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French Pages 416 Year 1974
JANUA LINGUARUM STUDIA M E M O R I A E N I C O L A I VAN WIJK D E D I C A T A edenda curat C.H. VAN S C H O O N E V E L D Indiana University
Series
Practica,
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ACTES DU PREMIER CONGRES INTERNATIONAL DE LINGUISTIQUE SfiMITIQUE ET CHAMITO-SfiMITIQUE Paris 16-19 juillet 1969
rdunis par A N D R E CAQUOT ET D A V I D COHEN
1974
MOUTON THE HAGUE · PARIS
Copyright 1974 in The Netherlands. Mouton 6 Co. N.V., Publishers, The Hague. No part of this book may be translated or reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publishers.
LIBRARY OF CONGRESS CATALOG CARD NUMBER: 72-94452
Printed in Hungary
Remerciements
C'est au cours de la Conference Internationale d'Etudes s6mitiques qui s'est d6roul0e ä Jerusalem du 19 au 23 juillet 1965 que la tenue d'un Congrds de linguistique s^mitique et chamito-semitique a £te d£cid6e et que la proposition de Marcel Cohen d'organiser cette reunion a Paris a έΐό acceptee. Ce congres s'est done tenu, ä Paris du 16 au 19 juillet 1969. Les organieateurs tiennent ä remercier le College de France qui a bien voulu accorder Thospitalite ä cette assemble. lis tiennent aussi ä exprimer toute leur gratitude a l'U.N.E.S.C.O. qui grace ä l'entremise de la Comission de la Republique Pran§aise pour l'education, la science et la culture, a facility les travaux du Congres par l'octroi d'une subvention.
TABLE DES MATIERES
Remerciements Ouverture, par Marcel Cohen
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I. CHAMITO-SEMITIQUE 1. La position du semitique dans le chamito-sömitique, par Giovanni Garbini 2. Ä propos des limites du chamito-semitique: les systemes phonologiques des langues chamito-sömitiques et des langues du Sahara central, par Karel Petrdcek 3. Le classe degli aggettivi denotativi nelle lingue semitiche e nelle lingue berbere, par Fabrizio Angelo Pennacchietti 4. Alternances vocaliques dans le syst&ne verbal couchitique et chamito-semitique par David Cohen 5. Le rapport de l'6gyptien avec les langues semitiques: quelques aspects du probleme, par Joseph Vergote 6. Determinatives of Canaanite Personal Names and Toponyms in Egyptian, par Raphael Qiveon 7. Les Etudes chamito-s^mitiques ä l'Universite de Fribourg et le 'lamökhitique', par Werner Vycichl 8. Hebrew, Harari, and Somali statistically compared, par Α. Murtonen 9. L'histoire de l'&riture et les textes du domaine linguistique chamito-semitique, par Madeleine V. David
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27 30 40 49 55 60 68 76
II. BERBfiRE 10. Etablissement d'un nouveau phoneme vocalique en berbfere oriental ou saharien (touareg etc.): α voyelle centrale distinct de a, par K. Prasse 87
TABLE DES MATIERES
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11. «Signe arbitraire et eigne motiv6» en berbere, par Lionel Qaland
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12. Les noms de nombre berberes a la lumiere des etudes comparees chamito-s^mitique, par Ju. N. Zavadovskij 102 13. Sur la transcription en caractferes h^braiques d'une version berböre de la Haggadäh de Pesch, par P. Galand-Pernet et Η. Zafrani 113 14. L'int&ret des pariere berberes orientaux, par Β. H. Strieker . .. 147
I I I . COUCHITIQUE 15. Mutual Intelligibility within Sidamo, par M. L. Bender
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IV. SßMITIQUE 16. Reflexions sur la paleontologie linguistique, par Pdio Fronzaroli 17. La division des langues s^mitiques, par Robert Hetzron 18. Reflexions sur le participe actif du s^mitique, par Frithiof Rundgren 19. Notes de lexicographic ougaritique, par Andrd Caquot 20. La vocalisation des formes verbales dans l'6criture n£opunique, par Maurice Sznycer 21. La port^e des negations devant les verbes au causatif, par Jean Carmignac 22. De l'origine de quelques termes relatifs au vin en Mbreu biblique et dans les langues voisines, par Mathias Delcor 23. Y a-t-il un element 'ain-resh commun a plusieurs racines hebraiques?, par Ren4 Samuel Sirat 24. La position descriptive et comparative des formes contextuelles en hebreu, par Haiirn Β. Ros6n 25. Remarques sur les diminutifs en hebreu israölien, par Michel Masson 26. Standard Literary Aramaic, par Jonas C. Greenfield 27. Sur un pseudo-relatif sudarabique, par M. Rodinson 28. Le las, if selon les grammairiens arabes, par H. Fleisch 29. As-sidra (-t?) al-muntahä. Quelques commentaires linguistiques sur des textes existants, par O. Vitestam 30. Prepositional Verbs in Maltese, par J. Aquilina 31. Remarques sur l'accent de mot dans les dialectes arabes d'Orient, par Jean Lecerf
173 181 195 203 209 220 223 234 246 256 280 290 292 305 309 322
TABLE D E S MATIEBES
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32. Les structures dupurisme grammatical arabe ä travers les termes essentiels de son lexique technique, par Lucienne Saada 329 33. L'etat actuel des recherches linguistiques en Tunisie (Communication de la section linguistique de l'I.P.S.E.J.E.S, Tunis) . . . 338 34. Some Ways and Means of Enriching the Modern Amharic Vocabulary, par Ε. B. Gankin 347
v. ETUDES CONNEXES 35. Contacts de vocabulaire entre le haoussa et le touareg, par Claude Gouffd 36. Courte note sur les epitaphes möroitiques du vice-roi Abrateye, par A. Heyler et J. Ledant 37. A Meroitic Number-Word, par Ν. B. Millet 38. L'influence arabe dans le sud-est de Madagascar, par Jacques FavbUe Allocution de cloture, par Andri Dupont-Sommer
357 381 393 399 412
OUVERTÜRE
MARCEL COHEN
Je declare ouvert le premier congres international de linguistique semitique et chamito-s^mitique. Je salue avec plaisir tous ceux qui se trouvent ici, qui ont repondu ä notre appel. Je regrette 6videmment l'absence de ceux qui ont du s'excuser, qui n'ont pas pu venir pour des raisons diverses, et ceux qui 6tant non pas Strangers mais au contraire Parisiens, se trouvent dans la p£riode des vacancee et ne sont pas favoris^s par un congres en juillet ä Paris. Au nom du GLECS, premiere puissance invitante, je remercie les Instituts de l'Universit6 de Paris qui se sont associ^s ä nous: l'Institut d'Etudes s^mitiques, rinstitut d'Etudes islamiques et l'Institut de linguistique. Je voudrais dire que nous repräsentons quelque chose d'extraordinaire. Nous repr^sentons, par nos 6tudes, certaines des civilisations les plus anciennes, connues par l'6criture, les plus anciennes civilisations qui ont pu avoir une histoire parce qu'elles se sont munies de l'^criture. C'est ainsi que nous remontons au 44me miltenaire, alors que nos amis — dont nous faisons partie ä l'occasion — qui s'occupent des langues indo-europ6ennes ne remontent qu'au 24me mill&iaire. Mais nous ne devons pas oublier les voisins du chamito-sömitique qui sont attests avec la meme anciennet^. II y a le sumerien de Mesopotamie, pour lequel ont peut-etre 6t6 combines les premiers eignes pictographiques qui ont donne naissance ä l'^criture cun6iforme. II y a ä l'est Islamite de la Susiane pour lequel d'autres eignes pictographiques avaient 6te cr6es, sans doute a la meme öpoque. Plus ä l'est encore, ä une epoque difficile ä dater, la civilisation de l'Indus, avec une autre Venture encore, qui semble etre en voie de d6chiffrement. On doit esp^rer qu'une place pourra etre donnee, dans les prochains congres, aux Etudes concernant ces domaines, ce qui ne nous a pas et4 possible cette fois, alors que nous avons heureusement pu faire figurer ä notre programme un autre voisin, le m^roitique. Nos etudes ont έίέ representees 6videmment dans tous les grands congres internationaux orientalistes, dont le dernier a eu lieu l'annöe dernifcre aux
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Etats-Unis d'Amerique. Mais elles y auront toujours etE dispersees, dEchirEes, les etudes linguistiques etant associEes aux etudes philologiquee, historiques et autres, et rEparties entre les continents. II y a eu des demembrementa geographiques en meme temps que scientifiques. J'avais essaye personnellement, au moment de l'avant-dernier congres qui a eu lieu ä Moscou, de suggErer que peut-etre on pourrait faire une section sEmitique et chamito-sEmitique. Je n'ai eu aucun succes. On m'a dit que nous pourrions avoir la parole, mais en tant qu'asianisants ou africanisants. Nous devons done etre spEcialement reconnaissants ä nos collegues de Jerusalem qui ont, en 1965, organise, avant le CongrEs des etudes juives qui devait se tenir a JErusalem, des journees de conference d'Etudes sEmitiques. Tel Etait le titre. En rEalite, le president etait notre confrere Polotski, qui est sEmitisant mais surtout Egyptologue, et la premiere communication de ce congres avait trait au chamito-sEmitique, non au sEmitique tout court. Quand il s'est agi de prEvoir l'avenir, il s'est formE un petit comity avec les presents et on a dElibErE sur ce qui pourrait avoir lieu plus tard. A ce moment-la il s'est manifesto trEs nettement une opposition ä 1'idEe que nous avions eue au GLECS d'arborer cranement le titre de chamitosümitique, le sEmitique Etant compris dedans. Nous avons tenu compte de cette resistance et nous nous sommes inclines, d'oii le titre du present congres, titre double: Etudes de sEmitique et chamitosEmitique, Etant bien entendu qu'il s'agit d'etudes linguistiques spEcialement. Pour l'avenir, on verra bien. II faudra bien au cours de ce congres — ce n'est pas au programme mais e'est sous-entendu — prEvoir d'autres rencontres, et leurs titres. J'espfere que beaucoup de vous dElibEreront en eux-memes et entre eux et qu'en nous separant nous aurons des projets pour les annees suivantes. Je salue d'un bloc tous ceux qui ont jusqu'a present participe ä nos etudes. Je ne pourrai pas entrer dans le dEtail. Je tiens ä manifester quelque chose a la memoire d'un homme comme LEo Reinisch, Egyptologue autrichien qui nous a en quelque sorte donnE un de nos compartiments: le couchitique, par son intense activitE d'explorateur et de comparatiste. Ceci dit, je dirige le projecteur sur l'histoire proprement dite de la comparaison en sEmitique et chamito-sEmitique. II est bon de rappeler notre anciennetE. C'est des le 10i,me siecle de notre ere que des savants juifs ont reconnu la parentE de 1'hEbreu, de l'arameen et de l'arabe. £a a l'air naturel; mais dans le meme temps les gens qui parlaient fran§ais, italien, espagnol n'avaient pas le sentiment d'une parentE de leurs langues. C'Etait done une nouveautE au io 4me siecle. D'ailleurs il ne s'est pas dEveloppE tout de suite d'Etudes a ce sujet et il faut sauter beaucoup plus loin pour voir la suite. II existe quelques rares Etudes comparatives au 17 toe siEcle. C'est vers la fin du 18 toe siöcle qu'un Erudit allemand, Schlözer, a eu l'idEe de nommer les langues sEmitiques en recourant Evidemment ä la Bible: il
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s'agissait des file de Sem, qui ont donne leur nom aux langues semitiques. Done: reconnaissance d'une famille s^mitique, alors qu'il n'etait pas question de la famille romane, encore moins de la famille indo-europeenne, qui ne fut reconnue qu'au premier tiers du I9ftme siecle. Par consequent il y a lä une priority, dont nous n'avons pas a nous enorgueillir, mais que nous pouvons consta ter. Apres quoi, nous pouvons sauter plus loin, au milieu du 19 toe si£cle. C'est en 1844, alors que la grammaire comparee des langues indo-europ^ennes etait constitute, qu'un indo-europ6anisant, Theodore Benfey, a tcrit un livre details sur la parents entre l'tgyptien et le stmitique. II exprimait l'opinion que les autres groupes: le berb6re et le couchitique (qu'on appelait alors l'&hiopien) faisaient partie de la meme famille non nommee. Done Benfey a priority pour etre reconnu comme maitre dans le pass6. En 1851 a paru Histoire ρέηέταΐβ et systhme compari des langues simitiques d'Ernest Renan. Renan s'occupait du stmitique, mais il a admis les parentis reconnues par Benfey, dont il fait 6tat dans l'introduction de son livre. Par ailleurs ce livre, incomplet, n'a jamais 6t6 continue. Renan qui professait ici meme, dans cette maison, avait une ehaire d'h^breu, mais il faisait ä l'occasion de la comparaison. II disait: «Je n'ai pas complete mon livre mais je le continue ä mon cours.« Ses successeurs ont enseignt l'h 6breu, un peu de s6mitique, mais pas de comparatisme. En 1876 s'est produit un nouvel 6vtnement, c'est le d6but de la parution du Grundriss der Sprachioissenschaft de Friedrich Müller. C'est un livre des langues du monde, qui n'est pas seulement une classification gtographique; il d^crit les principales langues dont il parle. Or il reconnait le groupe chamito-stmitique (en allemand hamito- semitisch) qui n'avait pas 6te nommi auparavant. Pour le nommer, c'est encore ä la Bible qu'il recourait en ajoutant les fils de Cham aux fils de Sem. Circonstance en partie malheureuse: la distribution des fils du patriarche n'avait pas valeur linguistique. En effet le terme de chamitique inaugurt ici semble correspondre a une unit6 s'opposant au semitique. Apres Müller l'opinion s'est rtpandue qu'il existait une famille chamitos6mitique diviste en s6mitique et en chamitique, le chamitique 4tant lui-meme divisi en plusieurs parties. Ceci nous mene ä la fin du I9 ime siecle. Lä nous rencontrons Theodor Nöldeke avec une bonne ttude courte: Die semitischen Sprachen. Eine Skizze (1899). Dans l'introduction il fait une large place ä l'idte de la comparaison chamitos^mitique. J'insiste lä-dessus, on verra tout ä l'heure pourquoi. (Le meme point de vue se voit dans ses publications ulttrieures.) En 1897 H. Zimmern, simitisant allemand, a fait le premier traits de comparaison semitique: Vergleichenden Grammatik der semitischen Sprachen. II fait
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une large place au chamito-semitique, donne quelques paradigmes montrant les parentis. Ici se situe une p6rip6tie malheureuse: la maniäre dont Carl Brockelmann a traite l'ensemble du sujet qui nous occupe. C'etait un erudit Eminent qui a rendu de grands services a l'orientalisme. II a ete admis en 1908 (pour quelle raison de librairie ?) a remplacer le livre de Zimmern, dans la meme collection, par un livre de sa composition sous le titre de Kurzgefasate vergleichende Grammatik der semitischen Sprachen. En meme temps il publiait chez un autre editeur un petit livre intitule Semitische Sprachioissenschaß, traduit en fran9ais par William Margais et Marcel Cohen sous le titre de Prdcis de linguistique sSmitique. Malencontreusement Brockelmann s'est mis dans l'id^e que l'ensemble chamito-semitique ne resulte pas d'une parents g6n6tique, a partir d'un point de depart commun, mais constitue une espöce de confederation de langues avec des rapports d'affinite par contact. En consequence il a consacre trds peu de pages ä ces rapports dans ses introductions et contrairement ä Nöldeke et ä Zimmern il n'a donne aucuns paradigmes ä l'appui des rapprochements. II s'est done confine dans le comparatisme proprement semitique, et avec lui les usagers de ses ouvrages en allemand et du Prdcis en frangais. II est done responsable d'un serieux retard dans la recherche. Un redressement difficile etait necessaire. Ici je suis oblige de me mettre en scene. En 1911, j'ai ete nommi ä un tres modeste poste de charg6 de cours d'amharique k l'Ecole des langues orientales. Le directeur, Paul Boyer, un homme eclair^, m'a demande de faire en supplement des legons sur la comparaison. A ce moment-lä j'ai empoignö la question, relu F. Müller et tout ce que j'ai pu et j'ai ab orde les diff^rentes langues chamito-semitiques. II m'est apparu, des que j'ai examine la question avec un esprit comparatif, qu'il n'y avait aueune raison de reunir en chamitique trois des quatre branches du chamito-semitique. II n'y a aueune parente speciale entre l'^gyptien, le berbere et le couchitique. J'ai pose des ce moment-la la quadripartition du chamito-semitique dans mes legons, qui n'ont pas eu de publicite en dehors de l'Eoole des langues. II n'y a eu un aboutissement dans une publication qu'en 1924. C'etait la premiere edition de l'ouvrage «Les langues du monde» dont je dirigeais l'eiaboration avec Antoine Meillet et oü j'etais charge du chapitre que nous avons intitule Langues chamüo-simitiques. Dans ce chapitre j'ai expose ma doctrine en indiquant les caracteristiques communes que j'avais reconnues aux quatre branches du chamito-semitique. C'etait un fragment de livre qui n'a pas ete lance en publication separee comme l'avait ete autrefois «l'Esquisse» de Nöldeke, d'abord publiee comme article d'encyclopedie, et a, je le crains, echappe ä la plupart des hebraisants, arabisants, egyptologues etc.
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Enfin, la doctrine etait posee. Cependant, auparavant, les etudes avaient continue. Pour les etudes de chamitique: de Lassy-O'Leary, un Anglais, publie en 1915 Characteristics of the hamitic languages, ouvrage de comparaison trfes interessant, mais ού il oppose le chamitique au s^mitique. L'etude de F. Lexa, Comment se rivUeid les rapports entre les langues hamitiques, simitiques et la langue egyptienne . . . (1922) merite encore d'etre consulte; il contient des documents, des paradigmes. L'Am^ricain William H. Worrell a publie en 1927 A study of Races in the Ancient Near East (ού la linguistique a une grande part). II y a ouvert la question du tchadien. En 1924 je n'avais pas parle du haoussa, la question ne s'est posee a moi que plus tard. Ensuite sont venues des etudes d'^gyptologues contenant des rapprochements d'etymologies egypto-s6mitiques, avec de rares autres. De Aaron Ember il y a toute une s^rie d'articles de 1911 ä 1926 et un livre posthume Egypto-semitic studies en 1930. De Franz Calice, diplomate de son etat, plusieurs contributions et un livre posthume tr£s important: Grundlagen der ägyptisch-semitischen Wortvergleichung (1936) ού le chamito-s6mitique est correctement traits comme ayant quatre branches et ού la question du haoussa est legkrement touch6e. Je reviens ä mon activite. En 1931, j'ai du renoncer a l'espoir d'etre pourvu d'un enseignement magistral de chamito-s^mitique, mais je ne me suis pas resigne ä lächer le sujet. J'ai organise le GLECS, qui vous invite aujourd'hui, qui a fonctionne avec l'aide de diffßrents secretaires, et a entretenu, je crois, la flamme comparative de maniere assez satisfaisante. Nous avons le plaisir de recruter tous les ans de nouveaux membres, surtout des biblioth£ques, interessees par nos Comptes rendus, qui sont apprecies. Etant titulaire de l'enseignement de l'ethiopien ancien et du sudarabique a l'Ecole des Hautes Etudes, et etant libre de parier comme je voulais, j'ai fait, en dehors de mes horaires obligatoires, une serie de cours de chamitosömitique (certains sont resumes dans les annuaires de l'Ecole des Hautes Etudes IV® Section, avec reproduction dans le volume qu'on m'a offert sous le titre de 50 annees de recherches, en 1955). Des 1924, considerant que l'identite des systemes morphologiques etant amplement demontröe (voir ma conference Les resullats acquis de la grammaire comparde chamito-sdmitique dans Conferences de l'Institut de linguistique, 1934, reproduit dans Cinquante annies de recherches. . . (1955) pp. 181—193) il etait indispensable d'examiner quelle etait l'ampleur des concordances lexicales qui devaient n0cessairement exister entre des langues aussi etroitement apparentöes. En consequence, sans attendre plus, j'ai commence en 1925 a έ, etablir un fichier. J'ai choisi de prendre 500 termes, ceux qui paraissaient fondamentaux dans les besoins des communications.
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Sur les fiches j'ai inscrit la traduction des mots fran§ais dans toutes les langues chamito-s^mitiques dont j'ai pu consulter un dictionnaire ou un lexique, en adjoignant le haoussa. C'est seulement dans l'ann^e scolaire 1934—35 que j'ai pu proc&ler au travail comparatif, avec l'aide de mes 61eves, que je remercie r^trospectivement. Ce travail a continue jusqu'en 1940. II en est r6sult6 un livre: Essai comparatif sur le vocabulaire et la phondtique du chamitosdmitique. Ce livre a eu ses aventures. Pr£par6 a l'Ecole des Hautes Etudes, comme je viens de le dire, j'en ai £tabli la redaction lorsque j'ai έΐέ revoqu6 sous l'occupation. En 1941, s^journant ä la Campagne, le jour memo ού je commen9ais ä mettre au net le vocabulaire compart, la police a perquisition^ chez moi. J'ai pu m'6chapper et travailler dans une certaine mesure; mais, devenu clandestin, j'^tais coupe des bibliotheques et ne pouvais demander l'aide de mes collegues pour les verifications n^cessaires. Ce livre n'a done pu paraitre et avoir un certain effet qu'en 1947, effet süffisant pour que le tirage (modeste) s'^puise en quelques ann^es. Ces jours-ci la librairie Champion l'a republie en edition photographique. Done, alors que les pr^cMentes comparaisons lexicales n'avaient concern^ que deux branches, le semitique et l'^gyptien, dans les travaux que j'ai cit^s, auxquels je dois beaucoup, j'ai pu donner un premier essai de vocabulaire des quatre branches du chamito-s6mitique avec un choix des termes volontairement restreint. J'ai eu la satisfaction que sur les 500 rapprochements avanc^s, la plupart (400) ont έίέ accepts par les juges les plus s^v^res: mon regrett^ 01eve et ami Jean Cantineau (le seul titulaire d'une chaire de langues sömitiques dans l'universit^ frangaise, a Alger, pendant quelques ann^es. Qa ne s'est pas renouveM depuis) et aussi Brockelmann: pour lui les rapprochements etaient valables, mais il continuait a maintenir qu'il ne s'agissait pas d'un groupe gen^tique. Un auteur de compte rendu a deplore que je n'aie pas ins£r£ plus de rapprochements, c'est Fritz Hinze dans Zeitschrift für Phonetik 5 (1951), 65—87. A l'Essai il faut ajouter une communication r^dig^e en 1939 pour etre pr£sent£e au V i m e Congres des linguistes de 1939, qui n'a pas eu lieu, imprim^e dans le recueil des communications annoncees et reproduit avec peu de retouches dans Ginquants annies de recherches . . . pp. 206—210. C'est de propos d61ib£r0 que dans ce travail comme dans le livre je n'ai pas cherch6 k reconstituer des formes communes avec astirisque. II faut que je parle quelque peu du tchadien (haoussa et langues de son groupe) dont il sera d'ailleurs question ä ce congr&s. Faut-il donner un cinquteme membre ä la famille chamito-s^mitique ? W. H.
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Worrell a ouvert la question. Mais c'est Lukas, le tr0s bon africaniste allemand, que je regrette de ne pas voir ici, qui a pose largement le problkme, et qui pense qu'il y a un groupe tchadien qui prolonge a l'ouest le couchitique. Notez que d'autres auteurs voudraient plutöt rapprocher le haoussa du berböre. II y a eu des publications sur le sujet. Nous avons discute la question des 1932 au GLECS. Post^rieurement, j'en ai fait etat dans Les langues du monde, 24me Edition, 1952, mais en maintenant mon chapitre chamito-s0mitique en quatre branches. Je voudrais donner bri6vement quelques indications compl^mentaires. Joseph Greenberg a publie en 1963 son ouvrage The Languages of Africa. II y propose de remplacer chamito-s^mitique (qui n'est pas excellent avec ses souvenirs bibliques) par afro-asiatique qui est certainement pire avec cette distribution geographique, mais qui malheureusement se retrouve maintenant chez d'autres auteurs. Faisant une distribution generale des langues en Afrique, Greenberg a inclus le tchadien dans son afro-asiatique. Pour l'Union sovi6tique, je dois d'abord dire qu'il y existe deux centres d'6tudes qui ont la denomination semito-chamitique, celui de Tbilissi, dirig^ par K. Tseretelli, que nous devions voir ici et qui a ete empech6 au dernier moment. Le second fonctionne ä Leningrad sous la direction de Igor Diakonov. Celui-ci a publi6 un premier ouvrage manuel de chamito-semitique en editions russe (1963) et anglaise (1965). II y traite resolument du tchadien comme d'une cinquieme branche de l'ensemble. Un mot maintenant sur la fayon dont la question se pose pour nous ä Paris. Nous sommes embarrasses pour la preparation de la 34me Edition des Langues dans le monde qui doivent succ&ler aux Langues du monde. Nous avons d6cid6 de faire une place ä part au haoussa en le d6tachant suffisamment des langues africaines sans l'inclure totalement dans les langues chamito-s^mitiques. C'est ce point de vue qu'on trouve aussi dans le petit ouvrage de David Cohen paru dans Le langage, dirigä par A. Martinet dans la collection de la Pliiade. J'ai peu de chose a ajouter. On nous a dit (ä Jerusalem et a Paris) qu'on ne savait pas tr&s bien ce qu'est le chamito-semitique. Nous avons eu l'id£e au GLECS de faire, sous la direction de David Cohen, une serie de petites monographies autant que possible pour toutes les langues chamito-s&oitiques, Nous pensons qu'une telle serie sera done tres utile. Elle est en train de se faire, mais il y a des retards, du cot6 des auteurs et des editeurs. J e tenais ä vous mentionner ce projet. Je conclus en revenant ä Diakonov et Tseretelli. Iis ont des centres intitules sämito-chamitiques, ce qui reprend un terme qu'il faut mettre ä l'actif du terrible Nicolas Marr, qui a fait beaucoup de d^gats dans la linguistique sovi6-
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tique, mais qui avait eu l'id6e de decrire toutes les langues du monde, qui admettait un groupe semito-chamitique et avait cree un petit centre k Moscou dans son institut «Langue et pens6e». Malheureusement je ne peux ajouter d'autres exemples dans d'autres pays. Notre collogue K. Prasse, que vous aurez le plaisir d'entendre, berberisant et comparatiste, m'a ecrit que le titre de chamito-semitique n'apparaissait pas pour sa chaire. De meine que notre collegue Frithiof Rundgren ä Upsala. De meme pour nos collegues de Tch&soslovaquie Karel Peträöek et S. Segert qui ont organise le mieux qu'ils ont pu des etudes simitiques, et qui font ä l'occasion du chamito-semitique ä Prague dans des cadres orientalistes. Notre ami W. Leslau m'a confirm^ hier meme que son organisation de Los Angeles est mise sous le signe du «Near East» = Moyen-Orient, et non pas du semitique ou du chamito-semitique. A Londres, J. Bynon, qui a une activite de comparatiste, a une chaire de berbere. A Paris je n'ai pas pu obtenir le changement du titre «Institut d'etudes s^mitiques». Nous avons seulement ä la fin de l'affiche de cet Institut la mention «autres langues chamito-semitiques (^gyptien, berbere, couchitique), suivie de «etudes connexes (sum^rien, hittite)». Je regrette de ne pas avoir plus de centres chamito-semitiques ä signaler. J'espere qu'on arrivera petit ä petit ä connaitre partout l'appellation chamito-semitique (ou semito-chamitique) en reconnaissant l'interet qu'il y a ä poursuivre l'etude de cette grande famille linguistique. Le titre, dans ce affaires-lä, n'est pas indifferent. Nos etudes auraient mieux avance, je crois, s'il y avait plus de groupements comme notre GLECS, arborant le titre de chamito-semitique. La-dessus je termine en exprimant l'espoir que beaucoup d'entre vous seront convaincus par ce que je dis et pourront oeuvrer dans cette direction.
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CHAMITO-SEMITIQUE
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LA POSITION DU SfiMITIQUE DANS LE CHAMITO-SflMITIQUE
GIOVANNI GAEBINI
La famille linguistique chamito-semitique est actuellement consideree par les savants selon deux theories differentes. II y a une th^orie, que l'on peut döfinir classique, pour laquelle les groupes du chamito-semitique seraient quatre (ou cinq) branches interdependantes. C'est la th^orie de M. Cohen, le maitre des Stüdes chamito-s^mitiques, ä laquelle se rattachent aussi des savants comme I. M. Djakonov, J. H. Greenberg, S. Moscati. II y a d'autre part la th6orie proposee par Ο. Rössler et suivie foncierement par W. Vycichl, selon laquelle l'egyptien et le libyco-berbere sont deux branches occidentales de l'arbre sömitique; ce sont des branches tres anciennes et successives dans le temps; les langues couchitiques et Celles du groupe Tchad seraient l'aboutissement de la 'libysation', c'est a dire de la semitisation de langues africaines. Cette semitisation secondaire qui aurait donnö naissance aux langues chamitiques avait ete, il y a vingt ans, d6jä envisag^e par le savant italien V. Pisani. Ces theories renferment, dans leur diversite, des aspects positife, ä cöte de quelques zones d'ombre. L'autonomie de chaque groupe linguistique nous permet une Evaluation plus objective du materiel chamitique, auquel on peut ainsi έviter l'holocauste sur l'autel de la 'semiticit^' (selon l'opinion implicite de 0 . Rössler, tout fait chamitique qui ne se rencontre pas dans le sämitique devrait etre consider^ appartenant au substrat africain). La diffusion en 6poque differentes des vagues linguistiques aboutissant ä des stratifications bien marquees semble d'ailleurs correspondre au proces historique mieux que la conception de monades linguistiques qui nous rappelle trop Evidemment cette theorie de l'arbre gönEalogique que tout semitisant Ecarte de ses pens6es mais que bien souvent il suit dans ses actions. En plus, l'hypothfese des stratifications successives nous offre peut-etre une justification possible pour des ph&iomenes surprenants et sous-estim6s auxquels se heurte la comparaison chamito-semitique: j'entends dire le manque de correspondances phon^tiques r^guli^res parmi les langues et l'extreme pauvrete du lexique commun (dont l'existence est assez souvent due ä la couche linguistique appeMe indo-m6di-
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terran^enne). II faut l'admettre, le chamito-semitique est tout autre chose que l'indo-europ^en. A la theorie de Ο. Rössler on peut d'ailleurs objecter que la formation d'un 6tat et d'une langue sur les bords.du Nil rend problematique l'hypothese d'une 'vague' semitique qui aurait traverse l'Egypte pour aller constituer le libyco-berbere. Si l'on veut maintenir les 'branches occidentales du semitique', il faudra se resigner ä faire passer les ancetres des Berberes avant l'arriv^e des ancetres des Egyptiens. II y a un £l£ment commun aux deux theories que l'on vient de mentionner: elles mettent en discussion le type de rapport intercurrent entre le semitique d'une part et les groupes chamitiques de l'autre: mais nul doute sur l'unite, la compacite, la 'monolithicitö' du semitique, qui reste toujours le pere ou le fr^re ain6 de la famille. Pour le semitisant, βίβνέ dans une famille qui peut compter bien d'aieux glorieux, l'existence du semitique est comme l'existence de l'äme pour le croyant: elle est le fondement in&iminable, sa raison d'etre. Mais je crois que la recherche scientifique ne peut etre feconde que si elle pose en discussion continuellement ses propres principes, en les comparant aux donn^es nouvellement acquises et specialement en v^rifiant la validity des conceptions g6n6rales qui sont k la base de la m6thodologie. Α cöt6 d'un chamitique si peu saisissable, est-ce-que nous pouvons etre sürs de la r£alit6 de notre semitique? On vit des temps bien dure, h61as, ού tout est contests. E h bien, je conteste le semitique. L'unite semitique qui est encore aujourd'hui le fondement de toute comparaison a commence ä apparaitre, en effet, le r^sultat assez tardif d'une histoire linguistique qu'on peut suivre sans beaucoup de difficult^. Tout le semitique du nord-ouest, l'arabe du nord et une large partie du sudarabe ancien (avec son debordement sur le semitique d'Ethiopie) ne sont que des manifestations differentes, dans l'espace et dans le temps, d'un meme type linguistique, l'amorrheen, qui a dans l'ugaritique, l'arameen et le nordarabe ses expressions les plus fideles. Ce proces d'affirmation d'une meme langue sur un domaine toujours plus large commenya vers le debut du II® millenaire av. J.-C.; apres 2000 ans, du semitique ancien il ne restait que l'accadien; le sudarabe ancien voyait sa structure foncierement modifi^e par la langue de ces Arabes amorrh^ens (il y avait dans le Y^men, k l'^poque helMnistique, des chefs caravaniers qui s'appelaient encore comme les rois de la premiere dynastie de Babylone), tandis que du canan^en du III 6 millenaire il n'y avait plus que des fossiles dans l'onomastique et dans la morphologic et le lexique des nouveaux dialectes amorrh^ens. Plus tard, avec le gueze, et de nos jours avec les dialectes modernes du sud de l'Arabie et de l'Ethiopie, on a pu connaitre du semitique periph^rique moins efface par la superposition amorrh&)-arabe. Quelle valeur peut-on attribuer alors ä une comparaison se basant sur des langues comme l'ugaritique, l'h^breu, l'arameen, l'arabe? (le grammaires compares traditionnelles laissent pratiquement ä l'6cart l'accadien et l'^thio-
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pien, qui apparaissent comme des langues trop 'originales'). L'etude comparative du semitique doit prendre les langues amorrheens pour ce qu'elles sont, c'est ä dire la manifestation progressive du type jungsemitisch, meme s'il y a, dans ces langues recentes, des morphemes, des lexemes ou des structures plus anciennes. Nous avons done un semitique ä deux couches, mais toujours un seul semitique. Est-il vraiement seulement un? (a) Dans le domaine de la phonologie, la consonne / caracterise le semitique meridional a l'^gard de celui du nord, qui a p\ les grammaires c o m p a r e s nous disent que le sud-semitique a innove. Sur le plan phon^matique cela signifie qu'il y a au nord une opposition de sonorite bjp, tandis que au sud il y a une opposition double, de sonority et d'articulation (6//), puisque il n'existe pas de correspondant sonore de /. L a situation phonologique du sud-s^mitique est commune au berbere et ä une partie du couchitique (bedja, quelques dialectes agaw, somali, etc.), tandis que d'autres langues couchitiques (ometo, sidamo, kaffa, galla, d'autres dialectes agaw), l'haoussa et l'egyptien possedent tantöt p , tantot / (et parfois aussi des ρ emphatiques). Si l'on examine l'etat phon^matique de ces langues, on trouve toutefois que, sauf l'egyptien, 1'opposition entre p, f et b est une seule: c'est a dire que la consonne ρ n'est jamais consid£r6e phonematique; eile est toujours une Variante parfois de f, en opposition a b (couchitique central), parfois de b, en opposition ä / (couchitique oriental). Seul l'egyptien connait une opposition pjflb, meme s'il y a a, croire qu'il s'agit d'un developpement secondaire (noter le pronom d^monstratif ρ et le suffixe personnel -/). E n general, done, le chamito-semitique nous präsente deux types d'opposition: p/b dans le nord-s6mitique, f/b dans tout le restant; l'egyptien occupe une situation intermediaire, plus proche du nord-semitique. (b) Venons ä la morphologic. Dans les pronoms personnels de troisieme personne, la distinction entre les genres se fait dans le semitique au moyen d'une alternance vocalique; toutefois, le mehri et le gourague connaissent une alternance consonantique (h pour le masculin, s pour le feminin). II faut cependant admettre que la situation generale du semitique n'est pas tres ancienne, puisque la distinction du genre au moyen de consonnes differentes est attestee sur tout le domaine chamito-semitique par les prefixes pronominaux de la conjugaison (y pour le masculin, t pour le feminin). Dans les langues chamitiques, lorsqu'il y a distinction du genre, celle-ci est realisee soit par alternance vocalique soit par alternance consonantique. L a presence de l'alternance par consonne est attestee, pour le chamitique, en egyptien, en haoussa et dans le couchitique oriental (galla et somali). (c) Le pluriel des noms, pour ses implications avec ce qu'en epoque hietorique apparait comme le genre, constitue un secteur tres difficile de la grammaire chamito-semitique (je mentionne ici seulement les travaux S c e n t s de A. S. Lekiafivili et de I. J. Gelb). Pour le pluriel externe, nous avons un
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suffixe -cm, dont l'origine est obscure, present sur toute l'aire semitique (mais toutefois en mesure et avec fonctions diverses), et peut-etre aussi dans le herbere et dans une partie du couchitique (agaw, ometo et galla). II y a un suffixe -at, derive du singulier -at et en rapport, a l'origine, avec l'impersonnel (LekiaSvili); ce suffixe s'est specialise, en ögyptien et en une large partie du semitique, comme suffixe feminin; des suffixes avec la consonne t sont attestes en plusieures langues couchitiques. II y a enfin la formation qui est consid6r£e la plus typique du semitique, c'est & dire l'allongement de la voyelle du cas (l'hypothese de I. J . Gelb, selon laquelle il s'agirait de la voyelle du genre, n'est pratiquement pas pertinente, puisque en fait cette voyelle est ζέτο). Cette formation semitique est assez recente, puisqu'elle presuppose l'existence de la d^clinaison a trois cas, qui est post6rieure k la d6clinaison ä deux cas (Gelb). Or, cette formation semitique n'a pas atteint l'ethiopien, qui a forme ses pluriels masculine en g6n£ralisant l'usage de -än et sp^cialement de -ät, se pla?ant ainsi sur le meme plan que l'egyptien, l'agaw, le galla et le somali. (d) Dans le domaine ethiopien, nous trouvons aussi des pluriels en -ot (tigrigna) et en -oc (amharique), qui ne peuvent pas etre rapport^s au suffixe -ät. II s'agit, comme W. Vycichl a bien observe, d'une formation analogue ä celle de l'egyptien, qui a -aw pour le masculin et -awt pour le feminin. Le semitique conserve des traces de ce type de pluriel: je signale la terminaison -äwät de l'arameen (qui n'est done pas secondaire, comme le dit I. M. Djakonov) et aussi la terminaison -üt des adjectifs accadiens, ou est le r^sultat normal de la reduction de la diphtongue aw; la specialisation de ce suffixe en accadien (adjectifs masculine) a un parallele dans le tigrigna, ού le meme suffixe se trouve seulement avec les adjectifs. (e) Les pluriels redoubles sont attestes en toute l'aire semitique, mais ils sont frequents seulement en mandeen, neo-syriaque, arabe du Yemen, sudarabe moderne et Äthiopien moderne. Dans le domaine chamitique, les pluriels redoubles se trouvent en couchitique et en haoussa. K. Petraöek a affirm^ que le d6veloppement de ces pluriels en semitique est dü ä une tendance interne du semitique meme; mais si l'on ecarte le nöo-aram^en, la distribution g^ographique du phenomene parle clairement en faveur d'un Sprachhund chamito-semitique meridional. Cette ligue linguistique a favorise la manifestation d'une tendance qui serait autrement restee a l'etat potentiel (dans ces dernieres annees, l'italien temoigne un usage toujours plus large du suffixe -ale pour former des adjectifs; la tendance est ancienne, et on peut la faire remonter jusqu'ä l'etrusque; maissans l'influencede l'anglais, l'italien n'aurait probablement jamais connu la realisation de cette tendance). (f) Le semitique presente des differences dans la formation de la conjugaison ä suffixes, qui est commune ä tout le semitique et qui a laiss6 des traces en egyptien, en berbere et en partie du couchitique. L'accadien a un suffixe en -k pour la premiere personne singulare et des suffixes en -t pour la deuxieme
LA P O S I T I O N DU
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et pour la troisieme feminine; la memo chose se retrouve en egyptien et en berbfere. Le semitique occidental, L· l'exclusion de l'ethiopien, a des suffixes en -t pour les trois personnes. L'ethiopien a des suffixes en -k pour la premiere et la deuxieme personne, en -t pour la troisieme. On admet en general que la formation originaire est celle de l'accadien, tandis que les autres seraient des innovations dues ä l'analogie. Cette affirmation est peut-etre valable pour le semitique occidental, moins acceptable pour l'ethiopien; comme l'a dejä Γ β ί β ν έ G. Castellino, la comparaison chamito-semitique nous oblige a voir dans les suffixes en -k de l'ethiopien des elements pronominaux originaires. Ceci signifie que l'ethiopien a suivi une direction particuliöre dans la formation de la conjugaison ä suffixes, indöpendante soit de celle du chamito-semitique septentrional soit de celle du s6mitique moins ancien. (g) Dans le secteur des particules, je veux rappeler la proposition k- qui se rencontre en minien, mehri, soqotri et amharique avec la valeur de 'ä'. II est difficile de douter que cette particule soit en rapport avec les postpositions -ku du somali et -ko de l'ometo qui ont la meme signification. D'aprös ce qu'on vient de dire, on peut constater que le semitique a un aspect assez peu unitaire, si l'on ne tient pas compte de la couche jungsemitisch. On pourrait done parier d'un ensemble dialectal semitique, dont les isoglosses touchent tantot l'un tantöt l'autre des groupes chamitiques. Mais si nous examinons la distribution de ces isoglosses et appliquons les principes de la geographic linguistique, nous obtiendrons un tableau bien defini. Dans l'ensemble chamito-semitique, l'opposition phonematique pjb, la creation d'un pluriel masculin au moyen de l'allongement de la voyelle du cas et la formation d'une conjugaison ä suffixes en -k et -t, constituent des innovations de l'aire nord-semitique qui parfois atteignent aussi le chamitique septentrional, mais qui n'atteignent pas le semitique du sud. Celui-ci a tantot des innovations particulieres (comme la conjugaison ä suffixes en -k), tantot perpetue une situation ancienne chamito-semitique (pluriels en -än, -at, -aw; distinction des pronoms de troisieme personne au moyen d'alternance consonantique). En plus, il partage des isoglosses avec le couchitique (realisation glottalisee des consonnes emphatiques, pluriels redoubles, particule k-). La differenciation entre le nord- et le sud-semitique, qui serait d'ailleurs bien plus marquee s'il n'y avait pas eu la superposition de la couche amorrheenne dans la peninsule arabe, reflete done, plus qu'une division dialectale ä l'interieur du semitique, une division plus generale qui atteint tout le chamito-semitique. Dans le domaine chamito-semitique il est possible d'individuer une aire septentrionale, innovatrice, ayant son centre dans les zones de haute civilisation (Egypte, Syrie, Mesopotamie), et une aire meridionale, plus conservatrice (et plus eioignee des centres de culture), ä laquelle les innovations peuvent arriver soit par le nord de l'Afrique soit a travers la peninsule arabe.
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Cette vision du semitique et de ses rapports avec le chamitique que nous venons d'examiner, a des contacts avec l'histoire de l'unite italo-celtique, admise jadis grace a la conception de l'arbre g£n6alogique. Celui-ci etant demode, on s'aper9ut aussi que les isoglosses italo-celtiques etaient en realite des isoglosses latino-gaeliques d'une part et osco-ombro-britanniques de l'autre. Le resultat fut non seulement la fin de l'unite italo-celtique, mais aussi la fin de l'unite italique: latin, osco-ombrien, celtique et germanique forment le groupe occidental, assez archaique, de l'indo-europ6en. On peut done proposer, pour le chamito-semitique, une subdivision en septentrional et meridional, dont nous avons d6j& vu les caractdres. Le chamito-semitique septentrional sera constitue par l'accadien, le semitique du nord-ouest, l'ögyptien et le berböre; le chamito-semitique meridional comprendra le sudarabe, l'ethiopien et le couchitique, dont le manque de documentation ancienne nous cache probablement de plus Stroits liens avec l'ethiopien. (Je me demande souvent pourquoi les ethiopisants parlent toujours d'influences couchitiques sur le semitique et jamais d'influences semitiques sur le couchitique; l'histoire des langues nous renseigne que l'influence est reciproque et qu'en general e'est la langue de plus grand prestige qui donne de plus). II reste ä classifier les langues du Tchad (je laisse cette täche a d'autres plus competents que moi), tandis que l'arabe aura une position particuliere: issu du semitique du nordouest, son etablissement dans la peninsule arabe a fait de lui une sorte de Mischsprache, oü caracteres septentrionaux et meridionaux se trouvent cote ä cöte. L'arabe est 1'anglais du semitique. Avant de terminer cette communication, je voudrais dire encore quelques mots sur les innovations du chamito-semitique septentrional: celles qui ont determine certains d'entre les aspects les plus caracteristiques de nos langues. Une innovation assez recent«, e'est a dire l'opposition phonematique p/b, a son correspondant dans l'indoeuropeen; d'autres innovations, telles que l'apparition des consonnes pharyngales, les triades de consonnes (sourde, sonore, emphatique), la reduction du vocalisme et le developpement du consonantisme, la specialisation semantique des racines affines au moyen du changement d'une consonne (ce qu'on appelle souvent le 'biconsonantisme' originaire du semitique), la determination des noms au moyen du suffixe -a, sont tous des phenomenes qui ne sont pas exclusifs du chamito-semitique, mais qui se retrouvent aussi dans le caucasien meridional et en particulier dans le georgien. II serait difficile et peu prudent d'affirmer davantage. Nous devons toutefois reconnaitre des a present que, au delä de la famille chamitosemitique, il faut envisager une ligue linguistique plus vaste, comprenant les langues de la Mediterranee et de l'Asie Anterieure jusqu'au Caucase et ä l'Inde occidentale.
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Α PROPOS DES LIMITES DU CHAMITO-SÄMITIQUE: LES SYSTEMES PHONOLOGIQUES DES LANGUES CHAMITO-SßMITIQUES ET DES LANGUES DU SAHARA CENTRAL
KAREL PETRÄCEK
De nouveau et ä maintes reprises on cherche ä elargir le concept de la famille nominee chamito-s^mitique (d'apres M. Cohen1) ou afroasiatique (selon J. H. Greenberg2). Les langues tchado-hamitiques ayant ete incorporäes enfin dans la famille3, on a tent£ (en vain) d'introduire dans la meme famille les langues nilotiques4 et d'observer les contacts parmi les langues chamito-s^mitiques et les langues du Sahara central (selon J. H. Greenberg et A. N. Tucker, M. A. Bryan5) ou les langues du Sahara de l'Est (selon J. Lukas®). Dans le dernier sens vont les travaux de Ε. Cerulli7 et la synthese de A. N. Tucker, M. A. Bryan.8 Le probleme de la frontiere du chamito-s^mitique est ouvert de nouveau. Les contacts des langues du Sahara central, dans les travaux thforiques, vont le plus souvent ä l'Est. Laissons de cöt£ les travaux de A. Drexel9 et ceux de L. Reinisch10 et citons seulement J. Barth qui supposait les relations de ces langues avec l'egyptien11 ou le berbere,12 une these reprise plus tard par 1 M. Cohen, Langues chamito-s^mitiques, in A. Meillet et Μ. Cohen, Les langues du monde (Paris 19522), 81—181 et la production postörieure de ce savant, surtout Essai comparatif sur le vocabvlaire et la phonitique du chamito-semitique (Paris 1947), sane mentionner les autres savants qui ont suivi la route peroSe par M. Cohen. 2 J. H. Greenberg, Language of Africa (The Hague 1966). 3 Ibid.; I. M. Diakonoff, Semito-Hamitic Languages (Moscow 1965). 4 J. Hohenberger, Semitisches und hamitisches Sprachgut im Masai, mit vergleichendem Wörterbuch (Saohsänmühle 1958); critique par W. Leslau, Language 37 (1961), 176—179. * Α. Ν. Tucker, Μ. A. Bryan, Linguistic Analysis. The Non-Bantu Languages of NorthEastern Africa (London 1966). β J. Lukas, «Umrisse einer ostsaharanischen Sprachgruppe», Afrika und Übersee 36 (1951—52), 3—7. 7 E. Cerulli, «Etiopico», in Linguistica semitica: Presente e futuro. Studi di . . . raccolti da G. L. della Vida (Roma 1961), 148—159 pour le couchitique. 8 Voir note 5. • Α. Drexel, «Bornu und Sumer», Anthropos 14—15 (1919—20), 215—294. 10 L. Reinisch, Der einheitliche Ursprung der Sprachen der alten Welt (Wien 1873). 11 J. Barth, Sammlungen und Bearbeitungen Centred-Afrikanischer Vokabularien (1862), C L X X X V sq. 18 D'aprös H. Carbou, La rigion du Tchad et du Oudai (Paris 1912), I, 116.
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KAREL PETRACEK
Η. Carbou,18 mais critiqu^e en quelques details par R. Basset.14 J. Lukas, specialiste le plus competent dans la mature en question, a touche quelquefois les relations des langues du Sahara central avec d'autres langues, mais sa conclusion est plus prudente: «Ob ein Zusammenhang der Sprachstruktur mit anderen Sprachen besteht, ist nicht untersucht worden. Jedenfalls wird man die verwandten Spraohschichten eher im Osten als im Westen zu suchen haben».15 Ajoutons encore que vers l'Est sont orientees meme les etudes anthropologiques1· et ethnographiques.17 Ayant aujourd'hui 4 notre disposition les analyses de difftsrents systemes phonologiques des langues de la famille chamito-semitique18 et deux etudes fondamentales sur le syst^me phonologique du chamito-semitique19 ainsi qu'une synthase du döveloppement phonologique des langues du Sahara central,20 nous en pouvons d£duire quelques conclusions sur le probl^me donne, tout en r^sumant ici notre etude, avec les materiaux cites en ampleur, qui vient de paraitre.21 II va sans dire que notre probleme appartient ä la diachronie et suppose une reconstruction des proto-systismes (semitique, chamito-s6mitique, celui des langues du Sahara central). Cette operation analytique est appliqu^e dans notre etude cit^e ci dessus, et il n'est ni necessaire ni possible de la r^p^ter ici. En comparant les systömes en question (du chamito-semitique et des langues du Sahara central) nous voulons nous borner aux phonemes, correlations et series de localisation qui differencient les deux systemes. Ce sont les series: glottale, pharyngale, postvelaire; la correlation en general nommee 'd'emphase' qui apparait chez nous sous le terme de la 'correlation 13
Ibid. 117. Ibid. 117. 15 J. Lukas, Die Sprache der Ttibu in der zentralen Sahara (Berlin 1953), X V I . 16 Surtout von Eickstedt et d'autres, voir en general J. Chapelle, Nomades noirs du Sahara (Paris 1957), 13 sq.; L. C. Briggs, The Living Races of the Saharan Desert (1960), 168 etc. 17 Voir la tradition de Gurän-Tubu chez Η . A. MacMichael, History of the Arabs in Sudan (1927), I, 54; J. Chapelle, o. c. ann. 16. ' · J e resume seulement les n o m s des auteurs: J. Cantineau, A. Martinet pour le semitique, J. Vergote pour l'^gyptien, A. Baeset pour le berbere, E. Cerulli, J. Tubiana, F . R . Palmer, B . W. Andrzejewski, W . Leslau pour le couchitique; pour lee details de bibliographic voir m o n article «Die Phonologic und ihre Verwendung in der Semitistik», ArOr 24 (1956), 631—34 (aujourd'hui naturellement döjä vielli). 18 Voir M. Cohen cit0 & la note 1 et I. M. Diakonoff cit4 k la note 3. se K . Petr££ek, «Phonologische Systeme der zentralsaharischen Sprachen, Konsonantische Phoneme», ArOr 35 (1967), 26—51; Κ. Peträöek, «Phonologische Systeme der zentralsaharischen Sprachen, Vokalische Phoneme», Melanges Μ. Cohen (Mouton, The H a g u e 1970), 31—37. " Κ . Petrdöek, «Die Grenzen des Semitohainitischen: die zentralsaharanischen und semitohamitisehen Sprachen in phonologischer Hinsicht», ArOr 40 (1972), 6—50. 14
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d'articulation accessoire' (Nebenarbeitsreihe) plus largement con§ue en chamitosemitique que la correlation d'emphase dans les langues s^mitiques et quelques langues couchitiques, parce qu'elle contient — d'apres sa definition — d'autres traits d'articulation que ceux que präsente l'emphase dans sa conception semitique (arabe, ethiopien). Les series et la correlation mentionnees sont positivement attestees dans le chamito-semitique (avec plusieurs problfemes), tandis qu'elles manquent dans le syst&me reconstruit pour les langues du Sahara central. Puis, ce sont la correlation de nasalisation des velaires respectivement palatales et le prosodeme du ton, qui representent positivement le caractere des langues du Sahara central non atteste dans le chamito-semitique (protosysteme). II est tres difficile d'etablir un modöle du vocalisme pour le chamito-semitique. En ce qui concerne le vocalisme des langues du Sahara central, il est plus proche de celui des langues africaines de la famille chamito-semitique. Laissons pour cela le vocalisme hors de consideration. On peut resumer la situation des relations des systemes deiimitee par differences comme il suit: serie glottale ä deux membres CH-S serie pharyngale ä deux membres CH-S troisieme occlusive veiaire CH-S la correlation d'articulation accessoire CH-S correlation de nasalisation dans la serie veiaire resp. palatale 0 prosodeme du ton fonctionnel 0 CH-S = chamito-semitique C-S = les langues du Sahara central
0 0 0 0 C-S C-S
Lea differences des systemes en question sont nettes: le profil du chamitosemitique est forme par les series d'articulation en arri^re (glottale, pharyngale, postveiaire) et la correlation du travail accessoire; le systeme des langues du Sahara central par la correlation de nasalisation et le fonctionnement du plan suprasegmental en fonction phonologique. En ce qui concerne la phonologie (ce qui n'implique pas une situation analogue dans d'autres plans de la langue que nous n'avons pas analyses ici), il faut repondre negativement ä la question des rapports entre les langues chamitosemitiques et les langues du Sahara central. Far la on a reusei a confirmer — pour le moment et pour la zone deiimitee par le plan phonologique — les limites septentrionales des langues chamito-semitiques.
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LA CLASSE DEGLI AGGETTTVT DENOTATIVI NELLE LINGUE SEMITIOHE Ε NELLE LINGUE BERBERE FABRIZIO ANGELO PENNACCHIETTI
Esistono nelle lingue semitiche delle particolari forme aggettivali, la cui principale funzione sembra eseere quella di attribuire al sostantivo a cui esse si riferiscono non giä una qualitä generica, bensi un carattere distintivo ed individualizzante rispetto a tutti i componenti della sua stessa categoria. Questa funzione, che potrebbe essere definita denotativa, e svolta, per esempio, da tutti gli aggettivi denominali formati dai suffissi -iy, -äy e -än, i quali facilmente si prestano ad essere tradotti con espressioni come 'quello di Χ' ο 'uno di X', per es.: ebraico yehüdi 'quello di Giuda'; aramaico biblico kaMäy 'quello della Caldea';1 ugaritico bi'rütänu 'quello di Beirut';2 arabo nafsiy 'spirituale', 'quello deH'anima', tahtäniy 'quello di sotto';3 siriaco tnalkäyä 'reale', 'quello del re'; siriaco ar'än 'terrestre', 'quello della terra'.4
'inferiore',
Oltre che a formare aggettivi denotativi tipo 'quello di Χ' ο 'uno di X', i suffissi -iy, -äy e -än servono pure a creare forme aggettivali altrettanto denotative, e in moltissimi casi di tipo denominale, che potremmo rendere con l'espressioni inglesi 'the Υ one' e 'a Y one', per es.: 1 S. Moscati (red.), An Introduction to the Comparative Grammar of the Semitic Languages (Wiesbaden 1964), 83. 2 J. Aistleitner, Untersuchungen zur Grammatik des Ugaritischen (Berlin 1964), 20—21; M. Liverani, «Antecedenti del diptotismo arabo nei testi accadici di Ugarit», in RSO, 38 (1963), 151. 3 W. Wright, A Grammar of the Arabic Language3 (Cambridge 1967), vol. I, p. 165, § 267. 4 J. Barth, Die Nominalbildung in den semitischen Sprachen (Leipzig 1889), 341; Τ. Nöldeke, Kurzgefasste syrische Grammatik (Leipzig 1898), 77, § 129.
AGGETTIVI DENOTATIVI
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ebraico sSlisi 'the third one'; siriaco qadmäyä 'the first one'; ebraico aharön 'the last one'.5 II carattere denotativo di queste forme risulta evidente soprattutto in quelle coppie di aggettivi che indicano posizione relativa, per es.: accadico ma^rum, ( da^iwat (r > 3 par analogie avec le sing.) > adi(we). La forme originelle etait däriyat = [ce(lle) qui est solide]. Je voudrais seulement parier ici des trois facteurs qui ont modifie la structure protosemitique d'un certain nombre de schemes egyptiens. (1) Le premier facteur est la loi, decouverte depuis longtemps par G. Steindorff, selon laquelle, en egyptien, la voyelle de la syllabe accentuee est longue lorsque celle-ci est ouverte, breve lorsqu'elle est fermee. (2) Le second facteur est ce que j'appellerai «la loi de Fecht» parce que cet 1 Contrairement & oe qui s'est fait dans Verhouding, le paradigme gtl, tuer, est reserve ici aux schemes protosemitiques tandis que le paradigme säm, entendre, sert k caractöriser les schemes propres k I'^gyptien.
LB RAPPOBT EGYPTIEN-LANGUES
SEMITIQUES
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auteur l'a mise en lumiere en 1960 dans son ouvrage Wortakzent und Silbenstruktur. G. Fecht a montre que sous l'Ancien Empire, le dialecte du Delta se caracterisait par un «Dreisilbengesetz». Cela veut dire que l'accent du mot pouvait remonter, dans certaines conditions, jusqu'ä 1'antepenultieme syllabe. Dans le parier de la Haute-figypte, au contraire, depuis l'öpoque prehistorique un «Zweisilbengesetz» etait en vigueur, qui ne permettait pas a l'accent de d6passer la penultieme. Entre la periode protohistorique et la fin de l'Ancien Empire, le «Zweisilbengesetz» ou la «loi de la penultieme» a affecte aussi le parier de la Basse-ilgypte. Par la syncope de la voyelle atone se trouvant en syllabe ouverte apres l'accent, tous les mots se sont conformes ä cette loi. Les regies etablies par Fecht doivent toutefois etre completees et en partie modifies en introduisant une distinction entre les types structurels qui possedaient une voyelle longue en protosemitique et ceux qui n'avaient que des voyelles breves. Le scheme de riom concret q 'tal donne en egyptien, comme nous venons de voir, sädam. II est represents, par exemple, par le mot näiar: c. nüte, 'dieu'. Le feminin correspondant qdtalat montre un changement d'accent: sadämat, cf. natärat: c. 9ntöre, (deesse'. Ce d^placement de l'accent est provoque, ä mon avis, par Taction du «Dreisilbengesetz» ou «loi de l'antepenultieme» sur un mot qui avait conserve, dans l'etat le plus ancien de l'£gyptien, la terminaison protosemitique -atu: ndiaratu > natäratu. Le -u a disparu avant la fin de l'Ancien Empire: natärat, et le scheme s'est conforme ainsi ä la loi de la penultieme. Autrement, le r6sultat eüt ete *natartu (cf. l'akkadien). La meme chose se verifie pour les trois schemes suivants de noms concrets: qdlqalatu >>samsämatu: c. kelköle, 'pustule'; qilqilatu >- simsimatu: c. Pltile, 'goutte'; qdtulatu > sadümatu: eg. ma^üyatu > mayüyat > c. mye, 'lionne'. Au contraire, la formation participiale, qui presente en protosemitique une voyelle longue, a conserve l'accent sur cette syllabe: qätilatu >· sc'dmatu: Ex. däriyat > ddryat > dd^ye > dä^e > c. coe, mur, rempart (cf. supra) > däy(y)e > c. coye. D'autre part, le mot c. amante «Occident» et «le monde de l'au-delä», accentue sur le η vocalique, doit d^river du feminin d'un mot nisbe: yaminatiyatu ou yaminatitu (56me ou 4eme syllabe accentuSe ä partir de la fin). La loi de Fecht relative ä l'antepenultieme dans le parier du Delta doit par consequent etre formulae comme suit: dans l'etat le plus ancien de l'egyptien, l'acoent remonte vers le debut du mot jusqu'ä ce qu'il rencontre une syllabe ä voyelle
54
JOSEPH VEBGOTE
longue; si le mot ne possede que des voyeUes breves, l'accent ne peut pas d^passer la 3eme syllabe ä partir de la fin du mot. (3) Le troisieme facteur qui est une source d'irr6gularit^s dans les correspondances egyptiennes et semitiques est le fait que certains schemes masculine pr6sentent en 6gyptien une desinence tandis que d'autres en sont d£pourvus. Cette desinence est rarement 6crite en ^gyptien et c'est en g£n6ral la repartition des voyelles longues et br&ves dans les syllabes qui trahit sa presence originelle. La ού eile est ecrite, elle est rendue par .w. Pour cette raison, et pour quelques autres encore, je crois qu'il s'agit de la terminaison -u qui se rencontre en protos^mitique dans tous les substantifs, adjectifs et noms verbaux. En ^gyptien, elle s'est conserve dans dix schemes bien specifics de substantifs masculins. Ce sont les suivants: 1. l'ancien participe actif qätilu: ex. Tifsw: häfi^u > M/jw > c. hof, 'serpent' [ < 'qq'un qui rampe, ou se tortille']; 2. l'ancien participe actif qittilu: ex. girrigu > c. cerec, 'chasseur' [ < 'qq'un qui pose des trappes']; 3. l'ancien adjectif et participe passif qatülu: exx. bayünu > c. ebyen, 'personne miserable'; parüSu > c. preS, 'chose qu'on 6tend, natte'; 4. le nom d'agent qattälu: ex. hk^w: hakkä^u > c.-boh. akhö, 'magicien' [ < 'qq'un qui pratique la magie']; 5. le nom d'action qitlu: ex. 'ley: 'iyku > c. ayk, 'entree (du roi) > consecration d'^glise etc.' 6. l'ancien adjectif substantive qutlu: ex. mürSu > c. mer9S, mer9S, m?r$, 'le roux'; 7. le nom concret qälu: hr: häru > c. hör, 'dieu Horus' [ < 'celui qui est lointain']; 8. le nom concret qitalu: inh: inahu > inhu > c. (e)nh, 'sourcil' [ < 'ce qui entoure']; 9. le nom collectif ou nom du grand nombre qattlu: spr: sapiru > c. spir, 'cote'; 10. le nom collectif ou nom du grand nombre qilu: sm{w): simu > c . slm, 'herbe'. Si l'on examine ces schemes, on constate que dans 8 cas sur 10 la terminaison -u sert a caract^riser des deverbatifs comme substantifs, souvent dans le sens de 'quelqu'un qui, ce qui est ou fait telle ou telle chose'. II semble en resulter que la terminaison protosemitique -u a pris ici une valeur nouvelle: elle est devenue un morpheme de transposition ou de translation, dans le sens que resp. Ch. Bally (Linguistique genitale et lingmshque franqatse) et L. Tesniere (Miments de syntaxe structurale) ont donne a ces termes. Les deux cas restants sont des noms collectifs ou noms du grand nombre: l'egyptien les a done assimil^s aux autres et les a dotes de cette marque substantivale.
6
DETERMINATIVES OF CANAANITE PERSONAL NAMES AND TOPONYMS IN EGYPTIAN RAPHAEL GIVE ON
Words of Canaanite origin are frequent in Egyptian texts. Many of them describe materials and technical innovations brought from Western Asia. Their meaning was well understood in Egypt; many of them show their foreign origin by a consonantic structure alien to Egyptian or by being written in the syllabic orthography. The words have often determinatives fitting their contents, but this does not prove an understanding of the Canaanite language on the part of the Egyptians. Words like mrkbt for chariot or mktr for tower thus received their proper determinatives, just as words of Greek and Latin origin penetrated our modern languages without increasing the knowledge of classical languages in our culture. — Knowledge of Akkadian in Egypt is well attested to by the Tell el Amarna Letters; there is additional proof of the study of cuneiform in ancient Egypt. 1 In Egyptian texts there are some Canaanite words which remained foreign, because they did not represent technical terms and the like. The fact that these words received, in spite of their strangeness, their appropriate determinatives, shows that there was a measure of understanding of Canaanite in Egypt. These foreign words are of three types: words or phrases registering the speech of foreigners (as for instance in Papyrus Anastasi I), personal names and toponyms. We shall deal here with the last two classes. 1. PERSONAL NAMES
Canaanite names are often determined in hieroglyphic writing by a human being proceeded by the throwstick. However, a number of names have determinatives which show understanding of the meaning of the name or of its components. A group apart are names with Baal. Baal became part of the
1
W. Helck, Die Beziehungen Aegyptens zu Vorderasien im 3. und 2. Jahrtausend υ. Chr. (Wiesbaden 1962), 469.
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RAPHAEL GIVEON
Egyptian pantheon and was more or less identified with Seth.2 Thus 'pr-b'r, 3 mhr-b'r,4 tkr-b'r,5sbl-bnr6 and t'-b'r1 are all determined by the Seth animal. In the last but one case we have three determinatives: the man determining the whole, the Seth-animal for the second part and the legs walking backwards for the first part. The component sb was understood as deriving from Semitic to return. The name mtr-sm' is often held to be evidence of Mithra-worship. The group era' is determined by the ear, appropriate to Semitic JJÖtP.8 The personal nameJJ
^
^ DI^N9 is determined by the man
with both hands raised, indicating the derivation from Semitic D"i 'elevated'. In the name i j ί} ^ Τ Γ &
^
"
the detemina
< t i v e - before the
usual throwetick and the man is a human being brandishing a stick. The name is Semitic ΒΠΓ 'may (the god . . .) comfort'. The determinative in this case does not explain the Semitic root, but is regularly attached to the Egyptian group nhm with the basic meaning 'to attack'. The group, with its usual determinative, has entered the Egyptian form of the Canaanite name. I t is therefore not exact to speak of 'false etymology' in this type of case.11 From the time of Thutmosis IV we have a man called ^grp
.12 This time
the man brandishing a stick serves to determine a Semitic root 'to be armed', 'to be ready for battle'. At Byblos, an inscription from the time of the Middle Kingdom mentions a local p r i n c e 'ucJ C » ^
ν
flC?
'The Calf', determined by a
2
H. Bonnet, Reallexikon der aegyptischen Religionsgeschichte (Berlin 1962), 77. H. te Velde, Seth, God of Confusion (Leiden 1967), 120. R. Stadelmann, Syrisch-Palaestinensische Gottheiten in Aegypten (Leiden 1967), 34. 3 H. Ranke, Die aegyptiechen Personennamen (Glueekstadt 1936), 60, 16. A. H. Gardiner, Τ. E. Peet, J. Cerny, The Inscriptions of Sinai. I (Oxford 1952), PI. L X X X I X (423, 3). 4 Ranke, PN, 163, 12. 5 Ranke, PN, 394, 23. •
S. R. K. Glanville, ZÄS,
for. J 7
66 (1933), 6: 4, 3. the ΛΑΑΛ is certainly
a
mistake
α
G. Posener, Syria 18 (1937), 191, 4. 8 Ranke, PN, 167, 12. 9 Ranke, PN, 43, 16. 10 Ranke, PN, 56, 8. 11 Α. H. Gardiner, Egyptian Grammar2 (London 1960), 60 (§ 54) deals with somewhat similar cases. »» Urk. IV, 1630, 18.
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CANAANITE PERSONAL NAMES A N D TOPONYMES IN EGYPTIAN
calf.13 This may be a shortening of a name of the type •p'wj? of the Samariaostraca.14 The mother-in-law of Ramses I I I is
J c
—~ ,0
e==" J — ° ^
ji)
c^au
hbdrt or hm^rt, Semitic ΓΙ^ΜΠ, 'the meadow saffron'. The determinative, a plant, would be very fitting for the name, but it is possibly a form of writing m''-J},rw 'true of voice', but in that case it would be curious that the formula, meaning 'the deceased' should be written within the cartouche.15
2. TOPONYMS
There are many cases where in a composite toponym both parts are defined: for example we have
Jij
^ ^ 'Beth-Anath'; the first part
has the house-determinative, the second the determinative of the goddess.16 A
This name is paralleled by the well known name of a daughter of Ramses II, Bint Anat. 18 The word Shamash (sun, or sun-god) is determined by the sundisk. The same determinative we have in the toponym
j— ft^f φ (j ^
SmS lt(m).19
Some composite toponyms begin with Semitic Ayin 'well'. All these are determined by the sign of the eye, mostly inside a body of water. Exceptions are found in a list of Amenophis III 2 0 and in the Shishak list.21 We mentioned the Semitic root in connection with a personal name. In Papyrus
Anastasi I, 27, 5 we have a toponym ( l ^ p l ^ j sbir,
13
^ ^
tea.
with the reversed legs. However, it may be that the legs define the last
K. A. Kitchen, Bulletin du Musee de Beyrouth, 20 (1967), 153, 9. Discussion in M. Noth, Die israelitischen Personennamen (Stuttgart 1928), 150. 1S J. CernJs JEA 44 (1958), p. 33, η. 1. 18 J. Simons, Handbook for the Study of Egyptian Topographical Lists (Leiden 1937). List X I X , 5 (p. 149, n. 5). 17 W. C. Hayes, JEA 46 (1960), PI. I X A, 4 verso, line 2. 18 H. Gauthier, Livre des Rois d'Jilgypte (Le Caire 1907), Troisieme Partie, p. 102. 18 Simons, List V, 22 see also remarks on this p. 43. 10 E. Edel, Die Ortnamenslisten aus dem Totentempel Amenophis III (Bonn 1966), 25. PI. II, CCN 11. 21 Simons List X X X I X , 4 bis. 11
58
RAPHAEL GIVE ON
part of the word only: the group
^ ^ is frequently written with _/S> for
unknown reasons, as for instance, in the personal n a m e ^ . ^ ^ ^J
^ ,22
In the list at Medinet Habu23 we have the same group, this time with the legs walking forward. This could be compared to Hebrew Sx 'toward', but does not explain the more frequent reversal of the legs. The toponym Ο" ^
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9
L'HISTOIRE DE L'fiCRITURE ET LES TEXTES DU DOMAINE LINGUISTIQUE CHAMITO-SßMITIQUE
MADELEINE V.-DAVID
Le sens historique, en matiere d'ecritures, est-il chose non seulement indispensable, mais encore d'acquisition continuellement malais^e ? Ce qui reviendrait a dire que l'histoire de l'ecriture, pour se maintenir ä la hauteur de son objet, exige de ceux qui la cultivent, un perpötuel effort critique . . . La nature de cet effort est ä pr^ciser. Tel est le sujet dont on voudrait traiter, par rapport surtout aux textes cuneiformes de Mesopotamie, et hieroglyphiques d'Egypte, dont l'extraordinaire importance dans la serie «Asie-monde occidental», n'est pas ä d^montrer.
1. HISTOIRE D E L'ECRITURE ET LINGUISTIQUE
Nul ne contestera le lien qui unit ä l'^tude des ecritures, les recherches de linguistique chamito-semitique 1 — car celles-ci impliquent une connaissance des plus anciens systemes graphiques et de leurs antecedents, 2 et la conscience des problemes que souleve, pour l'exploration de langues mortes, le recours ä des textes d6chiffres. D'autant plus vaste est le champ: M. Marcel Cohen le rappelait dans son discours d'ouverture, le privilege de cette branche de la linguistique est d'operer sur des textes vieux de quatre millenaires ou plus. 3 Le Proche-Orient et l'Egypte restent le terrain essentiel, quasi-inepuisable, de l'histoire de l'ecriture, dont ils ont devoiie toutes les etapes. Cette recherche 1 U n nom semble devoir etre ajoute k la liste de ceux qui firent oeuvre d'initiateurs en cette matiere — eelui de l'abbe J.-J. Barthelemy. Cf. Mem. Acad. Jnscr., t. 32, p. 212 et s. (communication de 1763), βρέοϊβίβιηθηΐ p. 221, comparaison du copte et du phenicien (dont Barthelemy avait dechiffre 1'alphabet en 1758). H est vrai, l'auteur s'aventure ensuite, k la suite de J. de Guignes, dans d'autres rapprochements oü s'entremelent grec et chinois. 8 Done, sur le plan cunöiforme, du fait sum6rien egalement. 3 Cf. encore David Cohen, «La linguistique chamito-semitique», Revue de Γenseignement eup4rieur, 3—4 (1967), 91 et s.
L'ECRITURE ET LES TEXTES CHAMITO-SEMITIQUES
77
s'appliquera-t-elle toujours aux seuls precedes scripturaires, s6pares des textes pris en eux-memes? Mais, ä r6cuser une telle separation — admise actuellement —, ne s'engagerait-on pas dans une voie demesurement elargie? Si le probleme est celui des limites d'une science, il est d'ordre interdisciplinaire egalement. A opter pour la solution elargie, on voit que, d'une accumulation de faits inter dependants en depit de leur diversite, se degagent la perspective et la Chronologie d'un devenir de la civilisation: de la premiere ou des premieres civilisations; et que les societes se transforment et culminent, a partir d'un point de maturity, pr^cLsement avec l'apparition d'ACTiviTlss SCRIPTURALES: d'activites s'operant PAR DES TEXTES (gestion, gouvernement, commerce, etc.), en une suite d^sormais ininterrompue, dans chaque secteur g^ographique et social. Cette interconnexion a et£ ressentie des archeologues specialistes de la vallee de l'lndus, en quete d'une reference historique de base: c'est pour la Mesopotamie et ce qu'apprennent ses tablettes, qu'opte, par exemple, M. Wheeler, tout en s'inquietant (par boutade peut-etre) d'une tendance a «surestimer», aujourd'hui, la valeur de l'ecriture . . ,4 Parole surprenante, qui ne s'accorde guere ä l'etat des idees communes touchant l'ecriture: id^es que l'on voudrait saisir maintenant, en indiquant les problemes qu'elles recouvrent en r6alite. En l'absence d'une discussion ouverte (qui serait fort souhaitable), c'est aux definitions implicites qu'il faut aller: ä ce qui, couramment, tient lieu pour notre siecle de theorie,5 en l'etat de la diffusion restreinte de l'histoire de l'ecriture, dont le developpement n'a pas eu le meme rythme que celui de la linguistique. Les appreciations de F. de Saussure touchant l'ecriture, ne furent rien moins qu'une 'surestimation'.6 L'attitude dedaigneuse que traduisait cet essai de theorie du langage, n'etait d'ailleurs pas le propre d'un seul; c'est eile qui, longtemps, a domine sur le plan de la culture. L'auteur n'a voulu consid^rer, il est vrai, que les systemes phonetiques;7 mais ses paroles semblent avoir νϊβέ TOUTE l'ecriture: «Langue et ecriture sont deux systemes de signes distincts: l'unique raison d'etre du second est de representor le premier.»8 D'ou la subL'Inde avant l'histoire (1967), 10 et 61. Sur les theories anciennes de l'hiatoire de l'ecriture, voir notre ouvrage, Le ddbat sur les dcrüures et Vhieroglyphe aux lie et 18e siöcles, et Vapplication de la notion de ddchiffrement aux dcrüures mortes (1965) ( = Debat). 6 Cf. Gours de linguistique generale (3e ed., 1931), ch. VI, p. 44 et s. 7 Systemes syllabiques ou alphabötiquea. L'auteur du Cours ne trouve, somme toute, l'ecriture sur son chemin que parce que le linguiste se doit de faire la critique de ce temoignage sur les langues qui, tout indirect et imparfait qu'il soit, n'en reste pae moins indispensable. 8 Ib., p. 45; cf. R . Godel, Les sources manuscrites du Cours de linguistique genitale (1957), 79 et 104. Voir Egalement Cours, p. 56 et s. et 165, 4 4
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MADELEINE V.-DAVID
ordination presumee de l'ecriture ä la langue:9 celle-ci est un 'modöle', et l'ecriture, son 'image', peu exacte ä l'habitude.10 Surtout, cette dernifcre est dite rigoureusement etrangere a l'interne,11 ce qui la situe par rapport ä la distinction saussurienne de l'interne et de l'externe.12 Le celfcbre linguiste ne s'etend pas davantage sur l'ecriture — sinon qu'il eleve l'alphabet grec primitif au-dessus de toutes les autres notations de sons.13 Dans la suite, devait etre mieux reconnue des linguistes, l'existence sp^cifique du systeme d'ecriture. Selon Η. J . Uldall, comparant 6crit et parle,14 aucun systeme n'est plus 'fondamental' qu'un autre. Par ailleurs, pour le graphique comme pour le linguistique, se trouve maintenue une distinction d'esprit saussurien, entre 'forme' et 'substance' — la premiere etant ind6pendante de la seconde, en laquelle eile se manifeste. Faut-il entendre, ici encore, toute l'ecriture ou seulement l'alphabet? On observera, plus simplement, que, de ces reflexions sur la langue, demeure absente l'histoire de l'ecriture — et meme l'idee de l'histoire de l'ecriture. Les problemes confinant a cette Equivoque (deja relevee pour le Cours), n'en sont pas moins a, considerer: un sentiment g&ieralement repandu, et dont il faut tenir compte, n'est-il pas ä invoquer ici, en depit du caractere sans doute contestable de la these? A savoir: le sentiment de 1 'units de l'dcriture (ou des ecrits . . .) ? Le vice ne serait-il pas en ce que, par la force de ce sentiment, p l u s i e u r s problemes ont ete confondus ? Anticipant sur la continuation de ce travail, on dira quelques mots des deux problemes capitaux, qui devraient, a notre sens, etre distingues. Quant & 1' 'interne', il est evident qu'une considerable difference s£pare le scripteur des premieres civilisations, du scripteur ä partir de l'alphabet;15 et, correlativement, l'egyptologue ou l'assyriologue, lecteurs modernes de textes Si toutefois l'on excepte un passage vague de l'Introduction (ib., p. 33): «La langue est un systeme de eignes exprimant des idöes, et par 14 comparable & l'ecriture, k l'alphabet des sourds-muets . . .). Elle est seulement le plus important de ces syptömes.» Cf. 9
p. 101.
Ib., p. 44 et s „ 52, 58. Ib., p. 44. 12 Voir k ce propos la comparaison avec le jeu d'öchecs (ib., p. 43, 125 et β., 153), qui est tout entier dans la combinaison des differentes pieces — l'externe (la ( mat6rialit6' des piöces) ötant d'ordre purement instrumental (cf. G. Mounin, Saussure, 1968, p. 62 et s.). 13 Ib., p. 64 (chaque son simple y etant reprösentö par un seul signe graphique). Telle est, pour l'ecriture, une des peu nombreuses notations de caractere largement his to rique, du Cours. 14 «Speech and writing», Acta linguistica, I I (1944), 9 et s., spöcialement p. 16. 18 Cf. M. V.-David, Dibat, p. 11 et s., sur les formes successives d'ecriture, et les degree de l'artificiel: oommentaire il des conclusions antärieures de Μ. I. Meyerson, ayant porte sur le signe mathematique sp^cialement. 10
11
L'JJCRITUBE ET LES TEXTES CHAMITO-SIÄMITIQUES
79
anciens, des operations mentales des lettres, auteurs et lecteurs de ces textes. Ce probleme int^resse non seulement la methode de recherche sur les 6critures, mais encore l'exposition des resultats obtenus. Quant ä 1'unite du domaine de l'6criture, un espoir peut-il maintenant etre entrevu, de traiter scientifiquement DE L'ECRITURE EN GENERAL — et, par ailleurs, toujours DANS LE TEMPS: Ä partir du moment ou, pour certains peuples, s'est produite la transformation plus haut evoquee,16 et jusqu'ä l'alphabet, ä nous-memes, au futur? De meme qu'entre linguistique nouvelle et histoire, un lien s'est graduellement retabli, de meme une conciliation serait-elle ä envisager, qui permettrait de dominer les diversites,17 de parier d' 'ecriture' au singulier, aussi l^gitimement — et, sans doute, moins naturellement — que de 'langue' ? Mais alors devrait etre reconnue la sp6cificite du scriptural. On completera ces indications sur linguistique et questions d'^criture,18 en mentionnant une vaste ötude de R. Jakobson. Cette dernifere a insist6 sur l'orientation de la linguistique vers la connaissance des fonctions, et, d'autre part, heureusement marque le CARACTERE COMPLEXE ET CONCRET DTJ GRAPHISME — defini comme 'eigne de signe', c'est-a-dire image visuelle sur le plan du signifiant + phoneme sur celui du signify. 18 De surcroit, est ici consciemment cherch6 un contact avec l'histoire de l'ecriture.20 II ne sera pas inutile de rappeler, enfin, les facteurs ayant contraria, au siecle precedent, le developpement d'une histoire de l'ecriture, alors que celleci eüt du plus rapidement s'assimiler les apports nouveaux d'Egypte et de M^sopotamie. Des le d6but du siecle, le prestige extreme de l'oral21 avait eu
Cf. ei-dessus, p. 77. Sur les diversities, voir Uicriture et la psychologie des peuples, travaux de la 22e Semaine de Synthase (1960), organises par M. Cohen et J . Sainte-Fare-Garnot; publics en 1963 ( = Ecriture-Synth&se). 18 Une large vue de l'influence des enseignements de la linguistique eomprendrait les applications, dues k M. Cohen, du critöre phonologique aux systemes graphiques (Uicriture, 1953, p. 86 et s., et La grande invention de Vdcrüure, 1959, s. v. 'phonologie'). Elle amänerait k distinguer aussi, & travers les autres ouvrages fondamentaux: de J . G. Fevrier, Histoire de l'dcriture (2e 6d., 1959), de D. Diringer, The alphabet, a hey to the history of mankind (nouv. 6d. revue, 1968), de J . Friedrich, Geschichte der Schrift (1966), un terrain plus ou moins commun aux deux disciplines, dans l'öpineuse question de la syllabe. 18 Selected writings, I (La Haye 1962), conference de 1939 («Zur Struktur des Phonems»), p. 281 et 293. L'auteur rattache son esquisse de thöorie du grapheme k des recherches pröliminaires de N. S. Trubetzkoy. 20 Ib., p. 295 et s. 21 Dans le prolongement des idäee herderiennes, par lesquelles fut favorisöe l'ötude scientifique des langues (of. Μ. Leroy, Les grands couranta de Ια linguistique moderne, 1963, p. 36), le langage apparut comme «affranchi» de l'ecriture (Μ. Foucault, Lea mots et lea choses, 1966, p. 298 et s.). 16
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pour effet de repousser les idöes precedemment 61aborees, et d'empreinte classique, sur la nature et la valeur de l'4criture — ceci au benefice de l'importance attribuee au langage, ä tel point que, sur tous les plans, allait se manifester durablement une 'dech^ance' de l'ecriture. Les consequences de ce fait — coincidant avec les enthousiasmes romantiques — se prolongerent dans la seconde moitie du siecle. Le probleme qui se posait alors retint l'attention d'Ernest Renan. Si l'on compare ses travaux de periodes differentes, on voit comment il f u t amene a saisir l'ampleur de la question scripturale: a comprendre que celle-ci ne concernait pas les seuls ecrits alphabetiques des Pheniciens ou des Israelites, mais toute l'antiquite preclassique. Des les annees 1850, alors que les idees sur le scriptural et ses origines demeuraient vagues, 22 Daniel Chwolson, 23 en Russie, s'^tait engag6, de maniere hasardeuse d'abord, 24 dans un essai de caracteristique et devaluation de la pensee babylonienne. Aussitöt Renan refuta ces recherches, et pour le particulier et pour le general. 25 Ce dialogue polemique s'etant elargi, les idees de Chwolson devaient l'emporter quant ä leur principe, malgre la presentation chaotique du plaidoyer. En 1872, ce dernier publiait en effet le texte d'une conference alleguant, cette fois, quantite de faits anciens qui ne pouvaient etre nies.26 Dans l'exemplaire de cette brochure, du Fonds Renan, a la Bibliotheque Nationale de Paris, ont et£ soulignes avec a propos, les points capitaux de l'argumentation. Par la main de Renan? II se pourrait, car dans les annees 80, Renan, libere de certaines preventions, 27 fixait ses regards sur les activitcs scripturales que reve-
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Cf. par ex. H. Steinthal, Die Entwicklung der Schrift (Berlin 1852), 48: l'ecriture ne derive pae de besoins pratiques, et son origine doit etre rapportee «aux pretres et aux rois». 23 Historien, hebraisant, professeur ä l'Univereite de Saint-Pötersbourg. 24 L'assyriologie n'en etant encore qu'ä ses döbuts, Chwolson croyait pouvoir suivre une autre voie: exhumer, k l'aide d'anciennes traductions de traductions — de textea arabes, pratiquement —, le contenu de trait^s supposes babyloniens, d'agrioulture et de technologie. 25 Nouvelles considerations sur le caractire general des peuples sdmitiques (1859) (faisant suite ä 1 'Histoire generale des langues sdmitiques), 88. Cf. R. Dussaud, L'oeuvre scwntifique d'Ernest Renan (1951), 45, n. 4. 26 Die semitische Völker: Versuch einer Charakteristik (Berlin 1872); v. speeialement p. 5 et s. (Egypte), 22 et s., 32 et 44 (Babylonie et autres peuples semitiques, Renan 0tant ici directement critique); et, sur les Juifs et la chose ecrite, p. 60 et s. II est insists non seulement sur les systemes d'irrigation et les edifices fameux dans l'antiquitö, mais aussi sur les mesures, les mathömatiques, les observations astronomiques et la mesure du temps. " Sur Chwolson et Renan, et la linguistique semitique, ainsi que sur les prejuges initiaux du second έι l'egard de l'akkadien, nouvellement decouvert, cf. R. Dussaud, l. c., p. 28 et s.
L'ÄCBITUBE ET LES TEXTES OHAMITO-SEMITIQtrES
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laient conjointement l'Assyrie et la Bible, entre autres — ce qui s'accordait avec les thfeses de Chwolson en ce qu'elles avaient de plus solide, et avec les developpements de rassyriologie.27We Ce memorable 'retour* embrassait dans une seule perspective, t o u s l e s t e x t e s , non-alphabJdtiques e t alphabätiques, DU VASTE SECTETTB PROCHE-ORIENT-EGYPTE.28
2. OBJETS ET PROBLEMES DE L'HISTOIRE DE L'ÄCRITURE
II r6sulte de ce qui pr6c£de, que la question th^orique '^criture et langage' est ä confronter en permanence avec les faits que rassemblent les premiers chapitres de l'histoire de l'^criture proprement dite; et qu'ainsi pourrait etre mise en discussion de maniäre raisonn^e, la notion si commun&nent r^pandue d' 'äcriture-instrument' 29 Au sujet de ce pr^juge, on constate que, dans ce que l'on nommera globalement, encore et toujours, les 6tudes orientales anciennes, a souvent 0te exprim6 le sentiment d'une superiority inconditionnelle du parte sur l'6crit — done d'une subordination essentielle du savoir-ecrire au langage qui l'a pr6c&16 de si loin, celui-ci n'ötant redevable a celui-la d'aucun trait majeur.30 Concurremment, ä l'ecriture elle-meme est applique le principe de la hierarchie de 1'interne et de l'externe31 — de telle sorte qu'est finalement n^glig^ l'externe, et annihilö l'interet d'une etude de la sch6matisation progressive des caracteres (ä partir du figuratif originel et compte tenu de revolution parallele des valeurs). Quant ä 1'utility de l'observation et de la comparaison des caract^ristiques des textes, ä travers les diverses traditions, eile est plus meconnue encore. De la premiere catögorie de faits, la sohematisation, il est pourtant traits dans toutes les histoires de l'ecriture,32 puisque le recours au figtjeatif est le stade sensible initial de l'ecriture. Cette sch6matisation n'est certes pas uniquement affaire d'esth^tique, mais avant tout, operation intelligente, dans
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Les textes de la Bible, cours professö au College de France, 1886—87: notes prises par E. Lambin et revues par E. Renan. Voir ögalement Revue des Deux Mondes, 1888, t. 88, p. 272 (sur administration et ecriture sous le rdgne de David), et Histoire du peuple d'Israel, spöcialement t. I, p. XXIV. 18 Sur l'unitö du domaine de l'ieriture, cf. ci-dessus, p. 78 et s. M Cf. le philosophe L. Lavelle: «La parole et l'ecriture sont les instruments par lesquels les hommes se oommuniquent leurs ρβηβόββ» (La parole et l'dcriture [1947], 8). 80 Cf. A. Moret: l'öoriture, transposition du langage parlö en eignes eonventionnele (Scientia, fövrier 1919, p. 94). 81 Cf. ci-dessus, p. 78. 81 Cf. ci-dessus, p. 79, n. 18 (ouvrages principaux).
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le cadre d'une normalisation des figures. 33 C'est en rapportant chaque exemple au systeme des formes de l'ecriture consid£r