 210 202 25 281 280 172 175 174 176, 192 176 173 178 15 192 236 25 55 16 133
Luc
9, 10, 11, 12, 13, 16, 17 9 131 353 134 134, 289 138 14 46-49, 288 288 269 17, 18 288 288 286 285 35 44-46 35 287 64 281
1–9 1,1-4 1,3-35 1,5-25 1,17 1,20 1,26-56 1,26-38 1,35 1,59-66 2,1-20 2,1 2,4-20 2,7-20 2,7 2,33 2,41-52 2,48 2,49 3,8 4,22
4,38 5,17–8,56 5,36-39 7,1-10 7,36-50 8 8,21-22 9,1-50 9,31 10,22 10,24 11,2-4 11,11-12 11,14-26 13,10-17 13,17-21 14,11 15 15,1-32 15,1-7 15,1-3 15,4-32 15,5-10 15,11-32 15,17 16,1-31 16,24-25 17,1-4 17,1 17,3-4 17,4 18,14 18,18-27 18,19 18,34 19,9-10 19,12-27 22–24 23,34 23,46 24 24,33-53 24,46-48 24,50-53
285 14 20 202 15 20 124 22 287 287 377 20 61 14 15 145 192 229 14, 21 173 387, 390 181, 289 395 387-399 61 15 44 174 173 181 185 192 151 280 45 395 385 9 287 287 14 19 134 134
Références bibliques Jean 1,1 1,1-18 1,1-2 1,3 1,12-13 1,12 1,13-14 1,14 1,17 1,18 1,19–6,71 1,19–4,3 1,21 1,35 1,37.43 1,45 2,1-12 2,4 2,6-8 2,13-25 2,19 2,23 3,1-21 3,3 3,5-7 3,5 3,7 3,16-17 3,16 3,18 3,32 4,3–6,71 4,3-45 4,3-15 4,10-11 4,14 4,16-26 4,24 4,26 4,27-45 4,34 4,46-54
199 353 23, 197 285 283 208 210, 242, 255, 290 285 216, 260, 272, 286, 287, 288 204, 208 287 219 197 213 287 210 287 208 199 210 208 260 242 323 202, 214, 290 272 214, 224, 280, 290 290, 320 280 290 242 287 197-219 198, 208 198-199 214 214, 216, 264 199-201 264 210 201-202 287 202-203, 208
5,1-18 5,19-47 5,19-30 5,19 5,22 5,24 5,30 5,31-40 5,41-47 6 6,1-24a 6,24-59 6,24-34 6,30-35 6,31 6,35-51 6,38 6,40 6,41-42 6,42 6,46 6,52-59 6,52 6,58 6,60 6,63-71 6,63 7,22 7,37-39 7,38-39 7,39 8,23 8,28-29 8,28 8,29 8,31-58 8,33 8,38 8,39-47 8,40-41 8,44 8,56 9,1–12,11 10,10
417 203-205, 208 205-208 206-207 212 287 232 287 207 208 201 208-211 211-216 211-214 274 202 214-216 287 193 216 202 287 201 216 202 216 217-218 213 202 264 272 291 288, 290 241 287 246 226 228 287 234-236 228 202, 228 202 211 290
418 10,11 10,14-15 10,15 10,17-18 10,30 10,38 11,23-26 11,52 12,19-50 13 13,1 13,16 13,27-28 13,31-32 13,34-35 14,1 14,6 14,7 14,8-9 14,9 14,10-11 14,10 14,12-17 14,12 14,15 14,16 14,17 14,20 14,26 14,28 15,12-13 15,12 15,13 15,15 15,17 15,26 16,6 16,7 16,13-15 16,13 16,23-27 16,28 16,30 17,1
Filiation, entre Bible et cultures 236 343 236, 287 236 281 287 214 203 287 208, 219 201, 287 218 236 287 289 244 200, 207 343 287 227 287 281 244 206 264 280 343 287 264, 279, 280 281 289 244 236 287 289 264, 279, 280 280 264 201, 279 264 244 287 218 287
17,4-5 17,10 17,11 17,13 17,20-23 17,21 18,4-9 18,37 19,5 19,14 19,28 19,34-35 19,34 20,17 20,22 20,23 20,30-31 21,1-14 21,24-25
287 287 281 216 281 216, 287 210 242-243 283 198 201 272 198, 264 272 224 184 132, 272 216 132
Actes 14,21
142
Romains 7,17.20 8,15-17 8,15 8,16-17 8,16 8,22 8,23 8,26-27 8,29 8,35-36 11,16 15,1
180 82 55, 279, 289, 290, 291 271 274, 317 289 290 317 286 290 192 178
1 Corinthiens 1,11-31 1,23 3,1-17 3,5 3,22-23
194 289 194 192 290
Références bibliques
419
9,27 10,10 12,28 15,12-20 16,15-16
180 215 192 270 192
1,15 1,16 1,18 2,9 3,3 3,14
283, 286 283 271, 286 283, 288 291 265
2 Corinthiens 1,24 3,7-9 3,18 4,1 5,18 6,3 6,16-18 7,1
192 192 222 192 192 192 271 271
Hébreux 1,3 7,27 9,12 10,10 12,4-13
281 287 287 287 79
Jacques 1,18
224
1 Pierre 1–2 1,3-5 1,13-23 1,23
226, 229 226-227, 265 225, 226 72, 224
2 Pierre 1,4
286, 290
1 Jean 1,8–2,1 2,6 2,18-19 2,18 2,21 3,1-2 3,1 3,2-24 3,2-10 3,3-8 3,7-10 3,8 3,11-17 3,11-12 3,11 3,12 3,13
229 222 228 225 242, 248 8 255 221-254 221-230, 246-247 225-227 226 237 230-240 234-235 289 237, 238 289
Galates 1,4 3–4 3,6-14 3,29 4,12-20 4,19 4,26 4,4-7 4,4-5 4,4 4,5 4,6-7 4,6
12, 16, 22, 23 193 146 145 271 15, 18 146 270 82 313 188, 288 290 271 55
Éphésiens 1,4 1,5 1,6 5,2
288 290 281 185
Philippiens 2,6-8 2,8
316 311, 316
Colossiens 1,13 1,15-20
281, 288 18
420
Filiation, entre Bible et cultures
3,15-16 3,16 3,17 3,18-24 3,18-20 3,19 3,21-24 3,23 4,8 4,11 4,16 4,17 4,21 5,13
237-238 222, 236 238 240-247, 248-249 243 239 245-246 289 280, 290 289 280, 290 222 289 242
Apocalypse 1,10 1,2-6 1,2-8 1,4-5 1,5-6 1,5 1,8 1,9-10 1,9 1,13 1,20 2,1 2,7 2,9 2,11 2,18-29 2,18 2,20 2,23 2,26 3,7-8 3,7 3,11-13 3,12 3,13 3,14 3,19-21 3,19
271 273 275 258 270 286 270, 271, 273 263, 270 255 255, 274 274 258 270, 284 268 268, 269 265 255, 270, 274 268 255 262 269-270 290 269 258 270 261 274 79
3,21 4 5,1-14 5,5-6 5,9.12 6,2 6,11 7,9-17 12,18–13,1 12,5 12,6 14,14 15 15,1-3 16,17 17–18 17,5 18,4 19,1-8 19,11–20,15 19,11 21,1–22,5 21,1-2 21,1-8 21,3-4 21,5-6 21,6-8 21,6 21,9–22,8 21,9 21,10-27 21,10 21,22 22,1 22,2 22,3 22,5 22,6-21 22,6 22,13-14 22,13 22,14-15 22,14 22,16
261, 262, 270 273 274 255, 265-266, 270 237 265 255 272 258 255 258 255 15 264 262 268 255 271 21 256 261 268 257-259 255-275, 266-268 259-260 261-262 262-266 263 256 266 256 271 260 264 284 266 264 265, 266 261 263 270 271 270, 272, 284 255, 263, 265-266
Références bibliques 22,17-21 22,17
275 264
22,19
421 270, 284
Table des matières + Luis F. LADARIA Presentazione ..........................................................................................
7
Bibliographie de Roland Meynet .................................................................
9
LA BIBLE Marie BALMARY, De l’enfant au fils inconnu .....................................................................
33
Ancien Testament Pietro BOVATI, La paternità di Dio nell’Antico Testamento. Considerazioni ermeneutiche e sviluppi tematici a partire dal Cantico di Mosè (Dt 32,1-43) ............................................
55
André WÉNIN, Les fils des filles de Laban. Analyse rhétorique et narrative de Gn 29,31–30,24 ...............................
83
Luísa Maria VARELA ALMENDRA, Prova e figliolanza nel Libro di Giobbe. Una sfida degli estremi narrativi (Gb 1–2; 42,7-17) ..............................
111
Nouveau Testament Francesco GRAZIANO, Un Libro per generare discepoli. Prologo ed Epilogo nel Vangelo di Matteo ...........................................
129
Roberto DI PAOLO, Dio dona e ridona la vita ai suoi figli. Analisi retorica biblica di Matteo 22,15-40 ...........................................
153
424
Filiation, entre Bible et cultures
Massimo GRILLI, La chiesa come Familia Dei. Mt 18: «magna charta» della comunione ecclesiale .........................................
171
Yves SIMOENS, La relation au Père dans l’acte de croire au Fils. De Sychar (Jn 4,3b-45) à Capharnaüm (Jn 6) ........................................
197
† Jacek ONISZCZUK, La giustizia dei figli (1Gv 3,2-24) .........................................................
221
Javier LÓPEZ, «Y seré para él Dios y él para mí hijo» (Ap 21,7). Testimonio de una herencia en acto .......................................................
255
Ouverture théologique Amaury BEGASSE DE DHAEM, « Un enfant nous est né, un fils nous est donné » (Is 9,5). Le mystère filial de Jésus, le Christ .......................................................
279
CULTURES Occident Gérard JOYAU, Obéir jusqu’à devenir fils selon la règle de saint Benoît ........................
297
Pierre MAGNARD, La filiation selon Montaigne et Pascal ...................................................
319
Laurent SUSINI, Sacrifices du fils, sacrifices du père. Le Télémaque de Fénelon ......................................................................
325
Orient Michel CUYPERS, Une christologie coranique. Composition rhétorique de l’inscription intérieure du Dôme du Rocher ......................................
347
Table des matières
425
Benoît VERMANDER, Devoirs, croissance et liberté : la piété filiale dans la pensée chinoise antique .......................................
367
Jacques SCHEUER, Deux paraboles de « l’enfant prodigue ». Évangile de Luc et Sûtra du Lotus .........................................................
377
Sigles et abbreviations ................................................................................. Références bibliques .................................................................................... Table des matières .......................................................................................
401 405 423
RHÉTORIQUE BIBLIQUE Collection dirigée par Roland Meynet et Pietro Bovati 1.
ROLAND MEYNET, L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, Éd. du Cerf, Paris 1988.
2.
PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Le Livre du prophète Amos, Éd. du Cerf, Paris 1994.
3.
ROLAND MEYNET, Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, PUG Editrice – Éd. du Cerf, Rome – Paris 1999.
RHÉTORIQUE SÉMITIQUE Collection dirigée par Roland Meynet avec Jacek Oniszczuk 1.
ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Lethielleux, Paris 2005.
2.
TOMASZ KOT, La Lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, Lethielleux, Paris 2006.
3.
MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Lethielleux, Paris 2007.
4.
ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Lethielleux, Paris 2007.
5.
ROLAND MEYNET, Appelés à la liberté, Lethielleux, Paris 2008.
6.
ROLAND MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, Lethielleux, Paris 2009.
7.
ALBERT VANHOYE, L’Épitre aux Hébreux. « Un prêtre différent », Gabalda, Pendé 2010.
8.
ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Gabalda, Pendé 20113.
9.
MICHEL CUYPERS, La Composition du Coran, Gabalda, Pendé 2012.
10. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates, Gabalda, Pendé 2012. 11. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Gabalda, Pendé 20132. 12. ROLAND MEYNET – J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique, Gabalda, Pendé 2013. 13. JACEK ONISZCZUK, La première lettre de Jean, Gabalda, Pendé 2013. 14. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, Gabalda, Pendé 2013. 15. MICHEL CUYPERS, Apocalypse coranique. Lecture des trente-trois sourates du Coran, Gabalda, Pendé 2014. 16. ROLAND MEYNET, L’Évangile de Marc, Gabalda, Pendé 2014.
RETORICA BIBLICA collana diretta da Roland Meynet, Pietro Bovati e Jacek Oniszczuk
EDIZIONI DEHONIANE ROMA 1.
ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ED, Roma 1994.
2.
PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos, ED, Roma 1995.
3.
ROLAND MEYNET, «E ora, scrivete per voi questo cantico». Introduzione pratica all’analisi retorica. 1. Detti e proverbi, ED, Roma 1996.
EDIZIONI DEHONIANE BOLOGNA 4.
ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2001.
5.
ROLAND MEYNET, La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, EDB, Bologna 2002.
6.
TOMASZ KOT, La fede, via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo, EDB, Bologna 2003.
7.
ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, seconda edizione, EDB, Bologna 2003.
8.
GIORGIO PAXIMADI, E io dimorerò in mezzo a loro. Composizione e interpretazione di Es 25–31, EDB, Bologna 2004.
9.
ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai Vangeli Sinottici, seconda edizione rivista e ampliata, EDB, Bologna 2006.
10. ROLAND MEYNET, Trattato di retorica biblica, EDB, Bologna 2008. 11. JACEK ONISZCZUK, La Prima Lettera di Giovanni, EDB, Bologna 2008. 12. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, EDB, Bologna 2009. 13. ROLAND MEYNET, Chiamati alla libertà, EDB, Bologna 2010. 14. ALBERT VANHOYE, L’epistola agli Ebrei. «Un sacerdote differente», EDB, Bologna 2010. 15. JACEK ONISZCZUK, La passione del Signore secondo Giovanni (Gv 18–19), EDB, Bologna 2011. 16. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, EDB, Bologna 2011. 17. ROLAND MEYNET, La lettera ai Galati, EDB, Bologna 2012. 18. GERMANO LORI, Il Discorso della Montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), EDB, Bologna 2013.
RETORICA BIBLICA E SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet et Jacek Oniszczuk
1.
JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), G&B Press, Roma 2013.
2.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica, G&B Press, Roma 2013.
3.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2013.
4.
ROLAND MEYNET, Luke: the Gospel of the Children of Israel, G&B Press, Roma 2015.
5.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2015.
6.
ROLAND MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, G&B Press, Roma 2015.
7.
ROLAND MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, G&B Press, Roma 2015.
8.
ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, G&B Press, Roma 2016.
RHETORICA BIBLICA ET SEMITICA 9.
ROLAND MEYNET, Les psaumes des montées, Peeters, Leuven 2017.
10. MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, deuxième édition, Peeters, Leuven 2017. 11. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2017. 12. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), Peeters, Leuven 2017. 13. JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), 2° edizione, Peeters, Leuven 2018. 14. ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, Peeters, Leuven 2018. 15. JACEK ONISZCZUK (†), «Se il chicco di grano caduto in terra non muore...» (Gv 11–12), Peeters, Leuven 2018. 16. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2018. 17. MASSIMO GRILLI – † JACEK ONISZCZUK – ANDRÉ WÉNIN, ed., Filiation, entre Bible et cultures. Hommage à Roland Meynet, Peeters, Leuven 2019.