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French Pages [284]
La Vie de saint Didier évêque de Cahors (630-655)
HAGIOLOGIA Études sur la sainteté et l’hagiographie – Studies on Sanctity and Hagiography
Volume 16
Comité de Rédaction – Editorial Board HAGIOLOGIA Gordon Blennemann Stefanos Efthymiadis Stéphane Gioanni Anne-Marie Helvétius
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FHG 2021
La Vie de saint Didier évêque de Cahors (630-655) Introduction, édition, traduction et notes par Keith Bate, Élisabeth Carpentier et Georges Pon Avec la collaboration de Brigitte Boissavit-Camus et Françoise Prévot et alii
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© 2021, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.
D/2021/0095/96 ISBN 978-2-503-59145-2 E-ISBN 978-2-503-59146-9 DOI 10.1484/M.HAG-EB.5.121550 ISSN 1378-1006 E-ISSN 2565-9553 Printed in the EU on acid-free paper.
Avant-propos Le 25 octobre 2006, une petite équipe du Centre d’études supérieures de Civilisation médiévale de Poitiers, accompagnée de quelques collègues et étudiants de Limoges, se lança dans la traduction d’un texte à la fois célèbre et méconnu du haut Moyen Âge, la Vie de saint Didier, évêque de Cahors. Une quarantaine de séances plus tard, en juin 2010, nous arrivions au terme de cette première étape, qui permettait de disposer d’une version française intégrale. Commença alors la longue série des vérifications en tous genres, des études complémentaires, des tergiversations sur le format final à adopter, des hésitations sur le support de publication paraissant le plus idoine. Grâce à la persévérance d’Élisabeth Carpentier, de Georges Pon et d’Edina Bozóky, grâce également à l’accueil des éditions Brepols, de la directrice de la collection Hagiologia, Anne-Marie Helvétius, et de Stéphane Gioanni, cette traduction de la Vita Desiderii, si longtemps annoncée, peut enfin paraître. C’est le résultat d’un travail collectif qui avait déjà permis la publication de l’ouvrage de Rigord, Histoire de Philippe Auguste, et qui s’insérait dans la tradition inaugurée jadis par les séminaires d’Edmond-René Labande consacrés à Guibert de Nogent et à Pierre de Maillezais. Souvent cité par les historiens, les archéologues, les historiens d’art, ce texte hagiographique n’avait jusqu’alors jamais fait l’objet d’une traduction complète. L’exercice a très vite révélé que les deux éditions à notre disposition, établies respectivement par Bruno Krusch et René Poupardin au début du xxe siècle, ne permettaient pas toujours de comprendre ce texte à la langue complexe, dont il est désormais à peu près assuré qu’elle relève, pour une grande part de la Vita de la fin du viie siècle, même si la plupart des Miracula sont plus tardifs. Il a donc fallu se reporter aux manuscrits eux-mêmes, en premier lieu aux deux copies médiévales conservées (Paris, BnF, ms. lat. 17002 et Copenhague, Bibl. royale, Thott 136) et, grâce à l’usage des copies et éditions modernes pour les passages altérés, proposer également une nouvelle édition qui a été réalisée par Keith Bate et Georges Pon. Tous ceux qui se sont un jour risqués à la traduction intégrale d’une œuvre en connaissent les difficultés et les risques. Multiplier les avis, croiser
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Avant-propos
les regards, confronter les interprétations peut en améliorer la qualité en affinant la compréhension non seulement de la langue mais également de la pensée de l’auteur, même s’il devient alors nécessaire de trouver un juste milieu entre des avis parfois très divergents. Pendant nos séances, chaque mot, chaque phrase ont été discutés longuement, jusqu’à ce qu’on parvienne à un consensus. Cet exercice, particulièrement difficile, exige certes de la science, entre maîtrise de la langue et connaissance de l’histoire, mais également de la patience, de l’humilité, de la confiance envers les autres. Les séances de traduction, intenses et conviviales, ont chacune été de belles leçons humaines. De nombreuses personnes ont participé, d’une manière ou d’une autre, avec souvent une grande générosité, à cet élan collectif. Au « noyau dur » de l’équipe poitevine, composé de Keith Bate, Edina Bozóky, Élisabeth Carpentier, Georges Pon et Cécile Treffort, se sont ajoutés plus épisodiquement différents collègues, dont Marie-Thérèse Camus, Thomas Deswarte, Robert Favreau, Pierre-Marie Joris, Thierry Lesieur, Marc Milhau, Cinzia Pignatelli, Régis Rech, Blaise Royer, Myriam Soria. Nous avons également eu la joie d’être rejoints ponctuellement, ou de manière suivie, par plusieurs étudiants, doctorants et jeunes chercheurs de Poitiers, Vladimir Agrigoraei, Géraldine Damon, Amélie de la Forest Divonne, Vincent Debiais, Margaret Dobby, Line Fonteneau, Agnès Guénolé, Estelle Ingrand-Varenne, Émilie Mineo, Nicolas Pons, Xavier Storelli. Le projet a en outre été mené en collaboration avec l’Université de Limoges, grâce à l’équipe d’étudiants et de doctorants rassemblés autour de Philippe Depreux, notamment Julien Bellarbre, Jean-François Boyer, Hélène Caillaud, Flore Caillonneau, Catherine Faure, Anne-Laure Frescaline, Nathalie Verpeaux, et plus sporadiquement, François Augier, Nicolas Bruere, Amélie Erbault, Cécilia Gaillard, Tommy Blackwell, sans oublier notre collègue Jens Schneider. À cette première étape, collective, de traduction, s’est ajoutée la longue phase de lissage nécessaire pour donner en français une cohérence stylistique digne de la composition textuelle d’origine qui a su manier l’intertextualité, voire l’insertion de certains documents, avec tant d’intelligence. La traduction, loin de régler tous les problèmes d’interprétation, a par ailleurs nécessité de nombreuses recherches complémentaires afin de respecter la profondeur historique de cette Vita. Au-delà de questions de vocabulaire ou de procédé rhétorique, se pose en effet celle des réalités cachées derrière les mots, qu’il s’agisse d’éléments matériels ou non. De fait, ce texte devait être confronté non seulement aux autres productions écrites antérieures ou contemporaines, mais également aux avancées les plus récentes de la recherche dans différents domaines, historique, archéologique, architectural, onomastique et même épigraphique. Après le temps du séminaire, le récolement des manuscrits,
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Avant-propos
l’établissement d’une édition renouvelée, la composition des notes historiques et philologiques, la rédaction de l’introduction, la mise en forme du tapuscrit même, sont le fait d’années de travail de mes collègues déjà cités. Élisabeth Carpentier et Georges Pon ont reçu pour la partie éditoriale la collaboration très précieuse de Keith Bate, latiniste réputé et spécialiste des éditions médiévales. Au moment de parfaire ce travail, l’intervention de Françoise Prévot, à qui l’on doit une très belle étude de la structure de la Vita sancti Desiderii, a permis d’enrichir l’introduction d’analyses aussi précises que précieuses, tandis que Brigitte Boissavit-Camus consacrait une partie essentielle de cette introduction aux grands travaux réalisés par Didier à Cahors. Mais l’édition, la traduction, l’introduction et les notes ont aussi bénéficié de la science de nombreux chercheurs extérieurs, qui n’ont pas hésité à répondre à nos sollicitations, en premier lieu Fernand Peloux, qui a transmis généreusement à l’équipe une documentation précieuse, glanée dans différents centres documentaires dont les archives des Bollandistes à Bruxelles, ainsi que Florent Hautefeuille, grand spécialiste du peuplement et de la géographie paroissiale du Quercy qui a fourni de nombreuses réponses à nos questions. Pour des problèmes plus spécifiques de langue ou de vocabulaire, de petits compléments bibliographiques, quelques vérifications sur manuscrits, des informations techniques ou architecturales, nous avons également tiré un grand parti des travaux de Michel Banniard, des livres, articles et réflexions de Monique Goullet, de ceux de Jean-Luc Boudartchouk et de bien d’autres. Qu’ils en soient tous sincèrement remerciés. Même si certains spécialistes pourront, au cas par cas, pour certains passages, préférer d’autres traductions, il est certain que tous les choix ici retenus l’ont été après mûre réflexion, sur la foi de lectures bibliographiques nombreuses et d’avis sûrs, et les plus importants d’entre eux sont justifiés soit en introduction, soit en notes. Il faut à ce titre saluer l’immense travail de Keith Bate, d’Élisabeth Carpentier et de Georges Pon, qui ont réussi in fine à transformer notre premier jet de traduction en une œuvre savante et plaisante, qui honore la mémoire de cet exceptionnel évêque du vie siècle. Sed, comme le disait l’auteur anonyme de la Vita Desiderii dans son dernier paragraphe, jam finem liber postulat, sermo cohibendus est… Il est temps pour moi de mettre un point final à ce petit avant-propos et de laisser la plume à mes collègues, me réjouissant que ce texte, accompagné de tant de savants commentaires, puisse aujourd’hui être partagé avec l’ensemble de la communauté scientifique. Cécile Treffort professeure d’histoire médiévale à l’Université de Poitiers (CESCM – UMR 7302)
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Abréviations AA SS
Acta Sanctorum, de janvier à novembre, éd. par la Société des Bollandistes, Anvers, 1643-1794 ; 2e éd., 43 vol., Venise, 1734-1770 ; 3e éd., 60 vol., Paris – Rome, 1863-1868. BHL Bibliotheca hagiographica latina antiquae et mediae latinitatis, 2 vol., Bruxelles, 1898-1899 (réimpr. 1949 en deux vol. et 1992 en un vol.) (Subsidia hagiographica, 6) et Novum supplementum, Bruxelles, 1986 (Subsidia hagiographica, 70). CC SL Corpus Christianorum, Series latina, Turnhout, depuis 1953. CC CM Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, Turnhout, depuis 1966. MGH Monumenta Germaniae Historica, Hanovre et al., depuis 1826. —, AA : Auctores antiquissimi. —, SRM : Scriptores rerum Merovingicarum. —, SS : Scriptores (in folio). PL Patrologiae cursus completus… omnium SS. Patrum, doctorum scripto rumque ecclesiasticorum… Series Latina, éd. J.-P. Migne, Paris, 1878-1891. SChr Sources chrétiennes, Paris, depuis 1942.
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INTRODUCTION À LA VITA SANCTI DESIDERII
La Vita s. Desiderii (BHL 2143-2144) « rapporte à la fois la vie et les miracles du saint »1, suivis d’une assez longue conclusion à laquelle René Poupardin a donné le titre d’Epilogus2. Les deux dernières éditions sont celles de René Poupardin en 1900 et de Bruno Krusch en 19023.
I. Le texte manuscrit 1. Les manuscrits Le texte est connu par deux manuscrits principaux, un manuscrit de Moissac qui date du xie siècle (Paris, BnF, lat. 17002, fol. 207rv-217, A) et un manuscrit de Saint-Géry de Cahors du xive ou du xve siècle (Copenhague, Bibl. royale, Thott 136, fol. 1-304, C) et d’autres copies plus récentes, découlant toutes indirectement de C. Des deux manuscrits A et C, « le meilleur est le plus ancien, le lat. 17002. Il suffirait presque de le reproduire pour avoir de la Vita un texte correct »5.
a. Le ms. BnF, lat. 17002 (A) C’est un manuscrit de très grand format comme les manuscrits anciens du scriptorium de Moissac6 (fig. 1). « Parchemin. 272 fol., à deux colonnes7 et marges étroites8. Initiales ornées à entrelacs, sur fond pourpre et/ou bleu, rehaussées de rouge, jaune, vert et/ou bleu ; nombreuses initiales rubriquées, notamment la grande initiale ornée d’entrelacs, sur seize lignes, qui ouvre Voir en dernier lieu : A.-M. Bultot-Verleysen, « Hagiographie d’Aquitaine (750-1130) », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, t. 6, Turnhout, 2014, p. 600-602. 2 R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), Paris, 1900. 3 Vita Desiderii Cadurcae urbis episcopi, éd. Br. Krusch, Hanovre-Leipzig, 1902 (MGH, SRM, t. IV), p. 547-602 ; Vita et miracula sancti Desiderii Cadurcensis, éd. Br. Krusch, Turnhout, 1957 (CC SL, t. 117), p. 343-401. 4 La collection tire son nom du comte Otto Thott qui a légué ses manuscrits à la bibliothèque royale à sa mort en 1785, voir E. Jørgensen, Catalogus codicum latinorum medii ævi Bibliothecæ Regiæ Hafniensis, Copenhague [1923]-1926, p. 188. 5 R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. xviii. 6 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, Genève, 1972, p. 39. 7 Ce qui est exceptionnel à Moissac pour cette période, ibid. 8 La justification est très souple, comme on le voit bien au fol. 213. 1
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Introduction
le texte au fol. 207va9. 455 × 295 mm. Reliure veau brun clair au chiffre de Louis-Philippe… »10. Comme l’indique son titre – Vitae sanctorum –, le légendier A de Moissac compte « 117 textes ou 131 si l’on compte la partie postérieure à 1050 pour 105 saints (ou 117) »11 Ces vies sont classées dans l’ordre chronologique du calendrier depuis le 18 juillet. Il porte la cote B, ce qui a permis de supposer qu’il existait un légendier portant la cote A pour les premiers mois de l’année12. De fait, A a été retrouvé sous la cote BnF, lat. 5304 (60 fol.) qui compte 24 saints supplémentaires13. Le total pour les deux parties du légendier est de 155 saints, ce qui est tout à fait exceptionnel pour un légendier14.
9 Sur les initiales dans les manuscrits de Moissac, voir J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 75 et Ch. Fraïsse mentionnée à la note suivante. 10 Nous reprenons ici la description de la notice de Gallica, en renvoyant pour plus de détails à la description plus complète de J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 147-148. Sur ce légendier, voir aussi : Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquorum saeculo XVI qui asservantur in Bibliotheca nationale Parisiensi, t. 3, Paris-Bruxelles, 1890, p. 364-376 et les recherches du colloque réuni à Toulouse en 2014 publiées récemment : F. Peloux, « Avant-propos », Le légendier de Moissac et la culture hagiographique méridionale autour de l’an mil. Études réunies, Turnhout, 2018, p. 7-17 ; Id., « Le manuscrit vu de l’intérieur », Le légendier de Moissac, p. 77-116 ; Id., « Le légendier de Moissac à l’époque clunisienne », Le légendier de Moissac, p. 479-508 ; Ch. Fraïsse, « Le décor du légendier de Moissac », Le légendier de Moissac, p. 67-75. Le légendier contient au fol. 221v la liste des manuscrits qui ne se trouvaient pas dans l’armarium de Moissac mais qui foris sunt, ce qui, selon Jean Dufour, pourrait indiquer qu’ils étaient placés près de l’église, en raison de leur usage liturgique (J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 13). Si pour F. Peloux, la fonction liturgique de ce manuscrit n’est pas évidente (« Le légendier de Moissac à l’époque clunisienne », Le légendier de Moissac, p. 448-451, auquel nous renvoyons le lecteur, puisque cet aspect n’intéresse pas directement notre sujet), quelques vitae font apparaître une division en huit lectiones aux folios 102rv, 199rv, etc. et la Vita sancti Desiderii elle-même comprend VIII lectiones (p. 447 et ss.). Il semble bien que le manuscrit était destiné à la lecture à haute voix puisqu’il comporte des accents toniques sur le vi de providit à la fin du chapitre 3, sur le e de Rutena au chapitre 4, sur le o de summo et sur le u de studens au chapitre 21, etc. 11 F. Peloux, « le manuscrit vu de l’intérieur », p. 80-81. 12 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 14 et n. 17. 13 Sur la redécouverte des liens de parenté entre A et B (Paris, BnF, lat. 17002 [Vitae sanctorum, pars II] et BnF, lat. 5304, fol. 1-60 [Vitae sanctorum, pars I], il faut mentionner les travaux de Fr. Dolbeau, « A nciens possesseurs des manuscrits hagiographiques latins de la Bibliothèque Nationale de Paris », Revue d’histoire des textes, t. 9 (1979), p. 200, n. 4, de J. Dufour, « Les manuscrits de Moissac antérieurs au milieu du xiie siècle et nouvellement identifiés », Scriptorium, t. 37 (1982), p. 66, n. 1 et de Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 55-65. 14 Encore faut-il noter que le manuscrit a été amputé de quelques folios disparus avant et après la foliotation médiévale du xiie siècle, comme l’a montré F. Peloux, « Le manuscrit vu de l’intérieur », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 77-80.
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Desiderius Caturcensis figure au fol. 207v-217v du lat. 1700215. C’est un des « textes rares » au même titre que les vies d’autres saints méridionaux Lizier, Caprais, Maurin. Ce manuscrit provient du monastère de Moissac16. Il a été offert en août 1656 à Claude Joly, chanoine de Notre-Dame17, par les religieux de l’abbaye de Moissac18 comme l’indique l’ex-dono au fol. 1 : « Hoc mss. mihi dono datum est ex parte DD. Religiosorum abbatiae Moissiacensis ad instantiam et commendationem D. Dadini de Altasorra, doctoris utriusque juris et professoris in academia Tolosana ». C’est la seconde partie du légendier19. Le chapitre de Notre-Dame reçut ce manuscrit de Claude Joly le 19 juillet 168020 ; il entra à la Bibliothèque royale le 24 avril 1756. Le manuscrit est en bon état de conservation, même si on doit déplorer ici ou là quelques lettres effacées, par exemple au fol. 208b. Il comprend deux parties, une première partie relativement homogène21 (fol. 2r-244v), du premier quart du xie siècle d’après l’écriture et le décor et une seconde plus disparate (fol. 1-1bisv et fol. 245-272v), de la seconde moitié du du xie siècle22, qui ont été foliotées enIl s’agit pour la plupart de martyrs orientaux (35% du total) et de saints gaulois (31%) dont 12% pour le Midi, selon les calculs de F. Peloux, « Le manuscrit vu de l’intérieur », qui fournit l’inventaire hagiographique complet du légendier (p. 94-115). 16 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 147-148, voir la mention au fol. 1v d’une main du xviie siècle, sans doute celle de Claude Joly. Antoine Dadin de Hauteserre, originaire de Cahors, après des études de droit, publia à Toulouse des ouvrages juridiques, J. Dufour, op. cit., p. 22. 17 Après avoir abandonné son métier d’avocat en 1631, Claude Joly obtint un canonicat à Notre-Dame de Paris, voir A. Franklin, Les anciennes bibliothèques de Paris, t. 2, Paris, 1870, p. 32-34 et J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 22. 18 Sur ce don, voir P. Labbe, Nova Bibliotheca manuscriptorum librorum, t. 1, Paris, 1657, p. 699-716 (BL), édition reproduite dans la PL, t. 87, col. 219-246 ; voir aussi J. Mabillon, Vetera Analecta sive Collectio veterum aliquot operum et opusculorum omnis generis… Nova editio, Paris, 1723, p. 528. 19 La cote B, de Moissac, permet d’associer ce ms. au BnF, lat. 5304 (fol. 1-61), également originaire de Moissac, qui porte la cote A, l’ensemble constituant le légendier de Moissac. Sur ce légendier voir B. de Gaiffier, « Trois textes hagiographiques rares dans un légendier de Moissac (Paris, B.N. lat. 17002) », Cahiers de Civilisation médiévale, t. 26 (1983), p. 223-225 et surtout Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 55-65. Nous renvoyons le lecteur à cette étude, notamment aux p. 60-61, consacrées à l’historique du manuscrit. 20 Sur le chantre de Notre-Dame Claude Joly, voir L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la bibliothèque impériale, t. 1, Paris, 1868, p. 431. 21 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 147-148 et Id., « Les manuscrits liturgiques de Moissac », Cahiers de Fanjeaux, liturgie et musique, t. 17 (1982), p. 126 et Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 56-58. 22 G. Philippart, Les légendiers latins et autres manuscrits hagiographiques, Turnhout, 1977 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 24-25), p. 53, distingue quatre sections de pièces hétérogènes dans le légendier de Moissac ; voir aussi F. Peloux, « Le légendier de 15
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semble au xiie siècle et précédées d’une table (fol. 1 et 1bis) écrite de la « même main qui a folioté le manuscrit »23. L’encadrement du manuscrit est fidèle aux usages du xie siècle puisqu’il est constitué « de quatre traits, deux horizontaux, deux verticaux »24 et l’écriture appartient selon Jean Dufour et Charlotte Denoël, à la première moitié du xie siècle25. Le titre courant commence au verso – Vita sancti Desiderii – et se prolonge au recto du folio suivant – episcopi et confessoris. Sans revenir longuement sur les caractères de l’écriture des manuscrits anciens du scriptorium de Moissac qui ont été savamment analysés par Jean Dufour et Charlotte Denoël (en ce qui concerne le légendier)26, on notera que le a ouvert et le a minuscule sont remplacés par le a oncial, que le d minuscule à haste verticale, ornée d’un léger dard27, a bien résisté à l’évolution vers le d oncial penché sur la gauche28. La lettre g a échappé à la sophistication des siècles suivants et le m et le n minuscules conservent une morphologie très simple avec deux ou trois jambages faiblement empâtés. Le r minuscule se prolonge faiblement au-dessous de la ligne d’écriture, même « quand il est en ligature avec la lettre suivante »29 ; on rencontre aussi l’r de forme arrondie, comme l’a relevé Jean Dufour, dans les ligatures orum30. Pour donner plus d’éclat à certaines parties du texte ou pour imiter des modèles anciens, le scribe utilise parfois des lettres majuscules – c’est le cas au fol. 209vb – pour la suscription du roi Dagobert dans un mélange de capitales et d’onciales (h) et de minuscules (e non pointé). Moissac à l’époque clunisienne », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 441 et ss. Nous remercions Fernand Peloux de nous avoir envoyé avant la publication le texte de sa riche communication qui explique la présence dans le manuscrit de nouvelles vies par une volonté d’« enrichissement horizontal » du légendier au fur et à mesure que Moissac plaçait sous sa dépendance de nouveaux établissements monastiques. C’est le cas par exemple de l’insertion des vies des saints Abdon et Sennen qui « est certainement à mettre en relation avec l’acquisition en 1078 de l’abbaye catalane d’Arles-sur-Tech où se trouvent les reliques de ces saints ». 23 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 14 et Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 55-61. 24 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 42. 25 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 14, n. 4 ; B. de Gaiffier, « Trois textes hagiographiques rares dans un légendier de Moissac (Paris, B.N. lat. 17002) », Cahiers de civilisation médiévale, t. 26 (1983), p. 223, n. 1 ; Denoël, « Notice nécrologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 56, Le manuscrit avait été daté du xe siècle par René Poupardin. 26 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 45 et ss. ; Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 57 : l’auteure distingue dixhuit mains dans l’ensemble du manuscrit et deux mains (E et F) pour la Vita sancti Desiderii. 27 C’est le cas aussi de la haste et de la hampe du p et du q minuscules. 28 On le rencontre parfois, par exemple à la fin de la colonne de droite du fol. 207v. 29 Voir spernebat au fol. 208b. 30 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 49 : voir quorum au fol. 208a.
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Les abréviations sont classiques : tilde réduit à un trait horizontal ou légèrement sinueux31, e cédillé pour les diphtongues, hampe du p barré d’un trait horizontal pour per, ou traversé d’une boucle pour pro, etc. La ponctuation se réduit à quelques signes efficaces : un point au-dessus de la ligne ou un point virgule renversé pour la ponctuation faible, un point-virgule, suivie d’une majuscule pour la ponctuation forte. Selon les deux précédents éditeurs, René Poupardin et Bruno Krusch, le lat. 17002 serait du xe siècle. Jean Dufour y voit, on l’a dit, plutôt des traits de la première moitié du xie siècle. Cette datation – début xie s. – est reprise par Fernand Peloux et correspond selon lui à la période précédant la phase clunisienne du scriptorium de Moissac qui commence en 104832. Elle est confirmée par Charlotte Denoël33. Les premiers siècles de l’histoire de Moissac sont mal connus : ravagée par les Normands et les Hongrois au ixe siècle, l’abbaye connaît encore une situation difficile sous l’abbé Étienne (1030-vers 1045) et « les moines n’ont guère le temps de se livrer aux études. Aussi, les quelques documents conservés pour cette époque, tant manuscrits que chartes, confectionnés au moyen de parchemin de qualité fort médiocre, dénotent la pauvreté du monastère »34. Peut-être y avait-il cependant dans le scriptorium, selon une hypothèse de Monique Goullet, des « livrets ou des petits recueils » hagiographiques qui auraient servi à l’établissement du légendier per circulum anni35. Charlotte Denoël distingue trois mains qui ont copié les fol. 207v-215r, col. 1 ; 215r col. 1-215v, col. 1 ; 215v, col. 2-217v36. Elle pense que chaque scribe ne copiait qu’une colonne par séance de travail en raison du peu de temps que laissaient aux activités intellectuelles la liturgie et le travail manuel37. Le décor enluminé est également de la première moitié du xie siècle. Il est constitué essentiellement « de lettres ornées initiales des différentes vitae ». Si on Voir au fol. 210v, trois lignes avant la fin de la colonne b le tilde sur le o de non. J. Hourlier, « L’entrée de Moissac dans l’ordre de Cluny », Moissac et l’Occident au xie siècle, Toulouse, 1964, p. 25-35 et D. Panfili, « En guise d’introduction : autour du légendier de Moissac (BnF, lat. 5304 et 17002) », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 19-54. 33 Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 56 (d’après l’écriture et le décor) pour les fol. 2-244v. 34 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 79-80. 35 On en trouverait la trace dans la « liste des soixante libri divini qui figure au bas du fol. 221v du manuscrit de Paris, BnF, lat. 17002 (datée du xie siècle par Jean Dufour) ». Nous remercions Monique Goullet de nous avoir permis de consulter une étude en cours sur la langue de quelques textes du légendier de Moissac où elle fait cette hypothèse. 36 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 147 ; Ch. Denoël, « Notice codicologique », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 57. 37 J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, p. 37. 31
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Introduction
en croit les recherches de Chantal Fraïsse, ce type de décor viendrait du célèbre scriptorium de Saint-Martial de Limoges et se serait introduit peu à peu à Moissac. C’est ainsi que les lettres « aquitaines », inspirées du manuscrit de Limoges, BnF, lat. 1121, apparaissent avec le C orné au fol. 34ra du 17002 et s’y multiplient par la suite avec une grande variété de style. La grande initiale I sur 17 lignes qui ouvre la Vita sancti Desiderii offre un dessin presque géométrique avec des entrelacs au dessin régulier, « simplifié », pour reprendre l’adjectif utilisé par D. Gaborit-Chopin38, se détachant sur un fond rouge bien encadré39.
b. Le ms. 136 de la Bibliothèque royale de Copenhague (C) Décrit dans le catalogue d’Ellen Jørgensen40, il contient plusieurs œuvres41. Parchemin, 21 × 17 de 63 folios42. La Vita Desiderii occupe les fol. 1-30, à deux colonnes. Elle provient du monastère de Saint-Géry de Cahors, comme l’indiquent les mentions de possession au fol. 3043, avant d’appartenir au monastère de Moissac44. Chaque chapitre est précédé d’initiales ornées rouges et bleues, parfois rentrantes, sur deux ou trois lignes45 qui se prolongent en longues volutes délicates dans la marge. Le début des phrases est souvent souligné par une majuscule rehaussée d’une touche de couleur. Ce manuscrit a été daté du xive siècle par Bruno Krusch46, de la fin du e xiv ou du xve par René Poupardin47, ce qui est probable. Il n’est pas d’une « grosse écriture peu élégante », comme l’a écrit ce dernier48. Destiné peutêtre à un usage liturgique, il est clair et sa lisibilité est renforcée par des notations marginales qui explicitent les abréviations49 ou donnent une brève D. Gaborit-Chopin, La décoration des manuscrits à Saint-Martial de Limoges et en Limousin du ixe au xiie siècle, Paris, 1969, p. 61. 39 Ch. Fraïsse, « Le décor du légendier de Moissac », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 67-75. 40 Supra, n. 4. 41 Fol. 31-50 : Vita sancte Brigide virginis mense Februario die primo ; fol. 51-62 : Hystoria de sancta Brigida. 42 La Vita est suivie au fol. 30r° et v° d’Orationes diversis manibus scripte, Sequentia de undecim millibus virginum. 43 Ecclesia sancti Desiderii Cadurci (fol. 30) [xive s.] ; Iste liber est ecclesiae beati Desiderii episcopi Caturci. 44 L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la bibliothèque impériale, t. 1, Paris, 1868, p. 518. 45 Voir par exemple l’initiale C au fol. 14va, qui se prolonge en longues volutes délicates dans la marge. 46 Vita Desiderii Cadurcae urbis episcopi, éd. Br. Krusch, Hanovre-Leipzig, 1902 (MGH, SRM, t. IV), p. 558. 47 R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. xvi. 48 Ibid. 49 C’est ainsi qu’une main du xve a résolu la lecture à la dernière ligne du fol. 12ra du verbe incutiant. Certaines de ces indications marginales sont erronées : une main moderne a résolu 38
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Introduction
analyse historique du chapitre50 ainsi que par de nombreuses corrections en interligne ou dans la marge51 et additions marginales. Ces additions sont datées du xve siècle par René Poupardin, mais certaines sont plus tardives52. Malgré quelques graphies qui n’ont rien de classique – notamment l’emploi capricieux du h hypercorrect53 –, des confusions assez fréquentes mais habituelles de e, ae, oe54, du i et du e, du j et du g55, des étourderies56, des « fautes » d’orthographe57, des confusions de consonnes finales58 et même des erreurs grammaticales59, le manuscrit de Moissac est très supérieur à celui de SaintGéry, même si ce dernier suggère parfois des leçons intéressantes60. Il ne faut pas compter parmi les erreurs la confusion relativement fréquente de l’ablatif et de l’accusatif61 qui montre au contraire que le manuscrit de Moissac nous a l’abréviation de Itaque en mettant quam dans la marge (ita quam) au début du chapitre 7, fol. 5va. Parfois la correction interl. se double d’une correction dans la marge : nox au fol. 12r. 50 Au fol. 4vb, le début du chapitre 4 est commenté en marge par nota de morte regis. 51 supplico corr. par surcharge sur C (c. 5) ; is ajouté en interligne d’une main tardive sur C (c. 9) ; discordentes en marge de C (c. 12) ; Hinc en marge de C (c. 12) ; fovendum dans la marge de C (c. 19). Ce sont sans doute ces corrections qui ont incité l’auteur du catalogue à dater ce manuscrit du xve siècle. 52 Voir au bas du fol. 18rb la longue addition marginale de la même main que le texte. D’autres additions marginales très effacées sont d’une écriture plus tardive (fol. 5v). 53 hauctus pour auctus (c. 1) ; adholescentiam au c. 2, hibi pour ibi (c. 34), hactum pour actum (c. 40) ; husu pour usu (c. 39) hea pour ea (c. 43). En revanche les scribes de A emploient abeo, abere pour habeo (c. 34), hodit pour odit (c. 10). 54 Inutile d’en citer de nombreux exemples : Haerchenfreda (c. 1), veaementer (c. 3) ; foeminam (c. 40) ; cotidiae pour cotidie (c. 49). 55 jemitibus (= gemitibus) au chapitre 40 est un des rares exemples d’interchangibilité des consonnes. 56 specibus pour speciebus (c. 11) ; lampade pour lampades (c. 11) ; Siagriuus (c. 11) ; quida pour quidam (c. 42) ; renumerare pour remunerare (c. 35), elatea pour elata (c. 38), celers pour celer (c. 43) ; hoctatu A pour hortatu (c. 17) ; injejunio pour ingenio (c. 17). 57 C’est par exemple l’emploi d’une consonne simple au lieu d’une consonne double (comisa, comiserat sur C au c. 6) ou l’absence d’assimilation : inpediti (c. 34), inponat (c. 35), inpurus (c. 36). Elle reste fréquente dans les miracles carolingiens : inportune (c. 40), inpigendo (c. 41), inpetrata (c. 46). 58 aput (= apud) au c. 36. 59 de conditionis (c. 10) ; pospora A, corr. purpura par C (c. 35) ; potuat pour postulat dans l’épilogue ; potuerit pour potuerint (c. 34) ; vocant pour vocatur (c. 42) ; incomoditibus pour incomodantibus (c. 42) ; eoque pour eo quod (c. 44) ; gratulari pour gratularetur (c. 44) ; pro pour per (c. 53). Dans le même chapitre, A écrit : Unde his interii in studiose obmissis, ce qui n’a pas de sens, au lieu de Unde his interim studiose obmissis, sans doute parce qu’il n’a pas saisi la coupure des mots. 60 elaboravi corr. laboravi par C (c. 34) ; parciperes corr. pauperes (c. 34) ; au c. 53, C accorde l’adjectif avec le substantif : vehementissima febre au lieu de vehementissimo sur A. 61 C’est ainsi qu’au fol. 22vb on lit cette phrase : Quid multa ? compositum mox honestissime corpore feretroque inditum, iter arripiunt se trouve corrigé sur C par un ablatif absolu classique composito et indito.
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Introduction
transmis avec quelque fidélité un texte peut-être proche de l’exemplar. On reviendra sur ce point. Le manuscrit de Copenhague tente avec plus ou moins de bonheur de corriger ces archaïsmes et ces graphies douteuses62, d’améliorer l’orthographe mais il est bourré de lectures étourdies et même aberrantes ou absurdes qui témoignent d’une mauvaise connaissance du latin63. Il comporte aussi des lacunes64, qu’on retrouve dans les textes dérivant du manuscrit perdu de Vyon d’Hérouval65. Il arrive cependant que les lectures de C soient meilleures que celles de A, notamment pour les corrections du xiie siècle66. Devant des différences, que doit faire l’éditeur ? On répondra à cette question dans l’exposé des principes d’édition à la fin de cette introduction.
c. Les autres manuscrits La Vita a été imprimée par le Gallia christiana67 (BG)68 et par Philippe Labbe (BL)69 ex vetustissimo codice Ms. Il leur avait été communiqué par Dès les premières lignes de la Vita, il écrit oriundus et non pas horiundus, christianissimus au lieu de cristianissimus. Il déforme le nom de personnages historiques : Silvia corr. Salvia (fol. 207va). 63 experientia pour exercitia (fol. 208a) ; Eligigium pour Eligium (fol. 208a) ; quid pour quia (fol. 208b) ; promittere pour amittere (fol. 209va) ; condeceret clementiam pour condecet clementie (fol. 209va), insidiis est lu incidiis (fol. 20vb). 64 Au fol. 210vb, c’est une phrase entière qui a été oubliée : volens scilicet probare ad quem exitum vox emissa perduceret, lacune qui se retrouve sur les manuscrits de la famille B, par exemple dans l’édition de Ph. Labbe, Nova Bibliotheca manuscriptorum librorum, t. 1, Paris, 1657, p. 705 ; au fol. 213a : ignominiosum, ut putabatur, monachorum genus omnes omnino spernebant manque sur C comme sur les textes de la famille B, par exemple Ph. Labbe, op. cit., p. 707. 65 R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. xvi : « Le texte, assez peu correct, se rapproche du manuscrit B, mais sans présenter les mêmes lacunes ». 66 Au fol. 208vb, l’addition de qualem d’une main du xiie siècle sur A n’est pas nécessaire et la version de C sans qualem paraît meilleure ; au fol. 209vb le copiste de A a laissé un grand blanc entre faciatis et indiculum : une partie de ce blanc a été remplie par quem alors que C porte : Quod vero indiculum. Dans les MGH, l’éditeur a mêlé les deux versions : Quem vero indiculum, Die Urkunden der Merowinger, 38 (éd. Th. Kölzer, MGH, Diplomata regum Francorum e stirpe merowingica, no 38, p. 101). Grande initiale rouge rentrante sur C. 67 Gallia christiana, t. 2, Paris, 1656, fol. 460r-468v (BG) : (vita « quam a cl. viro dom. Vyon d’Herouual utendam habuimus » (fol. 460ra). 68 Nous reprenons une classification introduite par Poupardin qui distingue A, B et C, B désignant le manuscrit perdu d’Antoine Vyon d’Hérouval, voir n. 70. 69 Ph. Labbe, Nova Bibliotheca manuscriptorum librorum, t. 1, Paris, 1657, p. 699 : « ex ms. exemplari V. C. A. de Vyon Domini d’Herouval ». C’est l’édition qui a été reproduite dans la PL, t. 87, col. 219-246 et dont des extraits ont été publiés dans le Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 3, Paris, 1741, p. 527-532 : Excerpta… ex vita S. Desiderii Caturcensis episcopi, Apud Philip. Labbe, tom. I, Novae Biblioth. Mss., p. 699. 62
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Introduction
un érudit du xviie siècle, Vyon d’Hérouval70. Selon Bruno Krusch et René Poupardin, il s’agit d’un manuscrit aujourd’hui perdu, copié sur C71. C’est ce même manuscrit qui a servi de modèle à trois copies du xviie siècle conservées et réunies dans un seul manuscrit de la Bibliothèque nationale de France que René Poupardin a appelé B (Paris, BnF, lat. 11762). Il s’agit du tome III de la collection Vita et acta sanctorum72, un légendier du xviie siècle contenant des passions, des vies et des miracles rangés dans l’ensemble dans un ordre alphabétique : Vita sancti Carilephi confessoris (p. 1-9), Vita sancti Cassiani episcopi et confessoris (p. 10-16) etc. jusqu’à la Vita sancti Domitiani confessoris Christi (p. 320-330), et la Vita sancti Bulcardi 73. Les trois copies que nous appellerons B1 (p. 204-223)74, B2 (p. 224-233) et B3 (p. 234-243) sont de mains différentes mais ne comportent entre elles que des variantes peu significatives. Ces copies comme les éditions de Philippe Labbe et du Gallia christiana procèdent toutes de C ou d’une copie de C75, comme le montre ici une édition du premier chapitre de la Vita. Paul-Antoine de Vyon d’Hérouval (14 septembre 1606 - 29 avril 1689), chanoine régulier et bibliothécaire de l’abbaye Saint-Victor, noua des contacts avec les plus grands érudits de son époque, notamment Charles du Cange, Luc Moissac d’Achery et Philippe Labbe. Il fournit à ce dernier « une infinité de pièces ». À sa mort, il fit don de nombreux manuscrits à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, siège de la Congrégation de Saint-Maur, L. Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, Paris, 185, p. xlvi-xlvii. C’est le même intermédiaire qui a fait connaître la Vita Desiderii à Dom Mabillon qui l’utilisa pour préciser la datation de l’épiscopat de Didier (Vetera analecta sive Collectio veterum aliquot operum et opusculorum omnis generis… Nova editio, Paris, p. 528). Il considérait la Vita comme presque contemporaine du saint, alors que d’autres érudits la jugeaient plus tardive. – Nous n’avons pas retrouvé les variantes de A dont Ph. Labbe aurait eu connaissance par l’érudit Claude Joly qui avait reçu des religieux de Moissac le légendier conservé à la BnF (lat. 17002) et qu’il aurait publiées dans le t. 2 de la Nova Bibliotheca, voir E. Cabié, « R apports de saint Didier, évêque de Cahors, et de saint Didier, évêque d’Auxerre, avec l’Albigeois », Annales du Midi, t. 6 (1894), p. 401-419. Cet auteur (p. 403, n. 1) écrit aussi que d’après G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, Cahors, 1883, p. 245, l’original de la Vie « était déposé dans l’église de SaintGéry à Cahors ; et Dominicy, qui écrivait pendant la première moitié du xviie siècle, déclare de son côté qu’il possédait lui-même une copie manuscrite de la Vie ». 71 Vita Desiderii, éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, Hanovre-Leipzig, 1902, p. 558 et Vita et miracula sancti Desiderii Cadurcensis, éd. Br. Krusch, Turnhout, 1957 (CC SL, t. 117), p. 345-401. Selon Poupardin (La vie de saint Didier), il est bien possible que B et les éditions qui ont suivi la copie de Vyon d’Hérouval – celle de Labbe que nous appellerons BL et celle du Gallia christiana (BG) – représentent une très mauvaise copie de C ou plutôt que BL et BG dérivent par des intermédiaires qu’il nous est impossible de déterminer d’un original commun perdu ou encore d’une copie commune disparue. 72 Sur la page de garde : Hist. S. German., pag. 135-136, n° 1-9. 73 Ce manuscrit comporte également un « entretien pour savoir si saint Denis, apôtre et premier évêque de Paris, est le même que Denis l’Aréopagyte ». 74 C’est la seule qui soit datée : « de l’an 1648 », en haut, à gauche. 75 C’est le cas aussi de la copie restée manuscrite faite par Marc-Antoine Dominicy († 1650) pour son Histoire du Quercy sur un « légendaire de Moissac » (Montauban, Archives dép. du 70
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Introduction
[fol. 207] INCIPIT VITA VEL ACTUS BEATI DESIDERII EPISCOPI CATURCENSIS CUJUS CELEBRATIO EST XVII KL.DECEMBRIS [fol. 207va]76 I [1]. Igitur77 Desiderius, Caturcensis urbis78 episcopus, Obrege Galliarum oppido79 horiundus80 fuit. Hec81 itaque civitas, in extremis pene Galliarum finibus sita, regionibus82 prime83 Aquitaniarum extrema, habens84 a meridie provinciam Narbonensem. In hac ergo parentibus honestissimis et apud gallicanas familias prae caeteris85 gratia generositatis ornatis86 Desiderius exortus est. Pater ejus cristianissimus87, vocabulo Salvius88, mater vero idemque89 honesta et religiosa90 Haerchenfreda91 dicta est ; fratres autem ejus Rusticus et Siagrius cum duabus sororibus aderant, quarum una Silvia92, altera93 vero dice-/fol. 1rb/-batur Avita. E quibus Rusticus, Tarn-et-Garonne, 3J Ms. 4, t. III, chap. XIV, fol. 298 et ss.) qui suit manifestement C. L’auteur s’appuie sur la Vita pour écrire une vie de Didier (p. 267-297), qui n’est pas sans intérêt. La copie, sous le titre Incipit vita sancti Desiderii Caturcensis episcopi (fol. 298), est faite d’après « un manuscrit corrompu en divers endroits » : « J’ai tenté [écrit-il] de restituer les lieux autant qu’il m’a été possible, mettant mes diverses leçons à la marge… ». Elle est découpée en chapitres comme l’édition de Labbe (BL). Elle est proche d’un autre texte conservé dans le fonds des Bollandistes (Bibliothèque des Bollandistes à Bruxelles, no 8944, fol. 275-304, que nous appellerons Br). Cette copie a été envoyée aux Bollandistes par le toulousain Pierre Poussin (1609-1690), comme l’indique une note au fol. 275 (Accepi a Petro Possino anno 1643… ex vetusti[ssimo ms.]). Elle avait été collationnée par François Boulart (1605-1667 [Bp]), chanoine régulier de Sainte-Geneviève, sur un « manuscrit parisien », éditée par Labbe, donc sur le manuscrit appartenant à Vyon d’Hérouval qui fait partie de la famille B de Poupardin. 76 Fol. 1ra sur C. Titre en rouge et grande initiale rentrante sur quatre lignes. Incipit Vita Desiderii Caturcensis episcopi C, D, B1, B2 ; Caturcensis episcopi sur B3. 77 Grande initiale ornée sur seize lignes sur A. Igitur manque sur BG. 78 urbis manque BG, BL. 79 opido BD. Copie du xviie siècle par Antoine Dominicy. 80 Lire oriundus en suivant BG, C, D, B1, B2, B3, Br (= ms. des Bollandistes, no 8944, fol. 275-304). 81 haec D. Copie du xviie siècle par Antoine Dominicy. 82 A regionibus quippe sur BG. 83 pene C ; quippe BL, B1, B3 ; pene souligné et corr. quippe en marge sur Br. 84 habens BG, BD, BL, B1, B2, B3, Br, C. 85 ceteris C : on ne signalera plus la variante sur la diphtongue ; cœteris generositate ornatis, BD, B1, B2, B3. 86 u suscrit sur A de la même main au-dessus d’une lettre effacée qui devrait être un i. 87 christianissimus C, BD, BG, BL, B1, B2, B3, Br. 88 Servius B3. 89 ejusdem BL, BD, B1, B2, B3, Br ; ejus C. 90 et religiosa manque sur C, BL, D, B1, B2, B3. 91 Harchenfreda C, BL ; Harchenefreda BG, B1, B2, B3, Br ; Archenfreda D. 92 Salvia C ; Selena BL ; Silina sur B1, B2, B3 ; Selena Br ; Selina D, BG. 93 alia C, B1, B2, B3, Br.
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Introduction
a primis pubertatis annis clericus factus, archidiaconatus est94 adeptus95 officium96 in urbe Rutena97, et abbatiam98 regalis basilicç99 sub [C]lotario100 rege administravit. Ad ultimum vero101, pontificatus dignitatem in Caturcena102 urbe emeruit. Siagrius autem103, post diutina palatii104 Francorum ministeria et familiaria Clotharii105 regis contubernia, comitatus dignitatem apud Albigensem106 jessit107, necnon et apud Massiliam judiciariam potestatem108 diu exercuit. Desiderius vero summa parentum cura enutritus, litterarum studiis ad plenum eruditus est, quarum109 diligentia110 hauctus111 est. Ubi112 post113 insignia litterarum114 studia115 Gallicanamque116 eloquentiam117 que vel floren-/fol. 2va/-tissima sunt vel eximia, contubernii regalis adolescens118 inidit119 dignitatibus, ac deinde legum romanarum indagationi studium dedit120, ut ubertatem eloquii gallici121 nitoremque sermonis gravitas122 romana temperaret.
est manque sur C et BD. est adeptus ajouté dans la marge de gauche d’une main plus fine du xiie siècle sur A ; est adeptus manque sur C et B. 96 factus archidiaconatus officium BL, B1, B2, B3, Br. 97 Ruthena BD. 98 abbati A. 99 abbacię, C. 100 et abbatiam sub Lothario rege administravit BL, B1, B2, B3, Br ; abbatia D. 101 vero manque sur C et sur BG, BL, B1, B2, B3, Br. 102 Caturcina C, BD, BG, BL, B1, B2, B3. 103 autem manque sur C et sur BG, B1, B2, B3, Br. 104 palacii C. 105 Lotharii BG, BL, BD, B1, B2 ; Lotarii Br. 106 nsem ajouté en interligne d’une main plus récente sur A ; Albige sur C, D, BG, BL, B1, B2, B3, Br. 107 gessit C, BG, BL, BD, B1, B2, B3, Br. 108 potestatem judiciariam D. 109 quorum BG, BL, BD, B2, B3, Br. 110 diligentiam Br. 111 u ajouté en interligne d’une main plus récente sur A ; nactus BG, D, B1, B2, B3, Br ; lire auctus en suivant BL. 112 Ut C ; ubi manque sur BD, B1, B2, B3, Br ; et BG. 113 per D. 114 litterarum insignia sur C, BG, D, B1, B2, B3 ; quotidiana litterarum insignia Br. 115 et studia BD. 116 m ajouté en interligne d’une autre main sur A ; Gallianam C ; gallicanam BG, B1, B2, B3. 117 Voir note précédente. 118 adulcisce A et C, BD; adductis BL ; adulssisse, B1, Br ; adulsisse BG, B2, B3. 119 indedit A, corr. par surcharge ; indedit C, BD, Br ; inde, BL, B1, B2, B3. 120 studuit C, BG, BD, B1, B2, B3, Br au lieu de studium dedit. 121 Galliam C ; publicani, B1 B1, B2, B3 ; Gallicani D. 122 gravitas sermonis C, BG, BL, D, B1, B2, B3, Br. 94 95
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Introduction
C’est à cette même famille qu’appartient une autre copie de 1643 faite par Pierre Poussin, inconnue de Bruno Krusch et René Poupardin, qui est conservée à Bruxelles chez les Bollandistes (Br)123. Cette copie, postérieure à l’édition de Philippe Labbe, a été faite sur C ou une copie de C. Il existe aussi quelques fragments incomplets et souvent incorrects qui ne peuvent guère servir à l’établissement du texte. Bruno Krusch et René Poupardin en ont relevé la plupart. Aimeri du Payrac, abbé de Moissac de 1370 à sa mort en 1406, s’est contenté de mentionner la Vita sancti Desiderii, dans la partie de son Chronicon, consacrée aux abbés de Moissac124. Le Père Le Cointe, dans ses Annales ecclesiastici Francorum, « donne quelques variantes qu’il paraît emprunter à A »125. Guillaume Lacoste dans son Histoire générale de la province de Quercy mentionne la découverte d’un manuscrit conservé au monastère de Saint-Géry qui doit être C126. On trouve d’autres extraits dans le chapitre XIV de l’histoire manuscrite, consacré à saint Didier, la Vie de saint Didier appelé vulgairement saint Géry127, en français, fondé sur C et sur B, « si on peut en juger par le fait qu’au fol. 167 la citation est regionibus pene Aquitaniarum extrema et regionibus quippe Aquitaniarum extrema au fol. 168. Toutefois la copie du manuscrit donne pene avec quippe dans la marge ». Tous ces textes venant de A, de C ou d’une copie perdue de C, il ne nous a pas paru utile de surcharger notre édition des variantes de la famille B, représentée par l’édition de Labbe, du Gallia christiana et des trois copies, B1, B2, B3 du BnF, lat. 11762 sauf à reprendre parfois des corrections bien venues qui rendent le texte moins incompréhensible. On notera que l’édition de Labbe présente quelques variantes sans grande signification avec les copies du lat. 11762128. Bibliothèque des Bollandistes à Bruxelles, no 8944, fol. 275-304. Cette copie (Br) soignée et d’une belle écriture est datée de l’an 1643, selon une note inscrite au fol. 275. Elle est postérieure à l’édition de Labbe, mentionnée au fol. suivant (« cujus partem edidit Labbe »). Elle contient un texte issu de C ou d’une copie de C, comme le prouve l’édition du premier chapitre supra. 124 Paris, BnF, lat. 4991A et lat. 5288, ca 1405, fragment Paris, BnF, lat. 4494A, fol. 124v. Si l’on peut en juger par le seul exemple publié, il ne s’agit pas de citations proprement dites, mais plutôt d’une source : quod eciam a viris laudabilibus Ansberto et Leotadio, successoribus suis, immediate explendum est, ut in vita sancti Desiderii continetur, R. de La Haye, Chronique des abbés de Moissac, Maastricht, 2006, p. 313. Selon une information envoyée par l’auteur à Keith Bate, les autres mentions dans les parties du Chronicon, non éditées, « sont aussi inexploitables ». 125 Ch. Le Cointe, Annales ecclesiastici Francorum, t. 3, Paris, 1668, p. 228. 126 G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, Cahors, 1883, p. 245. 127 « Saint Didier appelé vulgairement saint Géry », p. 167 et ss. L’auteur cite (p. 167) le début de la Vita sans doute d’après A. Plus loin, p. 172-173, il copie très librement un extrait du VI [11], puis la fin de la Vita rapportant la mort de Didier. 128 Contrairement à ce qui a été écrit, le manuscrit de Rome, Vallicelli, codices G. 99, 8, fol. 494v-495v ne contient aucun extrait de la Vie de Didier. Nous remercions Jean-Marie Martin (†), civis romanus, d’avoir bien voulu le vérifier sur place. 123
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2. Corrections, lacunes, additions Jean Dufour129 n’a pas cru bon de mentionner les corrections faites en interligne ou dans des blancs du manuscrit A, par des mains ou des plumes différentes, ce qui pose un sérieux problème. Ces corrections sont souvent heureuses130. Certaines sont sans doute de la main du copiste : c’est le cas au c. 1 du u suscrit sur A au-dessus d’une lettre effacée qui devrait être un i ou d’autres corrections par surcharge justifiées ou non131. On trouve des accumulations de h hypercorrects (honus pour onus, etc.). Certaines cependant ne se limitent pas à une lettre mais comportent un mot132. D’autres sont d’une plume plus fine, difficile à dater, mais qui peut être contemporaine de la copie et résulter d’un changement de plume après une pause133. Quelques corrections en interligne ou dans la marge sont d’une ou plusieurs mains. Une dernière catégorie mérite plus d’attention. Ces additions sont d’une plume plus fine qu’on peut dater du xiie siècle134. Elles occupent parfois des blancs laissés par le scribe précédent et que le correcteur a tenté de combler avec plus ou moins de bonheur. C’est le cas par exemple dans la première lettre d’Herchenfreda à son fils où, se rendant compte que la phrase ut nos melius provoces pro tua mala vita et stabilitate n’avait pas de sens, le scribe a abandonné sa copie, en laissant un vide, avant de reprendre plus loin avec nullam occasionem vicini vel pares habeant per quam detrahere possint135. Une main du xiie siècle a comblé le blanc en écrivant : ut nos ad (supraligne) melius pro tuo bono exemplo provoces quam pro tua mala et instabilitate mentis ad ignominiam nos exemplo provoces pro tua mala vita et stabilitate quare nullam occasionem. J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, Genève, 1972. Indedit corr. indidit (c. 1) ; annos corr. annis (c. 2) ; eroditus corr. eruditus (c. 2) ; antestes corr. antistes (c. 7) ; ego corr. ago (c. 9) ; tempos corr. tempus (c. 10) etc. D’autres corrections, au contraire, sont injustifiées : malefacrent corr. malifacrent (c. 2) ; adserens corr. asserens (c. 8) ; adv. piissime corr. piissimum par attraction de pignus (c. 11) ; sequre corr. secure par confusion entre le verbe et l’adverbe (c. 11), etc. 131 C’est ainsi qu’on rencontre plusieurs h hypercorrects : haut pour aud (c. 16), hac pour ac au chapitre 16, etc. 132 sese interlin. au chapitre 3 ; quod ajouté en interligne de la même main sur A dans une subordonnée infinitive : Cognoscite nos quod in Dei nomine prospere agere (c. 10, fol. 209ra) ; vestram ajouté en interligne au chapitre 6. 133 mentis ad ignominiam ajouté en interl. d’une plume plus fine sur A. 134 nsem ajouté en interligne pour compléter Albige (c. 1, fol. 207va) et futuris ajouté faussement d’une main plus fine sur A (c. 11, fol. 207v) ; Qualem, ajouté sans doute d’une main du xiie siècle [c. 7, fol. 208vb] ; endo revertamur ajouté par la main du xiie siècle (c. 7, fol. 208vb) ; sequre corr. en interl. d’une plume plus fine secure par un scribe qui ne comprenait pas qu’il s’agissait d’un infinitif et qui a cru qu’il fallait ajouter mittere vel denunciare qui manque sur C (c. 11, fol. 209va) ; circa te ajouté en interligne d’une plume plus fine par le même scribe (c. 11, fol. 209va). 135 Fol. 209a, c. 9. 129 130
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Le scribe de C s’en sort autrement : ne alios in malis provoces pro tua mala vite et stabilitate quare nullam occasionem. Il existe plus d’une douzaine de cas semblables136. C’est ainsi qu’au fol. 211va (c. 20) un premier vide a été rempli sur A et complété dans la marge : Sed quandoquidem in exterioribus aedificiis construendis tale ei studium fuerit, un deuxième vide comblé toujours sur A par auro gemmisque locupletare, lacunaria ornare, pavimenta componere, un troisième par cuiusque fidelis Christiani credendum esse dicebat. Les omissions sont encore plus importantes dans l’édition de Labbe137 et la version de Pierre Poussin, conservée chez les Bollandistes à Bruxelles138, fondées l’une et l’autre sur le manuscrit perdu de Vyon d’Hérouval, et cela bien que leur texte soit déjà bien organisé en chapitres, signe indiscutable de réécriture. Il n’est donc pas impossible que les scribes de A et de C ou les modèles qu’ils suivaient aient omis d’autres passages difficiles à lire ou qu’ils comprenaient mal et que notre édition de la Vita comporte des lacunes. Il existe enfin une correction faite par les moines de Moissac dans un but bien précis de manipulation de l’histoire (c. 23) : si la phrase écrite initialement sur A Nam et Musciacense coenobium hujus tempore a viris laudabilibus Ansberto et Leotado initiatum est a été modifiée par grattage et réécriture, c’est sans doute, comme l’avait pensé René Poupardin, que les moines de Moissac ne voulaient plus qu’Ansbert fût leur premier abbé au moment où commençait à se former la légende de la fondation du monastère par Clovis. Chose curieuse, difficile à expliquer, les corrections s’arrêtent pratiquement toutes au fol. 212vb139. S’il s’agissait seulement de celles de la fin du xie siècle, on pourrait penser que le relecteur a abandonné son travail par lassitude. Mais il s’agit aussi de celles du siècle suivant. On pourrait faire l’hypothèse selon laquelle le manuscrit à partir du fol. 212 et ss. comportait un texte plus clair, plus facile à déchiffrer et plus complet. Mais il suffit de parcourir les vies de saints qui suivent la Vita sancti Desiderii pour s’apercevoir que les corrections sont très rares et qu’elles sont faites en interligne de la main du Peut-être comprend-on mieux les difficultés du premier scribe quand on remarque avec Monique Goullet les textes presque incompréhensibles des vitae de saint Eptade et du mime Genès copiés dans le légendier de Moissac (intervention au cours du colloque réuni à Toulouse en 2014). 137 et religiosa manque sur Ph. Labbe, Nova Bibliotheca manuscriptorum librorum, t. 1, p. 699 (c. I) ; nos ad melius pro tuo bono exemplo provoces manque sur Labbe comme sur C (ibid., p. 702 [c. VI]). 138 Voir supra, n. 75. En fait fol. 275, il est question d’une collation faite a Francisco Boulart, canonico. 139 Parmi les rares exceptions, relevons quo corrigé en quod au chapitre 49. Notons aussi que certains o sont surmontés d’un u comme pour former une boucle ou une bourse (proinde, prorumpere au chapitre 26). 136
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copiste140. Notons par ailleurs qu’il y a peu de corrections dans les folios qui précèdent le début de la vie de saint Didier141. Aussi faut-il se demander si les moines de Moissac n’ont pas accordé plus d’attention à la vie de saint Didier qu’à d’autres, car elle mentionnait les origines de leur monastère. À partir du moment où le passage concernant Moissac a été repéré, isolé et corrigé, le zèle des correcteurs se serait en peu de temps épuisé142. Parfois, ils copiaient le texte sans le comprendre143. Parfois aussi, ils laissaient alors des blancs qui ont été remplis au xiie siècle par un correcteur plus ou moins bien inspiré. Le scribe qui a copié le manuscrit de Vyon d’Hérouval à l’origine des versions B s’est montré plus prudent dans ses restitutions, tandis que le copiste de C à la fin du Moyen Âge a parfois proposé ses propres interprétations.
3. Capitulation Pour la Vita, la capitulation est indiquée sur A par la lettre K à la fin d’une partie et par des initiales ornées au début d’un sous-chapitre. Mais il y a des lacunes. Sur B, la capitulation est marquée par de grandes initiales et parfois par des retours à la ligne avant le début d’un nouveau chapitre. Sur B1, B2 et B3, les chapitres sont numérotés en continu, y compris les miracula. Sur C chaque chapitre commence par une grande lettre de couleur. Quoique les miracles interrompent l’exposé d’ensemble de la Vita, avant l’épilogue final, il n’y a pas cependant sur les manuscrits de rupture entre la Vita et les Miracula. Sur A, après l’inhumation du saint et une phrase annonçant les miracles, chaque miracle commence par une grande initiale sauf le VIII, 48, enchaîné directement après le VIII, 47. Sur C, précédant le récit de l’inhumation, figure le titre Incipiunt XII miracula. Puis chaque miracle est précédé de la mention Mir. suivi d’un chiffre romain, mais les deux premiers Fol. 219va : sanctus Caprasius ; 220ra : n et de en interligne ; 220va : enim et juvare en interligne etc. 141 On ne relève que quelques corrections d’une main plus fine aux fol. 2va, 3r, 3va, 6r, 7ra. Sur les folios suivants, écrits d’une belle écriture régulière du xie siècle, les corrections disparaissent presque complètement ; on les rencontre cependant à nouveau dans la Vita sancti Leodegarii qui commence au fol. 102r : il s’agit de lettres corrigées à l’encre noire d’une autre main (par exemple Ebrino, corr. Ebroino par o suscrit) qui diffère profondément des mains qui ont corrigé Didier. Ces corrections continuent aux fol. 102v, 103rv, 104ra. 142 L’existence de libelli carolingiens qui auraient servi de modèles aux scribes du légendier de Moissac, est une hypothèse qu’on a pu faire pour d’autres légendiers. S’impose-t-elle pour la Vita sancti Desiderii ? 143 Au chapitre 43, le début de la phrase sur A est incompréhensible : Tantus quippe eximii saporis nec inter vini saporis efulsit ut nunquam.
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(39-40) sont regroupés sans aucun titre, ni aucun chiffre, si bien que le 3e a pour titre Mir. II, sans qu’il y ait de Mir. I. Il est difficile d’affirmer qu’il n’y ait qu’un seul auteur des miracles et que ce soit la même personne que le réviseur carolingien de la Vita mérovingienne.
ω fin du viie
fin viie ixe
a
A
C B éd BL
éd BG
B1, B2, B3 BD
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BP
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ω α A C B B1, B2, B3 BL BG BD BP Br
Vita du viie s., suivie peut-être des deux premiers miracles, perdue. Vita remaniée du viiie-ixe s., complétée par étapes de Miracula. Vita de Moissac du premier quart xie s. (Paris, BnF, lat. 17002, fol. 207-217v). Vita copiée à Saint-Géry de Cahors au xive-xve s. (Copenhague, Bibl. royale, Thott 146, fol. 1-30). manuscrit de Vyon d’Hérouval (1606-1684), copié sur C, perdu. copiés sur B (Paris, BnF, lat. 11762, fol. 204-223, 224-233, 234-243). édition de Philippe Labbe, Nova Bibliotheca manuscriptorum librorum, t. 1, Paris, 1657, p. 699-716. édition du Gallia christiana, t. 2, Paris, 1656, fol. 460r-468v. copie du xviie s., par Antoine Dominicy († 1650) (Archives du Tarn-et-Garonne, 3J Ms. 4, t. III, fol. 298 et suiv.). copie du xviie s. par Pierre Poussin, perdu. copie du xviie s. (Bruxelles, Bollandistes, no 8944, fol. 275-304).
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II. L’auteur, ses méthodes et la date de rédaction du texte Contrairement à la Vita sancti Eligii qui a beaucoup inspiré notre hagiographe, la Vita sancti Desiderii ne comporte pas de prologue exposant les buts de l’auteur, le public auquel elle est destinée, le niveau de langue qu’il utilise144. Cette absence de prologue a donc de quoi surprendre. La présence de l’incipit Igitur pourrait laisser penser qu’il a disparu. Mais on peut aussi supposer que l’auteur de la Vita sancti Desiderii avait à sa disposition un manuscrit de la Vita Eligii ne comportant pas de prologue et qu’il a commencé son texte avec Igitur comme son modèle145. Cette supposition n’est cependant même pas nécessaire car d’une part l’hagiographe ne puise pas dans la Vita Eligii un modèle général et d’autre part le mot Igitur au début d’une Vita est d’un usage classique en hagiographie. Quoi qu’il en soit, l’analyse du texte permet de suppléer en partie l’absence de prologue, de tenter de cerner les buts et les méthodes de l’auteur et de proposer une datation à la fin du viie siècle pour la première rédaction de la Vita.
1. Date de rédaction et langue de la Vita Dom Mabillon considérait que la Vita sancti Desiderii était à peu près contemporaine de la mort de Didier146, alors qu’Antoine Pagi147 la tenait pour C’est seulement à la fin de la Vita que l’hagiographe avoue que si dans sa rusticité il avait voulu prolonger son discours, il aurait été bien incapable dans son écrit d’être à la hauteur des louanges que mérite le saint homme dans un discours désordonné et privé de parure (c. 53 : absque ordine sensuum sine lenocinio et composicione sermonum). Il est vrai que les manuscrits de Limages n'ont pas de prologue. 145 C’est ainsi que la Vita prolixior sancti Maxentii (BHL 5805), qui n’est pas l’amplification de la Vita brevior (BHL 5804) comporte un prologue alors que la Vita brevior commence par Sanctus igitur, voir É. Carpentier, S. Kumaoka et G. Pon, « Les Vies de saint Maixent. Introduction, édition et traduction », Revue historique du Centre-Ouest, t. 14 (2016), p. 95149 ; voir aussi à propos de la vie de Gaugericus/Géry (AA SS, Aug., t. II, Anvers, 1735, p. 655693) M. Goullet, « Sur la langue de quelques textes du légendier de Moissac », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 191. 146 J. Mabillon, Vetera Analecta sive Collectio veterum aliquot operum et opusculorum omnis generis… Nova editio, Paris, 1723, p. 528. 147 A. Pagi, Critica historico-chronologica in universos annales ecclesiasticos eminentissimi et reverentissimi cardinalis Baronii, t. 2, Anvers, 1705, p. x et ss. 144
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plus tardive148. René Poupardin149 et Bruno Krusch150 l’ont datée de la fin du viiie siècle, en raison en particulier de ses nombreux emprunts à la Vita sancti Eligii que Krusch datait de la première moitié du viiie siècle, et d’un miracle post mortem du saint (c. 43) accompli sous l’épiscopat d’Awarnus, évêque attesté au plus tôt en 783151. Mais d’une part le recueil de miracles a pu être augmenté au fil des temps, d’autre part, la date de la Vita Eligii a été remise en question par des recherches récentes152 et la prise en compte de deux manuscrits limousins que le savant éditeur allemand avait négligés153. De son côté, Michel Banniard a montré que la fréquence des éléments langagiers dans le texte des extraits de sermons conservés permettrait aussi de faire remonter À notre connaissance, Hadrien de Valois (1607-1692) ne se prononce pas sur la date de la Vita qu’il démarque et cite largement, voir Hadriani Valesii rerum Francicarum usque ad Chlotharii senioris mortem libri VIII, t. 3, Paris, 1658, p. 141-142 (analyse de la famille du trésorier Didier d’après la Vita et la correspondance) ; p. 143 (Didier choisi par Dagobert comme évêque de Cahors, ses constructions, la réfection des canalisations, ses dons et son testament) ; p. 144 (les relations de Didier à la cour et dans l’épiscopat de son temps). 149 R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. ix, estime que la Vie a été « écrite à la fin du viiie siècle ou au commencement du ixe par un moine de Saint-Géry de Cahors, d’après des documents anciens, et sans doute d’après un texte narratif antérieur, vie primitive ou notice développée d’un catalogue épiscopal ». Mais il ne fournit aucun argument de caractère historique ou philologique. 150 Bruno Krusch, dans la longue introduction de la Vita sancti Desiderii (MGH, SRM, t. IV, Hanovre-Leipzig, 1902, p. 547-562), expose les anachronismes historiques et linguistiques qui lui font repousser à la fin du viiie siècle la rédaction du texte (p. 556-557), et plus précisément après la mort de l’évêque, mentionné dans le quatrième miracle, qui a dirigé le diocèse de Cahors de 783 au 29 mai 821, ce qui ne prouve rien puisque les miracles ne faisaient pas partie de la Vita primitive. Bruno Krusch admet lui-même que le texte contient des irrégularités linguistiques et des fautes grammaticales qui pourraient renvoyer à une période antérieure (p. 557) : In nostro igitur auctore, litteris casibusque permutatis tanta barbaries reperitur, quantam ab humanitate aevi Carolingici longe distare imperiti hodieque contendunt. Mais il préfère en définitive dater le texte de la fin du viiie siècle, car il ne peut pas imaginer qu’un auteur du viie siècle puisse écrire en latin dans un style relativement soutenu. 151 C. 43. C’est aussi du viiie siècle que W. Berschin (Biographie und Epochenstil im lateinischen Mittelalter, t. 2 : Merowingische Biographie. Italien, Spanien und die Inseln im frühen Mittelalter, Stuttgart, 1988, p. 53-57) date la Vita dans l’état qui nous est parvenu, mais à partir d’un texte rédigé vers 670 par un moine de Saint-Géry qui n’a pas voulu seulement écrire une vie de saint mais rassembler des faits concernant la ville de Cahors. La datation est reprise par M. Heinzelmann, « Bischof und Herrschaft vom spätantiken Gallien bis zu den karolingischen Hausmeiern. Die institutionellen Grundlagen », Herrschaft und K irche. Beiträge zur Entstehung und Wirkungsweise episkopaler und monastischer Organisations formen, éd. F.Prinz, Stuttgart, 1988, p. 74. 152 Isabelle Westeel a complété la liste des manuscrits de la Vita par la redécouverte de deux livrets (libelli) provenant de l’abbaye de Solignac : Tours, BM, 1028 (xe siècle) et Musée de Condé de Chantilly, 739, qui « font apparaître l’existence d’une famille limousine ancienne » (Ch. Mériaux, « Du nouveau sur la Vie de saint Éloi », Mélanges de science religieuse, t. 67/3 (2010), p. 79). 153 Ch. Mériaux, « Du nouveau sur la Vie de saint Éloi », p. 71-87. 148
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la rédaction de la Vita Eligii au viie siècle154. Elle serait donc bien l’œuvre de saint Ouen, vers 673/675. C’est sensiblement aux mêmes dates que parvient Michel Banniard pour la Vita sancti Desiderii. « La date de la première rédaction de cette dernière, écrit-il, pour des raisons également langagières et stylistiques, devrait, à notre avis être avancée d’un siècle (fin viie et non fin viiie) »155. Certes, le style soutenu adopté dans ce texte contraste avec le style rustique de la Vita sancti Ambrosii156, lui aussi évêque de Cahors, datée de la seconde moitié du viie siècle par Pierre Bonnassie157. Mais, comme le souligne M. Banniard, un style soutenu, dont « un rédacteur mérovingien n’était pas incapable », convenait mieux à un haut dignitaire épiscopal que celui plus rustique dont a usé l’auteur de la Vie de saint Ambroise, l’évêque des pauvres. Cet avis est partagé par Josiane Barbier pour des raisons institutionnelles158 et par Martin Heinzelmann qui suggère une datation aux environs de 700159. Notons enfin que certains passages gardent la trace de l’hypotexte. C’est M. Banniard, Viva voce. Communication écrite et communication orale du ive au ixe siècle en Occident latin, Paris, 1992, p. 259 et ss. ; Id., « Latin et communication orale en Gaule : le témoignage de la Vita Eligii », Le septième siècle, p. 58-85. Michel Banniard continue cependant à parler de « réécriture carolingienne » dans les miracles post mortem du saint. Mais il reconnaît que les qualités littéraires de la Vita sancti Eligii n’ont rien d’exceptionnel au temps de Dagobert. 155 M. Banniard, « Une Vita mérovingienne. Langue et style de la Vie de saint Ambroise, évêque de Cahors », Annales du Midi, t. 106, no 208 (1994), p. 229-234, ici p. 235. 156 Vita Ambrosii episcopi (BHL 369), éd. AA SS, Oct., t. VII, Anvers, 1845, p. 1046-1050. La date est controversée, voir J.-C. Poulin, L’idéal de sainteté dans l’Aquitaine carolingienne d’après les sources hagiographiques (750-950), Québec, 1975, p. 69 et 104 ; M. Banniard, « Une Vita mérovingienne. Langue et style de la Vie de saint Ambroise, évêque de Cahors » : « L’extension de l’emploi des prépositions in, per est caractéristique d’un latin tardif, de même que la tournure ad + accusatif à la place du datif (ad Dominum), l’usage du passé composé avec habeo et un ‘phrasé’ qui correspond au mouvement de la langue parlée ». (p. 231). Voir la synthèse d’A.-M. Bultot-Verleysen, « Hagiographie d’Aquitaine (750-1130) », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, t. 6, Turnhout, 2014, p. 597-600. 157 P. Bonnassie, « L’évêque, le peuple et les sénateurs : Scènes de la vie à Cahors, d’après la Vita Ambrosii », Cadres de vie et société dans le Midi médiéval, éd. P. Bonnassie et J.B. Marquette, Hommage à Charles Higounet, Toulouse, 1990 (Annales du Midi, t. 102 [1990]), p. 209-210 ; même datation dans M. Banniard, « Une Vita mérovingienne. Langue et style de la Vie de saint Ambroise, évêque de Cahors », p. 230 et ss. 158 Communication orale citée par Fr. Prévot, « La construction de la cité chrétienne d’après la Vie de Didier, évêque de Cahors », Les premiers temps chrétiens dans la territoire de la France actuelle, Rennes, 2009, p. 71. 159 M. Heinzelmann, « L’hagiographie mérovingienne. Panorama des documents potentiels », L’hagiographie mérovingienne à travers ses réécritures, Ostfildern, 2010, p. 70. Pour Martin Heinzelmann, la façon dont l’auteur procède « en assemblant des textes divers à l’exemple des Vies d’Éloi et de Germain d’Auxerre (Vie interpolée) » évoque une « pratique du viie siècle ». L’auteur renvoie à W. Berschin, Biographie und Epochenstil im lateinischen 154
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ainsi qu’après avoir évoqué les goinfres qui ont avalé les mets destinés à l’ermite au chapitre 32, l’auteur invoque le témoignage d’un contemporain : « un témoignage existe du fait que je raconte », ce qui tend à prouver que la première rédaction de la Vita a suivi d’assez peu la mort du saint le 15 novembre 655160. Peut-être cependant le texte ou plus exactement l’hypotexte a-t-il été légèrement amplifié à l’époque carolingienne. À ces retouches s’ajoutent toutes les erreurs de lecture, additions et corrections des copistes des xie-xiie dans le manuscrit de Paris et de ceux des xive-xve siècles dans le manuscrit de Copenhague, qui rendent plus difficile l’étude de la langue. Plus fondamentalement, il faudrait pouvoir recourir à une sorte d’archéologie pragmatique du langage écrit, comme nous y invitent Monique Goullet et Michel Banniard161. Ce dernier montre bien la difficulté de l’entreprise : comment un moine copiste travaillant sous la dictée, qui parlait l’occitan languedocien mais avait été élevé dans l’apprentissage d’un latin patristique pouvait-il saisir et restituer les traces du latin mérovingien qui pouvaient subsister dans la version carolingienne162 ? Parfois incapables de bien comprendre le sens de ce qu’ils lisaient ou dictaient, les scribes des xie et xiie siècles ont à leur tour apporté des corrections ou des interprétations. Une nouvelle recherche centrée sur la langue de la Vita sancti Desiderii s’avère donc nécessaire pour confirmer une datation à la fin du viie siècle. Il n’est pas impossible d’y repérer en effet quelques traits mérovingiens. Si on reprend les méthodes appliquées à la Vie de saint Ambroise, évêque de Cahors, par Michel Banniard, on constate quelques traits semblables dans l’emploi des propositions in et de : - in : se in Dei timore roborabat (c. 2) ; in viciis trahitur (c. 3) ; blandus in eloquio, cautus in verbo, providus in consilio (c. 6) ; in anno autem VII Dagoberti (c. 7) ; in sacerdotio eligitur (c. 14) ; temperavit in victu, in vestitu (c. 21) ; in voce prorumpere (c. 26) ; gravitas in vultu (c. 31) ; in sui admiratione convertebat (c. 36), l’emploi de in venant renforcer l’usage du seul ablatif.
Mittelalter, t. 2 : Merowingische Biographie. Italien, Spanien und die Inseln im frühen Mittel� alter, Stuttgart, 1988. 160 J.-M. Pailler, « Didier de Cahors. L’unification chrétienne de la cité », Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 80. 161 M. Goullet, « Langue des textes ou langue des copistes ? », Le légendier de Turin. Ms. D. V.3 de la Bibliothèque nationale universitaire, éd. M. Goullet, Florence, 2014, p. 165194 et M. Banniard, « Les copistes entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 193-216. 162 M. Banniard, « Les copistes, entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 208.
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- de : de piissime genitricis destitutione condoluit (c. 3) ; de vita et bona conversatione vestra… jubeat laetificari (c. 9) ; de ecclesia separare (c. 27). Comme dans la vita Ambrosii, de assume « les différents emplois dévolus à a, ab, ex ».
Il y a peu d’exemples d’accusatif absolu163. La confusion de l’ablatif et de l’accusatif ne paraît pas très fréquente, même si on peut penser qu’elle a pu parfois être corrigée par les copistes164 ; il s’agit d’un phénomène ancien et répandu dans l’évolution linguistique du latin. En revanche, il est exceptionnel que la préposition ad vienne se substituer au datif : Dedit autem ad ipsum monasterium pro oblacionem (c. 28). De même la tournure prépositionnelle ad + accusatif n’est pas inconnue165 mais c’est un usage que pratiquait déjà le latin classique166. Major et plus n’ont pas remplacé le comparatif. Selon la remarque générale de Pascale Bourgain167, « la conjugaison des verbes se conserve relativement bien ». Sans doute le futur de la première déclinaison recule-t-il sauf dans les citations de l’Écriture168 qui ont été mémorisées. Il subsiste aussi dans le participe futur169. Le déponent est manié avec sûreté170, même si le diplôme de Dagobert fait de prosequere un verbe actif171. 163 Apud nos habito testamentum…, c. 8 ; Milliaco ergo corpus expositum corr. sur C en Milliacho ergo corpore posito au c. 36 ; Deinde ergo corpus levatum au début du c. 37 ; Proiectumque ante sepulcrum au c. 51. 164 C. 28 : Dedit autem ad ipsum monasterium pro oblacionem vel locum sepulture suę villas quattuor ; c. 18 : dum vir beatus in unam ex edibus quas super ipsam amnis ripam exstruxerat consederet ; c. 26 : ut inter tantam hominum frequentiam et tam condensam adsistentium catervam tanti possit silentium produrare sur A, mais corrigé en C : in tantam hominum frequentiam etc. Au chapitre 28, la confusion iram/ira n’est sans doute qu’une faute d’inattention du copiste. 165 Hec autem crebras ad eum epistolas dirigens (c. 8) ; et litteras ad comprovinciales fratres vestros dirigatis, ut et illi adesse debeant (c. 14) ; ad posteros pervenire decręvit (c. 17). 166 P. Bourgain et M.-Cl. Hubert, Le latin médiéval, Turnhout, 2005, p. 33. 167 Ibid., p. 34. 168 Videbitis (c. 24) ; gloriabitur (c. 6). 169 …interrogaret quot vini amforas in dominio tunc pro canone esset inlaturus (c. 24). Il existe quelques occurrences du futur périphrastique avec habeo ou debeo + infinitif mais elles se trouvent dans la transcription de la lettre et de l’Indiculus de Dagobert (c. 14) et non dans le texte composé par l’hagiographe. 170 exortus est (c. 1) ; et facile loquebatur et pure (c. 2). 171 C. 13 : Condecet clementie principatus nostri sagaci indagatione prosequere et pervigili cura tractare… tandis que Herchenfreda dans sa dernière lettre (c. 11) écrit correctement prosequere si on le considère comme un impératif mais incorrectement s’il s’agit d’un infinitif. Quoiqu’il en soit, seque pour l’infinitif est incorrect. Remarquons aussi que le scribe du manuscrit A a corrigé consolare en consolari (c. 9), testificare en testificari (c. 10), anxiare en anxiari (c. 9) : s’agit-il d’une confusion déjà présente chez l’hagiographe ou d’un repentir grammatical d’un scribe ayant mal compris ce qu’on lui dictait ? Le surprenant adventatur (c. 40) dans le premier miracle semble être un déponent méridional, car dans Genèse 2, 20 du Vetus Latina Hispana, on trouve la phrase Adam non inveniatur similem sibi qui est répétée sur la tapisserie de la Création de la cathédrale de Gérone.
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Les conjugaisons sont respectées172 : le passé composé avec habeo, appelé à un si grand avenir, ne se rencontre qu’une seule fois dans la Vita173. On trouve aussi quelques exemples de l’usage de la voix réfléchie : se accessit, se roborabat (c. 2) ; Sic se preparabat (c. 15) ; se amore in ecclesie Cadurca statu diffundit (c. 29) ; se discerpens (c. 36) ; se fundens (c. 37). Les déclinaisons classiques sont dans l’ensemble observées, même la cinquième174. Le vocabulaire est encore classique et l’auteur éprouve le besoin de signaler un mot qui s’en écarte175. Il suffit de parcourir les premiers chapitres de la Vita pour constater que le verbe reste généralement placé à la fin de la phrase et non pas entre le sujet et le complément. La subordonnée infinitive reste connue176 même si elle parfois remplacée par une subordonnée complétive. Si on néglige les fautes d’orthographe qui n’ont guère d’importance pour notre sujet177, les caractères linguistiques que nous venons de relever ne permettent pas d’assurer avec certitude que la Vita sancti Desiderii appartient nettement à l’époque mérovingienne. Mais la communication de Michel Banniard dans Le légendier de Moissac, permet de confirmer les conclusions qu’il esquissait déjà dans son étude sur la Vita Ambrosii178. La fin de la communication est consacrée à un examen historique, littéraire, linguistique de la Vita sancti Desiderii. C’est ce dernier aspect qui nous intéresse. L’auteur cite la fin du chapitre 6 : pervenire ad bravium et perfrui praemium qui juxtapose le « lexème moderne »179 bravium et le solécisme praemium – il faudrait praemio. Ce flottement orthographique n’a aucune signification pour Michel L’hagiographe sait qu’emereo donne emeruit au parfait et exerceo exercuit (1), accingo accinxi (2). Il maîtrise le futur antérieur (voluero [2]), l’imparfait du subjonctif (polleret [3], urgeret [6]) etc. 173 conversationem ejus bene habemus compertam (c. 14). 174 C’est ainsi qu’au c. 34 on trouve reliquas species et non comme il arrive dans le latin tardif reliquas specias. Il écrit f ’. 175 Cambutta est un mot utilisé par les Gaëliques pour désigner le bâton pastoral et la crosse épiscopale au chapitre 42 : « A insi, alors que le bâton du saint homme, qu’on appelle cambutta chez les Gaulois, était suspendu avec un pieux respect à la tête du tombeau de Didier, voilà qu’un jour, ce bâton devenu subitement humide commença à suinter en abondance… ». Autre mot rare : bacterium utilisé pour désigner également le bâton pastoral au chapitre 43. 176 Jam credo tibi nuntiatum esse (c. 11) ; …audiunt ab ipso Maurini comitis se esse atque ad ipsum festinanter pergere sibi esse jussum (c. 19). 177 Combtam pour comptam (c. 16) ; reditos pour reditus (corr. en interligne) (c. 16). 178 M. Banniard, « Les copistes entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », dans Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 193-216. 179 Pervenire ad bravium est-il un lexème moderne ? Bravium figure à deux reprises dans les épîtres de Paul, Ph. 3, 13-15 : …in priora extendens me ad destinatum persequor ad bravium supernae vocationis Dei in Christo Iesu quicumque ergo perfecti … et 1 Cor. 9, 24 : …qui in stadio currunt omnes quidem currunt sed unus accipit bravium sic currite ut conprehendatis 25 omnis autem qui in agone… 172
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Banniard « puisque la prononciation est depuis des siècles [prèmyo] »180. Au chapitre 22, c’est le génitif exterioris qui remplace exterioribus, témoignage précieux de l’élimination déjà en cours au viie siècle des formes en -ibus et de leur remplacemen par un génitif181. Ailleurs c’est la maîtrise langagière du sermo altus qu’il faut admirer dans les lettres d’Herchenfreda (c. 8, 9), le rescrit de Dagobert (c. 13), le vocabulaire romain des techniques de construction (opus quadratum au c. 17). Il n’est pas utile de poursuivre l’énumération et il vaut mieux renvoyer le lecteur à Michel Banniard lui-même qui insiste sur la présence de tics d’oralité mérovingienne dans une langue d’un niveau élevé, qu’on pourrait dire « sénatorial », celle sans doute dans laquelle s’exprimait Didier lui-même avec son entourage aristocratique. Bien que l’auteur prétende avec humilité avoir « étiré un discours prolixe avec rusticité »182, il est clair que la Vita sancti Desiderii a été écrite non pas en sermo rusticus comme quelques passages de la Vita Ambrosii, mais en sermo politus pour reprendre la distinction de Michel Banniard183. Pourquoi, d’ailleurs, faudrait-il que des contemporains utilisent le même registre linguistique ? Le registre de la Vita Ambrosii n’a lui-même rien à voir avec celui des lettres de Didier. La « qualité » de la langue ne justifie donc pas de repousser à la fin du viiie siècle la rédaction du texte. Comment d’ailleurs un auteur cahorsin de la fin du viiie siècle, qui ne disposait peut-être plus de la correspondance de Didier, aurait-il pu connaître aussi bien les institutions mérovingiennes à l’époque du roi Dagobert, les grandes personnalités politiques et religieuses de ce temps riche en saints évêques, Ouen, Éloi, Sulpice et tant d’autres184 ? La datation à la fin du viie siècle paraît donc vraisemblable, du moins pour le texte de la Vie proprement dite et peut-être aussi pour les deux premiers miracles185. Les allusions dans l’épilogue à « de fréquentes guerres », à des « incursions continuelles » qui auraient ruiné la ville, si florissante du vivant de Didier, sont peut-être un écho des luttes qui ont marqué « la marche vers l’indépendance » de la principauté d’Aquitaine au temps de Félix († vers 672), de Loup
M. Banniard, « Les copistes entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », dans Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 209. 181 Ibid., p. 212. 182 Vita Desiderii, 53 : sensu rustico prolixum traximus sermonem. 183 M. Banniard, « Le latin mérovingien. État de la question », Les historiens et le latin médiéval. Colloque tenu à la Sorbonne les 9, 10 et 11 septembre 1999, Paris, 2001, p. 19. 184 Même s’il fait quelques erreurs, relevées par Bruno Krusch. C’est ainsi qu’il cite parmi les contemporains de Didier Eparchius, reclus d’Angoulême, mort 50 ans auparavant, et Eustasius, abbé de Luxeuil, mort en 629. 185 Voir infra, p. 39. 180
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(† vers 678) et de leurs successeurs186. En 673-675, lorsque se réunit le concile de Saint-Pierre-de-Granon sous la présidence du prince Loup, l’évêque de Cahors, Beto, est encore présent, et celui d’Albi s’est fait représenter par un abbé187. La situation s’aggrave dans la première moitié du viiie siècle : les listes épiscopales s’interrompent à Albi après 734, à Cahors avec Capuanus (662675)188. Sans doute les périodes de troubles ne sont-elles pas toujours défavorables à la production hagiographique mais on voit mal comment un hagiographe de cette époque aurait pu accéder à des archives, connaître aussi bien les institutions mérovingiennes, les personnalités civiles et religieuses de la première moitié du viie siècle. La Vie de saint Didier n’est d’ailleurs pas sans rapport avec d’autres vies de saints mérovingiennes, notamment la Vita sancti Amantii (BHL 351-351A), datée jadis du ixe siècle mais que Fernand Peloux rapproche des œuvres en prose de Venance Fortunat dans sa thèse de doctorat189. La Vie de saint Amans met, elle aussi, l’accent sur la naissance noble de l’évêque de Rodez, enfant de sa ville, ses vertus, les spectaculaires miracles de punition qu’il a accomplis durant sa vie et après sa mort, mais le récit n’est ancré ni dans le temps ni dans l’espace190, contrairement à la Vie de saint Didier comme nous le verrons. Tout au plus peut-on supposer que le texte de la Vita sancti Desiderii a été en partie réécrit à l’époque carolingienne pour renforcer le prestige du saint, anoblir et enrichir sa personnalité. Mais dans quelle mesure ? Un autre signe de réécriture plus digne d’attention, signalé dans l’ouvrage pionnier de Monique Goullet191, est l’ajout d’une série de magnalia qui semblent interrompre l’exposé d’ensemble de la Vita, avant l’« épilogue » final, et qui paraissent avoir été rédigés en plusieurs étapes192. M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 98-103. 187 Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), éd. et trad. J. Gaudemet et B. Basdevant, t. 2, Paris, 1989 (SChr, t. 354), p. 572. 188 M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 105 ; J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, des origines à la fin du xiie siècle, Paris, 1989, p. 54-55. 189 Je me réfère ici aux notes que j’ai prises pendant la soutenance de thèse de Fernand Peloux à Toulouse. 190 Il situe les monuments les uns par rapport aux autres et distingue fort bien la cité remparée du suburbium. 191 M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques, Turnhout, 2005, p. 248 ; voir aussi de la même auteure : « La Vita mérovingienne de saint Maximin de Trêves à travers sa réécriture par Loup de Ferrières : hypotexte ou prétexte ? », L’hagiographie mérovingienne à travers ses réécritures, p. 193-217. 192 La Vita ne comptait, on l’a vu, qu’un petit nombre de miracles, trois ou peut-être quatre, si on ajoute aux trois miracles reconnus la merveilleuse récolte du colon de Russac qui permet à Didier de faire preuve d’une remarquable libéralité fiscale. 186
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2. La date de rédaction des Miracula Il est difficile de dater ces miracles193 mais il est clair que tous les récits n’ont pas été rédigés en même temps, comme le montrent certains indices : mentions de chronologie relative, types de rites thaumaturgiques, phrases de louange à Dieu qui concluent certains miracles et qui pourraient être la trace de conclusions périodiques à la fin des chapitres 40, 46, 48, 50 (mais pas à la fin du dernier miracle, c. 52). Les deux premiers miracles (c. 39-40) ont lieu peu de temps après la mort du saint et relatent la punition de deux personnes (un clerc et une femme) qui ont dit du mal de Didier et se sont réjouies de sa mort. Seule la femme se repent, promet un don et est guérie en priant au tombeau du saint. À la fin du c. 40, figure une phrase de conclusion : « Gloire à toi, Christ, ce sont tes œuvres, et tes merveilles brillent partout, et en effet, les actes de tes serviteurs découlent de tes bienfaits »194. Les sept miracles qui suivent (c. 41-46) forment un 2e groupe qui se termine lui aussi par une phrase de louange à Dieu : « Nous te rendons grâce, Christ sauveur, nous tes créatures, et reconnaissons tes œuvres dans les choses les plus infimes comme dans les plus grandes. C’est pourquoi nous t’admirons en tout et nous te louons pour tout. Gloire à toi dans les siècles des siècles. Amen »195. Ce sont tous des guérisons miraculeuses obtenues en venant prier sur le tombeau du saint. Si Awarnus, frère de l’évêque de Rodez Aregius, évoqué sans complaisance au c. 43, est bien la même personne que l’évêque attesté sur le siège épiscopal de Cahors de 783 au 29 mai 821, on pourrait attribuer tout ce groupe à la fin du viiie siècle-début du ixe siècle196, même si ces miracles ont eu lieu en plusieurs étapes signalées par la mention « à une autre époque » (alio tempore [c. 44, 47, 49]). Durant cette période, apparaît un rite thaumaturgique particulier : alors qu’un jour, de l’eau a suinté spontanément Il arrive que l’auteur affirme puiser ses exemples dans sa mémoire : inter hec miranda res se memoriae objecit (c. 42). Une autre fois, pour introduire le chapitre 43 relatant un miracle en faveur de l’évêque Aregius de Rodez, il signale qu’il a consulté une source : adiciatur et illut quod actus tulit miraculum. Le mot actus désigne ici un procès-verbal. 194 Gloria, Christe, tibi, tua sunt opera, tua ubique fulgent magnalia, etenim que servi tui faciunt tuis beneficiis consecuntur. 195 Gratias tibi, Christe Salvator, tua agimus creatura, et in minimis et in maximis tua opera recognoscimus et ideo te in omnibus admiramur et te pro omnibus laudamus ; tibi gloria in saecula saeculorum. Amen. 196 J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, Paris, 1989, p. 77. Mais il faudrait supposer qu’il n’était pas encore évêque à l’époque des faits puisque l’auteur ne lui donne pas ce titre. D’autre part, ne serait-il pas surprenant qu’un futur évêque de Cahors ait pu se montrer si sceptique à l’égard du grand saint protecteur de la cité et que cette attitude n’ait pas entravé son élection ? 193
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du « bâton » du saint (c. 42) et que le malade a été guéri en absorbant ce précieux liquide, on obtient ensuite le même résultat avec l’eau dont on lave le bâton (c. 43-45). Les miracles des c. 47 et c. 48 sont du même genre que les précédents : des malades se rendent au tombeau ou à la memoria du saint et reçoivent la liquor (c. 47) ou liquor salutifer (c. 48) et sont guéris197. Le groupe se conclut par « Gloire à toi, Christ, voici tes œuvres ; tes miracles brillent chaque jour en toute chose en tout lieu »198. Les chapitres suivants 49-50 se terminent par une formule de grâce un peu différente : « Gloire à toi, Christ, qui a l’habitude d’ennoblir tes serviteurs. Gloire à toi pour toujours, toi qui est né, avec le Père et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen »199. Le chapitre 49 est du même type que les précédents : un enfant est guéri à la memoria de Didier grâce à « un peu de ce liquide guérisseur » (ex eo medendi liquore). En revanche, le chapitre 50 est un miracle de punition dans le domaine de Pompegiacum où, après la mort de Didier, un clerc ose pénétrer à cheval dans la chambre du saint. D’où la mort du cheval. Les deux derniers miracles (c. 51, 52), la guérison d’un petit enfant (parvulus), Hildulfus et de « l’adolescent » Maurontus200, sont plus récents puisque le texte du premier précise : « Et qu’on ajoute ce miracle qui s’est passé dans les temps modernes » (moderno tempore)201. Ce sont eux aussi des miracles de guérison, mais il n’est plus question de l’eau qui a coulé sur le bâton du saint mais « de cette huile qui se trouve devant le tombeau du saint » (ex eo oleo quod coram sancti sepulcro [h]abetur [c. 51]). Si l’on se fie aux phrases de conclusion intermédiaires, on en déduira que les miracles ont été rédigés en cinq étapes. Mais ces dernières ont pu être de longueur variable ; il semble en effet qu’on puisse dégager trois périodes différentes : À noter que le malade du chapitre 47 est atteint de « fièvre tierce », alors que la nature exacte de la maladie est rarement précisée. 198 Gloria tibi, Christe, et ista tua sunt opera, tua in omnibus cotidie fulgent ubique magnalia. 199 Gloria tibi, Christe, qui ita servos tuos nobilitare consuisti. Tibi semper gloria, nate, cum Patre et Spiritu sancto in saecula saeculorum. Amen. 200 Miracle, on l’a dit, démarqué de la Vita Eligii, qui prouve que l’auteur de ce texte avait toujours à sa disposition la Vita Eligii. 201 L’emploi de l’expression moderno tempore se rencontre plutôt dans les textes des xiexiie siècles. Mais on la trouve auparavant chez les auteurs carolingiens qui l’utilisaient déjà pour désigner une période de déclin après l’âge d’or du règne de Charlemagne, et même dans des vies de l’époque mérovingienne : elle se trouve déjà dans la Visio Baronti monachi Longoretensis, 5, c. 1 (MGH, SRM, t. V, p. 377, l. 22) et dans la Passio Desiderii episcopi Viennensis, 3, 15 (MGH, SRM, t. V, p. 643, l. 33) qui sont clairement des textes anciens. Nous remercions M. Fernand Peloux de nous avoir signalé ces deux textes. 197
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– Peu de temps après la mort du saint : il n’est pas impossible que les miracles de punition des détracteurs de Didier (c. 39-40) aient été rédigés par l’auteur de la Vita à la fin du viie siècle. l’époque, ces deux brefs récits ne coupaient pas l’exposé d’ensemble de la Vita et visaient seulement à confirmer la sainteté du héros et à faire taire ceux qui continuaient à le dénigrer. Ils étaient sans doute directement suivis de l’épilogue. – À l’époque carolingienne furent rédigés la plupart des autres miracles, sans doute en trois étapes principales : c. 41-46, puis c. 47-48 et enfin c. 49-50. – Plus tard, moderno tempore, furent rajoutés les miracles des c. 51-52. « Coïncidence troublante, écrit Bate202, ce processus de trois séries de miracles est le même que Clemens Bayer reconnaît dans la Vie de saint Éloi »203. Et c’est aussi le texte de la Vita Eligii qui permet de renouer avec le cours de la Vie de saint Didier : Sed longum est per singula verbis exire, qui introduit ce que René Poupardin a qualifié d’EPILOGUS, bien que l’auteur n’ait pas employé ce titre qui ne figure dans aucun des manuscrits.
3. L’auteur, ses sources, ses méthodes Comme nous venons de le voir, les Miracles, sauf sans doute les deux premiers, n’ont probablement pas été rédigés par l’auteur de la Vita. Le style en est d’ailleurs plus simple : on n’y relève pas de citations bibliques, quasiment pas d’emprunts littéraires (sauf quelques-uns à la Vita Eligii) car il s’agit seulement de consigner des faits précis qui attestent la virtus (XII, 52) du saint : la punition de ceux qui l’offensent204 et la guérison de ceux qui viennent prier avec confiance sur son tombeau. Il est possible que le ou les rédacteurs se soient fondés sur un registre où étaient consignés les miracles obtenus par l’intercession du saint, comme le suggère la formule illut quod actus tulit miraculum (IV, 43). Nous ne nous intéresserons donc ici qu’à l’auteur de la Vie proprement dite.
A. K. Bate, « La Vita sancti Desiderii Episcopi Caturcensis », La rigueur et la passion. Mélanges en l’honneur de Pascale Bourgain, éd. C. Giraud, D. Poirel, Turnhout, 2016, p. 172. 203 C. Bayer, « Vita Eligii », Reallexikon der germanische Altertumskunde, t. 35, 2007, p. 496-501. 204 Chapitres 39-40, au début de la liste, qui pourraient avoir été rédigés par l’auteur de la Vita, et chapitre 50 qui clôt vraisemblablement l’étape carolingienne de rédaction de ces Miracula. 202
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a. L’auteur L’hagiographe est sans aucun doute un Cahorsin qui connaît bien sa ville, dont il évoque plusieurs monuments, et qui témoigne d’un vif amour pour son Église à laquelle il s’adresse dans un transport presque poétique en gémissant sur les malheurs qu’elle a connus après la mort de Didier (Épilogue, c. 55). Il appartient, semble-t-il, non pas au chapitre cathédral de la ville205, vu son peu d’aménité pour les clercs, mais à une communauté monastique, sans doute au monastère fondé par Didier hors les murs sous le vocable de SaintAmans, dans lequel il avait choisi d’être inhumé206. On en veut pour preuve non seulement les « nombreux renseignements sur l’histoire de ce monastère et sa construction »207, mais aussi ce qu’il dit du « mode de vie très pieux et très monastique » de Didier au palais de Clotaire et Dagobert, et les références qu’il fait aux débuts de la vie monastique à Cahors et à Moissac sous Didier, alors qu’auparavant, selon lui, « tout le monde méprisait absolument l’engeance des moines, qu’on considérait comme ignominieuse » et que « les disciples de Colomban étaient loin, tout comme les institutions de saint Benoît » (c. 23). Il mentionne Eustaise, disciple et successeur de saint Colomban à Luxeuil (c. 25). Mais ce moine ne se borne pas à évoquer les origines de son monastère. Et même s’il distingue bien dans l’espace urbain de Cahors deux pôles – la ville remparée et le monastère hors les murs – il les réunit dans le culte du saint évêque, protecteur de la cité. Comme on l’a déjà souligné, la Vita sancti Desiderii, contrairement à la Vita sancti Eligii, ne comporte pas de prologue exposant les buts de l’auteur, le public auquel elle est destinée, le niveau de langue qu’il utilise208. Saint Ouen, au contraire, dans sa préface à la Vie de saint Éloi affirme clairement qu’il veut s’adresser en un « langage humble » au peuple (plebs), en employant une « langue simple », « accessible à tous » (cunctis aperta) qui « ne rebutera personne parmi les simples par son attachement aux obscurités de la grammaire », tout en n’offensant pas trop les lettrés par des fautes de construction 205 A.-M. Bultot-Verleysen, « Hagiographie d’Aquitaine », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, t. 6, Turnhout, 2014, p. 600. 206 La dédicace à saint Amans est attestée dans une lettre de Didier au maire du Palais Grimoald, Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 2 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 312-313) : condiciones monasterii nostri quem nuper in honore sancti Amanti aedificavi. 207 C. 20 et A.-M. Bultot-Verleysen, « Hagiographie d’Aquitaine », p. 600-601. 208 C’est seulement à la fin de la Vita que l’hagiographe avoue que si dans sa rusticité il avait voulu prolonger son discours, il aurait été bien incapable dans son écrit d’être à la hauteur des louanges que mérite le saint homme dans un discours désordonné et privé de parure (c. 53 : absque ordine sensuum sine lenocinio et composicione sermonum).
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et de grammaire209. La Vita Desiderii, rédigée, on l’a vu, en style politus, n’a pas seulement été écrite pour des moines qui en sont presque absents mais aussi pour un public aquitain cultivé, vivant en ville, clercs de l’entourage épiscopal, nobles (nobiles210) et citoyens (cives211) qui savent lire et ont reçu une bonne éducation, comme Didier lui-même, dans leur famille ou à l’école. Cet hagiographe n’est peut-être pas lui-même un très grand esprit, il ne regarde guère au-delà des remparts de la cité et s’intéresse peu au peuple des campagnes, mais il ne mérite pas les critiques dont il a été l’objet212. Jean Durliat est trop sévère quand il écrit que « l’auteur s’est contenté de juxtaposer les documents qu’il a pu consulter sans aucun effort de synthèse »213. En fait, d’une part l’hagiographe sait utiliser habilement les documents à sa disposition, d’autre part, il témoigne d’une certaine culture scripturaire et littéraire, enfin il a su construire son texte de façon ingénieuse pour mettre en valeur l’œuvre essentielle de Didier : la construction d’une cité chrétienne (voir infra).
b. Les sources de l’auteur La Vita Desiderii est bien sûr une œuvre hagiographique mais c’est aussi – et c’est là son originalité – un récit historique, ancré dans le temps et l’espace. Les sources utilisées par l’auteur sont donc de deux types : d’une part des documents historiques nommément désignés, d’autre part l’Écriture et divers textes littéraires, sources d’une intertextualité maîtrisée. Le problème est de savoir si tout cet intertexte figurait déjà dans l’hypotexte ou s’il est le fruit d’une amplification ultérieure. Une seule fois l’auteur affirme avoir recueilli un témoignage direct : « il existe un témoin digne de foi de ce que je rapporte », écrit-il214. Mais il fait véritablement œuvre d’historien en se fondant sur une série de documents écrits qui étaient sans doute conservés Banniard, Viva voce, p. 261-262. Contrairement à la plupart des auteurs de vies de saints plus anciennes – par exemple, les vies en prose de Fortunat ou les vitae de Grégoire de Tours – ou contemporaines, il ne s’étend pas en longues excuses pour l’emploi d’un langage modeste. 210 C. 5, 13, 25, 27, 28, 35. 211 C. 12, 13, 15. 212 Peut-être Walter Goffart a-t-il exagéré quand il a comparé la qualité littéraire de la Vie de Didier à celle de la Vie de Wilfrid par Bède. W. Goffart, The Narrators of Barbarian History (A.D. 550-800), Jordanes, Gregory of Tours, Bede and Paul the Deacon, Princeton, NJ, 1988, p. 12. 213 J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 242. Il croit pouvoir renvoyer à R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. viii-x, mais René Poupardin est beaucoup moins sévère. 214 Hinc est quod rei hujus quam narro idoneus testis existens (c. 33). 209
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dans le monastère Saint-Amans fondé par Didier à Cahors, dans lequel il avait été inhumé et qui prit ensuite son nom (Saint-Géry). Certains sont cités in extenso, tels trois lettres d’Herchenfreda à son fils Didier (c. 9-11), pour lesquelles l’auteur précise : « Puisque nous avons un témoignage écrit de ces lettres par devers nous, j’ai cru bon d’insérer pour mémoire la copie d’un feuillet…215 ». Il cite également le Praeceptum de Dagobert pour la nomination de Didier au siège de Cahors, en expliquant : « J’ai pensé qu’il était absolument nécessaire d’insérer une copie de cette lettre dans cet ouvrage » (c. 13)216, ainsi que l’Indiculus du même roi à Sulpicius de Bourges pour la consécration de Didier (c. 14)217. En outre, le testament de Didier est partiellement cité et largement utilisé (c. 29-30). Enfin, d’autres textes ont été consultés sans faire l’objet de citations directes : des donations et legs (c. 28), dont celui de Bertolena, belle-sœur de Didier218, et peut-être les praecepta de Dagobert contre les meurtriers du frère de Didier, l’évêque Rusticus (c. 8). Ajoutons que l’épilogue cite plusieurs inscriptions que Didier avait fait graver sur des objets liturgiques qu’il avait offerts à son Église (c. 53). En revanche, il n’est pas certain que l’hagiographe ait pu ou voulu accéder à la correspondance de Didier, telle qu’elle subsiste aujourd’hui219, soit qu’elle ait disparu à son époque, soit qu’il n’ait pas jugé bon de l’utiliser pour servir d’illustration de la sainteté de Didier. Quarum exemplar apud nos habito testamento memoriae gratia pagellae hujus inserendum credidi (c. 8). 216 Voir la nouvelle édition de ce texte, Die Urkunden der Merowinger, éd. Th. Kölzer, sur la base des travaux de C. Brühl, avec la collaboration de M. Hartmann et A. Stieldorf, Hanovre, 2001 (MGH, Diplomata regum Francorum e stirpe merovingica). 217 Ibid. 218 Elle a épousé Siagrius, le frère de Didier (c. 4). 219 Les lettres que nous avons conservées aujourd’hui ne sont qu’une partie de la correspondance de Didier (S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 799-823) et on ignore quel en était l’état à Cahors à la fin du viie siècle. L’argument selon lequel l’auteur de la Vie de saint Didier aurait pu enrichir son dossier hagiographique de nombreux faits et anecdotes, s’il avait pu avoir accès à la correspondance de l’évêque, n’est pas tout à fait convaincant. Pourquoi aurait-il mentionné que le saint avait envoyé de petits cadeaux (munuscula) à l’évêque de Trêves (Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 7 : CC SL, t. 117, p. 316-317) ou dix vases de bon vin (Falerno) à Paul de Verdun (Ibid., II, 11 : CC SL, t. 117, p. 333-334) ? D’un autre côté, on peut s’étonner que l’hagiographe n’ait pas cité, s’il les avait connues, les lettres adressées par Didier au maire du Palais Grimoald pour lui demander de placer le monastère Saint-Amans sous sa protection (Ibid., I, 2 : CC SL, t. 117, p. 312-313). « I l avait des amis de grande foi, Paul, Arnoul, Éloi et Ouen/Daddo » écrit l’hagiographe. Tous apparaissent dans la correspondance de Didier, ainsi que Gallus, Verus et Sulpice mentionnés au début du chapitre 25 dans la liste des « nobles serviteurs de Jésus dans les Gaules ». Mais d’autres qui figurent dans la même liste – Saluste, Astier, Eustaise, Déodat – sont absents des lettres. Il est difficile de conclure. 215
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Comme tous les hagiographes, l’auteur recourt fréquemment à l’intertextualité pour donner à certains passages plus de poids ou plus d’éclat. Il parsème ainsi son œuvre de citations scripturaires. Bon connaisseur des Écritures, c’est l’Ancien Testament220 qu’il cite volontiers, notamment les Psaumes221, l’Ecclésiaste222 mais aussi les Proverbes et la Sagesse223, ainsi que les Évangiles et les Épîtres auxquels il se réfère souvent224. Parfois, il signale ces citations par une référence plus ou moins précise : « la parole de Salomon, … celle de l’apôtre (Jean)225 », « le prophète (Michée) dit226 », « Élisée nous encourage en disant227… », « dans le livre de Job il est dit…228 », « les admonitions de Paul qui dit…229 », « les propres mots de l’apôtre (Paul)230 », « l’apôtre (Paul)231 », « ce que le bienheureux Pierre expose dans son épître232 », « ce que saint Pierre prescrit aux prêtres lorsqu’il dit…233 », « ce que dit le Seigneur dans l’Évangile234 ». Mais souvent il se contente d’une formule vague : « il est écrit…235 », « ce que le Seigneur a dit…236 », « la parole du Seigneur237 », « cette sentence238 », ou encore « il chantait…239 » pour introduire un extrait de psaume. Enfin, dans bien des cas240, les citations, paraphrases241, références implicites242 ou simples réminiscences ne se distinguent pas du reste du texte. Certaines 23 citations. 8 citations. 222 2 citations. 223 4 citations. 224 38 références dont 8 à Matthieu, 9 à Jean, 5 à Luc, etc. ; 12 aux Épîtres de Paul, 5 à celles de Pierre, une seule à Jacques. 225 Salomonis dictum…, illud Apostoli… (c. 6). 226 per prophetam dicitur… (c. 24). 227 Heliseus hortatur dicens… (c. 27). 228 in libro Job dicitur… (c. 27). 229 Pauli monita… qua dicit… (c. 27). 230 Apostolus dicens… (c. 8). 231 Apostoli esse praeceptum… (c. 16). 232 beatus Petrus in epistola sua infert… (c. 6). 233 quod beatus Petrus sacerdotibus praecipiat dicens… (c. 21). 234 quod Dominus in Evangelio dicit (c. 24). 235 scriptum est… (c. 6, 16, 24, 26, 53). 236 Domini dictum (c. 6). 237 Domini verba (c. 27). 238 illud dictum (c. 6, 25). 239 canebat… (c. 25) : decantat… (c. 54). 240 C. 2, 9 (bis), 11, 15, 16, 19, 20, 22, 24 (ter), 26 (bis), 27 (bis), 53 (ter). 241 Par exemple au c. 8, quand Herchenfreda exhorte son fils « à préserver avec le plus grand soin son cœur », l’auteur paraphrase Pr. 4, 23. Voir aussi chapitre 27 paraphrasant 1 P 5, 8. 242 Par exemple en c. 11, « Méfie-toi toujours de la voie large et spacieuse qui conduit à la perdition » renvoie implicitement à Mt 7, 13. 220 221
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sont même placées dans la bouche de Didier243 ou introduites par des verbes montrant combien le saint est rempli de la parole divine : « il savait…244 », « il se rappelait245 », « il enseignait…246 », « il ruminait…247 ». Il est difficile de dire si ces différentes manières relèvent de mains différentes, d’autant que ces références scripturaires ont toutes le même but : montrer que le saint suit l’enseignement des Écritures : « le Seigneur dirigeait ses œuvres248 », si bien que « vraiment était accompli en lui ce que dit l’Écriture249 ». L’hagiographe est aussi imprégné d’un certain nombre de sources littéraires. Il connaît en particulier fort bien la correspondance de saint Jérôme250. René Poupardin avait déjà noté que les emprunts à ces lettres (ainsi qu’aux Vies de Paul de Thèbes et d'Hilarion) abondent parmi « les amplifications ora toires et morales » de la Vita sancti Desiderii251, mais il ne les avait pas relevés avec précision, ce que Krush et Levison ont fait dans l’édition des Monumenta avec beaucoup de science et de soin252. Grâce à son admirable connaissance de Jérôme, Pauls Antin a enrichi la collecte des citations253. Parmi les textes hagiographiques du haut Moyen Âge qui nous sont parvenus, la Vita sancti Desiderii semble celui qui en contient le plus. Mais faut-il considérer tous ces emprunts à Jérôme comme des « amplifications » ? Ce terme évoque la réécriture d’un hypotexte originel à une époque postérieure, en l’occurrence, ici, carolingienne, ce qui correspond bien à la datation de la Vita Desiderii proposée par René Poupardin. Mais si l’on place la rédaction de cette Par exemple en c. 2, « i l disait en effet » introduit une citation de Ps 72, 28. En c. 21, « il disait qu’il valait mieux porter l’humilité dans son cœur que l’afficher dans son corps » est une allusion à Mt 11, 29. À la fin du chapitre 26, « i l répliquait » introduit trois citations bibliques. La fin du chapitre 27, qui évoque l’enseignement de Didier, enchaîne les citations bibliques reliées par des verbes tels que « i l mettait en avant », « il rappelait souvent », « il répétait sans cesse ». 244 Sciebat (c. 6), sciens (c. 16, 26). 245 Reminiscens (c. 6), recordabatur (c. 21, 25), memorabat (c. 27). 246 Inferebat autem docens… (c. 27). 247 Ruminabat… (c. 27). 248 C. 24, reprenant Gn 39, 23. 249 Vere quod scriptum est implebat (c. 24) 250 P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 53-55, repris et augmenté dans Recueil sur saint Jérôme, Bruxelles, 1968, p. 401-405. 251 R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), Paris, 1900, p. ix. 252 C’est sûrement par l’intermédaire de Jérôme que l’auteur de la Vita Desiderii cite, en chapitre 25, un « proverbe » (proverbium) et un « dicton » (dictum) classiques, l’un tiré d’Horace, Satire, I, 9, l’autre de Naevius : voir Jérôme, Lettres, 58, 11 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 84) et 60, 14 (ibid., p. 104). 253 P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 53-55, repris et augmenté dans Recueil sur saint Jérôme, Bruxelles, 1968, p. 397-400. 243
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Vie à la fin du viie siècle (voir supra), il n’est pas nécessaire de supposer une amplification ultérieure. En effet, d’une part, les œuvres de Jérôme, dont sa Correspondance ainsi que les Vies d’Hilarion et de Paul de Thèbes, sont lues et utilisées par de nombreux auteurs à l’époque mérovingienne254 ; d’autre part et surtout, certains remplois de Jérôme dans la Vita Desiderii ne sont pas des « amplifications » mais des éléments fondamentaux de la construction du texte, très probablement présents dès l’origine comme nous le verrons plus loin. La Vita Desiderii comporte aussi trois réminiscences purement formelles de la Vita sancti Martini de Sulpice Sévère255, deux emprunts limités à l’éloge de l’évêque Maxime de Riez par son successeur Fauste256, un autre à la Vie de saint Hilaire de Poitiers par Venance Fortunat257 et deux citations de la règle bénédictine258. En outre, au chapitre 33, l’hagiographe s’inspire de deux épisodes de la Vie de saint Benoît rapportés dans les Dialogues de Grégoire le Grand, pour illustrer « le don de prophétie » dont jouit Didier259. Cet épisode, qui joue un rôle essentiel dans la construction de l’œuvre, figurait très probablement dans le texte d’origine. Enfin et surtout, comme nous l’avons déjà signalé, la Vie de Didier est parsemée d’emprunts à la Vita Eligii.
P. Antin, Recueil sur saint Jérôme, Bruxelles, 1968, p. 401-405 ; Id., « Jérôme antique et chrétien », Revue des études augustiniennes, t. 16 (1970), p. 35-46, relève cinq remplois issus de la correspondance de Jérôme, deux à la Vie d’Hilarion et un à la Vie de Paul. De même, la Vita Columbani contient cinq réminiscences de Jérôme : voir les notes infrapaginales d’Adalbert de Vogüé dans Jonas de Bobbio, Vie de saint Colomban et de ses disciples. Introduction, traduction et notes, Abbaye de Bellefontaine, 1988. 255 Sulpice Sévère, Vita sancti Martini, 10, 1 (en c. 15) ; 25, 6 (en c. 27) ; 26,1 (en c. 56) (éd. J. Fontaine, t. 1, Paris, 1967, p. 272, 310, 312). 256 Deux phrases du chapitre 31 s’inspirent presque mot pour mot de Fauste (Eusèbe Gallican, Collectio homiliarum, 35, 7 (CC SL, t. 101, p. 406, l. 125-131), comme l’a bien montré A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 713-715. 257 Un membre de phrase de chapitre 1 emprunté à Venance Fortunat, Vita Hilarii, 6 (éd. Br. Krusch, MGH, AA, t. IV, p. 2, l. 7-9). 258 RB 48, 1 en chapitre 16 (introduit par sciens scriptum esse quod…) et RB 7, 61 en chapitre 54 (texte que Didier avait fait graver sur un « vase sacré »). En outre, le chapitre 26 qui évoque le silence à table fait probablement écho à RB 38 sur le silence au réfectoire. Voir A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 717-718. 259 Dial. II, 12, 2. Voir A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », p. 715-717. 254
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c. Méthodes et buts de l’auteur Quoi qu’on en ait dit, la Vita est bien construite, mais il faut comprendre selon quelle logique et ne pas prendre l’auteur au pied de la lettre quand il s’excuse de n’avoir été capable que d’« un exposé improvisé, sans ordre dans les pensées, sans artifices ni arrangement des phrases260 ». En fait, il a non seulement composé un texte suivi, mais il l’a organisé d’une manière rigoureuse en trois parties. La première, illustrée de documents authentiques, nourrie de précisions géographiques et administratives, offre un récit chronologique jusqu’à l’élévation de Didier à l’épiscopat. Il s’agit d’ancrer solidement le personnage dans l’Histoire pour garantir son authenticité, tout en montrant qu’il possédait tous les atouts pour devenir un évêque remarquable. La deuxième partie, la plus longue, est construite de façon thématique pour rendre compte de l’œuvre de Didier, à la fois matérielle et spirituelle. L’auteur renonce alors à une chronologie stricte pour montrer que l’œuvre du saint se développe de façon continue et forme un tout : la construction sur des bases solides de la cité chrétienne de Cahors, qui échappe au temps. La troisième partie est consacrée à la fin de la vie et à la mort de Didier. On y retrouve un ancrage chronologique et géographique précis, indispensable pour l’organisation du culte261. Comme d’habitude dans le genre hagiographique, l’auteur s’inspire de textes antérieurs et en tire parfois des modèles pour certains passages précis, mais jamais un canevas d’ensemble. On voit par exemple que le premier chapitre de la Vita Desiderii décalque, en l’adaptant, le début de la Vita Eligii : il donne le lieu de naissance du saint en le situant par rapport au reste de la Gaule, puis le nom de ses parents qui, dit-il, l’ont élevé (enutritus) avec le plus grand soin. Mais alors que saint Ouen, dans la Vita Eligii, souligne l’éducation chrétienne d’Éloi, notre hagiographe vante la formation de Didier à l’étude des lettres. De même, le chapitre 29 consacré à la générosité de Didier pour son Église reprend le thème développé par la Vita Eligii, I, 15, tandis que le récit de ses funérailles et de la douleur de ses ouailles suit la même trame que le récit de saint Ouen262 ; mais c’est un topos qui figure déjà dans la lettre de Sulpice Sévère à Bassula racontant la mort et les funérailles de Martin263. Vita Desiderii, 53 : extemporalis dictio absque ordine sensuum, sine lenocinio et conposicione sermonum. 261 Pour le détail de la construction de la Vita, voir Fr. Prévot, « La construction de la cité chrétienne d’après la Vie de Didier, évêque de Cahors », Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle, Rennes, 2009, p. 71-81. 262 Vita Desiderii, 37 et Vita Eligii, II, 38 (37 dans l’édition de la PL). 263 Sulpice Sévère, Lettre à Bassula sur la mort et les funérailles de saint Martin, Vie de saint Martin (éd. J. Fontaine, t. 1, Paris, 1970, p. 343-344). 260
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La plupart du temps cependant, l’auteur puise seulement dans ses lectures quelques expressions, voire des phrases entières, dont il parsème son texte en fonction de ses besoins. Il connaissait par exemple si bien l’œuvre de saint Jérôme qu’il a su avec beaucoup d’habileté cueillir çà et là dans cette correspondance riche et foisonnante des passages bien choisis qui venaient orner son texte en même temps qu’ils permettaient de flatter son héros. Il n’en avertit le lecteur que dans quelques cas où il puise chez un prédécesseur réputé une pensée en forme de proverbe. Il l’introduit alors par une formule telle que « ce qui est dit par quelque sage »264 ou « ce proverbe d’un lettré »265. Mais cette utilisation de la littérature antérieure ne nuit pas à l’authenticité du récit car elle est faite de manière très sélective et le plus souvent pour agrémenter la forme plus que pour nourrir le fond. Ainsi, Adalbert de Vogüé a-t-il bien montré comment, au chapitre 31, l’auteur fait le portrait de Didier sur le modèle de celui de Maxime par Fauste de Riez266 : il emprunte les mots mêmes de Fauste, soit dans le même ordre, soit en ordre inverse, et change les verbes mais en gardant les mêmes terminaisons de l’imparfait passif267. La Vita Desiderii écrite par un moine de Saint-Amans est une œuvre de la fin du viie siècle, reprise un siècle plus tard et complétée par des Miracula. Avant de nous intéresser à ces derniers, il convient d’examiner avec soin l’organisation et le contenu de la Vie de saint Didier.
Vita Desiderii, 6 : per quem sapientem dicitur… pour Jérôme, Ep. 125, 7. Vita Desiderii, 25 : docti illud proverbium pour Horace, Satire, I, 9, 59-60. 266 Eusèbe Gallican, Collectio homiliarum, 35, 7 (CC SL, t. 101, p. 406, l. 125-131). 267 A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 713-715. 264 265
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III. La Vita sancti Desiderii La Vita sancti Desiderii est avant tout une œuvre hagiographique même si elle contient plus que bien d’autres vies de saints quelques éléments biographiques d’un grand intérêt. Rapprochée de la correspondance de Didier, elle permet de reconstituer l’existence de l’évêque, de connaître ses origines géographiques et familiales, de suivre sa carrière au palais sous Clotaire II (613-629) et Dagobert († 639), son accession au siège de Cahors dans des circonstances dramatiques et quelques aspects de son épiscopat jusqu’à sa mort en 655.
1. La formation d’un saint au Palais Selon la Vita (c. 1), Didier est originaire d’Obrege, « place forte des Gaules » généralement identifiée comme Albi268, « aux confins de la NarbonÉ. Griffe, « La patrie de Didier, évêque de Cahors », Bulletin de littérature ecclésiastique, t. 60 (1959) p. 203-205. L’identification d’Obrege est discutée. L’historien du Quercy Antoine Dominicy est le premier, semble-t-il, à avoir porté son attention sur ce lieu au chapitre XIV, p. 268 et ss., de son Histoire du Quercy, conservée aux Archives départementales du Tarn-etGaronne (3J Ms. 4). Il l’identifiait avec un lieu-dit Saint-Géry, situé près d’Albi, mais son argumentation fort embrouillée n’est guère convaincante. Guillaume Lacoste (Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 211) pensait que Didier était né à « Obrege, ville de l’Albigeois, située sur les confins de l’ancienne Narbonnaise, aux limites des Gaules », comme l’hagiographe l’écrit lui-même en suivant le système romain qui distinguait la Gallia comata de la Narbonnaise. Mais il ne cherchait pas à localiser le lieu de sa naissance avec plus de précision. René Poupardin (La Vie de saint Didier) dans une note additionnelle à son édition (p. 57-58), a avancé l’hypothèse qu’Obrege pourrait être une lecture incomplète d’Antobrege, la cité disparue des Antobroges mentionnée par Pline (Histoire naturelle, IV, 24, éd. et trad. É. Littré, t. 1, Paris, 1877, p. 204) : Rursus Narbonensi provinciae contermini Ruteni, Cadurci, Antobroges Tarneque amne discreti a Tolosanis Petrocori (« Les Ruthènes qui sont limitrophes de la Gaule Narbonnaise, les Cadurques, les Antobroges et les Pétrocores, séparés des Toulousains par le Tarn »). – Le nom a survécu dans quelques monnaies mérovingiennes sous la forme Antuberix, M. Prou, « Note sur le peuple gaulois des Antobroges », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. 34, 1890, p. 133-138. Puisque l’hagiographe situe la patrie de Didier aux confins de la Narbonnaise, la cité des Antobroges devrait être localisée « dans la portion des cités de Rodez et d’Albi la plus voisine du Toulousain » (R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), Paris, 1900, p. 58) ; 268
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naise » (c. 1). Il appartenait à une riche famille de la noblesse gallo-romaine d’Aquitaine et Dagobert le qualifie lui-même de vir illuster. S’appuyant sur des recherches prosopographiques antérieures269, Isabelle Réal270 a montré que la branche aquitaine « comptait dans son patrimoine anthroponymique » deux noms principaux : Didier et Salvi. Le premier, le duc Didier, meurt dans le siège de Carcassonne après avoir « placé surtout dans le territoire de cette ville [Albi] le meilleur de sa fortune »271. C’est là l’origine des immenses biens que saint Didier a légués à l’Église de Cahors. Quant au second, Salvi, fonctionnaire local, abbé puis évêque d’Albi, Grégoire de Tours en fait un portrait voir aussi éd. Br. Krusch (CC SL, t. 117, p. 345, note I, 1). M. Broëns, « L’Albigeois de saint Didier et la Civitas […] Obrege », Annales du Midi, t. 72 (1960), p. 383-392 : considérant que la cité d’Albi « ne s’arrêtait pas au cours de l’Agoût, qui devait limiter l’évêché d’Albi au xiiie siècle » (p. 386), l’auteur voit dans l’oppidum […] Obrege, « une authentique cité gauloise », située dans un appendice du diocèse d’Albi, au-delà du canton actuel de Murat, autour de la localité d’Andabre (cne Rosis, c. Saint-Pons-de-Thomières, Hérault) qui aurait succédé à l’époque romaine à l’ancien oppidum gaulois de Plo de Brus, « où des fouilles superficielles » ont mis à jour un important matériel gaulois (p. 390-391 et carte p. 385). Mais, pour E. Nègre et M. Rouche, cette invention d’une cité d’Andobre, ou d’Andabre, « aux frontières de l’Albigeois relève de l’imagination érudite » de M. Broëns, M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 137 et E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la vie de saint Didier », Annales du Midi, t. 72 (1960), p. 378-379. – Pour d’autres, c’est une déformation d’Albiga, E. Cabié, « R apports de saint Didier, évêque de Cahors, et de saint Didier, évêque d’Auxerre, avec l’Albigeois », Annales du Midi, t. 6 (1894), p. 412-413. C’était déjà l’opinion défendue par Labbe et les éditeurs du Gallia christiana, qui a été reprise par René Poupardin (La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. 1, n. 1) et par Bruno Krusch. L’hagiographe précise d’ailleurs que cette cité se trouve à l’extrémité de l’Aquitaine et qu’elle est bornée au sud par la Narbonnaise. C’est dans cette cité que son frère Siagrius exerçait la fonction de comte (c. 1) et prit femme (c. 4), c’est aussi à Albi et dans l’Albigeois que Didier a fait construire des églises (c. 20). Il y possédait un grand nombre de terres qu’il a cédées dans son testament à des églises (c. 30), E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la vie de saint Didier », p. 379 ; Id., Les noms de lieux en France, Paris, 1963. 269 Sur les divers membres de la famille, voir K. Fr. Stroheker, Der senatorische Adel im spätantiken Gallien, Tübingen, 1948, nos 57 (Avita), 187 (Herchenafreda), 346 (Salvius), 350 (Selina), 378 (Syagrius). Sur Syagrius/Siagrius, voir aussi H. Ebling, Prosopographie der Amsträger des Merovingerreiches von Clothar II. (613) bis Karl Martell (741), Munich, 1974, p. 125-126. Sur Didier, voir M. Heinzelmann, art. « Desiderius », Lexikon des Mittelalters, t. 3, 1986, p. 726 ; Id., « Bischof und Herrschaft vom spätantiken Gallien bis zu den karolin gischen Hausmeiern. Die institutionellen Grundlagen », Bischof und Herrschaft. Beiträge zur Entstehung und Wirkungsweise episkopaler und monastischer Organisationsformen, éd. F. Prinz, Stuttgart, 1988, p. 73-82 ; Id., « Gallische Prosopographie (260-527) », Francia, t. 10 (1982), p. 685 (Rusticus), p. 688 (Salvius), p. 690 (Syagrius) ; voir aussi W. Berschin, Biographie und Epochenstil im lateinischen Mittelalter, t. 2 : Merowingische Biographie. Italien, Spanien und die Inseln im frühen Mittelalter, Stuttgart, 1988 p. 53-57. 270 I. Réal, « Les familles aristocratiques de l’Albigeois aux vie et viie siècles », Pouvoirs et société en Albigeois, Toulouse, 1997, p. 77-89. 271 Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, VIII, 45 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, I/1, p. 411).
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très favorable à sa mort en 584272. Comme Didier lui-même, il était demeuré longtemps sous l’habit séculier et « avait vaqué aux affaires de ce monde avec les fonctionnaires séculiers, sans jamais toutefois se livrer aux jouissances vers lesquelles le cœur des jeunes gens a coutume de se laisser entraîner »273. Réfugié dans un monastère dont il devint abbé, il choisit la réclusion avant de devenir évêque d’Albi. Au même moment, un autre Salvius/Salvi, le père de saint Didier274, a pris pour épouse une femme au nom germanique, Herchenfreda275, ce qui témoigne en cette fin du vie siècle de la fusion des aristocraties gallo-romaine et germanique autour de la monarchie mérovingienne restaurée qu’elles servent au Palais et comme fonctionnaires locaux276. De ce mariage sont nés deux filles, Salvia/Silvia et Avita277 et trois fils. Didier est le plus jeune. L’aîné, Siagrius, qui porte un nom célèbre, après avoir servi au Palais sous Clotaire, « exerça la charge comtale à Albi » et le pouvoir judiciaire à Marseille278. Rusticus, « devenu clerc dès sa prime adolescence, exerça les fonctions d’archidiacre dans la ville de Rodez et la charge abbatiale de la basilique royale sous le roi Clotaire ; ses mérites lui valurent finalement de devenir évêque de Cahors » (c. 1). On y reviendra. Didier lui aussi a commencé jeune – adolescens (c. 1) – sa carrière au Palais, sans doute avant la mort de son père en 618. Comme l’écrit l’hagiographe, Ibid., VII, 1 (ibid., p. 323 ss.). Ibid., VII, 1 (ibid., p. 323-324 ; trad. R. Latouche, Histoire des Francs, t. 2, Paris, 1965, p. 75-76). 274 Le père de saint Didier, Salvius, appartenait sans doute à la même famille que Salvius, évêque d’Albi (c. 574-584) mentionné par Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, V, 50 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, I/1, p. 263) et VII, 1 (ibid., p. 323 et n. 1). 275 Voir K. Fr. Stroheker, Der senatorische Adel im spätantiken Gallien, Tübingen, 1948, p. 187. Bien qu’elle porte un nom germanique (M.-Th. Morlet, Les noms de personnes sur le territoire de l’ancienne Gaule du vie au xiie siècle, t. 1 : Les noms issus du germanique continental et les créations gallo-germaniques, Paris, 1968, p. 80), Herchenfreda est sans doute d’origine gallo-romaine. Sur la correspondance de cette femme avec son fils, voir P. Riché, Écoles et enseignement dans le Haut Moyen Âge, Paris, 1989, p. 389-390. 276 M. Heinzelmann, « Gallische Prosopographie », Francia, t. 10 (1982), p. 688 ; Br. Dumézil, Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 141 et ss. 277 Le nom de la sœur de Didier, Avita, pourrait indiquer des relations avec les Aviti de Clermont, voir R. W. Mathisen, « Epistolography, literary circles and family ties in Late Roman Gaul », Transactions of the American Philological Association, t. 111 (1981), p. 95-109 ; Id., « Desiderius of Cahors : Last of the Romans », Gallien in Spätantike und Frühmittelalter. Kulturgeschichte einer Region, éd. St. Diefenbach et G. M. Müller, Berlin, 2013, p. 464. Quant à l’autre sœur, il est probable qu’elle s’appelait Salvia et non Silvia (c. 1), puisque les deux noms principaux de son patronage anthroponymique sont Desiderius et Salvius. 278 Sur Siagrius, voir aussi H. Ebling, Prosopographie der Amsträger des Merovingerreiches von Clothar II. (613) bis Karl Martell (741), Munich, 1974, p. 125-126. 272 273
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« élevé avec le plus grand soin par ses parents, [il] fut formé de façon approfondie à l’étude des lettres dont l’amour l’enrichit ». Herchenfreda, dont la Vita Desiderii a conservé trois belles lettres écrites à son fils, chargées d’amour maternel et pleines de dévotion chrétienne, a peut-être nourri en lui dès l’enfance une piété plus ardente. Elle a été surtout sa première éducatrice, comme la mère de saint Nizier de Lyon qui avait formé son fils à « la connaissance des lettres ecclésiastiques »279. Comme le remarque Isabelle Réal, « il fallait donc que ces femmes aient reçu de leur côté une formation assez solide pour les rendre aptes à donner ces rudiments d’éducation à leurs enfants »280. Une étude de Martin Heinzelmann281 a fort bien montré que l’éducation des jeunes aristocrates « nourris au Palais » se faisait surtout avant leur entrée au service du roi, leur nutritor, qui ensuite les « prenait en charge » pour reprendre l’expression de l’historien allemand, et c’est bien ce que semble dire notre hagiographe : « C’est par lui [le roi Clotaire] que les trois frères, Rusticus, Siagrius et Didier, après une brillante éducation, furent gratifiés des plus hauts honneurs ». Le Palais de Clotaire a quelque chose de notre École nationale d’administration282. Il réunit déjà à cette époque les « premiers de la classe » et cimente la solidarité des élites civiles et religieuses. C’est une véritable école qui permet à ces jeunes d’améliorer leur connaissance pratique des documents administratifs au contact des scribes qui rédigent dans une excellente langue et une belle écriture les documents officiels283. Les lettres Grégoire de Tours, Liber vitae patrum, VIII, 1 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 241, l. 23) : nutritum diligentia litteris ecclesiasticis mandavit institui, cit. I. Réal, Vies de saints, vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, 2001, p. 418 et ss. qui fournit bien d’autres exemples d’éducation de saints par leur mère. Cette auteure montre également que les liens de famille ne se limitaient pas aux solidarités du lignage et de la parenté ancrées dans les traditions romaines et germaniques mais se doublaient de véritables liens affectifs de fraternité, op. cit., p. 476 et ss. 280 Ibid., p. 421. Bonitus de Clermont, fils de Syagria, reçut la même éducation classique, Vita Boniti, c. 1 (éd. Br. Krusch et W. Levison, MGH, SRM, t. VI, p. 119-120) : [1] Inclita Bonitus progenie Arvernicae urbis oriundus fuit, cuius pater Theodatus, mater vero Syagria vocitata est, ex senatu romano dumtaxat, nobili prosapia… [2] Postea vero cum natus adolevisset et esset praefata cum parentibus in urbe constitutus, gramaticorum inbutus iniciis necnon Theodosii edoctus decretis, ceterosque coetaneos excellens, a sophistis probus atque praelatus est. 281 M. Heinzelmann, « Studia sanctorum. Éducation, milieux d’instruction et valeurs éducatives dans l’hagiographie en Gaule jusqu’à la fin de l’époque mérovingienne », Haut Moyen Âge : Culture, éducation et société. Études offertes à Pierre Riché, éd. M. Sot, La Garenne-Colombes, 1990, p. 118-119 (pour les vies du vie siècle), p. 120-121 (pour celles du siècle suivant). 282 Avec cette différence que c’est aussi un cercle littéraire réunissant des amis qui seront aussi ses correspondants. 283 On n’a pas conservé en Gaule, pour le vie siècle, de manuels de grammaire, L. Holtz, « Continuité et discontinuité de la tradition grammaticale au viie siècle », Le septième siècle, 279
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écrites par Didier témoignent de la bonne connaissance qu’il avait du latin, même si sa correspondance révèle l’évolution de la langue latine à l’époque mérovingienne. La Vita précise enfin que Didier « mit ensuite tout son zèle à étudier le droit romain pour tempérer l’exubérance du langage et l’éclat du parler gaulois par la gravité romaine » (c. 1)284. Comme les fonctionnaires de l’Antiquité tardive, les nutriti du Palais devaient non seulement savoir écrire et calculer mais avoir une formation juridique qui leur servirait dans l’administration centrale comme dans l’administration locale, puisque les comtes sont essentiellement des judices. Le cas de Didier n’est pas unique, puisque au milieu du viie siècle Bonnet, avant d’entrer au Palais, avait lui aussi reçu une formation de grammaire et de droit romain. La correspondance de Didier montre qu’il connaissait le droit romain, les canons conciliaires et les formulaires285. On connaît mal l’organisation du Palais au temps de Clotaire et de Dagobert286 et la Vita n’est pas d’un grand secours, l’auteur insistant davantage, comme il est normal, sur la piété de son héros que sur ses attributions précises. Tout au plus apprend-on que Rusticus était l’abbé de « l’oratoire du Palais, que fréquente l’entourage royal » (c. 2) et que Didier « fut nommé très jeune trésorier du roi et se consacra avec ardeur à cette charge ». Il n’est pas facile de savoir en quoi consistait cette charge (c. 2) qui n’est pas une invention de l’hagiographe mais un titre officiel figurant dans le diplôme de Dagobert : « Didier, homme illustre, notre trésorier » (c. 13). La responsabilité des questions de technique financière appartenait plutôt à des fonctionnaires proches du souverain, qualifiés de cubicularii287. Didier appartenait-il alors au corps des thesaurii, aerarii, qui « semblent avoir été des experts en comptabilité »288, si Londres, 1992, p. 41-53. 284 M. Heinzelmann, « Studia sanctorum. Éducation, milieux d’instruction et valeurs éducatives dans l’hagiographie en Gaule », p. 120-121 ; P. Riché, « Les fonctionnaires mérovingiens », Histoire de la fonction publique en France, éd. M. Pinet et al., t. 1 : Des origines au xve siècle, Paris, 1993, p. 50-51, et Br. Dumézil, « Gogo et ses amis : écriture, échanges et ambitions dans un réseau aristocratique de la fin du vie siècle », Revue historique, t. 309 (2007), p. 553-593 ; Id., Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 181 et ss. 285 S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) » Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 803-808. 286 Br. Dumézil, Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 144. 287 Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, VII, 18 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 338) et VII, 21 (ibid., p. 339-340). 288 H. Pirenne, « Le trésor des rois mérovingiens », Festskrift til Halvdan Khot på sekstiårsdagen 7de juli 1933, Oslo, 1933, p. 71-78 ; Br. Dumézil, Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 146.
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on en croit le formulaire de Marculf289. On peut en douter, car ces fonctions techniques ne font pas partie des grands honneurs de la cour et leurs détenteurs pourraient difficilement avoir pour amis des hommes « de grande foi, Paul290, Arnoul291, Éloi292 et Ouen/Daddo293 », promis aux plus hauts postes dans l’État et dans l’Église294 et vivre dans la familiarité du souverain comme le fait Didier auprès du roi Clotaire et surtout de son successeur Dagobert qui le confirma dans sa charge, comme on vient de le voir, tout en l’élevant « à une dignité encore plus grande qu’auparavant. Le roi le chérissait parce qu’il avait reconnu en lui un homme solide, qui lui était fidèle, inébranlable dans la crainte de Dieu. [Didier] remplissait les charges qui lui étaient confiées de façon à demeurer dans la fidélité du roi et la grâce de Dieu. Dagobert laissa à Formulae codicis Laudunensis (éd. K. Zeumer, MGH, Leges, Formulae Merowingici et Karolini aevi, Hanovre, 1886, p. 518). Il est surprenant que J. Durliat (Les finances publiques de Dioclétien aux Carolingiens [284-889], Sigmaringen, 1990) ne mentionne pas la charge de trésorier. Elle est proche de celle de camerarius, puisque, selon l’hagiographe, « C’est sous ses yeux qu’on enfermait les dons reçus et c’est sur son ordre que sortaient les dons à faire » (c. 5). En fait le titre de thesaurarius a remplacé celui de camerarius qui implique de grandes responsabilités, puisque le titulaire a la garde des trésors conservés dans la camera, et du mobilier du Palais comme l’a montré P. Riché, « Les fonctionnaires mérovingiens », Histoire de la fonction publique en France, éd. M. Pinet et al., t. 1 : Des origines au xve siècle, Paris, 1993, p. 44-45. 290 Paul, abbé de Thiolley, succède à Godo, évêque de Verdun vers 626-630. Mort vers 634. Deux lettres adressées à Didier ont survévu, Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, II, 11, 12 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 333-334). 291 Saint Arnoul, évêque de Metz et Verdun (614-post 627, † c. 10 juillet 640), E. Hlawitschka, art. « A rnulfus », Lexikon des Mittelalters, t. 1, 1980, col. 1018-1019 ; il est clair que Didier, contrairement à l’évêque de Metz, n’aurait jamais songé à quitter son siège pour se réfugier dans un monastère, L. Cracco Ruggini, « The Crisis of the Noble saint ; The Vita Arnulfi », Septième siècle : changements et continuités – The Seventh Century : Change and Continuity. Proceedings of a joint French and British colloquium held at the Warburg Institute, 8-9 July 1988, éd. J. Fontaine et J. N. Hillgarth, Londres, 1992, p. 116-153. 292 Saint Éloi (Eligius), originaire du Limousin, orfèvre et monétaire au service de Clotaire II et de Dagobert Ier puis évêque de Noyon-Tournai (13 mai 641-1er déc. 660). La Vita Eligii episcopi Noviomagensis a été éditée par Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 663-674 (omission de chapitres). Il faut consulter aussi l’édition plus complète de la PL, t. 87, col. 479-594. 293 Saint Ouen (Audoenus), évêque de Rouen (13 mai 641-624 août 684) : L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 2, Paris, 1910, p. 208. La première Vita Audoeni episcopi Rothomagensis a été éditée par W. Levison, dans MGH, SRM, t. V, p. 553-557 ; une autre vie a été éditée dans les AA SS : Vita altera sancti Dadonis episcopi, Aug., t. IV, Anvers, 1739, p. 810-819 ; voir G. Scheibelreiter, « Audoin von Rouen. Ein Versuch über den Charakter des 7. Jahrhundert », La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850. Colloque historique international, éd. H. Atsma, t. 1, Sigmaringen, 1989, p. 195-216. 294 Plus loin, la Vita cite d’autres évêques éminents familiers de Didier. Sa correspondance, largement incomplète, comme l’a bien montré Sandrine Linger, comporte 37 lettres postérieures à 630, amicales ou professionnelles. Ces échanges de correspondance avec des rois, des maires du palais, des évêques, etc. témoignent de l’étendue des relations de Didier, installées surtout dans la partie septentrionale du royaume (carte, p. 811). 289
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sa discrétion les très riches trésors et le plus beau mobilier du palais. C’est sous ses yeux qu’on enfermait les dons reçus et c’est sur son ordre que sortaient les dons à faire ; beaucoup d’évêques, de ducs, de palatins vivaient également sous son aile protectrice ; de nombreux nobles se réjouissaient des grâces qu’il leur accordait et la reine Nanthilde295 l’aimait d’un amour sans pareil ». Peut-on risquer l’hypothèse que le titre de thesaurarius, mentionné dans divers textes de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge296, avait été créé ou recréé au profit de Didier, comme celui de monetarius, sera conféré un peu plus tard au seul saint Éloi297 et que ses fonctions au Palais lui conféraient beaucoup d’influence sur ses compagnons298. La Vita préfère insister sur la piété, la chasteté et le refus du siècle de Didier. L’auteur reprend le thème fréquent dans l’hagiographie du haut Moyen Âge, celui d’une aspiration précoce à la vie monastique, à la militia Christi (c. 2). Mais, à la différence de son grand-père qui était devenu moine, Didier se contente de converser avec des moines et de vivre comme un « soldat du Christ », dans « les fastes de la cour ». Comme son frère Siagrius, devenu comte à Albi au cœur des domaines de la famille, il accepte de quitter le Palais pour remplir, à la demande du roi Clotaire, une mission délicate à Marseille : « Dans la septième année du règne299 de Dagobert, Dieu voulut que Siagrius, son frère déjà mentionné, alors qu’il administrait [la ville] de Marseille, mourût ; pour cette raison, le roi Dagobert, frappé d’une grande affliction, désigna le très habile Didier pour le remplacer dans ses fonctions de préfet (loco praefecture). Parti donc à Marseille, il s’acquitta avec soin de Dagobert épousa Nanthilde vers 629/630, Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, I, 58 (éd., trad., introduction et notes par O. Devillers et J. Meyers, Turnhout, 2001, p. 148-149) : Parisius venit, ibique Gomatrudem reginam Romiliaco uillam ubi ipsa matrimonium acceperat reliquens, Nantechildem unam ex puellis de ministerio matrimonium accipiens reginam sublimavit. 296 Code Justinien, 10, 23, 1 ; Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, V, 39 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 247) : Thesaurarius Chlodovechi [filii Chilperici I] a Chuppani stabuli comite de Biturigo retractus, vinctus reginae transmissus est, diversis cruciatibus exponendus sed cum regina et a suppliciis et a vinculis jussit absolvi liberumque… abire permisit ; Venance Fortunat, Carmina, 10, carm. 17, v. 17 (MGH, AA, t. IV/1, p. 250). Dans un autre passage de Grégoire de Tours, thesaurarii [au pluriel] semble plutôt désigner de simples techniciens chargés de transporter un missurium aureum au roi Chidebert qui demeurait à Meaux, Decem libri historiarum, VII, 4 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 328). 297 J. Lafaurie, « Eligius monetarius », Revue numismatique, sér. 6, t. 19 (1977), p. 111-151. 298 L’organigramme du palais n’était pas fixé pour toujours. Les fonctions étaient à géométrie variable et pouvaient avoir plus ou moins d’importance selon le degré de « familiarité » qui liait leur titulaire au souverain. 299 « La 7e année du règne de Dagobert, comptée à partir de son avènement en Austrasie en 623 s’étend du 10 janvier-7 avril 629 au 19 janvier-6 avril 630 » (R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. 8, n. 3). 295
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l’administration (administrationem) qu’on lui avait confiée et, revenu à la cour, il veilla à s’occuper avec grande application de l’office (ministerium) qu’on lui avait attribué »300. Que Didier passe ainsi d’une fonction au Palais à une mission administrative locale n’a rien de surprenant, car la mobilité des agents au service de l’État était courante dans la monarchie mérovingienne. La mission à Marseille est importante. Il est difficile de savoir si prefectura désigne ici la charge de patrice ou de comte301. C’est plutôt avec un sens voisin, celui de judex, que le mot est employé dans la Vita sancti Boniti, episcopi Arverni302 : Bonnet, contemporain de Didier, avait occupé comme lui des charges importantes au Palais, sous Sigebert III, avant de recevoir la préfecture de Marseille303. C’est dire la confiance que le souverain accorda d’abord à Siagrius puis à Didier lui-même qui remplit quelque temps les mêmes fonctions à Marseille. Peu de temps après, en 630, il était promu à l’évêché de Cahors en remplacement de son frère Rustique, assassiné dans des conditions dramatiques. Il nous faut donc examiner les circonstances et les modalités de la promotion de saint Didier à l’épiscopat.
2. L’accession de Didier à l’épiscopat « Plus tard mais presque dans les mêmes années, à la fin de la septième ou au début de la huitième année du règne de Dagobert, l’évêque Rusticus, à la tête du siège de Cahors, au bout de sept ans ou un peu plus de son épiscopat, fut tué par des habitants perfides et criminels, ce qui provoqua un très grand désordre dans l’Église, non seulement dans la ville de Cahors, mais aussi à la cour royale » (c. 8). L’assassinat de Rusticus s’est produit entre le 20 janvier-8 avril 623 et le 20 janvier-8 avril 630304. Ce n’est pas un acte isolé mais une révolte, une conturbatio, si l’on en juge par les mesures impitoyables prises par Dagobert contre les assassins de l’évêque et d’autres habitants de Chapitre 7. R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. xii, n. 3 ; éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. VI, p. 121. 302 Chapitre 4 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. VI, p. 120-121) : Cujus conspectui ita paruit gratus, ut elegeretur praefectura Massiliae primae provinciae, sed idem causas sibi commissas ita peroravit ut iam non ut judex, sed ut sacerdos fore videretur. Sur l’activité de Marseille au haut Moyen Âge, voir R. Pernoud, « Le commerce de Marseille depuis le haut Moyen Âge jusqu’à la fin du xiiie siècle », Histoire du commerce de Marseille, éd. G. Rambert, t. 1, Paris, 1949, p. 115 et ss. 303 Art. « Bonito » Bibliotheca sanctorum, t. 3, Rome, 1963, col. 337. 304 J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, Paris, 1989, p. 51. 300 301
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Cahors qui furent condamnés à être décapités, mis à mort, exilés ou « réduits à l’état de servitude perpétuelle ». Comme les peines édictées par Dagobert varient sans doute non seulement en fonction de la gravité de la faute des coupables mais aussi en fonction de leur statut, il est possible que différentes catégories sociales aient été concernées. La cité tout entière semble en avoir été bouleversée. L’assassinat de Rusticus est mystérieux. Révolte aristocratique ou révolte populaire ? A-t-il été victime de « notables locaux » hostiles à un représentant du roi austrasien, ou de la colère populaire contre un membre d’une grande famille riche, largement possessionnée dans le Quercy et l’Albigeois ? Se souvenait-on encore à Cahors de la terrible répression de Théodebert en 573, telle qu’elle est rapportée par Grégoire de Tours305 et considérait-on dans certains milieux de la noblesse gallo-romaine d’Aquitaine les enfants de Salvius comme trop proches des rois mérovingiens ? Peut-être faut-il songer plutôt à l’opposition de quelques familles nobles, jalouses de leur réussite, en particulier de la famille de Chramsicus, père de sainte Ségolène, qui tenait de fortes positions à Albi306. Pierre Bonnassie, de son côté, suggère que le peuple luttait contre la politique de « thésaurisation à outrance » qu’aurait menée Rusticus, par opposition à son prédécesseur Ambroise307, l’évêque ermite des pauvres que les sénateurs avaient forcé à quitter la cité pour se réfugier dans une grotte. Cette hypothèse pourrait s’appuyer sur une remarque ultérieure de l’hagiographe, notant que, dès le début de son épiscopat, « afin de ne pas donner prise à de trompeuses rumeurs (ut nullam obsceni in se rumoris fabulam daret), il veilla avec le plus grand soin à secourir les pauvres, à visiter les infirmes, à consoler
Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, V (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, I/1, p. 48-50 ; trad. Latouche, Histoire des Francs, t. 1, Paris, 1963, p. 236) : « [Théodebert, fils de Chilpéric] envahit le Limousin, le Quercy et les autres provinces voisines de celles-ci, il les ravage, il les ruine, il incendie les églises, emporte les vases sacrés, tue les clercs, disperse les monastères d’hommes, commet des outrages dans ceux des filles et dévaste tout ». 306 Vita Sigolenae (BHL 7570), AA SS, Iul., t. V, Anvers, 1727, p. 628-637 ; I. Réal, « Vie et Vita de sainte Ségolène, abbesse de Troclar au viie siècle », Le Moyen Âge, t. 101 (1995), p. 385406 ; N. Pousthomis-Dalle, P. et M.-C. Cabot et I. Réal, « Sainte Ségolène, sa vie, ses églises au Troclar (Lagrave, Tarn) », Archéologie du Midi médiéval, t. 15-16 (1998), p. 1-65 ; I. Réal, « Les familles aristocratiques de l’Albigeois au vie et viie siècles », Pouvoirs et société en Albigeois, éd. Ph. Nelidorff et O. Devaux, Toulouse, 1997, p. 77-89. 307 P. Bonnassie, « L’évêque, le peuple et les sénateurs : Scènes de la vie à Cahors, d’après la Vita Ambrosii », Cadres de vie et société dans le Midi médiéval, éd. P. Bonnassie et J.-B. Marquette, Hommage à Charles Higounet, Toulouse, 1990 (Annales du Midi, t. 102 [1990]), p. 213-214. Dans son article, Pierre Bonnassie hésite entre deux propositions : Ambroise, successeur de Didier ou, c’est la solution qui a sa préférence, prédécesseur de Didier. 305
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les faibles, à se réjouir avec ceux qui sont joyeux, à pleurer avec ceux qui versent des larmes308, à se faire tout à tous pour les sauver tous309 ». Les origines de la révolte resteront difficiles à comprendre. De fait, quel qu’ait été le point de départ, il semble bien que l’on ait eu affaire à un soulèvement général de la population contre son évêque. La réponse de Dagobert mérite d’être observée. Il commence par une répression impitoyable, puis il nomme Didier comme nouvel évêque : un choix à double face. D’une part, c’est une sorte de « provocation » : marquant son autorité, le roi renvoie un évêque a priori semblable à celui qu’ont rejeté les Cahorsins. Mais d’autre part, il sait qu’il peut faire confiance au « très habile Didier » qui a fait preuve de ses qualités de diplomate lors de la succession de son frère Siagrius à Marseille (c. 7). La confiance du roi était bien placée. La Vita montre que Didier a su répondre à tous les griefs reprochés à son frère ; elle ne cesse de louer son amour des pauvres, son amitié avec les nobles et les puissants et ses dépenses généreuses en faveur de la cité et des églises. L’intervention royale dans cette nomination n’a rien de surprenant. Depuis le début du vie siècle, « les évêques se mirent à recevoir leurs ordres du roi »310. Mais Didier qui avait vécu au Palais « comme un moine » n’était pas prêtre, alors que d’autres hagiographes mentionnent que leur héros avait été ordonné prêtre avant de devenir évêque. Il n’a pas respecté le délai d’un an prévu par le concile d’Orléans de 549 avant la consécration d’un laïc311. Du Rom. 12, 15. I Cor. 9, 22. 310 F.-L Ganshof, « Note sur les élections des évêques dans l’Empire romain au ive siècle et pendant la première moitié du ve siècle », Revue internationale des droits de l’Antiquité, t. 4, 1950 (= Mélanges Fernand De Visscher, t. 3), p. 467-498 ; D. Claude, « Die Bestellung der Bischöfe im merowingischen Reiche », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Kanonistische Abteilung, t. 49 (1963), p. 21 et ss. ; Br. Dumézil, Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 194 ; Id., « La royauté mérovingienne et les élections épiscopales au vie siècle », Episcopal Election in Late Antiquity, éd. J. Leemans et al., Berlin, Boston, 2011, p. 127-143 ; G. Jarousseau, « Electio, voluntas et ordinatio. Quelques jalons sur les modes de désignation des évêques en Gaule de l’époque mérovingienne au début du xiie siècle », dans Libertas Ecclesiae. Esquisse d’une généalogie (1650-1800), éd. S.-M. Morgain, Paris, 2010, p. 33-68. 311 « Qu’aucun laïque ne soit ordonné évêque sans qu’ait précédé une année de changement de vie (conversio), de façon qu’il soit durant cette année instruit plus à fond par des hommes doctes et éprouvés de la discipline et des règles spirituelles », Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), c. 9 (éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 1, Paris, 1989, SChr, t. 353, p. 307). Il n’existe qu’un seul autre exemple connu de manquement au respect de ce délai d’un an de conversio, celui de saint Germain d’Auxerre : Constance de Lyon, Vita Germani episcopi Autissiodorensis, 2 (éd. W. Levison, MGH, SRM, t. VII, p. 252). Sans doute ce dernier avait-il accédé à l’épiscopat en 418, bien avant la réunion du concile d’Orléans. Mais le canon d’Orléans pouvait s’appuyer sur des textes antérieurs, notamment l’interdiction faite aux laïcs par le pape Damase Ier (366-384) d’être promus à l’épiscopat : 308
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moins la désignation est-elle conforme aux dispositions du canon 10 du même concile312 ainsi qu’à l’édit de Clotaire de 614313 : « Il n’est pas douteux que le moyen d’augmenter toujours de plus en plus le bonheur de notre royaume est d’apporter tous nos soins à observer ce qui a été sagement défini et décrété … C’est pourquoi nous ordonnons d’observer les canons, même les plus anciens, et dans toutes leurs prescriptions. Ainsi, à la mort d’un évêque, son successeur devra être élu par le peuple, ordonné par le métropolitain et les comprovinciaux, mais on ne pourra procéder à l’ordination qu’après que le roi aura donné son autorisation. Si l’élu est du Palais, son mérite et sa science seront des raisons suffisantes pour qu’il soit ordonné sur le champ ». Après que les citoyens et abbés de Cahors eurent demandé d’avoir Didier comme évêque et après s’être adressé aux citoyens et au clergé de Cahors (c. 13), Dagobert envoie un mandement à Sulpice, métropolitain de Bourges (c. 14) pour lui enjoindre de consacrer Didier. Le roi affirme répondre au « consensus des citoyens et des abbés de Cahors » (civium abbatumque consensus) et fait l’éloge du nouvel évêque qui, depuis sa jeunesse, « se conduit sous l’habit du siècle en soldat du Christ314. » Comme l’a justement remarqué Sandrine Linger315, ce mandement est conforme aux formules de la chancellerie à la fin du vie et au viie siècle, transmises par les formulaires de Marculf, et reproduit leur contenu316. Dans le mandement adressé à Sulpice, le souverain, après avoir vanté « la conduite très pieuse et digne d’un moine317 » de Didier, demande à son correspondant de Ne laici ad episcopatum prouehantur (Decretale ad episcopos Galliae = Siricius, Epistula X, Ad Gallos episcopos, 5 ; PL, t. 13, col. 1192). Il est vrai que la situation à Cahors ne permettait pas d’attendre un an, que nécessité fait loi, surtout quand l’ordre adressé au métropolitain de Bourges vient du roi. Nous remercions Michel Fauquier d’avoir bien voulu nous fournir ces références. 312 Canon 10, Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 1, Paris, 1989 (SChr, t. 353, p. 309). 313 Par l’édit de Pîtres (614), le roi s’était réservé le droit d’attribuer des évêchés vacants à des membres du Palais, éd. A. Boretius, Capitularia merowingica (MGH, Leges, II : Capitularia regnum Francorum, t. I, no 9, p. 20-23) ; trad. fr. J.-P. Brunterch, Le Moyen Âge, (ve-xe siècle), Paris, 1994 (Archives de la France, 1), p. 150-160. Nous empruntons la traduction à E. Sol, « Saint Didier, évêque de Cahors (636-655) », Bulletin trimestriel de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 57 (1936), p. 540, n. 1. L’édit dans sa dernière phrase est plus favorable à l’intervention du souverain que le c. 2 du concile de Paris du 10 octobre 614 qui condamne l’ « empiètement du pouvoir » (Les canons des conciles mérovingiens (vieviie siècles), éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 2, Paris, 1989 [SChr, t. 354], p. 509). 314 Vita Desiderii, 13 : virum illustrem Desiderium… cognovimus… sub habitu saeculi Christi militem gerere. 315 S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) » Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 803-804. 316 Marculfi Formulae, I, 5 (éd. K. Zeumer, MGH, Leges, Merowingici et Karolini Aevi, Hanovre, 1886, p. 45-46). 317 Vita Desiderii, 14 : devotissimam hac monasticam conversationem.
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prévenir et convoquer les évêques comprovinciaux, conformément aux canons des conciles d’Épaone (517) et d’Orléans (533)318. C’est le début de l’épiscopat de Didier entièrement consacré à la construction de la cité chrétienne.
3. La construction de la cité chrétienne Après les troubles qui ont suivi l’assassinat de Rusticus, la cité est certes réunifiée grâce à l’élimination des opposants et à l’élection de Didier, mais dans un climat qui, malgré tout, reste tendu. C’est pourquoi, dans la deuxième partie de la Vita, le récit chronologique fait place à un exposé thématique. Au lieu de mettre en valeur la sainteté du héros à travers une succession de miracles, le texte est élaboré d’une manière originale, pour exalter l’œuvre essentielle de l’évêque : la construction d’une cité chrétienne unie. On n’y trouve plus de repères chronologiques car il s’agit de montrer que l’œuvre de Didier se développe de façon continue et forme un tout. L’évêque construit en effet sur des bases solides la cité chrétienne de Cahors, qui échappe au temps, à la fois sur le plan matériel (c. 15-20) et sur le plan spirituel (c. 21-33). Chaque partie alterne des paragraphes sur les vertus de Didier et sur son action et ne signale que trois événements surnaturels, mais d’un type très particulier, qui jouent un rôle essentiel dans l’organisation de la Vita.
a. La construction matérielle de la cité chrétienne (c. 15-20) Dès le début de son épiscopat, Didier commence par réparer les remparts de la ville, endommagés par le temps, par des attaques antérieures, ou par les récents événements. Ensuite, l’auteur énumère tous les édifices élevés par l’évêque, sans repère chronologique, en une succession de paragraphes coordonnés chacun par etiam. Outre « deux demeures jumelles » édifiées « sur la rive du Lot » (le palais épiscopal), il s’agit d’une série de sanctuaires : la basilique Saint-Pierre, élevée de l’autre côté du fleuve, là où son frère Rusticus a été assassiné ; « hors les murs », la basilique Saint-Julien ; « à trois maisons de l’Église majeure », l’oratoire Saint-Martin ; et « beaucoup d’autres édifices ». Puis l’auteur revient sur les travaux militaires de Didier : « En plus des travaux de la cité, il en fit aussi sur le castellum de Cahors : ce lieu [qui] paraissait jusque là presque nu et tout petit, il l’agrandit, l’éleva et le renforça par un
Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), c. 9, éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 1, Paris, 1989 (SChr, t. 353), p. 103 et 197. 318
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travail considérable et une muraille remarquable » (copioso opere conspicandaque municione ampliavit, erexit ac firmavit)319. On reviendra plus loin sur l’étude de ces monuments mais nous voulons souligner ici ce que veut mettre en valeur l’hagiographe : non seulement la beauté de chaque édifice, la richesse du mobilier liturgique, mais aussi et surtout la solidité des constructions en pierre de taille : quadris munitas (c. 16), quadratorum lapidum compactione (c. 17). Didier veut transmettre à ses successeurs un trésor durable : ainsi, les « demeures jumelles » représentent « pour l’avenir un gain considérable et merveilleux » (c. 16 : praecipuum adque eximium post futuris conpendium) et l’enceinte « forte et solide », pourra « passer à la postérité » (c. 17 : firmumque hac solidum ad posteros pervenire). Dans le même esprit, l’auteur ajoute que Didier « veilla aussi à préparer pour les frères320 qui lui succèderaient d’autres œuvres nombreuses et remarquables » (c. 16 : multa etiam … secuturis post fratribus praeparare studuit). Vient ensuite, en c. 18-19, le récit d’un « événement stupéfiant » (res stupenda ; mirum). Une voix résonne du fleuve, disant : « l’heure est venue mais l’homme n’est pas venu ». Didier comprend qu’un homme va bientôt mourir dans le fleuve et, croyant pouvoir empêcher cette mort annoncée, envoie un serviteur « à l’endroit où l’on traversait le fleuve » pour intercepter quiconque tenterait d’y pénétrer, ce qui est fait. Mais devant l’évêque, l’homme intercepté se trouve mal, refuse le vin que Didier lui propose et réclame de l’eau. Dès la première gorgée, il meurt sur le champ. Didier « tire alors de la mort de cet homme matière à sermon » : les desseins de Dieu sont incompréhensibles et l’on ne peut s’y opposer. Chacun doit donc se tenir prêt à mourir. Le récit du prodige qui, à première vue, semble interrompre sans raison l’exposé, a donc au contraire un rôle pédagogique fondamental : rappeler à Didier (et au lecteur) qu’il ne faut pas seulement se préoccuper des aspects matériels et de « passer à la postérité321 ». L’essentiel n’est pas sur cette terre mais dans l’au-delà. Didier a certes construit un solide rempart pour protéger la ville et un magnifique palais épiscopal, digne du prestige de sa fonction ; il n’a pas oublié Dieu puisqu’il a édifié des églises, dotées d’un superbe mobilier liturgique, mais le prodige vient à point pour lui rappeler qu’il a oublié une chose essentielle : sa propre mort, qui peut venir à l’improviste, à tout moment. D’où la construction du monastère où il prépare sa sépulture. Il semble que le réviseur carolingien n’ait pas compris cette logique : c’est sans doute lui qui a conclu les paragraphes consacrés au prodige par : « Mais C. 17. C’est-à-dire les évêques. 321 C. 17. 319
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que cela suffise sur ce sujet ; maintenant cependant revenons au propos dont nous nous sommes écartés322 ». Ce faisant, il rompt la logique du discours que l’auteur primitif avait en tête puisque le paragraphe suivant commence par Desiderius itaque… edificavit monasterium, etc. Itaque s’enchaînait parfaitement avec la conclusion du récit du prodige : « Ainsi, disait-il, chacun doit se touner sous le regard de Dieu, craintif et toujours observé, puisque la sentence de mort est fixée d’avance pour chacun et ne peut en aucun cas être prévue. Pour cette raison, il est nécessaire que chacun soit toujours prêt, parce qu’il est évident que nous n’avons aucune certitude à propos de l’arrivée de notre fin323 ». Didier construit donc à Cahors mais hors les murs un monastère dédié à saint Amans324 « d’un travail admirable et unique dans l’art de bâtir des maisons et des églises » où il installe de nombreux moines et qu’il dote de biens fonciers. Il fait aménager son tombeau « sous une voûte, du côté droit de la basilique »325. La laus perennis est donc assurée. Toutes les dépenses sont en faveur de l’Église (basiliques, monastère, objets liturgiques), sauf l’enceinte. Mais l’enceinte est l’écrin indispensable pour protéger le tout ; en outre elle fait partie intégrante de l’image de la cité, aussi bien de la cité terrestre que de la cité céleste326. On notera cependant un absent : l’aqueduc que, d’après sa lettre à l’évêque Caesarius de Clermont, Didier voulait construire à Cahors et pour lequel il demandait à son collègue des spécialistes ès-canalisations de bois327. Soit l’aqueduc ne fut pas réalisé, soit l’auteur ne l’a pas retenu car ce n’est pas un édifice religieux et il n’a pas la fonction symbolique de l’enceinte. On pourrait encore imaginer que le réviseur carolingien l’ait rayé du texte parce qu’il ne fonctionnait plus de son temps, mais cela paraît peu probable car, à la fin du texte, il oppose l’âge d’or de l’épiscopat de Didier aux malheurs de son temps (c. 53) : la disparition de l’aqueduc lui en aurait fourni une preuve de plus. Ainsi, Didier a refondé sur des bases solides la cité de Cahors ; mais ce n’est pas suffisant : l’évêque doit se préoccuper activement du salut de ses C. 19 : Sed de eis satis sit dictum, nunc interim ad ea unde digressi sumus redeamus. C. 19 : Unusquisque sollicitus semper … debet conservare, dum quae illum mortis sentencia praeveniat, nullatenus valet praevidere ; qua de re necesse est, ut tantum quisque sit semper paratus, quantum de repentini casus eventum constat esse incertus. 324 Voir supra, n. 206. 325 C. 20 : …monasterium… summo studio, miro ac singulari opere in domorum vel ecclesiarum extructione patratum… Sepulturam quoque sibi in eodem monasterio sub dextris lateris basilicae uolutionis praeparari iussit. 326 C. Boisgérault, L’image de la ville de Gaule dans les sources littéraires tardives (284493). Terminologie de la ville et de ses composantes architecturales, thèse de l’Université du Maine, 2005, t. 1, p. 236. 327 Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 13 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 322 ; éd. D. Norberg, Uppsala, 1961, p. 34-35). 322 323
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ouailles, comme le dit clairement l’auteur à la fin de c. 20, en une excellente transition, inspirée de la lettre de Jérôme au prêtre Paulin mais très bien intégrée dans son propre raisonnement : il est bon de construire de somptueuses demeures pour le Christ, mais il est encore meilleur « de préparer des âmes dignes de l’Époux céleste : il disait en effet qu’il faut croire que le véritable temple du Christ est l’âme de chaque fidèle chrétien »328.
b. La construction spirituelle de la cité chrétienne (c. 21-33) Les chapitres 21-27 semblent entièrement centrés sur la personne de Didier dont ils font l’éloge, mais périodiquement l’auteur souligne la façon dont l’évêque cherche à « élever également les âmes jusqu’au faîte329 », et montre les bénéfices que la présence d’un tel pontife procure à la cité. Son regard opère ainsi un va-et-vient entre l’évêque et la cité. Ses vertus et son mode de vie empreint de juste mesure en font « le modèle du troupeau »330. Son action s’appuie sur trois moyens essentiels : les deux premiers – enseignement durant les repas pris en commun331 et « service du Temple332 » – sont directement inspirés de l’éloge funèbre de Nepotianus par Jérôme333, ce qui laisse évidemment planer un doute sur leur authenticité, quoique le souci de la propreté semble bien une caractéristique spécifique de Didier334. Le troisième moyen est l’introduction du monachisme dans la cité : l’auteur signale le monastère de Moissac, l’établissement fondé à Cahors même par Didier pour accueillir sa sépulture et « plusieurs autres »335. Jérôme, Lettres, 58, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 81) : « Le vrai temple du Christ, c’est l’âme du croyant ; c’est elle qu’il faut orner, habiller, combler de présents ; en elle, accueille le Christ. De quoi servirait-il que des murailles rutilent de gemmes, si le Christ, en la personne du pauvre, meurt de faim ? » (Verum Christi templum anima credentis est : illam exorna, illam vesti, illi offer donaria, in illa Christum suscipe. Quae utilitas parietes fulgere gemmis, et Christum in paupere fame mori ?). 329 C. 20 : animarum pariter culmina erigere. 330 C. 21, reprenant I Petr. 5, 2-4. Voir aussi, plus loin, les chapitres 26-27. De même, en chapitre 33, l’auteur signale « la délicatesse des mets et le parfum du vin » (tam suavitate ciborum quam vini flagrantia) en provenance de sa propre table (ex mensa sua), que Didier faisait porter au reclus Arnanus. 331 C. 21. 332 C. 22 : curis templo. 333 Jérôme, Lettres, 60, 10 et 12 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 99 et 101). 334 Voir aussi chapitre 26 : « Dans toutes les maisons où il avait l’habitude d’habiter ou de se rendre, il prenait des dispositions avec tant de soin qu’aucune poussière ni fumée n’y suscitait de répulsion. Là, aucun chien pour importuner, aucune truie pour susciter le dégoût ni aucun de ces quadrupèdes plus distrayants que nécessaires ». 335 C. 23. Voir aussi, au chapitre 32, le reclus Arnanus qui, après avoir vécu dans le monastère de Cahors, s’est retiré dans une grotte à quelque distance de la ville. 328
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De cette action conduite selon les préceptes divins découle une prospérité exceptionnelle comme on n’en avait jamais vue auparavant. « Personne ne manquait de nourriture ou de vêtements, mais tout était en suffisance, tout en surabondance » grâce à Didier, car « vraiment était accompli en lui ce que dit l’Écriture : ̋Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu »… « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice et tout vous sera donné par surcroît »336. Cette prospérité, qui résulte directement de la sainteté de Didier, est donc surnaturelle. C’est le deuxième prodige relaté par l’auteur, prodige qui touche toute la cité mais dont il donne un exemple concret en la personne d’un paysan (rusticus) « de très humble condition » (pauperrimus), qui a récolté « mille amphores » et s’apprête à porter « pour la décime trois cents mesures et plus »337. L’auteur revient alors sur les vertus de Didier (c. 25-27) pour confirmer qu’une telle prospérité est bien liée à la sainteté de l’évêque. Même s’il parsème son texte de réminiscences de Jérôme et de la Vita Eligii, l’ensemble de ces chapitres est très personnalisé. Ainsi, la persévérance de Didier est illustrée par la façon dont il répond à ceux qui critiquent ses constructions. D’après l’auteur, les critiques ne portent pas sur leur coût mais sur leur difficulté338, sans doute en raison de l’ambition des réalisations : usage de pierres de taille, constructions voûtées, etc. C’est ce que semble confirmer la fin du chapitre 25 où le mot damna pourrait évoquer des accidents matériels survenus au cours des travaux. Même si l’hagiographe veut faire le portrait d’une cité unie derrière son évêque, il ne cache donc pas les critiques dont ce dernier est encore l’objet. De même, la toute dernière mention, au début du chapitre 27, semble une banalité : « Il donnait généreusement son aumône, se préparant ainsi des richesses futures, un trésor qui ne [lui] manque pas aux Cieux »339. Mais l’auteur ajoute immédiatement : « Il s’efforçait, avec son argent, de faire de ses ennemis des amis pour qu’ils l’accueillent dans les demeures éternelles »340. Cette phrase suggère que les pauvres étaient à l’origine les ennemis de Didier et qu’ils avaient donc peut-être joué un rôle dans l’assassinat de Rusticus. Cela justifierait une interprétation sociale de l’assassinat de ce dernier qui aurait satisfait le regretté Pierre Bonnassie. C. 24, citant Mt 6, 33 et Lc 10, 31. C. 24. 338 C. 25 : « Beaucoup, timorés et sans énergie, lui objectaient la difficulté de ses travaux » (multique fragiles et inertes difficultatem operum ei obicerent). 339 C. 27 : dabat affluenter elemosinam, parans sibi divicias profuturas, thesaurum non deficientem in celis. 340 Ibid. : Studebat facere sibi amicos de inimico mammona, qui eum reciperent in eterna tabernacula. La référence donnée ici par Bruno Krusch à la Vita Eligii, I, 13, semble erronée. 336 337
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Si, par ses aumônes, Didier travaille à son propre salut, il se préoccupe aussi et surtout de celui de ses ouailles. Par sa prédication, il les exhorte à pratiquer la charité et à craindre l’enfer (c. 27). Pour leur faire prendre conscience de l’urgence d’une conversion, il évoque, selon l’auteur, une situation politique et militaire catastrophique : « Comme il entendait parler tout autour de lui d’invasions de peuples, il disait : ‘c’est à cause de nos péchés que les barbares sont forts, par nos vices que succombera l’Empire romain’. Malheureux que nous sommes, disait-il, qui déplaisons tant à Dieu que par la rage des Barbares, sa colère se déchaîne contre nous »341. D’où un appel à faire pénitence, en particulier en faisant des donations ou des legs à l’Église de Cahors. L’auteur énumère ainsi 18 personnes et en évoque « beaucoup d’autres » qui ont fait des donations, dont par exemple la « sénatrice » Bobila, veuve de Severus, qui donna « des terres, des ornements et des pièces d’étoffe » et obtint d’être inhumée dans la basilique du monastère fondé par le saint (c. 28). L’auteur enchaîne alors sur le legs de Didier lui-même (c. 29-30). Les chapitres 28-30 sont donc très matériels mais ils sont parfaitement intégrés à cette partie de la Vita qui traite de l’œuvre spirituelle de Didier, puisque ces legs sont le fruit de sa prédication et que, grâce à eux, les donateurs préparent leur salut éternel. Avec le testament de Didier, on s’achemine vers la mort du saint. Mais auparavant l’auteur dresse un bilan de son action, comme il l’annonce au début du chapitre 31 : « Mais qui pourrait, par une louange qui soit digne de lui, chanter tout ce qu’il aura apporté à l’Église de Cahors soit par ses pieuses exhortations, soit par son œuvre pleine de zèle, tous les encouragements qu’il aura prodigués pour le remède des âmes, tous ses efforts pour le bien des corps ? »342. On retrouve donc les deux axes sur lesquels la Vita est construite. Dans cette phrase d’introduction, l’auteur évoque d’abord les âmes car c’est évidemment le plus important. Mais ensuite, pour donner un exemple de chacun des deux volets de l’action épiscopale, il reprend l’ordre qu’il a suivi précédemment, donc d’abord l’œuvre matérielle, ce qui lui permet de terminer sur l’œuvre spirituelle, ainsi mise en valeur. Sur le plan matériel, il cite d’abord ce qui lui paraît le plus significatif : le rempart et la décoration de « toutes les villae et toutes les propriétés de l’Église ». Puis il développe l’exemple qu’il considère comme le plus intéressant à ce point de sa rédaction : le monastère de Didier. C’est en effet là que le saint a prévu son inhumation. Or la fin du récit approche… Certes, l’auteur a déjà parlé du monastère C. 28, avec citations non signalées par l’hagiographe de Jérôme, Lettres, 60, 17 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 107, l. 25-26). 342 C. 31 : Sed quis valeat digno canere praeconio, vel quanta pio hortatu, vel quanta operis studio Cadurcinae eclesiae contulerit, quanta ob animarum medella incitamenta, quanta ob corporum conpendia exercitia gesserit. 341
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au chapitre 20, mais pas de la même façon : il s’agissait alors de montrer comment Didier préparait sa sépulture et y organisait la laus perennis en rassemblant de nombreux moines et en assurant la pérennité de l’établissement par des biens fonciers importants. Il a réservé la description de l’édifice pour le bilan de l’œuvre du saint, parce qu’elle fournit un condensé des caractères de cette œuvre : beauté, solidité, emploi de pierres de taille et travail « à la manière des Anciens »343. Pour le bilan de l’œuvre spirituelle, l’auteur rappelle d’abord – de manière stéréotypée – les qualités de l’évêque (en s’inspirant de Jérôme) en plaçant son héros dans la lignée des plus grands des apôtres. Puis il développe un exemple significatif. C’est le troisième événement surnaturel, survenu dans un contexte longuement développé (c. 32-33). Alors que Didier a envoyé deux clercs porter, comme chaque jour, à son ami Arnanus qui s’est retiré dans une grotte, « des aliments de bonne qualité de sa propre table », les deux messagers mangent les victuailles et, quand ils estiment que trois heures se sont écoulées, rentrent comme si de rien n’était. Mais l’évêque sait tout car il a « le don de prophétie » (donum prophetiae). Ce n’est pas qu’il voie à l’avance ce qui va arriver mais, « par le don d’une grâce venue d’en haut, il voyait de si loin les situations qu’elles paraissaient avec évidence se dérouler en sa présence344 ». Didier sermonne donc le plus âgé, qui nie farouchement, ce qui lui vaut d’être châtié. Puis il s’adresse doucement au plus jeune qui raconte tout en détails, avec contrition, si bien que « l’évêque le renvoya avec miséricorde ». Conclusion : « personne n’osait plus mentir au bienheureux pontife, puisque personne ne doutait que rien ne pût lui être caché »345. Cette belle histoire offre donc un condensé des qualités de l’évêque, prouvant sa sainteté et l’efficacité de son action : saint compagnonnage avec un reclus, charité généreuse, justice, sévère pour celui qui refuse de s’amender, mais miséricordieuse pour celui qui se repent, don divin de « prophétie ». Avec un tel pasteur, le troupeau ne peut que progresser vers le royaume : beaucoup veulent « se corriger » et plus personne ne ment. Après la troisième partie de la Vita, relatant la mort du saint, son inhumation et les miracles qui se déroulent sur son tombeau, l’auteur revient dans 343 C. 31 : Denique primam inibi basilicam more antiquorum praeripiens quadris ac dedolatis lapidibus aedificavit, non quidem nostro Gallicoque more, sed sicut antiquorum mororum ambitus magnis quadris extrui solet, ita a fundamentis ad summa usque fastigia quadris lapidibus opus explevit, cui geminos summo porticus adiciens opere adsimilavit. 344 On retrouve le même sens à propos de saint Benoît dans Grégoire le Grand, Dialogues, II, 12 (éd. A. de Vogüé et P. Antin, t. 2, p. 176) : « l’esprit de prophétie » (prophetiae spiritu) lui permet non seulement de prédire l’avenir (ventura praedicare) mais aussi de révéler des faits éloignés dans l’espace (prasesentibus abstentia nuntiare). Voir aussi Dialogues, II, 19, 2 où le récit de Grégoire le Grand assimile ce pouvoir à un don d’ubiquité. 345 C. 33 : Nemo iam beato pontifice mentire praesumeret, dum nihil ei quisque latere ambigeret.
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l’Épilogue sur la prospérité dont Cahors jouissait grâce à Didier (c. 53) et, en chapitre 54, sur les vases sacrés offerts par l’évêque à son Église. Il les avait déjà évoqués en chapitre 17, mais cette fois il cite les inscriptions que Didier y a fait graver. Nous ne connaissons pas d’autre hagiographe mérovingien qui se soit ainsi intéressé aux textes gravés sur des objets liturgiques : c’est à la fois très original et très habile. En effet, de cette façon, l’auteur termine par de brefs textes présentant un condensé des qualités du saint, comme par exemple : « La vie de Didier, c’est le Christ ! ». Il peut donc enchaîner logiquement avec l’exorde final à l’Église de Cahors qui commence par ces mots : « C’est donc à bon droit, Église de Cahors, que tu l’aimes d’un amour unique ». En relatant l’épiscopat de Didier, l’auteur a donc su mettre en valeur de manière originale, l’œuvre durable du saint qui, ayant trouvé une cité déchirée après l’assassinat de son prédécesseur – son propre frère –, a laissé à sa mort une cité chrétienne, solidement refondée, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel. Dans ce contexte, son insistance sur « les pierres carrées et polies à la manière des Anciens » utilisées par Didier, n’est peut-être pas seulement une façon de vanter la beauté des nouvelles constructions par référence à un passé idéalisé : ce pourrait être aussi une façon de faire comprendre que la cité terrestre rebâtie par Didier est la métaphore de la cité céleste, dont le Christ est la pierre angulaire346 et vers laquelle le saint a su guider son troupeau. Dans cette démonstration, construite de manière rigoureuse, les trois uniques faits surnaturels retenus par l’auteur (avant les miracles post mortem) suivent une progression remarquable qui scande la marche de Didier vers la sainteté et l’union parfaite avec sa cité. Face au premier événement surnaturel (la voix sortant du Lot), l’évêque est impuissant, mais il comprend l’avertissement. Les deux prodiges suivants, eux, montrent clairement sa sainteté et les bénéfices qu’en tire la cité de Cahors : d’abord sur le plan matériel (prospérité miraculeuse), ensuite sur le plan spirituel (recul du péché). Parvenu à un tel sommet, ayant désormais achevé son œuvre, Didier est prêt à quitter ce monde, pour continuer, du haut du ciel, à protéger son Église.
4. La mort de Didier et la naissance de son culte a. La mort de Didier Le récit de la mort du saint, de son cortège funéraire, de son inhumation et des premiers miracles sur son tombeau occupe la troisième partie de la 346
Mt 21, 42 ; Actes, 4, 10 ; 1 Pierre, 2, 4 ; cf. Isaïe 28, 16 ; Psaumes 118, 22.
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Vita. Comme dans la première partie, on retrouve des repères chronologiques et géographiques précis. Tombé malade en « territoire albigeois », Didier « rendit son dernier souffle » dans la villa de Uuistreling le 17 des calendes de décembre (15 novembre), la 17e année du règne de Sigebert (655), 26e année de son épiscopat. Il meurt donc à 66 ans, âge élevé pour l’époque347. Contrairement à beaucoup de saints, il n’a pas eu le privilège de connaître à l’avance le jour de sa mort, mais ce n’est pas étonnant puisque le premier prodige décrit par l’auteur en chapitres 18-19 avait justement eu pour but de lui rappeler que « la sentence de mort est fixée d’avance pour chacun et ne peut en aucun cas être prévue ». C’est d’ailleurs pourquoi Didier avait alors entrepris la construction d’un monastère dans lequel il avait préparé son tombeau. C’est sans doute dans le même état d’esprit qu’il avait rédigé son testament (c. 2930), même si l’auteur ne le précise pas. Il était ainsi prêt à affronter la mort. Celle-ci le surprend, non pas dans une activité pastorale, mais alors qu’il visitait en Albigeois, accompagné d’une « noble suite », les domaines dont il avait hérité de son père (c. 35). L’auteur suit alors la trame classique des récits de mort sainte très bien analysés par Ghyslaine Saugon348. Tout d’abord, la mort n’est pas un drame mais la récompense accordée au saint par le Seigneur : l’idée que les saints vont directement auprès de Dieu sans attendre le Jugement dernier est en effet désormais tout à fait entrée dans les esprits. Le saint n’est cependant pas pris au dépourvu : sa mort n’est pas brutale mais annoncée par une fièvre qui l’affaiblit et le pousse à s’aliter à Uuistreling349, dans une villa dépendant du monastère de Saint-Amans, « son monastère ». Là, comme le relate l’auteur en un style élevé inspiré de saint Jérôme, la maladie transforme peu à peu son corps qui, jusque là « plein de dignité », commence à se flétrir et à pâlir350. L’issue fatale devient évidente. Ce sursis permet à Didier de consoler et d’exhorter son entourage selon la tradition antique des ultima verba – la mort du saint est presque toujours publique. On notera que, s’il évoque discrètement les « pieuses exhortations » du mourant, l’auteur se garde de toute emphase et ne lui prête pas de grand sermon final comme on en trouve dans tant de récits hagiographiques, car il renonce ainsi à développer Comme Éloi, Amand et d’autres évêques de la même génération, Didier a vécu beaucoup plus longtemps que les souverains de son temps, M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 93. 348 G. Ferrari-Saugon, Les chrétiens face à la mort en Gaule dans l’Antiquité tardive d’après les sources littéraires et épigraphiques antérieures au viie siècle, thèse Université de Paris XII, 2001, p. 196-307. 349 Peut-être Guitalens, cne Guitalens-L’Albarède, c. Plaine de l’Agoût, Tarn, voir note 246 de la Traduction. 350 Jérôme, Lettres, 60, 13 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 102). Jérôme précise que la « dignité du corps » reflète « la beauté de l’âme ». 347
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à cette occasion un enseignement moral. Ce sursis permet aussi à Didier de donner à l’assistance un dernier exemple par la façon dont il affronte la mort « virilement » (in ipsa quoque morte viriliter se agebat), adverbe qui contribue à faire de Didier le « dernier des Romains ». Ainsi, il édifie et fortifie la foi des assistants351 et meurt après « une dernière prière au Seigneur ». L’auteur continue ensuite à suivre la trame classique des récits hagiographiques mais en passant rapidement sur la préparation du corps, « apprêté de manière très digne et déposé sur un brancard », simplement recouvert de voiles – les velamina mentionnés plus loin – comme c’est la coutume à l’époque, et non pas disposé dans un cercueil. Il s’étend en revanche davantage, dans un style plus rustique, sur le retour du saint vers sa cité en un cortège qui rassemble des foules de plus en plus nombreuses venues rendre à l’évêque « les honneurs funèbres ». Dès que le cortège franchit la frontière qui marque le retour de l’évêque dans son diocèse, l’itinéraire se précise, le récit devient plus détaillé et le style plus vivant. C’est alors que se produit un événement curieux, dont les participants ne comprennent pas tout de suite la signification : ils sont en effet agacés par les hurlements d’une femme possédée « du démon » qui crie sans cesse le nom de Didier. En fait, elle seule, dans son délire, manifeste ainsi sa confiance en Didier et c’est pourquoi la foule, « à sa grande stupeur », finit par « l’admirer ». L’auteur donne bientôt des indices pour comprendre ce qui se joue : d’abord, il précise le nom du lieu où arrive le cortège, Milliaco, où le corps de l’évêque est déposé352. Surtout, son vocabulaire change : le corps de Didier n’est plus présenté comme « flétri » mais comme « très précieux » (c. 36) ou « précieux » (c. 37) car, depuis sa mort, l’évêque a obtenu sa « récompense » et se trouve désormais auprès de Dieu. Même si l’auteur ne le dit pas explicitement, il est clair que ce corps possède désormais des pouvoirs exceptionnels. La foule ne tarde pas à en avoir confirmation quand la femme possédée du diable est guérie après avoir simplement touché les voiles qui recouvraient le brancard et donc le corps saint353. Didier, Pour cette fonction « sociale » de la mort, G. Ferrari-Saugon, Les chrétiens face à la mort en Gaule, p. 211, renvoie à M. Lauwers, « La mort et le corps des saints dans les Vitae du Haut Moyen Âge », Le Moyen Âge, t. 94 (1988), p. 50. 352 Il s’agit de Saint-Pierre de Milhac, non loin de la frontière avec l’Albigeois, à trois kilomètres au nord de Caussade, sur l’itinéraire le plus logique. Venant de Uuistrilingus, le convoi avait dû franchir l’Aveyron : « Entre les deux rivières, le chemin ancien est encore bien visible, dans la vallée de la Vère d’abord, puis sur une ligne de crête qui évite les gorges trop sinueuses de l’Aveyron », M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (III), Revue internationale d’onomastique, t. 9 (1957), p. 18. 353 De nombreuses vies de saints relatent des guérisons miraculeuses sur le trajet du cortège funèbre. Souvent le malade est placé sous le brancard : voir par exemple la Vie de saint Maxime de Riez, 19 (éd. S. Gennaro, Catania, 1966, p. 116), ou la Vie de saint Nizier, relatée par Grégoire de Tours, Liber vitae patrum, VIII, 5 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I,/2, p. 245). 351
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qui ne s’était jamais montré thaumaturge de son vivant, le devient donc dès sa mort. « Ceux qui étaient présents, transportés d’admiration, glorifièrent la grâce du Christ et les mérites de Didier ». Après avoir mentionné les étapes du retour par Atiago et Quintiago, deux lieux récemment identifiés par Florent Hautefeuille354, c’est avec plus de hauteur de style que l’auteur évoque l’arrivée à Cahors. Comme tant d’autres, il met en scène l’accueil de la cité tout entière, quasiment en corps constitués, clergé et abbés en tête. Tous, éplorés, interpellent leur « bon pasteur ». Les larmes font partie des honneurs dus aux morts355, mais dans le cas d’un saint, elles sont d’autant plus de rigueur que chacun se sent abandonné et s’inquiète de l’avenir : « À qui nous abandonnes-tu ? » crie la foule356. La nouvelle de la guérison de la possédée ne s’est sans doute pas encore répandue et la population n’a pas encore compris que Didier serait toujours là pour la protéger grâce à ses miracles, comme le souligne l’auteur en chapitre 38, après avoir relaté brièvement l’ensevelissement du saint dans l’église de son monastère.
b. La naissance et le développement du culte Les miracles357 accomplis après la mort de Didier358 témoignent de la naissance et du développement d’un culte sur son tombeau. Les deux premiers, probablement rédigés par l’auteur de la Vita à la fin du viie siècle, visent simplement à confirmer la sainteté du héros et à punir ceux qui ont osé le dénigrer dès les lendemains de sa mort. Les Cadurciens ne semblent pas avoir tout de suite compris l’enseignement de la guérison de la possédée lors de l’inhumation de Didier. Tout change « quelque temps plus tard » quand, dans une vision359, une aveugle reçoit l’ordre de se rendre au tombeau de Didier pour obtenir la guérison par l’intercession du saint (c. 41 : confessore intercedente). L’efficacité de sa démarche enclenche la multiplication des demandes et des Ventaillac, cne Pern, c. Marches du Sud-Quercy, Lot ; Aussac, cne Castelnau-Montratier, c. Marches du Sud-Quercy, Lot. 355 Voir par exemple Sidoine Apollinaire à propos de Claudien Mamert, Epistolae, IV, 11 (éd. et trad. A. Loyen, Lettres, t. 2, Paris, 1970, p. 138) : « J’étais absent lors de ses funérailles, mais je n’ai pas pour autant perdu entièrement l’occasion si désirée de pleurer ». 356 Voir en particulier le récit des funérailles de Martin (Sulpice Sévère, Troisième Lettre à Bassula, Vita sancti Martini, 11, 3 [éd. J. Fontaine, Vie de saint Martin, t. 1, Paris, 1970, p. 343-344]), celles de sainte Radegonde par Baudonivie (Vita Radegundis, II, 21 [éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. II, p. 392]) ou celles de saint Éloi par saint Ouen (Vita Eligii, II, 38 [ed. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 722-724]). 357 Le terme employé est en général miraculum (c. 38, 42, 43, 47, 51), mais on trouve aussi magnalium (c. 48) et signum (c. 50), voire miraculorum signum (c. 38). 358 Voir supra, p. 39-41 la discussion sur leur datation. 359 Plus tard, c’est aussi une vision qui pousse Februndus à se faire porter au tombeau du saint. 354
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guérisons rapportées en chapitres 41-52. Ces guérisons ont lieu devant le tombeau du saint (sepulchrum : nombreuses occurrences), à sa memoria (c. 43, 48, 49, 51), située dans sa basilique (basilica : c. 41). Le détail du récit permet de voir une évolution des rites thaumaturgiques. La prière Bien sûr, le malade doit avant tout prier : l’hagiographe le précise seulement cinq fois (c. 40, 44, 47, 51, 52) car cela va de soi. L’oratio, parfois faite au cours d’une courte veille (c. 41), a lieu sur le « tombeau du bienheureux Didier » (ad sepulcrum beati Desiderii), dans la « basilique du saint homme » (ad basilicam beati viri), expression qui ne figure pas dans la Vita proprement dite et qui montre que le patronage de Didier a supplanté celui de saint Amans. Le c. 44 précise que la prière se faisait « à genoux, comme il convenait » (sicut oportebat innixius). Plusieurs passages soulignent le rôle de Didier dans les guérisons. Ainsi, en c. 48, le malade demande au saint de le prendre sous sa protection, de le « patronner » (patrocinari), donc d’être son intercesseur auprès de Dieu qui, seul, a le pouvoir de le guérir (Domino operante). Ainsi, en c. 41, une aveugle retrouve la lumière « par l’intercession du confesseur et la miséricorde éternellement généreuse du Christ » (confessore intercedente et eterna Christi pietate largiente). De même, en c. 46, le petit Mummolenus est guéri « à la prière du confesseur et par la grâce généreuse du Christ » (confessore orante, Christi gratia largiente) et en c. 49, un jeune garçon retrouve la santé « par [l’intermédiaire] du confesseur et la grâce abondante de l’Esprit » (confessore et spiritus gratia largiente). Ceux qui ne sont pas capables de se déplacer seuls – impotents ou jeunes enfants – sont portés par leurs proches jusqu’au tombeau (c. 40, 44, 46, 51). Pour une aveugle et deux tout petits, le texte précise qu’ils sont « présentés » (oblatus/a), sous-entendu « au saint » (c. 41, 46, 51) et peut-être confiés aux moines. En effet, en c. 46, le texte précise que Mummolenus, une fois guéri, « est rendu à ses parents » (parentibus… redditus est). Pour obtenir la guérison, il faut que les malades soient le plus près possible de Didier ; d’où l’emploi du verbe projicere : les malades sont « poussés devant le tombeau » (c. 40 : quam in manibus ante sepulcrum proicientes ; c. 46 : ante sepulcrum antistitis projectus ; c. 51 : projectum ante sepulcrum). Le texte ne le précise pas mais il s’agit de capter au mieux la virtus qui émane du corps saint à travers la pierre du tombeau. Le remède du bâton lavé De façon plus originale, en chapitres 42, 43-45, 47-49, les malades sont guéris grâce au bâton du saint (cambutta) suspendu à la tête de son tombeau,
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dans sa memoria (c. 43) : « Voici qu’un jour ce bâton, devenu subitement humide, commença à suinter en abondance », raconte l’hagiographe, ajoutant qu’à partir de ce jour, « chaque fois que des malades viennent, le bâton, humecté d’eau et légèrement lavé est donné aux mal-portants » (c. 42). On obtient ainsi en effet une « eau qui, en coulant, distribue là-bas généreusement la santé » (c. 43 : liquor qui illic gratia sanitatis largitur) et l’on bénéficie du « remède de saint Didier » (c. 43 : medellam beati Desiderii), le « remède du bâton lavé » (c. 45 : medicina loti bacterii) ; cela fait un merveilleux « remède salutaire » (c. 44 : medicina petita, salus impetrata), une benedictio (c. 48-49). Ce dernier terme n’apparaît que deux fois dans le récit des miracula mais il est bien attesté dans la littérature hagiographique, en particulier, déjà chez Sulpice Sévère360 mais surtout chez Grégoire de Tours, pour désigner quelque chose qui a été en contact avec un objet touchant ou ayant touché un corps saint. Par exemple, de la poussière grattée sur un tombeau saint qui, mélangée à de l’eau, fait un merveilleux remède361, ou une étoffe ayant servi à envelopper la croix du Christ362, les cordes dont les pèlerins entouraient la colonne de la flagellation363 ou encore les clés de la grille du tombeau de saint Pierre364. À Tours, pendant une épidémie, beaucoup de malades sont guéris grâce à une « benedictio de la sainte basilique » de Martin, telle la femme du comte Eborin qui a demandé « une benedictio du saint tombeau ». On lui envoie de l’eau qui a servi à laver ce dernier, elle en est ointe et elle guérit365. La benedictio apparaît donc comme une relique de contact « au second degré ». C’est bien le cas à Cahors : le bâton du saint est rempli de la virtus de Didier qui le tenait en main de son vivant, si bien que l’eau avec lequel on le lave s’imprègne à son tour de cette virtus, de cette puissance miraculeuse, et Grégoire le Grand, Dialogues, II, 8, 9 (éd. A. de Vogüé et P. Antin, t. 2, p. 165-167) : à Clion, une religieuse guérit un énergumène avec un peu de la paille du lit de Martin qu’elle a emportée pro benedictione. 361 Par exemple, Grégoire de Tours, Liber in gloria confessorum, 52 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 329) : après avoir évoqué la poussière du tombeau de l’évêque Thaumastus, grattée par les malades, Grégoire ajoute que « cette benedictio est recherchée avec tant de zèle qu’il y a déjà un endroit où le sarcophage est perforé ». Voir aussi Grégoire de Tours, Libri I-IV de virtutibus sancti Martini episcopi, III (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 139-140). 362 Grégoire de Tours, Liber in gloria martyrum, 5 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, Hanovre, 1885, t. I/2, p. 41). 363 Ibid., 7, p. 42-43. 364 Ibid., 27, p. 53-54 : les pèlerins font faire de nouvelles clés, les échangent contre celles qui s’y trouvent et les emportent pro benedictione. 365 Grégoire de Tours, Libri I-IV de virtutibus sancti Martini episcopi, III, 34 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, Hanovre, 1885, p. 190). 360
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mérite donc bien d’être appelée benedictio. C’est pourquoi nous avons traduit le mot par « eau sainte »366. Ce liquide peut soigner à distance l’évêque de Rodez Aregius367 : transportée dans une « fiole » (vascula), c’est cette boisson, miraculeusement transformée en vin, dont se délecte et se réconforte Aregius (c. 43). Arwanus qui a douté de l’origine de la guérison de son frère est puni par une fièvre violente, jusqu’à ce qu’il se repente et guérisse grâce au précieux liquide (ibid.). Le remède du bâton lavé est également apporté au prêtre Dracolenus dans la villa de Cascarno (c. 45) et à un jeune enfant d’un monastère de moniales à Cahors (c. 49). Il est difficile de reconstituer concrètement le déroulement de ce rite car les récits sont allusifs et parfois contradictoires. Le chapitre 42, racontant les origines du rite, donne l’impression que le bâton humide est directement donné au malade (baculum … datur), sans qu’il soit précisé ce que ce dernier en fait : se contente-t-il de le tenir en priant ? S’en frotte-t-il ? Le suce-t-il ? Le fait-il goutter au-dessus d’un récipient pour pouvoir boire le précieux liquide ? On ne sait. Les autres mentions montrent que les malades ne touchent pas le bâton mais reçoivent l’eau qui en a coulé. S’agit-il d’une évolution ou le texte de c. 42 est-il elliptique ? Il ne faut pas oublier que ce chapitre vise à justifier l’habitude qui a été prise de laver le bâton du saint pour recueillir une eau dont on attend des miracles et non pas à décrire concrètement le rite. Dans les chapitres suivants, le récit met au contraire l’accent sur l’« eau salutaire » utilisée sur place ou emportée pour guérir un malade indéplaçable. En chapitre 43, le messager de l’évêque de Rodez demande ainsi que le bâton soit lavé et emporte le liquide recueilli dans une fiole. Même chose en chapitres 45 et 49. Le c. 47 dit seulement que le malade a « reçu le liquide » (accepto liquore). Le chapitre 51 insiste sur l’onction d’huile qu’a reçue un enfant (voir infra) mais conclut qu’il s’en alla et fut guéri, après avoir « reçu l’onction et la boisson » (perunctus potatusque). Le chapitre 48 est plus détaillé et semble rendre compte, de façon très ramassée, des différentes étapes du rite mais son interprétation est délicate. En s’appuyant sur Grégoire de Tours, Brigitte Beaujard « distingue la relique de la simple eulogie obtenue pro benedictione » et elle range dans cette dernière catégorie tous les exemples cités supra. Mais elle conclut que « le partage entre eulogies et reliques ne tient pas à la nature de l’objet, mais au pouvoir miraculeux » (Le culte des saints en Gaule. Les premiers temps, d’Hilaire de Poitiers à la fin du vie siècle, Paris, 2000, p. 280-281). Or, à Cahors, l’eau qui coule sur le bâton, est indéniablement présentée comme ayant un pouvoir miraculeux. 367 Aregius est le frère d’un certain Awarnus. Ce dernier est-il l’évêque de Cahors attesté de 783 au 29 mai 821 ? Voir J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, Paris, 1989, p. 55-56 et 77. Si les deux hommes sont frères, Awarnus ne devait pas encore être évêque lors de la guérison d’Aregius. 366
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Tout d’abord, le malade se rend auprès du gardien (martirarius), commence sa prière puis demande à recevoir le « liquide salutaire » et, vraisemblablement, comme dans les autres récits, prie avec confiance, étape que l’auteur a ici sautée. Ensuite le texte est ambigu : benedictione exposita accepit. Que signifie benedictione exposita ? Si exposita est adjectif, on comprend que la benedictio a été « ouverte » et qu’il s’agit donc de « l’objet sacré » contenant le précieux liquide. Mais dans tous les autres miracula, l’accent est mis sur l’eau et non sur le récipient qui la contient368. Nous préférons donc voir dans exposita le participe passé du verbe expono, formant avec benedictione un ablatif absolu. L’eau bénie aurait donc « été mise en vue », « manifestée », « révélée », voire « déposée »369 par le lavage du bâton du saint. L’expression benedictione exposita résumerait donc le rite du lavage du bâton par le gardien du tombeau. Ensuite, le texte semble à première vue redondant : le malade « reçut » (accepit) la benedictio et, « la recevant » (accipiens), « il la prit » (sumpsit), c’est-à-dire « il la but ». En fait, la répétition accepit/accipiens n’est pas un effet de style mais rend vraisemblablement compte d’un échange de paroles rituelles entre le martirarius et le malade. Après cet échange, le malade boit l’eau miraculeuse et demande à Didier son patronage pour obtenir la guérison (patrocinare sibi antistitem poposcit). Le malade prie donc avant et après avoir reçu la benedictio. Il semble donc que le bâton soit lavé pour chaque fidèle qui le demande et que l’eau sainte issue de ce rite soit immédiatement utilisée, sans constitution d’une réserve. Au contraire, l’huile qui sert à l’onction de deux malades est directement disponible. L’onction d’huile Lors des derniers miracles (c. 51-52) un nouveau rite, on l’a vu, apparaît : on enduit le malade « de cette huile qui se trouve devant le tombeau du saint » (ex eo oleo qui coram sancti sepulcro habetur), provenant donc d’une réserve placée devant le sépulcre, selon Keith Bate370. Le texte ne précise pas s’il s’agit de l’huile des lampes qui éclairent le tombeau, comme c’est très souvent le cas371. L’auteur n’évoque clairement le contenant qu’en chapitre 43, mais le cas est très particulier puisqu’il s’agit d’un miracle supplémentaire : quand on ouvre la vascula qui a servi à transporter l’eau du bâton lavé pour l’évêque de Rodez, on découvre qu’elle s’est transformée en vin. 369 Sens donné par le Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens d’A. Blaise, Turnhout, 1954, s.v. 370 A. K. Bate, op. cit., p. 172. 371 Br. Beaujard, Le culte des saints en Gaule. Les premiers temps, d’Hilaire de Poitiers à la fin du vie siècle, Paris, 2000, p. 286 et n. 9 avec de nombreuses références à Grégoire de Tours, Libri I-IV de virtutibus sancti Martini episcopi. 368
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Les deux rites semblent cependant coexister puisque, en chapitre 51, le texte précise qu le malade, « ayant reçu l’onction et la boisson, s’en alla et fut guéri » (perunctus potatusque abiit et sanatus est). Les offrandes Trois fois, le texte précise que le malade offre des présents au saint pour obtenir la guérison : en chapitre 43, le messager de l’évêque de Rodez Aregius « offre les présents » (munera intulit) confiés par son maître pour obtenir le liquide guérisseur, donc avant toute guérison : c’est donc un don pro voto ; tandis qu’en chapitre 51, les parents d’Hildulfus, « s’engagent spontanément à des offrandes » (vota gratuita spondunt) puis, après la guérison de leur fils, apportent « les présents promis » (munera votiva deferens) : cette fois il s’agit d’un don ex voto. Le cas de la femme qui était « roulée en boule » depuis qu’elle avait dénigré Didier (c. 40), est plus complexe car les présents qu’elle promet au saint et qu’elle apporte en se rendant à son tombeau visent à expier la faute qu’elle a commise. L’auteur emploie alors le vocabulaire antique du sacrifice d’expiation auquel doit se livrer celui qui s’est montré impie : votorum sponsio cum piaculi372 satisfaccione… cum satisfaccione piaminum. L’encadrement du culte Le détail des récits montre l’encadrement progressif du culte par les moines du monastère. Dès le chapitre 40, donc sans doute peu après la mort du saint, est mentionné « le jour anniversaire de sa déposition » (diem… annualem deposicionis ejus) et donc, implicitement, la célébration de sa fête. De même, le chapitre 46, après avoir évoqué « le jour anniversaire de la déposition de saint Didier » (dies depositionis beati Desiderii), précise qu’un miracle eut lieu « la nuit où l’on célébrait l’office des vigiles » (nocte qua laus vigiliarum caelebratur). D’autre part, l’afflux de pèlerins nécessite une surveillance, prise en charge par les moines : un gardien est ainsi mentionné cinq fois. Il est appelé martirarius (c. 48), custos (c. 49, 51) ; en chapitre 47, le mot est au pluriel (custodum… oratione), tandis qu’en chapitre 52, le texte mentionne « le prêtre auquel cette fonction avait été confiée » (sacerdos cui id officium commissum erat). Cet homme, non seulement surveille les lieux mais il aide aussi les malades et leurs proches : d’une part, il les guide dans leurs prières (c. 52) et prie avec eux (c. 47, 51, 52) ; c’est pourquoi le malade se 372 Le mot piaculum a le double sens contradictoire d’« offense » et de « réparation » : Servius, Commentaire sur l’Énéide de Virgile, 4, 646 ; Aulu-Gelle, Les nuits antiques, 10, 45 ; 4, 6-7 ; Caton, De l’agriculture, 139-140 ; Cicéron, Traité des Lois, 2, 22 et 57.
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recommande à ses prières (c. 47). D’autre part, il effectue les rites nécessaires à la guérison : rite du bâton lavé et onction d’huile. C’est ainsi lui qui, après avoir observé le malade, enduit son corps aux endroits atteints : le corps entier du petit Hidulfus (c. 51) ou le visage boursouflé d’un adolescent (c. 52). Enfin, c’est très probablement lui qui recueille les offrandes. En outre, peut-être le gardien est-il aussi chargé de tenir un registre sur lequel étaient consignés les miracles, comme pourrait le suggérer l’expression que actus tulit (c. 43). Mais comme cette expression est employée à propos du miracle dont bénéficia l’évêque de Rodez Aregius, elle pourrait plutôt désigner des Actus pontificum Ruthenorum aujourd’hui disparus373. L’efficacité du saint Les miracles de guérison ont tous lieu sur le tombeau du saint, sauf trois qui se déroulent à distance mais avec le « remède du bâton lavé » recueilli à Cahors : l’un à Rodez (c. 43), l’autre « dans la villa de Cascarno » (c. 45), le troisième dans un monastère de Cahors (c. 49). Le liquide garde donc sa puissance miraculeuse pendant un certain temps. La guérison suit parfois immédiatement les prières (c. 40-41) ou l’absorption du « liquide salutaire » quand il est apporté à domicile au malade qui n’a pu se déplacer (c. 43, 45, 49). Mais en chapitre 44, l’abbé Februndus, plongé dans la prière, est guéri « après un délai inhabituellement [court] » (post non congruum uero spatium), ce qui sous-entend que, en général, la guérison n’est pas immédiate, soit qu’il faille prier très longuement, soit qu’un certain laps de temps sépare la prière ou l’absorption de l’eau sacrée de la guérison. Mais il est impossible d’apprécier la durée de ce laps de temps. Ainsi, en chapitre 46, le petit Mummolenus est guéri « peu après » (non longo intervallo). En chapitre 48, le malade, après avoir bu le remède du bâton lavé, s’en va confiant et guérit ensuite rapidement (celeri prouectu sanatus est). De même, en chapitre 51, le petit Hidulfus, « ayant reçu l’onction et la boisson, s’en alla et fut guéri ». Le texte du chapitre 47 suggère que, en attendant la guérison, le malade peut séjourner dans la basilique ou, au moins dans l’enceinte du monastère. En effet, un adolescent commence par prier, puis reçoit le liquide et se recommande à la prière des gardiens ; « peu après » (necnon post longum spacium), « l’infection est en partie chassée » (contagionis parte depulsa), puis elle est « totalement chassée » ( funditus morbo expulso) et il peut retourner chez lui. Sur ce type de document, voir M. Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37), et, par exemple, les Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, éd. G. Busson et A. Ledru, Le Mans, 1901.
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Le miracle de punition relaté en chapitre 50 pourrait être l’indice d’une tentative d’implantation du culte en dehors de la ville, sur le domaine de Pompegiacum qui avait appartenu au saint : alors que les habitants du lieu s’efforçaient de protéger la chambre où Didier aimait reposer, un clerc nommé Bertus aurait eu l’audace d’installer son cheval sur le lit même du saint. Le lendemain, le cheval était mort et « en cet endroit même, un arbuste poussa jusqu’au sommet des murs, dont on dit qu’il apporte un soulagement aux malades ». On ne sait pas précisément où se trouvait Pompegiacum et, si un culte naquit à cet endroit, son succès ne fut pas durable car on n’en a aucune trace.
c. La destinée du culte374 Excepté l’évêque de Rodez Aregius (c. 43), les miracles mentionnés ne concernent que des Quercinois. Malgré la ferveur de l’hagiographe et les miracles survenus après la mort du saint375 qui se prolongent, on l’a vu, à l’époque carolingienne, le culte du saint évêque n’a pas bénéficié d’un très large succès. L’anniversaire de sa mort était célébré à Moissac, puisque le légendier du xie siècle comporte l’indication de huit lectiones. Il l’était aussi dans sa cité à Cahors puisque Dominicy au xviie déclare au fol. 298 de son Histoire du Quercy376 qu’il a été aidé dans son édition « par un vieil exemplaire contenant partie des leçons qu’on récitait dans le diocèse le jour de la fête de ce saint ». Après le transfert de son corps au chevet de la cathédrale, dans la chapelle d’axe, en 1526, « l’évêque de Cahors accorda quarante jours d’indulgence à ceux qui iraient prier devant le tombeau » et « tourner autour »377. La liste des paroisses qui ont pris le nom de Didier (Dierii/Géry selon l’usage du pays) à Cahors et dans le Quercy est très courte. Le monastère Saint-Amans où Didier avait élu sa sépulture prit son nom. Après sa destruction au ixe siècle et sa restauration aux xe-xiiie siècles, l’église fut transformée Sur la destinée du culte, nous renvoyons aux futures publications de Fernand Peloux. À titre de comparaison, voir P.-A. Février, « Les saints évêques de la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen Âge dans le Sud-Est de la Gaule (Genèse et développement de leur culte) », Le peuple des saints. Croyances et dévotions en Provence et Comtat Venaissin à la fin du Moyen Âge, Avignon, 1987 (Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 7e série, 6), p. 17-40. 375 En particulier les deux miracles faisant partie de la Vita. 376 Antoine Dominicy, Histoire du Quercy : voir n. 75. 377 L. d’Alauzier, « Le sarcophage de saint Didier », Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 88 (1967), p. 197-210, ici p. 198. Il ne reste que des débris de ce sarcophage. C’est d’abord la frise d’une partie du couvercle conservée au Musée de Cahors avec la représentation du lavement des mains de Pilate et le baiser de Judas qui offrent des parentés avec les ateliers de sculpture d’Arles. La cuve serait au musée de Saint- Pétersbourg, Carte archéologique de la Gaule 46: Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 142. 374
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en paroisse378. Une autre église Saint-Géry existait à Cahors qui remontait au moins au xiiie siècle puisque les Dominicains s’y installèrent provisoirement en 1226 à leur arrivée dans la ville379. En dehors de la cité, les pouillés ne citent que deux autres églises : l’église paroissiale Saint-Géry, sur la rive droite du Lot380, et l’église Saint-Géry dans la commune de Lascabanes381. Dans le diocèse voisin d’Albi, on ne compte qu’une seule mention : Saint-Géry (cne et c. Rabastens, Tarn) dans le Pouillé de 1516 (« le recteur de Saint-Juéry »)382. La Vie de saint Didier est un document exceptionnel dans le corpus hagiographique du haut Moyen Âge. Mais le culte du saint, même dans sa région d’origine, n’a pas vraiment bénéficié du talent de l’hagiographe. L’historien lui y trouve son compte.
378 Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 64. 379 Pouillés de la province de Bourges. Recueil commencé par M. Prou, publié sous la dir. de Ch.-E. Perrin par J. de Font-Réaulx, t. 1, Paris, 1961, p. 97. 380 C. Causses-et-Vallées, Lot (Pouillé du diocèse de Cahors, éd. A. Longnon, Paris, 1874, p. 100). Cette église aurait aussi porté le nom de Sanctus Georgius dans des actes de 1226 et 1291 ; L. d’Alauzier, « Trois noms de lieux du Quercy : Saint-Géry, Saint-Chels et la Gleye d’Eou », Revue internationale d’onomastique, t. 9 (1957), p. 62-63. 381 Pouillés de la province de Bourges. Recueil commencé par M. Prou, publié sous la dir. de Ch.-E. Perrin par J. de Font-Réaulx, t. 1, Paris, 1961, p. 176. 382 Ibid., p. 381.
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IV. L’intérêt historique de la Vita sancti Desiderii 1. L’État, la cité et l’évêque Outre les éléments qui viennent d’être présentés dans la construction de la cité chrétienne, la Vita Desiderii comporte des renseignements nombreux concernant les institutions mérovingiennes, la société quercynoise et surtout la vie religieuse. Sur les institutions « centrales » notre exposé sera bref puisque l’essentiel a été dit dans la présentation de la première carrière de Didier au Palais. Pour aller plus loin, il faudrait examiner en détail sa correspondance, ce qui nous éloignerait de notre sujet. Tout au plus peut-on relever ici que l’horizon de l’évêque dans la première moitié du viie siècle ne se limite pas à Cahors et aux diocèses voisins mais s’étend à tout le regnum Francorum383 par les relations qu’il continue d’entretenir avec les souverains, les maires du Palais et les évêques du nord de la Francia, sans perdre la conscience d’une appartenance à l’Empire romain384. Sur le plan local, l’action « civile » de Didier s’exerce dans le cadre de la cité dont les limites parfaitement connues sont aussi celles du diocèse. Elle a été fort bien analysée dans l’article de Jean Durliat et il suffira ici de reprendre les principales conclusions de cet auteur en veillant cependant à ne pas nous écarter du texte de la Vita385. Pour Jean Durliat, les fonctions civiles exercées par Didier n’ont pas été arrachées à une monarchie déliquescente mais confiées volontairement par les souverains eux-mêmes à des évêques choisis parmi les hauts dignitaires du Palais dont ils ont pu éprouver la compétence et la fidélité – c’est le cas de Didier. Aussi l’évêque a-t-il reçu l’héritage des anciennes curies municipales La conscience de l’unité du royaume est tout à fait claire dans l’esprit du roi Dagobert. « C’est ainsi qu’il fut fait évêque la huitième année du règne de Dagobert, au temps du très pieux empereur Héraclius » (c. 15) ; voir aussi chapitre 26. 385 J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 237-254. Cet auteur fonde ses analyses non seulement sur la Vita mais aussi sur la correspondance et toutes les sources qui peuvent éclairer son sujet. N’oublions pas non plus que dans ce premier grand article, Jean Durliat défend avec vigueur la thèse du maintien des institutions publiques dans la Gaule mérovingienne. L’interprétation de Michel Rouche est différente. Pour lui, c’est à l’Église de Cahors que le colon de Russac paie une redevance foncière, puisque c’est Didier qui « lui fit remise des cent [mesures] qu’il aurait dû verser au fisc » (c. 24). 383
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du Bas-Empire dans la gestion « des travaux publics, [de] l’hospitalité et [de] la santé publique »386. Il contrôle également la circulation des biens et des personnes387, comme on peut le deviner dans l’épisode mystérieux de la traversée du Lot par un messager du comte. Les charges résultant des ces responsabilités sont financées, semble-t-il, sur les fonds publics qui ont été concédés par les souverains aux prélats, en l’occurrence à Didier. Encore faudrait-il mieux connaître le détail du financement des travaux publics (remparts) et ecclésiastiques, les rapports entre l’évêque et le comte. Sur ce point la Vita ne peut rien nous apprendre, le comte reste dans l’ombre388, le saint brille seul et l’hagiographe n’a que faire des distinctions public/privé, publics/ecclésiastiques et il met sur le même plan la restauration des remparts et la construction de la domus ecclesiae. C’est l’évêque aussi qui, selon Jean Durliat, « est responsable dans sa cité de l’impôt »389. Il se fonde principalement sur l’anecdote des cent amphores de vin que le colon de Russac aurait dû verser au fisc au titre de l’impôt de 10% sur les productions agricoles et dont l’évêque le dispense avec une générosité vraiment surprenante390 pour le perceptor qu’il devrait être391. Il est vrai qu’un hagiographe n’a pas à tenir compte des contraintes fiscales et ne s’appesantit guère sur les rapports sociaux. L’hagiographie n’a rien à voir, on s’en doute, avec la sociologie, encore moins avec la lutte des classes qui oppose, dans la Vita Ambrosii, la plebs aux senatores. On peut cependant tenter de faire un tableau de la société quercynoise en s’appuyant sur le vocabulaire que l’auteur utilise pour désigner les différents groupes sociaux.
2. L’évêque et la société Le terme général de civis n’apparaît que rarement sous la plume de notre auteur dans l’expression civis Christi employée comme synonyme de miles Christi (c. 2) et dans les chapitres 12, 13 et 14 relatifs à l’élévation de Didier à l’épiscopat. Ibid., p. 241. Ibid., p. 244-245. 388 Ibid., p. 253-254. 389 Ibid., p. 247. 390 Qu’un évêque assure de bonnes récoltes n’est cependant pas exceptionnel. G. Depeyrot (Richesse et société chez les Mérovingiens, Paris, 1994, p. 10) cite aussi la Vie de saint Maurille et l’exemple de saint Remi qui, selon Hincmar, aurait constitué de gros stocks de blé à Reims. 391 Vita, c. 24 et commentaire de Durliat (« Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 248-249), même si le volume de production (1000 amphores, soit 250 hl environ) pour un simple colon a de quoi étonner. Quant à la générosité fiscale de l’évêque, elle n’a guère de sens dans une année de très bonne récolte. 386 387
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L’annonce du mandement de Dagobert au chapitre 12 mentionne l’accord du « roi » et des « citoyens »… pour élever Didier à l’épiscopat »392. Au chapitre suivant (c. 13), le roi, dans ce mandement, mentionne « le consentement des abbés et des citoyens de Cahors » (civium abbatumque Cadurcorum consensus), la « demande des citoyens » (civium petitionem : deux fois), « la volonté des citoyens » (nostra civiumque voluntas). Cette idée de consensus civium est reprise au chapitre 15 : « l’acclamation des citoyens » (civium consona voce). Elle est utilisée dans la formule clero et populo (c. 13) qui n’a pas toujours une signification sociale précise. Les deux termes cives et populus ne sont pas synonymes, comme le montre au chapitre 12 la distinction opérée entre citoyens, évêques et l’ensemble du peuple (civibus et episcopis cunctoque populo)393. Populus est aussi utilisé, peut-être avec une acception condescendante pour désigner la foule qui accompagne Didier dans sa dernière demeure394. Plebs est, semble-t-il synonyme de populus : le mot a le sens de « peuple » confié à l’évêque395, comme on le voit au chapitre 27 : « Pourquoi m’attarder à dire quelque chose de plus ? L’Église avait désormais en lui un [homme] noble et insigne dont les paroles de vie se répandaient partout sur le peuple (in plebe verba vitae manantia) ». Peut-être le mot a-t-il encore le sens antique de plebs, de menu peuple, de « pauvres » puisque dans la suite de la phrase il est dit que Didier « distribuait largement l’aumône, se préparant les richesses futures, trésor qui ne lui ferait pas défaut aux cieux ». Parmi les qualités stéréotypées de l’évêque figure son attention aux pauperes : « il veilla avec le plus grand soin à secourir les pauvres, à visiter les malades, à consoler les faibles, à se réjouir avec ceux qui sont joyeux, à pleurer avec ceux qui versent des larmes, à se faire tout à tous pour les sauver tous »396. Dans son testament (c. 34), Didier, s’adressant à l’Église de Cahors, lui dit : « Je te confie tes pauvres, que j’ai toujours nourris avec un soin vigilant et un Mais on distingue cependant les citoyens des grands (c. 12) : « En effet, même si la proposition des citoyens avait déjà été faite auprès des évêques et des grands… » (suggestio civium ad praesules et principes…). 393 Notons aussi au chapitre 13 la première phrase du mandement de Dagobert ; Dagobertus, rex Francorum, episcopis et ducibus cunctoque populo Galliarum finibus constituto. Puis, toujours au c. 13 : adclamante laudem ipsius clero vel populo. Voir aussi au chapitre 21 : Clerus sane et populus et omne ejus contubernium in publico episcopum, domi patrem habebant. 394 C. 36 : exercitus copiosus et multa populi turba in obsequio funeris ; voir aussi au chapitre 37 : la foule qui sort de Cahors pour venir à la rencontre du cortège funèbre : acervatim populositas per diversos aggeres se fundens. 395 C. 13 : tales debemus procurare pastores, qui secundum Deum et, juxta apostolica dicta, plebes sibi ac nobis commissas debeant regere. 396 C. 15 : studuit summopere subvenire pauperibus … ut omnes faceret salvos. De même en chapitre 25 : pius pauperum sublevator. 392
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zèle assidu, et je prie qu’ils soient nourris par ta sainteté et la sollicitude de ton avoué et gouvernés toujours avec piété, de telle sorte qu’ils ne ressentent pas mon absence et n’aient à se plaindre d’avoir changé de pasteur ». Il était « le père des pauvres » (ibid.). Même si pauper ne désigne pas toujours, on le sait, les miséreux397, il est souvent employé avec cette acception comme on le voit dans ce passage qui montre que la générosité de Didier ne se limitait pas aux murs de la cité mais s’étendait aux campagnes : « Lui confiant très souvent son aumône, il passait par son office dans le cœur des pauvres. La plupart du temps, il remettait (au reclus Arnanus) des sacs si pleins de sous à distribuer qu’on pouvait à peine les prendre et les soulever. Il transmettait cet argent secrètement, à la seule connaissance de Dieu, comme s’il se constituait une sorte de pécule dans sa patrie, le Paradis »398. La Vita n’oppose pas explicitement les pauvres aux nobles ou aux grands (praesules). À vrai dire, la hiérarchie sociale est décrite avec beaucoup de nuances. L’ordre sénatorial n’est mentionné qu’une fois dans la Vita pour distinguer la senatrix romana Bobila, veuve du sénateur Severus399, parmi « bon nombre de nobles (nobiles) et gens de moindre condition (mediocres) » qui sont cependant assez aisés pour pouvoir eux aussi enrichir l’Église de leurs donations400 et dont il donne quelques noms. Bobila « dépensa des sommes importantes à donner tant des domaines et des villae que des ornements et des étoffes et mérita d’avoir sa sépulture dans le monastère du saint homme et dans la basilique même où il repose ». C’est dire que l’élite sociale est constituée de familles nobles qui possèdent une importante fortune foncière, mobilière et monétaire, comme Didier lui-même, vir illuster (c. 13), issu « de parents très honorables qui l’emportaient en noblesse sur toutes les autres familles des Gaules. » (c. 1), et formé dans sa jeunesse au Palais au milieu d’évêques, de ducs, de palatins (domestici) et de nobles401. À l’extrême fin de
Pauper peut qualifier un homme d’humble condition, par exemple le colon pauperrimus de Russac (c. 24) qui est censé produire 1000 amphores de vin (250 hl.). 398 C. 32. 399 C. 28. Bobila est veuve du sénateur Severus, dont le nom apparaît dans la liste des nobles qui ont donné des biens à l’Église de Cahors. Elle était elle-même la fille du sénateur Agilenus. 400 C. 28 : multos quidem nobiles, multos adtraxit mediocres per quos ecclesia constat ditata. M. Rouche (L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 331-332) a fort justement relevé que « l’hagiographe de Didier nous cite dix-neuf noms de généreux donateurs visiblement d’origine noble ». Il voit dans ces donations un itinéraire spirituel qui répond à l’appel au dépouillement et à la pauvreté dont on trouverait de nombreux exemples mais aussi le souci de consolider le temporel des églises cathédrales dont leurs familles avaient la légitime ambition d’occuper un jour le siège. 401 C. 5. 397
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sa vie, c’est entouré de sa « noble suite » (nobili suo comitatu) qu’il part visiter les campagnes albigeoises402. Il est manifestement le plus noble des nobles. Il dispose d’immenses richesses monétaires et mobilières qu’il consacre aussi à la thésaurisation pour l’embellissement de la maison de Dieu, comme on peut le voir au chapitre 17 : « Combien restent aujourd’hui de ses œuvres nombreuses, belles et étincelantes, il vaut mieux en juger par les yeux que les décrire par mes mots. Je ne pense pas qu’il soit facile pour ceux qui les regardent d’apprécier la beauté des calices due à la variété des pierres précieuses. Les calices resplendissent d’or et de gemmes, les vases en forme de tours (turres) se dressent, les couronnes brillent, les candélabres luisent, la rondeur des boules403 renvoie la lumière404, le chatoiement des couleurs d’or et d’argent étincelle… ». Ces richeses proviennent de la terre. Didier est sans doute le plus important propriétaire foncier dans les diocèses d’Albi et de Cahors. Le testament de l’évêque est un témoignage exceptionnel sur la richesse foncière de l’aristocratie gallo-romaine dans la Gaule méridionale. Il a déjà fait l’objet d’importantes études mais les historiens ne se sont pas assez intéressés à la répartition géographique détaillée de ses domaines.
3. La richesse d’un grand propriétaire Didier, tel qu’il apparaît dans la Vita n’est pas seulement un saint évêque. Il est aussi un aristocrate – nous avons vu ses origines – et un grand propriétaire foncier à la tête d’un patrimoine considérable dans le Quercy, l’Albigeois et le Toulousain405. Une fois devenu évêque, il l’administre comme tout propriétaire de son temps. C’est au cours d’une tournée d’inspection de ses domaines albigeois qu’il tombe malade et meurt dans la villa de Uuistrelingus : « Didier se prépare à visiter en territoire albigeois ce qui lui revient en propre de droit paternel. Parti avec sa noble suite… » (c. 35). C. 35. Que désigne ici la rotunditas pomorum ? Dans sa description des objets liturgiques de Saint-Riquier, Hariulf mentionne les poma guntfanonum VII, ex argento auroque parata, voir Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, s.v. et Hariulf, Chronique de l’abbaye Saint-Riquier, éd. F. Lot, Paris, 1894 (Collection des textes pour servir à l’étude et à l’enseignement de l’histoire), p. 85. 404 Il s’agit vraisemblablement de « chauffe-mains » ou « chaufferettes ». 405 Ces biens se trouvent aujourd’hui dans trois départements limitrophes ; Lot, Tarn, Tarnet-Garonne. Cette concentration géographique n’a rien d’exceptionnel. Les terres de Grégoire de Tours sont en Auvergne, celles d’Yrieix en Limousin, M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 328. 402 403
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Auparavant, il avait fait don de l’ensemble de ses biens fonciers à l’Église de Cahors, à un certain nombre de basiliques de Cahors, du Quercy et de l’Albigeois et à son propre monastère. Ces dons sont énumérés au chapitre 30 de la Vita, souvent présenté comme le testament de Didier. Les origines du patrimoine sont diverses et parfaitement évoquées au chapitre précédent : héritage de ses parents, dons, achats. Car Didier est d’abord un héritier. Nous ne savons rien des biens venus de sa mère, mais nous avons déjà noté que du côté paternel il descendait d’une grande famille au vaste patrimoine, spécialement dans la région d’Albi où son aïeul, le duc Didier, avait placé, selon Grégoire de Tours, le meilleur de sa fortune. Mais Didier n’a eu de cesse d’agrandir ce patrimoine par différents moyens pour l’offrir ensuite à l’Église. Il demande et obtient du roi un domaine du fisc dans la vallée du Célé qui est directement rattaché à l’Église (c. 29). Surtout, il reçoit des dons « qu’il attira par sa douceur et le zèle de sa bonté » (c. 29) : dons de nobles et d’illustres personnages dont une liste d’une vingtaine de noms est donnée au chapitre 28 avec exemples à l’appui : la « sénatrice romaine » Bobila qui donne directement quatre villae au monastère que Didier a fondé à Cahors et son père, « l’illustre » Agilenus, qui a fait don de trois villae que Didier lègue ensuite à ce même monastère. Enfin, il procède lui-même à des achats, comme cette villa de Pompegiacum, son lieu de prédilection, achetée « à de puissants personnages à prix fort » (c. 50). Au total, si l’on excepte les villae données précédemment par Bobila, Didier lègue aux églises, en plus d’une très grande et belle demeure à Albi, 90 biens fonciers dont l’écrasante majorité est qualifiée de villa406 ; dans huit cas seulement il est question de porcio407 et dans un seul de locus408. Praedium n’apparaît que rarement, mais dans d’autres parties du texte, pour « désigner le centre d’exploitation par opposition à la villa qui occupe le reste du territoire »409 : c’est ainsi qu’à Saint-Pierre de-Milhac (cne Caussade) où est exposé le corps de l’évêque, c’est praedium qui est utilisé. L’hagiographe évoque Même constatation dans un article à paraître de Florent Hautefeuille qui raisonne sur l’ensemble des 110 lieux mentionnés dans la Vita : « sur les 110 loci…, la villa est la désignation dominante (95/110). Elle apparaît essentiellement dans les listes de donations à des églises… Les autres lieux décrits correspondent généralement à des réalités très concrètes au xe siècle, … douze sont localisés avec certitude ». (F. Hautefeuille, « A rchéologie des peuplements du premier Moyen Âge dans le sud-ouest de la France », à paraître). 407 Variaco, Alicicio, Fascicio, Lautreco, Polliano, Costrio, Carcerio, Semelingus. À noter qu’à l’exception de Variaco, les porciones identifiables sont en Albigeois. 408 Et loco nuncupante Circoexeno. Ce « lieu » unique figure sur la carte parmi les villae. 409 C. 36 (ad praedium [cui] vetus antiquitas Milliacum vocabulo indidit) ; voir F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, thèse de doctorat, Université Toulouse-Le Mirail, t. 1, 1998, p. 125. 406
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au chapitre 20 les constructions ou embellissements faits par Didier « dans le territoire de Cahors et en Albigeois, tant dans les municipes que dans les domaines (praedia) urbains ou ceux de l’Église de Cahors, [où il construisit] de nombreuses autres églises que nous sommes incapables de décrire dans le détail… »410. Beaucoup de villae sont d’origine gallo-romaine, comme l’indiquent les toponymes en ac- dans le testament de Didier, mais il existe également des traces d’occupation wisigothique – Semalens, Creyssens… – moins nombreuses cependant que ne l’avait estimé Michel Rouche411, vandale, franque, etc.412. Ces villae s’étendaient sur des superficies sans doute moins importantes que les communes actuelles mais difficiles à évaluer413. Les donations de Didier, telles qu’elles sont énumérées au chapitre 30 de la Vita, ne se présentent pas au hasard. L’ensemble est structuré en trois parties. La première partie concerne les 34 villae ou portions de villae données à l’Église de Cahors : 10 en Quercy et 24 en Albigeois. Viennent en deuxième partie les donations faites aux basiliques, églises et chapelles de Cahors dont la plupart ont été identifiées : Saint-Saturnin et Saint-Urcisse, Saint-Étienne, Saint-Maurice, Sainte-Marie, Saint-Vincent, Saint-Jacques et l’oratoire Saint-Martin. Puis on passe sans transition à des basiliques situées hors de Cahors, en premier lieu la basilique des Saints-Enfants-Just-et-Pastor à Montpezat-de-Quercy, qui reçoit trois villae situées à proximité. Ce sont ensuite trois basiliques albigeoises qui reçoivent elles aussi des biens situées à proximité : la basilique Saint-Affrique d’Albi qui reçoit des « portions » dans quatre villae ; la basilique Saint-Remi de Lautrec qui reçoit des portions dans quatre villae dont celle de Lautrec ; la basilique SaintOyend-de-Vieux qui reçoit la villa de Fayssac, distante d’une dizaine de kilomètres. Enfin, deux villae sont attribuées à une « basilique Saint-Martin », qui nous reste inconnue. C. 20 : tam infra municipia quam infra urbana vel Ecclesiae Cadurcine praedia, ecclesias competenter extruxit… 411 Nous renvoyons aussi sur ces questions à F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 115 et ss. – dans la vallée du Tarn, 35% sont attribuables aux Wisigoths – et fig. 19, p. 116 (« Indices toponymiques du peuplement germanique ») ; voir P. H. Billy, « Souvenirs wisigothiques dans la toponymie de la Gaule méridionale », L’Europe héritière de l’Espagne wisigothique. Colloque international du CNRS tenu à la Fondation Singer-Polignac, Paris, 14-16 mai 1990, éd. J. Fontaine et Chr. Pellistrandi, Madrid, 1992, p. 111. 412 Par exemple la villa Theufales. 413 Ch. Higounet, « L’occupation du sol du pays entre Tarn et Garonne au Moyen Âge », Annales du Midi, t. 65 (1953), p. 311 évaluait la superficie des villae à 1000 ou même 1500 hectares ; F Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 123. 410
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La troisième partie de la donation concerne le monastère Saint-Amans à Cahors, l’œuvre d’élection de Didier où il a fixé sa propre sépulture. Le monastère reçoit 22 villae (dont les trois données par Agilenus) qui s’ajoutent à celles déjà cédées par la sénatrice Bobila. Sur ces 22 villae, les dix qui ont été identifiées se trouvent en Quercy ; il en est de même pour les propositions qui ont été faites pour dix autres, les deux dernières restant inconnues. On peut sans doute en déduire que les efforts d’acquisitions – achats ou dons – de Didier en faveur de son monastère se sont portés sur son propre diocèse et non sur son pays d’origine. Au total, l’évêque Didier possédait donc, par héritage ou par différentes acquisitions, 90 villae ou portions de villae : 90 lieux de richesse, qui lui ont permis de financer ses nombreuses constructions, ses achats de somptueux objets liturgiques et ses libéralités en faveur des pauvres, mais aussi lieux de pouvoir et probablement lieux de culte si l’on en croit l’auteur de la Vita lorsqu’il déclare au chapitre 20 que Didier n’a pas construit des églises seulement à Cahors mais qu’il a édifié dans les domaines de l’Église de Cahors « de nombreuses églises… dont aujourd’hui, à la vérité, la plus grande partie de la région est encore ornée ». Le patrimoine de Didier est-il exceptionnel ? Les éléments de comparaison manquent cruellement. Notons que son père devait avoir un patrimoine encore plus considérable puisque le frère aîné de Didier, Salvius, décédé avant lui, a légué lui aussi de grands biens à l’Église. L’évêque Didier d’Auxerre, parent de Didier de Cahors, possède une quarantaine de villae réparties entre la Bourgogne et la région Quercy-Rouergue-Albigeois414. Un peu plus tard dans le viie siècle, en 679-680, la charte de donation du riche propriétaire Nizezius et de son épouse Irmintrude mentionne trente-six villae415. Notons aussi que Didier avait reçu de l’évêque Palladius d’Auxerre d’autres biens en Quercy qui ne sont pas mentionnés dans le chapitre 30 de la Vita416.
E. Cabié, « R apports de saint Didier, évêque de Cahors, et de saint Didier, évêque d’Auxerre, avec l’Albigeois », Annales du Midi, t. 6 (1894), p. 404-405. 415 M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 328. 416 L’évêque Palladius d’Auxerre a donné à Didier ses domaines (hospitiola) à Bagidone, Pastoraco, Bassiaco et Alvernaco cum omnem rem, mancipiis vel terris, aud quicquid ad jure nostro pervenit, salvo iure ecclesiae nostrae. Voir Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, II, 18 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 339), cité par F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 126). Les esclaves sont absents du texte de la Vita. Sans doute existait-il aussi des paysans libres, comme l’humble vigneron aux récoltes miraculeuses, qualifié de colon, que Didier exempte de l’impôt (decimo) au c. 38. Il s’agissait donc non d’un tenancier mais d’un 414
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Mais que sont en réalité ces villae ? L’auteur de la Vita sancti Desiderii n’a aucune raison de nous donner le moindre renseignement sur leur mode d’exploitation ou sur leurs habitants Mais il est difficile pour nous de ne pas au moins évoquer ce problème complexe. Les villae du milieu du viie siècle sont-elles concrètement les héritières de la villa gallo-romaine ? Sont-elles devenues un simple cadre fiscal ? Pour Florent Hautefeuille, il y aurait eu dès la fin du vie siècle, une « rupture », l’abandon et la ruine de nombreuses villae, ce qui expliquerait que beaucoup de toponymes aient complètement disparu et qu’il soit impossible de les localiser sur une carte car ces toponymes sont déjà absents des sources pourtant très riches de la fin du Moyen Âge ; les villae du viie siècle sont « des structures du passé » ; ou encore des « coquilles fiscales », si on croit Élisabeth Magnou-Nortier417. Cette interprétation prête à discussion. Pourquoi Didier, à la fin de sa vie, vers 650, aurait-il donné aux églises des biens en voie de disparition depuis une cinquantaine d’années ? La Vita sancti Desiderii, même si elle ne permet pas de réfuter complètement cette position, comporte quelques éléments qui la contredisent. L’hagiographe au chapitre 31 ne loue-t-il pas le zèle qu’il a mis « à élever les murailles de la ville, à embellir toutes les villae et tous les domaines de l’Église avec un zèle remarquable » ? Ailleurs, dans les Miracula (c. 50), il évoque le domaine déjà cité de Pompegiacium. Didier y avait une chambre où il aimait se reposer. Ce n’est qu’après sa mort que le bâtiment se dégrade au point qu’un clerc fait entrer son cheval dans l’ancienne chambre de l’évêque. La « rupture » daterait ici plutôt de la fin du viie siècle que de la fin du vie. De même, la villa de Uuistrelingus semble très vivante à la mort de Didier : « Une clameur soudaine s’éleva et emplit de cris toute la villa ; une rumeur confuse envahit toutes les places suivant la course du messager » (c. 38). La question de l’identification des lieux est donc au cœur des difficultés. Les recherches des précédents éditeurs, Poupardin, Krusch, les articles des historiens locaux, Nègre, Cabié, Broëns, ont fourni des éléments de réflexion, qui nous ont permis, avec l’aide infiniment précieuse des travaux de Florent Hautefeuille, de faire des propositions plus ou moins sûres et même de présenter une carte des possessions de Didier et des lieux cités dans la Vita, même si la recherche des traces du peuplement, malgré l’activité des archéologues dans le Quercy et l’Albigeois, ne fournit guère de renseignement : si les villae de l’Antiquité tardive ont pu être repérées par la prospection aérienne, on n’a petit propriétaire. Voir à ce sujet Jean Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 250-251. 417 É. Magnou-Nortier, Aux origines de la fiscalité moderne, le système fiscal et sa gestion dans le royaume des Francs à l’épreuve des sources (v-xie siècles), Genève, 2012.
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guère progressé dans la localisation des restes archéologiques postérieurs des viiie-ixe siècles sauf dans une région privilégiée, celle de Castelnau-Montratier418. Au total, sur les 90 toponymes de la donation de Didier, il nous semble que 39 peuvent être identifiés419 : 22 en Quercy et 17 en Albigeois ; des propositions d’identification ont été faites pour 28 autres : 19 en Quercy et 9 en Albigeois420. Les autres restent complètement inconnus La répartition de ces lieux portés sur la carte inspire quelques réflexions (fig. 3). La majorité se situe, comme on pouvait s’y attendre, dans le Quercy et l’Albigeois « utiles » : les grandes vallées – Dordogne, Lot et Célé, Tarn, Aveyron – avec leurs terrasses alluviales ; les terres de mollasse des interfluves. À l’inverse, les contreforts du Massif central, le Ségala et le Causse ne sont que faiblement représentés, même si Maurice Broëns a cru pouvoir localiser un immense domaine de 2500 hectares, dont seulement 10% étaient exploitables, à Saint-Symphorien de Canhac sur le Causse de Limogne ; ou encore un domaine de 250 hectares sur l’actuelle commune de Lauresses dans le Ségala quercynois421. Autrement dit, le patrimoine de Didier s’inscrit dans la continuité de l’occupation romaine des sols dans cette région. La grande majorité des toponymes figurant sur notre liste sont d’origine romaine ou gallo-romaine422. Cette continuité est attestée aussi par les fouilles archéologiques. Pour prendre l’exemple du département du Lot, des éléments romains ou du haut Moyen Âge ont été retrouvés dans un certain nombre des communes où se situaient les domaines de l’évêque : Pinsac, Vayrac, Prayssac, Parnac, Le Boulvé, Cézac, Flaugnac, Belfort-du-Quercy… F. Hautefeuille, « A rchéologie des peuplements du premier Moyen Âge dans le sudouest de la France », Archéologie du Midi médiéval, à paraître. 419 Pour Hautefeuille, les proportions sont différentes : il estime à 70% les disparitions toponymiques dans les listes de donation alors qu’elle n’est que de 20% pour les lieux décrits dans les déplacements de l’évêque. 420 Les principales recherches en la matière sont celles de M. Broëns, « L’onomastique domaniale entre Plateau Central et Garonne au viie siècle d’après les textes », Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 161-183 (I) et 241-265 (II) et t. 9 (1947), p. 1-27 (III) ; E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la vie de saint Didier », Annales du Midi, t. 72 (1960), p. 369-381 et la thèse de F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, thèse de doctorat, Université Toulouse-Le Mirail, 10 t., 1998 ; Id., « La cartographie de la paroisse et ses difficultés de réalisation », Aux origines de la paroisse rurale, Paris, 2005, p. 29 ; Id., « A rchéologie des peuplements du premier Moyen Âge dans le sud-ouest de la France », à paraître. 421 M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (III), Revue internationale d’onomastique, t. 9 (1957), p. 15. 422 Les quelques toponymes d’origine wisigothique qui ont pu être identifiés se situent en Albigeois dans le quart sud-ouest de l’actuel département du Tarn : Semalens, Maurens, peutêtre Guitalens. 418
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Ces dernières communes nous conduisent à une autre caractéristique du patrimoine de l’évêque. Ses biens se situent certes dans des lieux fertiles, mais aussi à proximité des voies de communication423. Celles-ci sont d’abord les grandes voies fluviales est-ouest déjà signalées. S’y ajoute un réseau de voies terrestres, même si de grandes incertitudes demeurent sur leur tracé antique et leurs éventuels déplacements au cours du haut Moyen Âge. Comme les voies fluviales, les deux principales voies terrestres de l’Antiquité étaient de direction est-ouest. L’une, la grande voie Clermont-Rodez-Cahors-Agen-Bordeaux, traversait le diocèse de Cahors de part en part parallèlement à la vallée du Lot. L’autre, la voie Narbonne-Toulouse, passait au sud des diocèses de Cahors et d’Albi, hors de leur territoire. Mais pour relier entre eux ces grands axes, comme pout faire communiquer les cités de Cahors et d’Albi avec les cités voisines, il existait tout un réseau de voies secondaires. Au sud d’Albi existait un cami romieux, une route du sel424 qui venue de Narbonne, se détachait de la grande voie Narbonne-Toulouse pour conduire le précieux condiment vers le nord. Le tracé de cette route à partir de Castres passait par des communes où se trouvaient les propriétés de Didier : à Montpinier (Maleto), Lautrec, Lombers (Marinio), Lamilliarié (Alicicio) avant d’arriver au sud d’Albi. De même, au sud de Cahors, c’est autour de l’axe Cahors-Toulouse que se rencontrent de nombreuses propriétés de Didier, même si, faute de trouvaille de bornes milliaires ou de fouilles archéologiques probantes, les tracés en restent incertains. La route pénétrait en Quercy par l’importante station de Cos, elle bien connue, sur la rive gauche de l’Aveyron dans l’actuelle commune d’Albias. De là deux tracés sont proposés. Le tracé occidental passe par les communes de l’Honor de Cos, Puycornet, Montpezat, Castelnau-Montratier, Flaugnac et Pern : toutes communes où se trouvent des propriétés de Didier. Un tracé oriental, peut-être le plus ancien, passait par Caussade. C’est lui qui fut suivi par le cortège funèbre de Didier venu de l’Albigeois (c. 36). Ce qui nous amène à élargir notre enquête à l’ensemble des données de la Vita et des Miracles. D’autres toponymes en effet apparaissent dans notre texte. Nous avons déjà évoqué les villae données par Bobila425 : sur ces trois ou quatre toponymes, seul celui de la villa Mauringus a pu être identifié comme Maurens, près de Lautrec, en Albigeois ; on peut y ajouter, si l’on suit la variante du ms. C, la villa M. Labrousse, « Le réseau des voies antiques du Lot », Quercy Recherche, t. 22 (1978), p. 10-17 ainsi que les articles consacrés aux communications Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011. 424 Carte archéologique de la Gaule 81 : Le Tarn, éd. Br. Devillers et al., Paris, 1995, p. 44. 425 Il y a une incertitude en ce qui concerne ces villae, voir Traduction, p. 209, n. 45. 423
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de Venès, sur le territoire de l’actuelle commune de Lautrec. Dans la première partie de la Vita, avant le chapitre 30, quelques actions de l’évêque se situent hors de Cahors. À la fin, est décrit l’itinéraire de son cortège funéraire. Enfin les Miracles426 donnent parfois l’origine des bénéficiaires de l’intercession du saint. On peut noter que la plupart de ces toponymes ont été identifiés. La grande majorité se situe en Quercy, domaine direct de l’action de l’évêque. À l’exception de l’abbaye de Moissac, ils se situent dans les mêmes secteurs que les propriétés de Didier : dans les vallées du Lot (Mercuès, Carnac) et de la Dordogne (Blanzaguet sur la commune de Pinsac) ; et surtout au sud de Cahors, autour de la route de Toulouse : la basilique Saint-Julien, Layrac (cne Le Montat), Spern, Russac (cne Castelnau-Montratier-Sainte- Alauzie) ou Vintillac (cne Pern), Aussac (cne Castelnau-Montratier) et Milhac (Saint-Pierre-de-Milhac, cne de Caussade) un peu plus à l’est. Pour l’Albigeois, il faut attirer l’attention sur la liste des villae données par la sénatrice Bobila et celle des étapes du cortège funéraire de Didier. Elles ont en commun la villa de Uuistrelingus. Même si celle-ci ne peut être identifiée formellement avec Guitalens427, sur l’Agoût, elle se situait dans ce secteur du sud-ouest d’Albi où l’on rencontre d’autres toponymes d’origine germanique, que ce soit dans notre texte (Mauringus qui fait aussi partie de la donation de Bobila, Semelingus, peut-être Lautrego) ou dans la toponymie actuelle : Rabastens, Giroussens… C’est peut-être là qu’il faudrait chercher Herbelingus, Ossilingus ou Ramingos… : une région autour de Lautrec où la présence germanique, wisigothique ou franque, et le morcellement des terres (porcio, peut-être villare) seraient plus accentués qu’ailleurs ; un secteur autour de Lautrec et de sa basilique Saint-Remi où semblent prévaloir les attaches patrimoniales et peut-être familiales de l’évêque.
4. L’évêque et la vie religieuse dans le diocèse de Cahors La Vita, on l’a dit, a pour but « la construction de la cité chrétienne ». Il est inutile de revenir ici sur des aspects qui ont retenu fortement l’attention de l’auteur de la Vita, le zèle du constructeur, la richesse de la décoration des Des 5 lieux d’origine des miraculés, 3 peuvent être identifiés ou proposés (Blanzaguet, Mercuès et peut-être Carnac) et 2 restent inconnus : Caucinicha Senomagense et Pompegiacum. Ce dernier lieu doit être cherché non loin de Cahors. L’auteur des Miracles dit que l’évêque venait souvent dans ce domaine (praedium) qu’il affectionnait particulièrement : il « avait l’habitude de s’y rendre souvent pour y séjourner » (c. 50). 427 Identification de M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 171, récusée par E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la vie de saint Didier », Annales du Midi, t. 72 (1960), p. 378. 426
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églises, l’impulsion donné à la vie monastique, le souci des pauvres. Il vaut mieux relever d’autres éléments que l’hagiographe a laissés dans l’ombre. Le saint évêque semble concentrer en sa personne la totalité du sacerdoce. Il n’est jamais question des prêtres et les clercs, sous la plume du moine qui a composé la Vita comme de ceux qui ont rapporté les miracles post mortem, ne sont que très rarement mentionnés. Lorsqu’ils apparaissent au chapitre 33, c’est sous un jour peu favorable et le récit prend un accent pré-goliardique. Alors que l’évêque montre autant d’affection que de confiance au reclus scot qui a arrêté son pèlerinage en Quercy, les clercs que l’évêque a chargés de porter nourritures et boissons à son ami sont présentés comme des goinfres et des menteurs : « vaincus par la gloutonnerie, incités par la douceur des mets et le parfum du vin, ils cèdent enfin au plaisir de gueule » et dévorent les provisions destinées à l’ascète428. Curieux ascète ! Mais peut-être comptait-il partager ces mets succulents avec le voisinage comme les sacs de sous dont l’évêque lui avait confié la distribution. Didier ne se déplace guère. L’hagiographe ne dit pas un mot de l’exercice du droit de visite qui n’est guère mentionné dans les sources conciliaires de la Gaule, parce que cette antiqua consuetudo, allait de soi pour les Pères429. Robert Godding cite cependant de nombreux exemples de visites épiscopales dans les vies de saints. Lubin, Remi, Éloi visitaient les paroisses. Saint Ouen († 684) « répand à travers la paroisses les semences de ses vertus et ses paroles pénétrantes »430. La visite est aussi pour Césaire d’Arles l’occasion de prêcher431. Rien de tel pour Didier. Sans doute fait-il à l’extrême fin de sa vie une grande tournée accompagné d’un grand cortège de nobles, mais c’est une visite de ses domaines (rura) en Albigeois et non dans le diocèse de Cahors. Didier, lui, ne prêche pas, du moins au sens moderne du terme432. L’auteur fait souvent allusion433 à son enseignement spirituel, moral, notamment au chapitre 21 où il évoque des conversations pieuses avec des gens de bonne compagnie. Manifestement, il s’adresse plus au clergé, à l’élite cultivée de la ville, peut-être aux moines des basiliques qu’il avait fondées dans les C. 33. R. Godding, Prêtres en Gaule mérovingienne, Bruxelles, 2001, p. 278 et ss. et N. Coulet, Les visites pastorales, Turnhout, 1977, p. 21. 430 Vita Audoeni, 10 (éd. W. Levison, MGH, SRM, t. V, p. 550), cit. et trad. par R. Godding, Prêtres en Gaule mérovingienne, Bruxelles, 2001, p. 559 et n. 59. 431 R. Godding, Prêtres en Gaule mérovingienne, Bruxelles, 2001, p. 279-280. 432 Césaire d’Arles dans son sermo I dit qu’on ne prêche pas seulement dans l’église mais aussi dans une assemblée, un banquet, une conversation et même sur la route, voir Césaire d’Arles, Sermons au peuple, éd. et trad. M.-J. Delage, t. 1, Paris, 1971 (SChr, t. 175), p. 218 et ss. 433 C. 27 : « Pourquoi m’attarder à dire quelque chose de plus ? L’Église avait désormais en lui un [homme] noble et insigne dont les paroles de vie se répandaient partout sur le peuple (plebe) ». 428
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campagnes, qu’au public paysan de Césaire d’Arles. Parrochia est totalement absent du texte de la Vita, aussi bien dans le sens de diocèse que dans celui de paroisse, ce qui n’a rien de vraiment étonnant puisque l’utilisation dans les cartulaires du sud-ouest « du mot parrochia dans son sens territorial est encore très rare à l’époque carolingienne et ne se développe vraiment qu’aux xie et xiie siècles »434. On ne peut donc déduire de l’absence de parrochia dans la Vita que Didier négligeait ses tâches pastorales dans les campagnes du Quercy. Quant au mot oratorium, il est réservé à la chapelle du Palais (c. 2), à la domus ecclesie et à l’élégant oratoire, construit au chevet de la cathédrale et dédié à Saint-Martin (c. 6). Une des rares mentions qui puisse renvoyer à des églises rurales est trop vague : « Comme il convient, il construisit, dans le territoire de Cahors et en Albigeois, tant dans les municipes que dans les domaines urbains ou ceux de l’Église de Cahors, de nombreuses autres églises que nous sommes incapables de décrire dans le détail, dont aujourd’hui, à la vérité, la plus grande partie de la région est encore ornée »435. Du moins témoigne-t-elle du souci de Didier de consolider le réseau des églises rurales dans les campagnes436. Encore faut-il F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 29. L’auteur ajoute que dans le Quercy méridional, sur 54 actes antérieurs à l’an Mil, aucune « paroisse » n’apparaît. L’étude complète de « la paroisse avant la paroisse » ou de « la paroisse virtuelle » se poursuit p. 161 et ss. 435 C. 20. Expression comparable au chapitre 31 : quod villas omnes praediaque ecclesię insigni studio decoraverit. 436 Ce réseau d’églises rurales existe bien dans les provinces de Bordeaux et de Bourges comme l’ont montré les recherches archéologiques menées en Aquitaine et plus spécialement en Gironde, voir S. Faravel, « Bilan des recherches sur les origines de la paroisse en Aquitaine (ive-xe siècle) », Aux origines de la paroisse rurale, Paris, 2005, p. 150-158 ; voir aussi pour les sources textuelles et archéologiques : Aux origines de la paroisse rurale en Gaule méridionale (ive-ixe s.). Actes du colloque international de Toulouse, 21-23 mars 2003, éd. Chr. Delaplace, Paris, 2005. Pour le Quercy et l’Albigeois, les découvertes archéologiques sont rares (J.-L. Boudartchouk et al., « L es origines des paroisses rurales en Région Midi-Pyrénées : un pré-inventaire », dans Aux origines de la paroisse rurale, Paris, 2005, p. 135-149) : on en compte trois dans le Lot (p. 143) : les ruines de Saint-Sernin-de-Thézels (cne de Castelnau-Montratier, c. Marches du Sud-Quercy, Lot), la mosaïque à fond d’or et un sarcophage dans l’église de Mondoumerc (c. Marches du Sud-Quercy, Lot), des sépultures tardo-antiques et une épitaphe du ve siècle à la Tour-de-Faure (c. Causses et Vallées) ; quatre dans le Tarn (p. 143-144) : la nécropole de Lautrec (c. Plaine de l’Agoût), Saint-Vincentd’Arnhac (c. Quercy-Aveyron), celle de Roquecourbe (c. Castres-2), Saint-Juliane (ibidem), l’église Saint-Eugène et la sépulture de saint Amarand, martyr à Vieux (c. Vignobles et Bastides), des édifices chrétiens à abside aménagés dans une ancienne villa à Vindrac-Alayrac (c. Carmaux-2 Vallée-du-Cérou) ; quelques restes de l’église carolingienne de Saint-Martin à Moissac dans le Tarn-et-Garonne ; voir aussi La paroisse à l’époque romane et préromane. Actes des XXXIe journées romanes de Cuixà, 5-12 juillet 1998, Perpignan, 1999, sans oublier les travaux de M. Aubrun, La paroisse en France des origines au xve siècle, Paris, 1986, p. 1-65. 434
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noter que municipium peut désigner aussi bien les chefs-lieux des cités de Cahors et d’Albi que des bourgades fortifiées437 ou non438. Il faut relever également que Didier a construit des églises rurales sur les domaines de l’Église de Cahors et sur ses propres domaines en Quercy et dans l’Albigeois439. Il agit en tant que propriétaire foncier soucieux, comme beaucoup de potentes à partir de la christianisation des campagnes, de construire des églises « privées » dans leurs villae. Didier agissait de même dans ses propres domaines du Quercy et de l’Albigeois, comme le faisaient aussi sans doute les nobiles et mediocres qui donnent également des biens aux églises440. Les recherches de F. Hautefeuille ont bien montré que le réseau de desserte religieuse des populations rurales correspondait sans doute en partie à celui des villae et qu’il était déjà fort dense avant l’épiscopat de Didier441. Ce dernier s’est contenté, semble-t-il, de le compléter ici où là par la construction de bâtiments. Mais c’est à la cité et à l’espace suburbain de Cahors que Didier a consacré son zèle de constructeur.
5. La « fièvre bâtisseuse » de Didier L’œuvre de Didier s’inscrit dans une transformation d’ensemble du paysage urbain dont témoignent les textes décrivant la « fièvre bâtisseuse »
Vita Eligii, II, 72 (ed. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 736). C’est le sens de chef-lieu de la cité que lui donne Grégoire de Tours (Decem libri historiarum, IV, 42, éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 174). Mais municipium n’a pas toujours cette signification, C. Boisgérault, L’image de la ville de Gaule dans les sources littéraires tardives (284-493). Terminologie de la ville et de ses composantes architecturales, thèse de l’Université du Maine, 2005, t. 1, p. 495. Il est peut-être employé ici au sens de vicus, de bourgade secondaire. On sait que ce mot ne figure pas dans la documentation quercynoise et que les seuls vici connus viennent de la Table de Peutinger sur la route romaine de Cahors à Toulouse : Cosa et Fines, voir F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 101, fig. 15. Ces églises étaient sans doute desservies par des archiprêtres ou de simples prêtres ; R. Godding, Prêtres en Gaule mérovingienne, Bruxelles, 2001, p. 253-255. 439 Au chapitre 20, Didier considère qu’il est bon de revêtir les églises de marbre, de les « éclairer de peintures », de les « enrichir d’or et de gemmes, d’orner les plafonds, d’assembler les pavements (pavimentum) ». Il y a dans l’enseignement de Didier une dimension esthétique qu’il ne faut pas négliger. 440 C. 28, R. Godding, Prêtres en Gaule mérovingienne, Bruxelles, 2001, p. 255 et ss. 441 F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 170 et ss. « La forte densité des lieux de culte explique peut-être partiellement la rareté des nécropoles isolées » (op. cit., p. 185) : observation importante qui permet de supposer que le cimetière et l’église rassemblaient dans un même espace le culte des vivants et le territoire des morts. 437 438
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des évêques de Nantes, Bordeaux… à cette époque, les travaux des historiens d’art442 et surtout les recherches archéologiques récentes443. Le paysage urbain de l’Antiquité tardive est marqué par trois « faits fondamentaux », la généralisation des cités remparées, les transformations de l’habitat, l’émergence d’une topographie chrétienne enfin444. Ce jugement s’applique parfaitement à l’évolution de Cahors. La ville romaine de Divona-Cadurca s’est étalée sur la majeure partie de la presqu’ile formée par un méandre du Lot445. Ensuite tandis que l’habitat se dégrade446, surtout depuis la fin du ive siècle447, la ville s’est resserrée sur une faible partie de cette surface qui descend en terrasses vers le Lot. La rétraction s’est accompagnée de la construction d’un rempart doté de tours. Divona a cessé d’être une ville ouverte avant l’épiscopat de Didier qui a seulement restauré la muraille de l’Empire tardif448.
a. Les travaux de Didier à l’intérieur des remparts restaurés La restauration des remparts La Vita évoque à trois reprises les travaux de Didier concernant les remparts. Elle signale d’abord en chapitre 16 que, dès le début de son épiscopat, R. Rey, « Un grand bâtisseur au temps du roi Dagobert : saint Didier, évêque de Cahors », Annales du Midi, t. 65 (1953) p. 287-294 ; Id., « Cahors », Congrès archéologique de France. 100e session tenue à Figeac, Cahors et Rodez en 1937, Paris, 1938, p. 216-218 ; M. Durliat, « La cathédrale Saint-Étienne de Cahors. Architecture et sculpture », Bulletin monumental, t. 137 (1979), p. 285-340 ne revient pas sur les constructions du haut Moyen Âge. Voir aussi le colloque sur la cathédrale de Cahors qui s’est réuni à Cahors les 18 et 19 septemtre 2019. 443 J. Guyon, B. Boissavit-Camus et V. Souilhac, « Le paysage urbain de l’Antiquité tardive (ive-vie siècles) d’après les textes et l’archéologie », Aquitania, t. 14 (1996), p. 9-18 ; Les premiers temps chrétiens sur le territoire de la France actuelle. Hagiographie, épigraphie et archéologie, éd. D. Paris-Poulain, D. Istria et S. Nardi-Combescure, Rennes, 2009 ; J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 131-146. 444 J. Guyon, B. Boissavit-Camus et V. Souilhac, « Le paysage urbain de l’Antiquité tardive (ive-vie siècles) d’après les textes et l’archéologie », Aquitania, t. 14 (1996), p. 12. 445 Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 94. 446 J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », Vivre et mourir en temps de guerre, de la Préhistoire à nos jours, éd. P. Foissac, Toulouse, 2013, p. 44 et fig. 15. 447 J. Catalo, « Fouilles autour du cloître de la cathédrale de Cahors », Annales des rencontres archéologiques de Saint-Céré, t. 4 (1995), p. 43-58 ; J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 131134. Le ressaut de fondation est couvert d’une couche d’occupation cendreuse contenant de la céramique commune grise caractéristique du viie siècle, le siècle de Didier. 448 Dernier état de la question dans J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », Vivre et mourir en temps de guerre, de la Préhistoire à nos jours, éd. P. Foissac, Toulouse, 2013, p. 40-41 et fig. 13. 442
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Didier entreprit « la construction ou plutôt la restauration des remparts » (extruende immoque recuperende moenia). Le verbe extruo a fait croire à certains historiens que Didier avait construit les premiers remparts de Cahors qui, avant lui, aurait été une ville ouverte449 ; mais la précision immoque recuperende montre qu’il n’en est rien. C’est une œuvre majeure de Didier, placée ici en tête de ses nombreux travaux. Il en sera de même au chapitre 31, quand, après avoir énuméré les donations de Didier, l’auteur revenant sur les travaux effectués par l’évêque, cite d’abord les remparts de la ville, moenia urbis. La ville s’était recroquevillée sur sa partie orientale450 depuis le point culminant à l’entrée de la presqu’île jusqu’aux ruines du pont romain. C’est cette enceinte antique que Didier a restaurée, non pas « à la sueur de son front » comme le dit l’auteur de la Vita ni « à ses frais » comme l’a écrit par mégarde Jean Durliat ni aux frais de l’Église de Cahors, mais à ceux de l’ancienne curie dont il a pris la suite, en tant que responsable de l’administration civile451. De même, c’est lui qui s’occupe d’alimenter en eau la ville qui en était privée depuis la destruction d’un aqueduc dans l’Antiquité tardive452 ; il demande à l’évêque de Clermont, Césaire, de lui fournir des ouvriers capables de fabriquer des tuyaux de bois (tubos ligneos)453 : « Je ne veux pas que vous ignoriez que notre ville de Cahors souffre beaucoup par le manque d’eau de source (quam fons praebeat). Mais je veux, si cela est possible, amener l’eau au sein de la cité au moyen de tuyaux de bois souterrains, et, comme j’ai appris que vous avez auprès de vous des ouvriers experts dans ce genre de travail, je vous prie de traiter cela avec eux… »454. Mais la Vita n’en dit rien455. R. Rey, « Un grand bâtisseur au temps du roi Dagobert : saint Didier, évêque de Cahors », Annales du Midi, t. 65 (1953), p. 291. C’était aussi l’opinion de M. Labrousse et de beaucoup d’autres spécialistes cités dans Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini et al., Paris, 2011, p. 41. Précieuse mise au point sur l’existence de remparts tardo-antiques dans J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », p. 45 et ss. 450 G. Depeyrot, « Note sur les incendies et la stratigraphie du Cahors antique », dans Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 106 (1985), p. 249-251. 451 J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 242. 452 Ibid., p. 243. 453 Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 13 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 322) ; trad. E. Sol, « Saint Didier, évêque de Cahors (636-655) », Bulletin trimestriel de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 57 (1936), p. 549. 454 Didier ne se préoccupe pas seulement d’alimenter en eau la domus ecclesiae. 455 Des tuyaux en bois, assemblés par des frettes métalliques, alimentaient aussi la principale cuve baptismale de Genève à la fin ve ou au début du vie siècle (état 3 du baptistère), Ch. Bonnet, Les fouilles de l’ancien groupe épiscopal de Genève (1976-1993), Genève, 1993, p. 41-42 ; Id., Les fouilles de la cathédrale Saint-Pierre de Genève : les édifices chrétiens et le groupe épiscopal, 449
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Le travail de Didier ne se limite cependant pas à une simple restauration, comme l’hagiographe le précise au début de chapitre. 17, après avoir décrit les édifices élevés par Didier à l’intérieur de la cité : Praeter civitatis autem opera, castellum quoque Cadurcum, qui antea nudus ac pene exiguus locus ille videbatur, copioso opere conspicandaque municione ampliavit, erexit ac firmavit. Quę sagaciter exstruens multoque inibi labore desudans, aecclesias, domos, portas, turres murorum ambitu ac quadratorum lapidum compactione munivit. « En plus des travaux de la cité, il en fit aussi sur le castellum de Cahors : ce lieu [qui] paraissait jusque là presque nu et tout petit… ». Ce passage pose des problèmes d’interprétation et donc de traduction, d’autant que le manuscrit de Moissac comporte plusieurs corrections. Dans cette partie de phrase, trois mots doivent retenir notre attention. D’abord « en plus » (praeter) qui signifie qu’il s’agit d’autres travaux que ceux cités précédemment, dont faisaient partie les remparts ; ensuite l’opposition « civitas/castellum » qui suggère que le castellum est distinct de la cité. Plusieurs éléments pourraient plaider en faveur de cette hypothèse mais aucun n’est entièrement convaincant. Premier argument : pourquoi l’auteur reviendrait-il sur les travaux de fortification de la ville de Cahors qu’il a déjà évoqués ? Mais on voit bien qu’au début du chapitre 16 il ne parlait que de réparations dans l’urgence, tandis qu’en chapitre 17, il s’agit d’une reconstruction. Deuxième argument : même si la muraille ne couvre qu’une faible partie de la ville antique456 et même si beaucoup de monuments ont été détruits457, l’hagiographe pouvait-il qualifier Cahors de lieu « presque nu et tout petit » ? Comme on ne connaît pas l’étendue de la première enceinte de Cahors, avant les travaux de Didier, il est difficile d’en juger. Troisième argument : pourquoi l’hagiographe emploierait-il le terme de castellum pour qualifier Cahors, alors qu’il utilise ailleurs urbs458, castrum459, oppidum460 ? Dans une étude récente, C. Boisgérault461 note que le mot castellum est rarement employé (t. I, p. 174), le plus souvent dans un contexte militaire (t. II, p. 461) et qu’il désigne soit Genève, 2012. D’autres ont été repérés à Nevers : tuyau de bois avec frettes, daté fin ve-début vie siècle, au temps des rois burgondes, La cathédrale de Nevers, du baptistère paléochrétien au chevet roman (vie-xie siècle), éd. Ch. Sapin, Paris, 1995, p. 37. 456 29 ha au lieu de 125, J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », p. 44. 457 Nombreux exemples dans « Sites quercynois », p. 44-45 et fig. 15-16. 458 C. 1, 7, 8, 12, 13, 24, 31 (moenia urbis), 41, 43. 459 C. 16 (castri municionem). 460 C. 29 (Cadurcę oppido). 461 C. Boisgérault, L’image de la ville de Gaule dans les sources littéraires tardives (284493). Terminologie de la ville et de ses composantes architecturales, thèse de l’Université du Maine, 3 t., 2005.
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des forteresses isolées du limes (p. 463), soit des constructions stratégiques en hauteur, soit encore, mais plus rarement, une ville comme Rodez462. Or, comme nous l’avons souligné, le début du chapitre 17 oppose la « cité » au castellum. On a donc pu penser que ce castellum pourrait être une forteresse, construite sur une hauteur, au nord de la ville, qui aurait été détruite par les attaques franques, puis reconstruite par Didier, à l’emplacement du futur château médiéval situé à l’endroit où se trouve aujourd’hui la place Lafayette463. On peut aussi penser à un fortin qui aurait renforcé de l’extérieur un point faible des remparts. Selon les études récentes de J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, il faudrait songer à un fortin tardo-antique, construit sur une hauteur, le mont Saint-Cirq ou Saint-Cyr, près du Pont-Vieux, de l’autre côté du Lot, qui couvrait le flanc sud de Cahors. Des fouilles réalisées en 1915464, revisitées en 2008 par J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, y ont mis au jour un fortin tardo-antique, défendu par un mur de 100 m de long et de 2,32 m de large465. Les objets qui y ont été retrouvés ainsi qu’une monnaie de Constantin permettent de le dater du ive siècle mais les fouilles ne semblent pas avoir découvert les restes d’églises ou de maisons ni même les pierres de taille qui auraient servi à la reconstruction du castellum par l’évêque de Cahors466. Dans ce contexte, nous pensons que castellum ne désigne pas un fortin distinct, mais s’applique soit à la fortification de Cahors elle-même467, avec ses remparts, ses tours, ses portes, soit à l’ensemble fortifié que constituent l’enceinte urbaine et le fortin tardo-antique de la rive sud. Laissant aux archéologues le soin de choisir entre ces deux hypothèses, nous traduisons le texte au plus près le début du chapitre 17 : « En plus des travaux de la cité, il en fit aussi sur le castellum de Cahors : ce lieu [qui] paraissait jusque là presque nu et tout petit, il l’agrandit, l’éleva et le renforça par un travail considérable Sidoine Apollinaire, Epistolae, IV, 15 (éd. et trad. A. Loyen, Lettres, t. 2, Paris, 1970, p. 145). 463 G. Lacoste, Histoire générale de la province du Quercy, t. 1, p. 222, suivi par M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 286. 464 A. Viré, Radio-tellurie et archéologie. Les fouilles du mont Saint-Cyr à Cahors en 1915, Cahors, 1926. 465 J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas- Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », p. 45-46. 466 Il est question d’un « appareillage irrégulier et peu soigné » : J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », p. 13-14. 467 L’opposition du début de chapitre 17 entre civitatis opera et castellum… Cadurcum reflèterait donc la distinction que fait l’auteur entre travaux « civils » (civitas) et travaux militaires (castellum). D’où sans doute l’emploi du terme castellum au lieu de castrum qui, chez lui, désigne l’ensemble de la ville (cf. ex castri municionem, c. 16). 462
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et une muraille remarquable. En réalisant cette construction avec sagacité et en y déployant beaucoup de peine et de sueurs, il fortifia les églises, les maisons, les portes et les tours par une enceinte de murs468 et plus précisément par un assemblage de pierres de taille469, prévoyant que, ferme et solide, cette enceinte parviendrait à la postérité ». Embellissement de la cathédrale Saint-Étienne ? C’est naturellement l’évêque qui s’occupe aussi des monuments religieux et d’abord de son église, la mater ecclesia, sous le vocable de saint Étienne. Elle aurait été commencée sous l’évêque Ursicinus (580-585/591)470, « de sainte mémoire », dit la Vita, et achevée sous Eusèbe (614-622-623)471. Mais cette affirmation n’a aucun fondement solide. Tout au plus peut-on dire que la cathédrale existait avant 614, puisque Didier, évêque d’Auxerre (605-621), probablement originaire de Cahors, lui fit de grands dons par testament472. Sans doute remontait-elle à une époque antérieure473. L’auteur de la Vita n’en parle guère et, en tout cas, ne la décrit pas. Chez lui, le terme ecclesia peut désigner n’importe quelle église (c. 17, 20) ou l’Église de Cahors : ecclesie cadurce statu (c. 29) ; quanta… cadurcine ecclesie contulerit (c. 31) ; in amorem cadurcine ecclesie coalescens… sancta mater ecclesia cadurca (c. 34). Deux fois cependant, en c. 16, le mot désigne de façon certaine la cathédrale, par rapport à laquelle l’auteur situe un autre monument et qu’il qualifie de mater ou major : prope matrem ecclesiam, …haut procul a majore ecclesia. À la fin du même chapitre 16, après l’énumération des sanctuaires L’emploi du mot murus est rare dans l’Antiquité tardive. Sur les pierres de taille et les techniques de construction, voir Introduction, p. 108 et sq. 470 R. Rey, « Cahors », Congrès archéologique de France. 100e session tenue à Figeac, Cahors et Rodez en 1937, Paris, 1938, p. 216 : l’auteur, se fondant sur les Miracles de saint Antonin, prétend que les habitants de Saint-Antonin s’étaient emparés au profit de leur église du marbre que les Cadurciens faisaient venir de Tolède pour leur cathédrale. 471 G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 200-205. 472 Testament transmis par les Gesta episcoporum Autissiodorensium, éd. L.-M. Duru, Bibliothèque historique de l’Yonne, t. 1, Auxerre, 1850, p. 330-335. 473 J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 131-146, ont constaté des transformations de l’habitat antique, au ive et au début du ve siècle, dans le secteur de la cathédrale. Ces modifications à caractère foncier et architectural ont précédé une destruction systématique des aménagements antiques, peut-être liée à l’installation du groupe épiscopal (p. 144). L’espace désormais ouvert est resté fréquenté pendant tout le ve et au vie siècle. Au viie siècle, à l’emplacement de la cour de l’archidiaconé et du cloitre roman, ont été installés, dans des couches contenant du mobilier céramique du viie siècle, de nouveaux murs, repérés sur 8 et 16 m de long (p. 139140). Leurs élévations, parementées de moellons et de dallettes en calcaire, reposaient sur une assise de gros blocs en grès, au-dessus des fondations où des matériaux de construction antique avaient été jetés en vrac (p. 139-141). 468
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élevés par Didier, le texte est plus ambigu d’autant qu’il est très corrompu, donc incertain. Le manuscrit A que nous avons suivi donne : Multa etiam et alia conspicua quae matris aecclesiae tam in porticibus quam in amplioribus edificiis congrua sunt tegmine super voluto securis post fratribus praeparare studuit, que nous avons traduit : « Il veilla aussi à préparer pour les frères qui lui succèderaient d’autres œuvres nombreuses et remarquables, dignes d’une église-mère – portiques, bâtiments principaux couverts d’une voûte ». On relève donc ici la mention de « portiques » et d’« édifices » mais rien n’est sûr car porticibus vient d’une correction de participibus par exponctuation et surcharge, et in amplioribus edificiis a été ajouté d’une autre main sur un blanc. Le manuscrit C, plus récent, donne quant à lui un texte très différent : Multa etiam sub aliis compendiis quae matris ecclesiae tam in participibus quam disportoriis praesulibus thesauribus tegmine supervoluto secuturis post fratribus praeparare studuit, que l’on pourrait traduire : « Il veilla encore à préparer pour les frères qui lui succèderaient beaucoup d’édifices couverts d’une voûte, grâce entre autres aux réserves de l’Église mère, aussi bien les trésors communs que ceux qui sont mis en dépôt auprès des présyles ». Ici, l’évocation des monuments est très vague : il est surtout question des moyens financiers dont Didier disposait pour ses constructions et l’Ecclesia mater désigne indiscutablement l’Église de Cahors et non la cathédrale. Il est difficile de dire s’il en va de même sur le manuscrit A : les portiques et bâtiments qui y sont cités sont « dignes d’une église mère » ; mais cela signifie-t-il qu’ils sont dignes du siège épiscopal de Cahors (dans ce cas il faudrait écrire Église avec une majuscule) ou dignes d’une cathédrale ? Dans ce cas, ils lui seraient liés : on pourrait alors imaginer un atrium entouré de portiques et de galeries comme dans les grandes églises d’Italie474 et de Gaule475. J.-Ch. Picard, « L’atrium dans les églises paléochrétiennes d’Occident », dans J.-Ch. Picard, Évêques, saints et cités en Italie et en Gaule. Études d’archéologie et d’histoire, Rome, 1998, p. 107-155. 475 Voir l’atrium et le triple portique de la cathédrale de Lyon élevée par Patiens (Sidoine Apollinaire, Epistulae, II, 10, éd. et trad. A. Loyen, Correspondance, t. 2, Paris, 1970, index des realia, p. 722, s.v., atrium et « atrium »), ou de simples galeries couvertes comme à la basilique de Saint-Martin de Tours (J.-Ch. Picard, « L’atrium dans les églises paléochrétiennes d’Occident » ; voir aussi dans Ch. Sapin (éd.), Avant-nefs et espaces d’accueil dans l’église, entre le ive et le xiie siècle, Paris, 2002, à savoir les articles de J. Guyon, « Cours et atriums paléochrétiens : retour sur les prototypes romains », p. 13-23, de Ch. Bonnet, « Atrium, portique et circulation en Gaule », p. 24-29 et de N. Gauthier, « Atria et portiques dans les églises de Gaule d’après les sources textuelles », p. 30-33, et enfin de J.-P. Sodini, « Atria et cours dans les sites de pèlerinage du monde byzantin », La mémoire des pierres. Mélanges d’archéologie, d’art et d’histoire en l’honneur de Christian Sapin, Turnhout, 2016, p. 37-49. Certaines allées étaient peut-être juste couvertes, comme peut-être à Bourges, dans le monastère fondé par la pieuse Bertoara vers 640, où un passage dallé a été retrouvé dans la fouille 474
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Quoi qu’il en soit, même si l’auteur parle de travaux faits dans ou autour de la cathédrale, il ne s’agit pas d’une véritable reconstruction. Comme l’a écrit Françoise Prévot dès 1989, « Nul doute que si Didier l’avait vraiment reconstruite, l’auteur aurait longuement décrit l’édifice, comme il l’a fait pour le monastère Saint-Amans »476. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de travaux à la cathédrale. Peut-être aussi l’a-t-il seulement embellie et enrichie d’une partie des joyaux, calices, vases mentionnés en chapitre 17 grâce aux immenses biens qu’il lui a laissés par testament (c. 30). Mais c’est à la domus ecclesiae qu’il a consacré tous ses soins de bâtisseur, comme beaucoup de prélats à cette époque477. La domus ecclesiae et le groupe épiscopal Le passage consacré par l’hagiographe à ces travaux n’est pas facile à traduire en français : « En outre, il prit l’initiative d’édifier des demeures jumelles près de l’église-mère. Elles étaient chacune à deux niveaux (duplas)478, avec des fenêtres orientées différemment, reliées par l’escalier, séparées par la position tout en satisfaisant au souci d’économie, unies par les oratoires479, ornées de pilastres et construites de pierres de taille d’une grandeur admirable480, formant un ensemble remarquable : en les édifiant sur la rive du Lot481, [Didier] a ménagé pour l’avenir un gain considérable et merveilleux482 ». du haut de la rue Moyenne (J. Troadec, Bourges, Paris, 1996, p. 41). D’autres galeries existaient aussi dans des demeures et des bâtiments destinés à des pauvres et des malades. C’est l’hypothèse envisagée par Pedro Matéo Cruz pour un bâtiment découvert près de la basilique Sainte-Eulalie de Mérida et que cet auteur identifie avec le xenodochium fondé au viie siècle par l’évêque Masona (P. Mateos Cruz, 1995, « Indentificación del xenodochium fundado por Masona en Mérida », dans IV Reunió d’arqueologia cristiana hispànica, Lisboa 28-30 setembre, 1-2 octubre 1992, Barcelone, p. 309-316. 476 Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 58 et 61 ; voir aussi J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 143. 477 Des Domus ecclesiae aux palais épiscopaux. Actes du colloque tenu à Autun du 26 au 28 novembre 2009, éd. S. Balcon-Berry, F. Baratte, J.-P. Caillet et D. Sandron, Turnhout, 2009. 478 C’est ainsi que nous comprenons l’adjectif duplas. 479 L’emploi du pluriel (oratoriis) pourrait indiquer l’existence de deux oratoires, l’un au premier niveau, l’autre à l’étage. 480 L’hagiographe désigne ainsi le grand appareil romain. 481 La domus ecclesiae devait avoir des dépendances qui s’étendaient jusqu’au Lot puisque l’évêque avait vue sur le lieu où son frère, Rustique, avait été assassiné. 482 La domus ecclesiae était située probablement au chevet de la cathédrale (G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 142). Mais de quelle cathédrale s’agit-il : celle du haut Moyen Âge ou la cathédrale romane ?
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De ces indications fournies par le rédacteur de la Vie de Didier, on peut déduire a minima un édifice à deux ailes reliées par un corps central ; ce dernier comprenait deux chapelles superposées et un escalier – sans doute à degrés droits – reliant au moins le rez-de-chaussée et un étage de chaque aile. Pour la disposition des bâtiments c’est en revanche plus délicat, et plusieurs scénarios sont possibles. On en retiendra deux ici, sachant qu’il est tout de même très hasardeux de se glisser dans la vision de l’auteur, et que la réalité est probablement autre que celle qu’on imagine. Une première hypothèse serait de restituer un édifice composé de deux ailes disposées en équerre et reliées à une extrémité par le fameux corps central. Ce type de plan se rapprocherait du deuxième état de la domus ecclesiae de Fréjus fouillée en 1987 sur la place Formigé par Paul-Albert Février. À la fin du ve ou dans la première moitié du vie siècle, une construction en L succède à un bâtiment, sans doute aménagé dans un bâtiment antique sous les évêques Léonce et Théodore au cours de la première moitié du ve siècle483. Les deux nouvelles ailes ouest et sud, larges de 3,10 m et reconnues sur 10 et 15 m, étaient peut-être des galeries ouvertes au rez-de-chaussée. Leur installation est datée par la céramique, au mieux, de la fin du ve ou de la première moitié du vie siècle484. Elles sont encore en usage au haut Moyen Âge, car une annexe domestique est installée dans leur angle au vie ou viie siècle. Leur emprise servira à implanter les ailes du palais au xiiie siècle485. Ce plan est dérivé des demeures antiques organisées autour d’une cour intérieure. On peut aussi évoquer la belle demeure de Marseille, ville où Didier a séjourné, avec ses trois ailes distribuées autour d’une cour intérieure et qui était probablement la domus ecclesiae des ve-viie siècles, malgré son léger éloignement de la cathédrale486. Dans l’architecture cultuelle, on connaît le déploiement d’ailes perpendiculaires dans les plans cruciformes dont Saint-Laurent de Lyon et Les Saints-Apôtres de Milan sont de beaux exemples occidentaux, de même que la grande basilique syrienne du ve siècle de Saint-Syméon le Stylite à Qalaat Sem’ân. D’autres domus ecclesiae des vie et viie siècles ont été récemment observées, probablement elles aussi dotées d’un étage au moins et pour certaines M. Fixot (éd.), Le groupe épiscopal de Fréjus, Turnhout, 2012 (Bibliothèque de l’Antiquité tardive, 25), p. 234-239. 484 Ibid., p. 239-240. 485 Ibid., p. 240-243. 486 C. Bara, « Marseille, la demeure épiscopale durant l’Antiquité tardive et son déplacement au Moyen Âge, contributions de l’archéologie (1995-2010) », Des domus ecclesiae aux palais épiscopaux. Actes du colloque tenu à Autun du 26 au 28 novembre 2009, éd. S. Balcon-Berry, F. Baratte, J.-P. Callet et D. Sandron, Turnhout, 2012, p. 99-114. 483
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de portiques ou de galeries, mais d’un plan plus éloigné de la description donnée par le rédacteur de la Vie de Didier. Elles s’apparentent plus à une maison bloc de grandes dimensions, un type à certains égards assez proche des futurs palais médiévaux, cependant l’incomplétude des plans invite encore à la prudence. Ainsi en est-il du bâtiment 34 de l’état 5 de la fouille des Ormeaux à Valence487 ou du bâtiment 2 de Poitiers, édifié sans doute dès le vie mais probablement reconstruit au viie siècle488. Un autre plan peut être avancé pour la domus de Didier, si l’on admet que l’expression « avec des fenêtres orientées différemment » ne signifie pas que les fenêtres ne donnent pas dans la même direction parce que les ailes sont orientées à angle droit, mais parce que ces baies sont ouvertes dans différentes façades de chaque aile, ce qui signifierait donc que ces ailes étaient amplement éclairées et que leurs fenêtres donnaient vers différentes directions : certaines vers le Lot, d’autres vers une cour intérieure de la domus ecclesiae ou sur la ville. Dans cette hypothèse, les « demeures jumelles » pourraient alors correspondre à un bâtiment construit dans un même axe longitudinal, avec deux ailes symétriques de part et d’autre d’un corps central. C’est aussi ce plan que Pédro Matéos Cruz a restitué pour le xenodochium de Mérida en Espagne, fondé par l’évêque Masona au viie siècle non loin de la basilique suburbaine de Sainte-Eulalie. La bâtisse, qui a été en partie fouillée, comprenait en effet deux ailes symétriques, enserrant une salle absidiale édifiée dans la deuxième moitié du vie siècle, sur les bases d’un mausolée tardo-antique. Au rez-de-chaussée, les corps latéraux du viie siècle étaient organisés en longs espaces longitudinaux depuis cette salle centrale, et se subdivisaient en trois vaisseaux intérieurs ou en deux portiques ouvrant sur une longue cour intérieure. Chacune de ces ailes était surmontée d’un étage auquel on accédait, depuis le rez-de-chaussée, par un escalier à degrés droits. L’interprétation fonctionnelle de l’édifice et la datation du viie siècle reposent sur de nombreuses pièces sculptées (colonnes, pilastres, chapiteaux), ainsi que sur le plan, le mode de construction, la situation proche de Sainte-Eulalie et la comparaison avec d’autres édifices tardo-antiques connus notamment en Méditerranée orientale489. Si une telle disposition a existé à F. Gabayet, « Un complexe épiscopal sous la place des Ormeaux », De mémoires de alais. Archéologie et histoire du groupe cathédral, éd. I. Parron-Kontis et J. Tardieu, P Valence, 2006, p. 107-108. 488 Br. Boissavit-Camus, « La domus ecclesiae de Poitiers », Des domus ecclesiae aux palais épiscopaux. Actes du colloque tenu à Autun du 26 au 28 novembre 2009, éd. S. BalconBerry, F. Baratte, J.-P. Callet et D. Sandron, Turnhout, 2012, p. 229-230. 489 Voir les références à la Méditerranée orientale dans P. Mateos Cruz, « Identificación del xenodochium fundado por Masona en Mérida », IV Reunió d’arqueologia cristiana hispànica, Lisboa 28-30 setembre, 1-2 octubre 1992, Barcelone, 1995, p. 311-313, fig. 2 et 3. 487
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Cahors, le long bâtiment de la résidence de l’évêque que l’on imagine devait, près de la cathédrale, également dominer la rive du Lot, s’offrant ainsi à la vue – et sans doute à l’admiration – de tous. La domus ecclesiae se trouvait près de la cathédrale sans qu’on puisse aller plus loin dans l’articulation des deux ensembles, puisqu’on ne connait ni les emprises et ni les plans exacts qu’ils avaient au temps de Didier. C’est aussi à proximité de celle-ci, « à une distance de trois maisons », que l’évêque fit construire « un élégant oratoire, d’un travail remarquable et dominé par une voûte admirable ». Cet oratoire a disparu, mais il pourrait s’agir de l’ancienne chapelle Saint-Martin, un édifice de style gothique servant aujourd’hui de sacristie, situé rue de la Chantrerie, au sud du chevet de la cathédrale du xiie siècle. Peut-être cet édifice était-il réservé à l’usage « particulier » de l’évêque. Comme l’ont relevé Jean Catalo et Jean-Luc Boudartchouk, l’hagiographe indique un peu plus loin au chapitre 16 que Didier a fait beaucoup d’autres œuvres admirables pour les frères – sous-entendus les évêques – qui lui succéderaient (Vita, 16)490. On connaît par les textes et par les fouilles archéologiques de tels édifices. À Genève491, dès la fin du ive ou le début du ve siècle, l’évêque avait ainsi son propre oratoire près ou dans l’enceinte de sa résidence ; il était situé à l’emplacement de la future Notre-Dame-la Neuve, attestée pour la première fois en 1266492. À Cahors cependant il n’est pas certain que la chapelle Saint-Martin ait été réservée à l’usage personnel de Didier, puisque ce dernier disposait déjà de deux chapelles dans la domus ecclesiae. Il n’est pas impossible que le caractère exceptionnel de cet édifice s’explique par la personnalité du dédicataire, saint Martin, ou par une dévotion personnelle de l’évêque à Martin, mais ce ne sont que des hypothèses. Quoi qu’il en soit, le cas de Cahors semble également confirmer les recherches récentes qui, à partir de l’étude des textes et des vestiges, montrent que certaines églises, qui seront secondaires à partir des xie-xiiie siècles, peuvent être très anciennes et même avoir servi, à un moment ou un autre, d’église cathédrale. Depuis l’article de Charles Bonnet de 1993, cité par Jean Catalo et Jean-Luc Boudartchouk, la poursuite des recherches sous la J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 144. 491 Ch. Bonnet, Les fouilles de l’ancien groupe épiscopal de Genève (1976-1993), cit. par J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », p. 144. 492 Ch. Bonnet, Les fouilles de la cathédrale Saint-Pierre de Genève : les édifices chrétiens et le groupe épiscopal, Genève, 2012, p. 57-58. 490
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cathédrale de Genève a ainsi démontré que, dès les débuts de sa construction entre 380 et 400, le groupe épiscopal comprenait plusieurs édifices cultuels, non seulement deux cathédrales, mais une troisième église, sans doute en lien avec le culte d’un personnage important, qui deviendra, à la période carolingienne, le noyau de la nouvelle cathédrale493. Par principe méthodologique, la prudence restera de mise avant de considérer un édifice proche du groupe cathédral ou qui se trouvera après les xie-xiiie siècles dans l’enceinte de l’episcopium, comme une église du groupe épiscopal dès sa fondation. Seule une enquête approfondie mettant en regard l’étude des sources et une réflexion sur le développement topographique de la propriété épiscopale peut permettre d’avancer des pistes, mais pas toujours de conclure494. La proximité de la cathédrale, de l’oratoire, d’autres églises, de la domus ecclesiae, et probablement d’un ancien baptistère – même si ce dernier n’est pas mentionné dans la Vita –, constituait l’embryon d’un groupe épiscopal495, comme il s’en est formé dans de nombreuses villes de la Gaule à cette époque496. On peine encore à restituer une organisation topographique précise des bâtiments et des espaces de ces complexes religieux, au sein de propriétés ou d’ilots où la trame urbaine antique se défait au gré de leur extension ; en particulier si ces bâtiments et ces cours étaient ou non reliés par des galeries couvertes, comme dans les fameux ensembles du Latran à Rome ou d’Hippone497. Genève en offre l’un des exemples les mieux renseignés par l’archéologie grâce aux fouilles de Charles Bonnet et du Service cantonal498. Les investigations menées en Arles, entre autres par Marc Heijmans, dans l’étroit réduit situé entre la grande cathédrale Saint-Césaire et l’enceinte Ibid., p. 36-40. B. Boissavit-Camus, Le quartier épiscopal de Poitiers : essai de topographie historique d’un secteur urbain (ive-xiie siècle), Tours, Université François-Rabelais, 2001, en particulier les chapitres 2 et 3 de la IIIe partie, p. 491-570 ; Ead., Recherches sur l’espace des pratiques collectives au premier Moyen Âge. Exemples d’archéologie du fait urbain et du fait religieux, ive-xiie siècle en France centrale, Mémoire d’HDR, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2012, vol. 1, p. 73-74. 495 J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 145 et fig. 9, p. 146. 496 N. Duval, « L’ecclesia, espace de la communauté chrétienne dans la cité », Naissance des arts chrétiens, Paris, 1990, p. 50-69 ; Fr. Prévot, M. Gaillard et N. Gauthier, Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du viiie siècle, t. 16/2 : Quarante ans d’enquête. Christianisation et espace urbain. Atlas, tableaux, index, Paris, 2014. 497 N. Duval, « L’ecclesia, espace de la communauté chrétienne dans la cité », p. 50-69, en particulier le chapitre intitulé « La domus ecclesiae. Les dépendances non cultuelles de l’ecclesia », p. 63-68. 498 Ch. Bonnet, Les fouilles de la cathédrale Saint-Pierre de Genève : les édifices chrétiens et le groupe épiscopal, Genève, 2012. 493
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urbaine témoignent aussi de la diversité des situations topographiques et des solutions architecturales adoptées499. À Cahors même, la formation de ce groupe épiscopal a entraîné un bouleversement du paysage archéologique dont témoignent les fouilles réalisées depuis les années 1990, dans le secteur de la Préfecture500. Elles suggèrent un remaniement foncier probablement important, peut-être au moment de l’installation du groupe épiscopal, au début du ve siècle. Dans la cour de l’archidiaconé et dans le cloître, les différences de niveaux observées entre les murs construits au viie siècle indiquent que l’ancien aménagement en terrasse de la pente vers le Lot a dû être maintenu au haut Moyen Âge mais qu’il avait disparu lors de la reprise médiévale postérieure501. Ces transformations à l’intérieur de la cité remparée s’accompagnent de nouveaux aménagements périurbains. La construction d’un monastère hors-les-murs Outre les travaux réalisés dans la cité remparée, Didier éleva « un monastère près du municipe de Cahors, remarquable parmi tous les autres édifices, distant d’environ sept cent cinquante pas du siège principal des évêques, achevé avec le plus grand zèle, par un travail admirable et unique dans l’art de bâtir des maisons et des églises502, qu’il entoura aussi de vignes, de champs et de murs (c. 17) ». Ce monastère était situé « dans le suburbium » à l’ouest M. Heijmans, « A rles », Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du viiie siècle, à paraître ; et le manuscrit inédit de son HDR sur la basilique Saint-Césaire d’Arles. Voir aussi M. Heijmans, « À propos de la mise à jour de la Topographie chrétienne des cités de la Gaule : réflexions sur le cas d’Arles », L’empreinte chrétienne en Gaule du ive au ixe siècle, éd. M. Gaillard, Turnhout, 2014, p. 151-171. 500 D. Rigal, « Cahors », Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 93. 501 J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 140-141. 502 La Vita Amantii (BHL 351-352), datée de l’époque carolingienne par Bruno Krusch, est en fait une œuvre du viie siècle selon Fr. Prévot, « L’utilisation de la mémoire du passé à travers quelques vies de saints aquitains », L’usage du passé entre Antiquité tardive et haut Moyen Âge. Hommage à Brigitte Beaujard, Rennes, 2008, p. 105-131. Le monastère prit rapidement le nom de Didier après que ce dernier l’eût choisi pour sépulture. Didier écrit à l’évêque Paul de Verdun pour l’inviter à la dédicace malgré l’éloignement ; voir Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 11 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 320-321, l. 642). En 649, les travaux achevés, Didier écrivit au maire du Palais d’Austrasie, Grimoald, pour lui demander de prendre le monastère sous sa protection (Epistulae, I, 2, p. 312-313) ; Fr. Prévot, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 63-64 ; Ead., « L’utilisation de la mémoire du passé à travers quelques vies de saints aquitains ». Ce monastère après diverses destructions et reconstructions fut transformé en paroisse, sous le vocable de Saint-Géry. 499
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des remparts de Cahors, dans une zone qui avait été urbanisée à l’époque romaine (les Hortes). Didier l’avait placé sous le vocable de saint Amans503, évêque de Rodez au ve siècle, fêté le 4 novembre. Il prit rapidement le nom de Didier, après que ce dernier l’eût choisi pour sépulture, placée sous une « voûte du côté droit de la basilique », « où, jusqu’à aujourd’hui, il repose inhumé au nom de Dieu ». Plus qu’un « collatéral voûté »504, le texte semble évoquer une sépulture sous arcosolium (niche profonde voûtée) ; un dispositif très commun dans l’Antiquité tardive et encore au viie siècle, comme à Saint-Pierre-des-Cuisines de Toulouse505 ou à Sainte-Quitterie d’Aire-surl’Adour506, pour citer deux exemples bien connus du Sud-Ouest.
b. L’architecture et l’art de bâtir évoqués dans la Vie de Didier À la fin du chapitre 31, l’hagiographe accentue ses éloges : « il aura porté l’enclos de son monastère à un prestige supérieur par la grandeur de maisons sublimes, l’élévation admirable des basiliques, par la beauté enveloppante des voûtes d’une construction remarquable et presque unique »507. L’opus romanum L’hagiographe ajoute des remarques techniques d’un grand intérêt pour la construction : « Enfin, s’inspirant de la manière des Anciens, il construisit là une basilique principale [du monastère] en pierres de taille508, travaillées à la doloire (dedolatis)509, non pas selon notre mode gaulois, mais comme il Supra, n. 206. R. Rey, « Un grand bâtisseur au temps du roi Dagobert. Saint Didier, évêque de Cahors », Annales du Midi, t. 65 (1953), p. 290. 505 Q. Cazes, J. Catalo, P. Cabau et al., L’ancienne église Saint-Pierre-des-Cuisines à Toulouse, Toulouse, 1988. 506 N. Sauvaître, « Landes, Aire-sur-l’Adour. La crypte de l’église Sainte-Quitterie », Bulletin monumental, t. 166 (2008), p. 347-350. 507 La topographie chrétienne des cités de la Gaule a recensé 14 édifices religieux à Cahors, auxquels s’ajoutent ceux des environs, ce qui, d’après les sources qui nous sont parvenues, place cette cité parmi les mieux dotées en lieux de culte (J.-M. Pailler, « Didier de Cahors. L’unification chrétienne de la cité », Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 78 ; Fr. Prévot, M. Gaillard et N. Gauthier, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 16/2, Paris, 2014, p. 474-476). 508 À l’emplacement du monastère, on voyait encore au xixe siècle de « g randes pierres en grès », Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 64. 509 L’hagiographe semble appliquer au travail de la pierre un instrument du travail du bois. La doloire (dedolatis) est citée par Pierre Chabat comme un outil de charpentier servant à tailler le bois (P. Chabat, Dictionnaire des termes employés dans la construction, et concernant la connaissance et l’emploi des matériaux ; l’outillage qui sert à leur mise en œuvre ; l’utilisation 503
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est coutume de le faire pour la construction en grand appareil des murs antiques avec de grandes pierres de taille en sorte qu’il réalisa le travail de fond en comble en pierres de taille, ajoutant à grand frais des portiques jumeaux510 qu’il rattacha à [la basilique] ». Plus haut, dans sa description de la domus ecclesiae, l’auteur s’émerveillait de la qualité de la construction en « pierres de taille d’une grandeur admirable. » L’hagiographe désigne le grand appareil antique qu’il oppose à l’appareil des constructions gauloises. De telles indications techniques sont rares et donc précieuses. Elles appellent plusieurs remarques. En premier, même si on ne peut pas penser, comme Michel Rouche511, qu’il existait un opus gallicanum, c’est-à-dire un mode de construire particulier et unique en Gaule, quelques rares textes du haut Moyen Âge suggèrent qu’aux viie et viiie siècles, on considérait certaines manières de construire comme caractéristiques d’une région, alors qu’elles n’étaient ni les seules techniques employées dans ladite contrée ni exclusivement réalisées par des artisans qui en étaient originaires. Il faut donc plutôt traduire les mots opus/opera comme dans l’expression more, soit « à la manière de », ici gauloise ou romaine512. Gian Pietro Brogiolo de ces matériaux dans la construction des divers genres d’édifices anciens et modernes ; la législation du bâtiment, 2e éd., t. 1, 1875, p. 480). L’outil est utilisé pour amincir un matériau, bois, ardoise ou schiste (nous remercions Stéphane Büttner de nous avoir aimablement transmis ces informations). Son emploi surprend dans le cadre de la taille de la pierre. Aussi faut-il sans doute distinguer entre la doloire, outil de charpentier, et la dolabra, « outil antique utilisé par les légionnaires romains » qui peut servir pour le travail de la pierre. Le rédacteur de la vie de Didier a sans doute confondu les deux mots. Nous remercions Thierry Gregor, étudiant et tailleur de pierre, de nous avoir fourni ce renseignement. 510 Par « portiques jumeaux », il faut entendre des portiques flanquant les murs de l’abbatiale, comme bien d’autres édifices du haut Moyen Âge, par exemple les grandes basiliques lyonnaises fouillées par Jean-François Reynaud, de Saint-Just II et de Saint-Laurent, du ve siècle pour l’une et du vie siècle pour l’autre, et qui étaient encore en usage au temps de Didier (Lugdunum christianum. Lyon du ive au viiie siècle : topographie, nécropoles et édifices religieux Paris, 1998, respectivement p. 117-122 et 159-161 ; Noël Duval a donné une typologie des portiques dans son article sur « L’architecture cultuelle », Naissance des arts chrétiens. Atlas des monuments paléochrétiens de la France, Paris, 1991, p. 211-214. 511 Cet auteur distingue l’opus gallicanum de l’opus antiquum, M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 283. 512 Nous remercions vivement Saverio Lomartire de l’Université de Vercelli de ses remarques très pertinentes sur ce sujet, en particulier sur les textes concernant les magistri comacini, une question d’après lui déjà abordée par F. de Dartein (Étude de l’architecture lombarde et sur les origines de l’architecture romano-byzantine, Paris, 1865-1882, en particulier, p. 7884) et par U. Monneret de Villard, « Note sul memoratorio dei maestri comacini », Archivio storico Lombardo, sér. 5, t. 47 (1920), p. 1-16 ; voir aussi S. Lomartire, « Commacini e marmorarii. Temi e tecniche della scultura tra VII e VIII secolo nella Langobardia Maior », I magistri commacini. Mito e realtà del medioevo lombardo. Atti del XIX Congresso internazionale di studio sull’alto medioevo, Varese-Come, 23-25 ottobre 2008, Spolète, 2009, p. 151-210, p. 156-159. C’est sans doute sur ce principe et sur les habitudes des archéologues
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s’appuyant lui aussi sur le texte de la Vita Desiderii et sur le Memoratorum de mercedibus commacinorum513, émis en 713 par le roi lombard, Liutprand, souligne qu’on y distingue une façon de construire des maçons gaulois différente de celle en usage dans le nord et le centre de la péninsule italienne, appelée quant à elle « Romaine » (Romanensis)514 et, de même, Bède le Vénérable fit-il venir des maçons gaulois pour édifier, vers 674/5, l’abbatiale en pierre du monastère Saint-Pierre de Wearmouth « à la manière romaine qu’il a toujours admirée »515. On ne reviendra pas ici sur les emplois par les spécialistes du mot opus pour désigner aussi bien la structure de la maçonnerie considérée dans son ensemble (« opus caementicium ») qu’à ses faces parementées (« opus incertum ou opus reticulatum ») dans les textes anciens et dans les traités modernes d’architecture516. Il est encore plus difficile de définir l’opera gallica. S’agit-il, comme le croit Gian Pietro Brogiolo, d’une manière de construire des bâtiments en torchis sur solin de pierres517 ou l’expression est-elle synonyme d’opus incertum, de petit appareil, comme le croyait Ugo Monneret de Villard ? Pour ce dernier, l’opera romanica renverrait au grand appareil en pierre de taille, alors que d’autres spécialistes y voient un petit appareil de moellons grossièrement ou mal assisé518. que Michel Rouche a distingué, dans la Vie de Didier, un opus gallicanum de l’opus antiquum (M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 283). 513 Notamment dans les art. 3 et 5A d’une interprétation difficile. 514 G. P. Brogiolo, « A rchitetture di qualità tra VI e IX secolo in Italia settentrionale » ; Techniche costruttive e cicli edilizi tra VI e IX secolo, fra Oriente e Occidente. Atti del Seminario, Padova, 25 ottobre 2013, éd. G. P. Brogiolo, Sesto Fiorentino, 2014 (Archeologia dell’Architettura, 18), p. 45-59. 515 Nous remercions de nouveau Saverio Lomartire qui nous a rappelé ce texte. À ce propos, R. Cramp, Wearmouth and Jarrow. Monastic sites, t. 1, Swindon, 2005, p. 31 et p. 368 : texte latin repris de l’édition de Ch. Plummer, Venerabilis Bedae opera historica, t. 1, Oxford, 1896, p. 368 (…Benedictus oceano transmisso Gallias petens, cementarios qui lapideam sibi aecclesiam iuxta Romanorum quem semper amabat morem facerent postulavit, accepit, adtulit). 516 P. Gros, « L’opus signinum selon Vitruve et dans la terminologie archéologique contemporaine », Vitruvio nella cultura architettonica antica, medievale e moderna. Atti del convegno internazionale di Genova, 5-8 novembre 2001, éd. G. Ciotta, t. 1, Gênes, 2003, p. 142-152 ; Id., Vitruve et la tradition des traités d’architecture. Fabrica et ratiocinatio. Recueil d’études, Rome, 2006. 517 G. P. Brogiolo, « A rchitetture di qualità tra VI e IX secolo in Italia settentrionale », Techniche costruttive, Sesto Fiorentino, 2014, p. 45. 518 U. Monneret de Villard, « Note sul memoratorio dei maestri comacini », Archivio storico lombardo, sér. 5, t. 47 (1920), p. 5-7 ; A. Cagnana, « Le techniche murarie prima del romanico : evidenze archeologiche, fonti scritte, ipotesi interpretative », Alle origini del romanico : monasteri, edifici religiosi, committenza tra storia e archeologia (Italia settentrionale,
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Revenons à la réalité archéologique. Comme l’ont montré de nombreuses fouilles d’habitats des vie-viie siècles en France, la construction en torchis y est alors très fréquente, en particulier dans le nord et le centre de la France et en contexte rural, mais elle a également été repérée dans des constructions religieuses, dans des maisons urbaines et dans le Midi de la France. Pour autant, elle est loin d’être le seul mode de construction fréquent. Le petit appareil de moellons, en général récupérés sur des édifices antiques et disposés en assises plus ou moins régulières, demeure d’usage très courant, surtout dans les villes d’origine gallo-romaine. Il représente même le mode de construction dominant pour bâtir les églises jusqu’au xie siècle ; la chose est bien connue519. Les élévations du vie et celles du viie siècle du baptistère de Poitiers sont un très bel exemple de la variété et de la qualité de cet appareillage pouvant exister en Gaule mérovingienne. Le choix des blocs, tous des remplois, et la régularité des assises y sont parfaitement adaptés à la plus ou moins grande visibilité voulue pour les parements : ainsi, en dessous des fenêtres, les parties en opus incertum montées avec des pierres aux dimensions variées et une mise en œuvre parfois très irrégulière, étaientelles destinées à être largement masquées par un enduit couvrant dont on a d’ailleurs retrouvé des restes, tandis qu’aux frontons, les assises de petits blocs bien taillés, séparées par des joints horizontaux et verticaux très fins, relèvent-elles d’un bel appareillage réglé, destiné, comme l’appareil allongé du niveau des baies, à être vu520. Dans l’ancienne Aquitaine et plus largement le Sud-Ouest, il en allait de même : coexistaient différents types de bâtiments en terre et en bois et des bâtiments maçonnés avec parements en petit appareil, édifiés dans la tradition de l’Antiquité tardive. Il est donc probable que le rédacteur a simplement voulu faire ressortir le fait que les édifices fondés par Didier ont été construits de façon peu courante en Gaule, façon qu’il identifie à la grande construction antique. Ce faisant, le rédacteur met en valeur le commanditaire, l’évêque Didier. Par la hardiesse de ses choix (parement entièrement en grand appareil et voûtes), Didier innove ou plutôt revient aux usages romains de construction secoli 9-10). Atti delle III giornate di studi medievali (Castiglione delle Stiviere, 25-27 settembre 2003), éd. R. Salvarani et G. P. Brogiolo, Brescia, 2005, p. 107-110. 519 D. Prigent, « Le ‘petit appareil’ : méthodes d’analyse et premiers résultats. L’exemple du Val de Loire », Le « premier art roman » cent ans après la construction entre Saône et Pô autour de l’an mil. Études comparatives. Actes du colloque international de Baume-les-Messieurs et Saint-Claude (18-21 juin 2009), éd. É. Vergnolle et S. Bully, Besançon, 2012, p. 189-204. 520 B. Boissavit-Camus, Le baptistère Saint-Jean de Poitiers. De l’édifice à l’histoire urbaine, Turnhout, 2014, p. 326-332.
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antérieurs au iiie siècle521 et renoue ainsi avec les sources classique de l’Antiquité gréco-romaine. Le grand appareil, qui remontait aux débuts de la construction en pierre, avait en effet été délaissé au profit de la construction maçonnée, en brique, si typique de l’architecture romaine, ou en moellons équarris ou taillés, notamment en Gaule où l’on a moins construit en briques. Le grand appareil en pierre de taille (quadratum) est en revanche encore bien attesté aux ive et ve siècles, et jusqu’au viiie siècle, au Proche-Orient522. Aux ve et vie siècles, cette technique qui évolue sous l’influence des constructeurs byzantins, demeure employée de la Mésopotamie à l’Asie mineure523, en particulier en Syrie et en Jordanie. Ces techniques se seraient ensuite rediffusées par diverses voies vers l’Occident, à partir de l’Asie mineure ou de l’Afrique du Nord. En Occident, cet appareil n’avait cependant pas été entièrement abandonné dans la construction monumentale. Il s’était maintenu dans des édifices funéraires, mausolées (par exemple le célèbre tombeau de Théodoric à Ravenne), caveaux et hypogées des ive et ve siècles524. Les chercheurs J.-Cl. Bessac, « Techniques classiques de construction et de décor architectural en pierre de taille entre Orient et Occident (vie-ixe siècle : abandon ou perte ?) », Techniche costruttive, Sesto Fiorentino, 2014, p. 9-23 ; G. P. Brogiolo, « A rchitetture di qualità tra VI e IX secolo in Italia settentrionale », ibid., p. 45-59 ; P. Gilento, et R. Parenti, « Modelli edilizi e techniche costruttive tra Tardoantico ed Età islamica in area siro-giordano », ibid., p. 25-44. 522 R. de Filippo, « La brique et les matériaux de construction en terre cuite à l’époque romaine », J.-Cl. Bessac et al. (éd.), La construction. Les matériaux durs : pierre et terre cuite, Paris, 2004, p. 97-116. 523 Les archéologues du xixe siècle et du début du xxe, comme M. de Vogüé (Syrie centrale, architecture civile et religieuse du ier au viie siècle, 2 t., Paris, 1865-1877), A. Choisy (L’art de bâtir chez les byzantins, Paris, 1883) ou encore H. C. Butler (Ancient Architecture in Syria, 2 t., Leyde, 1907-1920) avaient attiré l’attention sur l’importance de l’appareillage en grand appareil au Proche-Orient et dans les parties orientales de l’Empire byzantin. Outre les travaux d’A. Grabar, L’Âge d’or de Justinien, de la mort de Théodose à l’Islam, Paris, 1966 et de R. Krautheimer et S. Curcic, Early christian and Byzantine architecture, Londres, 1965, p. 105-116. Des recherches plus récentes dénotent depuis les années 1980-1990, un renouveau des études sur la question des constructions en grand appareil dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge à partir des approches de l’archéologie du bâti (voir en particulier divers articles dotés d’une riche bibliographie dans Techniche costruttive e cicli edilizi tra VI e IX secolo, fra Oriente e Occidente. Atti del Seminario, Padova, 25 ottobre 2013, éd. G. P. Brogiolo, Sesto Fiorentino, 2014 ; on consultera les articles de J.-Cl. Bessac, « Techniques classiques de construction et de décor architectural en pierre de taille entre Orient et Occident (vieixe siècle : abandon ou perte ?) », p. 9-23, de G. P. Brogiolo, « A rchitetture di qualità tra VI e IX secolo in Italia settentrionale », p. 45-59 et de P. Gilento et R. Parenti, « Modelli edilizi e techniche costruttive tra Tardoantico ed Età islamica in area siro-giordano », p. 2544). Nous remercions beaucoup Piero Gilento de nous avoir communiqué cette publication. 524 Ch. Sapin et P. Chevalier (éd.), Mausolées et églises, ive-viiie siècles, Turnhout, 2012 ; Ch. Sapin, Les cryptes en France. Pour une approche archéologique, ive-xiie siècle, Paris, 2014, p. 22-30. 521
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attribuent le renouveau de ce type d’appareil en Italie525, en Afrique du Nord et en Espagne526 au vie siècle, à la suitede la reconquête de Justinien, puis on le voit réapparaître en Gaule au cours des vie et viie siècles. Faut-il attribuer ce retour à la pierre de taille à l’arrivée en Gaule d’artisans venus directement d’Orient ou qui auraient transité par l’Afrique du Nord, l’Espagne ou l’Italie ? On peut aussi penser que ce regain pour le grand appareil ait trouvé un terrain fertile chez des artisans locaux qui, depuis longtemps, prélevaient sur les ruines antiques. C’est ce que suggèrent les matériaux remployés dans un mur mérovingien construit dans la cour de l’archevêché de Cahors où l’élévation en petit appareil de moellons reposait sur un lit de gros blocs servant d’assise terminale à la fondation527. C’est aussi ce que l’on voit à Saint-Irénée à Lyon528, à Saint-Andoche d’Autun529, et dans diverses églises d’Auvergne530 et du Limousin531 où les maçons ont récupéré au viie siècle de grands blocs d’appareil. Parfois, comme au baptistère Saint-Jean de Poitiers532, les blocs ont été débités en petits appareils allongés. Cet emploi ou récupération du grand appareil semble
André Grabar faisait déjà de Ravenne et de l’Istrie les grands centres de pénétration (L’Âge d’or de Justinien, de la mort de Théodose à l’Islam, Paris, 1966, p. 198) ; G. P. Brogiolo, « A rchitetture di qualità tra VI e IX secolo in Italia settentrionale », Techniche costruttive, Sesto Fiorentino, 2014, p. 46-47. 526 J. Sarabia Bautista, « El ciclo edilicio en la arquitectura tardoantigua y altomedievale del sureste de Hispania : los casos de Valencia, Eio y Cartago Spartaria », Techniche costruttive, Sesto Fiorentino, 2014, p. 166-168 ; G. P. Brogiolo, « A rchitetture di qualità tra VI e IX secolo in Italia settentrionale », Ibid., p. 46. 527 J. Catalo et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), fig. 6. 528 J.-F. Reynaud, « Lyon : Saint-Irénée : une basilique funéraire des ve-viie siècle », Bulletin monumental, t. 169 (2011), p. 153-155. 529 Information orale de Sylvie Balcon et de Camilla Canonni que nous remercions de nous avoir transmis ces renseignements. 530 D. Martinez et D. Morel, « L’architecture religieuse de l’Auvergne entre Antiquité tardive et haut Moyen Âge à travers la documentation archéologique », Hortus Artium Medievalium, t. 18 (2012), p. 114. 531 Plusieurs églises limousines, en particulier du très haut Moyen Âge, comportent de grands blocs récupérés pour la plupart sur des mausolées antiques ou tardo-antiques, comme Saint-Hilaire de Moutier-Rozeille (Creuse) dont Jacques Roger dirige la fouille depuis plusieurs années ou comme Notre-Dame de la Courtine, fouillée récemment par Xavier Lhermite, ou encore la crypte de l’église de La Souterraine, étudiée par Lise Boulesteix dans le cadre de sa thèse (J. Roger et L. Boulesteix, « Le pouvoir attractif des mausolées antiques sur la christianisation du monde rural : l’exemple de la partie septentrionale du Limousin », Mausolées et églises, ive-viiie siècles, Turnhout, 2012, p. 293-307. 532 B. Boissavit-Camus, Le baptistère Saint-Jean de Poitiers. De l’édifice à l’histoire urbaine, Turnhout, 2014, p. 327-330, 333-334. 525
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être resté cependant limité533, mais on soulignera que ce matériau nécessitait pour le dressage et la mise en œuvre la présence d’artisans spécialisés ou formés. L’emploi des lapidum quadratorum (c. 17) dans la construction des murs de Cahors s’inscrit donc peut-être dans une forme de renouveau pour l’opus romanum en Occident, au viie siècle. Peut-être le séjour que fit Didier à Marseille, un port ouvert aux grands courants méditerranéens, n’est-il pas étranger à sa nouvelle sensibilité esthétique. Elle se manifeste aussi dans les voûtes dont il couvrit certains des édifices qu’il a édifiés à Cahors. Les voûtes À propos de l’oratoire Saint-Martin, l’emploi surprenant du participe passé prostratum semble indiquer, selon Jean Catalo et Jean-Luc Boudartchouk, que non seulement l’édifice était tout entier voûté, mais qu’il devait être entièrement construit en pierre « à l’antique », puisqu’il était « comme dominé (prostratum) par une voûte admirable »534. Faut-il aller jusque là et comment comprendre la contradiction entre l’élégance de l’oratoire et cette impression d’écrasement ? Le copiste de C a senti cette discordance et cru bon de corriger prostratum en constratum. L’architecture antique utilisait différents types de voûte, des voûtes massives en pierre dans la tradition orientale et grecque et des voûtes maçonnées plus légères très courantes dans l’architecture romaine et gallo-romaine, montées sur cintre, en berceau ou selon la technique d’une faible pénétration de deux berceaux (voûte d’arête), auxquelles s’ajoutaient les coupoles fermant les espaces de plan centré535. Ces types de couvrement se poursuivent en Occident durant l’Antiquité tardive, dans les édifices de plan centré, On le retrouvera ensuite à la période carolingienne, avant qu’il n’évolue vers le moyen appareil vers la fin du xe siècle ou le début du xie siècle. Par exemple dans la tour résidence du château de Mayenne (R. Early, « Les origines du château de Mayenne. Apports archéologiques », « Aux marches du Palais ». Qu’est-ce qu’un palais médiéval ? Données historiques et archéologiques. Actes du VIIe Congrès international d’archéologie médiévale (Le Mans – Mayenne 9-11 septembre 1999), éd. A. Renoux, Le Mans, 2001 (Actes des congrès de la Société d’archéologie médiévale, 7), p. 273-287. À Poitiers, au ixe ou xe siècle, les pierres des chaines d’angle du mur ouest de la salle est du baptistère ont été reprises avec des moyens et grands appareils que les constructeurs ont récupérés sur les éléments des bandeaux et de la corniche de l’élévation mérovingienne démontée ; ces éléments avaient été, au viie siècle, euxmêmes retaillés des grands blocs antiques (Boissavit-Camus dir, Le baptistère de Poitiers, op. cit., 2014, p. 342). 534 Catalo, J. et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), p. 143-144. 535 On se reportera à l’ouvrage de J.-P. Adam, La construction romaine. Matériaux et techniques, Paris, 1984, p. 173-212. 533
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baptistères et mausolées impériaux notamment. De solides études archéologiques comme celles menées dans les caveaux voûtés de Saint-Just ou l’hypogée de Mellebaude à Poitiers ont montré qu’aux ve et vie siècles, les voûtes en berceau plein cintre et maçonnées sont fréquentes dans les mausolées et les caveaux de petites dimensions. On les retrouve aussi dans le couvrement des cryptes tardo-antiques et du haut Moyen Âge536, comme à Saint-Gervais de Genève aux ve et vie siècles537 ou à Saint-Laurent de Grenoble au viie siècle538 par exemple539. Elles sont également présentes dans des petites églises, comme à Marseille où Didier séjourna, avec la petite basilique à trois nefs datée des ive-ve siècles du site prestigieux de Saint-Victor ; les vestiges permettent d’y restituer une voûte en berceau plein cintre dans la nef centrale et des voûtes d’arêtes dans les collatéraux540. Les fouilles révèlent aussi parfois des églises ou chapelles dont l’importante épaisseur des murs amène à supposer un couvrement par une voûte en berceau. C’est le cas à Valence pour une chapelle retrouvée au sud de la cathédrale et à l’est du baptistère, et dont la construction est datée du haut Moyen Âge, « peut-être à partir du vie siècle »541. C’est aussi l’hypothèse de Sébastien Bully pour la chapelle quadrangulaire hors œuvre, dite « crypte Saint-Valbert », édifiée au viie siècle contre le chevet de l’église Saint-Martin de Luxeuil et ornée d’un décor d’arcatures aveugles542. Malgré le peu d’édifices mérovingiens conservés en élévation, on constate que la construction de voûtes en berceau couvrant des nefs ou des superficies plus étendues que des absides ne sont pas absentes de la Gaule, en particulier Ch. Sapin, Les cryptes en France. Pour une approche archéologique, ive-xiie siècle, Paris, 2014, p. 22-64. 537 Ch. Bonnet et B. Privati, « Les origines de Saint-Gervais à Genève », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. 134 (1990), p. 756-759. 538 R. Colardelle, La ville et la mort. 2000 ans de tradition funéraire à Grenoble, SaintLaurent, Turnhout, 2008, p. 153 (voûtes de la crypte de l’église du vie siècle), p. 185-194 (voûtes de l’église du viie-viiie siècle). 539 Ch. Sapin, « La crypte entre mausolée et église aux ive-vie siècles. Réflexions à partir des sources historiques et archéologiques, en particulier sur des cas bourguignons », Mausolées et églises, ive-viiie siècles, Turnhout, 2012, p. 330 ; Id., Les cryptes en France. Pour une approche archéologique, ive-xiie siècle, Paris, 2014, p. 22-30. 540 Comme on le voit encore dans le collatéral nord. Le site de Saint-Victor a été en grande partie fouillé par Gabrielle Demians d’Archambaud et publié par M. Fixot et J.-P. Pelletier, Saint-Victor de Marseille. Étude archéologique et monumentale, Turnhout, 2009, p. 278, 185-189, p. 263, fig. 204a-b. 541 F. Gabayet, « Un complexe épiscopal sous la place des Ormeaux », De mémoires de Palais. Archéologie et histoire du groupe cathédral, éd. I. Parron-Kontis et J. Tardieu, Valence, 2006, p. 107 (édifice no 33). 542 S. Bully, « L’église Saint-Martin de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône), deuxième campagne », BUCEMA : Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, t. 14 (2010), p. 39-43 ; mis en ligne le 15 octobre 2010, consulté le 1er mai 2019. URL : https://journals.openedition. org/cem/11509; DOI : 10.4000/cem.11509. 536
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au viie siècle. On suivra donc bien volontiers Jean Catalo et Jean-Luc Boudartchouk, à propos de l’oratoire Saint-Martin édifié par Didier, lorsqu’ils avancent qu’il devait être entièrement voûté, car s’il ne s’agissait que du voûtement de l’abside, pourquoi l’auteur de la Vita l’aurait-il souligné, puisque les voûtes en cul-de-four coiffant les absides semi-circulaires et polygonales étaient courantes depuis le vie siècle au moins. Il faut donc penser que ce qui séduit l’hagiographe et fait le charme et l’élégance du lieu, c’est l’édifice luimême et la voûte qui le couvre. Affirmer que cette voûte était en pierres au lieu d’être maçonnée, ce serait peut-être aller trop loin. Convient-il alors de reprendre la traduction de prostratum par l’adjectif « dominé » ou « écrasé » pour rendre l’impression d’envoûtement que semble ressentir notre auteur ? C’est là une hypothèse envisageable, mais on s’étonne que l’auteur ne l’ait pas mieux soulignée comme lorsqu’il décrit la basilique de Saint-Amans. Il en va en effet tout autrement du couvrement de la basilique de SaintAmans. Le rédacteur expose là encore son émerveillement quand il évoque « la beauté enveloppante des voûtes d’une construction remarquable… d’une basilique en pierres de taille… en sorte qu’il [Didier] réalisa le travail de fond en comble en pierres de taille » (c. 30). L’association de la pierre de taille en grand appareil avec une voûte en pierres couvrant manifestement tout l’édifice fait de la basilique du monastère Saint-Amans un édifice, semble-t-il, unique dans la Gaule mérovingienne et parmi les églises mentionnées dans les textes. La technique de construction semble cette fois rappeler plus directement l’Orient. Les techniques de construction des voûtes et des couvrements des édifices civils et religieux du Proche-Orient, antiques et islamiques, ont fait l’objet de très nombreuses recherches543. Des travaux récents montrent que les segments de voûtes en berceau étaient relativement courts (une à deux travées comme dans les chœurs à travée droite et hémicycle). Lorsque le couvrement en pierre s’étendait sur une plus grande longueur, par exemple celle d’une nef, il était soutenu au moyen de doubleaux ou d’arcs diaphragmes. Dans plusieurs cas, les constructeurs ont opté pour des couvrements de nefs juxtaposant de grandes traverses quadrangulaires en pierre, jetées d’un gouttereau à l’autre ou reposant entre deux arcades, ou encore pour des planchers soutenus par de longues poutres en pierre disposées longitudinalement. La chronologie de ces couvertures en pierres est peu à peu révisée grâce aux études archéologiques Pour la littérature sur ces voûtes orientales, on se reportera aux ouvrages déjà cités et à la riche bibliographie donnée par P. Gilento et R. Parenti, « Modelli edilizi e techniche costruttive tra Tardoantico ed Età islamica in area siro-giordano », Techniche costruttive, Sesto Fiorentino, 2014, p. 25-44. 543
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du bâti et s’étend au moins pour la région du Hawrān (Jordanie et Syrie du Sud) au vie ou viie siècles544. Les travaux de Didier témoignent incontestablemen de son ambition. Celle-ci se manifeste aussi dans le style quasi palatial de la domus ecclesiae qu’il a voulu édifier à Cahors. Cette ambition dans le domaine artistique est celle d’un évêque, issu de la grande aristocratie gallo-romaine, doté de moyens considérables qui doivent servir autant à la vie religieuse qu’à la renaissance artistique. Les techniques de voûtement choisies par l’évêque de Cahors pour Saint-Amans rompent avec celles le plus souvent utilisées en Occident depuis le ive siècle. S’il est impossible de savoir ce qui a pu inspirer les choix de Didier, il est clair qu’il s’inscrit, comme le recours à l’opus romanum, dans les courants d’influences diverses qui traversent le monde méditerranéen à cette époque. Qu’il ait rencontré lors de son séjour marseillais des artisans orientaux ou formés sur leurs chantiers ou à leurs techniques, cela est tout à fait possible, tout comme l’est l’hypothèse que ces derniers ou d’autres soient venus jusqu’à lui remontant d’Espagne ou arrivant par la grande voie de l’Italie du Nord depuis les chantiers byzantins. Les scénarios sont nombreux car les mobilités entre les différentes sphères étaient sans doute assez nombreuses545. Les évêques bâtisseurs mais aussi les grands centres monastiques qui se développaient en Gaule, comme dans tout l’Occident, pouvaient attirer des maîtres réputés et habiles, comme en témoignent les fouilles d’ateliers sur les sites monastiques tels que San Vincenzo al Volturno546, de Jarrow ou de Wearmouth, où Rosemary Cramp a retrouvé des vestiges de verrières colorées réalisées par des maîtres verriers que Bède le Vénérable avait aussi fait venir de Gaule547. L’archéologie a aussi révélé une importante activité édilitaire dans les campagnes, avec la construction de modestes églises rurales où les techniques de construction maçonnée sont employées et transmises, à côté des Ibid., p. 35-38. C. L. Ragghianti, Prius ars. Arte in Italia al secolo V al secolo X, éd. A. Caleca, Lucques, 2010, p. 247-255. 546 M. Lauwers, Monastères et espace social. Genèse et transformation d’un système de lieux dans l’Occident médiéval, Turnhout, 2014 ; Iuxta flumen Vulturnum. Gli scavi lungo il fronte fluviale di San Vincenzo al Volturno, éd. F. Marazzi et A. Luciano, Cerro al Volturno, 2015 ; L’eredità di san Colombano : Memoria e culto attraverso il Medioevo, éd. E. Destefanis, Rennes, 2017 (Art et société) ; Colomban et son influence. Moines et monastères du haut Moyen Âge en Europe. Actes du colloque de Luxeuil-les-Bains, 16-20 septembre 2015, éd. S. Bully, A. Dubreucq et A. Bully, Rennes, 2018. 547 R. J. Cramp, Wearmouth and Jarrow. Monastic sites, t. 1, Swindon, 2005, p. 31 ; t. 2, p. 56161 ; t. 1, p. 368, Le texte latin est repris de l’édition de Ch. Plummer, Venerabilis Bedae opera historica, t. 1, Oxford, 1896, p. 368 (…Proximante autem ad perfectum opere, misit legatarios Galliam, qui vitrifactores, artifices videlicet Brittanniis eatenus incognitos, ad cancellandas aecclesiae porticumque et caenaculorum, eius fenestras adducerent. Factumque est, venerunt…). 544
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nombreuses constructions en bois et en torchis. Les passages bien connus et souvent commentés de la Vita sancti Desiderii, même s’ils comportent une part de rhétorique548 et une dose d’enthousiasme viennent confirmer la vitalité de l’art de bâtir au viie siècle.
Conclusion L’épiscopat de Didier a bénéficié de circonstances favorables. Jusqu’à sa mort le 19 octobre 629, Clotaire II avait rétabli l’autorité royale sur le royaume franc réunifié. Charibert lui succéda sur une partie de l’Aquitaine mais l’autre héritier, le roi Dagobert, conservait une grande autorité au sud de la Loire puisque c’était lui qui, le 8 mars 630, avait prescrit à Sulpice, archevêque de Bourges, d’ordonner Didier, évêque de Cahors. Dagobert rétablit l’unité du royaume après le 8 avril 632, date de la mort de Charibert, en s’appuyant sur les élites locales, qu’elles soient laïques ou ecclésiastiques. La nomination de Didier, ancien fonctionnaire du Palais, dont la famille était fortement implantée dans le Quercy et surtout l’Albigeois, sur le siège épiscopal de Cahors en remplacement de son frère assassiné illustre parfaitement la politique royale. Malgré la pression des Vascons qui dominent les régions situées au sud de la Garonne et la division du royaume entre les Neustriens et les Austrasiens après la mort de Dagobert en 639, la paix a continué à régner en Aquitaine. Elle est maintenue par une génération de vieux évêques – Amand, Éloi, Didier lui-même – qui sont attachés à la monarchie franque et par les aristocraties locales qui s’accommodent de l’autorité royale tout en accaparant les fonctions publiques et ecclésiastiques. Didier est fidèle à la dynastie austrasienne et au maire du Palais pipinnide Grimoald549. C’est à ce dernier que l’évêque de Cahors demande de protéger le monastère qu’il a fondé sous les murs de la cité550. C’est dans ce climat de « pax romana » que Didier déploie de remarquables qualités d’administrateur au Palais et dans son diocèse et que s’affirme discrètement dans l’action épiscopale une sainteté sereine. L’emploi des adjectifs « admirables », « remarquables » est à rapprocher des mots de la Passion de saint Léger, évêque d’Autun, écrite par le moine Defensor de Ligugé, Passio Leudegarii, 32 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. V, p. 355-356) : In ipsius beatissimi honorem, jusso domni pontificis Ansoaldi, episcopi [Pictavis], opere huius Audulfo, patre monasterii, mirae magnitudinis fabricata est domus, cuius fabricae aedificatio est dissimilis omnium basilicarum constructio. 549 M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 87 et ss. 550 C’est au maire du Palais Grimoald que Didier écrit pour lui demander de prendre sous sa protection le monastère qu’il a édifié sous le vocable de saint Amans, voir supra, n. 206. 548
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La Vita sancti Desiderii appartient clairement au genre hagiographique. Elle présente des traits qui appartiennent à l’hagiographie de son temps, marquée par la préférence donnée aux saints évêques de la cour de Clotaire et de Dagobert, qui prolonge la tradition tardo-antique de l’essor du culte des saints évêques en Italie et en Gaule, bien mise en valeur par Jean-Charles Picard, Peter Brown et Brigitte Beaujard551. Même si les protestations d’incompétence de l’auteur ont trouvé place au début de l’épilogue (c. 55) au lieu de figurer dans le prologue, comme c’est l’usage, on y retouve les expressions convenues : « rusticité », discours « sans ordre, sans élégance et sans construction rhétorique ». La rhétorique, sans être envahissante, est souvent présente : valorisation répétée des talents du saint, recours fréquent à l’intertextualité pour donner à certains passages l’éclat du style des lettres de saint Jérôme552, grande plainte finale sur les malheurs qu’a connus Cahors après la mort de son saint protecteur. La Vita sancti Desiderii a cependant une forte singularité. Elle n’est pas « de ces vies de saints interchangeables »553 à peine individualisées par la cérémonie liturgique qu’on célèbre chaque année pour l’anniversaire de la mort du saint. Elle appartient au type biographique, sur le modèle des vies antiques, puisque le récit commence avant même la naissance, par l’évocation de la famille de Didier, et se prolonge au delà de sa mort, les deux premiers miracles post mortem étant clairement rattachés aux animosités qu’il a pu susciter pendant son existence. Comme toutes les vies de saints, c’est une « œuvre militante »554 mais qui insiste plus sur les vertus de Didier, ses actions, que sur sa virtus, sa puissance miraculeuse. Alors que la vie de l’évêque de Clermont Bonitus, homme de culture comme Didier, est comme un centon de prodiges divers, celle de Didier insiste plutôt sur les mérites qu’il a montrés à la cour au service de Clotaire et de Dagobert, les qualités intellectuelles et psychologiques dont il a fait preuve au cours de son épiscopat, le discernement, la J.-C. Picard, Le souvenir des évêques. Sépultures, listes épiscopales et cultes des évêques en Italie du Nord des origines au xe siècle, Rome, 1988, p. 679-688 ; P. Brown, Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la Chrétienté latine, Paris, 1984 ; Br. Beaujard, « Cités, évêques et martyrs en Gaule romaine à la fin de l’époque romaine », Les fonctions des saints dans le monde occidental (iiie-xiiie siècle). Actes du colloque organisé par l’École française de Rome avec le concours de l’Université de Rome « La Sapienza », Rome, 27-29 octobre 1988, Rome, 1991, p. 175-191. 552 Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les nombreux remplois ne nuisent pas à l’originalité car ils se fondent avec élégance dans le discours, M. Van Uytfanghe, « Le remploi dans l’hagiographie : une ‘loi du genre’ qui étouffe l’originalité ? », dans Ideologie e pratiche del reimpiego nell’alto Medioevo, Spolète, 1999, p. 355-411. 553 M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques (viiie-xiiie siècle), Turnhout, 2005, p. 209. 554 Ibid., p. 197. 551
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modération, la capacité d’écoute comme on dirait aujourd’hui et naturellement la foi et les vertus chrétiennes qu’il pratique dans le monde sans ostentation tapageuse. Même s’il a eu pour ami un ascète et s’il a favorisé l’essor du monachisme, il n’a jamais pensé à se retirer dans le désert ou dans un monastère. Il n’est jamais présenté comme un contestataire, un marginal, un « être asocial », comme Ambroise. Au Palais, il vit chastement et pieusement au milieu des laïcs, suivant en cela les conseils de sa mère. C’est un homme de culture qui a été à juste titre qualifié de « dernier des Romains » par Anthyme de Saint-Paul555 en référence à ses activités de constructeur. On devrait aussi ajouter la passion qu’il manifeste pour la beauté des édifices qu’il a construits, le goût pour l’éclat et la richesse des ornements dont il les a dotés, et le souci de les pérenniser par les inscriptions qu’il a fait graver. L’expression « dernier des Romains » a été reprise par Ralph W. Mathisen556 qui lui a conféré une portée plus large. « Formé de façon approfondie à l’étude des lettres », il a étudié le droit romain. Sa correspondance s’inscrit dans une « longue tradition épistolaire qui va de l’époque hellénistique à Sidoine Apollinaire et à Ruricius de Limoges »557. Cette culture est celle de son milieu social, l’aristocratie gallo-romaine du sud de la France qui avait réussi à maintenir peu ou prou jusqu’au viie siècle, grâce à ses richesses foncières, un style de vie tardo-antique. La Vita elle-même est une œuvre littéraire de qualité exceptionnelle, comme l’ont montré plusieurs recherches récentes de Ralph W. Mathiesen. La Vita est aussi une œuvre inscrite dans le temps de l’Histoire, fondée sur des souvenirs personnels, des témoignages oraux, des documents écrits. Sans doute faut-il mieux prendre en compte le titre de l’œuvre – Vita et actus –, qui témoigne du caractère historique de la Vie de Didier et du souci de l’hagiographe d’insister plus sur les actions de l’évêque que sur la virtus du saint. L’auteur a eu accès aux archives de l’évêque, pieusement conservées à la cathédrale ou dans le monastère de Saint-Amans. C’est aussi une œuvre A. Saint-Paul, Histoire monumentale de la France, Paris, 1883, p. 52 : « I l se rendit célèbre comme constructeur et passa auprès de ses contemporains pour avoir retrouvé le système antique d’appareil en grosses pierres de taille… ». L’expression « Le dernier des Romains / Last of the Romans » est peut-être emprunté à E. Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, Boston, MA, 1854, p. 289. Elle a été souvent reprise, voir R. W. Mathisen, « Desiderius of Cahors : Last of the Romans », Gallien in Spätantike und Frühmittelalter. Kulturgeschichte einer Region, éd. St. Diefenbach et G. M. Müller, Berlin, 2013, p. 455. 556 R. W. Mathisen (« Desiderius of Cahors : Last of the Romans », p. 461 et ss.) met l’accent sur la permanence d’une culture littéraire classique au viie siècle, notamment dans les collections de lettres de Didier, de Ruricius de Limoges et quelques lettres de Fauste de Riez. 557 R. W. Mathisen, « Desiderius of Cahors : Last of the Romans », p. 463. 555
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insérée dans un large espace, celui des biens de sa famille dans le Quercy et l’Albigeois, celui du diocèse, mais plus spécialement ancrée dans celui de la cité et du suburbium réunis dans un même ensemble. Bien que l’auteur soit probablement un moine de Saint-Amans, qu’il soit très légitimement attaché à son monastère où repose le corps de Didier, il ne cherche pas à opposer la basilique suburbaine558 à la cité remparée pour créer deux pôles concurrents comme cela s’est produit assez fréquemment dans le Midi de la France, par exemple Saint-Sernin et Saint-Étienne à Toulouse, Saint-Seurin et la cathédrale Saint-André à Bordeaux, Saint-Étienne et Saint-Martial à Limoges559. Il encourage les Cahorsins dans l’épilogue à garder le souvenir de Didier qui doit continuer même après sa mort à être le protecteur de la cité. Le culte de Didier est pour lui une véritable religion civique comme au temps des Romains.
Le monde suburbain a cependant des fonctions particulières : c’est le monde des jardins, jardins du monastère Saint-Amans, orts, qui ont laissé leur trace dans la toponymie d’un quartier de la ville ; le monde suburbain a aussi des fonctions funéraires et religieuses marquées par la fondation d’établissements religieux, notamment le monastère Saint-Amans où Didier a élu sa sépulture. Les fouilles nous feront peut-être découvrir des activités artisanales et agricoles connues dans d’autres villes. 559 On renverra sur ce point à la thèse de Fernand Peloux sur les premiers évêques de Gaule. 558
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V. Principes d’édition Devant les différences qui existent entre les deux manuscrits principaux, le manuscrit de Moissac qui date du premier quart du xie siècle (Paris, BnF, lat. 17002, fol. 207v-217, A) et celui de Saint-Géry de Cahors du xive ou du xve siècle (Copenhague, Bibl. royale, Thott 136, fol. 1-30, C), que doit faire l’éditeur ? L’idée centrale défendue par Keith Bate dans l’article des Mélanges Bourgain a été de « remédier à des erreurs de stratégie dans les deux éditions [antérieures], car Poupardin n’a pas vu que le texte qu’il croyait transcrit au xe siècle contenait des passages transcrits au xiie siècle dans des espaces laissées vides par le premier scribe. Ils ont été imprimés en gras dans notre édition. Quant à Krusch, il a souvent privilégié les leçons des manuscrits tardifs, car elles semblaient plus sensées, mais en réalité elles comblaient les mêmes vides qui existaient dans le plus ancien manuscrit avant l’intervention du ou des scribes du xiie siècle « On ne peut pas préciser les dates de ces additions, car C a tellement trituré le texte qu’on ne peut pas connaître la date de l’exemplar qu’il copiait, mais la nature du latin de ces additions, tout comme la correction grammaticale dans le reste du texte laissent penser que cet exemplar ou hypotexte était postérieur au manuscrit Paris, BnF, lat. 17002. Une nouvelle édition devrait essentiellement suivre le manuscrit de Paris en faisant ressortir les additions du xiie grâce à une typographie différente »560. C’est le parti que nous avons choisi. Ces additions ne changent en rien la teneur du texte. S’il y a réécriture, elle concerne surtout la grammaire, « car les formes mérovingiennes ont disparu massivement »561. La nouvelle édition a suivi d’aussi près que possible le texte de A. Toutes les variantes de C sont signalées dans les notes bas de page, même les h562, sauf lorsqu’il s’agit de variantes orthographiques de peu de signification, portant par exemple sur l’emploi de la diphtongue. Nous n’avons fait appel aux leçons de la famille B qu’en désespoir de cause, quand elles fournissaient une A. K. Bate, « La Vita sancti Desiderii episcopi Caturcensis », La rigueur et la passion. élanges en l’honneur de Pascale Bourgain, éd. C. Giraud et D. Poirel, Turnhout, 2016, M p. 169. 561 Ibid., p. 170. 562 traitur/trahitur C (c. 2). 560
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interprétation permettant de donner du sens au texte. On pourra nous faire le reproche d’avoir ainsi appauvri l’histoire du texte563 par rapport aux éditions antérieures. Mais nous avons assez longtemps fréquenté nos devanciers pour vouloir épargner à nos lecteurs la surabondance des variantes infrapaginales et les choix arbitraires qu’elles ont pu parfois entraîner dans l’établissement du texte564. Pour tenter de donner à notre édition quelque originalité, nous avions dans un premier temps relevé avec grand soin en français toutes les corrections et additions figurant dans la première partie de A, effectuées par diverses mains. Les scribes eux-mêmes, parfois incapables de bien comprendre le sens de ce qu’on leur dictait, y ont apporté des corrections ou des interprétations. D’autres additions et corrections ont été faites en interligne ou plus rarement dans la marge par diverses mains. Mais les normes de la collection Hagiologia chez Brepols nous ont obligé à traduire les notes infrapaginales en latin, à les alléger et, parfois, à sérieusement les condenser. Du moins, comme nous l’avons déjà écrit, avons-nous signalé en gras les additions faites par une main du xiie siècle sur des espaces blancs correspondant à des passages du texte que les scribes du début du xie siècle n’avaient pas su lire ou comprendre. Autre question : il est certain que l’auteur de la Vita sancti Desiderii a été profondément influencé par les sources qu’il a utilisées : le texte ou plutôt l’intertexte biblique565, la Vita Eligii mais aussi les lettres de saint Jérôme566. Sans toujours le dire, il les cite longuement et parfois fort librement mais avec adresse567. Peut-être se fiait-il à sa mémoire ou utilisait-il des manuscrits qui 563 Voir sur ce point les réflexions de M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques (viiie-xiiie siècle), Turnhout, 2005, p. 235-238. 564 Commnt distinguer dans les variantes de la famille B ce qui vient du manuscrit perdu de Vyon d’Hérouval et des corrections faites par les érudits de l’époque moderne ? 565 Nous empruntons l’expression à M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques (viiie-xiiie siècle), p. 210. On compte une cinquantaine de citations bibliques – complètes ou tronquées ou simples allusions. La majorité sont empruntées aux évangiles (12) et aux épîtres (16). L’Ancien Testament est moins présent (18) sauf dans les derniers chapitres où prédominent les citations des Paumes (9). Sur les relations entre l’hagiographie et la Bible, voir M. Van Uytfanghe, « Modèles bibliques dans l’hagiographie », Le Moyen Âge et la Bible, éd. P. Riché et G. Lobrichon, Paris, 1984, p. 449-488. 566 Sur les citations de lettres de saint Jérôme, voir l’article de P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 53-55, repris et augmenté dans Recueil sur saint Jérôme, Bruxelles, 1968, p. 397-400. 567 C’est ainsi que le passage inspiré des Lettres de Jérôme (58, 7 : éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 81) s’inscrit fort bien dans le contexte de la fin du chapitre 21 (« mais qu’il était bien meilleur de préparer des âmes dignes de l’Époux céleste : il disait en effet qu’il faut croire que le véritable temple du Christ est l’âme de chaque fidèle chrétien ») et dans la construction du discours, puisqu’il sert de transition avec le chapitre suivant, comme l’a déjà relevé Fr. Prévot, « La construction de la cité chrétienne d’après la Vie de Didier, évêque de
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ont aujourd’hui disparu ou qui ont été négligés par les éditeurs. Faut-il alors corriger son texte en revenant à la source ? Et par exemple, dans les Miracula, corriger le cum cachinno exprobracionis elata verba du chapitre 39 pour revenir au cachinno… elato de la Vita Eligii568 ?, alors que les A et C ont choisi d’accorder elata avec le mot qui suit, verba569 ? Mais il advient aussi parfois que la Vie de saint Éloi permette de suggérer une hypothèse de correction. C’est ainsi que la fréquentation de la Vita Eligii permet de comprendre que, au début du chapitre 5, la lecture Frodegius/Clotharius dans les éditions de Poupardin et de Krusch, n’avait aucun sens et qu’il fallait plutôt supprimer la virgule et considérer que la leçon frodegius pourrait être une mauvaise lecture d’un adjectif accolé au nom du souverain et qui pourrait être prodigus570. Enfin, la capitulation a posé des problèmes car les éditions antérieures de René Poupardin571 et de Bruno Krusch emploient des systèmes différents. L’édition de Bruno Krusch a le mérite de la simplicité et de la continuité, puisqu’elle numérote les chapitres de 1 à 57572. Nous l’avons reprise en tête de chaque chapitre. Mais elle présente l’inconvénient de ne pas toujours tenir compte des divisions présentes dans les manuscrits A et C et de morceler les chapitres pour des raisons de clarté ou de présentation, ce qui conduit à s’écarter du système de présentation médiéval. Le système de Poupardin tient davantage compte de la capitulation médiévale573, indiquée sur A par la lettre K à la fin d’une partie et par des initiales ornées au début d’un sous-chapitre et sur B par de grandes initiales et parfois par des retours à la ligne avant le début d’un nouveau chapitre574. Mais le résultat manque de clarté et de précision parce que Poupardin utilise à la fois les chiffres romains pour les grandes parties de longueur très inégales – certaines Cahors », Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle, Rennes, 2009, p. 76. Ces remplois ne nuisent pas à l’originalité. 568 Chapitre sauté dans l’édition des MGH, alors que Krusch lui-même renvoie à la Vita sancti Eligii, II, 44 dans l’apparat critique de la Vita sancti Desiderii, mais qui se trouve bien dans celle de la PL, t. 87, col. 574. 569 Dans la phrase montrant le clerc Theudolenus : Exultans super eius morte cum cancinno exprobracionis elata verba propter verba proterva et injuriosa non timuit jaculare. 570 A. K. Bate, « La Vita sancti Desiderii episcopi Caturcensis », La rigueur et la passion. Mélanges en l’honneur de Pascale Bourgain, éd. C. Giraud et D. Poirel, Turnhout, 2016, p. 174. 571 René Poupardin emploie dans son édition de la Vie de saint Didier un système compliqué combinant les chiffres romains et les chiffres arabes qu’il ne justifie nulle part dans son introduction. 572 C’est déjà le système de numérotation continue utilisé dans les trois copies du BnF, lat. 11762. 573 Nulle part dans son Introduction, il ne justifie son choix. 574 C. 9, etc.
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ne comportent qu’un ou deux chapitres – et les chiffres arabes pour les sous-chapitres. Quand ces derniers ne figurent pas sur A, Poupardin s’appuie sur les grandes lettres de couleur de C pour introduire une nouvelle capitulation : pour le I, les chapitres 1, 2, 3, 4 ne correspondent à aucune capitulation dans le texte de A mais procèdent du manuscrit de Copenhague. La distinction entre I, II, III, IV, V et VI et VII, VIII s’appuie sur la présence à la fin des chapitres de la lettre majuscule K (pour Kapitulum). L’absence de K entre les chapitres X 18 et 19 de la Vita, ne l’empêche pas d’introduire une division, XI. Il distingue enfin la Vita des Miracula et reprend la numérotation en chiffres romains de I à XII – qui figure sur le manuscrit C –, alors qu’il y a treize miracles. Nous avons finalement décidé de faire suivre la numérotation continue des chapitres de Krusch, auxquels la plupart des savants ont pris l’habitude de se référer, par l’indication entre crochets carrés des chapitres de l’édition de Poupardin.
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LA VIE DE SAINT DIDIER ÉVÊQUE DE CAHORS (630-655) Édition et Traduction
UITA UEL ACTUS BEATI DESIDERII
INCIPIT UITA UEL ACTUS BEATI DESIDERII EPISCOPI CATURCENSIS CUJUS CELEBRATIO EST XVII KL. DECEMBRIS
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1 [I, 1]. – Igitur Desiderius, Caturcensis urbis episcopus, Obrege Galliarum oppido horiundus fuit. Haec itaque ciuitas, in extremis pene Galliarum finibus sita, regionibus prime Aquitaniarum extrema, habet a meridie prouinciam Narbonensem. In hac ergo parentibus honestissimis et apud gallicanas familias prae ceteris gratia generositatis ornatis Desiderius exortus est. Pater eius cristianissimus, uocabulo Saluius, mater uero eiusdem honesta et religiosa Hærchenfreda dicta est ; fratres autem eius Rusticus et Siagrius cum duabus sororibus aderant, quarum una Siluia, alia uero dice | batur Auita. E C 2b quibus Rusticus, a primis pubertatis annis clericus factus, archidiaconatus officium in urbe Rutena et abbatię regalis basilicę sub [C]lotario rege administrauit. Ad ultimum uero, pontificatus dignitatem in Caturcena urbe emeruit. Siagrius autem, post diutina palatii Francorum ministeria et familiaria Clotharii regis contubernia, comitatus dignitatem apud Albige iessit, necnon et apud Massiliam iudiciariam potestatem diu exercuit. Desiderius uero summa parentum cura enutritus, litterarum studiis ad plenum eruditus est, quarum diligentia hauctus est. Ubi post insignia litterarum studia Gallicanamque eloquentiam que uel floren|tissima sunt uel eximia, contu- C 2va bernii regalis adolescens indidit dignitatibus, ac deinde legum romanarum indagationi studium dedit, ut ubertatem eloquii gallici nitoremque sermonis grauitas romana temperaret.
1, 2 horiundus] oriundus C Haec] hec C 3 habet] habens C 4 prouinciam] prouincie ex prouinciam A honestissimis] honestissimis ex onestissimis A 5 ornatis] ornatus ex ornatis A 6 cristianissimus] christianissimus C eiusdem] eiusdem ex idemque C 6/7 et religiosa] om. C 7 Hærchenfreda] Harchenfreda C 8 Siluia] Saluia C 9 archidiaconatus] est adeptus add. A, om. C 10 regalis basilicę] om. C 11 uero] om. C Caturcena] Caturcina C 12 autem] om. C 13 comitatus] comitatus ex cometatus A Albige] nsem add. A iessit] gessit C 15 eruditus] ex enutritus A 16 hauctus] hauctus xe actus A, nactus C Ubi] Ut C insignia litterarum] transp. C 17 Gallicanamque eloquentiam] Gallicanamque eloquentiam ex Gallicana eloquentia A, Gallianam eloquentiam C 18 adolescens] adulcisce A, adulcisse C, adolescens edd. indidit] indidit ex indedit A, indedit C 19 studium dedit] studuit C gallici] galliam C 19/2 sermonis grauitas] transp. C
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LA VIE DE SAINT DIDIER
ICI COMMENCENT LA VIE ET LES ACTES DE SAINT DIDIER1, ÉVÊQUE DE CAHORS, QU’ON CÉLÈBRE LE 15 NOVEMBRE 1 [I, 1]. – Didier donc2 , évêque de la ville de Cahors3, était originaire d’Obrege4, place forte des Gaules. Cette cité, qui se trouve presque à la frontière des Gaules, aux confins de l’Aquitaine première, touche au sud la province de Narbonnaise5. C’est donc là que Didier est né de parents très honorables qui l’emportaient en noblesse sur toutes les autres familles des Gaules6. Son père, très chrétien, avait pour nom Salvius ; sa mère, honorable et pieuse, s’appelait Herchenfreda7. Il avait également des frères, Rusticus et Siagrius, et deux sœurs dont l’une s’appelait Silvia8 et l’autre Avita. L’un d’eux, Rusticus, devenu clerc dès sa prime adolescence, exerça les fonctions d’archidiacre dans la ville de Rodez et la charge abbatiale de la basilique royale sous le roi Clotaire9 ; ses mérites lui valurent finalement de devenir évêque de Cahors. Quant à Siagrius, après un long service au palais des Francs dans un étroit compagnonnage avec le roi Clotaire, il exerça la charge comtale à Albi et assura longtemps le pouvoir judiciaire à Marseille10. Didier, élevé avec le plus grand soin par ses parents, fut formé de façon approfondie à l’étude des lettres11 dont l’amour l’enrichit. Après de remarquables études de lettres et grâce à l’éloquence gauloise – à la fois florissantes et excellentes –, le jeune homme12 s’attira les honneurs du compagnonnage royal. Il mit ensuite tout SUR LE MANUSCRIT DE COPENHAGUE : « ICI COMMENCE LA VIE DE SAINT DIDIER ». 2 Nous rendons par donc le latin Igitur qui marque dans les vies de saints du haut Moyen Âge le début du récit ou un changement de partie. 3 Sur Cahors, voir Notes, p. 257. 4 Sur Obrege et le lieu de naissance de Didier, voir Introduction, p. 51-52 et n. 268. 5 Sur les limites de la cité et du diocèse de Cahors, voir Notes, p. 257. 6 Venance Fortunat, Vita Hilarii, 6 (éd. Br. Krusch, MGH, AA, t. IV, p. 2). 7 Sur la famille de saint Didier, voir Introduction, p. 52-53. 8 La correction de Silvia en Salvia serait peut-être à prendre en compte, puisque la branche aquitaine de la famille comptait deux noms principaux : Desiderius et Salvius, le père et l’oncle de Salvia. 9 Clotaire II, roi de Neustrie de 584 à 613 puis de tout le royaume franc jusqu’en 629. Sur les abbés palatins, voir J. Fleckenstein, Die Hofkapelle der deutschen Könige, t. 1, Stuttgart, 1959. 10 Sur les fonctions de Siagrius, voir Notes, p. 258. 11 Sur Herchenfreda, voir Notes, p. 258. 12 Jérôme, Lettres, 125, 6 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 116-117). 1
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2 [I, 2]. – Eo autem tempore, Teudebertum regem iam interemptum, Teudericum eque defunctum, Brunihilde quoque ęquorum pedibus inretita atque male discerpta, Clotharius, pater incliti Dagoberti, monarchiam regni solus tenebat. A quo hi tres germani, id est Rusticus, Siagrius et Desiderius, florentissime enutriti, summis dignitatibus prediti sunt. Rusticus, | ut prefati sumus, abbatiam palatini oratorii, quod regalis frequentat ambitio, et ar|chidiaconatus officium iessit. Siagrius autem Massilię gubernacula et Albiensium comitatum annis plurimis aministrauit. Desiderius uero, iunior tempore sed non inferior dignitate, sub indoles adhuc annos tesaurarius regis effectus, ualde strenue se accinxit. Denique quantum regi propius, tantum familiarius inherebat, et inter coęuos et proceres laudabiliter nimis adholescentiam suam gerebat, quantumque etate crescebat, tantum se in Dei timore et regis fide|litate roborabat. Cuius utilitatis, subtilitatis, affabilitatis argutiaeque sagaciam si per singula uoluero exponere, deficiet me tempus narrante. Tantae enim humilitatis et scientię gratia ornabatur ut multos superaret affines, pluresque preiret coetaneos ; et licet ad plenum litteris fuerit eruditus, insignem tamen ac robustissimum naturalem habuit magistrum, propriam conscienciam. In aula quidem ac sub frequentissima palatii opulentia deiebat, sed cautelam monachi propositumque non amittebat ; lasciuiam sane uoluptatesque seculi sic aeuitabat ut mirum in modum semper sperneret | quod semel contempserat. Delectabat namque eum iugis labor, nequaquam considerans quid alii malefacerent, sed quid boni ipse facere deberet. Semper enim secularium consortia studiose fugiens, monachorum ac religiosorum delectabatur alloquio, prauorum contubernia declinans, humilium iungebatur cateruis. Idem in Deo semper manens per bonam et malam famam, Christi tirunculus inoffense gradiebatur, nec laude cuiusque extollebatur nec uituperatione frangebatur. Habebat enim temperamentum in prosperis, patientiam in aduersis ; gerebat simplicitatem columbę ne cuiquam machinaretur dolos, habebat et 2, 1 Teudebertum…interemptum] Teudeberto…interempto corr. A 2 Brunihilde… inretita] Brunichildem…inretitam C 3 male…Dagoberti] male audiuit Lotarius atque pater incliti Dagoberti C Clotharius] h add. sup. l. A 4 hi] om. C 6 frequentat] frequentatur C 7 iessit] gessit C 8 aministrauit] administrauit C iunior] minor C 11 annos] annos ex annis A tesaurarius] thesaurarius C 11 adholescentiam] adholescentiam ex adhulescentiam A 13 affabilitatis] affabilitatis ex effabilitatis A 14 Tantae] om. C 16 coetaneos] cotaneos C eruditus] eruditus ex ero ditus A 17 ac robustissimum] acrobustissimum A 18 aula] aulam C ac] hanc C deiebat] degebat C 19 sane] Sane ex sane A uoluptatesque] uoluptatesque ex uoluptatisque A 20 sic] om. C 22 malefacerent] malifacerent ex malefacerent A 23 alloquio] eloquis C 25 Christi] om. C 26 nec1] nec ex ne A
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son zèle à étudier le droit romain13 pour tempérer l’exubérance du langage et l’éclat du parler gaulois par la gravité14 romaine15. 2 [I, 2]. – À cette époque, le roi Théodebert16 avait déjà été tué, Thierry17 aussi était mort18 et Brunehaut19, attachée aux pieds de chevaux, avait été horriblement écartelée20. Clotaire21, père de l’illustre Dagobert, régnait seul22 . C’est par lui que les trois frères, Rusticus, Siagrius et Didier, après une brillante éducation, furent gratifiés des plus hauts honneurs. Comme on l’a dit plus haut, Rusticus fut abbé de l’oratoire du palais23, que fréquente l’entourage royal24, et remplit les fonctions d’archidiacre. Siagrius gouverna Marseille et administra le comté d’Albi de très longues années. Quant à Didier, inférieur en âge mais non en mérite, il fut nommé très jeune trésorier du roi25 et se consacra avec ardeur à cette charge. Plus il était près du roi, plus il entrait dans sa familiarité et il vivait une très louable adolescence parmi ceux de son âge et les grands. Et à mesure qu’il grandissait, il se fortifiait dans la crainte de Dieu et la fidélité au roi. Si je veux exposer dans le détail26 avec quelle finesse il se montrait utile, subtil, affable et d’esprit vif, le temps me manquera. Il était paré de la grâce d’une telle humilité et d’une telle science qu’il surpassait beaucoup de ses proches et qu’il devançait bien des gens de son âge. Et bien qu’il fût pleinement instruit dans les lettres, il avait cependant un remarquable et très solide maître naturel, sa propre conscience. En vérité, il vivait à la cour et dans la très grande opulence du palais mais sans avoir perdu la réserve et l’idéal27 du Sur sa formation juridique, voir Notes, p. 258. Grauitas : en rapport avec grauis, opposé à leuis ou mediocris, qualificatif rhétorique du style mais également expression, dans la littérature classique, correspondant à un mode d’être ou de paraître. 15 D’après Jérôme, Lettres, 125, 6 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 112). 16 Théodebert II, roi d’Austrasie de 596 à sa mort en 618, tué par Thierry. 17 Roi d’Orléans et de Bourgogne puis d’Austrasie (596-613). 18 Peut-être d’après Vita Columbani, I, 28 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 104-106). 19 Vita Columbani, I, 29 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 106). 20 Brunehaut, princesse wisigothique, reine d’Austrasie par son mariage avec Sigebert Ier. Elle conserva le pouvoir au nom de ses fils, mais fut prise et atrocement exécutée par Clotaire II en 613, Br. Dumézil, La reine Brunehaut, Paris, 2008. 21 Il règne seul sur l’Austrasie et la Neustrie depuis l’exécution de Brunehaut. 22 Vita Eligii, I, 9 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 693). 23 Sur les abbés palatins, voir supra, n. 9. 24 Vita Eligii, I, 13 (PL, t. 87, col. 571). 25 Sur la fonction de trésorier, voir Introduction, p. 55-57. 26 Jérôme, Vita Hilarionis, 24 (éd. et trad. P. Leclerc, E. Martín Morales et A. de Vogüé, SChr, t. 508, p. 279). 27 Jérôme, Lettres, 58, 4 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 78). 13
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serpentis astuciam ne aliorum subplantaretur insidiis. Magnum prorsus habens inien|ium et facile loquebatur et pure, facilitasque ipsa et puritas mixta C 3va prudentiæ erat. Cum uero quempiam seruorum Dei contionantem audiret, nunquam saciebatur audiendi cupidine, sed, ut scriptum est, addens scientiam addebat et dolorem, et, quasi oleum flamme adiceres, maioris ardoris fomenta capiebat. Dicebat | enim : Habeant seculi ministri sua inpedimenta, A 208a 35 mihi autem adherere Deo bonum est, ponere in Domino Deo spem meam. Talia rudimenta Desiderius iniciabat, huiusmodi exercicia inter pomppas palatii Christi tirunculus gerebat. Magne uirtutis qui talia habuit rudimenta, qualis exercitatus miles | erit ? Quid putas matura etas capiet boni, quando puber- C 3vb tas, in qua illud hominum genus procliue in uiciis traitur, tam magnis uirtu40 tibus enutritur, Christi iam miliciam baiulare adspirabat. 30
30 inienium] ingeni C ipsa] ipse ex ipsa A 32 saciebatur] sicie add. ante batur A, sociebatur C, corr. edd. 34 sua] sua a C 35 adherere] adarere C 36 exercicia] ercicia add. A, experiencia C 38 boni] boni ex bona A, bona C 39 in1] add. sup. l. A illud] illud ex illut ? A traitur] trahitur C 39/40 tam…enutritur] add. in marg. A, om. C 40 baiulare] baiulare ex baielare A adspirabat] aspirabat C
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moine28 ; il évitait tellement la lascivité et les voluptés du siècle que de manière étonnante il continuait toujours de dédaigner ce qu’il avait une fois méprisé. En effet, il se plaisait à un travail sans relâche, ne considérant en aucune manière ce que les autres avaient fait de mal mais ce que lui-même devait faire de bien. Évitant toujours soigneusement la compagnie des gens du monde, il aimait s’entretenir avec les moines et les hommes de religion (religiosi) ; refusant de fréquenter les méchants, il se joignait à la troupe des humbles. Demeurant toujours en Dieu, ce jeune soldat du Christ29 bravait bonne et mauvaise réputation et avançait sans encombre. Aucune louange ne lui montait à la tête, aucun blâme ne le brisait. Modéré dans la prospérité, patient dans l’adversité il revêtait la candeur de la colombe pour ne dresser d’embûches à personne et il avait la ruse du serpent30 pour ne pas trébucher dans les pièges d’autrui. Doué d’un immense talent31, il parlait de manière aisée et limpide, aisance et limpidité mêlées de sagesse. Lorsqu’il écoutait la prédication d’un des serviteurs de Dieu, jamais il n’était rassasié du désir de l’entendre32 mais, de même qu’il est écrit qu’un surcroît de science entraîne un surcroît de douleur, comme si on ajoutait de l’huile sur le feu, il y prenait de quoi nourrir les plus grandes ardeurs33. Il disait en effet : « Que les serviteurs du siècle gardent leurs entraves ; mon bonheur, c’est de m’attacher à Dieu, ‘de placer mon espoir en Dieu’ »34. Tels étaient les débuts de Didier : tels étaient les exercices que ce jeune soldat du Christ pratiquait au milieu des fastes du palais. Celui qui a reçu de tels rudiments de grande vertu, quel soldat entraîné ne sera-t-il pas35 ? Quel bienfait n’acquerra pas l’âge mûr quand la puberté – âge où le genre humain est très vite entraîné dans les vices – se nourrit de si grandes vertus ; citoyen, il aspirait déjà à servir dans la milice du Christ36. Sur l’idéal monastique des jeunes aristocrates, voir Notes, p. 259. Même expression dans la Vita Audoini (BHL 750), c. 3 (éd. W. Levison, MGH, SRM, t. V, p. 555) ou allusion à Jérôme, Lettres, 118, 2 (éd. et trad. J. Labourt, t. 5, Paris, 1955, p. 89) : tirunculo Christi. 30 II Co 11, 3 cité peut-être d’après la Vita Eligii, I, 3 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 671) : Gerebat enim simplicitatem columbae […], habebat et serpentis astutiam ne aliorum subplantaretur insidiis. 31 Jérôme, Lettres, 58, 11 (éd. et trad. J. Labourt, t. 2, Paris, 1951, p. 84). 32 Ibid., 77, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 4, Paris, 1954, p. 47). 33 D’après Jérôme, Lettres, 77, 12 à Oceanus, à propos de la mort de Fabiola (éd. et trad. J. Labourt, t. 4, Paris, 1954, p. 46-47) : Hoc tibi Fabiola, ingenii mei senile munus, has officiorum inferies dedi. Comme le relève Paul Antin (« Emprunts à saint Jérôme dans le Liber pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 [1947], p. 54), l’auteur de la Vita a « simplement rajeuni le munus ». 34 D’après Ps 73 (72), 28. 35 Jérôme, Lettres, 58, 8 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 82). 36 Dans l’édition de R. Poupardin manque un passage que Br. Krusch avait édité : de « Quel bienfait » à la fin du paragraphe. 28
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3 [I, 3]. – Dum his igitur exercitiis polleret, nuncius eum perculit patrem eius Saluium ab hac luce migrasse et, licet esset mente fortissimus, ob hanc tamen causam ueaementer sese afflixit, nec minus de piissime genitricis destitutione quam de patris abscessu condoluit. Ex regis tamen permissione pro 5 fectus ad matrem, miris eam modis consolari studuit. Postque regressus ad palatium, offitium sibi commissum strenue, ut ceperat, ac | sollerter prouidit. C 4a 4. – Sub hisdem ferme diebus, anno transacto tricesimo quarto [C]lotharii regis, Rusticus, Desiderii germanus, archidiaconatus in urbe Rutena sus cepit. Siagrius quoque, germanus eius, hoc idem tempore cometihe honorem indeptus est, sortitusque matrimonium inlustrissimam puellam Albige in5 digenam, nomine Bertolenam. Quę deuotam demum uitam gessit ac multum erga ecclesias studium inpendit. Superuixit quidem uirum et omnem prope facultatem ecclesiis delegauit, quod et coniugalis eius antea iam per testamenti sui paginam fecisse manifestatur. Desiderius autem, inter exercitatissima palatii ministeria se|dulæ Deo uacans, die noctuque orationibus in C 4b 10 sistebat. Habebat enim amicos bone fidei uiros, Paulum scilicet, Arnulfum, Eligium et Audoenum. Quorum exemplo atque ortatu assidue semetipsum ad meliora subrigens, uitam suam in melius propagabat. 5. – Interea rex, [prodigus], pius et mansuetus Clotharius, debitum nature terminum implens ac pacifice obiens, Dacobertum filium in principatu reliquit, a quo Desiderius tanta familiaritate retentus est ut ampliorem dignitatem quam pridem | in[d]eptus fuerat potiretur. Si quidem diligebat eum A 208b 5 rex, quia nouerat strenuum uirum et sibi fidelem et in Dei timore esse iam solidatum ; ipse autem officia sibi commissa ita praeuide|bat ut et in regem fi- C 4va delitatem et in Deum gratiam conseruaret. Opulentissimos quidem tesauros summamque palatii subpellectilem huius arbitrio rex Dacobertus commisit ; ad eius obtutum data recondebantur, ad eius nutum danda proferebantur ; 3, 1 exercitiis] exerticiis A perculit] pertulit C 2 ob hanc] ob hanc ex ab hac A, ab hac causa C 3 sese] add. sup. lin. A 5 regressus] regresus A, regressus C 6 sollerter] sollerter ex solerter A 4, 1 hisdem] isdem C quarto] III° C Clotharii] Lotharii A, Lotarii III C 2 archidiaconatus] archidiaconatus officium C Rutena] Rutena ex Rotena A, Ruthena C 3 cometihe] comecie C honorem] om. C 4 matrimonium] in matrimonium C 5 Bertolenam] Bartolenam C 6 inpendit] impedit C Superuixit quidem] uixit quidem om. C 7 delegauit] delegauit ex dil auit A coniugalis] con add. sup. l. A 10 Eligium] Eligium ex Elegium A, Eligigium C 5, 1 prodigus] frodegius A, om. C Clotharius] Lotius C 2 Dacobertum] Dagobertum C 3 ampliorem dignitatem] ampliore dignitate C 4 indeptus] ineptus AC, indeptus edd. 5 nouerat] nouerat eum C et1] om. C esse iam] transp. C 7 Deum] Deo C
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3 [I, 3]. – Pendant qu’il progressait dans ces exercices, un envoyé le bouleversa en lui annonçant que son père Salvius avait quitté cette lumière et bien qu’il eût une très grande force d’esprit, il s’en affligea profondément et il souffrit autant de l’abandon où se trouvait sa très pieuse mère que de la disparition de son père. Puis il partit avec la permission du roi auprès de sa mère et veilla de manière admirable à la consoler37 ; une fois revenu au palais, il remplit la charge qui lui avait été confiée avec la force et l’habileté dont il avait fait preuve auparavant. La quatrième année du règne de Clotaire38, le frère de Didier, reçut [la charge] d’archidiacre. 4. – À peu près à cette époque, la trente-quatrième année du roi Clotaire39, le frère de Didier, Rusticus, reçut la charge d’archidiacre dans la ville de Rodez. C’est aussi en ce temps que Siagrius, son [autre] frère, reçut l’honneur comtal et obtint en mariage une très illustre jeune fille d’Albi nommée Bertolena, qui mena ensuite une vie dévote et montra beaucoup de zèle à l’égard des églises. Elle survécut à son mari et légua presque tous ses biens aux églises, ce que son époux, comme on le sait, avait fait auparavant par un testament écrit. Quant à Didier, se consacrant avec ardeur à Dieu au milieu des activités trépidantes du palais, il ne cessait de prier jour et nuit. Il avait des amis de grande foi, Paul, Arnoul, Éloi et Ouen/Daddo40 ; à leur exemple et avec leurs encouragements, il ne cessait de s’améliorer lui-même et de progresser vers une vie meilleure. 5. – Entretemps, le roi Clotaire généreux, pieux et plein de mansuétude, paya son tribut à la nature et mourut dans la paix, laissant son fils Dagobert au pouvoir41. Didier lui était lié par une si grande familiarité que [le roi] l’éleva à une dignité encore plus grande qu’auparavant. Le roi le chérissait parce qu’il avait reconnu en lui un homme solide, qui lui était fidèle, inébranlable dans la crainte de Dieu42 . [Didier] remplissait les charges qui lui étaient confiées de façon à demeurer dans la fidélité du roi et la grâce de Dieu. Dagobert laissa à sa discrétion les très riches trésors et le plus beau mobilier du palais. C’est sous Ce passage a été traduit par I. Réal, Vies de saints, vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, 2001, p. 465. L’auteure y voit, à juste titre, une preuve de l’affection qui unit le fils à sa mère et dont on trouvera d’autres exemples dans la Vita. 38 La 34e année du règne de Clotaire se termine entre le 1er septembre et le 18 octobre 618. 39 Sur le calcul des années de règne, voir MGH, SRM, t. IV, p. 544. 40 Sur tous ces personnages, voir Introduction, p. 56. 41 Dagobert Ier, fils de Clotaire II (584-629), règne sur l’Austrasie de 622 à 632 et sur l’ensemble du regnum Francorum de 629 à 639, voir L. Theis, Dagobert, un roi pour un peuple, Paris, 1982. 42 Influence lointaine de la Vita Eligii, I, 9 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 676). 37
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multi quoque ępiscoporum, ducum ac domesticorum sub ala tuitionis eius degebant, multi nobilium sibi eum gratificari gaudebant ; regina autem Nanthildis unice ipsum diligebat. 6 [I, 4]. – Rex, ut dictum est, copiosos ei tesauros pluresque edes multaque aule nitentia commiserat. Ipse autem non arrogantia extollebatur, non adducta fronte coeuos aut contubernales | spernebat, sed omnibus se minimum iudicans in amorem sui cunctum palatii ordinem traxerat : erat quippe blandus in eloquio, honestus in aspectu, cautus in uerbo, prouidus in consilio ; inter cętera animi exercitia nimis misericors ac benignus erat ; constantiam in Deo talem habebat, ut non solum coetanei, sed etiam maiores natu eum reuererentur et admirando preferrent. Ipse autem in omnibus caute satis progrediens futura Dei iudicia et districtam eius discussionem formidabat, semperque mentis oculos ad bona eterna conferebat. Cum titillatio carnis urgeret, proponebat sibi aduersus carnis ar|dores futuri supplicii ignes, sicque memoria ardoris futuri gehenne ardorem excludebat luxurie, sciens scriptum : Nihil esse fortius qui uicit diabolum, nihil inbecillius qui a carne superatur. Sciebat enim Domini dictum : Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum uidebunt. Scientiam quoque Scripturarum satis amabat, reminiscens cuiusdam sapientis sententię : ama scientiam Scripturarum et carnis uitia non amabis. Nouerat et illud, quod per quendam sapientem dicitur :| Quis gloria bitur castum se habere cor ? astra non sunt munda in conspectu Dei, quanto magis nos, quorum uita temptatio est. Summopere enim uari|a Scripturarum per omnia decerpere studebat, ut futurus Christi sacerdos plene prius disceret quam demum possit docere et rationabilem ostiam offerre. Precauebat solerter ne aut linguam aut aures haberet prurientes, id est ne ipse detraheret aut alios detrahentes libenter audiret, Salomonis dictum sepius reuoluens : cum detractoribus, inquit, non miscearis quoniam repente ueniet perditio eorum. Nouerat plane illud dictum : Omnis qui facit peccatum seruus est peccati, necnon et illud Apostoli : Omnis qui facit iustitiam ex Deo natus est et omnis qui facit peccatum ex diabolo est, et quod non expedit adprehenso aratro respicere postergum, et quod stadium est hęc uita mortalibus ; hic conten|dimus ut alibi coronemur, et quod non est nobis conluctatio aduersus carnem et 11 gratificari] gratificare C
6, 2 commiserat] comiserat AC 10 oculos] occulos C eterna] eterne add. in marg. C 11 futuri] futuros C 12 excludebat] excludebatur C 13 a carne] add. in marg. A 17 dicitur] add. sub col. A 20 omnia] prata C Christi] om. C 21 docere] dicere C ostiam] hostiam C 22 solerter] sollerter C 25 illud dictum] dictum istud C 29 conluctatio] colluctatio C
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ses yeux qu’on enfermait les dons reçus et c’est sur son ordre que sortaient les dons à faire ; beaucoup d’évêques, de ducs, de palatins vivaient également sous son aile protectrice ; de nombreux nobles se réjouissaient des grâces qu’il leur accordait et la reine Nanthilde43 l’aimait d’un amour sans pareil. 6 [I, 4]. – Le roi, comme il a été dit, lui avait confié d’abondants trésors, plusieurs bâtiments ainsi que les multiples splendeurs de la cour. L’arrogance ne l’élevait pas au-dessus des autres, il ne rejetait pas d’une mine sévère44 ceux de son âge et ses compagnons, mais, se jugeant le plus infime de tous, il s’était attiré l’amour des palatins de tout rang45. Car il avait un langage plaisant, un air distingué ; il était prudent dans son discours et d’un conseil avisé46. Entre autres exercices spirituels, il se montrait surtout miséricordieux et bienveillant. Sa constance en Dieu était telle que non seulement les gens de son âge mais également ses aînés avaient du respect pour lui et, dans leur admiration, le mettaient en premier. Lui-même, progressant en toutes choses avec la prudence qui convient, redoutait les futurs jugements de Dieu47 et son examen sévère et gardait les yeux de l’esprit tournés vers les biens éternels. Quand le titillement de la chair48 l’aiguillonnait, il opposait les flammes des futurs supplices aux ardeurs de la chair49 et ainsi, la pensée des flammes futures de l’enfer chassait l’ardeur de la luxure, sachant qu’il est écrit : « il n’est rien de plus fort que celui qui vainc le diable ni rien de plus faible que celui qui est dominé par la chair »50. Il savait en effet ce que le Seigneur a dit : « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu »51. Il aimait beaucoup la science des Écritures, se rappelant les paroles d’un sage : « A ime la science des Écritures et tu Dagobert épousa Nanthilde vers 629/630, Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, I, 58 (éd., trad., intr. et notes par O. Devillers et J. Meyers, Turnhout, 2001, p. 148149) : Parisius uenit, ibique Gomatrudem reginam Romiliaco uillam ubi ipsa matrimonium acceperat reliquens, Nantechildem unam ex puellis de menisterio [sic] matrimonium accipiens reginam sublimauit. 44 adducta fronte est emprunté à Jérôme, Lettres, 79, 5 (éd. et trad. J. Labourt, t. 4, Paris, 19543, p. 98-99), « car on lit peu après cunctum palatii ordinem traxerat, qui correspond [dans 79, 5] à universam ordinem palatii », P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 54. 45 Vita Eligii, I, 7 (ed. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 674). 46 Vita Eligii, II, 4 (PL, t. 87, col. 484). 47 Futura Dei iudicia, d’après Vita Eligii (PL, t. 87, col. 537B). 48 titillatio carnis : Jean Cassien, Conférences, IV, 16 (éd. et trad. É. Pichery, t. 1, Paris, 1953 [SChr, t. 42], p. 181) et X, 10 (ibid., t. 2, Paris, 1958 [SChr, t. 54], p. 110 ss.). 49 Vita Eligii, I, 7 (ed. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 674). 50 Jérôme, Lettres, 125, 1 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 114) : Nihil fortius qui uincit diabolum et peut-être He 2,14 : « A insi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, il y a également participé lui-même, afin que, par la mort, il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c`est à dire le diable. » 51 Mt 5, 8. 43
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sanguinem, sed aduersus potestates et principatus harum tenebrarum. Meminerat quoque quod beatus Petrus in epistola sua infert : Sobrii, inquiens, estote et uigilate quia aduersarius uester diabolus tanquam leo rugiens circuit, querens quem deuoret, cui resistite fortes in fide. His incitatus stimulis, ad omnem actum, ad omnem incessum Dei flagitabat auxilium, ut tandem post carnis 35 conflictum mereretur peruenire ad brauium et perfrui premio sempiterno nunquam lapsuro per aeuum.
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7 [I, 5]. – Itaque honestissimo Saluio, ut dictum est, iam defuncto fratre quoque Sia|grio in fascibus constituto, uir beatissimus Rusticus, germanus C 5vb eius, ad episcopatum Cadurce urbis adipiscitur ; discesserat enim ipso in tempore Eusebius, praefati municipii antistes, qui successor in episcopatu sanctę 5 memoriæ Ursicini fuerat. Desiderius autem sedule in palatio seruiens ac tesaurarii officium gerens, cotidie uitam suam ad augmentum melioris propositi prouehebat. In anno autem VII Dagoberti regis, praedictus germanus ejus Siagrius, dum Massiliae administrationem procuraret, Deo iuben|te uitam A 208vb finiuit. Pro quo rex Dagobertus graui merore perculsus, solertissimum Desi10 derium loco praefecture eius subrogare censuit. Profectus itaque Massi|liam, C 6a 31 estote] stote A, estote C 35 mereretur] tur add. sup. l. A 7, 1 fratre] om. C 2 uir beatissimus] uir be add. et atissimus sup. l. A, om. C 3 Cadurce] Caturce C discesserat] descesserat C in] add. sup. l. A, om. C 4 antistes] post corr. A episcopatu] episcopatum C 5 tesaurarii] thesaurarii C 6/7 propositi prouehebat] prepositiue prohebat C 7 VII] septimo C 9 perculsus] percussus C
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n’aimeras pas les vices de la chair52 ». Il connaissait ce qui est dit par quelque sage : « Qui se glorifiera d’avoir un cœur chaste ? Les astres ne sont pas purs à la vue de Dieu : combien plus est-ce [vrai] de nous, dont la vie est tentation »53. Il s’appliquait avec le plus grand soin à cueillir les fruits variés des Écritures pour que, futur prêtre54 du Christ, il apprenne pleinement avant de pouvoir ensuite enseigner et offrir l’offrande spirituelle (hostia rationabilis)55. Il veillait avec soin à ce que ni la langue ni les oreilles ne le démangent, c’est-à-dire qu’il ne médise pas lui-même ni ne se complaise à écouter la médisance des autres, se rappelant souvent la parole de Salomon : « Ne te mêle pas aux médisants car leur perdition surviendra soudainement56 ». Il connaissait parfaitement cette sentence : « Quiconque commet le péché est esclave du péché57 » et aussi celle de l’apôtre : « Quiconque pratique la justice est né de Dieu et quiconque commet le péché est né du Diable58 ». [Il savait] qu’il est inutile, quand on a pris la charrue, de regarder en arrière59 et que le stade, pour les mortels, c’est cette vie : nous luttons ici-bas pour être couronnés ailleurs. [Il savait encore] que « nous avons à lutter non pas contre la chair et le sang mais contre les puissances et les principautés de ces ténèbres60 ». Il se rappelait en effet ce que le bienheureux Pierre expose dans son épître : « Soyez sobres et veillez, parce que votre adversaire, le Diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer ; résistez-lui, fermes dans la foi »61. Aiguillonné de la sorte, il recherchait l’aide de Dieu en tout acte, en toute démarche, pour qu’après le combat de la chair, il mérite de parvenir à la victoire et de jouir de la récompense éternelle, pour toujours et à jamais. 7 [I, 5]. – Ainsi, son très honorable père Salvius étant déjà mort, comme nous l’avons dit, et son frère Siagrius exerçant de hautes fonctions, le
Jérôme, Lettres, 125, 11 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 123). Nos remplace homines chez saint Jérôme, Lettres, 125, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 120), dont les sources scripturaires, rappelées par P. Antin (« Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 [1947], p. 55) sont Pr 20, 9, Jb 25, 5-6, Jb 7, 1. 54 Sacerdos a ici le sens d’évêque. 55 Sur l’offrande spirituelle, voir Notes, p. 259. 56 Pr 24, 21. Toute la phrase s’inspire de Jérôme, Lettres, 52, 14 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1951, p. 189). 57 Jn 8, 34. 58 D’après Jn 3, 7-8 (il ne s’agit pas d’une citation littérale, mais d’un montage). 59 Luc 9, 62 : « Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu ». 60 Ep 6, 12. Phrase inspirée de Jérôme, Lettres, 22, 1-3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 1, Paris, 1949, p. 111). 61 I P 5, 8-9. 52 53
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propositam administrationem uigilanter exercuit, atque aulam regressus ministerium sibi iniunctum omni cum sollicitudine praeuidit. Sed quantum que pia genitrix habuerit luctum, quantum quoque uenerabilis Desiderius pro fratre fuerit afflictus, inconueniens nunc est per singula reuoluere, unde 15 interim, his ommissis, ad iam cepta prosequendo reuertamur.
8. – Subsequenti itaque tempore et sub hisdem ferme diebus, finiente anno VII regni Dagoberti et incipiente octauo, Rusticus episcopus cathedre Cadurcae præsidens, septimo aut eo amplius anno pontificatus sui administrato, a perfidis et scelestis incolis interemptus est ; ob quod conturbatio 5 magna facta est in ecclesia, nec | solum in urbe Cadurca, sed etiam in regis C 6b aula. Siquidem uehementer ira regis commota terribilia ualde promulgauit præcepta, adeo ut alii ob id truncati, alii interempti, alii exilio damnati, alii etiam perpetua ob hoc seruitute addicti sint, sic quoque ut nunquam in sempiternum ad libertatis statum meruerint prouenire. Reuerentissimus autem 10 Desiderius, licet intolerabiliter sit dolore perculsus, ut in morte germani ipse quodammodo uideretur mortem subire, alloquio fortissimo tamen, animo et ualde accurato, beatam matrem studuit consolari ne in amissione filii modum Christiane religionis lugendo excederet, asserens eos qui in Christo dormiunt non esse lugendos, sicut Apostolus monet dicens : de dormientibus ne contri 15 stemini | sicut et cœteri qui spem non habent. Herchenfreda autem pia genitrix C 6va tenerrimo ualde affectu Desiderium diligebat, quem crebrç orbitates fecerant iam cariorem : siquidem sincerissimi iugalis Saluii amissione | filiorum A 209ra 11 atque] adque post corr. A 12 iniunctum] iunctum A 12 quantum] qualem…que add. sup. l. A, om. C 13 genitrix] eius genetrix C 14 reuoluere] re add. sup. l. A, uoluere C 15 ad] om. C cepta prosequendo reuertamur] endo reuertamur add. A, Suscepta prosequamur C 8, 2 VII] septimo C episcopus] episcopatum ante corr. A, Caturcinse C 3 aut] add. in eo C 6 commota] comota C 7 truncati] obtruncati C 8 sint] sunt ante corr. A 9 meruerint] nt add. sup. l. A, meruerit C 10 intolerabiliter] intollerabiliter C 11 alloquio] om. C 12 amissione] ammisione C 13 asserens] ex adserens A 15 contristemini] contristiemini ammonet C Herchenfreda] ex Herchenefreda A, Archenfreda C 16 tenerrimo] tennerrimo C 17 fecerant] ei ante C sincerissimi] sanctissimi C
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bienheureux Rusticus, son [autre] frère devient évêque de Cahors62 . En effet, en ce temps-là, Eusèbe, prélat de cette ville63, qui avait succédé à Ursicinus de sainte mémoire, était mort64. Dans la septième année du règne65 de Dagobert, Dieu voulut que Siagrius, son frère déjà mentionné, alors qu’il administrait [la ville] de Marseille, mourût ; pour cette raison, le roi Dagobert, frappé d’une grande affliction, désigna le très habile Didier pour le remplacer dans ses fonctions de préfet (loco praefecture)66. Parti donc pour Marseille, il s’acquitta avec soin de l’administration qu’on lui avait confiée et, revenu à la cour, il veilla à s’occuper avec grande application de l’office (ministerium) qu’on lui avait attribué. Bien que le vénérable Didier ait eu autant d’affliction pour son frère que sa pieuse mère en eut de chagrin, il ne convient pas maintenant d’en repasser les détails et continuons le récit commencé. 8. – Plus tard mais presqu’à la même époque, à la fin de la septième ou au début de la huitième année du règne de Dagobert, l’évêque Rusticus67, à la tête du siège de Cahors, au bout de sept ans ou un peu plus de son épiscopat, fut tué par des habitants perfides et criminels68, ce qui provoqua un très grand désordre dans l’Église, non seulement dans la ville de Cahors, mais aussi à la cour royale. De ce fait, la grande colère du roi lui dicta des décisions si terribles que les uns, pour ce [meurtre], furent amputés, d’autres tués, d’autres condamnés à l’exil, d’autres encore réduits à la servitude (servitudo) à perpétuité de manière à ce que jamais à l’avenir aucun d’eux n’obtienne de parvenir au statut d’homme libre. Quant au très vénérable Didier, bien que frappé d’une douleur intolérable au point qu’il paraissait en quelque sorte subir lui-même sa mort dans la Rusticus (20 janvier / 8 avril 623 – 20 janvier 20 / 8 avril 630) assistait au concile de Clichy en 626 ou 627 : Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), éd. et trad. J. Gaudemet et B. Basdevant, t. 2, Paris, 1989 (SChr, t. 354), p. 544 ; J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, Paris, 1989, p. 51-52. 63 Eusèbe, successeur d’Ursicinus à Cahors, présent au concile de Paris, de 614, mort vers 622623, Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), p. 522-523 ; J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, p. 51. 64 Ursicinus (saint Urcisse), évêque de Cahors de 580 à 585/591 : J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, p. 50-51. 65 « La 7e année du règne de Dagobert, comptée à partir de son avènement en Austrasie en 623, s’étend du 10 janvier-7 avril 629 au 19 janvier-6 avril 630 » (R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), Paris, 1900 p. 8, n. 3). 66 Sur les divers sens de praefectura, voir J. F. Niermeyer et C. van de Kieft, Mediæ latinitatis lexicon minus, nouv. éd., t. 2, Leyde, Boston, 2002, p. 1082 ; le mot ici est synonyme de ‘charge comtale’, voir Introduction, p. 58. 67 Voir supra, n. 62. 68 L’assassinat de Rusticus est mystérieux. Il n’est pas certain que le récit « noie le poisson », comme l’écrit M. Banniard, « Les copistes entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 109. 62
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continuabat luctus. Hec autem crebras ad eum epistolas dirigens pio studio filium choortabatur ut cepta perficeret, ut omni custodia cor suum corpusque 20 seruaret, et praecepta Dei toto adnisu custodire contenderet. Quarum exemplar apud nos habito testamento memorię gratia pagellę huius inserendum credidi, ut ex his aduertatur qualis fuerit mater, qualemque propositum teC 6vb nere filium uellet. Quarum textus ita se habet. |
9 [I, 6]. – « Dulcissimo atque amantissimo filio Desiderio, Herchenfreda. Inmensas omnipotenti Deo ago gratias, qui dignatus est tribuere locum ut litteras meas ad dulcedinem tuam dirigere deberem, per quas te tantum saluto quantum uiscerum meorum exigit plenitudo, et rogo Domini misericordiam 5 ut me de uita et bona conuersatione uestra affluenter iubeat letificari. Te uero, dulcissimum mihi pignus, moneo ut assidue Deum cogites, Deum iugiter in mente habeas, mala opera quę Deus hodit nec consentias, nec facias ; regi sis fidelis, contubernales diligas, Deum semper ames et timeas ; ab omni opere per quod Deus offen|ditur sollicite te custodi, ut nos ad melius pro tuo bono C 7a 10 exemplo prouoces, quam pro tua mala uita et instabilitat ad ignominiam nos deroges, et ut nullam occasionem uicini uel pares habeant per quam detrahere possint, sed magis bonam conuersationem tuam uidentes glorificent Deum. Recordare, fili, semper quid Deo pro te spopondi et ideo cum timore semper progredere. De cetero tantum te, dulcis fili, salutare praesumo quan15 tum cordis mei continet plenitudo.
18 continuabat] continuabatur C 21 gratia] grate C 22 aduertatur] auertatur C 23 textus] tectus ante corr. A 9, 1 Herchenfreda] Arrchenfreda C 2 ago] egi ante corr. A 3 te] add. in marg. A, om. C 4 exigit] exegit ante corr. A 5 uestra affluenter] tua affluenta C 6 dulcissimum] dulcissimo ante corr. A 7 hodit] odit C 9 ut] ne C 9/10 nos…prouoces] om. C 9 ad] add. sup. l. A 9/10 tuo bono exemplo] add. in marg. A 10 quam] add. sup. l. A uita] uite C instabilitat] tate add. sup. l. A, stabilitate C 11 pares] ex pres C detrahere] tibi add. C 14 te] add. A, tibi C
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mort de son frère, il s’efforça pourtant, avec des paroles très fortes et un esprit plein de sollicitude, de consoler sa bienheureuse mère afin que dans la perte de son fils, elle ne dépasse pas la mesure de la religion chrétienne en pleurant, [lui] assurant qu’il ne faut pas pleurer ceux qui dorment dans le Christ, selon les propres mots de l’Apôtre. « Ne vous attristez pas de ceux qui dorment comme [le font] tous ceux qui n’ont pas d’espérance »69. Herchenfreda, sa pieuse mère, aimait Didier d’un amour très tendre, lui que la perte de nombreux enfants avaient rendu plus cher encore70. De fait, le chagrin dû à la mort de son très cher époux Salvius se prolongeait par la perte de ses fils. Lui adressant fréquemment des lettres, elle exhortait son fils avec une pieuse ardeur à achever ce qu’il avait entrepris, à préserver avec le plus grand soin son cœur et son corps et à s’appliquer de toutes ses forces à garder les préceptes divins. Puisque nous avons un témoignage écrit de ces lettres par devers, nous j’ai cru bon d’insérer pour mémoire71, la copie d’un feuillet afin que par [ces lettres], on pût voir quelle mère elle fut et quel projet de vie elle voulait que son fils observât. En voici le texte72 : 9. [I, 6]. – « À son très doux et très aimant fils Didier, Herchenfreda. J’ai rendu des grâces infinies au Tout-Puissant qui a daigné me donner l’occasion de devoir adresser mes lettres à ta Douceur ; par elles, je te salue autant que m’y poussent toutes mes entrailles et je demande au Seigneur la miséricorde de m’inviter à me réjouir pleinement de ta vie et de ta bonne conduite. Toi donc, enfant très cher à mon cœur, je t’exhorte à penser sans cesse à Dieu, à L’avoir constamment présent à l’esprit, à n’être d’accord avec aucune des mauvaises actions que Dieu déteste et à ne pas les faire. Sois fidèle au roi, chéris tes compagnons, aime et crains toujours Dieu. Garde-toi avec soin de toute action qui offense Dieu afin que par ton bon exemple, tu nous appelles à une meilleure vie plutôt que de nous déshonorer par ta mauvaise vie et ton esprit changeant73, et pour que tes voisins et tes pairs n’aient aucune occasion de te diffamer mais que, voyant plutôt ta bonne conduite, ils glorifient Dieu. Rappelle-toi toujours, mon fils, à quoi je me suis engagée pour toi envers Dieu et pour cette raison, avance toujours avec crainte. Pour le reste, je me permets de te saluer de toute la force de mon cœur ». 1Th 4, 13. Jérôme, Lettres, 128, 2 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1958, p. 89). 71 M. Banniard, « Les copistes entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 110 met ici en évidence le passage au style direct, au moment où il découvre le document qu’il doit copier. 72 Ces lettres ont été traduites par I. Réal, Vies de saints, vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, 2001, p. 419-420. 73 En raison des altérations du texte, il est difficile d’en proposer une traduction sûre. 69
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10 [I, 6]. – Item alia.
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Dulcissimo et desiderantissimo filio Desiderio, Herchenfreda. Omnipotenti Deo inmensas ago gratias quod se locus oportunitatis dedit, ut par uitatis meæ apices dominationi uestrę dirigere possim |. Cognoscite nos in C 7b Dei nomine prospere agere. Optamus et sicut oportet pro uobis assidue orare. Proinde salutem uestram profusissimam | desiderans, supplici animo ut ues A 209b tra opera nostras orationes iuuent, et quantum potestis semper pro animae profectu elaborate, caritatem circa omnes tenete, castitatem supra omnia cus todite, cautelam in sermone et in omni opere habete, et si forte aliquid mali actum est, cito emendate. Epistolam uero istam cum ea quam ante tempus uobis direxi, sepius legite, et animo commendate, ac tota mentis ambitione tenete, ut promissio mea de uobis apud Deum per te, dulcis fili Desideri, impleatur. Quod praestet omnipotens Deus qui est super omnia benedictus. De condicione uero patris nostri Magni abbatis, | unde antea tam ipse quam C 7va nos uos rogauimus, sic pro hoc insistite, ut sanctorum ubi seruit intercessio, maximam uobis mercedem apud Deum adquirat et in æternam uobis retributionem ipsa merces occurrat. De speciebus uero quę uobis in palatio sunt necessarię, nobis per epistolam uestram significate et continuo in Dei nomine dirigemus ; de prosperitate etiam uestra nos celerrime testificari iubete et ualete in Domino. Manu propria : Incolumem uos Dominus custodire et eredem regni sui præparare dignetur ». 11 [I, 6]. – Item alia quam post interemptionem filii direxit. Semper desiderabili et dulcissimo filio Desiderio Herchenfreda, misera mater. Jam credo tibi nuntiatum esse qualiter dulcissimus germanus tuus domnus Rusticus episcopus a perfidis Ecclesie incolis interfectus sit. 10, tit. Item alia] om. C 1 Herchenfreda] Archenfreda C 2 Deo] et add. C inmensas] duae litt. ras. ante A, immensas C 3 Cognoscite] quod add. sup. l. A, cognoscite quod C nos] uos add. sup. l. A 4 Optamus…oportet] cupimus ut sic oportet C 5 uestram] add. sup. l. A profusissimam] profusissimae ex profusissima A supplici] ex supplico cum deposco add. sup. l. A, persoluens supplico animo C 6 nostras] nostre C iuuent] ex iubent A, om. C 7 profectu] profectui C 9 cum] om. C tempus] tempore post corr. A 10/11 mentis…ut] add. A, mentis om. C 10 commendate] tenete C mentis] ex mentes A 11 te] uobis C 13 condicione] condicionis A 14 uos] add. A hoc] hac C 16 merces] ex mercis A 17 necessarię] ex necessarii A 18 testificari] ex testificare A, certificari C 19 Incolumem] Incolomem A, incolumes C eredem] heredes C 11, tit. om. C Quam] add. sup. l. A 1 Herchenfreda] ex Harcham freda A, Archenefreda C
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10 [I, 6]. – Autre lettre74. « À son très doux et très désiré fils Didier, Herchenfreda. Je rends des grâces infinies à Dieu tout puissant qu’une occasion favorable se soit offerte qui me permette d’adresser à votre Seigneurie les lettres de ma petitesse. Sachez que nous espérons, au nom de Dieu, que vous allez bien et que nous prions pour vous assidûment comme il convient. Aussi, désirant très ardemment votre salut, je supplie de toute mon âme que vos actes accompagnent nos prières et, autant que vous le pouvez, œuvrez pour le profit de l’âme, témoignez de la charité à l’égard de tous, gardez la chasteté par-dessus tout, soyez prudent dans vos paroles et tous vos actes, et si par hasard quelque mauvaise action est commise, corrigez-la immédiatement. Lisez souvent et gardez à l’esprit cette lettre ainsi que celle que je vous ai adressée auparavant. Tendez, par votre ambition spirituelle, à accomplir par vous-même, très cher fils Didier, ce que j’ai promis à Dieu à votre égard : que le Dieu tout puissant y pourvoie, lui qui est béni au-dessus de tout. À propos de la situation de notre père, l’abbé Magnus75 au sujet de laquelle, tant lui que nous, nous vous avons sollicité, occupez-vous en afin que l’intercession des saints du lieu où il sert vous vaille auprès de Dieu la plus grande bienveillance et que cette bienveillance vous obtienne la récompense éternelle. À propos des choses dont vous avez besoin au palais, indiquez-les nous par votre lettre et au nom de Dieu, nous vous les enverrons aussitôt. Faites-nous aussi confirmer au plus vite votre bonne santé et portez-vous bien dans le Seigneur. De sa main. Que le Seigneur daigne vous garder sain et sauf 76 et vous faire héritier de son royaume ». 11 [I, 6]. – Autre lettre qu’elle envoya après le meurtre de [son] fils. « À [son] toujours désiré et très doux fils Didier, Herchenfreda, mère malheureuse. Je crois qu’il t’a déjà été annoncé comment ton très doux frère, le seigneur évêque Rusticus, a été tué par des gens sans foi de son Église. Ainsi, très doux fils, L’ordre des lettres a sans doute été interverti. Herchenfreda s’adresse non plus à « son fils aimant » mais à « votre Seigneurie » qu’elle oppose à sa « petitesse », ce qui donne à penser que la lettre a été écrite après l’accession de Didier à l’épiscopat, probablement au moment où, se trouvant encore au Palais, il avait été désigné par le roi. 75 L’abbé Magnus n’est pas documenté par ailleurs, son identification dans la lettre I-2 invoquée par Br. Krusch ayant été invalidée par la lecture de D. Norberg. On doit toutefois noter que le nom d’origine latine de Magnus est connu à l’époque mérovingienne à Soissons, Tours…(cf. M.-Th. Morlet, Les noms de personnes sur le territoire de l’ancienne Gaule du vie au xiie siècle, t. 2 : Les noms latins ou transmis par le latin, Paris, 1972, p. 73). 76 Comme l’avaient déjà relevé R. Poupardin et Br. Krusch, Didier utilise des formules semblables dans sa correspondance : I, 2 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 313) ; I, 6 (p. 316) ; I, 13 (p. 322). 74
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Propterea, dulcissime | fili, dum et pater tuus jam discessit, et Siagrius, frater C 7vb [tuus], hinc migrauit, tu uiriliter istam causam prosequere, fatias ut grande exemplum pro hoc fiat. Ego infelix mater quid agam, cum fratres tui jam non sunt ? Si tu discesseris, ego orbata absque liberis ero. Sed tu, piissimum pignus, mihi dulcissime sic te jugiter precaue, ut dum solatia fratrum perdidisti, te non perdas, ut ne, quod absit, in interitum uadas. Caue semper 10 latam et spatiosam | uiam, que ducit ad perditionem, et temetipsum in uia A 209va Dei custodi. Ego prae nimio dolore uitam meam amittere suspicor. Tu ora ut egredientem animam ille suscipiat, in cujus amore die noctuque suspiro. Ego Doderium ad te direxi, per quem | omnia sequere poteris erga nos quæ agun- C 8a tur ; quem omni uelocitate remittere festina. Incolumem te superna gratia 15 tueatur, dulcissime fili ». 5
12 [I, 7]. – Jam uero, ut dictum est, interempto Rustico, Cadurce urbis episcopo, consensus regis et ciuium pari sententia in episcopatum Desiderium adspirant. Nam licet suggestio ciuium ad praesules et principes jam praecesserit, rex tamen pro hoc amantissime et ualde ambiendo praeceptum 5 dedit, in quo perspicue agnoscitur uel quam care hunc rex diligeret, uel quam de eo estimationem haberet ; tale nimirum de illo rex ciuibus et episcopis cunctoque populo testimonium dedit, ut jure plebium testimonia regia oracula praecellerent ac praeuenirent. Cujus epistolae exemplar neces|sario huic C 8b operi inserendum putaui. Textus autem epistole iste est :
4 fili] filii C Siagrius] Siagriuus A tuus] tuuus AC 5 hinc] ex hunc A grande] ex grandis A 6 exemplum] add. sup. l. futuris A 7 sunt] sint C piissimum] ex piissime A, piissimum C 8 mihi] mi C dulcissime] ex dulcissime A, dulcissime C 9 ne] add. sup. l. A, om. C 10 et] add. sup. l. C uiam] uitam C 11 amittere] promittere A ora] hora A 13 Doderium] ex Doderio A sequere]. ex secure cum mittere uel denunciare add. A quæ] om. C, circa te add. A 14 uelocitate] cum uelocitate C Incolumem] ex incolumes A 12, 1 Cadurce] Caturce C 4 amantissime] amantissima C ambiendo] ex ambienda A 5 quo] ex qua A, quo C
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dès lors que ton père est déjà mort et que ton frère Siagrius s’en est allé, il te revient de poursuivre cette affaire en homme et faire un grand exemple pour l’avenir77. Que ferai-je, moi, mère infortunée, maintenant que tes frères ne sont plus ? Si tu meurs, moi, je serai seule et sans enfants. Mais toi, mon très pieux enfant78, qui m’est tellement cher, prends bien garde, maintenant que tu as perdu l’aide de tes frères, à ne pas t’égarer pour ne pas courir à ta perte, ce qu’à Dieu ne plaise. Méfie-toi toujours de la voie large et spacieuse79 qui conduit à la perdition et maintiens-toi dans la voie de Dieu. Moi, je sens que je perds la vie à cause de cette trop grande douleur. Toi, prie pour qu’Il reçoive mon âme qui s’échappe, Celui pour l’amour duquel je soupire nuit et jour. Quant à moi, j’ai dépêché auprès de toi Doderius, par qui tu pourras suivre tout ce qui se passe chez nous ; hâte-toi de le renvoyer au plus vite. Que la grâce céleste te garde sain et sauf, très doux fils ». 12 [I, 7]. – Après le meurtre de Rusticus, évêque de la ville de Cahors, dont nous avons déjà parlé, le roi et les citoyens80 s’accordèrent d’une même voix81 pour élever Didier à l’épiscopat. En effet, même si la proposition des citoyens avait déjà été faite auprès des évêques et des grands, le roi donna pourtant à cet effet avec une très grande bienveillance et beaucoup de sollicitude un précepte dans lequel on reconnaît clairement combien [Didier] lui était cher et quelle estime le roi avait pour lui. Le roi, assurément, donna aux citoyens, aux évêques et à tout le peuple un témoignage concernant Didier, montrant qu’en droit la parole des rois l’emporte sur les témoignages des peuples82 et les dépasse. J’ai pensé qu’il était absolument nécessaire d’insérer une copie de cette lettre dans cet ouvrage. En voici le texte83 : Comme l’a bien remarqué I. Réal (Vies de saints, vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, 2001, p. 465), le fils survivant se doit de consoler sa mère après la mort de son époux, c’est lui qui « remplit la fonction protectrice du père et des frères disparus ». C’est à lui qu’elle demande de faire juger les assassins de Rustique, évêque de Cahors. Mais ce qui frappe surtout dans les trois lettres de la mère à son fils, malgré l’obstacle du langage sévère et sophistiqué de l’époque, c’est l’amour réciproque qui les unit. 78 Pignus a souvent le sens d’ « enfant », surtout dans les carmina. 79 Mt 7, 13. 80 Nous avons traduit cives par citoyens, nous écartant ainsi de la signification que M. Heinzelmann (« Studia sanctorum. Éducation, milieux d’instruction et valeurs éducatives dans l’hagiographie en Gaule », p. 125) donne à ce mot qu’il préfère rendre par « habitants » ; il est suivi par S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 803, n. 34. 81 Formule voisine des formulaires dans les Marculfi Formulae, I, 7 (éd. K. Zeumer, MGH, Leges, Formulae Merowingici et Karolini aevi, Hanovre, 1886, p. 47) : et consensus ciuium pro episcopatu. 82 Oracula regia correspond sans doute à verba regum et s’oppose à l’expression populaire. 83 Cette lettre de caractère administratif est conforme aux modèles contenus dans le formulaire de Marculf (Marculfi Formulae, I, 5-7 : éd. K. Zeumer, MGH, Leges, Merowingici et Karolini Aevi, Hanovre, 1886, p. 45-47 ) ; voir S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la 77
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13 [I, 7]. – « Dagobertus, rex Francorum, episcopis et ducibus cunctoque populo Galliarum finibus constituto. Condecet clementie principatus nostri sagaci indagatione prosequere et peruigili cura tractare, ut electio uel dispositio nostra Dei in omnibus uoluntati debeant concordare, et dum nobis regiones et regna in potestate ad regendum largiente Domino noscuntur esse conlatę, illis comittantur priuilegia dignitatum quos uita laudabilis et morum probitas uel generositatis nobilitas attulit. Et quoniam uirum illustrem Desiderium, tesaurarium nostrum, cognouimus religionis obseruantiam ab ipso pueritiæ suæ tempore in omnibus custodire, et sub habitu saeculari Christi militem gerere, ac mores | angelicos et sacerdotalem conuersationem habere, ut non solum in contiguis sed etiam in longinquis fama bonitatis ejus uulgata crebrescat ; ideo credimus | eum merito ad sacerdotium prouehere quem, sicut diximus, ornatis moribus uidemus jugiter ad cęlestem patriam anhelare, et dum ciuium abbatumque Cadurcorum consensus hoc omnimodis exposcit ut eum episcopum habeant et nostra deuotio similiter consentit, absque dubio credimus Dei nutu id fieri, ut dum satis nobis est in palatio nostro necessarius, ipsi nobis quodammodo uiolentiam inferamus, et eum ab editibus nostris profectui uestro procuremus sed dum nobis, sicut diximus, eum ab editibus nostris aufe|ramus, regiones et regna a Deo sunt commissa, quamuis nobis inferamus dispendium, tales debemus procurare pastores, qui secundum Deum et, juxta apostolica dicta, plebes sibi ac nobis commissas debeant regere, unde nobis merces amplior possit adcrescere. Quamobrem juxta ciuium petitionem, nostram quoque concordantem in omnibus uoluntatem, decernimus ac jubemus ut, adjuuante Domino, adclamante laudem ipsius clero uel populo, uir illustris et uerus Dei cultor Desiderius pontifex in urbe Cadurca debeat consecrari et nostra ciuiumque uoluntas quod decreuit in omnibus in Dei nomine perficiatur, et pontificali benedictione sublimatur, dummodo Christo | propicio uera hac religione profitemur quod uita et conuersatio ejus digna et probata ab uniuersis habetur, in tantum ut pro nobis 13, 2 finibus] senibus A Condecet] condeceret C clementie] clementiam C nostri] om. C 3 sagaci] sagasi C 4 in] add. sup. l. A omnibus] et hominibus C 6 commitantur] ex comitat A dignitatum] ex dignitate A laudabilis] corr. laudabiles A 7 generositatis] ex generositas A 8 tesaurarium] thesaurarium C 9 saeculari] ex saecula A 11 longinquis] add. regionibus C 12 prouehere] debere prouehi C 13 ornatis] hornatis A 14 anhelare] h add. sup. l. A, anelare C Cadurcorum] Caturcorum C 16 nutu] ex notu A 18 nostris…uestro] propriis…publico add. sup. l. A 21 juxta] ex justa A ac] hac A commissas] comissas C 24 ac] hac A Domino] om. C adclamante] acclamante C laudem] laude C 26 urbe] hurbe A Cadurca] ex Cadurcis A, Caturci C nostra] nostram ex nostras A ciuiumque] ciuium quae A 27 sublimatur] sublimatus C 28 dummodo] modo add. sup. l. A uera hac religione] uera ex uere A, uere religiose C 29 in tantum ut] add. in marg. A, om. C
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13 [I, 7]. – « Dagobert84, roi des Francs, aux évêques, aux ducs et à tout le peuple établi dans les limites des Gaules. Il sied à notre clémence de prince de veiller avec un soin sagace et une attention vigilante à ce que nos choix et dispositions concordent en tout point avec la volonté de Dieu et, alors qu’on sait que les régions et royaumes85 ont été remis en notre pouvoir par le Seigneur pour être gouvernés, [il convient] que les privilèges des dignités soient confiés à ceux qui se distinguent par une vie de louange, la probité des mœurs et la noblesse de la naissance. Puisque nous savons que Didier, homme illustre, notre trésorier, observe en toute chose depuis le temps même de son enfance un mode de vie religieux et que, sous l’habit du siècle, il se comporte en soldat du Christ, a des mœurs angéliques et la conduite (conversationem) d’un prêtre, au point que la large réputation de sa bonté grandit non seulement dans son entourage mais également au loin, pour ces raisons, nous croyons l’élever à bon droit au sacerdoce, lui que nous voyons aspirer continuellement à la patrie céleste par la distinction de ses mœurs, comme nous l’avons déjà dit. Puisque les citoyens et abbés86 de Cahors s’accordent pour demander à tout prix de l’avoir pour évêque et que, dans notre dévotion, nous y consentons de la même manière, nous croyons sans aucun doute qu’il est de la volonté de Dieu que nous nous occupions de votre bien, en nous faisant pour ainsi dire violence et en arrachant à notre maison87 celui qui nous est si nécessaire dans notre palais88. Mais puisque, comme nous l’avons dit, les régions et les royaumes nous ont été confiés par Dieu, quoi qu’il nous en coûte, nous devons [leur] procurer des pasteurs tels qu’ils régissent selon Dieu et conformément aux dits des apôtres les peuples confiés à eux et à nous, de telle sorte que nous en retirions un plus grand profit. Par correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 803-804. 84 Die Urkunden der Merowinger, 38 (éd. Th. Kölzer, MGH, Diplomata regum Francorum e stirpe merowingica, no 37, p. 99-101). Cette lettre de Dagobert a déjà été traduite par divers auteurs, notamment Olivier Guillot dans le recueil de documents sur Les sociétés européennes du milieu du vie à la fin du ixe siècle, éd. L. Morelle et J. Barbier (site internet de la Sorbonne), dont la présente traduction s’est en partie inspirée au début. Voir aussi Marculfi Formulae, I, 5 (éd. K. Zeumer, MGH, Leges, Merowingici et Karolini Aevi, Hanovre, 1886, p. 45). 85 « Le mot regnum est toujours utilisé pour désigner le pouvoir que possède ou conquiert un prince », mais combiné avec regio, le mot prend aussi un sens territorial, F. Cardot, L’espace et le pouvoir. Étude sur l’Austrasie mérovingienne, Paris, 1987, p. 124-125, 129 et ss. À l’époque de Dagobert, le pluriel – regna – désigne implicitement les trois regna qui composent le regnum Francorum. 86 Abbates désigne ici les membres principaux du clergé épiscopal, voir art. ‘Abbas’ dans J. F. Niermeyer et C. van de Kieft, Mediæ latinitatis lexicon minus, nouv. éd., t. 1, Leyde, Boston, 2002, p. 1-2. 87 editibus a ici le même sens qu’aedibus. 88 Sur la désignation de Didier, voir Notes, p. 259-260.
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et pro uniuersis ordinibus Ecclesię debeat exorare et acceptabiles Deo hostias studeat offerre, quia ex hoc uitam nobis longiori æuo auctore Domino credimus propagandam, si ille in sacerdotio elęgitur et sublimatur qui pro nobis uel pro uobis sibi commissis securus ante tribunal Christi preces offe[r]rat et in futuro judicio ut culpas excuset precator adsistat. Qua de re praesenti 35 auctoritate decernimus ut sepedictus Desiderius episcopatum in Cadurcena urbe praesentaliter suscipiat, et, Christo propitio, ejus temporibus teneat. Et ut hæc | deliberatio uoluntatis nostræ firmior habeatur, manus nostræ C 9b subscriptione subter eam decreuimus roborare.
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CHRODOBERTUS OBTULIT, DAGOBERTUS REX SUBSCRIP40 SIT. DATA SUB DIE VI IDUS APRILIS, ANNO VIII DAGOBERTI REGIS. | A 210va 14 [I, 8]. – Indiculus Dacoberti regis ad domnum Sulpicium archiepiscopum. « Domino sancto et apostolico domno meo et patri Sulpicio papæ Dagobertus rex. Dum et uestrę sanctitati bene credimus esse compertum qualiter fidelis noster uir illustris Desiderius, tesaurarius noster, nobis ab adolescenti sue tempore fideliter deseruiuit et nos deuotissimam ac monasticam con 5 uersationem ejus bene habemus compertam, ideo nos cognoscite taliter 30 ordinibus] hordinibus A 32 elęgitur] eligitur A 33 sibi] que add. sup. l. A offerrat] offferat ex offeret A 34 precator] ex peccator A, peccatorum C adsistat] ex adsistit A, assistet C 35 sepedictus] ex sedictus A Cadurcena] Caturcina C 37 nostræ] nostre C 39 CHRODOBERTUS] Crodabertus C 40 VI] sexto C VIII] octauo C 14, tit. Archiepiscopum] Archi add. sup. l. A, om. C 1 meo et] om. C papæ] om. C 2 Dum] Deo C 3 Desiderius] Desideriuus A tesaurarius] thesaurarius C 3/4 adolescenti sue] adolescentie C 5 bene habemus compertam] habemus bene copertam C
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conséquent, conformément à la requête des citoyens et à notre volonté qui concorde en tout point avec elle, nous décrétons et ordonnons qu’avec l’aide du Seigneur, sous les acclamations de louange du clergé et du peuple en sa faveur, Didier, homme illustre et vrai adorateur de Dieu, soit consacré évêque de la ville de Cahors89 ; que ce que notre volonté et celle des citoyens a décidé soit accompli en tout et, puisqu’avec la faveur du Christ et une vraie piété, nous reconnaissons que sa vie et sa conduite sont tenues par tous comme dignes et éprouvées, élevé par la bénédiction épiscopale, qu’il prie pour nous et pour tous les ordres de l’Église, et qu’il veille à présenter des offrandes agréables à Dieu, parce que, dès lors, nous croyons que grâce à l’action du Seigneur, bien plus longue sera notre vie s’il est élu et élevé dans l’épiscopat, lui qui offrira avec assurance, pour nous et pour vous qui lui êtes confiés, les prières devant le tribunal du Christ et nous assistera de celles-ci lors du jugement à venir pour l’absolution de nos fautes. Ainsi, nous décidons par la présente ordonnance que Didier, souvent susnommé, reçoive présentement la charge épiscopale en la cité de Cahors et qu’il la conserve toute sa vie avec la faveur du Christ. Et pour que cette décision de notre volonté soit tenue pour plus ferme, nous avons décidé de la confirmer ci-dessous par la souscription de notre main. CHRODEBERT L’A PRÉSENTÉ [AU ROI]. DAGOBERT, ROI, A SOUSCRIT. DONNÉ LE SIX DES IDES D’AVRIL90, LA HUITIÈME ANNÉE DU [RÈGNE DU] ROI DAGOBERT. 14 [I, 8]. – Mandement du roi Dagobert au seigneur Sulpice, archevêque91. « Au seigneur saint et apostolique, mon seigneur et père Sulpice92 , évêque, Dagobert, roi. Puisqu’assurément, nous croyons que votre Sainteté Sur la fonction de l’évêque, voir Notes, p. 260. En 630, le 6 des ides d’avril tombe le jeudi saint. 91 Éd. Th. Kölzer, no 38, p. 101-104. Ce mandement est conforme aux modèles contenus dans le formulaire de Marculf (Marculfi Formulae, I, 6 : éd. K. Zeumer, MGH, Leges, Merowingici et Karolini Aevi, Hanovre, 1886, p. 46) ; voir S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 804, avec notamment l’obligation faite à Sulpice de prévenir les évêques de la province, conformément aux dispositions du c. 4 du concile d’Orléans de 511 et à l’édit de Pîtres de 613. 92 Saint Sulpice, métropolitain de Bourges, post 614-647, voir MGH, SRM, t. IV, p. 364 et ss. ; art. « Oustrille » et « Sulpice », dans Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, t. 5 : Les saintetés dans les empires rivaux (815-1053), éd. P. Riché, Paris, 1986, p. 233-236. Comme Didier, dont il est l’ami, Sulpice a été élevé à l’école du Palais. C’est lui qui préside à la consécration épiscopale de Didier en 630 (c. 15). 89
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decreuisse ut in ciuitate Cadurca, ubi germanus ejus domnus Rusticus episcopus | praefuit, in locum ipsius honorem episcopatus in Dei nomine debeat C 9va accipere, quia diuina inspirante potencia talis nostra deuotio manet, ut eos quos moribus ornatos et sanctis operibus deditos perspicimus, sicut est iste 10 fidelissimus Dei et noster Desiderius, hos ad episcopale culmen prouehere debeamus, quia sic decet regiam celsitudinem ut quos cognoscit in Dei timore conuersari et fidem catholicam integre custodire uel euangelica praecepta omnimodis obseruare ad tale officium studeat promouere. Proinde dum uos arcem metropolitani scimus tenere, praesentes apices cum debito salutacionis 15 officio almitati uestrae studuimus destinare, petentes ut | ad eum benedicen- C 9vb dum properare debeatis, et litteras ad comprouinciales fratres uestros dirigatis, ut et illi adesse debeant, ut canonice et juxta apostolicam institutionem, sub uestri presentia, in sancta paschali sollempnitate pontificali benedictione debeat confirmari. Illud etiam ante omnia supplicamus ut nos in sanctis ac 20 Deo placitis orationibus uestris Domino commendetis, et ad explendum quod uobis injungimus negocium nullam moram faciatis. Quem indiculum manus nostrae subscriptione, ut mos est, decreuimus roborare. Dagobertus rex subscripsit ». K.
15 [II, 9]. – Itaque et regis promulgata sentencia et ciuium consona uoce Desiderius ad episcopatum eligi|tur, dataque, ut supradictum est, auctori- C 10a tate ad Sulpicium Betoriue urbis episcopum qui metropolis dinoscebatur, ipse ceteros fratres comprouinciales ad consecrationem uenerabilis Desiderii 5 inuitat. Factus | itaque episcopus sub anno VIII Dagoberti regis, temporibus A 210b piissimi Eraclii imperatoris, qualem se demum quantumque praestiterit non est nostrae facillitatis euoluere. Prima enim illa ac praecipua cura fuit Dei praeceptis nihil praeterire, humilitate jactanciam superare, benignitate in uidiam subfundere. Deinde ut nullam obsceni in se rumoris fabulam daret, 6 Cadurca] Caturca C 8 nostra] nostram A 9 ornatos] ex ornatis A 12 integre] ex integrae A euangelica] euuangelica C 13 ad tale] add. sup. l. A 14 arcem metropolitani scimus] ad archimetropolitam simus C apices] apisces C 18 uestri] nostri A 19 debeat confirmari] esse ras. A, esse consecratus C 21 quod uobis injungimus] obis iniungimus add. sup. l. A, hoc C Quem indiculum] Quem add. A, Quod uero indiculum C 15, 2 eligitur] elegitur AC, corr. edd. 3 Betoriue] Bituricae C 5 Factus] ex Fectus A
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a appris comment notre fidèle Didier, homme illustre, notre trésorier, nous a servi fidèlement depuis sa jeunesse et que nous avons bien reconnu qu’il avait un mode de vie très pieux et monastique93, pour cette raison, sachez que nous avons décidé que dans la cité de Cahors où son frère le seigneur Rusticus avait été évêque, il recevrait à sa place, au nom de Dieu, l’honneur de l’épiscopat ; et puisque, sous l’inspiration de la puissance divine, notre vœu demeure le suivant : les [hommes] que nous voyons parés de bonnes mœurs et adonnés aux saintes œuvres, comme l’est ce Didier, très fidèle à Dieu et à nous-même, ce sont eux que nous devons promouvoir à la haute dignité d’évêque, puisqu’il convient à une grandeur royale de veiller avec soin et de toutes les manières à promouvoir à l’épiscopat ceux qu’elle sait vivre dans la crainte de Dieu et garder dans leur intégrité la foi catholique et les préceptes évangéliques. Aussi, puisque nous savons que vous occupez la haute dignité de métropolitain, nous avons pris soin d’envoyer la présente lettre à votre Éminence avec les salutations qui lui sont dues, pour vous demander de vous hâter d’aller le consacrer et d’envoyer des lettres aux frères de votre province [ecclésiastique] leur enjoignant d’être présents, afin qu’il soit confirmé par la bénédiction pontificale, canoniquement et selon l’institution apostolique, en votre présence lors de la sainte solennité de Pâques. Avant tout, nous vous supplions de nous recommander au Seigneur dans vos saintes prières qui plaisent à Dieu et de mener cette affaire à bien sans retard. Nous avons ordonné de confirmer ce mandement par une souscription de notre main, comme c’est l’usage. Dagobert, roi, a souscrit ». 15 [II, 9]. – Ainsi Didier fut-il choisi pour l’épiscopat tant par la sentence du roi que par la voix unanime des citoyens et Sulpice, évêque de Bourges, reconnu comme métropolitain, ayant reçu le mandement [de l’autorité royale] comme il a été dit plus haut, invite [alors] les autres frères de la province à la consécration du vénérable Didier. C’est ainsi qu’il fut fait évêque la huitième année du règne de Dagobert, au temps du très pieux empereur Heraclius94. Quelle fut sa conduite, quelle en fut la grandeur, il n’est pas en notre pouvoir 93 La note de l’édition de Br. Krusch (p. 359, n. 35) proposant de corriger monasticam en sacerdotalem est inexacte. Dans l’esprit du temps, l’accession à l’épiscopat devait être précédée d’une sorte de stage de profession monastique sur le modèle de Martin et de Germain d’Auxerre. Or Didier est passé directement de fonctions civiles au Palais et à Marseille à la fonction épiscopale. Il convenait donc de rappeler qu’il vivait déjà dans le monde comme un moine. 94 Empereur d’Orient de 610 à 641. Le nom de cet empereur était bien connu en Occident parce qu’il avait repris la Croix aux Perses et l’avait transportée à Jérusalem, voir Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, IV, 65 (éd., trad., introduction et notes par O. Devillers et J. Meyers, Turnhout, 2001, p. 156-157) ; la Chronique des abbés de Moissac rédigée au xe siècle (Chronicon Moissiacense, éd. G.-H. Pertz, MGH, SS, t. I, p. 286) et Ademari
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nullam occasionem quolibet modo perniciosis relinqueret, studuit summopere subuenire pauperibus, uisitare | infirmos, consolari pusillanimes, gaudere C 10b cum gaudentibus, flere cum flentibus, omnibus se omnia facere, ut omnes faceret saluos. Erat enim caecorum baculus, esuriencium cibus, sicientium potus, miserorum salus, solamen lugencium fraequenter in ore sacra leccio, sepissima 15 Christi erat inuocatio, fraequenter humi inherens et, flexo corporę, mens erecta ad Deum uiam qua spiritus tendebat monstrabat. Rumusculos necnon uaniloquos et palpantes adulatores quasi hostem fugiens, sola simplicia et pura contubernia delectabatur. Pauperibus uero et fratribus refrigeria sumptuum ita praeuidebat ut ulli nihil deesset. Si pusillanimem uidisset, consolabatur ; 20 si in Dei amore seruientem, quooartabatur | ad studium. Cujus locutio in- C 10va star fonte purissimo dulcis manabat ac placida, ipsumque genus eloquii ejus subpressum erat ac nitidum, adeo ut eo concionante nihil pulchrius, nihil dulcius nihilque lætius crederetur ; ita enim in singulis uirtutibus eminebat quasi ceteras non haberet. Sic se praeparabat quasi quotidie moriturum ; sic 25 nempe uiuebat ut non eum ab oracione somnus, non saturitas a lectione re uocaret. Quis unquam de eo, quod displiceret, audiuit ? quis audiens credidit ? quis eo in fide firmior, in operę promptior, in oratione paratior, in utilitate ardencior potuit inueniri ? 10
11 consolari] ex consolare A 12/13 ut omnes faceret] add. in marg. A 13 cibus] cybus A 14 ore] hore A 16 Rumusculos] Rumusculus A, Rumusculos sane et C 17 uaniloquos] add. A 18 delectabatur] amplectebatur C 19 ulli nihil] ex nulli nihil A, nulli nichil C 20 quooartabatur] quo ortabatur A, cohortabatur C 21 fonte purissimo] ex fontes purissimo A, fontis purissima C 22 subpressum erat] subpraessum erat ex praesumerat A, pium C eo…pulchrius] ei concionanti nichil pulcrius C 23 lætius] ex latinis A, iocundius C 24 Sic se praeparabat] transp. C quotidie] cotidie C 25 reuocaret] ex reuocare A 26 Quis] s add. A eo] eum A 27 promptior] prumptior A paratior] potior C 28 utilitate] caritate C
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de l’exposer tout au long 95. Son premier et principal souci fut de ne rien abandonner des préceptes de Dieu, de surmonter la jactance par l’humilité et de saper l’envie par la bienveillance96. Enfin, pour ne pas donner prise à de mauvaises rumeurs et de ne fournir aucune occasion aux gens pernicieux, il veilla avec le plus grand soin à secourir les pauvres, à visiter les malades, à consoler les faibles, à se réjouir avec ceux qui sont joyeux, à pleurer avec ceux qui versent des larmes97, à se faire tout à tous pour les sauver tous98. Enfin, il était le bâton des aveugles, la nourriture des affamés, la boisson des assoiffés, le salut des miséreux, la consolation de ceux qui pleurent99 ; il avait souvent à la bouche les Saintes Écritures (sacra lectio) et ne cessait d’invoquer le Christ. Fréquemment, son corps fléchi touchait la terre100 tandis que son esprit dressé vers Dieu montrait la voie vers laquelle tend l’esprit. Fuyant101 comme l’ennemi les ragots102 , les glorioles et les caresses des flatteurs, il n’aimait que les relations franches et pures. Il prévoyait les dépenses pour aider les pauvres et les frères afin qu’il ne manquât rien à personne. Voyait-il quelqu’un de craintif, il le réconfortait ; quelqu’un se dévouer dans l’amour de Dieu, il encourageait son zèle103. Sa parole coulait, douce et calme, comme d’une très pure fontaine104 et son discours était si concis et brillant qu’il semblait à l’assistance ne rien y avoir de plus beau, de plus doux, de plus agréable105. En effet, il excellait dans chaque vertu comme s’il n’en avait pas d’autre106. Ainsi, il se préparait presque chaque jour à la mort107 ; il vivait de telle manière que dormir ne l’empêchait pas de prier ni manger de lire et qu’il n’était jamais rassasié de lecture. Qui a jamais entendu dire quelque chose de plus déplaisant à son sujet ? Qui, en
Cabannensis Chronicon, I, 41 (éd. P. Bourgain, R. Landes et G. Pon, Turnhout, 1999 [CC CM, 129], p. 57). 95 Vita sancti Martini, 10, 1 (éd. J. Fontaine, t. 1, p. 272) ; on retrouve la même expression (Sed qualem presteterit…) dans la Vie de Lambert de Liège (éd. Br. Krusch et W. Levison, MGH, SRM, t. VI, p. 362, l. 2). 96 Jérôme, Lettres, 60, 10 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 98-99). 97 Rm 12, 15. 98 I Co 9, 22. 99 Peut-être souvenir de Mt 5, 5. 100 Ce sera aussi la position de Raban Maur offrant le De laudibus sanctae Crucis. 101 Peut-être d’après Jérôme, Lettres, 58, 6 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 80). 102 Sur ce remploi, voir Notes, p. 102. 103 D’après saint Jérôme, Lettres, 22, 35 (éd. et trad. J. Labourt, t. 1, Paris, 1953, p. 149). 104 Jérôme, Lettres, 58, 10 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 83) : instar fontis purissimi incedit. 105 Ibid., 58, 9 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 83). 106 Ibid., 60, 10 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 99). 107 Vita Eligii, I, 38 (PL, t. 87, col. 579) : le chapitre manque dans l’édition des MGH qui passe de 36 à 40 ; voir PL, t. 87, col. 570.
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16 [II, 9]. – Ab ipso quippe exordio episcopatus sui ini|tia extruende immoque recuperendę moenię studium dedit, ubi instantissime desudans | pene sine intermissione dies in operę continuabat. Ob hoc uel maximę semper aliquid operis facęrę studebat, ut quotiens inimicus pulsaret, nunquam ab opere inueniret ociosum, sciens scriptum esse quod ociositas inimica est animae et Apostoli esse praeceptum quod qui non operatur non manducet ; nouerat et alibi esse scriptum : in desideriis est omnis otiosus, uagatur enim perniciosis cogitacionibus. Unde ipse aiebat : « Apostoli manibus propriis laborabant ne aliquem grauarent, sed magis haberent unde aliis refrigerium tribuęrę possent ». Porro industria sua edificauit et prope matrem aecclesiam do|mos geminas, utrasque duplas, arcubus libratas, fenestris obliquas, scalis contiguas, positione sejunctas compendioque congruas, sociatas oratoriis, ornatas antis, quadrisque munitas mire magnitudinis, miraque dispositione compactas, quas supra ripam Oltis fluuii extruens, praecipuum adque eximium post futuris compendium praeparauit. Aedificauit etiam ultra amnis ripam, in aspectu praedictarum ędium, basilicam formę conuenientissimę combtam, eo scilicet in loco quo germanus ejus Rusticus condam fuerat interemptus, quam mirabiliter perficiens in honorem beati Petri apostolorum principis dedicauit ; terrę quoque reditus et nonnulla ex su|is facultatibus eidem indulsit. Aliam uero quæ extra castri municionem, in ualle quæ in Lariago uel Spernio tenditur, edificauit basilicam in honore sancti martyris Juliani fundatam, quam cum terris et cum apendiciis monasterio suo dedit. Edificauit etiam haut procul a majore aecclesia, sub interuallo trium domiciliorum, 16, 1 episcopatus sui] episcopatu suo corr. sui A 2 recuperandę moenię] recuperando menie C pene] pro omne C 4 inimicus] eum add. C 6/7 nouerat… scriptum] inuenit et alibi C 7 perniciosis] ex perniciosus A, quisque add. C 8 ipse] ipsi C aiebat] om. C 8/9 ne aliquem] add. A, quem C 9 aliis] add. sup. l. A possent] ex possint A, possint C 10 Porro] Proro C domos geminas] ex domus geminus A 11 arcubus] us lit. ras. A, artibus C obliquas] ex obliques A 12 positione sejunctas] positione iunctas tres litt. ras. inter A., possetiones et iunctas C compendioque] compendio C sociatas] ex sociata A oratoriis] ex oratoris A ornatas] ex ornatos A 13 miraque dispositione] ex mira dispositioni A, Mire dispositionis C 16 ędium] ex hedium A 17 eo] om. C condam] quondam C fuerat] ex fuirat A 18 perficiens] ex perficens A honorem] honore C principis] ex principi A 19 reditus] ex reditos A indulsit] dulsit C 20 quæ extra] quitra ex add. sup. l. A, quae extra C quæ] ex qua A 21 edificauit] ex hedificauit A martyris] martiris C 22 cum terris et cum apendiciis] ex cum terrae cumpendiis A, cum terre et pendiis C 23 haut] h add. sup. l. A, aliqua add. C majore] maiori ex maiore A domiciliorum] domicilia um duae litt. ras. inter A ęlegans] ex eligans A
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l’entendant, l’a cru108 ? Qui a-t-on pu trouver de plus ferme dans la foi, de plus prompt à l’action, de plus disposé à la prière, de plus ardent à faire du bien109 ? 16 [II, 9]. – Dès le début de son épiscopat, il s’attacha à entreprendre la construction ou plutôt la restauration des remparts110, travail qu’il mena avec grand peine à la sueur de son front, presque sans interruption. Aussi s’appliquait-il à être toujours occupé pour cette raison surtout que, chaque fois que l’Ennemi frapperait, il ne le trouvât jamais oisif, sachant qu’il est écrit que « l’oisiveté est ennemie de l’âme »111, et que l’Apôtre a prescrit que celui qui ne travaille pas ne mangera pas112 . Il avait appris aussi qu’il est écrit ailleurs : « Tout homme oisif n’est que désir, car il se perd dans des pensées pernicieuses »113. Aussi, disait-il lui-même : « Les apôtres travaillaient de leurs propres mains pour n’être à la charge de personne mais plutôt pour avoir de quoi soulager autrui »114. En outre, il prit l’initiative d’édifier des demeures jumelles115 près de l’église-mère116. Elles étaient chacune à deux niveaux117, portées par des arcades, avec des fenêtres orientées différemment118, reliées par l’escalier (scalis)119 séparées par la position, tout en satisfaisant au souci d’économie, unies par les oratoires120, ornées de pilastres et construites de pierres de taille d’une grandeur admirable121, formant un ensemble remarD’après Jérôme, Lettres, 127, 3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 138-139). D’après Vita Eligii, II, 9 (PL, t. 87, col. 519) : le chapitre manque dans l’édition des MGH qui passe de 8 à 11. 110 Sur la restauration des remparts, voir Introduction, p. 96-100. Les remparts sont une composante essentielle de la cité non seulement du point de vue défensif mais aussi dans la structuration de l’espace urbain (infra et extra) et dans l’image de la ville dont ils sont la fierté, C. Boisgérault, L’image de la ville de Gaule dans les sources littéraires tardives (284-493). Terminologie de la ville et de ses composantes architecturales, thèse de l’Université du Maine, 2005, t. 3, p. 588 et ss. Bien avant la Vita sancti Desiderii, les sources littéraires vantent la restauration des remparts, op. cit., p. 634 et ss. 111 Regula sancti Benedicti, 48 (éd. A. de Vogüé et J. Neufville, t. 2, Paris, 1972 [SChr, t. 182], p. 599). 112 2 Th 3, 10. 113 Si 28, 29 et Jérôme, Lettres, 125, 11 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 124). 114 Jérôme, Lettres, 125, 13 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 123) : laborabant manibus suis, ne quem grauarent. 115 Il s’agit de la domus ecclesiae, dominant le Lot ; voir Introduction, p. 102-107. 116 C’est-à-dire la cathédrale. 117 C’est ainsi que nous comprenons l’adjectif duplas. 118 Voir Introduction, p. 104. 119 Scalae désigne les degrés ou les marches d’un escalier. C’est pourquoi nous avons traduit par escalier. 120 L’emploi du pluriel (oratoriis) pourrait indiquer l’existence de deux oratoires, l’un au premier niveau, l’autre à l’étage. 121 L’hagiographe désigne ainsi le grand appareil romain. Ces pierres de taille avaient été sans doute prélevées sur les ruines de monuments antiques, comme on le voit pour un mur mérovingien 108
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ęlegans oraculum miro opęrę miraque uolutione prostratum, quo loco Deum mens desiderans ita ingrędiens refouetur ac si partem paradysi se occupasse gratuletur qui locus tam suauis tamque jocundus existit, ut etiam nolens in contemplatione erectus | illic orare cogatur. Non ibi cenus horrorem, non A 210vb uentus frigorem, non gelu infert rigorem, non calor angustiam, non so|litudo C 11va acidiam, non inquietudo gignit molestiam, et hanc nihilhominus larem in 30 honorem beati confessoris Martini uoluit consecrari. Multa etiam et alia conspicua quę matris aecclesiae tam in porticibus quam in amplioribus edificiis congrua sunt tegmine superuoluto secuturis post fratribus praeparare studuit. K. 25
24 prostratum] constratum C 25 desiderans] ex desiderantes A ingrędiens] egrediens C paradysi] paradisi C 26 existet] corr. existent A, existit C 27 cogatur] coguatur C 27/28 non…horrorem] non ibi. orrorem. obscenum tempus add. A, cenus errorem C 28 frigorem] fragorem C 29 larem] ilarem ex larem A 30 consecrari] consecrare C 30/31 Multa…conspicua] corr. C, Multam A, et alia conspicua add. A 31 porticibus] ex particibus A, particibus C 31/32 in amplioribus edificiis congrua] add. A, disportoris C 32 sunt tegmine superuoluto] presulibus thesauribus tegmine superuoluto C
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quable122 : en les édifiant sur la rive du Lot123, il a ménagé pour l’avenir un gain considérable et merveilleux124. Il édifia aussi sur l’autre rive, en face des dits bâtiments, une basilique d’une très grande beauté, au lieu même où jadis son frère Rusticus avait été tué125 ; après l’avoir terminée d’une façon admirable, il la dédia en l’honneur de saint Pierre, prince des apôtres126. Il lui attribua des revenus fonciers127 et nombre de ses propres richesses. Hors des murailles du castrum128, dans le vallon qui conduit à Layrac129 et à Pern130, il édifia une basilique fondée en l’honneur du saint martyr Julien131 qu’il donna, avec des revenus fonciers, à son monastère. Il édifia aussi, non loin de l’église majeure, à une distance de trois maisons, un élégant oratoire132 , d’un travail remarconstruit dans la cour de l’archevêché de Cahors : J. Catalo et et J.-L. Boudartchouk, « Cahors, aux origines du quartier canonial de la cathédrale », Aquitania, t. 14 (1996), fig. 6 ; sur la taille des pierres et les techniques de construction, voir Introduction, p. 108-118. 122 Passage difficile à traduire. 123 La domus ecclesiae devait avoir des dépendances qui s’étendaient jusqu’au Lot puisque l’évêque avait vue sur le lieu où son frère, Rustique, avait été assassiné. 124 La domus ecclesiae était située probablement au chevet de la cathédrale, G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 142 ; Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 61-62. 125 Supra, c. 8. 126 Cette basilique suburbaine est « à l’origine de l’église appelée au Moyen Âge Saint-Pierre des Hortes » (G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 221) ; « aux environs de l’église actuelle du faubourg Cabessut », Pouillé du diocèse de Cahors, éd. A. Longnon, Paris, 1874, n. 140, p. 34 ; R. Rey, « Un grand bâtisseur au temps du roi Dagobert : saint Didier, évêque de Cahors », p. 288, n. 7 ; Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 63, no 10 sur le plan. Il restait encore au xviiie siècle quelques bases de murs signalées par G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 220. 127 Que faut-il entendre par « revenus fonciers » (terre reditus) ? S’agit-il de loyers privés de domaines fonciers ou de revenus fiscaux publics tirés des domaines, comme l’entend J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 247, que ces domaines soient la propriété de l’Église ou affectés plus ou moins provisoirement à l’évêque ? ; Id., Les finances publiques de Dioclétien aux Carolingiens (284-889), Sigmaringen, 1990, p. 110-113. 128 Sur castrum, voir Notes, p. 260-261. 129 Layrac, cne Le Montat, c. Cahors 3, Lot. Layrac correspond à un site archéologique antique. 130 Pern, c. Marches du Sud-Quercy, Lot. 131 Sur la basilique Saint-Julien, voir Notes, p. 261. 132 Cet oratoire a disparu. Il s’agit probablement de l’ancienne chapelle Saint-Martin, située rue de la Chantrerie, au sud du chevet de la cathédrale, G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 221 ; M. Bénéjeam-Lère, « Cahors et sa cathédrale. Architecture et urbanisme à la recherche d’une unité, L’exemple de l’époque gothique », Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 111 (1990), p. 198-199 ; Fr. Prévot, et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 62 ; M. Gaillard et N. Gauthier, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 16/2, Paris, 2014, p. 72.
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17 [III]. – Praeter ciuitatis autem opera, castellum quoque Cadurcum, qui antea nudus pene ac exiguus locus ille uidebatur, copioso operę conspicandaque municione ampliauit, erexit ac firmauit, quę sagaciter exstruens multoque inibi labore desudans, aecclesias, domos, portas, turres murorum ambitu ac quadratorum lapidum compactione muniuit, firmumque | ac solidum ad C 11vb posteros peruenire decręuit. Jam uero in altaris aecelesiaeque ministerio dici non potest quantum ęffuderit quantaque fecerit. Quam numerosa, quam pulchra, quamque nitentia hodie constent melius puto intuencium occulos judicare quam nostro sermone exponere. Quantus sit in calicibus decor, ex distinctione gemmarum nec ipsos intuencium obtutus facile dijudicare reor ; fulgent quidem gemmis auroque calices, preminent turres, micant corone, resplendent candelabra, nitet pomorum rotunditas, fulget auri et argenti colorum uarietas, nec desunt patenę sacris propositionis panibus praeparatę ; ad|sunt et stantarii magnis cęręorum corporibus aptati. Pre his omnibus crux C 12a alma ac preciosissima, uario simul et candido opere preciosissimarum gemmarum scientia artificum fabricata, coronis superjecta fulget. Haec sunt opera Desiderii, haec munilia ejus sponse, hoc studium pontificis nostri, hoc emolumentum pastoris egręgii ; in his uel maxime elaborauit in his sedule studium inpendit, quod dum parauit, Deo quidem honorem, sanctis autem uenerationem et sibi prouidit mercedem perhennem. K. 17, 4 inibi] ibi C 5 ac] h add. sup. l. A 7 quantum ęffuderit] quantam se fuderit C 8 pulchra] pulcra C nitentia] nitentiaque C constent] corr. constet A, constare C 9 quam] ex quem A ex] in C 10 obtutus] ex obtutos A 12 resplendent candelabra] transp. C nitet pomorum rotunditas] ex nitent pommorum rotunditas A fulget] ex fulgit. auri et argenti colorum add. A, fulget recentarii colique C 13 propositionis panibus] prepositi in panibus C 14 magnis] ex magis A Pre] add. sup. l. A, om. C 15 ac] at ex aut A 15/16 opere…super] add. cum corr. uario ex uaria, candido ex candida A, arcubus appensa sanctis que C 17 munilia ejus] moniliarius C 18/19 in his…inpendit] in his sedulum impendit studium C 20 prouidit] prouidere C
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quable et dominé par une voûte admirable133. Entrant en ce lieu, l’âme qui désire Dieu est réconfortée, comme si elle se réjouissait d’avoir pris place dans un endroit du paradis. Ce lieu est si doux et si agréable134 que celui qui s’y trouve debout en contemplation, même s’il ne le veut pas, est contraint de prier. Ici, la boue ne provoque pas le dégoût, ni le vent le froid, ni le gel l’engourdissement ; ici, la chaleur ne génère pas l’angoisse, ni la solitude la mélancolie, ni l’agitation le tourment. Et il voulut également consacrer ce petit oratoire en l’honneur du saint confesseur Martin. Il veilla aussi à préparer pour les frères135 qui lui succèderaient d’autres œuvres nombreuses et remarquables, qui conviennent par leur couverture aux portiques et aux édifices plus vastes d’une église-mère136. 17 [III]. – En plus des travaux de la cité, il en fit aussi sur le castellum137 de Cahors : ce lieu [qui] paraissait jusque là presque nu et tout petit, il l’agrandit, l’éleva et le renforça par un travail considérable et une muraille remarquable. En réalisant cette construction avec sagacité et en y déployant beaucoup de peine et de sueurs, il fortifia les églises, les maisons, les portes et les tours par une enceinte de murs138 et plus précisément par un assemblage de pierres de taille139, prévoyant que, ferme et solide, cette enceinte parviendrait à la postérité. Il est impossible de dire combien il s’est dépensé dans le service de l’autel et de l’église, combien d’œuvres il a accomplies. Combien restent aujourd’hui de ses œuvres nombreuses, belles et étincelantes, il vaut mieux en juger par les yeux que les décrire par mes mots. Je ne pense pas qu’il soit facile pour ceux qui les regardent d’apprécier la beauté des calices, la variété des pierres précieuses. Les calices resplendissent d’or140 et de gemmes, les vases en forme de tours (turres)141 se dressent, les couronnes brillent, les candélabres luisent, la rondeur des boules renvoie la lumière142 , le chatoiement des couleurs d’or Sur les voûtes, voir Introduction, p. 114-118. Vita Eligii, I, 16 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 682). 135 C’est-à-dire les évêques. 136 Voir discussion dans Introduction, p. 100-102. 137 Sur l’emploi de castellum, voir Introduction, p. 98-100. 138 L’emploi du mot murus est rare dans l’Antiquité tardive. 139 Sur les pierres de taille et les techniques de construction, voir Introduction, p. 108-114. 140 Sur la richesse en métaux précieux de l’Aquitaine, voir M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 199, qui analyse les testaments du Limousin Yrieix, en 573 et de Didier, évêque d’Auxerre, sans doute originaire du Cahorsin, en 621. 141 Sur ces vases, voir Notes, p. 261. 142 Que désigne ici la rotunditas pomorum ? Dans sa description des objets liturgiques de Saint-Riquier, Hariulf mentionne les poma guntfanonum VII, ex argento auroque parata, voir Du Cange, s.v. et Hariulf, Chronique de l’abbaye Saint-Riquier (éd. F. Lot, Paris, 1894, p. 85). Peut-être s’agit-il de globes dorés. 133
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18 [IV, 10]. – Sub cujus quoque temporę res accidit non mediocriter stupenda. Siquidem nonnulla ita in hoc saeculo oculto Dei judicio aguntur, | ut A 211a humane inuestigacioni abdita omnino habeantur, magisque terrorem incutiant agni|ta quam inquisicionem ingerant experta. Unde et res quam narro C 12b 5 stuporis pariter et admiracionis plena esse constat, quia hanc, ut dixi, occulta Dei judicia secreto consilio actenus obumbrant. Itaque dię quadam, dum uir beatus in unam ex ędibus quas super ipsam amnis ripam exstruxerat consederet, uox subito ex fluuio emissa sonuit dicens : « Hora uenit, homo non uenit ; hora uenit, homo non uenit ». Ad quas mirum uoces cuncti audientes 10 adtoniti diuersa, ut in talibus solet, opinabantur portenta ; uenerabilis autem Desiderius, cum esset altioris ingenii, cauta et peruigili consideratione causam protinus animaduertit, jussitque ilico famulos concito ad amnis trajectum pergerę ac sollicite circumspicerę sicubi quempiam transmeare uolentem uiderent ; hunc | praecepit nullatenus fluuium permitterent intrarę, C 12va 15 priusquam ad se cognoscendę rei causa perducerent, uolens scilicet probare ad quem exitum uox emissa perduceret. Perrexerunt itaque ministri et curiose ripam fluminis contuentes uident eminus quendam hominem equum uehementer stimulantem currere adque ad amnis traiectum pernici cursu festinare. K.
18, 1 cujus] eius C accidit] ex accedit A 3 abdita] ex abdito A 4 ingerant experta] ex ingerunt expertam A 5 constat] ex constant A 6 secreto] ex secreta A actenus] add. A, secreto consilio eius C 7 ędibus] ex sedibus A 10 opinabantur] ex opinabatur A 12 animaduertit] ex animauertit A 13 sicubi] ex sic hubi A 14 hunc] de quo C praecepit] precepit ut C 15 cognoscendę] cognosende C 15/16 uolens… perduceret] in inf. marg. suppl. A, om. C 17 uident] ex uidens A, quendam hominem add. A, om. C equum] aequum A 18 pernici] pernicioso C
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et d’argent brille, [la variété des coli et recentarii143 étincelle] ; ne manquent pas les patènes préparées pour les pains sacrés de proposition144 ; sont aussi présents les supports aptes à recevoir les cierges de grande taille145. Par-dessus tout, placée au-dessus des couronnes, brille la sainte et très précieuse croix, façonnée grâce au talent des artistes par un travail varié et éblouissant des pierres les plus précieuses. Telles sont les œuvres de Didier, les joyaux146 de son Épouse, tel est le zèle de notre pontife, le profit d’un pasteur remarquable. Il y déploya un zèle diligent et, ce faisant, il honora Dieu, vénéra les saints et se prépara une récompense éternelle. 18 [IV, 10]. – C’est au temps de Didier qu’il arriva un évènement absolument stupéfiant. À la vérité, certains faits arrivent en ce siècle par le jugement secret de Dieu, de telle sorte qu’ils restent absolument inaccessibles à une explication humaine, et qu’ils frappent de plus de terreur lorsqu’ils sont connus qu’ils n’incitent à la recherche [de compréhension] quand on les a vécus. Ainsi, ce que je raconte ici doit-il provoquer à la fois stupeur et admiration puisque, comme je l’ai dit, les jugements cachés de Dieu le recouvrent d’ombre jusqu’à présent dans un dessein secret. C’est ainsi qu’un jour, alors que le saint homme était assis en compagnie dans une des maisons qu’il avait construites sur la rive même du fleuve, une voix venue du fleuve retentit soudain en disant : « L’heure vient147, l’homme n’est pas venu ; l’heure vient, l’homme n’est pas venu »148. Tous ceux qui entendaient ces paroles étonnantes, frappés de stupeur, proposaient diverses interprétations, comme il est habituel en tel cas. Mais le vénérable Didier, comme il était d’un esprit supérieur, considéra avec prudence et grande attention [ce qui se passait] et en trouva aussitôt la cause ; sur le champ, il ordonna à ses serviteurs de se 143 Coli et recentarii sont mentionnés dans les variantes car ils ne figurent que dans le manuscrit C. Aussi les avons-nous mis entre crochet dans la traduction. Les coli et les recentarii sont liés puisque les recentarii sont des récipients pour rafraîchir le vin eucharistique, les coli pour le filtrer, comme l’a bien vu Fr. Prévôt, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures à la Renaissance carolingienne, t. 8 : Aquitaine première, Paris, 1997, p. 195. 144 Il s’agit du pain du sacrifice et des eulogies, « le pain distribué aux fidèles qui ne communiaient pas et qu’on envoyait en signe d’amitié à des amis lointains » (G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 227). 145 Pour les passoires et autres ustensiles liturgiques, voir l’article « Orfèvrerie », Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. 12, Paris, 1936, col. 2447 et ss., notamment col. 2491 pour la passoire liturgique. Cet instrument servait à filtrer le vin que les fidèles apportaient en pichets, voir art. « Passoire », ibid., t. 13, Paris, 1938. 146 Il s’agit de l’Église. 147 Hora venit, Jn 4, 21, 4, 23, 5, 25, 16, 2, 16, 32, 17, 1. 148 On peut aussi traduire au passé un des membres de la phrase ou les deux : « l’heure est venue », « l’homme n’est pas venu » ou, selon Françoise Prévot, « L’heure vient, l’homme n’est pas venu ».
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19 [V]. – Quem percunctantes uel cuius esset, uel quam ob causam curreret, audiunt ab ipso Maurini comitis se esse adque ad ipsum festinanter pergere sibi esse jussum. Cumque uix responsione impleta fluuio praecipitanter uellet intrare, tentus ab ipsis ad episcopum ducitur. Percunctatus autem ab episcopo quae esset causa cursus ipsius, respondit : « Ancilla, inquit, uestra Placedina ad filium uestrum Maurinum lit|teras michi perferre mandauit ; C 12vb hujus rei gratia festinanter uado ». Ad quem episcopus : « Sustine paulisper, fili, quousque litterę scribantur : ego ei epistolam dirigere uolo, nunc jam ibis ». Dum ista dicuntur, ille adhuc ad amnem anhelans nec expectare ualens subito rubore mixtus atque palpebris perfusus coepit anxiari ac uehementer se agitare. Quem episcopus cernens nimis anxie palpitare, festinanter ualde uinum afferre mandauit, quo scilicet anxio occurrere posset |. Allato A 211b ergo uino, nullatenus homo ori suo applicari permisit, sed longe eum repellens, guttam aquę clamare coepit ; cumque aqua fuisset allata, ualde inianter ciatum praeripiens glutiuit, et cum ipso, | ut ita dixerim, haustu, uideris quo C 13a Dei judicio, in terra decidens, spiritum exalauit, morteque subito praeuentus obriguit. Ex quo facto cuncti uidentes nimio timore perculsi, causam mortis hujus satis mirabantur adtoniti. Desiderius autem occultum Dei judicium glorificans, adque ex hujus internicione matheriam sermonis assumens, multa salubria multaque terrifica praesentibus concionatus est, asserens 19, 1 uel cuius] quis add. ante sup. l. A 2 ipso] ex ipsum A 3 uix] ex uox A, mox C fluuio] fluuium C 4 uellet] ex uellit A 5 inquit] ex inquid A 6 Placedina] ex Placedin A, Placida C michi] ex me A perferre] per add. C 8/9 nunc jam] iam tunc C 9 ibis] ex ibus A anhelans] hanelans C expectare] pecta add. inter ex et re et quicquam add. in marg. A, exere se C 10 ualens] uolens ex ualens A rubore…anxiari] ex robore mixtus quae palpebrae perfusus caepit anxiare A, rubore perfusus mixtum aquae posse re coepit anxie C 11 se agitare] satagere C 12 uinum afferre] uinum seruis suis afferre C quo…occurrere] ex quos scilicet anxios occurrere A, quos scilicet anxios currere C posset] possit A, precepit C 13 ori] ex hori A applicari] ex adplicari A 14 coepit] caepit A 15 ciatum] ex ciato A haustu] austu ex austo A, hausta C uideris] corr. uiderit A 16 morteque…praeuentus] ex mortem… praeuentum A 17 perculsi] percussi C 18 occultum Dei judicium] ex occulto Dei iudicio A 19 assumens] ex adsumens A 20 asserens] ex adserens A
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rendre rapidement à l’endroit où l’on traversait la rivière et de regarder avec soin s’ils voyaient ici ou là quelqu’un qui cherchait à traverser149. Il leur ordonna de ne lui permettre d’aucune manière d’entrer dans le fleuve avant de l’avoir conduit auprès de lui pour comprendre la raison de la chose ; il voulait ainsi comprendre dans quel but ces mots avaient été prononcés. Ses serviteurs partirent et examinant avec attention la rive du fleuve, ils voient de loin un homme qui aiguillonnait violemment son cheval et d’un galop rapide se hâtait vers le lieu où l’on traversait la rivière150. 19 [V]. – Ils lui demandent qui il est, de qui il dépend et pourquoi cette course : il leur répond qu’il est l’homme du comte Maurin151 et qu’il lui a été ordonné de le rejoindre au plus vite. À peine eut-il répondu qu’il voulut entrer avec précipitation dans le fleuve ; retenu par eux, il est conduit à l’évêque. Interrogé par celui-ci sur la raison de sa course, il répond : « Votre servante Placidina, dit-il, m’a chargé de porter une lettre à votre fils Maurin. C’est pour cela que je me hâte ». L’évêque lui [répond] : « Attends un peu, [mon] fils, le temps d’écrire une lettre : moi, je veux lui en envoyer une, et après tu iras ». Pendant cet échange, toujours pressé [de rejoindre] le fleuve et ne supportant aucun délai, il est pris d’une rougeur subite et inondé de larmes, il commença à être saisi d’angoisse et à s’agiter violemment. Le voyant trembler d’une très grande angoisse, l’évêque demanda d’apporter en grande hâte du vin qui pût soulager celui qui était angoissé. Quand on apporta le vin, l’homme défendit absolument qu’on l’approche de sa bouche mais le repoussant loin [de lui], il commença à réclamer une gorgée d’eau. Et lorsque l’eau lui eût été apportée, il se saisit du vase et avala goulûment ; c’est alors qu’il buvait que, si j’ose dire, par un jugement de Dieu, on le vit tomber à terre, rendre l’âme et se raidir dans une mort subite. À la suite de quoi, tous les témoins, frappés d’une peur immense, se demandant avec étonnement la cause de cette mort, Didier rendit gloire au jugement occulte de Dieu et trouva dans cette mort matière à un enseignement. Il adressa à l’assistance beaucoup de paroles aussi salutaires que terrifiantes, montrant clairement combien les jugements de Dieu sont redoutables et ses desseins incompréhensibles152 , à l’exemple de la mort de La circulation des biens et des personnes faisait partie des fonctions civiles de l’évêque, comme le montre la lettre de Gallus, évêque de Clermont, à Didier lui demandant de faire surveiller les frontières de son diocèse par des gardes en raison de la peste arrivée à Marseille et qui s’est répandue en Provence, Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, II, 20 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 341). 150 Sur le passage de la rivière, voir Notes, p. 261-262. 151 Sur le comte Maurin, voir Notes, p. 262. 152 Rm 11, 33. 149
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manifeste quam essent metuenda Dei judicia, quamque incomprehensibilia ejus consilia, proponens quoque hujus uiri internicionem, quem quamuis summopore conatu subtilique studio aquę periculum adimere temptauerit, nullatenus tamen proposito mortis termino | subtrahere potuit ; hinc, aiebat, C 13b 25 unusquisque sollicitus, semper suspectus, sub occulis Dei debet conuersare, dum quemlibet mortis sententia preueniad, nullatenus ualet praeuidere ; qua de re, necesse est ut tantum quisque sit semper paratus quantum de repentini casus euentu constat nos esse incertos. Sed de eis satis sit dictum, nunc interim ad ea unde digressi sumus redeamus. K. 20 [VI, 11]. – Desiderius itaque praeter alia magnifica opera aedifi cauit monasterium sub ipso Cadurcae municipio, caeteris aeditibus exi mium, septingentos circiter et quinquaginta passus a praecipua pontificum sede distans, quod summo studio, miro ac singulari opere in domorum uel 5 ęcclesiarum exstructione patratum, uinea|rum quoque et segetum ac parie- C 13va tum adjectione circumsepsit. Monachos etiam copioso numero aggregauit, quibus post Ursicinum uenerabilem uirum Daddiuum abbatem instituit. Ipse autem profluo se amore erga | ipsum cenobium dedit, et omnia quae A 211va habent necessaria tam in utensilibus quam in aliis speci[e]bus affluentissime 10 ministrauit. Sepulturam quoque sibi in eodem monasterio sub dextri lateris basilicę uolutione praeparari jussit, ubi hodię quoque in Dei nomine humatus quiescit. Sub ipso adhuc Cadurcę oppido aedificauit basilicam in honore sanctae Mariae semper uirginis, cujus opus perficiendum Claudium abbatem constituit, ibique eum abbatis officium agere permisit. Alias etiam quam 15 plures et in Cadurco territori|o et in Albiensi oppido, tam infra municipia C 13vb 21 quam] quam multum C quamque] cunctaque C 22 internicionem] interemptionem C summopere] summo ipsi C 23 conatu] ex conato A periculum] ex periculo A, periculo C adimere] eximere C 24 subtrahere] subtraere A potuit] potuerint C aiebat] ex aiebunt A, agat C 25 sollicitus] quam add. sup. l. A, om. C semper] que add. sup. l. A, om. C debet] debeat ex debes A conuersare] conseruari C 26 quemlibet] libet add. A, quem illum C ualet] ual A 28 casus] ex causas A nos] add. in marg. A, om. C incertos] ex incertus A de eis] de add. sup. l. A, his C 29 unde] que add. sup. l. A 20, 2 Cadurcae] Caturce C municipio] ex municipium A caeteris] in ras. A, cunctis C 4 distans] ex distentante A, distante C 5 parietum] ponterii C 7 Ursicinum] ex Ursicinem A Daddiuum] Daddulum C 9 profluo] ex profuso A amore erga] ex a morte ergo A aliis] add. sup. l. A, om. C speciebus] specibus A 10 quoque] uero ex quoque A 11 jussit] iusit C 12 Cadurcę oppido] Caturce opido C basilicam] om. C 13 opus perficiendum] add. A, operis prosecutorem C 14 eum… permisit] ex abbati gere permisit A, ibique abbaciam ingerere permisit C Alias] ex alius A quamplures] quam add. A, complures C 15 Cadurco] Caturco C Albiensi] ex Albiense A municipia] municipias C
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cet homme qu’il avait tenté à toute force et avec un soin attentif d’arracher au péril de l’eau, mais qu’il n’avait pu en aucune manière soustraire au terme prévu de la mort. Ainsi, disait-il, chacun doit se tourner sous le regard de Dieu, craintif et toujours observé, puisque la sentence de mort est fixée d’avance pour chacun et ne peut en aucun cas être prévue. Pour cette raison, il est nécessaire que chacun soit toujours prêt, parce qu’il est évident que nous n’avons aucune certitude à propos de l’arrivée soudaine de notre fin. Mais assez parlé de ceci ; revenons maintenant à ce dont nous nous sommes entretemps éloignés153. 20 [VI, 11]. – Et donc Didier, outre d’autres œuvres magnifiques, édifia un monastère près du municipe154 de Cahors, remarquable entre tous, distant d’environ sept cent cinquante pas du siège principal des évêques, achevé avec le plus grand zèle, par un travail admirable et unique dans l’art de bâtir des maisons et des églises155, qu’il entoura aussi de vignes, de champs et de murs156. Il rassembla un très grand nombre de moines, pour lesquels il institua comme abbé, après Ursinicus, le vénérable Daddivus. Lui-même se dévoua avec un amour débordant à ce monastère et lui fournit tout ce qui était nécessaire, objets utilitaires et autres choses. Il ordonna aussi que lui soit préparée dans ce monastère, sous une voûte, du côté droit de la basilique, une sépulture où, jusqu’à aujourd’hui, il repose inhumé157 au nom de Fr. Prévot, « L a construction de la cité chrétienne d’après la Vie de Didier, évêque de Cahors », Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle, Rennes, 2009, p. 74, estime que cette dernière phrase est une addition du remanieur carolingien qui a vu dans ce long récit mystérieux une sorte d’excursus – il a des excuses – alors que dans l’esprit de l’hagiographe mérovingien, Didier a saisi dans cet incident une incitation à se préparer à la mort. Le chapitre suivant évoque la construction du monastère qu’il a élu pour sépulture. 154 Le mot désigne des « localités qui ont des responsabilités administratives ou fiscales » sans être forcément des chefs-lieux de cité, C. Boisgérault, L’image de la ville de Gaule dans les sources littéraires tardives (284-493). Terminologie de la ville et de ses composantes architecturales, thèse de l’Université du Maine, 2005, t. 1, p. 495. 155 Voir Introduction, p. 64 et 107-108. En 649, les travaux achevés, Didier écrit au maire du Palais d’Austrasie, Grimoald, pour lui demander de prendre le monastère sous sa protection, Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 2 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 312) ; Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 63-64 et J.-M. Pailler, « Didier de Cahors, l’unification chrétienne de la cité », dans Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 81. Ce monastère après diverses destructions et reconstructions fut transformé en paroisse, sous le vocable de Saint-Géry. 156 Br. Krusch (CC SL, t. 117, p. 367) remplace parietum par pomerii (verger), ce qui s’accorde mieux avec ce qui précède. Mais ni le ms. de Paris, ni celui de Copenhague ne comportent ce mot qui ne figure pas non plus dans B (pontis). 157 Didier fut inhumé dans l’annexe latérale de droite, Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 64. 153
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quam infra urbana uel Æcclesiae Cadurcine praedia, ecclesias competenter extruxit, quae per singula narrare non sufficimus, ex quibus hodię quidem pars maxima regionis adhuc decorata consistit. Sed quandoquidem in exterioribus aedificiis construendis tale ei studium fuerit, precipuum tamen sibi 20 studium fuit animarum pariter culmina erigere, bonum quidem esse dicens domum Christo extruere, marmoribus uestire, pingendo lucubrare, auro gemmisque locupletare, lacunaria ornare, pauimenta conponere, sed multo melius animas caelesti sponso dignas praeparare, quia uerum Christi temC 14a plum animam cuiusque fidelis christiani credendum esse dicebat. |
21 [VI, 12]. – Sane ita suae moderamina ita temperauit in uictu, in ues titu, in domo, in comitatu, ut nec nimium superflua nec multum essent abjecta. Siquidem omnem ypocrisin et finctiones abjiciens, mediam semper discrętionis uirtutem tenebat : non diuitiis tumens, non tristabatur pauper5 tate et leta et tristia eque continebat, melius dicens humilitatem in cordę portare quam in corpore praeferrę. Sciebat procul dubio quales Dominus querat ornatus, prudenciam scilicet, justiciam, temperanciam, fortitudinem et cas titatem : « Nihil, inquiens, his uirtutibus clarius, nihil hoc monile pretiosius, | nihil hac gemmarum uarietate distinctius. » Clerus sane et populus et A 211vb 10 omne ejus contubernium | in publico episcopum, domi patrem habebant. Sic C 14b enim, ut diximus omnes simul a majore usque ad minimum praeuidebat, ut nihil ulli deesset. Grauitatem morum hilaritate uultus temperabat ; sermo ejus ad omne suum erat conuiuium de scripturis aliquid proponere, salubria 16 urbana] urbani ex urbanis A, suburbanas C uel] uel in C competenter] add. A, caturcine prediis, ecclesias compages C 17 hodię quidem] hodieque C 18/19 Sed… fuerit] add. A, cum exterioribus constructione precipuum ei studium fuerit C 19/20 sibi studium] om. studium A 21 marmoribus] ex mo ribus A pingendo] pigmentis C lucubrare] ex e luc re A, lugubrare C 21/22 auro gemmisque locupletare] add. A, obumbrare C 24 cuiusque…dicebat] add. A, anima esse credenda est C 21, 3 ypocrisin] ex ypocrisen A, omnes ipocrisis finctiones abiciens C 4 uirtutem] add. sup. l. et discretionis ex discretione A, discretionem C tristabatur] contrahebatur C 5 tristia] ex tristicia AC eque continebat] ex aeque contenebat A 8 inquiens] add. A, agebat C hoc] add. sup. l. A pretiosius] ex precio A 9 hac] ex ac A et populus] add. A, om. C 10 habebant] h add. sup. l. A 11 majore] maiori C 12 ulli] ex nulli A, nulli C Grauitatem] ex grauitatem A hilaritate] hilaritatem C temperabat] ex temperabas A 13 suum] om. C
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Dieu158. Il édifia encore, sous les murs de Cahors, une basilique en l’honneur de sainte Marie toujours vierge159. Il établit Claude comme abbé, pour terminer les travaux et lui permit d’exercer l’office d’abbé en ce lieu160. Comme il convient, il construisit, dans le territoire de Cahors et en Albigeois, tant dans les municipes que dans les domaines urbains ou ceux de l’Église de Cahors, de nombreuses autres églises que nous sommes incapables de décrire dans le détail, dont aujourd’hui, à la vérité, la plus grande partie de la région est encore ornée. Bien qu’il ait montré un tel zèle à construire des édifices matériels, son zèle principal s’appliqua cependant à élever également les âmes jusqu’au faîte, disant qu’en vérité, il était bon de construire une demeure pour le Christ, de la revêtir de marbre, de l’éclairer de peintures, de l’enrichir d’or et de gemmes161, d’orner les plafonds, d’assembler les pavements, mais qu’il était bien meilleur de préparer des âmes dignes de l’Époux céleste : il disait en effet qu’il faut croire que l’âme de chaque fidèle chrétien est le véritable temple du Christ162 . 21 [VI, 12]. – Pour la nourriture, le vêtement, l’habitation, l’entourage, il tempéra la conduite de sa vie de telle sorte qu’elle n’était ni trop luxueuse, ni trop humble. Rejetant toute hypocrisie et les impostures, il suivait toujours la voie moyenne dans la vertu de la discrétion ; sans être enflé par la richesse, il n’était pas attristé par la pauvreté et supportait d’une âme égale les événements heureux et malheureux ; il disait qu’il valait mieux porter l’humilité dans son cœur que l’afficher dans son corps. Il savait sans l’ombre d’un doute quels ornements cherche le Seigneur, à savoir163 la prudence, la justice, la tempérance, la force et la chasteté164. « R ien, disait-il, n’est plus Ps 20 (19), 6. Cette église a été identifiée avec Sancta Maria de superioribus par R. Rey, « Un grand bâtisseur au temps du roi Dagobert : saint Didier, évêque de Cahors », Annales du Midi, t. 65 (1953), p. 289, n. 12. Mais, selon Fr. Prévot (Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 63), elle pourrait être plutôt à l’origine de l’ecclesia beatae Mariae ad sepulturam, « attestée en 945, qui devint au xiiie siècle un couvent de bénédictines, connu sous le nom de Notre-Dame de la Daurade ». 160 Ce Claude est également mentionné dans une lettre de Didier à Medoaldus, évêque de Trêves (Epistulae, I, 7 [CC SL, 117, p. 317]) : Latorem preterea praesentis officii filium communem Claudium abbatem recipere per omnia commendatum, et munuscula, quae ex nobis intulerit, grato animo habetote. Il s’agit d’un supérieur de basilique et non d’un abbé monastique. 161 Ovide, Métamorphoses, 13, 714 (formule fréquente dans l’épigraphie). 162 Jérôme, Lettres, 58, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 81). Ce remploi s’insère parfaitement dans la construction de la Vita. 163 D’après Jérôme, Lettres, 52, 13 (éd. et trad. J. Labourt, t. 2, Paris, 1953, p. 188). 164 L’auteur vise vraisemblablement ici les quatre vertus cardinales, même si elles sont au nombre de cinq. À remarquer que l’édition de R. Poupardin a oublié la tempérance, qui est 158
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libenter audire, proponentibus uerecunde respondere, utilia suscipere, recta praeferre, praua refutare, callide acuteque disputantes magis blande docere quam uiolenter conuincere, et ingenuo pudore qui ornabat etatem quid uel cujus esset simpliciter honesteque confiteri. Diuina quippe praecepta sollicite scrutans, celestia oracula sepius percuntabat discens quod doceret sanam doctrinam, summopere studens ne sermo|nes ejus uel in modico contraria C 14va 20 confunderent opera ; recordabatur semper quod beatus Petrus sacerdotibus praecipiat dicens : Pascite eum qui in uobis est gregem Domini non coacte sed spontanee secundum Deum, neque ut dominantes in clero, sed forma facti gregis et ex animo, ut cum apparuerit princeps pastorum, percipiatis inmarcescibilem gloriae coronam. 15
22 [VI, 13]. – Cum exterioribus autem curis templo semper inseruiens, erat sollicitus si nitore altare esset aptatum, si parietes absque puluere, si paui menta essent sine sorde, si custos solitus, si cantor paratus, si ędituus esset, si uasa nitida clara, si sacrarium mundum, si lucernae accensę, si lampades 5 digne aptate, si uasa dominica munda, si altaris uelamina | honesta, et in om- C 14vb nes cerimonias strenua illi semper sollicitudo disposita quicque dum sedule inseruit templo, merito ipse templum efficiatur Dei. K.
15 praeferre] ex praeferreie A callide…magis] disputantes ex disportantes A, callide enim accuteque disportantes (corr. discordantes in marg.) magis C 16 ingenuo pudore] ingenii ex ingenuo pudorem A uel] add. sup. l. A, om. C 18 percuntabat discens] pcuntanbat ex pcuntans discens ex disce A, percunctans dicebat C doceret] ex docerit A 19 studens] ex studiens A 21 non coacte sed] add. sup. l. A 22 forma] cum Vulg. forme A 24 coronam] mult. litt. ras. A 22, 2 erat] ex eret A nitore…aptatum] nitorem altare esset absque A 3 sine] om. A custos] ex custus A si cantor] sican ter A esset] bene add. C 4 nitida clara] ex nitetenda (?) clara A, nitencia et clara C lampades] lampade A 5 uelamina] uel. Ina A
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éclatant que ces vertus, rien de plus précieux que cette parure, rien de plus distingué que cette variété de pierres précieuses ». Assurément, le clergé et le peuple, et tout son entourage, avaient en public un évêque, à la maison un père165. Ainsi donc, comme nous l’avons dit, il s’occupait de tous, aussi bien du plus grand que du plus petit, afin que chacun ne manquât de rien. Il tempérait la gravité de ses mœurs par un visage avenant. Il avait l’habitude, à chaque repas, d’offrir quelques morceaux des Écritures, d’écouter volontiers les paroles salutaires, de répondre avec tact à ceux qui les avançaient, de reprendre celles qui étaient utiles, de mettre en avant celles qui étaient droites, de réfuter les mauvaises, d’enseigner avec douceur ceux qui discutaient avec habileté et finesse au lieu de les convaincre de force et, avec la délicatesse d’esprit qui ornait son âge, il reconnaissait avec simplicité et honnêteté ce qui venait de chacun166. Examinant en vérité avec attention les préceptes divins, il interrogeait très souvent les paroles célestes pour enseigner la saine doctrine, veillant avec le plus grand soin à ce que ses propos n’apportent aucun élément même léger167 contraire à celle-ci168 ; il se souvenait toujours de ce que saint Pierre prescrit aux prêtres lorsqu’il dit : « Paissez le troupeau du Seigneur qui vous est confié, non par contrainte mais de bon gré selon Dieu, non pas en faisant les seigneurs à l’égard de ceux qui vous sont échus en partage mais en devenant le modèle du troupeau et dans un esprit tel que, quand apparaîtra le prince des pasteurs, vous receviez la couronne de gloire qui ne flétrit pas »169. 22 [VI, 13]. – En ce qui concerne les tâches matérielles [du culte], il était toujours au service du temple ; il veillait à ce qu’on préparât l’autel avec l’éclat [qui convient], que les murs fussent sans poussière, le pavement sans souillure170, le gardien attentif, le chantre et le custode prêts, les vases d’une clarté étincelante, le sanctuaire propre, les lumières allumées, les lampes dignement préparées, les vases du Seigneur propres, les linges d’autel convenables171, et pourtant bien présente dans le manuscrit de Paris. 165 Jérôme, Lettres, 60, 10 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 99). 166 D’après Jérôme, Lettres, 60, 10 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 99). 167 Ce portrait insiste sur la « g ravité » de l’évêque Didier. Sans doute était-il plus détendu dans sa jeunesse au Palais puisqu’il écrit à son ami saint Ouen : « Comme je voudrais, si le temps me souriait un peu, m’entretenir avec vous comme jadis, sous l’habit du siècle, dans l’entourage du sérénissime prince Clotaire, nous avions coutume de nous délasser en échangeant des propos sans importance », Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 19 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 319-320). 168 Peut-être d’après Jérôme, Lettres, 52, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 2, Paris, 1953, p. 182). 169 Citation tronquée de I P 5, 2-4. 170 Jérôme, Lettres, 60, 12 (éd. et trad. J. Labourt, t. 2, Paris, 1953, p. 101). 171 D’après Jérôme, Lettres, 60, 12 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 101).
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23 [VII]. – Nullus quidem eo tempore in urbe Cadurca propositum monachi, neque habitum religionis, aut regulę ce|nobialis iter intrauerat ; secta A 212a Columbani procul aberat, instituta Benedicti longe distabant ; ignominiosum, ut putabatur, monachorum genus omnes omnino spernebant. Desiderii 5 autem sub tempore haec secta Cadurchae intrauit, hujus sub die haec religio adolescere coepit. Nam et Moysiacense cenobium, paulo ante regiis expensis initiatum, hujus temporis a uiris laudabilibus Ansberto et Leothadio competenter expletum est. Et in ipso quoque oppido sancti uiri monasterium his diebus exortum et alia. Alia quamplura monasteria, ejus | sub tempore sata, C 15a 10 creuerunt. K. 24 [VIII, 14]. – Frugum uero abundantia et uinearum ac segetum copia tanta in diębus ejus succreuit, abundauit et exuberauit, ut nec ante acto tempore nec post transacto similia nulla antiquitas meminerit adfuisse. Nam infra urbem nullus fere egens erat, nullus quod cupierat difficulter
23, 1 Nullus] Nullud C Cadurca] Caturce C 3 aberat] ex aberrant A 3/4 ignominiosum…spernebant] om. C 5 sub] om. C Cadurchae] Caturce C 6 Moysiacense] ex M.s.acense A, Moysiacense ex Marsiliacense C 6/7 paulo…initiatum hujus] add. in marg. A, om C 7 temporis] ex tempore A Ansberto] ex Anseberto A, Anseberto C Leothadio] ex Leuthado A, Leotado C 7/8 competenter expletum est] add. A, iniciatum est C 8 quoque] add. sup. l. A, om. C sancti uiri] ipsius add. sup. l. A, om. C 9 exortum] exorditum C quamplura] complura C 24, 2 exuberauit] ex exuperauit A 4 nullus] nullud C
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pour toutes les cérémonies, il manifestait toujours un grand souci ; pendant qu’il sert ainsi le temple avec zèle, il se fait lui-même à juste titre le temple de Dieu. 23 [VII]. – En ce temps, nul assurément en la ville de Cahors n’avait envisagé d’être moine, n’avait pris l’habit religieux, n’était entré dans la voie de la règle cénobitique172 ; les disciples de Colomban étaient loin173, tout comme les institutions de Benoît174 ; tout le monde méprisait absolument l’engeance des moines, qu’on considérait comme ignominieuse175. Au temps de Didier176 cependant, cette forme de vie (secta) fit son entrée à Cahors ; c’est à son époque qu’elle commença à se développer177. En effet, le monastère de Moissac178, fondé peu avant aux frais du roi, fut achevé dans de bonnes conditions en son temps par des hommes dignes de louange, Ansbert179 et Leuthade180. Et dans la ville aussi, le monastère de ce saint homme vit le jour. Plusieurs autres monastères, nés en son temps, se développèrent. 24 [VIII, 14]. – L’abondance des fruits ainsi que l’opulence des vignes et des moissons grandirent avec un tel foisonnement, une telle exubérance, que ni auparavant ni par la suite, de mémoire d’anciens, personne ne se souvenait qu’il y en ait eu de semblable. En effet, dans la ville, presque personne Notons cependant que Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, VII, 30 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 350, l. 2) mentionne « un abbé de la ville de Cahors » (abba Caturcinae urbis) mais le contexte semble désigner le supérieur d’une collégiale de clercs. 173 Sur Colomban, voir Columbanus and Merovingian Monasticism, éd. H. B. Clarke et M. Brennan, Oxford, 1981. 174 D’après Jérôme, Lettres, 127, 5 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 140). 175 Ibid. 176 Sur la vie monastique en Aquitaine, voir Notes, p. 262. 177 Ce passage ne nous renseigne guère sur la vie monastique à Cahors. Il est évident que Didier connaissait depuis son séjour au Palais les « règles » monastiques de son temps. Il était ami d’Eustaise, disciple de Colomban, cité au chapitre 15, et fréquentait un ermite irlandais, Arnanus, qui s’était établi dans une grotte à proximité de Cahors, voir Fr. Prinz, Frühes Mönchtum im Frankenreich, Munich, 1965, p. 135 et 269-270. 178 Ch.-l.-c., Tarn-et-Garonne. Comme l’a relevé R. Poupardin (La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), Paris, 1900, p. 25, n. 2), le nom de Moissac « a été remplacé dans les manuscrits B et C par celui de Marcillac ». S’il a été gratté dans le manuscrit A, c’est sans doute, selon R. Poupardin, que les moines de Moissac prétendaient que leur monastère avait été fondé par Clovis. Sur la fondation peu documentée de Moissac, voir J. Dufour, art. « Moissac », Lexikon des Mittelalters, t. 6, 1993, col. 619. Le monastère a été détruit au viiie siècle. 179 Rien n’autorise à identifier ce premier abbé de Moissac avec saint Ansbert, abbé de Fontenelle après la mort de saint Wandrille en 688. Voir R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. 25, n. 3. 180 Le nom de Leutade est mentionné dans une charte de donation à l’abbaye de 650-651, Cartulaire de Moissac, Paris, BnF, coll. Doat, t. CXXVII, no 2 ; J.-M. Pardessus, Diplomata, chartae, epistolae, leges, t. 2, Paris, 1849, p. 184. 172
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inueniebat, nec ulla uictus aut uestimentorum indigentia inerat, sed omnia plena, omnia exuberantia affluebant ; uicinae quoque ciuitates ex abundantia Cadurcorum alebantur, nec inmerito, Dominus enim opera ejus dirigebat. Ipse rerum copiam multiplicabat, cujus Desiderius praecepta desiderabilia super aurum et lapides preciosos ducebat. Uere in eo quod | scriptum est C 15b 10 implebatur : Diligentibus Deum omnia quooperantur in bonum, non enim surda aure transierat quod Dominus in Euangelio dicit : Querite primum regnum Dei et justitiam ejus et hec omnia adicientur uobis. Et quia studiosus auditor fuerat, nec solum auditor sed etiam factor, ideo Dominus inuentum qui mereretur accipere gratiam largitatis suae non negauit, immo quod olim 15 promiserat mirabiliter in eum adimpleuit. De talibus autem per prophetam dicitur : Conuertimini, ait Dominus, et uidebitis quid sit inter justum et injustum, et inter seruientem Deo et non seruientem Ei. Hinc uero scriptum est : Oratio justi coelos penetrat, et iterum : Dedi ei timorem et timuit me et a facię nominis mei pauebat. | Deniquę | tanta eum rerum copia frugumque ubertas C 15va 20 comitata est, ut cum die quadam unum ex colonis de uilla Rusticiago fortuitu A 212b 5
7 Cadurcorum] Caturcorum C 9 in eo] add. sup. l. A, om. C 10 implebatur] ex impleb A, implebat C quooperantur] operantur C 13 fuerat] at abscis. A 15 inuentum] inuento C 17 Hinc] add. in marg. C 19 pauebat] ex paciebat A 20 fortuitu] om. C 21 dominio] dominico C 22 decimo] dolio C inlaturum] illaturum C 25 et] ex Christo atque A, Christoque C conitiens] ex coniens A 16 conferret] ex conferet A
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n’était dans le besoin, personne n’avait de difficulté à trouver ce qu’il désirait, personne ne manquait de nourriture ou de vêtements, mais tout était en suffisance, tout en surabondance181. Les cités voisines profitaient également de l’abondance des Cadurciens, à juste titre, car le Seigneur dirigeait les œuvres [de Didier]. Il multipliait les biens à profusion, Lui dont Didier considérait les préceptes « plus désirables que l’or »182 et les pierres précieuses. Vraiment était accompli en lui ce qui est écrit : « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu »183. Il n’a pas reçu d’une sourde oreille ce que le Seigneur dit dans l’Évangile : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout vous sera donné par surcroît »184. Et parce qu’il avait été un auditeur appliqué, « il était non seulement auditeur mais acteur »185. C’est pourquoi le Seigneur n’a pas opposé de refus à celui qu’il a trouvé digne de la grâce de ses largesses ; bien plus, il a accompli admirablement ce qu’il avait promis jadis. Le prophète dit à ce sujet : « Convertissez-vous, dit le Seigneur, et vous verrez la différence entre le juste et l’injuste, et entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas »186. D’où ce qui est écrit : « La prière du juste entre dans les cieux »187 et de nouveau : « Je lui ai donné la crainte et il m’a craint et il était troublé par la face de mon nom »188. Enfin il y eut autour de lui une telle abondance de biens et une telle profusion de fruits que, alors qu’un jour il demandait par hasard à un des colons de la villa Rusticiago189 combien d’amphores de vin il devait verser comme redevance au fisc190, le paysan lui répondit que pour la L’abondance des récoltes dans le Quercy et les régions voisines au temps de Didier paraît d’autant plus miraculeuse que l’Aquitaine avait, semble-t-il, souffert de graves intempéries à la fin du vie siècle, M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 225-226. 182 Ps 19 (18), 11. 183 Rm 8, 28. 184 Mt 6, 33 et Lc 12, 31. 185 Jc 1, 22. 186 Ml 3, 18. 187 D’après Si 35, 17. 188 D’après Ml 2, 5. 189 Peut-être Russac, cne Calstelnau-Montrarier-Sainte-Alauzie, c. Marches du-Sud-Quercy, Lot, selon René Poupardin, plutôt que Rostassac, hameau de Saint-Médard, c. Catus, Lot (identification suggérée par J. Lartigaut, « Le réseau paroissial autour Labastide-Murat et de Montfaucon au Moyen Âge », Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 127 (2006), p. 233-266 ; J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 249, n. 52). 190 In dominico : dominicum ne peut être qu’un substantif désignant le fisc, comme cela est fréquemment le cas dans la documentation du haut Moyen Âge (J. F. Niermeyer et C. van de Kieft, Mediæ latinitatis lexicon minus, nouv. éd., t. 1, Leyde, Boston, 2002, p. 463). J. Durliat y voit une « caisse locale du Trésor », ici gérée par l’évêque (« Les attributions civiles des évêques mérovingiens », p. 250-252). 181
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interrogaret quot uini anforas in dominio tunc pro canone esset inlaturus, rusticus ille centum et eo amplius metras se solum in decimo inlaturum respondit ; ex quo Desiderius ualde lętatus nimiumque largitatem bonitatis Dei miratus, qui ita uberes fructus in diebus suis contulisset, maximas Deo laudes 25 et gratias retulit, conitiens quid in majoribus qui multa laborarent diuina largicio conferret, quando in hoc tantillo et modico tam uberes fructus contulisset : « Tu ergo, inquit, pauperrime, mille anforas habes ? » | Cumque ille C 15vb ita esse adfirmasset, Desiderius ei ipsas centum dimisit quas in dominico inferre debuerat. Letatur et multum in Domino gratulatur, qui tantam paupe30 ribus largitatem in diebus ejus concessit.
27 inquit] inquid C pauperrime] ex pauperrine A 28 ita] itaque C dominio] cor. dominico A, dolio C 29 tantam] tanta A
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seule décime191, il porterait cent mesures192 et plus. Didier s’en réjouit grandement et admira la grande largesse de la bonté de Dieu, qui avait de son temps apporté une telle abondance de fruits ; il offrit à Dieu les plus grandes louanges et actions de grâce, imaginant ce que la divine largesse apporterait aux plus grands qui travailleraient beaucoup alors qu’elle avait apporté une telle abondance de fruits à un homme si petit et modeste : « Toi qui es de très humble condition193, dit-il, tu as donc mille amphores ? » Comme celui-ci lui répondait que oui, Didier lui fit remise des cent [mesures] qu’il aurait dû verser au fisc194. Il se réjouit et rend grandement grâce au Seigneur qui accorda une telle largesse aux pauvres en son temps195.
In decimo. Le taux de nombreux impôts était manifestement fixé à cette époque à 10% (J. Durliat, Les finances publiques de Dioclétien aux Carolingiens (284-889), Sigmaringen, 1990, p. 102-107). Cela explique l’apparition du titre de decimator pour désigner le percepteur dans l’édit de Clotaire II, où il lève les agraria (impôt foncier), les pascuaria (taxe sur les pâturages) et les decimae (ibid., p. 103 et 167). Le taux de 10% était conforme à une loi promulguée par Dagobert, qui a laissé des traces dans la Loi des Bavarois (Lex Baiawariorum, I, 13 : éd. E. Heyman, MGH, Leges, I : Leges nationum Germanicarum, t. V/2, Hanovre, 1888, p. 82) analysée par J. Durliat, op. cit., p. 249. 192 Si on estime la capacité de l’amphore romaine à 25 litres, un impôt de 10% de mille amphores implique une production d’environ 25 000 litres, ce qui est beaucoup pour un colon. 193 Comme l’a relevé J. Durliat (« Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 249, n. 52), ni pauper ni le superlatif pauperrimus ne désigne forcément un pauvre, mais un homme d’une humble condition. 194 M. Banniard qualifie justement ce passage d’exemplum dans une description idyllique de l’abondance et remarque qu’il est une des rares occurrences de la manière dont un évêque lettré pouvait s’adresser à un rusticus, M. Banniard, « Les copistes entre latin mérovingien », dans Le légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 213. 195 La remise de cet impôt prouve que sa gestion figure parmi les attributions des évêques mérovingiens (J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 [1979], p. 237-254). Cette mesure ne peut s’expliquer par une mauvaise récolte (contra J. Durliat, Les finances publiques de Dioclétien aux Carolingiens (284-889), Sigmaringen, 1990, p. 103-104), puisque la Vita précise bien que l’agriculteur en question avait reçu de Dieu une grande « abondance de fruits ». En revanche, la Vita semble justifier la décision de Didier par la pression fiscale, puisque le paysan aurait dû normalement verser au fisc « cent mesures et plus » « pour le seul décime », solum in decimo. 191
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25 [VIII, 15]. – Habebat eo tempore Dominus Jhesus plures in G alliis nobiles seruos : Aruerno Gallum, Bituricas Sulpicium, Roteno Uerum, Aginno Salustium, Egolisma Eparcium, Petragorico Asterium, Nouiomo Eligium, Metis Arnulfum, Luxouio Austasium, Metascone Deodox, Ca5 durce Desiderium. Cumque Desiderius inter diuina officia plerumque ędium ędificatione | insisteret multique fragiles et inertes difficultatem operum ei C 16a obicerent, ille constanter libere agebat, adserens docti illud prouerbium quod nihil in hac uita sine magno labore datur mortalibus. In aduersitatibus uero illius dicti recordabatur : Pati, inquit, necesse est, multa mortalem mala ; et 10 illut : Aurum et argentum probat ignis, homines autem justos temptacio tribulacionis ; et illud : Fili, accedens ad seruitutem Dei, sta in temptacionem. Damna quoque rerum uultu leto portabat, et omnia aduersa equanimiter tolerabat. Canebat | jugiter orans : In corde meo abscondi eloquia tua ut non A 212va peccem tibi ; et illud : Meditacio | cordis mei in conspectu tuo semper. Cujus C 16b
25, 1 Dominus Jhesus plures] plur. Dom. Jhes. C 2 Bituricas] ex Betoricas A, Bituricis C Sulpicium] Sulplicium C 3 Aginno] ex Agenno A, Agenno C Egolisma] ex Egolesina A, Egolisine C Eparcium] Ebargehium C Petragorico] ex Petrogorio A, Petrogorico C Asterium] Ansterium C 4 Eligium] ex Elegium A, Elegium C Metascone] Mestascone C 6 ędificatione] edificationi C et] etiam C inertes] ex inestes ? A, mestam C 6/7 ei obicerent] eius obicerent (?) ex obiecerunt A 7 docti] doctis C 8 in hac uita] add. sup. l. A, om. C labore] ex laborare A datur] tur add. A, sine magno laborein hac uita dedit Deus C 9 multa mortalem] transp. C 10 illut] illus C temptacio] temptacionis C tribulacionis] om. C 14 illud] illut A tuo] meo C
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25 [VIII, 15]. – En ce temps-là, le Seigneur Jésus avait plusieurs nobles serviteurs dans les Gaules : Gall en Auvergne196, Sulpice à Bourges197, Verus à Rodez198, Saluste à Agen199, Cybard à Angoulême200, Astier à Périgueux201, Éloi à Noyon, Arnoul à Metz202 , Eustaise à Luxeuil203, Déodat à Mâcon204, Didier à Cahors. Comme Didier, tout en s’employant aux offices divins, Sur Gall II (saint Gall), évêque de Clermont, qui entra en conflit avec l’évêque de Reims, voir AA SS, Nov., I, Bruxelles, 1887, p. 347, 349 et L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 2, Paris, 1910, p. 37. Saint Gall a écrit à Didier, évêque de Cahors, une lettre pour l’avertir de l’arrivée de la peste à Marseille et en Provence et lui conseiller de placer des gardes aux frontières du diocèse pour empêcher la propagation de l’épidémie, Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, II, 20 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 340). 197 Sulpicius II (saint Sulpice), métropolitain de Bourges avant le concile de Chalon-sur-Saône de 630, mort en 647, L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 2, Paris, 1910, p. 29. Aumônier au Palais de Clotaire II, il a connu Didier. La correspondance de Didier de Cahors contient trois lettres de lui : Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 12 ; II, 1 ; II, 10 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 321-322, 326, 333) ; dans la lettre qu’il envoie à Didier (Epistulae, II, 1), Sulpice déplore que la distance entre Bourges et Cahors ne lui permette pas de voir Didier plus fréquemment et se réjouit de ses lettres. 198 Verus, évêque de Rodez, mentionné dans une lettre du comte de Septimanie, Bulgar, écrite entre 610 et 612 (PL, t. 80, p. 109 ; Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 2, Paris, 1910, p. 41). La correspondance de Didier de Cahors contient trois lettres le mentionnant : Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, II, 5, 16, 20 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 329, 338, 341). 199 Il existe une lettre de Didier à Saluste, évêque d’Agen, antérieure à l’accession de Didier au siège épiscopal : Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, I, 1 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 193). 200 Saint Cybard, reclus à Angoulême après 541 avec l’autorisation de l’évêque Aptone. Il y demeura jusqu’à sa mort le 1er juillet 581. Sa sainteté avait déjà été reconnue par Grégoire de Tours (Decem libri Historiarum, VI, 8 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 253-254) et Liber in gloria confessorum, 99 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 361-362) ; voir Vita sancti Eparchii, dans AA SS, Iul., t. I, Anvers, 1719, p. 109-117 ; voir en dernier lieu A.-M. Bultot-Verleysen, « Hagiographie d’Aquitaine (750-1130) », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, t. 6, Turnhout, 2014, p. 550-553. 201 On ne sait rien de plus sur cet évêque de Périgueux que sa présence à la consécration épiscopale de Didier en 630. 202 Sur les évêques de Noyon et de Metz, voir Introduction, p. 56 et n. 231. 203 Il est significatif que l’hagiographe cite, parmi les « nobles serviteurs du Seigneur dans les Gaules », Eustaise, disciple favori de saint Colomban, qui a succédé à ce dernier à Luxeuil en 611. Sans doute le considérait-il comme l’éducateur des jeunes aristocrates que Clotaire II avait envoyés dans ce monastère pour les « corriger, les inciter à la pénitence et à la crainte de Dieu » (Vita Columbani auctore Iona, II, 8 [BHL 1898] (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 123), cité par A.-M. Helvétius, « Hagiographie et formation des aristocrates dans le monde franc (viie-viiie siècles) », Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge en Occident, éd. E. Bozóky, Turnhout, 2012, p. 62-63). 204 Deodatus ou Deudatus, évêque de Mâcon (ante 614-post 650), participe au concile de Paris de 614 et à celui de Chalon (24 octobre 647-653) : Les canons des conciles mérovingiens (vieviie siècles), éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 2, Paris, 1989 (SChr, t. 354), p. 521 et 561. 196
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ego nunc utilitatem, industriam et sagacitatem si arbitror a me dici posse non sapiam ; dum enim studium ejus in rebus quamplurimis considero, in memet- ipsum defficio, dum utilitatem adtendo, pro ipsa sui quantitate uehementer obstupesco ; miror enim et suppra modum stupeo tanta et talia per unum hominem potuisse fieri. Opinor quidem quod ab India usque Britaniam, 20 a rigida Septentrionis plaga usque ad feruores Adlantici oceani non fuisse meliorem hujus Desiderii. Nomen magnę insuper opinionis magnaeque erat apud omnes reuerentiae, Dei insignis amator et pius pauperum subleuator. Cujus habitus, sermo, uultus et in|cessus disciplina uirtutum erat ; uigil sen- C 16va sus nec uanis cogitacionibus patens ; corpus pariter animusque tendebatur 25 ad celum. 15
15 ego] ex ergo A sagacitatem] autem add. sup. l. A, sagatiam C 16 memetipsum] ex metipsum A 17 defficio] deficio C adtendo] attendo C sui] om. C quantitate] quanta ate A 19 Britaniam] Britania A 20 rigida] frigida C fuisse] uirum add. C 23 sermo] om. C incessus] incessis A
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s’attachait à la construction de nombreux édifices et que beaucoup, timorés et sans énergie, lui objectaient la difficulté de ses travaux, celui-ci répondait toujours librement, citant ce proverbe d’un lettré205 : « R ien en cette vie n’est donné aux mortels sans grand travail »206. Dans l’adversité, il se rappelait ce dit : « Celui qui est mortel doit supporter beaucoup de maux »207, et cet autre : « Le feu éprouve l’or et l’argent, l’épreuve du tourment les hommes justes »208, et cet autre encore, « Fils, si tu viens servir Dieu, prépare-toi à l’épreuve »209. C’est avec un visage joyeux qu’il supportait les dommages matériels et d’un cœur égal qu’il endurait toutes les adversités. Il chantait sans arrêt en priant « J’ai caché tes paroles en mon cœur afin de ne pas pécher contre toi »210, et encore « Que la méditation de mon cœur soit toujours devant ta face »211. Je ne sais maintenant, me semble-t-il, si je peux exprimer quelles étaient son efficacité, son activité et sa sagacité. Lorsque je considère son zèle dans tant d’entreprises, je me sens défaillir ; lorsque j’observe l’efficacité [de cet homme], je suis vivement étonné de tout ce qu’il a fait ; je suis en effet stupéfait au-delà de toute mesure qu’un seul homme ait pu faire tant et aussi bien212 . Je pense que de l’Inde à la Bretagne, de l’étendue glacée du Septentrion aux ardeurs de l’Océan atlantique, il n’y eut pas meilleur que Didier213. Son nom était très estimé et respecté par tous ; il portait à Dieu un amour remarquable et soutenait les pauvres avec piété. Sa manière d’être, sa façon de parler, son visage, sa démarche étaient une école de vertu214 ; son esprit [était] toujours en éveil et fermé aux vaines pensées ; son corps comme son âme tendaient vers le ciel215.
C’est sans doute d’après Jérôme, Lettres, 58, 11 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 84) que Didier cite Horace, Satires, 1, 9, 59-60 (éd. et trad. Fr. Villeneuve, Paris, 1932, p. 99). 206 Voir Notes, p. 262-263. 207 Peut-être d’après un poète mimique du Ier siècle, Publilius Syrus, auteur d’un recueil de Sentences. On peut noter que Jérôme attribue cette citation au poète Naevius : Naevius poeta : pati, inquit, necesse est multa mortalem mala (Lettres, 60, 14 ; éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 104). 208 Allusion peut-être à Za 1, 3. 209 Si 2, 1. 210 D’après Ps 119 (118), 11. 211 Allusion lointaine à Ps 19 (18),15. 212 « Nouvel exemple d’une construction superlative avec supra et emploi d’une construction agentive moderne avec per », M. Banniard, « Les copistes, entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », Le Légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 213. 213 Jérôme, Lettres, 60, 4 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 93). 214 Ibid., 125, 9 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 122). 215 Ibid., 125, 11 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 123). 205
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26 [VIII, 15]. – Erat ergo Desiderius oppere justus, mente deuotus, caritate difusus, in hospitalitate solitus, in elemosinis largus, in prosperis et in aduersis caelo semper intentus. Qui praeter alia immitanda exempla silentii quoque studium in tantum semper sectatus est ut in domo, conuiuiis uix stridentia hanelantiaque uerba quis percipere possit, sciens scriptum quod corrumpunt mores bonos confabulaciones pessime et quod in multiloquio non dęerit peccatum. Proinde hoc ualde mirandum ut inter tantam hominum frequentiam et tam condensam adsistentium cateruam tanti possit silentium | produrare, ut nemo in uoce prorumpere, nemo se in plauso auderet extollere, et hic timor non solum inter conuiuia, sed in omni loco conuersationis ejus permansit, adeo ut nullus episcoporum majorem hunc amorem, nullus super eum majorem aliquando habuerit timorem. | In ipsa autem con uiuii posicione tantaque elegancia, tantaque affluentia subpetebat ut omnes super habundarent, ut nulli nihil deesset, nulla querentium necessitudo, nulla praeueniencium musitacio surriperet conuiuas. In domos ubi habitare uel discumbere erat solitus, ita sollicite praeuidebat, ut nulla ibi puluis errorem, nullus fumus merorem | incuteret ; non ibi canes fastidium, non suae studium inrogabant non hujuscemodi quadrupedia uoluptuosa pocius quam necessaria intererant, non simus jocum, non istrio [obscenum], non scurro cachinnum excitabat, sed totum quies, totum grauitas, totum patientia occupabat. Nam praedicta ineptia ita semper odiosa habebat, ut si fortuitu quolibet loco canes uestimento ejus propinquassent, uel si domum in qua degebat quamuis cursu intrassent, graue sibi discrimen inlatum judicaret. Unde cum a nonnullis pro hac obseruantia detraheretur et canum amatores proferen tur, agebat : « Non inmerito plus placeamus mundo qui Christo displicent, si ex mundo essemus, |mundus utique quod suum erat diligeret. Nunc autem 26, 2 solitus] solutus C 3 immitanda] imitenda C silentii] silentiae A, silencium C 4 sectatus] sociatus C conuiuiis] in conuiuiis C 5 stridentia] stricentia C 6 possit] posset C 7/8 tantam…frequentiam] tanta frequentia A 8 condensam…cateruam] condensa…caterua A adsistentium] assistentium C tanti] tantum C 9 prorumpere] prorumpit C plauso] plausu C 11 ut nullus] nullud C 13 posicione] possione C tantaque…tantaque] tanta tantaque C, tantaque tanta (?) elegantia affluentia A 15 surriperet conuiuas] subriperet cunctas A 16 solitus] ex sollicitus A nulla] nullud C errorem] ex herrorem A 17 merorem] horrorem C fastidium] add. animo C 17/18 suae studium] sues tedium C 18 inrogabant] inrogabat A 19 simus] simius C istrio obscenum] istri onum ex istri hominum A, istrio hynum C 20 cacchinum] cacinnum ex caccenum A totum grauitas] to eum grauitas A, locum C occupabat] occupaba ex occupabas (?)A 21 Nam] ex Non A 22 canes] canis C propinquassent] ex propinquasset A, appropinquassent C si] add. in marg. C 23 cursu intrassent] ex intrasset A, cursim intrasset C 24 nonnullis] nos nulli A, non nulli C canum amatores] camima amatores A, carmina amatoris C
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26 [VIII, 15]. – Car Didier se montrait juste dans l’action, d’un esprit zélé, débordant de charité, familier dans l’hospitalité, large dans les aumônes, et toujours tourné vers le Ciel dans la prospérité comme dans l’adversité216. Entre autres exemples à imiter, il recherchait avec un tel zèle le silence217 que lors des repas à la maison, on n’entendait presque jamais de voix stridentes et de paroles excitées218, car il savait, selon les mots de l’Écriture, que « les très mauvaises conversations corrompent les bonnes mœurs »219 et que « dans le bavardage, le péché ne sera pas absent »220. C’est pourquoi il faut admirer grandement que, dans une telle affluence de gens et une si grande foule d’assistants, il pouvait obtenir une telle qualité de silence que personne n’osait le rompre ni en parlant, ni en applaudissant. Et cette crainte demeura non seulement pendant les repas mais en tous lieux où l’on parlait, au point qu’aucun évêque ne reçut plus d’amour que lui et qu’aucun parfois n’inspira plus de crainte. Lorsqu’il recevait des convives, la délicatesse et l’affluence [des mets] étaient telles que tous avaient tout en surabondance, que rien ne manquait à quiconque, que ne s’élevait aucun besoin de demander et qu’aucun murmure de mécontents ne dérangeait les convives. Dans les maisons où il avait l’habitude d’habiter ou de se rendre, il prenait des dispositions avec tant de soin qu’aucune poussière ni fumée n’y suscitait de répulsion. Là, aucun chien pour importuner221, aucune truie pour susciter le dégoût222 ni aucun de ces quadrupèdes plus distrayants que nécessaires. Aucun amuseur pour exciter la plaisanterie, pas d’histrion pour faire rire, ni de bouffon pour la raillerie, mais le calme, la gravité, la patience régnaient partout. En effet, il avait tellement en horreur ces inepties que s’il arrivait que, quelque part, des chiens s’approchassent de ses vêtements ou même entrassent en courant dans la maison où il se trouvait, il estimait qu’on l’avait mis en grand danger223. C’est pourquoi, lorsque certaines personnes lui reprochaient cette conduite et que les amis des chiens se manifestaient, il répliquait : « Ce n’est pas sans raison qu’on plaît plus au monde quand on déplaît au Christ224. Si nous étions du monde, le monde aimerait surtout ce qui est Vita Eligii, I, 20 (PL, t. 87, col. 493). D’après Regula sancti Benedicti, 38, 5-6, comme l’a noté A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 713-719. 218 Jérôme, Lettres, 125, 12 (éd. et trad. J. Labourt, t. 7, Paris, 1961, p. 123). 219 1 Co 15, 33. 220 Pr 10, 19. 221 Mt 15, 26-28. 222 Lc 8, 33 : « Les démons sortirent de cet homme, entrèrent dans les pourceaux, et le troupeau se précipita des pentes escarpées dans le lac et se noya ». 223 Voir Notes, p. 263. 224 D’après Jérôme, Lettres, 58, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 81-82). 216 217
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oculi mei semper ad Dominum, quia ipse euellit de laqueo pedes meos et mihi adhaerere Deum bonum est, ponere in Domino Deo spem meam ». 27 [VIII, 15]. – Quid plura loquendo inmorer ? nobilem jam insignemque in omni parte ecclesia habebat, in plebe uerba uite manantia dabat affluenter elemosinam, parans sibi diuicias profuturas, thesaurum non deficientem in celis. Studebat facere sibi amititias de inimico Mammona qui eum reciperent 5 in aeterna tabernacula. Jam uero priuata illius confabulacio et familiaris collocucio, quam esset sana quamquam dulcis, quam effîcax, quam subtilis uix dicti credibile. Monebat jugiter subjectos Dei praecepta seruare, Dei mandata | implere, castitatem custodire, caritatem, fraternitatem diligere, inferni C 17va supplicia metuere, paradisi gaudia | desiderare. Infferebat autem docens quod A 213a 10 magnis inimicorum circumdamur agminibus ; ideo nos semper oportet esse sollicitos. Addebat quoque quod caro fragilis pugnat sola cum pluribus, ideo exercitatissimum parari opportet conflictum, quod ne paueamus Heliseus hortatur dicens, quia pluriores nobiscum sunt quam cum illis. Memorabat frequenter quod Inimicus generis humani rugiens sicut leo querit quem deuoret 15 et quod non querit homines infideles, sed de ecclesia rapere festinat. Unde et in libro Job dicitur : esca ejus electa. Qua de re, Domini uerba frequenter geminabat dicens : « Uigi|late et orate, ne intretis in temptacionem ». Necnon C 17vb et Pauli monita sępius ruminabat qua dicit : « Oracioni instate, uigilantes in ea in graciarum accione ».
27 semper ad Dominum] transp. C 28 Deum] Deo C 27, 2 manantia] namantia A 4 studebat… inimico] ex animias A, studere sibi facere stanimas de inimicos C reciperent] ex reciperet A, reciperet C 5 priuata] priuarat AC 10 ideo nos semper] transp. C 14 querit] queret C 15 non querit] ex queret A, queret C rapere] Hier. reparare A, repare C 16 Qua de re] transp. C frequenter] om. C 18 dicit] dicens C instate] instantes C
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sien »225. Or, maintenant, « mes yeux sont toujours [tournés] vers le Seigneur car c’est lui qui tire mes pieds du filet »226 et « pour moi, il est bon de m’attacher à Dieu, de mettre mon espoir dans le Seigneur Dieu »227. 27 [VIII, 15]. – Pourquoi m’attarder à dire quelque chose de plus ? L’Église avait désormais en lui un [homme] noble et insigne dont les paroles de vie se répandaient partout sur le peuple ; il distribuait largement l’aumône, se préparant les richesses futures, trésor qui ne lui ferait pas défaut aux cieux. « Avec [l’argent de] Mammon, l’Ennemi, il cherchait à se faire des amis qui l’accueilleraient dans les tentes éternelles »228. Dans ses entretiens privés et les conversations familières, combien il était sain, doux, efficace, subtil229, il est à peine croyable de le dire. Il exhortait fermement ceux qui [lui] étaient soumis à suivre les préceptes et observer les commandements de Dieu, à rester chastes, à aimer charité et fraternité, à craindre les supplices de l’enfer et désirer les joies du paradis. Dans son enseignement, il mettait en avant que nous sommes encerclés par de grandes troupes ennemies ; aussi, nous faut-il toujours être en alerte230. Il ajoutait aussi que la chair fragile combat seule contre plusieurs et qu’il faut donc se préparer à un conflit très violent. Pour que nous ne le redoutions point, Élisée nous encourage en disant « qu’ils sont plus nombreux avec nous qu’avec eux »231. Il rappelait souvent que l’Ennemi du genre humain « rugissant comme le lion, cherche qui dévorer »232 , et qu’il ne recherche pas les hommes sans foi, mais ce sont ceux qui sont dans l’Église qu’il se hâte de ravir233. Ainsi est-il dit dans le livre de Job, « Sa nourriture [est] choisie »234. Pour cette raison, il répétait sans cesse la parole du Seigneur, « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation »235. Il ruminait aussi souvent les admonitions de Paul qui dit, « Soyez assidus à la prière, vigilants en elle dans l’action de grâce »236. Jn 15, 19. Ps 25 (24), 15. 227 Ps 73 (72), 28. 228 D’après Lc 16, 9 cité d’après Vita Eligii, I, 13 (PL, t. 87, col. 492). 229 Vita sancti Martini, 25, 4 (éd. J. Fontaine, t. 1, p. 310). 230 Jérôme, Lettres, 22, 3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 1, Paris, 1949, p. 113). 231 Ibid., 22, 4 (t. I, p. 113). 232 1 P 5, 8. 233 Jérôme, Lettres, 22, 4 (éd. et trad. J. Labourt, t. 1, Paris, 1949, p. 113). L’hagiographe a pris quelques éléments dans un long passage de saint Jérôme, par exemple les catuli leonum qui deviennent dans la Vita le leo rugiens. Il résume même le passage qu’il copie puisque là où Jérôme écrit « il ne recherche pas les hommes sans foi, ceux du dehors (non eos qui foris sunt) », l’hagiographe supprime ce dernier membre de phrase qui en éclaire pourtant la suite. 234 Jb 36, 31. 235 Mt 26, 41 ; Mc 14, 3 ; Lc 22, 40. 236 Col 4, 2. 225
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28 [IX, 16]. – Cum autem inrupciones gencium circumquaque audiret, dicebat : « Nostris peccatis Barbari fortes sunt ; nostris uiciis Romanum subcumbet imperium. Infelices, agebat, nos qui tantum displicimus Deo, ut per rabiam Barbarorum ira in nos illius deseuiat. Penitentiam, inquit, agamus, ut tandem repropiciatus Deus misericordiam suam nobis tribuat in sempiternum ». Propterea quantum fuerit Cadurcę aecclesię in augmenta cionem rerum et omnes paene norunt et ipsa possidens ecclesiae testatur ; multos quidem nobiles, multos adtraxit mediocres | per quos ecclesia constat C 18a ditata. Multa terrarum compendia, multa uillarum prędia adquisiuit, non quidem ulli tollendo, sed benefaciendo et cohemendo eo denique adtra- [h]endo multaque beneficia affluenter tribuente, Bobus, Agilenus, Dodo, Badigenus, Seuerus, Mactregisęlus, Nicassius, Dadiuus, Abulnaris, Ebremundus, Dehurilia, Felix, Austrildes, Gauretrudes, Basena, Oroncia, Nicecia et Fraterna, multique alii quos longum est ennumerare, res sponte suas donacioni ecclesię dederunt. In quibus et ex quibus pręcipuę Bobila, senatrix | romana, A 213b Seueri quondam relicta, multa rerum suarum ejus ęcclesię necnon et monasteriis contulit, nec solum prędiorum ac uillarum conlatione, | uerum etiam C 18b ornamentorum ac pannorum multam summam indulsit, ipsaque in monasterio beati uiri et in eadem basilica, ubi ipsę requiescit, sepulturam emmeruit. Dedit autem ad ipsum monasterium pro oblacionem uel locum sepulture suę uillas quattuor juris sui quarum uocabula sunt hęc : Uillare scilicet, Bassiago, Uuistrilingius et Mauringus.
28, 1 inrupciones gencium] irrupciones gentilium C 3 agebat] aiebat C tantum displicimus] quantum displicemus C 4 rabiam] rabiem C ira in] iram A 6 Cadurcę aecclesię] ecclesie Caturce C 7 ipsa possidens ecclesie] possidens ipsa ecclesia C 8 adtraxit] atraxit C 9 Multa] Multo A adquisiuit] ex adquesiuit A 10 eo denique adtraendo] eodemque adtrahente C 12 Mactregisęlus] Mactregilesus C Nicassius] Nicassus C Abulnaris] Abuluaris C Ebremundus] Ebremundo C 13 Gauretrudes] Gauretrides C Nicecia] Nicencia C 14 ennumerare] enarrare C sponte] spontes A 17 solum] solus A ac] hac C conlatione] conlationem C 18 pannorum] prediorum A monasterio] monasterii A 19 emmeruit] emeruit C 20 autem] om. C pro…locum] pro oblacione uel loco C 21 quattuor] IIIIor C Bassiago] Uenestria C 22 Uuistrilingius] Uinistris lingius C
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28 [IX, 16]. – Comme il entendait parler tout autour de lui d’invasions de peuples237, il disait238 : « C’est à cause de nos péchés que les barbares sont forts, par nos vices que succombera l’Empire romain239. Malheureux que nous sommes, disait-il, qui déplaisons tant à Dieu que par la rage des Barbares, sa colère se déchaîne contre nous. Faisons pénitence afin que Dieu, de nouveau propice, nous accorde à jamais sa miséricorde »240. Aussi, presque tout le monde sait combien il contribua à augmenter les biens de l’Église de Cahors, cette église elle-même qui les possède en témoigne. Il attira à lui bon nombre de nobles et gens de moindre condition qui enrichirent l’Église. Il acquit beaucoup de revenus fonciers et de biens domaniaux, non en les arrachant à quiconque mais en les recevant en bienfaits et par des achats, attirant donc et distribuant avec largesse de nombreux bienfaits. Ainsi, Bobus, Agilenus, Dodo, Badigenus, Severus, Mactregiselus, Nicassius, Davivus, Abulnaris, Ebremundus, Dehurilia, Felix, Austrildes, Gauretrudes, Basena, Oroncia, Nicecia, Fraterna et de nombreux autres qu’il serait trop long d’énumérer, firent donation spontanément de leurs biens à l’Église. La plus remarquable d’entre eux, Bobila241, sénatrice romaine, veuve de feu Severus, apporta beaucoup de ses biens à l’église de Didier et aux monastères ; elle dépensa des sommes importantes à donner tant des domaines et des villae que des ornements et des étoffes et mérita d’avoir sa sépulture dans le monastère du saint homme et dans la basilique même où il repose. Elle donna aussi à ce monastère, pour l’oblation242 et le lieu de sa sépulture, quatre villae lui
Est-ce une allusion aux invasions arabes, aux incursions des Basques ? Jérôme, Lettres, 60, 17 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 107, reprise par P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 54-55). 239 R. Barroux, Dagobert, roi des Francs, Paris, 1938, p. 174 avait attiré l’attention sur ce passage, sans remarquer qu’il s’agissait d’une citation avec remplacement de superatur exercitus par subcumbet imperium (à remarquer l’usage du futur), ce qui interdit d’accorder trop d’importance à l’emploi par Didier ou par l’auteur de la Vita de l’Imperium romanum et de supposer que l’évêque de Cahors faisait ainsi allusion à des attaques de « barbares » vascons ou aux invasions arabes en Espagne. 240 Citation non repérée. 241 Sur Bobila, voir Notes, p. 263. 242 Sans doute s’agit-il de la messe. 237 238
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29 [IX, 16]. – Desiderius autem, praeter eos, quos dulcedine et studio bonitatis suę adtraxit, ipse quoque tanto se amore in ecclesię Cadurcę statu diffundit ut quicquid ex parentum successionem, quicquid regio munere, quicquid propria comparacionem adquisisset, eidem libens ęcclesię per tes5 tamenti seriem deleguaret : nam et Celerense de fisco ex pago Cadurcino impetrauit | e regio, ex hoc precepto perpetualiter ecclesię profuturo obtinuit ; C 18va exceptis autem infirmitatibus que suis fidelibus et alumnis diuersis in locis concessit, ęcclesiae Cadurchę hęc specialiter dedit.
29, 2 adtraxit] traxit C Cadurcę] Caturce C 3 successionem] successione C 4 comparacionem] comparacione C adquisisset] adquisiset A 5 deleguaret] diligeret A 6 perpetualiter] perpetraliter A 7 infirmitatibus] infirmitatis A fidelibus] om. C alumnis] alumpnis C 8 ęcclesiae] ecclesia C Cadurchę] Caturche C hęc] om. C
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appartenant243, dont les noms suivent : Villare244, Bassiago245, Uuistrilingus246 et Mauringus247. 29 [IX, 16]. – Outre ceux qu’il attira par sa douceur et le zèle de sa bonté, Didier lui-même se répandit en si grandes démonstrations d’amour pour l’état de l’Église de Cahors que, par testament, il fut heureux de léguer à l’Église ce qu’il possédait par héritage de ses parents, par don du roi ou par ses propres acquisitions248. Il demanda le domaine de Celerense249 relevant du fisc dans le pagus de Cahors et obtint qu’il fût attribué à jamais à l’Église par précepte royal250. Mises à part quelques petites choses qu’il donna en divers lieux à ses fidèles et à ses protégés, il donna à l’Église de Cahors spécialement ceci :
Nous n’avons pas traduit le mot villa qui désigne dans l’Antiquité tardive à la fois un domaine, un habitat et, comme l’ont montré de nombreuses recherches, une assiette fiscale. Parmi ces travaux, parfois contestés, citons W. Goffart, « From Roman Taxation to medieval seigneurie : three Notes », Speculum, t. 47 (1972), p. 372 ; É. Magnou-Nortier, « Le grand domaine : des maîtres, des doctrines, des questions », Francia, t. 15 (1987), p. 659700 ; J. Durliat, Les finances publiques de Dioclétien aux Carolingiens (284-889), Sigmaringen, 1990, p. 153. 244 Non id. Il y a une incertitude en ce qui concerne ces quatre villae. Le ms. A énumère Villare, Bassiago, Uuistrelingus, Mauringus, alors que le ms. C présente villare comme un nom commun et ajoute Venestria (cne Venès, c. Lautrec, Tarn). Villare comme porcio pourrait alors se référer à un morcellement de la villa. 245 Vinsac, c. Aveyron-Leyre, Tarn-et-Garonne, selon F. Hautefeuille. 246 Peut-être Guitalens, cne Guitalens-L’Albarède, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. Identification de M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 171, récusée pour des raisons de phonétique par E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la Vie de saint Didier », p. 378. 247 Maurens, c. Lautrec, Tarn. 248 Vita Eligii, I, 15 (ed. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 681). 249 Localisation précise inconnue selon M. Broëns « L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 171. 250 Br. Dumézil, Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 197. 243
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30 [IX, 17]. – Donatio ęcclesiae. In territorio Cadurcino dedit uillas : Jouineanicas, Ameglado, Namiago, Pompegiago, Herbelingus, Auciago, Siciniago, Elosatę, Affreganiago et Darciaco. In Albiense uero territorio dedit uillas : Sessio, Tantalio, Ramingos, Tiacio, Lautrego, Petregontio, Maleto, Picio, Ceruiano, Ceresiago, Murato, 5 Buxio, Marinio, Assonę, Caborinio, Granoialo, Marenauas, Maricio, Aqua uiua, Marcialio, Herobenno, Sataialo, Blacinaco et Galliaco, | cum domum C 18vb eximiam mireque magnitudinis comptam, infra muros Albiensis oppidi constructam. Dedit adhuc per basilicas monasteriorum Cadurchę positas uillas
30, tit. Donatio Ecclesiae] om. C 1 Cadurcino] Caturcino C 2 Pompegiago] Pompiniaco C 3 uillas] s add. A, uillas C 4 Tiacio] Nosio C Petregontio] Petrogontio C Maleto] Terciniaco C Ceresiago] Cereciago C 5 Aquauiua] Aquauiuo C 6 domum eximiam] domo eximio C 7 comptam] compta C Albiensis] Albiencis C constructam] constructa C Cadurchę] Caturce C
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30 [IX, 17]. – Donation à l’Église251. Dans le territoire de Cahors, il donna les villae Iovineaniceas252 , Ameglado253, Namiago254, Pompegiago255, Herbelingus256, Auciago257, Siciniago258, Elosate259, Affreganiago260 et Darciaco261. Dans le territoire d’Albi, il donna les villae Sessio262 , Tantalio263, Ramingos264, Tiacio265, Lautrego266, Petregontio267, Maleto268, Picio269, Cerviano270, Ceresiago271, Murato272 , Buxio273, Marinio274, Assone275, Caborinio276, Granoialo277, Marenavas278, Maricio279, Aquaviva280, Cette donation à l’Église de Cahors est conforme au c. 2 du concile de Paris III (556-573) : quia res episcoporum res propria ecclesiarum esse noscantur (Les canons des conciles mérovingiens (vie-viie siècles), éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 2, Paris, 1989 [SChr, t. 354], p. 416-417). On notera que la donation comporte un total de 90 terres. 252 Gibiniargues, cne Puycornet, c. Pays de Serres Sud-Quercy, Tarn-et-Garonne. 253 Millau (La), cne Belfort-du-Quercy, c. Marches du Sud-Quercy, Lot. 254 Lieu non id. 255 Lieu non id., sans doute situé à proximité de Cahors, puisque Didier aimait aller s’y reposer. 256 Lieu non id. 257 Corriger peut-être Ansiago. Lieu non id. avec certitude. F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 140, propose de l’identifier à une viguerie située « sur la rive droite de l’Aveyron, depuis les environs de l’actuelle cne de Montastruc jusqu’à la rive gauche de la Lère », où se trouvait l’ancien vicus de Cosa qui pourrait avoir survécu dans l’Honor de Cos. 258 Peut-être Sérignac, c. Puy-l’Évêque, Lot. 259 Peut-être Alésate, cne Montalzat, c. Quercy-Aveyron, Tarn-et-Garonne. 260 Peut-être Regagnac, cne Cézac, c. Marches du Sud-Quercy, Lot. 261 Mas d’Arjac, cne Cabrerets, c. Causse et Vallées, Lot. 262 Peut-être Saix, c. Le Pastel, Tarn. 263 Peut-être Tancal, cne Saint-Juéry, c. Causse et Vallées, Lot, si on corrige le t initial en c, ce qui est tout à fait possible, E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la vie de saint Didier », Annales du Midi, t. 72 (1960), p. 373-374. Nègre situait Tancal dans le Tarn-et-Garonne. 264 Lieu non id. 265 Peut-être Thyois, cne Lacaune, c. Les Hautes Terres d’Oc, Tarn, selon M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 173. 266 Lautrec, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 267 Peyregoux, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 268 Malet, cne Montpinier, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 269 Lieu non id. 270 Serviès, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 271 Peut-être Cérigeac, cne Rabastens, c. Vignobles et Bastides, Tarn. 272 Murat-sur-Vèbre, c. Les Hautes Terres d’Oc, Tarn. 273 Peut-être Bouïs, cne Sainte-Croix, c. Albi-3, Tarn. 274 Marin, cne Lombers, c. Réalmont, Tarn. 275 Saint-Jean-d’Assou, cne Laboutarié, c. Réalmont, Tarn. 276 Escrabins, cne Orban, c. Le Haut Dadou, Tarn, selon E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la vie de saint Didier », Annales du Midi, t. 72 (1960), p. 373. 277 Granéjouls, cne Cahuzac / Vère, c. Vignobles et Bastides, Lot. 278 Marnaves, c. Vaour, Tarn. 279 Lieu non id. 280 Lieu non id. 251
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has : | basilicę Sancti Saturnini et Sancti Ursicini dedit Uidubriaco, Clep- A 213va pio, Saumario, Lepediaco et Toecio. Monasterio Sancti Stephani dedit uillas Aquiniaco, Cauanio et Cassiaco. Basilicę Sancti Mauricii dedit Cauaniaco et porcione in Uariaco. Basilicę Sanctę Marię dedit Cambone et Ossilingus. Basilicę Sancti Uincentii dedit Taxarias et loco nuncupante Circoexeno. Basilicę Sancti Jacobi dedit Marciaco et Petroliaco. Basilicę Sancti Martini 15 dedit Secre|tarecas, Domeciaco, Cępoialo et Ueroli. Basilicę Sanctorum C 19a
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9 Ursicini] Urciscini C Uidubriaco] in Dubiaco C 10 Saumario] Faumario C Lepediaco] Leppidiaco C uillas] uilla A, uillas C 11 Cauanio] Sauanio C Cauaniaco] Fataialo C 12 et porcione] porcionem C dedit Cambone] Duniaco add. inter C 14 Marciaco] Maciaco C Basilicę] Basilica A 15 Sanctorum] Sancti C
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Marcialio281, Herobenno282 , Sataiolo283, Blacinaco284 et Galliaco285, ainsi qu’une demeure remarquable et d’une admirable grandeur, bâtie à l’intérieur des murs de l’oppidum d’Albi. Il fit encore don aux basiliques des monastères situés à Cahors des villae suivantes : à la basilique des saints Saturnin et Urcisse286, il donna Vidubriaco287, Cleppio288, Saumario289, Lepediaco290 et Toecio291. Au monastère Saint-Étienne292 , il donna les villae Aquiniaco293, Cavanio294 et Cassiaco295 ; à la basilique Saint-Maurice296, la villa Cavaniaco297 et
Marsal, c. Le Haut Dadou, Tarn. Lieu non id. 283 Lieu non id. 284 Blaunac, cne Rabastens, c. Vignobles et Bastides, Tarn. 285 Gaillac, cne et ch.-l.-c., Tarn. 286 Cette basilique, située à l’intérieur des remparts au sud-ouest de la cathédrale, existe encore sous le seul vocable de saint Urcisse (Ursicinus), un des prédécesseurs de Didier. « Le double vocable indique que cette basilique était antérieure à la mort d’Urcisse à la fin du vie siècle. Il y fut enterré et son nom supplanta progressivement le vocable primitif », Pouillé du diocèse de Cahors, éd. A. Longnon, Paris, 1874, p. 34 ; Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 62 (no 4 sur le plan). 287 Peut-être Besoubre, cne Paulinet, c. Le Haut Dadou, Tarn, Identification proposée par M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 175 mais contestée par Ernest Nègre pour des raisons de phonétique. 288 Peut-être Callepe, cne Lombers, c. Le Haut Dadou, Tarn. Identification proposée par M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 175, mais contestée par E. Nègre, « Toponymie albigeoise d’après la Vie de saint Didier », p. 375, pour des raisons de phonétique. 289 Peut-être Sabouyat, cne Penne, c. Carmaux-2 Vallée du Cérou, Tarn. 290 Lévéjac, cne Carbès, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 291 Lieu non id. 292 Basilique non id. 293 Peut-être Aunac, c. Saint-Céré, Lot. 294 Cavan, cne Cuzance, c. de Martel, Lot. 295 Cézac, c. Castelnau Montratier-Sainte-Alauzie, Lot. 296 Connue en 1278 sous le nom d’Obra de san Maurezi, cette basilique était située place Saint-Maurice au sud de la cathédrale de Cahors, Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 62-63 (no 5 sur le plan). 297 Lieu non id. Selon F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 138, Cavaniaco était le nom d’une vicairie située « entre l’Aveyron et les rivières du Tescou et du Tescounet. La localisation de son centre administratif n’a pu être réalisée. Il faut peut-être le confondre avec la villa de Cavaniaco mentionnée dans la donation de l’évêque Didier » à Saint-Maurice de Cahors en 655 ». Le toponyme a disparu. Mais on peut aussi proposer Cavagnac, cne Vayrac, c. Martel, Lot. 281
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Paruulorum Justi et Pastoris dedit Flauiaco, Cornucio et Cocurnaco. Basilicę Sancti Afrecani dedit porciones in Alacicio, Faciscio, Pollanio et Costrio. Basilice Sancti Remedii dedit portionem in Lautreco, Carcerio, Semelingus et Criscencio. Basilicę Sancti Eugenii dedit uilla Fesciago. Item basilice al20 teri Sancti Martini dedit uilla Theufales et Ercitoialo. Monasterio autem suo
17 Alacicio] Malacicio C Fesciago] Fesciaco C 19 uilla] om. C 20 Theufales et Ercitoialo] Tehuphales et Ercons et Ialo C
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une porcio298 à Variaco299 ; à la basilique Sainte-Marie300, Cambone301 et Ossilingus302 ; à la basilique Saint-Vincent303, Taxarias304 et le lieu appelé Circoexeno305 ; à la basilique Saint-Jacques306, Marciaco307 et Petroliaco308 ; à la basilique Saint-Martin309, Secretarecas310, Domeciaco311, Cepoialo312 et Veroli313 ; à la basilique des saint enfants Just et Pastor314, Flaviaco315, Cornucio316
Porcio désigne soit une portion de villa soit, dans la thèse fiscaliste, une portion des revenus de la villa. 299 Vayrac, c. Martel, Lot. 300 Sans doute l’église qui a été appelée par la suite Notre-Dame de la Daurade, située à Cahors, déjà désaffectée au temps de G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, p. 364 ; Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 63. 301 Peut-être Cambon, cne Saint-Juéry, c. Causses et Vallées, Tarn. Il existe de nombreux Cambon dans le Lot et le Tarn, M. Broëns, « L’onomastique domaniale » (II), Revue internationale d’onomastique, t. 8 (1956), p. 176. 302 Lieu non id. 303 Basilique non id. 304 Teyssières, cne et c. Montpezat-du-Quercy, Tarn-et-Garonne. 305 Peut-être Pech-Isser, cne Limogne-en-Quercy, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, si on lit avec M. Broëns (« L’onomastique domaniale » (I), Revue internationale d’onomastique, t. 8 [1956], p. 177) circo Exeno. 306 Église Saint-Jacques à Cahors, Pouillé du diocèse de Cahors, éd. A. Longnon, Paris, 1874, p. 97, no 116. 307 Marsac, c. Garonne-Lomagne-Bruhois, Tarn-et-Garonne. 308 Peyrilhac, cne Penne, c. Carmaux 2-Vallée du Cérou, Tarn. 309 Sans doute l’oratoire construit par Didier lui-même (c. 9). 310 Lieu non id. 311 Peut-être Donzac, cne Auvillar, c. Garonne-Lomagne-Brulhois, Tarn-et-Garonne. 312 Peut-être Lacépède, cne Strenquels, c. Martel, Lot. 313 Un « prior de Veruli » est mentionné à côté de Meyrignac-le-Prancal, cne Rocamadour, c. Gramat, Lot (Pouillé du diocèse de Cahors, éd. A. Longnon, Paris, 1874, p. 51). 314 Saints-Just-et-Pasteur, cne et c. Montpezat-du-Quercy, Tarn-et-Garonne. 315 Flaugnac, cne Flaugnac-Saint Paul, c. Castelnau-Montrarier-Sainte-Alauzie, Lot ; voir le dossier d’habilitation de F. Hautefeuille, Vivre au mas : archéologie du peuplement dans la châtellenie de Castelnau-Montratier à la fin du Moyen Âge, Dossier d’habilitation à diriger les recherches soutenu à l’Université de Toulouse Le Mirail le 11 décembre 2013, t. 1, p. 28 : « Les villae de Pern, Flaugnac et Cornus sont citées en bloc parmi les possessions de l’évêque » et Flaugnac est le siège de l’archiprêtré. 316 Cornus, cne et c. Castelnau-Montrarier-Sainte-Alauzie, Lot. 298
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Cadurcę situm, ubi ipse in corpore requiescit, dedit uilla Nugacio, Maciriaco, Canniaco, Criscentio, Satiago, Brocingus, Elariago, Epoturio, Ariuidus, Anglares, Goiuillas, Parnaco, Ca|durcio, Sicinaco, Lepediago, Bonogrado, Ca- C 19b mino, Bodurno et Elesate ; deditque ibi ex conlatione inlustris uiri Agileni 25 uilla Prissiago, Gausiauigo et Marcelliago.
21 situm] sito C uilla] uillas C 22 Canniaco] Caninaco C Brocingus] Procingus C Elariago] Elariaco C Epoturio] uel Poturio Ariuidus] Arriuigus C Anglares] Angiaco C 23 Goiuillas] Sauuillas C Lepediago] Lepodiaco C 24 Elesate] Alesate C conlatione inlustris] collatione illustris C 32 Agileni] Agilem C 25 uilla Prissiago] uillas Prissiaco C Gaussiauigo] Gausiuico C
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et Cocurnaco317 ; à la basilique Saint-Affrique318, des porciones à Alicicio319, Faciscio320, Pollanio321 et Costrio322 ; à la basilique Saint-Remi une porcio à Lautreco323, Carcerio324, Semelingus325 et Criscencio326 ; à la basilique SaintOyend327, la villa Fesciago328 ; de même, à une autre basilique Saint-Martin329, la villa Theufales330 et Ercitaiolo331. À son propre monastère situé à Cahors, où son corps repose, il donna les villae Nugacio332 , Maciriaco333, Caniaco334, Criscentio335, Satiago336, Brocingus337, Elariago338, Epoturio339, Arividus340, Anglares341, Goivillas342 , Parnaco343, Cadurcio344, Sicinaco345, Lepediago346, Bono317 Cougournac, c. Castelnau-Montrarier-Sainte-Alauzie, Lot. F. Hautefeuille, Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du viie au xive siècle, t. 1, p. 171, note qu’il existait dans la région de Castelnau-Montratier plusieurs églises distantes d’à peine deux kilomètres (Alvernac, Cougournac et Gibiniargues). On pourrait y ajouter Granéjouls. 318 Bien que le testament de Didier déclare que les basiliques auxquelles Didier donne des biens sont situées dans la cité de Cahors, on peut penser que l’église de Saint-Affrique se trouvait à Albi. Une église de ce nom est citée dans des documents de 878 et de 972 ou environ (R. Cabié, « R apports de saint Didier, évêque de Cahors, et de saint Didier, évêque d’Auxerre, avec l’Albigeois », Annales du Midi, 6 [1894], p. 416-417). 319 Peut-être Alaux, cne Lamillarié, c. Le Haut Dadou, Tarn. 320 Fauch, c. Le Haut Dadou, Tarn. 321 Poulan-Pouzols, c. Le Haut Dadou, Tarn. 322 Lieu non id. 323 Basilique située dans la cne de Lautrec, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 324 Peut-être Carquets, cne Montredon, c. Figeac, Lot. 325 Semalens, c. Plaine de l’Agoût, Tarn. 326 Creyssans, cne Puygouzon, c. Albi-2, Tarn. 327 Basilique Saint-Oyend, cne Vieux, c. Vignobles et Bastides, Tarn. 328 Fayssac, c. Les Deux Rives, Tarn. 329 Basilique non id. 330 Peut-être Touffailles, c. Bourg-de-Visa, Tarn-et-Garonne. 331 Peut-être Pern, c. Castelnau-Montratier-Sainte Alauzie, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, si on adopte la variante de B : Parnis et Lalo. 332 Noziès, cne Lauresses, c. Lacapelle-Marival, Lot. 333 Marcillac, cne Lauresses, c. Lacapelle-Marival, Lot. 334 Saint-Symphorien-de-Canhac, cne Puylaroque, c. Quercy-Rouergue, Tarn-et-Garonne. 335 Creyssens, cne Le Boulvé, c. Puy-l’Évêque, Lot. 336 Peut-être Sayssac, cne Loubressac, c. Saint-Céré, Lot. 337 Lieu non id. 338 Layrac, cne Montat (Le), c. Cahors-3, Lot. 339 Peut-être Potou, cne Miers, c. Gramat, Lot. 340 Lieu non id. 341 Anglars, cne Anglars-Juillac, c. Puy-L’Evêque, Lot. 342 Gaubille, cne Belfort-du-Quercy, c. Marches du Sud-Quercy, Lot. 343 Parnac, c. Luzech, Lot. 344 Peut-être Catus, c. Causse et Bouriane, Lot. 345 Peut-être Esclauzels, c. Causses et Vallées, Lot. 346 Peut-être Léojac, cne Léojac-Bellegarde, c. Tarn-Quescou-Quercy vert, Tarn-et-Garonne.
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31 [IX, 17]. – Sed quis ualeat digno canerę preconio uel quanta pio obtatu uel quanta operis studio Cadurcinę ecclesie contulerit, quanta ob animarum medella incitamenta, quanta ob corporum compendia exercitia gesserit, quod singulari studio hac penę inauditu ingenio omni tempore moenia urbis suo labore extruxerit, quod uillas omnes praediaque ecclesię insigni | stu- A 213vb dio decorauerit, quod sui monasterii septa praerogatiua quadam dignitate in sublimium domorum amplitudine et basilicarum miranda altitudine ac uolucionum ambienda pulcritudine insigni pene ac singulari fabrica sustulerit. Denique primam inibi basilicam morę antiquorum praeripiens, quadris ac dedolatis lapidibus ędificauit, non quidem nostro | gallico more, sed sicut C 19va antiquorum murorum ambitus magnis quadris extrui solet, ita a fundamentis ad summa usque fastigia quadris lapidibus opus expleuit ; cui geminos summo porticus adiciens, opere adsimilauit. In quibus quidem et in cuncto episcopatus sui statu tanto se accinxit studio, tanto fudit ingenio, ut quicquid ad utilitatem ornatumque municipii ac praediorum ejus pertinent exqueserit, uentilauerit, inuenerit adque erexerit, et licet hec magna sint consideratione sui, sed majora illa sunt interna exercicia que silentio magis quam infirmo sermone obumbranda sunt. Cujus erat sensus pulcherrimi nectaris suauior et cigneo canore uox dulcior, ac proinde nihil illius seueritate jocundius, jo|cun- C 19vb ditate nihil illius seuerius, nihil risu tristius, tristicia nihil suauius ; ita erat grauitas in uultu ut ilaritas non deesset in animo. Sermo silens et silencium loquens ut ministri ipsius motu pocius quam uoce affectus ejus cognoscerent. Paulus quidem uidebatur in uultu, Petrus agnoscebatur in spiritu. Illius aus teritatem hujus mansuetudine temperabat, ita ut cum presentiam ejus uix sustineris, absentiam ferre non possis.
31, 1 obtatu] hoctatu A 2 quanta] quanto C Cadurcinę] Caturcine C 3 medella] medellam C compendia] stipendia C gesserit] gesseret C 4 inauditu] inaudito C ingenio] inieiunio A moenia] moeniam A 5 omnes praediaque] omnesque praedia C 6 dignitate] dignitatem A, decorauerit…pene. add. in marg. C 9 basilicam morę antiquorum] transp. C 10 ędificauit] edifiuit C gallico more] gallique more A, gallicoue more C 11 murorum] mororum A magnis…extrui] magni quadrisque saxis extrui C ita a] om. C 12 ad summa…expleuit] om. C 13 fudit] effudit C 14 utilitatem] hutilitatem A exqueserit] exquesierunt A 15 erexerit] exerit A 16 magis] magnis A infirmo] infimo C 18 cigneo] digneo A, digno C 21 motu] nutu C ejus cognoscerent] ipsius agnoscerent C 24 sustineris] sustineret C possis] posset C
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grado347, Camino348, Bodurno349 et Elesate350. Et il lui donna aussi les villae Prisciago351, Gausiavigo352 et Marcelliago353 qui provenaient de la donation d’Agilenus, homme illustre. 31 [IX, 17]. – Mais qui pourrait, par une louange qui soit digne de lui354, chanter tout ce qu’il aura apporté à l’Église de Cahors soit par ses pieuses exhortations, soit par son œuvre pleine de zèle, tous les encouragements qu’il aura prodigués pour le remède des âmes, tous ses efforts pour le bien des corps ? Avec un zèle singulier et un talent dont il n’y a presque aucun exemple en tout temps, il aura travaillé à élever les murailles de la ville, à embellir toutes les villae355 et tous les domaines de l’Église avec un zèle remarquable, il aura porté l’enclos de son monastère à un prestige supérieur par la grandeur de maisons sublimes, la hauteur admirable des basiliques, par la beauté enveloppante des voûtes d’une construction remarquable et presque unique. Enfin, s’inspirant de la manière des Anciens, il construisit là une basilique principale356 en pierres de taille357 travaillées à la doloire, non pas selon notre mode gaulois, mais comme il est coutume de le faire pour la construction en grand appareil des murs antiques avec de grandes pierres de taille358, en sorte qu’il réalisa le travail de fond en comble en pierres de taille, ajoutant à grand
Peut-être Gradde, cne Mauroux, c. Puy-l’Evêque, Lot. Peut-être Camy, cne Luzech, c. Luzech, Lot. 349 Lieu non id. 350 Peut-être Loudes, cne Lauresses, c. Lacapelle-Marival, Lot. 351 Prayssac, c. Puy-l’Évêque, Lot. 352 Peut-être Gausserès, cne Labastide-Marnhac, c. Cahors 3, Lot. 353 Marcilhac-sur-Célé, c. Causse et Vallées, Lot. 354 Jérôme, Lettres, I, 15 (éd. et trad. J. Labourt, t. 1, Paris, 1949, p. 9) : Quis enim ualeat digno canere praeconio… 355 Ici villa paraît avoir le sens antique de demeure du maître. 356 M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 283, pense que le terme de prima basilica désigne la cathédrale et que les travaux concernent donc la mater ecclesia. Mais basilica n’est pas synonyme d’ecclesia major et il n’est pas question dans le texte de reconstruction. On pourrait songer aussi à « la première basilique » dont il est question dans le texte, celle qui a été construite peut-être hâtivement pour son frère mort. Mais le contexte nous renvoie à l’abbatiale du monastère Saint-Amans. 357 À l’emplacement du monastère, depuis longtemps transformé en paroisse sous le vocable local de Didier (Saint-Géry), on voyait encore au xixe siècle de « g randes pierres en grès », Fr. Prévot, et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 64. 358 L’opus gallicanum, selon M. Rouche, « désigne de petites pierres équarries et simplement chanfreinées », par opposition à l’opus antiquum qui s’applique à de gros blocs cubiques, comme on en trouve dans les fondations des enceintes. 347 348
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32 [IX, 17]. – Preterea uir beatus habebat amicum fidelissimum quendam inclausum nomine Arnanum. Huic autem sepissime elemosinam suam commendans, ejus per officium in corde pauperum | transmittebat ; plerumque A 214a autem tales ei sac|culos cum solidis ad erogandum tradebat, qui uix manu C 20a 5 capi leuarique possint. Ista quidem occulte et solo Deo conscio, ueluti quendam peculiarem faciens, in patria Paradisi transmittebat. Palam tamen Ejus erogator indesinenter pauperibus spargebat ; abscondi quippe non poterat tam larga bonitas et nimia largitas tamque proflua dispensatio. Isteque Arnanus ex genere Scotorum ueniens multos annos sub coenobio sancti uiri ac sub 10 ipsa basilica qua uir beatus requiescit uitam uenerabilem duxit, uixitque post mortem beati Desiderii annis plus minus quinque, adque demum obiens in C 20b ipso specu ubi remotiorem | uitam duxit humatus quiescit.
32, 2 inclausum] om. C 4 tales ei] transp. C 5 possint] possent C occulte] oculte C 7 erogator] erogatur AC pauperibus] eos add. C 8 Isteque] Iste C 9 ex] de C multos annos] indultis annis C 10 uixitque] uixit autem C 11 adque] om. C 12 remotiorem] remotionem C quiescit] requiescit C
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frais des portiques jumeaux359 qu’il rattacha à [la basilique]360. Dans tout cela en vérité comme dans tout ce qui relevait de sa charge épiscopale, il s’arma d’un tel zèle, il déploya un tel talent que tout ce qui concourrait à l’utilité et à l’ornement de la ville et de ses domaines, il le recherchait, il le remuait dans son esprit, il le trouvait et il le réalisait ; et bien qu’il portât à cela une grande attention, pourtant, bien plus comptaient ses exercices spirituels, qu’il vaut mieux couvrir de silence qu’en parler médiocrement. Sa manière d’être était plus suave que le plus doux des nectars, sa voix plus douce que le chant du cygne ; ainsi n’y avait-il rien de plus joyeux que sa sévérité, rien de plus sévère que sa joie, rien de plus triste que son rire, rien de plus suave que sa tristesse361 ; ainsi, il avait le visage grave alors que la gaieté ne manquait pas dans son cœur ; sa parole était silencieuse et son silence éloquent pour que ses serviteurs connaissent ses sentiments davantage par un geste que par la voix. On voyait Paul sur son visage, on reconnaissait Pierre dans son esprit362 . Il tempérait l’austérité de l’un par la bienveillance de l’autre363, de sorte que, supportant avec peine sa présence, tu ne pouvais souffrir son absence. 32 [IX, 17]. – Par ailleurs, le bienheureux avait un ami très fidèle, nommé Arnanus, qui vivait en reclus364. Lui confiant très souvent son aumône, il passait par son office dans le cœur des pauvres. La plupart du temps, il lui remettait des sacs si pleins de sous à distribuer qu’on pouvait à peine les prendre et les soulever de la main. Il transmettait cet argent secrètement, à la seule Par « portiques jumeaux », il faut peut-être entendre des portiques flanquant les murs de l’abbatiale, comme dans bien d’autres édifices du haut Moyen Âge, par exemple à Saint-Just de Lyon, fouillé par Jean-François Reynaud. 360 Relevons avec M. Banniard (« Les copistes, entre latin mérovingien, latin postcarolingien et occitan médiéval », Le Légendier de Moissac, Turnhout, 2018, p. 214) comment « la phrase se déploie à la fois comme une période bien bâtie (« elle aussi à la romaine ») et comme un traité technique ». 361 Jérôme, Lettres, 60, 1 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 90) et 24, 5 (t. II, p. 382). 362 D’après le portrait de Maxime par Fauste de Riez (Eusèbe Gallican, Homilia, XXXV, 7 (CC SL, t. 101, p. 406), comme l’a montré A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 713-714. L’hagiographe en suit le mouvement qui passe du portrait extérieur du saint à son portrait intérieur et finit par le démarquer : Paulus quidem videbatur in vultu, Petrus agnoscebatur in spiritu. 363 Jérôme, Lettres, 82, 3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1954, p. 182) : potestatis superbiam lenitate et mansuetudine temperabat. Citation relevée par A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », p. 713, n. 3. 364 Un autre exemple d’érémitisme est fourni par la Vita Ambrosii : en butte aux tracasseries des élites sénatoriales, l’évêque quitte la ville pour mener une vie d’ermite dans une grotte (Vita Ambrosii episcopi, AA SS, Oct., t. VII, Bruxelles, 1845, p. 1046-1048) ; voir aussi W. Guelphe, « L’érémitisme dans le Sud-Ouest de la Gaule à l’époque mérovingienne », Annales du Midi, t. 98 (1986), p. 293-315. 359
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33 [IX, 17]. – Sed dum uenerabilis Arnani mentionem fecimus, dignum puto commemorare quod per ejus occasionem uir beatus ex dono prophetice experimento cognouit. Siquidem et nonnunquam ex dono superne gratiae ita longe positus preuidebat ut in sui praesenciam gesta constarent. Hinc est quod rei hujus quam narro idoneus testis existens, spiritum sibi prophetiae agnitum demonstrauit. Ergo studium erat uiro egregio Desiderio de hujus peregrini stipendio sedulam sollicitudinem gerere, adeo ut singulis diebus ex mensa sua oportuna ei alimonia subministrare curaret. Quadam itaque die, consuetos cibos cum panis et poculi subsidia per duos | ei clericos di- C 20va rigere studuit ; quorum unus Leodolenus, alter uero uocabatur Dracolenus. Clerici itaque ferentes ea que episcopus uiro Dei direxerat, dum iter carpent, malo utuntur consilio et medio ferme uie excursu, cum se ab omnibus remotos conspicerent, gule concupiscentia uincuntur ; denique tam suauitate ciborum quam uini flagrantia incitati, inlecebrose gule consentiunt. Promotique | eminus de uia et inter condensas buxus residentes, ea que portabant A 214b praesumunt, affluenterque uini ac cibi perceptione uentrem ingurgitant, exsaturatique nimium quod esu supererat accurati ualde recondunt et ita super se redeunt. In[de] post trium uero horarum excursum, | ut putent, seruo Dei C 20vb redeuntes, episcopum adeunt eique uelut innoxii adsistunt. Tum prior Leo dolenus genu praesulis exosculans, quasi ex uiro Dei gratias accitare ac salutaciones conatur exponere. Cujus uerba in medio ferme conati preueniens Desiderius, spiritu Dei sibi reuelante, ait : « Bene, inquit, lelle mentiris ; cur ita me fraudare uoluisti ? Patrem hodie Arnanum minime uidisti et que ei 33, 4 positus] possi A 5 sibi] sancti C 6 uiro] uirgo. C 7 stipendio] stipendium A adeo ut] ex ade ut A, ut om. C 8 oportuna…alimonia] oportunam…alimoniam C 11 carpent] carpunt C 13 gule] ex guile A 14 uini flagrantia] ui (ni add. sup. l.) fragrantia C inlecebrose] illecebrose C gule] ex guile A 15 portabant] comedere C 16 ac cibi] ac sibi C 17 recondunt et] recundunt C 28 Inde] in A, om. C horarum] orarum A excursum] excursu A putent seruo] putabant A, seruo C 19 uelut] uelud C adsistunt] assistunt C 21 conati] conatu C
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connaissance de Dieu, comme s’il se constituait une sorte de pécule dans sa patrie, le Paradis365. Mais c’est ouvertement que le dispensateur de ses aumônes distribuait sans relâche les aumônes aux pauvres ; bien sûr, une telle générosité, une si grande largesse, une si abondante distribution ne pouvaient rester cachées. Cet Arnanus, Scot d’origine366, mena de nombreuses années une vie vénérable près du monastère du saint homme et de la basilique où repose le bienheureux ; et il vécut plus ou moins cinq ans après la mort de Didier ; enfin, il mourut, et c’est dans la grotte même où il a vécu à l’écart des hommes qu’il repose enterré367. 33 [IX, 17]. – Puisque nous avons fait mention du vénérable Arnanus, il est bon, je pense, de rappeler ce que le bienheureux, à l’occasion d’un événement le concernant, apprit en faisant l’expérience de son don de prophétie. En effet, parfois, par le don de la grâce d’En-haut, alors qu’il était si loin [des faits], il les voyait comme s’ils avaient lieu en sa présence. Ainsi, il existe un témoin digne de foi de ce que je rapporte qui a démontré que l’esprit de prophétie lui a été reconnu. Donc, en homme remarquable, Didier se souciait fort de manifester une sollicitude empressée à nourrir cet étranger : chaque jour, il veillait à lui faire parvenir de sa table les aliments qu’il lui fallait. Un jour donc, il prit soin de lui faire porter la nourriture habituelle avec une ration de pain et de vin par deux clercs ; l’un s’appelait Leodolenus, l’autre Dracolenus. Les clercs prirent la route, portant les [aliments] que l’évêque destinait à l’homme de Dieu ; parvenus à peu près à mi-chemin, concevant un mauvais dessein et se voyant à l’écart de tous, ils sont vaincus par la gloutonnerie ; incités par la délicatesse des mets et le parfum du vin, ils cèdent enfin au plaisir de gueule. S’éloignant de la route, ils s’installent dans un bois touffu de buis ; entamant ce qu’ils portaient, ils s’emplissent le ventre de force vin et nourriture. Bien rassasiés, ils cachent avec soin les reliefs du repas et là-dessus, ils rentrent. Au retour, après une absence qu’ils estimaient à trois heures, pensaient-ils, ils reviennent auprès du serviteur de Dieu ; ils abordent l’évêque et se tiennent devant lui comme si de rien n’était. Leodolenus, le premier, baise le genou de Patria est employé dans la Vita sancti Desiderii dans un sens uniquement religieux. Il s’agit d’un moine d’origine irlandaise, L. Gougaud, Les chrétientés celtiques, Paris, 1911 (rééd. en 1995). 367 Cette grotte pourrait se trouver sur le flanc du Pech d’Angély, au-dessus de la Fontaine des Chartreux, Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 62-63. Mais on peut aussi penser à une grotte située au pied du Mont Saint-Cyr. Voir J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », Vivre et mourir en temps de guerre, de la Préhistoire à nos jours, 59e Congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, Cahors, 19-21 juin 2009, éd. P. Foissac, Toulouse, 2013. 365
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direxeram male usurpasti. Numquid non in praesentia aderam, quando inter condensas saltus residens cibos quos Dei seruo direxeram comedebas ? Numquid non praesens eram quando uinum bibebas | et panem clangule C 21a edebas ? » Cumque ille adhuc defendere nitiretur et furti culpam perjurii adjectione cumularet, protinus ab episcopo jussus foris traitur et pro geminata culpa acrius cohercetur. Alterum uero qui erat iunior tempore prae se 30 episcopus retentum blande demulcet ut omnia sibi que egerint per ordinem manifestet. Clericus uero, cum se deprehensum uidit, cuncta coram omnibus sicuti gesta erant et episcopus jam praedixerat exposuit, et ita misericorditer dimissus ab ultione culpe liber euasit. Hec autem causa multis demum e[t] reuerentiam et emendationem ingessit, ut nemo jam beato pontifici mentire C 21b 35 praesumeret, dum nihil ei quisque | latere ambigeret. K. 25
34 [X, 18]. – Desiderius autem amplius cottidie in amorem Ca|durcine A 214va ecclesie coalescens ipsam et hereditatem habuit et heredem instituit. Denique sub anno sexto decimo Sigiberti regis testamentum condens, preter uillas supra jamdictas omne praesidium cunctamque suppellectilem, que habere 5 potuit, sanctę matris Cadurcę ecclesie dereliquit. De pristino uero ecclesiæ praesidio nihil minuit, sed totum integrum inlibatumque reliquit. Cui ecclesię quam humiliter, quam dulciter quamque affectuose haec eadem obtulerit, melius agnoscitur si uerbis ipsis, sicut dixit et scripsit, intimetur ; inter cetera uero et ad locum in seriem testamenti sui ita posuit : « De praesidio, 10 inquit, meo | uestimenta, scamnalia, mensalia et lectuaria, aurum uel argen- C 21va tum, quod ex successione parentum habeo uel quod in regis aula et in seruicio principum elaboraui et mecum ueniens detuli, quicquid exinde adhuc 24 praesentia] presenti C 26 clangule] om. C 27 ille adhuc] transp. C 28 traitur] trahitur C 29 acrius] agrius A prae se] praeesse A, prece C 32 sicuti] ex secuti A et1] ex e A 34 pontifici] pontifice A mentire] mentiri C 35 ei quisque] transp. C 34, 1 cottidie] cotidie C Cadurcine] Caturcine C 2 coalescens] calescens C heredem] hereditatem A 3 sexto decimo] XVImo C 4 suppellectilem] supelletilem C 5 Cadurcę] Caturce C dereliquit] dereliquid C 6 inlibatumque] illibatumque C reliquit] reliquid C 8 ipsis] ipsius C 10 inquit] inquid C lectuaria] electutilia C 11 habeo] abeo A 12 elaboraui] et laboraui A
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l’évêque, comme s’il s’efforçait de s’attirer les grâces de l’homme de Dieu et de lui présenter ses hommages. Didier lui coupe la parole au milieu de son discours et, l’Esprit saint l’éclairant, il lui dit : « C’est bon, tu mens bien : pourquoi as-tu voulu ainsi me tromper ? Tu n’as pas vu le père Arnanus et tu as vilainement détourné ce que je lui avais destiné. Est-ce que ce n’était pas en ma présence que, installé dans l’épaisseur des bois, tu mangeais la nourriture que j’avais envoyée au serviteur de Dieu ? Est-ce que je n’étais pas présent quand tu buvais le vin et mangeais le pain en cachette ? »368. Alors que [le clerc] s’efforçait encore de se défendre et ajoutait le mensonge à la faute du vol, il fut traîné dehors sur ordre de l’évêque et puni plus durement pour sa double faute. Quant à l’autre, qui était plus jeune, l’évêque le retient un temps auprès de lui et l’invite avec douceur à avouer dans l’ordre tout ce qu’ils ont fait. Le clerc donc, se voyant pris, exposa publiquement toute l’affaire telle qu’elle s’était passée et comme déjà l’évêque l’avait prédite ; ainsi, renvoyé avec miséricorde, il partit, libre du châtiment de sa faute. Cette affaire provoqua finalement chez un grand nombre crainte et désir de se corriger : personne n’osait plus mentir au bienheureux pontife, puisque personne ne doutait que rien ne pût lui être caché. 34 [X, 18]. – Didier qui avait reçu en héritage l’Église de Cahors, grandissant chaque jour davantage dans l’amour de son Église, l’institua son héritière. Enfin, la seizième année du roi Sigebert [III]369, il établit son testament et laissa à la sainte Église mère, outre les villae susdites, tous ses biens meubles et immeubles. Il ne diminua en rien le bien qui appartenait antérieurement à l’Église, mais le laissa en totalité et intégralement. Avec quelle humilité, douceur et affection il offrit ceci à son Église, on en jugera mieux si on le fait connaître par les mots mêmes qu’il prononça et écrivit. Entre autres, à un passage dans son testament, il déclara : « De mon bien, vêtements, coussins, nappes et literie, or et argent, tout ce que j’ai reçu de la succession de mes parents, tout ce que j’ai obtenu dans le palais du roi et au service des grands, et que j’ai apporté avec moi en venant [à Cahors], tout ce qui en subsiste que je n’ai pas dépensé pour ton ornement et ton service, sainte mère Église de Cahors, je te le laisse en entier et pour que tu le possèdes dans son intégralité, je te le donne et transfère en toute propriété par cet écrit, je te le laisse en toute intégralité, je le donne en propriété, je te le remets, je te le transfère par cet écrit, et je prie et conjure tous mes successeurs de ne pas oser enlever de ton Sur ces paroles, voir Notes, p. 263. Fils aîné de Dagobert, Sigebert III, roi d’Austrasie de 633 ou 634 au 1er février 656. La seizième année du règne de Sigebert III, ici calculée à partir de la mort de Dagobert, tombe en 654, Vita Desiderii, éd. Br. Krusch, p. 384-385, n. 154. 368
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superest, quod in ornatum est, aut ministerium tuum, sancta mater ecclesia Cadurca, non inpendidi, totum et ad integrum tibi possidendum relinquo, tuę que juris dono, trado atque transcribo, precorque ac obtestor ut nullus successorum meorum quicquam exinde ex tuo gremio ex quo ibi in ornatum tuum feci uel thesauro tuo indidi auferre praesumat. Argentum uero tuum uel reliquas species tunc tuumque praesidium quod in tuo repo|sito, sancta C 21vb mater ecclesia, heres mea, inueni, totum saluum relinquo ; nihil enim exinde spendidi, nihilque minui, nec ulli quicquam dedi, sed sicut mihi est sub oculis Dei traditum, ita totum saluum relinquo. Liberos uero meos tibi, sancta mater, ecclesię tuoque aduocato, successori meo, commendo. Semper, quaeso, uirtute sanctitatis tuæ ab insidiis quorumcumque defensentur, ut sub tuo se patrocinio peruenisse congaudeant. Pauperes autem tuos, | quos ego semper A 214vb peruigili cura ac sollicito studio enutriui, tibi commendo, precorque ut tua sanctitate et aduocati tui sollicitudine alantur et pię semper gubernentur, sic quoque ut me absen|tem esse non sentiant, nec se doleant pastorem mu- C 22a tasse ». Hucusque Desiderius. Nos uero libere fatemur quod neque pauperes patrem, neque ecclesia pastorem post ejus abcessum similem ei habere potuerint. Sed interim jam a locucione cessandum est, jam preconiorum ejus hec finem pagella inponat ; nunc ad terminum uitę ejus articulum deflectamus, et qualiter de hac luce migrauerit explicemus.
35 [XI, 19]. – Dagobertus rex, sexto et decimo regni sui anno administrato, pacifice obiens, duobus filiis Flodoueo et Sigoberto regni sceptra reliquid, et Flodoueus quidem regnum Francorum, Sigobertus autem Aus trasiorum regnum :|gubernauit. Hujus Sigoberti VII et decimo regni anno, C 21b 5 episcopatus autem sui uicesimo et VI, parat Desiderius solum proprium paternę possessionis Albigense territorium uisitare. Profectus igitur nobili suo commitatu rura Albigiensium adiit. Cumque jam Dominus pro cunctis eum 13 in ornatum] in ornatu C aut] et C Cadurca] Caturca C 14 ad] ab C 14/15 tuę que juris] tuoque iuri C 15 trado] om. C obtestor] obstestor C 16 ibi] hibi A 17 uel] uel in C 18 tunc] om. C, tuas uel cunctum Krusch 20 spendidi] expendi C oculis] occulis C 21/22 sancta mater] matri C 22 quaeso] quero C 23 uirtute] uirtutis C insidiis] incidiis C 24 quos] quod C 27 absentem esse non sentiant] absente sibi aliquid deesse non sentiant C 28 pauperes] parciperes A 28/29 neque…neque] nullum C 29 habere] abere A potuerint] potuerit AC 30 a locucione] allocucione A preconiorum] preconiis C 31 inponat] imponat C terminum] ex te minum (r add. sup. l.) A ejus] huius C 32 migrauerit] migrauit C 35, 1 Dagobertus rex sexto et decimo] Lex Dagobertus xui. C 2 Flodoueo] Flodoneo C Sigoberto] Sigiberto C sceptra] ceptra C 3 regnum] regni ex regni ii C Sigobertus] Sigisbertus C 4 Sigoberti] Sigiberti C VII et decimo] XVII. C 5 uicesimo et VI] XXo IIIo C 6 possessionis] possessonis C 7 commitatu] comitatu C pro] per A, p. C
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giron quoi que ce soit de ce que j’ai fait en ce lieu pour t’embellir ou que j’ai introduit dans ton trésor. Ton argent, tes autres objets de valeur et ton patrimoine, que j’ai trouvés en ta possession, sainte mère Église, mon héritière, je laisse le tout en bon état. Je n’ai en effet rien dépensé, je ne les ai en rien diminués, je n’en ai rien donné à quiconque, mais je te les laisse en totalité dans l’état où ils m’ont été remis sous le regard de Dieu ; ainsi, je laisse le tout en bon état. Je te confie mes enfants, à toi, sainte mère Église, et à ton défenseur, mon successeur ; qu’ils soient, je t’en prie, toujours défendus par la puissance de ta sainteté des embûches de quiconque afin qu’ils se réjouissent d’être passés sous ton patronage. Je te confie tes pauvres, que j’ai toujours nourris avec un soin vigilant et un zèle assidu, et je prie qu’ils soient nourris par ta sainteté et la sollicitude de ton avoué et gouvernés toujours avec piété, de telle sorte qu’ils ne ressentent pas mon absence et n’aient pas à se plaindre d’avoir changé de pasteur ». Jusque-là, c’était Didier qui s’exprimait370. Pourtant nous reconnaissons volontiers qu’après son départ, ni les pauvres ne purent avoir un tel père, ni l’Église un tel pasteur. Désormais, il faut cesser de discourir : que ce feuillet impose la fin de ses éloges ; maintenant, tournons notre propos vers la fin de sa vie et expliquons comment il quitta la lumière d’ici-bas371. 35 [XI, 19]. – Le roi Dagobert mourut en paix la seizième année de son règne ; il laissa à ses deux fils, Clovis [II]372 et Sigebert [III]373 les sceptres du royaume ; Clovis gouverna le royaume des Francs et Sigebert celui des Austrasiens. La dix-septième année du règne de Sigebert374, la vingt-sixième de son épiscopat, Didier se prépare à visiter en territoire albigeois ce qui lui revient en propre de droit paternel. Parti donc avec sa noble suite, il gagna les campagnes de l’Albigeois. Et comme le Seigneur voulait le récompenser de toutes ses peines, il intima l’ordre à son serviteur de revenir [à lui] et aussitôt, 370 Vita Eligii, II, 78 (PL, t. 87, col. 590) : quia magnopere iam a locutione cessare festinamus, phrase qui dépend elle-même de Dialogues, II, 38, 5 (éd. A. de Vogüé et P. Antin, t. 2, p. 248), comme l’a relevé A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 717. 371 Vita Eligii, II, 33 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 718) : quo ordine ex hac vita migraverit, paucis explicare. 372 Roi de Neustrie et de Bourgogne (639-657). 373 Roi d’Austrasie (634-656). 374 Les années du règne de Sigebert III ne sont pas comptées à partir du début officiel de son règne mais à partir de la mort de son père, ce qui concorde avec la 26e année de l’épiscopat de Didier et permet de fixer sa mort au 15 novembre 655, voir R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. xv-xvi.
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laboribus uellet remunerare, jussione missa arcessire famulum jubet, moxque febre correptus tædiari cepit ; deinde amplius egritudine uallatus, Uuistrelin10 gus in uilla monasterii sui lectu decubuit. Sic sensim paulatimque decora illa facies et omne margaritum preciosior tociusque dignitas corporis marcescere cepit. Cumque æstuaret | febribus et uenarum fontes calor hauriret, lasso C 22va anhelitu, triste ministrorum frequentabatur officium. Pro dolore ! flante aus tro l ilii candor et purpura uiole in pallorem jam sensim migrat uniuersis circa 15 flentibus, ipse ualde defessus pio omnes hortatu consolabatur, et cum esset fortis animo, in ipsa | quoque morte uiriliter se agebat. Post tandem ergo, A 215a ultimo cunctis uale dicto et oracione ad Dominum premissa, sub die septimo decimo kalendarum decembrium ultimum spiritum exalauit.
36 [XI, 19]. – Subitus repente clamor exortus totam uille amplitudinem clangoribus repleuit, omnesque plateas currente nuncio confusus rumor obsedit. Quid | multa ? compositum mox honestissime corpore feretroque indi- C 22vb tum, iter arripiunt, profectusque est exercitus copiosus et multa populi turba 5 in obsequio funeris. Cumque Albiensium rura praeterissent et terminus Cadurcorum penetrarent, mulier quedam que infestissima demonis incursione patiebatur, egressa a finibus illis et pergens post turbam, magnis et turbatis clamoribus pretereuntes fatigabat. Cumque sepissima in clamatione nomen defuncti praesulis geminaret, omnes fere in sui admiratione cum ingenti stu10 pore conuertebat, donec post longum uiæ circuitum uentum est ad praedium [cui] uetus antiquitas | Milliacum uocabulo indidit. Ubi cum numerosa exase C 23a quiarum frequentia aput corpus preciosissimum praesulis peruenisset, mulier turbatis clamoribus omnem pene cateruam in maximo stupore deducebat ; torquebatur enim inpurus spiritus quia uirtute diuina illuc se uidebat abduci 8 uellet] uellit ex **llit A, uelit C remunerare] renumerare A arcessire famulum jubet] ex fonulum A, arcessiri iubet C 9 febre] frebre C tædiari] om. C Uuistrelingus] Uuisti elingus C 10 lectu] lecto C sensim] sensi ex sensum A 11 preciosior] ex preciosi odor (?) A, preciosi odoris C marcescere] marcessere C 12 hauriret] auriret C lasso] lapso C 13 Pro dolore] pro dolor C flante] ex fante A, efflante C 14 lilii] lii A purpura uiole] pospora uiolice A migrat] ex migrauerat A, migrauerat C circa] om. C 15 defessus] fesso C 17 uale dicto] uali to ex ualito esto A 17/18 septimo decimo] XIIImo C 18 exalauit] exhalauit C 36, 1 totam] totum A, tocius C 3 compositum…inditum] composito indito C 5 Albiensium] Albiencium C terminus Cadurcorum] terminum Caturcorum C 6 infestissima…incursione] infestissimam…incursionem C 8 clamatione] damatio A 9 geminaret] ingeminaret C 10 uiæ] uitae C 11 cui] om. A uocabulo] uocabulum C numerosa] nummerosa A 12 aput] ante C preciossimum] preciossima A 14 inpurus] impurus C
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saisi de fièvre, il commença à s’affaiblir375 ; ensuite, assailli par un mal plus grand, il s’alita à Uuistrelingus376, dans une villa dépendant de son monastère. Ainsi377, peu à peu, insensiblement, son visage beau et plus précieux que tout trésor, et ce corps plein de dignité commencèrent à se flétrir. Comme il brûlait de fièvre et que la température tarissait le flux de ses veines, la respiration affaiblie, il avait fréquemment recours à l’aide affligée de ses serviteurs. Oh douleur ! Alors que souffle le vent du Midi, la candeur du lis et la pourpre de la violette se changèrent insensiblement en pâleur378 ; tous autour de lui sont en pleurs mais [Didier], malgré son grand épuisement, les consolait tous par de pieuses exhortations, et comme c’était une âme forte, même dans la mort, il se conduisait virilement. À la fin donc, après un ultime adieu à tous et une dernière prière au Seigneur, il rendit son dernier souffle le 17 des calendes de décembre [15 novembre]379. 36 [XI, 19]. – Tout à coup, une clameur soudaine s’éleva et emplit de cris toute la villa ; une rumeur confuse envahit toutes les places, suivant la course du messager. Que dire de plus ? Le corps ayant été apprêté de manière très digne et déposé sur un brancard380, ils se mettent en route, de même qu’une troupe nombreuse381 et une grande foule de gens, pour les honneurs funèbres. Quand ils sortirent des campagnes albigeoises et franchirent les limites du Quercy382 , une femme, qui souffrait de l’assaut très hostile du démon, sortie de ces confins et avançant derrière la foule, fatiguait ceux qui marchaient devant elle de ses grandes et folles (turbatis) clameurs. Comme très souvent dans ses cris, elle répétait le nom de l’évêque défunt, elle les poussait presque tous, à leur grande stupeur, à l’admirer, jusqu’à ce que, après une longue route, on fût arrivé à un domaine de toute ancienneté appelé Milhac383. Alors que la foule nombreuse des obsèques était parvenue là, autour du corps très précieux du D’après Vita Eligii, II, 34 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 719). Cette villa avait été donnée par Bobila au monastère fondé par saint Didier (voir supra, c. 28). 377 Jérôme, Lettres, 60, 13 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 102). 378 Jérôme, Lettres, 60, 13 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 101). 379 Il faut noter que Didier, malgré le don de prophétie que lui attribue l’hagiographe, n’a pas la prescience de sa propre mort, contrairement à beaucoup de saints du haut Moyen Âge. Mais il l’a pressentie lors de la traversée du Lot par un cavalier. 380 Vita Eligii, II, 36 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 721). 381 Ibid., II, 37 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 721). 382 Le Quercy correspond au territoire autrefois occupé par le peuple gaulois des Cadurci qui forma après la conquête romaine la civitas gallo-romaine du même nom. Les limites de la cité se retrouvent dans l’ancien diocèse de Cahors. Les limites des cités et des diocèses étaient connues de tous, voir supra, n. 5. 383 Milhac, cne et c. de Caussade, c. Aveyron-Lère, Tarn-et-Garonne. Le corps de saint Didier vient de quitter l’Albigeois pour entrer en Quercy. 375
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ubi maximam uim perpeti formidabat. Milliacho ergo corpus expositum, mulier uexata spumans et multum se discerpens adsistet ; cumque ut ferus taurus uehementer debacharetur et nunc toruis oculis, nunc pallentibus genis, nunc spumantibus ac trementibus labris diuersis modis torque|retur, C 23b feretro tandem adjuncta prosternitur. Mox autem ut supergecta feretri uela20 mina tetigit, diuino jussu fugatus demon aufugit, et sic ad gloriam Christi et laudem presulis Desiderii mulierem liberam sanamque reliquid. Ex quo facto omnes qui aderant in admiratione conuersi, gratiam Christi et merita confessoris Desiderii glorificabant. 15
37 [XI, 19]. – Deinde ergo corpus leuatum cuncti paula|tim progressi A 215b Quintiago atque Atiago pretereunt. Cumque post tandem cum corpus preciosum Kadurce proximarent, quo aceruatim populositas per diuersos aggeresse fundens, obuiam extincto patri processit, nullus monachus domi resedit 5 qui non obuiam pastori procederet. Lu|gebant autem omnes quem confuso C 23va clamore plangebant et inter diuersos gemitus hec solum uerba resonabant : « Eu Desiderii, eu ! clamabant cuncti, pastor bone, cui nos dimittis, cui gregem tuum fouendum commendas ». Clerus nimirum plangebat patrem, abbates pastorem, paruuli nutritorem, senes tutorem, uidue protectorem, egeni 10 adjutorem, pupilli defensorem, et, ut breuiter conplectar, tota eum ciuitas, tota simul plancxit ecclesia.
15 Milliacho] Milliaco C corpus expositum] corpore posito C 16 adsistet] adsistit C 17 debacharetur] debacaretur C oculis] occulis C 18 ac] hac A labris] laboris C 19 supergecta feretri] supergesta feretro C 20 aufugit] ex **fugit A 21 liberam] om. C 37, 1 corpus leuatum] corpore leuato C cuncti] om. C paulatim] certatim C 2 Quintiago…Atiago] Uintiagum…Atiagum C cum] om. C 3 Kadurce] Caturce C proximarent] proximaret C quo] eo C 4 resedit] recedit C 6 clamore] om. A gemitus] gemitos A 7 dimittis] dimmitis C 8 fouendum] add. in marg. C abbates] abbas C 9/10 egeni adiutorem] om. C 11 plancxit] planxit C
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prélat, la femme, par ses cris désordonnés, entraînait presque tout le monde dans une grande stupeur ; en effet, l’esprit impur était torturé parce qu’il se voyait conduit par la force divine là où il craignait d’endurer une très grande violence. Donc, le corps est déposé à Milhac ; la femme tourmentée, écumant et se lacérant elle-même, s’arrête ; comme un taureau sauvage, elle se livre à des transports furieux ; et tantôt les yeux torves, tantôt les joues blêmes, tantôt les lèvres écumantes et tremblantes, elle est torturée de diverses manières. Arrivée au brancard, elle se prosterne ; aussitôt qu’elle eût touché les voiles placés sur le brancard, le démon, chassé par l’ordre divin, prit la fuite et ainsi laissa la femme libérée et guérie, pour la gloire du Christ et la louange de l’évêque Didier. À cause de ce fait, tous ceux qui étaient présents, transportés d’admiration, glorifièrent la grâce du Christ384 et les mérites du confesseur Didier. 37 [XI, 19]. – Donc, ensuite, le corps est levé et tous avançant lentement, dépassent Ventaillac385 puis Aussac386. Alors qu’avec le précieux corps, ils approchaient de Cahors où la foule en masse se déversant par divers chemins s’avançait à la rencontre de son père défunt, aucun moine ne resta là où il demeurait ; chacun se précipita au-devant du pasteur. Tous pleuraient, poussaient des lamentations confuses, et parmi les divers gémissements résonnaient ces seuls mots : « Hélas, Didier, hélas ! », et tout le monde criait, « Bon pasteur387, à qui nous abandonnes-tu ? À qui confies-tu le réconfort de ton peuple ? ». En vérité, le clergé pleurait un père, les abbés un pasteur, les enfants celui qui les nourrissait, les vieillards un soutien, les veuves un protecteur, les pauvres celui qui les aidait, les orphelins un défenseur, et pour faire bref, toute la cité, et en même temps toute l’Église le pleura388.
D’après Vita Eligii, II, 52 (PL, t. 87, col. 576). Ventaillac, cne Pern, c. Marches du Sud-Quercy, Lot. 386 Aussac, cne Montpezat-de-Quercy, c. Quercy-Aveyron, Tarn-et-Garonne. 387 Peut-être souvenir de Vita Eligii, II, 78 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 723, l. 6). 388 Jérôme, Lettres, 60, 14 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 103). 384
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[INCIPIUNT XII MIRACULA]. 38. – Perductus itaque ad suum monasterium ac sepultus est in ecclesia quam ipse, ut supradiximus, insigni opificio ex utraque parte superuolutis tectis, quadris ac dedolatis lapidi|bus ędificauerat, ubi diligenter humo tectus C 23vb eterna in requie quiescit soporatus, ibique uallatus tumba surrecturus jacet in 5 gloria. Sed quibus post haec miraculorum effulserit signis dignum est et me commemorare et cum uos desideratis audire.
39 [Miraculum I]. – Clericus quidam, nomine Theudolenus, dum uir beatus esset superstes, frequenter ab eo pro assiduis excessibus arguebatur. Cumque ille obisset et, ut dictum est, jam humatus extaret, predictus Theudolenus exultans super ejus morte cum cachinno exprobracionis elata uerba 5 proterua et injuriosa non timuit jaculare. Qui contra statum suum locutus diuina | inter se indignacione ob injuriam sancti sensit demum uindicari. C 24a Nam ex eo tempore miseranda debilitate obpressus, omnes dies uite sue cum dedecore duxit, ita ut et officium manus dextere amitteret et a pedis gressu inpederetur et lingue usu denudaretur ; siqui|dem tortus incedens ac turgi A 215va 10 dus prauitatem torose mentis exemplo debilitatis monstrabat. Nec passus est Dominus contumacem serui sui celeri interitu conpendium mortis finiri, sed diutino flagello ad terrorem multorum rebellem uoluit coherceri. 40. – Quedam quoque mulier ex parte Caucinicha Senomagense ueniens, similiter super | ejus mortem uisa est exultasse. Que et ipsa simili modo C 24b castigata non simili exitu perpessa est. Nam diuina ultione percussa, neruorum subita contraccione dampnata est, adeo ut sicut irricius conplicata in 5 modum glomeri uolutaretur, nullamque spiritus sui requiem neque per diem neque per noctem capisceret, donec adfinium praecursione ejusdem consultum uotorum sponsio cum piaculi satisfaccione praecederet. Tit. incipiunt miracula] add. in marg. C om. A 38, 1 suum] suum ex susuum C ac] hac A 3 tectis] aectis A ac] hac A 4 ibique] ubique C 39, 2 esset] essed A 4 cacchino] cancinno A elata] elatea A 4/5 uerba proterua] propter uerba proterua A, uerba ac conuitia proterua C 6 se] add. sup. l. C sensit] sentit C 7 miseranda] miranda C 8 dedecore] ex decore A 9 usu] husu A ac] hac A 10 torose] tortuose C 12 diutino] diuitino A 40, 1 Caucinicha] Causuncha C 4 irricius] ericius C 6 capisceret] capesceret C
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COMMENCEMENT DES XII MIRACLES389 38. – Ainsi, il fut conduit à son monastère et enseveli dans l’église, voûtée de part et d’autre et construite en pierres de taille travaillées à la doloire390, que lui-même, comme nous l’avons dit plus haut, avait édifiée avec grand art391. C’est là que, recouvert de terre avec grand soin, il repose, endormi, dans le repos éternel et, protégé par la tombe, il gît là, lui qui est appelé à se relever dans la gloire. Cependant, après cela, des miracles dont il a brillé392 , il est digne que je me remémore les signes et que vous les entendiez dès lors que vous le désirez. 39 [Miracle I]. – Alors que le saint homme était encore vivant, un clerc nommé Theudolenus se faisait souvent réprimander pour ses excès répétés. Alors que [Didier] était mort et déjà enterré, comme on l’a dit, Theudolenus, se réjouissant vivement de sa mort, n’eut pas peur de lancer des reproches, des vilénies et des injures en ricanant. Ayant parlé à l’encontre de son statut, il se sentit finalement puni par l’indignation divine à cause de l’injure faite au saint. À partir de là, accablé par une pitoyable infirmité, il vécut chacun de ses jours dans la déchéance, car il ne pouvait plus se servir de sa main droite, était gêné pour marcher et avait perdu l’usage de la langue : sa démarche lourde et tordue montrait la dépravation de son esprit retors par l’image de son infirmité. Le Seigneur ne souffrit pas que celui qui ne se soumettait pas à son serviteur finisse par obtenir le bénéfice d’une mort rapide, mais il voulut que le rebelle fût puni par un châtiment prolongé pour [inspirer] la terreur à tous393. 40. – De même, on vit une femme venant de Caucinicha Senomagense394 se réjouir pareillement de sa mort, et elle fut châtiée de manière similaire, mais n’endura pas la même fin ; en effet, frappée par la vengeance divine, elle fut punie par une subite contraction des nerfs, de telle manière qu’elle s’enroula et se mit en boule comme un hérisson et que son esprit ne connut de repos ni de jour, ni de nuit, jusqu’à ce que, sur la pression de ses proches, la promesse de don votifs pour racheter sa faute entraîne sa résolution. Donc, au jour anniversaire de sa déposition, les parents de la femme souffrant de cette contraction arrivent et, en même temps que la femme affligée, ils Voir Introduction, p. 108, n. 509. Sur la doloire, voir Introduction, p. 27-28. 391 Sur cette église, voir Notes, p. 263-264. 392 Vita Eligii, II, 78 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 728, l. 23-24 et 30-31). 393 Même thème dans Vita Eligii, II, 44 (PL, t. 87, col. 573) avec reprise de l’expression cachinno exprobationis elato. 394 Lieu non id. 389
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Diem igitur annualem deposicionis ejus aduentantur parentes contracte foemine, uotorum munera simul cum feminam debilitate obpressam beato 10 confessori offerunt. Quam in manibus ante sepulcrum proicientes, subnixas | preces cum satisfaccione piaminum inportune atque oportune in- C 24va gerunt. Et factum est, cum diu precibus insisterent multumque jemitibus satisfacerent, ęrecta mulier sanitatem recepit, atque ita ad domum propriam cum magna jam hylaritate maximaque suorum gratulatione rediit. Sicque ac15 tum est ut, que laborioso uehiculo fuerat adducta, libero gressu remearet ad propria. Gloria, Christe, tibi, tua sunt opera, tua ubique fulgent magnalia, etenim que serui tui faciunt tuis beneficiis consecuntur. 41 [Miraculum II]. – Post aliqua temporis curricula mulier quedam ex predio ecclesie Blandiacense, quod adjacet fluuio Dornonię, cæ|ca effecta, C 24vb plurimum tempus laboriose ualde ducebat. Hæc quandoque Dei miseratione admonita in uisionem sibi dicebat jussum ut ad sepulcrum beati Deside5 rii |medendi gratia expeteret. Ducta itaque est ad urbem adque ad basilicam A 215vb sancti uiri a duobus filiis suis oblata, ubi paruo spatio excubans, confessore intercedente et eterna Christi pietate largiente, lumine recepto, ad propria remeauit. Sicque factum est, ut que alieno ducatu cum labore uenerat inpingendo, proprio jam arbitrio uisu recepto gaudens rediret ad domum ; siqui10 dem cunctis qui aderant stu|pentibus praeibat exultans, uiam carpens et uiae C 25a ducem ulterius non requirens.
42 [Miraculum III]. – Inter hec miranda res se memoriæ objecit, quam diuino jussu actam reor, ut pro hac Dominus clarius ostenderet merita sui antistitis, quam preciosa apud eum constarent, cujus ob honorem claritas miraculi emicuisset, cunctisque occasio expetende medele oriretur, dum diuina 5 actam pietate rem nullus ambigeret. Itaque dum baculum beati uiri, quod Galis ‘cambutta’ uocant, ad caput sepulcri illius sedule dependeret, quadam dię subita infusione madefactum uberrime guttas mana|re aquae coepit. Ad C 25b 8 Diem…annualem] Die…annuali C aduentantur] aduentante C 9 feminam… obpressam] femina opressa C 14 gratulatione] congratulacione C actum] hactum A 15/16 ad propria] om. C 17 consecuntur] consequentur C 41, 4 uisionem] uisione C ad] om. C 42, 1 Miraculum III] III C om. A 2 actam] acta C hac] hec A 3 constarent] costarent C 4 cunctisque] cunctusque C 5 actam] actum A nullus] nullud C baculum] baculus C 5/6 quod…uocant] a add. A, qui a gallis cambucia uocatur C 6 caput] capud C 7 dię] om. C guttas…coepit] guttas aque manare coepit C, guttas manare alii coegit A
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donnent au bienheureux confesseur les biens promis et, la poussant de leurs mains devant le sépulcre, ils lancent à temps et à contretemps des prières confiantes accompagnées d’offrandes expiatoires. Et alors qu’ils avaient insisté longtemps avec des prières et avaient fait réparation par de nombreuses lamentations, la femme se redressa, recouvra la santé et ainsi s’en retourna chez elle avec la plus grande joie et la plus grande reconnaissance pour les siens. Et ainsi, celle qui avait été transportée péniblement rentra chez elle en marchant librement. Gloire à toi, Christ, ce sont tes œuvres, tes merveilles brillent partout et, en effet, les actes de tes serviteurs découlent de tes bienfaits. 41 [Miracle II]. – Quelque temps plus tard, une femme du domaine de l’église de Blanzaguet395, au bord de la Dordogne, devenue aveugle, menait depuis fort longtemps une vie très pénible. Celle-ci, avertie un jour dans une vision par la pitié divine, disait qu’elle avait reçu l’ordre de se rendre au tombeau de saint Didier pour y trouver la guérison. Ainsi fut-elle conduite par ses deux fils à la ville [de Cahors] et présentée à la basilique du saint homme : là, après une courte veille, ayant retrouvé la lumière par l’intercession du confesseur et la miséricorde éternellement généreuse du Christ, elle retourna chez elle. Ainsi advint-il que cette femme, qui était venue sous la conduite d’autrui non sans difficulté, rentra joyeuse à la maison par ses propres moyens, après avoir recouvré la vue. À la stupeur de toute l’assistance, elle marchait la première, prenant la route en exultant, et n’ayant désormais plus besoin de guide. 42 [Miracle III]. – Parmi tous [ces miracles], une chose admirable se présente à la mémoire, que je pense avoir été faite sur l’ordre de Dieu, afin que le Seigneur montre plus clairement par là les mérites de son évêque, [mérites] ô combien précieux chez lui ; c’est en son honneur que l’éclat du miracle avait jailli et que s’offrait à tous la possibilité de guérison, même si personne ne niait que la chose avait été faite par la miséricorde divine. Ainsi, alors que le bâton du saint homme, qu’on appelle cambutta en gaëlique396, était suspendu avec un pieux respect à la tête du tombeau de Didier, voilà qu’un jour, ce bâton devenu subitement humide commença à suinter en abondance. De nombreuses personnes rassemblées devant ce miracle, furent frappées d’une immense stupeur, se demandant avec étonnement quel était le sens de la chose. Certains cependant, plus avisés, déclarent que ceci a été fait par la puissance divine en vue de la guérison, ce qui effectivement se produisit. En effet, désormais, 395 396
Blanzaguet, cne Pinsac, c. Souillac, Lot. Sur le mot cambutta, voir Notes, p. 264.
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quod miraculum multi adgregati ingenti stupore tenebantur, adtoniti quidnam facto opus esset. Quidam autem altiores consilii medendi gratia id fieri 10 ex diuina praestantia denuntiant. Quod demum factum est. Nam quotiens deinceps egri adueniunt, baculum ipsud aqua perfusum ac tenuiter lauatum incomodantibus datur et multis per hoc sanitatis bona tribuuntur.
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43 [Miraculum IV]. – Adiciatur et illut quod actus tulit miraculum. QUODAM ITAQUE TEMPORE AREGIUS, RUTENA URBIS EPISCOPUS, fortissima ęgritudine correptus, grauiter laborabat per dies plurimos, cumque multimoda medicorum argumenta ei se|dule inpenderentur, C 25va nihil prorsus proficere poterant, sanctorum e diuerso adminicula querebantur, sed nec sic recuperare ualebat. Nolebant | enim sancti marthyres ei A 216ra sanitatis commoda praestare, ut quanta esset in Desiderio uirtus facillime declararent. Aregius ergo adflictus, cum nullum perfugium in tota urbe sua, neque medicorum industria, neque sanctorum adminicula possit inuenire, tandem post quinque mensium curricula ad exteram urbem atque ad auxilium sancti Desiderii tota se mente conuertit. Accito itaque uiro strenuo uocabulo Telaro, ad sepulchrum beati uiri Cadurce sub oppido cum muneribus diriget, poscitque ut quamuis esset la|boriosum quantocius pergeret C 25vb atque ex eo aque liquore qui illic gratia sanitatis largitur sibi deferret. Perrexit itaque ad urbem Cadurcam Telarus, memoriam beati Desiderii adiit, munera intulit, bacterium sancti uiri lauari deposcit ; cursu concito Ruteno rediit, episcopum decubantem atque in extremis positum inuenit, quem consolari studuit, seque sanitatem illi detulisse promisit. Mira res et uehementer stupenda, cumque uascula reserata aquam proferre speraret, uinum efulsit tantaque flagrantia ex uase manauit, ut in grande stupore ingenti miraculo
8 adgregati] agregati C adtoniti] admirati C 8/9 quidnam…esset] transp. C 9 Quidam] Quida A altiores] altioris C consilii] quod add. C 9/10 id fieri…denuntiant] illud hoc fuerit ex diuina prestantia datum denuntiant C 11 ipsud aqua] ipsum aque C 12 incomodantibus] incomoditibus A, incomoditatatibus C 43, prima sent. scripta in fine cap. 42 1 et] etiam C tulit] retulit C 2 AREGIUS] Aredius C 7 in Desiderio] ex insiderio C 8 declararent] declarent C Aregius] Aredius C perfugium] perfigium C 9 neque] neque p. C industria] industriam C 10 quinque] V. C exteram] Caturcam C 12 Telaro] Thelaro C sepulchrum] sepulcrum C Cadurce] Caturce C 13 diriget] dirigit C 14 atque] et que A ex…liquore] transp. C deferret] deferre A 15 Cadurcam] Caturcam C 16 bacterium] ex bacte trium (?) A, bactherium C Ruteno] Ruthenis C 17 decubantem] decupantem A atque] et que A 18 studuit] om. C 19 reserata] reseratu A, uasculo reserato C efulsit] effluxit C 20 ex vase manauit] ex uas emanauit A grande] grandi C ingenti] ingensque A, ingentique C
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chaque fois que des malades viennent, le bâton, humecté d’eau et légèrement lavé, est donné aux mal-portants et ainsi beaucoup reçoivent les bienfaits de la santé.
43 [Miracle IV]. – Qu’on ajoute aussi ce miracle qu’a rapporté un acte397. À UNE CERTAINE ÉPOQUE, AREGIUS, ÉVÊQUE DE RODEZ398, saisi d’une très grave maladie, souffrait durement depuis plusieurs jours, et malgré les nombreux avis développés avec grand sérieux par les médecins à son sujet, aucun résultat n’était obtenu de cette façon. D’un autre côté, on cherchait l’aide des saints, mais il ne pouvait pas non plus se rétablir ainsi. En effet, les saints martyrs refusaient de lui accorder les bienfaits de la santé399 pour manifester très clairement quelle grande puissance résidait en Didier. Donc, le pauvre Aregius, ne pouvant trouver dans toute sa ville aucun recours ni par l’activité des médecins ni par l’intervention des saints, au bout de cinq mois enfin, se tourna tout entier vers une ville étrangère et vers l’aide de saint Didier. Il fit venir un homme énergique du nom de Telarus et l’envoya avec des présents au tombeau du saint homme sous les murs de la citadelle de Cahors afin qu’il s’y rende le plus vite possible, même si c’était très difficile, et qu’il lui rapporte de cette eau qui, en coulant, distribue là-bas généreusement la santé. Et ainsi, Telarus partit pour la ville de Cahors, se rendit à la memoria de saint Didier, offrit les présents et demanda que le bâton400 du saint homme fût lavé. Il revint d’une course rapide à Rodez et trouva l’évêque alité et réduit à la dernière extrémité. Il s’appliqua à le réconforter et l’assura qu’il lui avait rapporté la santé. Chose admirable et vraiment stupéfiante ! Alors qu’on s’attendait, en ouvrant la fiole, à y trouver de l’eau, on vit briller du vin et il émana un tel parfum du vase que la grandeur de ce miracle les plongea tous dans une grande stupeur. En vérité, il s’en dégagea une saveur si remarquable que jamais personne ne se souvenait d’avoir bu un Falerne de cette sorte. Sur actus, voir Introduction, p. 39, n. 93. Aregius ou Aredius est peut-être le frère d’Awarnus (c. 43), évêque de Cahors (783-821 mai 29) ; voir J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, des origines à la fin du xiie siècle, Paris, 1989, p. 77. 399 Grégoire le Grand, Dialogues, II, 35, 5 (éd. A. de Vogüé et P. Antin, t. 2, p. 238240) ; voir A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 717. 400 Bacterius est un mot rare qui vient peut-être de la Vita Eligii, 80 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 739) : bacterii clodorum. 397 398
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omnes conuerteret. | Tantus quippe eximii saporis odor efulsit ut nunquam C 26a se aliquis hujuscemodi falernum auxisse recoleret. Bibit ergo episcopus cum magno tremore et inmensa admiracione, et cum ipso hausto mox sanitatem recepit ac multo post tempore incolumis mansit. Nam ita celer subsecuta est 25 sanitas, ut eo die cum alumnis et amicis ad conuiuium publicum sederet, seque de Domini gratiam, quam sibi per famulum concesserat, uehementer gratularetur. Cumque post aliquot dies urbem Cadurcam et medicum suum, gratiarum jura soluturus, inuiseret, ea que retulimus germano | suo Auuarno C 26b 30 episcopo referre studuit. Ille uero, cum esset mente proteruus, dubius extitit. Nec mora, et uehementissima febre correptus, non aliter sanari meruit, nisi frequentissi|ma repetitione, crebris discurrentibus missis, ad medelam beati A 216b Desiderii sese conuertens ex corde conferret. Diu igitur macaeratus sepiusque ex praefato licore potatus, tandem torosa caeruix, coturno deposito, recupe35 rari meruit salutem. 44 [Miraculum V]. – Alio autem tempore Februndus abba atque uicedominus graui tedio confectus per dies multos laborauit ; tandem in uisione bis terque admonitus ut ad praesidium beati confessoris tota mente se conferret ; eoque aduectus ad ejus sepulcrum delatus est. Ubi sicut oportebat innixius 5 orationi insistens, Christi Domini misericordiam ex intimo cordis | effectu C 26va postulauit. Post non congruum uero spatium, diuina miseratione praeuentus, medelam quam obtauerat adeptus, sanus ad propria reuersus est. 45 [Miraculum VI]. – Alio rursus in tempore sacerdos quidam, nomine Dracolenus, grauiter egritudine confectus laborabat per dies plurimos in tantum ut cibi perceptione penitus arceretur. Jamque sexta decima dies aderat 21/22 Tantus quippe…recoleret] Tantus quippe eximii saporis (ex sapori) nec inter uini saporis efulsit ut nunquam se aliquis huiuscemodi falernum auxisse (= hausisse) recoleret A, Tantus quippe eximii saporis odor inde procescit quantus nec inter uini sapidissimi uasa reserata solet sentiri C 23 hausto] austo C 24 incolumis] incolumes A celer] celers A 25 publicum] puplicum A 26 seque] secumque C famulum] suum add. C 27 gratularetur] gratulari ex gratulare A 28 aliquot] aliquod A Cadurcam] Caturcam C 29 soluturus] edd soliturus AC ea] hea A Auuarno] Agarno C 31 uehementissima] uehementissimo A 33/35 Diu igitur…salutem] om. C 44, 1 Februndus] Frebrundus C abba atque uicedominus] abbas et incedens C 2 tandem] tandem ei A 3 admonitus ut] admonitus A, ammonitus ut C confessoris] om. C tota mente se conferret] mente conferrent A 4 eoque] eo quod A 5 effectu] affectu C 6 Post…spatium] transp. C 7 medelam] ex medellam A 45, 1 sacerdos] sacerdus A 2 grauiter] graui C 3 sexta decima] XVIma C
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L’évêque donc but avec une grande crainte et un immense étonnement et, après avoir bu, il fut aussitôt guéri et resta longtemps en bonne santé. Ainsi, la guérison suivit si rapidement que le jour même, il participa à un banquet public avec ses protégés et ses amis et il se félicita avec force de la grâce que le Seigneur lui avait concédée par son serviteur. Et lorsqu’après quelques jours, il se rendit en visite à Cahors auprès de celui qui l’avait guéri dans le but de le remercier, il s’empressa de rapporter à son frère Awarnus ce que nous avons raconté. Mais celui-ci, comme c’était un esprit fort, se montra dubitatif. Immédiatement saisi d’une fièvre très violente, il mérita d’être guéri seulement lorsqu’après les demandes répétées et les nombreux va-etvient d’envoyés, se convertissant de tout son cœur, il s’abandonna au remède de saint Didier. Ainsi401, après de longues souffrances et ayant bu très souvent de ce breuvage (licore), cette tête de mule402 , ayant abandonné son arrogance, mérita de récupérer la santé403. 44 [Miracle V]. – À un autre moment, Februndus, abbé et vidame404, accablé par une grave fatigue, souffrait depuis de nombreux jours. Averti enfin par une vision à deux puis trois reprises de se confier en esprit au secours du bienheureux confesseur, il fut emmené en ce lieu et apporté auprès de son sépulcre. Là, à genoux, comme il convenait, il s’abîma dans la prière et demanda du plus profond de son cœur la miséricorde du Seigneur Christ. Après un délai inhabituellement [court], devancé par la miséricorde divine, il reçut le remède qu’il avait espéré et retourna chez lui guéri. 45 [Miracle VI]. – À un autre moment encore, un prêtre du nom de Dracolenus, gravement accablé par la maladie, souffrait depuis plusieurs jours au point qu’il se détournait de toute nourriture. Il y avait seize jours que le prêtre, dévoré par la fièvre, subsistait sans nourriture : voici que soudain, il lui vint à l’esprit d’aller chercher le secours de saint Didier et de le lui demander [par le] remède du bâton lavé. On vint donc au tombeau, le remède salutaire est demandé et obtenu.
Grégoire le Grand, Dialogues, I, 10, 15 (éd. A. de Vogüé et P. Antin, t. 2, p. 106). Littéralement, « de taureau » mais l’image est difficile à rendre en français. 403 L’édition de Br. Krusch rapproche sans raison ce miracle de II, 74, (PL, t. 87, col. 588). Sur la comparaison avec le II, 18 suggérée par Keith Bate, voir Introduction, p. 24, n. 124. 404 Le mot vicedominus est un anachronisme pour l’époque mérovingienne mais on sait que les miracles ont été pour la plupart ajoutés à l’époque carolingienne. 401
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et sacerdos ui febrium depastus sine cibo durabat, cum ecce repente incidit in mente ejus sancti Desiderii suffragia expetere, eaque ex medicina loti bacterii postulare ; uentum itaque ad ejus sepulcrum est, medicina petita, salus inpetrata. 45bis. – In uilla enim Cascarno eger | decumbebat ; allata ergo medi- C 26vb cina dię septimo decimo eger gustauit. Continuo autem coelesti rore perfusus conualuit, surrexit, comedit et sanatus est.
46 [Miraculum VII]. – Item alio tempore infantulus quidam, nomine Mummolenus, ualidissime egrotans, ad extrema pene deductus est. Cumque dies depositionis beati Desiderii instaret, nocte qua laus uigiliarum cælebratur, a matre propria oblatus, ante sepulcrum antistitis projectus, et non longo 5 interuallo, confessore orante, Christi gratia largiente, sanus factus puer parentibus jam exultantibus redditus est. | Gratias tibi, Christe Saluator, tu|a A 216va agimus creatura, et in minimis et in maximis tua opera recognoscimus et ideo C 27a te in omnibus admiramur et te pro omnibus laudamus ; tibi gloria in saecula saeculorum. Amen. 47 [Miraculum VIII]. – Alio quoque tempore adolescens quidam, nomine Ruccolenus, a tertiano typo uexatus grauiter laborabat per dies multos. Quidem miracula confessoris addiscens, ardenter ualde ad sepulcrum ejus contendit, ubi oratione profusa patrocinari sibi sanctum antistitem postu5 lauit. Accepto autem liquore ex quo ceteri sanare solent, custodum se oratione comendauit ; necnon post longum spacium, superna gratia miserante, contagionis | parte depulsa, speciem uiui hominis quam jam perdiderat re- C 27b cepit. Sic demum funditus morbo expulso sanitatem pristinam indeptus ad locum proprium rediit.
4 ui febrium] infebrium A, ifrebrium add. sup. l. u C 5 suffragia] saffragia A, a suffragia add. sup. l. d C 7 inpetrata] impetrata C 45bis, 1 In] magna lit. I ccxuii in marg. manu post. A 2 septimo decimo] xuii mo add. sup. l. C 46, 7 recognoscimus] cognoscimus C 8 gloria] glorie A 47, 1 quoque] uero C quidam] quidem A 2 Ruccolenus] Rucolenus C 3 Quidem] Qui dum C addiscens] adiens C 5 Accepto…liquore] transp. C oratione] orationi C
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45bis. – En effet, le malade était alité dans la villa de Cascarno405 ; le dix-septième jour, le remède étant apporté, le malade en but. Dès que le liquide céleste se répandit en lui, il reprit aussitôt des forces, se leva, mangea et fut guéri. 46. [Miracle VII]. – De même, à un autre moment, un tout petit enfant du nom de Mummolenus, très gravement malade, en était presque arrivé à la dernière extrémité. Comme le jour [anniversaire] de la déposition de saint Didier arrivait, pendant la nuit où on célébrait l’office des vigiles, il fut présenté par sa propre mère, poussé devant le sépulcre de l’évêque ; peu après, à la prière du confesseur et par la grâce généreuse du Christ, l’enfant guéri fut rendu à ses parents qui exultaient de joie. Nous te rendons grâce, Christ sauveur, nous tes créatures406, et reconnaissons tes œuvres dans les choses les plus infimes comme dans les plus grandes. C’est pourquoi nous t’admirons en tout et nous te louons pour tout. Gloire à toi dans les siècles des siècles. Amen. 47 [Miracle VIII]. – À un autre moment, un adolescent nommé Rucolenus, tourmenté par la fièvre tierce, souffrait gravement depuis de nombreux jours407. En vérité, apprenant les miracles du confesseur, il désira ardemment se rendre sur son tombeau où, en une longue prière, il demanda au saint évêque son patronage. Ayant reçu le liquide, il se recommanda à la prière des gardiens ; peu après, la Grâce d’en haut ayant eu pitié de lui, l’infection ayant été en partie chassée, il reprit l’apparence qu’il avait déjà perdue d’un homme plein de vie. Ensuite, la maladie étant totalement chassée, il retrouva la santé et retourna chez lui408.
Peut-être Carnac, cne de Carnac-Rouffiac, c. Luzech, Lot. Réminiscence/citation de saint Jérôme, Lettres, 60, 3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 91). 407 Vita Eligii, II, 71 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 736). 408 Fin inspirée de Vita Eligii, II, 71 (ed. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 736). 405
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48. – Item uir quidam ex castro Mercurio ueniens, quem continua uexabat infirmitas, ad memoriam beati Desiderii sese cum fiducia contulit, qua aduersus martirarium sibi liquorem salutiferum inpertire deposcit, benedictione exposita accepit, accipiens sumpsit, patrocinare sibi antistitem 5 poposcit, fidensque de obtenta salute abscessit, et Domino operante, celeri prouectu sanatus est. Gloria tibi, Christe, et ista tua sunt opera, tua in omnibus cotidie fulgent ubique magnalia. | C 27va 49 [Miraculum IX]. – Alio quoque tempore puerulus quidam ex monasterium sanctimongialium, quod infra septa municipii Cadurcae [h]a- betur, dies multos in egritudine laborans uehementer jam tabescebat. Qui cum nullo recuperandi argumento acciperet, sanctimonialis quae illic prae 5 erat ad memoriam sancti Desiderii dirigere studuit, atque ex eo medendi liquore quod multis prodesse solet egro illi deferre exposcit et factum est ; praecurrens autem missus, cui nomen Prosperius, ad sepulcrum sancti contendit, custodem adiit, preces ingressus benedictionem exposcit, impetrata secum detulit, ęgro impertiit, | confidenter | accipere monuit. Quod cum eger A 216vb 10 fecisset, confessore et spiritus gratia largiente, recuperare meruit salutem. Sed C 27vb nec solum ad sepulcrum ejus hec signa gerere arbitremini ; audite quid alibi gesserit. 50 [Miraculum X]. – Pompegiagum dicitur predium quod beatus Desiderius a potentibus quibusque personis caro precio comparauit ecclesieque dicioni adnectuit. Quem ipse locum utpute care coemptum unice diligebat et plerumque ibi ad manendum diuertere solitus erat. Post mortem uero 5 ejus, incolae loci locum cubiculi quo pausauerat, utpote uiri magni stratum, uenerabiliter praecauentes, priuatorum | ab eo frequentiam et pecorum ca C 28a numque ingressus cohibere studebant. Clericus quidam, uocabulo Bertus, 48, 3 qua…martirarium] qui…morbum C 3/4 benedictione exposita] benedictionem expositam C 4 patrocinare] patrocinari C antistitem] antetestem A 5 obtenta] abtenta A abscessit] abcessit C 7 cotidie] cotidiae A magnalia] magnalia cum spiritu. Amen. C 49, 1 monasterium] monasterio C 2 sanctimongialium] sancti no. .ni alium (crux in marg.) A, nongini alium (sancti add. in marg. alium expunct.) C septa] scepta C Cadurcae] Caturce C 3/4 Qui…acciperet] Qui cum nullum recuperande salutis argumentum acciperet C 6 quod] ex quo A, qui C et factum est] et factumque est A, factumque est C 8 ingressus] adgressus C 10 confessore et] confessori C 11 gerere] gestare C 11/12 audite…gesserit] om. C 50, 3 Quem ipse] Quem in ipsum C coemptum] coeptum A unice] unici A 4 ibi] ibique C 5 loci locum cubiculi] loci in cubiculum (ex cubiculo) C pausauerat] pausare consueuerat C utpote] utpute A 6 frequentiam] frequentam A 7 cohibere] coibere AC quidam] quidem A
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48. – De même, un homme venu du château de Mercuès409 que la maladie ne cessait de tourmenter se rendit avec confiance à la memoria de saint Didier. Là, s’adressant au gardien, il demande avec insistance à bénéficier du liquide salutaire ; l’eau sainte ayant été manifestée410, il la reçut ; l’acceptant, il la but, sollicita instamment le patronage de l’évêque et, confiant de recouvrer la santé, il s’en alla et fut rapidement guéri par l’action du Seigneur. 49 [Miracle IX]. – À un autre moment, un petit garçon d’un monastère de moniales qui se trouve dans l’enceinte du municipe de Cahors, souffrait depuis de nombreux jours d’une grave maladie et dépérissait déjà. Comme il ne montrait aucun signe de guérison, la moniale qui dirigeait ce lieu411 prit à cœur d’envoyer quelqu’un à la memoria de saint Didier et d’apporter au malade un peu de ce liquide guérisseur, qui habituellement est d’une grande efficacité pour les autres. Ainsi fut fait. L’envoyé du nom de Prosper se rendit en hâte au sépulcre du saint ; il aborda le gardien, commença à le prier412 , demanda l’eau sainte et, l’ayant obtenue, la donna au malade en lui conseillant de la prendre avec confiance. Quand le malade l’eut fait, par le bienfait du confesseur et la grâce abondante de l’Esprit, il mérita de recouvrer la santé413. 50 [Miracle X]. – Mais ne pensez pas que c’est seulement à son tombeau qu’il opère ses miracles (signa). Ecoutez ce qu’il a fait ailleurs. Il y a un domaine appelé Pompegiacum414, que saint Didier avait acheté à quelques puissants personnages à prix fort et rattaché à la propriété de l’Église. Il affectionnait particulièrement ce lieu ô combien chèrement acquis et avait l’habitude de s’y rendre souvent pour y séjourner. Cependant, après sa mort, les habitants du lieu, voulant protéger pieusement l’emplacement de la chambre où il se reposait415, vu qu’il s’agissait de la couche d’un grand homme, s’efforçaient d’empêcher l’affluence des laïcs (privatorum) et l’accès des troupeaux et Mercuès, c. Cahors 1, Lot. Comprenons qu’il s’agit ici de l’issue du lavage du bâton, voir supra, c. 42. 411 Le contexte montre que ce monastère de femmes se trouvait à Cahors. Mais rien ne prouve qu’il s’agissait de l’ecclesia beatae Mariae ad sepulturam, « attestée en 945 » et qui prit plus tard le nom de Notre-Dame de la Daurade, Fr. Prévot et X. Barral i Altet, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, des origines au milieu du viiie siècle, t. 6, Paris, 1989, p. 63. 412 On peut aussi comprendre : « il se rendit auprès du gardien, l’abordant en prières, il demanda… ». 413 Peut-être d’après le miracle du linceul d’Éloi dans la Vita Eligii, II, 42 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 725). 414 Voir supra, n. 255. 415 Vita Eligii, II, 76 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 737). 409 410
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illic condam ad manendum deductus, caballum quoque suum in locum cubiculi manere intromisit. Cui cum habitatores loci prohibere non possint, cum 10 honore tamen studuerunt ne stratum ipsud temerari praesumeret : « Quia domnus, inquiunt, Desiderius pausauit, ideo peccus orridum hic intrare non debet ». Quorum ille consilium leue reputans dictumque rusticorum paruipendens, in prom[p]tu necglexit sermonem, caballumque sibi preciosum ibi ad manendum constituit. Et factum est, cum die crasti|no ualde diluculo ca- C 28b 15 ballum ipse praeuideret, prostratum terra extinctum inuenit, et sic non sine merore atque admiratione a loco illo discessit. In loco autem ipso arbuscula quedam nana usque ad summos parietes excreuit, que commoda incommodantibus dicitur conferre. Gloria tibi, Christe, qui ita seruos tuos nobilitare consuisti. Tibi semper gloria, nate, cum Patre et Spiritu sancto in saecula sae 20 culorum. Amen. 51 [Miraculum XI]. – Adiciatur et illut quod moderno tempore gestum est miraculum. In diebus nuper transacte quadragesime oblatus est ad sepulcrum beati antistitis paruulus quidam nomine Hildulfus, filius cujusdam Eddoleni, quem pestis atro|cissima depastum poene in extremis deduxerat. C 28va 5 Cujus ob causam, parentes adflicti ad memoriam, ut dictum est, beati Desiderii properant filiumque prope exanimem proferunt, | projectumque ante se A 217ra pulcrum uota gratuita spondunt. Ubi custos, cum parentibus oratione facta, ex eo oleo quod coram sancti sepulcro [h]abetur aegrum perunxit, monetque inreuocabiliter fidem adsummere, eaque de merito praesulis sibi supra uires 10 praesummere. Credidit ergo homo perunctus potatusque abiit et sanatus est. Paucisque interpositis diebus, munera uotiua deferens, sanitatis suae auctorem proflue magnificeque honorauit. 52 [Miraculum XII]. – Pauci admodum post | fluxerant dies, et ecce C 28vb adholescens quidam, Maurontus nomine, humore cujusdam morbi perfusus turgentium malandrorum copia maxima in faciem scabridam et quibusdam 8 condam] quondam C 9 cui] quem C prohibere] proibere AC possint] possent C 10 honore tamen] transp. C ipsud] ipsum C temerari] temerarii A, temere C 11 orridum] horidum C 13 promptu] promtu A preciosum] habebat add. C 15 terra] per terram C 17 quaedam nana] que damnanda A, plantata C, an leg. amanda ? summos] supremos C commoda incommodantibus] commoda incomodantibus C 18 nobilitare] nobilitate C 51, 1 quod] quo A 3 antistitis] ex antestitis A quidam] quidem A 4 Eddoleni] Edole (ni add. in fine col.) C 5 adflicti] afflicti C 7 custos] custus A 8 quod] qui A sancti] sancto habetur] abetur A 9 inreuocabiliter] irreuocabiliter C adsummere] assumere ex asumere C de merito] ex de merita A 10 abiit] habiit AC 12 proflue] profluae A 52, 2 adholescens] adolescens C humore] horrore C 3 malandrorum] malandorum C
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des chiens. Un clerc du nom de Bertus, amené un jour à demeurer en ce lieu, fit entrer son cheval dans la chambre à coucher pour y demeurer. Comme les habitants du lieu ne pouvaient pas le lui interdire, ils veillèrent cependant, avec respect, à ce qu’il n’ait pas l’audace de souiller le lit lui-même. « Parce que le seigneur Didier y a reposé, disent-ils, pour cette raison, cette sale bête ne doit pas entrer ici ». Prenant à la légère leur conseil et faisant peu de cas de la parole des paysans, il méprisa ostensiblement [leur discours et] se disposa à y installer son cheval, si précieux pour lui. Ainsi fut fait ; alors que, le lendemain, à la toute première heure, il cherchait son cheval, il le trouva étendu par terre, mort. Et ainsi, il quitta ce lieu non sans tristesse et étonnement. En cet endroit même, un petit arbre416 poussa jusqu’au sommet des murs, dont on dit qu’il apporte un soulagement aux malades. Gloire à toi, Christ, qui a l’habitude d’ennoblir tes serviteurs. Gloire à toi pour toujours, toi qui est né, avec le Père et le Saint Esprit, pour les siècles des siècles. Amen. 51 [Miracle XI]. – Et qu’on ajoute ce miracle qui s’est passé dans les temps modernes. Pendant le dernier Carême, fut porté au sépulcre du saint évêque le fils d’un certain Eddolenus, un petit enfant du nom de Hildulfus, rongé par une horrible maladie qui l’avait presque conduit à la dernière extrémité. Pour cette raison, les parents affligés se hâtèrent, comme il a été dit, à la memoria de saint Didier et ils présentent leur fils presque sans vie et, le poussant devant le sépulcre, ils s’engagent spontanément à des offrandes. Le gardien, ayant prié avec les parents, enduit le malade de cette huile qui se trouve devant le tombeau du saint et l’avertit de rester inébranlable dans la foi et d’avoir confiance pour lui dans les mérites de l’évêque plus que dans ses propres forces. L’homme a donc cru : ayant reçu l’onction et la boisson, il s’en alla et fut guéri ; peu de temps après, apportant les présents promis, il honora l’auteur de sa guérison de manière magnifique et généreuse. 52 [Miracle XII]. – Quelques jours après, voilà qu’un adolescent du nom de Maurontus, affecté par le débordement d’humeurs d’une maladie, montre au gardien un visage boursouflé d’une quantité d’ulcères purulents et envahi de pustules. Le prêtre auquel cette fonction avait été confiée lui conseilla de prier avec plus de ferveur et d’avoir confiance dans les mérites de l’évêque. La leçon de A – damnada – n’a pas de sens. La correction de C – nana – n’est pas satisfaisante, car on ne peut qualifier de nain un arbuscula qui monte « jusqu’au sommet des murs ». Peut-être faut-il une nouvelle fois songer au modèle de la Vita Eligii, II, 20-21 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 711-713) et penser que le scribe n’a pas saisi l’espèce de l’arbre : on pourrait alors corriger quedam nanda, manda, ou amanda. Le mot amande figure vers 1160 dans le Roman d’Alexandre, ce qui suggère un latin amanda. Mais y avait-il des amandiers en Quercy à l’époque carolingienne ? 416
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pustulis obseptam ędio ostendit. Cui sacerdos, cui id officium commissum erat, orare innixius et fidere de merita praesulis monuit. Oratum est, eger adstitit atque ex oleo beati uiri deformem cunctamque constrictam congeriem peruncxit. Et ô mira uirtus, ita demum omnem putrem sanies illius delibucio salubris succidit, emundauit, abstersit, ut nec uestigium quidem cicatricis ullius in faciem remaneret.
[EPILOGUS] 53. – Sed longum |est per singula uerbis exire quantum ibi cotidie per Domini seruum sanitatis commoda diuersis egritudinibus conferantur. Unde his interim studiose obmissis ad clausulam jam praeconiorum ejus articulum coartemus. Puto enim, etsi sensu rustico prolixum traximus ser5 monem, quamuis meritis ejus digna praeconia nullatenus aequiperare ualuerimus ; nam licet extemporalis dictio absque ordine sensuum sine lenocinio et composicione sermonum, ex his tamen aduertere potestis qualiter homo Dei a principio ad finem usque peruenerit, et quanta bona quantaque magnifica studiis ac meritis ejus alumpne | plebi conlata sint. In cujus abscessu 10 geminata calamitas jam nunc protestatur. Nam Cadurca urbs, que eo super stite florentissime opulenteque prae cunctis | pene uicinis urbibus emicuerat, ejus jam abscessu frequentibus bellis conuulsa, ad internicionem pene deuoluta est, adeo ut ipsa quodammodo terra abscessu illius lugeat, et sulci ejus defleant, ac sicut possunt proclamare uideantur : Eamus et nos et moriamur 15 cum eo ! Siquidem continuam pacem, quae in diebus eius Desiderii quidem non suis meritis posita est, continuatis jam incursibus et innumeris pestilentiis depopulata gemescet, ac rerum copiam et frugum opulentiam quam merita De|siderii urbi aduexerant, eo migrante simul quoque ablata sunt, et 4 ędio] edituo C 5 de merita] de merito C Oratum est] tamen ? ras. A, ut ergo oratum est C adstitit] exstitit C 6 atque ex oleo] ea que ex oleo A, causamque ex oleo C deformem] deformitatem C constrictam] constritum A 7 putrem sanies] putredinem saniei C 8 salubris] sabris C 53, 1 per singula] add. sup. l. C uerbis exire] uerba exarare ex uerba exerare C quantum] quanta C per] pro A 2 commoda] comoda C 3 interim] interii in A 4 sensu] sensum C 5 quamuis] quod tantis C 6 dictio] dilectio AC 7 composicione] compositionem C his] is A aduertere] auertere C 8 ad finem usque] transp. C 9 abscessu] abcessu C 10 Cadurca] Caturca C 12 abscessu] abcessu 13 abscessu] abcessum C lugeat] lugebat C sulci] fulsi C 15 continuam pacem quae] continua pacem quam A, continua pace quam C 16 posita est] petita est C 17 gemescet] gemiscit C
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C 29a
C 29b A 217b
C 29va
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On pria, le malade se dressa et [le prêtre] enduisit de l’huile du saint homme le visage déformé et tout cet amas de chair resserrée. Et ô admirable vertu ! Ainsi enfin, l’onction salutaire réduisit, purifia, nettoya tout le pus fétide [du malade] si bien qu’il ne resta sur son visage aucune trace d’une quelconque cicatrice417.
[EPILOGUE] 53. Mais il serait trop long d’écrire en détail418 combien de remèdes sont fournis chaque jour en ce lieu par le serviteur du Seigneur pour diverses maladies. Aussi, après avoir mis soigneusement de côté ces choses pour le moment, forçons notre plume à terminer maintenant les louanges de Didier. Je pense en effet que nous avons étiré un discours prolixe avec rusticité, sans pouvoir en aucune manière nous élever par nos dignes éloges à la hauteur de ses mérites419 ; car bien que ce discours improvisé420 soit sans ordre, sans élégance et sans construction rhétorique, néanmoins à partir des choses que j’ai écrites vous pouvez voir comment l’homme de Dieu de sa naissance à la fin a accompli sa vie, et combien de choses bonnes, de choses magnifiques ont été conférées par ses efforts et ses mérites au peuple dont il avait la charge. Avec son départ, c’est un double malheur qui maintenant se manifeste déjà. En effet, la ville de Cahors qui de son vivant avait dépassé par ses richesses florissantes et l’éclat de son opulence presque toutes les autres villes voisines, a été avec son départ, secouée par de fréquentes guerres, presque conduite à sa destruction, à tel point que la terre elle-même se plaint en quelque sorte de son départ et que ses sillons pleurent et, comme ils le peuvent, semblent proclamer : « Partons et mourons avec lui ! »421. En vérité, Cahors, maintenant dépeuplée par des incursions répétées et des épidémies innombrables, gémit en regrettant la paix continuelle dont elle jouissait au temps de Didier, non par ses propres mérites mais par ceux de Didier ; l’abondance des biens et l’opulence des fruits que les 417 D’après Vita Eligii, II, 67 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 734) qui reprend presque mot pour mot la dernière phrase. 418 Vita Eligii, I, 40 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 693, l. 8). 419 Jérôme, Lettres, 117, 12 (éd. et trad. J. Labourt, t. 6, Paris, 1958, p. 87). 420 extemporalis dictio figure à la fin de la même lettre de Jérôme, comme l’a relevé P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 54. Mais peut-être Didier a-t-il repris l’expression de Vita Eligii, II, 33 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 718). 421 Jn 11, 16. L’auteur reprend ici l’idée développée au c. 24.
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non absurde cuncta cum illo bona migrasse credantur. Talem ergo patrem talemque pastorem dignum est ut boni colant, noxii timeant, praedicent fideles, imitentur sacerdotes, qui uiuens inter peccatores ad hoc forsitan raptus est ne malicia mutaret mentem ejus et ut, de justo quoque scriptum est, placita erat Deo anima ejus, ideo properauit educere eum de media iniquitate.
54. – Ablatus enim ex praesentis saeculi tenebris atque ex hac peregrinatione ereptus, jure sanctorum coetibus jungitur, quia quantopere sanctorum officia ęcclesięque ministeria diuersis metallis compendiis ob|umbrauit. C 29vb Cujus solertiam, industriam, specimen, parietes tui, Cadurca, testantur ; 5 cujus diligentiam, elegantiam et studium dominica uasa, ut supra jam diximus, diuersaque æcclesie ministeria profitentur. Quibus mirabiliter dispositis atque insigniter patratis breuissimis titulis praenotari studuit. In quibusdam quidem ita scripsit : DESIDERII UITA CHRISTUS 10
In quibusdam autem sic sculpsit : DESIDERII TU, PIUS CHRISTE, SUSCIPE MUNUS ; In aliis autem ita :
22 quoque] quemque AC 23 anima] anime A ideo] adeo C eum] illum C 54, 1 atque] eaque A, eoque C 2 quantopere] tanto opere C 3 compendiis] compendiisque C 4 solertiam] sollerciam C specimen] espicimem A parietes] parietis A, parieti C Cadurca] Caturca C 5 elegantiam] eligantiam AC 7 atque] eaque A, eisque C titulis] titulis ea C 8 ita] autem uersiculis sic C
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mérites de Didier avaient apportées à la ville ont disparu avec son départ, et il n’est pas absurde de penser que tous les biens sont partis avec lui. Un tel père, un tel pasteur, il est juste que les bons le vénèrent422 , que les méchants le craignent, que les fidèles le proclament, que les prêtres l’imitent423, lui qui, vivant parmi les pécheurs, a peut-être « été enlevé afin que la méchanceté ne change pas son esprit »424 et, comme il est écrit à propos du juste, « Son âme était agréable au Seigneur, aussi l’a-t-il en hâte retiré d’un milieu d’iniquité »425. 54. En effet, arraché des ténèbres du monde présent et enlevé de cette [vie de] pèlerinage, il a été à bon droit uni à la communauté des saints. Il a protégé le culte des saints et les célébrations de l’Église en l’enrichissant de divers métaux et autres biens426 . Tes constructions, Cahors, témoignent427 de son zèle, de son activité et de l’exemple [qu’il nous donne]. Les vases sacrés, comme nous l’avons dit plus haut, et les diverses célébrations de l’Église proclament son empressement, son goût et son application. Après les avoir admirablement conçus et exécutés de manière remarquable, il prit soin d’y faire inscrire de très brèves inscriptions428. Sur certains, il a ainsi écrit429 : « LA VIE DE DIDIER, C’EST LE CHRIST »430. Sur d’autres, il sculpta ainsi : « Ô TOI, CHRIST DE PIÉTÉ, REÇOIS L’OFFRANDE DE DIDIER ». Sur d’autres : D’après Vita Eligii, I, 40 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 693). Vita Eligii, II, 33 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 718) ou II, 38 (ibid., p. 722-723). 424 Sg 4, 11 et Jérôme, Lettres, 39, 3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 2, Paris, 1951, p. 26) ou plutôt Lettres, 60, 2 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 21). 425 Sg 4, 14. 426 quia quantopere sanctorum officia ecclesiaeque ministeria diversis metallis compendiis obum bravit. Notre traduction suit C qui ajoute et entre metallis et compendiis, ce qui ne rend pas beaucoup plus clair le sens de compendiis. L’emploi du verbe obrumbravit rappelle Lc 1, 35 : « Et l’ange, répondant, lui dit : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi aussi le saint [enfant] qui naîtra sera appelé Fils de Dieu ». 427 D’après Jérôme, Lettres, 60, 15 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 105). 428 Sur ces inscriptions, voir E. Le Blant, « Sur quelques inscriptions de vases sacrés offerts par Didier, évêque Cahors », Atti della Reale Accademia dei Lincei, Memorie della Classe di scienze morali, storiche e filologiche, sér. 4, t. 4 (1888), p. 413-416 et surtout les nouvelles interprétations de Fr. Prévot, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures à la Renaissance carolingienne, t. 8 : Aquitaine première, Paris, 1997, p. 195-197. 429 In quibusdam prouve que la même inscription avait été gravée sur plusieurs objets. 430 D’après Ph 1, 21 : mihi uiuere Christus est (Fr. Prévot, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures à la Renaissance carolingienne, t. 8 : Aquitaine première, Paris, 1997, p. 196), comme l’avaient déjà bien noté Br. Krusch et E. Le Blant. 422 423
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ACCIPE, CHRISTE, MUNERA DE TUIS TIBI DONIS | OBLATA
A 217va
In aliis quoque ita : 15
SUSCIPE, SANCTAE DEUS, QUOD FERT DESIDERIUS MUNUS UT MAJORA FERAT UIRIBUS ADDE SUIS. | C 30a Adque in aliis aliter : HAEC EST SAPIENTIA SAPIENTIUM PROFUNDI SENSUS UERBUM ADBREUIATUM
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juxta illut dictum : sapiens uerbis innotescet paucis.
55. – Merito ergo eum, ecclesia Cadurca, ac singulariter diligis, quia ipse te singulariter super cunctos parentes dilexit et omnem affectum qui parentibus debebatur in usus tuos transtulit. Merito, inquam, diligis qui te sic amauit ut te amicis praeponeret, alumpnis praeferret, ornamentorum moni 5 lia eterno amore consignaret, qui cum Deo tibi soli uiueret, profectibus tuis militaret, soliditatem tuam toto adnisu procuraret. Qua de re desiderandus semper tibi | est spiritu quasi absens, non lugendus quasi mortuus, ut illum C 30b expectare, non amisisse uidearis. Noli igitur plangere quem de morte credis ad uitam migrasse, nec doleas quod talem amiseris, sed gaudeas quod habue10 ris immo et habes, obligatoque parumper uulnere, audi jam laudes ejus cujus semper hortatu commonita, cujus exemplo accensa es. Desiderius tuus, immo noster, relicta jam Ęgypto relicta Caldea, scalam conscendit Jacob. Caedar supergressus securus decantat : sicut audiuimus ita et uidimus in ciuitatem Dei nostri. Relictis, inquam, tenebris, hoc enim Caedar interpretatur, portat 15 crucem suam et | sequitur Christum, nec de crastino cogitat, nec post tergum C 30va respicit. Quod in lacrimis seminauit, jam in gaudio metit. Seminauit in spiritu, et de spiritu metet uitam eternam, securusque jam cantat : Domine, conuertisti planctum meum in | gaudium mihi. Conscidisti saccum meum et circumdasti A 217va 16 ADDE] ac de AC 17 Adque] Atque C 55, 1 Cadurca] Caturca C ac] hac A, illisib. C 2 cunctos] illisib. C 5 profectibus] profectis C 7 semper…absens] semper est de (exp.) quasi abscens C 9 habueris] abueris A 11 hortatu] ortatu A exemplo] exempla A, exemplis C accensa] accensa ex accensis C 12 Caldea] Chaldea C conscendit] concendit C 13 ciuitatem] ciuitate C 15 post tergum] postergum A 18 Conscidisti] Concidisti C circumdasti] dedisti (circum add. in litura) C 19 odorem] hodorem A
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« R EÇOIS, CHRIST, LES PRÉSENTS QUE TES DONS [NOUS] ONT PERMIS DE T’OFFRIR ». Sur d’autres : « R EÇOIS, DIEU DE SAINTETÉ, CE QUE DIDIER T’APPORTE EN PRÉSENT. AJOUTE À SES FORCES POUR QU’IL APPORTE DAVANTAGE »431. Et de façon différente sur d’autres : « VOICI CE QU’EST LA SAGESSE : ABRÉGER EN UN MOT LA PENSÉE PROFONDE DES SAGES »432 Conforme à cette parole433 : le sage se fait connaître en peu de mots434. 55. – C’est donc à bon droit, Église de Cahors, que tu l’aimes d’un amour unique, puisqu’il t’a aimée lui-même plus que ses parents d’un amour unique et qu’il a transféré sur toi pour ton usage toute l’affection due aux parents. C’est à bon droit, dis-je, que tu aimes celui qui t’a aimée au point de te placer avant les amis, de te préférer aux disciples, au point de sceller d’un amour éternel la parure de tes ornements, lui qui vivait pour toi seule avec Dieu, luttait pour te faire progresser et de toutes ses forces prenait soin de te consolider. Pour cette raison, il te faut toujours le regretter comme s’il était absent et non pas le pleurer comme s’il était mort435, afin que tu paraisses l’attendre et non l’avoir perdu. Ne te livre pas à des transports de douleur pour celui que tu crois être passé de la mort à la vie, ne te plains pas d’avoir perdu un tel homme, mais réjouis-toi de ce que tu as eu, ou plutôt de ce que tu as436, et, tes plaies étant refermées, ose dès maintenant louer celui qui t’a remuée de ses 1 Chron. 29, 11, ensuite 19, 14, enfin 29, 16. Ces trois textes s’inspirent « de la prière que David adressa à Dieu en lui présentant les offrandes réunies pour la construction du Temple » (Fr. Prévot, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. 8, Paris, 1997, p. 196) qui se trouvent, comme l’avait déjà vu Br. Krusch (p. 399) dans les prières liturgiques de l’offertoire du sacramentaire gélasien (Sacramentarium Gelasianum / Liber sacramentorum Romanae aecclesiae ordinis anni circuli, éd. L. C. Mohlberg, Rome, 1960, pièce no 1192) : Suscipe munera, quaesumus Domine, quae tibi de tua largitate deferimus. 432 Nous reprenons ici la traduction d’Hervé Belloc. 433 Nous nous écartons ici de l’édition de Br. Krusch dans les MGH pour suivre la transcription de Fr. Prévot (Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. 8, Paris, 1997, p. 195). 434 Peut-être d’après la Regula sancti Benedicti, 7, 11e degré d’humilité (éd. A. de Vogüé et J. Neufville, t. 1, Paris, 1972 [SChr, t. 181], p. 488). 435 Jérôme, Lettres, 60, 14 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 105). 436 Ibid., 60, 7 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 96). 431
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me letitia. Et illud : post te in odorem unguentorum tuorum currimus. Quapropter, ecclesia Cadurca, licet uehementer sis contrita, licet innumeris cladibus ac sepe conuulsa, gaude tandem et secura esto quia magna hereditate ditata es. Secura, inquam, esto et dic Deo : non contristor quod recepisti, sed ago gratias quod dedisti, Deo quippe | uiuunt omnia. Gratias tibi, Christe sal C 30vb uator, tua agimus creatura, tua sentiamus beneficia. Gratias tibi quod talem 25 nobis dedisti pastorem, talem nostris temporibus procurasti aduocatum, qui dignę pro nostris peccatis possit interuenire et ad clementissimas aures tuas preces ingerere.
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56. – Sed jam finem liber postulat, sermo cohibendus est, nobisque magis innitendum ut ad exemplum beati uiri uiuere elaboremus, cujus exemplo gaudemus, quam fuerit feruentissime fidei qui non solum diuicias et omnia, quod apud multos inpossibile judicatur, sed se ipsum Domino obtulit, tradi5 dit, dedicauit, qui contra diaboli tergiuersationem | nequaquam pellem pro C 31a pelle, sed carnes et ossa et animam suam Domino consecrauit. Quantum possumus jungamur ei spiritu, stringamur affectu et fortitudinem mentis quam ipse ostendit in opere, nos imitemur in corde, illum indefesse nostra uita sequatur, illum nostra pagella decantet, illum cuncte littere sonent. 10 Quem uidere non ualemus, recordatione teneamus, et cum quo loqui non possimus, de eo nunquam loqui desinamus.
20 Cadurca] Caturca C contrita] conterrita A 20 innumeris] innumeribus A 21 ac sepe] accipe A magna hereditate] magna add. in fin. l. C, magna hereditatem A 22 recepisti] recessit add. in litura C 23 Deo quippe] om. C gratias tibi] gratias ago tibi C 23/24 Gratias…beneficia] om. C 26 nostris] nostri A 56, 1 postulat] potuat A magis] magnis AC 2 innitendum] imitendum C 3 fidei] fidem A 4 multos] multis AC 5 tergiuersationem] tergi conuersationem A pellem] pelle A 7 stringamur] scripsi cum Hier., Litt. 118, 5, fringamur A, frangamur C 9 nostra] scripsi cum Hier., Litt. 118, 33, nam AC 11 possimus] possumus C 12 Finit. Finit] om. C
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exhortations et embrasée par son exemple. Ton Didier, que dis-je le nôtre437, a déjà quitté l’Égypte, quitté la Chaldée, grimpé l’échelle de Jacob438. Le cèdre qui culmine chante avec assurance : « Comme on nous l’avait dit, nous l’avons vu dans la cité de notre Dieu »439. Ayant abandonné les ténèbres440, ce cèdre en effet signifie qu’il porte sa croix et suit le Christ, qu’il ne pense pas à demain et ne regarde pas derrière lui441 : « Le semeur qui a semé dans les larmes, moissonne dans la joie »442 . Il a semé en esprit et de l’esprit récolte la vie éternelle, chantant alors avec assurance : « Seigneur, pour moi tu as changé mon deuil en joie. Tu dénouas mon sac et me ceignis d’allégresse »443. Et aussi : « Nous courons après toi dans l’arôme de tes parfums »444. C’est pourquoi, Église de Cahors, bien que tu sois très affligée et souvent bouleversée par d’innombrables malheurs, réjouis-toi enfin et sois sûre que tu as reçu un grand héritage445. Sois sûre, dis-je, et dis à Dieu : je ne me plains pas de ce que tu as repris, mais je rends grâces de ce que tu as donné, car tout vit en Dieu. Grâces à toi, Christ Sauveur, nous sommes ta créature446, nous sentons tes bienfaits. Grâces à toi de nous avoir donné un tel pasteur, de nous avoir procuré en notre temps un tel défenseur, qui peut intervenir dignement pour nos péchés et porter nos prières à des oreilles clémentes. 56. – Mais déjà ce livre réclame une fin, il faut contenir notre discours447 et davantage nous efforcer de travailler à vivre à l’exemple du saint homme : de son exemple nous nous réjouissons, [sachant] combien il a fait preuve d’une foi fervente ; lui qui non seulement a offert toutes sortes de richesses et de biens, ce qui chez beaucoup de gens semble impossible, il s’est lui-même
D’après Jérôme, Lettres, 60, 1 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 90), comme l’a suggéré P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 54. 438 Gn 28, 12. 439 Ps 48 (47), 9. 440 D’après Jérôme, Lettres, 39, 3 (Cedar tenebrae sunt) (éd. et trad. J. Labourt, t. 2, Paris, 1951, p. 76) ; 108, 1 (tenebris – hoc enim Cedar interpretatur) (éd. et trad. J. Labourt, t. 5, Paris, 1955, p. 159) ; voir P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 55. 441 Gn 19, 17 ; Mt 16, 24 ; 10, 38 ; Lc 14, 27 et Jérôme, Lettres, 3, 4 (éd. et trad. J. Labourt, t. 1, Paris, 1949, p. 13). 442 Ps 126 (125), 5. 443 Ps 30 (29), 12. 444 Ct I, 3-9. 445 Jérôme, Lettres, 108, 32 (éd. et trad. J. Labourt, t. 5, Paris, 1955, p. 200). 446 Ibid., 60, 3 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 91). 447 Vita sancti Martini, 26, 1 (éd. J. Fontaine, t. 1, p. 312). 437
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FINIT. FINIT. 57. – Haec tibi, Desiderii uenerabilis, ingenii mei munus obtuli, hęc tibi dilecta libens consecraui e ratione ut cui|cunque noster sermo processerit, te C 31b laudatum, te Cadurcae positum lector agnoscat. Amen. 5
EXPLICIT UITA SANCTI DESIDERII EPISCOPI ET CONFESSORIS.
57, 2 consecraui] consecrauit C e] hac C ratione] rationem A 3 cuicunque] quicunque A Cadurcae] Caturcae C
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offert, livré, consacré à Dieu448 ; lui qui tournant le dos au diable, n’a jamais [troqué] peau pour peau mais a consacré ses chairs, ses os, son âme à Dieu. Du mieux que nous le pouvons, joignons-nous à lui par l’âme449, soyons liés à lui par l’amour et imitons dans [notre] cœur la force d’esprit qu’il a lui-même montrée dans son œuvre ; que notre vie le suive sans lassitude, que notre écrit le chante, que tous nos mots le fassent entendre. Nous ne pouvons plus le voir, accrochons-nous à lui par le souvenir et, puisque nous nous ne pouvons plus parler avec lui, ne manquons jamais de parler de lui. FIN 57. – Ces mots, vénérable Didier, je te les ai offerts comme un présent de mon esprit, ces morceaux choisis, je te les ai consacrés volontiers afin qu’à la lecture de ce récit, on te reconnaisse comme digne de louange, toi qui es établi à Cahors450. Amen. FIN DE LA VIE DE SAINT DIDIER, ÉVÊQUE ET CONFESSEUR.
De ferventissimae fidei à consecrauit : Jérôme, Lettres, 118, 5 (éd. et trad. J. Labourt, t. 6, Paris, 1958, p. 93). 449 De iungamur à mentis : Jérôme, Lettres, 60, 19 (éd. et trad. J. Labourt, t. 3, Paris, 1953, p. 109). La fin de la Vita est une copie presque parfaite de Jérôme, et doit gouverner notre choix de texte. 450 Le mouvement de ce dernier paragraphe peut être rapproché d’un mouvement identique dans Jérôme, Lettres, 77, 12 (éd. et trad. J. Labourt, t. 4, Paris, 1954, p. 52), voir P. Antin, « Emprunts à saint Jérôme dans le Liber Pontificalis et la Vie de saint Didier de Cahors », Revue du Moyen Âge latin, t. 3 (1947), p. 54. 448
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Notes Cahors est une cité gallo-romaine créée ex nihilo à l’époque augustéenne, au centre du territoire des Cadurques, dans une presqu’île délimitée par un méandre du Lot. Elle occupait aux deux premiers siècles de l’Empire la totalité de la presqu’île, soit une centaine d’hectares. Appelée Divona, du nom d’une déesse celtique associée à la fontaine dite des Chartreux située sur la rive gauche du Lot à 250 m du Pont Valentré, elle changea de nom au iiie siècle, comme beaucoup de cités de la Gaule, pour prendre celui du peuple gaulois et devint Cadurca (voir Ausone, dans les Professores – éloges des professeurs de Bordeaux – Épigrammes, XV, 18, 15) ; Cadurcina, Caturcina, Cadurcensis civitas, dans l’Histoire des Francs (Grégoire de Tours, Decem libri historiarum, éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/1, p. 545) ; Cadorca ou Caturca sur des monnaies mérovingiennes, Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 94. 3
Sur les limites de la cité de Cahors, voir J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez, des origines à la fin du xiie siècle, Paris, 1989 p. 47 et J. de Font-Réaulx, Atlas des anciens diocèses de France, 1:200000e. Le diocèse de Cahors depuis le xive siècle, Valence, 1955 ; R. Prat, Le diocèse de Cahors depuis le xive siècle d’après les pouillés de Cahors, Valence, 1956. Bien que les limites du diocèse soient encore fluctuantes à la fin du vie siècle, comme le montre le conflit entre l’évêque Ursicinus (584-591) et celui de Rodez à propos de plusieurs paroisses, le diocèse correspondait pour l’essentiel au Quercy, c’est-à-dire aux départements actuels du Lot et, partiellement, du Tarn-et-Garonne. Le retour du corps de saint Didier dans son diocèse après sa mort dans le diocèse voisin d’Albi, montre que ces limites étaient bien connues des populations. Une lettre de l’évêque de Clermont qui, faisant allusion à une peste à Marseille et en Provence, demande à Didier d’envoyer des gardes (custodias) pour empêcher les marchands de circuler entre le Cadurcin et le Ruténois à l’occasion des foires ( feriae), montre bien qu’on connaissait parfaitement les frontières de la cité, Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae, II, 20 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 321) ; Epistulae sancti Desiderii, II, 20 (éd. D. Norberg, Acta Universitatis Stockholmiensis, Studia latina, 6), p. 74-75, commenté par J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors 5
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Notes
(630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 238-239. J. Durliat y voit la preuve que l’évêque est devenu le chef de l’administration civile. Les fonctions de Siagrius à Marseille sont également mentionnées aux chapitres 2 et 7. Il est difficile de savoir si prefectura désigne ici la charge de patrice ou de comte ; R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), Paris, 1900, p. xii, n. 3 parle d’un recteur de la province de Marseille. C’est plutôt avec un sens voisin, celui de judex, que le mot est employé dans la Vita sancti Boniti, episcopi Arverni (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. VI, p. 120-121) : Cuius conspectui ita paruit gratus, ut elegeretur praefectura Massiliae primae provinciae, sed idem causas sibi commissas ita perorauit ut iam non ut iudex, sed ut sacerdos fore uideretur. Le forum de Marseille s’était maintenu, du moins en partie, au viie siècle, avec « des bâtiments qui ont pu abriter un pouvoir civil », M. Bouiron, « Marseille au viie siècle ou le début du Moyen Âge en Provence », Bulletin pour l’Association de l’Antiquité tardive, t. 18 (2009), p. 20, cité par J. Barbier, Archives oubliées du haut Moyen Âge. Les gesta municipalia en Gaule franque (ve-xe s.), Paris, 2014, p. 63. L’activité commerciale malgré les pestes qui ont frappé la ville à cette époque, n’avait pas disparu, voir R. Pernoud, « Le commerce de Marseille depuis le haut Moyen Âge jusqu’à la fin du xiiie siècle », Histoire du commerce de Marseille, éd. G. Rambert, t. 1, Paris, 1949, p. 115 et ss. et enfin R. Mouchet, A. Piéretti et M. Nicod-Berge, Histoire du commerce de Marseille, Index des tomes I-II-III-IV, Paris, 1956. 10
Herchenfreda, dont la Vita Desiderii a conservé des lettres écrites à son fils, a sans doute été la première éducatrice de son fils, comme la mère de saint Nizier de Lyon qui l’avait formé à « la connaissance des lettres ecclésiastiques », Grégoire de Tours, Liber vitae patrum, VIII, 1-2 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 239240), cité par I. Réal, Vies des saints, vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, 2001, p. 419. Comme le remarque cette auteure (p. 421), « il fallait donc que ces femmes aient reçu de leur côté une formation assez solide pour les rendre aptes à donner ces rudiments d’éducation à leurs enfants ». 11
Comme les fonctionnaires de l’Antiquité tardive, les nutriti du Palais doivent non seulement savoir écrire et calculer mais avoir une formation juridique qui leur servira dans l’administration centrale comme dans l’administration locale, puisque les comtes sont essentiellement des judices. Le cas de Didier n’est pas unique puisqu’au milieu du viie siècle, Bonnet, avant d’entrer au Palais, avait lui aussi reçu une formation de grammaire et de droit romain, M. Heinzelmann, « Studia sanctorum. Éducation, milieux d’instruction et valeurs éducatives dans l’hagiographie en Gaule », p. 120-121 ; P. Riché, « Les fonctionnaires mérovingiens », Histoire de la fonction publique en France, éd. M. Pinet et al., t. 1, Des origines au xve siècle, Paris, 13
258
Notes
1993, p. 47 ; Br. Dumézil, « Gogo et ses amis : écriture, échanges et ambitions dans un réseau aristocratique de la fin du vie siècle », Revue historique, t. 309 (2007), p. 553593 ; Id., Servir l’État barbare dans la Gaule franque. Du fonctionnariat antique à la noblesse médiévale, ive-ixe siècle, Paris, 2013, p. 181 et ss. La correspondance de Didier montre qu’il connaissait le droit romain, les canons conciliaires et les formulaires, S. Linger, « L’écrit à l’époque mérovingienne d’après la correspondance de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Studi medievali, 3e sér., t. 33 (1992), p. 803-808. Le passage du saint évêque par le Palais ne supprime pas l’idéal d’ascèse monastique qui était celui des saints prélats depuis la Vita sancti Martini. Vers 680, la reine Bathilde exhortera les jeunes ad religiosa studia, Vita Bathildis prima (BHL 905) (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. II, p. 221-225), cité par A.-M. Helvétius, « Hagiographie et formation politique des aristocrates dans le royaume franc », Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge en Occident. Actes du colloque international du Centre d’études supérieures de Civilisation médiévale de Poitiers, 11-14 septembre 2006, éd. E. Bozóky, Turnhout, 2012, p. 65-66, qui montre que les jeunes aristocrates doivent apprendre « à vivre ensemble comme de bons moines » et contribuer ainsi « à faire régner l’ordre et la paix dans le royaume, quelles que soient les fonctions qu’ils seront amenés à exercer », et « à rendre au roi ce qui est au roi et à Dieu ce qui est à Dieu ». Il ne faut pas oublier non plus que l’auteur de la Vita est un moine de Saint-Amans. 28
Voir Ambroise de Milan, Des sacrements, IV, 5 (éd. et trad. B. Botte, 2e éd., SChr, t. 25bis, p. 116) : Dicit sacerdos : Fac nobis, inquit, hanc oblationem ascriptam, ratam, rationabilem, acceptabilem quod est figura corporis et sanguinis Domini nostri Jesu Christi et le commentaire de R. Johanny, L’eucharistie centre de l’histoire du salut chez saint Ambroise de Milan, Paris, 1968, p. 66 : « Le mot rationabilis doit s’entendre à partir du grec logikos, au sens de sacrifice ou offrande spirituelle. Il est la marque du culte spirituel que nous devons à Dieu, selon l’enseignement même de saint Paul : ‘Nous vous exhortons, mes frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu.’ (Rm 12, 1) Ainsi, la prière de demande pour que l’oblation soit spirituelle, se convertit en offrande, après la consécration, de l’hostie devenue spirituelle. Le mot rationabilis sert donc à traduire l’effet même de la consécration par laquelle les oblats sont devenus corps et sang du Christ ». 55
Par l’édit de Pîtres (614), le roi s’était réservé le droit d’attribuer des évêchés vacants à des membres du Palais, Capitularia merowingica (éd. A. Boretius, MGH, Leges, II : Capitularia regnum Francorum, t. I, no 9, p. 20-23) ; trad. fr. J.-P. Brunterc’h, Le Moyen Âge (ve-xie siècle), Paris, 1994 (Archives de la France, 1), p. 150160. La désignation de Didier obéit en fait à une double légitimité : le choix des 88
259
Notes
habitants de Cahors qui se portait traditionnellement sur des membres de l’aristocratie gallo-romaine et la nomination royale qui privilégiait « les grands de l’entourage royal, quelle que soit leur origine », franque ou gallo-romaine, voir Helvétius, « Hagiographie et formation politique des aristocrates dans le royaume franc », Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge en Occident. Actes du colloque international du Centre d’études supérieures de Civilisation médiévale de Poitiers, 11-14 septembre 2006, éd. E. Bozóky, Turnhout, 2012, p. 60 et n. 8. J. Durliat, « Les attributions civiles des évêques mérovingiens : l’exemple de Didier, évêque de Cahors (630-655) », Annales du Midi, t. 93 (1979), p. 240 montre bien que le pouvoir de nommer les évêques est accepté par Didier puisque dans une de ses lettres au roi Dagobert, il lui demande « de veiller sur les intérêts (conditiones) de l’Église de Cahors placée sous son autorité par ordre du roi (ex jussu uestro) », Desiderius episcopus Cadurcensis, Epistulae I, 5 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 315). Cette intervention royale n’est pas la règle en Aquitaine et dépend des rapports de force entre le roi et l’aristocratie sénatoriale, comme l’a montré M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 332-338. Il n’est pas question dans notre texte des senatores, entendons de l’aristocratie gallo-romaine, qui jouent un rôle important et néfaste dans la Vita Ambrosii episcopi (BHL 369) (éd. AA SS, Oct., t. VII, p. 1046-1048), datée de la première ou de la seconde moitié du viie siècle par l’excellente étude que lui a consacrée P. Bonnassie, « L’évêque, le peuple et les sénateurs : Scènes de la vie à Cahors, d’après la Vita Ambrosii », Cadres de vie et société dans le Midi médiéval, éd. P. Bonnassie et J.-B. Marquette, Hommage à Charles Higounet, Toulouse, 1990 (Annales du Midi, t. 102 [1990]), p. 209-217. 89
Voir sur ce remploi M. Van Uytfanghe, « Le remploi dans l’hagiographie : une ‘loi du genre’ qui étouffe l’originalité ? », dans Ideologie e pratiche del reimpiego nell’alto Medioevo, Spolète, 1999, p. 120 : l’auteur note que « malgré 70 emprunts à la correspondance de Jérôme et 41 à la Vita Eligii, la Vita Desiderii garde cependant une facture langagière personnelle », cit. Fr. Prévot, « La construction de la société chrétienne d’après la Vie de Didier, évêque de Cahors », Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle, Rennes, 2009, p. 82, n. 22. 102
Nous pensons que castrum désigne toujours ici la ville fortifiée, même s’il existe bien un autre castrum qui commande le flanc sud de la cité de Cahors, le castrum de Saint-Cyr ou Saint Cirq, qui se trouve sur l’autre rive du Lot dans la direction de Layrac. Les fouilles, effectuées par A. Viré en 1915, ont été revisitées par J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », Vivre et mourir en temps de guerre, de la Préhistoire à nos jours, éd. P. Foissac, Toulouse, 2013, p. 45 et ss. Nous 128
260
Notes
remercions M. Jean-Luc Boudartchouk de nous avoir communiqué le texte de cet article qui confirme la datation tardo-antique de ce fortin. La basilique Saint-Julien de Cahors – Sanctus Julianus de Buegna, de Labeyne – se trouvait à 2 km au sud de la ville, dans la vaste nécropole qui suivait la route de Toulouse, Carte archéologique de la Gaule 46 : Le Lot, éd. A. Filippini, Paris, 2011, p. 119. Il n’en reste que des ruines (G. Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, t. 1, Cahors, 1883, p. 221 ; Pouillé du diocèse de Cahors, éd. A. Longnon, Paris, 1874, p. 34). Le culte de saint Julien de Brioude avait été popularisé par Grégoire de Tours, dans le Liber de virtutibus sancti Iuliani (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 112133) et par un pèlerinage sur son tombeau, voir L. Pietri, « Prosopographie d’un pèlerinage : Saint-Julien de Brioude (ve-vie siècles) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, 100 (1988), p. 23-38 ; E. Bozóky, « Présence de Saint-Julien à Brioude », Saint Julien et les origines de Brioude, éd. A. Dubreucq, C. Lauranson-Rosaz et B. Sanial, Saint-Étienne, 2007, p. 213-222. 131
Peut-être s’agit-il de vases en forme de tours dans lesquels on portait le pain, L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, Paris, 1898, p. 195-196 qui se fonde sur Grégoire de Tours, Liber in gloria martyrum, 85 (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. I/2, p. 96) : [Vient le temps d’offrir le sacrifice] Accepta quoque turre diaconus in qua mysterium Dominici corporis habebatur, ferre coepit ad ostium. L. Duchesne reproche à Br. Krusch d’avoir confondu le ciboire où l’on conserve le pain déjà consacré et la tour qui permet de transporter à l’autel le pain « avec les mêmes honneurs qu’après la consécration ». Mais E. Le Blant, « Sur quelques inscriptions de vases sacrés offerts par Didier, évêque Cahors », Atti della Reale Accademia dei Lincei, Memorie della Classe di scienze morali, storiche e filologiche, sér. 4, t. 4 (1888), p. 41, voit dans ces tours des tabernacles faits de métaux précieux, destinés à contenir des saintes espèces, attendu « que la tombe du Seigneur avait été taillée en forme de tour dans le rocher » dit un texte du vie siècle, l’Expositio brevis antiquae liturgiae gallicanae (éd. E. Martène et U. Durand, Thesaurus novus anecdotorum, t. 5, 1969, col. 95) : Corpus uero Domini ideo fertur in turribus quia monumentum Domini in similitudinem turris fuit scissum in petra. 141
On voit au sud-est du méandre du Lot les ruines d’un pont de pierre qui remonte sans doute à l’époque romaine. À l’époque de Didier, ce pont était déjà détruit et on franchissait le Lot à gué comme le montre le récit du messager. La Vie d’Ambroise, successeur ou plutôt prédécesseur de Didier, nous apprend que le saint quittant la cité épiscopale de Cahors dit à son disciple : « Je vais m’installer dans la caverne du castrum qui est située au prochain pont sur le Lot » (in proximum pontem qui est super flumen Olte… in caverna castri lapidei quae erat desuper plantatum), cit. par P. Bonnassie, « L’évêque, le peuple et les sénateurs : Scènes de la vie à Cahors, d’après la 150
261
Notes
Vita Ambrosii », Cadres de vie et société dans le Midi médiéval, éd. P. Bonnassie et J.-B. Marquette, Hommage à Charles Higounet, Toulouse, 1990 (Annales du Midi, t. 102 [1990]), p. 210 ; interprétation différente dans J.-L. Boudartchouk et D. Rigal, « Sites quercynois à vocation défensive du Bas-Empire au haut Moyen Âge : un état des connaissances », Vivre et mourir en temps de guerre, de la Préhistoire à nos jours, éd. P. Foissac, Toulouse, 2013, p. 46 et ss. Le comte Maurin est cité sans plus de précisions, dans une lettre de Constance, évêque d’Albi et de saint Ouen, évêque de Rouen, à Didier, Epistulae, II, 1 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 329) : Sed dum dabo odie, apud Cariatone et Maurino commitem videre minime possumus. Peut-être s’agit-il du comte du Quercy selon l’hypothèse d’Isabelle Réal, ce qui permettrait de comprendre la méfiance de saint Didier, « Les familles aristocratiques de l’Albigeois au vie et viie siècles », Pouvoirs et société en Albigeois, éd. Ph. Nelidorff et O. Devaux, Toulouse, 1997, p. 86. 151
La vie monastique n’était pas ignorée en Aquitaine au vie siècle. Beaucoup de monastères furent créés aussi au temps de Clotaire II et de Dagobert, M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781. Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 298. On sait que la première mention de la règle de saint Benoît dans le sud de la Gaule figure dans une lettre de Venerandus, envoyée à l’évêque Constance d’Albi, au début du viie siècle : Domino reuerendissimo et pontificali honore laudabiliter decorato Constantio papae, Uenerandus, regulam sancti Benedicti abbatis Romensis, quam presens continet liber, eatenus uestrae beatudini in arce sanctae ecclesiae Albiensis recondendam pariterque habendam direximus, ut si quoquam tempore [non] aliter, quam in eadem scriptum dictumque inueneritis, monachi vel etiam quilibet abbas eorum quos Altaripa nostro, adiuvante Domino, adunauimus… (Codex Sangallensis 917, p. 3 ; voir L. Traube et H. Plenkers, Textgeschichte der Regula sancti Benedicti, Munich, 1910, p. 35-36 et 87-88) ; voir aussi Fr. Prinz, Frühes Mönchtum im Frankenreich, Munich, 1965, p. 276-277. Le mépris des Cahorsins ou du moins des plus puissants pour les moines est assez surprenant même s’il n’est pas nouveau puisqu’il existait déjà dans l’Antiquité tardive, voir P. Brown, Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, vers un Empire chrétien, Paris, 1998, p. 175. 176
Répertorié par A. Otto, Die Sprichwörter und sprichwörtlichen Redensarten der Römer, Hildesheim, Zürich, New York, 1988, p. 181, ce passage révèle qu’il existait des opposants à cette politique de grands travaux, à cette lithomania, à cette folie de la pierre à laquelle beaucoup d’évêques ont succombé ; Peter Brown cite un texte de Palladius (Dialogues, 6, 22) où Théophile d’Alexandrie est accusé d’avoir dilapidé dans de grandes constructions d’églises des dons destinés à l’achat de vêtements pour les pauvres, P. Brown, Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, vers un Empire chrétien, Paris, 1998, p. 167-168. Mais pour Didier, comme pour les élites 206
262
Notes
« sénatoriales » de la cité, l’activité de construction s’inscrivait sans doute dans une vieille tradition d’évergétisme christianisé dont témoignent les travaux de Théodoret de Cyr au ve siècle (Brown, op. cit., p. 208-209). Selon l’hypothèse séduisante de Fr. Prévot (« La construction de la cité chrétienne d’après la Vie de Didier, évêque de Cahors », Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle, Rennes, 2009, p. 78, n. 29), la phobie des chiens pourrait venir des Écritures. L’Ancien Testament est plein de textes hostiles aux chiens ; le Nouveau, quoique moins sévère, en contient aussi, Ph 3, 2 : « Prenez garde aux chiens, prenez garde aux mauvais ouvriers, prenez garde aux faux circoncis » ; voir G. Brunet, « L’hébreu keleb », Vetus Testamentum, 35, fasc. 4, oct. 1985, p. 485. Ajoutons que le concile de Mâcon II de 585, c. 13 (Les canons des conciles mérovingiens, éd. et trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, t. 2, Paris, 1989 [SChr, t. 354, p. 473]) interdit les chiens dans la maison épiscopale : « Nous voulons en effet que la maison épiscopale, qui a été établie, par la faveur de Dieu, pour recevoir tout le monde au titre de l’hospitalité, sans acception de personne, ne possède pas de chiens, de crainte que ceux qui comptent y trouver un soulagement à leurs misères, ne souffrent tout au contraire en se faisant déchirer par la morsure de chiens hargneux ». 223
Bobila est la fille d’Agilenus, mentionné quelques lignes plus haut. Il s’agit du même personnage mentionné dans une lettre adressée par Abbon, évêque de Metz, à saint Didier (R. Poupardin, La Vie de saint Didier, évêque de Cahors (630-655), p. 32, n. 1), Epistulae, II, 13 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 335-336) : dans cette lettre, l’évêque de Metz s’adressait à Didier « nourri au Palais du roi » pour qu’il favorise la restitution à Bobila de la villa de Rotovollo, possédée jadis par son père, puis finalement vendue à l’église de Metz par le roi Clotaire. Veuve de Severus, elle est qualifiée d’inlustris mater familiae dans une lettre de Paul, évêque de Verdun, à saint Didier, Epistulae, II, 11 (éd. W. Arndt, CC SL, t. 117, p. 333-334). 241
Grégoire le Grand, Dialogues, II, 12 (éd. A. de Vogüé et P. Antin, SChr, t. 280, p. 176) : Benoît accueille les frères qui ont mangé à l’extérieur du monastère chez une femme par ces mots : Quare ita mentimini ? Numquid illius talis feminae habitaculum non intrastis ? Numquid hos atque illos cibos non accepistis ? Numquid tot calices non bibistis ; voir le commentaire d’A. de Vogüé, « Emprunts à Fauste de Riez, saint Benoît et Grégoire le Grand dans la Vita sancti Desiderii », Regards sur le monachisme des premiers siècles, Rome, 2000, p. 716 qui rapproche la dernière phrase de Dialogues, II, 19, 2 où Benoît, lui aussi doté du don d’ubiquité, reproche à un moine d’avoir accepté un cadeau : Numquid ego illic praesens non eram, quando ab ancillis Dei mappulas accepisti… ? 368
Il s’agit de l’église du monastère Saint-Amans où Didier « avait élu sa sépulture », hors des murs de la cité selon les usages antiques (voir J.-Ch. Picard, Le souvenir 391
263
Notes
des évêques. Sépultures, listes épiscopales et cultes des évêques en Italie du Nord des origines au xe siècle, Rome, 1988, p. 327 et ss). Didier a été enseveli dans un sarcophage de marbre qui a été transféré dans la cathédrale avant le xiiie siècle, d’abord à l’entrée de la porte du cloître puis le 19 décembre 1526 dans la chapelle Saint-Sauveur (la chapelle d’axe). On connaît ce sarcophage par des descriptions plus ou moins précises d’érudits des xviie et xviiie siècles et par les restes qui en subsistent : trois fragments du couvercle en marbre de Carrare conservés au Musée de Cahors (IP S/5, IP S/4 et IP S/16) et la cuve achetée par le gouvernement russe en 1881-1885 et placée dans la collection d’art byzantin du Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg (voir A. Banck, L’art byzantin au Musée de l’Ermitage, Paris, 1960, pl. 13). Une seule face comporte des sculptures en ronde bosse : la résurrection de Lazare, l’aveugle-né, « une orante symbolisant l’âme du défunt entre deux saints qui vont l’introduire au Paradis » ainsi que des images de Pierre. Daté du ve siècle par E. Le Blant, ce sarcophage n’a rien de commun avec la sculpture du Sud-Ouest : on le rapproche plutôt de la sculpture d’Arles, notamment du sarcophage no 19 du Musée d’Arles « qui représente les mêmes scènes », mais la qualité plutôt grossière du sarcophage de Didier laisse supposer qu’il a été sculpté à Cahors d’après des modèles arlésiens, voir L. d’Alauzier, « Le sarcophage de saint Didier », Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 88 (1967), p. 197-210. Le mot désigne le bâton pastoral de saint Colomban et de saint Gall. Il figure aussi dans une charte de 625 : …et ad opus episcopi cambutta una et pelliciam I, et dimidiam libram argenti monetae publicae, et ad opus canonicorum duo modia vini, ad charitatem faciendam (PL, t. 80, col. 458). Combutta figure dans la Vita Galli vetustissima : cambuttam ipsius [s. Columbani] quam in manibus tenebat, transmiserunt viro Dei [Gallo], Vita Galli vetustissima (éd. Br. Krusch, MGH, SRM, t. IV, p. 251). Sur le mot cambutta, voir H. Thurston, « The Alphabet and the Consecration of Churches », The Month, t. 115 (1910), p. 622-629 ; C. Treffort, « Opus litterarum. L’inscription alphabétique et le rite de consécration de l’église (ixe-xiiie siècle) », Cahiers de Civilisation médiévale, t. 53 (2010), p. 153-181. Nous remercions Cécile Treffort de nous avoir cité bien d’autres exemples de l’emploi du mot cambutta. Si Galis est une simple faute d’orthographe pour Gallis, il faudrait traduire la phrase ainsi : « A insi, alors que le bâton du saint homme, qu’on appelle cambutta chez les Gaulois, était suspendu… » 396
264
1. Paris, BnF, lat. 17002, fol. 207r
2. Copenhague, Bibliothèque royale, ms Thott 146, fol. 2v
Carte des possessions de Didier de Cahors Cavagnac Lacépède Cavan
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Blanzaguet
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Mayrignac-le-Francal
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Rivières principales ou fleuves
Basilique Flaugnac
Miracle
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La Millau Cornus Montpezat-du-Quercy Gaubille Teyssière Alésate
Cougournac
Saint-Symphorien-de Canhac
Gibiniargues
TARN-ET-GARONNE
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Cours d’eau
Porcio (locus)
Ventaillac
Donzac
Garon
Chef-lieu de département
Lieu
Carnac
Touffailles
Attesté
Villa
Montauban
Vaïssac
Marnaves
Sabouyat Périlhac
Léojac
Vieux
Marsac
TARN Granéjouls Fayssac
Bouïs
Albi Creyssans
Tancal Escrabins Cérigeac ?
Blaunac
Marsal
Cambon
Gaillac
Poulan-Pouzols Alaux Fauch Marin
Besoubre
Dadou
Callepe Saint-Jean-d’Assou Venès
Lautrec Maurens Serviès Guitalens
Le Thioys Murat-sur-Vèbre
Peyregoux Malet
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ût
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Semalens Saix
0
3. Carte des possessions de Didier de Cahors (Céline Idier, cartographe)
20 km
MEP_Topographie chrétienne, XVI_Tome II 18/03/14 09:26 Page474
474
ATLAS ET TABLEAUX
150
B Bo ord ur ea ge ux s
CAHORS Province de Bourges
140
0
25
7
120
Thermes
10
Théâtre
200 13 0
8 2
1 150
Rod 150 Lyoez n
3
5
6
4 Temple chrétienne, XVI_Tome II 18/03/14 09:26 Page402 MEP_Topographie 11
Forum?
Amphithéâtre
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150
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LÉGENDE DES PLANS
aphie chrétienne, XVI_Tome II 18/03/14 09:26 Page402
le L
0 15
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Cathédrale
0
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Cathédrale médiévale
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150
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Baptistère Basilique Monastère
Cathédrale Cathédrale médiévale
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Lieu de culte médiéval
LÉGENDE DES PLANS 0 100 500 m
Nécropole du Haut-Empire 0 20
Nécropole de l’Antiquité tardive et du haut Moyen-Âge Agglomération du Haut-Empire
Baptistère
Agglomération de l’Antiquité tardive
Basilique
Voies
Monastère Lieu de culte médiéval Nécropole du Haut-Empire Nécropole de l’Antiquité tardive et du haut Moyen-Âge Agglomération du Haut-Empire Agglomération de l’Antiquité tardive Voies Rempart du Haut-Empire
Rempart du Haut-Empire Rempart de l’Antiquité tardive, partie assurée Rempart de l’Antiquité tardive, partie restituée Rempart médiéval
Échelle 1 :12 500 Tous les plans sont à l’échelle 1 : 12 500.
Exceptions : Ajaccio, Maguelonne, Mayence, Sagone. 4. Plan de Cahors Les plans d’Amiens, Paris et Reims sont au 1 : 12 500 réduit de 5% Rempart de l’Antiquité tardive, (F. Prévot, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, VI, Paris, 1989) partie assurée Rempart de l’Antiquité tardive, partie restituée Rempart médiéval
Tous les plans sont orientés au Nord. Exceptions : Mayence et Trèves.
INDEX
Index locorum Sacrae Scripturae Genèse 19, 17 : 253 28, 12 : 253
Malachie 2, 5 : 195 3, 18 : 195 Évangiles selon Matthieu 5, 5 : 175 5, 8 : 157 6, 33 : 195 6, 34 : 253 10, 38 : 253 15, 21-28 : 203 16, 24 : 253 26, 41 : 205
Premier livre des Chroniques 29, 11 : 251 Livre de Job 25, 5-6 : 159 36, 3 : 205 Psaumes 19 (18), 11 : 195 20 (19), 6 : 189 25 (24), 15 : 205 30 (29), 12 : 253 48 (47), 9 : 253 73 (74), 28 : 153 119 (118), 11 : 201 126 (125), 5 : 253
Évangile selon Luc 1, 35 : 249 (allusion) 8, 33 : 203 9, 62 : 159 12, 31 : 195 14, 27 : 253 16, 9 : 205 (d’après Vita Eligii, I, 13) Évangile selon Jean 4, 21 : 183 4, 23 : 183 5, 25 : 183 8, 34 : 159 11, 16 : 247 15, 19 : 205 16, 2 : 183 16, 32 : 183
Proverbes 10, 19 : 203 20, 9 : 159 24, 21-22 : 159 Cantique des Cantiques 1, 3-9 : 253 Livre de la Sagesse 4, 11 : 249 4, 14 : 249
Épître aux Romains 8, 28 : 195 11, 33 : 185 12, 15 : 175
Siracide / Livre de l’Écclésiastique 2, 1 : 201 35, 21 : 195
267
Index locorum Sacrae Scripturae
Première épître aux Corinthiens 9, 22 : 175 15, 33 : 203
Épître aux Collossiens 4, 2 : 205 Première épître aux Thessaloniciens 4, 13 : 163 Deuxième épître aux Thessaloniens 3, 10 : 175 1, 22 : 195 Première épître de Pierre 5, 2-4 : 191 5, 8 : 205 5, 8-9 : 159
Deuxième épître aux Corinthiens 11, 3 : 153 Épître aux Éphésiens 6, 12 : 159 Épître aux Philippiens 1, 21 : 249
268
Index locorum et nominum Abbon, évêque de Metz, 263 Abdon, saint, 16 Abulnaris, 206, 207 Adam, 35 Affreganiago : voir Regagnac Afrique du Nord, 112, 113 Agen, 91, 198, 199 Agilenus, 86, 206, 207, 216, 219, 263 Agoût, rivière, 52, 92 Aimeri du Payrac, abbé de Moissac, 24 Aire-sur-l’Adour, église Sainte-Quitterie, 108 Alaux, Alicicio, cne Lamillarié, c. Le Haut Dadou, Tarn, 86, 91, 214, 217 Albi, 23, 25, 51, 52, 53, 80, 85, 86, 87, 91, 92, 95, 148, 149, 150, 151, 154, 155, 210, 211, 213, 214, 257 ; basilique Saint-Affrique, 87, 217 Albias, 91 Albigeois, 21, 52, 59, 70, 71, 85, 86, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 94, 95, 118, 121, 189, 227, 229 Alésate, Elosate, cne Montalzat, c. Quercy-Aveyron, Tarn-et-Garonne, 210, 211 Alicicio : voir Alaux Alvernaco, 88 Amand, saint, 70, 118 Amans (Amantius), évêque de Rodez, 38, 42, 73, 107, 108 Amarand, saint, 94 Ambroise (Ambrosius), évêque de Cahors, 33, 34, 35, 36, 37, 59, 82, 120, 221, 260, 261 Ambroise, évêque de Milan, 259 Ameglado : voir Millau (La) Andabre 52
Anglares : voir Anglars Anglars, cne Anglars-Juillac, c. PuyL’Evêque, Lot, 216, 217 Angoulême (Engolismum), 37, 198, 199 Ansbert, saint, 24, 26, 192, 193 Anthyme de Saint-Paul, historien de l’art, 120 Antobroges, 51 Aptone, évêque d’Angoulême, 199 Aquauiua, l. non id., 210, 211 Aquiniaco : voir Aunac Aquitaine, 22, 37, 52, 59, 111, 118, 148, 149, 193, 195, 260, 262 Aregius, évêque de Rodez, 39, 75, 77, 78, 79, 236 Ariuidus, l. non. id., 216, 217 Arles 79, 106-107, 264 Arles-sur-Tech, 16 Arnanus, reclus, 65, 68, 84, 193, 220, 221, 222, 223, 225 Arnoul, évêque de Metz, 44, 56, 154, 155, 198, 199 Arverni, 58 Arvernica, urbs, 54 Arwanus, 75 Asie mineure, 112 Assone : voir Saint-Jean-d’Assou, cne Laboutarié, c. Réalmont, Tarn, 210, 211 Astier (Asterius), évêque de Périgueux, 198, 199 Atiago : voir Aussac Atlantique, océan, 200, 201 Auciago, Ansiago, l. non id., 210 Audoin (Audoenus) : voir Ouen Aulu-Gelle, 77 Aunac, Aquiniaco, c. Saint-Céré, Lot Ausone, 257
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Index locorum et nominum
Aussac, Atiago, 72, 92, 231 Austasius, 198 Austrasie, 57, 151, 155, 161, 187, 225, 226, 227 Austrasiens, 118 Austrildes, 206, 207 Autun, Saint-Andoche, 113 Auuarnus, 39, 238 Auvergne, 85, 113, 198, 199 Auxerre, 21, 60, 88, 100 Aveyron, rivière, 71, 90, 91, 211 Avita (Auita), sœur de Didier de Cahors, 22, 52, 53, 148, 149 Aviti de Clermont, 53 Awarnus, évêque de Cahors, 32, 237, 238, 239
Bobila, veuve de Severus, 67, 84, 86, 88, 91, 92, 207, 229, 263 Bobus, 206, 207 Bodurno, l. non id., 216, 219 Bonnet (Bonitus), saint, évêque de Clermont, 54, 55, 58, 119, 258 Bonogrado, peut-être Gradde, cne Mauroux, c. Puy-l’Evêque, Lot, 216, 217-219 Bordeaux, Burdigala, 91, 94, 121 Bouïs, Buxio, cne Sainte-Croix, c. Albi3, Tarn, 210, 211 Bourges, Biturica, 44, 57, 61, 80, 94, 101, 198, 199 Bourgogne, 88, 151, 227 Bretagne (Britania), 200, 201 ; Brittannii, 117 Brocingus, l. non id., 216, 217 Brunehaut (Brunihilda), reine, 150, 151 Bruxelles, ms de la Bibliothèque des Bollandistes, 22, 24, 26, 29 Bulcardus, saint, 21 Buxio : voir Bouïs
Badigenus, aristocrate donateur, 206, 207 Bagidone, 88 Barontius monachus Longoretensis, 40 Basena, aristocrate donatrice, 206 Bassiago, Bassiaco : voir Vinsac Bassula, 48, 72 Bathilde, reine, 259 Baudonivie, sainte, Poitiers, 72 Bavarois, loi des –, 197 Bède le Vénérable, 43, 110, 117 Belfort-du-Quercy, 90 Benoît (Benedictus) de Nursie, saint, règle, 47, 49, 177, 192, 193, 203, 251, 262 Bertoara, fondatrice d’un monastère à Bourges, 101 Bertolena, belle-sœur de Didier de Cahors, 44, 154, 155 Bertus, clerc, 242, 245 Bessoubre, Vidoubriaco, cne Paulinet, c. Le Haut Dadou, Tarn, 212, 213 Beto, évêque de Cahors, 38 Biturica : voir Bourges Blacinaco : voir Blaunac Blanzaguet, cne Pinsac, c. Souillac, Lot, 92, 234, 235 Blaunac, Blacinaco, cne Rabastens, c. Vignobles et Bastides, Tarn, 210, 213
Caborinio : voir Escrabins Cadurciens (Cadurci), 72, 194, 195, 228 ; Cadurques, 51 Cadurcio : voir peut-être Catus Cahors (Cadurca, Cadurcha, Cadurka, Cadurci), passim ; aeclesia, 36, 67, 188, 204, 208, 218, 224, 226, 250, 252 ; cathedra 160 ; castellum 62, 180 ; civitas 172, 194 ; municipium 186, 242 ; oppidum 186 ; pagus ; 206 secta 192 ; terminus 228 ; territorium 186, 210 ; urbs 22, 148, 158, 160, 166, 168, 192, 236, 238, 246 ; – églises : Saint-Pierre 62 ; Saint-Julien 62, 261 ; Saint-Géry 78, 107, 187 ; Saint-Saturnin 87, 212, 213 ; Saint-Urcisse 87, 212, 213 ; Saint-Maurice 87, 212, 213 ; Sainte-Marie 87, 212, 215 ; SaintVincent 87, 212, 215 ; Saint-Jacques 87, 212, 215 ; – monastères : Saint-Amans 42, 44, 64, 70, 79, 88, 102, 116, 117, 118, 120, 121,
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Index locorum et nominum
259, 263-264 ; Saint-Géry 13, 18, 19, 29, 32 ; Saint-Étienne 87, 212, 213 ; oratoire Saint-Martin 87, 94, 105, 114, 116, 214, 215 ; pont Valentré, 257 ; Pont-Vieux, 99 ; Fontaine des Chartreux 223, 257 Cahorsins, 60 Callepe, Cleppio, cne Lombers, c. Le Haut Dadou, Tarn, 212-213 Cambon, Cambone, cne Saint-Juéry, c. Causses et Vallées, Tarn, 212, 215 Camino : voir peut-être Camy Camy, cne Luzech, c. Luzech, Lot, 216, 219 Caniaco : voir Saint-Symphorien-de-Canhac Caprais, saint, 15 Capuanus, évêque de Cahors, 38 Carcerio : voir peut-être Carquets Carilephus, saint, 21 Carnac, 92 Carquets, Carcerio, cne Montredon, c. Figeac, Lot, 86, 214, 217 Cascarno, 75, 240, 241 Cassiaco : voir Cézac Cassianus, saint, 21 Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie : voir Cézac Caton, 77 Catus, Cadurcio, c. Causse et Bouriane, Lot, 216, 217 Cauaniaco, l. non id., 212, 213 Cauanio : voir Cavan Caucinicha Senomagense, l. non id., 92, 232, 233 Caussade, 71, 86, 91, 92 Causse de Limogne, 90 Cavan, Cauanio, cne Cuzance, c. Martel, Lot, 212, 213 Célé, rivière, 86, 90 Celerense, l. non id., 208 Cepoialo : voir Lacepède Ceresiago : voir Cérigeac Cérigeac, Ceresiago, cne Rabastens, c. Vignobles et Bastides, Tarn, 210, 211 Ceruiano : voir Serviès
Césaire, évêque de Clermont 97 Césaire, saint, évêque d’Arles, 93, 94 Césaire, saint, évêque de Clermont, 63 Cézac, Cassiaco, c. Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie, Lot, 72, 90, 91, 92, 212 Chaldée, 250, 253 Chalon-sur-Saône, concile, 199 Chantilly, 32 Charibert II, roi d’Aquitaine (629-632), 118 Charlemagne, 40 Childebert II, roi des Francs (592-613), 57 Chilpéric (Chilpericus), roi des Francs (567-592), 57, 59, 157 Chramsicus, père de sainte Ségolène, 59 Chrodobert, duc d’Alémanie (610c. 630), 170, 171 Chuppanus, 57 Cicéron, 77 Circoexeno : voir peut-être Pech-Isser Claude (Claudius), abbé 186, 189 Claudien Mamert, lettré du ive siècle, 72 Cleppio : voir Callepe Clermont, 63, 91, 97, 257 Clichy, concile, 161 Clotaire II (Clotharius), roi des Francs (595-630), 23, 32, 42, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 61, 118, 119, 125, 148, 149, 150, 151, 154, 155, 197, 199, 262, 263 Clovis, roi des Francs (481-511), 26, 57, 227 Cocurnaco : voir Cougurnac Colomban, saint, 42, 151, 192, 193, 264 Constance de Lyon, lettré du ve siècle, 60 Constance, évêque d’Albi, 262 Copenhague, ms Thott, 13, 17, 19, 34, 123, 127, 187 Cornucio, l. non id., 214, 215 Cosa, lieu cité dans la Table Peutinger, 95 Costrio, l. non id., 86, 214, 217 Cougurnac, Cocurnaco, c. Castelnau Montratier-Sainte-Alauzie, Lot, 214, 217
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Index locorum et nominum
Creyssans, Criscencio, cne Le Boulvé, c. Puy-l’Evêque, Lot, 87, 214, 216, 217 Criscencio : voir Creyssans Cybard, saint, évêque d’Angoulême, 199
Éloi (Eligius), saint, évêque de Noyon, 20, 31, 32, 33, 37, 40, 41, 42, 47, 48, 56, 57, 66, 70, 72, 93, 95, 118, 154, 155, 198, 199 Elosate : voir peut-être Alésate Épaone, 62 Eparchius, reclus, 37, 198, 199 Epoturio : voir peut-être Potou Eptade, saint, 26 Ercitoialo : voir peut-être Pern Esclauzels, Sicinaco, c. Causse et Vallées, Lot, 216, 217 Escrabins, Caborinio, cne Orban, c. Le Haut Dadou, Tarn, 210, 211 Espagne, 87, 113, 117, 207 Étienne, abbé de Moissac, 16 Eusèbe (Eusebius), évêque de Cahors, 158, 161 Eusèbe Gallican, 47 Eustaise (Eustachius), saint, abbé de Luxueil, 37, 42, 44, 193, 199
Daddiuus, abbé, 186, 187 Daddo : voir Ouen Dadiuus, 206, 207 Dagobert (Dacobertus, Dagobertus), roi des Francs (629-639), 32, 36, 37, 42, 44, 51, 52, 55, 56, 57, 58, 60, 81, 83, 118, 119, 151, 154, 157, 158, 160, 161, 168, 169, 170, 172, 197, 225, 226, 227, 260, 262 Damase Ier, saint, pape, 60 Darciaco : voir Mas d’Arjac Defensor de Ligugé, 118 Dehurilia, 206, 207 Denis l’Aréopagyte, 21 Denis, saint, 21 Déodat, évêque de Mâcon, 44, 199 Deodox, serviteur de Dieu à Mâcon, 198 Didier (Desiderius), évêque de Vienne, 40 Didier, duc, 52, 86 Didier, évêque d’Auxerre, 52, 88, 100 Didier, évêque de Cahors : passim Dioclétien, empereur romain, 56 Divona, 257 Divona-Cadurca, 96 Dodo, donateur aristocrate, 206, 207 Domeciaco : voir peut-être Donzac Domitianus, saint, 21 Donzac, Domeciaco, cne Auvillar, c. Garonne-Lomagne-Brulhois, Tarn-etGaronne, 212, 215 Dordogne (Dornonia), rivière, 90, 92, 234 Dracolenus, clerc, 222, 223 Dracolenus, prêtre, 75, 238
Fabiola, 153 Faciscio : voir Fauch Fauch, Faciscio, c. La Haut Dadou, Tarn, 86, 214, 217 Fauste de Riez, abbé de Lérins, évêque, 47, 49, 120, 221 Fayssac, Fesciago, c. Les Deux Rives, Tarn, 87, 214, 217 Februndus, abbé, 72, 78, 238, 239 Félix, donateur aroistocrate, 37, 206, 207 Fesciago : voir Fayssac Fines vicus, 95 Flaugnac, cne Flaugnac-SaintPaul, c. Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie, Lot, 90, 91, 214, 215 Flauiaco : voir Flaugnac Flodoueus, roi, 226 Francorum ministeria, 23, 148 Francorum regnum, 81 Francorum rex, 83 Fraterna, donatrice aristocrate, 206, 207 Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, 157, 173
Éborin, comte, 74 Ebremundus, 206 Ebroinus, 27 Eddolenus, 244 Égypte, 250, 253 Elariago : voir peut-être Layrac Elesate : voir peut-être Loudes
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Index locorum et nominum
Fréjus, domus ecclesiae, 103 Frodegius, 125
Grégoire de Tours, 52, 53, 55, 57, 59, 71, 74, 75, 76, 85, 86, 95, 193, 199, 237, 258, 261 Grégoire le Grand, saint, pape, 47, 49, 68, 74, 239, 263 Grenoble, Saint-Laurent, 115 Grimoald, maire du Palais, 42, 44, 107, 118, 187 Guitalens, Uuistrilingus, cne Guitalens-L’Albarède, c. Plaine de l’Agoût, Tarn, 70, 71, 85, 89, 90, 92, 206, 209, 228, 229
Gaëlique, 36, 235 Gaillac, Galliaco, cne et ch.-l.-c., Tarn, 210, 213 Gali, Gallos, 61, 234 Gall, saint, 264 Galliaco : voir Gaillac Gallicana eloquentia, 23, 148 Gallicanae familiae, 148 Gallicum opus, 110 Gallus, évêque de Clermont, 44, 185, 198, 199 Garonne, fleuve, 90, 118 Gaubille, Goiuillas, cne Belfort-duQuercy, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, 216, 217 Gaule, Gaules (Gallia, Galliae), 19, 22, 23, 24, 32, 29, 48, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 61, 79, 81, 83, 84, 85, 87, 91, 93, 100, 106, 109, 110, 111, 113, 115, 116, 117, 148, 149, 168, 198, 199, 262 Gaulois, 36 ; voir aussi Gaule, Gallia Gauretrudes, donateur aristocrate, 206, 207 Gausiauigo : voir peut-être Gausserès Gausserès, Gausiauigo, cne Labastide-Marnhac, c. Cahors 3, Lot, 216, 219 Genès, mime, 26 Genève, 97, 105, 106, 115 Germain (Germanus), saint, évêque d’Auxerre, 33, 60, 173 Gérone, cathédrale, 35 Géry (Gaugericus), saint, 31 Gibiniargues, Iovineaniceas, cne Puycornet, c. Pays de Serres Sud-Quercy, Tarn-et-Garonne, 210, 211 Gironde, fleuve, 94 Giroussens, 92 Goiuillas : voir Gaubille Gomatruda, 157 Granéjouls, Granoialo, cne Cahuzac/ Vère, c. Vignobles et Bastides, Lot, 210, 211 Granoialo : voir Granéjouls
Hariulf, abbé de Saint-Riquier, 85, 181 Hawran 117 Héraclius, empereur d’Orient, 81, 172 Herbelingus, l. non id., 92, 210-211 Herchenfreda, Haercenfreda, mère de Didier de Cahors, 19, 22, 25, 35, 37, 44, 45, 52, 53, 54, 148, 160, 162, 164 Herobenno, l. non id., 210, 213 Hilaire, saint, évêque de Poitiers, 47 Hilarion, saint, 46, 47, 151 Hildulfus, enfant miraculé, 40, 77, 78, 244, 245 Hippone, 106 Hongrois, 16 Honor de Cos, 91 Horace, 46, 48, 201 Inde, 200, 201 Irmintrude, femme du riche propriétaire Nizier, 88 Istrie, 113 Italie, 100, 113 Jacob, 250 Jacques, saint, apôtre, 45 Jarrow, monastère, 117 Jean Cassien, saint, 157 Jérôme, saint 46, 47, 49, 65, 66, 67, 68, 70124, 149, 151, 153, 157, 159, 163, 175, 177, 189, 191, 201, 203, 205, 221, 229, 231, 249, 251, 253, 255 Job, 204 Jordanès, 43 Jordanie, 112, 117
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Index locorum et nominum
Jouineaniceas : voir Gibiniargues Judas, 79 Julien (Iulianus), martyr, 176, 261
Lotharius : voir Clotaire II Loudes, Elesate, cne Lauresses, c. Lacapelle-Marival, Lot, 216, 217 Loup, prince d’Aquitaine, 37, 38 Lubin, saint, 93 Luxeuil (Luxouium), Luxeuil-les-Bains, Hte-Saône, 37, 42, 198, 199 ; crypte Saint-Martin, 115 Lyon, 101, 109 ; Saint-Irénée, 113 ; Saint-Just, 109, 221 ; Saint-Laurent, 103, 109
La Souterraine, Notre-Dame de la Courtine, 113 Lacépède, Cepaiolo, cne Strenquels, c. Martel, Lot, 212, 215 Lagrave, 59 Lambert, saint, évêque de Liège, 175 Lamilliarié, 91 Lariago : voir Layrac Lascabanes, église Saint-Géry, 80 Latran, palais, 106 Lauresses 90 Lautrec, Lautreco, c. Plaine de l’Agoût, Tarn, 86, 87, 91, 92, 94, 210, 211, 214, 217 ; nécropole, 94 Lautreco, Lautrego : voir Lautrec Layrac, Elariago, Lariago, cne Le Montat, c. Cahors 3, Lot, 92, 176, 179, 216, 217 Le Boulvé, c. Quercy Blanc, Lot, 90 Le Mans, ch.-l. dépt. Sarthe, 78 Le Montat, 92 Léger (Leodegarius), saint, 27, 116 Leodolenus, clerc gourmand, 222, 223 Léojac, Lepediago, cne Léojac-Bellegarde, c. Tarn-Quescou-Quercy vert, Tarn-et-Garonne, 216, 217 Léonce, évêque de Fréjus, 103 Léotald (Leotaldius), saint, 24, 26 Lepediago : voir peut-être Léojac Lepedidiaco : voir Lévéjac Leutade (Leothadius), 192, 193 Lévéjac, Lepedidiaco, cne Carbès, c. Plaine de l’Agoût, Tarn, 212, 213 Limoges, abbaye Saint-Martial 16, 31, 121 ; Saint-Étienne 121 Limousin, 59, 85, 113 Liutprand, roi des Lombards, 110 Lizier, saint, 15 Loire, fleuve, 56 Lombers, 91 Lot, département, 34, 80, 85, 91, 94, 257 Lot, rivière, 62, 69, 90, 91, 92, 99, 105, 107, 179, 257, 260, 261
Maciriaco : voir Marcillac Mâcon, ch.-l. dépt. Saône-et-Loire, 263 Mactregiselus, donateur aristocrate, 206, 207 Maixent, saint poitevin, 31 Malet, Maleto, cne Montpinier, c. Plaine de l’Agoût, Tarn, 91, 210, 211 Maleto : voir Malet Marcelliago : voir Marcilhac-sur-Céré Marciaco : voir Marsac Marcialio : voir Marsal Marcilhac-sur-Céré, Marcelliago, c. Causses et Vallées, Lot, 216, 219 Marcillac, Maciriaco, cne Lauresses, c. Lacapelle-Marival, Lot, 216, 217 Marculf 56, 61, 171 Marenauas : voir Marnaves Maricio, l. non id., 210, 211 Marin, Marinio, cne Lombers, c. Réalmont, Tarn, 91, 210, 211 Marinio : voir Marin Marnaves, Marenauas, c. Vaour, Tarn, 210, 211 Marsac, Marciaco, c. Garonne-Lomagne-Bruhois, Tarn-et-Garonne, 212, 215 Marsal, Marcialio, c. Le Haut Dadou, Tarn, 210, 213 Marseille (Massilia), 23, 52, 57, 58, 60, 103, 114, 148, 149, 150, 151, 158, 161, 173, 199 ; Saint-Victor, 115 Martin de Tours, saint, 47, 48, 72, 74, 76, 105, 178, 259 Mas d’Arjac, Dardiaco, cne Cabrerets, c. Causses et Vallées, Lot, 210, 211
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Index locorum et nominum
Montpinier, 91 Moutier-Rozeille, Saint-Hilaire, 113 Mummolenus, enfant, 73, 240, 241 Murato : voir Murat-sur-Vèbre Murat-sur-Vèbre, Murato, c. Les Hautes Terres d’Oc, Tarn, 210, 211
Masona, évêque de Mérida, 102, 104 Massif central, 90 Maurens, Mauringus, c. Lautrec, Tarn, 90, 91, 92, 206, 209 Maurille, saint, 82 Maurin (Maurinus), comte 184, 185, 262 Maurin, saint 15 Mauringus : voir Maurens Maurontus, adolescent miraculé, 40, 244, 245 Maxime, évêque de Riez, 47, 48, 71 Maximin, évêque de Trèves, 38 Meaux, ch.-l. dépt. Seine-et-Marne, 57 Méditerranée orientale, 104 Medoaldus, évêque de Trèves, 189 Mellebaude, hypogée, Poitiers, 115 Mercuès, c. Cahors 1, Lot, 92, 242, 243 Mercurio, castrum : voir Mercuès Mérida, basilique Sainte-Eulalie, 102 ; xenodochium, 104 Mésopotamie, 112 Metascona, 198 Metz (Metis), ch.-l. dépt. Moselle, 198, 199, 263 Meyrignac-le-Prancal, Ueroli, cne Rocamadour, c. Gramat, Lot, 212, 215 Midi-Pyrénées, région, 94 Milan, basilique Saints-Apôtres, 103 Milhac, Milliacum, Milliacho, cne et c. Caussade, c. Aveyron-Lère, Tarn-et-Garonne, 35, 71, 86, 92, 228, 229, 230, 231 Millau (La), Ameglado, cne Belfort-duQuercy, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, 210, 211 Milliacum, Milliacho : voir Milhac Moissac, Tarn-et-Garonne, abbaye, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 21, 24, 25, 26, 27, 29, 36, 42, 65, 79, 92, 123, 192, 193 ; église Saint-Martin Mondoumerc, c. Marches du SudQuercy, Lot, 94 Mont Saint-Cyr, castrum près de Cahors, 223 Montauban, 21 Montpezat-de-Quercy, 87, 91
Naevius, poète, 46, 201 Namiago, l. non id., 210, 211 Nanthilde, reine 57, 156, 157 Narbonnaise, 22, 51-52, 148 Narbonne, 91 Nepotianus, 65 Neustrie, 151, 227 Neustriens, 118 Nevers, 98 Nicassius, 206, 207 Nicecia, 206, 207 Nizezius, 88 Nizier de Lyon, saint, 54, 71, 258 Normands, 16 Noyon (Nouiomum), 56, 198, 199 Noziès, Nugacio, cne Lauresses, c. Lacapelle-Marival, Lot, 216, 217 Nugacio : voir Noziès Obrege, oppidum, 22, 51, 52, 148 Oltis, rivière, 176 Orléans, ch.-l. dépt. Loir-et-Cher, 60, 62, 151, 171 Oroncia, 206, 207 Ossilingus, l. non id., 92, 212, 215 Ouen, saint, évêque de Rouen, 37, 44, 48, 56, 72, 93, 153, 154, 155, 191, 262 Ovide, 189 Palladius, évêque d’Auxerre, 88 Paris, 22, 157, 161, 199 ; abbaye Sainte-Geneviève, 22 ; abbaye Saint-Germain-des-Près, 21 Paris, BnF ms lat. 17002, 14, 15, 16, 17, 22, 24, 29, 34, 123, 187 Parnac, Parnaco, c. Luzech, Lot, 90, 216, 217 Parnaco : voir Parnac Pastoraco, 88 Patiens, évêque de Lyon, 101 Paul de Thèbes, saint, 46, 47
275
Index locorum et nominum
Quercy, 21, 24, 51, 59, 79, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 118, 121, 195, 229, 245, 257 Quintiago : voir Ventaillac
Paul, abbé de Thiolley, évêque de Verdun, 44, 56, 154, 155, 263 Pech d’Angély, 223 Pech-Isser, Circoexeno, cne Limogneen-Quercy, c. Marches du SudQuercy, Lot, 86, 212, 215 Périgueux (Petragoricum), 198, 199 Pern, Ercitaiolo, Spernio, c. Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, 72, 91, 176, 179 ; voir aussi Ventaillac Petregontio, l. non id., 210, 211 Pétrocores, 51 Petroliaco : voir Peyrilhac Peutinger, table, 95 Peyrilhac, Petroliaco, cne Penne, c. Carmaux 2-Vallée du Cérou, Tarn, 212, 215 Picio, l. non id., 210, 211 Pilate, 79 Pinsac, 90, 92 Pîtres, édit, 61, 171, 259 Placidina, servante, 185 Pline, 51 Plo de Brus, oppidum, 52 Poitiers, 104 ; baptistère Saint-Jean, 111, 113, 115 Pollanio : voir Poulan-Pouzols Pompegiago, Pompegiagum, Pompegiacum, l. non id., 79, 86, 89, 92, 210, 242 Potou, Epoturio, cne Miers, c. Gramat, Lot, 216, 217 Poulan-Pouzols, Pollanio, cne Le Haut Dadou, Tarn, 86, 214, 217 Prayssac, Prisciago, c. Puy-L’Evêque, Lot, 90, 216, 219 Prisciago : voir Prayssac Proche-Orient, 112, 116 Prosperius, 242, 243 Provence, 199 Puycornet, c. Molières, Tarn-et-Garonne, 91
Raban Maur, 175 Rabastens, ch.-l. dépt. Tarn, 92 ; église Saint-Géry 80 Radegonde, sainte, 72 Ramingos, l. non id., 92, 210, 211 Ravenne, 112, 113 Regagnac, Affreganiago, cne Cézac, c. Marches du Sud, Quercy, Lot, 210, 211 Remi (Remedius), saint, 82, 93 Riez, 47 Rodez (Rutena), ch.-l. dépt. Aveyron, 14, 23, 51, 53, 75, 77, 78, 79, 91, 108, 148, 149, 154, 155, 198, 199, 236, 237, 257 Romains, romain, 71, 110, 120, 121, 148, 151, 206 Romiliaco, 157 Roquecourbe, c. Castres 2, Tarn, 94 Rotovollo, villa de Bobila, l. non id., 263 Rouen, ch.-l. dépt. Seine-Maritime, 56 Rouergue, 88 Ruccolenus, adolescent, 240 Ruricius, évêque de Limoges, 120 Russac, colon, 38, 81, 82 Russac, Rusticiago, cne Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, 92, 194, 195 Rusticiago : voir peut-être Russac Rustique (Rusticus), frère de Didier de Cahors, 22, 44, 52, 53, 54, 58, 62, 66, 148, 149, 150, 151, 154, 158, 160, 161, 164, 165, 166, 167, 173, 172, 176, 179 Rutena : voir Rodez Ruténois, 257 Ruthènes (Ruteni, Rutheni), 51, 78 Sabouyat, Saumario, cne Penne, c. Carmaux-2 Vallée du Cérou, Tarn, 212, 213 Saint-Cirq (Saint-Cyr), castrum près de Cahors, 99, 260
Qalaat Sem’ân, basilique Saint-Siméon le Stylite, 103 Quercinois, 79
276
Index locorum et nominum
Saint-Germain-des-Prés, abbaye, 21 Saint-Géry, lieu-dit près d’Albi, 51, 80 Saint-Juliane, c. Castres 2, Lot, 94 Saint-Martin, basilique, l. non id., 87 Saint-Maur, congrégation, 21 Saint-Pétersbourg, 79 Saint-Pierre-de-Granon, concile, 38 Saint-Riquier, abbaye, 85, 181 Saint-Sernin-de-Thézels, cne Castelnau-Montratier, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, 94 Saint-Symphorien-de-Canhac, Caniaco, cne Puylaroque, c. Quercy-Rouergue, Tarn-et-Garonne, 90, 216, 217 Saint-Vincent-d’Arnhac, c. Quercy-Aveyron, Tarn, 94 Saix, Sessio, c. Le Pastel, Tarn, 210, 211 Saluste, évêque d’Agen, 44, 198, 199 Salvi (Saluius, Salvius), père de Didier de Cahors, 22, 52, 53, 88, 148, 154, 158, 160 Salvia : voir Silvia Sataialo, l. non id., 210, 213 Satiago : voir peut-être Sayssac Savinario : voir Sabouyat Sayssac, Satiago, cne Loubressac, c. Saint-Céré, Lot, 216, 217 Scoti, 220, 223 Secretarecas, l. non id., 212, 215 Ségala, causse, 90 Ségolène, sainte, 59 Selina, 52 Semalens, Semelingus, c. Puylaurens, Tarn, 86, 87, 90, 92, 214, 217 Semelingus : voir Semalens Sennen, saint, 16 Sérignac, Siciniago, c. Puy-l’É vêque, Lot, 210, 211 Serviès, Ceruiano, cne Plaine de l’Agoût, Tarn, 210, 211 Servius, 77 Sessio : voir peut-être Saix Seuerus, Severus, sénateur, 67, 84, 206 Siagrius, Syagrius, 19, 22, 23, 52, 53, 54, 57, 58, 60, 148, 149, 150, 151, 158, 159, 161, 165, 166, 167, 258, 263
Sicinaco : voir peut-être Esclauzels Siciniago : voir peut-être Sérignac Sidoine Apollinaire, 72, 99, 101, 120 Sigebert Ier, roi d’Austrasie (561-575), 151 Sigebert II, roi d’Austrasie (639-656), 58, 224, 225, 226, 227 Silvia, Salvia, sœur de Didier de Cahors, 22, 52, 53, 148, 149 Siricius, 61 Solignac, abbaye, Haute-Vienne, 32 Spern, 92 Spernio : voir Pern Sulpice (Sulpicius), archevêque de Bourges, 37, 44, 61, 118, 170, 171, 172, 173, 198, 199 Sulpice Sévère 47, 48, 72, 74 Syagria, 54 Syrie, 112, 117 Tancal, Tantalio, cne Saint-Juéry, c. Causses et Vallées, Lot, 210, 211 Tantalio : voir peut-être Tancal Tarn, département, 51, 59, 80, 85, 90, 94 Tarn, rivière, 90 Tarna 51 Tarn-et-Garonne, département, 29, 51, 85, 94, 257 Taxarias voir Teyssières Telarus, messager de l’évêque Aregius, 236, 237 Teyssières, Taxarias, cne et c. Montpezat-du-Quercy, Tarn-et-Garonne, 212, 215 Theodatus, 54 Théodebert II (Teodebertus), roi d’Austrasie (595-612), 59, 150, 151 Théodore, évêque de Fréjus, 103 Théodoret de Cyr, 263 Théodoric, tombeau à Ravenne, 112 Theodosius, 54 Théophile d’Alexandrie, 262 Theudolenus, clerc, 232, 233 Theufales : voir peut-être Toufailles Thierry (Teudericus), roi d’Austrasie (612-613), 151 Thyois, Tiacio, cne Lacaune, c. Les Hautes Terres d’Oc, Tarn, 210, 211
277
Index locorum et nominum
Venès, Venestria, cne Lautrec, c. Plaine de l’Agoût, Tarn, 92, 209 Venestria : voir Venès Ventaillac, Quintiago, cne Pern, c. Marches du Sud-Quercy, Lot, 72, 230, 231 Vère, rivière, 71 Verus, évêque de Rodez, 44, 199 Vienne, Isère, 40 Vieux, c. Vignobles et Bastides, Tarn, sépulture de saint Amarand, 94 ; basilique Saint-Oyend, 214, 217 Vindrac-Alayrac, c. Carmaux-2 Vallée-du-Cérou, 94 Vinsac, Bassiago, Bassiaco, c. Aveyron-Leyre, Tarn-et-Garonne, 88, 206, 209 Vintillac, cne Pern, c. Castelnau-Montratier-Sainte-Alauzie, Lot, 92 Virgile, 77 Volturno, San Vincenzo, 117
Tiacio : voir peut-être Thyois Toecio, l. non id., 212, 213 Toufailles, Theufales, c. Bourg-de-Visa, Tarn-et-Garonne, 87, 214, 217 Toulousain, 51, 85 Toulouse, 51, 91, 92, 95, 121 ; SaintPierre-des-Cuisines, 108 Tour-de-Faure, c. Causses et Vallées, Lot, 94 Tournai, 56 Tours, ch.-l. Indre-et-Loire, 32, 74, 101 Troclar, 59 Uariaco, Variaco : voir Vayrac Ueroli, Veroli : voir Meyrignac-le-Prancal Uerus, Verus, évêque de Rodez, 198, 199 Uidubriaco, Vidubriaco : voir peut-être Besoubre Uillare, Villare, l. non id., 206, 209 Urcisse (Ursicinus), évêque de Cahors, 100, 161, 186, 187, 257 Uuistrilingus : voir peut-être Guitalens
Wearmouth, monastère Saint-Pierre, 110, 117 Wilfrid, saint, 43 Wisigoths, 87
Valence, 104, 115 Vascons, 118 Vayrac, Uariaco, c. Martel, Lot, 86, 90, 212, 215 Venance Fortunat, 38, 47, 57, 149
Yrieix, saint, 85, 181
278
Table des matières Avant-propos
5
Abréviations
9
Introduction à la Vita sancti Desiderii I. Le texte manuscrit
13
1. Les manuscrits 2. Corrections, lacunes, additions 3. Capitulation II. L’auteur, ses méthodes et la date de rédaction du texte 1. Date de rédaction et langue de la Vita 2. La date de rédaction des Miracula 3. L’auteur, ses sources, ses méthodes III. La Vita sancti Desiderii
13 25 27 31 31 39 41 51
1. La formation d’un saint au Palais 2. L’accession de Didier à l’épiscopat 3. La construction de la cité chrétienne 4. La mort de Didier et la naissance de son culte
51 58 62 69
IV. L’intérêt historique de la Vita sancti Desiderii 81 1. L’État, la cité et l’évêque 2. L’évêque et la société 3. La richesse d’un grand propriétaire 4. L’évêque et la vie religieuse dans le diocèse de Cahors 5. La « fièvre bâtisseuse » de Didier
81 82 85 92 95
V. Principes d’édition
123
Bibliographie
127
279
Table des matières
La Vie de saint Didier évêque de Cahors (630-655) Édition et traduction
147
Notes
257
Index Index locorum Sacrae Scripturae
265
Index locorum et nominum 267
280