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French Pages 562 [593] Year 2022
PHILOSOPHES MÉDIÉVAUX TOME LXXIV
BOÈCE LA CONSOLATION DE PHILOSOPHIE Introduction et traduction annotée du texte latin par Alain GALONNIER et Jean-Louis CHARLET
LOUVAIN-LA-NEUVE
PEETERS 2022
BOÈCE LA CONSOLATION DE PHILOSOPHIE
PHILOSOPHES MÉDIÉVAUX TOME LXXIV
BOÈCE LA CONSOLATION DE PHILOSOPHIE Introduction et traduction annotée du texte en prose par Alain GALONNIER (CNRS, Centre Jean Pépin – ENS, Paris) Présentation de la métrique boécienne, disposition, ponctuation et traduction annotée du texte en vers et petit glossaire métrique par Jean-Louis CHARLET (professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille, CNRS TDMAM UMR 7297) Préface de Pierre MAGNARD (Professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne Grand Prix de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre)
ÉDITIONS DE L’INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE LOUVAIN-LA-NEUVE
PEETERS
LEUVEN - PARIS - BRISTOL, CT
2022
A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. No part of this book may be used or reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm or any other means without written permission from the publisher. ISBN 978-90-429-4983-6 eISBN 978-90-429-4984-3 D/2022/0602/120 © 2022, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven
In memoriam Paul Peeters
« Superata tellus / sidera donat Surmonter la terre / Offre les étoiles » (Consolation, IV, VII, 34-35).
TABLE DES MATIÈRES Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
IX
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
XI
Texte latin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XIII Index siglorum biblique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XV Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XVII Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 I. L’homme : un relatif inconnu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 I. 1. Naissance et ascendance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 I. 2. Formation intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 I. 3. Titres, fonctions et res gestae . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 I. 4. La chute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 I. 5. Le lieu de réclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 I. 6. La phase terminale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 II. L’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 II. 1. Traités sur les arts libéraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 II. 1. A. Touchant le trivium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 II. 1. B. Touchant le quadrivium . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 II. 2. Traités de théologie catholique (Opuscules sacrés) . . . 16 II. 3. Traités de philosophie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 II. 4. Traductions commentées et paraphrastiques . . . . . . . . . 17 II. 5. Poésie et rhétorique (dont Codex Renati) . . . . . . . . . . . 17 III. L’idéal culturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 IV. Le Christianisme de Boèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 IV. 1. Atavisme confessionnel et incidence scientifique . . . . . 22 IV. 2. Oblation et confiscation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 IV. 3. Politique et religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 V. La Consolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 V. 1. La structure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 V. 2. Le découpage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 V. 3. Le genre littéraire : la consolation . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 V. 4. Les formes du discours : le prosimètre . . . . . . . . . . . . . 39 V. 5. Choix et disposition des mètres dans la Consolation de Philosophie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
VIII
table des matières
V. 5. A. Tableau récapitulatif des mètres . . . . . . . . . . . 48 V. 5. B. Petit glossaire métrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 V. 6. Maïeutique et technique narrative . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 V. 7. La question des sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 V. 7. 1. La tentation de la surenchère . . . . . . . . . . . . . . 61 V. 7. 2. Inspiration et dépendances possibles . . . . . . . . 65 V. 7. 3. Quelques tendances et thématiques philosophiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 V. 8. Consolation chrétienne ou Consolation païenne ? . . . . 78 V. 8.A. La foi revendiquée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 V. 8.B. Le dernier espoir comme ultime refuge . . . . . 83 V. 9. Un crypto-Christianisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 V. 9.A. Les évocations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 V. 9.B. Les échos morphosémantiques . . . . . . . . . . . . 96 V. 9.C. Les références doubles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 V. 10. Profanité et sacralité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 V. 11. Postérité de la Consolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 V. 12. Définitions et enseignements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 V. 13. Appendice : plan étoffé de la Consolation . . . . . . . . . . 156 Traduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Livre I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Livre II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Livre III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Livre IV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Livre V . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
167 167 217 273 353 423
Liste des abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Index des noms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 537 Index des passages scripturaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 561
PRÉAMBULE Il n’est plus à rappeler que la Consolation de Philosophie1 de Boèce se révèle l’un des ouvrages médiévaux les plus traduits – la liste non exhaustive de la quinzaine de versions françaises, dont l’une est due à un membre de l’Académie (Octave Cottreau), qui se trouve dans notre bibliographie est suffisamment éloquente en la matière –, et les plus soumis à l’exégèse, à commencer par l’édition glosée qu’aurait réalisée son jeune contemporain Cassiodore2, attestant ainsi de la quasi immédiateté du succès de ce prosimètre, renouvelé par les premiers commentaires qui remontent au IXe siècle, au point qu’il serait interminable de dresser le relevé des analyses qui lui ont été consacrées en toutes langues jusqu’à nos jours. Pourquoi alors en proposer une nouvelle traduction introduite et annotée ? C’est en premier lieu parce qu’il s’agit d’un écrit dont la densité, tout à la fois littéraire, théologique, scientifique et philosophique, fait que l’on est encore loin d’en avoir épuisé les contenus. Or cette luxuriance, qui justifie à elle seule de se confronter inlassablement à une telle composition, s’impose d’abord comme stylistique, car l’exégèse d’une pensée, en commençant par l’accès ménagé à ses modes d’expression, légitime à chaque fois d’aller à nouveaux frais au devant de sa facture langagière. Par conséquent, veiller à la restituer au plus près pour en moduler l’interprétation exige de remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier, et à ce titre le large spectre de la transposition linguistique, qui s’étend de la « belle infidèle » à la « littérale indigeste », n’a pas encore été entièrement balayé. Ainsi, il n’est point prématuré d’annoncer que la transposition de sa poésie qui va suivre est, malgré les importants et 1 Cette traduction du complément de nom de l’intitulé par un substantif majusculé et non précédé d’un article défini est, à notre sentiment, la seule option pour rendre la prosopopée, qui écarte la possibilité qu’il s’agisse seulement de la philosophie comme discipline. Par ailleurs, n’oublions pas que ce titre n’est point celui choisi par Boèce, et que le substantif consolatio est absent de son ouvrage, bien que le verbe dont il dérive (consolare) y figure (III, 3, 18), mais avec le sens de « compenser », et que les termes solari (I, I, 8) et solamen (II, 4, 9 ; III, 1, 2) y signifient « soulager » et « réconfort ». On ignore d’ailleurs qui le premier l’a intitulé ainsi. Dans les plus anciens mss connus véhiculant l’écrit (s. IX), les copistes annoncent tous un de consolatione (voir Peiper, 1871, p. V-VIII), et chez Jean de Meun, qui serait l’auteur de la plus ancienne version prosimétrique française en notre possession (1305), on trouve, comme il fallait s’y attendre, Boece de consolation ou Boesce de consolacion selon les témoins manuscrits. 2 Voir infra, p. XXVI et 122.
X
préambule
irréductibles décalages demeurant d’une langue à l’autre, sans précédent, notamment par sa volonté de respecter tant que faire se peut, et en toute vraisemblance pour la première fois en langue française, la surprenante et très riche variété métrique dont a fait preuve Boèce. Quant à sa prose, l’exigence de fidélité littérale, qui exclut d’emblée la traduction interprétative ou explicative, a prévalu, sans rigidité toutefois, en ce sens que l’on a tenté d’y respecter au mieux l’ordre phrastique, l’ordre terminologique, les paronomases, les parentés morphosémantiques, la variatio sermonis et certains latinismes, en ne reculant pas devant l’usage de quelques néologismes et de nombreux calques. C’est en second lieu et complémentairement parce que Boèce lui-même, grand passeur de savoirs en son siècle, fidèle jusqu’au trépas à un idéal, habité par la spiritualité chrétienne, de valorisation et de transmission des connaissances scientifiques, théologiques et philosophiques gréco-latines, ne finira probablement jamais en cela d’épuiser ou de lasser notre sagacité. Il n’y a point à chercher ailleurs la motivation de notre entreprise.
REMERCIEMENTS Le réalisation de ce travail est amplement redevable à la très grande amabilité et à la générosité désintéressée de Jean-Louis Charlet, qui nous a spontanément accordé la faveur d’une collaboration, se chargeant de la traduction et de l’annotation des 39 mètres, après avoir rédigé l’entier chapitre V. 5 et qui a bien voulu relire et réviser l’introduction et la traduction annotée de la prose. Pierre Magnard de son côté, n’a pas hésité, avec son extrême et coutumière bienveillance, à honorer l’ensemble d’une préface et à nous faire bénéficier, lui aussi, de sa relecture ainsi que de remarques et suggestions toujours très profitables. Nous assurons l’un et l’autre de notre profonde gratitude. Nos chaleureux remerciements vont également à Jean-Michel Counet, directeur de la présente collection, et à Ingemar Spelmans, très conscientieux assistant éditorial aux éditions Peeters.
TEXTE LATIN Le texte latin, par commodité et sécurité, a été copié sur celui mis en ligne par la Georgetown University, qui reproduit l’édition de Wilhelm Weinberger (1935), que nous avons entièrement relu et quelquefois modifié à partir de celle de Claudio Moreschini (2005), hormis en ce qui concerne l’orthographe.
INDEX SIGLORUM BIBLIQUE Ab Ag
Am Ba 1 Ch 2 Ch Ct Dn Dt Ecc Eccl Esd Est Ex Ez Gn Ha Is Jb Jdt Jg Jl Jon Jos Jr Lm Lv 1 M 2 M Mi Ml Na Nb Ne
= Abdias
= Aggée = Amos
= Baruch
= 1er Livre des Chroniques = 2 ème Livre des Chroniques = Cantique des Cantiques = Daniel = Deutéronome
= Ecclésiaste (ou Qohélet) = Ecclésiastique (ou Siracide) = Esdras = Esther
= Exode = Ézéchiel
= Genèse = Habaquq
= Isaïe
= Job = Judith
= Livre des Juges
= Joël
= Jonas
= Josué = Jérémie = Lamentations = Lévitique
= 1er Livre des Maccabées
= 2 ème Livre des Maccabées = Michée
= Malachie = Nahum
= Nombres = Néhémie
Os = Osée
Pr = Proverbes
Ps = Psaumes
Qohélet (voir Ecclésiaste)
1 R = 1er Livres des Rois
2 R = 2ème Livre des Rois
Rt = Ruth
1 S = 1er Livre de Samuel
2 S = 2ème Livre de Samuel
Sg = Sagesse
Siracide (voir Ecclésiastique)
So = Sophonie
Tb = Tobie Za = Zacharie Ac = Actes des Apôtres
Ap = Apocalypse Col = Épître aux Colossiens 1 Cor. = 1ère Épître aux Corinthiens 2 Cor. = 2ème Épître aux Corinthiens Ep = Épître aux Éphésiens
Ga = Épître aux Galates He = Épître aux Hébreux Jc = Épître de Jacques
Jd = Épître de Jude
Jn = Évangile de Jean 1 Jn = 1ère Épître de Jean 2 Jn = 2ème Épître de Jean 3 Jn = 3ème Épître de Jean Lc = Évangile de Luc Mc = Évangile de Marc Mt = Évangile de Matthieu
1 P = 1ère Épître de Pierre
2 P = 2ème Épître de Pierre
3 P = 3ème Épître de Pierre
XVI Ph Phm Rm 1 Th
index siglorum biblique
= = = =
pître aux Philippiens
É Épître à Philémon Épître aux Romains 1ère Épître aux Thessaloniciens
2 Th 1 Tm 2 Tm Tt
= 2ème Épître aux Thessaloniciens = 1ère Épître à Timothée
= 2ème Épître à Timothée = Tite
PRÉFACE Cette traduction, introduite et annotée, a son histoire qu’il me revient de rappeler. C’était en 1985. Mis en charge de la section 45 du Comité National du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) par les suffrages de mes collègues, j’avais à lui donner une feuille de route pour les quatre années à venir. À l’heure où les politiques en contestaient la légitimité institutionnelle, je mettais l’accent sur son devoir de transmettre un héritage patrimonial, en prenant appui sur la continuité de la chaîne des savoirs de Pythagore à nos jours. Le passage des doctrines les unes dans les autres témoignait de la dynamique d’un développement de la pensée qui semblait ne pas connaître de failles. Or si la savante assemblée que je présidais m’accordait la primauté de la source grecque, elle contestait en revanche la continuité du lignage, objectant des lacunes dans la chaîne, voire des maillons manquants. Je dus faire un état des lieux : si les Présocratiques et les Sophistes, l’Académie et le Lycée, le Portique et le Jardin ne cessaient à cette époque de susciter des recherches, si le Néoplatonisme ouvrait le champ à un superbe inventaire, qui devait offrir un atelier des plus féconds à la spéculation1, des zones d’ombre ne laissaient pas de subsister sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, en dépit des initiatives de Jean Trouillard et des efforts de Francis Bertin pour reconstituer le chaînage dionysien, en traduisant et commentant le Periphyseon de Jean Scot Érigène. En aval, j’assurais le passage aux Lumières de l’Humanisme, en faisant valoir ces transmetteurs que furent Nicolas de Cues et Charles de Bovelles. En amont, il semblait qu’il y eut un maillon manquant au passage du cinquième au sixième siècle, un nocturne dont je voulus interpréter la leçon de ténèbres. La question était de savoir comment ce moment d’une crise sans précédent où s’effondrait l’Empire romain sous le coup des Barbares, avait pu assurer la transmission de l’héritage des mille ans de culture, qui avaient construit l’Occident, depuis l’« être homme ensemble » (συνανθρωπεῖν) de Plutarque de Chéronée (Préceptes politiques, 813b) jusqu’à l’« universelle humanité » (communis humanitas) de Cicéron (Sur sa maison – De domo sua). L’« hominescence », selon le mot de Michel Serres, à travers mille 1 Permettons-nous d’évoquer l’éminent Henri-Dominique Saffrey, disparu âgé de cent ans en mai 2021, qui aura attaché son nom à celui de Proclus et de sa postérité.
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renaissances successives, ne devait pas connaître de cesse. C’était l’occasion de mettre en œuvre la logistique du CNRS. Sur la recommandation d’un correspondant aixois, le brillant latiniste Jean-Louis Charlet, je suscitais la candidature d’un de ses étudiants, Alain Galonnier, qui, grâce aussi à l’engagement bienveillant et attentionné du R.P. Michel Corbin sj ainsi qu’à l’efficace concours de Marie-Odile Goulet-Cazé, fut recruté en 1988 comme chargé de recherche, pour un dossier centré sur Boèce. Trente-quatre ans de travail inlassable devaient le conduire à satisfaire pleinement au cahier des charges de ses fonctions. Avant de s’approprier par la traduction l’ensemble de l’œuvre du sénateur en sa qualité de théologien, Alain Galonnier tint en 1997 à publier l’Anecdoton Holderi (l’Inédit de Holder), qui permettait de clarifier un élément capital au dossier de la controverse ouverte en 1699 par Gottfried Arnold, document qui imputait à notre auteur, sur la foi d’un fragment de manuscrit intéressant l’entourage de Cassiodore, les Opuscules sacrés. Cette clarification effectuée, il pouvait organiser sous le parrainage de Jacques Fontaine et le haut patronage de la Fondation Singer-Polignac, un colloque international, Boèce ou la chaîne des savoirs, qui devait se tenir à Paris du 8 au 12 juin 1999. Publiés en 2003, les actes de ce colloque constituaient l’indispensable préalable à une reprise méthodique de l’ensemble de l’œuvre théologique, qui donna lieu en 2007 à la publication du volume I des Opuscula sacra, dits « Capita dogmatica », suivie en 2013 de celle du volume II, comportant le De sancta Trinitate (« De la sainte Trinité ») et le De persona et duabus naturis (« De la personne et des deux natures »). Manquait, the last not the least, la Consolatio philosophiae, que nous présentons aujourd’hui, toujours sous la signature d’Alain Galonnier, traduisant la prose de Boèce, tandis que Jean-Louis Charlet, fidèle à l’entreprise, se chargeait, en très grand spécialiste de la poésie latine tardive, de restituer la teneur poétique des séquences versifiées, puisqu’il s’agit d’un prosimetrum. La contribution de Jean-Louis Charlet à cette traduction mérite d’être saluée. Elle met fort bien en lumière le contraste entre la sobriété de la prose de Boèce, attaché à rendre une stricte maïeutique, non dépourvue du reste d’effets stylistiques, et la virtuosité de sa versification, donnant fort à propos la tonalité affective des différentes étapes de ce cheminement. On se doit d’admirer la sérénité de Boèce faisant œuvre poétique, alors même que Philosophie vient de donner congé aux Muses. L’Empire romain est en lambeaux, les Barbares s’y taillent des royaumes, eux-mêmes en proie à la calomnie et à la délation et dès lors mortellement divisés. Qui remembrera le paradis perdu dispersé sur toute la terre, sinon, à défaut d’un thaumaturge, un magicien comme le dira
préface
XIX
l’acte d’accusation. Qui pourra réenchanter le monde, sinon un expert en ce que Georges Steiner, témoin d’un autre désastre, appellera « les arts du sens ». En 460, sous la domination vandale, on avait déjà voulu s’y risquer, quand un fils romanisé de l’antique Carthage, Martianus Capella, réactivant le trivium et le quadrivium, voulut mettre les lecteurs de ses Noces de Philologie et de Mercure en mesure de s’élever par degrés à la connaissance et à la contemplation de l’ordre divin du cosmos. Soixante ans plus tard, celui qui fera figure du « dernier des Romains » (ultimus romanorum)2, tente d’élever à la hauteur de son destin tragique la figure de grand commis d’un empire qui n’est plus que la parodie de ce qu’il avait été durant près d’un millénaire. Le contrat entre les mots et les choses tient-il encore pour qu’on puisse y prétendre ? Les noms ont-ils encore parti lié avec leur référent ? C’est toute la question que soulève la Consolation de philosophie. Quelle authenticité le sang du martyr confère-t-il à cet ouvrage ? On s’est mépris sur l’intention même de son auteur comme en témoigne la querelle qui lui est faite, dès le haut Moyen Âge, de n’avoir su mourir en Chrétien. C’était faire peu de cas de la torture héroïquement supportée, du silence gardé jusqu’au dernier jour et de la réserve sans cesse manifestée à l’endroit des sagesses tant du Portique que du Jardin. Seule la mort de Socrate a valeur exemplaire, comme si le témoignage de Boèce s’inscrivait déjà dans la longue tradition qu’illustrera Marsile Ficin (c. 1499), quand, dans sa Confirmatio Christianorum per Socratica, il fera du maître de sagesse une « adumbratio Christi (ébauche du Christ) ». Dès lors il est difficile de dissocier la Consolation de ce que Leibniz, après Agostino Steuco († 1548)3, appellera « philosophia perennis (philosophie pérenne) », voyant dans une concordance entre Platon et Aristote le vecteur traversant les siècles, capable d’assurer la transmission de la lumière édénique à l’Empire romain et à la Catholicité médiévale. « Platon est un Moïse qui parle grec », dira justement Numénius (fl. 2 Le syntagme, maintes fois utilisé, relève d’une conception par époques de l’histoire de la philosophie. Adrien Fortescue (1925, p. XX-XXI) le privilégie dans son De vita Boethi pour désigner l’accomplissement du Romain : « minanti Theodorico exitium totius senatus, Boethium tamquam victimam piacularem devovere haud dubitaverunt. Unde hac saltem de causa merito dicendus est Boethius “ultimus romanorum” = Théodoric ayant juré la perte de tous les sénateurs, ceux-ci n’hésitèrent pas à offrir Boèce pour ainsi dire en victime piaculaire. Aussi, est-ce à cause de cela que l’on doit le dire à bon droit et à tout le moins “le dernier des Romains” ». 3 Archiviste du Vatican, élevé à l’épiscopat en 1547 pour défendre au Concile de Trente la doctrine du magistère romain. On lui doit une importante compilation des trésors de la littérature greco-latine prédisposant au Christianisme, publiée sous l’intitulé : De perenni philosophia, chez Sébastien Gryphe à Lyon en 1540.
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c. 150)4, tandis qu’Origène le Chrétien († c. 254), disciple d’Ammonios Saccas († c. 243), fera de la théorie des Idées l’embrasement d’un monde transfiguré par l’Esprit. À se situer dans cette tradition qui est celle même dans laquelle a été sans cesse lue et commentée la Consolation, ne convientil pas de citer ce distique de Jean de Salisbury, identifiant « Philosophie » : « Si verus Deus est hominum sapientia vera Tunc amor est veri philosophia dei = Si le vrai Dieu est la vraie sagesse des hommes, Alors la philosophie est l’amour du vrai Dieu »5.
La méprise, dont la Consolation fut l’objet, est récurrente tout au long de sa transmission ; elle ira jusqu’à conduire le philologue allemand déjà cité, Gottfried Arnold, à mettre en cause l’authenticité boécienne des Opuscules sacrés. Il fallut la publication en 1877 de l’Inédit de Holder (Anecdoton Holderi) par Hermann Usener pour faire justice d’une telle allégation. D’une façon très opportune, Alain Galonnier donna en 1997 une traduction française, introduite et annotée, de l’Anecdoton, sous-titrée Eléments pour une étude de l’authenticité boécienne des Opuscula sacra. La cause était entendue, mais l’énigme ne manquait pas de subsister : si l’auteur de la Consolation était bien le même que celui des Opuscules sacrés, comment expliquer que cette préparation à la mort soit dépourvue de toute tonalité évangélique et de référence à la croix du Christ ? L’invocation d’une certaine prudence à l’endroit de l’Arianisme de Théodoric, dont Boèce aurait pu espérer jusqu’au bout la clémence, a certes toute son importance et sa pertinence, mais elle n’est pas selon nous une explication suffisante : la question est d’abord celle de l’exacte portée de cet écrit et en définitive de son sens. On voudrait que l’ouvrage rende compte de la foi catholique de son auteur. Celui-ci, injustement condamné, pourrait s’en prendre à Dieu d’un destin aussi inique. La question est entrevue mais aussitôt éludée : « Si vraiment Dieu existe, d’où vient le mal ? Mais d’où vient le bien, s’il n’existe pas ? » (I, 4, 30)6. La Consolation ne relève pas de la 4 D’après Clément d’Alexandrie (Stromates, I, 22, 150, 4) et Eusèbe de Césarée (Préparation évangélique, IX, 6, 9) : Platon est « Μωυσῆς ἀττιχίζων ». Marsile Ficin, qui le tenait de ce dernier, nous rapporte le mot en sa Théologie platonicienne (III, p. 169). 5 Entheticus de dogmate philosophorum, v. 307-308 (= Pepin, p. 146) – cité par Marcel (1958, p. 47). 6 Les renvois au traité sont et seront à lire ainsi : chiffre romain, chiffre arabe, chiffre arabe = livre, prose, paragraphe (II, 2, 3) / chiffre romain, chiffre romain, chiffre arabe = livre, mètre, vers (II, II, 3). Les renvois à l’introduction, quant à eux, comporteront des points (VI. I. 9).
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théodicée ; il ne s’agit pas de justifier Dieu, mais de diagnostiquer chez l’homme une maladie et d’y remédier. La métaphore médicale court tout le long du livre I. Il revient à la philosophie et non pas à la théologie de dresser le diagnostic de cet état d’hébétude et de prostration dans lequel l’homme est plongé. Or cet état ne tient qu’à une erreur de jugement ; laissons donc parler Philosophie : « Puisque tu ignores quelle est la fin des choses…, tu estimes que les vicissitudes des fortunes dérivent au hasard sans personne qui les dirige : voici de grandes causes non seulement de maladie, mais aussi d’anéantissement » (I, 6, 19). Pour démystifier le malheureux, rien de tel que lui rappeler que le monde est gouverné par la raison (I, 5, 6). Et Philosophie peut conclure : « Nous tenons le meilleur stimulant pour ton salut : ta conception vraie sur le gouvernement du monde, parce que tu le crois soumis non pas à la contingence des faits, mais à la raison divine ; ne redoute donc rien : désormais, pour toi la chaleur vitale va se dégager de cette toute petite étincelle » (I, 6, 20). Il s’agit d’une conversion du regard, d’une rectification du jugement. Pourtant on n’est encore qu’au début d’un long travail de démystification. L’enflure s’est indurée jusqu’à produire une tumeur qui va réclamer remèdes plus énergiques (I, 5, 12). Rien de surprenant que le commentaire psychologique se fasse plus véhément : « Ton ressentiment s’est enflammé contre Fortune… puisqu’un très grand tumulte de passions a déferlé sur toi… le ressentiment, la colère et l‘affliction t’écartèlent en tous sens » (I, 5, 10-11). Significative référence à une notion qui connaitra une certaine fortune dans la littérature contemporaine, pensons à Frédéric Nietzsche (Généalogie de la morale) ou à Max Scheler (L’homme du ressentiment), le ressentiment traduit un sentiment qui revient sur lui-même de manière vindicative au lieu de se déployer à la rencontre de tout ce qui peut faire sens. Il ferme au lieu d’ouvrir. Le mot « ressentiment » traduit en effet très exactement le latin conquestus : nous faisons querelle à ce que nous ne pouvons nous approprier ; nous nous en prenons à l’ordre du monde quand il n’est pas conforme à notre raison ; nous nous insurgeons contre le cours des choses quand il ne répond pas à notre attente, et c’est cette méchante querelle, plus que la suite des événements, qui fait notre malheur. À dénier tout sens au sens, on est menacé par le nihilisme. Voici le terrain sur lequel se place Boèce, au plan de la défense de la raison et du bon sens, et non au plan de la défense de la foi, mais qui contesterait que cette défense de la raison incombe aussi au croyant ? La Consolation relève des « arts du sens ». Elle rouvre l’espace médiumnique de la communication ; elle réalise cet accord (Stimmung) qui nous met au diapason des harmonies sidérales.
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« L’ère de l’Épilogue », comme disait Georges Steiner (Réelles présences), n’est pas celle de notre seule modernité, elle est celle de toute période où la crise est si profonde que le monde ne semble plus avoir de sens. Ainsi faut-il entendre le sixième siècle pour le monde latin. On conçoit le rôle primordial de la philosophie et du personnage qui l’incarne dans la Consolation ; c’est elle qui vient soutenir et soigner l’homme malade. Mais quelle philosophie ? D’emblée s’impose le Platonisme qui l’emporte de loin sur l’Épicurisme et sur le Stoïcisme. Si l’Aristotélisme a droit à une mention, c’est dans la mesure où il peut s’accorder avec le Platonisme et lui apporter une aide logistique7. Il semble que déjà se profile ce que la tradition appellera pia philosophia (« pieuse philosophie ») et que se fait entendre le mot de Pascal : « Platon pour disposer au Christianisme » (Pensées, 612 Lafuma). Le Platonisme aurait une valeur propédeutique et protreptique en matière religieuse et cela déjà au sixième siècle. Il créerait un climat de spiritualité propice à l’intelligence du mystère chrétien ; bien plus il produirait une porosité de l’âme à la vie de l’esprit. Les Pères de Église en avaient largement usé : citons Eusèbe de Césarée, dont la Préparation évangélique montre l’usage que l’on faisait des thèmes platoniciens dans l’initiation au Christianisme. Eusèbe se souvenait du grand Origène (c. 185c. 254) qui, un siècle plus tôt, dans la même cité, avait, en son Contre Celse, pratiqué la mise en abîme de la théologie chrétienne au miroir du Platonisme, utilisé comme révélateur de ce qui restait caché sous le voile de la sainte Écriture. En réponse à Celse, qui avait voulu juger de la religion à l’aune du vrai, saint Augustin, à l’orée du cinquième siècle, dans son De la vraie religion, peut se prévaloir de Platon, pour retourner le discours vrai en vrai logos, ce qui était affaire non pas d’argumentation mais de conversion (μετάνοια). Tout va se jouer désormais au plan de l’interprétation, Platon étant à la fois interprété et interprétant. À ce titre, la Consolation de Philosophie sera, au sixième siècle, l’un des plus beaux monuments de l’herméneutique platonisante. On comprend dès lors la formule que, mille ans plus tard, osera Marsile Ficin, quand il saluera l’émergence d’une « philosophie qui est en quelque sorte une religion » (religio quaedam philosophia), cette « pia philosophia » que lui révèle le Plato latinus, qui sort à Florence sur les presses de Lorenzo Veneto et Alii en 1484 ; le chanoine médicéen vient 7 Traducteur d’Aristote, dont il se veut tributaire dans l’art de définir, d’interpréter, de démontrer, Boèce n’en platonise pas moins quand il s’agit d’accéder au mystère de l’existence. Ainsi peut-il être considéré comme un précurseur de la « symphonia Platonis et Aristotelis », pour reprendre la formule de Symphorien Champier († 1538).
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en effet de donner la première traduction latine des œuvres complètes de Platon. On assiste à un étonnant phénomène d’acculturation : latiniser l’archivium hellénique, c’est déjà le christianiser. Or la transmission porte essentiellement sur l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. La philosophie se fait alors spontanément la servante de la théologie. Soixante ans après le martyre de Boèce, le grégorien devient la langue de la lectio divina. On peut en induire ce qu’a été d’emblée le rayonnement de la Consolation, rendant audible après une profonde crise du sens le message chrétien. Le monde à nouveau donne à sentir et à comprendre. Boèce nous exhorte à parier pour le sens. Le malheur qui l’accable est-il en effet aussi sûr qu’il paraît ? L’économie du monde ne mérite-t-elle pas d’être réévaluée ? En préliminaire à la conversion du libertin, Pascal un jour se le demandera, remarquant qu’il n’est rien au monde qui n’ait été, à un moment de l’histoire, considéré comme le « souverain Bien » : l’un le met « en la vertu, l’autre le met en la volupté, l’autre à suivre la nature, l’autre en la vérité, l’autre à l’ignorance tranquille, l’autre en l’indolence, d’autres à résister aux apparences, l’autre à n’admirer rien, et les braves Pyrrhoniens en leur ataraxie, doute et suspension perpétuelle, et d’autres plus sages, qu’on ne le peut trouver » (Pensées, 76 Lafuma, voir aussi 148). On n’échappera à la confusion qu’en prenant un parti et en s’y tenant ; ce pourquoi l’on parie se doit de faire sens. Or, qu’est-ce que poursuit inlassablement le désir humain, sans jamais pouvoir s’en satisfaire ? Le bonheur, dont les contours approximatifs, tels que l’être humain les conçoit, sont « richesses, honneurs, puissance, gloire, voluptés » (Consolation, III, 2, 12). Ces différentes facettes se conditionnent les unes les autres, au point que si l’une fait défaut, toutes sont emportées : les richesses ont besoin de la justification par les honneurs, ceux-ci ne sont garantis que par le pouvoir qui revient toujours au prestige, c’est-à-dire à la gloire. Les biens n’ont de consistance que dans leur synergie, comme s’ils étaient un seul et même bien, le Bien suprême, « qui régit tout avec force et dispose tout avec douceur » (III, 12, 22). Comment ne pas reconnaître Dieu en ce Souverain Bien ? « On croit à bon droit que Dieu gouverne toutes les choses avec le timon de la bonté et que… ces choses mêmes se hâtent toutes par une tendance naturelle vers le Bien » (III, 12, 17). L’Unique nécessaire fait toute la consistance de l’univers. « L’ordre de la nature ne procéderait pas en étant aussi assuré et ne déploierait pas ses mouvements si bien ordonnés quant au lieu, au temps, à l’efficience, aux espaces, aux qualités, s’il n’y avait pas quelque chose d’un qui ordonnât, lui-même demeurant, la variété de ces m utations »
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(III, 12, 7 – nous soulignons). De l’harmonie de l’univers on remonte naturellement à l’unicité du principe, qu’anticipe la belle invocation de Philosophie en forme de prière : « Ô toi qui gouvernes le monde avec l’éternelle raison… Ô Père, donne à mon esprit de m’élever à ton séjour auguste, Donne lui de voir la source du bien, dans la lumière retrouvée… Et brille en ta splendeur. Car tu es le serein des justes, Tu es leur tranquille repos et te voir est leur fin, À la fois principe, vecteur, guide, chemin, et terme ultime » (III, IX, 1… 22-23… 26-28). En sa jubilation, Philosophie nous veut assurer que nous avons ressaisi le sens du sens. Orphée a retrouvé son Eurydice. On parvient au terme de cette conversion (μετάνοια), quand on accède au sentiment que le monde, fondé sur l’injustice et sur le mensonge, n’est rien. On ne lui aura donné consistance qu’en hypostasiant indûment l’usage nominal de l’infinitif du verbe « être » tant pour dire le Bien que pour dire le Mal. Les méchants façonnent leur destin dans les brouillards inconsistants d’un mauvais rêve. Ils sont de ce fait les plus malheureux des hommes, alors que le moindre geste de justice s’inscrit dans le monde réel et contribue à l’édification du Royaume de Dieu. Ainsi l’Hédonisme de la société de consommation se perd dans le néant, alors que toute action ordonnée au souverain Bien, conspirant à l’unité primordiale, s’inscrit dans l’être. L’inspiration est platonicienne, voire néoplatonicienne plutôt que chrétienne. On pourrait certes se référer au « Tout est vanité » d’Ecc 1, 2, mais on doit constater l’absence de toute référence au Sermon sur la montagne (Mt 5, 6 et 7) et à l’évangile des Béatitudes : « Bienheureux ceux qui pleurent parce qu’ils seront consolés » (Mt 5, 4). Il faut dire qu’au sixième siècle la spiritualité était axée davantage sur l’Eucharistie que sur la Passion du Christ. Les deux derniers livres ne seront plus que le travail du tisserand platonicien, nouant fils de chaîne sur fils de trame, liberté sur nécessité, libre arbitre de l’homme sur prescience divine. Sub-tela8 : la « tapisserie retournée » révèle le meilleur des mondes possibles. Anicius Manlius Severinus Boethius martyr chrétien aura élevé sa culture hellénique et son humanisme latin à la hauteur de son destin, inscrivant son sacrifice au palmarès des témoins de la liberté, comme le furent Cicéron et Sénèque et avant eux Socrate, double posture qui explique que l’une ait pu cacher l’autre. Pourtant la référence chrétienne vient se rappeler à notre attention au final du livre V. Nous voudrions y revenir. 8 En introduisant la notion de « subtilité » dans son De subtilitate, Jérôme Cardan (1501-1576) n’entend pas doter l’homme d’un sixième sens, mais seulement faire de lui le tapissier d’un monde qui n’apparaît qu’au revers du canevas.
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Parvenu sur le seuil, Boèce se met en prière, non pas pour une prière de supplication, mais pour une prière de louange, la plus exultante qui soit. Lisons la prose V, 6, 47 : « Détestez donc les vices, cultivez les vertus, exhaussez l’esprit vers de droites espérances, hissez d’humbles prières au plus haut des cieux (humiles preces in excelsa porrigite) ». Comment ne pas penser au Gloria in excelsis Deo ? Puis vient l’évocation du souverain Juge : « Grande est pour vous – à moins que vous ne vouliez vous dissimuler à vous-même – la nécessité impérieuse de la probité quand vous agissez devant les yeux du Juge qui discerne tout » (V, 6, 48). La prière de louange cependant ne saurait exclure la prière de demande. Ce qui est à remarquer c’est qu’à la dernière ligne de la Consolation, le Christ apparaisse sous la figure du Juge tel qu’il doit revenir au dernier jour du monde. On ne saurait s’y tromper, le Christ est là, qui tient la balance en faveur du juste et fait de nécessité humblement consentie justice divine. Tout ordonné à la prière, véritable protreptique à l’oraison, le livre V de la Consolation en établit les conditions de possibilité. Comment concilier prescience divine et libre arbitre de l’homme ? Le destin semble inscrit dans le marbre, mais est-ce la prescience qui est cause de la nécessité des choses futures ou la nécessité des choses futures qui est cause de la providence (V, 3, 9) ? Ce qui est en question pour le prisonnier qui attend son arrêt, c’est la solidité de l’espérance et l’efficacité de la prière. Est-ce parce que Dieu en a la prescience que la partition humaine est déjà écrite ? Ce serait rendre l’homme irresponsable. Que le concours de Dieu à l’événement soit entier ne décharge pas l’homme de sa responsabilité, ce qui fait – comme le dira Malebranche – qu’il pèche doublement en chacune de ses défaillances, puisqu’il implique Dieu dans son propre péché9. Ce serait prendre les choses à l’envers que de dire des événements inscrits dans le temps qu’ils sont cause de la prescience éternelle. Les remettre à l’endroit c’est comprendre que le libre arbitre de l’homme inscrit ses méfaits comme ses bonnes actions dans le livre de Dieu. En une superbe formule, Boèce peut conclure : « C’est… à front renversé (praeposterum) qu’il est dit que la réalisation des choses temporelles est la cause de l’éternelle prescience » (V, 3, 15). Le mot de la fin revient alors à Philosophie : « Ce n’est pas en vain que sont placées en Dieu espérances et prières, qui, lorsqu’elles sont droites, ne peuvent être inefficaces » (V, 6, 46). Quand le mal se fait plus lourd, la grâce que nous valent nos prières surabonde. 9 Autrement dit, puisqu’il n’est d’efficace qu’en Dieu, chaque fois que nous agissons, nous mettons en jeu la puissance divine et courons le risque de la profaner.
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Aurait-on retrouvé le chaînon manquant ? Poursuivant son enquête en publiant le traité De l’âme de Cassiodore, Alain Galonnier nous rappelle que celui-ci, vers 550, aurait édité et commenté la Consolation, en en faisant, ajouterons-nous, un laboratoire de pensée, en mesure de former les cadres d’une nouvelle société, susceptible de répondre aux besoins du moment. Partant d’un simple scriptorium, institué à des fins de conservation des trésors de la tradition gréco-latine, la fondation de Vivarium en Calabre, sur les terres de la famille des Cassiodore, donnait consistance au projet non-réalisé des « scholae christianae» qui, vingt ans plus tôt, témoignait déjà de l’urgence de réédifier l’homme. C’est l’époque des règles monastiques : Benoît de Nursie établit la sienne au Mont-Cassin en 529 ; vers 554, Cassiodore, retiré du politique et converti au Catholicisme, éprouvant le besoin d’une vie cénobitique, établit sa propre règle qui, pendant près de cinquante ans, dirigera la communauté des « EauxVives » (Vivarium). Or comment bâtir l’homme, si ce n’est en réactivant « l’archivium gréco-latin », seul capable de garantir ce « partage d’humanité » (communis humanitas) prôné par Cicéron dont les Tusculanes disposent leurs lecteurs médiévaux à une spiritualité chrétienne. Que le projet, même non suivi d’effet, de fondation de « scholae christianae » dans les années 530, ait précédé chez Cassiodore sa conversion au Christianisme, traduit l’inspiration toute humaniste de la réforme morale envisagée : il s’agit moins d’évangéliser la société que de produire une synergie entre culture profane et spiritualité chrétienne. Que le traité De l’âme apparaisse comme le dernier livre des Variae, recueils de lettres et notices bio-bibliographiques, en est la preuve. L’inflexion chrétienne semble se produire spontanément. Le partage des genres doit être respecté : l’Expositio Psalmorum ne témoigne-t-elle pas chez Cassiodore de sa pratique quotidienne de la lectio divina telle qu’elle sied à un converti ? La méditation de la Consolation aura porté ses fruits. Qui dénierait à Boèce d’avoir été un pontonnier de la vie de l’esprit en ce sixième siècle si fracturé ? La chaîne des savoirs a retrouvé sa continuité. L’incroyable fécondité de la Consolation en sa postérité plaide d’elle-même. Une double posture, dont une face cache l’autre sans la contredire, la dissimulant pour lui permettre de passer les censures, telle est la clé de l’énigme qui pouvait nous interdire l’accès à la Consolation. C’est le Platon d’André-Jean Festugière (Contemplation et vie contemplative selon Platon), de Jean Trouillard (Raison et mystique. Études néoplatoniciennes) et de Stanislas Breton (« Actualité du néoplatonisme ») qui nous en ouvre l’intelligence. La réception de l’ouvrage, au fil des siècles, est dès lors révélatrice de la plus ou moins grande disponibilité de
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l’Humanisme au Christianisme, mais en dépit de moments soupçonneux, Platon reste le grand passeur de la tradition chrétienne. L’Humanisme eut ses éclipses, périodes où la foi se fait ombrageuse, au point de se défier des lumières de la raison. Cependant ces réticences ne doivent pas faire oublier les célébrations de la Consolation au quinzième siècle avec Jean Gerson, puis Marsile Ficin, qui rappelèrent quel laboratoire pour la vie spirituelle n’avait cessé d’être l’œuvre de Boèce. Pierre Magnard
INTRODUCTION I. L’homme : un relatif inconnu Si l’on s’en tient au principe énoncé par l’historien allemand de la Renaissance Michael Piccart (1574-1620), conseillant à tout interpres de ne s’en remettre qu’aux « écrits de ceux qui ont écouté l’auteur [dont il s’occupe] de son vivant, ou ne sont pas trop éloignés de son époque »1, la vie de Boèce nous reste passablement mystérieuse, donc propice aux extrapolations et à la fabulation, car la détermination de ses principaux jalons dépend, elle aussi, de la fiabilité souvent relative de sources rares, disséminées et allusives. L’autobiographie que livre sa Consolation, unique témoignage de ce genre le concernant, ne touche qu’aux événements en lien avec ses responsabilités publiques au service de l’administration ostrogothe de Théodoric. Toute la première partie de son existence nous échappe donc et nous n’avons à notre disposition aucun moyen d’y remédier dans les limites définies par Piccart. Quant au document appelé Inédit de Holder (Anecdoton Holderi), il ne nous informe de rien de majeur sur le sujet : « Boethius dignitatibus summis excelluit. utraque lingua peritissimus orator fuit. qui regem Theodorichum in senatu pro consulatu filiorum luculenta oratione laudavit. scripsit librum de sancta trinitate et capita quaedam dogmatica et librum contra Nestorium. condidit et carmen bucolicum. sed in opere artis logicae id est dialecticae transferendo ac mathematicis disciplinis talis fuit ut antiquos auctores aut aequiperaret aut vinceret = Boèce excella par les plus hautes dignités et fut un orateur des plus accomplis dans l’une et l’autre langue. II prononça au sénat, à l’occasion du consulat de ses fils, un éloge éclatant du roi Théodoric. Il écrivit un livre Sur la sainte Trinité, quelques Chapitres sur le dogme, et un livre Contre Nestorius. Il composa aussi un poème bucolique. Mais dans sa traduction d’œuvres de l’art logique, c’est-à-dire de la dialectique, et dans les sciences mathématiques, il fut tel qu’il égala voire dépassa les auteurs antiques »2.
On l’aura tout de suite compris, la valeur de ce témoin, qui aurait été extrait d’un libellus perdu de Cassiodore rédigé à l’intention d’un sénateur du nom de Cethegus, et dans lequel sont alignées trois notices 1 « Scripta eorum, qui vel auctorem eum viventem audiverunt, aut non longe ab ejus aetate ab fuerunt », dans Piccart (1605, f. B1 init. de la préface, intitulée Oratio de ratione interpretandi) – cité par Bianchi (2002). 2 Sur le document lui-même, voir aussi Galonnier (1996).
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touchant des descendants de la lignée cassiodorienne, à savoir Symmaque, Boèce et Cassiodore lui-même, tient principalement aux informations bibliographiques qu’il délivre, puisqu’une grande partie de la production de Boèce y est recensée, mais rien ou presque ne nous est divulgué de sa biographie. Que savons-nous alors vraiment de celle-ci dans le cadre étroit que nous nous sommes imposé ? I. 1. Naissance et ascendance L’année de la naissance de Boèce, qu’aucun chronographe ne consigne, est très approximative – entre 4753 et 4804 –, et son lieu – Rome5 ou Alexandrie6 – toujours soumis à débat. En revanche, l’arbre généalogique d’Anicius Manlius (Torquatus7) Severinus Boethius, jouit d’une bien meilleure assise historique. Membre de l’illustre dynastie des Anicii, qui compta entre autres une poétesse (Anicia Faltonia Proba), des empereurs romains (Petronius Maximus et Flavius Anicius Olybrius) et au moins un pape (Félix III – 483492)8, Boèce aurait été un Manlius par la lignée de son père, et un Severinus par celle de sa mère. En tant que descendant de la famille des Boethii, il aurait eu pour grand-père le Boethius préfet du prétoire de 454, que l’empereur Valentinien III (419-455) fit aussitôt assassiner9, et les mêmes fonds chronographiques et épigraphiques10 enregistrent un Nonnius
3 Beaucoup se sont laissés aller à retenir l’année 476 comme celle où Boèce vit le jour, date éminemment symbolique en ce qu’elle vit la chute de l’Empire romain d’Occident tout en étant tenue pour marquer le début du Moyen Âge. 4 Nous parvenons à cet éventail temporel en croisant trois données elles-mêmes instables : Boèce était plus jeune qu’Ennode (né en 473 ou 474) de quelques années ; il perdit très tôt son père (entre 487 et 490), nommé consul en 487 ; ses deux fils, consuls en 522, seraient nés au plus tôt en 497, puisque l’âge minimal pour obtenir cette magistrature était alors de 25 ans. 5 Aucun témoignage d’époque ne permet de retenir la ville éternelle comme étant celle où notre auteur vit le jour. 6 Voir Courcelle (1935), repris par Obertello (1979, p. 71). L’éventualité repose ellemême sur l’hypothèse que le père de Boèce aurait été préfet d’Alexandrie (praefectus augustalis) – voir infra, p. 3. 7 Torquatus a figuré régulièrement, dès le XVe s. et pendant longtemps, parmi les noms de Boèce. Mais la presque totalité des mss carolingiens l’ignore. 8 Voir, notamment, Ashbach (1870), Cracco Ruggini (1988) et Martyn (2006). 9 Sur sa carrière et les sources y afférentes, voir PLRE, p. 231 (Boethius 1). 10 Voir en particulier Hagenbuch (1749), pour le diptyque de Brescia, sculpté, dit-on, à l’occasion du consulat du père de Boèce.
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Arius Manlius Boethius11, préfet d’Alexandrie en 475-47612, puis consul de 487, qui passe pour avoir été le père de notre Boèce13. À la disparition prématurée de ce dernier (c. 490), tout récent praefectus urbis Romae, son très jeune fils est confié à la « protection des hommes les plus éminents »14, dont nous ne savons rien15. Effectué au début de la dernière décennie du cinquième siècle, un long séjour en Orient, où il aurait pu apprendre le grec et fréquenter des écoles néoplatoniciennes (une huitaine d’années à Athènes, puis un ou deux ans à l’école d’Ammonius à Alexandrie16), est une conjecture qui demeure fragile, en raison du caractère sibyllin des éléments permettant de l’envisager17. Car où situer entre autres l’union avec Rusticiana18, l’une des deux filles de Quintus Aurelius Memmius Symmachus (Symmaque)19, laquelle aurait dû avoir lieu au cours de la période 495-500, si l’on conjecture que les deux garçons qui en naîtront – Boèce (junior) et Symmaque (junior) – et deviendront tous deux consuls en 52220, seraient nés vers 49721 ? En tout état de cause, ces 11 D’après Delbrück (1927-1928, p. 103, n. 7). Cameron (1981) a proposé de syncoper Nonnius Arius en Marius. 12 Notre unique source est ici la mention d’un Βοήτιος, préfet d’Alexandrie sous le patriarchat de Timothée Aelure, dans l’Historia ecclesiastica du Pseudo-Zacharie le Scholastique (= Brooks, p. 218, 19). Mais il y eut deux patriarchats de Timothée : de 457 à 460 et de 475 à 477. 13 Sur sa carrière et les sources y afférentes, voir PLRE, p. 232-234 (Boethius 2 et 4). Certains, toutefois, distinguent ce préfet d’Alexandrie, qui aurait été alors l’oncle de Boèce, de son père, ce qui n’est pas sans importance, dans la mesure où le premier est soupçonné de sympathie eutychienne – voir Martyn (2006, p. 2-3). 14 Voir Consolation, II, 3, 5. Pour les renvois au traité, voir supra, Préface, n. 6. 15 Obbarius (1843, p. 134), croit y reconnaître Festus (sans doute le consul de 472 – voir PLRE, p. 467-469) et Symmaque, le futur beau-père de Boèce. 16 D’après De Vogel (1971, p. 65). 17 Elle se fonde, pour l’essentiel, sur les témoignages très évasifs d’Ennode (Ep., 7, 13 = Vogel, p. 236, 25-27), de Cassiodore (Variae, I, 45) et de Zacharie le Scolastique (Ammonius ou De opificio mundi), que nous retrouverons plus loin. Quant aux arguments de certains exégètes favorables à ces séjours (notamment Shiel (1958 et 1990), Courcelle (1967) et De Rijk (1964)), qui reposent sur l’analyse des commentaires et des traités de dialectique de Boèce, ils ont tous trouvé leurs contradicteurs. 18 D’après Procope, De bello gothico, III, 20. L’hypothèse d’une union, en premières noces, avec la poétesse Helpis, d’où seraient nés deux fils, Patrice et Hypace, relèverait d’une confusion avec l’un des fils de Boèce – voir PLRE, p. 232. Signalons encore que l’arrière petite-fille de Boèce se nommait également Rusticiana ; elle fut la correspondante de Grégoire le Grand (voir, par exemple, son Ep. 4, 44 = Hartmann, p. 279-280) ; voir aussi Brasseur (2006), entres autres p. 83-86. 19 Se rencontre parfois avec la graphie « Symmache ». Voir Consolation, II, 4, 5. Patrice et consul en 485, Symmaque siègea à la tête du sénat – voir PLRE (Symmachus 9). 20 Voir, parmi d’autres, Fasti Vindobonenses Posteriores (= Mommsen, p. 332), et Marius d’Avenches, Chronica (= Mommsen, p. 234). 21 Voir supra, n. 4.
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événements durent précéder de peu les premiers écrits de Boèce sénior sur le quadrivium et le trivium. Les trois missives qui lui sont adressées durant les années 507-510 par Cassiodore, au nom de Théodoric, montrent, malgré leur flatterie ampoulée, que sa réputation d’homme de science et de précepteur de l’Occident latin était déjà constituée. Elle précède ellemême de peu le début de sa carrière politique22. I. 2. Formation intellectuelle Cette rubrique aurait dû être capitale pour la Consolation, en ce sens qu’elle aurait pu nous fournir des indications quant à la nature de la culture que Boèce aurait pu recevoir, aperçu déterminant pour ne pas distendre à l’extrême l’apparat des sources, problème sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Malheureusement, quand on reste fidèle au principe piccartien, rien de précis sur le sujet ne nous est parvenu23. Les envolées rhétoriques d’Ennode sont bien trop évasives pour fournir quoi que ce soit d’exploitable24. Dans un tout autre registre, la mention de Zacharie le Scholastique (c. 460-c. 533) en son dialogue Ammonius, soustitré De l’origine du monde (De opificio mundi)25, qui fait état de l’instruction dialectique, à Béryte (aujourd’hui Beyrouth), d’un homme jeune 22 Voir Variae, I, 10 (Théodoric confie à Boèce une enquête sur la plainte de gardes du corps grugés dans le paiement de leur solde par le caissier des préfets du prétoire), I, 45 (Théodoric charge le patrice Boèce de trouver, pour le roi des Burgondes Gondebaud, une horloge solaire et une autre hydraulique, ainsi que des experts attachés à leur bon fonctionnement), et II, 40 (Théodoric lui confie le soin de fournir, pour le roi des Francs Clovis, le meilleur citharède, sans doute un chanteur qui s’accompagnait à la cithare). 23 Voir supra, p. 1. 24 Voir v.c. : « Ô toi… le plus pur des hommes… dont l’application, dans les années de jeunesse, sans préjudice de l’âge, fit un Ancien », Lettres, CCCXVIII – 7, 13 (= Vogel, p. 236, 25-27), et : « Il [i.e. Boèce] a conquis ses lauriers par la réflexion et n’a pas compté pour nécessaire de combattre les armes à la main. Il se distingue entre les glaives [de l’éloquence] de Cicéron et de Démosthène, et recueille ce que l’un et l’autre ont exprimé de plus pénétrant, comme s’il fut né dans la paix des arts elle-même », Lettres, CCCLXX – 8, 1 (= Vogel, p. 268). 25 L’auteur, contemporain de Boèce, de confession monophysite et ancien élève d’Ammonius Hermeiae à Alexandrie, y décrit sa rencontre, vers 487-488, avec un individu qui voulait se consacrer à l’étude de la jurisprudence. Il sous-entend qu’il s’agissait d’un Chrétien, qui, sous l’influence de l’enseignement reçu également d’Ammonius, avait « un peu incliné vers l’Hellénisme », c’est-à-dire le Paganisme, et commencé par répandre, parmi ses amis, des doctrines erronées sur l’origine du cosmos. Mais, souligne Zacharie, après l’avoir entendu soumettre ses propres vues sur la question, l’étranger le sollicita dans le but de rédiger les disputes qu’il avait eues à Alexandrie avec Ammonius et l’Iatrosophiste Ge(s) sios, lequel exerça sous l’empereur Zénon (474-491 – voir R. Goulet, DPA, III, p. 477-478).
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converti au Christianisme et venu d’Alexandrie, serait très révélatrice si quelque mention permettait d’identifier cet anonyme à Boèce, ce qui, selon nous, n’est point le cas. La flagornerie dont fit preuve Cassiodore dans ses trois Lettres adressées Boethio (Variae, I, 10 ; I, 45 et II, 40), ne nous est pas davantage d’un quelconque profit, en ce sens qu’elles cultivent le second degré et renvoient simplement à l’érudition du destinataire en matière de quadrivium acquise en Italie26. Quant au second livre des Institutions du même, bien moins expansif, ses différentes allusions à Boèce composent une notice d’ensemble qui porte exclusivement sur l’œuvre artiste de l’intéressé27. En troisième et dernier lieu, la Vita Boethii qu’il y aurait lieu, selon Troncarelli, de placer sous la responsabilité de Cassiodore28, n’aborde nullement les jeunes années de son compatriote. Procope de Césarée (c. 500-c. 565) est tout aussi muet, dans son Histoire des Goths, sur l’instruction de Boèce, ne consacrant à celui-ci que quelques lignes de peu d’originalité29. D’une manière très inattendue, le poète élégiaque Maximianus Etruscus (fl. s. VI) fait intervenir, dans sa troisième Élégie (c. 524), Boèce (Boethius), dont l’âge n’est pas donné, comme un praeceptor amoris, condition qui l’assimile par inversion des rôles à un consolateur de l’amoureux désemparé que prétend être Maximianus30. S’il convient de doter ce signalement de quelque vraisemblance, la seule possibilité pour que ce maître expérimenté et libertin en art d’aimer ait acquis une formation en ce domaine est celle qui situe cette dernière au temps de sa jeunesse. Enfin, les renseignements fournis par le De disciplina scolarium, un apocryphe boécien des années 12401250, donc bien trop tardif31, quoiqu’ils garantissent la réalité d’un séjour athénien studieux au cours de son enfance et/ou de son adolescence, ne 26 Il n’en ressort pour tout gain, quant aux jeunes années de leur destinataire commun, qu’il fut un individu au génie scientifique exceptionnellement précoce, très tôt couvert d’insignes honneurs. Voir, par exemple : « Nous avons appris que tu t’es gorgé d’une abondante érudition, à tel point que les arts, que les inconscients pratiquent d’une manière vulgaire, tu t’en es abreuvé à la source même des sciences. De même en effet que, situé à distance, tu as pénétré les écoles des Athéniens, de même tu as mêlé la toge aux chœurs des porteurs de pallium, en sorte que tu as fait que les théories des Grecs fussent une doctrine romaine », Variae, I, 45. 27 Voir Institutiones, II, III, 18; IV, 7 ; VI, 3 (= Mynors, p. 128-129 ; 140, 17-20 ; 152, 12-13). 28 Voir Troncarelli (1981, p. 12-14) et infra, p. 122. 29 Voir Histoire des Goths, I, I, 7 et II, II, 1. 30 Voir Webster (1900), v. 47-90. 31 L’auteur anonyme, censé être Boèce, y déclare : « Comme à une certaine époque je m’étais rendu à Athènes en vue de m’instruire (causa discendi) », puis : « J’ai grandi (convalui) à Athènes jusqu’à dix-huit ans (annis duobus de viginti) » (= Weijers, p. 104, 3-4 et 115, 10-11). Cet ensemble de règles de conduite destiné aux élèves et aux
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fournissent rien de plus pour évaluer l’apprentissage de Boèce en ces périodes. De toute façon, sa production triviale, quadriviale et théologique n’incite pas à en faire un érudit dans les domaines de la poésie, de la littérature et des histoires grecque et latine, bien que nous ne connaissions qu’une étude s’étant intéressée de près à quelques-unes de ces compositions autres que la Consolation sur un plan stylistique32. Pourtant, les rapprochements qui ne vont cesser de se multiplier dans notre traduction entre nombre d’expressions, de tournures ou de formules de cette dernière et celles d’auteurs plus ou moins classiques de ce patrimoine littéraire font de son rédacteur un grand spécialiste de celui-ci, tout particulièrement en matière de théorie poétique, ce qui ne rendrait pas inutile d’étendre les recherches à d’autres ouvrages boéciens. Par chance, nous sommes un peu mieux doté touchant son « cours des honneurs » (cursus honorum), c’est-à-dire le déroulement de sa carrière politique. I. 3. Titres, fonctions et res gestae C’est essentiellement sa titulature, rapportée par l’un des plus anciens codices contenant plusieurs de ses ouvrages, le Neopolitanus G. IV. 68 (s. IX2), qui nous renseigne le mieux sur le cursus honorum de Boèce : « Boethi(us) v(ir) c(larissimus) et inlustr(is) exconsul ordinarius exmag ( ister ) off ( iciorum ) atque patricius = Boèce homme clarissime et illustre ex-consul ordinaire ex-maître des offices et patrice ». Selon un ordre chronologique probable, le clarissime33 Boèce aurait accédé au patriciat – dignité sans réelle fonction –, vers 506-50734, puis au consulat ordinaire, en 51035, titre essentiellement p rofesseurs connut un grand succès et contribua grandement à accréditer le séjour d’études oriental du tout jeune (Pseudo-)Boèce. 32 Voir Di Capua (1914). 33 Le clarissimat, titre faisant accéder à quelques avantages, a pu lui être conféré par sa naissance. Depuis 485 environ, il ne donnait plus droit automatiquement à un siège de sénateur. 34 D’après Cassiodore, dont deux des trois lettres adressées Boethio (qui toutes remonteraient aux années 507-511) le sont à un Boethius patricius (Variae, I, 10 et I, 45). Cette datation est cependant contestée. 35 Seule date assurée. Voir, surtout, les mentions du Paschale campanum (a. 464-543) et du Cursus Paschalis de Victor d’Aquitaine (= Mommsen, respectivement p. 330 et 728). Précisons que les Fasti Vindobonenses Posteriores (= Mommsen, p. 330) le situent à l’année 509.
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honorifique et coûteux, souvent conféré à de jeunes hommes issus de la haute noblesse romaine, qui couvrait néanmoins certaines attributions. Entre les deux, peut-être a-t-il assumé la fonction de comes sacrarum largitionum (comte des largesses sacrées)36. Par ailleurs, et à une date inconnue, qui oblige à un bond d’une dizaine d’années37, durant laquelle sa carrière politique se dérobe à l’historien, Boèce endosse la charge de maître des offices38, son unique responsabilité politique d’envergure, dont il sera démis en 52339, peut-être avant la fin du mandat. En dernier lieu, Procope lui attribue, tout comme à son beau-père Symmaque, la responsabilité sénatoriale de πρῶτος τῆς βουλῆς40, que l’on peut traduire librement par « sénateur en vue », et qu’Obertello identifie à celle de caput senati41. Ce n’est pas vraiment une révélation puisqu’on en trouverait un écho sinon dans le clarissimat de Boèce, qui indiquait peut-être encore une primo-appartenance à l’ordre sénatorial, du moins dans son illustrat, qui correspondrait plus sûrement au statut de sénateur42. Nous devons les seuls détails de son action au poste de magister officiorum43 à un unique récit, celui en quatre épisodes fait par la Consolation. Sa présentation autobiographique, forcément tout à l’avantage du narrateur, renvoie l’image d’un maître des offices idéaliste et dévoué à son monarque Théodoric le Grand. Épris d’équité44, et très appliqué à servir le citoyen45,
Usener (1877, p. 38-39), le déduit de la lettre Variae, I, 10 de Cassiodore. On avance quelquefois, comme début de la charge, le 1er septembre 522 – par exemple Usener (1877, p. 38). 38 Deux mentions seulement en font état, celle de l’Anonyme Valésien : « Tunc Boethius… qui magister officiorum erat » (§ 84), et celle de la Consolation, I, 4, 8 (cf. ibid., III, 4, 1), où Boèce n’use cependant que du terme magistratum, qu’Usener (1877, p. 38, n. 5) identifie à magisterium officiorum. 39 C’est l’année où Cassiodore, dans des circonstances troubles et difficilement justifiables, lui succède. Voir Variae IX, 24, 6 et IX, 25, 8, ainsi que VI, 6, qui détaille la charge elle-même. Voir aussi Galonnier (2017, p. 16-18). 40 Voir De la guerre gothique, I, 7 : « Σύμμαχος καὶ Βοέτιος, ὁ τούτου γαμβρός, εὐπατρίδαι μὲν τὸ ἀνέκαθεν, πρῶτος δέ βουλῆς τῆς ῾Ρωμαίων… = Symmaque et son gendre Boèce étaient parmi les chefs de file du sénat et avaient été consuls » (= Veh, I, p. 346). En ces années, l’expression indiquerait la première place dans l’ordre sénatorial – voir Mommsen, (1890, p. 489, 4). 41 Voir Obertello (1974, p. 33). 42 Voir Lécrivain (1888, p. 156-161) concernant les prérogatives des sénateurs. 43 Sur celui-ci, voir Clauss (1981). 44 Voir Consolation, I, 4, 10 : Boèce dresse le rempart de son autorité contre deux fonctionnaires probablement d’origine gothe : Conigaste et Trigguilla. 45 Voir Consolation, I, 4, 13 : il intervient pour soustraire les biens d’un riche Paulinus des crocs de « chiens palatins » aux « gueules béantes ». 36 37
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surtout lorsqu’il est pauvre46 ou vulnérable47, il n’hésita pas à mettre parfois à mal une entente romano-ostrogothe à laquelle néanmoins il devait être très attaché48. Cela ne le préserva toutefois pas de quelque mésalliance signalée par Philosophie (Consolation, III, 4, 4), qui le fit s’associer avec un Decoratus fort peu recommandable. Nonobstant, c’est dans ce contexte majoritairement très favorable que l’épisode qui parut le plus glorieux à ses yeux lui sera fatal. I. 4. La chute Ce pourrait être aux environs de 523 que survint un complot dirigé contre lui, monté par les quatre accusateurs, débordants de jalousie tenace et de rancœur farouche, à l’origine de l’« affaire Albinus », qui précipita l’intrépide Boèce dans la disgrâce, et aboutit à sa condamnation, à son supplice puis à son exécution. L’exposé circonstancié en est fait dans la suite, peut-être un semblant complaisante, du même récit de la Consolation et dans deux fragments de l’Anonyme Valésien49, où nous apprenons entre autres que l’accusation fut double : crime de haute trahison, sur la base d’une fausse lettre de dénonciation – pour avoir participé activement à une vaste machination visant Théodoric, ourdie de connivence avec le pouvoir oriental –, et pratique réprouvée des arts funestes – magie ou astrologie (Consolation, I, 4, 37 et 41), voire les deux à la fois50. Cette seconde charge n’était point une première. Selon Cassiodore (Variae, IV, 22-23), entre 507 et 511, Symmaque, beau-père de Boèce, avait été l’un des cinq sénateurs (iudicium quinquevirale) chargés de juger un Basilius et un Praetextatus accusés précisément de se livrer à la magie noire. Soyons attentifs, avant d’y revenir plus longuement (voir infra, IV, 3), au fait que cette double accusation dont Boèce fut la victime n’aurait pas été sans revêtir une dimension religieuse par deux fois : avoir souhaité la 46 Voir Consolation, I, 4, 11: il se montre totalement solidaire de citoyens de province dépouillés par d’autres ou taxés par l’État. 47 Voir Consolation, I, 4, 12 : il s’érige en défenseur de Campaniens accablés par une sévère disette. Nous ne possédons aucun autre témoignage sur cet événement. 48 Voir Consolation, I, 4 14 sqq. : il s’implique pour venir au secours d’un sénateur Albinus, accusé, par quatre délateurs (Cyprianus, Basilius, Opilio et Gaudentius), dont certains auraient été d’origine gothe et de confession arienne (voir Amory, 1997, p. 370), de crime de lèse-majesté envers Théodoric, que ce dernier voulait étendre à tout le sénat. 49 Voir Consolation, I, 4, 10 sqq., et Anonyme Valésien, § 85-86. 50 Bonnaud (1931, p. 572) a tenté de montrer, à partir des Variae de Cassiodore, que Boèce a pu être perçu par ses contemporains comme un adepte de la science des Chaldéens.
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liberté de Rome (Consolation, I, IV, 26)51 aurait rendu manifeste la volonté d’attenter à une Italie ostrogothe et arienne, et s’adonner à une activité sacrilège de devin-magicien dénotait plus sûrement un comportement indigne en des temps chrétiens, comme le rappelle Théodoric dans les lettres citées de Cassiodore. Si 1.500 ans après, la vraisemblance de ces deux incriminations, surtout la seconde, nous semble chancelante dans le cas de Boèce, c’est en partie parce que nous jugeons avec un trop grand recul et une mentalité toute différente, bien qu’un proverbe remontant au XIIIe siècle, et en l’occurrence non obsolète à notre sentiment, nous dispenserait de multiplier les conjectures : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». Il n’en demeure pas moins qu’elles motivèrent l’arrestation, puis la détention du futur auteur de la Consolation. I. 5. Le lieu de réclusion Une incertitude demeure quant à savoir où Boèce fut détenu avant et après sa condamnation. L’enjeu qui s’y trouve attaché n’est pas pour nous à minimiser dans la mesure où la question se révèle décisive pour avoir une idée du fonds livresque qui aurait été ou non laissé à sa disposition. Deux hypothèses entrent alors en concurrence : soit le rédacteur de la Consolation fut autorisé à rester cloîtré chez lui, soit il fut assigné à résidence dans une pièce quelconque – la geôle étant peu vraisemblable (voir Consolation, II, 4, 17) –, qui le privait de tout recours ou presque (Philosophie est dite porteuse de libelli – I, 1, 6) à une documentation, considérable si l’on en croit l’ampleur du corpus suggéré de ses sources pressenties. La première conjecture (cloîtrement à domicile) est sans consistance confrontée aux textes. Néanmoins, il nous faut en dire un mot sachant qu’elle a été défendue par Lewis52. Plusieurs remarques autorisent à l’exclure, à commencer par ce que répond Boèce à une interrogation de Philosophie : « Bo. – L’aspect (facies) même de ce lieu (haecine) ne t’émeut-il (movere) en rien ? Est-ce là cette bibliothèque que tu avais choisie, parmi mes lares, comme ta demeure la plus sûre pour toi, dans laquelle tu dissertais souvent avec moi de la science des choses humaines et divines ? » (Consolation, I, 4, 2-3). Voir cependant Magee (2005). Voir Lewis (1994, p. 75-80).
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Il oriente ici par la négative la réponse attendue de son interlocutrice, en signifiant qu’il se trouvait maintenu contre son gré ailleurs que dans sa bibliothèque et à l’extérieur de la demeure dans laquelle elle se situait. L’éventualité cadre du reste avec plusieurs mentions de son « exil » (voir infra), sous réserve qu’il ne faille pas entendre ce dernier en un sens toujours figuré. Quant à la réponse directe de Philosophie, elle confirme cette relocalisation : « Ph. – Ainsi suis-je émue (movere) non tant par l’aspect (facies) de ce lieu (locus) que par celui de ton visage, et je cherche, plutôt que les murs de ta bibliothèque parés d’ivoire et de verre, le siège de ton esprit, dans lequel j’ai déposé autrefois non pas des livres mais ce qui fait le prix des livres : les maximes contenues dans certains de mes livres » (Consolation, I, 5, 6).
L’évocation de la seule bibliothèque intérieure du prisonnier ne permet plus de douter que les deux protagonistes ne dialoguent pas ensemble dans un riche espace d’érudition aux murs tapissés de livres. La seconde conjecture (cloîtrement hors de sa résidence principale), bénéficie de plusieurs autres signalements. Le premier émane de l’Anonyme valésien, qui ne laisse planer aucun doute, lorsqu’il signale qu’après leur arrestation et dans l’attente de leur jugement : « Albinus et Boèce sont conduits dans la prison proche du baptistère de l’église » (§ 87).
Le fait que seule une cathédrale puisse comporter un baptistère et que le terme ecclesia soit réservé à une église épiscopale ou métropolitaine53, contraint à ne sélectionner que les cités diocésaines. C’est Pavie qui revient le plus souvent sous la plume des commentateurs, essentiellement parce qu’un quartier y portait le nom de Calventia, lequel pourrait coïncider avec l’ager calventianus dont nous allons reparler54. Plusieurs autres indices proviennent ensuite soit de Philosophie, soit de Boèce. Celle-là s’adressse par trois fois à son interlocuteur comme à un « exilé » (exsul) (Consolation, I, 5, 2 et 5 et I, 6, 18). La question, nous l’avons évoqué, est alors de savoir si l’acception de cet adjectif doit être ou non regardée comme abstraite. La troisième occurrence, en associant exil et spoliation, incite à penser qu’il s’agissait d’un « exil » matériel et non pas seulement affectif ou moral. De son côté, Boèce, dans ce
Voir Obertello (1974, p. 123). Voir Gualla (1587).
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qu’il livre de renseignements topologiques, est à la fois plus précis et plus évasif que l’Anonyme : « Bo. – À une distance de 500.000 pas environ55, réduits au silence et laissés sans défense56… nous sommes condamnés [sans doute Albinus et luimême] à la mort et à la proscription57 » (Consolation, I, 4, 36).
Il est plus précis dans la mesure où il fixe avec exactitude la distance à laquelle se trouve son lieu de détention, mais il est plus évasif en ce sens qu’il ne fournit aucun repère pour savoir à partir de quel point il faut compter l’indication spatiale. Enfin, pour l’Anonyme de nouveau (§ 87), Théodoric « le fit occire lamentablement in agro calventiano, où il était gardé en prison », et pour Marius d’Avenches, « le patrice Boèce est assassiné sur le territoire de Milan »58. En priorisant la mention de l’Anonyme, d’aucuns ont soutenu, mais sans déterminer l’unité de longueur, qu’il était question de Pavie comme ville où Boèce devait avoir sa demeure, à 500.000 pas de laquelle se trouve la localité de Chiavenna (Clavenna en latin), soit environ 150 km en orthodromie, cité qu’il faudrait alors identifier, afin d’accorder les deux sources principales (Anonyme et Consolation), avec l’Ager calventianus59, vu que l’une et l’autre conduisent à croire que Boèce fut « jugé » à l’endroit où il était détenu. Cela dit, le bourg de Calvenzano (Borgo Calvenzano – hameau de Calvance en français) mettrait l’Anonyme et Marius d’accord, puisqu’il se situe, en orthodromie, à 64 km de Pavie et à 33 km de Milan. Il demeure bien délicat de trancher en faveur de l’une ou l’autre éventualités. Et pourtant, nous le disions en commençant ce chapitre, l’enjeu n’est pas négligeable, puisqu’il ne revient pas du tout au même, pour suggérer ses sources, que l’auteur de la Consolation ait eu ou non à sa portée tous les ouvrages qu’il souhaitait. Mais il faut bien nous ranger à la seconde éventualité d’un isolement en un lieu dépourvu de tout accès à quelque livre que ce soit, c’est-à-dire à la thèse d’un Boèce réellement exilé, par 55 Il ne peut pas s’agir du pas romain (1,479 m), car cela correspondrait à près de 740 km, ce qui paraît invraisemblable. Mais d’autres valeurs semblent envisageables. 56 L’irrégularité est aussi notifiée par l’Anonyme Valésien : « Le roi convoqua Eusèbe, préfet de la ville à/de Pavie (Rex vero vocavit Eusebium, praefectum urbis, Ticinum), et, sans avoir entendu Boèce, lui signifia la sentence » (§ 87). 57 La « proscription » (voir infra, I, 4, 36 avec la note y afférente, et I, 4, 45), correspond au châtiment infligé à ceux, bien nés, convaincus d’art divinatoire et de nécromancie (voir supra). Cf. Procope, De la guerre gothique, I, 1. 58 Marius d’Avenches, Chronique (= Mommsen, p. 235). Cela suppose évidemment que le lieu de détention ait été identique à celui d’exécution. Cf. Comi (1812), Bosisio (1855) et Schuster (1943). 59 Voir Obertello (1974, p. 124) et Gianani (1981).
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conséquent loin de ses codices, et qui n’a pu compter en grande partie que sur sa mémoire pour donner corps à sa réflexion. Cette privation aurait cependant pu se trouver un peu atténuée par les quelques libelli que Philosophie avait apportés avec elle, quoique ceux-ci soient mentionnés surtout pour leur symbolique, et que Boèce n’indique jamais s’y être abreuvé. I. 6. La phase terminale Le procès qui suivit l’arrestation et la condamnation ne bénéficient pas non plus de la convergence de fontes peu abondantes, ni quant à leur durée (de quelques mois à deux ans)60, ni quant à la procédure suivie (soit celle du iudicium quinquevirale ou haute cour de justice sénatoriale, soit celle du consistoire ou tribunal du roi)61. La localisation des faits n’offre pas non plus la cohérence topologique que l’on aurait pu espérer, puisque trois villes sont citées, la troisième profitant cependant du plus grand nombre de témoignages : Vérone62, Milan et surtout Pavie63. Sa mise à mort fut amenée par un supplice, sur la nature duquel nous disposons d’une source unique, à laquelle nous sommes tenu d’accorder crédit : « Après qu’une corde lui eut été placée sur le front puis serrée pendant si longtemps que ses yeux éclatèrent (crepare), c’est dans le tourment qu’à la fin il fut mis à mort avec un bâton (fustis) » (Anonyme Valésien, § 87)64.
60 Le procès a pu être expéditif s’il a bénéficié d’une planification très en amont, s’il a été bâclé ou encore s’il n’a pas revêtu de caractère officiel. Mais il a pu s’étirer dans le temps si l’on a sacrifié à toutes les formalités juridiques, avec audiences et débats contradictoires. C’est cette seconde éventualité qui l’emporte le plus souvent chez les historiens. 61 Pour la première hypothèse, reprise par plusieurs exégètes, voir Coster, 1935, p. 40-63, pour la seconde, voir Stein (1949, p. 257-258). 62 Vérone est mentionnée par la Consolation (I, 4, 32) comme lieu où Boèce, probablement devant Théodoric lui-même, défendit le sénat, contre lequel avaient été étendues les accusations de lèse-majesté portées à l’encontre d’Albinus. 63 L’Anonyme Valésien (§ 87) signale, comme on l’a déjà noté (voir supra, n. 56), que Théodoric fit mander, à l’occasion de la condamnation de Boèce, Eusebius, préfet de la ville à ou de Pavie (Ticinum). En outre, une tradition prétend que les restes de Boèce reposeraient dans l’ex-basilique pavesane San Pietro in Ciel d’oro – voir, entre autres, Dell’Acqua, 1873, p. 19-23, et Gianani (19722). Une autre parle de la crypte de l’ancienne cathédrale du sixième siècle, qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle église san Gervasio e Protasio – voir Morton (1981, p. 54-55). Enfin, jusqu’en 1584, s’élevait, dans Pavie même, une « Torre di Boezio », où celui-ci aurait été séquestré – voir Gianani (1925), ainsi que Troncarelli (2011). 64 Nous n’avons rien qui puisse nous permettre d’envisager que Boèce fut soumis à un long calvaire, donc d’affirmer, comme on le lit assez souvent, que la Consolation fut écrite entre deux séances de torture. Son exécution se fit certes en deux temps, mais ceuxci purent être successifs, le premier n’étant probablement destiné qu’à le faire souffrir.
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Cette mise à mort, comble de l’horreur, sera également réservée, quelques années plus tard, par l’impératrice Théodora (c. 500-548), épouse de Justinien, à un homme convaincu d’homosexualité65. La phase létale bénéficie de deux versions : après une bastonnade, comme nous venons de le voir, pour l’Anonyme Valésien, avec un glaive (gladius – par décapitation ?) selon le Livre des Papes66, et le lieu d’exécution est soumis à une même hésitation que celui de détention. Pour une raison inconnue, la dépouille de Boèce disparut, peut-être ensevelie en un lieu tenu secret par l’autorité exécutrice, ou dérobée par des admirateurs ou des idolâtres, qui le tenaient, non sans pertinence, pour un martyr de la foi catholique. La date de sa mort bénéficie d’un peu plus de précision que celle de sa naissance, dans la mesure où elle a fait l’objet de relevés de la part des chronographes, mais sans consensus, puisqu’on l’y situe soit en 52367, soit en 52468. Ces bornes temporelles, quoique fluctuantes, permettent donc de délimiter une vie de 45 années environ. Le flou relatif dans lequel baignent la fin de Boèce, les raisons de sa disgrâce et les souffrances qu’il endura ont très vite encouragé la piété populaire, qui ne s’embarrasse guère de détails et de plausibilité, à s’emparer promptement de son destin tragique, pour en faire le symbole du Catholique69 persécuté par la barbarie arienne70, et de l’amplifier jusqu’à lui conférer le martyr71. Au point que la ferveur croissante qu’elle lui Voir Procope, Anecdota, XVI, 26-27 (= Haury–Wirth, p. 104). Voir Livre des Papes (LV. Jean, 5.). 67 Voir Fasti Vindobonenses Posteriores (Mommsen, p. 332). 68 Voir Marius d’Avenches, Chronica (= Mommsen, p. 235). Obertello (1980, p. 69), avance l’hiver 525. 69 Nous emploierons les termes « nicéen » et « nicéniste » ou « Nicénisme » pour désigner ceux qui suivaient la foi définie au Concile de Nicée ou leur courant, afin d’éviter celui d’« orthodoxe », qu’il est préférable de ne pas utiliser pour le premier millénaire de l’ère chrétienne. Le mot, en effet, mériterait, à la fois comme substantif et adjectif, un long excursus si nous décidions de l’employer pour renvoyer au courant dominant du Christianisme issu des grands conciles : Nicée I (325) – le concile fondateur –, Constantinople I (381), Éphèse I (431) et Chalcédoine (451). 70 À notre connaissance, il n’existe qu’un document susceptible d’accréditer cette thèse : le dyptique non-consulaire de Monza (dit diptyque du Poète et de la Muse), qui aurait été commandé, vers 550, par les fils de Boèce en mémoire de leur père. Sur le panneau de droite, l’ivoirier y aurait effectivement représenté ce dernier tenant à la main un rouleau, sur lequel on peut lire : In fid(e) Ies(u) manea(m), soit : « Je demeurerai fidèle dans la foi de Jésus » – d’après Biraghi (1865, p. 36-39). Toutefois, une étude plus approfondie de ce témoin épigraphique s’impose pour confirmer ou non ses inscriptions et sa datation (il pourrait être carolingien) – voir Cutler (2007, p. 135 et 156, ill. 6). 71 On trouve, pour la première fois, le nom de Boèce inscrit dans le martyrologe (725731) de Bède le Vénérable (col. 309). Mais il s’agirait d’une version interpolée. 65 66
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témoigna dans son emballement coutumier72, et qui repose vraisemblablement sur une confusion onomastique entre plusieurs « Boethius » et plusieurs « Severinus », poussa l’autorité religieuse à sanctifier le responsable de la Consolation73. Le culte de dulie que l’on voue encore à ce dernier, récemment réactualisé par le pape Benoît XVI74, ne lui convient pourtant qu’avec réserve si l’on prend la peine de se focaliser sur la véritable dimension de son dessein d’érudit75, cet aspect nécessitant de toute façon des ajustements, que nous tenterons de fournir plus loin. Sa production littéraire, à laquelle nous allons nous attacher à présent, n’aide que dans le cadre de sa pentalogie théologienne à comprendre le retournement de destinée qui le conduisit à cette fin lamentable. II. L’œuvre Ce serait dans l’intervalle d’un quart de siècle à peu près (c. 500c. 524) que l’auteur de la Consolation aurait rédigé le gros de sa production littéraire, importante au regard de sa brève existence. Cette hyperactivité intellectuelle, qui s’exerça jusqu’aux derniers moments, va dans le sens de ce que célèbre, en cultivant l’hyperbole, Cassiodore dans ses lettres, et de ce que Boèce lui-même proclame à plusieurs reprises concernant ce qui constitua sans fléchissement son idéal culturel, centré sur l’accomplissement et l’épanouissement de son prochain par la mise à disposition de pans entiers de la philosophie grecque, entendue au sens large76. D’autre part, le codex, qui nous est toujours inaccessible dans son intégralité, confectionné entre 522 et 526, donc peut-être en partie de manière légèrement posthume, par le clarissime et respectable Martius 72 Son beau-père Symmaque en bénéficia aussi, puisqu’il est fêté comme martyr le 27 mai du calendrier ecclésial ou orthodoxe (09 juin du calendrier romain). 73 Le culte, rendu depuis longtemps à Pavie, à un san Severino Boezio (23 octobre du calendrier local), a été approuvé, à la demande de l’évêque de Pavie, par le décret du 15-XII-1883 de la Sacrée Congrégation des Rites (voir Acta sanctae Sedis XVI, p. 302303, puis Analecta Iuris Pontificii, ser. 23, p. 629-630), et, valant procédure canonique, qui rend le destinataire officiellement saint, sa commémoration a été confirmée par le pape Léon XIII (1878-1903). 74 Le 22 avril 2007, le pontife, venu à Pavie pour honorer saint Augustin dans la basilique San Pietro in ciel d’oro où se trouve son tombeau, s’est longuement recueilli sur les restes de Boèce qui, pour une certaine tradition, reposent dans la crypte du même édifice. 75 Sur toute cette problématique, voir Galonnier (2009). La découverte de ce qui pourrait être le sépulcre de notre Boèce, confirmerait ce culte infondé, puisqu’on peut lire sur la plaque du monument : « B(ene) m(erenti) Senatori = Au sénateur bienfaiteur », qui ne rend hommage qu’à l’homme politique dévoué et généreux – voir Troncarelli (2011). 76 Nous y reviendrons un peu plus bas.
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Novatus Renatus (dit codex Renati – voir plus bas) à Constantinople, où il accompagnait le Pape Jean Ier, missionné par Théodoric auprès de l’empereur Justin Ier, et qui est une anthologie des monographies rhétorico-logiques de Boèce77, demeure un outil précieux pour tout inventaire de la production littéraire de celui-ci, dans la mesure où trois mss en renferment quelques éléments, comme le codex Orléans, Bibliothèque municipale 267 (s. X exit.), déposé à Fleury. Reste que les intitulés sous lesquels sont évoqués les traités boéciens ne permettent que rarement une identification certaine. En retenant, prioritairement mais sans exclusive, les écrits possédés, nous obtenons le relevé suivant, qui recourt parfois à un ordre chronologique pressenti, car impossible à établir fermement : II. 1. Traités sur les arts libéraux A. touchant le trivium : – Traductions : a. seules (présumées) : * Aristote : • Analytiques premiers78 • Topiques • Des réfutations sophistiques b. commentées : * Porphyre : • Sur l’Isagoge de Porphyre Ia, première version de l’Isagoge glosée sur la traduction due à Marius Victorinus, destinée au lecteur débutant • Sur l’Isagoge de Porphyre IIa, seconde version de l’Isagoge glosée sur la propre traduction de Boèce, destinée au lecteur avancé * Aristote : • Sur les Catégories d’Aristote Ia (c. 510), première version glosée des Catégories destinée au lecteur débutant79
Flavius Theodorus, un élève de Priscien, en fit une copie sur place. Voir Levet (1988). 79 Les gloses ont été librement inspirées par le petit commentaire de Porphyre In librum Aristotelis de categoriae (dit Par questions et réponses). 77 78
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• Sur les Catégories d’Aristote IIa, même version des Catégories, mais glosée à l’intention des lecteurs avancés (doctiores)80 • Sur le De l’interprétation d’Aristote Ia, version du Perihermeneias (ou De interpretatione) glosée, destinée au lecteur débutant • Sur le De l’interprétation d’Aristote IIa (c. 515-516), même version du Perihermeneias, mais glosée à l’intention des lecteurs avancés81 – Monographies : • Introduction aux syllogismes catégoriques (Introductio ad categoricos syllogismos)82 • Du syllogisme catégorique (De syllogismo categorico) • Des syllogismes hypothétiques (De syllogismis hypotheticis) • Des différences topiques (De differentiis topicis) (c. 523) – Commentaires : • Commentaire sur les Topiques de Cicéron (In Ciceronis Topica) (c. 522) B. touchant le quadrivium : – Traductions paraphrastiques : • De l’institution arithmétique (De institutione arithmetica) d’après Nicomaque de Gerasa (c. 500) • De l’institution musicale (De institutione musica) d’après le même (c. 510) II. 2. Traités de théologie catholique (Opuscules sacrés)83 • De la sainte trinité (De sancta trinitate) • De la prédication (De praedicatione) • Des hebdomades (De hebdomadibus) • De la foi catholique (De fide catholica) • Des deux natures [du Christ] (ou Contre Eutychès et Nestorius) 80 Les gloses auraient été librement inspirées par le grand commentaire en partie perdu de Porphyre In librum Aristotelis de categoriae (dit À Gédalius). 81 Les gloses ont été inspirées par le commentaire en partie perdu de Porphyre In librum Aristotelis de interpretatione – voir DPA, Vb (M. Chase), p. 1355. 82 Le traité a été inspiré par celui perdu de Porphyre Introductio in categoricos syllogismos – voir ibid., ibid. 83 Nous donnons ici les intitulés abrégés, dans la chronologie traditionnellement admise.
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II. 3. Traités de philosophie • Livre sur la division (Liber de divisione) (c. 514) • De la consolation de Philosophie (De consolatione Philosophiae) (c. 524) Quant à la production pressentie, elle compterait 9 ou 10 titres : II. 4. Traductions commentées et paraphrastiques • Sur la Physique d’Aristote84 • De l’institution astronomique (De institutione astronomica) d’après Ptolémée • De l’institution géométrique (De institutione geometrica) d’après Euclide85 II. 5. Poésie et rhétorique • Poème bucolique86 • Éloge de la famille royale (Regiae laus)
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Addenda du Codex Renati : • Communis speculatio de rhetorica cognatione (Réflexion générale sur la proximité en rhétorique) • Locoru(m) rhetoricoru(m) distinctio (Distinction des lieux rhétoriques) • De multifaria praedicatione (De la prédication multiforme) • Quomodo argumentorum uel unde colliguntur loci, I(d) e(s)t topica (Comment ou d’où les lieux d’arguments, c’est-à-dire les topiques, sont enchaînés – peut-être les Commentaires sur les Topiques de Cicéron88
Selon Brandt (1903, p. 267). Ces deux derniers écrits sont pressentis en considération de l’aspect molaire du quadrivium – voir Galonnier (2004/2). 86 D’après le « carmen bucolicum » de l’Inédit de Holder – voir supra, p. 1. 87 Voir Consolation, II, 3, 8. 88 On y trouve aussi mentionnés une Introductio ad categoricos syllogismos, qui correspond en réalité au De syllogismo categorico, et des Antipraedicamenta, qui correspondent cette fois-ci à l’Introductio ad categoricos syllogismos – voir Magee (1994, p. 5, n. 10). 84 85
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III. L’idéal culturel Notre aperçu bio-bibliographique a fait émerger un Boèce habité par deux obsessions connexes, qui ne le disposaient pas a priori à s’occuper de questions religieuses89, sans remettre nullement en cause la sincérité et la ferveur de son Catholicisme : s’acquitter, avec une rectitude qui le disputait à l’efficience, de son devoir d’agent du royaume italo-ostrogoth, défenseur inlassable du droit et serviteur zélé de la justice, et travailler à l’application d’un programme scientifique orienté vers l’acquisition de la sagesse profane. La première ayant déjà été illustrée, seule la seconde nous occupera à présent, bien qu’en soit exclue de prime abord et provisoirement la Consolation. Boèce entendait être la cheville ouvrière d’un vaste et ambitieux projet de restauration du savoir grec, en se pensant capable de doter nombre d’individus (plurimi) d’une culture philosophique propre à lui garantir l’accès à la sapience, au sens de saisie contemplative de la Vérité ellemême : « J’estime que le plus grand contentement accessible en cette vie est d’apprendre et de traiter des disciplines philosophiques... Si la contemplation même de la vérité doit être poursuivie pour son éclat particulier, elle devient cependant tout particulièrement désirable quand on y est amené en commun. En effet, il n’est aucun bien qui ne commence à luire plus noblement s’il n’est pleinement approuvé par la connaissance que peut en avoir le plus grand nombre... L’apprentissage se fait plus plaisant quand il commande au sage d’être aussi au nombre de ceux qui partagent la même sagesse »90.
Un texte de ce genre, qui ne laisse place à aucune ambiguïté sur son helléno-centrisme, n’a rien d’une exception dans l’œuvre boécien. Ainsi, l’une des premières formulations installant notre auteur dans ce rôle de pontonnier, remonte au tout début du sixième siècle, lorsque le De institutione arithmetica reconnaît que son objectif est d’« incorporer au trésor de la langue latine les richesses prélevées sur l’opulence des lettres grecques »91. Puis, à l’époque du consulat (510), il fait explicitement se
89 Nous avons toutefois vu plus haut (p. 8-9) et allons en reparler (voir infra, IV, 3), que les deux accusations qui l’ont frappé pouvaient être regardées, sans valider pour autant leur crédibilité quant à Boèce, comme cohérentes quand on les transpose sur un plan religieux. 90 Des syllogismes hypothétiques, I, I-II (= Obertello, p. 204, 1-11). 91 De l’institution arithmétique, À Symmaque (1) (= Guillaumin, p. 1) ; nous traduisons.
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recouvrir, pour réaliser ce transfert des savoirs, mission politique et mission scientifique : « Il semble appartenir à quelque soin de la chose publique d’instruire les citoyens quant à la science d’un sujet travaillé avec soin. Je ne rendrai pas un mauvais service à mes concitoyens si... j’instruis les mœurs de notre cité des arts de la sagesse grecque »92.
Un peu plus tard encore, après avoir réitéré que « le labeur exalte le genre humain et le comble des fruits les plus abondants de l’esprit »93, Boèce détaillera un volet spécifique de son projet : révéler le syncrétisme platonico-aristotélicien à partir de ce que lui-même aura réuni et latinisé des ouvrages logiques, moraux et physiques d’Aristote et des dialogues de Platon, car une fausse opinion tient leur doctrine respective pour inconciliables94 : « Une fois parcourues, je ne négligerai certainement pas d’amener à concorde les doctrines de Platon et d’Aristote et je démontrerai qu’elles ne s’opposent pas en tout, comme la plupart le pense, mais qu’elles s’accordent sur un très grand nombre de points, et en philosophie sur les principaux. Si la vie et le loisir sont à ma disposition, je m’efforcerai d’accomplir cette tâche avec soin et non moins de labeur »95.
Quoique interrompu par un terrible revers de Fortune que narre la Consolation, ce qui fut concrétisé de cet imposant édifice conceptuel montre la constance de la résolution qui le sous-tend et la profondeur de la conviction dont elle participe. Celle exprimée par les fragments cités paraît illustrer un triple programme : d’abord, façonner une dignitas hominis, qui s’acquiert au contact de textes inculquant ce que Boèce appellera les « arts profitables »96 ; ensuite, donner à constater la portée sociale d’une telle acculturation ; enfin, promouvoir le rôle de l’écrivain dans la société et son utilité pour ses semblables, dès l’instant qu’il est l’acteur principal de ce transfert des connaissances. La sapientia ainsi visée par l’acquisition
92 Sur les Catégories d’Aristote, II, Proœmium = PL, LXIV, col. 201B3-9 ; nous traduisons. 93 Sur le De l’interprétation, deuxième édition, II, init. (= Meiser, p. 79, 1-5) ; nous traduisons. 94 Si l’on en croit Eusèbe de Césarée (Préparations évangéliques, XV), d’aucuns, dont le médioplatonicien Atticus (s. II), ont insisté sur les différences qui existent à leur yeux entre les systèmes doctrinaux de Platon et d’Aristote – voir Chadwick (1981, p. 134). Une autre composante de la même école, dont Porphyre, se serait appliquée, en réaction, à établir le contraire. 95 Sur le De l’interprétation, version II, II (= Meiser, p. 79, 9-80, 8). 96 Voir De la division (= Magee, p. 4, 12-6, 8).
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de ces dernières ne fait point mystère quant à son alignement sur la spiritualité des sages de la grande Grèce : « La philosophie est en quelque sorte… l’amour, l’étude et l’amitié de la sagesse, non point de cette sagesse qui s’exerce dans tous les arts et dans toute science et connaissance d’artisan, mais de cette sagesse qui, n’ayant besoin de rien, est l’esprit vivant et la seule raison primordiale des choses. Cet amour de la sagesse est aussi l’illumination (inluminatio) de l’esprit intelligent par cette pure sagesse et en quelque façon un retour et un appel à elle-même, au point qu’il semble que l’étude de la sagesse soit l’étude de la divinité et l’amitié de son pur esprit. Par conséquent, cette sagesse confère évidemment au genre des âmes tout entier la valeur de sa divinité et le ramène au fondement propre et à la pureté de la nature. De là naissent la vérité des réflexions et des pensées et la sainte (sancta) et pure (pura) continence des actions »97.
Cette fascination pour la sapience hellène est grosse de plusieurs certitudes : 1. un nécessaire retour aux Anciens, essentiel à la formation d’un homme nouveau et exemplaire, 2. la conscience d’être le vecteur de cette modernité, en mettant à la portée de ses contemporains certains penseurs grecs de l’Antiquité, et 3. la valorisation du Paganisme scientifique. Car le verbe païen se voit ici conféré l’absoluité que revêt la parole divine dans le Christianisme, puisqu’il dispense à l’homme illumination, pureté et sainteté, et lui procure la félicité par la sagesse grecque entendue comme accomplissement de l’individu – ce verbe et cette parole n’étant toutefois aucunement exclusifs l’un de l’autre. La méthode de traduction de Boèce, très épris de littéralité, relaie du reste efficacement sa volonté de faciliter la pénétration de la mentalité latine par la pensée philosophique de la Grèce classique et des prolongements qui la rendaient toujours très actuelle : « Ce travail d’exposition dont je me suis saisi [i.e. le commentaire de l’Isagoge de Porphyre] mettra au clair l’enchaînement de notre traduction, dans laquelle néanmoins je crains de m’être exposé à la faute de l’interprète fidèle, en ayant rendu mot à mot ce qui est exprimé et rapproché. La raison de ce préambule est que dans ces écrits où la connaissance des choses est recherchée, il faut extraire non point l’agrément d’un discours élégant, mais la vérité intacte. C’est pourquoi, il me semble avoir fait œuvre fort utile si, grâce à l’intégrité d’une traduction très exacte, il ne manque aux livres de philosophie arrangés en latin rien de ce qui est en grec »98.
Si pareil souci du littéral par un décalque latin du grec, qui commandera toutes les versions de Boèce, répond à l’impératif selon lequel chaque Sur l’Isagoge, version I, I, 3 (= Brandt–Schepss, p. 7, 12-23). Sur l’Isagoge, version II, 1, 2 (= Brandt–Schepss, p. 135, 5-13).
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auteur est le meilleur interprète de lui-même, il laisse aussi et surtout transparaître une espèce de sacralisation des contenus originaux. Dès lors, un écrivain, habité par un tel projet, dont l’envergure est exclusive de n’importe quelle autre programmation et déborde toute ambition, n’a pu en venir à rédiger cinq opuscules théologiques que sur commande et animé par le souci d’utiliser certains contenus de foi pour vérifier la puissance et l’utilité de la dialectique en les appliquant à quelques principes dogmatiques. Boèce ne pouvait guère renoncer à se maintenir sur la voie sur laquelle il s’était engagé avec passion, et en traitant le sujet avec le même esprit, c’est-à-dire dans le cadre de ce que nous avons appelé une « théologie ancillaire »99, à savoir en soumettant le matériau fidéique à l’instance suprême de la philosophie grecque, et plus exactement à son outil, la raison, et à sa méthode, qui associe puissance organisatrice et capacité dialectique – réaction d’ailleurs probablement attendue par le ou les commanditaire(s) de ses Opuscules. Ce fut, selon nous – conjecture que nous préciserons bientôt –, le seul moyen pour Boèce de déclarer et de préserver sa foi à l’intérieur d’un idéal philosophique qui ne l’impliquait explicitement en rien100. Sans changer d’optique, nous tenterons à présent de la prolonger à propos de la Consolation, en défendant l’idée que son rédacteur en même temps 1. a répondu à l’urgence qu’il y avait de réagir face à une destinée totalement et tragiquement contrariée, 2. a redit, en le renouvelant, son attachement à une sorte d’acculturation idéalisée, 3. a réaffirmé ses convictions religieuses, c’est-à-dire sans renoncer au Christianisme dit « nicéen », à savoir catholique, quoique d’une manière forcément beaucoup plus discrète que celle qui avait été choisie dans les Opuscules sacrés, et 4. a œuvré pour ainsi dire en précurseur dans ce qui deviendra au quinzième siècle, chez Nicolas de Cues et Marcile Ficin notamment, la pia philosophia, c’est-à-dire une religion–philosophie, dans laquelle « le Platonisme apparaît comme la matrice de toutes les grandes théologies, dont il assume la diversité, tout en en révélant la secrète unité »101. Car bien que Boèce ne convienne nulle part – aucune correspondance de sa main ne nous est parvenue – que sa pentalogie a contribué à le précipiter, d’une manière ou d’une autre, dans le terrible drame qui l’atteignit, il nous semble vraisemblable de penser qu’il en était persuadé. Autrement dit, nous voudrions sensibiliser à l’idée que la Consolation a cherché à Voir Galonnier (1997). Voir Galonnier (2007). 101 Magnard (2006, 4e de couverture). Cf. Euler (1998), Dini (2003), et Banić-Pajnić (2008). 99
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servir l’ambition que son rédacteur a toujours nourrie quant à l’apologie d’une dialectique pleinement triomphante, dont il a appliqué les ressources aussi à la matière sacrée, touchant une thématique nouvelle pour lui, dictée par le désespoir et l’incompréhension qui l’habitaient alors, à savoir celle du réinvestissement de soi et de l’apaisement de l’âme. Elle s’est trouvée alors diversifiée, dans une optique de pré-humanisme christiano–hellénique, en une suite de problématiques, qui, pour rompre les chiens des censeurs, relevait autant du Paganisme que de l’orthodoxie nicéniste, en conjuguant un criblage par des références profanes identifiées ou non et la distillation de références biblico-théologiques : caractère en définitive dérisoire du préjudice subi, nécessité de l’assumer pleinement et de se satisfaire de peu, dénonciation de la véritable nature de Fortune, identification du bonheur authentique qui coïncide avec Dieu, l’Un ou le souverain Bien, reconnaissance et assimilation des vraies valeurs, célébration de la Vérité immuable, déification de l’individu, différence et harmonie entre providence cosmique et destin anthropique, conciliation de la prescience divine et du libre-arbitre humain. À cet effet, il y a lieu de commencer par dire quelques mots sur la dimension religieuse de notre penseur. IV. Le Christianisme de Boèce Nous reviendrons, dans un prochain chapitre, sur ce que les Opuscules sacrés laissent paraître de la foi de Boèce. Auparavant, c’est l’examen de ce que l’histoire événementielle en dévoile qu’il nous faut aborder. IV. 1. Atavisme confessionnel et incidence scientifique Il ne semble point douteux que le rédacteur de la Consolation, ne serait-ce qu’en tant que membre de la lignée des Anicii, naquit et fut éduqué dans la tradition chrétienne et catholique, bien que des soupçons d’Eutychianisme pèsent sur l’un de ses ancêtres102. Et outre le poids de l’ascendance, on peut penser que Symmaque, homme de foi et d’engagement religieux, n’aurait point accepté pour gendre un non-chrétien nicéen. Nonobstant cela, le Catholicisme semble avoir été de prime abord, pour Boèce, un héritage passif et une donnée sociale. C’est en tout Voir supra, n. 13.
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cas ce que montre sa biographie, telle que nous l’avons reconstituée, et ce que confirme son programme de diffusion des savoirs, adossé à une espèce de profession de foi profane en la philosophie grecque. Dans ces conditions, demandons-nous à la fois pourquoi et comment un auteur habité par un quasi sacerdoce d’érudit a-t-il traité de problèmes théologiques touchant une spiritualité qui n’a marqué ni la concrétisation de sa vocation ni le restant de son œuvre, à moins peut-être, et en filigrane, sa Consolation – ce que nous verrons sous peu. En d’autres termes, de quelle façon un penseur totalement convaincu de l’excellence de la réflexion philosophique hellène, propre à transmettre, selon lui, une sagesse qui favorise l’accomplissement de chacun dans son devenir d’homme de savoir, et le rend ainsi intime du divin, a-t-il pu réagir, comme nous l’avons indiqué, en présence de questions d’ordre religieux, qui n’entrent pour rien dans ses préoccupations intellectuelles largement exprimées mais dont il ne s’est toutefois pas détourné ? Il convient de l’admettre d’emblée, bien que nous en ayons suggéré le comment, nous ne savons pas quelle raison précise a poussé Boèce à se prendre d’intérêt pour des sujets de théologie catholique, son investissement confessionnel apparaissant aussi subi que profond. Le contexte historique ne pourrait avoir directement une incidence que pour le cinquième des Opuscules sacrés, à savoir le Contre Eutychès et Nestorius. Son préambule y incite, en faisant allusion à une réunion où l’on aurait débattu, à partir d’une lettre lue en public, de questions christologiques, qui, depuis le concile de Chalcédoine (451) et sa condamnation, à ce sujet103, de Nestorius (condamné officiellement au concile d’Éphèse de 431) et d’Eutychès, deux hérétiques réciproquement antagonistes, agitaient encore les milieux théologiques d’Orient et d’Occident. Seulement, le caractère évasif de l’évocation la rend inexploitable, beaucoup d’hypothèses étant permises à propos de ce document et de ce rassemblement104. L’hypothèse la plus probable à nos yeux reste alors que Boèce aurait été requis, par son beau-père Symmaque et par le diacre Jean, futur pape105, auxquels il dédie la majorité de ses Opuscules, pour s’impliquer 103 Voir De Halleux (1976, p. 158): la formule, à propos du Christ, « non… divisé en deux personnes » (verset 22 de la Définition chalcédonienne), vise à condamner de nouveau Nestorius. 104 Voir Galonnier (2007 et 2012). 105 Nous ignorons quel lien unissait Boèce et ce Jean, diacre de l’église de Rome, ajoute-t-on parfois, qui pourrait être identique soit au pape Jean 1er (523-526), soit, mais avec des problèmes de chronologie, à Jean II (533-535) pour d’autres historiens. Il est également pressenti comme auteur d’une lettre adressée à un Senarius, à propos des rites baptismaux.
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dans des discussions plus ou moins d’actualité, dont nous ignorons la nature exacte, et qu’il ait accepté de se prononcer tout à la fois par conscience scientifique, par conviction religieuse et par amitié ou par respect pour ceux qui firent appel à lui. Mais la conjecture laisse entière la question de savoir en quelle qualité on lui aurait demandé son concours : pour expertiser le volet argumentatif de l’énoncé des positions hérétiques ou suspectées de déviance doctrinale ? Admettons-la, d’autant mieux qu’il faut compter, comme l’explique Claire Sotinel, avec « l’intervention, dans les débats [ecclésiastiques], d’acteurs qui s’expriment en marge de cadres institutionnels rigoureux. Tandis que certaines instances (le prince, les évêques réunis en concile, l’évêque de Rome) ont des positions et des fonctions précisément définies… d’autres personnes interviennent, en général sollicitées, qui s’autorisent de leur compétence et qui s’expriment dans des cadres variables avec une liberté qui frappe l’historien »106. Cela suppose toutefois cette « compétence » en théologie que le rédacteur des Opuscules sacrés n’a jamais laissé paraître, absence qui pourrait confirmer qu’il n’a consenti à répondre favorablement à une sollicitation, non pas prioritairement en tant que théoricien du dogme et ardent catholique demeuré jusqu’alors en retrait, mais au titre de spécialiste du savoir grec. Plusieurs déclarations montrent du reste qu’il intervenait en cette qualité, dans le seul but de favoriser l’exercice plénier et méthodique des capacités intellectuelles de l’homme, pour être appliqué ici à ce qu’enseigne un dogme auquel il adhérait toutefois pleinement, bien que Dieu y soit pour lui un objet de savoir : « Dans la mesure où toute chose peut être comprise (intelligere) il faut approcher Dieu aussi par l’intellect »107.
Quoique cette sorte de réification ne mette pas en question, redisons-le, l’authenticité de la foi qui l’animait, celle-ci se retrouve majoritairement soumise à une conquête rationnelle des données fidéiques, dès l’instant que la faculté mentale requise ne s’impose aucune limite : « Pour autant que la lumière divine est digne de l’étincelle de notre esprit..., sans doute faut-il chercher à obtenir de nous autant que le regard de la raison humaine est capable de se hausser vers les hauteurs de la divinité »108. 106 Sotinel (2001, p. 235). Dans l’article, l’argument tourne cependant court en ce qui concerne Boèce, puisque Sotinel ajoute plus loin que s’il avait le statut d’un expert en questions théologiques, dans l’affaire des moines scythes, par exemple, on ne l’aurait pas consulté parce qu’il était « à la fois trop grand seigneur et trop familier des milieux orientaux » (ibid., p. 246). Nous ne la suivrons pas jusque-là. 107 Boèce, De la sainte trinité, VI (= Moreschini, p. 160, 355-356). 108 Id., ibid., Préface (= Moreschini, p. 160, 355-356).
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Pareille ambition ne modifie toutefois en rien le fait que Boèce se soit senti investi de sa mission sous l’effet permanent de l’illumination divine. Pourtant, ce nouveau sujet d’étude induit un décalage supplémentaire, sur lequel il vaut de s’interroger. IV. 2. Oblation et confiscation Alors que la production boécienne sur les arts encyclopédiques est placée sous le signe de l’ouverture des contenus, traduits et explicités, et de leur partage avec un très large lectorat, sa production sacrée revendique un total contrôle sur les analyses qu’elle fournit, tout simplement parce que la théologie doit aligner ses prétentions sur sa fin109. Cela signifie que tout discours visant Dieu, pour être conforme à ce dernier et digne de lui, ne doit, selon une position qui peut se justifier d’un point de vue autant platonicien110 que chrétien111, parler de celuici et des énigmes de la foi que d’une manière qui ne soit pas intelligible par tous. D’où sa déclaration farouche de mainmise sur son enseignement, qui nous déporte relativement à la démarche du Boèce des arts libéraux : « Nous ne sommes enflammés ni par l’opinion versatile de la foule ni par les vaines clameurs du vulgaire... Celui qui vomirait pour de tels monstres d’hommes ce qui doit rester ignoré plutôt qu’être foulé aux pieds, semblerait infliger un outrage aux traitements des questions divines. Voilà pourquoi je condense mon style par la concision et je dissimule par des significations de mots nouveaux les emprunts faits aux disciplines intimes de la philosophie, afin qu’ils parlent à moi seulement, et à vous [i.e. Symmaque] si vous tournez les yeux vers lui; quant aux autres, nous les excluons en 109 Id., ibid., ibid. : « Il ne se peut espérer... d’autre doctrine que celle semblable à sa matière » (= Moreschini, p. 165, 1-2 et 166, 21-23). 110 Voir Platon, « Trouver le fabricant et le père de l’univers exige un effort et, lorsqu’on l’a trouvé, il n’est pas possible d’en parler à tout le monde » (Timée, 28c), car « les yeux de l’âme de la plupart… sont incapables de faire des efforts pour fixer leur regard sur le divin » (Sophiste, 254a-b). Cf. Macrobe, Commentaires au Songe de Scipion (= Willis, p. 7), qui considère que Platon, afin d’éviter que les secrets de la philosophie ne soient divulgués à des esprits mal dégrossis, en avait caché l’expression sous des récits et des images qui les recouvraient comme d’un manteau. 111 Voir Augustin, Confessions, VI, V, 8 (= Labriolle, I, p. 125, traduction légèrement retouchée), à propos de la parole divine : « Accessible à quiconque voulait la lire, elle réservait néanmoins à une interprétation plus savante l’imposante dignité de son mystère. La très grande accessibilité de son langage, l’humble simplicité de son style la livrait à tous, et pourtant elle était capable d’exercer l’effort de ceux qui ne sont point “légers de cœur” (Ecc 19, 4) ».
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cela que ceux qui ne seront pas aptes à les saisir par l’intelligence paraîtront par là même indignes (indigni) de les lire » 112.
Au moyen d’un style syncopé et de néologismes, l’auteur des Opuscules condamne pour les « indignes » l’accès au traitement des vérités dogmatiques. Et lorsqu’il est consulté pour lever une difficulté en rendant accessible à tous l’itinéraire qui conduit à sa résolution, il fait de nouveau montre d’une certaine agressivité : « Étouffé par le troupeau des ignorants, je me suis tu, craignant de paraître à juste titre insensé si je prétendais être tenu pour sensé au milieu de ces furieux... De là me vint un très grand sujet d’étonnement en voyant quelle était l’effronterie de ces hommes ignorants, qui s’efforcent de masquer le vice de l’inscience par le nuage de la présomption » 113.
Sa crainte d’être compris des « non-dignes » l’incite même à intérioriser son discours, qu’il ne livre qu’en le déguisant, et confirme de la sorte vouloir confisquer le savoir dont il est devenu dépositaire : « Quant à moi, je réfléchis pour moi-même sur les hebdomades et j’en confie à ma mémoire les observations, plutôt que de les partager avec l’un de ceux dont la lascivité et la pétulance ne méritent rien que la plaisanterie et le rire. Toi [i.e. Jean le diacre], ne sois pas adversaire des obscurités de la concision qui, lorsqu’elles sont les fidèles garantes du secret, ont alors pour avantage de parler à ceux-là seuls qui en sont dignes (digni) » 114.
D’où le paradoxe auquel nous sommes apparemment confrontés : le Boèce artiste convie tous ceux qui le souhaitent à cheminer par la philosophie jusqu’au point culminant de la sagesse, mais, une fois parvenu au pied de celui-ci, le Boèce théologien en réserve le profit aux seuls « dignes ». Néanmoins, cette discrimination ne nous semble pas incohérente, dans la mesure où elle peut s’expliquer dès lors que l’on identifie derrière les « indignes » aussi et surtout les hérétiques, dont les Ariens, que Boèce pensait ainsi ménager en les privant de la claire intelligibilité des préceptes que défendait son courant religieux, notamment en matière trinitaire et christologique, tout en faisant allégeance à celui-ci. Or si ce canevas de lecture dote d’une grille interprétative explicite pour les Opuscules, elle en constituerait également une pour la Consolation. Mais nous allons voir que les efforts de leur rédacteur pour coder en quelque sorte différemment l’accessibilité des contenus docrinaux de celle-ci n’auraient pas été, là non plus, suffisants. Boèce, De la sainte trinité, Préface (= Moreschini, p. 166, 8-21). Id., Contre Eutychès et Nestorius, Préface (= Moreschini, p. 207, 28-31 et p. 208, 35-38). 114 Id., Des hebdomades, Préface (= Moreschini, p. 186, 7-187, 14). 112
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IV. 3. Politique et religion Si l’on accorde du crédit à la narration de Boèce dans sa Consolation, la première des deux charges qui l’incriminèrent lui fit grief d’avoir participé à une machination contre Théodoric fomentée par le pouvoir byzantin, qui se trouvait alors entre les mains de l’empereur Justin 1er (518-527). Quelles peuvent en être la nature et la vraisemblance ? La prétérition – « À quoi bon parler des lettres (litterae)115 rédigées frauduleusement (compositae falsae), à cause desquelles je suis inculpé pour avoir souhaité la liberté romaine »116 – ne permet pas, de prime abord, d’en faire un complot d’ordre confessionnel, ce que n’infléchit point la version de l’Anonyme Valésien, qui précise seulement que l’accusation de crime de lèse-majesté portée contre Albinus et étendue à Boèce visait à dénoncer une tentative de coup d’état politique : « Cyprianus, qui tunc referendarius erat… actus cupiditate insinuans de Albino patricio, eo quod litteras adversus regnum eius imperatori Iustino misisset = Cyprianus, qui était alors référendaire…, agit par cupidité en dénonçant le patrice Albinus pour avoir envoyé à l’empereur Justin une lettre dirigée contre sa souveraineté [i.e. celle de Théodoric] »117.
L’exégète peut toutefois extrapoler, et, à titre de conjecture de travail, ménager un volet religieux. En effet, un certain temps après son accession, en 518, à la tête de l’Empire romain d’Orient, Justin 1er fit publier un édit anti-hérétique118, qui touchait également les Ariens, affichant de fait son désir de réconciliation rapide avec la papauté, mise à mal par son prédécesseur monophysite, l’empereur Anastase 1er (491-518). Pareil événement a-t-il été en mesure de provoquer, chez Théodoric, un changement radical de comportement, comme celui qu’oblige à induire le récit de Boèce dans sa Consolation, et celui parallèle que rapporte l’Anonyme Valésien, qui concernent les années 520-525 ? Pas forcément, dès lors que l’édit en question ménageait une clause conciliante à l’égard des Goths « fédérés »119. Toujours est-il que, de nouveau selon l’Anonyme, au cours du violent conflit qui opposa Juifs et Catholiques à Ravenne, Théodoric prit le parti des premiers, en donnant l’ordre aux seconds de 115 Litterae au pluriel étant aussi synonyme d’epistola, et désignant une « lettre » ou missive, parce que cette dernière se compose de plusieurs « lettres » ou caractères d’écriture, le terme pourrait renvoyer aussi bien à un seul document. 116 Consolation, I, 4, 26. 117 Anonyme Valésien, § 85. 118 On trouvera le texte dans le Codex Iustinianus, I, V, 12 (= Krueger, p. 53-55). 119 Ibid. (= Krueger, p. 17 sqq.).
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reconstruire à leur frais les synagogues qui avaient été incendiées120. Après quoi il ordonna de renverser l’oratoire de l’église Saint-Stéphane (ou Étienne), située dans la banlieue de Vérone121, et finit par prendre prétexte de la moindre occasion pour s’emporter contre les Romains, auxquels il avait interdit de porter la plus petite arme122. Mais il est à se demander si ces prétendus faits jouissent de plausibilité. Car quoique d’obédience arienne, Théodoric mena, et ce dans tous les domaines, une politique qui fut, jusqu’à une certaine époque du moins, si éclairée et inspirée, que l’Italie des vingt-cinq premières années du sixième siècle put se féliciter d’avoir vécu presque exempte de crise confessionnelle interne, à l’exception, il est vrai, du « schisme laurentien » (498-507), qui tint cependant plus de la querelle politique entre le sénat et le clergé que du conflit proprement théologique123. La tolérance du roi Amale en matière de culte fut d’ailleurs exemplaire – « Nous ne pouvons imposer une religion, parce que nul ne peut être contraint de croire contre son gré », déclara-t-il124 –, et força l’admiration de certains historiens – « Il gouverna les deux peuples, celui des Romains et celui des Goths, comme s’il s’était agi d’un seul, n’ayant rien tenté contre la religion catholique, bien que lui-même ait été de la secte arienne »125. Elle ne se serait du reste point limitée à des paroles, puisqu’il alla jusqu’à témoigner publiquement sa vénération aux saints apôtres de l’église de Rome, « comme un Catholique »126. Rappelons aussi qu’entre 494 et 518, les papes Gélase, Symmaque et Hormisdas purent convoquer neuf conciles en Italie, dont trois à Rome, et que durant le « schisme laurentien » évoqué plus haut, Théodoric trancha avec diplomatie, modération et équité, en faveur du second, le différend qui opposait Fauste et Symmaque pour la succession du pape Anastase II (496-498)127. Par conséquent, afin d’expliquer qu’un revirement se serait opéré chez l’Ostrogoth vers 519, c’est-à-dire peu de temps après l’avènement de Sur l’importance des Juifs dans l’entourage de Théodoric, voir Amory (1997). Il existe encore une église Santo Stefano à Vérone, élevée sur une basilique paléochrétienne remontant au cinquième siècle. 122 Voir Anonyme Valésien, § 80 sqq. 123 Voir sur ce point Revillout (1850), et Richards (1979). 124 « Religionem imperare non possumus: quia nemo cogitur, ut credat invitus », Cassiodore, Variae, II, XXVII, 2. 125 « Gubernavit duas gentes in uno, Romanorum et Gothorum, dum ipse quidem Arrianae sectae esset, tamen nihil contra religionem catholicam temptans », Anonyme Valésien, § 60. 126 « Accurrit [sc. Theodoricus] B. Petro devotissimus ac si catholicus », Anonyme Valésien, § 65. 127 Voir Livre des Papes, Anastasius. 120 121
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Justin Ier et la mise en place de sa politique anti-arienne édulcorée, nous sommes conduit à envisager que ce sont précisément l’un et l’autre qui ont pu, et ce d’une manière indirecte, le provoquer. Ce pourrait être le cas si l’on situait l’éventail des possibilités dans l’environnement immédiat du souverain. Deux drames, effectivement, dans lesquels le Catholicisme figurait comme facteur déclenchant et attisant, affectèrent également Théodoric. En 522, son petit-fils Sigéric128 fut assassiné à l’âge de seize ans par son propre père, le roi burgonde Sigismond II, qui, par zèle catholique, n’avait pas supporté que son fils, pressenti pour monter un jour sur le trône ostrogoth, basculât à cette occasion dans l’Arianisme129. Un an plus tard, l’accession au trône vandale d’Hildéric marqua le retour du Catholicisme sur le continent africain, religion qu’avait persécuté son prédécesseur Thrasamond. Amalafride, veuve de ce dernier et par ailleurs sœur de Théodoric130, s’opposa au nouveau roi, qui la fit arrêter et emprisonner jusqu’à ce que mort s’ensuive131. Le ressentiment d’un Théodoric âgé (né entre 450 et 453), et sans doute usé par un long règne commencé en 493, envers une confession qu’il respectait et protégeait depuis près d’un quart de siècle, dut être vif. A-t-il pu pour autant le conduire à modifier profondément son attitude envers le Catholicisme et ses représentants les plus en vue ? Vraisemblablement, car outre la persécution d’Albinus et celle de Boèce, lequel y perdra la vie, il aurait cherché, toujours dans les années 520, à intimider Justin en lui envoyant le pape Jean 1er, qui finira par succomber à la tâche en 526132, afin que celui-là accepte d’abroger son édit et de faire annuler la conversion, forcée semble-t-il, des hérétiques ariens133. Dans le même temps sans doute, il s’en prit au beau-père de Boèce, Symmaque, en le faisant emprisonner puis exécuter, pour éviter probablement qu’il n’entreprenne de venger son gendre134. Sa mère, Ostrogotha II, était fille de Théodoric. Voir Marius d’Avenches, Chronica (ad an.) et Grégoire de Tours, Histoire des Francs, III, 5 et Sur la gloire des martyrs, 74. 130 Voir l’estime dans laquelle Théodoric tenait sa sœur chez Cassiodore, Variae, V, XLIII. Cf. aussi Procope, De la guerre vandale, I, VIII, 2. 131 Voir Victor de Tunnuna, Chronicon (ad an.), Cassiodore, Variae, IX, I, et Procope, De la guerre vandale, I, IX, 4. 132 Voir Livre des Papes, Jean I. 133 Voir Anonyme Valésien, § 88, Livre des Papes, LV et Comte Marcellin, Chronicon, ad. an. 525. 134 Voir Anonyme Valésien, § 92. Les Fasti Vindobonensis posteriores font mourir les deux hommes la même année, c’est-à-dire en 523 (= Mommsen, p. 332), tandis que Marius d’Avenches, Chronica (=Mommsen, p. 234), place la disparition de Symmaque (525) après celle de Boèce (524). 128 129
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Toutefois, à supposer que cette dérive bénéficie de quelque vraisemblance, et même si Boèce fut condamné à partir d’un dossier entièrement falsifié, qui aurait abusé un vieux roi aigri et tourmenté135, encore fallaitil que le rôle du Catholique complotant contre la cause arienne, que l’on voulait lui imputer, soit plausible. Or nous avons vu qu’aucun pan de son existence ne laisse apparaître de réelle préoccupation pour la sphère du sacré. Voit-on du reste un ex-consul doublé d’un maître des offices décider de lui-même de s’attaquer frontalement à la doctrine religieuse de son souverain, auquel il doit toute sa carrière politique et scientifique ? Et celui-ci, d’un autre côté, n’a-t-il pas eu le sursaut requis pour s’assurer précisément que l’un des Romains qu’il avait toujours estimé et favorisé était crédible en conspirateur improvisé voulant la perte de son bienfaiteur ? Il faut croire qu’il n’en a rien été et que Boèce, par le seul fait d’avoir été le rédacteur d’Opuscules sacrés principalement consacrés aux dogmes trinitaire et christologique, et l’instructeur d’une foi qu’il y revendique comme « catholique », est apparu suffisament crédible en comploteur, condition grevée, ne l’oublions pas, par celle d’occultiste, laquelle vaut aussi sanction dans une nation chrétienne. Puisqu’on ne saurait être trop évasif sur cet aspect, nous y reviendrons bientôt plus en détail136. C’est dans le contexte nébuleux de cette crise politico-confessionnelle que Boèce se vit finalement condamner à mort, le verdict lui ayant cependant laissé le temps suffisant pour rédiger ce qui deviendra malgré lui son testament philosophique, s’il faut croire qu’il s’agit d’un ouvrage entièrement forgé en captivité, l’exécution capitale l’ayant suivi de très peu. En tout état de cause, posons comme pierre d’attente que faire de la Consolation l’ouvrage d’un philosophe dialecticien doublé en permanence d’un pédagogue et d’un Chrétien nicéniste soucieux de ne rien laisser percer de sa foi catholique qui ne soit point, pour se soustraire à la répression arienne, frappé d’ambivalence, n’apparaît pas comme un objectif qui force, voire détourne des conditions historiques il est vrai souvent fuyantes. Penchons-nous, à présent que le cadre historique a été plus ou moins campé, et avant de tenter d’étayer notre hypothèse de lecture, sur la Consolation elle-même, à commencer par son organisation, que nous essaierons de saisir à plusieurs niveaux. 135 Procope, De la guerre gothique, I, 1, décrit un roi en proie à des remords torturants et frappé d’hallucination. 136 Voir infra, V. 9. A.
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V. La Consolation V. 1. La structure 5 livres se partagent l’écrit de captivité de Boèce, rigoureusement découpés dans une alternance stricte de proses et de mètres : 7 mètres et 6 proses pour le livre I 8 proses et 8 mètres pour le livre II 12 proses et 12 mètres pour le livre III 7 proses et 7 mètres pour le livre IV 6 proses et 5 mètres pour le livre V. Outre l’équilibre, sur lequel nous reviendrons par la suite, entre mètres (39) et proses (39), puisque le mètre supplémentaire et initial du livre I est compensé par la prose supplémentaire et finale du livre V, on notera la progression en dents de scie, et non moins géométrique quant au nombre de divisions prosimétriques : ascendante jusqu’au livre central, à savoir le troisème, qui est donc le plus développé et fonctionne comme une sorte de plateau, puis descendante. Soulignons encore que, proportionnellement parlant, le centre « arithmétique » de la Consolation et du livre III, lequel comporte 12 proses et 12 mètres, n’est alors point le mètre IX du livre III, mais se situe entre III, VI et III, 7, ledit mètre restant toutefois le plus célèbre passage de l’ouvrage et pour ainsi dire son cœur doctrinal. V. 2. Le découpage137 I. Recevant, dans le lieu où il a été assigné à résidence, la visite inopinée de Philosophie en personne, dont la présence est incompatible avec celle des muses de la Poésie, Boèce se désole d’avoir été jugé, condamné, exilé et emprisonné, alors qu’il n’a cessé, au cours de son existence, de faire le bien et de défendre le faible. La visiteuse diagnostique que son désarroi lui a fait oublier, bien qu’il soit conscient que c’est Dieu qui régit le monde, quelle est la fin des choses. II. Elle ajoute que Boèce s’est en fait mépris sur Fortune parce qu’elle l’a trompé, elle qui n’est que hasard et s’impose comme souveraine dans ses décisions. Ainsi, après avoir connu la prospérité, il s’est retrouvé Pour un plan plus détaillé, voir l’appendice en fin d’Introduction.
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accusé et déchu. C’est à ce parcours cahotique qu’il a plu à Fortune de le soumettre, ce qu’elle lui signifie en s’exprimant par la bouche de Philosophie. Puis cette dernière renchérit, en son nom, que la réussite n’est jamais ni à son comble ni pérenne, et dénonce les faux biens qui ont obnubilé Boèce, en lui montrant successivement que seuls sont authentiques ceux qu’il recèle en lui, que la Fortune contraire est plus profitable que la Fortune propice, et que la renommée, qu’il admet à demi-mot avoir ambitionné de connaître, est factice et dérisoire. III. Ayant défini le bonheur comme le Bien suprême, Philosophie entreprend ensuite, face à un Boèce sous le charme, d’en cerner la nature, en commençant par identifier ses manifestations illusoires : les richesses rendent dépendant et non suffisant, les dignités ressortissent entièrement de ceux qui les revêtent et ont un prestige qui varie dans le temps et dans l’espace, c’est-à-dire respectées ici et à tel moment mais point là et à tel autre, le pouvoir royal est source de tourments permanents, la renommée est dérisoire, les voluptés rabaissent l’homme au rang de l’animal, la condition parentale peut se révéler torturante et le pouvoir politique est parcouru de vilenies et de trahisons. Par contraste, la félicité authentique doit être une et simple, et rendre, tout à la fois ou séparément, auto-suffisant, puissant, digne de respect, célèbre et allègre (III, 9, 26-27). Elle réside en Dieu, Bien et Bonheur suprêmes, fin de toute chose, dont il faut acquérir la divinité. Par suite, tout homme heureux est Dieu en participant de Lui. IV. Boèce se désole alors de constater que les gens vertueux sont punis à la place des scélérats sous le regard de Dieu. Philosophie va lui démontrer qu’il n’en est rien, à savoir que les gens de bien sont assurément puissants et les méchants faibles et tourmentés, la corruption devant être vue comme le supplice de l’homme malhonnête. Ce dernier, peut-on aller jusqu’à dire, n’existe même pas du tout, vu que le mal est un néant, et que son comportement le change en bête, donc en non-homme. De plus, le méchant, qui est un grand malade, est plus malheureux quand il commet le mal que quand il s’en dispense, son châtiment devant être vécu comme une délivrance et un bonheur. Une série de thématiques soumises à l’analyse est alors annoncée : la simplicité de la providence, l’enchaînement du destin, les événements imprévus, la connaissance et la prédestination divine, le libre arbitre. C’est ainsi que la providence est identifiée à la raison divine, alors que le destin est ce par quoi cette providence gouverne le monde changeant. V. Boèce se dit ensuite intéressé par le sens du mot « hasard », que Philosophie lui fournit en établissant qu’il est « l’inattendu survenu par
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l’effet de causes convergentes dans ce qui est accompli en vue de quelque chose » (V, 1, 18). Que devient alors le libre arbitre de l’homme dans cet enchaînement rigoureux, où s’exerce la providence et la prescience divines ? Pour Philosophie, la prescience n’est pas la cause de la nécessité des choses futures. Certes, tout arrive par nécessité, mais les choses préconnues par la providence, quoiqu’elles se réalisent, n’ont eu, par leur nature propre, rien de nécessaire pour se réaliser. Ce qui n’a pas d’issue certaine, la science suprême le voit comme certain et défini, parce que Dieu a l’éternité, c’est-à-dire la possession simultanément totale et parfaite de la vie interminable. Sa prescience n’est pas l’anticipation du futur mais la science d’une présence jamais déficiente, et donc elle ne change en rien la nature et la propriété des choses. Dès lors, sachant que Dieu voit aussi par présence les choses futures qui procèdent du libre arbitre, celles-ci, rapportées au regard divin, deviennent nécessaires relativement à ce qui détermine la conception divine, mais considérées en soi elles ne renoncent pas à la liberté absolue de leur nature. Au total, puisque Dieu est prescient de tout, l’éternité de son regard toujours présent coïncide avec la qualité future de nos actions, en dispensant aux gens de bien des récompenses et aux méchants des châtiments. Prière et exhortation pour une vie vertueuse ferment l’ouvrage. Dotés de ces diverses approches organisationnelles, nous pouvons aborder à présent, et plus formellement, ce qui singularise la Consolation boécienne, à savoir la « consolation prosimétrique » ou le « prosimètre consolatoire », car nous allons voir que cette typologie mixte est celle qui permet de dégager une certaine originalité, laquelle culminera avec l’audace métrique, qui fera l’objet d’un prochain chapitre. V. 3. Le genre littéraire : la consolation Dès la Grèce antique, on s’est souvent plié à la pratique du discours consolatoire. Si l’on devait le caractériser tant soit peu, il faudrait le faire par contraste avec le « précepte », en indiquant que la « consolation » suit l’événement contraire, compense les effets de l’épreuve et dispense des conseils pour les maîtriser et les surmonter, tandis que le « précepte » les précède, anticipe leurs conséquences et enseigne pour permettre de les assumer et de les édulcorer. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est du malheur, passé, présent ou à venir, dont il s’agit de triompher. Cicéron (106-43) en avait énoncé les différentes étapes, à l’aide de
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recommandations, dont la dernière relève à l’évidence de la mentalité grecque : « Le premier remède dans les consolations sera de montrer que ce qui est arrivé n’est pas un mal, ou du moins que c’est un mal très léger ; ensuite on traitera de la commune condition des hommes et aussi, le cas échéant, de la situation personnelle de l’intéressé ; en troisième lieu, on montrera que se consumer inutilement de chagrin, alors qu’il n’y a rien de bon à en attendre, c’est le comble de la sottise » (Tusculanes, III, 77).
Si Homère (s. - VIII) peut être tenu, dans l’état de notre savoir, pour le premier écrivain connu de la tradition hellène 138 à avoir placé un propos consolatoire dans la bouche de son héros, celle d’Achille réconfortant Priam apès la mort de son fils Hector (Iliade, XXIV, 518-555), Antiphon le Sophiste (s. - V) est considéré, par plusieurs historiens de la philosophie, comme l’inventeur d’un « art d’écarter la peine » (τέχνη ἀλυπίας)139, genre littéraire que Ménandre le Rhéteur (s. - III), dans Sur les discours épidictiques (Περὶ τῶν ἐπιδεικτικῶν), qualifiait de παραμυθητικός140 (« paramythétique ou rhétorique propre à consoler »), lequel était devenu un exercice à part entière. Par ailleurs, dans le Phédon, Socrate s’appliqua, comme il le dit (115b-116a), à « se consoler » et à « consoler » (παραμυθέομαι) ses amis de la mort programmée qui était sur le point de le frapper, si bien que les Apologies de Socrate de Platon et de Xénophon, chacune par des voies différentes, « offre(nt)… une conception rigoureuse du consentement à la finitude »141. De plus, contemporain de Socrate, Démocrite ménagea un volet éthique à sa réflexion qui donna plusieurs compositions (Du courage, De la vertu, Du bonheur) ayant à l’évidence une portée consolatrice142. Plus tard, Théophraste (c. 371-c. 287), premier scholarque du Lycée d’Aristote, illustra le genre dit « lugubre » avec Callisthène ou Sur le deuil. La contribution de Platon, elle, fut le point de départ d’une tradition dans l’Académie, comme en attestent Crantor de Soles (s. IVIII – ancienne Académie), auteur d’un traité intitulé lui aussi Sur le deuil (Περὶ πένθους)143, lequel établit les règles du genre, Clitomaque (c. 186-c. 110 – nouvelle Académie), qui donna, pour tenter d’apaiser 138 Approximativement contemporain (c. - 730), mais relevant de la tradition hébraïque, il convient de situer ici le « Livre de la consolation d’Israël », formé par les chapitres 40 à 55 du Livre d’Isaïe, dits « Deutéro-Isaïe » – voir Beaucamp (1991). 139 D’après Joël (1901), cité par Narcy (1994, p. 232). 140 Voir Russell et Wilson (1981, p. 368-377) et Pernot (2005, p. 436). 141 Voir Rohrbasser (2004). 142 Voir Imhoof (2000). 143 Voir DPA, II, p. 533.
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l’affliction de ses compatriotes, un Écrit de consolation, rédigé à la suite du génocide des Carthaginois perpétré par les Romains en - 146, en réponse au Delenda est Carthago de Caton l’Ancien144, et jusqu’au Médioplatonicien Plutarque de Chéronée (c. 45-c. 125), responsable, entre autres, d’une Consolation à sa femme, pour la mort de leur fille Timoxena, et d’une Consolation à Apollonios (apocryphe aux yeux de certains), un père qui venait de perdre son fils145. Dans le même ordre d’idée, Épicure lui-même (c. 340-c. 270), que d’aucuns tiennent pour le promoteur du genre consolatoire, écrivit des lettres, maximes et sentences qui ont un caractère thérapeutique visant notamment à consoler de l’affliction146, et il est superflu de rappeler que le Stoïcisme, en sa représentativité tardive du moins, a pleinement intégré la démarche consolatrice, dans laquelle on fait appel à la raison pour surmonter le chagrin et la douleur, s’accommoder de l’exil et dominer la peur de mourir. Ainsi, le Manuel d’Épictète (50-135) n’est-il pas tout entier un recueil de directives pour dépassser ces épreuves ? Deux siècles auparavant environ, Hipparque (°c. -190) aurait composé un De la tranquillité (Περὶ εὐθυμίας), celle de l’âme s’entend, dont l’intitulé est suffisamment indicatif de son contenu147, alors qu’un siècle plus tard à peu près Athénodore de Tarse (dit Calvus – c. 105-c. 23) écrira une consolation pour Octavie, à l’occasion de la perte de l’époux de celle-ci ou de son fils148, et à peu près au même moment Areios Didymos (fl. s. – I), philosophe sans école pour certains, Stoïcien pour d’autres, aurait rédigé un discours consolatoire adressé à Livie Drusilla pour la mort de son père Drusus149. Par surcroît, s’il n’y avait pas un problème de compréhension (comment entendre παράκλησις (« consolation » ou « exhortation ») et παρακαλεῖν (« consoler » ou « exhorter »), le Paulinisme serait en mesure de figurer parmi les grands textes « paraclésiques » de cette bascule séculaire : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes, et le Dieu de toute consolation (παράκλησις/consolatio), qui nous console (παρακαλεῖν/consolari) dans toute notre tribulation, afin que nousmêmes, par la consolation (παράκλησις/exhortatio) par laquelle nous sommes aussi consolés (παρακαλεῖν/exhortari) par Dieu lui-même, D’après Cicéron, Tusculanes, III, 54. Voir Plutarque, Œuvres morales, II, Traités 10-14, et VIII, Traités 42-45. 146 Voir Morel (2011). 147 Voir DPA, III (B. Centrone), p. 750-751. 148 Voir DPA, II (R. Goulet), p. 655. 149 Voir DPA, I (B. Inwood), p. 345-346. 144 145
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p uissions aussi consoler (παρακαλεῖν/consolari) ceux qui sont dans quelque affliction » (2 Cor 1, 3-4)150.
Quelque temps après, Dion de Pruse, dit Chrysostome (c. 40-c. 120), rédigea un Discours (XIII, 8, 16) sur la peine et la détresse de l’esprit, sans doute avant qu’Athénodote, disciple de Musonius, ne fasse parvenir à Hérode Atticus une lettre consolatoire (c. + 143) à propos de son fils mort-né151. Favorinos d’Arles (s. I-II), lui, rédigea en grec un De l’exil (c. 132-138), pour consoler les exilés de Chios, île sur laquelle il aurait lui-même été assigné152. On connaît en outre du rhéteur M. Cornelius Fronton (100-c. 167), qui dit avoir perdu une épouse, cinq enfants et un petit-fils, une longue lettre d’autoconsolation envoyée à son élève l’empereur Marc Aurèle153, et de l’orateur et rhéteur Aelius Aristide (117c. 180) plusieurs discours à tendance consolatoire, dont un Rhodiakos (Discours, n° 25), pour consoler les Rhodiens après la destruction de leur cité par un tremblement de terre en 142, et une Oraison funèbre pour Eteonus (Discours, n° 31), pupille originaire de Cyzique et compagnon d’études disparu très jeune154. Le médecin Galien (º 129) est par ailleurs à l’origine d’un traité appelé Ne pas se chagriner, destiné à bannir cette passion de l’âme ayant pour nom « chagrin », en l’occurrence celui qui aurait pu l’accabler à la suite de la perte de sa bibliothèque dans l’incendie de Rome de 192155. À l’extrême fin du IIIe s., la Lettre à Marcella n’est point déplacée dans ce panorama, puisqu’on y trouve Porphyre, obligé de vivre un temps loin de son épouse, écrire à celle-ci une lettre pour consoler son âme de cette absence156. Enfin, l’empereur Julien († 363) mit au point une Consolation à soi-même ou Lettre à Salluste, qui met en scène une prosopopée de Périclès, destinée à rendre moins douloureux le départ de cet ami157. Le courant latin, bien qu’en apparence très tardivement, ne fut pas en reste pour illustrer ce genre littéraire. En - 45, le même Cicéron s’adressa à lui-même, comme le feront Julien et Boèce, à l’occasion de la disparition de sa fille Tullia, morte en couches à l’âge de 30 ans, une C onsolation, 150 Cf. He 6, 18 et Mt 11, 28. La thématique du Dieu qui soulage, apaise et réconforte n’est toutefois pas propre au Nouveau Testament et se rencontre également dans l’Ancien – voir : Is 51, 12 ; Ps 71, 21 ; Jb 5, 11 ; Jr 31, 25. 151 Voir DPA, I (S. Follet), p. 659. 152 Voir Collart (1932). 153 Voir Van Den Hout (1988, p. 235-240) et Fleury (2006, p. 65-77). 154 Voir DPA, I (L. Pernot), p. 363. 155 Voir DPA, III (V. Boudon), p. 462. 156 Voir Perrot (2019). 157 Voir DPA, III (J. Bouffartigue), p. 962 et 965.
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qui, retravaillée, formera les livres III et IV des Tusculanes. Cette perte lui valut la compassion de deux de ses contemporains, Lucceius, qui envoya au père meurtri une lettre de consolation d’obédience épicurienne, et Servius Sulpicus Rufus, qui fit pareillement158. L’année suivante, donc en - 44, le même Cicéron écrira à Nigidius Figulus pour le consoler de son impossible retour à Rome159. D’autres lettres dites « familères » (Familiares) sont tenues pour des consolations, dont celles à Servius Sulpicius Rufus (sur les calamités publiques – Familiares, IV, 3), à Marcellus (sur les vicissitudes politiques – IV, 8), à Titius (sur la mort de l’un de ses enfants), à T. Fadius (sur sa disgrâce – V, 18), à A. Manlius Torquatus (sur son bannissement – VI, 1), et à Cécina (sur son exil – VI, 6)160. Presque au même moment, Lucrèce (c. 98-c. 55) composa le De la nature des choses, qui est souvent assimilé à une Consolation, dès lors que le poète entend y délivrer l’homme de la crainte de la mort161. Dans la génération d’après, Ovide (43–c. + 18) écrivit une Consolation à Livie Augusta pour la mort de son fils, en - 9. Au début de l’ère chrétienne, parmi les neuf livres des Actions et paroles mémorables de Valère Maxime (fl. 15-30), plusieurs chapitres peuvent être considérés comme des « consolations » (III, III : « De l’endurance », VI, IX : « Du changement survenu dans la vie et la fortune », VIII, XIII : « De la vieillesse »). À peine plus tard, entre 41 et 49, Sénèque en écrivit lui aussi quelques-unes, sous forme de lettres destinées soit à Lucilius, gouverneur romain de Sicile (124 lettres), soit à sa mère Helvia (12), soit à une femme du nom de Marcia (17), soit à Polybius (14). La douleur, l’exil, la condition humaine, le devenir de l’âme et la mort en sont les thèmes centraux162. Stace (40-c. 96), dans son recueil poétique en cinq livres des Silves, fut également un grand consolateur : à ses deux « Consolations », la première pour Flavius Ursus à propos de la perte d’un jeune esclave favori qu’il chérissait comme un fils (II, VI), la seconde pour Claudius Étruscus (III, III), au sujet de la mort de son père, il convient d’ajouter deux « Chants funèbres », arrangés pour le soulagement des grandes afflictions : l’un en l’honneur du propre père de Stace (V, III ), déploration qui tient lieu d’autoconsolation, l’autre en l’honneur de son fils adoptif disparu à l’âge d’un an (V, V), une lamentation à mettre sur le même plan puisqu’elle vise à apaiser sa douleur. La correspondance de Voir DPA, IV (Y. Benferhat), p. 131, et V, 2 (M. Ducos), p. 1814. Voir Cicéron, Correspondance, VII. 160 Voir ibid. et Correspondance (Lettres 1 à 954). 161 Luciani (2017). 162 Voir I. Hadot (1992). 158 159
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Pline le Jeune (c. 61-c. 114) n’est pas non plus exempte d’intention consolatrice, telle sa Lettre à Caelestrius Tiron, concernant la mort de Corellius Rufus (I, 12). Inaugurant la tradition chrétienne du consolateur et l’intervention de la dimension surnaturelle, on retiendra ensuite, de saint Cyprien, évêque de Carthage (c. 200-258), le De mortalitate, qui s’attache au thème de la maladie, qu’il faut vivre non comme un fléau mais comme un combat à mener, ainsi que les deux florilèges bibliques, l’Ad Fortunatum et l’Ad Quirinum, qui traitent de la mise à l’épreuve, de la persécution et du martyre163. Au siècle d’après, saint Ambroise (c. 330397), donnera une Consolation sur la mort de Valentinien, à savoir le co-empereur romain Valentinien II, mort, par suicide ou par assassinat maquillé, en mai 392. Son opposant, l’aristocrate païen et sénateur Symmaque (Q. Aurelius Symmachus – 342-402) est l’auteur d’un corpus épistolaire de 904 lettres, dans lequel il aborde souvent les thématiques du chagrin et de la consolation avec conviction (il fut lui-même très affecté par la mort de ses frères), où la dimension littéraire le dispute à la fonction socio-culturelle164. De son côté, saint Jérôme, dans sa Lettre LX, de juillet 396, dite Consolation à Héliodore, fera l’éloge funèbre du neveu de ce natif d’Altino, le prêtre Népotien165. Une décennie auparavant, saint Augustin avait publié, vers 386-387, des Soliloques – sorte de pré-Consolation de Philosophie, sans le volet métrique toutefois, du moins quant au fond et à l’orientation d’ensemble, puisque l’évêque d’Hippone y dialogue avec la Raison sur les malheurs de l’homme, que celui-ci ne surmontera qu’en accédant à la véritable connaissance de Dieu, de l’âme et du vrai166 –, une douzaine d’années avant que Paulin de Nole (354-431) n’expédie une imposante épître (Ep. XIII) à son ami Pammachius, pour l’encourager à conserver la foi après son veuvage167. Au même moment sans doute, les Lettres V et VI du Pseudo-Jérôme, adressées l’une et l’autre « À un ami malade », font partie de ce que l’on a appelé le « Stoïcisme chrétien », et dispensent, comme leur titre le laisse deviner, un baume philosophique pour supporter l’infortune due à la maladie168. Ultérieurement, Avit de Vienne (c. 450-c. 518), au tournant des Ve et VIe siècles, publiera un Éloge consolatoire de la chasteté, destiné à aider sa sœur Fuscine, qui a renoncé au monde pour devenir Voir Voir 165 Voir 166 Voir 167 Voir 168 Voir 163 164
respectivement Simonetti (1976) et Weber (1972). Cf. Ciccolini (2015). Cavuoto-Denis (2020). Nautin (1974). Melchior Beyenka (1950). Hartel (1894, p. 84-107). Savon (1979).
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moniale, à préparer ses noces spirituelles avec le Christ169. Enfin, son jeune contemporain, Ennode de Pavie (473/474-521) couchera sur le parchemin une lettre consolatoire (consolatoria pagina) pour l’un de ses proches, Arménius, accablé par la mort de son fils, en lui remémorant les comportements d’Abraham et de David170. C’est sur cette ligne de crête entre versant grec et versant latin que doit être située la Consolation de Boèce, non sans perdre de vue qu’elle a hérité entre-temps du capital spirituel du Christianisme. Car si elle répond ouvertement à une certaine codification très empreinte d’Hellénisme, original ou latinisé – banaliser ou dévaloriser la cause du chagrin, faciliter l’acceptation, élever le regard, majorer les compensations, valoriser la raison comme meilleur remède et le sage comme parangon de celui qui résiste au sort contraire –, il n’est pas à exclure qu’elle diffuse subrepticement, sous une apparente profanité, maintes allusions à une philosophie et à une morale chrétiennes qui devaient alors se maintenir clandestinement. Mais avant de nous pencher sur la problématique d’une Consolation chrétienne ou non, il importe de nous arrêter aux formes discursives de l’ouvrage. V. 4. Les formes du discours : le prosimètre Le prosimètre (prosimetrum) – l’occasion se présentera de le redire –, consiste, comme son nom l’indique, et comme Boèce lui-même le déclare (voir Consolation, II, 1, 8) en une alternance, parfois irrégulière, de prose (dit « discours libre ») et de vers (dit « discours mesuré »)171. Au moment où Boèce l’adopte, le prosimètre avait déjà, lui aussi, une histoire, quoique beaucoup moins fournie que celle du genre littéraire, en ce premier quart du sixième siècle172. On l’illustre couramment par les 150 Satires Ménippées ou à la Ménippe (satura signifiant originellement « mélange ») de Varron (116-27), explicitement imitées de celles attribuées sans consensus au Cynique Ménippe de Gadara (c. 325–c. 250) – dont ils ne reste que très peu de fragments173. Cet écrit, seul vestige à ce Voir Hecquet-Noti (2011). Voir Vogel (1885, p. 34-35) et Gioanni (I, p. 49-53). 171 Ces expressions sont dues à De Jaucourt (1765), qui précise notamment que les deux genres (prose et poésie) se différencient par leur but : instruire en disant le vrai et en persuadant pour la prose, plaire en étant agréable pour la poésie – des appellations et des caractérisations qui ne nous sembleraient pas déplacées si on les appliquait à la Consolation. 172 Voir O’Daly (1991, p. 15-23 et 30-73). 173 Voir Riese (1865, p. 245-246) et DPA, IV (M.-O. Goulet-Cazé), p. 471-472. 169 170
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que l’on sait de la prosimétrie grecque classique, ne mêle pas que les vers et la prose, mais également le sérieux et la fantaisie, le vrai et le fictionnel. Il eut également une influence, plus ou moins directe, 1. sur les Grâces, du poète et épigrammatiste Méléagre de Gadara (fl. c. - 100), dont un seul extrait nous est parvenu, un recueil de compositions qui « devaient être des satires d’inspiration ménippéenne »174, 2. sur l’Apocoloquintose du divin Claude de Sénèque, 3. sur le Satiricon de Pétrone, l’un des favoris de Néron (37-68), 4. sur la production du littérateur et penseur grec Lucien de Samosate (c. 120-c.185), avec entre autres deux dialogues qualifiés de « ménippéens » : la Nécyomancie ou Ménippe et l’Icaroménippe ou le voyage aérien175, et bien plus tard 5. sur les Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella (c. 360-c. 430), l’ouvrage encyclopédique qui dut avoir à son tour une incidence directe sur Boèce quant au choix, non point du sujet, mais de la forme littéraire de sa Consolation. Nous n’irons cependant pas, comme certains176, jusqu’à faire de celle-ci, nonobstant le Papae de I, 6, 6 et le ton légèrement sarcastique en II, II, 7-8, une satura au sens premier que nous avons indiqué, à savoir comme une production littéraire qui renferme une part de comique et de dérision177, dès lors que l’ouvrage de Boèce est, à notre sens, totalement dénué d’une quelconque touche d’humour ou d’ironie, et encore moins de parodie, car tout au contraire sous-tendue en permanence par une intensité dramatique parfois pesante178. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un prosimètre classique, nous mentionnerons encore le Banquet des dix vierges (Symposium decem virginum) de Méthode d’Olympe († c. 310), évêque et martyr, une composition en grec, dans la mesure où il s’agit d’un dialogue en prose qui se termine sur un hymne comprenant 24 strophes, chanté par l’une des dix vierges pour célébrer les fiançailles du Christ et de son Église179. Ce serait quelques temps plus tard que, au dire de Fulgence de Ruspe († 533), le poète Tiberianus180, Voir DPA, IV, p. 387 (M.-O ; Goulet-Cazé). Voir DPA, IV, p. 131-160 (P. P. Fuentes González). 176 Voir Marenbon (2003, p. 146-163) et Herren (2018). 177 Voir, par exemple, Relihan (1993, p. 12-36), qui caractérise, comme il se doit, la tradition de la Satire ménippéenne (de laquelle participe, selon lui, la Consolation) en disant qu’il s’agit d’ouvrages qui cumulent un mélange de prose et de vers, une narration fantastique (notamment en ce qui concerne le décor), le burlesque de la langue et de la littérature, les plaisanteries aux dépens du savoir, et l’influence de trois sous-textes (l’Odyssée d’Homère, l’Ancienne comédie et le mythe platonicien, notamment celui d’Er). 178 Voir aussi Paz (2017). 179 Voir Musurillo et Debidour (1963). 180 Il est pour le moins surprenant que Courcelle (1967, p. 177) situe Tiberianus au sixième siècle. 174 175
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qui fut nommé préfet du prétoire des Gaules en 336, aurait donné un dialogue en forme de prosimètre181. Dans la même rubrique des contributions singulières, une place doit être réservée aux Saturnales de Macrobe, à peine plus jeune que Martianus, qui mêle assez librement des intermèdes formés tantôt de vers latins tantôt de vers grecs. En dernier lieu, les Trois livres de mythographies182 (Mitologiarum libri tres) de Fulgence le Mythographe, qui pourrait être un exact contemporain de Boèce s’il convient de l’identifier à Fulgence de Ruspe, consiste en un dialogue de l’auteur avec la muse Calliope, dont le début du livre I a la forme d’un prosimètre183, et dans lequel se trouve proposée une interprétation, teintée de Stoïcisme et de Néoplatonisme, de plusieurs mythes184. Au total, Boèce aurait innové dans un genre consolatoire déjà surillustré en produisant une « consolation » prosimétrique où l’audace poétique contraste avec la rigueur de la narration prosée, puisque ni le propos réconfortant (pratique répandue) ni l’autoconsolation (Socrate, Cicéron, Stace) ni le dialogue avec la philosophie ou la raison (Augustin) ne lui sont propres. Cependant, il vaut encore de souligner que la succession des mètres et des proses y présente une alternance rigoureuse que nous n’avons constatée avec une telle ampleur en nul autre prosimètre antérieurs, et que les mètres s’y inscrivent à chaque fois exactement dans le cadre narratif en amplifiant toujours la thématique des proses. Le recueil s’ouvrant par un poème, c’est avec l’art versificatoire de Boèce que nous aborderons les aspects plus originaux de ce qui allait rententir comme son chant du cygne. V. 5. Choix et disposition des mètres dans la Consolation de Philosophie La Consolation de Philosophie, on l’a vu, est un prosimetrum, c’està-dire un mélange de morceaux de prose et de poésie. Il serait intéressant de comparer du point de vue métrique ces deux types d’écriture ; mais l’étude du type de prose adopté ici par Boèce serait fort longue et difficile dans la mesure où, à cette époque, la métrique quantitative ne correspond plus à la pratique réelle de la langue, dans laquelle s’impose la métrique accentuelle : on le voit même dans la métrique quantitative des poèmes Voir Cameron (2016, p. 15). La « mythographie » est la « science qui étudie les mythes et les explique » (CNRTL). 183 Voir Helm (1898, p. 1-15). 184 Voir Wolff – Dain (2013, Introduction). 181 182
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que nous allons étudier : ainsi par exemple en V, IV, 3, le second « o » de corporibus, naturellement bref mais accentué, devient nécessairement long à cette place du glyconique185. On notera que Bernhard Pabst, dans sa longue étude de la Consolation en tant que prosimetrum n’aborde pas ce problème186. On se limitera donc ici à l’étude des mètres. La Consolation de Philosophie compte 39 poèmes (au total, 890 vers) répartis en 28 ou 30 mètres différents, selon que l’on compte ou non pour des mètres différents les séries d’hendécasyllabes sapphiques ou de dimètres anapestiques sans ou avec clausule (IV, VII et V, III). Boèce donne à son lecteur l’impression d’avoir voulu assembler un bouquet de presque toutes les fleurs métriques antiques (métrique épique, élégiaque, épigrammatique, lyrique, tragique…), avec un certain nombre d’innovations187. Du point de vue de leur longueur, ces petits poèmes se présentent comme des épigrammes, avec quelques « épigrammes longues »188 : pour une longueur moyenne de 22,82 v. avec des extrêmes à 6 v. (III, III et VII avec une concentration de petites pièces entre ces deux poèmes) et à 58 v. (III, XII), on dénombre : 8 poèmes de 10 vers ou moins ; 11 poèmes entre 11 et 20 v. ; 11 poèmes entre 21 et 30 v. ; 6 poèmes entre 31 et 40 v. ; 2 poèmes de 48 v. (I, V et IV, VI) ; 1 poème de 58 v. (III, XII). On notera que tous les poèmes qui dépassent 30 vers sont écrits en stiques : le distique n’est donc pas adopté pour les pièces les plus longues. Un seul poème est écrit en hexamètres dactyliques, le mètre de l’épopée, mais aussi des hymnes archaïques (homériques) et hellénistiques grecs : 28 vers placés quasiment au centre de l’œuvre189 et dont tous les critiques ont souligné l’extrême importance. Deux poèmes en correspondance, en tête du premier et du cinquième livres, I, I (22 v.) et V, I (12 v.) sont écrits en distiques élégiaques. Cette forme métrique avait élargi Voir notre glossaire, infra, p. 53-55. Voir Pabst (1994, I, p. 158-195). 187 Sur les aspects spécifiquement métriques de la Consolation, outre les index des éditions, voir Pepe (1954) ; Scheible (1972) ; O’Daly (1991) ; Gruber (2006, p. 20-22) et Floris (2015, p. 99-110). 188 Pour le concept d’épigramme longue, voir Morelli (2008). 189 Par exemple Gruber (2006, p. 22). Si l’on considère les poèmes, on compte 462 vers avant III, IX et 400 après lui (mais le livre V n’est peut-être pas achevé : Gruber, ibid.). 185 186
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ses domaines dans l’Antiquité tardive, y compris à la poésie religieuse chrétienne190. Le premier poème de Boèce est une petite élégie plaintive qui s’inspire des recueils d’exil d’Ovide (Tristes et Pontiques), comme le montreront nos notes. Le second est une sorte d’épigramme à pointe qui nie le hasard. Parmi les autres mètres de l’épigramme, on relève le phalécien et le scazon : l’hendécasyllabe phalécien, mètre pratiqué surtout par Catulle et Martial, pour les 18 vers de la pièce I, IV, et le scazon ou choliambe, c’est-à-dire un trimètre iambique qui inverse le rythme du dernier pied (en donnant une avant-dernière syllabe longue à la place de la brève de l’iambe normalement attendue), faisant ainsi « boîter » le vers, employé aussi par Catulle et Martial, puis par Ausone, pour deux autres petites pièces : II, I (9 vers : la roue de la Fortune) et III, XI (16 vers : invitation à rentrer en soi-même). Dans les mètres lyriques, le seul mètre horatien (mais non spécifiquement horatien !) repris est le distique épodique, c’est-à-dire l’association d’un trimètre et d’un dimètre iambiques, mètre adopté par Horace dans les dix premières Épodes, mais qu’on lit chez d’autres poètes, par exemple Martial et, à l’époque tardive, chez Ausone, Prudence et Paulin de Nole191. Boèce l’a choisi pour parler de la vraie gloire (II, VII, 26 v.). Le distique de la pièce I, III (évocation d’un splendide lever de soleil, 10 v.) ressemble fort au distique adopté par Horace dans les Odes, I, 7 et 28, ainsi que dans l’épode 12 (mètre alcmanien) : un hexamètre dactylique suivi d’un tétramètre dactylique. Mais, alors qu’Horace laissait systématiquement ouvert le dernier pied de ce tétramètre (concrètement, un trochée ou un spondée), Boèce écrit au sens strict des tétrapodies dactyliques, c’est-à-dire que, chez lui, le quatrième pied est toujours un dactyle complet. On pourrait dire que Boèce a interprété le second vers de ce distique à la manière de Sénèque qui a écrit dans ses tragédies des tétrapodies dactyliques de ce type (Œdipe, 449-465 ; Phèdre, 761-764 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1947-1962) ; nous retrouverons cette tétrapodie dans d’autres configurations (IV, I et V, II, où Boèce revient à la fin de vers horatienne). On sera surpris de l’absence de toutes les strophes préférées par Horace dans ses Odes : alcaïque, sapphique, asclépiade A et asclépiade B, distique asclépiade mineur / glyconique. Le distique du poème II, II (20 v. sur 190 Voir Charlet (2020, p. 103) ; pour les liens thématiques entre les deux poèmes de Boèce, voir Floris (2015). 191 Voir Charlet (1980, p. 92-93).
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INTRODUCTION
l’insatiabilité du cœur humain) se présente de façon, semble-t-il, originale comme une sorte de fragment de la strophe asclépiade B qui serait réduite à ses vers 2 et 3 : un asclépiade mineur suivi d’un phérécratéen. Mais, dans la ligne de Sénèque le Tragique, Boèce disloque les strophes horatiennes pour user de leurs différents mètres soit en stiques soit en les combinant en distiques avec d’autres mètres, et souvent de façon originale. Ainsi, de la strophe sapphique, Boèce tire, comme Sénèque192, une suite de 17 hendécasyllabes sapphiques pour condamner le tyran Néron (II, VI, à comparer à Sénèque, Hercule furieux, 830-874 ; Phèdre, 274324 ou 1149-1153) et une suite de 34 hendécasyllabes close par un adonique pour évoquer les figures héroïques d’Agamemnon, Ulysse et Hercule (IV, VII, à comparer à Thyeste, 546-622 et Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1518-1605). On relève aussi dans la Consolation une suite de 31 adoniques, c’est-à-dire un mètre composé d’une longue suivie de deux brèves puis d’une autre longue et d’une syllabe indifférente (schéma métrique semblable à la clausule de l’hexamètre dactylique, voire, comme nous le verrons, à une forme de monomètre anapestique) : le poème I, VII qui indique dans quelles conditions doit être l’âme humaine pour voir le vrai. Cet emploi du vers adonique en stiques se développe dans la poésie latine tardive, notamment chez Martianus Capella (Les Noces, II, 125) et chez Ennode de Pavie (pièce 452 et fin de la pièce 26)193. Nous verrons plus loin d’autres types de dislocation de la strophe sapphique propres à la poésie latine tardive ou originaux. Le glyconique ne se rencontre qu’en strophes chez Catulle ou Horace194. Mais on le lit en stiques dans des chœurs de Sénèque : Hercule furieux, 875-894 ; Médée, 75-92 ; Thyeste, 336-403 et, avec une variante, Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1031-1130. Et cet emploi est repris dans la poésie tardive, notamment chez Prudence et Luxorius. Dans la Consolation de Philosophie, c’est le seul mètre présent dans chacun des cinq livres : I, VI, 22 v. (il faut faire chaque chose en son temps) ; II, VIII, 30 v. (conclusion du livre II : les hommes seraient heureux s’ils respectaient la loi d’amour qui régit l’univers) ; III, XII, 58 v. (conclusion du livre III, macarisme : heureux qui connaît le bien ; interprétation allégorique du mythe d’Orphée et Eurydice) ; IV, III, 39 v. (interprétation allégorique du mythe d’Ulysse et Circé) ; V, IV, 40 v. (réfutation de la doctrine stoïcienne de la connaissance). Voir Charlet (2020, p. 162, n. 3) pour le détail de cet usage sénéquien. Voir Charlet (2020, p. 162, n. 4). 194 Voir Charlet (2020, p. 154-155). 192 193
INTRODUCTION45
En dernier poème de son recueil tel qu’il nous est parvenu (V, V qui chante la station droite, privilège de l’homme par rapport aux autres animaux), Boèce emploie aussi en stiques le grand archiloquien (tétrapodie dactylique suivie de trois trochées avec syllabe finale indifférente, que certains présentent comme un mètre alcmanien suivi d’un ithyphalique, tripodie trochaïque employée en stiques par Césius Bassus), comme Prudence l’avait fait avant lui dans l’hymne XIII du Péristéphanon (Passion de Cyprien), alors qu’Horace, comme le même Prudence dans l’hymne XII du Péristéphanon, l’avait associé en distique dans l’Ode I, 4 sur le retour du printemps195. Un peu plus haut, en V, II, pour chanter le vrai Soleil (14 v., dont le premier en grec à partir d’un hexamètre homérique), Boèce écrit des tétrapodies dactyliques sur le modèle de l’adaptation que Sénèque avait faite du tétramètre dactylique qu’Horace avait associé à un hexamètre pour former le distique de ses Odes, I, 7 et 28 ou encore de son Épode 12 (voir plus haut à propos du poème I, 3), avec une fin de vers horatienne (trochée ou spondée). Et c’est cette tétrapodie dactylique, mais avec une fin de vers dactylique comme chez Sénèque, que Boèce associe de façon originale au dimètre iambique acatalectique qu’Horace introduit dans certaines de ses strophes (distique épodique et premier mètre pythiambique des Épodes, XIV et XV), pour former le distique qui ouvre le livre IV (IV, I, 30 v.) et chante l’élévation de l’âme jusqu’à la divinité, sa vraie patrie. Par ailleurs, de façon originale en l’état actuel de notre documentation, Boèce associe deux fois en distiques des mètres qu’Horace avait employés dans des strophes totalement différentes : c’est le cas, d’abord, de l’hendécasyllabe sapphique, déjà rencontré en stiques faisant éclater la strophe du même nom, et du glyconique, déjà rencontré lui aussi en stiques à partir du démembrement des strophes asclépiades A ou B ou du distique qui l’associe à l’asclépiade mineur chez Horace, dans le poème II, III, 18 vers qui montrent que rien de ce qui est engendré n’est stable. C’est le cas aussi de l’asclépiade mineur, uni au glyconique dans les strophes horatiennes que nous venons de mentionner, qui se joint chez Boèce au dimètre iambique acatalectique, dont nous venons de rappeler les emplois chez Horace, pour dire que le souverain bien n’est pas sur terre (III, VIII, 22 vers). On peut relever aussi l’association du phérécratéen, troisième vers de la strophe horatienne asclépiade B, déjà rencontré avec l’asclépiade mineur en II, II, avec un mètre non horatien, mais le plus souvent Voir Charlet (1980, p. 94-95).
195
46
INTRODUCTION
h eptasyllabique lui aussi (exceptions v. 3, 13 et 15), le dimètre iambique catalectique qu’on lit, à côté de quelques fragments d’époque impériale, dans un chœur de la Médée de Sénèque (v. 849-878 avec deux vers doublement catalectiques) et chez Prudence (Cathémérinon, VI)196, dans le poème II, IV (22 v.), qui conseille de s’établir sur une base solide. À trois reprises dans le livre III, Boèce associe en distiques, de façon apparemment originale, un vers employé dans les poèmes lyriques d’Horace à un mètre totalement étranger au poète de Venouse. Ainsi en III, III (6 vers pour condamner les richesses) on lit un trimètre iambique, choisi par Horace pour l’Épode 17 ainsi qu’en distique dans les Épodes 1 à 10 (mais qu’on rencontre dans bien d’autres formes poétiques, en particulier dans la tragédie), suivi par un pentamètre dactylique qui est réservé dans la poésie classique au distique élégiaque. En III, IV (8 vers pour écarter le luxe qui ne fait pas le bonheur), l’hendécasyllabe phalécien, mètre prisé, comme nous l’avons vu, par Catulle et Martial, précède le décasyllabe alcaïque, quatrième vers de la strophe alcaïque chez Horace. En III, X (18 vers, invitation à abandonner les richesses terrestres pour gagner le ciel et contempler la lumière divine), la construction est plus subtile : après deux hendécasyllabes phaléciens, Boèce introduit une alternance de phaléciens et d’hendécasyllabes sapphiques, déjà empruntés en stiques à la strophe horatienne du même nom. Boèce a choisi aussi trois mètres lyriques non horatiens, soit archaïques, soit à la mode durant l’époque tardive. Et tout d’abord le falisque, ou tétrapodie dactylique miure, c’est-à-dire trois dactyles suivis d’un iambe ou d’un pyrrhique, mètre que le vieux poète Lévius avait fait alterner avec l’hexamètre dactylique197. Boèce le place en tête de son livre III (III, I, 13 v.) pour conseiller de chasser les faux biens avant de prétendre atteindre les vrais. Il adopte aussi, pour la pièce III, VII (6 vers : les piqûres du plaisir), l’anacréontique, ou dimètre ionique, qui apparaît comme un dimètre iambique catalectique dont le premier pied serait toujours un anapeste. Ce vers remonte, comme son nom l’indique, à Anacréon ; on le trouve chez Pétrone (fragment 20) et surtout chez Claudien, dans la deuxième pièce des vers Fescennins composés pour le mariage de l’empereur Honorius, associés au tétramètre choriambique (Charlet, II, 2, p. 97-104), ainsi que dans un poème de mariage attribué à Prosper d’Aquitaine (s. + V init.). Enfin le parémiaque ou dimètre anapestique catalectique a été choisi pour les poèmes II, V (30 vers qui font l’éloge Voir Charlet, 1980, p. 98. Voir le grammairien Marius Victorinus (s. IV), dans Keil, VI, p. 122, 9 sqq.
196 197
INTRODUCTION47
de la vie primitive) et III, V (10 vers pour dire que le vrai pouvoir doit d’abord s’exercer sur soi-même, en maîtrisant ses passions) ; ce mètre, qui apparaît dans les Satires Ménippées de Varron, puis chez quelques petits poètes des IIe-IIIe siècles comme Annianus et Septimius Sérénus, avait été pratiqué par Ausone (Parentales, 17) et Prudence (Cathémérinon, X)198. Parmi les mètres favoris de la tragédie (sans parler du trimètre iambique), c’est le dimètre anapestique acatalectique qui a les faveurs de Boèce. Ce mètre, très fréquent dans les chœurs tragiques et qui apparaît à l’époque tardive chez Claudien (Fescennins, III) et Luxorius199, a été choisi non moins de quatre fois par Boèce dans des pièces d’une certaine longueur : I, V (48 v., prière à Dieu organisateur du cosmos), III, II (38 v. : le cercle stable qui régit le monde) ; IV, VI (48 v. comme I, V : l’amour est la loi qui maintient la stabilité du monde) et V, III, avec une variante formelle (30 dimètres plus un vers de clausule : la quête du vrai par la réminiscence). On voit la cohérence thématique de ces pièces et Floris s’est efforcé de montrer qu’elles marquent les différentes étapes d’un raisonnement200. Quant au vers clausule (V, III, v. 31), dans lequel on voit habituellement un adonique, il paraît plus naturel de le considérer comme un monomètre anapestique, que Sénèque introduit souvent pour couper ses séries de dimètres ou pour les conclure (e.g. Troyennes, 82), du fait que la structure métrique de l’adonique, semblable à une clausule héroïque, peut parfaitement former aussi un monomètre anapestique ou le second élément d’un dimètre, comme chez Sénèque ou Claudien, chez qui cinq de ses douze dimètres anapestiques présentent un second mètre de forme adonique (longue, deux brèves, longue et syllabe finale indifférente). On relève enfin cinq constructions métriques apparemment originales pour former soit un vers soit un distique. Parmi les trois vers nouveaux, on remarque d’abord l’assemblage d’un hémistiche d’hexamètre dactylique (hémiépès) augmenté d’une clausule héroïque, plutôt que d’un adonique comme on l’écrit communément, la valeur métrique, comme on vient de le voir étant la même, mais il semble plus logique de privilégier la cohérence dactylique de ce vers : c’est la pièce I, II, 27 vers qui disent la prostration de l’homme jadis habitué à élever son esprit vers le ciel et qui maintenant abaisse son regard vers la terre. Alors qu’Horace, suivi par Ausone dans deux de ses Parentales (25 et 26) avait écrit des Térentianus Maurus (= Keil, VI, v. 1811-1822) ; Charlet, 1980, p. 97-98 et 246-247. Voir Charlet (II, 2, p. 106-109), qui donne la liste des chœurs de Sénèque écrits en ce mètre. 200 Voir Floris (2015). 198
199
48
INTRODUCTION
h émiépès purement dactyliques (comme second vers du distique de l’Ode IV, 7), Boèce suit l’usage d’Ausone dans la pièce 11 des Professeurs, qui admet la substitution du spondée au dactyle. Cet assemblage de Boèce sera repris au XVe siècle par le poète humaniste Philelphe201. Le deuxième assemblage original unit un tétramètre dactylique hypercatalectique, mètre utilisé en particulier par Septimius Sérénus (fragments 10 et 11), Ausone (Parentales, 28 et Épigrammes, 89) et Prudence, Cathémérinon, III et Péristéphanon, III)202, à un dimètre ionique (mètre employé en groupements difficiles à déterminer dans l’Ode III, 12 d’Horace) pour rappeler que tous les hommes ont Dieu pour père (III, VI, 9 v.). Dans les 10 vers de la pièce IV, II (les tyrans sont dominés par leurs passions), c’est à un dimètre trochaïque que s’ajoute le dimètre ionique. À côté de ces trois mètres nouveaux, on relève encore deux distiques, apparemment eux aussi originaux : un hendécasyllabe phalécien suivi d’un pentamètre dactylique (IV, IV, 12 v. : pourquoi aller au devant de la mort ?) et, dans la pièce suivante (IV, V, 22 v. : seule la connaissance des causes permet de comprendre la marche de l’univers), Boèce alterne une tripodie trochaïque catalectique augmentée d’un adonique avec une tripodie iambique catalectique augmentée elle aussi d’un adonique. L’innovation se présente ici et dans chaque vers et dans le distique. V. 5. A. T ableau récapitulatif des mètres (l’astérisque indique un mètre ou un assemblage de mètres original en l’état de nos connaissances) Poème
n. de vers
mètre
syllabes
correspondances
I, I
22 v.
distique élégiaque
12 à 18 / 12
V, I
I, II
27 v.
hémiépès + clausule*
12
I, III
10 v.
hexamètre / tétrapodie dactylique
12 à 16 / 12
I, IV
18 v.
phalécien
11
I, V
48 v.
dimètre anapestique
10
III, II ; IV, VI ; (V, III)
I, VI
22 v.
glyconique
8
II, VIII ; III, XII ; IV, III ; V, IV
Voir Charlet (2020, p. 143-144). Voir Charlet (1980, p. 96-97 et p. 246) ; les fragments de Septimius Sérénus sont transmis par Térentianus Maurus, v. 1975 sqq. (= Keil, VI). 201 202
INTRODUCTION49
I, VII
31 v. 178 v.
adonique
5
II, I
9 v.
scazon ou choliambe
12
II, II
20 v.
asclépiade / phérécratéen*
12 / 7
II, III
18 v.
hendécasyllabe sapphique / glyconique*
11 / 8
II, IV
22 v.
dimètre iambique catal. / phérécratéen*
7
II, V
30 v.
dimètre anapestique catal.
9
III, V
II, VI
17 v.
hendécasyllabe sapphique
11
(IV, VII)
II, VII
26 v.
distique épodique
12 / 8
II, VIII
30 v. 172 v.
glyconique
8
III, I
13 v.
falisque = tétrapodie dactylique miure
11
III, 2
38 v.
dimètre anapestique
10
III, III
6 v.
trimètre iambique / 12 pentamètre dactylique*
III, IV
8 v.
phalécien / décasyllabe 11 / 10 alcaïque*
III, V
10 v.
dimètre anapestique catal.
9
III, VI
9 v.
trimètre dactylique hypercatalectique + dimètre ionique*
16
III, VII
6 v.
anacréontique
8
III, VIII 22 v.
asclépiade mineur / dimètre iambique*
12 / 8
III, IX
28 v.
hexamètre dactylique
12 à 20
III, X
18 v.
Deux phaléciens suivis 11 de phalécien / hendécasyllabe sapphique*
III, XI
16 v.
scazon ou choliambe
12
III, XI
I, VI ; III, XII ; IV, III ; V, IV
I, V ; IV, VI ; (V, III)
II, 5
II, 1
50
INTRODUCTION
III, XII
58 v. 232 v.
glyconique
8
I, VI ; II, VIII ; IV, III ; V,
IV, I
30 v.
tétrapodie dactylique / dimètre iambique*
12 / 8
IV, II
10 v.
dimètre trochaïque + dimètre ionique*
16
IV, III
39 v.
glyconique
8
IV, IV
12 v.
phalécien / pentamètre dact.*
11 / 12
IV, V
22 v.
tripodie trochaïque catal. + adonique / tripodie iambique catal. + adonique*
12
IV, VI
48 v.
dimètre anapestique
10
I, V ; III, II ; (V, III)
IV, VII
35 v. 196 v.
hendécasyllabe sapphique avec un adonique en clausule
11 (et 5)
(II, VI)
V, 1
12 v.
distique élégiaque
12 à 18 / 12
I, I
V, 2
14 v.
tétrapodie dactylique
10
V, 3
31 v
dimètre anapestique avec monomètre final en clausule
10 (et 5)
(I, V ; III, II ; IV, VI)
V, 4
40 v.
glyconiques
8
I, VI ; II, VIII ; III, XII ; IV, III
V, 5
15 v. 112 v. / 890 v.
grand archiloquien
14 à 18
I, VI ; II, VIII ; III, XII ; V, IV
Comme on le voit, Boèce a fait le choix de la diversité métrique, mais dans le refus de toutes les strophes horatiennes, en l’associant à la recherche de formes nouvelles, tant dans certains vers que dans certains distiques, en rejetant les strophes de trois vers ou plus. À la diversité, déjà notée, des genres littéraires auxquels peuvent se rattacher ces mètres, il faut ajouter la diversité des poètes qui ont pu servir de point de départ à Boèce : nombre de ses mètres se lisent chez Horace, mais presque toujours détournés de l’emploi qu’en avait fait le poète de Venouse, et Sénèque le Tragique est le véritable point de référence de Boèce, non
INTRODUCTION51
seulement pour des détails métriques, mais pour l’esprit dans lequel Boèce disloque les strophes horatiennes. Par ailleurs, on a noté des références à la poésie archaïque (Lévius), aux petits poètes des IIe et IIIe siècles comme Annianus ou Septimius Sérénus, dont l’influence est difficile à déterminer dans la mesure où nous n’en connaissaons que d’infimes fragments, et aussi aux poètes de l’Antiquité tardive comme Ausone, Prudence, Claudien ou Martianus Capella… et la part importante d’innovation : sur les 39 poèmes de la Consolation, 13 (soit le tiers) présentent apparemment (en l’état de nos connaissances) une forme métrique originale, cette innovation se concentrant essentiellement dans les livres II, III et IV. Cette diversité est-elle organisée ? Gruber (2006, p. 22) le pense. Pour lui, le recueil est structuré en deux parties qui se répondent autour du poème III, IX. Certaines correspondances vont dans ce sens : on compte un poème en glyconiques dans chacun des livres (I, VI ; II, VI ; III, XII ; IV, III et V, IV)203 et la correspondance des deux poèmes en distiques élégiaques placés en tête du premier et du dernier livre saute aux yeux. On note aussi la correspondance du nombre de dimètres anapestiques (48) dans les pièces I, V et IV, VI. Mais les deux autres pièces écrites en ce mètre (III, II et V, III) ne sont pas sur le même plan, puisqu’en V, III un monomètre vient clore la série des dimètres ; une observation du même ordre pourrait se faire pour la correspondance évoquée entre les deux séries d’hendécasyllabes sapphiques (II, VI et IV, VII) et la présence d’un poème écrit en scazons dans chacune des moitiés distinguées (II, 1 et III, 11) peut être fortuite et on relève une correspondance appuyée au sein d’une même partie, la première en l’occurrence, entre les deux poèmes écrits en parémiaques : II, V et III, V (même numéro d’ordre). En outre, nous voyons chez Gruber une contradiction entre le postulat de deux moitiés en correspondance et le soupçon d’inachèvement de l’œuvre. S’il y a donc quelques jeux de correspondances indubitables, on ne saurait à notre sens ni les systématiser ni les limiter à une composition bipartite. La place singulière et remarquable de Boèce dans le développement de la métrique latine n’a pas échappé au premier humaniste italien à avoir écrit des manuels de métrique, Niccolò Perotti, qui, vers 1454, à côté d’un traité général De metris (« Des mètres »), a écrit un traité spécifique aux mètres lyriques à partir d’Horace… et de Boèce (De 203 Personnellement nous accorderions de l’importance à la correspondance entre II, VIII et III, XIII, à la fin de chacun de ces livres.
52
INTRODUCTION
generibus metrorum quibus Horatius Flaccus et Seuerinus Boetius usi sunt = Des sortes de mètres dont Horatius Flaccus et Sévérinus Boèce ont usé), traités promis à un certain succès éditorial (première édition imprimée en 1471, probablement à Rome plutôt qu’à Bologne comme l’indique de façon curieuse la page de titre) : l’humaniste de Sassoferrato avait bien vu l’importance métrique de Boèce dans l’histoire de la poésie latine. Comment faire passer dans la traduction cette diversité et cette richesse métriques ? La poésie française, syllabique, ne peut rendre compte d’une poésie fondée sur l’agencement des syllabes longues et des syllabes brèves. Par exemple, il est absolument impossible d’exprimer dans la traduction la différence entre trois types d’hendécasyllabes latins : le phalécien, le sapphique et l’alcaïque. Comment distinguer un dimètre iambique qui tend à devenir un octosyllabe d’un glyconique, lui aussi octosyllabe ? Nous avons pourtant pensé qu’il fallait, dans la mesure du possible, donner dans la traduction une idée de la variété métrique voulue par le poète. Pour un vers comme l’hexamètre dactylique (en stiques ou en distiques), qui compte en latin un nombre de syllabes compris entre 13 et 17, nous avons fait varier les stiques correspondant entre 12 et 18, exceptionnellement 20 syllabes, avec une ou deux pauses rythmiques. Pour le grand archiloquien (V, V), la longueur de nos stiques est comprise entre 14 et 18 syllabes et un stique de 16 syllabes a été adopté pour rendre l’assemblage d’un trimètre dactylique hypercatalectique avec un dimètre ionique (III, VI) ou celui d’un dimètre trochaïque avec un dimètre ionique (IV, II). Pour le pentamètre dactylique, la tétrapodie dactylique, le choliambe ou scazon, l’asclépiade mineur, le trimètre iambique ainsi que l’assemblage hémiépes + clausule héroïque (I, II) ou tripodie trochaïque / iambique catalectique + adonique (IV, V), c’est un alexandrin souple qui a été choisi, et c’est bien sûr un vers de 11 syllabes qui traduit les trois types d’hendécasyllabes latins cités plus haut, ainsi que le falisque. Le décasyllabe correspond au dimètre anapestique et au décasyllabe alcaïque, ainsi qu’à la tétrapodie dactylique (V, II), alors qu’un vers de 9 syllabes traduit le parémiaque ou dimètre anapestique catalectique (II, V et III, V). L’octosyllabe rend le glyconique, le dimètre iambique ou l’anacréontique (III, VII). Un vers de 7 syllabes correspond au phérécratéen ou au dimètre iambique catalectique. Enfin, un vers de 5 syllabes traduit l’adonique, en stiques (I, 7) ou en clausule (IV, VII), ainsi que le monomètre anapestique en clausule, qui en l’occurrence se confond, comme nous l’avons vu, avec l’adonique.
INTRODUCTION53
V. 5. B. Petit glossaire métrique La métrique gréco-latine est quantitative, c’est-à-dire qu’elle se fonde, comme en musique, sur une disposition particulière des syllabes longues (—) et des syllabes brèves (⏑) ; la syllabe finale, souvent indifférente, est notée ×. Pour chacun des noms de mètres utilisés par Boèce, nous donnons, après une définition succincte, le schéma du mètre considéré, sans entrer dans toutes les substitutions que s’autorise Boèce. Adonique (— — ×) : quatrième et dernier vers (clausule) de la strophe sapphique ; mais on l’emploie aussi pour clore certaines séries d’hendécasyllabes sapphiques (à partir de Sénèque) et même en stiques à l’époque tardive. La disposition des syllabes est la même que dans la clausule épique ou héroïque (voir hexamètre dactylique) ou certains monomètres anapestiques où un dactyle (— ⏑ ⏑) premier remplace l’anapeste (⏑ ⏑ —). Alcaïque (décasyllabe — — — — ×) : quatrième vers de la strophe alcaïque (du nom d’Alcée) ; Boèce l’emploie dans d’autres combinaisons strophiques. Anacréontique ( — — ×) : du nom du poète grec Anacréon ; il équivaut à un dimètre iambique catalectique (voir ci-dessous) dont le premier pied serait toujours un anapeste à la place d’un iambe. Anapestique (dimètre — — — — ; tous les anapestes [⏑ ⏑ —] peuvent être remplacés par un spondée [— —] ou un dactyle [— ⏑ ⏑] ; un vers peut ne compter aucun anapeste) : mètre de certains chœurs tragiques de Sénèque. — — Anapestique (dimètre catalectique ou parémiaque — ×, avec substitutions possibles) : dimètre dont le dernier pied est catalectique, c’est-à-dire amputé d’un élément (au lieu d’un anapeste, un dactyle ou un spondée, on a une seule syllabe indifférente) ; mètre de Varron repris par des poètes tardifs. — —) : compte tenu des substituAnapestique (mon omètre tions possibles (voir Anapestique dimètre), il peut organiser les longueurs comme l’adonique ou la clausule héroïque. Asclépiade mineur (—— — — — — ×) : Horace utilise ce mètre lyrique en stiques ou intégré à plusieurs types de strophes. Choliambe ou scazon ( — — — — — — × ; substitutions possibles de l’iambe [⏑ —] aux pieds 1 et 3) : c’est un trimètre iambique (voir plus loin) qui « boîte » dans la mesure où le dernier pied n’est pas l’iambe attendu, mais un spondée (— —) ou un trochée, inverse de l’iambe (— ⏑) ; mètre satirique.
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INTRODUCTION
Distique élégiaque : association d’un hexamètre et d’un pentamètre dactyliques (voir à ces mots) ; c’est le mètre de l’élégie, quelle qu’en soit la thématique (plaintive, amoureuse…). Distique épodique : association d’un trimètre et d’un dimètre iambiques (voir ce terme) ; c’est le mètre adopté par Horace dans les dix premières pièces de ses Épodes. Falisque ou tétrapodie dactylique miure (— — — × : le vers est dit « miure » parce que sa finale est écourtée : ⏑× au lieu de —×) : mètre « campagnard » et archaïque. Glyconique (—— — — ×) : mètre lyrique que Catulle et Horace introduisent dans des strophes. Emplois plus libres à partir de Sénèque. Grand archiloquien (— — — — — — —× ; le spondée peut remplacer le dactyle) : Horace emploie ce mètre lyrique en strophes, mais Prudence en avait déjà usé en stiques. — ×) : ternaire dactylique catalectique (deux Hemiépès (— dactyles et une syllabe indifférente, comme le second hémistiche du pentamètre dactylique). Hexamètre dactylique (— — — — — —× ; les quatre premiers dactyles peuvent être remplacés par des spondées) : mètre épique ; ses cinq dernières syllabes forment ce qu’on appelle clausule épique ou héroïque. Iambique (trimètre — — — — — × ; substitutions possibles aux pieds impairs) : mètre tragique, lyrique et satirique. Iambique (dimètre acatalectique — — — × ; substitutions possibles au premier pied) : Horace l’emploie en strophes, Ausone en stiques ; l’hymnodie latine chrétienne, à partir d’Ambroise et Prudence, le groupe en stances de quatre vers. Iambique (dimètre catalectique — — — ×) : comme le mètre précédent, mais avec un dernier pied catalectique, réduit à une syllabe ; employé par Sénèque, puis Prudence. Iambique (tripodie catalectique — — × ; spondée possible au premier pied) : Boèce en fait le premier élément d’un mètre qui se termine par un adonique (VI, V). —— —× ; une longue peut remplacer les Ionique (dimètre deux brèves initiales) : Boèce use de ce mètre comme second élément d’un vers soit après un trimètre dactylique hypercatalectique (III, VI), soit après un dimètre trochaïque (IV, II). Pentamètre dactylique (— — — — — × ; les deux premiers dactyles peuvent être remplacés par des spondées) : à l’époque classique, c’est le second élément du distique élégiaque ; par la suite, ses emplois deviennent plus libres.
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Phalécien (hendécasyllabe —— — — — —× ; iambe [u—] ou trochée [—u] possible à la place du spondée initial) : mètre vif, souvent satirique, employé par Catulle et Martial, puis dans la poésie latine tardive. Phérécratéen (—— — — × ; noter un anapeste [⏑ ⏑ —] premier en II, II, v. 14 et 18) : mètre lyrique intégré à certaines strophes de Catulle ou d’Horace. Sapphique (hendécasyllabe —u—— — — —×) : il constitue les trois premiers vers de la strophe sapphique (du nom de Sappho) chez les Latins (Catulle, Horace, Stace, Ausone, Prudence) ; mais Sénèque l’emploie aussi en longues suites closes parfois par un adonique dans ses chœurs tragiques. Scazon : voir choliambe Tétrapodie dactylique (— — — —× en V, II, mais fin de vers —u× en I, III et IV, I ; le spondée peut remplacer le dactyle aux deux premiers pieds, voire au troisième en I, III et IV, I) : mètre utilisé en distiques chez Horace, puis repris, avec adaptations, chez Sénèque. Trimètre dactylique hypercatalectique (— — — × ; le spondée peut se substituer au dactyle) : mètre de la poésie latine tardive repris par Boèce comme premier élément d’un vers qui se termine par un dimètre ionique. Trochaïque (dimètre — — — — ; spondée possible aux pieds pairs) : premier élément d’un vers qui se termine par un dimètre ionique en IV, II. Trochaïque (tripodie catalectique — — × ; spondée possible au deuxième pied) : Boèce en fait le premier élément d’un mètre qui se termine par un adonique (VI, V). Après ce vaste panorama qui révèle chez Boèce un poète insoupçonné, dépositaire d’une culture métrique exceptionnelle, laquelle va bien au-delà de l’allusion à la composition d’un « poème bucolique »204 faite par l’Inédit de Holder, intéressons-nous maintenant au volet prosaïque, réciproquement complémentaire avec le précédent à plus d’un titre.
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V. 6. Maïeutique et technique narrative Il est bien connu que la Consolation relève en partie, au regard de sa poésie aussi, du dialogue du genre dit « socratique », c’est-à-dire un échange entre un maître (ici une maîtresse) et son disciple, P hilosophie Voir supra, p. 1.
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tenant le rôle de Socrate et Boèce celui du disciple, ou du « nourrisson » (I, 3, 4) comme elle le désigne elle-même. La répartition des interventions, nous y revenons, est au net avantage de Philosophie, surtout quant à la poésie. Boèce, à l’exception de 5 exposés (sur 39) diversement développés (I, III / I, 4 / I, V / V, 3 et V, III), s’en tient majoritairement au rôle de régulateur des échanges, en émettant acquiescements, étonnements, engouements, encouragements et demandes d’éclaircissement. Cette dissymétrie dans le dialogue faiblit cependant aux livres exrêmes, où, on le constate immédiatement dans l’énumération ci-dessus, le « nourrisson » Boèce bénéficie de quelques proses et mètres pour lui tout seul, ce qui atténue le déséquilibre d’ensemble de l’échange. Le livre I est tout entier un livre de présentation ou de mise en place confiée au condamné, tandis que dans le V, Boèce, comme pour mieux préparer l’intervention de Philosophie et la rehausser, tente d’établir que préconnaissance de Dieu et libre arbitre s’opposent voire s’excluent, thèse que sa « nourrice » se fera un devoir d’infirmer. La méthode maïeutique s’y reconnaît plus précisément à l’éveil puis au ressouvenir par l’interrogation que l’on pratique, et aux trois phases successives qui scandent le dialogue : 1. énoncé de la question, 2. incitation à l’erreur avec mise en évidence de ce qui l’a provoquée, 3. solution véhiculée par la démonstration. En outre, l’impasse créée par l’aporie relance plusieurs fois le mécanisme de la résurgence face à la mise à mal d’une partie du principe delphique : « connais-toi toi-même », validé en II, 5, 29. Il s’agit de déconstruire les fausses idées, devenues invasives avec l’oubli de soi-même, et d’amener, dans un réinvestissement de soi, au dévoilement progressif du vrai bonheur, qui atteint son point focal avec le deflecte de III, 9, 24 : le prisonnier, comme encaverné, doit « tourner » le regard de son esprit vers la lumière. Cette thématique de l’oubli est d’ailleurs concrétisée par une importante variatio sermonis, dont voici celle de la seule prose I, 6 : memoria maeror hebetavit (10), memini (14), ipse sis nosse desisti (17), oblivio (18) ignorare (12 et 19), oblivisci (19), agnoscere (21). Après l’appel à l’illumination, le dialogue bascule en programmant les moyens d’atteindre ce bonheur authentique, une quête pour laquelle, en bon Platonicien ou en bon Chrétien, Boèce va solliciter l’assistance divine (III, 9, 32-33) dans une très longue invocation (III, IX). Ce respect des règles du dialogue socratique oblige du reste le rédacteur à multiplier les effets narratologiques et stylistiques. Ils ne sauraient certes rivaliser avec la luxuriance des mètres, mais on ne rendrait point justice aux efforts de Boèce pour à la fois charpenter et orner ses proses si l’on passait ce double habillage sous silence.
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Au sein de la tradition relativement moins illustrée du prosimètre latin, l’échange se déploie ici, on le sait, dans un équilibre rigoureux (39 mètres pour 39 proses), un nombre impair de pièces qui oblige à commencer l’écrit par un mètre et à le terminer par une prose. Cette parité des formes tendrait à montrer que la Consolation est un écrit achevé, qui ne pâtit d’aucune amputation quant à sa fin. La structure hybride du prosimètre compense son hétérogénéité par une certaine unité : ruptures, antépositions et coupes dans les vers, déploiement et juxtaposition des phrases et allongement des rythmes dans les proses, sauf quand les épitrochasmes, ou successions de brèves séquences discursives, y introduisent et y servent les moments de tension ou de dramatisation, plus rarement de consensus. Les échos lexicaux (v.c. stratus ; II, I, 9 et II, 2, 8 ; querere : II, 1, 12 / II, 8, 7 et querelas : II, II, 8 ; quo caelum regis : I, V, 47, quo caelum regitur : II, VIII, 30 et qua regitur : III, 8, 8 ; absolvere : III, IX, 9 et absolutus : IV, 6, 37 ; ductu… semita… vehiculis : III, IX, 28 et vector, dux, semita : IV, 1, 9 ; exhausti… satis : IV, I, 15 et IV, 6, 2 ; in sui similitudinem : IV, 6, 56 et similique in imagine formans : III, IX, 8 ; uno mentis cernit in ictu : V, II, 12 et illo uno ictu mentis : V, 4, 33), et le travail sur la ligature vers-prose et prose-vers parviennent en outre à créer souvent, par touches, une harmonie des styles et des thèmes. Au plan du mode dialogique, on notera qu’il s’enrichit à certains moments par un décentrement de l’auteur et par une mise en abîme : Boèce, en qualité d’auteur, se détriple en narrateur, lui-même et Philosophie, laquelle, en tant que personnage de fiction, se dédouble à son tour en elle-même et Fortune (II, 2). L’étirement prosaïque et le resserrement poétique, intrinsèques à chaque genre, créent toutefois un déséquilibre dans le déploiement discursif, les 890 vers relevant d’un niveau énonciatif forcément moindre que celui de l’ensemble des proses. Néanmoins, la formulation poétique ambitionne à plusieurs reprises d’être une amplification, par son lyrisme, de la formulation prosaïque, tout en participant à ce que l’on appelle la réécriture du même, qui ne se trouve pas moins assimilée à la « gorgée » d’un doux chant (IV, 6, 58). De surcroît, les ruptures textuelles qu’imposent la narration double et le balancement des locuteurs, totalement étrangers aux mètres, n’ouvrent pas sur une même symétrie quant aux contenus, puisque avantage est donné à Philosophie dans la prise de parole, surtout déclamatoire. Ses temps d’intervention sont plus nombreux et plus longs que ceux de Boèce, même en comptant le métadiscours de ce dernier comme narrateur homodiégétique, c’est-àdire celui où son personnage, qui fait partie intégrante du récit dialogué, s’extériorise de temps à autre comme conteur anonyme, souvent en
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amorce d’un livre (v.c. I, 1, I ; II, 3, 1 et V, 1, 1), puisque, même comptabilisé, il demeure en deçà de la longue prosopopée de Philosophie, quand celle-ci prend à son tour la parole au nom de la Fortune hétéropersonnifiée (II, 2). Cette extériosation est également à l’origine du changement de point de vue ou focalisation dans la description. Pour ne point sortir du cadre de notre approche, on s’en tiendra à remarquer l’usage imposant, au début du premier livre (I, 1-6, scène de l’apparition de Philosophie), de l’hypotypose, qui consiste à décrire avec un maximum de réalisme et jusqu’à créer une suggestion visuelle proche du vécu, une représentation imagée. Ce moment narratif du surgissement est également l’occasion de faire intervenir le songe – bien que l’on ne sache jamais avec certitude si Philosophie se dressa (astitisse – I, 1, 1) au-dessus d’un Boèce éveillé ou endormi, d’où peut-être la nécessité de parler de « rêverie » –, figure de style qui introduit un contraste, voire une rupture dans les phases d’élaboration du texte, entre le songeur immobile et l’agitation du spectacle qu’il décrit. L’épanorthose ou redressement d’un énoncé estimé trop faible par l’ajout d’une ou de plusieurs expressions jugées plus percutantes, entre aussi en jeu, dans le but d’emporter l’assentiment de l’interlocuteur (v.c. : bien qu’en I, 6, 4 Boèce réponde par l’affirmative à la question de Philosophie (I, 6, 3) : le monde est-il ou non gouverné par la raison ?, Dieu, dit-il, veillant sur son œuvre, elle lui pose à peu près la même question en I, 6, 10, ce pour quoi Boèce rappelle en I, 6, 11 qu’il a déjà répondu que c’était Dieu). Il pratique aussi l’alternance, dans l’énonciation, de l’hétérogénéité – par l’adoption de phrases simples et d’un style coulant pour la prose, mais de dislocation phrastique et de construction heurtée pour la poésie (v.c. I, 1 et I, II ; I, 6 et I, VII ; III, 2 et III, II) –, et de l’homogénéité – par contagion des vers sur la prose, qui devient parfois rythmique lorsqu’elle intègre des tournures poétiques et permet ainsi de doubler l’unité thématique par l’unité rhétorique (v.c. le recours possible à plusieurs formules de Virgile au début du livre I : I, 1, 2 ; I, 3, 1 ; I, 4, 1 ; I, I, 17 et 19, concourt à lui conférer une certaine cohésion). Boèce cède également à l’emploi de l’expolition, autrement dit la répétition d’un argument ou d’une idée en des termes équivalents, sur lesquels on insiste afin de les rendre prégnants (toute la prose est parcourue par l’expression : ut paulo ante (diximus entre autres), autant de rappels visant à une persuasion par accumulation), et à l’usage du polyptote, que nous avons appelé « parenté morphosémantique » (v.c. I, 1, 9 ; 4, 5 et 10), qui inclut l’isolexisme, c’est-à-dire la répétition d’un radical sous des formes différentes, nominale et verbale (v.c. I, 3, 4). Qui plus est, il ne recule pas devant l’usage du procédé oratoire par e xcellence
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qu’est la variatio sermonis (v.c. III, 5, 6 ; III, 10, 36 et V, 3, 9), qui fait pourtant perdre puissance, précision et cohérence à toute conceptualisation, surtout philosophique, un mot devant rester identique pour garder la même force et la même valeur, et rendre efficace le raisonnement auquel il participe à plusieurs reprises. Cette association d’un style délicat et d’une dialectique abrupte a pu lui être inspiré par la Grèce antique, possiblement à travers Cicéron205. Enfin, on ne sera pas surpris de trouver dans le prosimètre de Boèce de nombreuses images, que se renvoient parfois un vers et un fragment de prose ou réciproquement (v.c. l’image de la « morsure » des tourments en III, III, 5 et III, 9, 20, ou celle de l’imploration du « Père » en III, 9, 33 et III, IX, 22). Ce travail sur l’organisation et la conduite du récit a amené Boèce, on l’a entrevu, à tisser abondamment sa trame narrative en croisant aussi les fils des citations, des imitations et des évocations de nombre de ses prédécesseurs. Mais la constitution d’un apparat des sources n’ouvre pas que sur des évidences. V. 7. La question des sources Les dettes philosophiques et littéraires déclarées ou pressenties apparaissent, surtout avec les secondes, si nombreuses que le discours boécien donne presque l’impression d’avoir été celui d’un compilateur sans initiatives206, construit, aussi bien sur la forme que sur le fond, en aboutant des échos et des résonances d’auteurs grecs et latins plus ou moins classiques, ce qui n’est pas sans soulever, comme nous l’avons vu, le problème de leur accès et de leur mémorisation. Les auteurs enrôlés par Boèce sont, par ordre alphabétique, pour ceux qui sont simplement mentionnés : Anaxagore, Aristote, Canus (ou Canius) Julius, Catulle, Marcus Tullius (Cicéron), Épicure, Euripide, Lucain, Platon, Ptolémée, Sénèque, Soranus (par Caelius Aurelianus), Zénon,
et pour ceux qui sont à la fois mentionnés et cités : Parménide, Pythagore,
Voir Michel (2003). La thèse fut défendue par plusieurs exégètes, dont Usener (1877).
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auxquels il faut ajouter un auteur non mentionné mais cité : Homère.
On ignore, évidemment, combien d’ouvrages de chacun il avait lus, ou même si sa connaissance allait au delà de quelques expressions retenues. Parallèlement à ce corpus, nous avons signalé, dans l’apparat des notes de la traduction, les écrivains qui auraient pu inspirer à Boèce telle ou telle formule ou tel ou tel raisonnement, sans connaître toutefois la nature et l’ampleur de la culture classique d’un homme qui a très majoritairement consacré sa production écrite aux arts libéraux et à la philosophie, ce que confirme largement la liste ci-dessus, où seuls Catulle, Lucain et Homère relèvent de la poésie, tous les autres noms étant ceux de philosophes, de scientifiques et de biographes. La seconde liste, celle des auteurs avancés par l’exégèse, est forcément à l’inverse de la précédente (les philosophes déjà cités en sont absents), prosateurs et poètes y étant prépondérants207 : Aelius Spartianus, Ambroise (saint), Ammien Marcellin, Annianus (par Terentianus Maurus), Apollodore le Mythographe, Apollonios de Rhodes, Apulée, Aristide Quintilien, Arnobe, Artémidore de Daldis, Atilius Fortunatianus, Augustin (saint), Avit de Vienne, Calcidius, Censorinus, Claudien, Cléanthe, Clément d’Alexandrie, Columelle, Cornelius Népos, Cyprien, Denys l’Aréopagite, Dion Cassius, Dracontius, Épictète, Euclide, Favorinos, Hermès Trismégiste, Hérodote, Horace, Isidore de Séville, Jamblique, Jérôme (saint), Juvénal, Juvencus, Lactance, Livius Andronicus, Lucrèce, Macrobe, Martial, Martianus Capella, Mérobaude, Minucius Félix, Névius, Ovide, Paulin de Nole, Paulin de Périgueux, Pétrone, Phèdre, Pindare, Pline le Jeune, Plotin, Plutarque, Proclus, Properce, Prudence, Rutilius Namatianus, Salluste, Sénèque, Sénèque (Pseudo-), Servius, Silius Italicus, Stace, Stobée, Suétone, Synésios, Tacite, Tertullien, Tibérianus, Tibulle, Tite-Live, Valérius Flaccus, Victorinus (Gaius Marius), Victorius (Claudius Marius), Virgile, Xénophon.
Ce relevé de 78 noms encourage à concevoir un Boèce fort instruit dans les lettres latines et, quoique moindrement, en philosophie, ainsi qu’en science gréco-latines, ayant parsemé son propos de multiples expressions qui en rappellent plus ou moins d’autres antérieures, relativement auxquelles toute la question est de savoir si elles ont été convoquées ou non en pleine conscience. Le chapitre V. 5 a fourni l’occasion d’établir qu’en matière de versification, l’auteur adopte plusieurs formes, agencements et configurations de ses devanciers, avec néanmoins une 207 Pour la localisation des auteurs précédents dans le texte et celle des suivants dans les notes, voir l’Index des noms.
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certaine part d’originalité touchant les premières, cette maîtrise lui permettant d’occuper une place particulière et de premier plan dans l’évolution de la prosodie latine tardive. Sa prose doit-elle être mise pour autant au diapason de ses vers, et dans l’affirmative, selon quelle proportion faut-il tenir les emprunts avancés en note pour des démarquages délibérés ? V. 7. 1. La tentation de la surenchère La Consolation de Philosophie, nous l’avons relevé, est l’ouvrage d’un homme très éprouvé par le sort, jugé inique à son égard, qui lui est réservé, mais espérant malgré tout et dans une certaine mesure, une issue favorable (voir II, 4, 10 : enatabimus). De surcroît, et nous avons dit pourquoi208, cet écrit de captivité a été rédigé dans un lieu d’assignation où le rédacteur, privé de sa bibliothèque et probablement de tout accès à des documents, n’a pu s’en remettre qu’à sa mémoire. Nous ne retiendrons donc pas l’hypothèse d’après laquelle quelqu’un de sa famille (son épouse, ses fils ou son beau-père) ou de ses amis aurait pu lui apporter, même en fraude, un plus ou moins grand nombre de manuscrits. Le régime de captivité auquel il dut être soumis, vu ce dont on l’accusait et sa condamnation à mort, ne nous paraît avoir été compatible ni avec ce genre de faveur ni avec la possibilité de tromper la surveillance à laquelle il fut astreint. Quant aux libelli que Philosophie tenait dans sa main droite (I, 1, 6), ils relèvent davantage, on l’a vu, du symbole de l’érudition, au même titre que le sceptre qu’elle tient dans la main gauche renvoie à la sagesse. Cela paraît propre à tempérer la tentation, qui est forte, pour l’exégète de procéder à une surenchère dans le besoin de déceler, derrière la moindre expression, voire le moindre terme, la réminiscence ou l’influence d’écrivains grecs et latins, plus ou moins antérieurs, et même contemporains, comme Avit de Vienne, Ennode ou Cassiodore, pourtant plus jeune que Boèce d’une quinzaine d’années. Si la démarche a sa légitimité – nous l’avons nous-même adoptée tout du long, en poésie comme en prose, et notamment en la partie V. 10 de notre Introduction –, elle tombe rapidement dans l’excès quand elle n’est pas tenue par la vraisemblance. Après la contribution de Hüttinger, qui a consacré 2 volumes à recenser absolument toutes les sources du Boèce poète qu’il a pensé légitimes, le livre de Joachim Gruber lui a emboîté le pas sur l’ensemble du prosimètre. Se donnant pour tâche de suggérer, chaque fois Voir supra, p. 10.
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que cela lui a semblé justifié, l’identification d’une source probable ou possible, il s’est appliqué à multiplier les recoupements. En toute rigueur cependant, seuls les 15 auteurs, simplement mentionnés (13) ou cités (2) par Boèce, plus un qui l’est de manière anonyme, lesquels sont suffisamment nombreux pour une mémoire humaine, même jeune et exceptionnelle, devraient faire l’objet d’un rapprochement, et encore seulement après avoir pris en compte ce que l’on peut déterminer de ce qui, pour chacun d’eux, était accessible au captif. Le cas de Platon est à ce titre significatif de cette Quellenforschung très ou trop poussée ou d’une traque sans retenue des loci paralleli. Gruber n’hésite pas à renvoyer, parmi le corpus platonicien, à presque tous les dialogues (du Second Alcibiade au Théétète, en passant même par l’Epinomis, et jusqu’à l’Axiochus et au Clitophon du Pseudo-Platon), en particulier à un fragment du Lysis (III, 2, 19), un ouvrage platonicien de jeunesse auquel il est pourtant très improbable que Boèce ait eu directement accès. S’il a pu en connaître quelques aspects, ce fut essentiellement par le truchement du De l’amitié de Cicéron, un penseur sur lequel il fut très souvent contraint de se rabattre en matière de corpus platonicien. Quant au volume collectif sur la Consolation dirigé par John Marenbon209, il met en avant, avec à peine plus de retenue, le Criton et le Phédon, concernant le thème de l’emprisonnement dans l’attente de la mort, le Phèdre, touchant celui du voyage de l’âme, La République, à propos du thème de la caverne (voir III, 1, 5 et IV, 4, 27), et le Gorgias, pour celui du châtiment, mais également le Ménon, le Parménide, le Sophiste, le Théétète et la Lettre VII. Il ne manque plus que l’Euthydème, qui n’avait alors aucune raison d’être délaissé, lacune à laquelle Sophie Van der Meeren a remédié210. Nous avons certes rappelé plus haut l’ambition que Boèce nourrissait quant à un syncrétisme aristotélico-platonicien. Mais la probabilité est forte pour que ce très audacieux projet typiquement néoplatonicien n’en soit resté qu’au stade d’un vœu pieux, parce que son concepteur ne serait parvenu à mettre la main sur aucune page de Platon, à l’exception de celles du Timée traduites, souvent librement, par Cicéron, dont il ne reste que des fragments (27d-47b, le dialogue commençant à 17a et se poursuivant jusqu’à 92c)211, puis, plus près du texte et avec un commentaire, par Calcidius (de 17a à 53c) un siècle environ avant la Consolation. Le dossier du Plato latinus touchant cette première moitié du VIe siècle est Voir Marenbon (2009). Voir Van der Meeren (2011). 211 Voir Pini (1965), pour une reconstitution. 209 210
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connu pour être quasi inexistant212, hormis, redisons-le, l’In Timaeum de Calcidius, le Timaeus de Cicéron n’y figurant même pas. S’il est assurément envisageable que Boèce ait pu disposer de l’un et de l’autre, rien ne permet d’aller sans réserve au-delà, dès lors que l’on constate que les fragments du Timée possiblement impliqués dans la réflexion boécienne de la Consolation n’excèdent jamais la page 53c, pour les plus probables du moins. Il dut par conséquent être condamné à n’accéder à Platon que d’une manière médiate et morcelée, ce qui a pu suffire il est vrai, et en se défiant aussi de tout surdimensionnement, à le doter d’un matériau conceptuel platonicien relativement important. Deux canaux pour cela restent pertinents. D’une part, les penseurs néoplatoniciens. Mais là de nouveau la prudence s’impose. Concernant Porphyre (234-c. 310), qui fut lui-même un exégète de Platon213, qu’aurait-il lu de son œuvre ? Qu’il mentionne son commentaire sur le Sophiste214 et celui sur le Cratyle215 ne garantit point que leur lecture en ait été effective et, dans l’affirmative, qu’il connaissait d’autres commentaires porphyriens (sur le Timée, La République et le Parménide). Ceux de Proclus († 485), sur le Timée justement, La République, le Parménide, l’Alcibiade I et le Cratyle auraient également fait l’objet de certains emprunts, sans plus de certitude toutefois216. D’autre part, les premiers Platonisants chrétiens, comme Clément d’Alexandrie (c. 150-c. 215 – Stromates) et Eusèbe de Césarée (c. 265-339 – Préparation évangélique), ce dernier ne serait-ce que pour disposer d’un certain accès au Gorgias –, figurent, faute de mieux, en bonne place au nombre des sources possibles. Quant aux auteurs de la littérature latine classique et post-classique entendue au sens large (poètes, dramaturges, historiens…) auxquels Boèce aurait été en mesure de recourir, le fait que sa mémoire devait en être imprégnée ne garantit point qu’il ait été toujours conscient que telle ou telle expression relevait de tel ou tel écrit. 212 Voir Plato Latinus, (I : Ménon, traduit par Henri Aristippe (s. XII), II : Phédon, Id., III : In Parmenidem Procli (jusqu’à la fin de la première hypothèse), traduit par Guillaume de Moerbeke († 1266), et IV : In Timaeum, de Calcidius, 19752), et Guillaumin – Lévy (2018). La traduction du Phédon par Apulée, au dire de Sidoine Apollinaire (Lettres, II, IX, 5), est perdue. 213 Voir DPA, V, 2, Paris, 2012, p. 1357-1374. 214 Voir Boèce, De divisione (= Magee, 1998, p. 4, 6-7). 215 Voir Boèce, version II du Commentaire sur le De l’interprétation d’Aristote (= Meiser, p. 93, 1-8). 216 Voir Courcelle (1967), par exemple p. 166-168. La citation de Parménide en III, 12, 37, qui fonde l’hypothèse émise par Courcelle pour faire de Boèce un lecteur du Commentaire sur le Timée de Proclus, se trouve déjà chez Cicéron (voir la note y afférente de notre traduction).
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Nous avons cependant cédé, répétons-le, à une sorte de tradition exégétique en suggérant les rapprochements qui nous sont apparus plausibles, et ce malgré la remarque dissuasive de Courcelle : « À quoi sertil de savoir que tel lieu commun de Boèce se retrouve chez Cicéron, Sénèque, Plutarque et vingt auteurs grecs ou latins ? »217. Nous nous sommes cependant autorisés de ce jugement pour éliminer plusieurs renvois qui n’associaient point parenté lexicale et similarité contextuelle, et, touchant ceux qui ont été signalés, nous l’avons fait, pour la prose comme pour la poésie, en les accompagnant quelquefois d’une réserve plus ou moins explicitée, avec le souci de fonder chaque suggestion sur l’adoption d’une association d’idées, d’une version narrative plutôt qu’une autre, du modelé d’une expression, d’un mètre très rare, d’une période oratoire, d’une citation quasi-littérale ou plus rarement littérale, ou encore d’un schéma métrique. Si donc l’apparat des sources de la Consolation nécessite une certaine prudence, et s’il convient de s’y garder, pour l’essentiel, d’alimenter un puits sans fond – d’autant moins, redisons-le, que nous ignorons à peu près tout de ce que put être le bagage culturel de Boèce –, il ne faut pas non plus opérer une sélection drastique. C’est ce qu’a confirmé le chapitre consacré à la poétique boécienne, qui a permis de nous faire découvrir un auteur qui possédait une technique poétique de grande envergure. Il n’y aurait de fait aucune raison pour que les parties en prose rompent avec cette extraordinaire capacité à mobiliser l’impressionnant capital mémoriel que cela suppose, difficilement concevable pour un homme d’aujourd’hui. Et il ne faut pas non plus oublier d’une part l’allusion, certes en bonne part phraséologique, de Philosophie au « siège de l’esprit » de Boèce (tuae sedes mentis – I, 5, 6), où auraient alors été emmagasinés ses enseignements, de l’autre et corrélativement que lui-même appartenait encore en partie à ces générations de penseurs pour qui la tradition orale et donc la sédimentation mnésique jouaient toujours un rôle non négligeable dans l’acquisation et la restitution de leurs savoirs. En résumé, ne point surdimensionner rapidement et artificiellement l’appareil des loci paralleli, tout en n’hésitant pas à en déployer un moyennement ambitieux, tel est le juste milieu à ne pas perdre de vue lorsqu’on souhaite en soumettre un qui demeure acceptable dans la situation d’un individu isolé en sa cellule et n’ayant pour seule ressource que son fonds mémorisé, exceptionnel selon toute apparence, quoique possiblement altéré par le désespoir et l’angoisse. Voir Courcelle (1935, p. 185).
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Ces réserves émises et assimilées, un nombre non négligeable d’auteurs se détache et s’impose, lesquels s’inscrivent avec plus ou moins de netteté sur l’horizon intellectuel d’un exilé en principe fâcheusement démuni de toute documentation, et déterminent en outre diverses orientations conceptuelles. V. 7. 2. Inspiration et dépendances possibles Concernant la philosophie, le Platonisme, bien que vraisemblablement limité, pour ce qui touche à une connaissance de première main, à une partie du Timée, a ouvertement (v.c. IV, 2, 45 – illa Platonis sententia ; V, 6, 14 – sequentes Platonem) inspiré Boèce. Sans s’affranchir des réserves qui ont été émises, on notera que toute la thématique de la providence a difficilement pu être développée dans l’ignorance de la conception platonicienne de la πρόνοια, véhiculée entre autres par le Timée (44c-47e) et les Lois (livre X – où le terme n’est toutefois pas employé), et que celle du début du livre IV (jusqu’à la prose 4 incluse) touchant l’impuissance et l’infélicité des méchants présente plusieurs affinités avec certaines analyses du Gorgias (466a-468e). En outre, la doctrine de la réminiscence et l’allégorie de la caverne (voir Ménon (81c-d, 82b-84b, 97e-98a), Phédon (72e73b), La République 514a-517a), etc.), si elles n’ont pu être connues sans truchement, étaient familières à Boèce dans leurs grandes lignes ou de manière très ponctuelle (v.c. III, XI, 15-16 et III, 12, 1 ; IV, 4, 27 et V, III, 11-15), tout autant que la haine de Philosophie pour la poésie (I, 1, 8-12 – La République), et, non sans réticence, le caractère foncièrement instable et transitoire de la jouissance des biens de ce monde (II, 2 – Criton, 50 a-d). Avec une tout autre étendue, le Timée fournit sans réserve une multitude d’autres précédents, à commencer par le thème de l’amour comme guide et maître de l’univers, dont il harmonise les quatre éléments (II, VIII), qui rendrait un écho du rôle de la φιλία dans l’échange, où elle fait l’objet d’une présentation très approchante (32b-c)218. Au livre suivant, ce dialogue platonicien ne bénéficie pas d’un hommage plus étendu et plus beau que dans celui rendu par le célèbre mètre III, IX, annoncé du moins comme tel (III, 9, 32)219, où sont poétisés mythe cosmogonique et hymne au démiurge. En outre, la parenté établie entre les mots et les concepts (III, 12, 38) aurait été prélevée sur le même dialogue, tout comme pourraient l’être l’identification de Dieu à une Mens, qui semble imiter celle de Dieu Voir infra, p. 111. Voir infra, p. 314.
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à un Νοῦς (« Intellect ») (IV, 6, 7 ; 16 et surtout 20), ainsi que la définition de l’« éternité » (V, 6, 12 sur 37d) et la distinction entre aeternitas et perpetuitas (V, 6, 14). Par ailleurs, l’homme dont on dit qu’il devient Dieu par participation au divin (III, 10, 24-25) est une idée clairement énoncée par La République (500c-d), et il est exact que l’expression volucer currus (« char ailé » – IV, I, 21) s’impose comme étant la traduction littérale du πτηνὸν ἅρμα de Jupiter, guide suprême qui, ainsi véhiculé, ordonne et gouverne toutes choses, mis en scène dans le Phèdre (246e). Le cas de l’éther (IV, I, 7-8) est plus difficile à sourcer, dans la mesure où, suggérant que ce dernier est chaud220, il oblige à convoquer de nouveau un passage du Timée (58d), ce qui ne soulèverait aucun problème s’il ne dépassait point la limite (53c) de la section calcidienne, amenant de fait à envisager, y compris pour cet ouvrage, un intermédiaire différent. Dans un autre domaine, notre auteur en appelle explicitement aussi aux conceptions politiques de Platon, en particulier avec la théorie du Philosophe-roi (I, 4, 5-7), abordée dans La République (471c-475c), dialogue qui motiverait également la question des maux de l’homme tyrannique (voir 579c-d). Il en irait semblablement touchant la thèse selon laquelle le châtiment rend heureux les gens malhonnêtes (IV, 4, 13-42), qui paraît avoir été inspirée par un passage du Gorgias (525b), où l’on explique qu’être châtié d’une manière raisonnable rend meilleur, ce dialogue fournissant encore (468b-e) l’évocation nominale que seuls les sages sont aptes à réaliser leur souhait, tandis que les malhonnêtes, quoiqu’ils accomplissent ce qui leur plaît, sont impuissants à satisfaire leur désir (IV, 2, 45). Le bestiaire anthropique (IV, 3, 17-25) encore, dépend à sa façon d’un précédent platonicien, qui engage le Phédon (42b-c) et le Timée (81d-82b). Pour finir, et sans qu’elles soient forcément cautionnées, beaucoup d’images chères à Platon, transmises ou bien directement ou bien avec un ou plusieurs filtres, parsèment la Consolation : v.c. le naturel philosophe (I, 4, 24 – La République, 484d-502c), le corps comme prison ou tombeau pour l’âme (II, 7, 23 – Phédon, 62b et Phèdre, 250c), l’imploration systématique du secours divin (III, 9, 32 – Timée, 27c), les ailes de l’âme (IV, I, 1-4 et 9 – Phèdre, 246b), la lumière intellectuelle, dite vénérable (IV, I, 18 – Phèdre, 247b), le principe voulant que « rien n’existe de rien » (V, 1, 9 – Timée, 28a), l’âme comparée à un miroir sur lequel les sensations viendraient s’imprimer (V, IV, 14 – Le Sophiste, 239d) et la station debout propre à l’homme (V, V, 10-11), réceptacle de l’âme la plus puissante (Timée, 90a), quoique la référence soit de nouveau très extérieure au fonds calcidien. Voir Boyancé (1967).
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L’Aristotélisme est l’autre principal pourvoyeur d’idées de Boèce dans sa Consolation, en bonne proportion sans truchement celui-là, compte tenu de ses traductions et commentaires antérieurs (Catégories, De l’interprétation, Analytiques Iers, Topiques, Réfutations sophistiques, et éventuellement221 Physique). Si l’on élargit ce corpus, le doute qu’avoue Boèce au sujet de l’aptitude, pour les végétaux et les êtres inanimés, à veiller sur leur santé et à se prémunir contre le dépérissement et l’extinction, reprendrait le constat semblable que fait Aristote dans son De anima (413a)222, traité qui lui aurait également suggéré la théorie des quatre facultés de l’âme (V, 4, 27-39), et l’exemple nominatif des yeux de Lyncée (III, 8, 10) n’interdit pas de penser qu’il disposait du Protreptique perdu du Stagirite, possiblement par la médiation de celui de Jamblique (VIII, 47)223. L’allusion au premier moteur immobile (stabilis manens moueri) serait peut-être à même de confirmer que la Physique ne lui était pas inaccessible (III, IX, 3 ; III, 12, 37 ; IV, 6, 16), ce que l’on peut également vérifier avec la définition du « hasard » (V, 1, 11-13). Dans le cadre du corpus initial, le goût pour la rigueur dialectique et le syllogisme (IV, 4, 10-11 – sur l’enchaînement logique (V, 4, 13), sur la preuve rationnelle (la plupart des livres de la Consolation sont parsemés du terme « raisonnement » (ratio) : II, 4, 24 ; II, 5, 1 / III, 9, 4 ; III, 10, 10 16 21 24 ; III, 11, 1 4 9 25 ; III, 12, 4 23 25 30 38 / IV, 1, 2 : IV, 2, 10 16 22 26 ; IV, 4, 14 26 32 33 ; IV, 6, 1 17 58 ; IV, 7, 4), et sur l’adéquation totale entre le discours scientifique et le réel (V, 3, 21) –, lui seraient surtout venus aussi d’Aristote, tout comme l’évocation du « nom/mot vide » (inanis nomen/vox – II, 4, 3 et V, 1, 8), c’est-à-dire privé de référent dans la réalité, qui proviendrait en droite ligne et sans surprise du De l’interprétation (16a16-18) et de ses commentaires. Pareillement, la question de la compatibilité entre la prescience et le libre arbitre est traitée, au long du même livre V, à partir d’une vaste réflexion sur la notion de « nécessité », très dépendante, là encore de manière attendue, des secondes gloses boéciennes sur le chapitre IX du De l’interprétation (19a23-24)224, lesquelles inspirent directement la différence entre « nécessité de vérité » (ou absolue) et « nécessité de fait » (ou conditionnelle – V, 3, 9). On ne sera alors nullement surpris que le souvenir des Catégories, latinisées de Voir I, V, 13 et la n. y afférente. Le De anima d’Aristote était apparemment connu, au moins en partie, de Boèce, qui en cite quelques lignes dans la version II de son Commentaire second sur le De l’interprétation (= Meiser, 1880, p. 28). 223 Voir Schuhl (1947). 224 Voir Meiser (1880, p. 224-225) et Courcelle (1967, p. 211-215). 221 222
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même par Boèce, émerge çà et là dans sa réflexion, comme lorsqu’il énonce que l’espèce réside dans les singuliers (V, 4, 29, d’après Catégories, 3a38-39). De surcroît, la présentation et la caractérisation des quatre modes de connaissance (sens, imagination, raison et intelligence – V, 4, 32-39)225, qui reprend un autre passage de son Commentaire second sur le De l’interprétation226, lequel s’inspire à son tour d’un énoncé du De iustitia (Περὶ δικαιοσύνης, cinquième livre de l’Éthique à Nicomaque), conservé en partie seulement, du Stagirite, aurait fourni à Boèce des matériaux complémentaires pour tenter une résolution du problème de la connaissance divine des futurs contingents (V, 5, 12 et V, 6, 15-48)227. En outre, la fameuse distinction entre « éternité » et « perpétuité », bien qu’elle soit dite par Boèce lui-même, on vient de le voir, reprise de Platon (V, 6, 14), devrait aussi beaucoup à la différence observée par Aristote entre sempiternus et immortalis, glosée dans le même second Commentaire sur le De l’interprétation boécien228. Enfin, et hors logica vetus229, la remarque de Boèce quant au transfert souhaitable du bonheur des gouvernants sur les gouvernés pour servir une sagesse honorable et reconnue (IV, 5, 3), ferait écho à un passage de l’Éthique à Nicomaque (1180a), un écrit qui aurait fourni trois éléments (Dieu, le Bien et l’Un) sur quatre dans l’équation : le Bien = le Bonheur = l’Un = Dieu (III, 10, 17 et 42-43), tandis que la nature « infinie » du temps, c’est-à-dire l’application de la notion d’infinité au temps et à ce qui s’y trouve soumis, subit explicitement (sicuti censuit Aristoteles – V, 6, 6), par celle du monde, l’influence de ce dernier (v.c. Du ciel, 279a25-28). D’autre part, le Stoïcisme aurait également influencé Boèce, le genre littéraire lui-même de la consolation étant, comme nous l’avons aperçu, entre autres sénéquien et cicéronien. Plusieurs moments en sont imprégnés, à savoir la suite de questions soulevées par Philosophie tout au long du livre I, les quatre passions principales de l’homme (joie, peur, espérance, douleur – I, VI, 25-28), la sentence : « tout sort est heureux à ceux Voir infra, avec la note y afférente. Voir Galonnier (2003). 227 Voir infra, V. 7. 3. 228 Voir Meiser (1880, p. 459, 25). 229 La composition de la Logica vetus est assez fluctuante. L’élément central en est formé par les traductions boéciennes des Catégories et du Perihermeneias d’Aristote et de l’Isagoge de Porphyre. On l’augmente quelquefois, du même Boèce, des traités De topicis differentiis, De divisione, De syllogismo categorico et De syllogismis hypotheticis. Il n’est pas rare qu’on y ajoute encore le Liber sex principiorum, compilation anonyme des années 1230-1330, formée par des extraits d’un écrit plus important, qui propose un commentaire également anonyme concernant la dernière partie des Catégories d’Aristote. Certains y joignent enfin les Topiques de Cicéron. 225 226
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qui le supportent avec équanimité » (II, 4, 18 – on parlera alors d’ἀταραξία ou de « tranquillité de l’âme » – cf. III, 2, 14 »), et le précepte : « Fuyant le sort dangereux / D’un siège agréable, songe / À fixer un logis sûr / Au dessus d’un rocher humble », qui revient à conseiller de purifier ses vertus avant de s’associer au divin (II, IV, 13-16)230. Toutefois, la position de Boèce à l’égard de cette école philosophique y est en apparence contradictoire. Ainsi, en I, II, 15 il semble convoquer le πνεῦμα stoïcien, entendu comme τόνος pneumatique, qui parcourt l’univers et lui donne vie231, et en III, 5, 6 puis en IV, II il évoque le tyran, dominateur de ses semblables lui-même dominé par ses passions, thème notamment stoïcien232, tandis qu’en I, 3, 7 le « vulgaire » certes, et non le « sage », stoïcien est assimilé, philosophiquement parlant, à un pillard de grands chemins, et qu’en V, IV, 1-9, il raille ouvertement la théorie de la connaissance propre au Portique, selon laquelle l’esprit ne serait qu’une plaque vierge recevant des lettres gravées avec un stylet233. On ne lèverait que partiellement cette dernière contradiction en rappelant que le thème du tyran malheureux est d’abord platonicien et que Boèce ne songeait peut-être pas aux Stoïciens en y recourant. De même, en IV, 6, il s’intéresse de près, nous le savons, à la providence et au destin, en offrant plusieurs prises à une certaine conception stoïcienne234. Reste que la dépendance du destin relativement à la providence (IV, 6, 11) instaure entre eux une hiérarchie que les Stoïciens dont il est question, qui assimilent souvent l’un à l’autre235, n’auraient peut-être pas avalisé. Abstraction faite de ces tiraillements, le Stoïcisme aurait surtout influencé Boèce par l’intermédiaire de Sénèque, notamment en son De la providence, ce dont on s’aperçoit par exemple en II, 4, 22 (la véritable richesse de l’homme est celle qui réside en lui), et IV, 7, 17-18, où l’on croirait presque lire ce qu’explique ce dernier au chapitre II, à savoir qu’aux yeux de l’homme de bien, la moindre adversité a valeur d’exercice, lui qui rêve en permanence d’une épreuve à sa mesure, désireux notamment de braver le danger par simple devoir. L’influence sénéquienne s’impose encore dans des quasi citations, comme en II, 5, 14 relativement aux Dialogues, à propos du conflit entre nature et Fortune, et en II, 6, 7-8, avec le thème du sage qui cultive une maîtrise de lui-même et une sérénité lui p ermettant Voir Buenestado Pilon (2017, p. 77). Voir Verbeke (1945) et Hahm (1977). 232 Voir Sénèque, Agamemnon, v. 73 et Hercule furieux, v. 332-333. 233 La théorie est pourtant inspirée de Platon (voir supra, p. 66). 234 Voir Veyne (1990). 235 Voir Diogène Laërce, Vies…, VII, 147 et 149, et Duprat (1910). 230 231
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d’échapper au tyran. Nous avons vu que les Lettres à Lucilius ont pu aussi jouer un rôle dans l’inspiration de Boèce, avec, entre autres, l’idée (XI, LXXXVII, 15) que la nature répugne à associer le bien et le mal (II, 6, 13), et le principe (XI, LXXXVII, 12) voulant que la pratique seule garantisse la maîtrise (II, 6, 17). D’ailleurs, le simple extrait épistolaire à suivre, qui n’aurait rien de déplacé s’il figurait dans la Consolation, fait prendre la mesure de l’emprise sénéquienne : « Le bien unique est… celui qui se fait sentir à l’esprit non seulement parfait, mais aussi généreux et de bon caractère : tous les autres biens sont futiles et changeants. Voilà pourquoi ils sont possédés avec inquiétude ; même s’ils sont accumulés en favorisant un seul individu par la Fortune, pesants ils écrasent leur maître, les oppressent toujours, et parfois se jouent d’eux. / Personne, parmi ces personnages que vous voyez vêtus de pourpre, n’est heureux, pas plus que parmi ceux à qui les pièces de théâtre obligent à porter sur scène le sceptre et la chlamyde : avec le peuple ils ont marché présents à ses côtés et rehaussés par leurs cothurnes ; aussitôt qu’ils en sortent, ils se déchaussent et reviennent à leur taille. Personne de ceux que les richesses et les honneurs ont placés au plus haut sommet, n’est grand »236.
Épictète aussi paraît avoir été une source vive, comme ce serait le cas en II, 4, 23, avec le rappel du clivage fondamental entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Les emprunts sont sensiblement moindres avec Épicure et ce que l’on sait de sa doctrine, bien que présenté comme l’un des familiers de Philosophie (I, 4, 30), le Jardin essuyant par ailleurs le même reproche que le Portique (I, 3, 7)237. Certes, Lucrèce, par le biais du De la nature des choses, tout acquis aux principes de l’Épicurisme, est quelquefois mis à profit, mais c’est pour l’essentiel sur un plan métrique et lexical. Ce n’est alors peut-être pas un hasard si d’un point de vue doctrinal le seul aspect qui puisse être qualifié de lucrétien, à savoir celui touchant la réaction à l’égard du consolé thanatophobique, est l’un de ceux où le poète latin s’écarte de son maître grec. Empathique chez Épicure mais intransigeante chez Lucrèce (v.c. De la nature, III, v. 955-963, quand la Nature chapitre un vieil homme qui cherche à se soustraire à la mort), cette dernière attitude transparaîtrait en effet dans celle souvent rudoyante de Philosophie (v.c. I, 5, 3 ; II, 1, 19 et II, 4, 11) à l’encontre de son « nourrisson » désespéré et redoutant le trépas. Le Cynisme non plus ne semble pas avoir été totalement étranger à Boèce, mais sa dette reste difficile à évaluer dans la mesure où il touche Lettre à Lucilius, LXXVI, 30-31. Nous avons tenté dans la note y afférente d’expliquer ce contraste.
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souvent aux mêmes pratiques et notions que le Stoïcisme, ce qui est le cas pour l’« ataraxie », qui d’ailleurs ne relève pas moins de l’Épicurisme. Reste que plusieurs passages adopteraient une forme et un ton qui font penser à la diatribe238, notamment cynique, entendue comme tradition pédagogique de l’échange entre un maître et son disciple, proche cependant de l’acception socratique, pour débattre de problèmes moraux dans un style sérieux, qui néanmoins ne s’interdit pas d’être libre ou spontané – à l’exclusion, redisons-le (voir supra, V. 5), de toute nuance comique et dérisionnelle –, et où se pratique l’accumulation des exemples239. La précision apportée par Pierre Aubenque, qui définit la diatribe cynique comme porteuse d’« exhortations véhémentes adressées au disciple pour qu’il se détourne de la vie aliénée dans la passion et se convertisse à la sagesse »240, est tout à fait adaptée pour caractériser l’objectif de Philosophie dans la Consolation. D’autres incidences possibles du Cynisme, plus ciblées, y sont repérables. Ainsi, en I, IV, 10 la notation que la mauvaise fortune, comme la foudre, s’abat de préférence sur des tours élevées, ou en IV, II le constat, déjà rapporté, il est vrai, au Platonisme et au Stoïcisme, que les véritables tyrans sont les passions, qui portent en elles le désir et l’espérance, ou encore la nette émancipation par rapport aux normes du vulgaire (passim). S’il nous fallait contourner la démarche de Philosophie dans la Consolation relativement aux tendances importées des trois écoles que l’on vient d’effleurer, nous rapporterions volontiers ce verdict de Pierre Hadot : « La philosophie apparaît comme une thérapeutique des soucis, des angoisses et de la misère humaine, misère provoquée par les conventions, les contraintes sociales, pour les Cyniques, par la recherche des faux plaisirs, pour les Épicuriens, par la recherche du plaisir et de l’intérêt égoïste, pour les Stoïciens »241.
Quant au Néoplatonisme, il reste d’abord le courant philosophique susceptible d’avoir donné à Boèce la possibilité, nous l’avons dit, de suppléer les lacunes des corpus platonicien surtout et moindrement aristotélicien, avec lesquelles il devait composer, non sans y avoir prélevé par ailleurs quelques concepts. Plotin, Porphyre, Jamblique et Proclus sont les quatre penseurs chez lesquels il aurait puisé avec plus ou moins Voir Voir 240 Voir 241 Voir 238 239
Favreau-Linder & De Giorgio (2019). Fuentes Gonzáles (1998, VI). Aubenque (1978, p. 348C). Hadot (1995, p. 162-163.
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d’abondance, fonds qu’il est possible de compléter par celui des deux grands passeurs latins en ce domaine que sont Marius Victorinus et saint Augustin. Mais, répétons-le, si l’antériorité chronologique justifie toujours de hasarder une dépendance, elle n’assure en rien sa pertinence. C’est ainsi que l’on ignore à quelle(s) Ennéade(s) de Plotin a pu accéder Boèce, et, nous y revenons, qu’il ait par ailleurs traduit Porphyre n’est pas indicatif de sa connaissance de beaucoup de traités porphyriens. Nonobstant cela, les paragraphes IV, 6, 9 et 13-19, qui touchent tous à la différence entre destin et providence, avec notamment la métaphore des cercles tournant autour d’un même axe (§ 15), seraient redevables à plusieurs Ennéades de Plotin. Pareillement, la définition de l’homme comme « animal rationnel mortel » (I, 6, 15 et V, 4, 35) provient incontestablement de l’Isagoge porphyrienne, où elle est énoncée au chapitre sur la différence242, et dans le Commentaire du même sur les Catégories d’Aristote243. On pense par ailleurs que Jamblique, à travers son Protreptique, en succédané de celui d’Aristote, lui aurait fourni plusieurs notions, comme celles de l’« échelle » (celle qui apparaît sur la robe de Philosophie – I, 1, 4), de la supériorité physique de beaucoup d’animaux sur l’homme (III, 8, 7), ou du « port » de Philosophie (III, X, 5)244, à laquelle nous allons voir que Cicéron n’aurait pas été étranger non plus. Au surplus, si la métaphore du cercle et de son centre appliquée au rapport entre destin et providence (IV, 6, 17) ne devait rien à l’Ennéade 39 (VI, 8), 18, 23 et 38, elle pourrait avoir été extraite des Dix problèmes concernant la providence (I, 5 = Isaac, p. 60) de Proclus245. De la Lettre à l’ingénieur Théodore… du même auteur (XII, 63 = Isaac, p. 81) proviendrait en outre la thèse d’après laquelle quelque chose doit se produire parce que cela ne peut pas être caché à la providence divine, reprise et recusée en toute vraisemblance par Boèce lorsqu’il soutient que quelque chose doit arriver dans la mesure où la providence l’avait anticipé (V, 3, 7-11). Toujours de Proclus, mais concernant ses Éléments de théologie, serait issue l’image de Dieu tenant les rênes du monde qu’il conduit et maîtrise (IV, VI, 34-43), qui entre en correspondance avec celle du « char ailé » (IV, I, 21), abordée il y a peu. Son Commentaire sur le Timée aurait été mis également à contribution, surtout dans les mètres du livre III, grâce auquel l’auteur de la Consolation aurait puisé dans le dialogue platonicien au-delà de 53c, au même titre, quoique plus modestement, que son Voir CAG, IV, 1, p. 10, 10-14. Voir ibid., p. 60, 21, et De Durand (1973, p. 1). 244 Voir Van der Meeren (2011, p. 313-323). 245 Courcelle (1943, p. 288) refuse la référence à Plotin. 242 243
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Commentaire sur le Parménide, et très ponctuellement son Commentaire sur le Premier livre des Éléments d’Euclide, surtout pour l’usage du « corollaire » dialectique (III, 10, 22 et 26). Enfin les Hymnes de Proclus n’auraient pas été étrangères à l’inspiration poétique boécienne. Pour finir, bien que Boèce se montre évasif sur Cicéron lors de l’une des deux seules évocations qu’il fera de Marcus Tullius246 : « comme lui-même le signifie quelque part » (II, 7, 8 – cf. V, 4, 1), les emprunts directs qu’il aurait faits à son œuvre sont apparemment fort nombreux, puisque ceux suggérés dans l’annotation de la traduction portent sur une douzaine d’ouvrages. Mais la majorité intéresse le rhéteur – à commencer par l’allégorie déjà abordée de la « roue de Fortune » (II, 1, 19 et 2, 9), prélevée très vraisemblablement dans le Contre Pison (X, 22) –, et seuls quelques aspects de sa réflexion touchent à un domaine conceptuel, tels ces rappels d’ordre cosmologique sur la place de la terre dans l’univers (II, 7, 4-7), quoique placés sous l’autorité de Ptolémée, semblent redevables au célèbre Songe de Scipion (paragraphes 20 à 27) de De la République (livre VI)247, tout comme l’allusion à une éclipse de lune (IV, V, 8) paraît l’être aussi au même écrit et au De la divination. De surcroît, Boèce devrait aux traités Du destin et De la divination d’avoir été sensibilisé à la problématique de l’incompatibilité apparente entre préconnaissance de Dieu et libre arbitre de l’homme, posée en V, 3, 3 et en V, 4, 4, et à celui De l’amitié la célébration de ce trésor inestimable et inépuisable (II, 8, 7). Par ailleurs, les cinq conférences des Tusculanes auraient abondamment alimenté son inspiration248, puisque ce serait surtout par leur intermédiaire qu’il aurait eu connaissance entre autres de la théorie platonicienne de la réminiscence (III, XI et 12, d’après Tusculanes, I, 58), du thème de l’angoisse permanente de mourir du tyran (III, 5, 6, d’après Tusculanes, V, 21), de l’assimilation de la terre, placée au milieu du monde, à un point (II, 7, 3, d’après Tusculanes, I, 17), et de celle de la philosophie à un port (III, X, 5, d’après Tusculanes, V, 5), qu’il aurait lui-même d’ailleurs pu prélever dans le Protreptique d’Aristote249. En dernier lieu, Cicéron aurait également joué le rôle de vivier pour de simples emprunts ponctuels, sachant que c’est vraisemblablement lui qui 246 Rappelons que Cicero est le sobriquet de Marcus Tullius, cicer, explique Plutarque (Vie de Cicéron, I), signifiant « pois chiche », parce qu’un ancêtre de Cicéron avait le bout du nez en forme de pois chiche, tandis que Pline (Histoire naturelle, XVIII, III, 2) affirme que c’est parce que plusieurs membres de sa famille cultivaient cette plante. 247 Voir Strobach (2011). 248 Voir supra, V. 4. 249 Voir infra, p. 328.
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a permis au rédacteur de la Consolation d’introduire un proverbe romain (I, 1, 11), de caractériser un volet important de l’Épicurisme (III, 2, 12), et de citer Parménide (III, 12, 35). De leur côté, poètes, prosateurs, rhéteurs et historiens, surtout latins, qui participent des mêmes réserves – ont-ils été consciemment convoqués par Boèce ? – forment un corpus assez impressionnant comme on l’a aperçu, d’où se détachent, par leur récurrence, des noms tels que Claudien, Lucrèce, Ovide, Sénèque, Tacite, Tite-Live et Virgile. Après que le chapitre sur la poésie eut considérablement étoffé ce constat, la rare complexité métrique de la Consolation orientant vers une capacité extraordinaire à mobiliser les ressources mnésiques que nous venons de conjecturer, il est plus que jamais légitime de se demander si sa prose a pu en bénéficier dans les mêmes proportions. Si l’on resserre notre approche en la limitant de nouveau à celle de l’historien de la philosophie, plusieurs voies d’accès se dessinent. V. 7. 3. Quelques tendances et thématiques philosophiques La métaphore philosophique cardinale de la Consolation est nettement identifiable, puisqu’il s’agit de celle des rapports du médecin (medicus : II, VI, 17 ; IV, 2, 25 ; IV, 4, 38 ; IV, 6, 28 et medicator : I, 6, 29)250 à son patient (aeger : IV, 4, 38 ; IV, 6, 27, lethargus : I, 2, 5, morbus : II, 3, 3 ; IV, 6, 37 ; IV, 6, 45 et ulnus : I, 4, 1), auquel il commence par administrer des fomentations (fomenta : I, 6, 21 ; II, 3, 3 ; II, 5, 1), puis des remèdes (remedia : I, 5, 11 ; I, 6, 21 ; II, 3, 3 ; III, 1, 2 et 3)251, dans la mesure où elle relaie l’aphorisme bien connu selon lequel la philosophie, ou la sagesse, est le « médecin de l’âme ». Il serait dû, au dire de Clément d’Alexandrie252, à Démocrite (c. 480-370), et sera repris, entre autres, par Platon253 puis, selon Diogène Laërce254, par Épicure255. Boèce s’y réfère jusqu’au pléthorique : dolores fovere : I, 1, 8, aegritudo : l’ensemble de I, 5, 12, curare et sanare : I, 1, 11, recordari (« reprendre conscience ») : I, 2, 6, curatio : II, 3, 3, sanitas et aegritudo : IV, 6, 28, mederi et remedare : IV, 6, 45. On relève également plusieurs topoi propres au genre de Voir également medicina : I, 2, 1 ; IV, 6, 5 et medicare : I, 3, 1 ; I, 4, 1. Cf. remedare : IV, 6, 45. 252 Voir Le pédagogue, I, 6 : « Ἰατρικὴ μὲν γὰρ κατὰ Δημόκριτον σώματος νόσους ἀκέεται, σοφίη δὲ ψυχὴν παθῶν ἀφαιρεῖται = La médecine, selon Démocrite, guérit les maladies du corps, la sagesse éloigne l’âme de ses passions ». 253 Voir Hippias mineur, 372e et Protagoras, 313e. 254 Voir Vies…, X, 122 init. 255 Voir Lettre à Ménécée, p. 191. 250 251
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l’autoconsolation, comme l’exil (I, 3, 3 ; I, 4, 36 ; I, 5, 5 ; I, 6, 18 ; II, 4, 17 ; IV, 1, 2), la mort annoncée (I, 4, 36), la perte des honneurs (I, 4, 45), la confession-lamentation, qui se caractérise par son statisme (I, 4, 8-46 et I, V), pierre d’attente pour la consolation, qui, elle, fait preuve de dynamisme en ses différentes phases : invitation à se confier (I, 4, 1), empathie (I, 5, 2 ; I, 5, 6), compassion (I, 5, 11-12 ; III, 1, 7), logothérapie à travers l’art de la maïeutique (voir supra, V. 6), et exhortation, avec, intercalée, une phase de résistance (III, 12, 30-38). Ces deux signalements effectués, survolons chaque livre sous ce même angle de l’orientation philosophique. I. De ce point de vue, le thème central du livre I est celui de l’aliénation du moi divisé et de la déréliction du moi dédivinisé. Selon Philosophie, il importe de mettre fin à cette double dépossession d’un Boèce qui a oublié en partie qui il est et qu’elle est la fin des choses. Une double question s’en détache : « Si vraiment Dieu existe…, d’où vient le mal ? Mais d’où vient le bien, s’il n’existe pas ? » (I, 4, 30). Boèce n’aura pas à développer pour deux raisons. D’abord, parce que la seconde question neutralise la première, dans la mesure où nier Dieu en considération de l’existence du mal c’est en même temps nier l’existence du bien, qui ne peut avoir de cause qu’un Dieu suréminemment bon. Ensuite, parce qu’il n’a pour intention, en introduisant ces deux interrogations, que de dédouaner Dieu quant à son propre revers de fortune, dès lors que si Dieu était responsable du mal, et notamment du sien, il serait contradictoire de le dire suréminemment bon. II. L’objet principal du livre II tourne autour de la méprise de Boèce quant à la fortune, essentiellement inconstante, en ce qu’il se leurre sur ses succès (famille, éducation, opulence et carrière) qui relèvent des faux biens (richesses, pouvoir et gloire), quand les seuls vrais biens sont ceux dispensés par Dieu. Prendre conscience de cela est la première étape d’une reconquête de soi-même. Plusieurs moment forts le parcourent, à commencer par l’introduction – ne craignons pas d’y revenir – de la symbolique de la « roue de Fortune » (II, 1, 19 et II, 2, 9) pour imager son inconstance. Elle était sans originalité à l’époque, puisqu’elle avait été exploitée surtout par Cicéron, qui, dans son Contre Pison (X, 22) notamment, dit, à propos d’un débauché en plein délire alcoolique : « cum illum saltatorium uersaret orbem, ne tum quidem fortunae rotam pertimescebat = lorsqu’il décrivait en tournant un cercle de danse, il ne redoutait même pas alors la roue de la fortune », un usage répété dont se moquera du reste Tacite (Dialogue de l’orateur, XXIII). Mais ce sera celle de Boèce qui aura
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l’exclusive, au Moyen Âge et à la Renaissance, d’innombrables reprises et d’un très riche corpus iconographique. Elle offre essentiellement à son auteur la possibilité d’illustrer deux aspects directeurs de sa réflexion : celui de l’alternance des changements dans les décisions de Fortune, et celui de l’ivresse, à la fois provocante et torturante, que cela suscite chez celui qui se retrouve sous son emprise. Il y fait par ailleurs sien le thème, notamment stoïcien, de la supériorité du sage, inaccessible, par sa sérénité et sa liberté, à l’adversité (II, 6, 7). D’autre part, on ne laissera pas échapper une définition inhabituelle de l’impuissance comme état qui affecte celui incapable d’empêcher que ce qu’il fait subir à un autre cet autre ne puisse pas le lui faire subir (II, 6, 12). Se détache ensuite le principe édictant que dans la nature, deux choses opposées contraires ne peuvent s’unir (II, 6, 13). Il autorise à déduire, en fonction de cette antinomie, qu’un bien ne peut échoir à un méchant. Enfin, on remarquera l’idée selon laquelle seule la perfection dans l’acquisition des vertus peut préserver l’individu supérieur d’être tenté par la gloire et la renommée en matière de chose publique (II, 7, 2). III. Le point focal du livre III est la mise en lumière du Bien véritable, qui ouvre sur le Bonheur parfait et immuable, lequel a également pour nom Dieu ou l’Un, fin naturelle de l’homme. Suit la dénonciation des revers de Fortune et des faux bonheurs, tels ceux liés à l’argent, aux dignités, à la puissance, à la gloire, à la vie voluptueuse et à la sensation de plénitude. Un principe y domine : celui de l’unité, qui maintient le Tout, l’univers ou le cosmos, et se révèle la seule condition de la subsistance et de la permanence des choses caduques et périssables, caractérisées par leur diversité256. Le livre est bien sûr dominé par le mètre IX, auquel nous avons fait diversement appel et dont il sera plus amplement question par la suite, surtout en notre chapitre V. 10. A. 4., ce qui nous dispense de nous y arrêter ici257. Divers principes émaillent et charpentent aussi les raisonnements destinés à prouver l’existence de Dieu, tels 1. celui énonçant que la nature des choses créées va du parfait à l’imparfait (III, 10, 4-5), qui permet d’établir la nécessité de l’existence du parfait à partir de la constatation de l’existence de l’imparfait, 2. celui alléguant que ce qui diffère d’une chose n’est pas identique à la chose dont il diffère (III, 10, 15), qui permet de déduire qu’il ne peut y avoir qu’un seul Bien suréminent et 256 Sur l’unité qui régit les êtres et le cosmos, voir III, 9, 8 et 16 ; III, 10, 28 / 33-34 et 42-43 ; III, 11, 7 / 10-13 et 36 ; III, 12, 5-7. 257 Voir également l’abondante annotation de sa traduction, ainsi que Galonnier (2019).
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parfait, et 3. celui instaurant l’unité comme condition de la permanence d’un être (III, 11, 10), qui permet de déduire que toute chose aspire au Bien identique à l’Un. IV. Le livre IV est destiné à répondre à deux interrogations. La première demande comment Dieu peut-il autoriser le bonheur des méchants, car si le Bien est la fin naturelle de l’homme, les méchants s’en excluent d’eux-mêmes ? La réponse établit que les méchants, en commettant le mal, se condamnent à l’impuissance et suscitent leur châtiment par leurs actions mauvaises, puisque leur bon plaisir n’est qu’illusion. La seconde question demande pourquoi Dieu, qui est providence, tolère-t-il la souffrance des gens de bien ? La réponse fait principalement appel à la différence entre la providence, propre au divin et s’appliquant au cosmos, et le destin, actualisation de la providence selon l’ordre temporel dans lequel évolue chaque individu. Deux principes d’inspiration platonicienne s’en détachent, l’un découlant de l’autre : les méchants sont nécessairement plus malheureux s’ils peuvent satisfaire leurs désirs que s’ils en sont empêchés (IV, 4, 3), et les gens malhonnêtes sont plus heureux en subissant une peine de justice qu’en ne la subissant pas (IV, 4, 13). Ils ouvrent sur un constat proprement renversant : les gens malhonnêtes sont beaucoup plus malheureux lorsqu’ils bénéficient d’une injuste impunité que lorsqu’ils sont punis par une juste peine, ce qui passe en général inaperçu, puisqu’on les croit heureux d’être impunis alors qu’ils en sont accablés (IV, 4, 19 et 25). V. La question essentielle du livre V est la compatibilté de la prescience divine avec la liberté humaine. Elle repose sur la distinction entre une nécessité de vérité ou absolue, par laquelle Dieu embrasse dans la simultanéité de son regard la totalité de l’enchaînement causal, et une nécessité de fait ou conditionnelle, par laquelle l’homme, au moyen de ses sens, de son imagination et de sa raison, a prise sur le réel et le temporel sans être contraint par Dieu, puisqu’il demeure libre de choisir de faire ou de ne pas faire. La problématique de la connaissance divine des futurs contingents y occupe une place relativement importante (V, 5, 5-12 et 6, 15-48). Elle fut soulevée, est-il encore besoin de le préciser, dans l’introduction du chapitre IX du De l’Interprétation d’Aristote (18a28-33)258. Le Commentaire second de Boèce sur ce traité prolonge et diversifie le problème en l’étendant à Dieu (V, 5, 8), extension reprise par la Consolation, qui établit que Dieu, parce qu’il est éternel, connaît selon cette éternité le contingent en fonction Voir Galonnier (2003).
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du principe énoncé trois fois (V, 4, 25 / 38 et 6, 1) : ce qui est connu l’est non pas à partir de sa nature mais à partir de la nature de celui qui veut connaître. Ainsi, Dieu connaît par prescience et sur le mode de l’éternité ce qui est soumis au changement, comme il connaît le passé et le futur, à savoir dans un éternel présent : « (La) préconception divine ne change pas la nature et la propriété des choses, et elle les voit auprès d’elle par la présence telles que, à venir, elles se produiront un jour dans le temps » (V, 6, 21). C’est là une autre manière de parvenir au résultat auquel le Commentaire second était parvenu à propos de la même question : « Dieu connaît les choses futures non pas comme arrivant par nécessité mais de façon contingente, en sorte qu’il n’ignore pas non plus qu’elles pourraient arriver autrement » (= Meiser, 1880, p. 226, 9-11). Notre passage en revue de quelques sources certaines, ou conjecturées dans leur écrasante majorité, et celui de plusieurs axes de réflexion à l’œuvre dans la Consolation nous ont maintenu jusqu’à présent dans un contexte profane. L’autre insufflation possible de sa veine créatrice est le Christianisme, ou plutôt, devons-nous dire, le Nicénisme ou Christianocatholicisme. La question n’est pas à proprement parler inédite. V. 8. Consolation chrétienne ou Consolation païenne ? Si la problématique liée au Christianisme de Boèce remonte à l’ère carolingienne, et ce dès Alcuin259, sa problématisation fut, elle, initiée par Gottfried Arnold en 1699260. Elle ne concernait alors pas directement la Consolation, mais les Opuscules sacrés. Arnold lança effectivement la polémique en mettant en doute l’authenticité boécienne des Opuscules, qui, à son sentiment, étaient dus à un auteur chrétien, une condition dont Boèce ne saurait se prévaloir, attendu que la Consolation, ouvrage à l’authenticité incontestable, ne laisse rien paraître de cette confession, alors même qu’elle ne pouvait manquer d’en faire état, vu sa nature et le contexte dans lequel elle fut composée261. Le débat évoluera en fonction Voir Courcelle (1967). Voir Arnold (1699, p. 270 de l’édition de 1729). 261 Certains vont jusqu’à envisager que l’ouvrage est inachevé, privé d’un dernier livre réservé à l’exposition de la foi catholique de Boèce. D’autres (Relihan, 2004), estiment que la Consolation est un ouvrage qui ne met pas en avant les vérités de la philosophie dans son ensemble, mais dénonce les limites de la philosophie païenne en particulier, dans le but de jeter les fondements d’une nouvelle philosophie chrétienne. 259 260
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de la teneur des arguments philologiques, historiques, littéraires et philosophiques. En 1877 toutefois, une publication décisive, celle de Hermann Usener, qu’il intitula, on s’en souvient, Inédit de Holder262, autorisa à mettre fin ou presque aux soupçons d’inauthenticité qui pesaient sur les Opuscules, en renversant pour ainsi dire la problématique263, par la révélation d’un document émanant de Cassiodore, qui attestait que plusieurs traités était attribuables à Boèce. L’Inédit mis au jour par le paléographe Alfred Holder et révélé par Usener, renferme, en effet, une suite de brèves notices bio-bibliographiques sur des parents diversement proches de Cassiodore ou des écrivains donnés en exemple, extraites d’un texte que ce dernier aurait adressé à son contemporain Cethegus. Celle concernant Boèce264 précise, nous avons pu en juger265, qu’il est l’auteur d’un De la sainte trinité, de Chapitres dogmatiques et d’un Contre Eutychès. On a voulu voir quasi-unanimement dans cette indication la preuve que Boèce était bien le rédacteur des Opuscules, et que sa foi chrétienne ne laissait place à aucune ambiguïté, sans toutefois pouvoir expliquer l’orientation spirituelle d’une Consolation qui, nonobstant les questions que cela soulève, cède massivement aux attraits entre autres du Platonisme, de l’Aristotélisme et du Néoplatonisme. De fait, si ce corpus de cinq opuscules, qui est manifestement l’œuvre d’un théologien catholique, était en mesure d’être mis au crédit de Boèce, il revenait à l’historien des idées d’essayer d’expliquer comment sa Consolation pouvait être tenue pour exempte de toute référence explicite au Christianisme, elle qui a été composée en prison jusqu’à l’article de la mort266. C’est pour favoriser la compatibilité de ces deux mentalités – celle d’un penseur chrétien écrivant son ouvrage-testament et celle d’un théoricien de la philosophie grecque –, que des exégètes favorables à une Consolation empreinte de la spiritualité du Christ, ont diversement œuvré à faire émerger sa dimension chrétienne, tels Baur en 1841, Suttner en 1852, Schenkl en 1858, Nitzsch en 1860267, Bourquard en 1877, Hildebrand en 1885, Boissier en 1889, Semeria en 1900 et Klingner en 1921. Leurs travaux ont contribué Voir Usener (1877). Voir Galonnier (1997). 264 Voir Galonnier (1996) 265 Voir supra, p. 1. 266 Les tenants d’une déchristianisation de la Consolation relèvent d’une longue et riche tradition, toujours bien vivace – voir : « La Consolatio Philosophiae,… testament littéraire et philosophique[,] ne mentionne pas une seule fois le nom du Christ, étant plutôt un plaidoyer pour la constantia sapientis des stoïciens que pour l’ardeur des martyrs chrétiens », Papahagi (2006, p. 671-672). 267 Il niait cependant l’authenticité des Opuscules sacrés. 262 263
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à la constitution d’un Index biblique, qui a accompagné les éditions critiques, à commencer par celle de Fortescue – Smith, en 1925. Les chercheurs acquis au Christianisme de la Consolation eurent ainsi à leur disposition un outil pratique et sûr pour effectuer le recensement des divers moments où s’y manifestent, à leurs yeux, des références à la doctrine chrétienne, parfois d’ailleurs amenées en forçant la teneur du texte. Cette impression, ajouterons-nous, s’explique par le fait qu’en ces passages, le discours boécien offre une sorte de bivalence conceptuelle, qui justifie la plupart de temps deux abords possibles, l’un orientant les contenus vers l’Hellénisme, l’autre vers le Christianisme. Car, bien que l’ouvrage soit très pénétré de philosophie grecque, à l’occasion de maintes déclarations la question se pose de savoir si nous lisons le propos d’un Néoplatonicien ou celui d’un Chrétien. Et le fait que les deux qualificatifs ne soient, en théorie, pas exclusifs l’un de l’autre aurait permis à Boèce, en se positionnnant à maintes reprises dans un entre-deux, d’instaurer de manière délibérée et systématique un doute profitable. En illustration de cette thèse, nous nous proposons de reprendre et de commenter synthétiquement celles qui nous semblent les plus significatives, en essayant à chaque fois de compenser un argument par un autre, et ce au moyen de trois rubriques, dont la répartition est purement pratique : les « évocations », les « échos morphosémantiques » – dont quatre, sans constituer à proprement parler des citations de passages scripturaires, s’en approchent parfois d’assez près et surtout sont dépourvus de contrepartie profane –, et les « références doubles ». Cependant, cet examen va nous obliger à pratiquer ce sur quoi nous avons ci-devant émis des réserves, autrement dit le recours à une bibliographie dont Boèce ne disposait sans doute pas, en raison soit de son isolement soit de l’inaccessibilité objective des textes à cette époque, et donc à multiplier les conjectures quant à une mobilisation des contenus purement mémorielle de sources indirectes. La position que nous défendons impose toutefois de redéfinir rapidement quel enjeu historico-confessionnel sous-tendrait la stratégie boécienne touchant le domaine de la religion dans la Consolation. En raison, comme nous l’avons signalé, de son hérédité, de son éducation, de sa formation et de son mariage, Boèce ne pouvait échapper au Catholicisme. Mais l’idéal scientifique qui l’habitait a sans doute pris le pas sur son idéal religieux et l’a conduit, comme nous l’avons exposé, à tenir les contenus dogmatiques pour autant de contenus susceptibles d’être soumis aux ressources de la dialectique. Toutefois, en ayant traité sans prendre de recul des principaux points de la doctrine catholique dans ses Opuscules sacrés,
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il n’aurait pas pu, quelles qu’eussent été, dans la Consolation, ses déclarations livrées sans filtre, éviter d’apparaître, aux yeux des courtisans ariens d’un Théodoric élimé par l’âge et le pouvoir, pour un Catholique militant toujours en activité, à l’image de celui qu’avait fait connaître les Opuscules, en mesure d’ourdir un complot avec l’Orient pour renverser le roi. Dans ce que la Consolation laisserait, à notre sentiment, poindre de sa foi chrétienne, il n’est certes question ni de dogme trinitaire ni de christologie, les deux problématiques responsables du conflit catholico-arien. Mais il eut été impensable que Boèce s’exposât à nouveau, même sans attenter aux canons de l’Église arienne, après que ce qu’il avait assumé dans les Opuscules lui eut peut-être valu la sanction que l’on sait. Jugeons plutôt. V. 8. A. La foi revendiquée Si la pentalogie boécienne fut avant tout l’œuvre d’un dialecticien, ce dernier n’y est point resté dans la neutralité confessionnelle à laquelle on aurait pu s’attendre. En d’autres termes, que Boèce en soit venu à se mêler de théologie à la suite de circonstances bien particulières, que nous avons essayé de définir, et accaparé par d’autres ambitions, n’a point éteint en lui le catholique qu’il ne cessa jamais d’être, sa conviction n’ayant, malheureusement pour lui, pas manqué de trop percer à plusieurs reprises. Ainsi, quand le De la sainte trinité dénonce, au début, ceux qui provoquent une inégalité dans les personnes divines, « tels les Ariens », qui font de la Trinité une pluralité268, il porte bel et bien une attaque anti arienne, certes tout en retenue, puisque, comme l’a souligné Dominique Bertrand, les Ariens n’y sont nullement taxés d’hérétiques269. Mais leur foi n’en est pas moins pointée du doigt comme déviante sur un aspect majeur de la dogmatique chrétienne, et ce immédiatement après le coup de semonce initial, aussi clair que retentissant : « Plusieurs usurpent le respect [dû] à la religion chrétienne, mais cette foi, qui est appelée catholique ou universelle, a une valeur immense et exceptionnelle, aussi bien en raison de ses recommandations de règles universelles, par lesquelles est acceptée l’autorité de cette même religion, qu’en vertu du fait que son culte s’est répandu à presque tous les confins du monde. Sa doctrine concernant l’unité de la Trinité est celle-ci : “le Père”, disent [les Chrétiens], “est Dieu, le Fils Dieu, l’Esprit saint Dieu”. Voir De la sainte trinité, 1 (= p. 167, p. 43-44). Bertrand (2003, p. 682).
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Par conséquent Père, Fils et Esprit saint sont un et non trois dieux. La raison de cette conjonction est la non-différence » (De la sainte trinité, 1 = Moreschini, p. 167, 34-43).
Du reste, tout au long de ce premier opuscule selon la tradtion textuelle, il sera question d’asseoir cette thèse qui fait de l’Arianisme « usurpateur » un égarement, jusqu’à sa dernière formulation : « c’est un même Dieu que Père, Fils et Esprit saint, un même juste, un même bon, un même grand, un même tout ce qui se pourra prédiquer selon soi » (Ibid., 6 = Moreschini, p. 180, 343-345), rappel qui nourrit « un jugement de lui-même très solide par les fondements de la foi » (Ibid., 6 = p. 181, 363). N’est-ce pas là, tout en s’impliquant personnellement comme Catholique, donc en adversaire de l’Arianisme, retourner furtivement mais plusieurs fois le couteau dans la plaie ouverte au tout début ? Le De la prédication, sorte d’annexe (anticipation ou prolongement) au De la sainte trinité, renonce, lui, à toute forme, même édulcorée, de dénonciation, mais il affiche d’entrée la conviction fidéique de son auteur : « Je cherche si “Père”, “Fils” et “Esprit Saint” sont attribués substantiellement à la divinité ou bien d’une quelconque autre manière, et j’estime que la voie de la réflexion doit partir de là où se trouve manifestement pour toutes choses le commencement, c’est-à-dire des fondements mêmes de la foi catholique » (De la prédication, 1 = Moreschini, p. 182, 1-5).
Proclamer que la foi catholique est universellement fondatrice revient de fait à porter un coup supplémentaire à ceux qui s’en écartent, lequel, même discret, ne peut toutefois rester sans heurter entre autres un potentat arien. Peu importe par ailleurs que le quatrième traité, dépourvu de titre, ait été appelé plus tard De la foi catholique ou De la foi chrétienne, car aucune ambiguïté n’y subsiste quand son responsable manifeste une appartenance religieuse en évoquant « cette religion nôtre, qui est appelée chrétienne et catholique » (= Moreschini, p. 195, 7-8). Dans cette identification, le second adjectif pèse de tout son poids, lorsqu’il est « opposé » (opponere) aussitôt après à « Arius, qui, tout en disant le Fils Dieu, multiplie cependant les déclarations sur son infériorité par rapport au Père et sur son extériorité relativement à la substance du Père » (Ibid., p. 196, 30-32). Quant au Contre Eutychès et Nestorius, quoique moins expansif sur ce plan, il n’en est pas moins explicite quand il s’agit de se situer au regard du Nicénisme. On y sent bien de quel côté se trouve la vérité en matière de foi : « les Catholiques… confessent raisonnablement (rationabiliter)
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l’un et l’autre, car le Christ consiste à la fois de deux natures (ex duabus naturis) et en deux natures (in duabus naturis) » (Contre Euthychès, 6 = Moreschini, p. 232, 575-577), et « il n’y a rien au-delà qui puisse être opposé qui ne soit ce que la foi catholique, ferme et vraie, retient » (Ibid., 7 = p. 234, 629-630), dès lors qu’« est vraie l’expression que proclame la foi catholique, à savoir qu’il y a une substance géminée mais une personne unique » (Ibid., 7 = p. 236, 672-673). Positionner la « fermeté » et la « vérité » d’un seul côté fait inévitablement incliner le fléau de la valorisation et de l’adhésion dans la même direction. Il est exact qu’aucune des deux sources littéraires principales, à savoir la Consolation elle-même et l’Anonyme Valésien, ne fait intervenir, ouvertement en tout cas, la dimension fidéique dans l’évocation à laquelle chacune procède, en complémentarité fortuite avec l’autre, du processus incriminant dont Boèce fut la victime. Néanmoins, ce sur quoi nous venons d’attirer l’attention touchant la volonté de ce dernier de ne laisser planer aucun doute sur la nature de son orientation religieuse, est finalement susceptible de suggérer qu’il conviendrait finalement de la voir poindre dans l’accusation de complot contre Théodoric que dénonce la Consolation (I, 4, 21), dès lors que Boèce y aurait reçu l’appui de Justin Ier, qui s’était rangé du côté du Nicénisme chalcédonien, le plus récent courant théologique en ce début de sixième siècle. L’auteur des Opuscules sacrés s’est-il cru, de par son statut social, ses responsabilités politiques ou sa réputation d’érudit, hors de toute atteinte, au point d’afficher sans arrière-pensée son appartenance à un mouvement religieux qu’il valorisait et dressait, peut-être sans en mesurer toutes les conséquences, contre l’Arianisme, loin de songer à la possibilité d’une conspiration le visant et du revirement de son roi ? V. 8. B. Le dernier espoir comme ultime refuge Il n’est alors guère douteux, à notre sentiment, que le rédacteur de la Consolation lui-même ait, sans l’exprimer, estimé devoir la disgrâce soudaine dans laquelle il était tombé à sa pentalogie. L’urgence aurait été à ce moment-là, une fois emporté par la spirale conspirationniste, tout à la fois de dénoncer la machination dont il était la cible et de rappeler indirectement sa loyauté sans faille envers son souverain, tout en réaffirmant son Catholicisme sans risquer, dans l’intention du moins, de se compromettre de nouveau. C’est ainsi que dans sa Consolation, il aurait été question de revendiquer implicitement sa religion sous des dehors païens, c’est-à-dire de la dissimuler derrière un vernis philosophique tout en la
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laissant émerger plus ou moins, ces affirmations par transparence étant comprises par ceux-là seuls à qui elles étaient destinées, comme autant de signes d’allégeance à une foi catholique à laquelle, soucieux de sa postérité, il était impensable pour lui de renoncer. Car il ne faut point perdre de vue une donnée que nous avons déjà introduite, à savoir que Boèce, dans son écrit consolatoire, laisse à penser qu’il caressa jusqu’à la fin, encouragé du reste par Fortune elle-même (voir Consolation, II, 2, 14), l’espoir d’en réchapper, de voir son innocence reconnue et la perfidie des comploteurs démasquée. Nous voulons pour preuve d’une posture qui paraît ne pas avoir retenu l’attention des biographes de Boèce, ce très bref échange, introduit précédemment : « Ph. – Fortune ne les [sc. les mortels] a pas encore pris tous en aversion jusqu’au dernier, et une puissante tempête n’a pas déferlé avec excès sur toi, dès lors que de solides ancres tiennent bon, qui ne laissent s’éloigner ni le réconfort du présent, ni l’espérance (spes) du temps à venir. Bo. – Et je prie (precari) qu’elles tiennent bon ; car tant qu’elles demeurent, et quelles que soient les circonstances, nous en échapperons (enatare) » (Consolation, II, 4, 9-10).
Encouragé par Philosophie, le consolé se cramponne à son reliquat de bonne Fortune comme à une embarcation malmenée par une houle enflée. Cette croyance et cette confiance, qui se révèleront vaines, dans le salut des justes, rendent à nos yeux plausible notre lecture d’une Consolation voulue en même temps comme un plaidoyer en faveur de l’auteur, un bilan existentiel, une quête de sens et un témoignage fidéique. Nous verrons sous peu que si « espérer » et « prier » sont des verbes qui peuvent sortir du stylet d’un Païen mystique, ils peuvent tout aussi bien participer du discours d’un fervent Chrétien. Dans le cadre de l’introspection auraient été ménagés de très nombreux moments cryptés, qui auraient joué comme autant d’affleurements de la foi authentique de Boèce, volontairement soumis à l’ambiguïté pour ne point prêter le flanc à la susceptibilité arienne d’un souverain devenu acrimonieux et crédule, hostile, ainsi que nous l’avons expliqué, envers un courant religieux qu’il avait pourtant magnanimement toléré durant deux décennies et demie. Sur ce point, il ne fallait pas sous-estimer la capacité de Théodoric à juger par lui-même la teneur des écrits de Boèce. Car pendant les dix années de son premier séjour à la cour impériale comme otage (c. 461-471), c’est-à-dire comme caution donnée et prise pour garantir le respect du traité de paix romano-gothe signé en 459-460270, le futur Voir Wolfram (1991, p. 277-278).
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roi amale dut bénéficier d’une éducation complète et toute romanisée, avec entre autres l’étude des langues et des lettres grecques et latines, dont il conserva sans doute le goût toute sa vie durant271. Ce ne fut d’ailleurs pas un hasard si, sur place, il se lia d’amitié avec un éminent lettré grec, Artémidore, qu’il nommera bien plus tard préfet de Rome pour l’année 509-510272. Les Opuscules sacrés nous ont familiarisé avec un tel cryptage273, bien qu’en l’occurrence il soit passablement plus accentué et voulu davantage efficace. Voyons cela à travers plusieurs illustrations, qui, nous l’avons annoncé, ont été réparties, par pure commodité s’entend, en trois rubriques. V. 9. Un crypto-Christianisme V. 9. A. Les évocations 1. Le premier extrait de cette rubrique nous situe d’emblée dans la double exégèse suscitée par chaque illustration, à l’occasion de laquelle paraissent s’équilibrer teneur chrétienne et teneur païenne. Le contenu tient de l’anecdotique, puisqu’il renvoie à la résolution qu’arrête Boèce au terme de ce qu’il vient de rapporter de sa tragique mésaventure : Bo. – : « Au vrai, de quelque façon que cela soit, je m’en remets à ton jugement et à l’estimation des sages. Afin que l’enchaînement des faits et la vérité dans cette histoire ne puissent échapper à la postérité, je l’ai confiée autant au stylet qu’à la mémoire » (Consolation, I, 4, 25).
Il serait envisageable de voir dans cette résolution la décision du martyr chrétien des premiers siècles du Christianisme, ayant relaté par écrit les causes véritables de ce qui lui a valu le supplice, avec l’espoir de servir d’exemple une fois advenu un monde plus juste274 : « Si les anciens exemples de foi, qui attestent de la grâce de Dieu et travaillent à l’édification des hommes, ont été consignés par écrit pour que cette lecture, comme par un nouvel examen des événements, serve à honorer Dieu et à redonner force aux hommes, pourquoi ne pas consigner aussi les témoignages récents qui répondent également à ces deux fins ? »275. 271 Pour se faire une idée de son étendue et de sa nature voir Hodgkin (1891, chapitre 8), Brion (1935, p. 63-64), McCormick (1986, p. 268) et Wolfram (1991, p. 347). 272 Voir PLRE, p. 155-156. 273 Voir supra, IV. 2. 274 C’est la lecture de Bourrit (2002, p. 21). 275 Passion de Perpétue et de Félicité, I, 1 (= Amat, p. 99 et 101).
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À supposer que cette mise en perspective jouisse d’une certaine vraisemblance, une seconde référence ne se présente pas moins à l’esprit avec autant d’opportunité, celle de Socrate. En effet, quoique dans son Apologie celui-ci ne déclare pas qu’il transcrit lui-même sa version de l’accusation pour laquelle il a été condamné à la peine capitale, on le trouve non moins soucieux d’en faire un témoignage oral, dans le but implicite que quelqu’un couchera son récit sur le papyrus, pour qu’il contribue, plus tard, à établir la vérité : « Eh bien, il faut bien, Athéniens, que je me défende et que je tente de détruire en vous la calomnie qui y est enracinée depuis longtemps ; et je n’ai pour ce faire que si peu de temps ! Sans doute préférerais-je y parvenir, à condition que cela valût mieux pour vous comme pour moi, et me défendre avec succès. Mais j’estime que c’est une entreprise difficile, et je ne me dissimule absolument pas l’importance de la difficulté […] Je sais assez bien… que là réside la calomnie dont je suis victime et que les causes en sont celles-là. Et si vous vous interrogez maintenant ou plus tard sur ces causes, voilà ce que vous trouverez » (Platon, Apologie de Socrate, 19a et 24a).
2. L’extrait suivant que nous retiendrons est d’un enjeu plus conceptuel, puisqu’il impliquerait les rapports entre foi et raison : « Bo. – Je ne saurais estimer en aucune façon que tant de faits déterminés soient mûs par une contingence fortuite, mais je sais que Dieu veille en tant que Fondateur sur son œuvre, et il n’y aura jamais de jour qui me détournera de la vérité de ce jugement » (Consolation, I, 6, 4).
La thématique illustrée ici par Boèce concernerait l’interaction du fidéique et du rationnel, en promouvant l’idée que l’ordonnancement du monde, constaté par un acte de raison, confère toute sa nécessité à l’acte de foi, laquelle foi est elle-même à l’origine de l’acte de raison qui la justifie276. Cela reviendrait alors à dire que seule l’émergence d’une raison de croire valide l’activité rationnelle. En d’autres termes, il serait question, pour l’auteur, d’emprunter un cheminement intellectuel qui fait aller de la foi à la foi par la raison. Reste que cette démarche spirituelle, qui culminera au XIe siècle, avec la « foi en quête d’intelligence = fidens quaerens intellectum » d’Anselme de Cantorbéry, et laisserait en l’occurrence transparaître la conviction qu’un monde aussi réglementé que le nôtre n’est point abandonné à un hasard aveugle mais se trouve ordonné et gouverné par Dieu, pourrait aussi bien, dans sa globalité, impliquer le démiurge du Timée, qui façonne Voir Bourrit (ibid., p. 22).
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l’univers les yeux rivés sur les formes intelligibles, en le soumettant à un ordre causal qu’il rend permanent au moyen de la fonction déterminante de la finalité277. Or chez Platon aussi et d’abord, c’est l’activité normative de Dieu qui en fait un objet d’adoration. 3. Le distique qui vient à présent est probablement le plus ambigu de tous les vers de la Consolation : « Ph. – Lucifer ut tenebras pepulerit, Pulchra dies roseos agit equos = Lorsque Lucifer a chassé les ténèbres, La beauté du jour conduit ses chevaux roses » (Consolation, III, I, 9-10).
À qui ferait référence cette convocation de Lucifer ? Serait-ce au ἑωσφόρος de la Septante, qui, Ange de lumière et porteur d’aurore, devrait ici tout naturellement chasser les ténèbres pour rendre sa clarté au monde ? Auquel cas la mention fait directement signe vers l’une des principales figures du Judéo-Christianisme, avant qu’elle ne se rebelle et soit déchue. Ainsi, Isaïe, en évoquant la chute du roi-tyran de Babylone qui rêvait d’égaler Dieu (Is 14, 3-21), l’appelle Hêylêl en hébreu (Ibid., 14, 12), soit « le rutilant » (Lucifer en latin), aurait de la sorte fait allusion, pour certains Pères de l’Église du moins, à celui qui deviendra Satan278, auquel ce tyran était assimilé avant sa propre déchéance. Ou bien, seraitce en référence au Christ lui-même, puisque c’est ainsi qu’il est dénommé par l’apôtre Pierre dans la Vulgate : « lucifer oriatur in cordibus vestris = que le porteur de lumière se lève dans vos cœurs » (2 P 1, 19), appellation qui fait écho à l’autodésignation de Jésus se définissant comme « stella splendida et matutina = étoile resplendissante et matutinale » dans l’Apocalypse (22, 16) ? Ou bien encore, comme indiqué à la note afférente au vers I, V, 10, serait-ce, en référence à la mythologie latine, donc de nouveau toute profane, à la planète Vénus, dite à son tour Lucifer, relativement à son correspondant dans la mythologie grecque, le dieu dénommé également ἑωσφόρος, et cela, sur un simple plan astronomique, soit parce que le nuage opaque d’acide sulfurique qui entoure la planète réfléchit intensément la lumière du soleil, soit parce qu’elle précède immédiatement l’apparition de l’astre du jour et la clarté de l’aurore, ce qui lui vaut par ailleurs le nom d’« étoile du matin »279 ? Mais en étant appelée aussi, à tort ou à raison, « étoile du Berger », elle pourrait renvoyer à la stella Voir Brisson (2001, Introduction). Voir La sainte Bible, p. 1117, g. 279 Cf. Consolation, IV, VI, 14-15. 277 278
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mentionnée par l’apôtre Matthieu (Mt 2, 5-7), qui guida les Rois Mages vers Jérusalem puis vers Bethléem ? Ces trois significations, en faisant accéder au sens du « Lucifer » du vers 9 par une triple entrée, illustrent au mieux, selon nous, l’équivocité entretenue par Boèce tout au long de sa Consolation. 4. Faisant retour à un registre davantage spirituel, la prière finale du célèbre chant III, IX présente elle aussi, comme on n’a pas manqué de le faire remarquer, des analogies avec celle que pourrait prononcer un Chrétien qui solliciterait son Dieu afin qu’il lui concède, par des signes indubitables, d’anticiper la certitude d’une vision face à face : « Bo. – 22. Ô Père, donne à mon esprit de m’élever à ton séjour auguste, 23. Donne lui de voir la source du bien, dans la lumière retrouvée 24. Donne lui de fixer sur toi, bien clairs, les regards de mon âme. 25. Dissipe les nuées, le poids de la masse terrestre 26. Et brille en ta splendeur. Car tu es le serein des justes, 27. Tu es leur tranquille repos et te voir est leur fin, 28. À la fois principe, vecteur, guide, chemin, et terme ultime. »
Il ne nous est pas loisible d’examiner ici chaque vers280, pour tenter de montrer qu’il participe en réalité, de notre point de vue aussi, d’une conception autant chrétienne que platonicienne. Rien d’étonnant d’ailleurs à voir intervenir cette dernière référence dans une pièce comme le mètre doctrinalement central de la Consolation, dès lors que son auteur s’y réclame du Timée de Platon281, en retrouvant non seulement son mythe cosmogonique mais aussi son hymne au démiurge. Nous nous ménagerons toutefois l’occasion de vérifier cette double allégeance en signalant rapidement, à propos du premier et du dernier vers de l’extrait reproduit, les renvois concevables : – le « père » : l’invocation, préparée à la prose précédente (III, 9, 33), fait à l’évidence spontanément penser à un début d’épiclèse adressée à Dieu le Père (Pater), première personne de la Trinité chrétienne, nommé d’innombrables fois dans le Nouveau Testament (v.c. 1 Jn 3, 1 ; Mt 6, 1 ; Ph 4, 20). Mais l’appellation se découvre aussi dans le Timée, Dieu y étant désigné soit comme père (πατήρ) de l’univers (v.c. 28c ; 37c) Voir Galonnier (2019). « Ph. – Mais puisque, comme il plaît à Platon dans notre Timée, à propos des moindres choses aussi le secours divin doit être imploré, que présumes-tu qu’il faille faire à présent pour mériter de découvrir le siège de ce souverain Bien ? Bo. – Il faut invoquer le Père de toute chose (omnium rerum pater), dans l’ignorance duquel aucun exorde n’est fondé selon les règles », Consolation, III, 9, 32-33. 280 281
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soit comme père des dieux (41a). Et que dire du Νοῦς, désigné également par « Dieu le Père », auquel s’assimile Poimandrès, personnage d’Hermès Trismégiste, au tournant des IIe et IIIe siècles282 ? le « principe » (principium) serait en mesure d’évoquer soit l’Α christique d’Ap 1, 8 et 22, 13, soit l’« ἀρχή » de Timée, 29e, soit encore l’« αἰτία » (« cause ») de Timée, 29a (voir aussi infra, V. 10. B. 2) le « vecteur » (vector), comme « soutien dynamique », reprendrait ou bien la vita de Jn 14, 6, ou bien le « gouverneur », à savoir celui qui « gouverne » (« διακυβερνάω ») le vivant mortel, de Timée, 42e le « guide » (dux), qui « tire (ducere) tout de l’exemple suprême » (Ibid., vers 6-7), équivaudrait soit à la « vérité » (veritas) de Jn 14, 6, soit à « celui qui a amené (ἄγω , au sens premier de « conduire, mener, guider ») du désordre à l’ordre (εἰς τάξιν αὐτὸ ἤγαγεν ἐκ τῆς ἀταξίας = et qu’il l’amena du désordre à l’ordre) » la masse visible du monde, de Timée, 30a le « chemin » (semita), renverrait ou bien de nouveau à la « voie » (via) de Jn 14, 6, ou bien à Celui qui, dans le Timée (passim), décide de toutes les étapes constitutives par où doivent passer, avant d’être achevés, le cosmos et la partie de l’individu humain affectée à la connaissance intellectuelle le « terme » (terminus), dont la condition est déduite de celle du « principe », serait à rattacher soit à l’Ω christique d’Ap 1, 8 (identifié à finis dans la Vulgate – voir plus loin, V. 10. B. 2), soit à celui qui, étant en même temps « ἀρχή » et « αἰτία », demeure dans le séjour qu’aspirerait à réintégrer tout individu ayant « vécu comme il faut », de Timée, 42b.
5. En changeant cette fois-ci et une nouvelle fois de registre, il convient d’aborder celui de la présentation de ce que souhaite Philosophie en matière de justice pour les âmes après la mort du corps, puisqu’un fragment textuel semble faire allusion aux tourments de l’Enfer, où la rigueur de la peine doit châtier à la mesure du crime, et du Purgatoire, où l’indulgence se veut salvatrice : « Bo. – Ne réserves-tu aucun châtiment aux âmes après qu’il en a été quitte du corps par la mort ? Ph. – De grands, assurément, et je les crois exercer pour les uns avec une sévérité pénale, et pour les autres avec une clémence purificatrice » (Consolation, IV, 4, 22-23). 282 Corpus Hermeticum, I, 5 et 6 (= Festugière, 1946, p. 8) – nous reviendrons un peu plus loin sur cette désignation.
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Concernant l’Enfer, plusieurs renvois scripturaires sont évidemment possibles, à commencer par Dn 12, 2 : « Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle », ou Mt 25, 46 : les méchants « s’en iront… à une peine éternelle, et les justes à une vie éternelle ». Il existe cependant aussi un Enfer chez Platon notamment, celui que dépeint longuement le Gorgias (522e-526d), ou celui évoqué par La République (614c), quand les « juges » (δικασταί) décident du sort réservé aux âmes des mortels après leur séparation d’avec le corps, donnant à celles des justes l’ordre d’emprunter une route sur la droite, à partir d’une ouverture du ciel, et à celles des méchants une route sur la gauche, à partir d’une ouverture de la terre. Le Purgatoire est pareillement susceptible d’un double déchiffrement. Une allusion aurait été glissée dans le Nouveau Testament : « Si l’œuvre bâtie sur le fondement subsiste, l’ouvrier recevra une récompense ; si son œuvre est consumée, il en subira la perte ; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu » (I Co 3, 15). On en trouverait cependant peutêtre aussi la trace chez Platon, cette fois-ci dans le Phédon, où ce lieu de transition reçoit même un nom – Achérousiade – (112e-113a), lac ou marais où séjournent plus ou moins longtemps les âmes de nombreux morts, dans l’attente d’être renvoyées dans le monde pour y animer de nouvelles créatures. 6. Porteur de la même amphibologie, l’extrait qui suit concerne l’union mystique, expérimentable dès cette vie, comme les quelques vers cités ci-dessus du chant III, IX le donnaient à entendre : « Bo. – (L’)unique commerce (commercium) entre les hommes et Dieu, à savoir le fait d’espérer et de solliciter (deprecari), serait supprimé si vraiment, par le prix d’une juste humilité, nous méritons (mereri) l’inestimable faveur de la grâce divine, commerce qui est le seul moyen pour que les hommes s’aperçoivent qu’ils peuvent s’entretenir avec Dieu et s’unir (coniungere), en raison même de la supplication (supplicare), à son inaccessible lumière, avant même de l’obtenir aussi » (Consolation, V, 3, 34).
D’aucuns en appelleront à l’union christique décrite en Jn 15, 1-11 (« celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit », ibid. 15, 5), ou en Rm 6, 1-11 (« si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui », ibid., 6, 8) – union avec « le seul qui possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible (qui solus habet inmortalitatem lucem habitans inaccessibilem) » – 1 Tm 6, 16. De surcroît, le vocabulaire employé plonge et maintient dans
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un contexte d’oraison, où toutes les formes de prière seraient rassemblées283. Seulement, Platon, dans sa République (515e-516b), n’informe-t-il pas qu’après être sorti de la caverne, allégorie du monde sensible où règnent l’illusion et l’erreur, tout homme aura besoin d’un temps pour s’accoutumer à la lumière du soleil, et à terme, ce sera le soleil lui-même, en son lieu véritable, et non pas en ses images que réfléchissent par exemple les eaux, qu’il pourra voir et contempler ? Bien que ce soit aux confins du monde intellectuel et avec peine, l’Idée du Bien peut donc être aperçue dès cette vie (Ibid., 517b-c). De son côté, Aristote n’évoque-t-il pas, dans sa Métaphysique (1072b), une « étreinte » (θιγγάνειν – 1072b21) passagère de Dieu par la contemplation de l’intellect, source pour notre intelligence de félicité parfaite ? Et ce n’est point de Plotin que viendra quelque démenti, lequel confie qu’il ne lui est pas rare d’expérimenter une communion divine : « Souvent, lorsque je m’éveille à moi-même en sortant de mon corps, et qu’à l’écart des autres choses je rentre à l’intérieur de moi, je vois une beauté d’une force admirable ; et j’ai alors la pleine assurance que c’est là un sort supérieur à tout autre : je mène la meilleure des vies, devenu identique au divin, installé en lui » (Ennéades, 6 (IV, 8) 1, l. 1-6)284 ?
Du reste, dans la Vie de Plotin Porphyre, plus expressif, confirmera que son maître, au cours de son existence, « atteignit quatre fois, dans un acte indicible », le « but », qui « était d’être uni au dieu qui se trouve au-dessus de tout et de s’approcher de lui », union qu’il faut entendre comme celle de l’âme individuelle avec l’Intellect285. 7. Le passage suivant, solidaire du précédent, présente Boèce mettant ouvertement en garde contre le déterminisme absolu : « Bo. – Si à cause de la nécessité admise des choses à venir, on ne croit rien posséder de leurs forces [celles de l’espérance et de la prière], par quoi pourrons-nous être reliés à ce Principe souverain des choses et nous imprégner de Lui ? » (Consolation, V, 3, 35).
Le fatalisme attaché à une condition déterminée par l’enchaînement implacable des événements mondains constitue un terrible péril, dès lors qu’en supprimant toute raison d’espérer et de prier (sperare ac deprecare – Voir infra, V. 10. C. 14. Traduction Lavaud, dans Plotin, Traités 1-6, Paris, 2002, p. 241. 285 Vie de Plotin, 23, 15-17, dans Plotin, Traités 51-54, p. 307, et n. 370. Voir Chase, p. 11-12 (Academia.edu). Cf. Arnou (1921). 283 284
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ibid., 34), il rompt l’unique lien qui unit les hommes à Dieu. On serait porté à considérer que cette évocation de l’espérance et de la prière dénote la foi chrétienne de celui qui y recourt. Pourtant, il y a lieu de se demander si les prières porteuses d’espérance que Socrate adresse, l’une à Eros, l’autre à Pan, dans le Phèdre (257a-b et 279b-c), ne seraient pas, par leur nature et leur fonction, susceptibles de correspondre aussi bien à l’allusion boécienne. 8. La bipolarité de l’exégèse s’applique également à la problématique du retour de l’âme en sa « patrie céleste », qui est l’objet de plusieurs allusions dans la Consolation émanant systématiquement de Philosophie : Consolation, I, 5, 4 (« tu veux te souvenir de quelle patrie tu es originaire ») ; III, X, 4-6 (« Ce sera pour vous le repos de vos peines, / Le port qui demeure en un repos paisible, / Le seul asile qui s’ouvre aux malheureux) ; III, 12, 9 (« pour que… tu revoies … la patrie de la félicité ») ; IV, 1, 8-9 (« je te montrerai la voie qui te ramènera à ta maison…, afin que… tu retournes sain et sauf dans ta patrie ») ; IV, I, 23-26 (« Si t’y ramène le chemin que maintenant / Tu cherches sans t’en souvenir, / Tu diras : “C’est là ma patrie, je m’en souviens ; / J’en suis issu, j’y resterai” ») ; V, 1, 4 (« t’ouvrir la voie par laquelle tu retourneras dans ta patrie »).
Cette remontée de l’âme, à l’issue de sa vie terrestre et corporelle, est un lieu commun dans la pensée de la Grèce antique, et notamment dans le Platonisme. Le Phédon s’y consacre entièrement (v.c. 79b-80d), comme lui est réservé le mythe de l’attelage ailé symbolisant, ce fut noté, l’âme humaine dans le Phèdre, qui s’élance pour contempler les réalités idéales se trouvant par delà la voûte céleste, dans un monde lui aussi idéal situé en un lieu ineffable (246a sqq). De même dans La République (614b-621d), les révélations sur la vie future d’Er l’Arménien, guerrier mort au combat mais ressuscité après 12 jours passés au royaume des trépassés, ou encore, à la fin du Timée, lorsque Timée rappelle que le ciel est la patrie de l’âme et quelle vie il faut mener pour la rejoindre, l’homme étant une « plante du ciel » (90a-c). Mais il ne relève pas moins du poncif que de dire que le Christianisme célèbre exactement la même aspiration : « Ceux qui ont vu et salué de loin les choses promises… s’inquiètent d’une patrie. Et si assurément ils s’étaient souvenus de celle d’où ils étaient euxmêmes sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner. Mais à présent, c’est une meilleure patrie qu’ils désirent, c’est-à-dire céleste… : Dieu leur a préparé une cité » (He 11, 13-16), « Notre séjour est dans les cieux » (Ph 3, 20 ) « Réjouissez-vous de ce que vos noms soient écrits dans les cieux » (Lc 10, 20).
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Si le Chrétien n’a aucun souvenir de sa béatitude, il ne doit pas moins œuvrer en permanence à son retour vers Dieu. 9. Une exégèse à double entrée s’applique encore à ces deux vers : « Ph. – Tu veux rendre à autrui selon son mérite : / Aime les gens de bien, prends pitié des méchants » (Consolation, IV, IV, 11-12) :
Le Platon des Lois (757b-c) est volontiers convoqué, qui rappelle que le jugement de Zeus se fonde sur le principe de l’égalité proportionnelle, selon lequel l’attribution des honneurs est fonction du mérite, donnant à chacun ce qui correspond à la nature qui lui est propre. Il fait dire ailleurs à Polémarque qu’à ses yeux il paraît naturel d’aimer ceux que l’on croit honnêtes (La République, 334c), et à Socrate, en un autre dialogue encore, qu’il ne faut pas envier les gens qui ne sont pas enviables, ni les malheureux, mais les prendre en pitié (Gorgias, 468e-469b). Il n’en demeure pas moins que ce programme et ces commandements ne manquent pas de résonances dans la Bible : (Le jugement de Dieu) « … rendra à chacun selon ses œuvres » (Rm 2, 6 ) « L’Éternel aime les justes » (Ps 146, 8 ) « Votre Père… fait lever son soleil sur les méchants » (Mt 5, 45 ).
On vérifie en l’occurrence que toute ruse n’est pas exclue pour, redisons-le, se jouer de la suspicion des Ariens, Boèce n’ayant pas renoncé, on le sait, à faire éclater le scandale de son procès et l’ignominie de sa condamnation, d’où ces appels à peine voilés à la clémence dont il espère bénéficier. 10. La pénultième « évocation » que nous retiendrons de la part d’un penseur qui paraît s’employer à ne se dévoiler qu’en partie sur un plan doctrinal, porte sur la toute fin de la Consolation. Elle coïncide avec le moment où il adresse ses ultimes recommandations, autrement dit résume ce que l’enseignement qui lui a été dispensé renferme d’essentiel à ses yeux, véhiculé par un précepte : « Bo. – Détestez donc les vices, cultivez les vertus, exhaussez l’esprit vers de droites espérances, hissez d’humbles prières au plus haut des cieux. Grande est pour vous – à moins que vous ne vouliez vous dissimuler à vous-même – la nécessité impérieuse de la probité quand vous agissez devant les yeux du Juge qui discerne tout » (Consolation, V, 6, 47-48).
Dans cet épanchement, Boèce ferait d’autant plus entendre des accents bibliques que ses mots conclusifs, nous le verrons ci-après, ne seraient
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pas sans rappeler ceux d’Est 16, 4286. Cependant, si l’on suspend ici cette éventualité, se montrer homme de vertu et probe sous le regard d’un Dieu omnivoyant, est une recommandation que ne désavouerait point Platon, lui qui distingue dans sa République (429a-444c) quatre vertus cardinales : la sagesse, le courage, la tempérance et la justice, laquelle est mise au-dessus des trois autres, dans la mesure où elle est à la fois leur condition et la plus difficile à incarner. Or ce sont elles que l’homme vertueux, qualifié pour servir les citoyens, doit cultiver (Ibid., 426c), avec l’objectif d’être toujours soucieux de plaire au Dieu qui commande de conserver intactes les lois (Ibid., 425e). 11. La dernière « évocation » sélectionnée relevant possiblement d’une glose à double accès est celle qui convoque la création du monde « ex nihilo ». Ce mode d’engendrement, on le sait, ne se rencontre nulle part dans le récit de la Genèse287, mais appartient à celui, postérieur – et apocryphe aux dires de plusieurs –, des Macchabées (2 M 7, 20 sqq.), quand une mère, dont six de ses sept fils ont été mis à mort, essaye de consoler celui encore vivant et promis au même sort, en l’exhortant à placer sa confiance dans le Dieu qu’elle désigne par ὁ τοῦ κόσμου κτίστης / mundi creator (« le Créateur du monde » – Ibid., 23), et qui veille à toute chose : « Mon fils… regarde le ciel et la terre et tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rien (ἐξ οὐκ ὄντων ἐποίησεν / ex nihilo fecit) et que la race des hommes est ainsi faite que tu ne doives pas craindre cette chair » (2 M 7, 27-28).
Introduit dans l’exégèse patristique par Philon d’Alexandrie (c. - 20–c. + 45)288, le concept ne cessa d’être approfondi par les théologiens grecs et latins, et acquit le statut de composante dogmatique à part entière. Il permettait principalement d’insister sur le fait que le Dieu pourvoyeur d’existence avait accompli, de manière libre et gratuite, un acte radicalement neuf. Augustin aborda plusieurs fois la question. Lecteur, lui aussi, d’une partie du Timée de Platon, il semble avoir Voir infra, V. 10. B. 7. Augustin n’est pourtant pas loin de penser le contraire : « Il n’est… pas douteux que la matière informe, presque voisine de rien, n’ait été créée par Dieu seul en même temps que les œuvres dont elle était comme le fond », De la Genèse au sens littéral, I, XV, 29. 288 Voir De somnis, I, 75 (sur Gn 1, 3-4). Toutefois, dans son De la providence (I, 22), signale Monique Alexandre (1988, p. 78), Philon fait état d’une matière préexistante à l’univers. 286 287
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tenté de concilier l’engendrement platonicien d’un univers mis en ordre avec l’authentique création biblique comme absolu surgissement de la matière : (Sachant que) « la matière a été d’abord créée informe (pour être) ensuite formée », (et que l’informité elle-même) « est précédée par l’éternité du Créateur (creator), qui de néant la fait être » (Confessions XII, 29, 40), « nous croyons le plus conformément que Dieu a fait tout de rien (de nihilo), car bien que toutes les choses aient été formées de cette matière, cependant elle(-même) n’a été faite absolument de rien (de omnino nihilo) » (De la Genèse contre les Manichéens I, VI, 10).
Boèce, dans sa Consolation, n’attaque jamais de front la théorie d’une création divine à partir du néant ou de ce qui n’est pas, mais ses allusions n’en sont pas moins évocatrices et non dénuées d’ambiguïté. D’un côté, en effet, s’alignant sur les Anciens, il écarte l’idée d’une création ex nihilo non pas quand elle concerne Dieu, mais uniquement quand elle porte sur ce qui est au fondement de ce qui permet d’appréhender le monde : « Ph. – Nihil ex nihilo exsistere uera sententia est…, quamquam id illi non de operante principio sed de materiali subiecto hoc omnium de natura rationum… Si nullis ex causis aliquid oriatur, id de nihilo ortum esse uidebitur… hoc fieri nequit = Que “rien n’existe de rien” est un jugement vrai…, quoique ce ne soit pas au regard du Principe opérant mais de ce substrat matériel de tous les raisonnements sur la nature… Si quelque chose surgit sans cause aucune, il paraîtra avoir surgi de rien… cela ne saurait se faire » (Consolation, V, 1, 9-10).
D’un autre côté, il raisonne à certains moments comme s’il la rejetait complètement, quoique de manière implicite, lorsqu’il entreprend de définir l’« éternité », et rapporte, pour en étreindre toujours mieux la conception, les positions d’Aristote quant au monde, qui ne permet pas de le dire éternel, puis celle de Platon, qui, lui, prétend-il, est parvenu à définir l’aeternum, par contraste avec le perpetuum, réservé à Dieu : « Ph. – Il est permis à ce qui subit le conditionnement du temps, comme Aristote l’estime du monde, de ne jamais commencer ni cesser d’être, et de déployer sa vie avec l’infinité du temps… Aux yeux de Platon ce monde ni n’a eu de commencement dans le temps ni n’ira s’affaiblissant… Autre est, en effet, d’être conduit par une vie interminable – ce que Platon attribue au monde –, autre d’embrasser en une seule fois toute la présence d’une vie interminable – ce qui est manifestement le propre de l’Esprit divin » (Consolation, V, 6, 6 ; 9 et 10).
Que Boèce partage la conception platonicienne est du reste un fait avéré (III, 9, 32 – « comme il plaît à Platon dans notre Timée »), surtout depuis la manière dont il a désigné Dieu au début du plus célèbre passage
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de la Consolation, qui se veut à l’évidence la synthèse du récit cosmogonique du Timée289 : « Ph. – Semeur (sator) de la terre et du ciel » (Consolation ; III, IX, 2).
Si l’on a soin de ne pas traduire ici par « Créateur » le substantif sator, et de le remplacer par « Semeur » ou « Ensemenceur », en écartant l’action créatrice – qui viendra toutefois plus tard, en IV, VI, 48 – pour lui substituer une action ordonnatrice ou organisatrice, on neutralise l’éventualité du ex nihilo. Car chez Platon le démiurge ne « crée » nullement à partir du non-être, mais « ordonne » (συνίστημι, Timée, 30c) de différentes manières quelque chose de déjà là. D’ailleurs la Consolation ne fait jamais appel directement à creator quand il s’agit de dénommer Dieu, qui y reçoit pourtant aussi le nom de conditor (« Fondateur ») (I, V, 1 et V, 6, 9). Or c’est précisément par ce type d’occurrences que Philosophie introduit le doute : « le Haut Fondateur
Source et Origine (origo) » (IV, VI, 34 et 36), la « cause » (causa) qui a donné l’être aux choses (IV, VI, 48). Ne croirait-on pas lire saint Hilaire : « Deus autem, qui idem origo et causa gignentibus est »290 ? V. 9. B. Les échos morphosémantiques Bien qu’il ne soit pas possible, selon nous, de parler, à une exception près, de citations bibliques, les fragments qui vont être listés offrent des analogies, en majorité formelles, avec les textes sacrés, qui valent que l’on consacre quelques notations à chacun, en prenant soin de toujours s’interroger sur le double registre de la forme et du fond. 1. Consolation, III, IX, 6-8 : « Ph. – tu cuncta superno / ducis ab exemplo, pulchrum pulcherrimus ipse / mundum mente gerens similique in imagine formans (= tu tires tout de l’exemple suprême ; / Toi, le plus beau, tu portes la beauté du monde en ton esprit ; / En une image à ressemblance tu le formes) » Gn 1, 26 : « Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram (= Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance) » Sg 2, 23 : « Deus creavit hominem inexterminabilem et ad imaginem suae similitudinis fecit illum (= Dieu a créé l’homme incorruptible et l’a fait à l’image de sa ressemblance) ».
Ce double parallèle scripturaire n’est acceptabble qu’en passant outre le fait que chez Boèce il n’est point question de l’homme, comme dans l’Ancien Testament, mais du monde. Pourtant, et en procédant au même constat que plus haut touchant la volonté de se revendiquer du Timée de Voir Galonnier (2019). Super Psalmi, Psaume XC, 694, 4, vers. 5.
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Platon291, un autre modèle s’impose, celui qui se trouve dans les ultimes paroles de Timée, lorsqu’il révèle, à la toute fin du dialogue, que le « monde » ou l’« univers » (πᾶν), Dieu sensible, est l’« image » (εἰκών) d’un Dieu intelligible (92c). 2. Consolation, III, IX, 27-28 : « Ph. – Te cernere finis, / principium… (= Te voir est leur fin, / principe…) » Ap 1, 8 et 22, 13 : « Ego sum Α…, principium (= Je suis l’Α…, le Principe) ».
Le parallèle, déjà souligné partiellement292, n’apparaît pertinent, comme le précédent, que soumis cette fois-ci à deux ajustements : a. le substantif finis, dépourvu de répondant profane, ne correspond pas strictement à l’Ω biblique pour autant que dans la Consolation il ne désigne pas directement Dieu, qui ne lui est point identifié, mais le fait de tendre à sa vision, objectif suprême que doit atteindre sa créature, b. le terme principium, qui renforce l’alpha de la version grecque d’origine (« Ἐγώ (εἰμι) τὸ ἄλφα καὶ τὸ ὦ = Je suis l’Alpha et l’Oméga »), et figure également dans la Vulgate, qui donne la version augmentée (« Ego sum alpha et omega, primus et novissimus, principium et finis = Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin »), renverrait tout autant à l’ἀρχή de Timée, 29e : « Voilà… quel est précisément le principe tout à fait premier du devenir, c’est-à-dire du monde ». 3. Consolation, III, X, 1-6 : « Ph. – Huc omnes pariter venite capti, / Quos fallax ligat improbis catenis / Terrenas habitans libido mentes / haec erit uobis requies laborum, / hic portus placida manens quiete, /hoc patens unum miseris asylum (= Venez tous ici également captifs, / Vous que le désir trompeur, logé en l’âme / Terrestre, attache par de mauvaises chaînes : / Ce sera pour vous le repos de vos peines, / Le port qui demeure en un repos paisible, / Le seul asile qui s’ouvre aux malheureux. Mt 11, 28-29 : « Venite ad me omnes qui laboratis, et onerati estis… et invenietis requiem animabus vestris (= Venez tous à moi, vous tous qui peinez et êtes sous le fardeau… et vous trouverez le repos dans vos âmes) ».
Les six premiers vers de ce mètre ne seraient pas sans évoquer, non pour Gruber toutefois, le thème du Christ suprême refuge et havre de paix pour tous les affligés, comme on le trouve entre autres en Mt 11, 28-29. Les similitudes lexicales peuvent difficilement être dues à une simple coïncidence : l’emploi des mêmes venite et omnes au vers 1, appel fédérateur, est troublant, les « mauvaises chaînes » pourraient désigner la loi Voir V. 10. A. 11. Voir supra, V. 10. A. 4.
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des Pharisiens et les observances auxquelles elle contraint, et une semblable antithèse dans l’invitation au requies pour sortir des labores (vers 4 et 5) accentue la probabilité du choix délibéré. Mais ce serait sous-estimer la prudence de Boèce, car il reste également envisageable de voir dans cette invitation une adaptation de la scène des « captifs » (δεσμώτης) doublement entravés, depuis l’enfance, par des « chaînes » (δεσμός) et attachés aux parois de la caverne, qui n’accèdent à la connaissance que par des ombres et des échos, sources d’« erreur » (ἀφροσύνη), dans la fameuse allégorie du même nom, au début du livre VII de La République de Platon (514a sqq.), déjà évoquée293, des prisonniers forcément malheureux de leur état, puisqu’ils seront rendus heureux (εὐδαιμονίζειν – 516c) par le fait de recouvrer complètement la vue, une fois parvenus à l’air libre. 4. Consolation, IV, 3, 5 : « Ph. – Quantumlibet igitur saeviant mali, sapienti tamen corona non decidet, non arescet (= Que les gens méchants entrent en fureur autant qu’il leur plaira, pour le sage cependant la couronne ne tombera ni ne flétrira) » Ps 89, 6 : « Vespere decidat et obduret et arescat (= le soir [l’herbe] se couche, sèche et flétrit) » Pr 14, 24 : « Corona sapientium divitiae eorum (= Couronne des sages : leur richesse) ».
C’est le genre de rapprochement, que l’on peut trouver forcé si l’on s’attache au fait que les contenus des deux fragments vétéro-testamentaires, dont il faut associer ici les représentations, n’ont rien en commun, et que la mise en perspective présente essentiellement un caractère rhétorique. Reste que les actions decidere et arescere sont exploitées à l’identique, c’est-à-dire avec une même acception négative pour les deux, et que la corona sapientis suggère une claire mise en résonance avec la corona sapientium. D’un autre côté cependant, si ces points de jonction plaident dans un certaine mesure en faveur de la foi judéochrétienne de Boèce, la notation serait également en capacité de véhiculer, dans le contexte de notre extrait, l’idée du sage imperturbable, qui relève principalement, on s’en souvient, de l’ataraxie grecque, en particulier stoïcienne ou épicurienne294. 5. Consolation, IV, 6, 55 : « Ph. – Neque… fas est homini cunctas divinae operae machinas vel ingenio comprehendere vel explicare sermone (= Il n’est donné à l’homme ni de comprendre par son génie ni d’expliquer par le discours l’ensemble des rouages de l’œuvre divin) » Voir supra, V. 10. A. 6. Voir, par exemple, Marc Aurèle, Pensées (IV, 49), et Épicure, Lettre à Ménécée.
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Qo 1, 8 : « Cunctae res difficiles, non potest eas homo explicare sermone (= Toutes les choses difficiles, l’homme ne peut les expliquer par son discours) » Platon, Timée, 28c : « Trouver le fabricant et le père de l’univers exige un effort et, lorsqu’on l’a trouvé, il n’est pas possible d’en parler à tout le monde ».
Ces trois extraits ont en commun un enseignement sous-jacent : confrontée à un obstacle définitivement insurmontable, la soif intellectuelle de l’homme ne s’en trouve pas émoussée et sa quête ne manque pas d’être renouvelée. Plus précisément, l’assimilation des cunctas divinae operae machinas de Boèce aux cunctae res de l’Ecclésiaste s’appuient sur le caractère incompréhensible et informulable des unes et des autres, partielles pour tout dire chez le premier, totales chez le second, lequel inclut forcément et d’autant plus les divinae operae. De son côté, la convergence thématique explicite entre la citation biblique et celle de Platon295, s’adosse, quoique autrement exprimée, à la même impossibilité de conception et d’énonciation, attendu que « trouver », ou mieux « renconter » (εὑρίσκω) Dieu ne signifie pas, loin s’en faut, tout maîtriser intellectuellement et discursivement de sa nature et de son action. De plus, l’incapacité dont fait état Timée quant à la nécessité de ne point partager ce que l’on appréhende du démiurge avec ceux qui n’en seraient pas dignes, doit peut-être se lire en filigrane dans le passage de la Consolation296. 6. Consolation, V, 6, 48 : « Ph. – Magna vobis est… necessitas indicta probitatis, cum ante oculos agitis iudicis cuncta cernentis (= Grande est pour vous… la nécessité impérieuse de la probité quand vous agissez devant les yeux du Juge qui discerne tout) » Est 16, 4 – « Dei… cuncta cernentis arbitrantur se fugere posse sententiam (= ils [les orgueilleux] s’imaginent même qu’ils pourront échapper à la sentence de Dieu qui discerne tout) ».
La comparaison de deux tournures assez étendues – iudex cuncta cernens et Deus cuncta cernens –, serait suffisante, nous semble-t-il, pour envisager que Boèce rapporterait ici une expression vétéro-testamentaire. Il n’en demeure pas moins que l’image d’un Dieu omnivoyant occupé à rendre la justice, se rencontre, aussi et parmi d’autres, chez Platon, lorsque, en son Critias, celui-ci fait intervenir Zeus, qui, dans l’intention de sanctionner les dépravés, réunit l’ensemble des dieux dans leur plus noble demeure, laquelle « a vue sur tout ce qui participe au devenir » (121c). Voir aussi supra, p. 25, n. 110. Voir supra, IV. 2.
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7. Analogies scripturaires Comme nous l’avons laissé entendre, quatre métaphores évoquent chacune un passage des Écritures sans confrontation pertinente, à une exception près peut-être et à l’aune de ce qui nous est apparu, avec un versant païen. Les voici : a. Consolation, I, 1, 9 : « les épines infructueuses des passions », qui s’opposent aux « fruits de la raison », relativement à la « semence parmi les
épines » de Mt 13, 22 et Mc 4, 18, et aux « épines » et au « fruit venu à maturité » de Lc 8, 14, encore que chez les Évangélistes, les fruits soulignent en réalité, par leur absence, la stérilité des épines sans s’opposer à elle. Mais ce détour ne diminue en rien, à nos yeux, le fait que les deux images sont bien mises en contraste dans l’une et l’autre occurrences, et l’on peut légitimement penser qu’elles ne l’ont pas été par hasard.
b. Consolation, III, 12, 22 : « [Summum bonum] regit cuncta fortiter suaviterque disponit = Il y a un souverain Bien qui régit tout avec force et dispose tout avec douceur » Sg 8, 1 : « [Sapientia] adtinget… a fine usque ad finem fortiter et disponit omnia suaviter (= [La sagesse] s’étend avec force d’une extrémité [du monde] à l’autre et dispose tout avec douceur) ».
Voilà le premier parallèle, entre autres par sa construction antinomique, qui peut sembler incontestable, encore que Rand n’y voie que le fruit du hasard297. Si l’on met entre parenthèses le décalage morphosémantique entre regere (« régir ») et attingere (« s’étendre ») – qui peut s’expliquer par l’éventualité que Boèce aurait cherché à faire primer la nature de l’action sur son étendue –, la confrontation ouvre presque sur une parité relativement aux deux antithèses, la seconde étant identique dans les deux occurrences : regere–disponere / attingere–disponere et fortiter–suaviter. C’est le seul moment de la Consolation où son responsable, peut-être un tant soit peu imprudent, donne vraiment l’impression d’avoir cité un fragment biblique. Néanmoins, la possibilité demeure, même en l’occurrence, pour qu’il ait eu de nouveau le dessein de susciter un doute en ne rendant pas impossible tout renvoi à la conception platonicienne du démiurge, dans la mesure où celui-ci allie force et douceur dans sa mise en ordre du monde. Effectivement, la gestion puissante du Bien suréminent renverrait à
297 Voir Rand (1904, p. 25). D’autres rapprochements sont proposés par Weinberger, éditeur de la Consolation, mais, redisons-le, aucun ne permet, à notre sentiment, un recoupement comparable.
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l’ordonnancement de l’univers dont le démiurge est responsable, et qu’il obtient en se comportant comme un artisan très attaché à produire avec exigence et rigueur. Quant à la douce disposition du tout, elle rendrait plausible une référence à la nature fondamentalement bonne dudit démiurge, qui le pousse à façonner un monde aussi bon et beau que possible298. c. Consolation, V, 6, 47 : « humiles preces in excelsa porrigite = hissez d’humbles prières au plus haut des cieux ». Un parallèle ne souffrirait, là non
plus, aucune hésitation avec la toute première phrase de l’Hymne liturgique chrétienne : « Gloria in excelsis Deo = Gloire à Dieu, au plus haut des cieux », tout à la fois litanie au Christ et hymne à la Trinité, entonnée lors des messes catholiques dominicales, festives (sauf à celles de l’Avent et du Carême), et cérémonielles (pour des noces notamment). Elle est adaptée de Lc 2, 14 : Gloria in altissimis Deo, variante dont on trouve un écho plus loin dans le même Gloria : « Tu solus altissimus = Toi seul (es) le Très-Haut ». Une unique variante dans la flexion casuelle exprimant le lieu (in + accusatif pour Boèce, in + ablatif pour le Gloria) sépare les deux expressions, et le contexte immédiat dans la Consolation va tout à fait dans le sens de ce rapprochement, puisqu’il y est question d’un spectateur céleste, de prières, d’espérance, de vivre selon le Bien et d’un Juge omnivoyant (§ 45-48). Cette clameur, composante d’une prière finale qui clôture le long monologue de Philosophie et plaide, elle aussi, pour la thèse d’un écrit achevé, illustre assez avantageusement la conjecture d’une exaltation de la foi catholique de l’auteur, qui par conséquent tente à peine de dissimuler son Catholicisme. La version latine du Gloria pouvant remonter au IVe s., il est à peu près certain que Boèce devait la connaître, et la relative rareté de l’emploi du terme excelsus dans la littérature chrétienne299 ne semble pas en mesure de suggérer un emprunt fait hors du contexte immédiatement biblique. d. Consolation, V, 6, 48 : « cum ante oculos agitis iudicis cuncta cernentis = quand vous agissez devant les yeux du Juge qui discerne tout ». Le Nouveau
Testament regorge de passages qui assimilent la personne christique à un Juge pré- et postapocalyptique, par exemple : Ac 10, 42 : « Lui-même (Jésus) a été établi par Dieu juge (judex) des vivants et des morts », Jn 5, 22 : « Le Père ne juge (judicare) personne, mais Il a remis tout jugement (judicium) au Fils », 2 Tm 4, 8 : « le Seigneur, le juste juge (judex) », Voir Brisson (2001), Introduction au Timée, et infra, V. 10. C. 11. Voir TLL, V alt., col. 1221, 73-83.
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etc. Existe-t-il quelque possibilité de trouver une divinité de l’Olympe, un Dieu des philosophes dans l’antique Grèce qui soit assimilable à un juge omnivoyant, sous le regard permanent duquel vivent les hommes ? Le Démiurge de Platon, par exemple, ordonnateur fondamentalement bon du monde et principe d’explication, a-t-il, à la différence des dieux, cure des hommes300 ? De même, qu’il soit Premier Moteur immobile, immuable et séparé, ou maître de l’univers se pensant lui-même, le Dieu d’Aristote ne permane-t-il pas dans une indifférence à l’égard du monde et de l’homme301 ? Quant au Dieu d’Épicure, être éternel et bienheureux, il est, aux dires de Cicéron, pareillement indifférent entre autres à l’humain302. Ces quatre séquences textuelles pourraient signifier que dans son désir d’assumer sa foi catholique de manière amphibologique, Boèce s’est peut-être trop dévoilé ou a légèrement baissé sa garde, et n’a pas suffisamment bridé son inspiration, de possibles signes de relâchement qui, soit dit sans complaisance, paraissent imputables aux conditions de rédaction que l’on connaît. V. 9. C. Les références doubles Il est également d’usage de pointer, dans la description et l’action de Philosophie, plusieurs exposés susceptibles d’avoir été inspirés par des extraits scripturaires. Mais, toujours en raison de l’ambivalence qui les distingue, ils sont à chaque fois équilibrés par des références profanes tout aussi vraisemblables, prélevés dans la philosophie et la littérature grecques. Nous donnerons les principales. 1. la stature variable de Philosophie : « Bo. – J’eus le sentiment qu’au-dessus de ma tête une femme s’était dressée… Tantôt elle se maintenait à la mesure commune aux hommes, mais tantôt elle paraissait heurter le ciel avec la pointe du sommet de sa tête » (Consolation, I, 1, 1 et 2) : *. la taille changeante déduite de la Sagesse dans Pr 8, 2 (« Me tenant sur les sommets et les hauteurs culminantes au-dessus de la voie, sur les chemins intermédiaires »), et 31 (c’est la Sagesse créatrice qui s’exprime) « Jouant sur l’orbe des terres, et mes délices doivent se trouver avec les fils des hommes ») Voir Phédon, 62d: « le dieu est notre gardien et… nous sommes son troupeau ». Voir Baghdassarian (2011). 302 D’après Cicéron, De la nature des dieux, I, XVII. 300 301
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*. la taille changeante de Poimandrès (« Noûs de la souveraineté absolue – ὁ τῆς αὐθεντίας νοῦς ») dans le traité I du Poimandrès d’Hermès Trismégiste (« Il me sembla que se présentait à moi un être d’une taille immense, au delà de toute mesure définissable… À ces mots, il changea d’aspect »)303.
Si l’on accepte l’idée que la taille de la sagesse biblique varie en fonction de ses objectifs (immense pour dominer la terre, à taille humaine pour être parmi les hommes), il devient difficile de dire si la seconde citation offre une parenté morphosémantique plus satisfaisante que l’autre avec le texte de Boèce. 2. Philosophie comme reflet de la sagesse divine : *. « le Christ…, sagesse de Dieu » (I Co 1, 24) *. le Verbe saint, dans le même traité du Poimandrès d’Hermès.
Ainsi que nous en avons déjà convenu, certaines paroles de Philosophie autorisent son assimilation au Christ comme sagesse de Dieu, notamment lorsqu’on la voit annoncer à Boèce qu’elle va lui dévoiler ce qu’est la vraie félicité (III, 1, 5 et 7), et lui révéler, à l’aide du raisonnement le plus affermi, ce qu’est le Bien lui-même (III, 12, 2 et 4), ou encore lorsque Boèce la vénère comme « annonciatrice de la vraie lumière », qui déploie un « discours divin » (IV, 1, 2). Car pareille monstration de Dieu est également celle assumée par le Christ, quoique « le monde, par le moyen de la sagesse, n’a[it] pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu » (I Co 1, 21). D’un autre côté, il n’est pas exclu d’y retrouver aussi le Verbe saint (λόγος ἅγιος) évoqué par Poimandrès, qu’il présente comme « Verbe lumineux issu du Νοῦς », identique à « Dieu le Père » auquel il s’identifie, et dont ce Verbe est le fils, dit également « Verbe du Seigneur »304, dans la mesure où c’est par lui que Hermès répand parmi le genre humain les « paroles de la sagesse » et l’eau nourrissante d’ambroisie305. 3. La révélation : La surnaturalité spectaculaire avec laquelle Philosophie apparaît à Boèce dans la résidence où il est assigné, ne serait pas qu’un artifice théâtral, mais aurait également prétention à être une sorte d’apocalypse, c’est-à-dire, en un sens strictement étymologique, une « révélation », Corpus Hermeticum, I, 3 et 4 = Festugière, 1946, p. 7. Voir Idem, ibid., I, 5 et 6, p. 8. 305 Ibid., I, 29, p. 17. 303 304
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aussi soudaine qu’intense, celle de la Vérité. Et là encore la bivalence prévaut. Est-ce la Vérité profane, telle, à nouveau, que celle symbolisée par Poimandrès, nom que l’on peut traduire entre autres par « Vérité de Ré » (Maâ.t-rè), qui, aussitôt après s’être révélée au narrateur lui assure qu’il sera enseigné selon son désir, faisant ainsi que « tout s’ouvrit devant [lui], et [il] vi[t] une vision sans limite, tout étant devenu Lumière »306 ? Ou bien est-ce la Vérité biblique ou apparentée, Philosophie rappelant alors la figure qui survient, à l’occasion de sa première « vision », à Hermas (c. 100-120) : il s’agit d’une femme très belle et en habits resplendissants, venue du Ciel par une ouverture de l’espace dans laquelle elle apparaît, où elle s’était rendue pour dénoncer les péchés d’Hermas au Seigneur, et dont elle est momentanément revenue afin d’amener ce dernier à repentance ? 4. Les lettres Π et Θ brodées sur le vêtement de Philosophie (I, 1, 4), sont inséparables d’une riche symbolique : *. « Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur » (Ap 1, 8 et 22, 13) *. la division aristotélicienne des sciences entre le pratique et le théorétique.
Quoique Π et Θ ne soient pas, de par leur situation dans l’alphabet grec, des lettres symbolisant, comme Α et Ω, un commencement et un aboutissement, de par les emplacements qu’elles ornent – sur le bord inférieur du vêtement de Philosophie et sur son bord supérieur –, elles pourraient renvoyer à cette origine et à cette fin. D’un autre côté cependant, il pourrait s’agir de simples initiales, comme celles relatives aux deux modes scientifiques que distingue Aristote307, à savoir le « pratique » (Πρακτική), qui désigne les sciences dont l’objectif est l’action du sujet connaissant (la politique, l’économie et l’éthique), et le « théorétique » (Θεωρητική), qui rassemble les sciences se fixant pour objet les causes et les principes (la physique, la mathématique et la théologie)308.
Corpus Hermeticum, I, 4. Voir Van den Kerchove (2014), notamment p. 41-42. Voir notamment Métaphysique (1025b3-28), qui ajoute le « poiétique », relatif aux sciences de la production ou de la création, que sont la dialectique, la rhétorique et le poétique), et l’Éthique à Nicomaque (passim). 308 Voir l’évocation de Boèce lui-même dans la version I de son Sur l’Isagoge de Porphyre, Préface : « est… philosophia genus, species vero ejus duae, una quae theoretica dicitur, altera qua practica, id est speculativa et activa = La philosophie est un genre, mais ses espèces sont deux : l’une qui est dite “théorétique”, l’autre qui est dite “pratique”, c’est-à-dire “spéculative et active” » (= Brandt–Schepss, p. 8, 1-2). 306 307
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5. Les échelons (gradus) qui élèvent du Π au Θ (Ι, 1, 4) : *. ceux de l’échelle apparue en songe à Jacob, dressée sur la terre et dont le sommet atteignait le ciel, par lesquels montaient et descendaient les anges de Dieu (Gn 1, 28) *. ceux que l’âme doit gravir pour rejoindre la beauté en soi dans le Banquet de Platon (211c-d).
Si l’on admet l’identification précédente touchant les deux lettres grecques (Π et Θ) avec les initiales des deux sciences philosophiques, on est conduit à tenir ces degrés pour les stades ou paliers qui permettent de passer progressivement du pratique au théorétique. De plus, la citation biblique ne contient aucun terme qui désigne l’« échelon », à la différence du texte de Platon, qui en dispose d’un (ἐπαναβασμός). À l’inverse toutefois, Boèce, comme la Genèse, ne fait allusion à un quelconque degré de connaissance, alors qu’il en existe explicitement chez Platon (« μαθήματα »). 6. Le sceptre (sceptrum)), que tient Philosophie dans sa main gauche (I, 1, 6) : *. le sceptre (ῥάβδος/virga) du Christ (He 1, 8 – cf. Ps 44, 7) *. le sceptre, symbole de pouvoir et/ou de sagesse, qui apparaît chez divers auteurs grecs.
Le substantif (σκῆπτρον) désignant cet accessoire, attribut des souverains, des anciens et des sages, est employé notamment par Homère, comme dans l’Iliade (II, 1, 45 et 86, ou XVIII, 46). Suivant un même ordre idée, il matérialise la droiture et la royauté du Christ dans le Nouveau Testament. Certes, les termes grec et latin qui y désignent cet ornement christique renverraient plutôt à une espèce de baguette ou de bâton sommaire, qui pouvait symboliser un sceptre. En fait, comme le souligne Jean-Louis Charlet (1983, p. 31, n. 142 exit.), les deux substantifs (virga et sceptrum) y sont entièrement synonymes – voir Est 8, 4. 7. Philosophie expulsant les muses profanes (I, 1, 7-11) : *. le Christ, Sagesse de Dieu, adressant des reproches et des menaces *. la philosophie critiquant les fausses muses et bannissant la poésie de la république, dans La république de Platon.
On pourrait y trouver une allustion au Christ, nouveau Salomon, qui s’exprime comme la Sophia incarnée, à laquelle il s’identifie, soit en chassant les marchands du Temple (2 Jn 15-16), soit en invectivant contre les villes dans lesquelles il avait accompli des miracles et qui n’avaient point fait pénitence (Mt 11, 19-20).
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Toutefois, une autre comparaison engage Platon dénonçant les muses de la poésie parce qu’elles s’en tiennent à contraindre au lieu de persuader, ainsi que le fait la muse véritable, celle de la dialectique et de la philosophie. Celles de la poésie ne forment que des individus qui se dérobent aux regards de la loi (La république, 548b-c). Quant à la poésie proprement dite, elle subit une très longue critique (Ibid., 377b-392c), qui dénonce sa nature trompeuse. Au final, elle doit être chassée de la république parce qu’elle a la prétention de tout imiter (ibid., 398a-b), en faisant croire qu’elle est détentrice de la vérité. Sous ce rapport, la poésie devient assimilable à un poison pour l’esprit de ceux qui ne savent pas la tenir pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une simple source de plaisir (Ibid., 595b), que l’on ne saurait en aucune manière substituer, pour gouverner la cité, à la loi et aux principes de la raison (Ibid., 607c). Ressort-il pour autant de l’attitude de Boèce sur ce point, qu’il avait, à la suite de Martianus Capella (Des Noces) entre autres, le culte des muses en général, adulation propre à qualifier celui qui s’y adonne d’antichrétien309 ou, moins agressivement dirons-nous, de « non-Chrétien » ? En un sens si l’on s’arrête au fait que le captif déclare prendre plaisir à recevoir et à écouter les muses de la poésie (I, I, 1-8) lui délivrant ce qui sera dénoncé comme des lamentations totalement stériles, et si l’on considère que c’est par la force des choses qu’il se voit imposer de devenir le patient des muses propres à Philosophie (I, 1, 11)310. Mais d’une part ces deux constats sont aussitôt contredits par un troisième, à savoir que la démarche curative de celle-ci passe amplement par la distillation de 39 mètres, de l’autre il n’y a aucune raison d’opposer poésie et Christianisme, dès lors que la Bible elle-même est un recueil de poèmes311, ce qui ne saurait justifier d’y voir une vénération aonidienne312. 8. Le martyr : « Nous savons que beaucoup ont cherché la jouissance (fructus) du bonheur non seulement dans la mort mais aussi dans les douleurs et les supplices » (Consolation, II, 4, 29) * allusion aux martyrs chrétiens * allusion aux martyrs philosophes.
Voir Préaux (1974). Voir aussi Roberston (1963, p. 143-144). 311 Voir Condamin (1933). 312 Entendons: des Muses ou Aonides. 309 310
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Voir en l’occurrence une évocation, une justification et même une valorisation du martyr chrétien est tentant. Les persécutions, quelle qu’en ait été l’ampleur, des Chrétiens jusqu’au début du quatrième siècle sous l’empereur Dioclétien (284-305), étaient sans doute encore dans beaucoup de mémoires en ce premier quart du sixième siècle. De plus, le terme beatitudo, que nous avons certes pris le parti de traduire par « bonheur » (voir la n. en I, 4, 43), y incite inévitablement. Cela précisé, la Consolation ne manque pas d’exemples d’hommes qui ont plus ou moins volontairement payé de leur vie leur attachement viscéral à un idéal philosophique, politique ou simplement fraternel : Anaxagore, Socrate, Zénon d’Élée, Canius, Sénèque, Soranus et Papinien (I, 3, 9 et III, 5, 10). Tous, il est vrai, n’ont pas couru au devant de la mort avec jubilation (fructus). Reste que, dans la mesure des récits dont on dispose, Socrate s’est soumis à la sentence avec une sérénité proche de l’allégresse, et Zénon et Sénèque ont habillé leur trépas d’une hargne qui confine à une forme d’exultation. 9. Les voluptés : « Ph. – Que dirais-je des voluptés (voluptas) du corps, dont l’appétence (appetentia) est assurément pleine d’anxiété (anxietas) et la satiété (satietas) de pénitence (paenitentia) ? Combien de maladies (morbus), quelles douleurs (dolor) intolérables, comme quelque fruit (fructus) de la corruption (nequitia), apportent-elles aux corps de ceux qui ont l’habitude d’en jouir (frui) ! » (Consolation, III, 7, 1-2) *. attaque, dans une perspective chrétienne, contre les péchés de la volupté *. dénonciation, par certains penseurs grecs, du caractère déraisonnable des passions et de celui démesuré des plaisirs.
On se dispensera présentement de trop s’étendre sur la condamnation des péchés de la chair dans le Nouveau Testament et la patristique. Du premier, qu’il suffise de rappeler deux dénonciations et une condamnation : « Vous avez festoyé (epulari) sur la terre, et dans les luxures (luxuria) vous avez rassasié vos cœurs au jour du carnage (occisio) » (Jc 5, 5), puis : « Les [hommes impies] estiment délices (deliciae) la volupté (voluptas) du jour : [ce ne sont que] souillures et taches, [ils sont] débordants de délices, luxuriants dans leurs festins (convivium) avec vous » (2 P 2, 13), et : « Aux jours renouvelés menaceront des temps de péril ; les hommes seront… enflés d’orgueil, amoureux des voluptés (voluptas) plus que de Dieu… Détourne-toi d’eux » (2 Tm 3, 1, 4 et 5). Le lexique utilisé par Boèce en ce fragment (voluptas, paenitentia et morbus surtout), a toute la puissance et toute la violence requises pour pouvoir être qualifié
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de christique, et être placé par ailleurs dans la bouche de beaucoup d’exégètes et de théologiens. Néanmoins, et antérieurement, plusieurs penseurs de l’Antiquité grecque, et non des moindres, se sont accordés à tenir les passions pour déraisonnables, contre lesquelles devait opérer la tempérance, sous la houlette de la raison. Ainsi le Cynique Antisthène (c. 444-c. 365), qui fut élève de Socrate, prône-t-il de traquer inlassablement le plaisir et de s’armer de la vertu pour lutter contre les passions313. De même, aux yeux de Platon, le sage philosophe doit-il se tenir à l’écart de tout désir corporel, corrupteur de l’âme, et selon les Stoïciens, les passions sont les « maladies » (πάθη) de l’âme précisément, comme les plaisirs (ἡδονή), qui sont surtout ceux de la chair et de la table314. La proscription boécienne n’aurait donc rien de déplacé sous leur stylet. 10. Le potentiel divin de la créature : « Ph. – Puisque des hommes sont rendus heureux par l’acquisition du bonheur, et que… le bonheur est la divinité elle-même, il est manifeste que les hommes sont rendus heureux par l’acquisition de la divinité. [Donc] il est nécessaire que… ceux qui ont acquis la divinité soient rendus comme des dieux » (Consolation, III, 10, 23-24). « Ph. – Il convient que ceux qui sont heureux soient des dieux. Par conséquent, la récompense des gens de bien… est de devenir des dieux (IV, 3, 10) […] Celui qui a déserté l’honnêteté cesse d’être un homme, et puisqu’il ne peut passer dans la condition divine, il est changé en bête (IV, 3, 21) ». *. l’homme biblique, créé à l’image de Dieu, qui accède ainsi à la condition divine *. l’homme plotinien, dont l’effort permanent est de faire remonter son âme vers l’Âme cosmique.
La Bible ne manque pas de fragments où il est clairement donné à comprendre que la déification de l’homme est à la fois acquise et conquise. Elle est donnée comme acquise dans l’Ancien Testament, sachant que l’homme a été créé à l’image de Dieu (Gn 1, 26-27), une condition qui lui sera toujours pleinement reconnue : « Vous êtes des dieux » (Ps 82, 6). Elle est donnée comme conquise, ou à conquérir, dans le Nouveau Testament, où la parole des Psaumes se voit reprise littéralement par Jésus (Jn 10, 33-34), qui commande ensuite à ses disciples de devenir parfaits, comme l’est leur Père céleste (Mt 5, 48), objectif qu’il Voir DPA, I, p. 245-253 (M.-O. Goulet-Cazé). Voir, par exemple, Jacques (1971, p. 202-210), et Lazure (1969, p. 167-175).
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étendra à l’humanité tout entière, ainsi que le signifie Pierre rappelant la promesse christique de nous rendre participants de la nature divine (2 P 1, 4). Cette démarche déifiante sera adoptée telle quelle par certains des premiers Pères de l’Église, qu’il s’agisse d’Irénée de Lyon († 202) ou de son contemporain Clément d’Alexandrie († c. 215), qui rappellent que le Christ s’est fait semblable à nous pour nous amener à devenir semblables à lui-même315, ou bien de Basile de Césarée († 379), qui nous engage plus directement à devenir Dieu316. Pareil axe de réflexion nous paraît cependant devoir ici entrer en concurrence avec les mots ultimes de Plotin, aux dires de son disciple Porphyre : « Efforcez-vous de faire remonter le Dieu qui est en vous jusqu’au divin qui est dans l’univers » (Vie de Plotin, 7, 10-12)317.
Sans procéder à une exégèse poussée de cette exhortation et de son contexte, nous nous en tiendrons en l’occurrence, pour autant que l’on puisse l’appréhender, à saisir son mouvement général, ce qu’Éric Dubreucq nous semble avoir fait : « habitant du monde sensible, l’homme doit s’exercer ici-bas à remonter vers le divin qui irrigue son monde et soutient intérieurement son être »318. Cet effort permanent n’a-t-il pas la même légitimité que l’annonce biblique à servir de source à la recommandation de Boèce quant à l’homme heureux ? D’autant plus que cette remontée, préconisée par un Plotin relisant Platon, est un moyen efficace pour que la partie sensible de l’âme humaine, celle qui organise la matière, échappe aux agressions qu’elle a subies en s’incarnant, et qui l’ont soumise à l’assaut des plaisirs, des désirs et des chagrins (Ennéades, 6 (IV, 8), 2, 42 sqq.). Or n’est-ce point, paraît nous dire Philosophie, en se libérant de ces derniers que l’homme devient bon ? 11. L’amour S’il est une religion d’emprunts, c’est bien la religion chrétienne. Les principales caractéristiques de ses dogmes fondateurs doivent beaucoup à des récits orientaux antérieurs relatifs à d’autres dieux, tel l’égyptien Horus, troisième divinité, avec son père Osiris et sa mère Isis, de la triade 315 Voir, respectivement, Irénée, Contre les hérésies, III, II, 2, et Clément d’Alexandrie, Exhortation, X, 120. 316 Voir Basile de Césarée, Sur le Saint-Esprit, 5. 317 Nous adoptons la version de Henry (1953, p. 126). Précisons cependant que la traduction, préconisée par d’autres historiens de la philosophie, qui remplace « le Dieu » par « le divin », convient également à notre propos. 318 Voir Dubreucq (2015). Cf. Kanyororo (2003).
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osirienne, tué puis ressuscité en sauveur des hommes319. Il est toutefois un thème qui, s’il n’est point totalement inédit, y acquiert une dimension sans précédent connu et devient propre à singulariser le Christianisme, celui de l’amour, et ce dans ses trois manifestations : 1. l’amour de Dieu pour sa créature : Jr 31/38, 3 (« De loin Yahvé m’est apparu : D’un amour (ἀγάπησιςͅ/caritas) éternel je t’ai aimé (ἀγαπάω/diligo – adressé à la vierge d’Israël), aussi t’ai-je maintenu ma faveur (οἰκτείρημα) », et Dt 7, 8 (« Il [Dieu] vous aime (ἀγαπάω/diligo) »), puis Jn 15, 9 (« Comme le Père m’a aimé (ἀγαπάω/diligo), moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour (ἀγάπη/dilectio) ») et 1 Jn 4, 8 (« Celui qui n’aime (ἀγαπάω/diligo) pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour (ἀγάπη/caritas) »), 2. l’amour de la créature pour son Dieu : Dt 6, 5 : « Tu aimeras (ἀγαϙάω/diligo) l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » et 1 Jn 5, 3 : « L’amour (ἀγάπη/ caritas) de Dieu consiste à garder ses commandements », et 3. l’amour des créatures entre elles : Lc 10, 27 (« Tu aimeras (ἀγαπάω/diligo)… ton prochain comme toi-même ») et Jn 13, 34 (« Aimez-vous (ἀγαπάω/ diligo) les uns les autres »). La place de cette thématique dans l’économie biblique est par conséquent d’une importance cardinale, qu’aucune autre mythologie ni religion ne peut apparemment revendiquer. Il fait alors peu de doute que si Boèce avait voulu exprimer, à une heure de sa vie plus que critique, ne serait-ce qu’à mots couverts, sa foi chrétienne et catholique pour sa postérité, à la fois immédiate et lointaine, il n’aurait pu se dispenser de traiter de l’amour dans sa Consolation. C’est ce qu’il fit, ouvertement du reste et en sa seule poésie, peut-être parce que la rhétorique et le lyrisme de l’exercice lui permettaient un cryptage plus aisé et donc plus protecteur, afin de se soustraire à la censure arienne. Quatre passages métriques convoquant l’amor en épuisent l’expression, aucun cependant ne concernant le mètre III, IX abordé précédemment : Consolation, II, VIII, 13-15 : « Ph. – Ce qui lie cet ordre des choses / Et régit la mer et les terres, / Commandant au ciel, c’est l’Amour » II, VIII, 22-30 : « L’Amour maintient aussi les peuples / Unis par un pacte sacré ; / Il rend sacré le mariage / Par les chastes liens d’amour ; / C’est lui qui dicte aussi ses lois / Aux camaraderies fidèles. / Ô bienheureux le genre humain / Si l’Amour régissait vos cœurs, / Lui par qui le ciel est régi ! » IV, VI, 16-20 : « Ainsi refait les courses éternelles / L’Amour partagé, ainsi sont bannies / De la zone étoilée guerre et discorde. / Cette concorde allie les éléments / Dans l’équité » Voir, notamment, Moret (1915).
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IV, VI, 44-48 : « Voilà l’Amour commun à tout ce qui / Veut s’en tenir aux limites du bien. / Car autrement il ne pourrait durer / Sans revenir, par un retour d’Amour, / À la Cause qui leur a donné d’être ».
N’avons-nous pas là l’illustration des trois manifestions de l’Amour (amor) judéo-chrétiennement conçu, autant d’ailleurs quand on s’attache au lexique grec (ἀγαπάω-ἀγάπη) qu’au lexique latin (diligo-dilectio/caritas), où caritas et dilectio, bien que différentes morphologiquement d’amor320, y correspondent néanmoins sémantiquement ? D’une part, ce Dieu, en tant que Souverain Bien, Créateur (dedit esse – Consolation, IV, VI, 48), est la source de l’être qu’il a créé et ordonné par un acte d’amour (amor), et de l’autre, la créature fraternise (hic est cunctis communis amor – IV, VI, 44), tout en faisant retour à cet Ordonnateur dans une manifestation d’amour également (nisi converso rursus amore – IV, VI, 47), à la fois cosmique (quo caelum regitur – II, VIII, 30) et anthropique (si vestros animos amor… regat – II, VIII, 29-30). Il n’en demeure pas moins que le Dieu en question pourrait correspondre aussi, de prime abord, à l’occasion de quelques-uns des mêmes quatre extraits sélectionnés, au Démiurge de Platon, à ceci près que ce dernier, comme nous l’avons précisé plus haut321, n’a pas vraiment créé le monde, ex nihilo en tout cas : il y a introduit de l’ordre et le gouverne. Mais il est très possible d’y reconnaître le Régisseur et l’Ordonnateur du Tout (ligat, regens et imperitans – II, VIII, 13-15), le Principe absolu de la régulation sans fin du monde sublunaire (sic aeternos reficit cursus – IV, VI, 16), entièrement et en permanence tourné vers le Bien (boni fine teneri – IV, VI, 45). Toutefois, et c’est le constat qui nous importe le plus ici, ce façonnement divin ne doit rien, chez Platon, à l’« amour-ἀγάπη » d’un Dieu qui aime (ἀγαπάω) : en effet, l’Ordonnateur suprême, qui a produit et organisé cet univers, « était bon (ἀγαθὸς), or, en ce qui est bon, on ne trouve aucune jalousie (φθόνος) à l’égard de qui que ce soit. Dépourvu de jalousie, il souhaita que toutes choses devinssent semblables à Lui » (Timée, 29e). Dès lors, « voilà… quel est précisément le principe tout à fait premier du devenir, c’est-à-dire du monde : en l’accueillant sur la foi d’hommes de sens, nous ne saurions en accueillir de plus correct » (29e-30a). Pour être tout à fait exact, le Principe platonicien n’agit pas seulement par « bonté » (ἀγαϑότης), mais aussi, quand il ordonne et dirige l’univers, intervient par « amitié » (φιλία – voir 32b-c), h armonisant sous sa conduite les quatre 320 Dans la Vulgate, amor est quasiment absent de l’Ancien Testament (Qo 9, 1 et 9, 6, Pr 27, 5) et totalement du Nouveau. 321 Voir notre paragraphe VI. I. 9.
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éléments naturels. Il en va autrement chez celui qui agit par « amour » (ἔρως) céleste ou primordial, c’est-à-dire non sexué322, en désirant ce dont il est amoureux, sachant que l’amour (ἔρως) est un désir (ἐπιθυμία), où celui qui désire exprime un manque, car l’on désire ce que l’on n’a pas (voir Phèdre, 237d) : sous ce rapport, l’« amour » s’impose comme un signe de privation (voir Banquet, 200a-202d). De fait, c’est aussi l’ἔρως céleste, et à l’évidence non sexué, qui régit l’amour de l’homme pour Dieu, tout autant du reste que pour les Idées, le Beau, le Bien et l’Un, ainsi que l’amour des hommes entre eux. Relevons au passage que dans la thématique qui nous occupe ici, Platon n’emploie jamais ἀγαπάω-ἀγάπη. Or si la carence en question peut convenir à la créature, elle ne le peut aucunement à Dieu. En sa puissance, le Démiurge platonicien, parce qu’il demeure entièrement mû par l’amour-bonté (ἀγαϑότης) ou l’amour-amitié (φιλία), est étranger et à l’ἀγάπη et à l’ἔρως, même céleste, l’un et l’autre étant révélateurs d’une déficience fondamentale. En somme, le Dieu de la Consolation, du moins celui qui a été évoqué dans les vers ci-dessus, à la fois a des accents chrétiens et en laisse échapper des platoniciens, dans un accord qui devient vite dissonant, en ce sens que, dans son activité cosmo- et anthropo-gonique, le Dieu de la Bible a agi et continue d’agir non par volonté, c’est-à-dire par bonté, comme celui de Platon, mais par passion, c’est-à-dire par désir, puisqu’il a créé et régit tout par amour (l’être universel, le cosmos, le cœur des hommes et leurs relations), donc a été à même de subir ou de pâtir. Il est ainsi allé jusqu’à être amoureux de l’Humanité au point de sacrifier son Fils unique pour le salut définitif de celle-ci (« Dieu a tant aimé (ἀγαπάω) le monde qu’il a donné son Fils unique » – Jn 3, 16), ce qui paraîtrait impossible, même à titre conjectural, pour le Dieu de Platon. Et si ce couplage entre théologie chrétienne et théologie platonicienne nous apparaît, à cet égard, pour ainsi dire contre-nature, c’était peut-être, aux yeux de Boèce, le prix à payer pour réaffirmer son Christianisme tout en brouillant, par son Platonisme, l’énonciation de ses choix. 12. Esprits divins, âme, anges et démons : « Ph. – Soit que le destin soit façonné par certains esprits divins au service de la providence, soit que l’enchaînement fatal soit tissé par l’âme, ou bien par la nature tout entière asservie, ou bien par les mouvements célestes des astres, ou bien par une force angélique, ou bien par la féconde ingéniosité des démons, par quelques-unes de ces causes ou par toutes… » (Consolation, IV, 6, 13). Par opposition à l’amour physique ou sexué (ἔρως, également), purement sensuel.
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C’est, à notre sentiment, l’un des passages prosaïques les plus obscurs de la Consolation. Boèce tente d’y préciser la différence qu’il conçoit entre providence et destin, qu’il va définir aussitôt après. Dans ce but, il fait appel à quatre entités (spiritus divini, anima, virtus angelica et daemones), dont il nous faut voir si chacune est ou non accessible à une lecture mixte. Que sont donc ces « esprits divins » ? Les divinae mentes que décrit Macrobe, commentateur de Cicéron323, en citant un Paulus, père de l’Émilien qui entend la voix de l’oracle : ils animent tous les corps célestes, grâce auxquels ils accomplissent leur révolution et parcourent leur orbite avec une rapidité phénoménale, puis, s’abaissant jusqu’aux corps terrestres, jugent les seuls humains dignes de recevoir et de renfermer un rayon de la Divinité ? Ou bien sont-ce les sept Esprits (septem spiritus) situés devant le trône de Jésus-Christ évoqués par la Révélation johannique (Ap 1, 4), qui sont comme les sept yeux de l’Agneau envoyés sur toute la terre (Ap 5, 6) ? L’anima ensuite, qui tisse la toile du destin, reflète-t-elle l’Âme du monde de Platon (Timée, 38e et 41d), qui a cependant une fonction essentiellement cosmique, mais que Calcidius identifie au destin324 ? Ou bien s’agirait-il de l’« âme » de Dieu, manifestée lors de la malédiction des idolâtres, dont l’Éternel dit que son « âme » les abominera tous (et abominabitur vos anima mea – Lv 26, 30), et qu’il est possible d’identifier au Christ par l’anticipation de Lv 26, 11 ? De son côté, la virtus angelica, soit la puissance des anges, peut faire écho aux « anges » (ἄγγελος) néoplatoniciens, qui occupent la quatrième place dans la hiérarchie céleste, après l’Un, les dieux et les archanges. Chez Jamblique notamment, ils libèrent des liens de la matière325, et Courcelle rappelle que Proclus, en ses Dix problèmes concernant la providence (X, 62)326, répond entre autres à la question de savoir comment les anges (ἄγγελοι) exercent la providence327. Mais par ailleurs la « vertu angélique » consonne spontanément avec les capacités des créatures surnaturelles qui parcourent la Bible, toujours bienfaisantes dans les Évangiles, en particulier avec la hiérarchie du premier degré (Séraphins, Chérubins et Trônes). En disposant les âmes à l’œuvre christique, ils sont tout à fait capables de présider à l’enchaînement du destin. Voir Voir 325 Voir 326 Voir 327 Voir 323 324
Commentaire sur le Songe de Scipion, I, XIV. Commentaire sur le Timée, CXLIV. Les mystères d’Égypte, II, 5 (= Des Places, p. 85). Isaac, p. 131-132. Courcelle (1967, p. 205).
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Enfin, les daemones, à l’inverse des anges, font immédiatement penser au démon (δαίμων) de Socrate, qui désigne une sorte de génie inspirateur, attaché à chacun, intermédiaire entre les dieux, dont il est le messager, et les mortels (Banquet, 202e), qui conduit chaque trépassé, auquel il demeure attaché dans le séjour des morts, sur le lieu ou il va être jugé (Phédon, 107c-108d). En outre, les mêmes textes néoplatoniciens nous apprennent que Jamblique assigne aux démons (δαίμονες) une tâche plus ou moins complémentaire à celle des anges, sensiblement comme chez Proclus328. Pourtant, l’Ancien Testament aussi ménage une place aux « démons », qui sont assimilés à des anges exécuteurs des peines infligées par Dieu aux hommes, conformément à l’étymologie, δαίω signifiant « distribuer les fortunes », bonnes ou mauvaises, ce qui correspondrait assez bien à la fonction assignée par Boèce. 13. La prédestination des âmes « Ph. – De toute éternité (le) regard de la providence… dispose chacune des âmes qui et prédestinée selon ses mérites » (Consolation, V, 2, 11).
La plupart des exégètes mettent en avant que la théorie de la prédestination des âmes est condamnée par l’Église, et que Boèce n’aurait pu la puiser que chez Platon, plus précisément dans le mythe d’Er de nouveau (La République, X, 614b-621d), qui l’expose et l’avalise en soumettant ces dernières à un déterminisme radical. L’âme individuelle, sous sa forme dominante, est créée par Dieu (Timée, 34c et 90a), mais c’est elle seule qui choisit, avant de se réincarner, son devenir, dont elle ne devra jamais déroger : « Quant à eux [justes et injustes]…, lorsqu’ils furent arrivés, il leur fallut se rendre aussitôt auprès de Lachésis. En premier, un proclamateur les plaça dans un certain ordre, puis, prenant sur les genoux de Lachésis des sorts et des modèles de vies, il gravit les gradins d’une tribune élevée et déclara : “Paroles de la vierge Lachésis, fille de Nécessité. Âmes éphémères, voici le commencement d’un nouveau cycle qui pour une race mortelle sera porteur de mort. Ce n’est pas un démon qui vous tirera au sort, mais c’est vous qui choisirez un démon. Que le premier à être tiré au sort choisisse le premier la vie à laquelle il sera lié par la nécessité. De la vertu, personne n’est le maître, chacun, selon qu’il l’honorera ou la méprisera, en recevra une part plus ou moins grande. La responsabilité appartient à celui qui choisit. Le dieu, quant à lui, n’est pas responsable » (La République, 617d-e).
Si ce choix ne se retrouve pas explicitement dans le fragment de la Consolation, il ne heurte point le peu qu’elle livre en ce domaine. Voir Brisson (2018).
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C’est oublier cependant que le thème des âmes prédestinées est repris, et ce de manière aussi absolue que native pour le Christianisme, par saint Paul, notamment dans son Épître aux Romains (Rm 9, 10-13 et 20-24). À cela s’ajoute qu’Augustin l’admet lui aussi : « Non Deum liber iste commemorat, ne obliuione fallatur; sed praedestinationem significat eorum, quibus aeterna dabitur uita. Neque enim nescit eos Deus et in hoc libro legitur, ut sciat; sed potius ipsa eius praescientia de illis, quae falli non potest, liber est uitae, in quo sunt scripti, id est ante praecogniti = « Ce livre [l’Apocalypse] n’est pas pour avertir Dieu, comme s’il pouvait se tromper par oubli ; mais il signifie la prédestination de ceux à qui la vie éternelle sera donnée. Et en effet, Dieu ne les lit pas dans ce livre comme s’il ne les connaissait pas ; mais plutôt sa prescience ellemême de ceux-ci, qui ne peut se tromper, est ce livre de vie, dans lequel ils sont écrits, c’est-à-dire avant qu’ils ne soient préconnus » (De la Cité de Dieu, XX, XV exit.).
Toutefois, il prend soin de préciser que cette prédestination demeure définitivement un mystère pour la créature, ce que ne vient d’ailleurs pas contredire l’assertion boécienne : « Quantum ad nos pertinet, qui praedestinatos a non praedestinatis discernere non valemus, et ob hoc omnes salvos fieri velle debemus; omnibus, ne pereant, vel ne alios perdant, adhibenda est a nobis medicinaliter severa correptio = Pour autant qu’il nous appartienne, nous ne sommes pas capables de discerner ceux qui sont prédestinés de ceux qui ne sont pas prédestinés, et par là même nous devons vouloir que le salut de tous s’accomplisse ; il nous revient à tous d’user médicinalement d’une correction sévère [à l’égard des coupables] afin qu’ils ne périssent pas ou n’en fassent pas périr d’autres » (De la correction et de la grâce, XVI, LXIX).
14. Espérance et prière : « Ph. – Qu’est-ce que quelqu’un pourrait espérer ou même solliciter (deprecari) dès lors qu’un enchaînement inflexible relie toutes les choses souhaitables ?… Par le prix d’une juste humilité, nous méritons l’inestimable faveur (vicem) de la grâce divine, commerce qui est le seul moyen pour que les hommes s’aperçoivent qu’ils peuvent s’entretenir avec Dieu et s’unir, en raison même de la supplication, à son inaccessible lumière, avant même de l’obtenir aussi. Si à cause de la nécessité admise des choses à venir, on ne croit rien posséder de leurs forces, par quoi pourrons-nous être reliés à ce Principe souverain des choses et nous imprégner de Lui ? » (Consolation, V, 3, 33-35).
Dans la très longue intervention (§ 3-36) que se réserve Boèce à la prose 3 du livre V, il dénonce les conséquences d’un ordre universel des choses totalement soumis à la providence, sans plus aucune initiative,
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INTRODUCTION
selon lui, pour la volonté humaine, et notamment la disparition de toute espérance et de toute prière, deux moyens qui commandent à ses yeux, et dès cette vie, la réalisation d’une union avec Dieu. Tirer ce positionnement dans le sens du Platonisme ou du Christianisme, non exclusifs du reste l’un de l’autre, reléverait, une fois de plus, d’une démarche volontairement bivalente. On a mesuré la place que tient la prière chez Platon et les Néoplatoniciens329. Elle a varié de la prière non pétitionnaire chez celui-là, afin de toujours mieux connaître Dieu et affermir le choix de l’orant, à une forme parfois plus pétitionnaire chez ceux-ci. Platon se scandalisait, en effet, que l’homme, limité et faillible, ambitionne de solliciter un Dieu impassible, exerçant de toute éternité une activité purement noétique sur le monde. D’où son rejet de la prière pétitionnaire au profit d’une prière philosophique, voire scientifique, authentique démarche cognitive. Il en va sensiblement de même pour Plotin, selon qui le philosophe doit exercer son âme, dans son aspiration à s’élever vers l’Un, à communiquer noétiquement, dans une prière tout intériorisée, avec les réalités intelligibles, pour entrer en contact avec elles selon un procédé anagogique. Porphyre n’est point d’un avis différent touchant le caractère non approprié de la prière de demande relativement à l’impassibilité divine, bien qu’il lui soit arrivé de prescrire à son épouse : « Aussi faut-il prier le dieu de façon digne du dieu et lui demander ce que nul autre ne pourrait donner »330.
Quant à Jamblique, il aborde, dans son De mysteriis, plusieurs formes de prière, dont la forme ultime, elle aussi universelle et scientifique, aboutissement de l’essor de l’âme vers l’Un, dans laquelle se réalise, pour quelques élus seulement, un contact, voire une union avec la divinité, qui vient en parachèvement de l’amour, de l’espérance et de la foi. Un panorama de la prière dans la tradition chrétienne excéderait de beaucoup le cadre de cette section de notre Introduction. Il suffira de signaler, toujours avec Timotin, qu’une prière non pétitionnaire, bien qu’elle ne soit pas majoritaire, se rencontre également chez certains théologiens, tels Clément d’Alexandrie et Origène. Même Augustin distingue 329 Voir Timotin (2017). Pour Aristote, voir Charles-Saget (1993) : « Dans l’espace du pâtir, la prière est communément demande, supplique à qui aurait un pouvoir dont je suis dépouillé. C’est peut-être un acte de parole, ce n’est pas une action éthique puisqu’elle ne se soucie ni du bien véritable pour moi, ni d’un acte de vertu. Elle comporte cependant une conscience aiguë de la finitude, et un refus de la pure force de la τύχη [« chance »].» (p. 52). 330 Porphyre, Lettre à Marcella, § 12.
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entre la prière de demande (oratio), qui n’est toutefois légitime que lorsqu’elle concerne la vie éternelle, d’où sa rareté – « qui pourrait énumérer les souhaits divers des hommes qui veulent être bénis du Seigneur Dieu ? »331 –, et la prière de louange (laudatio) – « c’est l’œuvre principale de l’homme que la louange divine. C’est l’affaire de Dieu que de te plaire par sa beauté, à toi il revient de le louer par des actions de grâces... que ton œuvre à toi soit la louange divine »332. À quelle place alors est-il loisible de situer Boèce ? Plusieurs formes de prière se retrouvent chez lui, celle de demande (deprecari, vicem)333, celle de louange334 et celle d’attente d’union mystique dès cette vie terrestre. Comme dans chacune des références doubles de notre troisième rubrique, il se tient à cheval sur une ligne de faille entre Christianisme et Hellénisme, et ses allusions manquent délibérément de définition. Il serait déplacé de vouloir leur en imposer une pour les raisons que nous avons identifiées en commençant ce parcours. Au total, si l’on s’en remet à ces moments susceptibles d’une lecture dédoublée, à la fois profane ou païenne et chrétienne, les énoncés qui relèveraient de cette dernière pouvant tenir lieu, relativement à Boèce, de tentatives détournées pour réaffirmer sa foi, nous obtenons une Consolation parcourue par de possibles allusions encodées à des contenus scripturaires. En voici encore quelques autres, que nous nous contenterons de présenter sommairement pour ne point trop alourdir notre analyse : – « songe / À fixer un logis sûr / Au dessus d’un rocher humble » (Consolation, II, IV, 15-16) • « quiconque entend ces paroles miennes et les met en pratique, sera assimilé à un homme sage, qui a bâti sa maison sur le roc » (Mt 7, 24) • « c’est sur un lieu humble, mais assuré que se tient l’infime fortune d’une petite maison » (Sénèque, Hercule furieux, 199-200) – « Vous reste la seconde mort » (Consolation, II, VII, 26) • la tradition des Mânes, qui regroupent tous les morts, notamment ceux qui ont disparu du souvenir et de la mémoire des vivants, l’oubli étant assimilé à une mort définitive (voir Jacobsen, 1924, I) Augustin, Ennarationes in Psalmos, 66, 22. Ibid., 44, 9. 333 Voir Consolation, V, 6, 46 : « Ce n’est pas en vain que sont placées en Dieu espérances et prières, qui, lorsqu’elles sont droites, ne peuvent être inefficaces ». 334 Voir aussi ibid., V, 6, 47 : « Détestez donc les vices, cultivez les vertus, exhaussez l’esprit vers de droites espérances, hissez d’humbles prières au plus haut des cieux ». 331 332
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• la tournure « seconde mort » relève d’une tradition chrétienne bien établie : v.c. Ap 2, 11 et 20, 6, et Augustin, Cité de Dieu, XIII, II et XII, ainsi que Plumpe (1951) « les esprits (mens) des hommes ne sont en aucune façon mortels » (Consolation, II, 4, 28), et « nos théories défendent de croire (que) les hommes meurent tout entiers » (ibid., II, 7, 22) • « toute âme (ψυχὴ) est immortelle. En effet, ce qui se meut toujours est immortel » (Platon, Phèdre, 245c) • « l’âme humaine est immortelle » (Augustin, De l’immortalité de l’âme, IV, 5) « vos deo mentes consimiles = vous, semblables à Dieu par l’esprit » (Consolation, II, 5, 26) • « Dieu créa l’homme, il le fit à la ressemblance (similitudo) de Dieu », Gn 5, 1 • « l’intellect, c’est Dieu en nous », Aristote, Protreptique, fr. 10 c 1° • « la structure de l’homme comporte un élément divin qui n’est autre que son intellect », Jamblique, Les mystères d’Égypte, p. 12 « l’esprit, bien conscient de lui-même, délivré de sa prison terrestre, aspire, libéré, au ciel » (Consolation, II, 7, 23) • « certains [i.e. les disciples d’Orphée] disent que [le corps (σῶμα)] c’est le tombeau (σῆμα) de l’âme où elle y est présentement ensevelie » (Platon, Cratyle, 400c) • « nous avons de la bonne volonté, et nous préférons pérégriner loin de ce corps, et être présents auprès du Seigneur » (2 Cor 5, 8), et « tu te relèveras pour connaître ton sort à la fin des temps » (Dn 12, 13) « il est nécessaire que… ceux qui ont acquis la divinité soient rendus comme des dieux » (Consolation, III, 10, 24) • « le philosophe, qui vit en présence de ce qui est divin et harmonieux, devient lui-même divin et harmonieux, autant qu’il est possible à un être humain de l’être » (Platon, La République, 500c-d) • « afin que par les dons promis, vous soyez faits participants de la nature divine » (2 P 1, 4) « Venez tous ici également captifs, / Vous que le désir trompeur, logé en l’âme / Terrestre, attache par de mauvaises chaînes : / Ce sera pour vous le repos de vos peines, / Le port qui demeure en un repos paisible, / Le seul asile qui s’ouvre aux malheureux » (Consolation, III, X, 1-6) • « venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine… et vous trouverez la paix dans vos âmes » (Mt 11, 28)
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• Sénèque, Agamemnon, III, II, 589-592- : « Heu quam dulce malum mortalibus additum uitae dirus amor, cum pateat malis effugium et miseros libera mors uocet, portus aeterna placidus quiete = Ah, quel doux mal implanté chez les mortels, ce funeste amour de la vie, bien qu’un échappatoire aux maux soit à disposition, et que la mort qui libère convoque les malheureux, en un port paisible pour un repos éternel » (d’après Gruber, 1978, p. 299). « le mal n’est rien » (malum… nihil est – Consolation, III, 12, 29) • « la nature de l’âme n’arrivera certes pas au non-être absolu, mais en allant vers le bas elle arrivera au mal et ainsi au non-être » (Plotin, Ennéades, 9 (VI, 9), 35-38) • « Dieu, toi qui, par le petit nombre de ceux qui se réfugient dans ce qui est vraiment, montre que le mal n’est rien (malum nihil esse) » (Augustin, Soliloques, I, I, 2). « La forme de la substance divine est telle qu’elle ne se disperse pas dans les choses extérieures » (Consolation, III, 12, 37) • l’argument aporétique de Parménide (Platon, Parménide, 131b) : « en restant une et identique, [la Forme] se trouverair en sa totalité en plusieurs choses distinctes et en même temps elle se trouverait ainsi elle-même distincte d’elle-même » • « Il y a une diversité des opérations, mais un même Dieu qui opère tout en tous » (1 Co 12, 6). le non entretien, dans une maison très bien tenue, de vases (vas) précieux confronté à l’entretien de vases de peu de prix (Consolation, IV, 1, 6) • l’homme vertueux fera comme n’importe quel artisan voulant créer : il ne rassemblera pas au hasard des matériaux pour son ouvrage, mais les choisira adaptés à la forme qu’il souhaite obtenir… Donc quand la régularité et l’ordre règnent dans une maison, celle-ci est jugée bonne, quand c’est le désordre, elle est jugée mauvaise (Platon, Gorgias, 504a) • nous sommes l’argile et Toi, Seigneur notre Père, le potier (Is 64, 8) • le potier est maître de son argile pour fabriquer un vase soit de luxe soit ordinaire (Rm 9, 21-23), et dans une grande maison, il y a des vases de prix réservés à des usages nobles, d’autres ordinaires réservés à des usages vulgaires (2 Tm 2, 20). « ce qu’Il [Dieu] a produit à sa ressemblance » (Consolation, IV, 6, 56) • « Dépourvu de jalousie, il souhaita que toutes choses devinssent semblables à Lui » (Platon, Timée, 29e) • « Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram = Faisons l’homme à notre image et ressemblance » (Gn 1, 26).
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Dès lors, la question touchant la religion de Boèce, qui a longtemps suscité une discussion très vive, et engagé au premier chef l’authenticité boécienne des Opuscules sacrés, ne peut plus, selon nous, se prévaloir de l’argument de ceux qui refusent de considérer Boèce comme un penseur chrétien à l’origine d’écrits de théologie trinitaire et christologique au motif que la Consolation, ouvrage d’un homme emprisonné dans l’angoisse d’être exécuté, donc susceptible de faire état de ses convictions religieuses, est à peu près exempte de toute référence à celles propres au Christianisme. V. 10. Profanité et sacralité C’est à rebours de ce constat trop rapide que nous avons tenté de nous positionner, en arguant que lors de chacun des passages textuels susceptibles d’un accès amphibologique, l’auteur de la Consolation s’est tenu dans une espèce d’entre-deux, en cultivant l’indétermination à la fois sur le fond et sur la forme. Que ses sources profanes soient dévoilées sans réserve lorsqu’il le juge bon, à la différence des sources sacrées pressenties, qui ne bénéficient d’aucune identification, comme si l’auteur avait souhaité rester, la plupart du temps, dans une nébulosité conceptuelle les concernant, ne paraît pas susceptible de remettre en question notre analyse. Tout au contraire, cette absence totale de renvoi explicite au dogme judéo-chrétien incite à y voir la confirmation qu’une raison toute politique a présidé à cet éventuel encodage, en accordant que Boèce aurait cherché en cela à faire état à mots couverts des convictions religieuses exposées à diverses reprises en ses Opuscules sacrés, notamment dans le De fide, afin de se soustraire au veto royal, condition sine qua non pour procéder – finalité dernière – à une synthèse philosophico-théologique entre Hellénisme et Christianisme. Sans cette incertitude entretenue l’autorité arienne n’aurait eu aucune difficulté à le convaincre de complot et de trahison. Or jusqu’aux derniers moments sans doute, entendons ceux consacrés à la rédaction de la Consolation, son responsable – il l’a reconnu à demi-mots – a espéré en la clémence royale à son égard, ou du moins en une peine non létale, dont aurait pu le gratifier sa bonne Fortune. Il dut donc penser tout au long de la composition de ce qui sera, hélas pour lui, son ouvrage ultime, qu’il était de son intérêt et de celui de ses proches, de ne pas afficher son Catholicisme tout en n’y renonçant pas. Au total, en dépit du fait que les références bibliques conjecturées n’ont pas offert – et nous avons suggéré pourquoi – de prise assurée à
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l’exégète pour leur révêtir un caractère de certitude, on peut entériner, sur la base des très nombreux points que nous avons vu affleurer, la conjecture selon laquelle la foi chrétienne de Boèce serait une composante à part entière de son manifeste philosophique. Le capital fidéique ainsi constitué dans l’ombre de celui de la philosophie grecque avait vocation à servir le dessein déjà délinéé : réaliser la symbiose entre hellénité philosophique et spiritualité chrétienne335, en posant un jalon qui fasse date sur le trajet d’une thématique promise à un long et riche avenir : le Platonisme latin. Par « son Platon » (Consolation, I, 3, 6) et « son Timée » (III, 9, 32), Boèce fit allégeance au plus illustre disciple de Socrate et à ce qu’il put connaître de sa pensée par divers intermédiaires, pour la plupart néoplatoniciens. Le Platon philosophe venait ainsi contrebalancer l’Aristote tant valorisé par le passé pour sa production dialectique, et les apports de chacun, assortis de quelques éléments provenant d’autres écoles philosophiques, se virent répliqués par un Christianisme en sous-tension. L’objectf de cette fusion en un système organique était thérapeutique : élaborer une philosophie religieuse, ou une religion philosophique, permettant d’appliquer un traitement destiné à mieux déjouer les ruses de Fortune, puisqu’il s’agissait de guérir d’une maladie spirituelle en réorientant le regard et en ranimant ce qui n’était qu’en sommeil. Foi chrétienne et raison grecque entrèrent en cela au service d’un processus de réinvestissement de soi pour mieux s’ouvrir à un moi authentique et merveilleux (v.c. II, 5, 26-27), à un monde beau et organisé (v.c. III, 12, 17) et à un Dieu qui les conditionne et les régit (v.c. IV, 6, 56). D’où cette composition à deux voix, l’une profane et déployée, l’autre sacrée et murmurée, qui font néanmoins symphonie. Les héritiers médiévaux de la Consolation s’y sont quelquefois trompés, abusés la plupart du temps par une teneur christianocentrée en pointillés. Hasardons le panorama élargi d’une histoire complexe. 335 Elle relevait d’un authentique défi si l’on se réfère notamment à Tertullien (c. 155-c. 220), qui, quelques temps plus tôt, c’est-à-dire en 197-198, la déclarait contre nature : « Qu’y a-t-il de commun entre un philosophe et un Chrétien, entre un disciple de la Grèce et un disciple du Ciel ? L’un qui travaille pour la renommée, l’autre pour le salut, l’un qui produit des paroles, l’autre des actes, l’un qui suscite des conflits, l’autre qui les tranche, l’un qui est ami de l’erreur, l’autre ennemi, l’un qui corrompt la vérité, l’autre qui la rétablit et la proclame, l’un qui en est le voleur, l’autre le gardien ? (Quid simile philosophus et christianus, Graeciae discipulus et coeli, famae negotiator et vitae, verborum et factorum operator, et rerum aedificator et destructor, amicus et inimicus erroris, veritatis interpretator et integrator et expressor, et furator ejus et custos? ») (Apologétique, XLVI, 18).
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V. 11. Postérité de la Consolation La Consolation connut, sur plus de mille ans, un rentissement phénoménal à maints égards, qui fut très vraisemblablement sans commune mesure avec celui que Boèce aurait pu envisager. Elle eut la faveur d’un innombrable lectorat, qui la reçut pour l’essentiel, parfois dans une optique christianisante, comme une pièce de réconfort. Mais les réactions produites ne lui furent pas toutes favorables et répondirent à des motivations disparates. En fournir, malgré le défi presque hors de portée que cela représente336, un survol ne sera donc ni vraiment présomptueux ni totalement inutile. s. VI. La contribution de Fabio Troncarelli, en 1981, qui laisse à penser que Cassiodore (c. 485-c. 580), homme politique converti tardivement au Christianisme, édita, avec un commentaire suivi axé sur la rhétorique337, la Consolation durant son exil à Constantinople entre 550 et 555 environ, pour fuir l’invasion byzantine de l’Italie, recule considérablement le point de départ de l’influence de l’ouvrage de Boèce, en le rendant immédiatement consécutif à sa composition338. Cela dit, des échos du prosimètre boécien se seraient fait entendre plus près encore de sa rédaction puisque, toujours selon Troncarelli, le diacre, médecin et poète Rustic(i)us Helpidius ou Elpidius († c. 533), dans son Carmen de Christi Iesu beneficiis, sorte de panégyrique du Christ composé de 149 hexamètres, « reprend Boèce et le colore d’une délicate teinte d’espérance chrétienne »339. Par ailleurs, d’après Hubert Silvestre, l’historien Grégoire de Tours (538-594), lorsqu’il note, dans son Histoire des Francs, au sujet d’un épisode de la fin du saint évêque Sidoine Apollinaire (430-486), mort des suites d’une 336 « La prétention… de rendre les échos variés qu’à (sic) suscités une œuvre comme le De cons(olatione) — livre de chevet de tout un continent pendant dix siècles —, est aussi vaine… et encombrante, qu’impossible à réaliser… On conviendra que pour faire connaître les influences littéraires et philosophiques exercées par une telle œuvre, un aperçu compréhensif et pénétrant est plus propre que de nombreuses références d’auteurs détachées de leur contexte », Van de Vijver (1925, p. 1005). 337 Voir Troncarelli (1981, p. 38-45) et Pecere (2014). 338 Le poète Euclerius (et non Euclerus) que Courcelle (1967, p. 178) situe au sixième siècle, qui aurait cité l’expression luce reperta de III, IX, 23 (voir Riese, 1870, p. 256, et non 268), est plutôt insaisissable : on ignore s’il a vécu au quatrième siècle et/ou au cinquième, et s’il a été comte et/ou sénateur. 339 Voir Troncarelli (1981, p. 85-86). Les rapprochements concernent les vers suivants (= Groen, 1942) : 45-47 avec Consolation, I, 1 / 55-57 avec Consolation, I, 4, 32 / 120121 avec Consolation, I, 4, 36 / 139-142 avec Consolation, I, 2, 5 et I, 4, 10, 12; 36 – voir aussi Galonnier (2018).
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fièvre, après avoir été persécuté et dépossédé de son administration par deux prêtres qui s’étaient soulevés contre lui, cette réflexion d’un échanson présent au festin donné par l’un des deux prêtres : « Dum haec mecum tacitus voluerem, amotis omnibus remansi solus = Alors que je méditais cela en silence par devers moi, tout le monde s’étant éloigné, je demeurais seul »340, il citerait un fragment de la Consolation : « Haec dum mecum tacitus ipse reputarem = Alors que de mon côté je réfléchissais à cela en silence par devers moi » (I, I, 1)341. De surcroît, près d’un quart de siècle plus tard, le même Troncarelli repéra, dans une lettre de Grégoire le Grand (c. 540-604), écrivain et réformateur liturgique, élu pape en 590, adressée, en 593, au patrice d’Orient Priscus, quatre emprunts, selon lui directs mais muets, à cette même Consolation342. Il en ressort que Grégoire semble citer, parfois littéralement et parfois de manière approchée, celui qu’il a manqué de connaître de quelques décennies. s. VII. Ce relatif retentissement ne rend que plus difficile la réponse à la question de savoir pourquoi toute trace de la Consolation disparaît au VIIe siècle, à moins que l’on puisse faire fond du constat selon lequel certains des thèmes (plainte de l’homme, examen de conscience, consolation, espérance et personnification de la Raison notamment) abordés par le manuel de morale en deux livres, appelé Synonymes (Synonyma – entre 595 et 631), d’Isidore de Séville (c. 565-636), évêque wisigoth, baignent dans une atmosphère toute boécienne, à la fois pour la forme et pour les contenus343. En ce qui concerne l’érudit Julien de Tolède (c. 642690), archevêque de cette ville, à qui Courcelle attribue un Commentaire sur Nahum dans lequel sont cités les vers III, IX, 6-8, sa contribution paraît sans pertinence à cette époque, puisqu’il s’agit sans doute d’un ouvrage apocryphe que nous retrouverons bientôt, qui daterait du XIIe siècle, issu probablement de l’école de Saint-Victor344. s. VIII. Toujours est-il que cette éclipse quasi totale se maintint presque tout au long du VIIIe, car ce ne fut qu’à partir de sa dernière décennie qu’Alcuin d’York (c. 735-804), poète, grammairien et pédagogue, précepteur de Charlemagne, à travers plusieurs pièces (Prologue de sa Grammatica (c. 790-795) et diverses Lettres, écrites entre les Libri historiarum, II, 23. Voir Silvestre (1950, p. 437). 342 Voir Troncarelli (2014, p. 226). Le rapprochement porte sur la lettre III, 51 (= Hartmann, p. 207) avec Consolation, II, 5, 34 / V, 3, 24 / IV, 5, 4 / II, 4, 9. Cf. Reydellet (2008, p. 194-195). 343 Voir Elfassi (2009) et (2006), ainsi que Courcelle (1967, p. 33-47). 344 Voir De Gaiffier (1963, p. 115). Pour Courcelle, voir ibid., p. 178 et 182. 340 341
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années 792 et 804), tira ouvertement parti de la Consolation, en inaugurant pour ainsi dire l’interpretatio christiana de celle-ci345. s. IX. À la première ère carolingienne remonteraient également 1. un commentaire anonyme, dont on devine la teneur philosophique, transmis par le codex antiquissimus Vaticanus Latinus 3363346, volontairement rogné et gratté, donc rendu quasi inutilisable, 2. un état du texte glosé par un anonyme également, que véhicule le codex Orléans, Médiathèque, MS 270 (c. 825)347, et 3. le traité de Loup de Ferrières, dit Servat Loup, qui fut abbé de Ferrières et mourut vers 862, sur la métrique boécienne de la Consolation, à savoir Les genres des mètres dans le livre de Boèce (Genera metrorum in libro Boetii)348. Sensiblement à cette époque, Jonas d’Orléans (c. 760-c. 843), poète à la cour de Charlemagne, cita plus ou moins littéralement les quatre premiers vers du mètre d’ouverture349, quand l’évêque d’Autun, Modoin († c. 842), poète lui aussi à ses heures, écrivit, vraisemblablement inspiré par Boèce (v. 49 : « Ipse Severinus magna est deiectus ab urbe = Séverin lui-même a été tué loin de la grande ville350 »), si l’on s’en tient à la thématique d’ensemble, un Rescrit à Théodulfe (Rescriptum ad Theodolfum), poème de consolation de 132 vers adressé à cet autre évêque, celui d’Orléans († 820/821), alors emprisonné351. Mort vers 855, l’ecclésiastique Audrad le Petit vint grossir le nombre de ceux qui succombèrent aux vers initiaux de la Consolation352, et l’abbé de Corbie, Paschase Radbert († c. 865), identifia le vêtement usé et déchiré de la métaphore de Mt 9, 16, à celui porté par Philosophie (Consolation, I, 1, 3-17)353, presque à l’époque où, dans une lettre de 854, adressée à l’abbé Grimold de Saint-Gall, Ermenrich d’Ellwangen († 874), futur évêque de Passau, se réjouit de ce que son correspondant se soit paré, au figuré sans doute, du même vêtement de Philosophie, septuplement échelonné (Consolation, I, 1, 14)354. En quasi contemporanéité, Gonthier de Cologne († 873), archevêque de la ville, n’eut aucun besoin d’identifier sa source lorsqu’il écrivit un poème dans lequel le p ersonnage Voir Courcelle (1967, p. 33-47). Voir les quelques mots que lui consacre Courcelle (1967, p. 269-270). 347 Voir Rand (1939, p. 37-41), pour une description surtout codicologique, et Daly (1950). 348 Voir Peiper (1871, p. XXIIII-XXXVIII) et Floris (2017). 349 D’après Courcelle (1967, p. 30). 350 Il s’agirait vraisemblablement de Rome. 351 Voir Dümmler (1881, p. 569-573). 352 D’après Courcelle (1967, p. 30). 353 Voir Courcelle (1967, p. 49). 354 Voir Id. (ibid.). 345 346
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de Sophia, dont la taille relie la terre au ciel, se présente à lui et revendique son savoir gréco-latin355. À deux moines d’origine irlandaise de cette période nous devons d’une part le Livre sur les manières chrétiennes de gouverner (Liber de rectoribus christianis) du poète grammairien et exégète Sedulius Scottus († c. 875), un prosimètre qui traite de théorie politique à l’usage, croit-on, de l’empereur Charles le Chauve († 877), dans lequel le rédacteur ne manque pas, exploitant à l’évidence la veine boécienne, de dénoncer l’instabilité foncière de la Fortune, en s’aidant notamment de l’image d’une roue qui tourne356, de l’autre le Periphyseon du clerc philosophe Jean Scot Érigène († 876), qui n’est pas, lui non plus, sans avoir subi l’influence de la Consolation, en particulier par le truchement des thématiques du bien, de la participation et du mal357. Quelque temps plus tard, le juriste Hincmar de Reims († 882), archevêque de la ville (845), dans son De la prédestination de Dieu et du libre arbitre (De praedestinatione dei et libero arbitrio – 859-860), un titre aux thèmes déjà très boéciens, cite deux vers du troisième livre (III, VIII, 1-2), et dans son Des vices dont on doit se garder et des vertus que l’on doit cultiver (De cavendis vitiis et virtutibus exercendis – c. entre 860 et 875), adressé également à Charles le Chauve, il reproduit dix vers du même livre (III, V, 1-10)358. C’est également en ces années que le moine Asser ou Asserius Menevensis (de Ménévie, au Pays de Galles) – † c. 909), évêque de Sherborne (Dorset), aurait d’une part composé un commentaire sur la Consolation359, de l’autre assisté Alfred le Grand († 899), roi du Wessex notamment, lorsque celui-ci décida de permettre à la frange lettrée de ses sujets d’accéder au traité de Boèce en prenant la direction d’une paraphrase anglo-saxonne360. En 884, Uurmonoc, élève de l’abbé Uurdisten de Landévennec (Finistère), confectionna une Vie de Paul (ou Pol) Aurélien (Vita Pauli) – un saint de la tradition hagiographique, né, comme Boèce, vers 480 –, dans laquelle les vers initiaux du poème III, IX sont exploités361. Puis ce fut le commentaire dit du Vaticanus latinus 3363, volontairement gratté par endroit, sans doute pour en supprimer des vues marquées d’hérésie au sentiment du gratteur362, juste Voir Courcelle (1967, p. 49). Voir Dyson (2010) et Pettiau (2018). 357 Voir Ballón Villanueva (2019). 358 Voir, respectivement, PL, CXXV, col. 276B, et Nachtmann (1998, p. 172, 8-13). 359 D’après Guillaume de Malmesbury, Gesta Pontificum Anglorum, II, 80 (= Winterbottom, I, p. 279). 360 Voir Sedgefield (1899). 361 Voir Kerlouégan (1987). 362 Voir Courcelle (1967, p. 269-270). 355 356
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avant que Rémi d’Auxerre († c. 908), moine bénédictin, théologien et exégète, ne commentât la totalité de la Consolation dans une optique également et franchement chrétienne, puisque entre autres la ratio perpetua de Consolation, III, IX, 1 y est assimilée au Verbe de Dieu363. À l’extrêmité basse du siècle, le dénommé poète Saxo (Poeta Saxo), responsable d’Annales de gestis Caroli magni imperatoris libri quinque (Annales des hauts-faits de l’Empereur Charlemagne en cinq livres – c. 888-891) s’aide des premiers vers de la Consolation pour aborder la mort (814) du souverain364. s. X. À l’orée du Xe s., peu retentissant, à ce que nous savons, des échos de l’opus boécien, on ne repère guère que le bénédictin Bovon II († 916), abbé de Corvey (Allemagne)365, qui focalisa son commentaire sur le mètre III, IX (Bovonis Corbeiensis reverendissimi abbatis, in lib. III met. IX Boethii Consolationis philosophiae commentarius = Commentaire sur le livre III, mètre IX de la Consolation de Philosophie de Boèce de Bovon, révérendissime abbé de Corvey)366, quelquefois critique à l’égard de la déchristianisation des contenus comparativement à ceux des Opuscules sacrés. Approximativement dans le même éventail temporel se placent un autre commentaire anonyme, qui restreignit de nouveau la Consolation à son mètre III, IX en en soumettant une analyse, qui ne nous est toutefois point parvenue dans son intégralité 367, véhiculée par le codex antiquissimus Einsiedeln 302 (s. IX-X), ainsi que le moine poète Waldram de Saint-Gall († c. 926), qui, dans un poème de consolation, rapporta à son tour et sans doute de mémoire les quatre premiers vers du mètre d’entame368. Si l’on opte à présent pour la conjecture étayée de Godden369, il faudrait faire une place à saint Dunstan de Glastonbury (910-988), évêque de Cantorbéry en 959, auquel devrait revenir la traduction anglo-saxonne mise sous la responsabilité d’Alfred, alors possiblement réalisée vers 950. Sans plus d’indication chronologique que l’époque des témoins manuscrits, un autre 363 Voir Stewart (1916), p. 22-42, Courcelle (1967, p. 241-274) et Bolton (1978, p. 35-49). La tradition manuscrite de ce commentaire toujours inédit, et par suite la paternité rémigienne, restent cependant fort embrouillées – voir Jeudy (1991). 364 Voir Courcelle (1967, p. 30). 365 Abbaye toute proche de Höxter, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. 366 Voir Huygens (1954, p. 383-398). Il n’est pas totalement exclu que le commentaire de Bovon date de l’extrême fin du IXe s. Le toponyme Corbeiensis s’applique à la fois à Corbie et à Corvey, attendu que l’abbaye de Corvey (fondée vers 822), est une abbayefille de celle de Corbie (fondée vers 659), Corvey étant la variante germanisée de Corbie. 367 Voir Huygens (1954, p. 400-404). 368 Voir Courcelle (1967, p. 29), qui situe l’auteur au IXe siècle. 369 Voir Godden (2006, p. 6-7).
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Anonyme mit au point un commentaire explicitement christianisant370, transmis par deux primo-témoins remontant au dixième siècle : l’Einsiedeln 179 (complet) et le Sangallensis 845 (tronqué de sa fin, arrachée)371, période où Hrotsvita de Gandersheim (c. 933-entre 973 et 1002), chanoinesse de l’abbaye du même nom versée dans la poésie, adopta l’expression « studio florente » du premier vers de la Consolation, et où le Bénédictin, pareillement auteur de pièces versifiées, Fromund de Tegernsee (c. 960-c. 1010) reprit, comme bien d’autres, les quatre vers inauguraux du prosimètre372. s. XI. Autour de l’an 1000, le moine bénédictin Notker III de SaintGall, dit Labeo (« le Lippu » – † 1022) rendit l’ensemble de l’ouvrage accessible à ses compatriotes instruits en le traduisant en alémanique ou vieux-haut-allemand373, tandis que son contemporain Adalbold d’Utrecht († c. 1027), qui fut évêque de cette ville, imita Bovon en commentant le même mètre que lui, tout en étant éxégétiquement redevable à Rémi d’Auxerre374. De la première moitié de ce siècle datent également deux lettres, chacune adressée par un clerc, à Azecho, évêque de Worms de 1025 à 1044, année de sa mort, qui exploitèrent tout ce que la Consolation véhicule d’enseignement sur Platon375. Quelques décennies après, l’abbé Jean de Fécamp (c. 990-1078)376, attesta, dans son Livret sur les écrits et les paroles des Pères (Libellus de scripturis et verbis patrum), rédigé entre 1030 et 1050, qu’il considérait le mètre III, IX comme une prière chrétienne à part entière377, et le moine bénédictin Anselme de Cantorbéry († 1109), ville dont il fut consacré évêque en 1093, trouva dans le même livre III (III, 10, 7-10) et la formule : nihil deo melius excogitari queat, id quo melius nihil est bonum esse les éléments constitutifs de l’argumentum de son Proslogion (1078), à la fois pour sa définition (aliquid quo nihil maius/melius cogitari potest = « quelque chose tel que rien de plus grand/meilleur ne puisse être pensé ») et pour la déduction qui fait suite378. Plus tard probablement, une biographie de 700 vers en dialecte haut-provençal (s. XI exit.), Poëme sur Boece, dont Voir Roti (1979). Piper (1882) date le second du neuvième siècle, mais Naumann (1913, p. IX), et beaucoup d’autres après lui, dont Courcelle (1967, p. 404), du dixième. 372 D’après Courcelle (1967, p. 29). 373 Voir Tax (1986), Schröbler (1953) et Hehle (2002). 374 Voir Huygens (1954, p. 409-426). 375 Voir Courcelle (1967, p. 65). 376 Notons que Courcelle (1967, p. 183) situe Jean de Fécamp au XIIe s. 377 Voir Libellus, V, col. 460B. 378 Voir Proslogion, II (= Schmitt I, p. 101-102). 370 371
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il ne nous reste que 257 vers (+ 1 amputé de sa fin) en rimes masculines, mit à profit les premières pages de sa Consolation379. s. XII. Le siècle suivant a été dénommé Boethiana aetas, en raison de la réorientation qui présida entre autres à l’accueil et à l’interprétation de la Consolation, la redécouverte de Platon ayant permis que dans l’exégèse la dimension rationnelle le dispute à la dimension religieuse380. Ce fut aussi le moment où s’opéra la sanctification de Boèce, sans doute au prix, nous en avons eu un aperçu, d’une confusion onomastique entre plusieurs Séverins381. Le début de ce siècle, donc appartenant peut-être encore à la mentalité du précédent, virent le poète Baudri de Bourgueil († 1120), qui déclara trouver son inspiration dans la boisson, s’épancher sur divers thèmes (amitié, fortune, destin, souffrance humaine et introspection) où retentissent des accents et un vocabulaire marqués du sceau boécien382, et le chroniqueur Ekkehard (ou Eckhard – † c. 1128), abbé du monastère d’Aura, non loin de Kissingen (Bavière), rédiger en cinq livres une Consolation ou lanterne des moines (Consolatio sive laterna monachorum), possiblement inspirée par Boèce, car aujourd’hui perdue383. Plusieurs auteurs se montrèrent également sensibles au chant III, IX, tel l’inattendu chroniqueur Cosmas de Prague, qui mourut en 1125 : il y recourt de manière très ponctuelle, en reprenant l’unique vers 1 (« Ô toi qui gouvernes le monde avec l’éternelle raison ») pour marquer la célébration d’une paix conclue sans trop verser de sang, comme une simple expression de soulagement384. Quant à Hildebert de Lavardin, évêque du Mans († 1133), il tint à signaler, par les seuls titre et thème de son Livre de la lamentation et du conflit de la chair et de l’esprit ou de l’âme (Liber de querimonia et conflictu carnis et spiritus seu animae – c. 1100), un dialogue prosimétrique entre le narrateur (l’auteur) et l’Âme –, qu’il était un lecteur admiratif de Boèce385. Ce fut avec l’infortuné philosophe et théologien chrétien Abélard (1079-1142) que commença vraiment l’« Âge boécien » évoqué plus haut, lequel, dans sa Theologia Scholarium
379 Elle a bénéficié de nombreuses éditions, dont celles de Raynouard (1817) et de Schwarze (1963). Voir aussi Brunel-Lobrichon (2009). 380 Voir Troncarelli (1987). 381 Voir Galonnier (2009). 382 Voir Brouwer (2019). 383 D’après Johannes Trithemius (1462-1516), dans son Catalogus (n° 1494, f. 57v. exit.). Divers historiens, comme Wattenbach (1877), ne signalent cependant pas cet écrit dans la production d’Ekkehard. 384 Voir Courcelle (1967, p. 178) – il s’agit du t. 2 des MGHSRGNS. 385 Voir Orth (2000) et Goddard (2011, p. 192-198).
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et sa Theologia Christiana386, manifesta une sensibilité autant au Néoplatonisme de l’écrit boécien qu’à son interpretatio christiana, moins cependant, quant au second aspect, que le chroniqueur bénédictin Hermann de Tournai († 1147), qui importa les vers III, IX, 1-8 en son De l’incarnation de Jésus Christ notre Seigneur (De incarnatione Jesus Christi domini nostri), comme s’il citait un Père de l’Église387. Dans un autre registre, on doit au polymathe Adélard de Bath († 1152) un traité intitulé Du même et du différent (De eodem et diverso – c. 1115), une conversation à trois entre le narrateur (lui-même), Philocosmie et Philosophie, d’où il ressort que toute la première partie a subi l’influence de la Consolation388. Vraisemblablement un peu plus tard, Guillaume de Conches († c. 1150), grammairien, théologien et philosophe, inaugurant l’exégèse chartraine de la Consolation, commenta l’ouvrage, en adoptant une analyse marquée par celles de Rémi et d’Adalbold389, et ce antérieurement à 1141, année au cours de laquelle un Anonyme, rédacteur des Tables de Marseille, se référa au commentaire conchien390. Le philosophe et théologien mystique Hugues de Saint-Victor († 1141) se serait à son tour, selon l’érudit bibliophile Amplonius Rating de Berka († 1435)391, fait l’exégète de la Consolation. À la même école victorine, comme nous l’avons laissé entendre précédemment, serait à rattacher l’anonyme Commentaire sur Nahum, qui reproduisit trois vers du début du chant « O qui perpetua… ». Ce fut sensiblement à ce moment-là que Conrad de Hirschau (c. 1070-c. 1150), moine bénédictin à l’origine, vers 1130, d’un Dialogus super auctores (Dialogue sur les auteurs – ceux du canon scolaire), répondant à son disciple qui s’étonnait que le Boèce consolateur n’en réfère jamais à l’autorité scripturaire, lui expliqua qu’en se maintenant au seul plan rationnel il pouvait atteindre aussi les incroyants392. C’est à peine si l’on demandera ensuite où Lawrence de Durham († 1154), poète et hagiographe anglais, puisa son inspiration dans sa Consolation pour un ami mort (Consolatio de morte amici), un prosimètre qui plus est rédigé pour la disparition d’un certain Paganus393, peut-être au Voir Courcelle (1967, p. 178-179). Voir De incarnatione, II, dans PL, CLXXX, col. 9-38 – ici 12D-13A, et Courcelle (1967, p. 178). 388 Voir Burnett (1998, p. 2-73), Courcelle (1973), Goddard (2011, p. 198-208) et Lejbowicz et Alii (2016). 389 Voir Nauta (1999b). 390 Voir Courcelle (1967, p. 314-315). 391 Voir Schum (1887, p. 289, 4). 392 Voir Courcelle (1967, p. 343). 393 Voir Kindermann (1969) et Goddard (2011, p. 208-211). 386 387
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moment où son contemporain Otto de Freising († 1158), évêque et chroniqueur allemand, dans ses Gestes de l’empereur Frédéric (Gesta Friderici Imperatoris), procéda à quelques prélèvements dans le recueil boécien394. Plus impliqué fut le moine Bernard Silvestre († c. 1160), qui, environ douze ans avant sa mort, s’appliqua à rédiger sa Cosmographie (c. 1148), un prosimètre narratif composé très majoritairement de distiques élégiaques, où sont imbriquées tradition païenne et tradition chrétienne, à l’œuvre pour décrire l’organisation et l’ornement du monde par Dieu, d’abord l’univers (Megacosmus), ensuite l’homme (Microcosmus), et où l’auteur puisa dans la Consolation informations doctrinales et pratique littéraire395. De manière non moins attendue mais dans un tout autre registre, le Traité d’édification spirituelle (Tractatus de spirituali aedificio), amputé de sa fin, en sept livres du Cistercien Odon de Morimond (c. 1116-1161), un prosimètre animé par plusieurs échanges à deux interlocuteurs et l’usage de la prosopopée, reproduisit de multiples et importants passages de la Consolation, notamment au cours du septième livre396. Quoique avec bien moins d’ampleur, le versificateur anonyme, qui se désigna lui-même comme « le poète des poètes » (vates vatum) et fut donc surnommé l’Archipoète (Archipoeta – c. 1130-c. 1165), reprit, à son tour alcooliquement exalté, dans l’un des dix poèmes qu’on lui attribue, quelques-unes des recommandations morales délivrées par Philosophie397. Dans un autre registre, Nicolas de Clairvaux († 1176), secrétaire de Bernard, se montra sensible par deux fois, en citant un fragment de Consolation, I, 1, 11, à l’expulsion des « Sirènes » de la poésie398. Peu après, Jean de Salisbury († 1180), autre Chartrain, vanta l’écrit boécien dans son Policraticus (VII, XV, 2) de 1156399, à l’occasion d’un chapitre sur Épicure, qualifiant Boèce d’auteur profond (profundus), brillant (conspicuus), d’orateur véhément (orator vehemens), efficace (efficax) et persuasif (suadens), mais restant étranger au Verbe incarné et ne s’adressant qu’à la raison, puis Dominique Gundisalvi (ou Gundisalvus400 – † c. 1192), archevêque de Ségovie, philosophe et traducteur arabo-latin, montra, en son De l’unité et de l’un (De unitate et uno), sorte 394 Voir Courcelle (1967, p. 180). Il s’agit de Frédéric Iᵉʳ de Hohenstaufen (dit Barberousse), empereur du Saint-Empire romain germanique de 1152 à 1190. 395 Voir Dronke (1978) et Goddard (2011, p. 144-181). 396 Voir Riamond (2001, chapitre premier). 397 Voir Brouwer, dans Conte (2019, p. 366-367). 398 D’après Courcelle (1967, p. 54). 399 Voir Keats-Rohan (1993, p. 155). 400 Adeline Rucquoi, en 1999, a émis l’hypothèse qu’il s’agirait de deux personnages différents.
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d’organigramme du savoir, d’ailleurs un temps attribué à Boèce, qu’il a été soumis à l’attraction de ce dernier à travers la prose 11 du livre III de la Consolation, et dans son De la procession du monde (De processione mundi) à travers la prose 4 du livre V401. Nous ne changerons guère d’éventail temporel en signalant le clerc Wernher von Elmendorf, auteur, vers 1170, d’un poème didactique, qui ne nous est parvenu que fragmentairement et pour cela sans titre, composé à l’intention de ceux qui souhaitaient adopter le protocole d’honorabilité en vigueur dans la noblesse de l’époque, à l’intérieur duquel il importe deux fragments du livre II de la Consolation402. Ce fut à la même période que le frère Isaac de l’Étoile († 1178), abbaye cistercienne située près de Poitiers, vint grossir l’interminable liste de ceux qui se sont inspirés du mètre III, IX, en l’occurrence au début de son sermon XXIII, où il rapporte prudemment quelques mots des vers 7-8 d’un « illustre philosophe », et que Matthieu de Vendôme (fl. 1150-1200), abbé de Saint-Denis, au cœur de son Art versificatoire (Ars versificatoria – c. 1175), reproduit, en pleine extase onirique, trois expressions de Consolation, I, 1, 3 servant à dépeindre la tenue vestimentaire de Philosophie, pour décrire l’aspect de sa Philosophie à lui (II, 5)403. La seconde moitié du douzième siècle vit encore paraître le Roman de Fortune du poète et littérateur Simund de Freine, une version en vieille langue d’Oil sous la forme de 1658 vers heptasyllabiques404, et deux écrits dus à Alain de Lille († 1202), théologien et poète cistercien, qui ne sont pas sans mettre l’un et l’autre à contribution la Consolation : l’un sur la dégradation de la nature, avec le prosimètre De la plainte de la nature (De planctu naturae – c. 1160-1170)405, l’autre sur la création par Nature précisément, assistée des Vertus, de l’Homme parfait – tout à l’opposé du haut fonctionnaire à la réputation exécrable Flavius Rufin († 395) –, avec le poème épique à caractère encyclopédique de 4351 vers, précédé d’un très bref prosimètre, appelé L’Anticlaudien à propos du Contre Rufin (Anticlaudianus de Antirufino – c. 11821183), lequel se veut une réplique au Contre Rufin (In Rufinum) de Claudien406. Nous possédons par ailleurs quatre autres commentaires anonymes de la même époque, désignés de nos jours par la référence des Voir Soto-Bruna (2015) et (2019). Voir Hehle (2012, p. 266-268). 403 Voir Faral (1924, p. 152). 404 Voir Matzke (1909). 405 Voir Häring (1978) et Goddard (2011, p. 182-191). 406 Voir Bossuat (1955). Il semblerait qu’Alain de Lille ait superposé le poète Claudien (c. 370-c. 404) et le philosophe et théologien Claudien Mamert (c. 420-c. 473). 401 402
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manuscrits qui les contiennent407 : ceux des Reginenses 72 et 244408, de l’Erfurtensis Q 5409, du Monacensis 14689 et du Vaticanus latinus 619410. L’École de médecine de Salerne ne resta pas non plus insensible aux efforts déployés par Boèce dans sa Consolation, puisque l’un de ses maîtres les plus connus, Maurus († 1214), parvint à placer, comme le fit avant lui Barthélemy de Salerne (c. 1110-c. 1180), un vers de celle-ci (III, IX, 3) dans son Commentaire sur l’« Isagoge Iohannitii », à propos des trois branches de la scientia theorica411. Vers 1185, le Clunisien Jean de Hauville (ou Hauteville – † entre 1199 et 1216), près de Rouen, mit au point son Architrenius, épopée versifiée de 4361 hexamètres narrant la quête de Mère-Nature par Architrenius (« le grand lamentateur »), qui désire la consulter afin qu’elle l’aide à se consoler des misères du monde et des siennes propres, laisse pressentir, parmi beaucoup d’autres livres, l’incidence de la Consolation412. Par après, deux Cisterciens, Thomas de Perseigne (abbaye disparue, non loin d’Alençon – † c. 1190), en son Commentaire du « Cantiques des Cantiques »413, et l’historien des Croisades, Gonthier (ou Günther) de Pairis (en Alsace – † c. 1220)414, en son De la prière, du jeûne et de l’aumône (De oratione, ieiunio et eleemosyna), jugèrent Boèce et sa Consolation compatibles avec leur sensibilité mystique415. Dans l’intervalle, le Toscan Henri de Settimello (Henricus Septimellensis ou encore Arrigo Da Settimello) composa, en c. 1193, un De la diversité de la fortune et de la consolation de la philosophie (De diversitate fortunae et philosophiae consolatione), poème en 500 distiques élégiaques et quatre livres. Dans les troisième et quatrième, il tente de se consoler de ses infortunes exposées aux livres précédents, avec la Philosophie. Enfin, Garnier de Rochefort, évêque de Langres († c. 1225), engagea, en son Sermon XII, un fragment de l’inépuisable chant III, IX dans une théorie reposant sur des correspondances physico-théologiques416. Voir leur présentation chez Courcelle (1967, p. 303-306). Éd partielle chez Wilmart (1933, p. 259-262). 409 Éd., sous le nom de Jean Scot Érigène, par Silk (1935, p. 306-343). 410 Voir Jeauneau (1959). 411 Voir Palmieri, dans Conte (2019, p. 120). L’Isagoge Iohannitii est la version abrégée et latinisée due à Constantin l’Africain (1020-1087) des Questions sur la médecine de Ḥunayn ibn Isḥāq (s. IX p. Ch.). 412 Voir Schmidt (1974). 413 Voir Émery de Taizé (2011). 414 Voir Babbi (2010). Sur l’auteur, voir Pannenborg (1873). 415 Voir Courcelle (1967, p. 280). L’ouvrage le plus connu de Gonthier de Pairis, l’Historia Constantinopolitana, est un prosimètre. 416 Voir Courcelle (1967, p. 183) et Häring (1968). 407 408
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s. XIII. Au début du XIIIe siècle, on recense 1. une version bourguignone anonyme, en prose seulement (Del confortement de Philosofie)417, 2. un commentaire platonisant dû à un autre Anonyme, celui dit d’Erfurt (ms Erfurt, Universitäts- und Forschungsbibliothek Erfurt/Gotha, CA 4° 5, f. lv-82v – s. XIII init.)418, et 3. de Thomasîn de Zerclaere, poète lyrique natif du Frioul († c. 1235), un poème épique en allemand, en un prologue et dix livres, L’hôte italien (Der wälsche Gast – c. 1215), réflexion sur les vertus et les vices, au long de laquelle l’auteur exploite amplement la Consolation, en particulier quant à la doctrine des biens419. Un principe du prosimètre boécien : « superior uis amplectitur inferiorem, inferior uero ad superiorem nullo modo consurgit = la capacité (vis) de compréhension supérieure englobe l’inférieure, tandis que l’inférieure ne s’élève en aucune manière jusqu’à la supérieure » (V, 4, 31) a par ailleurs nourri plusieurs réflexions420, dont celle du maître en théologie Adam de Belle-Femme (Pulchrae Mulieris ou de Puteorum Villa) dans son Mémorial des choses difficiles (Memoriale rerum difficilium – c. 1225-1230), qui en transforma cependant quelque peu l’énoncé : « Quidquid… potest uirtus inferior et minus abstracta, potest uirtus superior, sed in modo est differentia, sicut in IV. De consolatione dicitur = tout ce que peut une vertu inférieure et moins abstraite (de la matière), une vertu supérieure le peut, mais la différence est dans la manière, comme il est dit au chapitre 4 (du livre V) du De la Consolation » (XXXVIII, 2-3)421. Durant cette première moitié du même siècle, l’enseignement universitaire à la Faculté des arts fit, lui aussi, une place plus ou moins importante au traité boécien dans le domaine central de la philosophie morale422, comme on peut s’en rendre compte par le biais de plusieurs écrits didascaliques (introductions à la philosophie, recueils de questions, guides pour l’étudiant) qui encourageaient à sa lecture, tels les Compendia (Abrégés) de maîtres anonymes : Accessus philosophorum VII artium liberalium (c. 1230), Nos gravamen (c. 1230-1240 – analyse du Timée couplée à partir de Platon et de Boèce), et Primo queritur utrum
Voir l’édition de Bolton-Hall (1989). Voir Courcelle (1967, p. 304) et Caiazzo (2011). 419 Voir Hehle (2012, p. 268-272). 420 Voir Gauthier (1983, p. 216). 421 De intelligentiis, XXXVIII, 2-3 (= Baeumker, p. 46-47). Le Mémorial a été édité par Cl. Baeumker en étant attribué à Witelo, un moine philosophe de Silésie (1230-1275), sous le titre De intelligentiis. 422 Les deux autres étant, dans l’organisation des savoirs (divisio scientiae ou scientiarum), celui de la philosophie naturelle (métaphysique et quadrivium) et celui de la philosophie rationnelle (trivium). 417 418
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philosophia (c. 1250)423. C’est encore autour de cette année pivot qu’Arnoul de Provence, dans le même contexte pédagogique, soumit sa Divisio scientiarum, à l’occasion de laquelle il cita, pour illustrer le statut de l’âme dans le corps, un vers de la Consolation (V, III, 20)424, et probablement que Hugo de Trimberg (c. 1233-c. 1315), recteur de la fondation religieuse de Saint-Gangolf de Bamberg, en son Registre d’auteurs multiples (Registrum multorum auctorum), ensemble de 100 notices bio-bibliographiques versifiées sur des écrivains latins, s’inspira, dans celle consacrée à Boèce, du premier chant de son prosimètre425. Presque au même moment, en son traité Du destin (De fato) de 1256-1257, le théologien et philosophe dominicain Albert le Grand (c. 1200-1280) mit à profit, aux articles I et II, le cinquième livre de la Consolation426. À peu près au même moment, le compilateur encyclopédiste et frère prêcheur Vincent de Beauvais (c. 11901264), pour constituer les trois Specula qui composent son Speculum majus, établis entre 1230 et 1260 : le Naturale, le Doctrinale et l’Historiale427, effectua de très nombreux prélèvements dans les textes de la Consolation, qu’il ne considéra à aucun moment comme un ouvrage chrétien, le caractérisant ainsi par deux fois : « [Boèce] écrivit un livre sur la Consolation de Philosophie, montrant que la gloire, la dignité et tous les autres biens terrestres ne sont pas les véritables biens, mais qu’ils ne sont rien et n’ont dès lors pas à être désirés par quiconque, et qu’il ne faut ni souffrir de leur perte ni se réjouir de les avoir obtenus » (Speculum historiale, XXI, 15 et Speculum doctrinale, XVII, 56)428. Ce fut en ces temps que se situa la compilation poétique (entre 1230 et 1250), dont les pièces sont d’époques diverses (s. XI-XIII) et souvent anonymes, des Carmina Burana, où certains contributeurs, en bonne proportion des goliards, auxquels appartint l’Archipoète, ne se privèrent pas de puiser leur inspiration dans les idées mises à disposition par la Consolation429. Signalons d’autre part qu’un Commentaire sur le livre de Boèce touchant le Consolé philosophique (Commentum super librum Böetii de Consolatu Philosophico)430 – Voir Lafleur(–Carrier), respectivement, 1988, 1992 et 1997, et Jeauneau (1997). Voir Lafleur (1988, p. 302). 425 D’après Courcelle (1967, p. 30). 426 Voir Simon (1975). 427 Voir le tableau dressé par Draelants (2011, p. 432-437). 428 Traduction Draelants (2011, p. 409). 429 Voir Brouwer, dans Conte (2019, p. 358-363). 430 Voir l’édition de Parma. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Livre de la consolation et du conseil (Liber consolationis et consilii – c. 1246) du juriste et philosophe Albertano da Brescia (* c. 1190), qui est centré sur le thème du pardon, et dont le succès fut quasi immédiat et durable (Renaut de Louhans l’adaptera sous le titre de Livre de Mélibée et Dame Prudence), n’a rien à voir avec Boèce. 423 424
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a ttribué un temps au Dominicain Thomas d’Aquin († 1274), élève d’Albert, mais considéré aujourd’hui par beaucoup comme apocryphe car relevant d’un rédacteur plus tardif, soit William Wheatley (fl. 1309-1316), un diacre d’York, soit Thomas Waleys († c. 1350), autre théologien dominicain, soit encore Marquard l’Écossais, vers 1350431 –, n’a pas, selon nous, tout à fait perdu son qualificatif de « thomasien »432. Quoi qu’il en soit, la connaissance de la Consolation par l’Aquinate ne s’apprécie point à ce seul Commentaire, puisque son Écrit sur le Livre des Sentences (Scriptum super Sententiis – 1254-1256) est constellé de prélèvements faits sur la Consolation. Il illustra de la sorte la grande tradition des commentaires sur les 4 livres de Sentences, entreprises en 1150 et achevées en 1158, du théologien et évêque de Paris Pierre Lombard (1096-1160), sorte de recueil d’énoncés autorisés en matière de théologie, regroupant les doctrines des Pères et des Maîtres, dont l’exégèse était devenue l’exercice obligé pour obtenir une chaire de théologien. Ainsi, ne serait-ce qu’au livre I, nous voyons Thomas incorporer successivement : la définition de la béatitude (Consolation, III, 2, 3 – lib. 1 d. 1 q. 2 a. 1 arg. [97]), le principe selon lequel toute connaissance dépend de celui qui connaît (Consolation, V, 4, 25 – lib. 1 d. 3 q. 1 a. 1 ad s. c. 3), et la définition de l’éternité (Consolation, V, 6, 4 – lib. 1 d. 8 q. 2 a. 1 arg. 1). Semblablement, la Somme théologique, dans sa prima pars, est le théâtre de plusieurs emprunts : ceux de la définition de l’éternité (Consolation, V, 6, 4 – Iª q. 10 a. 1 arg. 1), des quatre puissances cognitives : sens, imagination, raison, intelligence (Consolation, V, 4, 27 – Iª q. 79 a. 10 arg. 2), et de l’idée d’un Dieu portant le monde dans son esprit et le formant selon une image qui lui est semblable (Consolation, III, IX, 7-8 – Iª q. 93 a. 2 arg. 4). De surcroît, l’exact contemporain de Thomas, le théologien et philosophe franciscain Bonaventure de Bagnoregio († 1274), laissa apparaître en de multiples occasions sa sensibilité à quelques-unes des idées que Boèce développa en son travail consolatoire433. On retiendra, dans le Commentaire sur l’Ecclésiaste, à propos du verset 7, 8, l’évocation de l’ordre qui régit l’ensemble des choses (Consolation, IV, 6, 53 – V, ter., qu. IV, cont., resp. 1), dans le Commentaire sur l’Évangile de Luc, à propos du verset 22, le constat selon lequel dans tout revers de Fortune, le pire du malheur est d’avoir été heureux (Consolation, II, 4, 2 – XIV, 54), et dans le premier des Sermons du Temps, le rappel de
Voir Courcelle (1967, p. 322-323). Voir Galonnier (2023). 433 Voir León Sanz (2019). 431 432
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la définition de l’éternité (Consolation, V, 6, 4)434. Quant au maître ès arts de l’université de Paris, Aubry de Reims, il participa à son tour au genre des didascalies avec sa propre Philosophia, aux environs de 1263, dans laquelle il fit allusion à une rota volubilis, reprise en droite ligne et muettement de la Consolation (II, 2, 9)435, tandis que son collègue et contemporain, Hervé le Breton, pour rédiger sa contribution, entre 1260 et 1277, recourut au traité boécien nominativement et sans compter, de nouveau dans le cadre d’un enseignement de philosophie morale436. Échappant à une situation chronologique précise, l’ouvrage collectif Summa universae theologicae, dite Summa fratris Alexandri (Halensis)437 glosa à son tour la définition de l’éternité de Consolation, V, 6, 4 par le truchement d’une définition de la nature divine : « dicitur divina natura tota in omnibus locis et temporibus et ubique et semper, quia perfecta et completa = on dit la nature divine toute en tous les lieux et temps, partout et toujours, parce qu’elle est parfaite et complète »438. Nous répertorierons ensuite Guy d’Arezzo († 1294), moine bénédictin et pédagogue musicographe italien, avec sa lettre-traité écrite à son ami Monte Andrea, à la fois poète et banquier, pour apaiser sa peine après avoir connu des déboires d’ordre financier, bien qu’il n’ait procédé qu’à 4 citations de Boèce sur 160, tandis qu’il en fit 30 de Sénèque et 20 d’Aristote439, et le philosophe Brunetto Latini (c. 1220-1294), qui cite et utilise plusieurs fois la Consolation dans son Trésor (Tresor) et en traduit, sans l’identifier, un fragment de I, 4 dans sa Rhétorique (Rettorica)440. Comme Adam de Belle-Femme un peu plus tôt, le philosophe Siger de Brabant (c. 1235-c. 1283) s’intéressa, en ses Questions sur le troisième (traité) de l’âme (d’Aristote) (Quaestiones in tertium de anima – 1269-1270), au même principe boécien : « Boetius in De consolatione dicit : Quicquid potest inferior uirtus, potest et superior = Boèce dit dans le De la Consolation : tout ce que peut une vertu inférieure, une supérieure le peut aussi »441. D’autre part, on ne sera guère surpris d’apprendre que l’œuvre profus du savant et philosophe polémiste franciscain Roger Bacon (1214-1294), n’ignora point Boèce, qu’il tint pour le plus 434 Voir, respectivement, dans l’édition de Quaracchi : t. VI, p. 45B / t. VII, p. 422A / t. IX, 92B. 435 Voir Gauthier (1984, p. 34). 436 Voir Lafleur–Carrier (1995, par ex. p. 368-370). 437 On cite, comme ayant participé à sa rédaction, Alexandre de Halès († 1245), Jean de la Rochelle († 1245), saint Bonaventure et Eudes Rigaud († 1275). 438 Summa universis theologicae, I, § 71, resp. ad arg. 2 (= I, p. 111). 439 Voir Le Lay (2010). 440 Voir Maggini (1968, p. 177). 441 Voir Bazán (1972, p. 64-65).
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grand traducteur, et sa Consolation. À titre d’exemple, en son Opus tertium de 1270, au chapitre LI, il enrôla dans son argumentation un vers du livre III (IX, 2) érigé en principe : tempus ab aevo (procedit)442, mais en réalité repris de Platon (Timée, 37d-e). Durant cette même fin de siècle, une nouvelle version française anonyme en prose fit son apparition (Boesces de Consolation)443 et, d’un certain Bonaventure de Demena, totalement inconnu par ailleurs, à la fois une traduction en vénitien, perdue, et une autre, dans un dialecte franco-italien (Boeces de la Consolation de la phylosophye)444. Rien d’étonnant enfin à ce qu’entre les dernières décennies de ce siècle et les premières du suivant, plusieurs ouvrages d’un disciple de Brunetto Latini, le penseur et poète florentin Dante Alighieri (1265-1321), bruissèrent d’allusions textuelles à la Consolation – comme la Vie nouvelle (Vita nuova – entre 1294 et 1295) et Le Banquet (Il Convivio – c. 1305), deux prosimètres –, écrit du « martyr » que la Divine Comédie (Commedia – entre 1303 et 1321) fait figurer au Paradis445 sans y être nommé, entre Paul Orose et Isidore : là jouit de la vision du Bien premier l’âme sainte de celui dont le corps a été déposé dans l’église du Ciel d’Or (chant X, v. 124-129). s. XIV. Ce fut au commencement du XIVe s., âge dit du renouveau de la Consolation de Boèce, que le polymathe Henri Bate de Malines († 1310) acheva sa somme philosophique : Le miroir des choses divines et de quelques autres naturelles (Speculum divinorum quorundam naturalium), où le Boèce consolateur intervient comme autorité non négligeable, entre autres à propos du syncrétisme platonico-aristotélicien et des questions sur le bonheur, la prescience divine et l’intellect446. Dans le même temps, apparurent une version anonyme en dialecte du Hainaut (Boesces de Consolation)447, la version grecque du philologue byzantin Maxime Planude († c. 1308)448, et une traduction française en prose (1305), par l’auteur, avec Guillaume de Lorris, du Roman de la Rose, à savoir Jean de Meun (Meung ou Mun – c. 1240-c. 1305), dit Clopinel (« le Boiteux »), Li Livre(s) de Confort de Philosophie, dédiée à Philippe IV le Bel449, plusieurs fois reprise et glosée par la suite450. Rien de Voir Voir 444 Voir 445 Voir 446 Voir 447 Voir 448 Voir 449 Voir 450 Voir 442 443
Brewer (1859, p. 196-197). Atkinson (1976). Atkinson (1999) et Babi (2010). Goddard (2011, p. 215-321) et Lombardo (2103). Lamy (2019). Schroth (1976). Langlois (1891), Papathomopoulos (1999) et Taylor (2004). Dedeck-Héry (1952) et Atkinson (2000a). Bétemps et Alii (2004, p. XXXIX-LV).
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s urprenant alors à ce que le Roman de la Rose lui-même, un ensemble impressionnant de 21780 vers (4058 composés par Guillaume de Lorris entre 1230 et 1235, et 17722 vers composés par Jean de Meung entre 1270 et 1275) reprenne l’ensemble du livre V en ses vers 17105-17546. Approximativement postérieurs d’une trentaire d’années à la partie magdunoise du Roman seraient le Commentaire sur le Boèce de la Consolation de Philosophie (Commentarius in Boethium De consolatione philosophiae – vers 1307) de l’énigmatique Barthélemy de Asinariis451, et l’Exposition… sur le Boèce de la Consolation (Exposicio… super Boecio De consolacione) de Nicholas Trivet(h) (ou Trevet – † 1328)452, historien et théologien anglais, qui exerça elle aussi un certaine influence. Le De la consolation de la Raison (De consolatione Rationis)453 de Pierre de Compostelle, dont le titre ne cache pas qu’il entend imiter le traité boécien, remonte aussi aux premières années du XIVe s. Suivirent la traduction en prose et en dialecte franco-vénitien, avec commentaire continu (1308 au plus tard), de Pierre de Paris (Le Livre de Boece de Consolacion), qui tente d’y réconcilier Platonisme et Christianisme en usant de l’autorité d’Aristote454, et encore quelques temps après, la version (« volgarizzamento ») prosimétrique en langue florentine, De la consolation philosophique (Della filosofica consolazione), d’Alberto della Piagentina (ou Alberto Fiorentino – † 1332), poète et traducteur italien, effectuée l’année de sa mort mais parue en 1735 seulement455, puis deux versions anonymes, l’une picarde entièrement versifiée (c. 1315-1320)456, l’autre lorraine et prosimétrique (entre 1300 et 1330)457, qu’aurait utilisée le Dominicain Renaut de Louhans, que nous allons retrouver. Rédigé en moyen-haut-allemand, vraisemblablement durant la décennie 1313-1323, le diptyque du théologien et philosophe Johannes Eckhart von Hochhleim, dit Maître Eckhart († 1328) – formé par le Livre de la consolation divine (Das Buch der göttlichen Tröstung) et par le De l’homme noble (Von dem edlen Menschen), appelé aussi le Béni soit Dieu (Benedictus Deus)458 –, était destiné à 451 Voir Courcelle (1967, p. 320-321). Asinarius (« ânier ») était le sobriquet dont on affublait tout Chrétien accusé d’adorer une tête d’âne. 452 Voir Silk (s. l., s. d.) et Idem (1993). 453 Voir Blanco Soto (1912). Pour la date, voir Modri (1954). Courcelle (1967, p. 180) situe l’auteur et son traité au douzième siècle. 454 Voir Atkinson (2000), Cropp (2010) et Concina (2019). 455 Voir Battaglia (1929) et Favero (2006). 456 Voir Atkinson (2000b). 457 Voir Atkinson (1996). 458 Voir Quint (1963).
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consoler la reine Agnès de Hongrie († 1364), fille d’Albert Ier de Habsbourg, soit de la mort de son mari (1301), soit de celle de son propre père (1308), assassiné par l’un de ses neveux, soit de celle de sa mère Élisabeth (1313). En tout état de cause, bien que rien n’y soit explicite, il reste assez évident que son principal modèle fut la Consolation boécienne. La version de Renaut de Louhans dont il vient d’être question, le Roman de Fortune et de Félicité459, qui est une adaptation en français et en vers (1336-1337), se serait grandement inspirée aussi de celle de Trivet. Au même moment, le mystique rhénan, disciple de Maître Eckhart, Heinrich Suso († 1366), dans l’Horloge de Sapience (Horologium Sapientiae – c. 1335) – dialogue entre la Sagesse (le Christ) et son Disciple (le narrateur), divisé en deux livres que se répartissent 24 chapitres, autant que d’heures en un jour –, invite ses frères dominicains à méditer sur l’écoulemnt du temps, afin de raviver la flamme de leur dévotion. Quoique ne citant aucun nom à l’exception de celui du Christ, Suso, dans la façon dont il fait état de ses frustrations et déceptions et dans la manière dont il spiritualise les moyens pour les affronter rejoint Boèce dans sa Consolation460. Peut-être au même moment se rencontrèrent le commentaire du Dominicain Guillermus de Cortumelia († 1342) : Exposition sur le De la Consolation de Boèce (Expositio in De consolatione philosophiae Boethii), et celui d’un Guillaume d’Aragon, « maître en médecine », dont l’identité demeure mystérieuse461. Dix ans environ après la traduction d’Alberto della Piagentina, un obscur compatriote contemporain, le Siennois Grazia di Meo, chanoine de l’église de Sant’Andrea delle Serre, mit au point une version italienne en vers et prose (Il libro di Boeçio de chonsolazione – 1343), effectuée à la requête du patricien florentin Niccolò di Gino Guicciardini462. L’année suivante, le philosophe et théologien anglais, par ailleurs archevêque de Cantorbéry, Thomas Bradwardine (c. 1290-1349), qui considérait la philosophie de Boèce comme essentiellement chrétienne, fit de la Consolation, pour alimenter sa conception sur le temps et l’éternité, l’une de ses principales sources d’inspiration, ce dont témoigne notamment et à plusieurs reprises son De la cause de Dieu contre Pélage et du mérite des causes (De causa dei contra Pelagium et de virtute cau Voir Atherton (1994). Voir Strange (1861). 461 Voir Terbille (1972 – I, p. 1-18 sur son identité), Olmedilla Herrero (1997) et Crespo (1973). 462 Voir Heinz (1984). 459 460
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sarum – 1344 = Lukács, v.c. p. 63, 82, 96)463. Conjecturons que ce fut à cette période que l’écrivain et artiste mystique italien Opicinus de Canistris (1296-c. 1353), sur l’une des mappemondes qu’il dessina en les assortissant notamment de symboles et de citations bibliques, plaça, de façon très surprenante et non sans forcer les données, l’un de ses diagrammes cosmographiques sous le signe de la Consolation464. C’est à cette période que le moine philosophe Grégoire de Rimini (1300-1358) élabora son Commentaire sur les Sentences, appelé plus tard Lectura (c. 1346), représentant type de la littérature dite « sententiaire » déjà rencontrée. La Consolation, quoique absente de l’écrit lombardien, y devint, pour l’essentiel, le texte de référence touchant les problématiques liées au bonheur et aux futurs contingents, qui formeront un peu plus tard, en 1380, deux questions agitées à la Faculté des arts, fournissant de la sorte divers matériaux pour à la fois répondre à certains questionnements et argumenter dans divers débats intellectuels. Vint alors le poète florentin François Pétrarque (1304-1374), qui, dans son Du repos religieux (De otio religioso) de 1347465, cita des vers de la Consolation, qu’il considère comme émanant d’un poète théologien, et lorsqu’il se mit en scène dans Mon Secret (Secretum meum)466, où il imagine, en trois livres et un prologue, une conversation de lui-même avec saint Augustin recevant la visite de Vérité sous l’apparence d’une femme, il ne fait point mystère de son inspiration467. Dans le même temps, vers 1350, un bref traité fut rédigé par un mystique allemand anonyme, la Theologia Germanica, qui ne se verra diffuser que plus d’un siècle et demi après par Martin Luther, qui le pensait écrit par Jean Tauler († 1361), d’abord en 1516, puis, muni d’une préface, en 1518, dans laquelle de nombreux thèmes de la Consolation s’y trouveraient repris et développés468, sans que ni le nom de l’écrit ni celui de son auteur ne soient mentionnés. Également vers le milieu du siècle parurent le Commentaire sur les Éléments de théologie de Proclus, qui permit à Berthold de Moosburg († ap. 1361), autre Dominicain, bavarois celui-là, de citer deux vers de la Consolation (III, XI, 15-16) où Boèce entérine la théorie platonicienne de la réminiscence, ainsi que, éditée à Lerida, la para Voir Wilks Dolnikowski (1995, surtout le chap. II). Voir Harding (1998, p. 26, p. 33 (illustration) et 38A). 465 Voir Carraud (2000). 466 Le titre complet est De secreto conflictu curarum mearum (« De mon secret ou du conflit des mes passions »). 467 Voir Cabaillot (2003). 468 Voir Krey (2012), principalement la seconde partie : « The Influence of Boethius (A.D. 480-524) and the Consolation of Philosophy on Theologia Germanica ». 463 464
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phrase en catalan (c. 1360) du commentaire de Guillaume d’Aragon469 que l’on doit au frère p rêcheur Pere Saplana (Libre de Boeci de consolació), révisée par Antonio Ginebreda vers 1390, sous le titre : Livre de la Consolation (Libre de consolació). Toujours autour de 1350, le compositeur et écrivain Guillaume de Machaut († 1377) s’est souvenu amplement et diversement de l’opus boécien pour d’abord composer, en français, son dialogue prosimétrique entre un poète tourmenté et Espérance (Le Remède de Fortune – c. 1340)470, afin de consoler ensuite un Charles de Navarre encellulé (Confort d’ami – 1357), et de décrire enfin comment un poète traverse les portes du rêve et se retrouve, au sortir de son sommeil, fiancé à sa Dame, forme de consolation pour un soupirant non encore comblé (La Fontaine amoureuse – 1360)471. Ce fut durant le quart de siècle suivant, soit entre 1350 et 1375, qu’un certain Jean de Thys (ou de Cys) mit au point une traduction française en 12344 octosyllabes à rimes plates de l’entière Consolation472. On y assista également à la rédaction d’une série de versions anonymes, à savoir une wallonne, en prose (ms. Troyes, bm, 0898, f. 218-252 (s. XIII exit.)473, une française, entièrement en vers et assez singulière (ms. BnF, fr. 576, olim 7071)474, une autre prosimétrique (c. 1350 – Le livre de Boece de consolacion)475, et une autre, mais partielle, Böece de Confort (13751380), inspirée à la fois par celle de Jean de Meun et celle de Renaut de Louhans, revue par un Bénédictin anonyme476. Le poète Geoffrey Chaucer (1340-1400) traduisit de son côté la Consolation en moyen-anglais et en prose, mais en s’inspirant notamment et à son tour de celle de Jean de Meun477. Au cours de la décennie 1360-1370, le Dominicain Pere Borró donna une version catalane478, et le frère prêcheur Jean de Tambach ou Dambach (Johannes de Tambaco – 1288-1372) en Alsace, travailla près de trente ans à la composition de son ascétique Consolation de Théologie (Consolatio theologiae), qu’il parvint à achever en 1366, non rééditée depuis sa parution chez Georg Reyser vers 1478, laquelle Voir Ziino (2001) et Doñas Beleña (2015). Voir Cancel (2007). 471 Voir, respectivement, Barton Palmer (1992), Hoepffner (1911) et Cerquiglini-Toulet (1993). 472 Voir Atkinson (2019). 473 Voir Schroth (1976). 474 Voir Delisle (1873, p. 12-15). 475 Voir Cropp (2006). 476 Voir Noest (1999-2000). 477 Voir Morris (1868) et Minnis (1993). 478 Voir Briesemeister (1990, p. 64). 469 470
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est considérée comme le pendant chrétien de la Consolation de Boèce. Puisant aux sources scripturaires et théologiques, Johannes entreprend de consoler l’homme de sa condition et de son existence, et de lui apporter le réconfort requis pour les accepter479. Se signala par la suite le littérateur italien Giovanni Boccaccio (Jean Boccace – 1313-1375), qui multiplia, à travers nombre de ses écrits, les évocations et les interprétations du « O qui perpetua… » de Consolation, III, IX, qu’il christianise pour en quelque sorte ligaturer ensemble Antiquité païenne et Christianisme, comme s’il avait perçu chez Boèce ce pré-Humanisme qu’il tenta lui-même d’illustrer480. Nous ne serons alors point surpris que peu de temps auparavant Pietro da Moglio (Pierre de Muglio – 13131383), un professeur de rhétorique ami des deux auteurs précédents, dispensa un cours sur la Consolation en privilégiant une approche grammaticale et érudite481, transcrit posthumément par Bartolomeo de Forlivio en 1385. L’un des élèves de Moglio, le chancelier Coluccio Salutati (c. 1331-1406), s’imprégnera lui aussi, pour son imposant Des travaux d’Hercule (De laboribus Herculis), de la Consolation, et en particulier du mètre VII du livre IV, bien que le dodécathlon herculéen devienne chez lui un triantaénathlon482. Le cardinal Pierre d’Ailly († 1420/1) mit ensuite au point un Traité sur la Consolation de Philosophie (Tractatus super De consolatione philosophiae – c. 1380), qui n’a pas la forme du commentaire suivi traditionnel, mais se limite, conformément aux deux quaestiones mises en débat à la Faculté des arts, à deux thématiques, celle du bonheur et celle des futurs contingents483, à peu près à la même période que celle où Régnier (ou Rénier) de Saint-Trond (ou Trudon), qui fut recteur d’une école latine à Malines (Belgique) vers 1370, livra, en 1381, sa propre version en français assortie d’un commentaire, toujours inédit484, marqué par une interpretatio christiana. En dernier lieu, juste avant la bascule séculaire de 1400, sortit un abrégé anonyme en vers de la même version de Renaut de Louhans485. s. XV. Au quinzième siècle à peine émergent, on disposa, en quasi simultanéité, de la version allemande perdue du moine bénédictin Peter Voir Auer (1928). Voir Papio (2014). 481 Voir Frati (1920) et Federici Vescovini (1958). 482 Voir Ullman (1951). Salutati dénombre, en effet, non pas 12 mais 31 travaux d’Hercule. 483 Voir Chappuis (1983 et 1997). 484 Voir Pattin (1982) et Lebsanft (2010). Le prologue de son commentaire paraîtra dans l’incunable édité à Bruges en 1477 (voir infra, p. 145). 485 Voir Cropp & Atkinson (2018). 479 480
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von Kastel, réalisée en 1401486, et du songe allégorique, en plus de 6000 vers, de la poétesse et philosophe Christine de Pisan (ou Pizan – 1364c. 1430), le Chemin de Long Estude (1402), qui réserve une place de choix à la Consolation et à sa prosopopée (l’apparition de la Sybille de Cumes à la poétesse narratrice démarque à l’évidence celle de Philosophie à Boèce), ouvrage tenu à la fois pour instructif et réconfortant487. Moins de dix ans plus tard, la traduction de Renaut de Louhans inspira un autre remaniement anonyme, appelé Böece de Confort remanié488, qui fut très vite suivi d’une traduction en vieil-anglais et en vers (c. 1410) du poète et chanoine augustin de l’abbaye d’Osney John Walton (dit Capellanus)489, puis du commentaire (c. 1411) du Crémonais Giovanni Travesi(o) († 1418), lui aussi à forte orientation grammaticale490. 1412 fut l’année qui vit paraître, en Catalogne, la version hébraïque (Sefer Menahem Meshiv Nafshi = Le livre consolateur qui rend la vie) du physicien juif espagnol Shemuel Benveniste491. Peu de temps après, le prince Henri d’Aragon (Enrique da Villena – 1384-1434), érudit hispanique, exploita, comme Salutati, le mètre VII du livre IV pour son opus Les douze travaux d’Hercule (Los doce trabajos de Hércules) de 1417, qu’il traduisit ensuite en castillan, et le théologien Jean Charlier, dit Gerson († 1429), rédigea, en 1418, une autre Consolation de la Théologie (Consolatio theologiae) en quatre livres492, voulue comme une Consolation boécienne davantage chrétienne. Durant ce même premier quart de siècle fut composé le Livre des consolations de la vie humaine (Libro de las consolaciones de la vida humana), attribué à Pedro de Luna (l’Antipape Benoît XIII – 1328-1423), alors lui aussi en exil493, et en 1423, l’écrivain juif et réfugié italien Bonafoux Bonfil Astruc réalisa une autre version hébraïque pour se consoler à la fois de son exil de Catalogne et de la peste qui sévissait alors dans certaines contrées d’Italie494. Moins d’une dizaine d’années après, l’orateur et poète Alain Chartier († c. 1430) écrivit, vers 1429, le prosimètre inachevé Le Livre d’Espérance ou
Voir Kaylor (1991). Voir Décloître (2016, p. 107-109). 488 Voir Cropp (2011). 489 Voir Science (1927). 490 Voir Francone (1977). 491 Voir Zonta (2010). Nous remercions monsieur Yahia Benittah pour la traduction de cet intitulé. 492 Voir Glorieux (IX, 1973), et Burrows (1991). 493 Voir Sampedro Heras (1994). 494 Voir Zonta (2010). 486 487
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Consolation des trois vertus495, dans lequel interviennent beaucoup d’allégories, dont il est presque superflu de signaler qu’elles ne sont pas étrangères à la Consolation496. Quant au philosophe et polémiste Lorenzo Valla († 1457), ayant tenu Boèce pour « celui qui nous a enseigné à parler de manière barbare »497, il attaqua et critiqua vigoureusement la Consolation dans deux de ses ouvrages, l’un de 1431 et l’autre de 1439, dont les titres sont à eux seuls des thématiques boéciennes : Sur le plaisir ou Du vrai et du faux bien (De voluptate ou De vero falsoque bono – portant sur les quatre premiers livres) et Du libre arbitre (De libero arbitrio – portant sur le cinquième livre, où Boèce est dit s’être montré trop philosophe pour parler avec pertinence du libre arbitre)498. Moins hostile tout en revisitant l’ouvrage boécien, le religieux et poète Martin le Franc mit au point L’Estrif de Fortune et Vertu499 (1447-1448), dans lequel il orchestre un débat prosopopéique entre Fortune, Vertu et Raison500, peu avant l’intervention du philosophe et théologien Nicolas de Cues († 1464), qui, en son De la docte ignorance (De docta ignorantia), rédigé en 1440, loua Boèce d’avoir affirmé, après Augustin, que le nombre avait été incontestablement le principal modèle divin dans la création des choses (I, 11), se souvint par ailleurs et plus particulièrement de Consolation, IV, 6, 1-20 pour décrire symboliquement le mouvement du monde (II, 10)501, mais également, en son Du jeu de la boule (De ludo globi), pour analyser, au moyen de différents fragments, le concept d’« éternité »502. L’année 1457 fut celle où Pedro de Coimbra, « Condestável de Portugal » (Pierre de Coimbra, Connétable du Portugal – 1429-1466) en appela une fois à la Consolation en la prose 8 de sa prosimétrique Tragédie de l’illustre reine dame Isabelle (Tragédia de la insigne Reina doña Isabel), épouse d’Alfonse V du Portugal, en jouant sur la métaphore du brouillard qui se lèvera de devant les yeux de Boèce lorsque, lui dit Philosophie, il sera prêt pour être conduit à sa patrie (Consolation, I, 6, 21)503. À une date inconnue, le traducteur humaniste Niklas van Wyle Voir Rouy (1989). Voir Huot (2007) et Kelly (2008). 497 « Boetius… qui nos barbare loqui docuit » (Elegantiae, VI, CCCCLI, f. CXCIIII), à propos de sa définition du terme persona. 498 Voir Brancato (2012, p. 372-377) et Hunter (2021, chap. 5). 499 Rappelons que le terme vieilli «estrif» désigne une querelle, voire un affrontement. 500 Voir Lacassagne (2019). 501 Voir Counet (2016). 502 Voir Counet (2003). 503 Voir Michaëlis de Vasconcelos (1922, p. 110), et Briesemeister (1990, p. 62). 495 496
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(c. 1415-1479) soumit sa version en haut-allemand, qui ne nous est cependant point parvenue non plus504, à la différence de la traduction de son compatriote Konrad Humery (c. 1403-c. 1477), un juriste et diplomate de Mayence, qu’il a sans doute élaborée au cours des années 14621463, durant lesquelles il fut emprisonné505, et qui parut en 1467. D’autre part, nous avons vu qu’un théoricien de la métrique latine comme Niccolò Perotti († 1480), témoigna, à mi-siècle, de sa considération en la matière pour l’autorité de Boèce, qu’il plaçait sur le même piédestal, voire légèrement au-dessus, qu’Horace506. En suite de quoi, outre la version en moyen-néerlandais (1466)507 d’un orfèvre de Bruges, Jacob Vilt, réalisée à partir de la version française de Jean de Meun, deux commentateurs nous sont connus : Denys de Leeuwis ou de Rickel, dit « le Chartreux » ou « le Carthusien », qui, dans ses Interprétations ou commentaires… de la Consolation… (Enarrationes seu commentaria in V libros B.S. Boetii De Consolatione Philosophiae) de c. 1465, où le texte de Boèce est organisé en articles diversement abordés et traités, se montra un exégète littéral et mystique508, et l’écrivain organiste Arnoul Gréban († c. 1490), responsable d’un Commentaire sur la Consolation de Philosophie (Commentarius in Boethii Consolationem philosophie)509, auteur par ailleurs d’un Mystère de la Passion. L’editio princeps de l’écrit de Boèce, anonyme quant à elle, fut imprimée chez Hans Glim, peut-être à Savigliano, en 1471 (Boecii de philosophica consulacione liber). Pendant le dernier quart du siècle, plus précisément en son tout début (1477), une traduction française anonyme fut publiée chez l’imprimeur brugelin Colard Mansion (Livre de Boece de Consolation de Phylosophye)510, précédée du prologue de Régnier de Saint-Trond à sa propre version. En cette même période, l’érudit d’origine néerlandaise Rodolphe Agricola († 1485) mit au point, vers 1475, des commentaires sur le prosimètre boécien, publiés seulement au siècle suivant grâce à Murmellius, sept ans avant une édition anonyme de 1482 parue à Toulouse chez Johann Parix, qui offre un couplage avec le De disciplina scholarium du Pseudo-Boèce. Durant ces années-là aussi Laurent de Médicis, dit « le Magnifique » Il en fait état dans l’un de ses écrits. Voir Hehle (2012, p. 300-301 et 305-310) et Schumacher (2019). 506 Voir supra, p. 51. 507 Voir De Vooys (1940). 508 Voir Trottmann (2007). 509 Voir Vivier (1998). 510 L’intitulé complet est : Livre de Boèce de Consolation de phylosophye, compilé par vénérable homme maistre Reynier de Sainct Trudon, docteur en sainte théologie, et translaté de latin en françois. 504 505
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(† 1492), s’affirma comme l’un des grands admirateurs de la Consolation, n’hésitant pas, dans le premier de ses Capitoli, à faire siennes, touchant une fois de plus le mètre III, IX, aux vers 37-43, la métaphore des deux cercles (III, IX, 13-21), et aux vers 67-70 la fin du poème en quasi traduction (ibid., 25-28)511. Son aîné et maître en philosophie, Marsile Ficin († 1499), a d’ailleurs lui-même très bien connu et utilisé, en raison surtout de ses ressources épistémologiques et métaphysiques, la Consolation, disant, dans une lettre (1489) à Martin Uranius Prenninger, tenir l’ouvrage pour celui d’un grand Platonicien latin512. Dans un tout autre registre, on notera qu’un très luxueux exemplaire d’une version néerlandaise anonyme vit le jour en 1485, à Gand513. Pour clôturer le siècle, signalons l’édition incunable de la Consolation, imprimée en 1491 par Johannes Prüss à Strasbourg, couplée avec le commentaire thomasien controversé514, laquelle précéda d’un lustre environ une version espagnole anonyme de 1497515 ainsi que le commentaire de l’imprimeur humaniste Josse Bade d’Assche (Jodocus Badius Ascensius, † 1535), publié par lui-même en 1498, qui adopta une approche philologique516. s. XVI. Au tout début du premier quart du seizième siècle, Anselmo Tanzo donna, autour de 1500, une traduction italienne (Severino Boezio dé conforti philosophici), qui ne paraîtra qu’en 1520 à Milan517. Ce ne sera point extrapoler exagérément que de situer ensuite le dialogue boécien, bien qu’il n’en soit pas fait explicitement mention, à l’horizon de L’Arcadie (Arcadia – 1483-1501), une ample pastorale alternant proses et églogues, de Jacopo Sannazaro ou Jacques Sannazar (c. 1457-1530), alias Actius Sincerus, itinéraire spirituel du narrateur, qui trouve refuge dans une maison idéalisée pour bergers-poètes518. Cette pièce lyrique fut presque contemporaine de l’édition, en 1503, du Cistercien Nicolaus Crescius, plusieurs fois réimprimée, dont Gervaise († 1751) dit qu’elle eut le mérite d’avoir remis dans leur pureté d’origine les livres de la Consolation519. Environ une douzaine d’années après, Johannes Murmellius († 1517), Voir Simioni (II, p. 119-121) et Rochon (1963, p. 600-606). Voir Brancato (2012, p. 379). Les autres Platoniciens latins sont, dans l’ordre d’énonciation : Denys (l’Aréopagite), Augustin, Apulée, Calcidius, Macrobe, Avicébron, Alfarabi, Henri de Gand, Avicenne et Duns Scot. 513 Voir Van de Vyver (1939, p. 271-272) et Hoenen (1997). 514 Voir supra, p. 135. 515 Voir Doñas (2011). 516 Voir l’éd. de 1511, et Glei (2010). 517 Elle ne sera rééditée que deux fois par la suite, en 1527 et 1531, l’une et l’autre à Venise. 518 Voir Portirelli (1806). 519 Voir Gervaise (1716, I, p. 290). 511 512
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é rudit néerlandais, qui avait publié le texte consolatoire seul à Cologne en 1511, diffusa, en intégrant la contribution de Rodolphus Agricola, des Commentaires (Commentaria – 1514) sur notre traité520. Ils précédèrent à leur tour et de peu une traduction espagnole due, en 1518, au Dominicain Albert de Aguayo521. Un bond en avant de quelques années nous permet de trouver le philosophe Pietro Pomponazzi (1462-1525), qui en appela plusieurs fois à la Consolation dans son Du destin, du libre arbitre et de la prédestination (De fato, libero arbitrio, et de praedestinatione – entre 1515 et 1520) et son Sur les causes des effets de la nature, ou des enchantements (De naturalium effectuum causis, sive de incantationibus – 1520), ce qui ne surprendra point pour le premier traité vu ses thématiques522, mais quelque peu pour le second. En fait, dans la mesure où l’auteur cherche à y établir que les événements merveilleux et miraculeux relèvent de causes tout à fait naturelles, non sans qu’il reste possible d’en rendre compte par référence aux anges, aux démons ou en dernier instance directement à Dieu, le recourt à la Consolation n’est plus susceptible d’étonner, comme invite à le penser ce très bref raisonnement : « Dieu… a produit ce monde visible par l’idée du monde qui est dans l’esprit divin et sans quelque intermédiaire, puisque assurément lui-même est la cause de tout, comme le dit Boèce dans le livre III de la Consolation »523. En changeant non point de moment mais de contrée, on retrouve524 le réformateur de l’Église et théologien Martin Luther (1483-1546), qui fit paraître par deux fois, comme nous l’avons indiqué, l’anonyme Theologia Germanica en 1516 et 1518, montrant ainsi qu’il en épouse les contenus très imprégnés des théories de la Consolation. Presque à mi-siècle, c’est-à-dire en 1546, le polymate suisse Henricus Loritus Glareanus (Heinrich Loris Glarean – 1488-1563), édita le texte en mettant en doute, dans sa préface, son authenticité si l’on considère, explique-t-il, que Boèce était chrétien, car on n’y rencontre jamais, alors que bien des thèmes y disposaient, le nom de JésusChrist (non erat in his Christus)525. Virent par la suite le jour, toutes chez Torrentino à Florence, trois versions italiennes concurrentes pour satisfaire au désir de l’empereur Charles V de lire la Consolation : celle, en 1549, Voir PL, LXIII, col. 885A-1074A et Nauta (1999). Voir Briesemeister (1990, p. 66). 522 Voir De fato, livre II, p. 528-529, 584, 605 et livre III, p. 739, 756, 787. 523 De incantationibus, p. 35 : « Deus… produxit hunc mundum visibilem per ideam mundi quae est in mente divina, et sine aliquo instrumento, quandoquidem ipse est causa omnium, ut dicit Boëtius in 3 de Consolatione » – pour la Consolation, voir III, IX, 4 et III, 12, 10. 524 Voir supra, p. 140. 525 Voir PL, LXIII, p. 539-540 (il s’agit en fait d’une seule et même page). 520 521
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du philologue Cosimo Bartoli (1503-1572)526, celle (Severino Boezio de’ Conforti filosofici) de l’écrivain Lodovico Domenichi († 1564), en 1550, et en 1551 celle, jugée préférable, du poète historien Benedetto Varchi (Boezio Severino della consolazione della Filosofia)527, objet par la suite de multiples rééditions. Entre Tanzo et ces trois italianisations contemporaines, dans l’attente, lui aussi, d’être exécuté par décapitation comme traître, le polymate anglais Thomas More (1478-1535), futur canonisé (1886), coucha sur le parchemin Un dialogue du Réconfort contre la tribulation528 (A Dialogue of Comfort against Tribulation) (1534), échange entre Anthony et son oncle Vincent auquel il rend visite, lequel cherche du réconfort auprès de son neveu afin d’apaiser son tourment occasionné par l’invasion ottomane, consolation qui, pour Anthony, ne peut venir que de Dieu529. Probablement quelques temps plus tard, dans sa Poétique (Poetices libri VII), parue de manière posthume à Genève en 1561, et plus précisément au sixième livre, appelé « Hypercritique », Jules César Scaliger (1484-1558), grand érudit, livrant son jugement sur les cinq âges qu’il distingue de la poésie latine, s’arrêta sur Boèce et sa Consolation en une appréciation qui marquera les esprits : « On trouve sa prose (oratio) inférieure, complaisante pour la barbarie du siècle : en revanche, ce qui lui a plu de chanter par sa poésie est tout à fait divin ; en ses vers, rien de plus cultivé, rien de plus grave ; ni la densité des jugements n’en a retiré la grâce, ni l’acuité la candeur. J’en trouve assurément peu qui puissent lui être comparés »530. Ce fut peut-être le moment où le philologue allemand Theodor Poelman(n) (1510-1580) donna, comme Servat Loup bien plus tôt, un Livret sur les mètres boéciens (De metris Boëthianis libellus)531, légèrement avant que le polymate humaniste Dirck Volckertszoon Coornhert (1522-1590) ne réalise deux traductions flamandes de la Consolation, l’une en 1577, à partir de la version néerlandaise dite « de Ghent ou de Gand » (1485), l’autre environ une décennie après, cette fois-ci directement à partir du texte latin532. Entre ces deux impressions se positionne la Voir Mancini (1918). Voir Brancato (2018). Cette version de Varchi fut rééditée une première fois, augmentée d’annotations transmises par l’auteur, en 1572. 528 En un sens religieux, « tribulation » signifie : « Affliction, tourment moral, souvent considéré comme une épreuve » (CNRTL). 529 Voir Martz – Manley (1976) et McCutcheon (2013). 530 « Seculi barbarie ejus oratio soluta deterior invenitur : at quae libuit ludere in poesi, divina sane sunt; nihil illis cultius, nihil gravius; neque densitas sententiarum venerem, neque acumen abstulit candorem. Equidem censeo paucos cum illo comparari posse » (= Deitz–Fuhrmann, V, 2003). 531 Voir Maillard et Alii (1995, p. 352). 532 Voir Niekerk (2016). 526 527
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traduction française de Charles le Ber, sieur de Malassis de Mante (ou Mente), parue d’abord en 1577533, puis, chez Jean Houzé, en 1597. Si l’on en croit à présent Courcelle, Michel Eyquem de Montaigne († 1592) s’inspira, dans l’Apologie de Raymond (de) Sebond (Essais, II, 12), imprimée en 1580, du constat dressé par Boèce (II, 7, 10-12) sur la variabilité des jugements d’un pays à l’autre534. Durant la dernière décennie, il est fort probable que, emprisonnée elle-même dans la Tour de Londres, en 1554, pour suspicion de complicité de trahison, la reine Élisabeth Ire (1533-1603), transposa, en 1593, certaines de ses pensées les plus intimes à l’occasion d’une version anglaise de la partie métrique du prosimètre boécien535. En dernier lieu, l’édition commentée ou annotée du philologue et historien flamand Iohannes Bernartius (Jan Bernaerts – 1568-1601), fut publiée de manière posthume à Anvers en 1607, laquelle a subi la double influence du Stoïcisme et du Thomisme536. s. XVII. Nous abordons ainsi le XVIIe s., qui accueillit la version en castillan du frère cistercien Augustín López, en 1604 (Boecio de consolación)537, l’édition annotée de Theodor(us) Sitzmann(us) († 1623), qu’il accompagna d’une préface en 1607, puis l’édition introduite du mathématicien, cartographe et théologien Petrus Bertius († 1629), parue à Leyde en 1620. Six ans plus tard, le théoricien de la politique et philosophe Jean de Silhon († 1667) fit paraître Les deux vérités de Silhon : l’une de Dieu et de sa providence, l’autre de l’immortalité de l’âme, dont le long intitulé montre combien l’écrit est imprégné de l’opus de Boèce538. Furent ensuite mises sous presse les versions françaises de Messire Jean d’Ennetières, à Tournai en 1628, et celle du Jésuite René de Ceriziers, à Reims en 1636, qu’il assortit d’une Consolation de Théologie, imitée encore de Boèce. Le théâtre dit « classique » ne fut pas en reste, puisque l’ouvrage boécien constitua « l’une des nourritures essentielles de Corneille »539, en particulier dans son Polyeucte (1643). Se firent ensuite connaître la version en néerlandais du sud du chanoine Adrianus de Buck, en 1653540, l’édition commentée de Renatus Vallinus (René Vallin), un D’après du Fresne de Francheville (1744, p. XXXIX-XLII). Voir Courcelle (1967, p. 122 et note 3). 535 Voir Kaylor – Phillips (2009). 536 Voir Belli (2005). 537 Voir l’éd. de 1604. 538 Voir Armogathe (1991) et Förköli (2019). 539 Voir Stegmann (1968, II, p. 214), cité par Poirier (1994, p. 51), qui ajoute : « Boèce, Polyeucte, tous deux, martyrs de Dieu, avaient puisé leur consolation dans la sainte philosophie » (p. 55-56). 540 Voir Hermans (1998). 533 534
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chanoine nantais, publiée à Leyde en 1656, et la version italienne (Del conforto della filosofia) du théologien jésuite Tommaso Tamburini († 1675), en 1657 à Palerme. Douze ans plus tard, le recueil des Pensées de Blaise Pascal († 1662) parut en 1669, où, comme pour Montaigne, Courcelle voit dans la formule : « Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà » (Pensées, 294 Brunschwicg) la même influence de la théorie sur l’instabilité des opinions exprimée au livre II (7, 10-12)541. L’année 1664 fut celle où les mètres de la Consolation suscitèrent à nouveau une traduction en anglais par Nicholas Bacon et John Hobart542. Pendant le dernier quart du siècle verront ensuite le jour l’édition commentée de Nicolas F. Régnier, chanoine de la Congrégation de France, publiée en 1676 à Lyon, puis celle, dédiée à Bossuet, de Pierre Cally (Petrus Callyus – 16301709), prêtre et philosophe, en 1695 à Paris, qui, avec un esprit critique, reprendra le texte de Vallinus qu’il agrémentera d’annotations543. Signalons également que Leibniz (1646-1716) apprécia la Consolation pour les idées pythagoriciennes qu’elle véhicule selon lui, notamment avec l’adoption par Boèce du ἕπου θεῷ de Pythagore (I, 4, 38), au point d’en demander, par l’intermédiaire du savant polymathe François-Mercure van Helmont (1614-1699), une traduction allemande au mystique et alchimiste Christian Knorr von Rosenroth (1631-1689), dont il préfaça une édition posthume544. Enfin, le philosophe et lexicographe Pierre Bayle (16471706), lorsqu’il aborde la Consolation dans son Dictionnaire historique et critique (1697 pour la première édition), se déclare prêt à reprendre à son compte un avis entendu de la bouche de plusieurs lecteurs touchant l’obscurité des solutions données par Philosophie aux questions soulevées par Boèce, qui, elles, « sont à la portée des esprits les moins pénétrants » : « [elle] demande presque toujours qu’on lui permette les circuits, et de remonter plus haut ; et quelque solide que puisse être ce qu’elle débite, le malheur de notre esprit veut qu’on n’y comprenne quelquefois rien : si elle nous convainc, c’est presque toujours sans nous éclairer »545. s. XVIII. En France, le siècle des Lumières n’accueillit que deux versions plus ou moins complètes et fidèles, celle, amplement annotée, d’un Frère-Maçon, Joseph du Fresne de Francheville, publiée, à la fois à Berlin et à La Haye, en 1744, et celle, illustrée par Henry Chapront, de Léon Voir Courcelle (1967, p. 122, n. 3). Voir Kaylor (2016). 543 Voir Deproost (2005). 544 Voir Coudert (1995). 545 Dictionnaire historique et critique, III, 17153, p. 467B. 541 542
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Colesse en 1772, qu’il dédia aux Malheureux546, et à l’occasion de laquelle il s’auto-déprécie : « C’est la manie des petits esprits de nos jours, qui ne pouvant rien produire d’eux-mêmes, se font auteur du chef de ceux qui les ont précédés, et qui ont écrit dans des langues mortes ou étrangères » (p. XII). En dernier lieu, une version anglaise, proposée par le révérend Philip Ridpath, fut mise sous presse à Londres en 1785. s. XIX. On terminera ce survol avec le XIXe s., où se rencontrèrent une version italienne, celle de Giovanni Rocca (Milano, 1857), puis deux traductions françaises. La première fut, en 1861, celle du journaliste littéraire, romancier et dramaturge à succès Louis de Judicis de Mirandol (18161893 – alias Paul Lagarde), qui a accompli, au sortir de l’époque romantique, la prouesse d’avoir rendu, avec une fidélité discutable, tous les mètres de la Consolation en alexandrins rimant un à un. Lui aussi défendit farouchement, dans son introduction, le Paganisme de Boèce547. La seconde traduction émana de l’Académicien Octave Cottreau (1855-1939), en 1889, qui lui valut, l’année suivante, le prix Jules-Janin. Entre les deux vint se placer l’édition de Rudolf Peiper († 1898), à Leipzig en 1871, couplée avec des Opuscules sacrés donnés pour « incertains ». On recense ensuite la version allemande de Richard Scheven, parue en 1893 à Leipzig (Die Tröstungen der Philosophie), et le siècle se referma avec la version anglaise de H.R. James et Ch. Ch. Oxford, imprimée à Londres en 1897. Il est à peine besoin d’indiquer que bien d’autres versions, commentaires, condensés et éditions, nominatives ou anonymes, de la Consolation auraient pu trouver place dans notre panorama548, qui, en l’état, suffit, croyons-nous, à donner une idée de l’exceptionnelle vigueur intellectuelle de l’opus de Boèce549. Les motivations pour y recourir évoluèrent assurément au cours des siècles, en fonction des enjeux surtout philosophiques et théologiques, mais nombreux sont ceux qui s’y alimentèrent en définitions, jugements et philosophèmes, ceux-là mêmes dont Philosophie reconnaît avoir truffé ses ouvrages (Consolation, I, 5, 6). À ce titre, nous donnons ci-après la liste, en deux rubriques, des principaux qui y sont distillés. Voir notre bibliographie. Voir Mirandol (1861, p. XX-XXV). 548 En février 2019, la base FAMA – Œuvres latines médiévales à succès (http://fama. irht.cnrs.fr) comptabilisait 900 mss connus. On notera d’autre part que nous avons délibérément fait l’impasse sur plusieurs siècles de tradition iconographique. 549 Il en est pourtant qui sont d’un avis contraire : « La tragédie de Boèce et son héroïsme auraient dû, faute de lui valoir les autels posthumes et la palme du martyre, inspirer poètes et dramaturges. Il n’en a rien été » (Fumaroli, 1989, p. 8). 546 547
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INTRODUCTION
V. 12. Définitions et enseignements Définitions « [La tragédie est] la Fortune renversant des royaumes heureux sous son coup indistinct » (II, 2, 12). « Le bonheur est le souverain Bien d’une nature vivant selon la raison » (II, 4, 25). « La nature répugn[e] à ce que des choses contraires soient unies entre elles » (II, 6, 13). « Le bonheur est un état rendu parfait par la réunion de tous les biens » (III, 2, 3). « La félicité vraie et parfaite est celle qui rend pleinement suffisant, puissant, digne de respect, célèbre et allègre » (III, 9, 26). « Ce qui est différent d’une chose quelle qu’elle soit n’est pas ce relativement à quoi il est compris comme étant différent » (III, 10, 15). « Tout homme heureux est Dieu… par participation » (III, 10, 25). « Il relève… de la nature des parties que, diverses, elles composent un corps unique » (III, 10, 33). « Tout ce qui est convoite naturellement la constance pour permaner et éviter la ruine » (III, 11, 34). « Le Bien lui-même est ce qui est désiré par tous » (III, 11, 38). « Le mal n’est rien puisque ne pourrait le faire Celui qui peut tout » (III, 12, 29). « Il y a deux choses par lesquelles se constitue tout accomplissement d’actes humains, à savoir la volonté et le pouvoir » (IV, 2, 5). « Est… ce qui respecte l’ordre et observe la nature » (IV, 2, 36). « Le bonheur est ce Bien même en vue de quoi tout s’accomplit » (IV, 3, 3). « Le Bien lui-même (étant) le bonheur, il est clair que tous les gens de bien deviennent heureux en cela même qu’ils sont bons » (IV, 3, 9). « Une injustice que l’on fait subir à quiconque n’est pas un malheur pour celui qui la supporte mais pour celui qui la suscite » (IV, 4, 37). « Au même titre qu’une faiblesse des corps, une certaine disposition vicieuse est pour ainsi dire comme une maladie des esprits » (IV, 4, 42) . « (La) modalité diversifiée pour gérer les choses…, quand elle est aperçue dans la pureté même de l’intelligence divine, est nommée providence ; et quand elle est rapportée à ce qu’elle meut et dispose, elle a été appelée destin » (IV, 6, 8). « La providence est la raison divine elle-même, constituée dans le souverain Principe universel qui dispose tout, tandis que le destin est la disposition inhérente aux choses mouvantes, par laquelle la providence les enchaîne une à une dans leurs ordres » (IV, 6, 9). « La providence embrasse l’ensemble des choses, bien que différentes et bien qu’infinies, tandis que le destin les met chacune en mouvement, réparties selon des lieux, des formes et des temps, de telle sorte que ce déroulement de l’ordre temporel unifié dans la perspective de l’Esprit divin est la providence, tandis que cette même unification, répartie et déployée selon des temps, est appelée le destin » (IV, 6, 10). « L’ordre du destin procède de la simplicité de la providence » (IV, 6, 11).
INTRODUCTION153
« Dieu, par la providence, dispose assurément, de manière globale et stable, ce qui est à réaliser, tandis que par le destin il administre cela même qu’il dispose de manière diversifiée et temporelle » (IV, 6, 12). « La providence est la forme immobile et simple des choses qui doivent être accomplies, tandis que le destin est le lien mouvant et l’ordre temporel de ce que la simplicité divine a disposé pour qu’il s’accomplisse » (IV, 6, 13). « Il n’est rien qui soit causé en vue du mal, pas même du fait de gens euxmêmes assurément malhonnêtes » (IV, 6, 22). « Le hasard… est l’inattendu survenu par l’effet de causes convergentes dans ce qui est accompli en vue de quelque chose » (V, 1, 18). « Tout jugement existe par l’action de celui qui juge » (V, 4, 39). « L’éternité est… la possession simultanément totale et parfaite de la vie interminable » (V, 6, 4). « Tout ce qui vit dans le temps procède, présent, du passé vers l’avenir, et rien n’est constitué dans le temps qui puisse embrasser d’un seul trait tout l’espace de sa vie » (V, 6 5). « Embrasser en une seule fois toute la présence d’une vie interminable… est manifestement le propre de l’Esprit divin » (V, 6, 10).
Enseignements « L’ignorance s’abusant toujours elle-même, elle ne peut changer les mérites des choses » (I, 4, 24). « Vouloir le pire pourrait bien relever de notre faiblesse » (I, 4, 29). « La satisfaction intime d’une conscience qui se fait agréer diminue en quelque manière toutes les fois qu’en étalant ce qu’elle a fait elle reçoit le prix de la renommée » (I, 4, 33). « La bonne réputation est la première de toutes les choses qui déserte les malchanceux » (I, 4, 43). « Dans tout revers de Fortune, le genre d’infortune le plus malheureux est d’avoir été heureux » (II, 4, 2). « Qui… relève d’une félicité si plénière qu’il ne conteste pas pour une part la qualité de son état ? » (II, 4, 12). « À quel point est dérisoire ce qui prive les plus fortunés du comble du bonheur ! » (II, 4, 16). « Tout sort est bienheureux à ceux qui le supportent avec équanimité » (II, 4, 18). « Le bien est fort mince dont on supporte la perte d’une âme égale » (II, 4, 27). « L’avarice a toujours produit des gens odieux et la générosité des gens merveilleux » (II, 5, 4). « Il… manque beaucoup à ceux qui possèdent beaucoup, et, à l’inverse, peu à ceux qui mesurent leur abondance à la nécessité de la nature, non à la superfluité de l’ambition » (II, 5, 23). « Si l’on établit que tout bien appartenant à quelqu’un a plus de prix que celui auquel il appartient, lorsque vous jugez que les plus viles des choses sont vos biens, vous vous placez vous-mêmes… au-dessous de ces choses mêmes » (II, 5, 28). « Dès que tu… seras l’acquéreur des choses périssables, tu cesseras d’être en sécurité » (II, 5, 35).
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« L’honneur n’échoit pas aux vertus en fonction de la dignité, mais aux dignités en fonction de la vertu » (II, 6, 3). « La plupart des dignités so(nt) assumées par la plus grande partie des pires individus » (II, 6, 14). « N’est point vil et méprisable quelque chose que l’intention de presque tous les mortels travaille à atteindre » (III, 2, 15). « Pour peu que cesse en partie le pouvoir qui fait des heureux, s’insinue cette impuissance qui fait des malheureux » (III, 5, 5). « Celui dont la félicité a fait un ami, l’infortune en fera un ennemi » (III, 5, 13). « L’appétence (pour les voluptés du corps) est assurément pleine d’anxiété et (leur) satiété de pénitence » (III, 7, 1). « Combien de maladies, quelles douleurs intolérables, comme quelque fruit de la corruption, (les voluptés) apportent-elles aux corps de ceux qui ont l’habitude d’en jouir ! » (III, 7, 2). « Ce n’est pas (la) nature qui… fait paraître beau, mais c’est l’infirmité des yeux en train de regarder qui… rend tel » (III, 8, 10). « Qu’y a-t-il de plus débilitant que la cécité propre à l’ignorance ? » (IV, 2, 31). « Ceux qui délaissent la fin commune à tout ce qui est, renoncent pareillement à être aussi » (IV, 2, 32). « Quiconque est frappé d’une peine ne doute pas d’être affecté lui-même d’un mal » (IV, 3, 12) . « Il est nécessaire que les méchants soient plus malheureux s’ils satisfont leurs désirs que s’ils ne peuvent réaliser ce qu’ils désirent » (IV, 4, 3). « Une fois les les éléments qui précèdent concédées, il n’y a absolument rien qui soit à objecter à l’inférence » (IV, 4, 11). « Les gens malhonnêtes sont plus heureux en subissant leur châtiment que si aucune peine de justice ne les réprimait » (IV, 4, 13). « Les mœurs perverses sont redressées par une sanction et ramenées dans le droit chemin par la terreur du châtiment » (IV, 4, 14). « L’exemple doit inciter les autres à fuir ce qui est fautif » (IV, 4, 14). « Les gens malhonnêtes sont beaucoup plus affligés gratifiés d’une injuste impunité que punis par une juste sanction » (IV, 4, 19). « Ceux qui commettent une injustice sont plus malheureux que ceux qui la subissent » (IV, 4, 32). « Il n’est donné à l’homme ni de comprendre par son génie ni d’expliquer par le discours l’ensemble des rouages de l’œuvre divin » (IV, 6, 55). « Maintenez-vous au milieu, sur des bases solides » (IV, 7, 21). « Quelqu’un brigue ce qu’il juge être souhaitable, tandis qu’il écarte ce qu’il estime devoir être évité » (V, 2, 5). « De toute éternité le regard de la providence… dispose chacune des âmes qui sont prédestinées selon ses mérites » (V, 2, 11). « Vain serait l’effet de l’art si tout était mû par des faits contraints » (V, 4, 16). « Tout ce qui est connu ne l’est pas selon sa propre ressource, mais il est plutôt compris selon la capacité de celui qui cherche à connaître » (V, 4, 25). « L’espèce elle-même… réside dans les singuliers » (V, 4, 29).
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« Même ce qui n’a pas d’issues certaines, la préconception le voit cependant comme certain et défini » (V, 5, 12). « Le même avenir apparaît nécessaire lorsqu’on le rapporte à la conception divine, mais tout à fait libre et absolu quand il est apprécié dans sa nature » (V, 6, 26). « Ce que quiconque connaît ne saurait être autre que ce qui est connu » (V, 6, 28). « Nulle nécessité… ne force à avancer celui qui progresse par la volonté, même si au moment où il progresse il est nécessaire qu’il avance » (V, 6, 29). « Détestez… les vices, cultivez les vertus, exhaussez l’esprit vers de droites espérances, hissez d’humbles prières au plus haut des cieux » (V, 6, 47). « Grande est pour vous – à moins que vous ne vouliez vous dissimuler à vous-même – la nécessité impérieuse de la probité quand vous agissez devant les yeux du Juge qui discerne tout » (V, 6, 48).
Ce relevé, où les enseignements confèrent une sorte d’opérativité aux définitions, fournit une idée de l’éclectisme qui a séduit les penseurs médiévaux et renaissants, dans lequel ils trouvaient de quoi concilier Platonisme et Christianisme et les synthétiser dans une atmosphère déiste, par l’intermédiaire de thématiques fondamentales touchant le moi, le monde et Dieu : la providence et la toute-puissance de Dieu dont le monde a besoin pour accéder à une existence organisée et à la perpétuité, un aperçu des lois qui le gouvernent et l’identification de la fin des choses, l’affirmation d’une âme du monde et de la prédestination des âmes, la célébration de la belle nature, des définitions du destin, du libre arbitre, du bonheur, cette dernière notion étant établie par la discrimination des vrais et des faux biens et de la bonne et de la mauvaise fortunes, de la liberté qui dédouane Dieu de la réalité du mal, de la réminiscence et de la valorisation du mépris du monde, du souverain Bien comme résidant dans la jouissance de Dieu. Afin de parvenir à cette conciliation en évitant que sa situation n’empire, Boèce, sans renoncer le moins du monde à la foi catholique et à l’espoir qu’elle suscite dans un au-delà prometteur de fruition, aurait parsemé son propos d’allusions à cette dernière en veillant à rendre son expression en la matière non seulement la moins repérable possible par ses ennemis ariens, mais encore non condamnable par son Église, car possiblement trop évasive ou trop ambiguë. Son échec fut total quant au premier point, puisqu’il y laissa la vie, partiel quant au second, puisqu’on lui reproche toujours de s’être adonné à une confession déchristianisée. C’est laisser échapper en ce dernier domaine les efforts qu’il a déployés et sur lesquels nous espérons avoir levé le voile. Pour reprendre, tout en la renversant, une remarquable formule de Charles Jourdain, nous dirons
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que « Boèce (a) cherch(é) à cacher le flambeau où s’allument ses suprêmes espérances » pour ne les faire briller que par de très nombreuses et discrètes étincelles550. V. 13. Appendice : Plan étoffé de la Consolation Livre I Mè. I : Boèce, éploré, vante les Muses de la poésie qui l’ont toujours escorté (1-7). Il se dit affligé par une adversité soudaine (8-16), et prend conscience, par ce revers de fortune, que sa félicité passée n’était qu’illusion (17-22). Pr. 1 : Pendant que Boèce se lamente par écrit, le personnage de Philosophie, qu’il va décrire assez précisément, lui apparaît de manière surnaturelle (1-6). Elle expulse aussitôt les Muses de la poésie en les insultant (7-12). Boèce, toujours en larmes, est dans l’hébétude quand Philosophie se met à parler (13-14). Mè. II : Philosophie commence par s’appitoyer sur le sort de Boèce (1-5), puis elle chante son bonheur disparu d’homme libre qui communiait avec la beauté cosmique (6-23), et dépeint de nouveau le désespoir qui l’habite (24-27). Pr. 2 : Philosophie déplore la léthargie de Boèce, qui contraste avec l’énergique et brillant philosophe qu’il fut, et tente de le dessiller au propre comme au figuré. Mè. III : Boèce recouvre alors sa vigueur première, aussi pleinement que la nuit opaque le cède à la lumière du soleil. Pr. 3 : Sorti de sa torpeur, Boèce reconnaît Philosophie comme étant sa nourrice (1-2), laquelle, tout en dénonçant les pseudo-philosophes et les faux sages (7-8), lui explique que son épreuve l’inscrit dans la noble lignée des martyrs, grecs et latins, morts ou exilés en son nom (3-10), et ce sera sous sa bannière que les bons triompheront des méchants (11-14). Mè. IV : Philosophie prône l’impassibilité, l’inespérance et la sérénité. Pr. 4 : Philosophie invite Boèce à s’épancher (1). Ce dernier, sur un ton teinté de reproche, dit ne pas comprendre pourquoi il se retrouve dans cette situation alors qu’il n’a fait qu’appliquer, dans sa gestion de l’administration publique, les principes inculqués par Philosophie (2-9). Il énumère quelques-unes de ses actions, puis dénonce ceux qui l’ont trahi (10-19). Boèce s’étend ensuite sur l’accusation qui l’a précipité là où il se trouve, à savoir condamné à la mort et à la proscription pour s’être montré trop empressé envers le sénat, grief d’autant plus incompréhensible à ses yeux qu’il se sent irréprochable dans ce qu’il a accompli (20-40). Il termine en regrettant que le tourment qui l’accable atteigne aussi Philosophie (41-46). Mè. V : Boèce entonne un hymne vibrant au Fondateur, ordonnateur du cosmos, puis déplore les contradictions de Fortune, lorsque celle-ci accable l’innocent et encourage le criminel. Pr. 5 : Philosophie, dont Boèce annonce qu’elle reprend la parole (1), dit mesurer, en l’écoutant, combien est intense sa douleur d’exilé, tout en lui Voir Jourdain (1860, p. 332).
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récisant que c’est lui qui s’est infligé ce châtiment, car personne d’autre n’aup rait pu l’y condamner (2-3). Suit une brève réflexion sur l’exil (4-5). Après quoi, Philosophie résume ce que Boèce a décrit de ce qu’il a fait et subi (6-9). Enfin, vu le bouleversement dans lequel il se trouve toujours, elle opte, au début, pour lui administrer un remède relativement doux (10-12). Mè. VI : À l’aide de métaphores à thème naturaliste, Philosophie rappelle que précipiter ou bouleverser un plan établi, c’est se priver de jouir de son issue heureuse. Pr. 6 : Boèce accepte que Philosophie le questionne (1-2). Tous deux s’accordent alors pour dire que le monde est régi par Dieu (3-6). Mais en poursuivant le questionnement, Philosophie s’aperçoit que l’affliction de Boèce est due au fait qu’il a oublié ce qu’il est réellement et quelle est la fin des choses (7-19). Elle lui annonce sa guérison prochaine (20-21). Mè. VII : Philosophie, au moyen d’une nouvelle métaphore à thème naturaliste, invite fermement Boèce à cultiver l’ataraxie. Livre II Pr. 1 : Après un silence (1), Philosophie déclare à Boèce qu’il s’est fourvoyé et n’a pas compris combien Fortune est fondamentalement inconstante. Accepter de s’en remettre à elle c’est nécessairement se soumettre à des mœurs régies par le hasard (2-19). Mè. 1 : Philosophie souligne l’implacabilité de Fortune. Pr. 2 : Philosophie annonce parler à présent avec les mots de Fortune (1). Cette dernière reproche à Boèce son ingratitude et l’injustice de ses griefs (2-4). Elle lui annonce lui retirer les avantages dont il a joui jusqu’alors et qui ne lui ont jamais appartenu en propre (5-10). Elle illustre son propos en mentionnant les cas du roi Crésus et de Persée, puis fait référence à l’histoire des deux tonneaux de Jupiter (11-14). Mè. II : Fortune affirme que tout le contenu de la corne d’abondance ne suffirait pas à assouvir la rapacité et l’insatisfaction des hommes. Pr. 3 : Philosophie encourage Boèce à répondre à Fortune (1). Celui-ci se déclare séduit par la proposition mais encore trop accablé pour s’exécuter (2). Philosophie dit le comprendre et annonce lui soumettre, pour l’heure, des remèdes, non des médicaments (3-4). Elle entreprend ensuite de raconter ce que fut la vie de Boèce : son adoption par des gens éminents, la personnalité remarquable de son épouse, la réception de dignités prestigieuses, l’obtention triomphante du consulat par ses deux fils (5-8). Il n’a donc pas lieu de s’estimer malheureux (9-14). Mè. III : Nouvelle envolée à thème naturaliste de Philosophie pour mieux formuler un principe : le créé ou l’engendré est par excellence inconstant. Pr. 4 : Boèce acquiesce aux paroles de Philosophie, mais c’est le souvenir de son bonheur qui le fait persister dans le malheur (1-2). Philosophie qualifie d’abusive l’accusation que Boèce fait porter sur l’infortune, en lui rappelant de nouveau le prestige dont jouit son beau-père Symmaque, auquel s’ajoutent les grandes qualités de la fille de celui-ci et de leurs deux fils (3-9). Boèce approuve et espère dans la solidité des ancres, évoquées par Philosophie, qui le maintiennent encore stable dans la tempête qu’il traverse (10). Philosophie reproche aussitôt après à Boèce de ne pas être pleinement satisfait des biens
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qu’il a reçus (11-18), et fustige les impatients et les anxieux (19-21), puis entreprend de montrer que la véritable félicité est intérieure (22-29). Mè. IV : Philosophie exhorte Boèce, toujours à l’aide d’une comparaison à thème naturaliste, à rechercher la stabilité, seule source de sérénité. Pr. 5 : Voyant que ses remèdes commencent à être efficaces, Philosophie annonce recourir à une thérapie plus appuyée (1). Elle illustre alors diversement le précepte qu’elle a promu : c’est à l’intérieur de soi-même que les biens doivent être cherchés, tout ce qui se trouve à l’extérieur étant indépendant de nous, par conséquent incontrôlable et changeant (2-21). L’obsession de la satisfaction du besoin ouvre sur une insatisfaction permanente (22-24). C’est en soimême que réside le trésor qui comble et apaise (25-31), et il faut se démunir pour résister à l’adversité (32-35). Mè. V : Philosophie regrette amèrement les temps anciens où l’homme savait se contenter de peu, ceux où il n’avait pas encore cédé aux appâts du luxe générateur de rivalités guerrières engendrées par l’avidité. Pr. 6 : Philosophie s’emploie à montrer que la contrainte n’a aucune prise sur l’homme libre et rationnel, mais peut se retourner contre celui qui l’exerce, et que la fortune connaît aussi des revirements brutaux, elle qui favorise souvent des gens vicieux ou malhonnêtes. Mè. VI : Philosophie en vient ensuite à évoquer, avec lyrisme, une anecdote concernant Néron, qui, après avoir assassiné sa mère Agrippine, aurait touché son corps pour en louer ou en critiquer les différentes parties. Pr. 7 : Boèce rappelle à Philosophie qu’il a géré une affaire non par ambition mais pour canaliser son ardeur à agir (1). Philosophie répond en lui faisant prendre conscience que seule l’ambition dévorante de la gloire et de la renommée, malgré le caractère dérisoire et éphémère de ces dernières, peut contaminer une intelligence supérieure (2-23). Mè. VII : Philosophie le sensibilise de nouveau au double constat selon lequel la mort rend tous les hommes égaux et la renommée n’est point révélatrice de l’âme. Pr. 8 : Philosophie développe l’idée qui veut que la fortune soit profitable lorsqu’elle est contraire, parce qu’elle a en cela une vertu pédagogique et fait découvrir le prix inestimable de l’amitié. Mè. VIII : Nouvelle métaphore à thème naturaliste de la part de Philosophie, pour exprimer que c’est l’amour qui maintient le monde et les peuples dans l’harmonie. Livre III Pr. 1 : Séduit, Boèce se dit avide d’en apprendre davantage (1), rasséréné et très désireux de bénéficier des remèdes plus puissants annoncés par Philosophie (2). Elle lui promet les plus grands bienfaits en lui délivrant, pour commencer, un aperçu du vrai bonheur (3-7). Mè. I : Philosophie, toujours par des comparaisons à thème naturaliste, encourage Boèce à suivre l’idée selon laquelle le Bien ne s’apprécie jamais autant qu’après avoir côtoyé le Mal. Pr. 2 : Après s’être recueillie en elle-même (1), la voici qui définit le plus grand Bien comme celui qui rassasie pleinement et abolit tout autre désir (2), puis comme la totalisation parfaite d’absolument tous les biens (3). En suite de
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quoi, elle passe en revue les différentes attitudes de ceux qui aspirent au bonheur, à savoir ceux qui cherchent à être vénérés, ceux qui tendent ardemment vers la renommée, ceux qui s’adonnent à la volupté et ceux qui invertissent les fins et les moyens (4-8). De plus, seule l’amitié constitue un objectif vertueux, tous les autres biens étant motivés par la quête du pouvoir et du plaisir (9). D’ailleurs, les biens du corps sont en correspondance avec ceux de l’esprit (10). En sommme, le Bonheur est le Bien suprême que chacun désire en priorité, et qu’Épicure situe dans le plaisir (11-12). Ce n’est point dans la tension vers le comble du bonheur que l’homme s’égare, mais c’est relativement à la nature des biens par lesquels il pense pouvoir l’atteindre (13-20). Mè. II : Nouvelle envolée à thème naturaliste de Philosophie, pour dire combien la nature toute-puissante gouverne les êtres, préserve l’orbe immense par des lois et lie toutes les choses en un nœud unique et indissoluble. Pr. 3 : Elle se propose d’enquêter pour savoir si les biens traditionnels comblent ou non les hommes qui en jouissent, et commence en demandant à Boèce s’il n’a jamais été atteint par quelque anxiété (1-5). Ce dernier répond en avouant qu’il a oublié s’il a un jour connu l’ataraxie (6). Philosophie lui démontre alors que les richesses ne permettent pas de se suffire à soi-même mais, au contraire, rendent nécessaire le recours à un tiers, et qu’elles ne sont créatrices que de l’illusion de procurer la suffisance (7-19). Mè. III : Dans un très court mètre, Philosophie, ne quittant pas la comparaison à thème naturaliste, proclame que quel que soit ce que procure au riche sa cupidité, il sera, de son vivant, rongé par la crainte et ses richesses ne l’accompagneront pas dans la tombe. Pr. 4 : Elle argumente ensuite pour montrer que les dignités ne sont aucunement désirables, puisqu’elles ne garantissent pas le respect à celui qui en jouit, sont salies par le commerce des gens mauvais et perdent de leur éclat, voire sont dévalorisées selon les époques et le jugement populaire. Mè. IV : En moins de 10 vers, Philosophie édicte sa sentence, en l’illustrant par l’exemple de Néron : les honneurs n’apportent en rien le bonheur, contrairement à ce que croient les gens misérables. Pr. 5 : Elle poursuit son illustration par l’évocation de plusieurs retournements de fortune ayant affecté les puissants de ce monde dont l’histoire est parcourue (1-11), laquelle fortune ne protège pas, mais rend vulnérable, ne libère pas mais emprisonne (12-14). Mè. V : En un dizain, Philosophie renouvelle sa mise en garde envers ceux qui détiennent le pouvoir rongés par la crainte et le soupçon. Pr. 6 : Ni la faveur populaire, explique-t-elle, superficielle et éphémère (1-6), ni le titre de noblesse, tout entier hérité (7-9), ne sont enviables. Mè. VI : Hymne de Philosophie à Dieu, « administrateur » du cosmos. Pr. 7 : Philosophie s’applique ensuite à illustrer un nouveau principe concernant les voluptés du corps : leur appétit est source d’anxiété et leur satisfaction de remords. Mè. VII : Elle fait ensuite une très rapide comparaison entre le plaisir et l’abeille, dont la douceur du miel n’a d’égal que la douleur de l’aiguillon. Pr. 8 : Après avoir identifié les voies qui mènent aux faux bonheurs, Philosophie se propose de montrer en quoi elles sont source de malheurs (1-2). C’est le cas pour l’argent, les dignités, la puissance, la gloire et la vie voluptueuse (2-6),
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puis pour les prétendus avantages du corps, tout relatifs (7-11). Les voies en question sont donc bien des impasses (12). Mè. VIII : Retour à une comparaison à thème naturaliste, par laquelle Philosophie regrette vivement le fait que si la nature n’a point de secrets pour l’homme, ce dernier ignore où se tient le bien à désirer. Pr. 9 : Reprise du dialogue entre Philosophie et Boèce (1-3), au cours duquel la première va amener le second à identifier le vrai bien. Après avoir posé un principe, à savoir que l’homme est fondamentalement dans l’erreur lorsqu’il fractionne ce qui par nature est simple et indivisé (4), Philosophie établit qu’il existe par ailleurs une nature qui allie, dans l’unité de sa substance, abondance, puissance et allégresse (4-8), ainsi que notoriété et plénitude (9-15). Donc, en fonction du principe précédent, l’homme échoue inéluctablement lorsqu’il cherche à acquérir un bien sans les autres (16-21). (22-24). Qu’en est-il alors de la vraie félicité ? Elle est définie aussitôt après par contraste avec les choses caduques et mortelles, comme ce qui procure suffisance, puissance, respect, célébrité et joie (25-30). Reste ensuite à identifier ce qui peut conduire à un tel état (31). C’est alors l’annonce de l’invocation, avec Platon, du « Père de toutes choses » (32-33). Mè. IX : À l’occasion du mètre le plus célèbre de la Consolation, Philosophie invoque et loue Dieu, qui n’y sera jamais nommé comme tel, en se tenant tout du long sur la ligne de crête entre Hellénisme et Christianisme. Pr. 10 : Cette longue prose est mise à profit, par Philosophie, pour procéder à la quête de la félicité parfaite, de nouveau par contraste avec l’imparfaite (1-6). La forme parfaite, pour la première fois appelée « Dieu », est dite identique au Bien souverain (7-10) et démontrée comme telle (11-21). Après que Boèce eut exprimé sa satisfaction (22), Philosophie étaye sa démonstration, d’abord par un porisme ou corollaire (22-26), puis en déduisant que la substance de Dieu ne réside que dans le Bien lui-même (27-43). Mè. X : Philosophie, exploitant une nouvelle fois une comparaison à thème naturaliste, appelle solennellement toutes les victimes du faux plaisir à rejoindre l’asile qu’elle a ouvert pour les accueillir. Pr. 11 : Après l’approbation admirative de Boèce (1), Philosophie annonce qu’elle va lui révéler comment connaître le bonheur authentique, qui est Dieu, identique au Bien, et ce sur les acquis précédents, à savoir que pour que des biens soient vrais et parfaits, il doivent former un tout unifié (2-7). En effet, tout bien est tel par participation au Bien, lequel est identique à l’Un, l’unité étant l’unique condition de la subsistance des créatures (8-13). Par ailleurs, toute créature est mue par un instinct de conservation et de reproduction, et désire ce qui lui est propre (14-34), observation qui reçoit l’aval de Boèce (35). Philosophie tire alors de ses analyses que l’unité est seule garante de la permanence du créé, pour aboutir, après avoir rappeler l’identité du Bien et de l’Un, au constat que le Bien est la fin de toute chose (36-41). Mè. XI : Incantation de Philosophie pour que l’homme s’adonne à l’introspection, unique moyen de raviver la lumière qui subsiste en lui, comme nous l’apprend le mythe de la caverne de Platon. Pr. 12 : Boèce reconnaît que l’incorporation de son âme et l’affliction qui l’a assaillie ont obscurci sa mémoire, ce qui lui a fait oublié que le monde est régi par Dieu, selon un raisonnement qu’il se propose de résumer (1-5) : la
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très grande diversité du monde a besoin, pour expliquer son unité, d’un principe unificateur et ordonnateur, qu’il appelle « Dieu » (6-8). Philosophie tient cependant à apporter encore une petite précision : Dieu, identique au bonheur et au Bien, dirige le monde et dispose de tout absolument seul (9-14). Boèce se range à cet avis et Philosophie peut en dire davantage (15-16) : les choses, fait-elle savoir, étant régies volontairement par Dieu, auquel elles se soumettent spontanément – si bien que s’opposer à la nature ce serait s’opposer à Dieu –, le Bien souverain dirige tout avec force et dispose tout avec douceur (18-22). Après avoir comparé Boèce aux Géants de la mythologie grecque partis à l’assaut du ciel en défiant Zeus, et elle-même à ce dernier qui les corrige (23-24), Philosophie raisonne ainsi : quoique tout-puissant, Dieu ne peut pas faire le mal, lequel alors n’existe pas (25-29). Se croyant le jouet de Philosophie qui, selon lui, se complaît à tout complexifier, Boèce fait la synthèse de ce qu’il a appris de celle-ci (30-35). Mais Philosophie le dément dans son soupçon (36-38). Mè. XII : Elle termine ce livre troisième en entonnant un long mètre, au cours duquel elle rappelle l’histoire d’Orphée, pour inciter Boèce à se montrer patient avant de contempler la lumière du ciel. Livre IV Pr. 1 : Avant que Philosophie ne poursuive son discours, Boèce prend la parole pour exprimer son désarroi quant à ce qui le scandalise, la douleur qu’il éprouve n’étant pas la seule responsable de ce qu’il aurait pu oublier : comment se peut-il, sachant que le monde est bien gouverné par Dieu, que des méchants restent impunis, des pervers prospèrent et que l’on châtie à leur place des vertueux ? (1-5). Philosophie lui répond que ce serait effectivement un comble de stupeur et de monstruosité s‘il en était ainsi, mais que ce n’est point le cas, comme elle va l’établir à partir du savoir acquis (6-9). Mè. I : Puis Philosophie déclame un assez long mètre et, recourant une fois de plus à une comparaison de type naturaliste, assure à Boèce qu’elle va le ramener sur le chemin de la connaissance. Pr. 2 : Boèce manifeste son impatience d’être instruit, et Philosophie lui indique qu’elle va lui apprendre comment, à l’inverse des gens méchants, les gens de bien sont dotés de la puissance (1-2). Bien et mal étant contraires, si le premier est ferme le second est nécessairement fragile ; or le bon, comme le méchant, brigue le bien, qui est identique au bonheur, mais le premier l’obtient, non le second (3-16). En effet, celui qui est doté d’une fonction naturelle et capable de l’exercer, atteindra son objectif, à l’inverse de celui qui en est incapable ; c’est pourquoi le bon, par l’exercice des vertus, atteindra le bien et le méchant, par cupidité, y échouera (17-25). Au cours de l’étape suivante, Philosophie amène Boèce à comprendre comment le méchant n’est pas de par son impuissance en mesure de faire autre chose que le mal, dont il a été dit qu’il n’a pas d’existence. C’est la seule option qui lui reste après qu’il a perdu sa capacité à faire le bien, déficience qui prouve qu’il a moins de puissance que le bon (2642), bien que la puissance, qui est désirable, ne soit pas la possibilité du mal, puisque le méchant peut perpétrer ce dernier, donc a la puissance de l’accomplir. Le méchant ressort alors comme infirme en ce sens qu’il peut tendre, à son gré, au bien qu’il désire, mais sans l’atteindre jamais (43-46).
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Mè. II : Au cours d’un deuxième dizain, Philosophie brosse à grands traits le portrait de souverains tyranniques, en permanence malheureux parce que partagés entre chagrin et espérance. Pr. 3 : Philosophie conduit Boèce à convenir que le Bien même est la récompense accordée à tout homme de bien comme inséparable de ses mœurs honnêtes (1-7), récompense qui n’est autre que de parvenir à devenir un dieu (8-10). D’autre part, et inversement, le méchant subit une peine, qui est la corruption, véritable supplice qui correspond, en intensité, à la récompense du bon (11-13). C’est alors que Philosophie revient à l’idée précédente, à savoir qu’au méchant est attaché un déficit d’être ou d’existence, qu’elle établit par un syllogisme : tout ce qui est est un ; or l’Un est le Bien ; donc tout ce qui est est aussi le Bien. Par suite, tout ce qui renonce au Bien renonce à l’être. Le méchant se place donc au-dessous de la nature humaine, et est ramené au rang de bête (14-16). Après quoi, Philosophie énonce une série de 8 comparaisons, chacune assimilant un homme dévoyé à une bête (17-24), qu’elle conclut par le constat selon lequel le méchant, ne pouvant accéder à la condition divine, devient bestial (25). Mè. III : Philosophie puise une nouvelle fois dans la mythologie grecque pour conter l’histoire de Circé, qui transforma, par un filtre, les rameurs du bâteau d’Ulysse en bêtes, sans toutefois pouvoir atteindre leur âme, dégradée par un poison bien plus puissant : les passions. Pr. 4 : Boèce donne son assentiment, en déplorant que l’homme mauvais puisse nuire à l’homme bon (1). Philosophie le dément sur cette dernière affirmation en réservant sa démonstration, pour s’appliquer, dans l’immédiat, à montrer qu’un homme mauvais est triplement malheureux en ce qu’il veut, peut et accomplit son forfait (2-5). Boèce en convient, mais souhaite toujours que le méchant soit neutralisé. À cet effet, Philosophie lui explique qu’un méchant est toujours malheureux, et que seule la mort peut le libérer (6-9). Suit un bref excursus sur les conditions d’une inférence inattaquable (10-12). En suite de quoi, Philosophie enchaîne en revenant sur l’idée que l’homme mauvais est plus malheureux quand il n’est pas puni que quand il est sanctionné ou qu’on lui montre l’exemple à suivre, ce qui ne remet toutefois pas en cause le principe voulant qu’il est juste que l’homme injuste soit puni, et que cela est un bien (13-21). D’où ce paradoxe : un homme méchant se verra davantage puni en étant impuni qu’en étant puni (22-25). Convaincu par la logique de la déduction, Boèce se dit quand même embarrassé au regard du jugement du commun des méchants (26). Philosophie confirme, et use d’une comparaison ornithologique, comparant les méchants à des oiseaux de nuit dont la vue s’obscurcit le jour venu, puis elle en appelle à une loi immuable – celui qui fait le bien s’est attribué tout seul le meilleur, tandis que celui qui a fait le mal s’y est précipité tout seul –, en prolongeant le principe de tout à l’heure : celui qui commet une injustice est plus malheureux que celui qui la subit, ce sur quoi Boèce demande un éclaircissement (27-32). Philosophie le conduit alors à admettre, à rebours de ce que pense le vulgaire, mais également les avocats et les procureurs, que le malhonnête est plus malheureux que sa victime, et qu’ainsi c’est lui, dont l’âme est malade, qui devrait être objet de commisération en recevant le châtiment requis, source de délivrance (33-42).
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Mè. IV : En une douzaine de vers, Philosophie engage Boèce à aimer les bons et à prendre les méchants en pitié. Pr. 5 : Boèce se dit troublé par ce renversement, qu’il accepte d’autant moins qu’il est régi non par le hasard, mais par un Dieu recteur de toute chose (1-6). Ce à quoi Philosophie répond péremptoirement qu’il en est bien ainsi et pas autrement (7). Mè. V : Au moyen d’une comparaison à thème cosmique cette fois-ci, Philosophie tente de faire comprendre à Boèce que c’est la nouveauté et le mystérieux qui déroutent la foule ignorante, tandis que l’instruction vient à bout de l’étonnement. Pr. 6 : Boèce, toujours troublé, réclame encore des éclaircissement (1). Philosophie souligne la complexité de la tâche, qui nécessite de traiter tout à la fois de la simplicité de la providence, de l’enchaînement du destin, de la connaissance, de la prédestination divine et du libre-arbitre, et demande un peu de temps pour organiser son argumentation (2-6). Après quoi, elle commence par rappeler que la génération, le progrès et l’évolution de tout ce qui existe trouvent leurs causes, leur succession et leurs formes dans la stabilité de l’esprit divin. Puis elle définit la providence comme la modalité multiforme, aperçue dans la pureté de l’intelligence divine, instaurée pour l’accomplissement des choses, et le destin comme la même modalité appliquée à ce que meut et dispose cette intelligence (7-8). Deux autres définitions sont ensuite données – 1. pour la providence : la raison divine elle-même, constituée dans le suréminent principe universel qui dispose tout, 2. pour le destin : la disposition inhérente aux choses mouvantes, par laquelle la providence les enchaîne une à une dans leur succession –, puis diversement explicitées, en soulignant plusieurs fois la dépendance du destin à l’égard de la providence (9-14). En appui intervient de nouveau une comparaison à thème cosmique, toujours pour illustrer cette dépendance et préciser la nature et les effets du destin (15-22). C’est alors le moment pour Philosophie d’aborder directement la question qui tourmente Boèce : pourquoi aussi bien les bons que les méchants sont-ils concernés tantôt par ce qui leur est contraire, tantôt par ce qui leur est favorable (23) ? La grande diversité des jugements des hommes empêche le consensus quant à savoir qui mérite un châtiment, qui une récompense, et ce qui apparaît géré contrairement à son attente personnelle ne l’est pas moins par une succession rigoureuse (24-34). Après quoi, une longue série d’exemples illustre les multiples modalités d’intervention de la providence. (35-57), qui aboutit à énoncer que Dieu organise tout en vue du Bien et le maintient égal à lui-même grâce à un enchaînement nécessaire d’où le mal est exclu. La prose se termine par un constat de Philosophie, celui de l’épuisement que sa démonstration a provoqué chez Boèce. Mè. VI : Nouvelle évocation à thème cosmique, de la part de Philosophie, qui célèbre ainsi l’harmonie des éléments, laquelle, sous la houlette de Dieu, alimente et assure également l’essor de toutes ses créatures. Pr. 7 : Philosophie tire les leçons de ses exposés – toute fortune est résolument bonne – et développe le constat qui heurte de front l’opinion du vulgaire : l’infortune qui frappe le méchant est en vérité bonne (1-16), parce que soit elle corrige, soit elle se montre incitatrice relativement au Bien. Mè. VII : Doublage lyrique, par Philosophie, à l’aide de l’épopée homérique, de la sentence qui précède.
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Livre V Pr. 1 : Philosophie préfère que l’entretien change d’orientation, mais Boèce dit souhaiter connaître la nature du hasard. Elle déclare alors qu’au regard de la nécessité qui caractérise le gouvernement du monde par Dieu, le hasard n’existe pas (1-10). Boèce insiste, et Philosophie, s’appuyant sur Aristote, va amener la définition du hasard : « l’inattendu survenu par l’effet de causes convergentes dans ce qui est accompli en vue de quelque chose » (11-19). Mè. I : Par une comparaison supplémentaire à thème naturaliste, Philosophie répète que, contrairement aux apparences, le hasard obéit à une loi rigoureuse. Pr. 2 : Boèce acquiesce, mais s’interroge sur ce qu’il en est de notre liberté à travers l’exercice du libre arbitre. Ce à quoi Philosophie répond qu’il y a incontestablement de la liberté chez toute nature raisonnable, mais qu’elle s’y trouve de manière inégale, en fonction de la proximité entretenue avec le divin. D’où l’action de la providence, qui opère selon les mérites de chacune. Mè. II : Philosophie procède à une comparaison entre le soleil et Dieu, le second, à la différence du premier, ayant un pouvoir de pénétration illimité. Pr. 3 : Boèce se dit troublé par l’idée que si Dieu dispose d’une prescience totale et infaillible, il n’y a plus aucune place pour la liberté (1-2). Il amorce aussitôt une vaste justification de son émoi en déroulant une longue argumentation, laquelle revient à réfuter la thèse qui prétend que quelque chose doit arriver parce que rien ne peut échapper à la providence et non parce que cette dernière a prévu que cela doit arriver (3-28). Fort de son démenti, il continue en exposant les conséquences d’une prescience divine absolue sur la liberté humaine, par rapport à l’exercice de la justice et à la relation entre l’homme et Dieu (29-36). Mè. III : Boèce poursuit, sur un mode lyrique, son interrogation touchant ce qu’il perçoit toujours comme une incompatibilité radicale entre la providence divine et la liberté humaine, et termine sur un constat : connaître, c’est se ressouvenir. Pr. 4 : Philosophie rappelle toute la difficulté du problème, auquel s’est confronté notamment Cicéron, et qui consiste à ne serait-ce qu’approcher par la raison la simplicité de la prescience divine. Or c’est précisément ce qu’elle va tenter de faire, en partant de ce qui tourmente Boèce (1-3). Selon elle, providence et libre arbitre peuvent aller de pair si l’on admet que la première n’est pas la cause de la nécessité des événements futurs. Car si la prescience n’existe pas, ce qui provient de l’arbitre n’est pas soumis à la nécessité, et si elle existe sans soumettre les événements à la nécessité, la volonté humaine restera absolument libre (4-9). Il vaut alors de démontrer que tout arrive par nécessité, pour établir que même sans connaissance anticipée, l’issue de ce qui est futur reste nécessaire (10-13). À cet effet, Philosophie s’attache à asseoir l’idée que tout acte de connaissance ne se produit qu’à partir des ressources du sujet connaissant (sensibilité, imagination, raison, intelligence – laquelle sera dite, à la prose suivante, être le propre de la divinité) et non à partir de celles de l’objet connu (14-39). Mè. IV : Philosophie, transposant la théorie de la vision effleurée précédemment (IV, 4, 26), entérine, contre le Stoïcisme, celle, d’inspiration platonicienne, de la connaissance comme opération relevant entièrement du sujet connaissant. Pr. 5 : Affinant cette théorie, Philosophie énonce ensuite que si c’est l’esprit qui seul, par ses ressources propres, interprète les données des sens, ce qui est
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dégagé de ces derniers est du ressort du seul esprit (1-2), et après être revenue sur l’analyse des ressouces du sujet connaissant, elle aboutit à affirmer que les événements qui ne bénéficient pas d’une issue assurée sont aussi préconnus par Dieu (3-12). Mè. V : Philosophie exhorte le genre humain afin que, étant le seul à être dressé vers le ciel, il mette à profit cette posture pour côtoyer les sommets. Pr. 6 : Longue prose de clôture de la Consolation, mise à profit par Philosophie dans le but d’annoncer sa tentative pour cerner la nature et la science de Dieu (1). Sa première caractéristique est l’éternité, qui est définie avec l’aide d’Aristote puis de Platon, et par contraste avec le monde, qui, lui, est dit perpétuel (2-15). Cela lui permet de préciser qu’à Dieu revient, non pas la prévoyance, mais la providence, qui le dote d’une science jamais déficiente (16-17), par laquelle, sans changer la nature et la propriété des choses, il les voit, présentes, telles qu’elles seront dans le futur et dépourvues de nécessité (18-26). Dès lors, si la providence voit une chose présente, il y a nécessité qu’elle soit, cette nécessité ne devant rien à la nature de la chose, si bien que ce qui est futur, tout en devenant nécessaire relativement au regard divin, conserve sa liberté absolue de nature, puisque avant de se produire il pouvait tout à fait librement ne pas se réaliser (27-32). Donc, dans tout ce que Dieu possède par présence, certaines choses sont nécessaires par nature, d’autres par la puissance des agissants (3336). Philosophie objecte alors, au nom de Boèce, que tout changement ou toute alternance de projets est susceptible d’évacuer la providence. Ce à quoi elle objecte que le présent, qui caractérise la vision de Dieu, englobe tous les projets et leurs changements, anticipe et embrasse toutes les mutations, tout pouvoir que ce dernier tire de sa simplicité (37-41). La question de Boèce trouve de fait sa réponse : nos actions à venir ne peuvent en aucun cas être la cause de la science de Dieu, qui embrasse tout dans un éternel présent en préservant le libre arbitre et rend une justice sans failles (42-45). Enfin, Philosophie promeut l’espérance et la prière, appelle à cultiver la vertu et célèbre la probité pratiquée sous le regard de Dieu (46-48).
TRADUCTION Livre I1 Metrum I – Mètre I Boèce – 1. Carmina qui quondam studio florente peregi, flebilis heu maestos cogor inire modos. Ecce mihi lacerae dictant scribenda Camenae et ueris elegi fletibus ora rigant. J’ai su un temps dans la fleur de mon zèle écrire des poèmes2, Je dois, hélas, en pleurs, entonner des chants tristes3. Voici que, lacérées, les Camènes4 me dictent mes écrits Et de vrais pleurs l’élégie5 inonde ma face. 5. Has saltem nullus potuit peruincere terror, ne nostrum comites prosequerentur iter. Gloria felicis olim uiridisque iuuentae, solantur maesti nunc mea fata senis. Elles du moins, nulle terreur n’a pu les vaincre, Les empêcher d’accompagner notre voyage : Gloire de ma jeunesse un jour heureuse et verte, À présent réconfort de mon destin de vieillard triste. 1 Pour les renvois au traité, voir supra, Préface, n. 6. D’autre part, afin d’éviter les innombrables et fastidieux (tum ego) inquam et (tum illa) inquit entre autres, nous les avons remplacés par la mention du nom des deux interlocuteurs lors de chaque intervention (abrégée en Bo. – et Ph. –, Bo. – valant à la fois pour le Boèce narrateur et le Boèce interlocuteur). 2 Boèce reconnaît ici avoir composé des poèmes dans sa jeunesse. Cf. Anecdoton Holderi, à propos justement de Boèce : « condidit carmen bucolicum = il a composé un poème bucolique » (voir Galonnier, 1997, p. 79). Voir également infra, I, 2, 6-12. La variété de sa poétique dans la Consolation laisse à penser qu’il ne s’est point limité, loin s’en faut, au genre qu’il cite. 3 L’ensemble de ce mètre a des accents ovidiens. Nous n’en mentionnerons que quelques-uns. Ainsi pour flebilis : cf. (Gruber, 2006, p. 51) Ovide, Tristes, V, I, 5 : « Flebilis ut noster status est, ita flebile carmen = Triste est notre situation, et triste notre chant ». 4 À l’origine nymphes des eaux prédisant l’avenir, ces divinités latines furent identifiées avec les Muses à partir de Livius Andronicus et Névius. 5 L’élégie est étymologiquement et traditionnellement liée à la plainte (voir Charlet, 2020, p. 96-97) : voir notamment Isidore de Séville, Etymologies, 1, XXXIX, 14.
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Venit enim properata malis inopina senectus 10. et dolor aetatem iussit inesse suam. Intempestiui funduntur uertice cani et tremit effeto corpore laxa cutis. Car la vieillesse est arrivée, inopinée, hâtée par le malheur6, Et la douleur a imposé son âge. Avant l’heure mon chef verse des cheveux blancs ; Sur mon corps épuisé ma peau flasque frissonne. Mors hominum felix, quae se nec dulcibus annis inserit et maestis saepe uocata uenit. 15. Eheu, quam surda miseros auertitur aure et flentes oculos claudere saeua negat ! Heureuse pour l’homme la mort qui ne vient pas en ses douces années7 Mais arrive invoquée souvent par sa tristesse. Hélas! Comme, l’oreille sourde, elle se détourne des malheureux Et ne veut, cruelle, fermer des yeux qui pleurent ! Dum leuibus male fida bonis fortuna faueret paene caput tristis merserat hora meum; nunc quia fallacem mutauit nubila uultum 20. protrahit ingratas impia uita moras. Quid me felicem totiens iactastis, amici ? Qui cecidit, stabili non erat ille gradu ». Quand me favorisait de biens légers la perfide8 fortune, À peine une heure de tristesse engloutissait ma tête ; 6 Cette déploration d’une vieillesse prématurée, due à la traversée de tragiques épreuves existentielles, fait de nouveau entendre des accents ovidiens – voir (Bocognano, 1937, p. 333) Ovide, Pontiques, I, IV, 1-2 et 19-20 (À sa femme) : « Iam mihi deterior canis aspergitur aetas, / Iamque meos vultus ruga senilis arat… / Me quoque debilitat series immensa malorum, / Ante meum tempus cogor et esse senex = Déjà la dégradation de l’âge asperge de blanc mes cheveux, Et déjà les rides de la vieillesse sillonnent mon visage… Une suite infinie de maux m’affaiblit moi aussi, / Et me fait vieillir avant l’heure ». 7 Dulcibus annis : l’expression se trouve chez Ovide, Métamorphoses, VII, 752, à propos de Céphale et Procris (Gruber, 2006, p. 54) : « redditur et dulcis concorditer exigit annos = elle m’est rendue et dans la concorde passe (avec moi) de douces années ». 8 Male fida : le rapprochement que propose Gruber (2006, p. 55) avec Virgile, Énéide, II, 23 (« statio male fida carinis = port peu sûr pour les carènes », à propos de l’île de Ténédos) paraît forcé.
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Maintenant avec ses nuées elle a changé son visage trompeur9 Et une vie impie prolonge ses fâcheux retards10. Pourquoi, amis, avoir vanté tant de fois mon bonheur ? Qui est tombé n’avait point un pas assuré. Prosa 1 1. Haec dum me cum tacitus ipse reputarem querimoniamque lacrimabilem stili officio signarem astitisse mihi supra uerticem uisa est mulier reuerendi admodum uultus, oculis ardentibus et ultra communem hominum ualentiam perspicacibus, colore uiuido atque inexhausti uigoris, quamuis ita aeui plena foret ut nullo modo nostrae crederetur aetatis, statura discretionis ambiguae. Prose 1 1. Bo. – Alors que de mon côté je réfléchissais à cela en silence par devers moi et fixais ma plainte larmoyante au moyen d’un stylet11, j’eus le sentiment qu’au-dessus de ma tête une femme s’était dressée12, au visage tout à fait vénérable, aux yeux ardents et pénétrants au-delà de la capacité commune aux hommes, au teint vif13 et d’un éclat inexhaustible – bien qu’elle eût été d’un âge si avancé qu’on ne pût la croire en aucune manière de notre époque –, et avec une stature d’apparence variable. 2. Nam nunc quidem ad communem sese hominum mensuram cohibebat, nunc uero pulsare caelum summi uerticis cacumine uidebatur; quae cum altius caput extulisset ipsum etiam caelum penetrabat respicientiumque hominum frustrabatur intuitum. 2. Car certes, tantôt elle se maintenait à la mesure commune aux hommes, mais tantôt elle paraissait heurter le ciel avec la pointe du 9 Fallacem… vultum : même expression chez Ovide, Métamorphoses, V, 279 à propos d’un barbare thrace (Gruber, 2006, p. 56) : « nostraque fallaci veneratus numina vultu = et il honore nos divinités d’un visage trompeur ». 10 Protrahit… moras : expression proche chez Virgile, Énéide, X, 888, à propos d’Énée combattant Mézence (Gruber, 2006, p. 56) : « tot traxisse moras… taedet = las d’avoir subi tant de retards ». 11 Stilus : rappelons qu’il s‘agit d’un poinçon pour écrire, qui allait de pair avec des tablettes d’écriture, en cire ou autre. 12 L’incertitude quant à savoir si Boèce était à ce moment-là éveillé ou endormi ne sera jamais levée par la suite. On pourra comparer cette entrée en scène de Philosophie avec celle rapidement décrite par Martianus Capella (Noces de Mercure et de Philologie, II, § 131). 13 Selon Gruber (1978, p. 61), l’association d’un « teint vif » (colore vivido) et d’un âge extrêment avancé (ita aevi plena), qui fait de Philosophie une créature à la fois très jeune et très âgée, illustre la thématique de la forme idéale, masculine ou féminine, largement décrite par Curtius (1961, p. 108-115).
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s ommet de sa tête14 ; et lorsqu’elle dressait plus haut le chef15, elle pénétrait qui plus est le ciel lui-même16, et se dérobait au regard des hommes tournés vers elle17. 3. Vestes erant tenuissimis filis subtili artificio indissolubili materia perfectae, quas, uti post eadem prodente cognoui, suis manibus ipsa texuerat; quarum speciem, ueluti fumosas imagines solet, caligo quaedam neglectae uetustatis obduxerat. 3. Ses vêtements avaient été élaborés, avec un art subtil18, à partir de fils très fins, en une matière impérissable19, vêtements qu’elle-même, comme elle m’en donna connaissance ensuite20, avait tissés de ses propres mains ; un certain brouillard, dû à un vieillissement d’incurie, en avait assombri l’aspect21, comme il arrive à des portraits charbonnés22. 14 L’expression un peu lourde summi verticis cacumine témoigne de la précision de Boèce. Celle verticis cacumen est en toute probabilité une adaptation de celle du De l’institution arithmétique (II, XXI, 3 et XXIV, 3), à propos du sommet d’une figure pyramidale. D’autre part, concernant altius caput extulisset, cf. Virgile, Géorgiques, III, 553, au sujet de Tisiphone, l’une des Érinyes, divinités infernales : « caput altius effert = elle lève la tête plus haut » – Gruber (1978, p. 61-62). 15 Nous avons tenté de différencier en l’occurrence vertex de caput. 16 L’évocation d’un ciel (caelum) plafonné que l’on peut percer pour y disparaître est une image qui, selon Gruber (1978, p. 62), aurait pu être empruntée à Platon (Phèdre, 247b-c), tandis que Virgile (Énéide, IV, 177) aurait suggéré l’idée de la nue : « Caput inter nubila condit = (Le vieux chêne dans la tempête) dissimule sa tête dans les nuages ». Mais l’entretien de la Consolation n’est-il pas censé se dérouler à l’intérieur d’une pièce ? 17 Cette taille variant entre deux extrêmes pourrait faire référence soit à la taille de la Sagesse (Pr 8, 2 et 31), soit à Poimandrès, être divin et figure d’autorité (voir Hermès Trismégiste, Poimandrès, I, et notre Introduction, p. 102). 18 Subtili artificio : Gruber (1978, p. 67) signale une expression approchante dans une lettre (CXLVIII, 17, 2) de saint Jérôme : « persubtile artificium ». Mais est-il pertinent de penser que Boèce ait pu lire la correspondance de Jérôme ? 19 La traduction d’indissolubilis est difficile à ajuster ici – « inaltérable » (Bocognano, p. 5) ne convient pas, dans le mesure où plus loin (§ 5) Boèce indiquera que les vêtements de Philosophie ont été déchirés et arrachés – voir aussi infra, IV, 6, 19, à propos d’un enchaînement de causes (indissolubili conexione). 20 Voir infra, I, 3, 7. 21 Peut-on toujours invoquer une certaine idéalisation (voir supra, n. 13) pour expliquer que Boèce se complaise ici à dépeindre Philosophie comme une très vieille femme portant des vêtements autoconfectionnés et « patinés », manifestant ainsi une volonté de tomber dans le misérabilisme ? Rémi d’Auxerre a vu en ce dernier symbolisées les erreurs des philosophes, qui, en de multiples endroits, ont parlé contre Philosophie, parce que la négligence a investi les arts (quia neglegentia in artibus accesserat = Stewart, 1916, p. 26). Quoi qu’il en soit, l’iconographie ne l’a point suivi sur ce point – voir Courcelle (1967, planches 22-64 entre autres). 22 Fumosas imagines : de toutes les références proposées par Gruber (1978, p. 63) nous n’en retiendrons que deux, à savoir Cicéron, Contre Pison, I : « commendatione fumosarum imaginum = (tu t’es glissé jusqu’aux honneurs…) avec l’appui de portraits
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4. Harum in extremo margine Π graecum, in supremo uero Θ legebatur intextum atque inter23 utrasque litteras in scalarum modum gradus quidam insigniti uidebantur, quibus ab inferiore ad superius elementum esset ascensus. 4. Sur leur bordure basse se lisait un Π (pi majuscule) grec brodé, et un Θ (thêta majuscule)24 sur la haute ; et entre l’une et l’autre lettres, à la façon des échelles, se voyaient, distinctement signalés, des genres de degrés, par lesquels on pouvait s’élever du caractère inférieur au supérieur25. 5. Eandem tamen uestem uiolentorum quorundam sciderant manus et particulas quas quisque potuit abstulerant. 5. Pourtant, les mains de quelques furieux avait déchiré26 ce même vêtement, et elles en avaient emporté des fragments, autant que chacune avait pu27. charbonnés », et Sénèque, Lettres, XLIV, 5 : « non facit nobilem atrium plenum fumosis imaginibus = ce n’est pas un atrium rempli de portraits charbonnés qui fait un noble ». Pour O’Donnell (1979, ad loc.), il s’agirait plus précisément de masques en cire représentant des ancêtres morts, que l’on suspendait dans l’atrium des maisons romaines, noircis par la suie des combustions d’âtre, et que l’on portait lors de processions funéraires. 23 Nous préférons lire inter plutôt que in (Moreschini, p. 5, et Alii). 24 Pareille symbolique alphabétique peut renvoyer soit aux initiales des termes Πρακτική (philosophie pratique) et Θεωρητική (philosophie théorétique ou cognitive), deux des trois modes scientifiques (le troisième étant le poiétique) que l’on rencontre entre autres chez Aristote, soit aux Α et Ω christiques (Ap 1, 8), sachant qu’en l’occurrence ces lettres figurent à l’évidence un commencement et une fin – voir notre Introduction, p. 97. 25 Cette image d’une sorte d’échelle faite de graduations a pu être empruntée au Protreptique de Jamblique (voir I, p. 8, 5 P). Sur l’hypothèse, appuyée par l’iconographie, qu’elle représenterait les sept arts libéraux, voir Phillips (2009). 26 Boèce utilise ici le verbe scindere (cf. discindere en infra, I, 3, 7) pour décrire l’état du vêtement de Philosophie, qui subit entièrement cette dégradation. Il ne faut le confondre ni avec l’abripere d’infra, I, 3, 7 aussi, ni avec le lacerare qui décrit l’état des Camènes (supra, I, I, 3), cette « lacération » s’appliquant à la fois à leur habit et à leur chair, en lien avec la coutume antique du deuil, toujours en vigueur dans certains pays méditerranéens de tradition musulmane, qui poussent des femmes à se déchirer non seulement les vêtements, mais aussi, avec leurs ongles, leur visage et leur poitrine – voir Cicéron, Tusculanes, III, 62, qui énumère les manières, ridicules à ses yeux, de marquer le deuil : « paedores, muliebres lacerationes genarum, pectoris feminum capitis percussiones = des mauvaises odeurs, des lacérations de joues féminines, des frappements de la poitrine, des cuisses et de la tête ». Nous remercions Jean-Louis Charlet pour cette information. 27 La métaphore fait sans doute référence à tous les prétendus philosophes qui croient se parer de ce titre en arborant simplement un lambeau du manteau de Philosophie (voir infra, I, 3, 7). Ces « furieux » ne sont toutefois pas les seuls à avoir prélevé un morceau de son vêtement. Bien d’autres l’ont fait, que pourtant Boèce ne condamne nullement (voir infra, I, 3, 8).
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6. Et dextra quidem eius libellos, sceptrum uero sinistra gestabat. 6. Elle portait aussi des livrets28 dans sa main droite, et un sceptre29 dans la gauche30. 7. Quae ubi poeticas Musas uidit nostro assistentes toro fletibusque meis uerba dictantes, commota paulisper ac toruis inflammata luminibus: 7. Quand elle vit les Muses de la Poésie31 se tenant debout près de notre couche et mettant des mots sur mes gémissements, un moment remuée et le regard torve enflammé par des éclairs, elle déclara : 8. – Quis, inquit, has scenicas meretriculas ad hunc aegrum permisit accedere, quae dolores eius non modo nullis remediis fouerent, uerum dulcibus insuper alerent uenenis? 8. Philosophie – Qui a permis à ces viles courtisanes de théâtre32 d’accéder à cet égrotant, elles qui non seulement ne soulageraient ses douleurs par aucun remède, mais l’alimenteraient plutôt par de doux poisons33 ? 9. Hae sunt enim quae infructuosis affectuum spinis uberem fructibus rationis segetem necant hominumque mentes assuefaciunt morbo, non liberant.
Pourquoi des libelli, autrement dit un diminutif à connotation dépréciative ? La Philosophie n’était-elle pas digne de porter des libri ? Sur leur possible interprétation, voir notre Introduction, V. 10. C. 14. 29 Ce sceptre peut désigner plus précisément soit l’accessoire christique (celui d’He 1, 8), soit l’attribut du sage grec, symbole de l’autorité (par exemple celui d’Agamemnon dans l’Iliade, II, 45) – voir notre Introduction, p. 105. 30 En dépit de cette description, Upsher Smith (2009) soutient que c’est sainte Monique, la mère de saint Augustin, telle que décrite surtout dans le De l’ordre, qui a inspiré à Boèce le personnage de Philosophie. 31 Elles devaient être au nombre de neuf : Clio, Calliope, Melpomène, Thalie, Erato, Euterpe, Terpsichore, Polymnie, Uranie. 32 On déduira de cette charge contre ces « prostituées de basse scène », que Boèce n’apprécie nullement l’art du théâtre. Pourtant, il recourut lui-même explicitement à Euripide, Catulle et Lucain. 33 La détestation que nourrit Philosophie envers la Poésie est vraisemblablement inspirée, quoique de façon indirecte, de Platon, qui, dans La République notamment (livres II, III, et X), bannit la poésie d’imitation, parce qu’elle est purement jouissive, mensongère et stimulatrice des bas instincts, de la cité – voir Colin (1928). La question ne se pose pas moins de savoir pourquoi Philosophie ne va cesser, tout au long du dialogue, de déclamer des vers, présentés qui plus est comme curatifs en infra, IV, 6, 58 ? 28
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9. Ce sont elles, en effet, qui, par les épines infructueuses34 des passions, détruisent la moisson abondante en fruits de la raison35, et accoutument les esprits des hommes, qu’elles ne libèrent point, à la maladie. 10. At si quem profanum, uti uulgo solitum uobis, blanditiae uestrae detraherent, minus moleste ferendum putarem – nihil quippe in eo nostrae operae laederentur – hunc uero Eleaticis atque Academicis studiis innutritum…36 10. Ah ! si vos caresses débauchaient quelque profane, comme il vous est habituel de le faire en public, je pense que je le supporterais avec moins de peine – en cela assurément vous ne porteriez en rien atteinte à notre œuvre –, mais celui-ci, nourri37 par les doctrines éléates et académiciennes38… 11. Sed abite potius, Sirenes usque in exitium dulces, meisque eum Musis curandum sanandumque relinquite. 11. Allons ! retirez-vous plutôt, Sirènes douces jusqu’au trépas39, et laissez-le aux Muses miennes, afin qu’elles le soignent et le guérissent40. Nous choisissons de rendre la parenté morphosémantique entre infructuosus et fructus. Par ailleurs, sur l’opposition entre les « épines infructueuses » et les « fruits de la raison » qui pourrait faire référence (Gruber, 1978, p. 67) aux passages néotestamentaires de Mt 13, 22, Mc 4, 18 et Lc 8, 14, voir notre Introduction, 100-101. 35 On notera la métaphorisation à thème végétalo-fruitier : « épines », « moisson » et « fruits ». 36 Moreschini (p. 6) signale ici une lacune qu’il n’explique pas. 37 Sur Philosophie comme nutrix, voir infra, I, 2, 2 ; I, 3, 2 et 2, 4, 1. 38 C’est-à-dire surtout celles de Parménide, de Zénon d’Élée et de Mélissos d’un côté, et celle de Platoniciens de l’autre. Ce devrait donc être, pour les figures majeures, chez ces auteurs qu’il conviendrait de chercher l’inspiration de Boèce dans la Consolation. Mais nous verrons que d’autres penseurs et courants de pensée sont envisageables. D’ailleurs, il lui arrivera d’en appeler aussi à Aristote. 39 Comprenons : dont les chants sont tellement charmeurs qu’ils peuvent conduire à la mort si on se laisse envoûter par eux. On aura reconnu le mythe se rapportant à ces trois ou quatre féroces divinités de la mer appelées σειρῆνες ou sirenes, qui, par leur musique et leur mélodie, faisaient perdre aux marins le sens de l’orientation, jusqu’à ce qu’ils précipitent leur bateau sur les rochers où elles se tenaient, en suite de quoi elles dévoraient leurs malheureux occupants – voir, entre autres, Homère, Odyssée, XII, 40 sqq., et Virgile, Énéide, notamment III, 212. 40 S’inspirant toujours de Platon (voir supra, I, 1, 8 et la note y afférente), Boèce ne chasse pas lui-même les Muses de Philosophie de son lieu de détention, dès lors qu’à ces dernières, explique Platon, reviennent à la fois le gouvernement de la République qu’il théorise et la formation et la maîtrise des intelligences des citoyens. À la différence de Boèce toutefois, Platon réserve le substantif « Muses » exclusivement à la Poésie. 34
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12. His ille chorus increpitus deiecit humi maestior uultum confessusque rubore uerecundiam limen tristis excessit. 12. Bo. – Sous ces invectives, le chœur morigéné inclina son visage affligé vers le sol, et confessant sa honte par sa rougeur, il franchit, amer, le seuil. 13. At ego, cuius acies lacrimis mersa caligaret nec dinoscere possem quaenam haec esset mulier tam imperiosae auctoritatis, obstupui uisuque in terram defixo quidnam deinceps esset actura exspectare tacitus coepi. 13. Quant à moi, dont le regard submergé par les larmes41 se brouillait, ne pouvant distinguer qui donc était cette femme à l’autorité si impérieuse, je demeurai interdit, et, les yeux rivés sur la terre, je me mis à attendre, silencieux, de savoir ce que de fait elle allait entreprendre aussitôt. 14. Tum illa propius accedens in extrema lectuli mei parte consedit meumque intuens uultum luctu grauem atque in humum maerore deiectum, his uersibus de nostrae mentis perturbatione conquesta est: 14. Alors celle-ci, se rapprochant, s’assit à l’extrémité de mon lit de repos, et, considérant attentivement mon visage, lourd d’accablement et tourné avec tristesse vers le sol42, elle déplora le désordre de notre esprit en ces vers : Metrum II – Mètre II Philosophie – 1. Heu, quam praecipiti mersa profundo mens hebet et propria luce relicta tendit in externas ire tenebras terrenis quotiens flatibus aucta 5. crescit in immensum noxia cura ! Hélas ! combien, précipité au fond du gouffre43, Mon esprit engourdi, délaissant sa lumière, 41 Lacrimae ici, lacrimabilis supra, § 1, et oculos meos undantes fletibus infra, I, 2, 7 : il est par trop clair que Boèce doit apparaître comme inconsolable. 42 Boèce apprécie l’expression de la contrition qui consiste à baisser la tête, puisqu’il l’utilise trois fois de suite (§ 12 : « deiecit humi maestior uultum », 13 : « uisuque in terram defixo « et ici : « uultum… in humum maerore deiectum ») – voir la note 51. On notera à cette occasion la différence, de pure forme, entre humus et terra – voir J.-B. Guillaumin (2013). Voir aussi infra, I, II, 26 et la note y afférente. 43 Le gouffre de la matière, alors qu’au vers suivant la lumière propre de l’âme renvoie à son origine divine. La clausule mersa profundo (Gruber, 2006, p. 77) se lit dans un contexte astronomique chez Columelle (X, 78-79), et, dans un contexte chrétien, chez Avit de Vienne (Histoire spirituelle, II, 280-281).
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Cherche à aller vers les ténèbres extérieures, Chaque fois qu’augmenté par les souffles terrestres S’accroît immensément le nuisible souci ! Hic quondam caelo liber aperto suetus in aetherios ire meatus cernebat rosei lumina solis, uisebat gelidae sidera lunae 10. et quaecumque uagos stella recursus exercet uarios flexa per orbes comprensam numeris uictor habebat ; Celui qui, libre un jour dans le ciel dégagé, D’habitude arpentait les routes de l’éther, Apercevait les rayons d’un soleil rosé ; Il allait voir l’astre de la lune gelée Et, toute étoile, en ses errances rétrogrades, Qui va et s’infléchit par des cercles divers, Il savait la tenir, vainqueur, de par ses nombres44. quin etiam causas unde sonora flamina sollicitent aequora ponti, 15. quis uoluat stabilem spiritus orbem uel cur Hesperias sidus in undas casurum rutilo surgat ab ortu, Bien plus, les causes qui font que soit agitée Par des souffles bruyants45 la surface marine46, Quel esprit47 fait tourner le monde inébranlable, Pourquoi l’astre48 qui va tomber au sein des flots De l’Hespérie49 surgit de l’ardent Orient, 44 Les v. 6 à 12 renvoient à la poésie scientifique et philosophique de Boèce antérieure à la Consolation et qui ne nous est pas parvenue (cf. infra, I, 4, 4). 45 Sonora flamina : l’expression se lit au singulier chez Claudien (Gruber 2006, p. 84), à propos de Borée (Le Rapt de Proserpine, I, 73-74 : « pelagus, silvas camposque sonoro flamine rapturus = d’un souffle à emporter avec fracas / La mer, les forêts et les plaines » (Charlet, I, p. 12). 46 Aequora ponti : la clausule se lit chez Lucrèce, De la nature, I, 8 (Gruber 2006, p. 84) : « tibi rident aequora ponti = te sourient les plaines de la mer ». 47 Le souffle qui, selon les Stoïciens, parcourt l’univers et lui donne vie. 48 Le soleil : cf. infra, III, II, 31 : « Cadit Hesperias Phoebus in undas ». 49 Hesperias… undas : l’expression peut venir d’Ovide, Fastes, II, 73 (Gruber, 2006, p. 84) : « Proximus Hesperias Titan abiturus in undas = Le lendemain, Titan [= le Soleil] prêt à s’en aller dans les ondes d’Hespérie ».
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quid ueris placidas temperet horas ut terram roseis floribus ornet, 20. quis dedit ut pleno fertilis anno autumnus grauidis influat uuis rimari solitus atque latentis naturae uarias reddere causas : Qui adoucit et tempère au printemps les heures Afin d’orner la terre avec des fleurs de rose50, Qui a fait que, fécond d’une année abondante, L’automne puisse épancher des raisins gonflés, D’habitude il le recherchait pour expliquer La nature cachée et ses diverses causes. nunc iacet effeto lumine mentis 25. et pressus grauibus colla catenis decliuem que gerens pondere uultum cogitur, heu, stolidam cernere terram. Pour l’heure, il gît ; la lumière de son esprit Est éteinte, son cou, pressé de lourdes chaînes. Sous le poids51, il porte vers le bas son visage, Contraint, hélas ! à regarder la terre brute. Prosa 2 1. – Sed medicinae, inquit, tempus est quam querelae. Prose 2 1. Ph. – Mais l’heure est aux remèdes plutôt qu’aux lamentations. 2. Tum uero totis in me intenta luminibus: Tune ille es, ait, – qui nostro quondam lacte nutritus, nostris educatus52 alimentis in uirilis animi robur euaseras? 2. Bo. – Et alors, tendue vers moi, avec toute l’intensité de son regard53, elle déclare : 50 Roseis floribus : l’expression peut venir de Claudien, Petits Poèmes, XXIX, 29-30 (Gruber, 2006, p. 85) : « roseisque cubilia surgunt / floribus = on dresse un lit aux fleurs de roses » (= Charlet, IV, p. 44). 51 Le poids de la matière et du corps force l’homme à regarder vers le bas alors que, par la station debout qui lui est propre, il tourne naturellement son regard vers le haut – voir supra, n. 42 et infra, V, V. 52 Le français peine à distinguer innutrire (I, 1, 10), nutrire et educare. 53 Cf. supra, I, 1, 1, les « yeux ardents et pénétrants » de Philosophie.
LIVRE I177
Ph. – N’es-tu pas celui qui, nourri autrefois par notre lait, fortifié par nos aliments54, as acquis la robustesse de l’esprit viril ? 3. Atqui talia contuleramus arma quae, nisi prior abiecisses, inuicta te firmitate tuerentur. 3. Pourtant, nous t’avions fourni des armes telles que, si tu ne les avais point repoussées le premier55, elles t’auraient doté d’une résistance à toute épreuve. 4. Agnoscisne me? quid taces? pudore an stupore siluisti? mallem pudore, sed te, ut uideo, stupor oppressit. 4. Ne me reconnais-tu pas ? Pourquoi te tais-tu ? Est-ce par pudeur ou par stupeur56 que tu gardes le silence ? J’aimerais mieux que ce soit par pudeur, mais, je le vois bien, c’est la stupeur qui t’as oppressé. 5. Cumque me non modo tacitum sed elinguem prorsus mutumque uidisset, ammouit pectori meo leniter manum et: – Nihil, inquit, pericli est, lethargum patitur, communem illusarum mentium morbum. 5. Bo. – Et comme elle me voyait non seulement silencieux, mais privé de langue et complètement muet57, elle éloigna délicatement sa main de ma poitrine et déclara : Ph. – Il n’y a aucun danger, il souffre de léthargie, la maladie commune aux esprits dont on s’est joué. 6. Sui paulisper oblitus est58. Recordabitur facile, si quidem nos ante cognouerit; quod ut possit, paulisper lumina eius mortalium rerum nube caligantia tergamus. 6. Il s’est, pour un moment, oublié lui-même59. Il reprendra aisément conscience, pourvu du moins qu’il nous reconnaisse d’abord ; pour qu’il
54 Allaité et nourri par Philosophie, Boèce deviendra son « nourrisson » (alumnus – infra, I, 3, 4). 55 Il nous paraît difficile d’admettre que Boèce « (ait) acquis la robustesse de l’esprit viril » (§ 2) sans s’être doté d’« une résistance à toute épreuve ». 56 Relevons la paronomase pudor – stupor, aisée à respecter en français. 57 Gruber (1978, p. 91) a bien repéré un climax dans la gradation ascendante: tacitus, elinguis et mutus. 58 Moreschini (p. 8) rattache cette phrase au § 5. 59 Nous sommes tenu d’ajouter « lui-même » sachant que « s’oublier » employé sans complément signifie « être incontinent ». O’Donnell (1979, ad loc.) voit ici exprimé l’oubli du précepte platonicien : « Connais-toi toi-même ».
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le puisse, purifions un moment son regard60, brouillé par le nuage des choses mortelles61. 7. Haec dixit oculosque meos fletibus undantes contracta in rugam ueste siccauit. 7. Elle disait cela et, ayant fait un pli avec son vêtement, elle sécha mes yeux inondés de larmes. Metrum III – Mètre III Bo. – 1. Tunc me discussa liquerunt nocte tenebrae luminibusque prior rediit uigor, ut cum praecipiti glomerantur sidera Coro nimbosisque polus stetit imbribus, 5. sol latet ac nondum caelo uenientibus astris desuper in terram nox funditur ; Alors la nuit se dissipa62 et les ténèbres me laissèrent, Et à mes yeux revint leur première vigueur, Comme quand le Corus63 pousse et rassemble les étoiles, Que le ciel s’est fixé avec les pluies d’orage64 : Le soleil est caché, au ciel ne viennent pas encor les astres Quand la nuit se répand des hauteurs sur la terre ; hanc si Threicio Boreas emissus ab antro uerberet et clausum reseret diem emicat et subito uibratus lumine Phoebus 10. mirantes oculos radiis ferit. Mais si Borée, envoyé depuis son antre de Thrace65, 60 Distinguer oculus de lumen (supra, § 2) nous oblige à forcer le sens du verbe tergere et à user du singulier. 61 Il faut comprendre que Philosophie essuie les yeux de Boèce à la fois au propre (les yeux larmoyants de son corps) et au figuré (les yeux embrumés de son esprit). 62 L’expression nocte discussa se lit dans une tragédie faussement attribuée à Sénèque (Hercule sur l’Œta, 333), dans une tirade de Déjanire à sa nourrice (Gruber, 2006, p. 95) : « ullus nocte discussa dies = aucun jour en dissipant la nuit ». 63 Vent violent venant de l’ouest. 64 L’adjectif nimbosus est virgilien (Énéide, I, 535), mais son association avec imber semble originale. 65 Le Borée est un vent froid venu du nord, précisément de Thrace selon Homère qui est aussi à l’origine de l’image de l’antre du vent (Odyssée, XIV, 533), reprise par Virgile (Énéide, I, 52).
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Bat cette nuit et ouvre la prison du jour66, Phébus67 jaillit et, lançant tout à coup ses feux, Frappe de ses rayons les yeux émerveillés. Prosa 3 1. Haud aliter tristitiae nebulis dissolutis hausi caelum et ad cognoscendam medicantis faciem mentem recepi. Prose 3 1. Bo. – Ce n’est pas autrement qu’une fois les brumes68 de la tristesse dispersées, j’ai bu le ciel69, et j’ai recouvré l’esprit pour reconnaître le visage de ma soignante. 2. Itaque ubi in eam deduxi oculos intuitumque defixi, respicio nutricem meam, cuius ab adulescentia laribus obuersatus fueram, Philosophiam. 2. Ainsi, lorsque j’eus tourné les yeux et fixé mon attention sur elle, je reconnus ma nourrice70, par les lares71 de laquelle j’avais été préservé depuis ma jeunesse : Philosophie72. 3. Et quid, inquam, tu in has exsilii nostri solitudines, o omnium magistra uirtutum, supero cardine delapsa uenisti? An ut tu quoque mecum rea falsis criminationibus agiteris? 3. Et pourquoi toi, ô maîtresse de toutes les vertus, es-tu venue, descendue73 du pôle d’en haut, parmi les solitudes de notre exil74 ? Est-ce 66 L’expression reserare diem se lit chez Valérius Flaccus pour décrire un lever du jour après une tempête : Argonautiques I, 655 : « emicuit reserata dies = se mit à briller le jour dégagé » (Gruber, 2006, p. 97). 67 Autre nom d’Apollon, dieu du soleil ; ici, métonymie classique pour désigner le soleil (voir supra, I, 5, 9 et passim). 68 Nebulae reprend ici le nubes de supra, I, 2, 6. 69 Hausi caelum : la métaphore, que nous essayons de conserver, signifie probablement que Boèce s’est abreuvé à la lumière du jour, qui a fini par éclairer et ses yeux embués et son esprit embrumé. Pour les deux expressions (avec mentem recepi), cf. Gruber, 1978, p. 99. Virgile, Énéide, X, 898-899 : « Tyrrhenus, ut auras suspiciens hausit caelum mentemque recepit = le Tyrrhénien (dit), levant les yeux, qu’il avait bu le ciel et recouvré l’esprit ». 70 Cf. le nutritus de I, 2, 2. 71 Rappelons que les « lares » sont des esprits tutélaires, protecteurs de la cité, de ses rues et de ses habitations. 72 L’évocation, assez banale, se rencontre notamment chez Cicéron, Brutus, § 315 : « studium… philosophiae numquam intermissum a prima… adulescentia = l’étude de la philosophie que je n’avais jamais interrompue depuis ma première jeunesse ». 73 Courcelle (1970, p. 115) extrapole, selon nous, en traduisant ce delapsa par « descendue en glissant ». 74 En I, 4, 36, Boèce précisera qu’il a été « éloigné de 500.0000 pas », sans indiquer le point de départ de cet éloignement – voir également infra, II, 4, 17 et notre Introduction, p 11.
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pour que toi aussi, accusée avec moi, tu sois persécutée par de fausses incriminations ? 4. An, inquit illa, te, alumne, desererem nec sarcinam quam mei nominis inuidia sustulisti communicato tecum labore partirer? 4. Ph. – Est-ce que toi, ô mon nourrisson75, je t’abandonnerais et ne prendrais point ma part, au prix d’un labeur mis en commun avec toi, du fardeau que tu as supporté en haine de mon nom76 ? 5. Atqui Philosophiae fas non erat incomitatum relinquere iter innocentis. Meam scilicet criminationem uererer et quasi nouum aliquid accideret perhorrescerem? 5. Eh bien non, il n’était pas permis à Philosophie de laisser sans assistance la marche d’un innocent. Est-ce à dire que je redouterais mon incrimination et que je serais horrifiée comme s’il m’arrivait quelque chose de nouveau ? 6. Nunc enim primum censes apud improbos mores lacessitam periculis esse sapientiam? Nonne apud ueteres quoque ante nostri Platonis aetatem magnum saepe certamen cum stultitiae temeritate certauimus eodemque superstite praeceptor eius Socrates iniustae uictoriam mortis me astante promeruit? 6. Crois-tu, en effet, qu’aujourd’hui, au contact de mœurs impures, la Sagesse77 soit assaillie par les périls pour la première fois ? Auprès des Anciens déjà, avant même l’époque de notre Platon, n’avons-nous pas souvent lutté de haute lutte78 avec la témérité de la folie79, et, du vivant de ce dernier, son précepteur, Socrate, n’aurait-il pas mérité, avec mon assistance, la victoire sur une mort injuste ? 75 Notre traduction d’alumnus (d’alere = « alimenter » – voir supra, I, 2, 2 et la note y afférente) par « nourrisson » ne doit pas laisser entendre que le substantif a pour nous une parenté autre que sémantique avec le nutrix (« nourrice ») du § 2, supra et le nutritus (de nutrire, « nourrir ») de I, 2, 2. 76 Ce rappel de la détestation de la philosophie par ses ennemis rend hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour elle, et dont quelques-uns seront cités plus loin (infra, § 6 et 9 notamment). 77 C’est la première fois que Philosophie utilise, pour se désigner, le substantif sapientia, équivalent latin de σοφία. 78 Certamen certavimus : nous choisissons de respecter l’usage du complément d’objet interne voulu par Boèce. 79 Stultitiae temeritate : comme le suggère Gruber (1978, p. 103), l’expression peut faire penser à celle employée par Aelius Spartianus, Histoire Auguste, II, Vie d’Antoninus Caracalla, XI, 4 : « stultae temeritatis poenas lueret = il expia les peines d’une folle témérité ».
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7. Cuius hereditatem cum deinceps epicureum uulgus ac stoicum ceterique pro sua quisque parte raptum ire molirentur meque reclamantem renitentemque uelut in partem praedae traherent, uestem quam meis texueram manibus disciderunt abreptisque ab ea panniculis totam me sibi cessisse credentes abiere. 7. Comme, par la suite, le vulgaire épicurien, celui stoïcien et tous les autres entreprenaient d’aller ravir, chacun pour son compte, cet héritage, et me traînaient, malgré mes protestations et ma résistance, au nombre de leur butin, ils déchirèrent le vêtement que j’avais tissé de mes mains, et croyant, pour en avoir arraché des lambeaux, que je m’étais tout entière livrée à eux80, disparurent. 8. In quibus quoniam quaedam nostri habitus uestigia uidebantur, meos esse familiares imprudentia rata nonnullos eorum profanae multitudinis errore pervertit. 8. Puisque chez ces derniers quelques haillons de notre tenue étaient visibles, l’ignorance de ceux ayant cru qu’ils étaient mes familiers en a fait éliminer quelques-uns81 sous l’effet d’un égarement de la multitude profane. 9. Quodsi nec Anaxagorae fugam nec Socratis uenenum nec Zenonis tormenta, quoniam sunt peregrina, nouisti, at Canios, at Senecas, at Soranos, quorum nec peruetusta nec incelebris memoria est, scire potuisti. 9. Que si tu n’as pas eu connaissance de la fuite d’Anaxagore82 ni du poison de Socrate83 ni des tortures de Zénon84, puisque ce sont des 80 Boèce ne condamnerait pas ici l’Épicurisme et le Stoïcisme en eux-mêmes, mais seulement la plèbe qui s’en réclame, puisque plus loin (I, 4, 30) Épicure sera évoqué, sans connotation dépréciative, comme l’un des familiers de Philosophie, et lui-même s’inspirera à plusieurs reprises du Stoïcisme (par ex. en II, 6, 7-8). Reste qu’en V, IV, 1-9 il dénigrera une théorie explicitement rapportée au Portique. 81 On remarquera que Philosophie va choisir de citer deux groupes de penseurs à peu près contemporains entre eux : 500-400 pour les Grecs, s. + I pour les Latins. 82 Anaxagore (c. 500-c. 428) serait mort en exil, après avoir fui pour échapper à sa condamnation à mort (voir Plutarque, De l’exil, 17, et Diogène Laërce, Vies et doctrines…, II, 12). 83 Il n’est plus à préciser que Socrate (c. 470-399), condamné à mort après avoir été accusé de dévoyer la jeunesse, fut forcé de boire la ciguë (voir Platon, Phédon, 57a sqq.). 84 Zénon d’Élée (c. 490-c. 430), torturé sur l’ordre du tyran Néarque, se trancha luimême la langue avec ses dents et la cracha au visage de son tortionnaire pour ne pas avoir à parler (voir Diogène Laërce, Vies et doctrines…, IX, 26-27).
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étrangers85, tu as pu savoir au moins pour les Canius86, pour les Sénèque87, pour les Soranus88, dont le souvenir n’est ni très ancien ni sans notoriété. 10. Quos nihil aliud in cladem detraxit nisi quod nostris moribus instituti studiis improborum dissimillimi uidebantur. 10. Ce qui les a entraînés au désastre89 n’est rien d’autre que, pour avoir été instruits de nos mœurs, ils sont apparus par trop dissemblables des choix des gens malhonnêtes90. 11. Itaque nihil est quod ammirere si in hoc uitae salo circumflantibus agitemur procellis, quibus hoc maxime propositum est, pessimis displicere. 11. Voilà pourquoi il n’y a rien là qui doive étonner si, sur cette haute mer de la vie91, nous sommes malmenés par des ouragans soufflant autour de nous92, nous dont le plus grand dessein est de déplaire aux plus méchants. 85 Ce peregrinus appliqué au Grec, qui désigne la condition du citoyen non intégré à l’empire romain, dénote, sinon une xénophobie, du moins un fort attachement à la Romanité. D’autre part, avec les trois noms qui vont être cités, nous ne sommes plus du tout « avant » mais bien après « l’époque de notre Platon » (supra, § 6). 86 Il faudrait voir, dans ce Canius, le philosophe stoïcien Julius Canius ou Canus (voir DPA, II, n° 38, p. 215-216), qui fut mis à mort sous Gaius César, soit l’empereur (37-41) Caligula (voir infra, I, 4, 27). Comme le signale le DPA, Canius apparaît pour la première fois chez Sénèque († 65) (De la tranquillité de l’âme, XIV), qui le décrit comme témoignant d’une sérénité sarcastique au moment de mourir, sans citer toutefois la réponse que rapporte Boèce. 87 En + 65, Sénèque fut contraint par Néron (54-68) de s’ouvrir les veines. Mais sa mort n’intervint qu’après que lui-même eut ajouté le poison, de la ciguë également (voir Tacite, Annales, XV, LX-LIV). 88 Il s’agit du consul suffect Marcus Barea Soranus, autre philosophe stoïcien ayant vécu sous Néron. Son maître, Publius Celer, le fit condamner à mort à la suite d’un faux témoignage (voir Tacite, Histoires, IV, 10). 89 Sachant que Boèce citera Lucain (infra, IV, 6, 33), l’expression in cladem detraxit provient sans doute de celle de la Pharsale (III, 22) : « detrahere in cladem » – d’après Gruber (1978, p. 107). 90 En d’autres termes, c’est le fait que les mœurs de ces philosophes aient été trop dissemblables de celles des tyrans sous lesquels ils vivaient, qui a provoqué leur perte. 91 Ambroise use d’une expression semblable : ils croyaient devoir s’attrister sur le sort de « eos… qui in hoc vitae salum venissent = ceux qui venaient (à s’embarquer) sur la haute mer de cette vie » (Discours sur la foi en la résurrection, II, 5 – d’après Gruber, 1978, p. 107). 92 Boèce semble avoir apprécié tout particulièrement la métaphore à thème marin dans sa Consolation – voir, pour les deux premiers livres : I, IV, 5-6 ; I, V, 5-7 ; II, 2, 8 ; II, II, 1-2 ; II, III, 9-10 ; II, IV, 6 ; II, 5, 12 ; II, V, 13-14 ; II, 7, 5.
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12. Quorum quidem tametsi est numerosus exercitus, spernendus tamen est, quoniam nullo duce regitur sed errore tantum temere ac passim lymphante raptatur. 12. Assurément, quoique leur armée soit nombreuse, cependant elle est à dédaigner, parce qu’elle n’est conduite par aucun guide, mais ô combien emportée par une erreur délirante, à l’aventure et sans distinction. 13. Qui si quando contra nos aciem struens ualentior incubuerit, nostra quidem dux copias suas in arcem contrahit, illi uero circa diripiendas inutiles sarcinulas occupantur. 13. Si un jour, plus puissante, se mettant en ordre de bataille contre nous, elle93 nous pressait, du moins notre guide rassemblerait-il ses troupes dans une citadelle, tandis qu’autour eux94 seraient occupés à piller d’inutiles petits bagages. 14. At nos desuper irridemus uilissima rerum quaeque rapientes, securi totius furiosi tumultus eoque uallo muniti quo grassanti stultitiae aspirare fas non sit. 14. Et nous, d’en haut, nous rirons de ces gens mettant à sac les choses les plus viles, à l’abri de tout ce tumulte furieux et retranchés derrière ce rempart95 duquel il n’est pas permis aux assauts de la sottise d’approcher. Metrum IV – Mètre IV Ph. – 1. Quisquis composito serenus aeuo fatum sub pedibus egit superbum fortunamque tuens utramque rectus inuictum potuit tenere uultum, 5. non illum rabies minaeque ponti uersum funditus exagitantis aestum Quiconque, serein, dans une vie réglée, A piétiné la superbe du destin Et, regardant droit l’une et l’autre Fortune, A pu conserver son visage invaincu96, Entendons : l’armée des méchants. Comprenons : les plus méchants. 95 Sur la métaphore touchant l’art militaire et la poliorcétique, voir infra, I, 5, 5. 96 L’alliance invictus… voltus se lit à propos d’Hercule sur l’Œta dans la tragédie éponyme attribuée à Sénèque, v. 1266 (Gruber, 2006, p. 111). 93 94
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Ni la rage ou la menace de la mer Qui en profondeur bouleverse la houle, nec ruptis quotiens uagus caminis torquet fumificos Vesaeuus ignes aut celsas soliti ferire turres 10. ardentis uia fulminis mouebit. Ni le Vésuve, chaque fois qu’au hasard Il ouvre ses fours97, lançant ses feux qui fument, Ni l’éclair brûlant, qui frappe d’habitude Le sommet des tours98, ne pourront l’émouvoir. Quid tantum miseri saeuos tyrannos mirantur sine uiribus furentes? Nec speres aliquid nec extimescas, exarmaueris impotentia iram; Pourquoi les malheureux sont-ils tant surpris Par la fureur de cruels tyrans sans forces ? N’espère rien, ne t’épouvante de rien : Tu désarmeras l’ire de l’emporté. 15. at quisquis trepidus pauet uel optat, quod non sit stabilis suique iuris, abiecit clipeum locoque motus nectit qua ualeat trahi catenam ». Mais quiconque tremble et redoute ou souhaite, Parce qu’il n’est pas stable ou maître de soi, A jeté son bouclier99, lâché son poste : Il noue la chaîne affectée à le tirer100.
97 L’expression ruptis… caminis est probablement empruntée à Virgile (Énéide III, 580), qui décrivait l’Etna (Gruber, 2006, p. 111). 98 Thème de la diatribe cynique : la Fortune frappe de préférence tout ce qui est élevé (Horace, Odes, II, 10, 9-12 ; Sénèque, Agamemnon, 95). 99 Geste traditionnel pour signifier l’abandon du combat (e.g. Cicéron, Tusculanes, II, 54 ; Horace, Odes, II, 7, 10). 100 Expression analogue dans la bouche de Jocaste à propos de femmes que les soldats traînent avec des chaînes (Sénèque, Les Phéniciennes, 573-574) : « Matres ab ipso coniugum raptas sinu / Saeuus catena miles imposita trahet = Les mères arrachées au sein même de leurs époux / le cruel soldat les traînera en leur imposant des chaînes » (Gruber, 2006, p. 113).
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Prosa 4 1. – Sentisne, inquit, haec atque animo illabuntur tuo, an ὄνος λύρας? Quid fles, quid lacrimis manas? Ἐξαύδα, μὴ κεῦθε νόῳ. Si operam medicantis exspectas, oportet uulnus detegas. Prose 4 1. Ph – Ressens-tu cela, et pénètre-t-il ton esprit101, ou es-tu comme ὄνος λύρας (« l’âne à la lyre »)102 ? Pourquoi pleures-tu, pourquoi te répands-tu en larmes ? Ἐξαύδα μὴ κεῦθε νόω (« Parle, ne dissimule pas ta pensée »)103. Si tu attends le service d’un soignant, il faut que tu découvres ta blessure. 2. Tum ego collecto in uires animo: – Anne adhuc eget ammonitione nec per se satis eminet fortunae in nos saeuientis asperitas? Nihilne te ipsa loci facies mouet? 2. Bo. – Alors moi, l’esprit concentré sur mes capacités : A-t-elle encore besoin d’un rappel et n’a-t-elle pas suffisamment de relief par elle-même l’âpreté de la fortune qui sévit contre nous104 ? L’aspect même de ce lieu ne t’émeut-il en rien ? 3. Haecine est bibliotheca, quam certissimam tibi sedem nostris in laribus ipsa delegeras, in qua mecum saepe de humanarum diuinarumque rerum scientia disserebas? 3. Est-ce là cette bibliothèque que tu avais choisie105, parmi nos lares, comme la demeure la plus sûre pour toi, dans laquelle tu dissertais souvent avec moi de la science des choses humaines et divines106 ? 101 Animo illabuntur : la même expression se trouve (Gruber, 1978, p. 113) chez Virgile (Énéide, III, 89), prière d’Énée à Apollon : « Da, pater, augurium atque animis inlabere nostris = Donne, père, comme un augure pour pénétrer nos esprits ». 102 Ce proverbe grec, qui renvoie à l’attitude du non-initié ne sachant tirer parti, faute du talent requis, de ce qu’il a trouvé, inspira plusieurs auteurs – cf. Varron (116-27), Satires Ménippées, IV, 16 = Valhen, p. 4 et 8), Phèdre (c. - 15-c. + 50), « Asinus et lyra » (Fables, 117), Aristide Quintilien (s. III-IV), De la musique, 2, 16, et Martianus Capella, Noces, VIII, § 807 (= Eyssenhardt, p. 299, 11). 103 Citation littérale d’Homère, Iliade, I, 363. 104 Tout au long de ce chapitre, Boèce va alterner première personne du pluriel et première personne du singulier. Cette alternance se rencontre assez souvent dans la correspondance de Cicéron pour parler de lui-même. Ici, la clarté du propos s’en ressent toutefois quelque peu – voir infra, n. 138. 105 Comme l’a confirmé la mention de son exil (supra, I, 3, 3) et le confirmera la réponse de Philosophie (infra, I, 5, 6), Boèce n’évoque en l’occurrence sa bibliothèque que pour souligner le contraste avec le lieu où il est détenu – voir notre Introduction, . 106 L’expression de humanarum divinarumque scientia est sûrement reprise de Cicéron (Des devoirs, II, 5), qui la donne pour l’antique définition de la sagesse (sapientia).
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4. Talis habitus talisque uultus erat, cum tecum naturae secreta rimarer, cum mihi siderum uias radio describeres, cum mores nostros totiusque uitae rationem ad caelestis ordinis exempla formares? Haecine praemia referimus tibi obsequentes? 4. Avais-je une telle tenue et un tel visage lorsque j’explorais107 avec toi les secrets de la nature, qu’à l’aide d’une baguette108 tu me décrivais le cours des astres, que tu façonnais nos mœurs et le plan de notre vie entière sur le modèle de l’ordre céleste109 ? Sont-ce pour nous les récompenses pour avoir cédé à tes désirs ? 5. Atqui tu hanc sententiam Platonis ore sanxisti, beatas fore res publicas si eas uel studiosi sapientiae regerent uel earum rectores studere sapientiae contigisset. 5. Et pourtant c’est toi qui, par la bouche de Platon, as instauré cette conception que les républiques seraient heureuses si soit ceux qui sont épris de sagesse gouvernaient, soit il était donné à leurs gouvernants110 d’étudier la sagesse111. 6. Tu eiusdem uiri ore hanc sapientibus capessendae rei publicae necessariam causam esse monuisti, ne improbis flagitiosisque ciuibus urbium relicta gubernacula pestem bonis ac perniciem ferrent. 6. Toi, par la bouche de ce même homme, tu nous as informés qu’il existe une raison nécessaire pour que ces sages embrassent la chose La limite entre astrologie et astronomie (voir la note suivante) est ici ténue – voir infra, II, 7, 3 et la note y afférente. Sur rimari, cf. supra, I, II, 22 et infra, II, 7, 3-6. 108 Radius : Boèce pensait probablement à la baguette des astronomes, avec laquelle ceux-ci traçaient chiffres et figures sur le sable de l’abaque grec. 109 Voir (Gruber, 1978, p. 116) Platon, La République, 592b, où il est dit que celui qui veut contempler le ciel y trouvera peut-être un modèle pour régler le gouvernement de son âme. 110 Nous choisissons de respecter la parenté morphosémantique entre regere et rector. 111 Voir (Gruber, 1978, p. 116) La République, 473d, où Platon pose comme condition pour apaiser les maux des cités et des hommes que les philosophes deviennent rois ou que les rois deviennent philosophes. Le fragment étant sans doute inaccessible à Boèce, Mirandol (1861, p. 337) signale que le poète Prudence (348-ap. 404) avait synthétisé le projet platonicien : « Nimirum pulchre quidam doctissimus: “Esset / Publica res, inquit, tunc fortunata satis, si / Vel reges saperent, vel regnarent sapientes” = Pour sûr, quelque homme des plus sages dit de belle façon : “la chose publique serait alors tout à fait heureuse, si soit les rois étaient sages, soit les sages régnaient” » (Contre Symmaque, I, 30-32) – sur l’ouvrage, voir Charlet, 1986). Il ajoute (p. 338) que Plotin, aux dires de Porphyre (Vie de Plotin, 12), avait soumis à l’empereur Gallien (et non Gordien) et à l’impératrice Salonine ce même projet sous le nom de Platonopolis, lequel avait échoué, victime entre autres de la jalousie de quelques-uns. 107
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publique112 : éviter que les gouvernails des villes laissés aux citoyens malhonnêtes et ignominieux n’apportent fléau et dévastation parmi les bons citoyens113. 7. Hanc igitur auctoritatem secutus, quod a te inter secreta otia didiceram transferre in actum publicae amministrationis optaui. 7. Par conséquent, cédant à cette autorité, j’ai souhaité appliquer à la gestion de l’administration publique ce que j’avais appris de toi durant mes loisirs privés114. 8. Tu mihi et qui te sapientium mentibus inseruit deus conscii nullum me ad magistratum nisi commune bonorum omnium studium detulisse. 8. Toi, et le Dieu qui t’a greffée sur l’esprit des sages, m’êtes témoins que rien d’autre ne m’a poussé vers une magistrature115 sinon le souci commun de tous les gens de bien116. 9. Inde cum improbis graues inexorabilesque discordiae et, quod conscientiae libertas habet, pro tuendo iure spreta potentiorum semper offensio. 9. D’où les dissensions profondes et sans merci avec les gens malhonnêtes et, ce qui tient de ma liberté de conscience, pour défendre le droit le discrédit des puissants que j’ai toujours dédaignés. 10. Quotiens ego Conigastum in imbecilli cuiusque fortunas impetum facientem obuius excepi, quotiens Triguillam regiae praepositum domus ab incepta, perpetrata iam prorsus iniuria deieci, quotiens miseros, quos infinitis calumniis impunita barbarorum semper auaritia uexabat, obiecta 112 Capessendae rei publicae : la tournure pourrait provenir de Cicéron, De officiis, I, XXI : « Quapropter et iis forsitan concedendum sit rem publicam non capessentibus… = C’est pourquoi aussi il faudrait peut-être ne pas autoriser à embrasser la chose publique ceux… ». 113 Voir Platon, La République, 347b-e, si l’on fait abstraction de ce que le dialogue ne dut pas être accessible de première main à Boèce. Quant au vocabulaire, voir Cicéron, Lettres aux familiers, IV, 3, 1 : « Me… nemini concedo qui maiorem ex pernicie et peste rei publicae molestiam traxerit = Moi, j’admets que personne n’a retiré plus grand désagrément de la dévastation et du fléau de la chose publique que moi ». 114 Par secreta otia il convient d’entendre les activités, dans le cadre de loisirs studieux, qui ne concernaient pas l’administration de la chose publique, secreta s’opposant à publicae. 115 Souvenons-nous qu’il s’agit de la charge de maître des offices. 116 Boni : en dépit du fait que le même terme serve à désigner et l’adjectif et le substantif, nous avons traduit par « bons » le premier et par « gens de bien », c’est-à-dire gens moralement bons, le second.
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periculis auctoritate protexi! Numquam me ab iure ad iniurium quisquam detraxit. 10. Que de fois, moi, me portant au devant de Conigaste, je l’ai surpris opérant une charge contre les biens de quelqu’un de faible117, que de fois j’ai détourné Triguilla118, préposé à la demeure royale119, d’une injustice entreprise ou déjà entièrement perpétrée, que de fois, ayant exposé mon autorité au danger, j’ai protégé des malheureux120 que persécutait, par d’innombrables manœuvres, l’avidité toujours impunie des barbares121 ! Jamais personne ne m’a fait dévier du droit vers le non-droit122. 11. Prouincialium fortunas tum priuatis rapinis tum publicis uectigalibus pessumdari non aliter quam qui patiebantur indolui. 11. Alors que les biens de provinciaux étaient engloutis tantôt par des pillages de particuliers, tantôt par des redevances publiques123, je n’en ai pas été autrement affligé que ceux qui les subissaient. 12. Cum acerbae famis tempore grauis atque inexplicabilis indicta coemptio profligatura inopia Campaniam prouinciam uideretur, certamen aduersum praefectum praetorii communis commodi ratione suscepi, rege cognoscente contendi et ne coemptio exigeretur euici. La traduction d’imbecillus par la périphrase « citoyen sans appui », que choisit Bocognano (1937, p. 16), nous paraît forcer le sens. « Peu accrédité » (Du Fresne, 1744, I, p. 19) serait meilleur. 118 Le Romain Conigaste, à qui Cassiodore adressa, au nom d’Athalaric, une lettre (Variae, VIII, 28), et le Goth Triguilla ou Trygwille, dont Grégoire de Tours dit qu’il était l’amant d’Amalasonthe, la fille de Théodoric (Histoire des Francs, III, XXXI), étaient deux personnages influents dans l’entourage de ce dernier. 119 Le titre officiel de la charge est praepositus sacri cubiculi = « préposé à la chambre sacrée » ou Grand Chambellan (ou Chambrier). On trouvera une présentation succincte de ses fonctions chez Hodgkin (1886, p. 70). 120 On notera la variatio sermonis pour exprimer l’état de celui que le sort n’a pas favorisé : miser (« malheureux » ou « misérable ») ici et passim, infelix (« affligé »), calamitosus (« catastrophé ») et infortunatus (« infortuné »). 121 En dénonçant Conigaste, Triguilla et d’autres proches de Théodoric par la suite, et en les assimilant à des barbari, Boèce espère probablement ouvrir les yeux du roi, gagner son estime et bénéficier de son indulgence. N’avait-il pas déjà réussi à s’allier le souverain dans une affaire délicate (voir infra, § 12) ? 122 On relèvera la parenté morphosémantique entre ius et iniurius, que nous avons essayé de conserver. 123 Ce genre d’exactions était assez courant à cette époque. Ainsi, le roi Théodoric, dans une lettre (c. 514-515) adressée à Sévérianus (voir Cassiodore, Variae, V, XIV), déclare avoir appris que le chef des possessores (propriétaires terriens) réalise des bénéfices sur des taxes en imposant de lourdes charges à ses voisins plus pauvres, et dans une autre (c. 523526) adressée à Ampelius et Livvirit (voir Id., ibid., V, XXXIX), il déplore qu’une certaine anarchie règne en Espagne en raison d’extorsions pratiquées par des agents du fisc. 117
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12. Quand, au temps d’une cruelle famine, un édit de coemption, lourd et inexplicable, semblait devoir achever par une disette la province de Campanie, j’ai engagé le combat contre le préfet du prétoire par égard pour l’intérêt commun, j’ai porté l’affaire à la connaissance du roi et j’ai obtenu que la coemption ne fût plus exigée124. 13. Paulinum consularem uirum, cuius opes palatinae canes iam spe atque ambitione deuorassent, ab ipsis hiantium faucibus traxi. 13. Paulin125, personnage consulaire, dont les chiens palatins, par calcul et par ambition, dévoraient déjà les richesses, je l’ai soustrait à leurs gueules béantes126. 14. Ne Albinum consularem uirum praeiudicatae accusationis poena corriperet, odiis me Cypriani delatoris opposui. 14. Pour qu’une peine d’accusation préjugée ne s’empare pas d’Albin127, personnage consulaire, je me suis exposé aux foudres du délateur128 Cyprien129. 15. Satisne in me magnas uideor exacerbasse discordias? Sed esse apud ceteros tutior debui, qui mihi amore iustitiae nihil apud aulicos, quo magis essem tutior, reseruaui. Quibus autem deferentibus perculsi sumus?130 124 Une famine avait frappé la Campanie, probablement à la suite de l’une des nombreuses éruptions du Vésuve qu’elle connut (voir Cassiodore, Variae, IV, L). Par la coemption, ou achat réciproque, à laquelle s’était opposée Boèce, l’état aurait pu acheter à vil prix l’approvisionnemnt destiné aux Campaniens afin de le leur revendre à un prix bien supérieur pour renflouer ses caisses. 125 Sur un Paulin, excellent vir illustris et magnificus, vraisemblablement le même, voir Cassiodore, Variae, II, III et III, XXIX. 126 Celles des « chiens palatins » prêts pour la curée. La métaphore Palatinae canes est probablement l’expression la plus connue de la Consolation. 127 La relation de l’événement (voir aussi infra, § 15-18) est faite par l’Anonyme Valésien (§ 85-86) : un Albin fut accusé par trois délateurs, Cyprien, Gaudence et Opilion, de collusion, impliquant le sénat romain, avec le pouvoir oriental de Justin Ier. 128 Du Fresne (1744, p. 78) signale qu’il existait depuis longtemps des délateurs professionnels, comme l’attestent, par exemple, Juvénal (Satires, I, 33 ; III, 116 ; IV, 48…) et Tacite (Histoires, I, 2 ; II, 10 ; IV, 6…). 129 Plusieurs signalements permettraient de retracer sa carrière comme suit : avant 524, il est chargé d’une légation en Orient (voir Cassiodore, Variae, V, XL, 5), après quoi il devient comte des largesses sacrées dès septembre 524 (Ibid., V, XL et XLI), puis, en 527, il devient référendaire (Ibid., VIII, XXI, 3-4) et patrice (Ibid., VIII, XXI et XXII), enfin maître des offices à une date inconnue (Anonyme Valésien, § 85), après 527 pour Boak-Dunlap (1924, p. 150). 130 Moreschini (p. 14) place cette dernière phrase au début du § 16.
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15. Ne te semble-t-il pas que j’ai exacerbé suffisamment contre moi de grandes discordes ? Mais j’aurais dû être plus en sûreté auprès des autres, moi qui, par amour de la justice, ne me suis rien réservé auprès des gens de cour par quoi j’eusse été davantage en sûreté. Et par quels dénonciateurs avons-nous été terrassés ? 16. Quorum Basilius olim regio ministerio depulsus in delationem nostri nominis alieni aeris necessitate compulsus est. 16. Parmi eux, Basile131, chassé jadis du ministère royal, a été poussé, par la nécessité de rembourser l’argent d’autrui132, à une délation sur notre nom. 17. Opilionem uero atque Gaudentium cum ob innumeras multiplicesque fraudes ire in exsilium regia censura decreuisset cumque illi parere nolentes sacrarum sese aedium defensione tuerentur compertumque id regi foret, edixit uti, ni intra praescriptum diem Rauenna urbe decederent, notas insigniti frontibus pellerentur. 17. Quant à Opilion133 et Gaudence134, comme la censure royale, à cause de perfidies innombrables et multiformes, avait décrété de les envoyer en exil, et qu’eux, ne voulant pas se soumettre, se mirent à l’abri sous la protection d’édifices sacrés135, le roi l’ayant appris, ordonna que si, avant le jour fixé ils n’avaient pas quitté la ville de Ravenne, ils en seraient chassés, des marques insignes au front136.
131 Cassiodore le désignerait comme vir spectabilis vers 511 (voir Variae, II, XI, 2). Mais il aurait fait parler de lui à l’occasion d’un différend conjugal ayant tourné au scandale (Ibid., II, XI et IV, XL), et aurait été accusé de magie, puis jugé dans un procès où siégea notamment le sénateur Symmaque (Ibid., IV, XXII). 132 Alieni aeris, littéralement : concernant les pièces de monnaie d’un autre. Aereis (datif – ablatif pluriel d’aereus (« pièce de monnaie ») aurait été préférable pour éviter la confusion avec aeris (génitif singulier d’aer (« air »)). 133 Il s’agirait du frère de Cyprien, qui aurait été comte des largesses sacrées (voir Cassiodore, Variae, VIII, XVI). 134 On pense qu’il faudrait y voir le gouverneur de Flaminie du même nom (voir PLRE, II, p. 495, n° 11). 135 Sacrae aedes : sans doute des églises (cf. infra, I, 4, 36). Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir employé le terme ecclesiae ? 136 Cassiodore (Variae, VIII, 16) confirme ce double exil, sans préciser toutefois la nature des délits – voir PLRE, II, p. 808. Concernant la nota, il est question de l’inscriptio, marque faite au fer rouge sur le front d’un condamné, notamment à l’exil. Selon Porret (2012), cette flétrissure frontale fut apposée à cet endroit jusqu’à l’empereur Constantin, Ier († 337) ou II († 340), lequel demanda à ce qu’elle le soit dorénavant sur une main ou une jambe. Mais dans ce cas, Théodoric n’aurait pas pu y recourir.
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18. Quid huic seueritati posse astrui uidetur? Atquin eo die deferentibus eisdem nominis nostri delatio suscepta est. 18. Que croit-on que puisse être ajouté à pareille sévérité ? Et pourtant, ce jour-là une délation137 sur notre138 nom fut commise par ces mêmes dénonciateurs139. 19. Quid igitur, nostraene artes ita meruerunt an illos accusatores iustos fecit praemissa damnatio? Itane nihil fortunam puduit, si minus accusatae innocentiae at accusantium uilitas140? 19. Quoi donc ? Nos bienfaits ont-ils mérité cela, ou est-ce que par hasard la condamnation mise en avant141 a transformé en justes ces accusateurs ? Est-il possible que fortune n’ait en rien rougi, sinon de l’innocence accusée, du moins de la vilenie des accusateurs ? 20. At cuius criminis arguimur summam quaeres? Senatum dicimur saluum esse uoluisse. 20. Mais demanderas-tu de quel chef d’incrimination nous sommes inculpés ? On dit que nous avons voulu sauver le sénat. 21. Modum desideras? Delatorem, ne documenta deferret quibus senatum maiestatis reum faceret, impedisse criminamur.
137 Le récit est à nos yeux peu clair par manque de détails. Il y aurait eu trois délations et quatre délateurs : Cyprien (§ 14) pour la première (affaire Albinus), Basile (§ 16) pour la deuxième, et Opilion et Gaudence (§ 17-18) pour la troisième. Mais qui a accusé Boèce d’avoir pris la défense du sénat attaqué pour crime de lèse-majesté, et ce en ayant empêché un délateur (Cyprien) de faire état de documents accusant ledit sénat, action qui rendait Boèce complice de celui-ci par solidarité (§ 20-21), tout comme le sénat l’avait été vis-à-vis d’Albinus (§ 32) ? 138 Illustrant ici le balancement que nous signalions plus haut (voir supra, n. 104), Boèce passe sans transition de l’emploi de la première personne du singulier à celui de la première personne du pluriel, rendant légitime la question de savoir si cette dernière ne désignerait pas et Albinus et Boèce. Mais à partir du § 22 il fera alterner plusieurs fois l’une et l’autre dans un même paragraphe. 139 La surprise de Boèce tient au fait qu’Opilion et Gaudence ont réussi, malgré leur condamnation, à porter une accusation crédible. C’est ce qu’il dira autrement au § 19, en s’interrogeant sur un éventuel retournement de situation, où ces derniers se sont mués en hommes dignes de foi. 140 Nous préférons trancher en suivant Gruber (1978, p. 122) et quelques éditeurs qui lisent vilitatis, là où d’autres lisent vilitas. 141 O’Donnell (1979, ad loc.) va jusqu’à comprendre ce praemissa au sens d’« arrangée à l’avance » pour piéger Boèce, ses accusateurs n’ayant joué qu’un rôle secondaire. Il se pourrait également que celui-ci ait en outre voulu signifier que l’accusation qui l’incrimine a évité à Opilion et à Gaudence d’être exilés.
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21. Désires-tu en connaître la manière ? Nous sommes incriminés pour avoir empêché qu’un délateur ne produise des documents par lesquels il aurait rendu le sénat coupable de lèse-majesté. 22. Quid igitur, o magistra, censes? Infitiabimur crimen, ne tibi pudor simus? At uolui nec umquam uelle desistam. Fatebimur? 22. Quel est donc ton avis, ô Maîtresse ? Contesterons-nous le crime, afin de ne pas être pour toi un motif de honte ? Mais je l’ai voulu et ne cesserai jamais de le vouloir142. Allons-nous avouer ? 23. Sed impediendi delatoris opera cessauit143. An optasse illius ordinis salutem nefas uocabo? Ille quidem suis de me decretis uti hoc nefas esset effecerat. 23. Mais je devrais renoncer à mes actions pour neutraliser un délateur. Appellerai-je néfaste d’avoir souhaité le salut de cet ordre ? Sans doute, par ses décisions à mon égard celui-ci avait-il fait en sorte que ce soit néfaste144. 24. Sed sibi semper mentiens imprudentia rerum merita non potest immutare nec mihi Socratico decreto fas esse arbitror uel occuluisse ueritatem uel concessisse mendacium. 24. Mais l’ignorance s’abusant toujours elle-même145, elle ne peut changer les mérites des choses146, et j’estime qu’il existe un décret socratique147 qui ne m’autorise pas soit à occulter la vérité, soit à consentir aux mensonges. Entendons : le salut du sénat. Moreschini (p. 14) place cette dernière phrase à la fin du § 22. 144 Si ille renvoie au « délateur », à quoi renvoient les decreta, sachant que, selon nous, le decretum ne désignerait pas, dans ce contexte, un simple choix réfléchi, mais une décision qui émane d’une autorité souveraine ? Il serait alors question non des « décisions » du délateur, mais de celles du sénat, dont Boèce avait pourtant pris la défense quelque temps auparavant, qui se serait retourné contre lui, comme le laissera à penser la remarque du § 32, infra. Malheureusement, nous ne disposons d’aucune source pour préciser le rôle que joua exactement cet ordre. 145 Comprenons : l’ignorant s’illusionne pour ne pas avoir à reconnaître sa défaillance. 146 Le sénat n’a pu se retourner contre Boèce qu’en ignorant volontairement ce que ce dernier avait accompli en sa faveur, sans pour autant déprécier son action. 147 Bien que le texte ne lui aurait pas été directement accessible, Boèce évoquerait ici (voir Bocognano, 1937, p. 259, n. 35) un passage du livre VI de La République de Platon (484d-502c), dans lequel Socrate s’arrête longuement au naturel philosophe auquel il revient notamment, dit-il, de cultiver la sincérité en refusant le mensonge (485c) et d’être épris de vérité (501d). 142 143
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25. Verum id quoquo modo sit, tuo sapientiumque iudicio aestimandum relinquo. Cuius rei seriem atque ueritatem, ne latere posteros queat, stilo etiam memoriaeque mandaui. 25. Au vrai, de quelque façon que cela soit, je m’en remets à ton jugement et à l’estimation des sages. Afin que l’enchaînement des faits et la vérité dans cette histoire ne puissent échapper à la postérité, je l’ai confiée autant au stylet qu’à la mémoire148. 26. Nam de compositis falso litteris, quibus libertatem arguor sperasse Romanam, quid attinet dicere? Quarum fraus aperta patuisset si nobis ipsorum confessione delatorum, quod in omnibus negotiis maximas uires habet, uti licuisset. 26. Car à quoi bon parler des lettres rédigées frauduleusement, à cause desquelles je suis inculpé pour avoir souhaité la liberté romaine ? Leur fausseté se serait révélée évidente s’il nous avait été permis de faire usage de la confession des délateurs eux-mêmes, ce qui, dans toutes les affaires, a les plus puissants effets. 27. Nam quae sperari reliqua libertas potest? Atque utinam posset ulla! Respondissem Canii uerbo, qui cum a Gaio Caesare Germanici filio conscius contra se factae coniurationis fuisse diceretur: «si ego», inquit, «scissem, tu nescisses». 27. Car quel reliquat de liberté peut-il être espéré ? Et plût au ciel qu’il y en eût un ! J’aurais alors répondu par le mot de Canius149, qui, lorsqu’il fut accusé par Gaius César150, le fils de Germanicus151, d’avoir eu connaissance qu’une conjuration avait été ourdie contre lui, déclara : « Si moi je l’eusse connue, dit-il, toi tu ne l’eusses pas connue ». 148 L’auteur de la Consolation signale-t-il en l’occurrence qu’il a rédigé par ailleurs l’histoire du complot dont il a été la victime (voir supra, I, 1) ? S’il c’est le cas, rien ne nous en est parvenu. Voir aussi notre Introduction, V. 10. A. 1. 149 Voir supra, I, 3, 9, et la note y afférente. Selon Courcelle (1967, p. 126), une anecdote approchante sur le courage déployé par Canius aurait été rapportée par Plutarque ou le Pseudo-Plutarque, comme en atteste le chroniqueur byzantin du huitième siècle, Georges le Syncelle. On la trouve aussi et antérieurement chez Sénèque (De la tranquillité de l’âme, XIV, 4-10), privée également de la citation. Courcelle (ibid.) rejette cette dernière filiation parce que le mot historique n’y figure pas. Mais, à ce que nous avons compris, il ne se trouve pas non plus chez Georges le Syncelle. Voir aussi Costa (2012). 150 Sur Gaius (ou Caius) César, dit Caligula, voir Suétone (fl. 100-120), Vie des douze Césars, Caligula, VIII sqq., qui n’évoque cependant pas l’épisode de Canius parmi ses innombrables cruautés, exactions, extravagances et excès. 151 Sur Caius Julius César, dit Germanicus (-15 – +19), voir Id., Tibère, LII et Caligula, I-VII.
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28. Qua in re non ita sensus nostros maeror hebetauit ut impios scelerata contra uirtutem querar molitos, sed quae sperauerint effecisse uehementer ammiror. 28. Dans cette situation, l’affliction n’a pas engourdi nos sens au point que je me plaigne que des impies ont entrepris des manœuvres scélérates contre la vertu152, mais je m’étonne au plus haut point qu’ils aient concrétisé ce qu’ils avaient projeté. 29. Nam deteriora uelle nostri fuerit fortasse defectus, posse contra innocentiam quae sceleratus quisque conceperit inspectante deo monstri simile est. 29. Car vouloir le pire pourrait bien relever de notre faiblesse153, mais pouvoir contre l’innocence ce que le premier scélérat venu a conçu, et cela sous le regard de Dieu, relève semblablement du monstrueux154. 30. Vnde haud iniuria tuorum quidam familiarium quaesiuit: «si quidem deus», inquit, «est, unde mala? Bona uero unde, si non est? ». 30. D’où l’un de tes familiers n’a pas eu tort quand il a demandé : « Si vraiment Dieu existe, dit-il, d’où vient le mal ? Mais d’où vient le bien, s’il n’existe pas ? »155.
152 Boèce veut signifier en l’occurrence que son bon sens n’a pas été émoussé au point de signaler un fait devenu trop banal pour être constaté, à savoir que des renégats portent atteinte à la vertu. 153 Entendons : celle de la nature humaine. 154 Boèce manifeste-t-il une incompréhension scandalisée face à l’indifférence de Dieu, ou tout au contraire la déclare-t-il inconcevable ? La première hypothèse consonne avec ce qu’il dira sur le même thème en infra, IV, 1, 5, la seconde attesterait qu’il espère encore en son salut, Dieu n’ayant point permis ce qui lui arrive – voir infra, II, 4, 9-10 et notre Introduction, V. 9. B. 155 Référence possible (Bocognano, 1937, p. 259, n. 36) à un raisonnement d’Épicure – d’après Lactance (c. 250-c. 335), De la colère de Dieu, XIII, 21 : « Dieu ou bien veut supprimer le mal et ne le peut pas, ou bien il le peut et ne le veut pas, ou bien ni il le veut ni il le peut, ou bien et il le veut et le peut. S’il le veut et ne le peut pas, il est faible, ce qui ne peut échoir à Dieu. S’il le peut et ne le veut pas, il est envieux, ce qui est également étranger à Dieu. Si ni il le veut ni il le peut, il est à la fois envieux et faible, et cela ne sied pas non plus à Dieu. S’il le veut et le peut, ce qui convient à Dieu seul, d’où proviennent donc les maux, ou pourquoi ne les supprime-t-il pas ? ». Cf. également Proclus, De l’existence du mal, v.c. V, 58, qui pose l’alternative à partir du mal : « Si le mal existe, comment ne ferait-il pas obstacle à une action providente tournée vers le bien ? Et si l’univers est rempli de providence, comment le mal trouve-t-il place parmi les êtres ? » (= Isaac, p. 104). Voir aussi notre Introduction, V. 7. 3.
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31. Sed fas fuerit nefarios homines, qui bonorum omnium totiusque senatus sanguinem petunt, nos etiam, quos propugnare bonis senatuique uiderant, perditum ire uoluisse. 31. Mais on pourrait admettre que des hommes abominables, qui réclament le sang de tous les gens de bien et du sénat tout entier, aient voulu aussi que nous allions à notre perte, eux qui m’avaient vu combattre pour les gens de bien et le sénat. 32. Sed num idem de patribus quoque merebamur? Meministi, ut opinor, quoniam me dicturum quid facturumue praesens semper ipsa dirigebas, meministi, inquam, Veronae cum rex, auidus exitii communis, maiestatis crimen in Albinum delatae ad cunctum senatus ordinem transferre moliretur, uniuersi innocentiam senatus quanta mei periculi securitate defenderim. 32. Mais est-ce que nous méritions de subir le même traitement de la part des pères conscrits156 ? Tu te souviens, à ce que je crois – puisque toi-même tu me dirigeais, toujours présente, dans ce que j’allais dire ou faire –, tu te souviens, dis-je, à Vérone157, lorsque le roi, avide d’une perte commune, a entrepris de reporter sur l’ensemble de l’ordre sénatorial le crime de lèse-majesté imputé à Albin, avec quelle insouciance de mon péril j’ai défendu l’innocence du sénat dans son ensemble. 33. Scis me haec et uera proferre et in nulla umquam mei laude iactasse; minuit enim quodam modo se probantis conscientiae secretum, quotiens ostentando quis factum recipit famae pretium. 33. Tu sais aussi que ce que j’avance est vrai, et que jamais je ne me suis répandu en louange à mon égard ; en effet, la satisfaction intime d’une conscience qui se fait agréer diminue en quelque manière toutes les fois qu’en étalant ce qu’elle a fait elle reçoit le prix de la renommée158. 156 Patres (conscripti), comprenons : les sénateurs. L’expression se trouve notamment chez Tacite, Annales, IV, XXXVII et XXXVIII. Comme nous le conjecturions plus haut, à l’occasion du § 23, les sénateurs, dont Boèce avait pourtant pris la défense, se seraient retournés contre lui. 157 Sous le règne de Théodoric, celui-ci réunissait sa cour en différentes villes d’Italie, dont Ravenne, Pavie et Vérone. 158 Autrement dit : plus on étale ses mérites, plus la satisfaction intime de la conscience qui a bien agi perd en intensité, ou encore : la plénitude du contentement dans l’action bonne ne peut être ressentie que dans le secret de la conscience.
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34. Sed innocentiam nostram quis exceperit euentus uides; pro uerae uirtutis praemiis falsi sceleris poenas subimus. 34. Mais tu vois quel bénéfice en a retiré159 notre innocence ; pour récompense d’une authentique vertu, nous subissons des peines relevant d’un faux crime. 35. Eccuius umquam facinoris manifesta confessio ita iudices habuit in seueritate concordes ut non aliquos uel ipse ingenii error humani uel fortunae condicio cunctis mortalibus incerta summitteret? 35. La confession manifeste de quel forfait a-t-elle jamais trouvé une fois des juges unanimes dans la sévérité, au point que ni l’égarement du génie humain lui-même, ni la condition incertaine de la fortune chez tous les mortels n’en ait ébranlé aucun ?160 36. Si inflammare sacras aedes uoluisse, si sacerdotes impio iugulare gladio, si bonis omnibus necem struxisse diceremur, praesentem tamen sententia, confessum tamen conuictumue punisset; nunc quingentis fere passuum milibus procul muti atque indefensi ob studium propensius in senatum morti proscriptionique damnamur. O meritos de simili crimine neminem posse conuinci! 36. Si l’on avait dit de nous que nous avions voulu incendier des édifices sacrés, égorger des prêtres d’un glaive impie, tramer l’assassinat de tous les gens de bien, j’aurais été puni malgré tout par une sentence rendue en ma présence, malgré tout sur mon aveu ou confondu par des preuves ; à présent, c’est à une distance de 500.000 pas environ161, réduits au silence et laissés sans défense que nous sommes condamnés162 à la 159 Sur l’expression eventus excipere, voir César, Guerre civile, I, XXI, 6 : commandés par Domitius, gouverneur de la Gaule transalpine, les soldats de la ville de Corfinium assiégée par César, s’interrogent sur les bénéfices qu’ils pourraient retirer du projet de fuite caressé par Domitius – Gruber, 1978, p. 126. 160 Boèce s’étonne ici de l’unanimité avec laquelle ses juges l’ont condamné, aucun apparemment n’ayant émis quelque doute ou eu quelque hésitation. 161 Si nous savions autour de quel point (Ravenne, Pavie, Vérone, Rome… ?) ce périmètre doit être tracé, nous serions peut-être plus à même d’évaluer le lieu de captivité de Boèce. 162 Nous avons fait part à deux reprises (supra, § 2 et 18) de l’incommodité d’une alternance du « nous » et du « je » dans la narration boécienne. Nous en avons ici un exemple significatif : comment comprendre et traduire ce verbe à la première personne du pluriel (damnamur) précédé de deux adjectifs également au pluriel (muti atque indefensi) ? Si nous traduisons par « nous sommes condamnés », comme l’exige le latin, qui placer derrière ce pluriel ? Albinus et Boèce? Si nous traduisons par « nous sommes condamné », en décidant qu’il s’agit d’un « nous » de majesté qui désigne Boèce seul, nous orientons peut-être faussement l‘événement relaté.
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mort et à la proscription163 pour notre zèle trop marqué à l’égard du sénat. Ô sénateurs, que vous mériteriez164 que personne ne pût être convaincu d’un crime semblable ! 37. Cuius dignitatem reatus ipsi etiam qui detulere uiderunt; quam uti alicuius sceleris ammixtione fuscarent, ob ambitum dignitatis sacriligio me conscientiam polluisse mentiti sunt. 37. Ceux-là mêmes qui ont porté l’accusation ont en plus constaté l’honorabilité de la faute165 qui m’était imputée ; afin de la noircir par l’addition d’un quelconque forfait, ils ont déclaré mensongèrement que j’avais souillé ma conscience par un sacrilège166 dans le but de briguer une dignité167. 38. Atqui et tu insita nobis omnem rerum mortalium cupidinem de nostri animi sede pellebas et sub tuis oculis sacrilegio locum esse fas non erat. Instillabas enim auribus cogitationibusque cotidie meis pythagoricum illud ἕπου θεῷ. 38. Et pourtant, toi, greffée en nous, à la fois tu chassais toute cupidité pour les choses mortelles du siège de notre âme, et sous tes yeux il n’était pas permis qu’il y eût place pour un sacrilège. Chaque jour, en effet, tu instillais dans mes oreilles et mes pensées ce mot pythagoricien168 : ἕπου θεῷ (« Suis Dieu »)169. 163 La « proscription » pourrait correspondre à trois mesures : la condamnation à mort, la condamnation à l’exil, la confiscation des biens. Au § 45, infra, Boèce laisserait entendre qu’il faudrait y voir les trois plus l’opprobre. 164 C’est-à-dire : ce ne serait que justice qu’aucun d’entre vous ne soyez accusé du crime de lèse-majesté. 165 Dignitatem reatus : O’Donnell (1979, ad loc.) attire l’attention sur l’oxymore. Cette faute est celle liée au crime de lèse-majesté, qui a été alourdie par une faute additionnelle, celle découlant de pratiques sacrilèges. 166 Sur ce genre d’accusation, voir Cassiodore, Variae, IV, XXII et XXIII : vers 507511, un Basilius et un Praetextatus, incriminés pour pratique de la magie, sont incarcérés dans l’attente de leur procès, où l’un des juges requis pour siéger est le sénateur Symmaque, vraisemblablement le beau-père de Boèce. À l’occasion de cette affaire, Théodoric rappelle qu’il ne tolérera pas une telle injure faite à la divine Majesté, et qu’il est en outre intolérable, à une époque chrétienne, de s’adonner aux arts magiques. 167 Probablement celle attachée à la charge de maître des offices, que Boèce assuma jusqu’en 523, et qui fut la dernière. 168 Pythagoricum illud : Cottreau (1889, p. 13 exit.) traduit par : « ce précepte de Platon ». Voir la note suivante. 169 Il s’agit du premier des 147 Préceptes delphiques (voir Jean Stobée (s. V), Anthologie, III, 1, 173). Sénèque (De la vie heureuse, XV, 5), le traduira par : « deum sequi ». Apulée (c. 125-c. 175), lui, en fera un précepte du sage platonicien (De Platon et de sa doctrine, II, XXIII : « Sapientem quippe pedisequum et imitatorem dei dicimus et sequi
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39. Nec conueniebat uilissimorum me spirituum praesidia captare, quem tu in hanc excellentiam componebas ut consimilem deo faceres. 39. Il n’était donc pas convenable que je cherche à m’assurer le secours des esprits les plus vils, alors que toi tu m’amenais vers ce degré de perfection, afin que tu me rendes entièrement semblable à Dieu170. 40. Praeterea penetral innocens domus, honestissimorum coetus amicorum, socer etiam sanctus et aeque ac tu ipsa reuerendus ab omni nos huius criminis suspicione defendunt. 40. De plus, le sanctuaire irréprochable de ma demeure, un groupe d’amis des plus estimables171, ainsi qu’un beau-père172 saint et vénérable à l’égal de toi-même, nous garantissent de tout soupçon quant à ces crimes. 41. Sed – o nefas! Illi uero de te tanti criminis fidem capiunt atque hoc ipso uidebimur affines fuisse maleficio, quod tuis imbuti disciplinis, tuis instituti moribus sumus. 41. Mais – ô chose néfaste ! c’est en vérité de toi que ceux-là tirent assurance quant à un tel crime173, et nous passons pour avoir été mêlé à ce maléfice lui-même parce que, imprégné de tes savoirs, nous sommes façonné174 par tes mœurs175. arbitramur deum; id est enim hepou theo = Nous disons assurément que le sage est l’accompagnateur et l’imitateur de Dieu, et nous le croyons suivre Dieu ; tel est, en effet le précepte : “hepou theo” »). Pour Pythagore, voir Jamblique, Vie de Pythagore, 18 (86). 170 Cf. infra, III, 10, 24-25 et IV, 3, 10, où Boèce ira jusqu’à dire qu’il faut devenir Dieu par participation, ce qui n’est pas sans rappeler soit la condition de l’homme biblique, soit celle de l’homme plotinien – voir notre Introduction, III, 9. 171 Inclure Cassiodore dans ce groupe, ce serait sous-entendre que Boèce ignorait qu’il lui avait succédé, dans des conditions plus que douteuses, à la charge de maître des offices en 523. 172 Il s’agit de Quintus Aurelius Memmius Symmachus, qui devint, entre autres, sénateur vers 478 et consul ordinaire en 485. Il eut deux filles, Rusticiana et Galla, dont la première épousa Boèce (voir PLRE, II, p. 1044-1046). Cf. infra, II, 3, 6 et 4, 5. 173 C’est en se réclamant de Philosophie que les accusateurs ont incriminé Boèce pour crime de lèse-majesté et pratique des arts funestes. Mais, à propos de ces derniers, on peut aller jusqu’à se demander pourquoi l’incrimination n’a-t-elle pas atteint aussi Philosophie, car au Bas-Empire, la frontière entre cette dernière et l’astrologie, le scientisme, la mantique, la divination, le spiritisme, la magie et la sorcellerie restait poreuse. 174 Imbutus et institutus : l’association de ces deux participes passés semblent avoir été empruntée, en contexte approchant, à la rhétorique cicéronienne – voir De l’orateur, II, 162 (concernant la formation de l’élève absolument novice à l’éloquence) et Philippiques, X, 20 (concernant les exemples et les leçons à tirer des ancêtres) – Gruber, 1978, p. 131. 175 Doit-on exclure de voir dans cette lamentation un certain reproche de Boèce adressé à Philosophie, dont l’enseignement aurait été en bonne part responsable de ses tourments (voir supra, n. 173 et la note suivante) ?
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42. Ita non est satis nihil mihi tuam profuisse reuerentiam, nisi ultro tu mea potius offensione lacereris. 42. Ainsi, ce n’est pas assez que ma vénération à ton égard ne m’ait en rien profité176, il faut en outre que toi tu sois passablement déchirée par mon discrédit. 43. At uero hic etiam nostris malis cumulus accedit, quod existimatio plurimorum non rerum merita sed fortunae spectat euentum eaque tantum iudicat esse prouisa quae felicitas commendauerit; quo fit ut existimatio bona prima omnium deserat infelices. 43. Mais ce qui met également le comble à nos maux, c’est que la réputation chez la plupart des gens ne regarde pas le mérite des actes177 mais le succès de la fortune, et ils estiment que seul a été prévu ce que la félicité a valorisé178 ; d’où il suit que la bonne réputation est la première de toutes les choses qui déserte les malchanceux. 44. Qui nunc populi rumores, quam dissonae multiplicesque sententiae, piget reminisci; hoc tantum dixerim, ultimam esse aduersae fortunae sarcinam quod, dum miseris aliquod crimen affingitur, quae perferunt meruisse creduntur. 44. Quelles sont les rumeurs parmi le peuple me concernant aujourd’hui, quels sont les jugements dissonants et multiples, il m’en coûterait de les rappeler ; je dirai seulement ceci, que le pire fardeau de la fortune contraire est que, lorsque quelque crime est imputé à tort à des malheureux, on les croit avoir mérité ce qu’ils endurent. 45. Et ego quidem bonis omnibus pulsus, dignitatibus exutus, existimatione foedatus ob beneficium supplicium tuli. 45. Et moi certes, éloigné de tous mes biens, dépouillé de mes dignités, avili dans ma réputation, j’ai enduré ce supplice en retour d’un bienfait179. 176 Bien que Boèce déplore en l’occurrence qu’à travers lui c’est aussi Philosophie que l’on atteint, cette première partie du constat ne va pas, elle non plus (voir la note précédente), sans une certaine amertume et une certaine réprobation. 177 Rerum merita : même expression au § 24, supra. 178 Autrement dit : pour « la plupart des gens », seul est attribué à la prévoyance ce qui a été couronné de succès. Sur le plan lexical, réservant « bonheur » à beatitudo, nous sommes tenu de traduire felicitas par « félicité ». 179 Ob beneficium : cf. Cicéron, Contre Verrès, II, II, 137. Notons que Du Fresne (1744, I, p. 28) comprend ainsi : « j’ai regardé le supplice comme une grâce », ce qui fait nettement de Boèce une sorte de martyr.
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46. Videre autem uideor nefarias sceleratorum officinas gaudio laetitiaque fluitantes, perditissimum quemque nouis delationum fraudibus imminentem, iacere bonos nostri discriminis terrore prostratos, flagitiosum quemque ad audendum quidem facinus impunitate, ad efficiendum uero praemiis incitari, insontes autem non modo securitate uerum ipsa etiam defensione priuatos. Itaque libet exclamare: 46. Et il me semble voir les officines abominables des scélérats débordant de jouissance et d’allégresse, les individus les plus dépravés s’apprêtant pour de nouvelles délations perfides, les gens de bien gésir, prostrés à l’idée terrifiante de notre mise en péril180, qui plus est il me semble voir l’individu à la conduite scandaleuse incité à oser avec assurance le forfait par la perspective de l’impunité et à le réaliser par celle de récompenses, et les innocents privés non seulement de la sécurité, mais encore de la défense elle-même. Voilà pourquoi il me plaît de m’exclamer : Metrum V – Mètre V Bo. – 1. O stelliferi conditor orbis, qui perpetuo nixus solio rapido caelum turbine uersas legemque pati sidera cogis, 5. ut nunc pleno lucida cornu totis fratris obuia flammis condat stellas luna minores, Ô Fondateur de l’orbe porte-étoiles181, Qui, appuyé sur un trône éternel, Tournes le ciel d’un tourbillon rapide Et à ta loi fais obéir les astres : Ainsi la lune claire à pleine corne, Portée devant tous les feux de son frère182, Cache tantôt les étoiles mineures, 180 Faut-il comprendre que les gens de bien sont atterrés par la situation dramatique de Boèce, ou bien qu’ils le sont à l’idée qu’eux-mêmes pourraient subir un sort semblable ? 181 Boèce met ici sa situation en rapport avec le plan cosmique, les lois immuables qui depuis son origine régissent l’univers (l’amour cosmique). Dieu est déjà dit conditor orbis chez Prudence, Contre Symmaque, II, 170 (Gruber, 2006, p. 134) : « Quis … regnator coeli, quis conditor orbis…? = quel roi du ciel, quel fondateur de l’orbe… ? ». 182 Même présentation de la lune chez Sénèque, Thyestes, 838-839 (Gruber, 2006, p. 135) : « non Phoebeis obuia flammis / demet nocti Luna timores = la Lune portée devant les feux de Phébus n’enlève pas à la nuit ses frayeurs ».
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nunc obscuro pallida cornu Phoebo proprior lumina perdat 10. et qui primae tempore noctis agit algentes Hesperos ortus solitas iterum mutet habenas Phoebi pallens Lucifer ortu. Et tantôt pâle, avec sa corne obscure, À côté de Phébus183 perd sa lumière ; Et Hespéros184, qui en début de nuit Fait avancer les froids levers des astres, Change à nouveau la bride accoutumée, Lucifer pâle au lever de Phébus. Tu frondifluae frigore brumae 15. stringis lucem breuiore mora, tu cum feruida uenerit aestas agiles nocti diuidis horas. L’hiver, quand le gel fait tomber les feuilles185, Tu raccourcis et abrèges le jour ; C’est toi, quand vient la chaleur de l’été186, Qui donnes à la nuit de brèves heures. Tua uis uarium temperat annum, ut quas Boreae spiritus aufert 20. reuehat mites Zephyrus frondes, quaeque Arcturus semina uidit Sirius altas urat segetes : Ta force tempère et varie l’année : Emportée par le souffle de Borée187, La ramée revient tendre avec Zéphyre188 ; 183 Apollon, le soleil (voir 1, III, 9 et la note y afférente), qui est le frère de Diane, la Lune. 184 Hespérus ou Vesper, l’étoile du soir qui, au lever du soleil, se transforme en Lucifer, l’étoile du matin (la planète Vénus). 185 Même tableau chez Sénèque, Phèdre, 966-967 (Gruber, 2006, p. 136) : « ut nunc canae frigora brumae / nudent silvas… = de sorte que tantôt les frimas de l’hiver dépouillent les forêts… ». 186 L’expression feruida aestas se lit déjà chez Tacite (Annales, XIV, 24, 1), à propos de l’armée de Corbulon (Gruber, 2006, p. 137). 187 Voir supra, I, III, 7 et la note y afférente. 188 Le vent doux dont le souffle marque pour les Anciens l’arrivée du printemps.
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Ce que le Bouvier189 a vu en semences, Levé en moissons, Sirius190 le brûle. nihil antiqua lege solutum linquit propriae stationis opus. 25. Omnia certo fine gubernans hominum solos respuis actus merito rector cohibere modo. Car l’œuvre qui lui incombe ne laisse Rien affranchi de son antique loi. Gouvernant tout avec fin assurée, En souverain, tu n’exclus d’empêcher, Comme il se doit, que les actes des hommes. Nam cur tantas lubrica uersat Fortuna uices? Premit insontes 30. debita sceleri noxia poena, at peruersi resident celso mores solio sanctaque calcant iniusta uice colla nocentes. Pourquoi la Fortune au hasard retourne Tant de destins ? Les innocents subissent191 La lourde peine qui est due au crime, Mais les pervers sont assis sur un trône Élevé, les méchants foulent au pied, Injustement, le cou des hommes saints. Latet obscuris condita uirtus 35. clara tenebris iustusque tulit crimen iniqui. Nil periuria, nil nocet ipsis fraus mendaci compta colore. La vertu claire en la ténèbre obscure 189 Arcturus est l’étoile du Bouvier qui se lève à l’époque des semences dans l’Italie antique, dans la première quinzaine de septembre (Virgile, Géorgiques, I, 68 et 204). 190 L’une des étoiles de la Canicule (le Chien), qui se lève le 25 / 26 juillet et marque les grandes chaleurs de l’été. 191 L’expression Premit insontes se lit dans l’Hercule sur l’Œta, v. 748, dans une réplique de Déjanire à Hyllus (Gruber, 2006, p. 138) : « Effare quis me casus insontem premat = dis quel malheur m’accable malgré mon innocence ».
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Se tient cachée ; le juste a supporté Le grief de l’inique. À eux ne nuit ni parjure ni fraude, Même parée des couleurs du mensonge. Sed cum libuit uiribus uti, 40. quos innumeri metuunt populi summos gaudet subdere reges. O iam miseras respice terras, quisquis rerum foedera nectis! Mais, quand il leur plaît d’user de la force, Les plus grands rois que tant de peuples craignent, Elle192 s’éjouit de les subjuguer. Regarde donc les malheureuses terres, Ô toi qui noues les pactes de ce monde! Operis tanti pars non uilis 45. homines quatimur fluitante193 salo. Rapidos, rector, comprime fluctus et quo caelum regis immensum firma stabiles foedere terras ». Partie non vile d’un si grand ouvrage, Les flots marins nous secouent, nous les hommes. Toi, Souverain, retiens les flots rapaces ; Par le pacte dont tu régis le ciel Immense, affermis, rend stables les terres ! Prosa 5 1. Haec ubi continuato dolore delatraui, illa uultu placido nihilque meis questibus mota: Prose 5 1. Bo. – Quand j’eus déclamé cela dans une continuelle douleur, elle, d’un visage calme et en rien ému par mes plaintes194, déclara :
192 Avec Moreschini (1994, p. 74), qui s’appuie sur Bieler (1984) et Traina (1970), nous considérons que le sujet de gaudet est Fortuna. 193 Avec Moreschini (Ibid., ibid.), nous acceptons la correction metri causa de S. Mariotti : fluitante pour fortunae. 194 Est-ce là comme un deuxième reproche adressé à Philosophie (voir supra, 4, 42), ou le constat d’une totale maîtrise d’elle-même ?
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2. – Cum te, inquit, maestum lacrimantemque uidissem, ilico miserum exsulemque cognoui; sed quam id longinquum esset exsilium, nisi tua prodidisset oratio, nesciebam. 2. Ph. – Lorsque je t’ai vu, affligé et en larmes, aussitôt j’ai reconnu en toi un malheureux et un exilé195 ; mais à quel point était lointain ton exil, je ne l’aurais pas su si ton discours ne l’avait révélé. 3. Sed tu quam procul a patria non quidem pulsus es sed aberrasti ac, si te pulsum existimari mauis, te potius ipse pepulisti; nam id quidem de te numquam cuiquam fas fuisset. 3. Seulement toi, ce n’est point assurément que tu aies été chassé loin de ta patrie, mais c’est que tu t’en es éloigné196, et, si tu préfères être considéré comme chassé, tu t’en es plutôt chassé toi-même ; car cela n’aurait assurément jamais été permis à quiconque à ton encontre197. 4. Si enim cuius oriundo sis patriae reminiscare, non uti Atheniensium quondam multitudinis imperio regitur, sed εἷς κοίρανός ἐστιν, εἷς βασιλεύς, qui frequentia ciuium, non depulsione laetetur, cuius agi frenis atque obtemperare iustitiae summa libertas est. 4. Si, en effet, tu veux te souvenir de quelle patrie198 tu es originaire, sache qu’elle n’est pas régie, comme autrefois celle des Athéniens, par le pouvoir de la multitude199, mais εἷς κοίρανός ἐστιν, εἷς βασιλεύς (qu’« il y a un seul chef, un seul roi »)200, lequel se réjouit de l’accroissement des citoyens, non de leur exclusion, et la pleine liberté est de se soumettre à son frein et d’obtempérer à sa justice. Cf. infra, I, 5, 5 avec la note y afférente, et I, 6, 18. Aberrasti, certains traducteurs comprennent : « c’est que tu t’y es égaré ». Mais la suite montre qu’il y eut une déviation et non une rupture, l’ensemble du paragraphe étant placé sous le signe de la distance prise lucidement avec la conduite idoine – voir la note suivante. 197 Philosophie accuse pour ainsi dire Boèce d’avoir lui-même œuvré à sa propre perte alors qu’il était intouchable. 198 Cette « patrie », comme permet de le confirmer le paragraphe suivant, n’est autre que le ciel, où Dieu réside. Y retourner est un objectif qui sera souvent réaffirmé par la suite. 199 Allusion à l’époque où Athènes avait instauré l’ostracisme, mesure votée en - 508, mais appliquée seulement vingt ans plus tard. On écrivait sur un tesson de céramique (ὄστρακον) le nom de celui que l’on destinait au bannissement, et l’assemblée du peuple (ἐκκλησία) votait pour ou contre son exil – voir Martin (1913). 200 Citation quasi littérale (on passe de l’impératif à l’indicatif cher Boèce) d’Homère, Iliade, II, 204-205, morceau où Odysseus (Ulysse), pour conclure sa réprimande du guerrier rétif, déclare : « εἷς κοίρανος ἔστω, εἷς βασιλεύς = (La multitude des maîtres ne vaut rien. Il faut) qu’il y ait un seul chef, un seul roi ». 195 196
LIVRE I205
5. An ignoras illam tuae ciuitatis antiquissimam legem qua sanctum est ei ius exsulare non esse quisquis in ea sedem fundare maluerit? Nam qui uallo eius ac munimine continetur, nullus metus est ne exsul esse mereatur; at quisquis inhabitare eam uelle desierit pariter desinit etiam mereri. 5. Ignores-tu cette plus antique loi de ta cité, selon laquelle pour quiconque a préféré s’installer sur son sol, c’est un droit sacré de ne pas en être exilé201 ? Car celui qui se tient derrière son rempart et son retranchement202, il n’y a pas à craindre qu’il soit exposé à en être exilé ; mais quiconque a cessé de vouloir l’habiter, renonce aussi du même coup à y être exposé203. 6. Itaque non tam me loci huius quam tua facies mouet nec bibliothecae potius comptos ebore ac uitro parietes quam tuae mentis sedem requiro, in qua non libros sed id quod libris pretium facit, librorum quondam meorum sententias collocaui. 6. Ainsi suis-je émue non tant par l’aspect de ce lieu que par celui de ton visage, et je cherche, plutôt que les murs de ta bibliothèque parés d’ivoire et de verre204, le siège de ton esprit, dans lequel j’ai déposé autrefois non pas des livres mais ce qui fait le prix des livres : les maximes contenues dans certains de mes livres. 7. Et tu quidem de tuis in commune bonum meritis uera quidem, sed pro multitudine gestorum tibi pauca dixisti. 7. Et ce que tu as dit de tes services rendus au bien commun est assurément vrai, mais c’est peu de chose relativement à la multitude de tes hauts faits.
201 Sur l’« antique loi », voir supra, I, V, 26. Sur l’exil, cf. Cicéron (Pour A. Cécina, C), en concluant : « itaque nulla in lege nostra reperietur... maleficium ullum exsilio esse muletatum = ainsi, on ne trouvera nulle part dans notre loi… qu’aucun maléfice soit puni d’exil ». 202 Vallo munimine : cf. supra, I, 3, 14. Lucain (Pharsale, 6, 290) use de la même image, mais au sens propre : « Transierat primi Caesar munimina valli = César avait franchi les retranchements du premier rempart » – Gruber (1978, p. 145). 203 Le verbe mereri semble ici employé avec deux référents distincts : dans la première occurrence, il signifie « être exposé à l’exil », dans la seconde « être exposé à la protection des remparts ». 204 Cf. supra, I, 4, 3. Vitrum : s’agit-il de vitres plus ou moins transparentes ou de miroirs ? Pline (Histoire naturelle, V, XVII, 19) mentionne une ville, Sidon, surnommée « artifex vitri ».
206
TRADUCTION
8. De obiectorum tibi uel honestate uel falsitate cunctis nota memorasti. De sceleribus fraudibusque delatorum recte tu quidem strictim attingendum putasti, quod ea melius uberiusque recognoscentis omnia uulgi ore celebrentur. 8. Ce que tu as rappelé à propos soit de l’honorabilité soit de la falsification205 de ce qui t’est imputé est connu de tous206. Tu as certes pensé à juste titre qu’il fallait aborder sans s’y attarder207 les forfaits et perfidies des délateurs, parce que ces informations sont diffusées bien mieux et avec plus de détails par la bouche du vulgaire qui passe tout en revue. 9. Increpuisti etiam uehementer iniusti factum senatus. De nostra etiam criminatione doluisti, laesae quoque opinionis damna fleuisti. 9. Tu as aussi vilipendé avec véhémence la conduite d’un sénat injuste. Tu t’es plaint encore de notre incrimination, et tu as déploré aussi les dommages d’une réputation outragée208. 10. Postremus aduersum fortunam dolor incanduit conquestusque non aequa meritis praemia pensari, in extremo Musae saeuientis, uti quae caelum terras quoque pax regeret, uota posuisti. 10. Dernièrement, ton ressentiment s’est enflammé contre Fortune, et tu as vivement regretté que les récompenses ne soient pas payées de retour équivalentes aux mérites ; enfin, tu as émis les vœux d’une Muse209 en fureur demandant que la paix qui régit le ciel régisse aussi les terres. 11. Sed quoniam plurimus tibi affectuum tumultus incubuit diuersumque te dolor ira maeror distrahunt, uti nunc mentis es, nondum te ualidiora remedia contingunt. 205 Le sens de ce passage, qui a fait couler beaucoup d’encre, est difficile à cerner. Il semble que la construction par vel… vel renvoie à un double point de vue : aux yeux de Boèce, ce qui lui est imputé (avoir voulu sauver le sénat) est honorable, mais établi de façon frauduleuse par ses délateurs, Opilion, ses complices et finalement les sénateurs eux-mêmes, au moyen de fausses lettres (voir supra, 4, 26). 206 Si cela a été le cas, on est fondé à se demander pourquoi Cassiodore n’y a pas consacré la moindre allusion dans ses Variae. 207 L’expression strictim attingendum fait écho à celle de Cicéron (Lettres à Atticus, II, 2, 1), au sujet d’une lettre dont on a pris connaissance à grands traits : strictim attigisti – Gruber, 1978, p. 147. Ici, elle justifie la relative allusivité dont a fait preuve Boèce dans son exposé des événements, que nous avons parfois soulignée. 208 On ne sait s’il s’agit en l’occurrence de la réputation de Philosophie ou de celle de Boèce. Les deux vraisemblablement. 209 L’allusion concerne les vers 42-48 du mètre V. Mais de quelle Muse s’agit-il ? Celles de la poésie ont été expulsées de son lieu de détention (supra, I, 1, 7-11). Boèce aurait-il été encore sous leur emprise ? S’il faut y voir l’une des propres Muses de Philosophie (ibid., 11), c’est qu’elles aussi peuvent s’exprimer à travers des poèmes.
LIVRE I207
11. Mais puisqu’un très grand tumulte de passions a déferlé sur toi, et que le ressentiment, la colère et l’affliction t’écartèlent en tous sens, dans l’état d’esprit où tu te trouves actuellement, des remèdes plus énergiques ne te conviendraient pas encore. 12. Itaque lenioribus paulisper utemur, ut quae in tumorem perturbationibus influentibus induruerunt ad acrioris uim medicaminis recipiendam tactu blandiore mollescant. 12. Aussi nous en utiliserons provisoirement de plus doux, afin que ce qui s’est induré et a formé une tumeur sous l’effet d’émotions envahissantes mollisse par un toucher plus caressant210 en vue de supporter l’efficacité d’un médicament plus agressif211. Metrum VI – Mètre VI Ph. – 1. « Cum Phoebi radiis graue Cancri sidus inaestuat, tum qui larga negantibus sulcis semina credidit 5. elusus Cereris fide quernas pergat ad arbores. Quand, lourd des rayons de Phébus212, Le signe du Cancer213 bouillonne, Alors, qui confie ses semences En masse aux sillons qui refusent, Trompé par la foi de Cérès, Qu’il se retourne vers les chênes214. 210 Tactu blandiore : Caelius Aurelianus (Gruber, 1978, p. 149), médecin latin (fl. s. V), qui a en fait traduit Soranus d’Éphèse (s. II), a utilisé plusieurs fois l’expression blando tactu à propos de la léthargie (voir Maladies aiguës (Acutae passiones), II, VI, 30 et Maladies chroniques (Chronicae passiones), I, II, 5 et I, V, 155). Mais nous ignorons si Boèce connaissait ses ouvrages. 211 Cette longue métaphore à thème thérapeutique n’est peut-être pas des plus heureuses : une accumulation d’émotions a provoqué une tumeur, qui s’est indurée, et qu’il est question d’émollier par des massages utilisant un remède de type onguent. 212 Le soleil – voir 1, III, 9 et la note y afférente. 213 Le soleil est dans la constellation du Cancer entre le 20 juin et le 20 juillet, période peu propice aux semailles. 214 Aux céréales, don de Cérès-Déméter aux humains après avoir retrouvé sa fille Perséphone-Proserpine, s’opposent les glands, nourriture de l’humanité primitive avant l’agriculture dans la tradition gréco-latine ; même opposition en IV, III, 23-24, mais dans un autre contexte (nourriture des cochons).
208
TRADUCTION
Numquam purpureum nemus lecturus uiolas petas cum saeuis Aquilonibus 10. stridens campus inhorruit ; nec quaeras auida manu uernos stringere palmites uuis si libeat frui; Ne gagne jamais un bois pourpre Pour ramasser des violettes Lorsque les cruels Aquilons215 Hérissent la plaine qui siffle ; Ne va pas d’une main avide216 Cueillir les sarments printaniers Si tu veux jouir du raisin, autumno potius sua 15. Bacchus munera contulit. Signat tempora propriis aptans officiis deus nec quas ipse cohercuit misceri patitur uices. Puisque c’est plutôt à l’automne Que Bacchus217 porte ses présents. Dieu estampille les saisons Et les adapte à leur fonction. Les alternances qu’il maintient, Il ne souffre pas qu’on les mêle. 20. Sic quod praecipiti uia certum deserit ordinem laetos non habet exitus. Ainsi, ce qui se précipite Et délaisse l’ordre fixé N’a pas de conclusion heureuse. 215 Vent du nord froid et violent ; Properce le qualifie par la même épithète (III, VII, 71) : saeue Aquilo (Gruber, 2006, p. 151) . 216 C’est l’expression qu’avait utilisée Horace (Odes, IV, VII, 19) à propos des héritiers (Gruber, 2006, p. 151). 217 Bacchus-Dionysos est le dieu de la vigne et du vin.
LIVRE I209
Prosa 6 1. – Primum igitur paterisne me pauculis rogationibus statum tuae mentis attingere atque temptare, ut qui modus sit tuae curationis intellegam? Prose 6 1. Ph – Par conséquent, permets-tu d’abord que, par un petit nombre d’interrogations, je m’imprègne de l’état de ton esprit et l’éprouve, afin que je comprenne quel genre de traitement il te faut ? 2. – Tu uero arbitratu, inquam, tuo quae uoles ut responsurum rogato. 2. Bo. – Tout à fait, demande à ta convenance ce que tu voudras pour toi, comme à quelqu’un disposé à te répondre. 3. – Tum illa: Huncine, inquit, mundum temerariis agi fortuitisque casibus putas an ullum credis ei regimen inesse rationis? 3. Ph. – Penses-tu que ce monde soit mû par des événements contingents et fortuits218, ou bien crois-tu qu’on y trouve quelque gouvernement de la raison ? 4. – Atqui, inquam, nullo existimauerim modo ut fortuita temeritate tam certa moueantur, uerum operi suo conditorem praesidere deum scio nec umquam fuerit dies qui me ab hac sententiae ueritate depellat. 4. Bo. – Eh bien, je ne saurais estimer en aucune façon que tant de faits déterminés soient mûs par une contingence fortuite, mais je sais que Dieu veille en tant que Fondateur sur son œuvre, et il n’y aura jamais de jour qui me détournera de la vérité de ce jugement. 5. – Ita est, inquit, nam id etiam paulo ante cecinisti hominesque tantum diuinae exsortes curae esse deplorasti; nam de ceteris quin ratione regerentur nihil mouebare. 5. Ph. – C’est ainsi, car c’est même ce que tu as chanté un peu avant219 : tu as déploré qu’il n’y ait que les hommes qui soient exclus de la sollicitude divine. Car pour ce qui concerne tout le reste de la création, tu n’as en rien douté qu’il fût gouverné par la raison. 218 Nous ne sommes pas sûr de bien distinguer, en français, « contingent » (« susceptible de se produire ou de ne pas se produire », CNRTL), de « fortuit » (« qui se produit par hasard, de manière imprévue », ibid.), qui ont tous deux pour antonyme « nécessaire », donc que l’expression « contingence fortuite » du paragraphe suivant soit pertinente. 219 Voir supra, I, V, 26.
210
TRADUCTION
6. – Papae autem, uehementer ammiror cur in tam salubri sententia locatus aegrotes. Verum altius perscrutemur; nescio quid abesse coniecto. 6. Et par ma foi220, je me demande avec insistance pourquoi tu es égrotant alors que tu es établi au milieu d’un si salubre jugement. Au vrai, scrutons plus avant ; je pressens qu’il te manque je ne sais quoi. 7. Sed dic mihi, quoniam deo mundum regi non ambigis, quibus etiam gubernaculis regatur aduertis? 7. Mais dis-moi, puisque tu ne contestes pas que le monde soit régi par Dieu, discernes-tu aussi au moyen de quels gouvernails221 il est régi ? 8. – Vix, inquam, rogationis tuae sententiam nosco, nedum ad inquisita respondere queam. 8. Bo. – Je conçois à peine le sens de ton interrogation ; à plus forte raison ne puis-je répondre à ce qui est en question. 9. – Num me, inquit, fefellit abesse aliquid, per quod uelut hiante ualli robore in animum tuum perturbationum morbus inrepserit? 9. Ph. – M’a-t-il échappé que quelque chose te manque, par quoi, comme par le noyau222 béant d’un rempart223, la maladie des émotions s’est insinuée dans ton esprit ?
220 Papae : Gruber (1978, p. 154) signale ici une exclamation propre à la comédie classique, comme chez Perse (Satires, V, 79), où elle exprime l’admiration. Ajoutons que chez Varron une Satire Ménippée porte le titre : Papia papae (voir Cèbe, vol. 9). Cela reste toutefois très insuffisant à nos yeux pour faire de la Consolation une satura, le terme marquant seulement ici un étonnement teinté d’ironie, soit un sarcasme – voir notre Introduction, V, 5. 221 Le terme « gouvernail » (gubernaculum), employé au figuré et au pluriel, pour désigner quelque chose qui dirige, corrige et maintient, était un lieu commun à l’époque de Boèce, particulièrement utilisé par Cicéron (voir Pour Sextus Roscius, XVIII, pour évoquer les gouvernails de la chose publique aux mains des grands citoyens, et Pour Sestius, XX, à propos du vaisseau de la république errant sans gouvernails (cf. infra, III, 12, 15), ainsi que De l’orateur, I, 46, comme synonyme des principes de gouvernement qui doivent inspirer certains orateurs). Toutefois, dans ce contexte précis, ce serait plutôt vers Platon qu’il faudrait se tourner, chez qui l’on trouve aussi l’image, mais appliquée au monde, du gouvernail (ὄιαξ) au moyen duquel Dieu le redresse et l’ordonne (Le Politique, 273d-e). 222 Dans le vocabulaire des fortifications, « le noyau est un talus d’argile plaqué contre le parement externe du rempart à poutrage. Il constitue un remblai qui a effacé la morphologie de la plateforme, changeant radicalement la géométrie de la fortification », Krausz et Millereux (p. 73). Cf. supra, I, 3, 13-14. 223 Hianti ualli robore : pour mieux comprendre le sens de cette tournure, voir supra, I, 3, 13-14.
LIVRE I211
10. – Sed dic mihi, meministine quis sit rerum finis quoue totius naturae tendat intentio? – Audieram, inquam, sed memoriam maeror hebetauit. – Atqui scis unde cuncta processerint. 10. Mais dis-moi, te souvient-il quelle est la fin des choses ou vers quoi tend l’application de la nature entière ? Bo. – J’en avais été informé, mais l’affliction a émoussé ma mémoire. Ph. – Eh bien, sais-tu d’où procèdent toutes les choses ? 11. Noui, inquam, deumque esse respondi. 11. Bo. – Je l’ai appris et j’ai répondu que c’était Dieu224. 12. – Et qui fieri potest ut principio cognito quis sit rerum finis ignores? 12. Ph. – Et comment peut-il se faire que, connaissant le principe, tu ignores la fin des choses ? 13. Verum hi perturbationum mores, ea ualentia est, ut mouere quidem loco hominem possint, conuellere autem sibique totum exstirpare non possint. 13. Ce sont en vérité les caractéristiques des émotions, leur capacité, en sorte qu’elles peuvent certes faire dévier l’homme de sa condition, mais sans pouvoir l’arracher et le déraciner tout entier de soi-même. 14. Sed hoc quoque respondeas uelim: hominemne te esse meministi? 14. Mais je voudrais que tu répondes encore à ceci : te souvient-il que tu es un homme ? 15. – Quidni, inquam, meminerim?225 – Quid igitur homo sit poterisne proferre? – Hocine interrogas, an esse me sciam rationale animal atque mortale ? Scio, et id me esse confiteor. 15. Bo. – Comment ne m’en souviendrait-il pas ? Ph. – Pourrais-tu alors expliquer ce qu’est l’homme ? Bo. – Me demandes-tu si je sais que je suis un animal rationnel et mortel226 ? Je le sais, et j’avoue l’être moi-même. Voir supra, § 4. Moreschini (p. 24) place cette phrase à la fin du § 14. 226 Cf. Aristote, De l’interprétation, 20b17 : « Un homme est animal et bipède », et Topiques (101b32) : « Peut-on dire qu’“animal terrestre bipède” est la définition d’homme ? ». En revanche, le Stagirite n’a, à notre connaissance, jamais défini l’homme comme un « animal rationnel (ou raisonnable, ou doué (doté) de raison) », du moins sous 224 225
212
TRADUCTION
16. – Et illa: nihilne aliud te esse nouisti? – Nihil. 16. Ph. – Sais-tu que tu n’es rien d’autre ? Bo. Rien d’autre. 17. – Iam scio, inquit, morbi tui aliam uel maximam causam; quid ipse sis nosse desisti. Quare plenissime uel aegritudinis tuae rationem uel aditum reconciliandae sospitatis inueni. 17. Ph. – Je connais à présent l’autre cause, et la principale, de ta maladie : ce que tu es toi-même tu as cessé d’en avoir connaissance227. Voilà pourquoi j’ai pleinement découvert et la cause de ton malaise et le moyen d’y ajouter la santé retrouvée. 18. Nam quoniam tui obliuione confunderis et exsulem te et exspoliatum propriis bonis esse doluisti; 18. Car, parce que tu es troublé par l’oubli de toi-même, tu t’es plaint à la fois d’être exilé et d’avoir été spolié de tes biens propres. 19. Quoniam uero quis sit rerum finis ignoras, nequam homines atque nefarios potentes felicesque arbitraris; quoniam uero quibus gubernaculis mundus regatur oblitus es, has fortunarum uices aestimas sine rectore fluitare: magnae non ad morbum modo, uerum ad interitum quoque causae. Sed sospitatis auctori grates quod te nondum totum natura destituit. 19. Et puisque tu ignores quelle est la fin des choses, tu juges puissants et heureux les hommes méchants et abominables ; et puisque tu es oublieux par quels gouvernails est régi le monde, tu estimes que les vicissitudes des fortunes dérivent au hasard sans personne qui les dirige : voici de grandes causes non seulement de maladie, mais aussi d’anéantissement. Mais grâces soient rendues au Dispensateur de la santé de ce que la nature ne t’a pas encore totalement abandonné. 20. Habemus maximum tuae fomitem salutis ueram de mundi gubernatione sententiam, quod eam non casuum temeritati sed diuinae rationi
le libellé λογικὸν ζῷον. Dans Les politiques (1332b4-5), il dit seulement que, d’entre les animaux (ζῷον), « l’homme suit la raison (λόγος), car seul il a la raison », et quelques chapitres avant, il signale que « l’homme (est) un animal politique (πολιτικὸν ζῷον)… Seul parmi les animaux (ζῷον) l’homme a un langage (λόγος) » (1253a7 et 10). Il faut donc forcer les textes aristotéliciens pour en tirer la définition : « l’homme est un animal rationnel ». 227 Voir supra, I, 2, 6.
LIVRE I213
subditam credis; nihil igitur pertimescas, iam tibi ex hac minima scintillula uitalis calor illuxerit. 20. Nous tenons le meilleur stimulant pour ton salut228 : ta conception vraie sur le gouvernement du monde, parce que tu le crois soumis non pas à la contingence des faits, mais à la raison divine229 ; ne redoute donc rien : désormais, pour toi la chaleur vitale va se dégager de cette toute petite étincelle. 21. Sed quoniam firmioribus remediis nondum tempus est, et eam mentium constat esse naturam ut, quotiens abiecerint ueras, falsis opinionibus induantur, ex quibus orta perturbationum caligo uerum illum confundit intuitum, hanc paulisper lenibus mediocribusque fomentis attenuare temptabo, ut dimotis fallacium affectionum tenebris splendorem uerae lucis possis agnoscere. 21. Mais puisque ce n’est pas encore l’heure de remèdes plus puissants, et qu’il est établi que la nature des esprits est telle que, toutes les fois qu’ils rejettent des opinions vraies, ils s’empêtrent dans des fausses, par lesquelles, en naissant, le brouillard des émotions trouble l’authentique représentation, je tenterai pendant quelque temps de l’atténuer par des fomentations douces et intermédiaires, afin que, les ténèbres230 des affections trompeuses une fois dissipées, tu puisses reconnaître la splendeur de la véritable lumière. Metrum VII – Mètre VII Ph. – 1. Nubibus atris condita nullum fundere possunt sidera lumen. Les astres cachés Par des nuées noires231 Ne peuvent répandre Aucune lumière. 228 On remarquera la différence purement rhétorique entre la sospitas (paragraphe précédent) et le salus (ici) successifs. 229 Allusion à la réponse de Boèce au § 4, supra. 230 Tenebris : la métaphore de Boèce manque ici un peu de rigueur, le « brouillard » ne provoquant pas des « ténèbres », mais de l’« estompement », voire de l’« opacité ». 231 Cet adonique, comme le note Gruber (2006, p. 159) est une clausule virgilienne (Énéide, IV, 248 à propos de la tête d’Atlas).
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TRADUCTION
5. Si mare uoluens turbidus Auster misceat aestum, uitrea dudum parque serenis 10. unda diebus, Si l’Auster232 troublé, Qui roule la mer233, Mélange la houle, L’onde de cristal Naguère identique À des jours sereins, mox resoluto sordida caeno uisibus obstat, quique uagatur 15. montibus altis defluus amnis saepe resistit rupe soluti obice saxi. Ensuite souillée Par la boue dissoute, S’oppose à la vue ; Et le fleuve errant, Dont le flot descend Des hautes montagnes, S’arrête souvent Calé par un bloc Détaché du roc. 20. Tu quoque si uis lumine claro cernere uerum, tramite recto Vent violent qui souffle du sud, surtout en hiver. Boèce s’est inspiré de Virgile (Énéide, III, 196) : « continuo uenti uoluont mare = aussitôt les vents roulent la mer » (Gruber, 2006, p. 159). 232 233
LIVRE I215
carpere callem : Si dans la clarté Tu veux toi aussi Percevoir le vrai Et en ligne droite Parcourir la route, 25. gaudia pelle, pelle timorem spemque fugato nec dolor adsit, nubila mens est 30. uinctaque frenis haec ubi regnant. Repousse les joies, Repousse la crainte234, Fais fuir l’espérance, Loin de la douleur235. L’âme est nébuleuse, Liée par des freins, Si elles y règnent.
234 Boèce reprend une clausule de Virgile, Énéide, V, 812 (Gruber, 2006, p. 161). On notera le singulier timorem : les manuscrits de Virgile hésitent entre le singulier (première main du Vaticanus latinus 3225 et du Mediceus Laurentianus lat. XXXIX, 1) et le pluriel. Cette variante peut être un indice sur le type de texte de Virgile que lisait Boèce. 235 Pour parvenir à la vérité dans la paix de l’âme, l’homme doit se libérer des passions ; Boèce renvoie ici aux quatre passions fondamentales de l’homme selon les Stoïciens (joie, peur, espérance, douleur).
Livre II Prosa 1 1. – Post haec paulisper obticuit atque ubi attentionem meam modesta taciturnitate collegit sic exorsa est: Prose 1 1. Boèce. – Après quoi, elle garda le silence pendant quelque temps et, quand elle eut, par un mutisme mesuré, retenu mon attention, son préambule fut le suivant : 2. – Si penitus aegritudinis tuae causas habitumque cognoui, fortunae prioris affectu desiderioque tabescis; ea tantum animi tui, sicuti tu tibi fingis, mutata, peruertit. 2. Philosophie – Si je saisis pleinement les causes et les manifestations de ton affection, tu te consumes du regret et du désir de ta fortune antérieure ; ces changements, tels que tu te les figures, bouleversent à ce point ton esprit. 3. Intellego multiformes illius prodigii fucos et eo usque cum his quos eludere nititur blandissimam familiaritatem, dum intolerabili dolore confundat quos insperata reliquerit. 3. Je connais les fards multiformes de ce prodige et ce jusqu’à la familiarité la plus flatteuse dont elle1 use avec ceux qu’elle s’emploie à berner, jusqu’au moment où elle mêle, dans une intolérable douleur, ceux que, contre toute attente, elle abandonne. 4. Cuius si naturam, mores ac meritum reminiscare, nec habuisse te in ea pulchrum aliquid nec amisisse cognosces; sed, ut arbitror, haud multum tibi haec in memoriam reuocare laborauerim. 4. Si tu te remémores sa nature, ses mœurs et sa conduite, tu comprendras qu’en elle tu n’as ni possédé ni perdu quelque chose de beau ; mais, à ce que je crois, je n’aurais pas beaucoup de peine à te remettre cela en mémoire.
Il est question de Fortune.
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TRADUCTION
5. Solebas enim praesentem quoque, blandientemque2 uirilibus incessere uerbis eamque de nostro adyto prolatis insectabare sententiis. 5. Tu avais, en effet, l’habitude aussi, quand elle était auprès de toi et te cajolait, de l’assaillir par des paroles viriles, et de la harceler de conceptions puisées dans notre sanctuaire. 6. Verum omnis subita mutatio rerum non sine quodam quasi fluctu contingit animorum; sic factum est ut tu quoque paulisper a tua tranquillitate descisceres. 6. Au vrai, tout changement soudain des choses ne va pas sans pour ainsi dire une certaine agitation des esprits ; ainsi est-il advenu que, même toi, tu t’es départi il y a un petit moment de ta tranquillité. 7. Sed tempus est haurire te aliquid ac degustare molle atque iucundum, quod ad interiora transmissum ualidioribus haustibus uiam fecerit. 7. Mais il est temps pour toi de goûter et de déguster quelque chose de doux et d’agréable, qui, parvenu dans tes viscères3, ouvrira la voie à des gorgées plus puissantes4. 8. Adsit igitur rhetoricae suadela dulcedinis, quae tum tantum recta calle procedit cum nostra instituta non deserit cumque hac musica laris nostri uernacula nunc leuiores nunc grauiores modos succinat. 8. En conséquence, que vienne la persuasion de la douceur rhétorique, qui n’avance sur le droit chemin que lorsqu’elle n’abandonne pas nos institutions5, et qu’avec elle cette musique6, petite esclave7 née parmi nos lares, réponde par des modulations tantôt légères, tantôt graves8. 2 Blandientem quoque pour Moreschini (p. 28), que nous ne suivons pas en raison de la redondance du quoque. 3 Sur secretum, voir infra, II, 6, 5 et la note y afférente. 4 Cette étape du traitement va se poursuivre jusqu’à la suivante, qui interviendra en II, 5, 1. 5 Entendons : les principes de Philosophie. Boèce rejette par conséquent ici la rhétorique livrée à elle-même, c’est-à-dire non mise au service du discours philosophique. 6 Sur le rôle de la musique dans la Consolation, voir J.-B. Guillaumin (2011). La traduction par « poésie » est également possible – voir infra, n. 8. 7 Vernacula est, à notre sentiment, un terme fort, que la traduction n’a pas à édulcorer. La musique doit être « esclave », c’est-à-dire tenue et soumise, dans la mesure où, comme l’indique Boèce lui-même, en retrouvant indirectement Platon (La République, 399a-c), dans son De l’institution musicale (I), elle peut avoir une mauvaise influence sur les jeunes garçons (voir Meyer, 2004, p. 24-25). 8 O’Donnell (1979, ad loc.) fait remarquer que la rhétorique est réservée aux parties prosées de la Consolation, la musique aux parties métriques. Boèce souligne ainsi qu’il compose un prosimètre.
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9. Quid est igitur, o homo, quod te in maestitiam luctumque deiecit? Nouum, credo, aliquid inusitatumque uidisti. Tu fortunam putas erga te esse mutatam: erras. 9. Qu’est-ce donc, ô homme, qui t’a précipité dans l’affliction et la détresse ? Tu as vu, je crois, quelque chose de nouveau et d’extraordinaire. Tu penses que Fortune a changé à ton égard ; tu fais erreur. 10. Hi semper eius mores sunt, ista natura. Seruauit circa te propriam potius in ipsa sui mutabilitate constantiam; talis erat cum blandiebatur, cum tibi falsae illecebris felicitatis alluderet. 10. Ce sont toujours ses mœurs, cette nature. Elle a plutôt conservé envers toi une constance propre dans son instabilité elle-même : elle était telle quand elle te cajolait, quand elle se jouait de toi par les attraits d’une félicité trompeuse. 11. Deprehendisti caeci numinis ambiguos uultus. Quae sese adhuc uelat aliis, tota tibi prorsus innotuit. 11. Tu as saisi le double visage de la déesse aveugle9. Elle, qui se dissimule encore maintenant à d’autres, se fait absolument toute connaître de toi. 12. Si probas, utere moribus, ne queraris. Si perfidiam perhorrescis, sperne atque abice perniciosa ludentem; nam quae nunc tibi est tanti causa maeroris, haec eadem tranquillitatis esse debuisset. Reliquit enim te quam non relicturam nemo umquam poterit esse securus. 12. Si tu l’approuves, aie recours à ses mœurs, ne les déplore pas. Si tu abhorres la perfidie, dédaigne et éloigne celle dont le jeu est pernicieux ; car celle qui t’est cause aujourd’hui de tant d’affliction, celle-là même aurait dû t’être source de tranquillité. En effet, elle t’a abandonné, celle dont personne ne pourra jamais être sûr qu’elle ne l’abandonnera pas. 13. An uero tu pretiosam aestimas abituram felicitatem et cara tibi est fortuna praesens nec manendi fida et cum discesserit allatura maerorem? 13. Au vrai, estimes-tu précieuse une félicité qui s’en ira, et t’est-elle chère une fortune présente assurée de ne point demeurer, et qui, lorsqu’elle se sera éloignée, t’occasionnera de l’affliction ? 9 Fortuna caeca est un proverbe romain, repris notamment par Cicéron, De l’amitié, XV, 54, et Philippiques, XIII, 5, 10.
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14. Quodsi nec ex arbitrio retineri potest et calamitosos fugiens facit, quid est aliud fuga eius quam10 futurae quoddam calamitatis indicium? 14. Que si elle ne peut être retenue à notre gré, et si en fuyant elle rend les hommes catastrophés, qu’est-elle d’autre, par sa fuite, que l’indice d’une certaine catastrophe à venir ? 15. Neque enim quod ante oculos situm est suffecerit intueri, rerum exitus prudentia metitur; eademque in alterutro mutabilitas nec formidandas fortunae minas nec exoptandas facit esse blanditias. 15. En effet, on ne saurait se satisfaire d’observer ce qui s’offre à nos yeux ; la prudence évalue l’issue des choses, et cette même instabilité de part et d’autre fait que ni les menaces de Fortune ne sont à redouter, ni ses caresses ne sont à désirer. 16. Postremo aequo animo toleres oportet quicquid intra fortunae aream geritur cum semel iugo eius colla summiseris. 16. En définitive, il faut que tu acceptes d’un esprit égal tout ce qui est accompli dans le périmètre de Fortune, une fois que tu as placé le cou sous son joug. 17. Quodsi manendi abeundique scribere legem uelis ei quam tu tibi dominam sponte legisti, nonne iniurius fueris et impatientia sortem exacerbes quam permutare non possis? 17. Que si tu voulais écrire la loi de maintien et de renvoi pour celle que tu as de ton propre chef choisie comme régente11, ne serais-tu pas injuste, et par ton impatience12 n’exacerberais-tu pas un sort que tu ne pourrais renverser ?
10 Quid est aliud [fugax] quam pour Moreschini (p. 30), qui maintient fugax, lequel se trouve, sans crochets droits, chez Weinberger (p. 22) et, avec crochets droits, chez Bieler (p. 18, 39), mais il est écarté par Roberston (1945, p. 12), qui le remplace par fuga eius. Gruber (1978, p. 168) y voit aussi une interpolation. Nous avons suivi Roberston, qui s’explique ainsi : « Il est possible de tirer un certain sens de fugax, mais tant son obscurité intrinsèque que sa maladresse après fugiens sont inacceptables chez cet écrivain lucide et élégant. Un scribe a dérapé sur une contraction : lisez quid est aliud fuga eius quam futurae quoddam calamitatis indicium? et tout est clair ». 11 Il vaut de distinguer, dans la traduction, la magistra Philosophia (supra, I, 3, 3 et I, 4, 22) de la domina Fortuna (ici et au paragraphe suivant). 12 Sur l’éloge de la patientia, voir Horace, Odes, I, 24, 19-20 : « Durum! Sed levius fit patientia / Quicquid corrigere est nefas = C’est difficile ! Mais la patience rend plus léger / Tout ce qu’il est interdit de corriger » – et Stoehr-Monjou (2012).
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18. Si uentis uela committeres, non quo uoluntas peteret sed quo flatus impellerent promoueres; si aruis semina crederes, feraces inter se annos sterilesque pensares. Fortunae te regendum dedisti, dominae moribus oportet obtemperes. 18. Si tu abandonnais les voiles au vent, tu serais transporté non où ta volonté le voudrait mais où les souffles te pousseraient ; si tu confiais des semences aux champs, tu compenserais entre elles années fécondes et années stériles. Tu t’es donné au commandement de Fortune ; il faut que tu obtempères aux mœurs de ta régente. 19. Tu uero uoluentis rotae impetum retinere conaris? At, omnium mortalium stolidissime, si manere incipit, fors esse desistit. 19. Et toi n’entreprends-tu pas de retenir l’élan d’une roue13 en révolution ? Mais, ô le plus stupide de tous les mortels14 : si elle commence à se maintenir, elle renonce à être sort15. Metrum I – Mètre I Ph. – 1. Haec cum superba uerterit uices dextra et aestuantis more fertur Euripi, dudum tremendos saeua proterit reges humilemque uicti subleuat fallax uultum. Quand sa dextre orgueilleuse a fait tourner les sorts, Elle se meut comme le bouillonnant Euripe16, Broie, cruelle, les rois naguère si terribles, Dresse avec dol le visage humble du vaincu.
13 Première occurrence (voir infra, II, 2, 9) de l’allégorie de la « roue de Fortune », dont la révolution capricieuse commande le destin des hommes. Lieu commun dans la latinité classique (v.c. Cicéron, Contre Pison, X, 22), elle se retrouvera au Moyen Âge et à la Renaissance, en particulier chez les enlumineurs de manuscrits véhiculant la Consolatio – voir Vassilieva-Codognet, 2017, qui a localisé les prémices de ce qui donnera lieu à une tradition iconographique dans un ms. du XIe s. 14 Relevons la violence de l’insulte, amplement exploitée jusqu’à maintenant, que rien pourtant ne laissait prévoir de la part d’une nourrice. 15 La parenté morphosémantique entre fortuna et fors ne peut être transposée en français. Leur différence n’y est, en latin, que morphologique, les deux mots étant synonymes, bien que l’on dise parfois : « fors fortuna » (Térence, Hécyre, 386), au sens d’« heureuse Fortune », acception qui n’est cependant pas en jeu ici. 16 Détroit entre la Béotie et l’Eubée, au nord de l’Attique, dont les courants, violents, changent de direction plusieurs fois par jour ; depuis l’Antiquité, les fluctuations de la fortune lui sont comparées.
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5. Non illa miseros audit aut curat fletus ultroque gemitus, dura quos fecit, ridet. Sic illa ludit, sic suas probat uires magnumque suis monstrat17 ostentum, si quis uisatur una stratus ac felix hora. Elle n’entend ni se soucie des pauvres pleurs : La plainte issue de sa dureté la fait rire. Ainsi joue-t-elle, ainsi prouve-t-elle sa force ; Voici un grand prodige pour les siens : qu’on voie En une heure quelqu’un abattu et heureux. Prosa 2 1. – Vellem autem pauca te cum Fortunae ipsius uerbis agitare; tu igitur an ius postulet animaduerte. Prose 218 1. Ph. – Mais je voudrais débattre un peu avec toi à l’aide des mots mêmes de Fortune ; à toi, en conséquence, d’observer si elle prétend au droit19. 2. Quid tu, homo, ream me cotidianis agis querelis? Quam tibi fecimus iniuriam? Quae tibi tua detraximus bona? 2. Fortune – Pourquoi, toi, homme, me traites-tu en accusée dans tes lamentations quotidiennes ? Quelle injustice t’avons-nous faite ? Quels biens qui étaient tiens t’avons-nous enlevés ? 3. Quouis iudice de opum dignitatumque mecum possessione contende et, si cuiusquam mortalium proprium quid horum esse monstraueris, ego iam tua fuisse quae repetis sponte concedam. 3. Devant le premier juge qu’il te plaira, rivalise avec moi au sujet de la possession de la richesse et des dignités, et, si tu montres que l’une d’elles est propre à quelques mortels, moi, dans l’instant, je concéderai spontanément que ce que tu réclames a été à toi. 17 Devant la difficulté métrique que pose le suis des manuscrits, nous suivons la correction de Rand reprise par Moreschini (1994, p. 74), la plus économique : « suis monstrat ». Gruber (2006, p. 175) préfère « suis ». 18 Le thème de cette prose – les biens de ce monde ne sont nullement la propriété des hommes, qui ne font qu’en jouir sans garantie aucune d’un profit permanent et durable –, offre, selon Bocognano (1937, p. 251, n. 53), quelque ressemblance avec un passage de la prosoposée des lois dans le Criton de Platon (50a-d). Mais quelle garantie avons-nous que Boèce connaissait ce dialogue ? 19 Soit : si ses propos sont justifiés.
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4. Cum te matris utero natura produxit, nudum rebus omnibus inopemque suscepi, meis opibus foui et, quod te nunc impatientem nostri facit, fauore prona indulgentius educaui, omnium quae mei iuris sunt affluentia et splendore circumdedi. 4. Quand la nature t’a fait sortir du ventre de ta mère, je t’ai recueilli, nu et indigent de toutes choses, je t’ai comblé de mes richesses – et c’est ce qui te rend aujourd’hui impatient de nous –, encline à la bienveillance, je t’ai éduqué avec trop d’indulgence, je t’ai entouré de l’opulence et de la splendeur de tout ce qui me revient de droit. 5. Nunc mihi retrahere manum libet: habes gratiam uelut usus alienis, non habes ius querelae tamquam prorsus tua perdideris. 5. À présent, il me plaît de retirer ma main20 : tu as la grâce d’user en quelque sorte de biens étrangers, tu n’as pas droit aux lamentations, comme si tu avais réellement perdu les tiens. 6. Quid igitur ingemescis? Nulla tibi a nobis est allata uiolentia. Opes, honores ceteraque talium mei sunt iuris. Dominam famulae cognoscunt: mecum ueniunt, me abeunte discedunt. 6. Pourquoi donc gémis-tu ? Il n’y a eu de notre part aucune violence portée contre toi. Richesses, honneurs et autres biens de ce genre me reviennent de droit. Les servantes connaissent leur régente : elles viennent avec moi, s’écartent quand je me retire. 7. Audacter adfirmem, si tua forent quae amissa conquereris, nullo modo perdidisses. 7. J’ose l’affirmer audacieusement : si les biens disparus que tu regrettes avaient été tiens, tu ne les aurais perdus en aucune manière. 8. An ego sola meum ius exercere prohibebor? Licet caelo proferre lucidos dies eosdemque tenebrosis noctibus condere, licet anno terrae uultum nunc floribus frugibusque redimire nunc nimbis frigoribusque confundere, ius est mari nunc strato aequore blandiri nunc procellis ac fluctibus inhorrescere: nos ad constantiam nostris moribus alienam inexpleta hominum cupiditas alligabit? 20 Retrahere manum : voir (Gruber, 1978, p. 173) Cicéron, Pour Caelius, 63 : « Licinium autem, cum iam manum ad tradendam pyxidem porrexisset, retraxisse = et Licinius, alors qu’il avançait déjà la main pour confier le coffret, la retira ». C’est le type de rapprochement qui nous semble peu pertinent dans la mesure où les deux expressions n’ont de parenté que morphologique.
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8. Et moi je serais la seule à être empêchée d’exercer mon droit ? Il est permis au ciel de produire des jours lumineux et de les plonger euxmêmes dans les ténèbres des nuits, il est permis à l’année tantôt de couronner le front de la terre de fleurs et de fruits, tantôt de le brouiller sous les nuages et les froidures, il revient de droit à la mer tantôt de séduire par une couche liquide21, tantôt d’horrifier par des ouragans et des déferlantes : la cupidité inassouvie des hommes nous enchaînera-t-elle à une constance étrangère à nos mœurs ? 9. Haec nostra uis est, hunc continuum ludum ludimus: rotam uolubili orbe uersamus, infima summis, summa infimis mutare gaudemus. 9. Cette capacité nôtre, la voici, ce jeu continuel auquel nous jouons22 : nous faisons tourner une roue en une course rapide23, nous prenons plaisir à remplacer les choses les plus basses par les plus hautes et les plus hautes par les plus basses. 10. Ascende, si placet, sed ea lege, ne uti cum ludicri mei ratio poscet descendere iniuriam putes. 10. Monte, si cela te plaît24, mais à la condition que, en fonction de cette loi, lorsque la règle de mon jeu l’exigera, tu ne considères pas comme une injustice de descendre. 11. An tu mores ignorabas meos? Nesciebas Croesum regem Lydorum Cyro paulo ante formidabilem, mox deinde miserandum rogi flammis traditum, misso caelitus imbre defensum? 11. Ignorais-tu mes mœurs ? Ne connaissais-tu pas le roi de Lydie Crésus, un peu avant redoutable pour Cyrus25, bientôt après livré, 21 Strato aequore : il faut entendre ici le lit fait entièrement d’eau d’une mer courtisane. Sur stratus, mais en un sens négatif, voir supra, II, I, 9. 22 Relevons cet autre complément d’objet interne : ludum ludimus, qui pourrait provenir (Gruber, 1978, p. 275) d’Horace (Odes, III, XXIX, 49-52), servant le même contexte et disant à Mécène : « Fortuna saevo laeta negotio et / ludum insolentem ludere pertinax / transmutat incertos honores, / nunc mihi, nunc alii benigna = La fortune, réjouie par sa cruelle tâche, / Joue aussi, insolente et opiniâtre, un jeu / Elle porte ça et là ses faveurs incertaines, / Aujourd’hui bienveillante pour moi, demain pour un autre ». 23 Sur l’image de la roue, voir supra, II, 1, 19. 24 Si placet : « si cela te plaît » ou « si cela me plaît » (Guillaumin, 2002, p. 42). Selon nous, la première option permet seule d’expliquer le contraste exprimé : tu peux monter selon ton bon plaisir à la condition que tu descendes selon mon bon plaisir. 25 Voir Hérodote, Histoire, I, LXXXVI-LXXXVII. La synthèse que fait Boèce de cet épisode de la prise de la citadelle de Sardes (c. - 546) durant la guerre perso-lydienne se suffit à elle-même.
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pitoyable, aux flammes du bûcher, sauvé par un orage de pluie envoyé du ciel26 ? 12. Num te praeterit Paulum Persi regis a se capti calamitatibus pias impendisse lacrimas? Quid tragoediarum clamor aliud deflet nisi indiscreto ictu fortunam felicia regna uertentem? 12. T’a-t-il échappé que Paulus a répandu de pieuses larmes sur les catastrophes du roi Persée, capturé par lui27 ? Qu’est-ce que la clameur des tragédies déplore d’autre, sinon Fortune renversant des royaumes heureux sous son coup indistinct28 ? 13. Nonne adulescentulus δύο πίθους, τὸν μὲν ἕνα κακῶν, τὸν δὲ ἕτερον ἐάων in Iouis limine iacere didicisti? 13. N’as-tu pas appris, beaucoup plus jeune, que δύο πίθους, τὸν μὲν ἕνα κακῶν, τὸν δὲ ἕτερον ἐάων (« deux tonnes, l’une remplie de maux, l’autre de biens »29) se trouvaient au seuil du séjour de Jupiter ? 14. Quid si uberius de bonorum parte sumpsisti, quid si a te non tota discessi, quid si haec ipsa mei mutabilitas iusta tibi causa est sperandi meliora, tamenne animo contabescas et intra commune omnibus regnum locatus proprio uiuere iure desideres? 14. Pourquoi, si tu as puisé plus abondamment du côté des biens, pourquoi, si je ne me suis pas tout entière écartée de toi, pourquoi si cette inconstance mienne elle-même est un juste motif pour toi d’espérer des Misso caelitus imbre : en français, un « orage de pluie envoyé du ciel » est une tournure quelque peu redondante. Par elle, Boèce tente de préciser ce que dit Hérodote (voir note précédente), qui parle seulement d’un prodige. 27 Il s’agit de Lucius Aemilius Paulus (c. 230-160 – appelé aussi Paul Émile, consul en - 182 et - 168, qui a soumis Persée, le dernier roi de Macédoine (178-168), à la bataille de Pydna, en - 168, et prononça ensuite un discours sur la fragilité de la félicité des hommes, lui qui certes avait remporté un triomphe militaire, mais non moins perdu par ailleurs deux de ses quatre fils, qu’il avait été contraint de faire adopter – voir Tite-Live, Histoire romaine, XLIV, 17, 1-30, 8, et XLIV, 41 pour le discours. 28 La Rhétorique à Herennius (II, XXIII, 36) cite le poète tragique Pacuvius (* c. - 220) rapportant les jugements de philosophes sur Fortune, dont certains disent qu’elle est aveugle (caeca), insensée (insana), cruelle (atrox), incertaine (incerta) et capricieuse (instabilis). 29 Citation, faite de mémoire (« Δοιοὶ γάρ τε πίθοι κατακείαται ἐν Διὸς οὔδει δώρων οἷα δίδωσι κακῶν, ἕτερος δὲ ἑάων »), d’Homère (Iliade, XXIV, v. 527-528), épisode où Achille console Priam de la mort d’Hector. Lorsque Jupiter puise dans les deux tonnes qui renferment les dons destinés aux mortels (dans l’une les favorables, dans l’autre les défavorables) et les mélange, la vie du mortel oscille entre le bien et le mal, et quand il ne puise que dans la tonne qui renferme les dons défavorables, le mortel voit sa vie exposée pour toujours aux outrages. 26
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jours meilleurs –, te laisses-tu alors consumer30 en esprit et, établi au sein du royaume commun à tous, désires-tu vivre selon ton propre droit ? Metrum II – Mètre II Fortune – 1. Si quantas rapidis flatibus incitus pontus uersat harenas aut quot stelliferis edita noctibus caelo sidera fulgent, Tout le sable que roule une mer agitée31 Par des vents impétueux, Tous les astres montrés par les nuits étoilées Qui scintillent dans le ciel32, 5. tantas fundat opes nec retrahat manum pleno Copia cornu, humanum miseras haud ideo genus cesset flere querelas. Si verse autant de biens33, sans retirer sa main, L’Abondance à pleine corne34, Le genre humain ne cesserait pas pour autant De verser de pauvres plaintes35. Quamuis uota libens excipiat deus 10. multi prodigus auri et claris auidos ornet honoribus, nil iam parta uidentur, 30 Tabescat : cf. supra, II, 1, 2. Par « se consumer en esprit » il faut entendre : se laisser abattre. La « tonne » est un « très grand tonneau, large et renflé » (CNRTL). 31 Expression proverbiale – voir Otto (1890, p. 159). 32 Même thème chez Horace (Épodes, XV, 1-2 – Gruber, 2006, p. 183) : « Nox erat et caelo fulgebat Luna sereno / inter minora sidera = c’était la nuit ; au ciel serein brillait la Lune / parmi les astres moindres » (cf. aussi Martianus Capella, Noces, I, 22, v. 12) ; mais la formulation de Boèce est calquée sur l’Octavie (v. 1-2) : « caelo sidera fulgens Aurora fugat = dans le ciel, l’éclat de l’Aurore met en fuite les astres »). 33 Même iunctura chez Horace (Épîtres, II, 2, 121) et Prudence (Cathemerinon, III, 51) : « fundit opes » (cf. aussi Pétrone, Satyricon, 134, 12, v. 3 – Gruber, 2006, p. 183). 34 La corne d’abondance (corne du dieu fleuve Acheloüs cassée par Hercule). L’expression de Boèce est calquée sur celle d’Horace (Chant séculaire, 59-60) : « apparetque beata pleno / Copia cornu = et apparaît la bienheureuse Abondance avec sa corne pleine » (disposition des mots différente en Épîtres, I, 12, 29 – Gruber, 2006, p. 184). 35 Pour traiter ce thème de l’insatiabilité des désirs des hommes, Boèce retrouve le ton diatribique de la première satire du premier livre d’Horace.
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sed quaesita uorans saeua rapacitas alios pandit hiatus. Même si Dieu accueillait volontiers leurs vœux En prodigant beaucoup d’or36, S’il comblait l’homme avide avec de grands honneurs, Ce qu’on a eu semble rien : L’Avidité, cruelle, dévore l’acquis Et ouvre à nouveau la bouche37. 15. Quae iam praecipitem frena cupidinem certo fine retentent, largis cum potius muneribus fluens sitis ardescit habendi? Numquam diues agit qui trepidus gemens 20. sese credit egentem. Quels freins vont retenir dans la borne fixée La cupidité brutale, Quand, même regorgeant de dons considérables S’enflamme la soif d’avoir ? N’est jamais riche celui qui, tremblant, geignant, Croit être dans le besoin38. Prosa 3 1. – His igitur si pro se tecum Fortuna loqueretur, quid profecto contra hisceres non haberes; aut si quid est quo querelam tuam iure tuearis, proferas oportet, dabimus dicendi locum. Prose 3 1. Ph. – Si donc Fortune parlait, en sa faveur, de cela avec toi, tu n’aurais sûrement pas de quoi te prononcer contre ; ou alors, s’il existe quelque chose au moyen de quoi tu défendes justement ta lamentation, il te faut le révéler ; nous allons te donner le loisir de l’exprimer. 2. – Tum ego: Speciosa quidem ista sunt, inquam, oblitaque rhetoricae ac musicae melle dulcedinis tum tantum cum audiuntur oblectant, sed 36 La clausule prodigus auri se lit chez Claudien (Panégyrique pour le quatrième consulat d’Honorius, 500 – Gruber, 2006, p. 184). 37 Représentation analogue à propos de la mort chez Sénèque (Œdipe, 164- 165) : « mors atra auidos oris hiatus pandit = la noire Mort ouvre la béance de sa bouche avide » – Gruber (2006, p. 184). 38 À rapprocher de Claudien (Contre Rufin, I, 199 = Charlet, II, 1, p. 68) : « numquam diues eris, nunquam satiabere quaestu = tu ne seras riche jamais, jamais rassasié de gains » – Gruber (2006, p. 185).
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miseris malorum altior sensus est; itaque cum haec auribus insonare desierint insitus animum maeror praegrauat. 2. Bo. – Ces propos-là sont assurément spécieux, dis-je, et, imprégnés de la douceur du miel de la rhétorique et de la musique39, ils charment seulement au moment où ils sont entendus, mais pour des gens malheureux le ressenti des maux est plus profond ; voilà pourquoi, quand ils ont cessé de résonner aux oreilles, l’affliction qui s’est installée accable l’esprit. 3. – Et illa: Ita est, inquit; haec enim nondum morbi tui remedia, sed adhuc contumacis aduersum curationem doloris fomenta quaedam sunt. 3. Ph. – C’est ainsi. Effectivement, ce ne sont pas encore des remèdes pour ta maladie, mais quelques fomentations destinées au traitement d’une douleur jusqu’à présent rebelle40. 4. Nam quae in profundum sese penetrent cum tempestiuum fuerit ammouebo. Verum tamen ne te existimari miserum uelis; an numerum modumque tuae felicitatis oblitus es? 4. Car lorsque sera venu le moment opportun41, j’en apporterai qui pourront pénétrer en profondeur en toi ; mais cependant, ne cherche pas à ce que l’on t’estime malheureux : es-tu oublieux de l’importance et de l’étendue de ta félicité ? 5. Taceo quod desolatum parente summorum te uirorum cura suscepit delectusque in affinitatem principum ciuitatis, quod pretiosissimum propinquitatis genus est, prius carus quam proximus esse coepisti. 5. Je passe sous silence qu’après avoir été abandonné42 par ton père43, tu as trouvé la protection d’hommes les plus éminents44 et que, choisi pour 39 Cf. supra, II, 1, 8, où Philosophie proposait à Boèce d’accepter l’assistance, certes contrainte, de la rhétorique et de la musique. 40 Cf. supra, II, 3, 3 et II, 5, 1. 41 Le tempestivus pourrait correspondre au καιρός des Grecs – voir infra, IV, 4, 2 et la note y afférente. 42 Nous ignorons si le verbe desolare renvoie à la condition d’enfant abandonné au sens propre ou à celle d’orphelin – voir notre Introduction, p. 2-3. 43 Parente : d’aucuns traduisent par « parents ». Mais, à ce que nous savons, parens au singulier ne signifie jamais « parents » au pluriel (qui traduit alors parentes), et désigne soit la mère soit le père. À propos de celui-ci, rappelons que le (Flavius) Nar(ses) Manl(ius) Boethius, consul de 487, n’est que pressenti comme père de Boèce – voir notre Introduction, ibid. 44 Symmaque étant le seul personnage connu qui puisse être concerné, ce pluriel désignerait la famille de ce dernier, comme incite à le penser le paragraphe suivant, auquel cas vir aurait ici le sens de « citoyen ».
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entrer dans l’affinité des princes de la ville, qui est le genre le plus précieux de l’alliance, tu as commencé par leur être cher avant de leur être intime. 6. Quis non te felicissimum cum tanto splendore socerorum cum coniugis pudore tum masculae quoque prolis oportunitate praedicauit? 6. Qui ne t’a pas proclamé l’homme le plus heureux en raison d’un côté du si grand éclat de tes beaux-pères45 et de la délicatesse de ton épouse46, de l’autre de l’avantage aussi d’une postérité masculine47 ? 7. Praetereo – libet enim praeterire communia – sumptas in adulescentia negatas senibus dignitates; ad singularem felicitatis tuae cumulum uenire delectat. 7. Je passe – car je tiens à passer sur ce qui est commun48 – sur les dignités refusées aux vieillards49 que tu as assumées dans ta jeunesse50 : il me plaît d’en venir au couronnement singulier de ta félicité51. 8. Si quis rerum mortalium fructus ullum beatitudinis pondus habet, poteritne illius memoria lucis quantalibet ingruentium malorum mole 45 Socerorum : ce pluriel, qui ne peut avoir, à notre connaissance, le sens de « beauxparents », nous ramène à l’hypothèse d’un premier mariage, que plus personne ou presque n’accrédite aujourd’hui (voir notre Introduction, p. 7, n. 18). En supra, I, 4, 40 socer est employé au singulier, de même qu’en infra, II, 4, 5, où Philosophie identifie le beau-père de Boèce comme étant Symmaque. 46 Ainsi que nous l’avons indiqué à la note afférente à I, 4, 40, il s’agit de Rusticiana. 47 Rusticiana donna deux fils à Boèce, Boèce Junior et Symmaque Junior, les consuls de 522 (voir CLRE, p. 578). 48 C’est-à-dire : qui appartient à plusieurs – voir la note suivante. 49 Une même précocité, prêtée à d’autres, avait pourtant été célébrée en 395 par Claudien (c. 370-c. 404), en son Panégyrique sur le consulat d’Olybrius et Probinus, deux frères également : « Coepistis, qua finis erat. Primordia vestra / Vix pauci meruere senes = Vous avez commencé par où l’on finissait. Votre début, / Bien peu l’ont mérité en leur vieillesse » (vers 48-49 = Charlet, II, 1, 3, p. 23), honneur octroyé dans « la fleur de la jeunesse » (flos iuvenilis = Idem, II, 1, 10, p. 67-68), ce qui constitue un précédent infirmant la mention de Philosophie. Voir aussi Mirandol (1861, p. 348-349). 50 Philosophie nous paraît exagérer quelque peu. Rappelons que Boèce fut patrice vers 506-507 (donc vers 30 ans), consul en 510 (donc vers 33 ans, l’âge minimal d’obtention, à cette époque, étant de 25 ans), maître des offices à une date inconnue (probablement vers 40 ans), jusqu’en 523, et sénateur à une date inconnue également. Aucune de ces fonctions, vu l’âge approximatif à laquelle chacune a été obtenue, ne nous semble relever d’une précocité notable. 51 Felicitatis cumulus : il est assez probable qu’en l’occurrence Boèce se soit souvenu d’une expression de Pline le Jeune, Lettres, II, I, 6, à Voconius Romanus : « hic supremus felicitati eius cumulus accessit, laudator eloquentissimus = le laudateur le plus éloquent (i.e. Cormélius Tacite) ajouta ce couronnement suprême à sa félicité (celle de Virginius) » – Gruber (1978, p. 182).
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deleri, cum duos pariter consules liberos tuos domo prouehi sub frequentia patrum, sub plebis alacritate uidisti, cum eisdem in curia curules insidentibus tu regiae laudis orator ingenii gloriam facundiaeque meruisti, cum in circo duorum medius consulum circumfusae multitudinis exspectationem triumphali largitione satiasti? 8. Si la jouissance des choses mortelles possède quelque importance en matière de bonheur, se pourrait-il que, par une masse – aussi grande soit-elle – de maux qui se sont abattus52 sur toi, la mémoire se soit effacée de ce jour de lumière où tu as vu tes deux enfants consuls en même temps transportés hors de ta demeure par la foule des pères conscrits et par l’alacrité du peuple, où, pendant qu’eux-mêmes siégeaient dans la curie sur des chaises curules, toi-même, orateur chargé de l’éloge de la famille royale53, tu as mérité la palme du génie et de l’éloquence, où au cirque, au milieu des deux consuls, tu as comblé l’attente de la multitude qui vous entourait par une largesse54 triomphale ? 9. Dedisti, ut opinor, uerba Fortunae, dum te illa demulcet, dum te ut delicias suas fouet. Munus quod nulli umquam priuato commodauerat abstulisti. Visne igitur cum Fortuna calculum ponere? 9. Tu as su, à ce que je conjecture, payer de mots55 Fortune pendant qu’elle te caressait, pendant qu’elle te couvrait de ses délices. Tu lui as soustrait une faveur qu’elle n’avait jamais accordée à aucun particulier56. Veux-tu alors établir un calcul avec Fortune57 ?
52 Ces ingruentia mala pourraient provenir d’un récit de Tacite, Histoires, IV, LXXXIV – il est question de Scydrothémis, roi de Sinope, qui tarde à remettre une statue de Jupiter-Pluton placée dans un temple à son fils Apollon : « Advocata concione, jussa Numinis, suos Ptolemaeique visus, ingruentia mala exponit = Ayant convoqué une assemblée, il (Scydrothémis) lui expose les ordres du dieu, sa vision et celles de Ptolémée, les maux qui se sont abattus » – Gruber (1978, p. 182). 53 L’Anonyme Valésien (§ 66-67) signale, sans préciser s’il s’agissait de l’année 522, la venue de Théodoric à Rome, événement qui fut peut-être l’occasion du panégyrique évoqué, lors des jeux consulaires. 54 Il s’agissait de la sparsio missilium (« distribution faite à la volée »), dite aussi « largesses consulaires », qui consistait, à l’occasion des jeux consulaires organisés annuellement par l’empereur, à jeter des pièces de monnaie et des objets métalliques dans l’arène – voir Delmaire (1989, p. 566-575). 55 Dare verba : si l’expression est cicéronienne (v.c. Philippiques, XIII, 33), elle ne véhicule pas une idée très flatteuse, à savoir celle d’énoncer des paroles plutôt creuses, qui n’engagent pas leur auteur. 56 C’est-à-dire le consulat jumelé de ses fils, qui, nous l’avons vu (supra, n. 36), eut cependant un précédent. 57 Entendons : régler tes comptes avec Fortune.
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10. Nunc te primum liuenti oculo praestrinxit. Si numerum modumque laetorum tristiumue consideres, adhuc te felicem negare non possis. 10. Aujourd’hui, elle t’a effleuré pour la première fois d’un œil livide58. Si tu examinais l’étendue et l’importance de tes joies et peines, tu ne pourrais nier avoir été heureux jusqu’à maintenant. 11. Quodsi idcirco te fortunatum esse non aestimas, quoniam quae tunc laeta uidebantur abierunt, non est quod te miserum putes, quoniam quae nunc creduntur maesta praetereunt. 11. Que si tu t’estimes pour cela ne pas être fortuné, parce que ce qui alors te semblait agréable s’est retiré, il n’y a pas lieu de te croire malheureux, puisque ce qui aujourd’hui est tenu pour affligeant s’enfuira. 12. An tu in hanc uitae scenam nunc primum subitus hospesque uenisti? Vllamne humanis rebus inesse constantiam reris, cum ipsum saepe hominem uelox hora dissoluat? 12. Est-ce la première fois aujourd’hui que tu es venu sur cette scène de la vie, en y étant précipité et étranger ? Envisages-tu qu’il y ait quelque constance dans les choses humaines, quand l’homme lui-même s’éteint souvent en une heure fugitive59 ? 13. Nam etsi rara est fortuitis manendi fides, ultimus tamen uitae dies mors quaedam fortunae est, etiam manentis. 13. Car même si l’assurance de demeurer constante60 est rare dans les choses fortuites, cependant le jour ultime de la vie est une sorte de mort de Fortune, même quand elle demeure61.
58 Sur la thématique de la vision dans la Consolation, voir J.-B. Guillaumin (2013). Liventi oculo : celui que Fortune a posé sur un Boèce qu’elle considère avoir trop gâté. L’expression elle-même se trouve (Gruber, 1978, p. 183) déjà chez Prudence, Hamartigénie, 132-133 : « liventes oculos subfundit felle perusto / invidia impatiens iustorum gaudia ferre = elle verse un fiel brûlant sur les yeux livides / l’envie impatiente d’emporter les joies des justes », et chez Claudien, Contre Rufin, I, 138 : « oculisque diu liuentibus haesit… = un long moment ses yeux livides s’attachèrent… » (= Charlet, II, 1, p. 65). 59 Velox hora est une tournure plus facile à comprendre qu’à traduire d’une manière satisfaisante en deux mots. Il faut y voir exprimé le contraste violent entre plusieurs décennies d’existence et l’extrême brièveté avec laquelle on passe de vie à trépas. Les traducteurs étrangers ne nous semblent pas avoir été plus à l’aise : « by flying time » (Tester, p. 188), « eine flüchtige Stunde » (Gegenschatz–Gigon, p. 55), et « il rapido correre di un’ora » (Moreschini, 1994, p. 137). 60 Manendi fides : cf. le manendi fida en supra, II, 1, 13. 61 Entendons : même quand elle demeure stable.
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14. Quid igitur referre putas tune illam moriendo deseras an te illa fugiendo? 14. Par conséquent, crois-tu qu’il importe que ce soit toi qui l’abandonnes en mourant ou elle qui t’abandonne en s’enfuyant. Metrum III – Mètre III Ph. – 1. Cum polo Phoebus roseis quadrigis lucem spargere coeperit, pallet albentes hebetata uultus flammis stella prementibus. Quand Phébus62 au ciel, sur son quadrige rose, Commence à verser sa lumière, L’étoile pâlit sous la pression des flammes, Le visage blanc, hébété. 5. Cum nemus flatu Zephyri tepentis uernis inrubuit rosis, spiret insanum nebulosus Auster, iam spinis abeat decus. Quand le bois, au souffle tiède de Zéphyre63, Rougit de roses printanières, Que souffle en folie le nuageux Auster64, Finie la beauté des épines ! Saepe tranquillo radiat sereno 10. immotis mare fluctibus, saepe feruentes Aquilo procellas uerso concitat aequore. Souvent, sans bouger ses flots, la mer rayonne Dans une sérénité calme ; Souvent l’Aquilon65 excite les tempêtes, Retournant les flots qui bouillonnent. Voir supra, I, III, 9 et la note y afférente. Voir supra, I, V, 20 et la note y afférente. Le verbe tepeo (« être tiède ») est traditionnellement associé à Zéphyre (e.g. Ovide, Métamorphoses, 1, 107-108). 64 Voir supra, I, VII, 5 et la note y afférente. L’adjectif insanus lui est aussi traditionnellement associé (voir Ovide, Métamorphoses, XII, 510 ; Stace, Silves, II, 2, 27 – Gruber, 2006, p. 189). 65 Voir supra, I, VI, 9 et la note y afférente. 62 63
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Rara si constat sua forma mundo, si tantas uariat uices, 15. crede fortunis hominum caducis, bonis crede fugacibus! Constat aeterna positumque lege est ut constet genitum nihil. Si dure rarement la beauté du monde, S’il change tant de fois de formes, Crois qu’est caduque la fortune des hommes Et crois que leurs biens sont fugaces ! C’est fixe, établi par la loi éternelle : Rien d’engendré ne reste stable ! Prosa 4 1. – Tum ego: Vera, inquam, commemoras, o uirtutum omnium nutrix, nec infitiari possum prosperitatis meae uelocissimum cursum. Prose 4 1. Bo. – Tu rappelles le vrai, ô nourrice de toutes les vertus, et je ne puis contester le cours extrêmement rapide de ma prospérité. 2. Sed hoc est quod recolentem uehementius coquit; nam in omni aduersitate fortunae infelicissimum est genus infortunii fuisse felicem. 2. Mais en y songeant, c’est ce qui me brûle66 plus intensément ; car dans tout revers de Fortune, le genre d’infortune le plus malheureux est d’avoir été heureux. 3. – Sed quod tu, inquit, falsae opinionis supplicium luas, id rebus iure imputare non possis. Nam si te hoc inane nomen fortuitae felicitatis mouet, quam pluribus maximisque abundes mecum reputes licet. 3. Ph. – Mais le fait que toi tu endures le supplice d’une fausse opinion, tu ne peux à juste titre l’imputer aux choses. Car si ce nom vide67 de « félicité fortuite » t’émeut, il t’est permis d’examiner avec moi en quels biens nombreux et étendus tu abondes.
66 Coquere : avec ce sens de « brûler », le verbe serait employé poétiquement selon Gruber (1978, p. 187), qui renvoie à Virgile, Énéide, VII, 345 : « (Amatam) femineae ardentem curaeque iraeque coquebant = (Junon a fait appel à la Furie Allecto, qui s’en prend à la reine Amata,) dont une inquiétude et une colère toutes féminines brûlaient l’âme ardente ». 67 Voir l’inanis vox de V, 1, 8 et la note y afférente.
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4. Igitur si quod in omni fortunae tuae censu pretiosissimum possidebas id tibi diuinitus inlaesum adhuc inuiolatumque seruatur, poterisne meliora quaeque retinens de infortunio iure causari? 4. Par conséquent, si ce que tu possédais de plus précieux dans tout le recensement de ta fortune t’est encore conservé, par un effet de la volonté divine, indemne et inviolé, pourras-tu, en en ayant conservé tout le meilleur, objecter à bon droit par l’infortune ? 5. Atqui uiget incolumis illud pretiosissimum generis humani decus Symmachus socer et, quod uitae pretio non segnis emeres, uir totus ex sapientia uirtutibusque factus: suarum securus tuis ingemescit iniuriis. 5. Or il a de la vigueur et il est sain et sauf ce fameux ornement le plus précieux du genre humain, ton beau-père Symmaque, et cet homme, fait tout de sagesse et de vertus – qualités que, n’hésitant aucunement, tu gagnes68 au prix de ta vie –, se lamente, sans inquiétude quant aux siennes69, sur tes propres injustices. 6. Uiuit uxor ingenio modesta, pudicitia pudore praecellens et, ut omnes eius dotes breuiter includam, patri similis; uiuit, inquam, tibique tantum uitae huius exosa spiritum servat, quoque uno felicitatem minui tuam uel ipsa concesserim, tui desiderio lacrimis ac dolore tabescit. 6. Elle vit, ton épouse au génie mesuré, précellente par une délicate réserve70, et – je résumerai brièvement tous ses mérites – semblable à son père, elle vit, dis-je, et pour toi seulement, bien que remplie de l’aversion inspirée par cette vie, elle conserve sa force spirituelle, et aussi – seule chose, moi-même je suis prête à le concéder, en mesure de diminuer ta félicité –, de par son désir pour toi elle se consume dans les larmes et la douleur. 68 Emeres : à la différence de beaucoup de traducteurs, qui en l’occurrence usent du conditionnel et donnent au verbe emerere les sens, non attestés à ce qui nous est apparu, de « payer », « acheter » ou « poursuivre », nous avons compris que Philosophie signifie à Boèce que selon elle, à l’égal de Symmaque, il est en train d’acquérir, par le sort contraire qui l’accable et en mettant sa vie en jeu, la sagesse et les vertus de son beau-père. 69 C’est-à-dire : quant aux injustices qu’il subit lui-même. Philosophie semble vouloir dire ici que Symmaque, certainement incriminé pour avoir défendu son gendre, n’était pas encore, à ce moment-là, arrêté – il l’aurait été, en effet, plus tard et exécuté peu après Boèce, pour éviter qu’il ne cherchât à venger la mort de ce dernier (d’après l’Anonyme Valésien, § 92). 70 Pudicitia pudore : cf. (Gruber, 1978, p. 188) Salluste (Conjuration de Catilina, XII, 2) : « pudorem, pudicitiam, divina humana promiscua, nihil pensi atque moderati habere = (on se mit à) n’avoir pour la réserve, la délicatesse, les lois divine et humaine sans distinction, aucune retenue ni considération ».
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7. Quid dicam liberos consulares, quorum iam ut in id aetatis pueris uel paterni uel auiti specimen elucet ingenii? 7. Que dirais-je de tes enfants, personnages consulaires, en qui resplendit déjà, autant qu’il est possible chez des garçons de cet âge, le type du génie paternel ou ancestral ? 8. Cum igitur praecipua sit mortalibus uitae cura retinendae, o te, si tua bona cognoscas, felicem, cui suppetunt etiam nunc quae uita nemo dubitat esse cariora. 8. Puis donc que la préoccupation de retenir la vie est prépondérante chez les mortels, combien serais-tu heureux si tu connaissais tes biens, ô toi chez qui encor aujourd’hui abondent ceux dont personne ne doute qu’ils sont plus précieux que la vie. 9. Quare sicca iam lacrimas; nondum est ad unum omnes exosa fortuna nec tibi nimium ualida tempestas incubuit, quando tenaces haerent ancorae quae nec praesentis solamen nec futuri spem temporis abesse patiantur. 9. C’est pourquoi, sèche dès maintenant tes larmes ; Fortune ne les a pas encore pris tous en aversion jusqu’au dernier, et une puissante tempête n’a pas déferlé avec excès sur toi, dès lors que de solides ancres tiennent bon, qui ne laissent s’éloigner ni le réconfort du présent, ni l’espérance du temps à venir. 10. – Et haereant, inquam, precor; illis namque manentibus, utcumque se res habeant, enatabimus. Sed quantum ornamentis nostris decesserit uides. 10. Bo. – Et je prie qu’elles tiennent bon ; car tant qu’elles demeurent, et quelles que soient les circonstances, nous en réchapperons71. Mais tu vois combien nos titres honorifiques nous ont abandonné. 11. – Et illa: Promouimus, inquit, aliquantum, si te non iam72 totius tuae sortis piget. Sed delicias tuas ferre non possum, qui abesse aliquid tuae beatitudini tam luctuosus atque anxius conqueraris. 11. Ph. – Nous aurons progressé quelque peu si déjà tu n’es plus mécontent de ton sort tout entier. Mais je ne puis supporter tes 71 Encouragé par ce que lui dit Philosophie au paragraphe précédent, Boèce montre par cette réflexion qu’à ce moment-là il croyait fermement son salut encore possible. On notera par ailleurs la métaphore à thème nautique : « tempête », « déferlement », « ancres », « en réchapper ». 72 Ce non iam de Tränkle (1968, p. 280) fait, selon nous, davantage sens que le nondum de Weinberger (p. 29) et de Moreschini (p. 39).
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exigences73, toi qui déplores, aussi affligé qu’anxieux, qu’il manque quelque chose à ton bonheur. 12. Quis est enim tam compositae felicitatis ut non aliqua ex parte cum status sui qualitate rixetur? Anxia enim res est humanorum condicio bonorum et quae uel numquam tota proueniat uel numquam perpetua subsistat. 12. Qui, en effet, relève d’une félicité si plénière qu’il ne conteste pas pour une part la qualité de son état ? C’est en effet chose précaire que la mise à disposition des biens humains, et elle est telle que soit elle ne se donne jamais tout entière, soit elle ne subsiste jamais perpétuelle. 13. Huic census exuberat, sed est pudori degener sanguis; hunc nobilitas notum facit, sed angustia rei familiaris inclusus esse mallet ignotus. 13. À celui-ci le cens74 abonde, mais il a honte75 de son sang dégénéré76 ; la noblesse de celui-ci le rend connu, mais, empêché par l’exiguïté du domaine familial, il préférerait être inconnu. 14. Ille utroque circumfluus uitam caelibem deflet; ille nuptiis felix orbus liberis alieno censum nutrit heredi; alius prole laetatus filii filiaeue delictis maestus illacrimat. 14. Celui-là, qui baigne dans l’un et l’autre77, déplore sa vie de célibataire ; celui-là, heureux de ses noces mais privé d’enfant, nourrit son cens78 pour un héritier étranger ; un autre, réjoui par sa descendance, verse des larmes, accablé, sur les délits de son fils ou de sa fille. 15. Idcirco nemo facile cum fortunae suae condicione concordat; inest enim singulis quod inexpertus ignoret, expertus exhorreat. 15. De fait, personne ne s’accommode facilement de la situation de sa fortune ; en chacune, en effet, il y a quelque chose qu’étant inexpérimenté on ignore et qu’étant expérimenté on redoute. 73 Il est une autre façon de comprendre (d’après Du Fresne, 1744, I, p. 119) : « Mais je ne puis supporter de te voir dans les délices ». Quoi qu’il en soit, c’est une nouvelle remontrance (voir supra, I, 5, 3) que Philosophie adresse à son « nourrisson ». 74 Comprenons : la totalité de ses biens. 75 Il y a peu (supra, § 6), pudor était pris en son sens positif, alors qu’ici il est pris en son sens négatif. 76 Degener sanguis : l’expression aurait pu être prélevée par Boèce chez Stace (4096), La Thébaïde, IX, 619-620 (Gruber, 1978, p. 189) : « Nec degener ille sanguinis = Il (Parthénopée) n’a point dégénéré de son sang (celui de sa mère, Atalante) ». 77 C’est-à-dire : qui est à la fois riche et noble. 78 Soit : entretient sa fortune.
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16. Adde quod felicissimi cuiusque delicatissimus sensus est, et nisi ad nutum cuncta suppetant omnis aduersitatis insolens minimis quibusque prosternitur: adeo perexigua sunt quae fortunatissimis beatitudinis summam detrahunt. 16. Ajoute à cela que la sensibilité de celui qui est le plus heureux est la plus délicate, et si tout n’est pas disponible à son commandement, non aguerri à toute adversité, il est abattu par n’importe quel revers insignifiant : à quel point est dérisoire ce qui prive les plus fortunés du comble du bonheur ! 17. Quam multos esse coniectas qui sese caelo proximos arbitrentur si de fortunae tuae reliquiis pars eis minima contingat? Hic ipse locus, quem tu exsilium uocas, incolentibus patria est. 17. Conjectures-tu combien sont nombreux ceux qui s’estimeraient proches du ciel79 si la plus insignifiante part des restes de ta fortune leur revenait ? Ce lieu même, que tu appelles exil, est une patrie pour ceux qui y demeurent80. 18. Adeo nihil est miserum nisi cum putes, contraque beata sors omnis est aequanimitate tolerantis. 18. Au point que rien n’est malheureux sinon lorsque tu le crois, et, en revanche, tout sort est bienheureux à celui qui le supporte avec équanimité81. 19. Quis est ille tam felix, qui cum dederit impatientiae manus statum suum mutare non optet? 19. Quel est celui à ce point heureux qui, quand il a livré ses mains à l’impatience82, ne souhaite pas changer son état83 ? On dirait plus volontiers aujourd’hui : seraient aux Anges. Philosophie peut difficilement évoquer ici une geôle, peut-être une résidence d’assignation, suffisamment vaste pour pouvoir y vivre en permanenece. En supra, I, 4, 36, Boèce a précisé avoir été emmené à 500.000 pas, sans indiquer toutefois le point de référence. Comme nous l’avons signalé dans notre Introduction (p. 11), les trois villes dont on avance le plus souvent le nom sont Vérone, Milan et Pavie. 81 Buenestado Pilon (2017, p. 77) voit dans cette dernière sentence une coloration stoïcienne. Mais la notion d’ataraxie est également très présente dans le Cynisme et l’Épicurisme. 82 Nous ne pensons pas nous méprendre en comprenant l’expression cum dederit impatientiae manus au sens propre de : quand il ne cesse de se tordre les mains d’impatience, celle de l’individu devenu mécontent de son sort. C’est la deuxième dénonciation de l’impatience (voir supra, II, 1, 17). 83 Ce changement d’état ferait référence à celui qu’évoque longuement, et pour s’en railler, Horace (Satires, I (à Mécène), I) au tout début de son recueil (Gruber, 1978, p. 190) : le laboureur va devenir avocat, le soldat commerçant et réciproquement. 79 80
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20. Quam multis amaritudinibus humanae felicitatis dulcedo respersa est! Quae si etiam fruenti iucunda esse uideatur, tamen, quominus cum uelit abeat, retineri non possit. 20. Par combien d’amertumes la douceur84 de la félicité humaine estelle éclaboussée ! Cette dernière, si elle semble charmante à celui qui en jouit, cependant il ne pourrait à tout le moins empêcher qu’elle se retire quand elle le voudrait. 21. Liquet igitur quam sit mortalium rerum misera beatitudo, quae nec apud aequanimos perpetua perdurat nec anxios tota delectat. 21. Par conséquent, il est clair à quel point est misérable le bonheur des choses mortelles, qui ni ne perdure, perpétuel, chez les équanimes, ni ne délecte tout entier les anxieux. 22. Quid igitur, o mortales, extra petitis intra uos positam felicitatem? 22. Pourquoi donc, ô mortels, cherchez-vous au dehors une félicité située à l’intérieur de vous85 ? 23. Error uos inscitiaque confundit86. Ostendam breuiter tibi summae cardinem felicitatis. Estne aliquid tibi te ipso pretiosius? Nihil, inquies. Igitur si tui compos fueris, possidebis quod nec tu amittere umquam uelis nec fortuna possit auferre. 23. L’erreur et la méconnaissance vous confondent. Je vais te montrer brièvement le point cardinal de la félicité souveraine. Y a-t-il pour toi quelque chose de plus précieux que toi-même ? Rien, diras-tu ; par conséquent, si tu étais maître de toi, tu posséderais ce que ni toi ne voudrais jamais perdre ni Fortune ne pourrait t’enlever87. 24. Atque ut agnoscas in his fortuitis rebus beatitudinem constare non posse, sic collige. 84 « Amertume » : « Sentiment (ou caractère propre du sentiment) mêlé de découragement et de rancœur, éprouvé à la suite d’un échec, d’une désillusion » (CNRTL). On aura noté le contraste antinomique entre amaritudo et dulcedo. 85 On songe à Sénèque, De la providence, I, VI, 5 : « Non fulgetis extrinsecus; bona vestra introrsus obversa sunt = Vous ne brillez point au-dehors : vos biens sont tournés vers l’intérieur » – Gruber (1978, p. 191) 86 Moreschini (p. 39) situe cette phrase à la fin du § 22. 87 Dans le prolongement de la note 81, on reconnaîtra ici le thème stoïcien de la distinction à établir entre les choses qui dépendent de nous, auxquelles il faut nous attacher, et celles qui n’en dépendent pas, dont on doit se détacher. Épictète l’énonce au tout début de son Manuel (I, 1 et 2).
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24. Eh bien, pour que tu reconnaisses que le bonheur ne peut résider dans ces choses fortuites, ramasse ainsi ton raisonnement. 25. Si beatitudo est summum naturae bonum ratione degentis nec est summum bonum quod eripi ullo modo potest, quoniam praecellit id quod nequeat auferri, manifestum est quin ad beatitudinem percipiendam fortunae instabilitas aspirare non possit. 25. Si le bonheur est le souverain Bien d’une nature vivant selon la raison, et si le souverain Bien est quelque chose que l’on ne peut nous arracher en aucune façon, puisqu’il surpasse ce qui ne saurait être enlevé, il est manifeste que l’instabilité de Fortune ne peut prétendre s’emparer du bonheur. 26. Ad haec, quem caduca ista felicitas uehit, uel scit eam uel nescit esse mutabilem. Si nescit, quaenam beata sors esse potest ignorantiae caecitate? Si scit, metuat necesse est ne amittat quod amitti posse non dubitat; quare continuus timor non sinit esse felicem. An uel si amiserit neglegendum putat?88 26. À cela s’ajoute que celui que cette félicité fragile entraîne, ou bien sait ou bien ne sait pas qu’elle est changeante. S’il ne le sait pas, quel sort heureux peut-il donc exister dans la cécité de l’ignorance ? S’il le sait, il est nécessaire qu’il craigne de perdre ce dont il ne doute pas que cela puisse être perdu ; c’est pourquoi, une crainte continuelle ne lui permet pas d’être heureux. Ou alors, pense-t-il devoir le négliger s’il venait à le perdre ? 27. Sic quoque perexile bonum est quod aequo animo feratur amissum. 27. De cette manière aussi ce bien est fort mince dont on supporte la perte d’une âme égale. 28. Et quoniam tu idem es cui persuasum atque insitum permultis demonstrationibus scio mentes hominum nullo modo esse mortales, cumque clarum sit fortuitam felicitatem corporis morte finiri, dubitari nequit, si haec afferre beatitudinem potest, quin omne mortalium genus in miseriam mortis fine labatur. 28. Et puisque toi, tu es pareil, je le sais, à celui qui est convaincu et assuré par d’innombrables démonstrations que les esprits des hommes ne sont en aucune façon mortels, et comme il est clair qu’une félicité fortuite se termine avec la mort du corps, on ne saurait douter, si celle-là89 peut Moreschini (p. 40) place cette phrase au début du § 27. Entendons : la félicité fortuite.
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apporter le bonheur, que tout le genre des mortels ne sombre dans la misère à l’extrémité de la mort. 29. Quodsi multos scimus beatitudinis fructum non morte solum uerum etiam doloribus suppliciisque quaesisse, quonam modo praesens facere beatos potest quae miseros transacta non efficit? 29. Que si nous savons que beaucoup ont cherché la jouissance du bonheur non seulement dans la mort mais aussi dans les douleurs et les supplices90, de quelle manière la vie présente peut-elle les rendre heureux, elle qui, achevée, ne les rend pas malheureux ? Metrum IV – Mètre IV Ph. – 1. Quisquis uolet perennem cautus ponere sedem stabilisque nec sonori sterni flatibus Euri 5. et fluctibus minantem curat spernere pontum, Celui qui voudra, prudent, Fixer à jamais un siège, Droit, n’être pas abattu Par le souffle de l’Eurus91 Sonore, et en méprisant La mer aux flots menaçants, montis cacumen alti, bibulas uitet harenas; illud proteruus Auster 10. totis uiribus urguet, hae pendulum solutae pondus ferre recusant. Qu’il fuie le sable assoiffé92,
90 On ne peut décider si Boèce fait ici allusion aux martyrs chrétiens ou aux martyrs philosophes. À moins que ce ne soit aux deux – voir notre Introduction, p. 106-107. 91 Vent soufflant du sud-est (voir Ovide, Métamorphoses, I, 61-62). 92 À partir de Lucrèce (II, 376), l’adjectif bibulus qualifie régulièrement le sable dans la koinè poétique (Virgile, Géorgiques, I, 114 ; Ovide, Métamorphoses, XIII, 901 ; Prudence, Péristéphanon, XI, 141).
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La haute cime d’un mont : L’Auster93 violent la frappe ; Les grains de sable ne peuvent Porter la charge qui pend. Fugiens periculosam sortem sedis amoenae 15. humili domum memento certus figere saxo. Fuyant le sort dangereux D’un siège agréable, songe À fixer un logis sûr Au dessus d’un rocher humble94. Quamuis tonet ruinis miscens aequora uentus, tu conditus quieti 20. felix robore ualli duces serenus aeuum ridens aetheris iras. Bien que le vent tonne et ruine En bouleversant les flots95, Toi, heureux et protégé Au fond d’un vallon tranquille, Tu vivras des jours sereins, Riant de l’ire du ciel. Prosa 5 1. – Sed quoniam rationum iam in te mearum fomenta descendunt, paulo ualidioribus utendum puto. Prose 5 1. Ph. – Mais puisque les fomentations de mes raisonnements descendent déjà en toi, je crois qu’il faut en utiliser de plus puissantes96.
Voir supra, I, VII, 5 et la note y afférente. Thématique sénéquienne (Gruber, 2006, p. 198) : Hercule furieux, 199-200 : « humilique loco sed certa sedet / sordida paruae fortuna domus = c’est sur un lieu humble, mais assuré que se tient l’infime Fortune d’une petite maison » (cf. Octavie, 895-896). 95 Tableau analogue chez Ovide (Métamorphoses, XI, 491) : « uenti freta… miscent = les vents bouleversent les mers » (Gruber, 2006, p. 198). 96 C’est l’étape annoncée en II, 1, 7. 93
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2. Age enim, si iam caduca et momentaria fortunae dona non essent, quid in eis est quod aut uestrum umquam fieri queat aut non perspectum consideratumque uilescat? 2. Allons donc, si dès maintenant les dons de Fortune n’étaient plus caducs et momentanés, y en a-t-il un parmi eux ou bien qui serait une fois en capacité d’être fait vôtre97, ou bien qu’un examen clair et approfondi ne déprécierait pas ? 3. Diuitiaene uel uestrae uel sui natura pretiosae sunt? Quid earum potius? Aurumne ac uis congesta pecuniae?98 3. Les trésors sont-ils précieux par rapport à vous ou par rapport à leur nature ? Lequel d’entre eux de préférence ? Sont-ce l’or et la puissance thésaurisante de l’argent ? 4. Atqui haec effundendo magis quam coaceruando melius nitent, si quidem auaritia semper odiosos, claros largitas facit. 4. Eh bien, ils brillent davantage en étant mieux distribués qu’en étant accumulés, si vraiment l’avarice a toujours produit des gens odieux et la générosité des gens merveilleux. 5. Quodsi manere apud quemque non potest quod transfertur in alterum, tunc est pretiosa pecunia cum translata in alios largiendi usu desinit possideri. 5. Que si ne peut demeurer auprès de quiconque ce qui est transféré à autrui99, alors l’argent est précieux quand, transféré à d’autres par un usage généreux, il cesse d’être possédé100. 6. At eadem, si apud unum quanta est ubique gentium congeratur, ceteros sui inopes fecerit. Et uox quidem tota pariter multorum replet auditum, uestrae uero diuitiae nisi comminutae in plures transire non possunt; quod cum factum est, pauperes necesse est faciant quos relinquunt. 97 On notera, tout au long de cette prose, une alternance malaisée, du fait qu’elle se produit sans transition, entre le tutoiement, quand Philosophie s’adresse à Boèce (§ 1 puis 12-21 et 32-35), et le vouvoiement, quand elle s’adresse apparemment, comme ici, aux hommes (§ 2-11 puis § 22-31). 98 Moreschini (p. 41) situe cette phrase au début du § 4. 99 Il y a lieu, pensons nous, de dépasser ici la banalité de ce principe en comprenant qu’il anticipe en réalité sur la manière inverse de posséder ce qui sera assimilé plus loin au souverain Bien, à savoir Dieu, qui, Lui, est possédé par chaque croyant sans qu’aucun autre n’en soit le moins du monde dépossédé. 100 Sur le bon usage de l’argent, voir le conseil d’Horace à Salluste (Odes, II, 2, 1-4) : « Nullus argento color est, avaris / Abdito terris, inimice lamnae / Crispe Sallusti, nisi temperato / Splendeat usu = L’argent n’a aucune couleur enfermé dans la terre avare ennemie du métal, cher Crispe Salluste, à moins qu’il ne resplendisse par un usage mesuré ».
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6. Or si ce même argent, pour autant qu’il y en a partout, était thésaurisé auprès d’un seul peuple, il rendrait le restant de ses semblables sans ressources ; et certes la voix tout entière emplit d’égale manière l’oreille de beaucoup, mais vos trésors ne peuvent être transférés à plusieurs que fractionnés ; cela une fois fait, il est nécessaire qu’ils rendent pauvres ceux qu’ils abandonnent. 7. O igitur angustas inopesque diuitias, quas nec habere totas pluribus licet et ad quemlibet sine ceterorum paupertate non ueniunt. 7. Ô qu’ils sont donc mesquins et stériles ces trésors qu’il n’est pas permis de posséder en totalité à plusieurs, et qui ne viennent pas à quelqu’un sans provoquer l’appauvrissement des autres ! 8. An gemmarum fulgor oculos trahit? Sed si quid est in hoc splendore praecipui, gemmarum est lux illa, non hominum; quas quidem mirari homines uehementer ammiror. 8. L’éclat des gemmes attire-t-il les yeux ? Mais s’il y a quelque chose en cette splendeur qui prévale, c’est la lumière des gemmes, non celle des hommes – gemmes dont assurément je m’étonne fort que les hommes les admirent. 9. Quid est enim carens animae motu atque compage, quod animatae rationabilique naturae pulchrum esse iure uideatur? 9. Qu’est-ce, en effet, qui, privé de mouvement d’âme et de structure mentale, paraît être légitimement beau à une nature animée et rationnelle101 ? 10. Quae tametsi conditoris opera suique distinctione postremae aliquid pulchritudinis trahunt, infra uestram tamen excellentiam collocatae ammirationem uestram nullo modo mereantur102. 10. Quoique ces gemmes, œuvres du Fondateur103, par une distinction qui leur est propre, retirent aussi quelque chose de la beauté la plus en 101 La présence de deux oppositions doit conditionner la traduction : carens animae motu s’oppose à animatus et compages s’oppose à rationabilis. 102 L’imparfait de l’indicatif merebantur préféré par Moreschini (p. 42) nous apparaît en rupture temporelle avec trahunt. 103 La « gemme » désignant une pierre brute et non façonnée, conditor ne renvoie pas, selon nous, comme le pense Bocognano (1937, p. 63), à l’artisan (voir infra, § 17 – artifex) joaillier mais à Dieu (sur conditor comme synonyme de creator, voir infra, II, 5, 26).
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retrait, pourtant, situées au-dessous de votre excellence104, elles ne méritent en aucune manière votre admiration. 11. An uos agrorum pulchritudo delectat? Quidni? Est enim pulcherrimi operis pulchra portio. 11. La beauté des champs vous délecte-t-elle ? Pourquoi non ? C’est effectivement la belle part de l’œuvre la plus belle. 12. Sic quondam sereni maris facie gaudemus, sic caelum, sidera, lunam solemque miramur. Num te horum aliquid attingit, num audes alicuius talium splendore gloriari? 12. Ainsi, parfois l’aspect d’une mer sereine105 nous réjouit-il, ainsi admirons-nous le ciel, les astres, la lune et le soleil. Y a-t-il par hasard quelque chose de tout cela qui te concerne, est-ce que par hasard tu oserais tirer gloire de la splendeur de l’une d’elles ? 13. An uernis floribus ipse distingueris aut tua in aestiuos fructus intumescit ubertas? 13. Est-ce toi-même qui te diversifies dans les fleurs du printemps, ou ta fécondité gonfle-t-elle dans les fruits estivaux ? 14. Quid inanibus gaudiis raperis, quid externa bona pro tuis amplexaris? Numquam tua faciet esse fortuna quae a te natura rerum fecit aliena. 14. Pourquoi te laisses-tu entraîner par des plaisirs insensés, pourquoi chéris-tu des biens extérieurs plutôt que les tiens ? Jamais Fortune ne fera être tien ce que la nature des choses t’a rendu étranger106. 15. Terrarum quidem fructus animantium procul dubio debentur alimentis; sed si, quod naturae satis est, replere indigentiam uelis, nihil est quod fortunae affluentiam petas. 15. Certes, les fruits de la terre tiennent-ils sans aucun doute lieu d’aliments pour les animaux ; mais si avec ce qui est suffisant pour la nature tu veux satisfaire ton besoin, il n’y a pas de raison pour que tu recherches l’opulence de la fortune. Entendons : celle de l’homme en tant que représentant le plus abouti du règne animal. Sur les métaphores à thème marin dans la Consolation, voir supra, p. 182, n. 92. 106 Sénèque ne disait pas autre chose (Gruber, 1978, p. 198) : « Non potest id fortuna tenere, quod natura dimisit = La fortune ne peut posséder ce à quoi la nature a renoncé » (Dialogues, VI, XIX, 5), et : « Non est tuum, fortuna quod fecit tuum = N’est pas tien ce que la fortune a fait tien » (Lettres, VIII, 10). 104
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16. Paucis enim minimisque natura contenta est; cuius satietatem si superfluis urguere uelis, aut iniucundum quod infuderis fiet aut noxium. 16. La nature, en effet, se contente de peu de choses et en petite quantité, elle dont la saturation, si tu voulais la surcharger par le superflu que tu lui ferais absorber, lui deviendrait chose soit déplaisante, soit nuisible. 17. Iam uero pulchrum uariis fulgere uestibus putas. Quarum si grata intuitu species est, aut materiae naturam aut ingenium mirabor artificis. 17. Et d’autre part tu crois qu’il est beau de se manifester avec éclat dans des vêtements bigarrés. Mais si leur aspect est attrayant au regard, ce sera soit la nature de la matière, soit le savoir-faire de l’artisan que j’admirerai107. 18. An uero te longus ordo famulorum facit esse felicem? Qui si uitiosi moribus sint, perniciosa domus sarcina et ipsi domino uehementer inimica; sin uero probi, quonam modo in tuis opibus aliena probitas numerabitur? 18. Ou bien, est-ce une longue suite de serviteurs qui te fait être heureux ? S’ils sont de mœurs vicieuses, elle est une charge pernicieuse pour la maison et farouchement hostile108 pour le maître lui-même ; et s’ils sont honnêtes, de quelle façon la probité d’autrui comptera-t-elle au nombre de tes richesses ? 19. Ex quibus omnibus nihil horum quae tu in tuis computas bonis tuum esse bonum liquido monstratur. Quibus si nihil inest appetendae pulchritudinis, quid est quod uel amissis doleas uel laeteris retentis? 19. Aucun de tous ceux que tu comptes au nombre de tes biens ne se montre clairement comme étant ton bien. S’il n’est rien en eux d’une beauté désirable, qu’est-ce qui fait que soit tu souffres de leur perte, soit tu te réjouis de leur détention ? 20. Quodsi natura pulchra sunt, quid id tua refert? Nam haec per se a tuis quoque opibus sequestrata placuissent.
107 Boèce aurait-il oublié la description qu’il a faite du vêtement de Philosophie (supra, I, 1, 3-4) ? 108 Ce vehementer inimica pourrait provenir (Gruber, 1978, p. 199) de Cicéron (Discours pour L. Flaccus, XIV) : (au sujet d’une rumeur malveillante propagée par Pompée, ennemi de Flaccus) « quod L. Flacco esset vehementer inimicus = ce qui était farouchement inamical pour L. Flaccus ».
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20. Que s’ils sont beaux par nature, en quoi cela te concerne-t-il ? Car ceux-ci, séparés de tes propres biens, plairaient aussi par eux-mêmes. 21. Neque enim idcirco sunt pretiosa quod in tuas uenere diuitias, sed quoniam pretiosa uidebantur tuis ea diuitiis annumerare maluisti. 21. En effet, ils ne sont pas précieux pour cela qu’ils sont venus au nombre de tes trésors, mais c’est parce qu’ils t’ont semblé précieux que tu as préféré les ajouter à tes trésors. 22. Quid autem tanto fortunae strepitu desideratis? Fugare, credo, indigentiam copia quaeritis. 22. Et que désirez-vous par un si bruyant étalage de la fortune ? Vous cherchez, je crois, à chasser le besoin par l’abondance. 23. Atqui hoc uobis in contrarium cedit; pluribus quippe amminiculis opus est ad tuendam pretiosae supellectilis uarietatem, uerumque illud est permultis eos indigere qui permulta possideant, contraque minimum qui abundantiam suam naturae necessitate, non ambitus, superfluitate metiantur. 23. Eh bien, cela vous fait tomber dans le mal contraire, vu qu’il est besoin de plus nombreux appuis pour soutenir la diversité de votre précieux bagage ; il est vrai qu’il leur manque beaucoup à ceux qui possèdent beaucoup, et, à l’inverse, peu à ceux qui mesurent leur abondance à la nécessité de la nature, non à la superfluité de l’ambition. 24. Itane autem nullum est proprium uobis atque insitum bonum ut in externis ac sepositis rebus bona uestra quaeratis? 24. Et vous n’avez en vous aucun bien qui vous soit propre et intime pour que vous cherchiez vos biens dans les choses extérieures et éloignées ? 25. Sic rerum uersa condicio est ut diuinum merito rationis animal non aliter sibi splendere nisi inanimatae supellectilis possessione uideatur? 25. La disposition des choses est-elle à ce point bouleversée qu’un animal divin109 ayant mérité la raison ne semble resplendir autrement que par la possession d’un bagage inanimé ? 109 Boèce substitue en l’occurrence la définition de l’homme animal rationale divinum, dont nous ne connaissons aucun prédécent, à celle d’animal rationale mortale, en vigueur dans la tradition aristotélicienne, qu’il avait pourtant admise un peu avant – voir supra, I, 6, 15.
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26. Et alia quidem suis contenta sunt, uos autem deo mente consimiles ab rebus infimis excellentis naturae ornamenta captatis nec intellegitis quantam conditori uestro faciatis iniuriam. 26. Et assurément, les autres êtres animés sont satisfaits de ce qu’ils ont, alors que vous, semblables à Dieu par l’esprit, vous allez chercher à recueillir dans des choses infimes les ornements de votre nature excellente, et vous ne comprenez pas quelle injure vous faites à votre Fondateur. 27. Ille genus humanum terrenis omnibus praestare uoluit, uos dignitatem uestram infra infima quaeque detruditis. 27. Il a voulu, Lui, que le genre humain l’emportât sur tous ceux de la terre, et vous, vous précipitez votre dignité au-dessous de tout ce qu’il y a d’infime ! 28. Nam si omne cuiusque bonum eo cuius est constat esse pretiosius, cum uilissima rerum uestra bona esse iudicatis eisdem uosmet ipsos uestra existimatione summittitis. Quod quidem haud immerito cadit110. 28. Car si l’on établit que tout bien appartenant à quelqu’un a plus de prix que celui auquel il appartient, lorsque vous jugez que les plus viles des choses sont vos biens, vous vous placez vous-mêmes, par votre propre estimation, au-dessous de ces choses mêmes – ce qui, il est vrai, n’arrive pas injustement111. 29. Humanae quippe naturae ista condicio est, ut tum tantum ceteris rebus cum se cognoscit excellat, eadem tamen infra bestias redigatur si se nosse desierit; nam ceteris animantibus sese ignorare naturae est, hominibus uitio uenit. 29. Le fait est que cette condition de la nature humaine est telle qu’elle ne l’emporte sur toutes les autres choses que lorsqu’elle se connaît ellemême, et cependant elle se trouve ravalée au-dessous des bêtes si elle cesse de se connaître. Car pour les autres êtres animés s’ignorer est de leur nature, pour les hommes cela relève d’un vice. 30. Quam uero late patet uester hic error, qui ornari posse aliquid ornamentis existimatis alienis!
Moreschini (p. 44) situe cette phrase au début du paragraphe suivant. En d’autres termes : ce que, il est vrai, vous méritez bien.
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30. Qu’en vérité votre erreur s’offre ici largement, vous qui estimez que l’on peut orner quelque chose par des ornements112 qui lui sont étrangers ! 31. At id fieri nequit; nam si quid ex appositis luceat, ipsa quidem quae sunt apposita laudantur, illud uero his tectum atque uelatum in sua nihilo minus foeditate perdurat. 31. Or cela ne saurait se faire ; car si une chose reluit grâce à des placages, les choses mêmes qui sont plaquées sont assurément valorisées, mais ce qui est recouvert et dissimulé par eux ne perdure en rien moins dans sa laideur. 32. Ego uero nego ullum esse bonum quod noceat habenti. Num id mentior? Minime, inquis. 32. Au vrai, moi je refuse que soit un bien ce qui nuit à son possesseur. Suis-je en cela dans l’erreur ? Pas le moins du monde, diras-tu. 33. Atqui diuitiae possidentibus persaepe nocuerunt, cum pessimus quisque eoque alieni magis auidus quicquid usquam auri gemmarumque est se solum qui habeat dignissimum putat. 33. Eh bien, les trésors ont très souvent nui à leur possesseur, quand le pire des individus, et en cela le plus avide du bien d’autrui, se croit le seul à être le plus digne de posséder tout ce qu’il y a quelque part d’or et de gemmes. 34. Tu igitur, qui nunc contum gladiumque sollicitus pertimescis, si uitae huius callem uacuus uiator intrasses, coram latrone cantares. 34. Par conséquent, toi, qui aujourd’hui redoutes, alarmé, l’épieu et le glaive113, si tu avais abordé le sentier de cette vie en voyageur aux poches vides, tu chanterais au nez du larron114. 112 Ornari… ornamentis : nous avons essayé de rendre cet effet de style. Il faut entendre que l’on ne peut donner de l’éclat à quelque chose avec ce qui lui est extérieur ou ne lui appartient pas en propre. 113 Soit deux armes de poing. Bien que reprise de Juvénal (voir note suivante), l’image est étrangement prémonitoire puisque, ainsi que nous l’avons dit (voir notre Introduction, p. 13), d’après les seules sources, ici comme anticipées, que l’on possède sur la terrible fin de Boèce, il aurait été, après une torture, achevé par une bastonnade (cum fuste) puis peut-être décapité avec un glaive (gladius). 114 Cf. Juvénal, Satires, X, 19-22 : « pauca licet portes argenti vascula puri / nocte iter ingressus, gladium contumque timebis / et motae ad lunam trepidans harundinis umbram / cantabit vacuus coram latrone viator = toi qui te permets de porter quelques petits vases d’argenterie pure / en parcourant de nuit le chemin, tu craindras le glaive et l’épieu / et l’ombre mouvante du roseau s’agitant sous la lune / alors que le voyageur aux poches vides chantera au nez du larron » – Gruber (1978, p. 201).
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35. O praeclara opum mortalium beatitudo, quam cum adeptus fueris securus esse desistis! 35. Ô bonheur clinquant des richesses périssables, dès que tu en seras l’acquéreur, tu cesseras d’être en sécurité ! Metrum V – Mètre V Ph. – 1. Felix nimium prior aetas contenta fidelibus aruis nec inerti perdita luxu, facili quae sera solebat 5. ieiunia soluere glande. Trop heureux cet âge précédent115, Satisfait de ses fidèles champs116, Sans se perdre au luxe paresseux117, Habitué à rompre bien tard Son jeûne avec des glands abondants. Non Bacchica munera norant liquido confundere melle nec lucida uellera Serum Tyrio miscere ueneno. On ne savait mélanger le don De Bacchus118 avec du miel liquide, Ni mêler à la drogue de Tyr Les toisons translucides des Sères119. 115 Éloge de la vie primitive (cf. v. 23-24), antérieure au commerce maritime international (v. 13-15) et à l’extraction de richesses dans les mines (v. 27-30) plutôt que de l’âge d’or proprement dit : certes, la paix règne (v. 16-22), mais aucune allusion à une nature miraculeusement généreuse qui, à l’âge d’or, donnait spontanément des fleuves de vin ou de lait et faisait couler du miel des arbres. Ici est évoquée une humanité primitive frugale, qui se nourrit de glands sans rechercher d’inutiles richesses (voir supra, I, VI, 6 et la note y afférente). 116 À rapprocher de I, VI, 5, avec la note y afférente. 117 L’expression rappelle Prudence (Contre Symmaque, I, 162-163) : « nec perdita luxu / Diuorum suboles sancti meminisse pudoris = éperdue de luxe, la race des dieux avait oublié la sainte pudeur » (Gruber, 2006, p. 206). 118 Le vin : voir supra, I, VI, 15 et la note y afférente. 119 Les Sères sont les Chinois ; cette périphrase désigne la soie (cf. Virgile, Géorgiques, II, 121 et Pétrone, Satyricon, 119, v. 11 où l’expression uellera Seres est en clausule d’hexamètre) et au v. précédent une autre périphrase désigne la pourpre phénicienne (Tyr, au Liban actuel ; cf. infra, III, IV, 1), particulièrement célèbre (cf. Virgile, Géorgiques, II, 465).
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10. Somnos dabat herba salubres, potum quoque lubricus amnis, umbras altissima pinus. L’herbe fournissait un sommeil sain120, Le flot d’un fleuve121 aussi la boisson Et un pin très élevé, l’ombrage. Nondum maris alta secabat nec mercibus undique lectis 15. noua litora uiderat hospes. L’étranger ne fendait pas encore La haute mer, ni, glanant partout Des denrées, n’avait vu d’autres côtes. Tunc classica saeua tacebant odiis neque fusus acerbis cruor horrida tinxerat arua. Lors, le clairon cruel se taisait ; Le sang n’avait pas teint le sol âpre122, Versé par d’impitoyables haines. Quid enim furor hosticus ulla 20. uellet prior arma mouere, cum uulnera saeua uiderent nec praemia sanguinis ulla? Car, pourquoi une fureur hostile Voudrait en premier prendre les armes En voyant la cruauté des coups Sans retirer du sang aucun prix ? Vtinam modo nostra redirent in mores tempora priscos! 25. Sed saeuior ignibus Aetnae 120 L’expression somnos… salubris se trouvait déjà chez Virgile (Géorgiques, III, 530 – Gruber, 2006, p. 207). 121 L’expression lubricus amnis se lit en clausule d’un hexamètre chez Ovide (Amours, III, 6, 81 – Gruber, 2006, p. 207). 122 L’expression horrida arua avait été employée pour désigner des terres glacées chez Pétrone (Satyricon, 123, v. 204 à propos du passage des Alpes par César) et Valérius Flaccus (Argonautiques, I, 512-513).
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feruens amor ardet habendi. Si seulement notre temps pouvait Revenir à la vie d’autrefois ! L’amour bouillant de posséder123 brûle Plus cruel que les feux de l’Etna. Heu, primus quis fuit ille auri qui pondera tecti gemmasque latere uolentes 30. pretiosa pericula fodit? Hélas, qui le premier a extrait Les masses d’or qui étaient couvertes, Les gemmes qui voulaient se cacher124, Toutes ces richesses dangereuses ? Prosa 6 1. – Quid autem de dignitatibus potentiaque disseram, quae uos uerae dignitatis ac potestatis inscii caelo exaequatis? Quae si in improbissimum quemque ceciderunt, quae flammis Aetnae eructantibus125, quod diluuium tantas strages dederint? Prose 6 1. Ph. – Et que dirais-je des dignités et de la puissance que vous, ignorants de la dignité et du pouvoir véritables, vous égalez au ciel126 ? Si elles échoient à l’individu le plus malhonnête, quelles flammes de l’Etna éructantes, quel déluge donneraient autant de carnages127 ? 123 L’expression amor habendi est virgilienne (Énéide, VIII, 327) et horatienne (Épîtres, I, 7, 85) ; elle avait déjà été reprise par Ovide (Métamorphoses, I, 131) et Prudence (Psychomachie, 478) – Gruber (2006, p. 208). 124 Thématique analogue chez Dracontius (Louanges de Dieu, II, 460) : « nec gemma lateret = et la gemme ne se cacherait pas » (Gruber, 2006, p. 209). 125 Eructuantibus pour Moreschini (p. 46). 126 Caelum doit être entendu ici comme synonyme de Deus. Par ailleurs, l’expression caelo exaequare se rencontre chez Lucrèce (De la nature des choses, I, 79) : « nos exaequat victoria caelo = sa victoire (celle d’Épicure sur la superstition) nous rendit égaux au ciel » – Gruber (1978, p. 206). 127 Gruber (1978, p. 206) a-t-il raison de renvoyer en l’occurrence au grammairien Censorinus (fl. s. III), Du jour natal, XVIII, 11 : « cuius anni hiemps summa est cataclysmos, quam nostri diluvionem vocant, aestas autem ecpyrosis, quod est mundi incendium: nam his alternis temporibus mundus tum exignescere tum exaquescere videtur = le grand hiver de cette année (dite “suprême”) est le cataclysmos, que les nôtres appellent “déluge”, et le grand été, l’ecpyrosis, qui est dit “incendie du monde” : à ces époques qui alternent, le monde semble en effet s’embraser ou se liquéfier » ?
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2. Certe, uti meminisse te arbitror, consulare imperium, quod libertatis principium fuerat, ob superbiam consulum uestri ueteres abolere cupiuerunt, qui ob eandem superbiam prius regium de ciuitate nomen abstulerant. 2. Certainement, comme tu t’en souviens je pense, vos ancêtres ont désiré, en raison de la superbe des consuls, abolir l’autorité consulaire, qui avait été le principe de la liberté, eux qui, en raison de cette même superbe, avaient d’abord supprimé de la cité le titre de roi128. 3. At si quando, quod perrarum est, probis deferantur, quid in eis aliud quam probitas utentium placet? Ita fit ut non uirtutibus ex dignitate sed ex uirtute dignitatibus honor accedat. 3. Or si d’aventure les honneurs sont déférés, ce qui est très rare, à d’honnêtes gens, qu’est-ce qui plaît d’autre chez eux que la probité de ceux qui les exercent ? Il s’ensuit que l’honneur n’échoit pas aux vertus en fonction de la dignité, mais aux dignités en fonction de la vertu. 4. Quae uero est ista uestra expetibilis ac praeclara potentia? Nonne, o terrena animalia, consideratis quibus qui praesidere uideamini? Nunc si inter mures uideres unum aliquem ius sibi ac potestatem prae ceteris uindicantem, quanto mouereris cachinno! 4. Quelle est en vérité cette désirable et fameuse puissance vôtre ? N’examinez-vous pas, ô êtres animés terrestres, quels sont ceux à qui il vous semble commander ? Actuellement, si parmi les rats tu en voyais un quelconque s’arrogeant droit et pouvoir129 sur les autres, de quel éclat de rire serais-tu agité130 !
128 De 451 à 449, deux collèges de décemvirs (c’est-à-dire formés chacun de dix magistrats) à pouvoir consulaire remplacèrent les consuls, dont certaines décisions avaient été contestées par des tribuns de la plèbe, mais ces derniers seront chassés à leur tour par une autre révolte populaire et un soulèvement de l’armée, pour avoir perpétré l’assassinat de deux des leurs, et les consuls se verront rétablis en cette même année 449 – voir, entre autres, Tite-Live, Histoire romaine, III, 33-55. D’autre part, plus d’un demi-siècle auparavant, en - 509, pour venger Lucrèce, qui, après avoir été violée par Sextus Tarquin, fils du roi Tarquin le Superbe, s’était suicidée, la famille royale fut exilée par le peuple qui s’était soulevé contre elle et la royauté abolie – voir Idem, ibid., I, 58-60. 129 Sur la différence, dans la Consolation, entre potestas (« pouvoir ») et potentia (« puissance »), voir Dane (1979). 130 Movereris cachinno : Boèce s’est-il souvenu de Cicéron (Brutus, 216) : « in utroque cacinnos inridentium commovebat = dans les deux cas, il (Curion) avait suscité des éclats de rires furieux ».
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5. Quid uero, si corpus spectes, imbecillius homine repperire queas, quos131 saepe muscularum quoque uel morsus uel in secreta quaeque reptantium necat introitus? 5. À dire vrai, si tu inspectes le corps, que pourras-tu trouver plus faible que l’homme, que tue souvent soit la piqûre même de petites mouches132, soit l’introduction de quelques vers dans ses viscères133 ? 6. Quo uero quisquam ius aliquod in quempiam nisi in solum corpus et quod infra corpus est – fortunam loquor – possit exserere? 6. Et de fait, en quoi quelqu’un pourrait-il exercer sur quelqu’un d’autre un quelconque droit sinon sur son seul corps, et sur ce qui se situe au-dessous du corps – je veux parler de sa fortune ? 7. Num quicquam libero imperabis animo? Num mentem firma sibi ratione cohaerentem de statu propriae quietis amouebis? 7. Commanderas-tu jamais à quelque esprit libre ? Délogeras-tu jamais de son état de sérénité propre une pensée qui tient la maîtrise de soi-même d’une ferme raison134 ? 8. Cum liberum quendam uirum suppliciis se tyrannus adacturum putaret ut aduersum se factae coniurationis conscios proderet, linguam ille momordit atque abscidit et in os tyranni saeuientis abiecit; ita cruciatus, quos putabat tyrannus materiam crudelitatis, uir sapiens fecit esse uirtutis.
131 Quos : d’après Engelbrecht (1901, p. 19), ce pluriel peut se justifier comme renvoyant à un collectif (homo = « les hommes »). 132 Les effets possiblement mortels de ces petites mouches sont aussi signalés par Arnobe de Sicca († c. 304), mais dans un contexte théologique (Contre les Gentils, II, 45, 2) : (concernant les différents sorts réservés aux âmes inconstantes, sujettes aux vices et enclines aux péchés) « muscularum aliae ut interirent veneno = d’autres périssent notamment par le venin de petites mouches » – Gruber (1978, p. 208). 133 Nous traduisons ici selon le sens, car nous n’avons trouvé aucune attestation de reptans signifiant « ver », ni de secreta signifiant « viscères » (sur ce dernier mot, voir supra, II, 1, 7). On pensera au ténia, bien sûr, à l’oxyure, à l’ascaris et à la douve. 134 La connotation toute stoïcienne des § 7 et 8 est assez évidente, à travers le thème du sage serein et maître de lui, qui échappe ainsi à l’emprise du pouvoir tyrannique – voir, entre autres, Sénèque, Des bienfaits, III, XX : « Errat, si quis existimat seruitutem in totum hominem descendere. Pars melior eius excepta est: corpora obnoxia sunt et adscripta dominis, mens quidem sui iuris, quae adeo libera et uaga est = Il se trompe celui qui estime que la servitude descend en l’homme tout entier. Sa meilleure partie en est exempte : les corps sont dépendants du maître et lui sont assignés, l’esprit l’est assurément de sa loi, lui qui est si libre et aventureux ».
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8. Alors qu’un tyran croyait pouvoir contraindre, par des supplices, un certain homme libre à dénoncer les complices d’une conjuration tramée contre lui, celui-ci se mordit puis se trancha la langue, et la jeta à la face du tyran mis en furie135 ; ainsi les tortures, que le tyran croyait matière à cruauté, l’homme sage en fit matière à vertu. 9. Quid autem est quod in alium facere quisque possit, quod sustinere ab alio ipse non possit? 9. D’ailleurs, qu’est-ce que quelqu’un peut faire à un autre qu’il ne puisse lui-même subir d’un autre ? 10. Busiridem accepimus necare hospites solitum ab Hercule hospite fuisse mactatum. 10. Nous apprenons que Busiris, qui avait coutume de tuer ses hôtes, fut mis à mort par son hôte Hercule136. 11. Regulus plures Poenorum bello captos in uincla coniecerat, sed mox ipse uictorum catenis manus praebuit. 11. Régulus avait jeté aux fers beaucoup de Carthaginois captifs de guerre, mais bientôt lui-même présenta ses mains aux chaînes des vainqueurs137. 12. Vllamne igitur eius hominis potentiam putas qui, quod ipse in alio potest, ne id in se alter ualeat efficere non possit?
135 Soit Boèce reprend en l’occurrence l’histoire de Zénon d’Élée (voir supra, I, 3, 9), soit, ce qui est plus probable, il évoque celle du philosophe Anaxarque d’Abdère (fl. -340), qui, après avoir été jeté vivant dans un mortier et frappé avec des pilons de fer, se trancha lui aussi la langue avec ses dents puis la cracha au visage du tyran de Chypre, Nicocréon – voir DPA, I, p. 189 (R. Goulet). 136 L’histoire de Busiris, roi d’Égypte, aussi cruel que légendaire (voir Raoul-Rochette, 1848, p. 314-319) et d’Hercule varie selon les nombreuses sources qui la relatent. La version choisie par Boèce pourrait provenir de Plutarque (Parallèles mineurs, § 38), qui s’appuie lui-même sur l’historien Agathon de Samos (s. - 1–+ 1) – voir Cole Babbitt (1936, p. 315). 137 Voir, notamment, Cicéron, Des devoirs, III, XXVI-XXVII : M. Atilius Régulus, prisonnier du général lacédémonien Xanthippe, fut envoyé auprès du sénat romain pour négocier la libération de quelques prisonniers carthaginois. Il persuada le sénat de conserver les captifs encore jeunes, et de le renvoyer, lui, déjà âgé. Revenu à Carthage, il subit les pires supplices pour s’être parjuré. Cicéron en tire l’enseignement qu’il n’y a point de démence à servir son pays. Cf. (Gruber, 1978, p. 209) saint Augustin, De la cité de Dieu, III, 18.
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12. Par conséquent, accordes-tu une quelconque puissance à un homme qui ne saurait pas faire que ce qu’il peut lui-même envers autrui, un autre n’en soit pas capable envers lui138 ? 13. Ad haec, si ipsis dignitatibus ac potestatibus inesset aliquid naturalis ac proprii boni, numquam pessimis prouenirent. Neque enim sibi solent aduersa sociari, natura respuit ut contraria quaeque iungantur. 13. À cela s’ajoute que, si quelque chose d’un bien naturel et propre résidait dans les dignités et les pouvoirs eux-mêmes, jamais ils ne seraient conférés aux pires individus139. En effet, des opposés n’ont pas l’habitude d’être associés ensemble, la nature répugnant à ce que des choses contraires soient unies entre elles140. 14. Ita cum pessimos plerumque dignitatibus fungi dubium non sit, illud etiam liquet, natura sui bona non esse quae se pessimis haerere patiantur. 14. Ainsi, comme il n’est pas douteux que la plupart des dignités soient endossées par la plus grande partie des pires individus, il est clair aussi qu’elles ne sont pas, par leur nature propre, des biens, elles qui se laissent associer aux pires individus. 15. Quod quidem de cunctis fortunae muneribus dignius existimari potest, quae ad improbissimum quemque uberiora perueniunt. 15. Ce dont on peut assurément juger de manière plus appropriée concernant l’ensemble des dons de Fortune, qui adviennent en grande abondance à n’importe lequel des individus les plus malhonnêtes. 138 Ce raisonnement, de prime abord difficile, revient à dire que si un homme ne peut pas empêcher qu’un autre ait sur lui le pouvoir que lui-même a sur autrui, on ne peut pas dire de cet homme qu’il a du pouvoir. En d’autres termes, pour que l’on puisse dire d’un homme qu’il a du pouvoir, il faut que cet homme soit capable de faire en sorte que le pouvoir qu’il a sur un autre, cet autre ne puisse pas l’avoir sur lui. 139 Autre thème stoïcien, celui, en application du principe énoncé juste après, de l’incompatibilité radicale du bien et du mal dans la nature, qu’a relayé notamment Sénèque, Lettres, XI, LXXXVII, 15 (à Lucilius) : « Quod contemptissimo cuique contingere ac turpissimo potest, bonum non est = Ce qui peut être accordé à celui qui est le plus méprisé et le plus turpide, n’est pas un bien », et De la providence, I, V, 2 : « Nullo modo magis potest deus concupita traducere quam si illa ad turpissimos defert, ad optimis abigit = En aucune manière Dieu ne peut mieux dénoncer les objets de nos convoitises qu’en les déférant aux plus turpides et en les soustrayant aux meilleurs » – Gruber (1978, p. 210). 140 Philosophie rejette ici la théorie de la « coïncidence des opposés », pourtant acceptée par Platon, notamment dans les Lois (889a-c), selon laquelle il n’est pas rare que la nature mêle ensemble des contraires et les fasse interagir, texte, il est vrai, auquel Boèce ne devait pas avoir accès.
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16. De quibus illud etiam considerandum puto quod, nemo dubitat esse fortem cui fortitudinem inesse conspexerit et cuicumque uelocitas adest manifestum est esse uelocem. 16. À propos de ces dons, je crois qu’il faut encore considérer ceci que personne ne doute qu’est courageux celui chez qui l’on discerne que réside du courage, et il est manifeste que la vélocité échoit à quiconque est véloce. 17. Sic musica quidem musicos, medicina medicos, rhetorica rhetores facit: agit enim cuiusque rei natura quod proprium est nec contrariarum rerum miscetur effectibus et ultro quae sunt aduersa depellit. 17. Voilà comment la musique fait assurément des musiciens141, la médecine des médecins, la rhétorique des rhéteurs ; en effet, la nature de toute chose produit ce qui lui est propre, n’est pas mêlée aux effets des choses qui lui sont contraires, et qui plus est écarte ce qui lui est opposé. 18. Atqui nec opes inexpletam restinguere auaritiam queunt, nec potestas sui compotem fecerit quem uitiosae libidines insolubilibus adstrictum retinent catenis, et collata improbis dignitas non modo non efficit dignos sed prodit potius et ostentat indignos. 18. Or ni les richesses ne sont en mesure de restreindre l’avarice insatiable, ni le pouvoir ne rend maître de soi celui que des désirs vicieux retiennent entravé dans des chaînes indestructibles, et une dignité attribuée aux gens malhonnêtes non seulement ne les rend pas dignes, mais elle les trahit plutôt et les met en évidence comme indignes. 19. Cur ita prouenit? Gaudetis enim res sese aliter habentes falsis compellare nominibus, quae facile ipsarum rerum redarguuntur effectu; itaque nec illae diuitiae nec illa potentia nec haec dignitas iure appellari potest. 19. Pourquoi cela se produit-il ? C’est qu’en effet vous vous plaisez à désigner sous de faux noms des choses se présentant autrement, noms qui sont facilement démentis par l’accomplissement des faits euxmêmes ; voilà pourquoi ni ces trésors ni cette puissance ni cette dignité ne peuvent être à juste titre appelés ainsi. 141 Cet autre principe est probablement issu de la même lettre à Lucilius de Sénèque (XI, LXXXVII, 15) possiblement citée supra, § 13, qui notait un peu avant (Ibid., 12) : « In arte musica quod bonum est, facit musicum = Dans l’art musical, qui est un bien, se fait le musicien ».
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20. Postremo idem de tota concludere fortuna licet, in qua nihil expetendum, nihil natiuae bonitatis inesse manifestum est, quae nec se bonis semper adiungit et bonos quibus fuerit adiuncta non efficit. 20. Enfin, il est permis de conclure de même quant à l’ensemble de la Fortune, dans laquelle il est manifeste qu’on ne doit rien rechercher et qu’il n’y réside rien d’une bonté native, elle qui ne s’attache pas toujours aux gens de bien et ne rend pas bons ceux auxquels elle s’est attachée. Metrum VI – Mètre VI Ph. – Nouimus quantas dederit ruinas urbe flammata patribusque caesis fratre qui quondam ferus interempto matris effuso maduit cruore 5. corpus et uisu gelidum pererrans ora non tinxit lacrimis, sed esse censor exstincti potuit decoris. Nous savons combien il a causé de ruines, Brûlant la Ville et tuant des sénateurs, Le cruel qui jadis fit périr son frère Et baigna dans le sang142 versé de sa mère, Lui qui parcourut du regard son corps froid, Sans une larme pour mouiller son visage143, Mais put juger de cette beauté éteinte144. Hic tamen sceptro populos regebat quos uidet condens radios sub undas 10. Phoebus, extremo ueniens ab ortu, 142 L’expression maduit cruore appartient à la koinè poétique (Virgile, Énéide, IX, 333 ; Ovide, Métamorphoses, III, 148 et XIII, 388-389 et ailleurs – Gruber, 2006, p. 214). 143 Formulation analogue chez Ovide (Métamorphoses, II, 621-622) : « neque enim caelestia tingui ora licet lacrimis = car il n’est pas permis aux visages célestes de se mouiller de larmes » (Gruber, 2006, p. 214). 144 Il s’agit bien sûr de l’empereur Néron (v. 15), image traditionnelle du tyran (voir supra, III, 4 – Gruber (2006, p. 213-214) : accusé de l’incendie de Rome en 64 (Tacite, Annales, XV, 38 ; Suétone, Néron, 38 ; Dion Cassius, Histoire romaine, 62, 16), il fit mettre à mort des sénateurs (Suétone, Néron, 36-37), et en particulier Julius Montanus (Tacite, Annales, XIII, 25), Atticus Vestinus (Tacite, Annales, XV, 68-69 ; Suétone, Néron, 35), Rubellius Plautus (Tacite, Annales XIV, 59), Cornelius Sylla (Tacite, Annales, XIV, 57), son frère, après son adoption par Claude, Britannicus en 55 (Octavie, 242 ; Tacite, Annales, XIII, 15- 17 ; Suétone, Néron, XXXIII, 1) et sa mère Agrippine, dont il admira, morte, la beauté (Octavie, 243 ; Tacite, Annales, XIV, 3-9 ; Suétone, Néron, XXXIV ; Dion Cassius, Histoire romaine, 61, 13).
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quos premunt septem gelidi Triones, quos Notus sicco uiolentus aestu torret ardentes recoquens harenas. Pourtant de son sceptre il dirigeait les peuples Que voit Phébus145 quand il cache ses rayons Sous les flots, ou vient de l’extrême Orient, Ceux qu’opprime le Septentrion glacé, Ceux que brûle d’un souffle sec le Notus146 Violent en recuisant le sable ardent. Celsa num tandem ualuit potestas 15. uertere praui rabiem Neronis? Heu grauem sortem, quotiens iniquus additur saeuo gladius ueneno! La puissance suprême put-elle enfin Changer la rage du dépravé Néron ? Ah, le pénible sort chaque fois qu’un glaive Injuste s’ajoute à un cruel venin ! Prosa 7 1. – Tum ego: Scis, inquam, ipsa minimum nobis ambitionem mortalium rerum fuisse dominatam; sed materiam gerendis rebus optauimus, quo ne uirtus tacita consenesceret. Prose 7 1. Bo. – Tu sais toi-même que l’ambition des choses mortelles nous a fort peu dominé ; mais nous avons souhaité une part dans la gestion des affaires, afin que notre vitalité ne s’étiole pas en restant en retrait. 2. – Et illa: Atqui hoc unum est quod praestantes quidem natura mentes, sed nondum ad extremam manum uirtutum perfectione perductas, allicere possit, gloriae scilicet cupido et optimorum in rem publicam fama meritorum. 2. Ph. – Eh bien, il n’y a assurément qu’une seule chose qui puisse attirer les esprits conduits par la nature, mais qui n’a pas encore mis la 145 Le soleil : voir supra, I, III, 9 et n. 48. Formulation analogue chez Virgile à propos du soleil (Géorgiques, I, 438) : « cum se condet in undas = quand il se cachera dans les flots ». 146 Vent violent, chaud et sec, qui souffle de l’Afrique (Horace l’appelle Africus en Odes, III, 23, 5) et que l’on identifie avec le sirocco.
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dernière main à la perfection des vertus147, à savoir le désir brûlant de la gloire et la renommée des plus gands mérites appliqués à la chose publique. 3. Quae quam sit exilis et totius uacua ponderis sic considera. Omnem terrae ambitum, sicuti astrologicis demonstrationibus accepisti, ad caeli spatium puncti constat obtinere rationem, id est ut, si ad caelestis globi magnitudinem conferatur, nihil spatii prorsus habere iudicetur. 3. Considère à quel point cette ambition est mince et vide de toute consistance148. C’est un fait reconnu que toute la circonférence de la terre, comme tu l’as recueilli des démonstrations des astrologues149, conserve la forme d’un point relativement à l’étendue du ciel, c’est-à-dire que, si on la confrontait à la grandeur du globe céleste, elle se révélerait n’avoir absolument rien d’une étendue150. 147 En d’autres termes : qui n’ont pas encore atteint le degré extrême dans la perfection des vertus. L’expression ad extremam manum a été utilisée par Cicéron (Brutus, 126), de qui Boèce a pu la tenir : (à propos de Caïus Gracchus, homme politique mort prématurément à l’âge de 33 ans) « Manus extrema non accessit operibus eius: praeclare inchoata multa, perfecta non plane = Il n’a pas ajouté la dernière main à ses œuvres : beaucoup ont été ébauchées remarquablement mais non tout à fait parfaites » – Gruber (1978, p. 213). 148 En fustigeant de la sorte l’ambition des grands administrateurs de la Res publica, Philosophie écorne sérieusement au passage la propre carrière de Boèce, dont elle avait pourtant reconnu et vanté les mérites (voir supra, v.c. I, 5, 7). 149 Auteur d’un De l’institution astronomique perdu, probable traduction ou adaptation paraphrastique de Ptolémée, Boèce n’ignore pas la différence entre l’astrologie, qu’il a avoué avoir pratiqué (voir supra, I, 4, 4), et l’astronomie, qu’il a définie en son De l’institution arithmétique, I, I : « Dans l’astronomie… il y a des cercles, des sphères, un centre, des cercles parallèles, et un axe médian, qui tous sont du ressort de la discipline géométrique », et qu’il illustre immédiatement après. Pourtant, ici, il mentionne l’astrologie non sans traiter dans la foulée d’astronomie, en se référant à Ptolémée (infra, § 4) précisément. Il existe peut-être une explication à cette succession si l’on accepte de convoquer la distinction faite par un auteur légèrement postérieur, Isidore de Séville (c. 565- 636), selon lequel il faut distinguer deux sortes d’astrologie : celle « naturelle » (naturalis), qui a beaucoup de points communs avec l’astronomie, puisqu’elle étudie les corps célestes quant à leur nature, leurs mouvements et leur nomenclature, et celle « superstitieuse » (superstitiosa), qui pratique les augures stellaires, détermine les parties de l’âme et du corps par les douze signes du Zodiaque et s’efforce de prédire les naissances et les mœurs humaines par le cours astral (Étymologies, II, XXXIX, 152) – voir Bonnaud (1931). 150 Cf. Cicéron, Tusculanes, I, 17 : « Persuadent… mathematici terram in medio mundo sitam ad universi caeli complexum quasi puncti instar optinere, quod κέντρον illi vocant = Les mathématiciens (i.e. les astrologues) persuadent que la terre, située au milieu du monde, se maintient pour ainsi dire dans la grandeur d’un point à l’égard du ciel tout entier, qu’ils appellent “centre” », et (Gruber, 1978, p. 214) Macrobe (c. 370c. 430), Commentaire sur le songe de Scipion (par exemple II, IX, 9), qui analyse les passages du livre VI du De la République du même Cicéron, dans lesquels (VI, 9 ; VI, 13, etc.) celui-ci procède sensiblement à la même description.
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4. Huius igitur tam exiguae in mundo regionis quarta fere portio est, sicut Ptolomaeo probante didicisti, quae nobis cognitis animantibus incolatur. 4. C’est alors environ la portion quarte de cette région si exiguë151 du monde152 qui, comme Ptolémée te l’a enseigné et prouvé153, est habitée par les êtres animés connus de nous. 5. Huic quartae si quantum maria paludesque premunt quantumque siti uasta regio distenditur cogitatione subtraxeris, uix angustissima inhabitandi hominibus area relinquetur. 5. Si de ce quart tu soustrais par la réflexion autant que ce que recouvrent les mers et les paludes et autant que la vaste région tourmentée par la soif154, il restera à peine une aire très étroite pour être habitée par les hommes155. 6. In hoc igitur minimo puncti quodam puncto circumsaepti atque conclusi, de peruulganda fama, de proferendo nomine cogitatis, at156 quid habeat amplum magnificumque gloria tam angustis exiguisque limitibus artata? 151 Sur cet adjectif (exiguus) employé dans un contexte très proche, voir (Gruber, 1978, p. 214) Cicéron, De la République, I, 26 : (Scipion ne partageant pas l’engouement de Tubéron à l’égard de l’astronomie) « … nos in exigua eius [terrae] parte… plurimis ignotissimi gentibus speremus tamen nostrum nomen volitare et vagari latissime = … nous [les Romains], ignorés, dans une petite partie de la terre, de nombreux peuples, nous espérons cependant que notre nom volera de-ci de-là et se répandra le plus largement ». 152 Il importe de bien comprendre ici le vocabulaire de Boèce : au § 3, terra désigne sans ambiguïté la « terre » et globus la « sphère céleste», tandis qu’au § 4 mundus désigne aussi le « globe terrestre », soit la terra du paragraphe précédent. En somme, la terra ou mundus est ramenée à un point relativement à l’échelle du globus, et la vie animale connue n’occupe qu’un quart de la terra ou mundus. 153 Voir Ptolémée (c. 100-c. 170), Almageste, I (= Halma, p. 65-67), dont voici le principe : « La terre étant partagée en quatre par l’équateur et par l’un des cercles qui passe par les pôles de l’équateur, la partie que nous habitons est à très-peu près renfermée dans l’une des deux divisions boréales ». 154 On peut songer (Gruber, 1978, p. 214), pour cette association maria – paludes – siti vasta regio, à Lucrèce, De la nature des choses, V, 202 : « Tenent rupes vastaeque paludes et mare = Les (bêtes sauvages) occupent les cavernes, les vastes paludes et la mer ». 155 Cf. (Gruber, 1978, p. 215) Cicéron, De la République, VI, 21 : « Tu observes cette même terre comme ceinte et circonscrite par des sortes de bandes ; parmi celles-ci, tu vois les deux plus opposées entre elles et adossées de part et d’autre aux pôles mêmes du ciel, être durcies par le gel ; et celle du milieu, la plus grande, est brûlée par l’ardeur du soleil. Deux sont habitables : celle australe, dans laquelle ceux qui marchent, impriment des pas à l’opposite de vos traces, sans rien de commun avec votre genre ; et cette autre soumise à l’aquilon, est celle que vous habitez ; observe combien ténue est la partie qui vous échoit ! ». 156 Avec plusieurs mss nous lisons at au lieu de ut, retenu aussi par Moreschini (p. 50).
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6. Par conséquent, c’est en ce tout petit point-là d’un point157, où vous êtes cernés et confinés, que vous songez à propager votre renommée, à proclamer votre nom ? Mais que possède d’ample et de magnifique une gloire resserrée dans des frontières aussi bornées et exiguës ? 7. Adde quod hoc ipsum breuis habitaculi saeptum plures incolunt nationes lingua, moribus, totius uitae ratione distantes, ad quas tum difficultate itinerum tum loquendi diuersitate tum commercii insolentia non modo fama hominum singulorum sed ne urbium quidem peruenire queat. 7. Ajoute à cela que de nombreuses nations occupent l’enceinte même de cet habitacle réduit, différentes par la langue, les mœurs, le cours de toute une vie, nations auxquelles, tantôt par la difficulté des déplacements, tantôt par la diversité des parlers, tantôt par l’inexpérience du commerce158, la renommée, non seulement des hommes pris un à un mais des villes, n’est sûrement pas en mesure de parvenir. 8. Aetate denique M. Tullii, sicut ipse quodam loco significat, nondum Caucasum montem Romanae rei publicae fama transcenderat et erat tunc adulta Parthis etiam ceterisque id locorum gentibus formidolosa. 8. Enfin, à l’époque de Marcus Tullius, comme lui-même le signifie quelque part, la renommée de la République romaine159 n’avait pas encore franchi le mont Caucase160, et pourtant elle était alors grande et
157 Si le terme punctum appliqué à la terre comparée à l’univers n’est nullement original (voir, par exemple, Cicéron, De la République, VI, 16 – Gruber, 1978, p. 216), l’expression punctum puncti, elle, le serait, d’autant plus qu’elle ne se trouve pas non plus dans le Commentaire sur le Songe de Scipion de Macrobe. 158 Commercium : s’agit-il ici d’échanges commerciaux ou de relations humaines, le terme supportant les deux sens ? Il reste possible d’envisager l’un et l’autre ensemble. 159 Rappelons que cette très longue période de l’histoire de Rome s’est étendue de - 509 à - 27. 160 Voir Cicéron, De la République, VI, 10 : « De ces terres mêmes habitées et connues, est-ce que ou ton nom ou celui de quelqu’un d’entre nous a pu soit franchir (transcendere) ce Caucase, celui que tu observes, soit traverser à la nage ce Gange làbas ? Qui entendra ton nom, dans les parties restantes et extrêmes du soleil levant ou couchant ou de l’Aquilon ou de l’Auster ? Celles-là retranchées, tu observes certainement dans quels espaces étroits votre gloire entend se développer ».
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même redoutée des Parthes161 et de tous les autres peuples de ces contrées162. 9. Videsne igitur quam sit angusta, quam compressa gloria, quam dilatare ac propagare laboratis? An ubi Romani nominis transire fama nequit Romani hominis gloria progredietur? 9. Ne vois-tu pas, par conséquent, combien est bornée, combien est restreinte163 la gloire que vous vous évertuez à élargir et à propager ? Est-ce que là où la renommée du nom de Rome n’est pas capable d’atteindre, la gloire d’un homme de Rome parviendra ? 10. Quid quod diuersarum gentium mores inter se atque instituta discordant, ut quod apud alios laude apud alios supplicio dignum iudicetur? 10. Que dire encore du fait que les mœurs et les institutions de ces diverses populations diffèrent entre elles, au point que ce qui chez les unes est jugé louable, chez les autres est digne de châtiment ? 11. Quo fit ut si quem famae praedicatio delectat, huic in plurimos populos nomen proferre nullo modo conducat. 11. Il en résulte que si la proclamation de la renommée ravit quelqu’un, en aucune manière il ne doit répandre son nom parmi un grand nombre de peuples. 12. Erit igitur peruagata inter suos gloria quisque contentus et intra unius gentis terminos praeclara illa famae immortalitas coartabitur. 12. Par conséquent, chacun se contentera d’une gloire promenée parmi les siens, et cette étincelante immortalité de la renommée sera contenue à l’intérieur des limites d’une unique population.
161 Comme l’attestaient certains historiens anciens, tel Ammien Marcellin (c. 330c. 395), les Romains menèrent longtemps une guerre contre les Parthes, qu’ils identifiaient entre autres aux Perses – voir Histoires, XVIII-XIX et XXIII-XXIV. Pour l’expression Parthis formidolosa, voir (Gruber, 1978, p. 216) Horace, Lettres, II, I, 256 (à Auguste) : « formidatam Parthis te principe Romam (dicere) = (faire allusion) aux Parthes, sous ton règne, devant Rome redoutée ». 162 Pour rendre la tournure id + génitif (cf. II, 4, 7), il conviendrait de traduire : et de tous les autres peuples de ce qu’il y avait de contrées. 163 Ne laissons pas échapper la variatio sermonis déployée par Boèce dans les § 6 à 9 pour exprimer ce qui est comprimé ou étroit : circumsaeptus, conclusus, angustus, artatus, exiguus et limes (§ 6), breuis (§7) et compressus (§ 9).
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13. Sed quam multos clarissimos suis temporibus uiros scriptorum inops deleuit obliuio! Quamquam quid ipsa scripta proficiant, quae cum suis auctoribus premit longior atque obscura uetustas? 13. Mais combien furent nombreux les hommes très illustres en leur temps que l’oubli a anéanti, faute d’écrits164 ! Et d’ailleurs, en quoi les écrits eux-mêmes sont-ils profitables, eux qu’une patine très ancienne et obscure recouvre165 avec leurs auteurs ? 14. Vos uero immortalitatem uobis propagare uidemini cum futuri famam temporis cogitatis. 14. Et vous, vous vous voyez perpétuer votre immortalité quand vous songez à la renommée du temps à venir. 15. Quod si ad aeternitatis infinita spatia pertractes, quid habes quod de nominis tui diuturnitate laeteris? 15. Que si tu sondes les espaces infinis de l’éternité, quel motif as-tu de te réjouir quant à la longévité de ton nom166 ? 16. Vnius etenim mora momenti si decem milibus conferatur annis, quoniam utrumque spatium definitum est, minimam licet, habet tamen aliquam portionem; at hic ipse numerus annorum eiusque quamlibet multiplex ad interminabilem diuturnitatem ne comparari quidem potest. 16. Et en effet, si l’on compare à la durée d’un seul moment celle de dix mille années167, puisque l’un et l’autre espaces de temps sont déterminés, quoique minimes ils possèdent cependant une certaine proportion168 ; or ce nombre d’années lui-même, et celui qu’on voudra de ses multiples, ne peut assurément pas être comparé à une longévité interminable. 164 Cf. (Gruber, 1978, p. 217) Horace, Odes, IV, IX, 25 : « Vixere fortes ante Agamemnon / Multi; sed omnes illacrimabiles / Urgentur ignotique longa / Nocte; carent quia vate sacro = Beaucoup de valeureux ont vécu avant Agamemnon ; mais ils sont tous étouffés et ignorés par la longue nuit, parce qu’ils manquent d’un poète sacré ». Cette remarque confirme (voir supra, I, 4, 25) qu’aux yeux de Boèce seul un écrit permet à son auteur, malgré la réserve qui suit, d’entrer dans la postérité. 165 Pour premit vetustas, voir (Gruber, ibid.) Horace, Lettres, II, II, 118 (à Julius Florus) : (le poète fera revivre la langue des Catons et des Cethegus), lui qui « nunc situs informis premit et deserta uetustas = languit aujourd’hui dans un lamentable état de délaissement et une patine de renoncement ». 166 Nominis diuturnitas : on notera la synecdoque, fondée sur le principe d’inclusion, sachant qu’il s’agit de la longévité de la renommée du nom, c’est-à-dire le grand nombre d’années durant lequel elle a cours. 167 Sur ces dix-mille ans, qui correspondraient à la Grande Année cosmique (durée nécessaire à la révolution complète de l’univers entier), voir J-Y. Guillaumin (2002, p. 161, n. 61). 168 C’est-à-dire : fondent entre eux un rapport de grandeur.
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TRADUCTION
17. Etenim finitis ad se inuicem fuerit quaedam, infiniti uero atque finiti nulla umquam poterit esse collatio. 17. Et en effet, il y aurait une certaine comparaison sur des choses finies entre elles, mais d’une infinie et d’une finie il ne pourra jamais y en avoir aucune. 18. Ita fit, ut quamlibet prolixi temporis fama, si cum inexhausta aeternitate cogitetur, non parua sed plane nulla esse uideatur. 18. Il s’ensuit qu’une renommée, prolongée dans le temps autant qu’on voudra, si on la compare avec l’éternité inépuisable, semble être non pas infime mais entièrement nulle. 19. Vos autem nisi ad populares auras inanesque rumores recte facere nescitis et relicta conscientiae uirtutisque praestantia de alienis praemia sermunculis postulatis. 19. Mais vous, vous ne savez pas agir droitement sinon pour les faveurs populaires et les vaines rumeurs169, et, oubliant l’éminence de la conscience et de la vertu, vous vous mettez en quête de récompenses à propos de racontars étrangers170. 20. Accipe in huius modi arrogantiae leuitate quam festiue aliquis illuserit. Nam cum quidam adortus esset hominem contumeliis, qui non ad uerae uirtutis usum, sed ad superbam gloriam falsum sibi philosophi nomen induerat, adiecissetque iam se sciturum an ille philosophus esset, si quidem inlatas iniurias leniter patienterque tolerasset, ille patientiam paulisper assumpsit acceptaque contumelia uelut insultans: «iam tandem», inquit, «intellegis me esse philosophum?» tum ille nimium mordaciter: «Intellexeram,» inquit, «si tacuisses». 20. Apprends de quelle façon quelqu’un s’est joué plaisamment de la vanité d’une prétention de ce genre. Car alors qu’un individu avait agoni d’outrages un homme qui s’était revêtu, non pas pour la pratique de la vraie vertu, mais en vue d’une gloire superbe, du faux nom de philosophe, et avait ajouté qu’il saurait alors si l’homme était philosophe si du moins il supportait calmement et patiemment les injures lancées, l’homme 169 Populares auras inanesque rumores : cette formule aboute deux expressions qui apparaissent un peu galvaudées dans la littérature latine classique – voir Virgile, Énéide, VI, 816 et Horace, Odes, III, II, 20 pour la première, et Cicéron, Contre Pison, 57 pour la seconde – Gruber (1978, p. 218). 170 C’est-à-dire : à propos de racontars qui émanent de personnes qui vous sont étrangères.
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s’arma un moment de patience et, les insultes endurées, comme par insolence : « Désormais », dit-il, « comprends-tu enfin que je suis philosophe ? ». À quoi l’autre, par trop mordant : « Je l’aurais compris », dit-il, « si tu t’étais tu »171. 21. Quid autem est quod ad praecipuos uiros de his enim sermo est, qui uirtute gloriam petunt, quid, inquam, est quod ad hos de fama post resolutum morte suprema corpus attineat? 21. Or qu’y a-t-il qui puisse atteindre les hommes supérieurs – mon discours les concerne, en effet, eux qui aspirent à la gloire par la vertu –, qu’y a-t-il, dis-je, qui puisse les atteindre concernant leur renommée, une fois le corps décomposé par la mort souveraine ? 22. Nam si, quod nostrae rationes credi uetant, toti moriuntur homines, nulla est omnino gloria, cum is cuius ea esse dicitur non exstet omnino. 22. Car si – ce que nos théories défendent de croire – les hommes meurent tout entiers172, il n’y a absolument aucune gloire, puisque celui à qui elle est dite appartenir n’existe absolument plus. 23. Sin uero bene sibi mens conscia, terreno carcere resoluta, caelum libera petit, nonne omne terrenum negotium spernat, quae se caelo fruens terrenis gaudet exemptam? 23. Si, au contraire, l’esprit, bien conscient de lui-même, délivré de sa prison terrestre173, aspire, libéré, au ciel, ne dédaignera-t-il pas toute affaire terrestre, lui qui, jouissant du ciel, sera heureux d’être exempté des choses terrestres174 ?
171 Cf. Macrobe, Saturnales, VII, I, 11 : « Orator non aliter nisi orando probetur, philosophus non minus tacendo pro tempore quam loquendo philosophatur = L’orateur n’est prouvé qu’en discourant, le philosophe n’est pas moins attesté philosophe en se taisant un temps qu’en parlant » – Gruber (1978, p. 219). 172 Cf. supra, II, 4, 28. Sur ce jugement, voir par ailleurs notre Introduction, p. 118. 173 Boèce aborde en l’occurrence, et pour la première et seule fois dans une prose (voir infra, III, VI, 5 ; III, XI, 9-10 ; V, III, 8 et 22 ; V, IV, 11-13), la thématique du corps-prison pour l’âme, très répandue chez les philosophes grecs, au moins depuis Platon (voir Phédon, 62b, et celle du corps-tombeau (Phèdre, 250c). Elle seront reprises par nombre de penseurs latins, chrétiens comme profanes – voir Augustin, Contre Julien, IV, XV, 78, citant Cicéron à la fin de l’Hortensius, un dialogue aujourd’hui perdu : « nostros animos cum corporibus copulatos, ut vivos cum mortuis esse conjunctos = nos esprits, couplés avec nos corps, sont comme des vivants joints à des morts ». 174 Malgré un effet de lourdeur en français, nous respectons les trois occurrences de l’adjectif terrenus.
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TRADUCTION
Metrum VII – Mètre VII Ph. – 1. Quicumque solam mente praecipiti petit summumque credit gloriam, late patentes aetheris cernat plagas artumque terrarum situm; 5. breuem replere non ualentis ambitum pudebit aucti nominis. Quiconque recherche ardemment la seule gloire Et croit que c’est le bien suprême, Qu’il regarde l’éther, ses vastes étendues175, Et le site étroit de la terre : Il aura honte d’un nom surfait, incapable De remplir un petit espace. Quid, o superbi, colla mortali iugo frustra leuare gestiunt? Licet remotos fama per populos means 10. diffusa linguas explicet et magna titulis fulgeat claris domus, mors spernit altam gloriam, inuoluit humile pariter et celsum caput aequatque summis infima. Pourquoi, orgueilleux, cherchent-ils à alléger En vain leur cou du joug de mort ? Et si la Renommée par les peuples lointains Se diffuse et délie les langues176, Si de ses titres brille une grande maison, La mort honnit l’excès de gloire177 ; Chef humble ou fier178, elle l’enveloppe aussi bien, Égalant l’immense à l’infime.
175 Variation sur l’expression virgilienne aetheria plaga (Énéide I, 394 = IX, 638) – Gruber (2006, p. 224). 176 Sur les langues de la Renommée, voir Virgile, Énéide, IV, 182. 177 Sur ce topos, voir Horace, Odes, I, 4, 13-20 – Gruber (2006, p. 224). 178 L’expression celsum caput est fréquente dans la poésie impériale (voir Sénèque, Phèdre, 656 ; Silius Italicus, La guerre punique, III, 264 et 456 ; Stace, Silves, I, 1, 32 – Gruber, 2006, p. 224).
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15. Vbi nunc fidelis ossa Fabricii manent quid Brutus aut rigidus Cato? Signat superstes fama tenuis pauculis inane nomen litteris. Sed quod decora nouimus uocabula, 20. num scire consumptos datur? Où sont ores les os du loyal Fabricius179, Et Brutus et Caton le rude ? La Renommée, survivante180 et chétive, signe En quelques lettres un nom vain. Mais si nous connaissons des mots prestigieux, Les morts peuvent-ils le savoir181? Iacetis ergo prorsus ignorabiles nec fama notos efficit. Quodsi putatis longius uitam trahi mortalis aura nominis, 25. cum sera uobis rapiet hoc etiam dies, iam uos secunda mors manet. Vous gisez donc dans une ignorance totale Sans que la Renommée ne vous rende connus. Si vous pensez que votre vie est rallongée Par le souffle d’un nom mortel, Quand un jour, tard, vous ravira même cela, Vous reste la seconde mort182. 179 Illustration du topos bien connu Ubi sunt (où sont les grandes figures du passé ? : voir Lucrèce, De la Nature, III, 1024-1052 ; Horace, Odes, I, 28, 1-20) par des exemples romains traditionnels : Gaius Fabricius Luscinus, qui fut loyal, même dans ses relations avec le roi d’Épire Pyrrhus contre lequel il faisait la guerre (s. III av. J.-C.). « Brutus » (v. 16) peut renvoyer au premier consul de Rome (voir Tite-Live, Histoire de Rome, I, 56, 7) ou au co-assassin de César. « Caton » (v. 16) doit désigner Caton d’Utique, le rigide Stoïcien opposant à César. Claudien les convoque souvent ensemble : voir Panégyrique pour le consulat de Manlius Théodorus, 163-165 (voir Charlet, t. III, p. 268, n. 44) ; Éloge de Stilicon, II, 378-385 (v. 382 « rigidos… Catones » – voir Id., ibid. ; cf. Martial, Épigrammes, X, 19 [20], 21 et XI, 2, 1-2). 180 L’expression superstes fama remonte à Horace (Odes, II, 2, 8) ; on la retrouve chez Ovide (Tristes, III, 7, 50) et Dracontius (Louanges de Dieu, III, 470) – Gruber (2006, p. 225). 181 À rapprocher de Cicéron, De la République, VI, 22-23 (Gruber, 2006, p. 225). 182 La seconde mort correspond à la disparition de la mémoire des vivants (voir Traina, 1970, p. 99, qui renvoie à Cicéron, Songe de Scipion, XVII), et non à la mort de l’âme comme dans la conception chrétienne (voir Vulgate, Ap 2, 11 ; 20, 6 et 14 ; 21, 8).
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Prosa 8 1. Sed ne me inexorabile contra fortunam gerere bellum putes: est aliquando cum de hominibus fallax illa nihil bene mereatur, tum scilicet cum se aperit, cum frontem detegit moresque profitetur. Prose 8 1. Ph. – Mais ne crois pas que je mène contre Fortune une guerre inexorable ; il arrive parfois qu’à un certain moment, en rien trompeuse, celle-ci rende bien service aux hommes, à savoir quand elle se découvre, quand elle dégage son front et révèle ses mœurs. 2. Nondum forte quid loquar intellegis; mirum est quod dicere gestio, eoque sententiam uerbis explicare uix queo. 2. Tu ne comprends peut-être pas encore ce que je veux exprimer ; ce que je suis impatiente de dire est étonnant, et en cela je suis à peine en état d’expliquer ma conception par des mots. 3. Etenim plus hominibus reor aduersam quam prosperam prodesse fortunam; illa enim semper specie felicitatis, cum uidetur blanda, mentitur, haec semper uera est, cum se instabilem mutatione demonstrat. 3. Et en effet, je soutiens que la fortune adverse est plus profitable aux hommes que la propice ; en effet, celle-ci ment toujours sous l’apparence de la félicité, lorsqu’elle paraît séduisante, celle-là est toujours vraie lorsqu’elle se montre instable par son inconstance. 4. Illa fallit, haec instruit; illa mendacium specie bonorum mentes fruentium ligat, haec cognitione fragilis, felicitatis absoluit; itaque illam uideas uentosam fluentem suique semper ignaram, hanc sobriam succinctamque et ipsius aduersitatis exercitatione prudentem. 4. La première trompe, la seconde instruit, la première enchaîne les esprits de ceux qui en jouissent par le leurre de biens fallacieux, la seconde libère par la connaissance de la félicité fragile ; ainsi donc, tu verras la première capricieuse, relâchée183 et s’ignorant toujours ellemême, la seconde réservée, tenue et prévoyante par expérience de l’adversité elle-même. 183 Nombre de traducteurs ont choisi de rattacher le couple d’adjectifs antinomiques fluens – succincta, que nous avons rendu par « relâchée – tenue », au domaine vestimentaire, en optant par exemple, pour « les vêtements flottants – la tunique serrée » (Bocognano, 1937, p. 83), ou « débraillée – strictement vêtue » (Guillaumin, 2002, p. 60). Nous ne les avons pas suivis, estimant que la description doit s’entendre tout entière en un sens figuré.
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5. Postremo felix a uero bono deuios blanditiis trahit, aduersa plerumque ad uera bona reduces unco retrahit. 5. Enfin, la fortune heureuse entraîne ceux qui s’égarent loin du vrai bien par des flatteries, l’adverse traîne par le croc184 la plupart de ceux qu’elles ramènent aux vrais biens. 6. An hoc inter minima aestimandum putas, quod amicorum tibi fidelium mentes haec aspera, haec horribilis fortuna detexit? Haec tibi certos sodalium uultus ambiguosque secreuit, discedens suos abstulit, tuos reliquit. 6. Penses-tu qu’il faille estimer au nombre des choses de moindre importance le fait que cette sévère, cette surprenante Fortune t’a découvert la mentalité de tes amis fidèles ? C’est elle qui a séparé pour toi les visages de tes camarades en sincères et en hypocrites, et qui, en s’en allant, a entraîné les siens avec elle et t’a laissé les tiens. 7. Quanti hoc integer et, ut uidebaris tibi, fortunatus emisses? Nunc et amissas opes querere: quod pretiosissimum diuitiarum genus est, amicos inuenisti. 7. Quel prix aurais-tu payé pour cela quand tu étais comblé et, à ce qu’il te semblait, fortuné ? Lamente-toi maintenant aussi sur tes richesses perdues ! Tu as trouvé ce qui est le genre de trésors le plus précieux : des amis185. Metrum VIII – Mètre VIII Ph. – 1. Quod mundus stabili fide concordes uariat uices, quod pugnantia semina 184 Reduces unco : cf. Juvénal, Satires, X, 66 : « Sejanus ducitur unco = Séjan tiré par le croc », qui renvoie à la façon dont on traînait les cadavres des suppliciés à l’aide d’un croc pour les exposer sur les Gémonies, gradins aménagés sur les pentes du Capitole. Ici, la métaphore doit être édulcorée, Philosophie voulant seulement dire que la fortune adverse est capable de contraindre très fermement pour le salut de l’individu. 185 O’Donnell (1979, ad loc.) place ce paragraphe sous la dépendance du De l’amitié de Cicéron (VI, 20) : « Est… amicitia nihil aliud nisi omnium diuinarum humanarumque rerum cum beneuolentia et caritate consensio; qua quidem haud scio an excepta sapientia nihil melius homini sit a dis immortalibus datum. Diuitias alii praeponunt, bonam alii ualetudinem, alii potentiam, alii honores, multi etiam uoluptates = L’amitié n’est rien d’autre que l’harmonisation des choses divines et humaines par la générosité et l’estime. Je ne connais assurément pas de meilleur don accordé aux hommes par les dieux immortels que l’amitié, excepté la sagesse. Certains préfèrent les richesses, d’autres la santé, d’autres la puissance, d’autres encore les honneurs, et beaucoup préfèrent même les plaisirs ».
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TRADUCTION
foedus perpetuum tenent, 5. quod Phoebus roseum diem curru prouehit aureo, Que le monde stable en sa foi186 Varie ses tours en harmonie, Que les semences187 dans leur lutte Observent un pacte éternel, Que Phébus188 sur son char en or Fasse avancer le jour rosé ut quas duxerit Hesperos Phoebe noctibus imperet, ut fluctus auidum mare 10. certo fine coherceat, Pour que Phébé commande aux nuits Qui sont guidées par Hespéros189, Pour que la mer avide190 tienne Ses flots dans des frontières fixes, ne terris liceat uagis latos tendere terminos, hanc rerum seriem ligat terras ac pelagus regens 15. et caelo imperitans amor. Pour que la terre à l’aventure Ne puisse élargir ses limites, Ce qui lie cet ordre des choses Et régit la mer et les terres, Commandant au ciel, c’est l’amour191. 186 L’expression stabili fide avait été employée négativement par Prudence à propos de la foi chancelante de Pierre (Hamartigénie, préface du livre II, v. 38 – Gruber, 2006, p. 230). 187 Le terme semina est lucrétien, mais Martianus Capella l’avait déjà associé à pugnantia (Noces, I, 1, v. 3). 188 Le soleil : voir supra, I, III, 9 et la note y afférente. La couleur rosée (v. 6) est traditionnellement associée au lever du jour et du soleil (cf. supra, I, 2, 8). Phébé (v. 7), la sœur de Phébus, est la lune (Diane). 189 Voir supra, I, 5, 10 et la note y afférente. 190 L’expression auidum mare désignait chez Lucrèce la mer avide d’engloutir les fleuves (De la nature, I, 1031) et chez Horace, avide d’engloutir les marins (Odes, I, 28, 18 – Gruber, 2006, p. 230). 191 Sur le thème de l’amour, voir notre Introduction, p. 109-112.
LIVRE II271
Hic si frena remiserit, quicquid nunc amat inuicem bellum continuo geret et, quam nunc socia fide 20. pulchris motibus incitant, certent soluere machinam. Si celui-ci lâche le frein, Tout ce qui s’aime maintenant Se fera aussitôt la guerre192 : La machine mue à présent En confiance, avec beauté, On luttera pour la détruire. Hic sancto populos quoque iunctos foedere continet, hic et coniugii sacrum 25. castis nectit amoribus, hic fidis etiam sua dictat iura sodalibus. L’amour maintient aussi les peuples Unis par un pacte sacré ; Il rend sacré le mariage Par les chastes liens d’amour ; C’est lui qui dicte aussi ses lois Aux camaraderies fidèles. O felix hominum genus, si uestros animos amor 30. quo caelum regitur regat ! Ô bienheureux le genre humain Si l’amour régissait vos cœurs, Lui par qui le ciel est régi193 !
192 Comme le remarque Gruber (2006, p. 231), après Scheible (1972, p. 76), le poète Prudence avait christianisé le thème dans l’Hamartigénie (v. 236-246). 193 Les trois vers de cette exclamation finale répondent aux trois vers de la prière qui clôt le cinquième poème du livre I (I, V, 46-48) : comme le note Gruber (2006, p. 232), le quo caelum regitur du v. 30 fait écho au quo caelum regis de I, V, 47. Par ailleurs, la paronomase regitur, regat reprend le regens qui termine le v. 14.
Livre III Prosa 1 1. Iam cantum illa finiuerat, cum me audiendi auidum stupentemque arrectis adhuc auribus carminis mulcedo defixerat. Prose 1 1. Boèce. – Elle avait à peine fini son chant que moi, avide d’entendre et stupéfait, les oreilles encore dressées, la caresse du poème m’avait envoûté. 2. – Itaque paulo post: O, inquam, summum lassorum solamen animorum, quam tu me uel sententiarum pondere uel canendi etiam iucunditate refouisti, adeo ut iam me posthac imparem fortunae ictibus esse non arbitrer! Itaque remedia quae paulo acriora esse dicebas non modo non perhorresco, sed audiendi auidus uehementer efflagito. 2. C’est pourquoi, je disais un peu après : Ô souverain réconfort des esprits harassés, comme tu m’as revigoré, que ce soit par le poids de tes jugements, ou encore par la satisfaction de t’entendre chanter, au point que désormais je ne m’estime plus désavantagé devant les coups de Fortune1 ! Ainsi, les remèdes qu’il y a peu tu disais plus puissants, non seulement je ne les ai plus en horreur, mais je les réclame vigoureusement, avide de les entendre. 3. – Tum illa: Sensi, inquit, cum uerba nostra tacitus attentusque rapiebas, eumque tuae mentis habitum uel exspectaui uel, quod est uerius, ipsa perfeci; talia sunt quippe quae restant, ut degustata quidem mordeant, interius autem recepta dulcescant. 3. Philosophie – Je l’ai senti, quand, silencieux et attentif, tu t’emparais de mes paroles2, et cet état de ton esprit je l’ai espéré, ou mieux, ce 1 Fortunae ictibus : cf. (Gruber, 1978, p. 233) Ovide, Pontiques, II, VII, 41 : « sic ego continuo Fortunae uulneror ictu… = ainsi moi, blessé par le coup continu de la fortune… », et Lucain, Pharsale, V, 729-730 : « quod nolles stare sub ictu fortunae quo mundus erat Romanaque fata = (à Pompée) ce que tu ne voulais pas exposer au coup de la fortune, sous laquelle se trouvaient le monde et les destinées romaines ». 2 Verba rapiebas : peut-être (Gruber, 1978, p. 233), en dépit de contextes différents, un souvenir probable de Cicéron, Des termes…, III, XIX : « cum de rebus grandioribus dicas, ipsae res verba rapiunt = quand tu traites de choses grandioses, les choses ellesmêmes s’emparent des paroles », ce qui sous-entend que celles-ci deviennent, elles aussi, grandioses.
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qui est plus vrai, je l’ai moi-même préparé ; de fait, les remèdes qu’il te reste à prendre sont tels que certes ils te mordront aussitôt goûtés, mais ils t’apaiseront reçus plus à l’intérieur3. 4. Sed quod tu te audiendi cupidum dicis, quanto ardore flagrares si quonam te ducere aggrediamur agnosceres! 4. Seulement, puisque tu te dis désireux d’écouter, par quelle ardeur tu serais enflammé si tu reconnaissais où nous entreprenons de te conduire ! 5. – Quonam? inquam. – Ad ueram, inquit, felicitatem, quam tuus quoque somniat animus, sed occupato ad imagines uisu ipsam illam non potest intueri. 5. Bo. – Où ? Ph. – À la vraie félicité, que ton esprit voit aussi en rêve, mais, ton regard étant accaparé par des images, celle-ci ne peut être contemplée elle-même4. 6. – Tum ego: Fac, obsecro, et quae illa uera sit sine cunctatione demonstra. 6. Bo. – Fais-le, je t’en conjure, et montre sans retard quelle est cette vraie félicité. 7. – Faciam, inquit illa, tui causa libenter; sed quae tibi [felicitas]5 notior est, eam prius designare uerbis atque informare conabor, ut ea perspecta cum in contrariam partem flexeris oculos, uerae specimen beatitudinis possis agnoscere. 7. Ph. – Je le ferai volontiers dans ton intérêt ; mais cette [félicité], qui t’est bien connue, je m’efforcerai d’abord de la désigner avec des mots puis de t’en informer, afin que, aussitôt celle-ci approfondie, lorsque tu dirigeras les yeux sur la partie opposée, tu pourras reconnaître l’idéal du vrai bonheur.
Autrement dit : aussitôt assimilés. On peut voir dans ces « images » qui accaparent l’attention une première allusion (voir infra, IV, 4, 27) à l’allégorie de la caverne de Platon (v.c. La République, 515a). 5 Les éditeurs, dont Moreschini (p. 59), suppléent ici avec un second « [causa] ». Mais ce terme nous apparaît grammaticalement superflu et dénué de sens en l’occurrence. Nous l’avons donc remplacé par celui de « [felicitas] », qu’impose le contexte. 3 4
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Metrum I – Mètre I Ph. – 1. Qui serere ingenuum uolet agrum liberat arua prius fruticibus, falce rubos filicemque resecat, ut noua fruge grauis Ceres eat. Qui veut ensemencer un champ indigène6 Libère d’abord le terrain des broussailles Et coupe à la faux les ronces et fougères Pour que Cérès7 vienne en lourde moisson neuve. 5. Dulcior est apium mage labor si malus ora prius sapor edat. Gratius astra nitent ubi Notus desinit imbriferos dare sonos. Beaucoup plus doux est l’ouvrage des abeilles Si un mauvais goût ronge d’abord la bouche. Les astres brillent plus agréablement Quand Notus8 cesse ses fracas pluvieux. Lucifer ut tenebras pepulerit 10. pulchra dies roseos agit equos. Tu quoque falsa tuens bona prius incipe colla iugo retrahere: Vera dehinc animum subierint. Lorsque Lucifer9 a chassé les ténèbres, La beauté du jour conduit ses chevaux roses10. Toi aussi, d’abord, regarde les faux biens, Commence par soustraire à leur joug ton cou : Les vrais biens, ensuite, entreront dans ton âme. 6 Le mètre choisi, le falisque (voir notre Introduction, p. 46 et 54, et Gruber, 2006, p. 236-237) est à mettre en rapport avec l’évocation de la campagne qui ouvre ce poème. On remarquera avec Gruber (2006, p. 237) que le tétrasyllabe fruticibus avait été employé à la même place du même mètre très rare par le poète impérial du IIIe siècle Annianus, cité par le grammairien Terentianus Maurus (v. 2003). 7 Cérès-Déméter, déesse des moissons, d’où le nom de « céréales » : voir supra, I, VI, 5 et la note y afférente. 8 Voir supra, II, VI, 12 et la note y afférente. 9 Voir supra, I, V, 13 et la note y afférente. 10 Couleur traditionnelle des chevaux de l’Aurore (et de l’aurore elle-même : voir supra, I, II, 8 et II, III, 1) : Tibulle, I, 3, 94 ; Ovide, Fastes, IV, 714 ; Rutilius Namatianus, I, 430 (Gruber, 2006, p. 238).
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Prosa 2 1. Tum defixo paululum uisu et uelut in augustam suae mentis sedem recepta sic coepit: Prose 2 1. Bo. – Alors, avec un regard un instant fixe, et comme recueillie dans l’auguste séjour de son esprit, elle commença ainsi : 2. – Omnis mortalium cura quam multiplicium studiorum labor exercet diuerso, quidem calle procedit, sed ad unum tamen beatitudinis finem nititur peruenire. Id autem est bonum, quo quis adepto nihil ulterius desiderare queat. 2. Ph. – Toute préoccupation de mortels qu’anime le travail11 de désirs multiples, procède certes par des voies opposées, mais elle s’efforce cependant de parvenir à la fin unique du bonheur. Or ce bonheur est un bien qui, une fois que quelqu’un l’a obtenu, ne laisse rien désirer de plus au delà de lui. 3. Quod quidem est omnium summum bonorum cunctaque intra se bona continens; cui si quid aforet, summum esse non posset, quoniam relinqueretur extrinsecus quod posset optari. Liquet igitur esse beatitudinem statum bonorum omnium congregatione perfectum. 3. Il est assurément la totalisation de tous les biens et contient à l’intérieur de lui-même l’ensemble des biens, lui qui, si quelque chose faisait défaut, ne pourrait pas être souverain, puisqu’il laisserait à l’extérieur quelque chose qui pourrait être choisi. Il est clair, par conséquent, que le bonheur est un état rendu parfait par la réunion de tous les biens. 4. Hunc, uti diximus, diuerso tramite mortales omnes conantur adipisci: est enim mentibus hominum ueri boni naturaliter inserta cupiditas, sed ad falsa deuius error abducit. 4. Ce bonheur, comme nous l’avons dit, tous les mortels s’efforcent de l’atteindre par des routes différentes ; en effet, l’appétit du vrai bien est naturellement incrusté dans l’esprit des hommes, mais l’erreur le conduit à l’écart, dévoyé vers de faux biens.
11 Quam… labor exercet : cf. (Gruber, 1978, p. 237), Virgile, Énéide, I, 431-432 : « Qualis apes æstate nova per florea rura / Exercet sub sole labor = Quel travail, à l’été nouveau par les campagnes fleuries, / Anime les abeilles sous le soleil ».
LIVRE III277
5. Quorum quidem alii summum bonum esse nihilo indigere credentes, ut diuitiis affluant elaborant, alii uero bonum quod sit dignissimum ueneratione iudicantes, adeptis honoribus reuerendi ciuibus suis esse nituntur. 5. Évidemment, certains d’entre eux, croyant que le Bien souverain consiste à ne manquer de rien, œuvrent à se pourvoir abondamment en richesses, et d’autres, jugeant que le bien consiste dans la vénération de ce qui est le plus digne, s’efforcent, grâce aux honneurs acquis, d’être révérés par leurs concitoyens. 6. Sunt qui summum bonum in summa potentia esse constituant; hi uel regnare ipsi uolunt uel regnantibus adhaerere conantur. At quibus optimum quiddam claritas uidetur, hi uel belli uel pacis artibus gloriosum nomen propagare festinant. 6. Il y en a qui situent le Bien souverain dans la puissance souveraine ; ceux-là, soit veulent régner eux-mêmes, soit font effort pour s’attacher aux régnants. Quant à ceux à qui la renommée semble quelque chose d’excellent, ils se hâtent de propager leur nom glorieux dans les arts soit de la guerre soit de la paix. 7. Plurimi uero boni fructum gaudio laetitiaque metiuntur; hi felicissimum putant uoluptate diffluere. 7. Mais la plupart mesurent la récompense du bien au plaisir et à l’allégresse ; ceux-là pensent que devenir le plus heureux consiste à se répandre en volupté. 8. Sunt etiam qui horum fines causasque alterutro permutent, ut qui diuitias ob potentiam uoluptatesque desiderant uel qui potentiam seu pecuniae causa seu proferendi nominis petunt. 8. Il y en a même qui permutent entre elles les fins et les causes de ces biens, comme ceux qui désirent les richesses en vue de la puissance et de la volupté, ou ceux qui aspirent à la puissance à cause soit de l’argent soit d’un nom à diffuser. 9. In his igitur ceterisque talibus humanorum actuum uotorumque uersatur intentio, ueluti nobilitas fauorque popularis, quae uidentur quandam claritudinem comparare, uxor ac liberi, quae iucunditatis gratia petuntur; amicorum uero, quod sanctissimum quidem genus est, non in fortuna sed in uirtute numeratur, reliquum uero uel potentiae causa uel delectationis assumitur.
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9. Par conséquent, dans ces biens et dans tous les autres se retrouve l’intention des humains propre à de tels agissements et à de telles aspirations ; par exemple, la noblesse et la faveur populaire12, qui paraissent disposer à quelque notoriété, une épouse et des enfants, brigués en raison de la satisfaction qu’ils procurent ; quant au cercle des amis, qui est assurément le genre de bien le plus sacré13, il est à mettre au compte non de la fortune mais de la vertu, alors que le reste est revendiqué du fait soit de la puissance, soit de la délectation. 10. Iam uero corporis bona promptum est ut ad superiora referantur; robur enim magnitudoque uidetur praestare ualentiam, pulchritudo atque uelocitas celebritatem, salubritas uoluptatem. 10. Et dès lors, il est aisé de rapporter les biens du corps aux biens précédents. En effet, la robustesse et la grandeur semblent garantir la vaillance ; la beauté et la légèreté, la célébrité ; la santé, la volupté. 11. Quibus omnibus solam beatitudinem desiderari liquet; nam quod quisque prae ceteris petit, id summum esse iudicat bonum. Sed summum bonum beatitudinem esse definiuimus; quare beatum esse iudicat statum quem prae ceteris quisque desiderat. 11. Dans tous ces avantages, il ressort que l’on désire le seul bonheur ; car chacun juge qu’est le Bien souverain celui qu’il demande avant tous les autres. Mais nous avons défini le Bien souverain comme étant le bonheur14 ; c’est pourquoi, chacun juge qu’est bienheureux l’état qu’il désire avant tous les autres. 12. Habes igitur ante oculos propositam fere formam felicitatis humanae: opes, honores, potentiam, gloriam, uoluptates. Quae quidem sola considerans Epicurus, consequenter sibi summum bonum uoluptatem esse constituit, quod cetera omnia iucunditatem animo uideantur afferre. 12 La noblesse romaine, du moins au Bas-Empire, était acquise soit par la splendor natalium soit par la dignitas, autrement dit soit par la noblesse du sang soit par le prestige des rangs ou des charges héréditaires (voir Badel, 2003). Quant à la « faveur » du peuple, il pourrait s’agir soit des applaudissements qui retentissaient lors de spectacles ou de cérémonies publiques, soit du suffrage qui permettait l’attribution de charges publiques par les tribus urbaines et rustiques, que l’on pouvait plus ou moins orienter et encourager, notamment par l’octroi de primes. 13 Cf. supra, II, 8, 7, avec la note y afférente. Il reste surprenant que Boèce, par la bouche de Philosophie, fasse primer ici l’amitié sur la famille, lui qui a tant vanté cette dernière – voir supra, I, 4, 40 ; II, 3, 6 et 8 ; II, 4, 5 et 6. 14 Voir supra, III, 2, 3.
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12. Par conséquent, tu as pour ainsi dire offert devant les yeux la forme de la félicité humaine : richesses, honneurs, puissance, gloire, voluptés. Et assurément, considérant ces biens seuls, Épicure établit, conséquent avec lui, que la volupté est le Bien souverain15, parce que tous les autres semblent procurer à l’esprit de la satisfaction. 13. Sed ad hominum studia reuertor, quorum animus etsi caligante memoria, tamen bonum suum repetit, sed uelut ebrius domum quo tramite reuertatur ignorat. 13. Mais je reviens aux préoccupations des hommes dont l’esprit, malgré une mémoire embrumée, cherche cependant à atteindre de nouveau son bien, mais, comme un individu ébrieux, il ignore par quelle route regagner sa maison. 14. Num enim uidentur errare hi qui nihilo indigere nituntur? Atqui non est aliud quod aeque perficere beatitudinem possit quam copiosus bonorum omnium status nec alieni egens sed sibi ipse sufficiens. 14. Est-ce qu’en effet paraissent se tromper ceux qui s’efforcent de ne manquer de rien ? Il n’est alors point d’autre chose qui puisse autant aboutir au bonheur que l’état qui abonde en tous les biens, n’ayant pas besoin d’apport extérieur mais se suffisant à soi-même. 15. Num uero labuntur hi qui, quod sit optimum, id etiam reuerentiae cultu dignissimum putent? Minime; neque enim uile quiddam contemnendumque est quod adipisci omnium fere mortalium laborat intentio. 15. Et sont-ils défaillants ceux qui croient que ce qu’il y a de mieux est également le plus digne d’un culte qui est de l’ordre de la déférence16 ? Pas le moins du monde ; et en effet, n’est point vil et méprisable quelque chose que l’intention de presque tous les mortels travaille à atteindre.
15 Cicéron (Des termes…, I, XXIX), rapporte le même jugement : « hoc Epicurus in voluptate ponit, quod summum bonum esse volt, summumque malum dolorem = Épicure le [i.e. le bien extrême et ultime] place dans la volupté, qu’il prétend être le bien suprême, et il ajoute que la douleur est le mal suprême » – Gruber (1978, p. 240). 16 La tournure reverentiae cultu dignissimum, avec son génitif épexégétique (ou d’apposition – O’Donnell, 1979, ad loc.), signifie que beaucoup vouent un véritable culte à l’autosuffisance, que Boèce semble identifier ici à l’ataraxie plus particulièrement épicurienne – voir note suivante.
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16. An in bonis non est numeranda potentia? Quid igitur, num imbecillum ac sine uiribus aestimandum est quod omnibus rebus constat esse praestantius? 16. La puissance ne doit-elle pas être comptée parmi les biens ? Quoi donc, doit-on estimer débile et sans forces ce que l’on constate être prépondérant en toutes choses ? 17. An claritudo nihili pendenda est? Sed sequestrari nequit, quin omne quod excellentissimum sit id etiam uideatur esse clarissimum. 17. Le prestige ne doit-il peser en rien ? Mais il ne saurait être mis de côté que tout ce qu’il y a de plus excellent semble être aussi ce qu’il y a de plus notoire. 18. Nam non esse anxiam tristemque beatitudinem nec doloribus molestiisque subiectam quid attinet dicere, quando in minimis quoque rebus id appetitur quod habere fruique delectet? 18. Car, à quoi bon dire que le bonheur n’est point tourment et tristesse, ni soumis aux douleurs et aux chagrins, quand même dans les choses les plus humbles on désire ce dont on chérit la possession et la jouissance ? 19. Atqui haec sunt quae adipisci homines uolunt eaque de causa diuitias, dignitates, regna, gloriam uoluptatesque desiderant, quod per haec sibi sufficientiam, reuerentiam, potentiam, celebritatem, laetitiam credunt esse uenturam. 19. Or si ces avantages sont ce que les hommes veulent atteindre, et ce qui fait qu’ils désirent trésors, dignités, royaumes, gloire et voluptés, c’est qu’ils croient que par ces avantages ils verront venir à eux suffisance17, déférence, puissance, célébrité, allégresse. 20. Bonum est igitur quod tam diuersis studiis homines petunt; in quo quanta sit naturae uis facile monstratur, cum licet uariae dissidentesque sententiae tamen in diligendo boni fine consentiunt. 20. Par conséquent, le bien est ce que les hommes briguent à travers des ardeurs aussi diverses ; on montre facilement que c’est ce en quoi se manifeste une si grande force de la nature, puisque, quoique les conceptions soient variées et éloignées, les hommes tombent cependant d’accord en choisissant le bien pour fin. 17 Sufficientia serait, pour Gruber (1978, p. 242), la traduction de ἱκανότες (« autosuffisance » – v.c. Platon, Lysis, 215a), tandis qu’il s’agirait, pour Asbell (1998, p. 1), de celle d’αὐτάρκεια (« autarcie » ou « suffisance et perfection » – v.c. Platon, Philèbe, 67a).
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Metrum II – Mètre II Ph. – 1. Quantas rerum flectat habenas natura potens, quibus immensum legibus orbem prouida seruet stringatque ligans inresoluto 5. singula nexu, placet arguto fidibus lentis promere cantu. Quelles rênes dirige18 la nature Souveraine et par quelles lois, prudente, Elle sait préserver l’immense disque, Serrer, lier d’un nœud indissoluble Chaque élément, il me plaît de le dire Par un chant clair19, avec des cordes souples. Quamuis Poeni pulchra leones uincula gestent manibusque datas captent escas metuantque trucem 10. soliti uerbera ferre magistrum, Même si les lions puniques20 portent De beaux liens et mangent dans la main De leur féroce dompteur qu’ils redoutent, Habitués à supporter ses coups21, si cruor horrida tinxerit ora, resides olim redeunt animi fremituque graui meminere sui, laxant nodis colla solutis 15. primusque lacer dente cruento domitor rabidas imbuit iras.
18 L’expression flectat habenas est une clausule d’Ovide (Métamorphoses, II, 169) qui adaptait syntaxiquement la clausule virgilienne flectit habenas (Énéide, XII, 471), qu’on lit plus loin en IV, III, 35. 19 L’expression désigne chez Silius Italicus (IV, 86) le chant harmonieux des oiseaux du Tessin (Gruber, 2006, p. 244). 20 Pour cette qualification géographique, voir supra, IV, III, 11 et la note y afférente. 21 Boèce a pu s’inspirer de Martial (Gruber, 2006, p. 245) : « uerbera securi solitus leo ferre magistri = un lion habitué à supporter les coups de son dompteur en sécurité » (II, 75, 1).
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Si le sang mouille leur horrible gueule22, Leur instinct, jadis au repos23, revient ; En rugissant très fort ils se retrouvent, Défont les nœuds et libèrent leur cou ; Leurs crocs sanglants déchirent leur dompteur Qui sent en premier leur ire et leur rage. Quae canit altis garrula ramis ales caueae clauditur antro; huic licet inlita pocula melle 20. largasque dapes dulci studio ludens hominum cura ministret, Dans la haute ramée l’oiseau gazouille Et chante24 ; enfermé au creux d’une cage, Le soin badin d’un homme a beau fournir Des coupes enduites de miel, ainsi, Avec douceur, que des mets abondants, si tamen arto saliens texto nemorum gratas uiderit umbras, sparsas pedibus proterit escas, 25. siluas tantum maesta requirit, siluas dulci uoce susurrat. Pourtant, s’il voit, en sautant sur sa claie Étroite, l’ombre agréable des bois, Il foule aux pieds25 et disperse ces vivres, Ne recherche, affligé, que les forêts, Susurre les forêts d’une voix douce. Validis quondam uiribus acta pronum flectit uirga cacumen; hanc si curuans dextra remisit, 30. recto spectat uertice caelum. Récriture de II, V, 18 dans un autre contexte. L’expression désignait chez Virgile (Énéide, I, 722) l’âme de Didon en paix dans son veuvage, avant de s’éprendre d’Énée. 24 Boèce a pu s’inspirer de Sénèque (Œdipe, 454 cité par Gruber, 2006, p. 246) : « garrula per ramos auis obstrepit = l’oiseau bavard gazouille dans la ramée ». 25 Boèce s’inspire-t-il ici de Claudien (Le Rapt de Proserpine, I, 128 cité par Gruber, 2006, p. 246) à propos d’un jeune veau : « pedibus qui nondum proterit arua = dont le sabot ne foule pas encor les prés » (= Charlet, I, p. 15) ? 22 23
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Cadit Hesperias Phoebus in undas, sed secreto tramite rursus currum solitos uertit ad ortus. Plié un jour d’une robuste force, Le rejeton ploie vers le sol sa cime26 ; Que le lâche la dextre qui le courbe, Il regarde le ciel la pointe droite. Tombe Phébus dans les flots d’Hespérie27, Mais il revient, par un chemin secret, En char28, à son lever accoutumé. Repetunt proprios quaeque recursus 35. redituque suo singula gaudent nec manet ulli traditus ordo, nisi quod fini iunxerit ortum stabilemque sui fecerit orbem. On cherche tous le chemin du retour Et chacun s’éjouit de revenir ; Mais l’ordre transmis, on ne le conserve Que si l’on joint le début à la fin, Que si l’on fait de soi un cercle stable29. Prosa 3 1. – Vos quoque, o terrena animalia, tenui licet imagine uestrum tamen principium somniatis uerumque illum beatitudinis finem licet minime perspicaci qualicumque tamen cogitatione prospicitis, eoque uos et ad uerum bonum naturalis ducit intentio et ab eodem multiplex error abducit. Prose 3 1. Ph. – Vous aussi, ô animaux terrestres, quoique par une représentation ténue, vous rêviez pourtant de votre origine, et par une certaine réflexion, encore que fort peu perspicace, vous discerniez pourtant cette véritable fin du bonheur, en cela précisément un penchant naturel à la
26 Boèce s’inspire-t-il d’un passage de l’Art d’aimer (II, 179) d’Ovide cité par Gruber (2006, p. 246) : « flectitur obsequio curuatus ab arbore ramus = le rameau d’un arbre courbé avec précaution se plie » ? 27 Récriture de supra, I, II, 16 et les deux notes y afférentes. 28 Le char du Soleil, représentation traditionnelle, est déjà évoqué en II, III, 1. 29 Notion importante placée en fin de poème, comme en I, I, 22.
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fois vous conduit vers le bien véritable et vous en éloigne par une même erreur multiforme. 2. Considera namque an per ea quibus se homines adepturos beatitudinem putant ad destinatum finem ualeant peruenire. 2. Et de fait, considère si les hommes, par ces moyens par lesquels ils se pensent destinés à atteindre le bonheur, sont capables de parvenir à la fin projetée. 3. Si enim uel pecunia uel honores ceteraque tale quid afferunt cui nihil bonorum abesse uideatur, nos quoque fateamur fieri aliquos horum adeptione felices. 3. Si, en effet, l’argent, les honneurs ou tous les autres avantages leur apportent quelque chose de tel que rien de ce qui relève des biens ne semble absent, nous aussi nous reconnaîtrons que par leur acquisition certains d’entre eux sont rendus heureux. 4. Quodsi neque id ualent efficere quod promittunt bonisque pluribus carent, nonne liquido falsa in eis beatitudinis species deprehenditur? 4. Que si ces avantages ne sont pas capables de réaliser ce qu’ils promettent, et si les hommes manquent de plusieurs biens, n’est-il pas patent qu’en ce qui les concerne est appréhendé un faux-semblant de bonheur ? 5. Primum igitur te ipsum, qui paulo ante diuitiis affluebas, interrogo: Inter illas abundantissimas opes numquamne animum tuum concepta ex qualibet iniuria confudit anxietas? 5. Par conséquent, je t’interroge le premier, toi en personne, qui, il y a peu, regorgeais de trésors : au milieu de ces richesses les plus abondantes, une anxiété, conçue à la suite de quelque blessure que ce soit, n’a-t-elle jamais pénétré ton esprit ? 6. – Atqui, inquam, libero me fuisse animo, quin aliquid semper angerer reminisci non queo. 6. Bo. – Eh bien, que je me sois retrouvé l’esprit libre, sans qu’il y eut toujours en moi quelque chose par quoi je fusse tourmenté, je ne parviens pas à m’en souvenir. 7. – Nonne quia uel aberat quod abesse non uelles uel aderat quod adesse noluisses? – Ita est, inquam.
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7. Ph. – N’est-ce pas parce que ou bien il n’y avait pas ce que tu voulais qu’il y eût30, ou bien il y avait ce que tu ne voulais pas qu’il y eût ? Bo. – C’est ainsi. 8. – Illius igitur praesentiam, huius absentiam desiderabas? – Confiteor, inquam. 8. Ph. – Par conséquent, tu désirais la présence du premier, l’absence du second ? Bo. – Je le confesse. 9. – Eget uero, inquit, eo quod quisque desiderat? – Eget, inquam. – Qui uero eget aliquo non est usquequaque sibi ipse sufficiens. – Minime, inquam. 9. Ph. – Mais on manque de ce que l’on désire ? Bo. – On en manque. Ph. – Et celui qui manque de quelque chose ne se suffit pas à lui-même en toute chose. Bo. – Pas le moins du monde. 10. – Tu itaque hanc insufficientiam plenus, inquit, opibus sustinebas? – Quidni? inquam. 10. Ph. – Or toi, plein de cette insuffisance31, tu te sustentais de ces richesses32 ? Bo. – Pourquoi non ? 11. – Opes igitur nihilo indigentem sufficientemque sibi facere nequeunt, et hoc erat quod promittere uidebantur. 11. Ph. – Les richesses, par conséquent, ne sauraient faire que l’on ne manque de rien et que l’on se suffise à soi-même, et c’était ce qu’elles semblaient promettre. 30 Ou encore : « il manquait ce dont tu n’aurais pas voulu qu’il manquât ». Aberat quod abesse noluisses, littéralement : « il n’y avait pas ce que tu ne voulais pas qu’il n’y eût pas ». Boèce se trouve contraint de complexifier la première partie de son diagnostic en employant deux tournures privatives (abesse non velles), qui s’annulent dans une affirmation (laquelle aurait dû être : adesse velles), afin de pouvoir construire chacune des deux parties sur un seul verbe : abesse pour la première, adesse pour la seconde, les deux créant une correspondance antinomique que nous essayons de conserver. 31 Hanc insufficientiam plenus : ne manquons point l’oxymore. 32 Comme le paragraphe suivant va le préciser, l’idée exprimée est celle d’une nourriture qui, tout en étant sans cesse désirée et administrée, ne rassasie jamais. Seule la consistance de la denrée nous sépare du « tonneau des Danaïdes ».
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12. Atqui hoc quoque maxime considerandum puto, quod nihil habeat suapte natura pecunia ut his a quibus possidetur inuitis nequeat auferri. – Fateor, inquam. 12. Or je pense qu’il faut aussi considérer ce point capital que, par sa propre nature, l’argent n’a rien qui ne puisse être retiré contre leur gré à ceux qui le possèdent. Bo. – Je l’avoue. 13. – Quidni fateare, cum eam cotidie ualentior aliquis eripiat inuito? Vnde enim forenses querimoniae, nisi quod uel ui uel fraude nolentibus pecuniae repetuntur ereptae? – Ita est, inquam. 13. Ph. – Comment ne pas l’avouer, quand quotidiennement quelqu’un de plus fort dépouille une personne contre son gré ? D’où proviennent, en effet, les lamentations du Forum33, sinon de ce qu’y sont réclamées des sommes d’argent arrachées, soit par la force, soit par la fourberie, à ceux qui ne le veulent pas ? Bo. – C’est ainsi. 14. – Egebit igitur, inquit, extrinsecus petito praesidio, quo suam pecuniam quisque tueatur. 14. Ph. – Par conséquent, on aura besoin d’un secours demandé à l’extérieur, par lequel chacun protégera son argent. 15. – Quis id, inquam, neget? – Atqui non egeret eo, nisi possideret pecuniam, quam possit amittere. 15. Bo. – Qui le nierait ? Ph. – Et cependant on n’en manquerait pas si l’on ne possédait pas de l’argent que l’on pût perdre. 16. Dubitari, inquam, nequit. – In contrarium igitur relapsa res est; nam quae sufficientes sibi facere putabantur opes alieno potius praesidio faciunt indigentes. 16. Bo. – On n’en saurait douter. Ph. – Par conséquent, la chose qui en découle va dans le sens contraire de ce qui a été envisagé ; car les richesses dont on pensait qu’elles 33 Vers l’an - 70, l’activité des préteurs urbains se vit transférer à l’extrémité est du Forum romain, à savoir dans le Tribunal Aurelium – ainsi nommé peut-être parce qu’il fut réalisé sous la préture de Caïus Aurelius Cotta en - 81 –, lieu où devaient se dérouler des procès publics, bien que Cicéron, qui est, pour nous, le seul à en faire mention, l’ait fait dans un contexte non judiciaire – voir Kardos (1993. p. 258-259).
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rendent suffisant à soi-même, rendent plutôt dépendant d’un secours étranger. 17. Quis autem modus est quo pellatur diuitiis indigentia? Num enim diuites esurire nequeunt, num sitire non possunt, num frigus hibernum pecuniosorum membra non sentiunt? 17. Et de quelle manière la dépendance est-elle repoussée par des trésors ? En effet, les détenteurs de trésor ne sauraient-ils avoir faim, ne peuvent-ils avoir soif ? Les membres des riches ne ressentent-ils pas le froid de l’hiver ? 18. Sed adest, inquies, opulentis quo famem satient, quo sitim frigusque depellant. Sed hoc modo consolari quidem diuitiis indigentia potest, auferri penitus non potest; nam si haec hians semper atque aliquid poscens opibus expletur, maneat necesse est quae possit expleri. 18. Mais, diras-tu, il est à la disposition des opulents un moyen par lequel ils assouvissent la faim, par lequel ils repoussent la soif et le froid. Seulement, de cette manière la dépendance peut certes être compensée par des trésors mais ne peut absolument pas être supprimée ; car si elle est toujours béante de convoitise et réclame quelque chose une fois comblée de richesses, il est nécessaire que demeure un besoin qui ne puisse être comblé. 19. Taceo, quod naturae minimum, quod auaritiae nihil satis est. Quare si opes nec summouere indigentiam possunt et ipsae suam faciunt, quid est quod eas sufficientiam praestare credatis? 19. Je tais le fait que fort peu est suffisant à la nature et que rien ne l’est à l’avidité. C’est pourquoi, si les richesses ne peuvent écarter le manque et créent elles-mêmes le leur, qu’y a-t-il en elles pour que vous les croyiez procurer la suffisance ? Metrum III – Mètre III Ph. – 1. Quamuis fluente diues auri gurgite non expleturas cogat auarus opes oneretque bacis colla rubri litoris ruraque centeno scindat opima boue, 5. nec cura mordax deserit superstitem defunctumque leues non comitantur opes. Même si à flot d’or le riche avare amasse
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Un magot qui jamais ne le rassasiera Et qu’il charge son cou des baies de la Mer Rouge34, Qu’il laboure à cent bœufs une grasse campagne35, Un soin mordant36 ne le lâche pas tant qu’il vit ; Volatiles, les biens ne suivent pas le mort37. Prosa 4 1. – Sed dignitates honorabilem reuerendumque cui prouenerint reddunt. Num uis ea est magistratibus ut utentium mentibus uirtutes inserant, uitia depellant? Prose 4 1. Ph. – Mais les dignités payent d’honorabilité et de respectabilité celui à qui elles sont conférées. Est-ce qu’il y a dans les magistratures une capacité telle qu’elles greffent des vertus dans les esprits de ceux qui les exercent et en détournent les vices ? 2. Atqui non fugare, sed inlustrare potius nequitiam solent. Quo fit ut indignemur eas saepe nequissimis hominibus contigisse; unde Catullus, licet in curuli Nonium sedentem, strumam tamen appellat. 2. Et pourtant, elles ont l’habitude non pas de faire fuir mais plutôt de mettre en lumière la corruption. Ce qui fait que nous nous indignons qu’elles échoient souvent aux hommes les plus corrompus ; d’où Catulle38 34 Cette périphrase désigne les perles (cf. Horace, Épodes, VIII, 14, réputées abondantes dans la mer Rouge (voir Sulpicia [Tibulle], III, 8, 19-20 ; Lucain, Pharsale, X, 139-140 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 659-662 ; Dracontius, Louanges de Dieu, I, 319), au sens antique (plus vaste) du terme. 35 Même refus associant aux richesses précieuses la richesse agricole symbolisée par le nombre de bœufs de labour chez Lygdamus ([Tibulle] III, 3, 11-12) : « nam graue quid prodest pondus mihi diuitis auri, / aruaque si findant pinguia mille boues ? = car, que me sert un lourd tas d’or qui enrichit ou si mille bœufs ouvrent de grasses terres ? » ; et surtout Sénèque, Les Troyennes, 1019-1021 : « remouete multo / diuites auro, remouete centum / rura qui scindunt opulenta bubus = éloignez les riches avec tout leur or, éloignez ceux qui, avec cent bœufs, fendent les camapagnes opulentes » (cités par Gruber, 2006, p. 250). 36 L’image de la morsure des soucis, employée aussi dans une prose ultérieure (III, 9, 20), se rencontre chez Ovide, Pontiques, I, I, 74, cité par Gruber, ibid. 37 Pour ce topos, voir par exemple Properce, Élégies, III, 5, 13-14, cité par Gruber, ibid. 38 Voir Poème LII (In Novium) : « Quid est, Catulle? quid moraris emori? / Sella in curulei struma Nonius sedet, / per consulatum peierat Vatinius: / quid est, Catulle? quid moraris emori? = Que fais-tu, Catulle, pourquoi tardes-tu à mourir ? / Nonius, la strume, trône sur une chaise curule ; / Vatinius se parjure par son consulat : / Que fais-tu, Catulle, pourquoi tardes-tu à mourir ? ». Lafaye (1923), indique que ce poème a été très souvent cité par les grammairiens de la basse Antiquité, comme Caesius Bassus († 79), Atilius Fortunatianus (s. IV) et Marius Victorinus, par l’intermédiaire duquel Boèce a pu le connaître.
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n’appelait pas moins Nonius, bien qu’assis sur une chaise curule39, « strume »40. 3. Videsne quantum malis dedecus adiciant dignitates? Atqui minus eorum patebit indignitas si nullis honoribus inclarescant. 3. Vois-tu combien les dignités ajoutent de l’ignominie aux gens méchants ? Eh bien, leur indignité serait moins évidente s’ils ne se distinguaient par nuls honneurs. 4. Tu quoque num tandem tot periculis adduci potuisti ut cum Decorato gerere magistratum putares, cum in eo mentem nequissimi scurrae delatorisque respiceres? 4. Toi aussi, comment as-tu pu, en fin de compte, être amené à tant de périls, comme lorsque tu as pensé exercer la magistrature avec Decoratus41, alors que tu discernais en lui l’esprit le plus corrompu du gandin et du délateur42. 5. Non enim possumus ob honores reuerentia dignos iudicare quos ipsis honoribus iudicamus indignos. 5. En effet, nous ne pouvons juger dignes de déférence au vu des honneurs ceux que nous jugeons indignes de ces honneurs mêmes. 6. At si quem sapientia praeditum uideres, num posses eum uel reuerentia uel ea, qua est praeditus, sapientia non dignum putare? – Minime. 6. Or si tu voyais quelqu’un pourvu de sagesse, pourrais-tu ne pas l’estimer digne soit de déférence, soit de cette sagesse dont il est pourvu ? Bo. – Pas le moins du monde. 7. – Inest enim dignitas propria uirtuti, quam protinus in eos quibus fuerit adiuncta transfundit. Autrement dit : sénateur. Synonyme de « scrofules » et d’« écrouelles », qui désignent des genres d’abcès, dont la forme la plus courante est le goître. 41 On recense un Decoratus, mort en 524, qui fut questeur du palais sacré sous Théodoric, d’après une lettre de Cassiodore (Variae, V, 3 et 4). Le roi dit y regretter sa mort et promeut son frère Honoratus à la même charge (voir PLRE, II, p. 350-351). 42 Nouveau reproche de Philosophie adressé à Boèce, où il faudrait comprendre qu’il a eu un temps l’intention d’exercer, de concert avec ce Decoratus, une magistrature bien qu’il sache celui-ci infréquentable. Mais on ignore de quelle charge il s’agissait, le consulat étant exclu, puisque Boèce a effectivement été, en 510, consul, mais sans collègue, autant à l’est qu’à l’ouest (voir PLRE, II, p. 234). On ne saurait envisager non plus la questure du palais sacré, dont la responsbilité incombait à un seul homme. 39 40
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7. Ph. – En effet, une dignité propre appartient à la vertu, qu’elle transmet immédiatement à ceux auxquels elle a été attribuée. 8. Quod quia populares facere nequeunt honores, liquet eos propriam dignitatis pulchritudinem non habere. 8. Et à ce propos, parce que les honneurs populaires ne sauraient faire cela, il est clair qu’ils ne possèdent pas la beauté propre de la dignité. 9. In quo illud est animaduertendum magis: nam si eo43 abiectior est quo magis a pluribus quisque contemnitur, cum reuerendos facere nequeat quos pluribus ostendat, despectiores potius improbos dignitas facit. 9. Ce à quoi il faut prêter davantage attention : car si quelqu’un est d’autant plus abject44 qu’il est davantage dédaigné par le grand nombre, puisque la dignité ne saurait rendre respectables les gens méprisés qu’elle expose au grand nombre, elle les rend plutôt malhonnêtes45. 10. Verum non impune; reddunt namque improbi parem dignitatibus uicem, quas sua contagione commaculant. 10. Mais ce n’est pas sans dommage ; car les gens malhonnêtes le payent de retour aux dignités46, qu’ils entachent par leur influence pernicieuse. 11. Atque ut agnoscas ueram illam reuerentiam per has umbratiles dignitates non posse contingere: si qui multiplici consulatu functus in barbaras nationes forte deuenerit, uenerandumne barbaris honor faciet? 11. Et afin que tu reconnaisses que cette véritable déférence ne peut échoir par ces dignités ternies47, j’interrogerai ainsi : si celui qui s’est acquitté plusieurs fois du consulat48 arrivait par hasard chez des nations Moreschini (p. 67) écarte cet eo, pourtant retenu par une majorité de mss. Ne manquons pas la variatio sermonis sur le thème de l’aversion dans ce bref paragraphe : abjectus, contemnere, despectus, improbus. 45 Le constat est le suivant : sachant qu’un individu est d’autant plus vil qu’il est détesté par beaucoup d’individus, toute dignité qui lui échoit et ne le rend pas en cela plus appréciable, accentue le mépris qu’il suscite chez ces individus. 46 La locution reddere parem vicem est incommode à traduire, et nous avons dû forcer une limite. En français, effectivement, « payer de retour » ou « rendre la pareille » sont des expressions qui ne peuvent s’employer qu’appliquées à une personne et non à une chose. Or en l’occurrence il s’agit de « dignités ». Boèce veut dire plus simplement que les gens malhonnêtes pervertissent tout ce que les dignités leur ont apporté de positif. 47 Umbratiles répond au commaculant du § 10 comme résultat de l’action exprimée par ce verbe. 48 Nous ne voyons pas bien à quoi Philosophie fait ici allusion en évoquant une succession, continue ou non, de consulats. À notre connaissance, au Bas-Empire le « consulat ordinaire » était toujours soumis à l’annuité et, depuis un plébiscite de - 151, déclaré non renouvelable (voir Nicolet, 2000, p. 406). Il est vrai qu’antérieurement avait existé le 43 44
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barbares, son honneur ferait-il qu’il devrait être respecté par les Barbares ? 12. Atqui si hoc naturale munus dignitatibus foret, ab officio suo quoquo gentium nullo modo cessarent, sicut ignis ubique terrarum numquam tamen calere destitit. 12. Eh bien, si cette faveur devait être naturelle aux dignités, elles ne cesseraient en aucune manière quant à leur exercice dans n’importe quelle population, comme d’ailleurs le feu ne renonce jamais à chauffer en tout lieu des terres. 13. Sed quoniam id eis non propria uis sed hominum fallax adnectit opinio, uanescunt ilico cum ad eos uenerint qui dignitates eas esse non aestimant. 13. Mais puisque cette capacité ne leur est pas propre, et que s’y ajoute la fausse opinion des hommes, les dignités s’évanouissent aussitôt lorsqu’elles échoient à ceux qui estiment que ce ne sont pas des dignités. 14. Sed hoc apud exteras nationes: inter eos uero apud quos ortae sunt num perpetuo perdurant? 14. Mais cela vaut chez les nations du dehors ; en revanche, parmi celles chez lesquelles ces dignités ont été créées, perdureront-elles sans discontinuer ? 15. Atqui praetura magna olim potestas, nunc inane nomen et senatorii census grauis sarcina; si quis quondam populi curasset annonam magnus habebatur, nunc ea praefectura quid abiectius? 15. Eh bien, voyez la préture, grand pouvoir de jadis ; aujourd’hui, un nom vide de contenu et un lourd cens pour la responsabilité de sénateur49. Si, à une époque, quelqu’un avait soin de l’annone du peuple, il était tenu pour grand ; aujourd’hui, qu’y a-t-il de plus déprécié que cette préfecture50 ? « consulat suffect », attribué avant l’ordinaire dit alors « itéré » (voir Chastagnol, 1958, p. 222-237). Mais à l’époque de Boèce, il avait disparu, probablement depuis le milieu du Ve siècle (voir Stein, 1949, p. 68). Quant au « consulat honoraire », il était réservé à ceux qui n’avaient jamais exercé le consulat (Id., ibid.). 49 Ce signalement de la préture par Boèce est le dernier que l’on connaisse, la charge ayant probablement été supprimée très peu de temps après la disparition de Théodoric, en 526. Pour ses attributions au cours des siècles, voir Chastagnol (1958, p. 237-253). 50 Boèce semble ici exagérer quelque peu. La préfecture de l’annone, apparue au tout début de l’ère chrétienne (voir Pavis d’Escurac, 1976, p. 29), correspondait à une magistrature qui avait en charge l’approvisionnement de Rome, principalement en blé. Au Bas-Empire, qui s’acheva en 476, elle constituait encore un département de la préfecture de la ville (voir Chastagnol, 1960).
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16. Vt enim paulo ante diximus, quod nihil habet proprii decoris, opinione utentium nunc splendorem accipit, nunc amittit. 16. En effet, comme nous l’avons dit un peu avant51, ce qui n’a pas de relief propre, tantôt reçoit un éclat par l’opinion de ceux qui le possèdent, tantôt le perd. 17. Si igitur reuerendos facere nequeunt dignitates, si ultro improborum contagione sordescunt, si mutatione temporum splendere desinunt, si gentium aestimatione uilescunt, quid est quod in se expetendae pulchritudinis habeant, nedum aliis praestent? 17. Si, par conséquent, les dignités ne sauraient rendre respecté, si en outre elles subissent l’influence pernicieuse des gens malhonnêtes, si elles renoncent à leur éclat par l’inconstance des temps, si elles se déprécient par le jugement des peuples, qu’est-ce qu’elles possèdent en soi comme beauté qui doive être convoitée et, à plus forte raison, qu’est-ce qu’elles procurent aux autres52 ? Metrum IV – Mètre IV Ph. – 1. Quamuis se Tyrio superbus ostro comeret et niueis lapillis, inuisus tamen omnibus uigebat luxuriae Nero saeuientis ; Bien qu’il se parât, orgueilleux, de la pourpre De Tyr et de pierreries neigeuses53, Pourtant Néron, avec son luxe effréné, Se montrait fort, haï de tout le monde54. 5. sed quondam dabat improbus uerendis patribus indecores curules. Quis illos igitur putet beatos Quos miseri tribuunt honores? Mais parfois aux vénérables sénateurs Ce pervers donnait des charges indignes. Voir supra, § 13. C’est-à-dire : aux gens qui ne sont pas malhonnêtes. 53 Pour la pourpre, fameuse, de Tyr, voir supra, II, V, 9 et la note y afférente, que Virgile avait déjà liée à l’orgueil (Énéide, I, 639 et XII, 126), et la périphrase qui désigne les perles se lit déjà chez Horace, Satires, I, 2, 80 « inter niueos… lapillos » ou, avec une légère variante, chez Sénèque, Phèdre, 391 « niueus lapis », cités par Gruber, 2006, p. 254 (cf. supra, III, III, 3 et la note y afférente, et infra, III, VIII, 11 et III, X, 9-10). 54 Sur Néron, image repoussoir, voir supra, II, VI, 1-15 et la note y afférente. 51 52
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Qui donc estimerait heureux ces honneurs Qui sont conférés par des misérables ? Prosa 5 1. – An uero regna regumque familiaritas efficere potentem ualet? Quidni, quando eorum felicitas perpetuo perdurat? Prose 5 1. Ph. – Au vrai, les royautés et la familiarité des rois sont-elles capables de rendre puissant ? Pourquoi non, quand leur félicité perdure sans discontinuer ? 2. Atqui plena est exemplorum uetustas, plena etiam praesens aetas, qui reges felicitatem calamitate mutauerint. O praeclara potentia, quae ne ad conseruationem quidem sui satis efficax inuenitur! 2. Et pourtant l’ancien temps est plein d’exemples, ainsi qu’en est pleine l’époque actuelle, de rois qui ont changé la félicité en calamité. Ô puissance éclatante, qui ne se révèle pas assez efficace même pour sa propre préservation ! 3. Quodsi haec regnorum potestas beatitudinis auctor est, nonne, si qua parte defuerit, felicitatem minuat, miseriam importet? 3. Que si ce pouvoir des royautés est garant du bonheur, n’est-il pas vrai que s’il vient à manquer en partie, il diminue la félicité et apporte le malheur ? 4. Sed quamuis late humana tendantur imperia, plures necesse est gentes relinqui quibus regum quisque non imperet. 4. Mais, quoique les empires des hommes soient largement étendus, il est nécessaire qu’il reste de nombreuses populations qui ne soient pas chacune sous l’emprise d’un roi. 5. Qua uero parte beatos faciens desinit potestas, hac impotentia subintrat, quae miseros facit; hoc igitur modo maiorem regibus inesse necesse est miseriae portionem. 5. Et pour peu que cesse en partie le pouvoir qui fait des heureux, s’insinue cette impuissance qui fait des malheureux ; par conséquent, il est nécessaire que, de cette façon, la part de malheur qui revient aux rois soit plus grande55. 55 Le sens de l’exposé des § 3-5 nous apparaît difficilement saisissable en l’état. Il s’agirait de comprendre que tout roi qui constate que la puissance royale, source de bonheur,
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6. Expertus sortis suae periculorum tyrannus regni metus pendentis supra uerticem gladii terrore simulauit. 6. Un tyran, instruit des périls56 de sa condition, avait simulé, par la terreur d’un glaive pendant au dessus de la tête, l’anxiété suscitée par son autorité royale57. 7. Quae est igitur haec potestas, quae sollicitudinum morsus expellere, quae formidinum aculeos uitare nequit? Atqui uellent ipsi uixisse securi, sed nequeunt; dehinc de potestate gloriantur. 7. Qu’est donc ce pouvoir qui ne sait pas écarter les morsures des tracas, qui ne sait pas échapper aux dards des frayeurs ? Eh bien, les rois voudraient eux-mêmes avoir vécu en sécurité, mais ils en sont incapables ; en suite de quoi ils se glorifient de leur pouvoir. 8. An tu potentem censes quem uideas uelle quod non possit efficere, potentem censes qui satellite latus ambit, qui quos terret ipse plus metuit, qui ut potens esse uideatur, in seruientium manu situm est? 8. Trouves-tu puissant celui que tu vois vouloir ce qu’il ne peut réaliser, trouves-tu puissant celui qui se déplace avec un satellite58 à son côté, qui craint lui-même plus que ceux qu’il terrifie59, qui semble n’atteint pas les très nombreuses nations se trouvant en dehors de son royaume, nations où cette puissance se voit remplacée par l’impuissance, source de malheur, est tourmenté par la crainte que suscite en lui l’existence de ces nombreuses nations privées de puissance royale, susceptibles de menacer sa sécurité, celle de son royaume et celle de ses sujets.. 56 Montrons-nous de nouveau sensibles à la variatio sermonis des § 6-8 touchant le vocabulaire de la peur : periculum, metus et metuere, terror et terrere, sollicitudo, morsus, aculeus, formido. 57 Boèce fait en l’occurrence allusion, en la modifiant quelque peu, à la célèbre légende, popularisée par Cicéron (Tusculanes, V, 21), de l’épée de Damoclès. Celui-ci était un flatteur (adsentator, dit Cicéron) du roi de la colonie grecque de Syracuse, Denys le Tyran ou l’Ancien (s. V-IV). Pour donner une leçon à ce Damoclès, qui le flattait, souvent et lourdement, quant au merveilleux bonheur dans lequel il baignait, Denys, au cours d’un banquet, le combla d’avantages, avec, entre autres, un lit en or pour s’y asseoir, des mets succulents, des parfums et des esclaves mis à son service, tout en ayant fait suspendre, au-dessus de sa tête et pointe dirigée vers le bas, un glaive (ou une épée (ensis), selon les versions) retenu par un simple crin de cheval. S’en apercevant, Damoclès en éprouva un profond malaise et demanda à se retirer. Moralité, conclut Cicéron : il n’est point de bonheur chez celui sur lequel pèse en permanence une terreur. 58 « Satellite » : « Homme attaché au service d’un autre qu’il escorte et auquel il sert de garde du corps » (CNRTL). 59 Cf. (Gruber, 1978, p. 257) Decimus Laberius (106-43) rapporté par Sénèque, Dialogues, IV, XI, 3 : « necesse est multos timeat quem multi timent = il est nécessaire que craigne beaucoup de gens celui que beaucoup craignent », et Claudien, Panégyrique pour le quatrième consulat de l’Empereur Honorius (A.D. 398), VIII, 290-291 : « qui terret,
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être puissant pour autant qu’il est placé sous la coupe de ceux qui le servent60 ? 9. Nam quid ego de regum familiaribus disseram – cum regna ipsa tantae imbecillitatis plena demonstrem – quos quidem regia potestas saepe incolunis, saepe autem lapsa prosternit? 9. Car, que dirai-je, moi – quand je montre les royautés elles-mêmes pleines d’une aussi grande faiblesse –, des familiers des rois61, que le pouvoir royal assurément jette bas, souvent alors qu’il se maintient, souvent aussi alors qu’il est à terre ? 10. Nero Senecam familiarem praeceptoremque suum ad eligendae mortis coegit arbitrium, Papinianum diu inter aulicos potentem militum gladiis Antoninus obiecit. 10. Néron contraint Sénèque, son familier et son précepteur, à l’arbitrage de sa mort62, Papinien, longtemps puissant parmi les courtisans, Antonin le jeta aux glaives de ses soldats63. 11. Atqui uterque potentiae suae renuntiare uoluerunt, quorum Seneca opes etiam suas tradere Neroni seque in otium conferre conatus est; sed dum ruituros moles ipsa trahit, neuter quod uoluit effecit.
plus ipse timet; sors ista tyrranis convenit = qui terrifie craint plus lui-même et ce sort convient aux tyrans » (= Charlet, II, 2, p. 25). 60 Cf. supra, II, 5, 18. 61 Quelle différence observer entre familiaris et aulicus, soit entre « familier » et « courtisan », s’il faut voir chez le premier celui qui gravitait dans l’entourage du roi et de sa famille, sur lesquels il exerçait une certaine emprise ? 62 L’expression mortis arbitrium, nous dit Gruber (1978, p. 257), était appréciée de Tacite, ainsi en ses Annales, XV, LX, 1 : Plautius Lateranus est exécuté si précipitamment sur l’ordre de Néron « ut non complecti liberos, non illud breve mortis arbitrium permitteret = qu’il ne lui permit ni d’embrasser ses enfants, ni de procéder à l’arbitrage sommaire de sa mort » (c’est-à-dire de choisir rapidement son trépas), et XVI, XXXIII, 2 : « Thraseae Soranoque et Serviliae datur mortis arbitrium = il est accordé à Thrasea, Soranus et Servilia l’arbitrage de leur mort ». 63 Boèce revient sur l’une des allusions qu’il a faites quelques pages auparavant (voir supra, I, 3, 9). Sénèque, qui fut compromis, en + 65, dans la conjuration de Pison, laquelle visait à éliminer Néron, fut contraint par ce dernier de se trancher les veines (voir Tacite, Annales, XV, 17-72). Quant au jurisconsulte romain Papinien, parce qu’il était l’un des intimes de Géta, le frère cadet de l’empereur Antonin Caracalla (211-217), il fut mis à mort sur ordre de ce dernier, après que celui-ci eut d’abord ordonné d’assassiner son propre frère Géta pour ne point avoir à partager le pouvoir avec lui, partage pourtant souhaité par leur père, Septime Sévère – voir Aelius Spartanus, Histoire Auguste (211217), Vie d’Antonin Caracalla, II-IV.
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11. Et cependant, l’un et l’autre voulurent renoncer à leur puissance, dont Sénèque, qui s’était même efforcé de transmettre à Néron ses richesses et de se consacrer au loisir64 ; mais, tandis que leur grandeur elle-même les entraînait à la ruine, ni l’un ni l’autre n’a réalisé ce qu’il a voulu65. 12. Quae est igitur ista potentia, quam pertimescunt habentes, quam nec cum habere uelis tutus sis et cum deponere cupias uitare non possis? 12. Quelle est donc cette puissance que ses détenteurs redoutent, avec laquelle tu n’es pas en sûreté quand tu veux la détenir, et à laquelle tu ne peux échapper quand tu désires l’abandonner ? 13. An praesidio sunt amici, quos non uirtus sed fortuna conciliat? Sed quem felicitas amicum fecit, infortunium faciet inimicum. 13. Sont-ils une protection les amis que se concilie non pas la vertu mais la fortune ? Mais celui dont la félicité a fait un ami, l’infortune en fera un ennemi66. 14. Quae uero pestis efficacior ad nocendum quam familiaris inimicus? 14. Et quelle peste plus efficace pour nuire qu’un ennemi familier67 ? Metrum V – Mètre V Ph. – 1. Qui se uolet esse potentem, animos domet ille feroces nec uicta libidine colla foedis summittat habenis; Celui qui voudra être puissant, 64 C’est-à-dire de s’effacer de la vie publique pour se consacrer à l’otium, dans le cas présent à un loisir lettré. 65 Winterbottom (1967) rapproche ce jugement sur Sénéque des § 10 et 11 de celui de Quintilien, Institution oratoire, X, 1, 131 : « Multa… probanda in eo (sc. Seneca), multa etiam admiranda sunt, eligere modo curae sit – quod utinam ipse fecisset; digna enim fuit illa natura quae meliora vellet: quod voluit effecit = il y a beaucoup… à louer en lui (Sénèque), beaucoup même à admirer, pourvu que l’on sache choisir – si seulement il l’avait fait lui-même ; car cette nature était digne des meilleures choses qu’elle voulait, elle qui a fait ce qu’elle a voulu ». 66 Cf. supra, II, 8, 6. 67 Ce familiaris inimicus rappelle à Gruber (1978, p. 258) les inimici domestici néotestamentaires de Mt 10, 36 : « et inimici hominis, domestici ejus = et les ennemis de l’homme seront ses domestiques ».
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Qu’il dompte ses sentiments féroces, Qu’il vainque le désir sans soumettre Son cou à des rênes répugnantes. 5. etenim licet Indica longe tellus tua iura tremescat et seruiat ultima Thyle, tamen atras pellere curas miserasque fugare querelas 10. non posse potentia non est. Car, même si la lointaine terre Des Indes tremble devant tes lois, Que te serve l’ultime Thulé68, Pourtant, ne pas pouvoir écarter Les noirs soucis69, faire fuir les pleurs Malheureux70, ce n’est pas la puissance. Prosa 6 1. Gloria uero quam fallax saepe, quam turpis est! Vnde non iniuria tragicus exclamat: ὦ δόξα, δόξα, μυρίοισι δὴ βροτῶν / οὐδὲν γεγῶσι βίοτον ὤγκωσας μέγαν. Prose 6 1. Ph. – Et comme la gloire est souvent trompeuse, comme elle est turpide ! D’où le poète tragique ne s’exclame pas à tort : « ῏Ω δόξα, δόξα, μυρίοισι δὴ βροτῶν / οὐδὲν γεγῶσι βίοτον ὤγκωσας μέγαν (= Ô opinion, opinion, chez une myriade de mortels, / nés de rien, tu as donné la brillante apparence d’une vie grandiose) »71. 68 Symbole de l’extrême nord, à la limite septentrionale du monde, que l’on identifie généralement avec l’Islande ou avec une île de l’Océan Arctique, et que l’on qualifie pour cette raison d’ultima, Boèce démarquant ici une fin de vers où Virgile s’adresse à Octave, le futur Auguste (Géorgiques, 1, 30 « tibi seruiat ultima Thule = que te serve l’ultime Thulé ») ; reprise sous forme d’adonique par Sénèque (Médée 379) – voir Mund-Dopchie (2009). Sur le thème de l’inutilité des conquêtes militaires si l’on ne commence pas par dominer ses propres passions, voir Claudien, Panégyrique pour le quatrième consulat d’Honorius, 257-262 (qui n’évoque que les conquêtes orientales) = Charlet, II, 2, p. 22-23 avec la note a. 69 Ater, « noir », est l’épithète du Souci personnifié chez Horace (Odes, III, 1, 40, signalé par Gruber, 2006, p. 259). 70 Même expression miseras… querelas en supra, II, II, 7-8. 71 Citation d’Euripide (c. 480-406), Andromaque, v. 318-319 – nous avons préféré traduire δόξα par « opinion » plutôt que par « gloire » (réservé au gloria du tout début du paragraphe chez Boèce), pour coller à l’opinio (§ 2), qui procure comme une fausse gloire.
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2. Plures enim magnum saepe nomen falsis uulgi opinionibus abstulerunt. Quo quid turpius excogitari potest? Nam qui falso praedicantur suis ipsi necesse est laudibus erubescant. 2. Leur grand nom, en effet, beaucoup le tiennent souvent des opinions du vulgaire menteur ; en cela, que peut-il être imaginé de plus turpide ? Car ceux qui sont loués à tort, il est nécessaire qu’ils rougissent eux-mêmes de leurs distinctions. 3. Quae si etiam meritis conquisitae sint, quid tamen sapientis adiecerint conscientiae, qui bonum suum non populari rumore sed conscientiae ueritate metitur? 3. Et même si elles ont été conquises par le mérite, qu’ajouteront-elles cependant à la conscience du sage, qui mesure son bien non pas à la rumeur populaire72, mais à la vérité de la conscience ? 4. Quodsi hoc ipsum propagasse nomen pulchrum uidetur, consequens est ut foedum non extendisse iudicetur. 4. Que s’il paraît beau d’avoir propagé son nom même, il s’ensuit qu’il est jugé honteux de ne pas l’avoir déployé73. 5. Sed cum, uti paulo ante disserui, plures gentes esse necesse sit ad quas unius fama hominis nequeat peruenire, fit ut quem tu aestimas esse gloriosum proxima parte terrarum uideatur inglorius. 5. Mais puisque, comme je l’ai soutenu un peu avant74, il est nécessaire qu’il existe beaucoup de populations auxquelles ne saurait parvenir la renommée d’un seul homme, il vient que celui que toi tu estimes être glorieux, paraisse non glorieux dans une partie voisine des terres. 6. Inter haec uero popularem gratiam ne commemoratione quidem dignam puto, quae nec iudicio prouenit nec umquam firma perdurat. 6. Au vrai, parmi ces marques de gloire, je ne crois assurément pas digne d’une mention cette faveur populaire qui ni ne provient d’un jugement ni ne perdure jamais en restant ferme. 72 On trouve souvent exprimée chez le Boèce de la Consolation comme une dépréciation du peuple, du vulgaire, du plus grand nombre – voir supra, II, 3, 8 : II, 7, 19 ; III, 4, 8 et 17 ; III, 5, 1-2 et infra, III, 6, 6 ; IV, 7, 14. 73 La nuance ne paraît-elle pas trop ténue pour être claire ? Quelle gradation, en effet, doit-on établir entre « propager » son nom et le « déployer » ? Sans doute faut-il distinguer entre le répandre autour de soi et le diffuser dans le monde. Mais le leçon à tirer reste floue à nos yeux. 74 Voir supra, II, 7, 7 et III, 5, 4.
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7. Iam uero quam sit inane, quam futtile nobilitatis nomen, quis non uideat? Quae si ad claritudinem refertur, aliena est; uidetur namque esse nobilitas quaedam de meritis ueniens laus parentum. 7. Et maintenant, qui ne verrait pas à quel point le renom de la noblesse75 est vain, à quel point il est futile ? Cette dernière, si on la rapporte à la notoriété, nous est étrangère ; et de fait, une certaine noblesse semble être une distinction provenant des mérites des parents. 8. Quodsi claritudinem praedicatio facit, illi sint clari necesse est qui praedicantur; quare splendidum te, si tuam non habes, aliena claritudo non efficit. 8. Que si la louange fait la notoriété, il est nécessaire que soient célèbres ceux qui sont louangés. C’est pourquoi, la notoriété qui t’est étrangère, si tu ne possèdes pas la tienne, ne te rend pas brillant. 9. Quodsi quid est in nobilitate bonum, id esse arbitror solum, ut imposita nobilibus necessitudo uideatur ne a maiorum uirtute degeneret. 9. Que s’il y a quelque chose de bon dans la noblesse, ce sera seulement, je présume, dans la mesure où le lien de parenté semble imposé aux nobles afin qu’il ne dégénère pas relativement à la vertu des ancêtres76. Metrum VI – Mètre VI Ph. – 1. Omne hominum genus in terris simili surgit ab ortu; unus enim rerum pater est, unus cuncta ministrat. Ille dedit Phoebo radios, dedit et cornua lunae, ille homines etiam terris dedit ut sidera caelo. Sur terre tout le genre humain vient d’une semblable origine77, Car le monde n’a qu’un seul Père78, un seul qui administre tout. 75 Ce que va dire Boèce montre que la seule noblesse qu’il prend ici en compte est une condition héritée, donc de rang et non de charge – voir Werner (2012). 76 La noblesse ne vaut que dans la mesure où elle entretient le renom dans un entresoi. 77 Ce premier vers est modelé sur un vers de Virgile (Géorgiques, III, 242 : « omne adeo genus in terris hominumque ferarumque = tant sur terre toute la race des hommes et des bêtes… ») avec la reprise de la fin du v. 17 du deuxième poème du livre I (surgat ab ortu). 78 Homère qualifiait Zeus de père des dieux et des hommes (cf. Virgile, cité infra, n. 123 à III, IX, 2) et Platon, avant les Chrétiens, qualifiait de père la divinité organisatrice du monde (voir Timée, 29c, et notre Introduction, p. 88-89).
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Il a donné à Phébus79 ses rayons, à la Lune ses cornes; Il a donné aussi les hommes à la terre, au ciel, les astres. 5. hic clausit membris animos celsa sede petito ; mortales igitur cunctos edit nobile germen. Quid genus et proauos strepitis? Si primordia uestra auctoremque deum spectes, nullus degener exstat, ni uitiis peiora fouens proprium deserat ortum. Au corps il a enclos l’âme réclamée au siège céleste, Et donc une noble semence a engendré tous les mortels. Pourquoi faire du bruit sur votre race et vos aïeux ? Regarde Votre origine et le Dieu votre auteur : point de dégénéré, Sauf qui, vicieux, aide le mal en désertant son origine. Prosa 7 1. – Quid autem de corporis uoluptatibus loquar, quarum appetentia quidem plena est anxietatis, satietas uero paenitentiae? Prose 7 1. Ph. – Et que dirais-je des voluptés du corps, dont l’appétence est assurément pleine d’anxiété et la satiété de pénitence ? 2. Quantos illae morbos, quam intolerabiles dolores quasi quendam fructum nequitiae fruentium solent referre corporibus! 2. Combien de maladies, quelles douleurs intolérables80, comme quelque fruit de la corruption, apportent-elles aux corps de ceux qui ont l’habitude d’en jouir81 !
79 Voir supra, I, III, 9 et la note y afférente. La fin de vers : cornua lunae, qu’on retrouvera en IV, V, 7, forme une clausule d’hexamètre (Gruber, 2006, p. 262, cite par exemple Ovide, Métamorphoses, III, 682 et VIII, 11, ainsi que Stace, Achilléide, I, 644). 80 De quelles « maladies » et « douleurs » corporelles propres au domaine amoureux peut-il s’agir ? De pathologies vénériennes sans doute, principalement des formes de tréponématoses (béjel, pian et syphilis), qui provoquent des atteintes cutanées, viscérales et osseuses graves, car douloureuses et invalidantes. Des foyers ont pu se développer en France au quatrième siècle de notre ère (voir Palfi, 2000). 81 Nous avons tenté de traduire la parenté morphosémantique entre fructus et frui. Il est difficile de ne pas voir, à la fois dans le vocabulaire et dans la teneur de ces deux paragraphes, une charge contre les péchés de chair dans une optique possiblement chrétienne – voir notre Introduction, .
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3. Quarum motus quid habeat iucunditatis ignoro; tristes uero esse uoluptatum exitus, quisquis reminisci libidinum suarum uolet, intelleget. 3. Ce que renferme le transport dû à leur satisfaction, je l’ignore82 ; mais que l’issue des voluptés ait de tristes suites, quiconque voudra se remémorer ses propres désirs le comprendra. 4. Quae si beatos explicare possunt, nihil causae est quin pecudes quoque beatae esse dicantur, quarum omnis ad explendam corporalem lacunam festinat intentio. 4. Si ces derniers peuvent expliquer l’existence de gens heureux, il n’y a aucune raison que les troupeaux ne soient pas dits heureux non plus, eux dont toute l’application consiste à s’empresser de combler leur carence corporelle83. 5. Honestissima quidem coniugis foret liberorumque iucunditas; sed nimis e natura dictum est nescio quem filios inuenisse tortores. Quorum quam sit mordax84 quaecumque condicio neque alias expertum te neque nunc anxium necesse est ammonere. 5. La satisfaction d’avoir une épouse et des enfants devrait être certes la plus honorable ; mais on a dit, avec extrêmement de naturel, que je ne
82 Pour le dire autrement, Philosophie reconnaît ne pas savoir en quoi consiste le plaisir charnel, comme pour rappeler qu’elle n’est pas humaine. 83 Ainsi que l’indique Mirandol (1861, p. 358), c’est vraisemblablement là le résumé d’un fragment de Sénèque (Lettres à Lucilius, LXXIV, 15), mais avec cette nuance que celui-ci présente les animaux comme supérieurs en tous points aux hommes dans leur jouissance des faux biens : « Multa quae bona uideri uolunt animalibus quam homini pleniora contingunt. Illa cibo auidius utuntur, uenere non aeque fatigantur; uirium illis maior est et aequalibior firmitas: sequitur ut multo feliciora sint homine. Nam sine nequitia, sine fraudibus degunt; fruuntur uoluptatibus, quas et magis capiunt et ex facili, sine ullo pudoris aut paenitentiae metu = Beaucoup des choses qui se veulent des biens échoient plus pleinement aux animaux qu’à l’homme. Ils exercent leur appétit avec plus d’avidité ; ils ne sont pas autant fatigués par les plaisirs vénériens ; la robustesse de leurs forces est plus grande et plus équilibrée ; il suit qu’ils sont beaucoup plus heureux que l’homme. Car ils vivent sans débauche et sans crimes ; ils jouissent de voluptés qu’ils saisissent davantage et avec facilité, sans aucune crainte de la honte ou du regret ». Cf. aussi (Gruber, 1978, p. 265) Prudence, à propos du Christ : « nescit esurire in aevum qui tuam sumit dapem, nec lacunam ventris inplet, sed fovet vitalia = il ne saurait à jamais avoir faim celui qui reçoit ton repas, et il ne remplit plus le creux de son estomac mais entretient ses forces vitales » (Cathemerinon, IX, 62-63). 84 Ce mordax est à rapprocher du morsus du dernier vers du mètre suivant.
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sais plus qui85 avait trouvé en ses fils des bourreaux86 ; quelque mordante que soit leur condition87, il n’est pas nécessaire de rappeler ni que tu as expérimenté cela en d’autres temps88, ni que tu es aujourd’hui anxieux. 6. In quo Euripidis mei sententiam probo, qui carentem liberis infortunio dixit esse felicem. 6. En quoi je vérifie la sentence de mon Euripide, qui a dit de celui qui est en manque d’enfants qu’il est heureux dans son infortune89. Metrum VII – Mètre VII Ph. – 1. Habet hoc uoluptas omnis, stimulis agit fruentes apiumque par uolantum, ubi grata mella fudit, 5. fugit et nimis tenaci ferit icta corda morsu. Toute volupté fait ceci : Époindre ceux qui en jouissent 85 On ne sait quel personnage Philosophie évoque en l’occurrence. Si l’on en croit divers commentateurs (par exemple Mirandol, 1861, p. 359), cette réflexion lui aurait été inspirée par Plutarque (De l’amour de la progéniture) et Artémidore de Daldis (s. II – voir DPA, I, p. 605 sqq., J.-M. Flamand), philosophe lydien, auteur d’Onirocritiques (Clés des songes), I, 15 = Hercher, 1944, p. 19, eux-mêmes rapportant Evenus (peut-être le poète sophiste Evenos de Paros, s. - V), que nous citons d‘après Bergk (1882, p. 270, n° 6) : « ῍Η δέος ἢ λύπη παῖς πατρὶ πάντα χρόνον = Pour les pères, un enfant est en tout temps une crainte ou une affliction ». 86 Tortores : de nombreux mss, suivis par Moreschini (p. 73), donnent tortorem, ce qui signifierait : « On a dit, avec extrêmement de naturel, que je ne sais plus quel bourreau avait inventé les enfants ». 87 À savoir celle des enfants. 88 Cette remarque allusive de Philosophie laisse entendre que Boèce a souffert par le passé de la conduite de ses deux fils. Bien que l’un n’empêche pas l’autre, cela contraste fortement avec ce qu’elle a eu l’occasion de déclarer par ailleurs (voir supra, II, 3, 8), à savoir que ceux-ci ont été la grande fierté de leur père. Il se pourrait également que l’on doive comprendre que Boèce a fait l’expérience de la condition peu enviable de père chez d’autres, parents ou amis. En dernier lieu, il s’agirait de l’évocation d’une autre progéniture, celle qu’il aurait eu, en des temps révolus (alias, qui contraste avec nunc) de son premier mariage avec la poétesse liturgiste Elpis, dont il aurait eu deux fils (Patrice et Hypace), une union qui n’aurait existé en vérité que dans l’imagination fertile de Jacques de Voragine (s. XIII) – voir sa Légende dorée (CLXXVIII, III). Mais à lire notre fragment, on peut se demander si la question est définitivement réglée. 89 Voir Euripide, Andromaque, v. 418-420. Sous la plume d’Euripide, qui tourne son jugement autrement, l’homme sans progéniture a moins de préoccupations qu’un père, mais son bonheur est triste.
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Et, pareille à un vol d’abeilles, Une fois le doux miel versé, Fuir et frapper les cœurs atteints Par une morsure tenace90. Prosa 8 1. – Nihil igitur dubium est quin hae ad beatitudinem uiae deuia quaedam sint nec perducere quemquam eo ualeant ad quod se perducturas esse promittunt. Prose 8 1. Ph. – Il n’est par conséquent en rien douteux que ces voies qui sont censées mener au bonheur soient comme des sortes de chemins dévoyés91, et sont incapables de conduire quiconque là où elles ont promis qu’elles le conduiraient92. 2. Quantis uero implicitae malis sint breuissime monstrabo. 2. Et par combien de maux elles sont entravées93, je le montrerai très brièvement. 3. Quid enim? Pecuniamne congregare conaberis? Sed eripies habenti94. Dignitatibus fulgere uelis? Danti supplicabis et qui praeire ceteros honore cupis, poscendi humilitate uilesces. 90 Pour l’image de la morsure (morsus) des abeilles, voir Virgile, Géorgiques, IV, 236-237 : « uenenum / morsibus inspirant = elles insufflent leur venin par leurs morsures » (référence donnée par Gruber, 2006, p. 265). 91 Nous essayons de rendre le jeu de mots entre via et devia. 92 Selon Mirandol (1861, p. 359-360), cette réflexion et l’argumentation qui constitue la Prose 8 sont de nouveau très dépendantes de Sénèque (Lettres à Lucilius, LXXVI). Autant que nous avons pu en juger, un seul passage (30 et 31) nous est apparu susceptible d’avoir inspiré Boèce : « Le bien unique est… celui qui se fait sentir à l’esprit non seulement parfait, mais aussi généreux et de bon caractère : tous les autres sont futiles et changeants. Voilà pourquoi ils sont possédés avec inquiétude ; même s’ils sont accumulés en favorisant un seul individu par la fortune, pesants ils écrasent leurs maîtres, les oppressent toujours, et parfois se jouent d’eux. / Personne, parmi ces personnages que vous voyez vêtus de pourpre, n’est heureux, pas plus que parmi ceux à qui les pièces de théâtre obligent à porter sur scène le sceptre et la chlamyde : avec le peuple ils ont marché présents à ses côtés et élevés sur leurs cothurnes ; aussitôt qu’ils en sortent, ils se déchaussent et reviennent à leur taille. Personne de ceux que les richesses et les honneurs ont placés au plus haut sommet, n’est grand ». 93 La tournure implicitae malis a pu, d’après Gruber (1978, p. 266), être inspirée à Boèce par Sénèque, Dialogues, VII, I, 3 : « nulla res nos maioribus malis implicat, quam quod ad rumorem conponimur = aucune chose ne nous amène à de plus grands maux que de nous en tenir aux rumeurs ». 94 Moreschini (p. 74) fait débuter le § 3 à Dignitatibus.
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3. Quoi donc, ne vas-tu pas faire effort pour amasser de l’argent ? Mais tu le soustrairas à celui qui le possède95. Tu voudras resplendir de dignités ? Tu supplieras celui qui les attribue et, toi qui revendiques devancer les autres par les honneurs, tu t’aviliras par la bassesse de ce qui est à réclamer. 4. Potentiamne desideras? Subiectorum insidiis obnoxius periculis subiacebis. 4. Tu désireras la puissance ? Tu succomberas aux périls, exposé aux embûches de tes sujets. 5. Gloriam petas? Sed per aspera quaeque distractus securus esse desistis. 5. Tu brigueras la gloire ? Mais, déstabilisé par quelque terrain raboteux, tu renonceras à être en sécurité. 6. Voluptariam uitam degas? Sed quis non spernat atque abiciat uilissimae fragilissimaeque rei, corporis, seruum? 6. Tu consumeras une vie voluptueuse ? Mais qui ne repousserait pas et n’abandonnerait pas l’esclave de la chose la plus vile et la plus fragile, celle du corps ? 7. Iam uero qui bona prae se corporis ferunt, quam exigua, quam fragili possessione nituntur! Num enim elephantos mole, tauros robore superare poteritis, num tigres uelocitate praeibitis? 7. Et enfin, ceux qui étalent les biens du corps, sur quelle exiguë et quelle fragile possession ils s’appuyent ! En effet, est-ce que vous pourrez surpasser en masse les éléphants, en force les taureaux, est-ce que vous devancerez en vélocité les tigres ? 8. Respicite caeli spatium, firmitudinem, celeritatem, et aliquando desinite uilia mirari. Quod quidem caelum non his potius est quam sua, qua regitur, ratione mirandum. 8. Du ciel, regardez l’étendue, la permanence, la célérité96, et renoncez une bonne fois à admirer de viles choses. À ceci près que le ciel ne doit pas être admiré plus pour ces qualités que pour sa loi, par laquelle il est régi. 95 Pour ne point que ce jugement apparaisse manquer de pertinence (on peut thésauriser tout à fait honnêtement, sans priver quiconque de sommes accumulées dûment gagnées), il convient d’y sous-entendre que le thésauriseur ne reculera devant rien pour assouvir sa soif d’enrichissement, y compris le vol ou l’escroquerie. 96 Allusion probable à la description du ciel par Aristote dans son Traité du ciel, que Boèce connaissait vraisemblablement par un ou plusieurs intermédiaires : « si le ciel est
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9. Formae uero nitor ut rapidus est, ut uelox et uernalium florum mutabilitate fugacior! 9. Quant à l’éclat de la forme, comme il est rapide97, et, par son instabilité, plus fugace que les fleurs printanières ! 10. Quodsi, ut Aristoteles ait, Lyncei oculis homines uterentur, ut eorum uisus obstantia penetraret, nonne introspectis uisceribus illud Alcibiadis superficie pulcherrimum corpus turpissimum uideretur? Igitur te pulchrum uideri non tua natura, sed oculorum spectantium reddit infirmitas. 10. Que si, comme le déclare Aristote, les hommes disposaient des yeux de Lyncée98, en sorte que leur vue pénétrerait les obstacles99, est-ce que, ses viscères ayant été vus de l’intérieur, le fameux corps d’Alcibiade100, en surface le plus beau, ne paraîtrait pas le plus hideux ? Par conséquent, ce n’est pas ta nature qui te fait paraître beau, mais c’est l’infirmité des yeux en train de regarder qui te rend tel101. 11. Sed aestimate quam uultis nimio corporis bona, dum sciatis hoc quodcumque miramini triduanae febris igniculo posse dissolui. 11. Mais estimez à l’infini, autant que vous voudrez, les biens du corps, pourvu que vous sachiez que tout ce que vous admirez peut être défait par le léger feu d’une fièvre tierce102. 12. Ex quibus omnibus illud redigere in summam licet, quod haec quae nec praestare quae pollicentur bona possunt nec omnium bonorum mû en cercle et que son mouvement est le plus rapide, il est nécessaire qu’il soit sphérique » (287a29-30). 97 Comprenons : comme la beauté corporelle est éphémère. 98 Dans l’épopée mythique de Jason et de la Toison d’or, Lyncée est aux commandes de l’Argo, le navire qui conduit le héros grec et les Argonautes lors de l’expédition destinée à leur permettre de s’emparer de la précieuse dépouille (voir Pindare (518-438), Pythiques, IV – pour Lyncée, voir Id., Néméennes, X), et surtout Apollonios de Rhodes (s. - III), Argonautiques, chants I et IV). Sa vue était si perçante, qu’elle traversait toutes les matières et tous les milieux. 99 La référence à Aristote renverrait, d’après Heitz (1865, p. 305), à son Protreptique perdu, dont Jamblique nous transmet de larges extraits dans son traité éponyme (voir ici Protreptique, VIII). 100 La beauté d’Alcibiade, même à l’époque de Boèce, était un poncif. Elle est notamment soulignée dans le dialogue éponyme de Platon, Alcibiade majeur (104a). 101 C’est de cette loi physiologique dont s‘autorisera implicitement Odon de Cluny, au VIIIe s., pour proclamer que la femme, séduite et pécheresse, n’est en réalité qu’un stercoris saccus (un « sac d’excréments » – voir Collations, II, IX (= col. 556B8-17). 102 La fièvre tierce est une fièvre intermittente, qui survient, comme son nom l’indique, tous les trois jours. Elle est caractéristique du paludisme ou malaria.
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congregatione perfecta sunt, ea nec ad beatitudinem quasi quidam calles ferunt nec beatos ipsa perficiunt. 12. De tout ce qui précède il est permis de tirer en gros ceci que les biens qui ne peuvent tenir ce qu’ils promettent et ne sont point parfaits après la réunion de tous les biens, ni ils ne mènent au bonheur comme par quelques sentiers ni ils ne rendent eux-mêmes complètement heureux103. Metrum VIII – Mètre VIII Ph. – 1. Eheu, quae miseros tramite deuios abducit ignorantia! Non aurum in uiridi quaeritis arbore nec uite gemmas carpitis, Hélas, quelle ignorance en dehors du sentier Détourne des gens malheureux ! Vous ne cherchez pas l’or sur l’arbre qui verdoie104 Ni cueillez de gemme à la vigne ; 5. non altis laqueos montibus abditis ut pisce ditetis dapes nec uobis capreas si libeat sequi, Tyrrhena captatis uada ; Vous ne cachez pas vos filets sur les montagnes Pour garnir de poisson vos tables ; Vous ne prenez pas les hauts-fonds tyrrhéniens Par goût de pister les chevreuils. ipsos quin etiam fluctibus abditos 10. norunt recessus aequoris, quae gemmis niueis unda feracior uel quae rubentis purpurae nec non quae tenero pisce uel asperis praestent echinis litora. 103 Ce perficere atteste que les biens dont il s’agit rendent quand même tant soit peu heureux. 104 Série d’adynata où propositions impossibles qui renversent l’ordre du monde (voir Dutoit, 1936). Avec Gruber (2006, p. 269-270), on peut mettre en parallèle des passages des Bucoliques de Virgile : VIII, 52-56, où les chênes produisent des pommes d’or (v. 52-53) ou I, 59-63, où les flots déposent les poissons sur le rivage (v. 60).
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On connaît les recoins de la plaine marine, Même ceux cachés par les flots, Quelle onde est plus fertile en gemmes comme neige Et quelle en pourpre rougeoyante105, Ou bien quel littoral par ses tendres poissons Ou ses oursins piquants l’emporte. 15. Sed quonam lateat quod cupiunt bonum nescire caeci sustinent et quod stelliferum transabiit polum tellure demersi petunt. Mais où se cache le bien qu’on désire, aveugle On accepte de l’ignorer, Et ce qui transcende le ciel et ses étoiles106, On le cherche plongé au sol107. Quid dignum stolidis mentibus imprecer? 20. Opes honores ambiant et cum falsa graui mole parauerint tum uera cognoscant bona. Quelle imprécation digne des esprits sots ? Qu’on brigue richesse et honneurs, Quand avec peine on aura acquis les faux biens, Qu’alors on connaisse les vrais108 ! Prosa 9 1. – Hactenus mendacis formam felicitatis ostendisse suffecerit; quam si perspicaciter intueris, ordo est deinceps quae sit uera monstrare. Prose 9 1. Ph. – Jusqu’à maintenant, il a suffi de présenter la forme d’une félicité mensongère ; si tu l’aperçois avec clairvoyance, il est dans l’ordre des choses de montrer ensuite quelle serait la vraie109. 105 Nouvelle association des perles (v. 11) et de la pourpre (v. 12) : voir supra, III, IV, 1-2 (avec une périphrase analogue : niueis lapillis) et la note y afférente ; voir aussi III, III, 3 et la note y afférente pour les perles. 106 L’expression stelliferum polum peut venir de Sénèque (Phèdre, 785), comme le note Gruber (2006, p. 270). 107 Affirmation de la transcendance du souverain Bien. 108 Sur l’opposition entre les faux et les vrais biens, voir III, I, 11-13. 109 Mirandol (1861, p. 360) soutient que la thèse défendue dans les paragraphes qui suivent, au moins jusqu’au 30, où Boèce procède à « la réduction à l’unité de tous les
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2. – Atqui uideo, inquam, nec opibus sufficientiam nec regnis potentiam nec reuerentiam dignitatibus nec celebritatem gloria nec laetitiam uoluptatibus posse contingere. – An etiam causas cur id ita sit deprehendisti? 2. Bo. – Eh bien, je vois qu’on ne peut obtenir ni la suffisance110 par les richesses ni la puissance par le règne ni le respect par les dignités ni la célébrité par la gloire ni l’allégresse par les voluptés. Ph. – As-tu appréhendé aussi pourquoi il en était ainsi ? 3. – Tenui quidem ueluti rimula mihi uideor intueri, sed ex te apertius cognoscere malim. 3. Bo. – Je l’ai saisi certes, comme il me semble l’apercevoir par un interstice, mais je préférerais l’apprendre par toi avec plus de clarté. 4. – Atqui promptissima ratio est. Quod enim simplex est indiuisumque natura, id error humanus separat et a uero atque perfecto ad falsum imperfectumque traducit. An tu arbitraris quod nihilo indigeat egere potentia? – Minime, inquam. 4. Ph. – Eh bien, le raisonnement en est des plus évidents. En effet, ce qui est par nature simple et indivis l’erreur humaine le sépare et le fait passer du vrai et du parfait au faux et à l’imparfait. Toi, estimes-tu que ce qui ne manque de rien ait besoin de puissance ? Bo. – Pas le moins du monde.
avantages que les hommes considèrent comme autant d’éléments distincts du bonheur », lui aurait été inspirée par une partie du Philèbe de Platon. Mais à notre sentiment les deux démarches divergent. En effet, d’un côté Boèce cherche à établir une distinction entre le bien parfait, composé de vrais biens, lesquels, parce qu’ils forment une seule et même substance, comblent celui qui les possède individuellement d’un bonheur plénier, et les biens imparfaits, dont aucun ne peut être appréhendé sans les autres, quand « ce qui est par nature simple et indivis l’erreur humaine le sépare et le fait passer du vrai et du parfait au faux et à l’imparfait » (§ 4). D’un autre côté, Platon raisonne en disant (voir Philèbe, 21a-22e) que la pleine jouissance des grands plaisirs sans la capacité de penser, de juger et de raisonner juste n’est pas un état désirable, et qu’à l’inverse, l’état dans lequel on dispose de la sagesse, de l’intelligence, de la science et de la mémoire sans aucun plaisir, n’est pas non plus un état enviable. En revanche, ces deux états réunis en créent un troisième, à la fois désirable et suffisant. Doit-on alors l’appeler « volupté » ou « sagesse » ? Pour Socrate, c’est la sagesse qui a plus d’affinité et de ressemblance avec cet état mixte. De toute façon, dans l’hypothèse où le rapprochement serait fondé, la même question, récurrente, se pose : comment Boèce aurait-il eu connaissance de cette réflexion du Philèbe ? 110 Sur sufficientia voir supra III, 2, 19 et la note y afférente.
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5. – Recte tu quidem; nam si quid est quod in ulla re imbecillioris ualentiae sit, in hac praesidio necesse est egeat alieno. – Ita est, inquam. 5. Ph. – À coup sûr, tu estimes droitement. Car s’il y a quelque chose qui soit sur un point d’une capacité plus faible, il est nécessaire que pour cette chose il soit besoin d’une aide extérieure. Bo. – C’est ainsi. 6. – Igitur sufficientiae potentiaeque una est eademque natura. – Sic uidetur. 6. Ph. – Par conséquent, il existe une seule et même nature pour la suffisance et pour la puissance. Bo. – Ainsi le semble-t-il. 7. – Quod uero huius modi sit spernendumne esse censes an contra rerum omnium ueneratione dignissimum? – At hoc, inquam, ne dubitari quidem potest. 7. Ph. – « Mais ce qui est de ce genre, présumes-tu qu’il soit à mépriser ou au contraire le plus digne en toutes choses de vénération ? Bo. – Cette dernière présomption du moins ne peut assurément être mise en doute. 8. Addamus igitur sufficientiae potentiaeque reuerentiam, ut haec tria unum esse iudicemus. – Addamus, si quidem uera uolumus confiteri. 8. Ph. – Ajoutons par conséquent à la suffisance et à la puissance le respect, en sorte que nous jugions que ces trois modalités111 soient une. Bo. – Ajoutons-le, si bien sûr nous voulons confesser que cela est vrai. 9. – Quid uero, inquit, obscurum ne hoc atque ignobile censes esse an omni celebritate clarissimum? 9. Ph. – Eh quoi, présumes-tu que cela soit obscur et sans noblesse, ou bien le plus éclatant en tout par la célébrité ? 10. Considera uero, ne quod nihilo indigere, quod potentissimum, quod honore dignissimum esse concessum est, egere claritudine, quam sibi praestare non possit, atque ob id aliqua ex parte uideatur abiectius. 111 À la différence de la « suffisance » et de la « puissance », qui sont des qualités (ou des attributs) possédées par une nature suffisante et puissante, le « respect » (ou la « déférence ») que l’on inspire n’est pas constitutif de cette nature au même titre. Pareillement, plus loin, pour la « notoriété » (§ 12) et la « satisfaction » (§ 15). D’où la difficulté de toutes les subsumer ici à l’aide d’un seul terme.
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10. Considère alors que, ce dont on a reconnu qu’il ne manque de rien, qu’il est le plus puissant, qu’il est le plus digne par l’honneur, n’a pas besoin d’une notoriété qu’il ne pourrait se garantir à lui-même et, à cause de cela, semblerait par quelque aspect très banal. 11. – Non possum, inquam, quin hoc, uti est, ita etiam celeberrimum esse confitear. 11. Bo. – Je ne peux pas confesser que tel qu’il est ainsi il ne soit pas fort célébré aussi. 12. – Consequens igitur est ut claritudinem superioribus tribus nihil differre fateamur. – Consequitur, inquam. 12. Ph. – Il s’ensuit, par conséquent, comme nous l’avons avoué, que la notoriété ne diffère en rien des trois modalités précédentes112. Bo. – C’est ce qui s’ensuit. 13. – Quod igitur nullius egeat alieni, quod suis cuncta uiribus possit, quod sit clarum atque reuerendum, nonne hoc etiam constat esse laetissimum? 13. Ph. – Ce qui, par conséquent, n’a pas besoin d’un autre, ce qui peut tout par ses propres forces, ce qui est notoire et digne de respect, cela ne constitue-t-il pas aussi quelque chose au comble de l’allégresse ? 14. – Sed unde huic, inquam, tali maeror ullus obrepat, ne cogitare quidem possum; quare plenum esse laetitiae, si quidem superiora manebunt, necesse est confiteri. 14. Bo. – Et pour cela je ne peux même pas imaginer par où une affliction pourrait se glisser furtivement dans une telle chose ; voilà pourquoi il est nécessaire de confesser qu’elle est pleine d’allégresse, si bien sûr les modalités précédentes subsistent. 15. – Atqui illud quoque per eadem necessarium est, sufficientiae, potentiae, claritudinis, reverentiae, iucunditatis nomina quidem esse diuersa, nullo modo uero discrepare substantiam. – Necesse est, inquam.
À savoir : suffisance, puissance et respect.
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15. Ph. – Eh bien, il est nécessaire aussi que les noms de suffisance, de puissance, de notoriété, de respect, de satisfaction113 soient certes différents, mais en aucune manière que leur substance les différencie. Bo. – C’est nécessaire. 16. – Hoc igitur quod est unum simplexque natura prauitas humana dispertit et dum rei quae partibus caret partem conatur adipisci, nec portionem, quae nulla est, nec ipsam, quam minime affectat, assequitur. 16. Ph. – Par conséquent, ce qui est par nature un et simple, l’aberration humaine le disperse et, pendant qu’elle fait effort pour atteindre une partie de la chose qui manque de parties, elle n’obtient ni une portion, qui n’existe pas, ni la chose elle-même, qu’elle cherche le moins à atteindre. 17. – Quonam, inquam, modo? – Qui diuitias, inquit, petit penuriae fuga, de potentia nihil laborat, uilis obscurusque esse mauult, multas etiam sibi naturales quoque subtrahit uoluptates, ne pecuniam quam parauit amittat. 17. Bo. – De quelle façon ? Ph. – Celui qui brigue des richesses pour fuir la misère ne travaille en rien pour la puissance ; il préfère être vil et obscur, il se soustrait même aussi à beaucoup de voluptés naturelles, pour ne point perdre l’argent qu’il a mis de côté. 18. Sed hoc modo ne sufficientia quidem contingit ei quem ualentia deserit, quem molestia pungit, quem uilitas abicit, quem recondit obscuritas. 18. Mais de cette façon, la suffisance n’échoit assurément pas à celui que la vaillance délaisse, que l’inquiétude taraude, que la bassesse afflige, que l’obscurité dissimule. 19. Qui uero solum posse desiderat profligat opes114, despicit uoluptates honoremque potentia carentem, gloriam quoque nihili pendit. Entendons par « satisfaction » l’état affectif qui associe plaisir et soulagement. Profligat opes est une tournure qui a été, selon Gruber (1978, p. 275), prélevée chez Cornelius Népos (c. 100-24), Des hommes illustres – Pelopidas, II, III : « Magnae saepe res non ita magnis copiis sunt gestae; sed profecto numquam tam ab tenui initio tantae opes sunt profligatae = (à propos de la prise de Thèbes) Souvent de grandes choses n’ont pas été accomplies avec d’aussi grands moyens ; mais assurément, jamais autant n’ont été abattues, dès le début, avec de si faibles ressources ». 113 114
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19. Au vrai, celui qui désire seulement le pouvoir fait fi des richesses, dédaigne les voluptés et ne goûte en rien l’honneur privé de puissance ni même la gloire. 20. Sed hunc quoque quam multa deficiant uides; fit enim ut aliquando necessariis egeat, ut anxietatibus mordeatur, cumque haec depellere nequeat, etiam id quod maxime petebat, potens esse, desistat. 20. Mais tu vois tout ce qui fait encore défaut à cet homme ; il pourrait arriver, en effet, qu’il ait un jour besoin du nécessaire, qu’il soit mordu par l’anxiété, et comme il ne sait pas les écarter, il cessera même d’être puissant, ce qu’il briguait par dessus tout. 21. Similiter ratiocinari de honoribus, gloria, uoluptatibus licet; nam cum unumquodque horum idem quod cetera sit, quisquis horum aliquid sine ceteris petit ne illud quidem quod desiderat apprehendit. 21. Il est permis de raisonner semblablement sur les honneurs, la gloire, les voluptés ; car puisque chacun de ces biens est identique aux autres, quiconque brigue quelque chose sans les autres n’appréhende même pas celui qu’il désire. 22. – Quid igitur, inquam, si qui cuncta simul cupiat adipisci? – Summam quidem ille beatitudinis uelit; sed num in his eam repperiet, quae demonstrauimus id quod pollicentur non posse conferre? 22. Bo. – Quoi alors si quelqu’un ambitionnait de les atteindre tous ensemble ? Ph. – Celui-là voudrait certes la somme du bonheur115 ; mais est-ce qu’il la trouverait dans ces biens dont nous avons démontré qu’ils ne peuvent accorder ce qu’ils se sont engagés à accorder ? 23. – Minime, inquam. – In his igitur quae singula quaedam expetendorum praestare creduntur beatitudo nullo modo uestiganda est. – Fateor, inquam, et hoc nihil dici uerius potest. 23. Bo. – Pas le moins du monde. Ph. – Par conséquent, le bonheur ne doit en aucun façon être recherché avec soin dans ces biens individuels, dont on croit qu’ils procurent chacun ce qu’il faut convoiter. Bo. – Je l’avoue, et rien de plus vrai que cela ne peut être dit. 115 Summam beatitudinis, c’est à dire : la totalisation des sources du bonheur, et non l’« apogée » du bonheur.
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24. – Habes igitur, inquit, et formam falsae felicitatis et causas. Deflecte nunc in aduersum mentis intuitum; ibi enim ueram, quam promisimus, statim uidebis. 24. Ph. – Tu es par conséquent en possession à la fois de la forme de la fausse félicité et de ses causes. Tourne maintenant le regard de l’esprit du côté opposé ; là, en effet, tu verras sur-le-champ la vraie félicité que nous avons promise. 25. – Atqui haec, inquam, uel caeco perspicua est eamque tu paulo ante monstrasti, dum falsae causas aperire conaris. 25. Bo. – Eh bien, elle est évidente même pour un aveugle, et tu l’as montrée un peu avant116, alors que tu t’efforçais de dévoiler les causes de la fausse. 26. Nam, nisi fallor, ea uera est et perfecta felicitas quae sufficientem, potentem, reuerendum, celebrem laetumque perficiat. 26. Car, si je ne me trompe pas, la félicité vraie et parfaite est celle qui rend pleinement suffisant, puissant, digne de respect, célèbre et allègre. 27. Atque ut me interius animaduertisse cognoscas, quae unum horum, quoniam idem cuncta sunt, ueraciter praestare potest, hanc esse plenam beatitudinem sine ambiguitate cognosco. 27. Et même, afin que tu saches que j’ai tourné mon esprit plus vers l’intérieur117, je reconnais sans ambiguïté que ce bonheur, que peut procurer authentiquement un seul de ces biens, puisque tous sont identiques entre eux, est plénier118. 28. – O te, alumne, hac opinione felicem, si quidem hoc, inquit, adieceris! – Quidnam? inquam. 28. Ph. – Ô toi, mon nourrisson, te voici heureux par cette opinion, à la condition toutefois que tu ajoutes ceci ! Bo. – Quoi donc ? Voir supra, § 2. Entendons : que j’ai compris plus en profondeur. 118 Nous devons admettre que ce paragraphe ne tombe pas tout de suite sous le sens. Selon nous, en accord avec ce que nous avons énoncé à la n. 109, Boèce semble vouloir dire ceci : celui qui peut authentiquement réaliser l’un ou l’autre de ces biens, puisqu’ils n’en font qu’un, je reconnais qu’il est pleinement heureux. Autrement dit encore, un seul de ces biens n’apporte le bonheur que dans la mesure où il est totalement solidaire, donc inséparable, des autres. 116 117
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29. – Essene aliquid in his mortalibus caducisque rebus putas quod huius modi statum possit afferre? – Minime, inquam, puto idque a te, nihil ut amplius desideretur, ostensum est. 29. Ph. – Ne crois-tu pas qu’il y a dans les choses mortelles et caduques quelque chose qui puisse procurer un état de ce genre ? Bo. – Pas le moins du monde, et je crois que cela a si bien été montré par toi que rien de plus n’est à désirer. 30. – Haec igitur uel imagines ueri boni uel imperfecta quaedam bona dare mortalibus uidentur, uerum autem atque perfectum bonum conferre non possunt. – Assentior, inquam. 30. Ph. – Par conséquent, elles paraissent donner aux mortels soit des images119 du vrai Bien, soit des sortes de biens imparfaits, et pourtant en vérité elles ne peuvent pas fournir le Bien parfait. Bo. – J’y assentis. 31. – Quoniam igitur agnouisti quae uera illa sit, quae autem beatitudinem mentiantur, nunc superest ut unde ueram hanc petere possis agnoscas. – Id quidem, inquam, iam dudum uehementer exspecto. 31. Ph. – Puis donc que tu as reconnu celle qui est vraie d’entre celles qui contrefont le bonheur, il te suffit maintenant de reconnaître où tu pourras briguer cette chose vraie. Bo. – Cela, certes, j’y aspire déjà avec impatience depuis quelque temps. 32. – Sed cum, ut in Timaeo Platoni, inquit, nostro placet, in minimis quoque rebus diuinum praesidium debeat implorari, quid nunc faciendum censes ut illius summi boni sedem repperire mereamur? 32. Ph. – Mais puisque, comme il plaît à Platon dans notre Timée120, à propos des moindres choses aussi le secours divin doit être imploré, que présumes-tu qu’il faille faire à présent pour mériter de découvrir le siège de ce souverain Bien ? 33. – Inuocandum, inquam, rerum omnium patrem, quo praetermisso nullum rite fundatur exordium. – Recte, inquit; ac simul ita modulata est: Cf. supra, III, 1, 5. Voir Platon, Timée, 27c, où Socrate et Timée conviennent ensemble qu’il est convenable et raisonnable d’évoquer et d’implorer l’assistance divine avant d’entreprendre d’expliquer l’univers. 119 120
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33. Bo. – Il faut invoquer le Père de toutes les choses, dans l’ignorance duquel aucun exorde n’est fondé selon les règles121. Ph. – C’est correctement pensé. Bo. – Et aussitôt elle a modulé ainsi : Metrum IX – Mètre IX Ph. – 1. O qui perpetua mundum ratione gubernas, terrarum caelique sator, qui tempus ab aeuo ire iubes stabilisque manens das cuncta moueri, quem non externae pepulerunt fingere causae 5. materiae fluitantis opus uerum insita summi forma boni liuore carens, tu cuncta superno ducis ab exemplo, pulchrum pulcherrimus ipse mundum mente gerens similique in imagine formans perfectasque iubens perfectum absoluere partes. Ô toi qui gouvernes le monde avec l’éternelle raison122, Semeur de la terre et du ciel123, qui fais aller le temps Depuis l’éternité et fais mouvoir le tout en restant immobile124, Qu’aucune cause externe n’a poussé à façonner l’ouvrage De la matière en flux125, mais en toi, du souverain Bien La forme sans envie 126 ; tu tires tout de l’exemple suprême127 ; On doit sous-entendre : de la rhétorique. Moreschini (1994, p. 210, n. 1) souligne à juste titre l’importance au centre de la Consolation de ce poème hexamétrique néoplatonicien (nombreux points de contact avec le Timée et son commentaire par Proclus) autonome qui suit la composition traditionnelle d’une prière : l’invocation à la divinité en Du-Stil (v. 1-6), son arétalogie (v. 7-20) et la prière finale de demande avec une accumulation d’épiclèses (v. 21-28). Riche commentaire et bibliographie dans Gruber (2006, p. 275-288). Sur la fonction de Dieu qui gouverne le monde, voir Platon, Lois, 709b ; Cléanthe, Hymne, v. 2 ; Proclus, Hymnes, IV, 1. 123 Cf. Virgile (Énéide, I, 254 et XI, 725) : « hominum sator atque deorum = semeur des hommes et des dieux ». 124 Le temps, en un flux continu (perpetua) s’oppose à l’éternité immobile (voir Platon, Timée, 37d) ; Dieu, Moteur immobile (voir Aristote, Physique, 256b et Métaphysique, 1072a ; Proclus, Commentaire sur le Timée, I, 396), a initié le flux du temps. 125 La divinité organise ce flux (voir Platon, Timée, 30a). 126 Sans envie, Dieu est bonté et souverain Bien et c’est dans sa propre bonté qu’il a trouvé la raison d’ordonner le monde (voir Platon, Timée, 29e) ; cf. aussi Victorius, Alethia, Préface, 50-51 et Augustin, Confessions, XIII, IV, 5. 127 Toute chose dérive de l’exemple divin (voir Platon, Timée, 29a et Proclus, Commentaire sur le Timée, I, p. 320) et donc le monde (matériel) est à l’image de Dieu, qui est dans l’ordre intellectuel (voir Id., ibid., 31b), ce qui, hormis le concept de création, concorde avec la conception biblique de la Genèse. 121 122
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Toi, le plus beau, tu portes la beauté du monde en ton esprit ; En une image à ressemblance tu le formes, À ses parties parfaites tu prescris de le rendre parfait128. 10. Tu numeris elementa ligas, ut frigora flammis, arida conueniant liquidis, ne purior ignis euolet aut mersas deducant pondera terras. Tu triplicis mediam naturae cuncta mouentem conectens animam per consona membra resoluis ; Par le nombre tu lies les éléments afin que se rassemblent129 La flamme avec le froid, l’aqueux avec le sec, que ne s’envole Plus pur le feu130 ou que son poids au fond n’engloutisse la terre. Tu connectes l’âme médiane, à la triple nature131, Qui meut le tout, la divisant en harmonie parmi les membres. 15. quae cum secta duos motum glomerauit in orbes, in semet reditura meat mentemque profundam circuit et simili conuertit imagine caelum. Tu causis animas paribus uitasque minores prouehis et leuibus sublimes curribus aptans 20. in caelum terramque seris, quas lege benigna ad te conuersas reduci facis igne reuerti. Quand, coupée, elle a concentré en deux cercles le mouvement, Allant se retourner sur elle-même, elle encercle l’Esprit profond Et fait tourner le ciel en une image similaire132. Le monde est parfait et composé de parties parfaites (Platon, Timée, 32d). Sur les proportions mathématiques qui assurent la cohérence du monde, voir Platon, Timée, 31c, et Proclus, Commentaire sur le Timée, II, 25. Expression analogue chez Martianus Capella, Des Noces, I, 1, v. 9 (cf. I, 92, v. 31), indiqué par Gruber (2006, p. 280) : « namque elementa ligas = de fait, tu lies les éléments ». 130 Le feu est plus pur que l’air : voir Ovide, Métamorphoses, XV, 243 (« aere purior ignis = le feu plus pur que l’air »), signalé par Gruber (2006, p. 281). 131 Sur l’âme éternelle du monde et ses trois parties, voir Platon, Timée, 35a. 132 Le démiurge a divisé en deux l’âme du monde et plié chacune de ces deux parties en cercles qu’il met en mouvement (Platon, Timée, 36b-c) ; l’âme tourne donc sur ellemême (v. 16-17) : voir Platon, Timée, 36e ; Proclus, Commentaire sur le Timée, II, 247. La mens profunda autour de laquelle elle tourne est l’intellect de Dieu, et l’âme cosmique met en mouvement le ciel (voir Proclus, Commentaire sur le Timée, II, 282 ; cf. aussi Victorius, Alethia, Préface, 29 sqq. et Synésios, Hymnes, II, 16 sqq. – cités par Gruber, 2006, p. 283). Dans son expression, la fin du v. 15 est classique : voir Virgile, Géorgiques, IV, 79 à propos d’un essaim d’abeilles : glomerantur in orbem ; Ovide, Métamorphoses, I, 35 à propos de l’agglomération de la terre par le démiurge : glomerauit in orbis, ou VI, 19 à propos de laine enroulée, glomerabat in orbis. 128 129
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Avec pareilles causes tu produis les âmes et les vies mineures Et à des chars légers tu les unis là-haut ; tu les parsèmes Sur la terre et au ciel133, et par une loi bienveillante Tu les fais revenir à toi, tournées par le feu du retour134. Da, pater, augustam menti conscendere sedem, da fontem lustrare boni, da luce reperta in te conspicuos animi defigere uisus. 25. Dissice terrenae nebulas et pondera molis atque tuo splendore mica ; tu namque serenum, tu requies tranquilla piis, te cernere finis, principium, uector, dux, semita, terminus idem. Ô Père, donne à mon esprit de m’élever à ton séjour auguste135, Donne lui de voir la source du bien136, dans la lumière retrouvée Donne lui de fixer sur toi, bien clairs, les regards de mon âme137. Dissipe les nuées, le poids de la masse terrestre138 Et brille en ta splendeur. Car tu es le serein des justes, Tu es leur tranquille repos139 et te voir est leur fin, À la fois principe140, vecteur, guide, chemin, et terme ultime. Gruber (2006, p. 283) met en parallèle Platon, Timée, 42d et Proclus, Commentaire sur le Timée, III, p. 307. 134 L’âme cosmique est le principe de toutes les âmes animales (voir Platon, Timée, 41d et Proclus, Commentaire sur le Timée, I, 236). À la fin de son union avec le corps, l’âme humaine retourne au ciel sur un véhicule qui lui permet de traverser les cercles du ciel : voir Platon, Timée, 41e ; Proclus, Commentaire sur le Timée, I, 236 et III, 268 et 273 ; Hymnes, III, 1 et IV, 2 ; Macrobe, Commentaire sur le Songe de Scipion, I, 12, 13. Sur le caractère bienveillant de cette loi, voir Proclus, Commentaire sur le Timée, III, p. 266, 273 et 300. 135 Après Gruber (1978, p. 285), Moreschini (1994, p. 214, n. 23) rapproche à juste titre ce vers de la prière de Tiberianus (IV, 28 : « da, Pater, augustas ut possim noscere causas = donne-moi, ô Père, de connaître les causes augustes »), et de Martianus Capella (Des Noces, II, 193 : « da, pater, aetherios mentis conscendere coetus = donne à mon esprit, ô Père, de s’élever aux chœurs de l’éther ». 136 Dieu source du bien : voir Proclus, Commentaire sur le Timée, III, 249. 137 Dieu ne peut être vu que spirituellement : Platon, La République, 532a-b ; Macrobe, Commentaire sur le songe de Scipion, I, 14, 2. Valeur analogue de l’adjectif conspicuos chez Prudence, Hamartigénie, 864-865, pour désigner une vue claire (Gruber, 2006, p. 285). 138 Sur ce topos platonicien qui oppose la lumière céleste à l’obscurité terrestre, voir par exemple Cicéron, Tusculanes, I, 42-43, cité par Gruber (2006, p. 287). 139 Cf. Proclus, Hymnes, VI, 12 ; Augustin, Confessions, I, I, 1. L’expression banale tranquilla quies se lit chez Lucain (Pharsale, I, 250), cité par Gruber (2006, p. 287). 140 Dieu est le début et la fin (voir Platon, Lois, 715e et al. – Gruber, 2006, p. 287288) ; pour les Chrétiens, l’Alpha et l’Oméga (Ap 1, 8 et 21, 6). Épiclèses du même type 133
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Prosa 10 1. – Quoniam igitur quae sit imperfecti, quae etiam perfecti boni forma uidisti, nunc demonstrandum reor quonam haec felicitatis perfectio constituta sit. Prose 10 1. Ph. – Puis donc que tu as vu ce qu’est la forme du bien imparfait et aussi celle du Bien parfait, j’ai dans l’idée qu’il faut montrer à présent de quoi est constituée cette perfection de la félicité. 2. In quo illud primum arbitror inquirendum, an aliquod huius modi bonum, quale paulo ante definisti, in rerum natura possit exsistere, ne nos praeter rei subiectae ueritatem cassa cogitationis imago decipiat. 2. En quoi je présume qu’il faut d’abord rechercher s’il peut exister dans la nature des choses quelque bien de ce genre, tel que tu l’as défini un peu avant141, afin que, à côté de la vérité de la chose soumise, une image chimérique de notre représentation ne nous trompe pas. 3. Sed quin exsistat sitque hoc ueluti quidam omnium fons bonorum, negari nequit; omne enim quod imperfectum esse dicitur id imminutione perfecti imperfectum esse perhibetur. 3. Mais il ne saurait être nié qu’il existe et qu’il soit comme la source de tous les biens ; en effet, tout ce dont on dit qu’il est imparfait est représenté comme étant imparfait par affaiblissement du parfait. 4. Quo fit ut, si in quolibet genere imperfectum quid esse uideatur, in eo perfectum quoque aliquid esse necesse sit; etenim, perfectione sublata, unde illud quod imperfectum perhibetur exstiterit, ne fingi quidem potest. 4. D’où il vient que si dans un genre quelconque une chose paraît être imparfaite, en cela il est nécessaire que quelque chose aussi soit parfait ; et de fait, la perfection soustraite, on ne peut même plus imaginer d’où existerait ce qui est représenté comme imparfait. 5. Neque enim ab deminutis inconsummatisque natura rerum cepit exordium, sed ab integris absolutisque procedens in haec extrema atque effeta dilabitur.
chez Dracontius, Louanges de Dieu, I, 434 : « spes opifex dominus rector dux arbiter index = espérance, artisan, seigneur, directeur, chef, arbitre, guide ». 141 Voir supra, III, 9, 26.
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5. Et en effet, la nature des choses n’a pas choisi un commencement depuis celles qui sont diminuées et inachevées, mais, en procédant des intègres et des absolues, elle se répand dans celles qui sont à l’extrême et épuisées142. 6. Quodsi, uti paulo ante monstrauimus, est quaedam boni fragilis imperfecta felicitas, esse aliquam solidam perfectamque non potest dubitari. – Firmissime, inquam, uerissimeque conclusum est. 6. Que si, comme nous l’avons montré un peu avant143, il existe une certaine félicité imparfaite du bien fragile, il ne peut être mis en doute qu’il en existe quelque solide et parfaite. Bo. – Cela est concluant de la manière la plus ferme et la plus vraie. 7. – Quo uero, inquit, habitet, ita considera. Deum, rerum omnium principem, bonum esse communis humanorum conceptio probat animorum; nam cum nihil deo melius excogitari queat, id quo melius nihil est bonum esse quis dubitet? 7. Ph. – Mais dans lequel elle réside, considère-le ainsi. La conception commune des esprits humains prouve que Dieu, principe de toutes choses, est le Bien144 ; car puisque rien de meilleur que Dieu ne saurait être imaginé145, qui douterait que ce dont rien n’est meilleur soit le Bien ? 8. Ita uero bonum esse deum ratio demonstrat, ut perfectum quoque in eo bonum esse conuincat. 8. Et la raison démontre que Dieu est bon en sorte qu’elle convainc également que le Bien est en Lui. 9. Nam ni tale sit, rerum omnium princeps esse non poterit; erit enim eo praestantius aliquid perfectum possidens bonum, quod hoc prius atque
142 L’idée que la nature des choses créées va du parfait à l’imparfait, reprendrait celle de Platon, selon lequel, précisément, le monde se développe en progressant de même (voir Timée, 92c). Mais cela impliquerait l’accès à une partie du dialogue qui n’aurait pas été à la disposition de Boèce. D’où le recours possible au commentaire de Proclus. 143 Voir supra, III, 3-8. 144 Nouvel écho probable du Timée : c’est parce que Dieu, en tant que souverain Bien (90c), est parfaitement bon qu’il a voulu que l’univers fût semblable à Lui (29e-30a). 145 On pourra reconnaître dans les paragraphes 7-16 ce qui constituera la matrice de l’argumentum du Proslogion de saint Anselme († 1109), notamment avec le syntagme : quo nihil constat esse praestantius (§ 15) – cf. Proslogion, II : quo nihil maius cogitari possit ou nequit (= Schmitt, I, p. 101-102).
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antiquius esse uideatur; omnia namque perfecta minus integris priora esse claruerunt. 9. Car s’Il n’était pas tel, Il ne pourrait être le principe de toutes choses ; il y aurait, en effet, quelque chose de plus éminent que Lui possédant le Bien parfait, qui en cela semblerait être premier et plus ancien ; et de fait, toutes les choses parfaites se distinguent comme étant premières par rapport à celles qui sont moins accomplies. 10. Quare ne in infinitum ratio prodeat, confitendum est summum deum summi perfectique boni esse plenissimum; sed perfectum bonum ueram esse beatitudinem constituimus: ueram igitur beatitudinem in summo deo sitam esse necesse est. – Accipio, inquam, nec est quod contra dici ullo modo queat. 10. C’est pourquoi, afin que le raisonnement ne progresse pas à l’infini, il faut confesser que le Dieu souverain est l’expression la plus achevée du Bien souverain et parfait ; mais nous avons établi que le Bien parfait est le vrai bonheur : par conséquent, il est nécessaire que le vrai bonheur se situe dans le Dieu souverain. Bo. – Je l’accepte, et en aucune façon il ne saurait y avoir quelque chose à dire contre. 11. – Sed quaeso, inquit, te, uide quam id sancte atque inuiolabiliter probes quod boni summi summum deum diximus esse plenissimum. – Quonam, inquam, modo? 11. Ph. – Mais, je t’en prie, toi, mesure à quel point tu approuves de manière sainte autant qu’inviolable146 ce que nous avons dit, à savoir que le Dieu souverain est l’expression la plus achevée du Bien souverain. Bo. – De quelle façon ? 12. – Ne hunc rerum omnium patrem illud summum bonum quo plenus esse perhibetur uel extrinsecus accepisse uel ita naturaliter habere praesumas quasi habentis dei habitaeque beatitudinis diuersam cogites esse substantiam. 12. Ph. – Ne présume point que ce Père de toutes choses ou bien a reçu de l’extérieur, ou bien a possédé naturellement ce souverain Bien147, 146 Il y a dans les adverbes sancte et inviolabiliter, qui, soit dit en passant, redondent quelque peu entre eux, une dimension sacrée qu’il importe, croyons-nous, de ne pas édulcorer. 147 Les conséquences d’une possession depuis l’extérieur vont être énoncées au § 13, et celles d’une possession naturelle au § 14.
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dont on rapporte qu’il est plénier, comme si tu pensais qu’il y avait une substance du Dieu possédant le bonheur et une autre du bonheur possédé par Dieu. 13. Nam si extrinsecus acceptum putes, praestantius id quod dederit ab eo quod acceperit existimare possis; sed hunc esse rerum omnium praecellentissimum dignissime confitemur. 13. Car si tu le croyais reçu de l’extérieur, tu pourrais estimer que celui qui l’a donné est plus éminent que celui qui l’a reçu ; mais nous confessons le plus dignement que Dieu est la plus précellente de toutes les choses. 14. Quod si natura quidem inest sed est ratione diuersum, cum de rerum principe loquamur deo, fingat qui potest quis haec diuersa coniun xerit. 14. Que s’Il148 est assurément en Lui par la nature, mais en est différent par la raison, comme nous parlons de Dieu principe des choses, que celui qui le peut imagine qui a uni ces instances différentes149. 15. Postremo, quod a qualibet re diuersum est, id non est illud a quo intellegitur esse diuersum; quare quod a summo bono diuersum est sui natura, id summum bonum non est; quod nefas est de eo cogitare, quo nihil constat esse praestantius. 15. Enfin, ce qui est différent d’une chose quelle qu’elle soit n’est pas ce relativement à quoi il est compris comme étant différent150 ; c’est pourquoi, ce qui est différent du souverain Bien par sa nature, n’est pas le souverain Bien ; ce qu’il est néfaste151 de penser de Dieu, dont il n’est rien que l’on constate de plus éminent. 16. Omnino enim nullius rei natura suo principio melior poterit exsistere; quare quod omnium principium sit, id etiam sui substantia summum esse bonum uerissima ratione concluserim. – Rectissime, inquam. 16. En effet, la nature d’absolument aucune chose ne pourra exister meilleure que son principe ; c’est pourquoi j’en conclurai, par le C’est-à-dire : le souverain Bien. À savoir : Dieu et le souverain Bien. 150 Autrement dit : A, en tant que différent de B, ne peut pas être B. Y aurait-il là plus qu’un truisme ? Voir le début du § 19, infra. 151 Nefas aurait en l’occurrence à la fois le sens de ce qui est impie ou sacrilège et celui de ce qui n’est pas autorisé d’un point de vue dialectique. 148 149
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r aisonnement le plus vrai, que ce qui est principe de tout est en plus, par sa propre substance, le souverain Bien. Bo. – C’est conclu le plus correctement. 17. – Sed summum bonum beatitudinem esse concessum est. – Ita est, inquam. – Igitur, inquit, deum esse ipsam beatitudinem necesse est confiteri. – Nec propositis, inquam, prioribus refragari queo et illis hoc inlatum consequens esse perspicio. 17. Ph. – Mais le souverain Bien a été accepté comme étant le bonheur lui-même. Bo. – C’est ainsi. Ph. – Par conséquent, il est nécessaire de confesser que Dieu est le bonheur lui-même. Bo. – Je ne suis pas en capacité de m’opposer aux données précédentes, et je perçois nettement que ce résultat est la conséquence de ces dernières. 18. – Respice, inquit, an hinc quoque idem firmius approbetur, quod duo summa bona quae a se diuersa sint esse non possunt. 18. Ph. – Regarde si de ce fait il est aussi approuvé, d’une manière plus assurée également, que deux souverains biens qui seraient différents entre eux ne peuvent pas exister. 19. Etenim quae discrepant bona non esse alterum quod sit alterum liquet; quare neutrum poterit esse perfectum, cum alterutri alterum deest. Sed quod perfectum non sit, id summum non esse manifestum est; nullo modo igitur quae summa sunt bona, ea possunt esse diuersa. 19. Et de fait, de deux biens qui diffèrent il est clair que l’un n’est pas ce qu’est l’autre ; c’est pourquoi, ni l’un ni l’autre ne pourra être parfait, puisque l’un fait défaut à l’autre. Mais il est manifeste que ce qui n’est pas parfait n’est pas souverain ; par conséquent, en aucune manière ces deux biens qui sont souverains ne peuvent être différents. 20. Atqui et beatitudinem et deum summum bonum esse collegimus: quare ipsam necesse est summam esse beatitudinem quae sit summa diuinitas. 20. Or nous avons déduit qu’à la fois le bonheur et Dieu sont le souverain Bien ; c’est pourquoi il est nécessaire que le bonheur soit luimême souverain, lui qui est la divinité souveraine.
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21. – Nihil, inquam, nec reapse uerius nec ratiocinatione firmius nec deo dignius concludi potest. 21. Bo. – Rien ne peut être conclu de plus vrai sur le fond, ni de plus assuré par un ensemble de raisonnements, ni de plus digne pour Dieu. 22. – Super haec, inquit, igitur, ueluti geometrae solent demonstratis propositis aliquid inferre, quae porismata ipsi uocant, ita ego quoque tibi ueluti corollarium dabo. 22. Ph. – Sur ce, donc, de même que les géomètres ont l’habitude d’inférer quelque chose par des propositions démontrées, qu’eux-mêmes appellent des porismes, de même moi aussi je vais te donner comme un corollaire152. 23. Nam quoniam beatitudinis adeptione fiunt homines beati, beatitudo uero est ipsa diuinitas, diuinitatis adeptione beatos fieri manifestum est. 23. Car puisque des hommes sont rendus heureux par l’acquisition du bonheur, et que d’autre part le bonheur est la divinité elle-même, il est manifeste que les hommes sont rendus heureux par l’acquisition de la divinité. 24. Sed uti iustitiae adeptione iusti, sapientiae sapientes fiunt, ita diuinitatem adeptos deos fieri simili ratione necesse est. 24. Mais de même que les hommes se rendent justes par l’acquisition de la justice, les sages par celle de la sagesse, de même il est nécessaire que par un raisonnement semblable ceux qui ont acquis la divinité soient rendus comme des dieux153. 25. Omnis igitur beatus deus. Sed natura quidem unus; participatione uero nihil prohibet esse quam plurimos.
152 Boèce serait l’initiateur de l’équivalence gréco-latine : πόρισμα = corollarium. C’est Euclide qui aurait, le premier, mentionné le « porisme », mais sans le définir. Selon Léon Brunschvicg, les porismes « traitaient de propositions incomplètement démontrées et dont il s’agissait de chercher la preuve logique rigoureuse et générale » (Lalande, 1968, p. 788-789) – voir supra, III, 10, 26 et la note y afférente, et J.-Y. Guillaumin (2003) pour la dette néoplatonicienne de Boèce sur ce point. 153 Selon Mirandol (1861, p. 365), le raisonnement serait emprunté à un passage du Gorgias de Platon (460b), à ceci près que ce dernier ne l’étend pas à la divinité, puisqu’il se limite au charpentier, au musicien, au médecin et au juste. De toute façon, la difficulté demeure de savoir comment Boèce aurait pu accéder à ce texte.
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25. Par conséquent, tout homme heureux est Dieu. Mais par nature Celui-ci est assurément Un ; en vérité, rien n’empêche qu’il y ait plusieurs dieux par participation154. 26. Et pulchrum, inquam, hoc atque pretiosum siue porisma siue corollarium uocari mauis. 26. Et cela, qui est beau et précieux, est appelé soit un porisme, soit, si tu préfères, un corollaire155. 27. Atqui hoc quoque pulchrius nihil est, quod his adnectendum esse ratio persuadet. – Quid? inquam. 27. Or rien n’est plus beau non plus que ce dont la raison persuade qu’il doit être rattaché aux choses précédentes. Bo. – Quoi ? 28. – Cum multa, inquit, beatitudo continere uideatur, utrumne haec omnia unum ueluti corpus beatitudinis quadam partium uarietate coniungant an sit eorum aliquid quod beatitudinis substantiam compleat, ad hoc uero cetera referantur? 28. Ph. – Puisque le bonheur paraît contenir beaucoup de choses, toutes celles-ci élaboreraient-elles, avec une certaine diversité des parties, comme un corps unique du bonheur, ou bien y aurait-il quelque chose d’elles qui donnerait consistance à la substance du bonheur, et auquel les autres seraient rapportées ? 29. – Vellem, inquam, id ipsarum rerum commemoratione patefaceres. – Nonne, inquit, beatitudinem bonum esse censemus? – Ac summum quidem, inquam. 29. Bo. – Je voudrais que tu mettes cela au jour par le rappel de ces choses mêmes. Ph. – Ne concevons-nous pas que le bonheur est le Bien ? Bo. – Et même le souverain Bien. 154 Ces dieux ne sont autres que les hommes heureux. Cf. Platon, La République (500c-d), et notre Introduction, p. 108-109. 155 En fonction de la définition du porisme proposée à la n. 152, supra, on vérifie ici que le syllogisme : « les hommes sont rendus heureux par l’acquisition du bonheur / le bonheur est la divinité elle-même / les hommes sont rendus heureux par l’acquisition de la divinité elle-même », a besoin de la suite pour être complètement démonstratif, à savoir : « tout homme heureux est un dieu par participation ». C’est cette seconde partie qui est appelée « porisme » ou « corollaire ».
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30. – Addas, inquit, hoc omnibus licet. Nam eadem sufficientia summa est, eadem summa potentia, reuerentia quoque, claritas156 ac uoluptas beatitudo esse iudicatur. 30. Ph. – Il est permis que tu ajoutes ce qualificatif à tout. Car il y a la suffisance souveraine même, la puissance souveraine même, le respect aussi, la renommée et la volupté : chacun est jugé comme étant le bonheur. 31. Quid igitur, haecine omnia, bonum, sufficientia, potentia ceteraque, ueluti quaedam beatitudinis membra sunt an ad bonum ueluti ad uerticem cuncta referuntur? 31. Quoi alors ? Tous ces avantages – le bien, la suffisance, la puissance et les autres – sont-ils comme les membres distincts du bonheur, ou se réfèrent-ils tous au Bien comme à un sommet ? 32. – Intellego, inquam, quid inuestigandum proponas, sed quid constituas audire desidero. 32. Bo. – Je comprends ce que tu proposes à l’investigation, mais je désire entendre ce que tu as établi. 33. – Cuius discretionem rei sic accipe. Si haec omnia beatitudinis membra forent, a se quoque inuicem discreparent; haec est enim partium natura ut unum corpus diuersa componant. 33. Ph. – Dans ce cas, écoute l’analyse de ce point. Si tous ces biens étaient des membres du bonheur, ils se différencieraient aussi entre eux ; il relève, en effet, de la nature des parties que, diverses, elles composent un corps unique. 34. Atqui haec omnia idem esse monstrata sunt. Minime igitur membra sunt; alioquin ex uno membro beatitudo uidebitur esse coniuncta, quod fieri nequit. 34. Or tous ces biens ont été démontrés comme étant une même chose ; ce ne sont par conséquent pas le moins du monde des membres. Sans quoi, le bonheur paraîtrait être composé d’un membre unique, ce qui ne saurait se faire. 156 On notera un nouvel effet de la variatio sermonis pour exprimer ce qui contribue à rendre illustre : claritudo (« notoriété » ici et passim), celebritas (« célébrité » – III, 2, 10 et passim), claritas (« prestige » – III, 2, 17 et passim) et fama (« renommée » – III, 6, 5).
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35. – Id quidem, inquam, dubium non est, sed id quod restat exspecto. 35. Bo. – Cela n’est certes pas douteux, mais j’aspire157 à connaître ce qui reste. 36. – Ad bonum uero cetera referri palam est. Idcirco enim sufficientia petitur, quoniam bonum esse iudicatur; idcirco potentia, quoniam id quoque esse creditur bonum; idem de reuerentia, claritudine, iucunditate coniectare licet. 36. Ph. D’autre part, c’est ouvertement que tous les autres se réfèrent au bien. En effet, pour cela que la suffisance est briguée, on juge qu’elle est un bien et pour cela que la puissance l’est aussi, on croit qu’elle est un bien ; de même, il est permis de le conjecturer pour le respect, la notoriété, la satisfaction. 37. Omnium igitur expetendorum summa atque causa bonum est; quod enim neque re neque similitudine ullum in se retinet bonum, id expeti nullo modo potest. 37. Par conséquent, la somme et la cause de toutes nos attentes c’est le Bien158 ; en effet, ce qui en soi ne retient aucun bien ni quant à la chose ni quant à sa ressemblance159, ne peut en aucune manière être attendu. 38. Contraque etiam quae natura bona non sunt, tamen, si esse uideantur, quasi uere bona sint appetuntur. Quo fit uti summa, cardo atque causa expetendorum omnium bonitas esse iure credatur. 38. Et même au contraire, si les choses qui ne sont pas bonnes par nature paraissent l’être néanmoins, elles sont convoitées comme étant vraiment bonnes. D’où il vient que la bonté160 est crue à juste titre comme étant la somme, le pivot et la cause de toutes nos attentes. 39. Cuius uero causa quid expetitur, id maxime uidetur optari, ueluti si salutis causa quispiam uelit equitare, non tam equitandi motum desiderat quam salutis effectum. 157 Dans les § 35-41, et comme à notre habitude, nous avons tenté tant bien que mal de respecter la variatio sermonis visiblement voulue par Boèce : appetere, desiderare, expetere, exspectare, optare, petere, quaerere, velle. 158 Mirandol (1861, p. 365-366) signale que cette idée rectrice provient du Ménon (77b-e) et du Gorgias (451e-452e) de Platon, sans se poser toutefois la question de savoir comment Boèce y aurait eu accès. 159 Soit : ce qui du bien ni n’en fournit la réalité ni n’en reflète l’image. 160 Rappelons qu’en français, la « bonté » désigne, dans le domaine moral, ce qui est conforme à la fois à ce qui est « bon » et à ce qui est « bien ».
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39. D’autre part, la raison pour laquelle quelque chose est attendu, paraît être ce qui est le plus souhaité ; par exemple, si quelqu’un veut monter à cheval pour raison de santé, il ne désire pas tant l’excercice équestre que son effet sur la santé. 40. Cum igitur omnia boni gratia petantur, non illa potius quam bonum ipsum desideratur ab omnibus. 40. Par conséquent, puisque toute chose est briguée en fonction du Bien, ce n’est pas elle mais plutôt le Bien lui-même qui est désiré par tous les hommes. 41. Sed propter quod cetera optantur, beatitudinem esse concessimus; quare sic quoque sola quaeritur beatitudo. 41. Mais nous avons concédé que c’est à cause du bonheur que les autres biens sont souhaités ; c’est pourquoi aussi le bonheur est seul recherché de cette manière. 42. Ex quo liquido apparet ipsius boni et beatitudinis unam atque eandem esse substantiam. – Nihil uideo cur dissentire quispiam possit. 42. De cela il ressort nettement que la substance du Bien lui-même et du bonheur est une et identique. Bo. – Je ne vois rien pour que quelqu’un puisse le ressentir autrement. 43. – Sed deum ueramque beatitudinem unum atque idem esse monstrauimus. – Ita, inquam. – Securo igitur concludere licet dei quoque in ipso bono nec usquam alio sitam esse substantiam. 43. Ph. – Mais nous avons montré que Dieu et le vrai bonheur sont une chose une et identique. Bo. – C’est ainsi. Ph. – Par conséquent, il est permis de conclure sans crainte que la substance de Dieu est située aussi dans le Bien lui-même et nulle part ailleurs. Metrum X – Mètre X Ph. – 1. Huc omnes pariter uenite capti, Quos fallax ligat improbis catenis terrenas habitans libido mentes : haec erit uobis requies laborum, 5. hic portus placida manens quiete, hoc patens unum miseris asylum.
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Venez tous ici également captifs161, Vous que le désir trompeur, logé en l’âme Terrestre, attache par de mauvaises chaînes : Ce sera pour vous le repos de vos peines162, Le port qui demeure en un repos paisible163, Le seul asile qui s’ouvre aux malheureux. Non quicquid Tagus aureis harenis donat aut Hermus rutilante ripa aut Indus calido propinquus orbi 10. candidis miscens uirides lapillos inlustrent aciem magisque caecos in suas condunt animos tenebras. Ni ce que donne le Tage aux sables d’or, Ni l’Hermus avec sa rive rutilante164, Ni l’Indus qui s’approche du cercle chaud Et qui mêle les pierres blanches aux vertes165, Ne vous éclairciraient la vue : ils enferment Plutôt dans ses ténèbres l’esprit aveugle. Hoc, quicquid placet excitatque mentes, infimis tellus aluit cauernis ; 161 Les premiers vers de ce poème peuvent faire penser à Mt 11, 28 : « uenite ad me, omnes qui laboratis… et inuenietis requiem animabus uestris = venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine… et vous trouverez la paix dans vos âmes »). Mais le concept de paix est commun à bien des philosophies. 162 Virgile avait écrit à propos de la fin des épreuves d’Énée (Énéide, III, 393) : « requies… certa laborum = le repos assuré de ses peines » ; Prudence avait repris toute l’expression en l’appliquant au Christ (Apothéosis, 394) et Dracontius à propos de la mort (Louanges de Dieu, 1, 559). Ici, le repos (cf. supra, III, 9, 27), le port (v. 5) est la philosophie (voir Cicéron, Tusculanes, V, 5) ou Dieu lui-même (voir les Néoplatoniciens, comme Porphyre, Vie de Plotin, 22, 25-26, et les Chrétiens comme Lactance, Épitomé, XLVII, 1). 163 Pour une expression aussi banale que placida quiete, Boèce avait-il besoin d’un passage de l’Octavie (717-718), où Poppée dit qu’elle n’a pas pu « placida frui / quiete = jouir d’un repos paisible » (Gruber, 2006, p. 297) ? 164 Fleuves aurifères, d’Espagne pour le Tage (cf. e.g. Sénèque, Thyeste, 354 ; Stace, Silves, I, 3, 107), de Lydie pour l’Hermus (cf. e.g. Virgile, Géorgiques, II, 137) où se jette le Pactole. 165 À travers son fleuve l’Indus, Boèce renvoie à l’Inde, célèbre pour ses émeraudes (pierres vertes) et ses perles (candidis : cf. supra, III, 3, 3 et III, 4, 2). Même association, dans une formulation très proche, des perles et des émeraudes à propos d’une coquette chez Horace (Satires, I, 2, 80 : « inter niueos uiridisque lapillos = parmi les petites pierres blanches comme neige ou vertes », cité par Gruber, 2006, p. 297).
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15. splendor quo regitur uigetque caelum uitat obscuras animae ruinas ; hanc quisquis poterit notare lucem candidos Phoebi radios negabit. Tout ce qui plaît et excite les esprits, La terre l’a nourri au fond de ses antres. La splendeur qui mène et vivifie le ciel Évite l’obscurité de l’âme en ruine. Quiconque pourra noter cette lumière Déniera l’éclat aux rayons de Phébus166. Prosa 11 1. – Assentior, inquam; cuncta enim firmissimis nexa rationibus constant. Prose 11 1. Bo. – J’y assentis, car toutes ces affirmations liées ensemble se tiennent par les raisonnements les plus fermes. 2. – Tum illa: quanti, inquit, aestimabis, si bonum ipsum quid sit agnoueris? 2. Ph – À quel prix estimerais-tu l’acquis si tu savais ce qu’est le Bien lui-même ? 3. – Infinito, inquam, si quidem mihi pariter deum quoque, qui bonum est, continget agnoscere. 3. Bo. – À un prix incalculable, si assurément il m’était donné aussi de connaître en même temps Dieu, qui est le Bien. 4. – Atqui hoc uerissima, inquit, ratione patefaciam, maneant modo quae paulo ante conclusa sunt. – Manebunt. 4. Ph. – Eh bien, je vais le dévoiler par le raisonnement le plus sûr, pourvu que demeure ce qui a été conclu un peu avant167. Bo. Cela demeurera. 166 Le Soleil (cf. supra, I, III, 9 et la note y afférente), mais ici sa lumière matérielle est dépréciée par rapport à la lumière « intellectuelle », c’est-à-dire la divinité. Le Soleil est le symbole de Dieu aussi bien pour les philosophes néoplatoniciens (par exemple, le discours de l’empereur Julien, Sur Hélios Roi) que chez les Chrétiens (par exemple Clément d’Alexandrie, Protreptique, XI, 114, 1 ou Lactance, Institutions divines VI, VIII, 5). Sur ce point, on peut encore consulter le livre de Dölger, 1918. 167 Voir supra, III, 10, 19 sqq.
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5. – Nonne, inquit, monstrauimus ea quae appetuntur pluribus idcirco uera perfectaque bona non esse quoniam a se inuicem discreparent, cumque alteri abesset alterum plenum absolutumque bonum afferre non posse, tum autem uerum bonum fieri cum in unam ueluti formam atque efficientiam colliguntur, ut, quae sufficientia est, eadem sit potentia, reuerentia, claritas atque iucunditas, nisi uero unum atque idem omnia sint, nihil habere quo inter expetenda numerentur? 5. Ph. – N’avons-nous pas montré que si ce qui est convoité par le plus grand nombre ce ne sont pas les biens vrais et parfaits, c’est parce qu’ils se différencient les uns des autres, et vu que l’un fait défaut à l’autre, le Bien absolu et parfait ne peut leur être attribué, et d’autre part que le vrai Bien est réalisé au moment où ils se rassemblent comme pour produire une forme une et une efficience une, en sorte que cela même qui est suffisance est puissance, respect, renommée et satisfaction, et que s’ils ne sont pas tous une chose une et identique, ils ne possèdent rien par quoi ils sont comptés au nombre des choses désirables168 ? 6. – Demonstratum, inquam, nec dubitari ullo modo potest. 6. Bo. – Cela est démontré, et ne peut être mis en doute en aucune manière. 7. – Quae igitur cum discrepant minime bona sunt, cum uero unum esse coeperint bona fiunt, nonne haec, ut bona sint, unitatis fieri adeptione contingit? – Ita, inquam, uidetur. 7. Ph. – Par conséquent, lorsqu’ils se différencient les uns des autres, ce ne sont pas le moins du monde des biens, et lorsqu’ils se mettent à être un, ils deviennent des biens : ne résulte-t-il pas que, quand ils deviennent des biens, cela se fait par l’acquisition de l’unité169 ? Bo. – Ainsi le semble-t-il. 8. – Sed omne quod bonum est, boni participatione bonum esse concedis, an minime? – Ita est. 8. Ph. – Mais concèdes-tu que tout ce qui est un bien est un bien par participation du Bien, ou pas le moins du monde ? Bo. – C’est ainsi.
168 Nous avons essayé de restituer le résumé de Philosophie comme cette dernière l’a énoncé, à savoir sans aucune ponctuation forte – cf. infra, IV, 6, 15. 169 Voir supra, n. 109 et 118.
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9. – Oportet igitur idem esse unum atque bonum simili ratione concedas; eadem namque substantia est eorum quorum naturaliter non est diuersus effectus. -- Negare, inquam, nequeo. 9. Ph. – Il faut par conséquent que tu concèdes, par un raisonnement semblable, que l’Un et le Bien sont quelque chose d’identique ; et de fait, il y a une même substance de ces choses dont l’effet n’est pas naturellement différent. Bo. – Je ne saurais le nier. 10. – Nostine igitur, inquit, omne quod est tam diu manere atque subsistere quamdiu sit unum, sed interire atque dissolui pariter atque unum esse destiterit? – Quonam modo? 10. Ph. – Par conséquent, ne sais-tu pas que tout ce qui est demeure et subsiste aussi longemps qu’il est un, mais périt et se disperse pareillement dès qu’il cesse d’être un ? Bo. – De quelle manière ? 11. – Vt in animalibus, inquit, cum in unum coeunt ac permanent anima corpusque, id animal uocatur, cum uero haec unitas utriusque separatione dissoluitur, interire, nec iam esse animal liquet; 11. Ph. – Ainsi chez les animaux170, lorsque l’âme et le corps s’unissent et demeurent en quelque chose d’un, l’ensemble est appelé « animal » ; mais lorsque cette unité est dissoute par la séparation de l’une d’avec l’autre, il est clair qu’il périt et que l’animal n’est plus ; 12. ipsum quoque corpus cum in una forma membrorum coniunctione permanet, humana uisitur species, at si distributae segregataeque partes corporis distraxerint unitatem, desinit esse quod fuerat. 12. quand le corps lui-même demeure aussi en une forme par conjonction des membres, une apparence humaine est donnée à voir ; mais si les parties du corps, partagées et séparées, rompent l’unité, il cesse d’être ce qu’il était. 13. Eoque modo percurrenti cetera procul dubio patebit subsistere unumquodque dum unum est, cum uero unum esse desinit, interire. – Consideranti, inquam, mihi plura minime aliud uidetur. 170 C’est-à-dire les êtres animés par l’effet de l’âme sur le corps auxquels appartient l’homme, dont il va être question dès le paragraphe suivant. Mais en dehors de l’homme quels autres animaux existent-ils pour Boèce ? Les Anges et les Démons ? Voir infra, § 31.
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13. De cette façon, celui qui parcourra les autres domaines constatera sans aucun doute que toute chose subsiste tant qu’elle est quelque chose d’un, et périt quand elle cesse d’être quelque chose d’un. Bo. – En le considérant en plusieurs domaines, il ne me semble pas le moins du monde qu’il en soit autrement. 14. – Estne igitur, inquit, quod, in quantum naturaliter agat, relicta subsistendi appetentia uenire ad interitum corruptionemque desideret? 14. Ph. – Y a-t-il, par conséquent, quelque chose qui, dans la mesure où il réagit naturellement, désire, s’étant départi de l’instinct de conservation, en venir à l’anéantissement et à la décomposition ? 15. – Si animalia, inquam, considerem, quae habent aliquam uolendi nolendique naturam, nihil inuenio quod nullis extra cogentibus abiciant manendi intentionem et ad interitum sponte festinent. 15. Bo. – Si je considère les animaux qui possèdent une nature dotée du vouloir et du non-vouloir, je ne trouve rien pour faire que, en dehors des contraintes171, ils renoncent à l’intention de demeurer et se hâtent spontanément vers l’anéantissement. 16. Omne namque animal tueri salutem laborat, mortem uero perniciemque deuitat. 16. Tout animal, de fait, travaille à conserver la santé, et se détourne de la mort et de la ruine. 17. Sed quid de herbis arboribusque, quid de inanimatis omnino consentiam rebus prorsus dubito. 17. Mais quant aux plantes et aux arbres, quant aux créatures inanimées, je doute amplement consentir tout à fait à ces choses172. 18. – Atqui non est quod de hoc quoque possis ambigere, cum herbas atque arbores intuearis, primum sibi conuenientibus innasci locis, ubi, quantum earum natura queat, cito exarescere atque interire non possint.
171 Il convient de préciser : des pressions dont ils seraient l’objet et qui les pousseraient à s’anéantir. 172 Selon Touchette Lebel (2017, p. 150), dans les § 15-17 le doute de Boèce quant à la capacité des végétaux et des êtres inanimés à se soucier de leur santé et à se garder de la ruine et de la mort, lui aurait été inspiré par ce que dit Aristote dans son De anima, 413a.
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18. Ph. – Et cependant, il n’y a pas lieu que sur cela non plus tu puisses être incertain, puisque tu observes que plantes et arbres naissent primitivement dans des lieux qui leur sont appropriés, où, pour autant que leur nature le permette, ils ne peuvent se flétrir et périr rapidement. 19. Nam aliae quidem campis, aliae montibus oriuntur, alias ferunt paludes, aliae saxis haerent, aliarum fecundae sunt steriles harenae, quas si in alia quispiam loca transferre conetur, arescant. 19. Car les uns croissent assurément dans les plaines, les autres sur les montagnes, les uns sont portés par les marais173, les autres se fixent aux rochers, les sables stériles sont fertiles à d’autres, qui, si quelqu’un s’efforçait de les transférer en d’autres lieux, se dessécheraient. 20. Sed dat cuique natura quod conuenit, et ne, dum manere possunt, intereant elaborat. 20. Mais la nature donne à chacun ce qu’il convient, et s’applique à ne pas les174 détruire tant qu’ils peuvent demeurer. 21. Quid quod omnes uelut in terras ore demerso trahunt alimenta radicibus ac per medullas robur corticemque diffundunt? 21. Que dire du fait que tous, comme au moyen d’une bouche plongée dans les terres, tirent leurs aliments par les racines175 et par les moelles176, et les diffusent dans le bois dur et l’écorce ? 22. Quid quod mollissimum quidque, sicuti medulla est, interiore semper sede reconditur, extra uero quadam ligni firmitate, ultimus autem cortex aduersum caeli intemperiem quasi mali patiens defensor opponitur? 22. Que dire encore du fait que toute chose la plus tendre, comme l’est la moelle, est toujours protégée par sa position intérieure177, et à l’extérieur par quelque fermeté du tissu ligneux, et enfin que l’écorce est opposée, comme un défenseur endurant le mal, à l’intempérie du ciel ? Il s’agit des algues marines. Entendons : les arbres et les plantes. 175 Cf. (Gruber, 1978, p. 301) Cicéron, La nature des dieux, II, CXX : « e terra sucum trahunt quo alantur ea quae radicibus continentur = (les pieds des végétaux) tirent un suc de la terre, grâce auquel ils sont nourris par ce qui s’y trouve contenu ». 176 Rappelons qu’en botanique, la « moelle » désigne : la « substance molle contenue au centre de la tige et de la racine d’une plante » (CNRTL). 177 La moelle est protégée par le tissu ligneux, lui-même protégé par l’écorce. 173 174
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23. Iam uero quanta est naturae diligentia ut cuncta semine multiplicato propagentur! 23. Et enfin, combien est importante l’attention de la nature pour que toutes les espèces soient propagées en multipliant leur semence ! 24. Quae omnia non modo ad tempus manendi, uerum generatim quoque quasi in perpetuum permanendi, ueluti quasdam machinas esse quis nesciat? 24. Qui ne sait pas que toutes sont comme certains rouages capables, non seulement de demeurer dans le temps, mais aussi de permaner d’espèce en espèce, comme à perpétuité ? 25. Ea etiam quae inanimata esse creduntur nonne quod suum est quaeque simili ratione desiderant? 25. Et même les créatures que l’on croit être inanimées ne désirentelles pas, par quelque raisonnement semblable, ce qui leur est propre ? 26. Cur enim flammas quidem sursum leuitas uehit, terras uero deorsum pondus deprimit, nisi quod haec singulis loca motionesque conueniunt? 26. Pourquoi, en effet, la légèreté véhicule-t-elle certes les flammes vers le haut, mais le poids entraîne-t-il les terres vers le bas, si ce n’est parce que ces lieux et ce mouvement conviennent à chacun ? 27. Porro autem, quod cuique consentaneum est, id unumquodque conseruat, sicuti ea quae sunt inimica corrumpunt. 27. Et en outre, ce qui est conforme à une chose quelconque la conserve à titre individuel, de même que la corrompt ce qui lui est hostile. 28. Iam uero quae dura sunt, ut lapides adhaerent tenacissime partibus suis et ne facile dissoluantur resistunt. 28. Et d’autre part, j’ajoute que les choses qui sont dures, comme les pierres, font adhérer entre elles leurs parties de la manière la plus compacte et, n’étant pas décomposées facilement, elles résistent. 29. Quae uero liquentia ut aer atque aqua, facile quidem diuidentibus cedunt, sed cito in ea rursus a quibus sunt abscisa relabuntur; ignis uero omnem refugit sectionem. 29. Quant aux fluides, comme l’air et l’eau, certes ils cèdent facilement à ce qui les divise, mais rapidement ils refluent avec aisance vers
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les éléments dont ils ont été séparés178, et le feu se soustrait à toute division179. 30. Neque nunc nos de uoluntariis animae cognoscentis motibus, sed de naturali intentione tractamus, sicuti est quod acceptas escas sine cogitatione transigimus, quod in somno spiritum ducimus nescientes. 30. Et nous ne traitons pas à présent des mouvements volontaires de l’âme consciente, mais de la tendance naturelle, comme il en est du fait que nous digérons les aliments reçus sans y réfléchir et du fait que nous amenons, en ne le sachant pas, notre esprit vers le sommeil. 31. Nam ne in animalibus quidem manendi amor ex animae uoluntatibus, uerum ex naturae principiis uenit. 31. Car chez les animaux, l’inclination à demeurer ne vient assurément pas des volontés de l’âme mais des principes de la nature180. 32. Nam saepe mortem cogentibus causis, quam natura reformidat, uoluntas amplectitur, contraque illud, quo solo mortalium rerum durat diuturnitas, gignendi opus, quod natura semper appetit, interdum cohercet uoluntas. 32. Car souvent, par des causes contraignantes, la volonté accueille la mort que la nature redoute, et au rebours la volonté empêche parfois cela seul par quoi dure la persistance des choses mortelles, l’œuvre d’engendrement, que la nature convoite toujours181. 33. Adeo haec sui caritas non ex animali motione, sed ex naturali intentione procedit; dedit enim prouidentia creatis a se rebus hanc uel maximam manendi causam, ut, quoad possunt, naturaliter manere desiderent. 33. Au point que cet attachement à soi ne procède pas d’un élan animal182, mais d’une tendance naturelle ; en effet, la providence a donné 178 En termes plus actuels, nous dirions que la structure molléculaire de l’air et de l’eau ne résiste nullement à l’objet qui la divise, mais aussitôt divisée elle se referme sur lui et se reconstitue. 179 Il n’est pas certain que ce dernier principe soit pertinent. Sur un plan organisationnel, les § 28 et 29 visent à montrer l’importance de l’unité dans les quatre éléments naturels : terre, eau, air et feu. 180 En d’autres termes et comme son nom l’indique, l’instinct de conservation n’est point réfléchi mais spontané. 181 Nous comprenons, respectivement : le suicide et l’avortement. 182 C’est-à-dire : un élan de notre âme, la « tendance naturelle » qui fait suite n’étant autre que l’instinct naturel dont il a été question plus haut (§ 31).
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d’elle-même aux choses créées peut-être la plus grande raison de demeurer, en sorte qu’elles désirent demeurer naturellement aussi longtemps qu’elles le peuvent. 34. Quare nihil est quod ullo modo queas dubitare cuncta quae sunt appetere naturaliter constantiam permanendi, deuitare perniciem. 34. C’est pourquoi, il n’y a absolument rien qui te permette de mettre en doute que tout ce qui est convoite naturellement la constance pour permaner et éviter la ruine. 35. – Confiteor, inquam, nunc me indubitato cernere quae dudum incerta uidebantur. 35. Bo. – Je confesse discerner à présent indubitablement ce qui tout à l’heure me semblait incertain. 36. Quod autem, inquit, subsistere ac permanere petit, id unum esse desiderat; hoc enim sublato ne esse quidem cuiquam permanebit. – Verum est, inquam. 36. Ph. – Or ce qui aspire à subsister et à permaner désire être quelque chose d’un ; en effet, cette aspiration soustraite, il ne lui sera assurément pas donné de permaner. Bo. – C’est vrai. 37. – Omnia igitur, inquit, unum desiderant. – Consensi. – Sed unum id ipsum monstrauimus esse quod bonum. – Ita quidem. 37. Ph. Par conséquent, toute chose désire l’Un. Bo. – J’y consens. Ph. – Mais nous avons montré que l’Un est cela même qu’est le Bien. Bo. – C’est assurément ainsi. 38. – Cuncta igitur bonum petunt, quod quidem ita describas licet: ipsum bonum esse quod desideretur ab omnibus. 38. Ph. – Par conséquent, tout aspire au Bien, qu’il t’est assurément permis de décrire ainsi : le Bien lui-même est ce qui est désiré par tous. 39. – Nihil, inquam, uerius excogitari potest; nam uel ad nihil unum cuncta referuntur et uno, ueluti uertice, destituta sine rectore fluitabunt aut, si quid est ad quod uniuersa festinant183, id erit omnium summum bonorum. Festinent pour Moreschini (p. 90).
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39. Bo. – Rien ne peut être imaginé de plus vrai, car ou bien les choses dans leur totalité ne sont en rien référées à l’Un, et, privées pour ainsi dire d’un unique sommet184, elles s’écouleront sans guide, ou alors, s’il y a quelque chose vers quoi se hâtent les choses dans leur ensemble185, ce sera le comble de tous les biens. 40. – Et illa: Nimium, inquit, o alumne, laetor; ipsam enim mediae ueritatis notam mente fixisti. Sed in hoc patuit tibi quod ignorare te paulo ante dicebas. – Quid? inquam. 40. Ph. – Je m’en réjouis par trop, ô mon nourrisson ; en effet, tu as fixé dans l’esprit la marque même de la vérité cruciale186. Mais en cela tu t’es découvert ce que tu disais ignorer un peu avant187. Bo. – Quoi ? 41. – Quis esset, inquit, rerum omnium finis. Is est enim profecto quod desideratur ab omnibus; quod quia bonum esse collegimus, oportet rerum omnium finem bonum esse fateamur. 41. Ph. – Ce qu’est la fin de toutes les choses ; en effet, elle est certainement ce qui est désiré par tous, et il faut, parce que nous avons déduit que c’est le Bien, que nous reconnaissions le Bien comme étant la fin de toutes les choses. Metrum XI – Mètre XI Ph. – 1. Quisquis profunda mente uestigat uerum cupitque nullis ille deuiis falli in se reuoluat intimi lucem uisus longosque in orbem cogat inflectens motus Vertex : cf. supra, III, 10, 31. La différence entre cuncta et universa n’est apparemment que rhétorique. 186 Que peut bien signifier cette media veritas ? Cottreau (1889, p. 84) comprend : « une moitié de la vérité », et Bocognano (1937, p. 143) extrapole en traduisant : « c’est sur le signe même de la vérité manifeste que ton esprit s’est fixé ». Mirandol (1861, p. 183), lui, selon son choix de traduction très lâche, recourt néanmoins à une périphrase qui est susceptible de nous mettre sur la voie : « Ta pensée a touché la vérité comme un trait bien dirigé touche le milieu de la cible ». L’image pourrait donc être celle de la vérité assimilée à un cœur de cible, que la synthèse de Boèce aurait atteint en la matière. Cf. Tester (1973, p. 295) : « You have fixed in your mind that mark which is at the very centre of truth = Tu as fixé dans ton esprit cette marque qui est au centre même de la vérité ». Quant à O’Donnell (1979, ad loc.), il comprend que la vérité est au cœur de toute philosophie. 187 Voir supra, § 3. 184 185
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5. animumque doceat quicquid extra molitur suis retrusum possidere thesauris ; Quiconque d’un esprit profond188 scrute le vrai Et ne désire pas se tromper de chemin, Qu’il tourne en soi le rayon de son œil interne Qu’il concentre et replie ses vastes mouvements, Enseigne à son esprit qu’il possède enfermé Dans ses propres trésors ce qu’il cherche dehors. dudum quod atra texit erroris nubes lucebit ipso perspicacius Phoebo. Non omne namque mente depulit lumen 10. obliuiosam corpus inuehens molem; Ce que naguère a couvert le nuage noir De l’erreur brillera plus clair que Phébus même189. Car le corps, en portant la masse de l’oubli, N’a pas chassé toute lumière de l’âme. haeret profecto semen introrsum ueri quod excitatur uentilante doctrina. Nam cur rogati sponte recta censetis ni mersus alto uiueret fomes corde? 15. Quodsi Platonis Musa personat uerum, quod quisque discit immemor recordatur. La semence du vrai190 est bien fixée en nous Et elle est excitée par le vent du savoir. Pourquoi répondez-vous juste spontanément Si ne vivait au fond du cœur une étincelle ? Et si la Muse de Platon sonne le vrai, Ce qu’on apprend, on s’en souvient sans le savoir191.
188 Même expression qu’en supra, III, IX, 16, mais appliquée ici à l’homme – voir aussi supra, n. 132. 189 Le soleil (cf. supra, I, III, 9 et la note y afférente), mais ici, comme dans le dernier vers du poème précédent, sa lumière matérielle est dépréciée par rapport à la lumière « intellectuelle », c’est-à-dire la divinité. 190 Même image (platonicienne) chez Sénèque, Lettres à Lucilius, XCIV, 29 et Synésios, Hymnes, I, 560 sqq. et 576-609. 191 C’est la doctrine de la réminiscence exposée dans le Ménon (à partir de 82c) et dans le Phédon (73a, 76a…) ; on la retrouve notamment chez Cicéron, Tusculanes, I, 58 (voir infra, V, IV).
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Prosa 12 1. – Tum ego: Platoni, inquam, uehementer assentior; nam me horum iam secundo commemoras, primum quod memoriam corporea contagione, dehinc cum maeroris mole pressus amisi. Prose 12 1. Bo. – J’assentis fortement à la thèse de Platon192 ; car tu me remémores193, déjà pour la deuxième fois, ce que ma mémoire a laissé échapper de ces vérités, d’abord en raison de l’influence du corps, ensuite quand j’ai été oppressé par la masse de l’affliction. 2. – Tum illa: Si priora, inquit, concessa respicias, ne illud quidem longius aberit quin recorderis, quod te dudum nescire confessus es. – Quid? inquam. 2. Ph. – Si tu regardes en arrière, vers ce qui a été concédé en premier, il ne faudra assurément pas très longtemps pour que tu te souviennes de ce que tout à l’heure194 tu as confessé ne pas savoir. Bo. – Quoi ? 3. – Quibus, ait illa, gubernaculis mundus regatur. – Memini, inquam, me inscitiam meam fuisse confessum, sed quid afferas, licet iam prospiciam, planius tamen ex te audire desidero. 3. Ph. – Par quels gouvernails le monde est régi. Bo. – Je me rappelle avoir confessé mon ignorance, mais bien que j’anticipe déjà ce que tu vas alléguer, je désire cependant en entendre davantage de toi. 4. – Mundum, inquit, hunc deo regi paulo ante minime dubitandum putabas. – Ne nunc quidem arbitror, inquam, nec umquam dubitandum putabo, quibusque in hoc rationibus accedam breuiter exponam. 4. Ph. – Tu pensais un peu avant195 qu’il ne fallait pas le moins du monde douter que ce monde fût régi par Dieu. Bo. – Certes, maintenant je ne présume pas qu’il faille en douter et jamais je ne le penserai, et je vais exposer brièvement par quel raisonnement je parviens à cela. Voir la note précédente. Nous nous efforçons de respecter la parenté morphosémantique entre commemorare et memoria, deux termes mis ouvertement au service de la théorie de la réminiscence – voir supra, n. 191. 194 Voir supra, I, 6, 7 et 19. 195 Voir supra, § 2 et III, IX, 1. 192 193
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5. Mundus hic ex tam diuersis contrariisque partibus in unam formam minime conuenisset, nisi unus esset qui tam diuersa coniungeret. 5. Ce monde, constitué de parties aussi diverses et contraires, ne les accorderait aucunement en une forme unique s’il n’y avait pas quelque chose d’un qui en réunisse d’aussi diverses. 6. Coniuncta uero naturarum ipsa diuersitas inuicem discors dissociaret atque diuelleret, nisi unus esset qui quod nexuit contineret. 6. Mais une fois réunies, la diversité même de leur nature qui les désaccorde entre elles, les dissocierait et les disperserait s’il n’y avait pas quelque chose d’un qui maintienne ce qu’Il a noué196. 7. Non tam uero certus naturae ordo procederet nec tam dispositos motus locis, temporibus, efficientia, spatiis, qualitatibus explicaret197, nisi unus esset qui has mutationum uarietates manens ipse disponeret. 7. D’autre part, l’ordre de la nature ne procéderait pas en étant aussi assuré et ne déploierait pas ses mouvements si bien ordonnés quant au lieu, aux temps, à l’efficience, aux espaces, aux qualités, s’il n’y avait pas quelque chose d’un qui ordonnât, lui-même demeurant, la variété de ces mutations. 8. Hoc, quicquid est, quo condita manent atque agitantur, usitato cunctis uocabulo deum nomino. 8. Quel qu’il soit, ce par quoi les choses établies demeurent et s’animent, je le nomme d’un vocable utilisé par tous : « Dieu ». 9. – Tum illa: Cum haec, inquit, ita sentias, paruam mihi restare operam puto, ut felicitatis compos patriam sospes reuisas. 9. Ph. – Puisque tu le ressens ainsi, je crois qu’il me reste une petite tâche à accomplir pour que, maître de toi, tu revoies, sain et sauf, la patrie de la félicité198. 196 C’est l’exemple le plus parlant de la volonté de Boèce d’user de la variatio sermonis davantage par effet de style que par perspicuité, laquelle se traduit ici par l’emploi de quatre termes différents en moins de trois lignes pour signifier la nécessité d’un élément unificateur afin d’éviter l’éparpillement : diversitas, discors, dissociare et divelli. 197 Nous ne voyons pas comment comprendre et donc traduire avec la leçon explicarent retenue notamment par Weinberger (1934, p. 73, l. 30), Bieler (1984, p. 61, l. 19) et Moreschini (p. 92), et nous adoptons celle avec le singulier, qui a le même sujet que procederet, donnée par plusieurs autres mss. 198 Sur ce même retour dans la patrie du bonheur, voir aussi infra, IV, 1, 8-9.
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10. Sed quae proposuimus intueamur. Nonne in beatitudine sufficientiam numerauimus deumque beatitudinem ipsam esse consensimus? – Ita quidem. 10. Mais examinons ce que nous avons proposé. N’avons-nous pas compté la suffisance dans le bonheur199, et n’avons-nous pas consenti que Dieu est le bonheur lui-même200 ? Bo. – C’est assurément ainsi. 11.– Et ad mundum igitur, inquit, regendum nullis extrinsecus amminiculis indigebit; alioquin, si quo egeat, plenam sufficientiam non habebit. – Id, inquam, ita est necessarium. 11. Ph. – Par conséquent aussi Il ne manquera nullement du moindre appui extérieur201 pour régir le monde ; autrement, s’Il en avait besoin, Il ne posséderait pas la pleine suffisance. Bo. – Il en est nécessairement ainsi. 12. – Per se igitur solum cuncta disponit? – Negari, inquam, nequit. 12. Ph. – Seul, Il dispose donc par soi de tout. Bo. – On ne saurait le nier. 13. – Atqui deus ipsum bonum esse monstratus est. – Memini, inquam. 13. Ph. – Or il a été montré que Dieu est le Bien lui-même202. Bo. – Je m’en souviens. 14. – Per bonum igitur cuncta disponit, si quidem per se regit omnia, quem bonum esse consensimus, et hic est ueluti quidam clauus atque gubernaculum quo mundana machina stabilis atque incorrupta seruatur. 14. Ph. – Par conséquent, Il ordonne tout selon le Bien, si évidemment Il régit par lui-même toutes les choses, Lui dont nous avons reconnu qu’Il est le Bien, et Il est comme un timon203, et même un Voir supra, III, 2, 19. Voir supra, III, 10, 17. 201 Nullis extrinsecus amminiculis indigebit : cf. (Gruber, 1978, p. 310) Apulée (c. 125-c. 175), De Platon et de sa doctrine, II, XXIII : pour orner notre esprit par une vertu épanouissante « nullis extrinsecus eorum, quae bona ducimus, adminiculis indigemus = nous n’avons nul besoin de ces insignifiants appuis extérieurs que nous regardons comme des biens ». Voir aussi infra, III, 12, 35. 202 Voir supra, III, 10, 20. 203 Le timon est la longue pièce qui permet d’actionner directement le gouvernail. 199
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gouvernail204 par lequel la machine du monde205 est conservée stable et incorruptible. 15. – Vehementer assentior, inquam, et id te paulo ante dicturam tenui licet suspicione prospexi. 15. Bo. – J’y assentis fortement, et j’avais anticipé cela un peu avant206, bien que par un soupçon ténu, ce que tu allais dire. 16. – Credo, inquit; iam enim, ut arbitror, uigilantius ad cernenda uera oculos deducis. Sed quod dicam non minus ad contuendum patet. – Quid? inquam. 16. Ph. – Je te crois ; déjà, en effet, comme je le présume, tu tournes tes yeux, plus vigilant, vers ce qu’il y a de vrai à discerner. Mais ce que je vais dire n’est pas moins évident à observer. Bo. – Quoi ? 17. – Cum deus, inquit, omnia bonitatis clauo gubernare iure credatur eademque omnia, sicuti docui, ad bonum naturali intentione festinent, num dubitari potest quin uoluntaria regantur seque ad disponentis nutum ueluti conuenientia contemperataque rectori sponte conuertant? 17. Ph. – Puisque l’on croit à bon droit que Dieu gouverne toutes les choses avec le timon de la bonté207, et que, comme je l’ai enseigné208, ces choses mêmes se hâtent toutes par une tendance naturelle vers le Bien209, peut-il être douteux qu’elles soient régies par des actes volontaires et se tournent spontanément vers le commandement de Celui qui ordonne210 comme par convenance, et qu’elles soient adaptées à Celui qui guide ? 204 Cf. supra, I, 6, 7 et 19. Pour une même métaphorisation sur le thème de la navigation, voir (Gruber, 1978, p. 310) Cicéron, Pour Sestius, IX : « Quis… clauum tanti imperi tenere et gubernacula rei publicae tractare in maximo cursu ac fluctibus posse arbitraretur… = Qui s’attendrait à garder le timon d’un si grand empire et à se tenir aux gouvernails de la République à travers une course immense et au milieu des flots… ». 205 Selon Gruber (ibid.) de nouveau, cette mundana machina a vraisemblablement été inspirée à Boèce par celle de Prudence, Hamartigénie (= De l’origine du mal), 248-250 : « Nec mirum, si membra orbis concussa rotantur, / Si uitiis agitata suis mundana laborat / Machina, si terras lues incentiva fatigat = Il n’y a point à s’étonner si des parties de l’orbe sont mues dans un ébranlement, / Si la machine du monde travaille agitée par ses vices, / si une calamité exténue les terres ». 206 Voir supra, § 3. 207 Bonitatis clauo : O’Donnell (1979, ad loc.) signale cet autre génitif épexégétique (cf. supra, III, 2, 15 et la note y afférente). 208 Voir supra, III, 11. 209 Voir supra, I, 6, 10 et IV, 2, 10. 210 C’est-à-dire : qui met de l’ordre.
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18. – Ita, inquam, necesse est; nec beatum regimen esse uideretur, si quidem detrectantium iugum foret, non obtemperantium salus. 18. Bo. – C’est nécessairement ainsi ; ce régime ne semblerait pas être heureux si assurément il était un joug pour ceux qui se rebellent211 et non un salut pour ceux qui obtempèrent212. 19. – Nihil est igitur, quod naturam seruans deo contra ire conetur? – Nihil, inquam. 19. Ph. – Par conséquent, n’y a-t-il rien qui, en servant la nature, s’efforce d’aller contre Dieu ? Bo. – Rien. 20. – Quod si213 conetur, ait, num tandem proficiet quicquam aduersus eum quem iure beatitudinis potentissimum esse concessimus? – Prorsus, inquam, nihil ualeret. 20. Ph. – Que si l’on s’y efforçait, cela serait-il en fin de compte profitable en quoi que ce soit contre Celui que nous avons admis à bon droit comme étant le Maître tout-puissant du bonheur ? Bo. – Cela ne vaudrait absolument rien. 21. – Non est igitur aliquid quod summo huic bono uel uelit uel possit obsistere? – Non, inquam, arbitror. 21. Ph. – Par conséquent, il n’y a pas quelque chose qui soit veuille soit puisse résister à ce Bien souverain ? Bo. – Je présume que non. 22. – Est igitur summum, inquit, bonum, quod regit cuncta fortiter suauiterque disponit. 22. Ph. Par conséquent, il y a un souverain Bien qui régit tout avec force et dispose tout avec douceur214.
211 Detrectantium iugum : l’image a été plusieurs fois exploitée par les poètes latins, tel Virgile, Géorgiques, III, 56-57 (à propos d’une génisse) : « Nec mihi displiceat maculis insignis et albo, aut iuga detrectans = Et elle ne me déplairait pas avec de remarquables taches blanches, ou refusant les jougs ». 212 Comprenons : ce régime serait malheureux si on n’y trouvait que des rebelles à soumettre et non pas des obtempérants à protéger. 213 Quid si pour Moreschini (p. 93). 214 Sur le parallèle peu contestable avec Sg 8, 1 : « Attingit… a fine usque ad finem fortiter, et disponit omnia suaviter = Elle [la Sagesse] atteint avec force un confin à l’autre du monde, et elle dispose tout avec douceur », voir notre Introduction, p. 100-101.
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23. – Tum ego: quam, inquam, me non modo ea quae conclusa est summa rationum, uerum multo magis haec ipsa quibus uteris uerba delectant, ut tandem aliquando stultitiam magna latrantem215 sui pudeat! 23. Bo. – Combien me délecte ce qui a été conclu non seulement par la somme des raisonnements, mais bien plus par les mots mêmes dont tu te sers216, au point qu’en fin de compte la stupidité, qui pousse à s’emporter quelquefois, se fait grandement honte ! 24. – Accepisti, inquit, in fabulis lacessentes caelum Gigantas; sed illos quoque, uti condignum fuit, benigna fortitudo disposuit. 24. Ph. – Tu as appris dans les fables que des Géants avaient harcelé le ciel ; mais une énergie bienfaisante les as mis au pas aussi, comme il était tout à fait digne de le faire217. 25. Sed uisne rationes ipsas inuicem collidamus? Forsitan ex huius modi conflictatione pulchra quaedam ueritatis scintilla dissiliat. – Tuo, inquam, arbitratu. 25. Mais veux-tu que nous collisionnions218 les raisonnements euxmêmes entre eux ? Peut-être que de cette manière une belle étincelle de vérité jaillira par friction mutuelle. Bo. – À ton aise. 26. – Deum, inquit, esse omnium potentem nemo dubitauerit. – Qui quidem, inquam, mente consistat nullus prorsus ambigat. 215 Nous préférons, pour faire davantage sens, lire ici latrantem (Vallinus, 1656, p. 82) au lieu de lacerantem (Weinberger, p. 75, Bieler, p. 62 et Moreschini, p. 94), excessif à notre sentiment (« qui pousse à se lacérer quelquefois »). 216 En exprimant son bonheur et sa satisfaction, Boèce célébrerait en quelque sorte ici l’association de la pensée profane et de l’enseignement biblique. 217 Comparant Philosophie à Zeus neutralisant lui-même les Géants de la fable qui le défient, Boèce résume en l’occurrence à grands traits un épisode de la mythologie grecque, connu sous le nom de Gigantomachie, ou « combat des Géants », que le poète Claudien a narré dans sa Gigantomachie justement (grecque et latine), dont il ne reste que des fragments (77 vers pour la grecque et 128 pour la latine). Zeus ayant enfermé les Titans dans le Tartare, leur mère Gaïa, scandalisée, déclare la guerre aux dieux de l’Olympe et envoie ses autres fils, les Géants, au combat. Ceux-ci tentèrent d’escalader le ciel pour atteindre l’Olympe où résidaient les dieux en entassant des montagnes les unes sur les autres. Mais Zeus foudroya la gigantesque masse qui s’effondra, et les Géants furent ensevelis sous ses débris (voir Charlet, IV, p. 75-81). 218 Malgré sa rareté, nous pensons que le verbe « collisionner » (« qui fait entrer en collision »), déjà ancien (voir Radonvilliers, 1845, p. 67A), est le mieux adapté pour rendre collidere en un seul mot, et l’image de celui qui fait s’entrechoquer les raisonnements entre eux. Cf. l’agitare du § 38, infra.
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26. Ph. – Personne ne douterait que Dieu soit tout-puissant. Bo. – Celui qui, assurément, garde son esprit en équilibre ne soumet cela absolument à aucun débat. 27. – Qui uero est, inquit, omnium potens, nihil est quod ille non possit. – Nihil, inquam. 27. Ph. – Et il n’est rien que ne puisse Celui qui est tout-puissant. Bo. – Rien. 28. – Num igitur deus facere malum potest? – Minime, inquam. 28. Ph. – Par conséquent, Dieu peut-il faire le mal ? Bo. – Pas le moins du monde. 29. – Malum igitur, inquit, nihil est, cum id facere ille non possit qui nihil non potest. 29. Ph. – Par conséquent, le mal n’est rien puisque ne pourrait le faire Celui qui peut tout219. 30. – Ludisne, inquam, me inextricabilem labyrinthum rationibus texens, quae nunc quidem qua egrediaris introeas, nunc uero quo introieris egrediare, an mirabilem quendam diuinae simplicitatis orbem complicas? 30. Bo. – Ne te jouerais-tu pas de moi220 en construisant, par des raisonnements, un inextricable labyrinthe, où assurément tantôt tu entres par où tu sors et tantôt tu sors par où tu entres, et ne compliques-tu pas un certain orbe merveilleux de la simplicité divine ? 31. Etenim paulo ante beatitudine incipiens eam summum bonum esse dicebas, quam in summo deo sitam loquebare. 31. Et en effet, un peu avant221 tu as commencé par dire de ce bonheur qu’il était le souverain Bien, et tu l’as déclaré situé dans le Dieu souverain. 32. Ipsum quoque deum summum esse bonum plenamque beatitudinem disserebas, ex quo neminem beatum fore nisi qui pariter deus esset, quasi munusculum dabas. 219 Nihil non étant équivalent à « tout », il est impossible de traduire ce second nihil comme il aurait fallu pour respecter le propos de Boèce, c’est-à-dire comme le premier. 220 Sur cette résistance soudaine, voir notre Introduction, V. 3. Elle est aussi l’occasion de dresser un bilan. 221 Voir supra, III, 10, 17.
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32. Tu as aussi soutenu que Dieu lui-même était le souverain Bien et le bonheur plénier, et tu en as tiré, comme un minuscule présent, que personne ne devra être heureux si ce n’est celui qui sera également Dieu222. 33. Rursus ipsam boni formam dei ac beatitudinis loquebaris esse substantiam ipsumque unum id ipsum esse bonum docebas, quod ab omni rerum natura peteretur. 33. En outre, tu as déclaré que la forme du Bien est la substance de Dieu et du Bonheur, et tu as enseigné que l’Un même est le Bien même, qui est brigué par la nature de toutes les choses. 34. Deum quoque bonitatis gubernaculis uniuersitatem regere disputabas uolentiaque cuncta parere nec ullam mali esse naturam. 34. Tu as examiné aussi l’idée que Dieu régit l’universalité par le gouvernail de la bonté et que tout lui obéit par des actes volontaires, puis qu’il n’y a aucune nature du mal223. 35. Atque haec nullis extrinsecus sumptis, sed ex altero [altero] fidem trahente insitis domesticisque probationibus explicabas. 35. Et tu as expliqué cela sans aucune ressource extérieure, mais en tirant foi de preuves greffées l’une [sur l’autre] et familières224. 36. – Tum illa: Minime, inquit, ludimus remque omnium maximam dei munere, quem dudum deprecabamur, exegimus. 36. Ph. – Nous ne jouons pas le moins du monde225 et nous sommes venus à bout de la chose la plus grande de toutes avec la faveur de Dieu, que nous avons prié tout à l’heure226. 37. Ea est enim diuinae forma substantiae ut neque in externa dilabatur nec in se externum aliquid ipsa suscipiat, sed, sicut de ea Parmenides ait, πάντοθεν ἐυκύκλου σφαίρης ἐναλίγκιον ὄγκῳ rerum orbem mobilem rotat dum se immobilem ipsa conseruat.
Voir supra, I, 4, 39 et III, 10, 23. Voir supra, III, 10, 40 et IV, 3, 14. 224 Voir supra, III, 3, 14. Domesticus, entendons : intérieur au sujet traité. L’adjectif fait écho au nullis extrinsecus précédent (voir aussi au § 11). 225 Ce démenti un peu sec peut ne pas sembler justifié. 226 Voir supra, III, 9, 33 et III, IX. 222 223
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37. En effet, la forme de la substance divine est telle qu’elle ne se disperse pas dans les choses extérieures et qu’elle-même n’accueille pas en elle quelque chose d’extérieur, mais, comme le dit d’elle Parménide – « πάντοθεν ἐυκύκλου σφαίρης ἐναλίγκιον ὄγκῳ (= semblable à une sphère de toutes parts parfaitement arrondie »)227 –, elle fait tourner l’orbe mobile des choses, tandis qu’elle-même se tient immobile228. 38. Quodsi rationes quoque non extra petitas sed intra rei quam tractabamus ambitum collocatas agitauimus, nihil est quod ammirere, cum Platone sanciente didiceris cognatos de quibus loquuntur, rebus oportere esse sermones. 38. Que si nous avons aussi agité des raisonnements, non pas demandés à l’extérieur mais établis à l’intérieur de l’espace de la chose dont nous avons traité, il n’est rien pour étonner, puisque tu as appris par Platon qui l’a instauré, que les mots doivent être apparentés aux choses dont ils parlent229. Metrum XII – Mètre XII Ph. – 1. Felix qui potuit boni fontem uisere lucidum, felix qui potuit grauis terrae soluere uincula. Heureux celui qui a pu voir Du bien la source lumineuse, Heureux celui qui a pu rompre Les lourdes chaînes de la terre230 ! 5. Quondam funera coniugis uates Threicius gemens, 227 La citation est littérale – voir Parménide, Fragments, B, 8, v. 43 = Diels, I, p. 121, 4, puis (Mirandol, 1861, p. 369-371) Platon, Timée, 33b et Sophiste, 244e, ainsi que Cicéron, Académiques, XXXVII et Proclus par trois fois (voir Courcelle, 1967, p. 166, n. 3). 228 Autre allusion (cf. supra, III, IX, 3) au premier Moteur immobile d’Aristote, comme agent cinétique et cause efficiente – voir Physique, 266b27-267b25, pour citer un texte que Boèce a pu connaître s’il a traduit le traité – voir notre Introduction, II. 4. 229 Voir Platon, Timée, 29b-c, qui stipule que la parenté entre les mots et les concepts doit être rigoureuse et ne rien laisser à désirer. 230 Ce macarisme porte sur le thème central de ce troisième livre : le summum bonum (le souverain Bien). Pour la « source lumineuse du bien », voir supra, III, IX, 23. Pour l’image des chaînes, voir Synésios, Hymnes, IX, 108 sqq.
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postquam flebilibus modis siluas currere mobiles, amnes stare coegerat, Un jour le poète de Thrace231 Plaignait la mort de son épouse. Le chant de ses pleurs232 avait fait Bouger et courir les forêts, Et s’arrêter le cours des fleuves233 ; 10. iunxitque intrepidum latus saeuis cerua leonibus, nec uisum timuit lepus, iam cantu placidum canem, La biche sans peur approcha Son flanc des féroces lions Et le lièvre sans crainte vit Le chien qu’avait calmé le chant234. cum flagrantior intima 15. feruor pectoris ureret, nec, qui cuncta subegerant mulcerent dominum modi, inmites superos querens infernas adiit domos. Comme une chaleur plus ardente Le poète de Thrace est bien sûr Orphée (Virgile, Énéide, VI, 645 ; Horace, Odes, I, 24, 13 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1100 ; Claudien, préface au chant II du Rapt de Proserpine, v. 49), qui charmait même les animaux, les végétaux et les pierres et a réussi à descendre aux Enfers pour récupérer son épouse Eurydice prématurément morte. Sur ce mythe très célèbre, déjà interprété par Platon (Banquet 179d), on relèvera en particulier dans la poésie latine Virgile, Géorgiques, IV, 453-527 ; Ovide, Métamorphoses, X, 1-110 ; Sénèque, Hercule furieux 569-592 (pour sa descente aux Enfers) ; le Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1031-1099 ; Claudien, préface au chant II du Rapt de Proserpine et Dracontius, Romulea, I. Voir Zarini (1999). 232 L’expression flebilibus modis (cf. supra, I, 1, 2) se lit en même position métrique dans le même mètre chez le Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta ; 1091 ; même position, mais dans un mètre différent chez Horace (Odes, II, 9, 9). 233 Sur le chant d’Orphée qui met en mouvement les forêts et arrête les fleuves, voir par exemple Virgile, Géorgiques, II, 510 ; Ovide, Métamorphoses, X, 90-108 ; PseudoSénèque, Hercule sur l’Œta, 1036-1048 ; Claudien, préface au chant II du Rapt de Proserpine, v. 17-24. 234 Sur la cohabitation des animaux sous l’effet du chant d’Orphée, voir PseudoSénèque, Hercule sur l’Œta, 1056-1060 ; Claudien, préface au chant II du Rapt de Proserpine, v. 5-6 et 25-28 ; Dracontius, Romulea, I, 1-11. Saeuus (v. 11 et infra, IV, VII, 15) est une épithète traditionnelle du lion (voir Lucrèce, De la Nature, IV, 1016). 231
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Brûlait l’intime de son cœur, Que ses chants qui avaient soumis Tout n’en apaisaient pas le maître, Il se plaignit du ciel cruel, Gagnant la demeure infernale. 20. Illic blanda sonantibus chordis carmina temperans quidquid praecipuis deae matris fontibus hauserat, quod luctus dabat impotens, 25. quod luctum geminans amor, deflet Taenara commouens Là, sur des cordes résonnantes, Il rythme ses chants235 caressants, Tout ce qu’il avait bu aux primes Sources de sa divine mère236, Ce que donnait son deuil sans bornes Ce que pleure l’amour, doublant Son deuil, pour toucher le Ténare237 ; et dulci ueniam prece umbrarum dominos rogat. Stupet tergeminus nouo 30. captus carmine ianitor; quae sontes agitant metu ultrices scelerum deae iam maestae lacrimis madent. Sa douce prière demande La grâce des Maîtres des Ombres238. Saisi par ce chant inouï, 235 L’expression carmen temperare se lit chez Properce, Élégies, II, 34, 79-80, cité par Gruber (2006, p. 313). 236 La mère d’Orphée était la muse Calliope (cf. par exemple Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1034). 237 Promontoire et ville de Laconie, où les Anciens situaient l’une des entrées des Enfers : voir par exemple Virgile, Géorgiques, IV, 467 ; Ovide, Métamorphoses, X, 13 ; Sénèque, Hercule furieux, 587 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1061. Ici, métonymie pour les Enfers eux-mêmes. 238 Pluton (cf. v. 41) et Proserpine, dieu et déesse des Enfers : même expression chez Sénèque, Hercule furieux, 570 (au singulier pour le seul Pluton, maître des ombres, voir Ovide, Métamorphoses, X, 16).
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Le triple portier239 s’ébahit, Les déesses vengeant les crimes, Qui inspirent peur aux coupables, Tout affligées, fondent en larmes240. Non Ixionium caput 35. uelox praecipitat rota et longa site perditus spernit flumina Tantalus. Vultur, dum satur est modis, non traxit Tityi iecur. La tête d’Ixion n’est plus Entraînée par la roue rapide241 ; Même éperdu longtemps de soif, Tantale méprise les flots242 ; Le vautour, soûlé de musique, Lâche le foie de Tityos243. 40. Tandem « Vincimur », arbiter umbrarum miserans ait, « Donamus comitem uiro emptam carmine coniugem. Sed lex dona coerceat, 239 Cerbère, le chien à trois têtes (tergeminus : voir Properce, Élégies, IV, 7, 52 ; Ovide, Tristes, IV, 7, 16 ; Lygdamus [Tibulle], III, 4, 87-88 ; cf. aussi Virgile, Géorgiques, IV, 483 ; Ovide, Métamorphoses X, 65-66), portier (ianitor : Virgile, Énéide VI, 400 et VIII, 296 ; Horace, Odes, III, 11, 15) des Enfers. Pour cette évocation des Enfers, Boèce a pu se souvenir de Virgile (Énéide, VI, 577 sqq. : description du Tartare, séjour infernal des grands criminels : cf. infra, v. 45 et 55), et d’Ovide (Métamorphoses, IV, 432 sqq., cf. v. 450-451 pour Cerbère). 240 Les Furies : voir Ovide, Métamorphoses, IV, 451-454 ; Lucain, Pharsale, X, 337 ; Sénèque, Médée 13…) ; d’après Ovide (Métamorphoses, X, 45-46), c’est le chant d’Orphée qui les fit pleurer pour la première fois. 241 Puni pour avoir tenté de violer Junon, il était attaché à une roue enflammée qui tournait sans fin (voir Virgile, Énéide, VI, 601 et Ovide, Métamorphoses IV, 461 ; dans le mythe d’Orphée, Virgile, Géorgiques, IV, 484 ; Ovide, Métamorphoses, X, 42 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1068-1069) 242 Condamné pour divers délits, il était plongé dans un fleuve dont l’eau se dérobait chaque fois qu’il en approchait les lèvres pour boire (voir Homère, Odyssée, XI, 582 sqq. et Ovide, Métamorphoses, IV, 458-459). Dans le mythe d’Orphée, Ovide, Métamorphoses, X, 41-42 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1075-1078. 243 Le géant Tityos, pour avoir essayé de violer Diane, était condamné à se faire ronger le foie par un vautour (voir Virgile, Énéide, VI, 595-600 et Ovide, Métamorphoses, IV, 457-458). Dans le mythe d’Orphée, Ovide, Métamorphoses, X, 43 ; Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1070-1071.
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45. ne, dum Tartara liquerit, fas sit lumina flectere ». « Nous sommes vaincus », dit enfin, Apitoyé, le Roi des Ombres244, « Donnons au mari sa compagne, Sa femme achetée par son chant. Mais qu’une loi borne ce don : Qu’il ne puisse tourner les yeux Avant de quitter le Tartare245 ». Quis legem det amantibus? Maior lex amor est sibi. Heu, noctis prope terminos 50. Orpheus Eurydicen suam uidit, perdidit, occidit. Qui donnerait loi aux amants ? Pour lui, l’amour est loi suprême246. Las!, presque à la fin de la nuit, Orphée avec son Eurydice, La vit, la perdit et tomba.
244 Imitation évidente (Gruber, 2006, p. 314) de Sénèque (Hercule furieux 582) : « tandem mortis ait “uincimur” arbiter = enfin, l’arbitre de la mort dit : “nous sommes vaincus” ». 245 Chez Virgile, c’est une loi édictée par Proserpine (Géorgiques, IV, 487 : « … pone sequens (namque hanc dederat Proserpine legem) = le suivant par derrière (car Proserpine avait fixé cette loi) »). Chez Ovide (Métamorphoses, X, 50-52), c’est une loi fixée par l’ensemble des puissances infernales : « Hanc simul et legem Rhodopeius accipit Orpheus, / ne flectat retro sua lumina, donec Auernas / exierit ualles ; aut irrita dona futura = Orphée du Rhodope la reçoit avec cette loi : qu’il ne retourne pas ses yeux avant d’être sorti des vallons de l’Averne, ou la faveur sera sans effet ». Chez Sénèque, c’est Pluton qui dit (suite du passage cité dans la note précédente, Hercule furieux, 582587) : « euade ad superos, lege tamen data: / tu post terga tui perge uiri comes, / tu non ante tuam respice coniugem / quam cum clara deos obtulerit dies / Spartanique aderit ianua Taenari = sors d’ici vers le monde d’en-haut, mais avec la loi que je donne : / toi, accompagne ton époux en marchant derrière son dos, / toi, ne regarde pas ton épouse avant que la clarté du jour te montre les dieux, avant que se présente la porte du Ténare spartiate ». 246 Même si les différentes versions du mythe insistent sur la force irrésistible de l’amour responsable du non-respect de la loi fixée à Orphée (Virgile, Géorgiques, IV, 488 ; Ovide, Métamorphoses, X, 57), c’est encore de Sénèque que se rapproche le plus Boèce (Hercule furieux, 588-589) : « odit uerus amor nec patitur moras : munus dum properat cernere, perdidit = l’amour véritable hait tout retard et ne le supporte pas : en se hâtant de discerner cette faveur, il (Orphée) la perdit ».
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Vos haec fabula respicit Quicumque in superum diem mentem ducere quaeritis. 55. Nam qui Tartareum in specus uictus lumina flexerit, quidquid praecipuum trahit, perdit, dum uidet inferos. C’est vous que regarde ce mythe, Vous qui voulez mener votre âme Jusqu’à la lumière suprême. Car qui, vaincu, aura tourné Ses yeux vers l’antre du Tartare Perd tout le précieux qu’il porte En regardant vers les enfers247.
247 Les quatre vers de cette interprétation allégorique du mythe d’Orphée correspondent, du point de vue structurel, aux quatre premiers vers du poème. Cette interprétation a inspiré Dante (Purgatoire, IX, 130-131 : « Entrate, ma facciovi accorti / che di fuor torna chi indietro su guata = Entrez, mais je vous préviens que retourne dehors qui regarde en arrière ») – voir Traina (1970, p. 97, n. 1).
Livre IV Prosa 1 1. Haec cum philosophia dignitate uultus et oris grauitate seruata leniter suauiterque cecinisset, tum ego, nondum penitus insiti maeroris oblitus, intentionem dicere adhuc aliquid parantis abrupi et: Prose 1 1. Boèce. – Quand Philosophie eut chanté ces vers, doucement et suavement, en ayant conservé une dignité de visage et une gravité de voix, alors moi, n’ayant pas encore totalement oublié une affliction bien installée, je l’interrompais brusquement dans son intention, elle qui s’apprêtait à dire encore quelque chose, et je déclarais : 2. O, inquam, ueri praeuia luminis, quae usque adhuc tua fudit oratio cum sui speculatione diuina tum tuis rationibus inuicta patuerunt, eaque mihi, etsi ob iniuriae dolorem nuper oblita non tamen antehac prorsus ignorata, dixisti. 2. Ô annonciatrice de la vraie lumière, les vérités que ton discours a établies jusqu’à présent me sont apparues invincibles, discours divin tant par son propre miroitement1 que par tes raisonnements, et même si, à cause de la douleur de mes blessures, elles ont été oubliées dernièrement, celles que tu m’as dites antérieurement n’avaient cependant pas du tout été ignorées. 3. Sed ea ipsa est uel maxima nostri causa maeroris quod, cum rerum bonus rector exsistat, uel esse omnino mala possint uel impunita praetereant; quod solum quanta dignum sit ammiratione profecto consideras. 3. Mais cela même qui est peut-être la plus grande cause de notre affliction est que, en dépit du fait qu’il existe un Guide bon des choses, des gens méchants ou bien puissent tout à fait se maintenir ou bien en réchappent impunis ; tu mesures combien ce seul fait est vraiment digne d’étonnement. 1 Celui du discours, dont les arguments reflètent le divin. Sur speculatio divina, cf. infra, V, 2, 8. Selon Gruber (1978, p. 321), il faut voir dans ce « miroitement » une référence à la θεωρία grecque, qui se ramène, chez Aristote notamment, à une « activité méditative », et témoigne de la présence du divin en nous (voir Éthique à Nicomaque, 1177a12-28).
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4. At huic aliud maius adiungitur; nam imperante florenteque nequitia uirtus non solum praemiis caret, uerum etiam sceleratorum pedibus subiecta calcatur et in locum facinorum supplicia luit. 4. Or à cela s’ajoute un autre point plus important ; car alors que la perversité commande et fleurit, la vertu non seulement est privée de récompenses, mais elle est également jetée, soumise, aux pieds des scélérats, et subit les châtiments à la place des auteurs de forfaits. 5. Quae fieri in regno scientis omnia, potentis omnia, sed bona tantummodo uolentis dei, nemo satis potest nec ammirari nec conqueri. 5. Que cela se déroule sous le règne d’un Dieu omniscient, omnipotent mais voulant seulement le Bien, personne ne peut suffisamment ni s’en étonner ni s’en plaindre2. 6. – Tum illa: Et esset, inquit, infiniti stuporis omnibusque horribilius monstris si, uti tu aestimas, in tanti uelut patris familias dispositissima domo uilia uasa colerentur, pretiosa sordescerent. 6. Philosophie – Et ce serait en toutes choses au prix d’une stupeur infinie et des plus horribles monstruosités3 si, comme tu l’estimes, par exemple dans la maison la mieux ordonnée d’un fort honorable père de famille, les vases de vil prix étaient entretenus et les précieux se salissaient4. 7. Sed non ita est; nam si ea quae paulo ante conclusa sunt inconuulsa seruantur, ipso de cuius nunc regno loquimur auctore cognosces semper quidem potentes esse bonos, malos uero abiectos semper atque imbecillos5, nec sine poena umquam esse uitia nec sine praemio uirtutes, bonis felicia malis semper infortunata contingere multaque id genus, quae sopitis querelis firma te soliditate corroborent. 2 Boèce aborde en l’occurrence et de nouveau (voir supra, I, 4, 29) la question de l’indifférence de Dieu en présence de l’injustice et du mal, ce qui cette fois-ci le trouble d’autant plus qu’Il est fondamentalement bon, sait tout et peut tout. Il est permis de se demander si cette incompréhension relève d’un Païen qui dénonce le Christianisme, ou d’un Chrétien qui souhaite rendre raison de sa foi. 3 Pour qu’une telle grandiloquence ne prête point à sourire quand il s’agit de vases, il faut entendre retentir dans cette métaphore deux passages bibliques : Rm 9, 21-23 et 2 Tm 2, 20, où les vases renvoient aux hommes et le potier à Dieu – voir notre Introduction, p. 119. 4 Gruber (1978, p. 321) perçoit dans ce paragraphe l’écho à la fois d’un passage du Gorgias (504a) de Platon et de deux passages néotestamentaires – voir note précédente et notre Introduction, p. 119. 5 Imbecillos pour Weinberger (p. 79) et Alii, imbecilles pour Moreschini (p. 101) et Alii : nous adoptons la première option, préférant la forme imbecillus à celle imbecillis.
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7. Mais il n’en est pas ainsi ; car si ce qui a été conclu un peu avant est conservé inébranlable, tu apprendras, de l’Auteur même du règne duquel nous traitons à présent, que les gens de bien sont assurément toujours puissants et les méchants toujours lâches et faibles, qu’il n’y a jamais ni de vices sans peine ni de vertus sans récompense, que les choses favorables échoient toujours aux gens de bien et les infortunées aux méchants, et bien d’autres choses de ce genre, qui, une fois tes doléances apaisées, te conforteront par une solide assurance. 8. Et quoniam uerae formam beatitudinis me dudum monstrante uidisti, quo etiam sita sit agnouisti, decursis omnibus quae praemittere necessarium puto uiam tibi quae te domum reuehat ostendam. 8. Et puisque tu as vu la forme du véritable bonheur, celle que je t’ai montrée tout à l’heure6, et qu’aussi tu as appris où elle est située, après de nombreux détours que je crois nécessaire de faire précéder, je te montrerai la voie qui te ramènera à ta maison. 9. Pennas etiam tuae menti quibus se in altum tollere possit adfigam, ut perturbatione depulsa sospes in patriam meo ductu, mea semita, meis etiam uehiculis reuertaris. 9. J’attacherai même des ailes à ton esprit7, avec lesquelles il pourra gagner les hauteurs, afin que, préservé du désordre, tu retournes sain et sauf dans ta patrie, sous ma conduite, par mon chemin et même avec mes véhicules8. Metrum I – Mètre I Ph. – 1. Sunt etenim pennae uolucres mihi quae celsa conscendant poli; quas sibi cum uelox mens induit terras perosa despicit, Je possède en effet des ailes pour voler, Voir supra, III, 10. Le souvenir des « ailes de l’âme » (cf. supra, I, I, 1-4) chères à Platon, doit avoir joué en l’occurrence. Dans son Phèdre (voir infra, note 9), en effet, l’âme est comparée à un attelage ailé mené par un cocher. Inutile de se demander en l’occurrence si Boèce eut un accès direct au texte : le caractère trivial de l’image nous en dispense. 8 Meis vehiculis : il s’agit des étoiles, comme le signifiera le vers 14 du mètre suivant, qu’il faut supposer immobile, comme chez Platon (Timée, 40b), l’âme allant de l’une à l’autre pour regagner sa patrie. 6 7
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Pour monter au sommet du pôle9. Quand elle s’en revêt, rapidement mon âme Déteste et méprise la terre. 5. aeris immensi superat globum nubesque postergum uidet quique agili motu calet aetheris transcendit ignis uerticem, donec in astriferas surgat domos 10. Phoeboque coniungat uias Elle franchit la sphère de l’air infini Voit les nuages derrière elle10, Dépasse la pointe du feu qu’un mouvement Agile de l’éther11 échauffe, Jusqu’à surgir dans les demeures constellées12 Et unir sa route à Phébus13, aut comitetur iter gelidi senis miles corusci sideris, uel quocumque micans nox pingitur, recurrat astri circulum 15. atque ubi iam exhausti fuerit satis polum relinquat extimum dorsaque uelocis premat aetheris compos uerendi luminis. Accompagner le chemin du vieillard glacé, Soldat de l’astre coruscant14, 9 Il s’agit bien sûr du pôle céleste dans ce voyage vers les hauteurs du ciel (cf. v. 16). L’image des ailes (cf. supra, I, 1, 9) est platonicienne : Phèdre, 246a sqq. (cf. Gruber, 2006, p. 319, qui cite aussi Augustin, Soliloques, I, XXIV, 2). Boèce pouvait avoir lu l’expression celsa polorum chez Dracontius (Louanges de Dieu, II, 3) et le groupe métrique celsa scandere se lit chez Prudence à propos des âmes qui montent vers Dieu (Péristéphanon, VI, 98). 10 Image analogue chez Virgile, dans l’apothéose de Daphnis (Bucoliques, 5, 57) : « sub pedibus uidet nubes et sidera Daphnis = sous ses pieds Daphnis voit les nuées et les astres ». 11 L’éther (voir v. 17) est la partie la plus haute et la plus pure du feu, et donc placée au sommet du monde ; voir Platon, Timée, 58d ; Aristote, Traité du ciel, 270b. 12 Périphrase qui désigne les signes du Zodiaque et que Boèce pouvait lire au singulier chez Paulin de Périgueux (Vie de saint Martin, V, 859). 13 Le soleil : voir supra, I, III, 9 et la note y afférente. 14 Le « vieillard glacé » est Saturne, qui se meut dans la région la plus haute et la plus froide du ciel, puisque la plus éloignée du Soleil (représentation traditionnelle dans
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Jusqu’à reparcourir le cercle des étoiles15, Où la nuit scintillante est peinte16, Et, satisfaite d’être arrivée à son terme, Quitter l’extrémité du pôle17, Presser le dos du preste éther en étant maître De la lumière vénérable18. Hic regum sceptrum dominus tenet 20. orbisque habenas temperat et uolucrem currum stabilis regit rerum coruscus arbiter. Ici, c’est le Seigneur des rois qui tient le sceptre, Qui régit les rênes du monde19 ; Et, sans bouger, il dirige son char ailé, Juge éclatant de l’univers20. Huc te si reducem referat uia, quam nunc requiris immemor, 25. “haec”, dices, “memini, patria est mihi, hinc ortus, hic sistam gradum”. Si t’y ramène le chemin21 que maintenant Tu cherches sans t’en souvenir, Tu diras : « C’est là ma patrie, je m’en souviens ; J’en suis issu, j’y resterai22 ». l’Antiquité, voir par exemple Servius, Commentaires aux Géorgiques, I, 336), la planète rougeoyante (par le feu) étant Mars. 15 Les étoiles fixes, par opposition avec les planètes. 16 Comme l’observe Traina (1970, p. 98, n. 2), Boèce a ici pour modèle Sénèque (Médée, 310 : « stellis… quibus pingitur aether = les étoiles dont l’éther est peint ») et sera imité par Dante (Paradis, 23, 27 : « che dipingon lo ciel per tutti i seni »). 17 Gruber (2006, p. 322) rapproche ces deux vers de Platon, Phèdre, 247b. 18 L’image vient de Platon (Phèdre, 247b) : la lumière est dite vénérable parce que ce n’est plus la lumière matérielle de notre monde, mais celle « intellectuelle » de la région au-delà du ciel. 19 Ces deux vers peuvent être rapprochés du mètre V du livre I. 20 Cette représentation de la divinité pourrait être chrétienne, mais concorde aussi avec une perspectivité néoplatonicienne : Gruber (2006, p. 322) met en parallèle Platon, Phèdre, 246e. 21 La formulation de Boèce rappelle Stace (Silves, II, 7, 49) : « tardi reducis uias Ulixis = les voies de retour d’Ulysse en retard ». 22 Thème à la fois chrétien et néoplatonicien de la patrie céleste, la seule véritable, à laquelle retourne l’âme libérée de son exil sur terre (v. 27-30). La fin de ce poème peut être rapprochée du mètre V du livre I : comparer en particulier les v. 4 et 40.
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Quodsi terrarum placeat tibi noctem relictam uisere, quos miseri toruos populi timent, 30. cernes tyrannos exsules. Et s’il te plaît de regarder la nuit terrestre Que tu auras abandonnée, Tu verras en exil les tyrans menaçants Que craignent les malheureux peuples. Prosa 2 1. – Tum ego: papae, inquam, ut magna promittis! Nec dubito quin possis efficere, tu modo quem excitaueris ne moreris. Prose 2 1. Bo. – Par ma foi23, comme tu promets de magnifiques choses ! Je ne doute pas que tu puisses les réaliser ; seulement, toi qui m’as éveillé, ne tarde pas. 2. – Primum igitur, inquit, bonis semper adesse potentiam, malos cunctis uiribus esse desertos agnoscas licebit, quorum quidem alterum demonstratur ex altero. 2. Ph. – Il va donc t’être permis de connaître d’abord que tous les gens de bien sont toujours dotés de la puissance et que les méchants sont dépourvus de toutes forces, l’un de ces jugements se démontrant assurément par l’autre. 3. Nam cum bonum malumque contraria sint, si bonum potens esse constiterit, liquet imbecillitas mali, at si fragilitas clarescat mali, boni firmitas nota est. 3. Car puisque bien et mal sont contraires, si le bien est établi comme puissant, la faiblesse du mal est manifeste, et si la fragilité du mal devient claire24, la fermeté du bien est reconnue. 4. Sed uti nostrae sententiae fides abundantior sit, alterutro calle procedam nunc hinc nunc inde proposita confirmans. 23 Touchant papae, voir supra, I, 6, 6, où il est placé dans la bouche de Philosophie, et la note y afférente. 24 Selon Gruber (1978, p. 328), le couple imbecillitas – fragilitas aurait été emprunté à Cicéron, Tusculanes, V, 3 : l’auteur fait référence à la connaissance qu’il a de « humani generis imbecillitatem fragilitatemque = de la faiblesse et de la fragilité du genre humain ».
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4. Mais pour que la confiance en nos conceptions soit davantage pleine, je vais m’avancer par chacun des sentiers, confirmant tantôt ici tantôt là ce qui aura été proposé. 5. Duo sunt, quibus omnis humanorum actuum constat effectus, uoluntas scilicet ac potestas, quorum si alterutrum desit, nihil est quod explicari queat. 5. Il y a deux choses par lesquelles se constitue tout accomplissement d’actes humains, à savoir la volonté et le pouvoir ; que si l’une ou l’autre vient à manquer, il n’y a rien qui soit en mesure d’être accompli. 6. Deficiente etenim uoluntate ne aggreditur quidem quisque quod non uult, at si potestas absit uoluntas frustra sit. 6. Et en effet, la volonté venant à faillir, personne n’entreprend assurément ce qu’il ne veut pas, et si le pouvoir fait défaut, c’est en vain qu’il y aura volonté. 7. Quo fit ut, si quem uideas adipisci uelle quod minime adipiscatur, huic obtinendi quod uoluerit defuisse ualentiam dubitare non possis. – Perspicuum est, inquam, nec ullo modo negari potest. 7. Ce qui fait que si tu voyais quelqu’un vouloir atteindre ce qu’il n’atteint pas le moins du monde, tu ne pourrais douter qu’il lui a manqué la capacité pour obtenir ce qu’il voulait. Bo. – C’est évident et ce ne peut en aucune façon être nié. 8. – Quem uero effecisse quod uoluerit uideas, num etiam potuisse dubitatis? – Minime. 8. Ph. – Mais si tu vois qu’il réalise ce qu’il a voulu, alors douteras-tu aussi qu’il le puisse ? Bo. – Pas le moins du monde. 9. – Quod uero quisque potest, in eo ualidus, quod uero non potest in hoc imbecillis esse censendus est. – Fateor, inquam. 9. Ph. – Mais que quelqu’un puisse, en cela il est fort, et qu’il ne puisse pas, en cela on doit le considérer comme étant faible. Bo. – Je le confesse. 10. – Meministine igitur, inquit, superioribus rationibus esse collectum intentionem omnem uoluntatis humanae, quae diuersis studiis agitur, ad beatitudinem festinare? – Memini, inquam, illud quoque esse demonstratum.
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10. Ph. – Par conséquent, te souvient-il qu’à la suite des raisonnements précédents25 il a été conclu que toute intention de la volonté humaine – qui est motivée par des préoccupations différentes – se hâte vers le bonheur ? Bo. – Je me souviens que cela aussi a été démontré. 11. – Num recordaris beatitudinem ipsum esse bonum eoque modo, cum beatitudo petitur, ab omnibus desiderari bonum? – Minime, inquam, recordor, quoniam id memoriae fixum teneo. 11. Ph. – Te rappelles-tu26 que le bonheur est le Bien même, et que de cette façon lorsque le bonheur est brigué, le Bien est désiré par tous ? Bo. – Je ne le rappelle pas le moins du monde puisque je le tiens fixé dans ma mémoire27. 12. Omnes igitur homines boni pariter ac mali indiscreta intentione ad bonum peruenire nituntur? – Ita, inquam, consequens est. 12. Ph. – Par conséquent, tous les hommes ne font-ils pas effort, les gens de bien comme les méchants, pour parvenir au Bien par une intention indifférenciée28 ? Bo. – Cela est conséquent. 13. – Sed certum est adeptione boni bonos fieri? – Certum. – Adipiscuntur igitur boni, quod appetunt? – Sic uidetur. 13. Ph. – Mais est-il certain que les gens de bien ont été faits bons par acquisition du bien ? Bo. – C’est certain. Ph. – Les gens de bien, par conséquent, obtiennent ce qu’ils convoitent ? Bo. – C’est ainsi, à ce qu’il semble. Voir supra, III, 2. Voir supra, III, 10. 27 Il faut sous-entendre dans cette réflexion, pour éviter une incohérence (on ne peut pas exploiter quelque chose capitalisé dans sa mémoire sans se le rappeler), l’idée d’effort : je n’ai aucun effort à faire pour rappeler quelque chose qui est solidement ancré dans ma mémoire et donc disponible immédiatement. 28 Pour ne point faire naître ici une contradiction avec ce qui a été dit au § 10, il importe d’entendre ceci : le fait que toute volonté humaine, si nuancée soit-elle dans ses préoccupations, s’efforce d’aller vers le bonheur, n’est pas incompatible avec l’idée que bons et méchants font pareillement avec une même intention. On ne doit pas confondre la différenciation des désirs d’atteindre le bonheur avec l’indifférenciation de l’énergie déployée pour parvenir au bien. 25 26
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14. – Mali uero si adipiscerentur quod appetunt, bonum, mali esse non possent. – Ita est. 14. Ph. – Or si les gens méchants obtenaient le bien qu’ils convoitent, ils ne pourraient plus être méchants. Bo. – C’est cela. 15. – Cum igitur utrique bonum petant, sed hi quidem adipiscantur, illi uero minime, num dubium est bonos quidem potentes esse, qui uero mali sint imbecillos29? 15. – Ph. – Par conséquent, puisque les uns et les autres briguent le bien, mais que les premiers l’obtiennent à coup sûr et les autres pas le moins du monde, est-il douteux que les gens de bien soient à coup sûr puissants et ceux qui sont méchants faibles ? 16. – Quisquis, inquam, dubitat nec rerum naturam nec consequentiam potest considerare rationum. 16. Bo. – Quiconque en doute ne peut considérer ni la nature des choses ni l’enchaînement des raisonnements. 17. – Rursus, inquit, si duo sint quibus idem secundum naturam propositum sit, eorumque unus naturali officio id ipsum agat atque perficiat, alter uero naturale illud officium minime amministrare queat, alio uero modo quam naturae conuenit non quidem impleat propositum suum sed imitetur implentem, quemnam horum ualentiorem esse decernis? 17. Ph. – Imaginons derechef qu’il y ait deux individus qui aient un objectif identique selon la nature, et que l’un d’eux accomplisse et réalise cet objectif même par une fonction naturelle, tandis que l’autre, qui n’est pas le moins du monde capable d’assurer naturellement cette fonction, n’atteigne certes pas son objectif mais imite celui qui l’atteint et ce d’une manière autre que celle qui convient à la nature – lequel des deux jugeras-tu être le plus fort ? 18. – Etsi coniecto, inquam, quid uelis, planius tamen audire desidero. 18. Bo. – Bien que j’anticipe ce que tu veux, cependant je désire l’entendre plus clairement. 19. – Ambulandi, inquit, motum secundum naturam esse hominibus num negabis? – Minime, inquam. Sur la leçon imbecillos que nous retenons, voir supra, IV, 1, 7 et la note y afférente.
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19. Ph. – Nieras-tu que les hommes aient le mouvement relatif au déplacement30 selon la nature31 ? Bo. – Pas le moins du monde. 20. – Eiusque rei pedum officium esse naturale num dubitas? – Ne hoc quidem, inquam. 20. Ph. – Et tu ne doutes pas que cette fonction soit naturelle aux pieds ? Bo. – Je ne doute assurément pas de cela. 21. – Si quis igitur pedibus incedere ualens ambulet aliusque, cui hoc naturale pedum desit officium, manibus nitens ambulare conetur, quis horum iure ualentior existimari potest? 21. Ph. – Si quelqu’un, par conséquent, capable d’avancer avec ses pieds, se déplace, et qu’un autre, privé de cette fonction naturelle des pieds, fait effort pour se déplacer32 en s’appuyant sur les mains33, lequel des deux peut-il être à bon droit estimé le plus valide ? 22.– Contexe, inquam, cetera; nam quin naturalis officii potens eo, qui idem nequeat, ualentior sit nullus ambigat. 22. Bo. – Enchaîne avec d’autres raisonnements ; car nul ne discute quant à savoir si celui qui est apte à une fonction naturelle est plus valide que le même qui en est incapable. 23. – Sed summum bonum, quod, aeque malis bonisque propositum, boni quidem naturali officio uirtutum petunt, mali uero uariam per cupiditatem, quod adipiscendi boni naturale officium non est, idem ipsum conantur adipisci; an tu aliter existimas? Sur notre traduction d’ambulare, voir infra, n. 33. Cela veut-il dire que sans l’apprentissage par autrui de l’action de marcher, un individu marcherait de lui-même ? 32 Cette comparaison entre l’action naturelle de marcher propre à l’homme valide et la pratique des vertus par l’homme bon a peut-être été indirectement inspirée à Boèce par un passage de La République de Platon (352e-354a), où Socrate sensibilise Thrasymaque au fait que tout comme les yeux voient parce qu’ils possèdent une vertu propre (οἰκεία ἀρετή), et non une vertu contraire (κακή ἀρετή), pour cela, l’âme juste de l’homme juste ne peut bien s’acquitter de ses fonctions que parce qu’elle possède la vertu qui le lui permet. 33 Nous avons rendu le verbe latin ambulare par le verbe français « se déplacer » et non par « marcher », parce qu’en français « marcher », qui signifie strictement « aller à pied », ne peut s’appliquer à un déplacement avec les mains. 30 31
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23. Ph. – Mais le souverain Bien – qui est un objectif autant pour les gens méchants que pour les gens de bien –, les gens de bien assurément le briguent par l’exercice34 naturel des vertus, tandis que les méchants s’efforcent pareillement de l’atteindre lui-même par une cupidité variable, qui n’est pas la fonction naturelle pour atteindre au bien ; l’envisages-tu autrement ? 24. – Minime, inquam; nam etiam quod est consequens patet. Ex his enim quae concesserim bonos quidem potentes, malos uero esse necesse est imbecillos35. 24. Bo. – Pas le moins du monde ; car ce qui est conséquent est pareillement évident. J’ai concédé, en effet, qu’à partir de cela il est nécessaire que les gens de bien soient assurément puissants et les méchants faibles. 25. – Recte, inquit, praecurris idque, uti medici sperare solent, indicium est erectae iam resistentisque naturae. 25. Ph. – Tu me devances correctement, et cela, d’après les médecins36 qui ont l’habitude de l’espérer, est l’indice d’une nature déjà attentive et réactive. 26. Sed quoniam te ad intellegendum promptissimum esse conspicio, crebras coaceruabo rationes; uide enim quanta uitiosorum hominum pateat infirmitas, qui ne ad hoc quidem peruenire queunt ad quod eos naturalis ducit ac paene compellit intentio. 26. Mais puisque j’observe que tu es plus prompt à comprendre, je vais regrouper des raisonnements plus nombreux ; vois, en effet, combien ressort l’infirmité des hommes vicieux, qui ne sont assurément pas capables de parvenir à ce à quoi les conduit, et même les contraint, leur tendance naturelle37. 27. Et quid, si hoc tam magno ac paene inuicto praeeuntis naturae desererentur auxilio? 34 On ne saurait en l’occurrence rendre officium par « fonction ». D’où notre traduction par « exercice ». 35 Pour imbecillos, voir supra, IV, 1, 7 et la note y afférente. 36 Par cette allusion, Boèce rappelle qu’il conçoit la philosophie comme une médecine de l’âme, ce qui consonne avec les évocations précédentes d’une médication d’abord douce (voir supra, I, 6, 21 et II, 3, 3), plus forte ensuite (voir supra, II, 5, 1), que Philosophie a administrée à son « nourrisson ». Voir également notre Introduction, p. 56 et 70. 37 L’homme vicieux dévoie l’inné par un acquis contraire.
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27. Et qu’en serait-il s’ils étaient dépourvus de cette aide si importante et presque invincible de la nature qui les guide ? 28. Considera uero quanta sceleratos homines habeat impotentia. Neque enim leuia aut ludicra praemia petunt, quae consequi atque obtinere non possunt, sed circa ipsam rerum summam uerticemque deficiunt nec in eo miseris contingit effectus, quod solum dies noctesque moliuntur; in qua re bonorum uires eminent. 28. Considère d’autre part quelle impuissance habite les hommes scélérats. Ils ne briguent pas, en effet, des récompenses négligeables et ludiques38, qu’ils ne peuvent poursuivre ni obtenir, mais ils sont défaillants concernant le sommet ou la pointe39 même des choses, et en cela ces misérables ne parviennent pas au seul résultat auquel ils travaillent jour et nuit ; c’est en cela que les hommes de bien40 l’emportent. 29. Sicut enim eum, qui pedibus incedens ad eum locum usque peruenire potuisset quo nihil ulterius peruium iaceret, incessui ambulandi potentissimum esse censeres, ita eum qui expetendorum finem, quo nihil ultra est, apprehendit potentissimum necesse est iudices. 29. De même, en effet, celui qui, avançant à pieds, pourrait parvenir jusqu’à un lieu au-delà duquel rien d’ouvert au déplacement ne s’étend, tu trouverais qu’il est le plus apte à se déplacer, de même celui qui appréhende la fin des choses désirables au-delà de laquelle il n’y a rien, il est nécessaire que tu le juges le plus apte. 30. Ex quo fit, quod huic obiacet, ut [idem] scelesti uiribus omnibus uideantur esse deserti. 30. De là vient que l’on objecte à cela qu’il en va pour les criminels [pareillement] que pour tous les hommes qui semblent être privés de toute force.
38 Neque enim leuia aut ludicra praemia petunt : citation quasi littérale de Virgile, Énéide, XII, 764-765 (Gruber, 1978, p. 330) : « neque enim leuia aut ludicra petuntur / praemia ». 39 Le même embarras que précédemment survient pour distinguer deux mots équivalents : summum et vertex (voir supra, I, 1, 2, et la note y afférente). 40 Bonorum uires : le latin use dans cette expression d’un génitif pluriel (bonorum) que n’admet pas le français, qui ne connaît que l’expression « hommes de bien », laquelle désigne soit ceux qui bénéficie de l’estime des autres soit ceux qui disposent d’une aisance matérielle. Nous ignorons par ailleurs si Boèce faisait une différence entre le bonus (v.c. supra, § 2 et passim) et le vir bonorum.
LIVRE IV365
31. Cur enim relicta uirtute uitia sectantur? Inscitiane bonorum? – Sed quid eneruatius ignorantiae caecitate? An sectanda nouerunt, sed transuersos eos libido praecipitat? Sic quoque intemperantia fragiles, qui obluctari uitio nequeunt. 31. En effet, pourquoi délaissent-ils la vertu pour fréquenter les vices ? Par méconnaissance des biens ? – mais qu’y a-t-il de plus débilitant que la cécité propre à l’ignorance ? –, ou bien savent-ils ce qu’il faut fréquenter – mais le désir les précipite-t-il sur des chemins de traverse ? Ainsi en va-t-il encore de l’intempérance des gens fragiles, qui ne sont pas capables de lutter contre le vice41. 32. An scientes uolentesque bonum deserunt, ad uitia deflectunt? Sed hoc modo non solum potentes esse, sed omnino esse desinunt; nam qui communem omnium quae sunt finem relinquunt pariter quoque esse desistunt. 32. Est-ce en le sachant et en le voulant42 qu’ils se détournent du Bien et se déportent sur les vices ? Mais de cette manière, ils cessent non seulement d’être aptes, mais d’être tout bonnement ; car ceux qui délaissent la fin commune à tout ce qui est, renoncent pareillement à être aussi. 33. Quod quidem cuipiam mirum forte uideatur, ut malos, qui plures hominum sunt, eosdem non esse dicamus; sed ita sese res habet. 33. En cela, assurément, il va peut-être sembler d’une certaine manière surprenant que nous disions des gens méchants eux-mêmes, qui sont les plus nombreux parmi les hommes, qu’ils ne sont pas ; mais la chose se présente bien ainsi. 34. Nam qui mali sunt eos malos esse non abnuo; sed eosdem esse pure atque simpliciter nego.
41 Obluctari uitio : nous aurions peut-être là (Gruber, 1978, p. 331) une réminiscence d’Augustin, De la cité de Dieu, II, V : « Nequaquam istos, qui flagitiosissimae consuetudinis uitiis oblectari magis quam obluctari student,… habere de hac re iudicem uellem = Je ne voudrais en aucun cas posséder sur ce sujet (les turpitudes de la religion païenne) le jugement de ceux dont l’habitude la plus déshonorante est de s’appliquer à se complaire dans les vices plus que de les combattre ». 42 Scientes uolentesque : Gruber (1978, p. 331) a trouvé la même association de mots dans une lettre de Sénèque à Lucilius (CXIV, 21), où il est question du « discours de tous ceux qui se trompent non par hasard, mais en le sachant et en le voulant = oratio… omniumque aliorum qui non casu errant sed scientes uolentesque ».
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34. Car je ne refuse pas de dire que ceux qui sont méchants sont méchants ; mais je nie qu’eux-mêmes soient purement et simplement43. 35. Nam uti cadauer hominem mortuum dixeris, simpliciter uero hominem appellare non possis, ita uitiosos malos quidem esse concesserim, sed esse absolute nequeam confiteri. 35. Car de même que tu diras d’un homme mort qu’il est un cadavre sans que tu puisses en vérité l’appeler simplement un « homme », de même je suis prêt à concéder que les gens méchants sont assurément vicieux, mais incapable de confesser qu’ils sont de manière absolue. 36. Est enim, quod ordinem retinet seruatque naturam; quod uero ab hac deficit, esse etiam, quod in sua natura situm est, derelinquit. 36. Est, en effet, ce qui respecte l’ordre et observe la nature44 ; mais ce qui s’écarte d’elle renonce aussi à être ce qui a été situé dans sa nature. 37. Sed possunt, inquies, mali; ne ego quidem negauerim, sed haec eorum potentia non a uiribus sed ab imbecillitate descendit. 37. Mais, diras-tu, les gens méchants peuvent quelque chose ; assurément, je ne saurais, moi, le nier, mais leur puissance procède non pas de leurs forces mais de leur faiblesse. 38. Possunt enim mala, quae minime ualerent si in bonorum efficientia manere potuissent. 38. En effet, ils peuvent les maux45 qu’ils n’auraient pas été le moins du monde en mesure de commettre s’ils avaient pu conserver une efficience dans les biens46. 43 Le développement que l’on trouve au paragraphe suivant incite à comprendre comme nous l’avons fait et non comme suit : « mais je nie purement et simplement qu’ils soient ». L’homme méchant n’est pas authentiquement un homme, au sens plénier du terme : quelque chose est mort en lui. 44 De quel « ordre » s’agit-il ? Est-ce l’ordre naturel, comme le pense Gruber (1978, p. 332) en renvoyant au rerum ordinem d’infra, IV, 4, 27 ? Mais la construction grammaticale fait appel à deux verbes (retinere et seruare) dont chacun a son complément (ordo et natura). Ou bien est-ce l’ordre moral, ou encore l’ordre législatif, mais alors pourquoi l’éthique dans un cas, la loi dans l’autre précéderaient-elles la nature ? 45 Nous avons tenu à respecter, malgré sa lourdeur, l’usage du pluriel, dans la mesure où Boèce a délibérément établi un parallèle entre bonum (« le Bien ») et bona (« les biens ») et malum (« le mal ») et mala (« les maux »). 46 On fait le mal par impuissance à faire le bien. Cf. le principe « nul n’est méchant volontairement », que l’on tire de la réflexion menée par Socrate dans le Gorgias (466a-468e, et plus particulièrement 468c-d).
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39. Quae possibilitas eos euidentius nihil posse demonstrat; nam si, uti paulo ante collegimus, malum nihil est, cum mala tantummodo possint, nihil posse improbos liquet. – Perspicuum est. 39. Cette possibilité démontre avec plus d’évidence qu’ils ne peuvent rien ; car si, comme nous l’avons déduit un peu avant47, le mal n’est rien, puisqu’ils peuvent seulement les maux, il ressort que les gens malhonnêtes ne peuvent rien. Bo. – C’est limpide. 40. – Atque ut intellegas quaenam sit huius potentiae uis: summo bono nihil potentius esse paulo ante definiuimus. – Ita est, inquam. – Sed idem, inquit, facere malum nequit. – Minime. 40. Ph. – Et pour que tu comprennes quelle est la force de cette puissance, nous avons défini un peu avant48 qu’il n’y a rien de plus puissant que le souverain Bien. Bo. – Il en est ainsi. Ph. – Mais ce même est incapable de faire le mal. Bo. – Il n’en est pas le moins du monde capable. 41. – Est igitur, inquit, aliquis qui omnia posse homines putet? – Nisi quis insaniat, nemo. – Atqui idem possunt mala. – Vtinam quidem, inquam, non possent! 41. Ph. – Y a-t-il alors quelqu’un qui pense que les hommes peuvent tout ? Bo. – À moins qu’il ne soit insane, personne. Ph. – Et pourtant ils peuvent pareillement les maux. Bo. – Fasse alors le ciel qu’ils ne le puissent pas ! 42. – Cum igitur bonorum tantummodo potens possit omnia, non uero queant omnia potentes etiam malorum, eosdem qui mala possunt, minus posse manifestum est. 42. Ph. – Puis donc que celui qui peut seulement le bien peut tout, et que ceux qui peuvent aussi les maux ne sont pas capables de tout, il est manifeste que ceux qui peuvent les maux peuvent moins. 43. Huc accedit quod omnem potentiam inter expetenda numerandam omniaque expetenda referri ad bonum uelut ad quoddam naturae suae cacumen ostendimus. Voir supra, III, 12, 29. Voir supra, III, 12, 21.
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43. À cela s’ajoute que nous avons montré que toute puissance est à compter parmi les choses qui sont désirables, et que tout ce qui est désirable est rapporté au Bien pour ainsi dire comme à un certain comble de sa nature. 44. Sed patrandi sceleris possibilitas referri ad bonum non potest, expetenda igitur non est. Atqui omnis potentia expetenda est; liquet igitur malorum possibilitatem non esse potentiam. 44. Mais la possibilité de perpétrer un crime ne peut être rapportée au Bien ; par conséquent elle n’est pas à désirer. Or toute puissance est à désirer ; il est clair, par conséquent, que la puissance n’est pas la possibilité des maux49. 45. Ex quibus omnibus bonorum quidem potentia, malorum uero minime dubitabilis apparet infirmitas ueramque illam Platonis esse sententiam liquet, solos quod desiderent facere posse sapientes, improbos uero exercere quidem quod libeat, quod uero desiderent explere non posse. 45. À partir de tout cela, assurément, il n’apparaît pas le moins du monde douteux qu’il y a puissance des gens de bien et infirmité des méchants, et il est clair que ce jugement de Platon50 est vraie, que seuls les sages peuvent faire ce qu’ils désirent, tandis que les gens malhonnêtes exercent certes ce qui leur plaît, mais ils ne peuvent satisfaire à ce qu’ils désirent. 46. Faciunt enim quaelibet, dum per ea quibus delectantur id bonum quod desiderant se adepturos putant; sed minime adipiscuntur, quoniam ad beatitudinem probra non ueniunt. 46. Ils font, en effet, ce qui leur plaît quand ils pensent devoir atteindre le Bien qu’ils désirent par le truchement de tout ce qui les délectent ; mais ils ne l’obtiennent pas le moins du monde, puisque les turpitudes ne mènent pas au bonheur. Soit : n’est pas puissant mais impuissant celui qui a la possibilité de commettre le
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mal.
50 Mirandol (1861, p. 375) et Bocognano (1937, p. 267), entre autres, voient ici, toujours sans poser le problème de l’accessibilité au texte, l’influence du Gorgias (468b-e), où Socrate établit, pour Polus, qu’il est possible que, dans une cité, un homme fasse ce qui lui plaît, sans posséder pour autant un grand pouvoir, ni faire ce qu’il désire : ainsi un tyran fait ce qui lui plaît quand il fait périr un homme, mais il ne fait pas ce qu’il désire si cette mort tourne à son préjudice. Le raisonnement repose sur le principe selon lequel quand nous faisons quelque chose en vue d’une fin, ce n’est pas ce quelque chose que nous voulons, mais la fin en vue de laquelle nous le faisons.
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Metrum II – Mètre II Ph. – 1. Quos uides sedere celsos solii culmine reges, purpura claros nitente, saeptos tristibus armis, ore toruo comminantes, rabie cordis anhelos, detrahat si quis superbis uani tegmina cultus, 5. iam uidebit intus artas dominos ferre catenas; Les rois que tu peux voir siéger perchés sur leut trône élevé51, Brillant dans la pourpre éclatante et entourés d’armes funestes, Qui menacent d’un regard dur, essouflés par leur rage au cœur52, Si l’on dépouille leur orgueil du voile de leur vaine pompe, On verra les chaînes serrées que ces maîtres portent en eux. hinc enim libido uersat auidis corda uenenis, hinc flagellat ira mentem fluctus turbida tollens, maeror aut captus fatigat aut spes lubrica torquet. Ergo cum caput tot unum cernas ferre tyrannos, 10. non facit quod optat ipse, dominis pressus iniquis. D’où le désir verse en leur cœur le venin de l’avidité, D’où l’ire fouette leur âme et, trouble, soulève ses flots, Le chagrin enfermé la mine ou l’espoir trompeur53 la torture. Puisqu’on aperçoit donc qu’un seul chef supporte tant de tyrans, Il ne fait pas ce qu’il souhaite, oppressé de maîtres iniques. Prosa 3 1. – Videsne igitur quanto in caeno probra uoluantur, qua probitas luce resplendeat? In quo perspicuum est numquam bonis praemia, numquam sua sceleribus deesse supplicia. Prose 3 1. Ph. – Vois-tu, par conséquent, dans quelle fange font se vautrer les turpitudes, et de quelle lumière resplendit la probité ? En quoi il est 51 Reprise d’un topos de la diatribe cynico-stoïque : le tyran qui domine les hommes (cf. les derniers vers du poème précédent et I, V, 31-32) est en fait un esclave dominé par ses propres passions (désir, chagrin, colère, espérance – cf., avec de légères variantes, I, VII, 25-28 et la note y afférente), véritables tyrans. 52 Avec Scheible (1972, p. 134), on peut rapprocher ce passage de la description de la Sibylle chez Virgile (Énéide, VI, 48-49) « sed pectus anhelum / et rabie fera corda tument = mais sa poitrine haletante et son cœur sauvage se gonflent de rage ». Boèce rivalise ici avec son modèle en concentrant la description. 53 Cette expression apparaît en même position métrique chez Stace (Achilléide, I, 547) pour désigner une espérance incertaine.
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patent que jamais les récompenses ne font défaut aux gens de bien et jamais les châtiments ne font défaut aux scélérats54. 2. Rerum etenim quae geruntur illud propter quod unaquaeque res geritur eiusdem rei praemium esse non iniuria uideri potest, uti currendi in stadio propter quam curritur, iacet praemium corona. 2. Et en effet, dans toutes les actions qui sont accomplies, ce en vue de quoi chaque action est accomplie peut être, non sans raison, considéré comme étant la récompense de cette même action : par exemple, en courant dans un stade, la couronne pour laquelle on court s’offre en récompense. 3. Sed beatitudinem esse id ipsum55 bonum propter quod omnia geruntur ostendimus; est igitur humanis actibus ipsum bonum ueluti praemium commune propositum. 3. Mais nous avons fait ressortir que le bonheur est ce Bien même en vue de quoi tout s’accomplit ; par conséquent, le Bien même est comme la récompense commune proposée aux actes humains. 4. Atqui hoc a bonis non potest separari – neque enim bonus ultra iure uocabitur, qui careat bono; quare probos mores sua praemia non relinquunt. 4. Or, il ne peut être séparé des gens de bien – et de fait, celui qui se priverait du Bien ne serait plus appelé à juste titre « bon » ; c’est pourquoi ses récompenses ne sont pas séparables de mœurs honnêtes. 5. Quantumlibet igitur saeuiant mali, sapienti tamen corona non decidet, non arescet; neque enim probis animis proprium decus aliena decerpit improbitas. 5. Par conséquent, que les gens méchants entrent en fureur autant qu’il leur plaira, pour le sage cependant la couronne ne tombera ni ne flétrira56 ; et en effet, la malhonnêteté d’autrui ne retire pas aux esprits honnêtes leur gloire propre. 54 Ces « scélérats » sont bien sûr les « rois » aux chaînes intérieures du mètre précédent (v. 1 et 5), dont tout porte à croire, selon J.-Y. Guillaumin (2002, p. 170, n. 21), que l’archétype en est Théodoric. Mais si c’est le cas, Boèce a bien raison de rester très allusif pour ne point heurter le seul qui puisse décider du salut dont il espère intensément toujours bénéficier. 55 Esse idem ipsum pour Moreschini (p. 109). 56 Comme « flétrissent » (exarescere) les végétaux qui ne naissent pas dans un milieu approprié – voir supra, III, 11, 18.
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6. Quodsi extrinsecus accepto laetaretur, poterat hoc uel alius quispiam uel ipse etiam qui contulisset auferre; sed quoniam id sua cuique probitas confert, tum suo praemio carebit cum probus esse desierit. 6. Que si quelqu’un se réjouissait d’une récompense acceptée de l’extérieur, soit quelqu’un d’autre soit aussi celui-là même qui la lui aurait conférée pourrait l’en priver ; mais puisqu’elle est conférée à chacun selon son honnêteté, alors il sera privé de sa récompense lorsqu’il cessera d’être honnête. 7. Postremo, cum omne praemium idcirco appetatur quoniam bonum esse creditur, quis boni compotem praemii iudicet expertem? 7. Enfin, comme on ne désire toute récompense que pour autant que l’on croit qu’elle est un bien, qui jugerait quelqu’un privé de récompense maître57 du Bien ? 8. At cuius praemii? Omnium pulcherrimi maximique; memento etenim corollarii illius, quod paulo ante praecipuum dedi, ac sic collige. 8. Mais de quelle récompense s’agit-il ? De la plus belle et de la plus grande de toutes ; et en effet, souviens-toi de ce corollaire que j’ai donné un peu avant comme déterminant58, et déduis ainsi : 9. Cum ipsum bonum beatitudo sit, bonos omnes eo ipso quod boni sint fieri beatos liquet. 9. étant donné que le Bien lui-même est le bonheur, il est clair que tous les gens de bien deviennent heureux en cela même qu’ils sont bons. 10. Sed qui beati sint deos esse conuenit. Est igitur praemium bonorum, quod nullus deterat dies, nullius minuat potestas, nullius fuscet improbitas, deos fieri. 10. Mais il convient que ceux qui sont heureux soient des dieux. Par conséquent, la récompense des gens de bien, que nul jour n’affaiblit, que le pouvoir d’aucun ne diminue, que la malhonnêteté d’aucun ne ternit, est de devenir des dieux. 11. Quae cum ita sint, de malorum quoque inseparabili poena dubitare sapiens nequeat; nam cum bonum malumque, item poenae atque
Compotem : voir supra, II, 4, 23. Voir supra, III, 10, 22-26.
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p raemium aduersa fronte dissideant, quae in boni praemio uidemus accedere eadem necesse est in mali poena contraria parte respondeant. 11. Puisqu’il en est ainsi, le sage ne saurait douter non plus d’une peine inséparable59 des gens méchants ; car puisque bien et mal, au même titre que peine et récompense, entrent frontalement en désaccord l’un avec l’autre, il est nécessaire qu’aux choses que nous voyons se produire pour la récompense elle-même de l’homme bon en répondent quant au parti contraire pour la peine du méchant. 12. Sicut igitur probis probitas ipsa fit praemium, ita improbis nequitia ipsa supplicium est. Iam uero quisquis afficitur poena malo se affectum esse non dubitat. 12. Par conséquent, de même que l’honnêteté elle-même fait la récompense de l’homme honnête, de même la corruption elle-même est le supplice du malhonnête. Qui plus est, quiconque est frappé d’une peine ne doute pas d’être affecté lui-même d’un mal. 13. Si igitur sese ipsi aestimare uelint, possuntne sibi supplicii expertes uideri, quos – omnium malorum extrema – nequitia non affecit modo, uerum etiam uehementer infecit? 13. Par conséquent, si les gens méchants veulent s’apprécier euxmêmes, peuvent-ils se voir exemptés de supplice, eux que – le pire de tous les maux – la corruption n’affecte pas seulement, mais infecte60 fortement aussi ? 14. Vide autem ex aduersa parte bonorum quae improbos poena comitetur; omne namque quod sit unum esse ipsumque unum bonum esse paulo ante didicisti; cui consequens est ut omne quod sit id etiam bonum esse uideatur. 14. Vois d’autre part, à l’opposé du parti des gens de bien, quelle peine accompagne les gens malhonnêtes ; car tu as appris un peu avant61 que tout ce qui est est un, et que l’Un lui-même est le Bien ; d’où il suit que tout ce qui est semble être aussi le Bien. 15. Hoc igitur modo quicquid a bono deficit, esse desistit. Quo fit ut mali desinant esse quod fuerant. Sed fuisse homines adhuc ipsa humani Le châtiment devient aussi inséparable du méchant que la récompense l’est du bon. Afficere – inficere : la langue française permet de restituer pleinement cette paronomase. 61 Voir supra, III, 10, 40 et III, 12, 33. 59 60
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corporis reliqua species ostentat. Quare uersi in malitiam, humanam quoque amisere naturam. 15. Par conséquent, de cette manière tout ce qui s’écarte du Bien renonce à être. De là vient que les gens méchants cessent d’être ce qu’ils ont été62. Mais ils étaient jusqu’à maintenant des hommes, comme le montre l’apparence même qui demeure de leur corps humain. C’est pourquoi, tournés vers la méchanceté ils perdent aussi leur nature humaine. 16. Sed cum ultra homines quemque prouehere sola probitas possit, necesse est ut quos ab humana condicione deiecit infra homines meritum63 detrudat improbitas; euenit igitur ut quem transformatum uitiis uideas hominem aestimare non possis. 16. Mais comme seule l’honnêteté peut projeter quelqu’un au-delà des hommes, il est nécessaire que la malhonnêteté abaisse au-dessous du mérite les hommes qu’elle déchoit de la condition humaine ; il advient, par conséquent, que tu ne puisses estimer qu’est un homme celui que tu vois transformé par les vices. 17. Auaritia feruet alienarum opum uiolentus ereptor: lupis similem dixeris. Ferox atque inquies linguam litigiis exercet: cani comparabis. 17. Un voleur impérieux brûle d’avidité pour la propriété d’autrui. Tu le diras semblable à des loups64. Un fougueux et inquiet exerce sa langue dans des procès : tu le compareras à un chien65.
62 Il pourrait paraître difficile en l’occurrence de suivre Philosophie, dès lors que tout à l’heure elle a déclaré que les gens méchants ne sont pas (IV, 2, 34) ; en fait, c’est précisément ce qu’elle souhaite démontrer de nouveau ici. 63 Moreschini (p. 110) préfère la leçon, bien que minoritaire, merito. 64 Mirandol (1861, p. 375) fait remarquer très justement que les § 17 à 20 (17 à 24 chez Weinberger, p. 87, lequel réserve un paragraphe à chaque type) qui proposent d’assimiler, dès leur vie terrestre, huit types d’homme à huit types de bête en fonction des caractéristiques psychologiques propres à chaque individu et à chaque spécimen, font intervenir une allégorisation qui est à rapprocher de la théorie de la réincarnation des âmes mauvaises dans des bêtes en châtiment de leur nature dévoyée, adoptée par Platon, notamment dans le Timée (42b-c) et surtout le Phédon (81d-82b) – dialogue inaccessible directement à Boèce –, quoiqu’il y ait certains décalages qui affaiblissent la comparaison, comme le mode de cette assimilation : allégorique pour Boèce, dogmatique pour Platon, ou le moment auquel elle intervient : en cette vie pour Boèce, après la mort pour Platon, encore que l’on pourrait imaginer que Boèce évoque, en ce dernier cas, des âmes réincarnées. 65 La perception du chien comme correspondant à un animal fougueux, inquiet et querelleur est, selon nous, la moins pertinente des comparaisons, dans la mesure où son caractère dépend de sa socialisation.
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18. Insidiator occultus subripuisse fraudibus gaudet: uulpeculis exaequetur. Irae intemperans fremit: leonis animum gestare credatur. 18. Un embûcheur se réjouit d’avoir soustrait des biens par des ruses cachées : il est rendu égal à des petits goupils66. Un intempérant grommelle de colère : on le croit doté d’un esprit de lion. 19. Pauidus ac fugax non metuenda formidat: ceruis similis habeatur. Segnis ac stupidus torpet: asinum uiuit. 19. Un peureux et fuyard redoute ce qui n’est pas à craindre : on le tient pour semblable à des cerfs. Un apathique et stupide est dans la torpeur : il vit comme un âne. 20. Leuis atque inconstans studia permutat: nihil auibus differt. Foedis immundisque libidinibus immergitur: sordidae suis uoluptate detinetur. 20. Un léger et inconstant change de centres d’intérêt : il ne diffère en rien des oiseaux. Un tel est plongé dans des désirs ignominieux et immondes : il est captif d’une volupté de porc sordide. 21. Ita fit ut qui probitate deserta homo esse desierit, cum in diuinam condicionem transire non possit, uertatur in beluam. 21. Il se fait ainsi que celui qui a déserté67 l’honnêteté cesse d’être un homme, et puisqu’il ne peut passer dans la condition divine, il est changé en bête. Metrum III – Mètre III Ph. – 1. Vela Neritii ducis et uagas pelago rates Eurus appulit insulae, pulchra qua residens dea 5. Solis edita semine miscet hospitibus nouis tacta carmine pocula. 66 C’est-à-dire : à des renardeaux. Rappelons que « renard » n’est que l’antonomase de Renart, déformation de Reinhart, héros, avec son compère Isengrin le loup, du Roman de Renart, un ensemble anonyme de 17 textes versifiés, dits « branches », rédigés, estime-t-on, entre 1170 et 1210 – voir Foulet, 1914, p. 118 pour la datation. La traduction de uulpes ne peut donc être que « goupil ». 67 En trois paragraphes (§ 15, 16 et 21) Boèce emploie sept verbes de sens voisin : amisere, deficere, dejicere, deserere, desinere, desistere, detrudere.
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Les voiles du chef de Nérite68, Les nefs qui erraient sur la mer, L’Eurus69 les poussa sur une île Où vivait la belle déesse Née de la race du Soleil, Qui faisait pour ses nouveaux hôtes Sa coupe empreinte de magie. Quos ut in uarios modos uertit herbipotens manus, 10. hunc apri facies tegit, ille Marmaricus leo dente crescit et unguibus ; Quand sa main aux herbes puissantes Les a diversement changés70, L’un d’un sanglier prend la face ; L’autre, lion de Marmarique71, Voit pousser ses dents et ses ongles ; hic lupis nuper additus, Cette périphrase (empruntée à Ovide, Les Fastes, IV, 69 et Tristes, I, 5, 57) désigne Ulysse, roi d’Ithaque, dont Nérite était l’une des montagnes. La suite du texte fait allusion à l’escale d’Ulysse et ses compagnons dans l’île (Ééa) de la magicienne Circé, fille du Soleil (Virgile, Énéide, VII, 11 : Solis filia), qui changeait les hommes en animaux et transforma les compagnons d’Ulysse en pourceaux en leur faisant boire ses philtres magiques (voir Homère, Odyssée, X, 133 sqq. ; les v. 22-28 renvoient assez précisément aux v. 235-243). Mais, avec une aide divine, Ulysse résista aux enchantements magiques de Circé. Dès l’Antiquité, les philosophes interprétèrent allégoriquement cet épisode, ce que fait Boèce aux v. 26-39, sans s’inspirer de la version du mythe rapportée par Ovide (Métamorphoses, XIV, 248-311). 69 Vent du sud-est : voir supra, II, 4, 4 et la note y afférente. 70 Boèce s’inspire de la présentation de Circé au livre VII de l’Énéide, qui précise que sa puissance vient de ses herbes (v. 19-20 « quos hominum ex facie dea saeua potentibus herbis / induerat Circe in uoltus ac terga ferarum = que Circé, cruelle déesse, par ses herbes puissantes, en leur ôtant leur visage d’hommes, avait affublés d’un mufle et d’un dos de bête » ; ici, v. 8-9 avec concentration de l’expression virgilienne en un adjectif composé créé pour la circonstance). Au vers précédent (v. 18 : « formae magnorum ululare luporum = hurler des formes de loups géants »), Virgile avait évoqué la transformation en loups hurlant (ici, v. 13-14). 71 La Marmarique est une région au nord de la Libye ; par métonymie, le mot évoque la Libye, voire l’Afrique elle-même, cette dénomination géographique ayant valeur d’appellation d’origine contrôlée qui garantit la qualité de l’animal (même expression en même position métrique chez Sénèque, Agamemnon, 739 et le Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1057) : les lions d’Afrique étaient réputés, lions puniques en III, II, 7 (cf. Virgile, Bucoliques V, 27), lions de Libye chez Martial (Épigrammes II, 75, 4). 68
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flere dum parat ululat, 15. ille tigris ut Indica tecta mitis obambulat. L’autre vient d’être adjoint aux loups Et hurle quand il veut pleurer ; Un autre, comme un tigre indien72, Marche calme dans la maison. Sed licet uariis malis numen Arcadis alitis obsitum miserans ducem 20. peste soluerit hospitis, Le dieu ailé de l’Arcadie73 Prit en pitié le chef chargé De ces divers maux, l’affranchit De sa calamiteuse hôtesse ; iam tamen mala remiges ore pocula traxerant, iam sues Cerealia glande pabula uerterant 25. et nihil manet integrum uoce, corpore perditis. Pourtant les rameurs74 avaient mis Déjà les coupes à leur bouche75, Déjà porcs, ils avaient changé Les céréales pour des glands76 Et rien ne leur restait intact : Ils avaient perdu voix et corps.
Nouvelle appellation d’origine contrôlée : cf. Juvénal, Satires, XV, 163. Le dieu ailé (cf. Ovide, Métamorphoses, VIII, 391 et Stace, Silves III, 3, 89) Hermès-Mercure, originaire d’Arcadie. 74 Même terme, à propos du même épisode de Circé, pour désigner les compagnons (rameurs) d’Ulysse chez Horace (Épodes, XVII, 16, cité par Gruber, 2006, p. 335). 75 Expression analogue chez Horace (Épodes, XIV, 3-4, cité par Gruber, 2006, p. 335) : « pocula… / arente fauce traxerim = j’avais aspiré d’une gorge sèche des coupes [soporifères] ». 76 L’opposition de ces deux nourritures se lit déjà en supra, I, 6, 5, mais en un autre contexte. Ici, l’abandon des céréales pour les glands (dont les porcs sont friands, et en référence à Homère, Odyssée, X, 239-240) marque un retour à l’animalité. 72 73
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Sola mens stabilis super monstra quae patitur gemit. O leuem nimium manum 30. nec potentia gramina, membra quae ualeant licet, corda uertere non ualent! Seule leur âme, stable encore, Gémit de subir ces prodiges. Ah ! cette main est trop légère Et ces herbes bien impuissantes : Elles ont reçu le pouvoir De changer les corps, non les cœurs77. Intus est hominum uigor arce conditus abdita. 35. Haec uenena potentius detrahunt hominem sibi dira quae penitus meant, nec nocentia corpori mentis uulnere saeuiunt. La vigueur de l’homme est en lui, Cachée dans un fortin secret. Mais ces autres poisons arrachent Plus puissamment l’homme à lui-même ; Affreux, ils cheminent en lui, ils ne nuisent pas à son corps, Mais déchaînent leurs coups à l’âme. Prosa 4 1. – Tum ego: fateor, inquam, nec iniuria dici uideo uitiosos, tametsi humani corporis speciem seruent, in beluas tamen animorum qualitate mutari; sed quorum78 atrox scelerataque mens bonorum pernicie saeuit, id ipsum eis licere noluissem. 77 Allusion, peut-être polémique (cf. v. 35-39), au passage où Rutilius Namatianus (Sur son retour, I, 525-526, cité par Gruber, 2006, p. 335) oppose l’effet du monachisme (traité de secte) sur les esprits à l’effet des coupes de Circé sur les corps : « Num, rogo, deterior Circaeis secta uenenis ? / Tunc mutabantur corpora, nunc animi = cette secte n’est-elle pas pire, je le demande, que les poisons de Circé ? / Alors, on changeait les corps, aujourd’hui les esprits ». 78 Quorum pour Moreschini (p. 112), ce qui ne modifie pas la traducion.
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Prose 4 1. Bo. – Je l’avoue, et je vois qu’il est dit à juste titre que les gens vicieux, bien qu’ils conservent l’aspect d’un corps humain, sont cependant, en leur qualité d’animaux, changés en bêtes79 ; mais leur esprit cruel et scélérat s’acharne pernicieusement contre les gens de bien, cela même que je ne voudrais pas qu’il leur fût permis. 2. – Nec licet, inquit, uti conuenienti monstrabitur loco, sed tamen, si id ipsum quod eis licere creditur auferatur, magna ex parte sceleratorum hominum poena releuetur. 2. Ph. – Ce ne leur est pas permis, comme je le montrerai au moment opportun80 ; et pourtant, si cela même que l’on croit leur être permis était supprimé, la peine des hommes scélérats serait allégée pour une grande part81. 3. Etenim, quod incredibile cuiquam forte uideatur, infeliciores esse necesse est malos cum cupita perfecerint, quam si ea quae cupiunt implere non possint. 3. Et en effet – ce qui semblera peut-être incroyable à quiconque –, il est nécessaire que les gens méchants soient plus malheureux lorsqu’ils satisfont leurs désirs que s’ils ne peuvent réaliser ce qu’ils désirent82. 4. Nam si miserum est uoluisse praua, potuisse miserius est, sine quo uoluntatis miserae langueret effectus. 4. Car s’il est misérable d’avoir voulu le pervers, il est plus misérable de l’avoir pu, pouvoir sans lequel l’accomplissement de la volonté misérable languirait83. Il ne s’agit, bien sûr, que d’une métamorphose intérieure. Conueniens locus : probablement un souvenir de la célèbre notion du καιρός, soit l’« opportunité », l’« occasion favorable », le « temps disponible » – voir Platon, Timée, 38b : « sur toutes ces questions (touchant la division du temps), ce n’est peut-être pas, au point où nous en sommes, le moment opportun (καιρός) d’apporter des précisions » – cf. supra, II, 3, 4. 81 Comprenons, en fonction de la suite immédiate : si le pouvoir de nuire aux hommes de bien que l’on prête aux hommes scélérats était supprimé à ces derniers, leur tourment serait moindre, parce qu’un homme mauvais est plus malheureux quand il commet un crime que quand il ne le commet pas. 82 La thèse défendue ici et par la suite se rencontre chez Platon, Gorgias, 473e, où Socrate déclare : « quand on agit mal…, on est malheureux de toute façon ; mais, on est encore plus malheureux si, bien qu’on soit coupable, on n’est ni puni ni châtié par la justice des dieux ou par celle des hommes » – cf. infra, § 13. 83 Voir supra, IV, 2, 5. 79 80
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5. Itaque cum sua singulis miseria sit, triplici infortunio necesse est urgueantur quos uideas scelus uelle, posse, perficere. 5. Ainsi, puisqu’à chaque situation sa misère, il est nécessaire que soient accablés par une triple infortune ceux que tu vois vouloir, pouvoir et commettre un crime. 6. – Accedo, inquam, sed uti hoc infortunio cito careant, patrandi sceleris possibilitate deserti, uehementer exopto. 6. Bo. – Je me rallie à cela, mais je désire vivement qu’ils soient vite privés de cette infortune, dépossédés de la possibilité de perpétrer84 des crimes. 7. – Carebunt, inquit, ocius quam uel tu forsitan uelis uel illi sese aestiment esse carituros; neque enim est aliquid in tam breuibus uitae metis ita serum quod exspectare longum immortalis praesertim animus putet. 7. Ph. – Ils en seront peut-être privés plus rapidement soit que tu le voudrais soit qu’eux-mêmes estiment qu’ils vont en être privés ; et en effet, il n’est pas quelque chose, dans les limites aussi brèves de la vie85, qui tarde au point qu’un esprit, surtout immortel, trouve trop long de l’attendre86. 8. Quorum magna spes et excelsa facinorum machina repentino atque insperato saepe fine destruitur. Quod quidem illis miseriae modum statuit; nam si nequitia miseros facit, miserior sit necesse est diuturnior nequam. 8. Leur grand projet et la machine bien rodée de leurs forfaits sont souvent détruits par une fin soudaine et inespérée, qui décide assurément 84 On notera, dans ces deux paragraphes successifs (§ 5-6), un changement de verbe purement stylistique : perficere (§ 5) et patrare (ici et en supra, IV, 2, 44). 85 Si l’on suit Gruber (1978, p. 343), l’expression uitae metis aurait pu être empruntée à Ovide, Tristes, I, IX, 1 : « uitae… tangere metam = atteindre la limite de la vie ». 86 Cette notation incite à penser que Boèce croit en une justice de l’Au-delà (voir infra, IV, 4, 22-23). Cela dit, est-elle d’inspiration platonicienne ou chrétienne ? Plusieurs dialogues de Platon se prononcent sur la question, puisqu’il y a clairement, chez lui, une justice éternelle qui s’exerce dans l’Au-delà (v.c. Théétète, 177a (le séjour après la mort d’où les méchants seront exclus), La République, I, 330d (les châtiments qu’il faut payer dans l’Hadès pour les injustices commises en ce monde) et X, 614b sqq. (mythe d’Er l’Arménien) ; Ménon, 81b-d (l’âme de l’homme est immortelle) ; Phédon, 105c-e (l’âme n’est pas sujette à la mort). Mais cette première éventualité nous replace indéfiniment au cœur du même problème : de quels dialogues de Platon Boèce disposait-il ? – voir aussi notre Introduction, V, 7, 1.
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d’un terme pour leurs misères ; car si la corruption rend misérable, il est nécessaire que l’on soit d’autant plus misérable que l’on est vaurien plus longtemps87. 9. Quos infelicissimos esse iudicarem, si non eorum malitiam saltem mors extrema finiret; etenim si de prauitatis infortunio uera conclusimus, infinitam liquet esse miseriam quam esse constat aeternam. 9. Je jugerais que ce sont les plus malheureux si à tout le moins la mort ne mettait pas un terme ultime à leur méchanceté ; et en effet, si nous avons tiré une conclusion vraie quant à l’infortune de la perversité, il ressort que la misère est infinie, elle que l’on établit comme étant éternelle88. 10. – Tum ego: mira quidem, inquam, et concessu difficilis inlatio, sed his eam quae prius concessa sunt nimium conuenire cognosco. 10. Bo. – L’inférence est assurément étonnante et difficile à concéder, mais je sais qu’elle convient par trop à ce qui a été concédé auparavant. 11. – Recte, inquit, aestimas, sed qui conclusioni accedere durum putat aequum est uel falsum aliquid praecessisse demonstret uel collocationem propositionum non esse efficacem necessariae conclusionis ostendat; alioquin concessis praecedentibus nihil prorsus est quod de inlatione causetur. 11. Ph. – Tu le ressens correctement, mais celui qui pense ardu d’accéder à la conclusion, ou bien qu’il démontre que quelque chose est faux dans ce qui précède, ou bien – et c’est égal – qu’il montre que le rapprochement des propositions n’est pas producteur d’une conclusion
87 Cf. Platon, Gorgias, 480e-481a (Gruber, 1978, p. 343) : l’injustice restée impunie est le premier et le plus grand de tous les maux. 88 Comme va le souligner Boèce, le sens de ce jugement reste assez mystérieux, la difficulté étant de savoir quelle différence il observe ici entre « éternel » et « infini », la définition ultérieure de l’« éternité » (V, 6, 4) ne s’appliquant pas en l’occurrence. Si l’on s’en remet à Aristote, l’« éternel » (ἀΐδιον), c’est-à-dire « (ce qui n’a) ni commencement ni fin » (Du ciel, 283b28-29 ), inclut l’« infini » (ἄπειρον), dans la mesure où ce dernier est fondé sur la notion de « sans fin », étant infini « ce dont quelque chose est toujours à l’extérieur de lui » (Physique, 207a2), autrement dit une succession de parties où chacune est en puissance de celle qui la suit, donc indéfiniment actualisable. Dans cette optique, la notation de Boèce, qui concerne l’infortune de la perversité chez les méchants, en ne faisant qu’ajouter l’« infinité » déduite à l’« éternité » explicite, se contente de souligner une évidence.
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n écessaire ; autrement, une fois les éléments qui précèdent concédés, il n’y a absolument rien qui soit à objecter à l’inférence89. 12. Nam hoc quoque quod dicam non minus mirum uideatur, sed ex his quae sumpta sunt aeque est necessarium. 12. De fait, ce que je vais ajouter ne semblera pas moins étonnant, mais il est également nécessaire relativement à ce qui a été admis. 13. – Quidnam? inquam. – Feliciores, inquit, esse improbos supplicia luentes quam si eos nulla iustitiae poena coherceat. 13. Bo. – Quoi donc ? Ph. – Les gens malhonnêtes sont plus heureux en subissant leur châtiment que si aucune peine de justice ne les réprimait90. 14. Neque id nunc molior quod cuiuis ueniat in mentem, corrigi ultione prauos mores et ad rectum supplicii terrore deduci, ceteris quoque exemplum esse culpanda fugiendi; sed alio quodam modo infeliciores esse improbos arbitror impunitos, tametsi nulla ratio correctionis, nullus respectus habeatur exempli. 14. Et je n’entreprends point à présent d’établir ce qui peut venir à l’esprit de n’importe qui, à savoir que les mœurs perverses sont redressées par une sanction et ramenées dans le droit chemin par la terreur du châtiment, au même titre que l’exemple doit inciter les autres à fuir ce qui est fautif ; mais j’estime d’une certaine autre manière que les gens malhonnêtes sont plus malheureux impunis, sans qu’aucun raisonnement visant à redresser, sans qu’aucune considération de l’exemple soit envisagé. 89 C’est la deuxième fois que le penchant de Boèce pour la dialectique émerge nettement, la première étant l’évocation et l’utilisation d’un « porisme » ou « corollaire » (voir supra, III, 10, 22 et 26). Ici, c’est à l’évidence du syllogismus dont il est question, et du bon agencement des prémisses avec la conclusion. Mais le vocabulaire utilisé tranche avec celui employé par l’auteur de l’Introduction aux syllogismes catégoriques, du Du syllogisme catégorique et du Des syllogismes hypothétiques. Les propositiones deviennent des praecedentes (ce qui les rapprochent des « prémisses ») et la conclusio une inlatio, ce dernier terme se rencontrant déjà, avec le même sens, chez Apulée (De Platon et de sa doctrine, III) et Martianus Capella (Des noces, IV, 405). 90 La thèse serait de nouveau (voir supra, § 3) celle que l’on trouve dans le Gorgias de Platon (470d-472e), si l’on pouvait ne pas douter de l’accessibilité immédiate de ce dialogue à Boèce : en partant de l’exemple du roi de Macédoine, Archélaüs, Socrate y établit que l’homme qui est injuste et commet un crime est malheureux de toute façon, en ce sens qu’il l’est plus quand il ne subit aucun châtiment et que ses crimes demeurent impunis, et il l’est également, quoique moins, quand des hommes ou des dieux lui infligent une juste punition pour ses fautes.
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15. – Et quis erit, inquam, praeter hos alius modus? – Et illa: bonos, inquit, esse felices, malos uero miseros nonne concessimus? – Ita est, inquam. 15. Bo. – Et quelle sera cette autre manière, en-dehors de celles-ci ? Ph. – N’avons-nous pas concédé que les gens de bien sont heureux et les méchants malheureux ? Bo. – C’est ainsi. 16. – Si igitur, inquit, miseriae cuiuspiam bonum aliquid addatur, nonne felicior est eo cuius pura ac solitaria sine cuiusquam boni ammixtione miseria est? – Sic, inquam, uidetur. 16. Ph. – Par conséquent, si quelque chose de bon est ajouté à la misère de quelqu’un, n’est-il pas plus heureux que celui dont la misère est entière et seule, sans quelque mélange de bien ? Bo. – Ainsi le semble-t-il. 17. – Quid si eidem misero, qui cunctis careat bonis, praeter ea quibus miser est, malum aliud fuerit adnexum, nonne multo infelicior eo censendus est cuius infortunium boni participatione releuatur? – Quidni? inquam. 17. Ph. – Eh quoi, si à ce même malheureux qui manque de tous les biens, un autre mal était ajouté, en-dehors de ceux à cause desquels il est malheureux – ne doit-il pas être tenu pour plus affligé que celui dont l’infortune est soulagée par la participation à un bien ? Bo. – Comment non ? 1891. – Habent igitur improbi, cum puniuntur, quidem boni aliquid adnexum, poenam ipsam scilicet, quae ratione iustitiae bona est, idemque, cum supplicio carent, inest eis aliquid ulterius mali, ipsa impunitas, quam iniquitatis merito malum esse confessus es. 18. Ph. – Les gens malhonnêtes, par conséquent, quand ils sont assurément punis, quelque chose de bon leur est ajouté, à savoir la peine elle-même, qui est un bien selon le raisonnement de la justice, et de même quand ils sont privés de châtiment, quelque chose de plus est en
91 Certains éditeurs (v.c. Bieler, p. 75 et Moreschini, p. 115), en se fondant sur quelques mss, disposent les § 18, 19, 20, 21 de la sorte : 20, 21, 18, 19, liquere respondi (ici au § 21 exit.) débutant le § 20, qui est donc suivi du § 19 actuel équivalant au 21.
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eux, l’impunité elle-même vis-à-vis du mal, que tu as confessé comme étant un mal en considération de92 l’iniquité. 19. – Negare non possum. – Multo igitur infeliciores improbi sunt iniusta impunitate donati quam iusta ultione puniti. 19. Bo. – Je ne puis le nier. Ph. – Par conséquent, les gens malhonnêtes sont beaucoup plus affligés gratifiés93 d’une injuste impunité que punis par une juste sanction94. 20. Sed puniri improbos iustum, impunitos uero elabi iniquum esse, manifestum est. – Quis id neget? 20. Mais il est manifeste qu’il est juste pour les gens malhonnêtes d’être punis, et injuste pour les impunis d’être soustraits à un châtiment. Bo. – Qui nierait cela ? 21. – Sed ne illud quidem, ait, quisquam negabit bonum esse omne, quod iustum est contraque quod iniustum est, malum. – Liquere respondi. 21. Ph. – Mais assurément, personne non plus ne niera que tout ce qui est juste est un bien, et à l’inverse que tout ce qui est injuste est un mal. Bo. – J’ai répondu que c’était clair. 22. Tum ego: Ista quidem consequentia sunt eis quae paulo ante conclusa sunt; sed quaeso, inquam, te, nullane animarum supplicia post defunctum morte corpus relinquis? 22. Cela n’est assurément que la conséquence de ce qui a été conclu un peu avant ; mais, je te le demande, ne réserves-tu aucun châtiment aux âmes après qu’il en a été quitte du corps par la mort95 ? 23. – Et magna quidem, inquit, quorum alia poenali, alia uero purgatoria clementia exerceri puto; sed nunc de his disserere consilium non est. 92 Comme le précise O’Donnell (1979, ad loc.), en latin tardif, merito + génitif équivaut au causa ou gratia + génitif du latin classique. 93 Le verbe donare (voir dimittere, infra, IV, 4, 24, in fine) ne doit pas, à notre sentiment, être sous-traduit, Boèce s’exprimant ici par antiphrase, comme lorsque l’on dit : gratifier quelqu’un d’un coup de fouet, d’injures, d’un reproche ou d’un sobriquet. 94 Cf. supra, § 13. On notera le paradoxe apparent, que Philosophie va expliciter et justifier : les méchants sont plus malheureux impunis que sanctionnés. 95 Defunctum morte corpus : notre traduction (qui aurait pu donner aussi : après que le corps en eut fini avec la mort) vise à éviter le tour pléonastique en français (« corps mort par la mort ») dénoncé par Gruber (1978, p. 344).
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23. Ph. – De grands, assurément, et je les crois exercer pour les uns avec une sévérité pénale, et pour les autres avec une clémence purificatrice96 – mais il n’est pas conseillé d’en débattre présentement. 24. Id uero hactenus egimus, ut quae indignissima tibi uidebatur malorum potestas, eam nullam esse cognosceres, quosque impunitos querebare, uideres numquam improbitatis suae carere suppliciis, licentiam, quam cito finiri precabaris, nec longam esse disceres infelicioremque fore si diuturnior, infelicissimam uero si esset aeterna; post haec miseriores esse improbos iniusta impunitate dimissos quam iusta ultione punitos. 24. De fait, jusqu’à maintenant il s’est agi pour nous 1. que tu saches97 que le pouvoir des gens méchants, qui te paraissait le plus indigne, n’est rien, 2. que tu vois que les gens malhonnêtes dont tu te plaignais ne sont jamais privés du châtiment de leur malhonnêteté, 3. que tu apprennes que leur licence – tu priais pour qu’y soit mis fin au plus vite –, n’est pas durable, et 4. qu’elle serait plus funeste si elle était plus durable, et même la plus funeste si elle était éternelle ; à la suite de cela, 5. les gens malhonnêtes sont plus malheureux remis par une impunité injuste que punis par une juste sanction98. 25. Cui sententiae consequens est ut tum demum grauioribus suppliciis urgueantur cum impuniti esse creduntur. 25. Il suit de cette conception qu’alors même qu’ils sont précisément accablés par de plus lourds châtiments on croit qu’ils sont impunis99. 26. – Tum ego: cum tuas, inquam, rationes considero, nihil dici uerius puto; at si ad hominum iudicia reuertar, quis ille est cui haec non credenda modo sed saltem audienda uideantur? 26. Bo. – Quand je considère tes raisonnements, je pense que rien de plus vrai n’a été dit ; mais si j’en reviens aux jugements des hommes, quel est celui à qui ces conclusions sembleront non pas ne serait-ce que crédibles, mais à tout le moins audibles ? 96 Gruber (1978, p. 345) renvoie ici à Platon, Gorgias, 525b-c, pour qui tout châtié qui l’est raisonnablement devient meilleur ou sert d’exemple, car seule la souffrance est expiatoire, ici-bas ou dans l’au-delà, et les tourments doivent aussi atteindre les incurables pour être instructifs. Sur la croyance en un Purgatoire, voir notre Introduction, p. 89-90. 97 Pour faciliter l’aperçu des points du récapitulatif nous les avons numérotés. 98 Comprenons : par une impunité qui paraît injuste mais qui est en fait le meilleur châtiment, et par une sanction qui paraît juste, mais qui ne constitue pas un châtiment. 99 C’est l’exemption de peine qui correspond au pire châtiment.
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27. – Ita est, inquit illa. Nequeunt enim oculos tenebris assuetos ad lucem perspicuae ueritatis attollere similesque auibus sunt, quarum intuitum nox inluminat, dies caecat; dum enim non rerum ordinem sed suos intuentur affectus, uel licentiam uel impunitatem scelerum putant esse felicem. 27. Ph. – C’est ainsi. En effet, ils ne sont pas capables de lever leurs yeux habitués aux ténèbres vers la lumière éclatante de la vérité, et sont semblables aux oiseaux dont la nuit éclaire la vue et le jour l’obscurcit100 ; en effet, tant qu’ils ont les yeux fixés non sur l’ordre des choses, mais sur leurs sentiments, ils pensent que soit la licence soit l’impunité des crimes rend heureux. 28. Vide autem quid aeterna lex sanciat. Melioribus animum conformaueris: nihil opus est iudice praemium deferente, tu te ipse excellentioribus addidisti; 28. Mais vois ce que la loi éternelle sanctionne : tu101 as conformé ton esprit aux meilleures choses : il n’y a nul besoin d’un juge distribuant des récompenses, tu t’es toi-même adjoint les excellentes ; 29. studium ad peiora deflexeris: extra ne quaesieris ultorem, tu te ipse in deteriora trusisti ueluti, si uicibus sordidam humum caelumque respicias, cunctis extra cessantibus ipsa cernendi ratione nunc caeno nunc sideribus interesse uidearis. 29. tu as tourné ton zèle vers ce qui est pire : ne cherche pas quelqu’un qui se venge du dehors, tu t’es toi-même précipité dans ce qu’il y a de plus mauvais, comme si tu regardais tour à tour l’humus sordide et le ciel, toutes choses extérieures suspendues102, et croyais te trouver, en discernant par la raison elle-même, tantôt dans la boue, tantôt parmi les étoiles. 30. At uulgus ista non respicit. Quid igitur, hisne accedamus, quos beluis similes esse monstrauimus? 30. Mais le vulgaire ne prend pas cela en considération. Quoi donc, devrions-nous nous rapprocher de ceux dont nous avons montré qu’ils sont semblables à des bêtes103 ? 100 Cette métaphore se suffit-elle à elle-même, ou faut-il y voir un emprunt plus ou moins lointain à l’allégorie de la caverne, décrite dans La République (514a-519e) de Platon, en particulier en 515c-d, où est soulignée la souffrance éprouvée par les captifs encavernés, provoquée par l’éblouissement qui se produit lorsqu’ils tournent leur regard vers la lumière ? 101 Comprenons : si tu as, et de même au début du paragraphe suivant. 102 Entendons : en l’absence de toute influence des choses extérieures. 103 Voir supra, IV, 3, 17-21.
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31. Quid, si quis amisso penitus uisu ipsum etiam se habuisse obliuisceretur intuitum nihilque sibi ad humanam perfectionem deesse arbitraretur, num uidentes eadem caeco putaremus? 31. Que si celui-là même qui est entièrement privé de la vision avait même oublié avoir possédé la vue, et estimait que rien ne lui manque de la perfection humaine, est-ce que par hasard nous, voyants, nous penserions les mêmes choses qu’un aveugle ? 32. Nam ne illud quidem adquiescent, quod aeque ualidis rationum nititur firmamentis, infeliciores eos esse qui faciant quam qui patiantur iniuriam. 32. Car ils n’acquiesceraient104 assurément pas à ce qui s’appuye au même degré sur de solides assises de raisonnements, à savoir que ceux qui commettent une injustice sont plus malheureux que ceux qui la subissent. 33. – Vellem, inquam, has ipsas audire rationes. – Omnem, inquit, improbum num supplicio dignum negas? – Minime. 33. Bo. – Je voudrais entendre ces raisonnements mêmes. Ph. – Nies-tu que tout malhonnête soit digne d’un châtiment ? Bo. – Pas le moins du monde. 34. – Infelices uero esse qui sint improbi, multipliciter liquet. – Ita, inquam. – Qui igitur supplicio digni sunt, miseros esse non dubitas. – Conuenit, inquam. 34. Ph. – Et il est clair de plusieurs manières que les malheureux sont ceux qui sont malhonnêtes. Bo. – Oui. Ph. – Par conséquent, tu ne doutes pas que ceux qui sont dignes du châtiment sont malheureux. Bo. – Il convient de le penser. 35. – Si igitur cognitor, ait, resideres, cui supplicium inferendum putares, eine qui fecisset an qui pertulisset iniuriam? – Nec ambigo, inquam, quin perpesso satisfacerem dolore facientis. 104 Adquiescent : on identifie (par exemple, Bocognano, 1937, p. 183) derrière ce pluriel le vulgus du § 30. Mais précisément, l’usage du pluriel, non requis, selon nous, quoique possible, par ce substantif singulier, semble rendre difficile l’identification, et renverrait alors aux beluis similes (ceux qui sont semblables à des bêtes) du même § 30.
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35. Ph. – Si donc tu siégeais comme procureur105, à qui penserais-tu qu’il faille appliquer un châtiment, à celui qui aurait commis une injustice ou à celui qui l’aurait subie ? Bo. – Je n’ai aucune hésitation à dire que je satisferais celui qui l’aurait endurée par une punition infligée à celui qui l’aurait commise. 36. – Miserior igitur tibi iniuriae inlator quam acceptor esse uideretur. 36. Ph. – Plus malheureux, par conséquent, te paraîtrait être celui qui fait subir106 une injustice que celui qui la supporte. 37. – Consequitur, inquam. – Hac igitur aliisque causis ea, radice nitentibus quod turpitudo suapte natura miseros faciat, apparet inlatam cuilibet iniuriam non accipientis sed inferentis esse miseriam. 37. Bo. – C’est ce qui s’ensuit. Ph. – Par conséquent, pour cette raison et d’autres qui reposent sur ce fondement selon lequel la turpitude rend les gens misérables par sa nature propre, il ressort qu’une injustice que l’on fait subir à quiconque n’est pas un malheur pour celui qui la supporte mais pour celui qui la suscite107. 38. – Atqui nunc, ait, contra faciunt oratores; pro his enim qui graue quid acerbumque perpessi sunt, miserationem iudicum excitare conantur, cum magis admittentibus iustior miseratio debeatur; quos non ab iratis sed a propitiis potius miserantibusque accusatoribus ad iudicium ueluti aegros ad medicum duci oportebat, ut culpae morbos supplicio resecarent. 38. Et pourtant, de nos jours les avocats agissent à contre-courant ; en effet, c’est en faveur de ceux qui ont enduré un lourd et pénible préjudice qu’ils s’efforcent de provoquer la commisération des juges, quand la 105 Nous forçons un peu la traduction pour rendre ici le sens de cognitor et, plus bas, celui d’orator (« avocat » – § 38 init.), car ces deux acceptions, à ce que nous avons pu constater, ne sont pas attestées en latin classique. À cette occasion, on notera que Boèce multiplie les substantifs en –or, comme pour constituer une sorte de lexique juridique : cognitor (§ 35), inlator et acceptor (§ 36), orator (§ 38), accusator (§ 38 et 39), defensor (§ 39). 106 Inlator (ou illator), avec ce sens, est donné par Gaffiot (1934, p. 770, init. et 2000, p. 775) comme un hapax, ce que semble confirmer le TLL (VII, 1, col. 339). 107 Ce renversement de l’opinion communément admise va très loin, en ce sens que l’on ne peut même pas affirmer qu’il y a deux victimes dans l’accomplissement d’un acte mauvais, l’agressé et l’agresseur, car le second est seul la victime de sa mauvaise action. Quant au premier, il doit se réjouir seulement de ce que son agresseur subit un châtiment qui lui est bénéfique.
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commisération serait due bien plus justement à ceux qui l’ont causé, lesquels devraient être, comme des malades à un médecin108, conduits au tribunal par des accusateurs non pas en colère mais plutôt bien disposés et pleins de commisération, afin que par le châtiment ils soient soulagés des maladies liées à leur faute. 39. Quo pacto defensorum opera uel tota frigeret uel, si prodesse hominibus mallet, in accusationis habitum uerteretur. 39. Par cette convention, l’empressement des défenseurs ou bien se refroidirait tout entier, ou bien, s’il préférait se rendre utile aux hommes, endosserait le rôle de l’accusation. 40. Ipsi quoque improbi, si eis aliqua rimula uirtutem relictam fas esset aspicere uitiorumque sordes poenarum cruciatibus se deposituros uiderent, compensatione adipiscendae probitatis nec hos cruciatus esse ducerent defensorumque operam repudiarent ac se totos accusatoribus iudicibusque permitterent. 40. Et les gens malhonnêtes eux-mêmes aussi, s’il leur était permis d’apercevoir, par quelque interstice, la vertu qu’ils ont délaissée, et s’ils voyaient qu’ils se délivreront de la souillure des vices par les tourments des peines en obtenant l’honnêteté en compensation, ils ne seraient plus amenées à être tourmentés, ils repousseraient l’empressement des défenseurs et s’en remettraient tout entiers aux accusateurs et aux juges. 41109. Quo fit ut apud sapientes nullus prorsus odio locus relinquatur – nam bonos quis nisi stultissimus oderit? – Malos uero odisse ratione caret. 41. De là vient que chez les sages, il ne reste absolument aucune place pour la haine – car qui haïrait les gens de bien sinon les plus insensés ? Quant aux méchants, ce serait manquer de raison que de les haïr.
108 Selon Mirandol (1861, p. 379-380), cette identification de la perpétration de l’action mauvaise à la manifestation d’une maladie de l’âme fait écho, dans l’expression du moins, à un passage du Timée de Platon (86b), où Socrate définit ainsi toute privation d’intelligence, qui se produit soit par folie, soit par ignorance. Il ne l’applique toutefois pas en particulier à l’acte mauvais. Mirandol renvoie également au De la colère de Sénèque (II, X), dans lequel le philosophe latin déclare que le sage, confronté à des hommes avinés, débauchés, ingrats, avides ou ambitieux, les verra tous avec le regard bienveillant du médecin. 109 Moreschini (p. 118) fusionne les § 41 et 42 en un seul.
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42. Nam si, uti corporum languor, ita uitiositas quidam est quasi morbus animorum, cum aegros corpore minime dignos odio sed potius miseratione iudicemus, multo magis non insequendi sed miserandi sunt quorum mentes omni languore atrocior urguet improbitas. 42. Car si, au même titre qu’une faiblesse des corps, une certaine disposition vicieuse est pour ainsi dire comme une maladie des esprits, puisque nous jugeons que les gens affectés par le corps ne sont pas le moins du monde dignes de haine mais plutôt de commisération, bien plus ne sont-ils pas à poursuivre en justice mais à plaindre ceux dont une malhonnêteté, plus atroce que toute faiblesse du corps, accable les esprits. Metrum IV – Mètre IV Ph. – 1. Quid tantos iuuat excitare motus et propria fatum sollicitare manu? Si mortem petitis, propinquat ipsa sponte sua uolucres nec remoratur equos. 5. Quos serpens, leo, tigris, ursus, aper dente petunt idem se tamen ense petunt. Pourquoi ce goût d’exciter tant de remous Et de sa propre main attirer le Destin110 ? Vous cherchez la mort ? D’elle-même elle approche Et ne retarde pas ses rapides chevaux. Ceux qu’attaque la dent111 du serpent, lion Tigre, ours ou sanglier s’attaquent à l’épée. An distant quia dissidentque mores, iniustas acies et fera bella mouent alternisque uolunt perire telis? 10. Non est iusta satis saeuitiae ratio. Vis aptam meritis uicem referre: Dilige iure bonos et miseresce malis. Parce qu’ils sont différents de par leurs mœurs
110 Même thématique chez Sénèque (Hercule furieux, 867, cité par Gruber, 2006, p. 341) : « quid iuuat durum properare fatum ? = pourquoi ce goût de hâter le dur Destin ? ». 111 Même expression dente petit à propos de l’attaque d’un animal chez Horace (Satires, II, I, 55, cité par Gruber, 2006, p. 342).
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Ils font injuste guerre avec armées cruelles112 Et veulent périr de leurs coups mutuels ? La cruauté n’a pas de raison assez juste. Tu veux rendre à autrui selon son mérite113 : Aime les gens de bien, prends pitié des méchants. Prosa 5 1. – Hic ego: uideo, inquam, quae sit uel felicitas uel miseria in ipsis proborum atque improborum meritis constituta. Prose 5 1. Bo – Je vois quel est ici soit la félicité soit le malheur constitutifs des mérites mêmes des gens honnêtes et des malhonnêtes114. 2. Sed in hac ipsa fortuna populari non nihil boni maliue inesse perpendo; neque enim sapientum quisquam exsul inops ignominiosusque esse malit potius quam pollens opibus, honore reuerendus, potentia ualidus, in sua permanens urbe florere. 2. Mais je n’envisage pas que, dans cette fortune elle-même chère au peuple, rien n’y soit bon ou mauvais ; et de fait115, il n’y a pas quelque sage qui aime mieux être exilé, sans richesses et ignominieusement, plutôt que de prospérer, puissant par ses richesses, révéré pour son honneur, prépotent par sa puissance, en demeurant dans sa ville. 3. Sic enim clarius testatiusque sapientiae tractatur officium, cum in contingentes populos regentium quodam modo beatitudo transfunditur, cum praesertim carcer, nex ceteraque legalium tormenta poenarum perniciosis potius ciuibus, propter quos etiam constitutae sunt, debeantur. 3. Ainsi, en effet, l’office de la sagesse est rempli avec plus d’éclat et plus légitime116 lorsque le bonheur des dominants est d’une certaine 112 L’expression fera bella mouere se lit déjà dans l’Octavie, v. 806 à propos de la révolte des Romains contre Néron et à propos du perroquet de Corinne chez Ovide (Amours, II, 6, 25) – Gruber, 2006, p. 342. 113 Ovide avait employé la même expression à propos du portier de Corinne (Amours, I, VI, 23) : « redde uicem meritis = rends la pareille à mes services », cité par Gruber (2006, p. 342). 114 Le substantif « mérite » doit ici être entendu comme dérivant du verbe « mériter », lequel signifie lui-même : « être considéré comme devant faire l’objet d’une sanction positive ou négative » (CNRTL). 115 Dans la description qui va suivre, Boèce semble dresser son autoportrait. 116 Clarius testatiusque : l’association de ces deux adjectifs serait (Gruber, 1978, p. 349) un souvenir de ce que l’on trouve chez Cicéron, Discours contre Verrès, II, II,
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manière transféré aux peuples qui en dépendent117, vu surtout que la prison, la mise à mort et les autres tourments des peines légales sont de préférence dus aux citoyens pernicieux pour lesquels ils ont surtout été institués. 4. Cur haec igitur uersa uice mutentur scelerumque supplicia bonos premant, praemia uirtutum mali rapiant, uehementer ammiror, quaeque tam iniustae confusionis ratio uideatur, ex te scire desidero. 4. Par conséquent, je m’étonne vivement de ce que ces rôles soient changés par inversion, et que les châtiments des criminels oppriment les gens de bien118 quand les récompenses des vertueux s’emparent des méchants, et je désire connaître de toi la raison de cette confusion qui semble si injuste. 5. Minus etenim mirarer, si misceri omnia fortuitis casibus crederem. Nunc stuporem meum deus rector exaggerat. 5. Et en effet, je m’étonnerais moins si je croyais que tout cela est bouleversé par des événements fortuits. Maintenant, c’est le Dieu recteur qui exacerbe ma stupeur. 6. Qui cum saepe bonis iucunda, malis aspera contraque bonis dura tribuat, malis optata concedat, nisi causa deprehenditur, quid est quod a fortuitis casibus differre uideatur? 6. Sachant qu’Il distribue souvent des choses agréables aux gens de bien et des pénibles aux méchants, et à l’inverse en accorde de rudes aux gens de bien et en concède de souhaitables aux méchants, dans quelle mesure, à moins que la cause n’en soit découverte, cela paraît-il différer des événements fortuits ? 7. – Nec mirum, inquit, si quid ordinis ignorata ratione temerarium confusumque credatur; sed tu quamuis causam tantae dispositionis ignores, tamen, quoniam bonus mundum rector temperat, recte fieri cuncta ne dubites.
187 : « ut res quam maxime clara et testata esse posset = pour que cette chose puisse être autant que possible éclatante et légitime ». 117 D’après Touchette Lebel (2007, p. 153), cette extension du bonheur des dirigeants à leurs dirigés pour servir une sagesse rayonnante et incontestée, reprend une réflexion de l’Éthique à Nicomaque (1180a) d’Aristote. 118 Cf. supra, I, V, 28-36, et infra, IV, 6, 23.
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7. Ph – Ce ne serait pas étonnant si l’on croyait, ignorant la cause de cet ordre, à quelque chose de téméraire et de confus ; mais toi, bien que tu ignores la cause d’une telle disposition, cependant, puisqu’un Recteur bon tempère le monde, tu ne dois point douter que tout est fait correctement. Metrum V – Mètre V Ph. – 1. Si quis Arcturi sidera nescit propinqua summo cardine labi, cur regat tardus plaustra Bootes mergatque seras aequore flammas, 5. cum nimis celeres explicet ortus, legem stupebit aetheris alti. Si l’on ne sait que les étoiles d’Arcturus119 Se glissent à côté du haut pôle du ciel, Pourquoi le lent Bouvier120 mène le Chariot Et ne plonge que tard121 ses flammes dans la mer Alors qu’à son lever il se déploie si vite, On sera surpris par la loi du haut éther. Palleant plenae cornua lunae infecta metis noctis opacae, quaeque fulgenti texerat ore, 10. confusa Phoebe detegat astra: Commouet gentes publicus error lassantque crebris pulsibus aera. Que les croissants de la pleine Lune pâlissent Tout recouverts par le cône d’une nuit sombre122, 119 L’expression Arcturi sidera (Virgile, Géorgiques, I, 294) désigne ici le Chariot de la Petite Ourse (cf. Isidore, De la nature, 26, 3 cité par Gruber, 2006, p. 344). 120 Le Bouvier est le gardien de ce chariot. Avec Gruber (2006, p. 344), nous préférons la correction regat qui s’appuie sur le parallèle avec l’Octavie, v. 233-234 : « qua plaustra tardus noctis aeterna uice / regit Bootes = où le lent Bouvier dirige son Chariot dans l’échange éternel avec la nuit ». 121 Comparer Catulle, Poèmes, 66, 67-68 : « uertor in occasum, tardum dux ante Booten, / qui uix sero alto mergitur Oceano = j’incline vers le couchant, guide précédant le lent Bouvier qui se plonge tard et avec peine dans la profondeur de l’Océan ». 122 Évocation d’une éclipse de la lune dans le cône d’ombre de la terre (cf. Cicéron, De la République, I, 22 ; La Divination, II, 17). La fin de vers cornua lunae se lisait déjà en III, III, 3. Pour l’expression nox opaca, cf. par exemple Virgile, Énéide IV, 123 cité par Gruber (2006, p. 345).
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Que Phébé123 obscurcie révèle des étoiles Qu’elle couvrait par la brillance de sa face, Les peuples sont émus par une erreur commune Et de coups répétés ils fatiguent le bronze124. Nemo miratur flamina Cori litus frementi tundere fluctu 15. nec niuis duram frigore molem feruente Phoebi soluier aestu. Nul ne s’étonne que les souffles du Corus125, Dans le frémissement des flots, battent la côte, Ni que le poids de neige endurcie par le froid Fonde sous la chaleur ardente de Phébus126. Hic enim causas cernere promptum est, illic latentes pectora turbant. Cuncta quae rara prouehit aetas 20. stupetque subitis mobile uulgus. Cedat inscitiae nubilus error, cessent profecto mira uideri! Ici, il est aisé d’en discerner les causes ; Mais là, étant cachées, elles troublent les cœurs127. Le temps n’amène tout cela que rarement Et le soudain surprend une foule changeante128. Dissipé le brouillard trompeur de l’ignorance, Tout cessera vraiment de paraître admirable !
123 La Lune, voir supra, I, V, 10 et la note y afférente, puis II, VIII, 8. Pour confusa, comparer Ovide, Métamorphoses, XIV, 367 : « niueae uultum confundere Lunae = obscurcir le visage de la Lune blanche comme neige ». 124 C’était la réaction des Anciens qui, lors d’une éclipse, pensaient devoir aider la Lune en faisant résonner le choc des métaux (voir Tite-Live, Histoire romaine, XXVI, 5, 9 ; Tibulle, Élégies, I, 8, 21 ; Ovide, Métamorphoses, IV, 222 ; Martial, Épigrammes, XII, 57, 16-17 ; Tacite, Annales I, 28, 2 ; Juvénal, Satires, VI, 442-443). 125 Vent d’ouest violent – voir supra, I, III, 3 et la note y afférente. 126 Le Soleil – voir supra, I, III, 9 et la note y afférente. 127 Cette fin de vers adapte une clausule virgilienne (Énéide, II, 200, cité par Gruber, 2006, p. 345) : « pectora turbat = [un événement] trouble les cœurs ». 128 Ce vers contamine deux passages de Sénèque cités par Gruber (2006, p. 345) : Troyennes, 1143 (« stupet omne uulgus = tout le peuple est surpris ») et Hercule furieux, 170 (« fluctuque magis mobile uulgus = la foule plus changeante que les flots »).
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Prosa 6 1. – Ita est, inquam; sed cum tui muneris sit latentium rerum causas euoluere uelatasque caligine explicare rationes, quaeso uti quae hinc decernas, quoniam hoc me miraculum maxime perturbat, edisseras. 1. Bo – C’est ainsi ; mais puisqu’il est de ta responsabilité de dévoiler les causes des choses cachées et de révéler les raisonnements enveloppés129 d’obscurité, je te demande d’exposer en détail ce que tu as arrêté à ce propos, puisque ce prodige130 me perturbe à l’extrême. 2. – Tum illa paulisper arridens: ad rem me, inquit, omnium quaesitu maximam uocas, cui uix exhausti quicquam satis sit. 2. Souriant un bref moment : Ph. – Tu m’appelles à la chose la plus importante de toutes par la recherche qu’elle exige, chose pour laquelle il serait à peine suffisant d’épuiser131 un quelconque sujet132. 3. Talis namque materia est, ut una dubitatione succisa innumerabiles aliae uelut hydrae capita succrescant; nec ullus fuerit modus nisi quis eas uiuacissimo mentis igne coherceat. 3. Et de fait, la matière en est telle qu’une incertitude une fois tranchée, d’innombrables autres surgissent, comme les têtes de l’Hydre ; et il n’y a aucun moyen pour celui qui les neutraliserait sinon le feu le plus ardent de l’esprit133. 4. In hac enim de prouidentiae simplicitate, de fati serie, de repentinis casibus, de cognitione ac praedestinatione diuina, de arbitrii libertate quaeri solet, quae quanti oneris sint ipse perpendis. 4. En effet, il est coutume, en ce domaine, de s’interroger sur la simplicité de la providence, l’enchaînement du destin, les événements 129 On notera la variatio sermonis sur le thème du voilement – dévoilement, que la traduction doit veiller à rendre, obtenu à partir de verbes qui se répondent entre eux deux à deux : latere et euoluere, uelare et explicare. 130 Cf. supra, IV, 5, 4. 131 Exhausti satis : cf. (Gruber, 1978, p. 353) supra, IV, I, 15. 132 Sur le caractère inépuisable d’un sujet, voir (Gruber, 1978, p. 353) Platon, Phédon, 85c : « arriver à une connaissance claire en ce domaine ou bien est impossible en cette vie, ou bien est extrêment difficile ». 133 Boèce transpose ici l’un des sept travaux d’Hercule, lorsque celui-ci, pour vaincre l’Hydre monstrueuse, appliquait, à l’aide d’une torche, du feu sur la plaie laissée par chacune des têtes qu’il lui tranchait, afin de les empêcher de repousser. Pour le récit le plus détaillé, voir Apollodore le Mythographe (s. II-III), Bibliothèque, II, V, 2.
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imprévus, la connaissance et la prédestination134 divine, le libre arbitre, questions dont tu apprécies toi-même combien elles relèvent d’une lourde charge. 5. Sed quoniam haec quoque te nosse quaedam medicinae tuae portio est, quamquam angusto limite temporis saepti, tamen aliquid deliberare conabimur. 5. Mais puisqu’un volet de ton traitement particulier consiste pour toi à les connaître aussi, quoique gênés par le périmètre resserré de l’enceinte du temps135, nous ferons cependant effort pour en examiner quelque chose. 6. Quodsi te musici carminis oblectamenta delectant, hanc oportet paulisper differas uoluptatem, dum nexas sibi ordine contexo rationes. – Vt libet, inquam. 6. Que si les divertissements musicaux du chant te délectent, il te faut différer un moment cette volupté, le temps que j’organise en vue de leur mise en ordre les raisonnements entrelacés136. Bo. – Comme il te plaira. 7. Tunc uelut ab alio orsa principio ita disseruit: omnium generatio rerum cunctusque mutabilium naturarum progressus et quicquid aliquo mouetur modo causas, ordinem, formas ex diuinae mentis stabilitate sortitur. 7. Alors, comme en entame d’un autre développement, elle disserta ainsi137 : Ph. – La génération de la totalité des choses, tout progrès chez les natures changeantes et quoi que ce soit qui évolue en quelque façon, tout cela tire ses causes, son ordre et ses formes de la stabilité de l’esprit divin. 134 Il ne sera plus vraiment question par la suite de « prédestination » (praedestinatio) divine (voir infra, V, 2, 11), laquelle désigne la capacité de Dieu à déterminer, de toute éternité, le Destin de l’humanité et de l’univers (CNRTL). 135 Angusto limite temporis saepti : relevons la périphrase à effet stylistique, qui signifie plus prosaïquement que Philosophie craint de manquer de temps pour traiter la question. 136 Philosophie demande à Boèce de patienter un peu, jusqu’à ce qu’elle entonne le Mètre VI, afin de dénouer les fils entremêlés de son analyse. 137 D’après Gruber (1978, p. 354-355), l’annonce de cette étape dialectique est reprise de Cicéron, De la divination, II, XLIX (101) init. : « Quae cum ille dixisset, tum ego rursus quasi ab alio principio sum exorsus dicere… = Quand il eut dit cela, moi, à nouveau, comme pour un autre développement, j’ai commencé à dire… ». Doit-on le suivre ?
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8. Haec in suae simplicitatis arce composita multiplicem rebus gerendis modum statuit. Qui modus cum in ipsa diuinae intellegentiae puritate conspicitur, prouidentia nominatur; cum uero ad ea quae mouet atque disponit refertur, fatum a ueteribus appellatum est. 8. Celui-ci, installé dans la citadelle de sa simplicité, a instauré une modalité diversifiée pour gérer les choses138, laquelle modalité, quand elle est aperçue dans la pureté même de l’intelligence divine, est nommée providence ; et quand elle est rapportée à ce qu’elle meut et dispose, elle a été appelée destin par les Anciens. 9. Quae diuersa esse facile liquebit, si quis utriusque uim mente conspexerit; nam prouidentia est ipsa illa diuina ratio in summo omnium principe constituta, quae cuncta disponit, fatum uero inhaerens rebus mobilibus dispositio per quam prouidentia suis quaeque nectit ordinibus. 9. Qu’ils soient différents139 sera manifesté aisément, dès que l’on apercevra par la pensée la capacité de l’une et de l’autre ; car la providence est la raison divine elle-même, constituée dans le souverain Principe universel qui dispose tout, tandis que le destin est la disposition inhérente aux choses mouvantes, par laquelle la providence les enchaîne une à une dans leurs ordres140. 10. Prouidentia namque cuncta pariter quamuis diuersa quamuis infinita complectitur, fatum uero singula digerit in motum locis, formis ac temporibus distributa, ut haec temporalis ordinis explicatio, in diuinae mentis adunata prospectum, prouidentia sit, eadem uero adunatio, digesta atque explicata temporibus, fatum uocetur. 10. Et de fait, la providence embrasse en même temps l’ensemble des choses, bien que différentes et bien qu’infinies, tandis que le destin les met chacune en mouvement, réparties selon des lieux, des formes et des temps, de telle sorte que ce déroulement de l’ordre temporel unifié dans la perspective de l’Esprit divin est la providence, tandis que cette même unification, répartie et déployée selon des temps, est appelée le destin. 11. Quae licet diuersa sint, alterum tamen pendet ex altero; ordo namque fatalis ex prouidentiae simplicitate procedit. 138 La leçon regendis que préfère Moreschini (p. 122), apparaît comme minoritaire. De toute façon, le sens est équivalent : « pour régir les choses ». 139 C’est-à-dire : la providence et le destin. 140 Sur cette dernière répartition, cf. Proclus, Lettre à l’ingénieur Théodore…, III, 14 (= Isaac, p. 39) : « La providence… est, par elle-même, un dieu, et… la fatalité… est une sorte d’image […] Celle-là… règne sur les intelligibles, celle-ci sur les sensibles... ».
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11. Bien qu’ils soient différents, l’un cependant dépend de l’autre ; et de fait, l’ordre du destin procède de la simplicité de la providence141. 12. Sicut enim artifex faciendae rei formam mente praecipiens mouet operis effectum et, quod simpliciter praesentarieque prospexerat, per temporales ordines ducit, ita deus prouidentia quidem singulariter stabiliterque facienda disponit, fato uero haec ipsa quae disposuit multipliciter ac temporaliter amministrat. 12. De même, en effet, que l’artisan, anticipant dans son esprit la forme de la chose à fabriquer, entreprend la réalisation de son ouvrage, et déploie, par découpages temporels, ce qu’il avait projeté simplement et dans l’instant, de même Dieu, par la providence, dispose assurément, de manière globale et stable, ce qui est à réaliser, tandis que par le destin il administre cela même qu’il dispose de manière diversifiée et temporelle142. 13. Siue igitur famulantibus quibusdam prouidentiae diuinis spiritibus fatum exercetur, seu anima seu tota inseruiente natura seu caelestibus siderum motibus seu angelica uirtute seu daemonum uaria sollertia seu aliquibus horum seu omnibus fatalis series texitur, illud certe manifestum est, immobilem simplicemque gerendarum formam rerum esse prouidentiam, fatum uero eorum quae diuina simplicitas gerenda disposuit, mobilem nexum atque ordinem temporalem. 13. Par conséquent, soit que le destin soit façonné par certains esprits divins143 au service de la providence, soit que l’enchaînement fatal soit tissé par l’âme144, ou bien par la nature tout entière asservie145, ou bien par les mouvements célestes des astres, ou bien par une force a ngélique146, 141 Selon Gruber (1978, p. 356), cet ordre serait d’inspiration platonicienne, transmis par le truchement du commentaire de Calcidius, Commentaire au Timée de Platon, CXLIII : « iuxta Platonem praecedit prouidentia, sequitur fatum = selon Platon, la providence précède, le destin suit » (= Bakhouche, p. 380, 1). 142 Les quatre adverbes de manière (singulariter, stabiliter, multipliciter, temporaliter) s’opposent entre eux deux à deux : dans l’unicité et l’immuabilité pour la providence, dans la diversité et la temporalité pour le destin. 143 La suite immédiate va montrer qu’il y a une différence au moins morphologique entre la diuina mens du § 10, supra (cf. aussi infra, § 20) et les diuini spiritus. Sur le fond cependant, les deux nous apparaissent interchangeables l’un avec l’autre, bien que le passage au pluriel nous soit difficilement explicable. 144 Selon Gruber (1978, p. 357), cette « âme » serait l’« âme du monde » de Plotin (Ennéades, 3 (III, 1), 4, 1-2 = Brisson, p. 153). Mais on peut se référer à d’autres auteurs antérieurs, à commencer par Platon – voir Karfik (2014). 145 Inseruire anticipe le subiacere du paragraphe suivant. 146 Bocognano (1937, p. 168) a identifié, sans autre référence, cette force angélique façonnant le destin de l’âme à celle dont parle Athénagore (s. II), après qu’il fut passé du
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ou bien par la féconde ingéniosité des démons147, par quelques-unes de ces causes ou par toutes, il est en tout cas manifeste que la providence est la forme immobile et simple des choses qui doivent être accomplies, tandis que leur destin est le lien mouvant et l’ordre temporel de ce que la simplicité divine a disposé pour qu’il s’accomplisse. 14. Quo fit ut omnia quae fato subsunt prouidentiae quoque subiecta sint, cui ipsum etiam subiacet fatum, quaedam uero, quae sub prouidentia locata sunt, fati seriem superent; ea uero sunt quae, primae propinqua diuinitati stabiliter fixa fatalis ordinem mobilitatis excedunt. 14. D’où il vient que toutes les choses qui sont soumises au destin sont aussi assujetties à la providence, à laquelle le destin lui-même est également assujetti, tandis que celles qui sont placées sous la providence, transcendent l’enchaînement du destin ; et ce sont celles qui, solidement implantées dans l’entourage de la divinité première, échappent à l’ordre de l’instabilité du destin. 15. Nam ut orbium circa eundem cardinem sese uertentium qui est intimus ad simplicitatem medietatis accedit ceterorumque extra locatorum ueluti cardo quidam, circa quem uersentur, exsistit, extimus uero maiore ambitu rotatus quanto, a puncti media indiuiduitate discedit tanto amplioribus spatiis explicatur, si quid uero illi se medio conectat et societ in simplicitatem cogitur diffundique ac diffluere cessat: simili ratione quod longius a prima mente discedit maioribus fati nexibus implicatur ac tanto aliquid fato liberum est quanto illum rerum cardinem uicinius petit. 15. Car148 supposons que parmi des orbes149 tournant d’eux-mêmes autour d’un même axe, celui qui est le plus à l’intérieur s’approche de la Platonisme au Christianisme. Il est vrai qu’Athénagore, dans sa Supplique au sujet des chrétiens (XXIV), déclare que Dieu a créé les anges afin que, dans le gouvernement du monde où sa providence embrasse le tout, les anges (ἄγγελος), eux, s’occupent de chacune des parties qui leur ont été assignées. 147 Pour les sources néoplatoniciennes, notamment Proclus, qui auraient inspiré ces « démons » à Boèce, lesquels seraient différents des « esprits divins » mentionnés juste avant, voir Courcelle (1967, p. 205-206), et Gruber (1978, p. 356-357). Reste que le sens du terme daemon, calque du grec, est difficile à cerner, s’il faut le distinguer, comme nous le disions, d’un « esprit divin », et peut-être aussi d’une « nature angélique » – voir notre Introduction, . 148 Autre passage (voir supra, III, 11, 5) délicat à traduire et difficile à comprendre, surtout quand on essaye, comme nous le faisons ici, de le rendre en un seul tenant, sans ponctuation forte. 149 L’orbis n’est pas à confondre, dans la traduction du moins, avec le circulus du § 17, bien que l’un et l’autre renvoient à la même figure géométrique : le cercle. Se
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simplicité du centre, et que pour les autres orbes situés en dehors il existe comme une sorte d’axe autour duquel ils tournent, tandis que le plus extérieur, entraîné par le mouvement circulaire le plus grand, est d’autant plus développé par des surfaces plus importantes qu’il s’éloigne davantage de l’indivisibilité du point central, et supposons que quelque chose s’attache et s’unisse à ce centre : il est ramassé dans la simplicité et cesse d’être déployé et de s’étendre150 – par un raisonnement semblable, plus ce qui s’éloigne de l’Esprit premier s’enchevêtre davantage dans les liens du destin, et quelque chose est d’autant plus libéré du destin qu’il cherche à atteindre au plus près cet axe des choses. 16. Quodsi supernae mentis haeserit firmitati, motu carens fati quoque supergreditur necessitatem. 16. Que s’il se fixe sur la permanence de l’Esprit d’en haut, exempt de mouvement151, il surpasse à son tour la nécessité du destin. 17. Igitur uti est ad intellectum ratiocinatio, ad id quod est id quod gignitur, ad aeternitatem tempus, ad punctum medium circulus, ita est fati series mobilis ad prouidentiae stabilem simplicitatem. 17. Par conséquent, ce que le raisonnement est à l’intelligence, ce qui est engendré à ce qui est, le temps à l’éternité, le cercle au point central, ainsi l’enchaînement mobile du destin l’est à la simplicité stable de la providence152. 18. Ea series caelum ac sidera mouet, elementa in se inuicem temperat et alterna commutatione transformat, eadem nascentia occidentiaque omnia per similes fetuum seminumque renouat progressus. 18. Cet enchaînement meut le ciel et les astres, tempère en soi les éléments entre eux et les transforme les uns les autres par un échange ourrait-il, à considérer les sources possibles de Boèce, qu’il faille le traduire par p « orbite » ? Voir n. suivante, où les globi de Cicéron compliquent toutefois la lecture. 150 La description géométrique de Boèce a ses particularités, mais on ne peut s’empêcher, en dépit de plusieurs différences, de songer à Platon (La République, X, 616c-617a) évoquant, à travers le récit d’Er l’Arménien touchant le ciel, 8 orbites circulaires, dont 7 étaient concentriques, celles des étoiles fixes et des 7 planètes, qui se distinguaient notamment par leur vitesse de révolution, ou à Cicéron (Songe de Scipion (De la République, VI, 17)), parlant de neuf orbes (orbis) ou globes (globus) reliés entre eux dans les cieux, dont le plus élevé est le Dieu souverain (summus deus). Pour Proclus, voir infra, n. 152. 151 Troisième allusion (cf. supra, III, IX, 3 et III, 12, 37) au premier Moteur immobile d’Aristote – voir aussi infra, § 17 et 19. 152 Cf. Proclus, Dix problèmes…, I, 5 (= Isaac, p. 60).
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mutuel ; le même renouvelle toutes les choses qui naissent et meurent par des accroissements semblables de fœtus et de germes153. 19. Haec actus etiam fortunasque hominum indissolubili causarum conexione constringit; quae cum ab immobilis prouidentiae proficiscatur exordiis, ipsas quoque immutabiles esse necesse est. 19. C’est lui encore qui contrôle les actes et les fortunes des hommes dans un réseau indissoluble de causes, qui, puisqu’elles dérivent des origines de la providence impassible, sont elles-mêmes aussi nécessairement immuables154. 20. Ita enim res optime reguntur, si manens in diuina mente simplicitas indeclinabilem causarum ordinem promat, hic uero ordo res mutabiles et alioquin temere fluituras propria incommutabilitate coherceat. 20. Ainsi, en effet, les choses sont régies au mieux pour peu que la simplicité demeurant dans l’Esprit divin155 produise un ordre invariable de causes, tandis que cet ordre renferme dans son immuabilité propre les choses muables, qui autrement s’écouleraient aussi au hasard. 21. Quo fit ut, tametsi uobis, hunc ordinem minime considerare ualentibus, confusa omnia perturbataque uideantur, nihilo minus tamen suus modus ad bonum dirigens cuncta disponat. 21. De là vient que même si toutes ces choses confuses et désordonnées ne paraissaient pas le moins du monde vous mettre en capacité de considérer cet ordre, cependant il ne disposerait en rien moins l’ensemble en l’orientant selon sa propre modalité vers le Bien. 22. Nihil est enim quod mali causa ne ab ipsis quidem improbis fiat; quos, ut uberrime demonstratum est, bonum quaerentes prauus error auertit, nedum ordo de summi boni cardine proficiens a suo quoquam deflectat exordio.
153 Il nous a semblé que, pour rendre fetus et semen, il fallait choisir en l’occurrence deux termes qui conviennent l’un aux animaux, l’autre aux végétaux. 154 Pour les sources néoplatoniciennes des § 13-19 concernant la providence et le destin (Plotin, Ennéades, 9 (VI, 9), 14 (II, 2), 48 (III, 3), et 52 (II, 3), et Proclus, Lettre à l’ingénieur Théodore…), voir Patch (1929). 155 L’assimilation de Dieu à une Mens, c’est-à-dire à un « Esprit », fait incontestablement penser au Dieu-Νοῦς (« Intellect ») de Platon (Timée, 29e-30c) – voir Brisson (2016).
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22. En effet, il n’est rien qui soit causé en vue du mal156, pas même du fait de gens eux-mêmes assurément malhonnêtes ; comme cela a été amplement démontré, une erreur perverse divertit ceux qui sont en quête du bien, loin que l’ordre progressant dans l’axe du Bien souverain détourne en quelque direction de son origine. 23. Quae uero, inquies, potest ulla iniquior esse confusio, quam ut bonis tum aduersa tum prospera, malis etiam tum optata tum odiosa contingant? 23. Mais, diras-tu, quel renversement peut-il être plus injuste que celui qui fait échoir aux gens de bien tantôt ce qui est contraire, tantôt ce qui est favorable, et aux méchants aussi tantôt ce qui est souhaité, tantôt ce qui est odieux ? 24. Num igitur ea mentis integritate homines degunt, ut quos probos improbosue censuerunt, eos quoque, uti existimant, esse necesse sit? 24. Par conséquent, est-ce que les hommes passent leur vie avec une intégrité d’esprit suffisante pour que ceux aussi qu’ils ont jugés honnêtes ou malhonnêtes soient nécessairement comme ils les ont estimés être ? 25. Atqui in hoc hominum iudicia depugnant et quos alii praemio alii supplicio dignos arbitrantur. 25. Eh bien, en cela les jugements des hommes s’affrontent, et ceux qui ont été estimés dignes d’une récompense par les uns sont estimés dignes d’un châtiment par les autres. 26. Sed concedamus ut aliquis possit bonos malosque discernere; num igitur poterit intueri illam intimam temperiem, uelut in corporibus dici solet, animorum? 26. Mais concédons que quelqu’un puisse distinguer les gens de bien des méchants ; est-ce qu’il pourrait alors se représenter cet équilibre intime des esprits, comme il est habituel de le dire des corps ? 27. Non enim dissimile est miraculum nescienti cur sanis corporibus his quidem dulcia illis uero amara conueniant, cur aegri etiam quidam lenibus quidam uero acribus adiuuantur. 27. En effet, il n’en est pas différemment de l’étonnement de celui ne sachant pas pourquoi, chez les gens sains de corps, à ceux-ci conviennent Cf. infra, § 56.
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certes des aliments doux mais à ceux-là des amers, pourquoi aussi aux malades sont administrés aux uns des remèdes lénifiants mais aux autres des excitants. 28. At hoc medicus, qui sanitatis ipsius atque aegritudinis modum temperamentumque dinoscit, minime miratur. 28. Or le médecin, qui distingue la manifestation et le fonctionnement de la santé elle-même et de la maladie, ne s’en étonne pas le moins du monde. 29. Quid uero aliud animorum salus uidetur esse quam probitas, quid aegritudo quam uitia? Quis autem alius uel seruator bonorum uel malorum depulsor quam rector ac medicator mentium deus? 29. Mais qu’est-ce que la santé des esprits semble être d’autre que l’honnêteté, et qu’est-ce que leur maladie sinon les vices ? Et qui d’autre est soit le garant des gens de bien soit le proscripteur des méchants que le Recteur et Médicateur des esprits, Dieu ? 30. Qui cum ex alta prouidentiae specula respexit, quid unicuique conueniat agnoscit et quod conuenire nouit accommodat. 30. C’est Lui qui, lorsqu’Il regarde depuis l’observatoire élevé157 de la providence, connaît pour chacun ce qui lui convient et adapte ce qu’Il sait lui convenir. 31. Hic iam fit illud fatalis ordinis insigne miraculum, cum ab sciente geritur quod stupeant ignorantes. 31. C’est alors que se produit cet insigne prodige devant l’ordre du destin, quand est accompli par Celui qui sait ce qui frappe les ignorants158 de stupeur. 32. Nam ut pauca, quae ratio ualet humana, de diuina profunditate perstringam, de hoc, quem tu iustissimum et aequi seruantissimum putas, omnia scienti prouidentiae diuersum uidetur. 32. Car pour me limiter au peu dont est capable la raison humaine touchant la profondeur de Dieu, ce que tu crois le plus juste et le plus respectueux159 de l’équité apparaît différent pour la providence qui sait tout. Cf. la simplicitatis arx de la providence en supra, § 6. Comprenons : ceux qui ne sont point dans le secret de Dieu. 159 Iustissimum et aequi seruantissimum : quasi citation de Virgile, Énéide, II, 426 : « iustissimus unus… et seruantissimus aequi = (Rhipée,) le plus juste qui soit… et le plus respectueux des siens » (Gruber, 1978, p. 361). 157 158
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33. Et uictricem quidem causam dis, uictam uero Catoni placuisse familiaris noster Lucanus ammonuit. 33. Et notre intime, Lucain160, fait remarquer que « la cause victorieuse a certes plu aux dieux, mais la vaincue a plu à Caton ». 34. Hic igitur quicquid citra spem uideas geri, rebus quidem rectus ordo est, opinioni uero tuae peruersa confusio. 34. Par conséquent, quoi que tu voies ici-bas de géré en dehors de ton attente, c’est assurément un ordre correct pour les choses, et il n’y a de confusion créant le désordre qu’à ton sentiment. 35. Sed sit aliquis ita bene moratus ut de eo diuinum iudicium pariter humanumque consentiat, sed est animi uiribus infirmus, cui si quid eueniat aduersi desinet colere forsitan innocentiam, per quam non potuit retinere fortunam. 35. Mais supposons que quelqu’un ait une bonne moralité, de sorte qu’à son sujet il mette en accord, à égale proportion, jugement divin et jugement humain, et supposons encore qu’il soit dépourvu des forces de l’esprit : si quelque chose de contraire lui arrivait, il cesserait peut-être de pratiquer l’innocence161 à cause de laquelle il n’a pas pu retenir la fortune. 36. Parcit itaque sapiens dispensatio ei quem deteriorem facere possit aduersitas, ne cui non conuenit laborare patiatur. 36. Ainsi une sage répartition des choses162 le préserve, lui que l’adversité pourrait rendre mauvais, pour qu’il n’ait pas à supporter ce qu’il ne lui convient pas de subir. 37. Est alius cunctis uirtutibus absolutus sanctusque ac deo proximus: hunc contingi quibuslibet aduersis nefas prouidentia iudicat, adeo ut ne corporeis quidem morbis agitari sinat. 37. Un autre est paré de toutes les vertus, voire un saint proche de Dieu ; la providence juge néfaste de l’atteindre par n’importe quel 160 Voir Lucain (39-65), Pharsale, I, 128 : « Victrix causa deis placuit, sed uicta Catoni ». Lors de la guerre civile romaine que se livrèrent César et Pompée (49-48), et dont la seconde partie du livre I de la Pharsale expose les causes, Caton d’Utique prit le parti de Pompée, qui fut vaincu, précisément lors de la bataille de Pharsale, en - 48. Quant à César, on a prétendu qu’il avait les dieux en sa faveur, parce que son armée victorieuse était bien inférieure en nombre à celle de Pompée. 161 Comme l’innocence de quelqu’un qui ne jouit pas de toute sa raison. 162 Comprenons : celles à laquelle Dieu a veillé.
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é vénement contraire, au point qu’elle ne permet même pas qu’il soit tourmenté par des maladies corporelles. 38. Nam ut quidam me quoque excellentior: ἀνδρός δὴ ίεροῦ δέμας αἰθέρες οἰκοδόμησαν. 38. Car comme l’a dit aussi quelqu’un de plus excellent que moi163 : ἀνδρός δὴ ίεροῦ δέμας αἰθέρες οἰκοδόμησαν (« de l’homme saint les éthers bâtirent le corps »)164. 39. Fit autem saepe uti bonis summa rerum regenda deferatur, ut exuberans retundatur improbitas. 39. Or il arrive souvent que la totalité des procédés de gouvernance soit confiée aux gens de bien, afin que la malhonnêteté débordante soit réprimée. 40. Aliis mixta quaedam pro animorum qualitate distribuit: quosdam remordet, ne longa felicitate luxurient, alios duris agitar, ut uirtutes animi patientiae usu atque exercitatione confirment. 40. À d’autres, elle165 distribue, en fonction de la qualité des esprits, un certain mélange de biens et de maux. Elle inquiète les uns pour qu’ils ne s’amollissent pas dans une félicité prolongée, elle en tourmente d’autres par de rudes épreuves pour que les vertus de leur esprit s’affermissent par la pratique de l’endurance et l’expérience. 41. Alii plus aequo metuunt quod ferre possunt, alii plus aequo despiciunt quod ferre non possunt; hos in experimentum sui tristibus ducit. 41. Les uns craignent plus que de raison ce qu’ils peuvent supporter, les autres méprisent plus que de raison ce qu’ils ne peuvent supporter : elle les conduit à l’expérience de soi par des événements contraires. 163 Il est permis de se demander quel penseur peut être plus excellent que Philosophie elle-même ? 164 Citation d’un précepte, peut-être rapporté de mémoire, dont on ne sait si elle reprend un vers d’Hermès Trismégiste (Badius Ascensius, ad loc., puis Bocognano, 1937, p. 268), un jugement de Parménide (Peiper, 1871, p. 112, qui en est persuadé), un vers des Oracles Chaldaïques (Des Places, fr. 98, p. 139), ou encore le fragment textuel d’un Père de l’Église. Certains éditeurs omettent le δὴ (Glareanus, col. 819), pour obtenir la bonne quantité syllabique, d’autres remplacent une forme d’aoriste (οἰκοδόμησαν) par une autre (ᾠκοδόμησαν) (Tester, 1973, p. 366). Enfin, J.-Y. Guillaumin (2002, p. 173, n. 70), s’aligne sur Shanzer (1983), qui reprend elle-même une très ancienne variante, pour remplacer αἰθέρες par δυνάμεις (« vertus »). Quoi qu’il en soit, en conservant αἰθέρες, le sens en serait que certains hommes, parce qu’ils sont chéris des dieux ou de Dieu, sont immunisés contre les maux. 165 Il est toujours question de la providence.
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42. Nonnulli uenerandum saeculi166 nomen gloriosae pretio mortis emerunt, quidam suppliciis inexpugnabiles exemplum ceteris praetulerunt inuictam malis esse uirtutem; quae quam recte atque disposite et ex eorum bono quibus accedere uidentur fiant, nulla dubitatio est. 42. Quelques-uns ont mérité un nom respecté du siècle au prix d’une mort glorieuse, certains, inaccessibles aux châtiments, ont assurément offert en exemple aux autres une vertu qui n’était pas vaincue par les maux : il n’y a aucun doute que ces vicissitudes surviennent à juste titre, d’une manière méthodique et pour le bien de ceux pour lesquels elles paraissent se produire. 43. Nam illud quoque, quod improbis nunc tristia nunc optata proueniunt, ex eisdem ducitur causis. 43. Car le fait qu’adviennent aussi aux gens malhonnêtes tantôt des événements contraires, tantôt des événements souhaités, est induit à partir des mêmes causes. 44. Ac de tristibus quidem nemo miratur, quod eos male meritos omnes existimant; quorum quidem supplicia tum ceteros ab sceleribus deterrent tum ipsos quibus inuehuntur emendant. Laeta uero magnum bonis argumentum loquuntur, quid de huius modi felicitate debeant iudicare, quam famulari saepe improbis cernant. 44. Et personne assurément ne s’étonne des tourments des gens malhonnêtes, parce que tous estiment qu’ils ont mérité le mal ; leurs châtiments assurément tantôt détournent les autres des crimes, tantôt corrigent ceux-là mêmes par lesquels ils sont assumés167. Quant à leurs joies, elles expriment pour les gens de bien un argument fort concernant ce qu’ils doivent penser de ce genre de félicité, qu’ils voient souvent servir les gens malhonnêtes. 45. In qua re illud etiam dispensari credo, quod est forsitan alicuius tam praeceps atque importuna natura ut eum in scelera potius exacerbare possit rei familiaris inopia; huius morbo prouidentia collatae pecuniae remedio medetur. 45. Sur ce point encore, je crois qu’il est admis que la nature de quelqu’un est le cas échéant si emportée et intraitable que la perte d’une affaire familiale puisse plutôt l’affecter jusqu’à commettre des crimes ; la providence guérit sa maladie en y remédiant par un apport d’argent. Moreschini (p.127) choisit la leçon saeculis. Comprenons : ceux par lesquels les crimes sont assumés.
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46. Hic foedatam probris conscientiam spectans et se cum fortuna sua comparans forsitan pertimescit ne, cuius ei iucundus usus est, sit tristis amissio; mutabit igitur mores ac, dum fortunam metuit amittere, nequitiam derelinquit. 46. Un tel, regardant sa conscience souillée par des turpitudes et se comparant à sa fortune, redoutera peut-être que la perte de ce dont l’usage lui est une joie ne soit un tourment ; il changera par conséquent de comportement et, alors qu’il craindra de perdre sa fortune, il délaissera la corruption. 47. Alios in cladem meritam praecipitauit indigne acta felicitas; quibusdam permissum puniendi ius ut exercitii bonis et malis esset causa supplicii. 47. Une félicité indignement acquise en a précipité d’autres dans un désastre mérité ; certains ont reçu le droit de punir, afin qu’il y ait une motivation à la mise à l’épreuve des gens de bien168 et au châtiment des méchants. 48. Nam ut probis atque improbis nullum foedus est, ita ipsi inter se improbi nequeunt conuenire. 48. Car de même qu’il n’y a aucune alliance entre les gens honnêtes et les malhonnêtes, de même les gens malhonnêtes eux-mêmes ne sauraient s’accorder entre eux. 49. Quidni, cum a semet ipsis discerpentibus conscientiam uitiis quisque dissentiat faciantque saepe quae cum gesserint non fuisse gerenda decernant? 49. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi quand chacun, ses propres vices déchirant sa conscience, est en désaccord avec soi-même, et qui font souvent ce que, au moment où ils l’ont commis, ils decrètent qu’il n’aurait pas fallu le commettre ? 50. Ex quo saepe summa illa prouidentia protulit insigne miraculum, ut malos mali bonos facerent. 50. De là vient que souvent cette providence souveraine a produit cet insigne prodige que des gens méchants ont rendu bons des méchants.
168 Cette mise à l’épreuve se soldant par un innocentement, quand quelqu’un de bien ressort blanchi d’un procès qu’on lui a intenté.
LIVRE IV407
51. Nam dum iniqua sibi a pessimis quidam perpeti uidentur, noxiorum odio flagrantes ad uirtutis frugem rediere, dum se eis dissimiles student esse quos oderant. 51. Car certains, alors qu’ils se voient endurer patiemment d’injustes traitements de la part des pires individus, se consumant de haine pour les coupables, se voient revenir au fruit de la vertu pourvu qu’ils s’appliquent à être différents de ceux qu’ils ont haïs169. 52. Sola est enim diuina uis cui mala quoque bona sint, cum eis competenter utendo alicuius boni elicit effectum. 52. En effet, l’efficience divine est la seule pour laquelle les mauvaises choses sont aussi des bonnes quand, en usant convenablement des premières, elle en tire la réalisation de quelque chose de bon. 53. Ordo enim quidam cuncta complectitur, ut quod adsignata ordinis ratione decesserit hoc licet in alium, tamen ordinem relabatur, ne quid in regno prouidentiae liceat temeritati. 53. Un certain ordre, en effet, embrasse l’ensemble des choses, si bien qu’à ce qui s’est écarté de l’ordre assigné par la raison, il soit permis de revenir à un autre, qui reste un ordre cependant, afin que dans le règne de la providence quelque chose ne soit point permis à la témérité. 54. Ἀργαλέον δέ με ταῦτα θεὸν ὣς πάντ᾿ ἀγορεύειν. 54 « Mais il est difficile de parler de tout comme un dieu »170. 55. Neque enim fas est homini cunctas diuinae operae machinas uel ingenio comprehendere uel explicare sermone. 55. En effet, il n’est donné à l’homme ni de comprendre par son génie ni d’expliquer par le discours l’ensemble des rouages de l’œuvre divin171. 169 Ce raisonnement, un peu elliptique, demande, d’après nous, à être éclairé pour correspondre au cas de figure illustré (des méchants ont rendu bons des méchants) : des bons, ayant pâti de méchants, les ont haïs, devenant ainsi à leur tour des méchants, mais ils ont eu le sursaut nécessaire pour redevenir bons et se distinguer en cela des méchants qu’ils avaient haïs. 170 Citation littérale d’Homère, Iliade, XII, 176, que Bieler (p. 84) et Moreschini (p. 129) placent à la fin du § 53, ce qui supprime un paragraphe. 171 Courcelle (1967, p. 21) voit ici l’influence évidente du passage de Timée (28c) où, selon l’historien, on doit entendre qu’« il n’est pas plus permis à l’homme de comprendre par la pensée que d’expliquer par la parole le mécanisme complet de l’œuvre divine ». Mais Platon, par la bouche de Timée, déclare en fait que c’est une « tâche » (ἔργον) de découvrir Dieu puis, une fois celui-ci découvert, qu’il est impossible de l’exprimer « à tous » (πάντας) (Τὸν μὲν οὖν ποιητὴν καὶ πατέρα τοῦδε τοῦ παντὸς εὑρεῖν τε ἔργον
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TRADUCTION
56. Hoc tantum perspexisse sufficiat, quod naturarum omnium proditor deus idem ad bonum dirigens cuncta disponat, dumque ea quae protulit in sui similitudinem retinere festinat, malum omne de rei publicae suae terminis per fatalis seriem necessitatis eliminet. 56. Qu’il suffise seulement de reconnaître que de façon manifeste le même Dieu, le Révélateur de toutes les natures, dispose la totalité des choses en la dirigeant vers le Bien, et alors qu’Il se hâte172 de conserver ce qu’Il a produit à sa ressemblance173, Il met tout mal hors des limites de sa république174 grâce à l’enchaînement fatal de la nécessité. 57. Quo fit ut quae in terris abundare creduntur, si disponentem prouidentiam spectes, nihil usquam mali esse perpendas. 57. D’où il vient que les mauvaises choses que l’on croit voir abonder sur les terres, si tu regardes la providence qui les a disposées, tu apprécieras qu’il n’y a nulle part le mal. 58. Sed uideo te iam dudum et pondere quaestionis oneratum et rationis prolixitate fatigatum aliquam carminis exspectare dulcedinem; accipe igitur haustum, quo refectus firmior in ulteriora contendas. 58. Mais, depuis quelque temps déjà, à la fois accablé par le poids de la question et fatigué par la prolixité du raisonnement, je te vois aspirer à quelque douceur d’un chant175 ; prends-en donc une gorgée, par laquelle tu lutteras en étant plus fort, réconforté pour les développements ultérieurs. Metrum VI – Mètre VI Ph. – 1. Si uis celsi iura Tonantis pura sollers cernere mente, aspice summi culmina caeli; illic iusto foedere rerum 5. ueterem seruant sidera pacem. καὶ εὑρόντα εἰς πάντας ἀδύνατον λέγειν), deux nuances que Boèce, et bien plus étonnamment Courcelle, ne semblent pas avoir prises en compte – voir Morlet (2008). 172 Festinat : il est légitime de s’interroger sur cet anthropisme, en se demandant ce qu’est un Dieu qui « se hâte » ou qui « s’empresse ». 173 Cf. Platon, Timée, 29e et Gn 1, 26, ainsi que notre Introduction, p. 119-120. 174 La curieuse expression « république de Dieu » semble avoir été propre à Boèce. 175 Il s’agit d’une abondante gorgée, puisqu’à la plus longue prose de l’ouvrage va succéder le deuxième plus long mètre (après III, XII).
LIVRE IV409
Si, habile, tu veux d’un esprit pur176 Discerner les lois du Très-Haut Tonnant177, Regarde le sommet en haut du ciel : Là, en vertu du juste pacte du cosmos178, Les astres préservent l’ancienne paix. Non sol rutilo concitus igne gelidum Phoebes impedit axem nec quae summo uertice mundi flectit rapidos Vrsa meatus 10. numquam occiduo lota profundo, cetera cernens sidera mergi cupit Oceano tinguere flammas ; Ni le soleil, poussé par des feux roux179, N’entrave l’essieu glacé180 de Phébé, Ni l’Ourse qui, à la cime du monde, Infléchissant son rapide passage181, Sans se baigner au gouffre occidental, Voit plonger toutes les autres étoiles, Ne veut dans l’Océan noyer ses flammes182. semper uicibus temporis aequis Vesper seras nuntiat umbras 176 Ce poème, par le choix du mètre et par le nombre de vers, correspond à la prière du poème I, V (comparer aussi I, II, 8-17 ; II, VIII, 1-15 et III, IX). 177 L’épithète caractérise Jupiter, maître du Tonnerre dans la poésie païenne (e.g. Ovide, Métamorphoses, I, 170), mais elle est passée dans la poésie latine chrétienne pour qualifier Dieu dès le IVe siècle, avec Juvencus, Prudence et Paulin de Nole (voir Charlet, 1982, p. 98, n. 35). 178 L’expression rerum foedera se lit déjà en I, V, 43. 179 Les feux de Mars qui, bien que proche du soleil, ne contraint pas ce dernier à gêner la course de la lune (Phoebe – voir supra, I, V, 10 et la note y afférente ; II, VIII, 8) : voir Moreschini, 1996, p. 297, n. 3. 180 La lune est traditionnellement présentée comme froide (gelida) : cf. I, II, 9. 181 Gruber (2006, p. 358) met en parallèle, à juste titre, un passage de l’Œdipe de Sénèque (v. 476-477) : « quasque despectat uertice summo sidus Arcadium geminumque plaustrum = [les terres] que regarde du haut du pôle l’astre arcadien, les chariots jumeaux ». L’expression rapidos meatus désignait chez Ausone (Moselle, v. 35) les flots de la Moselle (cf. aussi Martianus Capella, Des Noces, VIII, 808, v. 9). 182 L’Ourse ne descend jamais sous l’Océan, et donc ne s’y baigne pas (voir Homère, Iliade, VIII, 489 et Virgile, Géorgiques, 1, 246). Dans sa formulation, Boèce se rapproche de Virgile (Géorgiques, II, 481-482 = Énéide, I, 745-746) : « quid tantum Oceano properent se tinguere soles / hiberni = pourquoi les soleils d’hiver ont tant de hâte à se baigner dans l’Océan » (signalé par Gruber, 2006, p. 358).
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TRADUCTION
15. reuehitque diem Lucifer almum. Sic aeternos reficit cursus alternus amor, sic astrigeris bellum discors exulat oris. Toujours, dans le même retour du temps, Vesper sur le tard annonce les ombres, Lucifer ramène un jour bienfaisant183. Ainsi refait les courses éternelles L’amour partagé184, ainsi sont bannies De la zone étoilée guerre et discorde185. Haec concordia temperat aequis 20. elementa modis, ut pugnantia uicibus cedant humida siccis iungantque fidem frigora flammis, pendulus ignis surgat in altum terraeque graues pondere sidant. Cette concorde allie les éléments Dans l’équité, afin que, même en lutte, L’humide cède au sec par alternance, Le froid fasse alliance avec la flamme186, Le feu en l’air s’élève vers le haut, La terre alourdie par son poids s’affaisse187. Sur Vesper (Hespérus)-Lucifer, voir supra, I, V, 11 et 13, et la note y afférente. L’amour cosmique (cf. infra v. 44 et 47-48) : supra, II, VIII, 15 et 29, et la note y afférente. 185 Boèce contamine un passage d’Ovide (Métamorphoses, IX, 403-404 : « iam discordia Thebae / bella mouent = déjà Thèbes met en branle les discordes de la guerre ») avec une fin de vers virgilienne (Géorgiques, III, 225 à propos du taureau vaincu) : exsulat oris (Gruber, 2006, p. 359). 186 Représentation traditionnelle aussi bien dans la poésie païenne que dans la poésie chrétienne (Gruber, 2006, p. 359) : Ovide, Métamorphoses, I, 19 (description du chaos primordial) : « frigida pugnabant calidis, umentia siccis = le froid faisait la guerre au chaud, l’humide au sec » ; Dracontius (Réparation, 59-60) « sic elementa potens contraria miscuit auctor, / humida cum siccis, ignea cum gelidis = ainsi le puissant Auteur mêla les éléments contraires, l’humide au sec, l’igné au glacé » ; pour Sénèque (Thyeste, 480482), leur union relève d’un adynaton. 187 Pour les Anciens, les éléments se disposent en fonction de leur poids (Gruber, 2006, p. 359) : Platon, Timée, 62c sqq. ; (Proclus, Commentaire sur le Timée II, p. 12) ; Aristote, Le ciel, 4 ; Cicéron, Tusculanes, I, 40 ; Ovide, Métamorphoses, XV, 239-243 ; Claudien, Le Rapt de Proserpine, I, 249-253 ; Macrobe, Saturnales, I, 9, 14. Sénèque avait employé au sens figuré l’expression pondere sidunt (Agamemnon, 87-88) : « sidunt ipso pondere magna = les grandeurs s’affaissent sous leur propre poids ». 183 184
LIVRE IV411
25. His de causis uere tepenti spirat florifer annus odores, aestas cererem feruida siccat, remeat pomis grauis autumnus, hiemem defluus inrigat imber. Pour ces raisons, l’année, au printemps tiède188, Porte ses fleurs, exhale ses senteurs189, L’été bouillant190 sèche les céréales, Alourdi par ses fruits revient l’automne191, Les chutes de pluie arrosent l’hiver. 30. Haec temperies alit ac profert quicquid uitam spirat in orbe; eadem rapiens condit et aufert obitu mergens orta supremo. Cet équilibre nourrit et produit Tout ce qui respire la vie sur terre ; Mais il enlève aussi, cache et emporte Ce qui naît au fond de l’ultime fin192. Sedet interea conditor altus 35. rerumque regens flectit habenas, rex et dominus, fons et origo, lex et sapiens arbiter aequi, Cependant, assis, le Haut Fondateur193 Dirige et fléchit les rênes du monde194, Le Roi et Seigneur, Source et Origine195, 188 Tepens est une épithète de nature pour le printemps : e.g. Pseudo-Sénèque, Hercule sur l’Œta, 1576. 189 Virgile avait employé l’expression spirare odores à propos des cheveux de Vénus (Énéide, I, 403-404, cité par Gruber, 2006, p. 360). 190 L’expression apparaît déjà en I, V, 16. 191 Formulation analogue dans le traité d’agriculture de Columelle (III, 21, 3 cité par Gruber, 2006, p. 360) : « pomis grauidus… autumnus = l’automne lourd de fruits ». 192 Prudence avait déjà disjoint les deux termes de cette expression aux extrémités d’un mètre anapestique (Cathémérinon, X, 14) : obitum… supremum (cf. Péristéphanon IV, 133, mais dans une autre configuration métrique). 193 Conditor se lit déjà en I, V, 1. 194 Pour cette expression, voir III, II, 1 et la note y afférente. 195 Série de dénominations analogues de la divinité à la fin du poème IX du livre III. Pour rex, I, V, 4. Pour fons et origo (cf. III, IX, 23) : Platon, Phèdre, 245c ; Macrobe, Commentaire au Songe de Scipion, I, 14, 6 (Gruber, 2006, p. 360).
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TRADUCTION
Loi et sage Arbitre de l’équité196 ; et quae motu concitat ire sistit retrahens ac uaga firmat; 40. nam nisi rectos reuocans itus flexos iterum cogat in orbes, quae nunc stabilis continet ordo, dissaepta suo fonte fatiscant. Ce dont il a poussé le mouvement, Il le ramène, arrêtant son errance. S’il ne rappelle pas le chemin droit Et ne le force à faire demi-tour197, Ce qu’aujourd’hui maintient un ordre stable198 Éclaterait, séparé de sa source. Hic est cunctis communis amor 45. repetuntque boni fine teneri, quia non aliter durare queant nisi conuerso rursus amore refluant causae quae dedit esse. Voilà l’Amour commun à tout ce qui Veut s’en tenir aux limites du bien199. Car autrement il ne pourrait durer Sans revenir, par un retour d’amour, À la Cause qui leur a donné d’être200.
196 Ici, Boèce se souvient d’une question d’Amphitryon à Thésée dans l’Hercule furieux de Sénèque (v. 730) : « quis iste ueri rector atque aequi arbiter ? = quel est ce redresseur de la vérité, arbitre de l’équité ? ». 197 C’est ce retour qui empêche les choses de continuer leur mouvement rectiligne et donc de s’éloigner de Dieu, source de la vie, leur source (v. 43 et 47) : voir Proclus, Éléments, 144, 146 et 198. Pour Dieu, source de la vie, Moreschini (1996, p. 300), après Courcelle (1967, p. 191, n. 1) et Gruber (2006, p. 361), cite Favorinus, Marius Victorinus et Martianus Capella (Des Noces, II, 205). 198 Stabilis : adjectif important qu’on lit déjà en I, I, 22. 199 Gruber (2006, p. 362) met en parallèle un passage de Denys l’Aréopagite (Les noms divins, XI, 1). Claudien avait déjà employé l’expression esse dedit, mais avec un attribut et à propos de la Nature divinisée (Contre Rufin, I, 215-216) : « Natura beatis omnibus esse dedit = à tous la Nature a donné d’être heureux » (= Charlet, II, 1, p. 69). 200 Ce qui a donné l’existence aux choses et ce qui les maintient dans l’existence, c’est l’amour cosmique.
LIVRE IV413
Prosa 7 1. – Iamne igitur uides quid haec omnia quae diximus consequatur? – Quidnam? inquam. Prose 7 1. Ph. Par conséquent, ne vois-tu pas déjà ce qui suit de tout ce que nous avons dit ? Bo. – Quoi donc ? 2. – Omnem, inquit, bonam prorsus esse fortunam. – Et qui id, inquam, fieri potest? – Attende, inquit201. 2. Ph. – Que toute fortune est absolument bonne. Bo. – Et comment cela peut-il se faire ? Ph. – Écoute. 3. Cum omnis fortuna uel iucunda uel aspera tum remunerandi exercendiue bonos tum puniendi corrigendiue improbos causa deferatur, omnis bona, quam uel iustam constat esse uel utilem. 3. Puisque toute fortune, soit favorable soit hostile, n’est accordée qu’en vue tantôt de récompenser ou d’exercer les gens de bien, tantôt de punir ou de corriger les gens malhonnêtes, toute fortune est bonne pour autant que le fait qu’elle soit ou juste ou utile soit établi. 4. – Nimis quidem, inquam, uera ratio et, si quam paulo ante docuisti prouidentiam fatumue considerem, firmis uiribus nixa sententia. 4. Bo. – Assurément ton raisonnement est par trop vrai, et si je prends appui sur ce que tu m’as enseigné un peu avant202 touchant la providence ou le destin, ta conception étayée dispose de solides atouts. 5. Sed eam, si placet, inter eas quas inopinabiles paulo ante posuisti numeremus. 5. Mais si cela te convient, comptons-le au nombre de ceux qu’un peu avant203 nous avons posés comme paradoxaux. 6. – Qui? Inquit204. – Quia id hominum sermo communis usurpat, et quidem crebro, quorundam malam esse fortunam. 6. Ph. – En quoi ? Moreschini (p. 131) place cette invitation au début du § 3. Voir supra, IV, 6. 203 Voir supra, IV, 4, 10-11. 204 Bieler (p. 86) et Moreschini (p. 131), situent cette réponse à la fin du § 5. 201 202
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TRADUCTION
Bo. – En cela que le discours commun des hommes dit à tort, et même souvent, que la fortune de certains est mauvaise. 7. – Visne igitur, inquit, paulisper uulgi sermonibus accedamus, ne nimium uelut ab humanitatis usu recessisse uideamur? – Vt placet, inquam. 7. Ph. – Veux-tu alors que nous accédions un moment aux discours du vulgaire, pour que nous ne paraissions point nous être pour ainsi dire par trop éloignés de l’usage des hommes ? Bo. – Comme il te plaira. 8. – Nonne igitur bonum censes esse quod prodest? – Ita est, inquam. 8. Ph. – Ne considères-tu donc pas qu’est bon ce qui est utile ? Bo. – C’est ainsi205. 9. – Quae uero aut exercet aut corrigit, prodest? – Fateor, inquam. – Bona igitur? – Quidni? 9. Ph. – Et la fortune, qui sollicite sans relâche ou qui corrige, est-elle utile ? Bo. – Je l’avoue. Ph. – Par conséquent, elle est bonne ? Bo. – Pourquoi non ? 10. – Sed haec eorum est qui uel in uirtute positi contra aspera bellum gerunt uel a uitiis declinantes uirtutis iter arripiunt. -- Negare, inquam, nequeo. 10. – Ph. – Mais c’est la fortune de ceux qui, soit installés dans la vertu mènent une guerre contre ce qui est hostile, soit délaissant les vices empruntent le chemin206 de la vertu. Bo. – Je ne saurais le nier. 11. – Quid uero iucunda, quae in praemium tribuitur bonis, num uulgus malam esse decernit? – Nequaquam, uerum uti est, ita quoque esse optimam censet. Voir supra, III, 3, 7. Iter arripiunt : Gruber (1978, p. 370) a reconnu dans cette expression celle de Stace, La Thébaïde, I, 100-101 : « Arripit extemplo Maleae de ualle resurgens notum iter ad Thebas = Elle (Tisiphone) emprunte aussitôt, s’élevant du promontoire de Malée, le chemin bien connu qui mène à Thèbes ». 205 206
LIVRE IV415
11. Ph. – Et que dit-on de la fortune favorable, qui est attribuée en récompense aux gens de bien : est-ce que le vulgaire déclare qu’elle est mauvaise ? Bo. – Nullement, il la considère aussi comme elle est en vérité, c’està-dire excellente. 12. – Quid reliqua, quae cum sit aspera iusto supplicio malos cohercet, num bonam populus putat? 12. Ph. – Que dit-on de celle qui reste, laquelle, bien qu’elle soit hostile, neutralise les gens méchants par un juste châtiment : est-ce que le peuple la croit bonne ? 13. – Immo omnium, inquam, quae excogitari possunt iudicat esse miserrimam. 13. Bo. – Bien au contraire, il juge qu’elle est la plus misérable de toutes celles qui peuvent être imaginées207. 14. – Vide igitur ne opinionem populi sequentes quiddam ualde inopinabile confecerimus. – Quid? inquam. 14. Ph. – Vois, par conséquent, qu’en suivant l’opinion du peuple nous constituons une certaine chose extrêmement paradoxale. Bo. – Laquelle ? 15. – Ex his enim, ait, quae concessa sunt euenit eorum quidem qui uel sunt uel in possessione uel in prouectu uel in adeptione uirtutis omnem quaecumque sit, bonam, in improbitate uero manentibus omnem pessimam esse fortunam. 15. Ph. En effet, de ce qui a été concédé il vient assurément que la fortune de ceux qui sont soit en possession, soit à la poursuite, soit en cours d’acquisition de la vertu, est, quelle qu’elle soit, tout entière bonne, tandis que la fortune de ceux qui demeurent dans la malhonnêteté est tout entière mauvaise. 16. – Hoc, inquam, uerum est, tametsi nemo audeat confiteri. 16. Bo. – C’est vrai, bien que personne n’ose le confesser.
207 Pour le vulgaire, un méchant justement sanctionné est victime d’une très mauvaise fortune.
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TRADUCTION
17. – Quare, inquit, ita uir sapiens moleste ferre non debet, quotiens in fortunae certamen adducitur, ut uirum fortem non decet indignari, quotiens increpuit bellicus tumultus. 17. Ph. – C’est pourquoi, de même que l’homme sage ne doit pas le supporter avec peine quand d’aventure il est amené à se mesurer avec la fortune, de même il ne sied pas à l’homme courageux de s’indigner quand d’aventure a retenti le tumulte de la guerre208. 18. Vtrique enim, huic quidem gloriae propagandae illi uero conformandae sapientiae, difficultas ipsa materia est. 18. En effet, dans les deux cas la difficulté elle-même est précisément l’occasion pour l’un de prolonger sa gloire, pour l’autre de façonner sa sagesse209. 19. Ex quo etiam uirtus uocatur, quod suis uiribus nitens non superetur aduersis; neque enim uos in prouectu positi uirtutis diffluere deliciis et emarcescere uoluptate uenistis. 19. C’est même à partir de cela qu’est désignée la vertu, parce que, en prenant appui sur ses propres ressources210, elle n’est pas dépassée par ce qui lui est contraire ; et en effet, installés dans la poursuite de la vertu, vous n’êtes point venus pour vous amollir dans les délices211 et vous flétrir dans la volupté. 20. Proelium cum omni fortuna animis acre conseritis, ne uos aut tristis opprimat aut iucunda corrumpat.
208 Increpuit tumultus : cf. (Gruber, 1978, p. 371) Tite-Live, Histoire romaine, XLIV, CLI, 7 : « si uero aut ab latere aut ab tergo aliquid tumultus increpuit, ruinae modo turbantur = mais si quelque tumulte retentissait soit sur le flanc soit sur l’arrière, ils (les rangs de la phalange) seraient déroutés jusqu’au désastre ». 209 Bocognano (1937, p. 209) pressent derrière les § 17 et 18 l’influence du De la providence de Sénèque, plus précisément ajouterons-nous, du chapitre II, où l’auteur décrit l’homme de bien, pour lequel toute épreuve tient lieu d’exercice et qui n’hésite jamais à affronter par devoir n’importe quel péril. 210 Nous n’avons pas été en mesure de réfuter Mirandol (1861, p. 286) soulignant que la parenté morphosémantique entre virtus et vires mise ici en avant par Boèce n’est pas transposable en français. 211 Diffluere deliciis : cf. (Gruber, 1978, 371) Cicéron, De l’amitié, LII : « Non… erunt homines deliciis diffluentes audiendi = Il ne faut pas écouter les hommes qui se seront amollis dans les délices ».
LIVRE IV417
20. Vous engagez dans vos esprits un âpre combat212 avec toute fortune, pour que soit funeste elle ne vous opprime pas soit charmeuse elle ne vous corrompe pas. 21. Firmis medium uiribus occupate; quicquid aut infra subsistit aut ultra progreditur habet contemptum felicitatis, non habet praemium laboris. 21. Maintenez-vous au milieu213, sur des bases solides ; quoi que ce soit qui ou bien subsiste en deçà ou bien progresse au-delà, obtient le dédain de la félicité et n’obtient pas la récompense du labeur. 22. In uestra enim situm manu qualem uobis fortunam formare malitis; omnis enim quae uidetur aspera, nisi aut exercet aut corrigit, punit. 22. En effet, entre vos mains se trouve placé le type de fortune que vous souhaitez façonner ; car toute fortune qui semble hostile, si elle n’exerce pas sans relâche ou ne corrige pas, punit. Metrum VII – Mètre VII Ph. – 1. Bella bis quinis operatus annis ultor Atrides Phrygiae ruinis fratris amissos thalamos piauit; ille dum Graiae dare uela classi 5. optat et uentos redimit cruore, exuit patrem miserumque tristis foederat natae iugulum sacerdos. En guerroyant pendant deux fois cinq années, L’Atride vengeur, par la Phrygie en ruines, Punit la couche délaissée de son frère214. 212 Proelium conserere : l’expression se trouve chez plusieurs auteurs de la latinité classique, tel Virgile, Énéide, II, 395-398 : « Vadimus immixti Danais haud numine nostro / multaque per caecam congressi proelia noctem / conserimus = Nous allons, mêlés aux Danaens (i.e. les Achéens) dont la puissance des dieux n’est pas la nôtre, / et au long de la nuit aveugle des rencontres nous engagent dans beaucoup de combats ». 213 Gruber (1978, p. 371) fait remarquer que cet éloge du medium se rencontre déjà dans le Contre Eutychès et Nestorius de Boèce (VII) : « Omnis uirtus… in medio rerum decore locata consistit = Toute vertu consiste à se trouver placé dignement au milieu des choses » (Moreshini, p. 236). 214 En conclusion du livre IV, Boèce propose trois exemples de vertu héroïque. Le premier est celui du roi grec Agamenon, fils d’Atrée, qui conduisit pendant dix ans la guerre de Troie pour venger le rapt d’Hélène, épouse de son frère Ménélas enlevée par le prince troyen Pâris. Finalement Troie, ville de Phrygie, fut prise et incendiée. A gamemnon
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En désirant donner bon vent à la flotte Grecque et acheter les brises par le sang, Il renie d’être père et, prêtre funeste, Sacrifie la pauvre gorge de sa fille215. Fleuit amissos Ithacus sodales, quos ferus uasto recubans in antro 10. mersit immani Polyphemus aluo; sed tamen caeco furibundus ore gaudium maestis lacrimis rependit. L’Ithaquien pleura ses compagnons perdus, Gobés dans le ventre cruel du féroce Polyphème, couché dans son antre immense, Qui, furieux d’avoir été aveuglé, Paya sa joie par des larmes de chagrin216. Herculem duri celebrant labores : Ille Centauros domuit superbos, 15. abstulit saeuo spolium leoni, fixit et certis uolucres sagittis, poma cernenti rapuit draconi aureo laeuam grauior metallo, Cerberum traxit triplici catena. fut interprété comme un exemple de uirtus (voir e.g. Maxime de Tyr, Philosophumènes, XXIII, 1). Même périphrase pour désigner la longueur de la guerre de Troie dans la tragédie Agamemnon de Sénèque, à laquelle Boèce se réfère souvent dans ce poème (v. 624625) : « restitit annis Troia bis quinis = Troie résista deux fois cinq ans » (Gruber, 2006, p. 365 cite aussi Mérobaude, Poèmes, 147). L’attaque du v. 2 reprend une clausule de Stace (Achilléide, I, 731), alors que sa fin, avec la métonymie de la région (Phrygie) pour la ville (Troie), rappelle un autre vers du même poète (Silves, II, 7, 48) : « Phrygum ruinas = les ruines des Phrygiens ». 215 Allusion au sacrifice d’Iphigénie à Aulis par son père Agamemnon. Ce sacrifice était exigé par les dieux pour redonner des vents favorables à la flotte grecque partie pour attaquer Troie (voir l’Iphigénie à Aulis d’Euripide, et Ovide, Métamorphoses, XII, 24-38). Boèce a pu penser au v. 166 de l’Agamemnon de Sénèque : « cum stetit ad aras ore sacrifico pater = quand le père se tenait devant les autels avec un visage de sacrificateur ». 216 D’Agamemnon, Boèce passe à Ulysse, roi d’Ithaque (voir supra, IV, III, 1 et la note y afférente). Boèce fait allusion à l’épisode de Polyphème, cruel cyclope qui mangea plusieurs compagnons d’Ulysse retenus prisonniers dans sa grotte avant de se faire aveugler par lui (Homère, Odyssée, I, 68-71 et IX, 187-436 ; Virgile, Énéide, III, 613-638, qui qualifie Ulysse d’Ithacus au v. 629, comme en II, 104). Horace avait déjà présenté Ulysse comme un modèle de vertu et de sagesse (Épîtres, I, 2, 17-27). L’expression du v. 9 recubans in antro se lisait, sans la préposition in, dans l’Énéide (VIII, 297) à propos de Cerbère.
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Hercule est illustré par ses durs travaux217 : Il a subjugué les orgueilleux centaures218, Ravi sa dépouille au farouche lion219, 217 Troisième exemple de vertu héroïque : Hercule et ses douze travaux et autres exploits, héros stoïcien associé à Ulysse chez Sénèque (Dialogues 2, 2, 2 ; cf. Des Bienfaits I, 13, 3 et le chœur des Mycéniennes dans son Agamemnon, v. 808-866), déprécié par l’Épicurien Lucrèce (De la Nature 5, 22-36) : – v. 14 : le combat contre les centaures, épisode lié à la chasse au sanglier d’Érymanthe. Hercule avait rencontré à cette occasion le centaure Pholos ; les autres centaures ne voulurent pas lui laisser boire de leur vin ; il en tua dix. – v. 15 : le lion de Némée, étouffé par Hercule qui le dépouilla de sa peau pour s’en revêtir. – v. 16 : les oiseaux anthropophages du lac Stymphale en Arcadie, tués par les flèches d’Hercule. – v. 17-18 : les pommes d’or du jardin des Hespérides gardées par un dragon, mais néanmoins volées par Hercule ; selon Gruber (2006, p. 367), Boèce suit la version d’Euripide, Héraclès 394 sqq. – v. 19 : la capture de Cerbère, chien de garde des enfers (Homère, Iliade, VIII, 362 sqq. ; Odyssée, XI, 623 sqq.) : voir supra, III, XII, 29-30 et la note y afférente. – v. 20-21 : les juments de Diomède, roi de Thrace qui avait l’habitude de leur donner en nourriture la chair de ses hôtes ; Hercule tua Diomède et le fit manger par ses juments. – v. 22 : l’Hydre de Lerne tuée par Hercule. Comme ses têtes repoussaient chaque fois qu’elles étaient coupées, Hercule les cautérisa au fur et à mesure qu’il les coupait pour éviter qu’elles repoussassent. – v. 23-24 : la lutte contre Achéloüs, dieu fleuve d’Étolie, pour la main de Déjanire. Dans cette lutte, Hercule cassa l’une de ses cornes (attribut des dieux-fleuves), d’où la honte d’Achéloüs, relevée notamment par Horace, Satires, I, 5, 60-61 et Ovide, Métamorphoses, IX, 85-86. Mais cette corne devint, selon une version de la légende, la corne d’abondance. – v. 25 : la lutte contre Antée, géant de Libye, dont Hercule triompha dans sa route vers le jardin des Hespérides. – v. 26 : le brigand Cacus, établi sur le site de la future Rome, tué par Hercule pour avoir essayé de voler les bœufs qu’Hercule avait pris à Géryon (voir Virgile, Énéide, VIII, 190-267). – v. 27 et 29-31 : l’épisode d’Atlas. Dans sa quête des pommes d’or des Hespérides, dernier de ses douze travaux, Hercule demanda à Atlas de l’aider en dérobant les pommes pendant que lui-même se substituerait à Atlas pour soutenir le ciel, ce qui, d’après Boèce, lui valut de mériter le ciel (apothéose souvent représentée sur les sarcophages antiques – Gruber, 2006, p. 368). – v. 28 : le sanglier d’Érymanthe. Boèce revient incidemment à cet exploit à propos de l’épisode d’Atlas : Hercule, pour rapporter ce sanglier, le posa sur ses épaules (destinées à porter le monde) qui furent humectées par sa bave. 218 Formulation analogue, mais à propos de Bacchus, chez Virgile (Géorgiques, II, 456) : « Centauros leto doluit = il subjuga les Centaures par le trépas ». 219 Pour l’expression saeuus leo, voir III, XII, 11 et la note y afférente. L’alliance spolium leonis à propos d’Hercule se lit chez Ovide (voir plus loin n. 221) le PseudoSénèque (Hercule sur l’Œta, 786) et l’expression spolium auferre est mise par Sénèque dans la bouche d’Hercule… qu’on a dépouillé de ses trophées (Hercule furieux, 1154 ; en Phèdre, 772, elle s’applique à la beauté corporelle).
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Transpercé les oiseaux par ses flèches sûres220, Dérobé ses fruits sous les yeux du dragon En alourdissant d’un poids d’or sa main gauche221, Entraîné d’une chaîne triple222 Cerbère. 20. uictor immitem posuisse fertur pabulum saeuis dominum quadrigis, Hydra combusto periit ueneno, fronte turpatus Achelous amnis ora demersit pudibunda ripis, Vainqueur, il offrit, dit-on, leur maître immonde En pâture à ses attelages cruels. L’hydre périt quand il brûla son venin. Front déshonoré, le fleuve Achéloüs Plongea, honteux223, son visage entre ses rives. 25. strauit Antaeum Libycis harenis, Cacus Euandri satiauit iras, quosque pressurus foret altus orbis saetiger spumis umeros notauit; ultimus caelum labor inreflexo 30. sustulit collo pretiumque rursus ultimi caelum meruit laboris. Il faucha Antée sur les sables libyens224. Cacus assouvit la colère d’Évandre. Le porte-soies marqua de bave l’épaule
220 Catulle emploie la même expression dans le même contexte (Poèmes, 68, 113-114, cité par Gruber, 2006, p. 367) : « certa Stymphalia monstra sagitta / perculit = [Hercule] perça de ses flèches sûres les monstres de Stymphale ». 221 Gruber (2006, p. 367) rapproche ce vers de l’image d’Hercule « alourdi par son carquois et la dépouille du lion = pharetraque grauis spolioque leonis » (Ovide, Métamorphoses, IX, 113). 222 Cerbère, on le sait, avait trois têtes. Mais la triple chaîne vient de Sénèque (Agamemnon, 859-860) : « tractus ad caelum canis inferorum / triplici catena tacuit = traîné vers le ciel par une triple chaîne, le chien des Enfers se tut ». 223 L’expression ora pudibunda est traditionnelle en poésie : Gruber (2006, p. 367) cite Ovide, Métamorphoses, VI, 604 et X, 421 ; Fastes, II, 819-820, ainsi que Sénèque, Hercule furieux, 1178 ; mais aucun de ces passages ne concerne Achéloüs. 224 L’expression Libycis harenis avait déjà été employée en même position métrique dans le même mètre par Sénèque (Médée, 653).
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Que devait comprimer la voûte d’en haut225. Son ultime travail supporta le ciel Sans plier la nuque226 ; en retour il obtint Le ciel pour prix de son ultime travail227. Ite nunc, fortes, ubi celsa magni ducit exempli uia. Cur inertes terga nudatis? Superata tellus 35. sidera donat. Allez donc, courage228 !, où vous conduit la voie De ce grand exemple. Et pourquoi, inactifs, Dénuder votre dos229 ? Surmonter la terre Offre les étoiles.
225 Formulation analogue chez Sénèque (Phèdre, 327-328, cité par Gruber, 2006, p. 368) : « humerisque quibus / sederat alti regia caeli = les épaules sur lesquelles s’était posé le royaume du ciel sublime ». 226 Même présentation chez Sénèque (Hercule furieux, 70-72) : « subdidit mundo caput / nec flexit umeros molis immensae labor / meliusque collo sedit Herculeo polus = il plaça sa tête sous le monde et la peine sous cette immense masse n’a pas fait fléchir ses épaules et sur le cou d’Hercule le pôle s’est mieux posé ». 227 À rapprocher, comme le propose Gruber (2006, p. 368), de Sénèque, Agamemnon, 812-814 : « tuus ille / bis seno meruit labore / adlegi caelo magnus Alcides = ton grand Alcide, par ses deux fois six travaux a mérité d’être admis au ciel » (cf. aussi Hercule furieux, 74). 228 Ce premier hémistiche d’hendécasyllabe sapphique est emprunté à Sénèque, Médée, 650. 229 Comme les soldats fuyards de Varus poursuivis par Curion qui découvrent leur dos (Lucain, Pharsale, IV, 713-714, cité par Gruber, 2006, p. 368) : « nudataque foeda / terga fuga… cecidit = [Curion] frappa leurs dos découverts par une fuite honteuse ».
Livre V Prosa 1 1. Dixerat orationisque cursum ad alia quaedam tractanda atque expedienda uertebat. Prose 1 1. Boèce – Elle avait parlé et changea le cours du propos en direction de certains autres points à traiter et à développer. 2. – Tum ego: Recta quidem, inquam, exhortatio tuaque prorsus auctoritate dignissima, sed quod tu dudum de prouidentia quaestionem pluribus aliis implicitam esse dixisti re, experior. 2. Ton exhortation est assurément correcte et vraiment tout à fait digne de ton autorité ; mais ce que tu as dit tout à l’heure au sujet de la providence – que la question était très enveloppée dans plusieurs autres questions –, je l’expérimente dans la réalité1. 3. Quaero enim an esse aliquid omnino et quidnam esse casum arbitrere. 3. En effet, je te demande si tu juges que le hasard est bien quelque chose et ce qu’il est. 4. – Tum illa: festino, inquit, debitum promissionis absoluere uiamque tibi, qua patriam reueharis, aperire. 4. Philosophie – Je me hâte de m’acquitter de ce que je dois2 par une promesse, et de t’ouvrir la voie par laquelle tu retourneras dans ta patrie. 5. Haec autem, etsi perutilia cognitu, tamen a propositi nostri tramite paulisper auersa sunt, uerendumque est ne deuiis fatigatus ad emetiendum rectum iter sufficere non possis. 5. Mais ces points, bien que très utiles à connaître, sont pourtant quelque peu à l’écart par rapport à la route menant à notre objectif, et il 1 Re experior : cf. Plaute, Amphitryon, I, III, 10 : (Alcmène reproche son départ à Jupiter) : « Ecastor, re experior, quanti facias uxorem tuam = Par Castor, j’expérimente dans la réalité quel cas tu fais de ton épouse ». 2 Debitum… absoluere : cf. (Gruber, 1978, p. 379) Ovide, Fastes, V, 596 (César a consacré un temple au Dieu qui lui a permis de vaincre les Parthes) : « et meritus uoti debita soluit honor = et l’honneur mérité acquitte la dette contractée par le vœu ».
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est à craindre que, fatigué par de tels détours, tu ne puisses supporter le chemin3 rectiligne qui est à parcourir. 6. – Ne id, inquam, prorsus uereare; nam quietis mihi loco fuerit ea quibus maxime delector agnoscere. 6. Bo. – Ne crains pas du tout cela ; car ce sera pour moi l’occasion d’un apaisement que de connaître ce avec quoi je me délecterai au plus haut point. 7. Simul, cum omne disputationis tuae latus indubitata fide constiterit, nihil de sequentibus ambigatur. 7. En même temps, comme chaque volet de ta discussion s’établira dans une foi inébranlable, rien de ce qui s’ensuivra ne sera ambigu. 8. – Tum illa: morem, inquit, geram tibi, simulque sic orsa est: Si quidem, inquit, aliquis euentum temerario motu nullaque causarum conexione productum casum esse definiat, nihil omnino casum esse confirmo et praeter subiectae rei significationem inanem prorsus uocem esse decerno. Quis enim cohercente in ordinem cuncta deo locus esse ullus temeritati reliquus potest? 8. Ph. – Je vais déférer à ton désir. Bo. – Et aussitôt il y eut ces paroles : Ph. – Si quelqu’un définit précisément le hasard comme étant un événement produit par un mouvement contingent et par aucun enchaînement de causes, je confirme que le hasard n’est absolument rien, et je décrète que, en l’absence de la signification d’une chose sous-jacente, le mot est totalement vide4. En effet, tout étant maintenu dans un ordre par Dieu, quelle place peut-il être laissé à la contingence ? 9. Nam nihil ex nihilo exsistere uera sententia est, cui nemo umquam ueterum refragatus est, quamquam id illi non de operante principio sed 3 Via (§ 4), trames et iter ici : un exemple de plus de la variatio sermonis chère à Boèce. 4 Inanis vox (cf. l’inanis nomen de II, 4, 3) : il importe en l’occurrence de légèrement développer le jugement de Boèce touchant le caractère « vide » du mot « hasard » relativement à ce qui a été exposé dans la version II de son Commentaire sur le De l’interprétation d’Aristote (II, I, 1 = Meiser, 1880, p. 44-52) pour expliquer le propos du Stagirite : « hircocervus » (traduction de Boèce du τραγέλαφος ou « bouc-cerf » d’Aristote, Perihermeneias, 16a16-18) est une sorte de mot « vide », en ce sens qu’il a une signification mais aucun référent dans la réalité sensible, et ne peut donc être dit ni vrai ni faux, sauf si l’on ajoute l’être ou le non-être, dans l’absolu ou selon le temps.
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de materiali subiecto hoc omnium de natura rationum quasi quoddam iecerint fundamentum. 9. Car que « rien n’existe de rien » est un jugement vrai, qui n’a jamais été combattu par aucun des Anciens5, quoique ce ne soit pas au regard du Principe opérant6 mais de ce substrat matériel de tous les raisonnements sur la nature qu’ils ont pour ainsi dire jeté un tel fondement7. 10. At si nullis ex causis aliquid oriatur, id de nihilo ortum esse uidebitur; quodsi hoc fieri nequit, ne casum quidem huius modi esse possibile est qualem paulo ante definiuimus. 10. Or si quelque chose surgit sans cause aucune, il paraîtra avoir surgi de rien ; que si cela ne saurait se faire, il n’est assurément pas possible que le hasard soit de la manière que nous avons définie un peu avant8. 11. – Quid igitur, inquam, nihilne est quod uel casus uel fortuitum iure appellari queat? An est aliquid, tametsi uulgus lateat, cui uocabula ista conueniant? 11. Bo. – Quoi donc, n’y a-t-il rien qui soit en mesure d’être appelé à juste titre soit « hasard », soit « fortuit » ? Y a-t-il quelque chose, bien que dissimulé au vulgaire, auquel conviennent ces vocables ? 12. – Aristoteles meus id, inquit, in Physicis et breui et ueri propinqua ratione definiuit. – Quonam, inquam, modo? 12. Ph. – Mon Aristote l’a défini dans la Physique par un raisonnement bref et proche du vrai9. Bo. – De quelle manière ? 5 Dans son Timée (28a), relève Bocognano (1937, p. 268), Platon dit quelque chose d’approchant : « παντὶ… ἀδύνατον χωρὶς αἰτίου γένεσιν σχεῖν = sans l’intervention d’une cause, rien ne peut être engendré ». Cf. (Gruber, 1978, p. 360) Lucrèce, De la nature des choses, I, 150 : « nullam rem e nilo gigni divinitus umquam = nulle chose ne naît jamais de rien par une action divine), et Perse (34-62) : « Gigni de nihilo nihil, in nihilum nil posse reverti = Rien ne naît de rien, rien ne peut retourner dans le rien. » (Satires, III, v. 84). 6 Autrement dit : Dieu. 7 Iecerint fundamentum : cf. (Gruber, 1978, p. 380) Cicéron, De la nature des dieux, I, 44 : « Quod… fundamentum huius quaestionis est, id praeclare iactum uidetis = Vous voyez que ce qui est au fondement de cette question a été brillamment jeté ». 8 Voir supra, V, 1, 8. 9 À la différence de ce qu’affirme Boèce, Aristote s’attarde sur ce qu’est le hasard – voir Physique, 195b30-198a14 –, et il en donne deux définitions : « le hasard est une cause par accident concernant celles parmi les choses visant à une fin qui relèvent du choix réfléchi » (197a6-7 – traduction légèrement retouchée), et : « le hasard… (est une) cause par accident, dans le domaine des choses qui ne peuvent se produire ni de façon
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13. – Quotiens, ait, aliquid cuiuspiam rei gratia geritur aliudque quibusdam de causis quam quod intendebatur obtingit, casus uocatur, ut si quis colendi agri causa fodiens humum defossi auri pondus inueniat. 13. Ph. – Toutes les fois, dit-il10, que quelque chose est accompli à la faveur d’une chose quelconque, et que pour certaines raisons une autre que celle qui était attendue arrive, on l’appelle « hasard » – par exemple si quelqu’un, creusant la terre en vue de cultiver un champ, y découvre une masse d’or enfouie11. 14. Hoc igitur fortuitu quidem creditur accidisse, uerum non de nihilo est; nam proprias causas habet, quarum inprouisus inopinatusque concursus casum uidetur operatus. 14. On croit alors que cela arrive assurément de manière fortuite, mais non pas qu’il est à partir du rien ; car il possède des causes propres, dont le concours non prévu et inattendu semble avoir produit le hasard. 15. Nam nisi cultor agri humum foderet, nisi eo loci pecuniam suam depositor obruisset, aurum non esset inuentum. 15. Car si le cultivateur du champ n’avait pas creusé la terre, si le déposant n’avait pas enfoui ses pièces en ce lieu, l’or n’aurait pas été découvert. 16. Hae sunt igitur fortuiti causae compendii, quod ex obuiis sibi et confluentibus causis, non ex gerentis intentione prouenit. 16. Telles sont, par conséquent, les causes de ce gain fortuit, lequel provient de causes obvies et convergentes entre elles, non de l’intention de l’agent. absolue ni la plupart du temps, et parmi elles de toutes celles qui se produiraient en vue de quelque chose » (197a33-35). Cela tendrait à montrer que Boèce ne cite pas de première main, bien qu’il soit pressenti pour avoir traduit et commenté la Physique (voir infra, n. 11). 10 Nous avons rapporté cet ait à Aristote et non à Philosophie. 11 Boèce se méprend encore : quoique la Physique d’Aristote conduise une vaste réflexion sur le « hasard », on ne trouve un exemple de ce genre que dans sa Métaphysique (Δ, 30, 1025a15-19), qui l’utilise pour illustrer la définition de l’« accident » : c’est par accident qu’un homme qui creuse un trou pour planter un arbre trouve un trésor. Ce détail oriente vers l’hypothèse que notre auteur n’aurait pas traduit la Physique (dont un fragment (194b23-195b21) a, il est vrai, été importé dans le même livre Δ de la Métaphysique, 1013a24-1013b24), et qu’il a puisé son inspiration à une source intermédiaire, qui s’est, elle aussi, fourvoyée. Il existe toutefois une dernière conjecture, à savoir qu’à l’époque de Boèce circulait une version de la Physique qui, par cohérence thématique, incluait, dans ses chapitres sur le « hasard » (II, 4-6), le passage sur le trésor enfoui, importé de la Métaphysique.
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17. Neque enim uel qui aurum obruit uel qui agrum exercuit, ut ea pecunia repperiretur intendit, sed, uti dixi, quo ille obruit hunc fodisse conuenit atque concurrit. 17. Et en effet, ni celui qui a enfoui l’or, ni celui qui a retourné le champ n’a fait en sorte que ces pièces soient retrouvées, mais, comme je l’ai dit, le fait que celui-ci a enfoui a rencontré et rejoint le fait que celuilà a creusé. 18. Licet igitur definire casum esse inopinatum ex confluentibus causis in his quae ob aliquid geruntur euentum. 18. Il est par conséquent permis de définir le hasard comme étant « l’inattendu survenu par l’effet de causes convergentes dans ce qui est accompli en vue de quelque chose ». 19. Concurrere uero atque confluere causas facit ordo ille ineuitabili conexione procedens, qui de prouidentiae fonte descendens, cuncta suis locis temporibusque disponit. 19. Or cet ordre procédant d’une connexion inévitable fait se rencontrer et converger les causes, ordre qui, découlant de la source de la providence, dispose tout en ses lieux et temps. Metrum I – Mètre I Ph – 1. Rupis Achaemeniae scopulis, ubi uersa sequentum pectoribus figit spicula pugna fugax, Tigris et Euphrates uno se fonte resoluunt et mox abiunctis dissociantur aquis. Des roches du rocher achéménide, où un combat fuyard Plante ses dards dans le cœur de ceux qui poursuivent12, S’élancent d’une même source et le Tigre et l’Euphrate13 ; 12 Les roches « achéménides » désignent les montagnes du royaume perse ou parthe, probablement le Taurus (Gruber, 2006, p. 374). Les Parthes étaient réputés pour décocher leurs flèches au cours de leur fuite (e.g. Virgile, Géorgiques, III, 31 ; Horace, Odes, I, 19, 11-12 ; II, 13, 17-18 et Ovide, Art d’aimer, I, 1, 209-211) ; sur leur fuite comme tactique guerrière, voir Lucain, Pharsale, VIII, 380. 13 Gruber (2006, p. 374) met à juste titre en parallèle un passage de Lucain (Pharsale, III, 256-259) : « quaque caput rapido tollit cum Tigride magnus / Euphrates, quos non diuersis fontibus edit / Persis, et incertum, tellus si misceat amnes, / quod potius sit nomen aquis = là où prend sa source le grand Euphrate avec le Tigre rapide, que la Perse produit de sources non diverses, et l’on ne sait, si la terre mêle les fleuves, quel nom ont plutôt ces eaux ».
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Bientôt ils disjoignent leurs eaux et se séparent. 5. Si coeant cursumque iterum reuocentur, in unum, confluat alterni quod trahit unda uadi, conuenient puppes et uulsi flumine trunci mixtaque fortuitos implicet unda modos; S’ils s’unissaient et s’ils ramenaient leurs cours en un seul, Confluerait ce que l’onde de chacun entraîne ; Les nefs et les troncs arrachés par le flot se réuniraient, Leurs eaux mêlées enlaceraient des cours fortuits14. quos tamen ipsa uagos terrae decliuia casus 10. gurgitis et lapsi defluus ordo regit. Sic, quae permissis fluitare uidetur habenis, fors patitur frenos ipsaque lege meat. Pourtant ces cas errants sont régis par la pente du terrain, Par l’ordre qui descend du gouffre qui s’écoule. Ainsi le hasard, qui semble couler à brides abattues15, Obéit à des freins et va selon la loi. Prosa 2 1. – Animaduerto, inquam, idque uti tu dicis ita esse consentio. Prose 2 1. Bo. – Je le constate, et j’accorde qu’il en est ainsi que tu le dis. 2. Sed in hac haerentium sibi serie causarum estne ulla nostri arbitrii libertas, an ipsos quoque humanorum motus animorum fatalis catena constringit? 2. Mais dans cet enchaînement de causes étroitement liées entre elles, y a-t-il une liberté de notre arbitre16, et la chaîne fatale n’entrave-t-elle pas également le mouvement des esprits humains eux-mêmes ? 14 Gruber (2006, p. 374) rapproche ce vers d’un passage de Properce (Élégies, IV, 11, 16) où « l’eau [des marais] enlace les pieds [de Cornélie] = implicat unda pedes ». Simple coïncidence verbale ? 15 L’expression habenis permissis se lit chez Sénèque (Phèdre, 1006, cité par Gruber, 2006, p. 374). Ces deux vers de conclusion donnent au poème l’allure d’une épigramme à pointe. 16 Il faut bien sûr entendre, ici et dans tout l’ouvrage, le terme « arbitre » en son acception philosophique, celle qu’il possède dans l’expression « libre arbitre » : « volonté, au sens le plus général du mot » (Lalande, 1968, p. 74). Cf. Augustin, Du libre arbitre, I, VI, 14 : « nonne… recte, si quis tunc exstiterit uir bonus, qui plurimum possit, adimat huic populo potestatem dandi honores, et in paucorum bonorum, uel etiam unius redigat arbitrium? = n’est-il pas juste… s’il se trouve un homme de bien qui puisse
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3. – Est, inquit; neque enim fuerit ulla rationalis natura, quin eidem libertas adsit arbitrii. 3. Ph. – La liberté existe ; en effet, aucune nature rationnelle n’existerait à moins que la liberté de l’arbitre ne lui échoie. 4. Nam quod ratione uti naturaliter potest, id habet iudicium quo quidque discernat; per se igitur fugienda optandaue dinoscit. 4. Car ce qui peut naturellement user de la raison possède un jugement par lequel il discerne toute chose ; par soi il distingue donc ce qu’il doit éviter ou souhaiter. 5. Quod uero quis optandum esse iudicat, petit, refugit uero quod aestimat esse fugiendum. 5. Or quelqu’un brigue ce qu’il juge être souhaitable, tandis qu’il écarte ce qu’il estime devoir être évité17. 6. Quare quibus in ipsis inest ratio, inest etiam uolendi nolendique libertas, sed hanc non in omnibus aequam esse constituo. 6. C’est pourquoi, chez ceux-là mêmes en qui réside la raison, réside également la liberté de vouloir et de ne pas vouloir ; mais je précise que celle-ci n’est pas égale chez tous. 7. Nam supernis diuinisque substantiis et perspicax iudicium et incorrupta uoluntas et efficax optatorum praesto est potestas. 7. Car il y a, chez les substances d’en haut et divines, à la fois un jugement perspicace, une volonté inébranlable et un pouvoir efficace à disposition des souhaits. 8. Humanas uero animas liberiores quidem esse necesse est cum se in mentis diuinae speculatione conseruant, minus uero cum dilabuntur ad corpora, minusque etiam cum terrenis artubus colligantur. 8. Or il est absolument nécessaire que les âmes humaines soient plus libres quand elles se maintiennent dans la contemplation de l’Esprit divin18, moins libres en vérité quand elles sont dispersées dans des eaucoup de choses, qu’il ôte à ce peuple perverti le pouvoir de conférer les honneurs, et b le réserve à l’arbitre d’un petit nombre de gens de bien, ou même d’un seul ? » – « arbitre » étant aussi la traduction de Madec (BA, 6, Paris, 1976, p. 217). 17 Nous n’avons pas pu rendre morphologiquement la paronomase refugere – fugere. 18 Mentis diuinae speculatio : voir supra, IV, 1, 2.
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corps19, et encore moins quand elles sont enserrées dans des organismes terrestres20. 9. Extrema uero est seruitus cum uitiis deditae rationis propriae possessione ceciderunt. 9. Et leur servitude est extrême quand, adonnées aux vices, elles cessent d’être en possession de leur propre raison. 10. Nam ubi oculos, a summae luce ueritatis ad inferiora et tenebrosa deiecerint, mox inscitiae nube caligant, perniciosis turbantur affectibus, quibus accedendo consentiendoque quam inuexere sibi adiuuant seruitutem et sunt quodam modo propria libertate captiuae. 10. Car lorsqu’elles21 ont abaissé leurs yeux de la lumière souveraine de la vérité vers les choses inférieures et ténébreuses, aussitôt elles s’enveloppent du brouillard de l’inconnaissance, troublées par des dispositions pernicieuses, par lesquelles, les ayant accueillies et acceptées, elles renforcent la servitude à laquelle elles se sont soumises, et sont en quelque manière captives de leur propre liberté22. 11. Quae tamen ille ab aeterno cuncta prospiciens prouidentiae cernit intuitus et suis quaeque meritis praedestinata disponit. 11. Cependant, de toute éternité ce regard de la providence les discerne en les anticipant toutes, et dispose chacune des âmes qui est prédestinée selon ses mérites23. Nous ne sommes pas en mesure de différencier, et encore moins de hiérachiser, une âme tombée dans un corps et une âme enserrée dans un organisme terrestre. Le fragment de Virgile (voir note suivante), dans lequel toute gradation a disparu, est bien plus clair. 20 Cf. (Bocognano, 1861, p. 389) Virgile, Énéide, VI, 730-734 : « Igneus est ollis uigor et caelestis origo / seminibus, quantum non noxia corpora tardant, / terrenique hebetant artus moribundaque membra. / Hinc metuunt cupiuntque, dolent gaudentque, neque auras / dispiciunt clausae tenebris et carcere caeco = Il y a une vigueur ignée et une origine céleste en ces semences (celles des races humaine et animale) / pour autant qu’elles ne sont pas ralenties par des corps nuisibles / ou débilitées par des organismes terrestres et des membres morbides. / Car alors elles craignent et désirent, souffrent et se réjouissent, et ne regardent plus les nues, / enfermées qu’elles sont dans les ténèbres et un cachot aveugle ». L’image, qui utilise une variatio sermonis délicate à respecter (corpus, artus et membrum, ce dernier terme n’étant pas repris par Boèce), n’illustre rien de plus, chez Virgile, que la situation de l’âme incarnée ou incorporée, tandis que Boèce observe une gradation. 21 Il s’agit toujours des âmes humaines. 22 Propria libertate captiuae : on notera l’oxymore. 23 Par le passé (voir PL. LXIII, col. 837A), on plaçait ici la citation d’Homère qui ouvre le mètre suivant, où Agamemnon s’adresse à Jupiter qu’il assimile au Soleil. Mais celle-ci doit ouvrir juste après le mètre II, sachant que, comme nous l’a fait remarquer Jean-Louis Charlet, elle dépend de canit (v. 3). 19
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Metrum II – Mètre II Ph. – 1. « Πάντ᾿ ἐφορᾶν καὶ πάντ᾿ ἐπακούειν », Puro clarum lumine Phoebum melliflui canit oris Homerus ; qui tamen intima uiscera terrae 5. non ualet aut pelagi radiorum infirma perrumpere luce. « Il aperçoit tout et il entend tout » Phébus qui brille en une clarté pure, Chantait Homère à la bouche de miel24. Pourtant Phébus, par la faible lumière De ses rayons, ne peut ouvrir l’intime Viscère de la terre25 et de la mer. Haud sic magni conditor orbis: huic ex alto cuncta tuenti nulla terrae mole resistunt, 10. non nox atris nubibus obstat. Le Fondateur du vaste monde26 est autre : À son regard d’en haut qui tout embrasse, Ne résiste aucune masse de terre, Ce nonobstant la nuit aux nuées noires27. Quae sint, quae fuerint ueniantque uno mentis cernit in ictu; quem, quia respicit omnia solus, uerum possis dicere solem. Ce qui est, a été ou va venir28, 24 Ce vers d’Homère (Iliade, III, 277 ; Odyssée, XI, 109…), ici un peu aménagé, est fréquemment cité par les philosophes néoplatoniciens : Proclus, Commentaire sur le Timée, II, 82, 8 et Commentaire sur le Cratyle, 37, 8 (voir Courcelle, 1967, p. 166). Le v. 2 adapte Iliade, I, 605 (Gruber, 2006, p. 377) et le composé mellifluus (v. 3) traduit l’adjectif homérique qui qualifiait la parole de Nestor (Iliade, I, 248). Pour Phébus (v. 2 et 4), voir supra, I, III, 9 et la note y afférente. 25 Boèce reprend ici une clausule d’Ovide : Métamorphoses, I, 138 uiscera terrae (cité par Gruber, 2006, p. 377). 26 Même fin de vers en I, V, 1. 27 Reprise dans un ordre inversé de I, VII, 1 : atris nubibus ; obstat, à propos de la vision, peut rappeler I, VII, 13 (Gruber, 2006, p. 377). 28 Ce vers est modelé sur Virgile, Géorgiques, IV, 392-393 (lui-même inspiré par Homère, Iliade, 1, 70) à propos du devin Protée : « nouit namque omnia uates, / quae
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Il le voit en un coup de son esprit29. C’est lui, parce qu’il est seul30 à tout voir Qu’on pourrait appeler le vrai Soleil31. Prosa 3 1. – Tum ego: en, inquam, difficiliore rursus ambiguitate confundor. Prose 3 1. Bo. – Voici que je suis embrouillé par une ambiguïté plus difficile encore. 2. – Quaenam, inquit, ista est? Iam enim quibus perturbere, coniecto. 2. Ph. – Quelle est-elle donc ? En effet, je conjecture déjà par quoi tu es perturbé. 3. – Nimium, inquam, aduersari ac repugnare uidetur praenoscere uniuersa deum et esse ullum libertatis arbitrium. 3. Bo. – Il semble par trop s’opposer et s’exclure que Dieu préconnaisse l’univers et qu’existe quelque arbitre de la liberté32. 4. Nam si cuncta prospicit deus neque falli ullo modo potest, euenire necesse est quod prouidentia futurum esse praeuiderit. 4. Car si Dieu anticipe toutes les choses et ne peut en aucune manière faillir, il est nécessaire qu’advienne ce que la providence a prévu qu’il devait arriver33. sint, quae fuerint, quae mox uentura trahantur = car le devin sait tout, ce qui est, ce qui a été et ce qui va venir par la suite » (Gruber, 2006, p. 378). 29 Pour cette expression, voir plus loin, V, 4, 33 et 6, 40. 30 Jeu de mot étymologique qui s’appuie sur la tradition varronienne (De la langue latine, V, 68), étymologie de sol : « quod solus ita lucet ut ex eo deo dies sit = parce que lui seul brille au point que de ce dieu le jour soit ». 31 Ce thème évoque bien sûr la théologie solaire si répandue chez les Néoplatoniciens ; on songe au traité de l’empereur Julien Sur Hélios Roi. Mais c’est aussi un thème chrétien depuis Clément d’Alexandrie et l’expression uerus sol appliquée au Dieu chrétien apparaît chez Cyprien (Oraison dominicale, XXXV), puis dans l’hymnologie chrétienne avec Ambroise (Hymnes, II, 5), et ce thème est largement développé dans l’Hymne II du Cathemerinon de Prudence (voir Fontaine, 1992, p. 190 et Dölger, 1918). 32 Boèce interchange ici les mots arbitrium et libertas, parlant dans ce paragraphe d’« arbitre de la liberté » et au § 5 de « liberté de l’arbitre ». Or si la seconde expression fait pleinement sens pour nous, en revanche la première n’en a aucun d’obvie. 33 La problématique provient, entre autres, de Cicéron (voir infra, V, 4, 1) selon qui l’ordre des causes n’est ni déterminé ni parfaitement connu de la prescience divine (voir surtout Traité du destin et De la divination), lequel s’attache ainsi à réfuter sur ce point les Stoïciens – l’ordre des causes, identique au destin, est fatal et incompatible avec le libre arbitre –, le tout ayant été relayé par Augustin, qui critique à son tour Cicéron, mais
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5. Quare si ab aeterno non facta hominum modo sed etiam consilia uoluntatesque praenoscit, nulla erit arbitrii libertas; neque enim uel factum aliud ullum uel quaelibet exsistere poterit uoluntas, nisi quam nescia falli prouidentia diuina praesenserit. 5. C’est pourquoi, si de toute éternité elle préconnaît non seulement les actes des hommes mais aussi leurs desseins et leurs volontés, il n’y aura aucune liberté de l’arbitre ; en effet, il ne pourra exister aucun autre acte ni quelque volonté qu’on voudra que ceux que la providence divine, connue pour ne pas faillir, aura pressentis. 6. Nam si aliorsum quam prouisa34 sunt detorqueri ualent, non iam erit futuri firma praescientia, sed opinio potius incerta; quod de deo credere nefas iudico. 6. Car s’ils35 sont susceptibles d’être détournés vers une direction autre que celles qui ont été envisagées36, ce ne sera alors pas une prescience assurée de l’avenir, mais plutôt une opinion incertaine, que je juge impie de croire à propos de Dieu. 7. Neque enim illam probo rationem, qua se quidam credunt hunc quaestionis nodum posse dissoluere. 7. Je n’approuve pas, en effet, le raisonnement par lequel certains37 croient pouvoir défaire le nœud de cette question. 8. Aiunt enim non ideo quid esse euenturum, quoniam id prouidentia futurum esse prospexerit, sed e contrario potius, quoniam quid futurum est, id diuinam prouidentiam latere non posse eoque modo necessarium hoc in contrariam relabi partem. sans céder au Stoïcisme : le destin de la créature est la volonté du Créateur, qui tient la créature en son pouvoir, ce qui n’empêche pas notre volonté de rester nôtre, en ce sens que c’est bien elle qui accomplit ce que nous voulons accomplir, et qui ne s’accomplirait pas si nous ne le voulions point (De la cité de Dieu, V, IX-X). 34 Que l’on retienne la leçon avec prouisae (plusieurs mss et éditeurs, dont Obbarius (p. 101), Peiper (p. 126) et Weinberger (p. 111), ou celle avec prouisa (Moreschini, p. 141, init. et Alii), il s’agit d’un pluriel (féminin ou neutre) qu’il importe de traduire comme tel. À noter que Mirandol (1861, p. 286) ajoute un terme sans s’expliquer : Nam si res aliorsum quam prouisae sunt, detorqueri valent, qu’il rend ainsi : « En effet, si les événements peuvent avoir un autre cours que celui qui a été prévu ». 35 Entendons : les desseins et les volontés du § 5. 36 Sous-entendu : par Dieu. 37 Comme le suggère Mirandol (1861, p. 390), repris par Bocognano (1937, p. 269), la théorie résumée aux § 7-11, que rejette Boèce, ressemble assez à celle développée par Proclus dans sa Lettre à l’ingénieur Théodore…, XII, 63.
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8. Ils prétendent, effectivement, que quelque chose doit être non pas parce que la providence avait anticipé que cela devait être, mais plutôt, et au contraire, parce que ce qui est à venir ne peut se cacher de la providence divine, et de cette manière le nécessaire en question doit revenir en sens contraire38. 9. Neque enim necesse esse contingere quae prouidentur, sed necesse esse quae futura sunt prouideri: quasi uero quae cuius rei causa sit, praescientiane futurorum necessitatis an futurorum necessitas prouidentiae, laboretur ac non illud demonstrare nitamur, quoquo modo sese habeat ordo causarum, necessarium esse euentum praescitarum rerum, etiam si praescientia futuris rebus eueniendi necessitatem non uideatur inferre. 9. Pour eux, en effet, il n’est pas nécessaire que ce qui est prévu se produise, mais il est nécessaire que les événements à venir soient prévus, comme si en vérité on travaillait à savoir de quelle chose il y a cause – est-ce la prescience qui est cause de la nécessité39 des choses à venir, ou la nécessité des choses à venir qui est cause de la providence –, et comme si nous ne faisions pas effort pour démontrer que, de quelque manière que soit envisagé l’ordre des causes, cette réalisation des choses préconnues est nécessaire, même si la prescience ne semble pas imposer aux choses à venir la nécessité de se réaliser40. 10. Etenim si quispiam sedeat, opinionem quae eum sedere coniectat ueram esse necesse est; atque e conuerso rursus, si de quopiam uera sit opinio quoniam sedet, eum sedere necesse est. 10. Et en effet, si une personne est assise, il est nécessaire que soit vraie l’opinion qui conjecture qu’elle est assise, et de nouveau à l’inverse, si l’opinion sur une personne est vraie quant au fait qu’elle est assise, il est nécessaire qu’elle soit assise. 38 Comprenons : au rebours de la thèse incriminée (la prescience est cause de la nécessité des choses à venir en prévoyant qu’elles se produiraient), car, comme le précisera le paragraphe suivant, c’est la nécessité des choses à venir qui est cause de la providence et non l’inverse. 39 C’est autour de cette notion de necessitas, dédoublée par Philosophie en « nécessité de vérité » et « nécessité de fait », dichotomie empruntée à Aristote (De l’interprétation, 19a23-24), que la problématique de l’antinomie entre prescience et libre arbitre va être posée, traitée et résolue, et ce avec l’aide de l’outillage conceptuel importé de la version II du Commentaire de Boèce sur le De l’interprétation d’Aristote – voir Courcelle (1967, p. 211-215). 40 Nous nous sommes efforcé, dans ce raisonnement, de respecter au mieux la variatio sermonis choisie par Boèce sur les verbes préfixés en prae- et en pro- : praenoscere, praescire, praesentire, praeuidere, prospicere, prouidere.
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11. In utroque igitur necessitas inest, in hoc quidem sedendi, at uero in altero ueritatis. 11. Par conséquent, dans l’un et l’autre cas la nécessité est bien présente, dans l’un assurément celle d’être assis, et dans l’autre bien sûr celle de la vérité41. 12. Sed non idcirco quisque sedet, quoniam uera est opinio, sed haec potius uera est quoniam quempiam sedere praecessit. 12. Seulement, ce n’est pas pour cela que quelqu’un est assis que l’opinion est vraie, mais plutôt elle est vraie parce que le fait qu’une personne soit assise a précédé. 13. Ita cum causa ueritatis ex altera parte procedat, inest tamen communis in utraque necessitas. 13. Ainsi, quoique la cause de la vérité procède d’autre part42, cependant une nécessité commune est bien présente dans l’un et l’autre cas. 14. Similia de prouidentia futurisque rebus ratiocinari patet. Nam etiam si idcirco, quoniam futura sunt, prouidentur, non uero ideo quoniam prouidentur eueniunt, nihilo minus tamen a deo uel uentura prouideri uel prouisa necesse est euenire prouisa, quod ad perimendam arbitrii libertatem solum satis est. 14. Il est permis de raisonner de manière semblable à propos de la providence et des choses à venir. Car même si elles sont prévues pour cela qu’elles sont à venir, elles n’adviennent pas en raison de ce qu’elles sont prévues, cependant ce n’est rien moins que par Dieu qu’il est nécessaire ou bien que ce qui doit se réaliser soit envisagé, ou bien que ce qui a été envisagé ait été envisagé comme advenant, ce qui seul suffit à éliminer la liberté d’arbitre. 15. Iam uero quam praeposterum est ut aeternae praescientiae temporalium rerum euentus causa esse dicatur! 15. Dès lors, c’est même tout à fait à front renversé qu’il est dit que la réalisation des choses temporelles est la cause de l’éternelle prescience ! 41 Il convient d’inverser les deux parties du constat pour retrouver l’ordre d’exposition des cas du § 10 : il y a « nécessité de vérité » dans le premier cas, et « nécessité de fait » dans le second. 42 Il faut entendre que la source de la vérité ne se situe pas chez celui qui constate, mais dans ce qui est constaté.
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16. Quid est autem aliud arbitrari ideo deum futura, quoniam sunt euentura, prouidere, quam putare quae olim acciderunt causam summae illius esse prouidentiae? 16. De plus, en quoi est-il différent de croire que Dieu prévoit les choses à venir pour cela qu’elles vont se réaliser, et de penser que celles qui sont arrivées par le passé sont la cause de cette souveraine providence43 ? 17. Ad haec, sicuti cum quid esse scio, id ipsum esse necesse est, ita cum quid futurum noui, id ipsum futurum esse necesse est; sic fit igitur ut euentus praescitae rei nequeat euitari. 17. À cela s’ajoute que tout comme je sais, quand quelque chose est, qu’il est nécessaire que cela même soit, j’ai aussi connaissance, quand quelque chose sera, qu’il est nécessaire que cela même sera ; ainsi donc, il se produit que la réalisation d’une chose préconnue ne saurait être évitée. 18. Postremo si quid aliquis aliorsum atque sese res habet, existimet, id non modo scientia non est, sed est opinio fallax, ab scientiae ueritate longe diuersa. 18. Enfin, si quelqu’un aussi considère quelque chose autrement que la chose ne se présente, non seulement ce n’est pas la science, mais c’est une opinion trompeuse, de beaucoup différente de la vérité de la science. 19. Quare si quid ita futurum est ut eius certus ac necessarius non sit euentus, id euenturum esse praesciri qui poterit? 19. C’est pourquoi, si quelque chose est à venir, en sorte que sa réalisation ne soit pas certaine ni nécessaire, qui pourra préconnaître qu’elle se réalisera ? 20. Sicut enim scientia ipsa impermixta est falsitati, ita id quod ab ea concipitur, esse aliter atque concipitur nequit. 20. De même, en effet, que la science elle-même n’est pas mêlée de fausseté, de même ce qui est conçu par elle ne saurait pas non plus être autrement que ce qui est conçu. 21. Ea namque causa est cur mendacio scientia careat, quod se ita rem quamque habere necesse est uti eam sese habere scientia comprehendit. Cf. supra, § 8-9.
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21. Et de fait, c’est en raison de ce que la science est exempte de mensonge qu’il est nécessaire que chaque chose se présente comme la science comprend qu’elle se présente44. 22. Quid igitur, quonam modo deus haec incerta futura praenoscit? 22. Eh quoi alors : de quelle manière Dieu préconnaît-il les choses à venir incertaines ? 23. Nam si ineuitabiliter euentura censet quae etiam non euenire possibile est, fallitur, quod non sentire modo nefas est sed etiam uoce proferre. 23. Car s’Il estime que se réalisera inévitablement ce qui ne se réalisera peut-être même pas, Il faillira, ce qu’il est néfaste non seulement de concevoir, mais même de proférer à voix haute. 24. At si ita uti sunt, ita ea futura esse decernit, ut aeque uel fieri ea uel non fieri posse cognoscat, quae est haec praescientia, quae nihil certum, nihil stabile comprehendit? 24. Et s’Il décide que les choses à venir seront bien ainsi qu’elles sont, en sorte qu’Il connaisse de la même manière qu’elles peuvent ou bien avoir lieu, ou bien ne pas avoir lieu, quelle est cette prescience qui n’embrasse rien de certain, rien de stable ? 25. Aut quid hoc differt45 uaticinio illo ridiculo Tiresiae « quicquid dicam aut erit aut non » ? 25. Ou bien, en quoi diffère-t-elle de cette ridicule vaticination de Térésias : « Quoi que je dirai, ou bien ce sera ou bien non »46 ? 44 Cf. (d’après Touchette Lebel, 2017, p. 154) Aristote, De l’interprétation, 18a3435 : « Si toute affirmation et toute négation est vraie ou fausse, nécessairement aussi tout ce qu’on dit existe ou n’existe pas ». 45 Pour faire sens, nous corrigeons ici, avec Bentley (18693, p. 492), Mirandol (1861, p. 391) et Bocognano (1937, p. 224), refert (« Ou bien, en quoi renvoie-t-elle à cette ridicule vaticination de Térésias…) en differt, à la différence de certains éditeurs qui le maintiennent (Peiper, p. 128, Weinberger, p. 113, Moreschini, p. 143, lequel nous a aimablement dit qu’il s’est fié pour cela à Gruber (2006, p. 381, n. 25), qui affirme que refert peut avoir le sens de differt, en prenant un exemple chez Tertullien, Le Manteau, IV, 2 : « Sat refert inter honorem temporis et religionem = Il y a suffisamment de différence entre l’honneur rendu au temps et la religion »). Reste qu’en latin classique, langue que Boèce se plaît à cultiver au VIe siècle, referre n’a jamais le sens de differre. 46 Citation littérale d’Horace, Satires, II, 5, 59, où Tirésias déclare effectivement à Laërte, le père d’Ulysse : « quicquid dicam, aut erit aut non » (= Bentley, ibid., p. 390). Mais pourquoi Boèce tourne-t-il en ridicule cette déclaration de Tirésias et par là même Horace, lequel prend au sérieux le propos du devin, puisqu’il lui fait ajouter aussitôt
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26. Quid etiam diuina prouidentia humana opinione praestiterit, si uti homines incerta iudicat quorum est incertus euentus? 26. En quoi même la providence divine prévaudra-t-elle sur l’opinion humaine si, comme le font les hommes, elle juge incertain ce dont la réalisation est incertaine ? 27. Quodsi apud illum rerum omnium certissimum fontem nihil incerti esse potest, certus eorum est euentus quae futura firmiter ille praescierit. 27. Que si dans cette source la plus certaine de toutes les choses47, rien ne peut être incertain, certaine est la réalisation des choses à venir que celle-ci préconnaît fermement. 28. Quare nulla est humanis consiliis actionibusque libertas, quas diuina mens, sine falsitatis errore cuncta prospiciens, ad unum alligat et constringit euentum. 28. C’est pourquoi, aucune liberté n’existe dans les desseins des hommes ni dans leurs actions que l’esprit divin, anticipant tout sans l’erreur de la fausseté48, relie et contraint à une seule réalisation. 29. Quo semel recepto, quantus occasus humanarum rerum consequatur liquet. 29. Pareille déduction une fois admise, il est clair qu’en résulterait un terrible déclin pour les choses humaines. 30. Frustra enim bonis malisque praemia poenaeue proponuntur, quae nullus meruit liber ac uoluntarius motus animorum. 30. En vain, effectivement, seraient proposées aux gens de bien et aux méchants des récompenses ou des peines, que n’a mérité aucun mouvement libre et volontaire des esprits. 31. Idque omnium uidebitur iniquissimum quod nunc aequissimum iudicatur, uel puniri improbos uel remunerari probos, quos ad alterutrum non propria mittit uoluntas, sed futuri cogit certa necessitas. 31. Et apparaîtra comme le comble de l’iniquité ce qui est maintenant jugé le plus équitable – ou bien que les gens malhonnêtes soient punis, après : « diuinare etenim magnus mihi donat Apollo = et en effet, le grand Apollon m’a accordé le don de divination » (ibid., 60) ? 47 À savoir : Dieu. 48 Sine falsitatis errore : l’expression passerait mieux en français si les termes en étaient inversés : sans la fausseté de l’erreur.
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ou bien que les gens honnêtes soient récompensés – si leur volonté propre ne les conduit pas à l’un ou à l’autre49, mais si la nécessité certaine les pousse vers ce qui est à venir. 32. Nec uitia igitur nec uirtutes quicquam fuerint, sed omnium meritorum potius mixta atque indiscreta confusio; quoque nihil sceleratius excogitari potest, cum ex prouidentia rerum omnis ordo ducatur nihilque consiliis liceat humanis, fit ut uitia quoque nostra ad bonorum omnium referantur auctorem. 32. Il ne saurait, par conséquent, y avoir aucun vice ni aucune vertu que ce soit, mais plutôt une confusion trouble et indistincte de tous les mérites ; rien non plus ne peut être imaginé plus scélérat : puisque tout l’ordre des choses découlerait de la providence et que rien ne serait abandonné aux desseins humains, il viendrait que nos vices aussi seraient rapportés à l’Auteur de tous les biens. 33. Igitur nec sperandi aliquid nec deprecandi ulla ratio est; quid enim uel speret quisque uel etiam deprecetur, quando optanda omnia series indeflexa conectit? 33. Il n’y aurait par conséquent une raison ni d’espérer quelque chose ni de le solliciter ; en effet, qu’est-ce que quelqu’un peut espérer ou même solliciter dès lors qu’un enchaînement inflexible relie toutes les choses souhaitables ? 34. Auferetur igitur unicum illud inter homines deumque commercium, sperandi scilicet ac deprecandi, si quidem iustae humilitatis pretio inaestimabilem vicem diuinae gratiae promeremur; qui solus modus est quo cum deo colloqui homines posse uideantur illique inaccessae luci, prius quoque quam impetrent ipsa supplicandi ratione coniungi. 34. Par conséquent, cet unique commerce entre les hommes et Dieu50, à savoir le fait d’espérer et de solliciter, serait supprimé si vraiment, par le prix d’une juste humilité, nous méritons l’inestimable faveur de la grâce divine, commerce qui est le seul moyen pour que les hommes s’aperçoivent qu’ils peuvent s’entretenir avec Dieu et s’unir, en raison C’est-à-dire : à recevoir une punition ou une récompense. Inter homines deumque commercium : cf. (Gruber, 1978, p. 392), Paulin de Nole (c. 350-431), Poèmes, II, 55-56 : « Aeterna iungens homines inter et Deum, / In utrumque se commercia = (au sujet du Christ et de sa médiation) nouant entre les hommes et Dieu d’éternelles relations, identiques en chacun ». 49 50
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même de la supplication, à son inaccessible lumière51, avant même de l’obtenir aussi. 35. Quae si, recepta futurorum necessitate, nihil uirium habere credantur, quid erit quo summo illi rerum principi conecti atque adhaerere possimus? 35. Si à cause de la nécessité admise des choses à venir, on ne croit rien posséder de leurs forces52, par quoi pourrons-nous être reliés à ce Principe souverain des choses et nous imprégner de Lui ? 36. Quare necesse erit humanum genus, uti paulo ante cantabas, dissaeptum atque disiunctum suo fonte fatiscere. 36. C’est pourquoi, il sera nécessaire que le genre humain, comme tu le chantais un peu avant53, détaché et repoussé loin de sa source, succombe. Metrum III – Mètre III Bo. – 1. Quaenam discors foedera rerum causa resoluit? Quis tanta deus ueris statuit bella duobus ut, quae carptim singula constent, 5. eadem nolint mixta iugari? Quelle cause en conflit dissout le pacte Du monde54 ? Entre deux vérités, quel dieu Établit toutes ces guerres, au point Que, si chacune existe isolément, Elles ne veulent pas, mêlées, s’unir ? An nulla est discordia ueris semperque sibi certa cohaerent, sed mens caecis obruta membris nequit oppressi luminis igne 51 Inaccessae luci : cf. (Idem, ibid.) Idem, ibid., XXXIII, 188-189 : « Lucis inaccessae domus et sedesque potentis sancta dei = Demeure de la lumière inaccessible et siège saint du Dieu tout-puissant ». Par ailleurs, l’ensemble de ce paragraphe baigne dans une atmosphère orante – voir Mohrmann (1976) et Chadwick (1981, p. 238), ainsi que notre Introduction, V. 10. A. 6. 52 Celles de l’espérance et de la prière. 53 Voir supra, IV, 6, 42-43. 54 Cf. I, V, 43.
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10. rerum tenues noscere nexus? Y a-t-il dans le vrai nulle discorde Et toujours un accord sur le certain ? Mais l’esprit, chargé par un corps aveugle55, Ne peut, éteint le feu de sa lumière, Connaître les liens subtils des choses ? Sed cur tanto flagrat amore ueri tectas reperire notas? Scitne quod appetit anxia nosse? Sed quis nota scire laborat? 15. At, si nescit, quid caeca petit ? Mais pourquoi brûle-t-il d’un tel amour Pour trouver les signes cachés du vrai56 ? Sait-il qu’il connaît ce qu’anxieux il cherche57 ? Mais qui peine à savoir58 ce qu’il connaît ? Mais s’il ne sait, que cherche-t-il, aveugle ? Quis enim quicquam nescius optet? Aut quis ualeat nescita sequi quoue inueniat? Quis reppertam queat ignarus noscere formam? 20. An, cum mentem cerneret altam, pariter summam et singula norat? Car qui souhaiterait ce qu’il ignore ? Ou qui pourrait suivre ce qu’il ignore ? Où le trouverait-il ? Sans la connaître, Qui reconnaîtrait la forme trouvée ? En percevant la Haute Intelligence59 Connaissait-il l’ensemble et les parties ?
À rapprocher du v. 22. Prudence avait déjà chanté l’amour de la vérité (Péristéphanon, X, 388, cité par Gruber, 2006, p. 384) : « nil est amore ueritatis celsius = rien n’est au-dessus de l’amour de la vérité ». 57 Nouvelle allusion à la doctrine platonicienne de la réminiscence – voir Platon, Ménon, 80e-81e. 58 L’expression est une clausule d’Horace (Épîtres I, 3, 2 cité par Gruber, 2006, p. 384) : « scire laboro = je peine à le savoir ». Pour la place d’Horace dans la Consolation, voir Stoehr-Monjou (2012). 59 Il s’agit bien sûr de Dieu. 55 56
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Nunc membrorum condita nube non in totum est oblita sui summamque tenet singula perdens. 25. Igitur quisquis uera requirit neutro est habitu; nam neque nouit nec penitus tamen omnia nescit, Aujourd’hui la nuée du corps le cache : Il ne s’est pas tout à fait oublié60, Il tient l’ensemble en perdant les parties. Par conséquent, qui recherche le vrai Est entre les deux, car il ne sait pas, Mais n’ignore pas complètement tout : sed quam retinens meminit summam consulit alte uisa retractans, 30. ut seruatis queat oblitas addere partes. L’ensemble qu’il retient par souvenir, Il y pense à partir des vues d’en haut Pour pouvoir ajouter aux conservées Les parts oubliées. Prosa 4 1. Tum illa: uetus, inquit, haec est de prouidentia querela Marcoque61 Tullio, cum diuinationem distribuit, uehementer agitata tibique ipsi res diu prorsus multumque quaesita, sed haudquaquam ab ullo uestrum hactenus satis diligenter ac firmiter expedita. Prose 4 1. Ph. – C’est une vieille querelle touchant la providence, débattue aussi avec force par Marcus Tullius quand il a catégorisé la divination62 ; le point mis en question a été vivement agité, longtemps, amplement et souvent, par toi-même aussi, mais jusqu’à présent il n’a été en aucune manière défriché avec assez de soin et de rigueur par aucun de vous63. Gruber (2006, p. 385) met en parallèle Plotin, Ennéades, 6 (IV, 8), 8, 2 sqq. Souvent noté dans les mss : M.que. 62 En vérité, Cicéron (De la divination, II, 8-10), soucieux de réfuter les Stoïciens, ne parvient pas à concilier la divination, qu’il qualifie d’« inutile », et le destin. Ce qu’Augustin, comme nous l’avons signalé (voir supra, la note afférente à V, 3, 4) lui reprochera dans sa Cité de Dieu (V, IX-X), en l’assimilant à l’insensé du Psaume (Ps 13, 1), qui a dit en son cœur qu’il n’y a point de Dieu. 63 C’est-à-dire : de vous, mes disciples. 60 61
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2. Cuius caliginis causa est quod humanae ratiocinationis motus ad diuinae praescientiae simplicitatem non potest admoueri; quae si ullo modo cogitari queat, nihil prorsus relinquetur ambigui. 2. La cause de cette obscurité est le fait que la démarche du raisonnement humain ne peut s’approcher de la simplicité de la prescience divine, laquelle, si on était en mesure de la penser d’une quelconque façon, ne laisserait absolument rien d’ambigu. 3. Quod ita demum patefacere atque expedire temptabo, si prius ea quibus moueris expendero. 3. C’est précisément ce que je vais tenter de découvrir et d’expliquer, si je parviens à apprécier au préalable par quoi tu es troublé. 4. Quaero enim cur illam soluentium rationem minus efficacem putes, quae quia praescientiam non esse futuris rebus causam necessitatis existimat, nihil impediri praescientia arbitrii libertatem putat. 4. Je cherche, en effet, à savoir pourquoi tu penses peu efficient le raisonnement de ceux64 qui résolvent ce problème, raisonnement qui, parce qu’il conduit à estimer que la prescience n’est pas la cause de la nécessité des choses à venir, amène à penser que la prescience n’empêche en rien la liberté d’arbitre. 5. Num enim tu aliunde argumentum futurorum necessitatis trahis, nisi quod ea quae praesciuntur non euenire non possunt? 5. En effet, est-ce que toi tu tires argument de la nécessité des choses à venir d’ailleurs que du fait que celles qui sont préconnues ne peuvent pas ne pas se réaliser65 ? 6. Si igitur praenotio nullam futuris rebus adicit necessitatem, quod tu etiam paulo ante fatebare, quid est quod uoluntarii exitus rerum ad certum cogantur euentum? 6. Par conséquent, si la préconception n’ajoute aucune nécessité aux choses à venir – ce que toi aussi tu accordais un peu avant66 –, quelle raison y a-t-il pour que l’issue des actes volontaires soit tenue à une réalisation certaine ? 64 Philosophie va tenter de défendre la conception des penseurs que Boèce a récusés il y a peu (voir supra, V, 3, 7). 65 Il est surprenant que cette interrogation de Philosophie et la suivante ne reçoivent directement aucune réponse de la part de Boèce. 66 Voir supra, V, 3, 9.
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7. Etenim positionis gratia, ut quid consequatur aduertas, statuamus nullam esse praescientiam. 7. Et en effet, posons, pour les besoins de l’exposition, afin que tu prêtes attention à ce qui va en résulter, qu’il n’existe aucune prescience. 8. Num igitur, quantum ad hoc attinet, quae ex arbitrio ueniunt ad necessitatem cogantur? – Minime. 8. Est-ce qu’alors, en considération de ce qui nous retient, les choses qui proviennent de l’arbitre seraient tenues à la nécessité ? Bo. – Pas le moins du monde. 9. – Statuamus iterum esse, sed nihil rebus necessitatis iniungere; manebit, ut opinor, eadem uoluntatis integra atque absoluta libertas. 9. Ph. –Posons à nouveau qu’elle67 existe, mais n’impose aux choses rien de nécessaire : la même liberté de la volonté se maintiendra, comme je le crois, entière et absolue. 10. Sed praescientia, inquies, tametsi futuris eueniendi necessitas non est, signum tamen est necessario ea esse uentura. 10. Mais la prescience, diras-tu, même si elle ne représente pas, pour les choses à venir, la nécessité de se réaliser, est cependant le signe qu’elles se réaliseront nécessairement68. 11. Hoc igitur modo, etiam si praecognitio non fuisset, necessarios futurorum exitus esse constaret; omne etenim signum tantum quid sit ostendit, non uero efficit quod designat. 11. Par conséquent, de cette façon, même s’il n’y avait pas eu de préconnaissance69, l’issue des choses à venir les établirait comme étant nécessaires ; et en effet, tout signe montre seulement ce qui est, et n’accomplit pas ce qu’il désigne. À savoir : la prescience. Ce raisonnement énigmatique de Philosophie, dont les deux parties se neutralisent mutuellement (que Dieu connaisse à l’avance les choses à venir, d’un côté n’implique pas qu’elles se produiront par nécessité, de l’autre est le signe qu’elles se réaliseront nécessairement), ne prendra sens que dans ce qui sera ajouté aux § 11 et 12 : pour qu’il y ait prescience par Dieu de la nécessité des choses à venir, il faut au préalable qu’ait été démontré que rien ne se produit sinon par nécessité. Autrement dit, si Dieu préconnaît les choses à venir, c’est parce qu’elles ne peuvent exister que nécessairement. 69 La variatio sermonis recherchée par Boèce nous impose de distinguer, dans notre traduction : prouidentia = « providence », prescientia = « prescience », praecognitio = « préconnaissance », praenotio = « préconception » et praedestinatio = « prédestination ». 67 68
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12. Quare demonstrandum prius est nihil non est ex necessitate contingere, ut praenotionem signum esse huius necessitatis appareat; alioquin si haec nulla est, ne illa quidem eius rei signum poterit esse quae non est. 12. C’est pourquoi, il faut démontrer d’abord qu’il n’est rien qui n’arrive pas par nécessité, afin que la préconception apparaisse comme étant le signe de cette nécessité ; sans quoi, s’il n’y a aucune nécessité, la préconception ne pourra assurément pas être le signe d’une chose qui n’existe pas. 13. Iam uero probationem firma ratione subnixam constat non ex signis neque petitis extrinsecus argumentis sed ex conuenientibus necessariisque causis esse ducendam. 13. Et maintenant j’ajoute qu’une preuve, sous-tendue par un raisonnement ferme, s’établit non pas sur des signes ni des arguments tirés de quelque chose d’extrinsèque, mais doit être conduite par des raisons adaptées et nécessaires70. 14. Sed qui fieri potest ut ea non proueniant quae futura esse prouidentur? Quasi uero nos ea quae prouidentia futura esse praenoscit non esse euentura credamus ac non illud potius arbitremur, licet eueniant, nihil tamen ut euenirent sui natura necessitatis habuisse. 14. Mais comment peut-il se faire que des choses à venir qui sont envisagées comme allant arriver n’aient pas lieu ? Comme si, en fait, nous croyions que celles que la providence préconnaît comme étant à venir ne se réalisaient pas, et que nous n’étions pas plutôt d’avis de ceci : en dépit du fait qu’elles se réalisent, elles n’ont eu cependant, par leur nature propre, rien de nécessaire pour se réaliser. 15. Quod hinc facile perpendas licebit: plura etenim dum fiunt subiecta oculis intuemur, ut ea quae in quadrigis moderandis atque flectendis facere spectantur aurigae, atque ad hunc modum cetera. 15. Ce qu’il va t’être permis d’apprécier facilement. Et en effet, quand nous observons plusieurs faits se dérouler sous nos yeux, comme ceux où l’on voit intervenir des auriges, qui maîtrisent et dirigent des quadriges71, et d’autres attractions de ce genre. 70 Philosophie place une fois de plus (cf. supra, IV, 4, 10-11 et V, 3, 21) son propos sous le signe de l’exigence dialectique. 71 Entendons : des conducteurs de chars (« auriges »), qui maîtrisent et dirigent des chars à quatre chevaux (« quadriges »).
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16. Num igitur quicquam illorum ita fieri necessitas ulla compellit? – Minime; frustra enim esset artis effectus si omnia coacta mouerentur. 16. Est-il donc quelque nécessité qui oblige certaines d’entre elles à se dérouler ainsi ? Bo. – Pas le moins du monde ; effectivement, vain serait l’effet de l’art si tout était mû par des faits contraints72. 17. Quae igitur cum fiunt carent exsistendi necessitate, eadem prius quam fiant sine necessitate futura sunt. 17. Ph. – Par conséquent, les choses qui, lorsqu’elles se produisent, manquent de la nécessité d’exister73, avant qu’elles-mêmes ne se produisent elles sont à venir sans nécessité. 18. Quare sunt quaedam euentura, quorum exitus ab omni necessitate sit absolutus. 18. C’est pourquoi, il y a certaines choses destinées à se réaliser dont l’issue est déliée de toute nécessité. 19. Nam illud quidem nullum arbitror esse dicturum, quod, quae nunc fiunt prius quam fierint euentura non fuerint. Haec igitur etiam praecognita liberos habent euentus. 19. Car, je le pense assurément, nul n’ira dire que les choses qui se produisent maintenant n’étaient pas, avant de se produire, celles qui devaient se réaliser. Ces choses, par conséquent, même préconnues, ont une réalisation libre74. 20. Nam sicut scientia praesentium rerum nihil his quae fiunt, ita praescientia futurorum nihil his quae uentura sunt necessitatis importat. 72 Nous n’avons pas repéré d’antécédent à cette théorie de l’imprévu comme moteur de la création artistique. L’idée serait peut-être à rattacher à l’étonnement comme suscitant l’acte philosophique, que l’on trouve, en particulier, chez Platon (Théétète, 155d) et chez Aristote (Métaphysique, 982a). 73 On est surpris par cet énoncé et sa conséquence (V, 4, 18) sachant qu’un peu avant (supra, V, 4, 12) Boèce posait ce principe à démontrer : « il n’est rien qui n’arrive pas par nécessité », activé au § 19. Pour lever l’apparente contradiction, il convient d’anticiper sur la distinction à venir entre deux sortes de nécessité (V, 6 26 sqq.). 74 Par ce seul énoncé, Boèce accède au cœur de la question : il y a de la liberté dans la réalisation de choses qui, avant de se produire, devaient se réaliser. C’est autour de cette persistance de la liberté dans ce qui a été prédéterminé et se réalise selon cette prédétermination que se joue le débat entre Boèce, qui ne voit pas comment concevoir cette coexistence, et Philosophie qui va le lui montrer.
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20. Car de même que la science des choses présentes n’importe rien de la nécessité dans celles qui se produisent, de même la prescience des choses à venir n’en importe rien dans celles qui doivent se réaliser. 21. Sed hoc, inquis, ipsum dubitatur, an earum rerum quae necessarios exitus non habent ulla possit esse praenotio. 21. Mais c’est cela même, dis-tu, qui fait douter, de savoir s’il peut y avoir une préconception de ces choses qui ne possèdent pas d’issues nécessaires75. 22. Dissonare etenim uidentur, putasque, si praeuideantur, consequi necessitatem, si necessitas desit, minime praesciri, nihilque scientia comprehendi posse nisi certum. 22. Et en effet, elles semblent être dissonantes : tu penses que si des choses sont prévues, la nécessité s’ensuit, et si la nécessité fait défaut elles ne sont pas du tout présues76, or la science ne peut rien comprendre qui ne soit certain. 23. Quodsi, quae incerti sunt exitus, ea quasi certa prouidentur, opinionis id esse caliginem, non scientiae ueritatem; aliter enim ac sese res habeat arbitrari ab integritate scientiae credis esse diuersum. 23. Que si les choses dont l’issue est incertaine sont prévues comme certaines, il y a en cela une obscurité d’opinion, non une vérité de science ; tu crois, en effet, qu’envisager qu’une chose soit autrement qu’elle ne se présente est à l’opposé de la rigueur de la science. 24. Cuius erroris causa quod omnia quae quisque nouit ex ipsorum tantum ui atque natura cognosci aestimat quae sciuntur. 24. La cause de cette erreur réside dans l’idée que toutes les choses dont chacun estime avoir une connaissance, sont connues uniquement à partir de leur ressource même et de la nature des choses qui sont sues77.
75 Necessarios exitus : ce pluriel, que nous avons respecté et que la plupart des traducteurs transforment en singulier, n’est toutefois pas cohérent avec le singulier du § 18, dont l’énoncé est ici repris, et avec celui du § 23. 76 Praescire ici, praeuidere au-dessus : notons une fois de plus la variatio sermonis, qui ne va toutefois pas jusqu’à la paronomase que suggère le français. 77 Autrement dit, le sujet connaissant n’intervient en rien dans l’acte de connaissance, qui dépend entièrement des ressources de l’objet connu.
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25. Quod totum contra est; omne enim quod cognoscitur non secundum sui uim, sed secundum cognoscentium potius comprehenditur facultatem. 25. Ce qui est tout le contraire ; en effet, tout ce qui est connu ne l’est pas selon sa propre ressource, mais il est plutôt compris selon la capacité de celui qui cherche à connaître78. 26. Nam ut hoc breui liqueat exemplo, eandem corporis rotunditatem aliter uisus aliter tractus agnoscit; ille eminus manens totum simul iactis radiis intuetur, hic uero cohaerens orbi atque coniunctus circa ipsum motus ambitum rotunditatem partibus comprehendit. 26. Car, pour éclairer cela d’un bref exemple, la même rotondité d’un corps est perçue autrement par la vue, autrement par le toucher ; celle-là, en demeurant à distance, perçoit tout ensemble grâce aux rayons émis79, tandis que celui-ci, en s’attachant à l’orbe, et aidé par un mouvement lui-même circulaire tout autour de l’orbe, comprend la rotondité par degrés80. 27. Ipsum quoque hominem aliter sensus, aliter imaginatio, aliter ratio, aliter intelligentia contuetur. 27. On observe aussi l’homme lui-même autrement par la sensation, autrement par l’imagination, autrement par la raison, autrement par l’intelligence81. Le principe sera reformulé deux fois, en infra, V, 4, 38 et V, 6, 1. Il instaure que le sujet connaissant n’est pas soumis à l’objet connu, car c’est tout à l’inverse le sujet connaissant qui soumet l’objet connu à ses différents modes d’appréhension – voir aussi infra, § 32 et la note y afférente. 79 L’énoncé de cet autre principe, qui ne précise pas à ce moment du texte ce qui émet un rayon lumineux, l’objet (Démocrite) ou l’œil (Pythagore), ne permet pas de trancher quant à savoir laquelle des deux théories de la vision en vigueur depuis l’Antiquité adopte Boèce (voir Simon, 2004). Néanmoins, le mètre IV, infra, montrera qu’il s’agit en vérité de la première. 80 Celui qui identifie un cercle par le toucher y parvient en suivant, arc de cercle après arc de cercle, la rotondité, à la différence de celui l’identifiant par la vue, qui l’appréhende globalement. Reste que si l’on saisit avec une seule main un très petit cercle, l’appréhension sera tout aussi globale. 81 Relevons, en l’occurrence, que Boèce prend soin de distinguer ratio d’intelligentia, que trop de traducteurs ont tendance à confondre. Pour ce qui est de la source possible, on pense aux quatre facultés de l’âme chez Aristote (De l’âme, 427c-428a) : αἰσθήσις (« sensation »), φαντασία (« imagination »), διάνοια (« raison »), νοῦς (« intelligence »), de préférence aux quatre opérations de l’âme chez Platon (La République, 511d-e, énumérées dans cet ordre) : νόησις (« intelligence »), διάνοια (« connaissance discursive », « raison »), πίστις (« foi »), εἰκασία (« imagination »). 78
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28. Sensus enim figuram in subiecta materia constitutam, imaginatio uero solam sine materia iudicat figuram. 28. La sensation, en effet, juge la figure82 constituée dans la matière sous-jacente, et l’imagination la figure seule, sans la matière. 29. Ratio uero hanc quoque transcendit speciemque ipsam quae singularibus inest, universali consideratione perpendit. 29. Et la raison dépasse aussi ce stade, et apprécie, eu égard à l’universel83, l’espèce elle-même qui réside dans les singuliers84. 30. Intellegentiae uero celsior oculus exsistit; supergressa namque universitatis ambitum, ipsam illam simplicem formam pura mentis acie contuetur. 30. Au vrai, l’œil de l’intelligence se tient plus haut ; et de fait, dépassant l’universalité, il aperçoit, par le pur regard de la pensée, la forme simple elle-même85. 31. In quo illud maxime considerandum est: nam superior comprehendendi uis amplectitur inferiorem, inferior uero ad superiorem nullo modo consurgit. 31. Voilà un point qui doit être considéré attentivement, car la capacité de compréhension supérieure englobe l’inférieure, tandis que l’inférieure ne s’élève en aucune manière jusqu’à la supérieure. 32. Neque enim sensus aliquid extra materiam ualet uel uniuersales species imaginatio contuetur uel ratio capit simplicem formam; sed intellegentia quasi desuper spectans concepta forma quae subsunt etiam cuncta diiudicat, sed eo modo quo formam ipsam, quae nulli alii nota esse poterat, comprehendit. 82 Première occurrence de la figura dans la Consolation, qui doit apparemment être distinguée de la forma. Mais en quoi ? La « forme » y a soit le sens abstrait de « contours, ligne générale » (III, 2, 9), soit celui concret d’« apparence » (III, 8, 9), soit celui philosophique de ce qui confère l’unité substantielle à un être (infra, § 30 et 32). Quelle place reste-t-il alors pour la « figure » ? 83 Universali consideratione : c’est-à-dire, selon O’Donnel (1979, ad loc.) : par une comparaison avec les formes idéelles de Platon. Mais nous verrons, à l’occasion du § 32 (universales species) et en fonction de ce que nous avons dit à la n. 81, supra, que la source serait plutôt Aristote. 84 Cf. Aristote, Catégories, 3a38-39 : « L’espèce s’applique à l’individu ». 85 Plus loin (infra, V, 5, 4), Boèce rapportera l’intelligence à la seule divinité, qui a elle-même été dite aussi posséder une raison (supra, IV, 6, 9).
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32. La sensation, en effet, ne peut pas quelque chose en dehors de la matière, l’imagination n’observe pas les espèces universelles, la raison ne saisit pas la forme simple, mais l’intelligence, comme inspectant d’enhaut, une fois la forme conçue, discerne également tout ce qui s’y trouve soumis, mais de telle façon qu’elle saisit la forme elle-même, laquelle ne pouvait être appréhendée de nulle autre façon86. 33. Nam et rationis uniuersum et imaginationis figuram et materiale sensibile cognoscit nec ratione utens nec imaginatione nec sensibus, sed illo uno ictu mentis formaliter, ut ita dicam, cuncta prospiciens. 33. Car elle connaît à la fois l’universel de la raison, la figure de l’imagination et le matériel sensible en n’utilisant ni la raison, ni l’imagination, ni les sens, mais en discernant tout selon la forme, par la seule pulsation de son esprit, si je puis dire87. 34. Ratio quoque, cum quid universale respicit, nec imaginatione nec sensibus utens imaginabilia uel sensibilia comprehendit. 34. La raison, à son tour, lorsqu’elle envisage ce qui est universel, saisit les choses imaginables ou les sensibles, en n’utilisant ni l’imagination ni les sens. 35. Haec est enim quae conceptionis suae universale ita definit: homo est animal bipes rationale.
86 Cette hiérarchie des modes de connaissance se nourrit vraisemblablement de la version II du Commentaire de Boèce sur le De l’interprétation d’Aristote (= Meiser, 1880, p. 27-28), passage où Boèce dit commenter un fragment du Περί δικαιοσύνης (De la justice, le cinquième livre de l’Éthique à Nicomaque), en partie perdu (voir Jackson, 1879), du même Aristote (voir Rose, 1886, fr. 87, p. 89). 87 Uno ictu mentis : l’expression a déjà été utilisée, au sujet du Créateur, en V, II, 12, mais ici, peut-être en traison de ce réemploi, Boèce l’accompagne, rapportée à l’intelligence, d’une réserve. En V, II, 12, la traduction en est : « en un coup de son esprit ». Nous ne reprendrons pas ce choix (« coup ») – qui conviendra cependant un peu plus loin (voir V, 6, 40), parce qu’il n’y aura point de complément de nom –, sachant que l’on recense deux autres emplois d’ictus dans la Consolation où le terme, appliqué à Fortune, l’est en mauvaise part (comme c’est souvent le cas en français) : II, 2, 12 (sous le « coup aveugle » de Fortune) et III, 1, 2 (devant les « coups » de Fortune), connotation dépréciative et intention hostile qui se rencontrent également chez Ovide et Lucain, les deux sources possibles citées en note). Nous avons alors préféré opter, en l’occurrence uniquement, pour « pulsation ». À titre comparatif, voici la traduction anglaise de V, II, 12 : « In one swift mental stab he sees = En un prompt coup de poignard mental il voit » (= Tester, 1973, p. 393 exit.).
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35. C’est elle, en effet, qui définit ainsi l’universel tel qu’elle le conçoit88 : « l’homme est un animal bipède rationnel »89. 36. Quae cum uniuersalis notio sit, tum imaginabilem sensibilemque esse rem nullus ignorat, quod illa non imaginatione90 uel sensu sed in rationali conceptione considerat. 36. Bien qu’il s’agisse d’une notion universelle, nul n’ignore que c’est en même temps une chose imaginable et sensible qu’elle91 ne considère point par l’imagination ou par la sensation, mais en fonction d’une conception rationnelle. 37. Imaginatio quoque, tametsi ex sensibus uisendi formandique figuras sumpsit exordium, sensu tamen absente sensibilia quaeque collustrat, non sensibili sed imaginaria ratione iudicandi. 37. L’imagination, à son tour, même si au départ elle tire des sens de quoi voir et former les figures92, cependant, délaissant la sensation, elle passe en revue chacun des sensibles, en jugeant par un raisonnement non pas fondé sur le sensible mais sur ce qui relève de l’imagination. 38. Videsne igitur ut in cognoscendo cuncta sua potius facultate quam eorum quae cognoscuntur utantur? 38. Ne vois-tu pas alors que, dans la connaissance, tous usent de leurs propres capacités plutôt que de celles93 des choses qui sont connues ? 39. Neque id iniuria; nam cum omne iudicium iudicantis actus exsistat, necesse est ut suam quisque operam non ex aliena sed ex propria potestate perficiat.
Plus littéralement : l’universel de sa conception. Cf. supra, I, 6, 15 et la note y afférente. 90 In imaginatione Moreschini (p. 150) et Alii. Sachant qu’au § 34 on trouve imaginatione sans in, nous avons écarté la préposition en l’occurrence aussi, le nombre des mss qui la retiennent étant par ailleurs équivalent à celui des mss qui la suppriment. 91 C’est-à-dire : la raison. 92 Rappelons que l’imagination est la faculté mentale à laquelle est attachée la « figure » corporelle immatérielle (figura sine materia) (voir supra, § 28 et 33, et infra, V, 5, 7). Cf. aussi infra, V, 5, 3, et la note y afférente. 93 Il faut entendre : plutôt que des capacités des choses à se faire connaître – voir supra, § 25. 88 89
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39. Et ce n’est pas à tort ; car dès lors que tout jugement existe par l’action de celui qui juge94, il est nécessaire que chacun accomplisse sa tâche à partir d’un pouvoir non point extérieur mais propre. Metrum IV – Mètre IV Ph. – 1. Quondam Porticus attulit obscuros nimium senes, qui sensus et imagines e corporibus extimis 5. credant mentibus imprimi, Jadis le Portique engendra De trop obscurs vieux philosophes95 Qui croyaient que les sensations Et les images s’imprimaient Du dehors des corps dans l’esprit, ut quondam celeri stilo mos est aequore paginae, quae nullas habeat notas, pressas figere litteras. Comme il est parfois de coutume, Sur la surface d’une page Sans signe, avec un vif stylet96, De graver, d’imprimer des lettres97. 10. Sed mens si propriis uigens nihil motibus explicat, sed tantum patiens iacet notis subdita corporum cassasque in speculi uicem 94 Il importe de prolonger le principe pour être tout à fait clair : et non par celle de ce qui est jugé. 95 Expression ironique analogue chez Cicéron (De la divination, II, 133 – cité par Gruber, 2006, p. 391) : « ille uero nimis etiam obscurus Euphorion = ce bien trop obscur Euphorion ». 96 Sur cette image, voir Platon, Théètète, 191c sqq. et ailleurs (Gruber, 2006, p. 391). 97 Polémique (noter l’ironie du v. 2 !) contre la doctrine stoïcienne (le Portique) de la connaissance exposée par Plutarque (De l’exil). Refusant de croire à une connaissance acquise par l’âme avant sa descente dans le corps, les Stoïciens s’opposaient à la doctrine platonicienne de la réminiscence. Pour eux, la connaissance viendrait des sensations qui s’imprimeraient dans l’âme comme sur une tabula rasa ou comme sur un miroir (v. 14 ; cf. Platon, Le Sophiste, 239d).
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15. rerum reddit imagines, unde haec sic animis uiget cernens omnia notio? Mais si, fort de ses mouvements, L’esprit ne peut rien déployer, Mais seulement, gisant passif, Subit les empreintes des corps Et reflète comme un miroir Les images vides des choses, D’où vient, si vigoureux dans l’âme, Ce savoir qui discerne tout ? Quae uis singula perspicit aut quae cognita diuidit? 20. Quae diuisa recolligit alternumque legens iter nunc summis caput inserit, nunc decedit in infima, tum sese referens sibi 25. ueris falsa redarguit? Quelle force sent chaque chose, Ou bien divise le connu, Ou bien, divisé, le rassemble Et, par un chemin alterné, Soit place la tête98 au sommet, Soit descend jusqu’aux profondeurs, Puis se ramène à elle-même Et confond le faux par le vrai ? Haec est efficiens magis longe causa potentior quam quae materiae modo impressas patitur notas. C’est la cause plus efficiente, De loin plus puissante que celle Qui subit seulement les marques Que la matière imprime en lui. 98 Sur l’expression inserere caput, Gruber (2006, p. 392) cite Sénèque (Agamemnon, 92) et le Pseudo-Sénèque (Hercule sur l’Œta, 493), mais dans de tout autres contextes.
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30. Praecedit tamen excitans ac uires animi mouens uiuo in corpore passio, cum uel lux oculos ferit uel uox auribus instrepit. Précède pourtant, dans un corps Vivant, la passion qui excite Et qui meut les forces de l’âme99, Quand la lumière frappe l’œil100 Ou que la voix sonne à l’oreille. 35. Tum mentis uigor excitus quas intus species tenet ad motus similes uocans notis applicat exteris introrsumque reconditis 40. formis miscet imagines. Lors, l’ardeur de l’esprit101 s’éveille, Appelle à se mouvoir ainsi Les images qu’il a en lui, Les applique aux signes externes Et à ces figures mélange Les formes qu’il cache en dedans102. Prosa 5 1. Ph. – Quodsi in corporibus sentiendis, quamuis afficiant instrumenta sensuum forinsecus obiectae qualitates animique agentis uigorem passio corporis antecedat, quae in se actum mentis prouocet excitetque interim quiescentes intrinsecus formas, si in sentiendis, inquam, corporibus animus non passione insignitur, sed ex sua ui subiectam corpori iudicat passionem, quanto magis ea quae cunctis corporum affectionibus absoluta sunt in discernendo non obiecta extrinsecus sequuntur, sed actum suae mentis expediunt!
99 Après Scheible (1972, p. 168), Gruber (2006, p. 392) rapproche ce passage de Plotin, Ennéades, 41 (IV, 6), 2. 100 Même expression en I, III, 10. 101 L’expression mentis uigor se lit par exemple chez Apulée, Platon et sa doctrine, II, 21 (Gruber, 2006, p. 392). 102 Avec Gruber (2006, p. 393), on peut rapprocher ce passage de III, XI, 11.
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Prose 5 1. Que si dans les corps ressentants – encore que les qualités offertes du dehors affectent les organes des sens103, et que l’impression du corps précède la vigueur de l’esprit agissant, qui appelle sur elle104 l’action de la pensée et éveille en même temps les formes sommeillant au-dedans –, si, dis-je, dans les corps ressentants l’esprit n’est pas informé par l’impression, mais juge, par sa capacité propre, l’impression soumise au corps, combien plus ce qui est soulagé de toutes les affections des corps ne suit-il pas, dans son discernement, ce qui est situé au-dehors, mais en affranchit-il l’action de sa pensée ! 2. Hac itaque ratione multiplices cognitiones diuersis ac differentibus cessere substantiis. 2. Et ainsi, c’est pour cette raison que des modes de connaissance multiples ont échu à des substances distinctes et même différentes105. 3. Sensus enim solus cunctis aliis, cognitionibus destitutus immobilibus animantibus cessit, quales sunt conchae maris quaeque alia saxis haerentia nutriuntur; imaginatio uero mobilibus beluis, quibus iam inesse fugiendi appetendiue aliquis uidetur affectus. 3. La sensation seule, en effet, privée de tous les autres modes de connaissance, a échu aux animaux immobiles, tels que le sont les coquillages de mer106 et tous les autres animaux qui se nourrissent accrochés à des rochers107. L’imagination, de son côté, relève des bêtes mobiles, chez lesquelles semble déjà résider quelque disposition à répugner ou à désirer108.
103 Instrumenta sensuum : cf. (Gruber, 1978, p. 404) Tertullien (c. 155-c. 220), De la résurrection de la chair, VII, 11 : « omni instrumento sensuum fulta est = [l’âme] est étayée par tout organe des sens ». 104 À savoir : la sensation. 105 Comprenons : il y a autant de différence entre les moyens de connaissance qu’entre les catégories de sujets connaissants. Reste que sur le plan du contenu, nous ne saurions dire ce que l’on gagne à passer de diuersus à differens. 106 Par exemple : les arapèdes, les moules et les huîtres. 107 Il serait question des mollusques d’eau douce, présents dans les lacs et les étangs. 108 Nous n’avons pas identifié de précédent à cette caractérisation de l’imagination. Le De l’âme d’Aristote étant connu, en partie au moins comme cela fut indiqué, de première main par Boèce, l’une des définitions qu’y donne le Stagirite (429a1-7) pourrait fournir un premier indice : l’imagination est le mouvement qui se produit sous l’effet de l’activité de la sensation, que l’on trouve notamment chez les animaux (ζῷον), auxquels il manque l’intelligence (νοῦς).
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4. Ratio uero humani tantum generis est, sicut intellegentia sola diuini: quo fit ut ea notitia ceteris praestet, quae suapte natura non modo proprium sed ceterarum quoque notitiarum subiecta cognoscit. 4. La raison, quant à elle, relève seulement du genre humain, comme l’intelligence relève du seul genre divin109 ; d’où il résulte que ce mode d’appréhension l’emporte sur les autres, laquelle raison, par sa nature même, connaît non seulement ce qui lui est propre, mais aussi les sujets de tous les autres modes d’appréhension. 5. Quid igitur, si ratiocinationi sensus imaginatioque refragentur, nihil esse illud uniuersale dicentes quod sese intueri ratio putet? 5. Quoi alors si la sensation et l’imagination s’opposaient à la ratiocination110 en disant que ce que la raison croit se représenter n’est en rien universel ? 6. Quod enim sensibile uel imaginabile est, id uniuersum esse non posse; aut igitur rationis uerum esse iudicium nec quicquam esse sensibile aut, quoniam sibi notum sit plura sensibus et imaginationi esse subiecta, inanem conceptionem esse rationis, quae quod sensibile sit ac singulare quasi quiddam uniuersale consideret. 6. En effet, ce qui est sensible et imaginable ne peut être universel ; par conséquent, ou bien le jugement de la raison est vrai et il n’y a rien qui soit sensible, ou bien, puisqu’il est connu que plusieurs de ses domaines relèvent des sens et de l’imagination, le mode de conception de la raison est vain, elle qui considère ce qui est sensible et singulier pour ainsi dire comme un certain universel111. 7. Ad haec si ratio contra respondeat, se quidem et quod sensibile et quod imaginabile sit in uniuersitatis ratione conspicere, illa uero ad uniuersitatis cognitionem aspirare non posse, quoniam eorum notio corporales figuras non posset excedere, de rerum uero cognitione firmiori potius perfectiorique iudicio esse credendum, in huius modi igitur lite 109 En supra, V, 4, 27 et 30-33, l’homme a pourtant été dit posséder et user d’une intelligentia, et en IV, 6, 9 il a été question de la ratio divina. 110 Rappelons que la « ratiocination » est l’activité de la raison usant de raisonnements. Mais que gagne Boèce à ne pas employer ratio ? 111 D’après Mirandol (1861, p. 393), en pointant ce divorce entre sensible et raison Boèce dénoncerait la divergence qui avait existé entre Académiciens idéalistes (négation de la matière par concentration sur les Idées – Speusippe, Xénocrate, Polémon et Crantor) et Péripatéticiens sensualistes (annihilation de l’âme par focalisation sur la matière – Théophraste, Dicéarque, Héraclide, Strabon, Critolaüs et Diodore de Tyr).
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nos, quibus tam ratiocinandi quam imaginandi etiam sentiendique uis inest, nonne rationis potius causam probaremus? 7. En outre, si la raison, contre cela, répondait qu’elle aperçoit bien à la fois ce qui est sensible et ce qui est imaginable sous le rapport de l’universalité, mais qu’elle ne peut aspirer à la connaissance de l’universalité puisque leur représentation112 ne peut excéder les figures corporelles113, et que dans la connaissance des choses il faut faire confiance de préférence à un jugement plus sûr et plus achevé – dans une discussion de ce genre donc, nous, en qui réside la capacité autant de raisonner que d’imaginer et même de sentir, ne donnerions-nous pas plutôt caution à la cause de la raison ? 8. Simile est quod humana ratio diuinam intellegentiam futura nisi ut ipsa cognoscit non putat intueri. 8. Il en va de même quand la raison humaine intuitionne que l’intelligence divine ne pense pas les choses à venir autrement qu’elle-même114 les connaît. 9. Nam ita disseris: si qua certos ac necessarios habere non uideantur euentus, ea certo euentura praesciri nequeunt. 9. Car tu raisonnes ainsi115 : si des choses ne semblent pas avoir une réalisation certaine et nécessaire, elles ne sauraient être présues comme allant se réaliser avec certitude. 10. Harum igitur rerum nulla est praescientia; quam si etiam in his esse credamus, nihil erit quod non ex necessitate proueniat. 10. Par conséquent, il n’y a aucune prescience de ces choses ; et si nous croyons qu’elle existe même pour elles, il n’y aura rien qui ne provienne pas de la nécessité. 11. Si igitur, uti rationis participes sumus ita diuinae iudicium mentis habere possemus, sicut imaginationem sensumque rationi cedere oportere iudicauimus sic diuinae sese menti humanam summittere rationem iustissimum censeremus. Entendons : la représentation de ce qui est sensible et de ce qui est imaginable. Comprenons, dans le cas de l’imagination, qu’il s’agit des figures corporelles sans la matière (voir supra, V, 4 28). 114 À savoir : la raison humaine. 115 Cf. supra, V, 3, 19. 112 113
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11. Si donc nous pouvions posséder le jugement de l’esprit divin tout comme nous sommes participants de la raison, de même que nous avons jugé que l’imagination et la sensation devaient le céder à la raison, de même nous devrions considérer comme tout à fait juste que la raison humaine se soumette à l’esprit divin. 12. Quare in illius summae intellegentiae cacumen, si possumus, erigamur; illic enim ratio uidebit quod in se non potest intueri, id autem est, quonam modo etiam quae certos exitus non habent certa tamen uideat ac definita praenotio, neque id sit opinio, sed summae potius scientiae nullis terminis inclusa simplicitas. 12. C’est pourquoi, élevons-nous, si nous le pouvons, jusqu’au sommet de cette intelligence souveraine ; là, en effet, la raison verra ce qu’elle ne peut se représenter en elle-même, c’est-à-dire aussi de quelle façon même ce qui n’a pas d’issues certaines, la préconception le voit cependant comme certain et défini, et qu’il n’y a point là opinion mais plutôt simplicité intériorisée d’une science souveraine sans limites116. Metrum 5 – Mètre V Ph. – 1. Quam uariis terras animalia permeant figuris! Namque alia extento sunt corpore pulueremque uerrunt continuumque trahunt ui pectoris incitata sulcum; sunt quibus alarum leuitas uaga uerberetque uentos 5. et liquido longi spatia aetheris enatet uolatu; Quels aspects variés chez les animaux qui passent sur terre117 ! Certains ont le corps allongé et balaient la poussière ; Et ils tracent un sillon continu du fort élan de leur poitrine. Il en est qui frappent les vents118, vagabonds à l’aile légère Nageant d’un vol limpide à travers l’immensité de l’éther.
116 Telle se termine la première partie (V, 5, 5-12) de la solution développée par Boèce au problème de la connaissance divine des futurs contingents, qui va être complétée par une seconde partie dans la prose suivante (V, 6, 15-48) – voir notre Introduction, p. 77-78, ainsi que Galonnier (2003) et Marenbon (2012). 117 L’expression terras permeare avait été employée par Ovide à propos de la circulation de la correspondance : Pontiques, IV, 11, 16 – cité par Gruber (2006, p. 395). 118 L’expression uerberare uentos à propos du battement des ailes des oiseaux se lit dans la Vulgate : Sg 5, 11, cité par Gruber (2006, ibid.).
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haec pressisse solo uestigia gressibusque gaudent uel uirides campos119 transmittere uel subire siluas. Quae uariis uideas licet omnia discrepare formis, prona tamen facies hebetes ualet ingrauare sensus ; D’autres se plaisent à ficher leur trace dans le sol, à traverser À pieds la plaine verte ou à pénétrer les forêts. Bien qu’on les voie tous différer avec leurs formes variées, Pourtant leur face penchée peut alourdir, émousser leurs sens. 10. unica gens hominum celsum leuat altius cacumen atque leuis recto stat corpore despicitque terras. Haec, nisi terrenus male desipis, ammonet figura: Qui recto caelum uultu petis exserisque frontem, in sublime feras animum quoque, ne grauata pessum 15. inferior sidat mens corpore celsius leuato. Seule la race humaine élève vers le haut son chef altier, Et, légère, tient son corps droit en regardant de haut la terre120. À moins d’avoir, limon, perdu le sens, cette figure t’avertit : Toi qui, visage droit, cherches le ciel et redresses ton front, Vers le haut porte aussi ton âme afin que, sous ce poids, Ton esprit ne soit pas plus bas que le corps levé vers le haut. Prosa 6 1. – Quoniam igitur, uti paulo ante monstratum est, omne quod scitur non ex sua sed ex comprehendentium natura cognoscitur, intueamur nunc quantum fas est, quis sit diuinae substantiae status, ut quaenam etiam scientia eius sit possimus agnoscere. Prose 6 1. Ph. – Puis donc que, comme cela a été montré un peu avant121, tout ce qui est su n’est pas connu à partir de sa nature mais à partir de la 119 Virgile avait déjà employé l’expression transmittere campos à propos des cerfs (Énéide, IV, 154, cité par Gruber, 2006, ibid.). 120 Topos philosophique de la station droite (status rectus) de l’homme qui, à la différence des autres animaux tournés vers la terre (v. 2-9), peut regarder vers le haut, vers le ciel, ce qui a bien sûr un sens symbolique (v. 12-15). Cette idée s’est largement répandue dans la pensée antique à partir de Platon (Timée, 90e), Xénophon (Les mémorables, I, 4, 11) et Aristote (Des parties des animaux, 686a), chez les Latins, par exemple Cicéron (La nature des dieux, II, 140), Salluste (Catilina, I, 1) ou Ovide (Métamorphoses, I, 84-86), et, chez les Chrétiens, Minucius Félix (Octavius, 17, 2) et Lactance (Institutions divines, VII, 9, 11). Voir Pellegrino (1964) et, plus récemment, le livre issu de l’habilitation d’Anna Maranini passée sous la direction de Jean-Louis Charlet à l‘université d’Aix-Marseille, en 2005. 121 Voir supra, V, 4, 24.
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nature de ceux qui veulent comprendre, examinons maintenant, autant qu’il est permis, ce qu’est le statut de la substance divine, afin que nous puissions reconnaître également quelle est alors sa science122. 2. Deum igitur aeternum esse cunctorum ratione degentium commune iudicium est. 2. Que Dieu soit éternel est par conséquent le jugement commun à tous ceux vivant selon la raison. 3. Quid sit igitur aeternitas consideremus; haec enim nobis naturam pariter diuinam scientiamque patefacit. 3. Considérons donc ce qu’est l’éternité ; cela, en effet, nous découvrira d’un seul coup la nature et la science divines. 4. Aeternitas igitur est interminabilis uitae tota simul et perfecta possessio. Quod ex collatione temporalium clarius liquet. 4. L’éternité est alors la possession simultanément totale et parfaite de la vie interminable. Ce qui se manifeste plus clairement par comparaison avec les choses temporelles. 5. Nam quicquid uiuit in tempore, id praesens a praeteritis in futura procedit nihilque est in tempore constitutum quod totum uitae suae spatium pariter possit amplecti, sed crastinum quidem nondum apprehendit hesternum uero iam perdidit; in hodierna quoque uita non amplius uiuitis quam in illo mobili transitorioque momento. 5. Car tout ce qui vit dans le temps procède, présent, du passé vers l’avenir, et rien n’est constitué dans le temps qui puisse embrasser d’un seul trait tout l’espace de sa vie, mais assurément, il n’appréhende pas encore le lendemain et a déjà perdu l’hier ; dans la vie d’aujourd’hui non plus vous ne vivez pas davantage que dans ce moment mobile et transitoire123.
C’est-à-dire : la connaissance qu’en a l’homme. In illo mobili transitorioque momento : cette définition du « présent » pourrait avoir été inspirée à Boèce (Gruber, 1978, p. 407) par celle que donne Calcidius dans son Commentaire au Timée de Platon (CVI) : selon l’opinion des gens, le présent n’existe pas tout à fait sans être entièrement privé d’existence, car les instants s’enchaînent « propter instabile atque inrefrenabile momentorum agmen = selon une suite de moments instable et non maîtrisable » (voir Bakhouche, p. 340). 122 123
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6. Quod igitur temporis patitur condicionem, licet illud, sicuti de mundo censuit Aristoteles, nec coeperit umquam esse nec desinat uitaque eius cum temporis infinitate tendatur, nondum tamen tale est, ut aeternum esse iure credatur. 6. Par conséquent, il est permis à ce qui subit le conditionnement du temps, comme Aristote l’estime du monde, de ne jamais commencer ni cesser d’être, et de déployer sa vie avec l’infinité du temps124 ; pourtant cela n’est pas encore tel qu’on puisse croire à juste titre qu’il est éternel. 7. Non enim totum simul infinitae licet uitae spatium comprehendit atque complectitur, sed futura nondum, transacta iam non habet. 7. En effet, il125 ne lui est pas permis simultanément de comprendre et d’embrasser tout l’espace de la vie infinie, mais en plus il ne possède pas encore les choses à venir et déjà plus celles écoulées. 8. Quod igitur interminabilis uitae plenitudinem totam pariter comprehendit ac possidet, cui neque futuri quicquam absit nec praeteriti fluxerit, id aeternum esse iure perhibetur idque necesse est et sui compos praesens sibi semper assistere et infinitatem mobilis temporis habere praesentem. 8. Par conséquent, ce qui comprend autant qu’il possède toute la plénitude de la vie interminable, à qui rien n’est soustrait de l’avenir ni rien n’est dérobé du passé, il lui est attribué à juste titre d’être éternel et il lui est nécessaire aussi, maître de soi, à la fois de se maintenir toujours présent et de posséder au présent l’infinité du temps mobile. 9. Vnde non recte quidam, qui cum audiunt uisum Platoni mundum hunc nec habuisse initium temporis nec habiturum esse defectum, hoc modo conditori mundum fieri coaeternum putant. 9. D’où certains ne raisonnent pas correctement qui, lorsqu’ils entendent dire qu’aux yeux de Platon ce monde ni n’a eu de c ommencement 124 Voir Aristote, Traité du ciel, d’une part : 279a25-28, où le mot « éternité » n’est pas utilisé : « Le terme du ciel tout entier lui aussi, c’est-à-dire le terme qui enveloppe le temps tout entier et l’infinité, est une durée qui tire son appellation du fait d’exister toujours, immortelle et divine », de l’autre : 283b26-29 où l’on trouve le terme ἀ̓ΐδιος (« éternel ») : « le ciel tout entier n’a pas été engendré et ne peut non plus périr…, mais il est un et éternel, n’ayant ni commencement ni fin à sa durée tout entière, et il tient et contient en lui-même le temps infini ». Reste que le traité, on l’a signalé, était probablement, lui aussi, inaccessible à l’époque de Boèce. 125 C’est-à-dire : ce qui est soumis à la loi du temps.
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dans le temps ni n’ira s’affaiblissant126, croient que le monde créé a ainsi été fait coéternel au Fondateur127. 10. Aliud est enim per interminabilem duci uitam, quod mundo Plato tribuit, aliud interminabilis uitae totam pariter complexum esse praesentiam, quod diuinae mentis proprium esse manifestum est. 10. Autre est, en effet, d’être conduit par une vie interminable – ce que Platon attribue au monde –, autre d’embrasser en une seule fois toute la présence d’une vie interminable – ce qui est manifestement le propre de l’Esprit divin. 11. Neque deus conditis rebus antiquior uideri debet temporis quantitate sed simplicis potius proprietate naturae. 11. Or Dieu ne doit pas paraître plus ancien que les choses créées par une quantité de temps, mais plutôt par une propriété de sa nature simple. 12. Hunc enim uitae immobilis praesentarium statum infinitus ille temporalium rerum motus imitatur, cumque eum effingere atque aequare non possit, ex immobilitate deficit in motum, ex simplicitate praesentiae decrescit in infinitam futuri ac praeteriti quantitatem, et cum totam pariter uitae suae plenitudinem nequeat possidere, hoc ipso, quod aliquo modo numquam esse desinit, illud quod implere atque exprimere non potest aliquatenus uidetur aemulari, alligans se ad qualemcumque praesentiam huius exigui uolucrisque momenti, quae quoniam manentis illius praesentiae quandam gestat imaginem, quibuscumque contigerit id praestat ut esse uideantur.
126 En vérité, comme cela sera précisé au paragraphe suivant, selon Platon le monde a eu un commencement – voir Timée, 28b : « le monde a été engendré, car on peut le voir et le toucher et par suite il a un corps », et 29a : « ce monde… est la plus belle des choses qui ont été engendrées » –, mais il est vrai qu’il n’a pas de fin – cf. Le Politique, 273e : « le dieu… ordonne le monde pour le rendre immortel et le soustraire au vieillissement ». 127 D’après Courcelle (1967, p. 227), Boèce viserait ici Ammonius, selon le témoignage de Zacharie le Scholastique dans son écrit éponyme – voir également Merlan (1968). Cf. Augustin (De la cité de Dieu, X, XXXI), lorsqu’il argumente pour infirmer le principe platonicien selon lequel « rien ne peut exister sans fin dans le temps sinon ce qui n’a pas eu de commencement dans le temps », et établir que l’âme n’est pas coéternelle à Dieu, comme Platon l’affirme faussement du monde, mais qu’elle a commencé d’exister dans le temps et n’aura pas de fin, au même titre que sa béatitude.
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12. En effet, le mouvement infini des choses temporelles128 imite cet état présentiel129 de la vie immobile130 et, comme il ne peut le reproduire ni l’égaler131, de l’immobilité il tombe dans le mouvement, de la simplicité de la présence il décroît dans la quantité infinie de l’avenir et du passé ; et comme il132 ne saurait posséder d’un seul coup toute la plénitude de sa vie133 par cela même qu’il ne cesse jamais d’être en quelque façon, il semble rivaliser jusqu’à un certain point avec ce qu’il ne peut remplir ni exprimer, en s’attachant à la présence quelle qu’elle soit de ce moment exigu et éphémère, qui, puisqu’elle134 véhicule une certaine image de cette présence permanente, procure à tous ceux à qui elle échoit l’impression d’exister135. 13. Quoniam uero manere non potuit, infinitum temporis iter arripuit eoque modo factum est ut continuaret eundo uitam cuius plenitudinem complecti non ualuit permanendo. 13. Mais puisqu’il136 n’a pas pu demeurer, il a emprunté le chemin infini du temps, et il est arrivé de cette façon qu’en s’écoulant il continue une vie dont il n’a pas été capable d’embrasser la plénitude en permanant. 14. Itaque si digna rebus nomina uelimus imponere, Platonem sequentes deum quidem aeternum, mundum uero dicamus esse perpetuum. Appelé plus synthétiquement « temps ». Pour respecter la paronomase voulue par Boèce, l’adjectif praesentarius doit être différencié morphologiquement dans la traduction de praesens (supra, § 8 et passim). D’où notre choix d’employer « présentiel » comme strict synonyme de l’adjectif « présent », avec en l’occurrence le sens de ce qui est sans passé ni avenir. 130 Cf. Platon, Timée, 37d (Gruber, 1978, p. 410) : « le démiurge a donc l’idée de fabriquer une image mobile de l’éternité », et Plotin, Ennéades, 45 (III, 7), 4, 37-39 : « [L’éternité est] la réalité complète et totale de l’être, non pas seulement celle qui consiste dans l’ensemble de ses parties, mais aussi celle qui consiste dans le fait que rien ne lui manque » (= Brisson, p. 44). 131 Effingere atque aequare : l’image proviendrait du même passage du Timée de Platon (37d), bien que ce dernier use de l’expression verbale : παντελῶς προσάπτειν, que l’on traduit par « adapter entièrement ». 132 Il s’agit encore du « mouvement infini des choses temporelles », autrement dit du temps. 133 Entendons : la plénitude de sa durée. 134 C’est-à-dire et toujours : « le mouvement infini des choses temporelles ». 135 Cette « impression d’exister » est le propre de ce qui ne peut ni reproduire ni égaler l’état présentiel de la vie immobile. En d’autres termes, l’« existence », en étant pleinement inscrite dans le temps, est le résultat d’une tentative de ce dernier pour imiter l’immobilité et la simplicité divines. 136 À savoir : « le mouvement infini des choses temporelles ». 128 129
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14. Ainsi donc, si nous voulions imposer aux choses des noms dignes d’elles, nous dirions, en suivant Platon137, que Dieu est assurément éternel mais que le monde est perpétuel138. 15. Quoniam igitur omne iudicium secundum sui naturam quae sibi subiecta sunt comprehendit, est autem deo semper aeternus ac praesentarius status, scientia quoque eius, omnem temporis supergressa motionem, in suae manet simplicitate praesentiae infinitaque praeteriti ac futuri spatia complectens, omnia, quasi iam gerantur, in sua simplici cognitione considerat. 15. Puis donc que tout jugement comprend les choses qui lui sont soumises selon sa nature, et qu’il revient à Dieu un statut toujours éternel et présentiel, sa science aussi, qui surpasse tout mouvement du temps, demeure dans la simplicité de sa présence et, embrassant tous les espaces infinis du passé et de l’avenir, Il les considère dans sa connaissance simple comme s’ils étaient déjà en train de se dérouler. 16. Itaque si praeuidentiam pensare uelis qua cuncta dinoscit, non esse praescientiam quasi futuri sed scientiam numquam deficientis instantiae rectius aestimabis. 16. Ainsi donc, si tu veux apprécier la prévoyance par laquelle Il distingue tout, il sera plus conforme que tu apprécies qu’elle n’est pas la prescience pour ainsi dire de l’avenir mais la science d’une imminence jamais déficiente.
137 Voir Platon, Timée, 37d, où l’auteur explique, en s’aidant de la célèbre définition : le temps est « l’image mobile de l’éternité » (voir n. suivante), comment Dieu, qui cherchait à doter l’univers de toute la perfection possible à partir d’un modèle éternel qu’il fallait adapter entièrement (voir supra, § 12), en fit, par la disposition qu’il instaura entre toutes les parties de cet univers, une image divisible que l’on appelle « temps ». Cf. aussi Boèce, version II du Commentaire sur le De l’interprétation d’Aristote, VI, 13 = Meiser, 1880, p. 463. 138 La distinction terminologique entre aeternus et perpetuus serait la transposition étoffée de celle entre ἀΐδιος et ἀιώνιος que l’on trouve chez Platon, aux yeux duquel les deux mots ne semblent pas être nettement différenciés : « Quand le Père qui l’avait engendré constata que ce monde, qui est une représentation des dieux éternels (ἀιώνιος), avait reçu le mouvement et qu’il était vivant, il se réjouit et, comme il était charmé, l’idée lui vint de la rendre encore plus semblable à son modèle. Comme effectivement ce modèle se trouve être un vivant éternel (ἀΐδιος), le dieu entreprit de faire que notre univers aussi devienne finalement tel, dans la mesure du possible. Or ce vivant, comme il était éternel, il n’était pas possible de l’adapter en tout point au vivant qui est engendré. Le démiurge a donc l’idée de fabriquer une image mobile de l’étern[el] (ἀιώνιος) » (Timée, 37c-d).
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17. Vnde non praeuidentia sed prouidentia potius dicitur, quod porro a rebus infimis, constituta, quasi ab excelso rerum cacumine cuncta prospiciat. 17. D’où il est préférable de la dire non prévoyance mais providence139 parce que, constituée loin des choses infimes, elle discerne tout pour ainsi dire depuis la pointe élevée des choses. 18. Quid igitur postulas ut necessaria fiant quae diuino lumine lustrentur, cum ne homines quidem necessaria faciant esse quae uideant? 18. Pourquoi donc demandes-tu que soit rendu nécessaire ce qui est éclairé par la lumière divine, quand du moins les hommes ne rendent pas nécessaire ce qu’ils voient ? 19. Num enim quae praesentia cernis, aliquam eis necessitatem tuus addit intuitus? – Minime. 19. En effet, à ce que tu distingues par la présence est-ce que ton regard lui ajoute quelque nécessité ? Bo. – Pas le moins du monde. 20. – Atqui si est diuini humanique praesentis digna collatio, uti uos uestro hoc temporario praesenti quaedam uidetis, ita ille omnia suo cernit aeterno. 20. Ph. Eh bien, s’il est une comparaison digne du présent divin et du présent humain, c’est bien celle-ci : de même que vous voyez140 certaines choses dans ce présent temporaire141 qui est le vôtre, de même, Lui, Il discerne tout en son éternel présent. 21. Quare haec diuina praenotio naturam rerum proprietatemque non mutat taliaque apud se praesentia spectat qualia in tempore olim futura prouenient. 21. C’est pourquoi cette préconception divine ne change pas la nature et la propriété des choses, et elle les voit auprès d’elle par la présence telles que, à venir, elles se produiront un jour dans le temps. 139 Pour une plus grande fidélité au texte, il faudrait traduire : « non prévidence mais providence », puisque la nuance introduite par Boèce porte également sur les préfixes. Par suite, prae- inscrit la connaissance dans l’avenir, tandis que pro- l’incrit dans le présent éternel propre au divin. 140 Ce n’est pas la première fois que Philosophie se dissocie de l’humanité, rappelant ainsi qu’elle est surnaturelle. 141 On aura remarqué la distinction observée entre temporalis (v.c. supra, V, 6, 4) et temporarius (ici), que l’on retrouve à l’identique en français.
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22. Nec rerum iudicia confundit unoque suae mentis intuitu tam necessarie quam non necessarie uentura dinoscit, sicuti uos cum pariter ambulare in terra hominem et oriri in caelo solem uidetis, quamquam simul utrumque conspectum tamen discernitis et hoc uoluntarium illud esse necessarium iudicatis. 22. Il ne confond pas les jugements sur les choses et d’un seul regard de son esprit Il reconnaît les choses à venir tant nécessairement que non nécessairement, comme vous lorsque, en même temps, vous voyez un homme déambuler sur la terre et le soleil se lever dans le ciel : quoique l’un et l’autre spectacles se produisent simultanément, vous discernez cependant et jugez que celui-ci est volontaire, celui-là nécessaire. 23. Ita igitur cuncta dispiciens diuinus intuitus, qualitatem rerum minime perturbat, apud se quidem praesentium ad condicionem uero temporis futurarum. 23. Ainsi donc, le regard divin considérant le tout ne perturbe pas le moins du monde la qualité des choses, assurément présentes auprès de lui mais à venir selon la condition du temps. 24. Quo fit ut hoc non sit opinio sed ueritate potius nixa cognitio, cum exstaturum quid esse cognoscit quod idem exsistendi necessitate carere non nesciat. 24. Ce qui fait qu’il ne s’agit pas d’une opinion mais plutôt d’une connaissance fondée sur la vérité : quand Il sait que quelque chose va se produire, Il n’ignore point pareillement qu’il est dépourvu de la nécessité d’exister. 25. Hic si dicas quod euenturum deus uidet id non euenire non posse, quod autem non potest non euenire id ex necessitate contingere, meque ad hoc nomen necessitatis adstringas, fatebor rem quidem solidissimae ueritatis sed cui uix aliquis nisi diuini speculator accesserit. 25. Si tu dis ici que la chose à venir que Dieu voit ne peut pas ne pas se réaliser, et que ce qui ne peut pas ne pas se réaliser relève de la nécessité, et si tu m’astreins à ce nom de « nécessité », j’avouerai certes qu’il y a matière à une vérité totalement inébranlable, mais à laquelle quelqu’un accède avec peine s’il n’est pas un observateur du divin. 26. Respondebo namque idem futurum, cum ad diuinam notionem refertur, necessarium, cum uero in sua natura perpenditur, liberum prorsus atque absolutum uideri.
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26. Je répondrai, en effet, que le même avenir apparaît nécessaire lorsqu’on le rapporte à la conception divine, mais tout à fait libre et absolu quand il est apprécié dans sa nature. 27. Duae sunt etenim necessitates, simplex una, ueluti quod necesse est omnes homines esse mortales, altera condicionis, ut, si aliquem ambulare scias, eum ambulare necesse est. 27. Et en effet, il y a deux nécessités, l’une simple, comme de dire : « il est nécessaire que tous les hommes soient mortels », l’autre de condition, comme de dire : « si tu sais que quelqu’un marche, il lui est nécessaire de marcher ». 28. Quod enim quisque nouit, id esse aliter ac notum est nequit, sed haec condicio minime secum illam simplicem trahit. 28. Effectivement, ce que quiconque connaît ne saurait être autre que ce qui est connu ; mais cette condition n’entraîne aucunement avec elle la nécessité simple. 29. Hanc enim necessitatem non propria facit natura sed condicionis adiectio; nulla enim necessitas cogit incedere uoluntate gradientem, quamuis eum tum cum graditur incedere necessarium sit. 29. Car ce n’est pas la nature propre qui fait cette nécessité, mais l’adjonction d’une condition ; nulle nécessité, en effet, ne force à avancer celui qui progresse par la volonté, même si au moment où il progresse il est nécessaire qu’il avance. 30. Eodem igitur modo, si quid prouidentia praesens uidet, id esse necesse est, tametsi nullam naturae habeat necessitatem. 30. De la même manière, par conséquent, si la providence voit quelque chose de présent, il est nécessaire qu’il soit, bien qu’il n’ait aucune nécessité de nature. 31. Atqui Deus ea futura, quae ex arbitrii libertate proueniunt, praesentia contuetur; haec igitur ad intuitum relata diuinum, necessaria fiunt per condicionem diuinae notionis, per se uero considerata ab absoluta naturae suae libertate non desinunt. 31. Or Dieu appréhende par la présence ces choses à venir qui procèdent de la liberté de l’arbitre ; de fait, rapportées au regard divin, elles deviennent nécessaires de par le conditionnement de la conception divine,
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mais considérées par soi elles ne renoncent pas à la liberté absolue de leur nature142. 32. Fient igitur procul dubio cuncta quae futura Deus esse praenoscit, sed eorum quaedam de libero proficiscuntur arbitrio, quae, quamuis eueniant, exsistendo tamen naturam propriam non amittunt, qua prius quam fierent etiam non euenire potuissent. 32. Par conséquent, il est hors de doute que toutes les choses à venir que Dieu préconçoit doivent se produire, mais certaines d’entre elles relèvent du libre arbitre, lesquelles, bien que se réalisant, ne perdent cependant pas leur nature propre en existant, en cela qu’avant de se produire elles pouvaient également ne pas se réaliser143. 33. Quid igitur refert non esse necessaria, cum propter diuinae scientiae condicionem modis omnibus necessitatis instar eueniet? 33. Qu’importe donc qu’elles ne soient pas nécessaires quand, du fait du conditionnement de la science divine, il arrivera de toute façon quelque chose à l’instar de la nécessité, 34. Hoc scilicet quod ea quae paulo ante proposui, sol oriens et gradiens homo, quae dum fiunt non fieri non possunt, eorum tamen unum prius quoque quam fieret necesse erat exsistere, alterum uero minime. 34. à savoir ce que j’ai proposé un peu avant144 – le soleil se levant et l’homme avançant – qui, au moment où ils se produisent, ne peuvent pas ne pas se produire, et pourtant il était nécessaire que l’un d’eux, avant même qu’il se produise, existe, et l’autre pas le moins du monde145 ? 35. Ita etiam, quae praesentia Deus habet dubio procul exsistent, sed eorum hoc quidem de rerum necessitate descendit, illud uero de potestate facientium. C’est principalement en cela que providence et libre arbitre ne s’excluent point. Boèce reprend ici ce qu’il avait établi dans la version II de son Commentaire sur le De l’interpretation d’Aristote : tout événement contingent contient en lui la possibilité, au moins passée, de ne pas avoir été (= Meiser, II, p. 235, 5-236, 4), étoffant ainsi le résultat obtenu à la fin de la prose précédente concernant la question des futurs contingents. Ce § 32 résume à lui seul l’enseignement du livre V. 144 Voir supra, § 22. 145 Entendons : il est nécessaire que le soleil se lève indépendamment de toute volonté humaine, mais il relève de la volonté humaine et non de la nécessité, de se déplacer, bien que lorsque je vois un homme qui se déplace il soit nécessaire qu’il marche. D’autre part, nous avons dû reporter le point d’interrogation de la fin du § 33 à celle du § 34 pour respecter l’enchaînement voulu par le scilicet. 142 143
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35. Ainsi en est-il aussi des choses que Dieu possède par la présence : elles existent hors de tout doute, mais parmi elles celle-ci découle assurément de la nécessité des choses, tandis que celle-là découle de la pouvoir des agissants. 36. Haud igitur iniuria diximus, haec, si ad diuinam notitiam referantur, necessaria, si per se considerentur necessitatis esse nexibus absoluta, sicuti omne quod sensibus patet, si ad rationem referas, uniuersale est, si ad se ipsa respicias, singulare. 36. Point de dommage donc à les dire nécessaires si elles sont rapportées à la conception divine, dégagées des liens de la nécessité si elles sont considérées comme étant par soi, de même que tout ce qui est accessible aux sens est universel si tu le rapportes à la raison, singulier si tu l’envisages en lui-même146. 37. Sed si in mea, inquies, potestate situm est mutare propositum, euacuabo prouidentiam, cum quae illa praenoscit forte mutauero. 37. Mais, diras-tu, s’il est en mon pouvoir de changer un projet soumis, j’évacuerai la providence quand je changerai peut-être ce qu’elle a préconçu. 38. Respondebo propositum te quidem tuum posse deflectere, sed quoniam et id te posse et an facias quoue conuertas praesens prouidentiae ueritas intuetur, diuinam te praescientiam non posse uitare, sicuti praesentis oculi effugere non possis intuitum, quamuis te in uarias actiones libera uoluntate conuerteris. 38. Je te répondrai qu’il est assurément possible d’infléchir ton projet ; mais puisque la vérité de la providence voit au présent et ce qu’il t’est possible et ce que tu fais ou vers quoi tu t’orientes, il ne t’est pas possible d’éviter la prescience divine, tout comme tu ne peux pas échapper au regard d’un œil présent, encore que tu t’orientes par volonté libre vers des actions diversifiées.
146 Omne quod sensibus patet si ad rationem referas uniuersale est, si ad se ipsa respicias singulare : Boèce (Gruber, 1978, p. 413-414) reformule un principe de la version II de son Commentaire sur l’Isagoge de Porphyre, I, 11 (= Brandt–Schepss, p. 166, 19-21) : « Haec similitudo… cum sensibilis est, in singularibus permanet, cum intelligitur, fit uniuersalis = Cette similitude [des espèces pour penser le genre]…, quand elle est sensible, elle demeure dans les singuliers, quand elle est intelligée, elle devient universelle ».
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39. Quid igitur, inquies, ex meane dispositione scientia diuina mutabitur, ut, cum ego nunc hoc nunc illud uelim, illa quoque noscendi uices alternare uideatur? 39. Quoi donc, diras-tu, la science divine est-elle changée par ma disposition au point que, lorsque moi je veux tantôt ceci tantôt cela, elle paraisse alterner elle aussi des variations de conception147 ? 40. Minime. Omne namque futurum diuinus praecurrit intuitus et ad praesentiam propriae cognitionis retorquet ac reuocat; nec alternat, ut aestimas, nunc hoc nunc aliud148 praenoscendi uice, sed uno ictu mutationes tuas manens praeuenit atque complectitur. 40. Pas le moins du monde. Car le regard divin devance tout avenir, il le ramène et le rappelle à la présence de sa propre connaissance et n’alterne pas, comme tu l’estimes, tantôt celui-ci tantôt un autre par une variation de sa préconnaissance, mais d’un seul coup, en demeurant, il prévient et embrasse tes changements. 41. Quam comprehendendi omnia uisendique praesentiam non ex futurarum prouentu rerum sed ex propria deus simplicitate sortitus est. 41. Et Dieu tire cette présence, quant à la compréhension et à la vision du tout, non pas de l’issue des choses à venir, mais de sa propre simplicité. 42. Ex quo illud quoque resoluitur quod paulo ante posuisti, indignum esse si scientiae Dei causam futura nostra praestare dicantur. 42. En cela aussi est résolu ce que tu as posé un peu avant149 : il est indigne que nos actions à venir soient dites fournir la cause de la science de Dieu. 43. Haec enim scientiae uis praesentaria notione cuncta complectens, rebus modum omnibus ipsa constituit, nihil uero posterioribus debet. 43. En effet, la force de cette science embrassant tout dans une conception présentielle constitue elle-même un mode d’exister pour toutes les choses, et ne doit rien aux postérieures. 147 Soit : au point qu’elle paraisse, elle aussi, changer ses conceptions ou ses formes de connaissance en fonction des variations de ma volonté. 148 Nunc hoc nunc illud selon Moreschini (p. 160), ce qui donnerait : « tantôt celui-ci tantôt celui-là ». 149 Voir supra, V, 3, 15.
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44. Quae cum ita sint, manet intemerata mortalibus arbitrii libertas nec iniquae leges solutis omni necessitate uoluntatibus praemia poenasque proponunt. 44. Puisqu’il en est ainsi, la liberté de l’arbitre demeure intacte chez les mortels, et il n’y a pas de lois iniques qui proposent des récompenses et des peines à des volontés détachées de toute nécessité. 45. Manet etiam spectator desuper cunctorum praescius Deus uisionisque eius praesens semper aeternitas cum nostrorum actuum futura qualitate concurrit, bonis praemia malis supplicia dispensans. 45. Il demeure aussi le Spectateur d’en-haut, le Dieu prescient de tout, et l’éternité de son regard toujours présent coïncide avec la qualité à venir de nos actions en dispensant aux gens de bien des récompenses, aux méchants des châtiments. 46. Nec frustra sunt in Deo positae spes precesque, quae, cum rectae sunt, inefficaces esse non possunt. 46. Et ce n’est pas en vain que sont placées en Dieu espérances et prières, qui, lorsqu’elles sont droites, ne peuvent être inefficaces. 47. Auersamini igitur uitia, colite uirtutes, ad rectas spes animum subleuate, humiles preces in excelsa porrigite. 47. Détestez donc les vices, cultivez les vertus, exhaussez l’esprit vers de droites espérances, hissez d’humbles prières au plus haut des cieux150. 48. Magna uobis est, si dissimulare non uultis, necessitas indicta probitatis, cum ante oculos agitis iudicis cuncta cernentis. 48. Grande est pour vous – à moins que vous ne vouliez vous dissimuler à vous-même – la nécessité impérieuse de la probité quand vous agissez devant les yeux du Juge qui discerne tout »151.
150 In excelsa : on ne peut s’empêcher de songer, s’agissant de prières, à l’expression liturgique et messianique Gloria in excelsis Deo – voir notre Introduction, p. 101. 151 La solennité des § 47 et 48, les directives spirituelles qu’ils dispensent et l’espérance dont ils sont porteurs constituent, à notre sentiment, autant d’indices que nous avons à faire à la conclusion finale de l’ouvrage, qui ne souffre, pour quelque raison que ce soit, d’aucune amputation. De surcroît, il est difficile de ne pas voir se dresser, derrière ce « Juge qui discerne tout », le Christ lui-même, ainsi nommé à maintes reprises dans le Nouveau Testament – voir notre Introduction, p. 101.
LISTE DES ABRÉVIATIONS AL = Aristoteles Latinus AHDLMA = Archives d’Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Âge BA = Bibliothèque Augustinienne CAG = Commentaria in Aristotelem Graeca CCSL = Corpus Christianorum. Series Latina CLRE = Consuls of the Later Roman Empire CNRTL = Centre national de ressources textuelles et lexicales [uniquement en ligne] CPMAPB = Corpus Philosophorum Medii Aevi. Philosophi Byzantini CSCO = Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium CSEL = Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum CSHB = Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae DHGE = Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique DPA = Dictionnaire des Philosophes Antiques HAL (archive ouverte) = Hyper Articles en Ligne LL-HdT = Littérature latine et histoire des textes MAH = Mélanges d’Archéologie et d’Histoire MGHSAA = Monumenta Germaniae Historica. Scriptores. Auctores Antiquissimi MGHPLC = Monumenta Germaniae Historica. Poetae Latini aevi Carolini MGHCM = Monumenta Germaniae Historica. Chronica Minora MGHQGM = Monumenta Germaniae Historica. Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters MGHSRM = Monumenta Germaniae Historica. Scriptores Rerum Merovingicarum MGHSRGNS = Monumenta Germaniae Historica. Scriptores Rerum Germanicarum. Nova series PL = Patrologia Latina PLRE = The Prosopography of the Later Roman Empire (voir M artindale) TLL = Thesaurus Linguae Latinae
BIBLIOGRAPHIE La nature forcément pléthorique de la bibliographie touchant la Consolation de Boèce commande que nous procédions à une sélection de la littérature sur le sujet. Nous nous limiterons donc ici à lister les publications auxquelles nous avons renvoyé ou que nous avons consultées, en modes livresque et informatique. Les éditeurs ne seront pas mentionnés. Sources Boèce, Consolatio An. Torq. Severinus Boetius, De consolatione philosophie liber, cum optimo commento beati Thoma [de Aquino], Argentinae (Strasbourg), 1491 Badius Ascensius, Jodocius, Boethius: De consolatione philosophiae, Lyon, 1499 Glareanus, Henricus Loritus, A.M. Sev. Boetii De Consolatione Philosophiae, dans Boëthius, Opera omnia, Basel, 1546, repr. dans PL, LXIII, Parisiis, 1847, col. 547-869 Vallinus, Renatus, An. Manl. Sever. Boetii consolationis philosophiae libri V, Lugduni Batavorum, 1656 Pierre Cally, Anicii Manlii Severini Boetii... Consolationis philosophiae libros quinque interpretatione et notis illustravit, Lutetiae Parisiorum, 1680 Anonyme, A.M.S. Boetii Consolatione philosophiae, Glasguae, 1751 Obbarius, Theodorus, A.M.S. Boethii De Consolatione Philosophiae, Ienae, 1843 A.M.S. Boetii Philosophiae Consolationis…, rec. Rudolfus Peiper, Lipsiae, 1871 Boethius, The Theological Tractates, edition and translation Hugh Fraser Stewart, Edward Kennard Rand, The Consolation of Philosophy, edition and translation S.J. Tester, Cambridge (Ma.)/London, 1918, puis 1973 Fortescue, D. and Smith, G.D., Boethi De Consolatione Philosophiae libri V, London, 1925 A.M.S. Boethii Philosophiae Consolationis Libri quinque, rec. Guilelmus Weinberger, CSEL, LXVII, Vindobonae/Lipsiae, 1935 Boezio, La consolazione della filosofia, intr., testo, trad. e note a cura di Raffaello del Re, Roma, 1968 Boethius. Philosophiae consolatio, ed. Ludwig Bieler, dans CCSL, 94, Turnhout, 1984 (voir les critiques de Troncarelli, 1987) La Consolazione della Filosofia di Severino Boezio. Testo latino a fronte. A cura di Claudio Moreschini, Torino, 1994, puis 1996 Moreschini, Claudio, Boethius, De consolatione philosophiae, Leipzig, 2000, puis 2005
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INDEX DES NOMS1 Abélard, Pierre : 128 Abondance (Copia) : II, II, 2 ; II, n. 34 Abraham : 39 Académie : XVII ; 34 Académiciens : V, n. 111 Achéens : IV, n. 212 Acheloüs : II, n. 34 ; IV, VII, 23 Achéménide : V, I, 1 ; V, n. 12 Achérousiade : 90 Actius Sincerus (Jacopo Sannazaro) : 146 Adalbold d’Utrecht : 127 ; 129 Adam de Belle-Femme : 133 ; 136 Adélard de Bath : 129 Aelius Aristide : 36 Aelius Spartianus : 60 ; I, n. 79 Africus (vent chaud d’Afrique) : II, n. 146 Afrique : IV, n. 71 Agamemnon : 44 ; I, n. 29 ; IV, n. 214 + 215 + 216 ; V, n. 23 Agathon de Samos : II, n. 136 Agneau : 113 Agnès de Hongrie : 139 Agrippine : 158 ; II, n. 144 Aix-en-Provence : V, n. 120 Alain Chartier : 143 Albertano da Brescia : 134, n. 430 Albert de Aguayo : 147 Albert le Grand : 134 ; 135 Alberto della Piagentina : 138 ; 139 Albert Ier de Habsbourg : 139 Albin(us) : 8, n. 48 ; 10 ; 12, n. 62 ; 27 ; 29 ; I, 4, 14 ; I, n. 127 + 137 + 138 + 161 Alcée : 53 Alcibiade : III, 8, 10 ; III, n. 100
Alcide : IV, n. 227 Alcmène : V, n. 1 Alcuin : 123 Alençon : 132 Alexandre de Halès : 136, n. 437 Alexandre, Monique : 94, n. 288 Alexandrie : 2 ; 3 ; 5 Alfarabi : 146, n. 512 Alfonse V du Portugal : 144 Alfred le Grand : 125 ; 126 Allecto (Furie) : II, n. 66 Allemagne : 126 Alpha : 97 Alsace : 132 ; 141 Altino : 38 Amalafride : 29 Amalasonthe : I, n. 118 Amale : 28 Amata (reine) : II, n. 66 Ambroise (saint) : 38 ; 54 ; 60 ; V, n. 31 Âme du monde : 113 Ammien Marcellin : 60 ; II, n. 161 Ammonius (Ammonios) Saccas : XX Ammonius, fils d’Hermias : 3 ; V, n. 127 Amory, Patrick : 28, n. 120 Amour : 111 Ampelius : I, n. 123 Amphitryon : IV, n. 191 Anacréon : 46 Anastase Ier (empereur) : 27 Anastase II (pape) : 28 Anaxagore : 106 ; I, 3, 9 ; I, n. 82 ; 59 Anaxarque d’Abdère : II, n. 135 Ancien Testament : 96 ; 108 ; 110, n. 320 Anciens (les) : 95 ; IV, n. 134
1 Les chiffres en gras sont destinés à faciliter les repères lorsqu’il y a plusieurs renvois de suite à différents livres de la Consolation. Le signe + sépare les numéros des notes (passim), le signe / sépare les numéros des paragraphes de la traduction.
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index des noms
Anges : III, n. 170 Annianus : 47 ; 60 ; III, n. 6 Anonyme d’Erfurt : 133 Anonyme Valésien : 12, n. 63 ; I, n. 127 + 129 ; II, n. 53 + 69 Anselme de Cantorbéry (saint) : 86 ; 127 ; III, n. 144 Anselmo Tanzo : 145 ; 146 ; 148 Antée : IV, VII, 25 ; IV, n. 217 Antiphon le Sophiste : 34 Antiquité : 142 Antisthène : 108 Anthony : 148 Aonides : 106, n. 312 Apollodore le Mythographe : 60 ; IV, n. 133 Apollon : I, n. 67 + 101 + 183 ; II, n. 52 ; V, n. 46 Apollonios de Rhodes : 60 ; III, n. 98 Apulée : 60 ; 63 ; 146, n. 512 ; I, n. 169 ; III, n. 201 ; V, n. 101 Aquilon : I, VI, 9 ; II, n. 160 ; II, III, 11 Aquinate (l’ – voir Thomas d’Aquin) Arcadie : IV, III, 18 ; IV, n. 73 + 217 Archélaüs : IV, n. 90 Archipoète : 130 ; 134 Architrenius : 132 Arctique (Océan) : III, n. 68 Arcturus (voir Bouvier) Areios Didymos : 35 Argo : III, n. 98 Argonautes : III, n. 98 Arianisme : XX ; 29 ; 83 Arien(s) : 80 ; 93 Arnold, Gottfried : XVIII ; XX ; 78 Aristide Quintilien : 60 ; I, n. 102 Aristote (Stagirite) : XIX ; XXII, n. 7 ; 15 ; 19 ; 34 ; 59 ; 67 ; 68 ; 72 ; 73 ; 77 ; 91 ; 95 ; 102 ; 104 ; 116, n. 329 ; 118 ; 121 ; 136 ; 138 ; 164 ; 165 ; I, n. 24 + 38 + 226 ; III, n. 96 ; III, 8, 10 ; III, n. 99 + 124 ; IV, n. 1 + 11 + 88 + 117 + 151 + 187 ; V, n. 4 ; V, 1, 12 ; V, n. 9 + 10 + 11 + 39 + 44 + 72 + 81 + 83 + 84 + 86 + 108 + 120 ; V, 6, 6 ; V, n. 124 Aristotélisme : XXII ; 79
Arménius : 39 Armogathe, J. R. : 149, n. 538 Arnobe : 60 ; II, n. 132 Arnou, René : 91, n. 285 Arnoul de Provence : 134 Arnoul Gréban : 145 Artémidore (s. V-VI) : 85 Artémidore de Daldis : 60 ; III, n. 85 Asbell, W.J., Jr. : III, n. 17 Ascensius, Badius (Josse Bade d’Assche) : 146 ; IV, n. 184 Aschbach, Joseph von : 2, n. 8 Asser de Ménévie : 125 Athalaric : I, n. 118 Athénagore : IV, n. 146 Athènes : 3 ; 5, n. 31 ; I, n. 199 Athéniens : I, 5, 4 Athénodore de Tarse : 35 Athénodote : 36 Atherton, B.M. : 139, n. 459 Atkinson, J.K. : 137, n. 443 + 444 + 449 ; 138, n. 454 + 456 + 457 ; 141, n. 472 ; 142, n. 485 Atlas : I, n. 230 ; IV, n. 217 Atrée : IV, n. 214 Atride (Agamemnon) : IV, VII, 2 Atticus : 19, n. 94 Atticus, Hérodote : 36 Atticus Vestinus : II, n. 144 Attique : II, n. 16 Aubenque, Pierre : 70 Aubry de Reims : 136 Audrad le Petit : 124 Auer, Albert : 142, n. 479 Auguste : II, n. 161 ; III, n. 68 Augustin (saint – évêque d’Hippone) : XXII ; 14, n. 74 ; 25, n. 111 ; 38 ; 41 ; 60 ; 72 ; 94 ; 115 ; 116 ; 117 ; 118 ; 119 ; 140 ; 144 ; 146, n. 512 ; II, n. 137 + 173 ; III, n. 126 + 139 ; IV, n. 9, 41 ; V, n. 16 + 33 + 62 + 127 Augustin López : 149 Aulis : IV, n. 215 Aura (monastère d’) : 128 Aurore : II, n. 32 ; III, n. 10 Ausone : 43 ; 47 ; 48 ; 51 ; 54 ; 55 ; IV, n. 181
index des noms539
Auster : I, VII, 6 ; II, n. 160 ; II, III, 7 ; II, IV, 9 Autun : 124 Avent : 101 Averne : III, n. 170 Avicébron : 146, n. 512 Avicenne : 146, n. 512 Avit de Vienne : 38 ; 60 ; 61 ; I, n. 43 Azecho : 127 Babbi, A.M. : 132, n. 414 Babylone : 87 Bacchus : I, VI, 15 ; I, n. 217 ; II, V, 6 ; IV, n. 218 Bacon, Nicholas : 150 Badel, Christophe : III, n. 12 Baghdassarian, Fabienne : 101, n. 301 Bakhouche, Béatrice : V, n. 123 Ballón Villanueva, R. : 125, n. 357 Bamberg : 134 Banić-Pajnić, Erna : 21, n. 101 Barbares : XVII ; III, 4, 11 Bathélemy de Salerne : 132 Barton Palmer, R. : 141, n. 471 Bas-Empire : III, n. 12 + 47 + 49 Basile (Basilius) : 8 ; I, 4, 16 ; I, n. 137 + 166 Basile de Césarée : 108 Battaglia, Salvatore : 138, n. 455 Baudri de Bourgueil : 128 Baeumker, Clemens : 133, n. 421 Baur, Gustav : 79 Bavière : 128 Bayle, Pierre : 150 Bazán, B.C.. : 136, n. 441 Beau (le) : 112 Beaucamp, Évode : 34, n. 138 Bède le Vénérable : 13, n. 71 Belli, M. : 149, n. 536 Bénédictin : 127 ; 141 Benferhat, Yasmina : 37, n. 158 Benittah, Yahia : 143, n. 491 Benoît XIII (anti-pape) : 143 Benoît de Nursie : XXVI Bentley, Richard : V, n. 45 Benveniste, Shemuel : 143 Béotie : II, n. 16 Bergk, Theodor : III, n. 85
Berlin : 151 Bernard de Clairvaux : 130 Bernard Silvestre : 130 Berthold de Moosburg : 140 Bertin, Francis : XVII Bertius, Petrus : 149 Bertrand, Dominique : 80 Bétemps, Isabelle : 137, n. 450 Bethléem : 88 Bianchi, Luca : 1, 1 Bible : 106 ; 108 ; 112 Bieler, Ludwig : I, n. 192 ; II, n. 10 ; III, n. 197 + 215 ; IV, n. 91 + 170 + 204 Bien (le Souverain) : XXIII ; XXIV ; 76 ; 77 ; 91 ; 100 ; 111 ; 137 ; 159 ; 160 ; 161 ; 162 ; I, 4, 30 ; I, 5, 7 ; II, n. 29 ; II, 4, 25 ; II, 8, 5 ; III, 2, 4 / 5 / 6 / 11 / 12 ; III, n. 15 ; III, 2, 20 ; III, 3, 1 ; III, n. 91 ; III, VIII, 15 ; III, n. 107 + 109 ; III, 9, 30 / 32 ; III, IX, 6 ; III, n. 126 ; III, IX, 23 ; III, n. 136 ; III, 10, 1 / 7 ; III, n. 144 ; III, 10, 8 / 9 / 10 / 11 / 12 ; III, n. 148 + 149 ; III, 10, 15 / 16 / 17 / 20 / 29 / 31 / 37 / 40 / 42 / 43 ; III, 11, 2 / 3 / 5 / 8 / 9 / 37 / 38 /41 ; III, 12, 13 / 14 / 17 / 21 / 22 / 31 / 32 / 33 ; III, VII, 1 ; III, n. 230 ; IV, 1, 5 ; IV, 2, 3 / 11 / 12 / 23 / 32 ; IV, n. 45 ; IV, 2, 40 / 43 / 44 / 46 ; IV, 3, 3 / 7 / 9 / 11 / 14 / 15 ; IV, 6, 21 / 22 / 56 ; IV, VI, 34 / 45 Biraghi, Luigi : 13, n. 70 Blanco Soto, Petrus : 138, n. 453 Boak, A.E.R : I, n. 129 Bocognano, Aristide : I, n. 5 + 19 + 146 + 154 ; II, n. 18 + 103 + 183 ; III, n. 186 ; IV, n. 50 + 104 + 146 + 164 + 209 ; V, n. 5 + 20 + 37 + 45 Boèce (Q.M.S. Boethius) : IX ; X ; XVIII ; XIX ; XX ; XXI ; XXI, n. 7 ; XXIII ; XXIV ; XXV ; XXVI ; XXVII ; passim dans l’Introduction ; I, n. 1 + 2 + 12 + 14 + 18 + 19 + 21 + 26 + 27 + 30 + 32 + 38 + 40 + 41 + 42 + 44 + 54 + 55
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index des noms
+ 61 + 74 + 78 + 80 + 86 + 89 + 92 + 104 + 105 + 108 + 111 + 113 + 121+ 124 + 137 + 138 + 139 + 141 + 146 + 152 + 154 + 160 + 161 + 162 + 166 + 170 + 171 + 172 + 175 + 179 + 180 + 181 + 197 + 200 + 205 + 207 + 208 + 209 + 221 + 230 + 233 + 234 + 235 ; II, n. 5 + 7 + 8 + 18 + 25 + 26 + 32 + 34 + 35 + 39 + 43 + 45 + 47 + 50 + 51 + 58 + 68 + 69 + 71 + 76 + 80 + 90 + 97 + 107 + 109 + 113 + 130 + 135 + 136 + 140 + 147 + 148 + 149 + 152 + 163 + 164 + 173 ; III, n. 13 + 16 + 21 + 24 + 25 + 26 + 30 + 38 + 42 + 46 + 48 + 49 + 50 + 57 + 63 + 68 + 71 + 72 + 75 + 88 + 92 + 93 + 95 + 100 + 109 + 118 + 142 + 152 + 153 + 157 + 158 + 163 + 165 + 170 + 172 + 186 + 196 + 205 + 216 + 217 + 219 + 228 + 239 + 246 ; IV, n. 2 + 7 + 9 + 12 + 16 + 21 + 32 + 36 + 40 + 45 + 52 + 54 + 64 + 67 + 68 + 70 + 86 + 88 + 89 + 90 + 93 + 105 + 115 + 133 + 136 + 145 + 149 + 171 + 174 + 182 + 185 + 196 + 210 + 213 + 214 + 215 + 216 ; V, n. 3 + 4 + 9 + 11 + 20 + 25 + 32 + 37 + 39 + 40 + 45 + 46 + 64 + 65 + 69 + 73 + 74 + 79 + 81 + 85 + 86 + 87 + 108 + 110 + 111 + 116 + 123 + 124 + 127 + 129 + 137 + 139 + 143 + 146 Boèce Junior : 3 ; II, n. 47 Boèce (Pseudo-) : 145 Boethius (père de Boèce) : II, n. 43 Boissier, Gaston : 79 Bologne : 52 Bolton-Hall, Margaret : 133, n. 417 Bonaventure de Bagnoregio (saint) : 135 ; 136, n. 437 Bonaventure de Demena : 137 Bonfil Astruc, Bonafoux : 143 Bonheur : 76 ; 159 Bonnaud, Robert : 8, n. 50 ; II, n. 149 Borée : I, III, 7 ; I, V, 19 ; I, n. 45 + 65 Bosisio, Giovanni : 11, n. 58 Bossuat, Robert : 131, n. 406
Bossuet, Jacques-Bénigne : 150 Boudon, Valérie : 36, n. 155 Bouffartigue, Jean : 36, n. 157 Bourquard, L.C. : 79 Bourrit, Bernard : 85, n. 274 : 86, n. 276 Bouvier (le = Arcturus) : I, V, 21 ; I, n. 189 ; IV, V, 1 / 3 ; IV, n. 71 + 72 + 120 + 121 Bovon II de Corvey : 126 ; 127 Brancato, Dario : 144, n. 498 ; 146, n. 512 ; 148, n. 527 Brandt, Samuel : 17, n. 84 ; V, n. 146 Brasseur, Annette : 3, n. 18 Breton, Stanislas : XXVI Briesemeister, Dietrich : 141, n. 478 ; 147, n. 521 Brion, Marcel : 85, n. 271 Brisson, Luc : 87, n. 277 ; 101, n. 298 ; 114, n. 328 ; IV, n. 155 ; V, n. 130 Britannicus : II, n. 144 Brooks, E.W. : 3, n. 12 Brouwer, Christian : 128, n. 382 ; 130, n. 397 ; 134, n. 429 Bruges : 142, n. 484 Brunel-Lobrichon, Geneviève : 128, n. 379 Brunetto Latini : 136 ; 137 Brunhölzl, Franz : 132, n. 414 Brunschvicg, Léon : III, n. 152 Brutus : II, VII, 16 ; II, n. 179 Buenestado Pilon, Camillia : 69, n. 230 ; II, n. 81 Burgondes : 4, n. 22 Burnett, Charles : 129, n. 388 Burrows, M.St. : 143, n. 492 Busiris : II, 6, 10 ; II, n. 136 Cabaillot, Claire : 140, n. 467 Cacus : IV, VII, 26 ; IV, n. 217 Caelius Aurelianus : 59 ; I, n. 210 Caesius (Césius) Bassus : 45 ; III, n. 38 Caiazzo, Irene : 133, n. 418 Calabre : XXVI Calcidius : 60 ; 62 ; 63 ; 113 ; 146, n. 512 ; IV, n. 141 ; V, n. 123
index des noms541
Caligula (Gaius César) : I, n. 86 ; I, 4, 27 ; I, n. 150 Calliope : 41 ; I, n. 31 ; III, n. 162 Cally, Pierre : 150 Calvance (voir Calvenzano) Calventia : 10 Calvenzano (Borgo) (Calvance) : 11 Camènes : I, I, 3 Camerarius : V, n. 74 Cameron, Alan : 3, n. 11 ; 41, n. 181 Campanie : I, 4, 12 ; I, n. 124 Campaniens : 8, n. 47 ; I, n. 124 Cancel, Christine : 141, n. 470 Cancer (constellation du) : I, VI, 2 ; I, n. 212 Canicule (la = le Chien) : voir Chien Cantorbéry : 126 ; 139 Capella, Martianus : XIX ; 40 ; 44 ; 51 ; 60 ; 106 ; 143 ; I, n. 12 + 102 ; II, n. 32 + 187 ; III, n. 129 + 135 ; IV, n. 89 + 181 + 197 Capitole : II, n. 184 Capua, Francesco di : 6, n. 32 Caracalla, Antonin : III, 5, 10 ; III, n. 63 Cardan, Jérôme : XXIV, n. 8 Carême : 101 Carraud, Christophe : 140, n. 465 Carrier, Joanne : 134, n. 423 ; 136, n. 436 Carthage : XIX ; II, n. 137 Carthaginois : II, 6, 11 Carthusien (voir Chartreux) Cassiodore : XXVI ; 1 ; 2 ; 3, n. 17 ; 4 ; 5 ; 7, n. 36 + 39 ; 8 ; 9 ; 14 ; 28, n. 124 ; 61 ; 79 ; 122 ; I, n. 118 + 123 + 124 + 125 + 129 + 131 + 133 + 136 + 166 + 171 + 206 ; III, n. 41 Castor : V, n. 1 Catalogne : 143 Catholicisme : XXVI ; 18 ; 29 ; 83 ; 101 ; 120 Catholicité : XIX Catholique : 80 Catilina : V, n. 74 Caton : 35 ; II, VII, 16 ; II, n. 165 ; 179 ; IV, n. 160
Catulle : 43 ; 46 ; 54 ; 55 ; 59 ; 60 ; I, n. 32 ; III, 4, 2 ; IV, n. 121 + 220 Caucase : II, 7, 8 ; II, n. 160 Cavuoto-Denis, Nicolas : 38, n. 164 Cèbe, J.-P. : I, n. 220 Cécina : 37 Celse : XXII Censorinus : 60 : II, n. 127 Centaures : IV, VII, 14 ; IV, n. 218 Centrone, Bruno : 35, n. 147 Céphale : I, n. 7 Cerbère : III, n. 239 ; IV, VII, 19 ; IV, n. 217 Cérès : I, VI, 5 ; I n. 214 ; III, I, 4 ; III, n. 7 ; IV, VI, 27 Ceriziers, René de : 149 Cerquiglini-Toulet, Jacqueline : 141, n. 471 César : I, n. 159 + 202 ; II, n. 122 + 179 ; IV, n. 160 ; V, n. 2 Cesena : V, n. 74 Cethegus : 1 ; 79 ; II, n. 165 Chadwick, Henry : 19, n. 94 ; V, n. 51 Chalcédoine : 13, n. 69 ; 23 Champier, Symphorien : XXII, n. 7 Chappuis, P. G. : 142, n. 483 Chapront, Henry : 151 Chariot (le) : IV, V, 3 ; IV, n. 119 + 120 Charlemagne : 123 ; 124 Charles de Bovelles : XVII Charles de Navarre : 141 Charles le Ber : 149 Charles le Chauve : 125 Charles V : 148 Charles-Saget, Annick : 116 Charlet, Jean-Louis : XI ; XVIII ; 43, n. 190 + 191 ; 44, n. 192 + 193 + 194 ; 45, n. 195 ; 46, n. 196 ; 47, n. 198 + 199 ; 48, n. 201 + 202 ; 105 ; I, n. 26 + 45 + 50 + 111 ; II, n. 38 + 49 + 58 + 179 ; III, n. 25 + 59 + 69 + 217 ; IV, n. 177 ; V, n. 23 + 120 Chartrain : 130 Chartreux (ou Carthusien) : 145 Chase, Michael : 16, n. 81 ; 91, n. 285 Chastagnol, André : III, n. 48 + 49 + 50
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index des noms
Chaucer, Geoffrey : 141 Chérubins : 113 Chiavenna (Clavenna) : 11 Chien (le = la Canicule) : I, n. 132 + 139 Chinois : II, n. 119 Chios : 36 Chrétien(s) : XIX : 80 ; 84 ; 88 ; 93 ; 106 ; 138 ; III, n. 78 + 140 + 162 + 166 ; IV, n. 2 ; V, n. 120 Christ (Jésus) : XX ; XXIV ; XXV ; 13, n. 70 ; 23, n. 103 ; 35 ; 39 ; 40 ; 79 ; 83 ; 87 ; 90 ; 97 ; 101 ; 103 ; 105 ; 108 ; 113 ; 122 ; 139 ; 147 ; III, n. 83 + 162 ; V, n. 50 + 151 Christianisme : XIX, n. 3 ; XXII ; XXVI ; XXVII ; 5 ; 20 ; 21 ; 22 ; 39 ; 78 ; 79 ; 80 ; 85 ; 92 ; 106 ; 110 ; 112 ; 115 ; 116 ; 117 ; 120 ; 121 ; 122 ; 138 ; 142 ; 155 ; 159 ; IV, n. 2 + 146 Christiano-catholicisme : 78 Christine de Pisan : 143 Chypre : II, n. 135 Ciccolini, Laetitia : 38, n. 163 Cicéron (Marcus Tullius) : XVII ; XXIV ; XXVI ; 4, n. 24 ; 33 ; 35, n. 144 ; 36 ; 37 ; 41 ; 59 ; 62 ; 63 ; 64 ; 68, n. 229 ; 72 ; 73 ; 75 ; 102 ; 113 ; 164 ; I, n. 22 + 26 + 72 + 99 + 104 + 106 + 113 + 173 + 178 + 200 + 206 + 220 ; II, n. 9 + 13 + 20 + 108 + 130 + 137 + 147 + 150 + 151 + 155 ; II, 7 / 8 ; II, n. 157 + 160 + 169 + 173 + 181 + 182 + 185 ; III, n. 2 + 15 + 33 + 57 + 138 + 162 + 175 + 191 + 204 + 227 ; IV, n. 24 + 116 + 122 + 137 + 149 + 150 + 187 + 211 ; V, n. 7 + 33 ; V, 4, 1 ; V, n. 62 + 95 + 120 Circé : 44 ; IV, n. 68 + 74 + 77 Cistercien(s) : 130 ; 132 ; 146 Claude : II, n. 144 Claudien : 46 ; 47 ; 51 ; 60 ; 74 ; 131 ; I, n. 45 + 50 ; II, n. 36 + 38 + 49 + 58 + 179 ; III, n. 25 + 59 + 68 + 217 + 231 + 233 + 234 ; IV, n. 187 + 199
Clauss, Manfred : 7, n. 43 Clavenna (voir Chiavenna) Cléanthe : 60 ; III, n. 122 Clément d’Alexandrie : XX, n. 4 ; 60 ; 63 ; 74 ; 108 ; 116 ; III, n. 166 ; V, n. 31 Clio : I, n. 31 Clitomaque : 34 Clopinel (voir Jean de Meun) Clovis : 4, n. 22 Clunisien : 132 CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) : XVII ; XVIII Colard Mansion : 145 Cole-Babbitt, Frank : II, n. 136 Colin, Gaston : I, n. 33 Collart, Paul : 36, n. 152 Cologne : 147 Columelle : 60 ; I, n. 43 ; IV, n. 191 Comi, Siro : 11, n. 58 Comité National : XVII Concina, Chiara : 138, n. 454 Condamin, Albert : 106, n. 311 Congrégation de France : 150 Conigaste : 7, n. 44 ; I, 4, 10 ; I, n. 121 Conrad de Hirschau : 129 Constantin Ier : I, n. 136 Constantin II : I, n. 136 Constantin l’Africain : 132, n. 411 Constantinople : 122 Constantinople I (concile de) : 13, n. 69 Conte, Sophie : 130, n. 397 ; 132, n. 411 ; 134, n. 429 Coornhert, Dirck Volckertszoon : 148 Copia (voir Abondance) Corbin, Michel, s. j. : XVIII Corbulon : I, n. 186 Corellius Rufus : 38 Corfinium : I, n. 159 Corinne : IV, n. 112 + 113 Cormélius Tacite : II, n. 51 Cornélie : V, n. 14 Cornelius Nepos : 60 ; III, n. 114 Cornelius Sylla : II, n. 144 Corneille, Pierre : 149 Corvey : 126
index des noms543
Corus : I, III, 3 ; IV, V, 13 Cosimo Bartoli : 148 Cosmas de Prague : 128 Coster, Ch.J. : 12, n. 61 Cotta, Caïus Aurelius : III, n. 33 Cottreau, Octave : IX ; 151 ; I, n. 168 ; III, n. 186 Coudert, A.P. : 150, n.544 Counet, Jean-Michel : XI ; 144, n. 501 + 502 Courcelle, Pierre : 2, n 6 ; 3, n. 17 ; 40, n. 180 ; 63, n. 216 ; 64 ; 67, n. 224 ; 72, n. 245 ; 78, n. 259 ; 113 ; 122, n. 338 ; 123 ; 124, n. 345 + 346 + 349 + 352 + 353 + 354 ; 125, n. 355 + 362 ; 126, n. 363 + 364 ; 127, n. 371 + 372 + 375 + 376 ; 129, n. 386 + 387 + 388 + 390 + 392 ; 130, n. 394 + 398 ; 132, n. 415 + 416 ; 133, n. 418 ; 134, n. 425 ; 135, n. 431 ; 138, n. 451 + 453 ; 149, n. 534 ; 150 ; I, n. 21 + 73 + 149 ; III, n. 227 ; IV, n. 147 + 171 + 197 ; V, n. 24 + 39 + 127 Cracco Ruggini, Leila : 2, n. 8 Crantor de Soles : 34 ; V, n. 111 Créateur (le) : 96 ; V, n. 33 Crespo, Roberto : 139, n. 461 Crésus : 157 ; II, 2, 11 Critolaüs : V, n. 111 Cropp, Glynnis M. : 138, n. 454 ; 141, n. 475 ; 142, n. 485 ; 143, n. 488 Curion : II, n. 130 ; IV, n. 229 Curtius, E.R. : I, n. 13 Cutler, Anthony : 13, n. 70 Cynique : 107 Cynisme : 70 ; 71 ; II, n. 81 Cyprien de Carthage : 38 ; 60 ; V, n. 31 Cyprien (Cyprianus – s. V-VI) : 8, n. 48 ; I, 4, 14 ; I, n. 127 + 133 + 137 Cyrus : II, 2, 11 Cyzique : 36 Dain, Philippe : 41, n. 184 Daly, Emily : 124, n. 347 Damoclès : III, n. 57
Danaïdes : III, n. 32 Dane, J.A. : II, n. 129 Dante : III, n. 247 ; IV, n. 16 Daphnis : IV, n. 10 David : 39 Debidour, V. H. : 40, n. 179 Decimus Laberius : III, n. 59 Décloître, Raphaëlle : 143, n. 487 Decoratus : 8 ; III, 4, 4 ; III, n. 41 Dedeck-Héry, V.L. : 137, n. 449 Déjanire : I, n. 62 + 191 ; IV, n. 217 Delbrück, Hans : 3, n. 11 Dell’Acqua, C. : 12, n. 63 Delmaire, Roland : II, n. 54 Déméter : I, n. 214 ; III, n. 7 Démiurge : 101 ; 102 ; 111 ; 112 Démocrite : 34 ; 74 ; V, n. 79 Démons : III, n. 170 Démosthène : 4, n. 24 Denys de Leeuwis : 145 Denys l’Aréopagite : 60 ; 146, n. 512 ; IV, n. 199 Denys le Tyran (ou l’Ancien) : III, n. 58 Deproost, P.-A. : 150, n. 543 Dieu : 22 ; 24 ; 25 ; 31 ; 32 ; 33 ; 35 ; 36, n. 150 ; 38 ; 47 ; 48 ; 56 ; 58 ; 65 ; 66 ; 68 ; 72 ; 73 ; 75 ; 76 ; 77 ; 78 ; 81 ; 85 ; 86 ; 87 ; 88 ; 89 ; 90 ; 91 ; 92 ; 93 ; 94 ; 95 ; 96 ; 97 ; 99 ; 101 ; 102 ; 103 ; 104 ; 105 ; 107 ; 108 ; 109 ; 110 ; 111 ; 112 ; 113 ; 114 ; 115 ; 116 ; 117, n. 333 ; 118 ; 119 ; 121 ; 126 ; 130 ; 135 ; 147 ; 148 ; 149, n. 539 ; 152 ; 153 ; 155 ; 157 ; 159 ; 160 ; 161 ; 163 ; 164 ; 165 Diane : I, n. 183 ; II, n. 188 ; III, n. 169 Dicéarque : V, n. 111 Didon : III, n. 23 Didymos, Aerios : 35 Dini, A. : 21, n. 101 Dioclétien : 107 Diodore de Tyr : V, n. 111 Diogène Laërce : 69, n. 235 ; 74 ; I, n. 82 + 84 Diomède : IV, n. 217
544
index des noms
Dion Cassius : 60 ; II, n. 144 Dion de Pruse : 36 Dionysos : I, n. 217 Dölger, F.J. : III, n. 166 ; V, n. 31 Domenichi, Lodovico : 148 Dominicain : 135 ; 138 ; 147 Dominicus Gundisalvi : 130 Domitius : I, n. 159 Doñas, Antonio : 146, n. 515 Dorset : 127 Dracontius : 60 ; II, n. 180 ; III, n. 34 + 132 + 162 + 231 + 234 ; IV, n. 9 + 186 Draelants, Isabelle : 134, n. 427 + 428 Dronke, Peter : 130, n. 395 Drusilla, Livie : 35 Drusus : 35 Dubreucq, Éric : 109 Ducos, Michèle : 37, n. 158 Dümmler, Ernst : 124, n.351 Dunlap, J.E. : I, n. 129 Duns Scot : 146, n. 512 Dunstan de Glastobury : 126 Duprat, G. L. : 69, n. 235 Durand, G.-M. de : 72, n. 243 Dutoit, Ernest : III, n. 104 Ecclésiaste : 98 Ééa (île) : IV, n. 68 Eckhard (voir Ekkehard) Eckhart, Maître : 138 ; 139 École de médecine de Salerne : 132 Écritures : 100 Église : 40 ; 81 ; 87 ; 108 ; 114, 129 ; 147 ; 155 Égypte : II, n. 136 Ekkehard (ou Eckhard – chroniqueur) : 128 Elfassi, Jacques : 123, n. 343 Élisabeth de Tyrol : 139 Élisabeth Ière : 149 Elpidius (voir Helpidius) Elpis (voir Helpis) Émery de Taizé : 132, n. 413 Émilien (voir Scipion) Empire romain : XVII ; XIX Énée : I, n. 10 + 101 ; III, n. 23 + 112 + 162
Enfer(s) : 90 ; III, n. 231 + 237 + 238 + 239 ; IV, n. 222 Engelbrecht, August : II, n. 131 Ennode (de Pavie) : 2, n. 4 ; 3, n. 17 ; 4 ; 39 ; 44 ; 61 Ensemenceur : 96 Éphèse : 13, n. 69 ; 23 Épictète : 35 ; 60 ; 70 ; II, n. 87 Épicure : 35 ; 59 ; 74 ; 102 ; I, n. 154 ; II, n. 130 ; III, n. 15 Épicurien : 70 ; IV, n. 217 Épicurisme : 70 ; 74 ; II, n. 81 Épire : II, n. 179 Éphèse I (concile d’) : 13, n. 69 Er (l’Arménien) : 92 ; 114 ; IV, n. 86 ; 150 Erato : I, n. 31 Érigène, Jean Scot : XVII ; 125 ; 132, n. 409 Ermenrich d’Ellwangen : 124 Eros : 92 Érymanthe : IV, n. 217 Espagne : I, n. 123 ; III, n. 114 Espérance : 141 Esprit (Trinité) : XX ; 82 Esprits (les sept) : 113 Éternel (l’) : 110 ; 113 Etna : I, n. 97 ; II, V, 25 Étolie : IV, n. 217 Eubée : II, n. 16 Euclerius : 122, n. 338 Euclide : 17 ; 60 ; III, n. 152 Eudes Rigaud : 136, n. 437 Euler, W.A. : 21, n. 101 Euphorion : V, n. 95 Euphrate : V, I, 3 ; V, n. 9 Euripe : II, I, 2 Euripide : 59 ; I, n. 32 ; III, n. 69 ; III, 7, 6 ; III, n. 72 + 89 ; IV, n. 209 ; 211 Eurus : II, IV, 4 ; IV, III, 3 Eurydice : 44 ; III, n. 231 ; III, XII, 50 ; III, n. 245 Eusèbe (Eusebius) (préfet) : 11, n. 56 ; 12, n. 63 Eusèbe de Césarée : XX, n. 4 ; XXII ; 19, n. 94 ; 63 Euterpe : I, n. 31 Eutychès : 16 ; 23
index des noms545
Évandre : IV, VII, 26 Évangiles(s) : 113 Evenos de Paros : III, n. 85 Evenus : III, n. 85 Évêque d’Hippone (voir Augustin) Eyssenhardt, Franz : I, n. 102 Faculté des arts : 133 Fadius, T. : 37 Faral, Edmond, 131, n. 403 Favero, Alessandra : 128, n. 455 Favreau-Linder, A.-M. : 7, n. 238 Fauste : 28 Favorinus (ou Favorinos) d’Arles : 36 ; 60 ; IV, n. 197 Federici Vescovini, Graziella : 142, n. 481 Félix III (pape) : 2 Festugière, A.-J. : XXVI Festus : 3, n. 15 Ficin, Marsile : XIX ; XX, n. 4 ; XXII ; XXVII ; 21 ; 146 Figulus, Nigidius : 37 Fils (Trinité) : 81 ; 82 ; 101 ; 112 Finistère : 125 Flaccus, L. : II, n. 108 Flamand, J.-M. : III, 85 Flaminie : I, n. 134 Flavius Anicius Olybrius : 2 Flavius Theodorus : 15, n. 77 Flavius Ursus : 37 Fleury : 15 Florence : XXII ; 147 Floris, Cecilia : 42, n. 187 ; 43, n. 190 ; 47 ; 124, n. 348 Follet, S. : 36, n. 151 Fondateur : 86 ; 96 ; 156 ; I, V, 1 ; I, 6, 4 ; II, 5, 10 ; IV, VI, 34 ; V, II, 7 ; V, 6, 9 Fondation Singer-Polignac : XVIII Fontaine, Jacques : V, n. 31 Förköli, Gábor : 149, n. 538 Forlivio, Bartolomeo de : 142 Fortescue, Adrien : XIX, n. 2 ; 80 Fortunatianus, Atilius : 60 ; III, n. 38 Fortune (Fortuna, Fortunes, fortune, fortunes) : XXI ; 57 ; 58 ; 69 ; 73 ; 76 ; 84 ; 120 ; 121 ; 125 ; 135 ;
144 ; 157 ; I, I, 17 ; I, n. 98 ; I, IV, 3 ; I, 4, 2 / 19 / 35 / 43 / 44 ; I, V, 29 ; I, 5, 10 ; I, 6, 19 ; II, 1, 2 ; II, n. 1 ; II, 1, 9 / 13 / 15 / 16 ; II, n. 13, 15, 16 ; II, 2, 1 ; II, n. 22 ; II, 2, 12 ; II, n. 28 ; II, 3, 1 / 9 ; II, n. 57, 58 ; II, 3, 13 ; II, III, 15 ; II, 4, 2 / 4 / 9 / 15 ; II, n. 78 ; II, 4 17 / 23 / 25 ; II, n. 94 ; II, 5, 2 / 14 / 15 ; II, n. 106 ; II, 5, 22 ; II, 6, 6 / 15 / 20 ; II, 8, 1 / 3 / 5 6 ; II, n. 184 ; III, 1, 2 ; III, n. 1 ; III, 2, 9 ; III, 5, 13 ; III, n. 93 ; IV, 5, 2 ; IV, 6, 35 et 46 ; IV, 7, 2 / 3 / 6 / 9 / 10 / 11 ; IV, n. 201 ; IV, 7, 15 / 17 / 20 / 22 ; V, n. 87 Foulet, Lucien : IV, n. 66 Francone, Carla : 143, n. 490 Frati, Lodovico : 142, n. 481 Frédéric Ier : 130, n. 394 Fresne de Francheville, Joseph du : 149, n. 533 ; 150 ; I, n. 128, 178 ; II, n. 73 Frioul : 133 Fromund de Tegernsee : 127 Fronton (M. Cornelius) : 36 Fuentes González, P. P. : 40, n. 175 ; 70, n. 239 Fulgence de Ruspe : 40 ; 41 Fulgence le Mythographe : 41 Fumaroli, Marc : 151, n. 549 Furies : III, n. 240 Fuscine : 38 Gabriel, Marcel : XX, n. 5 Gaffiot, Félix (+ Flobert, Pierre) : IV, n. 106 Gaïa : III, n. 216 Gaiffier, Baudoin de : 123, n. 344 Gaius César (voir Caligula) Gaius Fabricius Luscinus : II, VII, 15 ; II n. 179 Galien : 36 Galla : I, n. 172 Gallien (empereur) : I, n. 111 Galonnier, Alain : XVIII ; XX ; XXVI ; 1, n. 2 ; 7, n. 39 ; 14, n. 75 ; 17, n. 85 ; 21, n. 99 + 100 ;
546
index des noms
23, n. 104 ; 68, n. 226 ; 76, n. 257 ; 77, n. 258 ; 79, n. 263 + 264 ; 88, n. 280 ; 96, n. 289 ; 122, n. 339 ; 128, n. 381 ; 135, n. 432 ; I, n. 2 ; V, n. 116 Gand (ou Ghent) : 146 ; 148 Gange : II, n. 160 Garnier de Rochefort : 132 Gaudence (Gaudentius) : 8, n. 48 ; I, n. 127 ; I, 4, 17 ; I, n. 137 + 139 + 141 Gaule : I, n. 158 Gauthier, R. A. : 133, n. 420 ; 136 Géants : 161 ; III, 12, 24 ; III, n. 216 Gegenschatz, Ernst : II, n. 59 Gélase (pape) : 28 Gémonies : II, n. 184 Genève : 148 Georges le Syncelle : I, n. 149 Georgetown University : XIII Germanicus : I, 4, 27 ; I, n. 150 Gerson, Jean : XXVII Gervaise, Fr. A. : 146 Gervasio : 12, n. 163 Géryon : IV, n. 217 Ge(s)sios : 4, n. 25 Géta : III, n. 63 Ghent (voir Gand) Gianani, Faustino : 11, n. 59 ; 12, n. 63 Gigantomachie : III, n. 217 Gigon, Olof : II, n. 59 Gino Guicciardini, Nicolò di : 139 Gioanni, Stéphane : 39, n. 170 Giorgio, J.-P. : 70, n. 238 Giovanni Boccacio : 142 Glareanus, H.L. : 147 ; IV, n. 164 Glei, Reinhold F. : 146, n. 516 Glorieux, Palémon : 143, n. 492 Goddard, Victoria : 128, n. 385 ; 129, n. 388 + 393 ; 130, n. 395 ; 131, n. 405 ; 137, n. 445 Godden, Malcolm : 126 Gondebaud : 4, n. 22XXVII Gonthier de Cologne : 124 Gonthier de Pairis : 132 Goth(s) : 27 ; 28 Goulet, Richard : 35, n. 148 ; II, n. 135
Goulet-Cazé, Marie-Odile : XVIII ; 39, n. 173 ; 40, n. 174 ; 107, n. 313 Gracchus, Caïus : II, n. 147 Grazia di Meo : 139 Grégoire de Rimini : 140 Grégoire de Tours : 29, n. 129 ; I, n. 118 Grégoire le Grand : 3, n. 18 : 123 Grèce : 20 ; 59 ; 92 ; 102 ; 121, n. 335 Grimold de Saint-Gall : 124 Gruber, Joachim : 42, n. 187 + 189 ; 51 ; 61 ; 62 ; 97 ; 119 ; I, n. 3 + 7 + 8 + 9 + 10 + 13 + 14 + 16 + 18 + 22 + 34 + 43 + 45 + 46 + 49 + 50 + 57 + 62 + 66 + 69 + 79 + 89 + 91 + 96 + 97 + 100 + 101 + 109 + 111 + 140 + 159 + 174 + 180 + 181 + 185 + 186 + 191 + 202 + 207 + 210 + 215 + 216 + 220 + 231 + 233 + 234 ; II, n. 10 + 17 + 20 + 22 + 32 + 33 + 34 + 36 + 37 + 38 + 51 + 52 + 58 + 64 + 66 + 70 + 76 + 83 + 85 + 94 + 95 + 106 + 108 + 114 + 117 + 120 + 121 + 123 + 124 + 126 + 127 + 132 + 137 + 139 + 142 + 143 + 144 + 147 + 150 + 151 + 154 + 155 + 157 + 161 + 164 + 165 + 169 + 171 + 175 + 177 + 178 + 180 + 181 + 186 + 190 + 192 + 193 ; III, n. 2 + 6 + 10 + 11 + 15 + 17 + 19 + 21 + 24 + 25 + 26 + 35 + 36 + 37 + 53 + 59 + 61 + 66 + 69 + 79 + 83 + 90 + 93 + 104 + 106 + 114 + 122 + 129 + 130 + 132 + 133 + 135 + 137 + 138 + 139 + 140 + 163 + 165 + 175 + 201 + 204 + 205 + 235 + 243 ; IV, 1 + 4 + 9 + 17 + 20 + 24 + 38 + 41 + 42 + 44 + 74 + 75 + 77 + 85 + 87 + 95 + 96 + 110 + 111 + 112 + 113 + 116 + 119 + 120 + 122 + 127 + 128 + 131 + 137 + 144 + 147 + 159 + 181 + 182 + 189 + 195 + 206 + 208 + 211 + 213 + 214 + 220 + 221 + 223 + 225 + 227 + 229 ; V, n. 2 + 5 + 7 + 12 + 13 + 14 + 15 + 24 + 25 + 27 + 28 + 45 + 50 + 56 + 58 + 60 + 95 + 96 + 98
index des noms547
+ 99 + 101 + 102 + 103 + 117 + 118 + 119 + 123 + 130 + 146 Gryphe, Sébastien : XIX Gualla, J. : 10, n. 54 Guillaume d’Aragon : 139 ; 141 Guillaume de Conches : 129 Guillaume de Lorris : 137 ; 138 Guillaume de Machaut : 141 Guillaume de Malmesbury : 125, n. 359 Guillaume de Moerbeke : 63, n. 212 Guillaumin, J.-B. : 63, n. 212 ; I, n. 42 ; II, n. 6 ; 58 Guillaumin, J.-Y. : II, n. 24, 167, 183 ; III, n. 151 ; IV, n. 54, 164 Guillermus de Cortumelia : 139 Guy d’Arezzo : 136 Hadot, Ilsetraut : 37, n. 162 Hadot, Pierre : 70 Hagenbuch, Gaspar : 2, n. 10 Hahm, D.E. : 69, n. 231 Hainaut : 137 Halleux, André de : 23, n. 103 Halma, N. B. : II, n. 153 Hans Glim : 145 Harding, Catherine : 140, n. 464 Häring, N.M. : 131, n. 405 ; 132, n. 416 Hartel, Wilhelm : 38, n. 167 Hartmann, L.M. : 3, 18 Haury, Jacob : 13, n. 65 Hecquet-Noti, Nicole : 39, n. 169 Hector : 34 ; II, n. 29 Hédonisme : XXIV Hehle, Christine : 131, n. 402 ; 133, n. 419 ; 145, n. 505 Heinz, Helmuth-Wilhelm : 139, n. 462 Heitz, Emil : III, n. 99 Hélène : IV, n. 214 Hellénisme : 39 ; 80 ; 117 ; 120 Helm, Paul : 41, n. 183 Helmont, François-Mercure van : 150 Helpis (ou Elpis) : 3, n. 18 ; III, n. 88 Helpidius, Rusticius : 122 Helvia : 37 Henri Aristippe : 63, n. 212 Henri Bate de Malines : 137 Henri d’Aragon : 143
Henri de Settimello : 132 Henry, Paul : 109, n. 317 Héraclide : V, n. 111 Hercher, Rudolf : III, n. 85 Hercule : 44 ; 142, n. 482 ; II, n. 34 ; II, 6, 10 ; II n. 136 ; IV, n. 133 + 217 + 220 + 221 + 226 ; IV, VII, 13 Hermann de Tournai : 129 Hermans, Theo : 150, n. 540 Hermas : 104 Hermès (voir Mercure) Hermès Trismégiste : 60 ; 89 ; 102 ; 103 ; I, n. 17 ; IV, n. 164 Hermus : III, X, 8 ; III, n. 164 Hérodote : 60 ; II, n. 25 + 26 Herren, M.W. : 40, n. 176 Hespérides : IV, n. 211 Hespérie, Hesperius : I, II, 16 ; I, n. 49 ; III, II, 31 Hesperos, Hespérus, Hesper (= Vesper) : I, V, 11 ; I, n. 183 ; II, VIII, 7 ; IV, 6, 4 ; IV, n. 184 Hêylêl : 87 Hildebert de Lavardin : 128 Hildebrand, August : 79 Hildéric : 29 Hincmar de Reims : 125 Hipparque : 35 Hobart, John : 150 Hodgkin, Thomas : 85, n. 271 ; I, n. 119 Hoenen, Maarten : 146, n. 513 Hoepffner, Ernest : 141, n. 471 Holder, Alfred : 79 ; I, n. 1 Homère : 34 ; 60 ; I, n. 39 + 65 + 103 + 200 ; II, n. 29 ; III, n. 78 + 242 ; IV, n. 68 + 76 + 170 + 182 + 216 + 217 ; V, II, 3 ; V, n. 23 + 24 + 28 Honoratus : III, n. 41 Honorius : 46 Horus : 109 Horace : 43 ; 44 ; 45 ; 46 ; 47 ; 48 ; 50 ; 51 ; 53 ; 54 ; 55 ; 60 ; 145 ; I, n. 98 + 99 + 215 ; II, n. 12 + 22 + 32 + 33 + 34 + 35 + 83 + 100 + 146 + 161 + 164 + 165 + 169 + 177 + 179 + 180 + 190 ; III, n. 34 + 54 + 69 + 165 + 231 + 232 + 239 ; IV,
548
index des noms
n. 73 + 74 + 108 + 210 + 211 ; V, n. 12 + 46 + 58 Hormisdas (pape) : 28 Höxter : 126, n. 365 Hrotsvita de Gandersheim : 127 Hugo de Trimberg : 134 Hugues de Saint-Victor : 129 Humanisme : XVII ; XXVII ; 142 Ḥunayn ibn Isḥāq : 132, n. 411 Hunter, Brooke : 144, n. 498 Huot, Sylvia : 144, n. 496 Huygens, R.B.C. : 126, n. 366 Hydre : IV, n. 133 + 217 Hyllus : I, n. 191 Hypace : 3, n. 18 ; III, n. 89 Imhoof, Stefan : 34, n. 142 Inde(s) : III, V, 5 ; III, n. 115 Indus : III, X, 9 ; III, n. 164 Inwood, B. : 35, n. 149 Iohannes Bernartius : 149 Iphigénie : IV, n. 215 Irénée de Lyon : 108 Isaac, Jules : 113, n. 326 ; I, n. 155 Isaac de l’Étoile : 131 Isaïe : 87 Isidore de Séville : 60 ; 123 ; 137 ; II, n. 149 ; IV, n. 119 Islande : III, n. 69 Italie : 122 ; I, n. 156 Ithacus (Ithaquien – voir Ulysse) Ithaque : IV, n. 68 + 216 Ixion : III, XII, 34 Jackson, Henri : V, n. 86 Jacob : 104 Jacob Vilt : 145 Jacobsen, J.-P. : 117 Jacques, Étienne : 108, n. 314 Jacques de Voragine : III, n. 87 Jamblique : 60 ; 67 ; 70 ; 72 ; 113 ; 116 ; 118 ; I, n. 25 + 169 ; III, n. 99 James, H.R. : 151 Janin, Jules : 151 Jardin (le) : XVII ; XIX ; 70 Jason : III, n. 99 Jaucourt, Louis de : 39, n. 171
Jean (diacre) : 23, n. 105 ; 26 Jean Ier (pape) : 15 ; 23, n. 105 ; 29 Jean II (pape) : 23, n. 105 Jean d’Ennetières : 149 Jean de Fécamp : 127 Jean de Hauville : 132 Jean de La Rochelle : 136, n. 437 Jean de Meun (dit Clopinel) : IX, n. 1 ; 137 ; 141 ; 145 Jean de Salisbury : XIX ; 130 Jean de Silhon : 149 Jean de Tambach : 141 ; 142 Jean de Thys : 141 Jean Gerson : 143 Jean Houzé : 149 Jean Scot Érigène : 125 ; 132, n. 409 Jean Stobée : 60 ; I, n. 168 Jeauneau, Éd. : 132, n. 410 ; 134, n. 423 Jérôme (saint) : 38 ; 60 ; I, n. 18 Jérôme (Pseudo-) : 38 Jérusalem : 88 Jésuite : 149 Jésus (voir Christ) Jocaste : I, n. 100 Joël, Karl : 34, n. 139 John Walton : 143 Jonas d’Orléans : 124 Josse Bade d’Assche (voir Ascensius) Jourdain, Charles : 155 Judéo-Christianisme : 87 Judicis de Mirandol, Louis (alias Paul Lagarde) : 151 ; I, n. 111 ; II, n. 49 ; III, n. 83 + 85 + 92 + 109 + 114 + 153 + 158 + 186 + 227 ; IV, n. 50 + 64 + 108 + 214 ; V, n. 34 + 37 + 45 + 111 Juge (souverain) : XXV Julien (empereur) : 36 ; III, n. 116 ; V, n. 31 Julien de Tolède : 123 Julius Canus (ou Canius) : 59 ; 106 ; I, 3, 9 ; I, n. 86 ; I, 4, 27 ; I, n. 148 Julius Fleurus : II, n. 165 Julius Montanus : II, n. 144 Junon : II, n. 66 ; III, n. 241 Jupiter : 157 ; IV, n. 177 ; V, n. 1 + 23
index des noms549
Jupiter-Pluton : II, n. 52 Justin Ier (empereur) : 15 ; 29 ; I, n. 127 Juvénal : 60 ; I, n. 128 ; II, n. 113 + 184 ; IV, n. 72, 124 Juvencus : 60 ; IV, n. 177 Kanyororo, J.-Ch. : 109, n. 318 Kardos, M.J. : III, n. 33 Karfik, Filip : IV, n. 144 Kaylor, N.H. Jr : 143, n. 486 ; 149, n. 535 ; 150, n. 542 Keats-Rohan, K.S. : 130, n. 399 Keil, Heinrich : 46, n. 197 Kerlouégan, François : 125, n. 361 Kindermann, Udo : 129, n. 393 Kissingen : 128 Klingner, Friedrich : 79 Knorr von Rosenroth, Christian : 150 Konrad Humery : 145 Krausz, Sophie : I, n. 221 Krey, Peter D.S. : 140, n. 468 Lacassagne, Miren : 144, n. 500 Laconie : III, n. 237 Lactance : 60 ; I, n. 155 ; III, n. 162 + 166 ; V, n. 120 Laërte : V, n. 46 Lafaye, Georges : III, n. 38 Lafleur, Claude : 134, n. 423 + 424 ; 136, n. 436 Lafuma, Louis : XXII ; XXIII Lagarde, Paul (voir Judicis de Mirandol) La Haye : 151 Lalande, André : III, n. 152 ; V, n. 16 Lamy, Alice : 137, n. 446 Langlois, Ernest : 137, n. 448 Latins : V, n. 120 Laurent de Médicis : 146 Lavaud, Laurent : 91, n. 284 Lawrence de Durham : 129 Lazure, Noël : 108, n. 314 Lebsanft, Franz : 142, n. 484 Lécrivain, Charles : 7, n. 42 Leibniz, G.W. : XIX ; 150 Leipzig : 151 Lejbowicz, Max : 129, n. 388
Le Lay, Cécile : 136, n. 439 Léon XIII (pape) : 14, n. 73 León Sanz, I.M. : 135, n. 433 Lerida : 140 Lerne : IV, n. 217 Levet, Jean-Pierre : 15, n. 78 Lévius : 46 ; 51 Lévy, Carlos : 63, n. 212 Lewis, C.S. : 9 Leyde : 149 ; 150 Libye : IV, n. 71 + 217 Livius Andronicus : 60 ; I, n. 4 Livvirit : I, n. 123 Lombardo, Luca : 137, n. 445 Londres : 151 Loup de Ferrières (dit Servat Loup) : 124 ; 148 Lucceius : 37 Lucain : 59 ; 60 ; I, n. 32 + 89 + 202 ; III, n. 1 + 34 + 139 + 240 ; IV, n. 160 + 229 ; V, n. 12 + 13 + 87 Luciani, S. : 37, n. 161 Lucien de Samosate ; 40 Lucifer : 87 ; I, V, 13 ; I n. 184 ; III, I, 9 ; IV, VI, 15 ; IV, n. 183 Lucilius : 37 ; II, n. 139 + 141 ; III, n. 129 ; IV, n. 42 Lucrèce : 60 ; 70 ; 74 ; I, n. 46 ; II, n. 92 + 126 + 128 + 154 + 179 + 190 ; III, n. 234 ; IV, n. 217 ; V n. 5 Lumières (les) : XVII Lune (la – voir Phébé) Luther, Martin : 140 ; 147 Luxorius : 44 Lycée : XVII ; 34 Lydie : II, 2, 11 ; III, n. 114 Lyncée : III, 8, 10 ; III, n. 97 Lygdamus : III, n. 35 + 164 + 238 Lyon : XIX, n. 3 McCormick, Michael : 85, n. 271 McCutcheon, Elisabeth : 148, n. 529 Macédoine : II, n. 27 ; IV, n. 90 Macrobe : 25, n. 110 ; 41 ; 60 ; 113 ; II, n. 150 + 157 + 171 ; III, n. 134 + 137 ; IV, n. 187+ 195 Madec, Goulven : V, n. 16
550
index des noms
Magee, John C. : 9 ; 17, n. 88 ; 19, n. 96 Maggini, Francesco : 136, n. 440 Magnard, Pierre : XI ; XXVII ; 21, n. 101 Maillard, J.-F. : 148, n. 531 Mal : XXIV ; 158 Malebranche, Nicolas : XXV Malée : IV, n. 206 Malheureux (les) : 151 Malines : 142 Mamert, Claudien : 131, n. 406 Mancini, Girolamo : 148, n. 526 Mânes : 117 ; 118 Manley, Frank : 148, n. 529 Mans (Le) : 128 Maranini, Anna : V, n. 120 Marc Aurèle : 36 ; 98 Marcel, Étienne : XX, n. 5 Marcellin (comte) (Marcellinus Comes) : 29, n. 133 Marcellus : 37 Marcia : 37 Marcus Tullius (voir Cicéron) Marenbon, John : 40, n. 176 ; 62 ; V, n. 116 Mariotti, Scevola : I, n. 193 Marius d’Avenches : 3, n. 20 ; 11 ; 13, n. 68 ; 29, n. 129 + 134 Marmarique : IV, III, 11 ; IV, n. 71 Marquard l’Écossais : 135 Mars : IV, n. 14, 179 Marseille : V, n. 120 Martial : 43 ; 46 ; 55 ; 60 ; II, n. 179 ; III, n. 21 ; IV, n. 71 + 124 Martin (saint) : IV, n. 7 Martin, Albert : I, n. 199 Martin le Franc : 144 Martyn, John R.C., 2, n. 8 ; 3, n. 15 Martz, Louis L. : 148, n. 529 Matthieu (apôtre) : 88 ; III, n. 110 Matthieu de Vendôme : 131 Matzke, J.E. : 131, n. 404 Maurus : 132 Maxime Planude : 137 Maxime de Tyr : IV, n. 214 Maximianus Etruscus : 5 Mayence : 145
Mécène : II, n. 22 + 83 Médée : IV, n. 11 + 140 + 144 ; V, n. 11 Médioplatonicien(s) : 35 Meiser, Karl : 68, n. 228 ; V, n. 4 + 86 + 137 + 143 Melchior Beyenka, Mary : 38, n. 166 Méléagre de Gadara : 40 Mélissos : I, n. 38 Melpomène : I, n. 31 Ménandre le Rhéteur : 34 Ménélas : IV, n. 214 Ménippe de Gadara : 39 Mercure (Hermès) : IV, n. 73 Mère-Nature : 132 Merlan, Philipp : V, n. 127 Mérobaude (Flavius Merobaudes) : 60 ; IV, n. 214 Méthode d’Olympe : 40 Meyer, Christian : II, n. 7 Mézence : I, n. 10 Michaëlis de Vasconcelos, C. : 144, n. 503 Milan : 11 ; 12 ; 146 ;151 ; II, n. 80 Millereux, Caroline : I, n. 222 Minnis, A.J. : 141, n. 477 Minucius Félix : 60 ; V, n. 120 Mirandol (voir Judicis de Mirandol) Modoin : 124 Modri, Lucas : 138, n. 453 Monique (sainte) : I, n. 30 Montaigne, Michel Eyquem de : 149 ; 150 Mont-Cassin : XXVI Monte Andrea : 136 Monza : 13, n. 70 Mohrmann, Christine : V, n. 51 Moïse : XIX Mommsen, Theodor : 7, n. 40 Morel, P. M. : 35, n. 146 Morelli, A.M. : 42, n. 188 Moreschini, Claudio : XIII ; I, n. 23 + 36 + 58 + 130 + 143 + 192 + 193 + 225 ; II, n. 2 + 10 + 17 + 59 + 72 + 86 + 88 + 98 + 102 + 110 + 125 + 156 ; III, n. 5 + 43 + 86 + 94 + 122 + 135 + 183 + 197 + 213 + 215 ; IV, n. 5 + 55 + 63 + 78 + 91
index des noms551
+ 109 + 138 + 166 + 170 + 179 + 197 + 201 + 204 ; V, n. 34 + 45 + 90 + 148 Moret, Alexandre : 109, n. 319 Morlet, Sébastien : IV, n. 171 Morris, Richard : 141, n. 477 Morton, Catherine : 12, n. 63 Moselle : IV, n. 181 Moyen Âge : XVII ; XIX Mund-Dopchie, Monique : III, n. 69 Murmellius, Johannes : 145 ; 147 Muse(s) : I, 1, 7 ; 106, n. 312 ; 156 ; I, n. 4 + 40 + 209 ; I, 5, 10 ; I, n. 208 ; III, XI, 15 Musonius : 36 Musurillo, H. : 40, n. 179 Mycéniennes : IV, n. 217 Nachtmann, Doris : 125, n. 358 Namatianus, Rutilius : 60 ; III, n. 10 ; IV, n. 77 Narcy, Michel : 34, n. 139 Nature : 70 ; 131 Naumann, Hans : 127, n. 371 Nauta, Lodi : 147, n. 520 Nautin, Pierre : 38, n. 165 Néarque : I, n. 84 Némée : IV, n. 217 Néoplatoniciens : 116 ; III, n. 162 ; V, n. 31 Néoplatonisme : 41 ; 71 ; 79 ; 129 Népotien : 38 Nérite : IV, III, 1 ; IV, n. 67 Néron : 40 ; 158 ; 159 ; I, n. 87 + 88 ; II, VI, 15 ; II, n. 144 ; III, IV, 4 ; III, n. 53 + 62 ; IV, n. 112 Nestor : V, n. 24 Nestorius : 1 ; 16 ; 23 Névius : 60 ; I, n. 4 Nicée : 13, n. 69 Nicée I (concile de) : 13, n. 69 Nicénisme : 13, n. 69 ; 78 ; 82 ; 83 Nicholas Trivet : 138 ; 139 Nicocréon : II, n. 135 Nicolas de Clairvaux : 130 Nicolas de Cues : XVII ; 21 ; 144 Nicolaus Crescius : 146 Nicolet, Claude : III, n. 48
Nicomaque de Gerasa : 16 Niekerk, Dic van : 149, n. 532 Nietzsch, Friedrich (ou Frédéric) : XXI Niklas van Wyle : 144 Nitzsch, Friedrich : 79 Noest, Marcel M. : 141, n. 476 Nonius : III, 4, 2 Notker III de Saint-Gall : 127 Notus : II, VI, 12 ; III, I, 7 Nouveau Testament : 88 ; 90 ; 101 ; 105 ; 107 ; 108 ; 110, n. 320 Obbarius, Theodor : 3, 15 ; V, n. 34 Obertello, Luca : 2, n. 6 ; 7 ; 10, n. 53 ; 11, n. 59 ; 13, n. 68 Occident : 23 Océan : IV, n. 131 +182 ; IV, VI, 2 Octave : III, n. 68 Octavie : 35 ; III, n. 113 ; IV, n. 65 + 71 O’Daly, Gerard : 39, n. 172 ; 42, n. 187 Odon de Morimond : 130 O’Donnell, James : I, n. 22 + 59 + 141 + 165 ; II, n. 8 + 185 ; III, n. 16 + 186 + 207 ; IV, n. 92 ; V, n. 83 Odysseus (voir Ulysse) Œdipe : III, n. 16 ; IV, n. 101 Oil (langue d’) : 131 Olmedilla Herrero, Carmen : 139, n. 461 Olympe : 101 ; III, n. 216 Oméga : 97 Opicinus de Canistris : 14 Opilio(n) : 8, n. 48 ; I, n. 127 ; I, 4, 17 ; I, n. 137 + 139 + 141 + 205 Ordonnateur (l’) : 111 Orient : 23 ; 80 ; 123 ; I, II, 17 ; II, VI, 10 Origène : XXII ; 116 Origène le Chrétien : XX Origine : 96 Orphée : XXIV ; 44 ; 118 ; 161 ; III, n. 231 + 233 + 234 + 235 + 240 + 241 + 242 + 243 + 244 + 246 + 247 ; III, XII, 50 Orth, Peter : 128, n. 385
552
index des noms
Osiris : 109 Osney (abbaye d’) : 143 Ostrogotha II : 29, n. 128 Otto, August : II, n. 31 Otto de Freising : 130 Ourse (Petite et Grande) : IV, n. 119 + 182 ; IV, VI, 9 Ovide : 37 ; 43 ; 60 ; 74 ; I, n. 3 + 6 + 7 + 9 + 49 ; II, n. 63 + 64 + 91 + 92 + 95 + 121 + 123 + 142 + 143 + 180 ; III, n. 1 + 10 + 18 + 26 + 36 + 79 + 130 + 132 + 233 + 237 + 238 + 239 + 240 + 241 + 242 + 243 + 245 + 246 ; IV, n. 68 + 73 + 85 + 112 + 113 + 123 + 124 + 177 + 185 + 186 + 187 + 215 + 217 + 221 + 223 ; V, n. 2 + 12 + 25 + 87 + 117 + 120 Oxford, Ch. Ch. : 151 Pabst, Bernhard : 42 Pactole : III, n. 114 Pacuvius : II, n. 28 Paganisme : 151 Paganus : 129 Païen : 84 ; IV, n. 2 Palerme : 150 Palfi, Gyorgy : III, n. 80 Palmieri, Nicoletta : 132, n. 411 Pammachius : 38 Pan : 92 Pannenborg, Albert W. : 132, n. 414 Papahagi, Adrian : 79, n. 266 Papamathopoulos, Manolis : 137, n. 448 Papinien : 106 ; III, 5, 10 ; III, n. 63 Papio, Michael : 142, n. 480 Pâris : IV, n. 214 Paris : 135 ; 136 ; 150 Parix, Johan : 145 Parménide : 59 ; 63, n. 216 ; 73 ; 74 ; I, n. 38 ; III, 12, 37 ; III, n. 224 ; IV, n. 164 Parthes : II, 7, 8 ; II, n. 161 ; V, n. 2 + 12 Pascal, Blaise : XXII ; XXIII ; 150 Paschase Radbert : 124 Passau : 124 Passion (du Christ) : XXIV
Patch, H.R. : IV, n. 154 Patrice : 3, n. 18 ; III, n. 88 Pattin, Adriaan : 142, n. 484 Paul [apôtre] : 115 Paul Émile (voir Paulus) Paul Orose : 137 Paulin (Paulinus) : 45 ; I, 4, 13 ; I, n. 125 Paulin de Nole : 38 ; 43 ; 60 ; IV, n. 177 ; V, n. 50 Paulin de Périgueux : 60 ; IV, n. 12 Paulinus (voir Paulin) Paulinisme : 35 Paulus (= Lucius Aemilianus Paulus – dit Paul Émile) : 113 ; II, 2, 12 Pavie : 10 ; 12 ; I, n. 157 + 161 ; 11 ; 14, n. 73 + 74 ; II, n. 80 Pavis d’Escurac, Henriette : III, n. 50 Pays de Galles : 125 Paz, Luis : 40, n. 178 Pecere, Oronzo : 122, n. 337 Pedro de Coimbra : 144 Pedro de Luna : 143 Peeters, Paul : V Peiper, Rudolf : IX, n. 1 ; 124, n. 348 ; 151 ; IV, n. 160 ; V, n. 34 + 45 Pellegrino, Michele : V, n. 120 Pepe, Luigi : 42, n.187 Pepin, Ronald, E. : XX, n. 4 Père (invocation chrétienne) : 108 Père (invocation païenne) : 59 ; 88 ; 99 ; 160 ; V, n. 138 Père(s) (de l’Église) : XXII ; 87 ; 108 ; 129 ; 135 ; IV, n. 164 Père (Trinité) : 35 ; 81 ; 82 ; 89 ; 93 ; 101 ; 103 ; 108 ; 109 ; 119 Pere Borró : 141 Pere Saplana : 141 Périclès : 36 Péripatéticiens : V, n. 111 Pernot, Laurent : 34, n. 141 ; 36, n. 154 Perotti, Niccolò : 51 ; 145 Perrot, Arnaud : 36, n. 156 Perse (la) : I, n. 220 ; V, n. 13 Perse : V, n. 5 Persée : 157 ; II, 2, 12 Perséphone : I, n. 214
index des noms553
Perses : II, n. 161 Petre von Kassel : 142 Pétrarque (François) : 14 Pétrone (Petronius Arbiter) : 40 ; 46 ; 60 ; II, n. 33 + 119 + 122 Petronius Maximus : 2 Pharisien(s) : 98 Pharsale : IV, n. 156 Phébé (= la Lune) : I, n. 182 + 183 ; II, VIII, 8 ; II, n. 188 ; IV, V, 10 ; IV, VI, 7 ; IV, n. 122 + 123 + 124 + 179 + 180 Phébus (= le Soleil) : 45 ; I, III, 9 ; I, V, 9 et 13 ; I, VI, 1 ; I, n. 182 ; II, II, 1 ; II, VI, 10 ; II, VIII, 5 ; II n. 188 ; III, II, 31 ; III, n. 28 ; III, VI, 3 ; III, X, 18 ; III, n. 166 ; III, XI, 8 ; IV, I, 10 ; IV, n. 13 + 68 ; IV, V, 16 ; IV, n. 126 ; V, n. 23 ; V, II, 2 ; V, n. 24 + 145 Phèdre : 60 ; III, n. 35, 72 ; IV, n. 135 + 141 Philelphe : 48 Philippe IV le Bel : 137 Phillips, Ph.Ed. : I, n. 25 ; 149, n. 535 Philocosmie : 129 Philon d’Alexandrie : 94 Philosophe-roi : 66 Philosophie : XXI ; XXIV ; XXV ; 8 ; 9 ; 10 ; 12 ; 31 ; 32 ; 33 ; 55 ; 56 ; 57 ; 58 ; 61 ; 64 ; 65 ; 68 ; 70 ; 71 ; 72 ; 84 ; 92 ; 96 ; 101 ; 102 ; 103 ; 104 ; 105 ; 106 ; 109 ; 124 ; 129 ; 130 ; 131 ; 132 ; 138 ; 144 : 150 ; 151 ; 156 ; 157 ; 158 ; 159 ; 160 ; 161 ; 162 ; 163 ; 164 ; 165 ; I, n. 12 + 13 + 19 + 21 + 24 + 26 + 27 + 28 + 30 + 33 + 37 + 40 + 53 + 54 + 61 + 72 + 76 + 77 + 80 + 81 + 105 + 173 + 175 + 176 + 194 + 197 + 208 + 209 ; II, n. 5 + 39 + 45 + 49 + 50 + 68 + 69 + 71 + 73 + 80 + 97 + 107 + 140 + 148 + 184 ; III, n. 13 + 42 + 48 + 82 + 85 + 88 + 161 + 162 + 167 + 186 + 217 ; IV, n. 23 + 62 + 94 + 135 + 136 + 163 ; V, n. 10 + 39 + 64 + 65 + 68 + 70 + 74 + 140
Pholos (centaure) : IV, n. 217 Phrygie : IV, VII, 2 ; IV, n. 214 Phrygiens : IV, n. 214 Piccart, Michael : 1 Pierre [apôtre] : 87 ; 109 ; II, n. 186 Pierre d’Ailly : 142 Pierre de Compostelle : 138 Pierre de Paris : 138 Pierre Lombard : 135 Pietro da Moglio : 142 Pietro Pomponazzi : 147 Pindare : 60 ; III, n. 99 Pini, Fr. : 62, n. 211 Piper, J. : 127, n. 371 Pison : III, n. 62 Places, Édouard des : IV, n. 164 Platon : XIX ; XX, n. 4 ; XXII ; XXIII ; XXVI ; XXVII ; 19 ; 25, n. 110 ; 34 ; 59 ; 62 ; 63 ; 66 ; 69, n. 233 ; 74 ; 86 ; 87 ; 88 ; 90 ; 91 ; 93 ; 94 ; 95 ; 96 ; 97 ; 98 ; 99 ; 102 ; 105 ; 106 ; 107 ; 109 ; 111 ; 112 ; 113 ; 114 ; 116 ; 118 ; 119 ; 121 ; 127 ; 128 ; 133 ; 137 ; 160 ; 165 ; I, n. 16 + 33 + 38 + 40 ; I, 3, 6 ; I, n. 83 + 85 + 109 ; I, 4, 5 ; I, n. 111 + 113 + 147 + 168 + 221 ; II, n. 7 + 18 + 140 + 173 ; III, n. 4 + 17 ; III, 2, 45 ; III, n. 78 + 100 + 109 ; III, 8, 32 ; III, n. 120 + 122 + 124 + 125 + 126 + 127 + 127 + 129 + 130 + 132 + 133 + 134 + 136 + 138 + 140 + 142 + 153 + 154 + 158 + 227 + 229 + 231 ; III, XI, 15 ; III, 12, 1 ; IV, n. 7 + 8 + 11 + 17 + 18 + 20 + 32 + 64 + 80 + 82 + 86 + 87 + 90 + 96 + 100 + 108 + 132 + 141 + 144 + 150 + 155 + 171 + 173 + 187 + 195 ; V, n. 5 + 57 + 72 + 81 + 83 + 96 + 97 + 120 ; V, 6, 9 / 10 / 14 ; V, n. 126 + 127 + 130 + 131 + 137 + 138 Platon (Pseudo-) : 62 Platonicien(s) : 146 ; I, n. 38 Platonisme : 21 ; 41 ; 65 ; 71 ; 79 ; 92 ; 112 ; 115 ; 121 ; 138 ; 155 ; IV, n. 146 Platonopolis : I, n. 111
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index des noms
Plaute : V, n. 1 Plautius Lateranus : III, n. 63 Pline le Jeune : 38 ; 60 ; II, n. 51 Plotin : 60 ; 72 ; 91 ; 109 ; 116 ; 119 ; I, n. 111 ; III, n. 112 ; IV, n. 144 + 154 ; V, n. 39 + 60 + 99 + 130 Plumpe, J.C. : 118 Plutarque (de Chéronée) : XVII ; 35 ; 60 ; 64 ; I, n. 82 + 149 ; III, n. 85 ; V, n. 97 Plutarque (Pseudo-) : I, n. 148 ; V, n. 58 Pluton : III, n. 237, 244 Poésie : 31 ; I, 1, 7 ; 173, n. 40 Poimandrès : 103 ; 104 ; I, n. 17 Poirier, Germain : 149, n. 539 Poitiers : 131 Polémarque : 93 Polémon : V, n. 111 Polybius : 37 Polyeucte : 149, n. 539 Polymnie : I, n. 31 Polyphème : IV, VII, 10 ; IV, n. 216 Pompée : II, n. 108 ; III, n. 1 ; IV, n. 160 Poppée : III, n. 163 Porphyre : 15 ; 20 ; 36 ; 63 ; 70 ; 91 ; 109 ; 116 ; I, n. 111 ; III, n. 112 Porret, Michel : I, n. 136 Portique (le) : XVII ; XIX ; 69 ; I, n. 80 ; V, IV, 1 ; V, n. 97 Portirelli, Luigi : 146, n. 518 Portugal : 144 Praetextatus : 8 Préaux, Jean : 106, n. 309 Premier Moteur : 102 Prenninger, Martin Uranius : 146 Présocratiques : XVII Priam : 34 Principe (le) : 111 Priscien : 15, n. 77 Priscus : 123 Proba, Anicia Faltonia : 2 Proclus : XVII, n. 1 ; 60 ; 63 ; 71 ; 72 ; 73 ; 113 ; 114 ; I, n. 155 ; III, n. 122 + 124 + 127 + 129 + 132 + 133 + 134 + 136 + 139 + 142 +
227 ; IV, n. 140 + 147 + 150 + 154 + 187 + 197 ; V, n. 24 + 37 Procope de Césarée : 3, n. 18 ; 5 ; 7 ; 11, n. 57 ; 13, n. 65 ; 29, n. 130 + 131 ; 30, n. 135 Procris : I, n. 7 Properce : 60 ; I, n. 215 ; III, n. 37 + 236 + 329 ; V, n. 14 Proserpine : I, n. 45 + 214 ; III, n. 238 + 245 Prosper d’Aquitaine : 46 Protasio : 12, n. 163 Protée : V, n. 28 Prudence : 43 ; 44 ; 45 ; 46 ; 47 ; 48 ; 51 ; 54 ; 55 ; 60 ; I, n. 111 + 181 ; II, n. 33 + 58 + 91 + 117 + 123 + 186 + 192 ; III, n. 83 + 137 + 162 + 205 ; IV, n. 9 + 177 + 192 ; V, n. 31 + 56 Prüss, Johannes : 146 Ptolémée : 17 ; 59 ; 73 ; II, n. 149 + 153 Ptolémée Ier Soter : II, n. 52 Publius Celer : I, n. 88 Purgatoire : 90 Pydna : II, n. 27 Pyrénées : 150 Pyrrhoniens : XXIII Pyrrhus : II, n. 179 Pythagore : XVII ; 59 ; 150 ; I, n. 169 ; V, n. 79 Quaracchi : 136, n. 434 Quint, Josef : 138, n. 458 Quintilien : III, n. 66 Radonvilliers, J.-B. Richard de : III, n. 218 Raison : 38 ; 144 Rand, Ed.K. : 100 ; 124, n. 347 ; II, n. 17 Raoul-Rochette, Désiré : II, n. 136 Rating de Berka, Amplonius : 129 Ravenne : I, 4, 17 ; I, n. 157 + 161 Raynouard, F. J. M. : 218, n. 379 Régisseur : 111 Régnier de Saint-Trond : 142 ; 144 Régnier, Nicolas F. : 150
index des noms555
Régulus, M. Attilius : II, 6, 11 ; II, n. 137 Reims : 149 Relihan, J.C. : 40, n. 177 ; 78, n. 261 Rémi d’Auxerre : 126 ; 127 ; 129 ; I, n. 21 Renart (Reinhart) : IV, n. 66 Renatus (Martius Novatus) : 15 Renaut de Louhans : 134, n. 430 ; 138 ; 139 ; 141 ; 142 ; 143 République : II, 7, 8 Revillout, Ch. J. : 28, n. 123 Reydellet, Marc : 123, n. 342 Reyser, Georg : 141 Rhénanie : 126, n. 365 Rhipée : IV, n. 159 Rhodiens : 36 Rhodope : III, n. 245 Riamond, Pierre-Jean : 130, n. 396 Richards, Jeffrey : 28, n. 123 Riese, A. : 39, n. 173 Rijk, L.M. : 3, n. 17 Ridpath, Philipp : 151 Roberston, D.S. : II, n. 10 Roberston, D.W. : 106, n. 310 Rocca, Giovanni : 151 Rochon, André : 146, n. 511 Rodolphus (Rodolphe) Agricola : 144 ; 147 Rohrbasser, J.-M. : 34, n. 141 Roger Bacon : 136 Rois Mages : 88 Romain(s) : 28 ; 30 ; 35 ; XIX, n. 2 ; 35 ; II, n. 151 + 161 ; IV, n. 112 Rome : 2 ; 9 ; 23, n. 105 ; 24 ; 28 ; 36 ; 37 ; 52 ; 85 ; 124, n. 350 ; I, n. 160 ; II, n. 53, 144 ; II, n. 159 ; II, 7, 9 ; II, n. 161 + 179 ; IV, n. 217 Rose, Valentin : V, n . 86 Roti, G.C. : 127, n. 370 Rouge (Mer) : III, III, 3 ; III, n. 34 Rouy, François : 144, n. 495 Royaume (de Dieu) : XXIV Rubellius Plautus : II, n. 144 Rucquoi, Adeline : 13, n. 400 Rufin, Flavius : 131 Rufus, Servius Sulpicius : 37
Russell, D.A. : 34, n. 140 Rusticiana (épouse de Boèce) : 3, n. 18 ; I, n. 172 ; II, n. 47 Rusticiana (arrière petite-fille de Boèce) : 3, n. 18 Saffrey, Henri-Dominique : XVII, n. 1 Sagesse : 102 ; 105 ; 139 Saint-Denis : 131 Saint-Gangolf : 134 Saint-Victor : 123 Salluste : II, n. 70 + 100 ; V, n. 120 Salonine (impératrice) : I, n. 111 Salutati, Coluccio : 142 ; 143 Sampedro Heras, Esther : 143, n. 493 Sannazaro, Jacopo (voir Actius Sincerus) San Pietro in ciel d’oro (ou du Ciel d’Or – basilique) : 12, n. 63 ; 14, n. 74 ; 137 Sant’Andrea delle Serre : 139 Sappho : 54 Sardes : II, n. 25 Sassoferrato : 52 Satan : 87 Saturne : IV, n. 14 Savigliano : 145 Savon, H. : 38, n. 168 Saxo : 126 Scaliger, Jules César : 148 Scheible, Helga, : 42, n. 187 ; II, n. 192 ; IV, n. 52 ; V, n. 99 Scheler, Max : XXI Schenkl, Karl : 79 Schepss, Georg : V, n. 146 Scheven, Richard : 151 Schmidt, Gerhard : 132, n. 412 Schroth, Rolf : 137, n. 441 ; 141, n. 473 Schuhl, P.-M. : 67, n. 223 Schum ; Wilhelm : 129, n. 391 Schumacher, Arne : 145, n. 505 Schuster, Ildefonso : 11, n. 58 Schwarze, Christoph : 128, n. 379 Science, Mark : 143, n. 489 Scipion : II, n. 151 ; III, n. 92 + 95 ; IV, n. 115 Scipion Émilien : 113
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index des noms
Scydrothémis : II, n. 52 Sedgefield, W.J. : 125, n. 360 Sedulius Scottus : 125 ; IV, n. 52 ; V, n. 99 Ségovie : 130 Seigneur (Dieu) : 35 ; 101 ; 103 ; 104 ; 119 Séjan : II, n. 184 Semeria, Giovanni : 79 Semeur : 96 Sénarius : 23, n. 105 Sénèque (le Tragique) : XXIV ; 37 ; 40 ; 43 ; 44 ; 46 ; 47 ; 50 ; 53 ; 54 ; 55 ; 59 ; 60 ; 64 ; 69 ; 74 ; 106 ; 107 ; 117 ; 119 ; 136 ; I, n. 22 + 62 + 86 + 87 + 96 + 98 ; I, 3, 9 ; I, n. 100 + 149 + 169 + 182 + 185 ; II, n. 37, 85 + 106 + 134 + 139 + 141 + 178 ; III, n. 24 + 34 + 35 + 53 + 59 ; III, 5, 10 et 11 ; III, n. 63 + 65 + 68 + 83 + 92 + 94 + 106 + 164 + 190 + 231 + 232 + 233 + 234 + 236 + 237 + 238 + 240 + 244 + 245 + 246 ; IV, n. 16 + 42 + 71 + 108 + 110 + 128 + 181 + 186 + 196 + 209 + 214 + 215 + 217 + 219 + 222 + 223 + 224 + 225 + 226 + 227 + 228 ; V, n. 15 + 98 Sénèque (Pseudo-) : 43 ; 44 ; 60 ; III, n. 34 + 69 + 231 + 232 + 233 + 234 + 236 + 237 + 240 + 242 + 243 ; IV, n. 71 + 188 + 219 ; V, n. 98 Septante : 87 Septentrion : II, VI, 11 Septime Sévère : III, n. 64 Septimius Sérénus : 47 ; 48 Séraphins : 113 Sères : II, V, 8 ; II, n. 119 Serres, Michel : XVII Servat Loup (voir Loup de Ferrières) Servilia : III, n. 62 Servius (Maurus Servius Honoratus) : 60 ; IV, n. 14 Servius Sulpicius Rufus : 37 Sévérianus : I, n. 123 Severinus (Séverin) : 14 ; 124 ; 128 Sextus Tarquin : II, n. 128 Shanzer, Danuta : IV, n. 164
Sherborne : 125 Shiel, James : 3, n. 17 Sibylle : IV, n. 52 Sicile : 37 Sidoine Apollinaire : 63, n. 212 ; 122 Sidon : I, n. 204 Siger de Brabant : 136 Sigéric : 29 Sigismond II : 29 Silésie : 133, n. 421 Silius Italicus : 60 ; II, n. 178 ; III, n. 19 Silk, E.T. : 132, n. 409 ; 138, n. 452 Silvestre, Hubert : 122 ; 123, n. 341 Simioni, Attilio : 146, n. 511 Simon, Gérard : V, n. 79 Simon, Paulus : 134, n. 426 Simonetti, Manlio : 38, n. 163 Simund de Freine : 131 Sinope : II, n. 52 Sirius : I, V, 22 Sitzmann, Theodor : 149 Smith, G.D. : 80 Socrate : XIX ; XXIV ; 34 ; 41 ; 56 ; 93 ; 107 ; 108 ; 114 ; 121 ; I, 3 / 6 / 9 ; I, n. 83 + 147 ; III, n. 109 + 120 ; IV, n. 32 + 46 + 50 + 82 + 90 + 108 Soleil (le – voir Phébus) Sophia : 125 Sophistes : XVII Soranus : 106 ; I, 3, 9 ; I, n. 88 + 210 ; III, n. 63 Sotinel, Claire : 24 Soto-Bruna, M.J. : 131, n. 401 Souci : III, n. 69 Source : 96 Spelmans, Ingemar : XI Speusippe : V, n. 111 Stace : 37 ; 41 ; 55 ; 60 ; II, n. 64 + 76 + 178 ; III, 79, 164 ; IV, n. 21 + 53 + 73 + 206 + 214 Stagirite (voir Aristote) Stegmann, André : 149, n. 539 Stein, Ernest : 12, n. 61 ; III, n. 49 Steiner, Georges : XIX ; XXII Stéphane (église saint) : 28 Steuco, Agostino : XIX Stewart, H.F. : 126, n. 363 ; I, n. 21
index des noms557
Stoehr-Monjou, Annick : II, n. 12 ; V, n. 58 Stoïcien(s) : 35 ; 70 ; 107 ; I, n. 47 + 235 ; V, n. 33 + 62 + 97 Stoïcisme : 35 ; 38 ; 41 ; 68 ; 69 ; 149 ; 164 ; I, n. 80 ; V, n. 33 Strabon : V, n. 111 Strange, Josephus : 139, n. 460 Strasbourg : 146 Strobach, Niko : 73, n. 247 Stymphale : IV, n. 217 + 220 Suétone : 60 ; I, n. 150 ; II, n. 144 Sulpicia : III, n. 34 Suso, Heinrich : 139 Suttner, Joseph : 79 Sybille de Cumes : 143 Symmaque (Q.A. Symmachus) : 38 Symmaque (Q.A.M. Symmachus) : 2 ; 3 ; 7 ; 8 ; 14, n. 72 ; 22 ; 23 ; 25 ; 28 ; 29 ; 157 ; I, n. 123 + 172 ; II, n. 44 + 45 ; II, 4, 5 ; II, n. 68 + 69 Symmaque Junior : 3 ; II, n. 47 Symmaque (pape) : 28 Synésios : 60 ; III, n. 132 + 190 + 230 Syracuse : II, n. 57 Tacite : 60 ; 74 ; I, n. 87 + 88 + 128 + 156 + 186 ; II, n. 51 + 52 + 144 ; IV, n. 124 Tage (le) : III, X, 7 ; III, n. 164 Tamburini, Tommaso : 150 Tantale : III, XII, 37 Tarquin le Superbe : II, n. 128 Tartare : III, n. 217 ; III, XII, 45 ; III, n. 239 ; III, XII, 55 Tauler, Jean : 140 Taurus : V, n. 12 Taylor, L.A. : 137, n. 448 Tegernsee : 127 Ténare : III, XII, 26 ; III, n. 245 Ténédos : I, n. 8 Terbille, C.I. : 139, n. 461 Térentianus Maurus : 47, n. 198 ; 60 ; III, n. 6 Térésias : V, 3, 25 ; V, n. 46 Terpsichore : I, n. 31 Tertullien : 60 ; 121, n. 335 ; V, n. 45 + 103
Tessin : III, n. 19 Tester, H.F. : II, n. 59 ; III, n. 186 ; V n. 87 Thalie : I, n. 31 Thèbes : III, n. 114 ; IV, n. 185 + 206 Théodora (impératrice) : 13 Théodoric : XX ; 1 ; 4 ; 7 ; 8 ; 9 ; 11 ; 12, n. 62 + 63 ; 15 ; 27 ; 28 ; 29 ; 81 ; 83 ; 84 ; I, n. 118 + 121 + 123 + 136 + 157 + 166 ; II, n. 53 ; III, n. 41 + 49 ; IV, n. 54 Theodor Poelman : 148 Théodulfe d’Orléans : 124 Théophraste : 34 ; V, n. 111 Thésée : IV, n. 196 Thomas Bradwardine : 139 Thomas d’Aquin (saint, dit l’Aquinate) : 135 Thomas de Perseigne : 132 Thomas More : 148 Thomas Waleys : 135 Thomasîn de Zerclaere : 133 Thomisme : 149 Thrace : I, III, 7 ; I, n. 65 ; III, XII, 6 ; III, n. 230 ; IV, n. 217 Thrasamond : 29 Thrasea : III, n. 62 Thrasymaque : IV, n. 32 Thulé : III, V, 7 ; III, n. 69 Thyeste : III, n. 113 ; IV, n. 106 Tibérianus : 40 ; III, n. 134 Tibulle : 60 ; III, n. 10 + 34 + 35 + 239 ; IV, n. 124 Tigre (fleuve) : V, I, 3 ; V, n. 13 Timée : 92 ; 99 ; III, n. 120 Timothée Aelure : 3, n. 12 Timotin, Andrei : 116 Timoxena : 35 Tirésias : V, 3, 25 ; V, n. 45 + 46 Tisiphone : I, n. 14 ; IV, n. 206 Titan(s) : I, n. 49 ; III, n. 217 Tite-Live : 60 ; 74 ; II, n. 27 + 128 + 179 ; IV, n. 124 + 208 Titius : 37 Tityos : III, XII, 39 ; III, n. 243 Toison d’or : III, n. 99 Tonnerre : IV, n. 177 Torrentino : 147
558
index des noms
Toscan : 132 Touchette-Lebel, Viktor : III, n. 172 ; IV, n. 117 ; V, n. 44 Toulouse : 145 Tour de Londres : 149 Traina, Alfonso : I, n. 192 ; II, n. 182 ; III, n. 247 ; IV, n. 16 Travesio, Giovanni : 143 Trente (concile de) : XIX, n. 3 Triguilla : 7, n. 44 ; I, 4, 10 ; I, n. 118 + 121 Trinité : 80 ; 101 Trithemius, Johannes : 128, n. 383 Troie : IV, n. 214 + 215 Troncarelli, Fabio : 5 ; 12, n. 63 ; 14, n. 75 ; 122 ; 123 ; 128, n. 380 Trônes : 113 Trottmann, Christian : 145, n. 508 Trouillard, Jean : XVII ; XXVI Tullia : 36 Tyr : II, V, 9 ; II, n. 119 ; III, IV, 1 ; III, n. 35 + 54 Tyrrhénien : I, n. 69 Ullman, B.L. : 142, n. 482 Ulysse (Ithacus ou Odysseus) : 44 ; I, n. 200 ; IV, n. 21 + 68 + 74 ; IV, VII, 8 ; IV, n. 216 + 217 Un (l’) : 76 ; 77 ; 111 ; 113 ; 116 ; 160 ; 162 Unique (l’) : XXIII Upsher Smith Jr., Richard : I, 30 Uranie : I, n. 31 Usener, Hermann : XX ; 7, n. 36 + 37 + 38 ; 59, n. 206 ; 79 Uurdisten de Landévennec : 125 Uurmonoc : 125 Vahlen, Johannes : I, n. 102 Valentinien II (co-empereur) : 38 Valentinien III (empereur) : 2 Valère Maxime : 37 Valérius Flaccus : 60 ; I, n. 66 ; II, n. 122 Valla, Lorenzo : 144 Vallinus, Renatus : 150 Van Den Hout, M.P.J. : 36, n. 153 Van den Kerchove, Anna : 103, n. 206
Van Der Meeren, Sophie : 62 ; 72, n. 244 Varchi, Benedetto : 148 Varron : 39 ; 47 ; I, n. 102 + 220 ; V, n. 22 Varus : IV, n. 229 Vatican : XIX, n. 3 Veneto, Lorenzo : XXII Venise : 146, n. 517 Venouse : 46 ; 50 Vénus (planète) : I, n. 184 Vénus (déesse) : IV, n. 189 Verbe (divin) : 103 ; 126 ; 130 Verbeke, Gérard : 69, n. 231 Vérité : 18 ; 22 ; 104 ; 140 Vérone : 12 ; 28 ; I, 4, 32 ; I, n. 157 + 161 ; II, n. 80 Vertu(s) : 131 ; 144 Vesper (voir Hesperos) Vésuve : I, n. 124 ; I, IV, 8 Veyne, Paul : 69, n. 234 Victor d’Aquitaine : 6, n. 35 Victor de Tunnuna : 29, n. 131 Victorinus, Marius : 15 ; 46, n. 197 ; 60 ; 72 ; III, n. 38 ; IV, n. 197 Victorius : 60 ; III, n. 125 Vijver (ou Vyver), André van de : 122, n. 336 ; 146, n. 513 Vincent : 148 Vincent de Beauvais : 134 Virgile : 58 ; 60 ; 74 ; I, n. 8 + 10 + 14 + 16 + 39 + 65 + 69 + 97 + 101 + 189 + 233 + 234 + 235 ; II, n. 66 + 92 + 119 + 120 + 142 + 145 + 169 + 176 ; III, n. 11 + 54 + 68 + 77 + 78 + 90 + 104 + 123 + 132 + 162 + 164 + 211 + 233 + 237 + 239 + 241 + 243 + 245 + 246 ; IV, n. 10 + 38 + 52 + 68 + 70 + 119 + 122 + 159 + 182 + 189 + 206 + 212 + 216 + 217 + 218 ; V, n. 12 + 19 + 20 + 28 + 119 Vivarium : XXVI Vivier, A.-S. : 145, n. 509 Voconius Romanus : II, n. 51 Vogel, Friedrich : 3, n. 16 + 17 ; 4, n. 24 ; 39, n. 170 Vooys, C.G.N. de : 145, n. 507
index des noms559
Vulgate : 87 ; 89 ; 97 ; 110, n. 320 ; II, n. 182 ; V, n. 118 Vyver (voir Vijver) Waldram de Saint-Gall : 126 Wattenbach, Wilhelm : 128, n. 383 Weber, Robert : 38, n. 163 Webster, Rivhard : 5, n. 30 Weinberger, Wilhelm : XIII ; 100, n. 297 ; II, n. 10 + 72 ; III, n. 197 + 215 ; IV, n. 5 + 64 ; V, n. 34 + 45 Werner, K.F. : III, n. 73 Wernher von Elmondorf : 131 Wilks Dolnikowski, Edith : 140, n. 463 William Wheatley : 135 Wilmart, André : 132, n. 408 Wilson, N.G. : 34, n. 140 Winterbottom, Michael : III, n. 66 Wirth, Gerhard : 13, n. 65 Witelo : 133, n. 421 Wolff, Étienne : 41, n. 184 Wolfram, Herwig : 84, n. 270 ; 85, n. 271
Worms : 127 Xanthippe : II, n. 137 Xénocrate : V, n. 111 Xénophon : 34 ; 60 ; V, n. 120 York : 123 ; 135 Ypace : 3, n. 18 Zacharie le Scholastique : 4 ; V, n. 127 Zacharie le Scholastique (Pseudo-) : 3, n. 12 ; Zarini, Vincent : III, n. 231 Zénon (empereur) : 4, n. 25 Zénon d’Élée : 59 ; 106 ; 107 ; I, n. 38 + 84 ; II, n. 135 Zéphyr(e) : II, III, 5 ; II, n. 63 Zeus : 93 ; 99 ; 161 ; III, n. 78 + 217 Ziino, Francesca : 141, n. 469 Zodiaque : II, n. 149 ; IV, n. 12 Zonta, Mauro : 143, n. 491
INDEX DES PASSAGES SCRIPTURAIRES Genèse 1, 3-4 : 94, n. 288 1, 26-27 : 96 ; 108 ; 119 1, 28 : 104 ; IV n. 168 5, 1 : 118 12, 13 : 118 Lévitique 26, 11 : 113 26, 30 : 113 Deutéronome 6, 5 : 110 7, 8 : 109 Esther 8, 4 : 105 16, 4 : 94 ; 99 2ème Livre des Maccabées 7, 20 sqq. : 94 7, 27-28 : 94 Psaumes 13, 1 : V, n. 62 14, 24 : 98 44, 7 : 105 82, 6 : 108 89, 6 : 98 146, 8 : 93 Proverbes 8, 2 : 102 ; I, n. 17 8, 31 : 102 ; I, n. 17 27, 5 : 110, 320 Ecclésiaste 1, 2 : XXIV 1, 8 : 99 9, 1 : 110, n. 320 9, 6 : 110, n. 320 19, 4 : 25, n. 111 Sagesse 2, 23 : 96 5, 11 : V, n. 118 8, 1 : 100 Isaïe 14, 3-21 : 87 14, 12 : 87
40-55 : 34-138 51, 12 : 36, n. 150 64, 8 : 119 Jérémie 31/38, 3 : 109 Daniel 12, 2 : 90 12, 13 : 118 Évangile de Matthieu 2, 5-7 : 88 5, 4 : XXIV 5, 6-7 : XXIV 5, 45 : 93 5, 48 : 108 6, 1 : 88 10, 36 : II, n. 67 11, 18 : 119 11, 19-20 : 105 11, 28 : 36, n. 150 ; 119 ; III, n. 161 11, 28-29 : 97 13, 22 : 100 ; I, n. 34 25, 46 : 90 Évangile de Marc 4, 18 : 100 ; I, n. 34 Évangile de Luc 2, 14 : 101 8, 14 : 100 ; I, n. 34 10, 20 : 92 10, 27 : 110 Évangile de Jean 3, 16 :112 5, 22 : 101 10, 33-34 : 108 13, 34 : 110 14, 6 : 89 15, 5 : 90 15, 9 : 109 15, 1-11 : 90 Actes des Apôtres 10, 42 : 101
562
index des passages scripturaires
Épître aux Romains 1, 8 : 104 2, 6 : 93 2, 11 : II, n. 182 5, 6 : 113 6, 1-11 : 90 9, 10-13 : 114 9, 20-24 : 114 9, 21-23 : 119 ; IV, n. 3 20, 6 : II, n . 182 20, 14 : II, n. 182 21, 8 : II, n. 182 22, 12 : 104 1ère Épître aux Corinthiens 1, 24 : 103 3, 15 : 90 12, 6 : 118 2ème Épître aux Corinthiens 1, 3-4 : 36 5, 8 : 118 Épître aux Philippiens 3, 20 : 92 4, 20 : 88 1ère Épître à Thimothée 6, 16 : 90 2ème Épître à Thimothée 2, 20 : 119 ; IV, n. 3
3, 1, 4 et 5 : 107 4, 8 : 101 Épître aux Hébreux 1, 8 : 105 6, 18 : 36, n. 150 11, 13-16 : 92 Épître de Jacques 5, 5 : 106 2ème Épître de Pierre 1, 4 : 118 1, 19 : 87 2, 13 : 107 1ère Épître de Jean 3, 1 : 88 4, 8 : 110 5, 3 : 110 2ème Épître de Jean 15, 16 : 105 Apocalypse 1, 4 : 113 1, 8 : 89 ; 97 ; 104 2, 11 : 117 5, 6 : 113 20, 6 : 117 22, 13 : 89 ; 97 ; 104 22, 16 : 87
= 100,2 mm
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