129 17 4MB
French Pages 637 [641] Year 2018
pontificia universitas gregoriana rhetorica biblica et semitica
Roland Meynet
LE PSAUTIER Premier livre (Ps 1–41)
PEETERS
LE PSAUTIER Premier livre (Ps 1–41)
Roland Meynet
LE PSAUTIER Premier livre (Ps 1–41) Rhetorica Biblica et Semitica XVI
PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT 2018
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BlBLIQUE ET SÉMITIQUE
Il existe de nombreuses sociétés savantes dont l’objet est l’étude de la rhétorique. La plus connue est la « Société internationale pour l’histoire de la rhétorique ». La RBS est la seule : • qui se consacre exclusivement à l’étude des littératures sémitiques, la Bible essentiellement, mais aussi d’autres, des textes musulmans par exemple ; • qui s’attache par conséquent à inventorier et à décrire les lois particulières d’une rhétorique qui a présidé à l’élaboration des textes dont l’importance ne le cède en rien à ceux du monde grec et latin dont la civilisation occidentale moderne est l’héritière. Il ne faudrait pas oublier que cette même civilisation occidentale est héritière aussi de la tradition judéo-chrétienne qui trouve son origine dans la Bible, c’est-à-dire dans le monde sémitique. Plus largement, les textes que nous étudions sont les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam. Une telle étude scientifique, condition première d’une meilleure connaissance mutuelle, ne saurait que contribuer au rapprochement entre ceux qui se réclament de ces diverses traditions. • • •
• •
La RBS promeut et soutient la formation, les recherches et les publications : surtout dans le domaine biblique, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament ; mais aussi dans celui des autres textes sémitiques, en particulier ceux de l’islam ; et encore chez des auteurs nourris par les textes bibliques, comme saint Benoît et Pascal. Pour cela, la RBS organise les années paires un colloque international dont les actes sont publiés dans la présente collection ; chaque année des séminaires de formation à sa méthodologie, en différentes langues.
La RBS accueille et regroupe d’abord les chercheurs et professeurs universitaires qui, dans diverses institutions académiques, travaillent dans le domaine de la rhétorique biblique et sémitique. Elle encourage de toutes les manières les étudiants, surtout de doctorat, dans l’apprentissage de sa technique propre. Elle est ouverte aussi à tous ceux qui s’intéressent à ses activités et entendent les soutenir. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BIBLIQUE ET SÉMITIQUE Pontificia Università Gregoriana — Piazza della Pilotta, 4 — 00187 Roma (Italie) Pour plus de renseignements sur la RBS, voir : www.retoricabiblicaesemitica.org. ISBN 978-90-429-3760-4 eISBN 978-90-429-3761-1 D/2018/0602/91 A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2018, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.
Rhetorica Biblica et Semitica Beaucoup imaginent que la rhétorique classique, héritée des Grecs à travers les Romains, est universelle. C’est en effet celle qui semble régir la culture moderne, que l’Occident a répandue sur l’ensemble de la planète. Le temps est désormais venu d’abandonner un tel ethnocentrisme : la rhétorique classique n’est pas seule au monde. La Bible hébraïque, dont les textes ont été écrits surtout en hébreu mais aussi en araméen, obéit à une rhétorique bien différente de la rhétorique gréco-romaine. Il faut donc reconnaitre qu’il existe une autre rhétorique, la « rhétorique hébraïque ». Quant aux autres textes bibliques, de l’Ancien Testament et du Nouveau, qui ont été soit traduits soit rédigés directement en grec, ils obéissent largement aux mêmes lois. On est donc en droit de parler non seulement de rhétorique hébraïque, mais plus largement de « rhétorique biblique ». En outre, ces mêmes lois ont ensuite été reconnues à l’œuvre dans des textes akkadiens, ougaritiques et autres, en amont de la Bible hébraïque, puis dans les textes arabes de la Tradition musulmane et du Coran, en aval de la littérature biblique. Il faut donc admettre que cette rhétorique n’est pas seulement biblique, et l’on dira que tous ces textes, qui appartiennent à la même aire culturelle, relèvent d’une même rhétorique qu’on appellera « rhétorique sémitique ». Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition toutefois de les analyser en fonction des lois de la rhétorique qui les gouverne. On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux différents niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.
INTRODUCTION Le Psautier, intitulé en hébreu Le livre des Louanges, ou, plus simplement, Les louanges, regroupe cent-cinquante psaumes. Leur nombre est le même dans le texte massorétique et dans la version grecque des Septante, même si la division est différente. En effet, la Septante considérant comme un seul psaume les Ps 9 et 10 du texte hébreu, les numérotations diffèrent à partir de là jusqu’au moment où elles finiront par se rejoindre, trois psaumes avant la fin du livre : Texte massorétique1 1–8 8 9–10 11–113 114–115 116,1-9 116,10-19 117–146 147,1-11 147,12-20 148 8–150
Septante (et Vulgate) 1–88 9 10–112 113 114 115 116–145 146 147 1488–150
Mais ce ne sont pas seulement les Ps 9 et 10 du texte massorétique qui posent un problème de division ; les Ps 114 et 115 du texte hébreu sont considérés eux aussi comme un seul psaume par la Septante. Inversement, le Ps 116 hébreu est divisé en deux par la version grecque (114–115), et il en va de même pour le Ps 147 hébreu divisé en deux dans la Septante (146–147). Ce ne sont en somme que quatre cas de divisions différentes sur un total de cent cinquante psaumes. Toutefois, ce fait peut être interprété comme posant une question qui n’est pas sans importance. Ce qu’une tradition lit de manière séparée (9–10 et 114–115) est considéré par une autre tradition comme formant une seule unité, et inversement ce que la première tradition retient comme un texte unitaire (116 et 147) est tenu par l’autre comme deux unités séparées. Ne pourrait-on pas réunir en un seul ensemble deux psaumes parallèles entre eux et complémentaires comme le sont les deux psaumes acrostiches alphabétiques 111 et 112, que certains appellent des « psaumes jumeaux »2 ? Ils forment en effet un diptyque dont on distinguera les deux panneaux, mais qu’il serait bien difficile de séparer. Le texte occidental des Actes des Apôtres introduit une citation du verset 7 du Ps 2 par ces mots, « Ainsi il est écrit au psaume premier », ce qui laisse entendre que les deux premiers psaumes étaient considérés à l’époque comme n’en formant qu’un seul. Allant plus loin, les Ps 113–118 sont appelés par la tradition « le Hallel égyptien » et 1 2
Les exégètes suivent la numération massorétique, ce qui est fait dans le présent commentaire. Voir, par ex., mon étude : « Harmonie biblique. Les psaumes 111 et 112 ».
8
Le Psautier. Premier livre
effectivement ils sont chantés ensemble durant le seder pascal et, chez les catholiques, durant la veillée pascale. On a donc là le principe d’une lecture unifiée du Psautier. LA COMPOSITION DE CHAQUE PSAUME Chaque époque a ses propres points d’attention. Depuis Gunkel l’exégèse s’est concentrée sur l’identification du genre littéraire et de la forme de chaque psaume ainsi que sur l’occasion sociologique qui lui a donné naissance (Sitz im Leben). L’histoire des formes tend à réduire tous les textes appartenant à la même forme à un schéma commun, l’étude de la composition veut dégager la figure spécifique de chaque individu textuel, de chaque réalisation concrète et unique de la forme du texte 3. L’intérêt pour la composition de chaque texte en particulier est plus récent mais se développe de plus en plus. Si, par exemple, en 1950 Weiser ne dit rien sur le plan du Ps 23, il commence néanmoins son commentaire du psaume suivant par ces mots : « Le chant comprend trois sections qui se distinguent les unes des autres par un style différent et par leur sujet »4. En 1985 Ravasi distingue dans le Ps 23 « deux moments structuraux » qu’il a déterminés à partir du « symbolisme pastoral » (434-437) et de la « symbolique de l’hospitalité » (437-438) et dans sa rubrique « La structure du psaume » il en donne un plan en deux parties, chacune subdivisée en quatre et trois points ». Les critères utilisés sont essentiellement de contenu, mais il faut remarquer qu’il distingue deux niveaux dans l’organisation du texte. Pierre Auffret, un auteur extrêmement prolifique, consacre une énergie inaltérable à « l’analyse structurelle », ou à « la structure littéraire » de nombreux textes bibliques, des psaumes en particulier. Cet auteur n’a malheureusement jamais fourni d’exposé systématique de la méthodologie qu’il met en œuvre5. Puis vint un temps où quelques auteurs s’expliquent sur la méthodologie qu’ils mettent en œuvre. Ainsi Marc Girard qui fait précéder son commentaire des psaumes par un exposé de son système6. Vint ensuite Jan Fokkelman, connu pour son opus magnum en quatre gros volumes sur les livres de Samuel7 ; entre 1998 et 2004 quatre autres volumes sont consacrés à la poésie hébraïque8. Cet auteur est certainement des plus importants. Il revient constamment sur les questions de méthode. Contrairement à beaucoup d’autres, il distingue nettement les différents 3
Sur cette question, voir R. MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 7-9 ; et surtout ID., Le fait synoptique reconsidéré, 13-26. 4 Weiser, 232. 5 Voir R. MEYNET, « Analyse rhétorique du psaume 90. Hommage critique à Pierre Auffret ». 6 M. GIRARD, Les psaumes redécouverts. De la structure au sens. 1-50, 13-136 (la première édition est de 1984, parue sous le titre : Les Psaumes 1-50. Analyse structurelle et interprétation. Voir mes recensions de son ouvrage dans Rivista biblica ; voir aussi mon article : « Analyse rhétorique du Psaume 51. Hommage critique à Marc Girard ». 7 Narrative art and poetry in the Books of Samuel. 8 Major Poems of the Hebrew Bible : at the Interface of Hermeneutics and Structural Analysis ; ID., Reading Biblical Poetry: An Introductory Guide.
Introduction
9
niveaux d’organisation textuelle, à partir de ses constituants minimaux, les sons, jusqu’au livre9 : en tout, douze niveaux pour la prose, onze pour la poésie10. Pieter Van der Lugt publie entre 2006 et 2014 trois volumes sur les psaumes11 ; son système tombe sous la même critique adressée à Fokkelman12. Dans le présent commentaire, comme dans celui du Cinquième livre, il est fait référence, pour chaque psaume, aux découpages d’un nombre limité d’auteurs, à titre d’exemples13. Pour ma part, j’ai repris et développés mes travaux méthodologiques antérieurs — qui remontent à 197914 — dans mon Traité de rhétorique biblique15. LA COMPOSITION DU PSAUTIER Les commentaires classiques analysent chaque psaume en lui-même, l’un après l’autre, sans plus16. Il en va de même pour la plupart des commentaires les plus récents17. C’est seulement depuis la moitié des années 1980 que de plus en plus de chercheurs s’intéressent à la composition du Psautier et tentent de voir comment les psaumes sont organisés entre eux pour former un véritable discours. On accorde généralement un rôle de pionnier à Gerald Wilson18. Plusieurs ayant déjà brossé le panorama de cette recherche plus que trentenaire, il suffira de renvoyer à leurs travaux19. Une division du psautier en cinq grands ensembles est traditionnelle. Elle est signalée dans le texte lui-même. Le « livre » des Psaumes est en effet divisé en cinq « livres » (1–41 ; 42–72 ; 73–89 ; 90–106 ; 107–150)20. Le texte en porte la 9
Voir, par exemple, Narrative art and poetry in the Books of Samuel, II. 4. Voir ma critique de sa méthodologie (ainsi que de celles d’autres auteurs) dans « La rhétorique biblique et sémitique. État de la question », 297-298. 11 P. VAN DER LUGT, Cantos and Strophes in Biblical Hebrew Poetry, with special reference to the first book of the Psalter; ID., Cantos and strophes in biblical Hebrew poetry II : Psalms 42-89; ID., Cantos and strophes in biblical Hebrew poetry III : Psalms 90-150 and Psalm 1. 12 Voir nt. 13. 13 On pourra compléter avec les ouvrages de P. Van der Lugt qui fournit les découpages d’un grand nombre d’auteurs ainsi qu’une abondante bibliographie. 14 R. MEYNET, Quelle est donc cette Parole ? Lecture « rhétorique » de l’évangile de Luc (1–9 et 22–24) ; ID., Initiation à la rhétorique biblique (1982) ; ID., L’Analyse rhétorique. Une nouvelle méthode pour comprendre la Bible. Textes fondateurs et exposé systématique (1989). 15 R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique (2007.2011). 16 On citera, entre tant d’autres, ceux d’Artur Weiser (2 vol, 1950), de Hans-Joachim Kraus (3 vol, 1961-79), de Michael Dahood (1966-70), de Gianfranco Ravasi (1981-85). 17 Entre tant d’autres, Luis Alonso Schoekel – Cecilia Carniti (1992-93), Frank-Lothar Hossfeld – Erich Zenger (1993-2008), Tiziano Lorenzin (2001), Jean-Luc Vesco (2006), William P. Brown, Nancy deClaissé-Walford – Rolf A. Jacobson – Beth LaNeel Tanner (2014), Allen P. Ross (2011-16). 18 G.H. WILSON, « Evidence of Editorial Divisions in the Hebrew Psalter » ; ID., The Editing of the Hebrew Psalter. Voir Le Psautier. Cinquième livre, 8, nt. 7-8. 19 N. WHYBRAY, Reading the Psalms as a Book ; N.L. DECLAISSÉ-WALFORD, ed. The Shape and Shaping of the Book of Psalms: The Current State of Scholarship. 20 Voir, par ex., P. SANDERS, « Five Books of Psalms ? ». 10
10
Le Psautier. Premier livre
marque indéniable, car les quatre premiers livres s’achèvent avec des doxologies très semblables : Ps 41,14 :
Béni soit Yhwh, le Dieu d’Israël, depuis toujours et pour toujours. Amen, amen.
Ps 72,18-20 : Béni soit Yhwh Dieu, le Dieu d’Israël, qui seul fait des merveilles. Béni soit le Nom de sa gloire pour toujours et que de sa gloire soit remplie toute la terre. Amen, amen. Fin des prières de David, fils de Jessé.
Fin du 1er livre
Fin du 2e livre
Ps 89,53 :
Béni soit Yhwh pour toujours. Amen, amen.
Fin du 3e livre
Ps 106,48 :
Béni soit Yhwh, le Dieu d’Israël, depuis toujours et pour toujours. Et que tout le peuple dise : « Amen ». Alléluia21.
Fin du 4e livre
Quant au cinquième livre, sa doxologie s’étend sur les cinq derniers psaumes (146–150)22. Même si elle est marquée par les doxologies conclusives, la division traditionnelle du Psautier devra être confirmée par l’analyse de la composition de chacun de ses cinq livres. Déjà entrevue par plusieurs, celle du cinquième livre a été assurée par une étude de l’ensemble de ses quarante-quatre psaumes menée de manière systématique à chacun des niveaux de son organisation : La composition se révèle extrêmement élaborée. Au centre de la construction, le Ps 119 est une longue méditation sur la Loi. Il est précédé par « le Hallel égyptien » qui célèbre l’exode du pays de l’esclavage (Ps 113–118) et suivi par « les Psaumes des montées » qui chantent et espèrent le retour de l’exil à Babylone (Ps 120–134). Aux extrémités enfin, deux sous-sections qui se correspondent : selon les mots même du psalmiste, « De la bouche d’imposture à l’action de grâce du juste » (Ps 107–112), « Du venin du serpent à la louange des justes » (Ps 135–145)23.
Après quoi, il restera à voir comment les cinq livres s’organisent dans un ensemble structuré. Mais nous n’en sommes pas encore là et il faut procéder par ordre. La division traditionnelle a semblé être une première hypothèse plus que raisonnable. Si le cinquième livre est composé et bien composé, cela permet de poser l’hypothèse que les autres livres pourraient l’être aussi. Le présent commentaire du premier livre montre qu’il en va de ce livre comme du dernier. 21
Traduction de J.-M. AUWERS, La composition littéraire du Psautier, 78-79. Voir R. MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre, « La grande doxologie. La sous-section conclusive. Ps 146–150 », 641-698. 23 Quatrième page de couverture de Le Psautier. Cinquième livre. « Les cinq derniers psaumes (146–150) sont, pour ainsi dire, hors système, car ils constituent la doxologie qui conclut non seulement le cinquième livre mais aussi la totalité du Psautier. » 22
Introduction
11
Les tentatives de structuration du premier livre ne sont pas légion24. On a depuis longtemps noté le phénomène de la « concaténation » qui lie beaucoup de psaumes, surtout contigus, entre eux25. La chose n’est pas nouvelle : en effet, au XIXe siècle, pour ne pas remonter plus haut, Delitzsch note en commençant son commentaire du Ps 5 : « La prière du soir est maintenant suivie par une deuxième prière du matin, qui comme la première26, s’achève avec kî ’attâ [« car toi »] (Ps 4,9 ; 5,13) »27. Récemment, Vesco commence toujours son analyse d’un psaume en notant ses rapports avec le psaume précédent ; ainsi pour le Ps 5, il écrit : « La supplication du Ps 4 se terminait sur le sommeil du psalmiste, celle du Ps 5 la reprend “au matin”. Toutes deux s’adressent à un Dieu qui “écoute” la “prière” »28. Si la concaténation met heureusement en évidence des rapports entre les psaumes successifs, toutefois elle ne débouche pas sur une véritable composition du livre. Des études ont porté sur quelques couples de psaumes : 1–2 ; 3–4 ; 16–17 ; 20–21 ; 25–26 ; 40–4129. Ces couples ne seront confirmés que dans une étude de la composition de l’ensemble du livre : en effet, la délimitation d’une unité dépend de la délimitation de l’unité précédente et de l’unité suivante, au même niveau de composition. On verra ici que si 1–2, 3–4, 20–21 et 40–41 sont assurés, il n’en va pas de même pour 16–17 et pour 25–26. Pour J. Schreiner, les deux premiers psaumes forment l’introduction au Psautier et le premier livre (3–41) est focalisé sur le Ps 22 qui en occupe le centre30. Le Ps 22 comprenant trois parties (lamentation, action de grâce et hymne), la même succession se retrouve ailleurs (Ps 3–9 ; 10–19A ; 25–30)31. On voit que la composition du livre selon cette hypothèse est largement lacunaire, puisque 19B–24 et 31–41 ne sont pas pris en compte. Pour J.-M. Auwers au contraire, le centre du premier livre serait le Ps 18 : « ...la pièce maîtresse du premier livre des psaumes, bien mise en évidence au centre du recueil... »32. Mais cette affirmation est dite incidemment et l’on comprend que l’auteur n’entend pas la démontrer. 24
Un état de la question a été établi en 2002 par Donatella Scaiola (« Una cosa ha detto Dio, due ne ho udite », 186-213). Voir aussi D.C. MITCHELL, The message of the Psalter (chap. I et 2, 15-89) ; D.H. HOWARD, Jr, « Recent Trends in Psalms Study », 329-360 ; J.-M. AUWERS, « Où va l’exégèse du Psautier ? » ; C.J. LABUSCHAGNE, « Significant sub-groups in the Book of Psalms. 25 C. BARTH, « Concatenatio im ersten Buch des Psalters ». Voir la présentation de sa contribution par D. Scaiola (« Una cosa ha detto Dio, 187-190). 26 La première est celle du Ps 3. 27 F. DELITZSCH, A Commentary on the Book of the Psalms, 155. 28 J.-L. VESCO, Le Psautier de David, 117. 29 Voir D. SCAIOLA, « Una cosa ha detto Dio, due ne ho udite », 1–2 (352-373) ; 3–4 (294304) ; 16–17 (310-334) ; 20–21 (274-288) ; 25–26 (335-349) ; 40–41 (373-389). 30 J. SCHREINER, « Zur Stellung von Psalm 22 im Psalter ». De même Lorenzin est d’avis que « Le psaume 22 se trouve précisément au milieu du premier livre du Psautier (Ps 3–41). Ce fait ne semble pas le fruit du hasard » (Lorenzin, 117). 31 Voir D. SCAIOLA, « Una cosa ha detto Dio, 190-192. 32 J.-M. AUWERS, « La rédaction du Psaume 18 dans le cadre du premier livre des psaumes », 26.
12
Le Psautier. Premier livre
Un certain nombre d’auteurs divisent le premier livre en quatre sections : 3–14 ; 15–24 ; 25–34 ; 35-41, étant entendu que les deux premiers psaumes sont en dehors du système. Tous dépendent d’une étude de Pierre Auffret publiée en 198233 ; pour cet auteur les Ps 15–24 forment une unité composée de manière concentrique autour du Ps 19. Ce regroupement de dix psaumes a été adopté d’abord par E. Zenger en 199134, puis dans le commentaire des cinquante premiers psaumes rédigé avec F.L. Hossfeld35 ; par P. Miller en 199436, par T. Lorenzin en 200137, par G. Barbiero en 199938, par S. Gillingham en 200539, par J.-L. Vesco en 2006 — lequel ajoute que « cette structuration n’en exclut pas d’autres »40 —, par W. Brown41, enfin par Ph. Sumpter en 201342. Si « l’hypothèse »43 avancée par Auffret a eu autant de succès, c’est sans doute parce qu’elle était pratiquement la seule disponible. La plupart distinguent donc quatre parties dans le premier livre. Voici la division de Vesco (qui adopte celle de Hossfeld – Zenger44) : 3-14 Face aux ennemis, appel à un Dieu juste 3-7 Soir et matin 8 La victoire sur le mal 9-14 Un visage caché 15-24 « Qui résidera dans la montagne sainte » 15-18 L’homme parfait 19 L’ordre du monde et l’ordre de l’enseignement divin 20-24 Dieu répond et il sauve les justes 25-34 De la supplication à l’action de grâce 25 « Fais-moi connaitre tes chemins » 26-28 Le temple au terme du chemin 29 La gloire du temple 30-33 Action de grâce et chant nouveau 34 Yhwh libère qui s’abrite en lui
33
P. AUFFRET, « Les psaumes 15 à 24 comme ensemble structuré ». E. ZENGER, « Was wird anders bei kanonischer Psalmenauslegung ? ». 35 F.L. HOSSFELD – E. ZENGER, Die Psalmen, I. Ps 1–50, 12-13.158. 36 P.D. MILLER, « Kingship, Torah Obedience, and Prayer. The Theology of Ps 15–24 ». 37 T. LORENZIN, I Salmi. 38 G. BARBIERO, Das erste Psalmenbuch als Einheit : Eine synchrone Analyse von Psalm 141 ; en français, il résume sa position dans « Le premier livret du psautier (Ps 1–41) », 464-466; ID., « Il nuovo e antico approccio al Salterio come opera unitaria », in: Un libro nelle viscere. I Salmi, via della vita, a cura di M.I. ANGELINI – R. VIGNOLO, Sestante 24, Vita e Pensiero, Milano 2011. Voir aussi la présentation de J.-M. AUWERS, « Où va l’exégèse du Psautier ? », 387-388. 39 Voir nt. 15. 40 J.-L. VESCO, Le psautier de David, 95. 41 W.P. BROWN, « “Here comes the Sun”. The Metaphorical theology of Psalms 15–24 ». 42 Ph. SUMPTER, « The Coherence of Psalms 15–24 ». 43 C’est ainsi que, modestement, l’auteur l’appelle en commençant son étude. 44 F.-L. HOSSFELD – E. ZENGER, Die Psalmen, vol. I. Psalm 1-50. Vesco, 95. 34
Introduction
13
35-41 Loin des ennemis vers le bonheur divin 35-37 Yhwh fera justice 38 L’aide divine est urgente 39-41 L’attente après Yhwh
Vesco ne justifie pas son plan par une étude de composition de chacune des quatre parties du premier livre. Quelques années plus tôt, en 2002, Lorenzin avait fait le même choix que Vesco45. Et Barbiero aussi en 199946, même s’il prend quelquefois ses distances à l’intérieur de quelque partie. Le premier livre des Psaumes comprend les Ps 1–41. Il semble clairement établi que les Ps 1–2 sont une introduction en deux parties au Psautier. Je suis impressionné par les données qui suggèrent que les Ps 3–14, 15–24, 25–34, and 35–41 sont des souscollections à l’intérieur du premier livre. Toutefois, je suis moins impressionné par ce que les chercheurs ont accompli en ce qui concerne l’interprétation de ces plus petites collections47.
Une autre structuration est proposée par M. Millard48. Pour lui le livre s’organise non pas en quatre mais en trois parties : 3–10 « qui serait un midrash sur 2S 13–18 » ; 11–31 « centré sur la tôrâh » ; 32–41 « délimité par les macarismes des Ps 32 et 41 »49. Ma propre recherche, menée de manière indépendante — comme il se doit —, rejoint celle de Millard pour les limites de sa troisième partie (Ps 32–41). Le premier livre s’organise donc en trois sections : 1–18 ; 19–31 ; 32–41. Au centre de la section centrale se trouve le Ps 2250. Comme dans le commentaire du cinquième livre, le texte du premier livre sera analysé à tous les niveaux de son organisation, celui du « segment », puis du « morceau », de la « partie » (et éventuellement de la « sous-partie »), du « passage », de la « séquence » (et éventuellement de la « sous-séquence »), de la « section » (et éventuellement de la sous-section) et du « livre ». Le commentaire de chaque « passage » se développe selon quatre rubriques : 1) « Texte » où sont traités les problèmes de critique textuelle, de grammaire et de lexicographie ; 2) « Composition » qui présente une réécriture du texte traduit laquelle donne à voir son organisation accompagnée d’une description ou justification ; 3) « Contexte » pour les rapports intertextuels pertinents, et enfin 4) « Interprétation » qui représente la fin de tout le travail exégétique. Pour les niveaux supérieurs, de la sous-séquence, de la séquence, de la sous-section et de
45
T. LORENZIN, I salmi, 20.60. Voir nt. 38. 47 R.A. JACOBSON, « Imagining the Future of Psalms Studies», 239. Un tel avis est encore d’actualité. 48 M. MILLARD, Die Composition des Psalters. 49 J.-L. VESCO, Le psautier de David, 95. 50 Ce qui rejoint l’avis de Schreiner et de Lorenzin (voir nt. 11). 46
14
Le Psautier. Premier livre
la section, la rubrique « Texte » n’a plus de raison d’être et celle du « Contexte » ne s’impose pas toujours. Ainsi le premier livre sera analysé et interprété jusqu’à cinq fois successivement. Font exception deux psaumes dont le commentaire complet commence au niveau de la partie (Ps 25 et 37)51. Une différence entre ce volume et le précédent : le cinquième livre a été considéré comme une « section », la cinquième du « livre » des psaumes. La complexité du premier livre est telle qu’elle a conduit à le tenir comme un « livre ». Il faudra attendre que les trois autres livres soient analysés pour dirimer cette question.
Remerciements Jean-Louis Préat, S.J. a bien voulu relire mon manuscrit. Son acribie a permis de corriger bien des erreurs. Qu’il en soit vivement remercié.
51 Parce que c’est ainsi qu’ils avaient été analysés en détail dans « Le psaume 25. Psaume de la nouvelle alliance » et dans Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 101-123.
SIGLES ET ABRÉVIATIONS AJSL al. AnBib AncB AssSeign Bib BiTod BJ CBQ CivCatt chap. CRB ed. EeT EstB EThL FOTL Fs GLAT Gr. HALOT HBS HUCA JBL Joüon JQR JSOT JSOT.S JSSt JTS LeDiv LiBi litt. Luc 2005 Luc 2011 NICOT NRTh NS nt. OBO
American journal of Semitic languages and literature alii, autres Analecta biblica Anchor Bible Assemblée du Seigneur Biblica Bible Today Bible de Jérusalem Catholic Biblical Quarterly La Civiltà Cattolica chapitre Cahiers de la revue biblique edidit, ediderunt Église et théologie Estudios Biblicos Ephemerides Theologicae Lovanienses The Forms of the Old Testament Literature Festschrift Grande Lessico dell’Antico Testamento Gregorianum L. KOEHLER – W. BAUMGARTNER – B. HARTMANN – Y. KUTSCHER, The Hebrew and Aramaic Lexicon of the Old Testament, I-V, Leiden – New York – Köln 1994-2000 Herders Biblische Studien Hebrew Union College Annual Journal of Biblical Literature P. JOÜON, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1923 Jewish Quarterly Review Journal for the Study of the Old Testament Journal for the Study of the Old Testament. Supplement Series Journal of Semitic Studies Journal of Theological Studies Lectio Divina Lire la Bible littéralement R. Meynet, L’Évangile de Luc, RhSem 1, Paris 2005 R. Meynet, L’Évangile de Luc, RhSem 8, Pendé 2011 The new international commentary on the Old Testament Nouvelle Revue Théologique Nouvelle série note Orbis biblicus et Orientalis
16 OTS p. par ex. par. RB RBS ReBib ReBibSem RBSem RevSR RhBib RhSem RivBib RSR RTLu SBi SBL.DS SC SJOT StBib StRBS Traité TOB trad. v. VT WBC ZAW
Le Psautier. Premier livre Old Testament Studies page(s) par exemple Paragraphe Revue biblique Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique Retorica biblica (EDB) Retorica Biblica e Semitica (G&B Press) Rhetorica Biblica et Semitica (Peeters) Revue des Sciences Religieuses Rhétorique biblique (Cerf) Rhétorique sémitique (Lethielleux, Gabalda) Rivista Biblica Recherches de science religieuse Revue théologique de Lugano Sources bibliques Society of Biblical Literature. Dissertation series Sources chrétiennes Scandinavian Journal of the Old Testament Studi biblici Studia Rhetorica Biblica et Semitica R. Meynet, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; RhSem 12, Pendé 2013 Traduction œcuménique de la Bible traduction verset(s) Vetus Testamentum World Biblical Commentary Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft
Les commentaires des psaumes ne sont cités que par le nom de l’auteur (ou des auteurs) en minuscules, suivi des numéros de volume et de page(s). Ex. : Weiser, 232 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 303. Les abréviations des livres bibliques sont celles de La Bible de Jérusalem (BJ).
LEXIQUE DES TERMES TECHNIQUES
1. TERMES QUI DÉSIGNENT LES UNITÉS RHÉTORIQUES Il arrive souvent, dans les ouvrages d’exégèse, que les termes « section », « passage », mais surtout « morceau », « partie »..., ne soient pas utilisés de façon univoque. Voici la liste des termes qui désignent les unités textuelles à leurs niveaux successifs. LES NIVEAUX « INFÉRIEURS » (OU NON AUTONOMES) À part les deux premières (le terme et le membre), les unités de niveau inférieur sont formées de une, deux ou trois unités du niveau précédent. TERME
le terme correspond en général à un « lexème », ou mot qui appartient au lexique : substantif, adjectif, verbe, adverbe.
MEMBRE
le membre est un syntagme, ou groupe de « termes » liés entre eux par des rapports syntaxiques étroits. Le « membre » est l’unité rhétorique minimale ; il peut arriver que le membre comporte un seul terme (le terme d’origine grecque est « stique »).
SEGMENT
le segment comprend un, deux ou trois membres ; on parlera de segment « unimembre » (le terme d’origine grecque est « monostique »), de segment « bimembre » (ou « distique ») et de segment « trimembre » (ou « tristique »).
MORCEAU
le morceau comprend un, deux ou trois segments.
PARTIE
la partie comprend un, deux ou trois morceaux.
LES NIVEAUX « SUPÉRIEURS » (OU AUTONOMES) Ils sont tous formés soit d’une, soit de plusieurs unités du niveau précédent. PASSAGE
le passage — l’équivalent de la « péricope » des exégètes — est formé d’une ou de plusieurs parties.
SÉQUENCE
la séquence est formée d’un ou de plusieurs passages.
SECTION
la section est formée d’une ou de plusieurs séquences.
LIVRE
enfin le livre est formé d’une ou de plusieurs sections.
18
Le psautier. Premier livre
Il est quelquefois nécessaire d’avoir recours aux niveaux intermédiaires de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « sous-section » ; ces unités intermédiaires ont la même définition que la partie, la séquence et la section. VERSANT
ensemble textuel qui précède ou qui suit le centre d’une construction ; si le centre est bipartite, le versant correspond à chacune des deux moitiés de la construction.
2. TERMES QUI DÉSIGNENT LES RAPPORTS ENTRE LES UNITÉS SYMÉTRIQUES SYMÉTRIES TOTALES CONSTRUCTION PARALLÈLE
figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière parallèle : A B C D E | A’B’C’D’E’. Quand deux unités parallèles entre elles encadrent un élément unique, on parle de parallélisme pour désigner la symétrie entre ces deux unités, mais on considère l’ensemble (l’unité de niveau supérieur) comme une construction concentrique : A | x | A’. Pour « construction parallèle », on dit aussi « parallélisme » (qui s’oppose à « concentrisme »).
CONSTRUCTION SPÉCULAIRE
figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière antiparallèle ou « en miroir » : A B C D E | E’D’C’B’A’. Comme la construction parallèle, la construction spéculaire n’a pas de centre ; comme la construction concentrique, les éléments en rapport se correspondent en miroir. Quand la construction ne comprend que quatre unités, on parle aussi de « chiasme » : A B | B’A’.
CONSTRUCTION CONCENTRIQUE
figure de composition où les unités symétriques sont disposées de manière concentrique : A B C D E | x | E’D’C’B’A’, autour d’un élément central (cet élément peut être une unité de l’un quelconque des niveaux de l’organisation textuelle). Pour « construction concentrique », on peut dire aussi « concentrisme » (qui s’oppose à « parallélisme »).
Lexique des termes techniques
19
SYMÉTRIES PARTIELLES TERMES INITIAUX
termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent le début d’unités textuelles symétriques ; l’« anaphore » de la rhétorique classique.
TERMES FINAUX
termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’unités textuelles symétriques ; l’« épiphore » de la rhétorique classique.
TERMES EXTRÊMES termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les extrémités d’une unité textuelle ; l’« inclusion » de l’exégèse traditionnelle. TERMES MÉDIANS
termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’une unité textuelle et le début de l’unité qui lui est symétrique ; le « mot-crochet » ou « mot-agrafe » de l’exégèse traditionnelle.
TERMES CENTRAUX termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les centres de deux unités textuelles symétriques. Pour plus de détails, voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem 11, Pendé 2013. PRINCIPALES RÈGLES DE RÉÉCRITURE – à l’intérieur du membre, les termes sont généralement séparés par des blancs ; – chaque membre est généralement réécrit sur une seule ligne ; – les segments sont séparés par une ligne blanche ; – les morceaux sont séparés par une ligne discontinue ; – la partie est délimitée par deux filets ; il en va de même pour les sous-parties. – à l’intérieur du passage, les parties sont encadrées (sauf si elles sont très courtes, comme une introduction ou une conclusion) ; les éventuelles sousparties sont disposées dans des cadres contigus ; – à l’intérieur de la séquence ou de la sous-séquence, les passages, réécrits en prose, sont disposés dans des cadres séparés par une ligne blanche ; – à l’intérieur de la séquence, les passages d’une sous-séquence sont disposés dans des cadres contigus. Sur les règles de réécriture, voir Traité, chap. 5, 283-344 (sur la réécriture des tableaux synoptiques, voir chap. 9, 471-506).
LE SEIGNEUR LIBÈRE SON FIDÈLE DE SES ENNEMIS La première section Ps 1–18
22
La première section (Ps 1–18)
La première section comprend dix-huit psaumes organisés en trois soussections. Les sous-sections extrêmes (1–8 et 11–18) comptent chacune huit psaumes, tandis que la sous-section centrale ne comprend que le psaume acrostiche alphabétique 9–101 : LA FIDÉLITÉ
DAVID
LE SALUT
DE
DAVID
EN SON DIEU
SE FIE
DE
S’APPUIE SUR
DIEU
RÉPOND À
LA FIDÉLITÉ
DE
DIEU
Ps 9–10
QUI SE CACHE
LA PRIÈRE
Ps 1–8
DE
DAVID
Ps 11–18
Les six psaumes de la première sous-section forment quatre séquences organisées de manière spéculaire : HEUREUX
qui s’abrite
DANS LE SEIGNEUR
Ps 1–2
YHWH RÉPOND
à mon appel
à cause de ma fidélité
Ps 3–4
YHWH ENTEND
ma prière
en raison de sa fidélité
Ps 5–6
MAGNIFIQUE
est le nom
DU TRÈS-HAUT
Ps 7–8
1 Ce psaume est divisé en deux dans le texte massorétique, mais la Septante le considère, à juste titre, comme un seul psaume (LXX : Ps 9).
I. LA FIDÉLITÉ DE DAVID S’APPUIE SUR LA FIDÉLITÉ DE DIEU
La première sous-section : Ps 1–8 Les huit psaumes de la séquence sont organisés en quatre sous-séquences de deux psaumes chacune.
A. HEUREUX QUI S’ABRITE DANS LE SEIGNEUR ! La première séquence : Ps 1–2 1. LE PSAUME 1 TEXTE 1
Heureux l’homme, qui ne marche pas dans le conseil des méchants et dans le chemin des pécheurs ne s’arrête et dans le cercle des moqueurs ne s’assied ; 2 car au contraire dans la Loi de Yhwh son plaisir et dans sa Loi murmure jour et nuit. 3 Et il est comme un arbre planté sur les bords des eaux, qui son fruit donne en son temps et son feuillage ne flétrit pas. Et tout ce qu’il fait, il le fait-réussir. 4 Non ainsi les méchants car au contraire comme la bale que chasse le vent. 5 C’est ainsi que ne se dresseront les méchants dans le jugement et les pécheurs dans l’assemblée des justes ; 6 car il connait Yhwh le chemin des justes et le chemin des méchants se perd. V. 1
: « MARCHER », « S’ARRÊTER », « S’ASSEOIR »
Il est possible de voir une progression dans les trois actions mentionnées : s’engager dans le chemin erroné, s’y arrêter et s’y complaire, enfin s’y installer1. V. 1
: « MÉCHANTS », « PÉCHEURS », « MOQUEURS »
Les « méchants » (rešā‘îm) sont les dévoyés qui s’opposent en particulier aux « justes »2 ; les « pécheurs » (ḥaṭā’îm) sont ceux qui n’obéissent pas à la Loi du Seigneur. Quant aux « moqueurs » (lēṣîm), ce sont ceux qui tournent systématiquement en dérision les autres, en particulier les fidèles à la Loi.
Voir, par exemple, Ravasi, I, 80-81, qui développe les considérations lexicographiques. Voir surtout dans les Proverbes (Pr 3,33 ; 4,18-19 ; etc.) mais aussi dans les psaumes (Ps 1,5.6 ; 7,10 ; 31,18-19 ; etc.). 1 2
24
La première section (Ps 1–18)
V. 3
: « PLANTÉ SUR LES BORDS DES EAUX »
Non pas qui a grandi naturellement en ce lieu, mais qui y a été « transplanté ». « Les bords des eaux », littéralement « les divisions des eaux », c’est-à-dire les ramifications des canaux d’irrigation. V. 3E
: « TOUT CE QU’IL FAIT, IL LE FAIT RÉUSSIR »
Le dernier membre de 3 est considéré par beaucoup comme secondaire3, à tel point que certains le suppriment de leur traduction4. Les différents témoins ajoutent : et tout ce qu’il fait réussit. Stique emprunté à Jos. 1,8, qui a ici le triple inconvénient d’être sans parallèle (cas unique dans le poème) ; d’abandonner le style figuré pour le style direct ; et surtout de rompre avec la doctrine selon laquelle la Rétribution ne deviendra effective qu’au Jugement5.
On verra que ce stique « sans parallèle » est un segment unimembre qui occupe le centre du psaume. La phrase est ambigüe : le sujet en effet peut être l’arbre ou le juste. L’ambiguïté est redoublée si l’on considère que le verbe final est un hiphil qui peut être compris de deux façons : dans le sens de « réussir », comme en 2Ch 32,30 (« et Ézéchias réussit dans tout ce qu’il fit »), mais aussi dans le sens factitif propre au hiphil, « faire réussir », comme en Gn 39,3 où il est dit à propos de Joseph : « Comme son maitre voyait que le Seigneur l’assistait et faisait réussir entre ses mains tout ce qu’il faisait ». La traduction peut donc être : « Et tout ce qu’il fait, Il le fait réussir », traduction qui respecte l’ambiguïté, le sujet, sousentendu, pouvant être l’homme juste ou le Seigneur lui-même6.
COMPOSITION « Pour les six versets du Ps 1, la plupart des structures possibles ont été avancées — avec ou sans justification »7. La plus simple et la plus commune est une division en deux parties antithétiques (1-3 ; 4-6)8. D’autres y voient trois
3
Voir, par ex., Deissler, 33 ; Beaucamp, I, 40. Jacquet, I, 201. 5 Jacquet, I, 206 à la suite de Gunkel et autres (voir par ex., Podechard, Le Psautier. Notes critiques, 9). 6 Voir aussi 2Ch 26,5 : « Tant qu’il cherche le Seigneur, celui-ci le fait réussir » ; Ne 2,20 : « C’est le Dieu du ciel qui nous fera réussir » (de même 1Ch 22,11 ; Ne 1,11 ; Ps 118,25 ; Is 55,11). « The verb of 3e is in the causative form = “shall cause to succeed”, the subject being God » (E.K. KISSANE, The Book of Psalms, I, 3) ; voir aussi K. SCHAEFER, Psalms, 6. 7 C.J. COLLINS, « Psalm 1 : structure and rhetoric », 37. 8 Par ex., Ravasi, I, 74-75 ; Lorenzin, 43. 4
Le psaume 1
25
parties9. Certains détachent le verset 6 comme conclusion de l’ensemble10. Et l’on pourrait continuer à l’envi11. La composition concentrique du psaume a été découverte par Lund ; toutefois il met au centre non seulement le dernier membre de 3 mais aussi le premier de 412. Entre deux parties qui se répondent de manière spéculaire (1-3d ; 4-6), le dernier membre du verset 3 forme à lui seul une partie qui représente le pivot de l’ensemble du psaume. LA PREMIÈRE PARTIE (1-3D) + 1 Heureux
l’homme,
– QUI - et dans le chemin - et dans le cercle
NE marche pas des pécheurs des moqueurs
dans le conseil s’arrête s’assied ;
des méchants
NE NE
dans la Loi murmure
de Yhwh jour
son plaisir et nuit.
+ 2 car au contraire + et dans sa Loi
····························································································································
:: 3 Et il est :: planté
comme un arbre sur les bords
– QUI – et son feuillage
NE
son fruit flétrit pas.
des eaux, donne
en son temps
Dans le premier morceau (1-2) l’unimembre initial est la principale qui régit une relative laquelle se développe en un trimembre de type ABB’ : le juste est décrit comme celui qui ne fréquente pas les « méchants », « les pécheurs » et « les moqueurs ». Introduit par « car au contraire », le troisième segment (2) s’oppose au précédent : si le juste se sépare des pécheurs, il s’attache à « la loi de Yhwh », deux fois nommée. Le second morceau (3a-d) est une comparaison qui comprend deux bimembres : le premier localise l’arbre (3ab), le deuxième présente ses produits, fruits (3c) et feuillage (3d). Aucun lexème commun entre les deux morceaux ; à part la reprise du relatif ’ăšer traduit par « qui » au début des seconds segments (1b.3c), on notera que les trois négations du début (1bcd) trouvent un écho à la fin (3d).
9
Hakham, I, 3 : aux extrémités, opposition entre les actions des justes et des méchants (1-2) et leur destin (5-6) et au centre deux comparaisons opposées (3-4) ; telle est aussi la position de Collins, « Psalm 1 : structure and rhetoric », 40 (cf. nt. 6). 10 Par ex., Vesco 60. 11 Voir le status quaestionis de J.T. WILLIS, « Psalm 1 — An Entity », 396-400. 12 N.W. LUND, « Chiasmus in the Psalms », 294-295.
26
La première section (Ps 1–18)
LA DERNIÈRE PARTIE (4-6) Dans le premier morceau l’unimembre initial oppose « les méchants » (4a) dont il va s’agir au juste dont il a été question jusqu’ici ; le second segment (4bc) est la comparaison. Le premier segment du deuxième morceau (5) présente le sort final des « méchants » et « pécheurs » : « au jugement » ils ne tiendront pas en eux-mêmes (5a) et seront séparés des « justes » (5b). Les deux membres du second bimembre (6) opposent le « chemin » des justes et celui des « méchants ». Les deux occurrences de « méchants » (5a.6b) et celles de « justes » (5b.6a) se correspondent de manière spéculaire. – 4 Non AINSI :: CAR au contraire :: que – –
LES MÉCHANTS
comme la bale chasse
le vent.
······························································································································ 5 C’est AINSI que ne se dresseront LES MÉCHANTS dans le jugement et LES PÉCHEURS dans l’assemblée des justes ;
+ 6 CAR il connait – et le chemin
Yhwh DES MÉCHANTS
le chemin se perd.
des justes
Les deux occurrences de « ainsi » (4a.5a) jouent le rôle de termes initiaux pour les deux morceaux, celles de « car » (4b.6a) de termes initiaux pour les seconds segments. « Se perd » à la fin du deuxième morceau (6b) rappelle « chasse le vent » à la fin du premier morceau (4c). L’ENSEMBLE DU PSAUME Les parties extrêmes s’opposent : dans la première le juste au singulier se tient séparé des « méchants » au pluriel (1-3de), dans l’autre les méchants sont séparés des « justes » par le Seigneur (4-6). Ces parties se répondent en miroir. De chaque côté de la partie centrale, deux comparaisons opposent « l’arbre » qui donne du fruit (3a-d) et « la bale » emportée par le vent (4)13. Ces morceaux sont parallèles : leur dernier segment est introduit par le même relatif traduit par « qui » et « que » et ils énoncent le destin contraire de l’arbre et de la bale14. Les morceaux extrêmes (1-2 ; 5-6) se correspondent eux aussi en parallèle. Y est repris le couple « méchants » – « pécheurs » (1bc.5ab) à quoi il faut ajouter que « s’arrête » (1d) et « se dresser » (5a) sont quasi synonymes et que « dans le conseil » (ba‘ăṣat, 1c) et « dans l’assemblée » (ba‘ădat, 5b) sont au moins en 13
On peut percevoir un jeu de mots entre « arbre » et « bale » (‘ēṣ et mōṣ). Ainsi, suivant le niveau de l’analyse, le verset 4 peut être organisé de deux manières différentes : unimembre et bimembre en fonction du parallélisme entre les morceaux 4 et 5-6 au niveau de la partie (voir p. 26), bimembre et unimembre en fonction du parallélisme des morceaux 3a-d et 4 au niveau du passage. 14
Le psaume 1
27
rapport de paronomase. Les derniers segments (2.6) sont complémentaires eux aussi : au début le juste s’attache à la Loi du « Seigneur » (2), à la fin le même « Seigneur » (ce sont les deux seules occurrences du nom de « Yhwh » dans le psaume) « (re)connait » « le chemin » de ceux qui se sont attachés à sa Loi ; « Loi » est répété dans chacun des deux membres de 2, « chemin » dans les deux membres de 6. « Chemin » revient au début du psaume (1c) et à la fin (6ab). On pourra noter le jeu de la négation : trois fois dans la première sous-partie (1b.d.e) une fois dans la dernière (5a) ; une fois dans chacune des deux comparaisons, à la fin de la première (3e), au début de la seconde (4a). + 1 Heureux
l’homme
– QUI – et dans LE CHEMIN – et dans le cercle
NE MARCHE
+ 2 CAR au contraire + et dans sa Loi
pas
DES MÉCHANTS
des moqueurs
dans le conseil NE s’arrête NE s’assied ;
dans la Loi murmure
de YHWH jour
son plaisir et nuit.
DES PÉCHEURS
························································································································
+ 3 Et il est + planté
COMME un arbre sur les bords
:: QUI :: et son feuillage
son fruit NE flétrit pas.
donne
en son temps
Et tout CE QU’
il fait,
il le fait réussir.
– 4 NON ainsi – car au contraire
COMME la bale
:: QUE
chasse
LES MÉCHANTS
des eaux,
; le vent.
························································································································ NE se dresseront LES MÉCHANTS dans le jugement et LES PÉCHEURS dans l’assemblée des justes ;
– 5 C’est ainsi que – + 6 CAR il connait – et
YHWH
LE CHEMIN
LE CHEMIN
DES MÉCHANTS
des justes se perd.
Le dernier membre du verset 3 clôt la description du juste, mais il se distingue du reste du psaume avant tout par son caractère énigmatique ; il est donc considéré comme le centre du psaume15. Le seul terme repris ailleurs est le relatif « ce que » qui apparaissait deux fois dans la première partie (1b.3c) et sera repris une autre fois en 4c. 15
Voir Traité, « La fin d’une unité au centre de l’unité supérieure », 335-341.
28
La première section (Ps 1–18)
CONTEXTE LES DEUX VOIES Sous différentes formes le thème se présente fréquemment. Les deux voies sont proposées à l’homme en Dt 30,19-20 : 16
SI TU ÉCOUTES les commandements de Yhwh ton Dieu que je te prescris aujourd’hui, et que tu aimes Yhwh ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras et tu multiplieras, Yhwh ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. 17 MAIS si ton cœur se détourne, SI TU N’ÉCOUTES POINT et si tu te laisses entrainer à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir, 18 je vous déclare aujourd’hui que vous périrez certainement et que vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre où vous pénétrerez pour en prendre possession en passant le Jourdain. 19 Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, 20 aimant Yhwh ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui ; car là est ta vie, ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre que Yhwh a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner 16.
Le texte le plus proche du Ps 1 est sans doute celui de Jr 17,5-8, quoique le méchant soit présenté avant le juste (voir p. ci-contre). La construction n’est pas concentrique mais strictement parallèle. Ici « l’arbre » (8a) n’est pas opposé à la bale comme dans le psaume, mais à une autre plante, le « chardon » (6a). LA LOI Le Ps 19 célèbre la création du Seigneur (1-7) et sa Loi (8-13). La Loi est « réconfort pour l’âme » (8), ses préceptes sont « joie pour le cœur » (9), « les observer est grand profit » (12). Le dernier verset, « Agrée les paroles de ma bouche, le murmure de mon cœur » rappelle Ps 1,2. Avec ses 176 versets consacrés à la Loi, le Ps 119 commence comme le Ps 1 avec le même macarisme, mais redoublé : 1 2
Heureux les parfaits de chemin, Heureux les gardant ses témoignages,
les marchant dans la loi de Yhwh ! de tout cœur ils le recherchent !
LA BALE ET LE GRAIN (JR 23,28) Dans un long oracle contre les faux prophètes (Jr 23,9-40), Jérémie propose cette énigme : « Qu’y a-t-il de commun entre la bale et le grain ? ». La bale a la même forme que le grain, elle lui ressemble tant qu’on peut s’y tromper. Mais elle est vide et ne peut nourrir. À peine l’énigme est-elle posée que surgit une autre question : « Ma parole n’est-elle pas comme un feu, oracle du Seigneur ? » 16
Le verbe « périr » du verset 18 (’ābad) est le même que celui par lequel s’achève le Ps 1.
Le psaume 1
29
(Jr 23,28-29). On ne peut être plus clair : la bale sera dévorée par le feu de la parole divine. 5
Ainsi dit
Yhwh :
– MAUDIT – LEQUEL – et met – et de YHWH
L’HOMME SE FIE
l’humain son bras son cœur ;
EN
dans la chair s’écarte
············································································································· 6 COMME un chardon DANS LA STEPPE
: ET IL EST
: ET IL NE VOIT PAS
QUAND VIENT
le bonheur,
.. et il habite .. terre
les lieux-brûlés salée
DANS LE DÉSERT ET PAS habitée.
7
+ BÉNI
+ LEQUEL + et est
L’HOMME SE FIE
YHWH
YHWH sa confiance ;
EN
············································································································· 8 COMME un arbre planté PRÈS DE L’EAU
: ET IL EST
: et vers le courant : ET IL NE CRAINT PAS
QUAND VIENT
il envoie
.. et il est .. et dans l’année .. et il NE cesse PAS
son feuillage de sécheresse de faire
ses racines la chaleur, VERDOYANT il NE s’inquiète PAS
du fruit.
JOS 1,8 Ceux qui pensent que le dernier membre du verset 3 est secondaire tiennent qu’il est tiré de Jos 1,8 : 7
Seulement sois fort et tiens très bon pour veiller à agir selon toute la Loi qu’a ordonnée Moïse mon serviteur. Ne t’en écarte ni à droite ni à gauche, afin de réussir dans tous tes chemins. 8 Que ne se retire pas le livre de cette Loi de ta bouche : médite-le jour et nuit afin de veiller à agir selon tout ce qui y est écrit, car alors tu feras-réussir tous tes chemins et alors tu prospéreras.
On remarquera cependant que les deux textes diffèrent du fait que le verbe « réussir » est à la deuxième personne du singulier en Jos 1,8 et au contraire à la troisième personne du singulier en Ps 1,3d, ce qui permet l’ambiguïté dont il a déjà été question (p. 24). FRUITS ET FEUILLES Dans la vision d’Ez 47, l’eau qui sort du Temple porte la vie :
30
La première section (Ps 1–18) Au bord du torrent, sur chacune de ses rives, croitront toutes sortes d’arbres fruitiers dont le feuillage ne se flétrira pas et dont les fruits ne cesseront pas : ils produiront chaque mois des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture et les feuilles un remède (Ez 47,12).
INTERPRÉTATION L’ARBRE ET LA BALE Le contraste est on ne peut plus saisissant entre l’arbre et la bale. L’arbre est vivant, la bale est morte, l’arbre est enraciné en terre et la bale est emportée par le vent, l’arbre donne du fruit, la bale qui a la forme du grain n’en est que l’enveloppe et après le battage elle est vide ; l’arbre est décrit longuement jusqu’à son fruit et son feuillage, à peine nommée la bale est emportée par le vent. C’est dire combien le sort du juste et celui du méchant sont radicalement différents. C’est dire avant tout combien leur être s’oppose du tout au tout : une vie qui déborde, fruits qui nourrissent et en feuilles qui guérissent contre un néant que l’apparence ne saurait masquer. BONHEUR OU PERDITION Le premier et le dernier mot du psaume, « Heureux » (’ašrê), et « se perd » (tō’bed), s’opposent à l’image de leurs initiales, aleph et taw, qui sont les plus éloignées dans l’alphabet. Le Seigneur, par la bouche de Moïse propose à l’homme un choix capital : « Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction » (Dt 30,19). De même qu’en Deutéronome le désir de Dieu se porte longuement sur la bénédiction : « Choisis donc la vie... » (30,19-20), ainsi dans le psaume la partie qui traite de l’homme juste est nettement plus développée que celle qui regarde le sort des méchants. Toutefois, l’ordre entre les deux termes de l’alternative est l’inverse de celui de Jérémie 17 : le psaume s’achève en effet sur la malédiction et la mort. Celui qui fait sien le psaume dans la prière et le chant reste donc sur cette note sombre qui ne saurait manquer de résonner comme une sorte de mise en garde contre le malheur. L’ŒUVRE DE L’HOMME Dès les tout premiers mots il s’agit de « l’homme » et des œuvres sans lesquelles il ne pourrait être « heureux ». Et c’est lui le sujet de toute la première partie. Il est vrai qu’il s’agit d’abord pour lui, sous forme négative, d’éviter de frayer avec ceux qui font le mal ; cependant, tout pointe sur son attachement à « la loi du Seigneur ». S’il y trouve « son plaisir » et la « murmure » sans cesse, c’est en réalité qu’il écoute la voix de son Dieu et lui obéit. Le fruit du juste et son feuillage sont les œuvres que prescrit la Loi du Seigneur. Quant aux œuvres des « méchants », des « pécheurs » et des « moqueurs », il n’en est rien dit.
Le psaume 1
31
LES ŒUVRES DU SEIGNEUR Si Dieu n’intervient pas dans la première partie, il ne faut pas oublier que c’est lui qui a donné « la loi », la Torah dans laquelle sont rapportées avant tout commandement les œuvres de celui qui a créé l’homme et qui a sauvé son peuple, qui a fait alliance avec Abraham et par Moïse avec les fils d’Israël en leur donnant la Loi. Le Seigneur est aussi celui qui opère « le jugement », séparant les « méchants » et les « pécheurs » des « justes » réunis en « assemblée », sans doute dans le temple (5). Au centre du psaume, il est possible d’entendre que la réussite du juste n’est pas seulement, n’est pas fondamentalement le fruit de sa propre justice mais de celle de son Seigneur.
2. LE PSAUME 2 TEXTE 1
Pourquoi frémissent les nations et les peuples murmurent-ils à vide ? 2 Se dressent les rois de la terre, les princes se liguent ensemble, contre Yhwh et contre son oint : 3 « Rompons leurs liens, jetons loin de nous leurs entraves. » 4 Le siégeant dans les cieux se rit, le Seigneur se moque d’eux. 5 Alors il parle à eux en sa colère et en sa fureur, il les épouvante : 6 « Et moi, j’ai investi mon roi, sur Sion, la montagne de ma sainteté. » 7 Je proclamerai le décret de Yhwh : Il a dit à moi : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. 8 Demande de-moi et je donnerai les nations ton héritage et ton domaine les extrémités de la terre. 9 Tu les briseras avec un sceptre de fer, comme vase de potier tu les casseras. » 10 Et maintenant, rois, comprenez, corrigez-vous, juges de la terre. 11 Servez Yhwh avec crainte et exultez avec tremblement ; 12 embrassez le fils, de peur qu’il ne s’irrite et vous péririez dans (votre) chemin. « Oui, s’enflamme d’un coup sa colère ; heureux tous les se réfugiant en lui ! » V. 6
: « J’AI INVESTI MON ROI »
Le sens du verbe est discuté1. Pour certains il s’agit de nsk III, dénominatif de nasîk, « prince » ; il signifie alors « investir », « installer » et désigne l’intronisation2 ; pour d’autres il s’agirait de nsk I, « verser » et c’est pourquoi le Targum traduit par « oindre », comme si nāsak était un synonyme de māsaḥ, d’où dérive māsîḥ, « oint », « messie ». V. 10
: « CORRIGEZ-VOUS »
Littéralement, « laissez-vous corriger », « acceptez la correction ». V. 12
: « EMBRASSEZ LE FILS »
Célèbre « croix des interprètes ». « Le fils » traduit le substantif araméen bar (voir, par ex., Mc 10,46 : « le fils de Timée, Bartimée »)3. Le parallélisme entre 11a et 12a (« Servez Yhwh » et « embrassez le fils »), montre que « le fils » correspond à « Yhwh », comme « son oint » correspond à « Yhwh » au verset 2. Il n’est donc par nécessaire de changer le texte et, entre autres solutions, de traduire par « baisez ses pieds avec tremblement »4. Pour le baiser d’allégeance, voir celui de Samuel à David aussitôt après l’onction royale (1S 10,1). V. 12
: « OUI, S’ENFLAMME... »
Kî peut être compris comme introduisant une causale dépendante de la proposition précédente (« ...vous vous perdriez en chemin, car s’enflamme... ») ; mais 1
Alonso Schoekel – Carniti, I, 158-159. Par ex., Weiser, 109 ; Lorenzin, 42 ; Ravasi, I, 102. 3 Ainsi comprennent la Peshitta et Jérôme. 4 Proposition de A. BERTHOLET, « Eine crux interpretum », largement suivie, par Weiser, 109 ; Kraus, I, 124-125 ; Ravasi, I, 110. 2
34
La première section (Ps 1–18)
il peut être interprété comme un adverbe introduisant une « proposition d’affirmation »5.
COMPOSITION La plupart divisent le psaume en quatre parties (1-3; 4-6; 7-9; 10-12)6, organisées la plupart du temps de manière spéculaire. Suivant le même découpage certains cependant y voient une composition parallèle7. Pour Lund, il s’agit au contraire de deux parties parallèles entre elles (1-2 ; 8-12) qui encadrent une partie centrale focalisée sur le verset 58. La composition spéculaire en quatre parties a de fort bonnes raisons pour elle. Toutefois, il semble plus judicieux de reconnaitre que les deux oracles divins forment une unité ferme qui occupe donc une place centrale, aussi bien au niveau formel qu’à celui du sens. Ainsi on dira que le psaume comprend trois parties organisées de manière concentrique. Les parties extrêmes (1-2 ; 10-12) concernent les nations et leurs rois. La partie centrale (4-9) regroupe les deux déclarations de Yhwh, la première adressée aux peuples rebelles (4-6), la seconde au roi qu’il a investi et chargé de briser leur révolte (7-9) ; le segment unimembre de 7a articule les deux oracles et se trouve donc au centre du psaume. LA PREMIÈRE PARTIE (1-3) C’est le psalmiste qui parle dans le premier morceau. Il commence par s’étonner de la révolte des « nations » et des « peuples » (1) ; puis, restreignant, pour ainsi dire, les sujets de cette rébellion à leurs dirigeants, leurs « rois » et leurs « princes » (2ab), il finit par énoncer le double destinataire de leur révolte, « Yhwh » et « son Oint », le roi (2cd). Dans le second morceau (3), donnant la parole aux insurgés, il leur fait expliciter la raison de leur mouvement : ils veulent en effet se libérer des « liens » et des « entraves » qui, selon eux, en font leurs esclaves soumis.
5
Joüon, 164a. Delitzsch, 119-130 ; Kraus, I, 125 ; Ravasi, I, 95 : « La révolte des rois vassaux ; la déclaration solennelle de Yhwh ; la solennelle déclaration du souverain ; la soumission des rois vassaux » ; Hakham, I, 6 ; Lorenzin, 46-47. 7 Vesco, 64-65, qui suit Girard, I, 156-160 ; déjà A. CONDAMIN, Poèmes de la Bible, et de même P. AUFFRET, The Literary Structure of Psalm 2 (repris en français dans La Sagesse a bâti sa maison, 141-181). 8 N.W. LUND, « Chiasmus in the Psalms », 295-298. 6
Le psaume 2
35
+ 1 Pourquoi + et les peuples
FRÉMISSENT MURMURENT-ILS
les nations, à vide ?
– 2 SE DRESSENT – les princes
les rois SE LIGUENT
de la terre, ensemble,
:: CONTRE :: et CONTRE
YHWH SON OINT :
···································································································
= 3 « ROMPONS = JETONS
leurs liens, leurs entraves. »
loin de nous
LA DEUXIÈME PARTIE (4-9) La deuxième partie comprend trois sous-parties. Les sous-parties extrêmes sont parallèles entre elles. Dans la première partie « le Seigneur » s’adresse aux nations et à leurs rois pour leur annoncer l’investiture de son « roi » (4-6) ; dans la dernière le roi lui-même proclame ce que « Yhwh » lui a déclaré en l’instituant comme son « fils » (7-9). La sous-partie centrale (7a) articule les deux oracles. La première sous-partie (4-6) – 4 Le siégeant – le Seigneur – 5 Alors IL PARLE – et en sa fureur
dans les cieux
SE RIT, d’eux.
SE MOQUE
en sa colère
à eux IL LES ÉPOUVANTE
:
········································································································
= 6 « Et moi = sur Sion,
j’ai investi la montagne
mon roi, de ma sainteté. »
Le premier morceau, où le Seigneur passe de la moquerie (4) à la colère (5), introduit les paroles du second morceau (6). Les deux membres de ce dernier segment s’achèvent avec les suffixes de première personne qui font rime (malkī, « mon roi », et qodšî, « ma sainteté ») ; sur la montagne de Sion règnent ensemble le « roi » humain et la « sainteté » de Dieu, le Saint d’Israël. Ce qui doit « épouvanter » les rois des nations, ce n’est pas seulement le roi d’Israël mais aussi et surtout celui qui l’a « investi » comme son « roi ».
36
La première section (Ps 1–18)
La dernière sous-partie (7b-9) – 7b Il a dit
à moi :
·····································································································
= « Mon fils = moi,
toi, aujourd’hui,
:: 8 Demande :: les nations :: et ton domaine
de-moi ton héritage les extrémités
et je donnerai
.. 9 Tu les briseras .. comme vase
avec un sceptre de potier
de fer, tu les casseras. »
je t’ai engendré.
de la terre.
Le premier morceau, de récit, est de la taille d’un segment unimembre (7b). Suit alors, dans les trois segments du second morceau (7c-9), la longue déclaration que le Seigneur a adressée à son roi. Le premier segment est l’acte d’intronisation du roi, qui prend la forme de son adoption comme « fils » ; aux extrémités, deux termes du même champ sémantique de la génération, en termes médians les pronoms qui se réfèrent aux protagonistes, « toi » et « moi ». Le second segment est un trimembre de type ABB’, qui complète le premier : en effet, il énonce ce que le fils recevra en « héritage », lequel n’est rien moins que l’ensemble des « nations », jusqu’aux « extrémités de la terre » (8bc). Le dernier segment prévoit que la domination du fils de Dieu ne pourra se réaliser sans la force des armes. Le « sceptre de fer » n’est pas d’abord l’insigne du pouvoir royal, c’est la masse d’arme, le casse-tête utilisé au combat. Le contraste est frappant entre la solidité et la dureté du fer et la fragilité des nations comparées à des vases de terre cuite. L’ensemble de la partie (4-9) Les sous-parties extrêmes comprennent un morceau de récit qui introduit un oracle divin. Mais, alors que le morceau de récit est plus développé que celui de paroles dans la première sous-partie (deux segments en 4-5 et un seul en 6), c’est l’inverse dans la dernière sous-partie (un unimembre en 7b et trois segments, deux bimembres qui encadrent un trimembre en 7c-9). Les référents des pronoms « eux » dans la première sous-partie (4b.5a) se trouvent dans la partie précédente et sont rappelés par « les nations » et « les extrémités de la terre » dans la dernière sous-partie (8bc). À « il parle à eux » (5a) correspond « il a dit à moi » (7b). Dans les morceaux de paroles, « moi » est repris au début (6a.7d), « je t’ai engendré » (7d) rappelle « j’ai investi » (6a) et surtout celui qui est appelé « mon roi » dans la première sous-partie (6a) est appelé « mon fils » dans la dernière (7c). Dans la première sous-partie le roi est établi « sur Sion » (6b), dans la
Le psaume 2
37
dernière son « domaine » s’étend sur « les nations » jusqu’aux « extrémités de la terre » (8bc). + 4 Le siégeant + LE SEIGNEUR 5
+ alors IL PARLE + et en sa fureur,
dans les cieux se moque
D’EUX
se rit,
À EUX
en sa colère
;
il les épouvante :
··········································································································
= 6 « Et MOI = sur Sion,
7
JE PROCLAMERAI
+ IL A DIT
j’ai investi la montagne
MON ROI, de ma sainteté. »
le décret
DE YHWH
À MOI
!
:
··········································································································
= « MON FILS = MOI,
toi, aujourd’hui,
= 8 Demande = LES NATIONS = et ton domaine
de-moi ton héritage
et je donnerai
LES EXTRÉMITÉS
DE LA TERRE.
= 9 Tu les briseras = comme vase
avec un sceptre de potier
de fer, tu les casseras. »
je t’ai engendré.
La sous-partie centrale (7a) est la seule phrase de toute la partie qui est à la première personne du singulier. Les oracles que « le Seigneur » (4b) « Yhwh » (7a) « parle » aux rois des nations puis « dit » à son propre roi, sont donc relayés par le psalmiste (7a) ; c’est lui qui les « proclame » aux nations. Ainsi « le décret » du Seigneur (7a) est double : c’est non seulement l’oracle qui suit dans la dernière sous-partie (7c-9), c’est aussi celui qui précède dans la première sous-partie (6). Celui que le Seigneur a institué, le fils qu’il a engendré n’est pas seulement le roi qui gouvernera aussi bien les nations qu’Israël, c’est aussi le prophète qui leur parle au nom de Dieu.
38
La première section (Ps 1–18)
LA TROISIÈME PARTIE (10-11) + 10 Et maintenant, + CORRIGEZ-VOUS,
rois, juges
:: 11 SERVEZ – et jubilez
YHWH avec tremblement ;
:: 12 EMBRASSEZ – de peur qu’ – et vous péririez
LE FILS, il ne s’irrite dans (votre) chemin :
COMPRENEZ,
de la terre. avec crainte
··········································································································
– « Oui, s’enflamme :: heureux
d’un coup tous
sa colère ; les se réfugiant en lui ! »
Dans le premier morceau, le premier segment nomme les destinataires du discours, « rois » et « juges de la terre ». Les deux segments suivants explicitent ce que ces personnages doivent « comprendre » ; commençant par un impératif suivi de son complément d’objet, le premier segment (11) concerne « Yhwh », tandis que le second (12abc) regarde « le fils », c’est-à-dire le roi. Beaucoup plus court, le deuxième morceau donne la raison des ordres donnés aux dirigeants des peuples dans le premier morceau. Les deux membres sont complémentaires : le premier met en garde contre la « colère » divine (12d qui renvoie à « il ne s’irrite » de 12b), le second déclare « heureux » ceux qui, ayant compris l’instruction (10), serviront le Seigneur et donneront le baiser d’allégeance au roi son fils. L’ENSEMBLE DU PSAUME Dans la dernière partie le psalmiste s’adresse aux « rois » et aux « juges de la terre » (10) dont la première partie rapportaient la révolte (2a : « rois de la terre, les princes »). La première partie s’achève par les paroles de révolte prononcées par chefs des nations (3), la dernière par leurs paroles de repentance (12c). « Yhwh » revient dans les deux parties (2c.11a) suivi de deux titres du roi, « son oint » (2d) et « le fils » (12a). Alors que les parties extrêmes rapportent les paroles des rois de la terre (3 ; 12de), dans la partie centrale le roi fait entendre celles du Seigneur d’abord aux rebelles (6ab) puis à son roi (7c-9). Le nom de « Yhwh » revient une fois dans les parties extrêmes (2c ; 11a) ainsi qu’au centre de la partie centrale (7a). « Les nations » du début (1a) sera repris dans la troisième partie (8b) ; à « son oint » de la première partie (2d) correspond « mon roi » dans la première souspartie de la deuxième partie (6a) ; corrélativement, à « mon fils » (benî) de la troisième sous-partie de la partie centrale (7c) correspond « le fils » (bar) dans la dernière partie (12a). Le centre du psaume est occupé par la seule phrase à la première personne du singulier (7a).
Le psaume 2 – 1 Pourquoi – et les peuples 2
frémissent murmurent-ils
– Se dressent – les PRINCES
les ROIS se liguent
– contre – et contre
SON OINT
39 LES NATIONS
à vide ? DE LA TERRE,
ensemble,
YHWH :
··········································································································
= 3 « Rompons = jetons
leurs liens, loin de nous
leurs entraves. »
– 4 Le siégeant – le Seigneur
dans les cieux se moque
se rit, d’eux.
– 5 Alors il parle – et en sa fureur,
à eux il les épouvante :
en SA COLÈRE
········································································································· = 6 « C’est moi qui ai investi MON ROI,
7
= sur Sion,
la montagne
de ma sainteté. »
JE PROCLAMERAI
LE DÉCRET
DE
+ Il a dit
YHWH.
à moi :
·········································································································
= « MON FILS = moi,
toi, aujourd’hui,
= 8 Demande = LES NATIONS = et ton domaine
de-moi ton héritage les extrémités
et je donnerai
avec un sceptre de potier
de fer, tu les casseras. »
+ 10 Et maintenant, + corrigez-vous,
ROIS, JUGES
DE LA TERRE.
+ 11 Servez + et exultez
YHWH avec tremblement ;
+ 12 embrassez + de peur qu’ + et vous péririez
LE FILS, il ne s’irrite dans (votre) chemin :
9
= Tu les briseras = comme vase
je t’ai engendré.
DE LA TERRE.
comprenez, avec crainte
·········································································································· d’un coup SA COLÈRE ;
= « Oui, s’enflamme = heureux
quiconque
se réfugie en lui ! »
40
La première section (Ps 1–18)
« Sa colère » revient au début de la deuxième partie et dans la troisième (5a, accompagné de « fureur » en 5b ; 12d précédé de « s’irrite » en 12b). « De la terre » est utilisé trois fois, dans chacune des trois parties (2a ; 8c ; 10b). La première partie ainsi que les sous-parties extrêmes de la partie centrale rapportent dans leurs seconds morceaux les paroles des rois rebelles d’abord (3), puis celles du Seigneur Yhwh, adressées à ces derniers (6) puis à son fils (7c-9). Cette symétrie ainsi que le parallélisme des parties extrêmes portent à considérer le second morceau de la quatrième partie (12de) comme la réaction verbale des rois repentis, en réponse à l’avertissement qui leur est adressé dans le premier morceau. Dans le dernier membre (12e), « quiconque » (kol, « tous ») comprend tous les hommes, non seulement les fils d’Israël mais tous ceux des nations qui mettent leur confiance dans le Seigneur. CONTEXTE COALITION CONTRE ISRAËL ET SA DOMINATION UNIVERSELLE Ps 83,6 énumère les nombreux peuples qui se coalisent contre Israël ; mais le Seigneur se rit des nations (Ps 59,9). En fin de compte, c’est la domination sur tous les peuples qui sera donnée au peuple élu (Ps 72,8-11 ; Dn 7,14). LES VASSAUX DE DAVID 2S 8,1-14 énumère les victoires de David contre plusieurs peuples qui devinrent ses vassaux. DANS LE NOUVEAU TESTAMENT À l’instar du Ps 110, le Ps 2 est souvent cité dans le Nouveau Testament, les premières générations des disciples de Jésus ayant reconnu en lui l’Oint du Seigneur, son Christ, dont la royauté s’étend à toutes les nations de la terre. Après que Pierre et Jean aient rapporté leur comparution devant le sanhédrin, la communauté des disciples élève sa prière vers le Seigneur et cite les deux premiers versets du psaume : Maitre, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve ; 25 c’est toi qui as dit par l’Esprit Saint et par la bouche de notre père David, ton serviteur : « Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? 26 Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint » (Ac 4,24-26).
Après quoi ils les appliquent à Jésus : 27
Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël,
Le psaume 2
41
28
pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance.
À Antioche de Pisidie Paul prend la parole dans la synagogue pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus : 32
Et nous, nous vous annonçons la Bonne Nouvelle : la promesse faite à nos pères, Dieu l’a accomplie en notre faveur à nous, leurs enfants : il a ressuscité Jésus. Ainsi est-il écrit dans les psaumes : “Tu es mon fils, moi-même aujourd’hui je t’ai engendré” » (Ac 13,33). 33
C’est le même verset du psaume que Luc fait prononcer par « une voix venue du ciel » lors du baptême de Jésus : « Toi tu es mon fils, le bien-aimé ; en toi je me suis complu » (Lc 3,22). Le verset est cité deux fois en He 1,5 et 5,5. À la fin de la lettre à l’église de Thyatire, le Seigneur Jésus reprend les termes du Ps 2 quand il transmet le pouvoir qu’il a reçu de son Père au disciple resté fidèle : 18
« À l’Ange de l’Église de Thyatire, écris : Ainsi parle le Fils de Dieu [...] : 26 Le vainqueur, celui qui restera fidèle à mon service jusqu’à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations : 27 c’est avec un sceptre de fer qu’il les mènera comme on fracasse des vases d’argile ! 28 Ainsi moi-même j’ai reçu ce pouvoir de mon Père (Ap 2,26-28).
INTERPRÉTATION QUI PARLE DANS LE PSAUME ? Les interprètes ne sont pas d’accord sur l’identité de celui qui prend la parole dans la dernière partie. Certains sont d’avis que c’est le Seigneur : dans la foulée de l’oracle adressé à son roi à la fin de la partie précédente, il se tournerait alors vers les « rois » et « juges de la terre » pour leur lancer un ultimatum. Étant donné la composition du psaume, et en particulier la correspondance entre les parties extrêmes, il est plus probable que ce soit le psalmiste qui parle dans la dernière partie comme il l’avait fait dans la première partie. Dans la première partie le psalmiste décrit la rébellion des rois coalisés et cite leurs paroles de révolte (3) ; dans la dernière partie c’est lui aussi qui invite les mêmes rois à la conversion et cite leurs paroles de soumission (12de). C’est le psalmiste qui parle tout au long du psaume9, mais dans la partie centrale il cite les paroles que le Seigneur adresse d’abord aux rebelles puis à lui-même. Le roi est ainsi présenté comme le porte-parole de celui qui siège dans les cieux.
9
Ainsi Kraus, I, 125.
42
La première section (Ps 1–18)
UNE FINALE OUVERTE Il n’est pas rare que des textes bibliques s’achèvent avec une invitation dont on ne sait pas si elle a été accueillie ou non. Un des exemples les plus connus est celui de la parabole dite du fils prodigue : le récit ne dit pas si le fils ainé a accepté de rentrer dans la maison paternelle pour festoyer avec son frère. Si l’on pense que la dernière partie du psaume est toute entière prononcée par le Seigneur ou par le psalmiste-roi, la réponse des rois de la terre reste en suspens. Mais la finale reste ouverte dans un autre sens, car le dernier segment (12de) peut être attribué aussi aux rois qui répondraient ainsi positivement à l’invitation qui leur est faite. La fin du psaume est en quelque sorte doublement ouverte et donc laissée à l’interprétation du lecteur. « HEUREUX QUICONQUE S’ABRITE EN LUI ! » La dernière phrase est considérée par plusieurs comme une addition, dont la fonction aurait été de faire inclusion avec le début du Ps 110. Elle pourrait alors être tenue comme une sorte d’interprétation postérieure qui aurait aussi voulu donner une réponse à l’énigme finale et contrebalancer ainsi de manière positive l’affirmation précédente sur la « colère » de Dieu menaçant de foudroyer les rebelles. Mise au contraire dans la bouche des nations païennes qui acceptent l’instruction et donnent le baiser d’allégeance au roi de Sion, elle sonne comme une déclaration de foi de la part de ceux qui acclament la puissance salvatrice de Yhwh, reconnaissant que le Seigneur d’Israël est en réalité le roi de tous les peuples de la terre. MESSIE ET FILS DU SEIGNEUR Celui qui parle tout au long du psaume est celui qui a reçu du Seigneur, le Dieu d’Israël, l’onction royale qui fait de lui le lieutenant du roi éternel, le Messie qui représente le Seigneur du ciel et de la terre. C’est indissociablement contre lui et contre Yhwh, que se coalisent tous les rois de la terre (2), comme s’ils ne faisaient qu’un. Cependant ce personnage n’est pas seulement le Messie, le roi investi par Dieu (6), il a été engendré par lui, il est son « Fils » (7cd) : « Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils » (2S 7,14). Le Seigneur Dieu l’a fait hériter de sa royauté en lui donnant sa domination non seulement sur Israël, mais aussi sur l’univers entier. C’est pourquoi le roi d’Israël peut exercer en toute autorité le pouvoir qui lui a été accordé, en invitant les « rois » et « juges de la terre » à réfléchir et à s’instruire pour reconnaitre la souveraineté qu’il partage avec son Seigneur et qu’il exerce en son nom, pour lui faire allégeance et ainsi obéir au Dieu dont la royauté s’étend sur tout l’univers, car ils ne font qu’un.
10
Voir, par ex., Ravasi, I, 110 ; Lorenzin, 47 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 168.
Le psaume 2
43
ROI ET PROPHÈTE Celui que le Seigneur a institué comme chef d’Israël pour qu’il exerce en son nom sa domination sur l’ensemble des nations n’est pas seulement roi, il est aussi prophète. C’est lui qui « proclame le décret de Yhwh » (7a). C’est par lui que les rebelles reçoivent la révélation que « celui qui siège dans les cieux » « se moque d’eux » et qu’il l’a investi comme roi sur sa sainte montagne de Sion (46) et c’est toujours par lui qu’ils apprennent que le Seigneur les lui a donnés en héritage pour qu’il exerce sur eux le jugement (7c-9). C’est lui enfin que le Seigneur Dieu a chargé d’appeler les rebelles à la sagesse des justes, à le servir en donnant le baiser d’allégeance à son fils (10-12). En effet, le prophète n’est pas seulement celui qui transmet la révélation, c’est celui qui sait dénoncer le péché de rébellion (1-3) et c’est celui qui invite à la conversion (10-12). LE ROI ESCHATOLOGIQUE Il est vain de chercher à identifier dans l’histoire d’Israël le roi dont il est question dans le Ps 2. Ni David, ni même Salomon dans toute sa gloire ne sauraient prétendre à une telle destinée de domination universelle. Présenté à l’entrée du psautier, c’est un roi que l’on pourrait appeler « programmatique ». Il est ce monarque qu’Israël appelle de ses vœux, celui qui étendrait son pouvoir bien au-delà des limites étroites de son territoire, qui maitriserait dans ses liens et dans ses entraves tous les autres « rois de la terre », qui les briserait sous la violence de ses coups, qui les ferait plier sous la « crainte » et le « tremblement ». En somme on perçoit que c’est le roi rêvé par un peuple qui a trop souvent été défait et humilié. Il n’empêche que, sous cette image guerrière, se dessine le portrait du Messie eschatologique que tout le peuple ne s’est jamais lassé d’attendre. « TU ES LE CHRIST, LE FILS DU DIEU VIVANT ! » (MT 16,16) Il n’est pas étonnant que les premières générations chrétiennes aient identifié le roi du psaume à Jésus, Christ et Fils de Dieu. Le grand nombre de païens qui, à la suite du centurion Corneille, s’agrégeaient au groupe des premiers disciples leur ont fait comprendre que les temps étaient accomplis et qu’il n’était désormais plus besoin d’attendre un autre roi eschatologique. Qu’ils appartiennent au peuple élu selon la chair ou qu’ils l’aient rejoint, « heureux tous ceux qui se réfugient en lui ! ». Toutefois, ce n’est pas en exerçant la violence que le Christ de Dieu a imposé sa royauté, bien au contraire. C’est en la subissant, en l’assumant. « Encore une fois, l’accomplissement s’opère dans le renversement de la figure »11.
11 Voir R. MEYNET, « Selon les Écritures ». Lecture typologique des récits de la Pâque du Seigneur, 65 ; voir aussi 20.108.110.141
3. HEUREUX QUI S’ABRITE DANS LE SEIGNEUR ! (PS 1–2) COMPOSITION DE LA PREMIÈRE SÉQUENCE1 Ps 1,1 HEUREUX l’homme qui ne marche pas dans le conseil des MÉCHANTS et dans le 2 CHEMIN des PÉCHEURS ne s’arrête et dans le cercle des MOQUEURS ne SIÈGE ; car au contraire dans la Loi de Yhwh son plaisir et dans sa Loi MURMURE jour et nuit. ···················································································································· 3 Et il est comme un arbre planté sur les bords des eaux, qui DONNE son fruit
en son
temps et son feuillage ne flétrit pas. Et tout ce qu’il fait, il le fait-réussir. 4
Pas ainsi les MÉCHANTS car au contraire comme la bale que chasse le vent. ···················································································································· 5 C’est ainsi que ne se dresseront pas les MÉCHANTS dans LE JUGEMENT et les PÉCHEURS dans l’assemblée des justes ; 6 car Yhwh connait le CHEMIN des justes et le CHEMIN des MÉCHANTS SE PERD.
Ps 2,1 Pourquoi frémissent les NATIONS et les PEUPLES MURMURENT-ils à vide ? dressent les ROIS de la terre, les PRINCES se liguent ensemble, contre Yhwh contre son oint :
2
Se et
·········································································································· 3
« Rompons leurs liens,
jetons loin de nous leurs entraves. »
4
LE SIÉGEANT dans les cieux se rit, Yhwh se moque d’eux. en sa colère et en sa fureur il les épouvante :
5
Alors il leur parle
··················································································································· 6
7
« C’est moi qui ai oint mon roi,
Je proclamerai le décret de Yhwh :
sur Sion, la montagne de ma sainteté. » Il m’a dit :
···················································································································
« Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. 8 Demande-moi et JE DONNERAI les NATIONS ton héritage et ton domaine les EXTRÉMITÉS DE LA 9 TERRE. Tu les briseras avec un sceptre de fer, comme vase de potier tu les casseras. » 10
Et maintenant, ROIS, comprenez, instruisez-vous, JUGES de la terre. Yhwh avec crainte et exultez avec tremblement ; 12 embrassez le fils, qu’il ne s’irrite et VOUS VOUS PERDRIEZ dans (votre) CHEMIN.
11
Servez de peur
··········································································································
« Oui, s’enflamme d’un coup sa colère ;
HEUREUX tous les se réfugiant en lui ! »
1 Sur les rapports entre les deux premiers psaumes, voir en particulier G. BARBIERO, « Le premier livret du psautier (Ps 1–41) », 440-450.
La séquence 1–2
45
Les deux premiers psaumes sont les seuls du premier livre (avec le Ps 33) à ne pas avoir de titre. Ils étaient quelquefois considérés ne former qu’un seul psaume. Ainsi Ac 13,33 cite Ps 2,7b l’attribuant (selon le texte occidental : manuscrit D) au Ps 1 : « La promesse faite à nos pères, Dieu l’a accomplie pour nous, leurs enfants, en ressuscitant Jésus, tout comme il est écrit au psaume premier : “Tu es mon fils ; c’est moi qui t’engendre aujourd’hui” »2. Les deux occurrences de « heureux », en tête des membres extrêmes font inclusion et de même celles de « chemin » (1,1 ; 2,12). Les deux psaumes commencent par un affrontement : dans le Ps 1 entre « les méchants », « les pécheurs » et « les moqueurs » d’une part et d’autre part « l’homme » attaché à « la loi du Seigneur » (1,1-2) ; dans le Ps 2 entre « les nations » et « les peuples », guidés par leurs « rois » et leurs « princes » d’une part et d’autre part « Yhwh » et « son oint » (2,1-2). Dans le premier psaume, à peine dépassé le centre la vanité des méchants est évoquée en peu de mots: ils sont emportés par le vent « comme bale » (1,4). Dans le deuxième psaume le long décret du Seigneur s’achève de manière analogue : les nations rebelles sont brisées « comme vase de potier » (2,9). Le premier psaume s’achève par le jugement qui sépare justes et méchants, « le chemin » de ces derniers « se perdant » (1,6). À la fin du deuxième psaume une alternative est offerte aux « rois » des nations : ou ils se soumettent et servent le roi choisi par Yhwh ou ils « perdent le chemin » (2,11-12)3. En 1,1 le juste refuse de « s’asseoir » avec « les moqueurs » (racine lwṣ), en 2,4 c’est le Seigneur qui « s’assied » dans les cieux et « se moque » (racine l‘g) de ceux qui s’opposent à lui et à son messie. En 1,2 le juste « murmure » la loi de Dieu jour et nuit, en 2,1 ce sont « les peuples » qui « murmurent » contre Yhwh et son oint. On notera en outre que « jour » (yômām, 1,2) annonce « aujourd’hui » (hayyôm, 2,7), que « donner » revient en 1,3 et 2,8 et que « juges » (2,10) rappelle « jugement » (1,5).
CONTEXTE LA VIE OU LA MORT Le double porche du Psautier met sous les yeux de celui qui y entre un choix qui rappelle celui que Moïse propose à la fin de son troisième et dernier discours (Dt 30,15-20) : 15
Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur [...] 19 Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la
Voir, par ex., Ravasi, I, 89. Voir A. WÉNIN, « Le Psaume 1 et l’encadrement du livre des louanges », 152-169 ; B. RENAUD, « Le Psautier sous le signe du jugement de Dieu. L’unité rédactionnelle des Ps 1 et 2 ». 2 3
46
La première section (Ps 1–18) bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, 20 aimant Yhwh ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui...
INTERPRÉTATION MÉCHANTS ET JUSTE Le juste se trouve en opposition au « conseil des méchants » et au « cercle des moqueurs » (1,1), seul face à des groupes compacts et organisés. Semblablement, le « messie » du Seigneur est en butte aux « nations » et aux « peuples » qui « se liguent ensemble » contre lui et donc contre celui qui l’a consacré par l’onction royale (2,1-2). Seul contre tous, tel sera tout au long du psautier le sort du juste, et en particulier celui du roi d’Israël, toujours assisté cependant et soutenu par son Dieu. UN CHOIX VITAL Le choix devant lequel le lecteur est placé est grave. Il n’est pas entre le bien et le meilleur, mais entre la vie et la mort. La vie de l’arbre qui fait du « fruit », par lequel la vie se transmet, la mort du chemin qui mène à la perdition. Il en va de même pour les rois de la terre : s’ils maintenaient leur rébellion, le roi choisi par Dieu les briserait sous les coups de son sceptre et ils périraient dans leur chemin. Ils ne devront la vie sauve que s’ils font allégeance au fils, servant le Seigneur avec crainte, le tremblement ne les empêchant pas cependant d’exulter de joie. ISRAËL ET LES NATIONS Le psaume premier met en scène un homme qui met son plaisir et son désir dans « la Loi de Yhwh », transmise à Israël par Moïse. Sa fidélité à la Loi lui vaut l’inimitié des « méchants », des « pécheurs » et des « moqueurs », c’est-àdire ceux qui n’observent pas les commandements du Seigneur. Nous sommes en effet à l’intérieur du peuple d’Israël. Avec le psaume deuxième, le cercle s’élargit à toutes les autres « nations » jusqu’aux « extrémités de la terre ». La division qui passait à l’intérieur du peuple d’Israël, se déplace maintenant entre le peuple élu et les autres peuples. « L’homme » seul du premier psaume est devenu le roi, roi d’un peuple lui aussi seul contre tous ceux qui « se liguent » contre lui. « HEUREUX TOUS CEUX QUI SE RÉFUGIENT EN LUI » Si le couple des Ps 1 et 2 constitue le porche d’entrée du Psautier, tout le programme qu’ils tracent se concentre dans leur premier mot : « Heureux », d’autant plus qu’il sera répété en finale. Ce à quoi « l’homme » est invité n’est rien d’autre que le bonheur. Cet « homme » est bien sûr le fils d’Israël qui,
La séquence 1–2
47
comme le psalmiste l’affirme au début du premier psaume, trouve son « plaisir » dans la Loi du Seigneur ; mais ce sont aussi, comme le proclame de manière quelque peu inattendue la fin du second psaume, « tous ceux qui se réfugient en lui », ceux des nations qui, avec les justes et avec le messie du Seigneur, sauront trouver refuge et protection en celui qui ne veut que leur bonheur commun.
B. YHWH RÉPOND À MON APPEL À CAUSE DE MA FIDÉLITÉ La deuxième séquence : PS 3–4 1. LE PSAUME 3 TEXTE 1
Psaume. De David, dans sa fuite devant Absalom son fils. 2 Yhwh, combien nombreux mes 3 nombreux les disant à mon âme : oppresseurs, nombreux les se dressant contre moi, « Point de salut pour lui en Dieu ! » 4 Et toi, Yhwh, bouclier autour de moi, ma gloire et élevant ma tête. 5 Ma voix vers Yhwh je crie, et il me répond de la montagne de sa sainteté : 6 moi, je me couche et m’endors, je m’éveille car Yhwh me soutient ; 7 je ne crains pas les milliers sauve-moi, de peuple lesquels (tout) autour se sont mis contre moi. 8 Dresse-toi, Yhwh, mon Dieu, car tu frappes tous mes ennemis à la joue, les dents des méchants tu brises ; 9 à Yhwh le salut, sur ton peuple (soit) ta bénédiction !
« Pour ce qui est du texte, le Ps 3 ne présente aucune difficulté »1.
COMPOSITION Plusieurs divisent le psaume en quatre parties. La première (2-3) est une plainte, la seconde (4-7) une confession de foi en Yhwh, la troisième (8) une prière, et la dernière (9) une confession et bénédiction2. D’autres y voient trois parties : lamentation (2-3), confiance en Dieu (4-7), supplication (8-9)3. Auffret lui aussi organise le psaume en trois parties, mais d’une manière différente (2-4 ; 5-7 ; 8-9)4. Un état de la question détaillé est fourni par Kselman5. Après le titre (1), le corps du psaume comprend trois morceaux, chacun formé de trois bimembres. Alors que dans les morceaux extrêmes le psalmiste s’adresse à « Yhwh » à la deuxième personne du singulier, dans le morceau central il parle de lui à la troisième personne.
1
Kraus, I, 137. Kraus, I, 137 ; Vesco, 101 (qui ensuite reprend la composition de Girard) ; deClaisséWalford – al., 72 ; Ravasi (I, 117) distingue trois strophes (2-3, eux ; 4-5, tu ; 6-7, je) suivies d’une invocation finale (8-9). 3 Hakham, I, 10 ; Lorenzin, 62. 4 P. AUFFRET, « Note sur la structure littéraire du psaume 3 ». Notre analyse rejoint la sienne sur ce point. 5 J.S. KSELMAN, « Psalm 3 : A Structural and Literary Study. 2
50
La première section (Ps 1–18)
1
Psaume dans sa fuite + 2 YHWH, + nombreux 3
+ nombreux + « Point – 4 Et toi, – ma gloire
de David, devant
Absalom
combien nombreux LES SE DRESSANT
MES OPPRESSEURS,
les disant de SALUT pour lui
à mon âme : EN DIEU ! »
YHWH, et élevant
bouclier ma tête.
son fils.
contre moi ;
autour de moi,
························································································································· vers YHWH j’appelle,
+ +
: 5 Ma voix : et il me répond
de la montagne
de sa sainteté :
- 6 moi, - je m’éveille
je me couche car YHWH
et m’endors, me soutient ;
- 7 je ne crains pas - lesquels
les milliers (tout) autour
de PEUPLE se sont mis
contre moi.
························································································································· 8 DRESSE-TOI, YHWH, SAUVE-MOI, MON DIEU ;
– car tu frappes – les dents
tous des méchants
MES ENNEMIS
à la joue,
tu brises ;
+ 9 à YHWH LE SALUT, + sur ton PEUPLE (soit) ta bénédiction !
Le premier morceau est de type AA’B : dans les deux premiers segments le psalmiste se plaint de ses « nombreux » « oppresseurs », dans le troisième il s’en remet à « Yhwh », son « bouclier » et sa « gloire ». Le troisième morceau (8-9) est lui aussi adressé à « Yhwh ». Dans les segments extrêmes l’orant fait appel au salut de son Dieu, tandis que le segment central, introduit par « car », donne le motif de la demande : le Seigneur en effet sauve son protégé en mettant hors d’état de nuire les dents de ceux qui veulent le déchiqueter comme des bêtes féroces. Le morceau central se distingue des deux autres du fait qu’il n’est pas adressé à Dieu : de la seconde personne du singulier on passe en effet à la troisième. Le psalmiste commence par dire que le Seigneur répond à son cri (5), puis il en décrit les fruits : il peut dormir tranquille (6), libéré désormais de la crainte de ses ennemis (7). Les morceaux extrêmes se correspondent. À la plainte en 2-3 succède la supplication en 8ab et 9. À la confession de foi en la protection de Dieu en 4 répond celle de 8cd : Yhwh protège son fidèle et met hors combat ses ennemis. Les deux occurrences de « se dresser » jouent le rôle de termes initiaux pour les morceaux extrêmes (2b.8a). Les « oppresseurs » du début (2a) sont appelés
Le psaume 3
51
« ennemis » à la fin (8c). À « salut » de 3b font écho « sauver » et « salut » de 8b et 9a. Le terme « milliers » (7a) est de même racine que les trois « nombreux » du début (2a.2b.3a). « Peuple » de 7a revient en 9b. Les synonymes traduits par « autour » (4a.7b) se trouvent à la fin des deux premiers morceaux : alors que les ennemis entourent le psalmiste, le Seigneur le protège de son bouclier tout autour. Le nom de « Yhwh » revient deux fois dans chaque morceau ; dans les morceaux extrêmes, il est placé aux extrémités et accompagné du nom de « Dieu » (3b.8b).
CONTEXTE LA FUITE DE DAVID DEVANT ABSALOM Après le récit de la révolte du fils de David, l’épisode de la fuite du roi est raconté en 2S 15. LE PSAUME DE JONAS Le livre de Jonas est focalisé sur la prière que le prophète prononce dans le ventre du poisson (Jon 2,3-10) ; le dernier membre de ce psaume, « le salut à Yhwh » rappelle la fin du Ps 3 : « À Yhwh le salut ». Le début de la prière de Jonas, « J’ai appelé de mon oppression vers Yhwh et il m’a répondu ; du ventre du schéol j’ai crié, tu as entendu ma voix » (2,3) rappelle Ps 3,5.
INTERPRÉTATION YHWH CONTRE LES OPPRESSEURS La plainte par laquelle commence la prière insiste sur le grand nombre de ceux qui oppressent le psalmiste. Non seulement ils l’oppressent (2a) et « se dressent » contre lui (2b), mais ils semblent aussi vouloir s’opposer à son Dieu qui ne saurait sauver son âme (3). Aux trois plaintes contre la multitude des oppresseurs fait place une triple déclaration de foi dans le seul qui soit à la fois le « bouclier » qui protège des coups, la « gloire » qui rend l’honneur à son fidèle, le sauveur qui élèvera sa tête au-dessus de ceux qui voulaient l’abaisser (4). « YHWH ME SOUTIENT » Ayant exalté la puissance de salut de Dieu dans une phrase explosive adressée à son Seigneur (4), le psalmiste reprend longuement sa confession de foi de manière plus tranquille, comme s’il en faisait la confidence à ceux qui l’écoutent
52
La première section (Ps 1–18)
et qu’il prend pour ainsi dire à témoins. Il commence par dire comment le Seigneur répond à sa supplication (5), puis il en expose les effets : sommeil tranquille grâce à Dieu (6) et absence totale de crainte devant la multitude des ennemis qui l’encerclent (7). « À YHWH LE SALUT ! » Le psalmiste achève sa prière par une double supplication, pour lui-même d’abord (8ab), pour tout le « peuple » de Dieu enfin (9), ce peuple qui est aussi le sien si l’on en croit l’attribution du psaume à David. Cette double demande encadre une nouvelle confession de foi (8cd) qui remet en scène les « ennemis ». Ceux-ci sont présentés comme des fauves dont les crocs menacent la vie du roi et de son peuple. Mais le Seigneur veille, frappant leur mâchoire et brisant leurs dents.
2. LE PSAUME 4 TEXTE 1
Du maitre de chant, avec instruments à cordes, psaume de David. 2 Quand-j’appelle, répondsmoi, Dieu de ma justice ; dans l’oppression tu as mis au large moi, aie-pitié de moi et écoute ma prière. 3 Fils d’homme, jusqu’où ma gloire (sera) dans le déshonneur, aimerez-vous 4 Et sachez que mit-à-part Yhwh un fidèle à lui, le vide, rechercherez-vous le mensonge ? Yhwh écoute quand-j’appelle vers lui. 5 Frémissez et ne péchez pas, dites en votre cœur, sur votre couche, et faites-silence. 6 Sacrifiez des sacrifices de justice et confiez-vous en Yhwh. 7 Beaucoup disent : « Qui nous fera-voir le bonheur ? » Lève sur nous la lumière de ta face, Yhwh. 8 Tu as donné plus de joie en mon cœur qu’au temps où leur froment et leur vinnouveau se multiplient ; 9 en paix, tout-ensemble je me couche et m’endors car toi, Yhwh, seulement en confiance tu m’établis. V. 2C
: « TU AS MIS AU LARGE MOI »
La Septante garde le parfait du verbe comme elle avait rendu l’impératif « réponds-moi » par un parfait. Plusieurs interprètent le verbe comme un parfait précatif, donc de sens impératif, pour harmoniser avec les impératifs de 2a (« réponds-moi ») et de 2c (« prends-pitié de moi »)1. D’autres penchent pour une interpolation2. La construction spéculaire des deux premiers segments invite à garder le passé pour 2c. V. 4
: « UN FIDÈLE À LUI »
On peut comprendre que lô dépend de « a mis à part » (« pour lui ») ; mais il est plus probable qu’il dépende de « fidèle ». Le psalmiste se présente comme « fidèle à Lui ». V. 5
: « DITES EN VOTRE CŒUR, SUR VOTRE COUCHE, ET FAITES-SILENCE »
Il n’est pas nécessaire de changer l’ordre des mots du texte massorétique pour obtenir une signification convenable. La construction qu’on peut dire spéculaire du membre (verbes aux extrémités, compléments entre les deux) permet de comprendre qu’il s’agit d’une invitation à réfléchir à part soi. V. 7B
: « LÈVE SUR NOUS »
Le verbe nsh, « tenter », fait difficulté, et c’est pourquoi il a été corrigé de plusieurs façons, en particulier par nś’, « lever ».
1 2
Par ex., Ravasi, I, 127 ; Hakham, I, 13 ; Vesco, 112. Ainsi Kraus (I, 145) qui met le membre 2c entre tirets cadratins.
54
La première section (Ps 1–18)
COMPOSITION La plupart divisent le corps du psaume en trois parties : prière à Dieu (2) ; discours adressé aux ennemis, « fils d’homme » (3-6) ; déclaration de confiance en Dieu (7-9)3. Pour Vesco le psaume s’organise en deux parties (2-4 ; 5-9) chacune centrée sur une question (3.7). On y a vu aussi une construction concentrique : Appel introductif à l’aide (2) Plainte à propos de ce que la communauté a dit (3) Paroles d’instruction pour la communauté (4-6) Plainte à propos de ce que la communauté dit (7) Confession conclusive de confiance (8-9)4.
Après le titre, le psaume comprend trois morceaux, chacun formé de trois segments. 1
Du maitre de chant,
avec instruments à cordes,
+ 2 QUAND-J’APPELLE, + DIEU
réponds-moi, de ma JUSTICE ;
+ dans l’oppression + aie-pitié de moi
ET ÉCOUTE
– 3 Fils d’homme, – aimerez-vous
tu as mis-au-large jusqu’à quand le vide,
psaume
de David.
moi, ma prière. ma gloire (sera) rechercherez-vous
dans le déshonneur, le mensonge ?
···················································································································
:: 4 Et sachez :: YHWH
ÉCOUTE
YHWH QUAND-J’APPELLE
un fidèle à lui, vers lui.
: 5 Frémissez : DITES
et ne péchez plus, en votre CŒUR,
SUR VOTRE COUCHE,
et faites-silence.
6
: Sacrifiez : et CONFIEZ-VOUS
que mit-à-part
des sacrifices en YHWH.
de JUSTICE
··················································································································· 7
– Beaucoup – Lève sur nous + 8 Tu as donné + qu’au temps 9
+ en paix, + car toi, + EN CONFIANCE
3
DISENT
: la lumière
« Qui nous fera-voir de ta face,
le bonheur ? » YHWH.
plus de joie où leur froment
en mon CŒUR et leur vin-nouveau
sont-beaucoup ;
tout-ensemble YHWH, tu m’établis.
JE ME COUCHE
et m’endors :
seulement
Ainsi, Kraus, I, 64 ; Hakham, I, 13 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 192 ; Lorenzin, 64. Ravasi (I, 192) a un découpage légèrement différent : sa deuxième partie va jusqu’à 7. 4 deClaissé-Walford – al., 81.
Le psaume 4
55
Le premier morceau est de type AA’B. Les deux premiers segments peuvent être dits de construction spéculaire : les impératifs se trouvent dans les membres extrêmes, les membres médians donnant la raison des demandes. Dans le troisième segment, le psalmiste se tourne vers ceux qui ternissent sa « gloire », c’est-à-dire sa réputation, de manière mensongère et dont on peut comprendre que ce sont eux qui causent son « oppression », son angoisse, son appel et sa prière à Dieu. Le deuxième morceau se caractérise par une accumulation de sept impératifs de seconde personne du pluriel, les seuls du psaume. Le morceau est de type ABB’. En effet, seuls les deux derniers segments disent ce que doivent faire les ennemis du psalmiste, alors que le premier les informe des actions de Dieu envers son « fidèle ». Le troisième morceau est de type ABB’ : alors que le premier segment est une prière en faveur de « nous » (7b) motivée par la plainte de « beaucoup » (7a), les deux suivants sont une louange pour les bienfaits reçus par le psalmiste, « joie », « paix » et « confiance ». « Beaucoup » et « sont-beaucoup » font inclusion pour les deux premiers segments. Les morceaux extrêmes se correspondent de manière spéculaire : le dernier segment du premier morceau se distingue des deux précédents et il en va de même pour le premier segment du dernier morceau. Ces deux segments visent le futur. « Beaucoup » au début de 7 s’oppose à « Fils d’homme » au début de 3. Les uns en effet désirent voir « le bonheur » (7a), tandis que le psalmiste voit sa réputation « dans le déshonneur » (3a) par la faute de ses persécuteurs. Sa situation personnelle n’est pas isolée, elle est aussi celle de « beaucoup ». Les deux premiers morceaux ont en commun « écoute » (2d.4b), « quand j’appelle » (2a.4b), « justice » (2b.6a) ; les deux derniers ont en commun « dire » (5b.7a), « cœur » (lēbāb en 5b, lēb en 8a), « sur votre couche » – « je me couche » (5b.9a), « se confier » – « confiance » (6b.9c).
CONTEXTE « VIDE » ET « MENSONGE » Certains commentateurs notent que ces deux termes font référence aux idoles vaines : « Parce qu’ils ont rejeté la loi de Yhwh et n’ont pas observé ses décrets, parce que leurs Mensonges les ont égarés, ceux que leurs pères avaient suivis... » (Am 2,4 ; voir aussi Ps 40,5)5. Toutefois ni « vide » (Ps 2,1 ; 73,13 ; Jr 51,34. 78 ; Ha 2,13) ni « mensonge » (Ps 5,7 ; 58,4 ; 62,2 ; 116,11) ne sont réservés aux idoles, de même que « ma gloire » ne désigne pas ipso facto la gloire de Dieu6. L’homme peut être considéré par son prochain comme « vide », comme inexistant, et sa « gloire » peut être niée. C’est ce que dit la dernière partie du 5 6
Dahood, I, 23 ; Ravasi, I, 127-128. F. ASENSIO, « Salmo 4: ¿Mentira o Idolatría? », surtout, 662-667.
56
La première section (Ps 1–18)
Décalogue (« Tu ne témoigneras pas contre ton prochain en vain »), qui correspond à sa première partie où il est interdit de traiter le Seigneur « en vain » (Dt 5,11.20), comme s’il n’existait pas7. « SACRIFICES DE JUSTICE » L’expression se retrouve à la fin du Miserere : « Alors tu voudras des sacrifices de justice » (Ps 51,21). Les sacrifices sont des « sacrifices de justice » quand ils sont offerts par « un cœur brisé et broyé », un cœur qui a renoncé au péché et a été pardonné par la justice de Dieu. « FAIS LEVER SUR NOUS LA LUMIÈRE DE TA FACE » Cette demande rappelle la bénédiction sacerdotale (Nb 6,24-26) : 24
Que le Seigneur te bénisse et qu’il te garde ! Que le Seigneur fasse briller sa face vers toi et qu’il prenne pitié de toi ! 26 Que le Seigneur lève sa face vers toi et qu’il t’accorde la paix ! 25
« Prendre pitié » se trouve au début du psaume (2d) et « paix » à la fin (9a). EP 4,26 Le premier membre de 5 est cité dans la partie parénétique de la Lettre aux Éphésiens, mais dans la version de la Septante : « Emportez-vous, mais ne commettez pas le péché : que le soleil ne se couche pas sur votre colère ».
INTERPRÉTATION DE LA SUPPLICATION À L’ACTION DE GRÂCE Le psalmiste commence par supplier le Seigneur de répondre à son appel, d’écouter sa prière, d’avoir pitié de lui (2a.2d) ; sa requête est motivée par la « justice » de Dieu à son égard, celle qui le met au large quand il est opprimé par ses ennemis (2bc). À la fin, il reconnait dans l’action de grâce que le Seigneur lui a donné une joie bien plus grande que celle de ses adversaires qui célèbrent des récoltes abondantes (8). Une telle joie prend sa source dans la « paix » que lui procure la « confiance », la sécurité où le Seigneur l’a établi et qui lui permet de s’endormir comme son enfant. DÉSHONNEUR OU BONHEUR L’oppression dont le psalmiste demande d’être libéré est due à ces gens qui le déshonorent en colportant vains propos et mensonges délibérés sur son compte 7
Voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, 111.
Le psaume 4
57
(3). Il se trouve dans la même position que tous ceux qui voudraient « voir le bonheur » (7a) et s’en trouvent privés par les adeptes du « vide » et du « mensonge » (3). En leur nom le psalmiste invoque le Seigneur pour que « la lumière de sa face » se lève sur eux (7b) et révèle ainsi l’inanité de leurs accusations. L’APPEL À LA CONVERSION Le psalmiste ne se contente pas d’appeler à l’aide le Seigneur pour le sauver des calomnies de ses ennemis qui menacent son honneur, il s’adresse directement à eux pour dénoncer la vacuité de leurs agissements et leur mensonge. Bien plus, il les invite d’abord à constater ce que le Seigneur a fait pour lui (4), il les appelle ensuite à réfléchir dans le silence de la nuit sur leur conduite et à abandonner le péché, il les incite enfin à se rendre dans le temple pour offrir les sacrifices justes et ainsi à mettre, comme lui, sa confiance dans le seul Dieu, celui qui pardonne.
3. YHWH RÉPOND À MON APPEL À CAUSE DE MA FIDÉLITÉ (PS 3–4) Ps 3
1
Psaume de David, dans sa fuite devant Absalom son fils.
2
YHWH, combien sont nombreux mes OPPRESSEURS, nombreux ceux qui se dressent contre moi, 3 nombreux ceux qui DISENT à mon âme : « Point de salut pour lui en DIEU ! » 4 Et toi, YHWH, bouclier autour de moi, MA GLOIRE et redressant ma tête. ··················································································· 5 Ma voix vers YHWH J’APPELLE, et IL ME RÉPOND de la montagne de sa sainteté : 6
moi, JE ME COUCHE ET M’ENDORS, je m’éveille car YHWH me soutient ; 7 je ne crains pas les milliers de peuple lesquels tout-autour se sont mis contre moi. 8
···················································································
Dresse-toi, YHWH, sauve-moi, MON DIEU, car tu frappes tous mes ennemis à la joue, les dents des méchants tu brises ; 9 de YHWH, le salut, sur ton peuple, ta bénédiction ! Ps 4
1
Du maitre-de-chant, avec instruments à cordes, psaume de David.
2
QUAND-J’APPELLE, RÉPONDS-MOI, DIEU de ma justice ; dans L’OPPRESSION tu m’as mis au large, aie-pitié de moi et écoute ma prière. 3 Fils d’homme, jusqu’à quand MA GLOIRE sera dans le déshonneur, aimerez-vous le vide, rechercherez-vous le mensonge ? ··················································································· 4 Et sachez que YHWH mit à part son fidèle, YHWH écoute QUAND-J’APPELLE vers lui. 5
Frémissez et ne péchez plus, en votre cœur, sur votre couche, et faites-silence. 6 Sacrifiez des sacrifices de justice et confiez-vous en YHWH. DITES
··················································································· 7
Nombreux ceux qui DISENT : « Qui nous fera voir le bonheur ? » lève sur nous la lumière de ta face. YHWH. 8 Tu as donné plus de joie en mon cœur qu’au temps ou leur froment et leur vin-nouveau sont nombreux ; 9 en paix, tout-ensemble, JE ME COUCHE ET M’ENDORS car toi, YHWH, seulement en confiance tu m’établis.
La séquence 3–4
59
COMPOSITION DE LA DEUXIÈME SÉQUENCE Les deux psaumes ont tant de points communs que certains ont pensé qu’ils constituaient un seul psaume1. – Outre les noms de « Yhwh » et de « Dieu », « oppresseurs » et « oppression » (3,2 ; 4,2) remplissent la fonction de termes initiaux ; – « (sont) nombreux » (trois fois en 3,2-3 suivi de « milliers » en 7 ; 4,7.8) ; « nombreux » est le sujet de « dire » qui introduit des paroles en style direct en 3,3 et 4,7) ; – « ma gloire » (de Dieu en 3,4 ; du psalmiste en 4,3) ; – « appeler » et son corrélatif « répondre » (3,5 ; 4,2.4) ; – « je me couche et m’endors » (3,6 ; 4,9) ; – « dresse-toi » de 3,8 et « lève sur nous » de 4,7 sont des synonymes. « Je m’éveille » au centre du premier psaume (3,6) et « je me couche et m’endors » à la fin du second (4,9) ont fait penser que l’un était une prière du matin, l’autre du soir2. Les deux psaumes sont parallèles du point de vue de leur composition : chacun comprend trois morceaux, tous formés de trois segments : tous les segments sont bimembres, sauf le dernier qui est trimembre, ce qui est un cas d’élargissement final. Alors que les morceaux extrêmes sont adressés à Dieu, le morceau central est adressé à la cantonade comme un témoignage pour ceux qui récitent le psaume dans le premier cas, aux persécuteurs invités à la conversion dans le deuxième cas. Les deux psaumes sont articulés aussi du fait que le premier commence par une plainte (3,2-3) et, après le morceau central, poursuit par une supplication (89) ; quant au deuxième psaume il commence par une supplication (4,2) et s’achève dans la louange (8-9). Il y a ainsi passage de la plainte à la supplication pour aboutir à la louange.
CONTEXTE PRIÈRE DU MATIN ET PRIÈRE DU SOIR Selon la Règle de saint Benoît, le Ps 3 est récité au début de matines, le premier office du jour (chap. 9 et 10), et le Ps 4 chaque jour à Complies avant les Ps 90 et 133 (chap. 18). Dans la Liturgie des heures, il est utilisé à complies le samedi soir et la veille des solennités.
1 2
Voir Kraus, I, 145. Weiser, 119.
60
La première section (Ps 1–18)
INTERPRÉTATION DE LA PLAINTE À LA LOUANGE Le premier psaume commence par une plainte contre les « oppresseurs » sans pitié (3,2-3), aussitôt suivie par une courte confession de foi (4) qui a des allures d’appel au secours. Le psaume finira par une supplication (8ab.9), elle aussi appuyée sur une déclaration de confiance en Dieu (8cd). Point de louange dans ce premier psaume, même si le morceau central, adressé à la cantonade, est un beau témoignage de foi dans le salut divin. Comme si la prière n’était pas achevée, le psaume suivant enchaine sur le précédent en poursuivant la supplication (4,2), laquelle rebondit au début du dernier morceau (7b). Alors, en deux longs versets finaux (8-9) retentit le récit reconnaissant des effets du salut. Ainsi, est accompli le parcours canonique qui porte de la plainte à la louange. DU SIMPLE TÉMOIGNAGE À L’APPEL À LA CONVERSION D’un centre à l’autre, le bond est immense. Mais il est logique. On ne sait pas à qui le psalmiste s’adresse dans le morceau central du premier psaume. Ses paroles pourraient être un monologue, une sorte de méditation sereine de qui est heureux d’avoir été entendu, d’avoir retrouvé la tranquillité qui permet de dormir aussitôt couché, d’avoir été libéré de la crainte. Toutefois, le monologue a été mis par écrit, il est récité par ceux qui prient le psaume, qui le chantent et qui relaient le témoignage du psalmiste pour ceux qui l’entendent. Quant aux paroles sur lesquelles est focalisé le deuxième psaume, ses destinataires sont ceux qui persécutent le psalmiste. Voyant ce que le Seigneur a fait pour son fidèle, pleins de crainte ils se reprendront et finiront par le retrouver dans son temple. Ainsi le témoignage qui va jusqu’au bout se transforme naturellement en appel à la conversion. DU MATIN AU SOIR L’attribution liturgique des deux psaumes aux prières du matin et du soir pourra sembler artificielle, mais il serait difficile de l’ignorer. Il faut bien reconnaitre que cette interprétation ne manque pas d’appuis dans le texte. Le « je me couche et m’endors » du premier psaume est suivi de « je m’éveille » et nous voilà bien au petit matin après une nuit tranquille ; celui du deuxième psaume résonne différemment : « en paix tout-ensemble je me couche et m’endors » arrive en conclusion du psaume et la raison qui en est donnée introduit à un sommeil établi dans la confiance en Dieu. Les deux psaumes accompagnent celui qui les reprend à son compte du matin jusqu’au soir, d’une nuit de paix à la suivante.
C. YHWH ENTEND MA PRIÈRE EN RAISON DE SA FIDÉLITÉ La troisième séquence : Ps 5–6 1. LE PSAUME 5 TEXTE 1
Du maitre de chant sur les flûtes, psaume de David. 2 À mes paroles tends-l’oreille, Yhwh, discerne mon soupir ; 3 sois-attentif à la voix de mon cri, mon Roi et mon Dieu, car vers toi je prie. 4 Yhwh, au matin tu écoutes ma voix, au matin je me prépare pour toi et j’attends. 5 Oui, pas un Dieu agréant la méchanceté, toi, ne séjourne pas chez toi le mal ; 6 ne tiennent pas les arrogants devant tes yeux ; tu hais tous les faisant l’iniquité ; 7 tu fais périr les diseurs de mensonge, l’homme de sang et de fraude, (le) déteste Yhwh. 8 Et moi, pour l’abondance de ta fidélité, je viens dans ta maison, je me prosterne vers le Temple de ta sainteté dans ta crainte ; 9 Yhwh, guide-moi dans ta justice, à cause de mes adversaires aplanis devant moi 10 Oui, il n’est pas dans leur bouche de sureté, leur intérieur destructions ; ton chemin. sépulcre ouvert leur gosier, leur langue est-gluante. 11 Dis-les-coupables, Dieu, qu’ils tombent par leurs projets ; pour l’abondance de leurs transgressions chasse-les, car ils se sont révoltés contre toi. 12 Et se réjouiront tous les s’abritant en toi, à jamais ils exulteront ; et tu protèges eux et jubileront en toi les aimant ton nom 13 car toi, tu bénis le juste, Yhwh, comme un bouclier de ta faveur tu l’entoures. V. 2
: « MON SOUPIR »
Le sens précis de ce vocable (hăgîg) qui ne se retrouve qu’en Ps 39,4 n’est pas assuré. On le rapproche de higgāyôn, « méditation », « réflexion ». V. 10A : « LEUR BOUCHE
»
Le texte massorétique a le singulier, la Septante le pluriel. V. 10D
: « LEUR LANGUE EST-GLUANTE »
La traduction du verbe n’est pas aisée à cause de son double sens : « est sirupeuse », « est glissante »1. Ainsi, comme le miel la flatterie attire sur la pente glissante qui précipite au sépulcre. La BJ traduit : « mielleuse se fait leur langue », Osty : « leur langue est flatteuse », la TOB : « leur langue est une pente glissante ».
1
Hakham, I, 19.
62
La première section (Ps 1–18)
COMPOSITION Certains discernent trois parties, mais ne sont pas d’accord sur leurs limites 2. D’autres y voient six parties3, et même huit4. Selon R.A. Jacobson deux organisations sont en compétition. Ce seront cinq parties si le critère est celui des relations du psalmiste avec Dieu (2-4 ; 8-9 ; 12-13) ou avec les méchants (4-7 ; 10-11) ; l’autre option est celle de trois strophes qui comprennent chacune une demande (2-4 ; 8-9 ; 11-12) suivie d’une raison introduite par « car » (5-7 ; 10 ; 13)5. On voit que certaines limites sont reconnues par la plupart. Le psaume s’organise en trois parties de longueur diverse : courte, la première est de supplication (2-4) à quoi correspond une dernière partie, courte elle aussi, qui annonce la jubilation finale (12-13). La partie centrale se subdivise en trois sous-parties, consacrées aux ennemis aux extrémités (5-7 ; 10-11), au psalmiste au centre (8-9). LA PREMIÈRE PARTIE (2-4) + 2 À mes paroles + DISCERNE 3
+ SOIS-ATTENTIF + MON ROI :: car vers toi – 4 YHWH, :: au matin
TENDS-L’OREILLE,
YHWH,
mon soupir ; à la voix
de mon cri,
ET MON DIEU, JE PRIE ;
au matin
TU ÉCOUTES
JE ME PRÉPARE
pour toi
ma voix, ET J’ATTENDS.
Les bimembres extrêmes sont adressés à « Yhwh », tandis que le trimembre central l’est, en son centre, à « mon roi et mon Dieu ». Dans le premier segment le psalmiste demande à Dieu de l’écouter, et de même dans le premier membre du segment central ; dans le dernier membre du trimembre central, le sujet n’est plus Dieu mais le psalmiste et de même dans le deuxième membre du segment final qui s’appuie sur le précédent avec la reprise de « au matin ». LA DEUXIÈME PARTIE (5-11) Les trois segments de la première sous-partie marquent une nette progression : Dieu n’est pas ami du mal (5), bien plus il hait les malfaisants (6), il les fait 2
Pour Hakham (I, 17) ce sont 2-4, 5-8 et 9-13. Pour Ravasi (I, 139) après l’ouverture (2-4) et avant le final (12-13), la partie centrale se subdivise en trois (5-7, tu ; 8-9, moi ; 10-11, eux) ; les cinq parties de Alonso Schoekel – Carniti (I, 208) correspondent au découpage de Ravasi. 3 Lorenzin, 65. 4 Vesco, 119. 5 deClaissé-Walford – al., 92.
Le psaume 5
63
même périr (7). La troisième sous-partie comprend deux morceaux : le premier (10) décrit l’œuvre de mort des méchants que procurent les paroles de « leur bouche » et de « leur gosier », le second morceau (11) demande à « Dieu » que leurs projets leur retombent dessus et qu’ils soient chassés. La sous-partie centrale est consacrée au psalmiste. Le « Et moi » par laquelle elle commence s’oppose au « toi » dont le référent est « Dieu » au début de la première souspartie (5a). Le premier trimembre rapporte sa démarche vers le temple « dans la crainte », le deuxième demande l’aide du Seigneur pour marcher « dans la justice ». : 5 OUI, PAS un DIEU : ne séjourne pas
agréant chez toi
LA MÉCHANCETÉ, LE MAL ;
TOI,
: 6 ne tiennent pas : tu hais
LES ARROGANTS tous LES FAISANT
devant L’INIQUITÉ ;
tes yeux,
: 7 tu fais périr : L’HOMME DE SANG
LES DISEURS ET DE FRAUDE,
DE MENSONGE, (le) déteste
POUR L’ABONDANCE
de ta fidélité,
dans ta maison, vers le Temple
de ta sainteté
guide-moi
dans ta justice,
- 8 ET MOI, - je viens - je me prosterne 9
.. YHWH, .. à cause de .. aplanis
YHWH.
dans ta crainte ;
MES ADVERSAIRES
devant moi
ton chemin.
: 10 OUI, IL N’EST PAS : leur intérieur
dans leur bouche ;
de sureté,
DESTRUCTIONS
: SÉPULCRE : leur langue
ouvert est-gluante.
leur gosier,
····························································································· DIEU,
- 11 DIS-LES-COUPABLES, - qu’ils tombent
par leurs projets ;
- POUR L’ABONDANCE - car ILS SE SONT RÉVOLTÉS
de leurs TRANSGRESSIONS contre toi.
chasse-les,
Les sous-parties extrêmes commencent avec « oui » suivi de la négation. Elles accumulent les termes appartenant au champ sémantique de la « méchanceté » (5a) : « mal » (5b), « arrogants » (6a), « faisant l’iniquité » (6b), « diseurs de mensonge » (7a), « homme de sang et de fraude » (7b) ; « destructions » (10b), « sépulcre » (10c), « langue » « gluante » (10d), « dis-les coupables » (11a),
64
La première section (Ps 1–18)
« transgressions » (11c), « ils se sont révoltés » (11d). Dans la sous-partie centrale tous ces termes sont résumés par le seul « mes adversaires » (9b). La fin de la première sous-partie (7) et le début de la dernière sous-partie (10) sont marqués par la mort, celle que donne « l’homme de sang » (7b), dont les intentions ne sont que « destructions », dont le « gosier » est un « sépulcre » et dont la « langue » attire par la flatterie sur la pente glissante de la fosse (10), mais aussi et par voie de conséquence la mort que lui inflige le Seigneur qui le « fait périr » (7a). LA TROISIÈME PARTIE (12-13) + 12 Et se réjouiront + à jamais – et tu protèges + et jubileront en toi 13
– car toi, – comme un bouclier
tous les s’abritant ils exulteront ;
en toi,
eux les aimant
ton nom
tu bénis de ta faveur
le juste, tu l’entoures.
Yhwh,
Le bimembre central articule les deux autres, de manière croisée : son premier membre à la deuxième personne du singulier annonce le troisième segment, tandis que son second membre à la troisième personne du pluriel rappelle le premier segment, « les aimants ton nom » correspondant à « tous les s’abritant en toi ». L’ENSEMBLE DU PASSAGE Il est rare qu’il y ait aussi peu de reprises lexicales dans un psaume : à part les noms de Dieu, seul le pronom isolé « toi » revient en 5a et 13a, à quoi il faut ajouter que « ta justice » de 9a est repris à la fin par « le juste » de 13a. Dans la première partie quatre sont les verbes qui ont Dieu pour sujet : « tends-l’oreille » (2a), « « discerne » (2b), « sois-attentif » (3a), « tu écoutes » (4a) ; et trois sont les verbes dont le psalmiste est le sujet » : « je prie » (3c), « je me prépare » « et j’attends » (4b). Un balancement analogue marque la dernière partie. Trois sont les verbes dont le sujet est le pluriel des bénéficiaires du salut de Dieu : « se réjouiront » (12a), « exulteront » (12b), « jubileront » (12d) ; et trois ceux dont le sujet est Dieu : « tu protèges » (12c), « tu bénis » (13a), « tu l’entoures » (13b). Il en va de même dans la sous-partie centrale de la partie centrale. Deux verbes ont le psalmiste pour sujet : « je viens » (8b) et « je me prosterne » (8c) et deux ont Dieu pour sujet : « guide-moi » (9a) et « aplanis » (9c)6. 6
À la fin de la partie centrale (11), deux verbes ont Dieu pour sujet, « dis-les-coupables » et « chasse-les », mais ils ne sont pas accompagnés de verbes dont le sujet soit le partenaire humain du Seigneur.
Le psaume 5
65
Les paroles des méchants qui portent à la mort dans la partie centrale (7.10) s’opposent à la supplication que le psalmiste adresse à Dieu dans la première partie (2-3) et à la louange que font retentir tous ceux qui s’abritent dans le Seigneur dans la dernière partie (12) parce « le bouclier » divin les a protégés des flèches de leurs ennemis (13b). 1
Du maitre de chant
sur les flûtes,
psaume
+ 2 À mes paroles + DISCERNE
TENDS-L’OREILLE,
YHWH,
+ 3 SOIS-ATTENTIF + MON ROI + car vers toi 4
– YHWH, – au matin
de David.
mon soupir ; à la voix
de mon cri,
ET MON DIEU, JE PRIE
;
au matin
TU ÉCOUTES
JE ME PRÉPARE
pour toi
: 5 Oui, pas UN DIEU : ne séjourne pas
agréant chez toi
la méchanceté, le mal ;
TOI,
: 6 ne tiennent pas : tu hais
les arrogants tous les faisant
devant l’iniquité ;
tes yeux,
: 7 tu fais périr : l’homme de sang
les diseurs et de fraude,
de mensonge, (le) déteste
pour l’abondance dans ta maison, vers le Temple
de ta fidélité, de ta sainteté,
GUIDE-MOI
dans TA JUSTICE,
mes adversaires devant moi
ton chemin.
- 8 Et moi, - JE VIENS - JE ME PROSTERNE 9
.. YHWH, .. à cause de .. APLANIS 10
: Oui, il n’est pas : leur intérieur
dans leur bouche destructions ;
de sureté,
: sépulcre : leur langue
ouvert est-gluante.
leur gosier,
ma voix, ET J’ATTENDS.
YHWH.
dans ta crainte ;
························································································
- 11 Dis-les-coupables, - qu’ils tombent
DIEU, dans leurs projets ;
- pour l’abondance - car ils se sont révoltés
de leurs transgressions contre toi.
chasse-les,
+ 12 Et SE RÉJOUIRONT + à jamais
tous les s’abritant ILS EXULTERONT ;
en toi,
– et TU PROTÈGES + et JUBILERONT en toi
eux les aimant
ton nom ;
TU BÉNIS
LE JUSTE,
de ta faveur
TU L’ENTOURES.
13
– car TOI, – comme un bouclier
YHWH,
66
La première section (Ps 1–18)
CONTEXTE « TU NE TUERAS PAS [...] TU NE TÉMOIGNERAS PAS CONTRE TON PROCHAIN À FAUX
» (EX 20,13.16)
La langue de mensonge devant le tribunal peut porter à la mort ; c’est pourquoi le faux témoignage est mis en relation étroite avec le meurtre7. « LA LANGUE [...] EST PLEINE D’UN VENIN MORTEL » (JC 3,8) Tout le chapitre 3 de la Lettre de Jacques est consacré à la langue qui peut donner la mort : 5
Voyez quel petit feu embrase une immense forêt : 6 la langue aussi est un feu. C’est le monde du mal, cette langue placée parmi nos membres : elle souille tout le corps, elle enflamme le cycle de la création, enflammée qu’elle est par la Géhenne. 7 Bêtes sauvages et oiseaux, reptiles et animaux marins de tout genre sont domptés et ont été domptés par l’homme. 8 La langue, au contraire, personne ne peut la dompter : c’est un fléau sans repos. Elle est pleine d’un venin mortel (Jc 3,5-8).
INTERPRÉTATION LA PAROLE QUI TUE « L’homme de sang » (7b) n’est pas tant celui qui frappe de l’épée, que celui qui utilise l’arme du « mensonge », plus efficace encore : si elle finit par détruire le corps, elle ruine d’abord la réputation, donc l’âme de l’autre. « L’homme de sang » tue avec sa « bouche », son « gosier », sa « langue ». Il est d’autant plus redoutable qu’un venin mortel empoisonne le miel de ses paroles. Mais, si « les diseurs de mensonge » conduisent au sépulcre ceux que leur langue assassine, ils tomberont eux-mêmes dans la fosse qu’ils ont creusée pour les autres. Le Seigneur qui les « déteste » les « fera périr » (7a). La parole qui tue, tue aussi ceux qui la profèrent. LA PAROLE QUI FAIT VIVRE La victime de l’homme de sang ne lui répond pas, elle s’adresse au seul qui, « comme un bouclier », peut le protéger des attaques qu’il subit. C’est pourquoi il crie vers son Dieu, le suppliant d’écouter sa plainte. Le Seigneur ne parle pas, mais il « écoute » la voix de celui qui s’abrite en lui (4). Et surtout il agit en faveur de ceux qui aiment son nom : il les « protège », les « entoure » de sa protection, les « bénit » (12-13). Et c’est pourquoi à la voix de la supplication répond celle de la joie, de l’exultation et de la jubilation de tous ceux qui ont été sauvés du sépulcre et ont retrouvé la vie. Un seul avait prié, une multitude est 7
Voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, 102-104.
Le psaume 5
67
exaucée et sauvée. Le psaume étant attribué à David, on comprend que le roi ne prie pas seulement pour lui-même mais pour tout le peuple qu’il représente. Il est « le juste » (13) qui a su se laisser guider dans « la justice » divine pour échapper à ses « adversaires » (9). La parole qui fait vivre les autres fait vivre aussi celui qui la prononce.
2. LE PSAUME 6 TEXTE 1
Du maitre-de-chant sur les cordes sur l’octacorde, psaume de David. 2 Yhwh, pas dans ta colère ne me châtie et pas dans ta fureur ne me reprends. 3 Aie-pitié de moi, Yhwh, car je 4 et mon âme est terrifiée dépéris, moi ; guéris-moi, Yhwh, car sont terrifiés mes os beaucoup. Et toi, Yhwh, jusques à quand ? 5 Reviens, Yhwh, délivre mon âme, sauve-moi en raison de ta fidélité. 6 Car pas dans la mort ton souvenir, dans le schéol qui te rendraitgrâce ? 7 Je me suis épuisé en gémissement, je baigne chaque nuit ma couche, de mes 8 s’affaiblit d’indignation mon œil, il vieillit à cause de tous mes larmes mon lit j’arrose ; 9 oppresseurs. Éloignez-vous de moi, tous-les faisant l’iniquité car il entend Yhwh la voix de mon pleur ; 10 il entend Yhwh ma supplication, Yhwh ma prière accueille ; 11 qu’ils rougissent et soient terrifiés beaucoup tous-mes ennemis, qu’ils reculent, qu’ils rougissent soudain ! V. 1
: « SUR LES CORDES SUR L’OCTACORDE »
« Sur les cordes », c’est-à-dire « sur les instruments à cordes ». Le terme suivant signifie littéralement, « sur la huitième ». Multiples en sont les interprétations1.
COMPOSITION Pour Kraus le psaume s’organise en quatre parties : appel au Seigneur (2) ; requêtes (3-6) ; description de la détresse (7-8) ; témoignage d’avoir été entendu (9-11)2. Weiser a lui aussi une division en quatre parties (2-4 ; 5-6 ; 7-8 ; 9-11), mais seules les limites des deux dernières correspondent à celles de Kraus. La plupart des autres commentateurs y distinguent trois parties. Si tous s’accordent sur les limites de la dernière partie (9-11), il n’en va pas de même pour la deuxième (3-83 ou 5-84 mais surtout 7-85) et donc pour la première. La connaissance de la Loi de la question au centre6 conduit à voir dans la partie qui est encadrée par les deux questions de 4 et de 6 le centre du psaume.
1
Voir, par exemple, Vesco, 124 ; Kraus, I, 160. 3 Ravasi, I, 153. 4 Lorenzin, 67 ; deClaissé-Walford – al., 103-106. 5 Hakham, I, 21 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 215 ; déjà Kraus. 6 Traité, 417-435. 2
70
La première section (Ps 1–18)
1
Du maitre-de-chant psaume
sur les cordes de David.
sur l’octacorde ;
– 2 YHWH, – et
pas dans ta colère pas dans ta fureur
ne me châtie ne me reprends.
···································································································
+ 3 Aie-pitié de moi, - car je dépéris,
YHWH, moi ;
+ guéris-moi, - car SONT TERRIFIÉS - 4 et mon âme
YHWH, mes os EST TERRIFIÉE
BEAUCOUP.
* Et toi,
YHWH,
jusques à quand ?
+ Reviens, + délivre + sauve-moi
YHWH, mon âme, en raison
de ta fidélité.
6
dans la mort qui
ton souvenir, te rendrait-grâce ?
5
* Car pas * dans le schéol – 7 Je m’épuise .. je baigne .. de mes larmes
en mon gémissement, chaque nuit ma couche, mon lit j’arrose ;
.. 8 est rongé – il vieillit
d’indignation à cause de TOUS
mon œil, MES OPPRESSEURS.
···································································································
+ 9 Éloignez-vous : car il entend : 10 il entend : YHWH + 11 qu’ils rougissent + qu’ils reculent,
de moi,
TOUS-LES FAISANT
L’INIQUITÉ
YHWH YHWH ma prière
la voix ma supplication, il accueille ;
de mon pleur,
ET SOIENT TERRIFIÉS
BEAUCOUP
TOUS-MES ENNEMIS,
qu’ils rougissent
soudain !
La première partie se développe en deux temps. Ce sont d’abord deux impératifs négatifs où le psalmiste demande au Seigneur de ne pas le châtier (2) ; ce sont ensuite deux demandes positives (3a.3c), motivées par une raison introduite par « car » (3b.3d-4a). « Je dépéris » de 3b est ensuite développé par les deux derniers membres du trimembre suivant : le dépérissement est non seulement celui du corps mais aussi celui de l’esprit. La deuxième partie est encadrée par les deux seules questions du texte (4b.6). Entre les deux, trois requêtes adressées à « Yhwh ». Le dernier segment (6) explicite clairement ce qui est en jeu, « la mort » du psalmiste qui par consé-
Le psaume 6
71
quent ne pourrait pas rendre grâce au Seigneur. On comprend alors que le « jusqu’à quand » de la première question signifie « jusqu’à la mort ». Dans le premier morceau de la dernière partie (7-8) le psalmiste expose les méfaits que lui causent ses « oppresseurs » : « gémissement » qui le fait fondre en « larmes » chaque nuit (7), « indignation » qui fait vieillir prématurément son « œil » (8). Aux extrémités du second morceau à l’ordre donné aux méchants de s’éloigner (9a) correspondent les souhaits que ses « ennemis » soient châtiés (11). « Qu’ils reculent » au début du dernier membre (11b) rappelle « Éloignezvous » au début du premier membre (9a). « Tous les faisant l’iniquité » et « tous mes ennemis » font inclusion (9a.11a). Introduit par « car », le segment central donne la raison, triplement affirmée, de l’injonction initiale. « Tous mes oppresseurs » (8b) et « tous les faisant l’iniquité » (9a) jouent le rôle de termes médians qui agrafent les deux morceaux. Les parties extrêmes sont de facture semblable. Dans les derniers morceaux (3-4a ; 9-11) le psalmiste s’adresse d’abord au Seigneur pour obtenir son aide, puis à ses ennemis pour qu’ils s’éloignent et soient châtiés ; chaque fois, les demandes sont suivies d’une motivation introduite par « car » (3b.3d-4a ; 9b10ab). Les trois occurrences de « être terrifié » et les deux de « beaucoup » jouent le rôle de termes finaux pour ces deux parties (3d-4a ; 11a). La relation entre les premiers morceaux ne saute pas aux yeux ; aucune reprise lexicale ne la soutient, à moins de considérer que « indignation » (8a)7 est un synonyme de « colère » et « fureur » (2ab), ou en tout cas que le couple « gémissement » – « indignation » (7a.8a) correspond au couple « colère » – « fureur » (2). La logique des deux parties semble la suivante : la « colère » et la « fureur » de Dieu contre le psalmiste (2) l’incite à faire appel à la pitié de celui qui peut le guérir (3-4a) ; le « gémissement » et l’« indignation » du psalmiste contre ses ennemis (7-8), le pousse à appeler sur eux le châtiment divin (9-11). Ce qui laisserait entendre que la colère de Dieu se manifeste dans l’oppression que font peser sur le psalmiste ses ennemis. On pourra noter que « mon âme » revient dans les deux premières parties (4a.5b), que dans les deux dernières parties « reviens » (5a) et « qu’ils reculent » (11b) traduisent le même verbe šûb et que dans les parties extrêmes « aie-pitié » (3a) et « supplication » (10a) sont de même racine ḥnn.
CONTEXTE « YHWH NE ME CHÂTIE PAS DANS TON COURROUX » Le Ps 38 commence par le même segment que le Ps 6, à une variante près : « ton courroux » au lieu de « ta colère ». S’ensuit une confession des péchés (46), qui est totalement absente du Ps 6. 7
Le terme hébreu ka‘as est souvent traduit par « chagrin ».
72
La première section (Ps 1–18)
« DANS LE SCHÉOL QUI TE LOUERAIT ? » Le thème se retrouve en particulier dans le Ps 88 : 11
« Pour les morts fais-tu des merveilles, les ombres se lèvent-elles pour te rendre grâce ?
12
Parle-t-on de ton amour dans la tombe, de ta vérité au lieu de perdition ? 13
Connaît-on dans la ténèbre tes merveilles et ta justice au pays de l’oubli... ? »
De même dans le cantique d’Ézéchias : 18
Ce n’est pas le schéol qui te rend grâce, ni la mort qui te célèbre. Ils n’espèrent plus en ta fidélité, ceux qui descendent dans la fosse. 19
Le vivant, le vivant lui seul te rend grâce, comme moi aujourd’hui (Is 38,18-19).
« ÉLOIGNEZ-VOUS DE MOI... » Le premier membre du dernier morceau du Ps 6 est cité par Matthieu à la fin du Discours sur la montagne (Mt 7,23) et par Luc au centre du premier passage de la quatrième séquence de la montée à Jérusalem8. INTERPRÉTATION « NE ME CHÂTIE PAS » Même si le psalmiste n’avoue formellement aucune faute, le fait qu’il demande au Seigneur de ne pas le châtier (2) laisse entendre qu’il se reconnait implicitement coupable de quelque péché. Le châtiment dont il parle n’est autre que celui qu’il expérimente chaque nuit dans les gémissements, les larmes et l’indignation (7-8). Ce sont ses « oppresseurs » qui le lui infligent, mais il l’interprète comme envoyé, ou tout au moins permis par Dieu. Et c’est pourquoi c’est à son Seigneur qu’il demande d’avoir pitié (3-4a). DANGER DE MORT Si le psalmiste se fait tellement insistant dans sa supplication, au point qu’elle occupe tout l’espace des deux premières parties, c’est qu’il « dépérit », c’est que le mal dont il réclame d’être guéri le portera à la mort si le Seigneur n’intervient pas pour le sauver. Le temps presse, et c’est pourquoi il demande « jusqu’à 8
Voir Luc, 2011, 600-603.
Le psaume 6
73
quand », jusqu’à ce qu’il ait été englouti dans le schéol. C’en serait alors fini et pour lui et pour la louange de Dieu. « QU’ILS ROUGISSENT ET SOIENT TERRIFIÉS » Au début le psalmiste évoque le châtiment que le Seigneur lui aurait infligé, à la fin il invoque celui que Dieu fera tomber sur ses ennemis. La terreur qu’ils faisaient peser « beaucoup » sur « les os » et « l’âme » de leur victime (3d-4a) leur retombera tout entière sur la tête (11). Ce sera l’œuvre du Seigneur, lui qui « entend » « la supplication » de son fidèle et « accueille » sa « prière » (9b-10).
3. YHWH ENTEND MA PRIÈRE EN RAISON DE SA FIDÉLITÉ (PS 5–6) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 5
1
Du maitre de chant sur les flûtes, psaume de David.
2
À mes paroles TENDS-L’OREILLE, Yhwh, discerne mon soupir ; 3 SOIS-ATTENTIF à la voix de mon cri, mon Roi et mon Dieu, car vers toi JE PRIE. 4 Yhwh, au matin TU ENTENDS ma voix, au matin je me prépare pour toi et j’attends. 5
Oui, pas un Dieu agréant LA MÉCHANCETÉ, toi, ne séjourne pas chez toi LE MAL ; ne tiennent pas LES ARROGANTS devant tes yeux ; tu hais TOUS LES FAISANT L’INIQUITÉ ; 7 tu fais périr LES DISEURS DE MENSONGE, L’HOMME DE SANG ET DE FRAUDE, le déteste Yhwh. 6
8
Et moi, pour l’abondance de TA FIDÉLITÉ, je viens dans ta maison, je me prosterne vers le Temple de ta sainteté dans ta crainte ; 9 Yhwh, guide-moi dans ta justice, à cause de MES ADVERSAIRES aplanis devant moi ton chemin. Oui, il n’est pas dans leur bouche de sureté, leur intérieur est DESTRUCTIONS ; SÉPULCRE ouvert leur gosier, leur langue est-gluante. 11 Dis-les-coupables, Dieu, qu’ils tombent dans leurs projets ; pour l’abondance de LEURS PÉCHÉS chasse-les, car ILS SE SONT RÉVOLTÉS contre toi. 10
12
Et se réjouiront TOUS LES S’ABRITANT EN TOI, à jamais ils exulteront ; et tu les protèges et jubileront en toi LES AIMANT TON NOM 13 car toi, tu bénis LE JUSTE, Yhwh, comme un bouclier de ta faveur tu l’entoures.
Ps 6 1 Du maitre-de-chant sur les cordes sur l’octacorde,
psaume de David.
2
Yhwh, ne me châtie pas dans ta colère, et ne me reprends pas dans ta fureur. Aie-pitié de moi, Yhwh, car je dépéris, moi ; guéris-moi, Yhwh, car sont terrifiés mes os, 4 et mon âme est terrifiée beaucoup. 3
Et toi, Yhwh, jusques à quand ? 5 Reviens, Yhwh, délivre mon âme, sauve-moi en raison de TA FIDÉLITÉ. 6 Car pas dans LA MORT ton souvenir, dans LE SCHÉOL, qui te louerait ? 7
Je m’épuise en gémissement, je baigne chaque nuit ma couche, de mes larmes mon lit j’arrose ; 8 s’affaiblit d’indignation mon œil, il vieillit à cause de TOUS MES 9 OPPRESSEURS. Éloignez-vous de moi, TOUS-LES FAISANT L’INIQUITÉ car IL ENTEND Yhwh la voix de mon pleur ; 10 IL ENTEND Yhwh ma supplication, Yhwh MA PRIÈRE accueille ; 11 qu’ils rougissent et soient terrifiés beaucoup TOUS-MES ENNEMIS, qu’ils reculent, qu’ils rougissent soudain !
La séquence 5–6
75
Au début du premier psaume le psalmiste supplie le Seigneur d’« écouter » sa prière : « À mes paroles tends-l’oreille », « discerne mon soupir » (5,2), « soisattentif à la voix de mon cri », « vers toi je prie » (3), « tu entends ma voix » (4). À la fin du second il témoigne que son Dieu l’« entend » : « il entend la voix de mon pleur » (6,9), « il entend ma supplication », « ma prière il accueille » (10). Dans le deuxième psaume ses ennemis sont mentionnés dans la dernière partie, de part et d’autre de son témoignage : « tous mes oppresseurs », « tous les faisant le mal » (8-9a), « tous mes ennemis » (11). Dans le premier psaume c’est dans la partie centrale qu’il est question d’eux : « la méchanceté », « le mal » (5), « les arrogants », « tous les faisant l’iniquité » (6), « les diseurs de mensonge », « l’homme de sang et de fraude » (7), « mes adversaires » un peu plus loin (9), « leurs péchés » et « ils se sont révoltés contre toi » (11). À « destructions » et « sépulcre » dans le premier psaume (5,10) correspond dans le deuxième « mort » et « schéol » (6,6). « Ta fidélité » revient au centre de chaque psaume (5,8 ; 6,5), jouant le rôle de termes centraux. Quant à « tous les s’abritant en toi » accompagnés de « les aimant ton nom » et « le juste » (5,1213), avec leurs opposés, « tous mes oppresseurs », « tous les faisant l’iniquité », « tous mes ennemis » (6,8-11) ils remplissent la fonction de termes finaux. Les deux psaumes sont complémentaires. Ils commencent tous deux par une supplication, mais tandis que dans le premier le psalmiste demande à Dieu de l’écouter (5,2-4), dans le deuxième il demande son aide, mettant en avant sa misère (6,2-4a). Le premier insiste sur la méchanceté des ennemis, le second sur l’oppression que souffre le psalmiste. Le premier s’achève sur la jubilation de « tous ceux qui s’abritent » dans le Seigneur (5,12-13), l’autre sur le châtiment que subiront « tous les faisant l’iniquité » (9a.11).
INTERPRÉTATION Les deux psaumes jouent de concert, l’un « sur les flutes », l’autre « sur les cordes ». DIEU ÉCOUTE Tout commence par une supplication où le psalmiste demande au Seigneur avec insistance de tendre l’oreille à ses paroles, d’être attentif à son cri (5,2-3) ; mais dans la foulée, celui qui a crié reconnait qu’au matin son Dieu écoute sa voix (4). Cette déclaration adressée à Dieu est reprise à la fin du second psaume, mais cette fois-ci devant ses oppresseurs, comme un témoignage sur lequel s’appuie l’injonction qu’il leur fait de s’éloigner et qui justifie la malédiction finale qu’il invoque sur eux.
76
La première section (Ps 1–18)
LA FIDÉLITÉ DU SEIGNEUR Si le Seigneur écoute, c’est qu’il est fidèle à l’alliance par laquelle il s’est engagé irrévocablement. Sa fidélité est le point d’appui qui permet à ceux qui s’abritent en lui, à ceux qui aiment son nom de soulever le monde de souffrance que font peser sur eux tous ceux qui font l’iniquité et persécutent le juste. La fidélité de Dieu est évoquée tout près de « la mort » et non loin du « sépulcre » ; sans doute parce que seule elle est capable d’en préserver et de rendre à la vie celui qui fait fond sur elle. BÉNÉDICTION ET MALÉDICTION Les flutes sont légères et accompagnent comme naturellement la joie, l’exultation, la jubilation, la bénédiction sur laquelle débouche avec la plus grande allégresse le premier psaume. Les cordes au contraire semblent plus accordées à la douleur et à la gravité de la situation que dépeint la fin du second psaume où le psalmiste intime à ses oppresseurs l’ordre de s’éloigner de lui et surtout appelle sur eux la malédiction de la honte et de la terreur.
D. MAGNIFIQUE EST LE NOM DU TRÈS-HAUT La quatrième séquence : Ps 7–8 1. LE PSAUME 7 TEXTE 1
Lamentation de David qu’il chanta à Yhwh concernant les paroles de Kush le Benjaminite. Yhwh mon Dieu, en toi je m’abrite, sauve-moi de tous mes persécuteurs et délivre-moi, 3 de peur qu’il ne lacère comme un lion mon âme, arrachant, et il n’y a pas de délivrant. 4 Yhwh mon Dieu, si j’ai fait cela, s’il y a de la perversion sur mes paumes, 5 si j’ai rétribué mon allié 6 que poursuive un ennemi mon âme et avec le mal et secouru mon oppresseur à tort, l’atteigne et qu’il écrase sur la terre ma vie et ma gloire sur la poussière qu’il fasse-habiter ! 7 Lève-toi, Yhwh, dans ta colère, dresse-toi contre les fureurs de mes oppresseurs et réveilletoi pour moi, la défense ordonne ; 8 et l’assemblée des nations t’entourera et au-dessus d’elle là-haut retourne, 9 Yhwh arbitrera des peuples. Défends-moi, Yhwh, selon ma justice et selon mon intégrité à moi. 10 Finisse donc le mal des méchants et affermis le juste. Et sondant les cœurs et les reins, le Dieu juste ; 11 mon bouclier en Dieu, sauvant les droits de cœur ; 12 Dieu jugeant le juste et Dieu menaçant chaque jour. 13 S’il ne revient, son épée il affûte, son arc il bande et l’affermit ; 14 et pour lui il apprête les engins-de mort, de ses flèches des brandons il a fait. 15 Voici il conçoit l’iniquité et il porte la peine et il enfante le mensonge. 16 Une fosse il a ouvert et il la creuse, et il tombera dans le trou qu’il a fait ; 17 reviendra sa peine sur sa tête et sur son crâne sa violence retombera. 18 Je rendrai-grâce à Yhwh selon sa justice et psalmodierai le Nom de Yhwh le Très-Haut. 2
V. 1
: « LAMENTATION »
Le sens du premier terme, šiggayôn, n’est pas clair. Il ne se retrouve, au pluriel, qu’en Ha 3,1. Il a été rapproché de l’akkadien šigû, « lamentation ». V. 1
: « LES PAROLES DE KUSH LE BENJAMINITE »
Le personnage est inconnu. De la tribu de Benjamin comme Saül, il est probable qu’il s’agisse d’un ennemi de David. V. 3
: « DE PEUR QU’IL NE LACÈRE »
Le singulier a gêné certains commentateurs qui traduisent par un pluriel s’accordant avec « mes persécuteurs » ; le singulier est appelé par « un lion ». V. 5AB : « ET SECOURU MON OPPRESSEUR À TORT
»
« Mon allié » traduit le participe actif de šālam, dont c’est le seul emploi dans la bible hébraïque ; il signifie littéralement « celui qui est en paix avec moi ». Le
78
La première section (Ps 1–18)
second membre est une crux interpretum et a donc été interprété de diverses manières, la plupart du temps moyennant quelque correction1. Il est possible de comprendre que le second membre donne la raison du premier et c’est ainsi que Tournay traduit : « Si j’ai fait du tort à mon allié en épargnant sans raison mon adversaire »2. V. 7C
: « LA DÉFENSE ORDONNE »
Le verbe est interprété comme un parfait précatif ; il est donc rendu par un impératif. V. 8B
: « ET AU-DESSUS D’ELLE LÀ-HAUT RETOURNE »
Après avoir exercé le jugement sur la terre au milieu des nations (8a), le Seigneur retourne dans sa demeure céleste. V. 13A : «
S’IL NE REVIENT »
Le syntagme ’im-lō’ yāšûb est compris de diverses manières3. Certains considèrent que ’im-lō’ introduit une formule de serment ou d’imprécation4 et traduisent « Vraiment, il revient et aiguise son épée » ou « il aiguise de nouveau son épée »5. Mais ’im peut aussi introduire une conditionnelle et dans ce cas on traduit : « S’il ne revient pas,... », c’est-à-dire s’il ne change pas d’attitude, s’il ne se convertit pas6. C’est ainsi que le Targum interprète, faisant toutefois de Dieu le sujet des verbes qui suivent7. La Septante quant à elle fait du premier syntagme une interpellation adressée aux oppresseurs : « Si vous ne vous convertissez pas », et considère elle aussi que le sujet des actions suivantes est le Seigneur.
COMPOSITION Les avis sont très partagés. L’organisation du psaume va du diptyque (2-7 ; 8-18)8 à une division en sept parties9 en passant par trois strophes10 ou quatre
1
Par ex., J.H. TIGAY, « Psalm 7,5 and Ancient Near Eastern Treaties » ; J. LEVEEN, « The Textual Problems of Psalm VII ». 2 R.J. TOURNAY, Le Psautier de Jérusalem, 16-18 ; semblablement aussi la TOB. 3 Pour la discussion, voir par ex. Vesco, 135 ; deClaissé-Walford – al., 116-117. 4 Joüon, 165a. 5 Par ex., Kraus, I, 167 ; Ravasi, I, 166 ; deClaissé-Walford – al., 112. 6 Alonso Schoekel – Carniti, I, 223 ; Lorenzin, 53. 7 C’est la solution adoptée par Vesco, 132. 8 Vesco, 133, suivant Girard. 9 Hakham, I, 24. 10 deClaissé-Walford – al., 110.
79
Le psaume 7
parties11. Cependant, plusieurs sont d’accord sur certaines limites : 2-6 (subdivisé souvent en 2-3 et 4-6), 15-17 comme réflexion sapientielle, 18 comme promesse de louange conclusive. Après le titre (1) et avant la conclusion (18), le corps du psaume s’organise en trois parties : comptant chacune onze membres, les parties extrêmes opposent le psalmiste (2-6) et son oppresseur (13-17) : l’un clame son innocence et appelle le mal qu’il aurait fait à lui retomber sur la tête, ce qui arrivera inexorablement à l’autre. Au centre (7-12), une partie plus développée (seize membres) qui appelle le jugement de Dieu. LA PREMIÈRE PARTIE (2-6) + 2 YHWH + sauve-moi
MON DIEU, de tous
en toi
– 3 de peur qu’il ne lacère – arrachant,
comme un lion et il n’y a pas
MON ÂME, de délivrant.
MES PERSÉCUTEURS
je m’abrite, et délivre-moi,
····························································································································· 4
+ YHWH + s’il y a
MON DIEU,
de la perversion
si j’ai fait sur mes paumes,
+ 5 si j’ai rétribué + et secouru
mon allié mon oppresseur
avec le mal, à tort,
– 6 QUE POURSUIVE – et qu’il écrase – et ma gloire
un ennemi sur la terre sur la poussière
MON ÂME
cela,
et l’atteigne
ma vie qu’il fasse-habiter !
Le premier morceau comprend d’abord un segment formé d’une confession de foi (2a) et d’une double requête (2b). Le second segment dépend syntaxiquement du premier car c’est une finale négative (3a) suivie de deux participes, positif puis négatif (3b). Les deux segments s’achèvent par le même verbe « délivrer ». Le deuxième morceau lui aussi ne comporte qu’une seule phrase complexe. Ce sont d’abord quatre conditionnelles réparties en deux bimembres (4-5), puis trois principales coordonnées (6). Les vocatifs « Yhwh mon Dieu » jouent le rôle de termes initiaux pour les deux morceaux (2a.4a). On notera la reprise de « mon âme » (3a.6a) et que « mes persécuteurs » et « que poursuivent » sont de même racine (2b.6a).
11
Lorenzin, 69.
80
La première section (Ps 1–18)
LA DEUXIÈME PARTIE (7-12) + 7 Lève-toi, + dresse-toi + et réveille-toi 8
– Et l’assemblée – et au-dessus d’elle – 9 YHWH
YHWH, contre les fureurs pour moi,
LA DÉFENSE
des nations là-haut juge
t’entourera retourne ; les peuples.
dans ta colère, de MES OPPRESSEURS ordonne.
····································································································· :: DÉFENDS-MOI, YHWH, selon MA JUSTICE
:: et selon mon intégrité
à moi ;
10
+ finisse donc + et affermis
le mal DES MÉCHANTS LE JUSTE. ····································································································· .. Et sondant .. le DIEU
les cœurs JUSTE ;
:: 11 mon bouclier :: sauvant
en DIEU, les droits
12
: DIEU : et DIEU
et les reins,
de cœur ;
DÉFENDANT
LE JUSTE
menaçant
chaque jour.
Dans le premier morceau les trois membres du premier segment commencent par un impératif qui demande à Yhwh d’intervenir ; les deux derniers membres sont complémentaires, contre les « oppresseurs » (7b), puis en faveur du psalmiste (7c). Le deuxième segment concerne les « nations » et les « peuples » : leur assemblée sera réunie autour du Seigneur durant le jugement, non pas comme témoin mais comme accusée (8a.9a), après quoi le juge regagnera le ciel. Dans le premier segment du second morceau le psalmiste appelle à l’aide en raison de son innocence ; dans le deuxième segment il souhaite un sort opposé pour « les méchants » et pour « le juste » qu’il est. Tous les verbes du troisième morceau sont des participes, qui énoncent les actions habituelles de Dieu : « juste », il connait ce qu’il y a dans l’homme (10cd), il protège les justes (11), il distingue entre « le juste » qu’il défend et ceux qu’il doit « menacer » (12). Le segment central (11) est le seul que le psalmiste applique à lui-même. « Défendre » revient dans les trois morceaux (7c.9b.12a). « Les méchants » (10a) rappellent « mes oppresseurs » (7b). « Ma justice » et « le juste » dans le morceau central (9b.10b) sont repris pas les deux occurrences de « juste » dans le dernier morceau (10d.12a). Alors que les deux premiers morceaux utilisent le nom de « Yhwh » (7a.9a.9b), c’est le nom de « Dieu » qui revient quatre fois dans le dernier (10d.11a.12a.12b).
Le psaume 7
81
LA TROISIÈME PARTIE (13-17) + 13 S’IL NE REVIENT, + son arc
son épée il bande
il affûte, et l’affermit ;
– 14 et pour lui – de ses flèches
il apprête des brandons
IL A FAIT.
les engins-de mort,
···················································································
:: 15 Voici :: et il porte :: et il enfante
il conçoit
l’iniquité
LA PEINE
le mensonge.
··················································································· 16
+ Une fosse – et il tombera
il a ouvert dans le trou
et il la creuse QU’IL A FAIT ;
– 17 REVIENDRA – et sur son crâne
SA PEINE
sur sa tête retombera.
sa violence
Dans le dernier morceau le premier segment énonce, avec l’image de la « fosse », la loi selon laquelle celui qui prépare le mal pour autrui en est luimême victime (16) ; le deuxième segment reprend et développe le membre précédent dans une composition spéculaire parfaite (17). Le morceau symétrique (13-14) est discuté12 et plusieurs sont d’avis que le sujet des verbes (sauf celui de « il ne revient ») est le Seigneur13. La composition, donc la logique de la partie, montre qu’il s’agit du méchant comme dans les deux morceaux suivants. Dans le premier segment, il prépare les armes qu’il pense utiliser contre autrui, dans le second segment c’est « pour lui » qu’il les « apprête ». Le morceau central énonce de manière proverbiale sa malignité radicale, de la conception de l’iniquité jusqu’à l’enfantement du mensonge. « Il a fait » revient dans les morceaux extrêmes en positions symétriques (14b.16b) ; « peine » au centre du morceau central (15b) est repris dans le dernier morceau (17a).
12
Voir deClaissé-Walford – al., 116-117. Par ex., Delitzsch, 184 ; Ravasi, I, 175 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 234 ; Lorenzin, 70 ; Vesco, 135. Pour Weiser (134), il s’agit au contraire de l’ennemi du psalmiste ; de même pour Kraus (I, 174) et pour Hakham (I, 27). 13
82
La première section (Ps 1–18)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Lamentation de David
qu’il chanta à YHWH
+ 2 YHWH + sauve-moi – 3 de peur qu’il ne lacère – arrachant,
MON DIEU,
de tous comme un lion et personne
concernant les paroles de Kush le Benjaminite. en toi mes persécuteurs mon âme, qui délivre.
je m’abrite, et délivre-moi,
································································································································ MON DIEU, si j’ai opéré cela,
+ 4 YHWH + s’il y a + 5 si j’ai rétribué + et secouru – 6 que poursuive – et qu’il écrase – et ma gloire
+ 7 Lève-toi, + dresse-toi + et réveille-toi – 8 et l’assemblée – et au-dessus d’elle – 9 YHWH
de la perversion mon allié MON OPPRESSEUR
un ennemi sur la terre sur la poussière YHWH, contre les fureurs pour moi : des nations là-haut arbitrera
sur mes paumes, avec LE MAL à tort, mon âme ma vie qu’il fasse-habiter ! dans ta colère, de MES OPPRESSEURS la défense t’environnera RETOURNE, des peuples.
·····························································································
:: Défends-moi, :: et selon mon intégrité + 10 Finisse donc + et AFFERMIS
YHWH, à moi.
selon ma justice
LE MAL
des méchants
le juste.
·····························································································
:: Et il sonde .. le DIEU .. 11 mon bouclier :: qui sauve : 12 DIEU : et DIEU + 13 S’il ne REVIENT, + son arc – 14 et (c’est) pour lui – (que) de ses flèches
les cœurs juste ; en DIEU les droits défend menace son épée il bande qu’il apprête des brandons
et les reins, de cœur ; le juste chaque jour. il affûte, et l’AFFERMIS ; les engins-de mort il a fait.
····················································································
:: 15 Voici :: et il porte :: et il enfante
il conçoit la peine le mensonge.
l’iniquité
····················································································
+ 16 Une fosse – et il tombera – 17 REVIENDRA – et sur son crâne • 18 Je rendrai-grâce • et psalmodierai
il a ouvert dans le trou sa peine sa violence
et il la creuse qu’il a fait ; sur sa tête retombera.
à YHWH le Nom de YHWH
LE TRÈS-HAUT.
selon sa justice
et l’atteigne
ordonne ;
Le psaume 7
83
Peu de vocables sont repris d’une partie à l’autre : « Yhwh » revient huit fois, « Dieu » six fois, ce qui fait un total de quatorze fois (les noms de Dieu sont absents de la partie 13-17). Dans les deux premières parties sont repris « mal » (5a.10a) et « oppresseur(s) » (5b-7b), dans les deux dernières, « retourner » ou « revenir » (le même šûb, 8b ; 13a.17a) et « affermir » (10b.13b). La racine qui revient le plus souvent est celle de « juste » – « justice » (cinq fois), essentiellement dans la partie centrale (9b.10b.10d.12a) mais aussi dans le verset final (18a). Un mouvement analogue marque la première et la dernière partie du corps du psaume. Dans les morceaux extrêmes de la dernière partie, le mal que prépare le méchant contre son prochain, c’est pour lui-même qu’il le prépare ; dans le deuxième morceau de la première partie le psalmiste proteste de son innocence en souhaitant que, s’il avait commis quelque mal, un mal bien pire lui retombe sur la tête.
CONTEXTE L’APOLOGIE DE JOB (JB 31) Après les longues discussions entre Job et ses amis (Jb 3–27), Job achève sa conclusion par une longue apologie où il clame son innocence à grand renfort de serments imprécatoires, dont voici les deux premiers : 7
Si mes pas ont dévié du droit chemin, si mon cœur fut entrainé par mes yeux et si une souillure adhère à mes mains, 8 qu’un autre mange ce que j’ai semé et que soient arrachées mes jeunes pousses !
9
Si mon cœur fut séduit par une femme, si j’ai épié à la porte de mon prochain, 10 que ma femme se mette à moudre pour autrui, que d’autres aient commerce avec elle...
« JUSTICE DES CIEUX S’EST PENCHÉE » (PS 85,12B) « Justice » est présentée plusieurs fois comme un des attributs divins : Justice et jugement sont l’appui de son trône, fidélité et vérité précèdent sa face (Ps 98,15).
Au cœur de la dernière partie du Ps 85 (10-14), « justice » en arrive à ressembler plutôt à un nom de Dieu : 12
Fidélité car justice
de la terre des cieux
germera s’est penchée.
84
La première section (Ps 1–18)
Dans le verset précédent la même « fidélité » rencontre l’« amour » divin, et la même « justice » embrasse la « paix » des hommes. 11
Amour justice
et fidélité et paix
se sont rencontrés se sont embrassées14.
INTERPRÉTATION LA JUSTICE Le psaume s’achève dans l’action de grâce pour la justice de Dieu et le psalmiste ajoute qu’il chante « le nom de Yhwh le Très-haut ». Comme si « justice » était le nom propre de Dieu. La justice de Dieu se révèle quand le mal que l’impie préparait contre son prochain se retourne contre lui, quand il périt par les engins de mort qu’il fourbissait pour frapper les autres (13-14), quand il tombe dans la fosse qu’il avait creusée pour capturer sa proie (16-17). La justice de l’homme, celle selon laquelle le psalmiste demande d’être jugé (9b) est très exactement l’opposé des intentions et des actes du méchant. C’est de ne pas payer son allié par le mal, c’est aussi de ne pas secourir son ennemi aux dépens d’autrui (5). C’EST DIEU QUI JUGE Le psalmiste renonce à se faire justice lui-même. Dès le début il s’en remet au Seigneur pour le délivrer de tous ses persécuteurs (2). Il s’en remet à lui comme le seul capable d’établir sa justice et se soumet par avance à son jugement (4-6) ; c’est à lui qu’il fait appel pour le défendre face à tous (7-9). En effet, qui sonde les cœurs et les reins sinon le Dieu juste (10cd) ? Personne d’autre que lui ne peut le protéger et menacer les méchants (12). DE LA SUPPLICATION À L’ACTION DE GRÂCE De manière classique, l’action de grâce finale (18) fait pendant à la supplication initiale (2) qui se poursuit en réalité jusqu’au cœur du psaume (10ab). On pourrait être tenté d’interpréter le dernier verset comme une promesse conditionnelle : « Je rendrai grâce au Seigneur s’il exauce ma prière ». Cette vue n’est guère soutenable après la longue confession de foi qui précède. La certitude que le psalmiste déploie, une fois le centre du psaume dépassé, laisse entendre qu’il est sûr d’être sauvé et qu’il pourra offrir les sacrifices d’action de grâce en chantant la justice du Très-Haut.
14
Voir R. MEYNET, « L’enfant de l’amour (Ps 85) », 850-853.
2. LE PSAUME 8 TEXTE 1
2 Yhwh notre Seigneur, Du maitre-de-chant, sur la guittite, psaume de David. qu’est magnifique ton nom par toute-la terre ! (Toi) qui as donné ta majesté sur les cieux 3 par la bouche d’enfants et de nourrissons, tu as fondé une force en réponse à tes oppresseurs pour réduire ennemi et vindicatif. 4 Oui, je vois tes cieux, œuvres de tes doigts, la lune et les étoiles, lesquelles tu affermis. 5 Qu’est l’homme que tu t’en souviennes et le fils d’adam que tu t’en soucies ? 6 Tu le fais moindre de peu que Dieu, de gloire et splendeur tu le 7 Tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tout tu as mis dessous ses pieds : couronnes. 8 brebis et bœufs eux-tous et aussi bêtes des champs ; 9 oiseaux des cieux et poissons de la mer traversant les sentiers des mers. 10 Yhwh notre Seigneur, qu’est magnifique ton nom par toute-la terre !
V. 1
: « LA GUITTITE »
Cette indication revient aussi dans le titre des Ps 81 et 84. Les antiques versions ainsi que le midrash font dériver le mot du substantif gat, « pressoir », d’autres du nom propre Gat et pensent qu’il s’agit d’un instrument de musique ou d’un air lié à cette ville1. V. 2C
: « (TOI) QUI DONNES... »
C’est là une crux interpretum célèbre qui a donné lieu à bien des discussions et corrections2. Le texte massorétique intègre ce membre au verset 2, le considérant donc lié syntaxiquement à ce qui précède. Il n’est pas fréquent qu’une phrase commence par le pronom relatif ’ăšer, mais cela arrive dans les textes poétiques : « Ce que nous avons entendu et appris, ce que nos pères nous ont raconté, nous ne le cacherons pas à leurs fils » (Ps 78,3 ; voir aussi Jb 5,5 ; 9,15) ; surtout Jb 37,17 : « (Toi) dont les habits sont trop chauds, quand la terre s’alanguit sous le vent du midi, l’assistais-tu pour laminer les nues... » (TOB). C’est ainsi qu’ont compris Jérôme et le Targum. V. 6
: « TU LE FAIS MOINDRE DE PEU QUE DIEU »
La Septante et le Targum traduisent ’ĕlōhîm par « anges », sans doute pour préserver la dignité et l’unicité de Dieu.
1 2
Voir, par ex., Ravasi, I, 191 ; Vesco, 137, nt. 1. Voir HALOT, 1760-1761 ; Ravasi, I, 192-194.
86
La première section (Ps 1–18)
COMPOSITION Tous reconnaissent l’inclusion formée par la reprise identique à la fin (10) de l’introduction (2ab), notant même que seuls ces segments utilisent la première personne du pluriel (« notre maitre »). Pour le corps du psaume certains le divisent en deux (2c-5 ; 6-9)3. Alonso Schoekel – Carniti remarque que le mâ exclamatif des extrémités (litt ; « que magnifique... ! ») trouve un écho avec le mâ interrogatif du centre (« Quoi l’homme »)4. Girard comme Auffret proposent une composition concentrique autour de la question de 55. Les courtes parties extrêmes sont identiques (2ab ; 10). Autour de la partie centrale occupée par la question de 5 et sa réponse, ce sont deux parties parallèles entre elles (2c-4 ; 7-9). Le premier morceau de la deuxième partie (2b-3) forme une seule phrase complexe : une relative (2c-3a) qualifie le sujet du verbe de la principale (« tu as fondé »), laquelle est suivie par une finale (3c). Les premiers membres des deux segments mettent en parallèle la « majesté » et la « force » que le Seigneur a établies « sur les cieux » et « en réponse à (s)es oppresseurs » ; les seconds membres opposent deux couples, celui des « enfants » et « nourrissons » et celui de « l’ennemi » et du « vindicatif ». Le second morceau (4) qui commence comme le premier avec « les cieux », décrit leur « majesté » qui se révèle avec les astres. Dans la partie symétrique le second morceau (8-9) détaille « les œuvres de ses mains » que le Seigneur a mises sous les pieds de l’homme (7), à savoir l’ensemble des animaux qui sont sur la terre (8), dans « les cieux » (9a) et dans la mer (9bc). Ces deux parties sont construites de manière analogue, le deuxième morceau détaillant le contenu de ce dont parle le premier morceau. Dans le premier cas « les œuvres des doigts » (4b) du Seigneur sont les astres, dans l’autre « les œuvres de (s)es mains » (7a) sont les animaux. On notera que « les cieux » revient en 2c, 4a et 9a et que dans les premiers morceaux à « donner » et « fonder » (2c.3b) correspondent « établir » et « mettre » (7ab). Au centre, la seule question du psaume (5) ainsi que sa réponse (6). Il n’est en effet pas rare que « la question au centre » soit accompagnée de sa réponse, par exemple Lc 3,12-13 au centre du passage 3,10-14 ; Am 6,12 au centre de la séquence 6,8-146. « Tout » en ses différentes formes revient dans les parties extrêmes (2b.10b) et dans l’avant-dernière partie, en termes médians des deux morceaux (7b.8a). « Qu’est » marque les extrémités et le centre (2b.5a.10b). 3
Ravasi, I, 187 (2b-5 : « l’omnipotence divine et l’homme ; 6-9 : le pouvoir humain et Dieu » ; Lorenzin, 71 ; deClaissé-Walford – al., 120. 4 Alonso Schoekel – Carniti, I, 242. 5 Girard, I, 230-231 (2ab ; 2c-4 / 5 / 6-9 ; 10). 6 Voir Traité, 425.427. Autre exemple, Ps 120 : voir Le Psautier. Cinquième livre, 331-332
Le psaume 8 1
Du maitre de chant,
• 2 Yhwh = QU’EST magnifique
sur la guittite,
psaume
notre Seigneur, ton nom par TOUTE-
87 de David.
la terre !
+ (Toi) qui – 3 par la bouche
as donné d’enfants
ta majesté sur LES CIEUX et de nourrissons,
+ tu as fondé – pour réduire
une force ennemi
en réponse à et vindicatif.
tes oppresseurs
···················································································
: 4 Oui, je vois : ŒUVRES
TES CIEUX,
: la lune : lesquelles
et les étoiles tu affermis.
de tes doigts,
• 5 QU’EST • et le fils
l’homme d’adam
que tu t’en souviennes que tu t’en soucies ?
= 6 Tu le fais moindre = de gloire
de peu et splendeur
que Dieu, tu le couronnes.
SUR LES ŒUVRES
de tes mains, ses pieds :
+ 7 Tu l’établis + TOUT tu as mis
dessous
··················································································
: 8 brebis : et aussi ::
9
oiseaux
: et poissons : traversant • 10 Yhwh = QU’EST magnifique
et bœufs bêtes
EUX-TOUS
des champs ;
DES CIEUX
les sentiers
de la mer des mers.
notre Seigneur, ton nom par TOUTE-
la terre !
CONTEXTE MYTHES DE CRÉATION Le début du premier discours de Yhwh en Jb 38, qui semble faire écho à certains mythes de création7, peut éclairer le début du corps du psaume (2c-3) : 7
Voir, par ex., H. CAZELLES, « Note sur le Psaume 8 », 87-88.
88
La première section (Ps 1–18) 4
Où étais-tu quand je fondai la terre ? Parle, si ton savoir est éclairé. 5 Qui en fixa les mesures, le saurais-tu, ou qui tendit sur elle le cordeau ? 6 Sur quel appui s’enfoncent ses socles ? Qui posa sa pierre angulaire, 7 parmi le concert joyeux des étoiles du matin et les acclamations unanimes des Fils de Dieu ? 8 Qui enferma la mer à deux battants, quand elle sortit du sein, bondissante ; 9 quand je mis sur elle une nuée pour vêtement et fis des nuages sombres ses langes ; 10 quand je découpai pour elle sa limite et plaçai portes et verrou ? 11 « Tu n’iras pas plus loin, lui dis-je, ici se brisera l’orgueil de tes flots ! »
Le verset 7 peut être mis en rapport avec Ps 8,3a (« par la bouche d’enfants, de nourrissons ») et les versets 8-11 avec Ps 8,3bc. Ces derniers versets rappellent certains textes ougaritiques où Baal combat et vainc les prétentions de Yam (la mer) et Nahar (le fleuve)8. Et le Psautier lui-même rappelle comment dans « les temps anciens » le Seigneur « brisa sur les eaux les têtes des dragons » et « fracassa les têtes de Léviathan (Ps 74,13-14) ; et de même Ps 89,10-12 : 10
C’est toi qui maitrises l’orgueil de la mer, quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises ; 11 c’est toi qui fendis Rahab comme un cadavre, dispersas tes adversaires par ton bras de puissance. 12 À toi le ciel, à toi aussi la terre, le monde et son contenu, c’est toi qui les fondas.
LE PREMIER RÉCIT DE LA CRÉATION (GN 1) Avec Ps 8,3bc c’est d’abord une allusion probable à la domination divine sur le chaos, « le tohu-bohu » (Gn 1,2). Puis vient la création de la lumière et des astres, entre autres « la lune » et « les étoiles » (Gn 1,14-16 ; Ps 8,4). Vient ensuite la création de l’humain « à l’image » de Dieu (Gn 1,26.28 ; Ps 8,6) et dans la foulée la domination sur les animaux (Gn 1,26.28 ; Ps 8,7-9). LA VRAIE MESURE DE L’HOMME Il ne manque pas de textes qui redimensionnent l’homme à sa juste mesure dans l’univers :
8 Voir la traduction et la réécriture de KTU 1.2.IV dans R. MEYNET, L’analyse rhétorique, 316 ; voir Dahood, I, 50-51.
Le psaume 8
89
15
Oui, les nations sont comme une goutte d’eau au bord d’un seau, Elles comptent comme un grain de poussière dans la balance. Oui, les iles pèsent comme une menue poudre [...] 17 Toutes les nations sont comme rien devant lui, Elles comptent pour lui comme rien du tout et néant (Is 40,15.17 ; trad. Osty).
LES ENFANTS DANS LE TEMPLE Pour justifier les enfants qui l’acclament dans le temple Jésus cite le verset 3 du Ps 8, selon la Septante : 15
Voyant les prodiges qu’il venait d’accomplir et ces enfants qui criaient dans le Temple : « Hosanna au fils de David », les grands prêtres et les scribes furent indignés 16 et ils lui dirent : « Tu entends ce qu’ils disent, ceux-là ! » Jésus leur dit; « Parfaitement ! N’avez-vous jamais lu ce texte : De la bouche des tout-petits et des nourrissons, tu t’es ménagé une louange ? » (Mt 21,15-16).
INTERPRÉTATION NOURRISSONS ET VINDICATIF « Enfants et nourrissons » s’opposent à « ennemi et vindicatif » ; l’agressivité et la violence d’une part, la douceur et l’impuissance de l’autre. Seuls les petits et les humbles sont capables de reconnaitre la majesté du Dieu qui règne sur les cieux et de la chanter. Ses adversaires au contraire, qui se rebellent contre lui, le Seigneur est contraint de leur opposer sa « force » pour les réduire, pour contenir leur violence comme il avait « maitrisé l’orgueil de la mer » en fixant les limites qu’elle ne pourrait pas franchir. Et l’on peut imaginer sans peine que, ce faisant, il met à l’abri de leurs coups les « enfants et nourrissons » qui ne manqueraient pas de subir leur oppression. L’HOMME QUI REGARDE LES ÉTOILES Qui contemple l’immensité des cieux, qui regarde les étoiles innombrables ne peut manquer de prendre une conscience aiguë de son infime petitesse. Déjà du sommet d’une tour ou d’une montagne les autres hommes lui paraissent plus minuscules que les fourmis. Que sera-t-il donc sous le regard de Dieu qui trône au plus haut des cieux ? Moins même qu’« un grain de poussière dans la balance ». À la joie et à l’admiration que l’on peut entendre « de la bouche des enfants, des nourrissons », succède la sidération devant l’infini de la création et l’infini de la petitesse de l’homme. « La vue du cosmos, du monde extraterrestre, rend difficile de croire que l’homme soit important »9.
9
P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 158.
90
La première section (Ps 1–18)
« DE GLOIRE ET D’HONNEUR TU LE COURONNES » À la considération purement humaine qui conduit inexorablement à s’arrêter à l’infimité humaine dans l’avilissement, un regard de foi répond de manière paradoxale. Le grain de poussière est à peine moindre que Dieu lui-même ; le Seigneur en fait un roi à son image, couronné de « gloire et de splendeur ». Le centre du psaume marque un bond non mesurable de l’infimité de l’humain à l’infinité de sa vocation divine. « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa » (Gn 1,27). LE ROI DES ANIMAUX Nouvelle surprise : couronné au-dessus de « toute chose », l’homme, en réalité littérale, n’a pouvoir que sur les bêtes. Dominé par les astres, dominant les animaux — la sagesse divine place l’homme sur cette ligne médiane très fine. La sagesse moderne, elle, trouverait plutôt que c’est peu « de gloire et d’honneur » et ne voit pas grand-chose de royal à cette position10.
Le premier récit de la création insiste pourtant, par deux fois, sur la maitrise que l’homme est appelé à exercer sur les animaux, ceux qui sont sur la terre, et même ceux qui nagent dans les mers et volent dans les cieux, les animaux qu’il aura domestiqués comme les « brebis et les bœufs » et les animaux sauvages, « les bêtes des champs ». Ce même récit, en disant que Dieu donne à l’homme et aux animaux une nourriture végétale, laisse entendre que l’homme ne tue pas les animaux pour les manger, et que ces derniers pas davantage n’ont pas besoin de s’entredéchirer pour se nourrir. La violence n’est pas au programme ; l’homme commande aux animaux par la seule parole, par la douceur. Un tel programme, utopique, ne durera pas, dès que le fils ainé d’Adam aura tué son frère. Alors, depuis le déluge, c’est par la violence que l’homme domine les animaux (Gn 9,2-3) : 2
Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains 3 Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes.
En réalité, l’homme a perdu la royauté sur les animaux. Aujourd’hui le roi des animaux est le lion, celui qui déchire et qui dévore l’antilope. Privé par sa violence de sa maitrise sur les animaux, l’homme finit par être dominé par sa propre animalité, en imitant la conduite du lion. « Ainsi, conclut l’ancien, le pouvoir sur les animaux qui te parait peu de chose est celui que, marchant pourtant sur un astre, tu n’as pas. Tu l’as peut-être moins que jamais »11.
10 11
P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 159. P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 160.
Le psaume 8
91
« Ô SEIGNEUR, NOTRE MAITRE, QU’IL EST GRAND TON NOM SUR TOUTE LA TERRE » Il ne faudrait pas oublier la double exclamation qui étreint le psaume dans son admiration étonnée. Le « nom » « grand », « magnifique » qui est acclamé en commençant et en concluant est, bien sûr, celui de « Yhwh », le nom propre du Dieu d’Israël, le Dieu créateur du ciel et de la terre, créateur surtout de l’homme, du fils d’Adam. Mais à ce nom premier est accolé celui de « notre Maitre ». Et c’est peut-être en tant que tel que Yhwh est si hautement loué. La maitrise que l’homme a reçue sur les œuvres des mains de Dieu, la couronne dont il a été ceint lui vient de celui d’où procède toute maitrise, non seulement sur les animaux, mais aussi sur les puissances infernales comme sur la lune et les étoiles. Si la réalité actuelle montre que l’homme a perdu la domination sur les animaux, le Seigneur n’a pas renoncé à son projet initial et il reste le « Maitre » dont la maitrise continuer à s’offrir par la douceur.
3. MAGNIFIQUE EST LE NOM DU TRÈS-HAUT (PS 7–8) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 7,1 Lamentation de David qu’il chanta à Yhwh concernant les paroles de Kush le Benjaminite. 2
YHWH MON DIEU, en toi je m’abrite, sauve-moi de tous MES PERSÉCUTEURS et délivre-moi, 3 de peur qu’il ne lacère comme UN LION mon âme, arrachant, et il n’y a pas de délivrant. 4 YHWH MON DIEU, si j’ai fait cela, s’il y a de la perversion sur mes paumes, 5 si j’ai rétribué mon allié avec le mal et secouru MON OPPRESSEUR à tort, 6 que poursuive UN ENNEMI mon âme et l’atteigne et qu’il écrase sur LA TERRE ma vie et ma gloire sur la poussière qu’il fassehabiter ! 7
Lève-toi, Yhwh, dans ta colère, dresse-toi contre les fureurs de MES OPPRESSEURS, 8 et réveille-toi pour moi, la défense ordonne ; et l’assemblée des nations t’entourera, et au-dessus d’elle là-haut retourne, 9 Yhwh arbitrera des peuples. Défends-moi, Yhwh, selon ma justice et selon mon intégrité à moi. Finisse donc le mal des MÉCHANTS, et AFFERMIS le juste.
10
Et sondant les cœurs et les reins, le Dieu juste ; 11 mon bouclier en Dieu, droits de cœur ; 12 Dieu jugeant le juste et Dieu menaçant chaque jour.
sauvant les
13
S’il ne revient, son épée il affûte, son arc il bande et L’AFFERMIS ; 14 et pour lui il apprête les engins-de mort de ses flèches des brandons il a fait. 15 Voici il conçoit l’iniquité, et il porte la peine, et il enfante le mensonge. 16 Une fosse il a ouvert et il la creuse, et il tombera dans le trou qu’il a fait ; 17 reviendra sa peine sur sa tête, et sur son crâne sa violence retombera. 18
Je rendrai-grâce à Yhwh selon sa justice,
et psalmodierai le Nom de Yhwh le Très-Haut.
Ps 8,1 Du maitre-de-chant sur la guittite, psaume de David. 2
YHWH NOTRE MAITRE,
qu’est magnifique ton nom par toute-LA TERRE !
(Toi) qui as donné ta majesté sur les cieux 3 par la bouche d’enfants et de nourrissons, tu as fondé une force en réponse à TES OPPRESSEURS pour réduire ENNEMI et VINDICATIF. 4 Oui, je vois tes cieux, œuvres de tes doigts, la lune et les étoiles, lesquelles TU AFFERMIS. 5 6
Qu’est l’homme que tu t’en souviennes et le fils d’adam que tu t’en soucies ? Tu le fais moindre de peu que Dieu, de gloire et splendeur tu le couronnes.
Tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tout tu as mis dessous ses pieds : 8 brebis et bœufs eux-tous et aussi BÊTES DES CHAMPS ; 9 oiseaux des cieux et poissons de la mer traversant les sentiers des mers. 7
10
YHWH NOTRE MAITRE,
qu’est magnifique ton nom par toute-LA TERRE !
La séquence 7–8
93
« Yhwh mon Dieu » (7,2) et « Yhwh notre maitre » (8,2) remplissent la fonction de termes initiaux, « le nom » (7,18) et « ton nom » (8,10) de termes finaux, « le nom » (7,18) et « ton nom » (8,2) de termes médians. « Oppresseurs » et « ennemi » de 7,5-6 reviennent dans le même ordre en 8,3 ; « affermir » en 7,10.13 et 8,4. À « lion » (7,3) correspondent « bêtes des champs » (8,8). On notera aussi la reprise de « terre » en 7,6 et en 8,2.10. La violence est présente tout au long du premier psaume, en particulier au début avec les « persécuteurs » et « le lion » qui « lacère » et « déchire » (7,3) et à la fin avec l’image de la chasse au fauve que suppose « la fosse » (7,16-17). Ce thème est repris, en opposition à la douceur, au début du second psaume avec « oppresseurs », « ennemi » et « vindicatif » (8,3) et à la fin il transparait en négatif derrière la domination sur les animaux (8,7-9).
INTERPRÉTATION LE PROGRAMME... Le deuxième psaume rappelle la vocation de l’homme, le programme que le Seigneur lui avait proposé, la royauté sur la création, la domination des animaux par la douceur, la maitrise de sa propre animalité, la simplicité et l’émerveillement des enfants et des nourrissons devant la beauté de la création, devant la lune et les étoiles. En somme, une véritable image de Dieu, couronnée de gloire et de splendeur. ... ET LA RÉALITÉ En face de ce programme utopique, la réalité fait peur. Le psalmiste se trouve attaqué par ses persécuteurs qui, tel le lion, lui donnent la chasse, qui ouvrent sous ses pas une fosse pour le capturer et le dévorer. Il clame son innocence, celle justement de celui qui répond à sa vocation première, mais il reste en butte à celui qui fourbit ses armes pour le tuer. Toutefois, il ne perd pas confiance en celui qui, il en est sûr, le délivrera et ainsi il pourra rendre grâce et psalmodier pour la justice du Très-Haut.
E. LA FIDÉLITÉ DE DAVID S’APPUIE SUR LA FIDÉLITÉ DE DIEU L’ensemble de la première sous-section (Ps 1–8) COMPOSITION Chaque séquence comprend deux psaumes. L’ensemble des quatre séquences est organisé de manière spéculaire.
HEUREUX
qui s’abrite
DANS LE SEIGNEUR
Ps 1–2
YHWH RÉPOND
à mon appel
à cause de ma fidélité
Ps 3–4
YHWH ENTEND
ma prière
en raison de sa fidélité
Ps 5–6
MAGNIFIQUE
est le nom
DU TRÈS-HAUT
Ps 7–8
En outre, la première séquence (1–2) et la dernière (7–8) se correspondent de manière spéculaire (le Ps 1 avec le Ps 8 et le Ps 2 avec le Ps 7). De même, la deuxième séquence et la troisième (le Ps 3 avec le Ps 6 et le Ps 4 avec le Ps 5). Du point de vue quantitatif, voici les comptes en nombre de signes du texte hébreu translitéré, espaces compris1. 1re séquence Ps 1 : Ps 2 :
2e séquence
3e séquence 770 569
436 634
Ps 3 : 451 Ps 4 : 506
Ps 5 : Ps 6 :
Total : 1 070
Total : 957
Total : 1 339
4e séquence Ps 7 : Ps 8 : Total :
969 554 1 523
On remarquera que le deuxième versant est plus développé que le premier ; que les seconds psaumes des deux premières séquences sont plus longs que les premiers et que c’est l’inverse pour les deux dernières séquences.
1
Sans les numéros des versets, avec les qeré (sauf pour « Yhwh »).
96
La première section (Ps 1–18)
LES SÉQUENCES EXTRÊMES (1–2 ET 7–8) Ps 1
1
Heureux L’HOMME qui ne marche pas dans le conseil des MÉCHANTS et dans le chemin des ne s’arrête et dans le cercle des MOQUEURS ne siège ; 2 car au contraire dans la Loi de Yhwh est son plaisir et dans sa Loi il murmure jour et nuit. 3 Et il est comme un arbre planté sur les bords des eaux, qui donne son fruit en son temps et son feuillage ne flétrit pas. Et tout ce qu’il fait, il le fait-réussir. 4 Non ainsi les MÉCHANTS car au contraire comme la bale que chasse le vent. 5 C’est ainsi que ne se dresseront les MÉCHANTS dans le JUGEMENT et les PÉCHEURS dans l’assemblée des justes ; 6 car Yhwh connait le chemin des justes et le chemin des MÉCHANTS se perd. PÉCHEURS
1 Pourquoi frémissent les NATIONS et les PEUPLES murmurent-ils À VIDE ? 2 Se dressent les rois Ps 2 de la terre, les princes se liguent ensemble, contre Yhwh et contre son Oint : 3 « Rompons leurs liens, jetons loin de nous leurs entraves. » 4 Celui qui siège dans les cieux se rit, le Seigneur se moque d’eux. 5 Alors il leur parle en sa COLÈRE et en sa fureur il les épouvante : 6 « C’est moi qui ai investi mon roi, sur Sion, la montagne de ma sainteté. » 7 Je proclamerai le décret de Yhwh. Il m’a dit : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, JE T’AI ENGENDRÉ. 8 Demande-moi et je te donnerai les NATIONS comme ton héritage et comme ton domaine les extrémités de la terre. 9 Tu les briseras avec un sceptre de fer, comme USTENSILE de potier tu les casseras. » 10 Et maintenant, rois, comprenez, soyez corrigés, JUGES de la terre. 11 Servez Yhwh avec crainte et exultez avec tremblement ; 12 embrassez le fils, de peur qu’il ne s’irrite et vous vous perdriez dans votre chemin. « Oui, d’un coup s’enflamme sa COLÈRE ; heureux tous ceux qui S’ABRITENT en lui ! »
[...] 1 Lamentation de David qu’il chanta à Yhwh concernant les paroles de Kush le Benjaminite. Ps 7 2 Yhwh mon Dieu, en toi JE M’ABRITE, sauve-moi de tous mes PERSÉCUTEURS et délivre-moi, 3 de peur qu’il ne lacère comme un lion mon âme, arrachant, et il n’y a pas de délivrant. 4 Yhwh mon Dieu, si j’ai fait cela, s’il y a de la perversion sur mes paumes, 5 si j’ai rétribué mon allié avec le mal et secouru mon OPPRESSEUR À VIDE, 6 qu’un ennemi poursuive mon âme et l’atteigne et qu’il écrase sur la terre ma vie et ma gloire sur la poussière qu’il fasse-habiter ! 7 Dresse-toi, Yhwh, dans ta COLÈRE, lève-toi contre les fureurs de mes OPPRESSEURS, et réveille-toi pour moi, ordonne le JUGEMENT ; 8 et l’assemblée des NATIONS t’entourera, et au-dessus d’elle là-haut retourne, 9 Yhwh arbitrera des PEUPLES. JUGE-MOI, Yhwh, selon ma justice et selon mon intégrité à moi. 10 Finisse donc le mal des MÉCHANTS, et affermis le juste. Et il sonde les cœurs et les reins le Dieu juste ; 11 mon bouclier est en Dieu, qui sauve les droits de cœur ; 12 Dieu JUGE le juste et Dieu menace chaque jour. 13 S’il ne revient, son épée il affûte, son arc il bande et l’affermit ; 14 et pour lui il apprête LES USTENSILES de mort, de ses flèches il a fait des brandons. 15 Voici, il conçoit l’iniquité, et il porte la peine, et IL ENGENDRE le mensonge. 16 Il a ouvert une fosse et il la creuse, et il tombera dans le trou qu’il a fait ; 17 sa peine reviendra sur sa tête, et sur son crâne sa violence retombera. 18 Je rendrai-grâce à Yhwh selon sa justice, et je psalmodierai le Nom de Yhwh le Très-Haut. 1 Du maitre-de-chant sur la guittite, psaume de David. Ps 8 2 Yhwh notre Seigneur, qu’est magnifique ton nom par toute-la terre ! Toi qui as donné ta majesté sur les cieux 3 par la bouche d’enfants et de nourrissons, tu as fondé une force en réponse à tes OPPRESSEURS pour réduire ENNEMI et VINDICATIF. 4 Oui, je vois tes cieux œuvres de tes doigts, la lune et les étoiles lesquelles tu affermis. 5 Qu’est-ce que L’HOMME que tu t’en souviennes et LE FILS D’ADAM que tu t’en soucies ? 6 Tu le fais moindre de peu que Dieu, de gloire et splendeur tu le couronnes. 7 Tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu as tout mis dessous ses pieds : 8 brebis et bœufs eux-tous et aussi bêtes des champs ; 9 oiseaux des cieux et poissons de la mer traversant les sentiers des mers. 10 Yhwh notre Seigneur, qu’est magnifique ton nom par toute-la terre !
L’ensemble de la première sous-section : Ps 1–8
97
Les deux séquences se correspondent de manière spéculaire. Les psaumes extrêmes sont d’une part plus courts que les deux autres et d’autre part ils ont tous deux un ton fort positif. Certes, les adversaires y sont présents, « méchants », « pécheurs » et « moqueurs » dans le premier (1,1.4-6), « oppresseurs », « ennemi et vindicatif » dans le dernier (8,3). Cependant, c’est au juste que le premier psaume donne le plus de place dès le début et surtout en son centre (3c), et dans le dernier c’est l’admiration qui l’emporte, dans les exclamations extrêmes et surtout avec la question et sa réponse au centre de la construction (8,5-6). En outre, ces deux psaumes traitent de « l’homme » (’îš en 1,1 ; ’ĕnôš, appelé aussi « fils d’Adam » en 8,5). Tandis que « l’homme » du Ps 1 est un fidèle du Seigneur, fidèle à sa Loi, rien ne dit que celui du Ps 8 soit un fils d’Israël ; toutefois, les exclamations qui encadrent le corps du psaume sont adressées à « Yhwh notre Seigneur », le Dieu du peuple élu. Dans les psaumes médians 2 et 7 une grande violence se manifeste de la part des « nations » et des « peuples » (2,1 ; 7,8) contre le psalmiste : ce sont ses « persécuteurs » (7,2), « oppresseur(s) » (5.7), des « méchants » (10). Le Seigneur leur parle dans sa « colère » (2,5.12), et le psalmiste le supplie de se lever contre eux dans sa « colère » (7,7). Comme « ustensile » de potier ils sont brisés (2,9), les « ustensiles de mort » retomberont sur la tête du méchant (7,14). Le Seigneur déclare qu’il « a engendré » le roi comme son fils (2,7), tandis que le persécuteur du psalmiste « engendre » le mensonge (7,15). Les « rois » du Ps 2 sont appelés « juges de la terre » à la fin (2,10), mais dans le Ps 7 c’est le Seigneur qui « juge » (7,7.9.12). Après tant de violence, les deux psaumes s’achèvent de manière positive : l’un par un macarisme qui englobe tous ceux qui étaient en conflit (2,12), l’autre par la promesse de l’action de grâce (7,18). Enfin, « ceux qui s’abritent en lui » (2,12) et « en toi je m’abrite » (7,2) remplissent la fonction de termes médians à distance2. D’autres reprises lexicales renforcent la cohérence de l’ensemble. Entre les Ps 1 et 7 d’abord, les méchants ne pourront « se dresser » au jour du jugement (1,5), le Seigneur est appelé à « se dresser » contre eux (7,7). « L’assemblée » des « justes » (1,5) s’oppose à « l’assemblée » des « nations » (7,8). Des « justes » de 1,5-6 fait partie le psalmiste de 7,9-12, jugé selon « la justice » de Dieu (7,18). « Le jugement » par lequel s’achève le premier psaume (1,5) est invoqué puis mis en œuvre dans le Ps 7 (7.9.12). Commun aux Ps 2 et 8 l’extension à « toute la terre » (8,2.10) jusqu’aux « extrémités de la terre » (2,8), à quoi il faut ajouter l’insistance sur « les rois de la terre » (2) et « juges de la terre » (10). Quant aux « cieux », c’est le siège du Seigneur (2,4) sur lesquels il a donné sa « majesté » (8,2b). « Couronnant » l’homme « de gloire et de splendeur » (8,6), le Seigneur en fait un « roi » (2,6) que serviront tous les « rois » des nations (2,2.10).
2
On pourra remarquer aussi la reprise de « à vide » (2,1 ; 7,5).
98
La première section (Ps 1–18)
LES SÉQUENCES MÉDIANES (3–4 ET 5–6) 1 Psaume de David, dans sa fuite devant Absalom son fils. Ps 3 2 YHWH, combien nombreux sont mes OPPRESSEURS, nombreux ceux qui se dressent contre moi, 3 nombreux ceux qui disent à MON ÂME : « Point de SALUT pour lui en Dieu ! » 4 Et toi, Yhwh, bouclier autour de moi, ma gloire et redressant ma tête. 5 Ma voix vers Yhwh j’appelle, et il me répond de la montagne de sa sainteté : 6 moi, je me couche et m’endors, je m’éveille car Yhwh me soutient ; 7 je ne crains pas les milliers de peuple lesquels tout-autour se sont mis contre moi. 8 Dresse-toi, Yhwh, SAUVE-MOI, mon Dieu, car tu frappes tous mes ENNEMIS à la joue, les dents des MÉCHANTS tu brises ; 9 à Yhwh LE SALUT, sur ton peuple soit ta bénédiction !
1 Du maitre-de-chant avec instruments à cordes, psaume de David. Ps 4 2 Quand j’appelle, réponds-moi, Dieu de ma JUSTICE ; dans L’OPPRESSION tu m’as mis au large, aie-pitié de moi et ENTENDS ma PRIÈRE. 3 Fils d’homme, jusqu’à quand ma gloire sera dans le déshonneur, aimerezvous le vide, rechercherez-vous LE MENSONGE ? 4 Sachez que Yhwh mit à part UN FIDÈLE à lui, Yhwh ENTEND quand j’appelle vers lui. 5 Frémissez et ne PÉCHEZ plus, dites en votre cœur, sur votre couche, et faites-silence. 6 Sacrifiez des sacrifices de JUSTICE et confiez-vous en Yhwh. 7 Nombreux disent : « Qui nous fera voir le bonheur ? » Lève sur nous la lumière de ta face, Yhwh. 8 Tu as donné plus de JOIE en mon cœur qu’au temps où leur froment et leur vin-nouveau sont nombreux ; 9 en paix, tout-ensemble, je me couche et m’endors : CAR TOI, YHWH, seulement en confiance tu m’établis.
1 Du maitre de chant, sur les flûtes ; psaume de David. Ps 5 2 À mes paroles tends l’oreille, Yhwh, discerne mon soupir ; 3 sois attentif à la voix de mon cri, mon Roi et mon Dieu, car vers toi JE PRIE. 4 Yhwh, au matin TU ENTENDS ma voix, au matin je me prépare pour toi et j’attends. 5 Oui, pas un Dieu agréant la MÉCHANCETÉ, toi, ne séjourne pas chez toi le MAL ; 6 ne tiennent pas les ARROGANTS devant tes yeux ; tu hais TOUS LES FAISANT L’INIQUITÉ ; 7 tu fais périr les diseurs de MENSONGE, L’HOMME DE SANG ET DE FRAUDE, le déteste Yhwh. 8 Et moi, pour l’abondance de TA FIDÉLITÉ, je viens dans ta maison, je me prosterne vers le temple de ta sainteté dans ta crainte ; 9 Yhwh, guide-moi dans ta JUSTICE, à cause de mes ENNEMIS aplanis devant moi ton chemin. 10 Oui, il n’est pas dans leur bouche de sureté, leur intérieur est destructions ; sépulcre ouvert leur gosier, leur langue est-gluante. 11 Dis-les-coupables, Dieu, qu’ils tombent dans leurs projets ; pour l’abondance de leurs PÉCHÉS chasse-les, car ILS SE SONT RÉVOLTÉS contre toi. 12 Et SE RÉJOUIRONT tous les s’abritant en toi, à jamais ils exulteront ; et tu protèges eux et jubileront en toi les aimant ton nom 13 CAR TOI, tu bénis le JUSTE, YHWH, comme un bouclier de ta faveur tu l’entoures.
Ps 6 1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, sur l’octacorde ; psaume de David. 2 YHWH, ne me châtie pas dans ta colère, et ne me corriges pas dans ta fureur. 3 Aie-pitié de moi, Yhwh, car je dépéris, moi ; guéris-moi, Yhwh, car sont terrifiés mes os, 4 et MON ÂME est terrifiée beaucoup. Et toi, Yhwh, jusques à quand ? 5 Reviens, Yhwh, délivre MON ÂME, SAUVE-MOI, en raison de TA FIDÉLITÉ. 6 Car pas dans la mort ton souvenir, dans le schéol qui te louerait ? 7 Je me suis épuisé en gémissement, je baigne chaque nuit ma couche, de mes larmes mon lit j’arrose ; 8 s’affaiblit d’indignation mon œil, il vieillit à cause de TOUS MES OPPRESSEURS. 9 Éloignez-vous de moi, TOUS LES FAISANT L’INIQUITÉ, car IL ENTEND Yhwh la voix de mon pleur ; 10 IL ENTEND Yhwh ma supplication, Yhwh MA PRIÈRE accueille ; 11 qu’ils rougissent et soient terrifiés beaucoup TOUS MES ENNEMIS, qu’ils reculent, qu’ils rougissent soudain !
L’ensemble de la première sous-section : Ps 1–8
99
Les adversaires sont présents tout au long des deux séquences : « oppresseurs », « ennemis », « méchants » (3,2.8), « oppression », « pécher » (4,2.5), « méchanceté », « mal », « arrogants », « tous les faisant l’iniquité », « diseurs de mensonge », « homme de sang et de fraude », « ennemis », « pécher », « se révolter » (5,5-7.9.11), « tous mes oppresseurs », « tous les faisant l’iniquité », « tous mes ennemis » (6,8-11). La nuit est évoquée dans les quatre psaumes, nuit de « paix » pour le psalmiste (« je me couche et m’endors » : 3,6 ; 4,9) mais de réflexion pour les pécheurs (5,4b), de « soupir » et de « cri » qui s’achève « au matin » quand le Seigneur « entend » la « voix » du suppliant (2-4), nuit de « gémissement » et de « larmes » (6,7-8), mais suivie de la réponse du Seigneur (9b-10). Les deux séquences se correspondent de manière spéculaire. Le fait le plus massif est la récurrence des termes appartenant au champ sémantique de la prière, d’autant plus qu’aucun ne se retrouve ailleurs dans la séquence : Ps 3 : « Ma voix », « j’appelle », « il me répond » (5) Ps 4 : « Quand j’appelle, réponds-moi » (2) ; « Yhwh entend quand j’appelle » (4) Ps 5 : « À mes paroles tends l’oreille », « sois attentif à la voix de mon cri », « je prie », « tu entends ma voix » (2-4) Ps 6 : « il entend Yhwh la voix de mon pleur ; il entend Yhwh ma supplication, Yhwh accueille ma prière » (9-10).
Alors que dans les psaumes extrêmes ces termes se trouvent dans des versets de récit, dans les psaumes médians ils appartiennent à des discours adressés à Dieu, et cela au début du psaume3. « Justice » et « juste » ne se retrouvent que dans ces deux psaumes médians (4,2.6 ; 5,9.13), et il en va de même pour « mensonge » (4,3 ; 5,7). À « un fidèle » (4,4) répond « ta fidélité » (5,8 ; mais aussi en 6,5). Enfin les deux psaumes s’achèvent dans la joie (« joie » en 4,8, « se réjouiront » en 5,12), « car toi, Yhwh, tu m’établis en confiance » en 4,9 ; « car toi, tu bénis le juste, Yhwh » en 5,13. Les psaumes extrêmes sont les seuls où est évoqué « le salut » (3,3.8.9 ; 6,5) et où revient « mon âme » (3,3 ; 6,4.5), à quoi il faut ajouter que ce sont les seuls psaumes qui commencent avec l’apostrophe, « Yhwh » (3,2 ; 6,2). On notera enfin dans les Ps 3 et 5 la reprise de « bouclier » (3,4 ; 5,13), la correspondance entre « la montagne de sa sainteté » (3,5) et « le temple de ta sainteté » (5,8) et, en termes finaux, la bénédiction (3,9 : 5,13). Si les séquences extrêmes (1–2 et 7–8) sont organisées de manière spéculaire et qu’il en est de même pour les séquences médianes (3–4 et 5–6), alors il faut dire que ce sont les huit psaumes de la séquence qui sont arrangés de manière spéculaire : A (1) – B (2) – C (3) – D (4) / D’ (5) – C’ (6) – B’ (7) – A’ (8). 3 Au centre du Ps 4 « entend quand j’appelle », à la troisième personne du singulier, se trouve dans une déclaration adressée aux oppresseurs.
100
La première section (Ps 1–18)
Le mot le plus fréquent est le nom de « Yhwh » qui revient non moins de 39 fois ; et si on y ajoute celui de « Dieu » (13 fois) et celui de « Seigneur » (3 fois), on arrive à un total de 55. L’ensemble des termes désignant les méchants et leur méchanceté atteint un total de 34. Ceux contre lesquels se dressent les méchants sont « les justes ». Désignant l’homme, ce terme est au pluriel 2 fois seulement, à la fin du premier psaume (1,5-6), partout ailleurs il est au singulier (5,13 ; 7,10.12) ; le total de ces occurrences est seulement de 5, mais il faudrait y ajouter tous les pronoms de première personne du singulier dont le référent est le psalmiste ! Qualifiant Dieu, le terme revient une seule fois (7,10). À « juste(s) » il faut ajouter « justice » qui est soit celle de l’homme, en particulier du psalmiste (4,2.6 ; 7,9) soit celle de Dieu (5,9 ; 7,18).
CONTEXTE DES PROPHÈTES AUX ÉCRITS Au sortir du Deutéronome et à l’entrée dans le livre de Josué, la soudure est assurée entre la Loi et les Prophètes en des termes qui rappellent le Ps 1. Sois fort et tiens très bon pour veiller à agir selon toute la Loi que mon serviteur Moïse t’a prescrite. Ne t’en écarte ni à droite ni à gauche, afin de réussir dans toutes tes démarches. 8 Que le livre de cette Loi soit toujours sur tes lèvres : médite-le jour et nuit afin de veiller à agir selon tout ce qui y est écrit. C’est alors que tu seras heureux dans tes entreprises et réussiras (Jos 1,7-8).
De manière analogue, la fin de Malachie fait la soudure entre les Prophètes et les Écrits : les termes du jugement se retrouvent dans le Ps 1 qui ouvre la troisième partie de la Bible hébraïque : 17
Au jour que je prépare, [...] vous verrez la différence entre un juste et un méchant, entre qui sert Dieu et qui ne le sert pas. 19 Car voici : le Jour vient, brûlant comme un four. Ils seront de la paille, tous les arrogants et malfaisants ; le Jour qui arrive les embrasera — dit Yhwh Sabaot — au point qu’il ne leur laissera ni racine ni rameau. 20 Mais pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec la guérison dans ses rayons [...] 21 Vous piétinerez les méchants, car ils seront de la cendre sous la plante de vos pieds, au Jour que je prépare, dit Yhwh Sabaot. 22 Rappelez-vous la Loi de Moïse, mon serviteur à qui j’ai prescrit, à l’Horeb, pour tout Israël, des lois et des coutumes.
INTERPRÉTATION Les compositions spéculaires, qui n’ont pas d’élément central, sont encore plus énigmatiques que les compositions concentriques où le centre remplit la fonction de clé de voûte, de clé de lecture. Dans les compositions spéculaires, le
L’ensemble de la première sous-section : Ps 1–8
101
centre est vide, il est « absent »4. Il se présente en quelque sorte comme le trou de la serrure, la clé étant cachée, l’énigme redoublée. Il faut donc « lire entre les lignes », tenter d’exprimer le non-dit du texte. Le sésame, le « mot caché » ou « mot mystère », celui qui n’est prononcé nulle part mais qui est sous-jacent à l’ensemble et l’anime, semble être ici celui d’« alliance ». LA LOI DU SEIGNEUR Avec le premier psaume, c’est tout le Psautier qui est placé sous le signe de la Loi. Et avec la Loi, c’est par définition le choix qui s’offre à ceux à qui elle est adressée d’obéir à celui qui l’édicte ou de le repousser. Et c’est ainsi que les hommes se diviseront entre « justes » et « pécheurs », que le juste se trouvera en butte à la persécution et à l’oppression des « méchants », ces derniers s’opposant non seulement à la Loi de Dieu et à son auteur, mais aussi à ceux qui lui sont fidèles. Ainsi, l’alliance du Sinaï entre Yhwh et le peuple d’Israël est la toile de fond du premier psaume. N’y manquent pas les pécheurs, comme ceux qui, dès le lendemain de la conclusion de l’alliance et tout au long du chemin de l’exode, se rebellèrent contre le Seigneur et contre Moïse. LE ROI DU SEIGNEUR Avec le premier psaume Dieu avait donné sa Loi sur le mont Sinaï, avec le psaume deuxième il consacre son roi sur Sion, la montagne de sa sainteté. À l’alliance sinaïtique succède ainsi l’alliance davidique. Si l’on pouvait penser que dans le Ps 1 les ennemis du fidèle à la Loi étaient les membres du même peuple choisi par Dieu parmi tous les peuples, avec le Ps 2 ce sont « les nations et les peuples » qui se liguent contre Yhwh et contre son Messie et refusent de servir le Seigneur en faisant allégeance à son roi. Dans le Ps 7 qui fait face au Ps 2 c’est toujours aux « nations » et aux « peuples » que le roi est affronté et c’est contre eux qu’il implore le secours de son Seigneur. LE FILS D’ADAM Faisant pendant au premier psaume, le dernier (Ps 8) magnifie le nom du Seigneur, le créateur des cieux, de la lune et des étoiles, qui a établi l’homme sur l’œuvre de ses mains, mettant tout sous ses pieds. Ainsi, de l’alliance davidique et de l’alliance sinaïtique, le poète remonte jusqu’à l’origine de l’humanité entière, jusqu’à l’alliance adamique. Là se retrouve l’opposition entre « enfants et nourrissons » qui chantent la gloire du créateur et « les oppresseurs » cosmiques que le Seigneur a dû réduire pour fonder le monde.
4
Voir P. BOVATI, « Il centro assente ».
102
La première section (Ps 1–18)
LA FIDÉLITÉ À L’ALLIANCE Quand deux parties concluent une alliance, elles se jurent « fidélité » et assistance mutuelle. Dans le cas d’une alliance entre parties inégales comme celle du Sinaï et comme celle qui lie le roi d’Israël à son suzerain céleste, le vassal l’appelle à son secours quand il se trouve attaqué par ses ennemis qui sont par le fait même ceux de son Seigneur. Encore faut-il que le vassal ait été fidèle à son suzerain pour faire appel à sa fidélité. LA JUSTICE DU PSALMISTE L’autre nom de la « fidélité » est « la justice ». Dans le Ps 4, le psalmiste se présente devant ses ennemis comme un « fidèle » du Seigneur : « Sachez que le Seigneur a mis à part un fidèle à lui » et c’est pourquoi il enchaine en disant : « Le Seigneur entend quand j’appelle vers lui » (4,4). Dans le Ps 7 il insistera sur sa propre justice : d’abord dans une longue imprécation appelant sur lui le châtiment, s’il s’avérait qu’il y eut « de la perversion sur ses paumes » (7,4-6) ; après quoi il sera encore plus explicite en disant : « Juge-moi, Seigneur, selon ma justice et selon mon intégrité à moi » (10). LA JUSTICE DU SEIGNEUR Si le suppliant est sûr d’être exaucé, c’est qu’il croit que sa cause est juste, qu’il s’est comporté en fidèle à son Dieu. Mais sa foi repose aussi, et peut-être surtout, sur le fait qu’il ne saurait douter de la justice du Seigneur. Il sait que Dieu « bénit le juste » (5,13), qu’il « juge le juste » et « menace chaque jour » le pécheur (7,12). C’est pourquoi il demande : « Finisse donc le mal des méchants, et affermis le juste » (10). C’est en effet en libérant le juste que le Seigneur manifeste sa propre justice : « Je rendrai grâce au Seigneur pour sa justice » (18). En réalité ce n’est pas tant sur sa propre justice qu’il compte que sur celle de Dieu : « Seigneur, guide-moi dans ta justice » (5,9). Et la première fois qu’il prononce le nom de « justice », quand il appelle le Seigneur « Dieu de ma justice » (4,2), sa formulation énonce de manière claire que sa propre justice trouve sa source en lui, que toute justice ne peut venir que du Très-Haut.
II. DAVID CONFESSE SA FOI EN SON DIEU QUI SE CACHE
La deuxième section : Ps 9–10 Le Ps 9 de la Septante est coupé en deux dans le texte massorétique qui considère que ce sont deux psaumes distincts (Ps 9 et Ps 10). Trois arguments principaux militent en faveur de l’unité du texte. C’est avant tout l’acrostiche alphabétique, bien qu’il ne soit pas parfait : de Aleph à Kaph pour le Ps 9, puis de Lamed à Taw pour le Ps 10. C’est ensuite la cohérence lexicale et thématique qui unifie les deux psaumes. Enfin, le deuxième psaume selon l’hébreu ne comporte pas de titre (10,1), alors qu’il fait partie d’un très large groupe de psaumes pourvus de titre (Ps 1–41, sauf le Ps 33). Le Ps 9–10 présente de sérieuses difficultés. La première est que l’alphabétisme est largement lacunaire. Il disparait complètement entre Lamed (10,1-2) et Qoph (10,12), soit une éclipse de six lettres consécutives ; avec l’absence de Dalet, ce ne sont donc pas moins de sept lettres qui manquent sur les vingt-deux de l’alphabet hébreu, soit près d’un tiers ! En outre, les difficultés textuelles sont nombreuses, surtout entre Lamed et Qoph, où les phrases sont heurtées au point d’en être difficilement compréhensibles1. On a longtemps pensé que le texte était « corrompu », qualifié ces faits d’« altérations » ou d’« irrégularités » et attribué ces défauts à une mauvaise transmission textuelle : « Nous croyons qu’aucun autre psaume ne présente un texte aussi mal transmis »2. « Le Ps. a malheureusement subi bien des outrages dans la transmission de son texte. Celui de 10 est si défectueux qu’il faut souvent l’amender, parfois le reconstituer »3. Et, effectivement, beaucoup se sont évertués à restituer l’alphabétisme et à corriger le texte pour le rendre plus compréhensible, au prix de manipulations en tout genre4. Il est une autre difficulté non moins grande que celle de l’état du texte. C’est le mélange des genres littéraires. Alors que le premier est un psaume d’action de grâces, le second est une supplication ; or, la logique voudrait que la supplication précède l’obtention du salut qui déclenche l’action de grâces. Même à l’intérieur du Ps 9, après l’action de grâce initiale (2-3) la motivation qui en est donnée est truffée d’appels à l’aide et de supplications (10.14.18.20-21). C’est pourquoi, on pourrait être tenté de renoncer à étudier la composition d’un texte aussi problématique : 1 Sur les altérations subies par le texte au cours du temps, voir, par ex., J. ENCISO VIANA, « El salmo 9-10 ». 2 Alonso Schoekel – Carniti, I, 262. 3 Jacquet, I, 337. 4 Ainsi, par exemple, J. LEVEEN, « Psalm X. A reconstruction » ; R. GORDIS, « Psalm 9–10: a Textual and Exegetical Study ». Pour la reconstitution du verset Dalet, voir, par exemple, P.W. SKEHAN, « A Broken Acrostic and Psalm 9 ».
104
La première section (Ps 1–18)
Nous sommes encore loin d’avoir acquis une parfaite connaissance de la structure formelle et du sens précis de cette composition littéraire. Car, au moins à première vue et dans l’interprétation ordinaire, elle met le lecteur dans l’embarras, pour n’y découvrir ni suite claire, ni cohésion des idées 5.
Et pourtant, il semblerait étrange que ce texte ait été conservé dans le psautier, malgré toutes les lésions occasionnées par les accidents qu’il aurait subis au long de sa transmission. L’analyse rhétorique biblique pourrait aider à mieux comprendre le texte tel qu’il est ; et, partant, à rendre compte de ses « irrégularités ». Bien loin d’amender le texte, et encore moins de le reconstituer, on se tiendra prudemment au plus près du texte massorétique, pour tenter de le comprendre, dans l’état où il nous a été laissé. Si Kraus divise le psaume en neuf parties6, d’autres n’y voient que deux parties qui correspondent à la division massorérique7. Ravasi au contraire divise le texte en trois : 1. action de grâce à Yhwh juge (9,2-19) ; 2. Appel à Yhwh juge (9,14-21) ; 3. Supplication finale à Yhwh roi et juge (10,1-18). Le psaume 9–10 est de la taille d’une séquence qui comprend deux longs passages (9,2-20 ; 10,3-18) encadrant un troisième passage beaucoup plus court (Lamed : 10,1-2) qui marque le tournant de l’ensemble8.
1. LE PREMIER PASSAGE (9,2-21) TEXTE ’ 2 Je (te) rends grâce, Yhwh, de tout mon cœur, je raconte toutes tes merveilles ; 3 je me réjouis et j’exulte en toi, je joue pour ton nom, Très-Haut. b 4 Quand retournent mes ennemis en arrière, ils fléchissent et disparaissent devant ta face, 5 car tu as fait mon jugement et ma sentence, tu as siégé sur le trône en juge juste. g 6 Tu as maté des nations, fait disparaitre le méchant, leur nom tu as effacé pour toujours et à jamais ; 7 l’ennemi est achevé, ruines sans fin, et des villes tu as déracinées, a disparu leur souvenir. h Eux... 8 mais Yhwh pour toujours siège, il affermit pour le jugement son trône ; 9 et lui, il jugera le monde avec justice, il prononcera sur les païens avec droiture. w 10 Et que soit Yhwh un refuge pour l’opprimé, un 11 et se confieront en toi les connaissant ton nom, refuge aux temps d‘angoisse, car tu n’abandonnes pas tes cherchant, Yhwh. z 12 Jouez pour Yhwh, l’habitant à Sion, énoncez chez les peuples ses hauts faits, 13 car il cherche les sangs, d’eux il se souvient, il n’oublie pas le cri des miséreux. ḥ 14 Aie pitié de moi, Yhwh, vois ma misère, de mes ennemis me faisant remonter des portes de la mort, 15 pour que je raconte toute ta louange, qu’aux portes de la fille de Sion je jubile en ton salut. ṭ 16 Ont croulé les nations dans la fosse qu’elles ont faite, à ce filet qu’elles ont tendu s’est pris leur pied. 17 S’est fait connaitre Yhwh, le jugement il a fait, 5
H. JUNKER, « Unité, composition et genre littéraire des Ps 9 et 10 ». Kraus, I, 192. 7 Girard, I, 243 ; Lorenzin, 73 (Ps 9 : action de grâce et Ps 10 : supplication). 8 Selon la première des sept lois de N.W. Lund : « Le centre est toujours le tournant » (Chiasmus in the New Testament, 40 ; traduction française dans Traité, 97). 6
Le psaume 9–10
105
dans l’ouvrage de ses mains il a lié le méchant. y 18 Que retournent les méchants au schéol, toutes ces nations oubliant Dieu, k 19 car pas jusqu’à la fin est oublié le pauvre, l’espoir des miséreux ne disparait pas à jamais. 20 Dresse-toi, Yhwh, que ne triomphe l’homme, qu’elles soient jugées, les nations, devant ta face ! 21 Jette, Yhwh, l’épouvante sur elles, qu’elles connaissent, les nations, qu’hommes elles sont ! V. 2
: « JE (TE) RENDS-GRÂCE »
Contrairement au texte massorétique, la Septante explicite le complément objet du verbe. V. 6
: « DES NATIONS »
On a proposé de changer gôyim, « nations », par ge’îm, « orgueilleux »9 ; la correction ne se justifie pas, du moment qu’il sera question, dès le morceau suivant, des « païens » (9b : le’ummîm) et plus loin des « peuples » (12b : ‘ammîm). V. 7B
: « DES VILLES TU AS DÉRACINÉES »
Le verbe signifie « arracher », « déraciner » (une plante ; Ez 19,12) ; il s’oppose à « planter » (Am 9,15). Il est utilisé métaphoriquement pour la « déportation » (Dt 29,27 ; 1R 14,15). V. 7-8 : «
EUX... »
Le TM place hēmma (« eux ») à la fin du segment précédent où il ne fait pas sens ; l’alphabétisme invite à le déplacer au début du segment Hé. Mais le premier membre de ce segment est si étrange qu’on a proposé de changer hēmma par hinneh (« voici » ; Dahood, I, 56) ou par hōmeh (« exalté ») et de supprimer le « et » qui suit (voir Kraus, I, 190). Il est possible de sauver le texte, si l’on considère que « eux » et « lui » en début des deux segments du morceau s’opposent ; et l’on pourrait comprendre et traduire : « Eux ? Mais le Seigneur... »
COMPOSITION Le premier passage est formée de deux parties qui se correspondent en parallèle. LA PREMIÈRE PARTIE (2-9) Cette partie comprend deux sous-parties.
9
S.N. ROSENBAUM, « New evidence for reading ge’im in place of go’im in Ps 9 and 10 ».
106
La première section (Ps 1–18)
La première sous-partie (3-3) + ᴐ 2 Je rends grâce, + je raconte
YHWH,
de tout mon cœur, toutes tes merveilles ;
:: 3 je me réjouis :: je joue
et j’exulte pour ton nom,
en toi, TRÈS-HAUT.
Les quatre membres commencent par un verbe à la première personne du singulier ; le troisième comprend même un deuxième verbe coordonné au premier (3a). Ce sont donc les cinq verbes qui commencent par Aleph et pas seulement le premier10. Les noms de Dieu se trouvent aux extrémités. Dans le premier segment, « tout » est repris en finale des membres, dans le second « ton nom » correspond à « toi ». La deuxième partie (4-9) – b 4 Quand retournent – ils fléchissent
ET DISPARAISSENT
en arrière, devant ta face,
+ 5 car tu as fait + TU AS SIÉGÉ
mon JUGEMENT sur LE TRÔNE
et ma SENTENCE, en JUGE
MES ENNEMIS
de JUSTICE.
····················································································································· – g 6 Tu as maté des nations, FAIT DISPARAITRE LE MÉCHANT,
. leur nom
tu as effacé
pour toujours
et à jamais ;
– 7 L’ENNEMI . et des villes
est achevé, tu as renversé,
ruines A DISPARU
sans fin, leur souvenir.
····················································································································· et Yhwh pour toujours SIÈGE, pour le JUGEMENT SON TRÔNE ;
+ h Eux, 8 + il affermit
– 9 et lui, – IL PRONONCERA
IL JUGERA
sur les païens
le monde avec droiture.
avec JUSTICE,
Les morceaux extrêmes se correspondent : y sont repris « justice » (5b ; 9a), « jugement » / « juger » (5a.5b ; 8b.9a ; « sentence » de 5a et « prononcer » de 9b appartiennent au même champ sémantique) ainsi que « siéger » et « trône » (5b ; 8a.8b). Dans le morceau central (6-7), « pour toujours et à jamais » à la fin du second membre de 6 a son correspondant à la fin du premier membre de 7 avec « sans fin » ; les deux occurrences de « disparaitre » se trouvent en même position dans les membres extrêmes. Le morceau central reprend « ennemi » (7a) comme au début du premier morceau (4a au pluriel), cet « ennemi » étant qualifié de « méchant » (6a) ; de 10
Voir, par ex., L.D. MALONEY, A Word fitly Spoken, 46-47.
Le psaume 9–10
107
manière corrélative, « nations » de 6a sera repris par « le monde » et « les païens » dans le dernier morceau (9a.9b). Les deux occurrences de « disparaitre » au centre (6a.7b) renvoient à celle de 4b dans le premier morceau ; de manière corrélative, « pour toujours et à jamais » et « sans fin » du morceau central (6b.7a) annoncent « pour toujours » au début du dernier morceau (8a). L’ensemble de la première partie (2-9) + ᴐ 2 JE rends grâce, + JE raconte
YHWH,
de tout MON cœur, toutes TES merveilles,
:: 3 JE me réjouis :: JE joue
et J’exulte pour TON NOM,
en TOI, TRÈS-HAUT.
– b 4 Quand retournent – ils fléchissent
MES
ennemis et disparaissent
en arrière, devant TA face,
+ 5 car TU as fait + TU as siégé
MON
jugement sur le trône
et MA sentence, en juge
de justice.
···················································································································· – g 6 TU as maté des nations, fait disparaitre le méchant, . leur NOM tu as effacé pour toujours et à jamais ;
– 7 l’ennemi . et des villes + +
est achevé,
ruines
sans fin,
TU as renversé, a disparu leur souvenir. ···················································································································· h Eux... 8 mais YHWH pour toujours siège, IL affermit pour le jugement SON trône ;
– 9 et LUI, – IL prononcera
jugera sur les païens
IL
le monde avec droiture.
avec justice,
Dans la première sous-partie (2-3) le psalmiste rend grâces au Seigneur. N’apparaissent que ces deux personnages, le Seigneur étant désigné par ses deux noms de « Yhwh » et de « Très-Haut », le psalmiste n’étant pas nommé mais seulement indiqué par les pronoms de première personne du singulier. Dans la deuxième sous-partie (4-9) le psalmiste donne les raisons de son action de grâces ; alors apparait un tiers, « le méchant » (6a), « l’ennemi » (7a), au pluriel dès le début (4a). Dans le premier morceau (4-5), où sont employés des pronoms de première personne du singulier comme dans la première souspartie, le psalmiste rappelle comment le Seigneur l’a libéré de ses ennemis, jugeant en roi souverain ; dans le second morceau (6-7b), il précise que ses « ennemis » sont « des nations » dont les « villes » ont été « renversées » et l’on découvre ainsi que celui qui parle est un roi qui a vaincu un peuple étranger ; dans le troisième morceau enfin (7c-9) il élargit encore, en redisant que la royauté du Seigneur est éternelle et qu’elle se manifestera encore dans l’avenir.
108
La première section (Ps 1–18)
LA DEUXIÈME PARTIE (10-21) Cette partie est elle aussi formée de deux sous-parties. La première sous-partie (10-15) + w 10 ET QUE SOIT + un refuge
YHWH aux temps
en toi – 11 et se confieront – car tu n’abandonnes pas
un refuge de détresse, les connaissant tes cherchant,
pour l’opprimé, ton nom, Yhwh.
·························································································································
: z 12 JOUEZ : ÉNONCEZ
pour YHWH, chez les peuples
l’habitant ses hauts faits,
à SION,
- 13 car il cherche - il n’oublie pas
LES SANGS,
d’eux des miséreux.
il se souvient,
le cri
·························································································································
+ ḥ 14 AIE PITIÉ DE MOI, + de mes ennemis
YHWH, me faisant remonter
VOIS
ma misère,
des portes
DE LA MORT,
– 15 pour que – aux portes
je raconte de la fille de SION
toute ta louange, que je jubile
en ton salut.
Les trois morceaux commencent par un jussif (10a) ou par un impératif (12a.12b ; 14a bis). – Dans le premier morceau, le souhait du premier segment est suivi de sa conséquence (11a) laquelle est motivée par une causale (11b) ; – dans le second morceau les invitations du premier segment sont suivies par une double causale (13) ; – enfin dans le troisième morceau la demande du premier segment est suivie d’une double finale (15). En outre, « Yhwh » revient en même position au début de chaque morceau. Les trois morceaux sont donc parallèles. Toutefois, le morceau central articule les deux autres : – « Sion » (12a) annonce le même nom à la fin du dernier morceau (15b), à « sangs » (13a) correspond « la mort » (14b), car au pluriel « sangs » indique la mort violente ; – à « miséreux » à la fin du morceau central (13b) font écho « l’opprimé » à la fin du premier membre du premier morceau (10a) et « ma misère » en position symétrique au début du dernier morceau (14a). On pourra remarquer que « un refuge » revient deux fois dans le premier morceau (10a.10b) et que dans le dernier morceau « portes » revient aussi deux fois (14b.15b).
Le psaume 9–10
109
La deuxième sous-partie (16-21) – ṭ 16 Ont croulé – à ce filet
les nations dans la fosse qu’elles ont tendu s’est pris
qu’elles ont faite, leur pied.
+ 17 S’EST FAIT CONNAITRE + dans l’ouvrage
YHWH, de ses mains
il a fait, le méchant. (h. s.)
LE JUGEMENT
il a lié
··············································································································
:: y 18 Que retournent :: toutes ces nations
les méchants oubliant
au schéol, Dieu,
+ k 19 car pas à la fin + l’espoir
n’est oublié des miséreux
le pauvre, (ne) disparait
à jamais.
··············································································································
+
20
Dresse-toi, YHWH, : QU’ELLES SOIENT JUGÉES, les nations,
+ 21 Jette, : QU’ELLES CONNAISSENT,
YHWH, les nations,
que ne triomphe l’homme, devant ta face ! l’épouvante qu’hommes
sur elles, elles !
(s)
Le premier morceau raconte ce qui est arrivé aux « nations », le second exprime un souhait, le troisième est une prière adressée à « Yhwh ». Dans le premier morceau « les nations » et « le méchant » sont punis par où ils ont péché. Alors que le premier segment les montre victimes de leur propre fosse et de leur propre filet (16), le second segment dévoile qui en fut l’agent (17). « L’ouvrage de ses mains » (17b) renvoie au « filet qu’elles ont tendu » (16b). En position identique « les nations » et « Yhwh » s’opposent ; de même, en fin des premiers membres de chaque segment s’opposent le « faire » des deux protagonistes. Dans le second morceau, introduit par « car », le deuxième segment donne la raison du premier. Alors que « les méchants » et « toutes ces nations » finissent « au schéol », « le pauvre » et les « miséreux » n’y disparaitront pas. Les premiers « oublient Dieu », les autres ne sont pas oubliés par Dieu. Le dernier morceau est construit en parallèle : les premiers membres commencent par un impératif dont le sujet est « Yhwh », les seconds par un jussif dont le sujet est « les nations ». « Homme » (’ĕnôš) est repris à la fin des membres extrêmes (20a.21b). Les morceaux extrêmes se correspondent : y est repris en même position le nom de « Yhwh » (17a ; 20a.21a) ; à « les nations » et « le méchant » (16a. 17b) correspondent les deux occurrences de « les nations » (20b.21b). À « s’est fait connaitre » et « le jugement » de 17a correspondent « qu’elles soient jugées » et « qu’elles connaissent » en 20b et 21b. Seul le morceau central oppose « les méchants » et « toutes ces nations » (18) au « pauvre » et aux « miséreux » (19).
110
La première section (Ps 1–18)
Les deux morceaux s’achèvent par un signe de pause : higgāyôn selâ à la fin de 16-17 et selâ à la fin de 20-21. On aura remarqué que la lettre Yod ne comprend qu’un seul segment, tandis que la lettre Kaph en compte trois. Or chacune des lettres précédentes, d’Aleph à Ḥet était formée de deux bimembres. C’est pourquoi plusieurs proposent de changer l’ordre des segments pour corriger l’irrégularité de la composition11. Il suffit en effet de déplacer le dernier verset après le v. 18 et l’équilibre est rétabli. Ainsi, on aurait trois morceaux comprenant chacun deux bimembres comme dans les parties précédentes. Il vaut la peine d’essayer, pour voir si non seulement l’équilibre des masses est amélioré, mais aussi et surtout si la logique de la partie restituée l’est aussi : – ṭ 16 Ont croulé – au filet
qu’elles ont tendu
+ 17 S’est fait connaitre + dans l’ouvrage
Yhwh, de ses mains
LES NATIONS
dans la fosse s’est pris
qu’elles ont faite, leur pied.
LE JUGEMENT
il a fait, le méchant.
il a lié
·····················································································································
:: y 18 QUE RETOURNENT :: TOUTES CES NATIONS
les méchants oubliant
au schéol, Dieu !
:: 21 JETTE, :: QU’ELLES CONNAISSENT,
Yhwh,
l’épouvante qu’hommes
LES NATIONS,
sur elles, elles !
·····················································································································
+ k 19 Car pas jusqu’à la fin est oublié + l’espoir des miséreux :: 20 DRESSE-TOI, :: QU’ELLES SOIENT JUGÉES,
Yhwh, LES NATIONS,
le pauvre, ne disparait pas QUE NE TRIOMPHE devant ta face !
à jamais. l’homme,
On pourra dire que le dernier morceau (19-20) reprend le mouvement des deux morceaux précédents. En effet, 19 est narratif comme 16-17 : y est raconté comment le Seigneur a déjoué les projets des nations (16-17), sauvant de leurs griffes « pauvre » et « miséreux » (19). Quant au dernier verset (20), il est discursif comme le second morceau (18.21) : ce sont les souhaits et les prières que le psalmiste ajoute à son récit. En somme, le remède à une irrégularité mène à une autre irrégularité. L’ordre du texte massorétique (qui est aussi celui de la Septante) n’est pas moins logique que celui du texte corrigé. Et sa composition parallèle en deux morceaux semble préférable, parce que plus équilibrée. La poésie hébraïque ne marche pas au pas cadencé de nos armées occidentales, elle danse librement, imprévisible : le texte de cette partie allie avec 11
Voir, par exemple, Jacquet, I, 332.339.
Le psaume 9–10
111
bonheur une belle régularité de la composition et une irrégularité de la répartition selon l’acrostiche. Il est évidemment impossible de savoir quelles furent les intentions de l’auteur. L’effet sur le lecteur, en revanche, est accessible. Et l’on pourra goûter le fait que toute la partie, qui suivait jusque-là un rythme régulier, s’achève avec une sorte de pirouette, qui peut être interprétée au niveau formel comme une marque de clôture de l’ensemble du passage. Au niveau du sens, il n’est pas indifférent que la partie et donc le passage entier s’achève en insistant fortement sur la prière, en deux segments dont le parallélisme joue en quelque sorte la fonction d’une coda.
112
La première section (Ps 1–18)
L’ensemble de la deuxième partie (10-21) + w 10 Et que soit + un refuge
YHWH aux temps
+ 11 et se confieront en TOI + car TU n’abandonnes pas
un refuge de détresse,
pour L’OPPRIMÉ,
LES CONNAISSANT TES cherchant,
TON nom, YHWH.
························································································································ :: z 12 Jouez pour YHWH, l’habitant à Sion, :: énoncez chez les peuples SES hauts faits,
:: 13 CAR IL cherche :: IL n’oublie pas
LES SANGS,
d’eux
il se souvient,
DES MISÉREUX. ························································································································
= ḥ 14 AIE PITIÉ de MOI, = de MES ennemis 15
le cri
YHWH, ME faisant
remonter
VOIS des portes
MA MISÈRE,
de la mort,
: pour que : aux portes
de la fille de Sion
toute TA louange, que JE jubile en TON salut.
– ṭ 16 Ont croulé – à ce filet
les nations qu’elles ont tendu
dans la fosse s’est pris
qu’elles ont faite, leur pied.
– 17 S’EST FAIT CONNAITRE – dans l’ouvrage
YHWH, de ses mains
le jugement a lié
IL
IL
JE RACONTE
a fait, le méchant.
························································································································
:: y 18 Que retournent les méchants :: toutes ces nations oubliant
au schéol, DIEU,
:: k 19 CAR pas à la fin n’est oublié :: l’espoir DES MISÉREUX
LE PAUVRE
ne disparait pas
à jamais.
························································································································
= 20 DRESSE-TOI, YHWH, : qu’elles soient jugées, les nations,
que ne triomphe devant TA face !
l’homme,
= 21 JETTE, : qu’ELLES CONNAISSENT,
l’épouvante qu’hommes
sur elles, elles !
YHWH, les nations,
Le psaume 9–10
113
Les deux sous-parties sont parallèles. Les premiers morceaux parlent de ce que fait le Seigneur, d’abord en faveur de « l’opprimé » (10-11), puis contre leurs ennemis, « les nations », « le méchant » (16-17). Dans les premiers membres des seconds segments il est d’abord question de ceux qui « connaissent » le nom du Seigneur (11a), puis du méchant auquel Dieu « s’est fait connaitre » (17a). Les deuxièmes morceaux sont construits de la même façon : deux impératifs (12) et un jussif (18) sont motivés par un second segment introduit par le même « car » (13.19). Dans les premiers segments il est question des « peuples » (12b), des « méchants », « toutes ces nations » (18) et dans les seconds membres des « miséreux » et de leurs « sangs » (13), du « pauvre » et des « miséreux » (19). Aux deux occurrences d’« oublier » (18b.19a) correspondent « il se souvient » et « il n’oublie pas » (13a.13b). Dans les troisièmes morceaux, aux deux impératifs de 14a correspondent les deux de 20a et de 21a. On peut dire que « je raconte toute ta louange » (15a) a son correspondant oppositif avec « qu’elles connaissent les nations qu’hommes ils sont » (21b). Tout au long se retrouvent les trois personnages de la premières partie : « Yhwh » « Dieu » nommé dans chaque morceau, deux fois dans les morceaux extrêmes (10a.11b ; 20a.20b), une seule fois dans les autres (12a ; 14a ; 17a ; 18b) ; « l’opprimé » (10), les « miséreux » (13b.19b), « le pauvre » (19a), dont on apprend dans le troisième morceau que le psalmiste partage leur « misère » (14) ; les « ennemis » enfin (14b), « les peuples » (12b), « les nations » (16a.18b. 20b.21b), « le(s) méchant(s) » (17b.18a).
114
La première section (Ps 1–18)
L’ENSEMBLE DU PREMIER PASSAGE (9,2-21) ᴐ2
Je (te) rends grâce,
JE RACONTE 3
je me réjouis
JE JOUE
b 4 Quand retournent ils fléchissent 5 car tu as fait tu as siégé
YHWH, de tout mon cœur, toutes tes merveilles ; et j’exulte pour ton nom,
en toi, Très-Haut.
MES ENNEMIS
en arrière, devant ta face, et ma SENTENCE, en JUGE
ET DISPARAISSENT mon JUGEMENT sur le trône
juste.
····················································································································
g 6 Tu as maté leur nom
tu as effacé
FAIT DISPARAITRE pour toujours
et à jamais ;
7 L’ENNEMI et des villes
est achevé, tu as renversé,
ruines A DISPARU
sans fin, leur souvenir.
DES NATIONS,
LE MÉCHANT,
····················································································································
h Eux... 8 il affermit 9 et lui,
IL PRONONCERA
w 10 Et que soit un refuge 11 et se confieront car tu n’abandonnes pas
mais YHWH pour le JUGEMENT
pour toujours son trône ;
siège,
IL JUGERA SUR LES PAÏENS
LE MONDE
avec justice,
avec droiture.
YHWH aux temps en toi tes cherchant,
un refuge de détresse, les connaissant YHWH.
pour L’OPPRIMÉ, ton nom,
·························································································································
z 12 JOUEZ énoncez 13 car il cherche il n’oublie pas
pour YHWH, CHEZ LES PEUPLES
les sangs, le cri
l’habitant ses hauts faits, d’eux DES MISÉREUX.
à Sion, il se souvient,
·························································································································
ḥ 14 Aie pitié de moi, de MES ENNEMIS 15
pour que qu’aux portes 16
YHWH, me faisant remonter
vois des portes
JE RACONTE
toute ta louange, je jubile
en ton salut.
de la fille de Sion
MA MISÈRE,
de la mort,
ṭ Ont croulé à ce filet
LES NATIONS
qu’elles ont tendu
dans la fosse s’est pris
qu’elles ont faite, leur pied.
17
YHWH, de ses mains
LE JUGEMENT
il a fait,
il a lié
LE MÉCHANT.
S’est fait connaitre dans l’ouvrage
····················································································································
y 18 Que retournent
LES MÉCHANTS
TOUTES CES NATIONS
oubliant
au schéol, Dieu,
k 19 car pas jusqu’à la fin l’espoir
est oublié
LE PAUVRE,
DES MISÉREUX
NE DISPARAIT PAS
à jamais.
···················································································································· 20
Dresse-toi, YHWH, QU’ELLES SOIENT JUGÉES, LES NATIONS, 21
Jette, qu’elles connaissent,
YHWH, LES NATIONS,
que ne triomphe devant ta face ! l’épouvante qu’hommes
l’homme, sur elles, elles sont !
Le psaume 9–10
115
Les deux parties du passage sont construites en parallèle. Dans la première sous-partie le psalmiste rend grâces au Seigneur (2-3), dans la sous-partie symétrique (10-15) il invite d’autres à le rejoindre dans la louange, à « jouer » pour Dieu comme lui (3b.12a), à « énoncer » « ses hauts-faits » (12b) comme il avait « raconté » lui-même « toutes ses merveilles » (2b). « Je raconte » revient en 2b et 15a, « je jubile » (15b) est un synonyme de « je me réjouis » et de « j’exulte » (3a). C’est seulement dans ces deux sous-parties que reviennent les verbes « énoncer » (2b.15a) et « jouer » (3b.12a) ainsi que leurs synonymes. On peut aussi noter que « ton nom » est repris en 3b et 11a. Les deuxièmes sous-parties (4-9 ; 16-21) donnent les raisons de l’action de grâces : « les ennemis » du psalmiste ont été mis hors d’état de nuire par le « jugement » (5a.8b ; 17a) de celui qui les a jugés et les « jugera » (9a ; 20b). C’est seulement dans ces deux sous-parties que sont repris les termes de même racine « juger », « juge », « jugement » (5a.5b.8b.9a ; 17a.20b) ainsi que les termes qui appartiennent au même champ sémantique, « sentence » (5a) et « prononcer » (9b) ; il en va de même pour le verbe « disparaitre » et « faire disparaitre » (4b.6a.7b ; 19b). Contrairement à la première, la deuxième partie se caractérise par plusieurs vœux et prières : en effet, sans compter les impératifs adressés aux autres hommes (12a.12b), la première sous-partie commence par un jussif (10) et s’achève par une demande adressée à Dieu (14-15) ; quant à la seconde souspartie, son deuxième morceau commence par un souhait (18) et le dernier par des prières qui alternent avec des jussifs (20-21 ; on remarquera la densité de ces vœux dans les deux derniers segments du passage). C’est seulement dans la deuxième partie que reviennent « les miséreux » que Dieu « n’oublie pas » (13b.19a), ainsi que les synonymes « opprimé » (10a) et « pauvre » (19a).
INTERPRÉTATION UN ROI QUI REND GRÂCES... Quand le psaume commence, on ne sait pas qui parle à la première personne du singulier, et quiconque l’entonne peut reprendre à son compte les paroles du psalmiste. Les « ennemis » dont ce dernier parle (4) pourraient être seulement les siens propres, mais on apprend d’abord que ce sont des « nations » (6), puis que ses « villes » ont été renversées et réduites en ruines (7). C’est ainsi que l’orant sait qu’il est en train de prononcer les mots que le roi adresse au Seigneur qui lui a donné la victoire sur ses ennemis de l’extérieur. ... AU ROI DU MONDE Or ce roi n’est pas le seul ! Celui à qui il s’adresse, « Yhwh » (2a), est le Dieu d’Israël, et c’est lui que le roi qui prie reconnait comme son roi : en effet, il a « siégé sur le trône en juge juste » (5b) pour prononcer « jugement » et
116
La première section (Ps 1–18)
« sentence » (5a) en faveur de celui qui avait fait appel à lui contre ses ennemis. Mais le roi d’Israël ne s’arrête pas au passé : il confesse que le « trône » et la royauté divine sont « pour toujours » (8) et qu’elle s’étend non seulement à tout le temps mais aussi à tout l’espace, « sur les païens », sur « le monde » entier (9). DU « JE » AU « VOUS » Dans la deuxième partie, le roi élargit le discours à « l’opprimé » en général (10), à tous ceux qui connaissent le nom de « Yhwh » et le cherchent (11) ; et il les invite à le rejoindre dans sa louange (12a) et dans le témoignage qu’ils rendront ensemble devant « les peuples » (12b). Si le psalmiste revient à la première personne (14-15), on peut alors comprendre que ce n’est plus lui seul qui s’exprime, mais tout son peuple avec lui qui parle en quelque sorte comme un seul homme, comme le peuple réuni « aux portes de la fille de Sion »12. DE L’ACTION DE GRÂCES À LA SUPPLICATION Tous alors redisent comment le Seigneur les a sauvés, comment leurs ennemis ont dû subir ce qu’ils voulaient infliger au peuple de Dieu (16-17). Mais il semble bien que la victoire célébrée pourrait bien n’être pas définitive et c’est pourquoi se fait entendre le souhait que les méchants « retournent au schéol » (18) et que tout le passage s’achève sur une ardente supplication adressée au Dieu d’Israël contre les nations qui devront reconnaitre qu’elles ne sont que des « hommes », incapables de résister au jugement du Tout-Puissant (20-21).
2. LE DEUXIÈME PASSAGE (10,1-2) TEXTE 1
Pourquoi, Yhwh, te tiens-tu au loin, te caches-tu aux temps d’angoisse ? 2 Par l’orgueil du méchant est consumé le miséreux ; ils seront pris à ces intrigues qu’ils ont pensées.
COMPOSITION – l 1 Pourquoi, – te caches-tu
YHWH, aux temps
te tiens-tu d’angoisse ?
au loin,
:: 2 Par l’orgueil :: ils seront pris
du MÉCHANT à ces intrigues
est consumé qu’ils ont pensées.
le miséreux ;
12 Robert Gordis (« Psalm 9–10: a Textual and Exegetical Study », 106-107) parle de « personnalité fluide » pour expliquer le passage de l’individu au groupe.
Le psaume 9–10
117
Dans le premier segment, « te tiens-tu au loin » et « te caches-tu » qui sont pour ainsi dire synonymes se trouvent en termes médians. Dans le premier membre du deuxième segment, « méchant » est au singulier, mais il doit être considéré comme un collectif, puisque c’est à lui que le sujet pluriel des deux verbes du second membre renvoie. En même position, « Yhwh » et « le méchant » s’opposent. Il est possible de considérer que « détresse » et « miséreux » jouent le rôle de termes médians.
INTERPRÉTATION Le second segment semble être la réponse à la question que le psalmiste pose au Seigneur dans le premier segment. Il est vrai que les méchants consument les miséreux par leur orgueil, mais ce ne sont pas eux qui auront le dernier mot : ils tomberont dans le piège qu’ils leur auront tendu. Le Seigneur qui semblait s’être caché au loin interviendra en fin de compte et sauvera le miséreux des griffes du méchant. Cette courte partie ne prendra tout son sens que dans l’ensemble du psaume dont elle constitue le centre, la clé de lecture.
3. LE TROISIÈME PASSAGE (10,3-18) TEXTE 3
Oui, se loue le méchant du désir de son âme, et un profiteur il bénit, il méprise Yhwh. 4 Le méchant, selon l’arrogance de son nez ne cherche pas : « Il n’y a pas de Dieu ! » (Voilà) toutes ses intrigues 5 Réussissent ses chemins en tout temps (trop) en-haut tes jugements pour lui tous ses adversaires, il crache sur eux. 6 Il dit en son cœur : « Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! » celui qui (n’est) pas dans le malheur. 7 De malédiction sa bouche est pleine et de fraudes et de violence, sous sa langue méfait et iniquité. 8 Il s’assied à l’affut dans les villages, sous les couverts il tue l’innocent, ses yeux le misérable épient. 9 Il est à l’affut, sous couvert, comme un lion dans son fourré, il est à l’affut pour se saisir du miséreux, il se saisit du miséreux le trainant dans son filet. 10 Il s’accroupit, se tapit, et tombe en ses pouvoirs le misérable. 11 Il dit en son cœur : « Il oublie, Dieu, il se couvre la face pour ne pas voir Dieu, lève ta main, n’oublie pas les humiliés ! jusqu’à la fin. » q 12 Dresse-toi, Yhwh ! 13 Pourquoi méprise-t-il le méchant Dieu, dit-il en son cœur : « Tu ne chercheras pas ? » r 14 Tu as vu, oui, toi, la peine et les pleurs, tu regardes pour les donner en ta main : à toi s’abandonne le misérable, l’orphelin, toi, tu (lui) fus secours. š 15 Brise le bras du méchant, du mauvais, tu chercheras sa méchanceté, elle ne se trouvera plus. 16 Yhwh est roi pour toujours et à jamais, ont disparu les nations de sa terre. t 17 Le désir des humiliés, tu écoutes, Yhwh, tu affermis leur cœur, tu tends ton oreille, 18 pour juger l’orphelin et l’opprimé : il n’aura plus peur d’un homme (né) de la terre !
118
La première section (Ps 1–18)
V. 3-11 : « OUI, SE LOUE LE MÉCHANT...
»
Ces neuf versets sont hérissés de difficultés. Les tentatives de correction, entre autre pour reconstruire l’alphabétisme perdu, sont très nombreuses. On s’en tient ici au plus près du texte massorétique.
COMPOSITION Le troisième et dernier passage du psaume comprend deux parties. LA PREMIÈRE PARTIE (10,3-11) Cette partie comprend deux sous-parties. La première sous-partie (3-7) : 3 Oui, se loue – et un profiteur
le méchant IL BÉNIT,
du désir
: 4 Le méchant, – « IL N’Y A PAS
selon l’arrogance DE DIEU ! »
de SON NEZ ne cherche pas : (voilà) toutes ses intrigues.
IL MÉPRISE
de SON ÂME, YHWH.
···························································································· – 5 Réussissent ses chemins EN TOUT TEMPS
. (trop) en-haut tes jugements . tous ses adversaires, IL CRACHE
pour lui sur eux.
···························································································· en SON CŒUR : D’ÂGE EN ÂGE ! »
– 6 Il dit – « JE NE SERAI PAS ÉBRANLÉ – celui qui (n’est) 7
: De MALÉDICTION : et de fraudes : sous SA LANGUE
pas dans le malheur. SA BOUCHE
est pleine
et de violence, méfait
et iniquité.
Les deux segments du premier morceau sont parallèles : les premiers membres répètent « le méchant » et « son nez » rappelle « son âme » (d’autant plus que nepeš signifie aussi « gorge »). Le mépris de Dieu (3b) est dû à sa négation de son existence (4b). Le dernier morceau correspond au premier. Le premier trimembre (6)13 renvoie aux seconds membres du premier morceau (3b.4b) avec ses deux déclarations (4b.6b) ; « pas dans le malheur » (6c) est l’équivalent de « profiteur » (3b). Dans le deuxième trimembre « malédiction » (7a) s’oppose à « il bénit » mais est 13
La ponctuation massorétique met « d’âge en âge » au début du membre suivant. La traduction adoptée ici permet de ne pas corriger le texte et de garder le relatif ’ăšer traduit par « celui qui ».
Le psaume 9–10
119
l’équivalent de « il méprise » (3b). « Son cœur » (6a), « sa bouche » (7a) et « sa langue » (7c) correspondent à « son âme » et « son nez » (3a.4a). Le morceau central ne comprend qu’un seul trimembre de type ABB’. Comme il réussit constamment (5a), le méchant méprise et Dieu (« tes jugements » : 5b, comme en 3b.4b) et ses adversaires (5c). « En tout temps » (5a) sera repris par « d’âge en âge » (6b). La deuxième sous-partie (10,8-11) – 8 Il s’assied – sous les couverts – ses yeux
À L’AFFUT il tue le misérable
dans les villages, l’innocent, épient.
– 9 IL EST-À-L’AFFUT, – IL EST-À-L’AFFUT – il se saisit
sous couvert, pour se saisir du miséreux
comme un lion du miséreux, le trainant
se tapit, en ses pouvoirs
le misérable.
10
: Il s’accroupit, : et tombe
dans son fourré, dans son filet.
································································································
+ 11 Il dit :: « Il oublie, :: il se couvre :: pour ne pas voir
en son cœur : Dieu, la face jusqu’à la fin. »
Dans le premier morceau est décrite l’agression du méchant contre « l’innocent » (8b), « misérable14 » (8c.10b), « miséreux » (9b.9c). Dans le premier segment (8) « les villages » semblent être les aglomérations sans remparts, ce qui rend plus faciles les agressions venues du dehors, qu’elles soient le fait des bandits ou des bêtes féroces. Dans le deuxième segment le méchant est comparé au « lion dans son fourré » (9)15 et le troisième segment file la comparaison (10). « Sous les couverts » du premier segment (8b) est repris par « sous couvert » dans le deuxième (9a) ; de même, le substantif « à l’affut » du premier segment (8a) trouve un double écho avec le verbe « être à l’affut » dans le deuxième segment (9a.9b). Le second morceau rapporte le raisonnement du méchant qui méprise Dieu. Ainsi les deux morceaux sont complémentaires : dans le premier le méchant s’attaque aux hommes, dans le second il se moque de Dieu.
14
Cet adjectif se trouve trois fois dans ce psaume (Ps 10,8.10.14), et pas ailleurs dans la Bible hébraïque. Voir Kraus, I, 191 ; O. KOMLOS, « The meaning of ḥelekhah-ḥelkaʼim ». 15 L’image du « filet » ne se rapporte évidemment pas au « lion ». Elle renvoie au chasseur qui est ainsi mis sur le même plan que le fauve. Non seulement le méchant est une bête féroce, mais en tant que chasseur il traite ses semblables comme des proies animales ; sur ce type de piège, voir Vesco, I, 151.
120
La première section (Ps 1–18)
L’ensemble de la première partie (3-11) 3
Oui, se loue et un profiteur
il bénit
du désir il méprise
• 4 LE MÉCHANT, :: « Il n’y a pas
selon l’arrogance de DIEU ! »
de SON NEZ ne cherche pas : (voilà) toutes ses intrigues.
LE MÉCHANT
de SON ÂME, Yhwh.
······························································································ 5
Réussissent (trop) en-haut tous ses adversaires,
ses chemins tes jugements il crache
EN TOUT TEMPS
pour lui sur eux.
······························································································ 6
• Il dit en SON CŒUR : EN ÂGE ! » :: « Je ne serai pas ébranlé D’ÂGE celui qui (n’est) pas dans le malheur. 7
De malédiction et de fraudes sous SA LANGUE
SA BOUCHE
est pleine
et de violence, méfait
et iniquité.
à l’affut il tue le misérable
dans les villages, l’innocent, épient.
Il est à l’affut, il est à l’affut il se saisit
sous couvert, pour se saisir du miséreux
comme un lion du miséreux, le trainant
10
se tapit, en ses pouvoirs
le misérable.
8
Il s’assied sous les couverts SES YEUX 9
Il s’accroupit, et tombe
dans son fourré, dans son filet.
······························································································
•
11
Il dit
:: « Il oublie, :: il se couvre :: pour ne pas voir
EN SON CŒUR
:
DIEU,
la face JUSQU’À LA FIN. »
« Le méchant » est nommé deux fois au début de la première sous-partie (3a.4a) et pas du tout dans la deuxième sous-partie. Inversement, il est question cinq fois de « l’innocent », du « misérable » et du « miséreux » dans la deuxième sous-partie (8bc.9bc.10b) ; à cette liste correspond dans la première sous-partie le seul terme « tous ses adversaires » (5c). Dans la première sous-partie sont rapportées deux courtes pensées du méchant (4b.6b) et la deuxième sous-partie s’achève par une troisième pensée plus développée (11bcd) ; celle-ci est introduite par la même phrase narrative (11a) que celle qui introduit la deuxième
Le psaume 9–10
121
pensée de la première sous-partie (6a). Ces deux pensées s’achèvent avec une expression semblable : « d’âge en âge » et « jusqu’à la fin » (6b.11d), annoncée par « en tout temps » (5a). On notera les termes appartenant au champ sémantique du corps : « son âme » (ou « gorge » : 3a), « son nez » (4a), « sa bouche » (7a), « sa langue » (7c), « ses yeux » (8c), appartenant tous au « méchant ». Ce dernier ne prononce pas le nom propre de « Yhwh », il utilise « Dieu » (’ĕlōhîm en 4b, ’ēl en 11b). LA DEUXIÈME PARTIE (10,12-18) Cette partie comprend elle aussi deux sous-parties. La première sous-partie (12-14) + q 12 DRESSE-TOI, + Dieu, + N’OUBLIE PAS
Yhwh ! LÈVE les humiliés !
– 13 Pourquoi – dit-il
méprise-t-il en son cœur :
TA MAIN, Dieu, « TU NE CHERCHERAS PAS » ?
LE MÉCHANT
··················································································································
+ r 14 TU AS VU, + TU REGARDES
oui, toi, pour les donner
la peine EN TA MAIN :
: à toi : l’orphelin,
s’abandonne toi,
le misérable, tu (lui) fus
et les pleurs,
(de) secours.
Dans le premier morceau la prière en faveur des « humiliés » (12) est suivie d’une question qui regarde « le méchant » (13), celui justement qui opprime « les humiliés ». « Tu ne chercheras pas » à la fin s’oppose aux trois impératifs initiaux, en particulier à « n’oublie pas ». Le second morceau comprend lui aussi deux bimembres. En position analogue revient le pronom « toi » (14a.14d). « La peine et les pleurs » (14a) sont ceux du « misérable » et de « l’orphelin » (14cd). Le premier segment du second morceau (14ab) est une réponse à ce que vient de penser le méchant : « tu as vu », « tu regardes » (14ab) s’oppose en effet directement à « Tu ne chercheras pas » (13b) ; ces deux verbes jouent donc le rôle de termes médians, mais ils jouent aussi le rôle de termes initiaux avec les trois impératifs du début de la sous-partie (12abc). « Le misérable » et « l’orphelin » (14cd) renvoient à « les humiliés » (12c) ; « ta main » est repris en position symétrique, à la fin des seconds membres (12b.14b).
122
La première section (Ps 1–18)
La deuxième sous-partie (15-18) + š 15 Brise = tu chercheras + 16 Yhwh = ont disparu
le bras SA MÉCHANCETÉ,
est roi LES NATIONS
du MÉCHANT, du MAUVAIS, elle ne se trouvera plus. pour toujours de sa terre.
et à jamais,
·················································································································
+ t 17 Le désir – tu affermis
des humiliés, leur cœur,
tu l’écoutes, tu tends
+ 18 pour juger – il n’aura plus
l’orphelin peur
et l’opprimé d’UN HOMME
Yhwh, ton oreille, (né)
de la terre !
Les deux segments du premier morceau sont parallèles : les premiers membres présentent le Seigneur comme le roi qui juge, les seconds membres le résultat radical de son jugement sur « le méchant » (15a), identifié en finale avec « les nations » (16). Le second morceau parait construit de la même façon : la finale de 18a serait régie par 17a (le Seigneur écoute le désir des humiliés pour juger en leur faveur) ; quant aux seconds membres, leurs débuts se correspondent, comme le fait (« tu affermis leur cœur ») et sa conséquence (« il n’aura plus peur »). Dans le premier morceau le Seigneur juge le « méchant », le « mauvais » (15a), c’est-à-dire « les nations » (16b), tandis que dans le second morceau il s’attache aux « humiliés » (17a) à « l’orphelin et l’opprimé ». En finale cependant le méchant est appelé « un homme de la terre » (18b) qui ne doit donc pas être craint. Dans les premiers membres de chaque morceau « brise le bras » (« du méchant » : 15a) s’oppose à « tu affermis leur cœur » (celui des « humiliés » : 17b). Les deux occurrences de « terre » remplissent la fonction de termes finaux (16b.18b).
Le psaume 9–10
123
L’ensemble de la partie (12-18) + q 12 DRESSE-TOI, + Dieu, + N’OUBLIE PAS
LES HUMILIÉS
– 13 Pourquoi – dit-il
méprise-t-il en son cœur :
Yhwh ! LÈVE
TA MAIN, ! LE MÉCHANT « TU NE CHERCHERAS PAS
Dieu, ?»
·················································································································
+ r 14 Tu as vu, + tu regardes
oui, toi, pour les donner
la peine EN TA MAIN :
: à toi : L’ORPHELIN,
s’abandonne toi,
le misérable, tu (lui) fus
+ š 15 BRISE = TU CHERCHERAS
le bras SA MÉCHANCETÉ,
du MÉCHANT, du MAUVAIS, elle ne se trouvera plus.
+ 16 Yhwh = ont disparu
est roi LES NATIONS
et les pleurs,
secours.
pour toujours de sa terre.
et à jamais,
·················································································································
+ t 17 Le désir – tu affermis
DES HUMILIÉS,
leur cœur,
tu l’écoutes, tu tends
+ 18 pour juger – il n’aura plus
L’ORPHELIN peur
et l’opprimé : d’UN HOMME
Yhwh, ton oreille, (né)
de la terre !
Les deux sous-parties commencent avec des impératifs (12abc.15a) : « lève ta main » (12b) correspond directement à « brise le bras » (15a). « Tu chercheras » (15b) s’oppose à « Tu ne chercheras pas » (13b). « Orphelin » est repris en finale de chaque sous-partie, avec « le misérable » en 14cd et avec « l’opprimé » en 18a. « Les humiliés » se retrouvent dans les segments extrêmes (12c.17a). Le « méchant » du début (13a) n’est à la fin qu’« un homme » (18b). « Tu as vu » et « tu regardes » au début du deuxième morceau de la première sous-partie (14ab) ont leur correspondant avec « tu écoutes » et « tu tends ton oreille » au début du deuxième morceau de la seconde sous-partie (17).
124
La première section (Ps 1–18)
L’ENSEMBLE DU TROISIÈME PASSAGE (10,3-18) 3
Oui, se loue et un profiteur 4 LE MÉCHANT, « Il n’y a pas
LE MÉCHANT
DU DÉSIR
il bénit selon l’arrogance de Dieu ! »
IL MÉPRISE
de son âme, Yhwh.
de son nez NE CHERCHE PAS : (voilà) toutes ses intrigues.
·················································································· 5
Réussissent (trop) en-haut tous ses adversaires,
ses chemins tes jugements il crache
EN TOUT TEMPS
pour lui sur eux.
··················································································
• 6 Il dit « Je ne serai pas ébranlé celui qui (n’est) 7 De malédiction et de fraudes sous sa langue 8
Il s’assied sous les couverts ses yeux 9 Il est à l’affut, il est à l’affut il se saisit 10 Il s’accroupit, et tombe
en son cœur : D’ÂGE EN ÂGE ! » pas dans le malheur. sa bouche est pleine et de violence, méfait et iniquité. à l’affut il tue le misérable sous couvert, pour se saisir du miséreux se tapit, en ses pouvoirs
dans les villages, l’innocent, épient. comme un lion du miséreux, le trainant
dans son fourré, dans son filet.
le misérable.
························································································································
• 11 Il dit « IL OUBLIE, il se couvre pour NE PAS VOIR
en son cœur : DIEU, la face JUSQU’À LA FIN. »
q 12 Dresse-toi, DIEU, N’OUBLIE PAS 13 Pourquoi • dit-il
Yhwh ! lève les humiliés ! MÉPRISE-T-IL en son cœur :
ta main, LE MÉCHANT
Dieu,
« TU NE CHERCHERAS PAS ? »
·····················································································································
r 14 TU AS VU, tu regardes à toi l’orphelin, š
15
Brise
oui, toi, pour les donner s’abandonne toi,
la peine en ta main : le misérable, tu (lui) fus
le bras
du MÉCHANT, du MAUVAIS, elle ne se trouvera plus. POUR TOUJOURS ET À JAMAIS, de sa terre.
TU CHERCHERAS
SA MÉCHANCETÉ,
16
est roi
Yhwh ont disparu
LES NATIONS
et les pleurs,
secours.
·····················································································································
t 17 LE DÉSIR tu affermis 18 pour juger il n’aura plus
des humiliés, leur cœur, l’orphelin peur
tu écoutes, tu tends et l’opprimé : d’UN HOMME
Yhwh, ton oreille, (né) de la terre !
Le psaume 9–10
125
Alors que toute la deuxième partie est une prière adressée à « Yhwh » (12a), la première partie est une longue description des méfaits du « méchant » (3a) ; une seule fois le psalmiste s’adresse à Dieu (5b). Les trois déclarations du méchant, dont deux concernent « Dieu » (4b.6b. 11bcd) s’opposent à la prière du psalmiste ; toutefois ce dernier cite dans la deuxième partie une quatrième déclaration du méchant (13b). En termes initiaux le méchant « méprise » Dieu (3.13). En termes extrêmes, « le désir » du « méchant » (3a) s’oppose au « désir des humiliés » (17a). En termes médians opposés, « il oublie, Dieu » et « ne pas voir » (11bcd) correspondent à « Dieu », « n’oublie pas » (12bc) et « tu as vu » (14a). Alors que le méchant — qui réussit « en tout temps » (5a) — déclare pouvoir tenir « d’âge en âge » (6b) et que Dieu ne verra rien de ses crimes « jusqu’à la fin » (11d), le psalmiste atteste que le Seigneur règne « pour toujours et à jamais » (16a). Alors que le méchant « ne cherche pas » (4a) et dit à Dieu « Tu ne chercheras pas » (13b), le psalmiste est sûr que le Seigneur détruira sa « méchanceté » qu’on pourra bien « chercher », mais qu’on ne trouvera plus (15b). Dans la première partie les nombreuses parties du corps sont toutes du méchant (3a.4a.6a.7a.8c.11a), sauf la dernière, « la face » de Dieu (11c) ; dans la deuxième partie il s’agit de la « main » de Dieu (12b.14b) et de son « oreille » (17b), mais aussi du « cœur » du méchant (13b) et de son « bras » (15a), enfin du « cœur » des « humiliés » (17b). L’alphabétisme qui avait totalement disparu dans la première partie, reprend à partir du début de la deuxième partie. CONTEXTE BIBLIQUE LE JUGE INJUSTE ET LA VEUVE La première partie du passage décrit le méchant dans son double mépris, de Dieu et des hommes. Luc rapporte la parabole du juge injuste « qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes » (Lc 18,2) et de la veuve qui lui demande de lui faire justice contre celui qui est injuste avec elle. Elle finira, à force de l’importuner, par obtenir ce qu’elle veut. Et le Seigneur de conclure : « Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, alors qu’il tarde envers eux ? Je vous dis qu’il leur fera justice soudainement » (Lc 18,7-8). INTERPRÉTATION LA FASCINATION DEVANT LE MÉCHANT Dans toute la première partie, le psalmiste est obnubilé par le méchant, il est en quelque sorte fasciné par lui comme la proie par son prédateur, à tel point que son expression est tellement embarrassée qu’elle en devient presque incompréhensible.
126
La première section (Ps 1–18)
Il en vient à oublier son alphabet. On dirait même qu’il en a oublié jusqu’à son Dieu : il ne s’adresse à lui qu’une seule fois, comme en passant (5b). C’est que le méchant est un « profiteur » (3b) qui réussit toujours (5a) et qui peut donc cracher impunément sur tous ses adversaires (5c). Personne ne pourrait échapper à ce fauve (9) et « le misérable » ne peut que tomber en son pouvoir (10). « IL N’Y A PAS DE DIEU » À voir comment le méchant se comporte envers ses semblables, le psalmiste comprend quelles sont « ses intrigues » (4b), les pensées qu’« il dit dans son cœur » (6.11). Dieu n’existe pas ; pourquoi le chercher ? (4). De toute façon, même s’il existait, il ne se soucie de personne en ce monde-ci, ni des miséreux ni des méchants qui les oppriment : « Il oublie », « il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin » (11). Et voilà pourquoi le méchant est sûr de ne rien craindre et de rester toujours inébranlable. En ce sens, il se met à la place de Dieu, le seul qui soit « roi pour toujours et à jamais » (16a). Il est en réalité idolâtre de luimême. Quant au misérable, à la victime du méchant, comme la veuve de la parabole, il a de quoi être désespéré en constatant que le Seigneur, son Seigneur n’intervient pas et l’abandonne aux griffes de son ennemi. Lui aussi pourrait être tenté de croire à la fin que Dieu n’existe pas ou qu’il se voile la face. LE SURSAUT DU CROYANT Ce seront les derniers mots du méchant (11) qui auront fait réagir le psalmiste, comme s’il ne pouvait pas plus longtemps entendre l’arrogance de celui qui ose ainsi se moquer de Dieu et des miséreux. Il reprend les paroles mêmes du blasphémateur pour s’adresser à Dieu et lui demander d’intervenir : « Dieu », « n’oublie pas les humiliés » (12), « tu as vu la peine et les pleurs » (14). Il lui rappelle même ce que le méchant « dit dans son cœur : « Tu ne chercheras pas ! » (13). Le Seigneur devra répondre à ce blasphème en brisant de sa « main » « le bras du méchant » de sorte qu’on pourra bien « chercher sa méchanceté », on ne la trouvera plus. La foi du psalmiste le fait pour ainsi dire « se dresser » lui-même, et il en retrouve soudain, avec l’alphabet, un langage clair et assuré ; son « cœur » est « affermi » (17), il ne saurait plus avoir peur de celui qui n’est, comme lui, qu’un homme tiré de la terre (18).
4. DAVID CONFESSE SA FOI EN SON DIEU QUI SE CACHE COMPOSITION Deux longs passages encadrent le court passage central. « Méchant(s) » (9, 6.17.18 ; 10,3.4.13.15) et « miséreux » (9,13.19 ; 10,9 bis) sont repris au centre (10,2). « Aux temps d’angoisse » de 10,1 apparaissait déjà en 9,10 et « intrigues » de 10,2 sera repris en 10,4. « Pourquoi » sera repris par « À cause de
Le psaume 9–10
127
quoi » (10,13), « l’orgueil » (10,2) et « l’arrogance » (10,4) sont de même racine. 9,1 Du maitre de chant, sur « Mort pour le fils », psaume de David. ᴐ 2
Je rends grâce, YHWH, de tout mon cœur, je me réjouis et j’exulte en toi, B 4 Quand retournent mes ennemis en arrière, 5 car tu as fait mon jugement et ma sentence, G 6 Tu as maté des nations, fait disparaitre le MÉCHANT, 7 l’ennemi est achevé, ruines sans fin, H Eux... 8 mais YHWH pour toujours siège, 9 et lui, il jugera le monde avec justice,
je raconte toutes tes merveilles ; je joue pour ton nom, Très-Haut. ils fléchissent et disparaissent devant ta face, tu as siégé sur le trône en juge juste. leur nom tu as effacé pour toujours et à jamais ; et des villes tu as renversé, a disparu leur souvenir. il affermit pour le jugement son trône ; prononcera sur les païens avec droiture.
W 10 Et que soit YHWH un refuge pour l’opprimé, 11 Et se confient en toi les connaissant ton nom, Z 12 Jouez pour YHWH, l’habitant à Sion, 13 car il cherche les sangs, d’eux il se souvient, Ḥ 14 Aie pitié de moi, YHWH, vois ma misère, 15 pour que je raconte toute ta louange Ṭ 16 Ont croulé les nations dans la fosse qu’elles ont faite, 17 S’est fait connaitre YHWH, le jugement il a fait, Y 18 Que retournent les MÉCHANTS au schéol, K 19 car pas à la fin n’est oublié le pauvre, 20 Dresse-toi, YHWH, que ne triomphe l’homme, 21 Jette, YHWH, l’épouvante sur elles,
un refuge AUX TEMPS D’ANGOISSE ! car tu n’abandonnes pas tes cherchant, YHWH. énoncez chez les peuples ses hauts faits ! il n’oublie pas le cri des MISÉREUX. de mes ennemis me faisant remonter des portes de la mort, aux portes de la fille de Sion, joyeux en ton salut. au filet qu’elles ont tendu s’est pris leur pied. dans l’ouvrage de ses mains il a lié le MÉCHANT. toutes ces nations oubliant Dieu, l’espoir des MISÉREUX ne disparait pas à jamais. qu’elles soient jugées, les nations, devant ta face ! qu’elles connaissent, les nations, qu’hommes elles sont !
3
L 10,1 POURQUOI, YHWH, te tiens-tu au loin, 2 Par L’ORGUEIL du MÉCHANT est consumé le MISÉREUX ;
te caches-tu AUX TEMPS D’ANGOISSE ? ils seront pris à ces INTRIGUES qu’ils ont pensées.
Oui, se loue LE MÉCHANT du désir de son âme, et un profiteur il bénit il méprise YHWH. ’ de son nez ne cherche pas : « Il n’y a pas de Dieu ! » voilà toutes SES INTRIGUES. 5 Réussissent ses chemins en tout temps trop haut tes jugements pour lui tous ses adversaires, il crache sur eux. 6 Il dit en son cœur : « Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! » celui qui n’est pas dans le mal. 7 De malédiction sa bouche est pleine et de fraudes et de violence, sous sa langue méfait et iniquité. 8 Il s’assied à l’affut dans les villages, sous les couverts il tue l’innocent, ses yeux le misérable épient. 9 Il est à l’affut sous couvert comme lion dans son fourré, il est à l’affut pour se saisir du MISÉREUX, il se saisit du MISÉREUX le trainant dans son filet. 10 Il s’accroupit, se tapit, et tombe en ses pouvoirs le misérable. 11 Il dit en son cœur : « Il oublie, Dieu, il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin. » 3
4 LE MÉCHANT, selon L ARROGANCE
Q 12 Dresse-toi, YHWH ! Dieu, lève ta main, 13 À CAUSE DE QUOI méprise-t-il le MÉCHANT Dieu, R 14 Tu as vu, oui, toi, la peine et les pleurs, à toi s’abandonne le misérable, Š 15 Brise le bras du MÉCHANT, du mauvais, 16 YHWH est roi pour toujours et à jamais, T 17 Le désir des humiliés, tu écoutes, YHWH, 18 pour juger l’orphelin et l’opprimé :
n’oublie pas les humiliés ! dit-il en son cœur : « Tu ne chercheras pas ? » tu regardes pour les donner en ta main : l’orphelin, toi, tu lui fus secours. tu chercheras sa MÉCHANCETÉ, elle ne se trouvera plus. ont disparu les nations de sa terre. tu affermis leur cœur, tu tends ton oreille, il n’aura plus peur d’un homme né de la terre !
Comme il arrive souvent, le psaume est focalisé sur une question (10,1), suivie de sa réponse (2)16.
16
Sur la question au centre, voir Traité, 417-435.
128
La première section (Ps 1–18)
LES PASSAGES EXTRÊMES ᴐ 3
9,2 Je rends grâce, Yhwh, de tout mon cœur, je me réjouis et j’exulte en toi,
je raconte toutes tes merveilles ; je joue pour ton nom, Très-Haut.
B 4 Quand retournent mes ennemis en arrière, 5 car tu as fait mon jugement et ma sentence, G 6 Tu as maté des nations, FAIT DISPARAITRE le MÉCHANT, 7 l’ennemi est achevé, ruines sans fin, H Eux... 8 mais Yhwh pour toujours siège, 9 et lui, il jugera le monde avec justice,
ils fléchissent et DISPARAISSENT devant ta face, tu as siégé sur le trône en juge juste. leur nom tu as effacé pour toujours et à jamais ; et des villes tu as renversé, A DISPARU leur souvenir. il affermit pour le jugement son trône ; prononcera sur les païens avec droiture.
W 10 Et que soit Yhwh un refuge pour L’OPPRIMÉ, 11 Et se confient en toi les connaissant ton nom, Z 12 Jouez pour Yhwh, l’habitant à Sion, 13 car IL CHERCHE les sangs, d’eux il se souvient, Ḥ 14 Aie pitié de moi, Yhwh, VOIS ma MISÈRE, 15 pour que je raconte toute TA LOUANGE
un refuge aux temps d’angoisse ! car tu n’abandonnes pas TES CHERCHANT, Yhwh. énoncez chez les peuples ses hauts faits ! IL N’OUBLIE PAS le cri des MISÉREUX. de mes ennemis me faisant remonter des portes de la mort, aux portes de la fille de Sion, joyeux en ton salut.
Ṭ 16 Ont croulé les nations dans la fosse qu’elles ont faite, au filet qu’elles ont tendu s’est pris leur pied. 17 S’est fait connaitre Yhwh, le jugement il a fait, dans l’ouvrage de SES MAINS il a lié le MÉCHANT. Y 18 Que retournent les MÉCHANTS au schéol, toutes ces nations OUBLIANT Dieu, K 19 car pas à la fin N’EST OUBLIÉ le pauvre, l’espoir des MISÉREUX NE DISPARAIT PAS à jamais. 20 DRESSE-TOI, YHWH, que ne triomphe L’HOMME, qu’elles soient jugées, les nations, devant ta face ! 21 Jette, Yhwh, l’épouvante sur elles, qu’elles connaissent, les nations, qu’HOMMES elles sont ! [10,1-2] 10,3 Oui, SE LOUE LE MÉCHANT du désir de son âme, 4 LE MÉCHANT, selon l’arrogance de son nez NE CHERCHE PAS :
Réussissent ses chemins en tout temps tous ses adversaires, il crache sur eux. 6 Il dit en son cœur : celui qui (n’est) pas dans le mal. 7 De malédiction sa bouche est pleine sous sa langue méfait et iniquité. 5
Il s’assied à l’affut dans les villages, ses yeux le misérable épient. 9 Il est à l’affut sous couvert comme lion dans son fourré, il se saisit du MISÉREUX le trainant dans son filet. 10 Il s’accroupit, se tapit, 11 Il dit en son cœur : « IL OUBLIE, Dieu, pour NE PAS VOIR jusqu’à la fin. » 8
et un profiteur il bénit il méprise Yhwh. « Il n’y a pas de Dieu ! » voilà toutes ses intrigues. trop haut tes jugements pour lui « Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! » et de fraudes et de violence, sous les couverts il tue l’innocent, il est à l’affut pour se saisir du MISÉREUX, et tombe en ses pouvoirs le misérable. il se couvre la face
Q 12 DRESSE-TOI, YHWH ! N’OUBLIE PAS les humiliés ! 13 À cause de quoi méprise-t-il le MÉCHANT Dieu, R 14 TU AS VU, oui, toi, la peine et les pleurs, à toi s’abandonne le misérable,
Dieu, lève TA MAIN, dit-il en son cœur : « TU NE CHERCHERAS PAS ? » tu regardes pour les donner en TA MAIN : l’orphelin, toi, tu (lui) fus secours.
Š 15 Brise le bras du MÉCHANT, du mauvais, 16 Yhwh est roi pour toujours et à jamais, T 17 Le désir des humiliés, tu écoutes, Yhwh, 18 pour juger l’orphelin et L’OPPRIMÉ :
TU CHERCHERAS sa MÉCHANCETÉ, elle ne se trouvera plus. ONT DISPARU les nations de sa terre. tu affermis leur cœur, tu tends ton oreille, il n’aura plus peur d’un HOMME (né) de la terre !
Le psaume 9–10
129
Outre les rapports déjà notés entre le passage central et ceux qui l’encadrent, ces derniers ont un grand nombre de termes communs, ce qui est un signe fort de l’unité du psaume. Abondent dans les deux passages les termes opposés « méchant(s) » « miséreux », avec leurs synonymes : d’une part, « ennemi(s) » (10,4.7.14), « les nations » (9,6.16.18.20.21 ; 10,16), « les païens » (9,9), « les peuples » (9,12), « le monde » (9,9), « le mauvais » (10,15) et d’autre part « l’opprimé » (9,10 ; 10,18), « le pauvre » (9,19), « l’innocent » (10,8), « le misérable » (10,8.10.14), « les humiliés » (10,12.17), « l’orphelin » (10,14.18)17. On notera aussi les reprises suivantes : – « disparaitre » (9,4.6.7.19 ; 10,16) ; – « pour toujours et à jamais » (9,6 ; 10,16) ; – « chercher » (9,11.13 ; 10,4.13.15) ; – « oublier » (9, 13.18.19 ; 10,11.12) ; – « voir » (9,14 ; 10,11.14) ; – « filet » (9,16 ; 10,9). Plus important encore, la reprise de « Dresse-toi, Yhwh » dans les secondes parties des deux passages (9,20 ; 10,12) et de « homme » en termes finaux (9,20.21 ; 10,18). Alors que le psalmiste énonce « la louange » du Seigneur (9,15), le méchant « se loue » lui-même (10,3). On peut ajouter, bien qu’il n’y ait pas de reprise lexicale, que les débuts des deux passages s’opposent : c’est d’abord le psalmiste qui rend grâce au Seigneur, « se réjouit et exulte » en lui (9,2-3), c’est ensuite le méchant qui « se loue » lui-même « du désir de son âme » (10,3). Alors que dans le premier passage les ennemis sont au pluriel, dans le troisième le méchant est tout au long au singulier (sauf « les nations » en 10,16). Enfin, la partie où se perd l’alphabétisme (10,3-11) et où le texte est tourmenté, est aussi celle où le rythme est bousculé : alors que les autres parties sont formées de segments bimembres18, dans cette partie se succèdent : 2 bimembres, 5 trimembres, 1 bimembre, 1 unimembre, un trimembre (voir p. 120).
CONTEXTE BIBLIQUE CAÏN ET ABEL Dans le premier passage un verset peut rappeler l’histoire des deux premiers frères : « car il s’enquiert des sangs, d’eux il se souvient, il n’oublie pas le cri des miséreux » (Ps 9,13). Les premiers « sangs » répandus qui « crièrent » vers le Seigneur furent ceux d’Abel que Caïn « tua » : « et il arriva que tandis qu’ils étaient dans la campagne, Caïn se leva contre Abel son frère et le tua » (Gn 4,8) ; 17
Sur les termes désignant les opprimés, voir, par exemple, Vesco, I, 151-154. Seule exception, la partie suivante commence par un trimembre (12), comme si le psalmiste n’avait pas encore retrouvé son calme. 18
130
La première section (Ps 1–18)
« Et [Yhwh] dit : « Qu’as-tu fait ? La voix des sangs de ton frère crient [sic] vers moi du sol » (4,10). Dans le dernier passage, la description du méchant qui « se tient à l’affut » « comme un lion dans son fourré » (Ps 10,9), qui « s’accroupit, se tapit » (10) et qui « sous les couverts tue l’innocent » (8), rappelle aussi l’histoire de Caïn et Abel et en particulier les paroles que Yhwh adresse à Caïn pour le mettre en garde : « Pourquoi es-tu en colère et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Mais si tu n’agis pas bien, à ta porte le péché est tapi et vers toi va son élan ; mais toi tu peux le dominer » (Gn 4,6)19.
INTERPRÉTATION UN PSAUME D’ACTION DE GRÂCES PUIS UN PSAUME DE SUPPLICATION ? À première vue, il pourrait sembler que le psalmiste a mis la charrue avant les bœufs. L’exposé du malheur et la supplication du Ps 10 devraient en effet précéder l’action de grâce et l’exultation causées par le jugement divin et le salut par quoi commence le Ps 9. Certains pensent que c’est la raison pour laquelle le psaume a été coupé en deux dans le texte massorétique : les genres littéraires des deux psaumes doivent être distingués, le Ps 9 étant un psaume d’action de grâce, le Ps 10 un psaume de supplication. Toutefois, il ne manque pas de textes où la gloire précède la douleur. Ainsi dans le quatrième chant du Serviteur (Is 52,13– 53,12) où est annoncée d’emblée l’exaltation du Serviteur (Is 52,13) avant la description de ses souffrances et de son humiliation20 (voir aussi Ps 98). L’ordre chronologique n’est pas le seul qu’un poète puisse choisir. LE PSAUME 9 EST AUSSI UN PSAUME DE SUPPLICATION La première partie du psaume 9–10 n’est pas seulement un psaume d’action de grâces. La deuxième partie en effet commence par un vœu : « Que le Seigneur soit un refuge pour l’opprimé, un refuge aux temps d’angoisse » (9,10). Si le psalmiste se tourne alors vers ses compatriotes, les invitant à « jouer » pour le Seigneur et à « raconter » « chez les peuples ses hauts faits » (12), il ne tarde pas à supplier son Dieu d’« avoir pitié » de lui (14). Après avoir rappelé le salut, disant comment « les nations ont croulé dans la fosse qu’ils ont faite » (16), il revient encore à la supplication : « Dresse-toi, Seigneur, que ne triomphe l’homme... » (20-21). Il est vrai que l’ennemi a été vaincu et c’est pour cela que le roi rend grâce au Seigneur. Mais il sait aussi que la menace demeure et qu’il lui faut encore, en redisant sa foi, invoquer le secours de son Dieu. 19 Traduction d’André Wénin (Actualité des mythes, 41-53) ; voir ID., D’Adam à Abraham ou Les errances de l’humain, 147-153. 20 Voir l’analyse rhétorique de ce texte dans R. MEYNET, « Le quatrième chant du Serviteur. Is 52,13–53,12 ».
Le psaume 9–10
131
« VRAIMENT, TU ES UN DIEU QUI SE CACHE, DIEU D’ISRAËL SAUVEUR ! » (IS 45,15) La question qui surgit au tournant du psaume ne manque pas de surprendre21. Toutefois ce n’est pas tout à fait un coup de tonnerre dans un ciel serein. La supplication des deux versets précédents laissait entendre que la paix était de nouveau menacée, et peut-être même que les hostilités avaient repris. L’ensemble du psaume en effet peut être lu non pas seulement comme une prière, mais comme un récit, celui d’un roi qui vient de remporter une victoire avec l’aide du Seigneur, mais qui n’a pas encore gagné la guerre et qui invoque le secours divin. Une autre interprétation est cependant possible. Malgré la victoire et la délivrance, le souverain demeure ébranlé et troublé par la grande peur qu’il avait éprouvée devant les attaques de ses ennemis ; et il revit l’angoisse qui l’avait étreint, terrifié d’abord par la menace de mort qui avait pesé sur lui (10,311), criant ensuite vers son Dieu en multipliant ses déclarations de confiance en lui (12-18). QUESTION DE FOI En somme, ce qui est en jeu dans tout le psaume et qui éclate en son centre n’est autre que la question de la foi. C’est vraiment le cas de le dire, puisque tout le psaume tourne autour de l’interrogation adressée au Seigneur : « Pourquoi, Seigneur, te tiens-tu au loin, te caches-tu aux temps d’angoisse ? » Dans ces paroles de reproche s’expriment en même temps deux sentiments contradictoires : le psalmiste pense que Dieu est absent, mais il lui parle, lui crie peut-être son « pourquoi » comme s’il était proche, en tout cas à portée de voix. S’il croyait qu’il était si loin qu’il ne pouvait entendre, lui aurait-il adressé la parole ? Paradoxalement sa question angoissée dit sa foi. Et il ne s’arrête pas à sa question, il poursuit en portant plainte contre le méchant qui consume le miséreux par son orgueil. Enfin, ses derniers mots montrent à l’évidence qu’il fait confiance à son Seigneur qui fera en sorte que ses persécuteurs seront pris à leur propre piège. L’ARROGANCE DES MÉCHANTS Le terme récurrent « méchant » serait peut-être mieux traduit par « impie ». Toutefois « impie » désigne plutôt celui qui ne respecte pas Dieu, alors que le « méchant » est en même temps celui qui méprise aussi bien les hommes que Dieu lui-même. Victime de l’impie, [l’opprimé] est aussi son adversaire, lui opposant le reproche vivant de son innocence. Bien plus qu’un obstacle à supprimer sur le chemin de la richesse et du pouvoir, le pauvre est aux yeux de l’impie l’image du Dieu qu’il veut briser : s’il peut supprimer le pauvre, non seulement il se sera débarrassé d’un témoin 21 C’est cette question qui a été choisie comme titre de la monographie de D. LIFSCHITZ, ed., Perché, Signore, te ne stai lontano?: Salmi 9 e 10.
132
La première section (Ps 1–18)
gênant ; il se sera donné la preuve de l’incapacité de Dieu à sauver les siens, ou de son indifférence à leur égard22.
HANDICAPÉ OU VIRTUOSE ? Le psaume est-il rescapé d’un accident qui l’aurait laissé sévèrement handicapé, irrémédiablement bancal et couvert de bien vilaines cicatrices qui le défigurent et qu’aucune chirurgie ne saurait effacer ? Son auteur pourrait être au contraire un poète fort habile, voire même un virtuose. Le portrait qu’il brosse de la panique qui suffoque le psalmiste royal devant la menace mortelle (10,3-11), avec son style d’épouvante qui lui fait perdre le repère de l’alphabétisme, traduit de manière très expressive l’état dans lequel il se trouve. Et ce n’est pas un hasard si, se tournant vers son Dieu, il peut enfin s’apaiser et retrouver le chemin de l’alphabet qui l’amènera jusqu’à son Taw (Jb 31,35), jusqu’à son dernier mot. Je découvre après coup, une autre interprétation très suggestive : Il est à noter que cette longue méditation sur la logique déformée des méchants tombe exactement à l’endroit où six lettres consécutives sont omises. Cette corrélation nous conduit à penser que la structure du psaume reflète son message. L’acrostiche alphabétique représente le bon ordre, la manière dont le monde devrait être quand Dieu est présent. La mention des méchants et leurs déclarations, qui représentent une rupture dans l’ordre divin, surviennent précisément au moment où il y a une rupture dans la séquence acrostiche. Dans cette longue section de dix versets qui plonge dans les pensées intimes des méchants, l’acrostiche se décompose complètement et six lettres disparaissent. L’acrostiche ne revient sur la bonne voie qu’avec l’appel adressé à Dieu pour qu’il agisse et punisse les méchants : « Lève-toi, Seigneur » (10,12)23.
L’ÉNIGME DU DALET ABSENT Le psaume 9–10 n’est pas le seul dont l’alphabétisme est « défectueux »24, mais il n’en est pas d’autres où Dalet est omis. On a fait noter que le premier segment de la lettre précédente, Guimel, s’achève par un Dalet25 et qu’aucun autre segment du psaume ne finit par cette lettre26. C’est exact, mais cela semble une bien maigre consolation. Faut-il tenter de trouver une raison à cette absence ? Pourrait-elle être voulue, ou tout au moins significative27 ? D’emblée, un ami m’a fait remarquer que delet signifie « porte », interprétant aussitôt, d’une manière « sauvage », que 22
Mannati – Solms, I, 148. R. BENUN, « Evil and the Disruption of Order: A Structural Analysis of the Acrostics in the First Book of Psalms », 6. 24 Le Psaume 145 est dépourvu du Noun, selon le texte massorétique, le Psaume 25 n’a pas de Bet, de Waw ni de Qoph ; il manque aussi le Waw dans le Psaume 34 qui en revanche a deux Pé, le Ayin manque aussi dans le psaume 37. 25 gā‘artā gôyim ’ibbadtā rāšā‘ šemām māḥîtā le‘ôlām wā‘ed. 26 R. BENUN, « Evil and the Disruption of Order », 3. 27 Selon Ronald Benun « l’absence du verset dalet représente symboliquement le sens littéral de la destruction des méchants et l’effacement de leur mémoire » (« Evil and the Disruption of Order », 7). 23
Le psaume 9–10
133
son absence pourrait signifier qu’il n’y avait pas de porte. Cela conviendrait bien au contexte (Ps 9,4-9), où les ennemis ne sauraient trouver la moindre issue pour échapper au jugement de Dieu. Plus sauvagement encore, ou, mieux, pour adopter un raisonnement de type kabbalistique, on notera que les deux dernières consonnes de Dalet sont le Lamed et le Taw, c’est-à-dire les lettres par lesquelles commencent le premier et le dernier verset du Ps 10. S’il est possible d’omettre le Dalet, il ne faudrait surtout pas laisser de côté tout ce qui va de Lamed jusqu’à Taw. Il serait dommageable de s’arrêter en plein milieu du chemin alphabétique ; il faut aller jusqu’au bout, jusqu’au bout de sa peur, jusqu’au moment où l’opprimé « n’aura plus peur d’un homme tiré de la terre » (Ps 10,18).
III. LE SALUT DE DIEU RÉPOND À LA PRIÈRE DE DAVID
La troisième sous-section : Ps 11–18 Les huit psaumes de la sous-section sont organisés en trois séquences. La première comprend six psaumes courts (Ps 11–16) qui forment deux sousséquences de trois psaumes chacune, la troisième un seul psaume aussi long que les six premiers (Ps 18), la deuxième un seul psaume (Ps 17) qui mesure le tiers de chacune des séquences extrêmes. LA PLAINTE
DE DAVID
« PRIÈRE
DE DAVID
L’ACTION DE GRÂCE
DE DAVID
CONTRE SES OPPRESSEURS
Ps 11–16
»
Ps 17
POUR SON LIBÉRATEUR
Ps 18
A. LA PLAINTE DE DAVID CONTRE SES OPPRESSEURS LA PREMIÈRE SÉQUENCE : PS 11–16 Les six psaumes de la séquence s’organisent en deux sous-séquences, chacune comprenant trois psaumes.
a) LE SEIGNEUR SE DRESSE CONTRE L’OPPRESSION DES PAUVRES La première sous-séquence : Ps 11–13 1. LE PSAUME 11 TEXTE 1
Du maitre de chant, de David. En Yhwh je m’abrite. Comment dites-vous à mon âme : « Fuis vers vos montagnes, oiseau ; 2 car voici les méchants bandent l’arc, ils ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les droits-de cœur. » 3 Quand les fondements sont démolis, le juste que ferait-il ? 4 Yhwh dans le temple de sa sainteté, Yhwh dans les cieux son trône. Ses yeux contemplent, ses pupilles éprouvent les fils d’Adam. 5 Yhwh le juste éprouve et le méchant, et qui aime la violence le hait son âme ; 6 il fait pleuvoir sur les méchants charbons, feu et soufre et vent de flamme la part de leur coupe. 7 Oui, juste Yhwh, les justices il aime, les droits contemplent ses faces.
136
La première section (Ps 1–18)
V. 1D
: « FUIS VERS VOS MONTAGNES, OISEAU »
Contrairement au Qeré, le ketib lit le verbe au pluriel, sans doute à cause du pluriel de « vos montagnes ». Diverses corrections ont été proposées, qui ne s’imposent pas : au lieu du vocatif, la Septante a : « comme un moineau » et supprime le pronom suffixe de « vos montagnes », ce qui facilite la lecture. V. 1D-2 : LES LIMITES DU DISCOURS RAPPORTÉ
Alors que le début du discours ne pose aucun problème, sa fin est problématique. Pour certains il ne comprend qu’un seul membre (1d), pour d’autres il va jusqu’à la fin du verset 2, pour d’autres enfin il comprend aussi le verset 31. La composition du psaume, organisé autour de la question de 3 à laquelle répond le verset 4, invite à limiter le discours des ennemis à 1d-2. V. 3
: « LES FONDEMENTS »
Le terme šēt est rare ; ailleurs (2S 10,4 ; Is 20,4) il signifie « fesses ». Selon le sens métaphorique, il indique ce sur quoi on peut s’appuyer, s’asseoir. D’où la traduction par « fondements ». V. 6
: « CHARBONS »
Le terme paḥîm signifie « filets » pour prendre les oiseaux (voir par ex. Am 3,5), ce qui fait difficulté dans le contexte ; peḥāmîm, « charbons » donne un meilleur sens. La forme abrégée pourrait avoir été choisie pour correspondre à la chasse à « l’oiseau » du verset 2. V. 7B
: « LES DROITS CONTEMPLENT SES FACES »
En hébreu la phrase est ambiguë, le sujet du verbe pouvant être le pluriel « ses faces » (traduit habituellement par le singulier), mais aussi yāšār, interprété comme un collectif et donc traduit par « les droits ». La plupart des commentaires et des traductions choisissent la deuxième solution2 ; la Septante opte pour la première solution. Le Midrash discute longuement le sens de ce membre et propose : Une autre interprétation : rendu littéralement, le verset dit : « En ce qui concerne les droits, ils contempleront mutuellement leurs faces ». [...] Les hommes droits contempleront la face du Droit du monde, et le Droit du monde contemplera les faces des hommes droits. Car le Droit est le Saint, béni soit-il, de qui il est dit : « Il est le Juste et le Droit » (Dt 32,4)3. 1
Voir deClaissé-Walford – al., 148. Voir en particulier l’argumentation serrée et convaincante de Delitzsch (242-243). Mannati au contraire opte pour la première solution (I, 150-151) ; de même Girard (I, 276-277). 3 The Midrash on Psalms, 163-164. 2
Le psaume 11
137
COMPOSITION La plupart subdivisent le psaume en deux parties (1-3 et 4-7)4. Girard y voit un diptyque parallèle dont les limites ne sont pas les mêmes : 1-2 ; 3-4 / 5-6 ; 75. Le psaume présente un nouvel exemple de la loi de la question au centre (3), accompagnée de sa réponse (4)6. Dans la première partie (1b2) le psalmiste répond à ceux qui l’invitent à fuir devant les méchants, dans la dernière (4c-7) il développe ce que fait le Seigneur pour le juste et pour les méchants. Au centre, à la question de savoir ce que peut faire « le juste » « quand les fondements sont démolis » (3), il répond que le Seigneur trône comme juge dans sa demeure céleste (4ab). LA PREMIÈRE PARTIE (1B-2) + 1b En Yhwh
je m’abrite.
································································································
– Comment – « Fuis
dites-vous vers vos montagnes,
à mon âme : oiseau ;
– 2 car voici – ils ajustent – pour viser
les méchants leur flèche dans l’ombre
bandent à la corde, les droits -
l’arc, de cœur. »
Dans son extrême brièveté, la confession de foi du premier morceau (1b) s’oppose à la longue invitation à fuir du second morceau (1cd) motivée par les menaces que « les méchants » font peser sur « les droits » de cœur auxquels ils s’apprêtent à donner la chasse avec « arc » et « flèche ». LA DEUXIÈME PARTIE (3-4B) :: 3 Quand les fondements :: le juste
sont démolis, que ferait-t-il ?
+ 4 Yhwh + Yhwh
dans le temple dans les cieux
de sa sainteté, son trône.
La question du premier segment trouve sa réponse dans le second. Les termes extrêmes se correspondent, surtout si l’on pense au sens concret de « fondements » (voir page précédente). Les « fondements » de la société humaine sont démolis, mais dans les cieux le « trône » du Seigneur reste solide et c’est sur lui que le juste peut s’appuyer. 4
Weiser, 155 ; Kraus, I, 201 ; Hakham, I, 48 ; deClaissé-Walford – al., 146. Girard, I, 276 ; suivi par Vesco, 158. 6 Voir ci-dessus, Ps 8, nt. 6 (p. 000). 5
138
La première section (Ps 1–18)
LA TROISIÈME PARTIE (4C-7) = 4c Ses yeux = ses pupilles
CONTEMPLENT,
éprouvent
les fils
d’Adam.
·····························································································································
= 5 YHWH – et QUI AIME
LE JUSTE
la violence,
éprouve le hait
et le méchant son âme ;
– 6 il fait pleuvoir – charbons, – et vent
sur les méchants feu de flamme
et soufre la part
de leur coupe.
·····························································································································
+ 7 Oui, JUSTE + LES DROITS
YHWH,
LES JUSTICES
CONTEMPLENT
ses faces.
IL AIME,
Le premier morceau est une affirmation générale introductive, le Seigneur mettant à l’épreuve l’ensemble des hommes, tous « fils d’Adam ». Dans le second morceau, le premier membre du premier segment précise que les fils d’Adam comprennent aussi bien « le méchant » que « le juste », tous éprouvés également par le Seigneur, mais le second membre énonce la position de Dieu envers le violent. Le deuxième segment (6) décrit le châtiment des « méchants ». Le dernier morceau quant à lui, ne traite que des justes : c’est d’abord l’attitude de Dieu envers eux (7a), c’est ensuite, en conclusion, la récompense des « droits » (7b). Les deux occurrences de « contemplent » (4c.7b) font inclusion, la première ayant les yeux du Seigneur pour sujet, la deuxième « les droits ». Les deux occurrences d’« éprouver » (4d.5a) qui ont le même sujet jouent le rôle de termes médians qui agrafent les deux premiers morceaux. Les deux occurrences de « juste », qualifiant l’homme la première fois (5a), Dieu la deuxième fois (7a), remplissent la fonction de termes initiaux pour les deux derniers morceaux ; de même les deux occurrences de « aimer » (5b.7a) dont les sujets s’opposent.
Le psaume 11
139
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant,
de David.
+ En YHWH
je m’abrite.
····························································································································
– Comment dites-vous – « Fuis
à mon âme : vers vos montagnes, oiseau ;
– 2 car voici – ils ajustent – pour viser
LES MÉCHANTS
leur flèche dans l’ombre
bandent à la corde LES DROITS
l’arc, -
:: 3 Quand les fondements :: LE JUSTE
sont démolis, que ferait-t-il ?
+ 4 YHWH + YHWH
dans le temple dans les cieux
de sa sainteté, son trône.
= Ses yeux = ses pupilles
contemplent, éprouvent
les fils
de cœur. »
d’Adam.
····························································································································
= 5 YHWH – et qui aime
la violence,
éprouve le hait
et LE MÉCHANT son âme ;
– 6 il fait pleuvoir – charbons, – et vent
sur LES MÉCHANTS feu de flamme
et soufre la part
de leur coupe.
LE JUSTE
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
+ 7 Oui, JUSTE + LES DROITS
YHWH, contemplent
LES JUSTICES
il aime,
ses faces.
Dans les parties extrêmes, « méchants » de 2a est repris au singulier en 5a et au pluriel en 6a. Les deux occurrences de « les droits » jouent le rôle de termes finaux (2c.7b). « Le juste » de la partie centrale (3b) revient deux fois dans la dernière partie, la première fois qualifiant l’homme (5a), la deuxième fois « Yhwh » (7a) à quoi il faut ajouter « les justices » toujours en 7a, indiquant les actions justes de l’homme. Le « trône » de Yhwh (4b) est celui du juge qui « éprouve » les fils d’Adam (4d), distinguant les justes des méchants. Ainsi le deuxième segment de la partie centrale (4ab) prépare la troisième partie ; quant à son premier segment (3), il renvoie à la première partie dans la mesure où, devant les menaces des méchants le « faire » du juste est de s’abriter en Dieu (1b) ou de fuir dans les montagnes (1d).
140
La première section (Ps 1–18)
CONTEXTE SODOME ET LOT Le verset 6 avec « feu et souffre » que Dieu « fait pleuvoir » sur les « méchants » rappelle l’histoire de la destruction de Sodome et Gomorrhe en Gn 19. Le conseil de Ps 11,1 : « Fuis vers vos montagnes, oiseau » reprend ce que les envoyés de Dieu dirent à Lot : « Sauve-toi à la montagne, pour n’être pas emporté ! » (19,17). Une fois Lot, sa femme et ses filles à l’abri, « Yhwh fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu venant de Yhwh » (24). LA DÉDICACE DU TEMPLE DE SALOMON Dans sa prière durant la dédicace du temple qu’il a construit pour que le Seigneur y demeure, Salomon déclare : « Mais Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite ! » (1R 8,27). Il poursuit en distinguant le temple terrestre et celui du ciel : « Écoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël lorsqu’ils prieront en ce lieu. Toi, écoute du lieu où tu résides, au ciel, écoute et pardonne » (30). Et il y reviendra tout au long de sa prière (33-34 ; 35-36 ; 38-39, etc.).
INTERPRÉTATION « QUAND LES FONDEMENTS SONT DÉMOLIS » Quand un homme est traité comme un « oiseau » par d’autres, c’est-à-dire comme une proie que l’on chasse pour la dévorer, « les fondements sont démolis ». Établissant les fondations de la création, le Seigneur confia à l’humain la domination sur les animaux, non pas pour les tuer et les manger, puisque comme le sien leur régime alimentaire devait être exclusivement végétarien (Gn 1,2930). L’humain était invité à exercer sa maitrise non sur les autres hommes mais sur les animaux, et non par la violence de l’arc et des flèches mais par la douceur de la parole. « QUE POURRAIT FAIRE LE JUSTE ? » Devant l’attaque des méchants armés, celui qui a renoncé à la violence, « le juste » ne peut rien faire. Des âmes bien intentionnées lui conseilleront de mettre de la distance entre lui et ses agresseurs, de s’envoler comme un oiseau dans la montagne. À moins que le conseil vienne de ceux-là même qui, à l’affut, n’attendent que l’instant où l’oiseau prendra son envol pour le faire tomber en le perçant d’une flèche. Le conseil de la fuite ne serait en définitive qu’un simple leurre. Et même si le juste échappait à l’arc et arrivait à rejoindre l’abri de ses montagnes, est-il sûr que son ennemi renoncerait à le chasser jusque-là ?
Le psaume 11
141
« C’EST DANS LE SEIGNEUR QUE JE M’ABRITE » Les tout premiers mots du psalmiste indiquent où se trouve le seul abri sûr, celui d’où les méchants ne sauraient pouvoir le déloger. Le juste ne peut rien devant la violence déchainée contre lui (3), sinon de s’en remettre à celui qui se trouve « dans le temple de sa sainteté », à Sion, mais dont « le trône » se trouve en réalité dans les cieux (4ab). C’est du ciel que le Seigneur contemple les fils d’Adam et qu’il juge entre le méchant et le juste. LA CONTEMPLATION DE DIEU Le psaume s’achève sur une phrase à double entendre qui ainsi laisse au lecteur le soin de conclure ou plutôt de poursuivre sa méditation. Si l’on entend « le droit » comme un synonyme de « le juste », c’est lui que la face de Dieu « contemple », comme ses yeux « contemplent » les fils d’Adam (4cd). Si au contraire on comprend « le droit » comme un collectif et si l’on suit l’ordre syntaxique le plus fréquent, ce sont les hommes droits qui contemplent la face de Dieu. Faut-il obligatoirement choisir ? Ne serait-il pas plus heureux d’entrer dans le face à face ?
2. LE PSAUME 12 TEXTE 1 Du maitre de chant, sur l’octacorde, psaume de David. 2 Sauve, Yhwh, car c’en est fini du fidèle, car ont disparu les loyaux parmi les fils d’Adam : 3 à faux ils parlent chacun à son compagnon, lèvre de fraude, cœur double ils parlent. 4 Qu’il retranche Yhwh toute lèvre de tromperie, la langue parlant des grandeurs, 5 eux qui disent « Par notre langue nous sommes forts, nos lèvres sont avec nous, qui (sera) maitre sur nous ? » 6 « À l’oppression des pauvres, au gémissement des miséreux, maintenant je me dresse, — dit Yhwh, je (te) mets dans le salut, — assure-t-il à lui. » 7 Les paroles de Yhwh (sont) paroles pures, argent épuré à 8 Toi, Yhwh tu les gardes, tu le protèges de cette l’entrée de la terre affiné sept-fois. génération à jamais ; 9 en rond les méchants s’en vont quand s’exalte la dépravation pour les fils d’Adam.
V. 2B
: « ONT DISPARU »
Le verbe est un hapax legomenon. Le parallélisme des membres du premier segment invite à y voir un synonyme de « c’en est fini »1. V. 6C
: « ASSURE-T-IL À LUI »
Les deux derniers termes du verset font difficulté et sont donc interprétés de manières très différentes. Il y a d’abord le sens du verbe yāpîaḥ qui fait question : en Ps 10,5 il est généralement traduit par « tous ses adversaires il souffle (ou ; il crache) sur eux »2 ; en Ha 2,3, « il aspire à la fin »3. En Ougaritique comme en hébreu le verbe a aussi le sens de « témoigner »4. En Pr 12,17 il est utilisé en parallèle avec un verbe de parole, « il déclare (yāpîaḥ) la vérité, il dit (yaggîd) la justice, mais le témoin de mensonges ce qui est faux »5. En outre le verbe étant à la troisième personne du masculin singulier, le problème est d’identifier le référent de son sujet ? L’énigme est redoublée avec le terme final, lô, « à lui », car le référent du pronom masculin singulier est lui aussi bien difficile à déterminer. Il semble que la solution la plus simple est de tenir compte de la composition du texte.
1
Voir Kraus, I, 206-207 ; G.T.M. PRINSLOO, « Man’s Word–God’s Word: A Theology of Antithesis in Psalm 12 », 390, nt. 2. 2 Ainsi G. Ravasi traduit : « Metterò in salvo chi ha su di sé il soffio del disprezzo » (I, 241). De même déjà Dhorme, qui se réfère à Ps 10,5 : « Je porte secours à celui sur qui l’on souffle ». 3 A. Weiser traduit : « I will grant my salvation to him who longs for it » (158). 4 Voir P.D. MILLER, «Yāpîaḥ in Psalm 12:6» ; Miller traduit le dernier membre de 6 : « I will place in safety the witness in his behalf ». 5 Telle est la première interprétation que propose Hakham (I, 54).
144
La première section (Ps 1–18)
V. 7C
: « À L’ENTRÉE DE LA TERRE »
Les deux termes par lesquels s’achève 7c (ba‘ălîl lā’āreṣ) sont obscurs, car le premier terme est un hapax legomenon ; si bien que certains les suppriment6. La Septante et la Vulgate semblent avoir interprété « purifié de la terre », c’est-àdire « séparé de la gangue ». Ravasi comprend « la terre » comme la « terre cuite » du creuset et traduit donc « dans le creuset de terre »7. D’autres comprennent que, dérivant de ‘ll II, ‘ălîl signifie « l’entrée »8 ; il pourrait donc s’agir du four enterré, creusé dans la terre. V. 8 : « TU LES GARDES
»
Le premier membre de 8 présente une double difficulté : à la fin du premier membre, quel est le référent du pronom suffixe masculin pluriel « les » ? Certains pensent qu’il s’agit des « pauvres » et « miséreux » de la partie précédente9 ; d’autres sont d’avis que ce sont « les paroles » du début du premier morceau (7ab)10, bien que les deux termes soient féminins en hébreu. Quant au pronom « le » du deuxième membre, il ne peut guère se référer qu’au pauvre11 ; le parallélisme invite donc à voir dans le pronom pluriel « les » de 8a les pauvres et les miséreux. V. 9
: « EN ROND LES MÉCHANTS S’EN VONT... »
Le dernier verset est fort problématique. Au début du premier membre, sābîb, « à l’entour », traduit ici par « en rond », semble signifier « de tous côtés », et l’on peut comprendre que les méchants sont perdus, incapables de retrouver leur chemin. Quant aux deux premiers mots du membre suivant, kerum zullût, ils sont loin d’être clairs. Les versions grecques ne sont pas de grand secours, car elles sont très différentes les unes des autres12. Le deuxième terme, zullût, est un hapax legomenon, mais le participe zôlēl, signifiant « débauché », « dépravé » (Dt 21,20 ; Pr 23,20.21 ; 28,7), on en inférera que zullût est le terme abstrait qui correspond à ce verbe. Pour ce qui est du premier terme, kerum, c’est aussi un hapax. Écartant les diverses corrections qui ont été envisagées, il est préférable de suivre le texte massorétique. En effet, rum peut être compris comme l’infinitif de rwm (rûm : « être élevé », « exalté »). Quant au sens de la préposition ke, le 6
Ainsi Kraus, I, 206-207. Ravasi, I, 246. 8 Voir, par ex., G.T.M. PRINSLOO, « Man’s Word–God’s Word », 391, nt. 4. 9 Ainsi Hakham, I, 55. 10 Par exemple, Kraus, I, 207. 11 Le couple canonique « garder » et « protéger » se retrouve sur des amulettes de l’âge du fer fabriquées dans des fours partiellement enterrés (J.D. SMOAK, « Amuletic inscriptions and the background of YHWH as guardian and protector in Psalm 12 »). 12 Voir, par ex., W.E. MARCH, « Note on the text of Psalm 12:9 ». Cet auteur interprète le début de 9b ainsi : « l’étoile (ou la Constellation) est reconnue (ou peut-être “observée”, “consultée”) parmi les fils des hommes » ; cette proposition n’a guère retenu l’attention des chercheurs. 7
Le psaume 12
145
plus probable est qu’il soit temporel (« quand est exaltée la dépravation parmi les fils d’adam »).
COMPOSITION Hakham divise le psaume en deux parties (les œuvres des méchants, 2-5 ; les œuvres de Dieu, 6-9)13. Ravasi subdivise chaque partie en deux : appel initial (23) et commentaire de l’appel (4-5) ; oracle divin (6) et commentaire de l’oracle (7-9)14. Pour Lorenzin ce sont quatre parties, suivant les subdivisions de Ravasi15. Kraus a les mêmes quatre parties, mais il considère 6 comme le centre indubitable du poème16. D’autres y voient trois parties (2-5 ; 6 ; 7-9)17. Deux parties formées chacune de deux morceaux (2-5 ; 7-9) encadrent une partie nettement plus courte qui est de la taille d’un segment trimembre (6). LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) + 2 SAUVE, :: car ont disparu
YHWH, les loyaux
car c’en est fini parmi les fils
du fidèle d’Adam :
- 3 à faux - lèvre
+ :: ::
ILS PARLENT chacun à son compagnon, DE TROMPERIE cœur et cœur ils parlent. ······················································································································· 4 QU’IL RETRANCHE YHWH toute lèvre DE TROMPERIE la langue PARLANT des grandeurs, 5 eux qui DISENT :
- « Par notre langue - nos lèvres - qui (sera) maitre
nous sommes forts, sont avec nous ; sur nous ? »
La prière du premier morceau (2a) est motivée par deux raisons semblables introduites par « car » (2a.2b) : le jeu du singulier et du pluriel semble suggérer qu’il ne se trouve plus un seul homme « fidèle », que tous les gens « loyaux » ne sont plus. Le second segment (3) montre comment ceux sur la fidélité et la loyauté desquels on pouvait compter sont pour ainsi dire remplacés par leur contraire ; en effet, tout est faux dans leurs paroles (« ils parlent », deux fois) : mensonge généralisé (3a), « tromperie » et cœurs doubles (3b).
13
Hakham, 1, 53 ; Vesco, 162. Ravasi, I, 244. 15 Lorenzin, 77. 16 Kraus, I, 207.210. 17 deClaissé-Walford – al., 152. 14
146
La première section (Ps 1–18)
Dans le deuxième morceau le premier segment invoque l’intervention du Seigneur contre ceux qui mentent (4a) et qui se vantent (4b). Le second segment rapporte les paroles orgueilleuses qu’ils « disent », défiant quiconque de pouvoir les maitriser. « Lèvre(s) » et « langue » reviennent, en ordre inverse, dans chaque segment. Les deux morceaux sont globalement parallèles. Ils commencent par une prière (2a.4a), à l’impératif d’abord (« Sauve »), au jussif ensuite (« Qu’il retranche »), adressée chaque fois à « Yhwh » ; ces deux syntagmes remplissent la fonction de termes initiaux. Ceux dont le psalmiste demande d’être délivré sont ceux dont les paroles trahissent leurs intentions mauvaises. Les deux occurrences de « ils parlent » dans le premier morceau (3a.3b) sont reprises dans le deuxième morceau par « parlant » (4b) et « disent » (5a) ; « lèvre » de 3b revient deux fois dans le deuxième morceau, au singulier (4a) puis au pluriel (5c), accompagnés des deux occurrences de « langue » (4b.5b). Les deux occurrences de « lèvre de tromperie » (3b.4a) jouent le rôle de termes médians. L’insistance sur la parole mauvaise ne pouvait pas être plus forte. Le second morceau va plus loin que le premier, car à la fausseté (3) s’ajoute l’orgueil (4) de ceux qui entendent écraser les autres (5). LA DEUXIÈME PARTIE (6) . 6 « À l’oppression - MAINTENANT - « JE METTRAI
des pauvres, JE ME DRESSE, DANS LE SALUT,
au gémissement — dit — assure-t-il
des miséreux, Yhwh, à lui. »
Le trimembre est du type ABB’. Face à la situation des « pauvres » et des « miséreux » (6a), le Seigneur réagit : « maintenant je me dresse » (6b), « je mettrai dans le salut » (6c). Et il le dit : « dit Yhwh », à la fin du second membre (6b). Le parallélisme des deux derniers membres suggère d’interpréter la fin du dernier membre à la lumière de la fin du membre précédent : les deux expressions seraient complémentaires, le premier identifiant celui qui parle, « Yhwh », l’autre celui à qui il parle, « lui », c’est-à-dire le pauvre. Le passage du pluriel du premier membre (« les pauvres » et « les miséreux ») au singulier de la fin (« lui ») ne devrait pas surprendre outre mesure, car les psaumes sont coutumiers du fait. Un seul exemple, tiré du Ps 34 : 5
Je cherchai Yhwh Ils regardent vers lui 7 Ce pauvre appela 6
et il me répondit ET DE TOUTES MES FRAYEURS ME DÉLIVRA. et resplendissent et leurs visages ne rougiront pas. et Yhwh écouta ET DE TOUTES SES ANGOISSES LE SAUVA.
Alors que les segments extrêmes sont au singulier, le segment central est au pluriel18. 18
Voir p. 444.
Le psaume 12
147
Ainsi la composition du segment (AB / AB) peut se réécrire de la manière suivante : – 6 « À l’oppression + au gémissement
des pauvres, des miséreux,
– MAINTENANT + JE (te) METS
JE ME DRESSE, DANS LE SALUT,
— dit — assure-t-il
Yhwh, à lui. »
C’est en voyant l’oppression dont sont victimes les pauvres que le Seigneur se lève, c’est en entendant le gémissement des miséreux qu’il leur apporte le salut. LA TROISIÈME PARTIE (7-9) + 7 Les paroles :: (sont) paroles
de YHWH pures,
- argent - affiné
épuré sept-fois.
à l’entrée
de la terre,
··························································································································· 8
+ Toi, :: tu le protèges - 9 en rond - quand s’exalte
YHWH, de cette génération
tu les gardes, à jamais ;
les méchants la dépravation
s’en vont, pour les fils
d’Adam.
Le premier morceau compare la pureté des « paroles » du Seigneur (7ab) à celle de l’argent affiné au creuset (7cd), « sept fois », le chiffre de la totalité. Le premier segment du deuxième morceau (8) traite des pauvres que Yhwh garde. Dans le second segment (9), il est maintenant question de ceux qui persécutent pauvres et miséreux, « les méchants » (9a), appelés dans le membre précédent « cette génération » (8b). Ainsi le souhait ou la prière du premier segment (8) continue dans le suivant (9). Comme dans le segment précédent, le psalmiste — qui se compte au nombre des pauvres — souhaite que ses oppresseurs soient comme frappés de la berlue, tournant en rond (9a), à cause de leur dépravation19. Le contexte biblique permettra d’entrevoir ce à quoi le psalmiste fait allusion. Les relations entre les deux morceaux de cette dernière partie ne s’expriment pas par quelque reprise lexicale, à part les deux occurrences de « Yhwh » en même position (7a.8a)20. Toutefois, la séparation entre l’argent et ses impuretés n’est pas sans rapport avec celle que le Seigneur opérera entre ceux qu’il gardera (8) et « les méchants » dont il les protègera (9). 19 Les inaccomplis de 8-9 peuvent être traduits par des futurs, signifiant des souhaits, mais la logique du psaume invite plutôt à les comprendre comme des constatations, au présent. 20 On peut se demander s’il n’y aurait pas un rapport entre « terre » (’ereṣ : 7c) et « Adam » (’ādām, tiré de la ’ădāmâ, « le sol » : 9b).
148
La première section (Ps 1–18)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre de chant,
sur l’octacorde,
psaume
de David.
+ 2 SAUVE, :: car ont disparu
YHWH, les loyaux
car c’en est fini parmi LES FILS
du fidèle, D’ADAM :
ILS PARLENT
chacun cœur double
à son compagnon, ILS PARLENT.
- 3 à faux - lèvre
de tromperie,
···························································································································
+ 4 Qu’il retranche :: la langue :: 5 eux qui
YHWH PARLANT
toute lèvre des grandeurs,
de tromperie
au gémissement — DIT — ASSURE-T-IL
des miséreux, YHWH, à lui. »
à l’entrée
de la terre
DISENT
- « Par notre langue nous sommes forts, - nos lèvres sont avec nous ; - qui (sera) maitre sur nous ? » • 6 « À l’oppression des pauvres, - maintenant je me dresse, - je (te) mets dans LE SALUT, + 7 Les PAROLES :: (sont) PAROLES - argent - affiné
de YHWH pures, épuré sept-fois.
··························································································································· 8
+ Toi, :: tu le protèges - 9 en rond - quand s’exalte
YHWH de cette génération
tu les gardes, à jamais ;
les méchants la dépravation
s’en vont pour LES FILS
D’ADAM.
Les cinq occurrences de « Yhwh » forment une figure tout à fait régulière : quatre se trouvent en deuxième position au début de chacun des morceaux des parties extrêmes (2a.4a ; 7a.8a) et la cinquième est au cœur de la partie centrale (6b). À la fin des segments extrêmes (2b.9b) les deux occurrences du syntagme « les fils d’Adam » font inclusion. « Le salut » au centre (6c) fait écho au premier mot, « Sauve » (2a). « Paroles », deux fois au début de la dernière partie (’ămārôt : 7ab) rappellent les quatre verbes de parole de la première partie, « parler » (dibbēr : 3a.3b.4b) et « dire » (’āmar : 5a), ainsi que les deux de la partie centrale, « dire » (6b) et « assurer » (pwḥ : 6c). La pureté sans mélange de la parole de Dieu dans la dernière partie (7) est l’exact opposé de la duplicité trompeuse et menteuse des adversaires du psalmiste dans la première partie (3-4).
Le psaume 12
149
Dans la première partie le pauvre supplie Dieu de le sauver de la langue de ses persécuteurs, dans la deuxième le Seigneur répond à la fois aux prétentions des orgueilleux (5) et à la prière des pauvres (2) ; la dernière partie enfin est la confession de foi de celui qui sait qu’il est protégé contre ses adversaires par celui en qui il a mis sa confiance.
CONTEXTE « LA LANGUE EST UN FEU » L’expression est de Jacques : Voyez quel petit feu embrase une immense forêt: 6 la langue aussi est un feu. C’est le monde du mal, cette langue placée parmi nos membres : elle souille tout le corps ; elle enflamme le cycle de la création, enflammée qu’elle est par la Géhenne (Jc 3,5-6)21.
Mais l’image se trouve déjà en Pr 26 : 18
Un homme pris de folie qui lance des traits enflammés, des flèches et la mort : 19 tel est l’homme qui ment à son compagnon, puis dit : “N’était-ce pas pour plaisanter ?” 20 Faute de bois, le feu s’éteint, faute de calomniateur, la querelle s’apaise. 21 Du charbon sur les braises, du bois sur le feu, tel est l’homme querelleur pour attiser les disputes.
Et il ne faut pas aller très loin pour trouver l’image de l’argent affiné au creuset, « la tromperie », et même « les sept abominations » (opposées à l’argent raffiné sept fois). 23
De l’argent non purifié appliqué sur de l’argile : tels sont lèvres brûlantes et cœur mauvais. 24 Celui qui hait donne le change par ses propos, mais en son sein git la tromperie ; 25 s’il prend un ton cauteleux, ne t’y fie pas, car en son cœur il y a sept abominations.
FRAPPÉS DE BERLUE Les trois hommes qui avaient été reçus par Abraham et lui avaient annoncé la naissance d’un fils sont ensuite accueillis à Sodome par Lot, neveu d’Abraham. Or tous les hommes de la ville veulent abuser de ces trois hommes. Lot alors sort parlementer avec eux pour protéger ses hôtes divins, mais
21
Voir T. KOT, La lettre de Jacques, 122-130.
150
La première section (Ps 1–18)
ils le pressèrent fort, lui Lot, et s’approchèrent pour briser la porte. 10 Mais les hommes sortirent le bras, firent rentrer Lot auprès d’eux dans la maison et refermèrent la porte. 11 Quant aux hommes qui étaient à l’entrée de la maison, ils les frappèrent de berlue, du plus petit jusqu’au plus grand, et ils n’arrivaient pas à trouver l’ouverture (Gn 19,9-11).
Après quoi, les anges pressent Lot de « sortir du lieu » (Gn 19,12.14). Lot et sa famille furent ainsi séparés des méchants de cette génération perverse, qui périt dans le souffre et le feu (24). Levé de bon matin, Abraham vint à l’endroit où il s’était tenu devant le Seigneur 28 et il jeta son regard sur Sodome, sur Gomorrhe et sur toute la Plaine, et voici qu’il vit la fumée monter du pays comme la fumée d’une fournaise ! (Gn 19,27).
L’image de la fournaise s’accorde bien avec celle de l’argent purifié au feu du four (Ps 12,7cd).
INTERPRÉTATION LA PAROLE QUI TUE Il est tout à fait remarquable que « l’oppression » que subissent « pauvres » et « miséreux » (6a) ne soit pas décrite en termes de vol, d’exploitation ou de violence physique. La seule chose dont le psalmiste demande d’être sauvé, c’est de la langue de ceux qui l’oppriment, de leurs mensonges, de l’orgueil insensé de leurs paroles. Les prétentions de qui se croit le « maitre » entendent étouffer toute parole chez ceux qui en sont les victimes. Et de fait, les paroles qu’ils prononcent (5) sont lancées à la cantonade, comme s’ils se parlaient à euxmêmes, se gargarisant de leurs propres mots. Leur mépris pour les pauvres se manifeste le plus cruellement par le fait qu’ils ne leur adressent même pas la parole. LA PAROLE QUI FAIT CE QU’ELLE DIT Celui qui, par sa parole écrasante, ravit la parole à l’autre, ne lui laisse que le gémissement, comme la plainte inarticulée de l’animal qui souffre. Si les orgueilleux sont sourds au « gémissement des miséreux », le Seigneur l’entend (6a). Et il ne tarde pas à répondre : le premier mot qu’il prononce est « maintenant » (6b)22. Dans la supplication du pauvre, ce que Dieu entend d’abord, ce qui, pour ainsi dire, déclenche sa réaction, ce sont les paroles des oppresseurs dont l’orgueil est véritablement insupportable (5). Quand le Seigneur parle, il 22 Sur le « maintenant » comme « centre de la structure d’alliance », voir P. BEAUCHAMP, « Propositions sur l’alliance de l’Ancien Testament comme structure centrale », 167-170. Ici, le « maintenant » central est le point de basculement entre le passé d’oppression de la première partie et le futur inauguré par le salut.
Le psaume 12
151
fait ce qu’il dit. Ce ne sont pas des promesses, mais des actions. Le discours central du psaume est un discours performatif. LA PAROLE QUI A SAUVÉ Une fois que le Seigneur s’est dressé, le psalmiste peut constater à loisir les effets de son intervention. Sa parole sans mélange l’a tiré des attaques auxquelles il était soumis, et c’est « à jamais » (8b). Il peut alors voir ses oppresseurs tourner en rond sans pouvoir atteindre leur proie. Le Seigneur l’a fait sortir, lui et ses compagnons d’infortune, de la ville de perdition qui sera submergée par le souffre et le feu du ciel.
Du point de vue méthodologique, il est possible de faire trois remarques. La première est que l’étude de la composition peut offrir un grand secours pour résoudre certaines difficultés textuelles. On a noté depuis longtemps que le parallélisme des membres aidait à éclairer le sens d’un membre par l’autre23. Tel est le cas, reconnu par beaucoup, du premier segment bimembre du Ps 12. Au centre du même psaume, la construction fort élaborée de la partie centrale (6) a permis de proposer une nouvelle interprétation qui a le mérite de la simplicité. La deuxième remarque touche au contexte biblique. L’image sur laquelle s’achève le Ps 12, avec les méchants qui tournent en rond dans leur dépravation évoque la fameuse scène des habitants de Sodome frappés de berlue : alors le sens des derniers versets peut s’éclairer. La dernière remarque concerne la cohérence logique et thématique du texte, ce qui n’est pas sans rapport, comme on l’a vu, avec le contexte biblique : toujours dans le même psaume, le thème du feu transparait tout au long du psaume, depuis celui de la parole mauvaise qui enflamme tout dans la première partie, jusqu’à celui du châtiment de Sodome à la fin de la dernière partie, sans oublier celui du creuset où l’argent est séparé des scories, comme Lot et les siens sont extraits de la ville de perdition.
23 Voir, par exemple, Ch. SCHOETTGEN, Horae Hebraicae et Talmudicae, « Dissertatio VI. De exergasia sacra », chap. III, « De usu Exergasiae in Exegesi sacra », 1257-1263 ; trad. anglaise de la sixième dissertation dans J.R. LUNDBOM, Jeremiah. A Study in Ancient Hebrew Rhetoric, 121127.
3. LE PSAUME 13 TEXTE 1
Du maitre de chant, psaume de David. 2 Jusqu’à quand, Yhwh, m’oublieras-tu, jusqu’à la fin ? Jusqu’à quand cacheras-tu ta face de moi ? 3 Jusqu’à quand mettrai-je des projets en mon âme, la douleur en mon cœur de jour ? Jusqu’à quand s’élèvera mon ennemi sur moi ? 4 Regarde, réponds-moi, Yhwh mon Dieu, illumine mes yeux, que je ne m’endorme dans la mort, 5 que ne dise mon ennemi : « Je l’ai soumis », mes oppresseurs n’exultent si je suis ébranlé ! 6 Et moi, en ta fidélité je me confie ; qu’exulte mon cœur en ton salut, que je chante à Yhwh car il a fait du bien sur moi ! V. 3A
: « DES PROJETS »
On corrige souvent ‘ēṣôt, « conseils », « projets », par ‘aṣṣābôt, « souffrances », mais ce n’est pas nécessaire, car l’âme du psalmiste étant en souci à cause de son ennemi, il réfléchit et fait des plans pour lui échapper. V. 3B
: « DE JOUR »
À « de jour » la Septante ajoute « et de nuit » (ainsi BJ, Osty). D’autres comprennent, « journellement », « chaque jour ». À cause du parallélisme des membres 3a-3b, Hakham est d’avis que le psalmiste fait ses réflexions et ses plans de nuit et que le chagrin le submerge de jour car il ne peut rien faire contre son ennemi1. Une autre solution est de considérer 3b comme une glose2. V. 4B-5A
: « QUE »
Pour respecter le rythme, la conjonction pen qui introduit une finale négative est traduite par un simple « que ».
COMPOSITION La plupart voient trois parties dans le psaume : série de questions (2-3), prière (4-5), confiance et action de grâce (6)3. Pour Girard au contraire, ce sont deux parties (2-3 ; 4-6) chacune subdivisée en trois4.
1
Hakham, I, 58 ; déjà Delitzsch, 252.253. Ravasi, I, 253. 3 Kraus, I, 213 ; aussi Ravasi, I, 256 ; Hakham, I, 57 ; Lorenzin, 79 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 303, deClaissé-Walford – al., 158. 4 Girard, I, 296. 2
154
La première section (Ps 1–18)
Le psaume comprend deux parties parallèles entre elles : 2 et 4-5 ont le Seigneur pour sujet, 3 et 6 au contraire la première personne du psalmiste : tu m’oublies et voici ma situation, je te prie et voilà ce qui arrivera. 1
Du maitre-de-chant,
psaume
de David.
+ 2 Jusqu’à quand, + Jusqu’à quand
YHWH, cacheras-tu
m’oublieras-tu, ta face
jusqu’à la fin ? de moi ?
mettrai-je
des projets de jour ?
en mon âme,
– 3 Jusqu’à quand – la douleur
EN MON CŒUR,
– Jusqu’à quand s’élèvera MON ENNEMI SUR MOI ? ························································································································· + 4 Regarde, réponds-moi, YHWH mon Dieu, + illumine 5
:: que ne dise :: MES OPPRESSEURS – 6 Et moi, – qu’exulte – que je chante
que je ne m’endorme
mes yeux, :
« Je l’ai soumis », si je suis ébranlé !
en ta fidélité
je me confie ; en ton salut, car il a fait du bien
MON ENNEMI
n’exultent MON CŒUR à YHWH
dans la mort,
SUR MOI
!
Dans le premier morceau, unifié par les quadruples termes initiaux, « Jusqu’à quand », le second segment (3ab) expose les conséquences pour le psalmiste de l’abandon du Seigneur à son égard (2). Alors que le premier segment a Dieu pour sujet et que le deuxième a pour sujet le psalmiste, le sujet de l’unimembre final est son « ennemi ». Avec la présence menaçante de l’ennemi, le dernier segment permet de comprendre les préoccupations et les plans que le psalmiste imagine de nuit (3a), et sa « douleur » de jour (3b) quand il se voit dominé par son ennemi. Les deux premiers segments du deuxième morceau forment une seule phrase complexe. Le premier segment commence par des impératifs motivés par une première finale dont le sujet est le psalmiste ; à celle-ci s’ajoutent deux autres finales dont le sujet est maintenant son « ennemi », ses « oppresseurs ». Après la supplication des deux premiers segments, le dernier segment dit l’attitude du psalmiste, actuelle d’abord (6a), puis pour l’avenir, quand il aura été sauvé (6bc). La reprise de « exulter » agrafe les deux premiers segments et le troisième (5b.6b). Le nom de Yhwh revient, comme apostrophe, au début de chaque morceau ; il est repris une dernière fois en 6c, faisant ainsi inclusion avec la premier occurrence de 2a. Les deux occurrences de « sur moi » (3c.6c) jouent le rôle de termes finaux. On remarquera aussi la reprise de « mon cœur » en position symétrique (3b.6b) et aussi de « mon ennemi » (3c.5a). « Dans la mort » au début du deuxième morceau (4b) correspond à « jusqu’à la fin » au début du premier (2a).
Le psaume 13
155
CONTEXTE LA PLAINTE DANS LE CADRE DE L’ALLIANCE « Jusqu’à quand ? » Cette question adressée à Dieu n’est pas rare dans le Psautier (Ps 6,4 ; 80,5 ; 90,13 ; 94,3) ; elle va de pair avec « pourquoi ? » (74,910.11 ; 79,5.10 ; 80,13), avec « rappelle-toi », « n’oublie pas » (74,18.22-23 ; 89,48.51), avec « jusqu’à la fin » (74,19 ; 79,5 ; 89,47), plusieurs fois en relation avec la mort (Ps 6,6 ; 79,2-3 ; 89,49. C’est dans le cadre de l’alliance qu’elle est posée (Ps 74,20 : « Regarde vers l’alliance » ; 89,4.29.35.40)5. Ailleurs, la question introduite par « jusqu’à quand » est posée par le Seigneur, toujours dans le cadre de l’alliance, pour reprocher l’infidélité de son partenaire6. Quand le peuple se rebelle contre « Josué, fils de Nûn, et Caleb, fils de Yephunné » qui vantaient les mérites du pays de Canaan, qu’ils avaient visité et que le Seigneur avait promis de donner aux fils d’Israël, « Yhwh dit à Moïse : “Jusques à quand ce peuple va-t-il me mépriser ? Jusques à quand refusera-t-il de croire en moi, malgré les signes que j’ai produits chez lui ?” » (Nb 14,11 ; voir aussi 14,27). « Fidélité » est un autre terme du vocabulaire de l’alliance et en est même un terme clé (voir, p. 102).
INTERPRÉTATION « JUSQU’À LA FIN ? » C’est la seule fois dans le Psautier que « jusqu’à quand » résonne, comme en rafale, quatre fois de suite. Les jours heureux passent très vite, ceux du malheur semblent ne devoir jamais finir. Ils semblent devoir durer toute la vie, « jusqu’à la fin » (2a), jusqu’à l’heure de la mort (4b). La quadruple question est adressée à un Dieu absent, qui a oublié le psalmiste, qui lui a caché son visage, elle lui expose ensuite « l’âme » et « le cœur » du plaignant écrasé de douleur nuit et jour sans espoir d’en sortir jamais, elle dévoile enfin la cause de tout ce malheur, l’ennemi qui n’en finira donc jamais de l’emporter sur lui. LUMIÈRE DE MES YEUX Le psalmiste n’en peut plus de n’entendre que les sarcasmes de son ennemi et ses exultations, sans que son Dieu daigne prononcer la moindre parole. Il ne supporte plus de vivre dans l’obscurité absolue, celle des nuits passées à échafauder en vain des plans pour échapper aux griffes de ses oppresseurs, celle bien 5 Voir P. BEAUCHAMP, « Propositions sur l’alliance de l’Ancien Testament comme structure centrale » (« la plainte du vassal », 178-183). 6 Voir P. BEAUCHAMP, « Propositions sur l’alliance de l’Ancien Testament comme structure centrale » (« la plainte du suzerain », 183-186).
156
La première section (Ps 1–18)
pire encore d’être privé de la lumière de la face de Dieu. C’est pourquoi il supplie le Seigneur de lui répondre, mais avant tout de le « regarder », et ainsi d’illuminer ses yeux, de peur qu’ils ne se ferment définitivement dans le sommeil de la mort. LA FIDÉLITÉ DU SEIGNEUR Le Seigneur peut rester silencieux, il peut laisser son fidèle dans la nuit, et cela peut durer très longtemps. Il n’en reste pas moins fidèle pour autant. Il faut y croire ; contre toute évidence, il faut lui faire confiance, faire fond sur l’engagement qu’il a pris et qu’il ne saurait trahir. C’est ce que fait le psalmiste après avoir supplié. L’histoire ne dit pas ce qui est advenu, si le Seigneur a répondu et fait briller son visage sur son fidèle. Celui qui reprend la prière du psalmiste reste sur un double souhait. Son cœur veut exulter, il chantera à Yhwh, si Dieu veut, quand il le voudra.
4. LE SEIGNEUR SE DRESSE CONTRE LES OPPRESSEURS (PS 11–13) COMPOSITION DE LA SOUS-SÉQUENCE Les rapports entre les trois psaumes – Les titres commencent et finissent de la même manière. – Les adversaires se retrouvent dans chaque psaume : « le(s) méchant(s) » (11,2.5.6 ; 12,9), « mon ennemi » et « mes oppresseurs (13,3.5a.5b). – Le verbe « dire » revient dans les trois psaumes ; dans le dernier il a pour sujet « mon ennemi » (11,5), dans le deuxième ce sont aussi les adversaires du psalmiste (12,5, précédé de deux occurrences de « parler », 3 bis), mais aussi le Seigneur (12,6b, à quoi fait écho « assurer » et « paroles » de 7) ; dans le premier enfin, il en va de même (11,1-2)1. « Cœur » revient dans les trois psaumes (11,2 ; 12,3 ; 13,3.6). Les rapports entre les psaumes extrêmes – « mon âme » (11,1.5 ; 13,3) ; – « yeux » (11,4 ; 13,4), accompagné de « contemplent » et « pupilles » en 11,4.7 et de « regarde » et « illumine » en 13,4). Les rapports entre les deux premiers psaumes – « Les fils d’Adam » reviennent trois fois (11,4 ; 12,2.9). 1
À propos de Ps 11,1, Vesco écrit : « Qui invite à fuir et où arrêter cette invitation ? » (Vesco, 159). La cohérence des trois psaumes conforte l’interprétation qui voit dans 1c-2 les paroles des ennemis (voir p. 136).
La sous-séquence 11–13
157
Les rapports entre les deux derniers psaumes – « sauver/salut » sont repris en 12,2.6 et en 13,6, – « fidèle/fidélité » en 12,2 et 13,6. Ps 11,1 Du maitre-de-chant,
de David.
En Yhwh je m’abrite. Comment DITES-VOUS à MON ÂME : « Fuis vers vos montagnes, oiseau ; 2 car voici LES MÉCHANTS bandent l’arc, ils ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les droits-de CŒUR. » 3 4
Quand les fondements sont démolis, le juste que ferait-t-il ? Yhwh dans le temple de sa sainteté, Yhwh dans les cieux son trône.
Ses YEUX contemplent, ses pupilles éprouvent les fils d’Adam. 5 Yhwh éprouve le juste et LE MÉCHANT et qui aime la violence, le hait SON ÂME ; 6 il fait pleuvoir sur LES MÉCHANTS charbons, feu et soufre et vent de flamme la part de leur coupe. 7 Oui, juste Yhwh, les justices il aime, les droits contemplent sa face. Ps 12,1 Du maitre de chant, sur l’octacorde,
psaume
de David.
2
SAUVE, Yhwh, car c’en est fini du FIDÈLE, car ont disparu les loyaux parmi les fils d’Adam : 3 à faux ILS PARLENT chacun à son prochain, lèvre de tromperie, CŒUR et CŒUR ILS PARLENT. 4 Qu’il retranche Yhwh toute lèvre de tromperie la langue PARLANT des grandeurs, 5 eux qui DISENT « Par notre langue nous sommes forts, nos lèvres sont avec nous, qui (sera) maitre sur nous ? » 6
« À l’oppression des pauvres, au gémissement des miséreux, maintenant je me dresse, — DIT Yhwh, je te mets dans LE SALUT, — lui ASSURE-T-IL. » 7
Les PAROLES de Yhwh sont PAROLES pures, argent épuré à l’entrée de la terre affiné sept fois. 8 Toi, Yhwh tu les gardes, tu le protèges de cette génération à jamais ; 9 en rond LES MÉCHANTS s’en vont quand s’exalte la dépravation pour les fils d’Adam. Ps 13,1 Du maitre de chant,
psaume
de David.
2
Jusqu’à quand, Yhwh, m’oublieras-tu, jusqu’à la fin ? Jusqu’à quand cacheras-tu ta face de moi ? 3 Jusqu’à quand mettrai-je des projets en MON ÂME, la douleur en mon CŒUR de jour ? Jusqu’à quand s’élèvera MON ENNEMI sur moi ? 4
Regarde, réponds-moi, Yhwh mon Dieu, illumine mes YEUX, que je ne m’endorme dans la mort. 5 QUE NE DISE MON ENNEMI : « Je l’ai soumis », MES OPPRESSEURS n’exultent si je suis ébranlé ! 6 Et moi, en ta FIDÉLITÉ je me confie ; qu’exulte mon CŒUR en TON SALUT, que je chante à Yhwh car il a fait du bien sur moi !
158
La première section (Ps 1–18)
INTERPRÉTATION « C’EN EST FINI DU FIDÈLE » (12,2) Le ton de la sous-séquence est on ne peut plus sombre. « Les fondements sont démolis » (11,3), « les loyaux ont disparu parmi les fils d’Adam (12,2). La situation est devenue insupportable, tant et si bien que le psalmiste en arrive à interpeler son Seigneur avec une rafale de quatre « jusqu’à quand » qui qui montre qu’il est à bout. Dans la supplication qui suit ces cris de détresse, il s’adresse à un Dieu aveugle et muet : « Regarde, réponds-moi », un Dieu qui l’abandonne à la cécité ultime : « illumine mes yeux que je ne m’endorme dans la mort » (13,4). « MAINTENANT JE ME DRESSE, DIT YHWH » (12,6) En plein cœur de la sous-séquence le Seigneur répond (12,6) ; ce seront les seules paroles qu’il prononcera tout au long des trois psaumes. Il ne promet pas « le salut » pour un jour lointain : c’est « maintenant » qu’il le donne. C’est qu’il a vu « l’oppression des pauvres », il a entendu le « gémissement des miséreux ». Il n’est ni sourd ni aveugle. Son « maintenant » répond à la fois à la question centrale du premier psaume : « Quand les fondements sont démolis, le juste que ferait-il ? » (11,3) et prévient pour ainsi dire les « jusqu’à quand » angoissés du dernier psaume (13,2-3). « EN LE SEIGNEUR JE M’ABRITE » (12,1) La sous-séquence ne suit pas un ordre chronologique ; elle ressemble au contraire à ses tableaux où sont représentées sur la même toile les divers épisodes d’une vie. Ainsi le cadre est délimité par deux confessions de foi : « En Yhwh je m’abrite » (11,1), « en ta fidélité je me confie » (13,6). La supplication finale du psalmiste, « Regarde, réponds-moi [...] illumine mes yeux » (13,4), est anticipée par ce qu’il affirme tranquillement à la fin du premier psaume : « Ses yeux contemplent, ses pupilles éprouvent les fils d’Adam [...] les droits contemplent sa face » (11,4b.7).
b. LE JUSTE NE FAIT PAS DE MAL À SON PROCHAIN La deuxième sous-séquence (Ps 14–16) 1. LE PSAUME 14 TEXTE 1
Du maitre de chant, de David. A dit l’insensé en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable (leur) action ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 2 Yhwh des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’avisé, un cherchant Dieu. 3 Tous sont dévoyés, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas, même un seul. 4 Est-ce qu’ils ne savent pas, tous les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Yhwh ils n’appellent pas. 5 Là, ils seront effrayés d’effroi oui, Dieu (est) pour la race du juste ; 6 le projet du miséreux vous bafouez, oui, Yhwh (est) son abri. 7 Qui donnera de Sion le salut d’Israël ? Quand restaurera Yhwh la situation de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël ! V. 4 : DÉCOUPAGE
Plusieurs font du verset une seule phrase interrogative, considérant que le second bimembre est une relative : « tous les faisant le mal, qui mangent... »1. En respectant la ponctuation massorétique qui met un ‘ôlê weyôrēd après « tous les faisant le mal » et l’aṭnāḥ après « du pain », le verset se subdivise en deux : d’abord une proposition indépendante interrogative (4ab ; segment bimembre), ensuite une phrase complexe formée d’une participiale régie par une principale (4cd), à laquelle est juxtaposée une autre phrase indépendante (4e ; ces trois membres forment un segment trimembre). Ce cas est pratiquement le même que celui du Ps 1132. Se vérifie ici aussi la loi de la question au centre. V. 6
: « LE PROJET DU MISÉREUX VOUS AVILISSEZ »
Certains comprennent : « Votre plan contre le pauvre sera confondu »3. Il semble préférable de rester près du texte hébreu. : « le projet du miséreux vous rendez honteux »4.
1
Par ex., Delitzsch, 260 ; Kraus, I, 218 ; Ravasi, I, 261. Voir Cinquième livre, 101.104. 3 Par ex., Weiser, 164 ; Kraus, I, 218-219 ; Hakham, I, 62 ; Lorenzin, 60 (qui dit en note : « Autre traduction : “Devant le plan du pauvre vous échouerez” »). 4 Vesco, 170 (qui en fait une question) ; deClaissé-Walford – al., 165. 2
160
La première section (Ps 1–18)
COMPOSITION La plupart divisent le psaume en trois parties : 1-3 ; 4-6 ; 7 pour les uns5, 1-4 ; 5-6 ; 7 pour d’autres6. Le dernier verset est souvent considéré comme un ajout. La première partie (1b-3) et la dernière (4c-7) encadrent une partie très courte, la question de 4ab. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-3) – 1b A dit – « IL N’Y A PAS
l’insensé de DIEU ! »
– Ils se sont corrompus, – IL N’Y A PAS
ils font-abominable D’ŒUVRANT
en son cœur : (leur) action ; LE BIEN.
·····························································································
+ 2 YHWH + vers les fils
des cieux d’Adam,
se penche
+ pour voir + un cherchant
S’IL EN EST UN DIEU.
d’avisé,
····························································································· 3
– TOUS – ENSEMBLE
sont dévoyés, ils se sont pervertis ;
– IL N’Y A PAS – IL N’Y A PAS
D’ŒUVRANT
même
LE BIEN, un seul.
Le premier morceau juxtapose l’attitude de « l’insensé » envers Dieu (1bc) et envers les hommes (1de), même s’il y a passage du singulier dans le premier segment au pluriel dans le second. Dans le deuxième morceau « Yhwh » montre qu’il existe en examinant les hommes du haut du ciel (2ab) et en cherchant à savoir s’il est au moins un homme « avisé » (2cd). Le troisième morceau donne une réponse négative à la question centrale et le dit de deux façons complémentaires : tous sont mauvais (3ab), il n’en est pas un seul de bon (3cd). « Il n’y a pas » revient quatre fois (1c.1e.3cd) ; le même membre revient identique en 1e et en 3c. À ces négations (’ên ; « il n’y a pas ») correspond l’affirmation centrale (yēš, « il y a »). À « insensé » du début (nābāl, 1b) correspond « avisé » du centre (maśkîl, 2c).
5 6
Par exemple, Hakham, I, 60 ; Lorenzin, 81. Kraus, I, 220 ; Ravasi, I, 264.
Le psaume 14
161
LA TROISIÈME PARTIE (4C-7) – 4c Mangeant – ils mangent – YHWH
mon PEUPLE, du pain, ils n’appellent pas.
··································································································
= 5 Là, + oui, DIEU (est)
ils seront effrayés pour la race
d’effroi, du juste ;
– 6 le projet + oui, YHWH (est)
du miséreux son abri.
vous avilissez,
··································································································
:: 7 Qui donnera + Quand restaurera + exultera
de Sion YHWH Jacob,
le salut la situation se réjouira
d’Israël ? de son PEUPLE, Israël !
Le premier morceau décrit la double faute des pécheurs : contre les hommes qu’ils mangent comme on mange son pain, c’est-à-dire dont ils tirent leur subsistance, et contre Yhwh qu’ils ignorent, qu’ils n’invoquent pas. Le deuxième morceau comprend deux segments parallèles dont l’ordre « logique » semble inversé : le châtiment (5a) est mentionné avant la faute (6a), mais les seconds membres de chaque segment, introduits pas kî (traduit par « oui »), ont le Seigneur pour sujet qui prend le parti du « juste », du « miséreux » (5b.6b). Le troisième morceau concernant le salut d’Israël se rattache au premier morceau où il s’agissait déjà de « mon peuple » (4c). Le « peuple » d’« Israël » (4c.7abc) est comme « le juste » et « le miséreux » du morceau central. Le nom de « Yhwh » revient dans les morceaux extrêmes, ainsi que dans le morceau central en parallèle avec « Dieu ».
162
La première section (Ps 1–18)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre de chant,
de David.
.. A dit .. « Il n’y a pas
L’INSENSÉ de DIEU ! »
en son cœur :
– Ils se sont corrompus, – IL N’Y A PAS
ils font-abominable D’ŒUVRANT
(leur) action ;
LE BIEN. ····································································································· + 2 YHWH des cieux se penche
+ vers les fils
d’Adam,
+ pour voir + un cherchant
s’il en est un DIEU.
d’avisé,
·····································································································
– 3 Tous – ensemble
sont dévoyés, ils se sont pervertis ;
– IL N’Y A PAS – il n’y a pas
D’ŒUVRANT
LE BIEN,
même
un seul.
4
Est-ce qu’ils ne
TOUS LES FAISANT
– Mangeant – ils mangent .. YHWH
SAVENT PAS, L’INIQUITÉ ?
mon peuple, du pain, ils n’appellent pas.
·····································································································
= 5 Là, + oui, DIEU (est)
ils seront effrayés pour la race
d’effroi, du juste ;
– 6 le projet + oui, YHWH (est)
du miséreux son abri.
vous avilissez,
·····································································································
:: 7 Qui donnera + Quand restaurera + exultera
de Sion YHWH Jacob,
le salut la situation se réjouira
d’Israël ? de son peuple, Israël !
Les premiers morceaux des parties extrêmes se correspondent de manière spéculaire : ceux qui disent qu’« il n’y a pas de Dieu » (1bc) n’invoquent pas « Yhwh » (4e) ; les deux premiers membres de la dernière partie (4cd) et le second segment de la première partie disent le mal qu’ils font aux autres hommes. Les seconds morceaux rapportent une intervention de Dieu : il cherche un avisé parmi les hommes (2), il juge entre les méchants et les justes (5-6). Les noms de « Yhwh » et de « Dieu » se correspondent de manière spéculaire :
Le psaume 14
163
« Yhwh » et « Dieu » aux extrémités de 2, « Dieu » et « Yhwh » au début des seconds membres en 5-6). Quant aux troisièmes morceaux, ils n’ont rien en commun. Alors qu’en 3 le psalmiste revient de manière pessimiste sur la perversion générale des fils d’Adam, en 7 au contraire il exulte pour le salut opéré par « Yhwh » en faveur de son peuple. Le contraste est des plus frappants. Au centre du psaume, la question fait écho à la première partie : « ils ne savent pas » rappelle « l’insensé » du début (1b) et « tous les faisant l’iniquité » renvoie aux deux occurrences de « il n’y a pas d’œuvrant le bien » (1e.3c). La question trouvera sa réponse dans la dernière partie où ils verront leur châtiment et le salut de ceux qu’ils opprimaient.
CONTEXTE PS 53 Les Ps 14 et 53 sont presque identiques. Dans le Ps 53, le titre est plus développé, les noms divins sont tous les mêmes (’ĕlōhîm, « Dieu »). Au lieu de « (leur) action » (14,1d) le Ps 53 a « l’impiété ». C’est surtout au verset 6, après « Là ils seront effrayés d’effroi », que le texte change : « (et) il n’est pas d’effroi, oui, Dieu a dispersé les os de qui t’assiège ; tu les fais rougir, oui, Dieu les a méprisés ». La composition de l’ensemble est la même. LES MAUVAIS BERGERS (EZ 34) Le vrai berger s’occupe de nourrir son troupeau, le mauvais berger les exploite et s’en nourrit lui-même : Malheur aux pasteurs d’Israël qui se paissent eux-mêmes. Les pasteurs ne doivent-ils pas paitre le troupeau ? 3 Vous vous êtes nourris de lait, vous vous êtes vêtus de laine, vous avez sacrifié les brebis les plus grasses, mais vous n’avez pas fait paitre le troupeau [...] Voici, je me déclare contre les pasteurs. Je leur reprendrai mon troupeau et désormais, je les empêcherai de paitre mon troupeau. Ainsi les pasteurs ne se paitront plus eux-mêmes. J’arracherai mes brebis de leur bouche et elles ne seront plus pour eux une proie. 11 Car ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que j’aurai soin moi-même de mon troupeau et je m’en occuperai. (Ez 34,2-3).
Le Seigneur sauvera ses brebis de la dent de ceux qui se sont conduits comme des bêtes féroces. PS 126 Le dernier verset rappelle le Ps 126 qui commence ainsi : « Quand-retourna Yhwh le destin de Sion, nous étions comme en rêve. Alors notre bouche s’emplissait de rire et notre langue de jubilation » (126,1-2).
164
La première section (Ps 1–18)
INTERPRÉTATION ILS NE VEULENT PAS SAVOIR Ceux qui font l’iniquité savent très bien ce qu’ils font, mais ils préfèrent ne pas savoir, ils se comportent comme s’ils ne savaient pas. Ils font comme si Dieu n’existait pas : c’est ce qu’ils disent dans leur cœur (1bc), refusant aussi bien de l’écouter que de l’invoquer (4e). Le Dieu qu’ils nient est à leur image : c’est un Dieu qui ne saurait pas, qui ne verrait pas, qui n’entendrait pas. Mais ce n’est pas seulement Dieu qu’ils nient, ce sont aussi les hommes. En les considérant comme des objets semblables au pain ils refusent de voir en eux des frères, fils du même père ; en les mangeant ils les détruisent. LE SEIGNEUR VOIT ET SAUVE Des cieux le Seigneur se penche. « Il voit » les actions des hommes, et aussi ce qu’ils pensent « dans leur cœur » ; il voit aussi « le juste » et « le miséreux » opprimés. Comme au temps de Noé, le seul « homme juste parmi ses contemporains », « Dieu vit la terre : elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre » (Gn 6,9.12). Il sait bien que les insensés ne veulent pas savoir, qu’ils mangent le juste et le miséreux. Alors il intervient pour arracher leurs victimes de leur gueule, les « effrayant d’effroi ». Le seul qui puisse « donner le salut à Israël », c’est son Seigneur. Bien loin d’être un ajout postiche, le dernier verset dévoile le double nom de la victime des faiseurs d’iniquité, « Jacob » auquel l’ange du Seigneur donna le nom d’« Israël ».
2. LE PSAUME 15 TEXTE 1
Psaume de David. Yhwh, qui séjournera sous ta tente, qui habitera sur la montagne de ta sainteté ? 2 Marchant parfaitement et faisant la justice et disant la vérité dans son cœur, 3 il n’a pas colporté sur sa langue, il n’a pas œuvré à son compagnon un mal et l’insulte il n’a pas porté sur son prochain. 4 Méprisé à ses yeux le réprouvé et les craignant Yhwh il glorifie. Il a juré pour son mal et pas il ne change ; 5 son argent il n’a pas donné à intérêt et le présent contre un innocent il n’a pas pris. L’œuvrant ces choses ne sera pas ébranlé à jamais. V. 2-3 : « MARCHANT [...] IL N’A PAS COLPORTÉ
»
On interprète les versets 2-3 comme une seule phrase complexe, les trois participiales (3abc) étant sujet des verbes conjugués du verset suivant (3abc), ou pour le moins en apposition à leur sujet. V. 3A
: « N’A PAS COLPORTÉ »
Le verbe rāgal (de même racine que regel, « pied ») signifie « aller », « circuler », soit pour espionner (Dt 1,24), soit pour colporter des calomnies (2S 19,28)1. La racine rgl est proche de rkl, « circuler pour faire du commerce ». V.4A
: « MÉPRISÉ (EST) À SES YEUX LE RÉPROUVÉ »
La construction syntaxique de la phrase peut être interprétée de deux manières différentes. Ou bien « le réprouvé » est le sujet et « méprisé » le prédicat, ou bien « le méprisé » est le sujet et « réprouvé » le prédicat : « Le méprisé à ses yeux est réprouvé », ce qui revient pratiquement au même2. La première solution est préférable aussi parce que les termes extrêmes du bimembre s’opposent : « méprisé » – « il glorifie ». C’est aussi la lecture de la Septante. V. 4C
: « POUR SON MAL »
L’infinitif hiphil de r‘‘, signifie « causer un mal, un dommage » ; on traduit généralement par « à ses dépens ».
COMPOSITION En 1825, Boys note qu’à la question initiale correspond la conclusion de 5cd. Pour le corps du psaume, il l’organise en fonction de l’alternance des portions
1 2
Delitzsch, 268 ; Hakham, I, 64. Voir Delitzsch, 268-270 ; Hakham, I, 64.
166
La première section (Ps 1–18)
positives (2.4ab) et négatives (3.4c-5b), ce qui donne une construction parallèle3. En 1933, Lund reprend et affine l’analyse, toujours selon une composition parallèle du corps du psaume4. Parmi les auteurs récents, il en est qui ne voient que deux parties : la question (1) et la réponse (2-5)5. La plupart distinguent une troisième partie, conclusive (5c)6. Pour Girard, après la question initiale, le reste du psaume se subdivise en trois (2-3 ; 4ab ; 4c-5), 4ab en constituant le centre7. Après le titre, le psaume comporte trois parties, la question initiale (1bc) à quoi correspond la conclusion générale de 5cd. La partie centrale est focalisée sur le bimembre de 4b. 1
Psaume,
• YHWH, • qui habitera + 2 Marchant + et faisant + et disant 3
– il n’a pas colporté – il n’a pas ŒUVRÉ – et l’insulte
de David. qui séjournera sur la montagne
sous ta tente, de ta sainteté ?
parfaitement la justice la vérité
dans son cœur,
sur sa langue, à son compagnon il n’a pas porté
sur son prochain.
UN MAL
································································································
:: 4 Méprisé :: et les craignant
à ses yeux YHWH
le réprouvé il glorifie.
································································································
– Il a juré – et pas
il ne change ;
– 5 son argent – et le présent
il n’a pas donné contre un innocent
• L’ŒUVRANT • ne sera pas ébranlé
3
POUR SON MAL
à intérêt il n’a pas pris.
ces choses à jamais.
Boys, 107-110. N.W. LUND, « Chiasmus in the Psalms », 291-292. 5 Hakham, I, 63. 6 Ravasi, I, 275 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 324 ; Lorenzin, 98; deClaissé-Walford – al., 171. 7 Girard, I, 312 sqq. 4
Le psaume 15
167
L’introduction (1bc) comprend une double question adressée à « Yhwh ». Ce bimembre est du type a (bc) / (b’c’) a’, si l’on considère que « ta sainteté » correspond à « Yhwh »8. La longue partie centrale (2-5b) répond à la question initiale en énumérant les conditions nécessaires pour être admis auprès du Seigneur. Ses douze membres s’organisent en trois morceaux. Le premier (2-3) comprend deux trimembres parallèles : « colporter » (3a), c’est-à-dire circuler pour calomnier, correspond à « marcher » (2a), « œuvrer » (pā‘al, 3b) à « faire » (‘āśāh, 2b), « l’insulte » (3c) à « disant » (2c), impliquant tous deux la parole. Alors que les deux premiers membres sont généraux (2ab), le troisième se concentre sur la parole vraie (2c), ce qui sera explicité et développé par les trois membres du second segment. « Dans son cœur » et « sur sa langue » peuvent être dits jouer le rôle de termes médians. Alors que le premier morceau se focalise sur la parole, le troisième (4c5b) est consacré à l’argent. Dans le second bimembre (5ab) c’est le prêt à intérêt et la corruption que le juste refuse, tandis que dans le premier (4cd) il préfère renoncer à quelque profit, par respect pour la parole donnée. Il est donc possible de dire que le premier verbe du dernier morceau, « il a juré », verbe de parole, assure le lien avec le premier morceau. Quant au morceau central (4ab), il se distingue des deux autres non seulement parce qu’il est plus court mais surtout parce qu’il est le seul où le juste se situe par rapport aux personnages opposés que sont « le réprouvé » et « les craignant Yhwh ». On notera dans les morceaux extrêmes que « un mal » (3b) est de même racine que l’infinitif traduit par « pour son mal » (4c). La dernière partie (5cd) sert de conclusion. Son premier membre renvoie directement à la partie centrale : son premier verbe était déjà utilisé en 3b, et « ces (choses) » se réfère à toutes les actions positives de la partie précédente. Le deuxième membre au contraire renvoie à l’introduction : « ne pas être ébranlé » correspond à « séjourner » et à « habiter », mais le dernier terme ajoute que le séjour auprès de Dieu est définitif. Le nom de « Yhwh » ne revient que deux fois, au tout début (1b) et en plein centre (4b).
CONTEXTE LE DÉCALOGUE Liste de conditions, positives et surtout négatives, pour pouvoir se présenter au temple, physiquement ou spirituellement, le genre du psaume a de fortes affinités avec celui du décalogue. Il ne s’y trouve aucun impératif comme dans le décalogue, mais bien l’alternance entre actions négatives et positives. Contrairement au décalogue qui énumère les commandements regardant les rapports 8 Voir, par ex., Ps 24,3 : « Qui montera sur la montagne de Yhwh ? Et qui se tiendra dans le lieu de sa sainteté ? ».
168
La première section (Ps 1–18)
avec Dieu et ceux qui concernent le prochain9, le psaume se limite à ces derniers. En ce sens il est proche de certains textes prophétiques où l’accent est mis sur la justice sociale (par ex., Jr 7,1-11 ; Mi 6,6-8). L’APPEL DU JEUNE HOMME RICHE Quand un homme riche vient trouver Jésus pour lui demander ce qu’il doit faire pourra hériter la vie éternelle, le Maitre lui répond : « Tu connais les commandements », et il continue en citant seulement ceux qui regardent le prochain. Et le lecteur se demande, à juste titre, où est passée la première table de la Loi10.
INTERPRÉTATION UN DÉCALOGUE COMPLET La longue liste qui constitue le corps du psaume comprend les actions que le juste doit accomplir et surtout celles qu’il doit éviter pour être admis au temple sans jamais chanceler. Et l’on peut être surpris que ne soient rappelés que les devoirs envers le prochain de la deuxième table du Décalogue, sans la moindre mention de ceux de la première table qui regardent le Seigneur. Or, la première table de la Loi n’est pas absente du psaume ; elle se dissimule, pour ainsi dire, sous les traits de la double question initiale. C’est dans le temple du Seigneur, sur la montagne de sa sainteté que les fils d’Israël accomplissent dans le culte les préceptes que le Décalogue prescrit à son égard. OÙ HABITER POUR TOUJOURS ? Le lien entre les deux tables de la loi, leur reliure, est assuré ici par le rapport entre la question et sa réponse. Les deux sont inséparables, car une question ne peut rester sans réponse, et il ne saurait y avoir de réponse sans qu’une question soit posée. La question est de savoir comment habiter près de Dieu, non pas pour un jour ou deux, non pas pour le temps d’un pèlerinage au temple, mais « à jamais ». La réponse à la question, longue et circonstanciée, est d’habiter près des hommes, en perfection, justice et vérité, en évitant de faire tout ce qui pourrait leur faire du mal en atteignant leur réputation et leur honneur, en les frappant aussi dans leurs biens et jusque dans leur vie.
9 Voir l’analyse rhétorique des deux décalogues d’Ex 20 et de Dt 5 dans mon étude, Appelés à la liberté, 89-136. 10 Mt 19,16-22 ; Mc 10,17-22 ; Lc 18,18-27 ; voir R. MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, 64-65 (excursus sur les deux décalogues) 100-115.
Le psaume 15
169
« SOUS UNE AUTRE FORME » Quelle est la définition du Juif ? C’est quelqu’un qui, quand on lui raconte une histoire, la connait toujours sous une forme différente11. Un homme très large d’esprit mais étroit de cœur était venu trouver Rabbi Abraham de Stretyn : – Il parait que vous donnez aux gens des remèdes spéciaux, et que ces remèdes sont efficaces. Pourriez-vous m’en donner un pour gagner la crainte de Dieu ? – Pour la crainte de Dieu, je n’en connais aucun. Mais si vous voulez, je peux vous en donner un pour l’amour de Dieu. – Cela me parait très précieux. Donnez-le, je vous en prie ! – Le remède, dit alors le Rabbi, c’est l’amour des hommes 12.
11
M.-A. OUAKNIN – D. ROTNEMER, La bible de l’humour juif, 29 (voir aussi p. 15.22.89.180.
198). 12
M.-A. OUAKNIN – D. ROTNEMER, La bible de l’humour juif, 132.
3. LE PSAUME 16 TEXTE 1
À mi-voix, de David. Garde-moi, El, car je m’abrite en toi. 2 J’ai dit à Yhwh : « Mon Seigneur toi, mon bonheur pas en-dehors de toi ». 3 Pour les Saints lesquels (sont) sur la terre, eux et les Princes de tout-mon-plaisir-en-eux, 4 sont nombreuses leurs Souffrances, un autre ils ont acquis ; pas ne verserai leurs libations de sang et pas ne mettrai leurs noms sur mes lèvres. 5 Yhwh, (tu es) la part de ma portion et ma coupe, toi, tu garantis mon lot ; 6 les cordeaux sont tombés pour moi sur des délices, oui, l’héritage a plu à moi. 7 Je bénis Yhwh lequel m’a conseillé, oui, (durant) les nuits, m’instruisent mes reins ; 8 je place Yhwh devant moi toujours, car (il est) à ma droite, pas je ne suis ébranlé. 9 C’est pourquoi s’est réjoui mon cœur et exulte mon foie ; oui, ma chair habitera en confiance. 10 Car tu n’abandonneras pas mon âme au schéol, tu ne donneras pas à ton fidèle de voir la fosse ; 11 tu me ferasconnaitre le sentier de vie, satiété de joies près de ta face, délices à ta droite jusqu’à la fin. V. 1
: « À MI-VOIX »
Le sens de miktam utilisé dans le titre de six psaumes davidiques (16 ; 56 à 60) est fort discuté1. Il pourrait s’agir de psaumes à réciter de manière discrète, voire secrète. V. 2A
: « J’AI DIT »
En suivant la Septante, la Syriaque et plusieurs manuscrits hébreux. Le texte massorétique a : « tu as dit », à la deuxième personne du féminin, mais qui peut être compris comme une forme apocopée de la première personne du singulier. V. 3-4B : « QUANT AUX SAINTS...
»
« L’état désastreux du texte »2 a donné lieu à de multiples tentatives de corrections et les traductions — déjà les antiques versions — sont par conséquent fort diverses. « Les Saints » de même que « les Princes » (ou « les puissants ») désignent les faux dieux. Le terme ’addîrê (« princes », à l’état construit) est souvent corrigé en ’addîray, « mes princes » ; on peut cependant comprendre qu’il régit le syntagme suivant. Le terme traduit par « Souffrances » (‘aṣṣābôt) n’est pas sans évoquer les « idoles » (‘aṣṣabîm) avec lequel il fait un jeu de mot ; d’où la majuscule. Le parallélisme de 4b avec 4a invite à interpréter māhārû comme « ils ont acquis » plutôt que comme « ils se sont hâtés », ce qui évite de devoir corriger ’aḥēr (« un autre ») par ’aḥar (« derrière »)3.
1
Voir Vesco, 180-181. Ravasi, I, 288-290. 3 Voir, par ex., R.J. TOURNAY, « À propos du psaume 16,1-4 », 23-24. 2
172
La première section (Ps 1–18)
COMPOSITION Plusieurs considèrent 1b comme une sorte d’antienne introductive, après quoi ils organisent le reste du texte soit en deux parties4, soit en trois5. D’autres y voient deux grandes parties6, quatre7 ou même cinq8. Après le titre, le psaume s’organise en trois parties : supplication (1b-4), bénédiction (5-8), confiance (9-11). LA PREMIÈRE PARTIE (1B-4) + 1b Garde-moi, + car je m’abrite .. 2 J’ai dit :: « MON SEIGNEUR :: mon bonheur
EL, EN TOI. à YHWH : toi, PAS en-dehors de toi ».
···················································································································· 3
– Pour les SAINTS – eux
ET LES PRINCES
– 4 sont-nombreuses – un autre
leurs Souffrances, ils ont acquis ;
:: PAS ne verserai :: et PAS ne mettrai
lesquels (sont)
leurs libations LEURS NOMS
sur la terre, de tout-mon-plaisir-EN EUX,
de sang sur mes lèvres ».
Le premier morceau concerne les rapports du psalmiste avec le Seigneur, le second avec les idoles. Le premier morceau commence par une demande de protection adressée à « El » (1b) et motivée par la confiance que le psalmiste met en lui (1c) ; il continue avec une double déclaration (2bc) qui reprend et développe le second membre du premier segment. Nommé de manière générique « El » au début, Dieu reçoit ensuite son nom propre de « Yhwh », avant d’être appelé « Mon Seigneur », nom par lequel le psalmiste le choisit comme son Dieu. Le second morceau est de type AAB. Les deux premiers segments décrivent, de manière tourmentée, les faux dieux, appelés « Saints » et « Princes », dont on apprend à la fin du premier segment que c’est en eux que le psalmiste trouvait son « plaisir » (3b) ; le deuxième segment insiste sur leur multiplicité, car non 4
Ravasi, I, 291 (2-6 ; 7-11) ; Lorenzin, 99 (1b, invocation de confiance ; 2-6, confession de foi ; 7-11, action de grâce). 5 Hakham, I, 69 (2-4 ; 5-8 ; 9-11). 6 Vesco, 182-183 (1b-6 ; 7-11). 7 Kraus, I, 234 (1-2 ; 3-4 ; 5-8 ; 9-11). 8 deClaissé-Walford – al., 176 (1-2 ; 3-4 ; 5-6 ; 7-8 ; 9-11).
Le psaume 16
173
seulement « leurs Souffrances » « sont nombreuses », mais leurs fidèles leur en ajoutent encore « un autre ». Le dernier segment se distingue des précédents, puisque le psalmiste promet de ne pas les servir, et même de ne pas prononcer leurs noms. À la fin des premiers segments de chaque morceau, « en eux » (3b) s’oppose à « en toi » (1c). Aux trois noms divins du premier morceau, « El », « Yhwh » et « mon Seigneur » correspondent les trois du second : « Saints », « Princes » et « Souffrances ». En outre, « mon bonheur » (2c) s’oppose à « leurs Souffrances ». La même négation (bal) revient en termes finaux des deux morceaux (2c.4cd). LA DEUXIÈME PARTIE (5-8) + 5 YHWH, (tu es) + toi,
la part tu garantis
de ma portion mon lot ;
– 6 les cordeaux – OUI, l’héritage
sont tombés pour moi a plu
sur des délices, à moi.
et ma coupe,
······························································································································ 7
+ Je bénis :: OUI, (durant) les nuits,
YHWH m’instruisent
lequel mes reins ;
m’a conseillé,
+ 8 je place :: car (il est) à ma droite,
YHWH pas je ne suis ébranlé.
devant moi
toujours,
Dans le deuxième morceau le psalmiste bénit le Seigneur et s’attache à lui (78) à cause de ses bienfaits rappelés dans le premier morceau (5-6). Le premier morceau est tout entier consacré à « l’héritage » reçu de Dieu. C’est d’abord Yhwh lui-même que le psalmiste dit être sa « part » (5a) et c’est lui (« toi ») qui se fait le garant de ce don. Le second segment dit le bonheur qu’il en ressent, « délices » (6a) qui lui ont « plu » (6b). Les deux segments du second morceau commencent avec un verbe à la première personne du singulier, « je bénis » et « je place » qui régissent le même complément d’objet, « Yhwh ». Les seconds membres, commençant par « oui » (’ap) et par « car » (kî), donnent la raison des premiers membres.
174
La première section (Ps 1–18)
LA TROISIÈME PARTIE (9-11) + 9 C’est pourquoi + et exulte :: oui, MA CHAIR
S’EST RÉJOUI MON FOIE ;
MON CŒUR
habitera
en confiance.
···································································································· 10 Car tu n’abandonneras pas MON ÂME au schéol,
– – tu ne donneras pas .. de voir
= 11 tu me feras-connaitre = satiété .. délices
à ton fidèle la fosse ; le sentier DE JOIES À TA DROITE
de vie, près de TA FACE, jusqu’à la fin.
Le premier morceau est à la première personne du singulier désignant le psalmiste, le second à la deuxième personne du singulier désignant le Seigneur. Le premier segment est du type AAB : joie (9ab) motivée par la « confiance » (9c). Introduit par « car », le second morceau développe le dernier membre du morceau précédent, précisant le lieu où le psalmiste pourra « habiter en confiance » : non pas « au schéol » dans « la fosse » (10), mais au lieu de « la vie », « près de la face » de Dieu et à sa « droite » (11). « Mon âme » (9c) et « ma chair » (10a) jouent le rôle de termes médians qui agrafent les deux morceaux, « s’est réjoui » (9a) et « joies » (11b) de termes extrêmes. À la fin, « ta face » et « ta droite » (11bc) sont des parties du corps comme « mon cœur » et « mon foie » au début (9ab). On peut dire que les derniers termes de chaque morceau se correspondent : la « confiance » (ou « la sureté ») d’abord, et pour finir la durée, « jusqu’à la fin ». L’ENSEMBLE DU PASSAGE Aux trois noms divins de la première partie, « El » (1b), « Yhwh » (2a) « mon Seigneur » (2b) correspondent les trois occurrences de « Yhwh » dans la partie centrale (5a.7a.8a) ; en outre, « toi » revient en 2b et 5b. La troisième partie au contraire ne contient ni nom divin ni pronom « toi ». La même négation bal utilisée trois fois dans la première partie (2c.4cd) est reprise à la fin de la deuxième partie (8b), mais pas dans la troisième. Les deux occurrences de « droite » (8b.11c) ainsi que de « toujours » (8a) et de son synonyme « jusqu’à la fin » (11c) jouent le rôle de termes finaux pour les deux dernières parties. En outre, « délices » revient en 6a et 11c. En outre, « oui » (’ap) de 6b et 7b revient aussi en 9c et que « car » (kî) est repris en 8b et 10a. Une liste des parties du corps traversent les trois parties : « mes lèvres » à la fin de la première partie (4d), « mes reins » dans la deuxième (7b), plus nombreux dans la dernière partie, « mon cœur », « mon foie », « ma chair » (9), « mon âme » (10a), tous affectés du pronom de première personne du singulier, à quoi il faut ajouter « ta face », qui est celle de Dieu, en finale (11b).
Le psaume 16 1
À mi-voix,
+ Garde-moi, + car je m’abrite .. 2 J’ai dit :: « MON SEIGNEUR :: mon bonheur
175
de David. EL, en toi. à YHWH : TOI, PAS en-dehors de toi »,
······················································································································
– 3 Pour les Saints – eux
lesquels (sont) et les Princes
– 4 sont nombreuses – un autre
leurs Souffrances, ils ont acquis ;
:: PAS ne verserai :: et PAS ne mettrai
sur la terre, de tout mon plaisir-en-eux,
leurs libations leurs noms
de sang sur MES LÈVRES.
+ 5 YHWH, + TOI
la part tu garantis
de ma portion mon lot ;
+ 6 les cordeaux + oui, l’héritage
sont tombés pour moi a plu
sur DES DÉLICES, à moi.
et ma coupe,
·······················································································································
+ 7 Je bénis + oui, (durant) les nuits,
YHWH m’instruisent
+ 8 je place + car (il est) À MA DROITE,
YHWH PAS je
+ 9 C’est pourquoi + et exulte + oui, MA CHAIR
lequel MES REINS
m’a conseillé, ;
devant moi
TOUJOURS,
ne suis ébranlé.
s’est réjoui ; habitera
MON CŒUR
MON FOIE
en confiance.
······················································································································
= 10 Car tu n’abandonneras pas MON ÂME = tu ne donneras pas à ton fidèle = de voir la fosse ;
au schéol,
= 11 tu me feras-connaitre = satiété = DÉLICES
de vie, près de TA FACE, JUSQU’À LA FIN.
le sentier de joies À TA DROITE
CONTEXTE « MA COUPE » C’est la part de breuvage que chacun reçoit dans sa propre coupe. Ce peut être une boisson agréable, comme c’est le cas ici, étant donné le contexte (voir aussi Ps 23,5) mais aussi douloureuse (Ps 11,6 ; 75,9). L’image est reprise dans le Nouveau Testament, en particulier pour la coupe que Jésus accepte de boire en entrant dans sa Passion (M 26,39.42).
176
La première section (Ps 1–18)
« LES CORDEAUX » Il s’agit du cordeau d’arpentage qui sert à tracer les limites des terrains, en particulier du lot de terre que chaque israélite a reçu en héritage inaliénable lors de la conquête et de la division de la terre d’Israël (Jos 15–17). Le terme en vient à signifier le lot ou le terrain lui-même : « L’héritage des fils de Siméon fut pris sur le lot des fils de Juda, parce que la part des fils de Juda était trop grande pour eux (litt., dans le cordeau des fils de Juda [fut] l’héritage des fils de Siméon... ») (Jos 19,9). LA RÉSURRECTION DE JÉSUS Dans son discours du jour de la Pentecôte, Pierre appuie sa proclamation de la résurrection du Seigneur sur les versets finaux du Ps 16, cité dans la version de la Septante qui lit « la corruption » au lieu de « la fosse » : 24
mais Dieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de l’Hadès. Aussi bien n’était-il pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir ; 25 car David dit à son sujet : Je voyais sans cesse le Seigneur devant moi, car il est à ma droite, pour que je ne vacille pas. 26 Aussi mon cœur s’est-il réjoui et ma langue a-t-elle jubilé ; ma chair elle-même reposera dans l’espérance 27 que tu n’abandonneras pas mon âme à l’Hadès et ne laisseras pas ton Saint voir la corruption. 28 Tu m’as fait connaitre des chemins de vie, tu me rempliras de joie en ta présence (Ac 2,24-28).
Lors de son intervention dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, pour annoncer la résurrection Paul cite, entre autres textes, Ps 16,10bc, toujours selon la Septante : « tu ne laisseras pas ton Saint voir la corruption » (Ac 13,35).
INTERPRÉTATION UNE SUPPLICATION « À MI-VOIX » Tout commence de but en blanc par un impératif, le seul de tout le psaume, comme un cri, un appel au secours. L’orant demande d’être « gardé » et, s’il ajoute qu’il « s’abrite » en son Dieu, c’est bien qu’il se sait en grand danger. Les derniers mots qu’il prononce et qu’il lui avait déjà adressés par le passé, « mon bonheur n’est pas en dehors de toi », laissent entendre qu’il avait été tenté de le chercher ailleurs, en dehors de lui, le seul vrai Seigneur. Peut-être avait-il même succombé à la tentation. Et c’est alors une sorte de confession, tellement
Le psaume 16
177
douloureuse qu’elle en est confuse au point d’en être presque incompréhensible ; elle semble même prononcée « à mi-voix », comme étouffée par la honte9. UNE FRANCHE BÉNÉDICTION Oubliant le passé, le psalmiste reconnait le don qui lui a été fait, « l’héritage » qu’il a reçu gratuitement et qui lui a tellement « plu » qu’il y trouve son bonheur, ses « délices ». Or ce « lot », ce ne sont pas les terrains que lui ont légués ses pères et les pères de ses pères, ce lot est le Seigneur lui-même, « la part de ma portion et ma coupe ». Il finit par ne voir rien d’autre que « Yhwh » son Dieu, qui se tient en même temps « devant » lui et à sa « droite », qui le « conseille » de jour et qui de nuit l’instruit jusqu’au fond de son être. UNE CONFIANCE JUSQU’À LA FIN La joie éclate à la fin, à « satiété » (9a.11b) ; les « Souffrances » (4a) ont désormais disparu. Dans tout son être, dans son « cœur » et dans son « foie », dans toute sa « chair » et toute son « âme » il a retrouvé la vie, lui qui avait supplié le Seigneur de le « garder » du piège de la mort, du « schéol » et de la « fosse ». Il avait dit à son Dieu qu’il s’abritait en lui (1), le voilà donc dorénavant « près de sa face » et « à sa droite » « jusqu’à la fin ». Jusqu’à la fin de sa vie, « en confiance » contre tout ce qui pourrait le précipiter dans la fosse avant qu’il soit, comme Job, « chargé d’ans et rassasié de jours » (Jb 42,17). Il n’est pas étonnant que, suivant l’interprétation de la Septante, Pierre et Paul avec tous les disciples, aient vu dans ces derniers versets du psaume une prophétie de la résurrection de Jésus. IDOLES D’AUTREFOIS, ET D’AUJOURD’HUI Les idoles du temps jadis avaient pour noms Baal, Ashéra, Moloch... (2R 23,4.10), sans compter les « horreurs » des peuples environnants, Astarté des Sidoniens, Kémosh des Moabites, Milkom des Ammonites, qui étaient vénérées aussi par les fils d’Israël même du temps de Salomon (2R 26,13). Ces idoles ont disparu depuis longtemps, mais non pas l’idolâtrie. Les faux-dieux, auxquels on sacrifie les autres hommes, jusqu’à son premier-né, s’appellent aujourd’hui le pouvoir, le sexe et l’argent. « Le veau d’or est toujours debout », sans doute plus que jamais et c’est lui qui, très largement, mène le monde. Même ceux qui croient en Dieu et l’adorent restent tentés d’honorer, en même temps que le vrai Dieu, toutes ces idoles modernes. Le psaume n’a rien perdu de son actualité10.
9
Comme au début du second versant du Ps 9–10, l’état « désespéré » du texte n’est peut-être pas dû à une mauvaise transmission textuelle, mais pourrait être voulu par l’auteur pour traduire l’état d’âme du psalmiste (voir p. 132). 10 Voir le commentaire de P. Beauchamp à l’appel du jeune homme riche : D’une montagne à l’autre, la Loi de Dieu, spécialement 16-19.
4. LE JUSTE NE FAIT PAS DE MAL À SON PROCHAIN (PS 14–16) COMPOSITION DE LA SOUS-SÉQUENCE Ps 14,1 Du maitre de chant,
de David.
L’insensé A DIT en SON CŒUR : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable leur action ; il n’y a pas d’ŒUVRANT le bien. 2 Yhwh des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’avisé, un cherchant Dieu. 3 Tous sont dévoyés, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’ŒUVRANT le bien, il n’y a pas, même un seul. 4
Est-ce qu’ils ne savent pas,
tous LES FAISANT l’iniquité ?
Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Yhwh ils n’appellent pas. 5 Là, ils seront effrayés d’effroi oui, Dieu est pour la race du JUSTE ; 6 le projet du miséreux vous bafouez, oui, Yhwh est son abri. 7 Qui donnera de Sion le salut d’Israël ? Quand restaurera Yhwh la situation de son peuple, EXULTERA Jacob, SE RÉJOUIRA Israël ! Ps 15,1 Psaume
de David.
Yhwh, qui séjournera sous ta tente,
qui HABITERA sur la montagne de ta sainteté ?
Marchant parfaitement et FAISANT la JUSTICE et DISANT la vérité dans SON 3 il n’a pas colporté sur sa langue, IL N’A PAS ŒUVRÉ à son compagnon un mal et il n’a pas porté l’insulte sur son prochain. 4 Méprisé à ses yeux le réprouvé et les craignant Yhwh il glorifie. Il a juré pour son mal et il ne change pas ; 5 il n’a pas donné son argent à intérêt et n’a pas pris le présent contre un innocent. 2
CŒUR,
QUI ŒUVRE ces choses NE SERA PAS ÉBRANLÉ À JAMAIS. Ps 16,1 À mi-voix,
de David.
Garde-moi, El, car je me réfugie en toi. 2 J’AI DIT à Yhwh : « Mon Seigneur toi, mon bonheur pas en-dehors de toi ». 3 Pour les Saints lesquels sont sur la terre, eux et les Princes en qui est tout-mon-plaisir, 4 sont nombreuses leurs Souffrances, un autre ils ont acquis ; je ne verserai pas leurs libations de sang et ne mettrai pas leurs noms sur mes lèvres. 5
Yhwh, tu es la part de ma portion et ma coupe, toi, tu garantis mon lot ; les cordeaux sont tombés pour moi sur des délices, oui, l’héritage m’a plu. 7 Je bénis Yhwh lequel m’a conseillé, oui, durant les nuits, m’instruisent mes reins ; 8 je place Yhwh devant moi toujours, car il est à ma droite, JE NE SUIS PAS ÉBRANLÉ. 6
9
C’est pourquoi MON CŒUR S’EST RÉJOUI et mon foie EXULTE ; oui, ma chair HABITERA en confiance. 10 Car tu n’abandonneras pas mon âme au schéol, tu ne donneras pas à ton fidèle de voir la fosse ; 11 tu me feras connaitre le sentier de vie, satiété de JOIES près de ta face, délices à ta droite JUSQU’À LA FIN.
La séquence 11–16
179
Les rapports entre les trois psaumes – Les trois titres comprennent chacun deux termes, le second étant identique, « de David » ; – « dire » a comme sujet « l’insensé » dans le premier psaume (14,1), le juste dans le deuxième (15,2), le psalmiste dans le troisième (16,2) ; – « son cœur » (14,1 ; 15,2), « mon cœur » (16,9) ; Les rapports entre les psaumes extrêmes – Ce que dit le psalmiste au début du dernier psaume (16,2) s’oppose à ce que dit l’insensé au début du premier (14,1) ; – les deux psaumes s’achèvent sur la joie et l’exultation : « exultera », « se réjouira » (14,7), « s’est réjoui », « exulte », « joies » (16,9.11) ; Les rapports entre les deux premiers psaumes – « Œuvrer » revient deux fois dans chaque psaume (14,1.3 ; 15,3.5), – son synonyme « faire » une seule fois (14,4 ; 15,2) ; – à « juste » de 14,5 correspond « justice » de 15,2 ; Les rapports entre les deux derniers psaumes – « Habiter » revient en 15,1 et en 16,9 ; – « ne pas être ébranlé » de 15,5 revient en 16,8 ; – à « langue » de 15,3 fait écho « lèvres » de 16,4 ; – « à jamais » (15,5) et « jusqu’à la fin » (16,11) jouent le rôle de termes finaux. INTERPRÉTATION LE RÉPROUVÉ ET LES CRAIGNANT LE SEIGNEUR Le centre du psaume central (15,4) articule les deux versants de la sousséquence. « Le réprouvé » est « l’insensé » dont parle le premier psaume, l’orant du dernier psaume fait partie des « craignant le Seigneur ». L’un « a dit : Il n’y a pas de Dieu » (14,1), l’autre lui a dit : « Mon Seigneur, toi ; mon bonheur pas en dehors de toi » (16,2). « MA CHAIR HABITERA EN CONFIANCE » (PS 16,9) Le psaume central énonce les conditions qui permettront au juste d’habiter sur la sainte montagne du Seigneur. Devant les menaces des « dévoyés » et des « pervertis » (14,3), le « miséreux » trouve en Dieu « son abri » (6), c’est en lui qu’il « se réfugie » (16,1). C’est là qu’il « se réjouira » et « exultera » (14,7 ; 16,9). Il « ne sera pas ébranlé » (15,5c ; 16,8b), « à jamais » (15,5c), « jusqu’à la fin » (16,11b).
180
La première section (Ps 1–18)
c) Plainte de David contre ses oppresseurs (Ps 11–16) La première sous-séquence (Ps 11–13)
La deuxième sous-séquence (Ps 14–16)
11,1 Du maitre de chant, de David. En Yhwh JE M’ABRITE. Comment DITES-VOUS à mon âme : « Fuis vers vos montagnes, oiseau ; 2 car voici les méchants bandent l’arc, ils ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les droits de cœur. » 3 Quand les fondements sont démolis, LE JUSTE que ferait-il ? 4 YHWH dans le temple de sa sainteté, Yhwh dans les cieux son trône. Ses yeux CONTEMPLENT, ses pupilles éprouvent les fils d’Adam. 5 Yhwh LE JUSTE éprouve et le méchant, et qui aime la violence le hait son âme ; 6 il fait pleuvoir sur les méchants charbons, feu et soufre et vent de flamme la part de leur coupe. 7 Oui, JUSTE Yhwh, les JUSTICES il aime, les droits contemplent SA FACE.
14,1 Du maitre de chant, de David. A DIT l’insensé en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable leur action ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 2 YHWH des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour VOIR s’il en est un d’avisé, un cherchant Dieu. 3 Tous sont dévoyés, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas, même un seul. 4 Est-ce qu’ils ne savent pas, tous les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Yhwh ils n’appellent pas. 5 Là, ils seront effrayés d’effroi oui, Dieu est pour la race du JUSTE ; 6 le projet du miséreux vous bafouez, oui, Yhwh est SON ABRI. 7 Qui donnera de Sion le salut d’Israël ? Quand restaurera Yhwh la situation de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël !
12,1 Du maitre de chant, sur l’octacorde, psaume de David. 2 Sauve, Yhwh, car c’en est fini du fidèle, car ont disparu les loyaux parmi les fils d’Adam : 3 à faux ILS PARLENT chacun à SON COMPAGNON, LÈVRE de tromperie, CŒUR double ILS PARLENT. 4 Qu’il retranche Yhwh toute LÈVRE de tromperie la LANGUE parlant des grandeurs, 5 EUX QUI DISENT « Par notre LANGUE nous sommes forts, nos LÈVRES sont avec nous, qui sera maitre sur nous ? » 6 « À l’oppression des pauvres, au gémissement des miséreux, maintenant je me dresse, DIT Yhwh, je te mets dans le salut, ASSURE-T-IL à lui. » 7 Les PAROLES de Yhwh sont PAROLES pures, ARGENT épuré à l’entrée de la terre affiné sept-fois. 8 Toi, Yhwh tu les gardes, tu le protèges de cette génération À JAMAIS; 9 en rond les méchants s’en vont quand s’exalte la dépravation pour les fils d’Adam.
15,1 Psaume de David. Yhwh, qui séjournera sous ta tente, qui habitera sur la montagne de ta sainteté ? 2 Marchant parfaitement et faisant la justice et DISANT la vérité dans son CŒUR, 3 il n’a pas colporté sur sa LANGUE, il n’a pas œuvré à SON COMPAGNON un mal et L’INSULTE il n’a pas porté sur son prochain. 4 Méprisé à ses yeux le réprouvé et les craignant Yhwh IL GLORIFIE. IL A JURÉ pour son mal et pas il ne change ; 5 son ARGENT il n’a pas donné à intérêt et le présent contre un innocent il n’a pas pris. L’œuvrant ces choses ne sera pas ébranlé À JAMAIS.
13,1 Du maitre de chant, psaume de David. 2 Jusqu’à quand, Yhwh, m’oublieras-tu, jusqu’à la fin ? Jusqu’à quand cacheras-tu TA FACE de moi ? 3 Jusqu’à quand mettrai-je des projets en mon âme, la douleur en MON CŒUR de jour ? Jusqu’à quand s’élèvera mon ennemi sur moi ? 4 Regarde, réponds-moi, Yhwh mon Dieu, illumine mes yeux, que je ne m’endorme dans LA MORT. 5 QUE NE DISE mon ennemi : « Je l’ai soumis », mes oppresseurs n’EXULTENT si JE SUIS ÉBRANLÉ ! 6 Et moi, en TA FIDÉLITÉ JE ME CONFIE ; QU’EXULTE MON CŒUR en ton salut, que je chante à Yhwh car il a fait du bien sur moi !
16,1 A mi-voix, de David. Garde-moi, El, car JE M’ABRITE en toi. 2 J’AI DIT à Yhwh : « Mon Seigneur toi, mon bonheur pas endehors de toi ». 3 Pour les Saints lesquels sont sur la terre, eux et les Princes de tout-mon-plaisir-eneux, 4 sont nombreuses leurs Souffrances, un autre ils ont acquis ; pas ne verserai leurs libations de sang et pas ne mettrai leurs noms sur mes lèvres. 5 Yhwh, tu es la part de ma portion et ma coupe, toi, tu garantis mon lot ; 6 les cordeaux sont tombés pour moi sur des délices, oui, l’héritage a plu à moi. 7 Je bénis Yhwh lequel m’a conseillé, oui, durant les nuits, m’instruisent mes reins ; 8 je place Yhwh devant moi toujours, car il est à ma droite, JE NE SUIS PAS ÉBRANLÉ. 9 C’est pourquoi s’est réjoui MON CŒUR et EXULTE mon foie ; oui, ma chair habitera EN CONFIANCE. 10 Car tu n’abandonneras pas mon âme au SCHÉOL, tu ne donneras pas à TON FIDÈLE de voir LA FOSSE ; 11 tu me feras-connaitre le sentier de vie, satiété de joies près de TA FACE, délices à ta droite jusqu’à la fin.
La séquence 11–16
181
LE PARALLÉLISME DES DEUX SOUS-SÉQUENCES Rapports entre les premiers passages (Ps 11 & 14) – À « je m’abrite » du début du Ps 11 (1) répond « son abri » près de la fin du Ps 14 (6) ; – les deux psaumes commencent avec un discours rapporté introduit par « dire » (11,1 ; 14,1) ; – aux quatre occurrences de « juste/justices » du Ps 11 (3.5.7 bis) correspond celle de « juste » dans le Ps 14 (5) ; – Ps 11,4 et Ps 14,2 sont très proches : « Yhwh » des « cieux » « contemple » « pour voir » « les fils d’Adam ». Rapports entre les deuxièmes passages (Ps 12 & 15) – Les termes appartenant au champ sémantique de la parole sont nombreux. Dans le Ps 12 : « parler » (3 bis), « dire » (5.6), « assurer » (6), « paroles » (7 bis), « lèvre » (3.4), « langue » (4.5). Dans le Ps 15 : « dire » (2), « glorifier », « jurer » (4), « langue », « insulte » (3). – « cœur » (12,3 : 15,2) ; – « son compagnon » (12,3 ; 15,3) ; – « argent » (12,7 ; 15,5) ; – « à jamais » (12,8 ; 15,5). Rapports entre les troisièmes passages (Ps 13 & 16) – « Ta face » au début du Ps 13 (2) et à la fin du Ps 16 (11) ; – « dire » (13,5 ; 16,2) ; – « mon cœur » (13,3.6 ; 16,9) ; – « la mort » (13,4), « le schéol », « la fosse » (16,10), pas ailleurs ; – « exulter » (13,5.6 ; 16,9) ; – « être ébranlé » (13,5 ; 16,8) ; – « ta fidélité » (13,6), « ton fidèle » (16,10) ; – « se confier » (13,6), « confiance » (16,9) ; – les deux psaumes s’achèvent sur l’exultation, le « chant » (13,6), joie (16,9.11) et « délices » (16,11).
Commun à cinq passages les paroles rapportées, surtout par les ennemis (11,1 ; 14,1 ; 12,5 ; 13,5), mais aussi par le psalmiste (16,2). Seul le Ps 15 fait exception, même s’il est dit que le juste « dit la vérité » (15,2). « Cœur » revient dans les six psaumes (11,2 ; 12,3 ; 13,3.6 ; 14,1 ; 15,2 ; 16,9).
182
La première section (Ps 1–18)
AUTRES RAPPORTS La première sous-séquence (Ps 11–13)
La deuxième sous-séquence (Ps 14–16)
11,1 Du maitre de chant, de David.
14,1 Du maitre de chant, de David.
En Yhwh JE M’ABRITE. Comment dites-vous à mon âme : « Fuis vers vos montagnes, oiseau ; 2 car voici les méchants bandent l’arc, ils ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les droits de cœur. » 3 Quand les fondements sont démolis, LE JUSTE que ferait-il ? 4 Yhwh dans le temple de sa sainteté, Yhwh dans les cieux son trône. Ses yeux contemplent, ses pupilles éprouvent les fils d’Adam. 5 Yhwh LE JUSTE éprouve et le méchant, et qui aime la violence le hait son âme ; 6 il fait pleuvoir sur les méchants charbons, feu et soufre et vent de flamme la part de LEUR COUPE. 7 Oui, JUSTE Yhwh, les JUSTICES il aime, les droits contemplent SA FACE.
L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable leur action ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 2 Yhwh des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’avisé, un cherchant Dieu. 3 Tous sont dévoyés, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas, même un seul. 4 Est-ce qu’ils ne savent pas, tous les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Yhwh ils n’appellent pas. 5 Là, ils seront effrayés d’effroi oui, Dieu est pour la race du JUSTE ; 6 le projet du MISÉREUX vous bafouez, oui, Yhwh est SON ABRI. 7 Qui donnera de Sion LE SALUT d’Israël ? Quand restaurera Yhwh la situation de son peuple, EXULTERA Jacob, se réjouira Israël !
12,1 Du maitre de chant, sur l’octacorde, psaume de David.
15,1 Psaume de David.
2
SAUVE, Yhwh, car c’en est fini du FIDÈLE, car ont disparu les loyaux parmi les fils d’Adam : 3 à faux ils parlent chacun à son compagnon, LÈVRE de tromperie, cœur double ils parlent. 4 Qu’il retranche Yhwh toute LÈVRE de tromperie la langue parlant des grandeurs, 5 eux qui disent « Par notre langue nous sommes forts, nos LÈVRES sont avec nous, qui sera maitre sur nous ? » 6 « À l’oppression des pauvres, au gémissement des MISÉREUX, maintenant je me dresse, dit Yhwh, je te mets dans LE SALUT, assure-t-il à lui. » 7 Les paroles de Yhwh sont paroles pures, argent épuré à l’entrée de la terre affiné sept-fois. 8 Toi, Yhwh TU LES GARDES, tu le protèges de cette génération à jamais; 9 en rond les méchants s’en vont quand s’exalte la dépravation pour les fils d’Adam.
Yhwh, qui séjournera sous ta tente, qui habitera sur la montagne de ta sainteté ? 2 Marchant parfaitement et faisant LA JUSTICE et disant la vérité dans son cœur, 3 il n’a pas colporté sur sa langue, il n’a pas œuvré à son compagnon un mal et l’insulte il n’a pas porté sur son prochain. 4 Méprisé à ses yeux le réprouvé et les craignant Yhwh il glorifie. Il a juré pour son mal et pas il ne change ; 5 son argent il n’a pas donné à intérêt et le présent contre un innocent il n’a pas pris. L’œuvrant ces choses NE SERA PAS ÉBRANLÉ à jamais.
13,1 Du maitre de chant, psaume de David.
16,1 A mi-voix, de David.
Jusqu’à quand, Yhwh, m’oublieras-tu, jusqu’à la fin ? Jusqu’à quand cacheras-tu TA FACE de moi ? 3 Jusqu’à quand mettrai-je des projets en mon âme, la douleur en mon cœur de jour ? Jusqu’à quand s’élèvera mon ennemi sur moi ? 4 Regarde, réponds-moi, Yhwh mon Dieu, illumine mes yeux, que je ne m’endorme dans la mort. 5 que ne dise mon ennemi : « Je l’ai soumis », mes oppresseurs N’EXULTENT si JE SUIS ÉBRANLÉ ! 6 Et moi, en TA FIDÉLITÉ je me confie ; QU’EXULTE mon cœur en TON SALUT, que je chante à Yhwh car il a fait du bien sur moi !
GARDE-MOI, El, car JE M’ABRITE en toi. 2 J’ai dit à Yhwh : « Mon Seigneur toi, mon bonheur pas en-dehors de toi ». 3 Pour les Saints lesquels sont sur la terre, eux et les Princes de tout-mon-plaisir-en-eux, 4 sont nombreuses leurs Souffrances, un autre ils ont acquis ; pas ne verserai leurs libations de sang et pas ne mettrai leurs noms sur MES LÈVRES. 5 Yhwh, tu es la part de ma portion et MA COUPE, toi, tu garantis mon lot ; 6 les cordeaux sont tombés pour moi sur des délices, oui, l’héritage a plu à moi. 7 Je bénis Yhwh lequel m’a conseillé, oui, durant les nuits, m’instruisent mes reins ; 8 je place Yhwh devant moi toujours, car il est à ma droite, JE NE SUIS PAS ÉBRANLÉ. 9 C’est pourquoi s’est réjoui mon cœur et EXULTE mon foie ; oui, ma chair habitera en confiance. 10 Car tu n’abandonneras pas mon âme au schéol, tu ne donneras pas à TON FIDÈLE de voir la fosse ; 11 tu me feras-connaitre le sentier de vie, satiété de joies près de TA FACE, délices à ta droite jusqu’à la fin.
2
La séquence 11–16
183
Outre ceux qui ont déjà été notés, d’autres rapports marquent la cohérence lexicale de la sous-séquence : – « s’abriter/abri » des premiers passages de chaque versant (11,1 ; 14,6) se retrouvent dans le dernier psaume (16,1) ; ces termes jouent le rôle de termes initiaux pour les psaumes extrêmes ; – « juste/justice » des premiers passages de chaque versant (11,3.5.7 ; 14,5) revient en 15,2 ; – « les fils d’Adam » des premiers passages de chaque versant (11,4 ; 14,2) revient en 12,2.9) – à « dans le temple de sa sainteté » (11,4) fait écho « sur la montagne de ta sainteté » (15,1) ; – « coupe » revient en 11,6 et 16,5 ; – « face » de 11,7 est repris en 13,2 ; et 16,11 ; les deux occurrences de « ta face » jouent le rôle de termes finaux pour les psaumes extrêmes (11,7 ; 16,11) ; – à « le salut » de 14,7 correspond « sauver/salut » en 12,2.6 ; 13,6 ; – « exulter » revient en 14,7 ; 13,5.6 ; 16,9 – « fidèle » (12,2) revient en 16,10, à quoi correspond « fidélité » en 13,6 ; – « être ébranlé » revient en 13,5 ; 15,5 et 16,8 ; – « miséreux » de 12,6 et repris en 14,6 – « lèvre(s) » revient trois fois en 12,3.4.5 et aussi en 16,4.
INTERPRÉTATION La composition parallèle de la séquence invite à la lire de manière transversale. LE ROI ET SON PEUPLE Au début du premier psaume le psalmiste s’adresse à ceux qui le poursuivent pour prendre sa vie (11,1-2) et à la fin du psaume parallèle il interpelle ceux qui veulent dévorer son peuple (14,6). On comprend alors que le psalmiste n’est autre que le roi d’Israël (14,7). Mais, devant de telles menaces de mort, sa foi ne faiblit pas : c’est dans le Seigneur qu’il s’abrite, lui qui est aussi l’abri de tout le peuple (11,1 ; 14,6). Le roi sait que Yhwh est le juste juge (11,7) qui éprouve les fils d’Adam pour distinguer entre le juste et le méchant, qui châtie le persécuteur et sauve les justes qui se réjouiront (14,7) et contempleront la face de leur Seigneur (11,7). LES MÉCHANTS ET LE JUSTE Les deux premiers psaumes étaient une sorte de méditation, où le psalmiste interpelait brièvement les méchants mais ne s’adressait pas au Seigneur. Dans les deux psaumes centraux au contraire le psalmiste commence à parler au Seigneur. Il lui demande d’abord de le sauver contre ceux qui ne sont ni fidèles
184
La première section (Ps 1–18)
ni loyaux et ne font que mentir à leur prochain (12,1-3) ; à leurs rodomontades il oppose la parole du Seigneur qui les sauve, les garde et les protège (6-8). Au début du psaume symétrique, le psalmiste adresse une double question au Seigneur sur les conditions que doit remplir l’homme pour être admis en sa présence (15,1) et toute la suite du psaume peut être comprise comme la réponse du Seigneur (2-5). Ainsi le portrait du juste s’oppose à celui des méchants. FIDÉLITÉ RÉCIPROQUE Dans les deux derniers psaumes la prière du roi se fait plus intense et plus pressante. Ses paroles sont pratiquement toutes adressées au Seigneur. Cela commence par une rafale de quatre questions (13,1-3) suivie par une longue série de requêtes, impératifs et autres vœux (4-6). Dans le psaume final, le plus long de tous, le psalmiste proteste de sa fidélité (16,10) qui entend répondre à celle de son Dieu (13,6). Il renonce à chercher son bonheur en dehors de lui (16,2-4), le seul qui est capable de l’empêcher d’« être ébranlé » (13,5 ; 16,8) et de le sauver de la mort (13,4 ; 16,10). Tout peut alors finir dans l’exultation, les chants, la joie et les délices (13,6 ; 16,9.11).
B. « PRIÈRE DE DAVID » La deuxième séquence : Ps 17 TEXTE 1 Prière de David. 1b Écoute, Yhwh, la justice, sois-attentif à mon cri ; prête-l’oreille à ma prière, avec point de lèvres de fraude. 2 Que de ta face mon jugement sorte, que tes yeux 3 Tu as sondé mon cœur, contemplent ce qui est droit. tu m’as visité la nuit, tu m’as éprouvé, point n’as trouvé ; si j’ai pensé-le-mal, il n’a pas franchi ma bouche. 4 Malgré les actions des hommes, à la parole de tes lèvres, moi, je me suis gardé des voies du violent ; 5 se sont attachés mes pas à tes traces, n’ont pas été ébranlés mes pieds. 6 Moi, je t’appelle, 7 signale tes fidélités, car tu réponds, Dieu ! Tends l’oreille vers moi, écoute mon dire ; 8 sauveur des recourant contre les agresseurs à ta droite. Garde-moi comme prunelle de l’œil, à l’ombre de tes ailes cache-moi 9 de la face de ces méchants qui me ravagent, mes ennemis de l’âme qui se tiennent autour de moi. 10 Dans leur graisse ils sont enfermés, de 11 ils me rejettent, leur bouche ils parlent avec arrogance ; maintenant ils m’encerclent, 12 Son apparence comme un lion impatient leurs yeux ils fixent pour précipiter à terre. d’arracher et d’un lionceau tapi dans les cachettes. 13 Dresse-toi, Yhwh, affronte sa face, 14 Fais-les-mourir (par) ta main, abats-le ; libère mon âme du méchant (par) ton épée. Yhwh, fais-les-disparaitre de ce monde, leur part parmi les vivants ; mais ton protégé, tu rempliras leur ventre, seront rassasiés le(ur)s fils (qui) laisseront le surplus à leurs enfants. 15 Moi, dans la justice je contemplerai ta face, je me rassasierai à mon réveil de ton image.
V. 1B
: « ÉCOUTE, YHWH, LA JUSTICE
On pourrait comprendre « Yhwh de justice » (la Septante a : « Dieu de ma justice »). Toutefois, la symétrie de « justice » avec « fraude » (1e) invite à considérer « justice » non pas comme complément du nom « Yhwh » mais comme complément d’objet de « Écoute ». V. 3C-4 : « TU M’AS ÉPROUVÉ...
»
Le texte est particulièrement tourmenté ; il est jugé corrompu et donc corrigé de diverses manières. Changer zammôtî du texte massorétique (« mon penser ») par zimmôtî, « mon crime »1 n’est pas nécessaire. Il est en effet possible de comprendre qu’une mauvaise pensée née dans le cœur n’ait pas été réfrénée et ne soit pas allée jusqu’à franchir la barrière des lèvres2.
1
Par ex., Kraus, I, 244, Dahood, I, 94. La traduction de Delitzsch (289.293-295) suit de près le texte massorétique et semble la plus raisonnable. 2
186
La première section (Ps 1–18)
V. 11A : « ILS ME REJETTENT »
Le texte massorétique, « nos pas, maintenant ils nous encerclent » ne fait guère sens. En suivant la Septante ainsi que 11QPsc, on lit ’iššerûnî au lieu de ’aššùrênû et on conserve le ketib, « ils m’encerclent »3. V. 14
: « FAIS-LES MOURIR... »
Le verset est tout à fait obscur, à en juger par les multiples manières dont il a été segmenté, corrigé et traduit, dès l’antiquité et jusqu’à nos jours. Pour certains, l’ensemble du verset est négatif, traitant du châtiment réservé aux méchants4, pour d’autres au contraire il est entièrement positif 5, pour d’autres enfin, la première partie du verset regarde la punition des méchants, tandis que la fin s’applique aux justes qui seront rassasiés de biens6. Littéralement le début du verset donne ceci : « Des mortels avec ta main, Yhwh, des mortels du monde leur part dans la vie », ce qui n’est guère compréhensible. Le deuxième segment (« Et ton protégé... ») est moins abscons que le premier. Pour son premier terme, le texte massorétique hésite entre le ketib, ûṣepînkā (« et ton trésor ») et le qeré, ûṣepûnkā (« et ce que tu as caché »), mais leur sens est proche ; le fait que ce participe du qeré soit au singulier, alors que la suite est au pluriel, n’est pas un problème en hébreu ; il s’agit d’un collectif 7. Le seul problème vraiment important est de savoir s’il s’applique, de manière ironique, aux méchants ou aux justes. La proposition avancée ici est inspirée par une loi de la rhétorique biblique, qui veut que le centre d’une construction articule l’ensemble ; souvent son premier élément rappelle ce qui précède et le second annonce ce qui suit8. Tel est du reste le cas dans la seconde partie du psaume, où le verset 8 avec ses deux impératifs de seconde personne du singulier est lié au premier morceau avec ses trois impératifs aux mêmes modalités et où le verset 9 avec ses verbes à la troisième personne du pluriel annonce le troisième morceau dont les deux premiers segments comportent eux aussi cinq verbes aux mêmes modalités (voir l’analyse de la partie, p. 189). Ainsi le deuxième segment du verset 14 annonce le troisième morceau (15), ce que signale la reprise de « rassasier » (14e.15b). Quant au premier segment de 14, où « par ta main » de 14a et « par ton épée » de 13d jouent le rôle de termes médians entre les deux premiers morceaux, il devrait suivre la même ligne que le premier morceau et dire le châtiment des méchants. 3
deClaissé-Walford – al., 185. Weiser, 181-182 ; Kraus, I, 249 ; Ravasi, I, 315. 5 Hakham, I, 77. 6 Dahood, I, 99 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 350.360-361; Lorenzi, 85-86; deClaisséWalford – al., 188. 7 Joüon, 150e. 8 R. MEYNET, « Le leggi della retorica biblica. A proposito della “legge dell’intreccio al centro” ». 4
Le psaume 17
187
Corrigeant, en désespoir de cause, la vocalisation9, on obtient un sens acceptable non seulement pour le début du verset, mais aussi pour toute la partie.
COMPOSITION La plupart divisent le psaume en trois parties : 1-5 ; 6-12 ; 13-1510. Sur la base des seules récurrences de signifiants, Girard coupe différemment : 1-6 ; 7-14b ; 14c-1511. Le psaume comprend en trois parties, chacune formée de trois morceaux organisés de manière concentrique. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-5) + 1b Écoute, – sois-attentif
Yhwh, à mon cri ;
– prête-l’oreille + avec POINT
à ma prière, de LÈVRES
de fraude.
mon jugement contemplent
sorte, ce qui est droit.
2
:: Que de ta face :: que tes yeux
la justice,
·····································································
- 3 Tu as sondé - tu m’as visité - tu m’as éprouvé,
mon cœur, la nuit, POINT n’as trouvé ;
- si j’ai pensé-le-mal, - il n’a pas franchi
ma bouche.
····································································· 4
+ Malgré les actions + à la parole
des hommes, de TES LÈVRES,
+ moi, + des voies
je me suis gardé du violent ;
: 5 se sont attachés : n’ont pas été ébranlés
mes pas mes pieds.
9
à tes traces,
Voir, par ex., Dahood, I, 98-99. Hakham, I, 73 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 354-355 ; deClaissé-Walford – al., 184 (il subdivise en deux strophes chaque partie). Lorenzin (101-102) raffine en détachant 1-2 au début et 15 à la fin. 11 Girard, I, 330-338 ; il considère les reprises lexicales de 1 et de 6 comme faisant inclusion, alors que ce sont des termes initiaux. 10
188
La première section (Ps 1–18)
Le premier morceau est une supplication : les deux premiers segments sont à l’impératif, le troisième au jussif. Les deux premiers segments se correspondent de manière spéculaire, « à ma prière » rappelant « à mon cri » et « fraude » s’opposant à « justice ». À la fin des membres extrêmes « ce qui est droit » est synonyme de « justice ». Le second morceau passe à la troisième personne du singulier, renvoyant au passé ; faisant inclusion, « mon cœur » et « ma bouche » opposent les pensées intérieures et celles qui sont exprimées au dehors. Les deux premiers segments du dernier morceau (4) forment une seule phrase ; ils sont construits en miroir, « les voies du violent » correspondant à « les actions des hommes » et la conduite du psalmiste (4c) se conformant à la volonté de Dieu (4b). Le dernier segment se rattache au membre précédent, « les pas » et les « pieds » de l’orant s’opposant aux « voies » du violent. + 1b Écoute, – sois-attentif
Yhwh, à mon cri ;
– prête-l’oreille + avec POINT
à ma prière, de LÈVRES
de fraude.
mon jugement contemplent
sorte, ce qui est droit.
2
:: Que de ta face :: que tes yeux
la justice,
····································································
- 3 Tu as sondé - tu m’as visité - tu m’as éprouvé,
mon cœur, la nuit, POINT n’as trouvé ;
- si j’ai pensé-le-mal, - il n’a pas franchi
ma bouche.
····································································
+ 4 Malgré les actions + à la parole
des hommes, de TES LÈVRES,
+ moi, + des voies
je me suis gardé du violent ;
: 5 se sont attachés : n’ont pas été ébranlés
mes pas mes pieds.
à tes traces,
Le morceau central articule les deux autres : en effet son premier segment a pour sujet celui des impératifs et jussifs du premier morceau, « Yhwh », tandis que le sujet du second segment est le même que celui du dernier morceau, à savoir le psalmiste. La partie est unie aussi par les termes appartenant au champ sémantique des parties du corps, corps du psalmiste, « lèvres » (1e), « mon cœur » et « ma bouche » (3a.e), « mes pas » et « mes pieds » (5ab), mais aussi de Dieu, « ta face » et « tes yeux » (2ab), « tes lèvres » (4b) et même « tes traces » (5a) ; on aura noté la reprise de « lèvres » dans les morceaux extrêmes (1e.4b).
Le psaume 17
189
LA DEUXIÈME PARTIE (6-12) + 6 Moi, :: car tu réponds,
je t’appelle, Dieu !
+ Tends + écoute
l’oreille vers moi, mon dire ;
:: 7 signale :: sauveur :: contre les agresseurs
tes fidélités, des recourant à ta droite.
·························································································································
:: 8 Garde-moi :: à l’ombre
comme prunelle de tes ailes
de l’œil, cache-moi
– 9 de la face – mes ennemis
de ces méchants de l’âme
qui me ravagent, qui se tiennent
autour de moi.
·························································································································
– 10 Dans leur graisse – de leur bouche 11
ils sont enfermés, ils parlent
– Ils me rejettent, – leurs yeux – pour précipiter
maintenant ils fixent à terre.
: 12 Son apparence : impatient : et d’un lionceau
comme un lion d’arracher tapi
avec arrogance ; ils m’encerclent,
dans les cachettes.
Le premier segment est introductif : son premier membre annonce le second segment où le psalmiste fait appel à son Dieu, son deuxième membre annonce le troisième segment où la réponse divine est explicitée par le salut de ceux qui recourent à sa droite contre leurs assaillants. À ce premier morceau où le psalmiste invoque pour le futur les actions du Seigneur fait pendant le dernier morceau tout entier consacré à la description des actions présentes de ceux qui assaillent et s’acharnent contre lui. Le morceau central articule les deux autres : les impératifs de deuxième personne du singulier du premier segment rappellent ceux du premier morceau, les verbes à la troisième personne du pluriel du second segment annoncent ceux des deux premiers segments du troisième morceau qui ont le même sujet, « méchants » et « ennemis » de 9. La métaphore du dernier segment passe au singulier (12).
190
La première section (Ps 1–18)
LA TROISIÈME PARTIE (13-15) + 13 Dresse-toi, + affronte
YHWH, SA FACE,
+ libère + du méchant
mon âme (par) ton épée.
abats-le ;
····································································································· + 14 Fais-les-mourir (par) ta main, YHWH,
+ fais-les-disparaitre + leur part
de ce monde, parmi les vivants ;
– mais ton protégé, – SERONT RASSASIÉS – (qui) laisseront
tu rempliras le(ur)s fils le surplus
leur ventre, à leurs enfants.
·····································································································
= 15 Moi, = JE ME RASSASIERAI
dans la justice à mon réveil
je contemplerai de ton image.
TA FACE,
Le premier morceau est tout à l’impératif de deuxième personne du singulier dont le sujet est « Yhwh », le dernier dont le sujet est le psalmiste est au futur. Le premier segment du morceau central demande à Dieu de détruire les ennemis comme dans le premier morceau, tandis que le deuxième segment, au futur comme le dernier morceau, est positif comme lui. Les deux occurrences de « Yhwh » jouent le rôle de termes initiaux pour les deux premiers morceaux, et « (par) ton épée » et « (par) ta main » celui de termes médians. Les deux occurrences du verbe « rassasier » au futur relient le dernier morceau au second segment du deuxième. « Sa face » (13b) et « ta face » (15a) remplissent la fonction de termes extrêmes pour l’ensemble de la partie. L’ENSEMBLE DU PSAUME Dans les parties extrêmes, le psalmiste fait appel au jugement de son Dieu, pour que son innocence soit reconnue au début, pour que ses ennemis soient condamnés à la fin. Dans la partie centrale il implore le salut contre les ennemis qui l’assaillent et veulent sa mort. Contrairement à la partie centrale, les parties extrêmes sont marquées par de grosses difficultés textuelles. Chacune des trois parties comprend trois morceaux, le morceau central assurant partout la même fonction d’articulateur des deux autres morceaux. Le début des trois parties est marqué par des impératifs adressés au Seigneur (1b-2 ; 6-7 ; 13) ; ce dernier est appelé « Yhwh » au début des parties extrêmes (1b.13a), « Dieu » au début de la partie centrale (6a). Ce sont donc des termes initiaux particulièrement forts. Outre le psalmiste et le Seigneur, un troisième personnage est présent tout au long, « les hommes », « le violent » au début (4ab) ; « les assaillants » (7b),
Le psaume 17
191
« méchants », « ennemis » (9), sans oublier le « lion » et le « lionceau » (12) au centre ; « le méchant » de nouveau en finale (13b). 1
Prière
de David.
ÉCOUTE, YHWH, LA JUSTICE, SOIS-ATTENTIF à mon cri ; PRÊTE-L’OREILLE à ma prière, avec point de lèvres de fraude. 2 Que de TA FACE mon jugement sorte, que tes YEUX CONTEMPLENT ce qui est droit. 1b
3
Tu as sondé mon cœur, tu m’as visité la nuit, tu m’as éprouvé, point n’as trouvé ; si j’ai pensé-le-mal, il n’a pas franchi ma bouche.
4
Malgré les actions des hommes, à la parole de tes lèvres, moi, je me suis gardé des voies du violent ; 5 se sont attachés mes pas à tes traces, n’ont pas été ébranlés mes pieds. 6
Moi, je t’appelle, car tu réponds, DIEU ! TENDS L’OREILLE vers moi, ÉCOUTE mon dire ; 7 signale tes fidélités, sauveur des recourant contre les agresseurs à ta droite. 8
GARDE-MOI comme prunelle de L’ŒIL, à l’ombre de tes ailes CACHE-MOI de LA FACE de ces MÉCHANTS qui me ravagent, mes ennemis de l’âme qui se tiennent autour de moi.
9
10
Dans leur graisse ils sont enfermés, de leur bouche ils parlent avec arrogance ; Ils me rejettent, maintenant ils m’encerclent, leurs YEUX ils fixent pour précipiter à terre. 12 Son apparence comme un lion impatient d’arracher et d’un lionceau tapi dans les cachettes. 11
13
DRESSE-TOI, YHWH, AFFRONTE SA FACE, ABATS-le ; LIBÈRE mon âme du MÉCHANT (par) ton épée. 14 Fais-les-mourir (par) ta main, YHWH, fais-les-disparaitre de ce monde, leur part parmi les vivants ; mais tes protégés, tu rempliras leur ventre, seront rassasiés le(ur)s fils (qui) laisseront le surplus à leurs enfants. 15
Moi, dans LA JUSTICE je CONTEMPLERAI TA FACE,
je me rassasierai à mon réveil de ton image.
Dans les morceaux extrêmes (1b-2 ; 15), les deux occurrences de « justice », de « ta face » et de « contempler » remplissent la fonction de termes extrêmes. Au centre de la deuxième partie et au début de la troisième (9a.13a) « face » est repris ; il ne s’agit plus comme aux extrémités de celle de Dieu, mais de celle des méchants. Ces quatre occurrences de « face » font partie de la longue liste des parties du corps, – du psalmiste : « lèvres » (1c), « mon cœur » (3a), « ma bouche » (3b), « mes pas » et « mes pieds » (5), « mon âme » (ou « gorge », 13b) ; à quoi il faut ajouter « le ventre » des protégés de Dieu (14c) ;
192
La première section (Ps 1–18)
– de Dieu : « ta face » (2.15), « tes yeux » (2), « tes traces » (5), « l’oreille » (6b), « la prunelle de l’œil » et « tes ailes » (8), « ta main » (14a) ; – des ennemis : « la face » (9a.13a), « leur graisse » et « leur bouche » (10), « leurs yeux » (11b). Avec l’image du lion et du lionceau (12) la deuxième partie s’achève au singulier, alors qu’auparavant il était question des ennemis au pluriel (7.9) ; de manière inverse la dernière partie commence par un appel au secours contre « le méchant » au singulier (13), après quoi on passe au pluriel (14). On pourra aussi remarquer la reprise du pronom de première personne isolé, « moi », dans chacune des parties, à la fin des parties extrêmes (4b.15) et au début de la partie centrale (6a). INTERPRÉTATION CONFESSION DE FOI Avant de demander quoi que ce soit, au début de la partie centrale, le psalmiste proclame sa foi en son Seigneur : il est sûr qu’il répondra à son appel (6a), que ceux qui recourent à sa droite sont toujours sauvés (7). Toute sa prière est fondée sur le roc de sa confiance en Dieu. Alors il peut sans crainte invoquer son secours contre les « méchants » qui le ravagent. Il se tourne vers lui comme vers sa mère, courant se cacher sous ses « ailes », sachant qu’il lui est cher « comme la prunelle de son œil » et qu’il le défendra même contre le lion impatient d’arracher pour nourrir son petit qui attend, « tapi dans les cachettes ». EN DANGER DE MORT Les ennemis qui se tiennent autour du psalmiste, ceux contre lesquels il invoque le salut de Dieu, ne sont pas de simples opposants qui se contenteraient de parler « avec arrogance ». Ils le « ravagent », ils veulent le « précipiter à terre », ils sont décidés à le mettre en pièces comme fait le lion de sa proie. Si le psalmiste « crie » et « prie » avec une telle force (1bc), c’est qu’il se trouve en danger de mort. UNE PROTESTATION D’INNOCENCE QUELQUE PEU EMBARRASSÉE Devant une situation aussi grave, le psalmiste commence par protester de son innocence. On pourrait sans doute penser que ce qui lui arrive est le juste châtiment d’une conduite fautive. Il doit donc se disculper et en appeler au « jugement » de Dieu (2). Mais voici que bientôt il semble bredouiller, de sorte qu’on a bien du mal à comprendre ce qu’il veut dire. Il est possible, bien sûr, que le texte ait été mal transmis et qu’il soit corrompu. Mais il n’est pas interdit de penser que cela traduit de la part du psalmiste une certaine hésitation, et même quelque embarras. Il semblerait que, si le mal n’a pas franchi la barrière de sa bouche, il reconnaisse tout de même l’avoir pensé.
Le psaume 17
193
UN APPEL AU CHÂTIMENT DES MÉCHANTS QUELQUE PEU GÊNÉ Il en va de même dans la dernière partie. Certes, il commence par demander sans la moindre hésitation au Seigneur d’abattre le lion qui le menace, de frapper le « méchant » de son épée (13). Mais aussitôt ses mots se brouillent et la traduction qu’on est bien obligé d’en donner, pour éviter d’être aussi incompréhensible que le texte hébreu, pourrait donner le change. Il faut garder à l’esprit que les interprètes comprennent ce qui suit (14) ou de manière totalement négative, ou entièrement positive, et même, pour faire bonne mesure, à moitié négative et à moitié positive. Tant et si bien qu’on ne peut s’empêcher de se demander si le psalmiste sait vraiment ce qu’il dit, tellement vive est sa douleur. Ses dernières paroles cependant montrent qu’il n’a pas perdu sa confiance en Dieu ; il demeure sûr de pouvoir contempler sa face et se rassasier de son image, quand il finira par se réveiller de son cauchemar, parce que le Seigneur l’aura sauvé de la mort.
C. L’ACTION DE GRÂCE DE DAVID POUR SON LIBÉRATEUR La troisième séquence : Ps 18 Le Ps 18 est le troisième plus long du Psautier, après le Ps 119 (176 versets, 357 membres) et le Ps 78 (72 versets, 164 membres)1. Il se retrouve à quelques variantes près en 2S 22,1-51. Les commentateurs sont loin d’être unanimes sur la composition du psaume. Beaucoup ont pensé qu’il s’agissait à l’origine de deux psaumes indépendants2. Certains l’organisent en deux parties3, d’autres en trois4, en quatre5, en cinq6, en six7, en sept8, en neuf9, ou même en douze « strophes » sans compter un « postlude liturgique » (50-51)10. Après le titre (1-2a), le psaume est de la taille d’un passage qui comprend sept parties. Les trois parties du premier versant sont organisées de manière concentrique (2b-20), et de même les trois dernières (31-51) : Le Seigneur me sauve
de la mort
Le Seigneur remporte la victoire Le Seigneur m’a sauvé
« Avec le fidèle
Le Seigneur protège son roi
sur les éléments du monde
8-16
de mes ennemis
17-20
tu es fidèle »
21-30
et lui enseigne à se défendre
31-35
Le Seigneur fait remporter la victoire Le roi louera le Seigneur
2b-7
sur les ennemis du roi
jusque chez les nations
36-46 47-51
En nombre de versets le Ps 89 est plus long (53) que le Ps 18 (51), mais en nombre de membres il est plus court (106 pour le Ps 89, 119 pour le Ps 18) ; de même en nombre de mots, les mots reliés par le maqqef étant considérés comme un seul mot (345 pour le Ps 18, 341 pour le Ps 89). 2 Voir Kraus, I, 256 ; J.-M. AUWERS, « La rédaction du Psaume 18 dans le cadre du premier livre des psaumes », 23, avec bibliographie abondante en nt. 1. 3 Delitzsch, 311-312 ; Dahood, I, 104: 2-31 ; 32-51. 4 Girard, I, 351 : 2-20 ; 21-31b ; 31c-50. 5 Lorenzin, 109 : 2b-9 ; 4-20 ; 21-31 ; 32-51. 6 Alonso Schoekel – Carniti, I, 369-370 : 2-3 ; 5-20 ; 21-32 ; 30-46 ; 47-49. 7 Hakham, I, 78. 8 Ravasi, I, 326-327. 9 deClaissé-Walford – al., 192. 10 J.K. KUNTZ, « Psalm 18 : A Rhetorical-Critical Analysis ». 1
196
La première section (Ps 1–18) I. LA PREMIÈRE SOUS-SÉQUENCE (2-20)
1. LE SEIGNEUR ME SAUVE DE LA MORT (2B-7) TEXTE 2b
Je t’aime, Yhwh, ma force ; 3 Yhwh, mon roc et ma forteresse et mon libérateur, mon Dieu, mon rocher, je m’abrite en lui, mon bouclier et la corne de mon salut, mon refuge. 4 Digne-delouange j’invoque Yhwh, et de mes ennemis je suis sauvé ; 5 m’enveloppaient les filets de la Mort et les torrents de Bélial m’épouvantaient, 6 les filets du schéol me cernaient, les pièges de la Mort. 7 Dans mon angoisse j’invoque Yhwh et vers mon Dieu je crie ; il entendra de son temple ma voix et mon cri devant lui parviendra à ses oreilles.
v. 2b : « Je t’aime » Dérivé de reḥem, « sein » dans le sens d’« utérus », ce verbe est généralement traduit par « je t’aime ». C’est le seul emploi du verbe au qal dans la Bible hébraïque (2b est omis en 2S 22). C’est pourquoi plusieurs ont proposé, en ne changeant que la deuxième consonne, de le remplacer par ’ărômimkā (« je t’exalte »), comme dans les Ps 30,1 ; 145,1, ce que n’appuie aucun manuscrit ni aucune version. Au piel le verbe a la plupart du temps le Seigneur comme sujet, signifiant « avoir pitié », « faire miséricorde » (Ex 33,19 ; Dt 13,19, etc.). En Ps 103,13 il exprime clairement l’amour paternel : « Comme est la tendresse d’un père pour ses fils, tendre est Yhwh pour qui le craint » ; en Is 49,15 la tendresse de Dieu dépasse même celle d’une mère : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas ». L’unicité du premier verbe du psaume rappelle celle de l’expression « tendre et miséricordieux » (raḥûm weḥanûn) qui qualifie toujours le Seigneur, mais qui, une seule fois, qualifie aussi l’homme juste (Ps 112,4b ; en Ps 111,4b il est dit du Seigneur)11. Il faudrait trouver une traduction qui rende le rapport avec la tendresse ou la pitié de Dieu ; on se contentera de « je t’aime », comme a fait la Septante12. v. 4a : « Digne-de-louange » Le participe mehullāl, qui qualifie « Yhwh », en tête du membre est ainsi mis en relief. Les temps des verbes À part deux qui sont à l’accompli (5a.6a), tous les autres verbes sont à l’inaccompli. Ils sont traduits de manières très différentes : présent, imparfait, passé simple, passé composé. La composition du texte devrait aider à prendre position. 11 12
Voir, Le Psautier. Cinquième livre, 89-92. Girard (I, 344) propose « je t’affectionne ».
Le psaume 18
197
COMPOSITION + 2b Je t’aime, 3
= Yhwh, = mon Dieu, = mon bouclier
Yhwh,
ma force,
mon roc mon rocher, et la corne
et ma forteresse je m’abrite en lui, de mon SALUT,
et mon libérateur, mon refuge.
·····························································································································
:: 4 Digne-de-louange, :: et de mes ennemis
J’INVOQUAI JE FUS SAUVÉ
YHWH, :
- 5 m’enveloppaient - et les torrents
les filets de Bélial
de la Mort m’épouvantaient,
- 6 les filets -
du schéol les pièges
me cernaient, de la Mort.
···································································································
:: 7 Dans mon angoisse :: et vers mon Dieu - il entendra - et mon cri
J’INVOQUE
YHWH,
je crie : de son temple devant lui
ma voix parviendra
à ses oreilles.
Dans le premier morceau le second segment (3) développe longuement l’unimembre précédent. À « ma force » répondent non moins de huit autres quasi synonymes : « mon roc », « ma forteresse », « mon libérateur », « mon Dieu », « mon rocher », « mon bouclier », « la corne de mon salut » et « mon refuge » ; « je m’abrite en lui » (3b) correspond à « je t’aime » (2b). Le deuxième morceau comprend trois bimembres arrangés selon le type ABB. Arrangés de manière spéculaire, les deux derniers segments disent de quoi le psalmiste « fut sauvé » (4b) : de « la mort » (5a.6b) que ses « ennemis » (4b) voulaient lui infliger. Le troisième morceau est tout entier consacré au « cri » (7b.d) lancé vers « Yhwh » ; le psalmiste est sûr qu’il « parviendra à ses oreilles » (7d) et que le Seigneur l’« entendra » (7c). Le premier morceau est général et atemporel. Les deux derniers morceaux sont parallèles et complémentaires : le dernier qui regarde le présent et le futur (7) s’appuie sur l’expérience du passé que rappelle le précédent (4-6). Dans les deux premiers morceaux « salut » et « je fus sauvé » (3c.4b) jouent le rôle de termes médians ; dans les deux derniers morceaux les deux occurrences de « j’invoquai/j’invoquerai Yhwh » servent de termes initiaux.
198
La première section (Ps 1–18)
CONTEXTE Bélial Du terme belîya‘al ont été proposées diverses éthymologies : belî ‘ôl, « sans joug » désignerait ceux qui refusent de se soumettre au joug de la Loi, et c’est ainsi que la Septante traduit en Dt 13,14 (andres paranomoi) ; belî ya‘al, « sans profit » ; belî yā‘āl, « qui ne monte pas », « ne réussit pas » (Qimchi), ou « qui ne remonte pas » du lieu où il est descendu, à savoir le schéol13. Il est souvent utilisé dans des expressions comme « fils de Bélial » (Dt 13,14 ; Jg 19,22 ; « fille de Bélial » en 1S 1,16 etc.), « homme de Bélial » (2S 2,1 ; Pr 16,27), traduit par « vaurien », ou « gens de rien », « fille de rien ». L’expression debar belîya‘al (Ps 41,9) est traduite par « une plaie d’enfer » (BJ), « un mal sinistre » (Osty), « une sale affaire » (TOB). En Jb 34,18 belîya‘al est mis en parallèle avec rāšā‘, « le méchant ». On s’accorde sur l’arrière-fond mythologique du terme. Et c’est pourquoi Ps 18,5 (et 2S 22,5) est le seul endroit où la BJ et Osty rendent le terme par un nom propre, « Bélial », car il est mis en parallèle avec le « schéol » ; cependant la TOB traduit 2Ch 13,7 ’ănāšîm rēqîm beney belîya‘al par « des hommes de rien, des fils de Bélial ». Ce nom, sous la forme de Béliar, apparait une fois dans le Nouveau Testament, dans toute une série d’oppositions parallèles : 14
Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? 15 Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? 16 Quel accord entre le temple de Dieu et les idoles ? (2Co 6,14-16)14.
INTERPRÉTATION « Je t’aime » Unique, le premier mot du psaume ne saurait manquer d’attirer l’attention. Et cela d’autant plus qu’il introduit une longue litanie de dix termes, inaugurée par « ma force », tous marqués par le possessif, qui qualifient « Yhwh » auquel le psalmiste s’adresse. L’amour du psalmiste envers son Seigneur est celui qui répond à la tendresse maternelle et paternelle qu’il lui a manifestée. Ce n’est pas tant, semble-t-il, l’amour du vassal pour son suzerain, d’un serviteur pour son maitre, que celui d’un fils pour ses parents, pour ceux qui lui ont donné la vie.
13 14
Ainsi, Hakham, I, 81. Voir, par ex., T.J. LEWIS, « Belial ».
Le psaume 18
199
« Je fus sauvé » Tous les qualificatifs que le psalmiste attribue à « Yhwh » en commençant (2b-3) traduisent, de manière plus ou moins évidente, le salut dont il lui a fait grâce. Son Seigneur l’a défendu contre les assauts de ses « ennemis », il a été sa « forteresse », son « libérateur », son « rocher », son « bouclier », son « refuge ». Il ne l’a pas sauvé d’un simple danger, il l’a arraché à « la mort », à ses « filets » qui déjà l’enveloppaient, aux « torrents » qui l’entrainaient inéluctablement au schéol. Le délivrant de Bélial, le tirant de la mort, il lui a donné la vie. Et c’est sans doute pourquoi il utilise ce verbe si particulier d’un fils qui témoigne par son amour de l’affection de celui qu’il reconnait comme son père, qu’il aime tendrement comme on aime sa mère.
2. LE SEIGNEUR REMPORTE LA VICTOIRE SUR LES ÉLÉMENTS DU MONDE (8-16) TEXTE 8
Et s’ébranla et vacilla la terre et les assises des montagnes frémirent et furent ébranlées car il s’emporta ; 9 monta une fumée à ses narines et un feu de sa bouche dévorait, des braises s’enflammaient de lui. 10 Et il inclina les cieux et descendit et une sombre-nuée sous ses pieds ; 11 et il chevaucha sur un chérubin et vola, et il plana sur les ailes du vent. 12 Il mit l’obscurité son voile autour de lui, sa tente, ténèbre d’eau, nuages de nuées. 13 D’un éclat et le devant des nuages passaient, grêle et braises de feu ; 14 et tonna des cieux Yhwh, Très-Haut donna de sa voix, grêle et braises de feu. 15 Et il envoya ses flèches et les dispersa et des éclairs il lança et les éparpilla. 16 Et apparurent les fondements de la mer, et se découvrirent les assises du monde, à ton grondement, Yhwh, au souffle du vent de tes narines.
v. 8c : « il s’emporta » Littéralement, « (cela) devint chaud pour lui » ; l’expression ḥārâ ’appô, « son nez chauffa », a le même sens15. La finale de 8 prépare donc le verset suivant : « monta une fumée à son nez ». v. 12 : « Il mit l’obscurité... » Le texte massorétique met l’atnah après « sa tente », comme en 2S 22,12. Cependant le psaume ajoute « son voile » après « l’obscurité » : « sa tente » étant le correspondant de « son voile » est donc considéré comme le premier terme du deuxième membre16. 15
Ces expressions semblent moins étranges si on se rappelle les façons de parler françaises « la moutarde lui monte au nez », ou même « vous commencez à me chauffer les oreilles ». 16 Voici la mise en parallèle des deux versions : Ps 18 : Il mit l’obscurité son voile autour de lui / sa tente obscurité d’eau nuages de nuées. 2S 22 : Et il mit l’obscurité autour de lui des tentes / obscurité d’eau nuages de nuées.
200
La première section (Ps 1–18)
v. 13 : « ses nuages passèrent » Le texte de 2S 22, est différent : « De la clarté (était) devant lui, s’embrasaient des braises de feu ». C’est pourquoi certains changent le verbe du psaume par celui de la version de 2S 2217.
COMPOSITION – 8 Et s’ébranla – et LES ASSISES – et elles furent ébranlées
et vacilla des montagnes car il s’emporta ;
:: 9 monta :: et un feu :: des braises
une fumée de sa bouche s’enflammaient
À SES NARINES
+ 10 Et il inclina + et une sombre-nuée
LES CIEUX
dessous
et descendit ses pieds ;
= 11 et il chevaucha = et il plana
sur un chérubin sur les ailes
et vola, du VENT.
LA TERRE
frémirent,
dévorait, de lui.
···············································································································
• 12 Il mit • sa tente
l’obscurité obscurité D’EAU,
son voile
autour de lui,
NUAGES
de nuées ;
• 13 par l’éclat • grêle
devant lui et braises
SES NUAGES
passèrent
de feu.
··············································································································· DES CIEUX Yhwh,
+ 14 Et tonna + et le Très-Haut + grêle
donna et braises
de sa voix, de feu ;
= 15 et il envoya = et des éclairs
ses flèches il lança
et les dispersa et les éparpilla.
– 16 Et apparurent – et se découvrirent
les fondements LES ASSISES
DES EAUX, DU MONDE,
:: à ton grondement, :: au souffle
Yhwh, du VENT
DE TES NARINES.
Tandis que dans les sous-parties extrêmes (8-9 ; 16) les sujets des verbes sont les éléments du monde, dans la sous-partie centrale (10-15), le sujet est essentiellement le Seigneur (à part 13). 17
Vesco, 195, nt. 1.
Le psaume 18
201
Dans le premier morceau le tremblement de terre (8), qui est attribué à Dieu (8c), est suivi par une sorte d’éruption volcanique (9), dont les trois membres disent que Dieu en est l’auteur. Le dernier morceau (16) dit en une seule phrase les conséquences des phénomènes décrits dans le premier : le séisme fait apparaitre le fond des mers et « les assises » de la terre (16ab), il est accompagné par le « grondement » de ses « narines » (16cd). Les morceaux extrêmes de la sous-partie centrale semblent se correspondre en parallèle : leurs premiers segments (10.14) commencent avec « les cieux » et s’achèvent avec « ses pieds » et « sa voix », leurs seconds segments énoncent les instruments que le Seigneur utilise pour sa descente, « chérubin » et « vent » (11), puis pour l’orage qu’il déclenche, « flèches » et « éclairs » (15). Quant au morceau central (12-13), il est, comme de coutume, fort énigmatique18. Les deux occurrences de « nuages » jouent le rôle de termes médians : dans le premier segment le Seigneur se cache dans « l’obscurité » des « nuages », dans le second les mêmes « nuages » se transforment en « grêle et braises de feu » « par la lueur » qui le précède.
CONTEXTE La théophanie du Sinaï (Ex 19) L’évocation d’un tremblement de terre et d’une sorte d’éruption volcanique (8-9), celle de la descente du Seigneur (10-11) et de l’orage (14-15) rappellent la théophanie du Sinaï : dès le matin, il y eut des tonnerres (litt., des voix), des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu’un très puissant son (voix) de trompe et, dans le camp, tout le peuple trembla. [...] 18 Or la montagne du Sinaï était toute fumée, parce que Yhwh y était descendu dans le feu ; la fumée s’en élevait comme la fumée d’une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. 19 La voix de trompe allait en s’amplifiant (Es 19,16-19 ; voir aussi 24,15-18 ; Ps 77,17-20).
Le passage de la mer (Ex 15) La fin de la partie (16) fait allusion au passage de la mer (Ex 14), quand les fils d’Israël purent traverser à pied sec, le lit de la mer étant asséché par le souffle des narines du Seigneur : 8
Au souffle de tes narines, les eaux s’amoncelèrent, les flots se dressèrent comme une digue, les abimes se figèrent au cœur de la mer. 10 Tu exhalas ton souffle, la mer les recouvrit, ils s’enfoncèrent comme du plomb dans les eaux formidables (Ex 15,8.10)19. 18
Voir, par exemple, Ravasi, I, 335 : « Le v. 13 lui aussi est difficile, comme le v. 12, et le tableau qui en résulte n’est pas tout à fait clair ». 19 Voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, 72.
202
La première section (Ps 1–18)
« Voix de Yhwh » Le Ps 29 égrène sept fois les hauts-faits de « La voix de Yhwh », qui « tonne », « fracasse les cèdres du Liban », « taille des flammes de feu » et « fait trembler le désert de Qadech » (voir p. 382). Un Dieu qui se cache Is 45 annonce que le Seigneur suscite Cyrus comme l’instrument du salut qui fera revenir Israël de son exil à Babylone. En plein cœur du chapitre retentit une déclaration réputée être « isolée » : « En vérité, tu es un Dieu qui se cache, Dieu d’Israël, sauveur » (Is 45,15). De même au centre la partie de Ps 18,8-16, le Seigneur est présenté comme se cachant dans l’obscurité.
INTERPRÉTATION La colère de Dieu Le tremblement de terre est présenté comme la manifestation de sa colère (8c). Ce séisme s’accompagne d’un feu qui dévore comme celui d’un volcan en éruption, d’un vent capable d’assécher jusqu’aux eaux de la mer. Ce sont là les représentations traditionnelles de l’intervention divine dans l’histoire, depuis la destruction de Sodome et Gomorrhe, en châtiment de leurs crimes (Gn 19), jusqu’à la traversée de la mer, quand le Seigneur engloutit dans la mer des joncs l’orgueil de Pharaon et de toutes ses armées (Ex 14–15). La domination divine sur les éléments cosmiques symbolise celle qu’il exerce sur les humains qui s’opposent à lui. C’est pourquoi plusieurs commentateurs interprètent, non sans raison, les victimes des « flèches » lancées par le Seigneur, comme ses ennemis qui sont aussi ceux de son peuple ; ce sont eux qu’il « dispersa » et éparpilla » (15)20. Deus absconditus Dieu intervient dans l’histoire, il incline les cieux et descend. Mais sous ses pieds « un sombre nuée » le dissimule aux yeux des hommes (10). Il se cache dans « l’obscurité » dans laquelle il s’enveloppe, dont il fait « son voile » ; « sa tente » l’obscurcit doublement dans les « nuées » les plus épaisses (12). Discrétion divine qui refuse de s’imposer ? Retenue d’une lumière trop vive qui ne manquerait pas d’aveugler qui le regarderait en face ? Les « nuages » qui cachent la divinité se transforment finalement en « grêle et braises de feu » d’un orage qui certes fait trembler les hommes mais où, comme au Sinaï, ils peuvent reconnaitre « sa voix ».
20
Weiser, 191 ; Hakham, I, 84 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 376.
Le psaume 18
203
3. LE SEIGNEUR M’A SAUVÉ DE MES ENNEMIS (17-20) TEXTE 17
Il envoie d’en haut, il me prend, il me retire des eaux nombreuses ; 18 il me délivre de mon ennemi puissant, et de mes haïssant car ils l’emportent sur moi. 19 Ils m’attendaient au jour de mon malheur, et Yhwh fut un appui à moi ; 20 et il m’a fait-sortir, au large, il m’a sauvé, car il me chérit.
v. 20 : « il me chérit » Le verbe ḥāpaṣ est traduit, selon le contexte, par «vouloir» (Ps 51,8.18. 21; 35,27 bis), «prendre plaisir à» (Ps 1,2; 5,5), «désirer» (Ps 70,3), «aimer» (Ps 22,9). Pour éviter de le traduire comme le premier mot du psaume, « Je t’aime » (2b), il sera rendu par « il me chérit ». COMPOSITION + 17 Il envoie + il me retire
d’en haut, des eaux
il me prend, nombreuses ;
+ 18 il me délivre – et des haïssant moi
de mon ennemi
puissant,
– 19 Ils m’attendaient + et fut
au jour Yhwh
+ 20 et il m’a fait-sortir, + il m’a sauvé,
au large, CAR il m’aime.
CAR ils l’emportent sur moi. ···········································································································
de mon malheur un appui à moi ;
Dans le premier morceau la métaphore des « eaux nombreuses » du premier segment est décryptée dans le second : non seulement les ennemis sont « nombreux » comme les « eaux », ils sont aussi plus forts que le psalmiste, ils l’emportent sur lui. La même préposition, traduite par « de » et par « sur » revient dans chaque membre. Dans le premier segment du second morceau « Yhwh » s’oppose aux desseins funestes des ennemis du psalmiste. Le second segment explicite l’« appui » du Seigneur (19b). Les membres médians (18b.19a) sont les seuls dont les adversaires sont le sujet des verbes. Les deux morceaux s’achèvent avec une courte phrase introduite par « car ». CONTEXTE La sortie d’Égypte « Et il m’a fait sortir, au large » rappelle les premiers mots du Décalogue : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir de la terre d’Égypte, de la
204
La première section (Ps 1–18)
maison des esclaves » (Ex 20,2 ; Dt 5,6). Et « les eaux nombreuses » dont le Seigneur retire le psalmiste peuvent faire écho aux « eaux formidables » de la mer des joncs (Ex 15,10). INTERPRÉTATION « Ils l’emportent sur moi » Les eaux sont « nombreuses », l’ennemi « puissant ». Les adversaires du psalmiste lui ont tendu un guet-apens qu’il ne pourra éviter, ils l’ont déjà enfermé dans une cage dont il est incapable de sortir. Il ne peut absolument rien contre ceux qui le haïssent : ils sont plus forts que lui. Totalement démuni devant tant d’hostilité, son seul secours est dans le Seigneur. « Il m’aime » Les ennemis sont bien présents. Toutefois, ils ne sont sujets que de deux verbes au centre de la partie : « ils l’emportent sur moi. Ils m’attendaient ». Ils se trouvent comme cernés, enserrés par celui qui est le sujet des huit autres verbes, « Yhwh ». Le premier morceau s’achevait par « car ils l’emportent sur moi » et un parallélisme strict aurait pu faire finir le second morceau par son contraire : « car le Seigneur l’emportent sur eux ». La finale, « car il m’aime », pourrait donc surprendre. Il faut cependant remarquer que l’objet de tous les verbes dont le Seigneur est le sujet n’est pas l’ennemi, mais le psalmiste : toutes les actions de Dieu sont accomplies pour l’amour du faible et de l’opprimé.
4. L’ENSEMBLE DE LA PREMIÈRE SOUS-SÉQUENCE (2-20) COMPOSITION DE LA SOUS-SÉQUENCE Les parties extrêmes se correspondent : le premier membre est adressé à Yhwh (2b), mais tout le reste est à la troisième personne et raconte ce que le Seigneur a fait en faveur du psalmiste ou ce qu’il fera pour lui (7). Seul « ennemi(s) » est repris d’une partie à l’autre (4.18), mais de nombreux termes appartiennent au champ sémantique du salut : « mon libérateur », « mon salut », « mon refuge » (3), « je fus sauvé » (4), « il me délivre » (18), « un appui » (19), « il m’a sauvegardé » 20). Les synonymes « aimer » (2b) et « chérir » (20b) jouent le rôle de termes extrêmes. Les rapports entre la première partie et la partie centrale sont peu nombreux : à « ma voix » (7c) répond « sa voix » (14b) et « ses oreilles » à la fin de la première partie annonce les autres parties du corps de Yhwh, « ses narines » (9a), « ses pieds » (10c) et « ses narines » tout à la fin de la partie centrale. « Eau (12b), « envoyer » (15a) et « nombreux » (15b) sont repris au début de la dernière partie (17).
Le psaume 18
205
2b
JE T’AIME, Yhwh, ma force ; 3 Yhwh est mon roc et ma forteresse et MON LIBÉRATEUR, mon Dieu, mon rocher, je m’abrite en lui, mon bouclier et la corne de MON SALUT, mon refuge. 4 Digne-de-louange, j’invoquai Yhwh, et de MES ENNEMIS JE FUS SAUVÉ. 5 M’enveloppaient 6 les filets de la Mort et les torrents de Bélial m’épouvantaient ; les filets du schéol me cernaient, les pièges de la Mort. 7 Dans mon angoisse j’invoquerai Yhwh et vers mon Dieu je crierai ; il entendra de son temple MA VOIX et mon cri devant lui parviendra à ses oreilles. 8
La terre s’ébranla et vacilla, les assises des montagnes frémirent et elles furent ébranlées car il s’emporta ; 9 une fumée monta à ses narines et un feu de sa bouche dévorait, des braises de lui s’enflammèrent. 10 Il inclina les cieux et descendit, une sombre-nuée sous ses pieds ; 11 il chevaucha un chérubin et vola, il plana sur les ailes du vent. 12 Il fit des ténèbres son voile autour de lui, sa tente, ténèbre D’EAU, nuages nuées. 13 D’un éclat devant lui les nuages se transformaient, grêle et braises de feu ; 14 et Yhwh tonna des cieux, le Très-Haut donna de SA VOIX, grêle et braises de feu. 15 16 IL ENVOYA ses flèches et les dispersa, des éclairs NOMBREUX et les chassa. Et apparurent les fondements de la mer, se découvrirent les assises du monde, à ton grondement, Yhwh, au vent du souffle de tes narines. 17
me prend, il me retire des EAUX NOMBREUSES, 18 IL ME DÉLIVRE de de ceux qui le haïssent car ils l’emportent sur moi. 19 Ils m’attendaient au jour de mon malheur, mais Yhwh me fut un appui ; 20 il m’a faitsortir, au large, IL M’A SAUVEGARDÉ, car IL M’AIME. IL ENVOIE d’en haut, il MON ENNEMI puissant, et
INTERPRÉTATION La force de Dieu Le contraste est frappant entre la solidité du secours que le Seigneur offre à son fidèle, lui qu’il appelle « ma force », « mon roc et ma forteresse », « mon rocher » et d’autre part l’ébranlement des montagnes qui s’embrasent alors qu’elles semblaient le symbole de la stabilité et de la sécurité. Or c’est la même force de Dieu qui se manifeste dans la solidité du roc que dans le tremblement de terre. Il est le rocher sur lequel peut s’appuyer le juste menacé de mort par son ennemi, il secoue la terre pour que le méchant ne puisse tenir debout, qu’il soit brûlé au feu de ses narines, transpercé par ses traits enflammés. Une histoire d’amour Si le Seigneur se montre terrifiant, tout à la fois séisme et volcan, s’il est capable de secouer le monde jusqu’à en faire apparaitre les fondements, c’est qu’il ne supporte pas que son fidèle, celui avec qui il a conclu une alliance, soit menacé, attaqué, voué aux filets et aux pièges de la mort. La terre alors, sous le souffle de ses narines, sort de ses gonds, et les ennemis du psalmiste sont terrassés, chassés par le feu de sa colère. C’est ainsi que se manifeste l’amour de Dieu pour le juste ; et celui-ci en retour lui témoigne l’amour de qui a été sauvé de la mort.
206
La première section (Ps 1–18) II. « AVEC LE FIDÈLE TU ES FIDÈLE » (21-30)
TEXTE 21
Me rend Yhwh selon ma justice, selon la pureté de mes mains il rétribue à moi, 22 car j’ai gardé les chemins de Yhwh et je n’ai pas été-méchant loin de mon Dieu ; 23 car tous ses jugements (sont) devant moi et ses décrets je n’ai pas écartés de moi, 24 et je suis parfait avec lui et je me garde contre ma faute. 25 Et rétribue Yhwh à moi selon ma justice, selon la pureté de mes mains devant ses yeux. 26 Avec le fidèle tu es-fidèle, avec l’homme parfait tu es-parfait, 27 avec le pur tu es-pur et avec le fourbe tu es-rusant ; 28 car toi un peuple 29 car toi, tu illumines ma lampe, miséreux tu sauves et les yeux hautains tu rabaisses, 30 Yhwh mon Dieu éclaire ma ténèbre ; car avec toi je course une bande, et avec mon Dieu je saute la muraille.
v. 30 : « car avec toi je course une bande... » « II Sam 22,30 // est réputé particulièrement obscur, au point que Cross – Freedman, jugeant que ce vers n’a pas été expliqué de manière satisfaisante, renoncent même à le traduire »21. Si le second membre ne fait pas de difficulté, le premier est diversement compris. Pour renforcer le parallélisme plusieurs corrigent gedûd (« bande ») en gāder (« mur ») et traduisent : « je force l’enceinte ». COMPOSITION La première sous-partie (21-25) + 21 Me rend = SELON LA PURETÉ
YHWH
SELON MA JUSTICE, DE MES MAINS IL RÉTRIBUE À MOI ; ····························································································· :: 22 car J’AI GARDÉ les chemins de Yhwh
– et je n’ai pas été-méchant loin de mon Dieu, :: 23 car tous ses jugements – et ses décrets 24
:: et je suis – et JE ME GARDE
(sont) devant moi, je n’ai pas écartés parfait contre ma faute.
de moi, avec lui,
····························································································· YHWH À MOI SELON MA JUSTICE, DE MES MAINS devant
+ 25 Et RÉTRIBUE = SELON LA PURETÉ
ses yeux.
Les morceaux extrêmes se correspondent en parallèle. Le morceau central est encadré par la reprise de « garder ». Dans les premiers membres de ses trois segments le psalmiste dit les actions positives qu’il a accomplies, dans les seconds le mal qu’il a évité. 21
A. MARX, « Note sur la traduction et la fonction de II Samuel 22,30 // Psaume 18,30 », 240.
Le psaume 18
207
La deuxième sous-partie (26-30) + 26 Avec le fidèle + avec l’homme 27
+ avec le pur – et avec le fourbe
tu-es-fidèle, parfait
tu-es-parfait,
tu-es-pur tu-es-rusant ;
················································································································ 28
+ car toi – et les yeux
un peuple hautains
miséreux tu rabaisses.
+ 29 car toi, – Yhwh
tu illumines mon Dieu
ma lampe, éclaire
+ 30 car grâce à toi + et avec mon Dieu
je course je saute
une bande, la muraille.
tu sauves
ma ténèbre ;
Dans le premier morceau quatre fois est affirmée l’équivalence absolue entre la conduite de Dieu envers l’homme et celle de ce dernier envers lui. Commençant tous avec « car », les trois segments du second morceau donnent les raisons du comportement divin. Les deux premiers segments reprennent l’opposition du premier morceau, les « yeux hautains » et la « ténèbre » étant négatifs comme « le fourbe »22. Alors que le premier morceau s’achève sur son seul membre négatif, le second finit sur le seul segment entièrement positif. Dieu est sujet dans les deux premiers segments (28-29), puis c’est le psalmiste qui le devient dans le dernier (30), mais avec l’aide du Seigneur. « Mon Dieu » revient dans les deux derniers segments. L’ensemble de la partie (21-30) Les noms divins apparaissent quatre fois dans la première sous-partie (21. 22.25), trois fois à la fin de la seconde (29.30). « Le pur » de 27 rappelle « la pureté » de 21 et 25, « je suis parfait avec lui » (24) annonce « avec l’homme parfait » (26). Les raisons introduites par « car » se trouvent au centre de la première sous-partie (22.23) et dans le deuxième morceau de la seconde souspartie (28.28.30). Alors que le psalmiste parle de Dieu dans la première souspartie, il s’adresse à lui dans la seconde. Dans la deuxième sous-partie il parle de façon générale, du « fidèle », d’« un peuple », mais dans les deux derniers versets il revient au « je », comme dans la première sous-partie. On notera aussi que « ma ténèbre » (29) comme « ma faute » (24) sont des réalités négatives.
22
Curieusement, 29b est à la troisième personne du singulier.
208 21
La première section (Ps 1–18)
YHWH me rend selon ma justice,
selon LA PURETÉ de mes mains me rétribue,
22
car j’ai gardé les chemins de YHWH et je n’ai pas été-méchant loin de MON DIEU ; car tous ses jugements sont devant moi et ses décrets je n’ai pas écartés de moi, 24 et je suis PARFAIT avec lui et je me garde contre ma faute. 23
25
Et YHWH me rétribue selon ma justice, selon LA PURETÉ de mes mains devant ses YEUX.
26
Avec le fidèle tu es fidèle, avec l’homme PARFAIT tu es parfait, avec LE PUR tu es pur et avec le fourbe tu es-rusant ;
27
28
car toi tu sauves un peuple miséreux et tu rabaisses les YEUX hautains, car toi tu illumines ma lampe, YHWH MON DIEU éclaire ma ténèbre ; 30 car avec toi je course une bande, et avec MON DIEU je saute la muraille. 29
CONTEXTE « Les chemins » du Seigneur Dans le Ps 119, « jugements » et « décrets » sont parmi les sept synonymes de la « Loi », termes qui reviennent pratiquement dans chacun de ses vingt-deux passages23 ; spécialement dans la première sous-séquence (1-40) « le chemin » désigne la même réalité et se trouve dans des expressions comme « le chemin de tes ordres », « le chemin de tes préceptes »24. Protestation d’innocence Dans une situation malheureuse l’orant peut reconnaitre que c’est son péché qui lui a valu le châtiment divin, mais il peut aussi protester de son innocence : 18
Tout cela nous advint sans t’avoir oublié, sans avoir trahi ton alliance, sans que nos cœurs soient revenus en arrière, sans que nos pas aient quitté ton sentier : 20 tu nous broyas au séjour des chacals, nous couvrant de l’ombre de la mort. 21 Si nous avions oublié le nom de notre Dieu, tendu les mains vers un dieu étranger, 22 est-ce que Dieu ne l’eût pas aperçu, lui qui sait les secrets du cœur ? (Ps 44,18-23)25. 19
Toutefois, la situation du psalmiste est différente. Ce n’est pas pour se disculper d’un châtiment qu’il évoque son innocence, mais pour donner la raison du salut qui lui a été accordé pour prix de sa justice. La justice de David « Il imita les péchés que son père avait commis avant lui et son cœur ne fut pas tout entier à Yhwh son Dieu comme le cœur de son ancêtre David » (1R 15,3). Ce qui est dit d’Abiyyam roi de Juda, sera dit de plusieurs autres (1R 23
Le Psautier. Cinquième livre, 321. Le Psautier. Cinquième livre, 212-213.215.306-307. 25 Voir aussi, par ex., Jb 30,24-25 ; 31,1-34 ; Est 4,17d-e. 24
Le psaume 18
209
14,8 ; 15,11 ; 2R 14,3 ; 16,2). Au contraire pour les bons rois (2R 18,3 ; 22,2). David est le modèle du roi juste : « David avait fait ce qui est juste aux yeux de Yhwh et il ne s’était dérobé à rien de ce qu’il lui avait ordonné durant toute sa vie — sauf dans l’histoire d’Urie le Hittite » (1R 15,5). Tu élèves et tu abaisses Le verset 28 rappelle des formules qui courent à travers toute la Bible : 6
C’est Yhwh qui fait mourir et fait vivre, qui fait descendre au schéol et en remonter. C’est Yhwh qui appauvrit et qui enrichit, qui abaisse et aussi qui élève. 8 Il retire de la poussière le faible, du fumier il relève le pauvre (1S 2). 7
Ainsi dans les évangiles : Car quiconque s’élève et celui qui s’abaisse
sera abaissé, sera élevé (Lc 14,11 ; 18,14)
David poursuit les Amalécites Après que les Amalécites eurent brulé Siqlag et fait captifs ses habitants, dont les deux femmes de David, ce dernier consulte le Seigneur : « Poursuivrai-je derrière cette bande ? L’atteindrai-je ? » (1S 30,8) et le Seigneur lui répond positivement. Après sa victoire, David reconnait que c’est le Seigneur qui a livré entre leurs mains la bande qui était venue contre eux (1S 30,23).
INTERPRÉTATION Une vantardise inqualifiable Qui pourra jamais croire ce que le psalmiste affirme dans un premier temps avec un tel aplomb (21-25) ? N’a-t-il vraiment pas la moindre chose à se reprocher ? Il déclare sans sourciller qu’il a gardé « tous » les jugements de Dieu, puis il se voit « parfait », tout simplement. Et, pour confirmer son innocence, il ne manque pas, et pour commencer et pour finir (21.25), de donner la touche définitive à son autoportrait en mettant Yhwh de son côté. Il semble avoir oublié ce que d’autres ont dit, avec toutes les raisons du monde : « Vois : mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu » (Ps 51,7) ou « n’entre pas en jugement avec ton serviteur, nul vivant n’est justifié devant toi » (Ps 143,2) ? Le lecteur ne peut qu’hésiter entre une irritation scandalisée et un sourire amusé, voire condescendant. Un miroir tendu à l’orant Il est vrai que tout ne peut être dit dans un seul texte et la deuxième moitié de la partie pourvoira à modérer les premiers propos du psalmiste. Toutefois, pris
210
La première section (Ps 1–18)
en eux-mêmes, dans leur complétude bouclée par une inclusion massive, les premiers versets pourrait remplir une autre fonction que celle de rebuter celui qui, en le priant, fait siennes ses paroles. Et si c’était lui qui se vantait, se justifiant sans pudeur ? Il pourrait alors se reconnaitre honteusement d’abord, puis humblement, dans le miroir qui lui est tendu par son frère le psalmiste. Un décalage curieux Les raisons avancées pour justifier ou illustrer les affirmations initiales semblent vraiment décalées. En effet, après avoir réitéré quatre fois une équivalence absolue entre la conduite de Dieu et celle de l’homme, ce n’est pas la fidélité de l’homme qui est évoquée mais sa misère, pas sa pureté mais sa « ténèbre ». Tout se passe comme si le psalmiste se hâtait de corriger, ou de tempérer, un discours qui risquerait de paraitre sinon prétentieux du moins quelque peu ingénu. Tout est grâce Il est indéniable que le Seigneur « rend à chacun selon ses œuvres » (Is 59,18 ; Ps 28,4 ; Jb 34,11). Et comme Matthieu (Mt 16,27), Paul en Rm 2,6-8 citera Ps 62,12 : « tu paies l’homme selon ses œuvres ». Ce qui ne l’empêchera pas d’insister sur le fait que l’homme n’est pas justifié par son observance de la Loi (Rm 3,10 qui cite Ps 14,1-3). Tel est le paradoxe qui demande de tenir ensemble le salut par les œuvres et par la grâce, les œuvres de justice étant la plus belle grâce qui soit faite aux hommes, ces « bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,10). De la vantardise à la prière Rien ne permet de savoir à qui le psalmiste s’adresse dans la première souspartie. Plutôt que d’une déclaration lancée à la cantonade, ce pourrait être une sorte de monologue intérieur, dans la foulée du récit qui précède : si le Seigneur l’aime (20) ce serait à cause de sa justice. Une fois achevée cette déclaration d’innocence, voilà que son auteur se tourne vers son Dieu dans la prière. Cependant il poursuit dans la même ligne ; la loi générale qu’il énonce sur la récompense du « fidèle », du « parfait », du « pur » est celle qu’il vient de s’appliquer à lui-même. « Le fourbe » qu’il mentionne est évidemment un autre. Toutefois, le discours ne tarde pas à changer. Certes, il continue dans la généralité quand il parle d’« un peuple miséreux » et des « yeux hautains », mais il en vient enfin à lui-même et à la « ténèbre » qui rappelle sa « faute » (24). Et si, pour finir, il est victorieux, ce n’est que grâce à l’œuvre de son Dieu.
Le psaume 18
211
III. LA TROISIÈME SOUS-SÉQUENCE (31-51) 1. LE SEIGNEUR PROTÈGE SON ROI ET LUI ENSEIGNE À SE DÉFENDRE (31-35) TEXTE 31
Le Dieu, parfait son chemin, la parole de Yhwh affinée ; bouclier lui, pour tous les s’abritant en lui. 32 Car qui (est) Dieu, en dehors de Yhwh ? Et qui (est) Rocher, sinon notre Dieu ? 33 Le Dieu qui me ceint de force et donne parfait mon chemin, 34 égalant mes pieds comme les biches et sur les hauteurs me tient-debout, 35 instruisant mes mains à la guerre et à bander l’arc d’airain mes bras.
COMPOSITION + 31 LE DIEU, + la parole
PARFAIT de Yhwh
SON CHEMIN, affinée ;
: bouclier : pour tous
lui, les s’abritant
en lui.
················································································································· 32 Car qui (est) DIEU, en-dehors de YHWH ?
+ +
NOTRE DIEU ? Et qui (est) Rocher, sinon ················································································································· 33 LE DIEU qui me ceint de force et donne PARFAIT MON CHEMIN,
: 34 égalant : et sur mes hauteurs
mes pieds me tient-debout,
comme les biches
: 35 instruisant : et à bander
mes mains l’arc
à la guerre, d’airain
mes bras.
Les deux occurrences de « Le Dieu », « parfait son/mon chemin » (31.33) jouent le rôle de termes initiaux pour les morceaux extrêmes. Alors que le premier morceau est général, concernant « tous », le dernier est personnel et décrit la relation du Seigneur avec le psalmiste. Tandis que Dieu est présenté comme « bouclier », arme défensive, à la fin du premier morceau (31cd), il enseigne au psalmiste l’usage des armes offensives à la fin du second morceau (35). Avec sa double question, le morceau central vérifie la loi de la question au centre ; le nom de « Dieu », employé au début des morceaux extrêmes, y apparait trois fois, accompagné de « Rocher », autre nom divin, souvent en parallèle avec « citadelle », « forteresse », c’est-à-dire protecteur (voir v. 2-3, p. 197). « Rocher » appartient ainsi au même champ sémantique que « bouclier » (31c) et « arc » (35b).
212
La première section (Ps 1–18)
CONTEXTE Le Rocher « Rocher » est souvent utilisé comme un nom divin : « Le Dieu de Jacob a parlé, le Rocher d’Israël m’a dit » (2S 23,3) ; « Comment un seul en poursuivrait-t-il mille, et deux en feraient-ils fuir dix mille, sinon parce que leur Rocher les a vendus et que Yhwh les a livrés ? car leur rocher n’est pas comme notre Rocher » (Dt 32,30-31 ; voir aussi, par ex., Dt 32,15 ; Ps 18,47). Le Rocher fournit un appui sûr, un « abri » contre les attaques de l’ennemi : « Où sont leurs dieux, le Rocher où ils s’abritaient » (Dt 32,37).
INTERPRÉTATION La voie de l’homme et celle de Dieu Le « chemin » que suit le psalmiste est « parfait » (33), comme est « parfait » celui de Dieu (31). Cela ne serait pas possible sans le secours du Seigneur ; la perfection de la conduite de l’homme lui est « donnée » d’en-haut. Le chemin de Dieu est donné dans « la parole » qu’il adresse à l’homme ; celui de l’homme se manifeste dans l’obéissance à la parole. Et c’est ce qui fait sa « force », la force dont Dieu le revêt comme d’une ceinture qui maintient ses reins. La voie de la guerre C’est au combat que le chemin de Dieu conduit. Le Seigneur protège ceux qui le reconnaissant pour « leur Dieu » (32b), parant les coups de l’ennemi par son « bouclier ». Le Seigneur est « le Rocher » qui les « abrite » (31d). Mais les armes défensives ne suffisent pas pour remporter la victoire. La « force » du combattant réside d’abord dans l’agilité qui lui permet de courir et d’esquiver les coups aussi vite que les biches, puis dans l’habileté à manier les armes et à terrasser les adversaires par ses flèches.
2. LE SEIGNEUR FAIT REMPORTER LA VICTOIRE À SON ROI (36-46) TEXTE 36
Et tu me donnes le bouclier de ton salut et ta droite me soutient et ta réponse me grandit ; tu élargis mes pas sous moi et n’ont point fléchi mes chevilles. 38 Je poursuis mes ennemis et les atteins, je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés ; 39 je les frappe et ils ne peuvent se relever, ils tombent sous mes pieds. 40 Et tu m’as ceint de force pour la guerre et tu fais ployer mes agresseurs sous moi. 41 Et mes ennemis, tu m’as donné leur dos et mes haïssant j’extermine. 42 Ils crient, et pas de sauveur, vers Yhwh, et pas de réponse. 43 Et je les broie comme poussière à la face du vent, comme la boue des ruelles je les élimine ; 44 tu me délivres des querelles du peuple, tu me mets à la tête des nations, un peuple que je ne 37
Le psaume 18
213
connaissais me sert. 45 Pour écouter de l’oreille ils écoutent moi, les fils d’étrangers courtisent moi ; 46 les fils d’étrangers faiblissent et s’enfuient-tremblant de leurs réduits.
v. 36 : « ton humilité me grandit » Le premier terme du texte massorétique, ‘ănāwâ (« humilité »), faisant difficulté, les versions le rendent par « ta douceur », « ta correction », voire « ta parole ». 2S 22,36 a ‘ănôt, infinitif de ‘ānāh, « ta réponse »26. L’opposition des versets initiaux des sous-parties extrêmes appuie cette dernière solution : « ta réponse me grandit » (36c), « pas de réponse » (42b).
COMPOSITION + 36 Et TU ME DONNES + et ta droite + et TA RÉPONSE
le bouclier me soutient me grandit ;
de ton SALUT
+ 37 tu élargis – et n’ont point fléchi
mes pas mes chevilles.
sous moi
··················································································································
:: 38 Je poursuis :: je ne reviens pas
MES ENNEMIS
:: 39 je les frappe – ils tombent
et ils ne peuvent sous
QU’ILS NE SOIENT ACHEVÉS
et les atteins, ; se relever, mes pieds.
··················································································································
+ 40 Et tu m’as ceint – et tu fais ployer + 41 Et MES ENNEMIS, :: et mes haïssant – 42 Ils crient, – vers Yhwh,
de force mes agresseurs
pour la guerre, sous moi.
TU M’AS DONNÉ
leur dos,
JE LES EXTERMINE.
et pas et pas
de SAUVEUR, DE RÉPONSE.
··················································································································
:; 43 Et je les broie :: comme la boue
comme poussière des ruelles
JE LES ÉLIMINE
+ 44 tu me délivres + tu me mets + un peuple
des querelles à la tête que je ne connaissais pas
du peuple, des nations, me sert.
à la face-du-vent, ;
··················································································································
– 45 Pour écouter - les fils
de l’oreille d’étrangers
ils écoutent moi, courtisent moi ;
- 46 les fils – et s’enfuient-tremblant
d’étrangers de leurs réduits.
faiblissent,
26
Voir, par ex., Vesco, 196, nt. 3.
214
La première section (Ps 1–18)
+ 36 Et TU ME DONNES + et ta droite + et TA RÉPONSE
le bouclier me soutient me grandit ;
de ton SALUT
+ 37 tu élargis – et n’ont point fléchi
mes pas mes chevilles.
sous moi
····················································································································· :: 38 Je poursuis MES ENNEMIS et les atteins, QU’ILS NE SOIENT ACHEVÉS ; :: je ne reviens pas
:: 39 je les frappe – ils tombent
et ils ne peuvent sous
se relever, mes pieds.
·····················································································································
+ 40 Et tu m’as ceint – et tu fais ployer + 41 Et MES ENNEMIS, :: et mes haïssant – 42 Ils crient, – vers Yhwh,
de force mes agresseurs
pour la guerre, sous moi.
TU M’AS DONNÉ JE LES EXTERMINE.
leur dos,
et pas et pas
de SAUVEUR,
DE RÉPONSE. ·····················································································································
:; 43 Et je les broie :: comme la boue
comme poussière des ruelles
JE LES ÉLIMINE
+ 44 tu me délivres + tu me mets + un peuple
des querelles à la tête que je ne connaissais pas
du peuple, des nations, me sert.
à la face-du-vent, ;
·····················································································································
– 45 Pour écouter - les fils
de l’oreille d’étrangers
ils écoutent moi, courtisent moi ;
- 46 les fils – et s’enfuient-tremblant
d’étrangers de leurs réduits.
faiblissent,
Dans la première sous-partie le sujet des verbes est le Seigneur aux extrémités (36-37 ; 40) et le psalmiste au centre. Les trois morceaux s’achèvent de manière semblable : alors que « les chevilles » du psalmiste « n’ont point fléchi » « sous » lui (37b), ses « ennemis » « tombent sous » ses « pieds » (39b) parce que le Seigneur les fait « ployer » « sous » lui (40b). « Se relever » (39a) et « agresseurs » (40b) sont de même racine. Dans la dernière sous-partie le sujet des verbes des morceaux extrêmes sont les ennemis (42 ; 45-46), tandis que dans le morceau central c’est d’abord le psalmiste (43), puis le Seigneur (44). Ainsi ces deux sous-parties sont-elles parallèles entre elles. Les deux membres de la sous-partie centrale (41) font écho à l’alternance entre l’action de Dieu et celle du psalmiste : c’est parce que le Seigneur lui
Le psaume 18
215
donne de voir le dos de ses ennemis que l’orant peut les exterminer. Cette souspartie reprend « donner » de 36a et « ennemis » de 38a dans la sous-partie précédente ; « je les extermine » annonce « je les élimine » de la sous-partie suivante (43b) et rappelle « qu’ils ne soient achevés » de la sous-partie précédente (38b). « Salut » (36a) et « sauveur » (42a) jouent le rôle de termes initiaux pour les sous-parties extrêmes, à quoi il faut ajouter « réponse » (36c.42b).
INTERPRÉTATION Dieu soumet les nations à son roi Le Seigneur soutient le psalmiste, il le protège de son bouclier, assure ses pas (36-37) ; il lui assure la victoire dans sa guerre contre ses agresseurs (40). Il ne répond pas à ses ennemis qui demandent le salut (42), il apaise les querelles intérieures et assure à son roi la domination sur les nations étrangères qui, dès lors, l’écoutent et lui obéissent, lui font la cour et le servent (44-45). Les ennemis s’enfuient (46) et ne peuvent que montrer leur dos (41a) à celui qui devant qui ils avaient fui en tremblant (46). Ce n’est pas Dieu qui extermine « Mes ennemis, tu m’as fait voir leur dos et ceux qui me haïssent, je les extermine ». En une formule dépourvue de toute ambiguïté, la courte sous-partie centrale (41) résume toute la partie. C’est Dieu qui donne la victoire à son roi, mais ce n’est pas lui qui extermine ses ennemis. Le psalmiste l’avait déjà dit au centre de la première sous-partie : « je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés » (38b) et il y reviendra au cœur de la dernière sous-partie : « comme la boue des ruelles je les élimine » (43b). Il est possible de comprendre de deux façons différentes la formule centrale. Il se peut en effet que le second membre soit la conséquence normale, voulue par le Seigneur, du premier : Dieu livrerait ses ennemis à son roi qui devrait les supprimer. Cependant, il n’est pas interdit de penser que les deux membres sont opposés, et qu’il faudrait donc traduire : « Mes ennemis, tu m’as fait voir leur dos mais ceux qui me haïssent, je les extermine ». Il se pourrait que le roi cède à une violence destructrice que son Dieu ne veut pas. Comment les nations pourraient-elles « servir » Israël si ce dernier les anéantissait ? « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant — oracle du Seigneur Yhwh — et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? » (Ez 18,23).
216
La première section (Ps 1–18)
3. LE ROI LOUERA LE SEIGNEUR JUSQUE CHEZ LES NATIONS (47-51) TEXTE 47
Vivant (est) Yhwh et béni mon rocher, et soit-exalté le Dieu de mon salut, 48 le Dieu quidonne les vengeances à moi et il prosterne les peuples sous moi, 49 me libérant de mes ennemis, aussi sur mes agresseurs tu m’exaltes, de l’homme de violence tu me délivres. 50 C’est pourquoi je te rendrai-grâce chez les nations, Yhwh, et pour ton nom je jouerai : 51 Il multiplie les saluts pour son roi et fait fidélité pour son oint, pour David et sa semence à jamais.
v. 48 : « les vengeances » Le mot « vengeance » est à entendre dans un sens qui n’est pas celui qu’il a généralement en français [...] (la vengeance) n’est pas revanche ou vendetta, mais rétablissement de la justice par jugement [...] elle vise à restaurer l’ordre perturbé par l’injustice et à permettre que la vie reprenne son cours normal27.
v. 49b : « aussi » Le terme ’ap peut être lu comme un adverbe, signifiant « aussi », « même », « encore », interchangeable avec le coordonnant « et » (ainsi dans le parallèle de 2S 22,49b) ou comme un substantif, « nez », utilisé pour dire « colère ». C’est dans ce dernier sens que la Septante l’a rendu : « me délivrant d’ennemis furieux » (BJ)28. COMPOSITION + 47 Vivant + et soit-exalté
YHWH le Dieu
et béni de MON SALUT,
= 48 le Dieu = et il prosterne
qui-donne LES PEUPLES
les vengeances à moi sous moi ;
de mes ennemis, sur mes agresseurs de violence
tu m’exaltes, tu me délivres.
:: 49 me libérant :: aussi :: de l’homme
mon rocher,
··········································································································· :: 50 C’est pourquoi je te rendrai-grâce CHEZ LES NATIONS, YHWH,
:: et pour ton nom 51
– « Il grandit – et fait – pour David
27 28
je jouerai : LES SALUTS
fidélité et pour sa semence
A. WÉNIN, Psaumes censurés, 48-49. De même Osty, CEI, Ravasi.
de son roi pour son oint, à jamais. »
Le psaume 18
217
Commençant avec « c’est pourquoi », le deuxième morceau dit la conséquence du premier. Le premier morceau commence à la troisième personne et finit à la deuxième (49), le second morceau correspond au premier de manière spéculaire : en effet, le psalmiste s’adresse d’abord au Seigneur à la deuxième personne du singulier (50) et revient à la troisième personne, avec un dernier verset qui sonne comme les paroles de sa louange. Le nom de « Yhwh » se trouve dans les premiers membres de chaque morceau, « salut(s) », dans les segments extrêmes. Qualifiés d’« ennemis », d’« agresseurs » et « homme de violence » au singulier dans le premier morceau (49), « les peuples » (48b) deviennent simplement « les nations » dans le second morceau (50a). On pourra remarquer que « Yhwh » est accompagné de « mon rocher » au début (47a) et qu’à la fin il est suivi de « ton nom » (50).
CONTEXTE La louange pour finir Comme bien d’autres psaumes le psaume 18 s’achève dans la louange ou l’action de grâce (Ps 7,18, 30,13 ; 35,28 ; 45,18 ; 64,11 ; 79,13 ; 97,12 ; 106,47 etc.), comme le psautier lui-même (146–150)29.
INTERPRÉTATION Louange pour la libération Le roi bénit son « Rocher », celui qui l’a abrité contre les agressions de ses ennemis. En prosternant les peuples sous son oint, le Seigneur a « vengé » celui qui était victime de « l’homme de violence », il a ainsi rétabli la justice bafouée, il l’a délivré de ses ennemis, il l’a sauvé de la mort. « Je te rendrai grâce chez les nations » On peut imaginer, non sans raison, que c’est dans le temple de Jérusalem que le roi fait d’abord monter sa louange et son action de grâce pour la victoire que lui a fait remporter son Dieu sur les ennemis qui voulaient l’écraser (47-49). Mais cela ne saurait suffire. Il faut que les nations aussi entendent la louange prononcée par celui que le Seigneur a consacré pour gouverner son peuple et le défendre. L’action de grâce doit sortir du temple, déborder les frontières du peuple élu et atteindre les autres peuples. Il faut en effet que le « nom » de « Yhwh », le Dieu d’Israël, soit reconnu et célébré parmi ceux qui furent ses ennemis et qui verront comment le Seigneur « a fait fidélité pour son Oint ».
29
Voir Le Psautier. Cinquième livre, 693-698.
218
La première section (Ps 1–18)
4. L’ENSEMBLE DE LA TROISIÈME SOUS-SÉQUENCE (31-51) COMPOSITION DE LA SOUS-SÉQUENCE 31
LE DIEU, parfait est son chemin, tous ceux qui s’abritent en lui. 32
LA PAROLE de YHWH est affinée ;
Car qui est DIEU, en dehors de YHWH ?
il est bouclier,
pour
Et qui est ROCHER, sinon NOTRE DIEU ?
33
LE DIEU qui me ceint de force et DONNE parfait mon chemin, 34 égalant mes pieds à ceux des biches et sur les hauteurs me fait tenir debout, 35 instruisant mes mains à la guerre et mes bras à bander l’arc d’airain. 36
Tu me DONNES le bouclier de ton SALUT et ta droite me soutient et ta réponse me grandit ; 37 tu élargis mes pas sous moi et mes chevilles n’ont point fléchi. 38 Je poursuis mes ennemis et les atteins, je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés ; 39 je les frappe et ils ne peuvent se relever, ils tombent sous mes pieds. 40 Tu m’as ceint de force pour la guerre et tu fais ployer MES AGRESSEURS sous moi. 41
MES ENNEMIS, tu m’AS DONNÉ leur dos et JE FAIS-TAIRE ceux qui me haïssent.
42
43 Ils crient, et pas de SAUVEUR, vers YHWH, et pas de réponse. Je les broie comme poussière à la face du vent, comme la boue des ruelles je les élimine ; 44 TU ME DÉLIVRES des querelles du PEUPLE, tu me mets à la tête des NATIONS, un PEUPLE que je ne connaissais 45 pas me sert. Pour écouter de leurs oreilles ils m’écoutent, les fils d’étrangers me courtisent ; 46 les fils d’étrangers faiblissent et de leurs réduits s’enfuient en tremblant. 47
Vivant est YHWH et béni mon ROCHER, et soit exalté LE DIEU de mon SALUT, 48 LE DIEU qui me DONNE les vengeances et prosterne les PEUPLES sous moi, 49 me libérant de MES ENNEMIS, aussi sur MES AGRESSEURS tu m’exaltes, de l’homme de violence TU ME DÉLIVRES. 50
C’est pourquoi JE TE RENDRAI-GRÂCE chez les NATIONS, YHWH, et pour ton nom je jouerai : 51 « Il multiplie les SALUTS pour son roi et fait fidélité pour son oint, pour David et sa descendance à jamais ».
L’ordre des trois parties est chronologique : le Seigneur commence par préparer son roi à la guerre, puis il lui donne la victoire, après quoi vient le temps de l’action de grâce. Les noms divins, « le Dieu », « Yhwh », « Rocher », reviennent dans les trois parties, sept fois dans la première (31 bis.32 quart.33), cinq fois dans la dernière (47 ter.48.50), mais une seule fois dans la partie centrale (42). « Donner » est repris dans les trois parties (33 ; 36.41 ; 48). Les deux premières parties reprennent « bouclier » (en termes initiaux : 31. 36), « qui me ceint/tu m’as ceint de force » (33.40), « guerre » (35.40). Les deux dernières parties ont en commun : « salut(s) », « sauveur » (36.42 ; 47.51), « sous moi/sous mes pieds » (37.39.40 ; 48), « mes agresseurs » (40.49), « mes ennemis » (41.49), « tu me délivres » (44.49), « peuple(s) » (44 bis.48) et « nations » (44.50). Les paroles de l’action de grâce du roi à la fin de la dernière partie (50-51) semblent répondre à « la parole » de Dieu au début de la première (31). Il se
Le psaume 18
219
pourrait aussi que s’applique ici la loi qui veut que centre et extrémités d’une composition concentrique se correspondent30. En effet, certains traduisent ṣmt hiphil non pas par « exterminer » mais par « faire taire »31. C’est qu’en arabe ce verbe signifie « se taire » et en syriaque « faire taire ». Au niveau de la partie, ’aṣmîtēm au centre de la sous-partie centrale est en relation avec ‘ad-kallôtām (« qu’ils ne soient achevés ») au centre de la première sous-partie (38b) et avec ’ărîqēm (« vider », « éliminer ») au centre de la troisième sous-partie (43b) ; on peut donc lui reconnaitre le même sens et le traduire par « exterminer ». Au niveau de l’ensemble du second versant en revanche, ’aṣmîtēm au centre est en rapport avec « parole » de Dieu au début et avec « action de grâce » à la fin ; c’est pourquoi il est possible de le traduire par « faire taire ». Les deux sens ne sont pas exclusifs, surtout si l’on comprend « faire taire » comme « faire taire définitivement ».
CONTEXTE Le rocher Par deux fois le psalmiste qualifie son Seigneur de « Rocher » (32.47). Le début du Ps 71 montre lui aussi à l’évidence le rôle défensif du Rocher : 1
En toi, Yhwh, j’ai mon abri, En ta justice défends-moi, délivre-moi, 3 Sois pour moi un roc hospitalier, tu as décidé de me sauver, 2
sur moi pas de honte à jamais ! tends vers moi l’oreille et sauve-moi. toujours accessible ; car mon rocher, mon rempart, c’est toi.
INTERPRÉTATION Le Défenseur Le Seigneur est avant tout présenté comme le « bouclier » qui protège des coups de l’ennemi ; il est aussi appelé le « Rocher », le rempart, la forteresse dans laquelle on peut se réfugier, pour se mettre à l’abri contre les attaques des agresseurs. Il est celui qui « sauve » de la mort que les nations païennes veulent lui infliger. Le maitre d’armes Mais se défendre ne suffit pas pour arrêter un agresseur décidé. Il n’est pas possible de rester enfermé dans la citadelle à l’abri des remparts, il faut chasser 30
Troisième loi de Lund, Traité, 98. Par ex., Alonso Schoekel – Carniti, I, 383 ; deClaissé-Walford – al., 196 ; Hossfeld – Zenger, III, 15-16 (pour le Ps 101). C’est ainsi que traduit la BJ pour Ps 94,23 bis ; 101,5.8 ; de même la TOB pour Ps 101,5.8. 31
220
La première section (Ps 1–18)
l’envahisseur et le contraindre à se retirer à l’intérieur de ses frontières. C’est pourquoi le Seigneur est présenté comme celui « ceint de force » son fidèle et lui enseigne à faire la guerre, à bander l’arc. Non seulement il l’aide à ne pas ployer devant son adversaire, il lui apprend aussi à le mettre à genoux et le faire se prosterner sous ses pieds. La parole À l’origine se trouve « la parole » de Yhwh, celle qui montre à l’homme « son chemin » (31), la voie que le roi suivra (33). Il y a ensuite la parole que le psalmiste adresse à son Seigneur dès le début de la seconde partie, où il reconnait devant celui qui l’a instruit que c’est à lui qu’il doit sa victoire sur ses agresseurs. En effet, « la réponse » que Dieu lui a donnée le « grandit » (36), alors que le cri que ses ennemis avaient lancé vers lui n’avait pas trouvé de « réponse » (42). Si Dieu n’écoute pas les paroles de ses ennemis, le roi les fait taire (41) et au contraire il les contraint à l’écouter, à se soumettre et à obéir à ses ordres (45). C’est enfin la parole d’action de grâce que le roi adressera à son sauveur au milieu des « nations », de sorte qu’ils l’entendent.
IV. L’ENSEMBLE DU PSAUME COMPOSITION LE TITRE + 1 Du maitre-de-chant, – lequel – LES PAROLES
PARLA
= le jour où :: de la paume :: et de la main
délivra de tous de Saül
du serviteur du cantique
de YHWH, à YHWH celui-ci,
de David,
YHWH ses ennemis
lui
– 2 et IL DIT :
Le sujet du premier segment est « David », celui du second « Yhwh », celui du troisième de nouveau David. C’est la délivrance opérée par le Seigneur en faveur de David (1def) qui fait prononcer à ce dernier les paroles de son « cantique ». Dans les segments extrêmes « il dit » renvoie à « parla » et « paroles ».
Le psaume 18
221
LES RAPPORTS ENTRE LES VERSANTS EXTRÊMES Je t’aime, Yhwh, ma force ; 3 Yhwh est mon roc et ma forteresse et MON LIBÉRATEUR, mon Dieu, mon ROCHER, je m’abrite en lui, mon BOUCLIER et la corne de MON SALUT, mon refuge. 4 LOUABLE, J’INVOQUAI Yhwh et de MES ENNEMIS je fus SAUVÉ. 5 M’enveloppaient les filets de la Mort et les torrents de Bélial m’épouvantaient ; 6 les filets du schéol me cernaient, les pièges de la Mort. •• 7 Dans mon angoisse J’INVOQUERAI Yhwh et vers mon Dieu JE CRIERAI ; IL ENTENDRA de son temple ma voix et MON CRI devant lui parviendra à SES OREILLES. 8
La terre s’ébranla et vacilla, les assises des montagnes frémirent et furent ébranlées car il s’emporta ; 9 une fumée monta à ses narines et un feu de sa bouche dévorait, des braises de lui s’enflammèrent. 10 Il inclina les cieux et descendit, une sombre-nuée sous ses pieds ; 11 il chevaucha un chérubin et vola, il plana sur les ailes du vent. 12 Il fit des ténèbres son voile autour de lui, sa tente, ténèbre d’eau, nuages nuées. 13 D’un éclat devant lui les nuages se transformaient, grêle et braises de feu ; 14 Yhwh et tonna des cieux, le Très-Haut donna de sa voix, grêle et braises de feu. 15 Il envoya ses flèches et les dispersa, des éclairs nombreux et les chassa. 16 Et apparurent les fondements de la mer, se découvrirent les assises du monde, à ton grondement, Yhwh, au vent du souffle de tes narines. 17
Il envoie d’en haut, il me prend, il me retire des eaux nombreuses, 18 IL ME DÉLIVRE de MON ENNEMI puissant, et de CEUX QUI ME HAÏSSENT car ils l’emportent sur moi. 19 Ils m’attendaient au jour de mon malheur, mais Yhwh me fut un appui ; 20 il m’a fait sortir, au large, il m’a sauvegardé, car il m’aime. [...] 31
Dieu, parfait est son chemin, LE DIRE de Yhwh est affiné ; il est BOUCLIER pour tous ceux qui s’abritent en lui. 32 Car qui est Dieu, en dehors de Yhwh ? Et qui est ROCHER, sinon notre Dieu ? 33 Le Dieu qui me ceint de force et rend parfait mon chemin, 34 égalant mes pieds à ceux des biches et sur les hauteurs me fait tenir debout, 35 instruisant mes mains à la guerre et mes bras à bander l’arc d’airain. 36
Tu me donnes le BOUCLIER de ton SALUT, ta droite me soutient et TA RÉPONSE me grandit, 37 tu élargis mes pas sous moi et mes chevilles n’ont point fléchi. 38 Je poursuis MES ENNEMIS et les atteins, je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés ; 39 je les frappe et ils ne peuvent se relever, ils tombent sous mes pieds. 40 Tu m’as ceint de force pour la guerre et tu fais ployer mes agresseurs sous moi. 41 MES ENNEMIS, tu m’as fait voir leur dos et JE FAIS TAIRE CEUX QUI ME HAÏSSENT. 42 ILS CRIENT et pas de SAUVEUR, vers Yhwh et PAS DE RÉPONSE. 43 Je les broie comme poussière à la face du vent, comme la boue des ruelles je les élimine ; 44 TU ME LIBÈRES des querelles du peuple, tu me mets à la tête des nations, un peuple que je ne connaissais pas me sert. 45 Pour ÉCOUTER de LEURS OREILLES ils M’ÉCOUTENT, les fils d’étrangers me courtisent ; 46 les fils d’étrangers faiblissent et de leurs réduits s’enfuient en tremblant. Vivant est Yhwh et béni mon ROCHER, et soit exalté le Dieu de MON SALUT, 48 le Dieu qui me donne les vengeances et prosterne les peuples sous moi, 49 ME LIBÉRANT de MES ENNEMIS, aussi sur mes agresseurs tu m’exaltes, de l’homme de violence TU ME DÉLIVRES. •• 50 C’est pourquoi JE TE RENDRAI GRÂCE chez les nations, Yhwh, et pour ton nom je jouerai : 51 « Il multiplie les SALUTS pour son roi et fait fidélité pour son oint, pour David et sa descendance à jamais ». 47
– « Rocher », « Bouclier », « s’abriter en lui » (3 ; 31-32.36.47) ; – « ennemis » et « ceux qui me haïssent » (4.18 ; 38.41.49) ; – « libérer/libérateur », « délivrer » (3.18 ; 44.49) ; – « sauver/salut » (3.4 ; 36.42.47.51) ; – autres termes du champ sémantique de la parole (4.7 ; 31.36.41.42.45) avec les synonymes « louable » et « rendre grâce » (4 ; 50). Les parties extrêmes s’achèvent par des versets au futur (7 ; 50-51).
222
La première section (Ps 1–18)
Du maitre de chant, du SERVITEUR de Yhwh, de DAVID, lequel PARLA à Yhwh LES PAROLES de ce cantique, le jour où Yhwh le DÉLIVRA de la paume de tous ses ENNEMIS et de LA MAIN de Saül, 2 et IL DIT :
1
Je t’aime, Yhwh, ma force ; 3 Yhwh est mon roc et ma forteresse et MON LIBÉRATEUR, mon Dieu, mon Rocher, je m’abrite en lui, mon bouclier et la corne de MON SALUT, mon refuge. 4 Louable, J’INVOQUAI Yhwh et de mes ENNEMIS je fus SAUVÉ. 5 M’enveloppaient les filets de la Mort et les torrents de Bélial m’épouvantaient ; 6 les filets du schéol me cernaient, les pièges de la Mort. 7 Dans mon angoisse J’INVOQUERAI Yhwh et vers mon Dieu JE CRIERAI ; IL ENTENDRA de son temple ma voix et MON CRI devant lui parviendra à SES OREILLES. 8
La terre s’ébranla et vacilla, les assises des montagnes frémirent et furent ébranlées car il s’emporta ; 9 une fumée monta à ses narines et un feu de sa bouche dévorait, des braises de lui s’enflammèrent. 10 Il inclina les cieux et descendit, une sombre-nuée sous ses pieds ; 11 il chevaucha un chérubin et vola, il plana sur les ailes du vent. 12 Il fit des ténèbres son voile autour de lui, sa tente, ténèbre d’eau, nuages nuées. 13 D’un éclat devant lui les nuages se transformaient, grêle et braises de feu ; 14 Yhwh et tonna des cieux, le Très-Haut donna de SA VOIX, grêle et braises de feu. 15 Il envoya ses flèches et les dispersa, des éclairs nombreux et les chassa. 16 Et apparurent les fondements de la mer, se découvrirent les assises du monde, à ton grondement, Yhwh, au vent du souffle de tes narines. 17
Il envoie d’en haut, il me prend, il me retire des eaux nombreuses, 18 IL ME DÉLIVRE de mon ENNEMI puissant, et de CEUX QUI ME HAÏSSENT car ils l’emportent sur moi. 19 Ils m’attendaient au jour de mon malheur, mais Yhwh me fut un appui ; 20 il m’a fait sortir, au large, il m’a sauvegardé, car il m’aime. 21
Yhwh me rend selon ma justice, selon la pureté de MES MAINS me rétribue, 22 car j’ai gardé les CHEMINS de Yhwh et je n’ai pas été méchant loin de mon Dieu ; 23 car tous SES JUGEMENTS sont devant moi et SES DÉCRETS je n’ai pas écartés de moi, 24 et je suis PARFAIT avec lui et je me garde contre ma faute. 25 Et Yhwh me rétribue selon ma justice, selon la pureté de MES MAINS devant ses yeux. 26 Avec le FIDÈLE tu es FIDÈLE, avec l’homme PARFAIT tu es PARFAIT, 27 avec le pur tu es pur mais avec le fourbe tu ruses ; 28 car toi tu SAUVES un peuple miséreux et les YEUX HAUTAINS tu rabaisses, 29 car toi tu illumines ma lampe, Yhwh mon Dieu éclaire ma ténèbre ; 30 car avec toi je course UNE BANDE, et avec mon Dieu je saute la muraille. 31
Dieu, PARFAIT est son CHEMIN, LE DIRE de Yhwh est affiné ; il est bouclier pour tous ceux qui s’abritent en lui. 32 Car qui est Dieu, en dehors de Yhwh ? Et qui est Rocher, sinon notre Dieu ? 33 Le Dieu qui me ceint de force et rend PARFAIT mon CHEMIN, 34 égalant mes pieds à ceux des biches et sur les hauteurs me fait tenir debout, 35 instruisant MES MAINS à la guerre et mes bras à bander l’arc d’airain. 36
Tu me donnes le bouclier de ton SALUT, TA DROITE me soutient et TA RÉPONSE me grandit, 37 tu élargis mes pas sous moi et mes chevilles n’ont point fléchi. 38 Je poursuis mes ENNEMIS et les atteins, je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés ; 39 je les frappe et ils ne peuvent se relever, ils tombent sous mes pieds. 40 Tu m’as ceint de force pour la guerre et tu fais ployer mes AGRESSEURS sous moi. 41 Mes ENNEMIS, tu m’as fait voir leur dos et JE FAIS TAIRE CEUX QUI ME HAÏSSENT. 42 ILS CRIENT et pas de SAUVEUR, vers Yhwh et PAS DE RÉPONSE. 43 Je les broie comme poussière à la face du vent, comme la boue des ruelles je les élimine ; 44 TU ME LIBÈRES des querelles du peuple, tu me mets à la tête des nations, un peuple que je ne connaissais pas ME SERT. 45 Pour ÉCOUTER de LEURS OREILLES ils M’ÉCOUTENT, les fils d’étrangers me courtisent ; 46 les fils d’étrangers faiblissent et de leurs réduits s’enfuient en tremblant. 47
Vivant est Yhwh et béni mon Rocher, et soit exalté le Dieu de MON SALUT, 48 le Dieu qui me donne les vengeances et prosterne les PEUPLES sous moi, 49 ME LIBÉRANT de mes ENNEMIS, aussi sur mes AGRESSEURS tu m’exaltes, de L’HOMME DE VIOLENCE TU ME DÉLIVRES. 50 C’est pourquoi je te rendrai grâce chez les NATIONS, Yhwh, et pour ton nom je jouerai : 51 « Il multiplie les SALUTS pour son roi et fait FIDÉLITÉ pour son oint, pour DAVID et sa descendance à jamais ».
Le psaume 18
223
LES RAPPORTS ENTRE LE TITRE ET LE RESTE DU PSAUME – David est dit « serviteur » du Seigneur ; à la fin de la partie centrale du deuxième versant c’est « un peuple » inconnu qui « sert » le roi (44) ; – le nom de « David » reviendra dans le dernier membre du psaume, faisant ainsi inclusion (51c) ; – « paroles », « parla » et « dit » trouveront un écho avec tous les termes du même champ sémantique : « invoquer » (4.7), « crier/cri » (7 bis.43), « entendre/ écouter » (7.45), « oreilles » (7.45), « chemins » (22.31.33), jugements, décrets » (23), « dire » (31), « réponse » (36.42), « faire taire » (41), sans oublier les quasi synonymes « louable » et « rendre grâce » qui font inclusion (4.50) ; – « délivrer » revient en 18 et 49 ; – « ennemis » sera repris en 4.18.28.41.49, avec « ceux qui me haïssent » (18. 41), à quoi il faut ajouter « les yeux hautains » et « une bande » (28.30) ; – « la main » reviendra au pluriel au centre (21.25) et aussi en 35, avec « ta droite » (36). LES RAPPORTS ENTRE LA PARTIE CENTRALE ET LE RESTE DU PSAUME – Les deux occurrences de « mes mains » (21.25) rappellent « la main » du titre et annonce « mes mains » de 35 ; – « chemins » (22) sera repris au singulier n 31.33 ; – « ses jugements » et « ses décrets » (23) appartiennent au champ sémantique de la parole (voir ci-dessus) ; – « parfait » (24.26) reviendra en 31.33 ; – « tu es-fidèle » (26) trouvera un écho à la fin avec « fidélité » (51) ; – « sauver » (28) rappelle « salut/sauver » de 3-4 et annonce « salut(s)/sauveur » (36.42.47.51) ; – « peuple » (28) reviendra en 44 ; – « les yeux hautains » et « une bande » (28.30) font partie de toute la liste des ennemis (voir ci-dessus) ; – « ma ténèbre » (29) rappelle les deux emplois du terme en 12.
CONTEXTE LE PSAUME EN CONTEXTE Une autre version du même psaume se trouve à la fin des livres de Samuel (2S 22,1-51). La mort de Saül se trouve à la charnière des deux livres, et le cantique vient en quelque sorte les clôturer, après la mort d’Absalom, fils rebelle du roi (2S 18) et de tous ses adversaires, rebelles de l’intérieur et ennemis extérieurs, les descendants de Saül et les Philistins (2S 21). Les Ps 18 a lui aussi une position conclusive : il vient à la fin de la première section du premier livre du Psautier.
224
La première section (Ps 1–18)
LA PROMESSE DE FIDÉLITÉ DU SEIGNEUR Par la bouche du prophète Nathan, le Seigneur avait juré « fidélité » à son roi. La prophétie s’achève par ces mots : « ma fidélité ne lui sera pas retirée comme je l’ai retirée à Saül, que j’ai retiré de devant toi. 16 Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais » (2S 7,14-16).
INTERPRÉTATION « AVEC LE FIDÈLE TU ES FIDÈLE » La formule, au centre du psaume (26), résume pour ainsi dire tout le cantique. Cette réciprocité de la fidélité se donnait déjà à entendre avec les verbes qui délimitent la première sous-séquence. Si en effet le psalmiste commence en disant : « Je t’aime, Yhwh, ma force » (2b), c’est parce que son Seigneur l’a aimé le premier en le sauvant, comme il le reconnait en finissant : « il m’a sauvegardé car il m’aime » (20). Il y reviendra en concluant sa prière quand il promettra au Seigneur de lui rendre grâce et de jouer pour son nom « chez les nations » : « il fait fidélité pour son Oint, pour David et sa descendance à jamais » (51). LA FIDÉLITÉ DIVINE... Du début à la fin, le psalmiste célèbre les actions de son Dieu en sa faveur. Il est sa « force », le « Rocher » sur lequel il peut s’appuyer, la « forteresse » qui seule peut le protéger (2-3) ; c’est grâce à son intervention qu’il est « sauvé » de la « mort » et préservé du « schéol » (5), car le roi ne peut rien faire d’autre que de « crier » pour l’appeler à son secours (7). Il est incapable de résister aux agressions de ses ennemis qui l’emportent sur lui ; comme son Seigneur est le seul qui puisse dominer toutes les forces de la nature (8-16), ainsi il arrache son fidèle aux eaux mortelles et l’en fait sortir (17-20). Si le roi peut l’emporter sur ses ennemis dans la guerre qu’ils lui font, il le doit entièrement à « la force » dont le Seigneur l’a ceint. La domination sur les peuples lui est donnée par Dieu (44-45) et c’est pourquoi il lui rendra grâce parmi les nations et témoignera devant elles de la toute-puissance du Dieu d’Israël (47-51). ... ET LA FIDÉLITÉ DE DAVID Il est vrai que les multiples manifestations de la fidélité divine occupent la plus grande surface du psaume. Toutefois, il est remarquable, surprenant même, que le centre du cantique soit occupé par une revendication de fidélité absolue de la part du psalmiste qui semble détonner dans l’ensemble. Croire se tirer de cette gêne en prétendant qu’il s’agit d’une insertion tardive32 n’est pas une solution 32 Voir, par ex., Alonso Schoekel – Carniti, I, 379-381 (p. 380, par. 3, corriger « il v. 23 corregge » par « il versetto 33 corregge ») ; deClaissé-Walford – al., 198-199.
Le psaume 18
225
satisfaisante, au moins pour qui, dans une lecture canonique, utilise le psaume en en faisant sa propre prière. Il semble qu’il faille d’abord considérer ces versets dans le cadre de l’alliance, où chacun des partenaires s’engage à une fidélité pleine et entière. Tout le premier versant (2-20) vient de montrer comment le Seigneur a manifesté sa fidélité et son amour en faveur de David, et le second versant y reviendra longuement (31-51). Au centre, le roi devait donc protester de sa propre fidélité. En outre, la deuxième moitié de la partie centrale (26-30) tempère les affirmations de la première, qui semblent si péremptoires : gouvernant « un peuple miséreux » et humilié, le roi a bien conscience qu’il a besoin d’être sauvé (2) et il supplie son Seigneur d’éclairer sa « ténèbre » (29). Et il ne faudra pas attendre bien longtemps pour l’entendre déclarer non seulement que Dieu le ceint de force mais aussi que c’est lui qui rend parfait son chemin (33).
D. LE SALUT DE DIEU RÉPOND À LA PRIÈRE DE DAVID
L’ensemble de la séquence : Ps 11–18
COMPOSITION Les trois sous-séquences se correspondent de manière concentrique LA PLAINTE
DE DAVID
« PRIÈRE
DE DAVID
L’ACTION DE GRÂCE
DE DAVID
CONTRE SES OPPRESSEURS
»
Ps 11–16
Ps 17
POUR SON LIBÉRATEUR
Ps 18
LES RAPPORTS DE LONGUEUR 1re sous-section Ps 11 : Ps 12 :
4 Ps 14 : 5 Ps 15 :
453 343
2e sous-section
3e sous-section
Ps 17
Ps 18
920
2 808
Ps 13 : 3 Ps 16 : 625 Total : 1 3 Total : 1 421 2 765
Les sous-sections extrêmes sont presque de même longueur ; la sous-section centrale représente un tiers de chacune des deux autres sous-sections. LE CARACTÈRE CONCLUSIF DU PS 18 Le titre du dernier psaume est particulièrement développé : il comprend sept membres et correspond ainsi, du point de vue de la quantité, aux six titres de la première sous-séquence1. Du point de vue du contenu, le psaume est prononcé après que le Seigneur eut délivré David de tous ses ennemis.
1 En nombre de signes, les titres de la première sous-section en totalisent 135, tandis que celui du Ps 18 en compte 143.
228
La première sous-section (Ps 1–18)
UN DÉROULEMENT CHRONOLOGIQUE L’organisation de la séquence est donc de type chronologique. À la plainte du roi qui expose au Seigneur son malheur et celui de son peuple (Ps 11–16), suit la prière de sa supplication (Ps 17) qui débouche enfin sur une longue action de grâce pour le salut obtenu (Ps 18). LES RAPPORTS ENTRE LES SOUS-SÉQUENCES EXTRÊMES Ps 11,1 Du maitre de chant, de David. En Yhwh JE M’ABRITE. Comment dites-vous à mon âme : « Fuis vers vos montagnes, oiseau ; 2 car voici les méchants bandent l’arc, ils ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les droits-de cœur. » 3 Quand les fondements sont démolis, LE JUSTE que ferait-t-il ? 4 Yhwh dans le temple de sa sainteté, Yhwh dans les cieux son trône. Ses yeux contemplent, ses pupilles éprouvent les fils d’Adam. 5 Yhwh LE JUSTE éprouve et le méchant et qui aime la violence, le hait son âme ; 6 il fait pleuvoir sur les méchants charbons, feu et soufre et vent de flamme la part de leur coupe. 7 Oui, JUSTE Yhwh, LES JUSTICES il aime, les droits contemplent sa face. Ps 12,1 Du maitre de chant, sur l’octacorde, psaume de David. 2 SAUVE, Yhwh, car c’en est fini du FIDÈLE, car ont disparu les loyaux parmi les fils d’Adam : 3 à faux ils parlent chacun à son prochain, lèvre de tromperie, cœur double ils parlent. 4 Qu’il retranche Yhwh toute lèvre de tromperie la langue parlant des grandeurs, 5 eux qui disent « Par notre langue nous sommes forts, nos lèvres sont avec nous, qui (sera) maitre sur nous ? » 6 « À l’oppression des pauvres, au gémissement des miséreux, maintenant je me dresse, — dit Yhwh, je (te) mets dans LE SALUT, — assure-t-il à lui. » 7 Les paroles de Yhwh sont paroles pures, argent épuré à l’entrée de la terre affiné sept-fois. 8 Toi, Yhwh tu les gardes, tu le protèges de cette génération à jamais ; 9 en rond les méchants s’en vont quand s’exalte la dépravation pour les fils d’Adam. Ps 13,1 Du maitre de chant, psaume de David. 2 Jusqu’à quand, Yhwh, m’oublieras-tu, jusqu’à la fin ? Jusqu’à quand cacheras-tu ta face de moi ? 3 Jusqu’à quand mettrai-je des projets en mon âme, la douleur en mon cœur de jour ? Jusqu’à quand s’élèvera MON ENNEMI sur moi ? 4 Regarde, réponds-moi, Yhwh mon Dieu, illumine mes yeux, que je ne m’endorme dans LA MORT. 5 que ne dise MON ENNEMI : « Je l’ai soumis », mes oppresseurs n’exultent si je suis ébranlé ! 6 Et moi, en TA FIDÉLITÉ je me confie ; qu’exulte mon cœur en TON SALUT, que je chante à Yhwh car il a fait du bien sur moi ! Ps 14,1 Du maitre de chant, de David. L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable leur action ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 2 Yhwh des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’avisé, un cherchant Dieu. 3 Tous sont dévoyés, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas, même un seul. 4 Est-ce qu’ils ne savent pas, tous les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Yhwh ils n’appellent pas. 5 Là, ils seront effrayés d’effroi oui, Dieu est pour la race du JUSTE ; 6 le projet du miséreux vous bafouez, oui, Yhwh est SON ABRI. 7 Qui donnera de Sion LE SALUT d’Israël ? Quand restaurera Yhwh la situation de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël ! Ps 15,1 Psaume de David. Yhwh, qui séjournera sous ta tente, qui habitera sur la montagne de ta sainteté ? 2 Marchant parfaitement et faisant LA JUSTICE et disant la vérité dans son cœur, 3 il n’a pas colporté sur sa langue, il n’a pas œuvré à son compagnon un mal et il n’a pas porté l’insulte sur son prochain. 4 Méprisé à ses yeux le réprouvé et les craignant Yhwh il glorifie. Il a juré pour son mal et il ne change pas ; 5 il n’a pas donné son argent à intérêt et n’a pas pris le présent contre un innocent. Qui œuvre ces choses ne sera pas ébranlé à jamais. Ps 16,1 À mi-voix, de David. Garde-moi, El, car je me réfugie en toi. 2 J’ai dit à Yhwh : « Mon Seigneur toi, mon bonheur pas en-dehors de toi ». 3 Pour les Saints lesquels sont sur la terre, eux et les Princes en qui est toutmon-plaisir, 4 sont nombreuses leurs Souffrances, un autre ils ont acquis ; je ne verserai pas leurs libations de sang et ne mettrai pas leurs noms sur mes lèvres. 5 Yhwh, tu es la part de ma portion et ma coupe, toi, tu garantis mon lot ; 6 les cordeaux sont tombés pour moi sur des délices, oui, l’héritage m’a plu. 7 Je bénis Yhwh lequel m’a conseillé, oui, durant les nuits, m’instruisent mes reins ; 8 je place Yhwh devant moi toujours, car il est à ma droite, je ne suis pas ébranlé. 9 C’est pourquoi mon cœur s’est réjoui et mon foie exulte ; oui, ma chair habitera en confiance. 10 Car tu n’abandonneras pas mon âme au SCHÉOL, tu ne donneras pas à ton FIDÈLE de voir la FOSSE ; 11 tu me feras connaitre le sentier de vie, satiété de joies près de ta face, délices à ta droite jusqu’à la fin.
L’ensemble de la séquence : Ps 11–18
229
– L’« ennemi » revient deux fois en 13,3.5 dans une plainte (« jusqu’à quand ») puis dans un souhait ; dans le Ps 18 ils sont mentionnés davantage, mais le Seigneur en a délivré David (18,1.4.18.38.41.49) ; – ce que veulent les ennemis est « la mort », le « schéol », « la fosse » (13,4 ; 16,10 à la fin des versants), dont le Seigneur a sauvé le roi (18,5-6 au début) ; – le psalmiste « s’abrite » en Dieu (11,1 ; 14,6) qui le protège de son « bouclier » (18,3.31), au début de chaque versant ;
230
La première sous-section (Ps 1–18)
18,1 Du maitre de chant, du serviteur de Yhwh, de David, lequel parla à Yhwh les paroles de ce cantique, le jour où Yhwh le délivra de la paume de tous SES ENNEMIS et de la main de Saül, 2 et il dit : Je t’aime, Yhwh, ma force ; 3 Yhwh est mon roc et ma forteresse et mon libérateur, mon Dieu, mon Rocher, JE M’ABRITE en lui, mon bouclier et la corne de MON SALUT, mon refuge. 4 Louable, j’invoquai Yhwh et de MES ENNEMIS JE FUS SAUVÉ. 5 M’enveloppaient les filets de LA MORT et les torrents de Bélial m’épouvantaient ; 6 les filets du SCHÉOL me cernaient, les pièges de LA MORT. 7 Dans mon angoisse j’invoquerai Yhwh et vers mon Dieu je crierai ; il entendra de son temple ma voix et mon cri devant lui parviendra à ses oreilles. La terre s’ébranla et vacilla, les assises des montagnes frémirent et furent ébranlées car il s’emporta ; 9 une fumée monta à ses narines et un feu de sa bouche dévorait, des braises de lui s’enflammèrent. 10 Il inclina les cieux et descendit, une sombre-nuée sous ses pieds ; 11 il chevaucha un chérubin et vola, il plana sur les ailes du vent. 12 Il fit des ténèbres son voile autour de lui, sa tente, ténèbre d’eau, nuages nuées. 13 D’un éclat devant lui les nuages se transformaient, grêle et braises de feu ; 14 Yhwh et tonna des cieux, le Très-Haut donna de sa voix, grêle et braises de feu. 15 Il envoya ses flèches et les dispersa, des éclairs nombreux et les chassa. 16 Et apparurent les fondements de la mer, se découvrirent les assises du monde, à ton grondement, Yhwh, au vent du souffle de tes narines. 8
Il envoie d’en haut, il me prend, il me retire des eaux nombreuses, 18 il me délivre de MON ENNEMI puissant, et de ceux qui me haïssent car ils l’emportent sur moi. 19 Ils m’attendaient au jour de mon malheur, mais Yhwh me fut un appui ; 20 il m’a fait sortir, au large, il m’a sauvegardé, car il m’aime. 17
Yhwh me rend selon MA JUSTICE, selon la pureté de mes mains me rétribue, 22 car j’ai gardé les chemins de Yhwh et je n’ai pas été méchant loin de mon Dieu ; 23 car tous ses jugements sont devant moi et ses décrets je n’ai pas écartés de moi, 24 et je suis parfait avec lui et je me garde contre ma faute. 25 Et Yhwh me rétribue selon MA JUSTICE, selon la pureté de mes mains devant ses yeux. 26 Avec LE FIDÈLE TU ES FIDÈLE, avec l’homme parfait tu es parfait, 27 avec le pur tu es pur mais avec le fourbe tu ruses ; 28 car toi TU SAUVES un peuple miséreux et les yeux hautains tu rabaisses, 29 car toi tu illumines ma lampe, Yhwh mon Dieu éclaire ma ténèbre ; 30 car avec toi je course une bande, et avec mon Dieu je saute la muraille. 21
Dieu, parfait est son chemin, le dire de Yhwh est affiné ; il est bouclier pour tous CEUX QUI S’ABRITENT en lui. Car qui est Dieu, en dehors de Yhwh ? Et qui est Rocher, sinon notre Dieu ? 33 Le Dieu qui me ceint de force et rend parfait mon chemin, 34 égalant mes pieds à ceux des biches et sur les hauteurs me fait tenir debout, 35 instruisant mes mains à la guerre et mes bras à bander l’arc d’airain. 31 32
Tu me donnes le bouclier de TON SALUT, ta droite me soutient et ta réponse me grandit, 37 tu élargis mes pas sous moi et mes chevilles n’ont point fléchi. 38 Je poursuis MES ENNEMIS et les atteins, je ne reviens pas qu’ils ne soient achevés ; 39 je les frappe et ils ne peuvent se dresser, ils tombent sous mes pieds. 40 Tu m’as ceint de force pour la guerre et tu fais ployer mes agresseurs sous moi. 41 MES ENNEMIS, tu m’as fait voir leur dos et je fais taire ceux qui me haïssent. 42 Ils crient et pas de SAUVEUR, vers Yhwh et pas de réponse. 43 Je les broie comme poussière à la face du vent, comme la boue des ruelles je les élimine ; 44 tu me libères des querelles du peuple, tu me mets à la tête des nations, un peuple que je ne connaissais pas me sert. 45 Pour écouter de leurs oreilles ils m’écoutent, les fils d’étrangers me courtisent ; 46 les fils d’étrangers faiblissent et de leurs réduits s’enfuient en tremblant. 36
Vivant est Yhwh et béni mon Rocher, et soit exalté le Dieu de MON SALUT, 48 le Dieu qui me donne les vengeances et prosterne les peuples sous moi, 49 me libérant de MES ENNEMIS, aussi sur mes agresseurs tu m’exaltes, de l’homme de violence tu me délivres. 50 C’est pourquoi je te rendrai grâce chez les nations, Yhwh, et pour ton nom je jouerai : 51 « Il multiplie LES SALUTS pour son roi et fait FIDÉLITÉ pour son oint, pour David et sa descendance à jamais ». 47
– « le salut » est demandé et promis dans la première sous-séquence (12,2.6 ; 13,6 ; 14,7), obtenu et proclamé dans la dernière sous-séquence (18,3.4.28.36. 47.51) ; – cela grâce à la « fidélité » du Seigneur dans laquelle le psalmiste veut croire (16,10 ; 13,6) et qu’il a expérimentée (18,51) Dieu étant fidèle avec le fidèle (26), « juste » avec le juste (11,3.5.7 ; 14,5 ; 18,21.25) ; – les méchants « bandent l’arc » et « ajustent leur flèche » (11,2) ; le Seigneur lance « ses flèches » et enseigne à son roi comment « bander l’arc » (18,15.35).
L’ensemble de la séquence : Ps 11–18
231
LA SPÉCIFICITÉ DE LA SÉQUENCE CENTRALE Ps 17,1 PRIÈRE de David. ÉCOUTE, Yhwh, la justice, SOIS-ATTENTIF à mon cri ; PRÊTE-L’OREILLE à ma avec point de lèvres de fraude. 2 QUE SORTE de ta face mon jugement, QUE CONTEMPLENT tes yeux ce qui est droit. 3 Tu as sondé mon cœur, tu m’as visité la nuit, tu m’as éprouvé, point n’as trouvé ; si j’ai pensé-le-mal, il n’a pas franchi ma bouche. 4 Malgré les actions des hommes, à la parole de tes lèvres, moi, je me suis gardé des voies du violent ; 5 se sont attachés mes pas à tes traces, n’ont pas été ébranlés mes pieds. PRIÈRE,
Moi, je t’appelle, car tu réponds, Dieu ! TENDS l’oreille vers moi, ÉCOUTE mon dire ; 7 SIGNALE tes fidélités, sauveur des recourant contre les agresseurs à ta droite. 8 GARDE-MOI comme prunelle de l’œil, à l’ombre de tes ailes CACHE-MOI 9 de la face de ces méchants qui me ravagent, mes ennemis de l’âme qui se tiennent autour de moi. 10 Dans leur graisse ils sont enfermés, de leur bouche ils parlent avec arrogance ; 11 ils me rejettent, maintenant ils m’encerclent, leurs yeux ils fixent pour précipiter à terre. 12 Son apparence comme un lion impatient d’arracher et d’un lionceau tapi dans les cachettes. 6
13 DRESSE-TOI, Yhwh, AFFRONTE sa face, ABATS-LE ; LIBÈRE mon âme du méchant (par) ton épée. FAIS-LES-MOURIR par ta main, Yhwh, FAIS-LES-DISPARAITRE de ce monde, leur part parmi les vivants ; mais ton protégé, tu rempliras leur ventre, seront rassasiés leurs fils qui laisseront le surplus à leurs enfants. 15 Moi, dans la justice je contemplerai ta face, je me rassasierai à mon réveil de ton image. 14
C’est le seul de tous les psaumes de la sous-section qui ait comme titre « Prière », terme qui est aussitôt répété dans le même verset : « Prière de David. Écoute, Yhwh, la justice, sois-attentif à mon cri ; prête l’oreille à ma prière, avec point de lèvres de fraude ». Ce genre de prière est une supplication : « Yhwh entend la voix de mon pleur, Yhwh entend ma supplication, Yhwh accueille ma prière » (Ps 6,9-10). Le fait est confirmé par la densité des volitifs (14 impératifs de deuxième personne du pluriel ; deux jussifs). Dans la première sous-séquence les Ps 11, 14 et 15 ne comportent aucun volitif, le Ps 12 en contient deux (2.4), le Ps 16 un seul (1) ; le Ps 13 au contraire, à la charnière des deux versants, en comprend huit (4 quart.5. bis.6 bis). Dans la dernière sous-séquence (Ps 18) il ne se trouve qu’un seul jussif (47) et aucun impératif. Après la liste des volitifs, la première partie continue avec une déclaration d’innocence (17,3-5) qui annonce celle du passage central de la dernière sousséquence (18,21-30). Le même phénomène se retrouve dans la dernière partie : après les impératifs initiaux, est annoncé le salut du psalmiste (17,14d-15), ce qui prépare la dernière sous-séquence. Dans la partie centrale au contraire, ce qui suit les impératifs initiaux traite des actions des méchants contre le psalmiste (17,9-12), ce qui rappelle la première sous-séquence. La sous-séquence centrale articule donc l’ensemble de la séquence, les parties extrêmes traitant du psalmiste, la partie centrale de ses ennemis.
232
La première sous-section (Ps 1–18)
INTERPRÉTATION LA LENTE ÉMERGENCE DE LA PRIÈRE La supplication éclate au zénith de la sous-section. Toutefois, il ne s’agit pas d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. En effet, la prière s’était peu à peu frayé une voie au cours des deux vagues de la longue plainte qui l’avait précédée. Dans les psaumes initiaux de chaque versant, le psalmiste parle de ses ennemis, il s’adresse à eux (11,1-2), rapporte leurs paroles (14,1), mais ne dit pas le moindre mot à Dieu. Il commence à se tourner vers son Seigneur au début des psaumes suivants (12,1 ; 15,1) et le dialogue commence à s’instaurer (12,6 ; 15,2-6). Enfin, la prière se fait plus dense dans les psaumes finaux, mêlée de plainte (13,1-3), de promesses et de déclarations de confiance (16). Après ce long chemin, la prière se donne libre cours au centre de la sous-section, en trois assauts successifs (17,1-2.6-8.13-14c). Il faudra attendre la fin de la dernière séquence pour entendre l’action de grâce, la louange sur laquelle débouche en définitive toute prière ; d’abord adressée à Dieu, elle sera adressée jusque « chez les nations » (16,47-51). LA LENTE ÉVOLUTION DES ENNEMIS Les « méchants » sont d’abord présentés comme les ennemis du psalmiste qu’ils veulent détruire comme on chasse un oiseau avec arc et flèche (11,1-2). Ils aiment la violence (11,5), ils mentent à leur prochain (12,3) et poussent l’orgueil jusqu’à prétendre que personne ne pourra jamais les maitriser (12,5), En effet, « l’insensé a dit en son cœur : “Il n’y a pas de Dieu !” » (14,1). Niant l’existence Dieu, il n’est pas étonnant qu’ils nient aussi celle du prochain et en particulier du juste. En revanche, ils n’hésitent pas à verser des libations de sang devant leurs idoles (16,3-4). Au centre de la séquence centrale, ils sont décrits pour ce qu’ils sont devenus dans la corruption de leur nature même : ce sont des bêtes féroces : « Son apparence comme un lion impatient d’arracher et d’un lionceau tapi dans les cachettes » (17,12). Dès le titre de la dernière séquence le lecteur apprend que le Seigneur « le délivra de la paume de tous ses ennemis et de la main de Saül » (18,1). Il l’a sauvé de « la mort » et du « schéol » (4-6) ; il « rabaisse les yeux hautains » (28). Le Seigneur fait ployer les ennemis du roi sous lui (40) qui les fait taire (41). Tombés et ne pouvant se relever (39), les voilà qui se mettent à crier vers le Dieu qui pour eux n’existait même pas (42) et c’est le début de leur conversion. Écoutant avec la plus grande attention les paroles du roi qui les a vaincus, ils lui font allégeance (44-45). À la fin ils entendront l’Oint du Seigneur proclamer parmi eux l’action de grâce de celui qui chantera les merveilles de Dieu (50-51).
IV. LE SEIGNEUR LIBÈRE SON FIDÈLE DE SES ENNEMIS
L’ensemble de la section : Ps 1–18 Les trois sous-sections qui forment la section sont organisées de manière concentrique autour de la plus brève ; contrairement aux sous-sections extrêmes qui comprennent chacune huit psaumes, la sous-section centrale n’en comprend qu’un seul, et celui-ci se distingue de tous les autres du fait que c’est le seul acrostiche alphabétique de la section. Première sous-section : 4 889 signes — deuxième : 2 200 — troisième : 6 493. LA FIDÉLITÉ
DAVID
LE SALUT
DE
DAVID
SE FIE
DE
DIEU
S’APPUIE SUR
EN SON DIEU
RÉPOND À
LA FIDÉLITÉ
DE
DIEU
Ps 9–10
QUI SE CACHE
LA PRIÈRE
Ps 1–8
DE
DAVID
Ps 11–18
COMPOSITION A. LES RAPPORTS ENTRE LES SOUS-SECTIONS EXTRÊMES (1–8 ET 11–18) Tous les thèmes principaux se retrouvent dans les deux sous-sections, lesquelles regroupent des psaumes qui, à part les deux premiers, d’introduction, sont « de David ». Les méchants « Les méchants », « ennemis » du psalmiste, occupent pratiquement tout l’espace des deux sous-sections. Cela commence avec le Ps 1 qui est bâti sur l’opposition entre le « juste » et les « méchants » et avec le Ps 2 où le roi intronisé par Dieu sur son peuple est la cible de la coalition des « peuples ». Et cela continue tout au long (3,2-3 ; 4,2 ; 5,5-11 ; 6,8-10 ; 7,2.5.7-10.13-17 ; 8,3 // 11,2.5-6 ; 3-5.9 ; 13,3.5 ; 14,1.3-4 ; 15,4 ; 17,7.12-13 ; 18,1.18.28.38.40-4149). Ces ennemis ne s’opposent pas seulement au psalmiste, mais aussi à Dieu luimême (2,2 ; 5,11 // 12,5 ; 14,1). Ils utilisent « arc » et « flèches » pour chasser le juste (7,13-14 // 11,2) ; mais Dieu lance les « flèches » contre ses ennemis (18,15) et enseigne à son roi d’utiliser ces armes contre ses ennemis (18,35).
234
La première sous-section (Ps 1–18)
Leur arme est leur « langue », qui dit le « mensonge » et la « tromperie » (4,3 ; 5,7.10 ; 7,15 // 12,3-5). Ils sont présentés comme le « lion » qui « lacère » « impatient d’arracher » (7,3 // 17,12). Dieu brisera leurs dents (3,8). Ce qu’ils veulent c’est infliger « la mort », précipiter dans le « sépulcre » de leur gosier, dans « la fosse », au « schéol », (5,10 ; 6,6 ; 7,14.16 ; // 13,4 ; 16,10 ; 18,5-6). Le psalmiste Le Seigneur est « le bouclier » du psalmiste (3,4 ; 5,13 ; 7,11 // 18,3.31.36) et c’est en lui que son fidèle trouve un « abri » (2,12 ; 5,12 ; 7,2 // 11,1 ; 14,6 ; 18,3.31). Le psalmiste proteste de sa fidélité et de son innocence (7,4-6.9 // 17,3-5 ; 18,21-27), mais aussi de sa « confiance » (4,4.9 // 13,6 ; 16,9). Il prie son Seigneur et le supplie de le sauver. Les volitifs, impératifs et jussifs, sont nombreux, surtout au centre des sous-sections (3,8 ; 4,2.7 ; 5,2.3.9. 11 ; 6,2-3.5.11 ; 7,2.7.9.10 // 12,2.4 ; 13,4 quart.5. bis.6 bis ; 16,1 ; 17,1 ter.2 bis.6 bis.7.8 bis.13 quart.14 bis ; 18,47). Il réclame l’intervention du juge suprême (1,5 ; 7,5.7.12 // 17,2 ; 18,23) et demande le « salut » (3,3.8.9 ; 6,5 ; 7,2.11 // 12,2.6 ; 13,6 ; 14,7 ; 17,7 ; 18,3. 4.28. 36.42.47.51). Le sauveur Le Seigneur entend le cri de son fidèle et lui répond (3,5 ; 4,4 ; 5,4 ; 6,9-10 // 18,7) ; le roi reconnait et proclame que Dieu a exercé le jugement et l’a sauvé de ses ennemis (2,5 ; 3,67-.9 ; 4.4.9 ; 5,4.8.13 ; 7,12 ; 8 // 11,4-7 ; 12,6 ; 13,6 ; 16,68 ; 17,7 ; 18,3-4.17-20.36-46.47-49). Dieu soumet les nations, c’est-à-dire toute la terre, à son roi (2,8-12 ; 8,2.10 // 18,44-46.48-49). C’est pourquoi le roi se réjouit et exulte (4,2 ; 5,12 // 16,9.11), et il rendra grâce, jouera, psalmodiera pour son sauveur (7,18 // 18,50-51).
B. LES RAPPORTS ENTRE LA SOUS-SECTION CENTRALE ET LES DEUX AUTRES Le premier versant du psaume central (Ps 9,2-21) annonce le psaume final de la section (Ps 18), tandis que son second versant (Ps 10,3-18) rappelle le premier psaume (Ps 1). Ainsi, se vérifie « la loi du croisement au centre »1. Ainsi peut se comprendre que dans le Ps 9–10 la louange précède la supplication.
1 Voir R. MEYNET, « Le leggi della retorica biblica. A proposito della “legge dell’intreccio al centro” ».
L’ensemble de la section : Ps 1–18
235
Le premier versant du Ps 9–10 et le dernier psaume (Ps 18) C’est surtout le début du Ps 9–10 qui a bien des points communs avec la fin du Ps 18 : 9,2 JE RENDS GRÂCE, Yhwh, de tout mon cœur, je raconte toutes tes merveilles ; 3 je me réjouis et j’exulte en toi, JE JOUE pour ton nom, Très-Haut [...] 12 JOUEZ pour Yhwh, l’habitant à Sion, racontez CHEZ LES PEUPLES ses hauts faits ! 4 Quand retournent mes ennemis en arrière, ils fléchissent et disparaissent devant ta face 18, 47 Vivant est Yhwh et béni mon rocher, et soit-exalté le Dieu de mon salut, 48 le Dieu qui-donne les vengeances à moi et il prosterne les peuples sous moi, 49 me libérant de mes ennemis, aussi sur mes agresseurs tu m’exaltes, de l’homme de violence tu me délivres. 50 C’est pourquoi JE TE RENDRAI-GRÂCE CHEZ LES NATIONS, Yhwh, et pour ton nom JE JOUERAI.
Le roi « rend grâce » (9,2 ; 18,50), il « joue » pour « le nom » du Seigneur (9,3 ; 18,50) « parmi les peuples » et « chez les nations » (9,12 ; 18,50). C’est que le psalmiste avait trouvé « un refuge » en Dieu (9,10 bis ; 18,3) et avait été « sauvé » (9,15 ; 18,3.4.28.36.47.51) de ses « ennemis » (9,4.14 ; 18,4. 49), des « nations » (9,16.18), des « méchants » (9,17.18) de ses « agresseurs » et de « l’homme de violence » (18,49), qui avaient préparé pour lui une « fosse » et des « pièges » (9,16 ; 18,6) pour le conduire à la « mort » (9,14 ; 18,5.6) et au « schéol » (9, 18 ; 18,6) : 9,14 Aie pitié de moi, Yhwh, vois ma misère, de mes ennemis me faisant remonter des portes de LA MORT, 15 pour que je raconte toute ta louange, qu’aux portes de la fille de Sion je jubile en TON SALUT. 16 Ont croulé les nations dans LA FOSSE qu’elles ont faite, à ce FILET qu’elles ont tendu s’est pris leur pied. 17 S’est fait connaitre Yhwh, le jugement il a fait, dans l’ouvrage de ses mains il a lié le méchant. 18 Que retournent les méchants au SCHÉOL, toutes ces nations oubliant Dieu, 19 car pas jusqu’à la fin est oublié le pauvre, l’espoir des miséreux ne disparait pas à jamais. 18,4 Digne-de-louange j’invoque Yhwh, et de mes ennemis JE SUIS SAUVÉ ; 5 m’enveloppaient les filets de LA MORT et les torrents de Bélial m’épouvantaient, 6 les FILETS du SCHÉOL me cernaient, LES PIÈGES de LA MORT. 7 Dans mon angoisse j’invoque Yhwh et vers mon Dieu je crie ; il entendra de son temple ma voix et mon cri devant lui parviendra à ses oreilles.
236
La première sous-section (Ps 1–18)
Le deuxième versant du Ps 9–10 et le Ps 1 1,1 HEUREUX L’HOMME, qui ne marche pas dans le conseil des MÉCHANTS et dans 2 LE CHEMIN des pécheurs ne s’arrête et dans le cercle des moqueurs NE S’ASSIED ; car au 3 contraire dans la Loi de Yhwh son plaisir et dans sa Loi murmure jour et nuit. Et il est comme un arbre planté sur les bords des eaux, qui son fruit donne en son temps et son feuillage ne flétrit pas. Et tout ce qu’il fait, il le fait-réussir. 4 Non ainsi les MÉCHANTS car au contraire comme la bale que chasse le vent. 5 C’est ainsi que ne se dresseront les 6 MÉCHANTS dans LE JUGEMENT et les pécheurs dans l’assemblée des justes ; car il connait Yhwh LE CHEMIN des justes et LE CHEMIN des MÉCHANTS SE PERD. 10,3 OUI, SE LOUE LE MÉCHANT du désir de son âme, et un profiteur IL BÉNIT il méprise Yhwh. 4 LE MÉCHANT, selon l’arrogance de son nez ne cherche pas : « Il n’y a pas de Dieu ! » (Voilà) toutes ses intrigues. 5 Réussissent ses CHEMINS en tout temps trop en-haut TES JUGEMENTS pour lui tous ses adversaires, il crache sur eux. 6 Il dit en son cœur : « Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! » celui qui (n’est) pas dans le malheur. 7 De malédiction sa bouche est pleine et de fraudes et de violence, sous sa langue méfait et iniquité. 8 IL S’ASSIED à l’affut dans les villages, sous les couverts il tue l’innocent, ses yeux le misérable épient. 9 Il est à l’affut, sous couvert, comme un lion dans son fourré, il est à l’affut pour se saisir du miséreux, il se saisit du miséreux le trainant dans son filet. 10 Il s’accroupit, se tapit, et tombe en ses pouvoirs le misérable. 11 Il dit en son cœur : « Il oublie, Dieu, il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin. » 12 Dresse-toi, Yhwh ! Dieu, lève ta main, n’oublie pas les humilés ! 13 Pourquoi méprise-t-il LE MÉCHANT Dieu, dit-il en son cœur : « Tu ne chercheras pas ? » 14 Tu as vu, oui, toi, la peine et les pleurs, tu regardes pour les donner en ta main : à toi s’abandonne le misérable, l’orphelin, toi, tu (lui) fus secours. 15 Brise le bras du 16 MÉCHANT, du mauvais, tu chercheras sa MÉCHANCETÉ, elle ne se trouvera plus. Yhwh est roi pour toujours et à jamais, SE SONT PERDUES les nations de sa terre. 17 Le désir des humiliés, tu écoutes, Yhwh, tu affermis leur cœur, tu tends ton oreille, 18 pour JUGER l’orphelin et l’opprimé : il n’aura plus peur d’un homme (né) de la terre !
Le deuxième versant du Ps 9–10 se distingue du reste de la section du fait qu’il traite du « méchant » au singulier, alors qu’ailleurs il est massivement au pluriel. En ce sens il correspond au Ps 1 qui présente le juste, au singulier. Les débuts des psaumes s’opposent. Alors que « l’homme » juste est dit « heureux » par un autre, par Dieu2 (1,1), « le méchant » « se loue » lui-même, et « il bénit » qui lui ressemble dans le mal (10,3). Les rapports lexicaux entre les deux textes sont nombreux : – « méchant(s) » apparait en 1,1.4.5.6, accompagné de ses synonymes, « pécheurs » (1.5) et « moqueurs » (1) ; il revient en 10,3.4.12.15, avec « lion » (9), « mauvais » (15), « les nations » (16) ; 2 Dans le Ps 128, « heureux » est mis en parallèle avec « béni » de Dieu : « Heureux chaque craignant Yhwh et marchant dans ses chemins » au début de la première partie, « Voici qu’assurément sera béni l’homme craignant Yhwh. Que te bénisse Yhwh de Sion » au début de la deuxième partie ; voir Le Psautier. Cinquième livre, 408.
L’ensemble de la section : Ps 1–18
237
– à les « justes » du Ps 1,5-6, correspondent « l’innocent » (10,8), « le misérable » (8.10.14), « l’orphelin » (14.18), « l’opprimé » (18), le « miséreux » (9 bis), « les humiliés » (12.17) ; – « chemin(s) » revient en 1,1.6 bis et 10,5 ; – « s’asseoir » de 1,1 est repris en 10,8 ; – « jugement(s) » et « juger » (1,5 ; 10,5.18) ; – « se perdre » (1,6 ; 10,16) ; – à « en son temps » (1,3) correspond « en tout temps » (10,5) ; – « il le fait réussir » (1,3) et « réussissent » (10,5) sont synonymes ; – le juste trouve « son plaisir » dans la Loi de Dieu (1,2), le « désir » du méchant est celui de sa propre âme (10,3) ; celui des humiliés (10,17) est entendu par le Seigneur. C. LE CENTRE DE LA SECTION Le centre du psaume 9–10, lequel se trouve au centre de la section 1–18, constitue donc le centre de tout cet ensemble des dix-huit premiers psaumes du livre. – 10,1 Pourquoi, – te caches-tu
YHWH, aux temps
te tiens-tu de détresse ?
au loin,
:: 2 Par l’orgueil :: ils seront pris
du MÉCHANT à ces intrigues
est consumé qu’ils ont pensées.
le miséreux ;
Il devrait par conséquent remplir la fonction de clé de lecture de la section dans son entier. Ce centre est une question (10,1) suivie d’une réponse (10,2). Se vérifie encore une fois « la loi de la question au centre »3. Ces deux versets tranchent sur le reste du fait que la plupart de ses termes ne se retrouvent pas ailleurs dans la section: « au loin », « se cacher », « détresse », « orgueil », « être consumé », « être pris », « intrigues », « penser ». Toutefois, si « se cacher » (‘ālam, hiphil) ne revient pas ailleurs, un synonyme (sātar, hiphil) est employé en 13,1, dans une question adressée au Seigneur comme en 10,1 : « Jusqu’à quand cacheras-tu ta face de moi ? ». Par ailleurs, le second membre de 2 rappelle d’abord Ps 9,16 : « Ont croulé les nations dans la fosse qu’elles ont faite, au filet qu’elles ont tendu s’est pris leur pied » et aussi 7,16-17 dans la première séquence : « Il a ouvert une fosse et il la creuse, et il tombera dans le trou qu’il a fait ; sa peine reviendra sur sa tête, et sur son crâne sa violence retombera »4.
3
Traité, 417-435. Quoique moins clairement, Ps 5,11 dit la même chose : « qu’ils tombent par leurs (propres) projets ». 4
238
La première sous-section (Ps 1–18)
Ainsi la question de 10,1 annonce celle du Ps 13, dans la dernière sous-section et 10,2 renvoie à 7,16-17 dans la première sous-section ; nouvel exemple de croisement au centre. La question de 10,1 est adressée à « Yhwh » par le psalmiste, c’est-à-dire par celui qui parle tout au long de la section. Ce dernier toutefois rapporte les paroles d’autres personnages. Le plus souvent ce sont celles des méchants : dans la première sous-section en 2,3 (« Rompons leurs liens, jetons loin de nous leurs entraves »), en 2,12de (« Oui, s’enflamme d’un coup sa colère ; heureux tous ceux qui se réfugient en lui »), en 3,3 (« Point de salut pour lui en Dieu ! »), surtout dans le deuxième versant de la sous-section centrale, 10,4 (« Il n’y a pas de Dieu ! »), 10,6 (« Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! »), 10,11 (« Il oublie, Dieu, il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin »), 10,13 (« Tu ne chercheras pas »), puis dans la dernière sous-section en 12,5 (« Par notre langue nous sommes forts, nos lèvres sont avec nous, qui sera maitre sur nous ? »), 13,5 (« Je l’ai soumis »), et finalement 14,1 qui reprend 10,4 (« Il n’y a pas de Dieu ! »). Le psalmiste rapporte aussi des paroles de Dieu : dans la première soussection, en 2,6 il s’adresse aux rebelles (« C’est moi qui ai investi mon roi, sur Sion, la montagne de ma sainteté »), en 2,7-9 c’est à son roi qu’il parle longuement : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. 8 Demande-moi et je te donnerai les nations comme ton héritage et comme ton domaine les extrémités de la terre. 9 Tu les briseras avec un sceptre de fer, comme ustensile de potier tu les casseras ».
Dans la troisième sous-section, comme en réaction aux paroles des méchants de 12,5 (« À l’oppression des pauvres, au gémissement des miséreux, maintenant je me dresse, — dit Yhwh ; je te mets dans le salut, — assure-t-il à lui »). On pourrait penser que la réponse à la question centrale de la section (10,2) est donnée par celui à qui la question a été adressée. Toutefois, contrairement aux autres paroles de Dieu dans les Ps 2 et 12, aucun élément linguistique n’oblige ni même invite à cette interprétation. Il est plus probable que ces mots expriment la réflexion du psalmiste lui-même. INTERPRÉTATION5 L’OMNIPRÉSENCE DES « MÉCHANTS » Surtout pour qui découvre les psaumes mais aussi pour qui les pratique et les prie chaque jour, il est frappant de constater combien ces prières sont saturées par la présence et l’activité maléfique de ceux que le psalmiste appelle le plus souvent « les méchants »6. On peut raisonnablement penser que le psalmiste-roi 5
Ces pages sont marquées par ma lecture toute récente du livre d’André Wénin, Psaumes censurés. 6 Le terme ne revient pas moins de vingt fois dans la section (« ennemis » quinze fois).
L’ensemble de la section : Ps 1–18
239
a aussi des amis sur la fidélité de qui il peut compter, mais il n’en parle pas. La prière qu’il adresse au Seigneur ne concerne que ses ennemis, ceux qui en veulent à sa vie, qui entendent le mettre à mort et l’envoyer au schéol. Qui est en butte à des personnes qui ressemblent aux « méchants » des psaumes — et il semble qu’il y ait peu de gens qui échappent à cette situation — se sentira à la maison dans le Psautier, en tout cas dans la première section du premier livre. DIEU SE CACHE Dieu sait si le psalmiste demande à Dieu d’intervenir contre les méchants ; il ne fait la plupart du temps rien d’autre, psaume après psaume. S’il y revient sans cesse, c’est que le Seigneur n’intervient pas. Il semble même dormir : « Réveille-toi pour moi, ordonne le jugement » (7,7). C’est pourquoi le psalmiste s’impatiente et demande « jusqu’à quand » cela va durer (4,3 ; quatre fois en 13,2-3). Une seule fois, le Seigneur répond à la provocation des méchants, affirmant qu’il va agir : « À l’oppression des pauvres, au gémissement des miséreux, maintenant je me dresse, — dit Yhwh, je te mets dans le salut, — lui assure-t-il » (12,6). Toutefois, s’il se lève comme le défenseur de l’innocent au tribunal, s’il sauve le miséreux, il ne dit pas qu’il châtiera l’oppresseur. Dieu est absent, tout au moins il se cache : « Jusqu’à quand cacheras-tu ta face de moi ? » (13,2). « Il fit des ténèbres son voile autour de lui, sa tente, ténèbre d’eau, nuages nuées » (18,12). Ce sont les méchants qui semblent avoir raison quand ils répètent : « Il n’y a pas de Dieu » (10,4 ; 14,1), quand ils prétendent à propos du juste : « point de salut pour lui en Dieu ! » (3,3), ce qui revient aussi à nier la présence de Dieu, quand « il dit en son cœur : “Il oublie, Dieu, il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin” » (10,11), quand il prétend en son cœur : « Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! » (10,6). LE PSALMISTE SE CONFIE EN DIEU Dieu a beau se taire, le psalmiste n’en garde pas moins une confiance absolue en son Seigneur. Il ne cesse pas de lui parler, de lui exposer sa misère, de l’appeler au secours. Et surtout il s’en remet à lui pour le châtiment de ses ennemis. Il est vrai qu’il ne manque pas une occasion de demander à Dieu d’intervenir contre eux, et souvent avec violence : « Brise le bras du méchant » (10,15) ; « Dis-les coupables, Dieu, [...] chasse-les » (5,11) ; « qu’ils rougissent et soient terrifiés beaucoup tous mes ennemis, qu’ils reculent, qu’ils rougissent soudain ! » (6,11) ; « Dresse-toi, Yhwh, affronte sa face, abats-le ; libère mon âme du méchant par ton épée. Fais-les-mourir par ta main, Yhwh, fais-les disparaitre de ce monde, leur part parmi les vivants » (17,13-14). On pourra à juste titre être scandalisé par tant de violence. Toutefois, il faut avant tout remarquer que le psalmiste n’envisage pas de se venger lui-même, mais qu’il laisse le jugement au Seigneur, « le juste juge » (9,5) : « Et lui, il jugera le monde avec justice, prononcera sur les païens avec droiture » (9,9). C’est sans doute cela qui, avant
240
La première sous-section (Ps 1–18)
tout, manifeste la justice qu’il revendique avec tant de conviction : « Malgré les actions des hommes, à la parole de tes lèvres, moi, je me suis gardé des voies du violent » (17,4). DIEU N’A PAS BESOIN D’INTERVENIR Quand on entend : « Par l’orgueil du méchant est consumé le miséreux » (10,2) qui, en une formule lapidaire, résume au centre de la section tout ce qui est dit des méfaits des méchants, le lecteur pourrait s’attendre à ce que le second membre du verset énonce le châtiment que Dieu leur infligera dans sa justice. Ce serait comme ce que dit ailleurs le psalmiste, par exemple en 11,6 : « il fait pleuvoir sur les méchants charbons, feu et soufre et vent de flamme la part de leur coupe ». Or ce que le lecteur entend est tout autre : « ils seront pris à ces intrigues qu’ils ont pensées ». Cela rappelle ce que 7,16-17 dit du méchant : « Il a ouvert une fosse et il la creuse, et il tombera dans le trou qu’il a fait ; sa peine reviendra sur sa tête, et sur son crâne sa violence retombera », et ce que 9,16 déclare sur les païens : « Les nations ont croulé dans la fosse qu’elles ont faite, au filet qu’elles ont tendu s’est pris leur pied ». Le jugement ne manquera pas de tomber, mais de lui-même, selon une loi inéluctable. Il est vrai que le psalmiste attribue la victoire sur ses ennemis au Seigneur, lui qui a instruit ses mains à la guerre (18,35), lui donne les vengeances et prosterne les peuples sous lui (18,48). Il n’en reste pas moins que, dans les faits, on ne voit jamais Dieu intervenir directement ; il laisse l’homme, son roi en l’occurrence, appliquer la loi qui veut que le mal projeté par le méchant finisse par lui retomber sur la tête. « YHWH NOTRE SEIGNEUR, MAGNIFIQUE TON NOM PAR TOUTE LA TERRE ! » Malgré les supplications du psalmiste qui ne cesse de réclamer le châtiment et même la peine capitale pour ses ennemis, le Seigneur n’en fait rien. Bien au contraire, « prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant — oracle du Seigneur Yhwh — et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? » (Ez 18,23) ; « Je ne prends pas plaisir à la mort de qui que ce soit, oracle du Seigneur Yhwh. Convertissez-vous et vivez ! » (18,32). Dès l’ouverture du livre c’est ce que dit, en d’autres termes, le Seigneur Yhwh aux rois de la terre qui s’étaient rebellés contre lui et contre son messie : « Et maintenant, rois, comprenez, instruisez-vous, juges de la terre. Servez le Seigneur avec crainte et exultez avec tremblement ; embrassez le fils, de peur qu’il ne s’irrite et vous péririez dans votre chemin » (2,10-12). C’est ce qui sera repris en conclusion de la section. Malgré les rodomontades du roi qui, dans l’ivresse de la victoire, prétend avoir « achevé » et « éliminé » ses ennemis (18,38.43), les nations rebelles ne sont pas supprimées et anéanties. Elles sont soumises à David et elles le « servent » (18,44) comme elles sont invitées à servir dans la joie le Seigneur de toute la terre : « Servez Yhwh avec crainte et exultez avec tremblement » (2,11). Tout débouche sur l’action de grâce de celui qui jouera pour le nom du Seigneur
L’ensemble de la section : Ps 1–18
241
« chez les nations » (18,50-51). La vie promise au psalmiste menacé ne lui est pas réservée, elle est pour tous, opprimés et oppresseurs, exultant parce que sauvés tous ensemble de la mort. C’est sans doute pourquoi le premier versant de la section proclame : « Yhwh notre Seigneur, qu’est magnifique ton nom par toute la terre ! » (8,2.10).
LE SEIGNEUR DÉLIVRE SON FIDÈLE DE LA MORT La deuxième section Ps 19–25
244
La deuxième section (Ps 19–25)
La section centrale comprend sept psaumes organisés en trois sous-sections. Les sous-sections extrêmes, qui ne comprennent qu’un seul psaume (19 et 25), se correspondent de manière étroite : LA LOI
LE SEIGNEUR
LES CHEMINS
DU SEIGNEUR
EST LUMIÈRE
SAUVE
TOUS LES HOMMES
DU SEIGNEUR
SONT VÉRITÉ
Ps 19
Ps 20–24
Ps 25
Les cinq psaumes de la sous-section centrale (20–24) forment trois séquences : deux paires de psaumes (20–21 et 23–24) encadrent le Ps 22 : LE SECOURS Le roi DE RETOUR
DU SANCTUAIRE
POUR TOUS LES ENNEMIS
est sauvé
de la mort
AU TEMPLE
AVEC TOUS LES CHERCHANT
DU ROI
Ps 20–21 Ps 22
DIEU
Ps 23–24
I. LA LOI DU SEIGNEUR EST LUMIÈRE
La première sous-section : Ps 19
TEXTE 1
Du maître de chant, psaume de David. 2 Les cieux racontent la gloire de Dieu et les œuvres de ses mains l’annonce le firmament ; 3 le jour au jour en publie le récit et la nuit à la nuit transmet la connaissance. 4 Point de récit et point de paroles sans que s’entende leur voix ; 5 sur toute la terre en sortent les lignes et jusqu’à l’extrémité du monde leurs mots. Pour le soleil il mit une tente en eux 6 et lui, comme un époux sortant de son pavillon, se réjouit comme un héros de courir le sentier. 7 À une extrémité des cieux sa sortie et son parcours sur leurs extrémités, et rien n’est caché à sa chaleur. 8 La loi de Yhwh (est) parfaite, faisant9 Les revenir l’âme ; le témoignage de Yhwh (est) véridique, rendant-sage le simple. préceptes de Yhwh (sont) droits, réjouissant le cœur. Le commandement de Yhwh (est) limpide, illuminant les yeux ; 10 la crainte de Yhwh (est) pure, demeurant à jamais. Les jugements de Yhwh (sont) loyauté, ils sont justes ensemble. 11 Désirables plus que l’or et que l’or-fin abondant ; doux plus que le miel et que le suc des rayons. 12 Aussi ton serviteur est éclairé par eux, les garder est profit abondant. 13 Les errances, qui (les) comprend ? Des cachées, innocente-moi. 14 Aussi des arrogants préserve ton serviteur, qu’ils ne dominent pas sur moi ! Alors je serai-parfait et innocenté du péché abondant. 15 Que soient agréés les dits de ma bouche et le murmure de mon cœur devant toi, Yhwh, mon rocher, mon rédempteur ! V. 5A
: « LES LIGNES »
Le terme qaw signifie « cordeau ». Son sens ici est très discuté et on a même voulu le corriger en « voix » (qôl) ; la Septante a traduit par « bruit ». Il est à comprendre dans son contexte, en opposition avec « récit », « paroles » et « voix » (4) et en parallèle avec « mots » (5) : pas de paroles qu’on puisse « entendre » (4), mais des « lignes » et des « mots » qui « sortent », que l’on peut voir, c’est-à-dire lire. V. 8 : « FAISANT-REVENIR L’ÂME
»
C’est-à-dire la ramenant à la vie1 ; la TOB traduit : « elle rend la vie ». V. 12
: « EST ILLUMINÉ »
Considéré souvent comme le nifal de zhr I, nizhār signifie « être instruit », « être averti » (comme en Ez 33,6 ; Qo 4,13)2. La Septante avait compris : 1 2
Hakham, I, 89. Ainsi Weiser, 201 ; Kraus, I, 275 ; les traductions de la BJ, Osty.
246
La deuxième section (Ps 19–25)
« garder ». La plupart des commentaires récents rapportent le verbe à la racine zhr II, « illuminer », « éclairer »3. Ce dernier sens s’accord mieux avec le contexte, le « soleil » comme la Torah servant à éclairer l’homme. COMPOSITION On a longtemps considéré qu’il s’agit de deux psaumes indépendants (1-6 et 7,14)4. La plupart de ceux qui tentent de saisir l’unité du psaume autour du thème de la révélation, l’organisent en deux parties5. Toutefois d’autres y voient trois parties6. Le psaume comprend trois parties. LA PREMIÈRE PARTIE (2-7) + 2 LES CIEUX + et les œuvres
racontent
la gloire
de ses mains
l’annonce
+ 3 le jour + et la nuit
au jour à la nuit
en publie transmet
de Dieu le firmament ; LE RÉCIT
la connaissance.
······················································································································
:: 4 Point de RÉCIT :: sans
et point que s’entende
de PAROLES leur VOIX ;
= 5 sur toute = et jusqu’à L’EXTRÉMITÉ
LA TERRE
EN SORTENT LEURS MOTS.
du monde
LES LIGNES
······················································································································
.. Pour le soleil – 6 et lui, – se réjouit
il mit comme un époux comme un héros
SORTANT
une tente
– 7 À UNE EXTRÉMITÉ – et son parcours .. et rien
DES CIEUX
SA SORTIE
sur leurs EXTRÉMITÉS n’est caché
à sa chaleur.
pour courir
en eux de son pavillon, le sentier.
3 Par exemple, Ravasi, I, 366 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 391 ; Le Psautier, traduction liturgique, TOB. 4 Weiser, 197 ; Kraus (I, 268-269) les appelle 19A et 19B. 5 Ravasi, I, 252-253 : l’hymne au créateur, l’hymne à la Torah ; Hakham, I, 87 ; Girard, I, 374 ; Lorenzin, 108 qui subdivise la deuxième partie en « Hymne à la Torah » (8-11) et « Supplication d’un individu » (12-15). 6 R.J. WAGNER, « From the Heaven to the Heart : The Dynamics of Psalm 19 as Prayer » (A. 2-7 : La louange cosmique de El ; B. 8-11 : La perfection de la Torah de Yhwh ; C. 12-15 : La supplication du psalmiste) ; voir aussi deClaissé-Walford – al., 203-204.
La première sous-section : le psaume 19
247
Dans le premier morceau le premier segment est construit de manière spéculaire (a b (cd) / (c’d’) b’a’) tandis que le deuxième est de composition parallèle. Le premier concerne l’espace, le second le temps. Les deux segments du deuxième morceau sont une sorte de mise au point après ce qui vient d’être dit dans le premier morceau : le « récit » fait par « les cieux » ne « s’entend pas » comme des paroles humaines articulées (4) et pourtant sur « la terre » il est possible d’en percevoir les lignes et d’en lire le message. Quant au troisième morceau, il se concentre sur le soleil. Le premier trimembre est de type ABB’ : en effet, le premier membre a pour sujet Dieu, tandis que dans les deux autres c’est le soleil, comparé à un jeune « époux », qui se lève hors de la « tente » pour entreprendre sa course. Du type inverse (AA’B), le second trimembre indique d’abord que le « parcours » du soleil occupe tout l’espace des « cieux », d’une extrémité à l’autre (7ab), après quoi la totalité est exprimée d’une autre manière (7c). LA DEUXIÈME PARTIE (8-10) + 8 LA LOI – faisant-revenir
de YHWH l’âme ;
(est)
parfaite,
+ LE TÉMOIGNAGE – rendant-sage
de YHWH le simple.
(est)
véridique,
de YHWH le cœur.
(sont) droits,
:: 9 LES PRÉCEPTES : réjouissant
·································································································
+ LE COMMANDEMENT – illuminant
de YHWH les yeux ;
(est)
limpide,
+ 10 LA CRAINTE – demeurant
de YHWH à jamais.
(est)
pure,
de YHWH ensemble.
(sont) loyauté,
:: LES JUGEMENTS : ils sont-justes
Le troisième segment de chaque morceau se distingue des deux précédents car le sujet est au pluriel, « les préceptes » et « les jugements ». Les deuxièmes membres commencent par un participe, sauf le dernier où le verbe est à l’accompli ; en outre le dernier segment se distingue des autres du fait que le dernier terme du premier membre n’est pas un adjectif mais un substantif, « loyauté ». L’avant-dernier segment lui aussi tranche sur les autres ; en effet, d’une part son premier terme ne s’aligne pas sur les autres premiers termes, la « crainte » étant le fait de l’homme quand « la Loi », « le témoignage », etc. sont le fait de Dieu, et, d’autre part son dernier terme est un complément de temps au lieu d’être un complément d’objet comme dans les quatre segments précédents. C’est là un phénomène de clôture.
248
La deuxième section (Ps 19–25)
LA TROISIÈME PARTIE (11-15) + 11 Désirables – et que l’or-fin
ABONDANT
+ doux – et que le suc
plus que le miel, des rayons.
:: 12 Aussi TON SERVITEUR :: les garder
est éclairé est profit
plus que l’or, ;
par eux, ABONDANT.
············································································
- 13 Les errances, - Des cachées,
qui (les) comprend ? INNOCENTE-MOI.
············································································
:: 14 Aussi des arrogants :: qu’ils ne dominent pas :: alors je serai-parfait
préserve sur moi ;
TON SERVITEUR,
ET INNOCENTÉ
du péché
+ 15 Que soient + et le murmure – Yhwh,
agréés de mon cœur mon rocher,
les dits de ma bouche devant toi, mon rédempteur !
ABONDANT.
En nombre de membres les morceaux extrêmes sont de même taille : le premier comprend trois bimembres, le dernier deux trimembres. Le morceau central au contraire ne compte qu’un seul bimembre Dans le premier morceau les deux premiers segments sont parallèles entre eux et le troisième, commençant avec « aussi », en dit la conséquence pour celui qui se présente comme le « serviteur » du Seigneur. De manière spéculaire le troisième morceau commence lui aussi par « aussi » et contient dans son premier membre le même « ton serviteur ». Les deux segments sont complémentaires : alors qu’en 12 le psalmiste se situe par rapport aux « jugements » de Dieu, en 14 il demande d’être préservé des « arrogants » qui l’entraineraient au « péché ». Le même « abondant » qualifie d’un côté le « profit » qu’il y a à garder la Loi, de l’autre il qualifie le « péché » d’arrogance. Le deuxième trimembre est de type AA’B, les deux premiers membres mettant en parallèle « les dits de ma bouche » et « le murmure de mon cœur », le troisième membre étant une apostrophe. Ce dernier segment est complémentaire du premier : en effet, le psalmiste demande à Dieu d’agréer ses paroles (15) comme lui-même se délecte des paroles de la Loi divine (11). Au centre, comme il arrive souvent dans cette position, une question (13a) ; celle-ci est suivie par une demande (13b), où « cachées » qualifie « errances ». « Abondant » revient en 11b.12b.14c, « innocente-moi » (13b) annonce « innocenté » de 14c.
La première sous-section : le psaume 19
249
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maître de chant. Psaume. De David.
2 3
Les cieux racontent la gloire de DIEU le jour au jour en publie le RÉCIT
et les œuvres de ses mains l’annonce le firmament ; et la nuit à la nuit transmet la connaissance.
·························································································································· 4 5
Point de RÉCIT et point de PAROLES, sur toute la terre en sortent les LIGNES
sans que s’entende leur VOIX ; et jusqu’à l’extrémité du monde leurs MOTS.
·························································································································· 6 Pour le soleil il mit une tente en eux, et lui comme un époux sortant de son pavillon, se réjouit comme un héros de courir le sentier. 7
À l’extrémité des cieux (il a) sa sortie et rien N’EST CACHÉ à sa chaleur.
et son parcours jusqu’à leurs extrémités,
8
La Loi de YHWH est PARFAITE, le témoignage de YHWH est véridique, 9 Les préceptes de YHWH sont droits,
faisant-revenir l’âme ; rendant-sage le simple. réjouissant le CŒUR.
·························································································
Le commandement de YHWH est limpide, 10 la crainte de YHWH est pure, Les jugements de YHWH sont loyauté, 11
Désirables plus que l’or, doux plus que le miel, 12 Aussi ton serviteur est éclairé par eux,
illuminant les yeux ; demeurant à jamais. ils sont-justes toujours.
et que l’or-fin abondant ; et que le suc des rayons. les garder est profit abondant.
···································································································· 13
Les errances, qui les comprend ?
Des CACHÉES innocente-moi.
···································································································· 14
Aussi des arrogants préserve ton serviteur, qu’ils ne dominent pas sur moi ; alors je SERAI-PARFAIT et innocenté du péché abondant. 15
Qu’ils soient agréés les DITS de ma bouche YHWH, mon rocher, mon rédempteur !
et le MURMURE de mon CŒUR devant toi,
Au nom de « Dieu » (’ēl) au début (2) répond celui de « Yhwh » à la fin (15), faisant inclusion ; ce même nom revient dans chacun des six segments de la partie centrale (8-10). Aux deux occurrences de « récit » dans la première partie (’ōmer, 3-4, avec les synonymes, « paroles », « voix », « lignes » et « mots » en 4-5), répond « dits » (’imrê, de même racine que ’ōmer, accompagné de « murmure » en 15). Au début il s’agit de la parole de Dieu, à la fin de celle du psalmiste. « Cacher » à la fin de la première partie (7) trouve un écho avec « errances [...] cachées » au centre de la dernière partie (13). La partie centrale est reliée à la troisième par « parfaite » (8) et « je seraiparfait » (14). « Cœur » revient en 9 et 15. En outre, « pure » (10) est un synonyme de « innocenté » (13.14). Enfin, « illuminer » (9b) est un synonyme de « éclairer » (12).
250
La deuxième section (Ps 19–25)
CONTEXTE PLUS QUE L’OR, PLUS QUE LE MIEL Les deux dernières parties ont un certain nombre de points communs avec le Ps 119. Toute la partie centrale est un éloge de la Loi, comme l’ensemble du Ps 119. En effet, 9b renvoie à 119,130 : « L’ouverture de ta parole illumine, faisant comprendre aux simples », ce qui rappelle aussi 119,105 : « Lampe pour mes pieds ta parole, et lumière pour mon sentier ». Au début de la dernière partie, 11a rappelle 119,127 : « C’est pourquoi j’aime tes commandements, plus que l’or et l’or fin » et 11b renvoie à 119,103 : « Combien est doux à mon palais ton dire, plus que le miel à ma bouche ». Or et miel se retrouvent aussi dans le Cantique des Cantiques, l’or dans la description du bien-aimé : « Sa tête d’or, d’or pur » (Ct 5,11), « ses jambes des colonnes d’albâtre, posées sur des bases d’or pur » (15) ; le miel pour sa compagne : « Du miel-vierge distillent tes lèvres, ô fiancée, miel et lait dessous ta langue » (4,11), « Je viens dans mon jardin, ma sœur, fiancée, je récolte ma myrrhe avec mon baume, je mange mon rayon avec mon miel » (5,1). « L’ÉPOUX » ET LE « RÉDEMPTEUR » Le dernier mot du psaume, gō’ēl, renvoie à « époux » (6a), car il désigne le plus proche parent d’une veuve sans enfant qui est tenu de l’épouser pour susciter une descendance au défunt. Ainsi de Booz qui épousa Ruth, laquelle engendra Obed, grand-père de David. Le Seigneur se présente lui-même comme celui qui a droit de rachat et qui épousera son peuple (Is 54,1-8). RM 10,18 Paul cite le début du verset 5 dans sa Lettre aux Romains : 17
Ainsi la foi nait de la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ. Or je demande : n’auraient-ils pas entendu ? Et pourtant « leur voix a retenti par toute la terre et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde » (Rm 10-17-18)7.
18
INTERPRÉTATION Dire que le psaume juxtapose deux poèmes distincts et différents n’explique en rien pourquoi ils ont été mis ensemble. C’est là un bel exemple de la caractéristique fondamentale de la rhétorique biblique : l’énigme, qui peut se manifester en deux « lois », la binarité et la parataxe. Le psaume en effet comprend deux éléments apparemment hétérogènes qui sont simplement juxtaposés, leur rapport étant caché. Ici l’énigme peut se formuler ainsi : quel peut bien être le rapport 7
Voir les pages lumineuses de P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 165-167.
La première sous-section : le psaume 19
251
entre la création et la Loi ? Ou encore, quel est le rapport entre la parole de Dieu et celle de l’homme ? « LES CIEUX RACONTENT LA GLOIRE DE DIEU » Personne ne saurait nier que la contemplation du ciel, du ciel étoilé, ne suscite chez l’homme émerveillement et étonnement. Personne cependant n’a jamais perçu la moindre « parole », le moindre « récit » venus des cieux ; la seule chose que l’on puisse entendre ce sont les « mots » d’admiration de ceux qui les contemplent. Ce sont les hommes « sur toute la terre » qui « racontent la gloire de Dieu », qui « annoncent les œuvres de ses mains ». Ce sont eux qui ont cru au Dieu créateur et qui en parlent. « Les cieux sont les cieux du Seigneur, mais la terre il l’a donnée aux fils d’Adam » (Ps 115,16). « LA LOI DU SEIGNEUR EST PARFAITE » Il en va de même de la Tora. Ce que les fils d’Israël ont entendu venant du mont Sinaï, ce n’était que la « voix » du tonnerre (Ex 19,16 ; 20,18-19). Les paroles de la « Loi », ses « préceptes » et ses « jugements », ils les ont entendus et recueillis de la bouche de Moïse. Ils ont cru Moïse qui leur disait transmettre les paroles que lui-même avait entendues de la bouche de Dieu. Les mots conservés par le peuple d’Israël ne sont pas ceux qui furent écrits par le doigt du Seigneur lui-même sur la pierre (Ex 24,12 ; 31,18 ; 32,15-16), ces tables qui furent ensuite brisées (32,19), ce sont ceux que, sur l’ordre de Dieu, Moïse écrivit sur des tables de pierre semblables aux premières (Ex 34,27-28). LE SOLEIL DE LA LOI ILLUMINE De toutes les créatures des cieux, seul « le soleil » est mentionné, longuement. Comme lui, la Loi du Seigneur « illumine » (9b) et les serviteurs de Dieu en sont « éclairés » (12). Comme le soleil parcourt tout l’espace et rythme le temps jour après jour, de même la Loi, « toujours » et « à jamais » (10). Comme « l’époux » du Cantique elle est plus désirable que l’or le plus fin, comme sa bien-aimée elle est plus douce que le miel. Ainsi le psalmiste ne pouvait mieux dire son amour de la Loi qu’en reprenant le langage de l’alliance entre Dieu et les hommes. LES ERRANCES CACHÉES De manière inattendue, à partir du centre de la dernière partie le psaume bascule de la louange dans la supplication. C’est que la lumière du soleil n’atteint pas les profondeurs du cœur de l’homme et pas davantage celle de la Loi. Il est des « errances » qui lui restent « cachées » et qu’il est incapable de comprendre. Comme dans le Ps 119, où le juste est constamment confronté aux « arrogants », ceux qui n’obéissent pas aux préceptes du Seigneur (21 : « Tu menaces les arrogants maudits, les s’égarant loin de tes commandements »), qui raillent le
252
La deuxième section (Ps 19–25)
juste et le persécutent pour sa fidélité à la Loi (51.69.78.122), jusqu’à creuser des fosses pour lui (85). Si le psalmiste supplie le Seigneur de le purifier de ses errances cachées, c’est sans doute aussi qu’il réclame d’être préservé de l’arrogance qui pourrait se cacher dans son cœur, ce qui serait le plus grand « péché ». C’est pourquoi il conclut sa prière en demandant que les « dits » de sa « bouche » ne soient pas différents du « murmure » de son « cœur ».
II. LE SEIGNEUR SAUVE TOUS LES HOMMEMS
La deuxième sous-section : Ps 20–24 Cette sous-section comprend trois séquences : LE SECOURS Le roi DE RETOUR
DU SANCTUAIRE
POUR TOUS LES ENNEMIS
est sauvé
de la mort
AU TEMPLE
AVEC TOUS LES CHERCHANT
DU ROI
Ps 20–21 Ps 22
DIEU
Ps 23–24
A. LE SECOURS DU SANCTUAIRE POUR TOUS LES ENNEMIS DU ROI La première séquence : Ps 20–21 SUPPLICATION
ET ACTION DE GRÂCE
POUR LE ROI
Ps 20
ACTION DE GRÂCE
ET SUPPLICATION
POUR LE ROI
Ps 21
1. LE PSAUME 20 TEXTE 1 Au maître de chœur, psaume de David. 2 Qu’il te réponde Yhwh au jour de l’angoisse, que te protège le Nom du Dieu de Jacob. 3 Qu’il envoie ton secours du sanctuaire et de Sion te soutienne. 4 Qu’il se rappelle chacune de tes offrandes et ton holocauste qu’il trouve-gras ; 5 qu’il donne à toi selon ton cœur et chacun de tes projets qu’il accomplisse. 6 Jubilons pour ton salut et au Nom de notre Dieu pavoisons. Il accomplit Yhwh toutes tes demandes. 7 Maintenant je sais qu’il sauve Yhwh son messie. Il lui répond des cieux de son sanctuaire 8 Ceux-ci dans la charrerie et ceux-là dans les avec les prouesses de salut de sa droite. 9 eux fléchissent et chevaux, mais nous, le Nom de Yhwh notre Dieu nous rappelons ; tombent, mais nous, nous nous dressons et tenons-debout. 10 Yhwh, sauve ; le roi nous répondra au jour de notre appel.
V. 2B
: « QUE TE PROTÈGE »
Le verbe est de la même racine que miśgāb, « refuge », « forteresse ». V. 4
: « QU’IL TROUVE-GRAS »
L’animal offert en holocauste devait non seulement être sans défaut mais aussi être gras, de sorte que, sous l’effet du feu, sa graisse coule sur l’autel en abondance. 6A : « JUBILONS » Comme le suivant, le verbe au cohortatif (« que nous jubilions ») est traduit pas un impératif (voir Ps 95,1 : « Allons, jubilons »). V. 6 B : « PAVOISONS
»
Au lieu de dgl (« étendard »), la Septante a lu gdl (« magnifier »). « Pavoiser » rend bien l’idée. V. 6C
: « IL ACCOMPLIT »
La Septante a traduit le verbe par un optatif, et la plupart suivent cette interprétation. Toutefois en hébreu il est possible de lire un simple inaccompli qui peut être traduit par un futur1 ou même par un présent. V. 10
: « YHWH, SAUVE ; LE ROI... »
Le TM place l’atnah avant « le roi », faisant de ce terme le sujet du verbe suivant : « le roi nous répondra ». Selon la Septante au contraire « le roi » est 1
Ainsi font Alonso Schoekel – Carniti (I, 412).
256
La deuxième section (Ps 19–25)
considéré comme le complément d’objet de l’impératif « sauve » et le segment 10ab devient un bimembre de rythme 2 x 3, alors qu’avec le découpage massorétique il est de 3 x 2.
COMPOSITION La plupart reconnaissent deux parties dans le psaume, la césure étant placée après le verset 6 : « maintenant » au début de 7 marquerait le tournant du psaume2. Certains toutefois détachent des deux parties principales le verset 10 où ils voient, en manière de conclusion une répétition de l’intercession3. Sur le critère des locuteurs, Lorenzin distingue trois parties, le verset 7 constituant la partie centrale. Après le titre (1), le psaume compte cinq parties (2 ; 3-5 ; 6-7b ; 7c-9 ; 10). LA PREMIÈRE PARTIE (2) + 2 QU’IL TE RÉPONDE + QUE TE PROTÈGE
Yhwh le Nom
au jour du Dieu
de l’angoisse, de Jacob.
Les deux membres commencent avec un jussif suivi de son sujet, « Yhwh » développé en trois termes dans le second membre. Le premier membre s’achève par un complément de temps, « au jour de l’angoisse ». Ce double souhait est adressé à un personnage anonyme dont on comprendra plus tard qu’il s’agit du « messie » du Seigneur (7b). LA DEUXIÈME PARTIE (3-5) = 3 Qu’il envoie = et de Sion
ton secours te soutienne.
du sanctuaire
.. 4 Qu’il se rappelle .. et ton holocauste
CHACUNE
qu’il trouve-gras ;
de tes offrandes (selâ)
– 5 qu’il donne – et CHACUN
à toi de tes projets
selon ton cœur, qu’il accomplisse.
Chacun des trois segments commence par un jussif auquel fait écho un autre jussif à la fin des seconds membres. Dans les deux premiers segments « Sion » correspond à « sanctuaire », « tes offrandes » à « ton holocauste », jouant le rôle de termes médians ; dans le dernier, « tes projets » renvoie à « selon ton cœur », 2 3
Girard, I, 391 ; Vesco, 214-215. Kraus, I, 278 ; Ravasi, I, 374 ; Hakham, I, 104
Le psaume 20
257
le cœur étant le siège de la volonté, donc des projets. « Chacun(e) » se retrouve dans les deux derniers membres. Les deux derniers segments explicitent et développent le premier : le psalmiste souhaite d’abord que Dieu se rappelle les sacrifices que le roi a offerts par le passé, puis qu’il fasse réussir ses projets pour l’avenir. LA TROISIÈME PARTIE (6-7B) :: 6 Jubilons :: et au Nom + Il accomplit :: 7 Maintenant :: qu’il SAUVE
pour ton SALUT DE NOTRE DIEU
pavoisons.
YHWH
toutes tes demandes.
je sais YHWH
son messie.
Dans les bimembres extrêmes, qui sont de même rythme (2 + 3), « il sauve » renvoie à « ton salut » et « Yhwh » à « au Nom de notre Dieu ». Les deux segments sont à la première personne, du pluriel au début mais au singulier à la fin. Pris en lui-même, le premier membre est ambigu : il peut être compris comme adressé encore au roi (qui est sauvé) ou au Seigneur (qui le sauve). Le contexte conduit à privilégier la première solution : en effet, les deux parties précédentes sont adressées au roi et de même le verset suivant. Le premier segment présente donc le salut comme celui dont bénéficie le roi, tandis que le dernier segment dit clairement qui en est l’auteur. L’unimembre central (6c) articule les deux autres segments : il donne la raison pour laquelle nous « jubilons », il prépare la constatation de 7. LA QUATRIÈME PARTIE (7C-9) = 7c Il lui répond = avec les prouesses : 8 Ceux-ci .. mais nous, 9
: eux .. mais nous,
des cieux de salut
de son sanctuaire de sa droite.
dans la charrerie le Nom de Yhwh
et ceux-là notre Dieu
fléchissent nous nous dressons
et tombent, et tenons-debout.
dans les chevaux, nous rappelons ;
Dans le premier segment le « salut » ne vient que du Seigneur : « des cieux de son sanctuaire », des « prouesses » de « sa droite ». Dans les deux segments suivants, qui sont construits en parallèle, ce en quoi les païens mettent leur confiance est opposé à celui en qui ceux qui parlent se fient (8), ce qui provoque des résultats en tous points opposés (9).
258
La deuxième section (Ps 19–25)
LA CINQUIÈME PARTIE (10) + 10 Yhwh, = Le roi = au jour
SAUVE ! NOUS RÉPONDRA
de notre appel.
Le trimembre est de type ABB’. Le psalmiste demande d’abord à Dieu de « sauver » le roi (10a). Ainsi, « le roi » pourra « répondre » à son peuple, c’est-àdire le sauver (10b) quand il fera appel à lui (10c). L’ENSEMBLE DU PASSAGE 1
Au maître de chœur,
psaume
de David.
+ 2 QU’IL TE RÉPONDE + que te protège
YHWH
AU JOUR
LE NOM
DU
ton SECOURS te soutienne.
DU SANCTUAIRE
.. 4 QU’IL SE RAPPELLE .. et ton holocauste
chacune qu’il trouve-gras ;
de tes offrandes (pause)
– 5 qu’il donne – et chacun
à toi de tes projets
selon ton cœur QU’IL ACCOMPLISSE.
: 6 Jubilons : et AU NOM
DE NOTRE DIEU
pavoisons.
YHWH
toutes tes demandes.
je sais YHWH
SON MESSIE.
des cieux de SALUT
de sa droite.
= 3 Qu’il envoie = et de Sion
IL ACCOMPLIT 7
= Maintenant = qu’il SAUVE = IL LUI RÉPOND = avec les prouesses
DIEU
de l’angoisse, DE JACOB.
pour ton SALUT
DE SON SANCTUAIRE
: 8 Ceux-ci .. mais nous,
dans la charrerie
et ceux-là
dans les chevaux,
LE NOM DE YHWH
NOTRE DIEU
NOUS RAPPELONS ;
: 9 eux .. mais nous,
fléchissent nous nous dressons
et tombent, et tenons-debout.
+ 10 YHWH, + LE ROI + AU JOUR
SAUVE ! NOUS RÉPONDRA
de notre appel.
Le psaume 20
259
Les parties extrêmes sont de la mesure d’un segment, bimembre au début (2) trimembre à la fin (10) ; y sont repris « Yhwh », « répondre » et « au jour ». Dans la première partie, deux souhaits sont adressés à un personnage anonyme qui est appelé « le roi » dans la dernière partie. Alors qu’au début c’est le Seigneur qui est appelé à répondre à la prière du roi, à la fin c’est le roi sauvé par Dieu qui répondra à l’appel au secours de son peuple. Plus développées, les deuxième et avant-dernière parties comprennent trois bimembres organisés selon le même schème ABB’. « Du sanctuaire » (3a) et « de son sanctuaire » (7c) jouent le rôle de termes initiaux ; « secours » (3a) est un synonyme de « salut » (7d). Les deux verbes de la racine « rappeler » (4a.8b) ne reviennent que dans ces parties. À la suite de « secours » (3a), les termes « salut » – « sauver » reviennent en 6a.7b.7d.10a. « Répondre » est repris trois fois, une fois au début de chaque versant (2a.7c) ainsi qu’à la fin (10b). À « son messie » à la fin de la partie centrale (7b) répond « le roi » dans la dernière partie (10b). « Accomplir » à la fin de la deuxième partie (5b) est repris au centre de la partie centrale (6c). À « le Nom du Dieu de Jacob » dans la première partie (2b) fait écho « au Nom de notre Dieu » dans la partie centrale (6b) et « le Nom de Yhwh notre Dieu » dans l’avant-dernière partie (8b).
CONTEXTE LE DIEU DE JACOB Au début de son voyage pour prendre femme chez son oncle Laban, le Dieu d’Abraham et d’Isaac apparait en songe à Jacob et lui promet de l’assister. Au réveil Jacob promet que, s’il sera avec lui, Yhwh sera son Dieu (Gn 28,10-22). CHARRERIE ET CHEVAUX Plusieurs textes opposent la confiance mise dans la force et dans les armes et celle mise dans le Seigneur (par ex., Ps 33,16-19 ; 44,7-9 ; 147,10-11) ; c’est surtout dans le récit du passage de la mer que chars et chevaux de l’Égypte sont mentionnés le plus souvent (Ex 14,9.17-18.23.25.26.28) comme la force qui ne pourra rien contre la main du Seigneur. INTERPRÉTATION UNE LONGUE PRIÈRE POUR UN INCONNU Tout le premier versant du psaume est une prière qui ne comprend pas moins de huit souhaits. La chose étrange est que ceux-ci sont adressés à un personnage que rien ne permet d’identifier. Il faudra attendre d’avoir dépassé le centre du psaume, pour entendre, au tout dernier mot de la partie centrale, qu’il s’agit du
260
La deuxième section (Ps 19–25)
roi. Celui qui entend cette longue invocation est plongé sans préavis comme en plein milieu d’une scène qui a déjà commencé, comme s’il devait prendre le train en marche. En effet, si le premier mot est « Qu’il te réponde », c’est que le personnage dont il est question avait demandé quelque chose, qu’il avait prié « au jour de l’angoisse ». Celui qui prie le psaume est ainsi entrainé à se joindre à une intercession pour quelqu’un qu’il ne connait pas encore, mais qui, à l’évidence, a grand besoin du « secours » de Dieu. AU NOM DE TOUT LE PEUPLE On l’a dit : tout au long des huit souhaits du premier versant, on ne sait pas pour qui est prononcée la supplication. Or on ne sait pas davantage qui la prononce. C’est seulement à la fin de la deuxième partie qu’on apprendra qu’il s’agit d’une première personne du singulier : « Maintenant, je sais ». Mais cet individu s’adresse à tout le peuple, quand il l’invite à « jubiler » et à « pavoiser ». Il parle en son nom quand il dit à la fin : « le roi nous répondra au jour de notre appel ». Il est bien difficile de savoir quelle est cette personne : un prophète, un prêtre, le coryphée ? Ce qui est certain en revanche, c’est que c’est chacun des lecteurs : reprenant les paroles du psalmiste, il dit sa confiance dans le Seigneur qui sauve son peuple quand il l’invoque, encore aujourd’hui. « LE NOM DU SEIGNEUR » Le Nom du Seigneur est invoqué par trois fois, comme si le psalmiste ne se lassait pas du plaisir de le prononcer encore et toujours. C’est d’abord « le Dieu de Jacob », ce qui n’est pas une manière de se mettre à distance comme s’il s’agissait du Dieu d’un autre ; bien au contraire, c’est la meilleure façon de se situer dans une lignée, dans la filiation de tout un peuple, des fils d’Israël, fils d’Isaac, fils d’Abraham. À l’intérieur du « nous » par lequel commence la partie centrale, « le Nom du Dieu de Jacob » ne pouvait qu’être appelé « le Nom de notre Dieu » (6b) et la troisième fois son nom propre est ajouté à la formule pour qu’elle soit complète : « le Nom de Yhwh notre Dieu » (8b). « LE ROI NOUS RÉPONDRA » Selon le texte hébreu, le dernier verset crée la surprise. Les anciennes versions au contraire ont émoussé sa pointe : « Seigneur, sauve le roi ; tu nous écouteras au jour où nous t’appellerons ». Au début des deux versants du psaume, c’était le Seigneur qui répondait au roi (3a.7c), maintenant c’est le roi qui répond aux appels de son peuple. Comme si le salut de Dieu consistait à investir le roi de sa propre puissance pour qu’il soit en mesure de sauver son peuple.
2. LE PSAUME 21 TEXTE 1 Au maître de chœur, psaume de David. 2 Yhwh dans ta force se réjouit le roi et dans ton salut comme il exulte beaucoup ! 3 Le désir de son cœur tu lui as donné et la requête de ses lèvres point ne l’as empêchée. selâ 4 Oui, tu le préviens de bénédictions de bonheur, tu mets sur sa tête une couronne d’or-fin. 5 La vie qu’il a demandé de toi tu lui as donnée, longueur de jours toujours et à jamais. 6 Grande sa gloire dans ton salut, splendeur et honneur tu as placés sur lui. 7 Oui, tu lui mets des bénédictions à jamais, tu le fais jouir de joie avec ta face. 8 Oui, le roi se fie en yhwh et dans la fidélité du Très-Haut point ne chancellera. 9 Que trouve ta main tous tes ennemis, que ta droite trouve tes haïssant. 10 Tu les mettras comme four de feu, au temps de ta face. Yhwh dans sa colère les engloutira, et les mangera le feu. 11 Leur fruit de la terre tu anéantiras, et leur semence parmi les fils de l’adam. 12 Quand ils inclineront contre toi un mal, qu’ils penseront un projet, point ne réussiront. 13 Quand tu les mettras de dos, tes cordes tu ajusteras contre leurs faces. 14 Élève-toi, Yhwh, dans ta force : nous chanterons et psalmodierons ta prouesse.
V. 10
: « TU LES METTRAS COMME FOUR DE FEU... »
Le verset fait difficulté, d’abord à cause de « au temps de ta face » que Dahood interprète comme « au temps de ta fureur »1. En Ps 34,16-17 « la face de Yhwh contre les faisant le mal » est mise en parallèle avec « les yeux de Yhwh pour les justes » : alors que « les yeux » sont clairement pour le bien, « la face » est pour le châtiment. Plusieurs font de « Yhwh » une apostrophe placée après « ta face »2. Il est préférable de suivre la division du texte massorétique. V. 13
: « QUAND TU LES METTRAS DE DOS... »
Le premier membre signifie : quand tu les mettras en fuite. Quant au second membre, il pourrait sembler contredire le premier : en effet, comment frapper « les faces » de ceux qui tournent « le dos » à celui qui le poursuit ? C’est que ‘al-penêhem n’est pas à prendre au sens littéral, mais signifie simplement « contre eux ». À noter que « leurs faces » répond à « ta face » de 7b. Les « cordes » sont celles de l’arc.
COMPOSITION À voir les différentes opinions, il appert que le statut et la fonction des versets 8 et 14 font problème. Le verset 8 est placé soit à la fin de la première partie3, 1
M. DAHOOD, « Fury », Bib 51 (1970) 399-400 ; Dahood, I, 130. Par ex., Dahood, I, 130 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 419 ; Lorenzin, 92. 3 Clifford, 119 ; M. CIMOSA, Mia luce e mia salvezza è il Signore : commento esegeticospirituale dei Salmi (Salmi 1-50), 183-184. 2
262
La deuxième section (Ps 19–25)
soit au début de la deuxième4, soit même au centre de la construction5. Pour d’autres, 8 et 14 concluent chacune des deux parties du psaume6. Le psaume s’organise en deux parties de même longueur (2-8 ; 9-14). LA PREMIÈRE PARTIE (2-8) + 2 YHWH, + et DANS TON SALUT : 3 Le désir : et la requête 4
: Oui, tu l’as prévenu : TU AS MIS
dans ta force comme il exulte
SE RÉJOUIT
de son cœur de ses lèvres
TU LUI AS DONNÉ POINT NE l’as empêchée.
de bénédictions sur sa tête
de bonheur, une couronne
LE ROI
beaucoup ! selâ d’or-fin.
···················································································································
– 5 La vie – longueur
qu’il a demandée de jours
de toi toujours
TU LUI AS DONNÉE, et À JAMAIS.
··················································································································· sa gloire DANS TON SALUT,
+ 6 Grande + splendeur 7
: Oui, TU LUI AS MIS : tu l’a fait jouir 8
: Oui, LE ROI : et avec la fidélité
et honneur
tu as placés
des bénédictions
À JAMAIS,
DE JOIE
avec ta face.
se fie du Très-Haut
en YHWH POINT NE chancellera.
sur lui.
Dans le premier morceau le second segment (3) dit la raison pour laquelle « se réjouit le roi » (2) ; commençant par « oui », le troisième segment, va plus loin encore, car avant que le roi lui ait rien demandé, le Seigneur l’avait prévenu de ses dons. Le dernier morceau est de facture semblable : le premier segment est suivi par deux autres qui, commençant par « oui », explicitent ou détaillent la « gloire », « splendeur et honneur » du « salut » de Dieu. Ces deux segments semblent se correspondre de manière spéculaire : les « bénédictions à jamais » (7a) causent la « joie » du roi (7b), « la fidélité du Très-Haut » (8b) est la raison pour laquelle « le roi se fie en Yhwh » (8a). Les morceaux extrêmes sont ainsi parallèles entre eux. « Dans ton salut » revient dans les premiers segments (2b.6a) ; les deux occurrences de « bénédictions » et de « tu as mis » se trouvent après le premier « oui » (4.7). Les deux occurrences de « le roi » jouent le rôle de termes extrêmes (2a.8a) et « joie » de 7b rappelle « se réjouit » de 2a.
4
Hakham, I, 109 ; Girard, 400-401. Alonso Schoekel – Carniti, I, 422 ; Lorenzin, 112 ; Vesco, 220. 6 Kraus, I, 284 ; Beaucamp, I, 105-106 ; deClaissé-Walford – al., 222-225. 5
Le psaume 21
263
Le morceau central (5) est de la taille d’un bimembre : son premier membre renvoie au deuxième segment du morceau précédent (3) avec la reprise de « tu lui as donné(e) » et son second membre annonce le deuxième segment du morceau suivant (7) avec la reprise de « à jamais ». « Désir » et « requête » (3) « demander » (5a) et « placer sur » (6b), ainsi que « mettre » (4b.7a) appartiennent au même champ sémantique. LA DEUXIÈME PARTIE (9-14) + 9 Que trouve + que ta droite
ta main trouve
tous tes ennemis, tes haïssant.
+ 10 TU LES METTRAS + au temps
comme four de ta FACE.
de feu,
dans sa colère le feu.
les engloutiras
:: YHWH = et les mangera
·······························································································
– 11 Leur fruit – et leur semence
de la terre parmi les fils
tu anéantiras, d’adam.
·······························································································
+ 12 Quand ils inclineront + qu’ils penseront
contre toi un complot,
un mal, point ne réussiront.
+ 13 Quand TU LES METTRAS + tes cordes
de dos, tu ajusteras
contre leurs FACES.
YHWH, et psalmodierons
dans ta force : ta prouesse.
14
:: Élève-toi, = nous chanterons
Le premier morceau est de type AA’B : les deux premiers segments sont adressés à une deuxième personne du singulier, le troisième est de récit, à la troisième personne. Les deux derniers segments sont unis par la reprise de « feu ». Le deuxième segment (10) précise ce que signifie le verbe « trouver » du premier, c’est-à-dire la destruction par le feu. La composition du troisième morceau est semblable à celle du premier. Les deux premiers segments, qui commencent avec kî, traduit ici par « quand », annoncent tous deux la défaite des ennemis. Le troisième segment se distingue des précédents, car son premier membre est à l’impératif et son deuxième à la première personne du pluriel. Les morceaux extrêmes se correspondent donc en parallèle. Les seconds segments commencent avec « tu les mettras » et s’achèvent avec « ta face » et « leurs faces ». Leurs segments finaux, qui se distinguent des deux précédents, ont en commun le nom de « Yhwh » dans leur premier membre, et aussi le fait que leur second membre exprime la conséquence du premier membre. De la taille d’un bimembre le morceau central (11) n’a aucun lexème commun avec les autres.
264
La deuxième section (Ps 19–25)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Au maître de chœur,
psaume
de David.
+ 2 YHWH, + et dans ton salut
DANS TA FORCE comme il exulte
se réjouit beaucoup !
+ 3 Le désir + et la requête
de son cœur de ses lèvres
POINT NE
de bénédictions sur sa tête
de bonheur, une couronne
: 4 Oui, tu l’as prévenu : TU AS MIS
le roi
tu lui as donné l’as empêchée. d’or-fin.
················································································································
– 5 La vie – longueur
qu’il a demandée de jours
de toi toujours
tu lui as donnée, et à jamais.
················································································································ 6
+ Grande + splendeur
sa gloire et honneur
dans ton salut, tu as placés
: Oui, TU LUI AS MIS : tu l’as fait jouir
des bénédictions de joie
à jamais, avec TA FACE.
: 8 Oui, le roi : et dans la fidélité
se fie du TRÈS-HAUT
en YHWH POINT NE
+ 9 Que trouve + que ta droite
ta main trouve
tous tes ennemis, tes haïssant.
+ 10 TU LES METTRAS + au temps
comme four
de feu,
DE TA FACE.
7
:: YHWH = et les mangera
dans sa colère le feu.
sur lui.
chancellera.
les engloutira
················································································································
– 11 Leur fruit – et leur semence
de la terre parmi les fils
tu anéantiras, d’adam.
················································································································ 12
+ Oui, ils inclineront + ils penseront 13
+ Oui, TU LES METTRAS + tes cordes 14
:: Élève-toi, = nous chanterons
contre toi un complot,
POINT NE
un mal,
de dos, tu ajusteras
contre LEURS FACES.
YHWH, et psalmodierons
DANS TA FORCE : ta prouesse.
réussiront.
La première partie est une louange à Yhwh pour les « bénédictions » qu’il a accordées au roi, la deuxième est une série de vœux adressés au roi, et donc à Dieu, regardant le sort de ses ennemis. Chaque partie compte sept bimembres
Le psaume 21
265
organisés de manière concentrique. Le fait le plus saillant est que leurs morceaux centraux s’opposent : alors que le verset 5 traite du don de la vie que le Seigneur fait au roi pour « toujours et à jamais », c’est-à-dire non seulement pour luimême mais aussi pour sa descendance, le verset 11 annonce que la semence de ses ennemis sera anéantie. Les deux occurrences de « Yhwh, dans ta force » font inclusion (2.14). Kî, traduit partout maintenant par « oui », se retrouve trois fois dans la première partie (4.7.8) et deux fois dans la deuxième (12.13). La négation traduite par « point » se trouve en fin de segments aussi bien dans la première partie (3.8) que dans la deuxième (12). « Mettre » revient en débuts de membres deux fois dans la première partie (4.7) et deux fois dans la seconde (10.13), accompagné par « face(s) » en fin de segments (7.10.13). La première partie est adressée à « Yhwh » dont le nom est prononcé en apostrophe dès le premier mot. Quant à la deuxième partie, il est clair que le psalmiste parle de « Yhwh » en 10cd et qu’il s’adresse à lui dans le dernier verset. En revanche, il est bien difficile de déterminer à qui il parle en 9-10 et en 12-13, et aussi au centre en 11 : ce peut être le roi, mais ce peut être aussi le Seigneur7. Il se pourrait que l’ambiguïté soit voulue. Les segments finaux des morceaux extrêmes (10cd.14) peuvent être compris comme levant l’ambiguïté en faveur de Dieu, mais on peut interpréter tout aussi bien que, à travers les actions du roi, c’est son Seigneur qui agit. CONTEXTE DAVID DEMANDE QUE SA MAISON SUBSISTE À JAMAIS Après que le prophète Nathan a transmis à David les paroles du Seigneur qui lui promet de lui bâtir une maison, le roi adresse une longue prière à Dieu qui s’achève par cette requête : Consens donc à bénir la maison de ton serviteur, pour qu’elle demeure toujours en ta présence. Car c’est toi, Seigneur Yahvé, qui as parlé, et par ta bénédiction la maison de ton serviteur sera bénie à jamais (2S 7,29).
LA DESCENDANCE D’AMALEQ SERA ÉRADIQUÉE Amaleq est l’ennemi par excellence qui a voulu détruire Israël ; ce peuple devra donc être détruit jusque dans sa descendance : 17
Rappelle-toi ce que t’a fait Amaleq quand vous étiez en chemin à votre sortie d’Égypte. 18 Il vint à ta rencontre sur le chemin et, par derrière, après ton passage, il attaqua les éclopés ; quand tu étais las et exténué, il n’eut pas crainte de Dieu. 7
La plupart des auteurs relèvent la difficulté. Pour les uns, la partie est adressée à Dieu (Weiser, 215 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 424 ; Lorenzin, 113), pour les autres c’est le roi qui en est le destinataire (Kraus, I, 284 ; Ravasi, I, 292 ; Vesco, 220 ; deClaissé-Walford – al., 225).
266
La deuxième section (Ps 19–25)
19
Lorsque le Seigneur ton Dieu t’aura établi à l’abri de tous tes ennemis alentour, au pays que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage pour le posséder, tu effaceras le souvenir d’Amaleq de dessous les cieux. N’oublie pas ! (Dt 25,17-19 ; voir aussi Ex 17,14-16 ; Nb 24,20).
LA MAIN DE MOÏSE ET LA MAIN DU SEIGNEUR Ce fut par « la main » de Moïse que le Seigneur ouvrit la mer pour laisser passer son peuple et qu’il la referma pour engloutir les Égyptiens et ainsi « se glorifier contre Pharaon et toute son armée » (Ex 14,16.21. 26.27). À la fin du récit du passage de la mer, le peuple reconnait que, à travers la main de Moïse, c’était celle de Dieu qui avait agi : « Israël vit la main grande que fit Yhwh avec les Égyptiens ; et le peuple craignit Yhwh et ils crurent en Yhwh et en Moïse son serviteur » (31)8.
INTERPRÉTATION « LA FORCE EST À DIEU » (PS 62,12) « Gloire », « splendeur et honneur » dont est revêtu le roi ne lui viennent pas de ses mérites, mais du seul Dieu. Tout est don, sa propre vie et celle de ses successeurs, toutes les bénédictions qui lui ont été accordées, avant même qu’il ait songé à rien demander, tout cela lui a été « donné » gratuitement. Rien de ce qu’il a demandé ne lui a été refusé. « Le salut » qu’il a expérimenté, comme le peuple au sortir de la Mer, il ne le doit à personne d’autre que le Seigneur : « Ma force et mon chant c’est le Seigneur, il fut pour moi le salut » (Ex 15,2 ; Ps 118,14). Et c’est pourquoi, comme un fils comblé par son père, « il se réjouit » et « exulte beaucoup ». LE ROI EST REVÊTU DE LA FORCE DE DIEU C’est évidemment le Seigneur qui donnera au roi la victoire sur ses ennemis : « Yhwh dans sa colère les engloutira » (10c), mais il est tout aussi évident que c’est à travers les actions du roi qu’il accomplira le salut. Comme avec Moïse, « la main » de Dieu agit par celle de son serviteur. C’est pourquoi le psaume s’achève par un appel direct au Seigneur : « Élève-toi, Yhwh, dans ta force », et tout le peuple chantera la prouesse que fera le Seigneur, par la force dont il aura revêtu son roi. QUESTION DE FILIATION Le fait que chacune des deux parties soit focalisée sur la filiation, assurée à jamais pour le roi, anéantie pour ses ennemis, peut difficilement être le fait du 8
Voir R. MEYNET, « Le passage de la mer (Ex 14). Analyse rhétorique ».
Le psaume 21
267
hasard. Certes, le roi n’est pas appelé directement « fils de Dieu », comme dans le Ps 2, par exemple. Toutefois, dire que le Seigneur lui a donné la vie (5) n’en est pas loin. Développer de toutes les manières les dons qu’il a reçus de Dieu est une façon de laisser entendre qu’il a tout hérité de lui. Enfin, la deuxième partie, dans l’interprétation qui en a été proposée, va dans la même ligne : faisant les œuvres de Dieu, le roi agit comme son fils. Quant aux ennemis, ils subissent logiquement, le sort le plus opposé qui soit à celui du roi : non seulement, le feu les mangera, mais leur descendance est condamnée à être détruite.
268
La deuxième section (Ps 19–25) 3. LE SECOURS DU SANCTUAIRE CONTRE TOUS LES ENNEMIS DU ROI
COMPOSITION DE LA SÉQUENCE (PS 20–21) Ps 20 2
1
Au maître de chœur,
psaume de David.
Qu’il te réponde Yhwh au JOUR d’angoisse,
3
que te protège le nom du Dieu de Jacob.
4
Qu’il t’envoie ton secours du sanctuaire Qu’il se rappelle toutes tes offrandes, 5 Qu’il te DONNE selon ton CŒUR
et de Sion qu’il te soutienne. ton holocauste, qu’il le trouve gras. et tous tes projets, qu’il les accomplisse.
6
et au nom de notre Dieu pavoisons.
Jubilons pour ton SALUT, Yhwh accomplit toutes tes DEMANDES. 7 Maintenant je sais
que Yhwh SAUVE son MESSIE.
Il lui répond des cieux de son sanctuaire Aux uns les chars et aux autres les chevaux, 9 eux fléchissent et tombent,
avec les PROUESSES de SALUT de SA DROITE. mais nous le nom de Yhwh notre Dieu nous rappelons ; mais nous, nous nous dressons et tenons-debout.
8
10
Yhwh, SAUVE !
Ps 21
1
LE ROI nous répondra
Au maître de chœur,
au JOUR de notre appel.
psaume de David.
Yhwh, dans ta force LE ROI se réjouit et dans ton SALUT comme il exulte beaucoup ! Tu lui AS DONNÉ le désir de son CŒUR et la requête de ses lèvres point ne l’as empêchée. 4 Oui, tu l’as prévenu de bénédictions de bien, tu as mis sur sa tête une COURONNE d’or-fin. 5 La vie qu’il t’a DEMANDÉE tu lui AS DONNÉE, longueur de JOURS, toujours et à jamais. 6 Grande gloire dans ton SALUT, splendeur et honneur tu as placés sur lui. 7 Oui, tu lui as mis des bénédictions à jamais, tu l’as fait jouir de joie avec ta face. 8 Oui, LE ROI se fie en Yhwh et dans la fidélité du Très-Haut point ne chancellera. 2 3
9
Que ta main trouve tous tes ennemis, Tu les mettras comme four de feu, Yhwh dans sa colère les engloutira 11 Leur fruit de la terre tu anéantiras 12 Oui, ils inclineront contre toi un mal, 13 Oui, tu les mettras de dos, 14 Élève-toi, Yhwh, dans ta force : 10
que TA DROITE trouve tes haïssant. au temps de ta face. et le feu les mangera. et leur semence parmi les fils d’Adam. penseront un complot : point ne réussiront. tes cordes tu ajusteras contre leurs faces. nous chanterons et psalmodierons TA PROUESSE.
Les deux psaumes ont tant de points communs, qu’on a pu les qualifier de « frères »9 ou même de « jumeaux »10 ; formant un diptyque11, ils sont « parallèles »12. Voici d’abord le relevé des contacts lexicaux : – les titres sont identiques ; 9
D. SCAIOLA, « Una cosa ha detto Dio, due ne ho udite », 274-288. Ravasi, I, 385 ; M. MILLARD, Die Komposition des Psalters. 11 Alonso Schoekel – Carniti, I, 421. 12 S. BAZYLIŃSKI, I Salmi 20-21, chap. 5 : « Proposta di lettura unitaria dei Salmi 20–21 », 247-266. 10
Le psaume 21
269
– le nom de « Yhwh », qui fait inclusion pour chaque psaume, se trouve donc en termes médians (20,10 ; 21,2) ; ce nom revient trois autres fois dans le premier psaume (20,6b.7.8) et deux fois dans l’autre (21,8.10b) ; – les termes du champ sémantique de la royauté : « messie » (20,7), « le roi » (en termes médians : 20,10 ; 21,2 ; aussi en 21,8), « couronne » (21,4) ; – appartiennent au champ sémantique du désir « demandes – demander » (20,6b ; 21,5) « cœur » (20,5 ; 21,3), « projets » (20,5), « désir » (21,3), « requête » (21,3) ; lui correspond le champ sémantique du don, « donner » (20,5 ; 21,3.5), « accomplir » (20,5.6b) ; tous ces termes marquent les segments 20,5.6b et 21,3-5 ; – « salut » – « sauver » reviennent en 20,6.7.10 et 21,2.6 ; – « la droite » revient en 20,7b et en 21,9 ; – « prouesse(s) » de 20,7b est repris en 21,14 ; – « jour(s) » se trouve en termes extrêmes du premier psaume (20,2.10) et revient en 21,5 ; – le thème de la joie qui apparait en 20,6 avec « jubilons » et « pavoisons » revient en 21,2 avec « se réjouit » et « il exulte » et en 7 avec « tu l’as fait jouir de joie ». Les titres donnés à ces deux psaumes entendent souligner leur construction spéculaire : Ps 20 Supplication Ps 21 Action de grâce
et action de grâce et supplication
pour le roi pour le roi.
En effet tout le premier versant du Ps 20 est une longue suite de souhaits (2-5) à quoi correspond la deuxième partie du Ps 21 (9-13). Inversement, l’action de grâce commence à partir du centre du Ps 20 (6) et continue durant toute la première partie du psaume suivant (21,2-8). Le « nous » intervient à la fin de chaque psaume, dans les trois derniers versets du Ps 20 (8-10), mais seulement dans le dernier membre du Ps 21 (14b).
INTERPRÉTATION ENTOURÉ D’ENNEMIS La sous-séquence commence « au jour d’angoisse » (20,2) et elle s’achèvera avec le long combat contre les « ennemis » (21,9-14). Tel est le cadre dans lequel le roi doit affronter l’adversité. Les ennemis qui combattent avec « chars » et « chevaux » sont ceux de l’extérieur ; c’est en ces armements lourds qu’ils mettent leur confiance tandis qu’Israël ne met sa confiance que dans le nom de son Seigneur. Au début de la deuxième partie du second psaume, le psalmiste souhaite « que ta main trouve tous tes ennemis, que ta droite trouve ceux qui te haïssent ». Il n’est donc pas exclu que les ennemis de l’intérieur soient compris dans cette totalité. David en effet n’a pas seulement guerroyé
270
La deuxième section (Ps 19–25)
contre les royaumes environnants, il a dû aussi affronter ses adversaires à l’intérieur de son propre peuple. LA FOI DU ROI Dans l’angoisse où il se trouve, entouré d’ennemis, le roi se tourne vers son Dieu pour « demander » son aide (20,6b ; 21,5). Sans lui, aucun des projets de son cœur ne pourrait s’accomplir. Ses désirs, il ne les conserve pas seulement dans son cœur, il les fait monter à « ses lèvres » (21,3), il les formule pour que le Seigneur les entende. LE SALUT DE DIEU De tous les projets et tous les désirs de son cœur, nous ne savons rien en particulier. À part un seul : c’est « la vie » que le roi a demandé à Dieu (21,5). Ce qui laisse entendre que cette vie était menacée et qu’il était en péril de mort. C’est sans doute pourquoi le « salut » est évoqué avec tant d’insistance (20,6.7a.7b. 10 ; 21,2.6). Le Seigneur a sauvé son « messie » de tous ses ennemis, il a « accompli » tous ses projets, il lui a « donné » tout ce qu’il demandait. Il a même « prévenu » ses désirs en le comblant de ses « bénédictions » et en le couronnant roi sur son peuple (21,4). LE SALUT DU ROI Les deux psaumes sont dits « de David », mais ce n’est pas lui qui parle. C’est quelqu’un d’autre qui s’adresse à lui. Il faudra attendre le centre du premier psaume pour découvrir que ce personnage anonyme s’exprime en « nous », et l’on comprend qu’il parle au nom de tout le peuple. Ce « nous » sera repris à la fin du psaume, en opposition aux ennemis qui finiront par tomber, et en particulier dans le dernier segment (20,10) qui tranche, de manière inattendue, sur tout le reste des deux psaumes : partout ailleurs, il s’agit des demandes que le roi adresse à Dieu, demandes auxquelles ce dernier répond. Ici, à la fin du premier psaume — faisant en quelque sorte fonction de centre de la sousséquence13 —, c’est à son roi que le peuple fera appel, et c’est le roi qui lui « répondra » et qui le sauvera. Ainsi, c’est toujours Yhwh qui sauve (20,10a), c’est sa « prouesse » que le peuple chantera et psalmodiera (21,14), mais c’est à travers l’action du roi qu’Israël sera sauvé.
13
Voir Traité, « La fin d’une unité au centre de l’unité supérieure », 335-341.
B. LE ROI EST SAUVÉ DE LA MORT
La deuxième séquence : Ps 22 TEXTE 1
Au maitre de chant. Sur « la biche de l’aurore ». Psaume, de David. 2 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Loin de mon salut, les paroles de mon rugissement ! 3 Mon Dieu, j’appelle le jour et tu ne réponds pas et la nuit et point de repos pour moi. 4 Et toi, (tu es) le Saint, habitant les louanges d’Israël : 5 en toi se fiaient nos pères, ils se fiaient et tu les délivrais, 6 vers toi ils criaient et ils échappaient, en toi ils se fiaient et ils n’avaient-pas-honte. 7 Et moi, vermisseau et non homme, risée d’adam et mépris du peuple ; 8 tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent de leur lèvre, ils hochent la tête : 9 « Il s’est remis à Yhwh, qu’il le délivre ! qu’il le libère, puisqu’il s’est plu en lui ! » 10 Car toi tu m’as tiré du ventre, m’as mis-en-confiance sur les seins de ma mère ; 11 sur toi je fus jeté dès les entrailles, dès le ventre de ma mère, (tu es) mon Dieu, toi. 12 Ne sois pas loin de moi car l’angoisse est proche, car point de secourant ! 13 Me cernent des taureaux nombreux, de fortes-bêtes de Bashân m’encerclent ; 14 bâille contre moi leur bouche, lion lacérant et rugissant. 15 Comme l’eau je m’écoule et se disloquent tous mes os ; est mon cœur comme la cire, fondant au milieu de mes viscères ; 16 est-sèche comme un tesson ma force, et ma langue collée à ma mâchoire. Et dans la poussière de la mort tu me couches. 17 Car me cernent des chiens, une bande de vauriens m’entourent. Ils ont troué mes mains et mes pieds, 18 je compte tous mes os. Eux observent, me regardent, 19 ils partagent mes habits entre eux et sur mon vêtement ils jettent le sort. 20 Et toi, Yhwh, ne sois pas loin, ô ma vigueur, à mon secours hâte-toi. 21 Délivre de l’épée mon âme, de la main du chien, mon unique. 22 Sauve-moi de la bouche du lion, et des cornes des buffles, tu m’as répondu. 23 Je raconterai ton nom à mes frères, au milieu de l’assemblée je te louerai : 24 « Les craignant Yhwh, louez-le, toute la descendance de Jacob, glorifiez-le, redoutez-le, toute la descendance d’Israël ! » 25 Car il ne méprisa ni ne dédaigna la misère du miséreux, il n’a pas caché sa face de lui, mais, invoqué par lui, il écouta. 26 De toi ma louange dans l’assemblée nombreuse, mes vœux j’accomplirai devant ses craignant. 27 Ils mangeront les humiliés et seront rassasiés, ils loueront Yhwh ses cherchant : « Que vive votre cœur à jamais ! » 28 Se souviendront et reviendront vers Yhwh tous les lointains de la terre et se prosterneront devant toi toutes les familles des nations. 29 Car à Yhwh la royauté et il est maitre dans les nations. 30 Ils mangeront et se prosterneront tous les gras de la terre, devant lui se courberont tous les descendant à la poussière et qui son âme ne fait pas vivre. 31 Une descendance le servira, il sera raconté sur le Seigneur à la génération ; 32 ils viendront et annonceront sa justice à un peuple à naitre, car il a fait. V. 17C
: « ILS ONT TROUÉ »
Le texte hébreu dit : « comme un lion mes mains et mes pieds ». Fidèles à ce texte, certains font dépendre ces mots du verbe précédent, ce qui donnerait : « ils m’entourent comme un lion mes mains et mes pieds »1. Les corrections sont légion2. La Septante interprète le premier mot comme un verbe et traduit : « ils ont percé ». Cette lecture serait appuyée par un manuscrit de Qumran3. 1
Par ex., Hakham, I, 119 ; Tanner, 230 ; K.M. SWENSON, «Psalm 22:17: circling around the problem again». 2 Voir, par exemple, Ravasi, I, 416-417 ; Vesco, 223-224 ; B.A. STRAWN, « Psalm 22:17b: more guessing » (« ils ont lié mes mains et mes pieds »). 3 Sh. HOPKIN, « The Psalm 22:16 controversy: new evidence from the Dead Sea scrolls ».
272 V. 22
La deuxième section (Ps 19–25) : « TU M’AS RÉPONDU – RÉPONDS-MOI »
Le dernier terme du verset fait difficulté. Plusieurs suivent les versions antiques qui ont lu ‘ănîyyātî (« ma pauvre » [âme ou vie]) au lieu de ‘ănîtānî, parfait du verbe ‘ănāh (« répondre »)4. Ce parfait peut être traduit par un passé : « Tu m’as répondu »5, mais il peut aussi être considéré comme un parfait précatif, donc traduit par un impératif : « réponds-moi »6. Il se pourrait qu’on ait affaire ici à un cas de « parallélisme de Janus »7, le premier sens, « répondsmoi » étant tourné vers les impératifs qui précèdent en 20-22, le deuxième sens, « tu m’as répondu » tourné vers la suite qui en dit les conséquences (23-32). V. 30AB : « ILS ONT MANGÉ ET ILS SE PROSTERNERONT
»
En découpant diversement le premier mot, ’āklû (« ils ont mangé »), en ’āk lô (« seulement à lui »), et en supprimant le « et » devant le deuxième verbe, plusieurs traduisent : « Devant lui seul se prosterneront... »8. La correction est tentante, car le texte hébreu est bien difficile. Le terme traduit par « les gras » pose lui aussi problème à certains et c’est pourquoi les propositions de corrections sont nombreuses : on harmonise, par exemple, en lisant « ceux qui dorment dans terre » en parallélisme avec « les descendant à la poussière »9. Le texte massorétique du segment 30ab est à comprendre d’abord dans son contexte immédiat, c’est-à-dire avec le segment suivant : tous ceux qui descendent dans la poussière devront se courber devant le Seigneur, à commencer par les puissants de ce monde, ceux qui se sont engraissés en mangeant. V. 30CD
: « TOUS LES DESCENDANT À LA POUSSIÈRE »
Dans le premier membre « se courberont » correspond à « se prosterneront » dans le premier membre du segment précédent ; ainsi dans les seconds membres, « tous les descendant à la poussière » renvoie à « tous les gras de la terre », c’est-à-dire les puissants : bien que puissants, ils n’en sont pas moins destinés à mourir et leur graisse deviendra « poussière ». Le problème est de savoir si « les descendants à la poussière » sont les mortels, ceux qui sont destinés à retourner à la poussière » (Gn 3,19)10, ou si ce 4
Ainsi Alonso Schoekel – Carniti, I, 428 ; de même les traductions de BJ, Osty, Dhorme. Kraus, I, 291 ; Ravasi, I, 396 (« tu m’as exaucé ») ; Lorenzin, 94; Vesco, 224 ; deClaisséWalford – al., 231 (« depuis les cornes du buffle tu m’as répondu ») ; la TOB fait de même, mais rejette « Tu m’as répondu » comme première ligne de la strophe suivante. 6 Ainsi Hakham, I, 120. 7 Voir W.G.E. WATSON, Classical Hebrew Poetry, 159. 8 Ainsi Kraus, I, 292; Ravasi, I, 422 ; BJ, Osty. 9 Par ex. Ravasi, I, 397 10 Entre autres, Hakham, I, 123 ; F.J., DELITZSCH, Commentary on the Old Testament in ten volumes. V : Psalms, 326. 5
Le psaume 22
273
sont les morts, déjà descendus à la poussière11. L’expression est un hapax, mais il est possible de la mettre en relation avec « les descendant dans la fosse ». En Ps 88,5 le psalmiste est près de la mort, mais encore vivant : 4
Car mon âme est rassasiée de maux et ma vie est au bord du schéol ; déjà compté avec les descendant à la fosse, je suis un homme fini : 6 congédié chez les morts, pareil aux tués qui gisent dans la tombe... 5
Ailleurs il s’agit au contraire de ceux qui sont morts (Is 38,18 ; Ez 26,20 ; 32,18. 24.25.30). Mais le contexte est bien différent de celui de Ps 22,30. V. 30E : « ET QUI SON ÂME NE FAIT PAS VIVRE
»
Difficiles, les derniers mots du verset 30 sont interprétés de manières diverses, plusieurs n’hésitant pas à corriger le texte12. La Septante a compris : « Et mon âme vivra pour lui ». En suivant le texte massorétique et sa ponctuation, ce membre s’accorde avec le précédent dont il reprend le sens sous une autre forme : « ceux qui descendent à la poussière » sont ceux qui ne peuvent faire revivre leur être13. V. 31
: « UNE DESCENDANCE LE SERVIRA... »
La composition du segment aide à le mieux comprendre. Aux extrémités « descendance » et « génération » sont synonymes ; entre deux, « servir » est explicité par « il sera raconté sur le Seigneur » (ses hauts faits). Certains proposent de faire passer le verbe « ils viendront » à la fin du segment précédent, ce qui donnerait l’équivalent de « la génération qui vient ». Toutefois, les deux verbes de 32a vont ensemble : selon une construction fréquente qu’il faudrait rendre par « ils viendront annoncer ». V. 32
: « QU’IL A FAIT »
Selon le parallélisme, le dernier terme du segment kî ‘āśâ, souvent traduit par « car il a agi », est à mettre en rapport avec « sa justice », dernier terme du premier membre. COMPOSITION « La division en deux parties est évidente »14. Plusieurs sont de cet avis : la supplication (2-22) est suivie par l’action de grâce (23-32)15. Pour d’autres, ce
11 Ainsi Kraus, I, 300 ; Lorenzin, 117 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 446 ; Vesco, 236 (l’auteur note, comme beaucoup d’autres, que « Le v. 30 du Ps 22 est le seul texte de l’Ancien Testament qui affirmerait un hommage rendu à Dieu par les morts »). 12 Par ex. Vesco, 225. 13 Voir, par ex., Tanner, 232, nt. 39. 14 Alonso Schoekel – Carniti, I, 434. 15 Outre Alonso Schoekel – Carniti, Hakham, I, 114 ; Girard, I, 412; Vesco, 226.
274
La deuxième section (Ps 19–25)
sont trois parties, l’action de grâce (23-27) étant suivie par un « hymne à Yhwh roi universel » (28-32)16. Le psaume s’organise en cinq parties bien délimitées, trois parties développées (2-11 ; 13-19 ; 23-32), reliées par deux parties courtes (12 ; 20-22)17. LA PREMIÈRE PARTIE (2-11) – 2 MON DIEU, – Loin
MON
DIEU, de mon salut,
pourquoi les paroles
m’as-tu abandonné ? de mon rugissement !
– 3 MON DIEU, – et la nuit
j’appelle et point de
le jour repos
et tu ne réponds pas pour moi.
··············································································································
+ 4 ET TOI, + habitant
(tu es) le Saint, les louanges
d’Israël :
.. en toi .. ILS SE FIAIENT
SE FIAIENT
NOS PÈRES,
.. 6 vers toi .. en toi
ils criaient ILS SE FIAIENT
et ils échappaient, et ils n’avaient-pas-honte.
– 7 ET MOI, – risée – et mépris
vermisseau d’adam du peuple :
et non homme,
:: 8 tous mes voyant :: ils ricanent :: ils hochent
me bafouent, de leur lèvre, la tête :
= 9 « Il s’est remis = qu’il le libère,
à Yhwh, car il s’est plu
5
ET TU LES DÉLIVRAIS,
QU’IL LE DÉLIVRE ! en lui ! »
··············································································································
: 10 CAR TOI, : M’AS MIS-EN-CONFIANCE
tu m’as tiré sur les seins
du ventre, de MA MÈRE ;
- 11 sur toi - dès le ventre
je fus jeté de MA MÈRE,
dès les entrailles, (tu es) MON DIEU
toi.
Dans la première sous-partie les deux bimembres du premier morceau commencent avec des apostrophes presque identiques18, marquées par le pronom suffixe de première personne singulier. Dans le premier segment le psalmiste reproche à Dieu son abandon (2a), malgré son « rugissement » (2b) ; la même 16 Ravasi, I, 408-409 ; Lorenzin intercale la réponse de Dieu (22b) entre les deux premières parties (Lorenzin, 115). 17 Cette analyse rejoint celle de F. Graziano (« Il Salmo 22. La preghiera del Servo di Yhwh »). 18 D’abord ’ēlî redoublé en 2, ensuite ’ĕlōhay en 3.
Le psaume 22
275
opposition se retrouve dans le premier membre du second segment, l’appel ne trouvant pas de réponse, ni de jour (3a) ni de nuit (3b). Dans le second morceau le psalmiste oppose la situation de ses « pères » à celle dans laquelle il se trouve actuellement. Les deux derniers segment (5-6) donnent la raison des titres de Dieu dans le premier segment : Israël louait le Saint parce qu’il répondait à sa confiance. La deuxième sous-partie est parallèle à la première. C’est d’abord une longue description du mépris que le psalmiste doit subir (7-9) qui correspond de manière complémentaire à la situation de détresse du morceau symétrique : abandonné par Dieu qui ne lui répond pas (2-3), le psalmiste il est bafoué par les hommes (7-8), en ironisant sur sa confiance en Dieu qui n’est pas payée de retour (9). Le deuxième morceau commence avec « Car toi », comme le morceau symétrique commençait avec « Et toi » (4a) ; il s’agit de nouveau de confiance dans le passé, collectif avec « nos pères », personnel cette fois-ci avec « ma mère » (10b.11b). En finale, la reprise « mon Dieu » fait inclusion avec 2a. À remarquer que « Et moi » de 7a s’oppose à « Et toi » de 4a, chacun introduisant une description opposée en particulier par la « les louanges » pour Dieu et par le « mépris » pour le psalmiste ; « délivrer » revient dans ces morceaux contigus. LA DEUXIÈME PARTIE (12) + 12 Ne sois pas loin .. car l’angoisse .. car point de
de moi est proche, secourant !
Un seul trimembre, de type ABB’, les deux derniers membres, introduits par « car », l’un donnant la raison de la requête du premier membre, l’autre la raison du membre précédent.
276
La deuxième section (Ps 19–25)
LA TROISIÈME PARTIE (13-19) + 13 ME CERNENT + de fortes-bêtes 14
+ bâille + LION
DES TAUREAUX
nombreux,
de Bashân
M’ENCERCLENT
contre moi lacérant
leur bouche, et rugissant.
;
·······································································································
. 15 Comme l’eau . et se disloquent
je m’écoule TOUS MES OS ;
. est . fondant
mon cœur au milieu de
comme la cire, mes viscères ;
. 16 est-sèche . et ma langue
comme un tesson collée à
ma vigueur, ma mâchoire.
de la mort
tu me couches.
Et dans la poussière + 17 Car ME CERNENT + une bande
DES CHIENS, de vauriens
M’ENTOURENT. ·······································································································
. Ils ont troué . 18 je compte
mes mains
. Eux . 19 ils partagent . et sur mon vêtement
observent, mes habits ils jettent
et mes pieds :
TOUS MES OS.
me regardent ; entre eux le sort.
Dans la première sous-partie ce sont d’abord les ennemis qui sont présentés sous les métaphores des « taureaux » et du « lion » (13-14), après quoi une série de comparaisons décrivent les conséquences de ces assauts sur le corps du psalmiste en cinq de ses parties, « os » (15ab), organes les plus intérieurs, « cœur » et « viscères » (15cd), bouche enfin avec « langue » et « mâchoire » (16ab)19. Le même mouvement est repris dans la dernière partie, avec les ennemis qualifiés de « vauriens » et présentés comme « des chiens » (17ab) puis les conséquences sur le psalmiste, son corps (17c-18a) et même ses vêtements (19). Dans les premiers segments des parties extrêmes sont repris en termes extrêmes « me cernent » et « m’encerclent » – « m’entourent ». Les seconds morceaux énumèrent les parties du corps du psalmiste, dont font partie les habits ; « tous mes os » revient en même position (15b.18a). La sous-partie centrale est limitée à un seul segment unimembre. Celui-ci se distingue de tout le reste de la partie du fait que c’est la seule phrase où le verbe soit à la deuxième personne du singulier, adressée donc plus directement à Dieu. 19
Un d’abord, deux ensuite et enfin trois.
Le psaume 22
277
LA QUATRIÈME PARTIE (20-22) + 20 Et toi, + ô ma vigueur,
Yhwh, à mon secours
ne sois pas loin, hâte-toi.
·····························································································
.. 21 Délivre .. de la main
de l’épée du chien,
mon âme, mon unique.
.. 22 Sauve-moi .. et des cornes
de la bouche des buffles.
du lion,
·····························································································
+ Tu m’as répondu !
À la fin le Seigneur « a répondu » à la supplication initiale ; le contraste est souligné par l’extrême brièveté de l’unimembre final par rapport au bimembre initial et à son double appel au secours. Dans les deux segments du morceau central « l’épée » (21a) donne la clé humaine des images animales qui suivent. LA CINQUIÈME PARTIE (23-32) La première sous-partie (23-27) • 23 J’annoncerai • au milieu :: 24 « Les CRAIGNANT = toute la semence = redoutez
ton nom de L’ASSEMBLÉE
à mes frères, JE TE LOUERAI :
YHWH, de Jacob, de lui,
LOUEZ-LE, glorifiez-le, toute la semence
d’Israël ! »
·····················································································
.. 25 Car il ne méprisa .. la misère
ni ne dédaigna du miséreux,
.. il n’a pas caché .. mais, invoqué
sa face par lui,
de lui, il écouta.
····················································································· MA LOUANGE dans L’ASSEMBLÉE
• 26 De toi • mes vœux
= 27 Ils mangeront :: ILS LOUERONT = « Que vive
j’accomplirai
devant
les humiliés YHWH votre cœur
et seront rassasiés, ses cherchant : à jamais ! »
nombreuse, ses CRAIGNANT.
Dans les premiers segments des morceaux extrêmes le psalmiste dit au Seigneur qu’il le « louera » dans « l’assemblée » (23.26), dans les seconds segments, les craignant Dieu sont d’abord appelés à le « louer » (24) et effectivement ils le font (27). « L’assemblée » (23b.26a), à savoir les « craignant » Dieu (24a.26b), est identifiée aux fils d’Israël, sa « semence » (24bc) que le psalmiste appelle ses
278
La deuxième section (Ps 19–25)
« frères » (23a). Les deux occurrences de « de lui » (mimmennû) agrafent les deux premiers morceaux (24c.23c), « la misère du miséreux » (25b, ‘ĕnût ‘ānî) et « les
pauvres » (27a,‘ănāwîm) sont en rapport de paronomase et de contenu. La deuxième sous-partie (23-27) + 28 SE SOUVIENDRONT .. tous les lointains
ET REVIENDRONT DE LA TERRE ;
+ et SE PROSTERNERONT .. toutes les familles
DEVANT LUI
vers YHWH
DES NATIONS.
······························································· :: 29 Car à YHWH la royauté
:: et il gouverne
DANS LES NATIONS.
······························································· + 30 Ils ont mangé ET SE PROSTERNERONT .. tous les gras DE LA TERRE ;
+ DEVANT LUI .. tous les descendant .. et qui son âme
SE COURBERONT
à la poussière ne fait pas vivre.
Les morceaux extrêmes annoncent que tous les hommes « se prosterneront » « devant » Yhwh : toutes les « nations » dans le premier morceau, tous les mortels dans le dernier, les puissants (30ab) comme les misérables (30cd), incapables de faire vivre leur être (30e). « Tous/ toutes » revient au début des seconds membres, « se prosterner » en 28c et 30a. Au centre de la sous-partie un court morceau introduit par « car » donne la raison des deux autres morceaux ; en finale « les nations » reprend le terme final du premier morceau. La troisième sous-partie (23-27) = 31 Une SEMENCE = il sera raconté
le servira, sur le Seigneur
à la GÉNÉRATION ;
= 32 ils viendront = à UN PEUPLE
et annonceront À NAITRE,
sa justice car il a fait.
Dans le premier segment, il semble que le second membre explicite le sens de « servira » : ce service consistera à transmettre à la génération suivante l’œuvre du Seigneur. Le deuxième segment précise quelle est cette œuvre : ce « qu’il a fait » en fin du second membre renvoie à « sa justice » à la fin du premier membre du segment (Ps 98,2 : « Yhwh a fait connaitre son salut, aux yeux des nations il a révélé sa justice »). Dans le deuxième segment « annonceront » correspond à « il sera raconté » du premier segment.
Le psaume 22
279
L’ensemble de la dernière partie (23-32) + 23 JE RACCONTERAI + au milieu = 24 « Les craignant = toute la DESCENDANCE = redoutez
ton nom de l’assemblée
à mes FRÈRES, je te louerai :
YHWH, DE JACOB, de lui,
louez-le, glorifiez-le, toute la DESCENDANCE
D’ISRAËL
!»
····················································································· :: 25 CAR il ne méprisa ni ne dédaigna
:: la misère
du miséreux ;
:: il n’a pas caché :: mais, invoqué
sa face par lui,
de lui, il écouta.
····················································································· 26
+ De toi + mes vœux
ma louange j’accomplirai
dans l’assemblée devant
les humiliés YHWH votre cœur
et seront rassasiés, ses cherchant : à jamais ! »
+ 28 Se souviendront .. tous les lointains
et reviendront
vers YHWH
+ et se prosterneront .. toutes les FAMILLES
devant toi
= 27 ILS MANGERONT = ils loueront = « QUE VIVE
DE LA TERRE
DES NATIONS.
····················································································· :: 29 CAR à YHWH la royauté
:: et il est maitre
dans les nations.
·····················································································
+ 30 ILS ONT MANGÉ .. tous les gras
et se prosterneront DE LA TERRE,
+ devant lui .. tous les descendant .. et qui son âme
se courberont à la poussière NE FAIT PAS VIVRE.
= 31 Une DESCENDANCE = IL SERA RACONTÉ
le servira, sur le Seigneur
à la GÉNÉRATION ;
= 32 ils viendront = à un peuple
et annonceront À NAITRE,
sa justice car il a fait.
Voir page suivante.
nombreuse, ses craignant.
280
La deuxième section (Ps 19–25)
+ 23 JE RACCONTERAI + au milieu = 24 « Les craignant = toute la DESCENDANCE = redoutez
ton nom de l’assemblée
à mes FRÈRES, je te louerai :
YHWH, DE JACOB, de lui,
louez-le, glorifiez-le, toute la DESCENDANCE
D’ISRAËL
!»
····················································································· :: 25 CAR il ne méprisa ni ne dédaigna
:: la misère
du miséreux ;
:: il n’a pas caché :: mais, invoqué
sa face par lui,
de lui, il écouta.
····················································································· 26
+ De toi + mes vœux
ma louange j’accomplirai
dans l’assemblée devant
les humiliés YHWH votre cœur
et seront rassasiés, ses cherchant : à jamais ! »
+ 28 Se souviendront .. tous les lointains
et reviendront
vers YHWH
+ et se prosterneront .. toutes les FAMILLES
devant toi
= 27 ILS MANGERONT = ils loueront = « QUE VIVE
DE LA TERRE
DES NATIONS.
····················································································· :: 29 CAR à YHWH la royauté
:: et il est maitre
dans les nations.
·····················································································
+ 30 ILS ONT MANGÉ .. tous les gras
et se prosterneront DE LA TERRE,
+ devant lui .. tous les descendant .. et qui son âme
se courberont à la poussière NE FAIT PAS VIVRE.
= 31 Une DESCENDANCE = IL SERA RACONTÉ
le servira, sur le Seigneur
à la GÉNÉRATION ;
et annonceront À NAITRE,
sa justice car il a fait.
32
= ils viendront = à un peuple
nombreuse, ses craignant.
Le psaume 22
281
Les deux premières sous-parties sont parallèles entre elles. Dans la première (23-27) le psalmiste promet de raconter à ses « frères », c’est-à-dire à « la descendance d’Israël », ce que le Seigneur a fait pour lui ; dans la seconde (2830) cette annonce atteindra « toutes les familles des nations » (28), jusqu’aux morts (30). La deuxième sous-partie est notablement plus courte que la première, en particulier parce que les membres des morceaux extrêmes sont moins longs et parce que le morceau central comprend un seul bimembre au lieu de deux. Les deux sous-parties sont focalisées sur un morceau qui commence par « car », qui donne la raison de ce qui est annoncé. Ces deux raisons sont très différentes : le salut du Seigneur accordé en Israël au « miséreux » qui l’invoquait (25), la « royauté » universelle de Dieu pour « les nations » (29). De même qu’il n’est pas question de supplication dans le morceau central de la deuxième sous-partie et par conséquent de réponse divine, ainsi tout le reste de la sous-partie est totalement dépourvu de parole : le psalmiste n’y « raconte » rien et n’invite pas à la louange. Les quatre « tous/toutes » de la deuxième sous-partie (28b.28d.30b.30d) rappellent les deux « toutes » de la première (24bc). Les deux occurrences de « vivre » (27c.30e) jouent le rôle de termes finaux. Le même verbe « manger » revient dans les deux sous-parties : la première fois le sujet en est « les pauvres » qui bénéficient des largesses de celui qui accomplit ses vœux dans le Temple (27a), la deuxième fois au contraire des « gras », c’est-à-dire des puissants qui se sont engraissés aux dépends des pauvres (30ab). Beaucoup plus courte encore, la troisième sous-partie (31-32) poursuit le mouvement des deux premières : en effet, ce ne sont pas seulement les fils d’Israël (23-27) et toutes familles des nations et même les morts (28-30), mais aussi les générations successives, sans distinction, « un peuple à naitre » pouvant être compris comme englobant la descendance d’Israël et celle des nations. Une ligne traverse toute la partie, celle de la parenté ou de la génération : « frères » (23a), « descendance » (24bc), « familles » (28d), « descendance » de nouveau (31a), « génération » (31b) et enfin « peuple à naitre » (32b). Les deux occurrences de « raconter » (23.31) font inclusion.
282
La deuxième section (Ps 19–25)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre de chant, sur « la biche de l’aurore », psaume de David. 2 3
MON DIEU, MON DIEU, pourquoi m’as-tu abandonné ? MON DIEU, j’appelle le jour et TU NE RÉPONDS PAS, 4
Et toi, tu es le Saint, en toi se fiaient NOS PÈRES, 6 vers toi ils criaient et ils échappaient, 5
7
Et moi, vermisseau et non homme, tous ceux qui me voient me bafouent, 9 « Il s’est remis à YHWH, qu’il le DÉLIVRE, 11
12
Car toi, tu m’as tiré du ventre, sur toi je fus jeté dès les entrailles;
NE SOIS PAS LOIN de moi 13 14
habitant les louanges d’Israël : ils se fiaient et tu les DÉLIVRAIS, en toi ils se fiaient et ils n’avaient-pas-honte. risée d’adam et mépris du PEUPLE : ils ricanent de leur lèvre, ils hochent la tête : qu’il le libère, puisqu’il s’est plu en lui ! »
8
10
LOIN de mon SALUT, les paroles que je rugis ! et la nuit et point de repos pour moi.
mis-en-confiance sur les seins de MA MÈRE ; dès le ventre de MA MÈRE, tu es MON DIEU, toi.
car l’angoisse est proche,
car point de SECOURANT !
Me cernent des TAUREAUX nombreux, bâille contre moi leur bouche,
de fortes-bêtes de Bashân m’encerclent ; LION lacérant et rugissant.
15
et se disloquent tous mes os ; fondant au milieu de mes viscères ; et ma langue est collée à ma mâchoire.
Comme l’eau je m’écoule mon cœur est comme la cire, 16 est sèche comme un tesson ma force,
Et dans LA POUSSIÈRE de LA MORT tu me couches. 17
Car me cernent des CHIENS,
une bande de vauriens m’entourent;
Ils ont troué mes MAINS et mes pieds, Eux observent, me regardent, 19 ils partagent mes habits entre eux
18
20
Et toi, YHWH, NE SOIS PAS LOIN, DÉLIVRE de l’épée mon ÂME, 22 SAUVE-moi de la bouche du LION, 21
23
Je raconterai ton nom à MES FRÈRES, « Les craignant YHWH, louez-le, Redoutez-le, toute LA DESCENDANCE d’Israël ! » 25 Car il ne méprisa ni ne dédaigna il n’a pas caché sa face de lui, 26 De toi ma louange dans l’assemblée nombreuse, 27 Ils mangeront les humiliés et seront rassasiés, « QUE VIVE votre cœur à jamais ! » 24
28
je compte tous mes os.
et sur mon vêtement ils jettent le sort. ô ma vigueur, à mon SECOURS hâte-toi. de la MAIN du CHIEN, mon unique. et des cornes des BUFFLES. TU M’AS RÉPONDU. au milieu de l’assemblée je te louerai : toute LA DESCENDANCE de Jacob, glorifiez-le, la misère du miséreux, mais, invoqué par lui, il écouta. mes vœux j’accomplirai devant ses craignant. ils loueront YHWH ses cherchant :
Se souviendront et reviendront vers YHWH et se prosterneront devant toi 29 Car à YHWH la royauté, 30 Ils ont mangé et se prosterneront devant lui se courberont et qui son ÂME NE FAIT PAS VIVRE.
tous les lointains de la terre toutes LES FAMILLES des nations. et il est maître dans les nations. tous les gras de la terre, tous les descendant à LA POUSSIÈRE
31
il sera raconté sur LE SEIGNEUR à la GÉNÉRATION ; à un PEUPLE À NAITRE, CAR IL A FAIT.
32
UNE DESCENDANCE le servira, ils viendront et annonceront sa justice
Le psaume 22
283
Les rapports entre les parties extrêmes. Dans la première partie le psalmiste adresse au Seigneur sa supplication dans situation de détresse où il se trouve, dans la dernière partie il promet d’appeler à le rejoindre dans la louange et l’action de grâce non seulement tous les hommes présents mais aussi les générations futures. Dans ces parties se trouvent tous les termes appartenant au champ sémantique de la filiation, organisés de manière chronologique : depuis « nos pères » (5) et « ma mère » au début (10.11), jusqu’à « mes frères » (23), « la descendance » (24a.24b. 31), « les familles » (28b), « la génération » (31) et finalement « un peuple à naitre » (32). Chaque partie contient cinq noms divins : « mon Dieu » (’ēlî, 2 bis.11 ; ’ĕlōhay, 3) et « Yhwh » dans la première partie ; « Yhwh » (24.27.28.29) et « le Seigneur » (’ădōnāy, 31) dans la dernière. Les rapports entre les parties de reliure (12 ; 20-22). La deuxième est nettement plus développée que la première : cela est sans doute dû au fait que la pression s’est fait beaucoup plus forte encore durant le passage central centré sur la mort. Les deux parties commencent de même avec « ne sois pas loin » ; « secourant » à la fin de la deuxième partie trouve un écho avec « mon secours » à la fin du premier segment de la quatrième partie. Les rapports entre les parties de reliure et les autres – Avec la première partie : les deux occurrences de « ne sois par loin » rappellent « loin de mon salut » (2) ; de même « délivre » (21), « sauve-moi » (22) rappellent « mon salut » (2) et les deux occurrences de « délivrer » (5.9). « Tu m’as répondu » (22) s’oppose à « tu ne réponds pas » (3). « Et toi » de 20 rappelle le « Et toi » de 4. « Lion » (22) renvoie à « rugit » de 2. – Avec la partie centrale : y sont repris « bouche » (14.22) et « main(s) » (17.21, « lion » (14.22) et « chien(s) » (17.21 ; « buffles » de 13 correspond à « taureaux » de 22). – Avec la dernière partie. « Âme » est le seul terme commun aux deux dernières parties. Le dernier terme de la dernière partie, « car il a fait » (32), semble correspondre à « tu m’as répondu » à la fin de la deuxième partie de reliure (22) : non seulement chacun de ces termes est une proposition en elle-même qui se détache ainsi de ce qui précède, mais aussi du point de vue du sens : ce que le Seigneur « a fait » fut de « répondre » à la supplication du psalmiste. Cela dit, le rapport le plus fort entre les parties de reliure et les autres parties, c’est le fait que ce sont les seules où le psalmiste supplie le Seigneur et l’appelle au secours. Les rapports de la partie centrale avec les autres. « La poussière de la mort » au centre du psaume trouve un écho avec « tous les descendant à la poussière » (30) et avec « ne pas vivre » à quoi s’oppose « Que vive votre cœur à jamais ! » (27).
284
La deuxième section (Ps 19–25)
CONTEXTE ISRAËL DEVRA TRAVERSER LA MORT La séquence centrale d’Amos (Am 5,1-17) est une lamentation sur la vierge d’Israël où le prophète annonce que le peuple devra traverser la mort de l’exil, mort en toutes ses dimensions, économique, politique et religieuse20. LE QUATRIÈME CHANT DU SERVITEUR (IS 52–53) Alors qu’Amos annonce le passage par la mort pour le peuple, le quatrième chant du Serviteur l’annonce pour un individu, même si le Serviteur a été interprété aussi comme représentant le peuple d’Israël. La différence majeure entre le Ps 22 et Is 52–53, c’est que le psalmiste n’a pas traversé la mort, puisque c’est lui qui continue à parler après qu’il ait dit : « tu me couches dans la poussière de la mort ». Le Serviteur au contraire a subi la mort et a été enseveli et ce sont d’autres que lui qui parlent de lui, le Seigneur d’abord puis ceux qui l’avaient conduit à la mort et qui sont sauvés par son sacrifice21. PASSION ET RÉSURRECTION DE JÉSUS Le quatrième chant du Serviteur est une prophétie et il est bien difficile de savoir « de qui le prophète parle » (Ac 8,34). Dans le personnage du Ps 22, les premiers disciples y ont reconnu la figure de Jésus : en témoignent les citations et allusions multiples durant les récits de la passion et résurrection du Seigneur : – Ps 22,2 : les premiers mots du psaume, sont repris par Jésus en croix : « Éli, Éli, lema sabachtani ? » c’est-à-dire « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,48 ; Mc 15,34) ; – Ps 22,7b-8a : « risée d’adam et mépris du peuple : tous ceux qui me voient me bafouent ». En croix Jésus est insulté par tous (Mt 27,39.44 ; Mc 15,29.32 ; Lc 23,35-36) ; – Ps 22,8 : « ils hochent la tête » (Mt 27,39 ; Mc 15,29) ; – Ps 22,8 : « Il s’est remis à Yhwh, qu’il le délivre ; qu’il le libère puisqu’il s’est plu en lui », repris en Mt 27,43 ; – Ps 22,19 : « Ils partagent mes habits entre eux et sur mon vêtement ils jettent le sort » (Mt 27,35-36 ; Mc 15,24 ; Lc 23,35 ; Jn 19,23-24) ; – Ps 22,28 : « tous les lointains de la terre [...] toutes les familles des nations ». Le premier personnage qui reconnait la justice de Jésus après sa mort est le centurion romain et ses compagnons (Mt 27,54 ; Mc 15,39). Selon Marc, Simon de Cyrène qui aide Jésus à porter sa croix est « père d’Alexandre et de Rufus » ; le premier est un nom grec, le second latin, et l’on peut voir dans ces noms une
20 21
Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 159-185. Voir R. MEYNET, « Le quatrième chant du Serviteur (Is 52,13–53,12) ».
Le psaume 22
285
ouverture aux païens. À la fin de Matthieu Jésus envoie les onze faire des disciples de toutes les nations (Mt 28,10 ; Mc 16,15)22. Le début de la dernière partie du psaume (Ps 22,23) est cité en He 2,11-12 : « Car le sanctificateur et les sanctifiés ont tous même origine. C’est pourquoi il ne rougit pas de les nommer frères, quand il dit : “J’annoncerai ton nom à mes frères. Je te chanterai au milieu de l’assemblée” ».
INTERPRÉTATION LE PSALMISTE PORTE PLAINTE CONTRE DIEU Le psalmiste fera certes entendre sa supplication (12 ; 20-22), mais ce n’est pas ainsi qu’il commence. Tout au long de la première partie il porte plainte (211) et il poursuivra dans toute la partie centrale, laquelle culmine sur l’accusation la plus grave qui soit : « dans la poussière de la mort tu me couches » (16c). Sa mort imminente est la faute de Dieu. Voilà jusqu’où le pousse sa souffrance et le sentiment d’être abandonné. Il est entouré de tout un bestiaire d’ennemis qui s’acharnent contre lui et en veulent à sa vie, mais ce n’est pas eux qu’il interpelle, ce n’est pas à eux qu’il se plaint. Le vrai responsable n’est autre que le Seigneur. Circonstance aggravante, la fidélité qu’il avait montrée autrefois envers les pères (4-6) et celle sur laquelle le psalmiste croyait pouvoir compter en ce qui le concernait personnellement, et qui se révèle illusoire (10-11). IL N’A PAS PERDU LA MÉMOIRE La moitié de sa plainte est consacrée à rappeler au Seigneur ses bienfaits passés23. Or ces deux rappels ne sont pas utilisés pour appuyer les requêtes de sa supplication, ce sont des arguments à charge de sa plainte. Ils remettent en question la fidélité du Seigneur. Étant donné ce qu’est Dieu, « le Saint », étant donné qu’il avait toujours délivré les pères qui criaient vers lui, pourquoi ne le fait-il pas aussi pour celui qui aujourd’hui l’appelle en rugissant ? Lui qui l’avait délivré du sein de sa mère et l’avait pour ainsi dire adopté dès sa naissance, comment peut-il maintenant l’abandonner ? IL N’A PAS PERDU LA FOI Le psalmiste crie, comme le lion il rugit. Les paroles qu’il adresse à Dieu sont très dures, ses reproches sont de la plus extrême gravité, puisqu’il en vient jusqu’à l’accuser de le coucher dans la poussière de la mort. Et pourtant, il ne cesse pas de croire en celui qu’il vitupère si violemment. S’il avait perdu la foi, si toute espérance l’avait quitté, il ne lui parlerait pas. Il se plaint certes, mais sa 22 23
Voir R. MEYNET, La Pâque du Seigneur, index des références bibliques, 508. Les versets 4-6 et 10-11 comprennent dix membres et de même les versets 2-3 et 7-9,
286
La deuxième section (Ps 19–25)
plainte n’en est pas moins une prière. S’il n’était pas convaincu d’être écouté, il se tairait, prostré dans le silence. Les reproches que sa souffrance lui font proférer représentent la seule manière qu’il lui soit possible d’appeler au secours. « NE SOIS PAS LOIN » La plainte finit par laisser la place à la demande. D’abord furtive et encore largement empreinte de motivations plaintives (12), la supplication se développe enfin en une suite de quatre impératifs qui sont autant d’appels au secours (2022). S’y retrouvent l’épée, la griffe du chien, la gueule du lion et les cornes des buffles qui peuplaient la plainte centrale (13-19), mais cette fois-ci le personnage principal est le Seigneur que le psalmiste invoque en lui demandant même de se hâter. Un pas décisif est donc franchi. S’il n’hésite plus à demander, c’est qu’il est devenu convaincu qu’il sera écouté. « TU M’AS RÉPONDU » De manière soudaine et inattendue, du moins pour le lecteur, et sans doute pour le psalmiste aussi, survient la réponse du Seigneur. On n’entend pas sa voix, on ne perçoit pas la moindre parole. On l’apprend de la façon la plus laconique qui soit par la seule bouche du psalmiste. On aurait pu s’attendre à ce qu’il le proclame devant tous. Non, il le dit à Dieu. La réponse du Seigneur fait partie intégrante de la prière de celui qui ne saurait réprimer ce cri qui est la plus belle louange et action de grâce qui jaillit spontanément de ses lèvres. Avant de l’annoncer à d’autres, il fallait qu’il le dise à celui qui dans l’instant même le sauve. L’EXPLOSION DE LA LOUANGE À peine le psalmiste a-t-il réalisé que le Seigneur lui a répondu, qu’il bascule dans la louange. Bien sûr, il est encore bien loin du jour où dans le Temple il accomplira ses vœux en offrant les sacrifices promis qui permettront aux pauvres de manger et de se rassasier en s’unissant à son action de grâce. Mais il lui faut dans l’heure laisser éclater sa joie d’avoir été sauvé. Et ce n’est à personne d’autre qu’à son Dieu qu’il le dit, longuement. « À MES FRÈRES » « À tout Seigneur, tout honneur ». Comme il se doit, le récit de ce qui lui est arrivé sera destiné à ses frères, qui eux aussi sont fils de Jacob-Israël. Déjà il s’adresse à eux, en discours direct : « Louez-le, glorifiez-le, redoutez-le ! ». C’est au Temple qu’il réunira « l’assemblée », une « assemblée nombreuse » à laquelle il racontera dans quelle misère il était tombé et comment le Seigneur avait écouté la voix de son invocation. Mais le récit ne saurait suffire, il devra se concrétiser en offrandes et en sacrifices d’action de grâce, au bénéfice de ceux
Le psaume 22
287
qui sont « humiliés » comme lui et qui ainsi partageront son retour à la vie. Il n’est pas interdit de penser que le « mépris » qu’il avait subi ne lui avait pas été infligé seulement par des étrangers, mais aussi et peut-être surtout par des membres de son propre peuple : il avait en effet été « risée d’adam », c’est-à-dire des hommes, et « mépris du peuple », à savoir de son propre peuple (7)24. En appelant ceux qui l’avaient bafoué ses « frères » et en les invitant à célébrer son salut, il leur pardonne. « TOUTES LES FAMILLES DES NATIONS » Continuant à s’adresser à son Dieu, le psalmiste annonce que la nouvelle du salut dont il a bénéficié dépassera les frontières d’Israël pour atteindre « toutes les familles de la terre » jusqu’à « tous les lointains de la terre ». Ce qui est une manière de laisser entendre que le personnage qui a été sauvé n’est pas un simple membre du peuple, qu’il s’agit d’une personne connue des autres peuples, en somme de son roi. La nouvelle arrivera aux nations, mais ce n’est pas le roi d’Israël sauvé qui la leur annoncera et si elles se prosterneront devant le Seigneur, leur voix ne se fait pas entendre pour louer le Seigneur. Cependant, on comprend qu’ils reconnaitront la royauté universelle du Dieu d’Israël, des plus grands aux plus petits, des plus « gras » aux plus miséreux. « UN PEUPLE À NAITRE » Tout l’espace sera acquis à la royauté du Seigneur. Mais cela ne saurait suffire. Il deviendra aussi le maitre du temps. Comme pour celui des « pères » dès l’origine du peuple (5), comme pour celui de chaque individu dès le sein de sa « mère » (10-11), le récit de l’action du Seigneur se perpétuera dans le temps à venir, d’une « génération » à l’autre. La transmission se fera non seulement de père en fils, individuellement ; c’est à tout un peuple que sera annoncée la « justice » de Dieu. Ce « peuple à naitre » à la fin du psaume, à la fin des temps, peut être compris comme l’unique peuple que formeront Israël et toutes les familles de la terre. « VRAIMENT, CELUI-CI ÉTAIT FILS DE DIEU ! » Les premiers disciples de Jésus ont reconnu en lui celui qui parle dans le Psaume 22. Tant de détails se sont vérifiés tout au long du récit de la Passion du Christ. Mais au-delà de ces coïncidences partielles, c’est le mouvement d’ensemble qui emporte l’adhésion. Jésus accomplit les Écritures, celle du psaume de David, appuyée sur celle du quatrième chant du Serviteur d’Isaïe. Comme souvent l’accomplissement s’accompagne d’un excès qui dépasse la prophétie. Le psalmiste sans doute n’avait jamais été aussi proche de la mort, mais il ne l’avait pas traversée. Les païens avaient entendu parler du salut du roi d’Israël, 24
Voir P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 221.226-227 (sur le Ps 22, voir 217-252)
288
La deuxième section (Ps 19–25)
s’étaient prosterné devant son Dieu. Dans les récits évangéliques, des païens sont les premiers à rendre gloire à Dieu pour la justice de Jésus (Lc 23,47), et même à reconnaitre en lui le Fils de Dieu (Mt 27,54 ; Mc 15,39). Ainsi commence à se constituer le « peuple à naitre » qui rassemble les fils d’Israël et tous les fils d’Adam.
C. LE RETOUR AU TEMPLE AVEC TOUS LES CHERCHANT DIEU
La troisième séquence : Ps 23–24 Cette séquence comprend deux psaumes : LE BERGER D’ISRAËL
FAIT REVENIR SON TROUPEAU
DANS SA MAISON
Ps 23
LE ROI DE GLOIRE
RENTRE AVEC SES CHERCHANT
DANS SON TEMPLE
Ps 24
1. LE PSAUME 23 TEXTE 1 Psaume. De David. Yhwh (est) mon berger, je ne manque pas. 2 Sur des prés d’herbe-verte il me fait-coucher, vers les eaux du repos il me mène ; 3 mon âme il fait-revenir, il me guide aux sentiers de justice à cause de son nom. 4 Même si je vais dans le val de l’ombre, je ne crains pas le mal ; car toi, (tu es) avec moi, ton bâton et ta houlette eux me confortent. 5 Tu apprêtes devant ma face une table face à mes adversaires ; tu arroses d’huile ma tête, ma coupe (est) débordante. 6 Oui, bonheur et grâce me poursuivent tous les jours de ma vie ; et je retournerai dans la maison de Yhwh pour la longueur des jours.
V. 3A
: « MON ÂME IL FAIT-REVENIR »
Beaucoup comprennent « il restaure mon âme », par la nourriture et la boisson, et ce membre conclurait le segment 2. Cependant, le sens littéral de šwb au polel est « faire-revenir » (voir Is 49,5) et le découpage massorétique doit être respecté, « mon âme » signifiant simplement « moi-même »1. V. 3B
: « SENTIERS DE JUSTICE »
Dans un sens littéral et matériel, il s’agit des sentiers justes, sûrs, sans danger. Il n’est pas exclu cependant d’y voir une connotation morale et spirituelle. V. 4A
: « LE VAL DE L’OMBRE »
Le mot traduit par « ombre » (ṣalmāwet) est souvent coordonné à son synonyme « obscurité » (Ps 107,10.14 ; Jb 3,5 ; 10,21 ; 34,22). Les anciens l’ont interprété, selon une étymologie populaire, semble-t-il, comme le composé ṣal māwet : « l’ombre de la mort ». V. 4D
: « TON BÂTON, TA HOULETTE »
Le simple bâton sert à défendre les brebis (le terme désigne aussi le sceptre, qui à l’origine était une arme). La houlette est un bâton muni d’une sorte de gouttière, avec lequel le berger prend des mottes de terre ou des cailloux et les jette aux moutons pour les ramener sur le juste chemin ; à l’autre bout un crochet permet d’attraper une tête de bétail. V. 5
: « HUILE »
Les parfums étaient dilués, non pas dans l’alcool comme de nos jours, mais dans l’huile. Ainsi « huile » (šemen) est un synonyme de « parfum » (rēaḥ ; voir Ct 7,10) ; les deux termes apparaissent ensemble, par ex. en Ct 1,3 : « l’arôme de tes parfums » (litt. « le parfum ou l’odeur de ton huile »). 1
Ainsi, Hakham, I, 124.
290 V. 6A
La deuxième section (Ps 19–25) : « ME POURSUIVENT »
Le verbe rādap signifie « poursuivre » ; on poursuit son ennemi, mais aussi « la justice » (Ps 15,9 ; Is 51,1), « la paix » (Ps 34,15). La BJ traduit par « me pressent », Osty par « m’escorteront », Le Psautier, version liturgique, par « m’accompagnent ». Il semble que « bonheur et fidélité », au début du premier morceau de la troisième partie s’opposent aux « adversaires » mentionnés dans le premier segment du premier morceau : le psalmiste ne serait pas « poursuivi » par ses ennemis mais par « bonheur et fidélité » qui sont en quelque sorte des attributs divins. V. 6C
: « ET JE REVIENDRAI »
Le texte massorétique lit wešabtî (de šwb), « et je retournerai ». Le complément de temps, « pour la longueur des jours », pourrait induire à adopter l’interprétation des anciennes versions qui ont lu yāšab, « habiter ». Il est possible que le psalmiste ait voulu jouer sur les mots en choisissant un verbe de même racine qu’en 3a : « mon âme il fait-revenir ». « Pour la longueur des jours » peut être interprété comme « tous les jours de ma vie » qui lui est parallèle. C’est en effet le sens de l’expression en Dt 30,20 ; en Pr 3,2 aussi, où l’expression est coordonnée à « des années de vie ». Toutefois, en Ps 21,5 elle est coordonnée à « à jamais et toujours » qui en précise le sens (voir encore Lm 5,19-20). Le parallélisme entre 6b et 6d pourrait donc ne pas être simplement synonymique mais progressif, passant de la durée de la vie terrestre, pour arriver jusqu’à l’éternité. En ce sens, la traduction liturgique conserve l’ambiguïté : « pour la durée des jours ».
COMPOSITION Pour la plupart le psaume comprend deux parties : « Le poète se compare à une brebis et le Seigneur à son berger (1-4) ; le poète se compare à un hôte dans la maison de Dieu (5-6) »2. Tout en divisant le texte en deux parties, d’autres tiennent en même temps que le psaume est focalisé sur 4b : Le cinquième vers, 4b, se trouve au centre des neuf vers du poème, il appartient à ceux qui précèdent pour l’image, à ceux qui suivent pour l’apparition de la deuxième personne. Il constitue indubitablement le centre de la lyrique par la forme et le contenu. Certains choisissent ce vers pour résumer tout le poème et ses images en une émotion unique et simple : « Tu es avec moi »3.
2
Hakham, I, 124 ; voir aussi Ravasi, I, 438 ; Girard, I, 432-433. Alonso Schoekel – Carniti, I, 457 ; de même Lorenzin, 119 ; Vesco, 241 ; pour deClaisséWalford – al. (239), ce sont les versets 4c-5 qui forment le centre du psaume. 3
Le psaume 23
291
On peut en effet être tenté de distinguer deux parties, parallèles entre elles : 1) une première partie (1b-4) présentant le Seigneur comme « berger », s’achève avec le « bâton » et la « houlette ». La partie se développe en deux temps : a) le Seigneur nourrit sa brebis (1b-3a) ; b) il la guide sur des chemins sûrs (3b-4). 2) une deuxième partie où le Seigneur est présenté sous les traits d’un hôte. Cette partie comprend elle aussi deux temps : a) le Seigneur nourrit son hôte (5) ; b) il l’accompagne jusque dans sa maison (6). Toutefois, le verset 4 marque un tournant. Il se caractérise par le fait que ses deux segments forment une seule phrase complexe, du fait aussi que le psalmiste passe de la troisième à la deuxième personne du singulier (« toi, tu es avec moi »), par son rythme enfin (4 + 2 / 2 + 4). C’est donc un exemple de « la fin d’une unité au centre de l’unité supérieure »4. Après le titre, le psaume s’organise donc en trois parties (1b-3 ; 4 ; 5-6). LA PREMIÈRE PARTIE (1B-3) + 1b YHWH + 2 sur des prés + vers les eaux
(est) mon berger, d’herbe-verte du repos
je ne manque pas : il me fait-coucher, il me mène.
···································································································· 3
= Mon âme = il me guide – à cause
il fait-revenir, aux sentiers de SON NOM.
de justice
Dans le premier trimembre, les deux derniers membres détaillent ce dont la brebis « ne manque pas », ni le manger (2a) ni le boire (2b). Le deuxième trimembre ajoute la sécurité que le berger assure à sa brebis ; il la « fait-revenir » si elle s’égare (3a), il la conduit sur les « sentiers » justes. Le dernier terme, « son nom », renvoie au nom de « Yhwh » au début de la partie, faisant ainsi inclusion, mais on peut penser qu’il renvoie aussi à « mon âme », c’est-à-dire « moi-même », au début du dernier segment. Ce sont en effet les deux bénéficiaires de l’action divine, la brebis et Dieu lui-même qui ainsi assure son renom, la réputation de son nom.
4
Traité, 335-341.
292
La deuxième section (Ps 19–25)
LA DEUXIÈME PARTIE (4) – 4 Même si . je ne crains pas
je vais le mal
. car toi, – ton bâton
(tu es) avec moi, et ta houlette
dans le val
de l’ombre,
eux
me confortent.
Cette partie ne forme qu’une seule phrase complexe, le second segment, introduit par « car », donnant la raison du premier. Les deux segments se correspondent en miroir : « toi » s’oppose à « le mal » et « ton bâton et ta houlette » protègent du « val de l’ombre ». LA TROISIÈME PARTIE (5-6) = 5 Tu apprêtes – face à
devant ma face mes adversaires ;
une table
= tu arroses – ma coupe
d’huile (est) débordante.
ma tête,
······································································································ 6
.. Oui, bonheur : tous les jours
et fidélité de ma vie ;
me poursuivent
.. et je reviendrai : pour la longueur
dans la maison des jours.
de Yhwh
À la deuxième personne du singulier le premier morceau traite du repas ; à la troisième personne le second morceau accompagne le psalmiste vers le temple. Les « adversaires » sont d’abord exclus de la « table » préparée pour le psalmiste (5ab), après quoi le Seigneur offre parfum et boisson abondante à son invité (5cd). Dans le deuxième morceau les seconds membres concernent tous deux le temps, d’abord celui de la vie du psalmiste (6b), puis celui qui s’étend aux « jours », sans limitation (6d) ; dans les premiers membres, la marche du psalmiste vers son but (6a) est suivie par son séjour dans le temple (6c). L’ENSEMBLE DU PSAUME Les parties extrêmes se correspondent en parallèle. Dans les premiers morceaux le Seigneur nourrit et abreuve sa brebis (1b-2), il régale et parfume son invité (5), dans les seconds morceaux il le guide sur les justes sentiers (3), l’accompagne de son « bonheur » et de sa « fidélité » jusqu’en sa maison (6). Les deux occurrences de « Yhwh » font inclusion (1b.6c). « Revenir » de 6c rappelle le verbe de même racine « faire-revenir » en 3a.
Le psaume 23 1
Psaume,
= YHWH .. 2 sur des prés .. vers les eaux
293
de David. (est) mon berger, d’herbe-verte du repos
JE NE manque PAS :
il me fait-coucher, il me mène.
········································································································
+ 3 Mon âme + il me guide : à cause
IL FAIT-REVENIR,
aux sentiers de son nom.
de justice
:: 4 Même si – JE NE crains PAS
je vais le mal ;
dans le val
de l’ombre,
– car toi, :: ton bâton
(tu es) avec moi, et ta houlette
eux
me confortent.
= 5 Tu apprêtes .. face à
devant ma face mes adversaires ;
une table
= tu arroses .. ma coupe
d’huile (est) débordante.
ma tête,
········································································································
+ 6 Oui, bonheur : tous les jours
et fidélité de ma vie ;
me poursuivent
+ et JE REVIENDRAI : en la longueur
dans la maison des jours.
de YHWH
La partie centrale assure le passage entre les deux autres parties. Le premier segment (4ab) renvoie à la première partie : comme elle il parle du Seigneur à la troisième personne, « je ne crains pas » est négatif comme « je ne manque pas », « je vais dans le val de l’ombre » s’oppose à « aux sentiers de justice ». Le deuxième segment (4cd) est adressé au Seigneur comme le sera le premier morceau de la partie suivante (5) ; par ailleurs, on peut dire que le couple « ton bâton et ta houlette » annonce celui de « bonheur et fidélité » (6a).
CONTEXTE LE BON PASTEUR « Berger » (traduit aussi par « pasteur ») est un titre du Seigneur (Gn 48,15 ; Is 40,11). Le chapitre 34 d’Ézéchiel oppose les mauvais bergers d’Israël qui, au lieu de donner à manger à leurs brebis, les dépouillent de leur lait, de leur laine, et finissent par les manger (Ez 34,1-10) ; après quoi, le Seigneur déclare qu’il
294
La deuxième section (Ps 19–25)
prendra soin lui-même de ses brebis et les fera paitre « dans un gras pâturage » (11-16). Dans le Nouveau Testament, c’est Jésus qui est présenté comme le bon berger (1P 2,25 ; Ap 7,17), surtout par le quatrième évangile (Jn 10). NE MANQUER DE RIEN La terre promise est un pays où rien ne manque : 7
Le Seigneur ton Dieu te conduit vers un heureux pays, pays de cours d’eau, de sources qui sourdent de l’abime dans les vallées comme dans les montagnes, 8 pays de froment et d’orge, de vigne, de figuiers et de grenadiers, pays d’oliviers, d’huile et de miel, 9 pays où le pain ne te sera pas mesuré et où tu ne manqueras de rien. (Dt 8,7-9)
Déjà durant tout son séjour au désert le peuple ne manqua de rien, car le Seigneur était « avec lui » : « Car le Seigneur ton Dieu t’a béni en toutes tes actions ; il a connu ta marche à travers ce grand désert ; voilà quarante ans que le Seigneur ton Dieu est avec toi sans que tu manques de rien. » (Dt 2,7). À la fin de son ministère et au moment d’entrer dans sa Passion, Jésus dit à ses disciples : « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » Ils dirent : « De rien » (Lc 22,35). « TU ES AVEC MOI » Dès la Genèse, le Seigneur est « avec » les pères, avec Abraham (Gn 21,2), avec Isaac (26,3.24.28), avec Jacob (28,15 ; 31,3). Il promet à Moïse qu’il sera avec lui (Ex 3,12). Il sera avec son peuple (Dt 3,1.3-4), il marche avec lui (Dt 31,6) et avec Josué (31,8.23). Par la bouche d’Isaïe, le Seigneur assure à Israël qu’il sera avec lui (Is 41,810 ; 43,2.5 ; voir aussi Jr 30,11 ; 46,28) ; il rassure Jérémie lors de sa vocation (Jr 1,7-8.19 ; 15,20). Après le prologue de la généalogie de Jésus, l’évangile de Matthieu commence avec l’annonce de l’ange du Seigneur qui reprend les paroles du prophète : « “Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel tu donneras le nom d’Emmanuel”, ce qui se traduit : “Dieu avec nous” » (Mt 1,23) et il s’achève sur la promesse de Jésus aux onze disciples : « Et voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20), ce qui renvoie non seulement au centre du Ps 23 (4) mais aussi à son dernier verset (6). À Corinthe, Une nuit, dans une vision, le Seigneur dit à Paul : « Sois sans crainte. Continue de parler, ne te tais pas. 10 Car je suis avec toi, et personne ne mettra sur toi la main pour te faire du mal, parce que j’ai à moi un peuple nombreux dans cette ville » (Ac 18,910).
Et c’est pourquoi « Il séjourna là un an et six mois ».
Le psaume 23
295
LE PARFUM Le Cantique des Cantiques est de tous les livres bibliques celui qui est le plus parfumé : parfum des fleurs (Ct 2,13 ; 7,14), parfum du bien-aimé (1,3 ; 5,13) et de la bien-aimée (4,10 ; 7,9). Dans les évangiles, Jésus reçoit une onction de parfum, sur les pieds dans le troisième évangile (Lc 7,36-50) ainsi que dans le quatrième (Jn 12,1-8), sur la tête au début de la passion dans les deux premiers synoptiques (Mt 26,6-13 ; Mc 14,3-9). À TRAVERS LE DÉSERT JUSQU’AU TEMPLE À la sortie de l’Égypte, le Seigneur conduit son peuple à travers le désert comme un troupeau, lui procurant eau, nourriture et repos. Quand les fils d’Israël arrivent à la terre promise, le Seigneur les reçoit comme un amphitryon qui leur offre l’hospitalité dans son territoire5.
L’itinéraire de l’exode conduit le peuple de la servitude au pays d’Égypte jusqu’au service de Dieu dans le Temple : 13
Tu as guidé par ta fidélité que tu as conduit par ta vigueur [...] 17 Tu l’amèneras et le planteras au lieu de ton habitation au sanctuaire, Seigneur,
ce peuple que tu as racheté, vers la demeure de ta sainteté. sur la montagne de ton héritage, que tu fis, Seigneur, qu’ont établi tes mains (Ex 15,13.17).
LE RETOUR D’EXIL Les deux occurrences de « faire-revenir » ne sauraient manquer d’évoquer le retour l’exil, avec ses deux étapes, en quelque sorte : le voyage de retour « aux sentiers de justice » (3) qui aboutit en fin de parcours à l’entrée dans temple (6cd). En ce sens, le Ps 23 est proche du Ps 126 : « Quand le Seigneur fit-revenir les captifs de Sion, nous étions comme en rêve... »6. De même, le « repos » (2b) rappelle le Ps 132 où le Seigneur a choisi Sion pour son « repos » du Seigneur : « Oui, Yhwh a choisi Sion, il a désiré de siège pour lui : Ceci est mon repos à tout jamais » (132,13-14 ; voir aussi 8).
5 6
Alonso Schoekel – Carniti, I, 461. Voir Le Psautier. Cinquième livre, 377-384.
296
La deuxième section (Ps 19–25)
INTERPRÉTATION LE DON DE LA NOURRITURE La première chose que fait Dieu après avoir créé l’humain est de lui donner à manger : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture » (Gn 1,29) et, dans la foulée, il fait de même pour les animaux (30). Nourriture et boisson représentent effectivement la condition première pour le maintien et le développement de la vie. Et ce n’est pas un hasard si le Notre Père est focalisé sur le don du pain quotidien7. LE PARFUM ET LE VIN « L’homme ne vit pas seulement de pain... ». Le pain est nécessaire à la vie, comme l’herbe pour les brebis. Pour les humains, cependant, le pain sans la parole ne nourrit pas l’âme. Aérien comme la parole, le parfum est langage de l’amour, gratuit et précieux comme lui. Selon saint Jean, les brebis écoutent la voix du berger et le suivent, comme les amants se reconnaissent à l’odeur de leurs parfums. L’eau est indispensable pour les humains comme pour les animaux, mais « la coupe » débordante ne sert pas à désaltérer l’invité, elle contient le vin qui « réjouit le cœur de l’homme » (Ps 104,15). Le vin est le don de la Sagesse : « La Sagesse [...] a abattu ses bêtes, préparé son vin, elle a aussi dressé la table [...] “Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé” » (Pr 9,1-5). C’est sans doute pourquoi le vin est si souvent lié au parfum dans le Cantique : « Que sont beaux tes amours, ma sœur, ô fiancée ; que sont bons tes amours plus que le vin, et l’arôme de tes parfums plus que tous les baumes ! (Ct 4,10 ; voir aussi 1,2-3 ; 7,9-10). LE REPOS De même que le manger et le boire ne suffisent pas et que le parfum vient en quelque sorte donner son sens de la gratuité à une nourriture qui, sans cela, ne serait que pure alimentation animale, ainsi l’insistance sur le repos au début du psaume en exprime la fin. Quand la brebis a bien mangé, elle se couche pour se reposer et ruminer tranquillement. Dans la même ligne, le ruisseau où elle a étanché sa soif est appelé « les eaux du repos ». Comme le repos du septième jour après les travaux des six premiers jours de travail qui vient consacrer l’œuvre de la création. Comme le repos que le Seigneur trouve en Sion et en son temple.
7
R. MEYNET, « La composition du Notre Père ».
Le psaume 23
297
LA PRÉSENCE Durant son absence, le parfum signale la présence de qui l’on aime, le rend présent. Il en va de même de sa nourriture et de sa parole. C’est bien pourquoi le Deutéronome ne se lasse pas de répéter : « Souviens-toi, garde-toi d’oublier » (Dt 8,2.12-20 ; 24,18). Même, et surtout sans doute, durant la traversée du « val de l’ombre », de « l’ombre de la mort », la foi permet d’affirmer : « je ne crains pas le mal, car tu es avec moi ». Il n’est pas étonnant que le premier verset du psaume soit si souvent entonné par qui se rend compte qu’il est sur le point de mourir et que le psaume soit repris et chanté par la foule lors de ses funérailles. D’autant plus que le dernier verset ouvre sur le retour dans la maison de Dieu. LES SENTIERS DE JUSTICE Le berger n’est pas seulement celui donne à manger et à boire, l’hôte ne saurait se contenter d’offrir en outre à son invité vin et parfum. Il est aussi le guide qui assure la sécurité de celui qu’il conduit, qui le fait revenir s’il s’égare hors du bon sentier. Contre les « adversaires » qui poursuivent la brebis pour la dévorer, le Seigneur veille sur son protégé de toute la force de ses anges qui ont pour nom « bonheur et fidélité ». C’est que son honneur, l’honneur de « son nom » est en jeu. Le berger est celui qui fait revenir ses brebis « dans la maison du Seigneur » (6c) qu’il avait dû quitter pour partir en exil. « TU ES AVEC MOI » Les « adversaires » (5b) surviennent pour la première fois au centre du psaume : ce sont ceux qui fomentent « le mal », au passage du « val de l’ombre », quand menace « l’ombre de la mort ». On croit entendre le hurlement des loups. Sans le bâton et la houlette du berger la brebis deviendrait inévitablement « la proie de toute bête sauvage » (Ez 34,5). C’est pourquoi le psalmiste dit la confiance qui l’habite : « je ne crains pas le mal, car tu es avec moi ». La présence du berger ne se limite pas au seul moment de l’épreuve et du danger mortel ; elle s’étend à « tous les jours de ma vie » et même au-delà « en la longueur des jours », maintenant et à jamais.
2. LE PSAUME 24 TEXTE 1
Psaume. De David. À Yhwh la terre et sa plénitude, le monde et les habitants en elle ; 2 car lui sur les mers l’a fondée, et sur les fleuves l’a fixée. 3 Qui montera sur la montagne de Yhwh et qui se dressera dans le lieu de sa sainteté ? 4 Le propre de paumes et pur de cœur : lequel ne lève pas vers la vanité son âme, et point ne jure pas pour frauder. 5 Il lèvera la bénédiction de Yhwh et la justice du Dieu de son salut. 6 Celle-ci (est) la génération de ses cherchant, les recherchant ta face, Jacob. 7 Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, le roi de gloire ! 8 Qui (est) celui-ci, le roi de gloire ? Yhwh, fort et vaillant, Yhwh, le vaillant de la guerre. 9 Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, le roi de gloire ! 10 Qui lui celui-ci, le roi de gloire ? Yhwh Sabaot, lui le roi de gloire.
V. 1
: « LE MONDE ET LES HABITANTS EN ELLE »
En hébreu tēbēl est féminin comme « terre », et c’est pourquoi le pronom de la fin de 1c est traduit par un féminin, comme tous les pronoms suffixes des deux segments. V. 4
: « LA VANITÉ »
Le terme indique le vide, le néant, le mensonge. Il revient trois fois dans le Ps 127, justement traduit par « en vain » : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent les bâtisseurs... », c’est-à-dire « pour rien ». Dans le Décalogue : « Tu ne prononceras pas le nom du Seigneur ton Dieu en vain » (Ex 20,7), à quoi correspond « Tu ne témoigneras contre ton prochain à faux » (16). Ici « la vanité » est celle des idoles. V. 6B
: « LES RECHERCHANT TA FACE, JACOB »
Le texte massorétique a : « les recherchant ta face, Jacob », où l’on peut comprendre soit que « Jacob » est un vocatif et que « ta face » et celle de Jacob1, soit qu’il est en apposition au sujet de « recherchant », ce que l’on pourrait paraphraser par « les recherchant ta face » (la face de Dieu), c’est-à-dire Jacob2. Le Psautier, version œcuménique, texte liturgique rend cette dernière interprétation ainsi : Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! Voici Jacob qui recherche ta face !
1 2
Ainsi Lorenzin, 96. Hakham, I, 130 ; Vesco, 252-253 suivant Girard, I, 442 ; de même la TOB.
300
La deuxième section (Ps 19–25)
La Syriaque a « Dieu de Jacob » comme vocatif3. Quant à la Septante, elle supprime le vocatif et lit : « les recherchant la face du Dieu de Jacob »4. Si le verset 6 est bien le centre du psaume, il n’est pas étonnant qu’il recèle une énigme. La sagesse devrait consister à suivre le texte massorétique.
COMPOSITION Pour la grande majorité, le psaume s’organise en trois parties : « Louange à Yhwh créateur du monde (1-2) ; demande et réponse sur la question de savoir “qui montera sur la montagne de Yhwh” (3-6) ; appel aux portes pour qu’elles s’ouvrent afin qu’à travers elles vienne le roi de gloire (7-10)5. Beaucamp au contraire est d’avis que le psaume comprend seulement deux parties qu’il intitule : « Le peuple monte » (1-6) et « Yhwh monte » (7-10)6. Le verset 6 étant le seul qui soit adressé au Seigneur sera considéré comme la partie centrale de l’ensemble. Les versets 1b-5 sont tenus comme une partie à cause de leur cohérence autour de la question de 3. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-5) + 1b À YHWH + le monde
la terre et les habitants
et sa plénitude, en elle ;
– 2 car lui – et sur les fleuves
sur les mers l’a fixée.
l’a fondée,
······································································································ 3 Qui montera sur la montagne de YHWH
et qui se dressera
dans le lieu
de sa sainteté ?
······································································································
+ 4 Le propre + lequel + et point
de paumes ne LÈVE pas ne jure pas
et pur vers la vanité pour frauder.
– 5 IL LÈVERA – et la justice
la bénédiction du DIEU
de YHWH de son salut.
de cœur : son âme,
Dans le premier morceau, le second segment, introduit par « car », oppose « les mers » et « les fleuves » à « la terre » et « le monde », ces derniers étant lieux de solidité, « fondée » et « fixée », dominant les eaux. La terre et le monde 3
Weiser, 232 ; Ravasi, I, 447 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 466-467 ; de même BJ, Osty, Dhorme, Tournay 4 Kraus, I, 311 ; deClaissé-Walford – al., 248. 5 Hakham, I, 127 ; voir aussi Weiser, 232 ; Ravasi, I, 454-455 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 419 ; Lorenzin, 120 ; Girard, I, 443 et Vesco, 250 ; deClaissé-Walford – al., 247-248. 6 Beaucamp, I, 120-121 ; quant à Kraus, il hésite entre deux et trois sections (I, 311).
Le psaume 24
301
sont mentionnés avec « les habitants » qui les remplissent. Dans la question centrale, « la montagne » et « le lieu de sa sainteté » renvoient à « terre » et « monde » sur quoi le temple est construit. Le troisième morceau édicte les conditions d’accès à « la montagne de Yhwh ». Le premier segment oppose la pureté des mains et du cœur (4a), à « la vanité » et à la tromperie (4bc) ; le second segment (5) énonce la sanction divine de cette attitude. « Il lèvera » (5a) rappelle le verbe de même racine « ne lève pas » du segment précédent (4b). Ainsi, celui qui montera à la montagne du Seigneur sera celui qui, comme le créateur domina les eaux maléfiques, saura dominer les forces du mal. Si les premiers segments (1bc.4) se correspondent, on comprendra que « le propre de paumes » fait partie des « habitants » du « monde », et pas seulement d’Israël. LA DEUXIÈME PARTIE (6) 6
Celle-ci les recherchant
(est) la génération ta face,
de ses cherchant, Jacob.
Alors que le premier membre est à la troisième personne, le second passe à la seconde personne. Les deux verbes (drš et bqš) sont synonymes. LA TROISIÈME PARTIE (7-10) : 7 Portes, : ÉLEVEZ-VOUS, : qu’il entre, + 8 Qui + LE ROI – YHWH, – YHWH,
portails
vos frontons, antiques,
LE ROI
DE GLOIRE !
LEVEZ
(est) celui-ci, ?
DE GLOIRE
fort le vaillant
et vaillant,
portails
antiques,
LE ROI
DE GLOIRE !
DE LA GUERRE. ························································································ LEVEZ vos frontons,
: 9 Portes, : ÉLEVEZ-VOUS, : qu’il entre, 10
+ Qui + LE ROI – YHWH – lui
celui-ci,
lui DE GLOIRE
?
DES ARMÉES, LE ROI
DE GLOIRE.
Les deux morceaux sont tout à fait parallèles. Alors que les premiers segments sont identiques, quelques différences marquent les segments suivants en s’accentuant de plus en plus : d’abord dans les seconds segments où 10a ajoute « lui », et surtout dans les derniers segments où « des armées » renvoie à « de la guerre »
302
La deuxième section (Ps 19–25)
et où « le roi de gloire » final conclut la liste des cinq syntagmes identiques (7c.8b ; 9c.10b.10d). L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Psaume.
De David.
+ À YHWH + le monde
la terre et les habitants
et sa plénitude, en lui ;
– 2 car lui – et sur les fleuves
sur les mers l’a fixée.
l’a fondée,
··································································································· = 3 QUI montera sur la montagne de YHWH
= et QUI se dressera
dans le lieu
de sa sainteté ?
···································································································
+ 4 Le propre + lequel + et point 5
– IL LÈVERA – et la justice 6
Celle-ci les recherchant + 7 Portes, + ÉLEVEZ-VOUS, + qu’il entre, = 8 QUI = le roi – YHWH, – YHWH,
de paumes ne jure pas
et pur vers la vanité pour frauder.
la bénédiction du DIEU
de YHWH de son salut.
(est) la génération ta face,
de ses cherchant, Jacob.
LEVEZ
vos frontons, antiques, de gloire !
NE LÈVE PAS
portails le roi
de cœur : son âme
selâ
(est) celui-ci, de gloire ? fort le vaillant
et vaillant, de la guerre.
··································································································· LEVEZ vos frontons,
+ 9 Portes, + ÉLEVEZ-VOUS, + qu’il entre, = 10 QUI = le roi
– YHWH – lui
portails le roi
antiques, de gloire !
lui de gloire ?
celui-ci,
des armées, (est) le roi
de gloire.
selâ
Les parties extrêmes ont en commun la triple occurrence de « Yhwh » (1b.3a. 5a ; 8cd.10c), la double occurrence de l’interrogatif « qui » (3ab ; 8a.10a), six occurrences de verbes de la même racine traduits par « lever » et « s’élever »
Le psaume 24
303
(4b.5a ; 7ab.9ab). Il faut ajouter que les deux occurrences de « entrer » (7c.9c) correspondent à « monter » et « se dresser » (3ab) dans la mesure où il s’agit de rejoindre le même lieu, le temple. Il est aussi possible de relever un rapport entre « la mer » – « les fleuves » et « le vaillant de la guerre » et « Yhwh des armées », dans la mesure où il s’agit de domination dans les deux cas. La partie centrale n’a qu’un mot en commun avec la suite, le pronom masculin zeh, traduit par « celui-ci » en 8a et 10a, mais par « celle-ci » en 6a. C’est le seul endroit où le psalmiste s’adresse à quelqu’un à la deuxième personne du singulier.
CONTEXTE LA VICTOIRE SUR LES EAUX On se représentait la terre comme reposant sur les eaux et les dominant. Les mythologies orientales considéraient que la création était le fruit d’une victoire des dieux sur les puissances négatives représentées par les eaux ; ainsi à Ugarit entre Baal, le Maître, d’une part, et Yam, « la Mer » et Nahar, « le Fleuve », de l’autre7 : : S’élance la massue : comme un épervier
de la main de BAAL d’entre ses doigts,
– frappe le crâne – entre les deux yeux
du Prince le Juge
Yam Nahar.
···········································································
+ Il s’écroule + et tombe
Yam par terre
= faiblissent = se défait
ses articulations sa figure
- BAAL traîne et démembre - il achève le Juge
Yam Nahar
Des échos de ces représentations mythiques résonnent dans la Bible ; ainsi dans le Ps 104,5-9 : 5
Il a fondé la terre sur ses bases, elle est inébranlable pour les siècles des siècles. 6 L’abîme la couvrait comme d’un vêtement, sur les montagnes se tenaient les eaux. 7 À ta menace, elles prennent la fuite, à la voix de ton tonnerre, elles se précipitent ; 8 elles gravissent les montagnes, elles descendent les vallées 7
KTU 1.2.IV ; voir l’analyse de l’ensemble du texte dans R. MEYNET, L’analyse rhétorique, 316.
304
La deuxième section (Ps 19–25)
vers le lieu que tu leur as fixé ; 9 tu as mis une limite qu’elles ne franchiront pas, elles ne reviendront plus couvrir la terre (Ps 104,5-9 ; voir aussi Jb 38,4-11).
LA GLOIRE DU SEIGNEUR QUITTE LE TEMPLE Si toute la dernière partie du psaume célèbre l’entrée du « roi de gloire » dans le temple, c’est qu’il l’avait quitté. Ézéchiel avait vu « la gloire du Seigneur » s’élever sur les chérubins et laisser le temple (Ez 10,18-19) et même la ville de Jérusalem : « La gloire de Yhwh s’éleva du milieu de la ville et s’arrêta sur la montagne qui se trouve à l’orient de la ville » (Ez 11,23).
INTERPRÉTATION FAIRE LES ŒUVRES DE DIEU « La bénédiction », « la justice » et « le salut » de Dieu (5) sont pour « les habitants » du lieu solide de « la terre » et du « monde » (1) et s’opposent à « la vanité » et au mensonge (4) aussi trompeurs que « les mers » et « des fleuves » inconstants (2). Qui sera admis à se tenir dans le lieu de la sainteté de Dieu ? Celui-là seul qui se conduit comme son Seigneur, qui sait dominer les puissances du mal qui l’assaillent, ces forces qui, en réalité sont « vanité » trompeuse comme les eaux de « la mer » ou des « fleuves » sur lesquelles personne ne saurait s’appuyer ou construire. « La montagne » est l’endroit le plus éloigné des eaux de la mer, la solidité du rocher qui la constitue est par excellence le lieu de la demeure de Dieu, là où la terre touche le ciel. Créé à l’image de Dieu, la vocation de l’homme est de lui ressembler. CHERCHER DIEU EN RECHERCHANT JACOB La phrase centrale du psaume (6) peut être à peine paraphrasée ainsi : « La génération de ceux qui cherchent le Seigneur est celle de ceux qui recherchent Jacob ». Cette lecture est cohérente avec celle de la première partie du psaume où la réponse à la double question centrale, « le propre de paumes et pur de cœur... » (4) renvoie à « la terre et sa plénitude », c’est-à-dire à « le monde et ses habitants en lui » (1bc). Les cherchant Dieu ne sont pas seulement les fils de Jacob, ce sont tous les hommes qui répondent à la description du verset 4, mais c’est en recherchant Jacob qu’ils pourront trouver celui qu’ils cherchent8.
8 Voir, par exemple, Vesco, 253-254 : « YHWH, salué comme le créateur et le Seigneur de l’univers, est aussi celui qui assure par son peuple le salut aux nations » (254).
Le psaume 24
305
« QU’IL ENTRE, LE ROI DE GLOIRE ! » Beaucoup voient dans ce psaume une sorte de liturgie d’entrée dans le temple. Dans une première étape, sont énoncées les conditions d’accès, pureté d’intentions et d’actions (1b-5). Après quoi un officiant, prêtre ou autre, atteste que le groupe qui se présente est digne d’être admis dans la maison de sainteté (6). Enfin, les portes sont ouvertes (7-10). Un tel scénario permet effectivement de visualiser la scène. Ici, cependant, le mouvement ne s’achève pas avec l’entrée des hommes dans le sanctuaire ; c’est au contraire, le Seigneur qui fait son entrée dans le temple, comme si sa présence en sa maison dépendait de celle de tous ceux qui le cherchent, comme si ce lieu était celui de la rencontre de deux désirs, comme si le Seigneur lui-même s’était absenté de sa maison pour aller à la recherche de l’homme. Revenant de l’exil où le péché de son peuple l’avait chassé, il y revient en compagnie de toutes les nations qui le cherchent et qui l’ont trouvé par la rencontre avec le peuple élu, revenu désormais de son péché et de l’exil.
3. LE RETOUR DANS LE TEMPLE AVEC TOUS LES CHERCHANT DIEU COMPOSITION DE LA SÉQUENCE (PS 23–24) Ps 23
1
Psaume. De David.
Yhwh est mon BERGER, je ne manque pas ; sur des prés d’herbe il me fait-coucher, 3 mon ÂME il fait-revenir ; il me guide aux sentiers de JUSTICE 2
4 Même si je vais dans le val de l’ombre, car toi, tu es avec moi, 5
Tu apprêtes devant MA FACE une table tu arroses d’huile MA TÊTE, 6 Oui, bonheur et fidélité me pressent et JE REVIENDRAI dans la maison de Yhwh Ps 24
1
À Yhwh la terre et sa plénitude, car lui sur les mers l’a fondée, 3 Qui montera sur la montagne de Yhwh 4 Le propre de paumes et pur de cœur : et point ne jure pour frauder. 5 Il portera la bénédiction de Yhwh Celle-ci est la génération de ses cherchant,
7
à cause de son nom. je ne crains pas le mal ton bâton et ta houlette eux me consolent. face à mes adversaires ; ma coupe est débordante. tous les jours de ma vie ; en la longueur des jours.
Psaume. De David.
2
6
vers les eaux du repos il me mène,
Portes, levez VOS TÊTES, qu’il entre, LE ROI de gloire ! 8 Qui est celui-ci, (C’est) Yhwh, fort et vaillant, 9 Portes, levez VOS TÊTES, qu’il entre, LE ROI de gloire ! 10 Qui lui celui-ci, Yhwh des armées,
le monde et LES HABITANTS en lui ; et sur les fleuves l’a fixée. et qui se dressera dans le lieu de sa sainteté ? lequel ne se porte pas vers la vanité son ÂME, et la JUSTICE du Dieu de son salut. les recherchant TA FACE, Jacob. élevez-vous, portails antiques, LE ROI de gloire
? Yhwh, le vaillant de la guerre. élevez-vous, portails antiques,
LE ROI de gloire
? lui, LE ROI de gloire.
– le nom de « Yhwh », qui fait inclusion pour chaque psaume, se trouve donc en termes médians (23,6b ; 24,1b) ; ce nom revient quatre autres fois dans le second psaume (24,3.5.8b bis) ; – appartiennent au champ sémantique de la royauté « roi » (24,7b.8a.9b.10a. 10b) et « berger » (23,1b) un autre nom du roi ; 24,1b décrit la royauté universelle de Yhwh ; – « revenir » et « habitants » (23,6b ; 24,1b) jouent le rôle de termes médians1 ; – à « dans la maison de Yhwh » de 23,6b correspondent « sur la montagne de Yhwh » et « dans le lieu de sa sainteté » en 24,3 ;
1
Le rapport entre les deux termes est un rapport de paronomase (wešabtî – weyōšbê).
La séquence 23–24
307
– sont repris aussi « justice » (23,3b ; 245), « tête(s) » (23,5b ; 24,7a.9a) et « face » (23,5a ; 24,6).
INTERPRÉTATION BERGER ET ROI DE L’UNIVERS Le contraste est fort entre les deux incipit. D’une part, le berger qui s’occupe d’une seule brebis, comme si elle était seule au monde, qui la mène paitre, qui la fait boire, la guide et la protège sur tous ses chemins de son bâton et de sa houlette, qui lui sert à manger, oint de parfum sa tête, veille à ce que sa coupe soit toujours pleine. D’autre part, le Créateur de la terre et de tout ce qu’elle contient, qui la maintient ferme sur les forces du mal des eaux primordiales. Ce double portrait montre on ne peut mieux la toute-puissance absolue du Seigneur. LA MAISON DU SEIGNEUR L’image du Berger qui occupe presque tout l’espace du premier psaume, avec son contexte de vertes prairies et de frais ruisseaux, pourrait faire oublier le lieu où, en définitive, le Seigneur conduit sa brebis, « dans la Maison de Yhwh » (23,6). On comprend alors que la table apprêtée, l’huile parfumée et la coupe débordante de vin sont ceux des sacrifices d’action de grâce offerts dans le temple auxquels les fidèles participent et qu’ils consomment dans la joie. Ainsi la fin du premier psaume introduit le thème unique du second : à peine évoquée la figure du Maitre de l’univers, est posée la question de savoir qui sera admis à monter « sur la montagne de Yhwh », à se tenir « dans le lieu de sa sainteté ». Le juste, qui n’aura pas cherché d’autres dieux que le Seigneur, qui n’aura pas trompé son prochain, celui-là y entrera en même temps que le roi de gloire. LE RETOUR AU TEMPLE Il est étrange de voir que les deux psaumes s’achèvent par un retour au temple. Dans le premier, c’est l’homme, la brebis conduite par son berger qui promet de « revenir » « dans la maison du Seigneur ». Dans le second, c’est Dieu, « le roi de gloire » qui fait son entrée « dans le lieu de sa sainteté ». C’est dire que l’un et l’autre en étaient sortis ! Comme si le Seigneur retournait dans son temple après avoir cherché et trouvé la brebis perdue ! Dans les deux cas Dieu se fait proche de l’homme, s’occupant de chacune des brebis de son troupeau, lui, le maitre du monde, acceptant de se faire présent dans un lieu fort restreint de la plus petite des nations, pour être au plus près de tous ceux qui le cherchent.
D. LE SEIGNEUR SAUVE TOUS LES HOMMES L’ensemble de la deuxième sous-section : Ps 20–24 LES SÉQUENCES EXTRÊMES (PS 20–21 ET 23–24) Rapports entre les premiers passages (Ps 20 et 23) – Le « nom » du Seigneur : 20,2.6.8 ; 23,3 ; – à « du sanctuaire » « de Sion » en 20,3 et « des cieux de son sanctuaire » en 20,7 correspond « dans la maison de Yhwh » en 23,6 ; – termes appartenant au champ sémantique de la royauté : « messie » en 20,7 et « le roi » en 10 ; « berger » en 23,1. Rapports entre les deuxièmes passages (Ps 21 et 24) – « Le roi » en 21,2.8 est accompagné de « couronne » en 4 ; « le roi » revient en 24,7.8.9.10 ; – « bénédiction(s) » 21,4.7 ; 24,5 ; – « gloire » 21,8 ; – « face(s) » 21,7.10.13 ; 24,6 ; – « salut » 21,2.6 ; 24,5 ; – « force » 21,2.14 ; « fort » 24,8 ; – « élève-toi » (rûmâ, 21,14) et ses synonymes « levez », « élevez-vous » (śe’û, hinnāś’û, 24,7.9). Autres rapports – « longueur de jours » (21,5) ; « en la longueur des jours » précédé de « tous les jours de ma vie » (23,6) ; – « ennemis » (21,9) ; « adversaires » (23,5) ; – « bonheur » et « fidélité » de 21,4.8 sont repris ensemble en 23,6. Rapports entre les deux séquences Outre ce qui a déjà été noté à propos du sanctuaire dans les premiers passages (20,3.7 ; 23,6), il faut ajouter « sur la montagne de Yhwh » et « dans le lieu de sa sainteté » (24,3) ; – « salut/sauver » revient dans les deux psaumes de la première séquence (20,6. 7 bis.10 ; 21,2.6) et aussi dans le dernier psaume de la deuxième (24,5) ; – le thème de la royauté est présent dans les quatre psaumes (20,7.10 ; 21,2.46 ; 23,1 ; 24,7.8.9.10 bis) ; – les titres des deux séquences entendent souligner la différence essentielle entre elles : alors que dans la première les nations ennemies du roi sont vouées à la destruction, dans la deuxième elles sont admises dans le temple avec les fils d’Israël.
La sous-section 20–24 Première séquence (Ps 20–21) Ps 20
1
Du maître de chant. Psaume. De David.
Qu’il te réponde, Yhwh, au jour d’angoisse, que te protège le NOM du Dieu de Jacob. 3 Qu’il envoie ton secours DU SANCTUAIRE et DE SION te soutienne. 4 Qu’il se rappelle chacune de tes offrandes, et ton holocauste qu’il trouve gras. 5 Qu’il donne à toi selon ton cœur et chacun de tes projets, qu’il accomplisse. 2
6 Jubilons pour ton SALUT, et au NOM de notre Dieu pavoisons. Il accomplit Yhwh toutes tes demandes. 7 Maintenant je sais qu’il SAUVE Yhwh son MESSIE.
Il lui répond DES CIEUX DE SON SANCTUAIRE avec les promesses de SALUT de sa droite. 8 Ceux-ci dans les chars et ceux-là dans les chevaux, mais nous le NOM de Yhwh notre Dieu rappelons. 9 Eux fléchissent et tombent, mais nous, nous nous dressons et tenons-debout. 10 Yhwh, SAUVE ! LE ROI nous répondra au jour de notre appel. Ps 21
1
Du maître de chant. Psaume. De David.
309
Troisième séquence (Ps 23–24) Ps 23
1
Psaume. De David.
Yhwh est mon BERGER, je ne manque pas : 2 sur des prés d’herbe-verte il me fait-coucher, vers les eaux du repos il me mène, 3 Mon âme il fait-revenir, il me guide aux sentiers de justice à cause de son NOM. Même si je vais dans le val de l’ombre, je ne crains pas le mal ; car tu es avec moi, ton bâton et ta houlette eux me confortent.
4
Tu apprêtes devant ma face une table face à mes ADVERSAIRES ; tu arroses d’huile ma tête, ma coupe est débordante. 6 Oui, BONHEUR et FIDÉLITÉ me poursuivent tous les jours de ma vie ; et je reviendrai DANS LA MAISON DE YHWH en la longueur des jours. 5
Ps 24
1
Psaume. De David.
Yhwh, dans ta force se réjouit LE ROI et dans ton SALUT comme il exulte beaucoup ! 3 Le désir de son cœur tu lui as donné et la requête de ses lèvres point ne l’as empêchée. 4 Oui, tu l’as prévenu de BÉNÉDICTIONS de BONHEUR, tu as mis sur sa tête une COURONNE d’or-fin ; 5 La vie qu’il a demandée de toi tu lui as donnée, longueur de jours, toujours et à jamais. 6 Grande GLOIRE dans ton SALUT, splendeur et honneur tu as placés sur lui. 7 Oui, tu lui as mis des BÉNÉDICTIONS à jamais, tu l’as fait jouir de joie avec ta face. 8 Oui, LE ROI se fie en Yhwh, et dans la FIDÉLITÉ du Très-Haut point ne chancellera.
À Yhwh la terre et sa plénitude, le monde et les habitants en lui ; 2 car lui sur les mers l’a fondée, et sur les fleuves l’a fixée. 3 Qui montera SUR LA MONTAGNE DE YHWH et qui se tiendra DANS LE LIEU DE SA SAINTETÉ ? 4 Le propre de paumes et pur de cœur : lequel ne lève pas vers la vanité son âme et point ne jure pour frauder. 5 Il lèvera la BÉNÉDICTION de Yhwh et la justice du Dieu de son SALUT.
9 Que trouve ta main tous tes ENNEMIS, que ta droite trouve tes haïssant. 10 Tu les mettras comme four de feu au temps de ta face. Yhwh dans sa colère les engloutira et les mangera le feu. 11 Leur fruit de la terre tu anéantiras et leur descendance parmi les fils d’Adam. 12 Oui, ils inclineront contre toi un mal, ils penseront un complot, point ne réussiront. 13 Oui, tu les mettras de dos, tes cordes tu ajusteras contre leurs faces. 14 Élève-toi, Yhwh, dans ta force : nous chanterons et psalmodierons ta prouesse.
Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, LE ROI de GLOIRE ! 8 Qui est celui-ci, LE ROI de GLOIRE ? Yhwh, fort et vaillant, Yhwh, le vaillant de la guerre. 9 Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, LE ROI de GLOIRE ! 10 Qui lui celui-ci, LE ROI de GLOIRE ? Yhwh des armées, lui est LE ROI de GLOIRE.
2
Celle-ci est la génération de ses cherchant, les recherchant ta face, Jacob.
6
7
310
La deuxième section (Ps 19–25)
L’ENSEMBLE DE LA DEUXIÈME SOUS-SECTION (PS 20–24) – Les titres des deux premiers psaumes sont identiques, et de même ceux des deux derniers, et que celui du psaume central est le plus développé. – Le thème de la sainteté et du temple parcourt les trois séquences : « du sanctuaire et de Sion » (20,3), « des cieux de son sanctuaire » (20,7) ; « le Saint » (22,4), « l’assemblée » (22,23.26), « la maison de Yhwh » (23,6), « la montagne de Yhwh », « le lieu de sa sainteté » (24,3). – De même pour le thème de la royauté : « messie » (20,7), « roi » (20,10 ; 21,2.8 ; 24,7.8.9.10 bis), « couronne » (21,4) ; « royauté » (22,29), « berger » (23,1), « à Yhwh la terre et sa plénitude... » (24,1). – Les ennemis sont omniprésents : « eux » (20,9), c’est-à-dire ceux qui mettent leur confiance dans chars et chevaux, « tes ennemis », « tes haïssant » (21,9), « adam », « peuple » (22,7), « taureaux » « fortes-bêtes » (13), « lion (14), « chiens », « vauriens » (17) « épée », « chien » (21, « lion », « buffles » (22), « adversaires » (23,5) et aussi « mers » et « fleuves » que le Seigneur a dû maitriser (24,2). – mort et vie : « la poussière de la mort » au centre (22,16), « que vive » (27), « ne fait pas vivre » (30), « tombent » « nous nous dressons » (20,9), « la vie » « longueur de jours, toujours et à jamais » (21,5), « tu anéantiras » (21,11), « le val de l’ombre » (ou « l’ombre de la mort » 23,4), « ma vie », « en la longueur des jours » (6) ; – « angoisse » (20,2 ; 22,12) ; – « descendance » (21,11 ; 22,24 bis.31), « génération » (22,31 ; 24,6) « peuple à naitre » (22,32). – « répondre » trois fois dans le premier psaume (20,2.7.10) deux fois dans le psaume central (22,3.22) ; – « sauver » « salut » (20,6.7 bis.10 ; 21,2.6 ; 22,2.22 ; 24,5) ; – « secours » « secourir » (30,3 ; 22,12.20) ; – « force » et synonymes (21,2 ; 22,16.20 ; 24,8) ; – « justice » (22,32 ; 23,3 ; 24,5) ; – « nom » de Dieu (20,2.6.8 ; 22,23 ; 23,3) ; – « craindre » (22,24.26 ; 23,4) ; – « revenir » (22,28 ; 23,6). Le nom de « Jacob » fait inclusion (20,2 ; 24,6 ; il se retrouve aussi en 22,24). Rapports de longueur (en nombre de signes) : 1re séquence Ps 20 : Ps 21 : Total :
536 729 1 265
2e séquence Ps 22 1755
3e séquence Ps 23 : Ps 24 : Total :
379 576 955
La sous-section 20–24
311
Ps 20,1 Au maître de chœur, psaume de David. 2 Qu’il te réponde Yhwh au jour d’angoisse, que te protège le NOM du Dieu de JACOB. 3 Qu’il t’envoie ton SECOURS DU SANCTUAIRE, ET DE SION qu’il te soutienne. 4 Qu’il se rappelle toutes tes offrandes, ton holocauste, qu’il le trouve gras. 5 Qu’il te donne selon ton cœur, et tous tes projets qu’il les accomplisse. 6 Jubilons pour ton SALUT, et au NOM de notre Dieu pavoisons. Yhwh accomplit toutes tes demandes. 7 Maintenant je sais que Yhwh SAUVE son MESSIE. Il lui répond DES CIEUX DE SON SANCTUAIRE avec les prouesses de SALUT de sa droite. 8 Aux uns les chars et aux autres les chevaux, mais nous le NOM de Yhwh notre Dieu nous rappelons ; 9 EUX fléchissent et TOMBENT, mais nous, NOUS NOUS DRESSONS et tenons-debout. 10 Yhwh, SAUVE ! LE ROI nous répondra au jour de notre appel. Ps 21,1 Au maître de chœur, psaume de David. 2 Yhwh, dans ta force LE ROI se réjouit ; et dans ton SALUT comme il exulte beaucoup ! 3 Tu lui as donné le désir de son cœur, et la requête de ses lèvres point ne l’as empêchée. 4 Oui, tu l’as prévenu de bénédictions de bien, tu as mis sur sa tête une COURONNE d’or-fin. 5 LA VIE qu’il t’a demandée tu la lui as donnée, LONGUEUR DE JOURS, TOUJOURS ET À JAMAIS. 6 Grande gloire dans ton SALUT, splendeur et honneur tu as placés sur lui. 7 Oui, tu lui as mis des bénédictions à jamais, tu l’as fait jouir de joie avec ta face ; 8 Oui, LE ROI se fie en Yhwh et dans la fidélité du Très-Haut point ne chancellera. 9 Que ta main trouve tous TES ENNEMIS, que ta droite trouve TES HAÏSSANT. 10 Tu les mettras comme four de feu, au temps de ta face. Yhwh dans sa colère les engloutira et le feu les mangera. 11 Leur fruit de la terre TU ANÉANTIRAS et leur DESCENDANCE parmi les fils d’Adam. 12 Oui, ils inclineront contre toi un mal, penseront un complot : point ne réussiront. 13 Oui, tu les mettras de dos, tes cordes tu ajusteras contre leurs faces. 14 Élève-toi, Yhwh, dans ta force : nous chanterons et psalmodierons ta prouesse. Ps 22,1 Au maitre de chant, sur « la biche de l’aurore », psaume de David. 2 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Loin de mon SALUT, les paroles de mon rugissement ! 3 Mon Dieu, j’appelle le jour et tu ne réponds pas et la nuit et point de repos pour moi. 4 Et toi, tu es LE SAINT, habitant les louanges d’Israël : 5 en toi se fiaient nos pères, ils se fiaient et tu les délivrais, 6 vers toi ils criaient et ils échappaient, en toi ils se fiaient et ils ne rougissaient pas. 7 Et moi, vermisseau et non homme, risée D’ADAM et mépris DU PEUPLE ; 8 tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent de leur lèvre, ils hochent la tête : 9 « Il s’est remis à Yhwh, qu’il le délivre ! Qu’il le libère, puisqu’il s’est plu en lui ! » 10 Car toi tu m’as tiré du ventre, m’as mis-en-confiance sur les seins de ma mère ; 11 sur toi je fus jeté dès les entrailles, dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu, toi. 12
Ne sois pas loin de moi car l’angoisse est proche, car point de SECOURANT !
Me cernent des TAUREAUX nombreux, de FORTES-BÊTES de Bashân m’encerclent ; 14 bâille contre moi leur bouche, LION lacérant et rugissant. 15 Comme l’eau je m’écoule et se disloquent tous mes os ; mon cœur est comme la cire, fondant au milieu de mes viscères ; 16 est-sèche comme un tesson ma force, et ma langue collée à ma mâchoire. Et dans LA POUSSIÈRE DE LA MORT tu me couches. 17 Car me cernent des CHIENS, une bande de VAURIENS m’entourent. Ils ont troué mes mains et mes pieds, 18 je compte tous mes os. Eux observent, me regardent, 19 ils partagent mes habits entre eux et sur mon vêtement ils jettent le sort. 13
20 Et toi, Yhwh, ne sois pas loin, ô ma force, à mon SECOURS hâte-toi. 21 Délivre de L’ÉPÉE mon âme, de la main du CHIEN, mon unique. 22 SAUVE-MOI de la bouche du LION, et des cornes des BUFFLES. Tu m’as répondu.
Je raconterai ton NOM à mes frères, au milieu de L’ASSEMBLÉE je te louerai : 24 « Les CRAIGNANT Yhwh, louez-le, toute la DESCENDANCE de JACOB, glorifiez-le, redoutez-le, toute la DESCENDANCE d’Israël ! » 25 Car il ne méprisa ni ne dédaigna la misère du miséreux, il n’a pas caché sa face de lui, mais, invoqué par lui, il écouta. 26 De toi ma louange dans L’ASSEMBLÉE NOMBREUSE, mes vœux j’accomplirai devant ses CRAIGNANT. 27 Ils mangeront les humiliés et seront rassasiés, ils loueront Yhwh ses cherchant : « QUE VIVE votre cœur à jamais ! » 28 Se souviendront et reviendront vers Yhwh tous les lointains de la terre, et se prosterneront devant toi toutes les familles des nations. 29 Car À YHWH LA ROYAUTÉ et il est maitre dans les nations. 30 Ils mangeront et se prosterneront tous les gras de la terre, devant lui se courberont tous les descendant à la poussière et qui son âme NE FAIT PAS VIVRE. 31 Une DESCENDANCE le servira, il sera raconté sur le Seigneur à la GÉNÉRATION ; 32 ils viendront et annonceront sa justice à un PEUPLE À NAITRE, car il a fait. 23
Ps 23 ,1 Psaume de David. Yhwh est MON BERGER, je ne manque pas ; 2 sur des prés d’herbe il me fait-coucher, vers les eaux du repos il me mène, 3 mon âme il restaure ; il me guide aux sentiers de justice à cause de son NOM. 4 Même si je vais dans LE VAL DE L’OMBRE, je ne CRAINS pas le mal car toi, tu es avec moi, ton bâton et ta houlette eux me consolent. 5 Tu apprêtes devant ma face une table face à MES ADVERSAIRES ; tu arroses d’huile ma tête, ma coupe est débordante. 6 Oui, bonheur et fidélité me pressent tous les jours de MA VIE ; et je reviendrai dans LA MAISON DE YHWH EN LA LONGUEUR DES JOURS. Ps 24 ,1 Psaume de David. À YHWH la terre et sa plénitude, le monde et les habitants en lui ; 2 car lui sur LES MERS l’a fondée, et sur LES FLEUVES l’a fixée. 3 Qui montera sur LA MONTAGNE DE YHWH et qui se tiendra dans LE LIEU DE SA SAINTETÉ ? 4 Le propre de paumes et pur de cœur : lequel ne se porte pas vers la vanité son âme, et point ne jure pour frauder. 5 Il portera la bénédiction de Yhwh et la justice du Dieu de son SALUT. 6 Celle-ci est la GÉNÉRATION de ses cherchant, les recherchant ta face, JACOB. 7 Portes, levez vos têtes, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, LE ROI de gloire ! 8 Qui est celui-ci, LE ROI de gloire ? C’est Yhwh, fort et vaillant, Yhwh, le vaillant de la guerre. 9 Portes, levez vos têtes, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, LE ROI de gloire ! 10 Qui lui celui-ci, LE ROI de gloire ? Yhwh des armées, lui, LE ROI de gloire.
312
La deuxième section (Ps 19–25)
INTERPRÉTATION OMNIPRÉSENCE DES ENNEMIS Tout commence « au jour d’angoisse » (20,2), quand les ennemis du « messie » de Dieu l’attaquent avec « chars » et « chevaux » (8) alors qu’il ne met sa confiance que dans le Nom du Seigneur. Cela continue avec « tous » ses « ennemis », ceux qui le « haïssent » (21,9). Le sommet de la déréliction est atteint dans le psaume central où le psalmiste est bafoué même par des membres de son « peuple » (2,7) qui s’acharnent contre lui comme autant de bêtes féroces, « taureaux », « lions », « chiens » et « buffles », « vauriens » brandissant « l’épée » (13-21). Le festin préparé par le Berger est apprêté face à ses « adversaires » (23,5). Et si les ennemis du roi ne sont plus mentionnés dans le dernier psaume, « les mers » et « les fleuves » sur lesquels le créateur a fondé le monde, symbolisent les puissances du mal qu’il a dû soumettre à son pouvoir. DANS LA POUSSIÈRE DE LA MORT Avec le Ps 22 toute la séquence est focalisée sur la mort dans laquelle le psalmiste se trouve couché (16). Avec tous ces ennemis qui ne cessent de l’assaillir, la mort est omniprésente. Cependant elle n’a pas le dernier mot. Même dans son cri de déréliction, la voix du psalmiste continue de se faire entendre, dans la plainte d’abord, et finalement dans la louange qui célèbre le « salut », lequel est plus omniprésent encore que les ennemis. Et la mort se retourne contre ceux qui voulaient l’infliger au roi. « Ils tombent » alors que « nous nous dressons et tenons debout » (20,9). Ils seront « anéantis » avec leur « descendance » (21,11), alors que le roi persécuté reçoit « la vie », « longueur de jours, toujours et à jamais » (5). Relevé de la poussière, celui qui aura été sauvé lui-même pourra crier aux humiliés : « Que vive votre cœur à jamais » (22,27). Celui qui aura traversé « le val de l’ombre », ou « l’ombre de la mort » (23,4) accompagné de son berger, retrouvera « bonheur et fidélité » tous les jours de sa « vie », « en la longueur des jours » (6) et il pourra entrer avec « le roi de gloire » dans sa maison (24,7-10). DANS LE SANCTUAIRE DU SEIGNEUR C’est « de son sanctuaire » céleste que le Seigneur « répond » (20,7) pour sauver son « messie », c’est « du sanctuaire et de Sion » qu’il envoie son secours (3). C’est dans son temple, « au milieu de l’assemblée », « dans l’assemblée nombreuse » (22,23.26) que le psalmiste auquel le Seigneur a « répondu » (22) appelle à la louange et au sacrifice d’action de grâce. C’est là que « reviendront » « tous les lointains de la terre » (28), avec la brebis conduite par son berger (23,6). C’est là que « nous chanterons et psalmodierons ta prouesse » (21,14). C’est là enfin que « le roi de gloire » entrera par les « portails antiques »
La sous-section 20–24
313
(24,7-10) avec « le propre de paumes et le pur de cœur » (4), le roi de Jacob avec le roi des cieux. DE LA MORT DES NATIONS À LEUR SALUT Dans les deux psaumes de la première séquence les nations sont condamnées à être détruites par le roi d’Israël : « Eux fléchissent et tombent, mais nous, nous nous dressons et tenons debout » (20,9). C’est le Seigneur lui-même qui par la main de son roi les fera disparaitre : « Tu les mettras comme four de feu, au temps de ta face. Yhwh dans sa colère les engloutira et le feu les mangera » (21,10). Même leur descendance sera éliminée : « Leur fruit de la terre tu anéantiras et leur descendance parmi les fils d’Adam » (11). Le Ps 22 fait basculer le rapport entre Israël et les nations. En effet, si le roi sauvé de la bouche du lion commence par raconter à ses « frères », à « toute la descendance de Jacob », que le Seigneur lui a répondu (23-27), il annonce ensuite comment « tous les lointains de la terre », « toutes les familles des nations » dont le Seigneur est le « maitre », « reviendront » et « se prosterneront » devant lui (28-32). Dans le premier psaume de la dernière séquence, « les adversaires » ne sont plus destinés à être détruits, même si c’est face à eux qu’une table est dressée pour le psalmiste (23,5). Quant au dernier psaume de la sous-section, il scelle le renversement opéré par le Ps 22 quand il fait entrer dans le temple « le monde et les habitants en lui » avec Jacob qu’ils ont recherché, formant ensemble l’unique « peuple à naitre » (22,32). Tiré de la mort par le retour d’exil, le passage est assuré désormais de la première à la nouvelle alliance.
III. LES CHEMINS DU SEIGNEUR SONT VÉRITÉ
La troisième sous-section : Ps 251 TEXTE 1 De David ’ Vers toi, Yhwh, mon âme j’élève, ’ 2 mon Dieu, en toi je me fie, que je ne rougisse pas, que ne se réjouissent pas mes ennemis sur moi. g 3 Aussi que tous les espérant en toi ne rougissent pas, qu’ils rougissent ceux qui trahissent pour rien. d 4 Tes chemins, Yhwh, fais-moi connaitre, tes sentiers apprends-moi ! h 5 Fais-moi cheminer dans ta loyauté et apprends-moi, car c’est toi le Dieu de mon salut, c’est toi que j’espère tout le jour. z 6 Souviens-toi de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités car elles sont de toujours. ḥ 7 Des fautes de ma jeunesse et de mes péchés ne te souviens pas. Selon ta fidélité souviens-toi de moi, toi, à cause de ta bonté, Yhwh. ṭ 8 Bon et droit est Yhwh, c’est pourquoi il enseigne aux pécheurs le chemin. y 9 Il fait cheminer les humiliés dans le jugement et il apprend aux humiliés son chemin. k 10 Tous les sentiers de Yhwh fidélité et loyauté pour ceux qui gardent son alliance et ses préceptes. l 11 À cause de ton nom, Yhwh, et tu pardonneras mon tort bien il est nombreux. m 12 Qui est l’homme craignant Yhwh auquel il enseigne le chemin car choisit ? n 13 Son âme dans le bien demeure et sa descendance héritera la terre s 14 Le secret de Yhwh pour ses craignant et son alliance pour leur faire connaitre. ‘ 15 Mes yeux à jamais vers Yhwh car lui fera-sortir du filet mes pieds. p 16 Tourne-toi vers moi et prends pitié de moi car je suis seul et miséreux, moi. ṣ 17 Les angoisses de mon cœur se multiplient de mes tourments fais-moi sortir. r 18 Vois mon humiliation et ma peine et enlève toutes mes fautes. r 19 Vois mes ennemis car ils sont nombreux et d’une haine violente ils me haïssent. š 20 Veille sur mon âme et délivre-moi que je ne rougisse pas car je me réfugie en toi. t 21 Que perfection et droiture me gardent car j’espère en toi. p 22 Rachète, ô Dieu, Israël de toutes ses angoisses.
L’alphabétisme du Ps 25 présente quelques irrégularités : en effet il ne comporte pas de segment qui commence par les lettres beth, waw et qûf ; en revanche, deux segments successifs commencent par aleph et deux autres par resh ; enfin, au lieu de s’achever avec un segment commençant par la dernière lettre de l’alphabet, taw, le dernier vers commence par la lettre pé, qui est ainsi utilisée deux fois (16.22). Plusieurs se sont ingéniés à rétablir l’acrostiche dans sa complétude et sa pureté, par de multiples corrections2. Ces anomalies sontelles dues aux vicissitudes de la tradition manuscrite qui aurait transmis un texte détérioré, ou sont-elles le fruit d’une composition élaborée qui joue de manière savante avec l’alphabet ? Une étude précise de la composition du psaume pourrait apporter quelque lumière sur cette question.
1
Les pages suivantes sont une version quelque peu allégée de « Le psaume 25. Psaume de la nouvelle alliance » (repris dans Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 51-75). 2 Voir, par ex., Vesco, 258, nt. 1.
316
La deuxième section (Ps 19–25)
V. 9.16.18 : « MISÉREUX
», « HUMILIÉ »
Le sens de ‘ānî est très proche de celui de ‘ănāw (tous deux dérivés de ‘nh2). Le texte massorétique hésite plus d’une fois entre les deux formes comme en témoignent les cas de qeré – ketib (Ps 9,13.19 ; 10,12, Pr 14,21 ; etc.). La TOB traduit l’un et l’autre par « humble » ou par « humilié »3, ce qui rend bien la parenté lexicale des deux termes. Le sens précis dépend du contexte : en Nb 12,3 ‘ănāw signifie « humble » : « L’homme Moïse était très humble, plus que tout homme qui est sur la face de la terre ». Quand ‘ānî est coordonné à « pauvre » (’ebyôn : Ps 109,16.22 ; 140,13 ; voir aussi Ps 107,41), il a le même sens, sans connotation morale d’humilité (comme on dit « une personne d’humble condition »). Comme dans le commentaire du cinquième livre on traduit ‘ānî par « miséreux » (et ‘ĕnût par « misère ») et ‘ănāw par « humilié » (et ‘onyî par « humiliation »). V. 11 « ET TU PARDONNERAS
»
Emphatique, le coordonnant « et » n’est pas traduit la plupart du temps, avec raison. Le parfait est précatif et donc rendu par un impératif ou un futur de sens impératif. V. 17
: « SE MULTIPLIENT »
Au lieu de hirḥîbû (« ils ont mis au large ») du texte massorétique, on lit comme les anciennes versions : « se multiplient ».
COMPOSITION Tous les commentateurs proposent un plan du psaume, mais plusieurs le font sans grande conviction. Ainsi A. Rose écrit : Complainte d’un particulier, de forme alphabétique, sans plan bien précis, le Ps 25 peut se diviser en trois parties, du fait que la section centrale (vv. 8-15) parle de Yahvé à la troisième personne, tandis que les deux autres (vv. 1-7.16-21) possèdent la forme de la prière directe4.
C’est la division traditionnelle5. De même, Craigie ne propose un plan que for the purpose of commentary, « bien que la division ne reflète pas nécessairement
3
Voir Concordance de la Traduction Œcuménique de la Bible, « humble », « humilier ». A. ROSE, « Le Psaume 25 », 11. C’est aussi la division de Jacquet, 581. Goldingay écrit : « Les versets 1-3 et 20-22 se correspondent, mais le psaume dans son ensemble ne présente pas de structure organisée » (368, nt. 1) 5 Ravasi, I, 468. 4
La troisième sous-section : le psaume 25
317
la structure interne du psaume » ; il organise le psaume en trois parties (1-7 ; 814 ; 15-21) mais ne fournit aucune justification de son découpage6. Beaucoup adoptent ce même plan tripartite, mais, contrairement à Rose et à Jacquet, ils arrêtent la deuxième partie au verset 147. On aura remarqué que le dernier verset (22) n’est pas intégré dans ces plans, étant considéré comme un ajout tardif, appliquant à Israël cette prière d’un individu8. J.L. Mays au contraire fait remarquer que la dimension collective du verset 22 était déjà présente auparavant9. D’autres plans sont plus détaillés10 et la plupart notent que les derniers versets (18-21) correspondent aux premiers (1-2)11. D’aucuns discernent une composition concentrique. À ma connaissance, le premier fut Thomas Boys, en 182512. Voici le schéma qu’il en donne : A 1-7 Supplicatoire B 8-10 Didactique C 11 Supplicatoire B’ 12-14 Didactique A’ 15-22 Supplicatoire
Le plan de Marina Mannati, lui aussi focalisé sur la demande de pardon du verset 11, est plus détaillé : il comprend six strophes qui se correspondent de manière concentrique (1-3 avec 20-22 ; les demandes de 4-7 avec celles de 1519 ; les louanges de 8-12 et de 12-14)13. Le concentrisme de Samuel Terrien est très proche du précédent14. Il en va de même pour l’analyse de Pierre Auffret15, qui est, comme d’habitude, fouillée à l’extrême. On mentionnera enfin ceux qui, bien que reconnaissant la grande inclusion de 1-3 et 20-21, voient dans le corps du psaume ou « un groupe de quatre octains fort réguliers (v. 4-7 ; v. 8-11 ; v. 12-15 ; v. 16-19) »16 ou un triptyque en deux tranches (4-5 et 6-7 ; 8-10 et 11 ; 12-14 et 15-19)17.
6
Craigie, 218. Ainsi Clifford, 138 ; pour cet auteur le verset 15 sert de transition (p. 140). 8 Anderson (207) intègre le verset 22 dans son plan qui, à part cette différence, suit celui des auteurs cités précédemment. 9 Mays, 144. 10 Gestenberger, I, 120 : I. Superscription (1a) ; II. Affirmation of confidence (1b-3) ; III. Petition (4-7) ; IV. Hymnic praise (8-11) ; V. Exhortation (12-15) ; VI. Petition (16-22). Ce même plan est repris par Lorenzin (137). 11 Ainsi Beaucamp, I, 123 ; Girard, I, 456-457 ; Vesco, 257. 12 A Key to the Book of the Psalms, 122-127 ; traduction française de son analyse dans R. MEYNET, L’Analyse rhétorique, 119-121. Aucun auteur moderne n’y fait référence. 13 Mannati, I, 254-255. 14 S. TERRIEN, The Psalms., 253. 15 P. AUFFRET, « “En raison de ton nom, YHWH, tu pardonneras ma faute” : étude structurelle du psaume 25 », 5-31. 16 Beaucamp, 123. Repris par Ravasi, I, 469 : Antienne initiale (1); quatre octains (4-19); quatrain final (20-21; antienne finale (22). 17 Girard, I, 459-461. 7
318
La deuxième section (Ps 19–25)
La composition concentrique du psaume est désormais acquise. La connaissance des lois de la rhétorique biblique devrait permettre d’arriver à des résultats plus sûrs ; la loi de la question au centre18, entre autres, conduira à identifier le véritable centre, c’est-à-dire la clé de lecture du psaume. Après le titre (1a), le psaume proprement dit s’organise en trois parties, deux supplications (1b-7 ; 16-22) qui encadrent une sorte de méditation (8-15). A. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-7) COMPOSITION Cette partie comprend trois morceaux organisés de manière concentrique. LE PREMIER MORCEAU (1B-3) + ’ 1b Vers toi, + ’ 2 MON DIEU, – que ne l’emportent pas
YHWH, en toi mes ennemis
+ g 3 Aussi – qu’ils ROUGISSENT
tous les espérant-en-toi ne ROUGISSENT pas, les trahissant pour rien.
mon âme je me fie, sur moi.
j’élève ; que je ne ROUGISSE pas,
Les deux segments sont parallèles ; le second généralise et élargit au pluriel ce que le premier dit de la personne singulière qui prie. Les premiers membres de chaque segment (1b-2a.3a) expriment la confiance en Dieu auquel l’orant s’adresse, les derniers (2b.3b) sont des souhaits regardant les « ennemis ». Le verbe « rougir » (que l’on pourrait traduire aussi par « avoir honte » ou « être confondu », « être déçu ») revient dans les deux segments (2a.3a.3b). Le dernier membre est ambigu. D’une part, le participe « les trahissant » n’a pas d’objet direct et il est donc possible de le comprendre de deux façons19. Si l’on considère que « les trahissant » s’oppose à « tous les espérant en toi » du premier membre, l’objet de « trahir » sera Dieu ; dans ce cas il serait possible d’interpréter « pour rien » comme désignant le rien, le néant des idoles. Si au contraire on considère, au niveau supérieur, que « les trahissant » est en rapport, de synonymie, avec « mes ennemis », qui se trouve en position symétrique dans le dernier membre du premier segment (2b), l’objet serait alors le psalmiste ; « pour rien » signifierait « sans raison »20. Les deux interprétations ne sont pas exclusives et il vaut sans doute mieux respecter l’ambiguïté : « L’expression est finement ambiguë, car elle fait allusion en même temps à la trahison de l’amitié 18
Traité, 417-435. Dans la Bible hébraïque, l’objet de ce verbe est aussi bien l’homme que Dieu. Voir, par ex., Jr 3,20 : « Mais comme une femme qui trahit son compagnon, ainsi m’avez-vous trahi, maison d’Israël, oracle du Seigneur ». 20 Alonso Schoekel – Carniti préfèrent la première solution (I, 481). 19
La troisième sous-section : le psaume 25
319
et des rapports humains et à l’infidélité à l’alliance yahviste, les deux grands péchés radicaux condamnés par le décalogue »21. LE DEUXIÈME MORCEAU (4-5) + d 4 TES CHEMINS, TES SENTIERS + + h 5 FAIS-MOI CHEMINER : car toi (tu es) : en toi
YHWH,
fais-moi connaitre apprends-moi !
dans ta loyauté
et apprends-moi, de mon salut, tout le jour.
LE D IEU J’ESPÈRE
Le premier membre du second segment reprend les deux membres du premier segment et précise la nature des « chemins » et « sentiers » de Yhwh (4ab) : ce sont ceux de sa « loyauté » (’ĕmet peut aussi être traduit par « solidité » ou « vérité22 »). Quant aux deux derniers membres du second segment, ils donnent la motivation des requêtes qui précèdent : bien que le dernier membre soit juxtaposé au précédent, on comprend qu’il exprime la conséquence de l’affirmation du membre précédent (« tu es le Dieu de mon salut ; c’est pourquoi... »). « Chemins », « sentiers » et « fais-moi cheminer » remplissent la fonction de termes initiaux pour les trois premiers membres ; les deux occurrences de « apprends-moi », synonymes de « fais-moi connaitre », jouent le rôle de termes médians ; « le Dieu » de 5b renvoie à « Yhwh » de 4a. LE TROISIÈME MORCEAU (6-7) + z 6 SOUVIENS-TOI : car de toujours,
de TES TENDRESSES, elles (sont).
YHWH,
et de TES FIDÉLITÉS
– ḥ 7 Des fautes + selon TA FIDÉLITÉ : à cause
de ma jeunesse de moi,
et de mes péchés toi, YHWH.
NE TE SOUVIENS PAS
SOUVIENS-TOI de TA BONTÉ,
;
Le deuxième membre du second segment (7b) correspond au premier membre du premier segment (6a), où sont repris « amour(s) » et « souviens-toi ». Le premier membre du second segment s’oppose au suivant par la négation ; le couple « fautes » et « péchés » (7a) s’oppose à celui du premier membre, « tendresses » et « fidélités » (6a), qui sont eux aussi au pluriel. Introduits par « car » et par « à cause de », les derniers membres de chaque segment donnent la cause des demandes exprimées dans les autres membres. 21
Ravasi, I, 473. C’est ainsi que traduit la Septante : hodēgēson me epi tēn alētheian sou. Sur la traduction de ḥesed we’ĕmet, voir Le Psautier. Cinquième livre, 123. 22
320
La deuxième section (Ps 19–25)
L’ENSEMBLE DE LA PARTIE (1B-7) + ’ 1b Vers toi, + ’ 2 MON DIEU, : que ne l’emportent pas
YHWH, mon âme en toi je me fie, mes ENNEMIS sur moi.
+ g 3 Aussi tous LES ESPÉRANT toi : qu’ils rougissent
ne rougissent pas, les TRAHISSANT
j’élève ; que je ne rougisse pas,
pour rien.
·························································································
= d 4 TES CHEMINS, = TES SENTIERS = h 5 FAIS-MOI CHEMINER : car toi (tu es) : en toi
YHWH,
fais-moi connaitre apprends-moi !
dans ta loyauté
et apprends-moi, de mon salut, tout le jour.
LE DIEU J’ESPÈRE
·························································································
+ z 6 Souviens-toi : car de toujours,
de tes tendresses, elles (sont).
– ḥ 7 Des FAUTES + selon ta fidélité : à cause
de ma jeunesse et de mes PÉCHÉS souviens-toi de moi, toi, de ta bonté, YHWH.
YHWH,
et de tes fidélités ne te souviens pas ;
Chaque morceau a sa propre cohérence lexicale et donc thématique. Dans le premier (1b-3) « rougir » revient trois fois (2b.3ab) ; dans le second (4-5) trois mots sont de la racine drk (« chemin », « faire-cheminer »), « apprendre », qui revient deux fois, a comme synonyme « faire-connaitre » ; dans le dernier morceau (6-7), « se souvenir » revient trois fois, « fidélité(s) » deux fois, accompagné de deux quasi synonymes, « tendresses » et « bonté ». Le nom de Dieu, « Yhwh » et « Dieu », revient deux fois dans chaque morceau (1b.2a ; 4a.5b ; 6a.7c). Dans les morceaux extrêmes, le psalmiste demande d’être libéré de deux sortes de maux : maux extérieurs d’abord, « ennemis » (2b.3b) qui « trahissent », intérieurs ensuite, « fautes » et « péchés » personnels (7a). Le morceau central se distingue des deux autres, dont il est complémentaire, du fait que l’orant demande à Dieu de lui transmettre le bien de son enseignement et de son « salut ». « J’espère » de 5c fait écho à « les espérant toi » de 3a, jouant le rôle de termes finaux pour les deux premiers morceaux. « En toi je me fie » de 2a et déjà « mon âme j’élève » de 1b exprimaient la même idée.
CONTEXTE Cette première partie du psaume est saturée du vocabulaire de l’alliance23.
23
Voir Mannati, I, 253-254.
La troisième sous-section : le psaume 25
321
« FIDÉLITÉ » ET « LOYAUTÉ » Ces deux termes désignent avant tout l’attitude du Seigneur envers son peuple, comme l’indique clairement le dernier morceau où « fidélité(s)» (ḥesed : 6a.7b) ainsi que ses synonymes « tes tendresses » (raḥămèkā, 6a) et « bonté » (ṭûbkâ, 7c) ont tous le suffixe de seconde personne du singulier dont le référent est « Yhwh ». Tu sauras donc que le Seigneur ton Dieu est le vrai Dieu, le Dieu véridique qui garde son alliance et sa fidélité (ḥesed) pour mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements (Dt 7,9 ; voir aussi 5,10).
« Loyauté » (’ĕmet) de 5a est aussi affecté du même pronom et indique donc l’engagement de Dieu ; mais si l’homme marche dans la loyauté de Dieu, cela signifie qu’il devient lui-même loyal au Dieu avec qui il a fait alliance : « Et maintenant, craignez le Seigneur et servez-le avec intégrité et loyauté » (Jos 24,14 ; voir aussi Mi 6,8). « TRAHIR » Le contraire de la loyauté est la trahison. C’est déjà le cas pour l’alliance entre les hommes : « car même tes frères et la maison de ton père, eux-mêmes te trahiront » (Jr 12,6) ; et en particulier pour l’alliance conjugale : « Le Seigneur est témoin entre toi et la femme de ta jeunesse que tu as trahie, bien qu’elle fut ta compagne et la femme de ton alliance » (Ml 2,14). Le même terme est utilisé pour l’alliance avec Dieu : « J’ai vu des traitres et je suis dégoûté, lesquels n’observent pas ton dire » (Ps 119,158). « PÉCHÉS » « La racine de ce mot désigne habituellement une “rébellion”, la “violation” par un vassal de l’alliance conclue avec son suzerain (pš‘ be, “se rebeller contre”) : 1R 12,19 ; 2R 1,1 ; 3,5.7 ; etc. »24. « ENSEIGNE-MOI TES CHEMINS » Les « chemins » ou les « sentiers » sont une métaphore habituelle pour la Loi, en particulier dans le Ps 119, dès le premier verset : « Heureux les parfaits de chemin, ceux qui marchent dans la Loi de Yhwh ». C’est au Seigneur que le psalmiste demande inlassablement de l’instruire de sa loi : « Fais-moi comprendre le chemin de tes préceptes, et je méditerai sur tes merveilles » (Ps 119,27).
24
P. BOVATI – R. MEYNET, Le Livre du prophète Amos, 40.
322
La deuxième section (Ps 19–25)
INTERPRÉTATION ENNEMIS ET PÉCHÉS DU PSALMISTE Comme tous ceux qui espèrent en le Seigneur (3a), c’est d’abord de ses ennemis que l’orant demande d’être délivré (1b-2), de ceux qui en le « trahissant » ont trahi par le fait même la loi de Dieu (3b). Mais les ennemis extérieurs ne sont pas les seuls que le psalmiste doit affronter : « les fautes » de sa jeunesse et « les péchés » qu’il a commis depuis l’obsèdent et il demande d’en être libéré. Pour cela il ne saurait compter sur lui-même. Il sait au contraire qu’il peut faire fond sur « les fidélités », « les tendresses » et la « bonté » du Seigneur : étant « de toujours », elles précèdent de loin ses péchés et sa naissance même25. LES CHEMINS DU SEIGNEUR Le morceau central, sur lequel culmine la partie, n’a plus rien à voir avec le péché et la faute, comme si, puisque le psalmiste en a été « sauvé », plus rien de comptait pour lui sinon d’entrer dans une autre perspective. Avec une belle insistance, en effet, il réclame au Seigneur non seulement de lui « faire connaitre », de lui « apprendre » ses chemins, mais de l’aider pour le « faire cheminer » « dans sa loyauté ». Il reconnait ainsi qu’il est incapable, par ses propres forces ni d’apprendre ni d’entreprendre. Tout ne peut lui venir que du Seigneur. C’est bien ainsi que, dès le début, toute sa foi était tournée « vers » lui (1b-2a).
B. LA DEUXIÈME PARTIE (8-15) COMPOSITION Cette partie comprend trois morceaux organisés de façon concentrique. LE PREMIER MORCEAU (8-10) +ṭ
8
Bon = c’est pourquoi 9
+ y IL FAIT CHEMINER + et IL APPREND + k 10 TOUS LES SENTIERS = pour les gardant
et droit IL ENSEIGNE
est YHWH, aux pécheurs
les humiliés aux humiliés
dans le jugement SON CHEMIN.
de YHWH son alliance
fidélité et ses préceptes.
LE CHEMIN.
et loyauté
25 Sur l’expression « de toujours », David Kimchi écrit : « déjà quand je fus formé dans le ventre de ma mère » et il renvoie en note 12 à Ps 139,13 (Commento ai salmi, 217).
La troisième sous-section : le psaume 25
323
Les segments extrêmes se correspondent. Chacun de leurs premiers membres expose un couple de qualités de « Yhwh ». Leurs seconds membres sont complémentaires : il s’agit d’abord des « pécheurs » que le Seigneur redresse (8b), puis des fidèles à son alliance (10b). Le nom de « Yhwh » ne revient que dans ces deux segments. « Le chemin » à la fin de 8 et « tous les sentiers » au début de 10 jouent le rôle de termes médians à distance. Les deux membres du segment central sont parallèles : les deux occurrences de « humiliés » se trouvent en seconde position, et deux termes de même racine font inclusion, « il fait-cheminer » et « son chemin ». Les quatre occurrences des termes de la racine drk (« chemin(er) ») et de leur synonyme « sentiers » forment un système fort régulier : – « le chemin » à la fin de 8 et « il fait-cheminer » au début de 9 jouent le rôle de termes médians pour les deux premiers segments ; – de même, « son chemin » à la fin de 9 et « sentiers » au début de 10 remplissent la même fonction pour les deux derniers segments ; – il faut ajouter que les deux occurrences de « chemin » en 8b et 9b jouent le rôle de termes finaux pour les deux premiers segments. Dans les deux premiers segments « il apprend » de 9b est synonyme de « il enseigne » de 8b. Dans le premier membre du segment central (9a) « jugement » est une qualité qui correspond à celles des premiers membres des segments extrêmes. S’il est clair que bonté et droiture (8a) sont des attributs divins, il est possible de voir une certaine ambiguïté en 10a : « fidélité et loyauté » peuvent être le fait de Dieu, mais aussi de ceux qui gardent son alliance, de même que « le jugement » est ce dans quoi le Seigneur fait cheminer les humbles. Les deux interprétations ne sont pas incompatibles, bien au contraire, puisque l’homme est invité à suivre le chemin de Dieu, à adopter sa propre conduite26. C’est ce que disait déjà le verset 5 : « fais-moi cheminer dans ta loyauté » : la loyauté est celle de Dieu, mais, reçue de Dieu comme grâce, elle est adoptée, assumée par l’homme. LE DEUXIÈME MORCEAU (11-12) +l
11
À cause de . tu pardonneras
+ m 12 Qui est . auquel il enseigne
ton nom, mon tort
YHWH, car il est nombreux.
l’homme le chemin
craignant qu’il choisit ?
YHWH,
Contrairement au second segment, le premier est adressé à Dieu. Les premiers membres de chaque segment s’achèvent avec le nom de « Yhwh ». Les seconds
26 En ce sens, ce qui est exprimé dans ce morceau renverse ce que dit Is 55,8 : « Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies ».
324
La deuxième section (Ps 19–25)
membres expriment deux actions complémentaires de Dieu : pardon d’une chose négative, « mon tort », puis enseignement d’une chose positive, « le chemin ». +l
11
À cause de . tu pardonneras
+ m 12 Qui est . auquel il enseigne
ton nom, mon tort
YHWH, car il est nombreux.
l’homme le chemin
craignant qu’il choisit ?
YHWH,
Le second membre de 12 est généralement compris comme la réponse au premier membre : « Qui est l’homme craignant le Seigneur ? Il lui enseigne le chemin qu’il choisit ». Toutefois, il est grammaticalement possible de l’interpréter comme une relative asyndétique, même si le sujet de « enseigne » n’est pas le même que celui du membre précédent. Comme au centre du psaume 34, le verset 13 forme une unique question : « Qui est l’homme désirant la vie, aimant les jours pour voir le bien ». Le dernier mot, « qu’il choisit », qui est une relative asyndétique, est ambigu : en effet, il est possible de penser que le sujet est le même que celui de « il enseigne », c’est-à-dire « Yhwh »27. Cependant, le sujet peut être « l’homme », surtout si l’on interprète l’inaccompli comme un futur : « le chemin qu’il choisira », c’est-à-dire « qu’il doit choisir »28. Il semble préférable de respecter l’ambiguïté. Le choix est à la fois celui de Dieu et celui de l’homme. LE TROISIÈME MORCEAU (13-15) + n 13 SON ÂME + et sa descendance
dans le bon héritera
demeure la terre.
– s 14 Le secret – et son alliance
de YHWH
pour ses craignant pour leur faire connaitre.
+ ‘ 15 MES YEUX + car lui fera-sortir
à jamais du filet
vers YHWH MES PIEDS.
Dans les segments extrêmes sont mentionnées des parties du corps : « yeux » et « pieds » dans le dernier, « âme » (litt., « gorge » d’où « souffle ») dans le premier ; « son âme » et « mes yeux » jouent le rôle de termes initiaux pour les segments extrêmes, « son âme » et « mes pieds » le rôle de termes finaux pour l’ensemble du morceau. 27
Ainsi Hakham (I, 157), qui fait remarquer que le verbe traduit ici par « il enseigne » (yôrennû) est de la même racine que tôrâ, traduit habituellement par « Loi », mais qui signifie d’abord « enseignement » ; pour lui « le chemin » que le Seigneur a choisi est celui de la Torah. 28 Ainsi la plupart des traductions, par exemple la BJ : « il le remet dans la voie qu’il faut prendre » ; de même la TOB : « celui-ci lui montre quel chemin choisir ».
La troisième sous-section : le psaume 25
325
Dans le segment central, les termes extrêmes se correspondent, puisque le Seigneur « fait connaitre » « son secret »29. Alors que le premier segment parle d’une troisième personne, « l’homme » dont il était question à la fin du morceau précédent (12a), le troisième est à la première personne du singulier. Quant au segment central, on peut dire qu’il assure la liaison en généralisant à un pluriel de troisième personne, « ses craignant » ; ce segment se distingue des deux autres du fait qu’il énonce des actions de Dieu30. L’ENSEMBLE DE LA PARTIE (8-15) + ṭ 8 BON + c’est pourquoi 9
– y IL FAIT CHEMINER – et IL APPREND : k 10 TOUS LES SENTIERS : pour les gardant
et droit IL ENSEIGNE
est YHWH, aux pécheurs
les humiliés aux humiliés
dans le jugement SON CHEMIN.
de YHWH
fidélité et ses préceptes.
SON ALLIANCE
LE CHEMIN.
et loyauté
·········································································································· ton nom, YHWH,
+ l 11 À cause de + tu pardonneras
mon tort
12
– m Qui est l’homme CRAIGNANT – auquel IL ENSEIGNE LE CHEMIN
car il est nombreux. YHWH qu’il choisit ?
··········································································································
: n 13 Son âme : et sa descendance – s 14 Le secret – et SON ALLIANCE + ‘ 15 Mes yeux + car lui
dans le BON héritera
demeure la terre.
de YHWH pour ses CRAIGNANT pour LEUR FAIRE CONNAITRE. à jamais fera-sortir
vers YHWH du filet
MES PIEDS.
Le morceau central se distingue des deux autres, car il ne comprend que deux bimembres au lieu de trois dans les morceaux qui l’encadrent. Les deux occurrences de « bon » (8a.13a) jouent le rôle de termes initiaux pour les morceaux extrêmes. Il semble que ces morceaux se correspondent en miroir.
29
Le premier terme du segment, sôd, est traduit ici par « secret », mais on pourrait le rendre aussi par « intimité », par ex. en Pr 3,32 (Osty : « mais avec les [hommes] droits est son intimité »), voire « amitié », par ex. en Jb 29,4 (TOB : « quand l’amitié de Dieu reposait sur ma tente »). En effet, seul l’ami intime révèle son secret à son ami. 30 Il est vrai que le morceau s’achève sur la mention d’une action divine, mais c’est dans une causale.
326
La deuxième section (Ps 19–25)
+ ṭ 8 BON + c’est pourquoi – y 9 IL FAIT CHEMINER – et IL APPREND : k 10 TOUS LES SENTIERS : pour les gardant
et droit IL ENSEIGNE
est YHWH, aux pécheurs
les humiliés aux humiliés
dans le jugement SON CHEMIN.
de YHWH
fidélité et ses préceptes.
SON ALLIANCE
LE CHEMIN.
et loyauté
·········································································································· ton nom, YHWH,
+ l 11 À cause de + tu pardonneras
mon tort
– m 12 Qui est l’homme CRAIGNANT LE CHEMIN – auquel IL ENSEIGNE
car il est nombreux. YHWH qu’il choisit ?
··········································································································
: n 13 Son âme : et sa descendance – s 14 Le secret – et SON ALLIANCE + ‘ 15 Mes yeux + car lui
dans le BON héritera
demeure la terre.
de YHWH pour ses CRAIGNANT pour LEUR FAIRE CONNAITRE. à jamais fera-sortir
vers YHWH du filet
MES PIEDS.
– dans les segments extrêmes 15b renvoie à 8b. En effet, les deux métaphores se correspondent : « apprendre aux pécheurs le chemin » est un équivalent de « faire sortir du filet mes pieds »31. Les seconds membres commencent avec un mot qui indique la cause : « c’est pourquoi » et « car » ; – le deuxième et l’avant-dernier segment (9.14) n’ont eux aussi pas de vocabulaire commun ; toutefois, « ses craignant » renvoie aux « humiliés » et « faire connaitre » est un synonyme de « enseigner » ; – comme le premier membre de 10, les deux membres de 13 disent ce qui advient à « l’homme qui craint Yhwh » (12a), à « ceux qui gardent son alliance et ses préceptes » (10b). Le mouvement est chronologique dans le premier morceau : le pardon des péchés est suivi par l’instruction et débouche sur le don de Dieu. Dans le dernier morceau le même mouvement est repris mais en ordre inverse. On notera que « son alliance » à la fin du premier morceau (10b) revient au centre du dernier (14b). Les liens entre le morceau central et les deux autres sont nombreux : – « mon tort » de 11b et « pécheurs » de 8b, qui appartiennent au même champ sémantique, jouent le rôle de termes initiaux pour les deux premiers morceaux ; 31 « Pieds » (15b) appartient au même champ sémantique que « chemin », « cheminer » et « sentiers » (8b, et aussi 9a.9b.10a). Il est vrai que la métaphore du « filet » est la plupart du temps liée à la présence des ennemis (par ex. Ps 9,16) ; mais il n’en est pas du tout question dans cette partie.
La troisième sous-section : le psaume 25
327
ainsi se vérifierait la troisième loi de Lund qui veut que les extrémités et le centre se correspondent32 ; – en 12b « il enseigne le chemin » renvoie à « il enseigne […] le chemin » de 8b ; – « craindre » de 12a sera repris en 14a ; – le nom de « Yhwh » revient deux fois dans chaque morceau ; – le troisième morceau se rattache au second du fait que le référent du pronom « son » en 13a est « l’homme » de 12a.
CONTEXTE LA NOUVELLE ALLIANCE « L’alliance » dont il est question deux fois (10b.14b) présente deux des caractéristiques essentielles de la nouvelle alliance : elle repose sur le pardon des péchés et la connaissance intérieure de la Loi est donnée par Dieu lui-même : 33
Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. 34 Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : « Ayez la connaissance du Seigneur ! » Car tous me connaitront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur – parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché (Jr 31,33-34)33.
« À CAUSE DE MON NOM » Le début du morceau central rappelle Is 48,9-11 : 9
À cause de mon nom, je vais différer ma colère, pour mon honneur, je vais patienter avec toi, pour ne pas t’exterminer. 10 Voici que je t’ai acheté mais non pour de l’argent, je t’ai choisi au creuset du malheur. 11 C’est à cause de moi, à cause de moi que je vais agir, comment mon nom serait-il profané ?
Et Ez 20,44 précise que l’intervention de Dieu n’est due qu’à sa seule initiative gratuite, sans mérite de la part d’Israël. Et vous saurez que je suis le Seigneur, quand j’agirai envers vous par égard pour mon nom, et non pas d’après votre mauvaise conduite et vos actions corrompues, maison d’Israël, oracle du Seigneur Dieu.
32
Voir Traité, 98. Voir A. ROSE, « Le Psaume 25», 11 : « Que Dieu ne se souvienne pas de nos fautes (v. 7), voilà un des signes de la Nouvelle Alliance » (il renvoie à Jr 31,34 cité par He 8,12). 33
328
La deuxième section (Ps 19–25)
LES CHEMINS DU SEIGNEUR L’image du chemin que le Seigneur « fait connaitre » et dans lequel il conduit son peuple se retrouve dans les textes de la nouvelle alliance, par exemple : Je conduirai les aveugles par un chemin qu’ils ne connaissent pas, par des sentiers qu’ils ne connaissent pas je les ferai cheminer ; devant eux je changerai l’obscurité en lumière et les fondrières en surface unie (Is 42,16).
De même en Is 48,17 : Ainsi parle le Seigneur ton rédempteur, le Saint d’Israël : Je suis le Seigneur ton Dieu, je t’instruis pour ton bien, je te conduis par le chemin où tu marches.
INTERPRÉTATION TOUT REPOSE SUR LE PARDON DES PÉCHÉS Ce n’est pas aux justes que le Seigneur apprend le chemin mais aux pécheurs (8a). C’est sur le pardon des péchés qu’est fondée la nouvelle alliance. Ce pardon n’est pas dû aux mérites de l’homme, au fait qu’il se soit repenti et converti, qu’il ait changé de chemin, de conduite. Il est dû uniquement à la bonté et à la droiture de Dieu (8a). Le psalmiste l’a bien compris qui, au cœur d’une partie essentiellement hymnique, s’adresse directement au Seigneur pour implorer son pardon. Il ne dit pas qu’il est revenu de sa conduite mauvaise, il ne s’appuie sur rien d’autre que sur Dieu : c’est uniquement « à cause de son nom » que le pardon lui sera accordé, dans la pure gratuité. Il y reviendra en finale dans une supplication confiante : c’est Dieu et lui seul qui le tirera du filet où ses pieds étaient pris et lui donnera la capacité de marcher sur ses chemins34. LE DON DE LA CONNAISSANCE On a vu dans ces versets — non sans quelque raison — une référence à l’exode. Le chemin serait celui que les fils d’Israël ont parcouru au désert et l’enseignement serait celui de la Torah reçue par Moïse sur le mont Sinaï35. Il semble plutôt que le contexte ne soit pas tant celui de l’alliance mosaïque que celui de la nouvelle alliance. En effet, ce ne sont pas des commandements qui sont donnés à ceux qui craignent le Seigneur, mais la connaissance de ses chemins, la connaissance de Dieu lui-même, de sa bonté et de sa droiture (8), de sa fidélité et de sa loyauté (10). Celle-ci est communiquée par Dieu dans le secret, elle fait entrer dans l’intimité de sa connaissance (14). Cette connaissance 34
Dans l’évangile de Luc, la séquence 5,17–6,11 présente Jésus comme l’Époux de la nouvelle alliance (voir Luc 2005, 251-279 ; Luc 2011, 255-281). Or, en profond accord avec la prophétie de Jr 31,31-34, cette séquence commence par le pardon et la guérison d’un homme dont les pieds étaient paralysés. 35 Ainsi Clifford, 140.
La troisième sous-section : le psaume 25
329
intérieure, don d’en-haut, est une des caractéristiques majeures de la nouvelle alliance : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur [...] Ils n’auront plus à s’instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : “Ayez la connaissance du Seigneur !” Car tous me connaitront, des plus petits jusqu’aux plus grands, oracle du Seigneur » (Jr 31,33-34).
C. LA TROISIÈME PARTIE (16-22) COMPOSITION La partie comprend trois morceaux organisés de manière concentrique. LE PREMIER MORCEAU (16-17) + p 16 RETOURNE-TOI – car je suis seul
vers moi et miséreux,
– ṣ 17 Les angoisses + de mes tourments
de mon cœur
ET PRENDS PITIÉ DE MOI
moi. se multiplient : FAIS-SORTIR MOI.
Les deux segments se correspondent de manière spéculaire. Deux supplications à l’impératif encadrent leurs motivations. La première est introduite par « car » ; la seconde est simplement juxtaposée à la supplication qui la suit. Au couple « angoisses » et « tourments » du second segment correspond celui de « seul et miséreux » dans le premier. À la fin des membres extrêmes les deux verbes s’achèvent par le pronom suffixe de première personne. LE DEUXIÈME MORCEAU (18-19) :: r 18 Vois .. et emporte
mon humiliation toutes
et ma peine mes fautes.
:: r 19 Vois .. et d’une haine
mes ennemis de violence
car ils sont nombreux ils haïssent-moi.
Commençant avec le même verbe, les deux segments sont complémentaires : le malheur (« humiliation » et « peine »), dû d’abord aux « fautes » (18b), puis aux « ennemis » (19a), vient donc de l’intérieur et de l’extérieur. Dans le second segment, le verbe « voir » régissant « ennemis » signifie l’emporter sur eux36. À la fin du premier membre du second segment, il est possible de comprendre : « car ils sont puissants ». 36 Ainsi, par ex., Ps 112,8 : « Assuré son cœur, il ne craint pas, jusqu’à ce qu’il voie ses oppresseurs ».
330
La deuxième section (Ps 19–25)
LE TROISIÈME MORCEAU (20-22) + 20 š VEILLE sur . que je ne rougisse pas
mon âme car je me réfugie en toi.
et délivre-moi
+ 21 t Que perfection . car
et droiture j’espère en toi.
gardent-moi
+ 22 p RACHÈTE, - de toutes
ô Dieu, ses angoisses.
Israël
Les deux premiers segments sont parallèles : une demande (20a.21a) est suivie de sa motivation (20b.21b). Leurs premiers membres s’achèvent sur un verbe dont l’objet est le pronom suffixe de première personne du singulier et dont les seconds membres s’achèvent sur le pronom de deuxième personne du singulier. Le premier segment ne précise pas de quoi le psalmiste demande d’être délivré, à moins de comprendre que napšî ne signifie pas simplement « mon âme » (c’est-à-dire « moi-même ») mais « ma vie », auquel cas ce serait d’un danger de mort que le psalmiste demande d’être délivré ; ce qui est confirmé du fait que le segment précédent parlait des « ennemis ». De manière complémentaire, alors que dans le premier segment le psalmiste demande d’être libéré de la main de ses ennemis, dans le second il supplie d’être gardé par « perfection et droiture ». Ces deux qualités peuvent être interprétées comme des vertus humaines37 ; ici, étant donné le contexte du morceau, il semble qu’il faille les considérer comme des attributs divins. On a remarqué en outre que ce couple correspond, au niveau supérieur, à celui du début de la partie centrale du psaume : « Bon et droit Yhwh ». Le rapport est beaucoup plus sensible en hébreu : « bon et droit Yhwh » « perfection et droiture me gardent »
ṭôb -weyāšār yhwh tōm -wāyōšer yiṣṣerûnî38
Le dernier segment élargit la requête du singulier de « mon âme » au pluriel sémantique de tous ceux qui font partie d’« Israël ». On pourra aussi noter que les segments extrêmes sont les seuls qui commencent par un impératif de seconde personne du singulier. Les « angoisses » d’Israël sont les situations dramatiques où il se trouve, en particulier devant ses ennemis. De ce point de vue, la construction peut être considérée comme étant concentrique.
37 « Perfection et droiture » ne se retrouve pas ailleurs dans la Bible hébraïque ; en revanche le couple « intègre et droit » revient trois fois, attribué à Job : « un homme intègre et droit » (Jb 1,1.8 ; 2,3). 38 Voir P. AUFFRET, « Étude structurelle du psaume 25 », 22.
La troisième sous-section : le psaume 25
331
L’ENSEMBLE DE LA PARTIE (16-22) + p 16 RETOURNE-toi :: car je suis seul
vers moi et MISÉREUX,
et prends pitié de moi moi.
:: ṣ 17 Les ANGOISSES + de mes tourments
de MON CŒUR
se multiplient, fais-sortir-moi.
························································································································· :: 18 r Vois mon HUMILIATION et ma peine TOUTES mes fautes. .. et emporte
:: 19 r Vois .. et d’une haine
mes ennemis violente
car ils sont nombreux ils me haïssent.
························································································································· MON ÂME et délivre-moi
+ 20 š Veille sur :: que je ne rougisse pas
car je me réfugie en toi.
+ 21 t Que perfection ::
et droiture car j’espère en toi.
gardent-moi
+ 22 p RACHÈTE, :: de TOUTES
ô Dieu, ses ANGOISSES.
Israël
Le premier morceau et le dernier se correspondent de plusieurs manières. Les membres extrêmes du premier morceau (16a.17b) ainsi que les premiers membres des deux premiers segments du dernier morceau (20a.21a) s’achèvent avec des verbes de demande dont l’objet est le pronom suffixe de première personne du singulier. « Mon âme » de 20a rappelle « mon cœur » de 17a, en position identique. Les verbes par lesquels commencent les segments extrêmes sont en étroit rapport de paronomase : peneh et pedeh ; la traduction par « retourne » et « rachète », qui commencent avec la même consonne, a tenté de rendre ce rapport. « Angoisses » au début du second segment dans le premier morceau (17a) est repris à la fin du dernier morceau (22b). « Toutes » de 22b rappelle « se multiplient » de 17a. « Israël » à la fin du dernier morceau (22a) correspond à « moi » au début du premier (16b) : la supplication personnelle s’étend à l’ensemble du peuple à la fin de la partie. Le morceau central est lié avec le premier par « humiliation » (18a) qui rappelle « miséreux » du début (16b). « Toutes » de 18b sera repris à la fin (22b) ; « ils sont nombreux » de 19a correspond à « se multiplient » de 17a. CONTEXTE BIBLIQUE « LES ANGOISSES » Il ne s’agit pas des angoisses au sens psychologique, mais des situations de détresse où l’on se trouve pressé de toutes parts, sans échappatoire possible. Quand David dit : « Par la vie du Seigneur qui a racheté mon âme de toute
332
La deuxième section (Ps 19–25)
angoisse » (2S 4,9 ; 1R 1,29)39, il entend essentiellement la mort dont le menaçaient ses ennemis. Le Ps 54 joint dans son dernier segment (9) « angoisse » et « ennemis » : « Car de toute angoisse il m’a délivré et mon œil voit mes ennemis ». INTERPRÉTATION « EMPORTE TOUTES MES FAUTES » Le psalmiste commence par demander avec insistance d’être délivré de son péché, ce péché qui lui cause humiliation et solitude (16b). Ses fautes l’oppressent, elles lui serrent « le cœur ». Ses angoisses sont à la mesure de ses péchés par leur nombre qui ne font qu’ajouter au poids de sa culpabilité. « VOIS MES ENNEMIS » La détresse, l’angoisse n’est pas provoquée seulement par le péché, elle ne provient pas uniquement du dedans, de la conscience de l’orant. Les ennemis du dehors eux aussi l’oppressent, le serrant de tous côtés, nombreux et puissants. LES ANGOISSES D’ISRAËL On pourrait penser que les situations angoissantes où se trouve Israël ne soient que celles où le mettent ses ennemis. En effet, le verset final fait partie du dernier morceau où il est question de ceux qui en veulent à la vie du psalmiste et de son peuple. Toutefois, comme « angoisses » fait écho à celles du psalmiste écrasé par son péché, il est aussi possible de comprendre que les angoisses du peuple tout entier ne sont pas causées uniquement par ses ennemis extérieurs, mais aussi par les fautes dont il s’est rendu coupable. C’est en effet « de toutes ses angoisses » que le psalmiste demande que tout Israël soit libéré.
39
En 1S 26,24 il utilise le verbe « délivrer » : « il me délivrera de toute angoisse ».
La troisième sous-section : le psaume 25
333
D. L’ENSEMBLE DU PSAUME COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES PARTIES EXTRÊMES ’ 1b Vers toi, Yhwh, MON ÂME j’élève, ’ 2 mon DIEU, en toi je me fie, QUE JE NE ROUGISSE PAS, g 3 Aussi QUE tous les espérant en toi NE ROUGISSENT PAS,
que ne se réjouissent pas MES ENNEMIS sur moi. QU’ILS ROUGISSENT ceux qui trahissent pour rien.
····················································································································
d 4 Tes chemins, Yhwh, fais-moi connaitre h 5 Fais-moi cheminer dans ta loyauté et apprends-moi
tes sentiers apprends-moi ! car c’est toi le DIEU de mon salut, c’est toi que j’espère tout le jour.
····················································································································
z 6 Souviens-toi de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités car elles sont de toujours. ḥ 7 Des fautes de ma jeunesse et de mes péchés ne te souviens pas. Selon ta fidélité souviens-toi de moi, toi, à cause de ta bonté, Yhwh. [...] p 16 Tourne-toi vers moi et prends pitié de moi ṣ 17 Les angoisses de mon cœur se multiplient
car je suis seul et miséreux, moi. de mes tourments fais-moi sortir.
····················································································································
r 18 Vois mon humiliation et ma peine r 19 Vois MES ENNEMIS car ils sont nombreux
et enlève toutes mes fautes. et d’une haine violente ils me haïssent.
····················································································································
š 20 Veille sur MON ÂME et délivre-moi t 21 Que perfection et droiture me gardent p 22 Rachète, ô DIEU, Israël
QUE JE NE ROUGISSE PAS car je me réfugie en toi. car j’espère en toi. de toutes ses angoisses.
Les morceaux extrêmes se correspondent : il y est question des ennemis et le psalmiste demande de ne pas avoir à « rougir » devant eux (2.20), car il « se fie » en « Dieu » (2), il « se réfugie » en lui (20) ; il « espère » en lui car « tous les espérant en lui ne rougissent pas ». « Élevant » son « âme » vers lui (1b), il lui demande de « veiller » sur son « âme » (20). Le morceau central de la dernière partie renvoie au dernier morceau de la première partie : en effet, le psalmiste demande d’être libéré de ses « fautes » et de ses « péchés » (7.18). À première vue la dernière partie ne présente pas d’élément qui corresponde au morceau central de la première partie ; toutefois, il est possible de dire que « ta loyauté » de 5 annonce « perfection et droiture » de 21, dans la mesure où ces deux qualités sont celles de Dieu (voir p. 330). Pour David Kimchi, l’expression « tous ceux qui espèrent en toi » (3) désigne Israël40. Si l’on accepte cette interprétation, l’expression fait inclusion avec « Israël » du dernier segment.
40
D. KIMCHI, Commento ai salmi, 215.
334
La deuxième section (Ps 19–25)
LES RAPPORTS ENTRE LES TROIS PARTIES 1
De David ’ Vers toi, Yhwh, MON ÂME j’élève, ’ 2 mon DIEU, en toi je me fie, que je ne rougisse pas, g 3 Aussi que tous les espérant en toi ne rougissent pas,
que ne se réjouissent pas mes ennemis sur moi. qu’ils rougissent ceux qui trahissent pour rien.
d 4 Tes CHEMINS, Yhwh, FAIS-MOI CONNAITRE, tes SENTIERS APPRENDS-MOI ! h 5 Fais-moi CHEMINER dans ta LOYAUTÉ et APPRENDS-MOI, car c’est toi le DIEU de mon salut, c’est toi que j’espère TOUT LE JOUR. z 6 Souviens-toi de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités car elles sont DE TOUJOURS. ḥ 7 Des FAUTES de ma jeunesse et de mes PÉCHÉS ne te souviens pas. Selon ta fidélité souviens-toi de moi, toi, à cause de ta BONTÉ, Yhwh. ṭ 8 BON ET DROIT est Yhwh, y 9 Il FAIT CHEMINER les humiliés dans le jugement k 10 Tous les SENTIERS de Yhwh fidélité et LOYAUTÉ l 11 À cause de ton nom, Yhwh, m 12 Qui est l’homme craignant Yhwh n 13 SON ÂME dans le BIEN demeure s 14 Le secret de Yhwh pour ses craignant ‘ 15 Mes yeux À JAMAIS vers Yhwh p 16 Tourne-toi vers moi et prends pitié de moi ṣ 17 Les angoisses de mon cœur se multiplient r 18 Vois mon humiliation et ma peine r 19 Vois mes ennemis car ils sont nombreux š 20 Veille sur MON ÂME et délivre-moi t 21 Que PERFECTION ET DROITURE me GARDENT p 22 Rachète, ô DIEU, Israël
c’est pourquoi il ENSEIGNE aux PÉCHEURS le CHEMIN. et il APPREND aux humiliés son CHEMIN. pour ceux qui GARDENT son alliance et ses préceptes. tu pardonneras mon TORT bien qu’il soit nombreux. auquel il ENSEIGNE le CHEMIN qu’il choisit ? et sa descendance héritera la terre. et son alliance POUR LEUR FAIRE CONNAITRE. car lui fera-sortir du filet mes pieds. car je suis seul et miséreux, moi. de mes tourments fais-moi sortir. et enlève toutes mes FAUTES. et d’une haine violente ils me haïssent. que je ne rougisse pas car je me réfugie en toi. car j’espère en toi. de toutes ses angoisses.
Les trois parties sont de longueur comparable : 15 membres pour la première, 14 pour la dernière, 16 pour la partie centrale. Les deux premières parties. Seulement dans ces deux parties reviennent : – « chemin(s) », « cheminer » et « sentiers » (4.5 ; 8.9.10.12) ; – « apprendre », « enseigner », « faire connaitre » (4.5 ; 8.9.12.14) ; – « loyauté » et « fidélité » (5.6 ; 10) ; – « Yhwh » (1b.4.6.7b ; 8.10.11.12.14.15) ; – « à cause de ta bonté » à la fin de la première partie (7b) et « à cause de ton nom » au centre de la deuxième (11) ; – à « tout le jour » de 5b et « de toujours » de 6 correspond « à jamais » de 15 ; – « bonté » et « bon » jouent le rôle de termes médians (fin de 7b, début de 8). À la demande de pardon à la fin de la première partie (7) correspond celle du centre de la deuxième partie (11).
La troisième sous-section : le psaume 25
335
Les rapports entre les deux dernières parties sont moins nombreux. – toutefois, à la demande de pardon du premier segment du morceau central de la deuxième partie (11), correspond celle du premier segment du morceau central de la dernière partie (18), bel exemple de termes centraux ; – « bien qu’il soit nombreux » (kî rab-hû’) au centre de la deuxième partie (11) annonce « car ils sont nombreux » (kî-rābbû) de 19 ; dans le premier cas il s’agit des péchés du psalmiste, dans le second de ses ennemis ; – aux deux occurrences de « humiliés » (‘ănāwîm) en 9 correspondent celle de « miséreux » (‘ānî) et de « mon humiliation » (‘onyî) en 16 et 18 ; – comme on l’a déjà signalé, « perfection et droiture » de l’avant-dernier segment de la troisième partie (21) correspond à « bon et droit » au début de la deuxième partie (8), faisant ainsi inclusion pour les deux dernières parties (voir p. 330) ; – « garder » se retrouve en 10 et en 21 ; dans le premier cas, c’est l’homme qui « garde » l’alliance, dans le second c’est à Dieu que le psalmiste demande de le « garder ». Les rapports entre les trois parties : – de même que « péchés » (7) et « pécheurs » (8) jouent le rôle de termes médians pour les deux premières parties, ainsi les deux occurrences de « faire sortir » (15.17) jouent le rôle de termes médians qui agrafent les deux dernières parties ; – « mon âme » revient dans chacune des trois parties (1b.13.20) ; au début c’est le psalmiste qui élève son âme vers Dieu, à la fin, de manière complémentaire, il lui demande de veiller sur elle ; – la demande de pardon se retrouve une fois dans chaque partie (7a.11b.18b) ; la dernière fois le psalmiste ajoute « toutes » à « mes fautes ».
CONTEXTE LE VOCABULAIRE DE L’ALLIANCE Marina Mannati a fait la liste de tous les termes qui se rapportent à l’alliance : « l’alliance » pour commencer, deux fois encadrant le morceau central (10.14) ; les termes qui, sans la nommer jamais, indiquent la Loi, « chemin(s) » et « cheminer » (4.5.8.9 bis.12), « sentiers » (4.10), « préceptes » (10) ; « enseigner » (de la même racine que Torah : 8.12), « apprendre » (4.5.9) et « faire connaitre » (4.14) ; « choisir » le chemin, c’est-à-dire s’engager dans la voie de l’alliance (Dt 30,15-20 ; Jos 24,15) ; « fidélité et loyauté » (10) qui renvoie aux mêmes termes en 5.6.7b. Ceci pour les plus importants41.
41
Mannati, I, 253-254. De même Ravasi, I, 469-472.
336
La deuxième section (Ps 19–25)
LA NOUVELLE ALLIANCE André Rose écrit : « Que Dieu ne se souvienne pas de nos fautes (v. 7), voilà un des signes de la Nouvelle Alliance »42 et il renvoie à Jr 31,34 cité par He 8,12 (He 8,8-12 cite tout le passage de Jr 31,31-34). On a déjà noté plus haut que le pardon des péchés est le fondement même de la Nouvelle Alliance (voir p. 327) et que le don de la connaissance est une de ses caractéristiques essentielles (voir p. 328)43.
INTERPRÉTATION L’interprétation de l’ensemble du psaume, on l’aura compris, sera organisée à partir des deux versets qui constituent le cœur de la prière44, les versets 11 et 12. UN PARDON TOTALEMENT GRATUIT Ce n’est pas à cause de son repentir et de sa conversion que le psalmiste implore le pardon du Seigneur : en effet, il n’en parle pas une seule fois. S’il demande d’être pardonné de ses nombreux péchés, en plein cœur du psaume, c’est uniquement « à cause de son Nom » (11). Ce n’est pas en lui-même qu’il met sa confiance, mais seulement en Dieu : « Mon Dieu, en toi je me fie » (2). C’est lui « le Dieu de son salut » et c’est en lui qu’il « espère tout le jour » (5). S’il demande au Seigneur de se souvenir de lui, c’est « selon sa fidélité », c’est « à cause de sa bonté » (7). C’est lui qui « fera sortir ses pieds du filet » (15), c’est en lui seul qu’il « se réfugie » (20). C’est en lui qu’« il espère », lui demandant que sa perfection et sa droiture le gardent (21). LA CONNAISSANCE INTÉRIEURE DES CHEMINS DE DIEU Le psalmiste demande avec insistance la connaissance des chemins du Seigneur. Comme s’il ne les connaissait pas ! En effet, les lois et préceptes de la Torah ne lui sont pas étrangers et il les a appris depuis sa jeunesse, comme tous les fils d’Israël. À prendre en considération le titre du psaume, le psalmiste est n’est autre que David ; or il est bien certain que le roi d’Israël n’ignore rien des commandements de Dieu. « Qui est l’homme craignant Yhwh auquel il enseigne le chemin qu’il choisit ? » (12). C’est celui qui demande à être enseigné, intérieurement, qui désire que la loi de Dieu soit gravée dans son cœur, sans qu’il ait besoin d’être enseigné par d’autres que le Seigneur lui-même. Cette connaissance intérieure est si intime que le psalmiste l’appelle « le secret » du Seigneur (14). 42 43
A. ROSE, « le Psaume 25 », 13. Voir P. BEAUCHAMP, L’Un et l’Autre Testament. I, Chap. VI, « La nouvelle alliance », 229-
274. 44
Voir Traité, « Partir du centre », 567-573.
La troisième sous-section : le psaume 25
337
LA VOIE DE L’UNION « Fais-moi cheminer dans ta loyauté » (5). Dès le début le psalmiste demande au Seigneur d’entrer, pour ainsi dire, dans son intimité, de partager avec lui ce qui constitue sa nature. Car la « loyauté » est l’apanage de Dieu. C’est bien pourquoi il ne dit pas « la loyauté » mais « ta loyauté ». Non seulement il ne met pas en avant sa propre fidélité ; bien au contraire, puisqu’il s’empressera de demander d’être libéré de ses fautes et de ses péchés (7). Mais ce n’est même pas la grâce d’être fidèle qu’il implore, mais d’entrer dans la fidélité de Dieu. On retrouve le même jeu à propos d’un autre attribut divin, la « bonté » : « Bon et droit est le Seigneur » (8) à quoi correspond « Son âme dans le bon demeure » (13) ; là encore on comprend que le psalmiste revêt une qualité qui devient la sienne certes, mais parce qu’elle lui est donnée par un autre. Il en va de même pour « le chemin qu’il choisit », formule dont on a dit qu’elle était ambiguë. C’est bien évidemment le Seigneur qui choisit le premier le chemin qu’il entend emprunter, mais ce chemin devient aussi celui que l’homme choisit. Ainsi la volonté de Dieu et celle de l’homme ne font plus qu’un. L’échange, mieux, l’union se réalise aussi quand, aux extrémités du poème, le psalmiste commence par déclarer : « Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme » (1) et qu’il finit par supplier le Seigneur de « veiller sur son âme » (20). Le mouvement est réciproque et conduit les deux protagonistes de ce que l’on peut à juste titre appeler une histoire d’amour, de fidélité et de loyauté à se rencontrer et à s’unir. Enfin, même la question des « ennemis » peut être comprise dans la même ligne ; en effet, l’ambiguïté de l’expression « ceux qui trahissent pour rien », qui est mise en parallèle avec « mes ennemis » (2-3) donne à penser que les ennemis du psalmiste ne sont autres que ceux de Dieu lui-même. En défendant son fidèle, en le délivrant de ses ennemis, c’est sa propre fidélité qu’il défend et c’est lui-même qu’il protège. La cause de Dieu et de celui qui le craint ne sont qu’une seule et même cause. SINGULIER ET PLURIEL Le jeu du singulier et du pluriel marque les trois parties du psaume. Alors que dans la partie centrale le singulier du psalmiste est évoqué brièvement, en deux segments (11.15), en application d’une loi générale énoncée dans tout le reste de la partie, inversement dans les parties extrêmes, ce que l’orant demande tout au long pour lui-même est élargi à tous dans deux segments seulement (3.22). Cet équilibre identique des parties extrêmes entre le singulier et le pluriel est un indice supplémentaire que le dernier verset n’est pas une adjonction secondaire mais qu’il fait partie intégrante du psaume. L’attribution de cette prière à David n’est probablement pas due seulement à l’artifice commun qui voulait que l’on mette une composition tardive sous le patronage et l’autorité d’un personnage illustre du passé. Elle s’accorde bien avec la fonction de celui qui ne parle pas seulement en son nom propre mais aussi au nom de tout son peuple, ce qui est d’abord et avant tout la fonction du roi, mais qui peut être compris aussi
338
La deuxième section (Ps 19–25)
comme le devoir de quiconque prie non seulement pour lui-même, mais qui, solidaire des siens, les porte tous avec lui dans sa prière. PSAUME DE L’AVENT « Vers toi j’élève mon âme ; mon Dieu, en toi je me fie, que je ne sois pas confondu ! » C’est par ces mots, empruntés au Ps 25, que commence la première messe de l’année liturgique, celle du 1er dimanche de l’Avent, où l’on retrouve ce psaume au graduel et à l’offertoire. Choix et insistance compréhensibles, car cette prière de l’Israël des anawim convient admirablement pour exprimer l’attente de l’Église et son espérance en la réalisation des promesses du Dieu de l’Alliance 45.
Ces lignes, publiées en 1966, s’appliquaient à la liturgie préconciliaire. La réforme liturgique n’a pas gommé le rapport du psaume 25 avec l’Avent, puisque l’antienne d’entrée du premier dimanche de l’Avent reprend toujours ses trois premiers versets. Ce qui donne à ce psaume une position et un relief tout particuliers. Pour l’acclamation de l’évangile et pour l’antienne de communion de ce même dimanche, la nouvelle liturgie fait appel au Ps 85 que l’ancienne liturgie considérait comme spécifique de ce temps inaugural46. IRRÉGULARITÉ DE L’ACROSTICHE ALPHABÉTIQUE ? Il faut d’abord remarquer que l’absence de trois lettres (beth, waw, qûf) est pour ainsi dire compensée par la répétition de trois autres lettres (aleph, pé, resh) ; le nombre total des 22 lettres de l’alphabet est donc préservé. L’équilibre entre les trois parties est respecté aussi de ce point de vue, puisque la répartition des lettres correspond exactement au nombre des versets tels que les découpe le texte massorétique : sept lettres dans la première partie (aleph, aleph, gimel, daleth, hé, zayn, heth), sept également dans la dernière partie (pé, tsadé, resh, resh, sîn, taw, pé), et huit dans la partie centrale (teth, yûd, kaf, lamed, mem, nûn, samek, ayn). Pour ce qui est de la répétition du pé, il faut rappeler que les deux occurrences de cette lettre font inclusion pour la dernière partie ; ce fait est corroboré par le rapport de paronomase qui rapproche les deux impératifs par lesquels commencent les versets 16 et 22, paronomase renforcée par celle du début des mots qui suivent ces impératifs, penēh ’ēl(ay), en 16 et pedēh ’ĕl(ōhîm) en 22. À la double occurrence de pé, en termes extrêmes dans la dernière partie, correspond la double occurrence de aleph dans la première partie, mais cette fois-ci au début des deux premiers membres. Il se trouve aussi que les deux premiers mots des versets commençant par aleph, « vers-toi » et « mon Dieu » se retrouveront en deuxièmes termes des versets qui commencent par pé : « vers-moi » « ô Dieu » ; la symétrie est donc complémentaire, puisque le psalmiste élève son âme « vers » son « Dieu » pour que « Dieu » se tourne « vers » lui. 45 46
Mannati, I, 252. Voir R. MEYNET, « L’enfant de l’amour (Ps 85) ».
La troisième sous-section : le psaume 25
339
Faut-il voir dans ces faits une explication des irrégularités de l’alphabétisme du psaume ? Peut-on penser que ces irrégularités étaient intentionnelles ? Une chose est sure : ce n’est pas le seul cas d’irrégularité de l’alphabétisme dans ce genre de psaumes47. S’il est possible de jongler avec les lettres et de jouer sur les mots qu’elles peuvent former, les trois lettres répétées de l’acrostiche alphabétique (aleph, pé, resh) peuvent se lire dans l’ordre du psaume ’ēper, « poussière », et dans l’ordre inverse rāpā’, « guérir ». Le premier mot décrirait bien l’état de l’homme devant son Seigneur, le second l’action de Dieu envers lui. Même si ce n’étaient pas là les mots cachés par l’auteur, rien n’interdit au lecteur de les y voir.
47 Voir le cas des Ps 9–10 et 34, voir R. MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 48-49.93.
IV. LE SEIGNEUR DÉLIVRE SON FIDÈLE DE LA MORT L’ensemble de la deuxième section : Ps 19–25 COMPOSITION La section comprend sept psaumes organisés en trois sous-sections. Les psaumes extrêmes (19 et 25) se correspondent de manière étroite : LA LOI
LE SEIGNEUR
LES CHEMINS
DU SEIGNEUR
EST LUMIÈRE
SAUVE
TOUS LES HOMMES
DU SEIGNEUR
SONT VÉRITÉ
Ps 19
Ps 20–24
Ps 25
Rapports de longueur (en nombre de signes) : 1re sous-section
2e sous-section
3e sous-section
Ps 19
Ps 20–24
Ps 25
877
3 975
1 061
Les cinq psaumes de la sous-section centrale forment trois séquences : deux paires de psaumes (20–21 et 23–24) encadrent le Ps 22. LE SECOURS Le roi DE RETOUR
DU SANCTUAIRE
POUR TOUS LES ENNEMIS
est sauvé
de la mort
AU TEMPLE
AVEC TOUS LES CHERCHANT
DU ROI
Ps 20–21 Ps 22
DIEU
Ps 23–24
342
La deuxième section (Ps 19–25)
LES SOUS-SECTIONS EXTRÊMES (19 ET 25) Chacun des deux psaumes comprend trois parties de longueur semblable. Rapports lexicaux entre les premières parties : « connaissance » (19,3) ; « faireconnaitre » (25,4) ; « sentier(s) » (19,6 ; 25,4) ; « jour » (19,3, 25,5). Rapports lexicaux entre les deuxièmes parties : « Loi » (19,8) et « instruire » (de même racine que « Loi », 25,8.12) ; « témoignage(s) » (19,8 ; 25,10) ; « jugement(s) » (19,10 ; 25,9) ; « âme » (19,8 ; 25,13) ; « loyauté » (19,10 ; 25,10) ; « droit » (19,9 ; 25,8) ; « yeux » (19,9 ; 25,15) ; « crainte » – « craignant » (19,10 ; 25,12. 14) ; les synonymes « à jamais » (19,10) et « toujours » (25,15). Rapports lexicaux entre les troisièmes parties : « Abondant(s) » (19,11.12.14 ; 25,19), « abonder » (25,17.19) ; « garder » (19,12 ; 25,20) ; « être-parfait » (19,14), « perfection » (25,21) ; « cœur » (19,15 ; 25,17) ; « les arrogants » (19,14) annoncent « les ennemis » (25,19) ; en finale, « mon rédempteur » (19,15) correspond à « rachète » (25,22). Autres rapports : – « qu’ils (les arrogants) ne dominent sur moi » (19,14), « que ne l’emportent pas [...] sur moi » (25,2) qui jouent le rôle de termes médians à distance ; – « péché(s) » (19,14 ; 25,7), « fautes » (25,7.18), « errances » « cachées » (19,13) appartiennent au même champ sémantique. La demande de pardon se trouve en 19,13 (« purifie-moi »), en 25,7 (« de mes péchés ne te souviens pas ») et en 25,18 (« emporte toutes mes fautes ») ; – « sentier(s) » revient aussi en 25,10 ; « pieds » (25,15) appartient au même champ sémantique ; – « connaitre » revient en 25,14 ; – « abondant » revient en Ps 25,11 ; « abondant » qualifie le « tort » en 25,11 et le « péché » en 19,14 ; – « loyauté » dans les deuxièmes parties se trouvait déjà en 25,5 ; – « cœur » dans les troisièmes parties apparaissait déjà en 19,9 ; – les termes de la racine « sortir » réapparait en Ps 25,15.17 ; – « apprendre », synonyme de « instruire » deux fois en 25,4.5, une fois en 25,9 ; – les synonymes « à jamais » (19,10), « de toujours » « toujours » (25,6.15) ; Le soleil se déplace d’une extrémité à l’autre du ciel (19,7) ; le Ps 25 va d’une extrémité à l’autre de l’alphabet. C’est donc le même thème de la totalité qui se retrouve dans les deux psaumes.
L’ensemble de la deuxième section Ps 19 1
Ps 25
Du maître de chant. Psaume. De David.
Les cieux RACONTENT la gloire de Dieu, et les œuvres de ses mains, L’ANNONCE le firmament ; 3 le jour au jour en PUBLIE le RÉCIT et la nuit à la nuit TRANSMET la CONNAISSANCE. 4 Point de RÉCIT et point de PAROLES, sans qu’on entende leurs VOIX, 5 sur toute la terre en ressortent les LIGNES et jusqu’à l’extrémité du monde leurs MOTS. Pour le soleil il mit une tente en eux, 6 et lui, comme un époux sortant de son pavillon, se réjouit, comme un héros, de courir LE SENTIER. 7 À une extrémité des cieux sa sortie et son parcours sur leurs extrémités, et rien n’est caché à sa chaleur. 2
343
1
De David.
Vers toi, Yhwh, j’élève MON ÂME, 2 mon Dieu, en toi je me fie, que je ne rougisse pas, que ne l’emportent pas mes ennemis sur moi ! 3 Aussi tous ceux qui t’espèrent ne rougissent pas, qu’ils rougissent les trahissant pour rien. 4 Tes chemins, Yhwh, FAIS-MOI CONNAÎTRE, TES SENTIERS apprends-moi. 5 Achemine-moi dans ta loyauté, apprends-moi, Car toi tu es le Dieu de mon salut, en toi j’espère tout le jour. 6 Souviens-toi de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités, car ils sont de toujours. 7 Des fautes de ma jeunesse et de mes PÉCHÉS ne te souviens pas, selon ta fidélité souviens-toi de moi, toi, à cause de ta bonté Yhwh !
8 LA LOI de Yhwh est parfaite, faisant-revenir L’ÂME ; LE TÉMOIGNAGE de Yhwh est véridique, rendant-sage le simple. 9 LES PRÉCEPTES de Yhwh sont droits, réjouissant le CŒUR ; LE COMMANDEMENT de Yhwh est limpide, illuminant LES YEUX. 10 LA CRAINTE de Yhwh est pure, demeurant à jamais ; LES JUGEMENTS de Yhwh sont loyauté, ils sont-justes ensemble.
Bon et droit est Yhwh, c’est pourquoi IL INSTRUIT les pécheurs dans le chemin. 9 Il achemine les humiliés dans LE JUGEMENT, et il enseigne aux humiliés son chemin. 10 Tous LES SENTIERS de Yhwh fidélité et loyauté pour qui garde son alliance et SES TÉMOIGNAGES. 11 À cause de ton nom, Yhwh, tu pardonneras mon tort, car il est ABONDANT. 12 Qui est l’homme CRAIGNANT Yhwh, qu’IL INSTRUIT dans le chemin qu’il choisit ? 13 SON ÂME dans le bon habite, et sa descendance héritera la terre. 14 Le secret de Yhwh pour SES CRAIGNANT, et son alliance pour leur FAIRE-CONNAITRE. 15 MES YEUX toujours vers Yhwh, car lui fera-sortir du filet mes pieds.
Désirables plus que l’or, et que l’or-fin ABONDANT ; doux plus que le miel, et que le suc des rayons. 12 Aussi ton serviteur est éclairé par eux, les garder est profit ABONDANT. 13 Les errances qui les comprend ? Des cachées innocente-moi. 14 Aussi des arrogants préserve ton serviteur, qu’ils ne dominent sur moi ! Alors je serai-parfait et innocenté du PÉCHÉ ABONDANT. 15 Que soient agréés les dits de ma bouche et le murmure de mon CŒUR devant toi, Yhwh, mon rocher, mon rédempteur !
Retourne-toi vers moi et prends-pitié de moi, car je suis seul et miséreux, moi. 17 Les angoisses de mon CŒUR ABONDENT, de mes tourments fais-moi sortir. 18 Vois mon humiliation et ma peine, et emporte toutes mes fautes. 19 Vois mes ennemis car ils sont ABONDANTS, et d’une haine violente ils me haïssent. 20 Garde MON ÂME et délivre-moi, que je ne rougisse pas, car je me réfugie en toi. 21 Que perfection et droiture me protègent, car j’espère en toi, Yhwh. 22 Rachète, ô Dieu, Israël de toutes ses angoisses.
8
11
16
344
La deuxième section (Ps 19–25)
LES SOUS-SECTIONS EXTRÊMES ET LE PSAUME CENTRAL (PS 19 ; 22 ; 25) Rapports entre les Ps 19 et 22 – « sur toute la terre » (19,5.7) – « tous les lointains de la terre » (22,28) ; – « le jour au jour », « la nuit à la nuit » (19,3) – « le jour », « la nuit » (22,3) ; – « et point » 2 fois (19,4 ; 22,3) ; – « paroles » (19,4 ; 22,2) ; – « écouter » (19,4 ; 22,25) ; – « faisant-revenir l’âme » (19,8) – « reviendront » (22,28) ; – « crainte » (19,10) – « ses craignant » ( 22,24.27) ; – « sont-justes » (19,10) – « sa justice » (22,32) ; – « à jamais » (19,10 – 22,27) ; – « cœur » (19,15 ; 22,15) ; – « serviteur » (19,12.14) « servira » (22,31) ; – le couple « raconter » – « annoncer » au début du Ps 19 (2) est repris à la fin du Ps 22 (32 ; « raconter » se trouve aussi au début de la dernière partie du psaume : 23) ; – les ennemis apparaissent pour la première fois à la fin du Ps 19 avec « arrogants » (19,14) ; dans le Ps 22 : « Adam », « peuple » (7), « taureaux », « lion », « chiens », « vauriens » (13-17), « épée », « chien », « lion », « buffles » (20-22). Rapports entre les Ps 22 et 25 – « Mon Dieu » (22,2 bis.3.11 ; 25,2) ; – « salut » « sauver » (22,2.22 ; 25,5) ; – « le jour » (22,3) « tout le jour » (25,5) ; – « rougir » (22,6 ; 25,2.3.20) ; – « se fier » (22,5-6.10 ; 25,2) ; – « cœur » (22,15.27) ; – « craindre » (22,24.26 ; 25,12.14) ; – « angoisse(s) » (22,12 ; 25,17.22) ; – « descendance » (22,24 bis.31 ; 25,13) ; – « se souvenir » (22,28 ; 25,6.7 bis) ; – « humiliés/humiliation » (22,27 ; 25,9 bis.18) ; « misère/miséreux » (22,25 ; 25,16) ; – « ton nom » (22,23 ; 25,11) ; – « Israël » (22,4.24 ; 25,22) ; – les ennemis sont très présents dans le Ps 22 : « Adam », « peuple » (7), « taureaux », « lion », « chiens », « vauriens » (13-17), « épée », « chien », « lion », « buffles » (20-22) ; dans le Ps 25 : « mes ennemis » (2.19), « les trahissant » (3), « ils me haïssent » (19) ; – le thème de la mort sur lequel est focalisé le Ps 22 (16) peut se lire dans le Ps 25, surtout avec « le filet » (15), instrument fait pour capturer les proies, mais aussi avec « tourments » (17).
L’ensemble de la deuxième section
345
19,1 Du maitre de chant. Psaume. De David. 2 Les cieux RACONTENT la gloire de Dieu, et les œuvres de ses mains, L’ANNONCE le firmament ; 3 le jour au jour en publie le récit et la nuit à la nuit transmet la connaissance. 4 Point de récit et point de PAROLES, sans qu’on entende leurs voix, 5 sur toute la terre en ressortent les lignes et jusqu’à l’extrémité du monde leurs mots. Pour le soleil il mit une tente en eux, 6 et lui, comme un époux sortant de son pavillon, se réjouit, comme un héros, de courir le sentier. 7 À une extrémité des cieux sa sortie et son parcours sur leurs extrémités, et rien n’est caché à sa chaleur. 8 La Loi de Yhwh est parfaite, faisant-revenir l’âme ; le témoignage de Yhwh est véridique, rendant-sage le simple. 9 Les préceptes de Yhwh sont droits, réjouissant le cœur ; le commandement de Yhwh est limpide, illuminant les yeux. 10 LA CRAINTE de Yhwh est pure, demeurant à jamais ; les jugements de Yhwh sont loyauté, ils sont-justes ensemble. 11 Désirables plus que l’or, et que l’or-fin abondant ; doux plus que le miel, et que le suc des rayons. 12 Aussi ton serviteur est éclairé par eux, les garder est profit abondant. 13 Les errances qui les comprend ? Des cachées innocente-moi. 14 Aussi des ARROGANTS préserve ton serviteur, qu’ils ne dominent sur moi ! Alors je serai-parfait et innocenté du péché abondant. 15 Que soient agréés les dits de ma bouche et le murmure de mon cœur devant toi, Yhwh, mon rocher, mon rédempteur ! Ps 22,1 Au maitre de chant. Sur « la biche de l’aurore ». Psaume, de David. 2 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Loin de mon SALUT, les PAROLES de mon rugissement ! 3 Mon Dieu, j’appelle le jour et point ne réponds et la nuit et point de repos pour moi. 4 Et toi, tu es le Saint, habitant les louanges d’Israël : 5 en toi SE FIAIENT nos pères, ILS SE FIAIENT et tu les délivrais, 6 vers toi ils criaient et ils échappaient, en toi ILS SE FIAIENT et ILS NE ROUGISSAIENT PAS. 7 Et moi, vermisseau et non homme, risée D’ADAM et mépris DU PEUPLE ; 8 tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent de leur lèvre, ils hochent la tête : 9 « Il s’est remis à Yhwh, qu’il le délivre ! qu’il le libère, puisqu’il s’est plu en lui ! » 10 Car toi tu m’as tiré du ventre, m’as mis-en-confiance sur les seins de ma mère ; 11 sur toi je fus jeté dès les entrailles, dès le ventre de ma mère, (tu es) mon Dieu, toi. 12 Ne sois pas loin de moi car l’angoisse est proche, car point de secourant ! Me cernent des TAUREAUX nombreux, de fortes-bêtes de Bashân m’encerclent ; 14 bâille contre moi leur bouche, lacérant et rugissant. 15 Comme l’eau je m’écoule et se disloquent tous mes os ; est mon cœur comme la cire, fondant au milieu de mes viscères ; 16 est-sèche comme un tesson ma force, et ma langue collée à ma mâchoire. Et dans LA POUSSIÈRE DE LA MORT tu me couches. 17 Car me cernent des CHIENS, une bande de VAURIENS m’entourent. Ils ont troué mes mains et mes pieds, 18 je compte tous mes os. Eux observent, me regardent, 19 ils partagent mes habits entre eux et sur mon vêtement ils jettent le sort. 13
LION
Et toi, Yhwh, ne sois pas loin, ô ma force, à mon secours hâte-toi. 21 Délivre de L’ÉPÉE mon âme, de la main du unique. 22 SAUVE-MOI de la bouche du LION, et des cornes des BUFFLES. Tu m’as répondu. ton nom à mes frères, au milieu de l’assemblée je te louerai : 24 « Les CRAIGNANT Yhwh, louez-le, toute la DESCENDANCE de Jacob, glorifiez-le, redoutez-le, toute la DESCENDANCE d’Israël ! » 25 Car il ne méprisa ni ne dédaigna la misère du miséreux, il n’a pas caché sa face de lui, mais, invoqué par lui, il écouta. 26 De toi ma louange dans l’assemblée nombreuse, mes vœux j’accomplirai devant ses CRAIGNANT. 27 Ils mangeront les humiliés et seront rassasiés, ils loueront Yhwh ses cherchant : « QUE VIVE votre cœur à jamais ! » 28 SE SOUVIENDRONT et reviendront vers Yhwh tous les lointains de la terre et se prosterneront devant toi toutes les familles des nations. 29 Car à Yhwh la royauté et il est maitre dans les nations. 30 Ils mangeront et se prosterneront tous les gras de la terre, devant lui se courberont tous les descendant à la poussière et qui son âme NE FAIT PAS VIVRE. 31 Une DESCENDANCE le servira, IL SERA RACONTÉ sur le Seigneur à la GÉNÉRATION ; 32 ils viendront et ANNONCERONT sa justice à un PEUPLE À NAITRE, car il a fait. 20
CHIEN, mon 23 JE RACONTERAI
25,1 De David. Vers toi, Yhwh, j’élève mon âme, 2 mon Dieu, en toi JE ME FIE, QUE JE NE ROUGISSE PAS, que ne l’emportent pas sur moi ! 3 Aussi tous ceux qui t’espèrent NE ROUGISSENT PAS, QU’ILS ROUGISSENT LES TRAHISSANT pour rien. 4 Tes chemins, Yhwh, fais-moi connaître, tes sentiers apprends-moi. 5 Achemine-moi dans ta loyauté, apprends-moi, Car toi tu es le Dieu de mon SALUT, en toi j’espère tout le jour. 6 SOUVIENS-TOI de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités, car ils sont de toujours. 7 Des fautes de ma jeunesse et de mes péchés NE TE SOUVIENS PAS, selon ta fidélité SOUVIENS-TOI de moi, toi, à cause de ta bonté Yhwh ! 8 Bon et droit est Yhwh, c’est pourquoi il instruit les pécheurs dans le chemin. 9 Il achemine les humiliés dans le jugement, et il enseigne aux humiliés son chemin. 10 Tous les sentiers de Yhwh fidélité et loyauté pour qui garde son alliance et ses témoignages. 11 À cause de ton nom, Yhwh, tu pardonneras mon tort, car il est abondant. 12 Qui est l’homme CRAIGNANT Yhwh, qu’il instruit dans le chemin qu’il choisit ? 13 Son âme dans le bon habite, et sa DESCENDANCE héritera la terre. 14 Le secret de Yhwh pour ses CRAIGNANT, et son alliance pour leur faire-connaitre. 15 Mes yeux toujours vers Yhwh, car lui fera-sortir du FILET mes pieds. 16 Retourne-toi vers moi et prends-pitié de moi, car je suis seul et miséreux, moi. 17 Les angoisses de mon cœur abondent, de mes TOURMENTS fais-moi sortir. 18 Vois mon humiliation et ma peine, et emporte toutes mes fautes. 19 Vois MES ENNEMIS car ils sont abondants, et d’une haine violente ils me HAÏSSENT. 20 Garde mon âme et délivre-moi, QUE JE NE ROUGISSE PAS, car je me réfugie en toi. 21 Que perfection et droiture me protègent, car j’espère en toi, Yhwh. 22 Rachète, ô Dieu, Israël de toutes ses angoisses. MES ENNEMIS
346
La deuxième section (Ps 19–25)
L’ENSEMBLE DES TROIS SOUS-SECTIONS (PS 19–25) Les sous-sections extrêmes se distinguent de la sous-section centrale par deux traits essentiels : – le thème de la royauté en est absent ; à moins toutefois de considérer les deux premières parties du Ps 19 comme évoquant la royauté, la « gloire » de celui qui a créé l’univers (2-7) et a édicté sa Loi (8-10) ; le psalmiste, « David » selon le titre, ne se présente pas comme roi mais comme « ton serviteur » (12.14). – inversement, le thème du péché est absent de la longue sous-section centrale alors qu’il marque les sous-sections extrêmes (19,13-14 ; 25,7.8.11.18).
On pourra noter aussi les reprises lexicales suivantes : – « cieux » (19,1.7 ; 20,7) ; – « gloire » (19,2 ; 21,6 ; 24,7-10) ; – « cœur » (19,9 ; 20,5 ; 21,3 ; 24,4 ; 25,17) ; – « crainte » « craindre » (19,10 ; 23,4 ; 25,12.14) ; – « à jamais » et synonymes (19,10 ; 21,5.7 ; 23,6 ; 25,6.15) ; – « or-fin » (19,11 ; 21,4) ; – « arrogants » et autres ennemis (19,14 ; 20,9 ; 21,9 ; 23,5 ; 25,2.3.19 bis) ; – « salut » « sauver » (20,6.7 bis.10 ; 21,2.6 ; 24,5 ; 25,5) ; – « nom » (20,2.6.8 ; 23,3 ; 25,11) ; – « fidélité » (21,8 ; 23,6 ; 25,6.7.10) ; – « angoisse(s) » (20,2 ; 25,17.22).
L’ensemble de la deuxième section
347
19,1 Du maître de chant. Psaume. De David. 2 LES CIEUX racontent la GLOIRE de Dieu, et les œuvres de ses mains, l’annonce le firmament ; 3 le jour au jour en publie le récit et la nuit à la nuit transmet la connaissance. 4 Point de récit et point de paroles, sans qu’on entende leurs voix, 5 sur toute la terre en ressortent les lignes et jusqu’à l’extrémité du monde leurs mots. Pour le soleil il mit une tente en eux, 6 et lui, comme un époux sortant de son pavillon, se réjouit, comme un héros, de courir le sentier. 7 À une extrémité des CIEUX sa sortie et son parcours sur leurs extrémités, et rien n’est caché à sa chaleur. 8 La Loi de Yhwh est parfaite, faisant-revenir l’âme ; le témoignage de Yhwh est véridique, rendant-sage le simple. 9 Les préceptes de Yhwh sont droits, réjouissant le cœur ; le commandement de Yhwh est limpide, illuminant les yeux. 10 LA CRAINTE de Yhwh est pure, demeurant À JAMAIS ; les jugements de Yhwh sont loyauté, ils sont-justes ensemble. 11 Désirables plus que l’or, et que L’OR-FIN abondant ; doux plus que le miel, et que le suc des rayons. 12 Aussi TON SERVITEUR est éclairé par eux, les garder est profit abondant. 13 Les errances qui les comprend ? Des cachées innocente-moi. 14 Aussi des ARROGANTS préserve TON SERVITEUR, qu’ils ne dominent pas sur moi ! Alors je serai-parfait et innocenté du péché abondant. 15 Que soient agréés les dits de ma bouche et le murmure de mon cœur devant toi, Yhwh, mon rocher, mon rédempteur ! Ps 20,1 Au maître de chœur. Psaume. De David. 2 Qu’il te réponde Yhwh au jour d’angoisse, que te protège le NOM du Dieu de Jacob. 3 Qu’il t’envoie ton secours du sanctuaire et de Sion qu’il te soutienne. 4 Qu’il se rappelle toutes tes offrandes, ton holocauste, qu’il le trouve gras. 5 Qu’il te donne selon ton cœur et tous tes projets, qu’il les accomplisse. 6 Jubilons pour ton SALUT, et au NOM de notre Dieu pavoisons. Yhwh accomplit toutes tes demandes. 7 Maintenant je sais que Yhwh SAUVE son MESSIE. Il lui répond des CIEUX de son sanctuaire avec les prouesses de 8 SALUT de sa droite. Aux uns les chars et aux autres les chevaux, mais nous le NOM de Yhwh notre Dieu nous rappelons ; 9 EUX fléchissent et tombent, mais nous, nous nous dressons et tenons-debout. 10 Yhwh, SAUVE ! LE ROI nous répondra au jour de notre appel. Ps 21 ,1 Au maître de chœur. Psaume. De David. 2 Yhwh, dans ta force LE ROI se réjouit ; et dans ton SALUT comme il exulte beaucoup ! 3 Tu lui as donné le désir de son cœur, et la requête de ses lèvres point ne l’as empêchée. 4 Oui, tu l’as prévenu de bénédictions de bien, tu as mis sur sa tête une COURONNE D’OR-FIN. 5 La vie qu’il t’a demandée tu lui as donnée, LONGUEUR DE JOURS, TOUJOURS ET À JAMAIS. 6 Grande GLOIRE dans ton SALUT, splendeur et honneur tu as placés sur lui. 7 Oui, tu lui as mis des bénédictions À JAMAIS, tu l’as fait jouir de joie avec ta face ; 8 Oui, LE ROI se fie en Yhwh et dans la fidélité du Très-Haut point ne chancellera. 9 Que ta main trouve tous TES ENNEMIS, que ta droite trouve TES HAÏSSANT. 10 Tu les mettras comme four de feu, au temps de ta face. Yhwh dans sa colère les engloutira et le feu les mangera. 11 Leur fruit de la terre tu anéantiras et leur descendance parmi les fils d’Adam. 12 Oui, ils inclineront contre toi un mal, penseront un complot : point ne réussiront. 13 Oui, tu les mettras de dos, tes cordes tu ajusteras contre leurs faces. 14 Élève-toi, Yhwh, dans ta force : nous chanterons et psalmodierons ta prouesse. [...] Ps 23 ,1 Psaume. De David. Yhwh est mon BERGER, je ne manque pas ; 2 sur des prés d’herbe il me fait-coucher, vers les eaux du repos il me mène, 3 mon âme il restaure ; il me guide aux sentiers de justice à cause de son NOM. 4 Même si je vais dans le val de l’ombre, JE NE CRAINS PAS le mal car toi, tu es avec moi, ton bâton et ta houlette eux me consolent. 5 Tu apprêtes devant ma face une table face à MES ADVERSAIRES ; tu arroses d’huile ma tête, ma coupe est débordante. 6 Oui, bonheur et fidélité me pressent TOUS LES JOURS DE MA VIE ; et j’habiterai dans la maison de Yhwh EN LA LONGUEUR DES JOURS. Ps 24 ,1 Psaume. De David. À Yhwh la terre et sa plénitude, le monde et les habitants en lui ; 2 car lui sur les mers l’a fondée, et sur les fleuves l’a fixée. 3 Qui montera sur la montagne de Yhwh et qui se tiendra dans le lieu de sa sainteté ? 4 Le propre de paumes et pur de cœur : lequel ne se porte pas vers la vanité son âme, et point ne jure pour frauder. 5 Il portera la bénédiction de Yhwh et la justice du Dieu de son SALUT. 6 Celle-ci est la génération de ses cherchant, les recherchant ta face, Jacob. 7 Portes, levez vos têtes, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, LE ROI de GLOIRE ! 8 Qui est celui-ci, LE ROI de GLOIRE ? (C’est) Yhwh, fort et vaillant, Yhwh, le vaillant des combats. 9 Portes, levez vos têtes, élevez-vous, portails antiques, qu’il entre, LE ROI de GLOIRE ! 10 Qui lui celui-ci, LE ROI de GLOIRE ? Yhwh des armées, lui, LE ROI de GLOIRE. 25,1 De David. Vers toi, Yhwh, j’élève mon âme, 2 mon Dieu, en toi je me fie, que je ne rougisse pas, QUe ne l’emportent pas MES ENNEMIS sur moi ! 3 Aussi tous ceux qui t’espèrent ne rougissent pas, qu’ils rougissent LES TRAHISSANT pour rien. 4 Tes chemins, Yhwh, fais-moi connaître, tes sentiers apprends-moi. 5 Achemine-moi dans ta loyauté, apprendsmoi, Car toi tu es le Dieu de mon SALUT, en toi j’espère tout le jour. 6 Souviens-toi de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités, car ils sont DE TOUJOURS. 7 Des fautes de ma jeunesse et de mes péchés ne te souviens pas, selon ta fidélité souviens-toi de moi, toi, à cause de ta bonté Yhwh ! 8 Bon et droit est Yhwh, c’est pourquoi il instruit les pécheurs dans le chemin. 9 Il achemine les humiliés dans le jugement, et il enseigne aux humiliés son chemin. 10 Tous les sentiers de Yhwh fidélité et loyauté pour qui garde son alliance et ses témoignages. 11 À cause de ton NOM, Yhwh, tu pardonneras mon tort, car il est abondant. 12 Qui est l’homme CRAIGNANT Yhwh, qu’il instruit dans le chemin qu’il choisit ? 13 Son âme dans le bon habite, et sa descendance héritera la terre. 14 Le secret de Yhwh pour ses CRAIGNANT, et son alliance pour leur faire-connaitre. 15 Mes yeux TOUJOURS vers Yhwh, car lui fera-sortir du filet mes pieds. 16 Retourne-toi vers moi et prends-pitié de moi, car je suis seul et miséreux, moi. 17 Les angoisses de mon cœur abondent, de mes tourments fais-moi sortir. 18 Vois mon humiliation et ma peine, et emporte toutes mes fautes. 19 Vois MES ENNEMIS car ils sont abondants, et d’une haine violente ils me HAÏSSENT. 20 Garde mon âme et délivre-moi, que je ne rougisse pas, car je me réfugie en toi. 21 Que perfection et droiture me protègent, car j’espère en toi, Yhwh. 22 Rachète, ô Dieu, Israël de toutes ses angoisses.
348
La deuxième section (Ps 19–25)
INTERPRÉTATION « QU’ILS NE DOMINENT SUR MOI » Dans les cinq psaumes de la sous-section centrale le psalmiste se trouve affronté à une meute d’ennemis qui en veulent à la vie d’un innocent. Dans les sous-sections extrêmes (19 et 25) les adversaires n’ont pas disparu, mais leur rôle semble différent. Dans la première, il faut pratiquement attendre la fin pour voir mentionnés « les arrogants » (19,14). Encore sont-ils précédés par « les errances » « cachées », inconscientes, du psalmiste qui demande d’en être « innocenté ». Ce qu’il craint, c’est d’être contaminé par les arrogants, d’être « dominé » par eux ; et c’est pourquoi il ajoute : « Alors je serai parfait et innocenté du grand péché ». Quant au dernier psaume, il commence, comme le premier finissait, par un souhait analogue : « que mes ennemis ne l’emportent pas sur moi » (25,2). Et l’ennemi principal que le psalmiste affronte n’est pas tellement celui qui le menace de l’extérieur, qu’il provienne des nations païennes ou même de l’intérieur d’Israël, comme dans le Ps 22, c’est celui qui le minerait de l’intérieur, à savoir « les fautes » et « les péchés » de sa jeunesse (25,7), son « tort » qui est « abondant » (11), « toutes les fautes » dont il demande d’être libéré (18). Tels sont avant tout les nombreux « ennemis » qui le « haïssent » « d’une haine violente » (19). Ce qui le protègera d’un tel danger mortel, ce seront « perfection et droiture » (21). Il est toutefois une différence de taille entre les deux psaumes : au début le psalmiste demande d’être préservé du péché, à la fin d’en être pardonné. « ENSEIGNE-MOI » L’ennemi, comme le serpent, est d’autant plus dangereux qu’il se dissimule pour mieux attaquer. Et c’est pourquoi le psalmiste commence par reconnaitre qu’il ne comprend pas ses propres « errances » et qu’il implore d’être innocenté de celles qui sont « cachées » (19,13). Il a donc besoin de lumière pour éclairer sa route et ainsi éviter d’errer hors du chemin. Tel est le rôle du « commandement de Yhwh » qui « illumine les yeux » (9). Comme le soleil éclaire chacun tout au long de son « sentier », ainsi la Loi de Dieu « éclaire » ses « serviteurs » (12). Le dernier psaume implorera de toutes les manières le Seigneur de le guider : « Tes chemins, Yhwh, fais-moi connaitre, tes sentiers apprends-moi. Achemine-moi dans ta loyauté, apprends-moi » (25,4-5). En effet, « bon et droit le Seigneur, c’est pourquoi il instruit les pécheurs dans le chemin » (8). Si le psalmiste demande avec une telle insistance la lumière, c’est qu’elle est radicalement hors de sa portée. Mais il sait que son berger le « guide aux sentiers de justice », le conduit « par le val de l’ombre » et le fera revenir vers sa maison (23,3.4.6). « Qui montera sur la montagne du Seigneur, qui se tiendra dans le lieu de sa sainteté ? » (24,3) ; tous les habitants du monde qui, enseignés par Jacob, auront respecté Dieu et n’auront pas trompé leur prochain (4). Ils entreront ainsi dans la lumière de sa « gloire » (7-10).
L’ensemble de la deuxième section
349
« JE RACONTERAI » Toute la section commence au plus haut des cieux. On se croirait aux premiers jours de la création, « Les cieux racontent la gloire de Dieu et les œuvres de ses mains le firmament l’annonce » (19,2). Puis c’est le soleil, le soleil de Dieu qui brille dans sa Loi, évoquée en une sorte de litanie solennelle (8-10), cette loi révélée sur le mont Sinaï, là où la terre touche le ciel. Mais la parole des sphères célestes et les dix paroles de la Loi ne sont pas les seules qui se font entendre. Il y a aussi le cri du psalmiste, son « rugissement » qui monte vers le Dieu qui, croit-il, l’a « abandonné » et « le couche dans la poussière de la mort » (22,3.16). Et il y a surtout la parole que suscite la réponse de Dieu tant attendue (22). Cette parole fait écho à celle des cieux et du firmament dont elle reprend les propres termes : Ce sont d’abord les mots du psalmiste, qui avant de s’adresser à l’assemblée nombreuse réunie dans le temple, commence par dire à son sauveur ce qu’il s’apprête à faire : « J’annoncerai ton nom à mes frères » (23). Puis, de bouche en bouche, ce seront les générations à venir qui « viendront et annonceront » la justice de Dieu « à un peuple à naitre » (32). Comme le soleil trace son parcours d’une extrémité à l’autre du ciel, ainsi la parole de Dieu, relayée, assumée par l’homme, devenue sienne, parcourt tout l’espace des nations les plus lointaines et toute la durée des générations, pour la suite des temps. DE LA PREMIÈRE ALLIANCE À LA NOUVELLE Le dernier psaume de la section (Ps 25) a été appelé « psaume de la nouvelle alliance »1. Il vient en effet clôturer l’ensemble mais il est préparé par plusieurs de ses éléments qui le précèdent. Ainsi de la mention du péché, fut-il inconscient, à la fin du premier psaume (19,13-14), de la mort au centre de la section (22,16), de l’ouverture aux nations opérée par la fin du Ps 22 (28-32) et confirmée par le basculement entre le début de la sous-section centrale où les ennemis sont destinés à être détruits et la fin où ils sont admis avec Jacob dans le temple, avec la mention de la création dès le début de la section (19,2-7), du pardon qui n’est pas absent du psaume central, quand le psalmiste sauvé ne se venge pas de ceux qui s’étaient moqués de lui et l’avaient méprisés (22,7) mais les traite comme ses « frères » (23)2. Ce sont sans doute les psaumes extrêmes qui marquent le plus fortement le contraste entre les deux alliances : celle de la Loi de Moïse évoquée longuement au centre du premier psaume (19,8-10) et celle, nouvelle, des « chemins » que le Seigneur « enseignera » au « pécheur » pardonné.
1
Voir p. 315, nt. 1 ; voir aussi toutes les références à la nouvelle alliance dans le « Contexte » de chaque partie puis de l’ensemble du psaume. 2 Sur toutes ces dimensions de la nouvelle alliance, voir P. BEAUCHAMP, L’Un et l’Autre Testament. I, 252-274 : 1) Commencement, télos, création ; 2) Justice et monde ; 3) Pardon ; 4) Alliance éternelle ; 5) Universalité ; 6) Mort ; 7) Ancienneté de l’alliance nouvelle.
LE SEIGNEUR LIBÈRE SES FIDÈLES DU PÉCHÉ La troisième section Ps 26–41
352
La troisième section (Ps 26–41)
La troisième section comprend seize psaumes organisés en trois sous-sections. LE SEIGNEUR
ABRITE
LE SEIGNEUR INSTRUIT
LE SEIGNEUR
PROTÈGE
SES FIDÈLES
EN SON TEMPLE
Ps 26–31
LES JUSTES
À LA LOUANGE
Ps 32–37
L’HOMME INTÈGRE
DU MAL
Ps 38–41
Les trois séquences de la première sous-section comprennent chacune deux psaumes. La sous-section est organisée de manière concentrique : DIEU CACHE
L’HOMME INTÈGRE
EN SON TEMPLE
DIEU CACHE
DIEU SAUVE
TOUS SES FIDÈLES
AU SECRET DE SA TENTE
SON PEUPLE
DE L’INIQUITÉ
AU SECRET DE SA FACE
Ps 26–27
Ps 28–29
Ps 30–31
I. LE SEIGNEUR ABRITE SES FIDÈLES EN SON TEMPLE
La première sous-section : Ps 26–31 Les six psaumes de la sous-section sont organisés en trois séquences de deux psaumes chacune.
A. DIEU CACHE L’HOMME INTÈGRE AU SECRET DE SA TENTE La première séquence : Ps 26–27 1. LE PSAUME 26 TEXTE 1
De David. Juge-moi, Yhwh, car moi en mon intégrité j’ai marché et en Yhwh je me confie et je ne trébucherai pas. 2 Scrute-moi, Yhwh, et éprouve-moi, passe-au-feu mes reins et mon cœur, 3 car ta fidélité (est) devant mes yeux et j’ai marché en ta vérité. 4 Je ne me suis pas 5 J’ai détesté assis avec les mortels de fausseté et avec les hypocrites je ne vais pas. l’assemblée des malfaisants et avec les méchants je ne me suis pas assis. 6 Je lave en l’innocence mes paumes et tourne-autour de ton autel, Yhwh, 7 pour faire-entendre la voix de l’action-de-grâce et pour raconter toutes tes merveilles. 8 Yhwh, j’aime la résidence de ta maison et le lieu du séjour de ta gloire. 9 N’ajoute pas avec les pécheurs mon âme et avec les hommes de sang ma vie, 10 lesquels (ont) dans les mains l’iniquité et leur droite est pleine de gratifications. 11 Et moi en mon intégrité je marcherai, rachète-moi et prends-pitié de moi. 12 Mon pied se tiendra en droiture, dans les assemblées je te bénirai, Yhwh. V. 8A
: « LA RÉSIDENCE DE TA MAISON »
Kraus est d’avis que « Yhwh » au début de 8a « est évidemment une addition »1 : effectivement le membre compte quatre termes au lieu de trois dans tous les autres membres de la partie. Le vocatif de 8a se trouve aussi dans la Septante et doit être conservé. « Résidence » et « maison » étant pratiquement synonymes, comme pour éviter cette sorte de répétition la Septante a traduit : « la beauté de ta maison ». Le même phénomène des deux synonymes se retrouve dans le membre suivant avec « le lieu du séjour »2.
1 2
Kraus, I, 325. Voir Hakham, I, 143.
354
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION Les propositions de composition du psaume sont, comme il arrive souvent, multiples et variées. Dans la liste qu’en fournit Paul G. Mosca, deux sur seize seulement sont identiques3. La présente analyse rejoint celle de Mosca et de Bellinger4 ; c’était déjà celle de Kidner5. Le psaume comprend cinq parties (1b-3 ; 4-5 ; 6-8 ; 9-10 ; 11-12) organisées de manière concentrique. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-5) + 1b JUGE-MOI, : CAR moi : et en YHWH + +
YHWH, en mon intégrité je me suis fié
J’AI MARCHÉ
et je ne chancellerai pas.
············································································································ 2 SCRUTE-MOI, YHWH, et ÉPROUVE-MOI, PASSE-AU-FEU mes reins et mon cœur,
: 3 CAR ta fidélité : et J’AI MARCHÉ
devant en ta vérité.
mes yeux
Les deux morceaux sont parallèles. Les demandes adressées à « Yhwh » (1b.2ab) sont ensuite motivées par la conduite irréprochable du psalmiste (1cd.3). Les vocatifs, « Yhwh », se trouvent en même position dans chaque morceau. Les deux occurrences de « marcher » font en quelque sorte inclusion. Dans le premier morceau la demande est réduite à un simple impératif (1b) qui est ensuite amplifiée par trois verbes dans le deuxième morceau (2ab). Les motivations sont complémentaires : tandis que la première (1cd) est centrée sur le psalmiste et son « intégrité », la seconde (3) regarde au contraire le Seigneur, sa « fidélité » et sa « vérité ». LA DEUXIÈME PARTIE (4-5) + 4 Je ne me suis pas ASSIS – et AVEC les hypocrites
AVEC
les mortels je ne vais pas.
de fausseté
+ 5 J’ai détesté – et AVEC les méchants
l’assemblée je ne m’ASSIEDS pas.
des malfaisants
3
P.G. MOSCA, « Psalm 26 : Poetic Structure and the Form-Critical Task », 218. W.H. BELLINGER, « Psalm XXVI: a Test of Method ». 5 D. KIDNER, Psalms 1–150, 117-120. 4
Le psaume 26
355
Les deux segments sont parallèles. Ils sont tous deux de construction spéculaire, verbes aux extrémités, méchants en termes médians ; les premiers verbes sont à l’accompli, les derniers à l’inaccompli. Dans le premier segment il s’agit de ceux qui ne respectent pas la vérité, dans le second de ceux qui font le mal ; on peut donc comprendre que les deux segments sont complémentaires : les méchants font le mal en s’en cachant. Les deux occurrences du verbe « s’asseoir » font une inclusion parfaite, d’autant plus qu’elles sont aux mêmes modalités, à part l’aspect, accompli au début, inaccompli à la fin. LA TROISIÈME PARTIE (6-8) = 6 Je lave = et tourne-autour :: 7 pour faire-entendre :: et pour raconter = 8 YHWH, = et le lieu
en l’innocence de TON autel,
MES paumes YHWH,
la voix toutes
TES
j’aime du séjour
la demeure de TA gloire.
de l’action-de-grâce merveilles. de TA maison
Le psalmiste se trouve dans le temple, « la maison » de Dieu, son « séjour » (8), près de son « autel » (6b). Les deux occurrences de « Yhwh », à la fin du premier segment (6b) et au début du troisième (8a), jouent le rôle de termes médians à distance. Le segment central est une double proposition finale régie par le membre précédent6. Alors que dans le premier membre le psalmiste parle de lui, par la suite il se concentre sur le Seigneur : le pronom suffixe de première personne du singulier traduit par « mes » (6a) est suivi par quatre occurrences du pronom de seconde personne du singulier (-kā, traduit par « ton », « tes » et « ta »). LA QUATRIÈME PARTIE (9-10) · 9 N’ajoute pas . et AVEC les hommes – 10 lesquels (ont) – et leur droite
AVEC
les pécheurs de sang
mon âme ma vie,
dans leurs mains est pleine
l’iniquité de gratifications.
Les deux segments ne forment qu’une seule phrase, les deux membres du second segment étant des relatives coordonnées. Les seconds membres précisent la faute de ceux dont il est question dans les premiers membres : « les pécheurs » sont des assassins, « l’iniquité » est celle de ceux qui se font verser des « gratifications » indues. En d’autres termes, ce sont ceux qui sont coupables d’homicide et de vol (voir Ex 20,13.15). 6
« La voix » et « toutes » (qôl et kol) sont en rapport de paronomase.
356
La troisième section (Ps 26–41)
LA CINQUIÈME PARTIE (11-12) + 11 Et moi, :: rachète-moi + 12 Mon pied : dans les assemblées
EN MON INTÉGRITÉ
JE MARCHERAI,
et prends pitié de moi. SE TIENDRA
EN DROITURE,
je te bénirai,
YHWH.
Dans les premiers membres les verbes se correspondent et les compléments aussi. Les seconds membres sont complémentaires, l’un exprimant l’action de Dieu invoquée par le psalmiste (11b), l’autre ce que ce dernier promet de faire pour « Yhwh » (12b). Les deux protagonistes se trouvent nommés aux extrémités, formant ainsi une sorte d’inclusion. L’ENSEMBLE DU PSAUME Au début des parties extrêmes deux membres presque identiques (1c.11a) : l’un commence avec « car », l’autre par « et », ils s’achèvent par le même verbe, à l’accompli la première fois, à l’inaccompli la deuxième fois. Ces parties comportent plusieurs impératifs, quatre au début (1b.2a bis.2b), deux à la fin (11b bis) ; toutefois, alors que dans la première partie le psalmiste demande à Dieu de constater sa fidélité, dans la dernière il demande le secours de Dieu pour l’aider à marcher en intégrité. On notera que les verbes « trébucher » (mā‘ad : 1d) et « se tiendra » (‘āmad : 12) sont non seulement en rapport de paronomase mais aussi d’opposition. Le même genre de rapport se retrouve dans la deuxième et l’avant-dernière partie : en 4-5 le psalmiste affirme n’avoir jamais eu de relation « avec » les méchants, en 9-10 il demande au Seigneur de le préserver de se trouver « avec » les pécheurs. Ainsi dans les deux premières parties le psalmiste demande à Dieu de juger de sa conduite passée (et présente) ; dans les deux dernières au contraire il lui promet de continuer sur la même voie dans l’avenir et le supplie de l’aider pour cela7. Dans la partie centrale (6-8) se vérifie la loi du croisement au centre8. En effet, le premier segment s’oppose à la partie suivante, « les paumes » de l’orant étant pures (6a) alors que « les mains » des pécheurs et « leur droite » sont souillées par « l’iniquité » et les « gratifications » (10). Quant au dernier segment (8), il rappelle la partie précédente à laquelle il s’oppose. Le psalmiste a « détesté » la compagnie des « méchants » (5), mais il « aime » la maison du Seigneur ; les deux verbes se trouvent en position identique, dans le premier membre du dernier segment de la deuxième et de la troisième partie.
7
Voir Hakham, I, 144 (sur le verset 11). Voir R. MEYNET, « Le leggi della retorica biblica. A proposito della “legge dell’intreccio al centro” ». 8
Le psaume 26 1
357
De David. + JUGE-MOI, : car moi : et en Yhwh
YHWH, en mon intégrité je me confie
J’AI MARCHÉ et je ne trébucherai pas.
···················································································································· YHWH, et ÉPROUVE-MOI,
+ 2 SCRUTE-MOI, + PASSE-AU-FEU
mes reins
et mon cœur,
devant en ta vérité.
mes yeux
· 4 Je ne me suis pas assis – et AVEC les hypocrites
AVEC les mortels je ne vais pas ;
de fausseté
· 5 J’ai détesté – et AVEC les méchants
L’ASSEMBLÉE
= 6 Je lave = et tourne-autour
en l’innocence de ton autel,
3
: car ta fidélité (est) : et J’AI MARCHÉ
:: 7 pour faire-entendre :: et pour raconter = 8 YHWH, = et le lieu
des malfaisants je ne me suis pas assis. mes paumes YHWH,
la voix de l’action-de-grâce toutes tes merveilles. j’aime du séjour
la résidence de ta gloire.
AVEC les pécheurs de sang
mon âme ma vie,
dans les mains est pleine
l’iniquité de gratifications.
+ 11 Et moi : RACHÈTE-MOI
en mon intégrité et PRENDS PITIÉ DE MOI.
JE MARCHERAI,
+ 12 MON PIED : dans les ASSEMBLÉES
se tiendra je te bénirai,
en droiture, YHWH.
· 9 N’AJOUTE PAS – et AVEC les hommes – 10 lesquels (ont) – et leur droite
de ta maison
La liste des « parties du corps » parcourt tout le psaume, surtout celles du psalmiste : « mes reins et mon cœur » (2b), « mes yeux » (3a), « mes paumes » (6a), « mon âme » (9a), « ma vie » (9b), « mon pied » (12a), mais aussi celles des « hommes de sang », leurs « mains » (10a) et « leur droite » (10b). Le nom de « Yhwh » n’apparait que dans les parties extrêmes et au centre. La partie centrale se distingue de toutes les autres par le fait que c’est seulement là qu’est indiqué le lieu où se trouve le psalmiste, le temple. La dernière partie s’achève sur la bénédiction « dans les assemblées » (12b), ce qui rappelle la partie centrale et en particulier le segment central où le psal-
358
La troisième section (Ps 26–41)
miste « loue » le Seigneur. « Les assemblées » du temple s’opposent à celles « des méchants » (5a).
CONTEXTE DE LA PROTESTATION D’INNOCENCE À L’HUMBLE SUPPLICATION : PS 119 Le mouvement qui fait passer de l’autojustification à la supplication pour obtenir la justice se retrouve dans le Ps 119. Dans la première sous-séquence (Ps 119,1-40), très fortement marquée par la thématique du chemin et de la marche, le psalmiste commence par déclarer « heureux les parfaits de chemin » (1-3), mais il en vient très vite à souhaiter : « si seulement étaient établis mes chemins » (5) puis, de façon répétée, à prier pour obtenir la justice. Le mouvement est encore plus clair dans l’avant-dernière sous-séquence (97-136). LES PSAUMES D’ACTION DE GRÂCE Le psaume 26 est focalisé sur la partie centrale et, plus précisément, sur l’action de grâce pour les merveilles opérées par le Seigneur. Quatre psaumes commencent au contraire par une invitation à l’action de grâce : « Rendez grâce au Seigneur » (Ps 105.106.107.118.136). Ce sont tous des psaumes qui célèbrent les actions merveilleuses de Dieu en faveur de son peuple.
INTERPRÉTATION Selon le rite de la messe de saint Pie V, devenu la « forme extraordinaire du rite Romain », le prêtre récite les versets 6-12 du psaume au moment où il se lave les mains après l’offertoire, avant de commencer la prière eucharistique, d’où le nom du lavement des mains : Lavabo (« Je laverai »). Cet usage liturgique rejoint une interprétation répandue qui voit dans le psaume une prière d’entrée dans une action liturgique au temple de Jérusalem. Beaucoup au contraire pensent qu’il s’agit d’une protestation d’innocence, suite à des accusations9. Quoi qu’il en soit de la situation dans laquelle le psaume serait né — dont nous ne savons rien de sûr —, il importe de se laisser guider par le mouvement du psaume. Le point de départ de la présente interprétation sera, comme il se doit10, le verset central (7). L’ACTION DE GRÂCES La partie centrale, et donc tout le psaume, pointe sur le chant d’action de grâce que le psalmiste proclame en tournant autour de l’autel pour raconter
9
Par ex., Weiser, 242 ; Kraus, I, 325 ; Mannati, I, 258. Voir Traité, la troisième des « Cinq règles herméneutiques » : « Partir du centre », 567-573.
10
Le psaume 26
359
« toutes les merveilles » opérées par le Seigneur11. Étant donné la position de l’action de grâce au tournant qui fait passer l’orant de la protestation d’innocence à la supplication pour obtenir la justice, les « merveilles » de Dieu qu’il célèbre se concrétisent pour lui dans le salut qu’il implore, dans la justification qu’il sait ne pouvoir obtenir que de la grâce divine. « PAR LA LOI PERSONNE N’EST JUSTIFIÉ DEVANT DIEU » (GA 3,11) Tout commence par une protestation véhémente où le psalmiste prend Dieu à témoin de sa fidélité et de son innocence. Il n’a absolument rien à voir avec « les hypocrites » et « les méchants » (4-5). Il s’est toujours conduit dans la plus grande « intégrité » (1). Cependant, s’il dit dès le premier verset « se confier » en Dieu, c’est bien qu’il ne met pas toute sa confiance en lui-même, et qu’il s’abandonne à la miséricorde divine. Quand ensuite il demande au Seigneur d’éprouver ses reins et son cœur (2), il n’est pas interdit de penser qu’il est conscient que ses propres intentions les plus secrètes lui échappent et qu’il doit donc s’en remettre au jugement de Dieu : « Tous les chemins de l’homme sont purs à ses yeux, mais c’est le Seigneur qui pèse les esprits » (Pr 16,2 ; voir aussi 21,2)12. Toutefois c’est seulement dans le second versant du psaume (9-12) que le psalmiste supplie explicitement et avec insistance le Seigneur de le « racheter » et de le « prendre en pitié » (11), pour qu’il ne soit pas compté « avec les pécheurs » (9). La protestation d’innocence a laissé toute la place à l’humble demande ; le psalmiste est passé de l’autojustification à la confession de sa faiblesse, et à la promesse de fidélité, avec la grâce de Dieu (11). Et le psaume s’achève sur la bénédiction future qui fait écho à « l’action de grâce » présente.
11
Il est étonnant que ce soit le seul verset qu’Alonso Schoekel – Carniti (I, 494) ne commentent pas. 12 Ainsi Alonso Schoekel – Carniti, I, 488.
2. LE PSAUME 27 TEXTE 1
De David. Yhwh (est) ma lumière et mon salut, devant qui aurais-je crainte ? Yhwh (est) le refuge de ma vie, devant qui tremblerais-je ? 2 Quand s’approchent contre moi des malfaisants pour dévorer ma chair, mes oppresseurs et mes ennemis à moi eux chancellent et tombent. 3 Si campe contre moi un camp, ne craint pas mon cœur ; si se dresse contre moi une guerre, en cela moi je me confie. 4 Une chose je demande à Yhwh, elle je cherche, habiter dans la maison de Yhwh tous les jours de ma vie, pour contempler la douceur de Yhwh et pour admirer son temple. 5 Car il m’abrite en sa hutte au jour de malheur, il me cache au secret de sa tente ; sur le roc il m’élève. 6 Et maintenant s’élève ma tête sur mes ennemis à l’entour ; et je sacrifierai en sa tente des sacrifices d’acclamation, je chanterai et je jouerai pour Yhwh. 7 Écoute, Yhwh, ma voix je crie et aie-pitié de moi et réponds-moi. 8 De toi a dit mon cœur : « Cherchez ma face. » Ta face, Yhwh, je cherche. 9 Ne me cache pas ta face de moi, n’écarte pas avec colère ton serviteur ; mon secours tu as été. Ne me laisse pas et ne m’abandonne pas, Dieu de mon salut ; 10 si mon père et ma mère m’abandonnent, Yhwh me recueillera. 11 Fais-moi voir, Yhwh, ton chemin et conduis-moi sur un sentier de droiture à cause de mes adversaires ; 12 ne me laisse pas à la gorge de mes oppresseurs car se sont dressés sur moi des témoins de mensonge et le respirant la violence. 13 Si seulement j’étais sûr de voir la bonté de Yhwh sur la terre des vivants. 14 Espère en Yhwh, sois-fort et s’affermisse ton cœur et espère en Yhwh. V. 8 : «
À TOI A DIT MON CŒUR : “CHERCHEZ MA FACE” »
« Cherchez ma face » du texte massorétique fait difficulté, car, selon les mots qui introduisent ces paroles de Dieu, il semble que celui qui les prononce soit le psalmiste lui-même. C’est pourquoi déjà les versions anciennes ont cherché à faciliter le texte. Parmi les nombreuses solutions proposées, on mentionnera celle d’Alonso Schoekel – Carniti qui consiste à intervertir les éléments du texte : Aie pitié de moi, réponds-moi : À toi dit mon cœur :
« Cherchez ma face » [dit le Seigneur]. « Oui, je cherche ta face, Seigneur... »1.
En s’en tenant au texte massorétique, on comprendra que le psalmiste reprend à son compte l’invitation du Seigneur. V. 12C
: « DU RESPIRANT LA VIOLENCE »
Le sens de yāpēaḥ est discuté2. Ici, ce terme semble correspondre à « l’appétit » de 12a qui traduit nepeš (« gorge », « souffle », « désir »).
1 2
Alonso Schoekel – Carniti, I, 508-509. Voir p. 143, à propos de Ps 12,6.
362
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION Comme 1-6 est un chant de confiance et 7-14 une lamentation, on a autrefois considéré qu’il s’agissait de deux psaumes distincts3. Plusieurs suivent cette division mais retiennent que le verset 14 est un oracle et forme donc une troisième partie4. D’autres aussi tiennent que le psaume s’organise en trois parties, mais ils ne sont pas d’accord sur leurs limites5. Certains enfin sont d’avis que le psaume compte cinq parties6, parfois arrangées de manière concentrique7. Le psaume s’organise en trois parties. Les parties extrêmes (1b-3 ; 11-14), qui sont de même longueur, parlent surtout des ennemis. La partie centrale est nettement plus développée qui comprend trois sous-parties. Le verset 6 occupe le centre de la composition. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-3) + 1b YHWH (est) : devant qui
CRAINDRAIS-JE ?
(est) + YHWH : devant qui
le refuge tremblerais-je ?
ma lumière
et mon salut, de ma vie,
········································································································· – 2 Quand s’approchent contre moi DES MALFAISANTS
.. pour dévorer
ma chair,
– MES OPPRESSEURS .. eux
et MES ENNEMIS chancellent
à moi et tombent.
········································································································· contre moi UN CAMP,
+ 3 Si campe : NE CRAINT PAS
mon cœur.
+ Si se dresse : en cela
contre moi moi
UNE GUERRE,
je me confie.
Le dernier morceau (3) dont les deux segments sont parallèles entre eux répond à la double question du premier morceau (1b-e). « Craindre » y est repris en même position (1c.3b) ; « un camp » et « une guerre » (3a.c) renvoient aux deux occurrences de « qui » (1c.e). Au centre (2), sont nommés ceux que le psalmiste n’a pas à craindre, « des malfaisants », c’est-à-dire ses « oppresseurs » et ses « ennemis ». 3
Et c’est ainsi que Weiser (244-255) les commente séparément. Kraus, I, 332-333 ; Ravasi, I, 499 (ses deux parties sont parallèles entre elles). 5 Hakham, I, 145 (1-3 ; 4-6 ; 7-14) ; deClaissé-Walford – al., 265 (1-6 ; 7-12 ; 13-14). 6 Lorenzin, 140 (1-3 ; 4-5 ; 6 ; 7-13 ; 14). 7 Ainsi Aletti – Trublet, 69, sur le seul vocabulaire (1-3 ; 4-5 ; 6 ; 7-9a ; 9b-14) ; Girard, I, 478 (1-3 ; 4-6b ; 6cde ; 7-9b ; 9c-14), comme toujours, sur les seules récurrences lexicales. 4
Le psaume 27
363
LA DEUXIÈME PARTIE (4-10) La longue partie centrale comprend trois sous-parties. La première sous-partie (4-5) + 4 Une chose + elle
je demande je cherche,
à YHWH,
– habiter – tous les jours
DANS LA MAISON
de YHWH
.. pour contempler .. et pour admirer
la douceur
de ma vie, de YHWH
DANS SON TEMPLE.
········································································································· 5
= Car il m’abrite :: au jour = il me cache
de malheur,
:: sur le roc
il m’élève.
DANS SA HUTTE DANS LE SECRET
DE SA TENTE
;
Les trois bimembres du premier morceau forment une seule phrase complexe ; les premiers membres de chaque segment s’achèvent avec le nom de « Yhwh », « dans son temple » et « dans la maison de Yhwh » encadrent les deux derniers segments qui sont en apposition à « une chose » et à « elle » du premier segment. Dans le dernier morceau l’unimembre final (5d) s’oppose au trimembre qui précède : après avoir été abrité et caché dans le « secret », le psalmiste est élevé sur le roc. « Dans sa hutte » et « dans le secret de sa tente » (5a.5c) correspondent aux deux compléments de lieu du premier morceau, « dans la maison de Yhwh » (4c) et « dans son temple » (4f). Le complément de temps « au jour de malheur » en 5b rappelle celui de 4d, « tous les jours de ma vie ». La deuxième sous-partie (6) + 6 Et maintenant + SUR MES ENNEMIS
s’élève à l’entour ;
= et je sacrifierai = je chanterai
en sa tente et je jouerai
ma tête des sacrifices
d’acclamation,
POUR YHWH.
Le premier segment est au présent, le second au futur. Dans les seconds membres s’opposent « mes ennemis » (6b) qui ont été abaissés et « Yhwh » (6d) à qui seront offerts sacrifices et chants d’action de grâce.
364
La troisième section (Ps 26–41)
La troisième sous-partie (7-10) + 7 ÉCOUTE, + ma voix + et AIE-PITIÉ DE MOI
YHWH, je crie et RÉPONDS-MOI.
+ 8 De toi + « Cherchez + TA FACE,
a dit
mon cœur :
MA FACE. » YHWH, je cherche. ······················································································································ 9 NE ME CACHE PAS TA FACE de moi,
– – N’ÉCARTE PAS : mon secours
avec colère tu as été.
– NE ME LAISSE PAS : DIEU
et ne m’abandonne pas, de mon salut ;
– 10 si mon père : YHWH
et ma mère me recueillera.
ton serviteur ;
m’abandonnent,
« La voix » que le psalmiste « crie » au début (7) semble être l’invitation que, dans son « cœur », il met dans la bouche de Dieu (8b) et qu’il reprend aussitôt à son compte (8c). Alors que le premier morceau commence avec trois impératifs positifs (7a.7c), le second commence avec trois impératifs négatifs (9ab.9d). Les premiers membres des deux derniers segments s’achèvent avec « m’abandonner ». Les occurrences de « ta face » agrafent les deux morceaux (8bc.9a). Aux deux occurrences de « Yhwh » qui font inclusion pour le premier morceau (7a.8c) correspondent, dans le second morceau, « Dieu » et « Yhwh » au début des seconds membres des deux derniers segments. L’ensemble de la partie (4-10) L’unité de la partie est assurée par tous les termes qui appartiennent au champ sémantique du temple : « la maison de Yhwh » (4c), « son temple » (4f), « sa hutte » (5a), « sa tente » (5c.6c), la « face » de Dieu (8bc.9a)8. « Et maintenant » (6a) marque le tournant entre présent d’habitude de la première sous-partie et le présent ponctuel de la sous-partie centrale ; quant à la troisième sous-partie, qui ne contient pas moins de sept impératifs, elle vise le futur. « Il m’élève » et « s’élève » (5d.6a) jouent le rôle de termes médians entre les deux premières sous-parties. Les occurrences de « Yhwh » en 6d et 7a agrafent les deux dernières sous-parties. 8 « L’expression “chercher la face de Dieu” est un synonyme de “accéder au temple” » (Ravasi, I, 496). Littéralement, l’expression consacrée est « être vu à la face de Dieu » : « Trois fois par an sera vu chacun de tes mâles à la face de Yhwh ton Dieu, au lieu qu’il aura choisi : à la fête des Azymes, à la fête des Semaines, à la fête des Tentes » (Dt 16,16 ; voir aussi Ps 42,3).
Le psaume 27 + 4 Une chose + elle – habiter – tous les jours
365 à YHWH,
je demande JE CHERCHE, DANS LA MAISON
de YHWH
de ma vie,
la douceur de YHWH DANS SON TEMPLE. ········································································································· 5 Car il m’abrite DANS SA HUTTE DE MALHEUR, :: au jour IL ME CACHE DANS LE SECRET DE SA TENTE ; .. pour contempler .. et pour admirer
= =
:: sur le roc
il m’élève.
+ 6 Et maintenant + SUR MES ENNEMIS
s’élève à l’entour ;
ma tête
= et je sacrifierai = je chanterai
EN SA TENTE
des sacrifices pour YHWH.
et je jouerai
+ 7 Écoute, + ma voix + et aie-pitié de moi
YHWH, je crie et réponds-moi.
+ 8 De toi + « CHERCHEZ + TA FACE,
MA FACE.
a dit
d’acclamation,
mon cœur : »
Yhwh, JE CHERCHE. ······················································································································ 9 NE ME CACHE PAS TA FACE de moi,
– – n’écarte pas : mon secours
avec colère tu as été.
– Ne me laisse pas : DIEU
et ne m’abandonne pas, de mon salut ;
– 10 si mon père : YHWH
et ma mère me recueillera.
ton serviteur ;
m’abandonnent,
Aux trois occurrences de « Yhwh » dans la première sous-partie (4a.c.e) correspondent les trois occurrences des noms divins dans la dernière (7a.9e. 10b) ; dans la sous-partie centrale « Yhwh » ne revient qu’une seule fois, à la fin. « Chercher » est repris en 4b et en 8bc ; « cacher » revient en 5c et 9a. On peut dire que « réponds-moi » au début de la dernière sous-partie (7c) fait pendant à « je demande » au début de la première sous-partie (4a) et que « ennemis » de 6b rappelle « malheur » de 5b.
366
La troisième section (Ps 26–41)
LA TROISIÈME PARTIE (11-14) + 11 Fais-moi VOIR, + et conduis-moi + à cause de
YHWH, sur un sentier mes adversaires.
ton chemin de droiture
– 12 Ne me laisse pas – car se sont dressés sur moi – et le respirant
à la gorge des témoins la violence.
de mes oppresseurs de mensonge
······················································································································ 13
:: Si seulement :: de VOIR :: sur la terre
j’étais sûr la bonté des vivants.
de YHWH
.. 14 Espère .. sois-fort .. et espère
en YHWH, et s’affermisse en YHWH.
ton cœur
Dans le premier morceau l’impératif négatif par lequel commence le second segment (12a) correspond aux deux impératifs positifs du début du premier segment (11ab). « Mes adversaires » et « mes oppresseurs » agrafent les deux segments, « mensonge » s’oppose à « droiture » en même position (11b.12b). Le deuxième morceau est un monologue qui fait se succéder doute (13) et autoencouragement (14). Omniprésents dans le premier morceau, les adversaires du psalmiste disparaissent dans le deuxième morceau, laissant pour ainsi dire la place à « Yhwh » trois fois nommé. « Voir » (13b) renvoie à « fais-moi voir » (11a). L’ENSEMBLE DU PSAUME Les rapports entre les parties extrêmes (1b-3 ; 11-14) En termes initiaux, « ma lumière » (1b, ’ôrî) et « fais-moi voir » (11, hôrēnî) appartiennent au même champ sémantique et sont en rapport de paronomase ; « voir » revient aussi au début du dernier morceau (13b). À « malfaisants », « oppresseurs » et « ennemis » (2), « camp » et « guerre » (3a.c) correspondent « adversaires », « oppresseurs », « témoins de mensonge » et « le respirant la violence » (11-12). « Se dresser » revient en 3c et 12b, « cœur » en 3b et 14b ; « vivants » (13c) rappelle « ma vie » (1d).
Le psaume 27 + 1b YHWH (est) : devant qui
MA LUMIÈRE
+ YHWH (est) : devant qui
le refuge tremblerais-je ?
367 et mon salut ;
craindrais-je ? de MA VIE ;
·················································································································· – 2 Quand s’approchent contre moi DES MALFAISANTS
.. pour dévorer
ma chair,
– MES OPPRESSEURS .. eux
et MES ENNEMIS chancellent
à moi et tombent.
·················································································································· contre moi UN CAMP, mon CŒUR.
+ 3 Si campe : ne craint pas + Si SE DRESSE : en cela
contre moi moi
UNE GUERRE,
YHWH, sur un sentier
ton chemin de droiture
je me confie.
[...]
+ 11 FAIS-MOI VOIR, + et conduis-moi + à cause de 12
MES ADVERSAIRES.
– Ne me laisse pas – car SE SONT DRESSÉS sur moi – et LE RESPIRANT
DES TÉMOINS
à la gorge
de MES OPPRESSEURS DE MENSONGE
:: 13 Si seulement :: DE VOIR :: sur la terre
j’étais sûr la bonté des VIVANTS.
de YHWH
.. 14 Espère .. sois-fort .. et espère
en YHWH, et s’affermisse en YHWH.
ton CŒUR
LA VIOLENCE. ··················································································································
368
La troisième section (Ps 26–41)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
De David. YHWH est ma LUMIÈRE et mon SALUT, Yhwh est le refuge de MA VIE,
devant qui aurais-je crainte ? devant qui tremblerais-je ?
2
Quand s’approchent contre moi des MALFAISANTS mes OPPRESSEURS et mes ENNEMIS
pour dévorer ma chair, eux chancellent et tombent.
3
mon cœur ne craint pas ; en cela moi je me confie.
Si un CAMP campe contre moi, si une GUERRE se dresse contre moi, 4
Une chose je demande à YHWH, habiter dans LA MAISON de Yhwh pour CONTEMPLER la douceur de Yhwh 5 Car il m’abrite en SA HUTTE il me cache au secret de SA TENTE,
c’est elle que je cherche, tous les jours de MA VIE, et pour ADMIRER SON TEMPLE. au jour de malheur ; sur le roc il m’élève.
6
Et maintenant s’élève ma tête sur mes ENNEMIS à l’entour ; et je sacrifierai en SA TENTE des sacrifices d’acclamation, je chanterai et jouerai pour YHWH. 7
Écoute, YHWH, ma voix je crie 8 De toi mon cœur a dit : « Cherchez MA FACE. » 9 NE ME CACHE PAS TA FACE, n’écarte pas avec colère ton serviteur ; Ne me laisse pas et ne m’abandonne pas, 10 si mon père et ma mère m’abandonnent,
et aie pitié de moi et réponds-moi. TA FACE, Yhwh, je cherche. tu fus mon secours. Dieu de mon SALUT ; Yhwh me recueillera.
11
FAIS-MOI VOIR, YHWH, ton chemin et conduis-moi sur un sentier de droiture 12 ne me laisse pas à la gorge de mes OPPRESSEURS car se sont dressés sur moi des TÉMOINS DE MENSONGE
à cause de mes ADVERSAIRES ; et QUI RESPIRENT LA VIOLENCE.
13
Si seulement j’étais sûr de VOIR la bonté de Yhwh 14 Espère en Yhwh, sois fort et s’affermisse ton cœur
sur la terre DES VIVANTS. et espère en Yhwh.
Alors que les parties extrêmes sont saturées des « ennemis » du psalmiste (2b), « malfaisants » (2a), « oppresseurs » (2b.12a), de leur « camp » pour la « guerre » (3ab), « adversaires » (11b), « témoins de mensonge », « qui respire la violence » (12b), dans le long passage central c’est le Seigneur en « son temple » qui, pour ainsi dire, occupe toute la place : « la maison de Yhwh » (4b), « son temple » (4c), « sa hutte » (5a), « sa tente » (5b.6c), la « face » de Dieu (8b.9a). Les « ennemis » ne sont mentionnés qu’une seule fois, au centre (6b), comme ceux au-dessus desquels « s’élève » maintenant la tête du psalmiste.
Le psaume 27
369
À « lumière » (1b), « fais-moi voir » (11) et « voir » (13) des parties extrêmes, correspondent dans la partie centrale « contempler » et « admirer »9 (4). Tous ces termes appartiennent au même champ sémantique ; « ne me cache pas » (9) est une autre manière de dire « fais-moi voir » (11). L’objet est toujours le même : il s’agit de « contempler la douceur de Yhwh » (4c), de « voir la bonté de Yhwh » (13b), de voir « sa face » (8-9). Noter les récurrences lexicales suivantes : « mon salut » (1b.9c), « ma vie » (1c.4b) et « vivants » (13b), « cœur » (3a.8a.14b). Le premier versant du psaume est au présent, présent d’habitude jusqu’au « maintenant » qui marque le début de la sous-partie centrale (6ab) ; à partir de la deuxième moitié de cette sous-partie (6bc) il s’agit du futur, celui des sacrifices et chants que promet le psalmiste, futur aussi signalé par tous les impératifs et jussifs de la suite, sept en 7-10 et sept en 11-14.
CONTEXTE LA TENTE DE LA RENCONTRE ET LA FACE DE DIEU La « tente », deux fois mentionnée (5.6), rappelle « la tente de la rencontre » du désert (Ex 33,7), ce lieu où Moïse parlait avec Dieu « face à face » : « Le Seigneur parlait à Moïse face à face, comme un homme parle à son ami » (Ex 33,11). Le terme « face » reviendra encore deux fois peu après : « Le Seigneur dit : « Ma face ira-t-elle te donner le repos ? » Il lui dit : « Si ce n’est pas ta face qui vient, ne nous fais pas monter d’ici » (Ex 33,14-15). La requête du psalmiste, « Ne me cache pas ta face » (Ps 27,9) ne manque pas de renvoyer à celle de Moïse : « Fais-moi voir de grâce ta gloire » (Ex 33,18). Le Seigneur ne fera pas voir sa face à Moïse, « car l’homme ne peut me voir et vivre » (Ex 33,20). Toutefois, les mots du psalmiste : « Si seulement j’étais sûr de voir la bonté de Yhwh sur la terre des vivants ! » (Ps 27,13) semblent renvoyer à ce que le Seigneur promet à son ami Moïse : « Je ferai passer devant toi toute ma bonté ». Enfin, la « lumière » avec laquelle commence le psaume pourrait faire penser à « la colonne de nuée » qui descend chaque fois que Moïse se rend à la tente de la rencontre : « Chaque fois que Moïse entrait dans la Tente, la colonne de nuée descendait, se tenait à l’entrée de la Tente et Il parlait avec Moïse (Ex 33,9). Or cette colonne de nuée est lumière : « Le Seigneur marchait devant eux, dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils puissent marcher de jour et de nuit » (Ex 13,21). Ainsi, par le biais du contexte, s’éclaire le rapport entre « la lumière » du début du psaume et les termes appartenant au même champ sémantique et « la tente » du centre et les termes qui lui sont corrélés, « temple », « hutte » et « face ». 9
Pour les diverses interprétations du verbe, voir Ravasi, I, 503.
370
La troisième section (Ps 26–41)
LA BÉNÉDICTION SACERDOTALE (NB 6,24-26) La face du Seigneur illumine celle de ses fidèles : 24
Que le Seigneur te bénisse Que le Seigneur fasse luire 26 Que le Seigneur lève 25
sa face vers toi sa face vers toi
et qu’il te garde ! et qu’il prenne pitié de toi ! et qu’il t’accorde la paix !
JÉSUS, LUMIÈRE DU MONDE Entre tant de textes du Nouveau Testament, le Prologue de Jean présente Jésus comme « la lumière » du monde, qui a « établi sa tente » parmi nous, « et nous avons vu sa gloire ». Il est celui qui fait voir en lui la face de Dieu : « Personne n’a jamais vu Dieu ; le fils unique, qui est dans le sein du Père, l’a dévoilé » (Jn 1,1-18). À la transfiguration, « son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs come la lumière » (Mt 17,2).
INTERPRÉTATION UN PSAUME À REBONDISSEMENT Beaucoup de psaumes s’achèvent dans la louange et l’action de grâce10. Après l’expérience de l’épreuve et du salut, il est logique que le psalmiste conclue en remerciant celui qui l’a délivré. On comprend l’étonnement de plusieurs devant le Ps 27 : le verset 6 ferait une bonne conclusion avec la promesse de sacrifices accompagnés de chants que fait le psalmiste après avoir annoncé la victoire que le Seigneur lui a accordée sur ses ennemis. Pourquoi donc le psaume repart-il de plus belle avec une supplication qui ira jusqu’à la fin ? En bonne logique la prière devrait précéder l’exaucement qui provoque l’action de grâce. C’est probablement que, jusqu’au bout, rien n’est jamais acquis une fois pour toute. Ce n’est pas parce que le Seigneur a délivré son fidèle de l’oppression de ses ennemis, que ceux-ci se reconnaitront définitivement vaincus et renonceront au mensonge et à la violence. Le juste sera toujours en butte aux malfaisants et c’est pourquoi le psalmiste se remet aussitôt à supplier son Seigneur de l’écouter, d’avoir pitié de lui et de le conduire « sur un sentier de droiture », ce qui ne manquera pas de lui attirer la violence de ses adversaires11. Ainsi le dernier mot est à l’espérance. « FAIS-MOI VOIR... » « Le Seigneur est ma lumière ». L’incipit donne le ton du psaume. Après avoir proclamé longuement (1-3) qu’il se « confie » dans le Seigneur, tellement sûr de 10
Ainsi les Ps 7,18 ; 18,50-51 ; 30,13 ; 35,28 ; 45,18 ; 64,11 ; 79,13 ; 97,12 ; 106,47 etc. ; de même l’ensemble du psautier (Ps 146–150). 11 Ce phénomène se retrouve dans le Ps 9–10, voir p. 103.
Le psaume 27
371
lui qu’il ne saurait craindre rien ni personne, le psalmiste confesse l’unique désir qui l’habite, celui de « contempler la beauté du Seigneur » ; c’est là qu’il trouvera le salut, dans l’abri de « sa hutte », « au secret de sa tente » (4-5). Sa confiance absolue ne l’empêche pas de « demander » ce qu’il « cherche » (4), à celui qui seul peut le lui donner. Par-delà l’« acclamation » qui retentit au centre du psaume (6), le voilà qui reprend sa requête. Ce qu’il demande, dans le cri de sa prière suppliante, ce qu’il « cherche », comme le Seigneur lui-même le lui a inspiré, n’est rien moins que la lumière de « sa face ». Son plus grand désir, le seul qu’il exprime, c’est de voir la face du Seigneur : « Ne me cache pas ta face ». Comme le petit enfant qui ne saurait trouver le repos s’il n’est pas illuminé par la lumière du visage de ses père et mère. Et la prière rebondit encore une fois quand il supplie le Seigneur de lui « faire voir » son « chemin » et de le conduire « sur un sentier de droiture » (11) ; c’est que reparaissent ses ennemis, usant de « mensonge » et de « violence ». Sa confiance en Dieu semble en être quelque peu ébranlée et il en viendrait même à douter d’être en mesure de « voir la bonté du Seigneur ». La foi inébranlable qu’il proclamait en commençant laisse la place à « la petite fille espérance »12 (14). VIS-À-VIS Si le psalmiste demande au Seigneur non seulement de l’écouter, mais encore de lui répondre (7), on peut penser qu’il désire aussi non seulement contempler la face de Dieu — « contempler la beauté du Seigneur » (4), « voir » sa « bonté » (13) — mais encore que ce dernier pose son regard sur lui. Le face à face suppose évidemment l’échange des regards. C’est comme dans les premiers temps que je me trouvais à Ars. Il y avait un homme qui ne passait jamais devant l’église sans y entrer. Le matin quand il allait au travail, le soir quand il en revenait, il laissait à la porte sa pelle et sa pioche et il restait longtemps en adoration devant le Saint-Sacrement. J’aimais bien ça. Je lui ai demandé une fois ce qu’il disait à Notre-Seigneur pendant ces longues visites qu’il lui faisait. Savez-vous ce qu’il m'a répondu ? « Monsieur le Curé, je ne lui dis rien. JE L’AVISE ET 13 IL M’AVISE, JE LE REGARDE, IL ME REGARDE ! » .
12 13
Ch. PÉGUY, Le Porche du Mystère de la deuxième vertu. A. MONNIN, Esprit du Curé d’Ars, 99.
3. DIEU CACHE L’HOMME INTÈGRE AU SECRET DE SA TENTE (PS 26–27) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE 1 Ps 26 De David. Juge-moi, Yhwh, car moi en mon intégrité j’ai marché et en Yhwh JE ME CONFIE et je ne trébucherai pas. 2 Scrute-moi, Yhwh, et éprouve-moi, passe-au-feu mes reins et mon CŒUR, 3 car ta fidélité (est) devant mes yeux et j’ai marché en ta vérité. 4 5
JE N’HABITE PAS avec LES MORTELS DE FAUSSETÉ et avec les HYPOCRITES je ne vais pas. J’ai détesté l’assemblée des MALFAISANTS et avec les MÉCHANTS JE N’AI PAS HABITÉ. 6
Je lave en l’innocence mes paumes et tourne-autour de ton autel, Yhwh, pour FAIRE-ENTENDRE LA VOIX de l’action-de-grâce et pour raconter toutes tes merveilles. 8 Yhwh, j’aime la résidence de ta MAISON et le lieu du séjour de ta gloire. 7
9
N’ajoute pas avec les PÉCHEURS mon ÂME et avec les HOMMES DE SANG MA VIE, lesquels (ont) dans les mains l’iniquité et leur droite est pleine de gratifications.
10 11 12
Et moi en mon intégrité je marcherai, rachète-moi et AIE-PITIÉ DE MOI. Mon pied se tiendra en DROITURE, dans les assemblées je te bénirai, Yhwh.
1 Ps 27 De David. Yhwh (est) ma lumière et mon salut, devant qui aurais-je crainte ? Yhwh (est) le refuge de MA VIE, devant qui tremblerais-je ? 2 Quand s’approchent contre moi des MALFAISANTS pour dévorer ma chair, mes OPPRESSEURS et mes ENNEMIS à moi eux chancellent et tombent. 3 Si campe contre moi un camp, ne craint pas mon CŒUR ; si se dresse contre moi une guerre, en cela moi JE ME CONFIE. 4
Une chose j’ai demandé à Yhwh, elle je cherche, dans la MAISON de Yhwh tous les jours de MA VIE, pour contempler la douceur de Yhwh et pour admirer dans son temple. 5 Car il m’abrite en sa hutte au jour de malheur, il me cache au secret de sa tente ; sur le roc il m’élève. 6 Et maintenant s’élève ma tête sur mes ENNEMIS à l’entour ; et je sacrifierai en sa tente des sacrifices d’acclamation, je chanterai et je jouerai pour Yhwh. 7 ENTENDS, Yhwh, MA VOIX je crie et AIE-PITIÉ DE MOI et réponds-moi. 8 De toi a dit mon CŒUR : « Cherchez ma face. » Ta face, Yhwh, je cherche. 9 Ne me cache pas ta face de moi, n’écarte pas avec colère ton serviteur ; mon secours tu as été. Ne me laisse pas et ne m’abandonne pas, Dieu de mon salut ; 10 si mon père et ma mère m’abandonnent, Yhwh me recueillera. HABITER
11
Fais-moi voir, Yhwh, ton chemin et conduis-moi sur un sentier de DROITURE à cause de mes ADVERSAIRES ; 12 ne me laisse pas à la GORGE de mes OPPRESSEURS car se sont dressés sur moi des TÉMOINS DE MENSONGE et le soufflant la violence. 13 Si seulement j’étais sûr de voir la bonté de Yhwh sur la terre des VIVANTS. 14 Espère en Yhwh, sois-fort et s’affermisse ton CŒUR et espère en Yhwh.
La séquence 26–27
373
Avec toutes sortes de synonymes les « méchants » sont nommés dans la deuxième et dans l’avant-dernière partie du Ps 26 (4-5 et 9-10) ; dans le Ps 27 ils se trouvent dans les parties extrêmes (1b-3 et 11-14). La « maison » de Yhwh est évoquée au centre de chaque psaume (26,6-8 ; 27,4-10) avec son « autel » et « le lieu du séjour de ta gloire » (26,6.8), avec « temple » (27,4c), « hutte » et « tente » (5-6), et même « face » (8 bis.9). Le psalmiste affirme ne pas « habiter » avec les méchants (26,4.5) ; au contraire il veut « habiter » la maison de son Dieu (27,4). Il déclare d’emblée avoir « marché » dans son « intégrité » (26,1). « Marcher » revient en 3, puis en 11 ; appartiennent au même champ sémantique « je ne vais pas » (26,4), « mon pied » (26,12), « chemin » et « sentier » (27,11). « Intégrité » de 26,1 revient en 26,11, accompagné par son synonyme « droiture » en 12, terme qui sera repris en 27,11. À noter que, si au début il revendique son « intégrité » et son « innocence » (26,1.6), il en arrive à la fin à demander au Seigneur de le faire marcher dans la « droiture ». C’est en le Seigneur qu’il se « confie » (26,1 ; 27,3). « Mon âme » et « ma vie » sont mis en parallèle en 26,9. « Vivants » (même forme que « vie » en hébreu) sera repris en 27,13. Quant au terme « âme », il reviendra, traduit par « gorge » en 27,12 ; alors qu’il s’agissait de l’âme du psalmiste au début, à la fin il s’agit de la gorge de ses ennemis qui veulent le « dévorer » (27,2). Avant que le psalmiste rejoigne le temple, il doit comparaitre au tribunal : il demande au Seigneur de le « juger » (26,1), de le « scruter », de l’« éprouver », de « passer au feu » ses reins et son cœur (2) pour vérifier son « intégrité » ; « la droite de ses adversaires, des « hommes de sang » qui l’accusent, est « pleine de gratifications » pour acheter les juges (10). Ce sont des « témoins de mensonge » qui « se dressent » pour l’accuser (27,12). Le psalmiste demande au Seigneur d’« avoir pitié » de lui (26,11 ; 27,7) ; il le prie d’« entendre » la « voix » de sa supplication (27,7) et ainsi, une fois exaucé, il pourra « faire entendre la voix de l’action de grâce » dans le temple (26,7). On notera enfin les quatre occurrences de « cœur » ; une fois éprouvé par Dieu (26,2), le cœur du psalmiste qui cherche sa face et s’affermit en lui ne craint plus rien (27,3.8.14).
INTERPRÉTATION DU TRIBUNAL AU TEMPLE De faux témoins se sont dressés contre le psalmiste (27,12 ; 26,4) ; toute une armée de « malfaisants », de « méchants », de « pécheurs », « hommes de sang », « ennemis » et « oppresseurs », campe autour de lui pour lui faire la guerre (27,3). L’orant en appelle au tribunal du Seigneur pour faire reconnaitre son intégrité, son innocence. Alors, il peut aller au temple où il fera entendre la
374
La troisième section (Ps 26–41)
voix de l’action de grâce pour les merveilles que le Seigneur a accomplies en sa faveur (26,6-8). Bien plus, la maison de Yhwh devient pour lui un abri « au jour de malheur » (27,5), le lieu de son salut où il offrira « les sacrifices » d’acclamation et où il chantera et jouera pour son Dieu (27,6). DE LA CONFIANCE EN SOI À LA CONFIANCE EN DIEU Le psalmiste commence par revendiquer son « intégrité » avec la plus grande assurance ; il se soumet au jugement de Dieu, absolument sûr de son innocence. Et celui qui reprend à son compte ses paroles pourra être quelque peu gêné par ce qui lui paraitra de l’orgueil mal placé. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il se défend contre des accusations graves portées à tort contre lui par des « hommes de sang ». Il ne faut pas oublier non plus que dès le début il se confie dans le Seigneur (26,1). Bien vite sa protestation d’innocence se change en supplication : il demande au Seigneur de le racheter (11), de ne pas permettre qu’il soit compté au nombre des « pécheurs » (9), son « intégrité » et sa « droiture » dépendant de la pitié du Seigneur (11-12). Si dans le psaume suivant la supplication sera reprise, ce ne sera que dans le deuxième versant (27,7-13) ; dans le premier, au contraire, ce ne sont que déclarations de confiance dans le Seigneur. D’emblée le psalmiste appelle le Seigneur sa « lumière » et son « salut », le « refuge de sa vie » (27,1). C’est pourquoi il ne craint rien ni personne et se confie en lui (1.3).
B. EN SON TEMPLE DIEU SAUVE SON PEUPLE DE L’INIQUITÉ La deuxième séquence : Ps 28–29 1. LE PSAUME 28 TEXTE 1
De David. Vers toi, Yhwh, j’appelle, mon rocher, ne sois pas sourd de moi, de peur que tu sois silencieux de moi et que je ressemble aux descendant au trou. 2 Écoute la voix de mes supplications quand je crie vers toi, quand j’élève les mains vers ton Saint des Saints. 3 Ne me traîne pas avec les méchants et avec les œuvrant l’iniquité qui parlent de paix à leur prochain et le mal (est) dans leur cœur. 4 Donne à eux selon leurs œuvres et la malice de leurs actes, selon l’ouvrage de leurs mains donne à eux, fais-revenir leur salaire à eux ; 5 car ils ne savent pas les œuvres de Yhwh et l’ouvrage de ses mains : il les démolit et ne les rebâtira pas ! 6 Béni (soit) Yhwh car il a écouté la voix de mes supplications. 7 Yhwh ma force et mon bouclier, en lui s’est fié mon cœur et j’ai été aidé et exulte mon cœur et avec mon chant je rends-grâce. 8 Yhwh force pour eux et refuge de saluts pour son messie, lui. 9 Sauve ton peuple et bénis ton héritage et fais-les-paitre et élève-les pour toujours ! V. 8 : « POUR LUI
»
Au lieu de lāmô (« pour eux »), quelques manuscrits hébreux, la Septante, la Syriaque lisent l e‘ammô (« pour son peuple »). COMPOSITION Certains y voient simplement deux parties1, d’autres au contraire trois2. La majorité des auteurs consultés divisent le psaume en quatre parties3. Quelquesuns distinguent deux niveaux4. Le psaume s’organise en trois parties (1-2 ; 3-5 ; 6-9). On voit que les limites des deux premières parties rejoignent celles de la plupart des autres auteurs. Dans la première partie le psalmiste demande au Seigneur d’écouter sa prière, dans la deuxième il énonce sa requête, à savoir de ne pas être trainé avec les méchants qui doivent être châtiés, et enfin dans la dernière partie il confesse que le Seigneur est sa force, comme il l’a manifesté jusqu’ici et comme il le manifestera encore à l’avenir. 1
Par ex., Weiser, 256 (1-5 ; 6-9) Ainsi, Hakham, I, 151 : 1-2 ; 3-5 ; 6-9. 3 1b-2 ; 3-5 ; 6-7 ; 8-9 (Kraus, I, 229 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 516 ; Lorenzin, 142). Girard (I, 492) coupe différemment : 1b-2 ; 3-5 ; 6 ; 7-9. 4 deClaissé-Walford, al., 274 : la première partie (1-5) est subdivisée en 1-4 et 5, la deuxième partie (6-9) en 6-7 et 8-9. Ravasi (I, 513) divise la première partie en deux 1-7 (1-5 et 6-7) mais pas la seconde (8-9). 2
376
La troisième section (Ps 26–41)
LA PREMIÈRE PARTIE (1B-2) + 1b VERS TOI, – mon rocher,
Yhwh,
J’APPELLE,
NE SOIS PAS SOURD
de moi,
:: de peur que :: et que je ressemble
tu sois silencieux aux descendant
de moi au trou.
·············································································································
– 2 ÉCOUTE + quand JE CRIE
la voix VERS TOI,
+ quand j’élève + VERS ton Saint
les mains des Saints.
de mes supplications
Les deux membres du premier segment (de type abc/b’c’a’) sont complémentaires, le premier membre ayant pour sujet le psalmiste, le second le Seigneur. Le second segment correspond au premier de manière spéculaire : en effet, la première consécutive a pour sujet le Seigneur, et la seconde le psalmiste. L’orant demande à Dieu de n’être ni « sourd » (1c) ni muet ou « silencieux » (1d)5. Le premier segment du second morceau correspond en ordre inverse au premier segment du premier morceau : « écoute » reprend de manière positive « ne sois pas sourd », « je crie » est un synonyme de « j’appelle », « vers toi » est repris au début (1b) et à la fin (2b). Le premier membre du second segment (2c) est parallèle au membre précédent, joignant le geste à la parole ; le dernier membre du second morceau est un complément de lieu, « le Saint des Saints », qui s’oppose au complément de lieu avec lequel s’achève le premier morceau, « le trou ». LA DEUXIÈME PARTIE (3-5) – 3 Ne me traîne pas – et avec
avec les méchants les ŒUVRANT
– qui parlent – et LE MAL (est)
de paix dans leur cœur.
l’iniquité à leur prochain
············································································································· à eux selon leurs ŒUVRES
= 4 Donne = et LA MALICE
de leurs actes,
= selon L’OUVRAGE = fais-revenir
de leurs mains leur salaire
donne à eux ;
.. 5 car ils ne savent pas .. et L’OUVRAGE = il les démolit
les ŒUVRES de ses mains : et ne les rebâtira pas.
de Yhwh
à eux,
5 « Ne sois pas sourd » (teḥĕraš) et « tu sois silencieux » (teḥĕšeh) sont en rapport de paronomase.
Le psaume 28
377
Les deux segments du premier morceau forment une seule phrase, le second étant une relative dépendante de la principale du premier. « L’iniquité » dont il est question à la fin du premier segment est précisée dans le second segment : il s’agit de l’hypocrisie qui veut cacher « le mal » derrière des paroles de « paix ». Le second morceau est de type AA’B. Les premiers membres des deux premiers segments reprennent « donne à eux » et « selon l’ouvrage de leurs mains » correspond à « selon leurs œuvres ». Alors que 4b reprend et développe « selon leurs œuvres » à la fin du membre précédent, 4d reprend « donne à eux » à la fin du membre précédent. Quant au troisième segment qui commence par kî (« car »), il donne d’abord la raison de la conduite des « méchants » : c’est parce qu’ils ignorent « les œuvres » et « l’ouvrage » du Seigneur (5a.5b) que leurs « œuvres » et leur « ouvrage » (4a.4c) sont mauvais. Le dernier membre énonce leur châtiment. LA TROISIÈME PARTIE (6-9) + 6 BÉNI (soit) + car il a écouté
YHWH la voix
de mes supplications.
·················································································································· : 7 YHWH ma force et mon bouclier,
: en lui s’est fié :: et exulte :: et avec mon chant : 8 YHWH : et refuge
mon cœur
et j’ai été aidé,
mon cœur, je rends-grâce. force de saluts
pour eux pour son messie,
lui.
··················································································································
+ 9 Sauve + et BÉNIS + et fais-les-paitre
ton peuple ton héritage et élève-les
pour toujours !
Alors que dans le premier morceau le psalmiste « bénit » Dieu qui l’« a écouté », dans le dernier il lui demande de « bénir » son peuple dans le futur. Le morceau central donne les raisons à la fois de la bénédiction adressée au Seigneur (6) et à celle qui lui est demandée (9). En effet, ce sont d’abord des passés (7b) comme dans le premier morceau (6b) qui débouchent sur un présent (7cd) ; le dernier segment (8) n’est plus à la première personne du singulier mais à la troisième personne du pluriel et désigne l’ensemble du peuple (avec son roi) comme dans le dernier morceau6. Dans le morceau central on pourra remarquer la reprise de « force » (‘ōz) en même position dans les segments extrêmes (7a.8a), et le rapport de paronomase que ce terme entretient avec « exulte » (7c : ya‘ălōz) et « refuge » (mā‘ôz). 6 La variante « pour son peuple » au lieu de « pour eux » en 8a, renforce le rapport entre la fin du morceau central et le dernier morceau.
378
La troisième section (Ps 26–41)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
De David. + Vers toi, + mon rocher,
YHWH, ne sois pas sourd
j’appelle, de moi,
:: de peur que :: et que je ressemble
tu sois silencieux aux descendant
de moi au trou.
······························································································································
+ 2 ÉCOUTE + quand je crie
LA VOIX vers toi,
+ quand J’ÉLÈVE + vers ton Saint
des Saints.
DE MES SUPPLICATIONS
LES MAINS
– 3 Ne me traîne pas – et avec
avec les œuvrant
les méchants l’iniquité
– qui parlent – et le mal (est)
de paix dans LEUR CŒUR.
à leur prochain
····················································································································
= 4 Donne = et la malice
à eux, de leurs actes,
selon leurs œuvres
= selon l’ouvrage = fais-revenir
de LEURS MAINS leur salaire
donne à eux ;
.. 5 car ils ne savent pas .. et l’ouvrage .. il les démolit
les œuvres de SES MAINS : et ne les rebâtira pas.
de YHWH
+ 6 Béni soit + car IL A ÉCOUTÉ
YHWH LA VOIX
à eux,
DE MES SUPPLICATIONS.
······························································································································ : 7 YHWH ma force et mon bouclier, : en lui s’est fié MON CŒUR et j’ai été aidé,
:: et exulte :: et avec mon chant 8
: YHWH, : et refuge
MON CŒUR
je rends-grâce. force de saluts
pour eux pour son messie,
lui.
······························································································································
+ 9 Sauve + et bénis + et fais-les-paitre
ton peuple ton héritage et ÉLÈVE-LES
pour toujours !
Dans les parties extrêmes le même syntagme revient, à l’impératif, visant donc le futur, au début (2a), au passé à la fin (6b) ; les deux occurrences de « élever » (2c.9c) jouent le rôle de termes finaux.
Le psaume 28
379
Les deux premières parties sont liées par la reprise de « mains » : la première fois il s’agit des mains levées pour la prière (2c), ensuite de celles des méchants qui font le mal (4c), enfin celles du Seigneur dont les œuvres s’opposent à celles des méchants (5b). Le dernier membre de la partie centrale (5c) renvoie au dernier membre du premier morceau de la première partie (1e) : il s’agit en effet de la mort dans les deux cas, « le trou » puis la ruine de ce qui ne sera pas rebâti. La seule reprise lexicale entre les deux dernières parties est celle de « cœur » : la première fois c’est celui des méchants qui fomentent le mal (3d), ensuite il s’agit de celui du psalmiste qui s’est confié dans le Seigneur et en qui il exulte (7b.7c). Leurs derniers membres opposent le sort des méchants démolis définitivement (5c) et celui d’Israël élevé « pour toujours ». Le nom de « Yhwh » n’apparait qu’une seule fois dans chacune des deux premières parties (1b.5a) mais trois fois dans la dernière (6a.7a.8a).
INTERPRÉTATION MENACÉ DE MORT Ce que craint le psalmiste, ce pourquoi il crie vers le Seigneur en levant les mains, n’est rien moins que la mort : il ne veut pas ressembler « à ceux qui descendent au trou » (1e). Cependant, ce n’est pas la mort physique dont il a peur, c’est celle que méritent « les méchants », ceux qui font « l’iniquité », qui trament le mal hypocritement contre leur « prochain » et qui ignorent les œuvres de Dieu. La ruine définitive qu’ils encourent n’a pas de commune mesure avec la mort naturelle de qui a dévidé l’écheveau de sa vie. C’est autour de la malédiction divine que tourne tout le psaume. VOIX, MAINS ET CŒUR Menacé de mort, le corps du psalmiste est engagé tout entier dans la prière. C’est vers le Seigneur, vers son Saint des Saints, qu’il « élève » ensemble et sa « voix » et ses « mains » (2). Son « cœur » s’est fié en Dieu et il « exulte », sa voix se faisant alors entendre dans son « chant » d’action de grâce (7). En réponse au cri du psalmiste Dieu répond en écoutant ses « supplications » (6) ; « l’ouvrage de ses mains » est indissociablement « le salaire » des « méchants », quand « le mal » de leur « cœur » et « l’ouvrage de leurs mains » seront détruits (3-5) et « les saluts » accordés au messie et à son peuple (8). « DE DAVID » C’est un personnage anonyme qui entonne le psaume, une première personne qui ne dit pas son nom. Et cela se poursuit presque jusqu’à la fin (1b-7). Toutefois, sans crier gare, la première personne disparait pour ainsi dire et laisse la place à un pluriel, un « eux » dans lequel on reconnait à la fin qu’il s’agit du
380
La troisième section (Ps 26–41)
« peuple » d’Israël, de celui que le Seigneur s’est choisi comme son « héritage ». De ce collectif du peuple, se détache toutefois une figure individuelle, le « messie » de Dieu ; si l’on en croit le titre du psaume, il est loisible d’y reconnaitre celui qui parle depuis le début, le roi qui signe discrètement la prière qu’il élève en faveur de son peuple. Humble, le roi David s’efface devant celui à qui « le peuple » appartient, qui est « son héritage », celui qui le fait paitre et l’élève à jamais.
2. LE PSAUME 29 TEXTE 1
Psaume, de David. Apportez à Yhwh, fils des dieux, apportez à Yhwh gloire et puissance, apportez à Yhwh la gloire de son nom, prosternez-vous devant Yhwh dans la splendeur de 3 Voix de Yhwh sur les eaux, sainteté. le Dieu de gloire tonne, Yhwh sur les eaux nombreuses ; 4 voix de Yhwh dans la force, voix de Yhwh dans la splendeur. 5 La voix de Yhwh casse les cèdres et il fracasse Yhwh les cèdres du Liban ; 6 et il fait bondir comme un veau le Liban et le Siryôn comme un fils des buffles. 7 La voix de Yhwh taille des flammes de feu ! 8 La voix de Yhwh fait-trembler le désert, il fait-trembler Yhwh le désert de Qadech ; 9 La voix de Yhwh fait-mettre-bas les biches et dépouille les forêts. Et en son temple tout dit : en roi pour toujours. 11 Yhwh la Gloire ! 10 Yhwh au déluge a siégé et il siège, Yhwh, puissance à son peuple donne, Yhwh bénit son peuple dans la paix. 2
V. 5
: « CASSE », « FRACASSE »
Les deux verbes sont de même racine ; tandis que le premier est au qal (šōbēr), le second est au piel (yešabbēr), avec valeur intensive. La traduction a voulu maintenir à la fois la ressemblance et la différence entre les deux formes. V. 9
: « FAIT-METTRE-BAS LES BICHES, ET DÉPOUILLE LES FORÊTS »
Le segment fait problème, car, selon le texte massorétique, ses deux membres n’ont aucun rapport entre eux. Pour rétablir le parallélisme, certains alignent le second membre sur le premier en lisant, au lieu de ye‘ārôt (qui est un hapax mais qui peut être compris comme un pluriel de ya‘ar, « forêt ») ye‘ālôt (« bouquetins », « chèvres sauvages ») qui fait pendant à « biches »1. D’autres au contraire alignent le premier membre sur le second : au lieu de ’ayyālôt (« les biches ») ils lisent ’êylôt (« les chênes » ; un pluriel qui ne se trouve pas dans la Bible) qui ferait pendant à « cèdres » de 52. Il était en effet connu dans l’Antiquité que la foudre pouvait provoquer des accouchements prématurés3. Le texte massorétique permet de concilier les deux interprétations.
COMPOSITION Lund y voyait une construction concentrique de sept « membres » focalisée sur 5-64. La plupart reconnaissent trois parties distinctes dans le psaume : 1. Une 1
Ainsi Ravasi, I, 522.540-541 ; Vesco, 283-284 : « La voix de Yhwh fait mettre bas les biches, et elle fait avorter les chèvres sauvages ». 2 Ainsi Alonso Schoekel – Carniti, I, 524 ; Lorenzin, 128 ; Girard, I, 502-503 ; deClaisséWalford – al., 283 ; BJ, Osty (« les térébinthes »), Dhorme. 3 Pline l’Ancien rapporte que « le tonnerre fait avorter les brebis isolées » (Histoire naturelle, VIII, LXXII, 89) ; voir Ravasi, I, 541. 4 Chiasmus in the New Testament, 98-101 ; il remanie le texte en changeant l’ordre des versets, déplaçant 7 après 8.
382
La troisième section (Ps 26–41)
introduction ou invitatoire (1-2) ; 2. Le corps du poème (3-9) ; 3. Conclusion ou épilogue (10-11)5. Toutefois, certains sont d’avis que la fin du verset 9 (« et en son temple tout dit : Gloire ! ») fait partie de la conclusion6. Le psaume comprend trois parties (1-2 ; 3-10 ; 11). Le corps de l’hymne s’organise en trois sous-parties, de manière concentrique (3-4 ; 5-9b ; 9c-10). 1
Psaume,
de David.
+ Apportez
à YHWH,
fils
DES DIEUX,
+ apportez + 2 apportez + prosternez-vous
à YHWH à YHWH devant YHWH
GLOIRE LA GLOIRE DANS LA SPLENDEUR
et PUISSANCE, de son nom, de sainteté.
– 3 LA VOIX – LE DIEU – YHWH : 4 LA VOIX : LA VOIX • 5 LA VOIX • et il fracasse
de YHWH DE GLOIRE sur LES EAUX
sur LES EAUX, tonne, nombreuses ;
de YHWH de YHWH
DANS LA SPLENDEUR.
de YHWH YHWH
casse les cèdres
les cèdres du Liban ;
un veau un fils
le Liban des buffles.
. 6 et il fait bondir comme . et le Siryôn comme
dans la force,
··········································································································· 7 LA VOIX de YHWH taille des flammes de feu ! ··········································································································· • 8 LA VOIX de YHWH fait-trembler le désert, • il fait-trembler YHWH le désert de Qadech ;
. 9 LA VOIX . et dépouille : Et en son temple : GLOIRE ! – 10 YHWH – et il siège, – en roi + 11 YHWH + YHWH
5
de YHWH les forêts.
fait-avorter
tout
dit :
les biches
au DÉLUGE a siégé YHWH, pour toujours. PUISSANCE bénit
à son peuple son peuple
donne, dans LA PAIX.
Par ex., J.L. CUNCHILLOS, Estudio del salmo 29, 156; Hakham, I, 155 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 529-531 ; Lorenzin, 144 ; deClaissé-Walford, al., 282. 6 Ravasi, I, 532 ; Girard, I, 502.
Le psaume 29
383
Dans la première partie (1b-2) les quatre segments commencent avec un impératif ; les « fils des dieux » (1b) — divinités subalternes, anges, êtres célestes comme les astres7 — sont invités à « apporter » à « Yhwh » ce qui revient à lui seul, « gloire » (1c.2a), « puissance » (1c) et « la splendeur de sainteté » (2b). La première sous-partie de la partie centrale (3-4) décrit l’orage causé par Yhwh, avec tonnerre (3b) et pluies diluviennes (3a.3c). Dans la sous-partie centrale (5-9b) les morceaux extrêmes mettent en parallèle complémentaire ce que le Seigneur fait au Liban au nord d’Israël, et dans « le désert de Qadech » au sud. « Les biches » (9a) correspondent au « veau » et aux « fils des buffles » dans le morceau correspondant (6) ; de même « les forêts » de Qadech (9b) rappellent « les cèdres » du Liban (5). Au centre de la sous-partie — et donc de toute la partie, et même du psaume —, l’unimembre de 7, avec les éclairs que taille la voix de Yhwh8. La troisième sous-partie (9c-10) comprend un trimembre, introduit par un bimembre (9cd) ; on peut comprendre que ce qui est dit dans le temple de Yhwh comprend non seulement le dernier terme du premier segment, « Gloire », mais aussi le trimembre qui suit (10). Les sous-parties extrêmes semblent se correspondre de manière spéculaire : le « déluge » (10), renvoie aux « eaux nombreuses » de l’orage (3), « Gloire » qui est « dit » dans le temple (9cd) rappelle « force » et « splendeur » de la « voix de Yhwh » (4). « Voix de Yhwh » revient sept fois dans les deux premières sous-parties. Aux éclairs de l’unimembre central (7) correspond le tonnerre en 3b. Si la dernière sous-partie ne comprend pas d’autre « la voix de Yhwh », on peut comprendre que l’orage est fini. Les parties extrêmes comprennent les deux seules occurrences de « puissance » (1c.11a) : alors que les « fils des dieux » doivent l’« apporter » à Yhwh, ce dernier la « donne » à « son peuple ». Le « peuple » de Yhwh dont il est question à la fin (11) se trouve géographiquement entre le Liban au nord (5-6) et le désert de Qadech au sud (8-9) ; « la paix » que donne Yhwh à son peuple (11b) fait un contraste frappant avec ce que le Seigneur fait contre les deux régions qui l’encadrent. La première partie est liée à la première sous-partie de la partie centrale par la reprise de « gloire » (1c.2a.3b) et de « dans la splendeur » qui joue le rôle de termes finaux (2b.4b) ; en outre « le Dieu » de 3b (’ēl) rappelle « dieux » de 1b (’ēlîm). La dernière partie est liée à la troisième sous-partie de la partie centrale, car « le roi » dont il est question en 10c est celui qui règne sur « son peuple » (11ab). « Gloire » revient quatre fois, deux fois dans la première partie (1c.2a) et au début des sous-parties extrêmes de la partie centrale (3b.9c). À la « gloire » est liée la « puissance » dans la première partie ; dans la dernière partie c’est « la paix » qui est liée à la « puissance ». Dans la partie centrale le nom de « Yhwh » revient douze fois, sa « voix » sept fois. Voir, par exemple, Ps 89,7 ; Is 24,21-23. Kraus est gêné par ce demi-vers isolé qu’il propose de combiner avec celui de 3b, pour en faire un bimembre (Kraus, I, 345). 7 8
384
La troisième section (Ps 26–41)
CONTEXTE LES FILS DE DIEU Ce sont les êtres célestes, divinité subalternes qui forment la cour et le conseil du Dieu des dieux : 6
Les cieux rendent grâce pour ta merveille, Yhwh, pour ta vérité, dans l’assemblée des saints. 7 Qui donc en les nues se compare à Yhwh, s’égale à Yhwh parmi les fils des dieux ? 8 Dieu redoutable au conseil des saints, grand et terrible à tout son entourage... (Ps 89,7-8)
LE DÉSERT DE QADECH Il n’est pas question ailleurs dans la Bible du « désert de Qadech » ; toutefois Qadech se trouve dans le désert de Çîn : « Les Israélites, toute la communauté, arrivèrent le premier mois au désert de Çîn. Le peuple s’établit à Qadech » (Nb 20,1)9. Le Siryôn est le nom local de l’Hermon, le plus haut sommet au sud de la chaine de l’Anti-Liban. Pour d’autres, la localité de Qadech se trouve sur l’Oronte, juste au nord du Liban actuel10. Le parallélisme qui joint les deux régions limitrophes d’Israël, au nord et au sud font pencher la balance pour le Qadech du sud. Il est possible de voir dans ce Qadech une allusion à la révélation du Sinaï. Il n’est pas question d’éclairs et de tonnerre dans le récit du déluge. En revanche en Ex 19, le terme « voix » (qôl), au singulier ou au pluriel, désigne aussi bien le tonnerre que la voix de Dieu : « Or le surlendemain, dès le matin, il y eut des voix, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, et une voix de trompe très forte [...] La voix de la trompe allait s’amplifiant ; Moïse parlait et Dieu répondait dans la voix » (Ex 19,16-19 ; traduction littérale). LE DÉLUGE (GN 6,5–9,17) « Le déluge » (10a) est le châtiment que Dieu infligea à l’humanité parce que « la terre s’était remplie de violence » (Gn 6,11). Noé, le seul juste, fut sauvé de la destruction avec sa famille, grâce à l’arche que le Seigneur lui avait fait construire. Après le déluge, une nouvelle alliance est conclue, le Seigneur ayant juré de ne plus « maudire la terre à cause de l’homme » (Gn 8,21). Plusieurs pensent que le début de la scène de l’orage, avec la voix du Seigneur tonne sur « les eaux » (3), a été emprunté au mythe ougaritique de la victoire de Baal sur ses ennemis Yam et Nahar, la mer et le fleuve, en somme sur « les
9
A. Hakham, I, 157. Dahood, I, 178.
10
Le psaume 29
385
eaux » primordiales. Avec la référence au « temple » et au « déluge » en finale, toute la partie centrale est signée comme totalement intégrée par Israël. L’ORGUEIL DES GRANDS ARBRES Is 2,11-17 présente les grands arbres, « cèdres » et « chênes », comme des exemples d’orgueil : 11 L’orgueil humain baissera les yeux, l’arrogance des hommes sera humiliée, Yahvé sera exalté, lui seul, en ce jour-là. 12 Oui, ce sera un jour de Yhwh Sabaot sur tout ce qui est élevé, 13 sur tous les cèdres du Liban, hautains et élevés, 14 sur toutes les montagnes hautaines 15 sur toute tour altière 16 sur tous les vaisseaux de Tarsis
sur tout ce qui est orgueilleux et hautain, pour qu’il soit abaissé ; et sur tous les chênes de Bashân ; et sur toutes les collines élevées ; et sur tout rempart escarpé ; et sur tout ce qui paraît précieux.
17
L’orgueil humain sera humilié, l’arrogance de l’homme sera abaissée, et Yahvé sera exalté, lui seul, en ce jour-là.
PS 97 Entre autres (68,8 ; 77,15-21), le Ps 97 reprend plusieurs thèmes du Ps 29 : 1
Yhwh règne ! Exulte la terre, que jubilent les îles nombreuses ! Ténèbre et Nuée l’entourent, Justice et Droit sont l’appui de son trône. 3 Un feu devant lui s’avance et dévore à l’entour ses rivaux ; 4 ses éclairs illuminent le monde, la terre voit et chavire. 5 Les montagnes fondent comme la cire devant le Maître de toute la terre ; 6 les cieux proclament sa justice et tous les peuples voient sa gloire. 7 Honte aux servants des idoles, eux qui se vantent de vanités ; prosternez-vous devant lui, tous les dieux. 8 Sion entend et jubile, les filles de Juda exultent à cause de tes jugements, Yhwh. 9 Car toi, tu es Yhwh, Très-Haut sur toute la terre, surpassant de beaucoup tous les dieux. 2
INTERPRÉTATION « LE CIEL EST REMPLI DE TA GLOIRE » La gloire que les êtres célestes sont invités à rendre à Yhwh se manifeste avant tout dans le ciel. L’orage, avec ses éclairs et son tonnerre, avec les trombes d’eaux qu’il déverse sur la terre, représente une des manifestations les plus éloquentes de la gloire de Dieu, sa « voix » étant reconnue dans le tonnerre qui fait trembler cèdres et désert et terrorise aussi bien les animaux que les hommes.
386
La troisième section (Ps 26–41)
LE DÉLUGE Le nom du « déluge » n’est prononcé qu’à la fin, une fois qu’il a enfin cessé ; mais c’est bien de lui qu’il s’agit depuis le début. « Les eaux nombreuses », qui obéissent à la voix du tonnerre de Dieu, sont celles qui devaient supprimer toute la méchanceté et toute la violence qui s’étaient répandues sur la terre. Le Liban au nord et le désert de Qadech au sud sont deux lieux emblématiques où l’on peut reconnaitre l’ensemble de toute la terre. YHWH SIÈGE EN ROI POUR TOUJOURS Le Seigneur a montré sa « puissance » et sa « force » dans le jugement qu’il a exercé contre le mal, Par le déluge il a effacé de la surface du sol tous les méchants et a sauvé Noé, le seul juste, avec toute sa famille pour une nouvelle création. « En son temple », terrestre aussi bien que céleste, tout alors peut proclamer sa « gloire » et acclamer sa royauté éternelle. GLOIRE À DIEU DANS LES HAUTEURS ET PAIX SUR LA TERRE11 Le psaume commence dans les cieux, où les « fils des dieux » sont appelés à « apporter » au Seigneur, le Dieu d’Israël, « gloire », « puissance » et « sainteté ». Il s’achève sur la terre où ce même Seigneur « donne » à « son peuple » la « puissance » qui est la sienne. Le contraste est saisissant entre ce peuple qui est « le moins nombreux d’entre tous les peuples » (Dt 7,7) et ceux qui l’entourent et le dominent de toute la hauteur de leurs hautes montagnes et de toute la profondeur de leur désert. Après l’épreuve du déluge, vient le temps de la bénédiction et de « la paix ». Alors « toute la terre est remplie de sa gloire » (Is 6,3).
11
Delitzsch, 373 : « Gloria in excelsis is its beginning, and pax in terris its conclusion ».
3. EN SON TEMPLE DIEU SAUVE SON PEUPLE DE L’INIQUITÉ (PS 28–29) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE 1 Ps 28 De David. Vers toi, Yhwh, j’appelle, mon rocher, ne sois pas sourd de moi, de peur que tu sois silencieux de moi et que je ressemble aux descendant au trou. 2 Écoute LA VOIX de mes supplications quand je crie vers toi, quand j’élève les mains vers le tréfonds de ta SAINTETÉ. 3 Ne me traîne pas avec les méchants et avec les œuvrant l’iniquité qui parlent de PAIX à leur prochain et le mal (est) dans leur cœur. 4 DONNE à eux selon leurs œuvres et la malice de leurs actes, selon l’ouvrage de leurs mains DONNE à eux, fais-revenir leur salaire à eux ; 5 car ils ne savent pas les œuvres de Yhwh et l’ouvrage de ses mains : il les démolit et ne les rebâtira pas ! 6
BÉNI (soit) Yhwh car il a écouté LA VOIX de mes supplications. Yhwh ma puissance et mon bouclier, en lui s’est fié mon cœur et j’ai été aidé, et exulte mon cœur et avec mon chant je rends-grâce. 8 Yhwh puissance pour eux et refuge de saluts pour son MESSIE, lui. 9 Sauve TON PEUPLE et BÉNIS ton héritage et fais-les-paitre et élève-les pour toujours ! 7
1 Ps 29 Psaume. De David. Apportez à Yhwh, fils des dieux, apportez à Yhwh gloire et puissance, 2 apportez à Yhwh la gloire de son nom, prosternez-vous devant Yhwh dans la splendeur de SAINTETÉ. 3
VOIX de Yhwh sur les eaux, le Dieu de gloire tonne, Yhwh sur les eaux nombreuses ; VOIX de Yhwh dans la force, VOIX de Yhwh dans la splendeur. 5 LA VOIX de Yhwh casse les cèdres et il fracasse Yhwh les cèdres du Liban ; 6 et il fait bondir comme un veau le Liban et le Siryôn comme un fils des buffles. 7 LA VOIX de Yhwh taille des flammes de feu ! 8 LA VOIX de Yhwh fait-trembler le désert, il fait-trembler Yhwh le désert de QADECH ; 9 LA VOIX de Yhwh fait-mettre-bas les biches et dépouille les forêts. Et en son temple tout dit : Gloire ! 10 Yhwh au déluge a siégé et il siège, Yhwh, en ROI pour toujours. 4
11
Yhwh la puissance à SON PEUPLE DONNE,
Yhwh BÉNIT SON PEUPLE dans la PAIX.
« Vers le tréfonds de ta sainteté »1 et « dans la splendeur de sainteté » jouent le rôle de termes finaux pour les premières parties (28,2 ; 29,2). Les deux occurrences de « puissance » (28,8 ; 29,1) remplissent la fonction de termes médians entre les deux psaumes ; celle de 28,8 et de 29,11, de termes finaux. Les dernières parties ont en commun : « bénir » (28,6.9 ; 29,11), « puissance » (26,7.8)2 et « peuple » (28,9 ; 29,11 bis). « Roi » de 29,10 rappelle « messie » de 28,8. 1
« Le tréfonds » désigne la pièce la plus intérieure ou reculée d’une habitation. Pour le temple il s’agit du debir. L’expression est habituellement traduite par « le saint des saints ». 2 Ainsi que « refuge » (mā‘ôz) qui est en rapport de paronomase avec « puissance » (‘ōz).
388
La troisième section (Ps 26–41)
Les sept occurrences de « voix de Yhwh » (29,3-9) font écho à « la voix de mes supplications » (28,2.6). Les parties centrales se correspondent dans la mesure où il y est question des adversaires et de leur châtiment, « les méchants » « œuvrant l’iniquité » en 28,35 et les orgueilleux symbolisés en particulier par les « cèdres » en 29,3-10. INTERPRÉTATION SUR LA TERRE COMME AU CIEL C’est dans le temple de Jérusalem que le psalmiste fait entendre « la voix de ses supplications », quand il « élève les mains » vers « le saint des saints » (28,2). C’est là aussi qu’il « rend grâce » « avec son chant » une fois exaucé (7b). En parallèle, dans le « temple » céleste les « fils des dieux » sont invités par le même psalmiste à unir leur voix à la sienne en « apportant » au Seigneur « gloire et puissance », en « se prosternant » devant lui « dans la splendeur de sa sainteté » (29,1-2). Le « messie » sauvé par le Seigneur (28,8) est sur la terre, au milieu de son « peuple », le lieutenant du « roi » qui « siège » dans les cieux « pour toujours » (29,10-11) et qui bénira son peuple, avec son roi, « pour toujours » (28,8-9). LES MÉCHANTS ET LES CÈDRES Ce que le psalmiste demande au Seigneur dans le premier psaume, il le voit en quelque sorte réalisé dans le deuxième. Il avait supplié que « les méchants » soient payés selon leurs œuvres, qu’ils soient démolis définitivement (28,3-5). Après quoi, il bénit Dieu de l’avoir exaucé (6-7). Dans la vision grandiose du psaume suivant le Seigneur « fracasse » l’orgueil des cèdres du Liban (29,5) et « dépouille les forêts » (9), il fait bondir les montagnes altières et trembler le désert, jusqu’à ce que tout dise dans son temple : « Gloire » (9). « DE DAVID » Les deux psaumes sont attribués à David. En se montrant « refuge de saluts » pour son « messie », le Seigneur « sauve son peuple » des « méchants » qui les menaçaient, et les « élève » ensemble « pour toujours » (28,8-9). En fracassant la puissance altière des nations et en les faisant trembler, le Dieu d’Israël « donne la puissance à son peuple » et lui procure « la paix » (29,11), la paix que « les méchants » promettaient faussement à leur prochain, alors que le mal habitait leur cœur (28,3).
C. DIEU CACHE TOUS SES FIDÈLES AU SECRET DE SA FACE La troisième séquence : Ps 30–31 1. LE PSAUME 30 TEXTE 1
Psaume, cantique pour la dédicace de la Maison, de David. 2 Je t’exalte, Yhwh, car tu m’as tiré-en-haut et tu n’as pas réjoui mes ennemis à moi. 3 Yhwh mon Dieu, j’ai crié vers toi et tu m’as guéri. 4 Yhwh, tu as fait-remonter du schéol mon âme, tu m’as fait-vivre loin de mon descendre au trou. 5 Jouez pour Yhwh, ses fidèles, et rendez-grâce à la mémoire de sa sainteté, 6 car un instant (il est) dans sa colère, une vie dans sa faveur. Au soir passe-la-nuit 7 Et moi, j’avais dit dans ma tranquillité : « Je ne le pleur, et au matin la jubilation. 8 chancellerai à jamais ! » Yhwh, dans ta faveur tu établis pour ma montagne une force. Tu as caché ta face, je suis bouleversé. 9 Vers toi, Yhwh, j’appelle et vers mon Seigneur je demande-pitié. 10 Quel gain à mon sang, à ma descente dans la fosse ? Te rend-elle grâce, la poussière, annonce-t-elle ta vérité ? 11 Écoute, Yhwh, et aie-pitié ! Yhwh, sois secours pour moi ! 12 Tu as changé mon deuil en danse pour moi, tu as dénoué mon sac et tu m’as ceint de joie ; 13 de sorte que joue-pour toi la gloire et ne se taise pas, Yhwh mon Dieu, à jamais je te rendrai-grâce. V. 2
: « TU M’AS TIRÉ-EN-HAUT »
En Ex 2,16.19 le verbe signifie « puiser », tirer l’eau du puits. Ce sens correspond bien à l’image de 4 : « tu m’as fait remonter du schéol ». V. 4
: « LOIN DE MON DESCENDRE »
Certains préfèrent le ketib qui a le substantif, « ma descente », au lieu de l’infinitif. Le sens ne change pas. V. 6C
: « AU SOIR PASSE-LA-NUIT LE PLEUR »
« Le pleur » serait le sujet du verbe. Qui s’endort en pleurant, reste toute la nuit dans les larmes. V. 8B
: « TU ÉTABLIS POUR MA MONTAGNE UNE FORCE »
Le sens de ce membre est obscur et est discuté, comme en témoignent les versions antiques. La Septante lit : « tu as préparé pour ma beauté de la force ». Les citadelles sont toujours construites sur des lieux élevés. Si l’on considère que ce segment occupe le centre du psaume, on pourra le lire en lien avec le titre et donc comprendre qu’il s’agit de la montagne de Sion, où est bâtie la Maison, c’est-à-dire le Temple.
390 V. 13A : « LA GLOIRE
La troisième section (Ps 26–41) »
Certains corrigent kābôd (« gloire ») par kābēd (« foie »), qu’on traduit par « mon cœur » ou « mon âme ». La leçon du texte massorétique est plus difficile et semble devoir être privilégiée. Pour Ibn Ezra « la gloire » signifie « tout homme qui a en lui de la gloire » allant dans le même sens que le Targum : « pour que te louent les nobles de ce monde »1.
COMPOSITION En 1825 Boys voyait dans le psaume la construction concentrique suivante : A (2) B a (3a) C (6) C’ (7-8) B’ a (9-11) A’ (13b)2
b (3b-4)
c (5)
b (12)
c (13a)
En 1942, Lund considère que 2-4 est le prélude et que la suite constitue une belle composition concentrique avec les questions de 10 au centre ; mais c’est au prix de l’amputation des versets 7-8 : « Ces versets ne ressemblent à rien d’autre que nous trouvons dans le psaume [...] Ce matériel représente une glose ou, de manière plus précise, une adaptation tardive du psaume fait pour “la dédicace de la Maison” »3. Or il se trouve que ces versets se trouvent constituer le centre de la composition ; si le centre des compositions concentriques est le plus souvent énigmatique, la position de Lund conforte indirectement leur position centrale4. Parmi les auteurs plus récents, certains divisent le psaume en trois parties5, d’autres en quatre6, d’autres encore en cinq strophes7. Girard le divise en deux, mais subdivise la deuxième partie en quatre unités de construction spéculaire8.
1
Vesco, 289, nt. 3. T. BOYS, A Key to the Book of the Psalms, 127-131. 3 N.W. LUND, Chiasmus in the New Testament, 119-122; déjà dans « Chiasmus in the Psalms », 304-306. 4 Il en est de même pour la première section d’Amos : le centre de la première séquence (1,3– 2,3) et celui la troisième séquence (2,6-16), de même que la séquence centrale de la section (2,4-5) sont considérés par la critique littéraire comme secondaires (voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 100). 5 Kraus, I, 353 (2-4 ; 5-6 ; 7-13). De même Dahood (I, 182) et Lorenzin (147), qui considèrent cependant 13b comme une brève doxologie conclusive. 6 Hakham, I, 160 (2-4 ; 5-6 ; 7-10 ; 11-13) ; Vesco, 289-290 (2-4 ; 5-6 ; 7-12 ; 13). 7 Ravasi, I, 551-552 et deClaissé-Walford – al., 290 (2-4 ; 5-6 ; 7-9 ; 10-11 ; 12-13). 8 Girard, I, 518-523 (2-4 ; 5-13 subdivisé en 5-8 ; 9-10 ; 11 ; 12-13). 2
Le psaume 30
391
Après le titre (1), le psaume s’organise en trois parties. Subdivisées en deux sous-parties, les parties extrêmes, se correspondent de manière parallèle, 9-11 renvoyant à 2-4 et 12-13 à 5-6. Les versets 7-8 constituent la partie centrale. LE TITRE (1) + 1 Psaume, – cantique + de David.
pour la dédicace
de la Maison,
Il s’agit d’un trimembre de type ABA, le membre central indiquant la circonstance de la composition du psaume. LA PREMIÈRE PARTIE (2-6) + 2 Je t’exalte, + et tu n’as pas réjoui
YHWH, MES ENNEMIS
car tu m’as tiré-en-haut à moi.
– 3 YHWH – et tu m’as guéri.
MON DIEU,
j’ai crié
vers toi
+ 4 YHWH, + TU M’AS FAIT-VIVRE
tu as fait-remonter loin-de mon descendre
du schéol au trou.
mon âme,
= 5 Jouez = et rendez-grâce
pour YHWH, à la mémoire
SES FIDÈLES, de sa sainteté,
– 6 car un instant (il est) + UNE VIE
dans sa colère, dans sa faveur ;
– au soir + et au matin
passe-la-nuit jubilation.
le pleur
Dans la première sous-partie, à la première personne du singulier, le psalmiste « exalte » le Seigneur ; dans la seconde, à la deuxième personne du pluriel, il invite d’autres à s’unir à sa louange. Dans la première sous-partie les segments extrêmes se correspondent, « tu as fait-remonter » rappelant « tu m’as tiré-enhaut ». Le segment central (3) est le seul où soit mentionnée la supplication du psalmiste ; alors que ses ennemis espéraient qu’il descende au trou, le Seigneur l’a « guéri ». Dans la deuxième sous-partie le psalmiste invite « les fidèles » du Seigneur à le louer (5) et en donne la raison en deux segments parallèles (6) : la « colère » du Seigneur et le « pleur » de l’homme ne durent qu’un temps (6a.6c) tandis que « sa faveur » et « la jubilation » qui s’ensuit sont pour « une vie ».
392
La troisième section (Ps 26–41)
Le nom de « Yhwh » qui revenait dans chaque segment de la première souspartie ne revient qu’au début de la seconde. « Une vie » (6b) renvoie à « tu m’as fait vivre » (4b). On comprend que la « faveur » du Seigneur et la « jubilation » (6b.6d) sont celles de la guérison dont parle la première sous-partie (3b). Les « ennemis » du psalmiste (2b) opposés aux « fidèles » qu’il invite à louer Dieu (5a) jouent le rôle de termes initiaux. LA DEUXIÈME PARTIE (7-8) = 7 Et moi, :: « Je ne chancellerai
j’avais dit à jamais ! »
+ 8 Yhwh, + tu établis
dans ta faveur pour ma montagne
– Tu as caché :: je suis
ta face, bouleversé.
dans ma tranquillité :
une force.
La logique du passage ne saute pas aux yeux, d’autant plus que le sens du segment central n’est pas assuré (voir p. 389). Cela ne doit pas étonner outre mesure, si l’on se souvient que le centre d’une construction concentrique est généralement énigmatique9. Dans le premier segment, qui commence avec « Et moi », le psalmiste se rappelle qu’au temps de sa « tranquillité » il était convaincu que rien ne pourra jamais lui arriver de mal. Dans le second segment, qui commence avec « Yhwh », il reconnait que c’est Dieu qui assure sa « force ». Dans le dernier segment au contraire il se trouve « bouleversé » (8d) et il attribue ce changement à l’action du Seigneur, ce qui ajoute certainement à son désarroi. Ainsi le second membre du dernier segment s’oppose directement au deuxième membre du premier segment. La logique de la partie semble donc être la suivante : autrefois, le psalmiste vivait dans la tranquillité, sûr de ne jamais être ébranlé (7). Il était d’autant plus assuré de sa « force » qu’il était convaincu qu’il la devait à « la faveur » de Dieu (8ab). Mais voilà que son Seigneur cache sa face ! L’accent porte sur la finale, le bouleversement où se trouve plongé le psalmiste, désorienté par ce malheur d’autant plus amer qu’il était totalement inattendu.
9
Voir Traité, Chap. 8 : « Le centre des compositions concentriques », 417-469.
Le psaume 30
393
LA TROISIÈME PARTIE (9-13) + 9 Vers toi, + et vers MON SEIGNEUR
YHWH, je demande-pitié.
j’appelle
·······························································
– 10 Quel gain – dans mon descendre
à mon sang, dans la fosse ?
– TE REND-ELLE-GRÂCE – annonce-t-elle
la poussière, ta vérité ?
······························································· 11
+ Écoute, + YHWH,
YHWH, sois
et aie-pitié ! secours
pour moi !
:: 12 Tu as changé :: tu as dénoué :: et tu m’as ceint
mon deuil mon sac de joie ;
en danse
pour moi,
= 13 de sorte que = YHWH
joue-pour toi
la gloire à jamais
et ne se taise pas,
MON DIEU,
JE TE RENDRAI-GRÂCE.
Les segments extrêmes de la première sous-partie se répondent de manière complémentaire : dans le premier le sujet est le psalmiste et les verbes sont à l’indicatif, dans l’autre c’est le Seigneur qui est le sujet et les verbes sont à l’impératif. Les noms divins y reviennent deux fois, « aie-pitié » renvoie à « je demande-pitié ». Au centre (10), une double question est posée au Seigneur. Le trimembre par lequel commence la deuxième sous-partie (12) montre comment le Seigneur a eu pitié du psalmiste, lequel promet solennellement de rendre grâce (13b) ; on comprend que la finale (13a) élargit l’action de grâce personnelle du psalmiste à une louange collective, celle des « nobles de ce monde » qui durera « à jamais »10. Les noms divins marquent les extrémités de la première sous-partie ainsi que la fin de la deuxième. Le verbe « rendre-grâce » revient au centre de la première sous-partie (10c) et à la fin de la deuxième (13b).
10
Pour le sens de « la gloire », voir ci-dessus, p. 390.
394
La troisième section (Ps 26–41)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Psaume, cantique de David. 2
Je t’exalte, et TU N’AS PAS RÉJOUI 3
YHWH et tu m’as guéri.
4
YHWH, tu m’as fait vivre 5
JOUEZ et RENDEZ-GRÂCE 6
de la dédicace
de la Maison,
YHWH, mes ennemis
car tu m’as tiré-en-haut à moi.
MON DIEU,
J’AI CRIÉ
VERS TOI
tu as fait-remonter loin de MON DESCENDRE
du schéol AU TROU.
mon âme,
pour YHWH, à la mémoire
ses fidèles, de sa sainteté,
car un instant (il est) une vie
DANS SA FAVEUR.
dans sa colère,
Au soir et au matin
passe-la-nuit la jubilation.
7
Et moi, j’avais dit « Je ne chancellerai À JAMAIS ! »
8
YHWH, tu établis
DANS TA FAVEUR
Tu as caché je suis
ta face, bouleversé.
9
VERS TOI, et vers MON SEIGNEUR
pour ma montagne
YHWH, je demande-pitié.
le pleur,
dans ma tranquillité :
une force.
J’APPELLE
······································································· 10
Quel gain À MA DESCENTE
DANS LA FOSSE
à mon sang,
Te rend-elle grâce, annonce-t-elle
la poussière, ta vérité ?
?
······································································· Écoute, YHWH, YHWH, sois 11
12
Tu as changé tu as dénoué et tu m’a ceint
mon deuil mon sac DE JOIE ;
13
JOUE-POUR TOI MON DIEU,
de sorte que YHWH
et aie-pitié ! secours
pour moi !
en danse
pour moi,
la gloire
et ne se taise pas,
À JAMAIS
JE TE RENDRAI-GRÂCE.
Le psaume 30
395
Les parties extrêmes se correspondent de manière parallèle. Dans les premières sous-parties, le psalmiste rappelle d’abord qu’il avait « crié vers » le Seigneur (3a) et il l’exalte car il avait été exaucé, puis, aux extrémités de la sous-partie symétrique (9.11), il réitère sa supplication (9 : « vers toi, Yhwh, j’appelle ») ; « Yhwh » y revient trois fois (2a.3a.4a ; 9a.11a.11b), avec « mon Dieu » (3a) et « mon Seigneur » (9b) ; « mon descendre au trou » accompagné de « schéol » (4) annonce « à ma descente dans la fosse » accompagné de « la poussière » (10). Dans les secondes sous-parties, « jouer » et « rendre-grâce » sont repris ensemble en 5 et 13 ; « Yhwh » se trouve au début de l’une (5a) et à la fin de l’autre, accompagné de « mon Dieu » (13b). « Tu n’as pas réjoui » (2b) et « joie » (12c) jouent le rôle de termes extrêmes pour les deux parties. « Dans ta faveur » au centre (8a) rappelle « sa faveur » à la fin de la première partie (6b) et « à jamais » (7b) sera repris à la fin de la dernière partie (13b). Le nom de « Yhwh » ne revient qu’au début du segment central (8a). Bien énigmatique, la « montagne » du verset central est en fort contraste avec « descendre » au « schéol » et au « trou » (4), avec la « descente » dans « la fosse » et à « la poussière » (10).
CONTEXTE LA DÉDICACE DU TEMPLE David avait eu l’intention de bâtir le temple du Seigneur, une « maison » pour son Dieu, mais le Seigneur en avait décidé autrement (2S 7). Il lui avait promis que ce serait son fils et successeur qui le ferait (7,13). Effectivement, ce fut Salomon, fils de David, qui devait bâtir le temple du Seigneur (1R 5,15–7,51), y faire monter « l’arche de l’alliance du Seigneur » de la cité de David pour l’installer dans le Saint des Saints (8,1-9). Alors « la gloire » du Seigneur emplit le temple de sa nuée (8,10-13). Le roi Salomon bénit alors le peuple en bénissant le Seigneur (14-21), puis, agenouillé devant le Seigneur et les mains levées, il fit monter vers lui une longue prière (22-53), après quoi il se retourna vers le peuple pour le bénir à nouveau (54-61). Alors le Seigneur lui apparut à nouveau, comme il s’était manifesté à lui à Gabaon (3,415), pour lui annoncer qu’il exauçait sa prière et qu’il consacrait « cette maison » qu’il lui avait bâtie. À part le titre, les points de contact entre le Ps 30 et le récit du Premier livre des Rois ne sont pas nombreux. Le plus clair est le lien établi en Ps 30,9.11 entre le psalmiste qui « demande-pitié » et le Seigneur qu’il supplie d’« écouter ». Il en va de même dans la prière de Salomon qui commence en joignant les deux termes : « Écoute la supplication (litt., « la demande-en-pitié ») de ton serviteur et de ton peuple Israël lorsqu’ils prieront en ce lieu » (1R 8,30). Et plus loin : Quand ton peuple Israël sera battu devant l’ennemi, parce qu’il aura péché contre toi, s’il revient à toi, loue ton Nom, prie et demande-pitié vers toi dans ce Temple, 34 toi,
396
La troisième section (Ps 26–41)
écoute au ciel, pardonne le péché de ton peuple Israël et ramène-le dans le pays que tu as donné à ses pères (1R 8,33 ; aussi en 47.49).
Peut-on voir dans la « montagne » sur laquelle est focalisé le psaume celle sur laquelle est construite « la Maison », le temple de Jérusalem ?
INTERPRÉTATION L’HISTOIRE D’UNE RECHUTE La partie centrale fait difficulté, à tel point que certains préfèrent la mettre de côté comme un ajout quelque peu intempestif. Or, si l’on préfère en croire les lois de la rhétorique biblique, on ne s’étonnera pas de son caractère énigmatique et on cherchera à comprendre sa fonction dans l’ensemble de la construction. Si le centre représente la clé de lecture du psaume, il faudra essayer de la faire jouer dans la serrure pour ouvrir la porte du sens. Ces deux versets articulent les deux versants du psaume, ils assurent le passage de l’un à l’autre. Il est possible en effet que la logique du texte soit d’abord simplement de type chronologique : une fois « guéri », le roi exalte son Seigneur qui l’a sauvé (2-4) et invite « ses fidèles » à s’associer à son action de grâce » (5-6) ; ayant retrouvé avec la santé sa « tranquillité », le psalmiste retrouve son assurance, ayant tendance à se croire invulnérable (7), mais il reconnait aussitôt que c’est au Seigneur qu’il doit sa « force » (8ab) et aussi le mal dans lequel il est retombé et qui bouleverse sa tranquillité (8cd). Alors il crie à nouveau longuement vers son Seigneur (9-11) et rend grâce à nouveau avec tous pour avoir été arraché à la mort. DOUBLE MORT Les « ennemis » du psalmiste sont mentionnés avant même qu’on apprenne qu’il était malade, et d’une maladie mortelle. Or ces ennemis n’étaient pas « légers », ils se seraient réjouis si le psalmiste avait succombé, s’ils l’avaient vu mort et enterré. C’est dire que le mal qui rongeait le psalmiste n’était pas seulement physique ; il était tout autant social. Bien plus, étant donné la place de premier plan qu’occupent ces ennemis dans la bouche du psalmiste, on aurait de bonnes raisons de comprendre que c’est leur haine qui était à l’origine de la maladie de celui qu’ils auraient été bien contents de voir disparaitre. DOUBLE GUÉRISON L’action de grâce de celui qui a été guéri ne saurait être celle du seul personnage sauvé de la mort. Celui qui reconnait en Dieu celui qui l’a fait remonter du trou ne peut pas ne pas faire partager sa joie et sa gratitude à tous ceux qui partagent sa foi, « les fidèles » du Seigneur. On le voit, dans la Maison de Dieu où il est venu rendre grâce, proclamer ce qui lui est arrivé et inviter tous les présents à s’associer à sa louange. Quand, pour la deuxième fois, il aura expéri-
Le psaume 30
397
menté la « pitié » de Dieu, il réitérera son action de grâce « de sorte que » ceux qu’il appelle « la gloire » le rejoignent et qu’ensemble ils « jouent » pour lui et ne se taisent pas (12-13). Si la mort était à la fois physique et sociale, la guérison ne pouvait pas être seulement individuelle, elle devait être collective, devant celui qui rend la santé et la paix.
2. LE PSAUME 31 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais, en ta justice libère-moi ; 3 tends vers moi ton oreille, hâte-toi, délivre-moi. Sois pour moi un roc de refuge, une maison de forteresses pour me sauver ; 4 car mon rocher et ma forteresse, (c’est) toi et à cause de ton nom guide-moi et conduis-moi ! 5 Fais-moi-sortir du filet qu’ils m’ont tendu, car (c’est) toi mon refuge. 6 En ta main je remets mon esprit, rachète moi, Yhwh, Dieu de vérité ; 7 tu hais les gardant les buées de vanité et moi, en Yhwh je me confie. 8 Que j’exulte et me réjouisse en ta fidélité, (toi) qui as vu ma misère, as connu les oppressions de mon âme ; 9 et tu ne m’as pas enfermé en la main de l’ennemi, tu as car l’oppression est sur moi. Se fait-tenir au-large mes pas. 10 Aie-pitié de moi, Yhwh, consument dans la douleur mon œil, ma gorge et mon ventre, 11 car s’achève dans la tristesse ma vie et mes années en gémissement ; succombe par ma peine ma force et mes os se consument. 12 Pour tous mes oppresseurs je suis opprobre et pour mes voisins beaucoup (plus) et un effroi pour mes connaissances ; ceux qui me voient dehors s’enfuient (loin) de moi. 13 Je suis oublié comme un mort du cœur, je suis comme un objet perdu, 14 car j’entends la calomnie de beaucoup, terreur à l’entour, quand ils se liguent ensemble contre moi, pour prendre ma gorge ils complotent. 15 Et moi, je me confie en toi, Yhwh, j’ai dit : « Mon Dieu (c’est) toi ! » 16 Dans ta main (sont) mes temps, délivre-moi de la main–de mon ennemi et de mon persécuteur ; 17 fais-luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi par ta fidélité. 18 Yhwh, que je ne rougisse pas car je t’appelle, que rougissent les méchants, qu’ils se taisent 19 que soient muettes les lèvres de mensonge au schéol ; qui parlent contre le juste insolemment avec orgueil et mépris ! 20 Qu’elle est grande ta bonté laquelle tu réserves pour tes craignant, (que) tu œuvres pour qui s’abrite en toi face aux fils d’Adam. 21 Tu les caches au secret de ta face, loin-des intrigues de l’homme ; tu les mets-à-couvert sous la tente, loindu procès des langues. 22 Béni Yhwh qui fit-des-merveilles de fidélité pour moi en une ville de citadelle ! 23 Et moi j’avais dit en mon trouble : « Je suis chassé de devant tes yeux ! » Et pourtant tu écoutas la voix de ma supplication quand je criai vers toi. 24 Aimez Yhwh, tous ses fidèles. Les loyaux il garde Yhwh mais il rétribue avec usure le faisant l’orgueil. 25 Soyez-forts et s’affermisse votre cœur, tous les espérant en Yhwh !
V. 6
: « RACHÈTE-MOI »
On interprète le verbe comme un parfait précatif, équivalant à un impératif1. V. 11
: « SUCCOMBE PAR MA PEINE »
Littéralement, « par ma faute ». Les versions antiques interprètent de manières variées2. On lira comme en Gn 4,13 (« Ma peine est trop lourde à porter »)3.
1
Ravasi, I, 561 ; Hakham, I, 168. Voir Vesco, 294, nt. 1. 3 Voir Hakham, I, 170. 2
400 V. 22
La troisième section (Ps 26–41) : « JE SUIS CHASSÉ »
Avec deux manuscrits hébreux on peut lire nigraštî, « je suis chassé », au lieu de nigrazti, « j’ai été retranché »4.
COMPOSITION Beaucoup divisent le texte en deux grandes parties, mais la limite entre les deux n’est pas la même : 2-9 ; 10-155 ou 2-19 ; 20-256. Ravasi au contraire l’organise en trois parties : A : chant de confiance B. chant de douleur A’ : chant de joie
(2-9 divisée en deux strophes) ; (10-19 divisée en deux strophes) ; (20-25 divisée en trois strophes)7.
Les parties extrêmes (2-10b ; 15-25) encadrent une partie plus courte (10c-14) qui est une lamentation. LA PREMIÈRE PARTIE (2-10B) Chacune des deux sous-parties comprend deux morceaux, les premiers formés de cinq membres, les seconds de sept, où sont accumulés les volitifs (2b.2c.3a.3b bis. 3c.4c bis.5a ; 6b.8a bis.10a). C’est une longue supplication. La première sous-partie commence par une déclaration de confiance, à la première personne du singulier (2a) appuyée sur la « justice » de Yhwh (2c). Le second morceau est délimité par les deux occurrences de « refuge » (3c.5b) ; entre les deux premiers segments « mon rocher » renvoie à « roc » (3c.4a) et « forteresses » de 3d est repris au singulier en 4a ; « toi » revient en 4a et 5b. Le premier morceau de la deuxième sous-partie est délimité par les deux membres dont le sujet est le psalmiste (6a.7b). Le « Dieu de vérité » (6c) s’oppose aux « buées de vanité » des idoles et à ceux qui les « gardent » (7). Dans le deuxième morceau les segments extrêmes s’achèvent avec « oppression(s) » (8c.10b) ; « en la main de l’ennemi » (9a) s’oppose à « en ta main » (du Seigneur, 6a). La « fidélité » du Seigneur dans le premier segment du deuxième morceau (8a) rappelle sa « vérité » dans le premier segment du premier morceau (6c). Les adversaires qui veulent prendre au « filet » le psalmiste à la fin de la première sous-partie (5a) sont davantage présents dans la deuxième sous-partie : ce sont ceux qui gardent les idoles (7), ceux qui oppriment le psalmiste (8c.10b), 4
Kraus, I, 360 ; Vesco, 295, nt. 2. Kraus, I, 360 ; Hakham, I, 167; deClaissé-Walford, al., 300. 6 Lorenzin, 149 ; Vesco 295. 7 Ravasi, I, 565-566 ; voir p. 563 une suite d’appréciations peu flatteuses sur la qualité et la cohérence du psaume. 5
Le psaume 31
401
son « ennemi » (9a). Chaque sous-partie commence par une déclaration de confiance, à la première personne du singulier : « En toi, Yhwh, je m’abrite » (2a), « En ta main je remets mon esprit » (6a), cette dernière reprise par « et moi, en Yhwh je me confie » (7b). La supplication s’appuie sur la « justice » du Seigneur au début de la première sous-partie (2c), sur sa « vérité » en même position au début de la deuxième (6c), sur sa « fidélité » au début du deuxième morceau de la deuxième souspartie (8a), et l’on peut dire aussi sur son « nom » au centre du second morceau de la première sous-partie (4b) ; les quatre termes forment une série cohérente. + 2 En toi, – que je ne rougisse pas – EN TA JUSTICE
YHWH, à jamais, libère-moi ;
JE M’ABRITE,
– 3 tends – hâte-toi,
vers moi délivre-moi.
ton oreille,
······························································································································
: Sois pour moi : une maison
un roc de forteresses
de refuge, pour me sauver ;
: 4 car mon rocher : et à cause : guide-moi
et ma forteresse,
(c’est) toi,
DE TON NOM
et conduis-moi !
: 5 Fais-moi-sortir : car (c’est) toi
mon refuge.
+ 6 En ta main – rachète – Dieu 7
– tu hais + et moi,
du filet
qu’ils m’ont tendu,
JE REMETS
moi, DE VÉRITÉ
mon esprit, YHWH,
;
les gardant en YHWH
les buées
de vanité
JE ME CONFIE.
······························································································································ 8
: Que j’exulte : (toi) qui : as connu
et me réjouisse as vu les oppressions
EN TA FIDÉLITÉ, ma misère, de mon âme ;
: 9 et tu ne m’as pas enfermé : tu as fait-tenir
en la main au-large
de l’ennemi, mes pas.
: 10 Aie-pitié de moi, : car l’oppression
YHWH, est sur moi.
402
La troisième section (Ps 26–41)
LA DEUXIÈME PARTIE (10C-14) – 10c Se consument – MA GORGE
dans la douleur et mon ventre,
mon œil,
·· 11 car s’achève ·· et mes années
dans la tristesse en gémissement ;
ma vie
– succombe – et mes os
dans ma peine se consument.
ma force
·········································································· 12
= Pour tous = JE SUIS
MES OPPRESSEURS
: et pour MES VOISINS : et un effroi
beaucoup (plus) pour MES CONNAISSANCES ;
: CEUX QUI ME VOIENT : s’enfuient
dehors (loin) de moi.
opprobre
·········································································· 13
:: Je suis oublié :: JE SUIS
comme un mort comme un objet
du cœur, perdu,
- 14 car j’entends - terreur
la calomnie À L’ENTOUR,
DE BEAUCOUP,
- quand ils se liguent - pour prendre
ensemble MA GORGE
contre moi, ils complotent.
Le premier morceau est délimité par les deux occurrences du verbe « se consumer » (10c.11d) ; avec ses synonymes, « s’achever » et « succomber » (11a.11c), la cohérence du morceau est très forte. À quoi il faut ajouter celle des sujets des verbes, « mon œil », « ma gorge », « mon ventre » (10cd), « ma vie » et « mes années » (11ab), « ma force » et « mes os » (11cd). Le second morceau est marqué par la présence de « tous » les partenaires du psalmiste : en tête ses « oppresseurs » (12a), suivis par « voisins » et « connaissances » (12cd) et enfin ceux qui le « voient dehors » (12e). Pour eux c’est « opprobre » (12b), « effroi » (12d), si bien qu’ils « s’enfuient » (12f). Le dernier morceau forme une seule phrase complexe : deux principales juxtaposées (13), une causale (introduite par kî, 14ab), un complément traduit par une temporelle (14c), suivi par une finale (14d). En même position les deux occurrences de « je suis » (12b.13b) lient les deux derniers morceaux ; les « beaucoup » qui calomnient (14a) rappellent les « oppresseurs » et leur « opprobre » (12ab) et « à l’entour » dans la « terreur » (14b) renvoie à « voisins » et « connaissances » dans l’« effroi » (12cd). À la « douleur » (10c) du psalmiste, sa « tristesse », son « gémissement » et sa « peine »
Le psaume 31
403
(11) du premier morceau correspondent les réactions de ceux qui le voient, « effroi » et fuite (12d.f), « terreur » (14b). Enfin, les deux occurrences de « ma gorge » (napšî) font inclusion (10d.14d). LA TROISIÈME PARTIE (15-25) Cette dernière partie comprend trois longues sous-parties. Par commodité, elles seront analysées l’une après l’autre avant que soit considéré l’ensemble de la partie. La première sous-partie (15-19) + 15 Et moi, + j’ai dit :
je me confie en toi, « MON DIEU
YHWH, (c’est) toi ! »
:: 16 Dans ta main :: délivre-moi
(sont) mes temps, de la main–de MON ENNEMI
et de MON PERSÉCUTEUR ;
:: 17 fais-luire :: sauve-moi
ta face par ta fidélité.
sur ton serviteur,
························································································································· 18
– YHWH, – que rougissent – qu’ils se taisent
LES MÉCHANTS,
que je ne rougisse pas
– 19 que soient muettes – qui parlent – par orgueil
les lèvres contre le juste et mépris !
car je t’appelle,
au schéol ; de mensonge insolemment
Le premier morceau part d’une déclaration de confiance (15) qui se poursuit dans le premier membre du second segment (16a), après quoi vient la supplication avec trois impératifs dont le Seigneur est le sujet (16b-17). Comme le premier, le second morceau commence avec une apostrophe au nom de « Yhwh » (18a). Les volitifs qui suivent ont pour sujet le psalmiste d’abord (16b-17), puis « les méchants » (18-19a). « Les méchants » (18b) renvoient à « mon ennemi » et « mon persécuteur » du premier morceau (16b). En termes finaux, « par orgueil » (19c) s’oppose à « par ta fidélité » (17b) ; à quoi il est possible d’ajouter la « face » de Dieu (17a) qui s’oppose aux « lèvres » des méchants (19a). Les deux morceaux sont de même longueur, trois bimembres d’abord, deux trimembres ensuite.
404
La troisième section (Ps 26–41)
La deuxième sous-partie (20-21) + 20 Qu’elle est grande + laquelle + (que) tu œuvres
ta bonté tu réserves pour qui s’abrite
pour tes craignant, en toi
– face
AUX FILS
D’ADAM !
·············································································································· 21
+ Tu les caches – loin-des intrigues
DE L’HOMME ;
+ tu les mets-à-couvert – loin-du procès
sous une tente, des langues.
au secret
de ta face,
Les deux morceaux comptent le même nombre de membres, mais ils sont arrangés différemment : un trimembre et un unimembre dans le premier morceau, deux bimembres dans le deuxième. Dans le trimembre initial du premier morceau la principale est suivie par deux relatives juxtaposées. L’unimembre final (20d) oppose les « fils d’Adam » aux « craignant » le Seigneur et à « qui s’abrite » en lui (20bc). La même opposition se retrouve dans le deuxième morceau, mais cette fois-ci entre les deux membres de chacun des deux segments bimembres. Les verbes par lesquels commencent les segments, « tu les caches » et « tu les mets-àcouvert » sont synonymes et « sous une tente » correspond à « au secret de ta face ». Les seconds membres commencent par la même préposition traduite par « loin-de ». « Les langues » de l’homme à la fin (21d) s’opposent à « la face » du Seigneur au début (21a). Chaque morceau comprend deux verbes dont le Seigneur est le sujet, « tu réserves » et « tu œuvres » (20bc), « tu les caches » et « tu les mets-à-couvert » (21a.c). « L’homme » (21b) renvoie aux « fils d’Adam » (20d).
Le psaume 31
405
La troisième sous-partie (22-25) - 22 Béni - qui fit-des-merveilles - en une ville ·· 23 Et moi ·· « Je suis chassé - Et pourtant - la voix - quand je criai
YHWH de FIDÉLITÉ de citadelle !
pour moi
j’avais dit de devant
en mon trouble : tes yeux ! »
tu écoutas de ma supplication vers toi.
················································································································
=
24
Aimez
+ Les loyaux – mais il rétribue – le faisant = 25 Soyez-forts = tous LES ESPÉRANT
YHWH,
tous SES FIDÈLES.
il garde avec usure l’orgueil.
YHWH
et s’affermisse en YHWH !
votre cœur,
Le premier morceau est adressé au Seigneur, le second à « tous ses fidèles » (24a), « tous les espérant en Yhwh » (25b). Dans le premier morceau, deux trimembres encadrent un bimembre. Ce dernier (23ab) rappelle un doute ou une tentation de désespérance de la part du psalmiste ; commençant par « et pourtant », le dernier segment y répond par la certitude de la fidélité que le Seigneur a montré en écoutant la supplication de l’orant. Dans le premier segment le psalmiste peut donc bénir celui qui l’a protégé, lui « qui fit des merveilles de fidélité ». Le deuxième morceau comprend aux extrémités des invitations adressées à « tous » les « fidèles » de Yhwh (24a), « tous les espérant » en lui (25). Au centre du morceau, un trimembre qui donne les raisons pour lesquelles les fidèles du Seigneur sont appelés à l’amour et à l’espérance : la rétribution des « loyaux » (24b) et, au contraire, le châtiment des orgueilleux (24cd). D’un morceau à l’autre, la fidélité des hommes (24a) répond à celle du Seigneur sur laquelle elle s’appuie (22b). Le nom de « Yhwh » par lequel commence le premier morceau (22a) est repris trois fois dans le second, en termes extrêmes (24a.25b), mais aussi au début du segment central (24b).
406
La troisième section (Ps 26–41)
L’ensemble de la sous-partie (15-25) :: 15 ET MOI, :: J’AI DIT :
je me confie en toi, « MON DIEU
YHWH, (c’est) toi ! »
:: 16 Dans ta main :: délivre-moi
(sont) mes temps, de la main–de mon ennemi
et de mon persécuteur ;
17
:: fais-luire :: sauve-moi
TA FACE par TA FIDÉLITÉ.
sur ton serviteur,
················································································································ 18
– YHWH, – que rougissent – qu’ils se taisent
que je ne rougisse pas les méchants ; au schéol ;
car je t’appelle,
– 19 que soient muettes – parlant – par ORGUEIL
LES LÈVRES
de mensonge insolemment
contre le juste et mépris !
+ 20 Qu’elle est grande + laquelle + (que) tu œuvres
tu réserves pour qui s’abrite
pour tes craignant, en toi
– face
aux fils
d’Adam.
TA BONTÉ
·······························································································
+ 21 Tu les caches – loin-des intrigues + tu les mets-à-couvert – loin-du procès 22
- Béni - qui fit-des-merveilles - en une ville ·· 23 ET MOI ·· « Je suis chassé - Et pourtant - la voix - quand je criai
au secret
de TA FACE,
de l’homme ; sous une tente, DES LANGUES.
YHWH de FIDÉLITÉ de citadelle !
pour moi
J’AVAIS DIT de devant
en mon trouble : tes yeux ! »
tu écoutas de ma supplication vers toi.
················································································································
= 24 Aimez
YHWH,
tous SES FIDÈLES.
= Les loyaux = mais il rétribue = le faisant
il garde avec usure L’ORGUEIL.
YHWH
= 25 Soyez-forts, = tous les espérant
et s’affermisse en YHWH !
votre cœur,
Le psaume 31
407
La première sous-partie est une supplication personnelle du psalmiste ; la troisième est une action de grâce, personnelle d’abord (22-23) mais qui s’élargit en finale sur une invitation adressée à « tous » les fidèles du Seigneur (24-25). Nettement plus courte8, la sous-partie centrale (20-21) se distingue des deux autres car c’est une louange générale pour la « bonté » de Dieu envers ceux qui le craignent. Les rapports entre les sous-parties extrêmes « Et moi [...] j’ai dit » au début du premier morceau de la première sous-partie (15ab) trouve un écho au centre du premier morceau de la dernière sous-partie (23a) ; alors que la confiance en Dieu du psalmiste avait été ébranlée (23), elle est retrouvée entièrement au début (15). « Fidélité » à la fin du premier morceau de la première sous-partie (17) reparait au début de chacun des deux morceaux de la dernière sous-partie, fidélité du Seigneur d’abord (22b), de ceux qui espèrent en lui ensuite (24a). Les deux occurrences de « orgueil » se trouvent en termes finaux (19c.24d). Les noms divins ne reviennent que dans ces deux sousparties (15ab.18a ; 22a.24ab.25b). Les rapports entre les deux premières sous-parties Au début des deux premières sous-parties « pour qui s’abrite en toi » (20c) rappelle « je me confie en toi » (15a). « Les méchants » (18b), « ennemi » et « persécuteur » du psalmiste (16b) sont « les fils d’Adam », « l’homme » (20d. 21b). « Ta face » revient en 17a et 21a, et « les lèvres » de 19a sera repris par « les langues » de 21d. Les rapports entre les trois sous-parties On peut dire que « ta bonté » au début de la deuxième sous-partie (20a) correspond aux deux occurrences de « fidélité » dans les sous-parties extrêmes (17b.22b).
8 Alors que la première sous-partie compte douze membres et la dernière quatorze, la souspartie centrale ne compte que huit membres.
408
La troisième section (Ps 26–41)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maître de chant, psaume, de David. 2
EN TOI, YHWH, JE M’ABRITE, QUE JE NE ROUGISSE PAS à jamais, en ta justice libèremoi ; 3 tends vers moi ton oreille, hâte-toi, DÉLIVRE-MOI. Sois pour moi un roc de refuge, une maison de forteresses pour me SAUVER ; 4 car mon rocher et ma forteresse, c’est toi, et à cause de ton nom, guide-moi et conduis-moi ! 5 Fais-moi-sortir du filet qu’ils m’ont tendu, car c’est toi mon refuge. 6
EN TA MAIN je remets mon esprit, rachète-moi, YHWH, DIEU de vérité ; 7 tu hais les gardant les buées de vanité ET MOI, EN YHWH JE ME CONFIE. 8 Que j’exulte et me réjouisse en TA FIDÉLITÉ, toi qui as vu ma misère, tu as connu LES OPPRESSIONS de mon âme. 9 Et tu ne m’as pas enfermé EN LA MAIN DE L’ENNEMI, tu as fait tenir au large mes pas. 10 Aie-pitié de moi, YHWH, car L’OPPRESSION est sur moi. 11 Se consument dans la douleur mon œil, ma gorge et mon ventre, car s’achève dans la tristesse ma vie et mes années en gémissement ; succombe dans ma peine ma force et mes os se consument. 12 Pour tous MES OPPRESSEURS je suis opprobre et pour mes voisins beaucoup plus et un effroi pour mes connaissances ; ceux qui me voient dehors s’enfuient loin de moi. 13 Je suis oublié du CŒUR comme un mort, je suis comme un objet perdu, 14 car j’entends la calomnie de beaucoup, terreur à l’entour quand ils se liguent ensemble contre moi, pour prendre mon âme ils complotent. 15
ET MOI, JE ME CONFIE EN TOI, YHWH, j’ai dit : « MON DIEU, c’est toi ! » 16 EN TA MAIN sont mes temps, DÉLIVRE-MOI, DE LA MAIN DE MON ENNEMI et de mon persécuteur ; 17 fais luire ta face sur ton serviteur, SAUVE-MOI par TA FIDÉLITÉ. 18 YHWH, QUE JE NE ROUGISSE PAS car je t’appelle, QUE ROUGISSENT les méchants ; qu’ils se 19 taisent au schéol, que soient muettes les lèvres de mensonge parlant contre le juste insolemment avec orgueil et mépris ! 20
Qu’elle est grande ta bonté que tu réserves pour tes craignant ; tu l’œuvres face aux fils d’Adam. 21 Tu les caches au secret de ta face, loin des intrigues de l’homme ; tu les mets-à-couvert sous la tente, loin du procès des langues. POUR QUI S’ABRITE EN TOI
22 Béni soit YHWH qui fit-des-merveilles de FIDÉLITÉ pour moi en une ville de citadelle ! 23 Et moi j’ai dit en mon trouble : « Je suis chassé de devant tes yeux ! » Et pourtant tu écoutas la voix de ma supplication quand je criai vers toi. 24 Aimez YHWH, tous ses FIDÈLES. Les loyaux il garde YHWH mais il rétribue avec 25 usure celui qui fait l’orgueil. Soyez-forts, s’affermisse votre CŒUR, tous les espérant en YHWH !
La première partie est une supplication ; la seconde est une lamentation où le psalmiste décrit la situation douloureuse où il se trouve. Quant à la troisième, si elle reprend en commençant la supplication (15-19), elle passe bien vite à la louange (20-21) et à la bénédiction (22-25).
Le psaume 31
409
LES RAPPORTS ENTRE LES PARTIES EXTRÊMES – « En toi, Yhwh, je m’abrite » (2a) et « Et moi, je me confie en toi, Yhwh » (15a) jouent le rôle de termes initiaux, à quoi il faut ajouter les deux occurrences de « délivre-moi » (3.16), suivis par celles de « sauver » (3.17) ; – à « que je ne rougisse pas » (2) correspondent « que je ne rougisse pas » et « que rougissent » (18) ; – l’opposition entre « en ta main » et « en la main de l’ennemi » (6.9) revient en 16 ; – « ta fidélité » de 8 est repris en 17 et 22, à quoi il faut ajouter « fidèles » de 24 ; – la bénédiction à cause de la « fidélité » du Seigneur par laquelle commence la dernière sous-partie (22) est préparée en position symétrique à la fin de la dernière sous-partie de la première partie par la demande qui vise la louange future : « Que j’exulte et me réjouisse en ta fidélité » (8) ; – il y a croisement entre « En toi je m’abrite » (2) et « et moi, en Yhwh je me confie » (7) dans la première partie et « Et moi, je me confie en toi, Yhwh » (15) et « pour qui s’abrite en toi » (20) dans la dernière partie. LES RAPPORTS ENTRE LA PARTIE CENTRALE ET LES DEUX AUTRES PARTIES – Les noms divins qui reviennent cinq fois dans la première partie (2.6 bis.7.10) et sept fois dans la dernière partie (15 bis.18.22.24 bis.25), sont totalement absents de la partie centrale ; – les rapports lexicaux avec les deux autres parties sont très réduits : « mes oppresseurs » (12) rappellent « les oppressions » et « l’oppression » (8b.10) à la fin de la première partie ; « cœur » (13) sera repris à la fin de la dernière partie (25).
CONTEXTE LE DÉBUT DU PS 71 Les deux psaumes commencent d’une manière très semblable : Ps 31 2
En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais, en ta justice libère-moi, 3 tends vers moi ton oreille, hâte-toi, délivre-moi. Sois pour moi un roc de refuge, une maison de forteresses pour me sauver ; 4 car mon rocher et ma forteresse, c’est toi,
Ps 71 1
En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais ! 2 En ta justice délivre-moi et libère-moi, tends vers moi ton oreille et sauve-moi. 3 Sois pour moi un roc d’asile, pour venir toujours; tu as ordonné pour me sauver, car mon rocher et ma forteresse, c’est toi.
410
La troisième section (Ps 26–41)
AU MOMENT DE RENDRE L’ESPRIT « En tes mains je remets mon esprit » (Ps 31,6). Luc met ces paroles du psaume sur les lèvres de Jésus en croix, et il ajoute : « Or, ayant dit cela, il rendit l’esprit » (Lc 23,46). Quant à Étienne, c’est entre les mains de Jésus qu’il remettra son esprit : « Tandis qu’on le lapidait, Étienne faisait cette invocation : “Seigneur Jésus, reçois mon esprit” » (Ac 7,59). « CAR J’ENTENDS LA CALOMNIE DE BEAUCOUP, TERREUR À L’ENTOUR ! » Ps 31,14ab se retrouve en Jr 20,10 au cœur de la prière par laquelle s’achève le chapitre 20 (7-18), après l’altercation avec le prêtre Pashehur, chef de la police du temple qui l’avait frappé et fait mettre au carcan. Le prophète lui annonce que son nom sera changé : « Ce n’est plus Pashehur que le Seigneur t’appelle, mais Terreur-de-tous-côtés. Car ainsi parle le Seigneur : Voici que je vais te livrer à la terreur, toi et tous tes amis... » (Jr 20,3-4). « Terreur à l’entour » est une expression chère à Jérémie (Jr 6,25 ; 46,5 ; 49,29 ; Lm 2,22).
INTERPRÉTATION LA DOULEUR AU CŒUR Tout le psaume est focalisé sur la lamentation d’un homme qui n’en peut plus. Il est atteint radicalement dans tous les organes de son corps, tant qu’il voit sa vie même s’éteindre « en gémissement ». Ce n’est pas qu’il soit malade ; il ne souffre pas d’une quelconque affection physique. S’il se voit déjà « comme un mort », « comme un objet perdu », c’est qu’il est en butte à la haine et à la « calomnie » de gens qui veulent détruire sa réputation et donc lui prendre la vie. Leur acharnement est tel que « l’opprobre » de ses persécuteurs se propage et va jusqu’à contaminer ses « voisins » et « connaissances », si bien que tous l’abandonnent en fuyant, le laissant désespérément seul et sans le moindre soutien. LA CONFIANCE EN DIEU SAUVEUR Malgré la douleur, l’incipit donne le ton du psaume (2a) ; d’autant plus qu’il resurgira encore plus fort en tête du second versant (15) et résonnera de nouveau deux autres fois (7b.20c). C’est celui de la confiance en Dieu, inébranlable comme le roc sur lequel elle s’appuie. C’est l’armature solide sur laquelle repose toute la prière. À y regarder de plus près, ces affirmations se multiplient, précédant ou suivant chaque supplication : « car mon rocher et ma forteresse, c’est toi » (4), « car c’est toi mon refuge » (5), « En ta main je remets mon esprit » (6), « Mon Dieu, c’est toi » (15), « En ta main sont mes temps » (16). Si le psalmiste peut énoncer si constamment de telles déclarations de confiance, c’est
Le psaume 31
411
qu’il a déjà expérimenté comment le Seigneur avait vu sa détresse et l’avait sauvé : « toi qui as vu ma misère, tu as connu les oppressions de mon âme » (8), « et tu ne m’as pas enfermé en la main de l’ennemi, tu as fait tenir au large mes pas » (9), « Yhwh qui fis des merveilles de fidélité pour moi » (22), « tu écoutas la voix de ma supplication » (23). Sa confiance est telle qu’il en arrive à généraliser : « ta bonté que tu réserves pour tes craignant ; tu l’œuvres pour qui s’abrite en toi » (20), « tu les caches au secret de ta face », « tu les mets à couvert sous la tente » (21), « les loyaux il garde, mais il rétribue avec usure celui qui fait l’orgueil » (24). LE CRI DE LA SUPPLICATION La foi en la résurrection ne tarit pas les larmes, la confiance dans le salut de Dieu ne fait pas taire le cri de la supplication. Au contraire ! Elle le provoque. On ne crierait pas si l’on n’était pas sûr d’être entendu, d’être exaucé. Les requêtes sont au nombre de vingt, soit autant que les déclarations de confiance, les unes appuyées sur les autres. Prière et foi sont mêlées de manière indissociable. Et ce n’est pas d’abord une question d’esthétique, d’équilibre poétique. C’est avant tout une grande leçon pour tous ceux qui sont dans le malheur et se tournent avec le psalmiste vers leur Seigneur. « BÉNI SOIT LE SEIGNEUR ! » La supplication finit par laisser la place à l’émerveillement devant la grandeur de la « bonté » du Seigneur : « Qu’elle est grande ta bonté ! » (20). Et alors peut retentir la bénédiction que suscite le salut : « Béni soit le Seigneur qui fit des merveilles de fidélité pour moi » (22). La joie ne pouvant être pleine si elle n’est pas partagée, « tous ses fidèles » sont invités à rejoindre le psalmiste dans la bénédiction. Après l’amour, le dernier mot est à l’espérance, la vertu qui permet au fidèle d’être fort et d’affermir son cœur.
3. DIEU CACHE TOUS SES FIDÈLES AU SECRET DE SA FACE (PS 30–31) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 30
1
Psaume, cantique pour la dédicace de la MAISON, de David.
2
Je t’exalte, Yhwh, car tu m’as tiré-en-haut et TU N’AS PAS RÉJOUI mes ENNEMIS à moi. 3 Yhwh mon Dieu, J’AI CRIÉ VERS TOI et tu m’as guéri. 4 Yhwh, tu as fait-remonter du SCHÉOL mon âme, TU M’AS FAIT-VIVRE loin de mon descendre au TROU. 5 Jouez pour Yhwh, SES FIDÈLES, et rendez-grâce à la mémoire de sa sainteté, 6 car un instant il est dans sa colère, UNE VIE dans sa faveur. Au soir passe-la-nuit le pleur et au matin la jubilation. ET MOI, J’AVAIS DIT DANS MA TRANQUILLITÉ : « Je ne chancellerai à jamais ! » 8 Yhwh, dans ta faveur TU AS ÉTABLI pour ma montagne une puissance. Tu as caché ta face, j’ai été bouleversé.
7
9
Vers toi, Yhwh, J’APPELLE et vers mon Seigneur JE DEMANDE-PITIÉ. 10 Quel gain à mon sang, à ma descente dans la FOSSE ? Te rend-elle grâce, la poussière, annonce-t-elle ta vérité ? 11 ÉCOUTE, Yhwh, ET AIE-PITIÉ ! Yhwh, sois secours pour moi ! 12 Tu as changé mon deuil en danse pour moi, tu as dénoué mon sac et tu m’as ceint de JOIE ; 13 de sorte que joue-pour toi la gloire et NE SE TAISE PAS, Yhwh mon Dieu, À JAMAIS je te rendrai-grâce.
Ps 31
1
Du maître de chant, psaume, de David.
2
3 En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas À JAMAIS, en ta justice libère-moi ; tends vers moi ton oreille, hâte-toi, délivre-moi. Sois pour moi un roc de refuge, une MAISON de forteresses pour me sauver ; 4 car mon rocher et ma forteresse, c’est toi et à cause de ton nom guide-moi et conduis-moi ! 5 Fais-moi-sortir du filet qu’ils m’ont tendu, car c’est toi mon refuge. 6 En ta main je remets mon esprit, rachète moi, Yhwh, Dieu de vérité ; 7 tu hais les gardant les buées de vanité et moi, en Yhwh je me confie. 8 Que j’exulte et ME RÉJOUISSE en TA FIDÉLITÉ, toi qui as vu ma misère, as connu les oppressions de mon âme ; 9 et tu ne m’as pas enfermé en la main de L’ENNEMI, TU AS ÉTABLI au-large mes pas. 10 AIE-PITIÉ DE MOI, Yhwh, car l’oppression est sur moi.
Se consument dans la douleur mon œil, ma gorge et mon ventre, 11 car s’achève dans la tristesse MA VIE et mes années en gémissement ; succombe par ma peine ma force et mes os se consument. 12 Pour tous mes OPPRESSEURS je suis opprobre et pour mes voisins beaucoup plus et un effroi pour mes connaissances ; ceux qui me voient dehors s’enfuient loin de moi. 13 Je suis oublié comme un MORT du cœur, je suis comme un objet perdu, 14 Car j’entends la calomnie de beaucoup, terreur à l’entour, quand ils se liguent ensemble contre moi, pour prendre ma gorge ils complotent. 15
Et moi, je me confie en toi, Yhwh, J’AI DIT : « Mon Dieu c’est toi ! » 16 Dans ta main sont mes temps, délivre-moi de la main de mon ENNEMI et de mon PERSÉCUTEUR ; 17 fais-luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi par TA FIDÉLITÉ. 18 Yhwh, que je ne rougisse pas car JE T’APPELLE, que 19 rougissent les MÉCHANTS, QU’ILS SE TAISENT au SCHÉOL ; que soient muettes les lèvres de mensonge qui parlent contre le juste insolemment avec orgueil et mépris ! 20 Qu’elle est grande ta bonté laquelle tu réserves pour tes craignant, que tu œuvres pour qui s’abrite en toi face aux fils d’Adam. 21 Tu les caches au secret de ta face, loin-des intrigues de l’homme ; tu les mets-à-couvert sous la tente, loin-du procès des langues. 22 Béni Yhwh qui fit-des-merveilles de FIDÉLITÉ pour moi en une ville de citadelle ! 23 ET MOI J’AVAIS DIT EN MON TROUBLE : « Je suis chassé de devant tes yeux ! » Et pourtant TU ÉCOUTAS la voix de ma supplication quand J’AI CRIÉ VERS TOI. 24 Aimez Yhwh, tous SES FIDÈLES. Les loyaux il garde Yhwh mais il rétribue avec usure le faisant l’orgueil. 25 Soyezforts et s’affermisse votre cœur, tous les espérant en Yhwh !
La séquence 30–31
413
– Les deux occurrences de « j’ai crié vers toi » (30,3 ; 31,23) jouent le rôle de termes extrêmes ; – les deux occurrences de « à jamais » (30,13 ; 31,2) jouent le rôle de termes médians ; – les deux occurrences d’« écouter » (30,11 ; 31,23) peuvent être dites remplir la fonction de termes finaux, d’autant plus que la première fois il s’agit d’une demande (« écoute » à l’impératif) et la dernière de sa réponse (« tu écoutas ») ; – les « ennemis » sont présents dès le début (30,2), et jusqu’au bout (31,9.16 au singulier) avec les « oppresseurs » (12), le « persécuteur » (16), les « méchants » (18) ; – ceux-là veulent faire descendre le psalmiste au « schéol » (30,4 ; 31,18), dans le « trou » (30,4), dans la « fosse » (10), dans la « mort » (31,13) ; – le psalmiste demandent que son « âme » échappe au schéol (30,4), « âme » ou « gorge » étant repris en 31,8.10.14 ; – il veut « vivre » (30,4.6 ; 31,11) ; – il veut « se réjouir » (31,8), goûter « la joie » (30,12) au contraire de ses ennemis (30,2) ; – il demande que la gloire « ne se taise pas » (30,13), mais qu’au contraire les méchants « se taisent » au schéol (31,18) ; – il « appelle » le Seigneur à son secours (30,9 ; 31,18) ; – il lui demande d’« avoir pitié » de lui (30,9.11 ; 31,10) ; – lui qui « cache au secret de sa face » les justes (31,21) alors qu’il lui avait « caché sa face » (30,8) ; – lui qui « établit » pour la montagne du psalmiste une force (30,8), qui « établit » au large ses pas (31,9) ; – le psalmiste convie les « fidèles » du Seigneur à le louer (30,5 ; 31,24 ; « fidélité » revient en 31,8.17.22) ; – « Et moi, j’avais dit dans ma tranquillité : » au centre du premier psaume (30,7) trouve un écho avec « Et moi, j’avais dit en mon trouble » à la fin du second psaume (31,23) ; – « la maison » qui indique le temple dans le titre du Ps 30 revient en 31,3 dans l’expression « une maison de forteresses », qui qualifie le Seigneur mais semble désigner aussi son temple, avec plusieurs autres termes : « roc de refuge », « mon rocher et ma forteresse » (3-4), puis « la tente » (21) et « ville de citadelle » (22). De même, « ma montagne » au centre de 30 parait bien désigner la montagne de Sion où est construit le temple de Jérusalem.
INTERPRÉTATION UNE MALADIE MORTELLE... Dans le premier psaume le psalmiste commence par « exalter » le Seigneur, car il l’a « guéri ». Il ne donne aucun détail sur sa maladie, mais il insiste sur le fait
414
La troisième section (Ps 26–41)
qu’elle était fatale, que son sauveur l’avait arraché à la mort, l’avait fait remonter du schéol (30,4). Dans le second psaume au contraire, il s’étend longuement, en plein centre, sur les symptômes et les effets de son mal : tous ses organes sont atteints, son « œil », sa « gorge », son « ventre », ses « os » (10c-11). Ce n’est que « gémissement » et « peine » (11). Et ce qui semble le faire souffrir le plus, ce sur quoi il s’étend davantage, c’est la « calomnie de beaucoup », non seulement de ses « oppresseurs » mais aussi de ses « voisins » et « connaissances », tous ligués enfin pour prendre sa vie (14). ... DUE AUX OPPRESSEURS Dès le début le psalmiste pointe du doigt ceux qui sont à l’origine de sa maladie. Ce sont ses « ennemis » que le Seigneur n’a pas réjouis (30,2), ceux qui voulaient le faire descendre dans le « trou », l’envoyer au « schéol » (4). La chose est encore plus claire dans le psaume suivant. Tout au long du premier versant, l’orant demande au Seigneur que lui soit faite « justice », il veut être « délivré », mis à l’abri dans la forteresse de Dieu, il supplie d’être « racheté », arraché à « l’oppression » de « l’ennemi ». Après la partie centrale où il voit ses « voisins » et « connaissances » rejoindre la ligue de ses « oppresseurs », la supplication reprend contre « ennemi » et « persécuteur » (16), contre les « méchants » (18), fauteurs de « mensonge », d’« orgueil » et de « mépris » (19.24), d’« intrigues » et de « procès des langues » (21). Il y a là largement de quoi rendre malade n’importe qui, de le détruire et, finalement, de le pousser dans « la tombe ».
D. LE SEIGNEUR ABRITE SES FIDÈLES EN SON TEMPLE L’ensemble de la première sous-section : Ps 26–31
COMPOSITION La sous-section comprend huit psaumes qui sont organisés en trois séquences de deux psaumes chacune. Les séquences extrêmes se correspondent en parallèle ; quant à la séquence centrale, plus courte que les deux autres, elle en reprend le vocabulaire et les thèmes mais s’en distingue aussi par une grande originalité. DIEU CACHE
L’HOMME INTÈGRE
EN SON TEMPLE
DIEU CACHE
Ps 26–27
AU SECRET DE SA TENTE
DIEU SAUVE
TOUS SES FIDÈLES
SON PEUPLE
DE L’INIQUITÉ
Ps 28–29
Ps 30–31
AU SECRET DE SA FACE
Rapports de longueur (en nombre de signes) : 1re séquence
2e séquence
3e séquence
Ps 26 :
596
Ps 28 :
643
Ps 30 :
689
Ps 27 :
991
Ps 29 :
579
Ps 31 :
1 526
Total :
1 587
Total :
1 222
Total :
2 215
416
La troisième section (Ps 26–41)
LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (26–27 ET 30–31) Entre les premiers psaumes (Ps 26 et 30) Ps 26 1 De David. Juge-moi, Yhwh, car moi en mon intégrité j’ai marché et en Yhwh je me confie et je ne trébucherai pas. 2 Scrute-moi, Yhwh, et éprouve-moi, passe-au-feu mes reins et mon cœur, 3 car ta fidélité est devant mes yeux et j’ai marché en ta vérité. 4 Je n’habite pas avec les mortels de fausseté et avec les hypocrites je ne vais pas. 5 J’ai détesté l’assemblée des malfaisants et avec les méchants je n’ai pas habité. 6 Je lave en l’innocence mes paumes et tourne-autour de ton AUTEL, Yhwh, 7 pour faire-entendre la voix de L’ACTION-DE-GRÂCE et pour raconter toutes tes merveilles. 8 Yhwh, j’aime la résidence de ta MAISON et LE LIEU DU SÉJOUR de ta GLOIRE. 9 N’ajoute pas avec les pécheurs mon âme et avec les hommes de sang MA VIE, 10 lesquels ont dans les mains l’iniquité et leur droite est pleine de gratifications. 11 Et moi en mon intégrité je marcherai, rachète-moi et AIE-PITIÉ DE MOI. 12 Mon pied se tiendra en droiture, dans les assemblées je te bénirai, Yhwh.
Ps 30 1 Psaume, cantique pour la dédicace de la MAISON, de David. 2 Je t’exalte, Yhwh, car tu m’as tiré-en-haut et tu n’as pas réjoui mes ennemis à moi. 3 Yhwh mon Dieu, j’ai crié vers toi et tu m’as guéri. 4 Yhwh, tu as fait-remonter du schéol mon âme, tu m’as FAITVIVRE loin de mon descendre au trou. 5 Jouez pour Yhwh, ses fidèles, et RENDEZ-GRÂCE à la mémoire de sa sainteté, 6 car un instant il est dans sa colère, UNE VIE dans sa faveur. Au soir passe-la-nuit le pleur et au matin la jubilation. 7 Et moi, j’avais dit dans ma tranquillité : « Je ne chancellerai à jamais ! » 8 Yhwh, dans ta faveur tu as établi pour MA MONTAGNE une puissance. Tu as caché ta face, j’ai été bouleversé. 9 Vers toi, Yhwh, j’appelle et vers mon Seigneur JE DEMANDE-PITIÉ. 10 Quel gain à mon sang, à ma descente dans la fosse ? Te REND-ELLE GRÂCE, la poussière, annonce-t-elle ta vérité ? 11 Écoute, Yhwh, et AIE-PITIÉ ! Yhwh, sois secours pour moi ! 12 Tu as changé mon deuil en danse pour moi, tu as dénoué mon sac et tu m’as ceint de joie ; 13 de sorte que joue-pour toi la GLOIRE et ne se taise pas, Yhwh mon Dieu, à jamais JE TE RENDRAI-GRÂCE.
– Aux six termes ou syntagmes qui désignent les méchants dans le Ps 26 (4-5.9) correspond le seul terme « ennemis » dans le Ps 30 (2) ; – le temple est désigné par le terme « maison » (26,8 accompagné de « ton autel » en 6 et « le lieu du séjour » en 8 ; 30,1 avec « ma montagne » en 8) ; – « action de grâce » et « rendre grâce » reviennent en 26,7 et en 30,5.10.13 ; – à « ma vie » de 26,9 font écho « fait vivre » et « une vie » en 30,4.6 ; – « avoir pitié » revient en 26,11 et 30,11 précédé de « demander pitié » en 9 ; – « gloire » se retrouve en 26,8 et en 30,13. Entre les seconds psaumes (Ps 26 et 30) – Les termes et syntagmes qui désignent les adversaires du psalmiste sont au nombre de huit dans chaque psaume (27,2.6.11-12 ; 31,7.9.12.16.18-19.24) ; – 27,14 et 31,25 jouent le rôle de termes finaux particulièrement marqués ; – à « il me cache au secret de sa tente » en 27,5 répond « tu les caches au secret de ta face » en 31,21, les deux syntagmes précédés de « abriter » et « s’abriter » ; – aux deux occurrences de « salut » en 27,1.9 font écho les deux occurrences de « sauver » en 31,3.17 ; « cœur » revient trois fois en 27,3.8.14 et deux en 31,13. 25 ; à « ma lumière » (27,1) correspond « fais luire » (31,17) ; – autres reprises lexicales : « refuge » (27,1 ; 31,3.5), « je me confie » (27,3 ; 31,7.15), « maison » (27,4 ; 31,3), « face » accompagné de « ton serviteur » (27,8-9 ; 31,17), « ma vie » (27,1 avec « vivants » en 13 ; 31,11), « conduis-
La sous-section 26–31
417
moi » (27,11 ; 31,4), « voix » (27,7 ; 31,23), « mensonge » (27,12 ; 31,19), « aie pitié de moi » (27,7 ; 31,10). Ps 27 1 De David. Yhwh est ma LUMIÈRE et mon SALUT, devant qui aurais-je crainte ? Yhwh est le REFUGE de MA VIE, devant qui tremblerais-je ? 2 Quand s’approchent contre moi des malfaisants pour dévorer ma chair, mes oppresseurs et mes ennemis à moi eux chancellent et tombent. 3 Si campe contre moi un camp, ne craint pas mon cœur ; si se dresse contre moi une guerre, en cela moi JE ME CONFIE. 4 Une chose j’ai demandé à Yhwh, elle je cherche, habiter dans la MAISON de Yhwh tous les jours de MA VIE, pour contempler la douceur de Yhwh et pour admirer dans son temple. 5 Car IL M’ABRITE en sa hutte au jour de malheur, IL ME CACHE AU SECRET DE SA TENTE ; sur le roc il m’élève. 6 Et maintenant s’élève ma tête sur mes ennemis à l’entour. Et je sacrifierai en sa tente des sacrifices d’acclamation, je chanterai et je jouerai pour Yhwh. 7 Entends, Yhwh, MA VOIX je crie, et AIE-PITIÉ DE MOI et réponds-moi. 8 De toi a dit mon cœur : « Cherchez ma face. » Ta face, Yhwh, je cherche. 9 Ne me cache pas ta face de moi, n’écarte pas avec colère ton serviteur ; mon secours tu as été. Ne me laisse pas et ne m’abandonne pas, Dieu de mon SALUT ; 10 si mon père et ma mère m’abandonnent, Yhwh me recueillera. 11 Fais-moi voir, Yhwh, ton chemin et CONDUIS-MOI sur un sentier de droiture à cause de mes adversaires ; 12 ne me laisse pas à la gorge de mes oppresseurs car se sont dressés sur moi des témoins de mensonge et le soufflant la violence. 13 Si seulement j’étais sûr de voir la bonté de Yhwh sur la terre des VIVANTS. 14 ESPÈRE EN YHWH, SOIS-FORT ET S’AFFERMISSE TON cœur, et ESPÈRE EN YHWH.
Ps 31 1 Du maître de chant, psaume, de David. 2 En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais, en ta justice libère-moi ; 3 tends vers moi ton oreille, hâte-toi, délivre-moi. Sois pour moi un roc de REFUGE, une MAISON de forteresses pour me SAUVER ; 4 car mon rocher et ma forteresse, c’est toi, et à cause de ton nom guide-moi et CONDUISMOI ! 5 Fais-moi-sortir du filet qu’ils m’ont tendu, car c’est toi mon REFUGE. 6 En ta main je remets mon esprit, rachète moi, Yhwh, Dieu de vérité ; 7 tu hais les gardant les buées de vanité et moi, en Yhwh JE ME CONFIE. 8 Que j’exulte et me réjouisse en ta fidélité, toi qui as vu ma misère, as connu les oppressions de mon âme ; 9 et tu ne m’as pas enfermé en la main de l’ennemi, tu as établi aularge mes pas. 10 AIE-PITIÉ DE MOI, Yhwh, car l’oppression est sur moi. Se consument dans la douleur mon œil, ma gorge et mon ventre, 11 car s’achève dans la tristesse MA VIE et mes années en gémissement ; succombe par ma peine ma force et mes os se consument. 12 Pour tous mes oppresseurs je suis opprobre et pour mes voisins beaucoup plus et un effroi pour mes connaissances ; ceux qui me voient dehors s’enfuient loin de moi. 13 Je suis oublié comme un mort du cœur, je suis comme un objet perdu, 14 Car j’entends la calomnie de beaucoup, terreur à l’entour, quand ils se liguent ensemble contre moi, pour prendre ma gorge ils complotent. 15 Et moi, JE ME CONFIE en toi, Yhwh, j’ai dit : « Mon Dieu c’est toi ! » 16 Dans ta main sont mes temps, délivre-moi de la main de mon ennemi et de mon persécuteur ; 17 FAIS-LUIRE ta face sur ton serviteur, SAUVE-MOI par ta fidélité. 18 Yhwh, que je ne rougisse pas car je t’appelle, que rougissent les méchants, qu’ils se taisent au schéol ; 19 que soient muettes les lèvres de mensonge qui parlent contre le juste insolemment avec orgueil et mépris ! 20 Qu’elle est grande ta bonté laquelle tu réserves pour tes craignant, que tu œuvres pour qui S’ABRITE en toi face aux fils d’Adam. 21 TU LES CACHES AU SECRET DE TA FACE, loin-des intrigues de l’homme ; tu les mets-à-couvert sous la tente, loindu procès des langues. 22 Béni Yhwh qui fit-desmerveilles de fidélité pour moi en une ville de citadelle ! 23 Et moi j’avais dit en mon trouble : « Je suis chassé de devant tes yeux ! » Et pourtant tu écoutas LA VOIX de ma supplication quand j’ai crié vers toi. 24 Aimez Yhwh, tous ses fidèles. Les loyaux il garde Yhwh mais il rétribue avec usure le faisant l’orgueil. 25 SOYEZ-FORTS ET S’AFFERMISSE VOTRE cœur, tous LES ESPÉRANT EN YHWH !
« Maison » revient dans les quatre psaumes (26,8 ; 27,4 ; 30,1 ; 31,3) ainsi que « avoir pitié » (26,11 ; 27,7 ; 30,9.11 ; 31,10).
418
La troisième section (Ps 26–41)
LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE ET LES DEUX AUTRES 1 Ps 28 De David. Vers toi, Yhwh, j’appelle, mon rocher, ne sois pas sourd de moi, de peur que tu sois silencieux de moi et que je ressemble aux descendant au trou. 2 Écoute LA VOIX de mes supplications quand je crie vers toi, quand j’élève les mains vers LE SAINT DES SAINTS. 3
Ne me traîne pas avec les méchants et avec les œuvrant l’iniquité qui parlent de PAIX à leur prochain et le mal est dans leur cœur. 4 DONNE à eux selon leurs œuvres et la malice de leurs actes, selon l’ouvrage de leurs mains DONNE à eux, fais-revenir leur salaire à eux ; 5 car ils ne savent pas les œuvres de Yhwh et l’ouvrage de ses mains : il les démolit et ne les rebâtira pas ! 6
Béni (soit) Yhwh car il a écouté LA VOIX de mes supplications. Yhwh ma PUISSANCE et mon bouclier, en lui s’est confié mon cœur et j’ai été aidé, et exulte mon cœur et avec mon chant je rends-grâce. 8 Yhwh PUISSANCE pour eux et refuge de saluts pour son MESSIE, lui. 9 Sauve TON PEUPLE et bénis ton héritage et fais-les-paitre et élève-les POUR TOUJOURS ! 7
1 Ps 29 Psaume. De David. Apportez à Yhwh, fils des dieux, apportez à Yhwh GLOIRE et PUISSANCE, 2 apportez à Yhwh la GLOIRE de son nom, prosternez-vous devant Yhwh dans LA SPLENDEUR DE SAINTETÉ. 3
VOIX de Yhwh sur les eaux, le Dieu de GLOIRE tonne, Yhwh sur les eaux nombreuses ; VOIX de Yhwh dans la force, VOIX de Yhwh dans la splendeur. 5 LA VOIX de Yhwh casse les cèdres, et il fracasse Yhwh les cèdres du Liban ; 6 et il fait bondir comme un veau le Liban, et le Siryôn comme un fils des buffles. 7 LA VOIX de Yhwh taille des flammes de feu ! 8 LA VOIX de Yhwh fait-trembler le désert, il fait-trembler Yhwh le désert de Qadech ; 9 LA VOIX de Yhwh fait-mettre-bas les biches, et dépouille les forêts. Et en son TEMPLE tout dit : GLOIRE ! 10 Yhwh au déluge a siégé, et il siège, Yhwh, en ROI POUR TOUJOURS. 4
11
Yhwh la PUISSANCE à SON PEUPLE DONNE, Yhwh bénit SON PEUPLE dans la PAIX.
Les reprises lexicales entre la séquence centrale et le reste de la sous-section sont nombreuses : – « voix » (28,2.6 ; 29,3.4 bis.5.7.8.9 / 26,7 ; 27,7 ; 31,23), « la voix de mes supplications » (28,2.6 ; 31,23) – « bénir » (28,6.9 ; 29,11 / 26,12 ; 31,22) – « rendre grâce » (28,7 / 26,7 ; 30,5.10.13) – « se confier » (28,7 / 26,1 ; 27,3 ; 31,7.15) – « gloire » (29,1.2.3.9 / 26,8 ; 30,13) – « toujours » (traduit aussi par « à jamais » 28,9 ; 29,10 / 30,7.13 ; 31,2) – « salut » et « sauver » (28,8.9 / 27,1.9 ; 31,3.17) – « refuge » (28,8 / 27,1 ; 31,3.5) – le même verbe yāšab traduit par « habiter » (2 fois : 26,4.5) et par « siéger » (2 fois : 29,10 bis). « Méchants » ne revient qu’une seule fois en 28,3, accompagné de « les œuvrant l’iniquité », mais aussi en 26,5 ; 31,18. Leurs synonymes saturent les séquences extrêmes. Aucun ne se trouve dans le Ps 29, mais « les eaux », « les cèdres », le « désert », les « forêts » les symbolisent.
La sous-section 26–31
419
Les termes désignant le temple ou y faisant allusion se trouvent en 28,2 (« le saint des saints »), en 29,2.9 (« la splendeur de sainteté », « temple ») ; ce qui correspond à « maison » dans chacun des quatre autres psaumes (26,8 ; 27,4 / 30,1 ; 31,3) ; avec « autel » en 26,6, « temple », « hutte », « tente » et même « roc » en 27,4-5, « ma montagne » en 30,8, « roc de refuge », « rocher », forteresse » (31,3-5), « le secret de ta face », « tente » (21). En revanche, quatre termes ne sont employés que dans la séquence centrale et reviennent dans chacun de ses deux psaumes : – « puissance » (4 fois : 28,7.8 ; 29,1.11) – « peuple » (3 fois : 28,9 ; 29,11 bis) – « donner » (3 fois : 28,4 bis ; 29,11) – « paix » (2 fois : 28,3 ; 29,11). « Messie » (28,8) et son correspondant « roi » (29,10) sont propres à la séquence centrale. Une évolution peut être notée entre le début de la sous-section et la suite. Dans les deux premiers psaumes, les ennemis sont présents aux extrémités (26,15.9-11 ; 27,1-3.11-14), tandis que le centre est consacré au temple (26,6-8 ; 27,410). C’est le contraire dans les deux psaumes suivants : dans le Ps 28, le centre (3-5) est occupé par les ennemis, les parties extrêmes par la supplication (1-2) puis par la bénédiction (6-9) ; dans le Ps 29 aussi les ennemis se trouvent dans la partie centrale, avec les « cèdres » et le « désert » principalement (3-10). Enfin, il en va de même pour les deux derniers psaumes ; dans le Ps 30 les parties extrêmes sont d’action de grâce (1-6.9-13), alors que la courte partie centrale (78) dit le bouleversement qui atteint le psalmiste ; quant au dernier psaume, la première partie est une supplication (31,1-10a) qui reprend dans la dernière partie pour déboucher sur la bénédiction (15-25), tandis que la partie centrale (10b-14) s’étend sur la description du malheur dans lequel se trouve plongé le psalmiste par ses « oppresseurs ». Une autre évolution est remarquable, celle qui porte du singulier au pluriel. Dans la première séquence, le psalmiste est affronté à ses ennemis, mais il est seul : les deux psaumes 26 et 27 sont en « je » et la séquence s’achève avec des impératifs de seconde personne du singulier : « Espère en Yhwh... », que le psalmiste s’adresse à lui-même (27,14). Dans la deuxième séquence le Ps 28 commence à la première personne du singulier, mais s’achève au pluriel, celui du « peuple » de Yhwh et de son « héritage » pour lequel le psalmiste intercède (28,8-9) ; le Ps 29 s’achève sur la constatation que Yhwh « donne la puissance à son peuple » et le « bénit » (29,11). Dans la troisième séquence, le premier psaume est en « je », mais le psalmiste invite « les fidèles » du Seigneur à se joindre à lui pour rendre grâce à Dieu (30,5-6) ; dans le dernier psaume, si toute la première partie est une prière du seul psalmiste et si la partie centrale décrit son malheur personnel, dans la dernière partie l’orant élargit sa prière à ceux qui craignent le Seigneur (31,20-21.24) et la séquence s’achève avec des volitifs pluriel : « Soyez forts et s’affermisse votre cœur, tous les espérant en Yhwh » (25). Ainsi le passage du singulier au pluriel se manifeste clairement dans les termes finaux des séquences extrêmes (27,14 et 31,25).
420
La troisième section (Ps 26–41)
INTERPRÉTATION LA GLOIRE DU TEMPLE Avec sa théophanie tonitruante, le psaume 29 tranche vivement sur les cinq autres psaumes de la sous-section. Si bien qu’on peut se demander s’il ne serait pas une sorte d’aérolithe, un corps étranger qui n’aurait pas grand-chose à voir avec son entourage. Il n’en est rien, en réalité, car la sous-section se caractérise essentiellement par la présence du temple qui, sous différentes formes, est mentionné dans chacun de ses six psaumes. Il n’est donc pas surprenant que, au beau milieu de la construction, trône ce poème étonnant où résonne « la voix de Yhwh », dans « la splendeur de sainteté » de sa demeure céleste, ainsi que dans son temple terrestre, en réponse à « la voix » des « supplications » (28,2.6) du « Messie » (8), lequel invoque le « roi » de l’univers (29,10) en faveur de son « peuple » (28,9 ; 29,11). LA MENACE DES MALFAISANTS Comme pratiquement partout ailleurs, le psalmiste est constamment affronté aux méchants, aux « mortels de fausseté » et aux « hypocrites » qui voudraient le compter dans leurs rangs pour lui faire partager leur « iniquité » (Ps 26,4-5.910). Ces gens sont des « hommes de sang » (26,9 ; 30,10) qui n’hésitent pas à offrir des « gratifications » à ceux, témoins et juges, qui peuvent faire condamner le juste (26,10 ; 27,12). Ce dernier leur étant insupportable, ils sont prêts, tels des fauves, à « dévorer sa chair » (27,2), à lever contre lui une armée pour lui faire « la guerre » (3). Le danger ne consiste pas seulement dans les coups qu’ils peuvent porter, il réside peut-être davantage encore dans le risque qu’ils font courir au juste de l’entrainer à faire « le mal » avec eux (28,3). Ils sont plus dangereux que les cèdres dans leur superbe et que le désert dans sa désolation (29,5.8). Ce dont le Seigneur a délivré son fidèle n’est rien moins que la mort (30,4.10). En effet, tels des chasseurs, les oppresseurs du juste (30,8-9) ont tendu « un filet » (31,5) pour capturer et dévorer leur proie, eux qui par le « mensonge » « parlent » de lui « avec orgueil et mépris » (19), qui suscitent contre lui « intrigues » et « procès des langues » (21). LE TEMPLE DANS TOUS SES ÉTATS « En son temple », le Seigneur « siège en roi » « au déluge » qui fait périr méchants (29,10). Cette image centrale de la sous-section se reflète dans chacun de ses six psaumes. Pressé de toutes côtés par « les malfaisants », le fidèle se rend dans « la résidence de la maison » du Seigneur, dans « le lieu du séjour de sa gloire » où il fait reconnaitre son « innocence », où il rend grâce et raconte toutes les merveilles de Dieu (26,6-8). Dans le psaume suivant la partie centrale (4-10) consacrée au temple, où le juste veut « habiter » « tous les jours de sa vie » (4), occupe la plus grande place, comme pour repousser sur les marges
La sous-section 26–31
421
« les oppresseurs » et « les ennemis » du psalmiste. Bien vite, le psalmiste est désenclavé et c’est le temple qui, pour ainsi dire, prend le dessus et enserre les méchants. En effet, le premier psaume de la séquence centrale commence par les supplications que le psalmiste adresse au Seigneur en élevant les mains vers son Saint des Saints (28,1-2) et s’achève dans l’action de grâce car il a été écouté (69). Quant au Ps 29, il est pratiquement consacré tout entier à la célébration du Seigneur dont « la voix » domine et réduit à néant les puissances de l’ennemi. Après quoi, logiquement, la dernière séquence s’ouvre sur le « cantique pour la dédicace de la Maison » (30,1). Et l’on entend le roi qui dans le temple « exalte » celui qui l’a « guéri » et l’a tiré du « schéol » (2-4) et invite donc « ses fidèles » à rendre grâce avec lui (5-6), qui reprend ensuite sa supplication et termine dans une nouvelle action de grâce (9-13). Enfin, dans le dernier psaume de la sous-section le psalmiste supplie le Seigneur, qu’il invoque avec des images qui décrivent à la fois le temple et celui qui l’habite : « Sois pour moi un roc de refuge, une maison de forteresse pour me sauver, car mon rocher et ma forteresse c’est toi » (31,3-4) ; c’est en lui qu’il « se confie » (7.15), qu’il « s’abrite » (20), « à couvert sous sa tente », « caché au secret de sa face » (21). Le temple est le lieu de la prière, supplication et action de grâce, louange et bénédiction ; c’est aussi le lieu de refuge, la citadelle où le juste menacé peut s’abriter ; c’est là qu’il contemplera la face du Seigneur, car c’est là, dans sa maison, que réside son Dieu et où il l’accueille comme son fils. LE ROI ET SON PEUPLE En proie à ses ennemis qui l’assiègent de toutes parts et en veulent à sa vie, le roi semble ne se soucier que de son propre salut. Tout au long de la première séquence, son peuple n’est pas nommé, et c’est le singulier du « je » qui occupe tout l’espace de la prière de David. Dans le premier psaume de la deuxième séquence, si le roi commence par supplier pour lui-même, s’il rend grâce ensuite pour le salut qu’il a obtenu, il finit tout de même par associer « le peuple » à sa prière, et c’est sans doute pourquoi il se présente comme le « messie », c’est-àdire celui qui a été oint pour régner sur le peuple de Dieu, pour le représenter devant Dieu en intercédant pour lui. Dans le psaume suivant de même « le peuple » de Dieu est deux fois nommé (29,11), mais cette fois-ci la prière en sa faveur a été exaucée, puisque le représentant du « roi » céleste constate que « Yhwh donne la puissance à son peuple » et le « bénit dans la paix » (11). Dans la dernière séquence enfin, le messie invite les « fidèles » du Seigneur à « jouer » pour Yhwh avec lui (30,5-6) et, en finale de toute la sous-section ce n’est plus seulement lui-même qu’il encourage à « être fort » et à « espérer en Yhwh » (27,14), mais tout le peuple, « tous ceux qui espèrent en Yhwh » (31,25).
II. LE SEIGNEUR INSTRUIT LES JUSTES À LA LOUANGE
La deuxième sous-section : Ps 32–37 Les six psaumes de la sous-section sont organisés en deux séquences de trois psaumes chacune.
A. DU PÉCHÉ À LA LOUANGE La première séquence : Ps 32–34 1. LE PSAUME 32 TEXTE 1
De David, poème. Heureux celui à qui a été enlevée la transgression, celui dont a été couvert le péché ! 2 Heureux l’homme (dont) ne compte pas Yhwh la faute et point dans son esprit la tromperie ! 3 Quand je me taisais, se consumaient mes os dans mon rugir tout le jour ; 4 quand la nuit le jour pesait sur moi ta main, était changée ma moelle dans les ardeurs de l’été. selâ 5 Mon péché, je te l’ai fait connaître et ma faute je n’ai point couvert ; j’ai dit : « Je confesserai contre moi mes transgressions à Yhwh ». Et toi, tu as enlevé la faute de mon péché. selâ 6 Pour cela prie tout fidèle vers toi au temps de trouver ; surement quand débordent les eaux nombreuses, vers lui elles n’arriveront pas. 7 Toi, refuge pour moi, de la détresse tu me garderas, de chants de délivrance tu m’entoureras. selâ 8 Je t’instruirai et je t’apprendrai ce chemin à cheminer, je conseillerai sur toi mon œil. 9 Ne soyez pas tel le cheval tel le mulet ne comprenant pas, avec mors et rênes sa parure pour (le) dompter ; point ne s’approche de toi ! 10 Nombreux les tourments pour le méchant et qui se fie en Yhwh, la fidélité l’entoure. 11 Réjouissez-vous en Yhwh et exultez, les justes, et chantez, tous les droits de cœur. V. 4C
: « MA MOELLE »
Le terme lašad ne revient qu’en Nb 11,8 où il signifie « gâteau » (à l’huile). Dans le contexte de Ps 32,3-4, il correspondrait à « mes os » de 3a et serait l’équivalent de la « moelle » (litt. « le cerveau de mes os ») en Jb 21,241. Certains corrigent en lāšôn (« langue »)2. BJ, Osty et TOB traduisent par « ma sève ».
1 2
Hakham, I, 177. Kraus, I, 367 ; deClaissé-Walford – al., 306-307.
424 V. 6B
La troisième section (Ps 26–41) : « AU TEMPS DE TROUVER »
Ce membre obscur a donné lieu à de multiples corrections et interprétations3. La Septante, comme le Targum, le rend par « au temps favorable ». Suppléant un pronom complément d’objet se référant à Dieu on pourra comprendre : « au temps de le trouver », c’est-à-dire « où il se laisse trouver » (voir Is 55,6). D’autres sous-entendent « le malheur » : « au temps où le malheur le trouve »4. Le plus simple serait peut-être d’entendre : « au temps où cela se trouve », en temps de nécessité. V. 9B
: « SA PARURE »
Le verset est particulièrement difficile. Le terme ‘ădî signifie « parure » (voir Ex 33,4.5.6 ; Is 49,18, etc.). Il n’est guère besoin de corriger le texte : apparaissant comme un ornement, « mors et rênes » servent en réalité à dompter et maitriser l’animal5. V. 9C
: « POINT NE S’APPROCHE DE TOI ! »
La plupart comprennent que sans mors ni rênes l’animal ne pourrait s’approcher de l’homme6. Hakham interprète ce membre comme un souhait : « Veuille que cela ne s’approche pas de toi »7. COMPOSITION Certains divisent le psaume en deux parties8, d’autres en trois9 ou en quatre10. La plupart y voient cinq parties11. Le psaume s’organise en trois parties, deux parties de type sapientiel (1b-2 ; 8-11) qui encadrent une prière plus développée que les deux autres (3-7). LA PREMIÈRE PARTIE (1B-2) Les deux occurrences de « heureux » jouent le rôle de termes initiaux pour chaque segment, les synonymes « transgression », « péché », « faute » et « tromperie » de termes finaux pour chaque membre. Les participes des deux premiers 3
Voir par ex. Ravasi, I, 590 ; Vesco, 303, nt. 1 ; Lorenzin, 132. Hakham, I, 177. 5 Hakham, I, 178-179 ; 6 Ravasi, I, 582 ; Lorenzin, 133 ; Vesco, 303. 7 Hakham, I, 179. 8 Girard, I, 556s (1-5 ; 6-11). 9 Hakham, I, 176 (1-2 ; 3-8 ; 9-11) ; de même Kraus, I, 367. 10 Ravasi, I, 585 (A 1-2 ; B 3-7 ; B’ 8-10 ; A’ 11). 11 Lorenzin, 150 et Vesco, 303-304 (1b-2 ; 3-5 ; 6-7 ; 8-10 ; 11) ; deClaissé-Walford – al., 306 (1b-2 ; 3-5 ; 6-7 ; 8-9 ; 10-11). 4
Le psaume 32
425
membres sont des passifs divins et le nom de l’auteur, « Yhwh », apparait dans le second segment. + 1b HEUREUX +
celui à qui a été enlevée celui dont a été couvert
LA TRANSGRESSION, LE PÉCHÉ !
:: 2 HEUREUX :: (dont) ne compte pas :: et point
l’homme Yhwh à lui dans son esprit
LA FAUTE LA TROMPERIE !
LA DEUXIÈME PARTIE (3-6) – 3 Quand je me taisais, – dans mon rugir
se consumaient tout le jour ;
– 4 quand la nuit – pesait
le jour sur moi
– était changée – dans les ardeurs
ma moelle de l’été.
mes os
ta main, selâ
····························································································································
.. 5 MON PÉCHÉ, .. et MA FAUTE .. j’ai dit :
je te l’ai fait connaître je n’ai point couvert ; « Je confesserai contre moi
MES TRANSGRESSIONS à Yhwh ».
:: Et TOI,
tu as enlevé
DE MON PÉCHÉ.
LA FAUTE
selâ
····························································································································
+ 6 Pour cela + au temps
prie de trouver ;
+ surement + vers lui
quand débordent les eaux elles n’arriveront pas.
+ 7 TOI, + de la détresse + de chants
refuge tu me garderas, de délivrance
tout fidèle
vers toi nombreuses,
pour moi ; tu m’entoureras.
selâ
Dans le premier morceau le psalmiste décrit son malheur, dans le second il confesse son péché, dans le troisième il dit sa foi en la délivrance. Les deux premiers segments du premier morceau commencent avec kî, traduit ici par « quand » ; « tout le jour » (3b), explicité en « la nuit le jour » (4a), jouent le rôle de termes médians. « Mes os » et « ma moelle » se trouvent en même position dans les segments extrêmes (3a.4c). Dans le deuxième morceau le trimembre initial est la confession du péché ; il est du type AA’B, les deux premiers membres étant parallèles et synonymiques, le troisième membre étant plus développé. Le second segment est un unimembre qui dit le pardon accordé par le Seigneur ; « la faute de mon péché » reprend en sens inverse les termes initiaux des deux premiers membres du premier segment (5ab).
426
La troisième section (Ps 26–41)
Dans le troisième morceau, le second segment dit le résultat de la prière du premier segment. Le dernier segment est adressé au Seigneur et on peut comprendre que ce sont les paroles de la prière dont il est question dans le premier segment. Tout s’achève dans la louange. Les derniers segments du morceau central et du morceau final commencent avec « toi ». Les trois morceaux s’achèvent avec « selâ », c’est-à-dire « pause ». LA TROISIÈME PARTIE (8-11) = 8 Je t’instruirai = je conseillerai – 9 NE SOYEZ PAS – avec le mors – point
et je t’apprendrai sur toi
ce chemin mon œil.
à cheminer,
tel le cheval et les rênes ne s’approche
tel le mulet sa parure de toi !
ne comprenant pas pour le dompter ;
····························································································································
– 10 Nombreux + et qui se fie 11
+ RÉJOUISSEZ-VOUS + et EXULTEZ, + et CHANTEZ,
les tourments en YHWH,
pour le méchant la fidélité
en YHWH les justes, tous les droits
de cœur.
l’entoure.
Dans le premier morceau le psalmiste (8) met en garde contre l’inintelligence (9). Alors que le premier segment vise un singulier, le second élargit le propos à un pluriel. La même alternance entre singulier et pluriel se retrouve dans le second morceau ; alors que dans le premier segment il énonce le sort du « méchant » et de « qui se fie en Yhwh », dans le deuxième il s’adresse aux « justes » et même à « tous les droits de cœur ». Les deux occurrences de « Yhwh » agrafent les deux segments. Le trimembre final du premier morceau ne contient qu’un seul impératif, « Ne soyez pas », mais le membre final peut être interprété comme un souhait ; le trimembre final du deuxième morceau coordonne trois impératifs. L’ENSEMBLE DU PSAUME S’il ne fait aucun doute que la première partie ainsi que la prière de la seconde partie sont prononcées par le psalmiste, il n’en va pas de même de la troisième. Plusieurs sont d’avis que c’est le Seigneur qui prend la parole à partir de 8, pour répondre à la prière qui précède12. D’autres pensent que ce ne sont que les versets 8-9 qui sont prononcés par Dieu13. Enfin, il ne manque pas d’auteurs qui tiennent que le locuteur est le psalmiste14. 12
Par ex., Kraus, I, 371 ; Hakham, I, 178. Alonso Schoekel – Carniti, I, 574. 14 Delitzsch, I, 479 ; Ravasi, I, 591 ; Lorenzin, 151. 13
Le psaume 32 1
De David,
427
INSTRUCTION.
+ Heureux + CELUI DONT A ÉTÉ COUVERT
CELUI À QUI A ÉTÉ ENLEVÉE
+ 2 Heureux + dont ne compte pas + et point
l’homme YHWH a lui dans son esprit
– 3 Quand je me taisais, se consumaient – dans mon rugir tout le jour ; – 4 quand la nuit – pesait
le jour sur moi
– était changée – dans les ardeurs
ma moelle de l’été.
LA TRANSGRESSION, LE PÉCHÉ ! LA FAUTE
la tromperie ! mes os
ta main, selâ
··························································································································
.. 5 MON PÉCHÉ, .. et MA FAUTE .. j’ai dit :
je te l’ai fait connaître ; « Je confesserai contre moi
MES TRANSGRESSIONS
à YHWH ».
:: Et toi,
TU AS ENLEVÉ
DE MON PÉCHÉ.
selâ
JE N’AI POINT COUVERT
LA FAUTE
··························································································································
+ 6 Pour cela + au temps
prie de trouver ;
+ sûrement + vers lui
quand débordent les eaux elles n’arriveront pas.
+ 7 Toi, + de la détresse + de CHANTS
refuge tu me garderas, de délivrance
pour moi,
et je t’apprendrai sur toi
ce chemin mon œil.
à cheminer,
tel le cheval et les rênes ne s’approche
tel le mulet sa parure de toi !
ne comprenant pas pour le dompter ;
+ 8 JE T’INSTRUIRAI + je conseillerai – 9 Ne soyez pas – avec le mors – point
tout fidèle
vers toi NOMBREUSES,
TU M’ENTOURERAS.
selâ
············································································································
– 10 NOMBREUX + et qui se fie + 11 Réjouissez-vous + et exultez, + et CHANTEZ,
les tourments en YHWH,
pour le méchant la fidélité L’ENTOURE.
en YHWH les justes, tous les droits
de cœur.
Rapports entre les deux premières parties Les synonymes « transgression(s) », « péché » et « faute » de la première partie se retrouvent au centre de la deuxième partie (5). Il en va de même pour « enlever » (1b.5d) et « couvrir » (1c.5b) et aussi « Yhwh » (2b.5c).
428 1
La troisième section (Ps 26–41)
De David,
INSTRUCTION.
+ Heureux + CELUI DONT A ÉTÉ COUVERT
CELUI À QUI A ÉTÉ ENLEVÉE
+ 2 Heureux + dont ne compte pas + et point
l’homme YHWH a lui dans son esprit
LA TRANSGRESSION, !
LE PÉCHÉ
– 3 Quand je me taisais, se consumaient – dans mon rugir tout le jour ; – 4 quand la nuit – pesait
le jour sur moi
– était changée – dans les ardeurs
ma moelle de l’été.
LA FAUTE
la tromperie ! mes os
ta main, selâ
··························································································································
.. 5 MON PÉCHÉ, .. et MA FAUTE .. j’ai dit :
je te l’ai fait connaître JE N’AI POINT COUVERT ; « Je confesserai contre moi
MES TRANSGRESSIONS
à YHWH ».
:: Et toi,
TU AS ENLEVÉ
DE MON PÉCHÉ.
selâ
LA FAUTE
··························································································································
+ 6 Pour cela + au temps
prie de trouver ;
+ sûrement + vers lui
quand débordent les eaux elles n’arriveront pas.
+ 7 Toi, + de la détresse + de CHANTS
refuge tu me garderas, de délivrance
pour moi,
et je t’apprendrai sur toi
ce chemin mon œil.
à cheminer,
tel le cheval et les rênes ne s’approche
tel le mulet sa parure de toi !
ne comprenant pas pour le dompter ;
+ 8 JE T’INSTRUIRAI + je conseillerai – 9 Ne soyez pas – avec le mors – point
tout fidèle
vers toi NOMBREUSES,
TU M’ENTOURERAS.
selâ
············································································································
– 10 NOMBREUX + et qui se fie + 11 Réjouissez-vous + et exultez, + et CHANTEZ,
les tourments en YHWH,
pour le méchant la fidélité L’ENTOURE.
en YHWH les justes, tous les droits
de cœur.
Rapports entre les deux dernières parties Qualifiant des choses négatives, « nombreuses / nombreux » reviennent en 6c et 10a ; « chants » et « chantez » jouent le rôle de termes finaux (7c.11c) ainsi que « entourer » (7c.10b). « Yhwh » au centre de la deuxième partie (5c) est repris deux fois dans le dernier morceau de la troisième partie (10b.11a).
Le psaume 32
429
Rapports entre les parties extrêmes À part la reprise de « Yhwh » (2b ; 10b.11a), les deux parties n’ont aucun terme en commun. Toutefois, aux deux occurrences de « Heureux » (1b.2a) correspondent en finale, dans le dernier segment de la dernière partie, les trois impératifs, « Réjouissez-vous », « exultez » et « chantez » (11). En hébreu, « les droits » de la fin (yišrê) est en rapport de paronomase avec les deux « heureux » du début (’ašrê). Rapports entre le titre et le corps du psaume « Instruction » dans le titre annonce « je t’instruirai » au début de la partie finale (8a).
CONTEXTE « J’ENSEIGNERAI AUX TRANSGRESSEURS TES CHEMINS » (PS 51,15) Il semble naturel que le pécheur pardonné veuille enseigner aux autres le chemin de la conversion (Ps 51,15)15.
INTERPRÉTATION LA CÉLÉBRATION DU PARDON Au cœur du psaume (5) la confession des péchés prend presque toute la place, si bien qu’on risquerait d’oublier la fin du morceau sur laquelle il pointe, quand le psalmiste déclare, en s’adressant à son Seigneur, que son péché lui a été remis. Tout converge en fait sur le pardon. C’est pourquoi le psalmiste commence en proclamant « heureux », par deux fois, l’homme dont la transgression a été enlevée ; il le fait avec les mêmes termes qu’il reprendra pour le pardon qu’il a reçu lui-même après la confession de son péché. Et le psaume ne pouvait pas ne pas se conclure sur un appel lancé aux « justes » et à « tous les droits de cœur », c’est-à-dire à ceux qui sont tels parce qu’ils ont été pardonnés eux aussi, à se réjouir, à exulter et chanter, partageant ainsi la jubilation du psalmiste. LE POIDS DU PÉCHÉ Tant qu’il n’a pas été « enlevé », le péché « pèse » sur celui qui l’a commis, sur ses « os », sur sa « moelle », sur tout son être (3-4). Il est d’autant plus écrasant qu’il est tu, dans une tentative d’empêcher le rugissement qu’il ne saurait manquer de provoquer. Il consume, comme « les ardeurs de l’été », ne laissant 15
Delitzsch, I, 479.
430
La troisième section (Ps 26–41)
aucun répit ni de jour ni de nuit. Le psalmiste attribue le poids de son péché à la main de Dieu, comme s’il l’accusait, dans la vaine tentative d’en rejeter la faute sur le Seigneur. À moins qu’il y reconnaisse un châtiment qui l’incite à la conversion, une invitation à renoncer au silence, à parler, à verbaliser et sa douleur et son péché. La confession du péché, la reconnaissance de la vérité, si cruelle soit-elle, est le seul remède pour que le poids de la faute soit « enlevé ». « LE TEMPS DE TROUVER » « Il y a un moment pour tout et un temps pour toute chose sous le ciel » (Qo 3,1). D’un côté il y a le temps de la souffrance silencieuse qui ne laisse pas de répit à celui qui la subit « nuit et jour ». Et il y a d’autre part « le temps de trouver », de trouver le chemin qui va permettre de sortir de l’épreuve, le temps de trouver le Seigneur que le pécheur, déjà considéré comme « fidèle », se met à prier. Dès lors, « les eaux nombreuses » pas plus que « les ardeurs de l’été » ne pourront avoir le dessus sur celui qui trouve en Dieu son « refuge ». L’INSTRUCTION Après « de David », le titre ajoute « instruction ». Et la dernière partie commencera avec : « je t’instruirai », accompagné par « je t’apprendrai » et « je conseillerai ». On a vu que le sujet de ces verbes est laissé à l’interprétation du lecteur : le contexte antérieur des trois verbes donne à penser que c’est le Seigneur lui-même qui répond à la requête du psalmiste, mais le contexte du substantif dans le titre semble au contraire suggérer que c’est David qui propose cette « instruction ». Il se trouve que « je t’apprendrai » est de la même racine que Torâ, ce qui pourrait indiquer que ce sont les paroles divines, ses commandements qui constituent le contenu de l’enseignement, d’autant plus que le complément d’objet est « le chemin à cheminer »16. Mais est-il nécessaire de choisir entre les deux interprétations ? L’instruction prodiguée par le roi pourrait-elle être autre chose que la Loi de Dieu ?
16 Le Ps 119 commence par « Heureux les parfaits de chemin, les marchant dans la Loi de Yhwh ».
2. LE PSAUME 33 TEXTE 1
Exultez, justes, en Yhwh, aux droits convient la louange ; 2 rendez-grâce à Yhwh avec la cithare, avec la harpe à dix-cordes psalmodiez à lui; 3 chantez à lui un chant nouveau, soyez-bons à jouer avec acclamation, 4 car droite est la parole de Yhwh et toutes ses œuvres avec vérité ; 5 il aime la justice et le jugement, de la fidélité de Yhwh est pleine la terre. 6 Par la parole de Yhwh les cieux furent faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée. 7 Il rassemble comme un bloc les eaux de la mer, donne dans des réserves les abimes. 8 Que craignent Yhwh toute la terre, devant lui tremblent tous les habitants du monde, 9 car lui dit et ce fut, il commanda et cela tint. 10 Yhwh fit échouer le dessein des nations, rendit-vains les projets des peuples ; 11 le dessein de Yhwh à jamais tient, les projets de son cœur d’âge en âge. 12 Heureuse la nation dont Yhwh est le Dieu, le peuple qu’il s’est choisi pour héritage ! 13 Des cieux regarda Yhwh, il vit tous les fils d’Adam ; 14 du lieu de sa demeure il scruta tous les habitants de la terre. 15 Il façonne à chacun son cœur, il comprend toutes leurs un preux n’est pas délivré par tant de œuvres. 16 Pas le roi est sauvé par tant de vigueur, force ; 17 mensonge le cheval pour le salut et avec tant de sa vigueur il ne s’échappe pas. 18 Voici, l’œil de Yhwh sur ses craignant, pour les espérant en sa fidélité, 19 pour délivrer de la mort leur âme et les faire vivre en (temps de) famine 20 Notre âme a attendu Yhwh, notre secours et notre bouclier (c’est) lui, 21 car en lui se réjouit notre cœur, car dans le nom de sa sainteté nous nous sommes fiés. 22 Que soit ta fidélité, Yhwh, sur nous, comme nous avons espéré en toi. V. 7A
: « COMME UN BLOC »
Les versions anciennes lisent nôd, « outre », au lieu de nēd, « bloc » (voir Ex 15,8 ; Jos 3,13.16 ; Ps 78,13). V. 15
: « IL FAÇONNE À CHACUN »
La phrase est ambiguë. Il est en effet possible de comprendre que l’adverbe yaḥad qualifie le sujet du verbe et l’on traduira : « Il façonna lui-seul leur cœur » ; mais l’adverbe peut modifier le sens de l’objet : « Il façonna à chacun leur cœur ». Le parallélisme entre les deux membres du segment fait pencher la balance de ce dernier côté.
COMPOSITION Si tous voient bien que le psaume commence par une introduction hymnique, l’accord sur ses limites ne fait pas l’unanimité : 1-31 ; 1-42 ou 1-53. En revanche, les commentateurs se rejoignent sur celles de la conclusion (20-22). Pour ce qui 1
Hakham, I, 180 ; Vesco, 311 ; deClaissé-Walford – al., 210. Kraus, I, 374 ; Lorenzin, 152. 3 Ravasi, I, 599. 2
432
La troisième section (Ps 26–41)
est de la composition du corps du psaume, cela va de trois à sept parties et il n’y a guère que la dernière (16-19) qui est reconnue par presque tous4. Le psaume compte cinq parties organisées de manière concentrique autour du macarisme central (12).
LA PREMIÈRE PARTIE (1-5) + 1 EXULTEZ, + aux DROITS 2
JUSTES, convient
en YHWH, LA LOUANGE
;
+ RENDEZ-GRÂCE + avec la harpe
à YHWH à dix-cordes
PSALMODIEZ
+ 3 CHANTEZ à lui + soyez-bons
un chant à JOUER
nouveau, avec acclamation,
avec la cithare, à lui ;
·······························································································
: 4 car DROITE : et toutes
la PAROLE ses œuvres
de YHWH, avec vérité ;
: 5 lui qui aime : de la fidélité
LA JUSTICE de YHWH
et le jugement, est pleine
la terre.
Le premier morceau, dont les trois segments commencent par un impératif aux mêmes modalités, est une invitation à la louange ; introduit par « car », le deuxième morceau en donne les raisons. Dans le premier morceau les impératifs initiaux trouvent un écho dans chacun des seconds membres avec « louange », « psalmodiez » et « jouer », six termes donc qui appartiennent tous au même champ sémantique. À ces termes qui désignent la parole de l’homme correspondent au début du second morceau « la parole » du Seigneur (4a). À la « parole » de Yhwh sont coordonnées ses « œuvres » (4b) ; et celles-ci sont qualifiées de « vérité », « justice », « jugement », « fidélité ». « Justes » et « droits », juxtaposés dans le segment initial du premier morceau (1), trouvent un écho avec « droite » et « justice » dans les premiers membres des deux segments du deuxième morceau (4a.5a). La justice et la droiture de l’homme sont en étroite corrélation avec celles de Dieu. Le nom de « Yhwh » revient deux fois dans chaque morceau (1a.2a ; 4a.5b). On pourra noter l’élargissement final, le dernier membre comptant un terme de plus que chacun des neuf membres précédents.
4 On signalera pour mémoire que Thomas Boys (A Key to the Book of the Psalms, 76-81) voyait dans le psaume une composition parallèle, opinion qui ne saurait emporter l’adhésion.
Le psaume 33
433
LA DEUXIÈME PARTIE (6-11) + 6 Par la PAROLE + et par LE SOUFFLE
de YHWH DE SA BOUCHE
les cieux
– 7 il rassemble – donne
comme un bloc dans des réserves
les eaux les abimes.
furent faits
TOUTE LEUR ARMÉE ;
de la mer,
·····················································································································
: 8 Que craignent : devant lui 9
: car lui : lui
YHWH tremblent
TOUTE LA TERRE, TOUS LES HABITANTS
DIT COMMANDA
et ce fut, et (cela) TINT.
DU MONDE,
····················································································································· 10
– YHWH – rendit-vains
fit échouer les projets
DES PEUPLES
le dessein
+ 11 le dessein + les projets
de YHWH de son cœur
à jamais d’âge
DES NATIONS,
; TIENT, en âge.
Le premier morceau est consacré à la création des « cieux » et de tous les astres, « toute leur armée », distingués des « eaux de la mer » auxquelles, comme à un ennemi, le Seigneur assigna des limites. Le dernier morceau oppose « le dessein » et « les projets » des nations que Dieu fait échouer et les siens propres qui tiennent bon pour toujours. Ainsi ces deux morceaux se correspondent de manière spéculaire. Au centre, le souhait que tous les hommes craignent le Seigneur (8), motivé par le fait que la parole divine est totalement efficace (9). « La parole » du Seigneur (6), ce qu’il « dit » et « commande » (9), c’est le fruit de son « dessein » et du « projet » élaborés dans son « cœur » (11). Tout cela « tient » bon (9b.11a). « Les nations » et « les peuples » (10), ce sont « tous les habitants du monde », « toute la terre » (8) ; la totalité est aussi celle de « toutes » les armées des cieux, c’est-à-dire tous les astres qui peuplent les cieux (6).
434
La troisième section (Ps 26–41)
LA QUATRIÈME PARTIE (13-17) + 13 Des cieux :: il vit
regarda TOUS les fils
Yhwh, d’Adam ;
+ 14 du lieu ::
de sa demeure
il scruta
TOUS les habitants de la terre. ··························································································
· 15 Il façonne · il comprend
à chacun TOUTES leurs œuvres.
leur cœur,
·························································································· est sauvé par TANT de n’est pas délivré par TANT de
– 16 Pas le roi – un preux
– 17 mensonge – et par TANT
le cheval de sa vigueur
vigueur, force ;
pour le salut il ne s’échappe pas.
En deux bimembres parallèles, le premier morceau décrit le Seigneur qui pose ses yeux sur tous les hommes (sous-entendu, pour les sauver). Le morceau final au contraire insiste sur le fait que ce n’est pas par leurs propres forces que les grands, « roi » ou « preux », sont sauvés. Au centre, le Seigneur ne se contente pas de « regarder » ; « façonnant » le cœur de l’homme, il le connait intimement. LA CINQUIÈME PARTIE (18-22) : 18 Voici, : pour LES ESPÉRANT
l’œil en sa FIDÉLITÉ,
- 19 pour délivrer - et les faire vivre
de la mort leur ÂME en (temps de) famine.
de YHWH
sur ses craignant,
···················································································································· a attendu YHWH,
+ 20 Notre ÂME – notre secours
et notre bouclier
(c’est) lui,
+ car en lui – car dans le nom
se réjouit de sa sainteté
notre cœur, nous nous sommes fiés.
+ 22 Que soit – comme
ta FIDÉLITÉ, NOUS AVONS ESPÉRÉ
YHWH, en toi !
21
sur nous,
Alors que le premier morceau est à la troisième personne du pluriel, le second est tout entier à la première personne du pluriel. « Yhwh », « espérer » et « fidélité » jouent le rôle de termes extrêmes (18.22), les deux occurrences de « âme » remplissant la fonction de termes médians. Le passage soudain à la deuxième personne du singulier dans le dernier segment, crée la surprise, car jusqu’alors le psalmiste parlait de Dieu sans s’adresser directement à lui.
Le psaume 33
435
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Exultez, justes, en YHWH, aux droits convient la louange ; rendez-grâce à YHWH avec la cithare, avec la harpe à dix-cordes psalmodiez à lui ; 3 chantez à lui un chant nouveau, soyez-bons à jouer avec acclamation, 2
····················································································································· 4 5
car droite est la PAROLE de YHWH et toutes ses œuvres avec vérité ; lui qui aime la justice et le jugement, de la FIDÉLITÉ de YHWH est pleine la TERRE.
6 7
Par la PAROLE de YHWH les CIEUX furent faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée ; il rassemble comme un bloc les eaux de la mer, donne dans des réserves les abimes. ························································································································· 8 9
Que craignent YHWH toute la TERRE, devant lui tremblent tous les habitants du monde, car lui dit et ce fut, lui commanda et cela tint. ··········································································································· 10 11
12
13 14
YHWH fit échouer le dessein des NATIONS, rendit vains les projets des PEUPLES ; le dessein de YHWH à jamais tient, les projets de son cœur d’âge en âge.
Heureuse la NATION dont YHWH est le DIEU,
le PEUPLE qu’il s’est choisi pour héritage !
Des CIEUX YHWH REGARDA, il vit tous les fils d’Adam ; du lieu de sa demeure il scruta tous les habitants de la TERRE. ························································································································· 15
Il façonne à chacun son cœur,
il comprend toutes leurs œuvres.
··········································································································· 16 17
18 19
Le roi n’est pas sauvé par tant de vigueur, un preux n’est pas délivré par tant de force ; mensonge le cheval pour le salut et par tant de sa vigueur il ne s’échappe pas.
Voici, L’ŒIL de YHWH sur ceux qui le craignent, pour ceux qui espèrent en sa FIDÉLITÉ, pour délivrer de la mort leur âme et les faire vivre en (temps de) famine.
····················································································································· 20
Notre âme a attendu YHWH, notre secours et notre bouclier c’est lui, car en lui se réjouit notre cœur, car dans son saint nom nous nous sommes fiés. 22 Que soit ta FIDÉLITÉ, YHWH, sur nous, comme nous avons espéré en toi. 21
Les vingt-deux versets sont distribués de manière équilibrée de chaque côté du centre (12) : onze avant, dix après. Les parties extrêmes se correspondent de manière spéculaire. Le premier et le dernier morceau (1-3 ; 20-22), chacun comptant trois bimembres, sont les seuls où intervient la deuxième personne du pluriel au début, englobée dans la première personne du pluriel à la fin. Les deux autres morceaux, de deux bimembres, mettent en parallèle « la parole de Yhwh » et « l’œil de Yhwh » qui jouent le rôle de termes initiaux (4.18), et reprennent « fidélité » (5.18). « La parole de Yhwh » de 4 est reprise au début de la partie suivante (6) ; et de manière symétrique, « l’œil de Yhwh » de 18 rappelle « Yhwh regarda » au début de la partie précédente (13). Ainsi le premier versant est marqué par la parole de Dieu, le deuxième par son regard ; on reviendra sur ce point capital dans le Contexte.
436
La troisième section (Ps 26–41)
1
Exultez, justes, en YHWH, aux droits convient la louange ; rendez-grâce à YHWH avec la cithare, avec la harpe à dix-cordes psalmodiez à lui ; 3 chantez à lui un chant nouveau, soyez-bons à jouer avec acclamation, 2
····················································································································· 4 5
car droite est la PAROLE de YHWH et toutes ses œuvres avec vérité ; lui qui aime la justice et le jugement, de la FIDÉLITÉ de YHWH est pleine la TERRE.
6 7
Par la PAROLE de YHWH les CIEUX furent faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée ; il rassemble comme un bloc les eaux de la mer, donne dans des réserves les abimes. ························································································································· 8 9
Que craignent YHWH toute la TERRE, devant lui tremblent tous les habitants du monde, car lui dit et ce fut, lui commanda et cela tint. ··········································································································· 10 11
12
13 14
YHWH fit échouer le dessein des NATIONS, rendit vains les projets des PEUPLES ; le dessein de YHWH à jamais tient, les projets de son cœur d’âge en âge.
Heureuse la NATION dont YHWH est le DIEU,
le PEUPLE qu’il s’est choisi pour héritage !
Des CIEUX YHWH REGARDA, il vit tous les fils d’Adam ; du lieu de sa demeure il scruta tous les habitants de la TERRE. ························································································································· 15
Il façonne à chacun son cœur,
il comprend toutes leurs œuvres.
··········································································································· 16 17
18 19
Le roi n’est pas sauvé par tant de vigueur, un preux n’est pas délivré par tant de force ; mensonge le cheval pour le salut et par tant de sa vigueur il ne s’échappe pas.
Voici, L’ŒIL de YHWH sur ceux qui le craignent, pour ceux qui espèrent en sa FIDÉLITÉ, pour délivrer de la mort leur âme et les faire vivre en (temps de) famine.
····················································································································· 20
Notre âme a attendu YHWH, notre secours et notre bouclier c’est lui, car en lui se réjouit notre cœur, car dans son saint nom nous nous sommes fiés. 22 Que soit ta FIDÉLITÉ, YHWH, sur nous, comme nous avons espéré en toi. 21
Les deuxième et avant-dernière parties se correspondent étroitement. Les syntagmes initiaux « la parole de Yhwh » et « Yhwh regarda » sont accompagnés par les deux seules occurrences de « les cieux » (6.13). La totalité est signalée par les trois occurrences de kol, « tous/toute(s) » dans chaque partie (6.8 bis ; 13.14.15) à quoi s’ajoutent dans l’avant-dernière partie « chacun » (15) ainsi que les trois occurrences de rob, traduit ici par « tant » (16-17). La totalité des hommes est exprimée de manière forte en 8 et en 13-14. Il semble qu’on puisse voir un rapport entre les derniers morceaux : « le dessein des nations » et « les projets des peuples » que le Seigneur fait échouer, ayant son correspondant dans la force et la vigueur du « roi » et du « preux » qui ne leur assure pas le salut. Le psaume est focalisé sur le macarisme de 12, où « nation » et « peuple » rappellent 10, et où apparait la seule occurrence de « Dieu ».
Le psaume 33
437
« Toutes ses œuvres », celles de Yhwh (4) trouvent leur correspondant avec celles des hommes : « toutes leurs œuvres » (15). On notera les trois occurrences de « cœur », désignant celui du Seigneur à la fin du premier versant (11), celui de l’homme dans le deuxième versant (15.21). La surprise finale de la deuxième personne du singulier (22) vaut non seulement pour la dernière partie, mais aussi pour l’ensemble du psaume.
CONTEXTE LA PAROLE DU SEIGNEUR « La parole de Yhwh » par quoi commence la deuxième partie est avant tout celle de la création rapportée au début de la Genèse ; c’est par la parole, par « les dix paroles » divines de Gn 1, que le monde fut (9), « cieux » (6) et « mer » (7). L’ŒIL DU SEIGNEUR « L’œil du Seigneur » (18), qui « regarde », « voit » et « scrute » (13-14) est celui du salut, qui « libère de la mort » et « fait vivre » (19). Quand les fils d’Israël crient vers lui dans la misère où l’Égypte les a asservis, le Seigneur ne se contente pas d’écouter, il « voit » sa situation et décide d’agir. Du sein du Buisson, le Seigneur dit à Moïse : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. 8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel [...]. 9 Maintenant, le cri des Israélites est venu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que font peser sur eux les Égyptiens. [...] « Va, réunis les anciens d’Israël et dis-leur : Yhwh, le Dieu de vos pères, m’est apparu — le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob — et il m’a dit : Je vous ai visités et j’ai vu ce qu’on vous fait en Égypte, 17 alors j’ai dit : Je vous ferai monter de l’affliction d’Égypte [...] vers une terre qui ruisselle de lait et de miel. [...] 19 Je sais bien que le roi d’Égypte ne vous laissera aller que s’il y est contraint par une main forte. 20 Aussi j’étendrai la main et je frapperai l’Égypte par toutes les merveilles que j’accomplirai au milieu d’elle ; après quoi, il vous laissera partir (Ex 3,7-20).
Les œuvres de Dieu qui forceront Pharaon à laisser partir Israël ne sont autres que les dix « merveilles » plus connues sous le nom des dix plaies d’Égypte.
INTERPRÉTATION Dans son langage poétique propre, le psaume reprend les récits d’origine de l’humanité tout entière et du peuple d’Israël en particulier, tels que les rapportent en leurs premiers chapitres les livres de la Genèse et de l’Exode.
438
La troisième section (Ps 26–41)
LA NAISSANCE DU MONDE Par sa parole le Seigneur fait émerger du chaos originel « les cieux » et « toute leur armée », les séparant des « eaux de la mer » et de leurs « abimes » (6-7). Devant la force d’une telle parole, « toute la terre » ainsi que « tous les habitants du monde » ne peuvent qu’être saisis de crainte et de tremblement (8-9). Tout « dessein » et tous « projets » contraires à celui du créateur seraient inéluctablement voués à l’échec (10-11). C’est que « la parole du Seigneur » est « droite », que les œuvres qu’il accomplit sont « vérité ». Tout ce qu’il entreprend n’a pour fondement que « justice » et « jugement » (4-5). Et ce n’est pas un hasard si le maitre-mot survient, comme un sceau, pour ratifier l’alliance conclue entre le Seigneur et le monde, en conclusion de la première partie : « la fidélité du Seigneur » est le roc sur lequel elle repose, sur lequel elle est gravée à jamais. LA NAISSANCE D’ISRAËL Si le premier chapitre de la Genèse est l’acte de naissance du monde et des fils d’Adam, ceux par lesquels commence le livre de l’Exode rapportent longuement et douloureusement l’accouchement du peuple d’Israël que l’Égypte se refuse obstinément à laisser sortir de son sein, quand le temps de la délivrance était pourtant venu. « Des cieux » qu’il avait créés le Seigneur « regarda », « il vit tous les fils d’Adam » (13). Il « scrute tous les habitants de la terre » (14), non seulement les opprimés mais aussi leurs oppresseurs. Et il faudra bien qu’il les sépare comme il avait séparé les cieux des eaux de la mer (6-7), qu’il les « libère » finalement tous deux, de l’esclavage subi pour les uns, de la servitude imposée pour les autres. L’histoire de la traversée de la mer en Ex 14 montrera que « le roi », « le preux » qui avait mis sa force dans le cheval et dans ses chars ne pourra pas échapper (16-17). L’ÉLECTION D’UN SEUL ENTRE TOUS Si les deux versants du psaume mettent en parallèle l’universel du monde et le particulier d’Israël, il faut cependant reconnaitre que c’est ce dernier qui occupe le centre de l’attention comme il constitue le point focal de la construction (12). Toutefois, ce déséquilibre en faveur du peuple unique n’est qu’apparent. L’élection d’un seul suppose en réalité la présence de tous les autres parmi lesquels il a été choisi. Le centre ne se comprend pas s’il est considéré de manière isolée. Ce seront de manière privilégiée les extrémités qui permettront de l’entendre. En effet, la béatitude au cœur du psaume entre en résonnance avec le triple appel initial à la louange. Ceux auxquels s’adresse le psalmiste en commençant sont « les justes » et « les droits » : rien qui limite l’invitation aux seuls fils d’Israël. Étant donné le caractère franchement universel du premier versant, force est de reconnaitre que ce sont « tous les habitants du monde » qui sont convoqués à l’action de grâce. Le « nous » avec lequel se conclura le psaume pourrait-il être
Le psaume 33
439
celui des seuls membres de « la nation dont le Seigneur est le Dieu », du seul « peuple qu’il s’est choisi pour héritage » ? « Ceux qui le craignent » et « espèrent en sa fidélité » (18) débordent sans aucun doute les frontières d’Israël. Avec ces derniers versets, ce sont « tous les habitants de la terre » qui se trouvent inclus dans ce nous qui parle comme un seul homme, comme un seul peuple qui peut en finale s’adresser directement à son créateur et sauveur : « de la fidélité du Seigneur est pleine la terre » (5).
3. LE PSAUME 34 TEXTE 1
De David, quand il déguisa sa raison à la face d’Abimélek et (celui-ci) le chassa et (lui) s’en alla. ’ 2 Je bénirai Yhwh en tout temps, toujours sa louange en ma bouche. b 3 En Yhwh se loue mon souffle, qu’ils écoutent les humiliés et se réjouissent. g 4 Magnifiez Yhwh avec moi et exaltons son nom ensemble. d 5 Je cherchai Yhwh et il me répondit et de toutes mes frayeurs il me délivra. h 6 Ils regardèrent vers lui et resplendirent et leur face ne rougira pas. z 7 Ce miséreux cria et Yhwh écouta et de toutes ses angoisses il le sauva. ḥ 8 Il campe l’ange de Yhwh autour de ses craignant et les dégage. ṭ 9 Goûtez et voyez que bon Yhwh, heureux l’homme qui s’abrite en lui. y 10 Craignez Yhwh, ses saints, car pas de manque pour ses craignant. k 11 Des lions sont dénués et affamés et les cherchant Yhwh ne manquent d’aucun bien. l 12 Allez, fils, écoutez-moi la crainte de Yhwh je vous l’enseigne. m 13 Quel est l’homme qui désire la vie, aimant les jours pour voir le bien ? n 14 Préserve ta langue du mal et tes lèvres de parler la fraude. s 15 Évite le mal et fais le bien, recherche la paix et poursuis-la. ‘ 16 Les yeux de Yhwh pour les justes et ses oreilles pour leurs clameurs. p 17 La face de Yhwh contre les faisant le mal, pour effacer de la terre leur mémoire. ṣ 18 Ils crièrent et Yhwh écouta et de toutes leurs angoisses il les délivra. q 19 Proche Yhwh des brisés de cœur et les esprits abattus il sauve. r 20 De nombreux maux (sur) le juste et de tous il le délivre Yhwh. š 21 Il garde tous ses os, un seul d’entre eux ne sera brisé. t 22 Le mal tue le méchant et ceux qui haïssent le juste expieront. p 23 Il rachète Yhwh le souffle de ses serviteurs et n’expieront pas tous les s’abritant en lui.
V. 6
: « ILS REGARDÈRENT VERS LUI ET RESPLENDIRENT... »
Quelques manuscrits hébreux ainsi que plusieurs versions lisent le verset à l’impératif, donc à la deuxième personne du pluriel. V. 11
: « DES LIONS »
La Septante a « riches » au lieu de « lions ». Au niveau du segment (11), il est certain que l’opposition est plus directe entre ceux qui « ne manquent d’aucun bien » et « des riches dénués et affamés » ; c’est cette position que défendait Christian Schoettgen dans sa sixième dissertation, « De exergasia sacra »1. Il en va de même au niveau supérieur du morceau (10-11).
1 Ch. SCHOETTGEN, Horae Hebraicae et Talmudicae, 1259-1261 ; trad. anglaise de la sixième dissertation dans J.R. LUNDBOM, Jeremiah, 121-127.
442 V. 12
La troisième section (Ps 26–41) : « ALLEZ »
Le premier mot du verset, l ekû, est la plupart du temps traduit par « venez » (BJ, Osty, Dhorme conservent l’ordre des mots : « Venez, fils, écoutez-moi » ; la TOB a « venez m’écouter »). Or hālak signifie « aller » ; « venir » se dit avec un autre verbe : bā’. Alonso Schoekel traduit, « approchez-vous » et il commente : « il convoque ses disciples [...] les invite à s’approcher »2. Amos Hakham explique : « Ici “allez” n’a pas du tout le sens de “s’en aller”, mais c’est une locution d’incitation qui précède l’impératif “écoutez”. De même : “Allez ! jetons les sorts” (Jon 1,7) et tant d’autres exemples »3 ; voir aussi, par ex., Gn 37,20.27. COMPOSITION Plusieurs identifient un invitatoire ou prologue (2-4)4 ; la majorité divisent le texte en deux parties, une de récit, l’autre d’instruction (celle-ci commençant au verset 12), elles-mêmes subdivisées parfois en « strophes »5. Mais il ne manque pas d’autres plans, plus ou moins différents. Certains se gardent de prendre position6. Après avoir affirmé que l’acrostiche alphabétique ne permet pas « que la pensée soit organisée selon un cadre précis et bien défini »7, Ravasi propose un plan fort... régulier8. Beaucoup de plans « traditionnels » contiennent un certain nombre d’observations tout à fait exactes ; la plupart reconnaissent la césure majeure entre les versets 11 et 129. Après le titre, les vingt-deux segments du psaume lui-même sont organisés en trois parties, deux parties développées comprenant chacune dix segments (2-11 ; 14-23) qui encadrent une partie beaucoup plus courte qui ne compte que deux segments (12-13). Les sous-parties centrales des deux grandes parties (5-7 ; 1820) se correspondent de manière très étroite10. Comme cela arrive très souvent dans les textes sémitiques, le centre de la construction est occupé par une question, la seule de tout le psaume (13)11. L’alphabétisme n’est pas parfait. Il n’y a pas de segment qui commence par waw (entre le hé et le zayin) ; en revanche deux segments commencent par pé : le verset 17, a sa place entre le ayin et le ṣadé, mais repris à la fin (23), après le
2
Alonso Schoekel – Carniti, I, 588.594. Hakham, I, 188. 4 Parmi les plus récents, Lorenzin, 154 ; Vesco, 317. 5 Ainsi, par exemple, Beaucamp, 153. 6 Ainsi Alonso Schoekel – Carniti, I, 590-591. 7 Ravasi, I, 614. 8 Ravasi, I, 615. 9 Pour plus de détails voir R. MEYNET, Les huit psaumes acrostiches, 77-79. 10 On pourra donc les considérer comme des « termes centraux » ; voir Traité, 218-220 et surtout 276-278. 11 Voir Traité, 417-435. 3
Le psaume 34
443
taw, dernière lettre de l’alphabet. Malgré ces anomalies, le total des segments est celui de l’alphabet hébreu, qui compte vingt-deux lettres12. LA PREMIÈRE PARTIE (2-11) La première partie comprend trois sous-parties. La première sous-partie (2-4) + 2 JE BÉNIRAI + toujours + 3 En YHWH = QU’ILS ENTENDENT = 4 MAGNIFIEZ = et EXALTONS
YHWH SA LOUANGE
en tout temps, en ma bouche.
SE LOUE
les humiliés
mon souffle, et SE RÉJOUISSENT !
YHWH son nom
avec moi ensemble.
Cette sous-partie compte trois segments bimembres à 3 + 3 termes. Dans le premier (2) les deux membres sont synonymes : « toujours » correspond à « en tout temps », « Yhwh » est pronominalisé dans le second membre avec l’unique terme « sa louange » ; en revanche, au verbe du premier membre, « je bénirai », correspondent deux termes dans le second membre : « sa louange », qui correspond au signifié du verbe « bénir » et « en ma bouche » qui reprend la première personne du singulier. Alors que le premier segment est à la première personne du singulier, le troisième (4) est au pluriel. « Son nom » renvoie à « Yhwh », « ensemble » correspond à « avec moi », « magnifiez » et « exaltons » sont synonymes et sont tous deux à l’impératif. Il y a toutefois une progression d’un membre à l’autre : tandis que le premier, à la deuxième personne du pluriel, est une invitation adressée par une première personne du singulier à d’autres, le second membre inclut le je et les autres dans un seul groupe et tous ensemble deviennent une première personne du pluriel. Quant au segment central (3), il assure la transition entre les deux autres segments. Son premier membre rappelle le premier segment, car il utilise lui aussi la première personne du singulier, et aussi parce que « se louer » est de même racine que « sa louange » et parce que « mon souffle » (napšī, qui pourrait être traduit par « mon gosier ») correspond à « ma bouche », en même position finale. Son second membre au contraire est au pluriel comme le segment suivant ; « qu’ils entendent » n’a pas de complément objet, mais on comprend qu’il s’agit à la fois de la louange singulière du psalmiste exprimée dans le premier 12
Voir D.N. FREEDMAN, « Patterns in Psalms 25 and 34 ». L’Auteur s’attache à la métrique, au compte des mots, des accents et des syllabes. Il divise le Ps 34 en deux parties : 2-11 et 12-22, le verset 23 étant compté à part (p. 137).
444
La troisième section (Ps 26–41)
segment et de la double invitation qui est adressée aux « humiliés » dans le dernier segment. Le nom de « Yhwh » est repris dans les premiers membres de chaque segment, en position identique dans les segments extrêmes. La deuxième sous-partie (5-7) + 5 JE CHERCHAI = ET DE TOUTES + 6 ILS REGARDÈRENT = et leur face + 7 Ce miséreux = ET DE TOUTES
YHWH mes frayeurs
et il me répondit il me délivra.
vers LUI ne rougira pas.
et resplendirent
CRIA
et YHWH il le sauva.
ses angoisses
écouta
Comme la précédente, cette sous-partie est de la taille d’un morceau, formé de trois segments. Les segments extrêmes sont parallèles entre eux : ce sont surtout leurs seconds membres qui sont très proches, mais leurs premiers membres reprennent le nom de « Yhwh » et s’achèvent par deux verbes « répondre » et « écouter » complémentaires et même pratiquement synonymes dans la mesure où « écouter » ne signifie pas seulement « prêter l’oreille », mais « exaucer », ce qu’explicite le membre suivant (7b). Les segments extrêmes sont tous deux au singulier, tandis que le verset central est au pluriel. Toutefois, alors que le premier segment est à la première personne, le dernier est à la troisième personne : on pourra donc se demander si les sujets réels de ces segments ne désignent pas tous deux le psalmiste lui-même. La troisième sous-partie (8-11) Cette sous-partie est plus complexe que les précédentes, car elle comprend deux morceaux. Le premier est formé de deux segments bimembres : + 8 Il campe :: autour de
l’ange
de YHWH et les dégage.
+ 9 Goûtez :: heureux
et voyez l’homme
que bon (qui)-
YHWH,
(est) .
Les premiers membres mentionnent en finale « Yhwh » et dans les seconds membres les hommes sont appelés « ses-craignant » et « qui-s’abrite-en-lui ». Aux extrémités du premier segment les deux verbes ont pour sujet Yhwh, à travers son « ange ». De manière complémentaire le second segment met en scène « l’homme », l’homme en général auquel le premier membre s’adresse au
Le psaume 34
445
pluriel. Les verbes extrêmes, « camper » et « s’abriter », se correspondent dans la mesure où l’homme trouve refuge dans le camp gardé par l’ange du Seigneur. Le second morceau comprend lui aussi deux segments bimembres. Aux extrémités du premier segment, le même verbe se trouve d’abord à l’impératif puis au participe. Les deux membres du second segment opposent « les lions » « affamés », qui cherchent donc leur proie, et ceux qui cherchent le Seigneur. Les seconds membres des deux segments contiennent deux mots de même racine : « manque » et « ne manquent » qui sont également affectés de la négation. « Les cherchant » le Seigneur (11b) correspondent à « ses craignant » (10b). Les premiers membres opposent « ses saints » et « des lions ». = 10 .. car pas de 11
= Des lions .. et
YHWH, MANQUE
ses saints pour
sont dénués YHWH
NE MANQUENT
.
et affamés d’aucun-bien.
Les deux morceaux forment une sous-partie de construction spéculaire : + 8 Il campe :: autour de + 9 Goûtez :: heureux
l’ange
de YHWH et les dégage.
et voyez l’homme
que BON (est) qui s’abrite en lui.
YHWH,
························································································································ = 10 Craignez YHWH, ses saints
.. car pas de = 11 Des lions .. et les cherchant
manque sont dénués YHWH
. et affamés ne manquent
d’aucun BIEN.
En effet, les segments internes ont en commun de commencer par des impératifs pluriels. Les segments extrêmes opposent « l’ange » qui protège le camp des fidèles du Seigneur contre « les lions » « affamés » que sont leurs ennemis13. On aura noté que le nom de « Yhwh » revient dans chaque segment, dans les premiers membres d’abord (8a.9a.10a), mais dans le dernier à la fin (11b) faisant ainsi une sorte d’inclusion. « Ses craignant » est repris dans les seconds membres des premiers segments (8b.10b), et dans les seconds segments ṭôb revient 13
La métaphore du « lion » pour désigner « l’ennemi » est traditionnelle (pour rester dans le seul psautier, voir Ps 7,3 ; 10,9, 17,12 ; 22,14.22, 57,5, etc.) ; voir P. BOVATI, Ristabilire la giustizia, 272.274. On voit qu’il n’est pas nécessaire de changer « des lions » du texte massorétique par « des riches » comme fait la Septante : au niveau de la sous-partie, l’image du camp assiégé par les lions que sont les ennemis et défendu par « l’ange du Seigneur » est tout à fait cohérente.
446
La troisième section (Ps 26–41)
(traduit par « bon » en 9a et par « bien » en 11b). Les derniers verbes de chaque morceau sont en rapport paronomastique : « qui s’abrite en lui »/« ne manquent » (yeḥĕseh-bô / lō’-yaḥserû). L’ensemble de la première partie (2-11) 2
Je bénis YHWH en tout temps,
toujours sa louange en ma bouche.
3
En YHWH se loue mon souffle,
qu’ils ÉCOUTENT LES HUMILIÉS et se réjouissent.
4
Magnifiez YHWH avec moi
et exaltons son nom ensemble.
8
5
JE CHERCHAI YHWH et il me répondit
et de toutes mes frayeurs il me délivra.
6
Ils regardèrent vers lui et resplendirent
et leur face ne rougira pas.
7
CE MISÉREUX cria et YHWH ÉCOUTA
et de toutes ses angoisses il le sauva.
Il campe l’ange DE YHWH
autour de ses craignant et les dégage.
Goûtez et voyez que bon YHWH, heureux l’homme qui s’abrite en lui. ···················································································································· 10 Craignez YHWH, ses saints, car pas de manque pour ses craignant. 9
11
Des lions sont dénués et affamés,
et LES CHERCHANT YHWH ne manquent de tout bien.
Le nom de « Yhwh » revient dans tous les segments, à l’exception du segment central (6) ; il se trouve toujours dans le premier membre, à l’unique exception du dernier segment, où il clôt en quelque sorte la série. Kol (« tout/ toutes ») revient quatre fois, en position régulière : dans les membres extrêmes de la partie (2a.11b) et dans les membres extrêmes de la sous-partie centrale, en position identique (5b.7b). Les sous-parties extrêmes n’ont aucun lexique commun, à part « Yhwh ». Au contraire la sous-partie centrale est liée aux deux autres par plusieurs reprises : les synonymes « humiliés » et « miséreux »14 et « écouter » (3.7) d’une part, « chercher » (5.11) de l’autre. La sous-partie centrale se distingue des deux autres, car non seulement tous leurs seconds membres commencent par « et » mais aussi parce que leurs premiers membres sont eux-mêmes formés de deux syntagmes coordonnés par « et ». Le balancement entre le « je » du psalmiste dans la première moitié de la première sous-partie (2-3a) et le pluriel dans la seconde moitié (3b-4) se retrouve dans la sous-partie centrale, où le singulier des extrémités (5-7) — qui se réfère probablement au psalmiste — encadre le pluriel du centre (6). Quant à la troisième sous-partie elle est toute au pluriel, ce pluriel vers lequel progressait la première sous-partie et sur lequel était focalisée la seconde sous-partie, mais ce 14
Les deux termes sont en rapport de paronomase ‘ănāwîm (« humiliés ») et ‘ānî (« miséreux »).
Le psaume 34
447
pluriel est interpelé — avec des impératifs de seconde personne du pluriel (« magnifiez » ; « goûtez et voyez », « craignez ») —, comme dans la première sous-partie, par le je du psalmiste. Dans la première sous-partie le psalmiste parle au présent — un présent qui dure —, pour inviter « les humiliés » à louer le Seigneur avec lui : le futur y est donc articulé au présent. La seconde sous-partie énonce les raisons pour lesquelles le Seigneur est loué : ce sont les actions que Dieu a accomplies dans le passé en leur faveur ; toutefois, le second membre du segment central regarde le futur. Dans la troisième sous-partie les actions de Dieu ne sont plus celles du passé comme dans la sous-partie précédente ; ce sont ses actions de toujours, exprimées au présent, et donc ceux auxquels le psalmiste s’adresse à l’impératif sont invités à se fier à lui, à le « craindre » dans le futur. LA DEUXIÈME PARTIE (12-13) + 12 Allez, – la crainte
fils, de Yhwh
écoutez-moi, je vous enseignerai.
+ 13 Qui-(est) l’homme – aimant
désirant les jours
la vie, pour voir le bien ?
Cette partie est de la taille d’un morceau formé de deux bimembres. Le premier est de composition parallèle : les verbes par lesquels les membres s’achèvent sont complémentaires ; le psalmiste invite ses disciples, ses « fils », à l’écouter, mais c’est pour les amener à « craindre » « Yhwh ». Dans le second segment, « désirant » et « aimant » sont synonymes, et « la vie » est ensuite définie comme « les jours pour voir le bien », c’est-à-dire le bonheur. On pourrait s’étonner qu’un impératif suivi d’une promesse (12) soit suivi par une interrogation (13) et penser que le contraire eut été plus naturel, plus logique : « vous désirez la vie ? Bien, alors je vais vous enseigner comment l’obtenir ». En réalité, le premier segment ne doit pas être considéré comme la réponse à la question qui suit. Dans le premier segment le maître exprime son désir, dans le second il pose la question du désir de l’élève. À ceux qui veulent obtenir « la vie » et « le bien », le maître enseignera qu’ils sont le fruit de « la crainte » du Seigneur. En d’autres termes, le rôle du maître est d’enseigner à ses « fils » que « la vie » qu’il leur transmet s’origine dans « Yhwh », que c’est le Seigneur qui est leur véritable père. « Écouter » le maître, l’écouter vraiment pour faire ce qu’il dit, c’est le « craindre » ; or ce qu’il enseigne, c’est que c’est le Seigneur qu’il faut craindre, c’est-à-dire aimer15.
15 La « crainte » n’est pas la peur. « La certitude tremblante de l’amour, cela exactement que la Bible appelle “crainte de Dieu” » (P. BEAUCHAMP, L’Un et l’Autre Testament, I, 272).
448
La troisième section (Ps 26–41)
LA TROISIÈME PARTIE (14-23) Comme la première partie, la troisième est formée de trois sous-parties, organisées de manière concentrique (14-17 ; 12-13 ; 14-23). La première sous-partie (14-17) Cette sous-partie comprend deux morceaux. Le premier est formé de deux bimembres : – 14 PRÉSERVE – et tes lèvres
ta langue de parler
du MAL la fraude.
+ 15 ÉVITE + RECHERCHE
le MAL la paix
et FAIS-le-bien, et POURSUIS-la.
Dans le premier segment « le mal » dont parle le premier membre est défini dans le second comme le mensonge, proféré par la « langue » ou les « lèvres ». Comme le premier segment le second commence par un impératif de sens négatif : « évite » comme « préserve », suivi par trois autres impératifs de sens positif : « fais-le-bien », « recherche » et « poursuis ». Cette fois-ci « le mal », opposé d’abord au « bien » puis à « la paix », semble être de l’ordre de l’action, comme le suggère le verbe « faire » (15a), et non plus des paroles comme dans le premier segment. Le second morceau (16-17) comprend lui aussi deux bimembres : + 16 LES YEUX :: et ses oreilles
de Yhwh pour les justes pour leurs clameurs.
+ 17 LA FACE :: pour effacer
de Yhwh de la terre
contre les faisant le mal, leur mémoire.
Les deux membres du premier segment coordonnent « les yeux » et les « oreilles » ; aussi bien « Yhwh » que « les justes » sont pronominalisés dans le second membre. Dans le second segment, le second membre explicite ce qu’exprime de manière concise le premier. Les premiers membres se correspondent qui commencent par des syntagmes très semblables ; leurs derniers termes en revanche opposent « les justes » et « les faisant le mal » ; on peut comprendre que, si les justes crient vers le Seigneur, c’est parce qu’on leur fait du mal. Les seconds membres s’opposent eux aussi, dans la mesure où les justes sont écoutés et exaucés, tandis que les autres sont oubliés de Dieu et des hommes sur « la terre ».
Le psaume 34
449
L’ensemble de la sous-partie est marquée par la triple occurrence de « mal » (14a.15a.17a). En même position, « fais le bien » s’oppose à « les faisant le mal » (15a.17a). Dans les premiers segments sont mentionnées des parties du corps : « la langue » et « les lèvres » de l’homme en 14, « les yeux » et « les oreilles » du Seigneur en 16, à quoi s’ajoute au début de 17 sa « face » (au pluriel en hébreu). Les deux morceaux sont complémentaires : aux actions de l’homme (14-15) répondent celles du Seigneur (16-17). Le premier est au singulier, le singulier de celui auquel le psalmiste s’adresse à la deuxième personne. Le second au contraire est au pluriel et à la troisième personne ; c’est la motivation qui est donnée à celui que le psalmiste met en garde. – 14 Préserve – et TES LÈVRES + 15 Évite + recherche
de parler
du MAL la fraude.
le MAL la paix
et FAIS-le-BIEN, et poursuis-la.
TA LANGUE
································································································ + 16 LES YEUX de Yhwh pour les justes + et SES OREILLES pour leurs clameurs.
– 17 LA FACE – pour effacer
de Yhwh de la terre
sur les FAISANT le MAL, leur mémoire.
Il est possible de considérer que la sous-partie est de construction spéculaire : en effet, le châtiment des méchants (17) s’abattra sur ceux qui n’auront pas su se préserver du mal (14) ; en revanche la récompense des justes (16) sera pour ceux qui auront fait le bien et recherché la paix (15). La deuxième sous-partie (18-20) + 18 Ils crièrent = ET DE TOUTES + 19 Proche (est) = et les abattus + 20 De nombreux = ET D’EUX TOUS
et YHWH leurs angoisses
écouta il les délivra.
YHWH d’esprit
des brisés-de cœur il sauve.
maux le délivre
(sur) le juste YHWH.
Cette sous-partie est de la taille d’un morceau formé de trois segments bimembres. Aux misères de l’homme (« ils crièrent », « angoisses », « brisés de cœur », « esprits abattus », « maux ») répondent les actions salvatrices du Seigneur (« écouta », « les délivra », « proche », « il sauve », « il le délivre »).
450 + 18 Ils crièrent = ET DE TOUTES + 19 Proche (est) = et les abattus + 20 De nombreux = ET D’EUX TOUS
La troisième section (Ps 26–41) et YHWH leurs angoisses
écouta il les délivra.
YHWH d’esprit
des brisés-de cœur il sauve.
maux le délivre
(sur) le juste YHWH.
Les segments extrêmes se correspondent par leurs seconds membres qui commencent par « et de toutes », « et d’eux tous », suivi par « délivrer » ; « sauver » à la fin du segment central est un synonyme des deux « délivrer ». Le nom de « Yhwh » est repris en même position dans les deux premiers segments, à la fin dans le dernier, faisant ainsi inclusion. Alors que les deux premiers segments sont au pluriel, le dernier est au singulier ; en revanche, tandis que le premier est à l’accompli (traduit par un passé), les deux autres sont à l’inaccompli (traduit par le présent). La troisième sous-partie (21-23) La dernière sous-partie est de nouveau de la taille d’un morceau formé de trois bimembres : + 21 Il garde – (pas) un seul :: 22 Il tue :: et les haïssant + 23 Il rachète – et ils n’EXPIERONT pas
TOUS
SES OS
d’entre eux
ne sera brisé.
le méchant, le juste
EXPIERONT.
Yhwh
L’ÂME
TOUS
les s’abritant
le mal de ses serviteurs en lui.
Les segments extrêmes sont parallèles : le sujet des premiers membres est le même, les verbes sont au participe, traduit par un présent, et l’objet (« les os » et « l’âme » ou « le souffle ») concerne les mêmes personnages (au singulier en 21, au pluriel en 23). Les seconds membres indiquent la conséquence de l’action de Dieu pour ses serviteurs : le sort des bons est chaque fois exprimé par la négation d’un malheur. En opposition, le segment central décrit le sort du méchant que « le mal » « tue ». Les deux occurrences de « expier » dans les seconds membres des deux derniers segments sont opposées par la négation. « Tous » revient en même position dans les membres extrêmes.
Le psaume 34
451
L’ensemble de la partie (14-23) 14
Préserve ta langue du MAL
et tes lèvres de parler la fraude.
15
Évite le MAL et fais le bien,
recherche la paix et poursuis-la.
················································································································· 16
Les yeux DE YHWH pour les JUSTES
et ses oreilles pour leurs clameurs.
17
La face DE YHWH contre les faisant le MAL,
pour ôter de la terre leur mémoire.
18
Ils crièrent et YHWH écouta
et de toutes leurs angoisses les délivra.
19
Proche est YHWH des cœurs BRISÉS
et les esprits abattus il les sauve.
20
De nombreux MAUX sur le JUSTE
et de tous le délivre YHWH.
21
Il garde tous ses os,
pas un seul d’entre eux ne sera BRISÉ.
22
Il tue le méchant, le MAL
et ceux qui haïssent le JUSTE expieront.
23
Il rachète YHWH l’âme de ses serviteurs
et ils n’expieront pas tous les s’abritant en lui.
Plusieurs termes sont spécifiques de cette partie : les cinq occurrences de « mal » qui n’apparaissent que dans les premiers membres (14a.15a.17a ; 20a ; 22a) ; « juste(s) », qui revient une fois dans chaque sous-partie (16a ; 20a ; 22b) ; « brisés » au centre de la sous-partie centrale (19a) et au début de la dernière sous-partie (21). En outre, le nom de « Yhwh » est employé six fois (16a.17a ; 18a.19a. 20b ; 23a). « Tous/toutes » revient deux fois dans la deuxième sous-partie (18b.20b) deux fois dans la troisième (21a.23b). La première moitié de la première sous-partie est adressée à un individu (1415), mais la seconde moitié s’élargit au pluriel (16-17) ; la seconde sous-partie commence par le pluriel (18-19) pour finir par le singulier (20) ; comme dans la première sous-partie, la première moitié de la dernière sous-partie est au singulier (21-22a) tandis que la seconde moitié est au pluriel (22b-23). Ainsi l’on passe du singulier (14-15) au pluriel (16-19), puis de nouveau du singulier (2022a) pour finir avec le pluriel (22b-23). Il s’agit tout au long des justes en butte au mal que les méchants leur infligent et qui sont sauvés par le Seigneur. Le psalmiste commence par s’adresser à un individu, le lecteur, pour l’inviter à faire le bon choix entre le mal et le bien (1415), car le Seigneur protège les justes mais punit ceux qui font le mal. En effet, il délivre toujours le juste persécuté : il l’a fait par le passé (18) comme il a l’habitude de le faire16 (19-20). La dernière sous-partie revient sur le sort opposé des justes (aux extrémités : 21.23) et du méchant (au centre : 22).
16
L’inaccompli peut être traduit par le présent ou par le futur.
452
La troisième section (Ps 26–41)
L’ENSEMBLE DU PSAUME La construction est tout à fait régulière. En effet, les parties extrêmes comptent chacune dix bimembres organisés en trois sous-parties qui se correspondent de manière spéculaire : les sous-parties les plus proches du centre (8-11 ; 14-17) sont formées de deux morceaux qui comprennent deux segments, tandis que les autres sous-parties comptent chacune un seul morceau formé de trois segments (2-4 et 5-7 ; 18-20 et 21-23). Les rapports entre les parties extrêmes Ce sont surtout les sous-parties centrales des parties extrêmes (5-7 ; 18-20) qui ont beaucoup de points communs. 5
Je cherchai Yhwh
6
Ils regardent vers lui et resplendissent
ET
7
Ce miséreux APPELA
ET YHWH ÉCOUTA
ET DE TOUTES
SES ANGOISSES
LE SAUVA.
CRIÈRENT ET YHWH ÉCOUTA
ET DE TOUTES
LEURS ANGOISSES
LES DÉLIVRA.
abattus
IL SAUVE.
LE DÉLIVRE
Yhwh.
et il me répondit
ET DE TOUTES
mes frayeurs
leur FACE
ME DÉLIVRA.
ne rougira pas.
[...] 18
Ils
19
Proche Yhwh des brisés de CŒUR
ET
20
De nombreux maux (sur) le juste
ET D’EUX TOUS
les
ESPRITS
Dans tous les segments les deux membres sont coordonnés par « et » ; les seconds membres des segments extrêmes de chaque sous-partie commencent par « et de toutes », sauf le dernier où le lexème est pronominalisé (« et d’eux tous ») ; les verbes « délivrer » et « sauver » par lesquels s’achèvent les segments extrêmes de la première sous-partie (5.7) sont repris dans l’autre, aux extrémités pour « délivrer » (18.20) et au centre pour « sauver » (19) ; appartenant au même champ sémantique, « cœur » et « esprits » de 19 correspondent à « face » de 6 ; mais ce sont surtout les versets 7 et 18 qui, en position symétrique, sont les plus semblables, remplissant la fonction de termes médians à distance17. La plupart des autres reprises lexicales de ces deux parties remplissent une fonction rhétorique : Termes extrêmes : les deux occurrences de « souffle » (3a.23a : nepeš peut aussi être traduit par « âme »). Termes initiaux : « bouche » (2b), « langue » et « lèvres » (14).
17
Voir Traité, 219.274-276.
Le psaume 34
453
Termes finaux : les participes pluriels « les cherchant » et « les s’abritant », accompagnés de la négation et de kol (traduit par « aucun » en 11 et par « tous » en 23) peuvent être considérés comme termes finaux (11b.23b) ; noter que « s’abriter en lui » est repris en 9b comme en 23b. Termes médians : les trois occurrences de ṭôb (traduit soit par « bon » soit par « bien ») ne se trouvent que dans les sous-parties 8-11 et 14-17, jouant ainsi le rôle de termes médians. Termes centraux : les deux occurrences de « écouter » en 7a et 18a remplissent la fonction de termes centraux ; le même verbe revient aussi en 3b. Kol (« tout », « tous », « aucun ») revient quatre fois dans chacune des deux parties (2a.5b.7b.11b ; 18b.20b.21a.23b). On signalera enfin la reprise de « face » en 6b et 17a. ’ b g
2 3 4
d h z ḥ ṭ
8 9
Je bénirai Yhwh en tout temps, En Yhwh se loue mon SOUFFLE Magnifiez Yhwh avec moi
toujours sa louange en ma bouche. qu’ils ÉCOUTENT les humiliés et se réjouissent. et exaltons son nom ensemble.
5
et de toutes mes frayeurs me délivra. et leur face ne rougira pas. et de toutes ses angoisses le sauva.
6 7
Je cherchai Yhwh et il me répondit Ils regardent vers lui et resplendissent Ce miséreux appela et Yhwh ÉCOUTA
Il campe l’ange de Yhwh Goûtez et voyez que BON Yhwh
autour de ceux qui le craignent et les dégage. heureux l’homme QUI S’ABRITE EN LUI.
························································································································
y k
10 11
Craignez Yhwh ses saints Des lions sont dénués et affamés
car PAS de manque pour ceux qui le craignent. et LES CHERCHANT Yhwh NE manquent d’aucun BIEN.
Préserve ta langue du mal Évite le mal et fais le BIEN
et tes lèvres de parler la fraude. recherche la paix et poursuis-la.
[...] n s
14 15
························································································································
‛ p
16 17
ṣ q r š t p
21 22 23
Les yeux de Yhwh pour les justes et ses oreilles pour leurs clameurs. La face de Yhwh contre les faisant le mal, pour ôter de la terre leur mémoire. 18 19 20
Ils crièrent et Yhwh ÉCOUTA Proche Yhwh des brisés de cœur De nombreux maux (sur) le juste
Il garde tous ses os Le mal tue le méchant Yhwh rachète le SOUFFLE de ses serviteurs
et de toutes leurs angoisses les délivra. et les esprits abattus il sauve. et d’eux tous le délivre Yhwh. PAS un seul d’entre eux ne sera brisé.
et ceux qui haïssent le juste expieront. et N’expieront PAS tous LES S’ABRITANT EN LUI.
454
La troisième section (Ps 26–41)
Les rapports entre la partie centrale et le reste du psaume 1
De David, quand il déguisa sa raison à la face d’Abimélek ’ b g
2 3 4
d h z ḥ ṭ
8
Je bénirai Yhwh en tout temps, En Yhwh se loue mon souffle, Magnifiez Yhwh avec moi
toujours sa louange en ma bouche. qu’ils ÉCOUTENT les humiliés et se réjouissent. et exaltons son nom ensemble.
5
et de toutes mes frayeurs il me délivra. et leur face ne rougira pas. et de toutes ses angoisses il le sauva.
6 7
Je cherchai Yhwh et il me répondit Ils regardèrent vers lui et resplendirent Ce miséreux cria et Yhwh ÉCOUTA
Il campe l’ange de Yhwh Goûtez et voyez que BON Yhwh,
9
et (celui-ci) le chassa et (lui) s’en alla.
autour de ses CRAIGNANT et les dégage. heureux l’homme qui s’abrite en lui.
························································································································
y k
10 11
CRAIGNEZ Yhwh, ses saints, Des lions sont dénués et affamés, l m
n s
14 15
12 13
Allez, fils, ÉCOUTEZ-moi Quel est l’homme qui désire LA VIE,
Préserve ta langue du mal Évite le mal et fais le BIEN,
car pas de manque pour ses CRAIGNANT. et les cherchant Yhwh ne manquent d’aucun BIEN. la CRAINTE de Yhwh je vous l’enseigne. aimant les jours pour voir le BIEN ? et tes lèvres de parler la fraude. recherche la paix et poursuis-la.
························································································································
‘ p
16 17
ṣ q r š t p
21 22 23
Les yeux de Yhwh pour les justes La face de Yhwh contre les faisant le mal,
et ses oreilles pour leurs clameurs. pour effacer de la terre leur mémoire.
18
et de toutes leurs angoisses il les délivra. et les esprits abattus il sauve. et de tous le délivre Yhwh.
19 20
Ils crièrent et Yhwh ÉCOUTA Proche Yhwh des brisés de cœur De nombreux maux (sur) le juste
Il garde tous ses os, Le mal TUE le méchant Il rachète Yhwh le souffle de ses serviteurs
pas un seul d’entre eux ne sera brisé. et ceux qui haïssent le juste expieront. et n’expieront pas tous les s’abritant en lui.
La partie centrale reprend le verbe « écouter » comme aux centres des parties extrêmes (7a.18a), jouant ainsi le rôle de termes centraux au double niveau des parties extrêmes et du passage tout entier. Il faut aussi mentionner que le nom de « Yhwh » (12b) revient neuf fois dans la première partie et reviendra encore six fois dans la dernière. Le premier segment central (12) rappelle la première partie. L’invitation à « écouter » se trouvait déjà au début (3b) et « la crainte » de 12b renvoie aux trois occurrences du verbe de même racine dans la sous-partie précédente (8b.10a.10b)18.
18 À signaler aussi les deux occurrences de « homme » qui traduisent deux synonymes : geber en 9b, ’îš en 13a.
Le psaume 34
455
Le second segment central (13) annonce la partie suivante. « La vie » (13a) s’oppose à « tuer » de 22a. Il est vrai que le dernier mot du segment, ṭôb, « bien/ bon », se trouve dans déjà dans la sous-partie précédente (9a.11b) et que les deux occurrences de 13 et de 11 remplissent la fonction de termes finaux pour les deux premières parties ; toutefois, de même que « la vie » s’oppose à la mort, ainsi « le bien » s’oppose au « mal » (15a), terme qui revient de façon lancinante dans la dernière partie (14a.15a.17a.20a.22a). La mort est causée par le mal. Ainsi, la tonalité de la première partie est positive, même si la mention des « frayeurs » et des « angoisses » (5.7), des « lions » (11), de la délivrance et du salut (5.7.8) laisse entendre que le danger était présent ; la tonalité de la dernière partie est différente, marquée par la présence massive et explicite du « mal » et d’un mal qui n’est pas seulement celui que les ennemis commettent contre le « miséreux », mais qui est aussi celui que ce dernier est tenté de commettre. L’invitation à la louange (4) et à « goûter » la bonté du Seigneur (9) laisse la place à la mise en garde contre le mal (14-15). Au vu d’une telle organisation, les jugements négatifs sur la qualité littéraire du psaume et en particulier de sa composition, semblent pour le moins devoir être remis en question. Pour ne citer qu’un seul point, les répétitions que stigmatisait Alonso Schoekel19 remplissent une fonction essentielle dans la composition du psaume : elles marquent en effet les centres des parties extrêmes. Il faut enfin revenir sur l’acrostiche alphabétique et en particulier sur son irrégularité, à savoir la reprise en finale du pé qui compense l’absence du waw et permet d’arriver à la totalité des vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu sans la dépasser. Ainsi une figure se dessine, celle que forment la première lettre, aleph, celle par laquelle commence la partie centrale, lamed, et la dernière, pé, ce qui forme la racine ’lp, qui est non seulement celle du nom de la première lettre de l’alphabet, mais aussi celle du verbe qui signifie « apprendre », dans les deux sens d’apprendre de quelqu’un ou d’apprendre à quelqu’un. Le même jeu se retrouverait dans le segment aleph : en écartant les matres lectionis, la première consonne est aleph, la consonne médiane est lamed et la dernière est pé, ce qui de nouveau donne aleph : ’ăbārăkâ ’et-yhwh bekol-‘ēt tāmîd tehillātô bepî
La recherche a même été poussée beaucoup plus loin20.
19
Alonso Schoekel – Carniti, I, 514 (voir R. MEYNET, Les huit psaumes alphabétiques, 77). Voir A.R. CERESKO, « The ABCs of Wisdom in Psalm XXXIV » ; V. HUROWITZ, « Additional elements of alphabetical thinking in Psalm XXXIV » ; A.R. CERESKO, « Endings and beginnings : alphabetic thinking and the shaping of Psalms 106 and 150 ». 20
456
La troisième section (Ps 26–41)
Les rapports entre le titre et le reste du psaume Pour être exhaustif, on notera que « à la face » (1b ; traduit généralement et à raison par « devant ») correspond aux deux occurrences de « face » (6b.17a) et que le verbe final, traduit par « s’en alla » est le même qu’au début de la partie centrale (12a). On sait que les titres des psaumes sont tardifs et les commentateurs sont généralement d’avis qu’ils n’ont pas grand rapport avec le psaume lui-même21. L’évènement auquel se réfère le titre est raconté en 1S 21,11-16. Toutefois le psaume dit que David feignit la folie devant Abimélek, alors que dans le récit de 1S 21 le roi de Gat s’appelait Akish22 ; d’autre part, le récit ne dit pas que le roi le « chassa ». On relèvera cependant deux contacts verbaux entre le psaume et le récit. D’une part il est raconté que David « craignit beaucoup à la face d’Akish, roi de Gat » (1S 21,13) : non seulement « à la face de » est repris dans le titre du psaume, mais surtout le verbe « craindre » revient trois fois juste avant le centre du psaume (8b.10a.10b) et le substantif « la crainte » du Seigneur est ce que le psalmiste se propose d’enseigner à son « fils ». On pourra comprendre que personne d’autre ne doit être craint, pas même le roi de Gat, mais Dieu seul. D’autre part il est possible de noter un jeu de mots entre « il fit-l’insensé (yithōlēl) entre leurs mains » (1S 21,14) et « se loue (tithallēl) mon âme » (Ps 34,3). On pourra interpréter que David est passé de la folie à la louange, comme il est passé de la crainte des hommes à celle de Dieu.
CONTEXTE DANS L’ANCIEN TESTAMENT Il est certainement possible de relever dans le Ps 34 de multiples rapports avec d’autres textes de la Bible hébraïque, surtout avec les autres psaumes. Il n’est que de consulter les notes marginales de la Bible de Jérusalem et de la TOB. Qu’il suffise ici de noter que le premier segment de la partie centrale, « Allez ! fils, écoutez-moi » rappelle le verset qui suit immédiatement l’introduction du livre des Proverbes23 et qui inaugure donc tout le corps du livre : « Écoute, mon fils » (Pr 1,8) ; cette invitation à « écouter » adressée au(x) fils revient souvent dans ce livre (4,1.10 ; 5,7 ; 7,24 ; 8,32 ; etc.) mais aussi avec des synonymes d’« écouter » (5,1 ; 7,1 ; etc.). L’écoute est très souvent la condition de la vie :
21
Voir, par exemple, Ravasi, I, 612. On propose souvent la correction ’akîš melek, « Akish roi » de Gat. 23 Pour l’analyse rhétorique — délimitation et composition — de l’introduction du livre des Proverbes (1,1-7) voir R. MEYNET : « “Pour comprendre proverbes et énigmes” : analyse rhétorique de Pr 1,1-7 ; 10,1-5 ; 26,1-12 ». 22
Le psaume 34
457
Écoute, mon fils, accueille mes paroles, et les années de ta vie se multiplieront (4,10). Saisis la discipline, ne la lâche pas, garde-la, c’est ta vie (4,13 ; voir aussi 4,1.4 ; 4,20.22-23 ; 7,1.2 ; etc.).
DANS LE NOUVEAU TESTAMENT24 La fin du verset 21 : « Il garde tous ses os, pas un seul d’entre eux ne sera brisé » — qui rappelle Ex 12,46 où il est commandé que les os de l’agneau pascal ne doivent pas être brisés —, sera repris dans le récit de la Passion selon saint Jean. Alors que les soldats romains brisent les jambes des deux autres suppliciés, ils ne le font pas pour Jésus quand ils constatent qu’il est déjà mort : « Car cela est arrivé afin que l’Écriture fût accomplie : “Pas un os ne lui sera brisé” » (Jn 19,36). Même si la citation de Jean renvoie sans doute plus directement à l’agneau pascal, l’écho de Ps 34,21 est indéniable. C’est surtout la Première épître de Pierre qui cite le Ps 3425. Une première fois en 2,3 où la reprise de Ps 34,9, dans la traduction de la Septante, conclut un court développement : 1
Rejetez donc toute malice et toute fourberie, hypocrisies, jalousies et toute sorte de médisances. 2 Comme des enfants nouveau-nés désirez le lait non frelaté de la parole, afin que, par lui, vous croissiez pour le salut, 3 si du moins vous avez goûté combien le Seigneur est excellent.
La deuxième fois, ce ne sont pas moins de quatre versets et demi du psaume (1317a) qui sont repris en 1P 3,10-12 : 8
Enfin, vous tous, en esprit d’union, dans la compassion, l’amour fraternel, la miséricorde, l’esprit d’humilité, 9 ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez, au contraire, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin d’hériter la bénédiction. 10 Qui veut, en effet, aimer la vie et voir des jours heureux doit garder sa langue du mal et ses lèvres des paroles fourbes, 11 s’éloigner du mal et faire le bien, chercher la paix et la poursuivre. 12 Car le Seigneur a les yeux sur les justes et tend l’oreille à leur prière, mais le Seigneur tourne sa face contre ceux qui font le mal.
C’est la plus longue citation de l’Épître. Le « en effet » ajouté au texte de la Septante, en fait une raison — une preuve scripturaire — apportée aux conseils qui précèdent. Pour la même raison l’auteur a modifié le texte de la Septante : la question de Ps 34,13 devient une participiale (traduite dans la Bible de Jérusalem par une relative), sujet du verbe principal, « doit garder ». Alors que le texte du 24 Voir spécialement L.O. ERIKSSON, « Come, children, listen to me ! » : the use of Psalm 34 in the New Testament », 110-124. 25 Sur les rapports entre la Première Lettre de Pierre et le Ps 34, voir M.J. GILMOUR, « Crass casualty or purposeful pain? Psalm 34’s influence on Peter’s first letter ».
458
La troisième section (Ps 26–41)
psaume, aussi bien dans l’original hébreu que dans la traduction grecque de la Septante, juxtapose une série de cinq phrases indépendantes syntaxiquement, l’Épître de Pierre les subordonne toutes les unes aux autres pour n’en faire qu’une seule longue phrase complexe : le verset 12 lui-même est une proposition causale qui commence en grec par la conjonction de subordination hoti, « parce que » (au lieu de la conjonction de coordination « car » de la Bible de Jérusalem). Quoi qu’il en soit, il est remarquable que l’auteur de l’Épître ait choisi de commencer sa citation par le second segment de la partie centrale du psaume. Le thème de la filiation qui marque si fort le centre du psaume reparaît dans l’Épître avec la proposition qui précède immédiatement la citation, « afin d’hériter la bénédiction », qui correspond à « voir des jours heureux » par lequel s’achève le verset 13 du psaume. DANS LA RÈGLE DE SAINT BENOÎT Si dès le Prologue de la règle de saint Benoît, le Ps 34 est abondamment cité, c’est que le patriarche du monachisme occidental devait l’apprécier davantage que certains exégètes modernes. Le premier verset du Prologue reprend les mots par lesquels commence la partie centrale du psaume : « Écoute, ô mon fils » ; la citation est complétée au verset 12 du Prologue : « Et que dit-il [l’Esprit] ? “Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur” » (Ps 34,12). Et au verset 15 : « Quel est l’homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » (Ps 34,13). Et il ajoute, citant la suite du psaume : 16
Si, en entendant cela, tu réponds : « C’est moi ! », Dieu te dit : 17 « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent pas la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuisla » (Ps 34,14-15)26.
Certes, saint Benoît lie les versets 14-15 du psaume au verset précédent, en faisant de ce dernier une conditionnelle. Cependant, il met en évidence un fait essentiel. La question n’est pas une question rhétorique, celle d’un orateur qui s’empresse de répondre à une interrogation dont il pense avoir lui seul la clé. Dans les textes bibliques, la réponse est laissée au lecteur et à lui seul.
INTERPRÉTATION Comme toujours dans les cas des compositions concentriques, l’interprétation devra « partir du centre »27, en particulier de la question que pose le psalmiste mais aussi de l’invitation qui la précède. C’est là que saint Benoît a trouvé le point de départ de sa Règle. 26 27
Saint BENOÎT, La Règle de saint Benoît, I, 417. Voir Traité, 567-573.
Le psaume 34
459
QUEL EST TON DÉSIR ? Chacun des lecteurs ou, plus exactement, chacun de ceux qui récitent le psaume est interpelé et interrogé sur ce qu’il « désire » et « aime » (13), sur ce qu’il « cherche » (5.11), sur ce qu’il « recherche » et « poursuit » (15). C’est lui qui doit répondre, comme le dit saint Benoît : « Si, en entendant cela, tu réponds : “C’est moi !”... » Le disciple est certes appelé à « écouter », mais aussi à répondre, à la première personne, à la question qui lui est posée. Imaginer que la réponse à la question est fournie par la suite du texte ne prend pas en compte la fonction du texte biblique qui n’est pas d’abord de communiquer les vérités d’un enseignement, mais qui est essentiellement appellative. La manière dont la question est posée est tout à fait positive : seuls « la vie » et « le bien » sont envisagés par le psalmiste. On croit entendre la voix de Moïse à la fin du Deutéronome : 19
Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, 20 aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui ; car là est ta vie, ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre que le Seigneur a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner (Dt 30,19-20).
S’il continue aussitôt avec une mise en garde, c’est que le désir du mal habite aussi le cœur de l’homme et que la voie qui y mène est tentante : 13
Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; 14 mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie, et il en est peu qui le trouvent (Mt 7,13-14).
Si le mal n’était pas séduisant, point ne serait besoin d’avertir du danger qu’il recèle. Et ce danger n’est rien moins que la mort (22). À Gat, la vie de David était en péril et l’on sait la sagesse dont il a su faire preuve, paradoxalement, pour échapper à la mort. Ceux auxquels le psalmiste s’adresse sont invités à faire preuve eux aussi de sagesse pour échapper à la mort et sauver leur vie. « LA CRAINTE DU SEIGNEUR » Tel est ce que, au centre de son poème, le psalmiste propose d’enseigner à ses disciples (12). Comme si tout tenait dans cette formule. C’est ce que dit aussi le livre des Proverbes, en conclusion du prologue: « La crainte du Seigneur est le principe de la sagesse » (Pr 1,7)28, ce qui sera repris plus loin sous une autre forme : « Le commencement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur » (Pr 9,10), et encore : « La crainte du Seigneur, c’est l’école de la sagesse » (15,33). Quant à Job, il identifie purement et simplement la crainte du Seigneur à la 28 Pour les besoins de l’acrostiche alphabétique, le Psaume 111 intervertit les termes : « Principe de la sagesse, la crainte du Seigneur ». Voir Le Psautier. Cinquième livre, 76.
460
La troisième section (Ps 26–41)
sagesse : « Voici : la crainte du Seigneur, c’est elle la sagesse, et s’écarter du mal, c’est l’intelligence » (Jb 28,28). Le psaume déploie les différentes composantes de la crainte du Seigneur. Craindre le Seigneur, c’est tout d’abord ne craindre que lui et donc ne craindre personne d’autre. Celui qui craint le Seigneur est le « juste » (16.20.22), mais il est, pour cela, « haï » (22) par « ceux qui font le mal » (17), qui lui causent « frayeurs » et « angoisses » (5.7.18), qui l’accablent de « maux » (20). Le juste dont le « cœur est brisé » et « l’esprit abattu » (19) ne craint pas pour autant ses ennemis. Il ne craint pas le mal qu’on peut lui faire, mais seulement celui qu’il est tenté de commettre (14-15). Celui qui craint le Seigneur est celui qui le « cherche » (5a.11b), qui « crie » vers lui (7a.18a), qui « s’abrite » en lui (9b.23b), en somme celui qui se fie en lui, qui croit que le Seigneur peut le « délivrer » (5b.18b.20b), le « sauver » (7b.19b), le « dégager » (8b), qui sait, qui « goûte et voit » que le Seigneur est « bon » (9a), qu’avec lui il ne manquera d’aucun « bien » (10-11). Craindre le Seigneur, c’est en somme avoir foi en lui, le « désirer » et l’« aimer », car c’est lui qui est « la vie » et le souverain « bien » (13). Ayant expérimenté la délivrance et le salut, la crainte du Seigneur s’exprime dans la bénédiction et dans la louange (2-4) et dans la joie qu’éprouve celui qui est « miséreux », c’est-à-dire qui sait qu’il ne peut pas se sauver par lui-même mais qu’il reçoit tout du Seigneur. L’enseignement avait donc commencé dès le début du psaume, quand le maître avait invité les auditeurs à « magnifier le Seigneur avec lui » (4). À ces paroles de bénédiction et de louange par lesquelles commence la première partie s’opposent, au début de la dernière partie, d’autres paroles, de mal et de mensonge (14). Le poète ne mentionne pas les destinateurs de ces paroles mauvaises ; on peut comprendre que ce sont ceux qui persécutent le juste, lequel serait tenté de leur rendre le mal pour le mal, mais aussi de les maudire, appelant sur eux le châtiment divin. FILS Se présentant au centre du psaume comme un père pour ses disciples, le psalmiste suppose que ses fils veulent « la vie » et le « bonheur ». La vie, c’est ce que tout père digne de ce nom souhaite pour ses « fils ». Il la leur a donnée et il ne désire rien tant qu’elle croisse et se développe, comme la sienne, avec la sienne. C’était déjà ce qu’il avait dit dès le début, invitant ses auditeurs à s’unir à sa louange (2-4). Mais ce père n’appelle pas ses disciples à « venir » vers lui ; il n’entend pas se les approprier, se les attacher. Au contraire, son seul désir est de leur « apprendre la crainte du Seigneur » ; « la vie » et « le bien » qu’il leur souhaite, il sait qu’ils viennent d’un autre, le seul qui est « bon » (9), duquel provient « tout bien » (11). Père de ses disciples, le véritable maître est celui qui conduit à celui « de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom » (Ep 3,15). Au contraire, « ceux qui font le mal », « sera supprimée de la terre leur mémoire » (17). En d’autres termes, « la descendance des méchants sera
Le psaume 34
461
supprimée » (Ps 37,28). Quant au disciple qui écoute son maître et accepte de devenir son fils, qui en le suivant entre dans le mouvement de la filiation divine, il pourra à son tour devenir père et engendrer des fils : comme le serviteur du Seigneur, « il verra une semence » (Is 53,10).
4. DU PÉCHÉ À LA LOUANGE (PS 32–34) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 32 1 De David, INSTRUCTION. HEUREUX celui à qui a été enlevée la transgression, été couvert le péché ! 2 HEUREUX l’homme (dont) ne compte pas Yhwh la faute son esprit la tromperie !
celui dont a et point dans
3
Quand je me taisais, se consumaient MES OS dans mon rugir tout le jour ; 4 quand la nuit le jour pesait sur moi ta main, était changée ma moelle dans les ardeurs de l’été. 5 Mon péché, je te l’ai fait connaître et ma faute je n’ai point couvert ; j’ai dit : « Je confesserai contre moi mes transgressions à Yhwh ». Et toi, tu as enlevé la faute de mon péché. 6 Pour cela prie tout fidèle vers toi au temps de trouver ; surement quand débordent les 7 Toi, refuge pour moi, de eaux nombreuses, vers lui elles n’arriveront pas. L’ANGOISSE tu me garderas, de cris-de-joie de délivrance tu m’entoureras. 8
JE T’INSTRUIRAI et JE T’APPRENDRAI ce chemin à cheminer, JE CONSEILLERAI sur toi mon œil. 9 Ne soyez pas tel le cheval tel le mulet ne comprenant pas avec mors et rênes sa parure pour le dompter ; point ne s’approche de toi ! 10 Nombreux les tourments pour le MÉCHANT et qui se fie en Yhwh, la fidélité l’entoure. 11 RÉJOUISSEZ-VOUS en Yhwh et exultez, les JUSTES, et criez-de-joie, tous les DROITS de cœur. Ps 33 1 Criez-de-joie, JUSTES, en Yhwh, aux DROITS convient la LOUANGE ; 2 rendez-grâce à Yhwh avec la cithare, avec la harpe à dix-cordes psalmodiez à lui; 3 chantez à lui un chant nouveau soyez-bons à jouer avec acclamation, 4 car droite est la parole de Yhwh et toutes ses œuvres avec vérité ; 5 il aime la JUSTICE et le jugement, de la fidélité de Yhwh est pleine la terre. 6
Par la parole de Yhwh les cieux furent faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée. 7 Il rassemble comme un bloc les eaux de la mer, donne dans des réserves les abimes. 8 Que craignent Yhwh toute la terre, devant lui tremblent tous les habitants du monde, 9 car lui dit et ce fut, il commanda et cela tint. 10 Yhwh fit échouer le dessein des NATIONS, rendit-vains les projets des PEUPLES ; 11 le dessein de Yhwh à jamais tient, les projets de son cœur d’âge en âge. 12
HEUREUSE la nation dont Yhwh est le Dieu, le peuple qu’il s’est choisi pour HÉRITAGE !
13
Des cieux regarda Yhwh, il vit tous les fils d’Adam ; 14 du lieu de sa demeure il scruta tous les habitants de la terre. 15 Il façonne à chacun son cœur, il comprend toutes leurs œuvres. 16 Pas le roi est SAUVÉ par tant de vigueur, un preux n’est pas DÉLIVRÉ par 17 tant de force ; mensonge le cheval pour le SALUT et avec tant de sa vigueur il ne s’échappe pas. 18
Voici, L’ŒIL DE YHWH SUR SES craignant, pour les espérant en sa fidélité, 19 pour DÉLIVRER de la mort leur âme et les FAIRE-VIVRE en (temps de) famine 20 Notre âme a attendu Yhwh, notre secours et notre bouclier c’est lui, 21 car en lui se réjouit notre cœur, car dans le nom de sa sainteté nous nous sommes fiés. 22 Que soit ta fidélité, Yhwh, sur nous, comme nous avons espéré en toi.
« Heureux », deux fois au début (32,1.2), est repris au centre du second psaume (33,12) et se retrouve encore dans le dernier psaume (34,9). « Heureux l’homme » revient en 32,2 et en 34,9. Ce qui aux extrémités est dit de l’individu est dit de « la nation » et du « peuple » au centre du psaume central (33,12).
La séquence 32–34 Ps 34 1 De David, quand il déguisa sa raison à la face d’Abimélek
463
et celui-ci le chassa et lui s’en alla.
2
Je bénirai Yhwh en tout temps, toujours sa LOUANGE en ma bouche. 3 En Yhwh SE LOUE mon souffle, qu’ils écoutent les humiliés et SE RÉJOUISSENT. 4 Magnifiez Yhwh avec moi et exaltons son nom ensemble. 5 Je cherchai Yhwh et il me répondit et de toutes mes frayeurs il me DÉLIVRA. 6 Ils regardèrent vers lui et resplendirent et leur face ne rougira pas. 7 Ce miséreux cria et Yhwh écouta et de toutes ses ANGOISSES il le SAUVA. 8 Il campe l’ange de Yhwh autour de ses craignant et les dégage. 9 Goûtez et voyez que bon Yhwh, HEUREUX l’homme qui s’abrite en lui. 10 Craignez Yhwh, ses saints, car pas de manque pour ses craignant. 11 Des lions sont dénués et affamés, et les cherchant Yhwh ne manquent d’aucun bien. 12 13
Allez, FILS, écoutez-moi la crainte de Yhwh JE VOUS L’ENSEIGNE. Quel est l’homme qui désire LA VIE, aimant les jours pour voir le bien ?
14
Préserve ta langue du mal et tes lèvres de parler la fraude. 15 Évite le mal et fais le bien, recherche la paix et poursuis-la. 16 LES YEUX DE YHWH SUR LES JUSTES et ses oreilles pour leurs clameurs. 17 La face de Yhwh contre LES FAISANT LE MAL, pour retrancher de la terre leur mémoire. 18 Ils crièrent et Yhwh écouta et de toutes leurs ANGOISSES il les DÉLIVRA. 19 Proche Yhwh des brisés de cœur et les esprits abattus il SAUVE. 20 De nombreux maux sur le JUSTE et de tous il le DÉLIVRE Yhwh. 21 22 Il garde tous SES OS, un seul d’entre eux ne sera brisé. Le mal tue le MÉCHANT 23 et CEUX QUI HAÏSSENT le JUSTE expieront. Il rachète Yhwh le souffle de ses serviteurs et n’expieront pas tous les s’abritant en lui.
Les termes médians des deux premiers psaumes (32,11 ; 32,1-3) où le psalmiste invite les « justes » et les « droits » à « se réjouir » et à louer le Seigneur correspondent au début du troisième psaume (34,2-4). « Juste » ou « justice » reviennent une fois dans le premier psaume (32,11), deux fois dans le second (33,1.5), trois fois dans le dernier (34,16.20.22) ; « ses craignant » deux fois dans le dernier psaume (34,8.10) rappelle « que craignent » et « ses craignant » dans le deuxième psaume (33,8.18) ; à « l’œil de Yhwh sur ses craignant » en 33,18 correspond « les yeux de Yhwh sur les justes » en 34,16. « Délivrance » dans le premier psaume (32,7) est de la même racine que « délivrer » dans les deux autres (33,16.19 ; 34,5.18.20) ; « sauver » et « salut », qui sont synonymes de « délivrer » et « délivrance », reviennent deux fois en 33,16.17 et en 34,7.19. « Héritage » au centre du second psaume (33,12) appartient au même champ sémantique que « fils » au centre du dernier (34,12). « La crainte du Seigneur je vous l’enseigne » au centre du Ps 34 (12) fait écho à « Je t’instruirai et je t’apprendrai ce chemin à cheminer... » dans le premier psaume (32,8) ainsi qu’à « instruction » dans le titre (1). On ajoutera d’autres reprises lexicales : « os » au début (32,3) et à la fin (34,21), « cœur » (32,11 ; 33,11.15.21 ; 34,19), « garder » (32,7 ; 34,21), « angoisse(s) » (32,7 ; 34,7.18), « faire-vivre » (33,19) et « vie » (34,13). « Méchant » ne revient qu’à la fin des psaumes extrêmes (32,10 ; 34,22). Les ennemis du psalmiste sont pratiquement absents de la séquence.
464
La troisième section (Ps 26–41)
CONTEXTE PARDON ET ENSEIGNEMENT Dans le Ps 51 les deux segments de reliure qui articulent les trois grands volets du triptyque que constitue le psaume font passer du pardon reçu à l’enseignement donné aux pécheurs1 : = 9 TU M’ÔTERAS LE PÉCHÉ avec l’hysope et je serai pur ; = tu me laveras et plus que la neige je serai blanc ! [...] 15
+ J’enseignerai aux transgresseurs tes chemins + ET LES PÉCHEURS vers toi reviendront !
INTERPRÉTATION « INSTRUCTION » Le titre du premier psaume donne le ton, non seulement pour le Ps 32 mais aussi pour le suivant qui est dépourvu de titre2, et même pour le dernier. C’est donc toute la séquence qui est placée sous le signe de « l’instruction ». En effet, au cœur du dernier psaume (34,12-13), le psalmiste invite ses « fils » — David invite tous les membres de son peuple — à l’écouter, car il va leur enseigner la crainte du Seigneur : « Allez, fils, écoutez-moi, la crainte du Seigneur je vous l’enseigne ». Il les avait exhortés en commençant à s’unir à sa louange (2-4) ; le premier pas de l’instruction consiste à suivre et imiter le maitre en mettant ses pas dans les siens, puis à raconter comment le Seigneur a « délivré » et « sauvé » « les miséreux » (5-11.16-23), à donner aussi les conseils nécessaires pour qui « désire la vie » (13-15). Tout le Ps 33 suit un mouvement analogue, commençant par un appel à la louange (33,1-3), justifié ensuite par une sorte de grande fresque où sont rappelées des œuvres de salut et de délivrance accomplies par le Seigneur sur toute la terre dans sa création et le salut accordé au « peuple qu’il s’est choisi pour héritage » (12). Dans le premier psaume enfin, une fois pardonné et libéré de sa faute, le psalmiste peut promettre d’« instruire » celui qui l’écoute (32,8), le conseillant et le conduisant jusqu’à partager avec lui la joie du salut (11). DU PÉCHÉ À LA LOUANGE Au centre du premier psaume, le psalmiste proclame comment il a confessé son péché et comment il a été pardonné (32,5). Il le dit en s’adressant au 1
Voir R. MEYNET, « Analyse rhétorique du Psaume 51 ». Le Ps 33 est le seul de la sous-section 26–41 à ne pas avoir de titre, et même le seul de tout le premier livre, si l’on excepte les deux premiers psaumes qui sont en quelque sorte introductifs. 2
La séquence 32–34
465
Seigneur, mais sa confession est en même temps faite en présence de ceux qui l’entendent. L’instruction trouve là son point de départ. L’aveu de sa faute est par le fait même le récit de son salut, destiné à tous ceux qu’il appelle à faire la même expérience de « délivrance ». C’est pourquoi, avant même de parler de lui-même il généralise : « Heureux [...] l’homme à qui le Seigneur n’impute pas la faute » (1-2). À partir du moment où le péché a été « enlevé » (5), il n’en sera plus question jusqu’à la fin. Toute la place est alors laissée à l’instruction qui mène à la joie, à la bénédiction, à la louange et à l’action de grâce. DU SINGULIER AU PLURIEL Tout commence à la première personne du singulier, quand le psalmiste, écrasé par son péché, le confesse au Seigneur (32,3-5). Et même quand il généralise sa situation, il reste dans le singulier : « Heureux l’homme... » (32,2). Très vite cependant, immédiatement même, il passe au pluriel de « tout fidèle » (6). S’il s’adresse ensuite à un individu pour l’enseigner (8), il élargit aussitôt son auditoire à plusieurs : « Ne soyez pas comme le cheval ou le mulet » (9). Et le premier psaume s’achève sur un appel aux « justes », à « tous les droits de cœur » (11). Le second psaume commence, comme le précédent s’était achevé, par une invitation aux « justes » et aux « droits » à louer le Seigneur (33,1-5). Et ce sont ensuite non seulement les fils d’Israël qui sont appelés à craindre Dieu, mais « toute la terre », « tous les habitants du monde » (8), car « l’œil du Seigneur est sur tous ceux qui le craignent » (18). Le « nous » final cependant (20-22) est celui de « la nation dont Yhwh est le Dieu » (12). Dans le dernier psaume aussi, le « je » du psalmiste s’adjoint les autres « humiliés » (2-4) ; le même mouvement est repris dès les versets suivants (5-7) où le psalmiste est flanqué du pluriel. C’est « l’homme » qui s’abrite en Yhwh qui est déclaré « heureux » (9) et la question centrale est de nouveau adressée à tous : « Quel est l’homme qui désire la vie ? » (13). À la fin du psaume et donc de toute la séquence il n’est pas interdit de penser que l’expression « tous ceux qui s’abritent en lui » n’est pas limitée aux seuls fils du peuple élu. HEUREUX L’HOMME QUI CRAINT LE SEIGNEUR ! Les trois psaumes de la séquence sont unis par la même béatitude, qui regarde l’individu qui prie, identifié au roi « David » (32,1), puis toute « la nation », « le peuple que le Seigneur s’est choisi » (33,12), et en définitive tout « homme » qui s’abrite en le Seigneur (34,9), tous ceux qui le « craignent ». Tout le mouvement porte vers « la crainte de Yhwh » sur laquelle insiste tant le Ps 34 (8.10 bis.12), jusqu’à la placer au faite de la construction (12), présentée aussitôt comme la condition pour accéder à « la vie » (13). Craindre le Seigneur, le respecter, l’honorer, c’est le reconnaitre comme la source de la vie, comme celui qui nous traite comme ses « fils » qu’il « enseigne » (34,12) par la médiation de son roi David, comme celui qui considère le peuple comme son « héritage » (33,12). Le
466
La troisième section (Ps 26–41)
bonheur de l’homme est de se reconnaitre fils de Dieu, dans la crainte qui est « la certitude tremblante de l’amour »3. L’amour comme la crainte de Dieu consiste à le suivre : « Heureux qui craint le Seigneur et qui marche dans ses chemins » (Ps 128,1).
3
P. BEAUCHAMP, L’Un et l’Autre Testament. I. Essai de lecture, Paris 1976, 272.
B. DU JUGEMENT À LA JUSTICE La deuxième séquence : Ps 35–37 1. LE PSAUME 351 TEXTE 1
2 saisis écu et De David. Accuse, Yhwh, mes accusateurs, assaille mes assaillants ; 3 bouclier et dresse-toi à mon aide. Et brandis la lance et barre (la route) contre mes poursuivants ; dis à mon âme : « Ton salut, c’est moi. » 4 Qu’ils rougissent et soient-honteux ceux qui cherchent mon âme, qu’ils reculent en arrière et soient confus ceux qui projettent mon malheur ! 5 Qu’ils soient comme la bale face au vent et l’ange de Yhwh (les) poussant, 6 que soit leur chemin ténèbre et glissades et l’ange de Yhwh les poursuivant ! 7 Oui, sans raison ils ont caché pour moi la fosse de leur filet, sans raison ils ont creusé pour mon âme. 8 Vienne sur lui la ruine qu’il ne connait pas et son filet qu’il a tendu qu’il le prenne, dans la 10 Tous ruine qu’il tombe dedans. 9 Et mon âme exultera en Yhwh, jubilera en son salut. mes os diront : « Yhwh, qui est comme toi, délivrant le miséreux d’un plus fort que lui et le miséreux et le pauvre de son spoliateur ? » 11 Se dressent des témoins de violence, sur ce que je ne connais pas ils me questionnent, 12 ils me paient le mal au lieu du bien, privationd’enfant pour mon âme. 13 Et moi, pendant leurs maladies, mon vêtement (était) un sac ; j’humiliais par le jeûne mon âme et ma prière dans mon sein revenait ; 14 comme ami, comme frère à moi je me comportais, comme en deuil d’une mère, pleurant je me courbais. 15 Et de ma chute ils se réjouissent et s’attroupent, s’attroupent contre moi des violents ; et point ne (les) connais, ils déchirent et ne cessent pas ; 16 en hypocrites de moqueurs de railleries ils grincent des dents contre moi. 17 Seigneur, combien (de temps) verras-tu (cela) ? Soustrais mon âme à leurs ravages, aux lionceaux mon unique. 18 Je rendrai-grâce dans une assemblée immense, dans un peuple nombreux je te louerai. 19 Que ne se réjouissent pas de moi mes ennemis de mensonge, mes haïssant sans raison qu’ils ne clignent pas de l’œil ! 20 Car pas de paix ils parlent et contre les paisibles de la terre des paroles perfides ils projettent. 21 Et ils élargissent contre moi leur bouche ; ils disent : « Ha ! ha ! a vu notre œil ! » 22 Tu as vu, Yhwh, ne te tais plus, mon Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ; 23 réveille-toi et éveille-toi pour mon jugement, mon Dieu et mon Seigneur, pour ma cause ; 24 juge-moi selon ta justice, Yhwh mon Dieu, et qu’ils ne se réjouissent pas de moi ! 25 Qu’ils ne disent en leur cœur : « Ha ! 26 Qu’ils rougissent et soient notre âme ! » Qu’ils ne disent : « Nous l’avons avalé ! » confus ensemble ceux qui se réjouissent de mon malheur ; qu’ils se vêtent de rougissement et confusion, ceux qui se grandissent sur moi ! 27 Qu’ils exultent et se réjouissent ceux qui désirent ma justice et qu’ils disent toujours : « Grand (est) Yhwh qui désire la paix de son serviteur ! » 28 Et ma langue méditera ta justice, tout le jour ta louange.
V. 3
: « ET BARRE (LA ROUTE) »
L’impératif segōr, « ferme », « barre » (la route), est suivi par la Septante. Plusieurs modernes préfèrent y voir une arme de guerre comme la « lance » et traduisent par « pique » ou « hache », en parallèle avec « écu et bouclier » de 2a. 1
Voir R. MEYNET, « Le psaume 35: censuré “sans raison” ».
468
La troisième section (Ps 26–41)
Ainsi la BJ : « Brandis la lance et la pique contre mes poursuivants » ; texte liturgique : « Brandis la lance et l’épée contre ceux qui me poursuivent »2. Le texte massorétique a du sens et il convient de le suivre, comme fait la TOB : « Dégaine la lance, barre la route à mes poursuivants »3. Au verset précédent, « écu et bouclier » sont des armes défensives. « La lance » au contraire est offensive mais, dans le contexte, elle est dissuasive, destinée à empêcher les ennemis du psalmiste de l’atteindre. La traduction liturgique au contraire donne à penser que « la lance et l’épée » brandies « contre ceux qui me poursuivent », sont des armes offensives et donc que le psalmiste demande au Seigneur d’en faire usage contre ses ennemis. La différence est d’importance. V. 4.26 : « QU’ILS ROUGISSENT ET SOIENT-HONTEUX [...] QU’ILS RECULENT ET SOIENT-CONFUS »
Au verset 4 fait écho le verset 26 : « QU’ILS ROUGISSENT qu’ils reculent
ET SOIENT-HONTEUX [...] et soient-confus » (4)
« QU’ILS ROUGISSENT qu’ils se vêtent de ROUGISSEMENT
et soient-confus ensemble [...] et DE HONTE... » (26).
La traduction liturgique dit : « QU’ILS SOIENT HUMILIÉS, qu’ils reculent
DÉSHONORÉS [...] couverts de honte » (4)
« QU’ILS SOIENT TOUS HUMILIÉS, QU’ILS SOIENT DÉSHONORÉS,
confondus [...] couverts de honte... » (26)
Outre que cette traduction ne correspond précisément ni au texte massorétique ni à celui de la Septante, il faut noter que tous les verbes sont des passifs, ce qui suppose que les ennemis soient « humiliés », « déshonorés », « couverts de honte » et « confondus » par un autre et le lecteur est induit à interpréter ces passifs comme des passifs divins : les adversaires du psalmiste seraient ainsi châtiés par le Seigneur. Dans le texte massorétique les verbes ne sont pas au passif et les sujets des verbes « rougir », « être honteux », « être confondu » ainsi que « se vêtir » ne sont autres que ceux qui poursuivent le psalmiste. Par ailleurs, « rougir » (bûš), ainsi que ses deux synonymes traduits par « êtrehonteux » (kālam) et « être-confus » (ḥāpar), indique la confusion de qui se rend compte qu’il s’est trompé, qu’il a mis sa confiance en qui ne la méritait pas. « Il me semble erroné de croire qu’ici l’orant cherche la vengeance. Ce qu’il
2 3
De même, entre autres, Dahood, I, 210-211 ; Ravasi, I, 627.638-639 ; Vesco, 322. De même Alonso Schoekel – Carniti, I, 599.601 ; Girard, I, 595.
Le psaume 35
469
demande est une claire manifestation de son Dieu »4. Il en va de même pour la finale du Ps 83, un des trois psaumes (avec le Ps 58 et 109) qui ont été exclus du Bréviaire : + 17 Remplis = et qu’ils cherchent
leur face ton nom,
d’ignominie, Yhwh !
+ 18 Qu’ils rougissent + et qu’ils soient confus
soient terrifiés et se perdent,
pour toujours,
= 19 et qu’ils sachent = toi seul
que toi Très-Haut
ton nom sur toute
Yhwh, la terre.
« L’essentiel de ce qu’il [l’orant] espère n’est donc pas seulement la défaite totale des adversaires ligués contre Israël. C’est plus encore qu’ils reconnaissent que Yhwh est l’unique souverain »5. V. 12
: « PRIVATION-D’ENFANT »
Le terme š ekôl signifie le fait d’être privé d’enfant (2S 17,8 ; 2R 4,1 ; Ct 4,2 ; 6,6). Le « je suis un homme isolé » de la traduction liturgique ne rend pas l’idée que les ennemis entendent priver le psalmiste de toute descendance6. V. 14
: « EN DEUIL DE MÈRE »
L’expression est ambiguë : soit le deuil d’un fils pour sa mère, soit d’une mère pour son fils7. La plupart optent pour la première solution. Le rapport avec 12, « privation-d’enfant », invite au contraire à choisir la deuxième. V. 15-16
: « ET DE MA CHUTE... »
Ces deux versets sont particulièrement heurtés. Il n’est pas aisé d’en déterminer la division en membres ; s’y ajoutent des difficultés lexicales pratiquement insurmontables8. V. 15B : « DES VIOLENTS
»
Le terme nēkîm est un hapax. Si on le fait dériver de nkh, « frapper », il peut être rendu par « violents »9. 4
H. SEEBASS, « Bôš », à propos de Ps 31,18 : « Yhwh, que je ne rougisse pas car je t’appelle ; que rougissent les méchants, qu’ils se taisent au schéol ». 5 A. WÉNIN, Les psaumes censurés, 91. 6 Voir J.G. JANZEN, « The Root Škl and the Soul Bereaved in Psalm 35 », 55-69 ; M. GROHMANN, « Jewish and Christian Approaches to Psalm 35 », 22-25. 7 Girard, I, 595. 8 Voir, entre autres, Ravasi, I, 642-643. 9 Hakham, I, 195.
470
La troisième section (Ps 26–41)
V. 16A : « EN HYPOCRITES DE MOQUEURS DE RAILLERIE »
Obscur au point d’en être incompréhensible, ce membre est rendu ainsi par la Septante : « Ils me tentent, ils se moquent de moi de moquerie »10. La traduction adoptée suit au plus près le texte massorétique. Il semble en effet qu’il faille respecter un texte tourmenté qui trahit le désarroi où se trouve le psalmiste quand il dit la situation terrible qui est la sienne. Ce cas serait proche de celui du Ps 9–10 où le psalmiste est tellement troublé qu’en 10,3-11 il en arrive à perdre jusqu’à l’alphabétisme ; il ne le retrouve qu’au verset 12, lorsqu’il finit par se tourner vers le Seigneur11.
COMPOSITION « La forme et la structure de ce psaume plutôt développé ne se laissent pas facilement discerner »12. « Le psaume procède par vagues qui se recouvrent partiellement »13. La plupart y discernent trois parties : 1-10 ; 11-18 ; 19-2814. La division de Girard est quelque peu différente, sa partie centrale étant limitée à 11-1715. Certains cependant n’y voient que deux parties : 1-18 ; 19-2816. Le psaume comprend trois parties, deux supplications (1b-6 ; 22-28) qui encadrent une longue lamentation ; celle-ci se développe en trois sous-parties organisées de manière concentrique (7-10 ; 11-16 ; 17-21). LA PREMIÈRE PARTIE (1B-6) Dans la deuxième sous-partie le parallélisme de chacun des deux morceaux est particulièrement évident. Dans le premier morceau les deux jussifs des premiers membres sont suivis dans les seconds membres par leurs sujets au participe. Dans le deuxième morceau, les premiers membres commencent par le même verbe au jussif, pluriel puis singulier, tandis que les seconds membres mettent en scène « l’ange de Yhwh » qui poursuit les ennemis du psalmiste. Les rapports entre les deux morceaux de la première sous-partie sont plus complexes. Alors que dans le premier chaque membre commence par un impératif, dans le second ce sont seulement les segments qui commencent ainsi. Les premiers segments (1bc.3) s’achèvent par « mes assaillants » et « mes poursui10
Pour une série d’autres tentatives, voir Alonso Schoekel – Carniti, I, 602. Voir R. MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 41.48. 12 Kraus, I, 391 13 Lorenzin, 170 (de même Ravasi, I, 632) ; l’auteur y distingue sept parties. 14 Ravasi, I, 633 : chaque partie comprend « quatre modules littéraires typiques des supplications » « distribués avec une certaine liberté » ; de même Hakham, I, 192 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 605-606. 15 Girard, I, 596. 16 deClaissé-Walford – al., 331. 11
Le psaume 35
471
vants », les seconds s’achèvent avec les synonymes « mon aide » et « ton salut » ; mais en même temps les premiers membres des segments médians (2a.3a) sont partiellement parallèles entre eux, le Seigneur étant prié de « saisir écu et bouclier » et de « brandir la lance » ; la fin de 3a toutefois est différente, car ce n’est pas pour frapper que le Seigneur brandit la lance mais seulement pour barrer le chemin de ceux qui poursuivent le psalmiste. La première sous-partie comprend six impératifs, la deuxième six jussifs. Les deux occurrences de « mon âme » agrafent les deux sous-parties (3c.4b). + 1b Accuse, .. assaille
Yhwh, mes assaillants ;
mes accusateurs,
:: 2 saisis = et dresse-toi
écu à mon aide.
et bouclier
·················································································································· 3
:: Et brandis .. devant
la lance mes poursuivants ;
+ dis = « Ton salut,
à MON ÂME : c’est moi. »
– 4 Qu’ils rougissent .. ceux qui cherchent
MON ÂME,
– qu’ils reculent .. ceux qui projettent
en arrière mon malheur !
et ferme (la route)
et soient-honteux et soient confus
··················································································································
– Qu’ils soient : et l’ange
comme la bale de Yhwh
face (les) poussant,
au vent
– 6 que soit : et l’ange
leur chemin de Yhwh
ténèbre les poursuivant !
et glissades
5
LA DEUXIÈME PARTIE (7-21) La deuxième partie comprend trois sous-parties relativement développées. C’est pourquoi chacune sera analysée en elle-même, avant que soit étudié l’ensemble complexe qu’elles forment.
472
La troisième section (Ps 26–41)
La première sous-partie (7-10) – 7 Oui, sans raison – la fosse – sans raison 8
= Vienne sur lui = et son filet = dans la ruine
ils ont caché de leur filet, ils ont creusé
pour moi
la ruine lequel qu’il tombe
qu’il ne connait pas il a tendu dedans.
pour MON ÂME. qu’il le prenne,
················································································································ 9
: Et MON ÂME : jubilera
exultera en son salut.
en Yhwh,
: 10 Tous : « Yhwh,
mes os qui (est)
diront : comme toi,
: délivrant : et le miséreux
le miséreux et le pauvre
d’un plus fort de son spoliateur ! »
que lui
Chaque morceau compte six membres, formant deux trimembres d’abord (78), trois bimembres ensuite (9-10). Le premier morceau passe du pluriel (7) au singulier (8), ce qui n’est pas rare dans la poésie biblique. Le psalmiste énonce le comportement de ses ennemis (7) avant de souhaiter que le mal projeté retombe sur celui qui l’avait tramé : il sera pris au « filet » (7b.8b) qu’ils avaient tendu, ce qu’ils avaient « caché » (7a) produira une ruine « qu’il ne connait pas » (8a). « Sans raison » revient aux extrémités du premier segment, « la ruine » aux extrémités du second. Dans le deuxième morceau le psalmiste promet de remercier le Seigneur pour « son salut », le salut que lui vaudra la ruine de ses ennemis. Son « âme » et ses « os » s’extasieront parce que le Seigneur, une fois de plus, arrache « le miséreux » et « le pauvre » des griffes de « son spoliateur ». « Mon âme » revient dans les deux morceaux (7c.9a).
Le psaume 35
473
La deuxième sous-partie (11-16) – 11 Se dressent – SUR CE QUE
des témoins
– 12 ils me paient – privation-d’enfant
le mal pour MON ÂME.
JE NE CONNAIS PAS
de violence, ils me questionnent, au lieu
du bien,
·························································································································
+ 13 Et moi, + mon vêtement
pendant leurs maladies, (était) un sac ;
+ j’humiliais + et ma prière
par le jeûne dans mon sein
revenait ;
+ 14 comme ami, + comme en deuil
comme frère à moi, d’une mère,
je me comportais, pleurant
MON ÂME
je me courbais.
·························································································································
– 15 Et de ma chute – s’attroupent
ils se réjouissent contre moi
– ET POINT – ils déchirent
NE (LES) CONNAIS,
16
– en hypocrites – ils grincent
et s’attroupent, des violents ;
et ne cessent pas ; de moqueurs contre moi
de railleries, des dents.
Les morceaux extrêmes décrivent le comportement agressif et violent de ceux qui maltraitent le psalmiste ; dans le morceau central en revanche ce dernier proteste de l’attitude amicale et fraternelle qu’il avait montrée en leur faveur au temps de leurs difficultés. Il semble que le premier morceau soit situé au tribunal où le psalmiste est accusé injustement ; dans le dernier morceau ses ennemis s’acharnent sur celui dont ils ont réussi à obtenir la « chute », c’est-à-dire la condamnation. Dans le premier cas, le psalmiste est questionné sur ce qu’il « ne connait pas », dans le deuxième il semble ne pas connaitre ceux qui s’acharnent contre lui (11b.15c). L’hapax traduit par « les violents » (15b) rappelle « violence » en position analogue dans le premier morceau (11a). Dans le morceau central le comportement et les actions du psalmiste sont ceux du croyant qui se tourne vers Dieu pour intercéder en faveur de ceux qu’il aime : il se couvre d’un sac, jeûne et prie obstinément. Dans le dernier segment, il va jusqu’à qualifier son attitude comme celle d’un frère et même d’une mère qui aurait perdu son fils. Cette finale correspond à celle du premier morceau où il se plaint d’être « privé d’enfant ». Le contraste est des plus frappants.
474
La troisième section (Ps 26–41)
La troisième sous-partie (17-21) :: 17 Seigneur,
combien (de temps)
VERRAS-TU
+ Soustrais + aux lionceaux
mon âme mon unique.
à leurs ravages,
= 18 Je rendrai-grâce = dans un peuple
dans une assemblée nombreux
immense, je te louerai.
(cela) ?
················································································································
+ 19 Ne se réjouissent pas de moi mes ennemis + mes haïssant sans raison 20
de mensonge, qu’ils ne clignent pas
– Car pas de paix – et contre – des paroles
ils parlent les paisibles perfides
de la terre ils projettent.
– 21 Et ils élargissent – ils disent : – a vu
contre moi « Ha !
leur bouche, ha !
NOTRE ŒIL
DE L’ŒIL
!
!»
Le premier morceau est adressé au « Seigneur » : c’est d’abord une question (17a), puis une demande (17bc) et enfin une promesse de louange (18) qui suppose que la prière du psalmiste a été exaucée. Le deuxième morceau commence par un double jussif qui correspond à la prière du second segment du premier morceau (17bc) ; les « ennemis » (19a) sont ceux qui étaient qualifiés de « lionceaux » (17c). Les deux trimembres suivants (20-21) donnent les raisons de la demande initiale (19) : tout se joue dans la parole haineuse des ennemis, « ils parlent » « des paroles » (20a.20c), de « leur bouche » « ils disent » (21ab). Les deux occurrences de « œil » marquent la fin des segments extrêmes, faisant inclusion pour le deuxième morceau ; À « l’œil » mauvais des ennemis fait pendant celui du Seigneur, qui finira par « voir » (17a) la misère de son fidèle et interviendra pour le sauver. L’ensemble de la deuxième partie (7-21) Les sous-parties extrêmes se correspondent de manière spéculaire. Commençant avec kî, traduit ici par « oui », 7 et 20-21 rapportent les actions des ennemis ; ce sont ensuite des jussifs où le psalmiste demande leur châtiment (8.19). Dans ces deux morceaux, aux deux occurrences de « sans raison » au début (7) correspondent « sans raison » et son synonyme « de mensonge » à la fin (19). Le second morceau de la première sous-partie (9-10) et le premier morceau de la dernière sous-partie (17-18) ont en commun la promesse de louange du psalmiste : à « exultera » et « jubilera » correspondent « je rendrai-grâce » et « je te louerai » dans les segments extrêmes (9 ; 18). Ce sont les seuls endroits où est utilisé le nom divin au vocatif, « Yhwh » (10a) et « Seigneur » (17a).
Le psaume 35
475
Dans la sous-partie centrale, les morceaux extrêmes (11-12 ; 15-16) décrivent les actions des ennemis, comme les segments extrêmes des première et dernière sous-parties (7-20-21). Le morceau central (13-14) est unique, sans correspondant dans le reste de la partie. Les deux premières sous-parties sont liées par les quatre occurrences de « mon âme » (7b.9a ; 12.13c) et par les trois de « ne pas connaitre » (8a ; 11.15b). Dans les deux dernières, « se réjouir » revient au début des morceaux finaux (15a.19a). En termes finaux, « dents » et « bouche » appartiennent au même champ sémantique. – 7 OUI, SANS RAISON ils ont caché pour moi la fosse de leur filet, – SANS RAISON ils ont creusé pour MON ÂME. = 8 Vienne sur lui la ruine QU’IL NE CONNAIT PAS ; et son filet qu’il a tendu qu’il le prenne, = dans la ruine qu’il tombe dedans. ················································································································
: 9 Et MON ÂME exultera en Yhwh, jubilera en son salut. : 10 Tous mes os diront : Yhwh, qui est comme toi, : délivrant le miséreux de plus fort que lui : et le miséreux et le pauvre de son spoliateur ? – 11 Se dressent des témoins de violence, SUR CE QUE JE NE CONNAIS PAS ils me questionnent, – 12 ils me paient le mal au lieu du bien, privation-d’enfant pour MON ÂME. ·····································································································
+ 13 Et moi, pendant leurs maladies,
+ mon vêtement (était) un sac ; :: j’humiliais par le jeûne MON ÂME :: et ma prière dans mon sein revenait ; + 14 comme ami, comme frère à moi je me comportais, + comme en deuil d’une mère, pleurant je me courbais. ····································································································· 15
– Et de ma chute ILS SE RÉJOUISSENT et s’attroupent, s’attroupent contre moi des violents ; – ET POINT NE (les) CONNAIS, ils déchirent et ne cessent pas ; – 16 en hypocrites de moqueurs de railleries ils grincent des DENTS contre moi. : 17 Seigneur, combien (de temps) verras-tu (cela) ? : Soustrais MON ÂME à leurs ravages, aux lionceaux mon unique. : 18 Je rendrai-grâce dans une assemblée immense, : dans un peuple nombreux je te louerai. ················································································································
= 19 QUE NE SE RÉJOUISSENT PAS DE MOI mes ennemis DE MENSONGE, = mes haïssant SANS RAISON qu’ils ne clignent pas de l’œil ! – 20 OUI, pas de la paix ils parlent et contre les paisibles de la terre – des paroles perfides ils projettent. – 21 Et ils élargissent contre moi leur BOUCHE ; ils disent : « Ha ! ha !
a vu notre œil ! »
476
La troisième section (Ps 26–41)
LA TROISIÈME PARTIE (22-28) + 22 Tu as vu, + MON SEIGNEUR,
YHWH, ne t’éloigne pas
ne te tais plus, de moi ;
+ 23 réveille-toi + MON DIEU
et éveille-toi ET MON SEIGNEUR,
pour le jugement de moi, pour la cause de moi ;
+ 24 juge-moi + et QU’ILS NE SE RÉJOUISSENT
selon TA JUSTICE, de moi !
YHWH
DIEU de moi,
·························································································································
– 25 QU’ILS NE DISENT – QU’ILS NE DISENT :
en leur cœur : « Nous l’avons avalé ! »
« Ha !
– 26 Qu’ils rougissent – CEUX QUI SE RÉJOUISSENT
et soient confus de mon malheur ;
ensemble
– qu’ils se vêtent – ceux qui se grandissent
de rougissement sur moi !
et de confusion
notre âme ! »
························································································································· ET SE RÉJOUISSENT
+ 27 Qu’ils exultent + ceux qui désirent
MA JUSTICE
+ ET QU’ILS DISENT : « Grand (est) : qui désire
toujours : YHWH la paix
28
+ Et ma langue + tout le jour,
proclamera ta louange.
de son serviteur ! » TA JUSTICE,
Le premier morceau est marqué par cinq volitifs de 2e personne du singulier et un de 3e personne du pluriel en finale, six noms divins et cinq pronoms suffixes de 1re personne singulier dont quatre en fin de membres. Le second morceau contient cinq jussifs dont le sujet est le même que celui du jussif final du premier morceau ; le sujet n’est pas nommé, mais on comprend qu’il s’agit de ceux qui ont attaqué le psalmiste devant le tribunal, puisqu’il demande au Seigneur de « se lever » pour son « jugement », de défendre sa « cause », de le « juger » (23-24). Le psalmiste demande que ses accusateurs ne puissent se vanter de l’avoir « avalé » (25), mais qu’au contraire ils soient couverts de honte et de confusion (26). Le troisième morceau continue avec des jussifs mais cette fois-ci le sujet change : il s’agit des amis du psalmiste, ceux qui « désirent » que lui soit faite « justice ». Le dernier segment crée la surprise, car c’est maintenant le psalmiste qui prend la parole à la première personne, se joignant à tous ceux qui se réjouiront de son salut. « Notre âme » (25a) dans son sens premier de « gorge » n’est pas sans rapport avec « nous l’avons avalé » du second membre (25b). Dans la ligne de son sens corporel de « gorge », il peut indiquer « le désir », ce que semble signifier
Le psaume 35
477
l’exclamation des ennemis : « Ha ! notre âme », c’est-à-dire « (voilà donc) ce que nous désirions »17. À ces deux mots du second morceau font écho les deux occurrences de « désirer » dans le troisième (27b.27e) ; le désir des amis du psalmiste s’oppose donc à celui de ses ennemis. L’ENSEMBLE DU PSAUME Les rapports entre les parties extrêmes (1b-6 ; 22-28) 1b 2
ACCUSE, Yhwh, mes accusateurs, assaille mes assaillants ; saisis écu et bouclier et DRESSE-TOI à mon aide ;
3
et brandis la lance et barre (la route) devant mes poursuivants ; dis à mon âme : « Ton salut, c’est moi. » 4
QU’ILS ROUGISSENT et soient-honteux ceux qui cherchent mon âme ! Qu’ils reculent en arrière ET SOIENT CONFUS, ceux qui projettent MON MALHEUR ! 5 6
Qu’ils soient comme la bale face au vent, et l’ange de Yhwh (les) poussant, que soit leur chemin ténèbre et glissades et l’ange de Yhwh les poursuivant !
[...] 22
Tu as vu, Yhwh, ne te tais plus, mon Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ; RÉVEILLE-TOI et éveille-toi, pour mon jugement, mon Dieu et mon Seigneur, pour MA CAUSE ; 24 juge-moi selon ta justice, Yhwh mon Dieu, et qu’ils ne se réjouissent pas de moi ! 23
25
Qu’ils ne disent en leur cœur : « Ha ! notre âme ! » qu’ils ne disent : « Nous l’avons avalé ! » QU’ILS ROUGISSENT et SOIENT CONFUS ensemble ceux qui se réjouissent de MON MALHEUR ; qu’ils se vêtent de ROUGISSEMENT et de CONFUSION, ceux qui se grandissent sur moi ! 26
27
Qu’ils exultent et se réjouissent ceux qui désirent ma justice, et qu’ils disent toujours : « Grand est Yhwh qui désire la paix de son serviteur ! » 28 Et ma langue méditera ta justice, tout le jour ta louange.
Deux séries de volitifs — impératifs et jussifs —, six (1b-3) puis cinq (2224a), sont suivis par des séries de jussifs, six (4-6) puis huit (25-27). Parmi les impératifs « dresse-toi » (qûmâ, 2) et « réveille-toi » (hā‘îrâ, 23) peuvent être dits synonymes18. La dernière partie est un peu plus développée (dix-neuf membres) que la première (seize membres) ; alors que les jussifs de la première partie (4-6) ne visent que le sort des ennemis, ceux de la dernière partie commencent par de semblables demandes regardant les mêmes ennemis (25-26), mais y ajoutent des souhaits regardant les amis du psalmiste (27) auxquels il ajoute sa propre louange (28).
17
Voir A. WÉNIN, Les psaumes censurés (cf. nt. 2), 125, nt. 1. Voir, par ex., Ps 7,7 : « Dresse-toi (qûmâ), Yhwh, dans ta colère, lève-toi (hinnāśē’) contre les fureurs de mes oppresseurs, et réveille-toi (‘ûrâ) pour moi, la défense ordonne ». 18
478
La troisième section (Ps 26–41)
Les rapports entre les trois parties 1
De David. 2 Accuse, Yhwh, mes accusateurs, assaille mes assaillants ; saisis écu et bouclier et 3 DRESSE-TOI à mon aide ; et brandis la lance et barre (la route) devant mes poursuivants ; DIS à MON ÂME : « TON SALUT, c’est moi. » 4 Qu’ils rougissent et soient-honteux ceux qui cherchent MON ÂME ! Qu’ils reculent en arrière et soient confus ceux qui PROJETTENT mon malheur ! 5 Qu’ils soient comme la bale face au vent et l’ange de Yhwh les poussant, 6 que soit leur chemin ténèbre et glissades et l’ange de Yhwh les poursuivant !
7
Oui, sans raison ils ont caché pour moi la fosse de leur filet, sans raison ils ont creusé pour MON ÂME. 8 Vienne sur lui la ruine qu’il ne connait pas ; et son filet qu’il a tendu qu’il le prenne, dans la ruine qu’il tombe dedans. 9 Et MON ÂME exultera en Yhwh, jubilera en SON SALUT. 10 Tous mes os DIRONT : « Yhwh, qui
est comme toi, spoliateur ? »
délivrant le miséreux d’un plus fort que lui,
et le miséreux et le pauvre de son
11
SE DRESSENT des témoins de violence, sur ce que je ne connais pas ils me questionnent, 12 ils me paient le mal au lieu du bien, privation-d’enfant pour MON ÂME. 13 Et moi, pendant leurs maladies, mon vêtement était un sac ; j’humiliais par le 14 jeûne MON ÂME et ma prière dans mon sein revenait, comme ami, comme frère à moi, je me comportais ; comme en deuil d’une mère, pleurant je me courbais. 15 Et de ma chute ILS SE RÉJOUISSENT et s’attroupent, s’attroupent contre moi des violents ; et point ne (les) connais, ils déchirent et ne cessent pas ; 16 en hypocrites de moqueurs de railleries ils grincent des dents contre moi. 17
Seigneur, combien de temps VERRAS-TU cela ? Soustrais MON ÂME à leurs ravages, aux lionceaux mon unique. 18 Je rendrai-grâce dans une assemblée immense, dans un peuple nombreux JE TE LOUERAI. 19 QUE NE SE RÉJOUISSENT PAS DE MOI mes ennemis de mensonge, mes haïssant sans raison qu’ils ne clignent pas de l’œil ! 20 Car pas de paix ils parlent et contre les paisibles 21 de la terre des paroles perfides ils PROJETTENT. Et ils élargissent contre moi leur bouche, ILS DISENT : « Ha ! ha ! A VU notre œil ! » 22 TU AS VU, Yhwh, ne te tais plus, mon Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ; 23 réveille-toi et 24 éveille-toi, pour mon jugement, mon Dieu et mon Seigneur, pour ma cause ; juge-moi selon ta justice, Yhwh mon Dieu, et QU’ILS NE SE RÉJOUISSENT PAS DE MOI ! 25 QU’ILS NE DISENT en leur cœur : « Ha ! NOTRE ÂME ! » QU’ILS NE DISENT : « Nous l’avons 26 avalé ! » Qu’ils rougissent et soient confus ensemble CEUX QUI SE RÉJOUISSENT de mon malheur ; qu’ils se vêtent de rougissement et de confusion ceux qui se grandissent sur moi ! 27 Qu’ils exultent ET SE RÉJOUISSENT ceux qui désirent ma justice et QU’ILS DISENT 28 toujours : « Grand est Yhwh qui désire la paix de son serviteur ! » Et ma langue méditera ta justice, tout le jour TA LOUANGE.
• Les rapports entre les deux premières parties – « Se dresser » se retrouve au début de la première partie (2) et au début de la sous-partie centrale de la deuxième partie (11) ; – « salut » revient en 3 et 9 ;
Le psaume 35
479
– toutes les occurrences de « mon âme » se trouvent dans ces deux parties (3.4 ; 7.9.12.13.17) ; – « projeter » revient en 4 et 20. • Les rapports entre les deux dernières parties – « voir » se trouve en termes initiaux de la dernière sous-partie de la partie centrale (17) et de la dernière partie (22) ; les deux occurrences du même verbe en 21 et 22 jouent le rôle de termes médians pour les deux dernières parties ; – « se réjouir » revient cinq fois dans le deuxième versant du psaume (15.19 ; 24.26.27) ; – « louer » et « louange » se retrouvent en 18 et 28. • Les rapports entre les trois parties – « notre âme » dans la partie finale (25) fait écho aux sept occurrences de « mon âme » des deux premières parties19 ; – les paroles rapportées, toujours introduites par le verbe « dire », sont nombreuses, de Dieu d’abord dans la première partie (3), puis du psalmiste (10) et de ses ennemis (21) aux extrémités de la deuxième partie, de nouveau des ennemis, par deux fois, au centre de la dernière partie (25), enfin de la part de ses amis à la fin (27).
CONTEXTE SAÜL REND À DAVID LE MAL POUR LE BIEN Dans les récits bibliques, plus d’une page offre un contexte approprié pour ce psaume. Parmi ceux-ci, plusieurs épisodes de l’histoire de David semblent particulièrement adaptés. Alors que David rend service à Saül par les victoires qu’il remporte sur les Philistins, la jalousie du roi le porte à vouloir tuer celui qui lui fait du bien ; par deux fois, il veut le clouer au mur avec sa lance (1S 18,10-11 ; 19,9-10). David doit s’enfuir pour échapper aux émissaires que Saül envoie pour le mettre à mort (19,11-12). Alors que se présente à David l’occasion de se venger en tuant Saül dans la caverne où celui-ci est entré pour « se couvrir les pieds », il renonce à exercer la violence contre celui qui cherche sa mort. Il s’en remet au Seigneur pour juger entre eux : 12
« O mon père, vois, vois donc le pan de ton manteau dans ma main : puisque j’ai pu couper le pan de ton manteau et que je ne t’ai pas tué, reconnais clairement qu’il n’y a
19 Cette dernière occurrence de nepeš a été traduite comme les précédentes par « âme », afin de ne pas gommer le rapport ; ce terme qui désigne en premier lieu « la gorge », « le souffle », signifie très souvent « la vie », « l’âme », « l’être personnel ». Ainsi le « désir » de mort des ennemis du psalmiste s’oppose au désir de vie de celui dont ils cherchent « l’âme » ou « la vie ».
480
La troisième section (Ps 26–41)
chez moi ni méchanceté ni crime. Je n’ai pas péché contre toi alors que, toi, tu tends des embûches à ma vie pour me l’enlever. 13 Que Yhwh soit juge entre moi et toi, que Yhwh me venge de toi, mais ma main ne te touchera pas ! [...] 16 Que Yhwh soit l’arbitre, qu’il juge entre moi et toi, qu’il examine et défende ma cause et qu’il me rende justice en me délivrant de ta main ! » 17 Lorsque David eut achevé de parler ainsi à Saül, celui-ci dit : « Est-ce bien ta voix, mon fils David ? » Et Saül se mit à crier et à pleurer. 18 Puis il dit à David : « Tu es plus juste que moi, car tu m’as fait du bien et moi je t’ai fait du mal » (1S 24,12-13.16-18).
PSAUME DE LA PASSION Ps 35,19 est cité explicitement en conclusion de la séquence de Jn 15,1-25 : 18
Si le monde vous hait, sachez que moi, il m’a haï avant vous. [...] Si je n’avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant ils ont vu et ils nous haïssent, et moi et mon Père. 25 Mais c’est pour que s’accomplisse la parole écrite dans leur Loi : « Ils m’ont haï sans raison ».
La citation se trouve aussi en Ps 69,5 : Ils sont nombreux plus que les cheveux de la tête, ils sont puissants ceux qui me détruisent,
mes haïssant sans raison ; mes ennemis de mensonge.
où « mes ennemis de mensonge » correspond à « mes haïssant sans raison » comme en Ps 35,19 : 19
Que ne se réjouissent pas de moi mes haïssant sans raison
mes ennemis de mensonge, qu’ils ne clignent pas de l’œil !
Le Ps 35, aux extrémités de la partie centrale (7.19), insiste particulièrement sur le fait que la haine est « sans raison ». Il existe aussi quelques rapports entre le Ps 35 et le Ps 22, autre psaume de la Passion : « ne t’éloigne pas de moi » revient en 35,22 et en 22,12 (et 20), 35,18 (« Je rendrai-grâce dans une assemblée immense, dans un peuple nombreux je te louerai ») trouve un écho en 22,23 (« Je raconterai ton nom à mes frères, au milieu de l’assemblée je te louerai »). Plus loin, au moment de l’arrestation de Jésus, Jean est le seul des évangélistes à rapporter que ceux qui étaient venus mettre la main sur lui reculèrent : « Quand Jésus leur eut dit : “C’est moi”, ils allèrent en arrière et tombèrent à terre » (Jn 18,6). Plusieurs y voient une allusion à Ps 35,4 : « Qu’ils reculent en arrière et soient confus, ceux qui projettent mon malheur ! ». Enfin « les témoins de mensonge » de Ps 35,11 font penser aux faux témoins du récit du procès de Jésus devant le sanhédrin : 59
Or, les grands prêtres et le Sanhédrin tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir ; 60 et ils n’en trouvèrent pas, bien que des faux
Le psaume 35
481
témoins se fussent présentés en grand nombre. Finalement il s’en présenta deux, 61 qui déclarèrent : « Cet homme a dit : Je puis détruire le Sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours » (Mt 26,59-61 ; par. Mc 14,55-59).
INTERPRÉTATION « COMME EN DEUIL D’UNE MÈRE » Le psaume est une longue lamentation qui donne lieu à une supplication redoublée (1-6 ; 22-28) où le psalmiste demande au Seigneur d’être sauvé de ses persécuteurs. Et pourtant, au cœur même du psaume est évoquée une autre supplication (13-14) qu’on pourrait être tenté d’oublier. Il fut un temps où ceux qui aujourd’hui s’acharnent contre le psalmiste étaient malades. Or, par le sac, le jeûne et la prière, dans les larmes, ce dernier avait supplié le Seigneur en leur faveur. Il les avait traités comme un « ami », bien plus, comme un « frère », davantage encore, comme un fils envers sa « mère » qu’il craint de perdre, qu’il a perdue. « PRIVÉ D’ENFANT » Il arrive, et c’est bien loin d’être rare, qu’il faille se faire pardonner le bien qu’on a fait, par ceux-là même qui en ont été les bénéficiaires. Comme si ces derniers ne pouvaient pas supporter de devoir se reconnaitre débiteurs. Celui qui avait sauvé la vie se voit acculé à la mort. Une fosse lui est préparée dans le secret où il devra disparaitre. Le voilà livré aux dents des fauves qui le déchirent. On en veut non seulement à sa vie, mais aussi à sa descendance. Il sera privé d’enfant, sans espoir, sans avenir. Ces enfants qu’on veut lui retirer, ne seraientils pas ses persécuteurs eux-mêmes, ceux que par ses soins et ses prières il avait en quelque sorte engendrés en les ramenant à la vie ? Niant leur filiation, par le fait même ils tuent leur père. « JUGE-MOI SELON TA JUSTICE » Le psalmiste n’entend pas répondre à la violence de ses persécuteurs par une violence symétrique ; renonçant à la vengeance, il s’en remet entièrement au jugement du Seigneur. Il ne lui demande pas d’écraser ceux qui veulent l’écraser, de tuer ceux qui s’en prennent à sa vie. Ce sont les armes défensives qu’il le prie d’utiliser, « écu et bouclier » (2) ; « la lance » qu’il lui dit de brandir n’aura pas d’autre but que de « barrer » la route à ses poursuivants (3). S’il supplie avec tant d’insistance « qu’ils rougissent » et « soient confus » (4.26), c’est qu’il souhaite qu’ils reviennent de leur folie et abandonnent leur conduite mauvaise. Le Seigneur en effet ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et vive (Ez 18,23.32).
482
La troisième section (Ps 26–41)
« PSAUME DE DAVID » La figure de David transparait en filigrane derrière les mots du psaume. Non pas le David qui exercera la violence à la fin de son règne, en faisant tuer Urie le Hittite dont il avait séduit l’épouse, mais celui qui, en fidèle serviteur du roi Saül, doit subir d’être payé par le mal pour le bien qu’il lui a fait, qui refuse de se venger et s’en remet à Dieu qui jugera entre lui et le roi qui veut le mettre à mort. Par son humilité et sa fidélité, David obtiendra que son adversaire reconnaisse son tort et renonce à le poursuivre. PSAUME DU FILS DE DAVID Il n’est pas étonnant que les premiers disciples de Jésus aient reconnu dans le visage de leur maitre les traits de son ancêtre David. C’est en effet « sans raison » que ses ennemis se sont acharnés contre l’innocent et l’ont poursuivi de leur haine. La seule « vengeance » que Jésus exerce contre ceux qui sont venus pour l’arrêter et le conduire au tribunal est de les faire reculer « en arrière », comme pour leur laisser le temps de se raviser. À Pierre qui brandira l’épée et exercera la violence contre le serviteur du grand prêtre en lui coupant l’oreille, Jésus commandera de remettre l’épée au fourreau. Devant les faux témoins suscités contre lui, il gardera le silence. La figure de David n’est pas celle du Serviteur d’Isaïe, mais elle l’annonce. UN AUTRE PSAUME20 Dans la Liturgie des heures d’après Vatican II, le Ps 35 (34 selon la Septante) est utilisé à l’office des lectures du vendredi de la première semaine, en trois parties étant donné sa longueur, mais avec trois coupes consistantes : I. 1-2 [3a] 3b [4-8] 9-10 II. 11-16 III. 17-19 [20-21] 22-23 [24-26] 27-28. Ce ne sont donc pas moins de dix versets et demi qui ont été caviardés. Ce sont ceux qui choquent par leur violence, celle qu’exercent sur le psalmiste innocent ses ennemis (7.20-21), celle aussi que leur victime semble vouloir exercer, dans les supplications qu’il adresse au Seigneur (3a.4-6.8.24-26). En censurant le texte, en l’expurgeant de ce qui pose question, c’est donc un autre psaume que la Liturgie des heures donne à prier. Or « Gommer les aspérités d’un texte est le plus sûr moyen pour qu’il vous glisse entre les doigts »21. Comme en montagne, les aspérités d’une paroi sont ce qui permet de progresser et, finalement, de la surmonter. Si on supprime ce qui fait question, il ne faudra pas s’étonner de ne pas recevoir de réponse. 20 21
Voir A. WÉNIN, Les psaumes censurés, 123-129. Formule adaptée d’un dit de Paul Beauchamp.
Le psaume 35
483
La lecture qui a été proposée du psaume dans son intégralité permet de redimensionner le scandale de la violence, s’il est vrai que le psalmiste y renonce et laisse à Dieu le soin de rétablir la justice. Quant à édulcorer la violence à laquelle le juste est confronté, c’est risquer de se voiler la face devant la réalité non seulement du monde dans lequel vivait celui qui a composé le psaume, mais aussi du monde dans lequel celui qui reprend sa prière doit se débattre aujourd’hui. C’est aussi une violence de plus qui est ainsi infligée au juste persécuté.
2. LE PSAUME 36 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, du serviteur de Yhwh, de David. 2 Oracle de Transgression au méchant au fond de son cœur, point de frayeur d’Élohim au regard de ses yeux ; 3 car il se flatte 4 Les paroles de sa (trop) lui-même à ses yeux pour trouver sa faute et la haïr. bouche iniquité et fraude, il a cessé d’être sage, d’être bon ; 5 l’iniquité il pense sur sa couche, il s’obstine dans le chemin pas bon, le mal il ne rejette pas. 6 Yhwh, dans les cieux ta fidélité, ta vérité jusqu’aux nues ; 7 ta justice, comme les monts de El, tes jugements, l’abime immense. L’adam et la bête tu sauves, Yhwh ; 8 combien précieuse ta fidélité, Élohim ! Et les fils d’Adam à l’ombre de tes ailes s’abritent, 9 ils s’enivrent de la graisse de ta maison et au torrent de tes délices tu les abreuves. 10 Oui, avec toi la source de la vie, par ta lumière nous verrons la lumière. 11 Conserve ta fidélité à tes connaissant et ta justice aux droits de cœur. 12 Ne m’atteigne le pied d’orgueil et que la main des méchants ne me chasse ! 13 Làbas sont tombés les faiseurs d’iniquité, ils ont été abattus et point n’ont pu se dresser. V. 2AB : «
ORACLE DE TRANSGRESSION AU MÉCHANT AU FOND DE SON CŒUR »
Habituellement, « oracle » placé en tête introduit une révélation qui vient de Dieu (voir Contexte) ; ici, c’est « Transgression » personnalisée qui prononce l’oracle adressé au « méchant ». Le texte massorétique a « mon cœur », les anciennes versions ont au contraire « son cœur », ce qui semble la leçon originale, comme en Ps 14,1 : « A dit l’insensé en son cœur : “Il n’y a pas de Dieu !” » V. 2D
: « AU REGARD DE SES YEUX »
Cette traduction inhabituelle entend respecter le parallélisme avec « au fond de son cœur » (2b), très sensible en hébreu : « au fond de » (beqereb), « au regard de » (l eneged). V. 3
: « IL SE FLATTE (TROP) À SES YEUX... »
Le verset faisait déjà difficulté pour les antiques versions, et bien des traductions modernes en ont été proposées1. Cependant le texte massorétique, suivi littéralement, fait sens2. V. 10B : « NOUS VERRONS LA LUMIÈRE
»
Habituellement traduit par un présent, le verbe peut en quelque sorte annoncer la demande qui suit3. 1
Ravasi, I, 657, nt. 13 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 615.616.619 ; Lorenzin, 159. Il est suivi, par exemple, par Lorenzin, 159 ; Vesco, 332 ; Ravasi, I, 649 ; ainsi que par les traductions de la BJ et de la TOB. 2
486
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION Il fut un temps où l’on y voyait deux psaumes distincts (2-5 ; 6-10) suivis d’une conclusion (11-13)4. Certains y distinguent quatre parties ou « strophes »5. La plupart y reconnaissent trois parties, mais, si les limites de la première partie sont les mêmes, il n’en va pas de même pour les deux autres6. Le psaume comprend trois parties dont la longueur va diminuant. La première (2-5) est consacrée au pécheur, la seconde au Seigneur (6-9) ; la troisième est une supplication qui conclut le psaume (10-13). LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) – 2 Oracle :: au fond
de Transgression de son cœur,
au méchant
– point :: au regard
de frayeur
d’Élohim
de ses yeux ;
= 3 car il flatte (trop) = pour trouver
lui -même sa faute
à ses yeux et la haïr.
··································································································
– 4 Les paroles – INIQUITÉ – il a cessé
de sa bouche et fraude, d’être sage,
– 5 L’INIQUITÉ – il se tient – le mal
il pense dans le chemin il ne rejette pas.
d’être-bon ; sur sa couche, pas bon,
Dans le premier morceau les deux premiers segments sont parallèles. Ce sont surtout leurs seconds membres qui se correspondent (2b.2d), avec le « cœur » et les « yeux » ; quant aux premiers membres, le premier présente le « méchant » en relation avec « Transgression » (2a), le second ce même « méchant » avec « Dieu » (2c). Le méchant est donc présenté comme obéissant au péché et ne craignant pas Dieu. Commençant par « car » le troisième segment donne la raison de ce comportement du méchant ; « faute » dans le dernier membre (3b) renvoie à « Transgression » dans le premier (2a) et les deux occurrences de « ses
3
Hakham, I, 202. Weiser, 305-306 ; Kraus, I, 397. 5 Girard, I, 616-617 (construction spéculaire : 2-5 ; 6-7 / 8-10 ; 11-13) ; deClaissé-Walford – al., 339 (2-5 ; 6-7 ; 8-10 ; 11-13). 6 2-5 ; 6-10 ; 11-13 pour Alonso Schoekel – Carniti, I, 617 ; Hakham, I, 189 ; Lorenzin, 172173 ; Vesco, 332. Pour Ravasi (I, 652) 2-5; 6-11; 12-13. 4
Le psaume 36
487
yeux » jouent le rôle de termes médians entre les deux derniers segments (2d.3a). Le deuxième morceau compte le même nombre de membres que le premier, mais il est formé de deux trimembres alors que le premier est formé de trois bimembres. Les deux segments sont complémentaires, le premier qualifiant ce qu’il dit « de sa bouche », le second ce qu’il « pense » « sur sa couche ». « Iniquité » revient en 4b et 5a ; « bon » (5b) rappelle « être-bon » 4c. Les premiers mots des deux morceaux sont similaires : « oracle » (2a) sont les paroles prononcées par « Transgression », la personnification du péché, « les paroles » (4a) sont celles du pécheur qui a faites siennes celles de « Transgression ». « Iniquité », « fraude » et « mal » du second morceau (4b.5c) sont des synonymes de « Transgression » et « faute » du premier morceau (2a.3b). LA DEUXIÈME PARTIE (6-9) + 6 YHWH, + ta vérité
dans les cieux jusqu’aux nues ;
TA FIDÉLITÉ,
+ 7 ta justice, + tes jugements,
comme les monts l’abime
de EL, immense.
···········································································································
= L’ADAM = 8 combien
et la bête précieuse
tu sauves, TA FIDÉLITÉ,
YHWH, ÉLOHIM !
············································································································
:: Et les fils :: à l’ombre 9
:: ils s’enivrent :: et au torrent
D’ADAM
de tes ailes
s’abritent,
de la graisse de tes délices
de ta maison tu les abreuves.
Dans les deux segments du premier morceau sont exaltées la « fidélité » du Seigneur, puis sa « justice » et ses « jugements » : à « dans les cieux » et « jusqu’aux nues » (6) correspondent « les monts » et « l’abime » (7). Le troisième morceau a pour sujet « les fils d’Adam » protégés par le Seigneur (8bc), nourris et abreuvés par lui (9) ; à « ta maison » correspond « tes ailes ». Le morceau central (7c-8a) ne compte qu’un seul segment, le seul dont les membres comptent quatre termes. Ses deux membres s’achèvent avec les seuls vocatifs de la partie. « Adam » du premier membre du morceau central reviendra dans le dernier morceau (8b). « Ta fidélité » dans le second membre se trouvait déjà au début du premier morceau (6a) ; « Yhwh » reprend le premier terme du premier morceau (6a) et « Élohim » rappelle « El » de 7a.
488
La troisième section (Ps 26–41)
LA TROISIÈME PARTIE (10-13) + 10 Oui, avec toi + par ta lumière
la source nous verrons
de la vie, la lumière.
····································································································
+ 11 Conserve + et ta justice
ta fidélité aux droits
à tes connaissant de cœur.
– 12 Ne m’atteigne – et que la main
le pied
d’orgueil
DES MÉCHANTS ne me chasse ! ···································································································· 13 Là-bas sont tombés LES FAISEURS D’INIQUITÉ,
– – ils ont été abattus
et point
n’ont pu
se dresser.
Les premiers termes des morceaux extrêmes opposent « avec toi », c’est-àdire avec le Seigneur, et « là-bas », où « sont tombés les faiseurs d’iniquité ». « La vie », et aussi « la lumière » s’opposent à « sont tombés » et « ont été abattus », car « tomber » signifie souvent « mourir »7. Le morceau central se distingue des deux autres du fait que ce sont des demandes. Le premier segment qui est positif renvoie au premier morceau, tandis que le deuxième segment qui est négatif annonce le dernier morceau. L’ENSEMBLE DU PSAUME Les trois parties sont arrangées selon le type AA’B. En effet, les deux premières opposent « l’iniquité » (deux fois : 4b.5a) du « méchant » et la « fidélité » (deux fois : 6a.8a) et la « justice » (7a) de « Yhwh » ; les sujets sont nommés en termes initiaux, le « méchant » en 2a, « Yhwh » en 6a. À noter que les noms divins n’apparaissent que dans la deuxième partie, « Yhwh » (6a), « El » (7a), conjoints à la fin des membres du segment central (7c.8a). La dernière partie conclut le psaume par une supplication qu’encadrent deux courts morceaux qui la motivent. Le premier versant (10-11) où est repris le couple « ta fidélité » (11a ; comme en 6a et 8a) et « ta justice » (11b ; comme en 7a) se rapporte donc au Seigneur de la deuxième partie ; le second versant (1213) où revient « méchants » (12b, au pluriel maintenant ; comme en 2a) et « iniquité » (13a ; comme en 4b.5a). Ainsi les deux versants correspondent de manière spéculaire aux deux premières parties.
7
Souvent le verbe connote la mort, par exemple en Am 5,1 : « Elle est tombée et ne se relèvera plus la vierge d’Israël ». Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 160 : « Ce verbe, souvent utilisé aussi dans l’expression “tomber par l’épée” (Nb 14,3.43 ; 2S 1,12 ; 3,29 ; Is 31,8 ; Ps 78,64) est l’équivalent de “mourir par l’épée” (Jr 21,9) ; il n’indique donc pas une simple chute, mais la mort violente, devant l’ennemi (dont “on ne se relève pas” : Jr 25,27) ».
Le psaume 36 1
Du maître-de-chant,
du serviteur
de YHWH,
– 2 Oracle – au fond
de Transgression de son CŒUR,
AU MÉCHANT
– point de frayeur – au regard
d’ÉLOHIM de ses yeux ;
– 3 car il se flatte (trop) – pour trouver
lui -même sa faute
489 de David.
à ses yeux et la haïr.
·································································································
– 4 Les paroles – INIQUITÉ – il a cessé 5
de sa bouche et fraude, d’être sage,
d’être bon ;
– L’INIQUITÉ – il s’obstine – le mal
il pense dans le chemin il ne rejette pas.
sur sa couche, pas bon,
+ 6 YHWH, + ta vérité
dans les cieux jusqu’aux nues ;
TA FIDÉLITÉ,
+ 7 TA JUSTICE, + tes jugements,
comme les monts l’abime
de EL, immense.
················································································································ et la bête tu sauves, YHWH ;
- L’adam - 8 combien
précieuse TA FIDÉLITÉ, ÉLOHIM ! ················································································································
:: Et les fils :: à l’ombre 9
:: ils s’enivrent :: et au torrent + 10 Oui, avec toi + par ta lumière
d’Adam de tes ailes
s’abritent,
de la graisse de tes délices
de ta maison tu les abreuves.
la source nous verrons
de la vie, la lumière.
································································································· TA FIDÉLITÉ à tes connaissant aux droits de CŒUR.
+ 11 Conserve + et TA JUSTICE
– 12 Ne m’atteigne – et que la main
le pied
d’orgueil
DES MÉCHANTS ne me chasse ! ·································································································
– 13 Là-bas – ils ont été abattus
sont tombés et point
les faiseurs n’ont pu
D’INIQUITÉ,
se dresser.
490
La troisième section (Ps 26–41)
CONTEXTE « ORACLE DE... » Dans le Psautier l’unique autre occurrence de « oracle » se trouve au début du Ps 110 : « Oracle du Seigneur à Monseigneur : “Siège à ma droite...” ». Comme dans le Ps 36, le destinataire de l’oracle est nommé. En Pr 30,1 — comme en Ps 36,2a.4a — « oracle » est mis en parallèle avec « paroles » : Paroles d’Agour, fils de Yaqé, de Massa, Oracle de cet homme : « Je me suis fatigué, Dieu... »
Le testament de David est qualifié d’« oracle », mais le nom du destinataire n’est pas mentionné : Voici les dernières paroles de David : Oracle de David, fils de Jessé, oracle de l’homme haut placé, de l’oint du dieu de Jacob, du favori des hymnes d’Israël : « L’esprit du Seigneur a parlé par moi... » (2S 23,1).
Cet oracle imite ceux de Balaam : Oracle de Balaam, fils de Béor, oracle de l’homme au regard pénétrant, oracle de l’homme qui entend les paroles de Dieu... (Nb 24,3.15-16).
« TOUS SONT SOUMIS AU PÉCHÉ » Pour appuyer son affirmation que tous, juifs et païens, sont pécheurs, en Rm 3,18 Paul aligne un certain nombre de textes bibliques, commençant par Ps 14,13 et finissant par Ps 36,2cd (selon la Septante). LA SAGESSE ET LA FEMME STUPIDE (PR 9,1-18) Les deux premières parties du Ps 36 qui opposent « Transgression » et « Yhwh » font penser au diptyque de Pr 9 où « la femme stupide » est mise en parallèle avec « la Sagesse », les deux tableaux étant reliés par une troisième partie qui règle les rapports entre « le railleur » et « le sage » et entre ce dernier et « Yhwh » « le Saint »8.
8 Voir l’analyse rhétorique de Pr 9 dans R. MEYNET – L. POUZET – N. FAROUKI – A. SINNO, Rhétorique sémitique. Textes de la Bible et de la Tradition musulmane, 179-188.
Le psaume 36
491
INTERPRÉTATION LA TRANSGRESSION ET L’INIQUITÉ DU MÉCHANT Le psaume commence par un coup de tonnerre sidérant : du jamais entendu ! Partout ailleurs les oracles sont prononcés par Dieu ou en son nom : « Oracle du Seigneur à Monseigneur » (Ps 110). Qui prononce l’oracle ici est la personnification du mal, « Transgression ». Son « oracle » n’est pas prononcé en public, mais seulement « au méchant », il se cache « au fond de son cœur ». Comme avec Caïn, la bête n’est pas restée tapie à sa porte, elle est entrée, elle a pris possession de son cœur. Elle en a chassé « Élohim » et pris toute la place. En réalité le méchant est possédé par le mal : avec ses « paroles » il fait sien l’« oracle » de Transgression. Il ne parle que d’« iniquité », il ne pense qu’à « l’iniquité » jusque « sur sa couche ». LA FIDÉLITÉ ET LA JUSTICE DE YHWH À la « transgression », la « faute », l’« iniquité » et « le mal » du méchant, s’opposent la « fidélité », la « vérité », la « justice » et les « jugements » du Seigneur. Cependant, la relation entre les deux premières parties ne s’épuise pas dans ce parallèle. Celui qui s’oppose au « méchant » qui évinçait Dieu, c’est tout autant le psalmiste qui, soudain, se met à lui parler. Le méchant niait « Élohim » qui ne comptait pas « à ses yeux », mais il ne se souciait pas davantage des autres hommes. En revanche, après avoir loué la « fidélité » de Yhwh, le psalmiste explicite longuement en quoi elle consiste, pour « l’adam » et même pour « la bête ». Le Seigneur les « sauve », il protège les hommes à l’ombre de ses ailes », il les nourrit et les abreuve de ce tout qu’il y a de meilleur ; il les traite dans « sa maison » comme des « fils ». « PAR TA LUMIÈRE NOUS VERRONS LA LUMIÈRE » La troisième partie enchaine directement sur la deuxième : en effet, le « torrent » des « délices » dont le Seigneur « abreuve » les fils d’Adam (9) est pour eux « source de la vie » (10). « La vie » et « la lumière » s’opposent aux ténèbres du schéol où « sont tombés » les méchants et d’où ils n’ont pu et ne pourront jamais plus se relever (13)9. La lumière trouve sa source en Dieu ; c’est celle qui habite ceux qui le « connaissent » et que le psalmiste demande à son Seigneur de « conserver » à ceux qui, comme lui, sont « droits de cœur ». Cette lumière s’oppose à l’obscurité qui règne dans « le fond de son cœur » (2), « l’iniquité » et « le mal » à quoi « il pense » « sur sa couche », au long des nuits. De cela le psalmiste demande d’être préservé (12) car lui seul peut le faire ; comme lui seul est en mesure de lui « conserver » sa « fidélité ».
9
Voir, par ex., Jb 10,21-22.
492
La troisième section (Ps 26–41)
« DU SERVITEUR DE YHWH, DE DAVID » Les paroles du psaume sont mises dans la bouche de « David », comme le seront aussi celles du Ps 110 qui commence de la même manière : « De David, psaume. Oracle de Yhwh à Monseigneur : “Siège à ma droite, tant que je mette tes ennemis escabeau pour tes pieds” » ; et qui s’achève avec l’image du « torrent » dont il est question dans le Ps 36 : « d’un torrent en chemin il boit ; c’est pourquoi il relève la tête ». Le roi est qualifié de « serviteur du Seigneur », car bien loin de s’asservir à « Transgression », il chante « la fidélité » et « la justice » de son Dieu et, humblement, lui demande de le protéger du mal, de « l’orgueil » et de lui conserver sa fidélité. Avant de prier pour lui au singulier (12), il prie d’abord au pluriel (10-11), c’est-à-dire non seulement pour lui-même mais aussi pour tout le peuple à la tête duquel le Seigneur l’a fait siéger.
3. LE PSAUME 37 Dans les psaumes 111 et 112 les vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu marquent le début de leurs vingt-deux membres. Dans les psaumes 25, 34 et 145, elles signalent le début d’autant de segments, bimembres surtout mais aussi trimembres. Le psaume 119 compte vingt-deux passages dont les huit segments commencent par la même lettre. Quant au psaume 37, il est le seul dont les lettres de l’alphabet marquent le début d’un groupe de deux segments ou même de trois (14 et 25). Le psaume a donné lieu depuis longtemps à diverses structurations1. D’aucuns le divisent en trois parties2, d’autres en quatre3, en cinq4 ou en six5. On remarquera que la plupart sont d’accord pour les limites de la dernière partie. Le psaume comprend sept parties organisées de manière concentrique.
1. « NE T’ÉCHAUFFE PAS CONTRE LE MAUVAIS » (1B-11) TEXTE 1
De David. Ne t’échauffe pas contre les méchants, ne jalouse pas les faiseurs de fausseté : 2 car comme l’herbe vite ils sont fanés et comme le vert du regain ils sont flétris. b 3 Aie confiance en Yhwh et fais le bien, habite la terre et fais-paitre la vérité. 4 et réjouis-toi en Yhwh et il te donnera les désirs de ton cœur. g 5 Remets à Yhwh ton chemin et aie confiance en lui, et lui il fera ; 6 et il fera-lever comme lumière ta justice et ton jugement comme le midi. d 7 Sois tranquille en Yhwh et attends-le, ne t’échauffe pas contre qui fait-réussir son chemin, contre l’homme faiseur d’intrigues ; h 8 Laisse la colère, renonce au courroux, ne t’échauffe pas, ce n’est que mal ; 9 car les méchants seront retranchés et ceux qui espèrent en Yhwh hériteront la terre ; 10 w encore un peu, et plus de méchant, tu t’enquiers de sa place, et il n’est plus ; 11 et les humiliés hériteront la terre et se réjouiront de beaucoup de paix. ’
1
En 1854 J. FORBES, The Symmetrical Structure of Scripture, 107-114 ; en 1890 E.W. BULLINGER, A Key to the Psalms by the late Rev. Thomas Boys, 34 ; P. AUFFRET, « “Aie confiance en lui, et lui, il agira” : Étude structurelle du Psaume 37 ». J. BAZAK, « Structural geometric patterns in biblical poetry » ; ID., Structures and contents in the Psalms : geometrical structural patterns in the Seven Alphabetic Psalms. 2 Ravasi, I, 674 : 1-9 ; 10-33 (subdivisé en trois « paragraphes » : 10-20 ; 21-26 ; 27-33) ; 34-40. 3 Girard, I, 628 : 1-9 ; 10-22 ; 23-38 ; 39-40 ; de même Vesco, 339. 4 Hakham, I, 204 : 1-11 ; 12-17 ; 18-29 ; 30-33 ; 34-40 ; deClaissé-Walford – al., 348: 1-11; 12-15; 16-26; 27-33; 34-40. 5 Lorenzin, 173 : 1b-7 ; 8-11 ; 12-15 ; 16-26 ; 27-33 ; 34-40.
494
La troisième section (Ps 26–41)
v. 3b : « fais-paitre la vérité » L’expression paraissant étrange, certains corrigent le texte et traduisent : « pais en fidélité »6, « repais-toi de fidélité »7, « cultive la fidélité »8 ; les traductions les plus répandues ont « vis tranquille » (BJ), « vis en sécurité » (Osty), « paitre en sécurité » (TOB)9. La septante : « tu paitras dans sa richesse ». Pour le texte massorétique, ce n’est pas le psalmiste qui est comparé à une brebis qui pais, mais à un berger qui mène paitre la vérité. L’expression est parallèle à celle par laquelle s’achève le premier membre, « fais le bien ». v. 8b : « ce n’est que mal » Litt. « seulement pour le mal ». COMPOSITION Cette partie s’organise en deux sous-parties. La première sous-partie (1b-6) :: 1b ’ NE T’ÉCHAUFFE PAS :: NE JALOUSE PAS 2
– CAR comme l’herbe – et comme le vert
contre LES MAUVAIS, les FAISEURS
de fausseté :
vite du regain
ils sont fanés ils sont flétris.
·························································································································· + b 3 AIE-CONFIANCE en YHWH et FAIS le bien, + HABITE la terre et pais la vérité + 4 ET RÉJOUIS-TOI en YHWH :
= ET il te donnera les désirs de ton cœur. ·························································································································· + g 5 REMETS en YHWH ton chemin + et AIE-CONFIANCE = 6 ET il fera-sortir = et ton jugement
en lui,
et lui
comme lumière comme le midi.
ta justice
IL FERA ;
Le premier morceau dit ce qu’il faut éviter de faire contre les « méchants » (1b-2), les deux autres l’attitude à adopter envers « Yhwh » (3-6) : « compter sur » lui (3a.5b). Ainsi la sous-partie est du type ABB’. Dans chacun des trois morceaux les conseils sont suivis de leur motivation ; celle-ci est introduite par « car » dans le premier morceau (2a), ensuite (4b.6) par 6
Mannati, II, 51 ; Deissler, 184. Vesco, 336. 8 Alonso Schoekel – Carniti, I, 626 ; Lorenzin, 160. 9 Voir Ravasi, I, 679. 7
Le psaume 37
495
un simple « et ». « Comme » revient deux fois à la fin du premier morceau, et deux fois encore à la fin du troisième, jouant le rôle de termes finaux. Le verbe « faire » se retrouve dans chacun des morceaux, toujours dans le premier segment. Le destinataire du psaume est invité à « faire le bien » (3a), sans jalouser « les faiseurs de fausseté » (1c). Contrairement aux deux premières, la troisième occurrence, « il fera » (5b) a Dieu pour sujet, mais n’a pas de complément d’objet. Ainsi, l’action de Dieu, sa réponse à la confiance et à l’abandon de l’homme juste, est, pour ainsi dire, laissée à son initiative et à sa générosité. Il fera tout ce dont le juste a besoin, tout ce qu’il désire (4b), et l’on peut même comprendre qu’il fera même bien davantage encore. La deuxième sous-partie (7-11) + d 7 SOIS TRANQUILLE + et ATTENDS -
en YHWH le,
:: NE T’ÉCHAUFFE PAS :: contre l’homme
contre qui fait-réussir faiseur
:: h 8 LAISSE :: RENONCE :: NE T’ÉCHAUFFE PAS,
la colère, au courroux, ce n’est que mal.
son chemin, d’intrigues ;
·········································································································· 9
– Car les mauvais = et ceux qui espèrent = eux 10
– w et encore – tu t’enquiers = 11 et les humiliés = et se réjouiront
seront retranchés YHWH hériteront
la terre ;
un peu, de sa place ,
et plus de et il n’est plus ;
hériteront de beaucoup
la terre de paix.
méchant,
Le premier morceau est une suite d’impératifs, réglant d’abord le comportement envers Dieu (7ab), puis envers les méchants (7c-8). Alors que le second segment (7cd), qui nomme les destinataires de l’échauffement, énonce les relations de violence entre les contendants, et il semble que le segment suivant (8) se concentre au contraire sur le mal que la colère cause à celui qui l’éprouve. « Ne t’échauffe pas » revient dans les membres extrêmes des deux segments qui concernent les méchants, jouant le rôle de termes extrêmes. Introduit pas « car », le second morceau (9-11) donne la motivation des conseils précédents, en comparant de manière parallèle le sort des « méchants » (9a et 10ab) avec celui de « ceux qui espèrent en Dieu » (9bc) et des « humiliés » (11ab).
496
La troisième section (Ps 26–41)
L’ensemble de la partie (1b-11) :: 1b ’ NE T’ÉCHAUFFE PAS :: NE JALOUSE PAS 2
– CAR comme l’herbe – et comme le vert
CONTRE LES MAUVAIS, les FAISEURS
de fausseté :
vite du regain
ils sont fanés ils sont flétris.
··························································································································
+ b 3 AIE-CONFIANCE + HABITE + 4 et RÉJOUIS-TOI = ET il te donnera
en Yhwh LA TERRE en Yhwh :
et FAIS et pais
les désirs
de ton cœur.
le bien, la vérité
··························································································································
+ g 5 REMETS + et AIE-CONFIANCE = 6 ET il fera-sortir = et ton jugement + d 7 SOIS TRANQUILLE + et ATTENDS -
en Yhwh en lui,
ton chemin et lui
comme lumière comme le midi.
ta justice
IL FERA ;
en Yhwh le,
:: NE T’ÉCHAUFFE PAS :: contre l’homme
CONTRE qui fait-réussir
:: h 8 LAISSE :: RENONCE :: NE T’ÉCHAUFFE PAS,
la colère, au courroux, ce n’est que MAL ;
FAISEUR
son chemin, d’intrigues ;
·························································································································· – 9 CAR LES MAUVAIS seront retranchés
= et ceux qui espèrent = eux 10
– w et encore – tu t’enquiers = 11 ET les humiliés = et se réjouiront
Yhwh hériteront
LA TERRE ;
un peu, de sa place,
et plus de méchant, et il n’est plus ;
hériteront de beaucoup
LA TERRE de paix.
Les deux parties comportent également des conseils positifs et négatifs, les uns concernant les rapports avec Dieu, les autres avec les méchants. Les conseils positifs sont motivés par la récompense qui attend les justes, les conseils négatifs par le châtiment que les injustes auront mérité. Ces éléments sont arrangés diversement dans les deux parties. Dans les trois morceaux de la première, conseils et motivations se succèdent dans le même ordre ; dans la deuxième au contraire les conseils sont regroupés dans le premier morceau, les motivations dans le second. Conseils négatifs et positifs se répondent de manière spéculaire dans les deux
Le psaume 37
497
parties : 2 négatifs (1bc) puis 5 positifs (3ab.4a.5ab) – 2 positifs (7ab) puis 4 négatifs (7c.8abc). Le premier segment de la première partie (1bc) trouve son correspondant dans le second segment de la deuxième partie (7cd) ; ils commencent avec « ne t’échauffe pas contre » (1b.7c) et s’achèvent avec « les faiseurs de fausseté » et « faiseur d’intrigues » (1c.7d). Les deux occurrences de « les méchants » jouent le rôle de termes initiaux pour les morceaux extrêmes (1b.9a). Le « chemin » du méchant (7c) s’oppose à celui du juste (5a). « Habite la terre » de 3b annonce les deux occurrences de « hériteront la terre » du dernier morceau (9c.11a). Les synonymes « ils sont fanés » et « ils sont flétris » dans le premier morceau (2ab) trouvent leur correspondant avec « seront retranchés » et avec « et plus de méchant » et « il n’est plus » dans le dernier morceau (9a.10ab).
CONTEXTE « Évite le mal et fais le bien » (Ps 34,15) Trois psaumes avant le Ps 37 retentit l’invitation fréquente par laquelle commence aussi le livre d’Isaïe : « Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien ! (Is 1,16-17), mais que l’on entendait déjà deux fois dans la séquence centrale du livre d’Amos : « Cherchez le bien et non le mal, afin que vous viviez [...], Haïssez le mal et aimez le bien » (Am 5,14-15)10.
INTERPRÉTATION « Ne t’échauffe pas contre les méchants » Si par trois fois le psalmiste invite son interlocuteur à ne pas s’échauffer contre les méchants (1b.7c.8c), c’est qu’il y aurait bien de quoi. En effet, aux intrigants et menteurs, aux « faiseurs de fausseté » (1c) et « faiseurs d’intrigues » (7d) tout réussit (7c). Le juste est donc tenté de les envier et c’est pourquoi il est invité à ne pas les jalouser (1c). La « colère » et le « courroux » devant l’humiliation ne servent à rien, bien au contraire : cela ne peut que faire « mal » (8), pire, ne peut que conduire le juste sur le chemin du « mauvais », qui sera ainsi entrainé à devenir « mauvais » comme lui. « Aie confiance en le Seigneur » Il ne suffit pas d’éviter « le mal » (8c), encore faut-il « faire le bien » (3a). Par opposition à la conduite des « mauvais », « faire le bien » signifie faire le contraire de « la fausseté » (1c) et des « intrigues » (7d), c’est-à-dire faire « la vérité » (3b). 10
Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 178.
498
La troisième section (Ps 26–41)
Et la vérité, c’est d’« avoir confiance » dans le Seigneur (3a.5b), « se réjouir » en lui (4a), lui « remettre » son « chemin » (5a), « être tranquille » en lui, « l’attendre » (7ab). Attendre de lui seul le salut : car c’est lui qui « fera » (5b). « Les mauvais seront retranchés » Il ne vaut pas la peine de jalouser les mauvais car « vite » ils seront « fanés », « flétris » (2). Qui plus est, ils seront « retranchés » (9a). Ils ne dureront guère, « encore un peu » et « le méchant » « n’est plus », tout simplement (10). « Les humiliés hériteront la terre » Le sort de « ceux qui espèrent le Seigneur » (9b) retient davantage l’attention du psalmiste que celui des mauvais. Ce qui est bien naturel, puisque c’est à eux qu’il s’adresse. Ce n’est qu’en finale qu’ils sont appelés « les humiliés » (11a), c’est-à-dire ceux que les méchants écrasent par leur « fausseté » et leurs « intrigues ». Le Seigneur accomplira « les désirs de leur cœur » (4b), leur « justice » resplendira comme le plein jour (6) ; par deux fois il est dit qu’« ils hériteront la terre » (9c.11a), ce qui est une manière indirecte mais claire de faire entendre que le Seigneur les traite comme ses enfants. Tout se termine dans la joie, et le dernier mot est à la « paix ».
2. « LE SEIGNEUR SE RIT DU MÉCHANT » (12-13) TEXTE z
12 13
Le méchant complote contre le juste et grince des dents contre lui ; le Seigneur se moque de lui, car il voit que vient son jour.
v. 13b : « son jour » Le pronom « son » peut avoir comme référent soit « le Seigneur », soit « le méchant » repris par le pronom « lui » en 13a. En fait, ce « jour » est celui où le méchant sera jugé par le Seigneur. C’est donc à la fois celui du Seigneur et celui du méchant11.
11
Mannati, II, 59, nt. 15.
Le psaume 37
499
COMPOSITION – z 12 Il complote – et grince
contre lui
contre le juste des dents ;
+ 13 LE SEIGNEUR + car il voit
se rit-de lui, que vient
son jour.
LE MÉCHANT
Les deux segments opposent « le méchant » et « le Seigneur ». Ils se correspondent de manière spéculaire : tandis que le méchant « grince des dents » (12b), le Seigneur « se rit de lui » (13a) et tandis que le méchant prépare le mal qu’il veut infliger au juste (12a), le Seigneur prévoit le jour de son châtiment (13b).
CONTEXTE « Le jour du Seigneur » Ce jour est redoutable pour les méchants, car c’est le jour de leur jugement : 18
Malheur à ceux qui aspirent au jour du Seigneur ! Que sera-t-il pour vous le jour du Seigneur ? Il sera ténèbre et pas lumière. 19 Tel l’homme qui fuit devant un lion et voilà que le surprend un ours ; et il va à la maison, appuie sa main au mur et voilà que le mord un serpent. 20 Certes il sera ténèbre le jour du Seigneur et pas lumière, et sombre et pas de clarté en lui (Am 5,18-20).
Le Seigneur se moque Dans le Ps 2, le Seigneur se moque de la rébellion des nations et de leurs rois : « Celui qui siège dans les cieux se rit, le Seigneur se moque d’eux. Alors il leur parle dans sa colère et en sa fureur il les épouvante » (Ps 2,4-5 ; voir p. 39).
INTERPRÉTATION Les grincements de dents du méchant qui complote contre le juste n’ont d’autre effet que de faire rire le Seigneur. Le contraste est particulièrement frappant entre ces deux manifestations corporelles. C’est que le Seigneur sait bien que ces menaces sont vaines et ne porteront pas à conséquence pour le juste ; pour le méchant au contraire, le jour du Seigneur sera celui du jugement et du châtiment.
500
La troisième section (Ps 26–41)
3. LE SORT DES MÉCHANTS (14-20) TEXTE ḥ
14
15
ṭ
16 17
y
18 19
k
20
Les méchants ont tiré l’épée et ils ont tendu l’arc, pour faire-tomber le miséreux et le petit, pour égorger les droits de chemin. Leur épée viendra dans leur cœur et leurs arcs seront brisés. Mieux vaut un peu pour le juste que l’abondance des méchants puissants ; car les bras des méchants seront brisés et il soutient les justes Yhwh. Yhwh connaît les jours des parfaits et leur héritage sera pour toujours ; ils ne rougiront pas au temps mauvais et aux jours de famine ils seront rassasiés. Car les méchants périront et les ennemis de Yhwh ; comme la parure des prés ils sont achevés, en fumée ils sont achevés.
v. 16 : « des méchants puissants » La Septante traduit : « la richesse des pécheurs nombreuse », le dernier terme qualifiant « la richesse ». Dans le texte massorétique le dernier terme est au pluriel et qualifie le terme précédent, « les méchants » ; rabbîm signifie « nombreux », « grands », mais aussi « puissants », par exemple en Jb 35,9 : « Sous la grandeur des oppressions ils crient, ils clament sous le bras des grands », que l’on peut traduire aussi par « Sous la puissance des oppressions ils crient, ils clament sous le bras des puissants »12. v. 20c : « comme la parure des prés » Ce membre, kîqar kārîm kālû (dont les trois termes commencent avec la même consonne, faisant donc assonnance) a fait difficulté dès l’antiquité. Ainsi la Septante, suivie par la Vulgate, traduit : « les ennemis du Seigneur, à peine seront-ils glorifiés et élevés, comme la fumée s’évanouiront ». Le substantif kār peut signifier « bélier » (Dt 32,14) ou « pré » (Is 30,23). Certains traduisent : « comme graisse des béliers disparaitront, comme fumée disparaitront »13 ; la plupart « la parure des prés », ce qui correspond mieux à l’image du verset 2. Les deux occurrences de kālû sont rendues par « achever » comme au centre du Ps 11914.
12
Voir Ravasi, I, 664.684. Ainsi Vesco, 337 qui explique en note : « “Ils disparaitront”, comme les animaux sacrifiés. La destruction des ennemis est comparée à l’égorgement ou à la combustion des victimes en Is 34,6 ; Jr 12,3... ». 14 Voir Le Psautier. Cinquième livre, 250-251 ; dans les strophes Kaph et Lamed, la racine KLh revient quatre fois. 13
Le psaume 37
501
COMPOSITION Comme la première, cette partie comprend elle aussi deux sous-parties. La première sous-partie (14-15) :: ḥ 14 L’épée :: et ils ont tendu
ont tiré leur arc,
LES MÉCHANTS,
:: pour faire tomber :: pour égorger
le miséreux LES DROITS
et le petit, de chemin.
– 15 Leur épée – et leurs arcs
viendra seront brisés.
dans leur cœur
La conduite des « méchants » envers « les droits » (14) sera châtiée quand « leur épée » se retournera contre eux (15). « Épée » et « arc(s) » sont repris dans les segments extrêmes, en miroir. La deuxième sous-partie (16-20) + ṭ 16 Mieux – que l’abondance
un peu DES MÉCHANTS
pour LE JUSTE puissants ;
– 17 CAR les bras + et il soutient
DES MÉCHANTS seront brisés LES JUSTES YHWH. ························································································································ + y 18 Il connait YHWH les jours DES PARFAITS
+ et leur héritage
pour toujours
sera ;
+ 19 ils ne rougiront pas + et aux jours
au temps de famine
mauvais ils seront rassasiés.
························································································································ – k 20 CAR LES MÉCHANTS périront – et les ennemis de YHWH ;
– comme la parure – en fumée
des prés
ils sont achevés, ils sont achevés.
Le premier morceau commence par opposer « le peu » du juste à « l’abondance » des méchants (16), puis énonce, de manière spéculaire, leurs sorts respectifs, « méchants » d’abord (17a) « justes » ensuite (17b). Les deux morceaux suivants opposent le sort des « parfaits » (18-19) et celui des « méchants » (20). Ces morceaux renvoient, de manière spéculaire, le premier à 17b, le second à 17a ; on notera que 17a commence avec « car » comme 20.
502
La troisième section (Ps 26–41)
L’ensemble de la partie (14-20) :: ḥ 14 L’épée :: et ils ont tendu
ont tiré leur arc,
LES MÉCHANTS
:: pour faire tomber :: pour égorger
le miséreux
et le petit, de chemin.
– 15 Leur épée – et leurs arcs + ṭ 16 Mieux :: que l’abondance
LES DROITS
viendra seront brisés.
dans leur cœur
un peu
pour LE JUSTE puissants ;
DES MÉCHANTS
– 17 car les bras = et il soutient
DES MÉCHANTS seront brisés LES JUSTES YHWH. ······················································································································· = y 18 Il connait YHWH les jours DES PARFAITS
= et leur héritage 19
= ils ne rougiront pas = et aux jours
pour toujours
sera ;
au temps de famine
mauvais ils seront rassasiés.
······················································································································· – k 20 Car LES MÉCHANTS périront – et les ennemis de YHWH ;
– comme la parure – en fumée
des prés
ils sont achevés, ils sont achevés.
« Un peu » de 16a renvoie aux « droits » qui ont peu, à savoir « le miséreux et le petit » de 14c ; « l’abondance » des méchants (16b) est donc le fruit de la rapine exercée contre les petits. Le nom de « Yhwh » n’est prononcé que dans la deuxième partie, dans chacun des trois morceaux ; on peut dire que ce nom était sous-entendu dans le dernier verbe de la première partie (15b), un passif divin repris en 17a. Le psalmiste insiste davantage sur le sort des méchants (sept membres) que sur celui des justes (cinq membres). Ils sont le sujet de la première partie, les « droits » n’étant que leurs victimes ; en outre leur destin est mis en valeur du fait que c’est sur eux que s’achève chacune des deux parties (15 ; 20), jouant ainsi le rôle de termes finaux.
INTERPRÉTATION Les méchants partiront en fumée Le sort des méchants s’aggrave progressivement. Ce sont d’abord ses armes qui sont mises hors d’usage, bien plus, qui se retournent contre lui (15). Puis, le
Le psaume 37
503
Seigneur brisera non seulement leur arc, mais aussi les bras qui le bandait (17a). Enfin, ils « périront » et, comme l’herbe des champs, ils partiront en fumée et seront achevés (20). Les miséreux hériteront pour toujours Quant aux « justes » (16a.17b), appelés aussi « les droits » (14d), « les parfaits » (18a), ce sont les « miséreux », les « petits » (14c), c’est-à-dire ceux qui sont rendus tels par les méchants ; ceux-ci du reste ne se contentent pas de les appauvrir et de les avilir, ils vont jusqu’à comploter leur mort, les poursuivant par l’épée et par l’arc. Or, si les méchants seront éliminés avec armes et bagages, il n’en sera pas ainsi des justes. De miséreux « ils seront rassasiés » (19), bien plus, ils « hériteront » du Seigneur, et ce sera « pour toujours » (18), discrète manière de dire qu’ils sont fils de Dieu.
4. LE MAUVAIS ET LE JUSTE (21-24) TEXTE l
21 22
m
23 24
Le méchant emprunte et point ne rend mais le juste a pitié et il donne ; car ses bénis hériteront la terre et ses maudits seront retranchés. Par Yhwh les pas de l’homme sont affermis et son chemin lui plait ; s’il tombe, il n’est pas terrassé, car Yhwh tient sa main.
v. 22a : « hériteront » Toutes les traductions françaises consultées traduisent le verbe yāraš par « posséder » ; cette traduction gomme le donateur, qui dans le cas présent est Dieu lui-même. v. 23a : « Par Yhwh les pas de l’homme sont affermis » Plusieurs renvoient « sont affermis » au début du second membre et le corrigent en « il affermit »15. Le texte massorétique fait sens et il n’est pas nécessaire de le corriger16. v. 23b : « et son chemin lui plait » Le problème est d’identifier les référents des pronoms « son » et « lui ». Estce le chemin de Dieu qui plait à l’homme ou est-ce le chemin de l’homme qui plait à Dieu ? Cette dernière solution est préférable, car elle est appuyée par la construction du morceau 23-2417. 15
Par ex. Kraus, I, 403 ; Mannati, 54 ; Beaucamp, 164 ; Jacquet, I, 765. Voir Ravasi, I, 665; Vesco, 337. 17 Ainsi Delitzsch, II, 15 ; Ravasi, I, 686; deClaissé-Walford – al., 351. 16
504
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION – l 21 Il emprunte + mais LE JUSTE
LE MÉCHANT
+ 22 car SES BÉNIS – et CEUX-QUI-SONT-MAUDITS
hériteront seront retranchés.
a pitié
et point et il donne ;
ne rend
la terre
····························································································································
+ m 23 Par YHWH :: et son chemin
les pas lui plait ;
:: 24 s’il tombe, + car YHWH
il n’est pas terrassé, le soutient
DE L’HOMME
sont affermis
de sa main.
Les deux segments du premier morceau se correspondent en miroir. Le second énonce le sort final des deux personnages. Le second morceau nomme par deux fois celui qui « bénit » le juste et qui « maudit » « le méchant » du segment précédent, à savoir « Yhwh ». Il est construit comme le premier morceau de manière spéculaire : aux extrémités les actions de Yhwh et entre deux la conduite de « l’homme » (geber, « l’homme fort », aussi au sens moral), « le juste » du premier morceau. Il est toujours protégé par le Seigneur, soit quand il marche dans le droit « chemin » qu’il suit (23b), soit quand il lui arrive d’y tomber (24a). Quant au rapport entre les deux morceaux, il ne saute pas aux yeux : en effet, aucun terme commun ne le signale.
CONTEXTE « Qui donne au pauvre prête à Dieu » Ce vers fameux de Victor Hugo est emprunté au livre des Proverbes : « Qui a pitié du pauvre prête à Dieu et il lui revaudra son bienfait » (Pr 19,17)18. C’est ce que dit, en d’autres termes, le premier morceau du passage central du Ps 37. « Il met sur le chemin ses pas » (Ps 85,14) La dernière partie du Ps 85 raconte l’histoire d’amour entre le Seigneur et la terre d’Israël, entre « vérité qui germe de la terre » et « justice qui du ciel se penche », d’où naitra un fils auquel le Seigneur apprendra à marcher : « “Justice” devant lui marchera et (lui) mettra sur le chemin ses pas »19.
18 19
V. HUGO, Feuilles d’automne, XXXII, « Pour les pauvres ». Voir R. MEYNET, « L’enfant de l’amour (Ps 85) ».
Le psaume 37
505
INTERPRÉTATION Bénis et maudits Le Seigneur jugera le méchant et le juste. Le seul critère sur lequel ils seront jugés n’est pas le culte, mais la justice. Le méchant est celui qui vole, mais qui ajoute le mensonge au vol, puisqu’il trompe son prochain en ne lui rendant pas ce qu’il lui a emprunté. Le comportement du juste n’est pas symétrique à celui du méchant : le juste n’est pas celui qui rend, mais celui qui « donne », donc sans attendre de retour. Comme le Seigneur en réalité, qui donne la vie. Et qui fera hériter le juste, c’est-à-dire lui transmettra gratuitement ce qu’il a sans que son fils ait rien dû faire pour cela. Quant au sort des méchants, lui non plus n’est pas symétrique de celui du juste : non seulement ils ne recevront rien en héritage, mais ils seront éradiqués, arrachés de la terre, du pays. Seul le juste demeure avec son Seigneur Il peut paraitre curieux qu’il n’existe aucun lien entre les deux volets du passage. C’est sans doute que les méchants ayant été retranchés, ne reste en scène que « l’homme » juste en compagnie de Yhwh qui l’accompagne sur le chemin. Le Seigneur est dépeint, discrètement, sous les traits d’un père qui, comme à la fin du Ps 85, guide les pas chancelants d’un fils qui apprend à marcher, d’un père prêt à le soutenir de sa main quand il lui arrive de tomber. Tel père, tel fils Inexistant en apparence, le rapport entre les deux morceaux du passage n’en est pas moins très fort. Le Dieu père qui enseigne à marcher à son fils, qui le guide sur le chemin (23-24), est aussi celui qui le fait « hériter » de la terre (22a). Et, à son image, le juste se montre le digne fils qui accomplit les œuvres de son père quand il « donne » gratuitement comme lui-même reçoit gratuitement l’héritage.
5. LE SORT DES JUSTES (25-31) TEXTE 25
J’étais jeune et puis j’ai vieilli, je n’ai pas vu le juste abandonné ni sa lignée cherchant du pain ; 26 tout le jour il a pitié, il prête et sa lignée (sera) en bénédiction ! s 27 Évite le mal et fais le bien et tu habiteras pour toujours. 28 Car Yhwh aime le jugement et il n’abandonne pas ses fidèles ; ‘ pour toujours ils seront gardés mais la lignée des méchants sera retranchée ; 29 les justes hériteront la terre et ils habiteront à jamais sur elle. p 30 La bouche du juste murmure la sagesse et sa langue profère le jugement ; 31 la loi de son Dieu dans son cœur : ses pas ne chancellent point. n
506
La troisième section (Ps 26–41)
v. 28b : « pour toujours » Étant donné que le premier terme, l e’ôlām, commence par lamed, alors que l’aphabétisme est arrivé à ‘ayn, plusieurs corrigent en remplaçant l e’ôlām par un mot qui commence par ‘ayn : ‘awwalîm, « les pervers », « les injustes », ce qui entraine la correction de « ils seront gardés » (nišmārû) par « ils seront détruits » (nišmedû). Ces corrections s’appuient sur la Septante qui a : « les injustes seront détruits ». S’il est vrai que le premier terme commence par lamed et non par ‘ayn, le lamed est une préposition qui introduit le substantif ’ôlām lequel commence par ‘ayin20.
COMPOSITION Cette partie s’organise en trois sous-parties. La première sous-partie (25-26) + n 25 Jeune + et aussi
j’étais, j’ai vieilli ;
:: je n’ai pas vu – ni SA LIGNÉE
le juste cherchant
abandonné, du pain ;
:: 26 tout le jour = et SA LIGNÉE (sera)
il a pitié, en bénédiction !
il prête,
Après un premier segment où le mérisme « jeune » – « vieilli » signifie « durant toute ma vie », ce sont deux autres bimembres qui dépeignent le sort du juste (25bc) qui est dû à sa bonne conduite (26a) ; « le juste » est défini comme celui qui « a pitié », qui « prête ». Des derniers segments se correspondent de manière spéculaire : « abandonné » s’oppose à « en bénédiction » (25c.26a), « cherchant du pain » à « il a pitié, il prête » ; par ailleurs, les deux occurrences de « sa lignée », en position identique, indiquent que la récompense atteint le juste jusque dans sa descendance.
20
Voir Hakham, I, 215.
Le psaume 37
507
La deuxième sous-partie (27-29) + s 27 Évite + et fais = ET TU HABITERAS
le mal le bien POUR TOUJOURS.
·······························································································
+
28
Car Yhwh = et il n’abandonne pas
aime ses fidèles ;
+ ‘ POUR TOUJOURS – mais la lignée
ils seront gardés des méchants
+ 29 les justes = ET ILS HABITERONT
À JAMAIS
hériteront
le jugement
sera retranchée ; la terre sur elle.
Les deux impératifs du premier morceau sont suivis par leur conséquence. Introduit par « car », le second morceau explicite, cette fois-ci à la troisième personne, le dernier membre du morceau précédent. « Les méchants » (28d) s’opposent à « ses fidèles » (28b) et à « les justes » (29a). « La lignée » (28d) désigne les descendants des méchants ; la même idée est reprise dans le dernier segment, non seulement avec « hériteront » (29a) mais plus clairement encore dans le dernier membre, où l’héritage de la terre se prolonge « à jamais ». « Et tu habiteras pour toujours » (27c) et « et ils habiteront à jamais » (29b) remplissent la fonction de termes finaux pour les deux morceaux. La troisième sous-partie (30-31) + p 30 La bouche-du-juste + et sa langue + 31 la loi = ne chancelleront point
murmure profère de son Dieu
la sagesse le jugement ; dans son cœur :
ses pas.
Dans le trimembre initial « la sagesse » et « le jugement » sont identifiés ensuite à « la loi de Dieu » ; elle est dans sa « bouche », sur sa « langue » et dans son « cœur ». L’unimembre final énonce la conséquence ou la récompense de la conduite du juste.
508
La troisième section (Ps 26–41)
L’ensemble de la partie (25-31) + n 25 Jeune + et aussi
j’étais, j’ai vieilli ;
:: je n’ai pas vu – ni SA LIGNÉE
LE JUSTE cherchant
:: 26 tout le jour = et SA LIGNÉE (sera)
il a pitié,
+ s 27 Évite + et fais = ET TU HABITERAS
EN BÉNÉDICTION
ABANDONNÉ du pain ; il prête !
le mal le bien POUR TOUJOURS.
····································································································
+ 28 Car Yhwh = ET IL N’ABANDONNE PAS
aime ses fidèles ;
+ ‘ pour toujours – mais LA LIGNÉE
ils seront gardés des méchants
+
29
LES JUSTES = ET ILS HABITERONT
+ p 30 La bouche-du-JUSTE + et sa langue + 31 la loi = NE CHANCELLERONT POINT
LE JUGEMENT
sera retranchée ;
hériteront
la terre
À JAMAIS
SUR ELLE.
murmure profère de son Dieu
la sagesse LE JUGEMENT ; dans son cœur :
SES PAS.
Dans la première sous-partie le juste est celui qui se comporte avec pitié envers son prochain ; dans la dernière, de manière complémentaire, il est présenté dans son rapport avec « son Dieu ». La sous-partie centrale est la seule qui soit adressée à une deuxième personne du singulier. À la fin de chaque souspartie, et même de chaque morceau, est énoncée la récompense du juste. La sous-partie centrale reprend « abandonner » (28b) de la première sous-partie (25c), de même que « le jugement » (28a) de la dernière sous-partie (30b).
INTERPRÉTATION Les œuvres du juste Tout le passage est consacré au juste ; l’unique mention des « méchants » (28d) n’est là que pour faire mieux ressortir le sort béni des justes. Il est remarquable que les rapports du juste avec les autres hommes soient mentionnés avant ceux qu’il entretient avec Dieu. Il faut peut-être comprendre que ce sont les
Le psaume 37
509
œuvres concrètes, la pitié qui pousse le juste à prêter à son prochain (26) qui permettent de voir sa « sagesse » et son « jugement » qui prennent leur source dans la méditation de « la loi de son Dieu » (30-31a). Sont ainsi évoquées les deux tables du décalogue qui articulent les devoirs envers Dieu et envers le prochain. L’œuvre des mains vérifient la véracité de ce qui se trouve dans le cœur et qui est énoncé par la langue et la bouche. La récompense du juste Aux œuvres du juste répondent celles de Dieu. Le psalmiste témoigne que de toute sa vie — et il n’est plus jeune — que le Seigneur n’abandonne jamais ses fidèles, qu’il leur procure le « pain » (23.28b). « Ses pas ne chancelleront pas » (31b). Contrairement aux méchants qui seront retranchés, les justes « habiteront la terre » d’Israël, « à jamais ». La bénédiction divine ne se limite pas au présent, ni même à la vie du juste ; elle s’étend à « sa lignée » (25d.26b), contrairement à celle des méchants (28). Adresse au lecteur Le passage n’est pas seulement descriptif, il est aussi appellatif. Le psalmiste commence à la première personne du singulier : « Jeune j’étais... », et, au début de la partie centrale il interpelle son lecteur, celui qui reprend ses paroles dans la prière pour les faire siennes : « Évite le mal et fais le bien ». Comme le juste, comme le Seigneur lui-même. Ainsi il deviendra fils de Dieu, héritant la terre, car il aura rejoint le groupe des justes et du psalmiste qui en fait partie lui aussi.
6. LE SEIGNEUR N’ABANDONNE PAS LE JUSTE (32-33) TEXTE ṣ
32 33
Le méchant guette le juste et cherche à le faire mourir ; Yhwh ne l’abandonne pas à sa main et pas ne le fait-méchant dans son être-jugé.
v. 33b : « et point ne le fait-méchant dans son être-jugé » Le premier verbe du membre, qui est de la même racine que « méchant » (rš‘), signifie « déclarer-coupable ».
510
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION – ṣ 32 Il guette = et cherche à
le méchant LE FAIRE-MOURIR ;
le juste
+ 33 Yhwh = et POINT NE LE FAIT-MÉCHANT
ne l’abandonne pas dans son être-jugé.
à sa main
Les deux segments opposent la conduite du « méchant » envers « le juste » à celle de « Yhwh » : alors que le méchant veut faire condamner à mort le juste, le Seigneur le déclare innocent au tribunal où il est jugé.
CONTEXTE « Tu ne témoigneras pas à faux contre ton prochain » (Ex 20,16) Le décalogue met en parallèle l’homicide et le faux témoignage, ce dernier pouvant mener à une condamnation à mort sans motif lors d’un procès devant le tribunal21.
INTERPRÉTATION Le méchant « guette » le juste comme la bête féroce sa proie. C’est ainsi qu’est présenté celui qui au tribunal accuse sa victime et cherche par un faux témoignage à « le faire mourir ». Mais le Seigneur veille à ne pas le laisser tomber dans ses griffes et fait advenir la vérité qui l’innocente.
7. « ESPÈRE EN LE SEIGNEUR » (34-40) TEXTE 34
Espère en Yhwh et garde son chemin, et il t’exaltera pour hériter la terre : le retranchement des méchants tu verras. r 35 J’ai vu le méchant redoutable et dépouillé comme un arbre verdoyant ; 36 et il est passé et voici qu’il n’était plus, je l’ai cherché et il ne s’est pas trouvé. š 37 Garde le parfait et vois le droit : car il est une postérité pour l’homme de paix ; 38 mais les transgresseurs seront exterminés ensemble, la postérité des méchants retranchée. 39 t Et le salut des justes (vient) de Yhwh, leur forteresse au temps de l’angoisse ; 40 Yhwh les aide et les délivre, il les délivre des méchants et les sauve car ils se sont abrités en lui. q
21 Voir R. MEYNET, « Les deux décalogues, loi de liberté », 14 ; aussi dans ID., Le fait synoptique reconsidéré, 78.
Le psaume 37
511
v. 35 : « ...et dépouillé comme un arbre verdoyant » Le texte massorétique du verset 35 est problématique. Celui de la Septante l’oppose directement au segment suivant où il est dit ce qui adviendra du « méchant » : « J’ai vu le méchant triomphant et s’élevant comme les cèdres du Liban ». Le texte massorétique au contraire fait commencer le châtiment dès le second membre de 35. Les solutions adoptées par les commentateurs modernes sont très variées22. v. 36 : « il est passé » Les versions mettent le verbe à la première personne : « je suis passé » ; le texte massorétique est préférable. v. 37 : « le parfait », « le droit » Pour le texte hébreu il s’agit de personnes, l’homme « parfait », « le droit » ; pour les versions ce sont des qualités, « perfection », « droiture ».
COMPOSITION La dernière partie comprend deux sous-parties. La première sous-partie (34-36) + q 34 Espère + et garde = et il t’exaltera – le retranchement
en Yhwh son chemin, pour hériter DES MÉCHANTS
la terre : TU VERRAS.
········································································································· 35
– r J’AI VU – et dépouillé – 36 et il est passé – et je l’ai cherché
LE MÉCHANT
comme un arbre et voici et ne s’est pas trouvé.
redoutable verdoyant ; il n’était plus,
Un locuteur unique s’adresse à une personne pour l’encourager à rester fidèle (34), puis lui dire ce qu’il a vu être arrivé au méchant (35). Le premier morceau expose la « récompense » (34cd) du fidèle (34ab), le second le châtiment (36) du méchant (35). Les deux occurrences du verbe « voir » et de « méchant(s) » jouent le rôle de termes médians, ordonnés en miroir.
22
Voir, par ex., Kraus, I, 403-404 ; Ravasi, I, 688 ; Vesco, 338.
512
La troisième section (Ps 26–41)
La deuxième sous-partie (37-40) + š 37 Garde–le-parfait + car une postérité (est)
+t
et vois pour l’homme
le droit : de paix ;
– 38 et les transgresseurs – la postérité
seront exterminés
ensemble,
:: leur forteresse
au temps
de l’angoisse ;
YHWH
et les délivre, et il les sauve
DES MÉCHANTS retranchée. ············································································································ 39 Et le salut des justes (vient) de YHWH,
+ 40 et il les aide + il les délivre :: car ils se sont abrités
DES MÉCHANTS
en lui.
Le premier morceau oppose la « postérité » (37b.38b) du « parfait », « droit », « homme de paix » (37) à celle des « pécheurs » et « méchants » (38). Dans le second morceau le premier segment dit le « salut » des « justes », le second explicite que c’est « des méchants » qu’ils sont « sauvés » ; en même position initiale, « se sont abrités » (40c) renvoie à « forteresse » (39b). L’ensemble de la partie (34-40) + q 34 Espère + et GARDE = et il t’exaltera – LE RETRANCHEMENT
en YHWH son chemin, pour hériter DES MÉCHANTS
la terre : TU VERRAS.
·················································································································· 35
– r J’AI VU – et dépouillé – 36 et il est passé – et je l’ai cherché + š 37 GARDE–le-parfait + car une postérité (sera) – 38 et les transgresseurs – la postérité
LE MÉCHANT
comme un arbre
redoutable verdoyant
et voici et ne s’est pas trouvé.
il n’était plus
et VOIS pour l’homme
le droit : de paix ;
seront exterminés (sera)
ensemble,
DES MÉCHANTS
RETRANCHÉE.
··················································································································
+t
39
Le salut :: leur forteresse
+ 40 et il les aide + il les délivre :: car ils se sont abrités
des justes (vient) au temps
de YHWH, de l’angoisse ;
YHWH DES MÉCHANTS
et les délivre, et il les sauve
en lui.
Le psaume 37
513
Celui qui est invité dans un premier temps à « garder » le chemin du Seigneur pour ne pas subir le sort des méchants (34-36) est ensuite appelé à « (re)garder » l’exemple des justes qui ont été sauvés de la main des méchants (37-40). « Hériter » (34c) et « postérité » (37b.38b) appartiennent au même champ sémantique de la filiation.
INTERPRÉTATION Espérance et délivrance D’entrée de jeu le psalmiste appelle à « espérer ». C’est qu’il doit y avoir bien des raisons de désespérer. S’il ne dit rien directement du comportement agressif et violent des méchants contre « le parfait », « le droit », « l’homme de paix », contre « les justes », il insiste en terminant sur ce que fait le Seigneur en leur faveur : leur « salut » vient de lui, « il les aide », « les délivre » et « les sauve » des « méchants ». C’est que les justes s’étaient « abrités » en lui, leur « forteresse ». Garder et voir Celui auquel s’adresse le psalmiste est appelé à « voir », comme lui (35) le sort final des méchants (34) mais peut-être surtout à « voir » l’homme « droit » et contempler sa conduite. Il est d’abord invité à « garder » la loi de Dieu, son « chemin » (34), mais aussi, de manière complémentaire, à « garder » toujours présent devant les yeux « le parfait » (37), c’est-à-dire celui qui suit le chemin de Dieu. Une histoire de filiation La récompense du juste, c’est d’« hériter » la terre, de la recevoir de la main du Seigneur. Dans la même ligne, c’est de pourvoir ensuite la transmettre à sa « postérité ». Les fils sont le plus bel héritage que le Seigneur transmet à celui qui suit son chemin. Les méchants au contraire seront « retranchés », arrachés de la terre (34d), et ils seront « exterminés » eux-mêmes (38a) et, pire encore, leur « postérité » « sera retranchée » (38b).
514
La troisième section (Ps 26–41)
8. L’ENSEMBLE DU PSAUME Les sept parties du psaume sont organisées de manière concentrique autour de la quatrième. COMPOSITION Les rapports entre les parties extrêmes ’ NE T’ÉCHAUFFE PAS contre LES MAUVAIS, 2 car comme l’herbe vite ils sont fanés
NE JALOUSE PAS les faiseurs de fausseté : et comme le vert du regain ils sont flétris.
b 3 AIE-CONFIANCE en YHWH et FAIS le bien, 4 et RÉJOUIS-TOI en YHWH
HABITE la terre et PAIS la vérité, et il te donnera les désirs de ton cœur.
g 5 REMETS en YHWH ton chemin 6 et il fera-lever TA JUSTICE comme lumière
et AIE-CONFIANCE en lui, et lui il fera ; et ton jugement comme le midi.
d 7 SOIS-TRANQUILLE en YHWH NE T’ÉCHAUFFE PAS contre qui fait réussir son chemin, h 8 LAISSE la colère, RENONCE au courroux,
et ATTENDS-LE, contre l’homme faiseur d’intrigues ; NE T’ÉCHAUFFE PAS, ce n’est que mal ; et les espérant en YHWH HÉRITERONT LA TERRE ; tu t’enquiers de sa place, ET IL N’EST PLUS ; et se réjouiront de beaucoup de PAIX.
9
car LES MAUVAIS SERONT RETRANCHÉS w 10 et encore un peu, ET PLUS DE MÉCHANT, 11 mais les humbles HÉRITERONT LA TERRE, [...]
q r
ESPÈRE YHWH et il t’exaltera pour HÉRITER LA TERRE : 34
35 36
š
37 38
t
et GARDE son chemin, LE RETRANCHEMENT DES MÉCHANTS tu verras.
J’ai vu LE MÉCHANT redoutable et il est passé, voici qu’IL N’ÉTAIT PLUS,
et dépouillé comme un arbre verdoyant ; et je l’ai cherché et IL NE S’EST PAS TROUVÉ.
REGARDE le parfait, VOIS l’(homme) droit : car il est une postérité pour l’homme de PAIX ; mais les transgresseurs seront exterminés ensemble, la postérité DES MÉCHANTS RETRANCHÉE.
Le salut des JUSTES (vient) de YHWH, et les aide YHWH et les délivre, car ils se sont abrités en lui. 39
leur forteresse au temps de l’angoisse ; il les délivre DES MÉCHANTS et les sauve
40
Ces parties comprennent de nombreux impératifs de seconde personne du singulier, 15 dans la première, 4 dans la dernière (34.37). Dans tout le reste du psaume, seul le premier membre du verset 27 en coordonne deux. Les versets 9 et 34b se correspondent en miroir : 9
Car LES MÉCHANTS SERONT RETRANCHÉS,
et ceux qui espèrent en YHWH HÉRITERONT LA TERRE ; 34b
et il t’exaltera pour
HÉRITER LA TERRE
:
LE RETRANCHEMENT DES MÉCHANTS
tu verras.
et 36 correspond à 10 de manière parallèle : 10 36
Et encore un peu, et il est passé,
ET PLUS DE MÉCHANT, voici qu’IL N’ÉTAIT PLUS,
tu t’enquiers de sa place et je l’ai cherché
ET IL N’EST PLUS ; ET IL NE S’EST PAS TROUVÉ.
Autres reprises lexicales : « justice/justes » (6.39), « paix » (11.37).
Le psaume 37
515
Les rapports entre la deuxième et l’avant-dernière partie – z 12 IL COMPLOTE + 13 LE SEIGNEUR
le méchant se rit de lui,
contre le juste
et grince car il voit
des dents que viendra
contre lui ; son jour.
[...]
– ṣ 32 IL GUETTE + 33 YHWH
le méchant le juste ne l’abandonne pas à sa main
et cherche et ne laisse
à le faire mourir ; le condamner.
Les deux parties sont tout à fait parallèles. Dans les premiers segments « le méchant » s’oppose au « juste » : d’abord il « grince des dents contre lui » (12), puis va jusqu’à vouloir le tuer (32). Dans les seconds segments, « le Seigneur » « Yhwh » réagit en annonçant le châtiment du méchant (13) et en protégeant le juste (33). On notera que c’est le seul emploi de ’ădōnāy (« le Seigneur ») dans tout le psaume. Les rapports entre la troisième et la cinquième partie ḥ 14 Les méchants ont tiré l’épée pour faire tomber le miséreux et le petit, 15 leur épée viendra dans leur cœur
et ils ont tendu l’arc, pour égorger les droits de chemin ; et leurs arcs seront brisés.
ṭ 16 Mieux vaut un peu pour le juste 17 car les bras des méchants seront brisés
que l’abondance des méchants puissants ; mais YHWH soutient les justes.
* y 18 YHWH connait les jours des parfaits 19 ils ne rougiront pas au temps mauvais k 20 Car les méchants périront comme la parure des prés ils se sont achevés,
et leur HÉRITAGE sera POUR TOUJOURS ; et aux jours de famine ils seront rassasiés. et les ennemis de YHWH ; en fumée ils se sont achevés.
[...]
n 25 J’étais jeune, je n’ai pas vu le juste abandonné 26 tout le jour il a pitié, il prête,
et puis j’ai vieilli, ni sa lignée cherchant du pain ; sa lignée (sera) en bénédiction !
s 27 Évite le mal et fais le bien
et tu habiteras POUR TOUJOURS.
28
Car YHWH aime le jugement ‘ POUR TOUJOURS ils seront gardés * 29 les justes HÉRITERONT la terre
et il n’abandonne pas ses fidèles ; mais la lignée des méchants sera extirpée ; et ils habiteront À JAMAIS sur elle.
p 30 La bouche du juste murmure la sagesse 31 la loi de son DIEU dans son cœur :
et sa langue profère le jugement ; ses pas ne chancellent point.
Ces deux parties énoncent le sort du méchant (en grisé) et du juste, surtout du méchant dans la troisième partie, surtout du juste dans la cinquième. Le verset 18 trouve un écho en 29 : « l’héritage » des justes sera « pour toujours », « à jamais », alors que les méchants seront détruits (20). Alors que c’est « Yhwh » le sujet exprimé de la récompense des justes, il n’en va pas de même pour les méchants.
516
La troisième section (Ps 26–41)
La fonction de la partie centrale Après les rapports entre les parties symétriques reste à examiner la fonction de la partie centrale (21-24). Comme il arrive souvent, le centre compte un grand nombre de termes qui se retrouvent ailleurs dans le reste du texte. Sur les vingt-deux termes que comprend la partie centrale, quatorze sont repris ailleurs : « le méchant » (10.12.14. 16.17.20 ; 28.32.34.35.38.40) opposé au « juste » (6.12.16.17 ; 25.29.30.32.39), « hériteront la terre (9.11 ; 29.34) opposé à « seront extirpés » (9 ; 28.34.38), « a pitié » (26), « il donne » (4), « ceux qui sont bénis » (26), « Yhwh » deux fois en 22-24 (3.4.5.7.9.17.18.20 ; 28.33.34.39.40), « voie » (5.7.14 ; 34), « il tombe » (14), « il soutient » (17), « main » (33). Le syntagme « hériter la terre » revient cinq fois : au centre, deux fois avant (9.11) et deux fois après (29.34) ; quant aux cinq occurrences de « extirper », elles ne sont pas distribuées de la même façon : une fois au centre, une fois avant (9) et trois après (28.34.38). Ne reprenant aucun des impératifs qui marquent les parties extrêmes, le passage fait basculer le psaume du premier versant (1-20) où la présence menaçante des méchants domine23 vers le deuxième versant (25-40) dans lequel c’est au contraire la figure des justes qui l’emporte. Ce qui peut se schématiser ainsi : Ne te soucie pas des MÉCHANTS — aie confiance en Yhwh Résumé : Yhwh se moque du MÉCHANT LES MÉCHANTS seront détruits Passage central LES JUSTES seront gardés Résumé : Yhwh n’abandonne pas LE JUSTE Espère en Yhwh — regarde LES JUSTES
1-11 12-13 14-20 21-24 25-31 32-33 34-40
Le passage central commence en opposant le méchant et le juste, toutefois non plus dans leurs rapports conflictuels mutuels mais dans leur conduite envers leur prochain ; c’est ensuite le jugement de Dieu sur ceux qui seront bénis et maudits. Ces deux premiers versets renvoient donc plutôt au premier versant. Quant aux deux versets suivants, ils semblent préparer la suite, car il n’y est question que de celui que Dieu soutient, c’est-à-dire du juste.
23 On pourra noter l’inclusion qui délimite le premier versant (2.20b). Les deux occurrences de « espérer » (9.34) jouent le rôle de termes médians qui agrafent les parties extrêmes.
Le psaume 37 1
De David. ’ Ne t’échauffe pas contre LES MAUVAIS, 2
car comme l’herbe vite ils sont fanés
ne jalouse pas les faiseurs de fausseté :
et comme le vert du regain ils sont flétris.
b Aie confiance en YHWH et fais le bien, habite la terre et fais-paitre la vérité. 4 et réjouis-toi en YHWH et il te donnera les désirs de ton cœur. g 5 Remets à YHWH ton CHEMIN et aie confiance en lui, et lui il fera ; 6 et il fera-lever comme lumière TA JUSTICE et ton jugement comme le midi. 3
d 7 Sois tranquille en YHWH et attends-le, ne t’échauffe pas contre qui fait-réussir son CHEMIN, contre l’homme faiseur d’intrigues ; h 8 Laisse la colère, renonce au courroux, ne t’échauffe pas, ce n’est que mal ; 9 car LES MAUVAIS SERONT RETRANCHÉS et CEUX QUI ESPÈRENT en YHWH HÉRITERONT LA TERRE ; w 10 encore un peu, et plus DE MÉCHANT, tu t’enquiers de sa place, et il n’est plus ; 11 mais les humbles HÉRITERONT LA TERRE et se réjouiront de beaucoup de paix. z
12 13
LE MÉCHANT complote contre LE JUSTE et grince des dents contre lui ; LE SEIGNEUR se moque de lui, car il voit que vient son jour.
ḥ
14
ṭ
16
LES MÉCHANTS ont tiré l’épée et ils ont tendu l’arc, pour FAIRE-TOMBER le miséreux et le petit, pour égorger les droits de CHEMIN ; 15 leur épée viendra dans leur cœur et leurs arcs seront brisés.
Mieux vaut un peu pour LE JUSTE que l’abondance DES MÉCHANTS puissants ; car les bras DES MÉCHANTS seront brisés, mais YHWH SOUTIENT LES JUSTES. y 18 YHWH connait les jours des parfaits et leur héritage sera pour toujours ; 19 ils ne rougiront pas au temps mauvais et aux jours de famine ils seront rassasiés. k 20 Car LES MÉCHANTS périront et les ennemis de YHWH ; comme la parure des prés ils se sont achevés, en fumée ils se sont achevés. 17
21
LE MÉCHANT emprunte et ne rend pas mais LE JUSTE a pitié et il donne ; car SES BÉNIS HÉRITERONT LA TERRE et ses maudits SERONT RETRANCHÉS. m 23 Par YHWH les pas de l’homme sont affermis et son CHEMIN lui plait ; 24 s’il TOMBE, il n’est pas terrassé, car YHWH le SOUTIENT de sa MAIN. l
22
n
25
s
27
p
30
J’étais jeune, et puis j’ai vieilli, je n’ai pas vu LE JUSTE abandonné ni sa lignée cherchant du pain ; 26 tout le jour il a pitié, il prête et sa lignée (sera) en BÉNÉDICTION !
Évite le mal et fais le bien et tu habiteras pour toujours. Car YHWH aime le jugement et il n’abandonne pas ses fidèles ; ‘ pour toujours ils seront gardés mais la lignée DES MÉCHANTS SERA RETRANCHÉE ; 29 LES JUSTES HÉRITERONT LA TERRE et ils habiteront à jamais sur elle.
ṣ
32 33
28
31
La bouche du JUSTE murmure la sagesse et sa langue profère le jugement ; la loi de son DIEU dans son cœur : ses pas ne chancellent point.
LE MÉCHANT guette LE JUSTE et cherche à le faire mourir ; YHWH ne l’abandonne pas à sa MAIN et ne le laisse pas condamner.
34 ESPÈRE en YHWH et garde son CHEMIN, et il t’exaltera pour HÉRITER LA TERRE : LE RETRANCHEMENT DES MÉCHANTS tu verras. 35 r J’ai vu LE MÉCHANT redoutable et dépouillé comme un arbre verdoyant ; 36 et il est passé et voici qu’il n’était plus, je l’ai cherché et il ne s’est pas trouvé.
q
š
37
Regarde le parfait et vois l’(homme) droit : car il est une postérité pour l’homme de paix ; mais les transgresseurs seront exterminés ensemble, la postérité DES MÉCHANTS RETRANCHÉE. t 39 Le salut des JUSTES (vient) de YHWH, leur forteresse au temps de l’angoisse ; 40 YHWH les aide et les délivre, il les délivre DES MÉCHANTS et les sauve car ils se sont abrités en lui. 38
517
518
La troisième section (Ps 26–41)
CONTEXTE Parmi tous les échos intertextuels qui peuvent être évoqués, c’est certainement la béatitude de Mt 5,5 qui retient le plus l’attention des commentateurs : « Heureux les doux, car ils hériteront la terre ». Cela, d’autant plus que l’expression « hériter la terre » revient comme un leitmotiv tout au long du psaume (9.11.22. 29.34 ; à quoi il faut ajouter « héritage » en 18 et « terre » en 3). Les sept béatitudes de Mt 5,3-9 forment un septénaire : + 3 HEUREUX les pauvres en esprit, = 4 HEUREUX les doux,
car à eux car eux
est le royaume hériteront
des CIEUX ! la terre !
·····················································································································
: 5 HEUREUX les pleurants, • 6 HEUREUX les affamés et les assoiffés de la justice, 7 : HEUREUX les miséricordieux,
car eux car eux car eux
seront consolés ! seront rassasiés ! seront miséricordiés !
·····················································································································
+ 8 HEUREUX les purs de cœur, = 9 HEUREUX les pacifiques,
car eux car eux
fils de
DIEU DIEU
ils verront ! seront appelés !
Septénaire où la deuxième béatitude (4) et la septième (9), en position symétrique à la fin des morceaux extrêmes, sont liées par le thème de la filiation : ce sont en effet les « fils » qui « héritent »24. INTERPRÉTATION Les titres donnés au psaume indiquent quelle est l’idée directrice que les commentateurs lui reconnaissent. Pour la plupart « le thème essentiel est celui de la rétribution »25 : « (Le) sort du juste et de l’impie » (BJ, Jacquet), « Le sort du juste et du méchant » (Osty), ou, plus développé : « Le bonheur des impies ne dure pas. Il n’y a de durable que celui des justes » (La grande Bible de Tours). D’autres reprennent le leitmotiv du poème : « Les humbles posséderont la terre » (Vesco), « Les humbles hériteront la terre » (La casa de la Biblia). La traduction de La Civiltà cattolica donne comme titre la béatitude de Matthieu : « Heureux les doux, parce qu’ils hériteront la terre (Mt 5,5) ». Ravasi combine en quelque sorte les deux titres précédents : « Comparaison du juste et injuste : la terre promise et l’herbe fanée ». Beaucamp : « Dans l’attente d’une justice finale ». Quant à Auffret, il a choisi comme titre le deuxième membre de 5a : « “Aie confiance en lui, et lui, il agira” ». Un grand nombre de commentateurs renvoient à Tertullien qui appelait le Ps 37 « Le miroir de la Providence » et Isidore de Séville qui le qualifie de « Remède contre les murmures ». 24 Voir R. MEYNET, Lire la Bible, Champs 537, Paris 2003, 168-173 ; G. LORI, Il discorso della montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), 21 sq. 25 VESCO, 339 ; de même P.C. CRAIGIE, Psalms 1–50, 296 : «the overall theme linking its parts is retribution and recompense» ; voir aussi A.A. ANDERSON, The Book of the Psalms, 292.
Le psaume 37
519
Dans le pesher du psaume retrouvé à Qumran se lit l’interprétation qu’en donnait la communauté des Esséniens en fonction de leur situation et de leur théologie : les justes sont les membres de la communauté sadocite guidée par le Maitre de justice qui a reçu la révélation divine, les méchants sont ceux auxquels ils s’opposent, ceux qui célèbrent le culte dans le temple de Jérusalem et qui les persécutent26. En Amérique latine, marquée par de graves injustices sociales regardant en particulier la possession de la terre, le psaume est souvent interprété en conséquence27. Ces interprétations sont certes légitimes. Elles sont toutefois conditionnées par des facteurs externes au texte lui-même, par la situation où se trouve l’interprète. Selon la troisième des cinq règles herméneutiques énoncées dans le Traité28, l’interprétation ici proposée partira du centre de la construction, qui en constitue la clé de voûte et la clé de lecture (21-24). Le Seigneur fait hériter son fils La « bénédiction » du Seigneur se concrétise dans le don de la terre (22). Reprise deux fois en écho dans chaque versant, l’expression « hériter la terre » présente avec la plus grande insistance la figure de Dieu comme celle d’un père qui transmet à ses fils sa terre en héritage. La plupart des traductions françaises disent « posséder » la terre, gommant la dénotation de la filiation, comme si elles résistaient inconsciemment à l’admettre29. Cependant, il faut reconnaitre que « posséder » a au moins l’avantage de signifier que, une fois reçus, les biens de l’héritage ne sont ni prêtés ni confiés, ils sont propriété pleine et entière du fils. Ils ne le sont pas pour un temps : « leur héritage sera pour toujours » (18).
26
Voir C. COULOT, « Un jeu de persuasion sectaire : Le commentaire du Psaume 37 découvert à Qumran ». 27 Voir E. CORTESE, « Salmo 37 : Una interpretacion en dialogo con el Tercer Mundo ». Voir W. BRUEGGEMANN, «Psalm 37 : Conflict of Interpretation». 28 Traité, 567-573. 29 Par exemple, Crampon, la BJ, Osty, la TOB, la Bible en français courant, la Bible du rabbinat, la Bible Parole de vie, La colombe, La nouvelle Bible Segond, les commentaires de Jacquet, de Vesco. É. Beaucamp utilise quatre verbes différents : « avoir », « appartenir », « posséder » et « donner ». Avec klēronomeō, la Septante respecte le sens de yrš, de même la Vulgate avec hereditare ; Mannati traduit par « hériter », la nouvelle traduction italienne de la Conférence Épiscopale Italienne par « avere in eredità » (corrigeant ainsi la version précédente qui avait « possedere »), la traduction espagnole de la Casa de la Biblia par « heredar ».
520
La troisième section (Ps 26–41)
Il le prend par la main La suite de la partie centrale file la même image paternelle. Comme un père apprend à marcher à son fils, le Seigneur « affermit les pas de l’homme » (23)30. « Car Israël est un enfant et je l’aime [...] Et moi j’ai appris à marcher à Éphraïm en le tenant par les mains » (Os 11,1.3)31. Si son enfant achoppe, s’il est poussé par celui qui veut « faire tomber le miséreux et le petit » (14), son père « le soutient de sa main » (24). Il ne l’abandonne pas En opposition au dernier membre de la partie centrale à peine cité, la cinquième partie affirme : « Le Seigneur ne l’abandonne pas à la main » du méchant (33). Le psalmiste avait déjà dit : « Je n’ai pas vu le juste abandonné, ni sa lignée cherchant du pain » (25), comme si son père avait cessé de le nourrir. Il avait ajouté sans tarder que le Seigneur « n’abandonne pas ses fidèles » (28). Voilà qui rappelle les paroles d’Isaïe : « Sion avait dit : “Yhwh m’a abandonnée ; le Seigneur m’a oubliée.” Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49,14-15). Le fils devient père à son tour Le juste montre qu’il est vraiment fils de Dieu quand il se conduit comme son Père. C’est ce que dit le début de la partie centrale : « le juste a pitié, il donne ». Ce qui sera repris en écho peu après : « tout le jour il a pitié, il prête » (26). Il prête en prenant donc le risque qu’on ne lui rende pas. Il donne comme le Seigneur lui « donne les demandes de son cœur » (4). Ce faisant, il fait hériter les autres, spécialement ceux qui sont dans le besoin, des richesses qui lui ont été léguées par le Seigneur. En d’autres termes, il traite le pauvre comme son propre fils. Pour cela il est prêt à renoncer à « l’abondance » et à se contenter de « peu » (16). Avec l’héritage il transmet la vie, et c’est pourquoi « sa lignée sera en bénédiction » (26) et « il est une postérité pour l’homme de paix » (37). La mort du méchant Contrairement à celle du juste, « la lignée des méchants sera retranchée » (28). Eux-mêmes seront « retranchés » (9.22.34), ils ne seront plus (10.36), « ils périront » (20), « leur épée viendra dans leur cœur et leurs arcs seront brisés » (15), « comme l’herbe ils faneront » (2) et « en fumée ils sont achevés » (20), 30
David Kimchi (Commento ai salmi, I., 303) commente : « Les pas du juste, qui est plus fort que l’impie en bonnes œuvres... ». Il renvoie à Rashi : « Les pas du fort : c’est-à-dire de celui qui est “fort” dans la crainte du Seigneur ». 31 Voir aussi Jr 31,32 : « Non pas comme l’alliance que je conclus avec leurs pères, le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte ».
Le psaume 37
521
« les pécheurs seront exterminés ensemble » (38). Avec eux la vie s’arrêtera, et s’arrêtera pour toujours car ils seront aussi privés de descendance : « la lignée des méchants sera retranchée » (28), « la postérité des méchants sera retranchée » (38). La mort ne peut qu’engendrer la mort. C’est qu’au lieu de « donner » et de donner la vie comme le juste, « le méchant emprunte et ne rend pas » (21) ; étant sans « pitié », il arrête ainsi le flux de la vie. Bien plus, n’étant pas vivant, il ne supporte pas ceux qui le sont : « il complote contre le juste » (12), « il cherche à le faire mourir » (32), « il tire l’épée et tend l’arc, pour faire tomber le miséreux et le petit, pour égorger ceux dont le chemin est droit » (14). Le chemin de la vie pour le juste Quant au juste menacé de mort par les méchants, il est protégé par le Seigneur qui l’empêche de « tomber » (24)32, c’est-à-dire d’être « égorgé » (14), par ceux qui « complotent contre » lui (12) et veulent le « faire mourir » (32), qui empêche qu’il soit livré à « la main » du méchant (33). Le psaume s’achève sur la certitude que pour les justes « le salut vient du Seigneur », qui les « aide », les « délivre » et les « sauve » (39-40). C’est pourquoi, comme le répète le psalmiste en entonnant son poème, le juste ne doit pas « s’échauffer contre les mauvais » (1) car « ce ne serait que mal » (8). Tout le mouvement du psaume est organisé pour faire passer celui qui le prie de la rage contre les méchants qui le persécutent à la confiance en Dieu seul. « Comme le livre des Proverbes, le psaume [37] est une sorte d’anthologie de dits de Sagesse, les strophes de chaque lettre de l’alphabet contenant un proverbe plus ou moins complet »33. Il est vrai qu’à première vue ce psaume a l’apparence d’un simple patchwork, répétitif et morne. Or l’analyse de sa composition a révélé une architecture très élaborée — et cela malgré la contrainte de l’acrostiche alphabétique — qui a permis de mettre en lumière la logique profonde du poème. Le thème de la filiation, et donc de la transmission de la vie, constitue le centre nerveux de l’ensemble. C’était déjà le cas pour le psaume acrostiche précédent, focalisé sur les deux segments suivants : Allez, fils, écoutez-moi, la crainte du Seigneur je vous l’enseigne. Qui est l’homme désirant la vie, aimant les jours pour voir le bien ? (Ps 34,12-13)34
32
Voir Ps 36, nt. 7. P.C. CRAIGIE, Psalms 1–50, (cf. nt 18), 296. Voir aussi A.A. ANDERSON, (cf. nt 18), 292 : « Each strophe is, more or less, an independent unit, so that the whole poem approximates to a collection of proverbs » ; G.R. CASTELLINO, Libro dei salmi, 813 : « È difficile vedere una sequela logica nell’andamento del pensiero [...] In genere però le strofe di ogni lettera alfabetica possono raggrupparsi a tre o a due, senza, per altro, che si possa fissare uno sviluppo organico di pensiero » ; L. SABOURIN, Le livre des psaumes, 194 : « Ce psaume de sagesse est également alphabétique et, par conséquent, les réflexions qu’il propose se suivent sans ordre logique (voir Ps 34) ». 34 Voir p. 454. 33
4. DU JUGEMENT À LA JUSTICE (PS 35–37) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 35 1 De David.
Accuse, Yhwh, MES ACCUSATEURS, assaille MES ASSAILLANTS ; 2 saisis écu et bouclier et dresse-toi à mon aide. 3 Et brandis la lance et barre la route contre MES POURSUIVANTS ; dis à mon âme : « Ton SALUT, c’est moi. » 4 Qu’ils rougissent et soient-honteux CEUX QUI CHERCHENT MON ÂME, qu’ils reculent en arrière et soient confus, 5 CEUX QUI PROJETTENT MON MALHEUR ! Qu’ils soient comme la bale face au vent, et l’ange de Yhwh (les) poussant, 6 que soit leur chemin ténèbre et glissades et l’ange de Yhwh les poursuivant ! 7
Oui, sans raison ils ont caché pour moi la fosse de leur filet, sans raison ils ont creusé pour mon âme. Vienne sur lui la ruine qu’il ne connait pas et son filet qu’il a tendu qu’il le prenne, dans la ruine qu’il tombe dedans. 9 Et mon âme exultera en Yhwh, jubilera en son SALUT. 10 Tous mes os diront : « Yhwh, qui est comme toi, délivrant le MISÉREUX d’un plus fort que lui, et le MISÉREUX et le PAUVRE de son spoliateur ? » 11 Se dressent DES TÉMOINS DE VIOLENCE, sur ce que je ne connais pas ils me questionnent, 12 ils me paient le mal au lieu du bien, privation-d’enfant pour mon âme. 13 Et moi, pendant leurs maladies, mon vêtement était un sac ; j’humiliais par le jeûne mon âme et ma prière dans mon sein revenait ; 14 comme ami, comme frère à moi je me comportais, comme en deuil d’une mère, pleurant je me courbais. 15 Et de ma chute ils se réjouissent et s’attroupent, s’attroupent contre moi DES VIOLENTS ; et point ne (les) connais, ils déchirent et ne cessent pas ; 16 en HYPOCRITES de MOQUEURS de railleries ils grincent des dents contre moi. 17 Seigneur, combien de temps verras-tu cela ? Soustrais mon âme à leurs ravages, aux LIONCEAUX mon unique. 18 Je rendrai-grâce dans une assemblée immense, dans un peuple nombreux je te louerai. 19 Que ne se réjouissent pas de moi MES ENNEMIS de mensonge, MES HAÏSSANT sans raison qu’ils ne clignent pas de l’œil ! 20 Car pas de paix ils parlent et contre les paisibles de la terre des paroles de fraudes ils projettent. 21 Et ils élargissent contre moi leur bouche ; ils disent : « Ha ! ha ! a vu notre œil ! » 8
22
Tu as vu, Yhwh, ne te tais plus, Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ;
23
réveille-toi et éveille-toi, pour JUSTICE, Yhwh mon Dieu, et qu’ils ne se réjouissent pas de moi ! 25 Qu’ils ne disent en leur cœur : « Ha ! notre âme ! » Qu’ils ne disent : « Nous l’avons avalé ! » 26 Qu’ils rougissent et soient confus ensemble CEUX QUI SE RÉJOUISSENT DE MON MALHEUR ; qu’ils se vêtent de rougissement et confusion, CEUX QUI SE GRANDISSENT SUR MOI ! 27 Qu’ils exultent et se réjouissent ceux qui désirent MA JUSTICE, et qu’ils disent toujours : « Grand est Yhwh qui désire la paix de son serviteur ! » 28 Et ma langue méditera TA JUSTICE, tout le jour ta louange. MON JUGEMENT, mon Seigneur et mon Dieu, pour ma cause ; 24 JUGE-MOI selon TA
Ps 36 1 Du maître-de-chant, du serviteur de Yhwh, de David. 2
Oracle de transgression au MÉCHANT au fond de son cœur, point de frayeur d’Élohim au regard de ses yeux ; car il se flatte trop lui-même à ses yeux pour trouver sa faute et la haïr. 4 Les paroles de sa bouche iniquité et fraude, il a cessé d’être sage, d’être bon ; 5 l’iniquité il projette sur sa couche, il s’obstine dans le chemin pas bon, le mal il ne rejette pas. 3
6
Yhwh, dans les cieux ta fidélité, ta vérité jusqu’aux nues ; 7 TA JUSTICE, comme les monts de El, TES JUGEMENTS, l’abime immense. L’adam et la bête TU SAUVES, Yhwh ; 8 combien précieuse ta fidélité, Élohim ! Et les fils d’Adam à l’ombre de tes ailes S’ABRITENT, 9 ils s’enivrent de la graisse de ta maison et au torrent de tes délices tu les abreuves. 10
Oui, avec toi la source de la vie, par ta LUMIÈRE nous verrons la LUMIÈRE. 11 Conserve ta fidélité à tes connaissant et droits de cœur. 12 Ne vienne sur moi le pied d’orgueil et que la main des MÉCHANTS ne me chasse ! 13 Là-bas sont tombés LES FAISEURS D’INIQUITÉ, ils ont été poussés et point n’ont pu se dresser. TA JUSTICE aux
Les psaumes extrêmes, qui ont le même titre court, sont nettement plus développés que le psaume central dont le titre est plus long. L’unité de la séquence est marquée essentiellement par la présence massive des ennemis du psalmiste. Dans le premier psaume ils occupent presque tout l’espace (sauf 3cd.9-10.13-14.18.27-28) ; dans le psaume suivant seulement la moitié (36,2-5.12-13), dans le dernier psaume nettement moins (37,1-2.7cd-9a. 10.12-15.16b-17a.20-21a.22b.28d.32.34d-36.38).
La séquence 35–37
523
Ps 37 1 De David.
Ne t’échauffe pas contre les MÉCHANTS, ne jalouse pas LES FAISEURS DE FAUSSETÉ : 2 car comme l’herbe vite ils sont fanés et comme le vert du regain ils sont flétris . 3 Aie confiance en Yhwh et fais le bien, habite la terre et faispaitre la vérité. 4 et réjouis-toi en Yhwh et il te donnera les désirs de ton cœur. 5 Remets à Yhwh ton chemin et aie confiance en lui, et lui il fera ; 6 et il fera-lever comme LUMIÈRE TA JUSTICE, et TON JUGEMENT comme le MIDI. 7 Sois tranquille en Yhwh et attends-le, ne t’échauffe pas contre QUI FAIT-RÉUSSIR SON CHEMIN, contre L’HOMME FAISEUR D’INTRIGUES ; 8 Laisse la colère, renonce au courroux, ne t’échauffe pas, ce n’est que mal ; 9 car les MÉCHANTS seront retranchés, et ceux qui espèrent en Yhwh hériteront la terre ; 10 encore un peu, et plus de MÉCHANT, tu t’enquiers de sa place, et il n’est plus ; 11 et les humiliés hériteront la terre et se réjouiront de beaucoup de paix. 12 13
Le MÉCHANT complote contre LE JUSTE et grince des dents contre lui ; le Seigneur se moque de lui, car il voit que vient son jour. 14
Les MÉCHANTS ont tiré l’épée et ils ont tendu l’arc, pour faire-tomber le MISÉREUX et le PAUVRE, pour égorger les droits de chemin. 15 Leur épée viendra dans leur cœur et leurs arcs seront brisés . 16 Mieux vaut un peu pour LE JUSTE que l’abondance des MÉCHANTS puissants ; 17 car les bras des MÉCHANTS seront brisés, et il soutient LES JUSTES Yhwh. 18 Yhwh connaît les jours des parfaits, et leur héritage sera pour toujours ; 19 ils ne rougiront pas au temps mauvais, et aux jours de famine ils seront rassasiés. 20 Car les MÉCHANTS périront et les ENNEMIS de Yhwh ; comme la parure des prés ils sont achevés, en fumée ils sont achevés . 21
Le MÉCHANT emprunte et point ne rend mais LE JUSTE a pitié et il donne ; 22 car ses bénis hériteront la terre et SES MAUDITS seront retranchés. 23 Par Yhwh les pas de l’homme sont affermis et son chemin lui plait ; 24 s’il tombe, il n’est pas terrassé, car Yhwh tient sa main. 25 J’étais jeune, et puis j’ai vieilli, je n’ai pas vu LE JUSTE abandonné ni sa lignée cherchant du pain ; 26 tout le jour il a pitié, il prête, et sa lignée (sera) en bénédiction ! 27 Évite le mal et fais le bien et tu habiteras pour toujours. 28 Car Yhwh aime LE JUGEMENT et il n’abandonne pas ses fidèles ; pour toujours ils seront gardés mais la lignée des MÉCHANTS sera retranchée; 29 LES JUSTES hériteront la terre et ils habiteront à jamais sur elle. 30 La bouche du JUSTE murmure la sagesse et sa langue profère LE JUGEMENT ; 31 la loi de son Dieu dans son cœur : ses pas ne chancellent point. 32 33
Le MÉCHANT guette LE JUSTE et cherche à le faire mourir ; Yhwh ne l’abandonne pas à sa main et pas ne le fait-méchant dans son ÊTRE-JUGÉ.
34
Espère en Yhwh et garde son chemin, et il t’exaltera pour hériter la terre : le retranchement des MÉCHANTS tu verras. J’ai vu le MÉCHANT redoutable et dépouillé comme un arbre verdoyant ; 36 et il est passé et voici qu’il n’était plus, je l’ai cherché et il ne s’est pas trouvé . 37 Garde le parfait et vois le droit : car il est une postérité pour l’homme de paix ; 38 mais les TRANSGRESSEURS seront exterminés ensemble, la postérité des MÉCHANTS retranchée. 39 Et le 40 SALUT des JUSTES vient de Yhwh, leur forteresse au temps de l’angoisse ; Yhwh les aide et les délivre, il les délivre des MÉCHANTS et les SAUVE car ILS SE SONT ABRITÉS en lui. 35
Qualifiés de différentes manières, les ennemis sont souvent nommés surtout dans les psaumes extrêmes : – Ps 35 : « mes accusateurs », « mes assaillants » (1), « mes poursuivants » (3), « ceux qui cherchent mon âme », « ceux qui projettent mon malheur » (4), « des témoins de violence » (11), « des violents » (15), « hypocrites de moqueurs » (16), « lionceaux » (17), « mes ennemis », « mes haïssant » (19), « ceux qui se réjouissent de mon malheur », « ceux qui se grandissent sur moi » (26). – Ps 36 : « méchant(s) » (2.12), « faiseurs d’iniquité » (13). – Ps 37 : « méchants » (1.9.10.12.14.16.17.20.21.28.32.34.35.38.40, soit 15 fois, alors que le terme n’était pas utilisé une seule fois dans le premier psaume), « faiseurs de fausseté » (1), « qui fait-réussir son chemin », « l’homme faiseur d’intrigues » (7), « ennemis » (20), « maudits » (22), « transgresseurs » (38). Ils « grincent des dents contre » lui (35,16 ; 37,12), contre « le miséreux » et « le pauvre » (35,10 ; 37,14).
524
La troisième section (Ps 26–41)
La « justice » de Dieu (35,24.27.28 ; 36,7.11 ; 37,6), son/ses « jugement(s) » (35,23-24 ; 36,7 ; 37,6.28.33) consiste à « sauver » son fidèle (35,3.9 ; 36,7 ; 37,39.40), à le « délivrer » (35,10 ; 37,40 bis). Dans le dernier psaume, à partir du début de la partie centrale, la victime des « méchants » est appelée « le juste », au singulier et au pluriel (37,12.16.17.21.25.29.30.32.39). Les méchants seront « comme la bale au vent » (35,5-6), comme l’herbe (37,2.20.35b-36), ils tomberont dans le mal qu’ils voulaient infliger aux justes (35,8 ; 36,13 ; 37,15). Les deux premiers psaumes sont liés par les deux occurrences de « serviteur » qui jouent le rôle de termes médians (35,27 ; 36,1). L’image de la « lumière » joue le rôle de termes médians entre le deuxième et le troisième psaume (36,10 ; 37,6). Le verbe final du dernier psaume, « s’abriter » (37,40) se trouvait déjà dans la deuxième partie du psaume central (36,8).
INTERPRÉTATION Les méchants seront retranchés La séquence commence de manière dramatique par l’appel à l’aide du psalmiste acculé au tribunal par ses ennemis : « Accuse, Seigneur, mes accusateurs, assaille mes assaillants » (35,1). Si le plaignant promet d’« exulter en Yhwh » (9), de lui « rendre grâce » et de le « louer » (18.28), sûr d’être finalement sauvé, il n’en reste pas moins qu’il est obsédé par ceux qui « grincent des dents » contre lui (16). Pour être moins tendue, la situation du second psaume n’en est pas moins marquée elle aussi par la présence du « méchant » dès le début (2-5) ; et si la partie centrale célèbre la « justice » et le salut du Seigneur (6-9), le psaume s’achève cependant avec le retour des « méchants » et « faiseurs d’iniquité » (12-13). Quant au dernier psaume, il tranche sur les deux autres. Certes, les « méchants » sont présents tout au long, mais le psalmiste ne se tourne plus vers le Seigneur pour le supplier ; il s’adresse au contraire à celui qui reprend ses paroles pour l’inviter longuement à ne pas « s’échauffer » contre « les méchants ». En effet, désormais devenu vieux, il témoigne qu’il n’a jamais vu « le juste abandonné » (25) et il peut donc l’encourager à « espérer en Yhwh » (34), car « il sauve » ceux qui s’abritent en lui (40). Dieu fait justice au pauvre Dans le premier psaume, l’orant fait appel au Seigneur pour qu’il le « juge selon sa justice » (35,23-24) ; la « justice » de Dieu se manifeste dans celle qu’il accorde à celui qui se fie en lui (27-28). Le psaume central revient en finale sur « la justice » que le Seigneur conserve à « ceux qui le connaissent », aux « droits de cœur » (36,11). Enfin, dans le long psaume sur lequel débouche la séquence « la justice » et « le jugement » deviennent plus manifestement encore ceux de
La séquence 35–37
525
l’homme qui a mis sa confiance en Dieu (37,5-6), et c’est pour cela que, désormais justifié par lui, l’homme est appelé « juste », de manière insistante et systématique, au singulier et aussi au pluriel (12.16.17.21.25.29.30.32.39). « Le jugement » prononcé par « le juste » (30) n’est autre que celui de son Seigneur (33).
C. LE SEIGNEUR INSTRUIT LES JUSTES À LA LOUANGE (PS 32–37)
COMPOSITION DE LA SOUS-SECTION Chacune des deux séquences comprend trois psaumes. La seconde est plus développée que la première, en particulier à cause du dernier psaume nettement plus long que tous les autres : 1re séquence Ps 32 : Ps 33 : Ps 34 : Total :
731 1 052 1 113 2 896
2e séquence Ps 35 : Ps 36 : Ps 37 : Total :
1 594 678 2 080 4 352
Les deux séquences peuvent être lues en parallèle : – le Ps 32 avec le Ps 35 – le Ps 33 avec le Ps 36 – le Ps 34 avec le Ps 37. Les psaumes finaux des deux séquences sont les seuls psaumes acrostiches alphabétiques de la sous-section.
526
La troisième section (Ps 26–41)
LES RAPPORTS ENTRE LES PREMIERS PSAUMES (PS 32 ET 35) Les deux psaumes ont en commun les termes ou les syntagmes suivants : – « mes os » (32,3 ; 35,10) ; – « tout le jour » (32,3 ; 35,28) ; – « délivrance/délivrer » (32,7 ; 35,10) ; – « chemin/cheminer » (32,8 ; 35,6) ; – « œil » (32,8 ; 35,19.21) ; – « cœur » (32,11 ; 35,25) ; – « justes/justice » une fois dans l’un (32,11), trois fois dans l’autre (35,24.27.28) ; – « exulter »
une fois dans l’un (32,11), deux fois dans l’autre 35,9.27) ;
– « se réjouir »
une fois dans l’un (32,11), cinq fois dans l’autre (35,15.19.24.26.27) ;
– « méchant »
ne se trouve qu’une fois dans l’un (32,10), mais ses synonymes foisonnent dans l’autre : « mes accusateurs », « mes assaillants » (35,1), « mes poursuivants » (3), « ceux qui cherchent mon âme », « ceux qui projettent mon malheur » (4), « des témoins de violence » (11), « des violents » (15), « hypocrites de moqueurs » (16), « lionceaux » (17), « mes ennemis », « mes haïssant » (19), « ceux qui se grandissent sur moi » (26). C’est « sans raison » ou « par mensonge » (35,7 bis.19 bis) que ces méchants se dressent contre le juste, celui qui, au centre de la composition, leur avait fait du bien (13-14). Alors que dans le premier psaume le psalmiste confesse sa « transgression », son « péché » (32,1.5 bis), sa « faute » (2.5 bis), sa « tromperie » (2), dans l’autre — où les termes précédents ne reviennent pas — il se plaint au Seigneur d’être accusé « sans raison », parce qu’il est innocent. Si ce sont les méchants qui écrasent le psalmiste dans le Ps 35, dans le Ps 32 ce sont ses propres « transgressions » (1.5) son « péché » (1.5a.5b), sa « faute » (2.5a.5b), la « tromperie » (2b).
L’ensemble de la deuxième sous-section (Ps 32–37)
527
Ps 32 1 De David, instruction. Heureux celui à qui a été enlevée LA TRANSGRESSION, celui dont a été couvert LE PÉCHÉ ! 2 Heureux l’homme dont ne compte pas Yhwh LA FAUTE et point dans son esprit LA TROMPERIE ! 3 Quand je me taisais, se consumaient MES OS dans mon rugir TOUT LE JOUR ; 4 quand la nuit le jour pesait sur moi ta main, était changée ma moelle dans les ardeurs de l’été. 5 MON PÉCHÉ, je te l’ai fait connaître et MA FAUTE je n’ai point couvert ; j’ai dit : « Je confesserai contre moi MES TRANSGRESSIONS à Yhwh ». Et toi, tu as enlevé LA FAUTE de MON PÉCHÉ. 6 Pour cela prie tout fidèle vers toi au temps de trouver ; surement quand débordent les eaux nombreuses, vers lui elles n’arriveront pas. 7 Toi, refuge pour moi, de l’angoisse tu me garderas, de cris-de-joie de DÉLIVRANCE tu m’entoureras. 8
Je t’instruirai et je t’apprendrai ce CHEMIN à CHEMINER, je conseillerai sur toi mon ŒIL. 9 Ne soyez pas tel le cheval tel le mulet ne comprenant pas avec mors et rênes sa parure pour le dompter ; point ne s’approche de toi ! 10 Nombreux les tourments pour LE MÉCHANT et qui se fie en Yhwh, la fidélité l’entoure. 11 RÉJOUISSEZ-VOUS en Yhwh et EXULTEZ, LES JUSTES, et criez-de-joie, tous les droits de CŒUR. [...]
Ps 35 1 De David. Accuse, Yhwh, MES ACCUSATEURS, assaille MES ASSAILLANTS ; 2 saisis écu et bouclier et dresse-toi à mon aide. 3 Et brandis la lance et barre la route contre MES POURSUIVANTS ; dis à mon âme : « Ton salut, c’est moi. » 4 Qu’ils rougissent et soient-honteux CEUX QUI CHERCHENT MON ÂME, qu’ils reculent en arrière et soient confus, CEUX QUI PROJETTENT MON MALHEUR ! 5 Qu’ils soient comme la bale face au vent, et l’ange de Yhwh les poussant, 6 que soit leur CHEMIN ténèbre et glissades et l’ange de Yhwh les poursuivant ! Oui, sans raison ils ont caché pour moi la fosse de leur filet, sans raison ils ont creusé pour mon âme. sur lui la ruine qu’il ne connait pas et son filet qu’il a tendu qu’il le prenne, dans la ruine qu’il tombe dedans. 9 Et mon âme EXULTERA en Yhwh, jubilera en son salut. 10 Tous MES OS diront : « Yhwh, qui est comme toi, DÉLIVRANT le miséreux d’un plus fort que lui, et le miséreux et le pauvre de son SPOLIATEUR ? » 11 Se dressent DES TÉMOINS DE VIOLENCE, sur ce que je ne connais pas ils me questionnent, 12 ils me paient le mal au lieu du bien, privation d’enfant pour mon âme. 13 Et moi, pendant leurs maladies, mon vêtement était un sac ; j’humiliais par le jeûne mon âme et ma prière dans mon sein revenait ; 14 comme ami, comme frère à moi je me comportais, comme en deuil d’une mère, pleurant je me courbais. 15 Et de ma chute ILS SE RÉJOUISSENT et s’attroupent, s’attroupent contre moi DES VIOLENTS ; et point ne les connais, ils déchirent et ne cessent pas ; 16 en HYPOCRITES de MOQUEURS de railleries ils grincent des dents contre moi. 7
8 Vienne
17 Seigneur, combien de temps verras-tu cela ? Soustrais mon âme à leurs ravages, aux LIONCEAUX mon unique. 18 Je rendrai-grâce dans une assemblée immense, dans un peuple nombreux je te louerai. 19 QUE NE SE RÉJOUISSENT PAS de moi MES ENNEMIS de mensonge, MES HAÏSSANT sans raison qu’ils ne clignent pas de L’ŒIL ! 20 Car pas de paix ils parlent et contre les paisibles de la terre des paroles de fraudes ils projettent. 21 Et ils élargissent contre moi leur bouche ; ils disent : « Ha ! ha ! a vu notre ŒIL ! » 22
Tu as vu, Yhwh, ne te tais plus, Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ; 23 réveille-toi et éveille-toi, pour mon jugement, mon Seigneur et mon Dieu, pour ma cause ; 24 juge-moi selon TA JUSTICE, Yhwh mon Dieu, et QU’ILS NE SE RÉJOUISSENT PAS de moi ! 25 Qu’ils ne disent en leur CŒUR : « Ha ! notre âme ! » Qu’ils ne disent : « Nous l’avons avalé ! » 26 Qu’ils rougissent et soient confus ensemble CEUX QUI SE RÉJOUISSENT de mon malheur ; qu’ils se vêtent de rougissement et confusion, CEUX QUI SE GRANDISSENT SUR MOI ! 27 Qu’ils EXULTENT et SE RÉJOUISSENT ceux qui désirent MA JUSTICE, et qu’ils disent toujours : « Grand est Yhwh qui désire la paix de son serviteur ! » 28 Et ma langue méditera TA JUSTICE, TOUT LE JOUR ta louange.
528
La troisième section (Ps 26–41)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUXIÈMES PSAUMES (33 ET 36) Les psaumes centraux des deux séquences ont en commun les termes suivants : – « juste(s)/justice » (33,1.5 ; 36,7.11) ; – « droit(s)/droite » (33,1.4 ; 36,11) : – « vérité » (33,4 ; 36,6) ; – « fidélité » (33,5.18.22 ; 36, 6.8.11) ; – « cieux » (33,6.13 ; 36,6) ; – « Abime(s) » (33,7 ; 36,7) : – « cœur » (33,11.15.21 ; 36,2.11) ; – « fils d’Adam » (33,13 ; 36,8) ; – « salut/sauver » (33,16.17 ; 36,7) ; – « œil/yeux » (33,18 ; 36,2.3). Les « méchants » sont nommés dans le Ps 36 (2.12) avec « les faiseurs d’iniquité » (12-13) ; leurs œuvres sont détaillées : « transgression » (2), « faute » (3), « iniquité » (4.5), « fraude » (4), « mal » (5), « orgueil » (12). Rien de tout cela dans le Ps 33 ; seuls sont mentionnés, comme en passant, « les nations » et « les peuples » avec leur « dessein » et leurs « projets » (10). Tout le reste est consacré aux « justes » et aux « droits » ainsi qu’à la protection que leur assure le Seigneur.
L’ensemble de la deuxième sous-section (Ps 32–37)
529
Ps 33 1
Criez-de-joie, JUSTES, en Yhwh, aux DROITS convient la louange ; 2 rendez-grâce à Yhwh avec la cithare, avec la harpe à dix-cordes psalmodiez à lui; 3 chantez à lui un chant nouveau soyez-bons à jouer avec acclamation, 4 car DROITE est la parole de Yhwh et toutes ses œuvres avec VÉRITÉ ; 5 il aime la JUSTICE et le jugement, de la FIDÉLITÉ de Yhwh est pleine la terre. 6
Par la parole de Yhwh les CIEUX furent faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée. Il rassemble comme un bloc les eaux de la mer, donne dans des réserves les ABIMES. 8 Que craignent Yhwh toute la terre, devant lui tremblent tous les habitants du monde, 9 car lui dit et ce fut, il commanda et cela tint. 10 Yhwh fit échouer le dessein des NATIONS, rendit-vains les projets des PEUPLES ; 11 le dessein de Yhwh à jamais tient, les projets de son CŒUR d’âge en âge. 7
12
Heureuse la nation dont Yhwh est le Dieu, le peuple qu’il s’est choisi pour héritage !
13
Des CIEUX regarda Yhwh, il vit tous les fils d’Adam ; 14 du lieu de sa demeure il scruta tous les habitants de la terre. 15 Il façonne à chacun son CŒUR, il comprend toutes leurs œuvres. 16 Pas le roi est SAUVÉ par tant de vigueur, un preux n’est pas délivré par tant de force ; 17 mensonge le cheval pour le SALUT et avec tant de sa vigueur il ne s’échappe pas. 18
Voici, L’ŒIL de Yhwh sur ses craignant, pour les espérant en sa FIDÉLITÉ, 19 pour délivrer de la mort leur âme et les faire-vivre en temps de famine 20 Notre âme a attendu Yhwh, notre secours et notre bouclier c’est lui, 21 car en lui se réjouit notre CŒUR, car dans le nom de sa sainteté nous nous sommes fiés. 22 Que soit ta FIDÉLITÉ , Yhwh, sur nous, comme nous avons espéré en toi. [...] Ps 36 1 Du maître-de-chant, du serviteur de Yhwh, de David. Oracle de transgression au MÉCHANT au fond de son CŒUR, point de frayeur d’Élohim au regard de ses YEUX ; 3 car il se flatte trop lui-même à ses YEUX pour trouver sa faute et la haïr. 4 Les paroles de sa bouche iniquité et fraude, il a cessé d’être sage, d’être bon ; 5 l’iniquité il projette sur sa couche, il s’obstine dans le chemin pas bon, le mal il ne rejette pas. 2
6
Yhwh, dans les CIEUX ta FIDÉLITÉ, ta VÉRITÉ jusqu’aux nues ; 7 TA JUSTICE, comme les monts de El, tes jugements, L’ABIME immense. L’adam et la bête tu SAUVES, Yhwh ; 8 combien précieuse ta FIDÉLITÉ, Élohim ! Et les fils d’Adam à l’ombre de tes ailes s’abritent, 9 ils s’enivrent de la graisse de ta maison et au torrent de tes délices tu les abreuves. 10
Oui, avec toi la source de la vie, par ta lumière nous verrons la lumière. 11 Conserve ta FIDÉLITÉ à tes connaissant et TA JUSTICE aux DROITS de CŒUR. 12 Ne vienne sur moi le pied d’orgueil et que la main des MÉCHANTS ne me chasse ! 13 Là-bas sont tombés les faiseurs d’iniquité, ils ont été poussés et point n’ont pu se dresser.
530
La troisième section (Ps 26–41)
LES RAPPORTS ENTRE LES DERNIERS PSAUMES (34 ET 37) Les deux psaumes sont des acrostiches alphabétiques. Ils ont aussi beaucoup d’autres points communs : – « justes/justice » (34,16.20.22 ; 37,6.12.16.17.21.25.29.30.32.39, soit 10 fois dans le Ps 37) s’opposent à « méchants » (34,22 ; 37,1.9.10.12.14.16.17.20.21. 28.32.34.35.38.40, soit 15 fois dans le Ps 37) ; – « juste(s)/justice » ont comme synonymes : les « craignant » Dieu (34,8.10), « ceux qui le cherchent » (11), ses « serviteurs » (23) ; « jugement » (37,6), « ceux qui espèrent » (9), « petit » (14), « droit(s) » (14.37), « parfait(s) » (18. 37), « bénis » (22), « fidèles » (28), « homme de paix » (37) ; les « humiliés » (34,3 ; 37,11), les « miséreux » (34,7 ; 37,14) ; – « méchant(s) » a comme synonymes : « lions » (34,11), « faisant le mal » (17), « ceux qui haïssent » (22), « faiseurs de fausseté » (37,1), « faiseurs d’intrigues » (7), « ennemis » (20), « maudits » (22), « transgresseurs » (38). – « tous les s’abritant en lui » (34,23) et « ils se sont abrités en lui » (37,40) jouent le rôle de termes finaux ; – « évite le mal et fais le bien » de 34,15 est repris en 37,27 à quoi correspond « fais le bien » en 37,3 ; – le Seigneur les « délivre » (34,5.18.20 ; 37,40 bis) et « sauve » (34,7.19 ; 37,39. 40) de leur(s) « angoisse(s) » (34,7.18 ; 37,39) ; – contrairement aux « lions » (34,11a), les justes ne souffriront pas de la faim (34,11b ; 37,19.25) ; – appartiennent au champ sémantique de la filiation « fils » au centre du Ps 34 (34,12), « mémoire » (17) ; « lignée » (37,25.26.28), « postérité » (37.38), ainsi que « héritage » (18) et « hériter la terre » quatre fois (37,9.11.29.34), « donner » (37,4.21) ; – les méchants seront « retranchés » (37,9.22.34), et même leur « mémoire » sera retranchée (34,17), leur « lignée » (37,28), leur « postérité » (38) ; – dans le Ps 34 il est question des « brisés » de cœur (19) dont cependant aucun os ne sera « brisé » (21), alors que dans l’autre psaume ce sont les méchants dont les arcs seront « brisés » (37,15), dont les bras même seront « brisés » (17) ; – c’est le Seigneur qui « garde » ses fidèles (34,21 ; 37,37), mais c’est l’homme qui est invité à « garder » son chemin (34) ; – « paix » (34,15 ; 37,11.37) ; – enfin on notera que « désirer » au centre du Ps 34 (13) et « plaire » au centre de l’autre psaume (37,23) traduisent le même verbe hébreu.
L’ensemble de la deuxième sous-section (Ps 32–37)
531
Ps 34 1 De David, quand il déguisa sa raison à la face d’Abimélek et celui-ci le chassa et lui s’en alla. Je bénirai Yhwh en tout temps, toujours sa louange en ma bouche. 3 En Yhwh se loue mon souffle, qu’ils écoutent les humiliés et se réjouissent. 4 Magnifiez Yhwh avec moi et exaltons son nom ensemble. 5 Je cherchai Yhwh et il me répondit et de toutes mes frayeurs il me délivra. 6 Ils regardèrent vers lui et resplendirent et leur face ne rougira pas. 7 Ce miséreux cria et Yhwh écouta et de toutes ses ANGOISSES il le SAUVA . 8 Il campe l’ange de Yhwh autour de ses craignant et les dégage. 9 Goûtez et voyez que bon Yhwh, heureux l’homme QUI S’ABRITE EN LUI. 10 Craignez Yhwh, ses saints, car pas de manque pour ses craignant. 11 DES LIONS sont dénués et AFFAMÉS, et les cherchant Yhwh ne manquent d’aucun bien. 2
12 13
Allez, FILS, écoutez-moi la crainte de Yhwh je vous l’enseigne. Quel est l’homme qui désire la vie, aimant les jours pour voir le bien ?
Préserve ta langue du mal et tes lèvres du parler trompeur. 15 Évite le mal et fais le bien, recherche la PAIX et poursuis-la. 16 Les yeux de Yhwh pour les JUSTES et ses oreilles pour leurs clameurs. 17 La face de Yhwh contre LES faisant le mal, pour RETRANCHER de la terre leur MÉMOIRE. 18 Ils crièrent et Yhwh écouta et de toutes leurs ANGOISSES il les délivra. 19 Proche Yhwh des brisés de cœur et les esprits abattus il SAUVE. 20 De nombreux maux sur le JUSTE et de tous il le délivre Yhwh. 21 IL GARDE tous ses os, un seul d’entre eux ne sera brisé. 22 Le mal tue le MÉCHANT et ceux qui haïssent le JUSTE expieront. 23 Il rachète Yhwh le souffle de ses serviteurs et n’expieront pas TOUS LES S’ABRITANT EN LUI. 14
[...] Ps 37 1 De David. Ne t’échauffe pas contre les MÉCHANTS, ne jalouse pas les faiseurs de fausseté : 2 car comme l’herbe vite ils sont fanés et comme le vert du regain ils sont flétris. 3 Aie confiance en Yhwh et fais le bien, habite la terre et fais-paitre la vérité. 4 et réjouis-toi en Yhwh et il te DONNERA les désirs de ton cœur. 5 Remets à Yhwh ton chemin et aie confiance en lui, et lui il fera ; 6 et il fera-lever comme lumière ta JUSTICE, et ton jugement comme le midi. 7 Sois tranquille en Yhwh et attends-le, ne t’échauffe pas contre qui fait-réussir son chemin, contre l’homme faiseur d’intrigues ; 8 Laisse la colère, renonce au courroux, ne t’échauffe pas, ce n’est que mal ; 9 car les MÉCHANTS seront RETRANCHÉS, et ceux qui espèrent en Yhwh HÉRITERONT LA TERRE ; 10 encore un peu, et plus de MÉCHANT, tu t’enquiers de sa place, et il n’est plus ; 11 et les humiliés HÉRITERONT LA TERRE et se réjouiront de beaucoup de PAIX. 12 13
Le MÉCHANT complote contre le JUSTE et grince des dents contre lui ; le Seigneur se moque de lui, car il voit que vient son jour. 14 Les MÉCHANTS ont tiré l’épée et ils ont tendu l’arc, pour faire-tomber le miséreux et le petit, pour égorger les droits de chemin. 15 Leur épée viendra dans leur cœur et leurs arcs seront brisés. 16 Mieux vaut un peu pour le JUSTE que l’abondance des MÉCHANTS puissants ; 17 car les bras des MÉCHANTS seront brisés, et il soutient les JUSTES Yhwh. 18 Yhwh connaît les jours des parfaits, et leur HÉRITAGE sera pour toujours ; 19 ils ne rougiront pas au temps mauvais, et aux jours de FAMINE ils seront rassasiés. 20 Car les MÉCHANTS périront et les ennemis de Yhwh ; comme la parure des prés ils sont achevés, en fumée ils sont achevés.
Le MÉCHANT emprunte et point ne rend mais le JUSTE a pitié et il DONNE ; 22 car ses bénis HÉRITERONT LA ses maudits seront RETRANCHÉS. 23 Par Yhwh les pas de l’homme sont affermis et son chemin lui plait ; 24 s’il tombe, il n’est pas terrassé, car Yhwh tient sa main. 21
TERRE et
25 J’étais jeune, et puis j’ai vieilli, je n’ai pas vu le JUSTE abandonné ni sa LIGNÉE cherchant du pain ; 26 tout le jour il a pitié, il prête, et sa LIGNÉE sera en bénédiction ! 27 Évite le mal et fais le bien et tu habiteras pour toujours. 28 Car Yhwh aime le jugement et il n’abandonne pas ses fidèles ; pour toujours ils SERONT GARDÉS mais la LIGNÉE des MÉCHANTS sera RETRANCHÉE; 29 les JUSTES HÉRITERONT LA TERRE et ils habiteront à jamais sur elle. 30 La bouche du JUSTE murmure la sagesse et sa langue profère le jugement ; 31 la loi de son Dieu dans son cœur : ses pas ne chancellent point. 32 33
Le MÉCHANT guette le JUSTE et cherche à le faire mourir ; Yhwh ne l’abandonne pas à sa main et pas ne le fait-méchant dans son être-jugé.
Espère en Yhwh et GARDE son chemin, et il t’exaltera POUR HÉRITER LA TERRE : LE RETRANCHEMENT des MÉCHANTS tu verras. 35 J’ai vu le MÉCHANT redoutable et dépouillé comme un arbre verdoyant ; 36 et il est passé et voici qu’il n’était plus, je l’ai cherché et il ne s’est pas trouvé. 37 GARDE le parfait et vois le droit : car il est une POSTÉRITÉ pour l’homme de PAIX ; 38 mais les transgresseurs seront exterminés ensemble, la POSTÉRITÉ des MÉCHANTS RETRANCHÉE. 39 Et le SALUT des JUSTES vient de Yhwh, leur forteresse au temps de L’ANGOISSE ; 40 Yhwh les aide et les délivre, il les délivre des MÉCHANTS et les SAUVE car ILS SE SONT ABRITÉS EN LUI. 34
532
La troisième section (Ps 26–41)
INTERPRÉTATION INSTRUCTION Le titre du premier psaume ne vaut pas seulement pour lui (Ps 32), pas seulement non plus pour la seule première séquence (Ps 32–34) ; l’« instruction » caractérise aussi la deuxième séquence et donc tout l’ensemble de la soussection (Ps 32–37). Il est vrai que le centre du premier psaume est adressé à Dieu (32,4-7) mais dès le second psaume la prière se réduit au seul verset final (33,22) et elle est totalement absente du dernier psaume de la première séquence (34) ; en revanche les appels à louer le Seigneur sont nombreux (32,8-11 ; 33,1-3 ; 34,3-4.9-14) motivés par le récit de ses œuvres. Dans la deuxième séquence, si le premier psaume est un long appel au secours adressé à Dieu contre un ennemi acharné (Ps 35), déjà dans le psaume suivant la prière qui suit la dénonciation du comportement des méchants (36,2-5) est essentiellement une louange ; quant au dernier psaume (Ps 37), c’est une longue invitation à ne pas s’échauffer contre les méchants mais à espérer dans le Seigneur. Les deux psaumes acrostiches sur lesquels débouchent les deux séquences ne contiennent pas la moindre prière ; ce sont tous deux des instructions invitant leur destinataire à « s’abriter » dans le Seigneur. LE PÉCHÉ Une fois son péché confessé et pardonné (32,5), le psalmiste qui en est libéré peut s’adonner avec « les justes » et « les droits » à la joie et à l’exultation (11) ; et c’est pourquoi le psaume suivant est adressé aux « justes » et aux « droits » pour les inviter à la « louange » (33,1), et de manière encore plus solennelle le psaume suivant où l’orant invite les « humiliés » à s’unir à sa « louange » (34,24). En revanche, les « méchants » qui accusent le psalmiste avec acharnement et « sans raison » (Ps 35) demeurent dans la « transgression », dans la « faute », « l’iniquité » et « la fraude », dans « le mal » (36,2-5). Ce sont des « faiseurs de fausseté » (37,1) et « d’intrigues » (7), des « transgresseurs » (38). LA JUSTICE Le terme « méchant » qui occupe toute la deuxième séquence et sature en particulier le dernier psaume ne saurait obscurcir ceux de « justice » et de « juste ». Alors que les méchants ne mènent qu’à la mort, aussi bien les bourreaux que leurs victimes, le second terme prend son origine dans la « justice » de Dieu (35,24.27.28 ; 36,7.11), dans son « jugement » (35,23-24 ; 36,7 ; 37,6.28. 33), qui consiste à « sauver » son fidèle (35,3.9 ; 36,7 ; 37,39.40), à le « délivrer » (35,9 ; 37,40 bis), à le faire « hériter », à en faire donc son fils, dont la « lignée » et la « postérité » seront assurées « pour toujours ».
III. LE SEIGNEUR PROTÈGE L’HOMME INTÈGRE DU MAL
La troisième sous-section : Ps 38–41 Les quatre psaumes de la sous-section sont organisés en deux séquences de deux psaumes chacune.
A. DIEU REPREND ET CORRIGE La première séquence : Ps 38–39 1. LE PSAUME 38 TEXTE 1
Psaume de David, pour mémorial. 2 Yhwh, pas en ton courroux ne me reprendras et en ta fureur ne me corrigeras ; 3 oui, tes flèches se sont abattues en moi et s’est abattue sur moi ta main. 4 Rien d’intact en ma chair à cause de ta colère, rien de paix dans mes os à cause de mon péché ; 5 oui, mes fautes dépassent ma tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi, 6 elles puent, elles pourrissent, mes meurtrissures à cause de ma folie. 7 Je suis voûté, courbé, à l’excès, tout le jour, assombri, je marche ; 8 oui, mes lombes sont pleines de 9 je suis paralysé et broyé, à l’excès, fièvre et rien d’intact en ma chair ; je rugis du 10 Seigneur, devant toi tout mon désir, et mon soupir pour toi n’est grondement de mon cœur. point caché ; 11 le cœur me bat, m’abandonne ma force et la lumière de mes yeux eux aussi pas avec moi. 12 Mes amis et mes compagnons devant ma plaie se tiennent et mes proches de loin se sont tenus ; 13 ils piègent, les demandant mon âme, et les cherchant mon malheur parlent de menaces, et des fraudes tout le jour ils méditent. 14 Et moi, comme un sourd, je n’entends pas et comme un muet qui n’ouvre pas la bouche ; 15 et je suis comme un homme lequel n’entends pas et pas dans sa bouche de réplique. 16 Oui, en toi, Yhwh, j’espère, toi tu répondras, Seigneur mon Dieu. 17 Oui, j’ai dit : Qu’ils ne se gaussent de moi, quand chancelle mon pied, sur moi qu’ils ne gagnent ! 18 Oui, moi à la chute je suis voué et mon tourment devant moi toujours. 19 Oui, ma faute, je confesse, je suis anxieux de mon péché. 20 Et mes ennemis sans raison sont forts et ils sont nombreux mes haïssant à tort ; 21 et, me rendant le mal au lieu du bien, ils m’accusent au lieu de poursuivre le bien. 22 Ne m’abandonne pas, Yhwh, mon Dieu, ne sois pas loin de moi ; 23 hâte-toi à mon aide, Seigneur, mon salut ! V. 20
: « MES ENNEMIS SANS RAISON »
Au lieu de ḥinnām (« sans raison ») le texte massorétique a ḥayyîm (« vivants »), le yod pouvant se confondre avec le noun. Il est raisonnable de suivre 4QpPsa qui a ḥinnām ; comme en Ps 35,19 « sans raison » est parallèle à « à tort ».
534
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION Notre poème ne suit pas un schéma de développement régulier. On peut signaler quatre moments où l’orant s’adresse à Dieu : vv. 2.10.16.22, c’est-à-dire au début et à la fin, dans le bloc des souffrances physiques et dans celui des répercussions dans les relations sociales. Ces blocs ne sont pas très bien définis. L’intensité se superpose à l’ordre1.
Les auteurs ont noté les vocatifs auxquels ils attribuent le rôle de termes initiaux, distinguant ainsi quatre parties. Pour Ravasi, une antienne introductive (2) et une antienne conclusive (22-23) encadrent « la grande supplication » (3-21)2. D’autres y voient de cinq à huit parties3. Le psaume s’organise en trois parties dont le début est signalé par des vocatifs (2-9 ; 10-15 ; 16-23). La partie centrale est légèrement plus courte que celles qui l’encadrent (14 membres au lieu de 16). LA PREMIÈRE PARTIE (2-9) + 2 Yhwh, +
pas en TON COURROUX et en TA FUREUR
ne me reprendras ne me corrigeras ;
:: 3 OUI tes flèches :: et s’est abattue
se sont abattues sur moi
en moi ta main.
··························································································································· EN MA CHAIR à cause de TA COLÈRE, à cause de MON PÉCHÉ ; dans mes os
+ 4 RIEN D’INTACT + rien de paix
:: 5 OUI MES FAUTES :: comme un fardeau 6
:: elles puent, :: à cause de
dépassent pesant
ma tête, elles pèsent
elles pourrissent, MA FOLIE.
mes meurtrissures
trop pour moi,
···························································································································
– 7 Je suis voûté, – tout le jour,
courbé, assombri
à l’excès, je marche ;
:: 8 OUI mes lombes + ET RIEN
sont pleines D’INTACT
EN MA CHAIR
– 9 je suis paralysé – je rugis
et broyé, du grondement
à l’excès, de mon cœur.
1
de fièvre ;
Alonso Schoekel – Carniti, I, 652. Ravasi, I, 696. 3 Cinq parties pour Hakham (I, 216) : 2-8 ; 9-13 ; 14-16 ; 17-21 ; 22-23. Six pour Lorenzin (175) et deClaissé-Walford – al. (355), mais leurs divisions ne se correspondent pas, excepté pour la dernière (22-23). Huit pour Vesco (353). 2
Le psaume 38
535
Dans le premier morceau le psalmiste supplie le Seigneur de cesser de le « corriger » (2), sa main s’étant abattue sur lui (3). Dans le second morceau, la « colère » de Dieu est causée par son « péché » (4b), ses « fautes » (5a) et sa « folie » (6b) ; elle se manifeste dans son corps, « chair » et « os » (4), « tête » (5) et « meurtrissures » purulentes (6). Le troisième morceau insiste sur « l’excès » (7a.9a) des maux qui ont atteint ses « lombes » (8a) et son « cœur » (9b) ; à noter le parallélisme des premiers membres des segments extrêmes. Les deux premiers morceaux sont liés par les synonymes « ton courroux », « ta fureur », « ta colère » dans les premiers segments (2ab.4a). Les derniers morceaux sont liés par la reprise de « rien d’intact en ma chair » (4a.8b)4. « Oui » revient dans chaque morceau ; « ta main » appartient au même champ sémantique des parties du corps énumérées dans les morceaux suivants. Le morceau central est le seul où la « cause » des maux est confessée. LA DEUXIÈME PARTIE (10-15) + 10 Seigneur, + et mon gémissement
devant toi pour toi
tout mon désir n’est point caché ;
+ 11 le CŒUR + et la lumière
me bat,
de MES YEUX
m’abandonne eux aussi
ma force PAS
avec moi.
·····················································································································
- 12 Mes amis - devant - et mes proches
et mes compagnons ma plaie de loin
: 13 ils piègent, : et les cherchant : et des fraudes
les demandant mon malheur tout le jour
se tiennent se sont tenus ; MON ÂME
parlent ils méditent.
de menaces
····················································································································· 14
– Et moi, .. et comme un muet
comme un sourd, qui n’ouvre pas
– 15 et je suis .. et PAS
dans SA BOUCHE
comme un homme
je n’entends pas LA BOUCHE ;
lequel de réplique.
n’entends pas
Alors que le psalmiste s’adresse à Dieu dans le premier morceau pour se plaindre de ses malheurs, dans le dernier il reste sourd et muet face à tous ceux dont il est question dans le morceau central, amis et ennemis. Dans le premier morceau le second segment explicite et détaille le « gémissement » du premier segment en énumérant ses retentissements corporels5. Dans le 4
En 4a les deux premiers mots sont liés par le maqqep. En 11b, le référent du pronom « eux » est le terme immédiatement précédent, « mes yeux », alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que ce soit « la lumière » ; en outre, le pronom hébreu est au masculin alors qu’il aurait dû être au féminin, mais ceci arrive souvent. 5
536
La troisième section (Ps 26–41)
second morceau le premier trimembre est consacré aux « proches » du psalmiste qui n’osent s’approcher de lui à cause de sa « plaie », le second à ses ennemis, ceux qui « demandent son âme », c’est-à-dire qui en veulent à sa vie, en lui tendant des pièges. Les deux bimembres du dernier morceau sont parallèles, reprenant « n’entends pas » et « bouche ». + 10 Seigneur, + et mon gémissement
devant toi pour toi
tout mon désir, n’est point caché ;
+ 11 le CŒUR + et la lumière
me bat,
de MES YEUX
m’abandonne eux aussi
ma force, PAS
avec moi.
·····················································································································
- 12 Mes amis - devant - et mes proches
et mes compagnons ma plaie de loin
: 13 ils piègent, : et les cherchant : et des fraudes
les demandant mon malheur tout le jour
se tiennent se sont tenus ; MON ÂME,
parlent ils méditent.
de menaces,
·····················································································································
– 14 Et moi, .. et comme un muet
comme un sourd, qui n’ouvre pas
– 15 et je suis .. et PAS
dans SA BOUCHE
comme un homme
je n’entends pas, LA BOUCHE ;
lequel de réplique.
n’entends pas
« Devant » est repris dans les deux premiers morceaux (10a.12b). Les deux « je n’entends pas » ainsi que « pas [...] de réplique » du dernier morceau répondent, pour ainsi dire, à « parlent de menaces » du deuxième morceau (13b). Les deux occurrences de « pas » (’ên) remplissent la fonction de termes finaux pour les morceaux extrêmes. Ce qui s’oppose à « mon gémissement pour toi n’est point caché » du premier morceau (10b).
Le psaume 38
537
LA TROISIÈME PARTIE (16-23) + 16 OUI, en toi, + toi
YHWH, tu répondras,
j’espère, SEIGNEUR
MON DIEU.
Qu’ils ne mon pied,
se gaussent de moi, sur moi
qu’ils ne gagnent !
: OUI, moi : et mon tourment
à la chute devant moi
je suis voué, toujours.
: 19 OUI, ma faute, : je suis anxieux
je confesse, de mon péché.
: 17 OUI, j’ai dit : : quand chancelle 18
······························································································································
- 20 Et mes ennemis - et ils sont nombreux
sans raison mes haïssant
sont forts à tort ;
- 21 et, me rendant - ils m’accusent
le mal au lieu
au lieu de poursuivre
YHWH, ne sois pas loin
de moi ;
+ 22 Ne m’abandonne pas, + MON DIEU, 23
+ hâte-toi + SEIGNEUR,
du bien, le bien.
à mon aide, mon salut !
Les sous-parties extrêmes se correspondent : le psalmiste y invoque « Yhwh » (16a.22a), « Seigneur » (16b.23b), « mon Dieu » (16b.22b). Les trois bimembres du premier morceau de la sous-partie centrale commencent avec « Oui » (kî) ; le psalmiste y rappelle ce qu’il avait déjà dit dans sa prière : supplication (17), plainte (18), confession du péché (19). Le second morceau concerne les ennemis qui le poursuivent « sans raison », « à tort » (20), qui lui rendent le mal pour le bien (21). Ce deuxième morceau peut être compris comme la suite et la fin de ce que le psalmiste avait dit dans sa prière. L’ENSEMBLE DU PSAUME Les parties extrêmes se distinguent de la partie centrale par les trois occurrences de « oui » dans la première (3.5.8), les quatre dans la dernière (16.17.18. 19), par la récurrence de « mon péché » et « mes/ma faute(s) » (4-5 ; 19). Les deux premières parties sont liées par les termes appartenant aux parties du corps : « ta main » (3), « ma chair », « mes os » (4), « mes lombes », « ma chair » (8), « mon cœur » (9) ; « cœur », « mes yeux » (11), « mon âme » (13), « la/sa bouche » (14-15). Aucun de ces termes n’est employé dans la dernière partie, pas plus que « mes meurtrissures » (6), « mon désir », « mon gémissement » (10), « ma force » (11), « ma plaie » (12). Traduit par « rien », ’ên revient trois fois dans
538
La troisième section (Ps 26–41)
la première partie (4 bis.8) et, traduit par « pas » deux fois dans la suivante (11.15). Les deux occurrences de « cœur » (9.11) jouent le rôle de termes médians. Les deux dernières parties sont liées par la mention des ennemis du psalmiste : « les demandant mon âme » et « les cherchant mon malheur » (13) ; « mes ennemis » et « mes haïssant » (20), et par « loin » (12b.22). 1
Psaume de David, pour mémorial. 2 3
YHWH, pas en ton courroux ne me reprendras et en ta fureur ne me corrigeras ; OUI, tes flèches se sont abattues en moi et s’est abattue sur moi TA MAIN.
4
RIEN d’intact en MA CHAIR à cause de ta colère, RIEN de paix dans MES OS à cause de MON PÉCHÉ ; OUI, MES FAUTES dépassent ma tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi ; 6 elles puent, elles pourrissent, MES MEURTRISSURES à cause de ma folie. 5
7
Je suis voûté, courbé, à l’excès, tout le jour, assombri je marche ; OUI, MES LOMBES sont pleines de fièvre et RIEN d’intact en MA CHAIR ; 9 je suis paralysé et broyé, à l’excès, je rugis du grondement de MON CŒUR. 8
10 11
SEIGNEUR, devant toi tout MON DÉSIR et MON GÉMISSEMENT pour toi n’est point caché ; LE CŒUR me bat, m’abandonne MA FORCE et la lumière de MES YEUX eux aussi PAS avec moi.
12
Mes amis et mes compagnons devant MA PLAIE se tiennent et mes proches DE LOIN se sont tenus ; 13 ils piègent, LES DEMANDANT MON ÂME et LES CHERCHANT MON MALHEUR parlent de menaces, et des fraudes tout le jour ils méditent. 14 15
16
Et moi, comme un sourd, je n’entends pas et comme un muet qui n’ouvre pas LA BOUCHE ; et je suis comme un homme lequel n’entends pas et PAS dans SA BOUCHE de réplique.
OUI, en toi, YHWH, j’espère,
toi tu répondras, SEIGNEUR MON DIEU.
17
OUI, j’ai dit : Qu’ils ne se gaussent de moi, quand chancelle mon pied sur moi qu’ils ne gagnent ! OUI, moi à la chute je suis voué et mon tourment devant moi toujours. 19 OUI, MA FAUTE, je confesse, je suis anxieux de MON PÉCHÉ. 18
20 21 22 23
Et MES ENNEMIS vivants sont forts et ils sont nombreux MES HAÏSSANT à tort, et me rendant le mal au lieu du bien, ils m’accusent au lieu de poursuivre le bien.
Ne m’abandonne pas, YHWH, MON DIEU, NE SOIS PAS LOIN de moi ; hâte-toi à mon aide, SEIGNEUR, mon salut !
Pour les trois parties, les vocatifs jouent le rôle de termes initiaux, « Yhwh » (2), « Seigneur » (10), « Yhwh » et « Seigneur mon Dieu » (16) ; « Yhwh » (2) et « Yhwh, mon Dieu » et « Seigneur » (22-23) remplissent la fonction de termes extrêmes pour l’ensemble du psaume. Les ennemis n’apparaissent qu’à partir du début du deuxième versant (13-23). Les maux physiques dont souffre le psalmiste ne se trouvent que dans le premier versant.
Le psaume 38
539
CONTEXTE UN DES SEPT PSAUMES PÉNITENTIELS Le Ps 38 est le troisième des sept psaumes pénitentiels, avec les Ps 6 ; 32 ; 51 ; 102 ; 130 ; 143. Il partage avec eux la confession des péchés. Ps 38,2 reprend presque mot à mot Ps 6,2. « RIEN D’INTACT EN MA CHAIR » La même expression se trouve au début d’Isaïe, appliquée non pas à un individu comme dans le psaume, mais à tout le peuple : 5
Où frapper encore, si vous persévérez dans la trahison ? Toute la tête est mal-en-point, tout le cœur est malade, 6 de la plante des pieds à la tête, rien en lui d’intact (Is 1,5-6).
« IL N’OUVRE PAS LA BOUCHE » Les versets 14-15 du psaume rappelle le quatrième chant du Serviteur : « Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche » (Is 53,7).
INTERPRÉTATION LES MAUX DU PSALMISTE Tout au long du premier versant du psaume le psalmiste évoque les maux physiques dont il souffre dans sa « chair » ; ses « os », ses « lombes », son « cœur » et jusqu’à ses « yeux » sont atteints. C’est un mal qui n’est pas localisé, limité à un seul organe, tout son corps n’est, pour ainsi dire qu’une seule « meurtrissure », une unique « plaie ». Certains ont cru y reconnaitre la lèpre6. Il semble vain de vouloir poser un diagnostic précis. Toutes ces manifestations physiques pourraient n’être rien d’autre qu’autant de symptômes d’un mal d’un autre ordre. LE HARCÈLEMENT MORAL Le comportement des amis et compagnons du psalmiste, qui se tiennent à distance, est certainement la conséquence de sa situation physique, même s’il est clair qu’une telle attitude de leur part ne fait qu’aggraver sa souffrance. Il n’en va pas de même pour ses ennemis, ceux qui cherchent son malheur, qui en veulent à sa vie. Il semble bien qu’ils sont la cause de son mal, d’autant plus qu’ils sont nombreux et puissants, et surtout que le psalmiste n’a pas mérité leur 6
Par ex., Kraus, I, 411 ; Lorenzin, 175.
540
La troisième section (Ps 26–41)
haine, bien au contraire : au lieu du bien qu’il leur a fait, ils lui ont rendu le mal, l’accusant injustement. Il y a là de quoi rendre gravement malade qui bénéficie de la santé la plus robuste. CULPABILISATION La tactique du pervers consiste non seulement à écraser sa proie, à l’avilir, mais aussi à la culpabiliser. Si elle est persécutée, c’est qu’elle l’a bien mérité. Si elle tombe malade, c’est bien évidemment de sa faute. Et la perversion atteindra son comble lorsque la victime aura intériorisé sa culpabilité devant Dieu, en l’appelant sa « faute », son « péché ». Ainsi il sera convaincu au plus profond de lui que les flèches qui s’abattent sur lui ne lui sont pas décochées par ses ennemis, mais en réalité par Dieu qui, dans une fureur légitime, entend le corriger, sinon le châtier. Et le voilà écrasé définitivement sous un poids trop lourd pour lui, enfoncé sous la masse de ses fautes qui dépassent sa tête. « OUI, EN TOI, SEIGNEUR, J’ESPÈRE » Malgré tout, ce ne sont ni les ennemis ni le péché qui auront le dernier mot, mais l’espérance. C’est en effet devant « Yhwh » (2), son « Seigneur » (10), que le psalmiste expose sa misère tout au long des deux premières parties. Tout ce qu’il lui a dit et qu’il reprend au centre de la dernière partie (17-21), ne l’empêche en aucune façon de se laisser prendre au piège mortel qui lui a été tendu. S’il supplie son Seigneur de ne pas l’abandonner, de ne pas rester loin de lui, s’il le presse de se hâter à son aide (22-23), il espère en lui, sûr qu’il répondra à sa lamentation (16). Le dernier mot est « mon salut » (23) ; avec lui tout est dit7.
7
Le corps du psaume comprend 22 segments, autant que de lettres de l’alphabet. C’est pourquoi ce genre de psaume est appelé « acrostiche » non-alphabétique. Comme avec les 22 lettres de l’alphabet hébreu on peut dire tout le dicible, ce chiffre symbolise la totalité.
2. LE PSAUME 39 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, de Yedutûn, psaume, de David. 2 J’ai dit : Que je garde mes chemins, de peur de pécher avec ma langue, que je garde à ma bouche un bâillon, tant que le méchant (est) devant moi. 3 Je suis resté-muet (en) silence je me suis tu loin du bien et mon tourment s’exaspéra. 4 Brûlait mon cœur au-dedans de moi, dans mon soupir flambait un feu, j’ai parlé avec ma langue : 5 Fais-moi savoir, Yhwh, ma fin et la mesure de mes jours combien (est)elle, que je sache combien manquant moi. 6 Voici, des empans tu donnas mes jours et ma durée comme rien devant toi ; oui, toute une buée tout adam qui se tient-debout. 7 Oui, telle une ombre s’en va l’homme, oui, une buée ils s’enrichissent ; il entasse et ne sait pas qui 8 Et maintenant, qu’attendrai-je, Seigneur ? ramassera. Mon espérance, en toi elle (est). 9 De toutes mes transgressions délivre-moi, la risée de l’insensé ne me mets pas. 10 Je restemuet, je n’ouvre pas la bouche, car toi tu agis. 11 Éloigne de moi tes coups, sous les assauts de ta main, moi je me consume. 12 Reprenant les fautes, tu corriges l’homme et tu ronges comme la teigne ce qu’il convoite, rien qu’un souffle tout adam. 13 Écoute ma prière, Yhwh, et à mon cri prête-l’oreille, à mes pleurs ne sois-pas-sourd. Car un étranger moi chez toi, un passant comme tous mes pères. 14 Détourne-toi de moi, et que je sourie, avant que je m’en aille et ne sois plus rien. V. 1
: « DE YEDUTÛN »
Avec le Qeré lîdûtûn (le ketib a lîdîtûn). Yedutûn est un des lévites que David avait chargés de la musique du temple (1Ch 16,41-42 ; 25,1-2). V. 6A
: « QUELQUES PALMES »
Le palme est l’unité de mesure correspondant à la largeur de la main. V. 6C
: « OUI, TOUTE UNE BUÉE »
Plusieurs manuscrits hébreux n’ont pas le premier « tout » du texte massorétique : ’ak kāl-hebel kol-’ādām, « Oui, toute une buée tout adam ». V. 7A
: « OUI, TELLE UNE OMBRE »
Litt., « dans l’ombre », que l’on peut comprendre comme « dans l’obscurité », dans les ténèbres ; toutefois, le parallélisme avec « buée » en 6c et en 7b invite à interpréter dans le même sens. 7B : « OUI, UNE BUÉE ILS S’ENRICHISSENT » Litt., « ils grondent », comme en Ps 83,3, Is 17,12. Toutefois, le verbe étant de la même racine que hāmôn, « richesse », il est possible de l’interpréter à la lumière du membre suivant1. 1
Voir Hakham, I, 225 ; Vesco, 359.
542
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION Comme il arrive la plupart du temps, les commentaires ne sont pas unanimes sur la façon dont le psaume est organisé. Plusieurs le divisent en deux parties seulement2, d’autres en trois3, d’autres encore en quatre4, et certains même en cinq5. Après le titre (1), le psaume est formé de deux longues parties (2-7 ; 9-14) encadrant une partie beaucoup plus courte, qui comprend une question et sa réponse (8). LA PREMIÈRE PARTIE (2-7) – 2 J’ai dit : – de peur de pécher
Que je garde avec ma langue,
mes chemins,
– que je garde – tant que
à ma bouche le méchant (est)
un bâillon,
(en) silence, s’exaspéra.
je me suis tu
3
= Je suis resté-muet = et mon tourment
DEVANT MOI.
loin du bien
····································································································
+ 4 Brûlait + dans mon soupir + j’ai parlé
mon cœur flambait avec ma langue :
au-dedans de moi, un feu,
:: 5 FAIS-MOI SAVOIR, :: et la mesure .. QUE JE SACHE
Yhwh, de MES JOURS combien manquant
ma fin combien (est-)elle, moi.
···································································································· 6
:: Voici, :: et ma durée :: oui, toute une buée 7
= Oui, telle une ombre = oui, une buée = il entasse
quelques palmes comme rien tout adam
tu donnas
s’en va ils s’enrichissent ; et NE SAIT PAS
l’homme,
MES JOURS
DEVANT TOI ;
qui se tient-debout.
selâ
qui ramassera.
Le premier morceau est marqué tout entier par le « silence » ; c’est d’abord la résolution que le psalmiste prit de tenir sa « langue », de bâillonner sa « bouche » Ravasi, I, 713 (1-7 subdivisé en 3 ; 8-14 subdivisé en 5) ; Girard, I, 662 (A : 2-4 / B : 5-7 // A’ : 8-12b / B’ 12c-14). 3 Hakham, I, 223 (2-4 ; 5-7 ; 8-14). 4 Kraus, I, 417 (2-4 ; 5-7 ; 8-12 ; 13-14); Lorenzin, 177 (comme Kraus); Vesco, 360 (2-4 ; 5-7 ; 8 qui introduit la partie suivante ; 9-14). 5 DeClaissé-Walford – al., 360-361 (2-4b ; 4c-6 ; 7-9 ; 10-12 ; 13-14). 2
Le psaume 39
543
(2), résolution à laquelle il a été fidèle (3), malgré le « tourment » exaspérant (3b) que lui causait « le méchant ». Au début du morceau central, à cause du « feu » qui lui brûle le « cœur » (4ab), il finit par se décider à parler (4c). Le second trimembre rapporte les paroles qu’il adresse à « Yhwh » : il veut « savoir » (5a.5c) ses limites, celle de sa vie (5ab) et celle de ses forces (5c). Dans le dernier morceau il énonce les réponses à ses questions. Le premier trimembre, où se retrouve « mes jours » (5b.6a) et son synonyme « durée »6, contient la réponse à la première question (5ab), le second segment, où est repris le verbe « savoir » (5c.7c), répond à la deuxième question (5c), le manque se vérifiant dans le dépouillement de celui qui s’enrichit et « entasse ». Le premier segment regarde le psalmiste (« mes jours », « ma durée »), tandis que le second concerne « l’homme », celui qui « entasse... ». Comme le premier morceau présente le psalmiste en butte au « méchant », on peut penser que dans le dernier morceau se retrouvent ces mêmes personnages, le psalmiste dans le premier segment, le méchant dans le second. Le morceau central est lié au premier par la reprise dans son premier segment de « ma langue » (2b.4c) et par les synonymes « dire » et « parler » (2a.4c) ; il est lié au dernier morceau par la reprise dans son second segment de « mes jours » (5b.6a) et de « savoir » (5a.5c.7c). Se vérifie ici aussi la loi de la question au centre : en effet, les deux derniers membres du morceau central comprennent le même interrogatif indirect traduit par « combien ». LA DEUXIÈME PARTIE (8) – 8 Et maintenant, + Mon ESPÉRANCE
qu’ATTENDRAI-je, en toi
Seigneur ? elle (est).
Le second membre répond au premier ; « attente » est un synonyme d’« espérance » ; les deux termes se retrouvent en parallèle en Pr 10,28 : L’espérance et l’attente
des justes des méchants
est joie, périra.
De même en Pr 11,7 : Dans la mort et l’espérance
d’un adam méchant dans les richesses
périt périt.
l’attente,
En outre, « en toi » dans le deuxième membre correspond à « Seigneur » (’ădōnāy) dans le premier. 6
« Manquant » (ḥdl) et « durée » (ḥld) sont en rapport de paronomase.
544
La troisième section (Ps 26–41)
LA TROISIÈME PARTIE (9-14) – 9 De TOUTES – la risée :: 10 Je reste-muet, :: car toi – 11 Éloigne – sous les assauts
MES TRANSGRESSIONS
de l’insensé
délivre-moi, ne me mets pas.
je n’ouvre pas tu agis.
la bouche,
de moi de ta main,
tes coups,
comme la teigne
ce qu’il convoite,
MOI je me consume. ·················································································································· + 12 Reprenant LES FAUTES, tu corriges l’homme
+ et tu ronges = oui, une buée
TOUT adam. selâ ··················································································································
– 13 Écoute – et à mon cri – à mon pleur :: Car un étranger :: un passant – 14 Détourne-toi – avant que
ma prière, prête-l’oreille, ne te tais pas.
Yhwh,
MOI
comme TOUS
chez toi, mes pères.
de moi, je m’en aille
et que je sourie, et ne sois plus rien.
Dans le premier morceau les segments extrêmes sont des supplications, marquées par les impératifs « délivre-moi », « ne me mets pas » et « éloigne de moi », tandis que le segment central décrit l’attitude du psalmiste. Il en va de même dans le dernier morceau, le premier segment contenant trois impératifs et le dernier un seul dont le complément, « de moi », est semblable au complément de l’impératif symétrique à la fin du premier morceau7 ; comme dans le premier morceau le segment central décrit la situation du psalmiste, et ces deux segments centraux contiennent le même « car ». Le morceau central est de la taille d’un segment trimembre de type AA’B. Les deux premiers membres ont Dieu pour sujet, tandis que le troisième expose le résultat de l’action divine : tout homme est inconsistant comme la buée. Les derniers verbes des morceaux extrêmes, qui sont synonymes, jouent le rôle de termes finaux (11b.14b). « Mes transgressions » et « les fautes » jouent le rôle de termes initiaux pour les deux premiers morceaux (9a.12a). L’ENSEMBLE DU PSAUME Le titre est de composition parallèle, les noms propres se correspondant à la fin des deux moitiés du segment. 7 « De moi » traduit mē‘ālay dans le premier car, mimmennî dans le deuxième ; la préposition est identique de même que le pronom suffixe.
Le psaume 39 1
545
Du maître-de-chant,
de Yedutûn ;
psaume,
2 J’ai dit : de peur de PÉCHER
Que je garde avec ma langue,
mes chemins,
que je garde tant que
à ma
LE MÉCHANT
un bâillon, devant moi.
3
JE SUIS RESTÉ-MUET, et mon tourment
BOUCHE
(est)
(en) silence s’exaspéra.
JE ME SUIS TU,
de David.
loin du bien
·············································································································· 4 Brûlait dans mon soupir j’ai parlé
mon cœur flambait avec ma langue :
au-dedans de moi, un feu ;
5
YHWH, de mes jours combien manquant
ma fin combien (est-) elle, moi.
Fais-moi savoir, et la mesure que je sache
·············································································································· 6
Voici, et ma durée OUI, toute UNE BUÉE
quelques empans comme RIEN
7
S’EN VA ils s’enrichissent et ne sait
L’HOMME
qu’attendrai-je, en toi
SEIGNEUR ? elle (est).
MES TRANSGRESSIONS DE L’INSENSÉ
délivre-moi, ne me mets pas.
je n’ouvre pas tu agis.
la
de moi de ta main,
tes coups, moi
Oui telle une ombre,
OUI, UNE BUÉE
il entasse 8 Et maintenant, Mon espérance
9
De toutes la risée 10 JE RESTE-MUET, car toi 11
Éloigne sous les assauts
TOUT ADAM
tu donnas devant toi ; qui se tient-debout.
mes jours
;
qui ramassera.
BOUCHE,
je me consume.
·············································································································· 12 Reprenant et tu ronges OUI, UNE BUÉE
les fautes, comme la teigne TOUT ADAM.
tu corriges ce qu’il convoite,
L’HOMME
·············································································································· 13
Écoute et à mon cri à mon pleur Car un étranger un passant 14 Détourne-toi avant que
ma prière, prête-l’oreille, NE TE TAIS PAS.
YHWH,
moi comme tous
chez toi, mes pères.
de moi,
et que je sourie, et ne sois plus RIEN.
JE M’EN AILLE
546 1
La troisième section (Ps 26–41)
Du maître-de-chant,
de Yedutûn ;
psaume,
2 J’ai dit : de peur de PÉCHER
Que je garde avec ma langue,
mes chemins,
que je garde tant que
à ma
LE MÉCHANT
un bâillon, devant moi.
3
JE SUIS RESTÉ-MUET, et mon tourment
BOUCHE
(est)
(en) silence s’exaspéra.
JE ME SUIS TU,
de David.
loin du bien
·············································································································· 4 Brûlait dans mon soupir j’ai parlé
mon cœur flambait avec ma langue :
au-dedans de moi, un feu,
5
YHWH, de mes jours combien manquant
ma fin combien (est-) elle, moi.
Fais-moi savoir, et la mesure que je sache
·············································································································· 6
Voici, et ma durée OUI, toute UNE BUÉE
quelques empans comme RIEN
7
S’EN VA ils s’enrichissent et ne sait
qui ramassera.
qu’attendrai-je, en toi
SEIGNEUR ? elle (est).
MES TRANSGRESSIONS DE L’INSENSÉ
délivre-moi, ne me mets pas.
je n’ouvre pas tu agis.
la
de moi de ta main,
tes coups, moi
Oui telle une ombre,
OUI, UNE BUÉE
il entasse 8
Et maintenant, Mon espérance
9
De toutes la risée 10 JE RESTE-MUET, car toi 11
Éloigne sous les assauts
TOUT ADAM
tu donnas devant toi ; qui se tient-debout. L’HOMME
mes jours
;
BOUCHE,
je me consume.
·············································································································· 12 Reprenant et tu ronges OUI, UNE BUÉE
les fautes, comme la teigne TOUT ADAM.
tu corriges ce qu’il convoite,
L’HOMME
·············································································································· 13
Écoute et à mon cri à mon pleur Car un étranger un passant 14 Détourne-toi avant que
ma prière, prête-l’oreille, NE TE TAIS PAS.
YHWH,
moi comme tous
chez toi, mes pères.
de moi,
et que je sourie, et ne sois plus RIEN.
JE M’EN AILLE
Le corps du psaume est focalisé sur la question de 8a, suivie de sa réponse en 8b, nouvel exemple de la question au centre.
Le psaume 39
547
Alors que la dernière partie est une supplication, la première est une sorte de récit où le psalmiste apprend de Dieu qui il est vraiment. Ces longues parties extrêmes ont bien des points communs : – « pécher » et « transgressions » jouent le rôle de termes initiaux (2b.9a) ; – « faire-savoir » et son synonyme « instruire » remplissent la fonction de termes centraux (5a.12a) ; – dans les premiers morceaux « l’insensé » (9b) renvoie au « méchant » (2d) ; « Je reste muet, je n’ouvre pas la bouche » de 10a correspond à « que je garde à ma bouche un bâillon » (2c) et à « Je suis resté muet, en silence, je me suis tu » (3a) ; – « Yhwh » revient en 5a et en 13a ; – dans les derniers morceaux « rien » de 6b est repris dans le dernier terme (14b) ; les deux occurrences de « s’en aller » jouent le rôle de termes finaux (7a.14b) ; – « l’homme » dans le dernier morceau de la première partie (7a) revient au centre de la dernière (12a) ; de même « Oui, toute une buée tout adam » de 6c, repris en partie en 7b, revient en 12c. Introduite par « Et maintenant », la question centrale (8a) représente la conséquence logique de la première partie ; de manière complémentaire la réponse introduit la dernière partie, « l’attente » confiante du psalmiste se traduisant par les impératifs de sa supplication. Les trois occurrences du nom divin sont réparties régulièrement dans chaque partie, « Yhwh » dans les parties extrêmes (5a.13a), « Seigneur » au centre (8a).
CONTEXTE ADAM ET ABEL La traduction par « adam » et « buée » pourrait masquer le jeu de mots entre ’ādām et hebel qui est le nom propre du deuxième fils d’Adam, Abel. Si le nom d’Adam revient deux fois (6c.12c), celui d’Abel est repris trois fois (6c.7b.12c). Tout homme est aussi inconsistant que Abel. « TOUT EST VANITÉ » L’insistance sur hebel, « buée », ne saurait manquer de rappeler le début de Qohélet où hebel est rendu par « vanité » et mis en parallèle avec « vent », et où se retrouve aussi « l’adam » : 2
Vanité des vanités, dit Qohélet ; vanité des vanités, tout est vanité. Quel profit trouve l’adam à toute la peine qu’il prend sous le soleil ? [...] 14 J’ai regardé toutes les œuvres qui se font sous le soleil : Eh bien, tout est vanité et poursuite de vent ! 3
548
La troisième section (Ps 26–41)
INTERPRÉTATION SILENCE DEVANT LE MÉCHANT « Ne réponds pas à l’insensé selon sa stupidité de peur que tu lui ressembles, toi aussi » (Pr 26,4). Comme l’insensé le méchant est contagieux. Il est donc prudent d’éviter tout contact avec lui. Toute parole qui lui serait adressée ou qui serait dite à d’autres sur lui ne pourrait que conduire à « pécher » et donc... à devenir comme lui. La décision du psalmiste est prise, fermement. Et il réussit effectivement à tenir sa langue pendant un certain temps. Cependant, sans doute devant les assauts continus du méchant, mais peut-être seulement à cause de sa seule présence, il lui est de plus en plus difficile de persévérer dans sa résolution ; le feu qui couvait depuis longtemps dans son cœur finit par l’embraser tout entier. PRIÈRE À DIEU Il n’y tient plus et finit par ouvrir la bouche. Mais il ne rompt pas pour autant sa promesse : ce n’est pas au méchant qu’il s’adresse, ni à d’autres à son propos. Et, s’il parle au Seigneur, ce n’est pas pour se plaindre de qui que ce soit. C’est de lui qu’il lui parle, il le questionne sur sa propre fin, pour savoir combien de temps il va vivre, il veut connaitre ses propres limites. On pourra se demander pourquoi il pose à Dieu de telles questions dans les circonstances douloureuses qui sont les siennes ; des questions du reste dont il ne peut manquer de connaitre les réponses... Questions énigmatiques donc, comme toute question qui se trouve au centre d’un texte. C’est sans doute que le temps lui parait long, infiniment, comme s’il ne devait jamais finir. UNE RÉPONSE À DOUBLE DÉTENTE Pour long qu’il puisse sembler, le temps est strictement compté. Devant le Seigneur qui l’a limité à fort peu de chose, le psalmiste prend conscience que sa fin n’est pas loin. Cela lui permet de relativiser les choses, surtout celles qui le font souffrir. D’ailleurs, la limite et le manque ne concernent pas seulement le psalmiste, mais tout homme aussi bien, en particulier le méchant qui s’en ira bientôt lui aussi, « telle une ombre », « manquant » comme sa victime en définitive, sans pouvoir rien garder de ce qu’il aura amassé au détriment de ceux qu’il aura dépouillés. QUELLE ESPÉRANCE ? Que la vie finisse un jour, y compris pour le méchant, est une maigre consolation, même si elle est on ne peut plus réaliste. Ce n’est pas là une espérance à la hauteur du désir de l’homme. C’est pourquoi le psalmiste se tourne encore une fois vers son Seigneur. Il met en lui, en lui seul, toute son « attente » (8b). Or la
Le psaume 39
549
suite, le deuxième versant du psaume, qui n’est pas spécialement enthousiasmante, ne semble pas répondre à cette attente. Et pourtant... « TOI, TU AS AGI » Alors qu’au début le psalmiste avait décidé de se taire devant le méchant pour éviter de « pécher » (2), voici que maintenant il supplie humblement d’être délivré de « toutes ses transgressions » (9), demandant que s’éloigne le châtiment que son péché lui a mérité (11). Il avait reconnu les limites étroites que le Seigneur avait imposées à sa vie (6) ; le voilà qu’il confesse, avec ses manquements, le juste agir de Dieu et c’est pourquoi, devant lui, il reste muet et n’ouvre pas la bouche (10). « L’INSTRUCTION DE NOTRE SALUT » (IS 53,6) L’agir de Dieu se manifeste dans le châtiment du péché (11) et dans le pardon des transgressions (9). En cela il montre qu’il n’a en vue que de corriger son fidèle. En reprenant ses fautes, il entend l’aider à faire la vérité ; en érodant ce qu’il convoite, il le libère de ses fantasmes. Il le sauve de ce qui l’empêcherait de reconnaitre que, laissé à lui-même, à ses « fautes » et à sa convoitise, « tout adam » n’est que « buée ». Son « espérance » ne saurait être qu’en Dieu seul. UNE FINALE QUI PEUT SURPRENDRE L’appel adressé à « Yhwh » (13abc) est particulièrement insistant et tragique : ce n’est pas seulement une « prière », c’est un « cri », accompagné de larmes. La raison que le psalmiste en donne (13de) et la supplication conclusive (14) sont d’une tonalité des plus sombres : celui qui se reconnait un simple « étranger » de passage sur cette terre, qui ne tardera pas à s’en aller vers le néant, demande au Seigneur de se détourner de lui. Ainsi le psaume semble s’achever sur une note d’une profonde tristesse, bien loin de l’espérance attendue. Mais la « prière » du psalmiste, son cri, ses pleurs ne se limitent pas aux derniers mots. Quand il demande à son Seigneur de se détourner de lui, il reprend ce qu’il avait déjà dit quelques instants auparavant, quand il l’implorait d’éloigner de lui ses coups (11), c’est-à-dire de renoncer au châtiment, quand il le suppliait aussi de le délivrer de toutes ses transgressions. C’est ainsi qu’il retrouvera, avec le sourire, la sérénité fragile de l’espérance (14a) ; une espérance limitée, en ces temps-là, à la durée étroite de la vie.
3. DIEU REPREND ET CORRIGE (PS 38–39) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 38 1 Psaume de David, pour mémorial. 2
Yhwh, pas en ton courroux NE ME REPRENDRAS et en ta fureur NE ME CORRIGERAS ; 3 oui, tes flèches se sont abattues en moi et s’est abattue sur moi ta main. 4 Rien d’intact en ma chair à cause de ta colère, rien de paix dans mes os à cause de mon PÉCHÉ ; 5 oui, mes FAUTES dépassent ma tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi, 6 elles puent, elles pourrissent, mes meurtrissures à cause de ma FOLIE. 7 Je suis voûté, courbé, à l’excès, tout le jour, assombri, je m’en vais ; 8 oui, mes lombes sont pleines de fièvre et rien d’intact en ma chair ; 9 je suis paralysé et broyé, à l’excès, je rugis du grondement de mon CŒUR. Seigneur, devant toi tout mon désir et mon soupir pour toi n’est point caché ; 11 le CŒUR me bat, m’abandonne ma force et la lumière de mes yeux eux aussi pas avec moi. 12 Mes amis et mes compagnons devant ma PLAIE se tiennent et mes proches de loin se sont tenus ; 13 ils piègent, LES DEMANDANT MON ÂME et LES CHERCHANT MON MALHEUR parlent de menaces, et des FRAUDES tout le jour ils méditent. 14 Et moi, comme un SOURD, je n’entends pas et comme un MUET qui n’ouvre pas la BOUCHE ; 15 et je suis comme un homme lequel n’entends pas et pas dans sa BOUCHE de réplique. 10
16
Oui, en toi, Yhwh, J’ESPÈRE, toi tu répondras, Seigneur mon Dieu. 17 Oui, j’ai dit : Qu’ils ne se gaussent de moi, quand chancelle mon pied, sur moi qu’ils ne gagnent ! 18 Oui, moi à la chute je suis voué et mon TOURMENT devant moi toujours. 19 Oui, ma FAUTE, je confesse, je suis anxieux de mon PÉCHÉ. 20 Et MES ENNEMIS sans raison sont forts et ils sont nombreux MES HAÏSSANT à tort ; 21 et, me rendant le mal au lieu du BIEN, ils m’accusent au lieu de poursuivre le BIEN. 22 Ne m’abandonne pas, Yhwh, mon Dieu, ne sois pas loin de moi ; 23 hâte-toi à mon aide, Seigneur, mon salut ! Ps 39 1 Du maître-de-chant, de Yedutûn, psaume, de David. 2
J’ai dit : Que je garde mes chemins, de peur de PÉCHER avec ma langue, que je garde à ma un bâillon, tant que LE MÉCHANT est devant moi. 3 Je suis RESTÉ-MUET en silence je me suis tu loin du BIEN ; et mon TOURMENT s’exaspéra. 4 Brûlait mon CŒUR au-dedans de moi, dans mon soupir flambait un feu, j’ai parlé avec ma langue : 5 Fais-moi savoir, Yhwh, ma fin et la mesure de mes jours combien est-elle, que je sache combien manquant moi. 6 Voici, des empans tu donnas mes jours et ma durée comme rien devant toi ; oui, toute une buée tout adam qui se tient-debout. 7 Oui, telle une ombre s’en va l’homme, oui, une buée ils s’enrichissent ; il entasse et ne sait pas qui ramassera. BOUCHE
8
Et maintenant, qu’attendrai-je, Seigneur ?
Mon ESPÉRANCE, en toi elle est.
9
De toutes mes TRANSGRESSIONS délivre-moi, la risée de L’INSENSÉ ne me mets pas. 10 Je RESTEMUET, je n’ouvre pas la BOUCHE, car toi tu agis. 11 Éloigne de moi tes COUPS, sous les assauts de ta main, moi je me consume. 12 REPRENANT les FAUTES, TU CORRIGES l’homme et tu ronges comme la teigne ce qu’il convoite, seulement un souffle tout adam. 13 Écoute ma prière, Yhwh, et à mon cri prête-l’oreille, à mes pleurs NE SOIS-PAS-SOURD. Car un étranger moi chez toi, un passant comme tous mes pères. 14 Détourne-toi de moi et que je sourie, avant que je m’en aille et ne sois plus rien.
Les deux psaumes ont beaucoup de termes en commun :
La séquence 38–39
551
– le couple « reprendre » et « corriger » revient en 38,2 et en 39,12 ; – « ta main » en 38,3 et 39,11 ; – « rien » est repris trois fois dans le premier psaume (38,4 bis.8) et deux dans l’autre (39,6.14 en finale) ; – les termes du champ sémantique du péché : « péché » (38,4.19), « faute(s) » (38,5.19 ; 39,12), « folie » (6), « fraudes » (13) ; « pécher » (39,2), « transgressions » (9) ; – « tout le jour » (38,7.13) ; « mes jours » (39,5.6) ; – « cœur » (38,9.11 ; 39,4) ; – « s’en aller » (38,7 ; 39,7.14) ; – « plaie » (38,12) et « coups » (39,11) traduisent le même mot hébreu ; – les « ennemis sans raison » et « les haïssant à tort » (38,20) sont appelés « les demandant mon âme », « les cherchant mon malheur » (38,13) ; « le méchant » (39,2), « l’insensé » (9) ; – à « j’espère » de 38,16 correspond « mon espérance » en 39,8 ; – « j’ai dit » revient en 38,17 et 39,2 ; – « parler » en 38,13 et en 39,4 ; – « mon tourment » en 38,18 et 39,3 ; – « bien » en 38,21 bis et en 39,3 ; Au-delà des termes isolés, les deux psaumes insistent sur le fait que le psalmiste se tait et n’ouvre pas la bouche (38,14-15 ; 39,2c.3a.10a).
CONTEXTE « POUR MÉMORIAL » À « Psaume de David », le titre ajoute « pour mémorial », litt. « pour remémorer » (l ehazkîr), qui ne se retrouve que dans le titre du Ps 70. Le substantif hazkārâ qualifie l’offrande végétale prévue en Lv 2, « en parfum d’apaisement pour le Seigneur » : 1
Si quelqu’un offre à Yhwh une oblation, son offrande consistera en fleur de farine sur laquelle il versera de l’huile et déposera de l’encens. 2 Il l’apportera aux fils d’Aaron, les prêtres ; il en prendra une pleine poignée de fleur de farine et d’huile, plus tout l’encens, ce que le prêtre fera fumer à l’autel à titre de mémorial, mets consumé en parfum d’apaisement pour Yhwh.
Le terme « mémorial » revient aussi aux versets 9 et 16 de Lv 2. Selon une tradition juive, ce sacrifice, venant après celui de l’holocauste où un animal est brûlé pour que son odeur monte en offrande vers Dieu, en « rite d’expiation » (1,4), serait celui du pauvre qui n’avait pas les moyens d’offrir un animal et devait se contenter de faire brûler de la farine avec de l’huile et de l’encens1. Le Seigneur alors « se souvenait » de celui qui lui offrait cette « oblation ». 1
Voir Hossfeld – Zenger, II, 189.
552
La troisième section (Ps 26–41)
INTERPRÉTATION TOUS PÉCHEURS Le premier psaume commence de manière dramatique avec une confession angoissée des péchés, liée à une plainte sur un état de santé déplorable (38,2-9), Le second est plus apaisé, introduit par un « J’ai dit » sur le ton de la confidence adressée à celui qui fera sienne sa prière. Plus de confession des péchés, mais l’engagement dans une conduite qui le préserve de « pécher ». Le péché est donc toujours là, comme la bête tapie à la porte de Caïn. Le psalmiste avait réalisé qu’il était victime du harcèlement « sans raison » de ses ennemis, qu’en réalité sa culpabilité lui avait été instillée par ceux qui le haïssaient « à tort » (38,20). La cause de son malheur était leur péché. Cependant, cela ne signifiait pas qu’il était innocent. Avant même de dénoncer le comportement mensonger de ses ennemis il déclare : « Oui, ma faute je confesse, je suis anxieux de mon péché » (38,19). Et à la fin du second psaume, dans le même verset il demandera d’être libéré de son péché et de celui de son ennemi : « De toutes mes transgressions délivre-moi, ne me soumets pas à la risée de l’insensé » (39,9). « Nul vivant n’est justifié devant toi » (Ps 143,2b). DIEU REPREND ET CORRIGE Au tout début du premier psaume, le psalmiste est terrorisé par le « courroux » et la « fureur » qu’il attribue au Dieu qui « reprend » et « corrige » le pécheur (38,2). À la fin au contraire, il a retrouvé son calme, « courroux » et « fureur » ont disparu quand il déclare, en reprenant les mêmes verbes : « Reprenant les fautes, tu corriges l’homme » (39,12). Il est vrai qu’il vient de demander au Seigneur de lui épargner ses « coups » : « sous les assauts de ta main, moi je me consume » (11). C’est que toute correction fait mal, mais il l’accepte désormais. SOURD ET MUET Le psalmiste s’interdit d’entendre les « menaces » de ses adversaires et refuse de leur répliquer (38,14-15), laissant ce soin au Seigneur : « toi, tu répondras, Seigneur mon Dieu » (16). Il y revient dans le deuxième psaume : en présence du « méchant » il se tait, de peur de « pécher » (39,2-3) ; il y reviendra encore, s’en remettant à Dieu : « Je reste muet, je n’ouvre pas la bouche, car toi tu agis » (10). Une différence toutefois est à noter entre les deux psaumes, qui semble indiquer un progrès : dans le premier psaume, il ne se contentait pas de rester en silence, il ne voulait même pas « entendre » la voix de ses adversaires, maintenant au contraire il ne fait plus le sourd. Comme s’il acceptait d’entendre les vitupérations de ses ennemis, sans leur opposer la moindre parole.
La séquence 38–39
553
LA VIE EST BRÈVE Muet devant l’ennemi, gardant à sa bouche un bâillon (39,2), il « parle » en revanche à son Dieu, « avec sa langue », précise-t-il (4). Et c’est pour lui demander de lui faire connaitre sa fin et la mesure de ses jours (5). « Une buée » l’homme, « une ombre », sa durée « comme rien ». Cette constatation, fort réaliste, s’applique au psalmiste persécuté, mais aussi à ses poursuivants... (6-7). Voilà donc qui invite à relativiser. Les « menaces » et les « fraudes » (38,13) auront une fin, et une fin prochaine, ainsi que leurs auteurs. Mais c’est avant tout à sa propre fin que le psalmiste pense : « que je sourie avant que je m’en aille et ne sois plus rien » (39,14). « OUI, EN TOI, SEIGNEUR, J’ESPÈRE » La foi du psalmiste ne s’arrête pas sur le bord de sa tombe. Il se confie en son Dieu. Déjà dans le premier psaume, à l’orée de sa dernière partie, après avoir dit : « Oui, en toi, Seigneur, j’espère », il ajoute : « toi, tu répondras, Seigneur mon Dieu » (38,16). Au cœur du deuxième psaume, ayant pris conscience de la brièveté de ses jours, du « rien » de sa durée, de la « buée » de tout fils d’Adam (39,6-7), il pose la question de confiance : « Et maintenant, que puis-je attendre » ? Logiquement, humainement, on s’attendrait à ce que la réponse soit : « Rien ». Ce serait « rien » si l’homme se considérait soi-même, comme s’il était seul. Eh bien, non, la réponse est celle de la foi en un autre : « Mon espérance, elle est en toi. » Le dernier mot est ainsi laissé au seul dont le psalmiste est convaincu qu’il peut agir, qu’il agira (39,10).
B. DIEU SAUVE DU PÉCHÉ ET DU MAL La deuxième séquence : Ps 40–41 1. LE PSAUME 40 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, de David, psaume. 2 D’espoir j’ai espéré Yhwh et il s’est penché vers moi et il a entendu mon cri ; 3 et il m’a remonté du trou de vacarme, de la fange du bourbier ; et il a dressé sur le roc mes pieds, affermissant mes pas. 4 Et il a donné dans ma bouche un chant nouveau, louange pour notre Dieu. Le verront de nombreux et ils craindront et se confieront en Yhwh ; 5 heureux l’homme qui a mis en Yhwh sa confiance et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers le mensonge ! 6 Nombreuses tu as fait, toi Yhwh mon Dieu, tes merveilles et tes pensées sur nous. Pas de comparable à toi ! Je raconterai et je parlerai : elles sont trop pour les compter. 7 Sacrifice et oblation tu n’as pas désirés, des oreilles tu as creusé à moi ; holocauste et (expiation pour le) péché tu n’as pas demandés. 8 Alors j’ai dit : « Voici je viens avec un rouleau du livre pour moi ». 9 Faire ta volonté, mon Dieu, je désire et ta loi (est) dans le fond de mes entrailles. 10 J’ai annoncé la justice dans l’assemblée nombreuse, voici mes lèvres je ne retiens pas Yhwh toi tu (le) sais ; 11 ta justice je n’ai pas caché dans le fond de mon cœur, ta loyauté et ton salut j’ai dit ; je n’ai pas celé ta fidélité et ta vérité à une assemblée nombreuse. 12 Toi, Yhwh, tu ne retiendras pas tes miséricordes (loin) de moi ; ta fidélité et ta vérité toujours me garderont, 13 car se concentrent sur moi des maux jusqu’à pas de nombre ; m’atteignent mes fautes et je ne peux pas les voir ; ils sont plus que les cheveux de ma tête et mon cœur m’abandonne. 14 Veuille, Yhwh, me délivrer, Yhwh, à mon secours hâte-toi. 15 Qu’ils aient honte et soient confondus ensemble, les cherchant ma vie pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, ceux qui désirent mon mal. 16 Qu’ils soient stupéfiés par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 17 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous les cherchant-toi. Qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand Yhwh ! », ceux qui aiment ton salut. 18 Et moi, miséreux et pauvre, Seigneur, pense à moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; mon Dieu, ne sois pas en arrière !
V. 3
: « TROU DE VACARME »
Voir le Contexte, p. 563. V. 5A
: « LES INSOLENTS »
Voir le Contexte, p. 564. V. 7-9 : « SACRIFICE ET OBLATION...
»
Ces versets sont découpés et organisés de manières très variées. Constituant le cœur de la partie 6-11, il n’est pas étonnant qu’ils soient énigmatiques, comme l’est souvent le centre des compositions concentriques. Il semble raisonnable de suivre au plus près le découpage du texte massorétique. En 7, le quatrième sacrifice est dit littéralement « péché », c’est-à-dire « (expiation pour le) péché » (Lv 4).
556
La troisième section (Ps 26–41)
COMPOSITION La difficulté majeure de ce psaume, en tout cas pour les tenants de l’histoire des formes, c’est son caractère hybride. Kraus va jusqu’à y voir deux psaumes nettement distincts : Ps 40A (1-12) qui est une action de grâces individuelle, et Ps 40B (13-18), une prière de plainte et de supplication1. En effet, la logique simplement chronologique voudrait que les deux parties du psaume soient inversées : la supplication, une fois exaucée, provoque l’action de grâces. Par ailleurs, les versets 14-18 sont, à très peu de choses près, les mêmes que le Ps 70 : Ps 40,14-18
Ps 70 1
Du maitre-de-chant, de David, pour mémorial.
14
Veuille, YHWH, me délivrer, Yhwh, à mon secours hâte-toi.
2 DIEU, à me délivrer, Yhwh à mon secours hâte-toi.
15
Qu’ils aient-honte et soient confondus ensemble, ceux qui cherchent ma vie pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, ceux qui désirent mon malheur. 16 QU’ILS SOIENT STUPÉFIÉS par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! »
3 Qu’ils aient-honte et soient confondus, ceux qui cherchent ma vie. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, ceux qui désirent mon malheur. 4 QU’ILS S’EN RETOURNENT par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! »
17
Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous les cherchant-toi ; qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand YHWH ! », ceux qui aiment ton salut.
5 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous les cherchant-toi et qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand DIEU ! », ceux qui aiment ton salut.
Et moi, pauvre et miséreux, SEIGNEUR, PENSE à moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; MON DIEU, ne sois pas en arrière !
6 Et moi, pauvre et miséreux, DIEU, HÂTE-TOI vers moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; YHWH, ne sois pas en arrière !
18
Cependant, pour la plupart des commentateurs, la limite entre l’action de grâces et la supplication ne correspond pas à celle qui passe avant la reprise des versets 14-18 par le Ps 70. En effet, certains sont d’avis que le verset 13 fait partie de la supplication2 et d’autres vont jusqu’à y intégrer aussi le verset 123. Après le titre, le psaume comprend quatre parties : parlant de Dieu, à la troisième personne du singulier, la première (2-5) introduit le « chant nouveau » (4) adressé au Seigneur que constituent les trois parties suivantes : la première (6-11) où le psalmiste proclame les merveilles que le Seigneur a accomplies par le passé en sa faveur, la seconde (12-13) dans un présent de « maux » il est sûr que le Seigneur le secourra, la troisième enfin (14-18) qui est une longue supplication visant donc le futur. 1
Kraus, I, 423. Kraus, I, 423. 3 Dahood, I, 245 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 679. 2
Le psaume 40
557
LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) + 2 D’espoir = et il s’est penché = et il a entendu
j’ai espéré vers moi mon cri ;
YHWH
:: 3 et il m’a remonté :: de LA FANGE
du trou du bourbier ;
DE VACARME,
:: et il a dressé :: affermissant
sur le roc mes pas.
mes pieds,
·······························································
• 4 Et il a donné • UN CHANT • LOUANGE
dans ma bouche nouveau, pour NOTRE DIEU.
·······························································
.. (Le) verront .. et ils se confieront
beaucoup en YHWH ;
– 5 heureux – qui a mis
l’homme en YHWH
– et ne s’est pas tourné – et les déviant vers
vers LES INSOLENTS LE MENSONGE.
et ils craindront
sa confiance
Dans le premier morceau le psalmiste rapporte comment il a été sauvé. Le premier segment est un trimembre du type ABB’ : à l’attente du suppliant (2a), le Seigneur a été attentif (2bc). Les deux bimembres suivants (3) sont complémentaires : tiré du « bourbier » (2ab), il est assuré sur « le roc » (2cd). Dans le second morceau (4abc) le psalmiste continue à narrer ce qu’a fait le Seigneur pour lui, mais ce trimembre se distingue de ce qui précède : bien que le chant soit lui aussi une œuvre de Dieu (« il a donné »), il est aussi la conséquence du salut, l’action de grâce qui célèbre ce que le Seigneur fit pour celui qui l’avait « espéré ». Le troisième morceau commence par annoncer ce qui arrivera à tous ceux (les « beaucoup ») qui auront « vu » ce que le Seigneur a fait pour le psalmiste (4de) ; puis il continue avec une béatitude qui généralise à « l’homme » qui « se fie » en Dieu (5ab) et non dans les idoles arrogantes et mensongères (5cd). D’un morceau à l’autre, la progression est logique et chronologique. Le morceau central assure le passage entre les deux autres : comme ce qui précède, le chant d’action de grâce est « don » de Dieu, comme ce qui suit c’est la conséquence personnelle du salut qui s’étendra aux multitudes. L’opposition à la fin du dernier morceau entre d’une part « les insolents » et « le mensonge » (5cd) et « Yhwh » (5b) d’autre part, rappelle celle du premier morceau entre « le trou de vacarme » et « la fange du bourbier » d’une part (3ab) et « le roc » d’autre part (3c), qui est un nom divin (Ps 18,3 ; 31,4 ; 42,10). Au centre « le chant » de « la louange » s’oppose directement au « vacarme » (3a) et au « mensonge » (5d).
558
La troisième section (Ps 26–41)
LA DEUXIÈME PARTIE (6-11) + 6 NOMBREUSES :: TOI, + tes merveilles – Pas :: Je raconterai + ELLES SONT-TROP
tu as fait, YHWH et tes pensées
MON DIEU,
de comparable
à toi !
sur nous.
et je parlerai : pour les compter.
·························································································································
– 7 Sacrifice :: des oreilles – holocauste
et oblation et (pour le) péché
tu n’as pas désirés, à moi ; tu n’as pas demandés.
- Alors - avec un rouleau
j’ai dit : du livre
« Voici écrit
je viens pour moi ».
:: 9 Faire :: et ta loi (est)
ta volonté, dans le fond
MON DIEU,
je désire
8
tu as creusé
de mes entrailles ».
························································································································· 10
+ J’ai annoncé + voici, + YHWH,
la justice mes lèvres TOI
dans l’assemblée je ne retiens pas ; tu (le) sais.
NOMBREUSE,
– 11 Ta justice – ta loyauté
je n’ai pas caché et ton salut
dans le fond j’ai dit.
de mon cœur,
– Je n’ai pas celé – à une assemblée
ta fidélité
et ta vérité
NOMBREUSE.
Le premier morceau (6) est construit de manière concentrique. Le premier segment énonce ce qu’a fait le Seigneur, le dernier ce que fera le psalmiste. Dans les membres extrêmes (6a.6f) « elles sont trop » correspond à « nombreuses », tandis que les deux verbes coordonnés de l’avant-dernier membre (6e) renvoient aux deux noms de Dieu dans le second membre (6b). Au centre, l’exclamation de 6d. Dans le second morceau (7-9) le premier segment, de type ABA’, dit ce que le Seigneur ne veut pas et au centre ce qu’il a fait. Dans le second segment il dit ce qu’il apporte à la place des sacrifices, « un rouleau du livre ». Dans le dernier segment, ce qu’il « désire » c’est la « volonté » de Dieu exprimée dans sa « loi », dans la Tora, qui est le contraire de ce qu’il « ne désire pas », « sacrifice et oblation », « holocauste et (expiation pour le) péché » (7).
Le psaume 40
559
Le troisième morceau (10-11) est limité par l’inclusion de « assemblée nombreuse ». Les premiers membres des deux premiers segments s’achèvent par un complément semblable introduit par « dans » (10a.11a). Deux verbes de parole positifs, « j’ai annoncé » et « j’ai dit » (10a.11b), alternent avec trois verbes négatifs (10b.11a.11c). « Justice » revient dans les premiers membres des deux premiers segments (10a.11a). L’inclusion formée par la reprise de « nombreuse » dans le dernier morceau (10a.11d) rappelle celle du premier morceau entre « nombreuses » et « elles sont trop pour les compter » (6a.6f). Aux deux verbes de parole du premier morceau (6e) font écho les deux du dernier morceau (10a.11b) ; « toi » et « Yhwh » du début (6b) sont repris dans le premier segment du dernier morceau (10c). « Mon Dieu » à la fin du morceau central était déjà employé au début du premier morceau (6b). Enfin « dans le fond de mes entrailles » à la fin du deuxième morceau (9b) annonce « dans le fond de mon cœur » au centre du dernier morceau (11a). LA TROISIÈME PARTIE (12-13) + 12 Toi, + tes miséricordes
Yhwh, (loin) de moi ;
+ ta fidélité + toujours
et ta vérité me garderont,
tu ne retiendras pas
······························································································ 13
– car se concentrent :: jusqu’à pas
sur moi de compte ;
– m’atteignent :: et je ne peux pas
mes fautes (les) voir ;
:: ils sont plus = et mon cœur
que les cheveux m’abandonne.
des maux
de ma tête
Introduit par « car », le second morceau (13) explicite les raisons pour lesquelles le psalmiste invoque le secours de « Yhwh » dans le premier morceau (12). Dans le premier morceau les verbes se trouvent aux extrémités, dans les membres internes « tes miséricordes » sont reprises par « ta fidélité et ta vérité ». Dans le second morceau, les « maux » du premier segment et les « fautes » du second sont innombrables (13b.13d). Le second membre du dernier segment exprime la conséquence de ce qui précède ; le sujet du premier verbe, « ils sont plus que », se réfère à l’ensemble des « maux » et des « fautes », ce qui s’accorde bien avec le rôle conclusif du dernier segment.
560
La troisième section (Ps 26–41)
LA QUATRIÈME PARTIE (14-18) = 14 Veuille, = YHWH,
YHWH, à MON SECOURS
me délivrer, hâte-toi.
– 15 Qu’ils aient-honte :: ceux qui CHERCHENT
et soient confondus ma vie
ensemble, pour la perdre.
– Qu’ils reculent - ceux qui désirent
EN ARRIÈRE
et soient confus,
– 16 Qu’ils soient stupéfiés .. CEUX QUI DISENT :
par l’effet « Ah Ah !
mon malheur. de leur honte, Ah Ah ! »
················································································································
+ 17 Qu’ils jubilent :: tous
et se réjouissent les CHERCHANT-toi ;
+ QU’ILS DISENT .. « Qu’il soit-grand - ceux qui aiment
toujours : YHWH ! », ton salut.
en toi,
= 18 Et moi, :: SEIGNEUR,
miséreux pense à moi !
et pauvre,
= MON SECOURS :: MON DIEU,
et mon libérateur, ne sois pas EN ARRIÈRE !
c’est toi ;
Dans la première sous-partie (14), qui est de la taille d’un bimembre, les verbes occupent les extrémités et les quatre autres termes se correspondent en parallèle. En hébreu « me délivrer » et « à mon secours » sont introduits par la même préposition. Avec ses deux bimembres, la dernière sous-partie (18) est plus développée que la première (14). Les seconds membres sont parallèles et synonymiques, tandis que les premiers sont complémentaires : dans l’un (18a) le psalmiste décrit sa propre situation avec deux qualificatifs coordonnés, dans l’autre il s’adresse à Dieu qui reçoit deux titres coordonnés (18c). À « moi » au début de l’un (18a) correspond « toi » à la fin de l’autre (18c). Aux deux occurrences de « Yhwh » dans la première sous-partie (14) correspondent dans la dernière deux autres noms divins en tête des seconds membres (’ădōnāy, 18b ; ’ĕlōhay, 18d). « Mon secours » de 14b revient en 18c. La sous-partie centrale n’est pas à l’impératif comme les sous-parties extrêmes, mais au jussif. Le premier morceau (15-16) comprend trois bimembres. Les deux premiers sont parallèles : leurs premiers membres (15a.15c) coordonnent deux verbes aux mêmes modalités, leurs seconds membres (15b.15d), parallèles
Le psaume 40
561
et synonymiques, explicitent le sujet des verbes avec un participe suivi de son complément. Le troisième segment (16) est différent, car le second membre cite les ricanements des ennemis du psalmiste. Dans le segment final « honte » (16a) fait écho à « Qu’ils aient honte » du début (15a). Le deuxième morceau (17) comprend un bimembre et un trimembre. Les premiers membres contiennent les verbes au jussif, les derniers les sujets des verbes. Ce que disent ceux qui aiment le salut de Dieu constitue le second membre du dernier segment (17d). Les deux morceaux sont parallèles entre eux. Le premier est une malédiction, le second une bénédiction, avec toutefois une différence majeure : alors que dans le premier morceau le psalmiste maudit ses propres ennemis, dans le deuxième il bénit ceux qui aiment Dieu. Leurs premiers segments se correspondent : les premiers membres coordonnent deux verbes (15a.17a) et les seconds membres reprennent le même verbe « chercher » (15b.17b). Le deuxième segment du second morceau (17cde) correspond aux deux derniers segments du morceau précédent. En effet, ses deux premiers membres s’opposent au dernier membre de 16 — ils rapportent ce que « disent » les uns et les autres (16b.17cd) —, tandis que son dernier membre (17e) s’oppose au dernier membre de 15. On notera que ce que disent les amis de Dieu s’oppose à ce que disent les adversaires du psalmiste, par leur forme même : des cris inarticulés sont en effet bien différents des mots ordonnés d’une prière. Les sous-parties extrêmes se distinguent de la sous-partie centrale non seulement par les modalités de leurs verbes, mais aussi parce qu’elles ont fort peu de vocabulaire commun : « Yhwh » (17d comme 14a.14b), ainsi que « en arrière » (15c) et « ne soit pas en arrière » (18d ; que l’on traduit généralement et à juste titre par « ne tarde pas »).
562
La troisième section (Ps 26–41)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, de David, psaume.
2
D’espoir j’ai espéré YHWH et il s’est penché vers moi et il a entendu mon cri ; et il m’a remonté du trou de vacarme, de la fange du bourbier ; et il a dressé sur le roc mes pieds, affermissant mes pas. 3
4
Et il a donné dans ma bouche
un chant nouveau,
louange pour
NOTRE DIEU.
Le verront de NOMBREUX et ils craindront et se confieront en YHWH ; 5 heureux l’homme qui a mis en YHWH sa confiance et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers le mensonge ! 6
NOMBREUSES tu as fait, TOI, YHWH MON DIEU, tes merveilles et tes PENSÉES sur nous. Pas de comparable à toi ! Je raconterai et je parlerai : ELLES SONT TROP POUR LES COMPTER. 7 Sacrifice et oblation TU N’AS PAS DÉSIRÉS, des oreilles tu m’as creusé ; holocauste et (expiation pour le) péché tu n’as pas demandés. 8 alors J’AI DIT : « Voici je viens avec un rouleau du livre écrit pour moi. » 9 Faire TA VOLONTÉ, MON DIEU, JE DÉSIRE et ta loi est dans le fond de mes entrailles.
J’ai annoncé la justice dans l’assemblée NOMBREUSE, voici mes lèvres je ne retiens pas YHWH, TOI, tu (le) sais ; 11 ta justice je n’ai pas caché dans le fond de mon cœur, ta loyauté et TON SALUT J’AI DIT ; je n’ai pas celé ta fidélité et ta vérité à une assemblée NOMBREUSE. 10
12
TOI, YHWH, tu ne retiendras pas tes miséricordes (loin) de moi ; ta fidélité et ta vérité TOUJOURS me garderont, 13
car se concentrent sur moi des MAUX JUSQU’À PAS DE COMPTE ; m’atteignent mes fautes ET JE NE PEUX PAS LES VOIR ; ILS SONT PLUS QUE LES CHEVEUX DE MA TÊTE et mon cœur m’abandonne. 14
VEUILLE, YHWH, me délivrer,
YHWH, à mon secours hâte-toi.
15
Qu’ils aient honte et soient confondus ENSEMBLE, ceux qui cherchent ma vie pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, CEUX QUI DÉSIRENT mon MAL. 16 Qu’ils soient stupéfiés par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 17 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, TOUS ceux qui te cherchent. Qu’ils DISENT TOUJOURS : « Qu’il soit-grand YHWH ! », ceux qui aiment TON SALUT. 18
Et moi, miséreux et pauvre, SEIGNEUR, PENSE à moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est TOI ; MON DIEU, ne sois pas en arrière !
Le « chant nouveau » (6-18) comprend les trois dernières parties qui sont organisées de manière concentrique. Les rapports entre les parties extrêmes de ce chant sont particulièrement étroits. « Toi », « mon Dieu », « pensées/pense » (6ab.18) font inclusion. « Veuille » de 14 renvoie à « ta volonté » (9a), « ceux qui désirent » de 15b à « tu n’as pas désiré » (7a), « qu’ils disent » de 17b à « j’ai dit » (8a.11a), « ton salut » de 17b à « ton salut » (11a).
Le psaume 40
563
La partie centrale est liée à la précédente par les deux occurrences de « ta fidélité et ta vérité » (11b.12b) qui jouent le rôle de termes médians. « Elles sont trop » (6c) et « ils sont plus » (13c) traduisent le même verbe ; « compter » (6c) et « compte » (13a) rendent le même mot. « Toujours » (12b) et « maux » (13a) sont repris dans la troisième partie (15b.17b) ; le pronom « toi » se trouve au début de la partie centrale et à la fin de la dernière partie (12a.18b). La première partie (2-5) est focalisée sur le don que le Seigneur a fait au psalmiste d’un « chant nouveau » (4a), qui sera la matière des trois parties suivantes. À part les noms divins, la première partie n’a en commun avec la suite que la reprise de « nombreux » (4b) par « nombreuse(s) » en 6a.10a.11b ; en 10a et 11b, il s’agit comme en 4b d’un grand nombre de personnes, tandis qu’au début de la deuxième partie « nombreuses » qualifie des « merveilles » et les « pensées » de Dieu (6), lesquelles « sont trop pour les compter » (6d). Dans la partie centrale du « chant nouveau », ce sont « les maux » et les « fautes » du psalmiste qui sont nombreux, « jusqu’à point de nombre », « et je ne peux pas les voir, « ils sont plus que les cheveux de ma tête » (13). Dans la dernière partie, « ensemble » qualifie les ennemis du psalmiste (15a) et « tous » « ceux qui cherchent » le Seigneur (17). À « chant » de 4a font écho les nombreux verbes de parole de la partie suivante : « je raconterai et je parlerai » (6d) ; « j’ai annoncé », « je n’ai pas caché », « j’ai dit », « je n’ai pas celé » (10-11). « Ma bouche » de 4a est repris par « mes lèvres » (10a) ; à quoi il faut ajouter « oreilles » et « entrailles » aux extrémités du morceau central (7a.9b). À toutes les paroles de louange du psalmiste s’opposent « le vacarme » (3a) et « le mensonge » (5b). Mais il est aussi une autre parole, celle du Seigneur, écrite « dans le rouleau du livre », c’est-à-dire sa « loi ». Désignant le Seigneur, « Toi » fait inclusion pour la deuxième partie (6a.10b), revient aussi au début de la troisième (12a) ainsi qu’à la fin de la dernière (18b).
CONTEXTE « LE TROU DE VACARME » ET « LES INSOLENTS » Le substantif šā‘ôn (3a) signifie littéralement« vacarme », celui des vagues de la mer en Ps 65,8 ; celui des armées en Am 2,2 ; celui des adversaires de Dieu en Ps 74,23, celui des méchants qui se réjouissent bruyamment, en particulier dans le vin en Is 5,14 ; 24,8. L’image du « trou de vacarme » est étrange, et c’est sans doute pourquoi les versions antiques ont lu « perdition »4. Le Seigneur fait taire la bourrasque et les flots (Ps 107,29). Le grondement de la mer est l’image du grondement des peuples qui se révoltent (Is 17,12-13). 4
Voir Ravasi, I, 727, nt. 7.
564
La troisième section (Ps 26–41)
Quant à ce qui est souvent traduit par « les idoles » (5b)5, c’est le pluriel de Rahab, le monstre marin dont il est question en Jb 26,12 ; Is 51,9. Rahab est le symbole de l’arrogance : « C’est toi qui maitrise l’orgueil de la mer ; quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises ; c’est toi qui fendis Rahab comme un cadavre, dispersas tes adversaires par ton bras puissant » (Ps 89,11). C’est pourquoi plusieurs traduisent rehābîm par « les arrogants »6. On comprendra que le vacarme des eaux et des peuples rebelles n’est pas sans rapport avec l’insolence des sectateurs de Rahab. Si, comme y invite la composition de la première partie (2-5), on tient ensemble « le trou de vacarme – la fange du bourbier » (3a) et « les insolents – le mensonge » (5b), il est possible de comprendre que « le vacarme » est celui des « insolents ». LE REFUS DES SACRIFICES ET LA VOLONTÉ DE DIEU Toute la deuxième partie est focalisée sur les versets 7-9 où tous les sacrifices sont refusés par le Seigneur. La critique du culte et des sacrifices est fréquente chez les prophètes. C’est ainsi que commence le livre d’Isaïe : « Que m’importent vos innombrables sacrifices, dit le Seigneur. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux... » (Is 1,11 ; voir aussi Os 6,6 ; 1S 15,22 ; Am 5,21-25 ; Ps 50,13 ; 51,18-19 ; Dn 3,38-41) ; ce que le Seigneur exige au contraire, c’est la justice envers le prochain et en particulier les pauvres. Ici, l’opposition n’est pas de cet ordre-là. Et du reste ce n’est pas le culte en général qui est refusé par le Seigneur, mais seulement les sacrifices. Le Seigneur ne voulant pas des sacrifices, c’est le psalmiste qui s’offre lui-même : « Voici, je viens » (8a). Il ajoute que son seul désir est de faire la volonté de Dieu. Reste à savoir, pour le lecteur, quelle est la volonté de Dieu, car le morceau central (7-9) n’en dit rien. LA CIRCONCISION DES OREILLES Si le Seigneur creuse des oreilles pour le psalmiste, c’est qu’elles sont bouchées, incapables d’accueillir la parole ; en d’autres termes, elles sont incirconcises (voir Jr 6,10)7. LA LOI AU FOND DU CŒUR ET LA NOUVELLE ALLIANCE Une des caractéristiques de la nouvelle alliance est que la loi sera désormais inscrite dans le cœur : « Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison 5
La Septante traduit par « vanité », ce qui désigne les idoles ; c’est ainsi que plusieurs modernes interprètent (Ravasi, I, 723 ; deClaissé-Walford, al., 373). 6 Ainsi Mannati, II, 74. 7 Voir Dahood, I, 246 ; au lieu de kārītā (« tu as creusé ») du texte massorétique, il lit kārattā, « tu as circoncis ». Sur la circoncision des oreilles, du cœur et des lèvres, voir R. MEYNET, « Circoncision et croix du Christ ».
Le psaume 40
565
d’Israël après ces jours-là, oracle de Yhwh. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur » (Jr 31,33). « C’EST POURQUOI, EN ENTRANT DANS LE MONDE, LE CHRIST A DIT » Le centre de la deuxième partie est cité au chapitre 10 de l’Épître aux Hébreux, mis sur les lèvres du Christ. Seul le dernier membre n’est pas repris ; en outre, suivant le texte de la Septante, « des oreilles tu as creusé à moi » devient « tu m’as façonné un corps », qui fait allusion au récit de la création de l’homme en Gn 2,7.
INTERPRÉTATION LE DON D’UN CHANT NOUVEAU L’introduction du psaume pourrait paraitre convenue : en effet, le psalmiste y raconte comment, ayant mis tout son espoir en Dieu, il avait été sauvé (2-3) et comment une multitude, l’ayant vu, se confiera en le Seigneur (4b-5). Or, au centre se trouve un élément qui tranche nettement sur le reste : le « chant nouveau » annoncé n’est pas seulement défini comme « louange pour notre Dieu », mais aussi comme « donné » par Dieu lui-même qui le met dans la bouche du psalmiste. On croirait entendre Jérémie à qui le Seigneur dit : « Voici que j’ai placé mes paroles en ta bouche » (Jr 1,9). Le ton est donné : tout est donné par le Seigneur, jusqu’aux mots de sa louange. « VOICI, JE VIENS AVEC UN ROULEAU DU LIVRE ÉCRIT POUR MOI » Ce que, dans la première partie du « chant nouveau », le psalmiste promet de « raconter » (6) et qu’il a effectivement « annoncé » (10) — les « merveilles » et les « pensées » du Seigneur (6), sa « justice » (10a.11a), qu’il appelle à la fin « ta loyauté et ton salut », « ta fidélité et ta vérité » (11) — tout cela désigne ce qui est énoncé dans le morceau central (7-9). Ce que le Seigneur désire, ce ne sont pas les divers sacrifices que l’homme peut lui offrir en son temple. La liste des quatre termes s’achève avec « péché », c’est-à-dire « (sacrifice d’expiation pour le) péché » et l’on peut comprendre que le pardon ne saurait être l’œuvre de l’homme ; si du reste le Seigneur a creusé des oreilles au psalmiste (7), c’est pour que sa loi puisse descendre par là jusqu’au fond de ses entrailles (9). Le désir de l’homme, coïncidant avec celui de Dieu, est de faire sa volonté telle qu’elle est exprimée dans la Tora. En d’autres termes, et dans la même ligue que le centre de la partie introductive (4), le salut ne vient que du Seigneur.
566
La troisième section (Ps 26–41)
« TA FIDÉLITÉ ET TA VÉRITÉ TOUJOURS ME GARDERONT » Comme les « merveilles » de Dieu et ses « pensées » (6a), les « maux » et les « fautes » du psalmiste sont innombrables (13). Ainsi l’homme se trouve placé entre deux abimes incommensurables, pris de vertige, son « cœur » l’abandonnant (13c). Il est largement dépassé de toutes parts. Écrasé par les maux qu’on lui fait subir et accablé par ses propres fautes, il peut cependant se raccrocher aux « miséricordes » de son Dieu, à sa « fidélité » et à sa « vérité » (12). Encore une fois, la nouveauté du chant, c’est la « louange pour notre Dieu » (4), c’est que tout vient de lui, « toujours ». « ET MOI, MISÉREUX ET PAUVRE, SEIGNEUR, PENSE À MOI ! » Dans la supplication finale, il est clair que le psalmiste est dans l’attitude de celui qui attend tout du Seigneur : sa propre délivrance (14), la confusion de ceux qui veulent le perdre (15-16) et la jubilation de tous ceux qui aiment son salut (17). Il reconnait dans le même mouvement qu’il est « miséreux et pauvre » et que seul le Seigneur peut le secourir et le libérer (18). Une telle attitude était la sienne dès le début, car c’est en Dieu seul qu’il avait mis son « espoir » (2) comme c’était le Seigneur lui-même qui lui avait mis la louange en bouche (4a) et lui avait creusé les oreilles (7a). Après l’exubérance de sa louange qui retentit longuement (6-11), après la plainte qu’il fait monter vers Dieu (12-13), la longue supplication finale devait remettre celui qui se présente enfin comme « miséreux et pauvre » sur le roc d’une confiance inébranlable dans son Dieu. « DE DAVID » Dès le début et jusqu’à la fin, c’est un individu qui parle à la première personne du singulier. Toutefois, au centre de la partie introductive il appelle le Seigneur « notre Dieu » (4a). Il n’est donc pas seul. Et au début du « chant nouveau », s’il appelle le Seigneur « Yhwh mon Dieu », il ajoute que ses « merveilles » et ses « pensées » sont « sur nous ». Ce « nous » laissera ensuite toute la place au « je », jusqu’à la fin. Mais cela suffit pour que l’on comprenne que le psalmiste est « David », le roi qui parle au nom de tout son peuple dont il fait partie intégrante et qu’il représente. C’est pourquoi chacun des membres de ce peuple peut reprendre ses paroles à son compte.
2. LE PSAUME 41 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 Heureux qui pense au faible, au jour de malheur le délivrera Yhwh. 3 Yhwh le gardera et le fera-vivre et le fera-heureux sur la terre et tu ne le donneras pas à la gorge de ses ennemis ; 4 Yhwh le soutiendra sur (son) lit de souffrance, 5 Moi, j’avais dit : Yhwh, aie-pitié de moi, toute sa couche tu retourneras dans sa maladie. 6 guéris mon âme car j’ai péché contre toi. Mes ennemis disent le malheur pour moi : quand mourra-t-il et périra son nom ? 7 Et si un vient pour (me) voir, une fausseté parle son cœur ; il rassemble l’iniquité pour lui, il sort, au-dehors il parle. 8 Ensemble contre moi chuchotent tous mes haïssant, contre moi ils méditent le malheur pour moi. 9 Une chose de Bélial a fondu sur lui et maintenant qu’il est couché il ne pourra plus se relever. 10 Même l’homme de ma paix lequel je me fiais de lui en mangeant mon pain lève contre moi le talon. 11 Et toi, Yhwh, aiepitié de moi et relève-moi et je repaierai eux. 12 À cela j’ai su que tu t’es plu en moi quand ne-cria-pas-victoire mon ennemi contre moi ; 13 et moi pour mon intégrité tu as supporté moi et tu me feras-tenir devant toi pour toujours. 14 Béni Yhwh, Dieu d’Israël, de toujours et jusqu’à toujours. Amen et amen !
V. 12-13
: « JE SAIS... »
Les verbes des premiers membres (12a.13a) sont à l’accompli. Beaucoup les rendent par des futurs1 ; d’autres mettent 12 au futur, 13 au présent2. Les principaux verbes du morceau symétrique (3-4) sont à l’inaccompli et à la suite de 2b sont justement traduits par des futurs, car ils sont présentés comme la conséquence de la conduite de celui qui pense au faible (2a) et sont situés « au jour de malheur » (2b). La composition du psaume invite à respecter la différence entre les deux morceaux. En effet, 12-13 représentent la cause de la bénédiction qui suit (14) : si le Seigneur est « béni », c’est parce que le psalmiste a expérimenté ce qu’il a fait pour lui. Les accomplis des versets 12-13 seront donc rendus par des passés.
COMPOSITION Pour beaucoup la « doxologie » du dernier verset conclut le premier livre du psautier et ne fait donc pas partie intégrante du psaume3. Le psaume s’organise en cinq parties : après le titre ce sont trois parties développées (2-4 ; 6-10 ; 12-14) articulées par deux courtes parties de reliure (5 et 11).
1
Les traductions de la BJ, Osty, Dhorme ; de même Vesco. Ravasi, Lorenzin, deClaissé-Walford – al. 3 Par ex., Ravasi, I, 746 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 693 ; Girard, I, 695. 2
568
La troisième section (Ps 26–41)
LA PREMIÈRE PARTIE (2-4) + 2 HEUREUX + au jour
qui pense de malheur
au faible, le délivrera
= et le FERA-HEUREUX .. et tu ne le donneras pas
sur la terre à la gorge
de ses ennemis ;
= 4 YHWH .. toute sa couche
le soutiendra tu retourneras
sur (son) lit dans sa maladie.
YHWH. ····················································································································· = 3 YHWH le gardera et le fera-vivre
de souffrance,
Le premier morceau comprend un macarisme suivi de la récompense que celui « qui pense au faible » recevra du Seigneur. Le second morceau développe le deuxième membre du premier morceau ; ses deux segments commencent avec le nom de « Yhwh » par lequel s’achevait le premier morceau. « Le fera-heureux » (3b) est de même racine que le premier mot de la partie. Dans les derniers membres on passe de la troisième à la deuxième personne du singulier : le Seigneur ne l’abandonnera pas à l’appétit vorace de qui hait le juste, mais il l’assistera comme ferait une mère en refaisant son lit de malade. LA DEUXIÈME PARTIE (5) 5
Moi,
GUÉRIS
j’avais dit : mon âme
Yhwh, car j’ai péché
AIE-PITIÉ DE MOI, contre toi.
Le second membre explicite le contenu précis de l’appel à la pitié de Yhwh. Le psalmiste demande la guérison de son âme, qui est malade à cause du péché qu’elle a commis contre Dieu. Les deux membres sont construits de manière spéculaire : + Moi, – j’avais dit : :: Yhwh, • AIE-PITIÉ DE MOI, • GUÉRIS :: mon âme – car j’ai péché + contre toi.
« Moi » et « toi » aux extrémités, les deux verbes à la première personne du singulier, les deux personnages, « Yhwh » et « mon âme », enfin les deux impératifs en termes médians. Les deux protagonistes se retrouvent dans le même ordre dans chaque membre : « moi » – « Yhwh » / « mon âme » – « toi ».
Le psaume 41
569
LA TROISIÈME PARTIE (6-10) – 6 MES ENNEMIS – quand
disent MOURRA-T-IL
LE MALHEUR ET PÉRIRA
. 7 Et si un vient . la fausseté
pour (me) voir, parle
son cœur ;
. il rassemble . il sort,
l’iniquité au-dehors
pour lui, il parle.
pour moi : son nom ?
···················································································································· 8
contre moi ils méditent
Ensemble contre moi
chuchotent LE MALHEUR
tous MES HAÏSSANT, pour moi.
···················································································································· 9
– Une chose – et maintenant
de Bélial qu’il est couché
a fondu
sur lui
IL NE POURRA PLUS
SE RELEVER.
. 10 Même l’homme . lequel
de ma paix je me fiais
de lui
. en mangeant . lève
mon pain contre moi
le talon.
Les morceaux extrêmes sont parallèles entre eux. Dans les premiers segments (6.9) les « ennemis » du psalmiste souhaitent et prédisent sa mort ; les versets qui suivent présentent ces « ennemis » : celui qui vient le « voir » mais dont les paroles sont « fausseté » et « iniquité » (7), celui qui était son ami mais se retourne contre lui (10). Au centre (8), tous ses « haïssant » se retrouvent « ensemble » « contre » lui, méditant son « malheur ». LA QUATRIÈME PARTIE (11) 11
Et toi, et RELÈVE-MOI
Yhwh, et je repaierai
AIE-PITIÉ DE MOI eux.
Le deuxième membre explicite la pitié divine qu’implore le psalmiste : son salut et le châtiment des méchants. Les deux pronoms, « toi », dont le référent est « Yhwh », et « eux », dont le référent est les ennemis du psalmiste, se trouvent en termes extrêmes ; les deux impératifs se trouvent en termes médians.
570
La troisième section (Ps 26–41)
LA CINQUIÈME PARTIE (12-14) = 12 À cela = car ne-cria-pas-victoire = 13 et moi = et tu me feras-tenir
que tu t’es plu en contre moi ;
moi
mon ennemi pour mon intégrité
tu as supporté
moi
j’ai su
devant toi
POUR TOUJOURS. ···············································································································
+ 14 Béni + Dieu + DE TOUJOURS
Yhwh, d’Israël,
+ Amen
et amen !
ET JUSQU’À TOUJOURS.
Les deux segments du premier morceau sont parallèles entre eux. Les premiers membres, qui s’achèvent avec le même « moi » (bî), disent l’attitude de Dieu envers le psalmiste. Les seconds membres sont complémentaires : l’ennemi ne l’emporte pas contre le psalmiste, et au contraire le Seigneur le fait tenir devant lui. Le premier morceau énonce les raisons pour lesquelles « Yhwh » est « béni » dans le deuxième morceau. Le dernier terme du premier morceau, « pour toujours », est repris et développé dans le morceau suivant (14c). À cette expression double font écho en finale les deux « amen ». L’ENSEMBLE DU PSAUME Les parties extrêmes se répondent : la première commence par une béatitude (« Heureux ») qui concerne l’homme juste (2), la dernière par une bénédiction (« Béni ») qui concerne le Seigneur (14). Le morceau qui suit la béatitude initiale dit les conséquences de sa conduite, la récompense que le Seigneur lui donnera parce qu’il a pensé au faible (3-4) ; inversement, le morceau qui précède la bénédiction finale en expose la cause, les bienfaits que le Seigneur a accordé au psalmiste et qu’il lui maintiendra « pour toujours » (12-13). Dans les deux parties, le psalmiste est en butte à ses/son « ennemi(s) » (3c.12b). Les deux courtes parties de reliure sont parallèles et complémentaires. Leurs premiers membres commencent par « moi », puis par « toi », et s’achèvent par le même impératif, « aie pitié de moi ». Leurs deuxièmes membres sont fort différents : alors que dans la deuxième partie le psalmiste voit dans son propre péché la cause de la maladie dont il supplie d’être guéri (5b), dans l’avantdernière partie il demande d’être remis debout pour faire payer à ceux qui le haïssent leur conduite, voyant en eux la vraie raison de son malheur (11b). Dans les deux premiers passages le même nepeš est repris, traduit par « âme » (5b) et « gorge » (3c). Dans la deuxième partie de reliure « relève-moi » rappelle « se relever » de 9b. « Faire-vivre » de 3a s’oppose à « mourir » et « périr » de 6b et « ne pourra plus se relever » de 9b ; « le malheur » de 2b est repris deux fois dans la partie centrale (6a.8b).
Le psaume 41 1
Du maitre-de-chant,
+ 2 HEUREUX + au jour
psaume
de David.
qui pense de MALHEUR
au faible, le délivrera
571
YHWH.
························································································································
= 3 YHWH = et le FERA-HEUREUX .. et tu ne le donneras pas
le gardera sur la terre à LA GORGE
de SES ENNEMIS ;
le soutiendra tu retourneras
sur (son) lit dans sa maladie.
de souffrance,
j’avais dit : MON ÂME
YHWH car j’ai péché
aie-pitié de moi, contre toi.
disent
LE MALHEUR
MOURRA-T-IL
ET PÉRIRA
pour moi : son nom ?
. 7 Et si un vient . une fausseté
pour (me) voir, parle
son cœur ;
. il rassemble . il sort,
l’iniquité dehors
pour lui, il parle.
4
= YHWH .. toute sa couche 5
MOI, guéris – 6 MES ENNEMIS – quand
ET LE FERA-VIVRE
················································································································· 8
Ensemble contre moi
contre moi ils méditent
chuchotent LE MALHEUR
tous MES HAÏSSANT, pour moi.
·················································································································
– 9 Une chose – et maintenant
de Bélial qu’il est couché
a fondu IL NE POURRA PLUS
. 10 Même l’homme . lequel
de ma paix je me fiais
de lui
. en mangeant . lève
mon pain contre moi
le talon.
YHWH, et je repaierai
aie-pitié de moi eux.
j’ai su
11
Et TOI, et RELÈVE-MOI
sur lui SE RELEVER.
= 12 À cela = quand ne-cria-pas-victoire
que tu t’es plu en contre moi ;
moi
MON ENNEMI
= 13 et moi = et tu me feras tenir
pour mon intégrité devant toi
tu as supporté pour toujours.
moi
·······················································································································
+ 14 BÉNI + Dieu + de toujours
YHWH, d’Israël, et jusqu’à toujours.
+ Amen
et amen !
Les trois « contre moi » de la partie centrale (8a.8b.10d) reviennet dans la dernière partie (12b). « Ennemi(s) » se retrouve dans les parties extrêmes (3c. 12b) ainsi que dans la partie centrale (6a) à quoi fait écho « tous mes haïssant » au centre (8a).
572
La troisième section (Ps 26–41)
CONTEXTE « UNE CHOSE DE BÉLIAL » (9) Osty rend l’expression par « un mal sinistre », Dhorme par « rien de bon », la TOB par « une sale affaire » ; la BJ est plus proche du texte avec « une plaie d’enfer »4. La composition de la partie centrale invite à voir un parallèle entre Bélial, incarnation du mal, au début du dernier morceau, et « mes ennemis » au début du premier morceau. « IL FAUT QUE L’ÉCRITURE S’ACCOMPLISSE » La fin du verset 10 est citée en Jn 13,18, appliqué à Judas, celui qui devait livrer Jésus : 2
Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer... [...] 11 Il connaissait en effet celui qui le livrait ; voilà pourquoi il dit : « Vous n’êtes pas tous purs. » [...] 18 Ce n’est pas de vous tous que je parle ; je connais ceux que j’ai choisis ; mais il faut que l’Écriture s’accomplisse : « Celui qui mange mon pain a levé contre moi son talon ».
On notera la présence du « diable » qui peut rappeler le « Bélial » du psaume. Il faut ajouter que Marc fait sans doute allusion au même verset du psaume, lors du repas pascal, quand Jésus annonce : « En vérité, je vous le dis, l’un de vous me livrera, un qui mange avec moi.” »
INTERPRÉTATION « QUI PENSE AU FAIBLE... » ... « Yhwh le soutiendra » quand viendra « le malheur ». Le Seigneur fera pour le psalmiste ce qu’il faisait pour qui avait besoin d’aide, pour « le faible ». Il le « gardera » de la gueule de ses ennemis qui voudraient l’engloutir « et il le fera vivre ». Comme une mère, il le soignera durant sa maladie, refaisant son lit pour soulager sa souffrance. LA MALADIE DE L’ÂME L’orant est alité, il souffre dans son corps. Mais sa maladie physique n’est, semble-t-il, que le symptôme d’un mal être ; c’est son « âme » qui est malade. Il le dit clairement dans la supplication qu’il adresse à Dieu : « guéris mon âme » (3). S’il est malade de corps et d’âme, c’est qu’il a « péché » contre son Seigneur ; c’est de sa faute, il l’a mérité ce juste châtiment de sa conduite erronée.
4
Voir p. 198.
Le psaume 41
573
TOUS MÉDITENT CONTRE LUI La longue partie centrale (6-10) est tout entière consacrée à l’attitude hostile non seulement des « ennemis » du psalmiste (6-7) mais aussi des amis dans lesquels il avait mis sa confiance et qui se retournent contre lui (10), s’alliant ainsi ses ennemis. Tous « ensemble », ils le haïssent (8). Ils ne se contentent pas de prévoir sa mort, ils la désirent, ils vont jusqu’à souhaiter que son nom disparaissent, qu’il n’ait pas de descendance et périsse donc entièrement (6). LA GUÉRISON DE L’ÂME De nouveau le psalmiste demande à Yhwh d’avoir pitié de lui (11). Toutefois, cette nouvelle prière diffère notablement de celle qu’il avait faite antérieurement. La première commençait par « moi », la deuxième s’adresse à « toi », ce qui peut être interprété comme une sorte de décentrement : autrefois c’était sa vision des choses qu’il exprimait, maintenant c’est à Dieu qu’il s’en remet. Plus décisive est la différence entre la fin des deux prières : alors que le psalmiste s’accusait lui-même en attribuant sa maladie à son propre péché, ce sont ses ennemis qui devront payer ce dont ils se sont rendus coupables à son égard. « TU T’ES PLU EN MOI » Les plans de « l’ennemi » ont été déjoués : il ne pourra pas crier victoire. En effet, sa victime se sera relevée, comme elle l’avait demandé au Seigneur. Elle se sera relevée de son « lit de souffrance », échappant à la mort prévue et souhaitée par ceux qui la haïssaient. Elle se sera relevée aussi, et peut-être surtout, de la culpabilité dans laquelle ses ennemis avaient voulu l’enfermer et qui rendait malade son âme. En effet, alors qu’il s’accusait d’avoir péché contre Dieu, il sait, maintenant que son ennemi est démasqué et mis hors de nuire, que son Seigneur « s’est plu » en lui et qu’il a reconnu son « intégrité ». « BÉNI LE SEIGNEUR, LE DIEU D’ISRAËL » Le psaume est enserré entre les noms propres du roi « David » et de son peuple « Israël ». Le psalmiste n’est peut-être pas un individu quelconque, persécuté par ses ennemis personnels. Pour tardive qu’elle puisse être, l’attribution du psaume au roi n’est pas gratuite. Le mécanisme qui est dénoncé s’applique aussi bien à une personne singulière qu’à un peuple tout entier, aussi bien aujourd’hui qu’autrefois. Il n’est pas inouï que le peuple élu ait été accusé par ses ennemis d’avoir mérité les maux que ceux-ci lui faisait subir et que la victime ait pu se laisser convaincre de sa propre culpabilité. Ce qui ne l’a jamais empêché de bénir « le Seigneur, Dieu d’Israël de toujours et jusqu’à toujours ».
3. DIEU SAUVE DU PÉCHÉ ET DU MAL (PS 40–41) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE1 Ps 40 1 Du maitre-de-chant, de David, psaume. 2
D’espoir j’ai espéré Yhwh et il s’est penché vers moi et il a entendu mon cri ; 3 et il m’a remonté du trou de vacarme, de la fange du bourbier ; et IL A DRESSÉ sur le roc mes pieds, affermissant mes pas. 4 Et IL A DONNÉ dans ma bouche un chant nouveau, louange pour notre Dieu. Le verront de nombreux et ils craindront et SE CONFIERONT en Yhwh ; 5 HEUREUX l’homme qui a mis en Yhwh SA CONFIANCE et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers le mensonge ! 6
Nombreuses tu as fait, TOI, Yhwh mon Dieu, tes merveilles et TES PENSÉES sur nous. Pas de comparable à toi ! Je raconterai et je parlerai : elles sont trop pour les compter. 7 Sacrifice et oblation TU N’AS PAS DÉSIRÉS, des oreilles tu as creusé à moi ; holocauste et (expiation pour le) PÉCHÉ tu n’as pas demandés. 8 Alors j’ai dit : « Voici je viens avec un rouleau du livre pour moi ». 9 Faire ta volonté, mon Dieu, JE DÉSIRE et ta loi est dans le fond de mes entrailles. 10 J’ai annoncé la justice dans l’assemblée nombreuse, voici mes lèvres je ne retiens pas Yhwh, TOI, tu le sais ; 11 ta justice je n’ai pas caché dans le fond de mon cœur, ta loyauté et ton salut j’ai dit ; je n’ai pas celé ta fidélité et ta vérité à une assemblée nombreuse. 12
TOI, Yhwh, tu ne retiendras pas tes miséricordes loin de moi ; ta fidélité et ta vérité toujours me garderont, 13 car se concentrent sur moi des MALHEURS jusqu’à pas de nombre ; m’atteignent mes FAUTES et je ne peux pas les voir ; ils sont plus que les cheveux de ma tête et mon cœur m’abandonne. 14
Veuille, Yhwh, me délivrer, Yhwh, à mon secours hâte-toi. 15 Qu’ils aient honte et soient confondus ENSEMBLE, ceux qui cherchent MON ÂME pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, CEUX QUI DÉSIRENT mon MALHEUR. 16 Qu’ils soient stupéfiés par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 17 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te cherchent. Qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand Yhwh ! », ceux qui aiment ton salut. 18 Et MOI, miséreux et pauvre, Seigneur, pense à moi ! Mon secours et MON LIBÉRATEUR, c’est TOI ; mon Dieu, ne sois pas en arrière ! Ps 41 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2
HEUREUX qui pense au faible, au jour de MALHEUR Yhwh le LIBÉRERA. 3 Yhwh le gardera et le fera-vivre et le FERA-HEUREUX sur la terre et TU NE LE DONNERAS PAS à LA GORGE de ses ennemis ; 4 Yhwh le soutiendra sur son lit de souffrance, toute sa couche tu retourneras dans sa maladie. 5
MOI, j’avais dit : Yhwh, aie-pitié de moi, guéris MON ÂME car J’AI PÉCHÉ contre toi.
6
Mes ennemis disent le MALHEUR pour moi : quand mourra-t-il et périra son nom ? 7 Et si un vient pour me voir, une fausseté parle son cœur ; il rassemble l’iniquité pour lui, il sort, audehors il parle. 8 ENSEMBLE contre moi chuchotent tous mes haïssant, contre moi ILS MÉDITENT le 9 MALHEUR pour moi. Une chose de Bélial a fondu sur lui et maintenant qu’il est couché il ne pourra plus SE RELEVER. 10 Même l’homme de ma paix lequel JE ME FIAIS de lui, en mangeant mon pain lève contre moi le talon. 11
Et TOI, Yhwh, aie-pitié de moi et RELÈVE-MOI et je repaierai eux.
12
À cela j’ai su que TU T’ES PLU en moi quand mon ennemi ne-cria-pas-victoire contre moi ; et moi pour mon intégrité tu m’as supporté et tu me feras-tenir devant toi pour toujours. 14 Béni Yhwh, Dieu d’Israël, de toujours et jusqu’à toujours. Amen et amen ! 13
1
Voir G. BARBIERO, « Le premier livret du psautier (Ps 1–41) », 450-455.
La sous-section 38–41
575
Les deux psaumes ont un assez grand nombre de termes en commun : – Les titres sont identiques, malgré l’interversion des deux derniers termes ; – « heureux » de 40,5 est repris au début en 41,2 et revient sous forme verbale dans le verset suivant ; – « dresser » (40,3) de même racine que « se relever » et « relever » (41,9.11) ; – « donner » (40,4 ; 41,3) ; – « se confier » et « confiance » (40,4.5) et « se fier » (41,10) ; – « toi » (40,6.10.12.18 ; 41,11) ; – « toi » est lié à « moi » en 40,18 ainsi qu’au début des segments de reliure du psaume suivant (41,5.11) ; – « tes pensées » (40,6) et « ils méditent » (41,8) sont de même racine ; – « parler » (40,6 ; 41,7 bis) ; – « désirer » (40,7.9.15) et « tu t’es plu » (41,12) traduisent le même verbe ; – « péché » (40,7) et « pécher » (41,5), ainsi que « fautes » (40,13) ; – « j’ai dit » (40,8 ; 41,5) ; – « malheur(s) » (40,13.15 ; 41,2.6.8) ; – « toujours » (tāmîd ; 40,12.17) synonyme de « pour toujours » et « de toujours et jusqu’à toujours » (41,13.14) ; – « cœur » (40,11.13 ; 41,7) ; – « ensemble » (40,15 ; 41,8) ; – « mon âme » (40,15 ; 41,5) et « gorge » (41,3) traduisent le même terme ; – « qu’il soit-grand » (40,17) et « lève » (41,10) sont de même racine ; – « mon libérateur » et « le libérera » remplissent la fonction de termes médians (40,18 ; 41,2). Il faut ajouter les synonymes : – « garder » (nāṣar 40,12 ; šāmar 41,2) ; – en termes médians, « penser » dont le sujet est Dieu (ḥāšab 40,18), dont le sujet est le fidèle (śākal 41,2) ; toujours en termes médians, « miséreux et pauvre » qualifiant le psalmiste (40,18) et « faible », celui auquel il « pense » (41,2). INTERPRÉTATION PENSER AU PAUVRE Une des clés de lecture de la séquence se trouve à la jointure entre les deux psaumes qui la forment. À la fin du premier psaume, le psalmiste, se reconnaissant « miséreux et pauvre » demande au Seigneur de « penser » à lui (40,18). Entamant le psaume suivant, il déclare « heureux qui pense au faible » (41,2). Dieu sera le « libérateur » de l’un et de l’autre : il « libérera » le faible en même temps que celui qui aura pensé à lui. C’est donc là ce qui agrafe les deux psaumes qui pourraient sembler différents, sinon opposés.
576
La troisième section (Ps 26–41)
« HEUREUX... » Deux fois l’homme est déclaré « Heureux ». Au début du premier psaume, c’est celui qui met toute sa confiance dans le Seigneur (40,5) ; au début du second en revanche, c’est celui qui « pense au faible » (41,2). Il serait difficile de ne pas entendre dans cette double béatitude un écho des deux tables de la Loi, où sont prescrits ce qu’on a coutume d’appeler les devoirs envers Dieu et les devoirs envers le prochain. Là encore, mais par leurs débuts cette fois-ci, les deux psaumes sont complémentaires. LE MALHEUR Si « Heureux » revient une fois dans chaque psaume, « malheur » y est repris deux fois dans le premier psaume, d’abord au pluriel (40,13) puis au singulier (15), et pas moins de trois fois dans le second psaume (41,2.6.8). La cause de ce « mal » est double. Ce sont d’abord les innombrables « fautes » du psalmiste avec lesquelles ses « maux » ou ses « malheurs » sans nombre sont mis en parallèle (40,13). Toutefois, un peu plus loin le « malheur » du psalmiste n’est autre que ce que « méditent » ses ennemis (15). Et c’est cette deuxième cause que le psaume suivant retiendra. La maladie qu’il croyait devoir attribuer à son « péché » (41,5), il découvre ensuite qu’elle était due au harcèlement que lui faisaient subir ses ennemis sans raison (11). Et c’est pourquoi, il clame en finissant son « intégrité ». Là aussi, on pourra comprendre qu’il faut tenir les deux bouts de la chaine : refuser de se laisser culpabiliser et écraser par le mal des autres ne signifie pas refuser de reconnaitre que le mal habite le cœur de chacun.
C. LE SEIGNEUR PROTÈGE L’HOMME INTÈGRE DU MAL L’ensemble de la troisième sous-section (Ps 38–41) 1re séquence Ps 38 : Ps 39 : Total :
1 160 865 2 025
2e séquence Ps 40 : Ps 41 : Total :
1 321 784 2 105
Les quatre psaumes se correspondent de manière spéculaire : A B / B’A’. LES PSAUMES EXTRÊMES (PS 38 ET 41) Les deux psaumes sont marqués par le harcèlement moral que les ennemis du psalmiste lui infligent : son « malheur » (38,13.21 ; 41,2.6.8) serait dû à son « péché » et à sa « faute » (38,4.5.19 ; 41,5). Ses « ennemis » (41,3.6.12), ceux qui « demandent son âme », « qui cherchent son malheur » (38,13), parviennent même à retourner contre leur victime ses « amis et compagnons », ses « pro-
La sous-section 38–41
577
ches » (38,12), « l’homme de sa paix » « dans lequel il se fiait » (41,10). Dans les deux psaumes, le psalmiste prend finalement conscience que la persécution qu’il subit est « sans raison » et « à tort » (38,20), et que le Seigneur l’a soutenu à cause de son « intégrité » (41,13). Ps 38 1 Psaume de David, pour mémorial. 2
Yhwh, pas en ton courroux ne me reprendras et en ta fureur ne me corrigeras ; 3 oui, tes flèches se sont abattues en moi et s’est abattue sur moi ta main. 4 Rien d’intact en ma chair à cause de ta colère, rien de paix dans mes os à cause de MON PÉCHÉ ; 5 oui, MES FAUTES dépassent ma tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi, 6 elles puent, elles pourrissent, mes meurtrissures à cause de MA FOLIE. 7 Je suis voûté, courbé, à l’excès, tout le jour, assombri, je m’en vais ; 8 oui, mes lombes sont pleines de fièvre et rien d’intact en ma chair ; 9 je suis paralysé et broyé, à l’excès, je rugis du grondement de mon cœur. 10
Seigneur, devant toi tout mon désir, et mon soupir pour toi n’est point caché ; 11 le cœur me bat, m’abandonne ma force, et la lumière de mes yeux eux aussi pas avec moi. 12 MES AMIS ET 13 MES COMPAGNONS devant ma plaie se tiennent et MES PROCHES de loin se sont tenus ; ils piègent, CEUX QUI RECHERCHENT MON ÂME, et CEUX QUI CHERCHENT MON MALHEUR parlent de menaces, et des fraudes tout le jour ils méditent. 14 Et moi, comme un sourd, je n’entends pas, et comme un muet qui n’ouvre pas la bouche ; 15 et je suis comme un homme lequel n’entends pas et pas dans sa bouche de réplique. 16
Oui, en toi, Yhwh, j’espère, toi tu répondras, Seigneur mon Dieu. 17 Oui, j’ai dit : Qu’ils ne se gaussent de moi, quand chancelle mon pied, sur moi qu’ils ne gagnent ! 18 Oui, moi à la chute je suis voué, et mon tourment devant moi toujours. 19 Oui, MA FAUTE, je confesse, je suis anxieux de 20 MON PÉCHÉ. Et mes ENNEMIS sans raison sont forts et ils sont nombreux CEUX QUI ME HAÏSSENT à tort ; 21 et, me rendant LE MAL au lieu du bien, ils m’accusent au lieu de poursuivre le bien. 22 Ne m’abandonne pas, Yhwh, mon Dieu, ne sois pas loin de moi ; 23 hâte-toi à mon aide, Seigneur, mon salut !
[...] Ps 41 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2
Heureux qui pense au faible, au jour de MALHEUR Yhwh le libérera. 3 Yhwh le gardera et le fera-vivre et le fera-heureux sur la terre et tu ne le donneras pas à la gorge de ses ENNEMIS ; 4 Yhwh le soutiendra sur son lit de souffrance, toute sa couche tu retourneras dans sa maladie. 5
Moi, j’avais dit : Yhwh aie-pitié de moi, guéris mon âme car J’AI PÉCHÉ contre toi.
6
MES ENNEMIS disent le MALHEUR pour moi : quand mourra-t-il et périra son nom ? 7 Et si un vient pour me voir, une fausseté parle son cœur ; il rassemble l’iniquité pour lui, il sort, au-dehors il parle. 8 Ensemble contre moi chuchotent TOUS MES HAÏSSANT, contre moi ils méditent 9 LE MALHEUR pour moi. Une chose de Bélial a fondu sur lui et maintenant qu’il est couché il ne pourra plus se relever. 10 Même L’HOMME DE MA PAIX lequel je me fiais de lui, en mangeant mon pain lève contre moi le talon. 11 12
Et toi, Yhwh, aie-pitié de moi et relève-moi et je repaierai eux.
À cela j’ai su que tu t’es plu en moi quand mon ENNEMI ne-cria-pas-victoire contre moi ; et moi pour mon intégrité tu m’as supporté et tu me feras-tenir devant toi pour toujours. 14 Béni Yhwh, Dieu d’Israël, de toujours et jusqu’à toujours. Amen et amen ! 13
578
La troisième section (Ps 26–41)
LES PSAUMES MÉDIANS (PS 39 ET 40) Ps 39 1 Du maître-de-chant, de Yedutûn, psaume, de David. 2
J’ai dit : Que je garde mes chemins, de peur de PÉCHER avec ma langue, que je garde à MA BOUCHE un bâillon, tant que le méchant est devant moi. 3 Je suis resté-muet en silence je me suis tu loin du bien ; et mon tourment s’exaspéra. 4 Brûlait mon cœur au-dedans de moi, dans mon soupir flambait un feu, j’ai parlé avec ma langue : 5 Fais-moi savoir, Yhwh, ma fin et la mesure de mes jours combien est-elle, que je sache combien manquant moi. 6 Voici, des empans tu donnas mes jours, et ma durée comme rien devant toi ; oui, toute une buée tout adam qui se tient-debout. 7 Oui, telle une ombre s’en va l’homme, oui, une buée ils s’enrichissent ; il entasse et ne sait pas qui ramassera. 8
Et maintenant, QU’ESPÉRERAI-JE, Seigneur ? Mon attente, en toi elle est.
9
De toutes MES TRANSGRESSIONS délivre-moi, la risée de l’insensé ne me mets pas. 10 Je restemuet, je n’ouvre pas LA BOUCHE, car toi tu agis. 11 Éloigne de moi tes coups, sous les assauts de ta main, moi je me consume. 12 Reprenant LES FAUTES, tu corriges l’homme, et tu ronges comme la teigne ce qu’il convoite, seulement un souffle tout adam. 13 ENTENDS ma prière, Yhwh, et à MON CRI prête-l’oreille, à mes pleurs ne sois-pas-sourd. Car un étranger moi chez toi, un passant comme tous mes pères. 14 Détourne-toi de moi, et que je sourie, avant que je m’en aille et ne sois plus rien. Ps 40 1 Du maitre-de-chant, de David, psaume. 2
D’ESPOIR J’AI ESPÉRÉ Yhwh et il s’est penché vers moi et IL A ENTENDU MON CRI ; 3 et il m’a remonté du trou de vacarme, de la fange du bourbier ; et il a dressé sur le roc mes pieds, affermissant mes pas. 4 Et il a donné dans MA BOUCHE un chant nouveau, louange pour notre Dieu. Le verront de nombreux et ils craindront et se confieront en Yhwh ; 5 heureux l’homme qui a mis en Yhwh sa confiance et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers le mensonge ! 6
Nombreuses tu as fait, toi, Yhwh mon Dieu, tes merveilles et tes pensées sur nous. Pas de comparable à toi ! Je raconterai et je parlerai : elles sont trop pour les compter. 7 Sacrifice et oblation tu n’as pas désirés, des oreilles tu as creusé à moi ; holocauste et (expiation pour le) 8 PÉCHÉ tu n’as pas demandés. Alors j’ai dit : « Voici je viens avec un rouleau du livre pour moi ». 9 Faire ta volonté, mon Dieu, je désire et ta loi est dans le fond de mes entrailles. 10 J’ai annoncé la justice dans l’assemblée nombreuse, voici mes lèvres je ne retiens pas Yhwh, toi, tu le sais ; 11 ta justice je n’ai pas caché dans le fond de mon cœur, ta loyauté et ton salut j’ai dit ; je n’ai pas celé ta fidélité et ta vérité à une assemblée nombreuse. 12
Toi, Yhwh, tu ne retiendras pas tes miséricordes loin de moi ; ta fidélité et ta vérité toujours me garderont, 13 car se concentrent sur moi des malheurs jusqu’à pas de nombre ; m’atteignent MES FAUTES et je ne peux pas les voir ; ils sont plus que les cheveux de ma tête et mon cœur m’abandonne. 14
Veuille, Yhwh, me délivrer, Yhwh, à mon secours hâte-toi. 15 Qu’ils aient honte et soient confondus ensemble, CEUX QUI RECHERCHENT MON ÂME pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, CEUX QUI DÉSIRENT MON MALHEUR. 16 Qu’ils soient stupéfiés par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 17 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te cherchent. Qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand Yhwh ! », ceux qui aiment ton salut. 18 Et moi, miséreux et pauvre, Seigneur, pense à moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; mon Dieu, ne sois pas en arrière !
La sous-section 38–41
579
Les deux psaumes sont unis d’abord par des termes médians : à la supplication finale du premier psaume : « Entends ma prière, Yhwh », et à mon cri prête l’oreille » (39,13) répond la confession : « et il a entendu mon cri » (40,2). Dans la même ligne, la question « qu’espérerai-je, Seigneur » au centre du premier psaume (38,8) trouve sa réponse au début du psaume suivant : « D’espoir j’ai espéré Yhwh » (40,2). Alors qu’au début du premier psaume le psalmiste dit qu’il veut garder à sa « bouche » un bâillon (39,2), au début du second psaume c’est le Seigneur luimême qui donne dans sa « bouche » « un chant nouveau » (40,4). Les termes du champ sémantique du péché se retrouvent dans les deux psaumes : « transgressions » (39,9), « fautes » (12), « (expiation pour le) péché » (40,7), « fautes » (13). « J’ai dit » par quoi commence le premier psaume (39,2) reviendra dans le psaume suivant (40,8), chaque fois accompagné par son synonyme « parler » (39,4 ; 40,6). En outre les Ps 38 et 40 ont en commun deux expressions très proches : 38,13 ils piègent, et CEUX QUI CHERCHENT MON MALHEUR
CEUX QUI RECHERCHENT MON ÂME,
40,15 Qu’ils aient honte [...], Qu’ils reculent en arrière [...],
CEUX QUI RECHERCHENT MON ÂME pour la perdre. CEUX QUI DÉSIRENT MON MALHEUR.
parlent de menaces
CONTEXTE « MÉMORIAL » ET « (EXPIATION POUR LE) PÉCHÉ » Au début de la première séquence, le premier psaume précise dans son titre « pour mémorial » (38,1) et dans le premier psaume de la deuxième séquence il est dit que le Seigneur n’a demandé « ni holocauste ni (expiation pour le) péché » (40,7). Le « mémorial » renvoie à Lv 2 où il est question de l’offrande végétale « en rite d’expiation » (voir p. 551). Quant au sacrifice d’expiation pour le péché, ce sont les chapitres suivants du Lévitique qui en traitent, péché commis « par inadvertance » (Lv 4) ou non (Lv 5). Ces deux allusions confirment le fait que c’est bien du péché qu’il s’agit dans cette sous-section.
INTERPRÉTATION DÉLIVRÉ DU PÉCHÉ Personne ne peut se prétendre absolument innocent devant le Seigneur. C’est être dans la vérité que de reconnaitre son péché : « Oui, ma faute je la confesse » (38,19). L’accumulation des fautes peut effrayer : « mes fautes dépassent ma
580
La troisième section (Ps 26–41)
tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi » (38,5), « m’atteignent mes fautes et je ne peux les voir » (40,13). Mais le Seigneur, comme un père, « reprenant les fautes, corrige l’homme » (39,12). Ce n’est pas « le courroux », « la fureur », « la colère » qui guide sa main ; il n’entend pas percer de « flèches » le pécheur (38,2-3). Et le psalmiste continue à implorer le Seigneur, sûr qu’il lui répondra (38,16) et qu’il lui pardonnera en le tirant « de la fange du bourbier » (40,3). DÉLIVRÉ DES PÉCHEURS Si la vérité veut que, avec ses limites, l’homme reconnaisse aussi ses transgressions, elle n’en veut pas moins qu’il refuse de se laisser enfermer dans un péché qu’il n’a pas commis mais que les méchants lui imputent pour justifier le leur. C’est ce que laissent entendre les psaumes extrêmes où le psalmiste se laisse d’abord prendre au piège mortel du harcèlement des méchants, pour découvrir ensuite que, si ses « ennemis sont forts » et si « sont nombreux ceux qui le haïssent », ils n’en agissent pas moins « sans raison » et « à tort » (38,20). S’il s’accuse dans un premier temps d’avoir péché contre le Seigneur (41,5), ce qui a causé son malheur et la maladie qui le cloue sur son lit de souffrance, il réalise par la suite que ce sont ses persécuteurs qui projettent sur lui leur péché et leur désir de mort. Et c’est pourquoi il finit par reconnaitre : « et moi, pour mon intégrité tu m’as soutenu et tu me feras tenir devant toi pour toujours » (41,13). Alors pourra retentir la bénédiction finale de la sous-section et de tout le premier livre du Psautier : « Béni soit Yhwh, Dieu d’Israël, de toujours et jusqu’à toujours. Amen et amen ! » (14).
L’ensemble de la troisième section
581
IV. LE SEIGNEUR LIBÈRE SON FIDÈLE DU PÉCHÉ L’ensemble de la troisième section (Ps 26–41)
Les seize psaumes de la section sont répartis en trois sous-sections organisées de manière concentrique. Alors que les deux premières sous-sections comptent chacune six psaumes, la dernière n’en compte que quatre. En nombre de signes, la première sous-section en compte 5 024, la deuxième 7 248 et la troisième 4 131 ; c’est donc la sous-section centrale qui est la plus développée. LE SEIGNEUR
ABRITE
LE SEIGNEUR INSTRUIT
LE SEIGNEUR
PROTÈGE
SES FIDÈLES
EN SON TEMPLE
Ps 26–31
LES JUSTES
À LA LOUANGE
Ps 32–37
L’HOMME INTÈGRE
DU MAL
Ps 38–41
COMPOSITION A. THÈMES COMMUNS AUX TROIS SOUS-SECTIONS1 La confiance en Dieu – « Se confier », « se fier » en Dieu (26,1 ; 27,3 ; 28,7 ; 31,7.15 ; 32,10 ; 33,21 ; 37,3.5 ; 40,4.5) ; – Dieu « abrite », « s’abriter » en lui (27,5 ; 31,2.20 ; 34,9.23 ; 36,8 ; 37,40) ; – Dieu « cache », « met à couvert » (27,5 ; 31,21 bis) ; – « espérer/attendre » le Seigneur (27,14 bis ; 31,25 ; 33,18.20.22 ; 37,7.9.34 ; 38,16 ; 39,8 bis ; 40,2 bis) – Dieu est « refuge », « rocher », « forteresse » (27,1 ; 28,8 ; 31,3.4.5 ; 32,7). Fidélité – justice – « fidélité » de Dieu (26,3 ; 31,8.17.22 ; 32,10 ; 33,5.18.22 ; 36,6.8.11 ; 40,11. 12) ; sa « vérité » (26,3 ; 30,10 ; 31,6 ; 36,6 ; 37,3 ; 33,4 ; 40,11.12) ; .. « fidèle(s) » du Seigneur (30,5 ; 31,24 ; 32,6 ; 37,28) ; 1
Ces termes sont soulignés de diverses façons dans les réécritures des pages suivantes.
582
La troisième section (Ps 26–41)
– « justice » de Dieu : 31,2 ; 33,5 ; 35,24.28 ; 36,7.11 ; 37,6 ; 40,10.11 ; « justice » de l’homme : 35,27 ; .. « juste(s) » : 31,19 ; 32,11 ; 33,1 ; 34,16.20.22 ; 37,12.16.17.21.25.29.30. 32.39. Louer – rendre-grâce – bénir... Les termes du champ sémantique « action de grâce/rendre grâce », « louange/ louer », « chant/chanter », « jouer », « raconter », « sacrifier », se retrouvent souvent dans la sous-section (26,6-7 ; 27,6bc ; 28,7b ; 29,2 ; 30,2.5-6.12-13 ; 31,8.22 ; 32,7.11 ; 33,1-3 ; 34,2-4 ; 35,9.18.27-28 ; 37,30 ; 40,4.10-11.17). Bénir Le fidèle « bénit » le Seigneur (26,12 ; 28,6 ; 31,22 ; 34,2 ; 41,14), mais Dieu aussi le bénit (28,9 ; 29,11 ; 37,22.26).
B. LE CROISEMENT AU CENTRE Les sous-sections extrêmes se trouvent en rapport croisé2 avec les séquences de la sous-section centrale : A. 26–31 – a. 35–37 // b. 32–34 – B. 388–41. A. LE SEIGNEUR
ABRITE
SES FIDÈLES
EN SON TEMPLE
Ps 26–31
b. Du péché
à la louange
Ps 32–34
a. Du jugement
à la justice
Ps 35–37
B. LE SEIGNEUR
PROTÈGE
L’HOMME INTÈGRE
DU MAL
Ps 38–41
2 Sur « La loi du croisement au centre », voir R. MEYNET, « Le leggi della retorica biblica. A proposito della “legge dell’intreccio al centro” ».
L’ensemble de la troisième section A. 26–31 – a. 35–37 Ps 26 1 De David. Juge-moi, Yhwh, car moi EN MON INTÉGRITÉ J’AI MARCHÉ, et en Yhwh je me confie et je ne trébucherai pas. 2 Scrute-moi, Yhwh, et éprouve-moi, passe-au-feu mes reins et mon cœur, 3 car ta fidélité est devant mes yeux ET J’AI MARCHÉ EN TA VÉRITÉ. 4 5
Je n’habite pas avec LES MORTELS DE FAUSSETÉ et avec LES HYPOCRITES je ne vais pas. J’ai détesté l’assemblée des MALFAISANTS et avec les MÉCHANTS je n’ai pas habité. 6
Je lave en l’innocence mes paumes et tourne-autour de TON AUTEL, Yhwh, pour faire entendre la voix de l’action-de-grâce et pour raconter toutes tes merveilles. 8 Yhwh, j’aime LA RÉSIDENCE DE TA MAISON et LE LIEU DU SÉJOUR DE TA GLOIRE. 7
9
N’ajoute pas avec les PÉCHEURS mon âme et avec les HOMMES DE SANG ma vie, lesquels ont dans les mains L’INIQUITÉ et leur droite est pleine de GRATIFICATIONS.
10 11 12
Et moi EN MON INTÉGRITÉ JE MARCHERAI, rachète-moi et aie-pitié de moi. MON PIED SE TIENDRA EN DROITURE, DANS LES ASSEMBLÉES je te bénirai, Yhwh.
Ps 27 1 De David. Yhwh est ma lumière et mon salut, devant qui aurais-je crainte ? Yhwh est le refuge de ma vie, devant qui tremblerais-je ? 2 Quand s’approchent contre moi des MALFAISANTS pour dévorer ma chair, mes OPPRESSEURS et mes ENNEMIS à moi eux chancellent et tombent. 3 Si campe contre moi UN CAMP, ne craint pas mon cœur ; si se dresse contre moi UNE GUERRE, en cela moi je me confie. 4
Une chose j’ai demandé à Yhwh, elle je cherche, habiter dans LA MAISON de Yhwh tous les jours de ma vie, pour contempler la douceur de Yhwh et pour admirer dans SON TEMPLE. 5 Car il m’abrite EN SA HUTTE au jour de MALHEUR, il me cache AU SECRET DE SA TENTE ; sur le roc il m’élève. 6 Et maintenant s’élève ma tête sur MES ENNEMIS à l’entour. Et je sacrifierai EN SA TENTE des sacrifices d’acclamation, je chanterai et je jouerai pour Yhwh. 7 Entends, Yhwh, ma voix je crie, et aie-pitié de moi et réponds-moi. 8 De toi a dit mon cœur : « Cherchez MA FACE. » TA FACE, Yhwh, je cherche. 9 Ne me cache pas TA FACE de moi, n’écarte pas avec colère ton serviteur ; mon secours tu as été. Ne me laisse pas et ne m’abandonne pas, Dieu de mon salut ; 10 si mon père et ma mère m’abandonnent, Yhwh me recueillera. 11
Fais-moi voir, Yhwh, TON CHEMIN et CONDUIS-MOI SUR UN SENTIER de droiture à cause de MES ADVERSAIRES ; 12 ne me laisse pas à la gorge de MES OPPRESSEURS car se sont dressés sur moi DES TÉMOINS DE MENSONGE et LE SOUFFLANT LA VIOLENCE. 13 Si seulement j’étais sûr de voir la bonté de Yhwh sur la terre des vivants. 14 Espère en Yhwh, sois-fort et s’affermisse ton cœur, et espère en Yhwh.
583
584
Ps 28
La troisième section (Ps 26–41)
1
De David.
Vers toi, Yhwh, j’appelle, mon rocher, ne sois pas sourd de moi, de peur que tu sois silencieux de moi et que je ressemble aux descendant au trou. 2 Écoute la voix de mes supplications quand je crie vers toi, quand j’élève les mains VERS LE SAINT DES SAINTS. 3 Ne me traîne pas avec LES MÉCHANTS et avec LES ŒUVRANT L’INIQUITÉ qui parlent de paix à leur prochain et LE MAL est dans leur cœur. 4 Donne à eux selon leurs œuvres et la malice de leurs actes, selon l’ouvrage de leurs mains donne à eux, fais-revenir leur salaire à eux ; 5 car ils ne savent pas les œuvres de Yhwh et l’ouvrage de ses mains : il les démolit et ne les rebâtira pas ! 6
Béni soit Yhwh car il a écouté la voix de mes supplications. Yhwh ma puissance et mon bouclier, en lui s’est fié mon cœur et j’ai été aidé, et exulte mon cœur et avec mon chant je rends-grâce. 8 Yhwh puissance pour eux et refuge de saluts pour son messie, lui. 9 Sauve ton peuple et bénis ton héritage et fais-les-paitre et élève-les pour toujours ! 7
Ps 29
1
Psaume. De David.
Apportez à Yhwh, fils des dieux, apportez à Yhwh gloire et puissance, 2 apportez à Yhwh la gloire de son nom, prosternez-vous devant Yhwh DANS LA SPLENDEUR DE SAINTETÉ. 3
Voix de Yhwh sur LES EAUX, le Dieu de gloire tonne, Yhwh sur LES EAUX NOMBREUSES ; voix de Yhwh dans la force, voix de Yhwh dans la splendeur. 5 La voix de Yhwh casse LES CÈDRES, et il fracasse Yhwh LES CÈDRES du Liban ; 6 et il fait bondir comme un veau le Liban, et le Siryôn comme un fils des buffles. 7 La voix de Yhwh taille des flammes de feu ! 8 La voix de Yhwh fait-trembler LE DÉSERT, il fait-trembler Yhwh LE DÉSERT de Qadech ; 9 La voix de Yhwh fait-mettre-bas les biches, et dépouille les forêts. Et EN SON TEMPLE tout dit : Gloire ! 10 Yhwh au déluge a siégé, et il siège, Yhwh, en roi pour toujours. 4
11
Yhwh la puissance à son peuple donne, Yhwh bénit son peuple dans la paix.
L’ensemble de la troisième section Ps 30
1
585
Psaume, cantique pour la dédicace de LA MAISON, de David.
2
Je t’exalte, Yhwh, car tu m’as tiré-en-haut et tu n’as pas réjoui MES ENNEMIS à moi. 3 Yhwh mon Dieu, j’ai crié vers toi et tu m’as guéri. 4 Yhwh, tu as fait-remonter du schéol mon âme, tu m’as fait-vivre loin de mon descendre au trou. 5 Jouez pour Yhwh, ses fidèles, et rendez-grâce à la mémoire de sa sainteté, 6 car un instant il est dans sa colère, une vie dans sa faveur. Au soir passe-la-nuit le pleur, et au matin la jubilation. Et moi, j’avais dit dans ma tranquillité : « Je ne chancellerai à jamais ! » 8 Yhwh, dans ta faveur tu as établi pour MA MONTAGNE une puissance. Tu as caché TA FACE, j’ai été bouleversé. 7
9
Vers toi, Yhwh, j’appelle et vers mon Seigneur je demande-pitié. 10 Quel gain à mon sang, à ma descente dans la fosse ? Te rend-elle grâce, la poussière, annonce-t-elle ta vérité ? 11 Écoute, Yhwh, et aie-pitié ! Yhwh, sois secours pour moi ! 12 Tu as changé mon deuil en danse pour moi, tu as dénoué mon sac et tu m’as ceint de joie ; 13 de sorte que joue-pour toi la gloire et ne se taise pas, Yhwh mon Dieu, à jamais je te rendraigrâce. Ps 31
1
Du maître de chant, psaume, de David.
2
En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais, en ta justice libère-moi ; 3 tends vers moi ton oreille, hâte-toi, délivre-moi. Sois pour moi UN ROC DE REFUGE, UNE MAISON de 4 FORTERESSES pour me sauver ; car mon rocher et ma forteresse, c’est toi, et à cause de ton nom GUIDE-MOI ET CONDUIS-MOI ! 5 Fais-moi-sortir du filet qu’ils m’ont tendu, car c’est toi mon refuge. 6 En ta main je remets mon esprit, rachète moi, Yhwh, Dieu de vérité ; 7 tu hais les GARDANT LES 8 BUÉES DE VANITÉ et moi, en Yhwh je me confie. Que j’exulte et me réjouisse en ta fidélité, toi qui as vu ma misère, as connu les OPPRESSIONS de mon âme ; 9 et tu ne m’as pas enfermé en la main de L’ENNEMI, tu as établi au-large mes pas. 10 Aie-pitié de moi, Yhwh, car L’OPPRESSION est sur moi. Se consument dans la douleur mon œil, ma gorge et mon ventre, 11 car s’achève dans la tristesse ma vie et mes années en gémissement ; succombe par ma peine ma force et mes os se consument. 12 Pour tous MES OPPRESSEURS je suis opprobre et pour MES VOISINS beaucoup plus et un effroi pour MES CONNAISSANCES ; ceux qui me voient dehors s’enfuient loin de moi. 13 Je suis oublié comme un mort du cœur, je suis comme un objet perdu, 14 Car j’entends LA CALOMNIE DE BEAUCOUP, TERREUR À L’ENTOUR, quand ils se liguent ensemble contre moi, pour prendre ma gorge ils complotent. 15
Et moi, je me confie en toi, Yhwh, j’ai dit : « Mon Dieu c’est toi ! » 16 Dans ta main sont mes temps, délivre-moi de la main de MON ENNEMI et de MON PERSÉCUTEUR ; 17 fais-luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi par ta fidélité. 18 Yhwh, que je ne rougisse pas car je t’appelle, que rougissent LES MÉCHANTS, qu’ils se taisent au schéol ; 19 que soient muettes LES LÈVRES DE MENSONGE qui PARLENT contre le juste insolemment avec ORGUEIL et MÉPRIS ! 20 Qu’elle est grande ta bonté laquelle tu réserves pour tes craignant, que tu œuvres pour qui s’abrite en toi face aux fils d’Adam. 21 Tu les caches au secret de ta face, loin-des INTRIGUES DE L’HOMME ; tu les mets-à-couvert SOUS LA TENTE, loin-du PROCÈS DES LANGUES. 22 Béni Yhwh qui fit-des-merveilles de fidélité pour moi en une ville de citadelle ! 23 Et moi j’avais dit en mon trouble : « Je suis chassé de devant tes yeux ! » Et pourtant tu écoutas la voix de ma supplication quand j’ai crié vers toi. 24 Aimez Yhwh, tous ses fidèles. Les loyaux il garde Yhwh mais il rétribue avec usure LE FAISANT L’ORGUEIL. 25 Soyez-forts et s’affermisse votre cœur, tous les espérant en Yhwh !
586
La troisième section (Ps 26–41)
La deuxième séquence de la sous-section centrale (Ps 35–37) Ps 35 1 De David. Accuse, Yhwh, MES ACCUSATEURS, assaille MES ASSAILLANTS ; 2 saisis écu et bouclier et dresse-toi à mon aide. 3 Et brandis la lance et barre la route contre MES POURSUIVANTS ; dis à mon âme : « Ton salut, c’est moi. » 4 Qu’ils rougissent et soient-honteux CEUX QUI CHERCHENT MON ÂME, qu’ils reculent en arrière et soient confus, CEUX QUI PROJETTENT MON MALHEUR ! 5 Qu’ils soient comme la bale face au vent, et l’ange de Yhwh les poussant, 6 que soit LEUR CHEMIN ténèbre et glissades et l’ange de Yhwh les poursuivant ! 7
Oui, SANS RAISON ils ont caché pour moi la fosse de leur filet, SANS RAISON ils ont creusé pour mon âme. 8 Vienne sur lui la ruine qu’il ne connait pas et son filet qu’il a tendu qu’il le prenne, dans la ruine qu’il tombe dedans. 9 Et mon âme exultera en Yhwh, jubilera en son salut. 10 Tous mes os diront : « Yhwh, qui est comme toi, délivrant le miséreux d’un plus fort que lui, et le miséreux et le pauvre de son spoliateur ? » 11 Se dressent DES TÉMOINS DE VIOLENCE, sur ce que je ne connais pas ils me questionnent, 12 ils me paient le mal au lieu du bien, privation-d’enfant pour mon âme. 13 Et moi, pendant leurs maladies, mon vêtement était un sac ; j’humiliais par le jeûne mon âme et ma prière dans mon sein revenait ; 14 comme ami, comme frère à moi je me comportais, comme en deuil d’une mère, pleurant je me courbais. 15 Et de ma chute ils se réjouissent et s’attroupent, s’attroupent contre moi DES VIOLENTS ; et point ne les connais, ils déchirent et ne cessent pas ; 16 en HYPOCRITES DE MOQUEURS DE RAILLERIES ils grincent des dents contre moi. 17 Seigneur, combien de temps verras-tu cela ? Soustrais mon âme à leurs RAVAGES, aux 18 LIONCEAUX mon unique. Je rendrai-grâce DANS UNE ASSEMBLÉE IMMENSE, DANS UN PEUPLE 19 NOMBREUX je te louerai. Que ne se réjouissent pas de moi MES ENNEMIS DE MENSONGE, MES HAÏSSANT 20 SANS RAISON qu’ils ne clignent pas de l’œil ! Car pas de paix ils parlent et contre les paisibles de la terre des paroles de fraudes ils projettent. 21 Et ils élargissent contre moi leur bouche ; ils disent : « Ha ! ha ! a vu notre œil ! » 22
Tu as vu, Yhwh, ne te tais plus, Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ; 23 réveille-toi et éveille-toi, pour mon jugement, mon Seigneur et mon Dieu, pour ma cause ; 24 juge-moi selon ta justice, Yhwh mon Dieu, et qu’ils ne se réjouissent pas de moi ! 25 Qu’ils ne disent en leur cœur : « Ha ! notre âme ! » Qu’ils ne disent : « Nous l’avons avalé ! » 26 Qu’ils rougissent et soient confus ensemble CEUX QUI SE RÉJOUISSENT DE MON MALHEUR ; qu’ils se vêtent de rougissement et confusion, CEUX 27 QUI SE GRANDISSENT SUR MOI ! Qu’ils exultent et se réjouissent ceux qui désirent ma justice, et qu’ils disent toujours : « Grand est Yhwh qui désire la paix de son serviteur ! » 28 Et ma langue méditera ta justice, tout le jour ta louange. Ps 36 1 Du maître-de-chant, du serviteur de Yhwh, de David. 2
Oracle de TRANSGRESSION au MÉCHANT au fond de son cœur, point de frayeur d’Élohim au regard de ses yeux ; 3 car il se flatte trop lui-même à ses yeux pour trouver sa FAUTE et la haïr. 4 Les paroles de sa bouche INIQUITÉ et FRAUDE, il a cessé d’être sage, d’être bon ; 5 L’INIQUITÉ il projette sur sa couche, il s’obstine dans LE CHEMIN pas bon, LE MAL il ne rejette pas. 6
Yhwh, dans les cieux ta fidélité, ta vérité jusqu’aux nues ; 7 ta justice, comme les monts de El, tes jugements, l’abime immense. L’adam et la bête tu sauves, Yhwh ; 8 combien précieuse ta fidélité, Élohim ! Et les fils d’Adam À L’OMBRE DE TES AILES s’abritent, 9 ils s’enivrent de la graisse de TA MAISON et au torrent de tes délices tu les abreuves. 10
Oui, avec toi la source de la vie, par ta lumière nous verrons la lumière. 11 Conserve ta fidélité à tes connaissant et ta justice aux droits de cœur. 12 Ne vienne sur moi LE PIED D’ORGUEIL et que la main des MÉCHANTS ne me chasse ! 13 Là-bas sont tombés LES FAISEURS D’INIQUITÉ, ils ont été poussés et point n’ont pu se dresser.
L’ensemble de la troisième section
587
Ps 37 1 De David. Ne t’échauffe pas contre les MÉCHANTS, ne jalouse pas les FAISEURS DE FAUSSETÉ : 2 car comme l’herbe vite ils sont fanés et comme le vert du regain ils sont flétris. 3 Aie confiance en Yhwh et fais le bien, habite la terre et fais-paitre la vérité. 4 et réjouis-toi en Yhwh et il te donnera les désirs de ton cœur. 5 Remets à Yhwh TON CHEMIN et aie confiance en lui, et lui il fera ; 6 et il fera-lever comme lumière ta justice, et ton jugement comme le midi. 7 Sois tranquille en Yhwh et attendsle, ne t’échauffe pas contre qui fait-réussir SON CHEMIN, contre L’HOMME FAISEUR D’INTRIGUES ; 8 Laisse la colère, renonce au courroux, ne t’échauffe pas, ce n’est que mal ; 9 car les MÉCHANTS seront retranchés, et ceux qui espèrent en Yhwh hériteront la terre ; 10 encore un peu, et plus de 11 MÉCHANT, tu t’enquiers de sa place, et il n’est plus ; et les humiliés hériteront la terre et se réjouiront de beaucoup de paix. 12 13
Le MÉCHANT complote contre le juste et grince des dents contre lui ; le Seigneur se moque de lui, car il voit que vient son jour. 14 Les MÉCHANTS ont tiré l’épée et ils ont tendu l’arc, pour faire-tomber le miséreux et le pauvre, pour égorger les droits de CHEMIN. 15 Leur épée viendra dans leur cœur et leurs arcs seront brisés. 16 Mieux vaut un peu pour le juste que l’abondance des MÉCHANTS puissants ; 17 car les bras des MÉCHANTS seront brisés, et il soutient les justes Yhwh. 18 Yhwh connaît les jours des parfaits, et leur héritage sera pour toujours ; 19 ils ne rougiront pas au temps mauvais, et aux jours de famine ils seront rassasiés. 20 Car les MÉCHANTS périront et les ENNEMIS de Yhwh ; comme la parure des prés ils sont achevés, en fumée ils sont achevés. 21
Le MÉCHANT emprunte et point ne rend mais le juste a pitié et il donne ; 22 car ses bénis hériteront la terre et ses MAUDITS seront retranchés. 23 Par Yhwh LES PAS DE L’HOMME sont affermis et SON CHEMIN lui plait ; 24 s’il tombe, il n’est pas terrassé, car Yhwh tient sa main. 25 J’étais jeune, et puis j’ai vieilli, je n’ai pas vu le juste abandonné ni sa lignée cherchant du pain ; 26 tout le jour il a pitié, il prête, et sa lignée sera en bénédiction ! 27 Évite le mal et fais le bien et tu habiteras pour toujours. 28 Car Yhwh aime le jugement et il n’abandonne pas ses fidèles ; pour toujours ils seront gardés mais la lignée des MÉCHANTS sera retranchée; 29 les justes hériteront la terre et ils habiteront à jamais sur elle. 30 La bouche du juste murmure la sagesse et sa langue profère le jugement ; 31 la loi de son Dieu dans son cœur : ses pas ne chancellent point. 32 33
Le MÉCHANT guette le juste et cherche à le faire mourir ; Yhwh ne l’abandonne pas à sa main et pas ne le fait-méchant dans son être-jugé.
34
Espère en Yhwh et garde SON CHEMIN, et il t’exaltera pour hériter la terre : le retranchement des MÉCHANTS tu verras. 35 J’ai vu le MÉCHANT redoutable et dépouillé comme un arbre verdoyant ; 36 et il est passé et voici qu’il n’était plus, je l’ai cherché et il ne s’est pas trouvé. 37 Garde le parfait et vois le droit : car il est une postérité pour l’homme de paix ; 38 mais les TRANSGRESSEURS seront exterminés ensemble, la postérité des MÉCHANTS retranchée. 39 Et le salut des justes vient de Yhwh, leur forteresse au temps de l’angoisse ; 40 Yhwh les aide et les délivre, il les délivre des MÉCHANTS et les sauve car ils se sont abrités en lui.
On avait déjà vu que la première sous-section (26–31) était marquée par la présence du temple, « la maison » du Seigneur (voir p. 419). Or il en va de même dans la deuxième séquence de la sous-section centrale (35–37). « La maison » (de Yhwh) revient en 26,8 ; 27,4 ; 30,1 ; 31,3 / 36,9. D’autres termes appartiennent au même champ sémantique : « ton autel », « la résidence », « le lieu du séjour de ta gloire », « les assemblées » (26,6.8.12), « son temple », « sa hutte », « au secret de sa tente », « en sa tente », « ma/ta face » (27,4c.5.6.8.9), « vers le saint des Saints » (28,2), « dans la splendeur de sainteté », « en son temple » (29,2.9), « ma montagne » (30,8), « un roc de refuge », « forteresses »,
588
La troisième section (Ps 26–41)
« mon rocher », « ma forteresse », « mon refuge », « au secret de ta face », « sous la tente » (28,1 ; 31,3.4.5.21), « dans une assemblée immense », « dans un peuple nombreux » (35,18), « à l’ombre de tes ailes » (36,8)3. Dans le dernier psaume, le temple n’est pas mentionné, mais il n’est pas interdit de penser que l’insistance sur « habiter la terre » et « hériter la terre » (37,3.9.11.18.22.27.29 bis.34) puisse être une sorte d’élargissement du temple à l’ensemble du pays ; et cela d’autant plus que « habiter » se trouvait déjà en 27,4 (« habiter dans la maison de Yhwh ») et que « tous les jours de ma vie » de 27,4 sera repris par « toujours » et « à jamais » en 37,18.27.29. Le temple est une « forteresse », un « refuge » (31,3-5), où le Seigneur « cache » ses fidèles (31,21 ; 27,5), « les met à couvert » (31,21), pour qui « s’abrite » en lui (27,5 ; 31,2.20 ; 36,8 ; 37,40), pour qui « se confie en lui » (31,7.15 ; 26,1c ; 27,3 ; 28,7 ; 37,3.5). C’est que les « ennemis » du psalmiste et de Dieu pullulent tout au long4 (26,4-5.9-10 ; 27,2-3.6.11-12 ; 28,3 ; 29,3.5.8 ; 30,2 ; 31,7-10.12.14.16.1819.21.24 ; 35,1.3-4.7.11.15.17.19.26 ; 36,2-5 ; 37,1.7.9-10.12.14.16-17.2022.28. 32.34-35.38.40), avec une insistance particulière sur « méchant(s) ». Une autre caractéristique de ces psaumes est le thème de l’intégrité du psalmiste dans son chemin ou dans sa marche : « en mon intégrité j’ai marché », « et j’ai marché en ta vérité », « en mon intégrité je marcherai », « mon pied se tiendra en droiture » (26,1.3.11. 12), « fais-moi voir, Yhwh, mon chemin et conduis-moi sur un sentier de droiture » (27,11), « guide-moi et conduis-moi » (31,4). Au début de la deuxième séquence de la sous-section centrale, il s’agit non plus du chemin du psalmiste, mais de celui des méchants : « que soit leur chemin ténèbre et glissades » (35,6), « il s’obstine dans le chemin pas bon » (36,5) ; le dernier psaume revient au juste, « remets à Yhwh ton chemin et aie confiance en lui » (37,5), « les droits de chemin » (14), « Par Yhwh les pas de l’homme sont affermis et son chemin lui plait » (23), « la loi de son Dieu dans son cœur, ses pas ne chancelleront pas » (31), « Espère en Yhwh et garde son chemin » (34) ; mais le méchant n’est pas oublié : « ne t’échauffe pas contre qui fait-réussir son chemin » (7)5.
3 Les termes « maison », « temple », « hutte », « tente », « autel », « résidence » ne se trouvent ni dans la première séquence de la sous-section centrale ni dans la dernière sous-section. Toutefois, il est possible de voir quelques allusions au temple : « toi, refuge (litt. « cache ») pour moi » (32,7), « du lieu de sa demeure », en parallèle avec « des cieux » (33,13-14), « assemblée nombreuse » et contexte (40,6-11). 4 Tous les termes de ce champ sémantique sont en PTBARMUN BT. 5 « Chemin » ne se retrouve ailleurs qu’en 32,8 bis et 39,2.
b. 32–34 – B. 388–41 Ps 32 1 De David, INSTRUCTION. HEUREUX celui à qui a été enlevée LA TRANSGRESSION, celui dont a été couvert LE PÉCHÉ ! 2 HEUREUX l’homme dont ne compte pas Yhwh LA FAUTE et point dans son esprit LA TROMPERIE ! 3
Quand je me taisais, se consumaient MES OS dans mon RUGIR TOUT LE JOUR ; 4 quand la nuit le jour pesait sur moi TA MAIN, était changée ma moelle dans les ardeurs de l’été. 5 MON PÉCHÉ, je te l’ai fait connaître et MA FAUTE je n’ai point couvert ; j’ai dit : « Je confesserai contre moi MES TRANSGRESSIONS à Yhwh ». Et toi, tu as enlevé LA FAUTE de MON PÉCHÉ. 6 Pour cela prie tout fidèle vers toi au temps de trouver ; surement quand débordent les eaux nombreuses, vers lui elles n’arriveront pas. 7 Toi, refuge pour moi, de l’angoisse tu me garderas, de cris-de-joie de délivrance tu m’entoureras. 8
JE T’INSTRUIRAI et JE T’APPRENDRAI ce chemin à cheminer, JE CONSEILLERAI sur toi mon œil. Ne soyez pas tel le cheval tel le mulet ne comprenant pas avec mors et rênes sa parure pour le dompter ; point ne s’approche de toi ! 10 Nombreux les tourments pour le méchant et qui se fie en Yhwh, la fidélité l’entoure. 11 Réjouissez-vous en Yhwh et exultez, les justes, et criez-de-joie, tous les droits de cœur. 9
Ps 33 1 Criez-de-joie, justes, en Yhwh, aux droits convient la louange ; 2 rendez-grâce à Yhwh avec la cithare, avec la harpe à dix-cordes psalmodiez à lui; 3 chantez à lui UN CHANT NOUVEAU soyezbons à jouer avec acclamation, 4 car droite est la parole de Yhwh et toutes ses œuvres avec vérité ; 5 il aime la justice et le jugement, de la fidélité de Yhwh est pleine la terre. 6
Par la parole de Yhwh les cieux furent faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée. Il rassemble comme un bloc les eaux de la mer, donne dans des réserves les abimes. 8 Que craignent Yhwh toute la terre, devant lui tremblent tous les habitants du monde, 9 car lui dit et ce fut, il commanda et cela tint. 10 Yhwh fit échouer le dessein des nations, rendit-vains les projets des peuples ; 11 le dessein de Yhwh à jamais tient, les projets de son cœur d’âge en âge. 7
12
HEUREUSE la nation dont Yhwh est le Dieu, le peuple qu’il s’est choisi pour héritage !
13
Des cieux regarda Yhwh, il vit tous les fils d’Adam ; 14 du lieu de sa demeure il scruta tous les habitants de la terre. 15 Il façonne à chacun son cœur, il comprend toutes leurs œuvres. 16 Pas le roi est sauvé par tant de vigueur, un preux n’est pas délivré par tant de force ; 17 mensonge le cheval pour le salut et avec tant de sa vigueur il ne s’échappe pas. 18
Voici, l’œil de Yhwh sur ses craignant, pour les espérant en sa fidélité, 19 pour délivrer de la mort leur âme et les faire-vivre en temps de famine 20 Notre âme a attendu Yhwh, notre secours et notre bouclier c’est lui, 21 car en lui se réjouit notre cœur, car dans le nom de sa sainteté nous nous sommes fiés. 22 Que soit ta fidélité, Yhwh, sur nous, comme nous avons espéré en toi.
590
La troisième section (Ps 26–41)
Ps 34 1 De David, quand il déguisa sa raison à la face d’Abimélek et celui-ci le chassa et lui s’en alla. 2
Je bénirai Yhwh en tout temps, toujours sa louange en ma bouche. 3 En Yhwh se loue mon souffle, qu’ils écoutent les humiliés et se réjouissent. 4 Magnifiez Yhwh avec moi et exaltons son nom ensemble. 5 Je cherchai Yhwh et il me répondit et de toutes mes frayeurs il me délivra. 6 Ils regardèrent vers lui et resplendirent et leur face ne rougira pas. 7 Ce miséreux cria et Yhwh écouta et de toutes ses angoisses il le sauva. 8 Il campe l’ange de Yhwh autour de ses craignant et les dégage. 9 Goûtez et voyez que bon Yhwh, HEUREUX l’homme qui s’abrite en lui. 10 Craignez Yhwh, ses saints, car pas de manque pour ses craignant. 11 Des lions sont dénués et affamés, et les cherchant Yhwh ne manquent d’aucun bien. 12 13 14
Allez, fils, écoutez-moi la crainte de Yhwh JE VOUS L’ENSEIGNE. Quel est l’homme qui désire la vie, aimant les jours pour voir le bien ?
Préserve ta langue du MAL et tes lèvres de parler LA FRAUDE. 15 Évite LE MAL et fais le bien, recherche la paix et poursuis-la. 16 Les yeux de Yhwh sur les justes et ses oreilles pour leurs clameurs. 17 La face de Yhwh contre les faisant LE MAL, pour retrancher de la terre leur mémoire. 18 Ils crièrent et Yhwh écouta et de toutes leurs angoisses il les délivra. 19 Proche Yhwh des brisés de cœur et les esprits abattus il sauve. 20 De nombreux MAUX sur le juste et de tous il le délivre Yhwh. 21 Il garde tous ses os, un seul d’entre eux ne sera brisé. 22 LE MAL tue le méchant et ceux qui haïssent le juste expieront. 23 Il rachète Yhwh le souffle de ses serviteurs et n’expieront pas tous les s’abritant en lui.
L’ensemble de la troisième section
591
La dernière sous-section (Ps 38–39) Ps 38 1 Psaume de David, pour mémorial. 2
Yhwh, pas en ton courroux NE ME REPRENDRAS et en ta fureur NE ME CORRIGERAS ; 3 oui, tes flèches se sont abattues en moi et s’est abattue sur moi TA MAIN. 4 Rien d’intact en ma chair à cause de ta colère, rien de paix dans MES OS à cause de MON PÉCHÉ ; 5 oui, MES FAUTES dépassent ma tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi, 6 elles puent, elles pourrissent, mes meurtrissures à cause de MA FOLIE. 7 Je suis voûté, courbé, à l’excès, TOUT LE JOUR, assombri, je m’en vais ; 8 oui, mes lombes sont pleines de fièvre et rien d’intact en ma chair ; 9 je suis paralysé et broyé, à l’excès, je RUGIS du grondement de mon cœur. 10 Seigneur, devant toi tout mon désir, et mon soupir pour toi n’est point caché ; 11 le cœur me bat, m’abandonne ma force, et la lumière de mes yeux eux aussi pas avec moi. 12 Mes amis et mes compagnons devant ma plaie se tiennent et mes proches de loin se sont tenus ; 13 ils piègent, les demandant mon âme, et les cherchant MON MALHEUR parlent de MENACES, et des 14 FRAUDES tout le jour ils méditent. Et moi, comme un sourd, je n’entends pas, et comme un muet qui n’ouvre pas la bouche ; 15 et je suis comme un homme lequel n’entends pas et pas dans sa bouche de réplique. 16
Oui, en toi, Yhwh, j’espère, toi tu répondras, Seigneur mon Dieu. 17 Oui, j’ai dit : Qu’ils ne se gaussent de moi, quand chancelle mon pied, sur moi qu’ils ne gagnent ! 18 Oui, moi à la chute je suis voué, et mon tourment devant moi toujours. 19 Oui, MA FAUTE, je confesse, je suis anxieux de 20 MON PÉCHÉ. Et mes ennemis sans raison sont forts et ils sont nombreux mes haïssant à tort ; 21 et, me rendant LE MAL au lieu du bien, ils m’accusent au lieu de poursuivre le bien. 22 Ne m’abandonne pas, Yhwh, mon Dieu, ne sois pas loin de moi ; 23 hâte-toi à mon aide, Seigneur, mon salut ! Ps 39 1 Du maître-de-chant, de Yedutûn, psaume, de David. 2
J’ai dit : Que je garde mes chemins, de peur de PÉCHER avec ma langue, que je garde à ma bouche un bâillon, tant que le méchant est devant moi. 3 Je suis resté-muet en silence je me suis tu loin du bien ; et mon tourment s’exaspéra. 4 Brûlait mon cœur au-dedans de moi, dans mon soupir flambait un feu, j’ai parlé avec ma langue : 5 Fais-moi savoir, Yhwh, ma fin et la mesure de mes jours combien est-elle, que je sache combien manquant moi. 6 Voici, des empans tu donnas mes jours, et ma durée comme rien devant toi ; oui, toute une buée tout adam qui se tient-debout. 7 Oui, telle une ombre s’en va l’homme, oui, une buée ils s’enrichissent ; il entasse et ne sait pas qui ramassera. 8 9
Et maintenant, qu’attendrai-je, Seigneur ? Mon espérance, en toi elle est.
De toutes MES TRANSGRESSIONS délivre-moi, la risée de l’insensé ne me mets pas. 10 Je reste-muet, je n’ouvre pas la bouche, car toi tu agis. 11 Éloigne de moi tes coups, sous les assauts de ta main, moi je me consume. 12 REPRENANT LES FAUTES, TU CORRIGES l’homme, et tu ronges comme la teigne ce qu’il convoite, seulement un souffle tout adam. 13 Écoute ma prière, Yhwh, et à mon cri prête-l’oreille, à mes pleurs ne sois-pas-sourd. Car un étranger moi chez toi, un passant comme tous mes pères. 14 Détourne-toi de moi, et que je sourie, avant que je m’en aille et ne sois plus rien.
592
La troisième section (Ps 26–41)
Ps 40 1 Du maitre-de-chant, de David, psaume. 2
D’espoir j’ai espéré Yhwh et il s’est penché vers moi et il a entendu mon cri ; 3 et il m’a remonté du trou de vacarme, de la fange du bourbier ; et il a dressé sur le roc mes pieds, affermissant mes pas. 4 Et il a donné dans ma bouche UN CHANT NOUVEAU, louange pour notre Dieu. Le verront de nombreux et ils craindront et se confieront en Yhwh ; 5 HEUREUX l’homme qui a mis en Yhwh sa confiance et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers LE MENSONGE ! 6
Nombreuses tu as fait, toi, Yhwh mon Dieu, tes merveilles et tes pensées sur nous. Pas de comparable à toi ! Je raconterai et je parlerai : elles sont trop pour les compter. 7 Sacrifice et oblation tu n’as pas désirés, des oreilles tu as creusé à moi ; holocauste et (expiation pour le) 8 PÉCHÉ tu n’as pas demandés. Alors j’ai dit : « Voici je viens avec un rouleau du livre pour 9 moi ». Faire ta volonté, mon Dieu, je désire et TA LOI est dans le fond de mes entrailles. 10 J’ai annoncé la justice dans l’assemblée nombreuse, voici mes lèvres je ne retiens pas Yhwh, toi, tu le sais ; 11 ta justice je n’ai pas caché dans le fond de mon cœur, ta loyauté et ton salut j’ai dit ; je n’ai pas celé ta fidélité et ta vérité à une assemblée nombreuse. 12
Toi, Yhwh, tu ne retiendras pas tes miséricordes loin de moi ; ta fidélité et ta vérité toujours me garderont, 13 car se concentrent sur moi des MALHEURS jusqu’à pas de nombre ; m’atteignent MES FAUTES et je ne peux pas les voir ; ils sont plus que les cheveux de ma tête et mon cœur m’abandonne. 14
Veuille, Yhwh, me délivrer, Yhwh, à mon secours hâte-toi. 15 Qu’ils aient honte et soient confondus ensemble, ceux qui cherchent mon âme pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, ceux qui désirent mon MALHEUR. 16 Qu’ils soient stupéfiés par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 17 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te cherchent. Qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand Yhwh ! », ceux qui aiment ton salut. 18 Et moi, miséreux et pauvre, Seigneur, pense à moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; mon Dieu, ne sois pas en arrière ! Ps 41 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2
HEUREUX qui pense au faible, au jour de MALHEUR Yhwh le libérera. 3 Yhwh le gardera et le fera-vivre et le FERA-HEUREUX sur la terre et tu ne le donneras pas à la gorge de ses ennemis ; 4 Yhwh le soutiendra sur son lit de souffrance, toute sa couche tu retourneras dans sa maladie. 5
Moi, j’avais dit : Yhwh aie-pitié de moi, guéris mon âme car J’AI PÉCHÉ contre toi.
6
Mes ennemis disent LE MALHEUR pour moi : quand mourra-t-il et périra son nom ? 7 Et si un vient pour me voir, une FAUSSETÉ parle son cœur ; il rassemble L’INIQUITÉ pour lui, il sort, audehors il parle. 8 Ensemble contre moi chuchotent tous mes haïssant, contre moi ils méditent 9 LE MALHEUR pour moi. Une chose de Bélial a fondu sur lui et maintenant qu’il est couché il ne pourra plus se relever. 10 Même l’homme de ma paix lequel je me fiais de lui, en mangeant mon pain lève contre moi le talon. 11
Et toi, Yhwh, aie-pitié de moi et relève-moi et je repaierai eux.
12
À cela j’ai su que tu t’es plu en moi quand mon ennemi ne-cria-pas-victoire contre moi ; 13 et moi pour mon intégrité tu m’as supporté et tu me feras-tenir devant toi pour toujours. 14 Béni Yhwh, Dieu d’Israël, de toujours et jusqu’à toujours. Amen et amen !
On a vu que « heureux » revient dans les trois psaumes de la première séquence de la sous-section centrale (32,1.2 ; 33,12 ; 34,9 ; voir p. 462) ; il est repris aussi dans les deux derniers psaumes de la dernière sous-section (40,5 ; 41,2.3). Il revient donc deux fois dans le premier psaume (32) et, avec « faire-
L’ensemble de la troisième section
593
heureux », deux fois aussi dans le dernier (41). Qui est heureux est « l’homme » (32,2 ; 34,9 ; 40,5) mais aussi « la nation », « le peuple » (33,12). Le péché marque les deux ensembles : « péché/pécher » (32,1.5 bis ; 38,4.19 ; 39,2 ; 40,7 ; 41,5), « faute(s) » (32,2.5 bis ; 38,5.19 ; 39,12 ; 40,13), « mal » ou « malheur » (34,14.15.17.20.22 ; 38,13.21 ; 40,13.15 ; 41,2.6.8), « transgression(s) » (32,1.5 ; 39,9), « fraude » (34,14 ; 38,13), « mensonge » (33,17 ; 40,5), « tromperie » (32,2), « folie » (38,6), « menaces » (38,13), « fausseté » (41,7), « iniquité » (41,7). Les termes appartenant au champ sémantique de l’instruction sont nombreux : « instruction/instruire » (32,1.8), « apprendre/loi » (yrh 32,8 ; 40,9), « conseiller » (32,8), « enseigner » (34,12), « reprendre » et « corriger » (38,2 ; 39,12). En termes initiaux des premiers psaumes des deux ensembles reviennent « mes os » (32,3 ; 38,4), « rugir » (32,3 ; 38,9), « tout le jour » (32,3 ; 38,7), « ta main » (32,4 ; 38,3). « Un chant nouveau » revient en 33,3 et en 40,4.
INTERPRÉTATION Les sous-sections extrêmes s’opposent, ainsi que, de manière croisée, les deux séquences de la sous-section centrale. La nouvelle alliance s’y oppose à l’ancienne, de manière à la fois tranchée mais aussi entrelacée. DE LA LOI À L’INSTRUCTION Il y a le temps de « la Loi » et de ses commandements et le temps de « l’instruction » et de ses « chemins ». « La bouche du juste murmure la sagesse et sa langue profère le jugement ; la loi de son Dieu dans son cœur : ses pas ne chancellent point » (37,30-31). Celui qui observe les préceptes de la Loi est sûr de pouvoir tenir debout. Puis vient le temps où il est besoin d’une autre instruction, comme si la connaissance de la Loi ne suffisait plus : « Je t’instruirai et je t’apprendrai ce chemin à cheminer » (32,8). La Loi ancienne avec « sacrifices et oblation », avec « holocauste et expiation pour le péché » doit céder la place à une instruction nouvelle, à une loi inscrite désormais « dans le fond des entrailles » (40,7-9). « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur » (Jr 31,33). DE LA PROTESTATION D’INNOCENCE À LA CONFESSION DES PÉCHÉS Dès le début de la première sous-section le psalmiste proteste de son innocence : « Juge-moi, Yhwh, car moi en mon intégrité j’ai marché » (26,1). Le péché n’est pas absent de ce côté du diptyque, mais c’est celui des ennemis : ce sont « les mortels de fausseté », « hypocrites », « malfaisants » « méchants » (26,4-5), « pécheurs », « hommes de sang » dont les mains sont pleines d’« iniquité » et de « gratifications » (9-10). « Le mal est dans leur cœur » (28,3), ce
594
La troisième section (Ps 26–41)
sont « mes oppresseurs » (27,2.12 ; 31,8.10), « mes persécuteurs » (31,16). Et puis, au début de la deuxième sous-section retentit une double béatitude qui surprend : « Heureux celui à qui a été enlevée la transgression, celui dont a été couvert le péché ! Heureux l’homme dont ne compte pas Yhwh la faute et point dans son esprit la tromperie ! » (32,1-2). Et l’on pourrait comprendre qu’il s’agit du pardon accordé aux « pécheurs » dont il a été question jusqu’ici, à savoir les ennemis du psalmiste. Or c’est le psalmiste qui poursuit en disant : « Mon péché, je te l’ai fait connaître et ma faute je n’ai point couvert ; j’ai dit : “Je confesserai contre moi mes transgressions à Yhwh”. Et toi, tu as enlevé la faute de mon péché » (5). Et il en ira de même dans toute la dernière sous-section (38–41). PÉCHÉ ET MALHEUR Le même terme, ra‘, se traduit soit par « mal » soit par « malheur ». Il peut signifier le mal que l’on fait, « le péché » que l’on commet (34,15), ou celui que l’on subit de la part des « ennemis » (34,20), la plupart du temps « sans raison » (35,7.19), « à tort » (38,20), donc « péché » de leur part (36,2-5). Dans les deux cas, pécheur lui-même ou persécuté par d’autres, le psalmiste est victime du mal. Il a besoin d’en être également délivré. C’est pourquoi il confesse à Dieu son péché et sa faute (32,5 ; 38,19), c’est pourquoi aussi il lui demande d’être sauvé des intrigues des méchants qui veulent le précipiter dans la fosse (35,1-6). TOUS LES HABITANTS DU MONDE CRAINDRONT LE SEIGNEUR Les « justes » et « droits de cœur » ne sont pas seulement les fils d’Israël, fidèles du Seigneur. La double béatitude à peine évoquée s’applique à tous, « heureux l’homme » (32,1-2) et l’invitation finale s’adresse à « tous les droits de cœur » (11). Le psaume suivant enchaine de la même manière (33,1-3) ; la déclaration finale de sa première partie — « de la fidélité de Yhwh est pleine la terre » — sera confirmée très vite par : « Que craignent Yhwh toute la terre, devant lui tremblent tous les habitants du monde » (8). Certes, Israël est « le peuple qu’il s’est choisi pour héritage » (12), mais « du lieu de sa demeure » le Seigneur « scrute tous les habitants de la terre » (14). Il n’est pas interdit de penser que l’avant-dernière béatitude, « Heureux l’homme qui a mis en Yhwh sa confiance et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers le mensonge ! » (40,5), puisse s’appliquer elle aussi à tous les habitants du monde. « UN CHANT NOUVEAU » C’est peut-être pour toutes ces raisons que, par deux fois, il est question de « chant nouveau ». Au début de la sous-section centrale : « Criez-de-joie, justes, en Yhwh, aux droits convient la louange, [...] chantez à lui un chant nouveau » (33,3) et presque à la fin de la dernière sous-section : « Et il a donné dans ma bouche un chant nouveau, louange pour notre Dieu » (40,4). À alliance nouvelle, chant nouveau », un chant donné par Dieu lui-même, gratuitement comme le
L’ensemble de la troisième section
595
pardon des péchés, comme l’universalité du salut, comme l’instruction de la loi intérieure. LA MAISON DU SEIGNEUR Aussi le psalmiste cherche à se mettre à l’abri dans le temple du Seigneur (27,5 ; 28,7 ; 34,9.23 ; 36,8) ; c’est en lui seul en effet qu’il se confie (26,1 ; 31,7.15.20). « La maison » du Seigneur devient en quelque sorte sa propre demeure, car c’est là qu’il veut « habiter » (27,4). C’est là que le Seigneur le « cache » des attaques de ses adversaires (27,5 ; 31,21) ; comme des poussins apeurés, « les fils d’Adam à l’ombre de ses ailes s’abritent » (36,8). C’est aussi dans la maison de Dieu que, sauvé des méchants, le psalmiste « rend grâce » par son « chant » (28,7 ; 30,12-13). Il y annoncera la justice de Dieu, il rendra grâce « dans une assemblée nombreuse » (26,12 ; 35,18 ; 40,10-11) ; c’est là qu’il « sacrifiera des sacrifices d’acclamation » en chantant et jouant (27,6). C’est au temple qu’il invite les justes — tous les hommes à qui le péché a été enlevé — à s’unir à sa « louange » (32,11 ; 33,1-3 ; 34,2-3). FIDÉLITÉ ET JUSTICE La « fidélité » du Seigneur et sa « justice » sont évoquées tout au long de la section. Là se trouve la source de tout bien, l’origine du salut (31,2.8.17 ; 33,1822 ; 36,10-11 ; 40,10-11). Cependant « fidélité » et « justice » ne sont pas à sens unique : l’homme est appelé à y correspondre par sa propre « justice » et sa propre « fidélité ». Ceux qui craignent le Seigneur sont appelés « justes » (37,6. 12.16, etc.) et « fidèles » (30,5 ; 31,24), comme Dieu est « juste » et « fidèle ». La nouvelle alliance requiert en effet la réciprocité : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Jr 7,23).
L’ENSEMBLE DU PREMIER LIVRE Ps 1–41
Les quarante-et-un psaumes du premier livre s’organisent en trois sections : LE SEIGNEUR
LIBÈRE
LA FIDÉLITÉ DAVID LE SALUT
LE SEIGNEUR
SON FIDÈLE
DE DAVID
S’APPUIE SUR
LA FIDÉLITÉ
SE FIE
EN SON DIEU
QUI SE CACHE
DE DIEU
RÉPOND À
LA PRIÈRE
DÉLIVRE SON FIDÈLE
LA LOI LE ROI L’INSTRUCTION
LE SEIGNEUR LE SEIGNEUR
LIBÈRE ABRITE
LE SEIGNEUR INSTRUIT LE SEIGNEUR
DE SES ENNEMIS
DÉLIVRE
Ps 1–8 Ps 9–10
DE DAVID
Ps 11–18
DE LA MORT
DU SEIGNEUR
EST LUMIÈRE
TRAVERSE
LA MORT
DU SEIGNEUR
EST VÉRITÉ
SES FIDÈLES
DE DIEU
Ps 19 Ps 20–24 Ps 25
DE LEURS PÉCHÉS
SES FIDÈLES
EN SON TEMPLE
Ps 26–31
LES JUSTES
À LA LOUANGE
Ps 32–37
LE PÉCHEUR
DE SES FAUTES
Ps 38–41
Les sections extrêmes sont plus développées que la centrale (en nombre de psaumes, puis de signes) : 1re section (1–18)
2e section (19–25)
3e section (26–41)
18 8
7
16
13 5882
5 913
16 402
La section centrale représente le cinquième du total des deux autres sections : (13 582 + 16 402) : 5 913 = 5,07.
600
Le Psautier. Premier livre A. COMPOSITION
1. LES RAPPORTS ENTRE LES SECTIONS EXTRÊMES LES COUPLES DE PSAUMES DU DÉBUT ET DE LA FIN (PS 1–2 ET 40–41) Ps 1
1
HEUREUX l’homme qui ne marche pas dans le conseil des MÉCHANTS et dans le chemin des dans le cercle des MOQUEURS ne siège ; 2 car au contraire dans LA LOI de Yhwh LOI il murmure jour et nuit. 3 Et il est comme un arbre planté sur les bords des eaux, qui donne son fruit en son temps et son feuillage ne flétrit pas. Et tout ce qu’il fait, il le fait-réussir. 4 Non ainsi les MÉCHANTS car au contraire comme la bale que chasse le vent. 5 C’est ainsi que NE SE DRESSERONT les MÉCHANTS dans le jugement et les PÉCHEURS dans l’assemblée des JUSTES ; 6 car Yhwh SAIT le chemin des JUSTES et le chemin des MÉCHANTS SE PERD. PÉCHEURS ne s’arrête et IL SE PLAIT et dans SA
Ps 2 1 Pourquoi frémissent les NATIONS et les PEUPLES murmurent-ils à vide ? 2 SE DRESSENT les rois de la terre, les princes se liguent ENSEMBLE, contre Yhwh et contre son Oint : 3 « Rompons leurs liens, jetons loin de nous leurs entraves. » 4 Celui qui siège dans les cieux se rit, le Seigneur se moque d’eux. 5 Alors il leur parle en sa colère et en sa fureur il les épouvante : 6 « C’est moi qui ai investi mon roi, sur Sion, la montagne de ma sainteté. » 7 Je proclamerai le décret de Yhwh. Il m’a dit : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. 8 Demande-moi et je te donnerai les NATIONS comme ton héritage et comme ton domaine LES EXTRÉMITÉS DE LA TERRE. 9 Tu les briseras avec un sceptre de fer, comme ustensile de potier tu les casseras. » 10 Et maintenant, rois, comprenez, soyez corrigés, juges de la terre. 11 Servez Yhwh avec CRAINTE et exultez avec tremblement ; 12 embrassez le fils, de peur qu’il ne s’irrite et VOUS VOUS PERDRIEZ dans votre chemin. « Oui, d’un coup s’enflamme sa colère ; HEUREUX tous ceux qui s’abritent en lui ! »
« Heureux » qui fait inclusion pour les deux premiers psaumes (1,1 ; 2,12) se retrouve au début des deux derniers (40,5 ; 41,2-3). « Heureux l’homme qui » en 1,1 et 40,5 traduit de la même façon deux synonymes (’îš puis geber). Les « méchants » s’opposent aux « justes » dès le premier psaume ; dans le second ce sont « nations » et « peuples » (1.8) ; ils se retrouvent également en 40,1516 et surtout en 41,3.6-8.12. « Ensemble » ils se liguent « contre » le psalmiste (2,2 ; 40,15 ; 41,8). « Justes » revient deux fois en 1,5.6 et « justice » deux fois en 40,10.11. « Se dresser » traduit deux synonymes (qwm, 1,5 ; 40,3 ; 41,9 ; nṣb, 2,2 ; 41,15). Dans les deux premiers psaumes méchants et rebelles « se dressent contre » le Seigneur et son messie, mais « ne se dresseront pas » au jugement ; en revanche dans les deux derniers psaumes c’est le Seigneur qui « dresse » les pieds du psalmiste sur le roc (40,3), qui le fera « se relever » et le « fera tenir » devant lui. Le chemin des méchants « se perd » et « ils se perdent en chemin » (1,6 ; 2,12). Le même verbe est traduit par « se plaire » (1,2 ; 41,12) et par « désirer » (40,7.9.15) ; chaque fois en relation avec la « Loi » (1,2 bis ; 40,9). Dieu « sait » (1,6 ; 40,10) le psalmiste aussi (41,12) ; il « parle » et « dit » (2,5.7), les méchants aussi (40,16 ; 41,6.7 bis) et les justes (40,6.8.11.17 ; 41,5). Noter aussi les reprises de « pécheurs/péché » (1,1.5 ; 40,7 ; 41,5), « demander » (2,8 ; 40,7) et « donner » (1,3 ; 2,8 ; 40,4 ; 41,3), « craindre/crainte » (2,11 ; 40,4). « Assemblée » traduit deux termes différents en 1,5 et en 40,10.11.
L’ensemble du livre
601
Ps 40 1 Du maitre-de-chant, de David, psaume. 2
D’espoir j’ai espéré Yhwh et il s’est penché vers moi et il a entendu mon cri ; 3 et il m’a remonté du puits de vacarme, de la fange du bourbier ; et IL A DRESSÉ sur le roc mes pieds, affermissant mes pas. 4 Et il a donné dans ma bouche un chant nouveau, louange pour notre Dieu. Le verront de nombreux et ILS CRAINDRONT et se confieront en Yhwh ; 5 HEUREUX l’homme qui a mis en Yhwh sa confiance et ne s’est pas tourné vers les insolents et les déviant vers le mensonge ! 6
Nombreuses tu as fait, toi, Yhwh mon Dieu, tes merveilles et tes pensées sur nous. Pas de comparable à toi ! Je raconterai et je parlerai : elles sont trop pour les compter. 7 Sacrifice et oblation TU N’AS PAS DÉSIRÉS, des oreilles tu as creusé à moi ; holocauste et (expiation pour le) PÉCHÉ tu n’as pas demandés. 8 Alors j’ai dit : « Voici je viens avec un rouleau du livre pour moi ». 9 Faire ta volonté, mon Dieu, JE DÉSIRE et TA LOI est dans le fond de mes entrailles. 10 J’ai annoncé LA JUSTICE dans l’assemblée nombreuse, voici mes lèvres je ne retiens pas Yhwh, toi, TU LE SAIS ; 11 TA JUSTICE je n’ai pas caché dans le fond de mon cœur, ta loyauté et ton salut j’ai dit ; je n’ai pas celé ta fidélité et ta vérité à une assemblée nombreuse. 12 Toi, Yhwh, tu ne retiendras pas tes miséricordes loin de moi ; ta fidélité et ta vérité toujours me garderont, 13 car se concentrent sur moi des malheurs jusqu’à pas de nombre ; m’atteignent mes fautes et je ne peux pas les voir ; ils sont plus que les cheveux de ma tête et mon cœur m’abandonne. 14 Veuille, Yhwh, me délivrer, Yhwh, à mon secours hâte-toi. 15 Qu’ils aient honte et soient confondus ENSEMBLE, CEUX QUI CHERCHENT MON ÂME pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, CEUX QUI DÉSIRENT MON MALHEUR. 16 Qu’ils soient stupéfiés par l’effet de leur honte, CEUX QUI disent : « AH AH ! AH AH ! » 17 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te cherchent. Qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand Yhwh ! », ceux qui aiment ton salut. 18 Et moi, miséreux et pauvre, Seigneur, pense à moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; mon Dieu, ne sois pas en arrière ! Ps 41 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2
HEUREUX qui pense au faible, au jour de malheur Yhwh le libérera. 3 Yhwh le gardera et le fera-vivre et le FERA-HEUREUX sur la terre et tu ne le donneras pas à la gorge de ses ENNEMIS ; 4 Yhwh le soutiendra sur son lit de souffrance, toute sa couche tu retourneras dans sa maladie. 5 Moi, j’avais dit : Yhwh aie-pitié de moi, guéris mon âme car J’AI PÉCHÉ contre toi. 6 MES ENNEMIS disent le malheur pour moi : quand mourra-t-il et SE PERDRA son nom ? 7 Et si un vient pour me voir, une FAUSSETÉ parle son cœur ; il rassemble L’INIQUITÉ pour lui, il sort, au-dehors il parle. 8 ENSEMBLE contre moi chuchotent TOUS MES HAÏSSANT, contre moi ils méditent le malheur pour moi. 9 Une chose de Bélial a fondu sur lui et maintenant qu’il est couché il ne pourra plus SE RELEVER. 10 Même l’homme de ma paix lequel je me fiais de lui, en mangeant mon pain lève contre moi le talon. 11 Et toi, Yhwh, aie-pitié de moi et RELÈVE-MOI et je repaierai eux. 12 À cela J’AI SU que TU T’ES PLU en moi quand MON ENNEMI ne-cria-pas-victoire contre moi ; 13 et moi pour mon intégrité tu m’as supporté et TU ME FERAS-TENIR devant toi pour toujours. 14 Béni Yhwh, Dieu d’Israël, de toujours et jusqu’à toujours. Amen et amen !
Il faut aussi souligner les différences entre les deux couples de psaumes. Au début les rôles sont tranchés : dans le Ps 1 d’un côté « les justes » et de l’autre les « pécheurs », dans le Ps 2, la victoire est assurée de manière absolue au messie contre ses ennemis. À la fin du livre en revanche, le psalmiste a été « remonté du puits de vacarme » où ses ennemis l’avaient précipité (40,3), sur lui « se concentrent des malheurs jusqu’à pas de nombre » et il est accablé par ses « fautes » innombrables (13) ; il git « sur son lit de souffrance » (41,4), il est aux prises avec ses ennemis qui ont même monté contre lui ses amis les plus intimes (6-10). D’une image idéale — ou eschatologique — on est passé à la réalité pleine de mal et de violence, ce qui advient en réalité dès le début du Ps 3.
602
Le Psautier. Premier livre
DU SINGULIER AU PLURIEL Alors que la première section (1–18) est toute consacrée à David aux prises avec ses ennemis, la dernière section (26–41) adjoint au roi le pluriel de son peuple Israël et plus largement l’humanité entière. Dans la première sous-section de la dernière section (26–31) la première séquence (26–27) est tout entière en « je », mais dans la deuxième séquence (28– 29) les deux psaumes s’achèvent avec une mention du « peuple » : « Sauve ton peuple et bénis ton héritage et fais-les paitre et élève-les pour toujours » (28,9), « Yhwh la puissance à son peuple il donne, Yhwh bénit son peuple dans la paix » (29,11). Alors que la première séquence s’achevait par des impératifs singuliers que David adresse à lui-même (« Espère en Yhwh, sois fort et s’affermisse ton cœur et espère en Yhwh », 27,14), la dernière séquence s’achève avec des termes semblables, mais au pluriel (« Soyez forts et s’affermisse votre cœur, tous les espérant en Yhwh », 31,25). Dans la deuxième sous-section (32–37) le pluriel est régulièrement adjoint au singulier du roi. Dans la partie centrale du Ps 32 c’est David qui parle à la première personne du singulier, même si au verset 6 il élargit déjà le propos à « tout fidèle » ; dans la première partie aussi il s’agit de « l’homme » (« Heureux celui à qui a été enlevé la transgression [...] Heureux l’homme... », 1-2), et dans la dernière partie (8-11), si le Seigneur commence par s’adresser au seul David (« Je t’instruirai »), bien vite il passe au pluriel (« Ne soyez pas comme le cheval... ») et cela jusqu’à la fin (« et chantez, tous les droits de cœur »). Le Ps 33 qui est en « vous » au début (« Exultez, justes ») et en « nous » à la fin (« Que soit ta fidélité, Yhwh, sur nous... ») est focalisé sur le peuple (« Heureuse la nation dont Yhwh est le Dieu, le peuple qu’il s’est choisi pour héritage ! » 12). Dans le Ps 34 le psalmiste commence en « je » (« Je bénirai le Seigneur en tous temps ») mais il invite aussitôt « les humiliés » à se joindre à lui (« et exaltons son nom ensemble ») ; et au centre il en ira de même : « Allez, fils, écoutezmoi » (12), et de même jusqu’à la fin. Le Ps 35 est en « je » (« Accuse, Yhwh, mes accusateurs »), le suivant est à la troisième personne du singulier du « méchant » mais débouche sur un « nous » (« par ta lumière nous verrons la lumière », 10) lié au « je » du psalmiste (« Ne m’atteigne pas le pied d’orgueil », 12). Le Ps 37 enfin est une longue liste de conseils adressés au « tu » de l’orant. Dans la dernière sous-section (38–41), les deux premiers psaumes sont en « je », mais les deux derniers élargissent à de « nombreux » (40,4), à « une assemblée nombreuse » (10.11), à « l’homme » (« Heureux l’homme... », 5), à « tous ceux qui te cherchent » (17). Quant au dernier psaume, il met en scène le singulier du psalmiste aux prises avec ses « ennemis » (41,5-13), mais il commence à la troisième personne du singulier (« Heureux qui pense au faible », 2-4) et il s’achève sur la bénédiction du « Dieu d’Israël » (14)1.
1
C’est la seule fois où le nom d’« Israël » est mentionné dans la troisième sous-section.
L’ensemble du livre
603
DES ENNEMIS AU PÉCHÉ Dans la première section les « pécheurs » sont les ennemis du psalmiste (1,1.5 ; 4,5 ; 5,11). Il y est question de « transgression » une seule fois, mais ce n’est pas celle du psalmiste ; c’est celle de ses ennemis : « pour l’abondance de leurs transgressions chasse-les, car ils se sont révoltés contre toi » (5,11). « Faute » lui aussi n’apparait qu’une seule fois, au cœur du dernier psaume, mais c’est pour souligner l’innocence de David persécuté pas Saül : 21
Yhwh me rend selon ma justice, selon la pureté de mes mains me rétribue, car j’ai gardé les chemins de Yhwh et je n’ai pas été méchant loin de mon Dieu ; 23 car tous ses jugements sont devant moi et ses décrets je n’ai pas écartés de moi, 24 et je suis parfait avec lui et je me garde contre ma faute (Ps 18,21-24). 22
« Tromperie » revient en 12,3.4 mais c’est celle des ennemis : « à faux ils parlent chacun à son prochain, lèvre de tromperie, cœur et cœur ils parlent ». Il en va de même pour « iniquité » (5,6 ; 6,9 ; 7,15 ; 10,7 ; 14,4) et pour « fraude » (5,7 ; 10,7 ; 17,1). Dans la dernière section, en revanche, si la première sous-section (26–31) est de la même eau que la première section — les méchants étant les seuls ennemis du psalmiste —, toute la dernière sous-section (38–41) est marquée par un autre type d’ennemis, les péchés du psalmiste lui-même : – Ps 38 : « 4 Rien d’intact en ma chair à cause de ta colère, rien de paix dans mes os à cause de mon péché ; 5 oui, mes fautes dépassent ma tête, comme un fardeau pesant elles pèsent trop pour moi ». Certes, le psalmiste continue à être en butte aux persécutions de ses ennemis : « 13 ils piègent, les demandant mon âme et les cherchant mon malheur parlent de menaces, et des fraudes tout le jour ils méditent ». Toutefois, leur victime reviendra sur sa propre culpabilité : « 19 Oui, ma faute, je confesse, je suis anxieux de mon péché ». – Ps 39 : le psalmiste commence en disant la crainte qui l’habite : « 2 J’ai dit : Que je garde mes chemins, de peur de pécher avec ma langue » ; il en arrivera à demander d’être libéré de son péché : « 9 De toutes mes transgressions délivremoi », avouant devant le Seigneur : « 12 Reprenant les fautes, tu corriges l’homme ». – Ps 40 : Au cœur du psaume retentit la confession du psalmiste : 12
Toi, Yhwh, tu ne retiendras pas tes miséricordes loin de moi ; ta fidélité et ta vérité toujours me garderont, 13 car se concentrent sur moi des malheurs jusqu’à pas de nombre ; m’atteignent mes fautes et je ne peux pas les voir ; ils sont plus que les cheveux de ma tête et mon cœur m’abandonne.
– Ps 41 : Les ennemis sont bien présents, en particulier dans toute la partie centrale (6-10) mais le péché n’est pas absent, même si, selon l’interprétation qui en a été proposée, il est attribué de manière perverse au psalmiste qui en est innocent.
604
Le Psautier. Premier livre
Ce mouvement qui joint ensemble les ennemis du psalmiste et ses propres péchés n’est pas limité à la dernière sous-section ; au début de la sous-section centrale déjà le psalmiste confessait son péché en plein cœur du Ps 32 : « 5 Mon péché, je te l’ai fait connaître et ma faute je n’ai point couvert ; j’ai dit : « Je confesserai contre moi mes transgressions à Yhwh ». « Et toi, tu as enlevé la faute de mon péché ». Le psaume commençait par déclarer « heureux » le pécheur pardonné : « Heureux celui à qui a été enlevée la transgression, celui dont a été couvert le péché ! 2 Heureux l’homme dont Yhwh ne compte pas la faute et point dans son esprit la tromperie ! » Le méchant est dangereux, non seulement par les coups qu’il porte, mais aussi parce qu’il risque de contaminer les autres par sa violence et sa perversion, entrainant ainsi le juste à pécher. Dès le premier verset du premier psaume le juste est décrit par trois fois comme celui qui ne suit pas les voies du méchant : « Heureux l’homme qui ne marche pas dans le conseil des méchants et dans le chemin des pécheurs ne s’arrête et dans le cercle des moqueurs ne siège » (1,1). S’il se défend d’être pécheur, on comprend que la tentation devait être bien grande : « 4 Yhwh mon Dieu, si j’ai fait cela, s’il y a de l’iniquité sur mes paumes, 5 si j’ai rétribué mon allié avec le mal et secouru mon oppresseur à vide, 6 qu’un ennemi poursuive mon âme... » (7,4-6). C’est pourquoi le psalmiste demande au Seigneur d’être protégé de ce péril : « Aussi des arrogants préserve ton serviteur, qu’ils ne dominent pas sur moi ; alors je serai-parfait et innocenté du péché abondant » (19,14). « 9 N’ajoute pas avec les pécheurs mon âme et avec les hommes de sang ma vie, 10 lesquels ont dans les mains l’iniquité et leur droite est pleine de gratifications. 11 Et moi en mon intégrité je marcherai... » (26,9-11). 2. LA FONCTION DE LA SECTION CENTRALE Plus courte que les deux autres, la section centrale a pour fonction de les articuler. Elle a en commun avec la première section la Loi de Moise, tandis qu’elle partage la nouvelle alliance avec la dernière section. LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX PREMIÈRES SECTIONS La première section commence par un psaume qui met en scène le juste attaché à « la Loi de Dieu » (1,1-2 : « Heureux l’homme [...] dans la Loi de Yhwh est son plaisir et dans sa Loi murmure jour et nuit »). La deuxième section commence par le Ps 19 qui est focalisé sur un hymne à « la Loi », accompagnée par une longue série de ses synonymes (19,8-10 : « La Loi de Yhwh est parfaite, faisant revenir l’âme, le témoignage de Yhwh est véridique », etc.). Ces deux psaumes jouent donc le rôle de termes initiaux pour les deux sections. La sous-section centrale de la deuxième section est marquée comme toute la première section par la présence hostile des méchants envers le roi du Seigneur.
L’ensemble du livre
605
Dans le deuxième psaume de la section centrale le nom du « messie » (20,7, « Maintenant je sais que Yhwh sauve son messie ») rappelle le deuxième psaume de la première section où les nations se dressaient « contre Yhwh et contre son messie » (2,2). Le dernier psaume de la sous-section centrale de la deuxième section rappelle l’avant-dernier psaume de la séquence 11–16. Les deux psaumes énoncent les conditions pour être admis à entrer dans le temple : YHWH, QUI séjournera sous ta tente, QUI habitera sur la montagne de ta sainteté ? 2 Le marchant parfaitement, qui fait la justice...
Ps 15,1 :
Ps 24,3
QUI montera et QUI se tiendra 4 Le propre de paumes
sur la montagne de YHWH dans le lieu de sa sainteté ? et pur de cœur...
Les deux psaumes sont complémentaires : alors que le Ps 15 dans son contexte dit à quelles conditions les fils d’Israël seront admis dans le temple, dans le Ps 24 il s’agit de tous les habitants du monde. Dans le Ps 22, au centre de la deuxième section, l’acharnement des ennemis contre le psalmiste-roi atteint son paroxysme, puisqu’il est couché « dans la poussière de la mort » (22,16). Il se trouve que les psaumes centraux des deux premières sections (9–10 et 22) ont beaucoup de points communs, comme on pourra le voir sur les réécritures des deux pages suivantes. – Les titres sont très proches : 9,1 Du maitre de chant, 22,1 Du maitre de chant,
sur « Mort pour le fils », sur « La biche de l’aurore »,
psaume de David. psaume de David.
– « Pourquoi » suivi de « loin » se trouve en tête de la partie centrale du Ps 9–10 (10,1) et en tête du Ps 22 (2) ; « loin » revient aussi en 22,12.20. – Inversement, « mort » apparait dans le titre du premier psaume (9,1) et au centre du deuxième (22,16) ; le terme se trouve aussi en 9,14 et le verbe, traduit par « tuer », en 10,8. – L’ennemi est comparé au « lion » (10,9 ; 22,14.22) ; « bouche » est repris en 10,7 ; 22,14.22. – « Angoisse » revient en 9,10 ; 10,1 ; 22,12 ; « misère/miséreux » en 9,13.14. 19 ; 10,2.9 bis ; 22,25 ; « humiliés » en 10,12.17 ; 22,27 ; les synonymes traduits par « mépris/mépriser » en 10,3.13 ; 22,7.25 ; « se (con)fier » en 9,11 ; 22,5 bis.6.10 ; « secours/secourir » en 10,14 ; 22,12.20 ; « salut/sauver » en 9,15 ; 22,2.22 ; « justice/juste » en 9,5.9 ; 22,32. – Le Ps 9–10 commence par l’action de grâce (9,2-3, reprise en 12.15) : le Ps 22 s’achève dans la louange (23-32) ; « raconter » revient en 9,2.15 ; 22,23.31, « louange/louer » en 9,15 et 22,4.23.24.26.27.
606 9,1 Du maitre de chant, ᴐ2 3
Le Psautier. Premier livre sur « MORT pour le fils »,
JE RENDS GRÂCE, Yhwh, de tout mon cœur,
JE ME RÉJOUIS et J’EXULTE en toi,
b 4 Quand retournent mes ennemis en arrière, 5 car tu as fait mon jugement et ma sentence, g 6 Tu as maté des NATIONS, fait disparaitre le méchant, 7 l’ennemi est achevé, ruines sans fin, h Eux... 8 mais Yhwh pour toujours SIÈGE, 9 et lui, il jugera LE MONDE avec justice,
psaume de David. JE RACONTE toutes tes merveilles ; JE JOUE pour ton nom, Très-Haut.
ils fléchissent et disparaissent devant ta face, TU AS SIÉGÉ SUR LE TRÔNE en JUGE juste.
leur nom tu as effacé pour toujours et à jamais ; et des villes tu as renversé, a disparu leur souvenir. il affermit pour LE JUGEMENT SON TRÔNE ; prononcera sur LES PAÏENS avec droiture.
w 10 Et que soit Yhwh un refuge pour l’opprimé, un refuge aux temps d’ANGOISSE ! 11 Et SE CONFIENT en toi les connaissant ton nom, car tu n’abandonnes pas tes cherchant, Yhwh. z 12 JOUEZ pour Yhwh, l’habitant à Sion, ÉNONCEZ chez LES PEUPLES ses hauts faits ! 13 car il cherche les sangs, d’eux il se souvient, il n’oublie pas le cri des MISÉREUX. ḥ 14 Aie pitié de moi, Yhwh, vois ma MISÈRE, de mes ennemis me faisant remonter des portes de la MORT, 15 pour que JE RACONTE toute ta LOUANGE aux portes de la fille de Sion, JOYEUX en ton salut. ṭ 16 Ont croulé LES NATIONS dans la fosse qu’elles ont faite, au filet qu’elles ont tendu s’est pris leur pied. 17 S’est fait connaitre Yhwh, le jugement il a fait, dans l’ouvrage de ses mains il a lié le méchant. y 18 Que retournent les méchants au schéol, toutes CES NATIONS oubliant Dieu, k 19 car pas à la fin n’est oublié le pauvre, l’espoir des MISÉREUX ne disparait pas à jamais. 20 Dresse-toi, Yhwh, que ne triomphe l’homme, qu’elles soient jugées, LES NATIONS, devant ta face ! 21 Jette, Yhwh, l’épouvante sur elles, qu’elles connaissent, LES NATIONS, qu’hommes elles sont ! l 10,1 POURQUOI, Yhwh, te tiens-tu AU LOIN, 2 Par l’orgueil du méchant est consumé le MISÉREUX ;
te caches-tu aux temps d’ANGOISSE ? ils seront pris à ces intrigues qu’ils ont pensées.
et un profiteur il bénit il méprise Yhwh. « Il n’y a pas de Dieu ! » voilà toutes ses intrigues. 5 Réussissent ses chemins en tout temps trop haut tes jugements pour lui tous ses adversaires, il crache sur eux. 6 Il dit en son cœur : « Je ne serai pas ébranlé d’âge en âge ! » celui qui n’est pas dans le mal. 7 De malédiction sa bouche est pleine et de fraudes et de violence, sous sa langue méfait et iniquité. 8 Il s’assied à l’affut dans les villages, sous les couverts il tue l’innocent, ses yeux le misérable épient. 9 Il est à l’affut sous couvert comme LION dans son fourré, il est à l’affut pour se saisir du MISÉREUX, il se saisit du MISÉREUX le trainant dans son filet. 10 Il s’accroupit, se tapit, et tombe en ses pouvoirs le misérable. 11 Il dit en son cœur : « Il oublie, Dieu, il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin. » 3
Oui, se loue le méchant du désir de son âme,
4 Le méchant, selon l’arrogance de son nez ne cherche pas :
Q 12 Dresse-toi, Yhwh ! Dieu, lève ta main, 13 À cause de quoi méprise-t-il le méchant Dieu, r 14 Tu as vu, oui, toi, la peine et les pleurs, à toi s’abandonne le misérable, š 15 Brise le bras du méchant, du mauvais, 16 YHWH EST ROI pour toujours et à jamais, t 17 Le désir des humiliés, tu écoutes, Yhwh, 18 pour JUGER l’orphelin et l’opprimé :
n’oublie pas les humiliés ! dit-il en son cœur : « Tu ne chercheras pas ? » tu regardes pour les donner en ta main : l’orphelin, toi, tu lui fus secours. tu chercheras sa méchanceté, elle ne se trouvera plus. ont disparu LES NATIONS de sa terre. tu affermis leur cœur, tu tends ton oreille, il n’aura plus peur d’un homme né de la terre !
– La royauté du Seigneur est évoquée au début du premier psaume avec « siéger », « trône », « juge » en 9,5.8 ; et à la fin avec « Yhwh est roi » et « juger » en 10,16.18 ; de même à la fin du Ps 22 avec « à Yhwh la royauté » en 29.
L’ensemble du livre 22,1 Du maitre de chant, 2 3
sur « la biche de l’aurore »,
607
psaume de David.
Mon dieu, mon Dieu, POURQUOI m’as-tu abandonné ? LOIN de mon salut, les paroles que je rugis ! Mon dieu, j’appelle le jour et tu ne réponds pas, et la nuit et point de repos pour moi. Et toi, tu es le Saint, en toi SE FIAIENT nos pères, 6 vers toi ils criaient et ils échappaient, 4 5
Et moi, vermisseau et non homme, tous ceux qui me voient me bafouent, 9 « Il s’est remis à Yhwh, qu’il le délivre, 7 8
10 11
12
Car toi, tu m’as tiré du ventre, sur toi je fus jeté dès les entrailles;
Ne sois pas LOIN de moi 13 14
habitant les LOUANGES d’Israël : ILS SE FIAIENT et tu les délivrais, en toi ILS SE FIAIENT et ils n’avaient-pas-honte. risée d’adam et mépris du peuple : ils ricanent de leur lèvre, ils hochent la tête : qu’il le libère, puisqu’il s’est plu en lui ! » MIS-EN-CONFIANCE sur les seins de ma mère ; dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu, toi.
car L’ANGOISSE est proche,
car point de secourant !
Me cernent des taureaux nombreux, bâille contre moi leur bouche,
de fortes-bêtes de Bashân m’encerclent ; LION lacérant et rugissant.
Comme l’eau je m’écoule mon cœur est comme la cire, 16 est sèche comme un tesson ma force,
et se disloquent tous mes os ; fondant au milieu de mes viscères ; et ma langue est collée à ma mâchoire.
15
Et dans la poussière de la MORT tu me couches. 17
Car me cernent des chiens,
une bande de vauriens m’entourent;
Ils ont troué mes mains et mes pieds, Eux observent, me regardent, 19 ils partagent mes habits entre eux
18
Et toi, Yhwh, ne sois pas LOIN, Délivre de l’épée mon âme, 22 Sauve-moi de la bouche du LION, 20 21
je compte tous mes os.
et sur mon vêtement ils jettent le sort. ô ma vigueur, à mon secours hâte-toi. de la main du chien, mon unique. et des cornes des buffles. Tu m’as répondu.
JE RACONTERAI ton nom à mes frères, « Les craignant Yhwh, LOUEZ-LE, Redoutez-le, toute la descendance d’Israël ! » 25 Car il ne méprisa ni ne dédaigna il n’a pas caché sa face de lui, 26 De toi ma LOUANGE dans l’assemblée nombreuse, 27 Ils mangeront les humiliés et seront rassasiés, « Que vive votre cœur à jamais ! »
au milieu de l’assemblée JE TE LOUERAI : toute la descendance de Jacob, GLORIFIEZ-LE,
Se souviendront et reviendront vers Yhwh et se prosterneront devant toi 29 Car À YHWH LA ROYAUTÉ, 30 Ils ont mangé et se prosterneront devant lui se courberont et qui son âme ne fait pas vivre.
TOUS LES LOINTAINS DE LA TERRE toutes les familles des NATIONS. et il est maître dans LES NATIONS. TOUS LES GRAS DE LA TERRE, TOUS LES DESCENDANT À LA POUSSIÈRE
23 24
28
31 32
Une descendance le servira, ils viendront et ANNONCERONT sa justice
la MISÈRE du MISÉREUX, mais, invoqué par lui, il écouta. mes vœux j’accomplirai devant ses craignant. ILS LOUERONT Yhwh ses cherchant :
IL SERA RACONTÉ sur le Seigneur à la génération ; à un peuple à naitre, car il a fait.
608
Le Psautier. Premier livre
– Les « nations » sont présentes dans les deux psaumes : en 9,6.16.18.20.21 ; 10,16 avec leurs synonymes « le monde » et « les païens » en 9,9 et « les peuples » en 12 ; dans le Ps 22, « nations » revient dans la dernière partie en 28.29, avec « tous les lointains de la terre » (28), « tous les gras de la terre » et « tous les descendant à la poussière » (30) et « un peuple à naitre » 32. Alors que dans le premier psaume les « nations » sont châtiées et même détruites, dans le Ps 22 elles se convertissent au Seigneur. – « Justice » apparait au début de 9–10 (9,9, précédé de « juste » en 5) et à la fin de 22 (32). LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX DERNIÈRES SECTIONS La dernière section s’achève par une sous-section marquée fortement par le péché (38–41) : « rien de paix dans mes os à cause de mon péché. Oui, mes fautes dépassent ma tête... » (38,4-5), « de toutes mes transgressions délivremoi » (39,9), « m’atteignent mes fautes et je ne peux les voir... » (40,13), « guéris-moi car j’ai péché contre toi » (41,5). Cette confession des péchés avait été préparée par le Ps 32 au début de la sous-section centrale : « Heureux celui à qui a été enlevée la transgression » (32,1), « Mon péché je te l’ai fait connaitre » (5). Il en va de même dans la section centrale : si le pardon du péché est donné dans le dernier psaume (25), il est annoncé dès la fin du premier psaume (19,1314). On peut donc considérer que le Ps 25 et les psaumes 38–41 qui sont les sous-sections finales des deux dernières sections jouent le rôle de termes finaux. Les rapports sont particulièrement étroits entre le Ps 25 à la fin de la section centrale et le Ps 32 au début de la sous-section centrale de la dernière section : – Le Seigneur pardonne les péchés : 25,7.11.18 ; 32,1-2.5 ; le péché est « enlevé » par le Seigneur (25,18 ; 32,15c). – Le Seigneur « fait connaitre » ses « chemins » à l’homme : 25,4.5.8.9.10 ; 32,1.8 ; l’homme de son côté « fait connaitre » à Dieu son « péché » : 32,5. « Chemin » et « cheminer » avec « sentiers » reviennent en 25,4 bis.5.8.9 bis.10 12 ; 32,8 bis. – Tout cela est dû à la « fidélité » de Dieu : 25,6.7b.10 ; 32,10. – Et c’est pourquoi l’homme peut « se fier » en Dieu : les deux occurrences du verbe font inclusion (25,2 ; 32,10). – On notera aussi quelques autres récurrences lexicales : « tout le jour » (25,5 ; 32,3) accompagné de « de toujours » et « à jamais » (25,6.15) et « la nuit le jour » (32,4), « droit/droiture » (25,8.21 ; 32,11), « nombreux » (25,11.19 ; 32,6.10), « mes yeux, mon œil » (25,15 ; 32,8), « angoisse(s) » (25,17.22 ; 32,7), « délivrer/délivrance » (25,20 ; 32,7), « garder » (25,21 ; 32,7).
L’ensemble du livre
609
25,1 De David ’ Vers toi, Yhwh, mon âme j’élève, ’ 2 mon Dieu, en toi JE ME FIE, que je ne rougisse pas, que ne se réjouissent pas mes ennemis sur moi. g 3 Aussi que tous les espérant en toi ne rougissent pas, qu’ils rougissent ceux qui trahissent pour rien. d 4 Tes CHEMINS, Yhwh, FAIS-MOI CONNAITRE, tes SENTIERS APPRENDS-MOI ! h 5 FAIS-MOI CHEMINER dans ta loyauté et APPRENDS-MOI, car c’est toi le Dieu de mon salut, c’est toi que j’espère TOUT LE JOUR. z 6 Souviens-toi de tes tendresses, Yhwh, et de tes fidélités car elles sont DE TOUJOURS. ḥ 7 Des FAUTES de ma jeunesse et de mes PÉCHÉS ne te souviens pas. Selon ta fidélité souviens-toi de moi, toi, à cause de ta bonté, Yhwh. ṭ 8 Bon et DROIT est Yhwh, c’est pourquoi il ENSEIGNE aux PÉCHEURS le CHEMIN. y 9 IL FAIT CHEMINER les humiliés dans le jugement et il APPREND aux humiliés son CHEMIN. k 10 Tous les SENTIERS de Yhwh fidélité et loyauté pour ceux qui GARDENT son alliance et ses préceptes. l 11 À cause de ton nom, Yhwh, tu pardonneras mon TORT bien qu’il soit nombreux. m 12 Qui est l’homme craignant Yhwh auquel il ENSEIGNE le CHEMIN qu’il choisit ? 13 n Son âme dans le bien demeure et sa descendance héritera la terre. s 14 Le secret de Yhwh pour ses craignant et son alliance POUR LEUR FAIRE CONNAITRE. ‘ 15 Mes yeux À JAMAIS vers Yhwh car lui fera-sortir du filet mes pieds. p 16 Tourne-toi vers moi et prends pitié de moi car je suis seul et miséreux, moi. ṣ 17 Les ANGOISSES de mon cœur se multiplient de mes TOURMENTS fais-moi sortir. r 18 Vois mon humiliation et ma peine ET ENLÈVE toutes mes FAUTES. r 19 Vois mes ennemis car ils sont nombreux et d’une haine violente ils me haïssent. 20 š Veille sur mon âme et délivre-moi que je ne rougisse pas car je me réfugie en toi. t 21 Que perfection et DROITURE me GARDENT car j’espère en toi. p 22 Rachète, ô Dieu, Israël de toutes ses ANGOISSES. Ps 32,1 De David, INSTRUCTION. Heureux celui à qui A ÉTÉ ENLEVÉE LA TRANSGRESSION, celui dont a été couvert LE PÉCHÉ ! 2 Heureux l’homme dont Yhwh ne compte pas LA FAUTE et point dans son esprit LA TROMPERIE ! 3 Quand je me taisais, se consumaient mes os dans mon rugir TOUT LE JOUR ; 4 quand LA NUIT LE JOUR pesait sur moi ta main, était changée ma moelle dans les ardeurs de l’été. 5 MON PÉCHÉ, JE TE L’AI FAIT CONNAÎTRE et MA FAUTE je n’ai point couvert ; j’ai dit : « JE CONFESSERAI contre moi MES TRANSGRESSIONS à Yhwh ». Et toi, TU AS ENLEVÉ LA FAUTE de MON PÉCHÉ. 6 Pour cela prie tout fidèle vers toi au temps de trouver ; surement quand débordent les eaux nombreuses, vers lui elles n’arriveront pas. 7 Toi, refuge pour moi, de L’ANGOISSE TU ME GARDERAS, de cris-de-joie de délivrance tu m’entoureras. 8
JE T’INSTRUIRAI et JE T’APPRENDRAI ce CHEMIN à CHEMINER, JE CONSEILLERAI sur toi mon œil. Ne soyez pas tel le cheval tel le mulet ne comprenant pas avec mors et rênes sa parure pour le dompter ; point ne s’approche de toi ! 10 Nombreux les TOURMENTS pour le méchant et QUI SE FIE en Yhwh, la fidélité l’entoure. 11 Réjouissez-vous en Yhwh et exultez, les justes, et criez-de-joie, tous les DROITS de cœur. 9
610
Le Psautier. Premier livre
LA MORT La « mort » qui marque le centre du psaume central de toute la section (22,16) est présente tout au long (13 fois), associée au « schéol » (6 fois), à « la fosse » (5 fois) et au « trou » (4 fois). Le psalmiste est confronté à la mort que ses ennemis veulent lui infliger (7,14 ; 18,5-6 ; 35,7 ; 37,32 ; 41,6). Il prie le Seigneur pour ne pas mourir (28,1) car « pas dans la mort le souvenir » de Dieu (6,6) ; il prie aussi de faire mourir le méchant (9,18 ; 31,18). Le méchant de toute façon tombera dans la fosse qu’il a creusée pour le juste (7,16 ; 9,16 ; 35,7-8) car le mal fait mourir le méchant (34,22). Le Seigneur préserve le psalmiste de la mort (9,14 ; 13,4 ; 16,10 ; 30,4 ; 33,19). Toutefois, au centre du psaume central le psalmiste reproche au Seigneur de le coucher dans la poussière de la mort (22,16).
B. CONTEXTE LE SERVITEUR DU SEIGNEUR Le personnage central du livre, celui qui se dit « couché dans la poussière de la mort » (Ps 22,16) annonce la figure du Serviteur tel que le présentera Isaïe, en particulier dans le Quatrième chant2. Toutefois, il en est encore loin puisque, s’il est menacé de mort, il ne meurt pas, mais continue à parler jusqu’à la fin comme il l’a fait depuis le début ; le serviteur d’Isaïe au contraire ne dit rien puisqu’il a traversé la mort et ce sont d’autres qui parlent de lui, le Seigneur mais aussi ceux qui l’avaient méprisé et jugé coupable, alors qu’il avait pris sur lui le poids de leur péché3. BENEDICTUS Les deux parties du cantique de Zacharie (Lc 1,68-79) mettent en parallèle l’alliance ancienne où le peuple de Dieu est libéré de ses « ennemis » (71.74) et la nouvelle alliance où est donnée « la connaissance du salut dans le pardon de leurs péchés » (77)4.
2
Voir P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 240-252. Voir l’analyse rhétorique du Quatrième chant dans R. MEYNET, « Le quatrième chant du Serviteur (Is 52,13–53,12) ». 4 Voir R. MEYNET, L’évangile de Luc (2011), 91-103. 3
L’ensemble du livre = 68 « Béni le SEIGNEUR,
611
Dieu d’Israël,
+ car il a visité et fait délivrance POUR SON PEUPLE + 69 et il a fait se lever une corne de SALUT pour nous dans la maison de David son serviteur, 70 comme il l’a dit par la bouche de ses saints PROPHÈTES d’autrefois, . 71 SALUT de nos ENNEMIS . et de la main de tous ceux qui nous haïssent, ............................................................................................... - 72 faisant MISÉRICORDE avec nos pères
et se souvenant de son alliance sainte, - 73 serment qu’il a juré à Abraham notre père, ...............................................................................................
. afin de nous donner que, 74 sans crainte, . de la main de nos ENNEMIS libérés, + 75 nous le servions en sainteté et justice + DEVANT lui (durant) tous nos jours. = 76 Et toi aussi, ENFANT,
tu seras appelé PROPHÈTE du Très-Haut,
+ tu marcheras en effet DEVANT le Seigneur + pour préparer ses chemins, . 77 afin de donner la connaissance du SALUT POUR SON PEUPLE dans le pardon de leurs PÉCHÉS, ........................................................................................................... 78 par les entrailles de MISÉRICORDE de notre Dieu
en lesquelles nous visitera celui-qui-point d’en haut ...........................................................................................................
. 79 pour illuminer ceux qui dans les ténèbres et l’ombre de la MORT sont assis + afin de guider nos pas dans le chemin de la paix. »
LE CHRIST DE DIEU À l’occasion du contexte du Ps 22, ont déjà été étudiés les nombreux rapports entre le psaume entonné par Jésus crucifié et les récits évangéliques de la passion et de la résurrection. La place centrale du psaume dans le premier livre ne saurait manquer de souligner davantage encore comment Jésus accomplit les Écritures en donnant corps à la nouvelle alliance.
612
Le Psautier. Premier livre C. INTERPRÉTATION
Le premier livre du psautier est composé selon le principe d’autosimilarité des fractales ; en d’autres termes, selon le procédé de la mise en abyme. En effet, le livre dans son ensemble est organisé comme sa deuxième section et davantage encore comme la troisième. Le premier versant de chacune de ces deux sections met en scène les ennemis du roi dont le péché consiste à le persécuter « sans raison » et « à tort », car le psalmiste proteste de son innocence et de sa fidélité à la Loi du Seigneur. Puis le centre de ces sections opère un renversement vers le deuxième versant où le psalmiste prend conscience de son propre péché et de l’incapacité où il se trouve d’observer les commandements de la Loi ; il lui faut donc être « instruit » des « chemins » de Dieu qui lui pardonnera ses fautes et inscrira sa Loi « au milieu de ses entrailles ». Il s’agit donc du passage de la première alliance, l’alliance mosaïque du Sinaï, à la nouvelle alliance, celle qu’ont annoncée les prophètes de l’exil, qui repose sur le pardon des péchés, sur la connaissance intérieure de la loi et sur l’universalité du salut qui atteindra toutes les nations. Ce même mouvement se vérifie sur l’ensemble du livre. Sa première section (1–18) est toute entière occupée par la menace que font peser sur le psalmiste ses ennemis pécheurs, tandis que les deux sections suivantes (19–25 et 26–41) opèrent le passage de l’ancienne alliance à la nouvelle. Un basculement analogue organisait déjà la sous-section centrale de la deuxième section (20–24) et celle de la troisième section (32–37), toujours dans le même sens. Il ne parait pas opportun de répéter en détail au niveau du livre ce qui a déjà été exposé plusieurs fois aux niveaux inférieurs. En revanche, il ne sera pas inutile de revenir sur le point focal que constitue le Ps 22 : en effet, il ne constitue pas seulement le centre de la sous-section centrale de la deuxième section (20–24), pas seulement non plus celui de toute la section centrale (19– 25), mais aussi de tout le livre. Si le centre d’une composition est toujours énigmatique, il doit attirer l’attention et inciter à la réflexion5. LA POSTÉRITÉ DU PSALMISTE Pris en lui-même, hors contexte, le Ps 22 ne dit pas explicitement que le salut du personnage qui s’y exprime assure le passage de l’antique à la nouvelle alliance. Les deux seules caractéristiques de la nouvelle alliance qu’il contient sont celle du pardon et celle de l’universalisme du salut qui atteint toutes les nations. Le mot d’« alliance » n’y est pas prononcé ; mais le sera trois psaumes plus tard, dans le dernier psaume de la section centrale (25,10.14) qui explicitera plusieurs autres dimensions de l’alliance nouvelle. De même qu’un mot ne reçoit son sens que dans la phrase dont il est un constituant, ainsi le Ps 22 dans le contexte où il est inséré. C’est dans la composition de la sous-section (Ps 20–24) 5 Les pages qui suivent s’inspirent des deux derniers chapitres de P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 219-252 ; traitant du Ps 22, ils constituent la « Récapitulation » de l’ouvrage.
L’ensemble du livre
613
puis de la section (19–25) dont il est le centre qu’il trouve son sens ; et celui-ci sera confirmé par la composition de l’ensemble du livre. Et pourtant cela ne suffit pas encore et il faudra sortir du Psautier pour parcourir la voie qu’il a commencé à tracer. En effet, « le chemin n’est complètement connu que par le terme »6. De manière obscure le Ps 22 s’ouvre sur « une descendance », « une génération » (31), et même sur « un peuple à naitre » (32). La descendance du Ps 22 déploiera son sens, jusqu’à son accomplissement. LA REINE ESTHER Le costume du personnage anonyme campé par le Ps 22 a été revêtu par d’autres. Dans le psaume il est dépeint sous les traits d’un homme, mais son rôle pouvait aussi bien être tenu par une femme. Le midrash n’a pas hésité en effet à reconnaitre en cette figure celle d’Esther et le Ps 22 est récité durant le « jeûne d’Esther », la veille de la fête de Pourim. Les deux personnages ont en commun la royauté : le sort de l’un intéresse non seulement son peuple Israël mais aussi toutes les familles des nations ; du destin de la reine, épouse d’Assuérus, dépend le sort de tous les juifs répandus dans son immense empire. L’un et l’autre sont également touchés par la mort. Comme le psalmiste vit sa propre mort quand ses ennemis se partagent déjà les vêtements de celui qu’ils ont condamné à la peine capitale, ainsi Esther affronte la mort quand elle ose se présenter devant son époux royal sans y avoir été invitée (Est 4,11). Tous deux sont sauvés au dernier moment, quand tout semblait perdu. Les sorts sont alors renversés. Mardochée et le méchant Aman échangent leurs places et de même l’ensemble des juifs et leurs ennemis. Celui qui était, nu, au bord de la tombe où il devait être précipité, conduit le cortège de « toute la descendance d’Israël » pour rendre grâce dans le temple, entrainant « toutes les familles des nations » à se prosterner avec lui devant le roi du ciel. Une différence toutefois oppose les deux personnages, et sur un point majeur. Aman est pendu à la potence qu’il avait fait dresser pour Mardochée et les juifs massacrent leurs ennemis, huit cents hommes à Suse, soixante-quinze mille dans les provinces (Est 9,5-16). Quant au psalmiste, il ne se venge pas, ni des « fils d’Adam » qui s’étaient moqués de lui, ni de son « peuple » qui l’avait méprisé (Ps 22,7) ; au contraire, appelant « frères » « la descendance d’Israël », il leur pardonne, et, annonçant la conversion des païens, il les accueille. Esther va donc moins loin que le psalmiste. LE SERVITEUR7 Pas plus Esther que le psalmiste n’ont traversé la mort, même si le Seigneur les en a délivrés au moment où ils étaient arrivés à la dernière extrémité. Avec le 6
P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, 245. Outre notre article sur « Le quatrième chant du Serviteur », voir Mort et ressuscité selon les Écritures, « La figure de la fin », 123-160 (= « Selon les Écritures ». Lecture typologique des récits de la Pâque du Seigneur, 119-139 ; Selon les Écritures, audiolivre, Dire la Parole). 7
614
Le Psautier. Premier livre
« serviteur » du quatrième chant d’Isaïe au contraire, le pas est franchi. Le Seigneur n’est plus seulement celui qui préserve de la mort, il est celui qui en fait revenir. Et c’est lui-même qui prend la parole pour dire son exaltation et l’instruction qu’il donnera. Le premier verbe du quatrième chant, « Voici qu’il instruira mon serviteur... », est de la même racine que le second mot du Ps 32 : « De David, instruction ». Déjà de son vivant, « comme un agneau conduit à l’abattoir et comme une brebis devant ses tondeurs muette, il n’ouvre pas la bouche » (Is 53,7). Une fois mort, c’est le silence du tombeau où il est déposé et il ne reprendra pas la parole. Les péchés dont ses persécuteurs l’accusaient, ils découvrent après sa mort et son exaltation que c’étaient les leurs. Et qu’ils en sont délivrés : « Et le Seigneur lui fit supporter le péché de nous tous » (53,6). Le prophète conduit plus loin que le psalmiste, mais c’est sur la route que ce dernier avait inaugurée. Du plus grand prophète d’Israël, nous ne voyons rien. Seulement une ombre sur le mur, devant nous. Nous nous retournons et voilà que, derrière nous, beaucoup d’hommes s’étaient groupés. Nous en reconnaissons quelques-uns, Osée, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel — quant aux autres, nous comprenons qu’ils sont de la même famille. Derrière leur groupe, le soleil, le soleil de Dieu, invisible mais, sans lui, il n’y aurait pas cette ombre qui nous devance et se projette vers l’avenir. En elles convergent et se ramassent maintes figures connues, mais l’inconnu, comme nous verrons, a quelque chose de plus, quelque chose d’unique. [...] Derrière lui, dans ce groupe que nous avons découvert en nous retournant vers le passé, nous reconnaissons aussi les hommes qui ont fait les Psaumes. Leur situation était celle du Serviteur : persécutés, menacés de mort, leur confiance est sans faille. La main du Seigneur, disent-ils, nous sauvera de la fosse ; puis ils reviennent et témoignent que Dieu les a préservés. Le Serviteur est solidaire de leur sort, mais il ne revient pas se dire sauvé. Ce qui se passe est différent : d’autres reviennent se dire guéris par lui — « Ce sont nos souffrances qu’il portait, nous douleurs dont il était accablé [...], c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris » (Is 53,4-5). Mort, il est source de vie. Dieu ne l’a pas préservé de la mort, il l’en a retiré : il vit8.
JÉSUS La figure du psalmiste du Ps 22, ainsi que celle du Serviteur du Seigneur, trouvent leur accomplissement dans la passion et résurrection de Jésus. C’est pourquoi, dans la liturgie catholique, le psaume est chanté au début de la semaine sainte, à la messe des Rameaux et le quatrième chant du Serviteur est lu le Vendredi Saint. Matthieu et Marc font entonner le psaume par le Crucifié, dépouillé de ses vêtements et sur le point de mourir (Mt 27,46 ; Mc 15,34). Les détails s’accumulent, soulignant la filiation entre le personnage du psaume et celui de la croix. Les premiers disciples ne pouvaient manquer de reconnaitre dans leur maitre celui que, de loin, David indiquait. À peine Jésus est-il mort que 8
P. BEAUCHAMP, Cinquante portraits bibliques, 211.213.
L’ensemble du livre
615
le voile du temple se déchire du haut en bas et que le centurion s’écrie : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu », ouvrant ainsi la porte à « toutes les familles des nations ». C’est effectivement grâce à la résurrection de Jésus que les nations ont été admises dans le salut de Dieu. En entrant en toute connaissance de cause dans sa Passion, Jésus institue le rite de la nouvelle alliance en son sang ; il le fait au moment même où il annonce la trahison de Judas et le reniement de Pierre, l’abandon de tous ses disciples et où, ce faisant, il leur pardonne. 31
Voici venir des jours — oracle de Yhwh — où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. 32
Non pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte — mon alliance qu’eux-mêmes ont rompue bien que je fusse leur Maître, oracle de Yhwh ! 33
Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle de Yhwh. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. 34 Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : « Ayez la connaissance de Yhwh ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands — oracle de Yhwh — parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché (Jr 31).
CONCLUSION Les résultats plus qu’encourageants obtenus sur le cinquième livre invitent à poursuivre sur le reste du psautier. Évidemment, rien n’assure que chacun des quatre autres livres soit aussi bien composé que le cinquième. On ne pourra le savoir que lorsqu’on aura mené le travail d’analyse de manière systématique jusqu’au bout. D’ici là il n’est pas interdit d’en poser l’hypothèse : elle n’est probablement pas déraisonnable1.
Ainsi s’achevait la conclusion du précédent volume sur le cinquième livre (Ps 107–150). En terminant celui-ci, il est possible d’avancer que l’hypothèse est désormais vérifiée aussi pour le premier livre du Psautier : lui aussi est composé et bien composé. Cela est vrai d’abord pour chaque psaume en particulier. Depuis les premiers travaux de Thomas Boys en 18252, la composition d’un très grand nombre de psaumes a déjà été étudiée, souvent en détail, quelquefois avec succès, par des auteurs toujours plus nombreux. Chacun des quarante-et-un premiers psaumes est ici analysé selon les procédures rigoureuses de l’analyse rhétorique biblique ; ce qui représente déjà une contribution non négligeable à l’étude du premier livre. Cependant, la recherche ne s’arrête pas à l’examen de chaque tesselle de la mosaïque que constitue l’ensemble du premier livre. Pour percevoir la figure qu’elle représente, il fallait prendre du recul et repérer les diverses formes qui composent le tableau. Le premier livre s’organise en trois sections, deux plus développées qui encadrent une section plus resserrée, laquelle assure le passage de la première à la troisième. Dans la première section, qui comprend les dix-huit premiers psaumes, le psalmiste, que les titres identifient au roi David, prie tout au long pour être délivré de l’oppression et de l’angoisse que ses ennemis lui font subir. Le Ps 9– 10, le seul psaume acrostiche alphabétique de la section, en constitue le centre et le point culminant : David y confesse sa foi en son Dieu qui se cache. La première sous-section comprend les huit premiers psaumes, qui, deux par deux, conduisent le lecteur vers le sommet paroxystique du Ps 9–10. Après quoi, la dernière sous-section organise les huit psaumes finaux (Ps 11–18) d’une manière différente. Les six premiers sont courts et forment deux groupes de trois. Suivis par le Ps 17 qui se trouve au centre de la sous-section, ils ont leur correspondant dans le seul Ps 18, monument de même longueur qu’eux, qui représente en quelque sorte la coda de toute la première section : comme au début du Ps 9–10, le roi rend grâce au Seigneur devant les nations parce qu’il l’a sauvé de la mort. 1 2
Le Psautier. Cinquième livre, 727. A Key to the Book of the Psalms.
618
Le Psautier. Premier livre
Dans la dernière section, tout commence dans la même tonalité que la première : les ennemis du psalmiste continuent à s’acharner contre lui tout au long de la première sous-section (Ps 26–31). Si, comme dans la première section, il est question de péché, il s’agit de celui des ennemis qui persécutent le psalmiste « sans raison » pour le mettre à mort. Mais dès le début de la soussection centrale (Ps 32–37) et surtout dans toute la dernière sous-section (Ps 39– 41), c’est le psalmiste lui-même qui confesse son propre péché et demande au Seigneur d’en être libéré : d’extérieur, l’ennemi ainsi est reconnu comme intérieur par celui qui découvre qu’il est incapable d’obéir aux commandements de la Loi de Moïse. Il a donc besoin de recevoir une nouvelle instruction de la part de Dieu. Celle-ci sera inscrite non plus sur des tables de pierre, mais dans le profond de ses entrailles. En outre, le psalmiste découvre que le salut ne lui est pas réservé ainsi qu’à son seul peuple, mais qu’il franchira les frontières d’Israël pour atteindre toutes les nations. Ce sont là les caractéristiques de la nouvelle alliance, telle qu’elle est annoncée par les prophètes de l’exil, Jérémie, Isaïe, Ézéchiel. Quant à la deuxième section (Ps 19–25), elle assure le passage de l’antique alliance à la nouvelle. Le motif est annoncé, mais en sourdine, à la fin du premier psaume : le Ps 19 est un psaume qui, en son centre surtout, exalte la Loi de Moïse, mais qui pose ensuite la question du péché qui menace inconsciemment le psalmiste : « Les errances, qui les comprend ? Des cachées innocentemoi » (13). La section s’achève avec le Ps 25, psaume qui énonce les caractéristiques fondamentales de la nouvelle alliance. La sous-section centrale (20–24) est focalisée sur le Ps 22, celui que Jésus en croix entonna au moment de mourir : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Ce psaume, celui de l’homme « couché dans la poussière de la mort », se trouve ainsi au centre de tout le premier livre, dépeignant le personnage qui assure le passage de l’antique à la nouvelle alliance. Comme celle du cinquième, la composition du premier livre s’est révélée extrêmement élaborée, d’une manière qu’on ne pouvait en aucune façon imaginer en entreprenant la recherche. Reste à savoir, bien entendu, si les autres chercheurs partageront la conviction de l’auteur. Reste aussi à analyser, de la même façon, les ensembles que la tradition considère comme les trois autres livres du Psautier, le deuxième (Ps 42-72), le troisième (Ps 73–89) et le quatrième (Ps 90–106). On comprendra que l’hypothèse selon laquelle chacun d’eux aussi soit composé et bien composé peut être posée de manière raisonnable. C’est toutefois un défi, qu’il faudra relever, sans être sûr d’y parvenir mais confiant que de nouvelles surprises nous attendent.
BIBLIOGRAPHIE des ouvrages cités
ALETTI, J.-N. – TRUBLET, J., Approche poétique et théologique des Psaumes : analyses et méthodes, Initiations, Paris 1982. ALONSO SCHOEKEL, L. – CARNITI, C., Salmos, Traducción, introducciones y comentario, Nueva Biblia española, Estella (Navarra) 1994; trad. ital., I salmi, Commenti biblici, Roma 1992. ANDERSON, A.A., Psalms, I., New Century Bible, London – Grand Rapids (MI) 1972. ASENSIO, F., « Salmo 4: ¿Mentira o Idolatría? », Gr. 61 (1980) 653-676. AUFFRET, P., The Literary Structure of Psalm 2, JSOT.S 3, Sheffield 1977 (repris en français dans La Sagesse a bâti sa maison, 141-181). ——, « Note sur la structure littéraire du psaume 3 », ZAW 91 (1979) 93-106. ——, « Les psaumes 15 à 24 comme ensemble structuré », in ID., La sagesse a bâti sa maison. Études de structures littéraires dans l’Ancien Testament et spécialement dans les Psaumes, OBO 49, Fribourg – Göttingen, 1982, 407438. ——, « “Aie confiance en lui, et lui, il agira” : Étude structurelle du Psaume 37 », SJOT 4.2 (1990) 13-43. ——, « “En raison de ton nom, YHWH, tu pardonneras ma faute” : étude structurelle du psaume 25 », EeT 22 (1991) 5-31. AUWERS, J.-M., « La rédaction du Psaume 18 dans le cadre du premier livre des psaumes », EThL 72 (1996) 23-40. ——, La composition littéraire du Psautier. Un état de la question, CRB 46, Paris 2000. ——, « Où va l’exégèse du Psautier ? Bilan de six années d'études psalmiques (1995-2000) », RThL 32 (2001) 374-410. BARBIERO, G., Das erste Psalmenbuch als Einheit : Eine synchrone Analyse von Psalm 1-41, Österreichische biblische Studien 16, Frankfurt am Main 1999. ——, « Le premier livret du psautier (Ps 1–41). Une étude synchronique, RevSR 77 (2003) 439-480. ——, « Il nuovo e antico approccio al Salterio come opera unitaria », in: Un libro nelle viscere. I Salmi, via della vita, a cura di M.I. ANGELINI – R. VIGNOLO, Sestante 24, Vita e Pensiero, Milano 2011, 51-67.
620
Le Psautier. Premier livre
BARTH, C., « Concatenatio im ersten Buch des Psalters », in: B. BENZING, ed., Wort und Wirklichkeit. Studien zur Afrikanistik u. Orientalistik, Fs E.L. Rapp, Meisenheim 1976, 30-40. BAZAK, J., Structures and contents in the Psalms : geometrical structural patterns in the Seven Alphabetic Psalms, Jerusalem 1984, 86-108 (en hébreu). ——, « Structural geometric patterns in biblical poetry », BiTod 6 (1985) 475502. BAZYLIŃSKI, S., I Salmi 20-21: nel contesto delle preghiere regali, Miscellanea francescana, Roma 1999. BEAUCAMP, É., Le Psautier, SBi, I-II, Paris 1976.1979. BEAUCHAMP, P., « Propositions sur l’alliance de l’Ancien Testament comme structure centrale », RSR 58 (1970) 161-193. ——, L’Un et l’Autre Testament. I. Essai de lecture, Parole de Dieu, Paris 1976. ——, Psaumes nuit et jour, Paris 1980. ——, D’une montagne à l’autre, la Loi de Dieu, Paris 1999. ——, Cinquante portraits bibliques, Paris 2000. BELLINGER, W.H., « Psalm XXVI: a Test of Method », VT 43 (1993) 452-461. BENOÎT, Saint, La Règle de saint Benoît, I, SC 181, Paris 1972. BENUN, R., « Evil and the Disruption of Order: A Structural Analysis of the Acrostics in the First Book of Psalms », Journal of Hebrew Scriptures 6 (2006) 1-30. BERTHOLET, A., « Eine crux interpretum », ZAW 28 (1908) 58-59. BOVATI, P., Ristabilire la giustizia. Procedure, vocabolario, orientamenti, AnBib 110, Roma 1986.1997. ——, « Il centro assente. Riflessioni metodologiche sul metodo dell’analisi retorica, in riferimento specifico alle strutture prive di centro », in R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Retorica Biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, ReBib 12, Bologna 2009, 107-121. BOVATI, P. – MEYNET, R., Le livre du prophète Amos, Rhétorique Biblique 2, Paris 1994. BOYS, Th., A Key to the Book of the Psalms, London 1925 (disponible en ligne: http://www.retoricabiblicaesemitica.org/Boys_fr.html). BROWN, W.P., « “Here comes the Sun”. The Metaphorical theology of Psalms 15–24 », in E. ZENGER, ed., The Composition of the Book of Psalms, Leuven – Paris – Walpole (MA) 2010, 259-277. ——, The Oxford handbook of the Psalms, New York 2014.
Bibliographie
621
BRUEGGEMANN, W., «Psalm 37 : Conflict of Interpretation», in H.A. MCKAY – D.J.A. CLINES, ed., Of Prophets’ Visions and the Wisdom of Sages : Essays in Honour of R. Norman Whybray on His Seventieth Birthday. JSOT.S 163, Sheffield 1993, 228-256. BULLINGER, E.W., A Key to the Psalms by the late Rev. Thomas Boys, London 1890. CARNITI, C. : voir ALONSO SCHOEKEL, L. CASTELLINO, G.R., Libro dei salmi, La Sacra Bibbia, Torino – Roma 1955. CAZELLES, H., « Note sur le Psaume 8 », in E. FISCHER – L. BOUYER, ed., Parole de Dieu et sacerdoce, Paris 1962, 79-91. CERESKO, A.R., « The ABCs of Wisdom in Psalm XXXIV », VT 35 (1985) 99104. ——, « Endings and beginnings: alphabetic thinking and the shaping of Psalms 106 and 150 », CBQ 68 (2006) 32-46. CIMOSA, M., Mia luce e mia salvezza è il Signore : commento esegetico-spirituale dei Salmi (Salmi 1-50), Città del Vaticano 2004. CLIFFORD, R.J., Psalms 1-72, Abingdon Old Testament Commentaries, Nashville (TN) 2002. COLLINS, C.J., « Psalm 1 : structure and rhetoric », Presbyterion 31 (2005) 37-48. Concordance de la Traduction Œcuménique de la Bible, CONDAMIN, A., Poèmes de la Bible, avec une introduction sur la strophique hébraïque, Paris 1933. CORTESE, E., « Salmo 37 : Una interpretacion en dialogo con el Tercer Mundo », EstB 51 (1993) 31-40. COULOT, C., « Un jeu de persuasion sectaire : Le commentaire du Psaume 37 découvert à Qumran », RevSR 77 (2003) 544-551. CRAIGIE, P.C., Psalms 1–50, WBC, Waco (TX) 1983. CUNCHILLOS, J.-L., Estudio del Salmo 29 : Canto al Dios de la fertilidad-fecundidad. Aportación al conicimiento de la Fe de Israela su entrada en Canaan, Institución San Jerónimo 6, Valencia 1976. DAHOOD, M., Psalms, I-III, AncB 16.17.17A, Garden City (NY) 1966-1970. ——, « Fury », Bib 51 (1970) 399-400. N.L., ed., The Shape and Shaping of the Book of Psalms: the current state of scholarship, Ancient Israel and Its Literature 20. Atlanta (GA) 2014.
DECLAISSÉ-WALFORD.
N.L. – JACOBSON, R.A. – TANNER, B.L., The Book of Psalms, NICOT, Grand Rapids (MI) – Cambridge (UK) 2014.
DECLAISSÉ-WALFORD,
622
Le Psautier. Premier livre
DEISSLER, A., Le Livre des Psaumes, I-II, Verbum Salutis, Paris 1968 (original allemand, 1963). DELITZSCH, F.J., A Commentary on the Book of the Psalms, The Foreign Biblical Library, New York, I, 19824. ——, Commentary on the Old Testament in ten volumes. Volume V : Psalms, Grand Rapids (MI) 1980. ENCISO VIANA, J., « El salmo 9-10 », EstBib 19 (1960) 201-214. ERIKSSON, L.O., « Come, Children, Listen to Me » : Psalm 34 in the Hebrew Bible and in Early Christian Writings, Coniectanea biblica. Old Testament series 32, Stockholm 1991. FOKKELMAN, J.P., Narrative art and poetry in the Books of Samuel, Studia semitica neerlandica 23.27.31, Assen/Maastricht – Dover (NH) 1986-1993. ——, Major Poems of the Hebrew Bible : at the Interface of Hermeneutics and Structural Analysis, Studia Semitica Neerlandica 37.41.43.47, Van Gorcum, Assen, 1998-2004. ——, Reading Biblical Poetry: An Introductory Guide, Louisville – London 2001. FORBES, J., The Symmetrical Structure of Scripture, Edinburgh 1854. FREEDMAN, D.N., « Patterns in Psalms 25 and 34 », in Priests, prophets and scribes, JSOT.S 149, Sheffield 1992, 125-138. GERSTENBERGER, E.S., Psalms. Part I with an Introduction to Cultic Poetry. Part II and Lamentations, FOTL 14-15, Grand Rapids (MI) 1988-2001. GILMOUR, M.J., « Crass casualty or purposeful pain? Psalm 34’s influence on Peter’s first letter », Word & World 24 (2004) 404-411. GIRARD, M., Les Psaumes 1–50. Analyse structurelle et interprétation, Recherche. NS 2, Montréal – Paris 1984. ——, Les Psaumes redécouverts. De la structure au sens, I. Ps 1-50, 1996 ; II. Ps 51-100 ; III. Ps 101-150, Montréal 1994. GOLDINGAY, J.E., Psalms. I. Psalms 1-41, Baker Commentary on the Old Testament Wisdom and Psalms, Grand Rapids (MI) 2006. GORDIS, R., « Psalm 9–10: a Textual and Exegetical Study », JQR 48 (1957-58) 104-122. GRAZIANO, F., « Il salmo 22 : la preghiera del Servo di Yhwh », in R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, ReBibSem 2, Roma 2013, 65-85. GROHMANN, M., « Jewish and Christian Approaches to Psalm 35 », in M. GROHMANN – Y. ZAKOVITCH, ed., Jewish and Christian Approaches to Psalms, HBS 57, Freiburg im Breisgau 2009, 13-29.
Bibliographie
623
GUNKEL, H., Introduction to Psalms: The Genres of the Religious Lyric of Israel. Completed by Joachim Begrich. Translated by James D. Nogalski, Macon (GA) 1998. HAKHAM, A., Sefer Tehillîm, I-II, Jérusalem 1986.1988. HOPKIN, Sh., « The Psalm 22:16 controversy : new evidence from the Dead Sea scrolls », BYU Studies Quarterly 44 (2005) 161-172. HOSSFELD, F.L. – ZENGER, E., Die Psalmen, I. Ps 1–50, Neue Echter Bibel. Altes Testament 29, Würzburg 1993. HOWARD, D.H. Jr, « Recent Trends in Psalms Study », in D.W. BAKER – B.T. ARNOLD, ed., The Face of Old Testament Studies. A Survey of Contemporary Approaches, Grand Rapids (MI) 1999, 329-360. HUGO, V., Œuvres poétiques, I. Avant l’exil, IV. Feuilles d’automne, XXXII, « Pour les pauvres », Bibliothèque de la Pléiade 171, Paris 1964. HUROWITZ, V., « Additional elements of alphabetical thinking in Psalm XXXIV », VT 52 (2002) 326-333. JACOBSON, R.A., « Imagining the Future of Psalms Studies», in DECLAISSÉWALFORD, N.L., ed. The Shape and Shaping of the Book of Psalms: The Current State of Scholarship, Ancient Israel and Its Literature 20, Williston (VT) 2014, 231-246. JACQUET, L., Les Psaumes et le Cœur de l’homme. Étude textuelle, littéraire et doctrinale, I-III, Gembloux 1975-1979. JANZEN, J.G., « The Root Škl and the Soul Bereaved in Psalm 35 », JSOT 65 (1995) 55-69. JOÜON, P. Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1947. JUNKER, H., « Unité, composition et genre littéraire des Ps 9 et 10 », RB 60 (1953) 161-169. KIDNER, D., Psalms 1–150 : a Commentary on Books I-V of the Psalms, London 1973. KIMCHI, D., Commento ai salmi, Tradizione d’Israele 6, Roma 1991. KISSANE, E.K., The Book of Psalms, I-II, Dublin 1953-54. KOMLOS, O, « The meaning of ḥelekhah-ḥelkaʼim », JSSt 2 (1957) 243-246. KOT, T., La lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, RhSem 2, Paris 2006. KRAUS, H.-J., Psalmen, I-II, Neukirchen 1960 ; trad. anglaise, Psalms 1–59; Psalms 60–150, Minneapolis (MN) 1993. KSELMAN, J.S., « Psalm 3 : A Structural and Literary Study, CBQ 49 (1987) 572-580. KUNTZ, J.K., « Psalm 18 : A Rhetorical-Critical Analysis », in P.R. House, ed., Beyond Form Criticism. Essays in Old Testament Literary Criticism,
624
Le Psautier. Premier livre
Sources for Biblical and Theological Study 2, Winona Lake (IN) 1992, 70-97. LABUSCHAGNE, C.J., « Significant sub-groups in the Book of Psalms. A New Approach to the Compositional Structure of the Psalter », in E. ZENGER, ed., The Composition of the Book of Psalms, Leuven – Paris – Walpole (MA) 2010, 623-634. LEVEEN, J., « Psalm X. A reconstruction », JTS 45 (1944) 16-21. ——, « The Textual Problems of Psalm VII », VT 16 (1966) 439-445. LEWIS, T.J., « Belial », Anchor Bible Dictionary, New York 1992, I. 654-656, LIFSCHITZ, D., ed., Perché, Signore, te ne stai lontano?: Salmi 9 e 10, La tradizione ebraica commenta i Salmi, Leumann-Torino 1992. LORENZIN, T., I Salmi. Nuova versione, introduzione e commento, I libri biblici. Primo Testamento 14, Milano 2000. LORI, G., Il discorso della montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), ReBib 18, Bologna 2013. LUND, N.W., « Chiasmus in the Psalms », AJSL 49 (1332-33) 281-312. 294-295. ——, Chiasmus in the New Testament. A Study in Formgeschichte, Chapel Hill 1942 ; reprint, Chiasmus in the New Testament. A Study in the Form and Function of Chiastic Structures, Peabody MA 1992. LUNDBOM, J.R., Jeremiah. A Study in Ancient Hebrew Rhetoric, Missoula (MT) 1975. MALONEY, L.D., A Word Fitly Spoken: Poetic Artistry in the First Four Acrostics of the Hebrew Psalter, Studies in Biblical literature, New York 2009. MANNATI, M. – SOLMS, É. De, Les Psaumes. I. Introduction. Ps 1 à 31, Cahiers de la Pierre-qui-vire 26, Paris – Bruges 1966. MARCH, W.E., « Note on the text of Psalm 12:9 », VT 21 (1971) 610-612. MARX, A., « Note sur la traduction et la fonction de II Samuel 22,30 // Psaume 18,30 », ZAW 110 (1998) 240-243. MAYS, J.L., Salmi, Strumenti 50, Torino 2010 (original anglais: Psalms, Interpretation, a Bible Commentary for Teaching and Preaching, Louisville [KY] 1994). MEYNET, R., Quelle est donc cette Parole ? Lecture « rhétorique » de l’évangile de Luc (1–9 et 22–24), LeDiv 99 A.B., Paris 1979. ——, Initiation à la rhétorique biblique. « Qui donc est le plus grand ? », Initiations, I-II, Paris 1982. ——, L’Analyse rhétorique. Une nouvelle méthode pour comprendre la Bible. Textes fondateurs et exposé systématique, Initiations, Paris 1989.
Bibliographie
625
MEYNET, R., « “Pour comprendre proverbes et énigmes” : analyse rhétorique de Pr 1,1-7 ; 10,1-5 ; 26,1-12 », in P. BOVATI – R. MEYNET, ed., Ouvrir les Écritures, Fs. Paul Beauchamp, LeDiv 162, Paris 1995, 97-119. ——, Lire la Bible, Dominos 92, Flammarion, Paris 1996 ; Lire la Bible, Champs 537, Flammarion, Paris 2003. ——, recension de Marc GIRARD, Les Psaumes redécouverts. De la structure au sens, vol. II : Ps 51-100 (624 p.) ; vol III : Ps 101-150 (564 p.), Bellarmin, Montréal 1994. RivBib 45 (1997) 92-96. ——, recension de Marc GIRARD, Les psaumes redécouverts. De la structure au sens, vol. I : Ps 1-50 (818 p.), Bellarmin, Montréal 1996. Recensione in RivBib 45 (1997) 229-230. ——, « Analyse rhétorique du Psaume 51. Hommage critique à Marc Girard », RivBib 45 (1997) 187-226. ——, « L’enfant de l’amour (Ps 85) », NRTh 112 (1990) 843-858. ——, « Le quatrième chant du Serviteur (Is 52,13–53,12) », Gr. 81 (1999) 407440. ——, « La composition du Notre Père », Liturgie 119 (2002) 158-191 ; repris et corrigé dans StRBS 18 (04.05.2005; 16.12.2014). ——, « Les deux décalogues, loi de liberté », StRBS 8 (11.04.2002; 27.09.2005). ——, Mort et ressuscité selon les Écritures, Paris 2003 (= « Selon les Écritures ». Lecture typologique des récits de la Pâque du Seigneur, Theologia 7, Rome 2012 ; Selon les Écritures, audiolivre, Dire la Parole, Chouzé-surLoire 2013. ——, « Le passage de la mer (Ex 14). Analyse rhétorique », RTLu 9 (2004) 569590 ; repris dans ID., Appelés à la liberté, RhSem 5, Paris 2008, Chap. 1, « Le passage de la mer (Ex 14) », 25-50. ——, Appelés à la liberté, RhSem 5, Paris 2008. ——, « La rhétorique biblique et sémitique. État de la question », Rhetorica 28 (2010) 290-312. ——, « Harmonie biblique. Les psaumes 111 et 112 », in P. CAYE – F. MALHOMME – G.M. RISPOLI – A.G. WERSINGER, ed., L’Harmonie, entre philosophie, science et arts, de l’Antiquité à l’âge moderne, Atti della Accademia Pontaniana – Suppl., NS LIX (2010), Napoli 2011, 219-234. ——, L’Évangile de Luc, Rhétorique sémitique 8, Pendé 2011. ——, « Le psaume 25. Psaume de la nouvelle alliance », Gr. 93 (2012) 233-260. ——, Traité de rhétorique biblique, deuxième édition revue et corrigée, RhSem 11, Pendé 2013
626
Le Psautier. Premier livre
MEYNET, R., « Le leggi della retorica biblica. A proposito della “legge dell’intreccio al centro” », in ID. – J. ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, ReBibSem 2, Roma 2013, 349-364. ——, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, RhSem 14, Pendé 2013. ——, «Circoncisione e croce di Cristo», CivCatt 166/1 (2015) 14-28 (« Circoncision et croix du Christ », academia.edu). ——, Le fait synoptique reconsidéré, ReBibSem 7, Rome 2015. ——, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, ReBibSem 6, Rome 2015. ——, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), RBSem 12, Leuven 2017. ——, « Le psaume 35: censuré “sans raison” », Gr. 99 (2018) 445-467. ——, « Analyse rhétorique du psaume 90. Hommage critique à Pierre Auffret », in M. STASZAK – M. LEROY, ed., Perceptions du temps dans la Bible, Études Bibliques, Leuven, à paraitre. MEYNET, R. – POUZET, L. – FAROUKI, N. – SINNO, A., Rhétorique sémitique. Textes de la Bible et de la Tradition musulmane, Patrimoines. Religions du Livre, Paris 1998. MEYNET, R. : voir BOVATI, P. MILLARD, M., Die Composition des Psalters. Ein formgeschichtlicher Ansatz, Forschungen zum Alten Testament 9, Tübingen 1994. MILLER, P.D., «Yāpîaḥ in Psalm 12:6», VT 29 (1979) 495-501. ——, « Kingship, Torah Obedience, and Prayer. The Theology of Ps 15–24 », in Neue Wege der Psalmenforschung, Fs W. Beyerlin, HBS 1, Freiburg – Basel – Wien 1994, 127-142. MITCHELL, D.C., The message of the Psalter : An eschatological programme in the Book of Psalms, JSOT.S 252, Sheffield 1997. MONNIN, A., Esprit du Curé d’Ars. Saint J.-B.M. Vianney dans ses Catéchismes, ses Homélies et sa Conversation, Paris 2007. MOSCA, P.G., « Psalm 26 : Poetic Structure and the Form-Critical Task », CBQ 47 (1985) 212-237. OUAKNIN, M.-A. – ROTNEMER, D., La bible de l’humour juif, J’ai lu 4263, Paris 1995. PÉGUY, Ch., Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, in Œuvres poétiques complètes, Bibliothèque de la Pléiade 60, Paris 1957, 536-538 ; Œuvres poétiques et dramatiques, Bibliothèque de la Pléiade 60, Paris 2014, 627628. PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle, VIII, Les Belles Lettres, Paris 1952.
Bibliographie
627
PODECHARD, É, Le Psautier. Traduction littérale et explication historique, I. Notes critiques, Bibliothèque de la Faculté catholique de théologie de Lyon 4, Lyon 1949. PRINSLOO, G.T.M., « Man’s Word–God’s Word: A Theology of Antithesis in Psalm 12 », ZAW 110 (1998) 390-402. RAVASI, G., Il libro dei Salmi. Commento e attualizzazione, Lettura pastorale della Bibbia, I-III, Bologna 1981-85. RENAUD, B., « Le Psautier sous le signe du jugement de Dieu. L’unité rédactionnelle des Ps 1 et 2 », in E. BONS, ed., Le jugement dans l’un et l’autre Testament, Fs Raymond Kuntzmann, LeDiv 197, Paris 2004, 225-242. ROSE, A., « Le Psaume 25: Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme », AssSeign 3 (1963) 11-20 ROSENBAUM, S.N., «New evidence for reading ge’im in place of go’im in Ps 9 and 10», HUCA 45 (1974) 65-70. ROSS, A.P., A Commentary on the Psalms, Kregel Exegetical Library, Grand Rapids (MI), I-III, 2011-2016. SABOURIN, L., Le livre des psaumes, Recherches NS 18, Montréal – Paris 1988. SANDERS, P. « Five Books of Psalms ? », in E. ZENGER, ed., The Composition of the Book of Psalms, Leuven – Paris – Walpole (MA) 2010, 677-687. SCAIOLA, D., « Una cosa ha detto Dio, due ne ho udite » : fenomeni di composizione appaiata nel Salterio Masoretico, Studia 47, Città del Vaticano 2002. SCHAEFER, K., Psalms, Berir Olam, Collegeville (MN) 2001. SCHOETTGEN, Ch., Horae Hebraicae et Talmudicae, Dresde – Leipzig 1733. SCHREINER, J., « Zur Stellung von Psalm 22 im Psalter. Folgen für die Auslegung », in ID., ed. Beiträge zur Psalmenforschung. Psalm 2 und 22, Forschung zur Bibel 60, Würzburg 1988, 259-263. SEEBASS, H., « Bôš », GLAT, I. 1146-1170. SKEHAN, P.W., « A Broken Acrostic and Psalm 9 », CBQ 27 (1965) 1-5. SMOAK, J.D., « Amuletic inscriptions and the background of YHWH as guardian and protector in Psalm 12 », VT 60 (2010) 421-432. STRAWN, B.A., « Psalm 22:17b: more guessing », JBL 119 (2000) 439-451. SUMPTER, Ph., « The Coherence of Psalms 15–24 », Bib 94 (2013) 186-209. SWENSON, K.M., «Psalm 22:17: circling around the problem again», JBL 123 (2004) 637-648. TERRIEN, S., The Psalms. Strophic Structure and Theological Commentary, The Eerdmans Critical Commentary, Grand Rapids (MI) 2003.
628
Le Psautier. Premier livre
The Midrash on Psalms, translated from the Hebrew and Aramaic by W.G. Braude, Yale Judaica series 13, New Haven (CT) – London 1976. TIGAY, J.H., « Psalm 7,5 and Ancient Near Eastern Treaties », JBL 89 (1970) 138-186. TOURNAY, R.J., « À propos du psaume 16,1-4 », RB 108 (2001) 21-25. TOURNAY, R.J., Le Psautier de Jérusalem, Paris 1986. TRUBLET, J. : voir ALETTI, J.-N. VAN DER LUGT, P., Cantos and Strophes in Biblical Hebrew Poetry, with special reference to the first book of the Psalter, OTS 53, Leiden 2006. ——, Cantos and strophes in biblical Hebrew poetry II : Psalms 42-89, OTS 57, Leiden 2010. ——, Cantos and strophes in biblical Hebrew poetry III : Psalms 90-150 and Psalm 1, OTS 63, Leiden 2014. VESCO, J.-L., Le Psautier de David traduit et commenté, LeDiv 210.211, Paris 2011. WAGNER, R.J., « From the Heaven to the Heart : The Dynamics of Psalm 19 as Prayer », CBQ 61 (1999) 245-261. WATSON, W.G.E., Classical Hebrew Poetry : A Guide to its Techniques, JSOT.S 26, Sheffield,1984. WEISER, A., The Psalms: a Commentary, OTL, London 1962 (or. allemand, Die Psalmen, Das Alte Testament Deutsch 14.15, Göttingen 1963). WÉNIN, A., « Le Psaume 1 et l’encadrement du livre des louanges », in P. BOVATI – R. MEYNET, ed., Ouvrir les Écritures, Fs Paul Beauchamp, LeDiv 162, Paris 1995, 151-176. ——, Actualité des mythes : relire les récits mythiques de Genèse 1-11, 2001. ——, D’Adam à Abraham ou Les errances de l'humain : lecture de « Genèse » 1,1–12,4, LiBi 148, Paris 2007. WÉNIN, A., Psaumes censurés. Quand la prière a des accents violents, LiBi 192, Paris 2017. WHYBRAY, N., Reading the Psalms as a Book, JSOT.S 222, Sheffield 1998. WILLIS, J.T., « Psalm 1 – An Entity », ZAW 91 (1979) 381-401. WILSON, G.H., « Evidence of Editorial Divisions in the Hebrew Psalter », VT 34 (1984) 337-352. ——, The Editing of the Hebrew Psalter, SBL.DS 76, Chico (CA), 1985. ZENGER, E., « Was wird anders bei kanonischer Psalmenauslegung ? », in F.V. RÉITÉRER, ed., Ein Gott eine Offenbarung, Fs N. Füglister, Würzburg 1991, 397-413.
INDEX DES AUTEURS CITÉS
Aletti – Trublet: 362 Alonso Schoekel – Carniti: 9, 33, 42, 54, 62, 69, 78, 81, 86, 103, 153, 166, 186, 187, 195, 202, 219, 224, 246, 255, 261, 262, 265, 268, 272, 273, 290, 295, 300, 318, 359, 361, 375, 381, 382, 426, 442, 455, 468, 470, 485, 486, 494, 534, 556, 567 Anderson: 317, 518, 521 Angelini: 12 Asensio: 55 Auffret, 8, 12, 34, 49, 86, 317, 330, 493, 518 Auwers: 10, 11, 12, 195 Barbiero: 12, 13, 44, 574 Barth: 11 Bazak: 493 Bazyliński: 268 Beaucamp: 24, 262, 300, 317, 442, 503, 518, 519 Beauchamp: 89, 90, 150, 155, 177, 250, 287, 336, 349, 447, 466, 482, 610, 612, 613, 614, 625, 628 Bellinger: 354 Benoît: 458 Benun: 132 Bertholet: 33 Bovati: 101, 284, 321, 390, 445, 488, 497, 626, 628 Boys: 165, 166, 317, 390, 432, 493, 617 Brown: 9, 12 Brueggemann: 519 Bullinger: 493 Castellino: 521 Cazelles: 87 Ceresko: 455
Cimosa: 261 Clifford: 261, 317, 328 Collins: 24, 25 Condamin: 34 Cortese: 519 Coulot: 519 Craigie: 316, 317, 518, 521 Cunchillos: 382 Dahood: 9, 55, 88, 105, 185, 186, 187, 195, 261, 384, 390, 468, 556, 564 deClaissé-Walford – al.: 9, 49, 54, 62, 69, 78, 81, 86, 136, 137, 145, 153, 159, 166, 172, 186, 187, 195, 219, 224, 246, 262, 265, 272, 290, 300, 362, 375, 381, 382, 390, 400, 423, 424, 431, 470, 486, 493, 503, 534, 564, 567 Deissler: 24, 494, 622 Delitzsch: 11, 34, 81, 136, 153, 159, 165, 185, 195, 272, 386, 426, 429, 503 Dhorme: 442, 572 Enciso Viana: 103 Eriksson: 457 Farouki: 490 Fokkelman: 8 Forbes: 493 Freedman: 443 Gestenberger: 317 Gillingham: 12 Gilmour: 457 Girard: 8, 34, 49, 78, 86, 104, 136, 137, 153, 166, 187, 195, 196, 246, 256, 262, 273, 290, 299, 300, 317, 362, 375, 381, 382, 390, 424, 468, 469, 470, 486, 493, 542, 567
630
Le Psautier. Premier livre
Gordis: 103, 116 Graziano: 274 Grohmann: 469 Gunkel: 8, 24 Hakham: 25, 34, 49, 53, 54, 61, 62, 69, 78, 81, 137, 143, 144, 145, 153, 159, 160, 165, 166, 172, 186, 187, 195, 198, 202, 245, 246, 256, 262, 271, 272, 273, 289, 290, 299, 300, 324, 353, 356, 362, 375, 382, 384, 390, 399, 400, 423, 424, 426, 431, 442, 469, 470,486, 493, 506, 534, 541, 542 Hopkin: 271 Hossfeld: 9, 12, 219, 551 Hugo: 504 Hurowitz: 455 Jacobson: 9, 13, 62 Jacquet: 103, 110 Janzen: 469 Joüon: 34, 78, 186 Junker: 104 Kidner: 354 Kimchi: 322, 333, 520 Kissane: 24 Komlos: 119 Kot: 149 Kraus: 9, 33, 34, 41, 49, 53, 54, 59, 69, 78, 81, 104, 105, 119, 137, 143, 144, 145, 153, 159, 160, 172, 185, 186, 195, 245, 246, 256, 262, 265, 272, 273, 300, 353, 358, 362, 375, 383, 390, 400, 423, 424, 426, 431, 470, 486, 503, 511, 539, 542, 556 Kselman: 49 Kuntz: 195 Leveen: 103 Lewis: 198 Lifschitz: 131 Lorenzin: 9, 11, 12, 13, 24, 33, 34, 42, 49, 54, 62, 69, 78, 79, 81, 86, 104, 145, 153, 159, 160, 166,
172, 187, 195, 246, 256, 261, 262, 265, 272, 273, 274, 290, 299, 300, 317, 362, 375, 381, 382, 390, 400, 424, 426, 431, 442, 470, 485, 486, 493, 494, 534, 539, 542, 567 Lund: 25, 34, 104, 166, 219, 327, 381, 390 Lundbom: 151, 441 Maloney: 106 Mannati – Solms: 132, 136, 317, 320, 335, 338, 358, 494, 498, 503, 519, 564 March: 144 Marx: 206 Mays: 317 Meynet: 3, 8, 9, 10, 19, 43, 56, 66, 84, 88, 130, 168, 186, 201, 234, 266, 284, 285, 296, 303, 317, 321, 338, 339, 356, 390, 442, 455, 456, 464, 467, 470, 488, 490, 497, 504, 510, 518, 564, 582, 610, 628 Millard: 13, 268 Miller: 12, 143 Mitchell: 11 Monnin: 371 Mosca: 354 Ouaknin: 169 Péguy: 371 Pline l’Ancien: 381 Podechard: 24 Pouzet: 490 Préat: 14 Prinsloo: 143, 144 Ravasi: 8, 9, 23, 24, 33, 34, 42, 45, 49, 53, 54, 55, 62, 69, 78, 81, 85, 86, 104, 143, 144, 145, 153, 159, 160, 166, 171, 172, 186, 195, 201, 216, 246, 256, 265, 268, 271, 272, 274, 290, 300, 316, 317, 319, 335, 362, 364, 369, 375, 381, 382, 390, 399, 400, 424,426, 431, 442, 456, 468, 469,
Index des auteurs cités 470, 485, 486, 493, 494, 500, 503, 511, 518, 534, 542, 563, 564, 567 Rose: 316, 317, 327, 336 Rosenbaum: 105 Ross: 9 Rotnemer: 169 Sabourin: 521 Sanders: 9 Scaiola: 11, 268 Schaefer: 24 Schoettgen: 151, 441 Schreiner: 11, 13 Sinno: 490 Skehan: 103 Smoak: 144 Strawn: 271 Sumpter: 12 Swenson: 271 Tanner: 9, 271, 273 Terrien: 317 Tigay: 78 Tournay: 78, 171, 300
631
Van der Lugt: 9 Vesco: 9, 11, 12, 13, 25, 34, 49, 53, 54, 62, 69, 78, 81, 85, 119, 129, 137, 145, 156, 159, 171, 172, 200, 213, 256, 262, 265, 271, 272, 273, 290, 299, 300, 304, 315, 317, 381, 390, 399, 400, 424, 431, 442, 468, 485, 486, 493, 494, 500, 503, 511, 518, 519, 534,541, 542, 567 Vignolo: 12 Wagner: 246 Watson: 272 Weiser: 8, 9, 16, 33, 59, 69, 81, 137, 143, 159, 186, 202, 245, 246, 265, 300, 358, 362, 375, 486 Wénin: 45, 130, 216, 238, 469, 477, 482 Whybray: 9 Willis: 25 Wilson: 9 Zenger: 9, 12, 16, 219, 551, 627
TABLE DES MATIÈRES Introduction ................................................................................................. Sigles et abréviations ................................................................................... Lexique des termes techniques ....................................................................
7 15 17
LE SEIGNEUR LIBÈRE SON FIDÈLE DE SES ENNEMIS La première section : Ps 1–18 ...........................
19
I. LA FIDÉLITÉ DE DAVID S’APPUIE SUR LA FIDÉLITÉ DE DIEU La première sous-section : Ps 1–8 .............................................................
23
A. Heureux qui s’abrite dans le Seigneur ! La première séquence : Ps 1–2 ............................................................. 1. Le Psaume 1 .................................................................................. 2. Le Psaume 2 .................................................................................. 3. Heureux qui s’abrite dans le Seigneur ! (Ps 1–2) .........................
23 23 33 44
B. Yhwh répond à mon appel à cause de ma fidélité La deuxième séquence : Ps 3–4 ........................................................... 1. Le Psaume 3 .................................................................................. 2. Le Psaume 4 .................................................................................. 3. Yhwh répond à mon appel à cause de ma fidélité (Ps 3–4) ..........
49 49 53 58
C. Yhwh entend ma prière en raison de sa fidélité La troisième séquence : Ps 5–6 ............................................................ 1. Le Psaume 5 .................................................................................. 2. Le Psaume 6 .................................................................................. 3. Yhwh entend ma prière en raison de sa fidélité (Ps 5–6) ..............
61 61 69 74
D. Magnifique est le nom du Très-Haut La quatrième séquence : Ps 7–8 ........................................................... 1. Le Psaume 7 .................................................................................. 2. Le Psaume 8 .................................................................................. 3. Magnifique est le nom du Très-Haut (Ps 7–8) ..............................
77 77 85 92
E. LA FIDÉLITÉ DE DAVID S’APPUIE SUR LA FIDÉLITÉ DE DIEU L’ensemble de la première sous-section : Ps 1–8 .................................
95
II. DAVID CONFESSE SA FOI EN SON DIEU QUI SE CACHE La deuxième sous-section : Ps 9–10 ......................................................... 1. Le premier passage : Ps 9,2-21 .......................................................... 2. Le deuxième passage : Ps 10,1-2 .......................................................
103 103 116
634
Le Psautier. Premier livre
3. Le troisième passage : Ps 10,3-18 ..................................................... 4. David confesse sa foi en son Dieu qui se cache (Ps 9–10) .................
117 126
III. LE SALUT DE DIEU RÉPOND À LA PRIÈRE DE DAVID La troisième sous-section : Ps 11–18 ........................................................
135
A. Plainte de David contre ses oppresseurs La première séquence : Ps 11–16 .........................................................
135
a) Le Seigneur se dresse contre les oppresseurs La première sous-séquence : Ps 11–13 ....................................... 1. Le psaume 11 ........................................................................... 2. Le psaume 12 ........................................................................... 3. Le psaume 13 ........................................................................... 4. Le Seigneur se dresse contre les oppresseurs (Ps 11–13) .......
135 135 143 153 156
b) Le juste ne fait pas de mal à son prochain La deuxième sous-séquence : Ps 14–16 .......................................... 1. Le psaume 14 ........................................................................... 2. Le psaume 15 ........................................................................... 3. Le psaume 16 ........................................................................... 4. Le juste ne fait pas de mal à son prochain (Ps 14–16) ...........
159 159 165 171 178
c) Plainte de David contre ses oppresseurs (Ps 11–16) ...................
180
B. « Prière de David » La deuxième séquence : Ps 17 ..............................................................
185
C. Action de grâce de David pour son Libérateur La troisième séquence : Ps 18 ..............................................................
195
D. LE SALUT DE DIEU RÉPOND À LA PRIÈRE DE DAVID L’ensemble de la sous-section (Ps 11–18) ............................................
227
IV. LE SEIGNEUR LIBÈRE SON FIDÈLE DE SES ENNEMIS L’ensemble de la première section (Ps 1–18) ............................................
233
LE SEIGNEUR DÉLIVRE SON FIDÈLE DE LA MORT La deuxième section : Ps 19–25 ...........................
243
I. LA LOI DU SEIGNEUR EST LUMIÈRE La première sous-section : Ps 19 ...............................................................
245
II. LE SEIGNEUR SAUVE TOUS LES HOMMES La deuxième sous-section : Ps 20–24 ........................................................
253
A. Le secours du sanctuaire pour tous les ennemis du roi La première séquence : Ps 20–21 1. Le psaume 20 ................................................................................
255
Table des matières
635
2. Le psaume 21 ................................................................................ 3. Le secours du sanctuaire pour tous les ennemis du roi (Ps 20–21)
261 268
B. Le roi est sauvé de la mort La deuxième séquence : Ps 22 ..............................................................
272
C. De retour au temple avec tous les cherchant Dieu La troisième séquence : Ps 23–24 ......................................................... 1. Le psaume 23 ................................................................................ 2. Le psaume 24 ................................................................................ 3. De retour au temple avec tous les cherchant Dieu (Ps 20–21) .....
288 289 299 306
D. LE SEIGNEUR SAUVE TOUS LES HOMMES L’ensemble de la deuxième sous-section (Ps 20–24) ...........................
309
III. LES CHEMINS DU SEIGNEUR SONT VÉRITÉ La troisième sous-section : Ps 25 ...............................................................
315
IV. LE SEIGNEUR DÉLIVRE SON FIDÈLE DE LA MORT L’ensemble de la deuxième section (Ps 19–25) ........................................
341
LE SEIGNEUR LIBÈRE SES FIDÈLE DU PÉCHÉ La troisième section : Ps 26–41 ............................
351
I. LE SEIGNEUR ABRITE SES FIDÈLES EN SON TEMPLE La première sous-section : Ps 26–31 ........................................................
353
A. Dieu cache l’homme intègre au secret de sa tente La première séquence : Ps 26–27 .......................................................... 1. Le psaume 26 ................................................................................ 2. Le psaume 27 ................................................................................ 3. Dieu cache l’homme intègre au secret de sa tente (Ps 26–27) ......
353 353 361 372
B. En son temple Dieu sauve son peuple de l’iniquité La deuxième séquence : Ps 28–29 ....................................................... 1. Le psaume 28 ................................................................................ 2. Le psaume 29 ................................................................................ 3. En son temple Dieu sauve son peuple de l’iniquité (Ps 28–29) ....
375 375 381 387
C. Dieu cache tous ses fidèles au secret de sa face La troisième séquence : Ps 30–31 ........................................................ 1. Le psaume 30 ................................................................................. 2. Le psaume 31 ................................................................................. 3. Dieu cache tous ses fidèles au secret de sa face (Ps 30–31) ........
389 389 399 412
D. LE SEIGNEUR ABRITE SES FIDÈLES EN SON TEMPLE L’ensemble de la première sous-section : Ps 26–31 .............................
415
636
Le Psautier. Premier livre
II. LE SEIGNEUR INSTRUIT LES JUSTES À LA LOUANGE La deuxième sous-section : (Ps 32–37) .....................................................
423
A. Du péché à la louange La première séquence : Ps 32–34 ......................................................... 1. Le psaume 32 ................................................................................ 2. Le psaume 33 ................................................................................ 3. Le psaume 34 ................................................................................ 4. Du péché à la louange (Ps 32–34) ................................................
423 423 431 441 462
B. Du jugement à la justice La deuxième séquence : Ps 35–37 ....................................................... 1. Le psaume 35 ................................................................................ 2. Le psaume 36 ................................................................................ 3. Le psaume 37 ................................................................................ 4. Du jugement à la justice (Ps 35–37) .............................................
467 467 485 493 522
C. LE SEIGNEUR INSTRUIT LES JUSTES À LA LOUANGE L’ensemble de la deuxième sous-section (Ps 32–37)............................
525
III. LE SEIGNEUR PROTÈGE L’HOMME INTÈGRE DU MAL La troisième sous-section : Ps 38–41 .........................................................
533
A. Dieu reprend et corrige La première séquence : Ps 38–39 .......................................................... 1. Le psaume 38 ................................................................................ 2. Le psaume 39 ................................................................................ 3. Dieu reprend et corrige (Ps 38–39) ..............................................
533 533 541 550
B. Dieu sauve du péché et du mal La deuxième séquence : Ps 40–41 ....................................................... 1. Le psaume 40 ................................................................................ 2. Le psaume 41 ................................................................................ 3. Dieu sauve du péché et du mal (Ps 40–41) ................................
555 555 568 574
C. LE SEIGNEUR PROTÈGE L’HOMME INTÈGRE DU MAL L’ensemble de la troisième sous-section (Ps 38–41) ............................
576
IV. LE SEIGNEUR LIBÈRE SON FIDÈLE DU PÉCHÉ L’ensemble de la troisième section (Ps 26–41)
.....................................
581
L’ENSEMBLE DU PREMIER LIVRE (Ps 1–41) ............................................... A. Composition............................................................................................. B. Contexte .................................................................................................. C. Interprétation .........................................................................................
597 600 610 612
Table des matières Conclusion ................................................................................................... Bibliographie ............................................................................................... Index des noms d’auteur ..............................................................................
637 617 619 629
RHÉTORIQUE BIBLIQUE Collection dirigée par Roland Meynet et Pietro Bovati 1.
ROLAND MEYNET, L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, Éd. du Cerf, Paris 1988.
2.
PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Le Livre du prophète Amos, Éd. du Cerf, Paris 1994.
3.
ROLAND MEYNET, Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, PUG Editrice – Éd. du Cerf, Rome – Paris 1999.
RHÉTORIQUE SÉMITIQUE Collection dirigée par Roland Meynet avec Jacek Oniszczuk 1.
ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Lethielleux, Paris 2005.
2.
TOMASZ KOT, La Lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, Lethielleux, Paris 2006.
3.
MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Lethielleux, Paris 2007.
4.
ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Lethielleux, Paris 2007.
5.
ROLAND MEYNET, Appelés à la liberté, Lethielleux, Paris 2008.
6.
ROLAND MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, Lethielleux, Paris 2009.
7.
ALBERT VANHOYE, L’Épitre aux Hébreux. « Un prêtre différent », Gabalda, Pendé 2010.
8.
ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Gabalda, Pendé 20113.
9.
MICHEL CUYPERS, La Composition du Coran, Gabalda, Pendé 2012.
10. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates, Gabalda, Pendé 2012. 11. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Gabalda, Pendé 20132. 12. ROLAND MEYNET – J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique, Gabalda, Pendé 2013. 13. JACEK ONISZCZUK, La première lettre de Jean, Gabalda, Pendé 2013. 14. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, Gabalda, Pendé 2013. 15. MICHEL CUYPERS, Apocalypse coranique. Lecture des trente-trois sourates du Coran, Gabalda, Pendé 2014. 16. ROLAND MEYNET, L’Évangile de Marc, Gabalda, Pendé 2014.
RETORICA BIBLICA collana diretta da Roland Meynet, Pietro Bovati e Jacek Oniszczuk
EDIZIONI DEHONIANE ROMA 1.
ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ED, Roma 1994.
2.
PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos, ED, Roma 1995.
3.
ROLAND MEYNET, «E ora, scrivete per voi questo cantico». Introduzione pratica all’analisi retorica. 1. Detti e proverbi, ED, Roma 1996.
EDIZIONI DEHONIANE BOLOGNA 4.
ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2001.
5.
ROLAND MEYNET, La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, EDB, Bologna 2002.
6.
TOMASZ KOT, La fede, via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo, EDB, Bologna 2003.
7.
ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, seconda edizione, EDB, Bologna 2003.
8.
GIORGIO PAXIMADI, E io dimorerò in mezzo a loro. Composizione e interpretazione di Es 25–31, EDB, Bologna 2004.
9.
ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai Vangeli Sinottici, seconda edizione rivista e ampliata, EDB, Bologna 2006.
10. ROLAND MEYNET, Trattato di retorica biblica, EDB, Bologna 2008. 11. JACEK ONISZCZUK, La Prima Lettera di Giovanni, EDB, Bologna 2008. 12. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, EDB, Bologna 2009. 13. ROLAND MEYNET, Chiamati alla libertà, EDB, Bologna 2010. 14. ALBERT VANHOYE, L’epistola agli Ebrei. «Un sacerdote differente», EDB, Bologna 2010. 15. JACEK ONISZCZUK, La passione del Signore secondo Giovanni (Gv 18–19), EDB, Bologna 2011. 16. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, EDB, Bologna 2011. 17. ROLAND MEYNET, La lettera ai Galati, EDB, Bologna 2012. 18. GERMANO LORI, Il Discorso della Montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), EDB, Bologna 2013.
RETORICA BIBLICA E SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet et Jacek Oniszczuk
1.
JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), G&B Press, Roma 2013.
2.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica, G&B Press, Roma 2013.
3.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2013.
4.
ROLAND MEYNET, Luke: the Gospel of the Children of Israel, G&B Press, Roma 2015.
5.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2015.
6.
ROLAND MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, G&B Press, Roma 2015.
7.
ROLAND MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, G&B Press, Roma 2015.
8.
ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, G&B Press, Roma 2016.
RHETORICA BIBLICA ET SEMITICA 9.
ROLAND MEYNET, Les psaumes des montées, Peeters, Leuven 2017.
10. MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, deuxième édition, Peeters, Leuven 2017. 11. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2017. 12. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), Peeters, Leuven 2017. 13. JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), 2° edizione, Peeters, Leuven 2018. 14. ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, Peeters, Leuven 2018. 15. JACEK ONISZCZUK (†), «Se il chicco di grano caduto in terra non muore...» (Gv 11–12), Peeters, Leuven 2018. 16. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2018.